> AL. # 4 Al Ca a LA k 4 . ES “ Un ENCYCLOPÉDIE D'HISTOIRE NATURELLE ” na l n Ci 41 | » | L ‘ mn mi ENCYCLOPÉDIE TRAITÉ COMPLET DE CETTE SCIENCE d'apres LES TRAVAUX DES NATURALISTES LES PLUS ÉMINENTS DE TOUS LES PAYS ET DE TOUTES LES ÉPOQUES BUFFON, DAUBENTON, LACGEPEDE, G. GUVIER, F. GUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE, LATREILLE, DE JUSSIEU, BRONGNIART, exc, erc Ouvrage résumant les Observations des Auteurs anciens et comprenant toutes les Decouvertes modernes jusqu à nos Jours PAR LE D' CHENU HIRURGIEN-MAJOR À L'HOPITAI MILITAIRE DU VAL-DE-GRACE, PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURELLE, ETC. CARNASSIERS Avec la collaboration de M. E, DESMAREST, préparateur d’Anatomie Comparée au Muséum 7 REVAIT SES 7 AA A» «À @” À (ee à » “ di # sr PARIS CHEZ MARESCQ ET COMPAGNIE, : CHEZ GUSTAVE HAVARD, EDITEURS DE L'ENCYCLOPÉDIE | LIBRAIRE, D, RUE DU PONT-DE-LODI (PRÈS LE PONT-NEUF) 15, RUE GUENEGAUD {PRES LA MONNAIE) — 4 A AVIS AU RELIEUR Les planches tirées hors texte sont au nombre de quarante. Chaque planche doit être placée en regard de la page indiquée. Pages. Pages. Planches 1. Te ne ë : 1 Planches HA AN eee ne OO. —- PH 0 UD OS ROUEN DAS UT CRT CE 9 PO CT CL ne 20 ur o 181 AT RS D ADN en RER Et ES Nr 18 20 ee a tree 7e oo AN _ BR her ete ele 2 eee 27 TR ne Mo 205 AU Ne ee UC LORD EN EEE | — 20. ire ee CT Frontispice. — BR ET ER Us EL ea 43 — 120 ÉD ete PRE ER CT 209 — TE MST ee ra 51 ut Me ie Doi PT 219 — CT à D ce Ut EN EN CE 60 nr OBS 18 PE On 9293 — CR RE EE ETES 67 = 00 PANNE UE ET Te 231 Here on Sert ads MÉTRO 73 4 100: ARS Ne EN CE 241 AR AA EE ENT Pt re 82 — 2 MALE S P S Ee 249 ES PL SPP En SES CPE Ces PO RCE 91 + 2 BAR A ee a Mere eee AC 255 RS EP ME STE ONE ER 96 O0: bre NC ICO 258 LAN LE ba Pro DO 103 RS AR ET te CU 1262 TO Re a ee 411 EC CE 269 A 10 EC ar Um re N- 119 O0 Le Ce Ce een D'or CA’ NT SU COR UN CR: à: 130 OT EC UT © CT ct ce 281 IS ME Le NN ec 0e AOC 137 D ee Ce CET 291 = ARMES lo co DR OIS OU 0 145 EE Core moeto ont duc oo eo EU) Nous aurions voulu pouvoir comprendre dans ce volume l'iistoire de tous les Mammifères de l’ordre des CARNASSIERS : mais les nombreux détails dans lesquels nous avons dû entrer ne nous l'ont pas permis. Nous traitons spécialement des tribus des Roussettes et des Vespertilioniens dans la famille des CatiroPrÈres ; des tribus des Talpidés, Soricidés, Macros- célidés, Tupaidés, Gymnuridés, Érinacéidés et Eupléridés, dans la famille des Insecrivores ; dans la famille des CarnivoREs, nous étudions entièrement la sous-famille des PLANTIGRADES, comprenant les tribus des Potidés et des Ur- siens, et nous commençons seulement l’histoire des Diérriérapes par la des- cription des genres compris dans les tribus des Mustéliens et des Viverriens. Cette dernière tribu n’est même pas complète dans ce volume, c’est-à-dire - que nous avons réservé pour le volume suivant des genres qui, comme ceux des Civettes et des Cynictes, offrent de grands rapports avec les Chiens, qui constituent la division suivante. Dans la sous-famille des Dicrriérapes, les tribus qu'il nous reste à faire connaître, et qui nous offrent le plus grand intérêt par l'importance des ani- maux qui y sont compris, sont celles des Caniens, ayant pour type le genre Chien; des Hyéniens, renfermant les deux genres Hyène et Protèle, et des Féliens, dont le groupe générique des Chats est le type. Enfin, la dernière sous-famille, celle des Ampmies, comprendra deux tribus, celles des Phocidés et des Trichéchidés, où, d'une manière générale, les Phoques et les Morses. Pour la rédaction de notre travail, outre nos nombreuses recherches sur les animaux eux-mêmes, nous avons consulté un très-grand nombre d'ouvrages, el nous avons fait notre possible pour donner l'état de la science à l'époque actuelle. Hyène, L ceux-ci ; des mamelles varia- £ bles en nombre et en posi- 7 tion; l'articulation de la mâchoire inférieure dirigée en travers, et serrée comme dans un gond, ne permettant aucun mouvement horizontal; des or- bites n'étant pas séparées des fosses temporales; des arcades zygomatiques écartées et relevées; uu estomac simple, membraneux; des intestins en général courts; un cerveau assez sillonné, n'ayant pas de troisième lobe, et ne recouvrant 1 La dénomination de Cannassiers est employée, en zoologie, pour in- diquer divers groupes d'animaux qui se nourrissent plus ou moins exelu- sivement de chair ; mais l’on désigne plus spécialement sous ce nom, et en latin sous celui de Feræ d’après Linné, un ordre particulier d'animaux de la classe des Mammifères, auquel on peut attribuer pour caractères généraux : un système dentaire composé d'incisives, de canines et de molaires, le plus souvent modifié pour une nourriture animale; quatre extrémités, dont les antérieures ne sont jamais terminées par des mains, c'est- à-dire par une patte ayant un pouce séparé des autres doigts, et opposable à Fiz. 4. — Occlot du Brésil 2 HISTOIRE NATURELLE. pas le cervelet; et, enfin, un régime presque constamment carnivore, quelquefois insectivore, et plus rarement fructivore. Les principaux types des Carnassiers, si nous prenons cet ordre dans sa plus grande extension actuelle, sont : la Chauve-Souris, la Musaraigne, l'Ours, la Marte, le Phoque, le Chien, le Lion, etc., que l'on trouve répandus dans toutes les parties de la terre habitable pour les Mammifères, et que l'on peut observer daus les airs, comme les Chauves-Souris; dans les eaux, comme les Phoques; et plus généralement sur la surface du sol, comme l'Ours, le Chien, le Chat, etc. De ces divers genres de vie très-variables, on peut en conclure que l'organisation doit l'être aussi beaucoup. Les naturalistes s'accordent sur le rang qui doit être assigné à cet ordre dans la classification zoologique; en effet, dans toutes les méthodes, les Carnassiers suivent, médiatement ou immédiate- ment, les Quadrumanes, et précèdent les Rongeurs. Mais on est loin d'être d'accord sur les limites de cet ordre, et par conséquent sur sa caractéristique. Sans entrer à cet égard dans l'examen des nombreuses classifications proposées jusqu'à ce jour, nous indiquerons seulement les trois qui ont êté le plus généralement suivies. Dans le Systema naturæ de Linné, les Fercæ, placés au troisième rang, et conséquemment après les Primates et les Bruta, sont caractérisés par l'existence, à chaque mâchoire, de six incisives et de grandes canines plus ou moins écartées des autres dents. Cependant, le célèbre naturaliste sué- dois réunit dans cet ordre les neuf genres Phoca, Canis, Felis, Viverra, Mustela, Ursus, Didelphis, Talpa, Sorex, dont une partie seulement offre les caractères dentaires assignés par lui à l’ensemble de ces animaux. EE —_— Dans la méthode de G. Cuvier, exposée dans ses premiers ouvrages, et principalement dans la première édition du Règne animal, l'ordre des Feræ est conservé, mais avec des modifications im- portantes. Le nom de Feræ est remplacé par celui de Carnassiers; les Mammifères ailés, placés par Linné à la fin des Primates, sont transportés à la tête de l'ordre des Carnassiers, et les Carnassiers sont partagés en quatre grandes familles : celles des Cuémorrënes, où Mammifères pourvus d'une mémbrane alaire (genre Vespertilio); des Insecrivores, caractérisés par leurs molaires hérissées de pointes coniques (genres Talpa, Sorex, Erinaceus); des Gannivores, où Carnassiers proprement dits (genres Phoca, Canis, Felis, Viverra, Mustela, Ursus), et des Marsurraux (genre Didelphis), qui différent cependant très-notablement des autres Mammifères par leur mode tout particulier des organes reproducteurs, caractère des plus importants et qui doit les faire placer dans une sous-classe particulière. Du reste, G. Cuvier lui-même, dans la deuxième édition de son Béque animal, les a déjà CARNASSIERS Fig, 5. — Vesperlilion oreillurd Fig. 4. — Chien de Terre-Neuve jeune. Fig. D. — Ours brun de Polognt 4 HISTOIRE NATURELLE. retranchés de ses Carnassiers pour en faire un ordre distinct, et, dès lors, l’ordre que nous étu- dions ne s'est plus trouvé composé que de trois familles, comprenant un grand nombre d'animaux qui, par leurs formes et les détaiis de leur organisme, varient beaucoup, et entraînent des varia- tions analogues dans leurs habitudes, au point qu'il est impossible de ranger leurs genres sur une même ligne, et que l'on est obligé d’en former plusieurs subdivisions qui se lient diversement entre elles par des rapports multiples. G. Cuvier caractérise ainsi les trois familles de cet ordre : 1° CHÉIROPTÈRES. Les CugmorrÈères, ayant encore quelques affinités avec les Quadrumanes par la disposition de leurs organes génitaux mâles, et principalement distingués par un repli de la peau qui commence aux côtés du col, s'étend entre leurs quatre pieds et leurs doigts, les soutient en l'air, et permet même de voler à ceux qui ont les mains assez développées pour cela. Ils comprennent deux tribus : les Cuauves-Souris (genres Roussette, Molosse, Noctilion, Phyllostome, Rhinolophe, Taphien, Vesper- tilion, Oreillard, ete.), et les GaLÉOPITHÈQUES, que nous avons cru, à l'exemple de De Blainville, devoir réunir aux Quadrumanes; 9° INSECTIVORES. Les Insecrivones, qui ont, comme les Chéiroptères, des molaires hérissées de pointes coni- ques, et une vie, le plus souvent nocturne ou souterraine, mais qui n’ont pas de membranes latérales, tout en ne manquant pas de clavicule, et dont les pieds sont courts, produisant de faibles mouvenients. Dans les uns, on remarque, en avant, de longues incisives, suivies d’au- tres incisives et de canines toutes moins hautes même que les molaires, genre de dentition dont les Tarsiers, parmi les Quadrumanes, offrent un exemple, et ce qui rapproche également un peu ces animaux des Rongeurs; dans d’autres, les canines sont grandes, écartées, et entre elles on voit de petites incisives, ce qui est la disposition la plus ordinaire aux Quadrumanes et aux Carnivores; mais ces deux arrangements dentaires se trouvent dans des genres d’ailleurs très-semblables pour les téguments, la forme des membres et le genre de vie. Les groupes génériques principaux sont ceux des Hérisson, Tenrec, Cladobate, Musaraigne, Desman, Taupe, Condylure et Scalope ; 3° CARNIVORES. Les Carxivores, qui sont essentiellement sanguinaires, ce que démontre leurs quatre grosses et longues canines écartées, entre lesquelles sont six incisives à chaque mâchoire, et leurs molaires ou entièrement tranchantes ou mêlées seulement de parties à tubercules mousses, et, dans ce cas, non hérissées de pointes coniques. Ces animaux sont d'autant plus exclusivement carnivores, que leurs dents sont plus complétement tranchantes, et l'on peut presque calculer la proportion de leur régime d'après l'étendue de la surface tuberculeuse de leurs dents comparée à la partie tranchante. C'est ainsi que les Ours, qui peuvent entièrement se nourrir de végétaux, ont presque toutes leurs dents seulement tuberculeuses. Les molaires antérieures sont les plus tranchantes, ensuite vient une molaire plus grosse que les autres, qui a d'ordinaire un talon tuberculeux plus ou moins large, et derrière elle on trouve une ou deux petites dents entièrement plates : F. Cuvier a appelé cette grosse molaire d’en haut, et celle qui lui répond en bas, carnassières; les antérieures pointues, fausses molaires, et les postérieures mousses, tuberculeuses. C'est d'après ces différences que les genres peuvent s'éta- blir le plus sûrement, mais il faut y joindre aussi la considération du pied de derrière, qui a servi à l'établissement de trois tribus particulières. Dans la première, celle des PLanriénapes, comprenant les genres Ours, Raton, Coati, Blaireau, ete., a plante entière du pied appuie sur la terre lors CARNASSIERS. 6) que l'animal marche ou qu'il se tient debout. Dans la deuxième, celle des Dicrricranes, la plus nom- breuse, puisqu'elle renferme les genres Marte, Mouffette, Chien, Civette, Hyène, Chat, Loutre, ete., l'animal marche exclusivement sur le bout de ses doigts en relevant le tarse, et sa course est rapide : le système dentaire offre aussi des différences qui permettent de former d'autres divisions. Enfin, dans la troisième et dernière tribu, celle des AmPxiBies, qui ne renferme que les deux anciens genres Phoque et Morse, les pieds sont si courts et tellement enveloppés dans la peau, qu'ils ne peuvent, sur terre, servir à l'animal que pour ramper; mais, comme les intervalles des doigts y sont remplis par des membranes, ces pieds constituent d'excellentes rames qui permettent aux Phoques et aux Morses de passer la plus grande partie de leur vie dans les eaux, et de ne venir à terre que pour se reposer au soleil et allaiter leurs petits. Du reste, on doit remarquer que le corps allongé de ces Mammifères, que leur épine très-mobile et pourvue de muscles qui la fléchissent avec force, que leur bassin étroit, leur poil ras et serré contre la peau, se réunissent pour en faire de bons nageurs Enfin, M. Isidore Geoffroy Saint-[ilaire, en essayant de mettre la classification des Mammifères en harmonie avec l’état actuel de la science, a été conduit à s’écarter en plusieurs points de la méthode de G. Cuvier. Pour lui, l'ordre des Garnassiers doit être circonscrit dans des limites plus étroites, et il en a exclu non-seulement les Marsupiaux, que tous les naturalistes éloignent aujourd'hui, mais aussi les Chéiroptères : ces derniers lui semblant devoir constituer un groupe ordinal distinct; comme l'avaient admis anciennement Blumenbach, Pennant, Daubenton, et comme l’admettent, de nos jours, MM. Van der Hæœven, Duveruoy, Charles Bonaparte, Lesson, Waterhouse, etc. Il résulte de ce que nous venons de dire, que, dans la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les Chéi- roptères formeraient un ordre distinct, et que les Insectivores et Carnivores réunis en constitue- raient un autre auquel il laisse la dénomination de Carnassiers. Nous suivrons la classification adoptée par G. Cuvier dans ses derniers ouvrages et que nous ve- nons d'exposer sommairement, quoique nous pensions que l’arrangement proposé par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire soit plus naturel que celui de ses devanciers. En effet, si l'on prend les termes extrêmes de l’ordre ainsi constitué, une Chauve-Souris, un Chat et un Phoque, on trouvera de nombreuses et importantes différences : la première se distinguera, au premier abord, par ses membranes alaires si curieuses; le second, par tous les caractères qui dénotent sa carnivorité arri- vée à son summum de développement, et le dernier, par ses formes, rappelant celles des Poissons et indiquant son genre de vie; en outre, on trouvera plusieurs modifications dans le système den- taire. Mais il faut dire aussi, si l’on viént à étudier un nombre plus considérable de genres et d’es- pèces, qu'on parviendra à trouver des passages entre ces points extrêmes; c’est ainsi que des Chéi- roptères on parviendra aux Carnivores par l'intermédiaire des Insectivores et même des Plantigrades, principalement des Ours, qui ont encore quelque chose des dents des Chauves-Souris, et que, d’un autre côté, les Loutres nous serviront à établir le passage des Digitigrades aux Amphibies ou Phoques. | Les Carnassiers seront donc partagés, par nous, en trois familles, celles des Chéiroptères, des In- sectivores et des Carnivores, et nous aurons soin, en faisant l'histoire de chacune de ces divisions, de dire les caractères qui tendent à les rapprocher les unes des autres, ainsi que ceux qui les en éloignent. G HISTOIRE NATURELLE. PREMIÈRE FAMILLE. CHÉIROPTÈRES. CHEIROPTERA. Les caractères généraux que l'on peut assigner aux animaux de cette famille sont les suivants : formes générales disposées pour le vol; incisives en nombre très-variable; canines plus ou moins fortes; molaires tantôt hérissées de pointes sur leur couronne, tantôt sillonnées en long; un repli de la peau étendu entre les quatre membres, formant des ailes qui permettent à l'animal de voler; doigts des mains excessivement allongés; membranes des mains se prolongeant, par les flancs, jusqu'aux extrémités postérieures, et nues en dessus comme en dessous; pouces postérieurs opposables aux autres doigts; deux mamelles toujours pectorales Fig. 6. — Vespertilion linnophile. Les CnémoprÈnes (yee, main; #regev, aile), plus vulgairement désignés sous la dénomination de Cuauves-Souris, ont le corps plus ou moins couvert de poils assez longs, lisses ou frisés. La tête est grosse, le col court, les oreilles nues, le plus souvent longues et pourvues d’un appareil externe très-compliqué. Le tragus ou oreillon manque dans les Chéiroptères frugivores où Roussettes, et est susceptible de prendre diverses formes dans les Chéiroptères insectivores ou Vespertilioniens, tantôt il est aigu ou arrondi, tantôt il est si développé, qu'on le prendrait pour une seconde conque auriculaire. Get appareil de l'ouie, souvent énorme dans quelques groupes, semble dispropor- tionné par son développement, ou bien cache tellement la face, que l'organe de la vue, qui est ordi- nairement petit, devient à peine visible. Les ouvertures des narines sont ou simples ou composées dans un nombre à peu près égal d'espèces; dans le dernier cas, elles sont entourées de productions membraneuses plus où moins compliquées. Ces animaux ont des abajoues comme les Singes; pen- dant leur chasse, ils les remplissent d’Insectes, qu'ils dévorent dans leurs retraites. Les lèvres sont dilatahles. La bouche est très-grande, et garnie d'un appareil dentaire le plus habituellement beau- coup plus compliqué dans les premières périodes de la vie que dans l'état parfait; le plus grand nombre des espèces est pourvu des trois sortes de dents dans le jeuue âge, et n'en offre plus quelquefois, mais très-rarement, dans l'âge adulte, que deux sortes; alors les ineisives permanentes CARNASSIERS. 7 ressemblent, par leur forme, à de petites canines : on peut dire, d’une manière générale, que les dents des Roussettes sont à peu près conformées comme celles des Singes, tandis que celles des Vespertilioniens ressemblent aux dents des Makis, ce qui tient à des genres de vie analogues. Les ailes sont au moins quatre fois aussi longues que le corps. Les membranes qui les forment sont nues, plus ou moins diaphanes, et présentant des rides en nombre variable qui figurent une espèce de réseau à mailles polygones; leur attache aux membres postérieurs se fait à l'aide d'un osselet styliforme, qui n’est autre chose que le calcanéum, muni d'un prolongement tendineux. Nous parlerons en détail du squelette des Chéiroptères dans nos généralités sur les deux tribus qui composent cette famille, et nous nous bornerons maintenant à noter seulement quelques partieu- larités générales qui le concernent ou qu'il produit. L'avant-bras et la main prennent un développe- ment excessif; les phalanges des doigts, suivant l'expression d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, pa- raissent avoir été passées dans une filière pour servir de points d'appui à une large membrane qui permet à ces animaux de s'élever dans les airs et d’y chercher les Insectes dont ils se nourrissent le plus habituellement. Cette transformation d'une fonction ne se fait pas sans modifications de l'or- gane; aussi ces phalanges effilées n'ont-elles pas d’ongle, ni de phalanges onguéales dans quelques cas. Les pieds sont peu développés et libres, car la membrane interfémorale n'arrive que jusqu'au tarse. Les doigts, au nombre de cinq, parallèlement placés, sont égaux, petits, et armés de lames cornées en forme de griffes. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a signalé l'existence d’un os particulier placé derrière l’articu- lation du bras avec l’avant-bras, et présentant, à l'égard de cette articulation, une disposition sem- blable à celle de la rotule dans l'articulation du genou. Cet os, analogue à l'apophyse olécrane, ou plutôt cette espèce de rotule du coude, ue se trouve que chez les Chéiroptères, et il est à noter que, loin d’être établi sur un type chez les Roussettes, et sur un autre chez les Vespertilioniens, il offre une disposition à peu près semblable dans les uns et les autres, à l'exception de certaines espèces du genre Vespertilio, où il n'existe qu'en rudiment. Toutefois, M. Temminck a trouvé quel- ques modifications à cette rotule dans diverses espèces de Chauves-Souris, et il pense que ces mo- difications sont en rapport avec le plus ou le moins de développement du cubitus, généralement grêle, mais plus fort et plus développé dans les Frugivores que dans les Insectivores. Un grand nombre de Chéiroptères possède la faculté de se servir de ses ailes en guise de main; l’aile peut se ployer dans tous les sens et devient susceptible de préhension; sa structure répond à la fois à tous les besoins de l'animal, à des mains pour saisir, des pieds pour marcher, et des ailes pour voler : la rotule alors sert dans la marche rampante, en appuyant à terre, aux mêmes fonctions que la rotule postérieure dans les animaux des autres ordres de la classe des Mammifères. Les elavicules sont très-puissantes; les omoplates fortes, ce qui fait que l'épaule à une grande solidité. Le sternum est formé de pièces parfaitement ossifiées, et non pas grêles comme celui des Quadrumanes. Le eu- bitus a disparu en partie; le tiers supérieur qui reste se trouve soudé au radius, qui est fortement conformé. Les muscles pectoraux sont et devaient être très-forts, très-volumineux; leurs points d'insertion sont beaucoup plus solidement fixés que chez les Singes. Dans les Chéiroptères insectivores, l'estomac est petit, sans étranglement ni complication; le ca- pal intestinal, d'un diamètre assez égal, est court, sans cœcum. Dans les Frugivores, on remarque quelques différences; les intestins sont particulièrement plus allongés, ce qui tient à leur genre de vie. Les organes mâles de la génération sont assez développés, visibles au dehors et pendants. Le cerveau ressemble beaucoup à celui des Insectivores proprement dits, et des Rongeurs par sa forme ovalaire, rétrécie en avant; par la nullité complète des circonvolutions cérébrales; par le peu de développement des hémisphères cérébraux, qui ne recouvrent jamais le cervelet; par la brièveté du corps calleux, dont la longueur égale à peine celle des tubercules quadrijumeaux; par la position très en arrière de ces tubercules, ete. Toutes ces connaissances anatomiques, comme le fait remar- quer M. de Quatrefages, rapprochent aussi singulièrement le cerveau des Chauves-Souris de celui des Oiseaux, et tendraient par conséquent à les faire placer à un rang inférieur à celui qu'elles oc- cupent dans la série mammalogique. Tous les Chéiroptères cherchent à se cacher; le plus grand nombre fuit la lumière. Leur demeure habituelle est, le plus ordinairement, en des lieux sombres et ténébreux; les cavernes, les fentes des 8 HISTOIRE NATURELLE. rochers et des édifices isolés, les creux des arbres, leur servent de retraite. Pendant le jour, ils se tiennent ordinairement attachés par leurs pieds de derrière, comme accrochés par leurs ongles en dessous des branches des grands arbres, et, dans cette position, ils ont la tête en bas, disposition qui leur permet de prendre leur vol dès que le moindre danger semble venir les menacer. Cepen- dant, les Roussettes redoutent moins la lumière que les Vespertilioniens : quelques-unes volent en plein jour, et leur demeure ordinaire est dans les bois, où elles se rassemblent en troupes nom- breuses à la cime des arbres où dans l'entrée des cavernes. Quelques Chauves-Souris, en particulier les espèces du genre Molosse, ne s’éloignent pas à de grandes distances des lieux de leur demeure habituelle; plus solitaires, et vivant le plus souvent cachées, elles se servent alors de leurs moyens puissants de préhension et d’ascension plutôt que de ceux du vol. Les Vespertilions ou Chauves-Souris proprement dites parcourent, au crépuscule et aux premières lueurs du jour, une grande étendue de pays; les lieux où elles vont pourvoir à leur nourriture sont le plus souvent très-éloignés de l'en- droit de leur demeure. C’est particulièrement pendant les soirées chaudes de l'été que nos espèces européennes sont le plus vives. On a pu quelquefois en conserver en domesticité, mais seulensent pendant un temps très-court, et l’on a remarqué qu'elles étaient très-sourmandes. Nous rapporte- rons ailleurs quelques observations de M. Daniell, qui a étudié vivantes des Pipistrelles et des Noctules. Certaines espèces sont purement frugivores, d’autres semblent mêler aux fruits, leur nourriture ordinaire, quelques matières animales; enfin le plus grand nômbre est essentiellement insectivore; et ces dernières espèces poursuivent en volant les Insectes, qu’elles recherchent partout, même à la surface des eaux. Ges Mammifères courent après leur proie avec une gloutonnerie qui les aveugle sur le danger, et ne leur permet pas de distinguer les pièges les plus grossiers : aussi peut-on, assure-t-on, en prendre à la ligne, en amorçant un bameçon avec un Insecte, et en agi- tant cet appt dans l'air. Spallanzani semble avoir démontré par des expériences directes que les Chauves-Souris auxquelles on a crevé les yeux volent avec autant de facilité que celles qui n’ont pas subi cette mutilation; qu'elles évitent avec autant d'adresse les corps les plus déliés qu’elles rencontrent sur leur route; qu'elles suivent la direction des voies souterraines, et passent au travers des branches d'arbres que l'on y a placées sans les frapper de leurs ailes, qu’elles s’introduisent dans les trous des arbres, et qu'enfin elles s'accrochent aux saillies des voûtes ou des plafonds. Spallanzani a privé successive- ment des Chéiroptères, dont il avait préalablement détruit les yeux, des autres organes des sens; et ces animaux ne furent ni moins hardis ni moins adroits dans leur vol; d’où ce célèbre observateur conclut qu'il doit y avoir chez ces Mammifères un autre sens encore inconnu qui semble les guider et les servir efficacement pendant leur aveuglement. Ces expériences sont sans doute des plus re- marquables, mais il serait bon de pouvoir les répéter de nouveau et de les varier autant que possible, afin de confirmer où d'infirmer les conelusions qu'en tire Spallanzani, et qui, dans l'état actuel au moins de nos-connaissances, nous paraissent être hasardées. Lorsqu'on à cherché à prendre ces animaux dans les vieux édifices, ainsi que dans les autres repaires où ils se réfugient, on à toujours trouvé seulement des mâles, ou bien des sujets tous du sexe féminin, souvent aussi des jeunes en grand nombre; mais, dans ce cas, sans que, dans cette masse souvent énorme, on ait pu rencontrer d'adultes de l’un ou de l’autre sexe. L’explication de cette observation, que l'on à longtemps ignorée, est assez simple : en effet, on sait aujourd'hui que les sexes n’habitent jamais ensemble dans un même lieu de retraite; immédiatement après l’accouple- ment, les femelles se retirent, plusieurs réunies, et souvent même par grandes bandes, dans des lieux écartés et loin de la compagnie des mâles, qui, de leur côté, s'associent aussi par troupes. Les sexes restent ainsi séparés jusqu'à ce que les jeunes soient en état de voler et de pourvoir seuls à leurs besoins : ceux-ci alors, à leur tour, s’éloignent de la compagnie de leurs mères et vont choisir un nouveau gite, où se réunissent un grand nombre d'individus du même âge qui se sépa- rent par sexes vers l’époque des amours. Ces observations curieuses ont élé communiquées à M. Temminck par des naturalistes hollandais établis aux Indes orientales, et les envois nombreux que le musée de Leyde a reçus de toutes les parties du monde ont servi à en constater l'exactitude; en effet, presque partout où il a été procédé à la capture des Chauves-Souris, en explorant leurs repaires. le contenu des envois s’est, le plus habituellement, trouvé exclusivement composé de mâles, où de femelles, ou de jeunes. Du reste, ces remarques ont été vérifiées en partie sur quelques Vespertilions Æ CARNASSIERS. 9 d'Europe par M. Brehm, et M. le docteur Sénéchal a pu en constater l'exactitude à Paris même, sur le Murin, dont il a plusieurs fois trouvé, dans les tours de l'église Saint-Gervais, un très-grand nombre de femelles pleines, et qui, le lendemain, ont avorté; et jamais dans ces grandes troupes de Cüauves-Souris il n’a pris de mâles. Dans nos climats il semble y avoir deux portées de Chauves-Souris par année; car on a souvent trouvé des femelles pleines deux fois par an. Mais ces faits ne sont pas connus encore d'une manière parfaite. Leur portée ordinaire n’est que d’un seul petit, surtout dans les grandes espèces exotiques; chez quelques Chauves-Souris, particulièrement dans les espèces européennes, la femelle a deux pe- tits, et elle les tient cramponnés à ses mamelles ou assujettis à son corps, en repliant sur eux, pen- dant le vol, sa membrane interfémorale, qui leur tient ainsi lieu de soutien ou de poche. La grosseur de ces petits est parfois très-considérable à proportion de celle de leur mère, ce qui est surtout le cas des Roussettes. Les Chéiroptères des climats septentrionaux, prives en hiver des substances nécessaires à leur nourriture, restent engourdis pendant toute celte saison; ceux des contrées tropicales, ayant pen- dant toute l'année une abondance non interrompue, n’éprouvent pas ce phénomène. Ceux qui sont sujets à passer à cet état d'engourdissement se recouvrent de leurs ailes comme d'un manteau, s'ac- crochent à la voûte des souterrains par les pieds de derrière, et demeurent ainsi suspendus, les uns accrochés après les autres et souvent en grand nombre, d’autres se collent contre les murs ou se cachent dans des trous. 1 Le pelage des Chéiroptères est généralement de couleur sombre, souvent brunâtre, et de teintes plus ou moins claires, quelquefois, mais rarement, jaunâtre, et plus habituellement noirâtre. Le système de coloration varie parfois dans une même espèce suivant les sexes; c’est, dans ce cas, constamment une couleur rousse plus ou moins pure qui distingue la livrée de la femelle, tandis que le mâle est co- loré de brun ou de gris. Mais, lorsque le mäle, et quelquefois les deux sexes, sont pourvus de sortes de Sandes onctueuses sur les côtés du col, c’est le mâle qui est peint en roux, et la femelle est plus terne et plus obscure. Dans les Vespertilioniens, on ne remarque souveut pas de différence de co- loration entre les sexes. Enfin M. Temminck pense que, à l'instar des Oiseaux, les Chauves-Souris pourraient bien être sujettes à une double mue, et se trouver ainsi revêtues, en été, d’une livrée dif- férente de celle de l'hiver. La distribution géographique des Chéiroptères présente quelquesfaits remarquables. Toutes les Rous- settes appartiennent à l'ancien continent, en y comprenant toutefois la Polynésie. Les Vespertilioniens ont des représentants sur toute la surface du globe; trois genres, ceux des Vespertilio, Lasiurus et Plecotus ou Greillard, paraissent être cosmopolites; un se rencontre à la fois dans les parties les plus chaudes des deux continents (Nyctinomus\; un autre paraît être commun aux climats chauds et aux contrées tempérées de l'ancien continent (Rhinolophus); il en est un (Dinops) qui habite spécia- lement le midi de l'Europe; quatre (Taphozous, Nycterus, Rhinopoma et Megaderma) sont répar- tis dans les contrées chaudes de l'Asie et de l'Afrique; eufin, trois, les genres Vampirus, Noctilio, Molossus, semblent exclusivement propres à l'Amérique méridionale. Mais si parmi ces genres il en est quelques-uns qui appartiennent à la fois aux deux continents, il n’en est pas de même des es- pèces; sous ce rapport, les faunes des deux mondes sont entièrement différentes, et M. Isidore Geof- froy Saint-Hilaire, en démontrant l'identité spécifique des Nyctinomes du Brésil et du Bengale, a fait connaitre la seule exception bien constatée jusqu'ici à cette règle générale. On connaît les Chauves-Souris depuis une époque très-reculée, et leur aspect repoussant, leurs mœurs nocturnes; leurs sombres retraites, en ont fait, pour des peuples entiers, un objet de dégoût et d'horreur. Moïse les met au nombre des animaux impurs dont le peuple de Dieu ne doit pas manger Ja chair. Les Grecs semblent les avoir prises pour types de leurs Harpies. Les Égyptiens en faisaient un objet de leur culte; car on en a trouvé un grand nombre de momies dans leurs an- ciens temples. Au moyen âge, elles étaient les compagnes des sorciers, des loups-garous, et, quand on a voulu représenter Satan, on a chargé ses épaules de vastes ailes de Chauves-Souris. Bien des années se sont écoulées avant que les naturalistes eux-mêmes eussent des notions pré- cises sur ces êtres. Aristote les définit des Oiseaux à ailes de peau, et s'étonne de ne leur trouver ni queue ni croupion. Pline les regarde également comme des Giseaux qui, par une exception unique, engendrent leurs petits vivants et les allaitent par des mamelles. Aldrovande les réunit à l'Autruche, ' 9 10 HISTOIRE NATURELLE. parce que, dit-il, ces deux espèces d'Oiseaux participent de la nature des Quadrupèdes. Sealiger signale la Chauve-Souris comme le plus singulier des Oiseaux, couvert de poils au lieu de plumes, manquant de bec et portant des dents. Ce n’est que beaucoup plus tard que les Chauves-Souris furent placées parmi les Quadrupèdes; et enfin Linné, s’exagérant peut-être la valeur de quelques-uns de leurs caractères, qui les rapprochent des Quadrumanes, les réunit à l'Homme et aux Singes dans son ordre des Primates. Illiger, par une combinaison moins ingénieuse, éloigne les Chéiroptères des Quadrumanes, et les classe après les Édentés. G. Cuvier, et la plupart des zoologistes jusqu'à notre époque, en forme la première famille de l’ordre des Carnassiers. Enfin, dans ces derniers temps, M Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en fait un ordre tout à fait distinct; et cette disposition paraît devoir être généralement adoptée par les zoologistes. Linné ne plaçait dans cette famille qu'un seul genre, celui des Vespertilio, dans lequel il forma cependant le groupe générique des Noctilio; Brisson en distingua, plus tard, celui des Roussettes où Pieropus; mais on peut dire que c’est réellement Étienne Geoffroy Saint-Hilaire qui a fondé les bases de la classification de ces animaux, en y créant plusieurs genres et en donnant les caractères exacts de nombreuses espèces. Puis vinrent ensuite les importants travaux de Buffon, G. Cuvier, De Blain- ville, A. G. Desmarest, Kubl, Leach, Rafinesque, Fr. Cuvier, Spix, Lesson et enfin ceux de MM. Tem- minck, Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Gray, Quoy et Gaimard, Ch. Bonaparte, Neuwied, P. Gervais, ete. Il résulte de tous ces travaux que la famille des Chéiroptères est aujourd’hui l'une des mieux connues de la classe des Mammifères, et peut-être qu'on y a créé un trop g'and nombre de coupes génériques, En effet, cette famille comprend plus de trois cents espèces réparties dans environ quatre-vingts genres. Elle renferme deux tribus bien distinctes : celle des Rousserres, ou Chéiroptères frugi- vores, et celle des VEsPERTILIONIENS, où Chéiroptères imsectivores. G. Cuvier, avons-nous déjà dit, y joignait les Galéopithèques, que nous avons cru devoir réunir, à l'exemple de De Blainville, aux Quadrumanes; enfin, disons, en terminant ces généralités, que les Piérodactyles, ces gigantesques fossiles, dont Sæmmering et Oken faisaient de grandes espècés de Chauves-Souris, doivent être rapprochés des Reptiles, de l’ordre des Sauriens, comme l'a démontré l'immortel auteur des Ossements fossiles. PREMIERE TRIBU. LES ROUSSETTES. PTEROPII. Vicq d'Azyr, 1792. Système anatomique. Molaires non munies de pointes aiguës à la couronne, qui est lisse, offrant seulement sur ses bords une crête plus ou moins apparente. Les Roussettes sont des Chéiroptères frugivores, et, dès lors, par le genre de nourriture qu'elles doi- ventprendre, on comprend que l’un de leurs meilleurs caractères doit être tiré de leur système dentaire. En effet, les molaires, au lieu d’être hérissées de tubereules et de pointes aiguës, comme cela a lieu dans les Chauves-Souris ordinaires qui se nourrissent exclusivement d'Insectes, présentent, à leur cou- ronne, une surface allongée, lisse, et bordée seulement, sur chacun de ses côtés latéraux, principale- ment sur l’externe, par une crête plus ou moins apparente. Ce type, comme le fait observer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui peut plus ou moins varier, semble intermédiaire entre celui des Carnassiers et des Herbivores, et ne se retrouve dans aucun autre Mammifère. Les incisives et les canines rap- pellent, par leur disposition, leur direction, leur forme, et souvent même par leur nombre, celles des Singes; mais ce caractère n’est pas général, il offre quelques exceptions, surtout dans le genre Cephalotes : on doit toutefois le noter, car, ainsi que le rapporte M. Isidore Ceoffroy Saint-Hilaire, la disposition de ces mêmes dents, chez les Chauves-Souris insectivores, rappelle, au contraire, la structure des mêmes dents chez les Makis. Cela pouvait, jusqu’à un certain point, être dit a priori, CARNASSIERS. 11 et est en relation directe avec le genre de vie de ces divers animaux. Le nombre total des dents est, le plus habituellement, de trente-quatre, ainsi réparties : incisives, 4; eanines, !=!; mo- laires, =; mais il présente quelques variations, portant sur les incisives et les molaires, qui peu- vent être en plus ou moins grand nombre, suivant les genres, et ces différences ne sont pas toujours en rapport avec certaines particularités extérieures de l'animal. Toutes les molaires supérieures et inférieures ont, sauf la première, aux deux mâchoires, deux racines simples, un peu divergentes: l’antérieure à peine plus grande que la postérieure. Les alvéoles sont assez profondes, et ainsi dis- posées : en haut comme en bas, il ÿ a deux petits trous ronds pour les incisives, un plus grand pour la canine, un autre excessivement petit, derrière l'alvéole de celle-ci, à la mâchoire supérieure, et ensuite huit autres trous rapprochés deux à deux : le postérieur un peu plus grand que l’anté- rieur. Fi PE . T. — Roussette grise Dauberton, Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, G. Cuvier, Vicq d'Azyr, ete., onÛ donné quelques dé- tails sur le squelette des Roussettes, mais c’est surtout De Blainville (Ostéographie : fascicule des Chéiroptères) qui en a publié une description complète que nous allons analyser. Ge squelette, dans son ensemble, et même dans les proportions des parties, ne diffère pas essentiellement de celui des autres Chauves-Souris. Le tronc parait comme tronqué par l'absence plus ou moins complète de la queue. Le nombre des vertèbres est de trente-huit, savoir : quatre céphaliques, sept cervicales, qua- torze dorsales, trois lombaires, trois sacrées, et trois ou quatre coccygiennes dans les espèces qui ont le minimum de queue. La tête est plus ou moins arrondie, mais légèrement allongée dans le plus grand nombre des cas, ce qui a valu à ces animaux le nom de Chiens volants, qu'ils portent dans les anciens ouvrages. La crête sagittale est peu prononcée; le frontal offre une crête orbitaire assez étendue. Les mâchoires, plus ou moins longues, sont constamment moins étroites et moins resserrées que dans les autres Chéiroptères. Les vertèbres décroissent assez régulièrement de la première cervi- cale à la dernière coceygienne : celles du cou, particulièrement l’atlas et l'axis, sont très-robustes; les autres n’ont rien de particulier, si ce n’est que les coccygiennes sont soudées entre elles et ne for- ment qu'une seule pièce, et que, dans les espèces qui ont une queue, on voit, au delà des quatre vertèbres ordinaires, quatre ou cinq autres de ces os qui sont entièrement libres. Les côtes, au nombre de treize à quatorze paires, ne sont aplaties et élargies que dans leur partie supérieure. La forme de l’os hyoïde semble assez variable; toutefois, dans les Pteropus fuscus et Duvaucelii, il est composé d'un corps en barre transverse, à peine courbé, et de deux cornes, dont l'antérieure, un 12 HISTOIRE NATURELLE. peu plus longue que la postérieure, est formée de deux pièces assez épaisses, courtes, presque égales, et dont la postérieure, non divisée, est forte, en forme de petite elavicule : cette disposition semble être la plus habituelle. Le sternum est saillant, et ne paraît composé que de six pièces, à moins que l'on ne considère la base de l'appendice xiphoïde comme en constituant une. L'omo- plate n'est pas carrée, mais en forme de triangle; proportionnellement moins étendue et plus courte que dans les Chauves-Souris insectivores. La clavieule est très-courte. L'humérus, au contraire, est plus long et surtout plus arqué dans sa double courbure. Le radius n'est que d’un quart plus long que l'humérus, au lieu de l'être d'un tiers, comme dans le Vampire. La main est elle-même proportionuellement un peu plus courte, surtout dans la partie digitale, dont le plus long doigt, celui du milieu, est double du radius en longueur; le pouce est court; le second doigt, le plus court après le pouce, est composé de trois phalanges à peu près dans la proportion ordinaire; des trois autres doigts, le plus long est le médian. Les membres postérieurs ont presque complétement les mêmes proportions, dans chacune de leurs parties, que ceux des autres Chéiroptères. Le bassin est soudé supérieurement par l’iléon au sacrum, et par l'ischion au coccyx intermédiaire, il est libre à son extrémité pubienne. Le calcanéum, plus où moins recourbé en dessous, n’est pas pourvu d'un long éperon. Le pouce est un peu plus court que les autres doigts, et les doigts externes sont légè- rement plus forts que les intermédiaires. Le doigt indicateur, et souvent le pouce, sont constamment terminés par un petit ongle, ce qui n’a pas lieu dans les Chauves-Souris insectivores. Quelques par- ticularités ostéologiques se font observer dans la série des genres et des espèces de Roussettes; c’est ainsi que dans les espèces qui ont une queue les vertèbres dorsales offrent des différences. et les lombaires ont leur apophyse épineuse plus prononcée : la forme de la tête varie également; dans le Macroglossus minimus, plus connu sous le nom de Rousserre-Kionore, la tête est très-remarqua- ble par sa gracilité, par son allongement, et le peu d'épaisseur de ses os. — LT NS a x — V À \ À | NT l'ig. 8 — Squelette de Rousselte Les ailes sont un peu moins larges et moins longues que dans la plupart des espèces de Chéiro- ptères insectivores; à la différence de ces derniers, elles ne s'insèrent pas sur les flancs, mais sur le dos, tantôt vers les parties latérales, tantôt sur la ligne médiane : ce caractère est général, mais il est porté à son summum dans le genre Hypoderme.Ges ailes sont quelquefois très-grandes, car l'en- vergure de certaines espèces peut atteindre jusqu'à 1,75. La membrane interfémorale est toujours très-peu étendue; elle est échancrée, et, le plus souvent même, tout à fait rudimentaire et sans usage. Quelques espèces n'ont aucun vestige de queue; d'autres ont un rudiment de cet organe, mais il est en partie engagé dans la membrane interfémorale; enfin, il en est qui ont un léger support caudal de la longueur de la membrane. M. Temminek s'est servi de ces caractères pour former trois groupes distincts dans le genre Roussette CARNASSIERS. 13 Les orgaues des sens n’offreut pas de particularités différentielles bien marquées; cependant l'on doit noter que les feuilles nasales et les oreillons, parfois si développés dans certains Chéiroptères insectivores, manquent complétement. Les conques auditives sont très-simples et très peu étendues. Les narines sont écartées l'une de l'autre. Les yeux sont grands, obliquement places. Les poils sont assez rares, et généralement courts et roides; dans quelques espèces. ceux du dos sont implan- tés si obliquement, que la partie latérale de leur base est enfoncée dans la peau; une Roussette, néanmoins, a son pelage comme laineux. L'ouverture de la bouche est peu étendue. La langue est rude et papilleuse. Le tube digestif est plus long que dans les autres Chauves-Souris; et cela devait se prévoir & priori. On sait, en effet, que plus un animal est carnassier, plus ses intestins sont coyrts; dès lors, les Roussettes étant es- sentiellement frugivores, devaient avoir un canal intestinal plus long que les autres Chauves-Souris, qui sont insectivores. L’estomac est en forme de sac très-allongé, cylindrique et inégalement renflé: l'orifice cardiaque est très-rapproché du pylore. Le foie est composé de trois lobes : deux grands et un petit, tenant à la racine. Les poumons sont formés de quatre lobes bien distincts. Le cœur est gros, dirigé obliquement à gauche. Ce sont les plus grands Chéiroptères connus, et nous avons dit que l’envergure de certaines es- pèces atteignait jusqu'à 1,75. Les plus petites espèces, dont l'envergure est encore de 0",55 à 0",40, dépassent ou au moins égalent pour la dimension les plus grandes Chauves Souris insectivores. Les mamelles de ces animaux sont pectorales et seulement au nombre de deux. Les mâles sem- blent être plus grands que les femelles. Quelques-unes de celles-ci sont sujettes à des écoulements périodiques de même que quelques femelles de Quadrumanes; elles ne produisent qu'un seul petit par portée, et en prennent grand soin jusqu'à ce qu'il puisse se suffire à lui-même. MM. Quoy et Gaimard ont pu observer que le petit de la Roussette de Kéraudren se cramponnait fortement à sa mère même pendant le vol: fait plusieurs fois observé chez nos Vespertilions européens. Les Roussettes se nourrissent essentiellement de fruits, cependant on pense qu'un petit nombre d’entre elles mêlent parfois à leur nourriture ordinaire quelques débris d'Insectes qu'elles semblent rechercher. On assure même qu'en domesticité on peut quelquefois les habituer à vivre de matière animale; mais cela n’est pas complétement démontré. Ces animaux sont doux; ils vivent en troupes nombreuses et out l'habitude de se suspendre, comme les Chauves-Souris insectivores. aux branches des arbres; on les trouve. dans les creux des rochers, dans les cavernes, au plafond des grands édi lices, etc.; ceux que l’on conserve dans des cages restent suspendus par les pattes, et, lorsqu'on leur offre des fruits, ils s'attachent par une seule patte aux barreaux de leur prison, tiennent le fruit avec l’autre patte, et mangent ainsi la tête en bas; ils recherchent principalement les fruits pul- peux, surtout les bananes; d’autres fois les dattes et parfois même des fleurs. D’après cela on voit que ces animaux sont loin de justifier la réputation sanguinaire qui leur avait été faite par les an- ciens naturalistes. Leur vol est lourd et peu rapide. On a répété pendant longtemps que les Rous- settes étaient des animaux entièrement nocturnes, comme les Chauves-Souris de nos climats; toute- fois, les naturalistes voyageurs de notre époque, en particulier Lesson et Garnot, MM. Quoy et Gai- mard, ete., assurent qu'ils en ont vu voler en plein jour dans plusieurs régions de l'Océanie et de l'archipel indien; et, ainsi que l’un de nous l'a consigné dans le Dictionnaire universel d'histoire naturelle, M. Charles Coquerel, chirurgien de la marine, a été à même, assez récemment, de remar- quer qu'à Madagascar certaines espèces de cette familie volaient parfois pendant le jour, mais que, néanmoins, c'était surtout vers le soir qu'on les voyait en plus grand nombre. Leur chair, au moins pour plusieurs espèces, est de bon goût et semble recherchée. Les Roussettes se trouvent répandues presque partout, à l'exelusion toutefois de l'Europe et de l'Amérique, car Fon a reconnu que c'est à tort que l'on a donné le Brésil pour patrie au Pteropus Leschenaultit, et que le Cephalotes teniotis de Rafinesque ne doit pas se rapporter à un genre de Chéiroptères frugivores; toutefois nous devons faire observer que M. Temminck ne serait pas éloi- gné de croire qu'il existe des Roussettes aux environs de Fernamboue, ainsi qu’au Chili et au Pérou Buffon ne connaissait que deux espèces de Roussettes : la Roussette commune et la Rougette Brisson est le créateur du premier genre fondé dans cette famille, de celui des Rousserres (Ptero- pus), mais il serait difficile de dire au juste les espèces sur lesquelles il a basé ce groupe générique; aussi la connaissance précise que l’on en a ne date-t-elle que des travaux d'Étienne Geoffroy Saint- 14 HISTOIRE NATURELLE. Hilaire (Annales du Muséum, t. XV, 1810); depuis, le nombre des espèces a été de plus en plus aug- menté par les travaux de MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (Dictionnaire classique, 1898, etc.); Frédéric Cuvier (Dents des Mammifères, 18925); À.-G. Desmarest (Manunalogie, 1821); Temminck (Monographie de Mammalogie, t. Let H, 1827-1832); Quoy et Gaimard (Zoologie de l'Astrolabe); J.E Gray (Zoology of the Voyage of Sulphur, 1844, etc.), etc. | Le nombre des espèces étant devenu assez considérable, puisqu'on en connait aujourd'hui une soixantaine, on s’est vu obligé, pour parvenir plus facilement à les distinguer, de créer plusieurs genres dans ce groupe naturel, qui a été ainsi porté au rang de tribu, à laquelle on laisse en géné- ral les noms de Rousserres ou Cuauves-Souris FruGivores, Pteropodii, Vicq d’Azyr, que Latreille (Familles du règne animal, 1825) nomme Mécanyerères, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Préro- Pons et Prénorexs, et que M. Gray désigne sous la dénomination de Pteropina, taudis que M. Charles Bonaparte, dans son Synopsis (1837), lui assigne celle de Pterodina. On a cherché à comparer certains genres de Chauves-Souris frugivores avec d’autres genres de Chauves-Souris insectivores; nous nous bornerons, avec M. Temminck, à faire remarquer qu'on peut établir un rapprochement naturel entre les Phyllostomes du nouveau continent et les Roussettes de l'ancien; et que quelques rapports semblent aussi exister entre les Glossophages et les Macro- glosses. Les genres principaux de cette tribu sont les suivants : Rousserre (Pteropus), Brisson; PacaysouE (Pachysoma), Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; Mécaëre (Megaera), Temminck; Macroccosse (Macro- glossus), Fr. Cuvier; Cépuarore (Cephalotes), Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, et Hyronerue (Hypo- derma), Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; nous y joindrons les genres moins importants des AcéRoDON (Acerodon), Jourdan; ÉponorHore (Epomophorus), Bennett; ÉLEUTHÉRURE (Eleutheruru) et Xan- THARPYIE (Mantharpyia), Gray, et enfin le genre Gysorrère (Cynopterus), Fr. Cuvier, qui n’est pas admis par tous les zoologistes. D'après cela, on voit que nous partagerons les Roussettes en onze genres particuliers; nous au- rions pu y ajouter quelques autres groupes génériques, proposés dans ces derniers temps; nous les avons omis parce qu'ils reposent sur des caractères de trop peu de valeur. Pour les espèces, nous ne décrirons que celles qui sont le mieux connues, et, autant que possible, nous choisirons celles dont on a observé les mœurs. Enfin nous ferons remarquer, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que lon pourrait admettre deux divisions dans cette tribu : 4° celle des Préropiens, renfermant tous les genres de la tribu, sauf celui des Hypodermes, et caractérisée par ses ailes paraissant in- sérées sur les côtés du dos; et 2° celle des Hyronermiens, ne renfermant que le genre Hypoderma, dans lequel les ailes sont manifestement insérées sur la ligne médiane du dos. 1° GENRE. — ROUSSETTE. PTEROPUS. Brisson, 1756. Le Règne animal divisé en neuf classes Hresov, aile; mous, pied. CARACTÈRES GENÉRIQUES. Système dentaire : incisives, !; canines, =}; molaires, : >; incisives verlicales; canines assez {ortes; molaires à couronne large ct terminée par deux crêtes : la première à la mâchoire supé- rieure très-pelite et pouvant même manquer. T'ête longue, étroite, conique. Museau fin, terminé par un mufle sur les côtés duquel s'ouvrent les narines, qui sont un peu tu- berculeuses. Menbrane interfémorale très-peu étendue et ne formant le plus souvent qu'une bordure Le long du côte interne de la cuisse et cle la jambe. Ailes conformées comme celles de la plupart des Chauves-Souris, c'est-à-dire ayant le deuxième doigt onguiculé. CARNASSIERS. 15 Queue tantôt très-peu développée, tantôt au contraire n'existant pas. Pas de feuilles ni de membranes autour des narines. Oreilles assez petites ou moyennes, distuntes l'une de l'autre. | | Langue, principalement à la partie antérieure, hérissée de papilles dures, dirigées en arriere et de différentes formes. Fig. 9. — Roussette amplicaude. Brisson a créé le genre Roussette aux dépens des Vespertilio de Linné, mais c'est Étienne Geof- froy Saint-Hilaire (Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. XV, 1810) qui l’a le premier carac- térisé d’une manière complète. Les Roussettes sont des animaux essentiellement frugivores. Les contes absurdes, chargés de merveilleux, qui ont rapport au genre de vie carnassier et même sanguinaire de ces animaux, et qui ont été rapportés par Buffon dans son immortelle Histoire naturelle, ont été produits par le défaut d'observations exactes, et par l’effroi qu'ont dû inspirer aux premiers voyageurs qui les ont vus leur énorme envergure et leur appareil de défense, en apparence si redoutable. Ils n'attaquent aucun animal, pas même, ainsi qu'on l’a cru, les Oiseaux et les petits Mammifères; et on leur à assez sou- vent attribué à tort les dégâts commis probablement par les Vampires, qui, eux, sont véritable- ment carnassiers, quoiqu'ils soient beaucoup moins dangereux qu'on ne l'a dit en général. Leur organisation montre qu'ils ne peuvent pas sucer le sang des animaux, ainsi qu'on l’a prétendu. C'est donc avec la plus grande réserve, et, nous dirons plus, en n’y croyant pas, que nous allons transcrire ce que dit Buffon des mœurs de la Roussette et de la Rougette. « Les anciens con- naissaient imparfaitement ces Quadrupèdes ailés, qui sont des espèces de monstres, et il est vrai- semblable que c’est d’après ces modèles bizarres de la nature que leur imagination a dessiné les Harpies. Les ailes, les dents, les griffes, la cruauté, la voracité, la saleté, tous les attributs diffor- mes, toutes les facultés nuisibles des Harpies, conviennent assez aux Roussettes. Hérodote parait les avoir indiquées lorsqu'il a dit qu'il y avait de grandes Chauves-Souris qui incommodaient beaucoup les hommes qui allaient recueillir la casse autour des marais de l'Asie; qu'ils étaient obligés de se couvrir de cuir le corps et le visage pour se garantir de leurs morsures dangereuses. Ces animaux sont plus grands, plus forts et peut-être plus méchants que le Vampire; mais c’est à force ouverte, en plein jour aussi bien que la nuit, qu'ils font leurs dégâts; ils tuent les volailles et les petits ani- maux; ils se jettent même sur les hommes, les insultent et les blessent au visage par des morsures cruelles; mais aucun voyageur ne dit qu'ils sucent le sang des hommes et des animaux endormis. » D’après les récits des naturalistes voyageurs modernes, on peut, au contraire, assurer que ces Mam- mifères sont doux et paisibles, et qu'ils vivent en grandes bandes, suspendus pendant le jour par leurs pieds de derrière, la tête en bas et enveloppés par leurs ailes membraneuses. Quelques espèces S’accrochent de cette manière, par centaines, aux branches des arbres; d'autres se cachent dans les 16 HISTOIRE NATURELLE. cavernes, dans les crevasses des rochers et les trous des vieux arbres; quelques-unes ont l'habitude de se suspendre aux plafonds des grands édifices. Les habitants des pays où vivent les Roussettes leur font une chasse acharnée dans le double but de se débarrasser d'êtres qui leur sont très-nuisibles en détruisant leurs fruits, et de s'emparer d'animaux dont ils font leur nourriture. En effet, la chair des grandes espèces de ce genre est, dit-on, blanche, succulente, de bon goût et est estimée comme une nourriture saine et délicate, quoique l'odeur due à l'urine de ces animaux ait pu naturellement rebuter ceux qui en ont fait le premier essai. Gn les mange à Madagascar, à l'île de France, à Timgr, à Luçon, etc. Buffon rapporte qu'on se les procure facilement en les enivrant, et que, pour obtenir ce résultat, on place à portée de leur retraite des vases remplis de vin de palmier. Il serait bon, pour confirmer cette observation, de faire des expé- riences directes afin de s'assurer de sa véracité. Les Roussettes paraissent être circonscrites dans toutes les contrées de l'ancien continent, à l'ex- clusion de l'Europe; l'Asie méridionale et les archipels en nourrissent beaucoup plus que l'Afrique et ses îles; l'Océanie en renferme un assez grand nombre; plusieurs se trouvent dans le continent de la Nouvelle-Hollande, ce qui est remarquable, car ce pays, qui nourrit un grand nombre de Marsupiaux, ne possède que très-peu d'espèces de Mammifères ordinaires. De même que l'Europe, l'Amérique en serait aussi dépourvue; il ne paraît pas certain cependant à M. Temminck que cette partie du globe n'ait pas de Roussette; ces grandes Chauves-Souris, qui, selon Swainson, dévorent les fruits et dé- vastent les vergers des environs de Fernambouc, et celles qu’on dit avoir été vues au Chili et au Pe- rou, lui paraissent devoir se rapporter à ce genre. C’est là un sujet de recherches que l'on peut re- commander aux naturalistes voyageurs, et qu'il serait très-intéressant de vérilier sous le point de vue de la géographie zoologique. Tel qu'il est aujourd'hui restreint, le genre Roussette peut être très-facilement isolé de ses congé- nères; mais, et en raison même de ce que ce groupe est des plus naturels, on trouve de grandes dif- ficultés pour distinguer les espèces d'une manière convenable On en connait près de trente espèces ; car, en effet, Lesson, dans son Nouveau Tableau des Mammüfères du Règne animal. en indique vingt-cinq, et, depuis la publication de cet ouvrage (1842), divers zoologistes en ont décrit plusieurs nouvelles. Celles des espèces de ce genre qui ont une queue sont de petite taille, tandis que celles qui n’en ont pas sont toutes très-grandes; la Rousserre De Java, Pieropus Javanicus, A. G. Desmarest, a 4,65 à 1,79 d'envergure. Dans toutes les espèces sans queue apparente à l'extérieur, la boîte cérébrale est séparée de la face par un rétrécissement considérable, correspondant à la partie pos- térieure de l'orbite; chez celles à queue apparente, le rétrécissement n'existe pas, et la boîte céré- brale est un peu renflée. On s'est servi de ces caractères et de quelques autres pour former deux groupes dans le genre Roussette; ces deux divisions, toutefois, n’ont pas une grande valeur scienti- fique, car, dans l'une comme dans l’autre, on retrouve les caractères communs et propres à tout le genre, et l'on n'a pu signaler aucune particularité différentielle dans le système dentaire. a : na) UC TC Groupe [ ROUSSETTES ÉCAUDÉES Temminck. Pas de queue apparente à l'extérieur. Museau assez allongé. Membrane interfémorule plus où moins rudimentaire. Péqime entièrement frugivore. Ce groupe comprend le plus grand nombre des espèces du genre; les plus importantes sont: CARNASSIERS 17 1. ROUSSETIE ÉDULE. PTEROPUS EDULIS. Péron et Lesueur Caracrères sréciriques. — Pelage noir ou noirâtre, roux sur le cou et les épaules; poils ras, lui- sants et couchés sur le dos; oreilles longues, pointues; membrane interfémorale réunissant les pieds à la région coceygienne, large à l'articulation du genou et formant un angle très-ouvert : celle de l'aile large, étendue, noire dans l'adulte, brune dans le jeune âge. Envergure, 1". Cette espèce se trouve dans tout l'archipel indien, à Java, Sumatra, Banda, Timor et Sarapouan. Pendant le jour, on voit ces animaux suspendus par les crochets du pouce aux branches des arbres élevés, principalement d'une espèce du genre figuier, dans le voisinage des plantations dont ils dévastent les vergers. On peut cependant, au rapport de M. Temminck, garantir les arbres frui- tiers de leurs dévastations au moyen de filets faits avec des filaments tressés de bambous. Leurs troupes nombreuses, composées souvent de plus de cent individus, se mettent en mouvement vers le déclin du jour; c’est alors que les naturels des lieux où on les trouve en font la chasse au moyen d’un sac attaché à une longue perche; ils les mangent et trouvent leur chair assez bonne, mais l'odeur infecte qu’elle répand en dégoûte les Européens. Blessés ou irrités, ces animaux font en- tendre un cri aigu semblable, dit-on, à celui de l’Oie. La nourriture de la Roussette édule semble consister uniquement en fruits de toutes sortes : on a observé qu'à Java elle habite exclusivement les régions basses, et qu'on ne la rencontre pas dans les contrées élevées de cette ile. 2. ROUSSETTE VULGAIRE. PTEROPUS VULGARIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CarACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage épais, grossier, roux, avec une grande tache d’un brun noirâtre en forme de croix sur le haut du dos; parties inférieures noires; région pubienne roussâtre; mem- branes noires; oreilles petites, pointues, peu échancrées à la partie supérieure et latérale. Enver- gure, À". Cette espèce est la Rousserre de Buffon et de Prisson, le Vespertilio vampirus de Linné, et le Cuiex vocanr de Daubenton. Elle babite les iles de France et de Bourbon; on croit qu’elle se trouve également à Madagascar et même en Afrique, mais cette dernière assertion est loin d’être démontrée. On mange cette espèce; sa chair a, dit-on, une saveur particulière qui plait en général, principale- ment celle des jeunes sujets. La Roussette et la Rougette (Pteropus rubricollis, Étienne Geoffroy Saint-Hilaire), autre espèce qui en est très-voisine et à la même patrie, se rassemblent pêle-mêle sur les arbres, où elles sont at- tirées par la présence des fruits et des fleurs; elles ont toutefois des habitudes différentes, car, hors le moment où elles s'occupent à recueillir leur nourriture, les premières vont se fixer sur les grands arbres au fond des forêts, tandis que les autres s’établissent dans les creux des vieux arbres où dans les anfractuosités des rochers. 3. ROUSSETTE A FACE NOIRE. PTEROPUS PHAIOPS, Temminck. CaracTÈRESs spéciriQues. — Pelage long, grossier, très-fourni, un peu frisé partout; museau, gorge, joues, tour des yeux, d’un noir profond; le reste de la tête, les côtés du cou, la nuque, les épaules, jaune-paille; poitrine roux doré; pattes postérieures couvertes de poils bruns à leur base et d'un jaune clair à la pointe. Envergure : 1",14. Habite Macassar et les Célèbes. 2 = 3 18 DISTOIME NATURELLE. 4. ROUSSETTE A TÊTE CENDRÉE. PTEROPUS POLIOCEPHALUS. Temminck. Canacrènes srécrriques. — Dessus de la tête, joues, gorge, d’un cendré foncé mêlé de quelques poils noirs; nuque, épaules, devant du cou, brun-marron roussâtre : le reste du corps gris varié. Envergure : 14,10. Sa patrie est la Nouvelle-Hollande et la terre de Van-Diemen. 5. ROUSSETTE DE KÉRAUDREN. PTEROPUS KERAUDREN. Quoy et Gaimard. CanacrÈènes srÉciriQuEs. — Occiput, cou, épaules, haut de la poitrine, d'un jaune pâle : le reste du pelage brunâtre. Envergure : 0,80. Cette espèce se trouve dans les îles Marianes et Carolines, principalement à Guam. Elle vole en plein jour. Pendant le repos, elle se suspend plutôt aux arbres qu’elle ne se niche dans les excava- tions desrochers. La chair de cette Roussette, malgré l'odeur forte et désagréable qu’elle exhale, est assez recherchée. 6. ROUSSETTE GRISE. PTEROPUS GRISEUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caracrènes sréciriques. — Pelage gris, légèrement roussàtre, passant à la teinte lie de vin sur le dos; tête et cou roux clair; poils du cou longs et frisés : ceux du dos, courts et couchés; oreilles courtes, et terminées en pointe. Envergure : 0,58. Habite l'ile de Timor. 7. ROUSSETTE DE DUSSUMIER. PTEROPUS DUSSUMIERI. fsidore Geoffroy Saint-Hilaire. Canacrènes sréciriQues. — Face ct gorge brunes; ventre et dos couverts de poils bruns, mélangés de poils blancs; partie supérieure de la poitrine d’un brun roussâtre; côtés du cou, et tout l'espace compris à la face postérieure du corps, depuis les oreilles jusqu'à l'inserpion des ailes, d'un fauve tirant légèrement sur le roussâtre. Habite l'Inde, 8. ROUSSETTE A MASQUE. PTEROPUS PERSONNATUS. Temminck. Caracrères spéciriques. — Pelage mélangé de brun, de jaune et de blanc, avec la tête peinte d'une manière très-tranchée de blanc pur et de brun. Provient de l'ile de Ternate. On dit que cette Roussette aime beaucoup le 1 n de palmier, dont les habitants des Moluques font une liqueur fermentée très-spiritueuse et très-enivrante : si l'on s’en rapporte aux voyageurs, quand les Indiens ont percé un palmier pour en tirer la séve, et placé dans la plaie le chalumeau qui doit Herpestes ochraceus. Gran Pl CARNASSIERS. 19 diriger la liqueur dans le vase destiné à la recevoir, ces Chéiroptères auraient l'intelligence d'allermettre leur bouche au bout du chalumeau, et de boire cette séve sucrée à mesure qu'elle coule. Elles s’en- ivrent ainsi, tombent au pied de l'arbre, et sont prises par les habitants, qui les mangent et leur trouvent un excellent goût de Perdrix. Un voyageur suédois dit en avoir pris une qui s'était enivrée et laissée tomber au pied d’un arbre; l'ayant attachée avec des clous à une muraille, elle rongea, dit-il, les clous et les arrondit avec ses dents comme si on les eût limés. Ces faits nous paraissent trop merveilleux pour pouvoir être admis sans contrôle. 9, ROUSSETTE LAINEUSE. PTEROPUS DASYMALLUS. Temminck. CanacTÈres spéciriQues. — Pelage laineux, long partout; membranes des flancs velues en dessus et en dessous; face, sommet de la tête, joues, gorge, bruns; nuque et cou blanc jaunätre; corps brun foncé. Envergure, 0,78. Cette espèce, surtout remarquable par ses poils, qui sont très-laineux, habite le Japon. Comme les autres espèces du genre, elle se nourrit de fruits. Parmi les autres espèces, nous citerons la Rousserre »’Enwarps (Pteropus Edwarsu, Et. Geof- froy), de Madagascar, Ceylan, Pondichéry; la R. FunèsRE (P. funcreus, Temminck), de Timor, Su- matra; la R. ne Mackcor (P. Macklotii, Temminck), de Timor; la R. à vreps veus (P. pselaphon, T. Lay), de la côte orientale du Japon; la R. à LÈvre (P. labiatus, Temminck), découverte en Abys. sinie par M. Bouta; la R. KazoxG (P. argentatus, Gray), d'Amboine; la R, De L'Assan (P. Assamen- sis, Mac-Leay), etc. Oeuxièune Groupe . ROUSSETTES CAUDAIRES. Temminck. Queue plus ou moins longue, à moitié engagée dans la membrane interfémorale, qui est assez développée. Museau peu allongé, légèrement arrondi. Régime frugivore, et très-probablement en partie insectivore. Peu d'espèces entrent dans ce groupe; nous ne citerons que 10. ROUSSETTE PAILLÉE. PTEROPUS STRAMINEUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CanacTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage très-court, lisse, bien fourni, blanc jaunâtre en dessus, légère- ment ondé de roussâtre; toutes les parties inférieures blanchâtres, avec une bande brune à la par- tie moyenne du ventre; membranes d'un brun jaunâtre; queue très-courte. Envergure : 0m,75. Cette espèce provient du Sennaar et du Sénégal, et vit de fruits. On la trouve suspendue dans les cavernes, ou bien aux branches des arbres; elle se cache également dans le creux des arbres. 20 HISTOIRE NATURELLE. 11. ROUSSETTE DE GEOFFROY. PTEROPUS GEOFFROYI. Temminck, Canacrères srécrriques. — Pelage court, laineux, serré, excepté sur le devant du cou, où les poils sont longs et plus rares; coloration générale d’un gris terne, plus foncé en dessus qu’en dessous; membrane interfémorale large, d'un gris brunâtre; pouce proportionnellement plus long que dans les autres espèces; queue enveloppée par la membrane interfémorale, très-courte. Envergure : 0®,55. Cette espèce, qu'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire nommait Pteropus Ægyptianus, habite le Sénégal et l'Égypte, et, dans ce dernier pays, plusieurs individus ont été trouvés par lui attachés au pla- fond d’une des chambres de la grande pyramide. 12. ROUSSETTE DE LESCHENAULT. PTEROPUS LESCHENAULTII. A. G. Desmarest. CanacrÈènes spéciriques. — Pelage brun grisâtre sur le dos, cendré foncé sur le ventre; nuque entourée d'un demi-collier fauve; partie de la membrane alaire près du corps, de l’avant-bras et des doigts, présentant un grand nombre de petits points blancs rangés en lignes parallèles; oreilles courtes; queue assez grande, à peine engagée dans la membrane interfémorale. Longueur : 0,35. Cette Roussette, l’une des plus petites du genre, se trouve à Pondichéry et à Sumatra. Une autre espèce est la Rousserre pe Leacn (P. Leachü, À. G. Desmarest), du cap de Bonne-Es- pérance, où elle est très-abondante pendant la saison des fruits, et où elle opère, pendant la nuit, de grandes dévastations dans les vergers. 2m GENRE. — ÉLEUTHÉRURE. ELEUTHERURA. Gray, 1844. Voyage of Sulphur. Mammalia. Eevbsoce, libre; cupæ, queue. Queue courte, libre, placée au milieu d'une échancrure de la membrane interfémorale, qui est très-élroile, el garnie de poils nombreux en dessous près de la base. Pas de glandes sur les côtés du cou. M. Gray a indiqué ce genre, dans lequel il re place qu'une seule espèce, qui était rangée précé- demment dans le genre Roussette, groupe des espèces ayant une queue; c'est : ÉLEUTHÉRURE HOTTENTOTE. £LEUTHERURA HOTTENTOTA (PTEROPUS), Smith. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage très-court, fin, lisse et serré : de deux couleurs en dessus, et gris de souris uniforme en dessous. Envergure : 0",55. Cette espèce habite l'Afrique australe, et principalement les environs du cap de Bonne-Espérance. CARNASSIERS. 21 3° GENRE. — XANTHARPYIE. XANTHARPYIA. Gray Voyage of Sulphur. Mammalia. Xav00:, fauve; apmutx, Harpyie CARACTÈRES GÉNÉRIQUES,. Queue à base renfermée dans le dessous de la membrane interfémorale, qui est très-rapprochée de l'épine dorsale. Pouce à dernière phalange assez allongée. Pas de glandes au-dessus ni au-dessous dans la région du coù. C’est encore avec une Roussette du deuxième groupe que ce genre a été fondé par M. Gray. XANTHARPYIE AMPLEXICAUDE. XANTHARPYIA AMPLEXICAUDATA (PTEROPUS). Et. Geoffroy. CaracrÈèREs spÉCIFIQUEs. — Pelage très-court, ras sur le dos; tête et partie supérieure d’un brun roussätre, un peu moins foncé et mélangé de lie de vin, aux parties inférieures; membranes inter- fémorales d’un brun roux; doigts et queue brun jaunâtre. Envergure : 0,45. Elle a été prise à Timor, Amboine et Sumatra. Ave GENRE. — ÉPOMOPHORE. EPOMOPHORUS. Bennett, 1838. {Gray Magazin of Zoology and Botany, t. Il. Eropi:, épaule; @opew, je porte CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Queue nulle. Nuque ayant une touffe de poils de chaque côté. Pouce à dernière phalange très-longue, aplatie. Ce genre, caractérisé en quelques mots par M. Gray, renferme trois espèces : les Epomophorus Whiti, Bennett; Gambianus et macrocephalus, Ogilby, qui habitent la Gambie et n’ont encore été qu'incomplétement décrites. 5% GENRE. — ACÉRODON. ACERODON. Jourdan, 1837. Annales des Sciences naturelles, 2° série, t. VIII. A%2905, sans corne; cdeus, dent. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 5—5. Système dentaire : incisives, 4; canines, 1; molaires, =; les moluires supérieures à collines tuberculeuses, dans lesquelles cependant se montre avec évidence le type des molaires des Roussettes: molaires inférieures à trois collines. Par les formes mêmes de la tête, par la disposition des membranes interfémorales, les Acérodons rappellent entièrement les Pteropus. Fr. Cuvier fait remarquer que les tubercules caractéristiques 22 HISTOIRE NATURELLE. des molaires des espèces de ce genre pourraient faire penser qu’il existe entre ces molaires et celles des Chauves-Souris insectivores des rapports de structure propres à fonder entre ces deux familles un rapprochement beaucoup plus intime que celui qui avait été noté avant que le genre Acérodon ne fût créé; mais, toutefois, il ne pense pas que ces modifications aient en rien changé la na- ture des dents de l'Acérodon, et qu'elles puissent même exercer une influence très-sensible sur les mœurs de cet animal : le système dentaire de la famille des Poussettes, et celui de la famille des Chauves-Souris ordinaires, sont différents de forme dans leur essence : chacun d’eux peut se pré- senter avec des modifications plus ou moins profondes; mais, tant que ce qui est essentiel de forme dominera, les Roussettes ne seront pas des Chauves-Souris, ni les Chauves-Souris des Roussettes. Or, l'Acérodon appartient encore exclusivement, sous ce rapport, à cette dernière tribu. Du reste, les rapports de l’Acerodon et des Pieropus se retrouvent jusque dans la distribution des couleurs, qui sont brunes, avec une tache plus päle ou plus brillante sur le cou. Le type est: ACÉRODON DE MEYER. ACERODON MEYERII. Jourdan. CaracTÈres spéciriquEs. — Pelage brun, avec une tache plus claire sur le cou. Envergure : 2,50. Cette espèce a la taille des grandes espèces de Roussettes; elle est originaire des Philippines. M. Meyer lui avait appliqué la dénomination de Ptcropus pyrocephalus. D'après Eschscholtz, qui nomme cette espèce Rousserre À criNIèRE (Pteropus jubalus), cet animal est commun dans l'ile de Luçon, et couvre les arbres de ses troupes nombreuses. Il vole le jour, mais reste caché dans le feuillage pendant les fortes chaleurs. Sa chair est tendre, et son goût est, dit-on, à peu près sem- blable à celui de cuisses de Grenouilles : les insulaires, et même les Espagnols établis à Manille, en font grand cas, Une seconde espèce doit être rangée dans le genre Acerodon; c’est le Pteropus Vanilorensis, Quoy et Gaimard, propre aux iles Philippines, que plusieurs zoologistes regardent comme une vraie Roussette. Ge GENRE. — PACHYSOME. PACHYSOMA. Is. Geoffroy-Saint-Hilaire, 1828. Dictionnaire classique, & XV. N272:, épais; GoWX corps. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, %; canines, =; molaires, 4; la molaire qui manque de chaque côté, à chaque mâchoire, est la dernière mâchelitre, et non pas la petite fausse molaire antérieure, dent en quelque sorte rudimentaire, et si peu importante, que sa présence ou son absence ne pour- rait fournir un caractère générique. Formes genéralement lourdes et trapues, Tête grosse et courte, principalement dans la partie antérieure, à boîte cérébrale arrondie. Museau gros. Mamelles placées beaucoup en avant de l'insertion du bras, tandis que, dans les Roussettes, elles sont presque aæillaires, c'est-à-dire attachées au-dessous de l'insertion de l'humérus sur les parties latérales du corps. Le genre des Pachysomes a été établi aux dépens des Roussettes pour des espèces de Chéiroptères qui, outre les caractères que nous venons d'indiquer, ont les arcades zygomatiques très-distinctes, et l'espace libre qu'elles laissent entre elles et les os temporal et maxillaire annonçant un grand dé- veloppement des muscles élevateurs de la mâchoire inférieure. Cette mâchoire est elle-même assez CARNASSIERS. 93 courte et n'a d'étendue que dans la partie qui donne insertion aux muscles, €’est-à-dire sa por- tiou postérieure et son apophyse coronoïde. C'est M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire qui, le premier, a donné la caractéristique de ce genre; mais son père l'avait précédemment créé dans ses Leçons sténographiées. Les naturalistes anglais appliquent à ce genre le nom de Cynopterus, Fr. Cuvier, dénomination que nous réserverons pour un autre groupe générique. Les Pachysomes répandent autour d'eux, dans un rayon assez grand, une odeur pénétrante toute particulière. Leur cri est fort, très-perçant; leur morsure douloureuse, Leur vie est nocturne; ils ne sortent qu'au crépuscule de leur retraite, qui est ordinairement le creux d'un arbre, Leur vol est irrégulier, mais rapide. On n'en connait que cinq ou six espèces, qui toutes sont propres au continent indien. 4. PACHYSOME A QUEUE COURTE. PACHYSOMA BREVICAUDATUM. Jsid. Geoffroy Saint-Hilaire. CaracrÈres sréciriquEes. — Pelage des côtés du cou long, rude, cachant un appareil sécréteur, à poils divergents d'un centre commun et recouvrant des glandes : parties inférieures du corps cou vertes de poils soyeux, assez courts, d'un brun olivâtre dans presque toute leur étendue, et roux à la pointe; tête gris cendré; côtés du cou d'un roux vif; poitrine et ventre gris; flancs roussâtres; oreilles bordées de blanc ou de jaunâtre. Envergure : 0,55. Cette espèce habite le continent indien, principalement l'ile de Sumatra. 2. PACIYSOME MAMNMILIFLRE. PACHYSOMA TITTÆCHILUM (PTEROPUS). Temmincle CanacrÈres srÉcIrIQuEs. — Pelage fin, lisse, très-court, à l'exception de celui des côtés du con, plus long dans les mâles que dans les femelles : les premiers ayant, de chaque côté du cou, une touffe de poils divergents d’un centre commun qui conduisent à des glandes odoriférantes; ventre garni de poils courts; gorge avec des poils clair-semés; oreilles petites, ridées à la base, et plus ou moins bordées par un liséré blanchâtre; queue courte, presque entièrement enveloppée par la mem- brane interfémorale. Envergure : 0®,50. Habite Java et Sumatra. 3 PACHYSOME A TETE NOIRE. PACHYSOMA MELANOCEPIALUM (PTEROPUS). Temminck. Canacrènes sréciriques. — Pelage assez long, bien fourni, excepté sur le devant du cou; poils du dos d'un blanc jaunâtre à la base et d'un cendré noirâtre à la pointe; nuque, sommet de la tête et museau, noirs; une houppe de poils, couvrant un appareil sécréteur, placée sur les côtés du cou; parties inférieures blanc jaunâtre terne. Envergure : 0w,30. Il a été trouvé à Java. Les autres espèces de ce genre sont les Pacnysowe pe Drann (Pachysoma Diardiüi, Isid. Geoffroy); DE Duvaucez (P. Duvaucelii, Isid. Geoffroy), qui toutes sont propres à Sumatra et aux îles voisines, ele 24 HISTOIRE NATURELLE. que GENRE. — MÉGAËRE. MEGAERA. Temminck. M:y25, grand; œt9%, marteau. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 4; canines, 1; molaires, =}; mais ce caractère, observé seulement dans une vicille femelle, n'est peut-être pas général pour toutes les espèces. Queue non apparente à l'extérieur. Museau très-oblus. Naseaux un peu suillants. Oreilles petites, non bordécs. Maächoires très-courtes. Ailes très-courtes. Le genre Megaera est attribué à M. Temminck par tous les naturalistes, quoique dans ses Mono- graphies de Mammalogie, particulièrement dans le tome Il (1837), où il résume ce qu'il a dit sur la tribu des Roussettes, il place la seule espèce qu'on y range avec les Pachysomu. Le crâne est un peu moins fort que celui du Pachysome à queue courte, et remarquable par la saillie des os du nez et par l'extrême brièveté des mandibules, ce qui est cause de la forme très-obtuse du museau et de la légère proéminence des narines, qui sont un peu plus allongées que dans le Pachysoma ecaudatum, quoique moins proéminentes dans ce type que dans le Cephalotes Pallasü. L'espèce type de ce genre est la MÉGAËRE ÉCAUDÉE, MEGAERA ECAUDATA, Temminck CaracrÈnEs sPéciriQuEs. — Pelage assez court, gris pâle à la nuque et aux côtés du cou, brun bistre à la tête et sur tout le reste des parties supérieures, rare et gris cendré sur les parties infé- rieures; oreilles noires, non bordées; ailes courtes. Envergure : 0",32 Cette espèce habite l'ile de Sumatra, district de Padang. 8m GENRE. — CYNOPTÈRE. CYNOPTERUS. F. Cuvier, 1895. Dents des Mammifères. Kvov, chien; mrepcv, aile t) L 1; CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. h. Système dentaire : incisives, 4; canines, 1; molaires, ; les dernières molaires manquent entièrement, d'où il résulte que les mâchoires sont raccourcies; incisives très-fines, rangées symé- triquement, et très-resserrées entre les canines. Oreilles moyennes, bordées par un liséré blanc très-distinet. Queue excessivement courte, réunie, à sa sortie du coccyæ, aux membranes interfémorales. Partie supérieure de l'humérus, et membrane alaire, très-poilues le long «es flancs. Le genre Cynopterus, fondé par Fr. Cuvier pour une espèce de Roussette, semblant offrir des caractères particuliers dans le nombre de ses molaires, n’est pas admis par tous les zoologistes; M. Isidere Geoffroy Saint-Hilaire fait remarquer que ce groupe repose probablement sur une erreur J o CARNASSIERS. DE d'observation, et que les caractères qu'on lui assigne ne sont pas suffisants pour motiver la créa- tion d'un genre. La seule espèce de Cynoptère est le CYNOPTÈRE A OREILLES BORDÉES. CYNOPTERUS MARGINATUS (PTEROPUS). Et. Geoffroy. CaracrÈres spÉciriQues. — Pelage ras, court, brun clivâtre; oreilles présentant un liséré blanc autour du bord extérieur. Envergure de la Noctule d'Europe. Habite le Bengale. 9% GENRE. — MACROGLOSSE. MACROGLOSSUS. F. Cuvier, 1822. Mammifères de la Ménagerie du Muséum, liv. XXXVIII Maroc, grand; ÿ\w6o2, langue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À; canines, =; molaires. fausses molaires et siæ vraies à la mâchoire supérieure, et quatre fausses et huit vraies à l'in- férieure. Museau très-allongé, grêle, cylindrique. acuminé, en quelque sorte comparable à celui des Fourmiliers. Les mâchoires, au lieu d'être plus larges, à cause de l'allongement du museau, sont plus petites, et des vides existent entre les incisives droites et gauches et entre les molaires; la mâchoire infé- rieure (lépasse la supérieure. Langue cylindrique, très-longue, un peu extensible. ; les dents sont petites; il y à quatre 6—69 Ce genre ne comprend qu'une seule espèce, le MACROGLOSSE KIODOTE. MACROGLOSSUS MINIMUS (PTEROPUS) Et. Geoffroy CanacTèRES SPÉGIFIQUES. — Pelage court, serré, un peu laineux : toutes les parties supérieures d’un roux clair un peu teinté de jaunâtre vers la racine des poils, qui, dans cet endroit, sont doux et cotonneux; parties inférieures d’un roussâtre un peu clair; membrane interfémorale velue en des- sus; les poils dépassant le bord de la membrane. Envergure : 0",28. Cette espèce, que M. Horsfield indique sous la dénomination de Pteropus rostratus, et Lesson sous celle de Macroglossus Kiodotes, cause de grands dégâts-dans les vergers; elle semble préférer le fruit de l'Eugenia. On la voit, pendant le jour, suspendue aux rameaux élevés des arbres, et ca- chée dans le feuillage; elle se retire aussi dans les creux des arbres et dans les grands édifices. Elle habite les îles de Java, Sumatra et Timor, et a été aussi trouvée au Bengale, d’après Fr. Cuvier. 96 HISTOIRE NATURELLE. 40m GENRE. — CÉPHALOTE. CEPHALOTES. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1810. Aupales du Muséum, t. XIX. KepwawTes, quia une grosse têle CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, 4; molaires, 5; à la mâchoire supérieure, il y a deux incisives petites et placées entre les deux cunines; mais, à l'inférieure, il n'y en a plus, et, en avant des molaires, on ne trouve plus qu'une seule dent de chaque côté, et qui est bien réellement une canine. Tête très-grosse, ample, sphéroidale, séparée du museau par un rétrécissement qui correspond à des arcades zygomaliques très-écarlées. Museau court, comme tronqué. Narines tubuleuses, très-écartées, séparées l'une de l'autre par un profond sillon. Queue placée sous la membrane interfémorale, et dépassant notablement cette membrane. Fig 10. — Céphalote de Pallas Le genre Cephalotes à été créé par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, qui y plaçait originairement deux espèces, le Vespertilio cephalotes, Pallas, et une autre espèce alors nouvellement découverte par Péron et Lesueur. Depuis, on a reconnu que ces deux espèces devaient être les types de deux groupes génériques distinets : la première est restée, pour Et. Gcoffroy, dans son genre Cephalotes, et a reçu d'Iliger (Prodromus systematis Mammalium et Avuun, 1811) la dénomination nouvelle de Harpyia (ogrur, nom mythologique); la seconde est le type du genre Æypoderma, Et. Geoffroy, tandis qu'elle constitue le genre Cephalotes selon Higer. Ce genre est l'un des plus remarquables de l'ordre, par l'anomalie de son système dentaire, par la forme de sa tête et par la disposition de ses narines. I ne renferme qu'une seule espèce authen- tique, le CÉPHALOTE DE PALLAS. CEPHALOTES PALLASIL. Et. Geoffroy. Caractères spéciriQuEes. — Pelage un peu frisé, gris cendré en dessus, blanchätre en dessous, peu épais, et doux au toucher; membrane interfémorale d'un rouge tirant sur le jaune, tachetée ir- Prlocereus Loir. Gray CARNASSIERS. 27 régulièrement de blanc; lèvre supérieure fendue, et munie d’une double rangée de petites soies; une légère touffe de poils au-dessus des yeux; oreilles très-écartées, nues, rondes et courtes. Envergure : 0",36. Cette espèce, qui est le Vespertilio cephalotes de Pallas, et le Harpyia Pallasii d'Hliger, se trouve à Amboine. C'est à tort que Rafinesque place dans le même genre, sous la dénomination de Cephalotes tœænio- tis, une espèce de Chéiroptères provenant de Sicile, et qui doit probablement faire partie de quel- que groupe générique de Chauves-Souris insectivores, et non de Roussettes. Aime GENRE. — HYPODERME. HYPODERMA. E. Geoffroy Saint-Hilaire, 1829 Dictionnaire classique, t. XV. Yro, dessous; deux, peau. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, {={; molaires, {-{; incisives inférieures très-petites, parce que les deux canines sont très-rapprochées l'une de l'autre; fausses molaires supérieures manquant. Pas d'ongle au doigt indicateur, quoique la phalange onguéale existe. Membranes alaires prenant naissance sur la ligne médiane dorsale, en sorte que le corps ne se trouve pas, comme dans les autres Chéiroptères, placé entre les ailes, qui, habituellement, sont situées sur les flancs, et de telle sorte, que le corps est recouvert par les ailes comme par un manteau. Queue assez longue, donnant insertion à la membrane interfémorale par sa face supérieure, et enveloppée par elle dans son premier tiers. Le genre Hypoderme a été créé par Et. Geoffroy Saint-Hilaire dans ses Leçons sténographiées, et caractérisé d’une manière complète par son fils dans le Dictionnaire classique; ce groupe a été formé aux dépens des Cephalotes. et, ainsi que nous l'avons dit, Illiger lui conserve cette dernière dénomination. LE La forme générale du crâne de l'Hypoderme se rapproche de celle du crâne des Roussettes, mais il existe une différence dans l'appareil remarquable qui remplace l'intermaxillaire, et dont les Rhi- nolophes fournissent un autre exemple d'organisation anomale toute particulière. L’Hypoderme a l'intermaxillaire représenté par deux petits osselets détachés des maxillaires, et portant chacun une petite dent; ces osselets styliformes, à peu près courbés en $, sont longs de moins de 0,01, dé- primés, réunis à l'extrémité des narines par un cartilage vers l'origine des dents. Leur charnière mo- bile donne à ces osselets, et par conséquent à la dent dont ils sont armés, la faculté de se mouvoir en avant et en arrière, à peu près de la même manière que les incisives mobiles des Rhinolophus agissant de haut en bas. Ce fait doit être noté, car il établit un second exemple des plus curieux d’incisives mobiles dans la classe des Mammifères. On n’a encore bien distingué qu'une seule espèce de ce genre, c’est HYPODERME DE PÉRON HYPODERMA PERONII. Et. Geoffroy Saint Hilaire. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage généralement d'un fauve roussâtre; tête, nuque et cou, de la mème couleur, mais passant un peu au brun; portion du dos recouverte par la membrane alaire, ayant la même coloration que les autres régions du corps. Envergure : 0",65. 28 HISTOIRE NATURELLE. Cette espèce exhale une odeur très-forte et très-désagréable, produite par la sécrétion de deux glandes placées sur les joues, et dont la moitié supérieure, recouverte par la peau, est d'un beau rouge. Elle habite les îles de Banda, Samao, Timor et Amboine, et se retire, pendant le jour, dans les rochers et les cavernes, ne sortant de ces lieux, à peu près inaccessibles, que vers le crépuscule. Sa morsure est cruelle. On reconnait généralement aujourd'hui que l'Hvronerme nes Moruques (Hypoderma Moluccense. Quoy et Gaimard) ne doit être regardé que comme une simple varièté de l'Hypoderma Peronü, et l'on sait, depuis assez longtemps, que le Pteropus palliatus d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire n’en est que le jeune âge. M. Kruger annonce qu'on à trouvé, dans le calcaire de Solenhaufen, deux vertèbres dorsales et deux os fossiles des extrémités qu'il rapporte à une espèce de Roussette. Ce fait, s'il était bien dé- montré, serait de la plus haute importance scientifique, puisque aujourd'hui on ne rencontre au- cune espèce de Roussette en Europe; mais il est très-probable que ces débris fossiles appartiennent à un Ptérodactyle, animal perdu que l'on regarde généralement, sinon comme un Reptile, au moins comme intermédiaire entre les Oiseaux et les Reptiles. L'opinion que nous venons d'indiquer, et qui est de De Blainville, a d'autant plus de fondement, que Sœmmering, qui, comme M. Kruger, habitait Munich, a soutenu toute sa vie que le Ptérodactyle était une grande Chauve-Souris fossile. DEUXIÈME TRIBU. VESPERTILIONIENS. VESPERTILIONIDÆ. Gray, 1825. Annals of Philosophical Magazin, t. XXVI. Molaires hérissées de tubercules et de pointes aiguës. Les VESPERTILIONIENS, aussi nommés Chauves-Souris proprement dites ou Chéiroptires insecu- vores, sont des animaux qui semblent presque uniquement se nourrir de matière animale, ce qui les Hennee immédiatement des Roussettes, qui, au contraire, sont exclusivement frugivores. et dont les molaires, lisses à la couronne, offrent, seulement sur les bords, une crête plus ou moins appa- rente. L'étude du système dentaire des Vespertilioniens, comme celui des Roussettes, devant donner les meilleurs caractères distinctifs de cette tribu, ainsi que ceux des genres qui y ont été formés, on comprend qu'elle a dû être faite avec le plus grand soin. MM. Et. et [sid. Geoffroy Saint-Hilaire, De Blainville, Fr. Guvier, Temminek, Gray, Em. Rousseau. ete, s’en sont occupés. D'après De Blainville, on peut dire, d’une manière générale, que le système odontologique est presque toujours normal, c'est-à-dire formé des quatre sortes de dents : d'incisives, de canines, d’avant-molaires et de mo- laires comprenant la principale, aussi distinctes par leur forme que par leur position relative, en sorte que leur signification n'offre jamais de difficulté sérieuse. Leur nombre, à l'âge adulte, est même assez constant pour chaque sorte, et ce nombre finit par se rapprocher quelquefois même beaucoup de ce qu'il est chez les Carnassiers proprement dits. Les incisives, assez petites, et pressées entre les canines, varient en nombre de zéro à une et deux paires, et jamais au-dessus, à chaque mâchoire; en bas, elles peuvent varier de zéro à une, deux et même trois paires : on a donc les formules dd 2 4, te. Les canines, assez grandes ét fortes, constamment représentées par la formule {=t, ne manquent jamais; elles sont minces, allongées, quelquelois assez fortes. Les molaires ne sont ja. mais au-dessous de quatre à chaque mâchoire et de chaque côté, et au-dessus de six; mais toutes les combinaisons intermédiaires peuvent se trouver. Toutefois, les différences en nombre ne portent guère que sur celui des avant-molaires, ear il y a toujours une dernière avant-mol: ire une princi- pale et deux arrière-molaires : l’on peut done avoir les formules 424, 424, 525, 525 6-5: mais c'est 2 que l'on trouve le plus habituellement. Selon Fr. Cuvier, les quatre premières molaires de > € ‘ CARNASSIERS. 29 la mâchoire supérieure des Vespertilioniens, à peu près de même grandeur, présentent la forme la plus pure des vraies molaires d’insectivores : la dernière, de moitié plus petite que les autres, est tronquée à sa partie externe à la mâchoire inférieure : les quatre premières molaires sont dans le même cas que celles de la mâchoire opposée; elles offrent la forme normale de ces dents chez les Insectivores; la dernière vraie molaire a son prisme postérieur imparfait et tronqué en arrière. Le genre Desmodus présente, toutefois, une anomalie des plus curieuses, sur laquelle nous reviendrons plus tard, nous bornant à dire seulement maintenant que sa formule dentaire pour les molaires est 2=2. Les Vespertilioniens ont réellement deux systèmes dentaires, comme la plupart des Mammifères, un de jeune âge et l’autre d’âge adulte; mais ce que le premier offre de remarquable, c’est qu'il w'existe le plus souvent que sur l'animal encore contenu dans le sein de sa mère ou à l’état de fœtus, et qu'il est très-incomplet. Ge système dentaire de jeune âge semble à De Blainville n’être jamais formé de plus de deux incisives en haut comme en bas, un peu diversiformes, suivant les groupes génériques, d’une canine en crochet et d'une seule et unique molaire, également en cro- chet, beaucoup plus petite, et distante de la canine, à chaque mâchoire et de chaque côté; mais certains naturalistes, en particulier M. Em. Rousseau, indiquent d’autres nombres pour ces dents. Les incisives, les canines et les fausses molaires qui constituent le premier système dentaire des Chauves-Souris, étant toujours simples, n’ont qu'une seule et petite racine, dont on verrait à peine les alvéoles, également simples au bord des mâchoires, si ces os étaient alors véritablement solides, en supposant même que les dents de lait fussent autrement que gyngivales dans la seconde denti- tion; les incisives n’ont jamais non plus qu'une seule vacine conique, assez peu longue, ces dents n'ayant que très-peu d'efforts à supporter; les canimet ont également leur racine constamment simple, mais beaucoup plus longue et plus robuste qu'aux incisives; du reste, plus ou moins conique ou com- primée, suivant la forme de la couronne; les molaires ont, comme les précédentes dents, des racines proportionnelles en grosseur et en complication à celles de la couronne. Les alvéoles présentent, supérieurement, deux fentes : l’une antériêure pour l'incisive et l’autre pour la canine, puis deux petits trous ronds très-rapprochés; inférieurement, on remarque une série de six trous : les trois premiers à peu près ronds, et les trois autres ovales : l’autérieur plus grand, à cause de l'obliquité singulière de la dent qui s’y implante. Fig. 41. — Squelette de Molosse. En général, le squelette des Chéiroptères insectivores, de même que celui des Chéiroptères frugi- vores, se rapproche un peu de celui des Oiseaux: les os longs sont complétement fistuleux, mais la plus grande partie de leur intérieur est remplie par un réseau cellulo-fibreux tellement libre ou peu serré, qu'il disparaît entièrement par la dessiccation. et par une moelle abondante. L'ossification se fait rapidement, et les épiphyses se soudent de très-bonne heure au corps de l'os. En totalité, le 50 HISTOIRE NATURELLE. nombre des os du squelette ne dépasse guère deux cent sept. La disposition particulière des os du squelette est telle, que la locomotion, et même la station, ne sont nullement troncales. Dans le Vampire, pris pour type des animaux de cette tribu par De Blaimville, la colonne verté- brale, considérée dans son ensemble, est courte, souvent tronquée par l'absence de queue, et ne présente guère que trois courbures bien prononcées, d’où il résulte que le tronc de ces animaux, au repos, prend une forme globuleuse ou ramassée. Le nombre total des vertèbres est de trente-six, savoir : céphaliques, quatre; cervicales, sept; dorsales, onze; lombaires, sept; sacrées, trois, et co2- cygiennes, quatre. La tête, dont la longueur, comparée à celle du tronc, semble réellement dispro- portionnée par sa grandeur, présente une structure évidemment plus rapprochée de ce qui existe chez les Carnassiers ordinaires que de ce qu'offre le même organe chez les Lémuriens. L'orbite est médiocre, latérale, séparée de celle du côté opposé par un espace considérable, et largement confon- due avec la fosse temporale par suite de l'absence totale d'apophyse orbitaire au frontal et au jugal. La cavité nasale est petite dans sa partie olfactive; la cavité buccale, au contraire, est grande. Les vertèbres cervicales, en général, sont remarquables par leur grande largeur, le peu d'épaisseur de leur corps, la minceur et l’aplatissement de leur are, et surtout par le diamètre du canal vertébral en forme de gueule de four. L'atlas est la plus large de toutes, et n’a pas d’apophyse épineuse mon- tante; l’axis offre une apophyse odontoide très-marquée : les trois vertèbres cervicales intermédiaires sont presque égales, à peu près semblables, et sans traces d’apophyses épineuses; la pénultième est plus petite, et la dernière a son arc supérieur large et aplati, sans apophyse épineuse. Les vertèbres dorsales conservent cet aplatissement de l'arc supérieur, ainsi que l'absence d’apophyse épineuse; leur largeur, quoique augmentée par les apophyses transverses, décroit de la première à la dernière. Les vertèbres lombaires sont plus longues, plus étroites, plus épaisses dans leur corps, leur canal est notablement rétréci, et elles sont hérissées d’apophyses. Les vertèbres sacrées sont très-étroites, très-serrées, sans apophyses ni trous, excepté la première. Le sacrum est très-petit, presque com- plétement indivis, à bords à peu près parallèles, et se continuant sans interruption avec le coceyx. Celui-ci, composé de vertèbres en nombre variable suivant les genres, forme une sorte de petite crête, saisie à son extrémité entre les deux ischions. Les côtes, qui s’articulent avec les vertèbres dor- sales, sont toutes assez fortes, aplaties, c’est-à-dire plus larges qu'épaisses, assez fortement arquées en dehors, sans angle bien marqué. L'hyoïde, dans le Glossophage et les Sténodermes, a son corps élargi, dans son milieu, en plaque, et ses deux cornes assez dissemblables. Le sternum est composé de six pièces, dont la première, ou manubrium, en forme de T, est beaucoup plus robuste que les autres, et pourvue, en dessous, d’une apophyse médiane très-saillante, sans prolongement antérieur, la dernière pièce, ou xiphoïde, est assez longue, terminée par un appendice eartilagineux discoïde. Le thorax est remarquable par sa largeur, presque égale à sa longueur, par sa forme conique et par le peu détendue des hypocondres. La longueur des membres antérieurs, depuis leur racine jusqu’à l'extrémité du plus long doigt, est à celle du tronc en totalité, au moins comme 4 est à 1, ce qui donne à l'envergure huit fois au moins la longueur du corps. L'épaule est remarquable par l'étendue des deux os qui la constituent. L'omoplate a une forme ovale un peu allongée, le bord dorsal éga- lant au moins le bord axillaire, et comprenant la plus grande partie du bord antérieur par l’arron- dissement de l'angle cervical; les faces externe et interne sont chacune partagées en deux grandes fosses. La clavicule est presque aussi longue que l’omoplate, en sorte qu'elle porte le moignon de l'épaule fortement en avant et en haut; elle est, en outre, robuste, comprimée, arquée, dans toute sa longueur, de manière à ressembler à une petite côte qui n'aurait qu’une seule courbure. L'humérus est très-long, courbé en forme d’S presque droit; sa tête est ovale, un peu comprimée; la crête deltoïdienne est saillante, tranchante; son corps est arrondi, sans crête, si ce n’est vers son extré- mité inférieure, qui s’élargit subitement. L'avant-bras n’est réellement composé que du radius, le cubitus étant rudimentaire, comme cela a également lieu aussi dans les Ruminants. Le radius est des deux tiers plus long que l'humérus, et plus même que la colonne vertébrale tout entière, sans y com- prendre toutefois la tête : arrondi et légèrement arqué dans toute son étendue, sans crête ni rugo- sités d'insertion musculaire; il ne présente à l'extrémité supérieure qu'une cavité articulaire un peu oblique, assez large, tandis que son extrémité inférieure est moins large, sillonnée en dessous par des gouttières étroites pour le passage des tendons des muscles extenseurs, et terminée, en avant, par une large gouttière articulaire, Le cubitus se présente comme un os styloide placé tout à fait CARNASSIERS. 51 à la partie postérieure du radius. Le carpe n’est qu'un nœud fort court, mais très-compliqué par les profondes enchevêtrures des os très-anguleux qui le constituent. La main est très-développée, quoique présentant, dans sa composition, tous les caractères des Mammifères élevés de la série zoologique. Il y a constamment cinq doigts; le pouce jouit d'une liberté et d’une étendue de mou- vements qui ne se voit que dans les Quadrumanes; quant aux autres doigts, ils varient dans leur longueur relative, et, dans le Vampire, le médian est le plus long, puis le cinquième, le quatrième, et enfin le deuxième, qui est le plus court après le pouce. La forme et le nombre des métacarpiens, ainsi que des phalanges, varient suivant les genres. La dernière phalange du premier doigt étant toujours plus ou moins rudimentaire et cartilagineuse, il devient très-difficile, et souvent impos- sible, de la reconnaître quand elle existe; ce qui n’a pas toujours lieu. Les membres postérieurs sont plus faibles et plus gréles que les antérieurs. Le bassin est généralement assez étroit; l’iléon de fornie presque cylindrique; le pubis court, assez large, et l'ischion en forme de demi-anneau. La cavité cotyloïde est parfaitement circulaire, assez profonde. Le fémur égale les trois quarts de l’hu- mérus; son corps est droit, cylindrique, très-grêle: sa tête est sphéroïdale, et l’extrémité inférieure peu dilatée. La jambe est, comme l’avant-bras, incomplète, mais, à sa partie supérieure, au con- traire de ce qui a lieu dans celui-ci, où c’est à la partie inférieure. Le tibia égale l'humérus en lon gueur; il est droit, cylindrique, très-grêle, assez renflé, triquètre, un peu comprimé à l'extrémité supérieure, ainsi qu'à l'inférieure. Le péroné est réduit à l’état styloïde; mais sa partie aciculée est supérieure, et sa partie renflée est, au contraire, inférieure. Le pied, en totalité, n’égale pas la septième partie de la main; il est essentiellement plantigrade, et les cinq doigts dont il est tou- jours pourvu sont à peu près égaux en force et en longueur, et tous dirigés en arrière par suite de la direction du fémur dans son articulation coxale. Le tarse est à peine plus long que le carpe; l'astragale forme une saillie convexe au côté externe, dans laquelle le corps du calcanéum se place, de manière que ces deux os sont articulés à la fois avec ceux de la jambe, le tibia avec l'astragale, et le péroné avec le calcanéum. Les autres os du tarse ont des formes variables. Les métatarsiens sont courts, presque égaux, décroissant cependant graduellement un peu en longueur du premia au dernier. Le pouce n'a que deux phalanges, et la première est deux fois plus grande que sa correspondante aux autres doigts, où elle décroit du deuxième au cinquième. Les phalanges on guéales, très-comprimées, presque égales, sont proportionnellement assez longues, arquées, épais- ses, et un peu élargies à la base de leur bord inférieur, où elles forment une sorte de talon. Les os sésamoides sont très-peu nombreux dans les Vespertilioniens. Quoique très-petit, et de forme très-variable, l'os pénien existe dans un certain nombre d'espèces de cette tribu, et il manque dans un certain nombre d’autres. Quelques différences ostéologiques se voient dans la série des genres : celles que présente la tête sont surtout intéressantes à étudier. Chez les Sténodermes, la tête est en général plus courte, plus ramassée. Dans les Desmodes, elle ést remarquable par la petitesse de la face et du palais, et par la manière brusquement pointue dont la mâchoire supérieure se termine. Dans les Glossophages, la tête est plus grêle et plus allongée. Les Mégadermes ont la tête encore plus raccourcie et en même temps devenant comme bulleuse à cause de la grande minceur de ses parois. Les Rhinolophes etles Rhino pomes ont toutes les parties du squelette encore plus grêles et plus ténues; la tête, spécialement, est plus bulleuse au cräne, plus raccourcie et plus tronquée à la face, avec un large aplatissement de la région fronto-nasale et un développement singulier des sinus maxillaires. Les Vespertilions ont une forme de tête un peu variable suivant les espèces, mais généralement plus allongée que dans les genres nommés précédemment, et la crête sagittale est assez prononcée. Les Taphiens et les Nocti- lions, sous ce point de vue anatomique, sont intermédiaires aux Rhinopomes et aux Vespertilions : les Molosses s’en rapprochent aussi et ont une tête courte, rétrécie en arrière vers l’orbite, et des mâchoires allongées. L'anatomie de ces animaux n’est pas complétement connue, sauf l'ostéologie, malgré les travaux importants qui ont été publiés sur ce sujet. Nous ne nous en occuperons pas ici, et nous dirons seu- lement ce que l'on pouvait prévoir a priori, que les museles qui servent à la locomotion aérienne sont notablement développés, tandis que ceux de la locomotion sur le sol le sont peu. Les membres antérieurs, à l'exception du pouce, sont revêtus et réunis par une membrane, ce qui en fait de véritables et puissantes ailes. Les membres postérieurs sont aussi enveloppés dans la 32 HISTOIRE NATURELLE. o2 membrane alaire, laquelle naît à l'épaule, se prolonge le long de l'avant-bras, de l'index et du deuxième doigt, qui est le plus long, en laissant le pouce libre, passe de là au tarse en enveloppant tous les autres doigts, eu remplissant l'intervalle qui les sépare et en s’attachant le long des flancs; elle vient enfin se terminer à la queue, qu’elle embrasse plus ou moins. On sent que de l'étendue de leur membrane et des parties des membres qui en font la limite dépend l'étendue du vol de ces animaux. Lorsque le Chéiroptère est en repos, les dernières phalanges'des ailes se replient de di- verses manières, suivant les espèces, et, par la seule disposition des ligaments, tous les doigts se rapprochent, de manière que les ailes enveloppent quelquefois le corps entier de l'animal La queue existe toujours; mais elle est plus ou moins distincte, plus ou moins enveloppée dans la membrane interfémorale et plus ou moins développée, suivant les genres, quelquefois très-courte et d’autres fois au contraire très-allongée. Les organes des sens sont très-variables et offrent des modifications parfois singulières; ils don- nent, avec les différences que présentent les dents, les caractères les plus propres à diviser ces animaux et à les réunir en groupes naturels. La petitesse de leurs yeux, cachés quelquefois par les oreilles et entourés de longs poils, devait borner singulièrement leur vue; aussi a-t-on supposé que la présence des corps leur était révélée par un autre sens, ainsi que nous l'avons déjà dit en rappor- tant les expériences de Spallanzani. Les oreilles sont plus où moins développées; les conques audi- tives sont, en général, plus grandes que chez les Roussettes, et les oreillons sont parfois très-grands, ainsi que cela a lieu surtout dans le genre Oreillard. Le nez est quelquefois simple, quelquefois complexe ou creusé par une cavité; chez les Rhinolophes, et dans d’autres groupes, il offre à la partie supérieure des feuilles plus où moins compliquées et sur lesquelles nous reviendrons, car elles donnent aussi de bons caractères génériques. Le poil est doux, généralement de couleur brune, tirant tantôt sur le gris ou le noir, tantôt sur le roux. Les membranes des ailes et de la queue, ainsi que les oreilles, sont à peu près nues, et il y a peu d'exceptions à cette règle. La bouche est assez peu fendue. Les lèvres présentent des modifications plus ou moins essen- tielles, et elles ont une double fissure chez les Noctilions. La langue est rude et papilleuse. Les in- testins sont plus courts que ceux des Roussettes, ce qui tient au genre de nourriture qu'ils prennent. Tous les Vespertilioniens sont insectivores, et quelques-uns d’entre eux s’attachent aussi aux animaux pour en sucer le sang; le Vampire en est l'exemple le plus marquant. Ils sont crépuscu- laires ou nocturnes, très-rarement diurnes et comme par exception, et passent le jour cachés dans les lieux obscurs, dans les vieux édifices, les fentes des rochers, les troncs des arbres, etc. Ils mar- chent avec peine et ne vont sur le sol qu'en se trainant. Leur vie est essentiellement aérienne, et c’est en volant qu'ils attrapent les Insectes dont ils se nourrissent. Lorsqu'on saisit ces animaux, ils se défendent avec un grand courage et cherchent à mordre. Relativement aux Roussettes, ils sont de petite taille, car leur envergure ne dépasse guère 0,55 et est même souvent moindre. Les organes génitaux consistent, chez les mâles, en une verge pendante et en testicules très- gros; les femelles ont un vagin très-simple. Les mamelles sont au nombre de deux ou de quatre: dans ce dernier cas, qui est assez rare, il y en a deux inguinales et les deux autres sont toujours pectorales. La femelle ne produit généralement à la fois qu'un seul petit; on a pu cependant obser- ver qu'elle en avait quelquefois deux par portée. Les petits naissent totalement nus et aveugles; ils sont soignés tendrement par leur mère, qui les transporte suspendus par la mamelle qu'ils su- cent, et fortement attachés à son corps au moyen des crochets qui garnissent leurs pouces. Quel- quefois plusieurs femelles se réunissent dans le même trou pour déposer leur progéniture et pour l'y élever, et, si on enlève leurs petits pour les placer dans un lieu où elles puissent se rendre sans danger, on les voit bientot y voler pour les allaiter. Les Vespertilioniens semblent, ainsi que nous l'avons dit, se nourrir exclusivement d'Insectes; il est évident qu'ils ne peuvent se trouver que dans les lieux où ces articulés se rencontrent pendant tout le cours de l'année. où sinon ils doivent entrer dans une torpeur bibernale plus on moins pro- longée. C’est ce qui a lieu dans les espèces de nos climats, qui passent la froide saison dans un état de léthargie à peu près complet. Ba outre, il n’est donc pas étonnant de voir que les Chauves-Souris, assez petites et peu communes dans nos régions septentrionales, se rencontrent au contraire en grand nombre d'espèces très-variées, et souvent d'assez grande taille, dans les pays intertropicaux, sur les CARNASSSIERS. 33 bords des grands fleuves. Toutefois les espèces paraissent limitées à des contrées plus ou moins cir- conscrites, et il en est de même des groupes génériques véritablement naturels. Les Phyllostomes et les Sténodermes semblent n’exister que dans l'Amérique méridionale, sur les deux versants des Cordilières et jusque dans la Caroline. Les Mégadermes sont au contraire, tous sans exception, des parties les plus chaudes de l’ancien continent, aussi bien en Afrique qu’en Asie. Il en est de même des Rhinolophes, dont l'Europe possède même deux espèces répandues jusque dans ses parties les plus septentrionales. Les Rhinopomes et les Nyctères se trouvent exclusivement dans les parties chaudes de l’ancien monde. Il n’en est plus ainsi des Taphiens, qui sont des deux continents, bien qu'on n'en connaisse pas en Europe. Les Noctilions redeviennent américains; mais les Molosses sont de presque toutes les parties du monde; il en existe même une espèce dans les parties chaudes de l'Europe, sur les bords de la Méditerranée, et les espèces américaines en ont été distraites pour former le genre Nyctinome. Les Emballonures semblent uniquement propres à l'Amérique. Les nombreuses espèces du genre Vespertilion proprement dit sont disséminées dans toutes les parties du monde, depuis la Nouvelle-Hollande jusqu'en Norwége, et l'Europe en possède une vingtaine. Au reste, nous ferons observer que les Vespertilioniens sont au nombre de ces espèces animales que l’homme transporte avec lui et qu’il peut répandre dans tous les climats avec les navires dont il fait usage : c’est peut-être à une circonstance semblable, ainsi que le fait remarquer De Blainville, qu'est dù le fait d’un Oreillard (Vespertilio auritus, Linné), rapporté, dit-on. de la Nouvelle-Hollande par Péron et Lesueur, et qui ne différait en rien de celui de nos contrées. On conuait un certain nombre de débris fossiles de Vespertilioniens, mais l'on comprend que, comme ces animaux, et principalement les espèces européennes, à peu près les seules étudiées sous ce point de vue, sont d'une petite taille. et que leurs os sont très-fragiles, les traces qu'ils ont lais- sées dans le sein de la terre n’ont pu être aperçues que depuis que l'attention des naturalistes s’est portée d'une manière plus spéciale sur les fossiles en général. Ces traces ne consistent que dans une partie plus ou moins considérable des os du squelette, ou dans leurs empreintes, lorsque les os, par une cause quelconque, ont disparu. Les premiers ossements fossiles signalés l'ont été en 1805 par Kurg; ils doivent probablement se rapporter au Vespertilio murinus et proviennent de la Souabe. G. Cuvier, en 1822, a indiqué une portion assez complète de squelette, découverte dans les couches de gypse du terrain tertiaire de Montmartre, et qu'il a nommé Vespertilio Parisiensis, et De Blain- ville, qui le décrit dans son Ostéographie, le regarde comme très-voisin, sinon identique, avec le Vespertilio serotinus. M. Richard Owen a observé des molaires d’une grande espèce fossile de Chéi- roptères insectivores, provenant de l'argile de Londres. D'autres débris de Vespertilioniens ont été indiqués dans le diluvium, soit dans les cavernes, soit dans les brèches osseuses, en Saxe, par M. de Münster, aux environs de Kostritz; en Sardaigne et en France, auprès d'Antibes, par Wagner; à Liége, par M. Schmerling, comprenant des fossiles de Rhinolophus ferrum-equinus et de Vesper- tilio mystacinus et serotinus; en Angleterre, par Mac Leay; en Russie, par M. Fischer de Waldheim, et enfin récemment en France, dans le département de l'Aude, par M. Marcel de Serres, et en Auver- gne, par M. Bravard. De sorte que, dans l’état actuel de nos connaissances sur les ossements fossiles de Chauves-Sou- ris, l’on peut, avec De Blainville, tirer les conclusions suivantes : 1° des animaux de l'ordre des Chéiroptères, et exclusivement de la tribu des Vespertilioniens, existaient dans nos pays avant la formation des terrains tertiaires moyens de nos contrées européennes, puisqu'on en a trouvé des restes indubitables dans la formation gypseuse des environs de Paris; 2° ces animaux étaient très- probablement contemporains des Anoplotherium et des Palæotherèum; 3° ils ont continué d'exister sans interruption depuis ce temps jusqu’à nous, et cela dans toutes les parties de l'Europe, puis- qu'on en a rencontré des restes dans le diluvium des cavernes er des brèches osseuses; 4° ces Chauves-Souris si anciennes ne différaient que fort peu, si même elles différaient, des espèces ac- tuellement vivantes dans les mêmes contrées, d'où l’on peut induire que les conditions d'existence qui leur sont nécessaires aujourd'hui étaient les mêmes à cette époque plus ou moins reculée de celle à laquelle nous vivons, et que par conséquent il n'y a rien de changé dans l'ensemble de ces circonstances, ou du moins que ces changements ont été très-peu importants et dans des limites de variations dont les maxèma et les minima oscillaient comme aujourd’hui, sans influence appréciable sur les corps organisés. A S 4 on 34 HISTOIRE NATURELLE. Toutes les espèces de cette tribu étaient réunies par Linné dans son genre Vespertilio, dans lequel toutefois il forme le groupe générique des Noctilio, et il ÿ comprenait même les Roussettes, qui n'ont été distinguées que par Brisson. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire a commencé à créer plusieurs genres particuliers et en a définitivement éloigné les Pteropus pour en faire une tribu distincte. Les genres qu'il y a admis sont ceux des Phyllostome, Rhinolophe, Mégaderme, Sténoderme, Molosse, Nycti- nome, Taphien, Myoptère, Noctilion, Nyctère, Rhinopome, Vespertilion, Oreillard, Vampire et Glos- sophage. Mais le nombre des espèces devenant tous les jours de plus en plus considérable, puis- qu'on en décrit aujourd'hui près de trois cents, le nombre des genres a dû aussi augmenter, et cela même dans une proportion plus grande. C'est ainsi qu'on peut en compter près de quatre-vingts qui ont été foudés par Illiger, Leach, Fr. Cuvier, Savi, Kubl, Keyserling, Spix, Kaup, etc.; et, plus récemment, par MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Gray, Temminck, Ch. Bonaparte, Alcide d'Orbi- gny, Gundlach, Neuwied, etc. Sans chercher à indiquer les diverses classifications proposées pour les animaux qui nous oceu- pent, nous nous bornerons à dire quelques mots des principales. Fr. Cuvier adopte la tribu des Vespertilioniens, qu'il indique sous le nom de Chauves-Souris, et, dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, 1899, il la partage en trente genres. G. Guvier (Règne animal, 1829) divise les Chéiroptères en deux grands genres : les Roussettes et les Vespertilions; et, dans ce dernier, il place un nombre assez considérable de sous-genres qui correspondent en partie aux genres d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire. De Blainville (Annales françaises et étrangères d'Anatomie et de Physiologie, 1837) n’adopte pas cette tribu, et il fait de ces Carnassiers trois sous-familles distinctes : celles des Phyllonyctères ou Vampires, Lophonyctères ou Rhinolophiens, et Léionyctères ou Chauves-Souris normonyctères. Le nombre des genres est pour lui très-peu considérable. M. Gray (Magazine of Zoology and Botany, volume second, 1838) forme, dans sa famille des Vesperülionidæ, qui comprend tous les Chéiroptères, cinq tribus qu'il nomme : Phyllostomina, Rhinolophina, Vespertilionina, Noctilionina et Picropina, les deux premières constituant la divi- sion primaire des Isriopnorr de Spix, et les trois dernières celle des Axisriornont; il ÿ comprend un très-grand nombre de genres. Il'en est à peu près de même de M. Ch. Bonaparte; seulement, les coupes génériques sont encore beaucoup plus nombreuses. Dans la plupart de ses ouvrages, publiés déjà assez anciennement, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous ferons connaître la classification d’après l’article Mammifères que M. Baudement a inséré dans le tome VII du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, 1846, partage les Chéiroptères que nous étudions, et qui, joints aux Roussettes et aux Galéopithèques, forment pour lui un ordre parti- culier, en quatre familles : Première famille. Les VESPERTILIONIDÉS, dont les expansions membra- neuses latérales constituent de véritables ailes, dont les lèvres offrent la disposition ordinaire, et qui n'ont de phalange onguéale à aucun des doigts de l'aile. Première tribu. Tapnozorexs. Nec simple; membrane interfémorale peu développée; queue courte. Geures : Taphien, Emballo- nure, etc. Deuxième tribu. Mocossiexs. Nez simple; membrane interfémorale peu développée; queue longue, à demi enveloppée. Genres : Pédimane, Myoptère, Molosse. Nyctinome, Dinops. Troi- sième tribu. Vesperriciens. Nez simple; membrane interfémorale peu développée; queue très-déve- loppée. Genres : Vespertilion, Nycticée, Lasyure, Oreillard, ete. Quatrième tribu. Nvcrériens. Nez creusé d'une cavité. Genre : Nyctère. Cinquième tribu. Runororurens. Nez surmonté d'une feuille. Genres : Fkinopome, Rhinolophe, Mégaderme, ete. Deuxième famille. NOCTILIONIDÉS, chez les- quels les expansions latérales constituent de véritables ailes, qui ont une double fissure labiale, et à phalange onguéale manquant à tous les doigts. Genre : Noctilion. Troisième famille. VAMPIRIDES, présentant des expansions membrareuses latérales constituant de véritables ailes, ayant une pha- lange onguéale au doigt médius de l’aile, et dont les dents offrent la disposition ordinaire. Pre- mière tribu. Sréxonenmienxs. Nez simple. Genre : Sténoderme; et seconde tribu. PayzLosromiEns. Nez surmonté d’une feuille. Genres : Glossophage, Vampire, Phyllostome, etc. Quatrième famille. DESMODIDES, chez lesquels les expansions latérales constituent de véritables ailes, dont les dents de la mâchoire supérieure sont très-grandes, fortement comprimées, et dont le médius de l'aile pré- sente une phalange onguéale. Myrmecobius à bandes PL. CARNASSIERS. 35 Nous suivrons presque complétement la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui nous semble la plus naturelle de celles qui ont été proposées : seulement, pour nous, les familles seront des sous-tribus et les tribus de simples divisions. D’après cela, la tribu des Vespertilioniens sera partagée en quatre sous-tribus, celles des Vesper- tilionidés, Noctilionidés, Vampiridés et Desmodidés. PREMIÈRE SOUS-TRIBU. VESPERTILIONIDÉS. VESPERTILIONIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Expansions membraneuses latérales constituant de véritables ailes. Lèvres offrant la disposition ordinaire. Phalange onquéale manquant à tous les doigts de l'aile. Cette sous-tribu, la plus nombreuse de toutes celles de la tribu des Vespertilioniens, comprend des espèces chez lesquelles le nez est tantôt simple, tantôt creusé d’une cavité et tantôt surmonté d’une feuille. On la partage en cinq divisions : celles des Molossiens, T'aphoxoïens, Vespertiliens, Nyctériens et Rhinolophiens Preuvère duouston. MOLOSSIENS. MOLOSSII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez simple. Membrane interférbrale peu développée. Queue longue, à demi enveloppée. Cette division correspond à la deuxième tribu de la famille des Vespertilionidés de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Les genres qu'on y range sont propres à toutes les parties du monde, et l’un d'eux, celui des Dinops, est exclusivement particulier à l'Europe. Les principaux groupes sont ceux des Molosse, Pédimane, Dinops, Nyctinome. et Myoptère. Nous y joindrons, mais avec doute, les genres Centu- rion et Pteronote de M. Gray. 1° GENRE. -— MOLOSSE. MOLOSSUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1805. Annales du Muséum, t. VI. Nom d’une espèce appliquée au genre. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Tête grosse, à museau très-large et renflé, et à face en partie dépourvue de poils, ne présentant pas d'appendices membraneux. Système dentaire : incisives, 2; canines, 4=!; molaires, =, selon Fr. Cuvier, et = selon Et. Geof- froy; incisives de grandeur moyenne, bifides, convergentes par leurs pointes, et légèrement écartées 96 HISTOIRE NATURELLE. à leur base: les inférieures très-petites, situées en avant des canines, conune repoussées par celles-ci, et ayant leur tranchant garni de deux petites pointes; canines supérieures grandes : infc- rieures touchant à la base interne, à pointe déjetée du côté extérieur; les vraies molaires à cou- ronne large et hérissée de pointes : les fausses molaires, situées en avant de celles-ci. n'ayant qu'une ou deux pointes seulement. Oreilles grandes, réunies du cèté interne par la base; oreillon petit, rond, épais. extérieur. Yeux pelits. Narines un peu salluntes, ouvertes en avant, à orifice entouré d'un petit bourrelet Membranes moyennes : l'interfémorale assez étroite, terminée carrément. OQuene à extrémité libre; le reste de son étendue étant plus ou moins engagé dans i& membrane. Fig. 12. — Molosse de ücoltroy. C'est en 1505 qu'Etienne Geoffroy a distingué ce genre de celui des Vespertilio de Linné, aussi le nom de Dysopes (Sucwrco, J'inspire l'horreur par mon aspect), qui ne lui a été appliqué qu'en 1811 par Illiger (Prodromus systematicus Mammalium et Aviun), doit-il être rejeté, quoique quel- ques zoologistes aient cru devoir l’adopter. On a depuis formé plusieurs groupes aux dépens des Molosses, mais ils ne diffèrent pas assez notablement de ce genre pour que nous les indiquions; nous citerons seulement les Thyroptera (vez, ouverture; æregcv, aile), fondés par Spix (Simäe et Vespertiliones Brasilienses, 1823) avec le Molossus acuticaudatus, À. G. Desmarest (T'. tricolor, Spix). Les Molosses sont des Chéiroptères de moyenne taille, qui tous appartiennent à l'Amérique méri- dionale, et qui, par leurs habitudes naturelles, ne paraissent pas différer de nos Vespertilions eu- ropéens. [est facile de reconnaitre ces animaux; leur physionomie farouche, leur tête grosse et leur mu- seau très-large, les a fait comparer à un Doguin. La tête est, en outre, épaissie par les oreilles qui, penchées et presque couchées sur les yeux, paraissent devoir plus servir à protéger l'organe de la vue qu à favoriser la perception des sons; elles naissent très-près de la commissure des lèvres, et, après s'être portées derrière le trou auditif, elles reviennent se réunir en avant sur le front. Les Molosses vivent dans les souterrains et les cavernes profondes, où ils se traînent; ils se cram- pounent à l'aide de moyens de préhension très-vigoureux. Et. Geoffroy n'en indiquait que neuf espèces, M. Temminek et d'autres naturalistes en ont fait connaitre plusieurs nouvelles, aussi, aujourd'hui, en décrit-on plus de vingt. Mais on est loin de les connaitre toutes assez complétement pour pouvoir affirmer qu’elles constituent réellement toutes des espèces distinctes, et il est probable qu'on devra, plus tard, en rayer un certain nombre du catalogue mammalogique. Les plus distinctes sont : CARNASSIERS 37 1. MOLOSSE, °° MULOT VOLANT. Daubenton. MOLOSSUS FUSCIVENTER Et. Geolfroy Saint-Hilaire. CaracrÈres spéciriques. — Pelage d'un cendré brun en dessus, cendré plus clair en dessous, excepté le ventre, qui est brun à son milieu; corps et tête ayant 0®,60 de longueur; queue dépas- sant légèrement la membrane interfémorale. Ce Molosse, qui, selon A. G. Desmarest, est le véritable Vespertilio molossus de Linné, se trouve à la Martinique, et ne diffère que très-peu du deuxième Mucor voranr de Daubenton (Molossus longi- caudatus, Et. Geoffroy), qui habite le même pays. € 2. MOLOSSE VÉLOCE, MOLOSSUS VELOX. Temminck CARACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage très-court, lisse : les poils d'une seule couleur partout; mem- branes des flancs poilues en dessus comme en dessous; corps, en dessus. d’un brun marron très- loncé et lustré; en dessous, d’un marron un peu plus clair et mat : tous les poils unicolores. En- vergure : 0",98. Ce Molosse, dans lequel la plus petite moitié seulement de la queue est libre, habite le Brésil, et le Mexique suivant Lesson. 5. MOLOSSE OBSCUR, MOLOSSUS OBSCURUS. EL. Geoffroy Saint-Hilaire CanacrÈres sPÉCIFIQUES. — Poils de deux couleurs : en dessus, d'un brun noirâtre, à base blanche; aux parties inférieures, d’un brun cendré, à base également blanche; des soies aux bords des lèvres, mais celles-ci lisses. Envergure : 0,26; taille de la Barbastelle. Cette espèce est commune dans l'Amérique méridionale, et a été signalée au Brésil, à la Martini- que, dans l’île de Cuba, à Surinam, etc Parmi les autres espèces du même genre, nous citerons le Mocosse À LARGE queue (Molossus am- pleæicaudatus, Et. Geoffroy), que Buffon, d'après le pays qu’elle habite, nommait Chauve-Souris de la Guyane; le Morosse Azecro (Molossus Alecto. Temminck), du Brésil; les Molossus rugosus, Ale. D'Orbigny, de l'Amérique méridionale, et Moxensis, Alcide D'Orbigny, de Bolivie, etc. Nous laisserons provisoirement dans le même genre le Dysodes mops, Fr. Cuvier, dont on a fait le Lype sous la dénomination de Mops Indicus, du genre Mors. Le système dentaire de ce Chéiro- ptère est composé de : incisives, ?; canines, =}; molaires, #=?, dont 2er. les incisives supérieures sont rapprochées, allongées et elliptiques. Il habite l'Inde continentale. 9e GENRE. — PÉDIMANE. CHEIROMELES. Horsfield, 1823 Zoological Rescarches. X&t9, main; m#h05, membrane. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ;; canines, 1; molaires, = Pieds en forme de mains; le cinquième doigt opposable et remplissant les fonctions de pouce. 38 HISTOIRE NATURELLE. Une petite touffe de poils à l'insertion des ongles. Museau conique, sillonné, présentant trois rangées de verrues supportant des poils Membranes alaires amples, se prolongeant sur les flancs jusqu'aux genoux seulement. Membrane interfémorale étroite, retenant la queue dans son tiers supérieur. Queue conique, annelée. Fig. 43. — Pédimane caudataire Ce genre, formé aux dépens des Molosses, propre à l'archipel indien, ne renferme que deux es- pèces seulement, dont la plus importante est la suivante. PÉDIMANE CAUDATAIRE. CHEIROMELES CAUDATUS. Temminck. CanracTÈèRes spÉCIFIQUES. — La tête, le corps et les membres, sont glabres et couverts d'une peau noire, épaisse, et formant de gros plis. La tête est courte et obtuse; les lèvres très-épaisses, et le museau en groin; les oreilles grandes, épaisses et non bordées. De gros plis, sur le devant du cou et Fig. 14, — Pédimane candatare CARNASSIERS. 39 de la poitrine, cachent une ouverture d’où s'écoule une matière onctueuse très-odorante. Tout le dessous du corps est brunâtre et couvert d'une peau rugueuse. Les membranes alaires prennent at- tache, non aux flancs, mais sur le dos. Envergure : 0",60. L'odeur que répand cet animal est si forte, qu’elle persiste même après une longue macération dans l'alcool. M. Müller raconte qu'un peintre, qu'il avait chargé de dessiner un Pédimane vivant, eut beaucoup de peine à finir ce travail, parce qu'il eut des nausées, accompagnées de vertiges et de céphalalgie. M. Temminck pense que € ’est à l’aide de cette odeur que ces animaux assez rares peu- vent se retrouver etse réunir dans les grottes obscures qu'ils habitent. Ils ne sortent de leur retraite que le soir, et volent péniblement. On les rencontre surtout dans les lieux boisés et sauvages de Java, Sumatra et Bornéo. 3° GENRE. — CENTURION. CENTURIO. Gray, 1844. Voyage of Sulphur. Mammalia. Centurio, Centurion. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, à canines, +; molaires, À 3; les incisives sont petites : : les supe- rieures coniques, écartées, et les inférieures serrées, tronquées; les canines sont grandes. Tête grande. Face lisse, couverte de diverses plaques symétriques. Menton saillant. Lèvre cihée à l'angle de la bouche. Narines séparées, placées de chaque côté d’une plaque triangulaire, presque cordiformes. Ailes grandes, avec un large pli oblique à la base du bord supérieur de la conque : lobule conique, droit, aigu, denticulé. Membrane interfémorale profondément échancrée. Calcanéum court, fort. Pieds grands, réunis à l'aile à la base du doigt interne; pouces égaux; membrane se développant entre les doigts internes; doigt du milieu ayant quatre phalanges; pouce allongé, grêle, à phalanges courtes, apluties, Fig. 15. — Centurion vieux. Ce genre singulier, qui n'est probablement pas ici à sa place véritable, offre quelques rapports avec les Molosses, mais en même temps ressemble aux Mormoops et aux Phyllostomes. On n’en indique qu’une seule espèce. 40 HISTOIRE NATURELLE CENTUPRION VIEUX, CENTURIO SENEX, Gray Caracrènes spécriques. — Pelage d'un brun pâle, composé de poils blanchâtres à la base, plus pâles à la pointe; les touffes des épaulettes petites, d'un blanc pur; ailes, près des avant-bra_ et des cuisses, couvertes de poils; membrane, située entre l'index et le doigt du milieu, faible. Provient probablement d'Amboine. 4we GENRE. = PTÉRONOTE. PTERONOTUS. Gray, 1844. Voyage of Sulphur. Mammalia. Trepcv, aile; voros, dos. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Oreilles latérales. Menton avec deux côtes membraneuses, transverses. Pieds libres. Ce genre, qui n’a été qu'indiqué par M. Gray, est loin d’être suffisamment connu : aussi ne lui donnons-nous peut-être pas la place qu'il doit occuper dans la série. Le type est le Pteronotus Davyi, de Trinidad. me GENRE. —— DINOPS. DINOPS. Savi. 1896. In novo Giornale di Pisa. Aewce, terrible; 6%, œil CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 3; canines, 1=!; molaires, =. Oreilles réunies et étendues sur le front. Queue enveloppée, dans sa première moitié, par la membrane interfémorale. Le genre Dinops, créé aux dépens de celui des Molosses, dont il ne diffère pas d'une manière très-notable, ne renferme qu'une seule espèce. DINOPS DE CESTONI. DINOPS CESTONII, Savi CanacrÈREs SPÉGIFIQUES. — Corps couvert de poils épars et doux, d'un gris brun tirant légèrement sur le jaunâtre, un peu plus bruns seulement sur le dos; les ailes d’un brun noir: le museau, les lè- vres et les oreilles, noirs : celles-ci grandes, arrondies, un peu échancrées vers leur bord externe; queue longue, d'un brun noir. Cette espèce, à laquelle À. G. Desmarest rapporte, mais avec doute, le Cephalotes tæniotis de Ra- finesque, est du nombre assez peu considérable des Chéiroptères européens, On la trouve en Sicile, et on l’a également observée aux environs de Pise CARNASSIERS. 4 6m GENRE. — NYCTINOME. NYCTINOMUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1840. Description de l'Egypte, Histoire naturelle, t. I. NuË, nuit; voucs, demeure CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, =; molaires, ÿ=}; les incisives supérieures sont coni- ques, contiquès : les inférieures très-petites, serrées dans l'alvéole; les deux prenuières molaires sont simples, et les autres plus fortes, à couronne hérissée de pointes aiguës. Nez confondu avec la lèvre, qui est profondément fendue et ridée. Ailes grandes; pouce court; l'indicateur sans phalanges; le médian en ayant trois; l'annulaire et le petit doigt n'en présentant que deux. Pieds couverts de longs poils. Queue longue, enveloppée par une membrane interfémorale moyenne. Ce genre, créé par Et. Geoffroy, se rapproche beaucoup de celui des Molosses, auquel M. Tem- minck le réunit, et dont il ne diffère que parce qu'il a deux incisives de plus à la mâchoire inférieure, que ses pieds sont velus, sa lèvre ridée, et ses membranes bordées de poils. Les Nyctinomes ont les mêmes mœurs que les Molosses. On n’en connait qu'un petit nombre d’es- pèces, six ou sept, qui sont propres à l'Asie et à l'Afrique. Les deux que l'on peut prendre pour types sont : 1. NYCTINOME DU BENGALE. NYCTINOMUS BENGALENSIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage roux en dessus, brun en dessous; la membrane des ailes bordée d'un liséré de poils très-près des flancs; queue longue, forte. Envergure : 0",25. Cette espèce, que Buchanan nommait Vespertilio plicatus, habite le Bengale. 2. NYCTINOME D'ÉGYPTE. NYCTINOMUS ÆGYPTIACUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CaRAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’une coloration rousse en dessus, et brune en dessous; la queue est grêle; la membrane interfémorale n’enveloppe que la moitié de la queue, et n’a point de brides membraneuses; elle est garnie d’un liséré de poils très-épais près des flancs. De la taille de nos espèces européennes. Envergure : 0,26. Cette espèce a été trouvée en Égypte, dans les tombeaux et les souterrains des grands édifices abandonnés. Nous nommerons encore les Nyerone ne Port-Louis (Nyctinomus acetabulosus, Et. Geoffroy) des îles Bourbon et Maurice, et Nycrivowe pe Ruprecc (Dysopes Ruppellii, Temminck), d'Egypte. 49 HISTOIRE NATURELLE. que GENRE. — MYOPTÈRE. MYOPTERIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1844. Description de l'Égypte, Histoire naturelle, t. IL. Mv;, rat; mrepcv, aile CARACTÈRES GÉNÉRIQUES, Système dentaire : inciswves, 3; canines, 5j; molaires, =}; les ancisives supérieures sont sim- ples, pointues : les inférieures sont bilobées; les molaires ont des tubercules aiqus. Nez simple, sans feuille ni membrane. Museau gros. Chanfrein méplat. Oreilles larges, latérales, distantes, avec un oreillon interne. Membrane interfémorale moyenne, n'enveloppant que la moine ue la queue. Les Molosses, qui sont très-voisins des Myoptères, en diffèrent principalement en ce que leurs larges oreilles sont réunies, que leur oreillon est externe, et que leur chanfrein est convexe. Les Taphiens, quoique aussi assez rapprochés de ces Chéiroptères, s’en éloignent néanmoins parce qu'ils ont quatre incisives inférieures au lieu de deux, que leur mâchoire supérieure est dépourvue entièrement de cette sorte de dents, et aussi parce que leur membrane interfémorale est plus vaste que la leur. On n’a donné encore la description que d’une espèce de ce genre MYOPTÈRE DE DAUBENTON. MYOPTERUS DAUBENTONII. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, CaracrÈres spéÉciriques. — Pelage en dessus de couleur brune et en dessous d'un blane sale avee une légère teinte de fauve; membrane brune et grise. Envergure : 0",98. Cette espèce, indiquée par Daubenton sous le nom de Rat volant, habite le Sénégal. Deuaièure diousron . TAPHOZIENS. TAPHOZII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez simple. Membrane interfémorale peu développée. Queue courte. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire fait des Taphoziens la première wibu des Vespertilionidés : nous avons cru devoir changer cet ordre sérial pour pouvoir joindre plus facilement les Taphiens aux Vespertilions proprement dits. Les Chéiroptères de cette division habitent aussi bien l’ancien que le nouveau continent; mais au- cun n’est propre à l’Europe. Les principaux genres sont ceux des Taphien, Emballonure, Uro- crypte, Diclinure, Celwno, Aello, ete., ainsi que quelques genres (Centronyctère, Mystasine et Mosic) créés assez récemment par M. Gray. Cervus antisensis PL € CARNASSIERS. 45 Aer GENRE. — TAPHIEN. TAPHOZOUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. 4810. Description de l'Égypte, Hist. nat., t. IL Tapcs, tombeau; Écw je vis. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES, Système dentaire : incisives, %: canines, #=\; molaires, choires, quatre fausses molaires et six molaires vraies. Tête courte. Chanfrein marqué d'un sillon longitudinal. Narines non operculées. Mächoire supérieure courte, large. Orbites très-rapprochées du museau. Lèvre supérieure très-large. mince. Oreilles de moyenne élévation, très-larges, placées aux côtés de la tête et non jointes entre elles à la base; oreillon interne. Membrane interfémorale très-grande. Queue libre vers la pointe, au-dessus de la membrane. Ù sur lesquelles il y «, à chaque mü- Fig 16 — Taphien saccolaime Le genre Taphien, Taphozous, fondé par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, correspond aux groupes génériques des Saccopteryx (ones, Sac; #reov, aile) d'Illiger (Prodromus systematicus Mamma- lium et Avium, 1841) et Saccolaimus (ozxres, Sac; auce, gorge) de Kubl. Et. Geoffroy considère ce groupe générique comme intermédiaire entre ceux des Myoptè res et des Noctilions, et rapporte qu'il se distingue des premiers en ce qu'il n’a que quatre incisives au lieu de deux à la mächoire in- férieure, et qu'il n'en présente pas à la supérieure. Fr. Cuvier le range à côté des Nyctinomes et des Nyctères. Enfin M. Isidore Geoffroy le rapproche des Molosses. Dans le jeune âge de quelques individus, les incisives, toujours au nombre de quatre à la mâchoire inférieure, sont au nombre de deux à la supérieure, et il n°y a pas d’os intermaxillaire, qui se trouve remplacé par une arcade de nature cartilagineuse; les incisives inférieures, à l'aise dans le jeune âge, sont plus ou moins entassées dans l'adulte, bilobées ou trilobées. Les canines sont longues, puis- santes, pointues et à fort talon interne; les inférieures sont plus avancées en devant des supérieures que dans les autres Chéiroptères. La première molaire supérieure a une longue pointe en forme de 44 HISTOIRE NATURELLE canine et la dernière en lame transverse; les deux premières des cinq molaires inférieures de chaque côté de la mâchoire inférieure sont à pointe conique, les autres pourvues de quatre tubercules. Les Taphiens ont à peu près la même manière de vivre que les Vespertilions; ils se cachent pen- dant le jour dans les vieux bâtiments, dans les crevasses des rochers et des murailles, et ils ne vo- lent que le soir. Ils sont essentiellement insectivores. On en connaît une dizaine d'espèces qui sont asiatiques et provenant de Calcutta, Java et Su- matra, etafricaines, où elles habitent la Nubie, l'Égypte, le Sénégal, le cap de Bonne-Espérance, ete. Quant à l'espèce américaine, commune en Pennsylvanie et désignée par M. Wilson sous la dénomi- nation de T'aphozous rufus, on ne la place généralement plus dans ce groupe, et l’on en fait à juste titre le type d'un groupe particulier, celui des Desmodus, qui présente d'importants ca- ractères. M. Temminck a donné une monographie de ce genre. Les espèces principales sont: 1. TAPHIEN SACCOLAIME. TAPHOZOUS SACCOLAIMUS. Temminck. CaracrÈRES spÉCIFIQUES. — Pelage court, lisse, lustré en dessus, terne en dessous : aux parties supérieures et inférieures des membranes se trouve un ruban de poils courts disposé le long des flancs; face et cuisses nues; tête d’un brun noirâtre marqué de nombreuses taches irrégulières d’un blane pur. Envergure : 0",45. On rencontre cette espèce, type du genre Saccolaimus de Kub}, dans les crevasses des rochers au bord de la mer, dans les grottes profondes qui servent de retraite aux Hirondelles, et dans les ruines des anciens temples indous. Le mäle a, au milieu du cou, une petite ouverture d'où sort une sécrétion caustique d’une odeur très désagréable. La morsure de ce Taphien, qui fait souvent en- tendre un cri très-perçant, occasionne beaucoup de douleur. Habite Java. 2, TAPHIEN PERFORÉ. TAPHOZOUS PERFORATUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire Caracrères spÉcirIQuES. — Pelage d’un gris roux en dessus et cendré en dessous, ou la pointe des poils seule est de ces deux couleurs, la base en étant blanche; queue plus longue que los de la cuisse. Envergure, 0,20. Et. Geoffroy Saint-Hilaire a découvert cette espèce dans les tombeaux égyptiens d'Ombos et de Thèbes, et c’est pour lui le type de son genre Taphien 3. TAPHIEN LEROT-VOLANT., Daubenton. TAPHOZOUS SENEGALENSIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, UARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage brun noirâtre en dessus et d'un brun cendré en dessous. En- vergure, 0",15. Cette espèce de Taphien, qui à été rapportée du Sénégal par Adanson, ne diffère de la précé- dente qu'en ce qu'elle est plus petite, que son museau est plus large et plus long, et que ses oreilles ont leur oreillon très court, très-large et de forme arrondie, tandis que cet organe, dans le T'amho- ous perforatus, est en forme de fer de lance, terminé par un bord arrondi. CARNASSIERS. 45 4. TAPHIEN LEPTURE. TAPHOZOUS LEPTURUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire UARACTÈRES SPÉcIFIQUES. — Pelage gris en dessus, plus pâle en dessous; oreilles et membranes alaires et interfémorale d'un brun obscur. Envergure : 0°,23. Cette espèce, qui est le type du genre Saccopteryx dAlliger, provient probablement des Indes. Nous indiquerons encore parmi les autres espèces les Taphozous bicolor, Temminek, de Calcutta; nudiventris, Ruppell, de Nubie; Mauritianus, Ét. Geoffroy, de l'ile Maurice, et leucopterus, Tem- minck, du cap de Bonne-Espérance, Qme GENRE. — EMBALLONURE. EMBALLONURA. Kuhl et Temmineck, 1838. In Vander Hæven Tijdschrift voon naturlijke Geschiedennis Eu£ano, je lances cup, queue CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire des adultes : incisives, # canines, +4; molares. 5. Dans le jeune âge, les in- cisives sont ÿ. Les incisives supérieures sont placées dans les branches convergentes des deux intermaæillaires; les inférieures rangées en arc de cercle; les canines larges à la base, longues, à trois collines très-pointues : leur talon portant deux pointes aiguës; parmi les cinq molaires de chaque côté des deux mächoires, il y en à une fausse très-petite et fine, et toutes les vraies sont hé- rissées de trois pointes très-aiqués. Crâne et mâchoire supérieure comme chez les Taphiens; mais le crâne très-étranglé entre les ar- cades tygomatiques. Chanfrein large. creusé. Mächoire inférieure à peu près conume celle des Vespertilio. Fig. 17 — Ervballonure montagnard. Le genre Emballonure, créé par Kubl, mais réellement caractérisé par M. Temminck dans ses Monographies de Mammatogie, comprend cinq espèces; ce groupe a été, dans ces derniers temps, restreint à une seule espèce, tandis que les autres ont été placées dans d’autres genres, et particu- lièrement dans celui des Proboscidea de Spix, que quelques auteurs regardent comme différent, et que certains autres réunissent au genre qui nous occupe. Le crâne de ces Chéiroptères ressemble, sous certains rapports, à celui des Taphiens; mais il dif- fère de celui-ci par l'existence des os intermaxillaires en branches convergentes. Par quelques autres caractères, ces animaux se rapprochent des Vespertilions. On trouve aussi des rapports entre les 46 HISTOIRE NATURELLE Emballonures et {es Taphiens dans la manière dont la queue, qui est courte, est enveloppée par la membrane interfémorale. Cette large membrane, manquant du soutien qu'elle possède dans la longue queue des Vespertilions, peut néanmoins être retirée vers le ventre à l’aide d'un tendon al- longé partant du calcanéum. La seule espèce laissée dans ce genre est la suivante. EMBALLONURE MONTAGNARD. EMBALLONURA MONTICOLA. Temminck. Caractères sréciriQues. — Pelage de moyenne longueur, bien fourni, bicolore partout : la base des poils des parties supérieures d'un blanc jaunâtre, et les deux tiers, jusqu’à la pointe, d'un beau brun foncé couleur chocolat; en dessous, les poils sont bruns à la base et chocolat clair jusqu’à la pointe. Les poils du museau et les cils sont longs et rudes; les membranes totalement nues. Enver- gure, 0,29, de la taille de la Pipistrelle. Cette espèce a été prise dans les parties solitaires et sauvages des montagnes du Munara dans l'ile de Java. On la voit suspendue par bandes le long des pans verticaux des rochers ombragés et humides, où sa présence se décèle par l'odeur extrêmement forte et désagréable qu'elle répand dans l'air. On l’a également signalée à Sumatra. Quant aux espèces, toutes de l'Amérique tropicale, et au nombre de cinq, placées dans le genre Proposcinée (Proboscidea) (re:€com:, qui a une trompe) de Spix (Simice et Vespertiliones Brasilien- ses, 1825), on doit probablement, à l'exemple de M. Temminck, les réunir aux Emballonures. Ces Chéiroptères ont reçu les noms de Proboscidea saxatilis, Spix (Vespertilio naso, Neuwied); Nyc- üinomus Brasiliensis, Isidore Geoffroy; canina, Neuwied; calcarata, Neuwied (Centronycteris Maxi- nülianus, Fischer), tous trois propres au Brésil; rivalis, Spix, des bords du fleuve des Amazones, et lineata (Emballonura), Temminek, de Surinam. 8% GENRE. — UROCRYPTE. UROCRYPTUS. Kuhl et Temminck, 1838, In Tijdschrift voon naturlijke Geschiedennis. Ovs5z, queue; x207T05, caché. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Système dentaire : incisives, ; canines, *=!; molaires, +, des incisives Lrilobées; les canines cl molaires comme dans les"yenres précédents; mais ces dernières dents ayant cependant toujours quatre collines Crâne avec un rudiment d'intermaxillaire aboutissant en pointe sur le talon des canines et très- gréle. Queue très-petute, convne cachée. D'après ce que nous venons de dire, le genre Urocryptus diffère essentiellement de celui des Emballonura, dont il est très-voisin, en ce qu'il n'a pas d'incisives supérieures, qui sont rempla- cées par un simple cartilage sans que ce rudiment d'intérmaxillaire porte de dents, qui sont au nombre de quatre par paires dans les Emballonures. L'espèce unique de ce groupe générique est la suivante. CARNASSIERS. 47 UROCRYPTE À DEUX, RAIES. UROCRYPTUS BILINEATUS. Temminck. CaracrÈres sréciriques. — Pelage de moyenne longueur, bien fourni, lisse et lustré en dessus; poils des parties inférieures à base brune et d’un cendré clair à la pointe; toutes les parties supé- rieures et les côtés du cou d’un brun couleur de suie; deux raies blanches longitudinales se dirigeant Fig. 18. — Urocrvpte à deux raies. de chaque côté de l'épine dorsale depuis le bord inférieur des omoplates jusqu'au coceyx; mem- branes noirâtres, nues; base du pouce engagée dans la membrane pollicaire. Taille de la Barbastelle; envergure, 0",26. Habite l'Amérique méridionale, et spécialement les environs de Surinam. 4me GENRE. — CENTRONYCTÈRE. CENTRONYCTERIS. Gray, 1844. Voyage of Sulphur. Mammalia. Kevrpev, éperon; voztepts, Chauve-Souris. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez assez saillant. Narines tubulaires. Membrane interfémorale prolongée en cône. Calcanéum très-grand. Ce genre, dont on ne connaît pas bien le système dentaire, est placé par M. Gray entre les Embal- lonures et les Urocryptes, et l'espèce type est l'Emballonura (Vespertilio) calcarata, Neuvied. que M. l'ischer de Waldheim nomme Centronycteris Maximilianus, qui est particulière au Brésil et que Spix range dans son genre Proboscidea. , 5e GENRE. — AELLO. AELLO. Leach, 1822. Transactions of Linnean Society of London. Nom propre. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 2 4—A Système dentaire : incisives. ?; canines, !-!; molaires, =. Médius ayant seulement une quatrième phalange. 48 HISTOIRE NATURELLE. Membrane interfémorale droite. Oreilles rapprochées, courtes, très-larges, sans oreillons. Queue ne dépassant pas la membrane et formée de cinq vertèbres dans la partie visible. L'établissement de ce genre ne repose que sur une seule espèce, l'Aello Cuvieri, Leach, impar- faitement connue et dont on ignore la patrie. Elle est de couleur isabelle ferrugineuse; ses ailes sont d'un brun obseur; ses oreilles sont comme tronquées au bout. Gue GENRE. — MYSTACINE. MYSTACINA. Gray, 1844. Voyage of Sulphur. Mammalia. MuotaËë, moustache CARACTERES GENERIQUES Système dentaire : incisives, 3: canines, 4; molaires, 5=5; les incisives supérieures grandes. Nez assez saillant, entouré à la base par une rangée de moustaches courtes, rigides Membrane interfémorale tronquéc Espèce type : Mystacina tuberculata, Gray, particulière à la Nouvelle-Zélande. que GENRE. — MOSIE. MOSIA. Gray, 1843. Magazin of natural History, t. XI. Étymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Système dentaire : incisives, +; canines, }=;; molaires, ?=}; les incisives supérieures très-écar- tées : les internes grandes, obliques, et les externes très-petites. Tête petite, poilue : la partie antérieure aplatie, assez concave en avant, Lèvres épaisses : l'inférieure avec deux verrues trianqulaires en avant. IL [ll LE Fig. 19, — Mosie nigrescent. Nez arrondi. Narines apicales, arrondies, non saillantes, sans fossette au bord postérieur. Oreilles médiocres, latérales. Tragus allongé, bien développe. CARNASSIERS. 49 Ailes minces. Pouce petit, mince, à prenuère phalange très-courte, aplatie. Membrane interfémorale large, tronquée. Calcanéum long. Queue mince, à extrémité saillante sur le nulieu de la surface supérieure de la membrane. Pieds postérieurs petits, attachés aux ailes, à la base des pouces externes : ceux ci presque égaux, minces. Ce genre, voisin de celui des Mystacine, se rapproche également des Emballonura. On n'y place encore qu'une espèce. MOSIE NIGRESCENT. MOSIA NIGRESCENS. Gray. CaracrÈres sréciriques. — Pelage d'un brun foncé, plus pâle aux parties inférieures; membrane interfémorale garnie, en dessous, de poils épars; oreilles assez grandes, pointues à l'extrémité, nues, avec quelques poils à la partie inférieure. à lobule non distinct; tragus oblong, linéaire, re- courbé, arrondi à l'extrémité. Envergure : 0,95. Habite l'Amérique méridionale. 8m GENRE. — DICLIDURE. DICLIDURUS. Neuwied, 1826. Beitræge zur Naturgeschichte Brasiliens, t. Il. Aus, deux ; xAets, clef; cu2x, queue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, =; molaires, =>; incisives inférieures petites, trilobées; canines supérieures dirigées en avant, coniques, comprimées, légèrement recourbées, munies d'une dent interne : les inférieures droites, avec une rainure proéminente; molaires supérieures ayant une fausse molaire très-petite accolée à la canine, puis un vide, suivi de quatre fausses molaires très- pointues : les inférieures présentant deux fausses molaires, et trois vraies, à collines saillantes Mächoire inférieure plus longue que la supérieure. Chanfrein de forme elliptique portant une forte excavation. Lix. 20. — Diclidure blanc. Âux caractères que nous venons de signaler, vient s'en joindre un des plus importants, et sur lequel M. Temminck insiste particulièrement. Les os coccygiens, au lieu de former un prolongement E] 1 50 HISTOIRE NATURELLE. caudal, présentent plusieurs articulations qui se terminent par deux pièces cornées adhérentes à la peau, et formant un appareil à deux valves ou capsules. La valve supérieure semi-lunaire, creusée en capsule; l'inférieure plus petite, pointue, triangulaire, et adaptée, dans le sens horizontal, sur la précédente. Ces deux pièces se recouvrent, sont mobiles, s'écartent ou se rapprochent, et sont re- tenues, à leur insertion, par un repli membraneux mince qui les isole du corps. Le coceyx se trouve logé dans la capsule supérieure, tandis que le bord postérieur de la membrane interfémorale est tendu sous la valve caudale proprement dite. Outre ce singulier appareil, les Diclidures se font en- core remarquer par l'organisation peu ordinaire de leur crâne : celui-ci présente, en effet, entre les orbites, une dépression elliptique profonde qui fait saillir les os de la face, tandis que le vertex et les frontaux sont boursouflés par d'amples cavités celluleuses L'espèce unique de ce genre est le DICLIDURE BLANC. DICLIDURUS FREYRESSII. Neuwied. CaracrÈères spéciriQues. — Pelage très-long, touffu, un peu frisé, d'une teinte blanchâtre partout, court sur la tête, long sur le dos, et les poils y étant étendus en deux touffes sur les côtés de l’excroissance bivalve de la queue; membrane interfémorale brun clair. Envergure : 0",3$. Cette espèce a été découverte au Brésil, dans les feuilles d'un cocotier. gme GENRE. — CÉLÈNO. CELÆNO. Leach, 1892. Transactions of Linnean Society of London. Nom mytholozique CAPACIÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, 14; molaires, 4=!; les incisives supérieures pountues : les inférieures rapprochées, cylindriques; canines supérieures plus grandes que les inférieures. Ailes à troisième et quatrième doigts ayant trois phalanges : le cinquième n'en présentant que deux. Membrane interfémorale se prolongeant un peu au delà des pieds de derrière. Oreilles.écartées : oreillon petit. Queue molle. Dans les Célènos, les doigts des pieds sont allongés, presque égaux, armés d'ongles comprimés, recourbés et larges à leur base. Les membranes alaires débordent légèrement les doigts. Les oreilles sont aiguës et distantes, et n'offrent que des oreillons très-petits; elles sont arrondies en avant, et coupées en ligne droite à leur bord postérieur. La queue est rudimentaire, ou même remplacée par un filet cartilagineux occupant le milieu de la membrane interfémorale. Ce genre, que l'on est loin de connaître complétement, ne renferme qu'une seule espèce, dont on ignore la patrie. CÉLENO DE BROOK. CELÆNO BROOKSIANA. Leach Caractères srÉGIFIQUES. — Pelage brun ferrugineux sur le dos, d'une teinte plus claire sur le entre et les bras; les membranes noires; taille petite. Autlope onctucuse Pl. CARNASSIERS. 51 Groistame dioiston. VESPERTILIENS. VESPERTILII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. MNex simple. Membrane interfémorale peu développée. Queue très-développée : le plus habituellement comprise dans la membrane. Cette division correspond à la troisième tribu des Vespertilionidés de M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire, et porte la dénomination que nous lui avons conservée. L 2 Ces Chéiroptères, très-nombreux en espèces, se trouvent répandus sur toute la surface du globe, mais ils sont surtout abondants en Europe et en Amérique. Les genres que nous adoptons sont ceux des Vespertilion, Nycticée, Furie, Scotophile et Oreillard. Mais nous comprendrons dans cette division un beaucoup plus grand nombre de groupes génériques, que nous ne ferons qu'indiquer, après avoir donné la description des Vespertilio, que nous diviserons en quatre sous-genres, ceux des Vesperuilion, Minioptère, Pipistrelle et Ocypite. 4% GENRE. — VESPERTILION. VESPERTILIO. Linné, 1755. Systema naturæ. Vespertilio, fossoyeur. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Formule dentaire : incisives, +: canines, 1; molaires, # ou +, où Ê, d'où le 6-6? nombre total des dents varie de 52-54-56-38. Les incisives supérieures sont séparées par puires où distantes; elles sont constamment, dans tous les âges, au nombre de quatre, et, suivant M. T'em ninck, lorsqu'elles tombent, et qu'iln'y en a que deux, c'est par accident ou dans l'extrême viciltesse : les inférieures sont très-rapprochées, à branchant bilobé, couchées et dirigées en avant. Les canines sont fortes, souvent triangulaires, ne se touchant pas par leur base. Il existe toujours trois vraies molaires à chaque mâchoire et de chaque côté; la différence en nombre ne porte donc que sur les fausses molaires, qui sont simples, coniques, tandis que les premières ont la couronne large, hérissée de pointes aiguës; les molaires supérieures sont deux fois plus larges que les inférieures, et pré- sentent une couronne à tranchant oblique : les inféricures sont sillonnées sur les côtés. Gueule très-fendue. Mufle nu, petit. Lèvres très-mobiles : l'inférieure simple. Nez sans feuilles membraneuses, ni sillon, ni rides, ni opercules. Joues renflées, velues. Yeux petits, noirs, brillants, placés latéralement. Oreilles plus ou moins grandes, pourvues d'un oreillon distinct Crâne comprimé, allongé. Langue lisse, moyenne, non protractile. Abajoues existant toujours, et étant plus ou moins développées. Membranes des ailes très-étendues, soutenues par des métacarpiens fort allongés; l'envergure ayant quatre à cinq fois la longueur totale du corps. DS HISTOIRE NATURELLE. = Doige indicateur avec une phalange; médius en offrant trois: annulaire et petit doigt n'en pré- sentant que deux. Pouce séparé des autres doigts, court, assez robuste, et terminé par tn ongle crochu. ) Membrane interfémorale très-grande, enveloppant la queue : cette membrane et les ailes généra- lement nues. Queue assez longue. Pelage doux, épais, ayant habituellement une coloration grise. Glandes sébacées en dessous de ta peau de la face, affectant diverses formes et de variable di- mension, Taille petite. Fig. 21. — Vespertilion Kirivoula. Le genre Vespertilio, connu vulgairement sous la dénomination de Chauves-Souris proprement dites, a été créé par Linné, qui y comprenait la presque totalité des Chéiroptères; Brisson et quel- ques autres naturalistes, tels que Pallas, Daubenton, Leach, Rafinesque, ete, en avaient déjà sé- paré certains groupes, mais c’est Etienne Geoffroy Saint Hilaire qui, le premier, en fixa les limites d’une manière précise. Plus tard, cependant, le nombre des espèces de Vespertilions venant à aug- menter considérablement, il devint encore nécessaire d'y faire des subdivisions nouvelles, et de nombreux travaux furent publiés sur ces animaux, principalement par MM. Kubl, Brehm, Leister, Bechstein, Horsfeld, de Neuwied, Temminck, Charles Bonaparte, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, De Blainville, Fr. Guvier, À. G. Desmarest, Gray, P. Gervais, etc.; et ce genre, quoique renfermant encore beaucoup d'espèces propres à toutes les parties du monde, fut cependant considérablement restreint. Nous n'adopterons pas tous les groupes génériques qui ont été formés à ses dépens, et nous n'indiquerons quelques-uns d'entre eux que comme des sous-genres. Les Vespertilions sont des Chéiroptères essentiellement nocturnes; ce n’est qu'au crépuscule qu'ils commencent à prendre leur vol, qui est irréguiier, incertain. Pendant le jour, ils se réfugient dans les troncs des arbres, dans les crevasses des rochers, dans les vieux édifices, où on les trouve parfois réunis en très-srand nombre. Dans nos climats, ils éprouvent tous un engourdissement hivernal. Les différentes espèces de ce genre, à quelques exceptions près, sont pourvues, comme les Rhi- nolophes et quelques autres Chéiroptères frugivores et insectivores. de glandes odoriférantes, d'où suinte, par des orifices presque imperceptibles de la peau, une matière onctueuse d’une odeur pénétrante et désagréable. Ces glandes, qu'on observe dans les deux sexes, se trou- vent placées près des yeux ou entre ces organes et le mufle; elles sont quelquefois très-dévelop- pées, et recouvrent une grande partie de la tête. Ce sont elles qui produisent, chez certaines espèces de nos Vespertilions européers, cette forte odeur si rebutante qui indique, même à une grande distance, les lieux où se cachent ces Chauves-Souris. Ces glandes, qui se trouvent sur différentes par- ties du corps, suivant les genres et les espèces, sont parfois munies d’un double appareil de sé- crétion : l'un d’une matière onctueuse, l'autre d’une poussière colorée produite par la bourse du front. La Noctule d'Europe, dont l'odeur est si forte et si nauséaboude, a un énorme appareil sécré- CARNASSIERS )3 teur; indépendamment des glandes du museau, elle en à, dans l'angle des mâchoires, une seconde paire, et de plus une glande verruqueuse à la nuque. Ces glandes sont plus grandes suivant les lieux qui servent de retraite, ou de séjour habituel et constant, aux diverses espèces : celles qui vi- vent dans les souterrains humides et celles qui habitent le bord des eaux ont des glandes plus dé- veloppées : aussi répandent-elles une odeur plus forte que les autres. L'osselet, qui se trouve, chez les Roussettes et dans certains Chéiroptères insectivores, dans le tendon du triceps brachial, et qui y forme une rotule elécranienne, ne se rencontre pas dans toutes les espèces de ce genre. Quelques femelles de Vespertilions produisent deux petits, d’autres, en plus grand nombre, n'en ont qu'un, et il parait que la portée varie, soit périodiquement, soit accidentellement, ear il est certain que chez la même espèce, la Noctule par exemple, on a observé cette variation d'une année à l'autre : aussi n'est-il pas étonnant de voir des auteurs assurer, comme résultat de leurs observa- tions, que la Noctule porte deux petits, tandis que d’autres prétendent avoir reconnu qu'elle n’en produit qu'un seul. Une autre particularité dans le genre de vie des Vespertilions, et qui s'étend probablement à tout l’ordre des Chéiroptères, c’est la réunion d'un grand nombre de femelles fécondées qui s'isotent des mâles et vont se choisir un gîte commun, spacieux, pour y déposer leur progéniture et vaquer en- semble aux premiers soins que les nouveau-nés exigent. Pendant ce temps, les mâles restent éga- lement isolés et loin des lieux choisis par les femelles, et, dans quelques cas, ils se réunissent entre eux. Nos Vespertilions d'Europe reprennent leurs habitudes sociales vers l'approche de leur torpeur hivernale; pendant ce temps, sauvent assez long, mais quelquefois interrompu par quelques beaux jours d'hiver pendant lesquels ils reprennent leur vie ordinaire, un grand nombre d'individus se cramponnent les uns aux autres et forment des tas dans les lieux où ils se sont mis à l'abri du froid. On peut juger de l'innombrable quantité de ces animaux, en voyant sur le plancher des com- bles de nos vieux-édifices, principalement dans ceux de l’église Saint-Gervais à Paris, des tas de crottes dont l'épaisseur peut être évaluée à près de vingt centimètres. Lorsque les femelles sont réunies, et sont au moment de mettre bas, elles se suspendent et ramènent la queue vers le ventre, de manière à former un sac avec la membrane interfémorale. C'est dans cette espèce de berceau que le jeune est tout d'abord déposé et reçoit les premiers soins de sa mère, qui, plus tard, le trans- porte avec elle. Lorsqu'elle n’a qu'un petit, ce qui a lieu le plus habituellement, celui-ci se cram- ponne en sautoir à la poitrine de sa mère, et, quand il y en a deux, ils se suspendent le long des flanes et sont soutenus par la membrane interfémorale. La nourriture des Vespertilions consiste uniquement en Insectes crépusculaires ou nocturnes, et principalement, dans nos pays, en Phalénides; quelques petites espèces semblent, toutefois. ne se nourrir que d'Hyménoptères. Leur gloutonnerie est extrême; Kubl a vu une Noctule avaler de suite treize Hannetons, et soixante-dix Mouches suffisent à peine au repas d’une Pipistrelle. Les Vespertilions, ou, d'une manière plus générale, les Vespertilioniens munis d’une queue longue, se servent de ce membre pour faire entrer dans leur gueule, et pousser dans l'œsophage, les Insectes trop gros qu'ils ne peuvent engloutir facilement. Leur queue leur tient alors lieu de doigt; ils la ra- mènent vers la tête, qu'ils baissent légèrement en volant, et parviennent ainsi à se rendre maitres de leur proie. D'après cela, on voit que la forme de la queue peut influer beaucoup sur les habitudes de ces animaux; aussi a-t-on pu se servir de la conformation plus ou moins différente de cet organe pour distinguer plusieurs groupes génériques de Vespertilioniens, et quelquefois même, disons-le, un trop grand nombre. On ne peut que très-difficilement conserver en domesticité des Vespertilions, et ils ne tardent pas à mourir. Aussi croyons-nous devoir rapporter des observations assez récentes qui ont été faites sur plusieurs de ces (arnassiers étudiés vivants. En juillet 1833, M. Daniell reçut cinq femelles fécon- dées de Pipistrelles, et les mit dans une cage, où elles furent fort turbulentes. Elles mangeaient avec avidité les Mouches et la viande crue, mais refusaient obstinément la viande cuite. Lorsqu'une Mouche entrait dans la cage, elles l'étourdissaient d’un coup d’aile, et se jetaient sur elle les ailes étendues comme pour lui fermer la retraite. La mastication et la déglutition étaient lentes et péni- bles Plusieurs minutes étaient nécessaires pour dévorer une grosse Mouche. Au bout de dix-neuf jours, les cinq Pipistrelles étaient mortes. À l’autopsie, on trouva qu'elles ne portaient qu'un seul 54 HISTOIRE NATURELLE. petit. Le 16 mai 1854, le même M. Daniell se procura quatre femelles et un mäle de Noctule. Le mâle était très-sauvage, cherchait sans cesse à s'échapper, et mourut au bout de dix-huit jours, après avoir refusé toute espèce de nourriture. Trois femelles succombèrent peu après. Celle qui survécut fut nourrie avec du foie et du cœur de volaille, qu'elle mangeait à peu près comme eût fait uu Chien. Pour cela, elle se servait des extrémités postérieures comme d’une pince. Elle mangeait beaucoup relativement à son poids, et se tenait presque constamment pendue au sommet de sa cage, ne quittant cette position que le soir, pour prendre sa nourriture. Le 25 juin, M. Daniell, ayant re- marqué que cette Noctule paraissait fort inquiète, l'observa avec soin, et fut témoin de son accou- chement. Après une heure d’agitation environ, la Noctule s'accrocha par les membres antérieurs, étendit ses pieds de derrière, et roula sa queue de manière à former avec la membrane interfémo- rale une espèce de poche dans laquelle fut reçu un petit, de taille relativement assez forte, entière- ment nu et aveugle. La femelle se mit presque immédiatement à le lécher et à le nettoyer. Cela fait, elle reprit sa position accoutumée, et enveloppa si bien le petit avec ses ailes, qu'il fut impossible d'étudier le mode d'allaitement. Le lendemain, elle mourut, et l’on trouva la jeune Noctule adhé- rente encore à sa mamelle. Gn essaya de nourrir le petit à l’aide d’une éponge imbibée de lait; mais il succomba à son tour au bout de huit jours, sans que ses yeux fussent ouverts : quelques poils seu- lement commencçaient à se montrer sur le corps. A ces faits, nous ajouterons que nous avons eu sou- vent des Vespertilions vivants, presque exclusivement des Pipistrelles et des Murins, et que, malgré le grand nombre que nous en possédions, nous n'avons pu en conserver aucune plus de quelques jours; souvent les femelles pleines que nous avions ont mis bas, et nous n'avons jamais pu élever les petits, qui mouraient le lendemain ou le surlendemain de leur naissance, sans avoir voulu prendre la nour- riture qu'on leur offrait sur un chiffon mouillé dans du lait. Nous adopterons le genre Vespertilio à peu près comme l'a formé M. Temminck dans sa monogra- phie de ce groupe naturel; cependant, nous y formerons un plus grand nombre de coupes géné- riques, et, ainsi que nous l'avons déjà dit, nous y indiquerons comme divisions secondaires des genres créés par divers zoologistes. Malgré tous ces retranchements, les Vespertilions proprement dits renfermeront encore plus de cent espèces, qui se trouvent répandues dans toutes les parties du monde; quelques-unes sont cosmo- polites : l'Europe, l'Asie et l'Amérique en renferment un grand nombre, puis viennent la Malaisie et l'Afrique, qui en comprend moins. On peut dire d'une manière générale que les espèces et les in- dividus sont plus abondants dans les contrées tempérées et septentrionales que dans les régions intertropicales, et que c'est parmi eux que l’on trouve les Chéiroptères qui se rapprochent le plus du pôle nord. Ce sont des animaux utiles en ce qu'ils détruisent une infinité de Lépidoptères crépuseu- laires et nocturnes, dont les chenilles se nourrissent aux dépens des végétaux cultivés par l'homme, ce qui ne les empêche pas d'être l'objet d'un préjugé populaire qui les désigne comme étant de mauvais augure; aussi les gens de la campagne, qui tirent de leur existence le plus grand profit, sont-ils ceux qui sont le plus portés à les détruire. Nous partagerons ce genre en quatre sous-genres : les Vespertilio, Miniopterus, Pipistrellus et Ocypetes. AT SOUS-GENRE — VESPERTILION PROPREMENT DIT. V£SPERTILIO. Ch. Bonaparte, 1857. lconografia della Fauna italica. Gette subdivision, à laquelle on peut rapporter en synonymie la dénomination de Vesperugo de Blasius (die Wirbelthiere Europa's, 1840), telle que la comprennent MM. Ch. Bonaparte et Lesson, renferme plus de soixante-quinze espèces, qui sont répandues dans toutes les contrées. Nous décri- rons Îles principales, et particulièrement toutes celles de la faune de France. CARNASSIERS. 55 A. ESPÈCES D'EUROPE. 4. LE MURIN: FESPERTILIO MURINUS. Linné CanacrÈères spéciriques. — Oreilles ovales, de la longueur de la tête; oreillons falsiformes; pelage des adultes long, lisse, bicolore, plus foncé à l'insertion des membranes, gris-brun en dessus; le sommet de la tête d'une teinte plus claire, dessous du corps blane ou jaune blanchâtre. Enver- gure : 0,49. Le Murin, dont M. Gray a fait le type de son genre Myotis, est la plus grande des Chauves-Souris d'Europe, et il est répandu beaucoup plus abondamment en Allemagne qu'en France; on l'a signalé aussi dans le nord de l'Afrique. En été, on le trouve dans les clochers ou les anciens édifices rui- oés, et, pendant l'hiver, il se retire dans des cavernes et des souterrains, où on le rencontre alors par centaines. Jamais il n'habite les creux des vieux arbres. Il est d’un naturel très-colère et très- menaçant, et, quand on en réunit beaucoup ensemble, ils s'entre-mordent les uns les autres en se brisant les membres, et se tiennent cramponnés si fortement, que, si l’on essaye d’en soulever un, on entraine toute la masse : alors ils font entendre un grognement particulier. Cette espèce ne vit en communauté avec aucune autre, et chasse toutes celles qui tendent de s’établir dans les lieux qu'elle habite. L’accouplement a sans doute lieu dès le commencement du printemps, car, le 18 mai, Kubl a trouvé, dans le corps d’une femelle, des petits qui étaient déjà de la grosseur d'une noisette nous supposons qu'il pourrait bien y avoir deux portées par an. Ce Chéiroptère doit être pris comme type, non-seulement du genre Vespertilio, mais de tous les Ves- PERTILIONIENS; aussi avons-nous cru être utile à nos lecteurs en donnant un extrait de la partie ana- tomique de la monographie de cette espèce, qu'a publiée, en 1839, M. le docteur Emmanuel Rous- seau dans le Magasin de Zoologie de M. Guérin-Méneville, pl. vr à 1x, travail portant le titre de Mémoire xovlogique et anatomique sur la Chauve-Souris commune dite Murin, et qui avait été lu à l'Académie des sciences dans la séance du 19 mars 1838, et déjà en partie annoncé dès 1853. D'après M. Emm. Rousseau, les caisses des oreilles sont très-grosses, comme soufflées, et se dé- tachent du squelette avec une très-grande facilité. Tous les os de la tête se soudent de très-bonne heure. Les os des incisives existent, mais ils sont très-séparés l’un de l'autre, de manière à former une sorte de bec de lièvre dans le vide duquel on constate une plaque cartilagineuse mobile susceptible de s’ossifier. Les frontaux ont des sutures très-prononcées. Le trou occipital est très-grand. A l'excep- tion de la région sacrée, les apophyses épineuses des vertèbres sont à peu près nulles. On remarque, sur la face antérieure des deuxième et troisième vertèbres coccygiennes, deux noyaux osseux qui semblent représenter un reste d'os en V. Le sternum présente une crête médiane longitudinale très- prononcée ayant une large surface d'insertion aux muscles pectoraux, qui sont très-développés. Les cartilages sterno-costaux sont tous ossifiés, même dès la naissance. La clavicule est très-longue. L'omoplate très-grande, triangulaire, avec une épine très-marquée. L'humérus est allongé, grêle, non percé à la fosse olécranienne. Le carpe n'a que sept os; le métacarpe en à cinq. Il existe à la symphyse pubienne un appareil ligamenteux qui en permet l'écartement dans la parturition. La tête du fémur est sphérique et comme enfoncée entre les deux trochanters, de sorte qu'il n’existe pas, à vrai dire, de col fémoral. Cet animal a deux dentitions : lune apparaît pendant que le fœtus est dans le sein de sa mère, et pour cela porte le nom d'intra-utérine; elle se compose de vingt-deux dents, réparties ainsi qu'il suit : quatre molaires, deux canines à chaque mâchoire, quatre incisives en haut et six en bas. Dans les trois premiers mois qui suivent la naissance, on voit surgir successi- vement les dents de la seconde dentition, qui existent conjointement avec celles de la première pen- dant un certain laps de temps. Cette seconde dentition se compose de trente-buit dents, dont vingt pour la mâchoire inférieure, savoir : six incisives, deux canines et douze molaires; la mâchoire su- périeure porte le même nombre de canines et de molaires, mais n'a plus que quatre incisives. L'ap- pareil glanduleux, que Kuhl a vu le premier, se compose de glandes ovales et mamelonnées très- développées à toutes les époques de-la vie, et qui recouvrent les branches de la cinquième paire de 06 HISTOIRE NATURELLE. nerfs; leurs conduits excréteurs s'ouvrent de chaque côté des joues; ces glandes sécrètent une hu- meur butyreuse douée d’une odeur caractéristique. 9. VESPERTILION DE BECHISTEIN. VESPERTILIO BECHSTEINII. Leisler Caracrènes sréciriques. — Oreilles arrondies à l'extrémité, plus longues que la tête; oreillon fal- siforme, un peu courbé en dehors vers la pointe; pelage d’un gris roux en dessus du corps, blanc en dessous. Envergure : 0,26. Cette espèce, commune dans le Thuringe, plus rare en Wétéranie, et que l'on a aussi signalée en Angleterre, habite également nos départements de la rive gauche du Rhin 3. VESPERTILION DE NATTERER. VESPERTILIO NATERERII. Kubi. CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Oreilles ovales, assez larges, un peu plus longues que la tête; oreil- lon attaché par une protubérance de la conque, lancéolé en dehors de la pointe; pelage générale- ment d'un gris fauve en dessus et blanc en dessous. Envergure : 0",30. Ce Vespertilion est caractérisé surtout par les festons de la membrane interfémorale; M. Ch. Bo- naparte y réunit le Vespertilio emarginatus d’Et. Geoffroy. On le trouve dans l'Allemagne occiden- tale, le nord de la France et en Angleterre. 4. VESPERTILION ÉCHANCRÉ. VESPERTILIO EMARGINATUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CARAGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Oreilles oblongues, de la longueur de la tête, fortement échancrées à leur bord extérieur; oreillon long, droit, en forme d’alène; pelage d'un gris noirâtre eu dessus et cendré en dessous, composé de poils doux et touffus, dont la première moitié est cendrée et la se- conde plus roussâtre. Envergure : 0",35. Se trouve dans plusieurs contrées de la France, en Allemagne et en Italie. On a pu le confondre avec la Pipistrelle, parce que, quoique plus grand, sa physionomie l'en rapproche assez, il tient aussi du Murin par les deux couleurs de son pelage; mais dans ce dernier la teinte extérieure des poils n'appartient qu'à leur extrémité, tandis que dans le Vespertilio emarginatus elle s'étend jus- qu'à leur moitié; enfin il a de l'analogie avec l'espèce précédente. 5. VESPERTILION DE DAUBENTON VESPERTILIO DAUBENTONII. Leisler. CanACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Oreilles petites, presque ovales, légèrement échancrées sur leur bord extérieur, nues; oreillon lancéolé, petit, étroit, mince; glandes sébacées blanches, formant une pro tubérance d’un blane jaunâtre au-dessus de chaque œil; poils du dos serrés, courts, doux, d’un brun noir à la base et d'un brun rougeâtre légèrement mêlé de gris à la pointe : ceux des parties in- férieures noirs à la base et d'un blanc sale à l'extrémité; dedans des orcilles et des oveillons jau- nâtre. Envergure : 0",33 Cette espèce habite la France septentrionale, l'Allemagne occidentale, l'rlande, et a aussi été, dit-on, rencontrée en Sicile. CARNASSIERS. 57 6. VESPERTILION A MOUSTACHES. VESPERTILIO MYSTACINUS. Leisler. CaracrÈRES sPÉciFIQuES. — Oreilles assez grandes, oblongues, arrondies par en haut, repliées et échancrées extérieurement; oreillons lancéolés; poils fins et serrés, formant de chaque côté de la lèvre supérieure une sorte de moustache; le dessus du corps d’un brun lavé de marron, avec l’ex- trémité des poils de cette dernière couleur; le dessous mélangé de noir et de jaune. Enver- gure: 07,16. Cette espèce, rare en Allemagne, se trouve quelquefois dans nos départements du nord-est : on la signalée en Angleterre dans le Devonshire et dans le Danemark. Elle se loge dans le creux des vieux arbres et dans les habitations de l’homme; son sommeil d'hiver est de courte durée; elle vole rapidement et en rasant la terre ou la surface des eaux, pour y saisir les Insectes dont elle se nour- rit; son odeur est peu sensible. Nous avons déjà parlé d’une espèce fossile de cette division, qui est désignée par G. Cuvier sous la dénomination de Vespertilio Parisiensis, et qui a été découverte dans les couches du gypse de nos environs. Les autres espèces européennes ont reçu les noms de Vespertilio dasyenemus, Boié; rufescens, stenotus, Okenii, Wiedii, Schintzü, Brehm, toutes propres à l'Allemagne; collaris, Sckintz, du Mont-Blanc: Nilsoni, Nathusius, de la Suède; Cappacini, Ch. Bonaparte, de Sicile, et megapodus, Temminck, de la Sardaigne. B. ESPÈCES D'ASIE Quatre ou cinq espèces, toutes propres au Japon. Comme type, nous citerons seulement le : 7. VESPERTILION MACRODACTYLE. VESPERTILIO MACRODACTYLUS. Temminck. CanacrÈres spéciFiQuEs. — Pelage court, cotonneux, bien fourni, uniformément d'un noir enfumé aussi bien en dessus qu'en dessous; extrémité des poils grisâtre. Envergure : 0®, 33. C. ESPÈCES DE LA MALAISIE. Une dizaine d'espèces, propres aux îles de Java et de Sumatra, et décrites par MM. Horsfield et Temminck. Type : 8. VESPERTILION MAMELONNÉ. VESPERTILIO PAPILLOSUS. Temminck. CaracrÈñes spéciriques. — Oreilles très-distantes, plus larges que hautes, à peu près arrondies, avec un pli longitudinal qui permet à l'organe de se fermer; oreillon très-long, filiforme, en poinçon; pelage abondant, très-touffu, doux, cotonneux, frisé, en dessus brun foncé, nuancé de roussâtre à la pointe, plus clair en dessous. Envergure : 0m,20, 58 HISTOIRE NATURELLE. D. ESPÈCES D'AFRIQUE Peu nombreuses, provenant de l'Arabie, de la Nubie, de l'Égypte et de la Cafrerie, et signalées par MM. Ruppell et Temminck, Type: 9. VESPERTILION HESPÉRIDE. VESPERTILIO HESPERIDA. Temminck. Caracrènes spécimiques. — Oreilles courtes, aussi larges que hautes; oreillon en feuille courbée et à pointe arrondie; pelage court, lisse, bien fourni, de deux couleurs partout, en dessus noirätre à la base et brun roussâtre à la pointe, et en dessous noir à la base et cendré roussâtre à la pointe. Envergure : 0m,16. Habite les bords de la mer Rouge, vers les côtes d'Abyssinie. E. ESPÈCES D'AMÉRIQUE. Près de trente espèces propres aux régions méridionales et septentrionales, et décrites par d’Azara, Rafinesque, Fr. Guvier, A. G. Desmarest, MM. Gray, Say, Leconte, Temminck, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, d'Ale. D'Orbigny, P. Gervais, ete. Nous n'indiqnerons parmi elles que 10. VESPERTILION DE LA CAROLINE. V£SPERTILIO CAROLINENSIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caracrères spéciriques. — Oreilles de la longueur de la tête, oblongues; oreillon en feuille de saule, moitié de la longueur de la conque; pelage bicolore partout; parties supérieures d'un brun marron, avec la base des poils d’un cendré noirätre, et en dessous d'un jaune cendré à base brune. Envergure : 0",22 Habite Charleston, dans la Caroline du Sud. A. VESPERTILION DE SAINT-HILAIRE. V£SPERTILIO HILARI. fsidore Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères srÉcIFIQUES. — Oreilles petites, triangulaires, presque aussi larges que hautes, peu échancrées à leur bord extérieur; oreillon allongé; pelage assez variable, passant aux parties supé- rieures du brun noir au brun-marron, et en dessous du grisätre au brun-roux. Envergure : 0",95. De la Capitaincrie des Missions au Brésil. 49. VESPERTILION TRÉS-PETIT. VESPERTILIO PARVULUS. Temminck. CanacrÈnEs sréciriques. — Oreilles petites, droites, pointues, découpées et à lobe inférieur très-distinct; oreillon en feuille de saule; pelage touffu, court, noir, légèrement enfumé en dessus; côtés du cou et parties latérales de la poitrine d’un noir plus enfumé que le dos; le devant du cou, CARNASSIERS. 59 Ja ligne moyenne du ventre, les flancs et l'abdomen, à pointe des poils brune; une teinte isabelle sur les jambes, à l'abdomen et à la base poilue de la membrane interfémorale. Envergure : 0,13. Habite le Brésil. 2me SOUS-GENRE. — MINIOPTÈRE. MINIOPTERUS. Ch. Bonaparte, 1857. Iconogralia della Fauna Italica. Macs, très-pelit; mrezcv, aile. Ce sous-genre, fondé par M. Gh. Bonaparte, ne renferme que deux espèces, qui sont propres à l'Europe. Le type est : 13. VESPERTILION D'ORSINI. VESPERTILIO ORSINII. Ch. Bonaparte. Caracrères spéciriques. — Oreilles petites, à peu près aussi larges que longues, arrondies, sans échancrure, d'un tiers plus courtes que la tête, réunies par une membrane; oreillon grêle, filiforme, moitié de la longueur de la conque; système dentaire comme dans les Oreillards; pelage doux, co- tonneux, très-touffu, à peu près de même couleur partout : en dessus d’un brun marron avec l’ex- trémité des poils un peu plus claire, et en dessous d’un gris clair, plus foncé à la base des poils. Envergure : 0,18. Ce Chéiroptère habite l'Italie, où on l’a trouvé sur Les crêtes peu accessibles et dans les cavernes du mont Corno, à 1,800 mètres d’élévation au-dessus du niveau de la mer. La seconde espèce est le Miniopterus Schrebersu, Natterer, de l'Allemagne, de la Hongrie et de la Crimée. 3me SOUS-GENRE. — PIPISTRELLE. PIPISTRELLUS. Kaup, 1829. Eur. Thierw, I. Nom propre. Ce sous-genre correspond aux genres Noctulu et Serotinus de M. Ch. Bonaparte ({conografia della Fauna Italica), et en partie, au moins, à celui des Vesperus de Blasius (in Wiegmann Ar- chiv., t. 1, 1839). On en connaît un grand nombre d'espèces, sur lesquelles une quinzaine habitent l'Europe et trois la France; les autres sont répandues dans l'Afrique, l'Asie et l'Amérique. À. ESPÈCES D'EUROPE. 1%. NOCTULE. Daubenton., VESPERTILIO NOCTULA. Linné. Caracrènes spéciriques. — Oreilles plus ou moins arrondies, larges, très-étendues en devant jus- que près de la commissure des lèvres, à bord extérieur courbé en arrière; oreillon court, large, courbé en fer de hache; membrane interfémorale fortement échancrée à l'articulation des pieds; pe- lage de moyenne longueur, soyeux, lustré, couvrant en dessous une partie de la membrane des flancs et toute l'aile le long de l’avant-bras, très-fourni chez les vieux, plus rare chez les jeunes de 60 HISTOIRE NATURELLE, l'année : parties supérieures d'un beau roux vif et lustré, et inférieures d'un roux plus clair; les poils de l'aile brunâtres: membranes d'un roux noirâtre. Envergure : 0",40. La Noctule est plus répandue dans le centre de l'Europe que dans le nord ou dans le midi : on la trouve en France, en Angleterre, en Allemagne, dans l'Ital'e septentrionale, etc.; et un fait que l'on doit noter, c'est qu'on en a constaté l'existence en Égypte et au Japon. Cette espèce diffère tellement, par sa manière de vivre, de la Sérotine, qu'on ne peut nullement confondre ces deux animaux, quoiqu'ils aient les plus grands rapports par leur conformation exté- rieure. Elle sort la première de sa retraite chaque soir, vers le coucher du soleil, et s'élève d'abord très haut dans l'air. À mesure que l'obscurité augmente, elle se rapproche de terre et surtout de la surface des eaux, où voltigent les êtres dont elle doit faire sa pâture. Les vieilles tours et les elo- chers, les combles des maisons habitées, ete., sont les lieux où elle se tient ordinairement; mais on la rencontre aussi très-souvent dans le creux des arbres des forêts ou des campagnes. En été, on voit voler les Noctules par troupes de dix à vingt individus; et, en hiver, on les trouve blotties par cen- taines dans le même repaire, où sans doute elles se réchauffent mutuellement par leur agglomération. Elles peuvent résister à une abstinence très-longue, et la vie chez elle est très-dure. De toutes les Chauves-Souris européennes, ce sont celles qui répandent l’odeur la plus désagréable. 15. SÉROTINE. Daubenton. VESPERTILIO SEROTINUS. Linné. Canacrènes spéciriQues. — Museau long, dénudé jusqu'au chanfrein, garni seulement de poils rares; oreilles éçartées, médiocres, velues à la base extérieure, un peu étendues en avant; oreillon en feuille arquée, à pointe ronde; membrane interfémorale non échancrée; queue dépassant de 0%,00% à 0,005 cette membrane; pelage de moyenne longueur, fin, soyeux, lisse et très-lustré. Le mâle, en dessus, brun châtain et en dessous brun cendré terne; la femelle brun roussâtre en des- sus, gris jaunâtre en dessous; museau, oreilles et membranes des deux sexes, noirs: les jeunes avec un pelage plus sombre et moins lustré. Envergure : 0, 36. Par sa taille et sa physionomie, elle se rapproche de la précédente espèce; mais elle s’en dis- tingue facilement, non-seulement parce qu'elle a deux fausses molaires de moins, mais encore parce que son pelage est plus long et plus brunâtre. La Sérotine habite le creux des arbres des forêts et de la campagne, et elle en sort au printemps beaucoup plus tard que les autres espèces. Elle vit isolée ou par paire; elle ne vole que lorsque la nuit est close, et fréquente le voisinage des eaux. Son odeur est fade et désagréable, et non musquée comme celle de la Noctule; sa voix est un siffle- ment aigu. Elle ne fait qu'un petit par portée, et ordinairement le met au jour vers la fin du mois de mai. Cette espèce n’est pas rare en France; on la rencontre aussi en Allemagne, en Italie, en Cri- mée, etc. 16. PIPISTRELLE. Daubenton, VESPERTILIO PIPISTRELLUS. Linné. CaracrèrEes spécriques. — Oreilles ovales, triangulaires, plus courtes que la tête, légèrement échancrées sur le bord extérieur; oreillons presque droits, terminés par une pointe arrondie; crâne très-saillant, convexe en dessus; occiput arrondi, sans crête; pelage bien fourni, de moyenne lon- gueur, membranes nues; toutes les parties supérieures du corps couleur café, et d'une teinte légère- ment plus claire en dessous. Envergure : 0",25. Les Pipistrelles, qui sont après l'Oreillard les plus petits Chéiroptères d'Europe, sont remarqua- bles au premier coup d'œil par la couleur de leur pelage et de leurs membranes, ainsi que par la grandeur de leur queue. Elles se trouvent en commun, avec d'autres Ghauves-Souris, sous les combles AN A A Kanguroo. PL 8 re - à : LT : et Li à li : : r “1 1 \ 2 | : . L . ï x “ * U TR ' ; L à « : ? 4 ce EL 007 De” [ L ‘ i 1 , : : 2 [ fol CARNASSIERS. 61 des habitations, et dans les tours et clochers. Leur manière de vivre ne diffère en rien de celle des autres espèces. Elles habitent le centre de l'Europe; on les rencontre abondamment en France, en Allemagne et en Angleterre. On en a signalé une variété en Egypte, et on en a trouvé aussi une au Japon. Les autres espèces particulières à l'Europe sont les Pipistrellus vispistrellus, Savu, Leucippe, Alcythoe, Aristippe, toutes de Sicile et décrites par M. Ch. Bonaparte; Vespertilio Leisleri, Kubhl, d'Allemagne; discoior, Natterer, d'Allemagne; Nilsonii, Blasius, de Suède; Kuhliü, Natterer, de Trieste; Nathusi, Küster, de Prusse; albolimbatus, Küster, de Sardaigne, etc. 17. VESPERTILION LIMNOPHILE. VESPERTILIO LIMNOPHILUS. Temminck. CaracTÈRES sPÉCIFIQUES. — Oreilles médiocres, parfaitement ovoides, sans lobe par devant; oreil- lons courts, droits, larges, en feuille arrondie par le bout; pelage doux, soyeux, de longueur moyenne; les parties supérieures du corps sont, chez le mäle, d'un gris foncé, couleur de souris, et chez la femelle un peu plus roussâtres. Envergure : 0®,23. Cette espèce habite la Hollande; elle ne commence à voler que lorsque la nuit est entièrement venue, et ses mouvements sont très-véloces; elle parait rarement ailleurs que sur les eaux, à la li- sière des grands roseaux et des bois taillis, rasant la surface de l'eau d’un vol très-rapide. B. ESPÈCES D'AFRIQUE. Quelques espèces propres au cap de Bonne-Espérance, au Sénégal et au Kordofan. Lesson y réu- nit des espèces qui, d’après M. Temminck, doivent entrer dans le genre Nycticejus. Comme type nous citerons seulement : 18. VESPERTILION DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE. VESPERTILIO CAPENSIS. Smith. Caractères spéciriques. — Oreilles médiocres, distantes, pointues vers le bout; oreillons très- longs, en forme de feuille de saule; pelage long, lisse, soyeux, noirâtre en dessus avec la base des poils d'un brun olivätre et plus brunâtre en dessous. Envergure : 0m,25. M, Temminck applique à cette espèce la dénomination de Vespertilio megalurus. / C. ESPÈCES D'ASIE. Une dizaine d'espèces, particulièrement propres à Java et.à Sumatra. Nous décrirons : 19. VESPERTILION KIRIVOULA. VESPERTILIO PICTUS. Linné. Caracrènes spécrriques. — Oreilles grandes, ovales, légèrement échancrées à leur bord extérieur, oreillons grands, subulés; membranes peintes de couleurs tranchées; pelage cotonneux, très-frisé; en dessus d’un roux doré très-éclatant, et en dessous légèrement roussätre; les flancs et les côtés du cou d’un roux plus prononcé. Envergure : 0,22. 62 HISTOIRE NATURELLE. Cette espèce, qui forme le type d’un genre particulier pour M. Gray, est répandue sur le conti- nent de l'Inde, à Java, Bornéo, Sumatra; mais son existence à Ceylan est douteuse, Nous citerons une seconde espèce, le Vespertilio noctulina, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, du Bengale. D. ESPÈCES D'AMÉRIQUE. Une seule : 20. GRANDE SÉROTINE. Bulion. VESPERTILIO MAXIMUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CaracrÈREs sPÉCIFIQUES. — Oreilles ovales, plus courtes que la tête; oreillon subulé; pelage d'un brun marron en dessus, d'un jaune clair sur les flancs et d’un blanc sale sur le ventre. Enver- gure : 0m,45. Cette espèce se trouve à la Guyane, où elle vole par troupes très-nombreuses, au crépuscule, dans les endroits découverts, souvent au-dessus des prairies, et quelquefois en compaguie d'Engoule- vents. - 4me SOUS-GENRE. — OCYPÈTE. OCYPETES. Lesson, 1844. Nouveaux tableaux du Règne Animal. Mammiferes. Ce sous-genre, qui correspond au genre Murina de M. Gray, ne renferme encore que deux es- pèces découvertes à Java, et dont M. Temminck a le premier donné la description. Le type est le 21. VESPERTILION POURCEAU. VESPERTILIO SUILLUS. Temminck CanacrÈres spéciriques —= Oreilles ayant à leur bord extérieur un oreillon muni d’un pli longitu- dinal; tragus iong, filiforme, pointu; pelage très-touffu, long, laineux, bicolore : toutes les parties supérieures d'un roux vif, un peu rougeâtre, avec la base des poils d’un blanc roussätre; les parties inférieures d'une teinte isabelle; les flancs cendrés. Envergure : 0",15. Cette espèce provient de Java et de Sumatra; elle est difficile à trouver, car elle est de petite taille, et son vol est extrèémement rapide; pendant le jour, elle se blottit à la racine et en dessous des grandes feuilles du Musa sapientum. La seconde espèce, placée dans le même groupe, est le Vespertilio cavernarum, Temminek, éga- lement particulier à l'ile de Java. À la suite de la description du genre Vespertilio, nous indiquerons, mais avec la plus grande ré- serve, quelques groupes qui peuvent naturellement y rentrer, et qui ne sont pas assez importants ou assez complétement connus pour que nous nous occupions spécialement de chacun d'eux. Tels sont les genres : Romicia (nom propre), Gray (Mag. of Zool. and. Bot., t. I, 1838), qui ne comprend qu'une es- pèce, le Æ. calcarata, Gray, dont on ignore la patrie, et dont la dépouille fait partie du Cabinet du British Museum. CARNASSIERS. 63 Natulus (du port Natal), Gray (Annals of Philosoph., 1. XANT, 1895). Type : le N. stramineus ou longicaudatus, Gray, dont on ne connait pas la patrie. Pachotus (7215:, épais; oz, oreille), Gloger, que M. Gray (Wag. of Zool. and Bot., t. I, 1858) réunit au genre Scotophilus, qui, pour lui, correspond à peu près à notre sous-genre Pipistrellus. Kirivoula (nom spécifique), Gray (Annals of nat. History, t. X, 1849), qui a pour tÿpe le Vespertilio pictus, de notre sous-genre Pipistrellus. Murina (du nom spécifique), Gray (Mag. of nat. Hist., t. X, 1842). Groupe fondé avec le Vesper- tilio suillus, tvpe du sous-genre Ocypetes. Trilactitus (tri, trois fois; lalilo, je me cache), Gray (Annals of natural History, t. X, 1849), dont le type est le Vespertilio Hasselt, Temminck. Nyctulinia, Gray (Mag. of nat. Hist., t. X, 1842), comprenant les N. proterus et fulvus, Gray, qui se rapprochent des Scotoplilus de cet auteur. yotis (uy:, Rat; o:, oreille), Gray (Mag. of Zool. an l Bot., t. I, 1858), correspondant en partie au sous-genre Vespertilio, et renfermant les V. murinus, Bechsteimi et Natereri. Harpiocephalus (asruz, Marpie; xoor, tête), Gray (Annals of nat. History, t. X, 1842), ayant pour type les Vespertilio Harpia, Temminck, que M. Gray nomme Harpiocephalus rufus. Leuconoe (nom mythologique), Boié (Isis, 1850); Cncophœus (zesvarce, obscur); Nystactes (mou rs, dormeur), et Pterygistes (resto, je remue les ailes), Kaup (Æntw. G. Europa's Thes., t. [, 1829); Lobostoma (:86:, lobe; or, bouche), Gundlach (Annals of nat. Hist., 1840), et Chæ- ronyclerus (yes, Porc; vues, Chauve-Souris), Lichsteinsten ({n Archiv. Wiegmann, 1844), groupes génériques incomplétement décrits, et qui, nous devons le dire, ne doivent peut-être pas tous rentrer dans le genre des Vespertilions. 9me GENRE. — NYCTICÉE. NYCTICEUS. Pafinesque, 1820. In A.G. Desmarest. Mammalogie. Etymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, + dans les jeunes, et + à l'âge adulte; canines, 4; molaires, =. Les incisives supérieures sont toujours accolées contre les canines, et présentent constamment la forme longue, conique et pointue d'une canine : les inférieures sont plus où moins entassées. A la mâchoire supérieure il n'y a pas de fausses molaires, et l'arrière-molaire est en lame trans- versale, comme formant une demi-dent; en bas, l'arrière-molaire est terminée par un tubercule. Lorsqu'il y a une fausse molaire en haut, elle est toujours extrêmement petite, obtuse, hors de la rangée, et placée derrière le talon de la canine. En tout, il y a, à l'état normal. trente dents, et trente-deux dans le jeune âge, rarement trente-quatre lorsque la petite pointe existe encore der- rière le talon des canines. Buermaxillaire rudimentaire, et soudée aux maæillaires dans toute sa longueur. Indépendamment de la différence dans le nombre et la forme des dents chez les Nycticées et les Vespertilions, on en trouve dans la forme du crâne. Les Nycticeus ont le chanfrein très-élargi, lisse, sur un plan horizontal et angulaire; le crâne est très-étranglé entre les arcades zygomatiques, large et bombé vers l'occiput, qui présente une crête saillante. Cette forme élargie du chanfrein donne à ces animaux quelque chose de la physionomie des Chiens roquets-dogues; leur gueule est 6 HISTOIRE NATURELLE. orande: leur museau obtus, et leur tête paraît encore plus large qu'elle ne l’est réellement, à cause de l'écartement des oreilles. Le pelage est plus ou moins court, lisse. Fig. 29, — Nycticée de Temminck. Le genre Nycticée a été créé par Rafinesque; M. Temminck en sépare les Nycticejus, qui s’en dis- tinguent principalement par leur pelage long et leur membrane interfémorale plus ou moins velue. On doit aussi regarder ce genre comme synonyme des Hypexæodons (vo, en dessus; e£, Six; cdeue, dent) de Rafinesque (Journ. de Phys., n° 87), et surtout du sous-genre Nyctalus (wzracs, nocturne), indiqué par Lesson (Tabl. du règ. anim. Mammiftres, 1842) comme subdivision des Vespertilio. Ar SOUS-GENRE. — NYCTICÉE. NYCTICEUS. Temminck. Si nous considérons le groupe des Nycticées comme distinct de celui des Nycticéjés, nous n’y comprendrons qu'un petit nombre d'espèces propres à l'ancien continent, et en particulier à l'Asie et à l'Afrique, car aucune espèce n’en a été découverte en Europe ni en Amérique, Comme espèce typique, nous décrirons le NYCTICÉE DE TEMMINCK. NYCTICEUS TEMMINCKI. Horsfield. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Oreilles plus courtes que la tête, et de forme oblongue arrondie, échancrées au bord externe, et munies d'un oreillon allongé, recourbé en faux; pelage soyeux, formé de poils courts, fauves en dessus, jaunätres en dessous; les côtés de la tête et du corps d’un roux brillant. Envergure : 0",33. Cette espèce, qui est voisine, mais distincte du Nycticeus Belangerii, est très-commune à Java, à Sumatra, à Bornéo, à Banda, à Timor et dans tout l'archipel indien. Elle vit en grandes bandes de plusieurs centaines d'individus dans les toitures des maisons et dans les trous des arbres; on la voit voler vers le déclin du jour, avant le crépuscule; elle se nourrit principalement de Termites, et rend ainsi de grands services en diminuant le nombre d'Insectes des plus nuisibles à l’homme par la destruction qu'ils font des arbres des forêts, ainsi que de ceux employés dans les constructions. Une autre espèce de ce genre est le Nycticeus noctulinus, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui ha- bite le continent de l'Inde. CARNASSIERS. 65 9me SOUS-GENRE. — NYCTICÈJE. NYCTICEJUS. Temminck. Chez les Nycticejus, le pelage est long, et la membrane interfémorale est plus ou moins velue. Tels sont les caractères assignés par M. Temminck à cette division, qui comprend une dou- zaine d’espèces, toutes américaines, et qui correspond, en partie au moins, au genre Atalapla (nom propre) de Rafinesque, et à celui des Lasiurus (usves, poilu; cvex, queue), de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et qui y est réuni par Lesson. Comme types, nous citerons : 1. NYCTICÈJE HUMÉRAL. NFCTICEJUS HUMERALIS. Pafinesque. CanacTÈres spéctriQuEs. — Oreilles ovales, plus longues que la tête, et noirâtres, ainsi que le mu- seau; pelage d'un brun foncé en dessus, avec les épaules noires, et les membranes à peu près de la même couleur. Envergure : 0,22. Habite la province de Kentucky, où elle est commune 2, NYCTICÈJE LASIURE. NYCTICEJUS LASIURUS (VESPERTILIO). Linné. CaracrèREs sPÉCIFIQUES. — Tête petite; oreilles ovales, courtes; pelage variant suivant les âges et les saisons : le plus habituellement, le sommet de la tête et la nuque sont jaunâtres, avec l'extrémité des poils roux, et tout le reste des parties supérieures jaune, présentant un reflet cannelle vif; le dessous est également jaunâtre, et offre une tache d’un blanc pur de chaque côté de la poitrine; membrane nue, colorée en roux et en noir. Enverguüre : 0,35. Cette espèce, type du genre Lasiurus, est surtout remarquable par la disposition de son système dentaire, qui, à son état normal, est composé de deux incisives de chaque côté de la mächoire su- périeure, et six à l’inférieure : ces dents étant en haut isolées, et semblables à de petites canines. Les molaires sont, de chaque côté de la mâchoire supérieure, au nombre de quatre, avec une cin- quième pointe derrière le talon des canines, et sans fonction; à l'inférieure, on en compte cinq. Ce Nycticèje se rencontre dans les États-Unis et les provinces septentrionales de l'Amérique du Sud; elle est très-commune à New-York et en même temps à Cayenne. Nous indiquerons encore comme espèce de ce genre le Vespertilio novæboracensis, Pennant, qui habite l'Amérique du Nord; c’est le type du genre Atalapha de Rafinesque, qui était basé sur un indi- vidu parvenu à l'extrême vieillesse, et qui, comme le fait observer M. Temminck, et avant lui À. G. Desmarest, offrait des différences odontologiques importantes, en ce qu'il avait perdu toutes ses incisives, sans que l’on pût y voir de trace alvéolaire. La caractéristique de ce genre Atalapha de Rafinesque (Prodrome de Somiologie) était : pas d'incisives aux deux mâchoires; nez simple, non muni de crêtes ou de membranes; oreilles médiocrement écartées l'une de l’autre, et pourvues d'oreillons; queue longue, dépassant un peu la membrane interfémorale, ou y étant comprise en entier, — Outre le Vespertilio novæboracensis, que Rafinesque nomme Atalapha Americana, il y comprenait une autre espèce qui est au moins douteuse, l'A. Sicula, qu'il définit par ses oreilles aussi longues que la tête, et sa queue saillante par une pointe obtuse. 66 HISTOIRE NATURELLE. 5ue GENRE. — LUPRIE. FURIA. Fr. Cuvier, 1898. Nouveaux Mémoires du Muséum, t. XVI, Nom mythologique UARACTÈRES GÉNÉPRIQUES. Système dentaire : incisives, #; canines, =; molaires, ÿ=;; les incisives supérieures toutes de même grandeur, pointues : externes disposées sans aucun rapport avec les canines inférieures; inci- sives inférieures placées régulièrement sur un arc de cercle, à l'aise, et trilobées; canines supérieu- res beaucoup plus épaisses que les inférieures, toutes à trois pointes : des deux latérales, l'une tournée vers les incisives, l'autre vers les molaires : les canines ayant aux deux mâchoires des formes anoma- les. et présentant plus de rapport avec des fausses molaires qu'avec des canines ordinaires; les mo- laires conformées comme celles des Vespertilio; il y en a, supérieurement, deux fausses, et trois inférieurement. Museau camus, hérissé de poils roides. Veux saillants, gros. Narines ternunales, n'étant pas séparées l'une de l'autre par un bourrelet. Lèvres entières : la supérieure avec quatre ou cinq verrues sur les côtés, et l'inférieure avec huit tubercules assez semblables à des verrues. Oreilles à peu près aussi larges que longues, simples, pourvues d'un oreillon à trois pointes. Ongle du pouce se montrant au dehors de la membrane des ailes. Queue enveloppée presque complétement dans la membrane interfémorale. Outre ces caractères, on doit faire remarquer que, chez les Furies, les os frontaux et pariétaux se relèvent presque à angle droit au-dessus des os du nez, et que toutes les parties supérieures sui- vent ce mouvement. Les os de l'oreille sont fort au-dessus de la partie antérieure de l'arcade zygo- matique, qui, au lieu d'être horizontale, forme un are dont l'extrémité postérieure est très-relevée au-dessus de l'antérieure. La hauteur du maxillaire supérieur est presque nulle, tandis que la bran- che montante de la mâchoire inférieure est très-grande. Les os du nez laissent entre eux une dépres- sion sensible sur la tête osseuse, quoiqu'elle ne s’aperçoive pas sur la tête non dépouillée. Dans les Vespertilions, on trouve des formes très-opposées; ainsi, les os du nez, les frontaux, les pariétaux et l'occiput, sont sur une ligne droite oblique : l'arcade zygomatique est horizontale; le maxillaire supérieur a une grande hauteur, et la branche montante de l’inférieur est médiocrement élevée. Ce genre a été créé, par Fr. Cuvier, sous le nom de Furia, et, depuis, M. Ch. Bonaparte en a transformé la dénomination en celle de Furipterus (furia, furie; #z:gcv, aile). On n’en connaît qu’une espèce, qui habite la Mana, dans la Guyane. FURIE HORRIBLE. FURIA HORRENS. Fr, Cuvier. CarAGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage d’un beau noir uniforme, doux et épais, excepté sur le museau, oi il est plus long, plus roide et plus hérissé que sur les autres parties du corps. Envergure : 0",19. Cette espèce, encore rare dans les collections, a été découverte par Leschenault. Jaguar, PI. 9 CARNASSIERS. 67 4me GENRE. — SCOTOPHILE. SCOTOPHILUS. Leach, 1822. Transactions of Linnean Society of London, t. XII. Zxorcs, obscurilé; @ucs, ami. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, #; canines, 5=f; molaires, #=}; incisives supérieures inégales, poin- tues, les intermédiaires étant les plus grandes, simples, et les latérales bifides à lobes égaux : infé- rieures peu distinctement trifides; canines supérieures avec une petite pointe en arrière de la base : inférieures offrant cette pointe en avant de la base; molaires comme chez les Vespertilio. Oreilles distantes. Troisième, quatrième et cinquième doigts des ailes ayant trois phalanges; l'index n'en présen- tant que deux. Doigts des pieds médiocres, égaux, armés d'ongles comprimés et recourbés. Ce genre, dont nous donnons la caractéristique d’après Leach, n’est pas suffisamment décrit, et c’est probablement avec raison que Lesson le réunit aux Vespertilio; tandis que M. Gray y place des espèces assez nombreuses et rapportées à divers genres On n’y range ordinairement que le SCOTOPHILE DE KUHL. SCOTOPHILUS KUHLII. Leach. CarAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage brun ferrugineux; oreilles, nez et ailes bruns. La patrie de cette espèce est inconnue. 5e GENRE. — OREILLARD. PLECOTUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1820. In A. G. Desmarest. Mammalogie et Faune française. ske, je plie; w£, oreille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 5 Système dentaire: incisives,#; canines, 1={; molaires, 4} ou =5,— total, trente-quatre ou trente- six dents; incisives supérieures séparées par paires; inférieures contiquës, trilobées à leur tran- chant; canines médiocrement fortes; molaires ayant leur couronne garnie de pointes très-aiqués. Tête moyenne Nex simple, sans membranes ni crêtes, ni fosse sur le chanfrein. Narines terminales et un peu latérales, séparées l'une de l'autre par un sillon légèrement marqué. Oreilles très-grandes, nues, placées un peu en avant de la tête et réunies à la base par leur bord interne ou un prolongement de ce bord. Oreillon souvent très-développé. Yeux petits. Lanque douce. Corps médiocrement allongé. Ailes membraneuses, étendues, soutenues par quatre doigts très-grèles el très-longs, sans ongles, et accompagnés d'un pouce court, robuste, onguiculé. GR HISTOIRE NATURELLE. Pieds postérieurs à cinq doigts courts : tous dans la méme direction en arrière, pourvus d'ongles crochus, égaux entre eux. Queue très-longue, entièrement comprise dans la membrane interfémorale, qui est très-granle. Fig. 23, — Orcillard. Les Oreillards ressemblent beaucoup aux Vespertilions, mais ils en diffèrent par un développe- ment extraordinaire des oreilles, qui sont unies l'une à l'autre par un prolongement du bord interne traversant le front vers son milieu. Ce geure, que M. Temminck ne regarde pas comme différent de celui des Vespertilio, et que À. G. Desmarest (Mamm.) indiquait comme un simple sous-genre de Vespertilio, correspond à celui des Macrotus (uz4:0:, grand; w:, oreille) de Leach (loco citalo), dénomination qui a été adoptée par M. Ch. Bonaparte, tandis que M. Gray (Voy. of Sulphur, 1844) l'applique à une espèce d'Haïti, principalement caractérisée en ce que sa queue est saillante au delà de la membrane interfémorale. La Barbastelle, qui entre dans ce groupe générique et ne doit probablement pas en être séparée, a servi de type aux groupes des Barbastellus, Gray (Annals of Magasin of History natural, 1825), et Synolus (sw, attachée avec; w:, oreille), Keyserling Von Blasius (die Wäirbelthicre, Europa’s, 1840), le premier adopté par M. Ch. Bonaparte et le second par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. On connait plus de douze espèces d'Oreillards qui ont les mêmes habitudes que les Vespertilions, et sont répandues dans toutes les parties du monde. Quatre sont européennes. 1. OREILLARD. PLECOTUS AURITUS (VESPERTILIO). Linné. CaRacTÈRES spéciFIQuEs. — Oreilles presque aussi longues que le corps, inclinées de côté, minces, un peu transparentes, ayant un repli longitudinal et saillant en avant jusqu’à la commissure des lèvres; un petit repli à la base de leur bord interne, qui est cilié dans toute sa longueur, réunies par la partie inférieure sur la tête; tragus droit, long et pointu, muni d'un lobe externe à la base; tête déprimée; museau long, pointu; face peu velue; glandes odoriférantes placées aux côtés du museau et au devant des yeux, jaunâtres; pelage long, d’un brun cendré nuancé de roussâtre en dessus, gris blanchätre nuancé de fauve en dessous, membranes nues, d'un gris blafard, ainsi que les oreilles. Envergure : 0,98. Gette espèce, qui se rencontre dans presque toute l'Europe et n'est pas très-rare en France, ha- bite l'intérieur des villes et des villages, où elle établit son domicile sous les combles des maisons ainsi que dans les clochers. Elle est peu nombreuse en individus, et ceux-ci vivent isolés; elle ne re- cherche pas le voisinage des eaux. CARNASSIERS. 69 2 PBARDBASTELLE. PLECOTUS BARBASTELLUS (VESPERTILIO). Linné. Caracrènes sréciriques. — Museau très-court et obtus; tête couverte par les oreilles, qui sont réunies à leur base sur le front; conques auditives très-développées, très-larges, masquant la partie postérieure du crâne; une large bande de poils au milieu de la conque, qui est nue des deux côtés; glandes odoriférantes triangulaires; pelage très-court, fin et soyeux; membranes velues des deux côtés; toutes les parties supérieures noires; ventre blanchâtre; membranes brun clair. Enver- gure : 0,95. Cette espèce, qui appartient à la faune française, habite les contrées tempérées et chaudes de l'Europe; elle est rare et préfère, comme lieux d'habitation, les vicilles tours élevées. On la trouve quelquefois avec la Pipistrelle, mais jamais avec d’autres Vespertilions. Les deux autres espèces particulières à l'Europe sont les Plecotus brevimanus, Jenyns, d'Angle- terre et de Sicile, et cornutus, Fabricius, propre au Danemark. Quatre sont de la Malaisie, surtout de Timor et de Sumatra. Le Plecotus T'imoriensis, Lesson ct Garnot, en est le type. Deux d'Afrique : les Vespertilio leucomelas, Ruppell, de l'Arabie-Pétrée, et isabellinus, Temminck, des côtes de Barbarie. Quatre de l'Amérique, tant méridionale que septentrionale; la plus connue est le Vespertilio ie- galotis, Rafinesque, des États-Unis. QDuatuane diotston. NYCTÉRIENS. NYCTERI. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez creusé d'une cavité. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a désigné cette division sous le nom de famille, et il n’y place que le genre Nyctère, qui habite l'Afrique et l'ile de Java. GENRE UNIQUE. — NYCTÈRE. NYCTERIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1814. Description de 1 Égypte. Histoire naturelle, t. IL. Nouzreots, Chauve-Souris. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 4 canines, =}; molaires, {5 et plus rarement 44, ce qui donne en totalité trente-deux ou seulement trente dents; les incisives supérieures bilobées, petites, séparées par paires; les inférieures trilobées; les canines assez fortes; les molaires gainies à la couronne de pointes aïquës. Chanfrein creusé d’une fosse profonde longinulinale. Marines couvertes par une sorte d’opercule cartilagineux et mobile. Oreilles très-grandes, très-ouvertes, contiquës à leur base antérieurement. Orcillon presque extérieur. 79 HISTOIRE NATURELLE. Membrane interfémorale plus grande que le corps et comprenant lu queue, qui est terminée par un cartilage bifurqué et en forme de T renversé (I,). Ce genre, fondé par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, ne renferme que quatre espèces, qui ont les mêmes mœurs que les autres Ghéiroptères insectivores. 1. NYCTÈRE CAMPAGNOL VOLANT. Daubenton. NYCTERIS HISPIDUS, Linné. CaracrÈères spéciriques. — Pelage généralement d'un brun roussâtre en dessus et d’un blanc lé- gèrement teint de fauve en dessous. Envergure, 0",21. Cette espèce, qui est le Nycteris Daubentonii d'Et. Geoffroy, habite le Sénégal; on l’a indiquée comme de la Sicile, mais ce fait est loin d’être démontré. 9, NYCTÈRE DE LA THÉBAIDE. NYCTERIS THEBAICUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CaracTÈRES spÉGIFIQUES. — Pelage doux et fin, brun en dessus et gris brun en dessous. Enver- gure : 0m,26. Ce Chéiroptère a reçu d'A. G. Desmarest le nom de Nycteris Geoffroyi. et de M. Smith celui d'af- finis; on l’a signalé dans plusieurs contrées de l'Afrique très-éloignées les unes des autres, telles que l'Egypte, la Nubie, le cap de Bonne-Espérance et le Sénégal. 5. NYCTÈRE DU CAP. NYCTERIS CAPENSIS. Smith. CaracTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage fauve noir sur le dos et l'occiput; blanc sale sur les côtés du cou; parties inférieures cendrées; une touffe de poils blines sur le tragus. Envergure : 0m,28. Gette espèce habite l'Afrique méridionale, particulièrement l'ile de Pâques. 4. NYCTÈRE DE JAVA. NYCTERIS JAVANICUS. Et. Geollroy Saint-Hilaire. CanacrÈres sréciriQuEs. — Pelage d’un roux vif sur les parties supérieures du corps et d'un cen- dré roussâtre sur les inférieures. Envergure : 0",50. Et. Geoffroy a donné la description de cette espèce, qui est la plus grande du genre. Cuuquiiute duoisLon) . RHINOLOPHIENS. RHINOLOPHII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez surmonté d'une feuille. Division correspondant à la famille qui porte la même dénomination dans la méthode de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et au groupe des Lophonyctères de De Blainville. CARNASSIERS. 71 On connaît une cinquantaine d'espèces de Rhinolophiens, et elles se trouvent répandues dans toutes les contrées du globe : les environs de Paris en renferment deux se rapportant au genre Rhi- nolophe. Les genres que nous admettrons dans cette division sont au nombre de huit, et, parmi eux, plu- sieurs ne nous sont pas entièrement connus; ce sont ceux des Nyctophile, Rhinopome, Arite, Rhi- nolophe, Mégaderme, Mormoops, Chilonyctère et Phyllodie. A 47 GENRE. — NYCTOPHILE, NYCTOPHILUS. Leach, 1822. Transactions of Linnean Society of London, t. XI. NuË, nuil; oo, j'aime. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, 124; molaires, #=; les incisives supérieures longues, coniques, pointues; par leur position près des alvéoles des canines et par leur forme conique, légè- rement courbée, elles ont l'apparence d'une seconde paire de canines : les inférieures sont fort à l'aise dans l'alvéole, mal rangées, larges, trilobées; les canines sont portées sur un talon à bord saillant : les inférieures armées, postérieurement, par une pelite pointe, et toutes assez espacées pour ne pas nuire au développement des incisives comme dans les mâchelières; les molaires supé- rieures sont tuberculeuses, à fortes collines, et les inférieures plus coniques. Nez avec deux feuilles nasales, dont la postérieure est la plus grande. Oreilles très développées, réunies sur le front, à tragus lancéolé. Membranes assez peu développées. Queue dont la dernière partie dépasse légèrement la membrane interfémorale. Fig. 24. — Nyctophile de Geoffroy. Le genre Nyctophilus à été créé par Leach, et revu depuis par M. Temminck, qui fait observer que c’est à tort que le zoologiste anglais lui a attribué six incisives inférieures, tandis qu'il n’en pré- sente réellement que quatre. Ce groupe, par la forme et le nombre des molaires, se rapproche des Nyctères, mais, au contraire, par la disposition du système dentaire des incisives et des canines, à plus de rapport avec les Rhi- nolophes; en outre, il est encore voisin des Nycteris par ses oreilles très-grandes, par ses follicules nasales, toutefois sa queue ne présente pas, comme chez ces derniers, un cartilage terminal bifur- qué. Tout le système cutané est peu développé, assez semblable à celui des Vespertilions. On ne connaît qu'une seule espèce de Nyctophile, et elle est propre à une des parties encore indé- terminées de l'Océanie. 72 HISTOIRE NATURELLE. NYCTOPINLE DE GEOFFROY. NYCTOPHILUS GEOFFROYI. Caracrères sréciriques. — Pelage de deux couleurs : en dessus, à base noire et à pointe brun foncé; en dessous, à base noirâtre et à pointe cendré blanchâtre; des poils sur la membrane le long des flancs et sur la partie supérieure des deux côtés de la membrane interfémorale. Enver- gure : 0,23. 9me GENRE. — RHINGPOME. RHINOPOMA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1814. Description de l'Égypte. Histoire naturelle, 2. I. Pw, nez; ro, opercule CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, %; canines, 4; molaires, 1}; les incisives supérieures écarlées l'une de l'autre; les canines médiocrement développées; les molaires ayant leurs couronnes héris- sées de pointes aiquës. Nez long, conique, coupé carrément à l'extrémité, surmonté d'une petite feuille. Ouvertures nasales étroites, transversales, munies d'un petit lobe en forme d'opercule. Chanfrein large, concave. Oreilles grandes, réunies, couchées sur le front; oreillon extérieur. Membrane iterfémorale étroite, coupée carrément, enveloppant seulement la base de lu queue. On a publié quelques détails sur l'ostéologie des Rhinopomes; nous nous en occuperons en parlant des os des Rhinolophes. Ce genre, dans lequel on voit apparaître les feuilles nasales, qui ne sont encore que très-peu développées, créé par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, ne renferme que trois espèces, particulières à l'Egypte, à l'Amérique méridionale et aux Indes, encore l’une d'elles n’y est-elle rangée qu'avec doute. 1. RIINOPOME A PETITE FEUILLE. RHINOPOMA MICROPHYLLA (VESPERTILIO). Brannich. CaracTÈREs spÉciFIQUES. — Pelage long, touffu, d'un gris cendré assez uniforme. Envergure : 0",21. Cette espèce, que Belon nommait la Chauve-Souris d'Égypte, a été principalement étudiée par Et. Geoffroy, qui a décrit avec soin son organe olfactif. Cet appareil est remarquable par la grande largeur des fosses nasales, qui cause un renflement considérable des os maxillaires, et surtout, aussi, par l'existence de petits opercules, qui peuvent, à la volonté de l'animal, boucher les ouver- tures des narines. Ge Rhinopome, qui a été observé en Égypte, a généralement les mêmes habitudes que les Chauves-Souris de notre pays, si ce n’est qu'il fait continuellement mouvoir ses narines, les dilatant, et ensuite les contractant, de manière à ne laisser voir aucune trace de l'ouverture. II ha- bite principalemeat les souterrains des pyramides du Caire. Fig — Genelle panthérine 10 CARNASSIERS. 1 La] 2. RHINOPOME DE LA CAROLINE. RHINOPOMA CAROLINENSIS, Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CanacrTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage brun; membrane obscure. Envergure : 0",93 Ce Rhinopome n’est pas regardé, sans quelque doute, comme particulier aux États-Unis de l'A- mérique du Sud, et c’est probablement pour cela que Lesson lui à appliqué la uouvelle dénomina- tion de Rhinopoma dubia. Pour nous, tout en convenant que l'habitat de cette espèce n’est pas dé- finitivement connu, nous ne pouvons cependant admettre le changement de nom de Lesson; car il nous semble qu'il vaut encore mieux conserver une dénomination impropre plutôt que de surchar- ger la synonymie, qui, malheureusement, en zoologie comme en botanique, ne l'est déjà que beau- COUP trop. Le Rhinopoma Carolinensis diffère du Rhinopoma microphylla par ses oreilles, qui sont moins grandes et moins séparées; par sa queue, assez longue et épaisse, n'élant engagée par la membrane interfémorale que dans la moitié de sa longueur seulement; et, enfin, par sa taille un pen plus considérable, La troisième espèce de ce genre est le Ranoroue »'Harowiex, Rhinopoma Hardwickii, Gray, que l'on rencontre dans les Indes. 37° GENRE. — ARITE. ARITEUS. Gray, 1838. Magazin of Zoology and Botany. Etymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUE. Nez présentant une feuille droite, lancéolée, simple en arrière, arrondie sur le front. Oreilles latérales. Tragus séparé, distince. Membrane imterfémorale peu développée, à bord amine vers la jambe. Ce genre, qui correspond à celui indiqué précédemment par M. Gray sous la dénomination d’{sto- phorus (iruev, Voile; cc, porteur), ne renferme qu'une seule espèce (Ariteus flavescens, Gray), dont on ignore la patrie, et dont un exemplaire est conservé dans les collections du British Museum. Ce groupe est très-rapproché de celui des Rhinolophes, et n'en diffère guère que par la disposition de sa membrane interfémorale. 4e GENRE. — RHINOLOPHE. RHINOLOPHUS. G. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, 1797. lableaux élémentaires du Régne animal, 2 CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire . mcisives, ?, ou plus rarement %; canines, =; molaires, = +2 TN fois i=?, ce qui donne en totalité vingt huit ou trente dents, el rarement trente-deux. Les lames tuter- maæillaires supérieures peuvent manquer, et alors iln'y a pas d'incisives supérieures; mais. quant ces lames existent, elles portent chacune une dent obtuse plus ou moins visible; mas ces dents toni- bent dans un àge avancé; les canines sont portées sur un talon assez grand, qui se développe «vec l'âge, sans pousser les incisives de leurs alvéoles; les molaires sont toujours à cour: nne garnie de =: 10" , où quelque- 7% HISTOIRE NATURELLE. pointes très-aiqués : quand elles sont au nombre de seixe, elles manquent de toute sorte de molaire anomale où fausse molaire; quand elles sont au nombre de vingt, elles ont une dent anomale hors de lique, sans fonction présumable, placée antérieurement sur le talon de la canine; enfin, quandelles sont au nombre de vingt deux, elles présentent une fausse molaire de plus à la mâchoire inférieure. Gueule très-fencdue. Oreilles médiocrement grandes, nembraneuses, presque nues, sans orcillon, à peu d'exceptions près, el placées sur les côtés de la tête. Yeux petits. Nez surmonté de crêtes membraneuses : la supérieure en fer de lance, placée à plat sur le bas du front, et l'inféricure présentant la disposition d'un croissant où d'un fer à cheval, et bordant la lèvre supérieure. Narines & orifice, placées de chaque côté entre les crêtes membranenses, plus vulqairement con- nues sous le nom de feuilles. Lèvres épaisses, composées d'un agréqat de fibres musculaires serrées les unes sur les autres, et opposées par leur direction. Membranes interfémoreles peu développées, assez semblables à celles des Vespertilio. Doigts des ailes avec un petit pouce séparé, onquiculé, placé près du poignet, et les quatre doigts suivants formés d'osselets très-grêles : l'indicateur n'ayant qu'un métacarpien sans phalange, tan- dis que les autres doigts ont un ou deux os, sans trace d'ongle. Queue grande, grêle, entièrement cu en partie embrassée jusqu'à sa dernière arfieulation par la membrane interfémorale. Pelage composé de poils très-doux. Lanque douce. 7 oh Fig, 25. — Rhinolophe deuil. Les Rhinolophes manquent d'os interniaxillaire réuni aux maxillaires; cet os est remplacé, chez les espèces pourvues d'incisives supérieures, par deux petites lames osseuses, plates, très-minces, divergentes aux deux extrémités, et se touchant vers le centre; ces petites lames, suspendues dans le cartilage nasal, portent chacune une incisive peu solidement affermie dans ces lamelles mobiles, et pouvant tomber facilement par le plus léger effort; il parait cependant qu'elles ne tombent pas régulièrement, et que, lorsqu'un effort accidentel les fait céder, elles repoussent, car le plus grand nombre des Rhinolophes pourvus de ces dents en ont, le plus souvent, dans l'âge adulte, et toujours dans le jeune âge; leurs incisives mobiles n'étant pas exposées à recevoir de lésion par le dévelop- pement de dents contiguës, comme cela a lieu à la mâchoire inférieure des Molosses, par suite du développement des canines. Les espèces qui manquent totalement de ces dents en sont privées dans toutes les périodes de la vie par l'absence de lamelles intermaxillaires, remplacées par un simple cartilage. Ce singulier appareil d’intermaxillaires mobiles, mis en action par des muscles releveurs CARNASSIERS. To et féchisseurs dépendants presque exclusivement des lèvres, donne aux Rhinolophes la faculté de lever où de baisser les incisives supérieures, exemple très remarquable de dents mobiles dans la classe des Mammifères, et présentant certain degré d’analogie avec l'appareil de diverses espèces d'Ophidiens. L'extrémité postérieure du cartilage nasal et les deux lamelles osseuses sont suspen- dues à l'extrémité antérieure du vomer; leur mouvement semble dépendre de l'organe de l'odorat, très-subtil chez ces animaux. On à eru pendant longtemps que nos Rhinolophes d'Europe, et principalement le petit Fer-à-Che- val, présentaient quatre manelles; mais, Kuhl à démontré qu'il n° avait chez ces Chéiroptères, de même que dans les autres espèces de la même famille, que deux mamelles pectorales, et que les deux autres corps glanduliformes, que l’on avait pris pour des mamelles inguinales, n'étaient que des verrues de la peau, au-dessous desquelles il n'y avait pas de giandes mammaires. M. Temminck a confirmé pleinement les observations de Kubhl; il rapporie que ces prétendus mamelons ne servent en aucune manière à la nutrition, et il ajoute que ce sont des appendices particuliers d’où suinte une matière onctueuse, fétide, et qui est destinée à augmenter l'odeur désagréable qu'exhalent ces Chauves-Souris. Ces papilles n'existent pas avant l'âge de deux ans, et ce n’est que quand les femelles ont trois ans qu'on les voit bien développées. Mais, outre cet appareil, les Rhinolophes ont, comme les animaux de la même famille, des glandes odoriférantes très-développées. L'oreille est, dans le plus grand nombre des cas, privée d’oreillon ou de tragus, ou bien cet or- gane est excessivement petit, et l'oreille est droite, sans lobe bien marqué; mais, chez quelques espèces, on voit un lobe inférieur. transversal, plus ou moins distinct, quelquefois très-développé. détaché de l'oreille par une échancrure plus ou moins grande, et servant à fermer cet organe d'une manière plus complète que ne pourrait le faire toute autre espèce d'appareil. L'organe de l'odorat présente une grande complication; les chambres nasales ne s'étendent pas au delà des premières molaires; elles sont renflées et globuleuses; l'entrée des narines existe par devant et au-dessous, et représente comme une large ouverture que termine l’intermaxillaire. Le nez est, en dessus, armé de deux feuilles disposées d'une manière toute particulière, et qui a valu à ce genre la dénomination qu'il porte. De Blainville et M. Temminck ont donné des détails sur l'ostéologie de ces Chéiroptères; le pre- mier zoologiste a étudié avec soin les squelettes des Rhinolophes et des Rhinopomes, qu'il compare avec celui des Mégadermes. Selon lui, la tête des Rhinolophes et des Rhinopomes est plus bulleuse au crâne, plus ramassée et plus tronquée à la face, que celle des Mégadermes, et présente un large aplatissement de ‘a région fronto-nasale et un développement singalièrement bulleux des sinus maxillaires. Les mâchoires sont assez bien semblables dans ces trois genres; cependant, le prémaxil- laire, qui manque encore dans les Rhinolophes, existe, quoique assez peu complet, dans les Rhino- pomes. Le reste du squelette n'offre de différence que dans la longueur des vertèbres de la queue, qui ne sont peut-être pas en plus grand nombre dans les Rhinolophes que chez les Mégadermes, mais qui, étant très-allongees et excessivement grêles, portent la queue au delà des membres postérieurs; et cela même est encore plus manifeste dans les Rhinopomes. Le steroum est saillant, en angle ou- vert, et muni, latéralement, d'une sorte d'apophyse épineuse, suivant M. Temminck. Les os qui constituent la poitrine ne présentent pas non plus de différence bien appréciable, ni dans le nom- bre, ni dans la forme, au moins chez les Rhinopomes; mais il n'en est pas tout à fait de la même manière dans les Rhinolophes, dont les côtes, et surtout les postérieures, sont singulièrement élar- gies. au point de se toucher presque complétement. Chez ces derniers animaux, l'hyoïde est élargi, excavé, courbé fortement en dessus, et ses cornes postérieures, prolongées en forme de bras, dila- tées, spatulées, sont beaucoup plus fortes que les antérieures. extrèmement déliées dans les deux articles qui les constituent. Les os des membres sont très-grèles : aux antérieurs, l'humérus est plus long et moins robuste dans les Mégadermes; le radius est un peu plus arqué, surtout dans les Rhi- nolophes; le eubitus est filiforme et non coudé, et la main est très-courte : en effet, le plus long doigt, le troisième ou médian, est à peine plus long que le radius; aux membres postérieurs, il n'y a pas de différences appréciables dans ces trois groupes de Chéiroptères. L'os pénien a été trouvé dans deux espèces de Rhinolophes; dans le grand Fer-à-Cheval, où il a au moins 0",00$ de long, il est épaissi et triangulaire à la base, qui est excavée en capsule, prenant ensuite, en se rétrécissant d'abord, puis en se dilatant et s'amincissant de nouveau, la forme d’une spatule à l'extrémité; dans 76 HISTOIRE NATURELLE. le petit Fer-à-Cheval, où il est nécessairement beaucoup plus petit, il a la forme de la pointe d'une épée triquètre. Les Rhinolophes vivent, une grande partie de l'année, réunis en bandes de plusieurs centaines d'individus des deux sexes, soit dans les cavernes, les vieux édifices abandonnés ou peu fréquentés, ou dans les trous quelquefois énormes et vermoulus des arbres des forêts vierges : passé le temps de l'accouplement, et quand les femelles sont pleines, celles-ci s'éloignent des mâles, s'établissent plusieurs ensemble dans des retraites particulières, et vaquent en société de leurs compagnes aux soins de la nutrition et de l'éducation, si nous pouvons employer ce mot, du petit ou des deux petits que chacune d'elles a mis an monde. Les mâles, de leur côté, vivent alors réunis, et la famille ne reprend ses habitudes sociales que lorsque les jeunes sont en état de pourvoir à leur subsistance. Ce fait, des plus intéressants, et dont nous avons déjà parlé, semble, du reste, à peu près général pour presque tous les Chéiroptères. Nos espèces européennes sont essentiellement insectivores, noc- turnes, et toutes hivernent. Elles se retirent, en troupes plus ou moins nombreuses, dans les lieux souterrains, où elles passent l'hiver, et la journée entière pendant les autres saisons, enveloppées dans les membranes de leurs ailes. et suspendues aux voûtes, la tête en bas, par leurs pieds de derrière, dont tous les doigts ont une même direction en arrière. Cette habitude ne leur est pas, du reste, particulière, et les Vespertilions la présentent également. Ces Chauves-Souris se trouvent répandues dans les iles de la Sonde, dans l'Inde, l'Asie, l'Afrique ct l'Europe; on assure même en avoir assez récemment découvert une espèce en Australie; jusqu'ici, on w'en à observé aucune en Amérique. L'Europe n’en renferme que trois, et, sur ce nombre, deux se rencontrent dans presque toute la France, et né sont pas rares aux environs de Paris. Linné, Erxleben et Bechstein, associèrent les Rhinolophes avec les Vespertiiions sous la dénomina- tion commune de Vesperulio. Daubenton, le premier, distingua le grand et le petit Fer-à-Cheval, que Linné avait confondus. Et. Geoffroy Saint-Hilaire eréa le genre Rhinolophus, et, aux deux espèces anciennement connues qu'il y placa, il en adjoignit de nouvelles qu'il fit connaitre; G. et Fr. Guvier, A. G. Desmarest, Illiger, etc., adoptèrent les idées d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire, et, ainsi que M. Horsfield, décrivirent de nouvelles espèces. M. Tenminek (Monographie de Mannmalogie, tome I, première livraison, 1835) résuma, avec le talent qu'on lui connait, tout ce qui avait été dit sur ce genre, décrivit de nouvelles espèces, et donna une L-onographie de ce genre : ce travail, des plus importants, nous a servi de guide dans cet ouvrage. Depuis la publication de M. Temmiack, peu de changements ont été opérés dans le genre des Rhinolophes; le nombre des espèces, qui est au- jourd'hui de plus de vingt, a été seulement augmenté par MM. Gray, Sykes et Martin. Nous devons ajouter, en terminant ces généralités, que deux genres ont été formés aux dépens des Æhinolophus, ceux des Iiprosinère (Hipposideros) (rez, Cheval; adr:c:, fer), proposé par M. Gray (IS38, Annals of Magazin of Zoology and Botuny), et Phyllorhina (ge, feuille: 2w, avez. nez), créé par Leach (1822, Transactions of Linnean Society of London), et adopte par M. Ch. Bonaparte. À l'exemple de M. Temminek, nous ne considérerons ces deux genres, qui sont synonymes, que comme une simple section où sous-genre du genre Rhinolophe, et nous formerons un second sous-genre avec les Rhinolophus de MM. Gray et Ch. Bonaparte. 1 SOUS-GENRE. — RHINOLOPHE, RHINOLOPHUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire Nez à feuille nasale peu compliquée, à bord lisse, et placée transversalement en un ruban sur le chanfrein. Oreilles sans lobe distinet à la base de la conque, où bien à lobe pen apparent. Neuf espèces entrent dans ce sous-genre, et aucune n'est propre à l'Europe. CARNASSIERS. 77 A. ESPÈCE D'AFRIQUE. 4. RHINOLOPHE TRIDENT. RHINOLOPHUS TRIDENS. EL Geoffroy Saint-Hilaire, CaracTères spéciriQuEs. — Pelage rare, court et lisse, d’un cendré blanchätre, à base blanche en dessus et blanchâtre sale en dessous. Toute la surface du museau couverte par un fer à cheval, mais la feuille nasale étant peu comprimée, large à la base et s’élevant en lame transverse, dont la partie supérieure est terminée par trois dents; queue assez courte, non engagée dans la membrane interfémorale dans son dernier tiers. Taille de la Pipistrelle; envergure : 0",28. Cette espèce se trouve en Egypte, dans les profondes excavations des montagnes, et surtout dans les parties les plus reculées des tombeaux des anciens rois et du temple de Denderach. La seconde espèce de cette section est le Rhinolophus Commersonii, Et. Geoffroy, qui est très- voisine de la précédente, si même elle s’en distingue; elle habite Madagascar. B. ESPÈCE D'ASIE. Une seule espèce, le Rhinolophus Duklumensis, Sykes. propre au pays des Mahrattes, dans l'Inde, et qui se rapproche du Re. insignis. C. ESPÈCES DE LA MALAISIE. 9. RHINOLOPHE NOBLE. AHINOLOPHUS NOBILIS. Horsfeld. Caractères spécIFIQuEs. — Pelage très-doux, fin, long, d’un brun marron en dessus et blanchätre en dessous; feuille nasale simple, à bord terminal en couronne; fer à cheval entouré d’une large membrane pointue par devant et de plis latéraux. Envergure : 07,55. Fig. 26 — Rhinolophe noble. Elle se trouve aux Moluques, principalement à Java, où on la voit voler communement le soir dans les jardins, et, pendant le jour, elle se tient cachée sous les feuilles du Musa sapientum. 78 HISTOIRE NATURELLE. 3. RHINOLOPHE DIADÈME. RHINOLOPHUS DIADEMA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caracrères spéciriques. — Pelage d’un roux vif uniforme, présentant des reflets dorés; feuille de la base du front trois fois plus large que haute, à bord arrondi, et formant avec le bourrelet en fer à cheval de la lèvre supérieure une espèce de diadème qui entoure les ouvertures des narines. En- vergure : 0",99. Rapporté de Timor par Péron et Lesueur. 4. RHINOLOPHE A DEUX COULEURS. RINOLOPHUS BICOLOR. Temminck CaracrÈRES sPÉCIFIQUES. —- Pelage long, très-fin, lisse, bicolore partout; en dessus d’un blanc très-pur depuis la tête jusqu'aux deux tiers du corps, et d'un roux marron à la pointe; plus blan- châtre en dessous, mais seulement parce que l'extrémité des poils est colorée en brun; membrane d'un brun clair; feuille petite, transversale, de petite taille. Envergure : 0,95. Habite Java, Amboine et Timor. Les autres espèces de cette division sont les Rhinolophus insignis, Horsfield, de Java; spcoris, Schneider, de Timor et d'Amboine; tricuspidatus, Temminck, des Moluques, et larvatus, Horsfield, de Java. 2€ SOUS GENRE. — PUYLLORHINE. PHYLLORHINA. Leach. Nez avec une feuille plus on moins compliquée, élevée en forme de fer de lance, et portant une sorte de socle naissant du centre du fer à cheval. Oreilles offrant un lobe distinct à la base de la conque; ce lobe plus ou moins développé, ser: ant à fermer le passage auditif et tenant lieu de tragus. Ge sous-genre, qui, tout en répondant au genre Phyllorhina de Leach, correspond également au genre Hipposideros de M. Gray, renferme quatorze espèces propres à toutes les parties du monde, à l’exception de l'Amérique. A. ESPÈCES D'EUROPE. ) Trois seulement. 9. RHINOLOPHE PETIT FER-A-CHEVAL, ou BIFER, Daubenton. RHINOLOPHUS HIPPOCREPIS. Mermaun CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’un blanc lustré; dans l'adulte, l'extrémité des poils des par- tics supérieures légèrement brunätre; membranes diaphanes, d’un cendré foncé dans les mâles, jaunâtre chez les femelles; feuille frontale composée de deux pièces en forme de fer à cheval, l'infe- rieure étant en lame verticale carrée. Sa longueur est de 0",9, et son envergure de 0,97. Cette espèce a successivement porté les noms de Vespertilio hipposiderus, Bechstein; V. minus, Montagu; fihinolophus bihastatus, Et. Geoffroy, et 2 hippocrepis, Hermann, que nous avons CARMASSIERS 19 adopté avec la plupart des auteurs. Elle se trouve dans les vieux édifices, dans les cavernes, ete. et est assez difficile à découvrir parce qu'elle se suspend aux lieux les moins accessibles à l'homme. Elle habite l'Allemagne, l'Angleterre et la France; mais, dans ce dernier pays, elle est assez rare. ô. RINOLOPIIE GRAND FER-A-CHEVAL, ou UNIFER. Daubenton. RHINOLOPHUS FERRUM-EQUINUM. Linné. CaracrÈères svéciriques. — Pelage très-doux, d'une couleur blanchâtre mêlée de cendré clair et de roux en dessus, et d’un gris teint de jaunâtre en dessous; membranes noirâtres; face pourvue d'une membrane nue en forme de fer à cheval, bordant la lèvre supérieure et entourant les narines: au-dessus une seconde crête nasale, dont la partie inférieure s’avance verticalement sous forme d'une plaque à peu près carrée, et la supérieure assez grande, aplatie en fer de lance. Enxer- gure : 07,40. Cette espèce, longtemps confondue avec la précédente, a reçu d'Et. Geoffroy le nom de Rhino- lophus unihastalus. * Les Rhinolophes qui constituent cette espèce se trouvent dans toute l'Europe, excepté toutefois dans les parties septentrionales et orientales; ils sont communs dans les environs de Paris. Leurs habitudes ne différent pas de celles des Chauves-Souris ordinaires; ils commencent à paraitre vers la chute du jour pour saisir, dans leur vol incertain et irrégulier, les Insectes crépusculaires ou noc- turnes, tels que les Phalènes, les Noctuelles et plusieurs Diptères dont ils font leur unique nourri- ture. Pendant le jour ils se tiennent cachés dans les vieux édifices, dans les carrières ou les souter- rains abandonnés, mais toujours à une certaine distance les uns des autres; c’est dans les mêmes lieux qu'ils vont hiverner. Lorsqu'on en place plusieurs dans une boîte, ainsi que le fait remar- quer A. G. Desmarest, qui a pu les étudier vivants, ils ne tardent pas à s'attaquer avec férocité en se brisant mutuellement les os des membres, et finissent par s'entre-dévorer. 7 RHINOLOPUHE CLIFFON. RHINOLOPHUS CLIVOSUS. Ruppell CaracTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage en dessus d’un cendré nuancé d'une teinte lie de vin et en des- sous d'un blanchâtre sale; feuille nasale simple, en fer de lance, peu élevée et garnie de poils. En- vergure : 0m,28 Ce Rhinolophus, que M. Smith nomme A. Geoffreyi, et Lichstenstein R. Capensis, a été trouvé en Dalmatie et en Afrique, dans diverses parties de l'Egypte, ainsi qu'au cap de Bonne-Espérance. B, ESPÈCE D'AFRIQUE. Une seule espèce, le Rhinolophus Londeri, Martin, particulière à Fernando de Pà. C. ESPÈCES D'ASIE. Trois espèces : les Rhinolophus Rouæii, Temminck, de Calcutta; nippou, Temminek, du Japon et le Rhinolophus cornutus, le plus connu de toutes, 80 HISTOIRE NATURELLE 8. RHINOLOPHE CORNU. RAHINOLOPHUS CORNUTUS. Temiminck CaracrÈres sréciriques. —— Pelage en dessus blanc roussätre, plus clair en dessous; socle du fer à cheval élevé en corne obtuse. Envergure : 0",26 Du Japon. D. ESPÈCES DE LA MALAISIE. Six espèces : 9. RHINOLOPHE DEUIT. RHINOLOPHUS LUCTUS. Temminck CaraGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage excessivement long, touffu, laineux, d'un noir terne couleur de suie, mais avec la pointe des poils des parties supérieures terminée par une coloration gris clair, et présentant une teinte plus roussâtre dans la variété indiquée par M. P. Gervais sons le nom de rufa. Envergure : 0,40. Habite les îles de Java et des Philippines. 10. RHINOLOPHE NAIN. RHINOLOPHUS MINOR. Horsfield. CARACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage en dessus d'un brun noirâtre légèrement cendré, en dessous d'un cendré brun clair chez le mâle et plus roussâtre dans la femelle. Envergure : 0,98. Habite Java, Sumatra et Timor. Les autres espèces, décrites par M. Temminck, habitent toutes Java. à l'exception de la dernière, qui est d'Amboine, ce sont les Rhinolophus trifoliatus, affinis (A'Horsfield), pusillus et Euryotis. E. ESPÈCE DE L'AUSTRALIE. Une seule espèce particulière à la Nouvelle-Galle du Sud et indiquée par M. Gray sous la déno- mination de Rhinolophus megaphyllus. 5e GENRE. — MÉGADERME. MEGADERMA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1810. Annales du Museum, t. XV. Meyoc, grand ; deoua, peau CARACTÈRES GÉNÉRIQUES,. S ÿ le 390 *) 207)! 0. h NP A4 laires 44: les à DESLITT 520 “es se , l Système dentaire : imcisives, %; canines, À 1; molaires, #4; les mcisives inférieures se trouvan uniformément placées à côté l'une de l'autre sur la même ligne. et dentelées à leur tranchant; les canines fortes, crochues; les molaires qarnies de pointes aiquës. Oreilles très-grandes, réunies sur le devant de la tête; oreillon interne très-développé. CARNASSIERS. St Narines environnées et surmontées d'un appendice téqumentaire dont la forme varie dans cha- que espèce, mais qui se Compose Loujours de trois parties, l'une verticale, l'autre horisontale et la troïsième-en forme de fer à cheval Os intermaæillaires rudimentaires ou nuls. Troisième doigt des pieds antérieurs manquant de phalange onquéale. Ailes très-développées. Membrane interfémorale coupée carrément. Queue non apparente à l'extérieur. Les Mégadermes, distingués par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, ont beaucoup de rapport avec les Phyllostomes et les Rhinolophes, mais ils ne sauraient être confondus avec eux; car, s'ils se rappro- chent considérablement des premiers par la présence d’oreillon et l'absence de queue, et des seconds par leur appareil nasal, ils s’éloignent des uns et des autres par leurs lèvres velues, sans tubercules et par leur langue courte, lisse, sans verrues ni papilles. En parlant des Rhinolophes, nous avons dit quelques mots du squelette de ces Chéiroptères. Daubenton le premier a fait connaître une espèce de Mégaderme; Etienne Geoffroy Saint-Hilaire en a donné une monographie, et M. Gray (Mag. of Zool. and Bot., 1838) a cherché à y indiquer une subdivision nouvelle, celle des Lavia, à laquelle il assigne pour caractères chaque narine couverte par une lame membraneuse, valvulaire, longitudinale, et dans laquelle il ne place qu'une espèce, la Megaderma frons, Et. Geoffroy. On ne connaît que quatre espèces de ce genre; elles habitent l'Afrique et l'Inde, et l’on ne sait rien sur leurs habitudes naturelles. 1. MÉGADERME FEUILLE. Daubenton, MEGADERMA FRONS. Et Geoffroy Saint-Hilaire. Caracrères sréctriques. — Pelage d’une belle couleur cendrée avec quelques reflets jaunâtres peu apparents; feuille nasale ovale, très-grande et d’une demi-longueur des oreilles, Enver- gure : 0",19. Cette espèce habite le Sénégal. 9, MÉGADERME LYRE. MEGADERMA LYRA. Et. Geoflroy Saint-Hilaire, CaracrÈres spÉCIFIQUES. — Pelage roux en dessus, fauve en dessous; feuille nasale rectangulaire, à follicule de moitié plus petite qu'elle; oreilles amples. Envergure : 0m,25, De la côte de Coromandel. 3. MÉGADERME SPASME. MEGADERMA SPASMA (VESPERTILIO\. Linne. Caracrères sPécIFIQUES. — Front d'un roux clair : le reste du pelage roussätre: feuille nasale en cœur, à follicule aussi grande qu’elle. Envergure : 0,27. De l'ile de Ternate 82 HISTOIRE NATURELLE. 4 MÉGADERME TRÈFLE. MEGADERMA TRIFOLIUM. Et. Gcoffroy Saint-Hilaire. Canacrènes srécrriques. — Pelage long, moelleux, de couleur gris de souris: feuille nasale ovale, à follicule aussi grande qu’elle; oreillon en trèfle. Envergure : 0,26. Cette espèce a été trouvée à Java par Leschenault. Ge GENRE. — MORMOOPS. HMORMOOPS. Leach, 1822. Transactions of Linnean Socicty of London. Mosuw, larve; wŸ, aspect. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 4; canines, #=!; molaires, $=$, en totalité, trente-six dents; les inci- sives supérieures sont inégales, et les intermédiaires sont largement échancrées; les inférieures sont égales, trifides; les canines sont comprimées, canaliculées en devant: les supérieures ayant le double de la longueur des inférieures; les molaires sont hérissées de pointes aiguës. Nez à membranes très-compliquées. Marines larges. Oreilles réunies aux membranes nasules. Nez couvert de tubercules irréguliers. Face ayant l'aspect des plus bizarres. Queue entièrement enveloppée dans la membrane nterfémorale. Ce genre, créé par Leach et adopté par tous les zoologistes, ne renferme qu'une seule espèce propre à Java, et principalement remarquable par la disposition de ses oreilles, qui, réunies aux membranes du nez, présentent un vaste appareil propre à recevoir les sons et les odeurs. La bouche elle-même participe à cette richesse d'organisation; mais, ce qui passe toute mesure, c'est que les os du crâne s'élèvent perpendiculairement au-dessus de ceux de la face, de sorte que ces deux par- ties principales de la tête forment un angle droit. MORMOOPS DE DE BLAINVILLE. MORMOOPS BLAINVILLII. Leach. Canacrènes sréciriques. — Pelage long, brun noirâtre, uniforme. Envergure : 0,30. Cette espèce, découverte à la Jamaïque par M. Lavis, a sur le nez une feuille droite et adhérente aux conques auriculaires. La queue, comme bifurquée à son sommet, est entièrement engagée dans la membrane interfémorale, qui la déborde de beaucoup; cependant la dernière vertèbre caudale est libre, mais elle est peu visible. Le front est brusquement élevé, en laissant entre lui et les maxillaires une profonde dépression. La lèvre supérieure est lobée, légèrement crénelée, tandis que l'inférieure s'étend en une membrane à trois festons, ayant au milieu un appendice charnu, dis- posé en une sorte de diadème; de chaque côté du menton part un feston membraneux qui va se sou- der avec le pavillon de l'oreille. La langue est hérissée de papilles recourbées, bilides en avant. — Zorille du Cap CARNASSIERS. Z ] 7m GENRE. — CHILONYCTÈRE. CHILONYCTERIS. Gray, 1840. Annals of natural History, t. III. Xetcs, lèvre; vuzreots, Noctilion CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez tronqué, à bord supérieur frangé, avec les nurines s’ouvrant en dessous. Menton offrant deux plis transversaux, membraneux, au bord antérieur. Oreilles latérales, étroites, aiquës, avec une échancrure au bord externe. Membrane interfémorale large, tronquée. Queue longue. : Ce n'est qu'avec doute que nous plaçons ici ce genre, qui est encore loin d’être suffisamment connu pour prendre définitivement place dans la série zoologique; nous pouvons en dire autant du genre suivant. Sme GENRE. — PHYLLODIE. PHYLLODIA. Gray, 1844. Voyage of Sulphur Mammalia. . Puwdns, loliacé. CARACTÈRES GENÉRIQUES. Nez tronqué, à bord pointu, avec un prolongement charnu en forme de feuille en dessus. Narines placées en dessous. Menton ayant un pli membraneux, transversal, au bord antérieur. Oreilles latérales. Membrane interfémorale tronquée. Pieds libres. Queue courte. Ce genre ne renferme qu’une seule espèce, la Phyllodia Parnelü, Gray, de la Jamaïque. DEUXIÈME SOUS-TRIBU. NOCTILIONIDÉS. NOCTILIONIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Expansions membraneuses latérales constituant de véritables ailes. Lèvres présentant une double fissure. Phalange onquéale manquant à tous les doigts de l'aile. Cette sous-tribu, particulièrement caractérisée par sa double fissure labiale et par le manque de phalange onguéale aux doigts de l'aile, et qui correspond à la famille des Noctilionidés de M. Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire, ne renferme qu'une seule division, celle des Noctiliens. 84 HISTOIRE NATURELLE. Oicision uuque. NOCTILIENS. NOCTILIL Nobis. Mêmes caractères que la sous-tribu des Noctilionidés. Cette division, que nous avons cru devoir créer pour nous conformer à l'arrangement méthodique que nous avons adopté, ne renferme que le genre Noctilion de Linné, qui, lui-même, ne comprend que deux espèces, particulières à l'Amérique méridionale. GENRE UNIQUE. — NOCTILION. NOCTILIO. Linné, 1766. Systema naturæ, € XI. Nom propre à l'espèce typique CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Système dentaire ‘incisives, 4; canines, {=}; molaires, =, en totalité vingt-huit dents; les inci- sives supérieures forment ensemble un groupe séparé des canines, et dont les deux intermédiaires sont fortes, allongées, pointues et en forme de cunines; les latérales sont petites, obtuses, tuberculiformes; les deux incisives inférieures sont placées en avant des canines; les canines sont très-robustes; les molaires supérieures se divisent en une fausse et trois vraies de chaque côté; leurs couronnes sont hérissées de pointes aiguës; les inférieures se subdivisent en ane fausse molaire normale, une fausse molaire anormale et trois molaires vraies; elles sont du reste assez semblables à celles de la mâchoire supérieure. Museau court, très-renflé, fendu, garni de verrues ou de tubercules charnus. . Îez confondu avec les lèvres. Narines un peu tubuleuses, rapprochées et formant une légère saillie. Lèvre supérieure divisée dans son milieu en bec de lièvre, présentant un profond sillon. Chanfrein dépourvu de crête ou de feuille membraneuse, n'ayant ni sillon ni cavité. Oreilles petites, latérales, isolées. Oreillon intérieur. Membrane interfémorale très-grande, saillante. Queue de moyenne longueur, enveloppée en grande partie dans la membrane interfémorale, libre en dessus dans le reste de son étendue. Ongles des pieds de derrière très-robustes. F Le genre Noctilio a été créé par Linné, qui le rangeait dans son ordre des Glres ou Rongeurs, et qui lui assignait pour caractères : deux dents incisives à chaque mâchoire; les supérieures aiguës et les inférieures bilobées; narines proéminentes, cylindriques, rapprochées l'une de l'autre. Ces ca- ractères ne sont pas exacts et n'ont pu être observés que sur des individus incomplets. Quelques naturalistes ont donné à ces animaux la dénomination de Becs-de-Lièvre, tirée de la disposition par- ticulière de la lèvre supérieure. Le squelette d'une espèce de ce genre, le Noctilio leporinus, Linné, a été étudié par De Blainville. La forme de la tête présente quelque ressemblance avec celle des Taphiens et des Molosses, seu- lement il n'y a pas d'élargissement fronto-nasal; la crête sagittale est beaucoup plus relevée et le prémaxillaire est complètement soudé à l'extrémité du maxillaire. I n'y a rien à noter dans les ver- CARNASSIERS. 85 tèbres, qui ont à peu près la même disposition que celles des Vespertilio. L'humérus, dont la tête est légèrement comprimée comme chez les Oiseaux, est robuste, assez court. Le cubitus est toujours très-grêle; mais la main est fort grande. Au carpe, le pisiforme est assez gros; il n'y a pas de trapé- zoïde, le grand os donnant articulation au second et au troisième métacarpien, et l'unciforme au qua- trième et au cinquième. Les quatre grands métacarpiens sont presque égaux, très-longs; les pre- mières phalanges des trois doigts externes sont plus courtes que les terminales, et les secondes beaucoup moius longues que dans les Vespertilions. Le doigt médian n'a que deux phalanges, comme chez les Molosses Les membres postérieurs sont généralement plus courts que chez les Taphiens. Le bassin. outre la symphyse sacro-iliaque, en a encore une iskiatique, à l'extrémité de laquelle s'articule la partie mobile de la queue, ce qui fait que le détroit postérieur forme un trou ovale complet. Le fémur et le tibia sont assez courts, robustes, et ce dernier est comprimé et tranchant à son bord in- terne. Le péroné est, au contraire, filiforme et moins complet que chez les Taphiens. Le calcanéum est pourvu d'un éperon osseux, articulé, encore plus considérable que dans les T'aphozus, et qui est l'analogue du pisiforme de la main. Le pouce est notablement plus court que les autres doigts, qui sont presque égaux, et croisant légèrement du premier au cinquième. Fig. 27. — Noctilion voisin. Les Noctilions se trouvent dans les contrées chaudes et_boisées de l'Amérique méridionale, telles que le Brésil, le Paraguay, la Guyane, le Pérou, les Florides, etc.; leurs mœurs n'ont pas été obser- vées; mais toutefois, d'après la forme de leurs vraies molaires, on peut conjecturer qu'ils vivent d'insectes ct non pas de fruits, comme Linné le rapporte. Ces Chauves-Souris se ressemblent tellement par leur taille et tous les détails de leurs formes, qu'on ne peut les distinguer spécifiquement qu'avec beaucoup de doute. Aussi, dans ces derniers temps, a t-on réuni en une seule plusieurs prétendues espèces et n’en a-t-0n admis positivement que deux. 86 HISTOIRE NATURELLE. !. NOCTILION LÉPORIN. NOCTILIO LEPORINUS. Linné. CaracTÈèREs spéciriques. — Pelage d'un fauve roussätre plus ou moins jaunâtre, uniforme, avec les membranes alaires un peu brunâtres. De la taille d’un Rat de moyenne grandeur; enver- gure : 0",40. Cette espèce, qui a successivement reçu les noms de Noctilio unicolor, dorsatus, albiventer, Et. Geoffroy; rufus, Spix; vutatus, Neuwied, et rufipes, Alcide D'Orbigny, est propre à diverses contrées de l'Amérique du Sud. 2. NOCTILION VOISIN. NOCTILIO AFFINIS. A. d'Orbigny. Caractères spÉciriQuEes. — Pelage d'un brun cannelle assez clair en dessus, un peu plus pâle en dessous : un indice de raie plus claire longeant la ligne médio-dorsale et résultant plutôt de la dis- position particulière des poils que d’un changement de couleur. De taille un peu moins considérable que celle de l'espèce précédente. Ce Noctilion est très-commun à Concepcio, dans la Bolivie; il répand une forte odeur musquée, que l'on sent de loin. TROISIÈME SOUS-TRIBU. VAMPIRIDÉS. VAMPIRIDÆ Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Expansions membraneuses latérales constituant de véritables ailes. Dents offrant la disposition ordinaire aux Vespertilions en général. Phalange onguéale existant au doigt médius de l'aile. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a créé comme famille distincte, et sous la dénomination que nous lui conservons, cette sous-tribu, qui est principalement caractérisée par son système dentaire nor- mal et semblable à celui du plus grand nombre des Vespertilioniens, et par son médius de l’aile ayant une phalange onguéale. Les Vampiridés sont partagés en deux divisions : les Sténodermiens et les Phyllostomiens. Dreuuete division STÉNODERMIENS. STENODERMII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez simple. Cette division correspond à la tribu des Sténodermiens de la famille des Vampiridés de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et est caractérisée d'une manière générale par son nez non surmonté de érête ou de feuille membraneuse. CARNASSSIERS. 87 On n'y range qu'un seul genre, celui des Stenoderma, qui est particulier à l'Amérique méri- dionale. GENRE UNIQUE. — STÉNODERME. STENODERMA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. 4 814. Description de l'Égypte. Histoire naturelle, L. IL. Exeves, étroit; deous, peau CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 4; canines, 1=\; molaires, #=?. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire at- tribue à ces animaux quatre incisives aussi bien à la mâchoire supérieure qu'à l'inférieure, tandis que G. Cuvier, tout en admettant quatre incisives inférieurement, n’en signale que deux à la mû- choire d'en haut. La dernière molaire est ronde, tuberculeuse, et la principale est évidemment toujours la plus forte. Nez simple, sans feuille ni production membraneuses. Oreilles petites, latérales, isolées, ovales, échancrées au bord externe. Oreillon intérieur. Membrane interfémorale rudimentaire, bordant seulement les jambes. Queue nulle. Ce genre a été créé par Etienne Gcoffroy Saint-Hilaire pour une espèce, son Stenoderma rufa, que l’on rangeait précédemment dans le genre Vespertilio, dont on fait aujourd'hui le type du genre Desmodus, tandis que l’on admet d’autres espèces dans le genre Sténoderme. Quelques particularités relatives au crâne des Sténodermes ont été données par De Blainville. La tête est en général plus courte que dans le Vampire; elle l’est déjà dans sa partie vertébrale; mais c’est surtout dans sa partie appendiculaire qu’elle est très-ramassée et quelquefois même d’une briè- veté et d'une forme arrondie tout à fait remarquables; ce qui fait que le palais et la mâchoire infé- rieure ont quelque ressemblance avec ce qu'ils sont dans l'espèce humaine. Selon De Blainville, les deux espèces que l’on doit particulièrement laisser dans le genre Steno- derma sont les S. Jamaicensis et cavernarum. Nous citerons également le Sténoderme du Chili. STÉNODERME DE LA JAMAIQUE. STENODERMA JAMAICENSIS (ARTIBEUS) Leach. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Velage brun en dessus, gris de souris en dessous: oreilles et mem- branes brunâtres. Cette espèce a reçu plusieurs noms particuliers : c'est la Grande Chauve-Souris fer de lance de la Guyane de Buffon; le Vespertilio perspicillatus de Linné; le Phyllostoma perspicillatum d'Etienne Geoffroy Saiut-Hilaire; le P. Jamaicense d'Horsfield, et l'Artibeus Jamaicensis de Leach. On la trouve dans une grande partie de l'Amérique méridionale. 3e HISTOIRE NATURELLE. Deuxiune Oicision.. PHYLLOSTOMIENS. PHYLLOSTOMIT. Isidore Geoffroy Saint-Hilatre. Nez surmonté d'une feuille. Cette division, que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire indique comme une tribu de sa famille des Vampiridés, se distingue de la division des Sténodermiens en ce que les animaux qu'elle renferme portent tous sur le nez des crêtes ou des feuilles membraneuses. Ces Chéiroptères sont particuliers à l'Amérique, principalement aux parties tropicales de cette partie du monde. Les deux genres principaux, dans lesquels on pourrait faire rentrer tous les autres. sont ceux des Glossophages et des Phyllostomes; mais on y place aujourd'hui une quinzaine de genres; nous in- diquerons ceux des Glossophage, Anoure, Phyllophore, Monophylle, Phyllostome, Vampire, Ca- rollie, Lophostome, Sturmie, Artibée, Madatée, Brachiphylle, Macrophylle et Diphylle. A GENRE. — GLOSSOPHAGE. GLOSSOPHAGA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1804. Mémoires du Muséum, t. IV. loccz, langue; @2Y95, qui suce. CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire : incisives, #; canines, 4=\; molaires, #3. Les dents, au nombre de vingt- quatre en totalité, sont toutes très-petites et rappellent assez bien la conformation du système den- taire des Macroglosses de la famille des Roussettes; incisives rangées régulièrement; canines médiocres; molaires tout à fait semblables à celles des Phyllostomes. Fig. 28 — Giossophage caudatarre. Mächoire inférienre allongée. Dex avec une crête en forme de fer de lance. Tête longue, conique. CARNASSIERS. 89 Langue très-lonque, roulée, étroite, extensible, avec des bords saillants ou en bourrelet, et fui- sant la fonction d'un organe de succion. Membrane interfémorale rudimentaire, ou même n'existant pas. Membranes des ailes médiocrement développées. Queue courte, ou nulle. Ce genre, créé aux dépens des Phyllostomes, a été lui-même partagé en plusieurs groupes géné- riques, c'est ainsi que le Glossophaga amplexicaudata est devenu le type du genre Phyllophore, le G. ecaudata celui du genre Anoura. La tête de ces animaux est en totalité, et dans ses appendices, beaucoup plus grèle et plus allon- gée que celle du Vampire; mais les autres parties du squelette ne présentent pas de différences très appréciables. On ne range plus dans ce genre qu'un très-petit nombre d'espèces qui sont propres à l'Amérique méridionale et qui ont les mêmes habitudes que les Phyllostomes, c'est-à-dire que, comme le montre leur langue, elles sucent le sang des animaux. 1. GLOSSOPHAGE DE PALLAS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. GLOSSOPHAGA SORICINA (VESPERTILIO). Pallas CaRacTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage doux et laineux, d’un cendré brun en dessus et d’un brun très- clair en dessous; membrane interfémorale assez large et coupée en angle rentrant; queue très-courte ou nulle. Envergure : 07,25. Cette espèce, que Vicq d’Azyr nomme la Feuille, et que Buffon indique sous la dénomination de Chauve-Souris Musaraigne, se trouve à Surinam et à Cayenre. 2. GLOSSOPHAGE CAUDATAIRE. GLOSSOPHAGA CAUDIFER. Et Geoffroy Saint-Hilaire CaracrÈRES sPÉCIFIQUES. — Pelage d’un brun noir uniforme, un peu plus clair en dessous qu'en dessus; membrane interfémorale très-courte; la queue la débordant légèrement. Envergure : 0",24. Cette espèce, que M. Gray place dans le genre Monophyllus de Leach. habite le Brésil. 9®e GENRE. — ANOURE. ANOURA. Gray, 1825. Magazin of Zoology and Botany. A, privatif; ouoæ, queue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Incisives, ?=?, suivant M. Gray. Membrane interfémorale très-étroite, très-courte, bordant les cuisses. Pouce pelit, mince. Calcanéum très-court. Queue nulle. Le genre Anoura a été indiqué plutôt que caractérisé par M. Gray; il est fondé aux dépens des Glossophages, dont il ne diffère guère que par son manque de queue, et encore ce caractère ne lui est pas exclusif. On n’y place qu'une seule espèce. 90 HISTOIRE NATURELLE. ANOURE SANS QUEUE. ANOURA ECAUDATA (GLOSSOPHAGA). EL. Geoffroy Saint-Hilaire Caracrères sécirioues. — Pelage d'un brun obseur. De petite taille. Fig 29.— Anoure sans queue. Cette espèce, que M. Gray nomme Anoura Geoffroy, habite le Brésil, principalement les envi- rons de Rio-Janeiro. 9° GENRE. — PHYLLOPHORE. PHYLLOPHORA. Gray, 1838. Magazin of Zoology and Botany, t. IL. Duricy, feuille, vegsw, je porte. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nex présentant une feuille en dessus Membrane interfémorale large. Queue courte, souvent terminée par une nodosuté et renfermée dans la membrane interfémorale. Le genre Phyllophore, créé par M. Gray, ne se distingue pas très-notablement de celui des Glos- sophages, dont il a été démembré; sa membrane interfémorale est seulement plus large, et sa queue présente un renflement vers sa terminaison. On n’y range que trois espèces particulières à l'Amérique méridionale. LESESTRE - Fi, 1. — Rat perchal CARNASSIERS. 91 4. PIYLLOPHORE A QUEUE ENVELOPPÉE. PHYLLOPHORA AMPLEXICAUDATA (GLOSSOPHAGA) Et. Geoflroy Saint-Hilaire. CaracTÈREs sPÉCIFIQUES. — Pelage brun noirâtre, légèrement plus foncé en dessus qu'en dessous. Habite le Brésil, principalement auprès de Rio-Janeiro. Fig. 30. — Phyllophore à queue enveloppée. 2. PHYLLOPHORE NOIRE. PHYLLOPHORA NIGRA. Gray. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage noirâtre, plus pàle en dessous; fossette de la lèvre inférieure frangée de quelques petites barbes; feuille nasale médiocre, ovale, lancéolée, plus longue que large; oreilles médiocres, arrondies, de moitié aussi longues que la tête. De l'Amérique du Sud. Fig. 51. — Phyllophore noire 92 HISTOIRE NATURELLE. 3. PHYLLOPHORE MÉGALOTIS. PHYLLOPHORA MEGALOTIS. Gray CaracrèREs sPÉCIFIQUES. — Pelage noirâtre, plus clair en dessous qu’en dessus; fossette de la lèvre inférieure non frangée sur le bord; feuille nasale ovale, lancéolée, plus longue que large; oreilles très-grandes, arrondies, aussi longues que la tête. Se rencontre dans l'Amérique tropicale. 4m GENRE. — MONOPHYLLE. MONOPHYLLUS. Leach, 1892. Transactions of Linnean Society of London, t. XII. Movo;, une seule; œuAxcy, feuille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 1 6 6 mule dentaire que nous avons indiquée, les incisives supérieures sont inégales; les deux du milieu étant plus longues que les latérales et bifides; les canines et les molaires ne présentent pas de ca- ractères particuliers. Nez ayant une seule feuille droite. Queue nulle. Système dentaire : incisives, #; canines, *=!; molaires, ?. Selon Leach, qui a donné la for- . [0 =] Ce genre, qui n’est pas suffisamment connu, ne renferme que deux espèces particulières à l’'Amé- rique du Sud : l’une, créée récemment par M. Gray sous la dénomination de Monophyllus Leachii, et l’autre, type du genre, et plus anciennement connue. MONOPHYLLE DE REDMANN. MONOPHYLLUS REDMANNII. Leach. CaracrÈREs sPÉCIFIQUES. — Pelage brun en dessus, gris en dessous; oreilles arrondies; feuille na- sale aiguë, couverte de petits poils blanchätres; membranes brunätres. Se trouve à la Jamaïque. ÿme GENRE. — PHYLLOSTOME. PHYLLOSTOMA. Cuvier, Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1797. Tableaux élémentaires du Règne animal. Duc, feuille; sroux, bouche, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. h Système dentaire : incisives, %; canines, 4; molaires, } ou =}, ce qui donne en totalité vingt- huit ou trente-deux dents; mais, ce nombre n’est pas constant, car quelquefois on trouve deux incisives de moins où pas du tout à l'une ou à l'autre mâchoire ; les incisives sont souvent serrées entre les canines, les latérales étant très-petites, et les intermédiaires plus larges et taillées en biseau; les canines sont très-grosses à leur base, et se touchent presque l'une l'autre par leurs collets; les molaires ont leurs couronnes hérissées de tubercules aiqus, ce qui montre la carnivorité de ces Chéiroptères. CARNASSIERS. 93 T'ête longue, uniformément conique. Gueule très-fendue. Lèvres laissant voir les canines en dehors. Nez surmonté de deux crêtes membrancuses de formes différentes. Oreilles grandes, nues, non réunies à la base, à oreillon interne et dentelé. Veux très-petits, latéraux. Langue simple, hérissée de papilles cornées, dont la pointe est dirigée en arrière. Ailes très-développées. Doigt du milieu ayant une phalange de plus que les autres. Membrane interfémorale plus ou moins développée. Queue variable dans sa longueur. Pelage court, lustré. Taille moyenne. Fig. 32. — Phyllostome allongé. æ Le nom de Phyllostome a été donné à ses animaux à cause de la disposition particulière des par- ties qui entourent la bouche et qui surmontent le nez. La membrane nasale, arrondie à son attache, se dresse en se rétrécissant pour finir en pointe obtuse. Elle est cotoyée par deux sillons profonds qui se terminent aux narines et qui les partagent en deux portions; l'inférieure assez semblable à un fer à cheval, et la supérieure imitant un fer de lance; enfin, la partie moyenne de la feuille est plus épaisse et plus charnue que les latérales, qui sont fort rétrécies inférieurement par les sillons des narines, ce qui fait que la portion lancéolée s’atténue à ses deux extrémités. Cette membrane n'adhère aux téguments de la face que sur le rebord des narines. Toutes les espèces de ce genre proviennent de l'Amérique méridionale : leurs mœurs sont peu con- nues; toutefois, on sait qu’elles sont nocturnes, et beaucoup plus sanguinaires que les autres Chéi- roptères. En effet, les Phyllostomes ne se contentent pas de vivre d'Insectes, mais ils attaquent les gros animaux endormis pour en sucer le sang, qu'ils font sortir de la peau en l’incisant avec les pa- pilles cornées dont leur langue est munie. Nous verrons qu'une espèce d'un groupe voisin, qui a long temps été réunie aux Phyllostoma, s'attaque même à l'espèce humaine. Ces Chauves-Souris sont 9% HISTOIRE NATURELLE. également frugivores, et peuvent, dit-on, en une seule nuit, détruire tous les fruits d'un pays, quand elles viennent s'y jeter en grandes troupes. à Le genre Phyllostome de G. Cuvier et d'Et. Geoffroy Saint Hilaire a été, peu d'années après sa créa- tion, partagé en deux groupes naturels, ceux des Phyllostom« et Glossophaga; depuis, il a été sub- divisé en un grand nombre de groupes génériques, tels que ceux des Vampirus, Carollia, Artibeus, Brachyphylla, Macrophylla, Diphylla, et en outre piusieurs genres, tels que ceux des Lophostoma, Sturnira et Madateus, qui en sont très-voisins. auraient pu y rentrer naturellement. Nous avons cru utile d'indiquer les caractères de tous ces genres, fondés pour la plupart par Leach et par M. Gray; mais nous ne les croyons pas tous assez bien connus pour pouvoir encore être adoptés définitivement; il est très-probable que le nombre en sera considérablement restreint lorsqu'on aura pu les étudier avec soin. Malgré tous ces retranchements, le genre Phyllostome renferme encore une quinzaine d'espèces, dont les principales sont les suivantes. 1. PHYLLOSTOME FER DE LANCE. Buffon, PHYLLOSTOMA HASTATUM (VESPERTILIO). Linné CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage court, marron en dessus et brun en dessous; feuille nasale ver- ticale, entière, sans échancrure à l'extrémité, sans bourrelet, avec le milieu largement renflé, la base très-étroite, et débordée par la feuille de la lèvre, qui est en forme de fer à cheval; queue très-courte, enfermée entièrement dans la membrane iuterfémorale, qui se prolonge en pointe au delà de son extrémité. Envergure : 0",35. Se trouve principalement dans la Guyane, mais n’est pas rare dans plusieurs contrées de l’Amé- rique du Sud. 2. PHYLLOSTOME OBSCURE ET RAYÉE. D'Azara, PHYLLOSTOMA ROTUNDATUM. Et Geolfroy Saint-Hilaire CaracrÈnes sréciriques. — Pelage brun rougeâtre; museau assez aigu; feuille nasale verticale, entière et arrondie à son extrémité. Envergure : 0,37. Habite le Paraguay. 5. PHYLLOSTOME FLEUR DE LIS. PHYLLOSTOMA LILIUM. Et. Geoffroy Samt-Hilaire CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un brun roussätre en dessus, d’un brun blanchâtre en des- sous; feuille nasale étroite à la base, aussi courte que large, Envergure : 0,30. [4 - lrouvée au Bresil. armi les autres espèces, nous nous bornerons à citer les Phyllostoma brachyotum, obscurum, superciliatum, brevicaudatum, découverts au Brésil, et décrits par M. Neuwied, et les Phyllostomu cirrhasin, bidens, soricinum, également du Brésil, et que M. Spix indique à tort comme se rap- portant au genre Vampirus. CARNASSIERS. 95 6m GENRE. VAMPIRE. VAMPIRUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1804. Mémoires du Museum, t, IV. Nom mytholoyique. CARACTÈRES GENÉRIQUES. Système dentaire : incisives, +; canines, =; molaires, À, ce qui donne trente-quatre dents en totalité; les molaires sont très-tuberculeuses; supérieurement, il y en a quatre fausses, savoir : deux normales et deux anormales, et six vraies, et, inféricurement, six fausses, sur lesquelles il y a deux normales et quatre anormales, et six vraies; les incisives supérieures du milieu sont très- larges, et les latérales beaucoup moins développées. Museau allongé. Membrane interfémorale large, tronquée à l'extrémüté. Queue nulle. Les autres caractères comme dans les Phyllostomes. Fig. 33. — Vampire spectre Ce genre ne renferme qu'une seule espèce, dont Buffon fait un portrait effrayant; nous allons transcrire quelques lignes de l'Histoire naturelle générale et particulière, et nous nous permettrons ensuite de contredire quelques-unes des assertions avancées par notre illustre compatriote. « Le Vampire a le museau allongé; il a l'aspect hideux des plus laides Chauves-Souris; la tête informe, et surmontée de grandes oreilles fort ouvertes et fort droites; il a le nez contrefait, les narines en entonnoir, avec une membrane au-dessus, qui s'élève en forme de corne ou de crête pointue, et qui augmente de beaucoup la difformité de la face, Le Vampire est aussi malfaisant que dif- forme; il inquiète l'homme, tourmente et détruit les animaux. D’après M. de La Condamine, ces Chauves-Souris sucent le sang des Chevaux, des Mulets, et même des hommes, quand ils ne s'en ga- rantissent pas en dormant à l'abri d'un pavillon. Il y en a de monstrueuses pour la grosseur, elles ont entièrement détruit, à Borja et en divers autres endroits, le gros bétail que les missionnaires y 96 HISTOIRE NATURELLE. avaient introduit, et qui commençait à s’y multiplier. Ges faits sont confirmés par plusieurs autres historiens et voyageurs. Pierre Martyr, qui a écrit assez peu de temps après la conquête de l’Amé- rique méridionale, dit qu'il y a, dans les terres de l'isthme de Darien, des Chauves-Souris qui sucent le sang des hommes et des animaux pendant qu'ils dorment, jusqu'à les épuiser, et même au point de les faire mourir. Jumilla assure la même chose, aussi bien que dom George-Juan et dom An- tonio de Ulloa. Il parait, en conférant ces témoignages, que l'espèce de ces Chauves-Souris qui su- cent le sang est nombreuse et très-commune dans toute l'Amérique méridionale. » Plus loin, Buffon décrit la manière dont les Vampires parviennent à percer la peau des animaux pour sucer le sang. «Nous avons cru devoir examiner comment il est possible que ces animaux puissent sucer le sang sans causer en même temps une douleur au moins assez sensible pour éveiller une personne endormie. S'ils entamaient la chair avec leurs dents, qui sont très-fortes, et grosses comme celles des autres Qua- drupèdes dé leur taille, l'homme le plus profondément endormi, et les animaux surtout, dont le sommeil est plus léger que celui de l'homme, seraient brusquement réveillés par la douleur de cette morsure; il en est de même des blessures qu'ils pourraient faire avec leurs ongles : ce n’est donc qu'avec la langue qu'ils peuvent faire des ouvertures assez subtiles dans la peau pour en tirer du sang et ouvrir les veines sans causer une vive douleur. La langue, en effet, est pointue et hérissée de papilles dures très-fines, très-aiguës, et dirigées en arrière; ces pointes, qui sont très-fines, peuvent s'insinuer dans les pores de la peau, les élargir, et pénétrer assez avant pour que le sang obéisse à la succion continuelle de la langue. » Cette dernière observation de Buffon, quoique faite, ainsi qu'il le dit, sur une langue de Roussette, est des plus exactes, et il a parfaitement décrit le mécanisme au moyen duquel les Vampires peuvent tirer du sang des animaux pour se l'assimiler; mais il a exagéré le résultat des blessures que font ces Chauves-Souris. En effet, les plaies produites par la langue des Vampires sont trop petites pour occasionner une perte de sang capable de faire périr l'animal attaqué; il est donc très-probable que ces blessures ne sont pas dangereuses, à moins qu'elles ne soient envenimées par le climat. Aux observations publiées par Buffon, nous ajouterons que Pison avait déjà donné des détails très- circonstanciés sur les habitudes sanguinaires des Vampires, et nous transcrirons ce qui est ditsur le même sujet par Félix D'Azara dans son Histoire naturelle du Paraguay. « Les espèces de Chauves- Souris américaines à feuille sur le nez diffèrent des autres espèces en ce que, posées à terre, elles y courent presque aussi vite qu'un Rat, et en ce qu'elles aiment à sucer le sang. Quelquefois, elles mordent les crêtes et les barbes des volailles qui sont endormies, et en sucent le sang; d'où il ré- sulte que ces volailles meurent, mais parce que la gangrène s’engendre dans les plaies. Elles mor- dent aussi les Chevaux, les Mulets, les Anes et les bêtes à corne, d'ordinaire aux fesses, aux épaules ou au cou, parce qu'elles trouvent dans ces parties la faculté de s'attacher à la crinière et à la queue. Enfin, l'homme n’est point à l'abri de leurs attaques, et, à cet égard, je puis donner un té- moignagne cértain, puisqu'elles ont mordu quatre fois le bout de mes doigts de pied, tandis que je dormais en pleine campagne dans des cases. Les blessures qu'elles me firent, sans que je les eusse senties, étaient circulaires ou elliptiques, de deux à trois millimètres de diamètre, mais si peu pro- fondes, qu'elles nepercèrent pas entièrement la peau, et l'on reconnaissait qu'elles avaient été produites en arrachant une petite bouchée, et non pas en piquant, comme on pourrait le croire. Le sang qui provient de la blessure ne vient ni des veines, ni des artères, mais seulement des vaisseaux ca- pillaires de la peau, d'où les Vampires les tirent sans doute en suçant ou en léchant. » Enfin, nous citerons le passage suivant d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire, publié dans sa monographie des Phyllosto- mes (Mém. du Muséum, t. XV, 1810). « Tous les Phyllostomes (et l’on sait que le Vampire était le Phyllostoma spectrum du savant zoologiste qui écrivait ces lignes), qu'ils aient ou non les mâchoires courtes ou allongées, sucent le sang des animaux. Il ne faudrait pourtant pas croire qu'ils se nour- rissent absolument et exclusivement de sang; ils ne se sont déjà rendus que trop redoutables en détruisant en totalité, à Borja et dans divers endroits, le gros bétail que les missionnaires ÿ avaient introduit, sans ajouter encore à ces faits par des exagérations qui tiennent du merveilleux. Tous vivent d'insectes, à la manière des autres Chauves-Souris; je m'en suis assuré en ouvrant l'estomac de plusieurs d’entre eux; et ils ne se hasardent même à se jeter sur le bétail que dans les nuits où ils éprouvent disette d'autres aliments. Il n’est pas vrai que les blessures qu'ils int soient aussi dangereuses pour les hommes que le rapporte le père Jumilla. Outre que cela ne se LESESTRE Fig. 1 — Felis huina. Fig. 2 — Moufette grinche (h] CARNASSIERS. 97 peut concevoir du peu d'efforts qu'ils doivent faire pour attirer à eux quelques gouttes de sang, on le sait positivement par D'Azara, qui dit qu'au Paraguay personne ne craint ces animaux et ne s'en occupe, quoiqu'on dise d'eux que, pour endormir le sentiment chez leur victime, ils caressent et ra- fraîchissent, en battant leurs ailes, la partie qu'ils vont mordre et sucer. » Nous avons dit que les Vampires habitent les régions tropicales de l'Amérique; nous ajouterons qu'on n’en connait qu'une seule espèce. VAMPIRE. Buffon. VAMPIRUS SPECTRUM (VESPERTILIO). Linné. Caracrères sréciriques. — Pelage doux, de couleur marron en dessus, et d’un jaune roussâtre en dessous; feuille nasale moins large que haute, se prolongeant sur le fer à cheval, sans être découpée à sa base, ayant son bourrelet du milieu peu épais, ses lobes latéraux arrondis, et venant mourir en pointe à son extrémité; membrane des ailes s'étendant jusqu'à la base du doigt extérieur du pied de derrière; milieu du bord postérieur de la membrane interfémorale se prolongeant en angle sail- Jant. Longueur totale, 0",16: envergure de 0",66 à 0",70. Le squelette de ce Chéiroptère pent être pris comme présentant à peu près la moyenne exacte des caractères des Vespertilioniens; c’est pour cela que, à l'exemple de De Blainville, nous en avons donné précédemment une description assez complète. Le Vampire est la plus grande espèce connue de Vespertilioniens. et, par sa taille considérable, semble se rapprocher des Roussettes; mais il est essentiellement carnassier, tandis que ces der- nières sont tout à fait frugivores. On le trouve, d’une manière générale, comme nous l'avons dit, dans presque toute l'Amérique méridionale, mais il est surtout commu” Brésil et dans la Guyane. 7m GENRE. — CAROLLIE. CAROLLIA. Gray, 1838. Magazin of Zoology and Botany. Étymolosie incertaine CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Membrane interfémorale large, tronquée. Membrane antérieure des ailes large. Pautes libres vers la partie postérieure de la cheville du pied. Pouce long, composé de deux phalanges allongées, égales. Oreilles à oreillon petit. Face courte. Queue nulle. Lig. 34 — Carole verruqueuse Ce genre a été créé aux dépens du groupe des Phyllostomes, dont il ne diffère pas d'une manière bien notable. Il ne comprend que deux espèces particulières à l'Amérique méridionale : le Phyllo- 10 15 98 DISTOIRE NATURELLE. stoma brachyotum, Neuwied (Carollia Brasiliensis, Gray), propre au Brésil, et une espèce récem- ment décrite. CAROLLIE VERRUQUEUSE. CAROLLIA VERRUCATA. Gray. Caracrènes spéciriques. — Pelage d’un brun ferrugineux; oreilles assez larges, ovales postérieure- ment; tragus médiocre, ovale, trigone, pointu, avec une faible échancrure en dehors près de l'extré- mité, et rétréci à la base; feuille nasale ovale, lancéolée. Habite Amérique tropicale. 8m GENRE. — LOPHOSTOME. LOPHOSTOMA. Alcide d'Orbigny, 1836. Voyage dans l'Amérique méridionale, Atlas, 47° livraison. A0®os, crête; 6T0u%, bouche CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 4; canines, = petites de toutes. Tête un peu allongée. Machoires longues. Nex surmonté d'une feuille simple, hastiforme Oreilles grandes. en cornet élevé, et qarnies, intérieurement, d'un oreillon échancré à la base interne. Queue beaucoup plus courte que la membrane interfémorale : celle-ci très-ample, et descendant au niveau des ongles. Dernière vertèbre libre à lu face supérieure de la membrane. Eperons soutenant la membrane très-forts, mais de peu d'étendue. Pelage doux, composé de poils longs. ; molaire, +, les deux molaires antérieures les plus Fig. 35. Loplhostome des forêts CARNASSIERS. 99 Ce genre, par la disposition de son système dentaire, se rapproche beaucoup des Phyllostoma, et principalement des groupes des Sturnira et Vampirus, tandis qu'il s'éloigne des Sténodermes, dont les molaires sont plus frugivores; il ne comprend qu'une seule espèce particulière à l'Amérique méridionale LOPHOSTOME DES FORÊTS. LOPHOSTOMA SYLVICOLUM. Alc. d'Orbigny. CaracrÈères spéciriques. — Pelage d'un gris de souris brun en dessus et sur la tête, cendré en dessous, avec la région du cou un peu plus claire; poils doux, allongés, excepté ceux de la face, qui sont courts, brunâtres. Envergure : 0",35. Cette espèce habite les grandes forêts qui bordent le pied oriental de la Cordilière bolivienne, au pays des sauvages Yuracarès; elle attaque souvent les personnes endormies en plein air. Qme GENRE. — STURNIRE. STURNIRA. Gray, 1842. Magazin of natural History, t. X. Étymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nes à feuille lancéolée, simple. Oreilles à tragus distinct à l'extérieur. Lèvres ciliées sur les côtés : la supérieure ayant une grande verrue entourée d'une série de petites verrues. Membrane interfémorale très-étroite, marginale. Ailes naissant à la partie postérieure du corps. Pattes de derrière libres. Pouce composé de deux phalanges : la première allongée, et la terminale courte. Calcanéum n’existant pas, ou plutôt peu développé. Queue nulle. Une touffe de poils en forme d'épaulette à la base des ailes chez les mâles. Fig. 36. — Sturnira spectrum. Ce genre, qui offre quelque rapport avec ceux des Anoura, des Artibeus, et avec les Phyllostoma par la conformation de son système dentaire, qui est semblable, ne renferme qu’une seule espèce. 100 HISTOIRE NATURELLE. STURNIRE SPECTRE. STURNIRA SPECTRUM. Gray. Caractères spécrriques. — Museau brun, avec la racine des poils plus foncée; dessus des bras et côtés du corps, près des ailes. noirâtres; l'épaulette grande, d'un jaune brique; feuille nasale droite, ovale, lancéolée, presque aussi large que haute. Cette espèce a été découverte dans l'Amérique méridionale 10% GENÉE. — ARTIBÉE. ARTIBEUS. Leach, 1892. Transactions of Linnean Society of London, t. XII. ‘ > : Aort, en ligne droite; 6ztwo je m'avance. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, +; canines, 1; molaires, =. D'après Leach, les incisives supé- rieures sont bifides, et les inférieures sont tronquées; les canines d'en haut ont un rebord interne à leur base; les molaires sont semblables à celles des Phyllostomes Pouce formé d'une phalange longue et d'une seconde courte. Membrane interfémorale profondément échancrée. Ailes attachées très-près de la base des orteils. Nez portant deux feuilles : l'une horizontale et l'autre verticale. Queue nulle. L'espèce typique de ce genre, que l'on range cependant quelquefois avee les Phyllostomes, est le ARTIBÉE BRUN ET RAYÉ. D'Azara. ARTIBEUS LINEATUS (PHYLLOSTOMA). Et. Geoffroy Saint-Hilaire Caracrèrss sréciriques. — Pelage brun, et seulement plus clair en dessous qu’en dessus, avec une raie blanche sur le milieu du dos. une autre allant de chaque narine à l'oreille du même côté, et une troisième partant de l'angle de la bouche jusqu'à la base de l'oreille, parallèle à la précé- dente. Envergure : 0,32 Habite le Paraguay. M. Gray a signalé deux autres espèces : les Artibeus fimbriatus et fuliginosus, des mêmes pays que l'espèce précédente. Quant à l'Artibeus Jamaicensis, Leach, nous l'avons placé, d’après De Blainville, dans le genre Sténoderme. CARNASSIERS foi Aime GENRE. — MADATÉE. MADATÆUS. Leach, 1822. Transactions of Linnean Society of London, t. XII Etymologie incertaine CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire : incisives, 4; canines. 11; molaires, “=*; les deux incisives intermédiaires supérieures ont plus de longueur que les latérales : elles sont bifides; les inférieures sont égales, simples, aiquës; les canines sont assez fortes; les molaires comme dans les Phyllostomes. Nez portant deux feuilles. Lèvres garnies de papilles molles, comprimées, frangées. Langue bifide à sa pointe. Queue nulle. Ce genre ne renferme qu’une seule espèce MADATÉE DE LEWIS. MADATÆUS LEWISII. Leach. Caracrères spéairiques. — Pelage uniformément noirätre; l’une des feuilles nasales brusquement pointue vers le haut; oreilles médiocres, arrondies; membrane interfémorale échancrée. Ce Chéiroptère habite la Jamaïque. 19®e GENRE. — BRACHYPHYLLE. BRACHYPHYLLA. Gray, 1835. Proceedings of Zoological Society of London. Bozxyus, court; œuAACy, feuille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez présentant une feuille ovale, entourée en arrière par un sillon profond Membrane interfémorale courte, profondément échancrée, offrant deux raies distineles. M. Gray a indiqué plutôt que caractérisé ce genre, dans lequel il ne place qu'une seule espèce, son Brachyphylla cavernarum, particulier à l'ile Saint-Vincent, l'une des Antilles, et que De Blain- ville fait rentrer dans le groupe générique des Sténodermes. 13% GENRE. - MACROPHYLLE MACROPHYLLA. Gray, 1838. Magazy of Zoology and Botany, t IL Maxpcs, long; @UAAC, feuille, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez présentant une feuille nasale allongée. Membrane interfémorale large, tronquée. Queue longue, libre. 102 HISTOIRE NATURELLE. Une seule espèce entre dans ce genre, c'est le Phyllostoma macrophyllum, Neuwied, du Brésil, que M. Gray nomme Macrophyllum Neuwiedii, et qui pourrait plutôt faire partie du groupe géné- rique des Vampires. Age GENRE. — DIPHYLLE. DIPHYLLA. Spix, 1823. Simiæ et Vespertiliones Brasilienses. Atç 5, deux; ouai, feuille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez présentant deux feuilles membraneuses : l'une placée au devant de l'autre. Oreilles à tragus lancéolé. Membrane interfémorale rudimentaire. Queue nulle. Ce genre a été fondé pour un Chéiroptère brésilien, que M. Fischer de Waldheim avait indiqué sous le nom de Glossophaga diphylia, et que M. Spix nomme Diphylla ecaudata. QUATRIÈME SOUS-TRIBU DESMODIDÉS. DESMODIDÆ. Isidore Geoffroy Saint Hilaire. Expansions membraneuses latérales constituant de véritables ailes. Dents de la mächoire supérieure très-grandes et fortement comprimées. Phalange onquéale existant au doigt médian de l'aile. Cette sous-tribu, des plus remarquables par son système dentaire anomal, ne comprend qu'une seule division et qu'un seul genre, et correspond à la famille de M. Isid. Geoffroy, qui porte le même nom. Oioisiou uuique è DESMODIENS. DESMODII. Nobis. Mêmes caractères que la sous-tribu des Desmodidés. Le genre Desmodus, particulier au Brésil et au Chili, et que quelques auteurs réunissent, les uns aux Phyllostomes et les autres aux Sténodermes, constitue seul cette division. LESESTRE Fir. d — Chat de à Cafrerie 2. — Chat à collier “ . Æ ; È LA ‘ \ . À à û s ; | £ ; k | d = = { : on # re « 4 = L 5 ° ‘ ' *. " \ - aù n t à 1 - * 4 | 0 = h en . 2 e | 5 ; CARNASSIERS. 103 3ENRE UNIQUE. — DESMODE. DESMODUS. Neuwied, 1826 Beitræge zur Naturgeschichte Brasiliens, t. 1. Acouos, lient; cdcu:, dent. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, 124; molaires, 2%; en totalité seulement vingt dents; les imcisives supérieures sont très-fortes, arquées, pointues, tranchantes, convergentes, implantées, non- seulement dans le prémaxillaire, mais encore dans tout le maxillaire lui-même; les inférieures sont disposées en deux paires, séparées en deux paquets pour laisser passer dans l'intervalle même la pointe des supérieures; elles sont, en outre, trilobées, médiocres, l'interne un peu plus grande que l'externe; les canines sont assez fortes, peu courbées, aiguës, comprimées, surtout les supérieures, qui sont en outre élargies et tranchantes au bord postérieur; les deux molaires supérieures som égales, aplaties, en cône tranchant; des inférieures, les deux antérieures qui peuvent être considé- rées comme avant-molaires, sont à une seule pointe triangulaire, et la première renversée sur lu seconde; quant à la troisième, espèce de principale, elle est assez large, comprimée et bilobée à son tranchant. Feuille nasale surbaissée, sans prolongement hastiforme. Membrane interfémorale courte, comme chez les Sténodermes. Queue rudimentaire. Le genre Desmodus, créé par M. Neuwied, correspond à celui des Edostoma (-5:, base: orcua, bouche), indiqué sur les planches du Voyage dans l'Amérique méridionale, de M. Alcide D'Orbigny (1836, pl. vi), et son espèce typique est le Desmodus rufus, qui faisait anciennement partie du genre Sténoderme. Le meilleur caractère de ce groupe générique se trouve particulièrement dans la disposition ano- male de son système dentaire. De Blainville fait remarquer que cette anomalie, dont il ne connaît pas l'utilité pour l'animal, est certainement en rapport avec quelque particularité dans la matière alimentaire; il semble que ce sont les vraies molaires qui manquent, sauf la principale d'en bas, les fausses étant restées; particularité qu'on ne connaît encore dans aucun Mammifère, si ce n’est peut- être dans le Chien hyénoïde. M. Paul Gervais a cherché également (Dict. universel, t. N, 1845) à donner une explication de cette organisation si singulière, et il dit : « On ne connait pas encore avec quelles particularités de nutrition cette remarquable disposition est en rapport. On sait cepen- dant que le Desmodus a, comme les Vampires, l'habitude de sucer le sang des animaux; et ses puis- santes incisives supérieures, ainsi que ses canines, lui permettent sans doute de percer profondé- ment le derme des animaux, en même temps que la disposition de ses lèvres lui rend la succion très-facile. » Le squelette de ces Chéiroptères offre quelques différences. La tête est remarquable par la peti- tesse de la face et du palais, et la manière brusquement pointue dont la mâchoire supérieure se ter- mine; par la largeur de la branche montante de la mâchoire inférieure; la nullité de l'apophyse co- ronoïde, etc. Le grand doigt de la main a ses trois phalanges bien complètes, et le fémur est très- comprimé, comme canaliculé en dessus; le tibia l’est également en arrière, et le péroné, qui est complet, est aussi assez large pour être en contact avec le tibia dans toute sa longueur, de ma nière qu'il n’y a aucun espace interosseux. Le calcanéum a aussi son apophyse très-recourbée en dessous. Ce genre est essentiellement propre à l'Amérique méridionale, et l'on n'en connait que deux es- G Ï > pèces. 104 HISTOIRE NATURELLE. DESMODE ROUX. DESMODUS RUFUS. Neuwied Canacrènes srécrriques. — Pelage d'un roux châtain uniforme. Envergure : 0,30; taille du Murin. Cette espèce était désignée par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire sous la dénomination de Steno- derma rufa, et par M. Alcide D'Grbigny sous celle d'Edostoma cinerea. D'après ce dernier natura- liste, elle vit à la manière des Vampires, se rencontre autour des habitations, et mord parfois les cnfants endormis. Pendant longtemps on a ignoré la patrie de ce Chéiroptère; mais aujourd'hui d'on sait qu'il est as- sez répandu dans la province de Chiquitos, en Bolivie, et qu'on le trouve aussi près de la Mana, dans la Guyane. M. Waterhouse a fait connaitre, dans la partie zoologique du Voyage du Beagle, une seconde espèce de Desmodus, qu'il nomme D. D'Orbignyi, et qui provient de Coquimbo, au Chili. Fig. 37. — Desmode roux CARNASSIERS. 10ù DEUXIÈME FAMILLE. INSECTIVORES. INSECTIVORA. Les principaux caractères des Mammifères de cette famille sont les suivants: point de membranes pour voler, comme dans les Chéiroptères; incisives en nombre variable; canines tantôt très-longues, tantôt très-courtes; molaires à couronne hérissée de tubercules aigus; pieds courts, armés d'ongles robustes, ceux de derrière toujours à cinq doigts, ayant leur plante entièrement appuyée sur le sol; pieds de devant le plus souvent également à cinq doigts; corps couvert de poils ou de piquants; lobes cérébraux lisses; pas de cœcum. Cette famille, composée de Mammifères qui n'atteignent jamais une taille même médiocre, et parmi lesquels se trouve le plus petit de tous les animaux de la classe, n'en est pas moins peut-être une de celles qui offrent le plus d'intérêt. En effet, quoiqu'elle soit évidemment naturelle, et que la dégra- dation s’y fasse très-bien sentir, on y trouve des espèces modifiées pour la plupart des modes de locomotion connus, dans la terre elle-même ou dans les eaux, à la surface du sol ou dans les ar- bres, et pour chercher dans des lieux si différents les Insectes qui constituent toujours la partie principale, sinon exclusive, de leur nourriture; aussi, quoique le système dentaire soit essentielle- ment insectivore, il est constamment anomal dans ses premières parties, c'est-à-dire dans les inci- sives et les canines, tandis que les molaires sont formées sur un plan à peu près uniforme. En outre, la famille des Insectivores est digne d'une véritable attention, parce qu’elle a, d'une part, quelque chose de l'organisation des Rongeurs, chez lesquels on voit également des espèces disposées pour fouir la terre, pour nager, courir et sauter à la surface du sol, ou grimper sur les arbres; et que, d'une autre, elle offre plusieurs rapports avec la sous-classe des Marsupiaux, où l'on observe, avec des modifications jusqu'à un certain point analogues dans l'appareil locomoteur, des rapports manifestes dans le système dentaire, quoique les Didelphes l'aient en général plus normal, et même dans l'organisation du cerveau. Aussi on comprend pourquoi les zoologistes ont beaucoup varié pour la position qu’ils assignent aux Insectivores dans la série zoologique, de même que sur les animaux qu'ils doivent comprendre sous cette dénomination. En effet, le nom d'{nsectivores n’est pas exclusivement applicable aux animaux de la famille qui nous occupe, c’est-à-dire aux Taupes, aux Musaraignes et aux Hérissons et genres qui en sont voi- sins; mais il pourrait être aussi donné à quelques Mammifères de groupes très-différents, et qui, de même qu'eux, se nourrissent d'Insectes. Ainsi la très-grande majorité des Chéiroptères est essentiel- lement insectivore; il en est de même de certaines divisions de Quadrumanes, comme les Makis et les Galéopithèques; on pourrait encore dire la même chose d’un grand nombre d'Édentés, de certains Rongeurs, et enfin, dans la sous-classe des Marsupianx, il y a un groupe composé d’une douzaine de genres auxquels on a appliqué à juste titre le nom d'Insectivores. Il résulte de là que certains zoologistes, et nous devons placer Fr. Cuvier à leur tête, ont fondé un ordre particulier avec les Insectivores, dans lequel ils comprennent non-seulement les Chéiro- ptères et nos Insectivores, mais encore quelques genres de Marsupiaux, et qu'ils caractérisent par leurs vraies molaires, formées sur le modèle de celles des Chauves-Souris, mais dont les membres antérieurs n'offrent pas la disposition d'ailes. D'autres naturalistes, au contraire, et parmi eux M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, réunissent les Insectivores aux Carnivores, et en font un ordre particulier, celui des Carnassiers, distinct de celui des Chéiroptères. Nous croyons, à ce sujet, devoir transcrire le passage suivant, extrait du Diction- 10° 14 106 HISTOIRE NATURELLE. naire universel, dans lequel M. Isid. Geoffroy expose les motifs qui l'ont engagé à adopter cette classification, qui est la plus récente et semble être la plus naturelle. « Les Carnivores et les Insectivores de G. Cuvier constituant seuls notre ordre des Carnassiers, il devient dès lors possible de caractériser ce groupe avec exactitude, soit par un ensemble de modifi- cations organiques d'une grande valeur, soit par des caractères indicateurs très-faciles à saisir. Ainsi, pour les définir en deux mots, les Carnassiers ont seuls, parmi les Mammifères à génération nor- male, les quatre extrémités terminées par des pattes, quelquefois disposées en nageoires etles dents dis- semblables, disposées en série continue. De ces deux caractères, le premier différencie immédiatement les Carnassiers à l'égard, soit des ordres supérieurs, où les extrémités antérieures sont conformées en bras ou en ailes, soit des derniers ordres, où les quatre membres sont en colonnes. Le second complète la distinction en séparant les Carnassiers des Rongeurs, chez lesquels les dents antérieures sont sé- parées des postérieures par un large intervalle connu sous le nom de barre. Les Carnassiers ont d'ailleurs les molaires ou une partie d'entre elles plus ou moins comprimées; l'estomac est simple et peu volumineux, l'intestin court, caractères organiques qu'on ne retrouve pas chez les Rongeurs, dans lesquels le régime diététique végétal est généralement prédominant, et par suite l'appareil di- gestif plus où moins complexe. Les divisions primaires établies sous les noms de Carnivores et d'Insectivores sont très-naturelles, et doivent conserver les caractéristiques qu'on leur donne géné- ralement. Les Carnivores ont les molaires non hérissées de pointes, et de grandes canines saillantes entre lesquelles sont comprises des incisives beaucoup plus petites, presque toujours au nombre de six à chaque mâchoire. Les Insectivores ont, au contraire, des molaires hérissées de pointes, au de- vant desquelles sont des fausses molaires disposées comme chez les Chéiroptères; puis des dents an- térieures dont la disposition est extrémement variable. En conservant ces caractéristiques, ajoute M. Is. Geoffroy, nous n'avons pu toutefois conserver pour les groupes génériques, ni l'ordre relatif dans lequel les place G. Guvier, ni la valeur qu'on leur attribue. Les Insectivores sont liés par les rapports les plus intimes avec les Rongeurs, et doivent en être rapprochés dans la classification; ils doivent donc être immédiatement placés avant ceux-ci, à la suite des Carnivores, auxquels l’en- semble de leur organisme, et spécialement l'existence de circonvolutions cérébrales plus ou moins développées, assignent d’ailleurs un rang plus élevé dans l'échelle zoologique. Les Insectivores, que G. Cuvier place avant les Carnivores, doivent donc les suivre. Les uns et les autres sont, du reste, loin de se distinguer par de simples caractères de familles; ils constituent deux sous-ordres dont le premier se subdivise en deux sections très-distinctes : les Carnivores ordinaires, dont les extrémités sont en forme de pattes (ce sont les cinq genres Canis, Felis, Viverra, Mustela et Ursus de Linné), et les Carnivores amphibies où empêtrés, chez lesquels les membres, excessivement courts et en forme de nageoires, ne peuvent plus soutenir l'animal, condamné dès lors, quand il est à terre, à se mouvoir par une reptation lente et difficile. Tels sont les Phoca de Linné, auxquels il faut ajouter le Morse que Linné avait placé à la fin de son ordre des Bruta. » Pour M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, son second sous-ordre, ou celui des Insectivores, est par- tagé en sept familles. dont les types génériques sont ceux des Eupleres, Tupaia, Gymnura, Ma- croscelides, Sorex, Talpa, Chrysochlora et Erinaceus. M. De Blainville regarde les Chéiroptères, les Carnivores et les Insectivores comme formant, par l'ensemble des caractères de chacun d’eux, trois ordres particuliers, et il place ces derniers inter- médiairement entre les deux autres; les genres types qu'il y range sont, dans son ordre sérial, ceux des Taupe, Musaraigne et Hérisson. Enfin G. Cuvier, faisant remarquer que les Insectivores ont à la fois des caractères qui les rap- prochent d'une part des Chauves-Souris, et de l’autre des Plantigrades, les considère comme ne devant constituer qu'une famille de son ordre des Carnassiers, famille comprenant les genres Tlérisson, Tanrec, Cladobate, Musaraigne, Desman, Chrysochlore, Taupe, Condylure et Sca- lope, qui suit les Chéiroptères et précède les Carnivores. C'est cette classification. la plus générale- meut admise, que nous suivrons, et nous dirons bientôt l'ordre que nous avons adopté dans l'étude des genres. Le système dentaire des Insectivores, rarement normal dans les incisives et même dans les canines toutes les fois qu'il y era, le devient davantage pour les molaires, et surtout pour la principale et les ar- rière-molaires. Le nombre des dents, tant en totalité que dans chacune des sortes, varie beaucoup; on GARNASSIERS. 107 ° peut avoir des formules dentaires ainsi constituées : incisives, , 2,2,2, :, 5,5; canines assez géné- ralement +, parfois en plus grand nombre ou bien nulles; molaires, =, =, !=, 10-10 ee.; et, selon De Blainville, on peut dire que le nombre total des dents, étudiées d’un seul côté, à chaque mâ- choire, est, dans l’état normal, de dix en haut comme en bas, mais qu'il peut descendre à huit en haut et six en bas. La forme des dents, pour toutes les sortes, indique assez bien leur usage, étant toutes plus ou moins pointues, ou hérissées de pointes plus ou moins élevées qui s'entre-croisent; auss’ les incisives méritent rarement ce nom; les canines encore moius fréquemment; mais toujours les avant- molaires sont aiguës ou armées de pointes come les molaires proprement dites; dans le plus grand nombre des cas les incisives sont longues en avant, et suivies d’autres incisives et de canines toutes moins hautes que les molaires; dans d'autres cas les canines sont grandes, écartées, et des incisives peu développées se remarquent entre elles; enfin les incisives peuvent être petites et les canines manquer. Les molaires se rapprochent pour la forme de celles des Carnivores, et elles montrent que ces animaux sont plus carnassiers que les Chéivoptères; elles sont généralement assez fortes. Quant à la proportion de ces diverses dents, il n’arrive pas toujours que ce soit la première des-dents maxillaires supérieures, ou celle qui la croise inférieurement, qui ait réellement la forme de canine, quoique les zoologistes leur en aient souvent donné le nom. Nous n'entrerons pas, pour le moment, dans de plus grands développements sur le système den- taire, car il ne présente pas des caractères uniformes; et, ainsi que le fait observer De Blainville, il offre trois types différents et qui se trouvent dans les trois grands genres linnéens des Taupe, Mu- saraigne et Hérisson: c'est done en étudiant ces groupes génériques que nous donnerons plus de détails. Nous croyons cependant devoir faire connaître immédiatement un extrait d'un important travail de M. Duvernoy, publié en 1844 dans les Mémoires de la Société d'Histoire naturelle de Strasbourg, quoique le savant professeur ne s'occupe presque exclüsivement que de la structure des dents des Musaraignes. Dans la substance tubuleuse des dents chez plusieurs Insectivores et Rongeurs, M. Duvernoy a distingué très nettement les embouchures des tubes, qu'il appelle calcigères avec M. R. Owen. La plupart de ces tubes ne lui ont montré de coloration que dans leurs parois; leur caual paraît blanc et même transparent comme la gangue qu'ils traversent. Ces tubes et ces canaux sont très-serrés les uns près des autres, à leur origine et dans une partie de leur trajet, au point qu'on les distingue à peine, et qu'ils forment, vus par transparence, comme des taches de couleur grise dans les lames qui ne sont pas suffisamment amincies. Îls se séparent et deviennent moins nombreux à mesure que l'on s'éloigne du bulbe dentaire. Dans une dent ancienne, la plupart ne se prolongent pas jusqu'a l'émail, de sorte que la partie de la substance tubuleuse qui s'approche de l'émail montre de moins en moins ces tubes. Un certain nombre, après s'être ramifiés en diminuant de calibre et s'être anastomosés entre eux, vont se terminer dans une ligne noire, courte, réticulée, qui sépare assez nettement de l'émail la substance tubulée. Observé avec soin dans les dents de Musaraigne, le noyau pulpeux est d'autant plus petit que la dent est plus ancienne. Sa forme est exactement, en petit, celle de chaque dent: elle répète intérieurement la forme extérieure de la couronne et des ra- cines. Le noyau pulpeux, avec sa couleur rouge, s'aperçoit généralement assez, sans préparation, à travers la substance osseuse de l'émail de ces dents, qui sont très-minces. Aux époques de la pre- mière et de la seconde dentition des Musaraignes, la membrane émaillante, qui se voit à l'extérieur des molaires, à travers la capsule dentaire qui recouvre la série des dents, est colorée lorsque ces dents doivent être colorées; bien plus, l'étendue et la place de ces parties teintes correspondent exactement aux parties de ces dents qui présenteront la même coloration: elles restent au con- traire blanches chez les jeunes Musettes, dont les dents sont sans couleur. Dans les Musaraignes, le cément se développe avec les dents, dont il forme pour ainsi dire la gangue, etil se durcit avec elles. Le cément, chez ces animaux, forme un organe distinct de la mâchoire et des dents, dont il est sé- paré par une membrane particulière, sorte de périoste du cément. Chaque mâchoire a de l'un et de l’autre côté une rainure ou dépression, superficielle ou profonde, dans laquelle le cément est reçu avec les dents. C’est cette même membrane alvéolaire du cément qui produit les couches adventives du ément dentaire autour des racines des dents de l'homme; est cette même membrane dont l’ac- tivité nutritive comble de son produit les alvéoles et en fait sortir les dents. L'aspect du cément, qui répond à chacune des grandes cavités alvéolaires des Musaraignes et les remplit, est, en quelque 108 HISTOIRE NATURELLE. sorte, une poche à parois contournées, remplie elle-même d'une substance osseuse. Des branches vasculaires considérables, à ramifications assez nombreuses, se détachant presque à angle droit des vaisseaux sanguins du canal dentaire, pénètrent cette substance dans une direction uniforme, en se divisant assez régulièrement, et semblent la partager en cellules ou en compartiments. M. Duvernoy résume ainsi son mémoire. La structure interne du cément alvéolaire est analogue à celle des os des mâchoires. Sa substance se compose de petites cellules qui se présentent comme des taches de forme irrégulière, rarement rondes, plutôt ovales ou oblongues, se prolongeant aux deux bouts par un ou plusieurs filets. Dans quelques individus, ces taches paraissent noires avec un contour formé d'une ligne blanche transparente; dans d’autres, leur couleur est une ligne noire et l'intérieur est blanc. Ces différences dépendent sans doute des degrés d'ossilication qui font dispa- raître ou laissent subsister les parois membraneuses. Dans quelques cas, on voit rayonner de leur contour beaucoup de traits fins, traits qui leur donnent une apparence étoilée, et elles paraissent au milieu d’un réseau extrêmement fin dont on n’apercoit les cordons noirs, très-déliés, qu'avec beaucoup d'attention, au moyen d'un grossissement considérable. Dans une dentition ancienne, ou du moins bien terminée, le cément alvéolaire est soudé et confondu avec la substance osseuse des machoires, et sa propre substance s’en distingue difficilement. Les petites taches qui répondent aux cellules de Retzius paraissent peut-être moins nombreuses et plus allongées. La membrane du cé- ment, sorte de périoste, est mince, noire dans cette dentition terminée, et semble se continuer, dans plusieurs cas, avec les ramilications vasculaires qui partent de cette membrane ou viennent y aboutir. Le cément alvéolaire est évidemment pénétré par des branches vasculaires qui partent des vaisseaux du canal dentaire; mais la membrane qui revêt de toutes parts ce cément parait être le principal centre de l'activité nutritive des productions du cément, et le point de départ on l'aboutis- sant de ses principaux vaisseaux. Quant au développement des premières dents chez les Musaraignes, chez la jeune Musette, le bord des mâchoires est creusé d’une dépression ou rainure, dans laquelle les dents sont enfoncées par leurs racines; celles-ci y sont enveloppées de leur cément, lequel a l’apparence d'une pulpe granu- leuss qui remplit l'intervalle d’une racine à l’autre. La couronne fait saillie en dehors de cette rai- nure; elle n’a encore que ses pointes un peu dureies dans les vraies molaires, ou sa pointe unique dans l'incisive moyenne ou celle qui la suit. Les molaires vraies et fausses sont renfermées dans une seule capsule. Un léger débris de cloison membraneuse semble marquer leur place particulière dans la rainure qui les reçoit. Dans de plus jeunes Musettes, dont la peau n’a encore aucun poil, la cap- sule des molaires de la mâchoire inférieure surmonte le bord libre de cette mâchoire, comme une vessie allongée qui lui serait ajoutée. Chez les individus plus jeunes encore, tout est moins distinct. La capsule des molaires de la mâchoire inférieure ne se distingue du périoste de cette dernière que par un ruban du bord libre de cette capsule, que l'on dirait gonflée par une pulpe homogène. Chez ces animaux, le durcissement des dents précède celui des mâchoires, ils ont deux dentitions identiques pour le nombre et la forme. La seconde dentition s'effectue de bonne heure; et, ce qu'il y a de singulier et de particulier à ces animaux, c'est que toutes les dents se renouvellent à la fois. Le cément ancien, qui maintenait les dents auxquelles il appartient, disparaît avec elles, détaché sans doute par le développement, au fond de la rainure alvéolaire de la série des dents nouvelles et de leur cément. M. Duvernoy pense que les dents des Musaraignes se renouvellent plusieurs fois. Il se demande avec raison comment ces animaux peuvent se nourrir et saisir leur proie quand leurs dents sont couÿertes de leurs capsules membraneuses et mal affermies par leur cément alvéolaire encore mou. A l'époque de leur mue dentaire, cet anatomiste à constaté que les os de leur tête étaient moins so- lides et moins affermis qu'à toute autre époque, et que leur estomac et leur canal intestinal étaient toujours vides. Le squelette des Insectivores présente des particularités remarquables; mais, de même que le système dentaire, il offre des différences telles, qu'il doit être étudié dans les trois types princi- paux de la famille: on peut seulement dire maintenant que la clavicule existe constamment. Les diverses parties internes de l'organisme des Inseclivores varient aussi trop pour que nous nous en occupions maintenant. Les orifices des narines sont percés différemment à l'extrémité d’un museau plus où moins pro- CARNASSIERS. 109 longé en boutoir solide, résistant, propre à fouir, ou en une trompe molle, mobile, et servant à explorer les corps qui l'environnent. Il n°y a quelquefois pas d’yeux, ou bien ces organes sont rudi- mentaires, petits, médiocres, et, plus rarement, un peu grands, et ces diverses particularités orga- niques sont en rapport avec le genre de vie de ces animaux, c’est-à-dire que, plus l'espèce aura des habitudes subterranéennes, moins l'organe de la vision sera développé. Les oreilles, dans leur con- que et dans le canal auditif externe, sont dans le même cas : ce canal est très-petit, très-large, et la conque tout à fait nulle, petite, ou moyenne, mais jamais grande, quelquefois très-simple, et d'autres fois pourvue, à son bord externe, d'un ou deux replis ou lobes qui ont quelques rapports avec ce qui se voit dans les Chéiroptères. Les mamelles ne sont pas pectorales comme dans ces Mam- mifères; elles sont, au contraire, ventrales, et en plus grand nombre. Les membres sont complets, et diversement disposés, suivant les mœurs différentes de ces ani- maux. La plante des mains et des pieds s'appuie constamment sur la terre; les mains de devant ont cinq doigts, toutefois, dans le genre Chrysochlore, on n'a pu constater la présence que de trois ongles; le pouce est presque égal aux autres doigts, quoique placé sur le même rang; les pieds ont toujours cinq doigts, armés d'ongles robustes. La vie des Insectivores est, le plus souvent, nocturne et souterraine; les espèces qui, comme la Taupe, doivent vivre dans des souterrains qu’elles se creusent dans le sol, ont des membres antérieurs très-fortement constitués, assez courts, et leurs extrémités sont transformées en des espèces de pelles, tandis que dans d’autres espèces, comme les Hérissons et les Musaraignes, les membres ont des formes plus grèles, et quelquefois sont transformés en des sortes de rames dans les espèces aqua- tiques. Leurs mouvements sont assez faciles. Enfin, dans un genre des plus curieux, celui des Ma- croscélides, les pattes de derrière acquièrent un grand développement, tandis que celles de devant sont courtes; l'animal ne peut guère plus marcher qu'en faisant des sauts plus ou moins forts, et, sous ce point de vue, a beaucoup de rapports avec les Gerhaïises, et même avec les Péramèles. La queue, quelquefois assez longue, est souvent peu développée. Le pelage varie beaucoup; assez court et très-doux dans les Taupes et dans quelques Musarai- gnes, il devient plus rude dans d’autres groupes, et peut même se présenter, en partie, sous forme de piquants, comme on commence à le voir dans nos Hérissons d'Europe, et comme cela devient tout à fait manifeste dans les Tanrecs. Le système de coloration des poils est généralement sombre, brunâtre ou noir; une exception se remarque seulement dans le genre Chrysochlore, qui renferme des espèces vulgairement désignées sous le nom de Taupes dorées, et qui ont, sur un fond noirâtre, des reflets métalliques. Les caractères spécifiques, tirés de la coloration des poils dans son inten- sité, dans sa teinte, et même parfois dans sa distribution. ne sont pas très-rigoureux; en effet, M. Duvernoy s’est assuré que chez les Musaraignes, genre où le nombre des espèces est plus grand que dans aucun autre groupe de cette famille, les variations sont nombreuses, suivant les sexes, l’âge, et même la saison. Beaucoup d’Insectivores passent l'hiver en léthargie; cela a principalement lieu pour les espèces qui habitent les pays froids; mais, toutefois, quelques-unes de celles qui vivent dans les régions chaudes, comme les T'anrecs, éprouvent également le même phénomène. Leur nourriture la plus habituelle, et presque exclusive, consiste en Insectes, dont ils dévorent un nombre immense; c’est ainsi qu'ils rendent de grands services à l’agriculture; cependant, et cela s'applique surtout à la Taupe, on cherche continuellement à les détruire, parce qu'ils mangent parfois les racines, et parce que les espèces dont la vie est tout à fait souterraine font des galeries nombreuses qui nuisent à la culture. Quelques-uns fouissent la terre pour rechercher les Vers dont ils se nourrissent. Quant aux lieux qu'ils habitent, les uns, comme les Taupes, restent constamment dans les étroits conduits qu'ils se creusent sous le sol; d'autres, comme les Hérissons et les Musaraignes, se cachent sous les débris qu'ils rencontrent; il en est, comme les Tupaia, qui grimpent sur les arbres à la manière des Écureuils, et un petit nombre ne cherche pas de re- fuge. Cela se conçoit facilement, car, par leur taille très-petite et très-rarement moyenne, ils sont exposés plus que d’autres Mammifères à la voracité des Carnivores; ils ne peuvent guère se servir de leurs dents contre leurs ennemis; quelques-uns d’entre eux, les Hérissons, les Tanrecs, les Éri- cules, ete., se défendent en hérissant les poils de leur corps, qui sont transformés en piquants. Ua très-petit nombre de Musaraignes se trouvent dans les eaux et nagent avec facilité; les Macros- 110 HISTOIRE NATURELLE. célides sautent, mais la plupart des autres Insectivores marchent et même courent avec une grande célérité. *elativement à la distribution géographique des Insectivores, nous dirons que les trois genres principaux de cette famille sont essentiellement propres à l'ancien continent, et que tous trois sont européens. Un seul, celui des Musaraignes, se trouve dans toutes les parties du monde, l'Amérique méridionale et la Nouvelle-Hollande exceptées. Les Taupes sont exclusivement de l'ancien continent, ou tout au plus des parties septentrionales du nouveau, car il semble peu probable qu'on en ait rencontré en Amérique, et c’est à peine si elles dépassent, en Asie et en Afrique, le littoral de la Méditerranée. L'Amérique méridionale seule offre les Chrysochlores, et l'Amérique du Nord les Tu- pains. Les Gymnures ne se rencontrent qu'en Asie, et l'Afrique offre les Macroscélides. Enfin, les Hérissons sont particulièrement de l'ancien continent, tandis que les Tanrecs et les Ericules n’habi- tent que les îles de Bourbon et de Madagascar. Comme résultat de l'ancienneté à la surface du globe, on peut dire que les types européens des Mammifères de cette famille sont connus depuis la plus haute antiquité historique. Des individus qui se rapportent à l'un d'eux, au genre Musaraigne, étaient conservés à l’état de momie par les Égyptiens; et les deux ou trois espèces qui ont été admises à cet état ne paraissent pas, à De Blain- ville, surtout d'après les remarques de M. Ehrenberg, différer d'une espèce actuellement vivante en Afrique et même en Lyypte. En outre, on peut voir, au musée du Louvre, des figurines égyptiennes qui représentent des Musaraignes. Les trois genres typiques des Insectivores se trouvent à l'état fossile : 1° dans les brèches os- seuses du littoral de la Méditerranée; 2° dans le sol des cavernes de l'Allemagne, de l'Angleterre, de la Belgique et de la France; 3° dans un terrain tertiaire moyen des montagnes sous-pyrénéennes; 4° dans un terrain d'eau douce d'Auvergne. Des dix espèces qui ont été reconnues jusqu'ici, six, savoir : une Taupe, trois Musaraignes, un Desman et un Hérisson, ne semblent pas, à l'illustre au- teur de l'Ostéographie, différer spécifiquement de celles qui existent aujourd’hui à l'état vivant; elles se rencontrent pèle-mêle avec des restes d'animaux qui ne vivent plus dans nos contrées; les quatre autres, dont on ne connaît pas encore les analogues à l’état vivant, savoir : une Taupe, une Musaraigne, un Hérisson et un Tanrec, forment des espèces nouvelles, et intermédiaires à celles qui existent aujourd'hui. Les anciens naturalistes connaissaient à peine les trois types européens de la famille des Insecti- vores, et ils ne se sont nullement occupés de leurs rapports naturels ni de la place qu'ils doivent occuper dans la classification des Mammifères. Aristote, trois cent cinquante ans avant l'ère chré- tienne, dit néanmoins quelques mots de la Taupe, qu'il désigne sous le nom d'Aczaa£; des Musa- raignes, qui sont pour lui ses Mygales, et des Hérissons, ses Echinos. Pline, cinquante ans avant Jésus-Christ, n'ajoute que peu de chose aux écrits d'Aristote, et, le premier, il crée les mots T'alpa, Mus araneus et Erinaceus. Du reste, il augmente encore le nombre des fables déjà répandues sur la Musaraigne, en rapportant que sa morsure est venimeuse en [talie, que cet animal ne se trouve pas au delà des Apennins, et qu'elle meurt lorsqu'elle a traversé, ou mieux, qu'elle est tombée dans une ornière; quant au Hérisson, il se borne à en dire avec plus de raison que, comme l'Ours, il se cache pendant les mois d'hiver. Elien ne fit que rapporter les fables de ses devanciers; toutefois, il indique la manière dont le Hérisson trompe la voracité du Renard. Au moyen âge, les auteurs qui se sont occupés d'histoire naturelle, Isidore de Seville, Albert le Grand, Agricola, Scaliger, ne firent que rectifier ce qu'avaient dit Aristote et Pline, et n'augmentè- rent que peu les connaissances acquises sur les Insectivores. Gesner, en 1920, est le premier qui ait passablement défini, au moins dans les deux genres Taupe et Musaraigne, les Insectivores, qui ait donné des figures passables des trois genres types de cette famille, et ait démontré qu'on ne devait pas les confondre avec les Rats, ainsi qu'on le faisait avant lui. Puis vinrent Walton (1552), Aldro- vande (1645), Marc-Aurèle Séverin, Johnston (1657), Charleton (1668), qui ajoutèrent quelques ma- tériaux à leur histoire. Ray, en 1693, est le premier qui, sentant leurs rapports naturels, les ait rapprochés tous, convenablement dans un système mammalogique. Linné, de 1755 à 1766, dans les diverses éditions de son Systema naturæ, rassembla ce qu'avaient dit ses devanciers, fonda définitivement les grands groupes des Hérissons, Taupes et Musaraignes; il détourna le nom de Sorex, qu'il appliqua aux Musaraignes, et cette dénomination latine leur est Fig. 1. — Gluen bassel écossais Fig. 9, — Genetle d'Europe. CARNASSIERS. ii restée, el est venue remplacer cellés de Musaraneus et Mus araneus, employées très-longtemps auparavant, et qui avaient l'inconvénient de faire regarder cet animal comme se rapportant au genre Mus ou Rat. Hill (1752) copia presque Linné, et décrivit la Talpa acauda, qui, depuis, est devenue le type du genre Chrysochlore. Brisson (1756) n'indiqua rien de nouveau, si ce n'est qu'il définit mieux les espèces, déjà plus considérables en nombre. Daubenton, la même année, caractérisa de nouveau certaines espèces du genre Musaraigne, et il donna un travail important sur ce sujet dans le grand ouvrage de Buffon, publié en 1760. Pennant, en 1771, plaça ces animaux à la fin des Ron- geurs. Erxleben (1777) rapprocha aussi les Taupes des Musaraignes, mais il en sépare les Héris- sons, non-seulement par les Chauves-Souris, mais encore par les Ours. Schreber (1778) S'occupa, pour la première fois, de leur système dentaire comme d’un caractère propre à les distinguer. Her- mann (1780) donna de grands détails sur les Musaraignes européennes. En 1780, Pallas et Storr sentirent les rapports naturels des Insectivores entre eux et avec les autres Mammifères. Bechstein, de 1789 à 1793, augmenta le nombre des espèces de Soreæ. Linck, en 1795, en forma un ordre particulier sous la dénomination de Rosores. G. Cuvier (1798), Lacépède (1798) et Iliger (1811), prenant en considération rigoureuse le système dentaire, les ont partagés en plusieurs genres géné- ralement adoptés aujourd'hui, et, dès cette époque, on peut presque dire qu'à l'exception du genre Sorex il y eut autant de genres que d'espèces bien connus d’Insectivores. Etienne Geoffroy Saint- Hilaire (1811), Savi (1822), Say (1855), Gloger, Brehm, augmentèrent le nombre des espèces déjà connues, principalement parmi les Musaraignes: il en fut de même d’A. G. Desmarest en 1820, et de Fr. Cuvier en 4897. Raffles, Smith, Vigors et Horsfield, Martin, Brandt, etc, ont ajouté au cata- logue mammalogique de nouvelles formes beaucoup plus distinctes, fournies par l'Afrique, l'Inde et l'Amérique. En 1826 et 1827, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire décrivit de nouvelles espèces, et fit connaître plus tard le genre Éricule; M. Gray créa, en 1837, le genre Corsira; M. Temminck décrivit le groupe des Ifylogales, qui correspond aux Tupaia, et M. Dovère donna, en 1855, la caractéristique du nouveau genre des Euplères, que De Blainville rapproche des Mangoustes ou des Genettes. Wa- gler, en 4856, a appliqué de nouveau, aux Musaraignes connues jusqu'à lui, les principes de divisions génériques qui avaient été employés par De Lacépède, et il introduisit aussi les bases de la distinc- tion et de la distribution géographique des espèces, ce qui a été adopté par MM. Jennys (1835). Na- thusius (1837), Gray et Duvernoy (1855) : ce dernier zoologiste surtout, et sans avoir eu connais- sance du travail de Wagler, publia sur les Sorex un travail important dont nous donnerons l'ana- lyse. De Blainville (Ann. d'Anatomie et de Physiologie, t. H, 1858, et d'Ostéographie : Fascicule des Insectivores, 1841) a donné un mémoire, auquel nous avons emprunté plusieurs passages, sur l’an- cienneté des Insectivores à la surface de la terre, dans lequel il résuma tout ce qui avait été dit avant lui sur ces animaux, posa les bases de leur classification, et indiqua les espèces que l'on a trouvées à l’état fossile. Depuis la publication de cet ouvrage, plusieurs travaux ont encore été faits sur les Insectivores; on doit particulièrement citer une notice de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, publiée en 1844, sur les Tanrecs et les Éricules, la description de quelques espèces du nord de la France appartenant au genre Musaraigne, par M. de Selys Longchamps; une monographie des espèces du même groupe naturel particulières à l'Amérique septentrionale, par MM. Say et Bochman; la description d'une es- pèce nouvelle de Sorex de Madagascar, par M. Charles Coquerel, etc. Enfin, outre les ouvrages de G. Guvier et de De Blainville sur les Insectivores fossiles, nous devons encore indiquer les travaux de M. Kaup, et ceux de Schmerling, Schlotheim, et de MM. de Laizer, R. Wagner, l’abbé Croizet, Richard Owen, Lartet, etc. Le nombre des espèces d'Insectivores aujourd’hui connu est de près d'une centaine, et leur distinction doit reposer essentiellement sur ie système dentaire, qui, pour la plupart d’entre elles, principalement dans les Musaraignes, présente une particularité tranchée dans le nombre, la forme ou les proportions des dents. On a donné la caractéristique d'environ trente genres de cette famille, formés aux dépens des Musaraignes {Sorexæ), Taupe (Talpa), et Hérisson (Erina- ceus), seuls genres admis par Linné, ou bien qui ont été créés sur des espèces nouvellement dé- couvertes : plus de la moitié de ces genres sont basés sur de bons caractères, tous très-distinets, et les autres peuvent être regardés comme de simples subdivisions sous-génériques. En outre, un 119 HISTOIRE NATURELLE. assez grand nombre de noms génériques ne devront être considérés que comme synonymes de groupes précédemment créés. Dans l'étude que nous en ferons, nous placerons à la fin de Ja famille les Hérissons, qui, surtout dans le genre Tanrec, qui en a, à juste titre, été démembré, présentent un système de:taire nor- mal, et qui se rapproche assez de celui des Carnivores. Nous subdiviserons les Insectivores en sept tribus particulières, qui correspondent aux sept familles indiquées par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; seulement, nous intervertirons la disposi- tion qu'il a adoptée dans le but de placer à la tête de notre famille les Taupes, qui, comme le fait remarquer De Blainville, peuvent être considérées comme le type le plus parfait des Insectivores. Cela posé, les tribus que nous adoptons, et dans lesquelles nous n'indiquerons maintenant que les principaux genres, sont les suivantes : LE Tribu. — Tavrinés : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux très-petits ou nuls; pattes antérieures converties en pelle ou en pioche. 1 Division. — Tarrixs : Membres antérieurs pentadactyles, en forme de pelle. Genres : Taupe, Scalope, Condylure et Urotrique. 2* Division. — Cunysocusontess : Membres antérieurs tridactyles, en forme de pioche. Genre . Chrysochlore. 2° Tribu. — Soriciés : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux très-petits; pattes antérieures établies sur le mème type que les postérieures. Genres : Desman, Husaraigne, compre- uant un grand nombre de subdivisions particulières, ete. 8° Tribu. — Macnoscéciés : Plantes des pieds nues; yeux bien développés; membres postérieurs extrémement allongés. Genre : Macroscélide. 4° Tribu. — Giwxurinés : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux et membres pos- térieurs bien développés; queue écailleuse. Genre : Gymnure. b° Tribu. — Turamés : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; veux bien développés; membres postérieu:s également bien développés; queue touffue. Genre : T'upaia. 6° Tribu. — Eracémés : Corps couvert de piquants. Genres : T'anrec, Éricule, Hérisson. 7e Tribu. — Evviénnés : Plantes des pieds velues. Genre : Euplère. PREMIÈRE TRIBU. TALPIDÉS. TALPIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Plantes des pieds et des mains nues. Pattes antérieures converties en pelles ou pioches. Veux très-petits. Cette tribu correspond à la famille d'Insectivores de M. Isidore Gcoffroy Saint Hilaire, qui porte la même dénomination. On n’y comprend qu'une douzaine d'espèces, propres à toutes les parties du monde, l'Océanie exceptée, et qui sont réparties dans cinq genres distinets, que Linné réunissait sous le nom gèné- rique de Talpa. Nous y formons deux divisions, celles des Tarprexs et des CnRYSOCHLORIENS, CARNASSIERS. 113 Preuète Odioision ’ TALPIENS. TALPII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Membres antérieurs pentadactyles, en forme de pelle. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a créé cette division, qu'il nomme famille, et dans laquelle on ne comprend que les quatre genres Taupe, Scalope, Condylure et Urotrique. 4 GENRE. — TAUPE. TALPA. Linné, 1735. Systema naturæ, 1. I. Talpa, nom appliqué au groupe par Pline. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire: incisives, À; canines, =; molaires, =, entotalitéquarante-six dents; les incisives supérieures sont petites, bien rangées et semblables, sauf la taille, à celles des Carnivores; les infé- rieures sont larges, légèrement déclives et disposées en arc; en haut les canines sont minces, crochues, terminées en pointe tranchante au bord postérieur, et offrant, de même que les inférieures, cette particularité d’être attachées au maxillaire par deux racines au lieu d’une seule, ainsi que cela se présente ordinairement; en bas ces mêmes dents sont triangulaires, fortes, ce qui, joint à leurs deux racines, les fait regarder par Fr. Cuvier conune les premières et les plus grandes des fausses mo- laires; à la mâchoire supérieure, il y a trois petites fausses molaires en rudiment de chaque côté, puis une quatrième assez forte, Wiquètre à la base et à couronne formée d’une seule pointe, et enfin trois vraies molaires, les deux premières à couronne pourvue d'un bord tranchant avec deux pointes, et la troisième triangulaire, à sonumet en dehors et dirigée transversalement; à la mâchoire inférieure, ily a deux petites fausses molaires, puis une troisième plus grande, tranchante, pointue, triangulaire, avec un petit talon en arrière, et trois vraies molaires, égales entre elles, à bord ex- terne tranchant, divisé en trois tubercules aigus et double talon intérieur. De Blainville n'admet pas entièrement celte disposition de système dentaire, et pour lui la formule dentaire est ? + 1 + 3 3 3 3° Corps petit, trapu, comme cylindrique. Tête large en dessus, allongée, terminée en pointe pur une espèce de boutoir dans lequel sont per- cées les narines. lis. 33. — Taupe commuuc. 114 HISTOIRE NATURELLE. Conques auditives manquant entièrement. Veux très-petits, à paupières très-étroites, situées au-dessous d'un poil très-touffu. Bouche très-fendue, armée de dents visibles à l'extérieur et destinées à broyer les enveloppes plus ou moins solides qui entourent le corps des animaux, presque exclusivement des Insectes, dont les T'aupes font leur proie habituelle. Livre supérieure divisée. Langue couverte de papilles molles. Cou court, extrémement musculeux, surtout à la face supérieure. Membres très-courts : les antérieurs aussi épais et robustes que les postérieurs sont débiles. Mains semblant sortir du corps, à cause de la brièveté du bras et de l'avant-bras, très-larges, à paume toujours tournée en arrière et à bord interne tranchant; les cinq doigts qui les terminent réunis jusqu'à la racine des ongles, qui sont peu arqués, longs, linéaires, arrondis ct tranchants au bout. Pieds de derrière à systèmes osseux et musculaire peu développés, et ayant cinq doigts grêles, faibles et munis d'ongles de force médiocre. Point de glandes odoriférantes situées à la base de la queue ou sur les côtés du corps. Estomac membraneux, allongé. Pas de cœcum. Queue courte, presque nue, à épiderme plissée en petites lignes circulaires, analogues à celles que présentent les Rats. Pelage très-fin, doux au toucher, fort dense, court, soyeux, composé de poils perpendiculaires au plan de la peau. Le genre Taupe (Talpa) a été créé en 1755 par Linné, et comprenait alors plusieurs espèces, qui toutes, à l'exception d’une seule, ont servi de types à des groupes génériques qui en sont très-dis- tincts; c'est ainsi que les Talpa Asiatica et rubra doivent être rapportées au genre Chrysochlora, et que la T'alpa longicaudata est devenue le type du genre Condylurus. W n’y restait plus qu'une seule espèce linnéenne, la Taure onninare, T'alpa Europæa, qui habite l'Europe tempérée et sep- tentrionale, ainsi que l'Italie supérieure, et à laquelle on a réuni deux autres espèces découvertes assez récemment, les Talpa cæca, Savi, de l'Italie inférieure et de quelques autres contrées de l'Europe, et la Talpa moogura, Siebold, du Japon. Un grand nombre de naturalistes se sont occupés de ce genre; nous citerons surtout les excel- lents travaux d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Le système osseux des Taupes, étudié par plusieurs anatomistes, particulièrement par Daubenton lle . nt . sycte — . r . . è De Blainville, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire et G. Cuvier, présente des particularités des plus re- marquables, aussi croyons-nous devoir nous y arrêter Les os de ces animaux sont en général durs CARNASSIERS. 115 et résistants, peu celluleux et fortement éburnés, très-blancs, peu ou point salis de graisse, assez pesants, fortement articulés et serrés entre eux. Le squelette offre quelques rapports avec celui des Chauves-Souris par la forme générale du tronc, court, plus large en avant et se rétrécissant assez fortement en arrière; mais il est composé d’un plus grand nombre d'os, ce qui tient en partie à ce que les membres sont moins incomplets et que les mains ont besoin de pièces accessoires. La colonne vertébrale est composée de quarante-sept pièces: quatre vertèbres céphaliques, sept cervicales, qua- torze dorsales, six lombaires, cinq sacrées et onze coccygiennes. La série que forment ces vertèbres est d’un diamètre presque égal, si ce n’est aux lombes, où il se repfle un peu et n'offre guère que les courbures ordinaires : une en dessus, très-prononcée au cou, une autre en dessous, étendue presque jusqu’à la queue, qui se recourbe un peu en dessus. Les vertèbres céphaliques ont leur corps assez allongé, aplati en dessus comme en dessous, leur arc large, surbaissé, comme bulleux, élargi sur les côtés et tout à fait lisse. La tête en totalité est déprimée, triangulaire, élargie en ar- rière, atténuée en avant et un peu en forme de soufflet, sans traces de crêtes ni d’apophyses d’in- sertion musculaire; ses condyles articulaires étant larges, presque terminaux, très-distants, et l'angle facial de dix degrés au plus. La cavité cérébrale est proportionnellement assez grande, déprimée, élargie sur les côtés, mais sans que les différentes fosses soient bien nettement séparées. Les loges sensoriales sont fort peu développées. La mâchoire inférieure est longue, étroite dans sa branche horizontale, qui est en même temps assez courbée en sens opposé sur ses deux bords, et présentant, dans sa branche verticale, une sorte de palmature trilobée, large. Les vertèbres cervi- cales sont élargies, courtes, les premières cependant bien plus que les dernières; l'atlas est remar- quable par la manière dont il est évasé, élargi en soucoupe à la face antérieure et sans apo- physes un peu marquées; l’axis est plus étroit et son apophyse odontoide est considérable; la troi- sième vertèbre a encore une apophyse épineuse, styliforme, et les quatre dernières n’en offrent plus. Les vertèbres dorsales ont surtout des apophyses transverses très-prononcées, dirigées en avant. Dans les vertèbres lombaires, les trois sortes d’apophyses sont développées. Le sacrum est comprimé. On remarque des os en V dans la plupart des vertèbres coccygiennes. Il ÿ a seulement quatorze côtes, qui sont presque arrondies, plus ou moins courbées, de forme médiocre. L'hyoïde, presque con- tigu au sternum, est assez étendu; toutefois son corps est court, peu épais, large, légèrement excavé en arrière. Le sternum, composé de sept pièces, est très-étendu, et cela lient particulièrement à la forme singulière et au grand développement du manubrium; le xiphoïde est assez long et terminé par une plaque arrondie; les cornes sternales sont au nombre de sept. Le thorax, formé par les côtes et par le sternum, est étendu, presque conique, sensiblement déprimé et élargi sur les côtés. Les membres sont courts, presque égaux en longueur, mais disproportionnés, du moins pour la force et l'épaisseur, et très-distants par la manière dont sont avancés ceux de devant. Aux membres antérieurs, l’omoplate est principalement remarquable par sa grande longueur, qui égale celle des douze premières vertèbres dorsales, ou celle de l'humérus et du radius réunis, ainsi que par sa grande étroitesse, n'étant dilatée un peu qu'à son extrémité dorsale, où sa forme est triquètre. La clavicule ne se présente pas comme un os long, ainsi que cela a lieu dans tous les autres Mammi- fères, mais c'est un petit os assez semblable à une courte phalange excavée à ses deux extrémités, traversée obliquement par un gros trou vasculaire, et pourvue, au milieu environ de son bord inférieur, d'une apophyse rentrante et tronquée. L'humérus offre également une forme tout à fait particulière, en ce que ce n’est plus un os long et cylindrique, mais un os plat, presque carré, très- élargi à ses deux extrémités, ce qui produit une forte échancrure de chaque côté, plus large à l’ex- terne qu’à l’interne. Les deux os de l’avant-bras sont aussi fort courts, mais complets et de forme plus normale : le radius, bien moins long que le cubitus, est droit, un peu comprimé, presque éga- lement large en haut et en bas; il présente supérieurement sa cavité articulaire sigmoïde avec un bec avancé, formant une sorte de petit olécrane en arrière et en dehors, et ayant inférieurement sa sur- face d’articulation transverse, en contre-poulie, à branches très-inégales. Le cubitus est large, di- laté en fer de hache, transverse, oblique et recourbé vers les deux tiers de l'os. La main continue la forme raccourcie et élargie du bras et de l’avant-bras; le raccourcissement portant essentiellement sur les os du métacarpe et sur les deux premières phalanges, et l'élargissement sur l'addition au bord interne du carpe d’un grand os en forme de G ou de corne comprimée, recourbée et un peu tranchante. Aux membres postérieurs, les formes sont plus normales. Le bassin est allongé, étroit, 116 HISTOIRE NATURELLE, tout à fait parallèle au sacrum, avec lequel l'iléon, qui est presque cylindrique, se soude solidement dans presque toute sa iongueur; le pubis ne se soude pas avec celui-ci du côté opposé, de manière que, se portant tout entier en arrière, il forme avec l'iskion un grand trou sous-pubien très-long, ce qui le fait ressembler un peu à un bassin d'oiseau. Le fémur est très-court, quoiqu'un peu plus long que l’humérus, mais bien plus étroit; il est légèrement comprimé, élargi assez fortement en haut par un grand trochanter; les deux tubérosités de l'extrémité inférieure sont presque égales, séparées par une poulie large, peu profonde. La jambe, de longueur médiocre, est faible et remarquable en ce que le tibia, assez fortement arqué en deux sens opposés, est comme doublé dans toute sa lon- gueur par un péroné soudé intimement avec lui dans sa moitié inférieure, et libre seulement dans son tiers supérieur et à sa terminaison. Le pied, fort petit et tont à fait plantigrade, est assez court, peu étroit; l’astragale est peu élevé, assez large; le calcanéum, très-large dans sa partie articulaire avec l’astragale, est comme étalé et prolongé en arrière par une tubérosité assez forte et un peu re- courbée en haut; les os du tarse et du métatarse ont à peu près la forme ordinaire : les phalanges sont presque égales, notablement moins longues que les métatarsiens. Il n'y a guère de différences appréciables dans le squelette des Taupes de sexe et d'âges diffé- rents; cependant le bassin de la femelle se distingue facilement de celui du mâle en ce que les pubis sont plus fortement soudés entre eux dans celui-ci, et au contraire assez écartés dans celui-là. Les os de la face, en général, et surtout ceux du nez, se soudent de très-bonne heure. Les trois espèces de ce genre semblent constituées tont à fait sur le même type. Pour terminer ce que nous avions à dire sur les os des Taupes, nous devons ajouter qu'il y a d’assez nombreux os sésamoïdes, et qu’il existe un os pénien dans la Taupe ordinaire. Ce dernier os est extrêmement petit et présente la forme d'un dard obtus, un peu courbé dans le sens vertical, et pourvu dans ce même sens d’une petite crête à sa base. Le système musculaire est très-développé dans certaines de ses parties; c’est ainsi que les muscles du cou, et ceux qui font jouer les membres antérieurs, sont très-gros pour permettre à l'animal de fouir avec facilité. Les autres muscles ont à peu près leur forme normale, et cela se remarque sur- tout dans les membres postérieurs. La tête est terminée par un boutoir armé à l'extrémité d’un osselet particulier, qui sert à l'animal comme d'une tarière pour percer et soulever la terre, et qui constitue aussi un organe délicat de toucher. D'assez longues moustaches sont placées autour de la base du boutoir; c'est sans doute dans cette partie de la tête que réside principalement le siège du toucher; car la paume des mains et la plante des pieds, tout en étant entièrement nues, sont recouvertes d'une peau roide et calleuse. L'œil est si petit et si bien caché par les poils, qu'on en a nié l'existence, et qu'on a pu même considérer comme tout à fait aveugle l'espèce (T'a/pa cœca) décrite par M. Savi. Cependant aujour- d'hui, grâce surtout aux observations de M. Krohn, on peut penser, malgré les remarques d’habiles anatomistes, qui semblent démontrer le contraire, qu’il n’en est pas ainsi, et que le nerf optique se trouve dans les Taupes, aussi bien que l'œil; mais le premier est très-faible, très-difficile à voir, et le second présente un ensemble qui rappelle un arrêt de développement dans la formation de l'œil des Mammifères mieux doués sous ce rapport. Malgré cela on n'en doit pas moins noter l’état tout à fait rudimentaire de l'organe de la vision chez ces animaux, car cet état est en corrélation avec son genre de vie. Gela nous démontre encore une fois de plus l'harmonie si admirable que Dieu a mise en toute chose; en effet, la Taupe, se trouvant constamment dans des habitations souterraines, n'avait pas besoin d’avoir des yeux parfaitement conformés et qui ne lui eussent été d'aucune utilité; Dieu ne lui en a donc pas donné de complets; mais, en même temps, il lui en a laissé des vestiges dis- posés comme dans les autres animaux. À. G. Desmarest s’est assuré par des expériences directes que les Taupes voient, et il a remarqué que leurs paupières pouvaient jouer à droite et à gauche, de façon à ne plus se trouver en face de l'œil, dans certains moments; alors l'œil est tout à fait placé sous la peau, et il y a tout lieu de croire qu'il ne peut plus servir à la vision, si ce n’est pour reconnaître un degré de lumière très- intense, tel par exemple que celui d'un rayon de soleil ou de la déflagration subite de la poudre à canon. Ce sujet important est loin d'être encore épuisé, et il serait à désirer que l'on fit de nou- velles recherches. Si l’appareil de la vision est peu développé, celui de l'olfaction l’est en revanche beaucoup. Le CARNASSIERS. 117 tympan est très-large, l'ouie est très-fine, bien que la conque auriculaire manque, et que l'oreille externe ne consiste qu'en un long conduit sous-cutané, décrit par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire. Les organes reproducteurs présentent chez la Taupe des particularités des plus curieuses. Dans le mäle les organes externes sont très-développés. Chez la femelle, les appareils génital et urinaire dé- bouchent à l'extérieur par deux orifices distincts. La vulve des jeunes femelles n’est pas perforée. Le clitoris est perforé par le canal de l’urètre, et à l'extérieur ressemble beaucoup au pénis du mâle. Le seul caractère extérieur qui permet de distinguer les jeunes femelles des mâles, c'est que le pénis de ces derniers est plus distant de l'anus que le clitoris des femelles. Le bassin, comme nous l'avons dit, est très-étroit, mais les pubis ne se joignent pas, de sorte que les organes génito-urinaires et le rectum ne sont pas complétement renfermés dans sa cavité, et que le fœtus, en naissant, ne traverse pas le bassin. Cette circonstance permet à la Taupe de produire des petits, qui, proportion gardée avec la mère, ont un volume plus considérable que dans aucune autre espèce. Le nombre des ma- melles est de huit : deux pectorales, quatre dans la région ombilicale et deux dans la région in- guinale. Les Taupes entrent en amour au commencement du printemps, et ensuite au mois de juillet. Les femelles mettent bas deux fois par an; leur portée est peu considérable et composée de trois à cinq petits et quelquefois d’un nombre moindre; depuis le mois de mars jusqu'à celui d'août, on les trouve accompagnées de leurs petits, qui naissent tout nus et tout rouges. La mère soigne ses enfants avec beaucoup de tendresse et les dépose sur un lit de feuilles et d'herbes qui tapisse le sol d’une sorte de chambre assez spacieuse de ses galeries, dont la voûte est supportée par des piliers de terre, et qui est située dans la partie la plus élevée et la plus sèche du terrier, de façon à être tout à fait à l'abri des inondations. L'intestin n'est pas dix fois aussi long que l’animal; son diamètre est peu considérable et varie peu dans ses diverses régions; il n'existe aucune trace de cœcum. L’estomac est cependant très- ample: il reçoit le cardia à son centre. Pour déchirer la terre et la pousser derrière elle, la Taupe a reçu un instrument merveilleusement approprié à sa destination. Par la disposition ostéologique de ses membres antérieurs, de son ster- num et surtout de ses mains, elle se trouve armée de deux sortes de pelles très-robustes à l'aide desquelles, le museau placé en avant, elle s’avance quelquefois si rapidement dans la terre qu'elle y semble nager. Mais, d’un autre côté, en raison de la gracilité de ses membres de derrière, et parce que le ventre traîne sur la terre, la Taupe se meut aussi péniblement sur la terre qu’elle le fait rapi- dement en dessous. Toutefois, et malgré l'opinion universellement admise, nous devons dire que M. Pouchet rapporte, au contraire, que, sur le sol, la Taupe est un animal dont les mouvements sont extrêmement vifs, et qui court avec une si grande rapidité, que l'œil ne peut suivre l’action de ses membres. On considère généralement la Taupe comme nuisible, et on lui fait une guerre active à cause des dommages auxquels elle donne lieu; cependant ce n’est que par exception qu'elle mange les racines des plantes, car sa nourriture consiste presque entièrement en Insectes et en Vers de terre, qu'elle découvre en perçant ses galeries, et auxquelles elle joint, assure-t-on, quelques bulbes du colchique d'automne. Elle se nourrit principalement de mans ou larve de Hanneton; mais elle détruit aussi en grand nombre les Courtillères; ce n’est qu'accidentellement qu'on la voit manger des graines où des fruits tombés des arbres. Enfin, d'après des observations d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, il arrive parfois à la Taupe de s'emparer, pour construire son nid, de tiges de diverses graminées qu’elle saisit par la racine, et fait descendre verticalement et peu à peu sous terre; c'est ainsi que l'on a trouvé, dit-on, dans un seul nid quatre cent deux tiges de blé parfaitement conservées et avec leurs feuilles entières. Le véritable tort qu'elle cause résulte de la destruction des plantes de prairie ou des céréales qu'elle trouve sur son chemin, et surtout des irrégularités que ses nombreuses taupinières établissent sur le sol, ce qui empêche de faucher aussi près de terre qu'on peut le faire lorsque la surface en est unie. Mais, toutefois, elle rend de grands services en détruisant un très-grand nombre d'Insectes qui nuiraient beaucoup plus qu’elle à l'agriculture; en effet son appétit est extraordinaire, et, pour nous servir de l’heureuse expression d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, nous dirons « qu'elle n’a pas faim comme tous les autres animaux, mais que, chez elle, ce besoin est exalté, que c’est un épuisement 116 HISTOIRE NATURELLE. ressenti jusqu’à la frénésie. Elle se montre violemment agitée; elle est animée de rage quand elle s’élance sur sa proie; sa gloutonnerie désordonne toutes ses facultés; rien ne lui coûte pour assouvir sa faim; elle s'abandonne à sa voracité, quoi qu'il arrive; ni la présence d’un homme, ni obstacles, ni menaces, ne lui en imposent, ne l'arrêtent. La Taupe attaque ses ennemis par le ventre; elle entre la tête entière dans le corps de sa victime; elle s’y plonge; elle y délecte tous ses organes des sens.» Une Taupe meurt de faim au bout de très-peu de temps, et il est à remarquer que, dans le cas même où sa faim est portée au plus haut degré, elle ne touche presque jamais aux matières végétales qui se trouvent auprès d'elle; qu'au contraire, siun animal se rencontre à sa portée, elle s’élance sur lui à l'improviste, lui ouvre le ventre et le dévore presque tout entier en peu de temps. Les Crapauds sont à peu près les seuls animaux qui lui répugnent; elle dévore avec avidité les Oiseaux. Si même l'on place dans un lieu fermé deux Taupes de même sexe, la plus faible est bientôt dévorée, et on ne retrouve plus d'elle que sa peau et ses os. Après avoir assouvi sa faim, la Taupe est tourmentée par une soif ardente, tellement que, si on la saisit par la peau du cou, et qu'on l'approche d’un vase plein d'eau, on la voit, dit-on, boire avec avidité, malgré la gêne d’une telle position. La plupart des faits que nous venons de rapporter, et qui sont indiqués par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans le Dic- tionnaire classique d'Histoire naturelle, sont dus à M. Flourens. Mais nous ajouterons qu'ordinaire- ment les Taupes trouvent assez de larves, d'Insectes parfaits et de Vers sans avoir recours à une autre nourriture. A.G.Desmarest (Dice. des Sc. nat., t. LIT) a donné de nombreux détails sur les galeries creusées par les Taupes, ainsi que sur les moyens employés pour détruire ces animaux, et nous croyons utile de les transcrire. « Les Taupes vivent isolément chacune dans son système de galeries particulières, et elles ne viennent guère au jour que lorsqu'elles veulent changer de canton pour trouver un terrain plus riche en nourriture, ou à l’époque de l'amour, pour le rapprochement des sexes. Les mâles, plus robustes et plus gros que les femelles, creusent des souterrains moins tortueux, et leurs taupinières sont plus nombreuses et plus rapprochées les unes des autres que celles qui appartiennent aux tra- vaux des femelles. Les jeunes individus ne pratiquent que des boyaux tortueux et offrant à de grandes distances des taupinières d'un petit volume. Selon les saisons, les galeries sont plus ou moins profondes, parce que la température qui résulte de ces saisons a une influence sur les Insectes et les Vers, en les faisant s’enfoncer plus ou moins dans le sol; les Taupes doivent naturellement les suivre. Selon la nature du sol elles sont aussi plus ou moins superficielles; ainsi, quand le terrain est sablonneux, les racines sont peu profondes et les. Insectes s’enfoncent peu; alors les galeries des Taupes rasent pour ainsi dire la surface du terrain et font elles-mêmes une saillie en dessus; au contraire, quand le terrain est à la fois gras et léger, ces travaux sont profonds et poussés avec une activité telle, qu'ils occupent un développement quadruple au moins des premiers. Une Taupe creuse horizontalement à partir d'un point central, et elle ouvre plusieurs galeries dans des directions différentes, lesquelles se rejoignent entre elles par des boyaux de communication. Les taupinières qu'elle forme de distance en distance ont pour objet de rejeter en dehors la terre fouillée et qui -obstruerait le passage; c’est à l’aide de sa tête qu'elle soulève cette terre pour former le soupirail par lequel elle rejette ensuite tous les autres débris dont elle veut se débarrasser. Pour établir son domicile, elle choisit ordinairement un terrain meuble et fertile, et s'éloigne également des endroits pierreux et rocailleux et des lieux marécageux ou seulement très-humides. Dans sa demeure, le point où elle se tient le plus souvent est toujours le plus élevé et le plus sec. Jamais ses galeries ne sont en communication directe avec l'air extérieur.eElle se livre à ses travaux de mineur principalement vers le lever et le coucher du soleil, et aussi vers midi. En hiver elle est beaucoup moins active qu’en été, mais elle ne tombe point dans un état de torpeur comme divers Insectivores et Ron- geurs. « On fait une chasse active aux Taupes, soit en les poursuivant avec la bêche ou la houe, et en les enlevant avec ces instruments une fois qu'on a reconnu le lieu où elles travaillent, soit en cherchant à inonder leur demeure, soit enfin en plaçant des piéges dans les galeries qu'on a interrompues. Le piége le plus usité et le plus anciennement imaginé est la taupière de Delafaille. Il consiste en un cylindre de bois creux, long de 0",95, dont le diamètre intérieur est égal à celui des galeries ordinaires des Taupes. À chaque bout de ce cylindre est placée en dedans une petite fourche en bois, suspendue supéricurement et d'une manière mobile par l'angle de réunion de ses branches, de CARNASSIERS. 119 façon que celles-ci tombent obliquement à la paroi inférieure du conduit; ces fourches sont situées en sens opposé, et leurs pointes se regardent. Ce piége étant placé dans une coupure que l’on fait à la galerie la plus nouvellement creusée par la Taupe que l’on veut atteindre, sa cavité intérieure est comme la continuation de sa galerie. Or, si la Taupe veut la traverser, elle rencontre d'abord une des fourches, dont elle soulève facilement les branches; mais, lorsqu'elle a passé, celles-ci retombent et empêchent son retour; de même elle ne peut passer au delà de la seconde fourche, qui s'oppose de la même manière que la première à sa sortie, une fois qu'elle est entre les deux. Une petite tige mobile et terminée par un peu de papier fait connaître par son mouvement que l'animal est pris, et alors on va relever le piège. Un autre piége, inventé par M. Lecourt, consiste en deux branches car- rées et croisées, réunies par une tête à ressort, à la manière des pincettes ordinaires; la tête est en acier aplati; les branches sont en fer, leur extrémité est armée de deux crochets pliés en contre- bas et à angle droit, de cinq lignes; sa longueur totale est de 0,22. Ce piége est tendu, les bran- ches ouvertes, dans le e 7 fn fn à courts, présentant (ous cinq doigts, armés ongles robustes, propres à fouir la terre. aumes des mains et plantes des pieds nues, garnies de tubercules saillants, recouverts d'une peau douce. Queue nue, courte ou presque nulle. Mamelles au nombre de dix en totalité : six pectorales et quatre ventrales. Pas de cœcum. Fis. 53. — Hérisson d'Europe. Le geure Hérisson, Erinaceus, lun des plus remarquables de tous ceux de la famille des fnsecti- vores, a été créé par Linné, qui y comprenait, outre l'espèce connue depuis la plus haute antiquité, l'Erinaceus Europœus, le Tanrec, son Erinaceus ecaudatus, qui forme aujourd'hui, à juste titre, Le type d'un genre distinet Le nom qui est applique à ce genre, et qui lui a été donné depuis très- longtemps, celui de {érisson, rappelle la particularité la plus saillante de leur organisme, la pré- sence d’épines qui hérissent la peau. Le système dentaire de ces Mammifères est des plus remarquables, mais les zoologistes sont loin d'être d'accord sur les noms qu'ils doivent appliquer aux dents qui le composent. Nous avons donné la formule denta re admise par Fr. Cuvier, et nous ajouterons, d'après ce savant naturaliste, que, dans leur position réciproque, les incisives inférieures correspondent par leur pointe avec la pointe des incisives de l’autre mâchoire; que les fausses molaires inférieures agissent par leur pointe contre la face interne et postérieure des deux dernières incisives et des fausses molaires inférieures, et que les molaires, opposées couronnes à couronnes, remplissent par leurs saillies les vides qu'elles forment ou qu'elles laissent entre elles, et que la partie antérieure et externe de la première mo- laire d'en bas agit contre la portion tranchante de la première molaire d'en haut, et la face posté- rieure de la dernière molaire inférieure agit contre la face antérieure de la petite dent compriméc qui termine la série des molaires supérieures. G. Cuvier, et d'après lui À. G. Desmarest, admettent pour les Hérissons un système dentaire complet, et la formule qu'ils donnent est : incisives, 4; ca- nines, !—; molaires, =>, ce qui, en totalité, donne trente-quatre dents: pour ces naturalistes les incisives intermédiaires de la mâchoire supérieure sont fort longues, écartées l'une de l'autre, cylin- driques et dirigées en avant, et les inférieures sont proclives; les canines sont plus petites que les molaires, et ces dernières rappellent un peu celles des Carnivores. Pour MM. Etienne et Is. Geoffroy Saint-Hilaire, il n'y aurait que deux sortes de dents, et, au contraire de ce que pense F. Cuvier, ce se- raient les incisives qui manqueraient. Enfin De Blainville a également une opinion différente comme on peut le voir par le passage que nous transcrivons de son Ostéographie : « Chez les Hérissons proprement dits, le système dentaire est encore aussi anomal au moins que dars les Tupaias; en el- fet, le nombre total de dix dents en haut n’est que de huit en bas, par le manque de l'incisive et de l'avant-molaire intermédiaire, et la forme ainsi que la proportion des canines. Les trois incisives de la mâchoire supérieure sont complétemeat latérales, simples, coniques, verticales, la première nota- 152 HISTOIRE NATURELLE. blement plus longue que les deux autres; les deux de la mandibule sont déclives, surtout la pre- mière, bien plus longue et plus large. La première maxillaire est très-petite, à deux racines et une seule pointe, comme les avant-molaires, et celle qui lui correspond en bas est plus large et oblique à la couronne, imbriquant la dernière incisive. On compte trois avant-molaires en haut, dont les deux antérieures simples et presque semblables, et la troisième, sorte de principale, est carrée à sa base et triquètre, tranchante, à couronne oblique, tandis qu'en bas il n’en existe que deux, une pre- mière très-petite et une dernière triquètre, soulevée et à trois cornes à sa partie antérieure, avec un talon simple pour la postérieure. Des trois vraies molaires d'en haut, la première et la seconde ont leur couronne carrée, surtout celle-là, avec un tubercule mousse à chaque angle, la postérieure s'é- chappant en outre en un lobe tranchant dirigé en dehors et en arrière, et la troisième beaucoup plus petite, oblique, presque tranchante à la couronne. A la mâchoire inférieure, les deux premières sont également de même forme, si ce n’est que l’antérieure est soulevée par trois pointes et la pos- térieure en talon à deux pointes; quant à la troisième, elle est beaucoup plus petite, et c'est le talon qui est plus élevé que la partie antérieure, devenue presque rudimentaire. » La disposition des al- véoles offre une série simple de cinq trous arrondis, dont le premier est le plus grand, et le deuxième le plus petit et Le plus rentré, et au delà deux séries. l'une externe, de dix trous, assez bien rap- proches deux à deux, les premiers bien plus petits et plus serrés; l'interne de quatre, en général plus grands et comme bilobés. Inférieurement, il n'y a que ouze alvéoles, les quatre premiers ser- rés, ronds, un peu obliques, les six suivants deux à deux, plus grands et verticaux, et enfin un dernier évasé et rond. L'importance du sujet dont nous venons de nous occuper nous à engagé à nous étendre autant que nous l'avons fait; pour plus de détails, nous renvoyons nos lecteurs aux ouvrages des auteurs que nous avons cités et à l’article Hérisson, inséré par M. Émile Baudemen! dans le tome VI du Dictionnaire wuversel d'Histoire naturelle. La forme générale du squelette des Hérissons revient un peu, par le raccoureissement du tronc et des membres, à celle de la Taupe; le tronc est même encore plus court par suite de la brièveté de la queue. Plusieurs naturalistes, et spécialement Buffon, Daubenton, Et. Geoffroy, G. et Fr. Cuvier, De Blain- ville, ete., se sont occupés de l'ostéologie de ces animaux, et nous allons en dire quelques mots d'a- près le dernier zoologiste que nous venons de nommer. Dans ces animaux, et plus particulièrement dans l'Erinaceus Europæus pris pour type, il y a quarante sept vertèbres : quatre céphaliques, sept cer- vicales, quinze dorsales, six lombaires, trois sacrées et douze ou treize coceygiennes, et toutes ces vertèbres sont en général courtes et fort serrées entre elles. Les vertèbres céphaliques commencent manifestement la tendance à la brièveté du tronc, aussi bien dans leur partie basilaire, profon- dément canaliculée, que dans les ares qui composent la voûte du crâne. Le rocher est petit, pres- que arrondi, convexe, légèrement saillant en dehors Les osselets de louie sont assez ramassés. La caisse du tympan est formée par un os assez large et laissant une ouverture grande, oblique et arrondie. Le mastoïdien est triangulaire. Le squammeux s’élargit en dehors. La tête osseuse, considérée en totalité, est courte, ses deux lignes longitudinales forment un angle de 150 environ; ses deux orifices externes sont tout à fait terminaux; à l'extérieur l'orbite est incomplet et confondu entièrement avec une fosse temporale très-grande, et à l'intérieur la cavité cérébrale n'offre toujours de bien prononcé que la loge du lobe olfactif. La mâchoire inférieure, presque aussi longue que la tête, est forte à cause de sa largeur et de sa brièveté, et offre surtout une courbure générale assez remarquable. Les vertèbres cervicales sont larges, courtes, aplaties dans leur corps, surbaissées dans leur are, en toit, mais sans apophyse épineuse, sauf l'axis, où elle est même assez peu élevée et arrondie; mais elles ont, au contraire, des apophyses trausverses fortes. Les vertèbres dor- sales ont le corps également assez large, mais rond, et l'arc serré, presque imbriqué, avee une apo- physe épineuse large, eontiguë et un peu élevée. Les vertèbres lombaires, à peine plus fortes que les dorsales, ont te corps très-cylindrique : leur apophyse épineuse est arrondie, à peine plus élevée, et les tubercules supérieurs des articulations sont aussi élevés qu'aux dorsales, mais il n'y à pas d'a- pophyses transverses. Le sacrum, formé par les vertèbres sacrées soudées ensemble, est un peu cu- néilorme. La deuxième vertèbre coccygienne et les suivantes, les antérieures surtout, n'ont plus uuère que des apophyses articulaires et transverses et pas d'os en V. L'hyoide, composé de neut pièces, à son corps transverse, aplati, dilaté un peu aux extrémités. Le sternum a pris le caractère rac-ourei de tout le squelette; aussi les cinq pièces dont il se compose sont-elles larges, épaisses ct 0 CARNASSIERS. 153 assez courtes, sauf le manubrium, qui est toujours un peu plus long; le xiphoïde, au contraire, est si court, qu'il semble rudimentaire. Les côtes, au nombre de quinze, huit vraies et sept fausses, sont larges, assez fortes, assez longues, courbées en dehors et surtout sur leurs bords; les deux dernières sont même presque toutes droites, très-petites, tandis que la première est notablement plus épaisse et plus courbe. Les membres sont à peu près égaux en longueur, mais les antérieurs sont un peu plus robustes que les postérieurs. L’omoplate, de la longueur de l'humérus, est étroite, triangulaire et à cavité glénoide offrant une apophyse coracoïde épaisse, assez avancée. La clavicule est longue, aplatie, et n'offre qu'une seule courbure. L'humérus, assez court, ro- buste dans ses crêtes et ses tubérosités, présente la particularité unique dans cette famille d'être ouvert dans la cavité olécranienne et de n’être pas percé au condyle interne. L'avant-bras est assez bien comme dans les Musaraignes, le cubitus étant cependant plus large et plus comprimé, et son olécrane comme tronqué, épais, mais non dilaté, ni contourné. La main est également courte, le carpe composé du même nombre et des mêmes os que celui des Tupaias, seulement avec des formes et des proportions un peu différentes : il y a trois os au premier rang, un à l'intermédiaire et quatre au second, sans compter les sésamoïdes. Les doigts étant aussi bien dans les mêmes proportions que dans les Musaraignes, les os qui les composent suivent ces proportions; cependant les métacarpiens sont notablement plus courts et plus robustes, et les onguéaux un peu plus longs. Les membres pos- térieurs rentrent aussi dans la forme de ceux des Sorex. Ainsi le bassin s'articule par un iléon assez élargi avec les vertèbres sacrées; il n’y a pas de symphyse pubienne, quoique les détroits soient considérablement agrandis. Le fémur est très-robuste, aplati, élargi supérieurement par un troisième trochanter en forme de crête, et inférieurement par une large poulie écartant les deux tu- bérosités, d'ailleurs fort épaisses. Les deux os de la jambe, en se soudant intimement dans la moitié inférieure de leur longueur, reproduisent ce qui existe dans presque tous les Insectivores, excepté chez les Tupaias et les Tanrecs. Dans le pied, le pouce est plus court proportionnellement que chez les Musaraignes; la tubérosité du caleanéum est plus large, plus recourbée en dessous, et les méta- tarsiens sont bien moins longs en proportion, ce qui indique une marche plus essentiellement plantigrade. La rotule est fort épaisse, étroite, semi-cylindrique, arrondie aux deux extrémités. Il n’y a pas d'os du pénis. Les Hérissons sont des animaux de taille moyenne. Leur nourriture ordinaire se compose princi- palement d'Insectes, de Mollusques, de Crapauds et de petits Mammifères. Ils sont très-voraces et très-avides de chair; ils peuvent, toutefois, se passer assez longtemps de nourriture. Ils man- gent aussi des racines et des fruits, et quelquefois des bourgeons, mais ils ne montent pas sur les arbres, comme on l’a prétendu, leurs ongles ne pouvant leur permettre de grimper, et ils n'empor- tent pas non plus les fruits en les perçant avec leurs épines, comme on l’a prétendu, car il leur serait, en effet, impossible de se débarrasser ensuite de leur butin. C’est également à tort que les anciens naturalistes rapportaient que ces animaux s'approvisionnaient pour l'hiver dans le creux des arbres; cela ne leur serait d'aucune utilité, puisqu'ils passent en léthargie la saison hibernale. Comme les Lapins, ils supportent aisément la privation d’eau. Pallas dit qu'ils peuvent impunément manger plus d’une centaine de Cantharides sans éprouver aucun accident, tandis que la plupart des Carnas- siers n’en mangeraient pas une seule sans ressentir les douleurs violentes d’un empoisonnement, et qu'un petit nombre de ces Insectes leur donnerait inévitablement la mort. Si ce fait, avancé par un naturaliste en qui on doit avoir toute confiance, était vérifié par des observations nouvelles, il serait très-intéressant pour la physiologie, et nous appelons sur lui l'attention des personnes qui pour- raient le constater. Le Hérisson établit sa demeure dans les trous au pied des vieux arbres, sous la mousse, sous les pierres, dans tous les trous formés par les corps qui se trouvent à la surface du sol, ou dans des anfractuosités de terrain. Il y reste plongé dans l'obscurité pendant le jour, et ne sort guère mo- mentanément du repos dans lequel il est comme engourdi que pour chercher sa proie, ce qu'il fait surtout vers le crépuscule, et, dès qu'il a trouvé la matière animale dont il se nourrit, il la dévore et rentre dans son immobilité. Les formes épaisses de cet animal, ses membres courts, sa marche plantigrade, tout indique un être lourd et indolent; son intelligence est très-bornée, et l'on n'a réussi que très-rarement à l'apprivoiser. Il deviendrait très-souvent la victime des Carnivores, s'il n'avait reeu de la nature une armure puissante qui arrête l'impétuosité de ses adversaires. « Gette armure, 15 20 154 HISTOIRE NATURELLE. dit M. Emile Baudement, ne consiste pas dans un organe particulier créé exclusivement dans ce but; elle n’est autre chose qu'un large bouclier formé par la peau, dont les poiis, légèrement modiliés, sont devenus des épines acérées. Ces piquants, qui garnissent le sommet de la tête, le dos, les épaules, la eroupe ct les côtés du corps, sont de forme conique, et se rétrécissent à leur base en une sorte de petit pédicule qui les attache à la peau. [ls sont blanchâtres dans les deux tiers de la lon- gueur, présentent ensuite un anneau d’un brun noirätre, et sont terminés par une pointe d’un blanc terne. Dans toute l'étendue du bouclier hérissé de ces piquants, on ne trouve aucune autre espèce de poils. Le front et les côtés de la tête, la gorge, la poitrine et le ventre, les aisselles et les jam- bes, sont couverts de poils soyeux et durs, brunâtres ou blanchätres, au-dessous desquels se trouve une bourre épaisse, presque toujours peuplée par des Parasites. La peau est noire partout où elle est couverte de piquants; elle est d'un blanc roux dans ia partie où elle est revêtue de poils: le museau, les oreilles et les doigts, sont d'un brun violet. Le tonr des veux et des lèvres, le mu- seau, les oreilles et le dessus des doigts, sont dépourvus de poils, et on ne trouve que de légères moustaches sur le côté de la lèvre supérieure. La queue, très-courte et noire, est nue et de couleur brune. Quand le Hérisson n’est pas inquiété, les piquants restent couchés en arrière; son corps se présente alors comme une masse oblongue, convexe, portée sur quatre jambes très-courtes dont on n'aperçoit que les pieds, et terminée, en avant, par un museau mince. Mais, est-il effrayé par quel- que bruit, essaye-t-on de le saisir ou de le toucher, est-il menacé par quelque Garnassier, il se pe- lotonne aussitôt, en fléchissant la tête et les pattes sous le ventre; ce n’est plus un animal; on ne voit qu'une sorte de boule hérissée de piquants entre-croisés en tous sens, qu'on ne saurait prendre d'aucun côté, et devant laquelle s'arrête l'audace de celui qui l'attaque, qui n'ose aller déchirer sa gueule et ses paites sur cette pelote menaçante. Cependant, et ce fait est raconté de- puis la plus haute antiquité, le Reoard ne se laisse pas rebuter par ces difficultés, et il parvient, non sans avoir reçu de nombreuses blessures, à forcer son ennemi à se développer. On a pu aussi dresser des Chiens à cette chasse. C'est la peur qui rend le Hérisson immobile pendant cette dé- fense toute passive; c’est aussi la peur qui l'oblige à répandre son urine, dont l'odeur ambrée, dés- agréable, éloigne encore, dit-on, les assaillants. » Quand les Hérissons n’ont rien qui les inquiète, leurs piquants, si hérissés lorsqu'ils se mettenten défense, sont couchés en arrière les uns sur les autres comme le poil des autres Mammifères. Pour que ces Insectivores puissent, ainsi que nous l'avons dit, hérisser si fortement leurs piquants, il leur fallait une disposition particulière de certains de leurs muscles. C'est ce qui a lieu en effet, et leurs peaussiers sont très-développés et disposés d'une manière admirable pour cet usage, ainsi que pour permettre aux diverses parties de l'animal de se transformer en une espèce de boule. Les intestins sont assez développés; mais il n'y a pas de cœcum. Les épiploons, le foie, la rate, les reins, sont logés dans d'énormes paquets de graisse; et ces paquets graisseux, très-volumineux avant l'époque où l'animal doit se mettre en léthargie, le sont, au contraire, très-peu à celle où il sort de son état d’engourdissement annuel. C’est, en quelque sorte, une espèce de nourriture qui sert à con- server la vie à ces animaux pendant qu'ils ne prennent pas de nourriture extérieure. La parotide, les glandes maxillaires, sous-maxillaires et cervicales, peuvent quelquefois ne former qu'un seul et même appareil réuni au thymus. Le système nerveux présente des dispositions particulières; nous nous bornerons à noter que la moelle épinière se termine, assure-t-on, à la deuxième vertèbre lom- baire; le nerf optique est presque rudimentaire, et il en résulte que leur vue est faible et très-peu étendue, surtout pendant le jour. Si les Hérissons passent le jour dans un état d'inaction et de somnolence à peu près complet, et s'ils restent cachés dans les pierres, sous les troncs des vieux arbres où dans la mousse qui couvre leurs racines, ils deviennent, au contraire, assez actifs pendant la nuit, et marchent presque toujours, n'approchant pas des habitations et recherchant la proie dont ils doivent se nourrir. On ne les voit pas boire, dit-on; quoiqu'ils mangent beaucoup, ils peuvent supporter une longue diète. Ils sont très-carnassiers, et mangent parfois des cadavres de grands Mammifères nouvellement morts, et qu'ils trouvent dans les bois. Ils font mouvoir sans cesse autour d'eux leur mufle, à la manière des Go- chons, fouissent la terre à une petite profondeur, et prennent le vent avec une très-grande délica- tesse. Ils se jettent à l'eau quand le péril est imminent, et nagent pendant longtemps avec une grande facilité. Un fait très-vemarquable a été signalé par MM. Prévost et Dumas sur la résistance qu'oppose CARNASSIERS. 455 e Hérisson à l'asphyxie; plusieurs fois ces savants l'ont vu, après un séjour de douze à quinze mi- nutes sous l’eau, reprendre rapidement ses facultés et courir comme auparavant, tandis que la plu- part des animaux à sang chaud auraient trouvé, dans cette immersion, une mort très-prompte. Ils ne causent que peu de dégâts dans les jardins et dans les pares; ils peuvent même y rendre d'utiles services, en détruisant un grand nombre de petits Mammifères, d'Insectes et de Mollusques nuisi- bles. Il parait que sur les bords du Tanaïs et à Astracan, on les élève dans les maisons comme les Chats, et qu'ils rendent à peu près les mêmes services que ces Carnivores. On en voit parfois, dans nos climats, en domesticité; on peut même les faire obéir à la voix de l'homme, et l’on en a vu qui se déroulaient et se laissaient manier sans cesse au commandement de leurs maîtres. La captivité leur est néanmoins odiense; la mère abandonne ses nouveau-nés dans l'esclavage dès qu’elle peut s’en tirer elle-même; l'on amême remarqué des femelles, étroitement renfermées, dévorer leur progéniture. L'accouplement a lieu au commencement du printemps, et c’est pendant la nuit que les mâles re- cherchent leurs femelles. Les testicules sont gros, presque cylindriques, dépourvus de scrotum; les vésicules séminales ont un volume beaucoup plus considérable que celui des testicules, et forment, de chaque côté, de trois à cinq paquets, composés chacun d’un tube à parois minces et membraneuses, qui se replient un très-grand nombre de fois et se réunissent ensuite en un canal unique; il y a, en outre, des vésicules accessoires également très- développées, etque l’on ne doit pas confondre, comme l'ont fait certains naturalistes, avec les prostates, qui manquent chezces animaux, ainsi que les glandes de Cowper. La verge est dirigée en avant, et comme découpée en trois lobes figurant un trèfle. Les reins ne sont pas “En et leurs capsules en sont à peu près le seizième en volume. Les organes fe- melles n’offrent guère de particularités différentielles; cependant, l'ovaire est également très-divisé. A l'époque des amours, les vésicules séminales sont extraordinairement gonflées, et les testicules se glissent en quelque sorte du bas-ventre sous la peau du périnée ou sous celle de l’aine. Les piquants de la peau ne forcent pas le Hérisson à s’accoupler face à face, debout ou couché, comme l'avaient supposé plusieurs naturalistes; il s'accouple à la manière des autres Mammifères. On ne sait pas au juste la durée de la gestation; mais c’est vers la fin de mai qu’on trouve les jeunes nouveau-nés. La portée est de trois à sept petits, dont la peau est blanche et parsemée de poils qui indiquent la place des piquants. Ils naissent les yeux et les oreilles fermés. Pendant l'hiver, les Hérissons se retirent dans des trous où ils restent plongés dans un engour- dissement léthargique complet. Dans l’état de veille, leur température, comme celle des autres ani- maux hibernants, est à peu près aussi élevée que celle des Mammifères qui n’hibernent pas, et elle est d'ailleurs toujours plus élevée que la température de l'atmosphère, bien qu’elle soit un peu en rai- son de celle-ci. Parmi les animaux hibernants, le Hérisson est un de ceux qui s’engourdit le plus fa- cilement et le plus profondément; il tombe dans l'état léthargique quand le thermomètre est encore à six et même à sept degrés au-dessus de zéro. En se réveillant, il lui faut de cinq à six heures pour reprendre sa température ordinaire, et, si une excitation ou une température plus élevée l'é- veille, il retombe ensuite dans son engourdissement quand cette même température vient à changer. Dans nos pays, la chair des Hérissons n’est pas estimée; elle ne laisse pas de l'être cependant en Espagne, où elle passe pour une viande de carème. Anciennement, on se servait des peaux de ces animaux pour déméler ou serancer le chanvre; mais, NE on emploie des peignes dont l’u- sage est infiniment préférable. ‘On ne connaît d'une manière bien complète que deux espèces de Hérissons, qui sont propres à l'Europe, tant tempérée que septentrionale; toutefois, dans ces derniers temps, on a donné la des- cription de sept autres espèces qui seraient particulières à l'Asie et à l'Afrique, et qui sont encore loin d'être connues d’une manière assez suffisante pour être définitivement admises dans le eatalogue des Mammifères. En outre, certaines espèces, autrefois placées dans ce groupe naturel, ont dù, mieux étudiées, servir de types pour des genres distincts ou rentrer dans des divisions déjà créées. C'est ainsi que les Hérissons de Madagascar et soyeux, plus connus sous les noms de Tanrec et de Ten- drac, forment les genres Tanrec et Éricule; que le Hérisson de Sibérie n’est qu'une variété du Hé- risson d'Europe; que les: Hérissons de Malacca et d'Amérique sont des espèces de Porcs- -Épies, et, enfin, que les Hérissons cuirassés sont des Tatous. On signalé, à l'état fossile, des débris qui doivent se rapporter à ce groupe naturel d’Insecti- vores. C’est ainsi que M. Schmerling a trouvé, dans les cavernes d'Engihoul et d'Engis, auprès de 156 j HISTOIRE NATURELLE. Liége, des fragments de trois demi-mächoires inférieures qui doivent, sans nul doute, se rapporter au Hérisson commun, l'Erinaceus Europæus; et, ce qui est digne de remarque, c'est que ces os se sont rencontrés, brisés et dispersés comme ceux des espèces éteintes, à différentes profondeurs dans la terre à ossements, et par conséquent avec des débris d'espèces que l’on regarde comme perdues. j De Blainville décrit aussi des débris fossiles de trois espèces plus ou moins voisines des Hérissons, et découverts, en Auvergne, dans un terrain fluviatile. Ce sont : 1° son Ærinaceus Arvernensis, fondé principalement sur une portion à peu près complète de tête, découverte par M. l'abbé Croizet, et dont les dents montrent un grand rapprochement avec celles de nos Erinaceus aujourd'hui exis- tants; 20 son Érinaceus soricinoides, qui comprend une moitié gauche de mâchoire inférieure qui se rapporte à un animal fossile représentant un degré d'organisation insectivore intermédiaire aux Mu- saraignes et aux Hérissons, et dont la taille était assez considérable; et 3° son Erinaceus (Centetes) antiquus, provenant de la collection de M. De Laizer, et consistant en un fragment de mandibule du côté gauche; ce dernier fossile semble se rapporter à une espèce du genre Tanrec, ce qui est on ne peut plus remarquable, puisqu'on ne retrouve plus les espèces actuellement vivantes de ce groupe qu'à Bourbon et à Madagascar: mais l'on doit encore conserver quelques doutes relativement à cette espèce, car l’on ne connaît pas assez de débris pour pouvoir la déterminer positivement 1. HÉRISSON. ERINACEUS. Linné. : CanacrÈnes spéciriques. — Corps oblong, convexe en dessus: tête très-pointne; oreilles courtes, larges, arrondies; yeux saillants; cou très-court; jambes très-basses, laissant toucher le ventre à terre dans la marche; parties supérieures du corps revêtues de piquants roides, très-aigus à leur ex- trémité, à peine longs de 0",03, implantés par petits groupes, divergents et s’entre-croisant dans toutes les directions, ayant chacun la pointe blanchâtre, ainsi que les deux tiers de la longueur de- puis la racine, et un anneau brun dans le commencement du troisième tiers; museau, front, côtés de la tête, dessous et côtés du cou, poitrine, aisselles, jambes, couverts de poils rudes d'un blanc jau- nâtre sale; pieds et queue revêtus de poils courts et roides. Mesure du corps depuis le haut du mu- seau jusqu'à l'anus, 0",20; de la queue, 0,002. à Le Hérisson avait reçu des Grecs le nom d’Eywe:, et des Latins celui d'Erinaceus, qu'on lui a gé- périquement conservé dans nos nomenclatures zoologiques modernes. Beaucoup de naturalistes ont distingué deux races dans le Hérisson commun, et quelques-uns d'entre eux les ont même regardées comme des espèces distinctes. L'une de ces races porte le nom d'Hérisson-Cuiex (Erinaceus caninus), Et. Geoffroy, et l'autre celui d'Hérisson-Porc (Erinaceus suillus, Et. Geoffroy). Leurs caractères particuliers sont tirés de la forme du museau, qui ressemble à celui du Chien dans la première, et qui, dans la seconde, rappelle le groin du Cochon. Gutre son museau plus court et plus mousse, le Hérisson-Chien n'aurait pas les crêtes occipitales qu'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire a trouvées dans le Hérisson-Pore; chez celui-ci l'étendue de la peau couverte de piquants serait moins considérable; la queue serait plus longue et plus mince, et les poils plus grossiers, plus roides et d'un roux foncé. Perrault assure que le Hérisson-Chien est plus rare, et Ray affirme, au contraire, que le Hérisson-Porce ne se rencontre pas en Angleterre. Daubenton, de son côté, après avoir examiné plusieurs Hérissons qu'on lui présentait comme appartenant à l'une et à l’autre de ces deux races, dit ne pas avoir reconnu de différences tant soit peu considérables entre elles; il conteste à Perrault la valeur de ses observations et l'exactitude de ses dessins, en même temps qu'il se sert de la contradiction qui existe entre les assertions de Perrault et celles de Ray, comme d'une induction contre l'existence des deux races. A. G. Desmarest semble être du même avis que Daubenton : il pense que les différences qu'on a pu remarquer dans cette espèce ne sont peut-être que des différences de sexes, et nous admettrions ce point comme entièrement éclairer si l'opinion d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui est d'un grand poids scientifique, ne venait le con- tredire. CARNASSIERS. 157 On peut regarder également comme variété du Hérisson d'Europe l'animal que Séba désignait sous le nom spécifique de Hérissox pe Siérre, et que Pallas nomme Erinaceus Sibiricus; en effet, il ne s'en distingue pas d’une manière bien manifeste et n’en diffère guère que par ses oreilles plus simples et par le bord de ses narines ne présentant pas de découpures. Les détails de mœurs dans lesquels nous sommes entré en parlant du genre se rapportent tous à cette espèce : aussi n'y reviendrons-nous pas. Nous dirons seulement que cet Insectivore fixe son domicile dans les bois ou dans les haies épaisses, et vit dans l'isolement; que sa retraite ordinaire est le creux d’une souche, ou un trou sous une grosse pierre ou une roche, et quelquefois aussi il se cache dans la mousse ou les feuilles sèches. Ce Hérisson se trouve généralement répandu dans toutes les régions de l'Europe, et il semble avoir le Volga pour limite. C’est le seul de nos Mammifères d'Europe dont le corps soit armé d'é- . pines et qui jouisse de la propriété de pouvoir se pelotonner et se transformer en boule. Sa chair n’est pas bonne à manger; chez les anciens, il était l'objet d'une chasse importante, parce qu'on se servait de sa peau comme de cardes pour peigner les laines. Pline rapporte que le monopole de cette marchandise, accaparé par la fraude, donnait de grands bénéfices, et qu'il n’est point d'objet sur lequel le sénat ait porté plus de décrets, ou à propos duquel les empereurs aient adressé plus de plaintes aux provinces. Aujourd'hui les piquants sont employés comme épingles dans les laboratoires d'anatomie pour attacher les préparations qui doivent être conservées dans l'alcool. Jadis on s’en servait en médecine contre l'incontinence d'urine, surtout contre celle qui suit parfois les accou- chements difficiles, et contre l'hydropisie. Lémery dit que sa chair a bon goût et fournit un bouillon diurétique et laxatif, et il rapporte diverses propriétés attribuées à son foie, séché et pulvérisé. Enfin M. Carbarcini de Campiglio a employé assez récemment le fiel, qui a une odeur musquée très- prononcée, pour préparer une eau distillée propre à suppléer au musc. 2. HÉRISSON A LONGUES OREILLES. ERINACEUS AURITUS. Pallas, Caracrères sréciriques. — Museau court; oreilles grandes; piquants non réunis par touffes ou épis à leur racine, séparés et courbés en arrière, dans le repos de l'animal; narines dentelées comme la crête d’un Coq; jambes un peu plus minces et plus longues que celles du Hérisson d'Europe: queue un peu plus courte, conique, presque nue; poils plus fins; museau garni de quatre rangées de moustaches; piquants blancs à la base, avec une zone fort étroite de brun noirâtre sur le milieu, et du jaunâtre à leur pointe; iris de l'œil bleuâtre; queue d'un blanc jaunätre. Taille un peu moindre que celle de l'espèce précédente. Outre les caractères spécifiques que nous venons d'indiquer, on peut ajouter que le Hérisson à longues oreilles diffère du Hérisson d'Europe en ee que ses piquants sont caunelés, et les cannelures bordées de petits tubereules; que ses oreilles atteignent presque la moitié de la tête en hauteur, et qu’elles sont brunes au bord et blanches intérieurement; que les poils qui recouvrent le dessus du corps sont blancs; que les yeux sont plus grands, ete. Il paraît aussi que la femelle fait deux por- tées par an et que chacune de ses portées est ggmposée de six à sept petits. Pallas a constaté que cet animal éprouvait, comme notre espèce, un engourdissement hibernal. Une autre particularité re- marquable, c’est que, moins bien armé que le Hérisson d'Europe, il devient plus facilement la proie des animaux qui l’attaquent, et il paraît que les Flamants en détruisent un grand nombre près de l'Oural et du Yaik. D'après M. Émile Baudement, le Hérisson à longues oreilles présenterait également quelques dif- férences anatomiques; c'est ainsi que, d'après le naturaliste que nous venons de citer, cet Insecti- vore aurait dix-neuf vertèbres dorsales et lombaires, treize côtes avec le rudiment d’une quatorzième; le Hérisson d'Europe ayant quatorze côtes avec le rudiment d'une quinzième; le premier aurait donc six vertèbres lombaires et le second sept. En outre, la clavicule du Hérisson d'Europe serait plus courbée que celle du Hérisson à longues oreilles. 158 HISTOIRE NATURELLE. Cet animal habite principalement la province d'Astracan, vers la partie inférieure du Volga et de l'Oural, ainsi qu'à lorient, en deçà du lac Baikal. Mais on le trouve aussi dans un tout autre pays; c’est ainsi qu'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire l'a découvert en Égypte, ce qui lui a fait donner par ce naturaliste le nom de Hérisson d'Egypte. Gar il est bien démontré que ce dernier animal ne doit pas former une espèce particulière, ainsi qu'on l’a cru pendant quelque temps. Les autres espèces, signalées dans ces derniers temps et dont nous nous bornerons à citer les noms, sont les Erinaceus concolor, Martin, de Trébizonde; spatangus et Grayii, Bennett, de l'Hi- malaya; collaris, Gray, de l'Inde continentale; frontalis, Bennett, du sud de l'Afrique, et Capensis, Smith, du cap de Bonne-Espérance. Que GENRE. — ÉRICULE. ERICULUS. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 1837 Comptes rendus de l'Académie des sciences. Diminutif d’'Erinaceus, nom latin du genre Hérisson CARACTÈRES GÉNEÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 4; canines, =}; molaires, $=$, dont fausses molaires, {={, et vraies molaires, =; en totalité trente-six dents; incisives non séparées des molaires, comme chez les Tanrecs, par de grandes canines semblables à celles des Carnivores; de chaque côté et à chaque mâchoire, la canine est presque contiquë à la fausse molaire; mächelières ressemblant, par la forme générale, à celles des Tanrecs; mais ayant, transversalement, plus d'étendue à leur couronne, et les fausses molaires étant beaucoup plus petites. (Isin. Grorrroy.) Tête plus allongée que dans les Hérissons, et moins que chez les T'anrecs. Membres courts. Pieds pentadactyles; le doigt médian le plus long de tous : les latéraux plus courts. Queue peu apparente, très-courte. Pelage composé dé trois sortes de poils; les uns, en pelit nombre, ordinaires, les autres très-longs, et les derniers, plus nombreux, transformés en piquants très-résistants. Le genre Éricule a été créé, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1857, Comptes rendus de l'Académie des sciences, et 1839, Magasin de Zoologie, de M. Guérin-Méneville), pour un genre d'Insectivores dans lequel il place le Sora et le Fendrac de Buffon, et qui, par l’ensemble de ses caractères, offre la transition des Hérissons aux Tanrecs. M. Martin (1838, Proceedings of Zoolo- gical Society of London), qui ne connaissait pas le travail du savant professeur de Mammalogio CARMNASSIERS. 159 du Muséum de l'Histoire naturelle de Paris, a appliqué à ce même genre la dénomination d'Echi- nops (syves, épineux; wŸ, aspect), qui n'a pas dû être adopté : et il en est de même du nom de Tendrac, indiqué par De Blainville. Le système dentaire des Éricules offre des rapports mixtes avec ceux des Hérissons et les Tanrecs; d'une part, en effet, selon M. Isid. Geoffroy, auquel nous empruntons le passage qui va suivre, les molaires sont en même nombre, et à peu près de même forme que chez les Tanrecs; et, de l’autre, les grandes canines, comprimées, pointues, qui forment le caractère éminemment distinctif de ceux-ci, et les rendent, seuls entre les Insectivores, comparables, par leur système dentaire, aux Carnivores, sont remplacées par des dents que l’on pourrait prendre seulement pour les premières fausses molaires. La première incisive supérieure un peu comprimée, ayant en arrière un petit talon, mousse à son extrémité, présente une plus grande surface en dehors; elle est séparée de sa congé- nère par un intervalle assez étendu, absolument comme chez les Hérissons; la seconde incisive, sé- . parée aussi par un intervalle, soit d'elle, soit de la canine, a la même disposition et offre de même, en arrière, un petit talon; mais elle est plus courte. La troisième dent vient immédiatement derrière la suture de l'intermaxillaire, et a, par conséquent, la position d’une canine; mais la forme en* est tout autre. Elle est comprimée, et présente en arrière un talon trés-peu distinct du reste de la couronne, qui représente, dans son ensemble, un triangle. La dent qui suit celle-ci, ou la fausse molaire, est plus petite et de forme triangulaire; elle est séparée par un petit intervalle de la canine, et contiguë à la première des vraies molaires. Chacune de celles-ci porte une grande émi- nence qui compose, à elle seule, presque toute la couronne, et qui se termine par une surface très- allongée, peu prolongée, dirigée obliquement de dehors en dedans. et d’arrière en avant : l'angle interne de cette surface s'élève en une pointe assez aiguë. La cinquième molaire, qui est à peu près de la même forme que les autres, est beaucoup plus petite; elle n’a que deux racines, comme la fausse molaire, tandis que les autres mâchelières en ont trois. Les incisives inférieures ne ressemblent ni à celles des Tanrecs ni à celles des Hérissons : la première, séparée de son homologue par un inter- valle peu étendu, est très-petite, et a en dedans un talon tellement petit, qu'on l'aperçoit à peine; elle présente, en avant, une surface étroite en bas, dilatée en haut; la deuxième incisive, grande, lui est contiguë; sa face principale est tournée en dehors; elle a, postérieurement, un talon bien marqué. La dent qui vient ensuite, et que l'on doit considérer comme la canine inférieure, est un peu plus grande, et a deux petits talons : l'un en avant, l’autre en arrière; sa forme générale est celle d’un triangle dont le sommet est dirigé en haut et un peu en arrière. Lorsque les mâchoires sont rapprochées, ce sommet se trouve placé en avant de la pointe de la canine supérieure. La fausse molaire représente de même un triangle à deux talons : l'un antérieur, l'autre postérieur; mais elle est plus petite que la canine. Les quatre premières mâchelières ont chacune leur couronne presque entièrement formée par une grande éminence à surface supérieure triangulaire, avec deux angles internes se relevant en pointes mousses, et un angle externe élevé en une pointe plus haute et moins obtuse. La cinquième molaire a la même forme que les autres; mais elle est beaucoup plus petite. Le squelette ressemble beaucoup à celui des Tanrecs. La tête, par sa longueur et par sa forme, tient le milieu entre celle de ces animaux, mais elle est beaucoup plus longue, et celle des Héris- sons, qui est plus courte; toutefois les Éricules ressemblent surtout aux Tanrecs par la forme de la région moyenne de la tête, et notamment par le caractère qui rend si remarquable la tête de ces derniers, par l'absence d'arcade zygomatique; mais la région occipitale, à l'exception du trou sous- orbitaire, toutes les parties antérieures, particulièrement les intermaxillaires et les maxillaires infé- rieures, sont comme chez les Hérissons. E Les pieds ont chacun cinq doigts armés d'ongles assez longs, un peu plus recourbés, et surtout plus comprimés que chez les Tanrecs. Le doigt médian est le plus long : les deux autres doigts, surtout l'interne, sont les plus courts. Le doigt externe des pieds de devant est cependant propor- tionnellement plus long que dans les Tanrees. La queue existe, mais elle est plus courte encore que chez les Hérissons, très-peu apparente; les piquants de la croupe ne s’arrêtant pas, comme dans les Érinaceus, à quelque distance au-dessous de la queue, mais s'étendant jusqu'à elle, et l’enveloppant supérieurement et latéralement. Le pelage, bien différent de celui des Tanrecs, est, comme dans les Hérissons, composé de trois sortes de poils : des poils ordinaires, en petit nombre; couvrant la tête jusqu'à la nuque, les mem- 160 HISTOIRE NATURELLE. bres et toutes les parties inférieures du corps; quelques longs poils naissant sur les parties latérales du museau, et se dirigeant en arrière; enfin, des piquants très-résistants, soit en avant et au milieu du dos, soit en arrière, et il n'existe à cet égard aucune différence entre ceux de la croupe, du dos et du cou. Sur la tête comme sur les flancs, les épines commencent tout à coup à remplacer les poils, sans qu'il existe entre les unes et les autres, ou une étendue plus ou moins grande, des soies roides et des épines à demi flexibles, faisant une transition presque insensible des poils aux épines; enfin, les longs poils qui, chez les Tanrecs, s'élèvent du milieu des piquants, manquent complé- tement. Les Éricules, de même que les Tanrecs, ne se trouvent qu'à Madagascar. On n’en connaît que deux espèces, et encore n’est-on pas certain qu'elles soient réellement distinctes l'une de l'autre. On a, d'après M. Jules Goudot, des détails sur les mœurs de l'une d'elles, qui a reçu des voyageurs le nom de Sora. Cet animal habite à Madagasear dans l'intérieur des vastes forêts qui couvrent les montagnes du pays des Ambanivoulus. C'est au milieu du jour qu'on le voit sortir de sa retraite, probablement souterraine, et chercher en furetant sa nourriture; il saute et court avec beaucoup d'a- gilité; lorsqu'on s'approche de lui, il hérisse aussitôt en diadème la buppe épineuse qu'il porte or- dinairement rabattue sur son cou; on l'entend alors souffler très-disiinctement, et il saute par inter- valles en hérissant de plus en plus ses piquants. Les voyageurs, et en particulier MM. Goudot et Sganzin, distinguent les Éricules des Tanrecs, et les indiquent comme des espèces particulières de Hérissons. En parlant des Tanrecs, nous ajouterons, d'après M. Ch. Coquerel, quelques détails de mœurs sur une des espèces d'Éricule. 1. SORA. ERICULUS NIGRESCENS. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire Canacrères spéciriques. — Pelage composé, en dessus du corps, de piquants dont la portion ap- parente au dehors est noire, avec l'extrême pointe d'une partie d'entre eux blanchâtre ou roussâtre; coloration générale noirâtre, quelquefois finement tiquetée de blanchâtre. Longueur totale, 0",19. C’est l'espèce typique dont le Muséum possède trois individus, rapportés par MM. J. Goudot et Sganzin, et que M. Martin nomme Echinops Telfairi. 2. TENDRAC. Buffon. ERICULUS SPINOSUS (CENTETES). Iligcr. CaracrÈnEes sPÉciriQuEs. — Pelage présentant des piquants dont la portion apparente au dehors est roussâtre, avec l'extrême pointe blanchâtre. De la taille du précédent. Cette espèce, qui a reçu les noms d'Erinaceus ecaudatus, Linné; Setiger inauris, Et. Geoffroy, d’après Lesson, et Echinops spinosus, Lesson, est regardée comme douteuse par M. Isid. Geoffroy, et comme devant peut-être être réunie au Sora : le Muséum de Paris n’en possède que de vieilles peaux, et les voyageurs modernes n’ont pas donné de nouveaux détails sur cet animal, 3% GENRE. — TANREC. CENTETES. Illiger, 1811 Prodromus Mammalium et Avium. Keyrew, je pique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À ou %; canines, 121; molaires, Ê$, dont fausses molaires, =; vraies molaires, =}; en totalité trente-huit où quarante dents. Par l'existence d'incisives, les Tan- 5 CARNASSIERS. 161 recs se distinguent des Hérissons, et, par la disposition de ces dents, placées entre de grandes ca- nines, ils sont différenciés des Ericules, chez lesquels elles sont situées entre de petites canines; les incisives supérieures sont comprimées, crochues, dentelées à leur bord postérieur : les inférieures sont minces, à tranchant arrondi; les canines d’en haut sont fortes et crochues, isolées : celles d'en bas grandes, fortes, s'engageant dans un vide de l'os intermaxillaire quand les mâchoires sont réu: nies; les molaires sont normales, et disposées comme chez les Hérissons. Tête allongée, conique. Museau très-pointu. Narines terminales, et percées dans un petit mufle. Gueule très-fendue. Yeux médiocres. Oreilles courtes, arrondies, presque nulles. Corps bus sur jambes, couvert de piquants comme celui des Hérissons, mars ne pouvant se mettre en boule. Pieds plantigrades, à cinq doigts armés d'ongles assez robustes, fouisseurs. Queue nulle. SX PA CZ , Le —# LÉ 4 Fig. 55. — Squelette de Tanrec. Buffon et Daubenton sont les premiers naturalistes qui aient parlé de l'espèce typé de ce genre, le Tanrec. et non Tenrec, comme on l'écrit généralement par erreur. G. Cuvier, en 4798, tout en laissant les Tanrecs avec les Erinaceus, les distingua cependant des véritables Hérissons, et forma pour eux une section qui fut bientôt après érigée en genre par Lacépède, en 1803 (Tableau de la clas- sification des ere. sous le nom de Tenrec, dont on a fait Tenrecus, puis également, par Et. Geoffroy Saint-Hilaire (1800, Catalogue des Mammifères du Muséum), sous celui de Setiger (seta, piquant; gero, je porte), modifié en celui de Setfer, et enfin par Illiger (1811, Prodromus Mammalium et Avium), sous la dénomination de Centetes (#wrcw, je pique), dont une faute ortho- graphique fit plus tard Centenes. De toutes ces dénominations latines, la dernière fut le plus habi- tuellement adoptée; comme M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, nous avons préféré prendre la déno- mination de Centetes, qui, sauf la rectification d'une seule lettre, est celle que l'usage a consacrée En 1837 et 1839 (Comptes rendus de l'Académie des Sciences et Magasin de Zoologie de M. Guérin- Méneville), M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, à Paris, en révisant les caractères génériques et spéci fiques des animaux qui nous occupent, et l'année suivante M. Martin, à Londres; formèrent, aux 16 21 362 HISTOIRE NATURELLE. dépens des Tanrecs, le premier, son genre Éricule, et le second, son genre Échinops, qui tous les eux se correspondent. Le système dentaire constitue, pour le genre Tanrec, un caractère des plus tranchés et des plus remarquables. Comparable, en effet, par là disposition des dents de trois sortes, au système den- taire des Carnivores, il s'écarte tout à fait des conditions ordinaires aux autres Insectivores, quoi- que présentant certaines ressemblances avec le système des Hérissons et des Taupes : tous ceux-ci, sans aucune exception, manquant de longues canines, et offrant, quant à leurs incisives, des arrange- ments variables suivant les genres, mais toujours très-différents, et qui rendent, le plus souvent, extrêmement difficile la détermination des dents antérieures. Les auteurs ont, depuis longtemps, signalé l'importance de ces dernières dents, et, cependant, ils sont loin d'être d'accord sur ce su- jet. Pour M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les véritables nombres des incisives sont, pendant une partie de la vie des Tanrecs, $, puis, plus tard, lorsqu'ils sont parvenus à l'âge adulte, #; et la rai- son descette différence entre les jeunes individus et les vieux est évidemment l'accroissement considé- fable qu'ont pris, dans ces derniers, les canines inférieures, dont les pointes, quand la bouche est fermée, sont reçues dans deux larges et profondes échancrures de la portion postérieure de l'inter- maxillaire, et occupent précisément de chaque côté la place où se trouvait d'abord la troisième incisive inférieure. Quant aux incisives inférieures, rien de semblable n’a lieu : les canines supé- rieures, quand la bouche est fermée, se trouvent derrière les canines inférieures, et, par conséquent, leur accroissement peut se continuer sans déterminer la chute des dents placées tout en avant de la mâchoire, Les auteurs qui n'ont indiqué que quatre incisives inférieures se sont donc trompés, où bien ont fait leurs descriptions d’après des mâchoires à dentitions incomplètes, en exceptant toute- fois ceux d'entre eux qui ont appliqué le nombre de quatre à l'animal décrit par Buffon sous le nom de Tendrac, et qui entre dans un groupe particulier, celui des Éricules. D'après De Blainville, le système dentaire des Tanrecs, quoique régulier, et par là se rapprochant de celui des Carnivores, lient aussi d'une manière assez évidente à celui des Didelphes; selon lui, il est composé de dix dents ‘en haut comme en bas : trois incisives, une canine et six molaires. Le squelette de ces animaux a été étudié par plusieurs auteurs, et particulièrement par De Blain- ville, G. Guvier et M. Isidore Geoffroy; d'après ces auteurs, sa forme générale rappelle assez bien celle des Ilérissons, quoique peut-être moins qu'on ne le croirait à l'extérieur. Le nombre total des vertè- bres est de quarante-sept : quatre céphaliques, sept cervicales, dix-neuf dorsales, deux sacrées et dix coccygiennes. La tête est allongée, et cela a un certain effet sur les cavités, loges sensoriales et fosses d'insertion musculaire; mais ce n’est qu'une exagération de ce qui a lieu dans le Hérisson : la mâ- choire inférieure est plus longue et plus étroite, moins courbée dans sa branche horizontale, et avec une apophyse bien plus longue que dans le genre Erinaceus. Les vertèbres cervicales sont un peu moins courtes, moins entassées, que celles du Hérisson, elles offrent toutefois les mêmes particu- larités, $i ce n’est que l’apophyse épineuse est plus élevée et les apophyses transverses plus longues et plus imbriquées. Les vertèbres dorsales sont plus nombreuses, et remarquables par la grande élé- vation et la grande inclinaison de leur apophyse épineuse, qui, en même temps, est plus étroite. Les lombaires ressemblent tout à fait à celles du Hérisson. Les vertèbres sacrées n’ont pas d'apo- physes épineuses; les coccygiennes ne présentent rien de particulier. L'hyoïde est plus simple que celui des Érinaceus; le sternum est allongé, plutôt comprimé que déprimé, composé de sept pièces. Il y a dix côtes, longues, grèles. Les membres sont aussi bien dans les mêmes proportions que dans le Hérisson : aux antérieurs, l'omoplate est plus large, la élavicule est un peu aplatie, l'humérus plus robuste, le radins acquérant plus de prépondérance que le cubitus; la main n'offre pas de diffé- rences appréciables : aux membres postérieurs, le bassin est plus articulé à la symphyse pubienne; le fémur a son troisième trochanter moins prononcé; la jambe ressemble presque complétement à celles des Tupaias, c'est-à-dire que les deux os, proportionnellement un peu moins longs cepen- dant, sont entièrement séparés dans toute leur longueur; la rotule est courte, presque triquètre, Lrès-convexe d'un côté, et presque plate de l'autre; le pied est un peu plus long que dans le Hérisson. Le pelage, comme dans le Hérisson, est épineux à la partie supérieure du corps et sur les flancs; mais il se présente des différences remarquables entre les téguments des Tanrecs et ceux des Héris- sons. Dans ces derniers, la tête est garnie de poils en dessus comme en dessous, jusqu'à la nuque, CARNASSIERS. 163 région à parur de laquelle toute la face supérieure du corps est couverte de piquants dont a lon- gueur et la force sont sensiblement les mêmes partout, et qui sont les seuls téguments de la partie supérieure; chez les Tanrecs, après un espace assez étendu, qui est un prolongement du mufle, vien- nent des poils courts de nature ordinaire, puis d’autres un peu plus durs, ensuite d’autres plus durs encore, et ainsi de suite, par gradation insensible, jusqu'à ce qu'au niveau des yeux on trouve de petits piquants, suivis eux-mêmes d’autres plus forts et plus longs. Le passage des piquants aux poils se fait de méme par nuances insensibles sur les flancs, tandis qu'il en est tout autrement dans les Hérissons. Un troisième caractère des téguments des Tanrecs est que la partie postérieure du corps est couverte, non plus de piquants forts et résistants comme ceux de la partie antérieure, mais de poils assez faibles et demi-fiexibles, où même de soies. Enfin, du milieu des piquants et des soies, naissent, de distance en distance, de très-longs poils, comparables à ceux des moustaches. Toutes ces différences entre les Taurecs et les Hérissons ne peuvent assurément être considérés comme étant de valeur générique, mais elles méritent d’être appréciées, en raison de leur généralité, puisqu'on les retrouve dans toutes les espèces qui, par le reste de leur organisation, se rapportent au genre Tanrec. En outre, tandis que chez les Tanrecs le corps est couvert, en dessous, de poils, et en dessus de piquants, avec des soies roides intermédiaires, par lesquelles s'opère graduellement le passage des poils aux piquants, il est, chez les Éricules, garni également, en dessous, de poils, mais, en dessus, il n’offre que des piquants roides, sans intermédiaires. La tête est considérablement allongée; le museau prolongé en une sorte de groin très-certaine- ment mobile, et qui, en avant, dépasse de beaucoup les dents. Les cinq doigts des Tanrecs sont symétriquement disposés; savoir : le médian le plus long de tous, le deuxième et le quatrième presque aussi longs que lui, les deux latéraux très-courts. Les trois premiers portent des ongles robustes, assez longs, très-peu arqués, plus ou moins obtus à leur extrémité; les deux autres, des ongles plus courts et un peu plus arqués. La disposition des doigts et la proportion des ongles sont sensiblement les mêmes aux pieds de devant et à ceux de derrière, c'est la seule différence de quelque intérêt que l'on ait à remarquer, quant aux pieds, entre les Tan- recs et les Hérissons, qui ont les membres conformés sur des types conséquemment peu différents. La queue manque chez les Tanrecs; seulement, on voit à sa place un petit tubereule formé par la pointe du coccyx : mais ce caractère est de peu d'importance, puisque les Hérissons n'ont eux- mêmes qu'une queue extrêmement courte et presque rudimentaire. Les Tanrecs se creusent des terriers dans le voisinage des eaux, et s'y endorment plusieurs mois de l’année, et cela, au rapport de Bruguière, pendant les grandes chaleurs. Ils ne peuvent se mettre en boule comme les Hérissons, et prenneut une nourriture semblable à la leur et presque unique- ment composée d'Insectes. Ils se vautrent dans la fange et séjournent plus longtemps dans l'eau que sur la terre. Ils multiplient beaucoup. Ils sont tous originaires de Madagascar, mais ils ont été na- turalisés aux îles de France et de Bourbon. Buffon rapporte que « ces petits animaux grognent comme des Pourceaux; qu'ils se vautrent comme eux dans la fange; qu'ils aiment l’eau et y séjour- nent longtemps, et qu'on les prend dans les petits canaux d’eau salée et dans les lagunes de la mer.» Puis il ajoute « qu'ils sont très-ardents en amour; qu'ils se creusent des terriers où ils se retirent et s’engourdissent pendant plusieurs mois; que dans cet état de torpeur leur poil tombe, et qu'il re- naît après leur réveil; qu'ils sont ordinairement fort gras, et que, quoique leur chair soit fade et mollasse, les Indiens la trouvent de leur goût et en sont même friands. » M. Ch. Coquerel (Revue zoologique, 1848) a donné des détails sur les mœurs du Tanrec soycux et de l'Éricule noirâtre, et nous croyons utile de reproduire en partie cette note. « Les habitudes de ces deux espèces sont très-différentes : les Tanrecs, quand on les saisit, se défendent avec fureur et mordent cruellement; l'Éricule, au contraire, se blottit sur lui-même et se roule en boule dès qu'on l'inquiète, n’offrant à ses agresseurs qu'une défense purement passive. Il ne se roule pas cependant en boule aussi complétement que le Hérisson; il se renverse sur le dos, rapproche seulement ses deux extrémités en fourrant sa tête entre ses pattes et l’embrassant souvent avec ses membres antérieurs. Il demeure dans cette position jusqu'à ce que le danger qu'il redoutait semble s'être éloigné; il revient alors peu à peu sur lui-même, se rétablit sur ses pattes et cherche à fuir, mais sa course est alors moins rapide que celle des Tanrecs. L'Éricule est beaucoup plus rare à Sainte-Marie de Madagascar que les Tanrecs; pendant les trois mois que j'y passai à terre, je n'ai pu me procu- 36% HISTOIRE NATURELLE. rer par les naturels qu'un seul individu. Je le plaçoi dans un petit enclos fermé par une palissade de bois, à laquelle il était attaché par une patte de derrière au moyen d'une corde assez longue. Pen- dant le jour il se tint blotti dans un coin; mais durant la nuit il creusa une petite galerie sous terre à travers laquelle il passa de l'autre côté de la palissade. I ne put cependant se débarrasser de la corde qui le tenait captif, et je fus très-étonné de le retrouver le lendemain matin au dehors de l’enclos où je l'avais placé la veille. Je ne crois pas que l'Éricule ait jamais été trouvé à Maurice ou à Bourbon; les Tanrecs au contraire y ont été transportés et s'y sont beaucoup multipliés. Ils sont connus sous le nom de T'anqgues par les noirs, qui les recherchent comme animaux alimentaires; ils ne mangent toutefois que les femelles et rejettent les mâles à cause de l'odeur infecte qu'exha- lent ces derniers, surtout à l’époque du rut. J'aurais vivement désiré avoir des renseignements exacts sur le prétendu sommeil de ces animaux pendant les grandes chaleurs; mais je ne puis mal- heureusement me prononcer avec une certitude complète à cet égard; je dois dire cependant que ce fait me parait très-douteux. Je me suis trouvé à Sainte-Marie de Madagascar pendant les mois les plus chauds de l'année, en janvier et février; j'ai conservé à cette époque des Tanrecs pendant plusieurs semaines dans une caisse en bois, et je n'ai jamais remarqué que ces animaux tombassent dans un état de torpeur. Ils sont essentiellement nocturnes; pendant le jour ils restent blottis dans un coin; ils s’agitent au contraire beaucoup pendant la nuit; plusieurs parviennent même alors à s'échapper en grimpant le long des parois de la caisse, qui étaient cependant assez élevées. I se peut que des observateurs inattentifs, ayant trouvé pendant le jour des Tanrecs engourdis, aient conclu, dans l'ignorance de leurs habitudes nocturnes, que ces animaux passent les grandes chaleurs dans un état de torpeur. Plusieurs personnes, en qui je puis avoir toute coufiance, m'ont assuré cependant qu'à Bourbon, à l’époque de la saison la plus chaude, les Tanrecs disparaissent tout à coup dans les lieux bas; mais elles n'avaient jamais entendu parler de leur prétendu sommeil estival, et m'ont as- suré qu'à cette époque ces Insectivores se retiraient sur les hauteurs, où ils trouvent sans doute une température moins élevée et une nourriture plus abondante. Les noirs, de leur côté, m'ont répété que, dans les lieux élevés, on trouvait des Tanrecs pendant toute l’année. Ces animaux vivent dans des espèces de terriers qu'ils creusent à l’aide de leurs ongles robustes. Leur régime peut être exclusi- vement insectivore; J'ai nourri toutefois pendant plus de quinze jours un très-petit Tanrec avec du sucre brut qu’il dévorait avec avidité. Quand on les inquiète, ils redressent leur huppe épineuse, mois je ne les ai jamais vus sauter par intervalle, comme le dit M. Jules Goudot; ils courent avec as- sez d’agilité, mais ne sautent pas. » De son côté, M. le docteur Brown-Séquart (Comptes rendus de la Société de Biologie, 1849) s’est occupé de l'état léthargique des Tanrecs. Selon lui, la torpeur de ces animaux a lieu de la même ma- uière que celle des Hérissons, des Loirs et autres Mammifères hivernants. Son opinion est fondée sur les faits suivants : 1° les Tanrecs terrent et dorment, ainsi que l'ont constaté MM. Julien Desjardins et Telfaio, du mois de juin au mois de novembre, c'est-à-dire pendant la saison froide des îles Mau- rice et Madagascar; 2 des animaux hivernants de plusieurs espèces, observés par Pallas, Mangilli, Marshall, Hill, Berthold et Barkow, se sont engourdis à une température de 469 à 49° centi- grades au-dessus de zéro. M. Brown-Séquart à trouvé que des Loirs, même à la température de 20 à 22°, peuvent tomber dans la torpeur hibernale, et ilen a vu dormir pendant une semaine entière à une température variant de 45° à 209; 5° les Tanrecs sont soumis, pendant le temps de leur hibernation, à une température qui varie entre 45° à 29° ou 25° centigrades, rarement plus, pour Maurice et souvent moins pour Madagascar; ces animaux sont donc exposés à une température suffi- samment basse pour pouvoir les endormir, puisqu'elle peut engourdir les animaux hivernant en Eu- rope; il y a donc lieu d'admettre que l'hibernation a les mêmes causes pour les Tanrecs que pour les autres Mammifères soumis à cet état de torpeur. Les espèces placées dans le genre Tanrec sont aujourd'hui au nombre de trois; car l'on doit en re- trancher deux espèces qu'on y plaçait jadis : 4° le Texprac, Buffon, type du genre Érieule, et 2 le TANREC SANS OREILLES (Setiger inauris, Et Geoffroy), qui n’était fondée que sur un individu reconnu pour un Hérisson déformé par une mauvaise préparation. CARNASSIERS. 165 1. TANREC. Buffon. CENTETES SETOSUS. G. Cuvicr. Caracrènes srécrriques. — Pelage fauve, plus ou moins tiqueté de blanc en dessus, composé, sur la nuque, le cou, la partie antérieure du dos et la croupe, de soies roides, et en dessous de poils ordinaires. À peu près de la taille de notre Hérisson, c'est-à-dire ayant euviron 0,28 de longueur totale. Cette espèce, qui est l'Érinaceus ecaudatus de Linné, se trouve à Madagascar et aussi à Maurice el à Bourbon, où elle a été naturalisée. 9. TANREC ARMÉ. CENTETES ARMATUS. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire Caracrères sréciriques. — Pelage d'un gris noirâtre, très-tiqueté de blanc, composé sur la nuque, le cou, les épaules, le dos et les lombes, de piquants très-résistants, sur la croupe de piquants fins et demi-flexibles, et en dessous de poils ordinaires. Longueur totale de la tête et du corps : 0",22. Cette espèce a été fondée sur un individu non encore adulte et qui provenait de Madagascar, d'où il avait été rapporté par M. Ssanzin. 5. TANREC RAYÉ. CENTETES SEMI-SPINOSUS. G. Cuvicr. "Caracrènes sréciriques. — Pelage présentant trois raies longitudinales d’un blane jaunâtre sur un fond noirâtre; des poils entremélés de piquants formant vers la nuque une huppe. Longueur de la tête et du corps : 0",15. Le Tanrec rayé, décrit par Sonnerat, indiqué par Buffon sous la dénomination de Jeune T'anrec, et par Et. Gcoffroy sous celle de Setiger variegatus, n'est pas suffisamment connu. Il semble très- probable que ce n'est que le jeune âge en livrée d’une espèce que l'on n’a pas encore pu étudier à l'âge adulte. Il provient également de Madagascar. SEPTIÈME TRIBU. LA EUPLÉRIDES. EUPLERIDÆ. Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Plantes des pieds velues. Corps couvert de poils. Yeux assez grands. Membres postérieurs bien développés. Cette tribu, qui répond à la famille des Eupléridés de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ne com- prend qu'un seul genre, celui des Euplères, créé en 1835 par M. Doyère. Ce n'est qu'avec doute que nous comprenons celte tribu dans la famille des Insectivores; ear, ainsi que De Blainville a cherché à le démontrer, les caractères tirés des dents de l'espèce typique, ainsi que ceux donnés par le squelette, et mênie la forme générale du corps, comme on peut le juger par notre figure, sem- 166 HISTOIRE NATURELLE. blent montrer qu'elle devrait être placée dans la famille des Carnivores, auprès des Mangoustes et des Genettes GENRE UNIQUE. — EUPLÈRE. EUPLERES. Doyère, 1855. Annales des Sciences naturelles. Es, bien; mhnpns, complet. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À; canines, #1; molaires, =>; les incisives supérieures peliles, pur- faitement rangées; les canines inférieures à double racine, se logeant en arrière des canines d'en haut, comme dans la Taupe; à la mâchoire d'en haut, six fausses molaires séparées par de larges intervalles, et quatre, peut-être six molaires vraies à cinq pointes; à la mächoire d'en bas, quatre fausses molaires et au moins six vraies hérissées de pointes aiguës. Museau effilé, terminé par un petit nulle. Yeux grands. Oreilles grandes, triangulaires. Jambes de moyenne grandeur. Tarses allongés, garnis de poils en dessous. Pieds tous à cinq doigts bien séparés, qarnis en dessus d'un poil ras; le pouce beaucoup plus court que les autres doigts, surtout aux membres postérieurs, où il touche à peine la terre. Ongles déprimés, aiqus, semi-rétractiles, de moitié plus longs aux membres antérieurs. Corps vermiforme, revêtu d’une fourrure épaisse et composée de poils soyeux, garnis à leur base d'un duvet court, serré. Telle est la caractéristique de ce genre donnée par M. Doyère, d’après un individu unique, et malheureusement jeune, rapporté de Madagascar par M. Jules Goudot, et appartenant au Muséum. Le créateur du genre insiste particulièrement sur le système dentaire de l'Euplère, qui, d'après lui, doit le faire ranger dans l’ordre des Insectivores et doit le faire rapprocher des Carnivores; il donne aussi des détails sur la tête osseuse de cet animal. De son côté, De Blainville, qui avait eu à sa dispo- sition les mêmes matériaux qui avaient servi à M. Doyère, pense que l'Euplère doit être rangé dans l'ordre des Carnivores et étre placé auprès des Mangoustes. Selon le savant auteur de l'Ostéogra- plie, les incisives supérieures, au nombre de trois paires, sont disposées en cercle, non contiguës, éga- lement distantes, presque égales, pointues; les canines sont très-petites, en crochet, un peu compri- mées et d'une forme particulière; les trois molaires sont larges, l’antérieure triangulaire, mince, à une seule pointe, mais avec deux racines; la principale plus large, tranchante au bord externe, unicuspide avec un petit talon interne presque médian; l'arrière-molaire, triquètre à la base, est relevée en de- hors par un tranchant oblique, divisée en deux pointes à peu près égales, et pourvue d'un talon en dedans. A la mâghoire inférieure les incisives sont petites, égales, en cercle : l'externe seule bilobée à la tranche; les canines sont encore plus petites qu'en haut, en crochet aigu, avec deux talons, l'un en avant et l'autre en arrière; les trois molaires sont assez bien comme en haut, mais en général très-reculées. Outre ces trois molaires, que De Blainville regarde comme de jeune âge, on voit aussi quelques dents qui sont évidemment d'adultes. À la mâchoire supérieure il regarde comme telle une première avant-molaire un peu plus petite, mais en crochet comme la canine de lait, et une arrière- molaire tout à fait semblable à celle du jeune âge, un peu plus grosse cependant et avee un talon plus large, plus arrondi. À la mâchoire inférieure, il range au nombre des dents d’adulte une pre- mière avant-molaire en crochet aigu, collée contre la canine, une première arrière-molaire en train de sortir, plus large que son analogue dans le système de lait, mais de même forme, et seulement avec la pointe interne de la partie antérieure et le talon plus larges, et, comme en arrière de cette dent il existe une alvéole assez grande, on peut, dit-il, en conclure que dans l'Euplère il y a au moins à la mächoire inférieure deux arrière-molaires, une principale et trois avant-molaires, ou six en tout, comme dans les Viverras. CARNASSIERS. 167 La tête osseuse de l'Euplère est remarquable par sa forme ovale et même allongée, arrondie et un peu renflée en arrière au crâne, atténuée et presque pointue en avant, sans rétrécissement postorbi- laire fortement indiqué, surtout par l'absence presque complète d'apophyse de ce nom au frontal comme au jugal; du reste le chanfrein de cette tête est fortement arqué, sans traces d'aucune crête, sans doute à cause de l'âge, mais avec une saillie vermiforme considérable, au milieu de l'occipital postérieur. Les appendices maxillaires sont remarquables par leur étroitesse et par leur forme poin- tue, atténuée en avant. Dans le membre antérieur que l'on possède au Muséum, mais incomplétement, l’humérus est court et gros, les deux os de l’avant-bras sont également courts, un peu même plus que l’humérus, ce qui est encore assez bien comme dans la Mangouste; on peut en dire à peu près autant des os de la main, quoique le premier doigt soit proportionnellement un peu plus fort. Dans le membre postérieur, le fémur est court et gros; le tibia et le péroné sont peu anguleux; le pied est assez court. On ne connaît qu'une espèce de ce genre. EUPLÈRE DE GOUDOT. EUPLERES GOUDOTII. Doyère. Caracrères sréciriques. — Poil soyeux ou jar d'un brun très-foncé; le duvet qui en garnit la base fauve, d’où résulte un pelage d'un fauve nuancé de brun, plus foncé aux parties supérieures; le des- sous du corps, où il n'y a pas de jar, est d'une couleur beaucoup plus claire, et notamment la gorge, qui est d'un blanc cendré; une ligne noire transversale passe au-dessus des épaules. Longueur, de- puis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0",26, et de celle-ci, 0",15 (jeune âge). Cette espèce, qui porte à Tamatave le nom de Falanouc, se trouve dans les plaines sablonneuses où elle se creuse des terriers. Fig 56 — Euplère de Goudot, 168 HISTOIRE NATURELLE. TROISIÈME FAMILLE. CARNIVORES. CARNIVORA. Les animaux qui composent la famille des Carnivores sont principalement caractérisés par la dis- position de leur système dentaire; ils ont toujours à chaque mâchoire quatre grosses et longues ca- nines écartées, entre lesquelles sont le plus ordinairement six incisives dont la racine des inférieures est un peu plus rentrée que les autres; leurs molaires sont, ou entièrement tranchantes ou mélées seulement de parties à tubercules mousses et non hérissées de pointes coniques; les molaires anté- ricures, tant à la mâchoire supérieure qu'à l'inférieure, sont les plus tranchantes, et portent le plus habituellement le nom de fausses molaires; vient ensuite une molaire plus grosse que les autres, la carnassière, qui a d'ordinaire un talon tubereuleux plus ou moins large, et derrière elle on trouve une ou deux petites dents entièrement plates, et ces molaires postérieures ont reçu la déno- mination de tuberculeuses. Quelquefois, dans le langage vulgaire, le nom de Carnivores est appliqué à tous les Mammifères qui se nourrissent en totalité ou en grande partie de chair, et il est alors synonyme de Carnas- siers; mais d'une manière plus spéciale, et particulièrement d’après G. Cuvier, la dénomination de Carnivores est appliquée à l’une des familles de l’ordre des Carnassiers et répond à l'expression si généralement usitée de Bétes féroces, et à celles de Feræ et de Secundates, au moins en partie pour cette dernière. On peut, avec Fr. Cuvier, dire que ce sont les animaux les plus puissants par la force musculaire et peut-être aussi par l'intelligence; aussi sont-ils, avec les Singes, les Mammifères dont les rapports avec la nature sont les plus étendus, et qui exercent sur son économie la plus grande influence. Comme l'indique leur nom, les Carnivores vivent, soit complétement, soit en grande partie, de chair, ou mieux et plus généralement de matières animales, telles que des muscles, ou bien de sang, de substance cérébrale, de tendons, ete., parties de l'organisme que beaucoup d'espèces préfèrent à la chair musculaire; plusieurs se nourrissent aussi d'os. Mais il est peu d'espèces, qui, dans leur régime diététique, ne mélangent aux matières animales quelques substances végétales; il en est qui vivent autant de végétaux que de parties animales, et certaines espèces sont plus phytophages que carnivores. C'est ce que nous verrons en étudiant les Ours, qui ne sont carnivores que par excep- tion; tandis que nous montrerons que les Chats sont exclusivement carnivores, et intermédiaire- ment nous pourrions citer d’autres groupes d'animaux. Ces différences d’instincts concordent né- cessairement avec des différences de conformation, soit de l'ensemble de l'appareil digestif, soit de chacune de ses parties, spécialement de l'intestin d'autant plus court, de l'estomac d'autant plus petit, du foie et des glandes accessoires d'autant plus développés, des molaires d'autant plus tran- chantes que l'animal est plus carnassier. Le système dentaire est surtout des plus importants à étu- dier; en effet, ces animaux sont d'autant plus exclusivement carnivores que leurs dents sont plus complétement tranchantes, et l'on peut presque calculer la proportion de leur régime diététique d'après l'etendue de la surface tubereuleuse de leurs dents, comparée à la partie tranchante; et de là il résulte encore que dans cette famille, plus encore que dans les autres, on pourra trouver de bons caractères dans la considération du système odontologique. Excepté chez le Morse seulement, on trouve toujours, à chaque mächoire, deux grandes canines très-saillantes, de forme conique. Les incisives sont placées entre les canines et beaucoup plus pe- lites qu'elles; ces dents sont, à l'exception d'une espèce, l'Enhydre, constamment au nombre de six CARNASSIERS. 169 dans les Plantigrades et les Digitigrades, tandis que ce nombre ne se rencontre plus dans les Amphi- bies, c’est-à-dire dans la tribu qui renferme les Phoques, chez laquelle on trouve #, 4, #, ? et © in- cisives. Quant aux molaires, on peut, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les rapporter à deux types principaux : molaires dissimilaires et molaires similaires. Les Carnivores à molaires dissimi- laires sont les Plantigrades et les Digitigrades, excepté le genre Protèle; il existe toujours chez eux, en avant, des molaires plus petites et moins compliquées que les autres, ce sont les fausses molaires; et, en arrière des molaires plus grosses et plus complexes, les mâchelières. Parmi celles-ci, la der- nière ou les deux dernières ont ordinairement la couronne plus ou moins large et tuberculeuse, d'où le nom de dents tuberculeuses qu’elles ont reçu de Fr. Cuvier. Entre les tuberculeuses et les fausses molaires, il existe, au contraire, de chaque côté et à chaque mâchoire, une dent comprimée, à couronne tranchante, connue sous la dénomination de carnassière. Les tuberculeuses supérieures et inférieures sont généralement opposées entre elles, couronne à couronne, et par conséquent très- propres à broyer les matières végétales, comme cela a lieu d'une manière parfaite chez des animaux exclusivement phytophages, de même que les Ruminants, par exemple, tandis que les carnassières sont alternes, se rencontrant côté à côté, comme les deux branches d'une paire de ciseaux, et sont très-convenablement disposées pour couper, pour diviser la chair. Les Carnivores à molaires simi- laires comprennent tous les Amphibies, et un genre très-exceptionnel de Digitigrades, celui des Pro- tèles, qui, avec des canines et des incisives tout à fait semblables à celles des Chiens, a pour dents moyennes et postérieures de petites dents conoïdales à couronne simple dont on ne peut retrouver les analogues que parmi les Édentés et les Cétacés; les molaires de plusieurs Amphibies ont de même la couronne simple, mais ces dents sont d’une autre forme et plus développées; enfin d’autres genres de cette dernière tribu ont les molaires similaires, mais leur couronne, au lieu d’être simple, est tricuspidée ou trilobée. Nous ajouterons, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que « cette ana- lyse des caractères dentaires, quelque succincte qu'elle soit, suffit déjà pour montrer que, plus grand sera le développement des carnassières et plus petit celui des tuberculeuses, plus devra prédominer le régime diététique animal, plus l'être devra être exclusivement carnivore. Au contraire, plus les tuberculeuses s’accroitront et plus les carnassières viendront à diminuer, plus lanimal sera à la fois végétivore et carnivore, en d'autres termes omnivore. On arrive facilement à ce résultat par le seul raisonnement, en partant de la notion si bien acquise à la science, de la corrélation harmo- nique de toutes les parties d’un même appareil, et plus généralement d’un même être. Mais l'obser- vation seule peut faire connaître jusqu’à quel point les modifications du système dentaire expriment fidèlement et clairement les modifications du régime diététique, et dans quelles limites s’exercent les variations que présentent les Carnivores. » Nous ne devons pas maintenant entrer dans plus de détail sur ce sujet important; c’est dans l’étude particulière de chacun des genres que nous complé- terons ce que nous avons à dire sur le système dentaire des Carnivores. On ne peut étudier le squelette des Carnivores d'une manière générale; car il est construit sur des plans assez différents les uns des autres; trois types doivent y être surtout remarqués, ce sont ceux des Ours, des Chats et des Phoques; nous nous en occuperons avec soin en faisant l'histoire par- ticulière de chacun de ces genres importants, puis nous parlerons des différences qu'on peut remar- quer chezles Martes, les Chiens, les Hyènes, les Protèles, etc. Nous ajouterons seulement que leurs os sont plus solides que ceux des autres Mammifères, d'une texture plus compacte, et que leur clavicule, qui est très-petite, se trouve placée dans les chairs; nous donnerons plus tard d'autres remarques. Les appareils locomoteur et sensitif sont, avec l'appareil digestif, et spécialement le système dentaire, ceux qui fournissent aux Carnivores les caractères les plus importants. Il ne suffit pas. comme le fait remarquer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, à l'animal carnassier de pouvoir agir sur la chair dont il se repaît par des dents et un appareil digestif dont les formes, la disposition et la structure ont, avec leur fonction, les rapports les plus admirablement harmoniques.'Il faut, avant tout, que l'animal puisse reconnaître de loin la présence d’une proie, aussi attentive à l’éviter que lui-même est ardent à sa recherche. La proie aperçue, il faut qu'il puisse l'atteindre; et, après l'a- voir atteinte, qu'il puisse la vaincre et s’en rendre maître. Ge sont toutes ces conditions indispen- sables qui méritent au plus haut degré de fixer l'attention. Chez les Carnassiers les organes des sens sont très-développés. La vue et l’ouïe sont surtout très-per- fectionnées chez les Carnivores par excellence, c’est-à-dire chez les Chats et les Chiens; l'odorat et le 16° 22 170 HISTOIRE NATURELLE. goût chez les Carnivores qui ont plus spécialement un régime plus végétal ou omnivore : c'est ainsi que les Ours, et surtout que les Coatis et quelques genres qui sont voisins de ceux-ci, offrent des fosses na- sales d’une étendue considérable, au devant desquelles le nez se prolonge souvent en un groin mobile, un peu comme celui des Cochons. Dans ces genres, les mêmes os qui produisent le plancher des fosses nasales forment aussi la voûte du palais; la langue est très-développée et la membrane palatine très- étendue; au contraire, les globes oculaires sont peu volumineux, et les caisses auditives ne font pres- que jamais qu’une très-faible saillie à la base du crâne. Dans les Chats, au contraire, l'inverse a précisément lieu; les caisses auditives sont considérables, et les yeux très-développés; ceux-ci pré- sentent d’ailleurs dans leur structure deux modifications importantes, d’où les habitudes diurnes d’un certain nombre d'espèces et les habitudes nocturnes des autres. M. Isidore Geoffroy Saint-Ili- laire donne l'explication de ces divers faits, et nous transcrivons les paroles mêmes du savant pro- fesseur. « Si nous recherchons pourquoi les Carnivores par excellence ont l’odorat et le goût moins développés que la vue et l'ouie, nous pouvons apercevoir la raison philosophique de ce fait en nous plaçant au point de vue de l'harmonie nécessaire de toutes les parties de l'être. Il nous parait, en effet, se rattacher à une donnée, qui, au premier aspect, peut sembler n'avoir avec lui aucune connexion : la disposition des armes les plus redoutables des Carnivores, leurs canines. Ces dents, placées à la partie antérieure des mâchoires, ne peuvent agir comme armes qu'en s’entre-croisant d’une mâchoire à l’autre; et leur entre-croisement a lieu par suite de l'élévation de la mâchoire in- férieure, opérée par la contraction des deux masseters et des deux ptérygoidiens internes, muscles qui s’insèrent les uns et les autres sur les branches montantes du maxillaire inférieur. Les canines sont donc en avant de la mächoire inférieure, et c’est tout à fait en arrière que s’avancent les muscles élévateurs. Il suffit de réfléchir sur cette disposition pour conclure, en partant des no- tions les plus élémentaires sur la théorie des leviers, que, plus la mâchoire inférieure sera allongée, plus, toutes choses égales d’ailleurs, l’action du système dentaire, et spécialement celle des canines, se trouvera affaiblie, d'où résulte, comme conséquence nécessaire de la loi d'harmonie, la brièveté de la mâchoire inférieure, et par suite de toute la face, chez les Carnivores par excellence; laquelle, à son tour, entraine le moindre développement des organes sensitifs antérieurs. » Le système nerveux est très développé chez ces Carnassiers, et le cerveau offre des circonvolu- tions plus ou moins compliquées. Les membres, en totalité, sont assez longs, et libres à leur extrémité dans les Plantigrades et les Digitigrades, tandis que, dans les Amphibies, ils sont, au contraire, extrêmement courts, et leurs ex- trémités, jointes par des membranes épaisses, sont transformées en de véritables nageoires. Dans le premier cas, pour nous servir de l'expression de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ces membres ne sont pas empêtrés, tandis que, dans le second cas, ils sont empêtrés. Les ongles, ou, comme on les nomme plus vulgairement, les griffes, sont, chez les Carnivores par excellence, des armes d'une grande puissance et destinées à déchirer leur proie. On peut dire que ces griffes deviennent habituellement plus acérées à mesure que les dents sont plus tranchantes, ou, ce qui revient au même, à mesure que l'animal est plus exclusivement carnivore. Ainsi, dans le genre Chat, et nous prendrons le Lion principalement pour type, les ongles, par un mécanisme par- ticulier, deviennent rétractiles, et les armes de l'animal, logées durant la marche dans de véritables fourreaux, se trouvent ainsi protégées contre toutes les causes qui pourraient en altérer l'acuité. Dans d’autres groupes génériques, les ongles ne sont qu'à demi rétractiles, ct les animaux qui com- posent ces groupes sont déjà moins bien armés en même temps qu'ils sont moins carnivores. Enfin la rétractilité devient quelquefois nulle, et par suite les ongles sont plus ou moins obtus. Ces dispo- sitions ne sont pas cependant générales, et il n’y a pas toujours une correspondance nécessaire entre la disposition des ongles et celle des dents; c’est ainsi que quelques animaux du genre Mustela de Linné, tout en ayant un système odontologique semblable, présentent des différences importantes dans la disposition des ongles. Les extrémités des membres peuvent être transformées en nageoires ou libres. Dans le premier cas, les Carnivores qui présentent cette disposition, tels que les Phoques et les Morses, constituent les Amphibies de G. Cuvier. Dans le second cas, on peut remarquer deux particularités des plus eu- rieuses; c’est ainsi que plusieurs genres, auxquels on applique habituellement le nom général de Plantigrades, appuient la plante entière du pied sur le sol, lorsqu'ils marchent où qu'ils se tien- CARNASSIERS. 171 nent debout, ce que l’on aperçoit aisément par l'absence de poils sous toute cette partie, tandis que d’autres genres en plus grand nombre, ceux qui constituent la tribu des Digitigrades, ne mar- chent que sur le bout des doigts en relevant le tarse : chez ces derniers, la course est plus rapide que chez les autres, et à cette première différence s’en joignent beaucoup d’autres dans les habi- tudes et même dans la conformation intérieure. Quoi qu'il en soit de ces différences, ces deux divi- sions des Plantigrades et des Digitigrades, qui ont été très-longtemps pour ainsi dire classiques, ne sont plus adoptées par quelques zoologistes, qui ont montré qu'elles rompaient souvent les dispo- sitions les plus naturelles, et qu’elles n'étaient pas toujours vraies, puisque certains Digitigrades, le Chien lui-même, marchent souvent, dans leur premier âge, à la manière des Plantigrades, et qu’en outre on connait des Carnivores semi-plantigrades. En disposant les Carnivores terrestres d'après leur mode de station, on place nécessairement, à l’une des extrémités de la série, les espèces qui s'appuient sur la surface inférieure tout entière des pieds, et à l’autre extrémité celles qui, dans la station et dans la marche, relèvent la plus grande partie du pied. La série qu'on forme ainsi concorde d’une manière remarquable avec celle qu'on forme d'après le système dentaire, sans qu'on puisse toutefois lier, par des rapports exacts de pro- portionnalité, les modifications des mâchelières et celles des pieds. On peut dire, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que les espèces les plus exclusivement carnivores, et qui ont par conséquent Jes mâchelières les plus tranchantes, sont celles aussi qui s'appuient sur la moindre partie du pied, et que, réciproquement, les genres les plus omnivores sont en même temps les plus plantigrades. Tels sont, par exemple, les Kinkajous, les Ours, et plusieurs genres voisins qui vivent, comme eux, en grande partie de végétaux : ces Carnivores s'appuient jusque sur la partie postérieure du talon. Dans les groupes des Mustelas et des Viverras de Linné, le talon commence à se relever au moment même où les carnassières commencent à être caractérisées. Dans le groupe des Chiens, la marche est fran- chement digitigrade, de même que les habitudes sont celles d'espèces essentiellement carnassières; et l'animal s'appuie uniquement sur la face inférieure des phalanges. Enfin, les Chats, qui sont de tous le plus complétement carnivores, sont aussi ceux chez lesquels les plantes des pieds et les pau- mes des mains touchent le sol sur la plus petite partie de leur surface : les phalanges onguéales, étant relevées, n’ont plus aucun contact avec le sol, et les première et deuxième phalanges suppor- tent seules le poids du corps. Les métacarpes et les métatarses des vrais Digitigrades diffèrent à la fois de ceux des Plantigrades, et par la direction, et par la forme. Chez les Ours et tous les vrais Plantigrades, les métacarpes et les métatarses, horizontaux aussi bien que les doigts, sont courts et larges. Dans les semi-Plantigrades, ils sont médiocrement longs et larges, et présentent des degrés d’obliquité très-différents, soit d’une espèce à l'autre, soit dans la même espèce et chez le même individu, selon les attitudes qu'il prend. Dans les vrais Digitigrades, ils se rapprochent plus ou moins de la verticale par leur direction, et les métacarpes peuvent même être entièrement verticaux. En même temps, de larges et courts qu'ils étaient, ils deviennent longs et grêles; en sorte que, soit par leur direction, soit par leur forme, ils semblent non plus faire partie du pied, mais consti- tuent, entre la jambe et le pied, un segment de plus dans les membres. De là résulte, pour ceux-ci, une plus grande longueur relative, et, ce qui est bien plus important encore comme condition d'agi- lité dans la course et surtout dans le saut, l'existence d’une brisure de plus dans l’ensemble du membre. Une autre particularité, qui se rattache à celles que nous venons d'étudier, a été encore signalée par le savant zoologiste que nous avons plusieurs fois cité : c’est la suivante. Tout genre omnivore, dans la famille des Carnivores, est pentadactyle aux quatre membres; au contraire, les genres qui offrent le plus de carnivorité, et la plupart de ceux qui les avoisinent, sont tétradactyles, soit à l'une des paires de membres, soit même aux quatre membres à la fois. La taille des Carnivores, comparée à celle des Mammifères en général, est moyenne; mais, toute- fois, ils sont tous plus grands que les animaux des deux familles précédentes. Les plus petites es- pèces se trouvent dans les genres Mangoustes et Martes, et les plus grandes dans celui des Chats. La grande majorité des Carnivores sont terrestres; ils se trouvent sur le sol, et courent avec une aisance plus ou moins grande; quelques-uns grimpent sur les arbres avec une grande facilité : un certain nombre d'espèces est aquatique; ils nagent aussi vite que les Poissons et aussi aisément qu'eux, et ne viennent sur le sol, où ils se trainent péniblement, que pour y respirer l'air. 172 HISTOIRE NATURELLE. D'une manière générale, comme nous l'avons dit, les Carnivores se nourrissent de chair, et, dès lors, leurs habitudes naturelles sont sanguinaires; c'est ainsi que les grandes espèces, comme les Lions, les Tigres, les Panthères, etc., se nourrissent de gros animaux, presque exclusivement de tuminants; et que les petites espèces, comme les Martes, s'attaquent aux petits Mammifères, et sou- vent même aux Oiseaux, dont ils font un grand carnage dans nos basses-cours. D’autres espèces, comme les Protèles et les Hyènes, se contentent de chair plus ou moins putréfiée, et vont parfois déterrer les cadavres pour s’en repaître. Les espèces aquatiques se nourrissent de Poissons; les Phoques spécialement en font une grande consommation. Les Plantigrades ont un régime omni- vore; et l'on sait que les Ours peuvent se nourrir exélusivement de matière végétale, quoique ne repoussant pas une nourriture animale. Du régime diététique de ces divers animaux résultent leurs mœurs, sur lesquelles nous reviendrons. Nous nous bornerons à ajouter que même les espèces les plus féroces ont pu être apprivoisées, et que nos ménageries en renferment en grand nombre, et qu'elles ont pu quelquefois s'y reproduire. Les Carnassiers les plus féroces semblent parfois, en domesticité, d'une grande douceur; l'on sait quelle obéissance ils montrent à ceux qui les ont domptés; mais aussi, ce qu'on n'ignore pas, c’est que souvent leur naturel terrible reprend le dessus, et que plus d'un de nos fameux montreurs d'animaux a trouvé la mort en jouant avec les armes ter- ribles de l'animal, qu'il avait cru avoir entièrement maitrisé. Ce que nous venons de dire s'applique plus particulièrement aux grandes espèces du genre Chat, comme le Lion, la Panthère, le Tigre, le Léopard, etc.; il n'en est pas de même du Chien, qui sait se montrer constamment l'ami, et quel- quefois le protecteur de l’homme. Dans chaque article sur les divers genres de Carnivores, nous re- viendrons avec soin sur les détails de mœurs, qui constituent l’une des branches les plus attrayantes de la zoologie. Parmi les conditions de l'existence des animaux, en tant qu'individus, celle qui comprend la nourriture étant évidemment la plus importante, et cette nourriture étant ici elle-même animale, on voit comment, pour les Carnivores, la distribution géographique est déterminée par la coexistence d’autres animaux, soit de la même classe, soit de classes différentes, et beaucoup moins qu’on ne l'a cru par la température; aussi l’on peut dire d'une manière générale qu'aux lieux où se trouvent un grand nombre d'animaux herbivores, surtout où les Carnivores pourront être à l'abri des pour- suites des Carnivores plus forts qu'eux, et surtout de celles de l'espèce humaine, ils seront plus nombreux en espèces et même en individus, comme l'Afrique en est un exemple remarquable, prin- cipalement dans son intérieur, là où la civilisation à à peine penétré de nos jours. C’est là en effet que, sauf le Tigre, toutes les formes particulières de Carnivores existent en grand nombre, parce que, outre la condition de température, se trouve la première, bien plus importante, l'abondance de la nourriture fournie par les Singes, par les Ruminants et autres animaux. Et, comme parmi ceux-ci il s’en trouve de toute taille et de toute grandeur dans les eaux et dans les airs comme sur la terre, on comprend comment la forme carnassière s’est pour ainsi dire modifiée d’une manière si variée pour atteindre à toutes ces nécessités d'harmonie générale, aussi bien dans la dimension que dans le mode et le degré de carnivorité. On comprend encore comment l'espèce humaine exerce une in- fluence sur les Carnivores encore plus grande, peut-être, que sur la plupart des autres espèces de Mammifères. Quoi qu'il en soit, et malgré le grand nombre d'espèces africaines de Carnivores, on en trouve dans toutes les parties du monde; l'Asie en renferme quelques-unes ; l'Amérique égale- ment, et l'Europe, assez riche en petites espèces, en possède aussi quelques grandes, particuliè- rement dans les genres Ours et Phoque. Depuis les temps historiques, l’on connaît des changements plus ou moins étendus que la distri- bution géographique des Carnivores a éprouvée, et qui sont le résultat d'une action plus ou moins immédiate de la part de l’homme; en effet, des animaux de la famille que nous étudions ont aban- donné certains pays, soit que les conditions d'existence n’y existassent plus pour eux, soit parce qu'eux-mêmes ont été le sujet de chasses, de poursuites, qui ont fini par détruire certaines es- pèces, ou les ont refoulées dans des contrées nouvelles, après les avoir fait quitter celles qu'elles habitaient primitivement. La science possède, en effet, des preuves que les Phoques, et surtout cer- taines espèces des mers du Sud, non-seulement sont devenus beaucoup moins abondants depuis les expéditions nombreuses de pêche que les Américains, les Anglais et les Français ont envoyées dans ces parages, mais encore qu'ils ont abandonné certaines localités plus au nord, et où ils trouvaient CARNASSIERS. 173 les dispositions les plus favorables à leur existence, pour se retirer plus au sud; on doit en dire au- tant du Phoque commun en Europe, et du Phoque moine de la Méditerranée; le premier s’est, en effet, de plus en plus retiré vers le nord, abandonnant nos rivages de la Manche et de l'Océan, tandis que le second n'existe plus que sur quelques points de l’Adriatique, et semble s'être réfugié dans la mer Noire. Il en est de même de l’Ours commun d'Europe, qui, par suite des embüûches con- tinuelles auxquelles il est exposé, n'existe plus que dans les parties les plus inaccessibles de nos Alpes et de nos Pyrénées, et qui existait jadis dans toutes les montagnes européennes un peu élevées, et cela depuis les temps historiques, comme objet de chasse chez les Grecs, les Romains, et les peu- ples d'Europe jusqu’au quinzième siècle. Les petites espèces de Carnivores, comme les Blaireaux. et surtout les Martes, les Fouines, les Belettes, les Putois et les Hermines, ayant pu échapper à l’action de l'espèce humaine par la facilité qu’elles ont de se cacher et de trouver aisément leur prin- cipale condition d'existence, étaient sans doute réparties à peu près, autrefois, comme elles le sont encore aujourd'hui. Mais il n’en est pas de même des grands genres Chat, Chien et Hyène. Toute- fois, pour ce dernier, on n’a pas de preuves historiques de son ancienne extension au delà de ce qu’il est aujourd’hui. Mais pour le Lion, et même pour les Panthères; car les anciens auteurs grecs ont laissé des preuves indubitables de leur existence dans les parties orientales et méridionales de l'Europe; et même pour le Loup, on a la date certaine de l’époque à laquelle ils ont disparu de l'Angleterre. La faune fossile des Carnivores comprend également un grand nombre d'espèces; on en a trouvé dans presque tous les terrains, mais plus particulièrement dans ceux de formation assez récente, et dans les cavernes à ossements. Ces fossiles se trouvent répandus sur presque toute la surface du globe: c’est ainsi qu'on en a signalé aux monts Himalayas, au Brésil, etc.; mais c’est principale- ment en Europe que les recherches des paléonthologistes en ont fait découvrir un plus grand nom- bre, et on les doit principalement aux travaux de G. Cuvier, De Blainville, Blumenback, Goldfuss, Huot, Gken, et de MM. Lund, Croizet et Jobert, Bravard, Marcel de Serre, P. Gervais, Owen, Falcon- ner et Cautley, Lartet, Schmerling, etc. Quelques-unes de ces espèces se rapportent à des genres connus, tels que ceux des Ours, Chien, Chat, Hyène, Phoque et Morse; ou à des groupes particuliers, comme ceux des Cainotherium, Bravard; Agnotherium, Kaup; Amphiarctos, Taxotherium, Palæo- cyon et Pterodon, De Blainville; Amphicyon, Lartet, etc. Nous reviendrons sur ce sujet dans cha- eun des groupes naturels de la famille des Carnivores, et nous ne nous y étendrons pas davantage maintenant. Les auteurs anciens, pour peu qu’ils se soient occupés d'histoire naturelle, ont tous fait mention des genres principaux de Carnivores; mais, selon leur coutume, sans s'occuper beaucoup de leur distinction spécifique et encore moins de leur distribution systématique. On voit cependant qu'ils les désignaient sous le nom commun de Serridentes ou de Carcharodonta, et, dans Elien, on trouve l'énumération de quelques-uns d’entre eux, tels que le Loup, le Chien, le Lion et la Panthère. D'après cela, on voit que les anciens, sur les travaux desquels nous aurons l'occasion de revenir, ne rangeaient pas dans cette division les petits Carnivores de nos méthodes actuelles, et qu'ils n'y comprenaient même pas les Ours et les Phoques. Pour trouver quelque chose de positif sur les animaux qui nous occupent dans les ouvrages des auteurs modernes, il faut immédiatement arriver aux travaux de Linné. Ce savant naturaliste les partage dans les genres suivants encore adoptés aujourd’hui, quoique partagés en un nombre plus ou moins grand de subdivisions : Phoca, comprenant un assez grand nombre de genres actuels: Ursus, renfermant non-seulement les Ours actuels, mais encore les petites espèces qui, comme le Blaireau, le Coati, le Raton, le Kinkajou, ete., sont désignés, par De Blainville, sous la dénomina- tion de Perrrs Ours, Subursi; Mustela, comme la Marte, le Putois, la Loutre; Viverra, tels que la Mangouste, la Civette, la Genette; Felis, comme les Chats et les Lynx; et Canis, comme les Chiens, les Renards, le Fennec, le Protèle, et les Hyènes, qui constituent le genre Hycæna de Brisson. Les zoologistes plus récents que Linné ne sont pas d'accord sur la classification que l’on doit suivre dans l'étude des animaux qui constituent la famille si naturelle des Carnivores, et cela tient à plusieurs causes qui dépendent de l'organisme même de ces Mammifères. Nous laisserons à ce sujet M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire exposer les difficultés qui se présentent. « Établir dans cette divi- sion la série d'après les divers degrés de carnivorité qu'offrent les genres, semble à la fois très-ra- 174 HISTOIRE NATURELLE. tionnel et très-facile : très-rationnel, puisque tous les systèmes se modifient corrélativement suivant que l'animal est plus ou moins carnivore; très-facile, puisque la forme des molaires, et spécialement le rapport des dents carnassières à celui du développement des dents tuberculeuses, expriment très- nettement et très-fidèlement, d'une part, au point de vue anatomique, les conditions organiques de l'ensemble du canal alimentaire; de l’autre, physiologiquement, le degré de carnivorité. Mais, s’il en est ainsi en général, et si, par suite, la direction de la série est peu difficile à déterminer, il n’en est pas moins vrai qu'il reste à résoudre, à un point de vue plus spécial, de nombreuses et plus ou moins graves difficultés. Les unes tiennent à ce fait qu'il y a concordance générale entre les modi- fications des autres appareils et celles du système dentaire. Un animal pourra donc être plus carni- vore qu'un autre par ses dents, et ce dernier, au contraire, par la conformation de ses griffes, ou même par celle de ses membres, se rapprocher davantage des Carnivores par excellence. Les dents elles-mêmes, à les considérer isolément, peuvent parfois donner lieu à des difficultés; car cer- tains genres sont remarquables par des dents de forme mixte, les autres par la coexistence de dents bien caractérisées comme carnassières, et d'autres bien caractérisées comme tuberculeuses. Dans ces deux cas, mais par des causes bien différentes, le régime doit donc être, et est plus ou moins, en grande partie, végétal. Mais toutes ces difficultés ne sont que secondaires. Les unes peuvent être résolues par diverses considérations particulières, variables selon les genres qu'elles concernent; les autres, il est vrai, résistent jusqu’à présent aux efforts des zoologistes; mais elles n'offrent que des points d'une faible importance. Là n'est donc pas le nœud de la difficulté en ce qui concerne la clas- sification dans son ensemble. Ce nœud se trouve, au contraire, dans la multiplicité des types, très-légè- rement différents les uns des autres, que la nature a créés dans ce groupe, et, par suite, des rapports divers et entre-croisés de cent manières, par lesquels une transition intime s'opère entre la plupart d’entre eux; aussi cette famille est-elle une de celles où l'impossibilité de classer tous les genres en une série unique est le plus manifeste, et où la classification, sur quelque principe qu'on la fonde, offre le plus de difficulté. » Nous ne suivrons pas plus loin M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans les considérations dans lesquelles il entre dans l’article Carnivore du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, tome HE, 18453, et nous nous bornerons maintenant à dire que, dans la classification de ce savant professeur, qui ne comprend pas les Chéiroptères parmi les Carnassiers, cet ordre, ainsi restreint, est partagé en trois sections, dont l'une d'elles renferme les Ixsecrivores, et que les deux sections, celles des Carnivores et des AmpuiBies, sont partagées en quatre familles subdivisées elles-mêmes en plusieurs tribus, ainsi que nous l’exposerons bientôt. G. Cuvier, d’après Storr, a pris pour base de sa classification la disposition particulière que pré- sentent les extrémités des membres. C'est ainsi que, selon que l'animal appuie sur le sol, pendant la marche, la plante entière de ses pieds, qu'il marche sur le bout des doigts ou que ses pattes sont transformées en nageoire, il forme les trois tribus des Plantigrades, Digitigrades et Amphibies. Malheureusement, ces caractères, faciles à saisir, et par conséquent d'une grande valeur, ne sont pas sans quelques exceptions, et l’on a pu indiquer certains Carnivores qui ont une marche intermé- diaire entre celle des Plantigrades et des Digitigrades, et qui sont semi-plantigrades ou semi-digiti- grades; en outre, les Loutres, qui ont les pieds palmés, ont dù, par l'ensemble de leurs caractères, être cependant rangées avec les Digitigrades : c'est par suite de ces considérations que les zoologistes modernes commencent à abandonner cette classification, qui a été longtemps classifique en mamma- logie. Quoi qu'il en soit, et comme nous l'adopterons encore dans cet ouvrage, nous allons exposer cette méthode en quelques mots. I. Taieu pes PLANTIGRADES. Cette tribu renferme les espèces de Carnivores qui marchent sur la plante entière des pieds, ce qui leur donne plus de facilité pour se dresser sur leurs pieds de derrière; ils participent à la len- teur, à la vie nocturne des Insectivores, et manquent, comme eux, de cœcum; tous ont cinq doigts CARNASSIERS. 175 à tous les pieds. Les genres principaux sont ceux des Ours, Raton, Panda, Benturong, Coati, Kinkajou, Blaireau, Glouton, etc. I. Tasu pes DIGITIGRADES. Elle comprend les espèces qui marchent sur le bout des doigts. On y forme trois subdivisions : 1° les espèces qui n’ont qu'une tuberculeuse en arrière de la carnassière d’en haut; manquant de cœcum, mais ne tombant pas en léthargie. Ge sont les animaux que l’on a nommés Vermiformes, à cause de la longueur de leur corps et de la brièveté de leurs pieds, qui leur permettent de passer par les plus petites ouvertures : quoique petits et faibles, ils sont très-cruels, et vivent surtout de sang. Les groupes génériques sont ceux des Putois, Marte, Moufette, Loutre, etc.; 2° dans la deuxième subdivision, il y a deux tuberculeuses plates derrière la carnassière supérieure, qui, elle- même, a un talon assez large; ils ont un petit cœcum. Tous les animaux de ce groupe, tels que les genres Chien, Civette, Genette, Paradoæure, Mangouste, Suricate, sont carnassiers, mais sans montrer beaucoup de courage à proportion de leurs forces, et ils vivent souvent de charognes; 3° en- fin, dans la troisième subdivision, les diverses espèces n’ont pas de petites dents du tout derrière la grosse molaire d'en bas. Les genres principaux sont ceux des fyènes et des Chats, qui sont les plus cruels et les plus carnassiers de tous les animaux de la classe entière des Mammifères. IT, Trieu pes AMPHIBIES. Cette division est composée de Carnivores chez lesquels les pieds sont si courts et tellement enveloppés dans la peau, qu'ils ne peuvent, sur terre, leur servir qu’à ramper; mais, comme les intervalles des doigts y sont remplis par des membranes, ce sont des rames excellentes. Aussi les animaux de cette tribu passent-ils la plus grande partie de leur vie dans la mer, et ne viennent- ils à terre que pour se reposer au soleil et allaiter leurs petits; leur corps allongé, leur épine très- mobile, et pourvue de muscles qui la fléchissent avec force, leur bassin étroit, leur poil ras et serré contre la peau, se réunissent pour en faire de bons nageurs, et tous les détails de leur anatomie confirment ces premiers aperçus. Les deux grands genres placés dans cette tribu sont ceux des Phoques et des Morses. De Blainville, dans son Ostéographie, a indiqué d'autres bases de classification, et il expose sa méthode de la manière suivante. « Prenant en première considération les extrémités, dans leur ap- plication sur le sol, ainsi .que dans leur division en cinq doigts, dont le pouce est plus ou moins marqué, ce qui entraîne la forme des ongles plus ou moins en sabot, caractère qui, en se pronon- gant en moins, indique un éloignement plus grand de l’homme, on peut voir pourquoi cet ordre est placé après les Insectivores, en prenant le point de comparaison avec les espèces normales qui sont encore claviculées, et comment il doit finir les Secundates, puisque les dernières espèces n'ont que quatre doigts et sont essentiellement digitigrades. On peut aussi trouver un indice de disposition sériale dans la longueur proportionnelle des oreilles, qui, sauf l'exception des Loutres, s’accrois- sent presque régulièrement des Ours aux Hyènes. « Dès lors, on voit que la disposition des espèces doit être de celles qui sont les plus palmi- grades et plantigrades, les plus quinquedigitées, à celles qui le sont moins, ce qui place les Phoques à la tête des Carnivores; et, en effet, quoiqu’ils forment réellement un groupe anomal, pour cher- cher et poursuivre leur nourriture dans l’eau, ce qui est, au fond, assez peu important dans notre manière de voir, ce sont certainement les espèces les plus intelligentes, les plus élevées et aussi les plus essentiellement palmigrades et plantigrades. « Viennent ensuite les Ours, dont les rapports avec les Phoques ont été sentis de tous temps, et consistent principalement dans une queue courte, une tête forte dans sa portion céphalique, ses cinq doigts presque égaux, etc. 176 [HISTOIRE NATURELLE. « Les Petits-Ours, que l’on peut désigner sous le nom générique, à la manière de Linné, de Su- bursus, conservent encore une partie de ces caractères dans leur forme lourde, ramassée, dans leur marche plantigrade, la presque égalité des cinq doigts aux deux mains et la grande facilité à s’en- graisser et à s'engourdir pendant l'hiver, du moins pour les espèces septentrionales. « Les mêmes raisons déterminent la place des Mustelus de Linné immédiatement après les Petits- Ours, puisque tous ont encore cinq doigts presque égaux, qu'ils sont au moins subplantigrades, que leur système de coloration est uniforme ou au plus bicolore, que l'intestin est entièrement dé- pourvu de cæcum, et que l'humérus est percé d’un canal pour le passage du nerf médian. « Après eux, les Viverras viennent nécessairement, quand on les considère dans la série entière qu'ils forment, et quoique les premières espèces soient encore plantigrades, parce que les der- nières deviennent en effet de plus en plus Felis à mesure que des Mangoustes, qui sont à la tête, on passe par des nuances presque insensibles jusqu'aux Genettes, qui sont presque des Chats. Dans ce groupe commence l’existence d’un cœcum, qui deviendra de plus en plus développé à mesure que nous descendrons dans la série. « Le genre Felis doit être placé ensuite; chez lui, le tarse s'élève d’une manière déjà assez forte, et n’est jamais nu; le pouce ne manque pas en avant, mais il manque complétement en arrière; le cœcum est encore court, quoique bien marqué; il y a un canal au condyle interne de l’humérus; en outre, ce grand genre offre des caractères qui lui sont propres dans le système dentaire, dans la brièveté des mâchoires et la disposition des phalanges onguéales. « Les Cunis deviennent encore plus digitigrades; le tarse s'élève encore plus; les ongles sont plus obtus, appuyant sur le sol; le cœcum est plus long; l'humérus n'a pas de canal au condyle interne; la poitrine est plus comprimée, et l'animal devient plus essentiellement quadrupède. « Enfin, tous ces caractères se prononcent encore plus dans les Hyènes, par lesquelles se termine la famille, et qui n’ont plus en effet que quatre doigts aux quatre membres, le pouce ayant tota- lement disparu; dont les tarses sont encore plus élevés, les doigts proportionnellement plus courts, les ongles plus ohtus, le cœcum plus long, et qui joignent à cela un assez bon nombre de carac- tères qui leur sont propres dans le système dentaire, dans l'appareil crypteux anal, ainsi que dans le nombre des vertèbres costales et des côtes. « La disposition des espèces, dans chacun de ces grands genres, se déduit absolument des mêmes principes, et c’est surtout dans la partie molaire du système dentaire que l'on trouvera le plus de différences propres à la formation des subdivisions génériques. » Enfin, la classification la plus récente est celle de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous avons déjà dit quelques mots, et dont nous allons actuellement exposer le tableau. PREMIÈRE SECTION. — CARNIVORES. Extrémités non empétrées; molaires alternes à couronnes au moins en partie tranchantes; circon- volutions cérébrales plus ou moins développées. PREMIÈRE FAMILLE. — POTIDÉS. Doigts profondément divisés. Genres : Kinkajou ou Potto. DEUXIÈME FAMILLE. — VIVERRIDÉS. Doigts non profondément divisés. PREMIÈRE TRIBU. — URSIENS. Plantigrades; membres courts; mâchelières courtes, tuberculeuses. Genres : Ours, Nélours ou Prochilé, Raton, Coati. 1 — Vespertilion pipistrelle CARNASSIERS. DEUXIÈME TRIBU, — MUSTÉLIENS. Plantigrades ou semi-digitigrades; membres courts; corps allongé; une tuberculeuse en laut. Genres : Blaireau, Taxidée, Mrydus, Thiosme, Ratel, Glonton, Huron, Mélogai, Moufeue, Zorille, Marte, Putois, Aonyx, Loutre, Lucride, Enhydre. TROISIEME TRIBU. — VIVERRIENS. Plantigrades où semi-digiigrades; membres courts où moyens; deux tuberculeuses en haut et une en bas. Genres : {ctide, Paradoæure, Hémigale, Cynogale, Mangouste, Crossarque, Galidie, Galidictis, Suricate, Aulure, Civette, Genette, Bassaride, Mangouste, Cinüctis. QUATRIÈME TRIBU. — CANJENS. Digitigrades; membres plus où moins allongés; deux tubereuleuses au moins en haut et en bas. Genres: Otocyon, Fennec, Renard, Chien, Hyénopode, Cyon. CINQUIÈME TRIBU. — HYENIENS. Digitigrades: membres plus on moins allongés: corps surbaissé en arrière; tubereuleuses nulles ou rudimentaires. Genres : Hyène, Chien. SIXIÈME TRIBU. — FÉLIENS. Digiugrades; membres plus où moins allongés : les postérieurs plus développés que les antérieurs; tuberculeuses nulles où rudimentaires. Genres : Guépard, Chat, Tigre, Lynx. DEUXIÈME SECTION. — AMPHIBIES. Extrcmités empêtrées; circonvolutions cérébrales plus où moins développées. PREMIÈRE FAMILLE. — PHOCIDES. Mächelières comprimées; pas de défenses. Genres : Phoque, Pélage, Stemmatope, Sténorhinque, Otarie. DEUXIÈME FAMILLE. — TRICHÉCHIDÉS. Mächelières cylindriques; deux défenses à la mächoire supéricure. Genre : Morse. Nous avons cru utile d'exposer en détail la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, quoique, prenant principalement pour guide dans notre ouvrage la méthode donnée par G. Cuvier dans son Règne animal, nous ne puissions la suivre complétement. Toutefois, nous chercherons à nous servir de ces deux classifications, ainsi que de celle de De Blainville, en indiquant toutefois, comme base, les divisions primaires de G. Guvivr, et nous servant, comme divisions secondaires, des familles et tribus de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et des grands genres admis par De Blainville. En terminant ces généralités, nous ne chercherons pas à dire les noms des naturalistes qui se sont 17 : 93 178 HISTOIRE NATURELLE. plus spécialement occupés des Carmvores, et nous ne donnerons pas non pus la liste complète des genres qui ont été formés dans cette famille; ces détails trouveront plus naturellement leur place lorsque nous exposerons les caractères de nos principales divisions, et lorsque nous ferons l'his- toire de chacun des genres principaux. Pour nous, nous subdiviserons done la famille des Carnivores en trois sous-familles : celles des Plantigrades, Digiigrades et Amphibies. PREMIÈRE SOUS-FAMILLE. PLANTIGRABES. PLANTIGRADÆ. G. Cuvier. Animaux marchant sur la plante entière des pieds, ayant tous cmq doigts à toutes-les extré- mités des membres; molaires montrant moins de carnivorilé que dans les deux sous-familles sui- vantes Le caractère principal des Mammifères de cette division consiste dans la marche plantigrade des animaux qui y entrent; mais l'on doit remarquer que ce caractère n'est pas exclusif pour cette sous- famille, car, non-seulement on le voit dans les Quadrumanes et dans un certain nombre d'espèces d'Insectivores et de Rongeurs, mais on le retrouve aussi dans des individus de la même famille, c'est-à-dire dans quelques genres de Digitigrades. tels que les Mélogales et les Gloutons. Ce sont ces particularités, et quelques autres sur lesquelles nous reviendrons, qui ont engagé plusieurs zoolo- gistes, et en particulier De Blainville et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, à ne pas adopter les divi- sions des Plantigrades et des Digitigrades de G. Cuvier, et à en revenir, en grande partie, à la classi- fication de Linné. Toutefois, les Plantigrades marchent essentiellement sur la plante des pieds et la paume des mains tout entière, ce qui leur donne plus de facilité pour se dresser sur leurs pieds de derrière. Ils n'ont pas de cœcum. Ils participent à la lenteur, à la vie nocturne des Insectivores, et, comme eux, certaines espèces éprouvent, pendant la froide saison, un engourdissement léthargique. Ce sont, en général, des Mammifères de grande taille, quoique quelques-uns d'entre eux n’atteignent que de moyennes dimensions. On n’en connaît pas un très-grand nombre d'espèces, quoiqu'ils soient ré- pandus sur presque toute la surface du globe, et l'on n'y a formé qu'un petit nombre de genres. L'on en a, surtout dans ces derniers temps, découvert un assez grand nombre d'espèces à l'état fossile. Les Plantigrades, qui correspondent presque entièrement au genre Ursus de Linné, seront divi- sés par nous en deux tribus : celles des Poripés, répondant à la famille du même nom de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et comprenant seulement le genre Kiukajou, et des Ursiés, répondant aux Ursiens de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et dont le genre le plus important, et que l'on peut seul adopter, est celui des Ours. PREMIÈRE TRIBU. POTIDÉS. POTIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Molaires alternes, à couronne au moins en partie tranchante. Circonvolutions cérébrales plus où moins développées. Doigts profondément divisés. CARNASSIERS. 179 Cette tribu, fondée par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire comme famille de ses Carnivores, et in- diquée par lui sous la dénomination que nous lui conservons, correspond aux divisions des Cerco- leptididæ et Cercoleptidinæ de M. Charles Bonaparte (Synopsis, 1837), et aux Pseudolemurideæ, Melecibineæ de Lesson (Nouveau Tableau du Règne animal; Mammifères, 1842). Elle ne renferme qu'un seul genre, celui des Kinkajous, que Linné rangeait parmi ses Viverra, et que d’autres natu- ralistes ont cru devoir placer à la suite des Makis ou Lemur, dans l’ordre des Quadrumanes; mais ilest bien démontré que, par son système dentaire et par la disposition de ses extrémités, il doit rentrer dans l’ordre des Carnivores, tandis que, par quelques-uns de ses caractères tout particu- liers, il forme, dans la sous-famille des Plantigrades, une division spéciale. GENRE UNIQUE. — KINKAJOU. POTOS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire et G. Cuvier, 1800. Tableaux élémentaires d'Histoire naturelle. Potos, uom appliqué à l'espèce unique de ce genre. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canines, =; moluires, =; en totalité trente-six dents; la dernière incisive de chaque côté très-légérement hors de ligne; les canines inférieures plus longues que les supérieures; les deux molaires antérieures les plus petites et les plus coniques; les trois der- nières à couronne tuberculeuse. Corps svelle. Tête arrondie. Museau peu prolongé. Oreilles ovales, assez grandes, membraneuses. Pieds à cinq doigts bien séparés, armés d'ongles assez robustes, très-comprimés et crochus. Queue lonque et prenante, comme celle de certains Quadrumanes, n'ayant pas de parties dé- pourvues «le poils Pelage laineux. Langue douce, extensible. LESESTRE = Fig. 57. — Kinkajou Le geure Kiokajou est l'un des plus curieux de ceux de la classe des Mammifères, en ce qu'il présente des caractères communs à plusieurs groupes, c'est-à-dire aux Quadrumanes ordinaires, aux Lémuriens, aux Insectivores, aux Chéiroptères et aux Carnivores; aussi les auteurs ont-ils été longtemps à le placer dans des divisions différentes. On l'a range, dans l'ordre des Quadrumanes, à la fin des Makis; mais, ainsi que nous l'avons dit, par l'ensemble de ses caractères, il doit être 180 HISTOIRE NATURELLE. compris dans la famille des Carnivores de l’ordre des Carnassiers; et là, d'après G. Cuvier, on le rangeait entre les Coatis et les Blaireaux, tandis que nous, pour ous conformer à la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, nous le mettons à la tête de la famille et aupres des Ours. C'est à Lacépède (Tableau des Mammifères, 1799-1800) à qui l’on doit réellement la création de ce genre, formé avec une seule esp'ce indiquée par Gmelin et Schreber sous le nom de Viverra cau- divolvula, et par Penuant, sous celui de Lemur caudivoluulus. ear il l'indique sous la dénomivation de Kinkajou; presque immédiatement, G. Cuvier adopta ce groupe, et Et. Geoffroy Saint-Hilaire lui appliqua le nom latin de Potos, tiré de la dénomination spécifique la plus vulgaire, celle de Potor, Potos où Poto En 1806, M. Constant Duméril (Zoologie analytique), imité par Tiedmann, appliqua à ce groupe le nom latin de Caudivoloulus teauda, queue; volvo, j'enroule), et Iliger, en 1811 (Pro- droma systematica Mammalium et Avium), celle de Cercoleptes (zssacs, queue; zezxcs, aminci); et ces deux dernières dénominations ont été assez généralement adoptées aux dépens de celle d’Et. Geoffroy Saint-Hilaire, qui avait cependant l’antériorité sur elles. D'après la forme du système dentaire des Kinkajous, Fr. Cuvier fait observer que ce genre s’é- loigne, à beaucoup d'égards, des Quadrumanes, mais qu'il ne se rapproche guère non plus des Car- nassiers, et c’est pour cela qu'il le range intermédiairement entre les deux. Pour nous, qui recon- naissons qu'aujourd'hui la caractéristique ne peut pas être tirée d'un caractère unique, ainsi que le faisait Fr. Cuvier, la question est tout à fait résolue, comme nous l'avons dit. Quoi qu'il en soit, à la mâchoire supérieure les deux premières incisives se ressemblent; elles sont terminées par des lignes droites, et, usées obliquement à leur face interne, elles ont la forme d’un coin; la troisième, plus grande que les autres, est coupée obliquement du côté de la canine, et elle est arrondie à son extrémité; après un intervalle assez grand, vient la canine, arrondie à sa face externe, aplatie à sa face interne, sillonnée longitudinalement sur l'une et sur l'autre, et tranchante postérieurement. Les deux fausses molaires qui suivent sont petites et à une seule pointe : la première est un peu plus longue que là deuxième, mais celle-ci est plus épaisse. La première molaire est fortement creu- sée dans son milieu longitudinalement aux mächoires; il en résulte deux crêtes, une au bord interne et l'autre au bord externe : la première est peu épineuse, et simple; la deuxième, plus épaisse, est partagée, dans son milieu, par une légère dépression qui forme deux petits tubercules : cette dent est plus étroite à sa partie interne qu'à sa partie externe. La suivante ne diffère de celle qui la pré- cède que parce qu'elle est aussi large à sa partie intérieure qu'à sa partie extérieure, et qu'elle est plus grande : la dernière, plus petite que les deux autres, est circulaire, creusée dans son milieu, et revêtue, sur ses bords, d’un bourrelet d'émail. A la mâchoire infériéure, les incisives, un peu plus petites que celles de la mâchoire opposée, leur ressemblent, du reste, tout à fait, excepté la troisième, qui est moins longue, et coupée moins obliquement. La canine est très-épaisse à sa base, el terminée, postérieurement, par une face oblique et aplatie. Les fausses molaires sont semblables à celles de l'autre mâchoire, avec une forme un peu plus crochue. La première molaire est plus éle- vée antérieurement que postérieurement, creusée dans son milieu, et garnie, sur ses bords, d'une crête d'émail, La deuxième, qui est plus grande, ainsi que la troisième, présentent également pour caractère une partie centrale ercusée et des bords d'émail relevés en crêtes, sur lesquels s'obser- veut de légères dépressions. Dans leur position réciproque, ces dents sont assez semblables à celles des Quadrumanes. Le squelette des Kinkajous a surtout été étudié par De Blainville; d'après lui, les os qui lé com- posent, comme ceux de tous les Petits-Ours, sont fréquemment sujets à S'impreguer d'une grande quantité de graisse. Ce squelette diffère de celui du type des Ours, pour se rapprocher de la forme vermiforme assez allongée de celui des Martes, et il est surtout remarquable par la longueur de sa queue. En totalité, il y a soixante-quatre vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, qua- torze dorsales, six lombaires, trois sacrées et trente coceygiennes. Les vertèbres céphaliques sont tellement courtes, aussi bien dans leur corps, du reste assez large, que dans leur arc, arrondi et voûté sans étranglement postorbitaire, qu'il en résulte une tête qui a quelque ressemblance avec celle des Chats et des dernières espèces d'Ours, et cela d'autant plus que les mächoires sont elles- mêmes encore beaucoup plus courtes, au point que la moitié de la ligne basilaire se trouve au delà du bord postérieur de l'orbite, au milieu de l'arcade zygomatique : la boite céphalique est, du reste, sans crête sagittale, l'occipitale étant même peu marquée, et, en outre, remarquable par la grande saillie . J 5 ne pie 1 - Bec-de-èvre à ventre blanc, Vis, 2 — Phyllophora nigra 12 CARNASSIERS. 181 de l'apophyse orbitaire du frontal, presque épineuse, par la petitesse des os du nez, triangulaires et ressemblant à ceux de certains Singes, et par la position un peu avancée ou moins terminale du trou occipital. La màchoire inférieure, fort courte et large dans sa branche horizontale, dont la symphyse est haute et oblique, est soudée à angle droit dans sa branche verticale, de manière à ressembler un peu à celle des Quadrumanes; seulement, l'apophyse coracoide est plus élevée, plus arquée, le condyle plus large et plus transverse; et, enfin, outre l'apophyse angulaire arrondie, il ÿ en a une autre supérieure plus petite, presque contigué au condyle. Les vertèbres cervicales sont très-courtes; l'apophyse épineuse de l’axis un peu élevée en avant; les apophyses transverses sont dilatées, même celles de la sixième, Les vertèbres dorsales sont un peu allongées dans leur corps; mais leur apophyse épineuse est assez élevée et assez large. Les vertèbres lombaires s’allongent dans leur corps; leur apo- physe épineuse est médiocre; le styloïde des articulations est considérable, et les transverses, élar- gies, sont fortement dirigées en avant. Les vertèbres sacrées ne sont presque qu'au nombre de deux. dont la première seule est articulée avec l'iléon, et encore sont-elles libres par l’apophyse épineuse. Parmi les vertèbres coccygiennes, les cinq ou six premières sont complètes, avec des os en V; les suivantes s’allongent peu à peu pour décroitre ensuite, mais peu rapidement, et elles sont pourvues toutes, comme à l'ordinaire, de six épines ou apophyses en avant : deux en haut, deux latéralement et deux en bas, et de trois seulement en arrière : une médiane en dessus et deux latérales. L'hyoïde a son corps d'abord court, pourvu d’une paire d’apophyses inférieures très-prononcées; les cornes postérieures sout soudées, comme formées de deux articles. Le sternum est composé de dix pièces: le manubrium ayant une pointe assez obtuse en avant; les pièces intermédiaires courtes, compri- mées, et le xiphoïde étroit, assez long. Il y a quatorze paires de côtes, remarquables par leur lon- gueur, leur peu d'arqüre en dehors, et leur presque égalité de grosseur. Les membres ont assez bien entre eux la proportion de ceux des Blaireaux. L'omoplate est. large et courte, très-arrondie dans ses deux bords antérieur et supérieur; sa crête, obliquement portée en avant, est simple à sa ter- minaison acromiale. I n'y a pas de clavicule; quoique Fr. Guvier et M. Fischer de Waldheim en in diquent une. L'humérus est court, robuste, courbé en S, n’égalant en longueur que les neuf pre mières vertèbres dorsales. Le radius, d'un cinquième au moins plus court que l'humérus, à sa tête plus arrondie. Le cubitus est très-comprimé, comme canaliculé dans sa longueur. pourvu, en haut, d'un olécrane court, recourbé en dedans, et, en bas, d'une apophyse styloide très-courte. La main. en totalité, égale à peine le radius en longueur; les métacarpiens sont courts, et les phalanges sont très-grèles. Les membres postérieurs sont plus longs que les antérieurs. L'os innominé, à peine aussi long que le fémur, et fortement excavé à la face externe de l'iléon, est remarquable par le peu détendue de son articulation avec le sacrum, et surtout par sa direction bien moins parallèle à la colonne vertébrale que dans les Petits-Ours; la symphyse pubienne est toujours fort large. Le fémur est à peine plus long que l'humérus, à peu près droit, assez fortement élargi, surtout inférieurement. La jambe, qui ne surpasse la longueur de la cuisse que d'un dixième environ, est composée d'un tibia et d'un péroné plus grèles que ceux du Blaireau. Le pied est assez étroit; le tarse surtout assez allongé, les métatarsiens et les phalanges sont très-grêles. Dans les Kinkajous, la tête est globuleuse, les yeux sont grands, les oreilles sans lobule, et ayant une forme à peu près demi-cireulaire; les narines sont ouvertes sur les côtés du mufle; la languc est douce et longue. Les pattes ont toutes cinq doigts, et chacun de ces doigts est terminé par un ongle un peu crochu et très-comprimé; le pouce est beaucoup plus court que les autres doigts aux pieds de derrière; le troisième et le quatrième doigt sont les plus longs; aux pieds de devant, les trois doigts du milieu sont à peu près de même longueur; les deux latéraux sont plus courts. Li queue, couverte de poils dans toute son étendue, est longue et susceptible de s'enrouler autour des corps, ce qui a fait rapprocher ces animaux des Singes à queue prenante. Le pelage est touifu, et généralement laineux. Les mamelles sont inguinales, et au nombre de deux seulement. Le Kinkajou est un animal nocturne, à démarche lente, recherchant les contrées solitaires et montueuses. Il se met à l'affat sur les branches des arbres; la queue, étendue horizontalement, est en volute à l'extrémité; il atteint avec une grande dextérité les petits Mammifères et Oiseaux, dont il fait sa proie; se jette avec avidité sur les volailles, en les saisissant sous l'aile et en buvant le sang, sans les déchirer. Il joint à cette nourriture du miel d'Abeilles sauvages, des œufs d'Oiseaux, et, dit-on, une nourriture plus végétale, telle que des bananes, ete. Il s'apprivoise très-aisément, 182 HISTOIRE NATURELLE. et devient même alors caressant; très-vif dans ses mouvements, et ayant presque toute l'allure d'un Singe. Il habite l'Amérique, où il porte les noms de Cuchumbi et Monavir. On n’en connait qu'une espèce. KINKAJOU ou POTO. Buffon. POTUS CAUDIVOLVULUS (VIVERRA). Gmelin. Canacrères sréciriques. — Pelage d'un roux vif en dessous et à la face interne des quatre jambes, d'un roux brun à la face externe des membres et en dessus du corps; pattes et extrémité de la queue presque entièrement brunes; mais ces diverses teintes pouvant varier suivant les différents indivi- dus. Longueur de la tête et du corps : 0",50; celle de la queue, à peu près égale, mais cepen- dant un peu plus considérable. Cette espèce, dont nous avons indiqué les mœurs dans nos généralités génériques, semble se trou- ver dans toute l'Amérique, principalement dans les contrées méridionales. Selon M. De Humboldt, elle est particulièrement abondante dans la Nouvelle-Grenade, près de Muzo, et dans la Mésa de Guandinz. On l’a trouvée aussi dans les forêts de Fernambuc et sur les rives du Rio-Negro; mais on ne la rencontre pas dans les provinces de Cumana et des Caracas. Sonnini dit qu'elle existe dans l'Amérique septentrionale, probablement dans la Louisiane et les Florides, et il répète, avec Pen- nant, qu'on la voit également à la Jamaïque, où elle est rare, et porte les noms de Potot, Potos, ou Poto. M. De Humboldt ne l’a pas rencontrée dans l'ile de Cuba. Enfin, Warden dit qu'on la trouve dans le New-Hamsphire, mais il ne l’affirme pas, et paraît même en douter. DEUXIÈME TRIBU. URSIENS. URSII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Doigts peu profondément divisés. Membres complétement plantigrades, assez courts, épais. Maächelières toutes tuberculeuses. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a formé sous cette dénomination une tribu particulière de la famille des Viverridés, de la section des Carnassiers carnivores, et il y comprend principalement les genres Ours, Mélours, Raton et Coau, c'est-à-dire des animaux qui formaient le genre linnéen Ours (Ursus). Cette tribu correspond aux Ursidæ de M. Gray, aux Ursinæ de M. Swainson et aux Omnivora de M. Tschudi. Les Ursiens sont en assez petit nombre, et se trouvent répandus presque partout; on en connaît presque autant d'espèces fossiles que d'espèces vivantes. Le nombre des genres proposés par les auteurs est presque aussi considérable que celui des espèces admises, mais, si l’on veut parvenir à caractériser les groupes génériques d'une manière convenable, on doit les restreindre de beaucoup et ne conserver guère que ceux créés par les auteurs du siècle dernier. Nous subdiviserons cette tribu en deux groupes, à la manière de De Blainville; nous y admettrons des Ours proprement dits, et des Pemrs-Ouns : les premiers, désignés sous la dénomination latine d'Ursus, et les seconds sous celle de Subursus CARNASSIERS. 183 Fa) Lac 17. LBraniere divicten. OURS PROPREMENT DITS. URSI. Linné. De Blainville. Animaux de grande taille. Formes épaisses. Pieds fortement plantigrades. Molaires peu tuberculeuses. Les animaux de cette division peuvent être compris dans un seul genre, celui des Ours, quoi- que l'on ait proposé d’y former d'assez nombreuses subdivisions : tels que les genres T'halarctos et Danis, Gray; Helarctos, Horsfield; Prochilus, Iliger, qui lui-même répond aux Melursus, Meyer, etc., que nous indiquerons simplement comme des sous-genres. Nous y joindrons également quelques groupes de fossiles, qui doivent rentrer dans ce genre naturel, et que l'on a indiqués sous les noms d'Ursus; d'Amphiarctos, De Blainville; Cultridens, Croizet, etc. GENRE UNIQUE. — OURS. URSHIS. Linné, 1755. Systema nature. Nom appliqué très-anciennement à ce 2roupe d'animaux. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Formule dentaire : incisives, $; canines, =; molaires, en totalité quarante-deux dents. Les incisives sont bien rangées : les deux extérieures plus fortes et plus pointues que les quatre intermédiaires, et, à la mâchoire inférieure, ces deux mêmes dents étant larges, pointues, avec un lobe latéral bien séparé à la face externe; les canines sont fortes et coniques; les molaires peuvent être en nombre variable si l'on ne prend pas l'animal adulte, car les fausses molaires ne sont pas encore venues dans les jeunes individus, et elles sont tombées dans les très-vieux : il y a trois vraies molaires très-larges, à couronne carrée, totalement tuberculeuses, et trois fausses molaires supé- rieures, et quatre inférieures, petites, obtuses, espacées entre elles. Corps trapu, couvert d'un épars et long pelage, lisse ou laineux. Tête grosse, à museau plus où moins prolongé, et mobile. Narines ouvertes. Oreilles médiocrement grandes, un peu pointues, velues des deux côtés. Paites épaisses, terminées par des extrémités fortement plantigrades; ces pattes ayant toutes cinq doigts presque éqaux, armés d'ongles très-forts, très-courbés, et destinés à creuser la terre, ou à permettre à l'animal de s’accrocher au tronc des arbres quand il grimpe. Queue très-courte. Cerveau volumineux, à circonvolutions nombreuses. Langue lisse. Mamelles au nombre de six : deux pectorales et quatre ventrales. Pas de cœcun. BAR Les Ours sont des animaux très-remarquables parmi les Carnivores, à cause de leur grande taille, et l’on peut dire qu’à l'exception de quelques espèces de Chats et de Phoques, ce scntles plus grands 184 HISTOIRE NATURELLE. Carnassiers. On connait la physionomie générale de ces Mammifères, leurs formes trapues, l'épais- seur de leur taille et de leurs membres, et la pesanteur de leur allure, qui semblent annoncer un naturel grossier et sauvage; cependant, leur front large, leur museau fin, leur tête, qu'ils portent habituellement haute, détruisent en partie l'impression qui résulte de leurs proportions générales; c’est, en effet, qu'ils se distinguent par tout ce qui tient à l'intelligence. Doués d'une force à la- quelle la plupart des animaux ne sauraient résister, les Ours sont peu dangereux et ne font que rarement usage de leurs puissants moyens d'attaque, parce que l’organisation de leur appareil digestif les rend plutôt omnivores que carnivores; cependant ils deviennent très-carnassiers quand ils sont pressés par la faim. Fig. 58. — Ours brun des Alpes Les molaires, au lieu d'être tranchantes et disposées de manière à se rencontrer par leurs faces latérales et à agir entre elles comme le font les deux branches d'une paire de ciseaux, sont larges, aplaties, tuberculeuses, et disposées de manière à se rencontrer, par leurs couronnes, avec celles de l'autre mâchoire, et à agir sur elles comme le fait le pilon sur son mortier, d’où il suit qu’elles sont très-propres à écraser et à broyer des matières végétales, mais qu'elles ne peuvent que difficilement couper ou déchirer de la chair, ce qu'ils ne font qu'avec leurs incisives. Le système dentaire de ces animaux étant des plus importants, nous croyons devoir reproduire en entier la description qu'en donne Fr. Cuvier (Dents des Mammifires, 1895). À la mâchoire supérieure, le nombre des incisives et celui des canines est de six pour les premières, et de deux seulement pour les secondes. Les deux premières incisives, d’égale grandeur, ont du rapport avec celles de la même mâchoire dans le genre Chien, mais le lobe moyen efface presque entièrement, par sa grandeur, les lobes latéraux, l'un et l’autre très-petits. Elles sont divisées en deux parties, intérieurement, par un sillon transversal, et la partie interne, bien moins saillante que la partie opposée, est partagée elle- même en deux lobes par une dépression qui est perpendiculaire au sillon transversal. La troisième incisive est divisée en deux parties par un sillou oblique, et sa forme crochue la rapproche un peu de la canine. Celle-ci vient ensuite après un petit intervalle vide; elle est conique, légèrement cro- chue, et garnie, longitudinalement en avant et en arrière, d’une côte tranchante. Immédiatement à la base de la canine est une fausse molaire en rudiment; puis, à peu de distance, on en trouve une seconde qui tombe quelquefois avec l’âge; et, après un autre vide, on en voit une troisième à la base de la carnassière, très-peu développée aussi, mais parfois. cependant, à deux racines. La carnas- sière est réduite aux plus petites dimensions : extérieurement, on y reconnaît le tubercule moyen, qui est propre à cette espèce de dent chez les petites espèces de Plantigrades, ainsi que le tubercule postérieur, mais le lobe antérieur est presque effacé; à son côté interne se trouve, postérieurement, un tubercule plus petit que les précédents, et qui l'épaissit. Cette position particulière du tuber- eule interne, que l'on voit en général à la partie antérieure des carnassières supérieurés, tandis que c'est à commencer par la partie opposée que les fausses molaires deviennent tuberculeuses, semble CARNASSIERS. 159 Fig. 59. — Ours brun Fig. 60. — Patte antérieure. Fig. 61. — Patte postérieure Fig. 62. — Ours polaire. Fig. 65. — Patte antérieure. Fig. 64. — Patte postérieure, L-} Le] E 15 24 156 HISTOIRE NATURELLE. devoir faire regarder cétte dent, non comme une carnassière, mais comme une fausse molaire; ct alors la carnassière supérieure aurait entièrement disparu, et la seule fausse molaire normale qui existerait remplirait les fonctions de carnassière. La dent suivante présente, à son bord extrême, les deux tubercules principaux des premières tuberculeuses ; à son côté interne sont deux tubercules parallèles aux deux premiers, mais séparés l’un de l'autre par un tubercule plus petit : cette dent est à peu près le double plus longue que large. La dernière molaire, d'un tiers plus grande que la précédente, dont les proportions sont les mêmes quant aux rapports de la longueur à la larceur, offre, sur son bord externe, à sa partie antérieure, deux tubercules qui semblent avoir leurs analogues à la dent précédente, mais qui sont un peu plus petits. Au bord intérieur de cette même partie est uue crête divisée en trois par deux petites échancrures. La partie postérieure est un talon qui fait à peu près un tiers de l’étendue de la dent, laquelle est bordée d'une crête divisée irrégulièrement par trois principales échancrures, et tout l'intérieur de la couronne est couvert de petits sillons, de petites aspérités, qui sont propres aux Ours. À la mâchoire inférieure, le nombre des incisives est également de six,et celui des canines de deux, comme dans les petits Plantigrades. Les incisives sont bilobées comme celles des Chiens, et les canines garnies de côtes semblables à celles de la mâchoire opposée. Les fausses molaires sont au nombre de deux ou trois, et même quel- quefois de quatre : les premières sont à la base des canines, les autres en sont séparées par un intervalle vide, et se trouvent rapprochées des mâchelières proprement dites. La première est plus grande que la deuxième, et se conserve chez l'animal adulte; la deuxième, extrêmement petite, tombe avec l’âge, et, sous ces différents rapports, la troisième lui ressemble; la quatrième seule a une forme normale, Après elle vient une dent étroite comparativement à sa longueur, mais non tran- chante. Ün y remarque, antérieurement, un tubereule, puis un autre à sa face externe, et deux plus petits à la face interne, vis-à-vis du précédent. Ces quatre tubercules forment à peu près la moitié de la dent; après eux, vient une profonde échancrure, et la dent se termine, en arrière, par une paire de tubereules. La mâchelière suivante, qui est la plus grosse des dents de cette mâchoire, est fort irrégulière quant à la distribution de ces saillies et de ces creux, de ces tubercules et des vides ou des dépressions qui les séparent. On y distingue cependant deux tubercules principaux à sa moitié antérieure : l'un à la face interne, lautre à la face externe, qui sont réunis par une crête transversale; mais ces tubercules sont subdivisés, l'interne surtout, par de petites échancrures qui le partagent en deux ou trois autres. On pourrait dire de même de la partie postérieure, et, cepen- dant, une figure seule peut en donner une idée bien nette, car elle est encore plus irrrégulière que l’autre. La dernière dent, encore moins susceptible d'être décrite que la précédente pour les détails, est plus petite qu'elle, a une forme elliptique, est bordée, dans son pourtour, d'une crête irrégu- lièrement dentelée, et garnie, dans son intérieur, de rugosités plus irrégulières encore. Dans leur position réciproque, toutes ces dents sont opposées couronnes à couronnes, excepté la première molaire ‘inférieure, dont le bord externe est, à sa partie antérieure, en rapport avec le bord interne de la carnassière supérieure, seules dents qui, chez ces animaux, sont propres à couper de la viande, encore ne peuvent-elles le faire qu'imparfaitement. A ces détails, nous ajouterons quelques remarques sur le système odontologique d’après De Blainville (Ostéographie). La troisième incisive d'en haut est en forme de canine, et la moyenne parmi celles d'en bas étant sur un plan un peu plus interne que les autres, tend à être repoussée en dedans par suite de la pression qne détermine le développement des canines. Celles-ci sont tou- jours normales, très-fortes, coniques, avec une petite carène en avant comme en arrière. Les molaires supérieures peuvent être divisées en trois avant-molaires : une principale et deux arrière-molaires. Des avant-molaires, la première est toujours collée contre la canine, et les deux autres plus petites. espacées également, et occupant la barre. La principale est très-petite; elle est presque triquètre. à deux racines, et collée contre la dent qui suit. Les deux arrière-molaires sont plates et entière- ment tuberculeuses, l'étendue et la disproportion de ces dents peuvent servir à établir la série des espèces, si, toutefois, elles ne varient pas selon les sexes. À la mâchoire inférieure, les avant- molaires sont au nombre de trois : la première accolée contre la canine, et les deux autres, plus petites, également distantes et remplissant la barre. La principale est également assez petite, elle offre deux racines, sa couronne est comprimée, et presque à trois lobes. Des trois arrière-molaires, la première, un peu plus longue, mais plus étroite que la deuxième, est formée de deux lobes non CARNASSIERS. ù FST bifides; la deuxième, plus longue qu'épaisse. est composée, à la couronne, de deux paires de mamelons obtus, et la troisième, ou dernière. est la plus petite : sa couronne est ronde, pres- que plate L'âge apporte au système dentaire des différences assez considérables, et il y a deux formes de dents avant celles de l'adulte; quant aux sexes, il nv a de différences que pour la gran- deur des dents, et surtout pour celle des canines. toujours un peu plus grèles dans les femelles: mais il n’en est pas de même des espèces. Le système dentaire, convenablement étudié, les diffe- rencie très-bien, et mieux qu'aucune autre partis de l'organisme; toutefois, ces différences sont plus faciles à sentir qu'à exprimer, même par l'icouographie, et elles sout, jusqu'à un certain point, tra- duites par les racines et par les alvéoles de ces dents. Le squelette des Ours offre des particularités des plus remarquables, aussi pensons-nous devoir donner un extrait de son histoire, principalement d'après l'Ostéographie de De Blainville, qui a pris pour type l'Ours brun d'Europe, Ursus arctos. Ce squelette indique une grande force et une puissance d’action remarquable dans l'animal dont il constitue la charpente, surtout quand on l’étudie provenant d'un individu mâle et dans la force de l'âge. Les os montrent, dans leur structure, une consistance, une densité manifestes dans la grande épaisseur et la dureté des parties éburnées, dans l’étroitesse du canal médullaire des os longs, et dans l'état serré, condensé des extrémités, et même du corps des os plats et courts. La surface extérieure de ces os est presque partout fortement accidentée ou accentuée par les saillies, apophyses, crêtes et rugosités d'insertion musculaire. {ls se touchent par de larges surfaces articu- laires, fortement sinueuses, et revêlues de cartilages épais; ils sont en général assez courts, larges, robustes, et leurs proportions rappellent un peu ce qui se voit dans l’homme, du moins dans le tronc et dans les membres. Le nombre des os du squelette est aussi un peu moins considérable que dans les autres Carnivores, surtout à cause de la brièveté de la queue. Fig. 65. — Ours des Asturies. Squelctte. La colonne vertébrale est en général assez courte, large, épaisse, en totalité et dans ses parties; en même temps qu'elle est très-hérissée d’apophyses et très-serrée dans ses parties composantes. Les courbures, au nombre de deux seulement, sont assez peu marquées. Il y à quarante-quatre ver- 188 HISTOIRE NATURELLE. tèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, cinq lombaires, cinq sacrées et neuf à dix coceygiennes. Les vertèbres céphaliques sont, en général, longues, quoique peu étroites et légèrement arquées horizontalement dans leur base, qui est large et plate, comme leur are; nous ne pouvons entrer dans la description détaillée de ces vertèbres et des différentes parties qu'elles présentent, et nous nous bornerons à dire que la tête qu'elles forment est arrondie, forte, mais un peu allongée, et qu'elle présente des différences assez considérables dans la série des es- pèces. Les vertèbres cervicales sont assez courtes, leur longueur totale égalant à peine le tiers de celle du tronc; aussi ont-elles le corps large, plat, et même légèrement canaliculé en dessous, coupé un peu obliquement à chaque extrémité, de manière à s’imbriquer l'une l'autre, et les apo- physes sont généralement assez marquées. L'atlas, médiocre dans son corps, sans apophyse épi- neuse en dessus comme en dessous, avec lexcavation articulaire postérieure égale à l’antérieure, est pourvu d’apophyses transverses longues, étroites, à bords presque parallèles, obliquement et fortement déjetées en arrière. L’axis, fort long dans son corps excavé en dessus comme en dessous, offre des apophyses transverses étroites et très-obliques en arrière. Les trois vertèbres cervicales intermédiaires sont presque semblables, courtes. La sixième a son apophyse épineuse étroite, éle- vée, mais moins que la septième, au contraire des apophyses transverses, qui sont très-élargies, et semi-lunaires à leur bifurcation. Les vertèbres dorsales sont en général plus courtes, plus ramassées, plus serrées, dans toutes leurs parties; leur corps est court, arrondi en dessus, et leur apophyse épi- neuse est toujours forte et épaisse. Les vertèbres lombaires ressemblent aux vertèbres dorsales, mais elles sont encore plus larges et plus robustes qu'elles. Les vertèbres sacrées sont courtes, sou- dées par leurs apophyses épineuses et transverses Le sacrum, qui résulte de la réunion de ces cinq vertèbres, est très-solide, assez plat, large, et percé de quatre trous ronds en dedans comme en dehors, et ses bords sont assez peu parallèles. Les vertèbres coccygiennes sont très-petites, apla- lies, courtes, décroissant peu rapidement de la première à la dernière; aucune n'a ni arc, ni apo- physe épineuse, ni même d'os en V. « L'hyoide a son corps en petite barre transverse presque droite; ses cornes antérieures, médiocres, forniées de trois articles assez épais, croissant du premier au dernier, un peu claviformes, et les postérieures simples et grêles. Le sternum est composé de sept pièces, assez courtes et robustes. Le manubrium est obtus, comme tronqué en avant, sans prolongement cartilagineux; et le xiphoiïde est assez court, étroit, conique, médiocrement dilaté ou spatulé à sa terminaison. Les côtes, au nombre de quatorze paires, dont neuf vraies et six fausses, sont longues, comprimées, à bord antérieur s’avançant assez sur la gouttière, et leur gracilité augmente de la première à la dernière. Le thorax, que ces diverses parties produisent, est grand, assez large, mais un peu moins allongé que dans les autres Carnivores. Les membres, en général, sont robustes, assez courts, presque égaux: ceux de devant, cependant, un peu plus longs que ceux de derrière; ils sont peu distants entre eux, et se fléchissent presque à angle droit au carpe et au tarse. Les membres antérieurs sont remarquables par leur grande force. L’omoplate est de forme paral- lélogrammique, très développée aussi bien en largeur qu’en hauteur. La cavité glénoïde est très- grande, ovale, allongée, sans apophyse coracoïde, ni rétrécissement en forme de cou un peu mar- qué. I n°ÿ a aucun rudiment de clavicule, pas même suspendu dans les chairs. L'humérus, gros et robuste, est assez court: sa tête est très-large, arrondie; son corps, assez marqué en avant, est presque triquètre dans sa partie postérieure; son extrémité inférieure "est large et aplatie. L'avant- bras n'est pas tout à fait aussi long que l'humérus, au contraire de ce qui a lieu chez les autres grands Carnivores, et, en outre, il est plus robuste que le leur. Le radius est surtout épais et tour- menté. Le cubitus est moins robuste proportionnellement. La main, en totalité, est bien plus courte que l’avant-bras; mais elle est large er robuste. Le carpe présente, à sa première rangée, un sca- phoïde, un triquètre et un pisiforme; à sa deuxième, un trapèze, un trapézoïde, un grand os et un unciforme. Les métacarpiens sont presque droits, forts, médiocrement longs, presque égaux. Les phalanges sont encore proportionnellement plus courtes que les métacarpiens; elles sont au nombre de trois à chaque doigt. L'os innominé est tout à fait parallèle à l'axe vertébral. L'iléon est assez court, large et épais, solidement articulé avec les deux premières vertèbres sacrées. Le pubis est également remarquable CARNASSIERS. 189 par l'étendue et la largeur de sa symphyse. L'iskion est assez court, fortement élargi en arrière, de manière à constituer avec le pubis un trou obturateur grand et arrondi. La cavité cotyloïde, for- mée par la réunion de ces trois os, est ronde, profonde, et largement échancrée postérieurement. Enfin, le bassin lui-même, considéré en totalité, est large, grand et allongé. Le fémur est le plus long de tous les os du squelette; il est presque tout à fait droit dans son corps : sa tête supérieure est très-arrondie, et l'extrémité inférieure prend une épaisseur assez considérable. Les os de la jambe, plus courts que le fémur de plus d'un quart, et à peine plus longs que ceux de Pavant-bras, sont aussi assez robustes, et plus que dans aucun autre Carnivore. Le tibia, presque droit, triquètre dans son corps, est élargi à ses deux extrémités. Le péroné, très-comprimé, au point d'être tran- chant sur ses deux bords, est fortement élargi supérieurement et surtout inférieurement, où il con- stitue une malléole externe très-saillante. Le pied ressemble beaucoup à la main dans presque toutes ses parties. Le tarse comprend : un astragale aussi large que long; un calcanéum également peu allongé, épais; un scaphoïde assez étendu, triangulaire; un cuboïde qui ressemble assez à celui de l’homme, mais qui, toutefois, est moins cubique. et trois cunéiformes. Les métatarsiens, et même les phalanges du pied, sont si semblables aux métacarpiens et aux phalanges de la main, qu'il est très-difficile de les distinguer. On remarque cependant que les métatarsiens sont en général un peu plus grêles, plus longs et un peu plus arqués que les métacarpiens, qu'ils ont surtout leur tête un peu plus comprimée. Quant aux phalanges, qui sont aussi proportionnellement un peu moins épaisses, les onguéales seules sont susceptibles d’être aisément distinguées de celles de la main par plus de brièveté dans la pointe qui les termine. Le nombre des os sésamoïdes est considérable, et, généralement, ils prennent un développement très-grand. Nous ne citerons parmi eux que la rotule, qui est large, arrondie, épaisse, assez régn- lière, et même un peu symétrique, en sorte qu'elle rappelle assez bien celle de l’homme. L'os du pénis existe, et est même assez développé: il est allongé, presque cylindrique, canaliculé à sa face supérieure, et terminé en avant, après s'être reuflé un peu, par une pointe qui occupe la partie inférieure du renflement. La description que nous venons de donner se rapporte spécialement, comme nous l'avons dit, à l’Ours brun d'Europe; les différences que les autres espèces présentent sous le rapport du sque- lette ne sont pas considérables, et ne portent guère que sur des nuances de formes et très-rarement sur le nombre des os. Cela étant, nous ne suivrons pas De Blainville dans l'étude qu'il fait de l'Ours noir d'Europe, de l'Ours noir d'Amérique, de l'Ours blanc, et des Ours à grandes lèvres, malais et orné; nous dirons seulement que ces trois derniers se distinguent, sous le rapport ostéologique, de l'Ours brun d'Europe plus aisément que les deux autres. Le système musculaire, qui doit être lié intimement au système osseux, est également très-puis- sant. Les muscles de la colonne vertébrale, et ceux qui servent à faire mouvoir les membres, sont très-épais et très-développés. Les organes de mouvement des Ours rendent bien raison de la pesanteur de leurs allures, ainsi que le fait observer Fr. Cuvier; au lieu de marcher sur le bout des doigts, comme tous les animaux légers et coureurs, ils marchent sur la plante entière des pieds; chacun de leurs pieds a cinq doigts armés d'ongles forts et crochus, très-propres à fouir la terre, et ils sont presque privés de queue. Mais, si leur marche franchement plantigrade, ainsi que le peu de longueur de leurs membres, s'op- pose à la vélocité de leurs mouvements, la structure de leurs-membres leur donne la faculté de se tenir debout avec une grande facilité, de monter sur les arbres, dont ils peuvent embrasser le tronc et saisir les branches; et la forme de leur corps, ainsi que la quantité de leur graisse, en font de très-bons nageurs. Leurs yeux sont petits, mais ils ont toutefois une bonne vue. Leurs oreilles sont velues sur les deux faces, la conque auditive externe est peu développée, arrondie, et leur ouïe est très-délicate. L'odorat, chez eux, est des plus étendu. Outre l'allongement du museau, ils ont des narines très-grandes, très-ouvertes, entourées d’un mufle dont le cartilage a une mobilité consi- dérable, et il est même une espèce chez laquelle cette partie est si large et si mobile, qu'elle semble former de véritables valvules. Les lèvres sont aussi d’une extrême mobilité, et la langue est longue et très-douce. Ges animaux paraissent même se servir de ces organes pour palper les corps, et, ce qui est certain, c’est que, chez eux, Le goût est aussi fin que l’odorat. Les moustaches sont peu pro- noncées, tandis que le pelage est touffu, plus ou moins hérissé, composé de poils longs, lanugineux à 190 HISTOIRE NATURELLE la base, plus ou moins lisse au sommet, devenant plus nombreux et plus hérissé en hiver, plus lisse et plus couché en été. En totalité, leur tête est allongée, large en arrière et terminée en avant par un mu- seau assez fin, mais d'ailleurs d’une forme assez variable et qui a servi à fournir de bons caractères pour distinguer les espèces, comme l'ont montré, les premiers, Et. Geoffroy Saint-Hilaire et G. Cuvier. Fig 66 — Ours noir d'Amérique Le système de coloration de ces animaux étant à peu près uniforme, on ne peut guère en tirer de caractères un peu importants; on doit cependant faire observer que, dans certaines espèces, dans le jeune âge, et dans d’autres pendant toute la vie, on remarque que la partie interne du cou ou de la poitrine est blanche, ou du moins de couleur plus claire que le reste. Quant à la couleur elle- même, si plusieurs espèces sont communément noires, tandis que d’autres sont brunes, fauves ou blanches, il faut savoir que, dans ce genre plus que dans tout autre, à cause de ses habitudes al- pines, les poils qui sont brun foncé ou presque noirs dans l'âge adulte, et lorsqu'ils viennent d’être renouvelés, perdent peu à peu cette couleur foncée pour roussir, jaunir et blanchir de plus en plus, à mesure que l'animal devient plus âgé, que le poil devient lui-même plus vieux, et que la saison hi- vernale est plus intense. Il peut également y avoir quelques différences de coloration suivant les sexes, et l’on connaît des cas assez bien constatés d'un albinisme complet. Quelques points de l'anatomie interne des Ours doivent être signalés ici : le cerveau est volumi- neux, et ses circonvolutions sont assez nombreuses. L’estomac est de médiocre grandeur; l'intestin, assez long, est à peu près de même diamètre dans presque toute sa longueur : comme chez les au- tres Plantigrades, il n'y a pas de cœcum. La crosse de l'aorte ne fournit que deux artères : la sous- clavière gauche et un tronc d’où proviennent les deux carotides primitives, et la sous-clavière droite, Les reins présentent une particularité des plus remarquables: ils sont tellement divisés et se trouvent composés de lobules tellement distinets, qu'on a pu les comparer à des grappes de raisin. Les organes principaux de la reproduction des mäles sont suspendus dans un scrotum, comme chez la plupart des Carnassiers; il n’y à pas de vésicules séminales. Le genre Ours, comme le fait observer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, est très-remarquable, non-seulement en ce qu'il offre une combinaison de caractères zoologiques qui lui est propre et que l’on peut regarder comme très-singulière, mais aussi, et c’est sous ce point de vue qu'il semble sur- tout très-intéressant, par la concordance parfaite que l’ou observe entre les modifications organiques de ses organes digestifs et celles de ses membres, entre ses goûts et les moyens qu'il a de les sa- tisfaire. De tous les Carnivores, les Ours sont en même temps ceux qui ont le moins d'appétit pour la chair, et ceux qui réussissent, avec le plus de difficulté, à se procurer une proie vivante et à la déchirer. Ils se nourrissent de substances végétales et animales, et S'habituent aussi bien aux unes qu'aux autres; ce sont cependant les matières sucrées qui leur plaisent le plus; ils aiment le miel avec une sorte de fureur, et vont le chercher sur les arbres en détruisant les ruches. En liberté, ils mangent les jeunes pousses des arbres, les fruits et les racines succulentes, et, lorsque la faim les presse, ils attaquent les animaux, mais ils ne s'y décident, dans nos climats au moins, qu'à la CARNASSIERS. 191 dernière extrémité; toutefois, quand ils sont familiarisés avec le danger qu'ils courent en attaquant la proie vivante qu'ils peuvent vaincre, ils s’y exposent et le bravent quelquefois. « C'est sûrement, dit F. Cuvier, pour avoir observé des Ours placés dans des circonstances différentes, à l'égard de la nourriture qu'ils avaient été plus ou moins à même de se procurer, que quelques auteurs ont dis- tingué ces Mammifères en espèces carnassières et en espèces herbivores; car, sous ce rapport, tous ont le même naturel, excepté l'Ours blanc, qui, par le goût qu'il a pour la chair dans son état de nature, confirme ce que nous venons de dire sur les effets de l'habitude. En effet, ces Carnivores ne se nourrissent exclusivement de chair que parce qu'ils ne peuvent trouver d'autre nourriture dans les régions glacées qu'ils habitent, et la preuve, c'est qu’en domesticité on les habitue sans peine à ne se nourrir presque uniquement de pain. » C’est en humant au moyen de leurs lèvres extensibles que les Ours boivent; on sait qu'ils aiment, surtout l’Ours blanc, se vautrer souvent dans l'eau. Ge sont des animaux qui recherchent la solitude. Ce que dit Buffon de l'Ours brun peut s'appli- quer à toutes les espèces de ce genre, si ce n’est toutefois à l'Ours blanc, qui n’est pas moins sau- vage que les autres, mais qui, ne pouvant trouver son abri dans le creux des arbres et dans l'inte- rieur des forêts, est forcé de rester sur le sol des pays désolés qu'il habjte. et même souvent sur les blocs de glace qui couvrent les mers de ces régions polaires. « L'Ours. dit l'illustre au- teur de l'Histoire naturelle générale et particulière, est non-seulement sauvage, mais solitaire; il fuit par instinct toute société; il s'éloigne des lieux où les hommes ont accès; il ne se trouve à son aise que dans les endroits qui appartiennent encore à la vieille nature : une caverne antique dans des rochers inaccessibles, une grotte formée par le temps dans le tronc des vieux arbres, au milieu d'une épaisse forêt, lui servent de domicile; il s’y retire seul, y passe une partie de l'hiver sans provision, sans en sortir pendant plusieurs semaines. Cependant il n'est point engourdi ni privé de sentiment, comme le Loir et la Marmotte; mais, comme il est naturellement gras et qu'il l’est exces- sivement vers la fin de l’automne, temps auquel il se recèle, cette abondance de graisse lui fait sup- porter l'abstinence, et il ne sort de sa bauge que lorsqu'il se sent affamé. » L'espèce de léthargie de l'Ours varie suivant la rigueur de l'hiver; lorsque cette saison est très-douce, il n’y tombe point; au contraire, son sommeil devient assez profond quand le froid est rigoureux. Dans ces habitudes, ne voit-on pas la prévoyance de Dieu? D'après son genre de vie, et cela s'applique principalement aux espèces des pays froids, comment l'Ours trouverait-il la nourriture qui lui convient pendant la froide saison? C'est pour remédier à cette difficulté qu'il tombe en une sorte de torpeur et qu'il peut se passer de prendre des aliments. Une preuve que nous pouvons donner de ce que nous venous d'avancer, c'est qu'à l’état de domesticité l'Ours est aussi éveillé en hiver qu’en été; toutefois nous devons faire remarquer qu'il mange beaucoup moins et qu’on le voit même passer parfois plu- sieurs jours sans prendre aucune nourriture; mais, malgré cela, il ne cesse pas de remuer et n'é- prouve nullement l’état léthargique qu'il éprouve dans la nature. Ajoutons, en terminant ce sujet, que 199 HISTOIRE NATURELLE. la civilisation humaine semble encore l’éloigner davantage et le repousser dans les lieux les plus inaccessibles; c'est ainsi qu'en Europe, où on lui fait une chasse active, il se réfugie vers les cimes des plus escarpées des grandes montagnes; en France, par exemple, dans nos Pyrénées et nos Alpes. | Les Ours entrent en rut, dans nos climats au moins, vers les mois de juin et de juillet; alors les mâles et les femelles se recherchent, et ils se séparent bientôt pour reprendre leur vie isolée. La gestation dure sept mois, car les femelles mettent bas en décembre ou en janvier, et leur portée est de deux à einq ou six petits. La nécessité de l'allaitement les empêche sans doute de tomber dans leur sommeil hivernal, mais toutefois, cela n’a pas été constaté d’une manière complète. Les mères donnent de grands soins à leurs petits et s’en occupent longtemps. Les mœurs des Ours sont des plus curieuses à étudier, et nous ne croyons pouvoir mieux faire que de copier sur ce sujet ce qu'en rapporte Fr. Cuvier, que l'on doit toujours citer lorsque l'on étudie l'instinct des animaux. « C’est la prudence qui fait le caractère principal de l'üurs; on ne porte pas plus loin que lui la circonspection; il s'éloigne, lorsqu'il le peut, de tout ce qu'il ne con- nait pas; s'il est forcé de s’en approcher, il ne le fait que lentement et en s’aidant de tous ses moyens d'exploration, et il ne passe outre que quand il a bien cru s'assurer que l'objet de sa crainte est pour lui sans danger. Ce n’est cependant ni la résolution ni le courage qui lui manquent; il pa- rait peu susceptible de peur; on ne le voit point fuir; confiant en lui-même, il résiste à la menace, oppose la force à la force, et sa fureur, comme ses efforts, peuvent devenir terribles si sa vie est menacée. Mais c'est surtout pour défendre leurs petits que les femelles déploient toutes les res- sources de leur puissance musculaire et de leur courage; elles se jettent avec fureur sur tous les êtres vivants qui leur causent quelques craintes, et ne cessent de combattre qu’en cessant de vivre. Ce qui ajoute en quelque sorte au mérite de leur prudence et de leur courage, c’est la singulière étendue de leur intelligence, qui semble ôter à toutes leurs autres qualités ce qu’elles pourraient avoir d'aveugle et de machinal. Gn connait l'éducation que reçoivent les Ours de la part des hommes dont la profession consiste à conduire ces auimaux de ville en ville, en les faisant danser grossièrement au son d'un flageolet et appuyés sur un bâton, et l’on sait que, par le moyen des châtiments et des récompenses, et en plaçant l'animal dans toutes les circonstances de ses actions, Fig. 68. — Ours malais. on parvient à les lui faire répéter au commandement. Ce sont de ces associations que l’on arrive toujours à former chez les animaux même les plus brutes. Mais nous avons pu voir l'éducation de plusieurs espèces d'Ours, faite librement, et par ces animaux eux-mêmes, nous présenter des résul- tats plus remarquables que l'éducation forcée dont nous les savions susceptibles. Elle nous a été offerte par les Ours qui vivent dans les fosses de la ménagerie du Muséum de Paris, sous la seule in- fluence du publie, qui leur parle et qui leur donne continuellement des gourmandises. A l'aide de ces deux uniques moyens, ces animaux ont appris à faire une foule d'exercices qu'ils répètent au simple commandement eu par le seul espoir d'être récompensés par un gâteau où par un fruit. Ainsi, à ces mots : Monte à l'arbre, s montent au tronc dépouillé qui a été placé dans leur fosse. Si on leur dit : Fais le beau, ils savent qu'ils doivent se coucher sur le dos et réunir leur quatre pattes. Au mot de : Priez, ils s'asseyent sur leur derrière et joignent leurs pieds de devant, ete. Ces ac- … “ | : . . L , @* x 1 “ LR L CARNASSIERS. 193 tions sans doute peuvent finir par ne suivre ces commandements qu'au moyen d'une véritable asso- ciation d'idées; c’est ce que l'habitude produit même en nous; mais les Ours qui nous les ont présentées ont dû les commencer librement, et, après plus ou moins d’hésitation et d’erreurs, comprendre le sens précis de ces mots, ou plutôt de ce signe : Monte à l'arbre; or, e’est là un, des résultats les plus élevés auxquels puisse atteindre l'intelligence des brutes; mais il est cons- tant qu'ils arrivent à comprendre la valeur des signes artificiels sans les moyens qui forment immé- diatement les associations. On conçoit tout ce que peut produire l'application des facultés d’où ré- sulte ce fait général, qui explique les récits singuliers dont les Ours ont dù être l'objet; aussi ne rapporterons-nous pas ces récits, qui peuvent amuser, mais non pas instruire, et, en les dépouillant des erreurs qu'ils renferment, ils perdraient leur principal intérêt, c'est-à-dire tout ce qu'ils ont de merveilleux, » Fig. 69. — Ours Euryspile, Les Ours sont recherchés à cause de leur fourrure, principalement en hiver, dans les pays froids, parce qu’alors elle est plus épaisse et plus brillante que dans d’autres saisons; mais toujours elle est composée de poils épais et longs. En automne, la chair des jeunes est suceulente, et l'on dit que les pattes sont un mets très-délicat. Pétrone nous apprend qu'elle était très-recherchée chez les anciens Romains. Les Ours adultes ont une chair assez dure et noirâtre, quoique de bon goût. Dans les cor- trées où ils sont nombreux, leur fourrure devient un objet d'un assez grand commerce. Peu d'ani- maux sont plus utiles à l’homme qu'eux: car, outre l'emploi que nous en avons indiqué, ils servent encore à divers autres usages. Les Kamtschatdales font avec leur peau des couvertures, des gants, des bonnets, des harnais pour les traineaux et des sandales pour marcher sur la glace, qui ont l'avantage de les empêcher de glisser; dans plusieurs contrées européennes, on s’en sert pour former la coiffure des militaires, ainsi que pour la confection de manchons communs, et, chaque an- née, la France importe pour ces usages trois à quatre mille peaux que l'on tire principalement de la Russie et de l'Amérique du Nord. Quelques peuplades de l’Asie septentrionale et de l'Amérique em- ploient la graisse des Ours dans la cuisine pour apprêter les aliments, et ces peuplades sauvages, pendant leurs excursions, sucent avec délice la moelle de leurs os. Un autre usage propre à nos pays civilisés consiste à former avec cette graisse une pommade qu'on a préconisée pour faire pousser les cheveux, et qui n’a qu'un seul avantage, celui d'être très-fine. Les Kamtschatdales s’éclairent avec l'huile que l'on extrait de ces animaux, et les intestins sont employés par les femmes à la confection de masques qu’elles portent pour se garantir les yeux des rayons du soleil réfléchis par la neige; on se sert aussi de ces organes en guise de vitres pour garnir les feuêtres, et il n'y a pas jusqu'aux os dont on ne tire parti; en effet, on transforme les omoplates en des sortes de faucilles pour mois- sonner les herbes. La manière de chasser ces Plantigrades diffère suivant leur nombre dans les pays où on veut les atteindre et suivant le degré d'industrie des peuples qui se livrent à cet exercice. Cependant, par- tout où les armes à feu sont en usage, ce sont elles qu'on préfère à tout autre moyen. Dans certaines contrées, les hommes vont les attaquer corps à corps, et ils peuvent le faire avec succès, parce que, pour se défendre comme pour attaquer, les Ours se dressent sur leurs pieds de derrière et présen- 19 25 194 HISTOIRE NATURELLE. tent au pieu dont leur adversaire est armé les parties les plus vulnérables de leur corps; mais, si on ne fait que les blesser du premier coup, ils deviennent furieux et se jettent sur leur ennemi, qu'ils étreignent, et ne tardent pas, souvent, à étouffer. Les piéges sont aussi employés pour détruire les Ours, mais leur extrême défiance rend souvent ce moyen tout à fait inutile; pour les y faire tomber, il faut les attirer par celui de leurs sens qui a le plus d'empire sur eux, par la gourmandise; et, dans ce cas, le miel est la substance la plus convenable qu'on puisse leur offrir. Les peuples sauvages qui habitent les forêts de l'Amérique, où les Qurs sont en assez grand nombre, font des battues, ras- semblent ces animaux sur un seul point, et parviennent de la sorte à en tuer beaucoup; mais c’est à l'époque de leur sommeil léthargique qu’ils sont le plus recherchés : on va les tuer dans leur retraite, quand elle a été découverte. Les chasseurs français et espagnols qui vont les attaquer dans les Py- rénées sont armés de bons fusils à plusieurs coups. Presque tous les hivers on cite les chasses qu'ils leur font; mais le nombre de ces animaux diminue chaque année, et il est probable que, d'iei à un laps de temps assez restreint, on n’en trouvera plus en Europe. Les Gurs étant des animaux qui habitent constamment des régions froides, l'on peut présumer que toutes les espèces doivent se trouver en plus grande abondance dans les contrées polaires ou daus les montagnes élevées au voisinage des neiges perpétuelles; et, en effet, c’est ce qui a lieu, tandis que l’on peut, au contraire, prévoir qu'il ne doit pas s’en rencontrer dans les pays de plaines, et surtout dans les contrées équatoriales. Ce genre habite dans les parties septentrionales du globe, dans l'ancien comme dans le nouveau monde, les chaînes de montagnes élevées et les vastes forêts incultes. Ce n'est que dans la Nouvelle-Guinée et dans Ja Nouvelle-Hollande qu'il n'existe pas d'Ours, où du moins, qu'on n'en à pas encore trouvé. On en dit autant de toute l'Afrique, sauf le versant nord de l'Atlas, et encore il y a quelques doutes à ce sujet, quoique Poiret, dans son Voyage dans le nord de l'Afrique, assure en avoir vu. Mais, si ce genre se trouve à peu près répandu partout, les espèces qui le constituent sont plus ou moins limitées à certaines parties du monde. Ainsi, l'Ours blanc habite les rivages des îles et des continents compris entre le cercle polaire et le pôle nord, aussi bien en Amérique qu’en Europe et en Asie; et, s'il arrive quelquefois jusqu'en Islande et en Norwège, c'est qu'il y a été porté par quelque banc de glace, entrainé lui-même à l'époque du dégel annuel. Les Ours proprement dits, tels que le noir et le brun, sont assez répandus dans toute l'Europe, et surtout vers le nord, en Norwège, en Russie, en Pologne, et aussi dans les Alpes, dans les Pyrénées, et sur le versant sep- tentrional des montagnes qui, en Europe, en Asie et en Afrique, entourent le périple de la Méditer- ranée. Ils se trouvent également dans l'Amérique du Nord, depuis une mer jusqu'à l’autre, et depuis le golfe du Mexique jusqu'au Canada; mais, avec l'espèce d'Europe, plus rare peut-être, il s'en ren- contre une ou deux autres qui sont particulières à cette contrée. Le versant septentrional de l'Atlas possède, dit-on, l’Ours commun. Il n’en est pas de même de l'Asie méridionale, continentale et insulaire, qui nourrissent, la première l'Ours du Thibet, que l'on trouve dans les parties les plus montueuses, et l'Ours à grandes lèvres, qui parait se rencontrer aussi dans l'archipel indien. Cette partie du monde renferme, surtout dans les grandes îles qui la constituent, l'Ours malais, dont la forme de la tête rappelle beaucoup l'espèce qui babite les Cordillières dans l'Amérique méridionale. Sauf les grandes îles de l'Asie, on ne connait pas d'Ours dans aucune autre ile, pas même dans les deux iles de l'An- gleterre; et la Sicile, la Sardaigne et la Corse, n'en nourrissent point. Des ossements fossiles d’Gurs se trouvent dans les brèches osseuses du littoral de la Méditerranée, dans les fentes des rochers, et dans le diluvium; mais c’est surtout dans les nombreuses cavernes des roches calcaires qu'il s’en rencontre un nombre si grand, que, pendant des siècles, on tirait des cavernes d'Allemagne, sous la dénomination de Licorne fossile, des dents qui entraient dans l'ancienne matière médicale. Ces cavernes à ossements gisent presque partout dans des massifs stratiliés de calcaire coquillier assez ancien, et qui est de la nature de celui du Jura. Ge calcaire, caractérisé par les coquilles d’es- pèces maintenant perdues qu'il renferme, l'est encore par son aspect, qui offre presque toujours des escarpements perpendiculaires, et par les cavités naturelles qu'il recèle dans ses couches, et desquelles sortent communément des sources considérables. Les cavernes à ossements de l’Alle- magne, surtout celles du Hartz, de la Hongrie et de Franconie, ont leur intérieur le plus souvent divisé en grande salles séparées les unes des autres par des passages très-étroits et si bas, qu'il est CARNASSIERS. 195 diflicile de croire que les animaux dont on y rencontre les débris aient pu y pénétrer d'eux-mêmes, à moins que d'imaginer que ces passages ne se soient rétrécis depuis le temps où le dépot de ces débris à eu lieu, par l'effet de l’infiltration des eaux chargées de matières calcaires, qui y auraient déposé des couches d’albâtre. Dans ces cavernes, les os sont détachés, épars, et en partie brisés, mais jamais roulés, un peu plus légers et moins solides que les os récents, et contenant encore beau- coup de gélatine, et nullement pétrifiés. [ls sont envelappés par une terre endureie, encore facile à briser, contenant aussi des parties animales quelquefois noirâtres, et imprégnées d’albâtre. Les os sont souvent soudés entre eux, ou leurs cavités sont remplies par cette matière incrustante. Le nom- bre de ces débris est très-considérable, notamment dans la caverne de Gayleurette; ils sont épars, mêlés, et appartiennent à de grandes espèces de Carnassiers qui n'existent plus, notamment à des Chats de la taille d’une Panthère, à une espèce d'Hyène, à des Chiens, ete.; mais les trois quarts au moins se rapportent à des Ours. Aucune espèce d'animaux herbivores ni marins ne s'y rencontre. Le bon état de conservation de ces os, et l'humus qui les entoure, prouvent qu'ils n’ont pas été roulés par la mer, ou entrainés par des inondations. L'absence de ces mêmes os dans la roche qui forme les parois des cavernes indique assez que celles-ci ne sont pas le résultat d’une dissolution de cette roche, qui aurait respecté les ossements qu’elle contenait, Il ne reste plus qu'une supposi- tion probable, c'est que ces animaux habitaient ces demeures et qu'ils ÿ mouraient paisiblement, mais ce qui est difficile à concevoir, c’est cette réunion d'espèces inconnues, ou dont les analogues les plus rapprochés vivent dans des contrées très-éloignées de celles où l'on trouve leurs débris, et sous des climats si différents. Quoi qu'il en soit, malgré {a grande multiplicité de ces os, on n'ad- met, De Blainville surtout, qu'un petit nombre d'espèces d'Ours fossiles. Les traces les plus anciennes des Ours à la surface de la terre se trouvent dans nos livres sacrés et en plusieurs endroits. Nous voyons ensuite les poëtes, les mythologistes grecs, tirer, sous le nom d'Arctos (192:c:), dont l'étymologie n’est nullement certaine, des comparaisons plus où moins justes de ces animaux, où bien les énumérer parmi ceux qu'Orphée charmait par la douceur de sa lyre, ou qui gémissaient de la mort de Daphnis, ou même comme objet de chasse de leurs héros. Notre système de constellations dans l'hémisphère nord nous rappelle, même dans la dénomination que nous avons conservée aux deux plus septentrionales, un mythe célèbre, celui d'Arcas, fils de Jupiter et de la nymphe-Calisto, elle-même fille de Lycaon, roi d’Arcadie, changé en Loup pour avoir donné à manger les membres d’Arcas, lequel, ressuscité et devenu grand chasseur, ayant ren- contré dans les forêts sa mère, changée en Ourse par la jalousie de Junon, et prêt à la tuer, en fut em- pêché par Jupiter, qui le changea lui-même en Ours, et les plaça l’un et l’autre dans le ciel. Depuis ce temps, le nom d'Aszxe: est devenu, en grec, à la fois celui de l'animal et celui du pôle auprès du- quel se trouva la constellation de l'Ours. Les peintures et les monuments des anciens ne semblent, au reste, pas représenter ces animaux. Les naturalistes anciens n’ont connu qu'un petit nombre d'espèces vivantes d'animaux de ce genre. Aristote donne peu de détails sur ces Mammifères; il dit que l'Ours a le pied semblable à la main de l’homme, ce qui a été admis par Gppien, qui ajoute que, pendant l'hiver, cet animal, retire dans sa bauge, et sans nourriture, lèche ses pieds et ses mains. Élien accepte ces faits, et les read encore plus merveilleux : c’est ainsi que, pour lui, la durée de l'abstinence des Gurs est fixée à qua- rante jours, et qu'il rapporte qu'ils ne lèchent que leur main droite. Tite-Live nous apprend que, dès l'an 685 de la fondation de Rome, on vit quarante Ours dans le cirque. Pline, à l'occasion des ami- maux exposés à la curiosité des Romains daus les jenx que les consuls et les empereurs donnaient au peuple, cite cent Ours de Numidie, que Domitius Abenobardus, édile curule, l'an 693 de Rome, montra dans le cirque avec autant de chasseurs éthiopiens. Athenée assure que Ptolémée Phila- delphe monira un Ours blane en Egypte, mais, comme le fait remarquer De Blainville, cet Ours ne doit probablement pas être rapporté à l'espèce désignée sous la dénomination actuelle d'Ursus ma- rilimus, mais probablement à l'Ours de Syrie, assez récemment décrit par M. Ehrenberg. Ainsi, les anciens ne connaissaient sans doute qu'une seule espèce d’Ours, celle qui habite encore les montagnes élevées du périple de la Méditerranée; mais, dès que l'étude des sciences naturelles se fut portée plus au nord, et que les relations avec les habitants de cette partie du monde devinrent plus fréquentes, la connaissance de ces animaux se rectifia, s'agrandit, ainsi que le nombre des espèces. Albert le Grand reconnut qu'il y a en Europe des Ours noirs, bruns et blancs, et, en outre, 196 HISTOIRE NATURELLE. le premier, il distingua le véritable Ours blanc (Ursus maritimus) des régions arctiques. G. Agricola et Gesner crurent devoir distinguer des espèces différentes dans l'Ours d'Europe. En 1655, Worm, outre la distinction d'Ours grands et petits, noirs et blancs, terrestres et maritimes, ajoute que les Norwégiens en séparent trois espèces : une plus grande, de couleur fauve, plus frugivore que les autres; une deuxième, noire, plus petite et plus carnassière, et une troisième encore plus petite, mais aussi malfaisante, et qu'à cause de son goût pour les Fourmis on nomme Ours des Fourmis; et il ajoute que ces trois espèces prétendues produisent ensemble, en donnant lieu à des espèces intermédiaires, ce qui prouve que ce ne sont que des variétés d’une seule et même espèce; enfin, le même auteur donne une bonne description de l'Ours blanc. En 1693, Ray, qui eut le tort de joindre les Ours avec les Chats, réunit toutes ces variétés en une seule espèce. Linné, dans la première édi- tion de son Systema naturæ, en 1735, établit le genre Ursus; et sa note caractéristique principale portant sur le nombre des doigts, il y comprit non-seulement les Ursiens, mais encore tous les Plantigrades de taille médiocre qui forment notre division des Petits-Durs, partagée elle-même en plusieurs groupes génériques très-distincts, et il confondit, sous le nom commun d'Ursus arctos, les Ours d'Europe et d'Amérique. Brisson, en 1756, imita Linné; mais, à l'exemple de Klein, il sépara, sous le nom d'Ursus albus, l'Ours blanc, qu'il avait réuni à celui d'Europe. Mais c'est surtout dans l'Histoire naturelle générale et particulière de Buffon, en 1760, que l’on commença à distinguer et à reconnaitre, outre l’Ours brun et l'Ours noir d'Europe, un Ours noir et un Ours brun de l'Amérique septentrionale, différents de l'Ours blanc maritime. Ces dis- tinctions spécifiques furent faites plus nettement par Pennant (1770), Erxleben (1777), et Blu- menbach; ce dernier, en outre, fit, le premier, connaître deux espèces fossiles, les Ursus speleus eLarcloideus. En 1782, Pallas, et depuis (1789), Gmelin, établirent, d’une manière comparative, les trois espèces qui furent seules longiemps admises; savoir : l'Ursus aretos, où Ours d'Europe; l'Ur- sus albus où maritimus, ou Ours polaire et l'Ursus Americanus, où Gurs noir d'Amérique. En 1805, G. Cuvier, ayant à discuter sur les espèces fossiles, commença par définir les espèces vivantes, et, d'après la considération de la forme du crâne et surtout de celle du front et des mächoires, il erut pouvoir en distinguer quatre; savoir : l'Gurs noir d'Europe, l'Ours brun d'Europe, l'Ours d’'A- mérique et l'Ours blanc. Sur ces entrefaites, plusieurs espèces vivantes bien distinctes furent suc- cessivement introduites dans le système mammalogique : d’abord une grande espèce connue dans les Indes orientales, et qui, considérée pendant un assez long temps comme une espèce de Paresseux par Shaw, et qui est devenue depuis le type du genre Prochilus d'Hliger et Melursus de Meyer, fut re- connue par De Blainville comme appartenant au genre Gurs, et nommée Ursus labiatus, à cause de la grandeur de ses lèvres; puis deux autres de la même partie du monde, l'une de l’Archipel et l'autre du Thibet, furent envoyées, par MM. Raffles et Alfred Duvaucel, et acceptées par G. Cuvier, d’après.les travaux de son frère, sous les noms d'Ursus Malaianus et Thibetanus. Les voyages dans l'Amérique méridionale en procurèrent une septième espèce des Cordillières, qui fut nommée Ours orné, Ursus ornatus, par Fr. Cuvier. Les voyageurs dans l'Amérique du Nord, après avoir vaguement reconnu uue très-grande espèce particulière, ont fini par en apporter des dépouilles, sur lesquelles les naturalistes américains ont établi l'Ours gris ou féroce, Ursus cinereus, ou feroæ, où horribilis. À ces huit espèces bien distinctes, on pourrait peut-être en joindre deux autres qui ne sont pas encore suffisamment distinguées. et sur lesqueiles nous reviendrons bientôt. Quant à la disposition sériale des espèces, suivant De Blainville, en faisant entrer la considération de la lon- gueur proportionnelle du pouce aux vnieds de devant, du nombre des côtes, du trou ou condyle interne de l'humérus, ct de la proportion des deux arrière-molaires d'en haut, commençant par l'Ours marin, on doit suivre par les Ours d'Europe, puis par l'Ours noir de l'Amérique septentrio- nale, par les Gurs de l'archipel indien, et finir par les Ours des Cordillières. C’est, à peu de chose près, l’ordre que nous suivrons dans nos descriptions spécifiques. Ces diverses espèces vivantes ont été partagées par les naturalistes modernes en plusieurs groupes génériques particuliers; pour M. Gray, les quatre principaux sont ceux des T'halassarctos, pour l'Ur- sus maritimus; Ursus proprement dit, pour les Ursus arctos, niger et ferox; Helarctos, pour les Jrsus ornatus, Thibetanus et Malaianus, et Prochilus, d'après Iiger, pour l'Ursus labiatus. Nous n'adopterons pas ces divers genres, mais nous les indiquerons comme subdivisions secondaires du grand genre Ours. CARNASSIERS. 197 Il nous reste à dire quelques mots sur l'historique des diverses espèces d'Ours fossiles. En 1672, Peterson Hayn, le premier, représenta plusieurs os fossiles tirés des cavernes à ossements dont nous avons précédemment parlé, et qu'il indiqua sous le nom de Pragons. Brückmau, en 1732, dans une description des cavernes de Hongrie, annonça que la plupart des os qu'elles contenaient, aussi bien que ceux des cavernes d'Allemagne, étaient des os d'Ours. Une fois cette affinité admise, on voulut les comparer aux espèces vivantes, et les premiers qui s’occupèrent de ce sujet crurent reconnaitre, dans les têtes d'Ours des cavernes, la tête de l’Ours blanc. Bientôt après, Camper, Ro- senmüller, Hunter et Blumenbach, annoncèrent que ces têtes différaient de celles des espèces ac- tuelles, et le dernier établit même deux espèces parmi elles, sous les dénominations d'Ursus spe- lœus et arctoideus. G. Cuvier (Ossements fossiles, t. IV, 2 édition) admit la première comme es- pèce distincte, et la seconde avec doute, ainsi qu'une troisième, décrite par Goldfuss sous le nom d'Ursus priseus. Depuis ce temps, plusieurs paléontologistes, tels que MM. Oken, Croizet et Jobert, Devèze et Bouillet, Marcel de Serre, Nesti, Buckland, Smerling, Falconner et Cautley, etc., firent connaître de nouvelles espèces, en sorte qu'en les inscrivant toutes, elles s’élèveraient à douze, dont onze pour l'Europe; mais De Blainville, de son côté (Ostéographie : fascicule des Ursus), n'en admet que deux espèces : l'Ours des cavernes et l'Ours d'Amérique; encore regarde-t-il la première comme constituant, avec les Ours bruns et noirs d'Europe actuels, et l'Ours féroce d’A- mérique, une seule et unique espèce, qui atteignait une taille gigantesque, comparativement avec les races actuelles, et il forme un groupe distinct avec l'Ursus Sivalensis de M. Falconner, et Cautley son genre Amphiarctos, qu'il nomme aussi Sivalarctos. Il est certain que plusieurs de ces espèces fossiles ont été établies sur des caractères trop fugitifs; mais nous croyons avec MM. Laurillard, Owen, Pictet, Wagner, ete., que les Ours des cavernes diffèrent autant, et même plus, de l'Ours brun, que celui-ci diffère des autres espèces vivantes, et nous décrirons, dans leur ordre zoologique, cinq ou six de ces espèces. * 17 SOUS-GENRE. — THALARCTOS. THALARCTOS. Gray, 1825. Annals of Nat. philosophical. 9722662, mer; 202705, Ours. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Cräne aplati, formant avec le chanfrein une seule ligne arquée en dessus. Museau fin, long, ayant un peu d'analogie avec celui des Murtes. Corps allongé, bombé sur le dos. Ongles courts, peu recourbés. Système de coloration : blanchätre Cette division sous-générique ne renferme qu'une seule espèce 4. L'OURS BLANC oc POLAIRE. URSUS MARITIMUS. Caracrènes sréciriques. — Cet animal est bas sur jambes, et néanmoins son corps, Son cou, sa tête, sa main et son pied, sont très-allongés, et beaucoup plus que dans les autres espèces du même genre. Sa taille est très-grande et atteint plus de 2°; les voyageurs disent même qu'ils en ont vu d'énormes, et vont jusqu'à leur attribuer une longueur totale de 4°; mais dans cela il faut faire la part de l'exagération de ceux qui les ont observés. Un de ses traits les plus remarquables est la saillie de ses sourcils, qui résulte de la conformation particulière des os du front. Les poils blancs qui recouvrent tout le corps sont longs, soyeux et très-touffus; il ÿ en à jusque sous une partie de la paume des mains et de la plante des pieds, ce qui assure sa marche sur les glaces les plus unies. Son œil est petit et noir, ainsi que sa langue et tout l'intérieur de la gueule. Cet animal semble, ainsi que nous l'avons dit, n'avoir pas été connu des anciens; car il parait ccer- 195 HISTOIRE NATURELLE. tin, aujourd'hui, que l'Ours blanc que Ptolémée Philadelphe fit voir au peupie d'Alexandrie, ct dont parlent Athenée et Calixène le Rhodien, appartenait à une variété albine de notre Ours d'Eu- rope. Ce ne serait qu’au moyen âge, lorsqu'on commenca à explorer les coutrées polaires, qu'on le découvrit, et les voyageurs l'indiquèrent sous les noms d'Ours polaire, d'Ours de lu mer glaciale et d'Ours blanc, qui furent acceptés par Buffon. Linné lui appliqua le nom latin d'Ursus marilèmus, qui doit être adopté, et d’autres naturalistes l’indiquèrent sous des dénominations diverses, telles que celles d'Ursus albus, Brisson; d'Ursus marinus, Pallas; de T'halarctos maritinus, Gray, ete. L'Ours blanc a une réputation effrayante de férocité, de courage et de voracité, qu'il doit aux exagérations des naturalistes et surtout des voyageurs. Toutes les terribles histoires qu'on a débitées sur son Compte étant réduites à leur juste valeur, on est étonné de trouver qu’il ne diffère presque en rien, quant aux mœurs, des autres espèces du même genre, et que, s’il montre plus d’intrépidité, il le doit plus à sa stupidité et au genre de vie misérable qu'il mène qu’à un véritable courage. Toute- fois, on doit reconnaitre qu'il est plus essentiellement carnivore, et que, conséquemment, il se nourrit moins de matières végétales; et cela tient probablement à la nature des régions dans les- quelles il vit, qui lui offrent beaucoup plus d'animaux que de végétaux. Fig. 70. — Ours polaire I habite le cercle arctique, et principalement le Spitzberg, le Groënland, la Laponie et l'Islande On le trouve également en Sibérie, et la partie de ce pays où il est le plus commun est située entre les embouchures de la Léna et du Jenissey; il y en a moins entre ce dernier fleuve et l'Obi qu'entre l'Obi et la mer Blanche. Sans doute parce que la Nouvelle-Zemble leur offre un asile commode et tout à fait solitaire; il semble la préférer au continent. Ce n’est qu'accidentellement, et portés par des glaçons, qu'on en a constaté la présence sur les côtes de Norwége. En hiver, ces animaux sont sans cesse furetant à travers les glaçons sur le bord de la mer, et se nourrissent des cadavres que les vagues rejettent à la côte. Mais leur proie ordinaire consiste en Phoques, en jeunes Morses, et même en Baleineaux, qu'ils osent aller attaquer à Ja nage à plus de deux kilomètres de la côte. Ils se réunissent cinq ou six pour cela; mais, malgré leur nombre, ils ne réussissent pas toujours, parce que ia Balcine aecourt à la défense de son petit, el, avec sa queue. étourdii, assomme ou noie les agresseurs. Les Phoques, malgré leurs fortes mächoires, ne ‘eur présentent guère de résistance, parce qu'ils s'approchent d'eux pendant leur sommeil, les sai- sissent derrière la tête, et leur brisent le crâne avant qu'ils n'aient pu opposer la moindre résistance. I n’en est pas de même des Morses, qui, plus défiants que les Phoques, ne se laissent pas aussi facilement surprendre. Outre cette nourriture, abondante dans les pays qu'ils habitent, les Ours blancs dévorent un très-grand nombre de Poissons et d'autres animaux marins de taille moyenne où petite. Ils plongent facilement, et peuvent rester longtemps sous l'eau sans respirer. Ils nagent avec autant d’aisance que de rapidité, et peuvent faire ainsi un assez grand nombre de kilomètres sans se reposer, Mais, quelquefois, si une course trop longue les fatigue, ils cherchent un glacon entrainé CARNASSIERS. 199 par les eaux, ÿ montent et S'y endorment, en s'abandonnant ainsi au hasard.des flots et des vents, qui peuvent les conduire dans la pleine mer, où bientôt ils se trouvent réduits à mourir de faim. « C'est ainsi, dit M. Boitard, qu'en Islande et en Norwége on voit parfois arriver, sur des glaçons flottants, des bandes d'Ours blancs affamés au point de se jeter sur tout ce qu'ils rencontrent. Alors ils sont terribles pour les hommes et pour les animaux, et cette circonstance, tont à fait acciden- telle, mais qui se renouvelle presque chaque année, n'a pas peu contribué à leur faire une réputa- tion de courage et de férocité. S'ils sont entraînés dans la haute mer, ils ne peuvent plus regagner la terre ni quitter leur île flottante. Dans ce cas, ils se dévorent les uns les autres, et celui qui reste finit par mourir de faim. » En été, les Ours blanes, retirés dans l'intérieur des terres, y errent solitairement dans les forêts, et mangent les graines, les fruits et les racines qu'ils peuvent trouver, tout en recherchant les ca- davres et en attaquant les animaux qu’ils rencontrent. C'est dans les bois qu'ils font leurs petits et que les femelles les allaitent sur un lit de mousse et de lichen. Celles-ci postent sept mois, et mettent bas au mois de mars un ou deux petits, très-rarement trois. Les mères sont très-attachéces à leurs petits, et Fr. Guvier assure qu’elles les portent quelquefois sur leur dos en nageant. Ces animaux ont une voix qui ressemble, dit-on, à l'aboiement d’un Chien enroué plus qu'au murmure grave des autres espèces d'Ours. Dans les hautes latitudes qu'habitent les Qurs blancs, les étés sont très-courts, et bientôt des: neiges abondantes, en leur cachant leur nourriture, les obligent à quitter les forêts et à venir sur les bords de la mer. Ils sont alors non-seulement suivis de leur famille, mais encore d'une troupe nombreuse d'Ours que la famine a aussi chassée des bois; et cette association passagère doit être in- diquée, car les autres espèces du même genre vivent constamment solitaires. Dès lors, 1ls se préparent à combattre plus sérieusement les grands animaux marins, en attaquant les Rennes et autres Rumi- nants qu'ils rencontrent, et qui ne leur offrent pas de résistance. Puis ils reprennent le genre de vie d'hiver dont nous avons parlé. Fr. Cuvier dit qu'ils éprouvent un engourdissement hivernal, et s'exprime ainsi : « C'est au mois de septembre que l'Ours blanc, surchargé de gaisse, cherche un asile pour passer l'hiver. I se con- tente, pour cela, de quelque fente pratiquée dans les rochers, ou même dans les amas de glace, et, sans s’y préparer aucun lit, il s'y couche et s’y laisse ensevelir sous d'énormes masses de neige. Il y passe les mois de janvier et de février dans une véritable léthargie. » Les faits indiqués par Fr. Cuvier nous semblent loin d'être confirmés, et nous croyons, avec M. Boitard, qu'on doit les révoquer en doute : 4° parce que les récits des voyageurs nous montrent les Ours blancs comme ayant une grande activité de mouvement, même pendant les plus grands froids, ce qu'au reste on a pu observer dans nos ménageries, et 2° parce que c'est pendant l’époque désignée comme étant celle durant laquelle ces animaux seraient en léthargie qu'a lieu le développement des fœtus chez les femelles. « L'Ours blanc, et nous copions encore un auteur que nous avons plusieurs fois cité, est l’effroi des marins qui sont obligés d’hiverner près du cercle polaire. Dans les contrées qu'il habite, il n’a jamais rencontré un être assez fort pour le vaincre, ce qui fait que la crainte est pour lui un senti- ment étranger, mais dont il est cependant très-susceptible. N'ayant jamais éprouvé de lutte sérieuse, il ignore le danger, et sa stupidité l'empêche de le reconnaitre lorsqu'il l'aperçoit pour la première fois. Aussi l'a-t-on vu venir d’un pas délibéré attaquer seul une troupe de matelots bien armés. D’autres fois, il s’élance à la nage et va, sans hésitation, tenter l'abordage d’une chaloupe montée de plusieurs hommes, d’un vaisseau même, et il périt victime, non de son intrépidité, mais de sa stupide imprudence. S'il sent de la résistance, s’il est blessé, il cesse honteusement le combat, et fait lâchement ce que ne font jamais l'Ours brun, le Tigre et les grandes espèces de Chats. Les ma- rins qui ont hiverné dans le Nord ont rempli leurs relations d'histoires plus ou moins vraisembla- bles touchant les Ours blancs. Ce qu'il y a de bien positif, c’est qu'ils ont été toujours inquiétés par ces animaux, qui venaient flairer une proie vivante jusqu'à la porte de leur cabane, et qui grim- paient quelquefois sur le toit pour essayer de pénétrer par la cheminée. Mais, toutes les lois qu’on les recevait à coups de fusil, ou même à coups de lance, ils se hâtaient de prendre la fuite, ou, du moins, n'essayaient pas de soutenir une lutte. » Malgré leur férocité, les Ours blancs, surtout pris jeunes, peuvent être conservés en domestieité, 200 HISTOIRE NATURELLE. et l’on en voit souvent dans nos ménageries; mais ils ne se montrent guère susceptibles d'éducation ni de beaucoup d’attachement, et restent constamment d'une sauvagerie brutale et stupide. [ls sont assez vifs, et cela surtout pendant les plus grands froids de nos hivers, tandis que, dans nos eli- mats, pendant l'été, ils semblent languissants et faibles, recherchent avec avidité l’eau la plus froide qu'ils peuvent trouver. Leur nourriture est peut-être un peu plus exclusivement composée de chair que celles des autres Ours; mais, néanmoins, ils ne refusent pas le pain et les gâteaux que le publie qui les regarde jette continuellement dans leurs fosses. 29 SOUS-GENRE. — DANIS. DANIS. Gray, 1825. Annals of Nat. philosophical. CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS. Tête proportonnellement un peu plus large en arrière que celle de l'Ours d'Europe. Ongles très-longs, comprimés, arqués, assez «iqus. Jambes longues. Queue très-courte. Taille plus considérable que celle des autres espèces d'Ours. Système de coloration variant du gris au brun. Comme le sous genre précédent, celui des Danis ne comprend qu'une seule espèce. 2, L'OURS FÉROCE. URSUS FEROX. Lewis et Clarck UARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Poils longs, abondants, surtout autour du cou et derrière la tête, d'une couleur grise où grisâtre, tirant quelquefois sur le brun ou le blanc; ventre moins volumineux que celui de lOurs ordinaire; tête beaucoup plus grande et plus mince. Longueur totale, d'environ om, et, parfois, selon les voyageurs, de plus de 4". Cet Ours, que l'on nomme vulgairement Ours FÉROCE, TERRIBLE et RôDEUR, où Ours cs, a égale- ment reçu plusieurs dénominations des naturalistes; en effet, c’est l'Ursus ferox de Lewis et Clarck, l'Ursus horridus d'Ord, l'Ursus cincreus d'A. G. Desmarest, l'Ursus candescens de Smith et Wilson, et le Danis ferox de M. Gray. Du reste, cette espèce n’est pas admise par tous les auteurs, et on la réunit quelquefois à l'Ours d'Amérique, qui lui-même est regardé comme une simple variété de l'Ours ordinaire. Cependant, d'après M. Clinton, qui a été à même d'étudier un squelette de l'Ours féroce, il n’y aurait pas identité entre lui et l'Ours d'Amérique. Les grands ongles très-acérés de cet Ours ont donné lieu de penser au zoologiste que nous venons de citer que les seules parties qui ont été trouvées de l'animal appelé Mégalonyx pourraient avoir appartenu à cette espèce, attendu que ces mêmes pattes ne sont pas à l’état de véritables fossiles, et qu'on ne connait aucun Mammi- fère vivant dans l'Amérique septentrionale qui soit muni d'une pareille armure. L'Ours féroce habite les parties les plus élevées de la province de Missouri, les bords boisés de la rivière Jaune et du petit Missouri, la chaîne des montagnes Rocky; M. Coris l’a trouvé en Califor- nie, et learne dans le pays des Esquimaux. Les voyageurs font un portrait effrayant de cet Ours; il joint à la stupidité de l'Ours blanc la fé- rocité du Jaguar, le courage du Tigre et la force du Lion; aussi est-il la terreur des habitants no- mades des contrées qu'il habite. Un de ces animaux, tué par MM. Lewis et Clarck, pesait près detrois cents kilogrammes, et, d’après Warden, on en trouve qui pèsent au moins quatre cent cinquante kilogrammes. C'est, dit-on, le plus farouche, le plus horrible des animaux, et il présente en résumé toutes les qualités qui jettent l'épouvante. Sa physionomie est terrible; son agilité égale sa force prodigieuse; sa cruauté surpasse celle de tous les autres animaux, et son courage prend sa source CARMNASSIERS. 201 et sa supériorité de la conscience de sa force. Il vit solitaire, à la manière de notre Ours d'Europe, et habite presque exlusivement les forêts. Endormi pendant le jour dans les profondes cavernes des montagnes, il se réveille au crépuscule, sort de sa retraite, et tue les Mammifères qu’il rencontre, surtout les Daims et les Argalis. Il descend parfois dans les vallées, et fait de grands dégâts dans les troupeaux de Bisons, qui, malgré leur force, ne peuvent lui résister. Warden assure qu'à l'époque des premiers froids il se retire dans les cavités des rochers ou dans des creux d'arbres, où il reste dans un état d'hibernation jusqu’à la fin de la froide saison. Gela, au reste, n’est pas bien démontré, et il est possible que cet Ours n’éprouve pas d'état léthargique; il est probable aussi qu’il mêle à une nourriture animale une nourriture végétale, et que ce soit forcé par la nécessité qu’il devienne aussi féroce que le représentent les voyageurs. On fait une chasse active à cet Ours; nous rapporterons ce qu'en dit M, Boitard. « Le chasseur indien de l’Arkansas possède un talent merveilleux pour découvrir, pendant l'hiver, la caverne dans laquelle l'Ours féroce a établi sa demeure; il sait, dans les autres saisons, l’attendre à l'affût, le surprendre dans son fourré au moment où lui-même attend une proie, le suivre à la piste, et le percer de ses flèches ou de ses balles. Lorsqu'il a découvert la trace de ses pas, il la suit, armé d’un arc, d’une carabine et d’un couteau indien long et effilé, couteau dont il se sert plus ordinairement pour scalper la chevelure de ses ennemis vaincus. Il s'approche du féroce animal en se cachant et en rampant dans les bruyères, et il a soin de prendre le dessous du vent, non pas qu'il craigne que l'Ours, averti de sa présence par la finesse de son odorat, prenne la fuite, mais pour n’en être pas attaqué le premier, et conserver l'ascendant qu’a toujours le premier assaillant. Quand le chasseur se croit à distance convenable de l'animal, il se redresse, se fait voir tout à coup, et lui lance une flèche, puis il se laisse tomber sur la terre, se met à plat ventre, et, soutenu sur son coude, il saisit sa carabine, ajuste l'Ours et attend. L'animal, furieux et blessé, hésite un instant entre la fuite et l'attaque; mais, voyant son ennemi à terre, il s'élance sur lui pour le déchirer. Le chasseur a le courage d'attendre qu’il soit à cinq pas de lui, et alors seulement il fait feu, et lui envoie dans la poitrine une balle qui le renverse roide mort le plus habituellement. Si la carabine vient à manquer, l’intrépide chasseur se relève lestement, et, le couteau à la main, il attend une lutte corps à corps. Le plus ordinairement, ce changement de posture suffit pour arrêter l'animal, qui, après une nouvelle hésitation, se retire à pas lents, et en tournant souvent la tête vers son agresseur. Mais quelquefois aussi l'Gurs, dans la fureur que lui cause une douloureuse blessure, se dresse sur ses pieds de der- rière, étend ses bras et se jette sur son ennemi. Celui-ci lui plonge alors son couteau dans le cœur et le renverse mourant. S'il manque son coup, il meurt lui-même déchiré en mille pièces, victime d'une puérile vanité qui l’a fait s’exposer par bravade à un danger sans utilité, ou seulement dans le but de conquérir une misérable fourrure, propre à faire des manchons, des palatines et des man- teaux pour les sauvages. » 5° SOUS-GENRE. — OURS PROPREMENT DIT. URSUS. Linné, 1755. Systema naturæ. CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS. Tête très-grosse, élargie en arrière. Front formant une saillie prononcée au-dessus des yeux. Museau assez gros. Jambes dont la hauteur varie suivant les variétés et les âges. Ongles courts, coniques, recourbés. Taille n'étant pas bien déterminée, car elle peut différer dans les individus d'une même espèce, mais étant cependant au-dessus de la moyenne. Système de coloration du pelage variant assez considérablement, en passant par toutes les nuances du fauve blond au gris, au brun noirâtre et au blanc : ces deux dernières teintes ne pa- raissant appartenir qu'aux individus attaqués de mélanisme et d'albinisme. 19° 26 202 HISTOIRE NATURELLE Ce sous-genre ne renferme que trois espèces vivantes, dont l'une d'elles, qui comprend un assez grand nombre de variétés particulières, ne diffère peut-être même pas spécifiquement de l'Ours or- dinaire. On y place également un nombre assez considérable d'espèces fossiles. 5. OURS ORDINAIRE. URSUS ARCTOS. Linné. CaracrÈnes spéciriques. — Pelage quelquefois un peu laineux, ordinairement brun ou d’un brun jaunâtre, quelquefois d’un brun lisse à reflets presque argentés, parfois aussi fauve, etc.; front con- vexe au-dessus des yeux; museau diminuant de grosseur d’une manière très-brusque; jambes variant beaucoup en hauteur; plante des pieds moyenne. Longueur de la tête et du corps variant de 17,29 à 17,62. Cette espèce, que Buffon à décrite sous le nom d'Ours, que G. Guvier désigne sous la dénomination d'Ours brun d'Europe, avait reçu, depuis longtemps, de Linné, celle d'Ursus arctos. On a cherché à y distinguer un nombre assez grand d'espèces, que nous ne regarderons que comme de simples variétés; telles que les Ursus albus, Lesson; Pyrenaicus, Norwegicus, collaris, Fr. Cuvier; isabelli- nus, Horsfield; Syriacus, Ehrenberg et Hemprich; niger, G. Cuvier; gularis, Et. Geoffroy, et Sibi- ricus, Fr. Cuvier. Nous pourrions probablement aussi y joindre les Ursus Americanus, Richardson, et Thibetanus, Fr. Cuvier, qui n'en diffèrent probablement pas. Cet Ours habite les hautes montagnes dans certaines grandes forêts de toute l'Europe, d’une partie de l'Asie et de l'Amérique, si l'on doit y réunir l'Ursus Americanus : plusieurs naturalistes, tels que Dapper, Shaw, Poncet et Poiret, affirment qu'il en existe également en Afrique, dans la Barbarie, au Congo et en Nubie. Poiret dit que les Ours qui habitent l'Atlas, entre l'Algérie et le Maroc, sont très carnassiers, et il ajoute les détails suivants, que nous transcrivons, quoique nous soyons loin de les croire définitivement acquis à la science. « L'opinion que l'Ours lance des pierres quand il est poursuivi est admise chez les Arabes de l'Atlas, comme parmi les peuples d'Europe. Pendant mon séjour chez Ali-Bey, à la Mozoule, un Arabe apporta la peau d'un Ours qu'il avait tué à la chasse. Il me montra une blessure qu'il avait reçue à la jambe, poursuivi, disait-il, par cet Ours : ce rapport ne me con- vainquit point, car il était très-possible que ce chasseur, poursuivi par l'Ours, ait frappé du pied contre une pierre et se soit blessé en fuyant un ennemi trop à craindre pour laisser de sang-froid le chasseur qui l'attaque. » En France, on ne le trouve plus que sur les cimes les plus élevées des Alpes et des Pyrénées. Il n'existe pas en Angleterre, mais il est probable qu'on l'y rencontrait jadis. L'Ours en liberté mène une vie solitaire, et ne quitte guère les forêts que poussé par la faim. Il se loge dans les cavernes, les trous des rochers, et plus souvent encore dans les trous des vieux arbres séculaires. C’est là qu'il passe ses journées à dormir, en attendant la nuit, pour se mettre en campagne et chercher sa nourriture. On prétend que, faute d'arbre creux ou d'anfractuosités des rochers, il se construit une sorte de cabane avec des branches de hois mort et du feuillage; qu'il y passe l'hiver dans une somnolence plus ou moins profonde, sans prendre d'aliments, et que c’est dans cette retraite que la femelle met bas. Ces assertions, qui doivent avoir un grand poids, puis- qu'elles ont été rapportées par G. Cuvier, ont été cependant réfutées par plusieurs naturalistes, et M. Boitard écrit à ce sujet : «J'ai habité un pays où les Ours ne sont pas très-rares; J'en ai chassé, j'ai surtout consulté un grand nombre de chasseurs et d'habitants de la contrée, et je me suis as- suré que les Ours ne se creusent ni antres ni terriers, et se construisent moins encore de cabanes. Dans les Alpes, ils n'habitent que des trous d'arbres, et encore faut-il que ces trous ne soient pas à plus de deux mètres au-dessus du sol. Ils s'y retirent non-seulement en hiver, mais dans toutes les saisons, et c'est dans ce lieu que la femelle met bas. Ils y dorment, il est vrai, mais ils en sortent toutes les fois que la faim les presse, ce qui arrive aussi souvent en hiver qu'en été. Ce qu'on a dit de leur léthargie, de ce qu'ils se nourrissent de leur graisse, de l'action de sucer leurs pattes, ete., est entièrement faux. » Nous ne pouvons donc rien affirmer à ce sujet, et nous resterons dans le doute; quoiqu'il nous semble plus probable qu'à l'état de nature ces animaux éprouvent un en- gourdissement plus où moins complet pendant la froide saison € Blumenbach assure, dit G. Cuvier, que l'Ours se contente de matières végétales dans sa jeu- Fin 1. — Lévrier Fig 2 — Ours polaire. PI. 24 CARNASSIERS. 203 nesse, et quil devient plus carnassier lorsqu'il passe trois ans. Il est certain qu'on peut le nourrir avec du pain seulement; ceux de notre Ménagerie ne mangent pas autre chose, et, quoiqu'ils n’en reçoivent que trois kilogrammes par jour, ils se portent très-bien; l'un d'eux a même vécu quarante- sept ans à ce régime dans les fossés de Berne, où il était né. Ils mangent aussi volontiers des légu- mes, des racines, des raisins; mais, ce qu'ils aiment le mieux, c’est le miel : ils renversent les ruches, grimpent dans les arbres creux et s’exposent à la piqüre des Abeilles pour s’en rassasier. Ils recher- chent les Fourmis, sans doute à cause de leur acidité, car ils aiment tous les fruits acides, et surtout les baies d'épine-vinette et de sorbier. Lorsque la faim les presse, ils dévorent les cadavres et les voiries. Les nôtres boivent chacun un demi-seau d'eau par jour: ils la hument à peu près comme le Cochon. Leurs excréments sont jaunâtres et très-liquides; ils urinent en avant, et sans lever la cuisse. L'Ours commun commence à engendrer dès l'age de cinq ans; une femelle a mis bas à plus de trente ans.» Nous ajouterons qu'actuellement à la Ménagerie du Muséum on les nourrit presque exclusi- vement avec de la viande crue. L'Ours, malgré ses formes assez lourdes, est doué d'une certaine agilité, qu'il déploie avec beau- coup de prudence. Lorsqu'il monte sur un arbre, il s'accroche aux branches avec ses mains, et au tronc avec les griffes de ses pieds de derrière; quelquefois aussi, il embrasse la tige avec ses bras et ses cuisses; mais, dans tous les cas, il y met beaucoup de précaution, et jamais il ne lâche une patte de son appui qu'il ne se soit assuré, à plusieurs reprises, que les trois autres ne lui manque- ront pas. Îl se nourrit habituellement de faines, de graines de diverses plantes, de certains fruits et baies, et même de racines. Les Ours du nord de l'Europe et de l'Asie se nourrissent, pendant la belle saison, de fruits, de baies, et principalement de celles de l’airelle, de l'arbousier, etc.; des bulbes de certaines Liliacées, telles que les Lilium bulbiferum, Kamitschatanse, ete.; ils ne dédai- gnent pas les graines, et, faute de mieux, ils mangent les feuilles laiteuses du laiteron, de la campa- nule à larges feuilles, et même des jeunes pousses du bouleau. Mais, quand cette nourriture vient à lui manquer, il attaque les animaux qu'il rencontre, et s’en repait; il descend alors dans les plaines et se jette sur les troupeaux. Quelques-uns sontichthyophages, et dévorent un très-grand nombre de Pois- son. L'Ours nage avec une grande facilité. Il n’est pas dangereux pour l'homme, à moins qu'il ne soit attaqué. S'il rencontre un chasseur, il ne fuit pas à la vue de ses armes, il passe outre; s'il est blessé, sa colère devient terrible, il court sur son agresseur, le saisit dans ses bras et l’étouffe en lui dévo- rant le visage ou lui brisant le crâne. On rapporte que, « s’il est harcelé par une meute de Chiens courageux et appuyés par de nombreux piqueurs, il se retire, niais il ne fuit pas. Il gagne lente- ment sa retraite en se retournant, de temps à autre, pour faire face à ses nombreux ennemis, qui reculent aussitôt épouvantés. Enfin, harassé de fatigue, mortellement blessé par les balles des chas- seurs, près de mourir, il s’apprète à faire payer chèrement la victoire à ses ennemis. Debout, le dos appuyé contre un arbre ou un rocher, il les attend, et tout ce qui est assez téméraire pour l'appro- cher tombe écrasé par sa terrible patte ou brisé par ses dents. En Europe on fait la chasse à cet animal avec le fusil et des Chiens. Quelquefois aussi, quand il a été aperçu dans la plaine et que l'on a découvert sa retraite, on le traque comme le Loup, c’est-à-dire que tous les paysans d’un ou de plusieurs villages se réunissent, entourent la forêt d’une ceinture de tireurs et de traqueurs, qui marchent en resserrant de plus en plus le cercle qui le circonscrit, et finissent par l’approcher et l'accabler sous leur nombre. » Lesseps donne des détails sur la manière dont on fait la chasse de l'Ours de Sibérie, qui, ainsi que nous l'avons dit, n’est qu'une variété de l’Ours d'Europe. « La chasse de cet animal exige de l’art et beaucoup de hardiesse. Les Kamtchatdales lattaquent de différentes manières : quelquefois ils lui tendent des piéges. Sous une trappe pesante, suspendue en l'air, ils mettent un appât quel- conque afin de l’attirer. L'Ours ne l'a pas plutôt senti et aperçu qu'il s'avance pour le dévorer; en même temps il ébranle le faible support de la trappe, qui lui tombe sur le cou et le punit de sa vo- racité en lui écrasant la tête, souvent même tout le corps. Il est encore une autre chasse aux Ours fort en usage au Kamtchatka, et par laquelle on jugera qu'il faut autant de force que de courage. Un Kamtchatdale part pour aller à la découverte d’un Ours; il n'a pour armes que son fusil, espèce de carabine dont la crosse est très-mince, plus une lance ou un épieu, et son couteau. Toutes ses provisions se bornent à un petit paquet contenant une vingtaine de Poissons séchés. Ainsi muni et équipé, il pénètre dans l'épaisseur des bois et dans tous les endroits qui peuvent servir de repaire 204 HISTOIRE NATURELLE. à l'animal. C’est pour l'ordinaire à travers les broussailles ou parmi les joncs, au bord des lacs et des rivières, qu'il se poste et attend son ennemi avec constance et intrépidité. S'il le faut, il restera ainsi en embuscade une semaine entière, jusqu'à ce que l'Ours vienne à paraitre. Dès qu'il le voit à sa portée, il pose en terre une fourche de bois qui tient à son fusil. À l’aide de cette fourche, le coup d'œil acquiert plus de justesse et la main plus d'assurance; il est rare qu'avec une balle, même assez petite, il ne touche pas l'animal, soit à la tête, soit dans la partie des épaules, son endroit sen- sible. Mais il faut qu'il recharge son fusil dans la même minute; car, si l'Ours n’est pas renversé du premier coup, il devient furieux et accourt aussitôt pour se jeter sur le chasseur, qui n’a pas tou- jours le temps de lui tirer un second coup. Alors le Kamtchatdale a recours à sa lance, dont il s’arme à la hâte pour se défendre contre l'Ours en furie qui l'attaque à son tour. Sa vie est en danger s'il ne porte pas à l'animal un coup mortel. Souvent il arrive dans ces combats que l’homme n’est pas le vainqueur; cela n'empêche pas les habitants de ces contrées de s'y exposer presque journellement. » L'Ours montre une intelligence assez développée; il ne tombe que rarement dans les piéges qu’on lui tend; tout objet nouveau éveille chez lui la défiance; il observe prudemment avant de l’appro- cher, passe sous le vent pour s'en rendre compte par l'odorat, s'avance doucement, le flaire, le tourne et le retourne, puis s’en éloigne, s’il ne lui convient pas de s’en emparer. Nous pouvons citer un fait qui vient à l'appui de ce que nous venons d'avancer, et dont nous avons été témoin à la Mé- nagerie du Muséum; on voulait détruire l’un des Ours des fosses, et on essaya de l’empoisonner avec de l'acide arsénieux; mais l'animal, après avoir senti le gâteau ou le morceau de viande qui conte- nait le poison, vint le plonger dans son auge remplie d’eau, et ce ne fut qu'après l'y avoir laissé assez longtemps, et l'y avoir plusieurs fois remué, qu’il se décida à manger ce qu'on lui offrait, etil le fit impunément. L'Ours aime la vie solitaire, et fuit, par instinct, toute société, même celle de ses semblables. Il ne cherche sa femelle qu’au temps des amours, c'est-à-dire au mois de juin, et, ce moment passé, il la quitte et va fixer sa demeure à plusieurs lieues de la forêt qu'elle habite. Aussi ne prend-il aucun soin de ses petits, et ne manque-t-il même pas, assure-t-on, de les dévorer, s'il vient à les décou- vrir dans leur retraite. [l en est, au contraire, tout différemment de la femelle, qui aime ses petits avec la plus vive affection, qui les dépose sur un lit de feuillage et de mousse dans le creux de quel- que rocher. Elle les garde avec elle jusqu'à ce qu'ils aient deux ans et qu'ils aient acquis la force né- éessaire pour repousser toute agression étrangère; elle ies soigne, leur donne des fruits et du gi- bier, les lèche, les nettoie et les porte avec elle, dans ses bras, lorsqu'ils sont fatigués. Si un danger les menace, elle les défend avec un courage furieux et se fait tuer sur la place plutôt que de les abandonner. Aussi n'est-ce qu'avec beaucoup de danger et de prudence que les montagnards vien- nent à bout de s'emparer de ses Oursons, ordinairement au nombre d’un à trois, très-rarement plus nombreux. Pendant leur jeunesse, les petits de l’Ours ordinaire ont en général sur leur pelage, d’une colo- ration uniforme, un collier blanc plus ou moins prononcé-Cependant on trouve dans la même portée des Ours qui n’ont pas du tout de collier, d’autres qui le perdent peu de temps après leur naissance, et enfin certains autres qui le conservent jusqu'à ce qu'ils aient atteint près du tiers de leur gros- seur. D’après cela, on comprend que l'on ne doit pas admettre d'espèces fondées sur de jeunes Gursons et caractérisées presque exclusivement par la présence ou Pabsence de ce collier. Pris jeunes, ces animaux sont susceptibles d’une certaine éducation, vivent très-bien en domesti- cité, et peuvent y reproduire leur espèce, ainsi que l’on en a annuellement la preuve dans nos Mé- nageries. On voit souvent, dans les villages et les petites villes, des habitants de nos montagnes alpines qui montrent de jeunes Ours auxquels ils ont appris à marcher debout, à faire des culbutes et à danser d'un pas lourd au son de la musique. Quoique ces animaux obéissent à leurs maîtres, ils ne le font qu’en grognant et en grinçant des dents; aussi les tient-on constamment muselés et se défie-t-on beaucoup de leur colère, qui procède souvent d’un caprice et tourne toujours en fureur. Les Ours sont très-communs dans les Ménageries, et, de tous les animaux qui y sont compris, ce sont peut-être ceux que recherche le plus le public. Nous avons déjà dit quelques mots à ce sujet; nous ajouterons seulement que la domesticité retire aux femelles une partie de leurs bonnes qualités maternelles; en effet, quoiqu'elles donnent encore des soins à leurs petits, elles ne poussent pas toujours l'affection jusqu’à leur abandonner une partie de la nourriture qu'elles ont à leur disposi- CARNASSIERS 205 tion; en effet, nous avons vu souvent de ces mères disputer à leurs petits les gâteaux qu’on leur je- tait ou la chair qui leur était destinée. La fourrure des Ours est, quoique grossière, assez recherchée; on en fait des tapis d'assez grande valeur, des bonnets militares et des manchons communs. La graisse, dont ils sont abondam- ment pourvus, a été longtemps préconisée comme un remède infaillible contre les rhumatismes, ainsi qu'une foule d’autres maladies, et surtout comme ayant la vertu de faire pousser les cheveux. Aujourd'hui, il est bien démontré que l’on ne doit pas ajouter foi aux récits de toutes les cures merveilleuses produites par elle; toutefois il est certain que cette graisse, dépouillée par des pro- cédés très-simples d’une odeur particulière très-désagréable dont elle est imprégnée, est très-douce, très-fine, et peut avantageusement servir de base à de bonnes pommades. Elle peut même remplacer le beurre ou la graisse pour la cuisine, ainsi que nous avons été à même d'en faire l'expérience. Il s’agit, quand on veut enlever à cette graisse son odeur désagréable, de la faire fondre et d'y jeter, lorsqu'elle est très-chaude, du sel en quantité suffisante, et de l’eau par aspersion; il se fait une sorte de détonation, et il s'élève une épaisse fumée qui emporte avec elle la mauvaise odeur. Malgré tout cela, ou plutôt à moins qu’elle ne soit parfaitement préparée, cette graisse rancit très-facile- ment. La graisse de l'Ours blanc est moins bonne, et cependant elle est beaucoup plus recherchée que celle de l'Ours d'Europe, et cela parce que, dans les régions septentrionales qu'habite ce Carni- vore, le manque de matière animalisée doit faire employer avec soin celles qu’on rencontre; il en est de même de sa chair. Plusieurs peuples mangent celle de l'Ours ordinaire; nous avons pu cons- tater que la chair de nos Ours de ménagerie, quoique noirâtre et un peu dure, avait bon goût. Les pattes fournissent un mets très-délicat. Les variétés que l’on a formées dans cette espèce, et qui, comme nous l'avons dit, constituent pour beaucoup d'auteurs des espèces distinctes, sont nombreuses. A. L'Ouns pcanc rerrestre, Buffon Ursus albus, Lesson. Cette variété, que Fr. Cuvier nomme Ours des Alpes, d’après le pays où on l'a rencontrée, n'est qu'accidentelle; c’est par albinisme qu’elle est entièrement blanche. B. L'Ours nes Pyrénées. Ursus Pyrenaicus, Fr. Guvier. Cette variété habite les montagnes des Asturies, d'où a été tiré le nom d'Ours des Asturies qu'on lui a quelquefois spécifiquement appliqué. Elle est de petite taille relativement à la grandeur des in- dividus typiques de l'espèce qui nous occupe; dans ses premières années, tout son pelage est d’un blond jaunâtre, excepté la tête, qui est d’un blond plus foncé, et les pieds, qui sont noirs; l’extré- mité seule des poils est blonde; dans le reste de leur longueur, ils sont bruns, et il parait que cette couleur devient celle de l'animal lorsqu'il arrive à l'âge adulte. C. L'Ours pe Norwéce. Ursus Norwegicus, Fr. Guvier. Cet Ours n'est connu que par un jeune individu ägé de cinq semaines, qui différait des deux précédents en ce qu'il était entièrement d'un brun terre d'ombre, sans aucune trace de collier blanc D. L'Ours a cocrier. Ursus collaris, Fr. Cuvier. Il atteint une très-grande taille; son pelage est brun chez les jeunes individus comme chez les adultes, et chez les femelles comme chez les mâles; les membres sont noirs et les épaules cou- vertes d'une bande blanche qui semble varier de grandeur. Cette variété habite le nord de l'Asie, principalement le Kamtchatka 206 HISTOIRE NATURELLE. Nous avons parlé de la chasse que leur font les habitants de ce dernier pays, nous ajouterons, d'après Le voyage de Coock, quelques détails sur des Ours qui se rapportent probablement à cette variété, quoique l'on n'indique pas qu'ils aient de collier. Ces Ours sont spécialement redoutables lorsqu'ils sortent de la tanière où ils ont passé l'hiver. Si la gelée se trouve forte et si la glace n'est pas encore rompue dans les lacs, ce qui les prive de leur moyen de subsistance (c'est-à-dire des Poissons qu'ils recherchent activement), ils ne tardent pas à devenir affamés et féroces. Ils ont l'odorat très-fin; ils sentent de loin les Kamtchatdales, et ils les poursuivent. Comme ils rôdent hors de leurs sentiers ordinaires, ils attaquent souvent les malheureux qui ne se trouvent pas sur leurs gardes, et, quand ceci arrive, les chasseurs du pays ne sachant point tirer à la course et ayant tou- jours besoin d’avoir leur fusil posé sur un point d'appui, il n'est pas rare de les voir dévorer par ces animaux. Il règne une grande affection entre l'Ours femelle et ses petits, et les chasseurs la mettent à profit pour assurer le succès de leur chasse. Ils ne s'avisent pas de tirer un Ourson lors- que la mère est dans les environs, car elle entre dans un accès de fureur qui va jusqu'à la frénésie. Si un petit est blessé et si elle découvre son ennemi, elle l'immole à sa vengeance. D'un autre côté, si la mère est blessée, ses petits ne la quittent pas; lors même qu’elle est morte depuis assez long- temps, ils continuent à se tenir près d'elle; ils témoignent l'affection la plus profonde par des mou- vements et des gestes très-expressifs, et ils deviennent finalement la proie des chasseurs. » E. L'Ouns 1sagezce. Ürsus isabellinus, Horsfeld Son pelage, d'un fauve jaunâtre très-prononcé, le distingue du précédent. Il habite les monts Ili- malayas du Népaul. F. L'Ours ne Syme. Ursus Syriacus, Ehrenberg et Hemprich. 1 S P Cette variété, qui ne diffère pas très-notablement de l'Ours brun d'Europe, se trouve dans les hautes montagnes du Liban. G. L'Ours ou Tiger. Ursus Thibetanus, Fr. Cuvier. Les caractères de cette variété consistent dans la ligne droite du chanfrein et dans son système de coloration. Son pelage est généralement lisse et noir; mais la lèvre inférieure est blanche, ainsi qu'une tache en forme d'Y sur la poitrine, et dont les deux petites branches se trouvent én avant des épaules, et la plus longue entre les jambes, s'étendant jusqu'au milieu du ventre; le museau a une légère teinte de roussätre. La taille est à peu près semblable à celle de notre Ours ordinaire Se trouve au Thibet, au Népaul et au Sylbet. H. L'Ours noi D'Eunorr. Ursus niger, Lesson. Cette variété, décrite par Buffon, adoptée par G. Cuvier, et à laquelle M. Boitard applique le nom d'Ursus ater, est au moins douteuse, car, par ses caractères, elle paraît se rapporter à l'Ours brun d'Europe. Son front est aplati, légèrement concave, surtout en travers; son pelage est laineux, d'un brun noirâtre; le dessus du nez fauve clair et le reste du tour du museau d’un brun roux. Cette espèce se rencontre dans le nord de l'Europe et probablement aussi au Kamtchatka. I. L'Ours pe Sinéue. Ursus Siiricus, Fr. Guvier. Cette variété, qui ne diffère guère de l'Ours à collier, se rencontre en Sibérie et en Laponie. Acerbi rapporte la manière curieuse dont on fait la chasse à cet animal pendant la saison d'été. CARNASSIERS. 207 A «Lorsqu'un Lapon, dit-il, connaît la retraite d’un deces formidables animaux, ilse munit d’une longue lance, ayant un fort bâton attaché en travers, à dix-huit pouces où deux pieds de sa pointe. Avec cette arme il a l'audace de s'approcher de l'Ours et de lui présenter le fer de sa lance devant la poi- trine au moment où le Carnivore se lève sur les pieds de derrière pour étreindre le chasseur dans ses terribles bras: l'Ours blessé, loin de se reculer pour fuir, saisit avec ses deux pattes le bâton placé en travers de la lance, le tire à lui, et ainsi s’enfonce lui-même le fer dans la poitrine quand il croit tirer à lui son ennemi. » Un missionnaire, Canots Leems, raconte également la manière dont on fait la chasse en hiver à ces animaux. « Îl arrive souvent, rapporte-t-il, que le Lapon, étant à la poursuite du gibier, découvre, au moyen de ses Chiens, la retraite que l'Ours s’est choisie. Alors, le chasseur se dispose à surprendre l’a- nimal, et, pour y parvenir, il coupe un certain nombre de branches des arbres voisins, qu'il plante et entrelace fortement à l'entrée du repaire, ne laissant qu'un espace suffisant pour que l'Ours puisse y fourrer la tête. Cela étant fait, le chasseur, qui s’est pourvu d'une hache, se met en devoir d’éveiller l'animal quand il est dans son plus profond sommeil. L'Ours, provoqué par la témérité et les insultes de l'assaillant, s’avance avec la plus grande rage vers l'ouverture; mais il n’a pas plutôt mis la tête à l'espèce de guichet fait à dessein, que le chasseur lui porte un coup avec sa hache, qui, s’il touche au has des yeux, abat sûrement l'animal par terre. » 4. L'OURS NOIR D'AMÉRIQUE. G. Cuvier. URSUS AMERICANUS. Richardson, Caracrères spÉciriques. — Pelage ordinairement noir, lisse, long, brillant, présentant parfois une tache fauve au-dessus de chaque œil, et du blanc ou du fauve à la gorge ou à la poitrine; dans quel- ques cas assez rares, le pelage est entièrement fauve. Le front est plat, presque sur la même ligne que le museau. Le nombre des dents est quelquefois plus considérable que dans l'Ours ordinaire. Plante des pieds et paumes des mains très-courtes. La taille ne dépasse guère 1,50. Cette espèce est regardée, par la plupart des naturalistes modernes, comme ne devant former qu'une simple variété de l'Ours ordinaire d'Europe; et nous avouerons que l’on ne peut réellement pas trouver dans ses caractères spécifiques de quoi la différencier d’une manière réellement complète. L'Ours noir d'Amérique habite les parties septentrionales des États-Unis; il est possible que son habitat s’étende plus loin, et il n’est pas improbable qu'on ne le rencontre au Kamtchatka, et que les Ours à collier et de Sibérie n'en soient que des variétés. Quoi qu'il en soit, ce point n’est pas encore complétement décidé; mais il est sûr que l'Ursus gularis d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire n'en diffère spécifiquement pas; car on ne peut se fier au système de coloration, puisqu'il varie beaucoup, depuis le jaune clair jusqu’au chocolat. Selon Duprats, cité par Buffon, « cet Ours paraît l'hiver dans la Louisiane, parce que les neiges qui couvrent les terres du Nord l'empêchent de trouver sa nourriture et le chassent des pays septentrio- naux. Il vit de fruits, et entre autres de glands et de racines, et ses mets les plus délicieux sont le lait et le miel; lorsqu'il en rencontre, il se laisserait plutôt tuer que de lâcher prise. Malgré la pré- vention où l’on est que l'Ours est carnassier, je prétends, avec tous ceux de cette province et des pays circonvoisins, qu'il ne l'est nullement. Il n'est jamais arrivé que ces animaux aient dévoré des hommes, malgré leur multitude et la faim extrême qu'ils souffrent quelquefois, puisque, même dans ce cas, ils ne mangent pas la viande de boucherie qu'ils rencontrent. Dans le temps que je demeurais au Natchez, il y eut un hiver si rude dans les terres du Nord, que ces animaux descendaient en grand nombre; ils étaient si communs qu'ils s'affamaient les uns les autres et étaient très-maigres; la grande faim les faisait sortir des bois qui bordent le fleuve, et on les voyait courir la nuit autour des habita- tions et entrer dans les cours qui n'étaient pas bien fermées; ils y trouvaient des viandes exposées au frais; ils n'y touchaient pas et mangeaient seulement les grains qu'ils pouvaient trouver. » Outre cette alimentation, l'Ours d'Amérique se nourrit aussi de Poissons qu'il va chercher à la nage et en plongeant. C’est surtout pendant l'hiver qu'il descend des hautes montagnes boisées pour ve- nir pêcher sur le bord des lacs et des rivières. Son cri ressemble à des pleurs et diffère ainsi nota- 20% HISTOIRE NATURELLE blement du grognement de l'Ours ordinaire d'Europe. Habituellement il se plait particulièrement dans les forêts d'arbres résineux, et il habite surtout dans les cavités formées par le temps dans leur trone. Il aime à se loger vers la cime des arbres élevés. Pour le prendre, les Américains mettent le feu au pied de l'arbre, et le forcent ainsi à sortir de sa retraite pour se sauver des flammes. On rapporte que, si l’on trouve une famille d'Ours dans cette position, «la femelle descend la première à re- culons, comme le font les Ours, et, lorsqu'elle est près de terre, les chasseurs l'abattent d'un coup de fusil à bout portant tiré dans le centre de l'oreille. Les Oursons descendent ensuite, et on les prend vivants et sans danger s’ils sont encore petits; dans le cas contraire, on les tue. On chasse en- core l'Ours d'Amérique avec des Chiens courants qui le harcèlent jusqu’à ce que le chasseur ait trouvé le moment favorable pour le tirer. Toutes les manières de le chasser sont sans danger, parce qu'il ne court jamais sur celui qui l'atfaque, et que, blessé ou non, il ne cherche jamais qu'à fuir. Seule- ment, il ne faut pas s'approcher imprudemment de lui lorsqu'il est abattu et mourant, car alors, sen- tant qu'il ne peut plus échapper au danger, il cherche à se défendre et à se venger. » Il sert aux mêmes usages que les espèces précédentes, et, en outre, les Américains ont un grand intérêt à le chasser, parce qu'ils emploient sa chair pour leur nourriture, et qu’en le détruisant ils enlèvent un des plus redoutables ennemis de leurs champs ensemencés. 5. L'OURS ORNÉ, URSUS ORNATUS. Fr. Cuvier. CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage hsse et noir; le dessous du corps et les côtés de la mâchoire in- férieure, le dessous du cou et la poitrine, jusqu'aux jambes de devant, sont blancs; du museau, qui est d'un gris roux, part une ligne fauve qui passe entre les yeux et se sépare ensuite en deux pour former, au-dessus de ces organes, deux demi-cercles. Le museau est un peu plus court que celui des autres espèces d'Ours, d’un fauve sale. Sa taille dépasse rarement 17. C'est le premier Gurs, ainsi que le fait observer Fr. Cuvier, dont on ait vu le pelage aussi orné; mais ce système de coloration tient peut-être uniquement à l’âge de animal, et disparait quand l’Ours devient adulte. Dans ce cas, ce ne scrait qu'une simple variété de l'Ours d'Amérique, et dès lors, probablement aussi, de l'Ours ordinaire d'Europe. [est commun dans les Cordillières du Chili, ce qui lui a valu le nom d'Ours pes ConniLnières, qu'il porte quelquefois, et se rencontre également dans presque toute l'Amérique australe. S'il est le même que celui que Garcillasco de la Véga et Acosta disent exister au Pérou, c’est le seul Ours qu'il y ait dans l'Amérique méridionale. D'après M. Roulin, qui a longtemps séjourné dans les pays qu'il habite, cet Ours, dans sa jeu- nesse, paraît se nourrir exclusivement de fruits et de racines, et est alors peu dangereux. Mais lors- que, poussé par la faim, il a une fois mangé de la chair d'un animal, il y prend tellement goût qu'il ne veut plus d'autre nourriture; il devient alors la terreur de toutes les fermes du canton, auxquelles il enlève un grand nombre de Mules et de Chevaux. C’est à ce sous genre auquel nous croyons devoir rapporter les diverses espèces d’Ours fossiles qui ont été découvertes dans les nombreuses cavernes à ossements de l'Allemagne et dans les brè- ches osseuses, ainsi que dans le diluvium du littoral de la Méditerranée. Dès 1672, Péterson Hagn représenta plusieurs os d'Ours tirés des cavernes allemandes, et il les figura sous le nom d’ossements de Dragons. Brückman, en 1732, dans une description des cavernes de la Hongrie, annonça que les os qu'elles renferment, de même que ceux des cavernes de l'Allemagne, étaient des ossements d'Gurs. Une fois cette affinité admise, on voulut les comparer aux espèces vivantes, et les premiers auteurs qui s’occupèrent de ce travail crurent reconnaître dans les têtes d'Ours des cavernes la tête de l'Ours blanc. Mais Comper, Rosenmüller, Hunter et Blumenbach, annoncèrent que ces têtes diffé- raient de celles des espèces actuelles, et le dernier établit, sous les noms d'Ursus spelœus et arctoi- deus, deux espèces parmi elles. G. Cuvier admit la première comme espèce distincte, et la seconde avec doute, ainsi qu'une troisième espèce décrite par Goldfuss sous la dénomination d'Ursus pris- cus. Depuis ce temps, plusieurs paléontologistes, tels que MM. Oken, Croizet et Jobert, Bravard, De- CARNASSIERS. 209 vèze et Bouillet, Marcel de Serre, Nesti, Falconner et Cautley, établirent de nouvelles espèces, en sorte qu’en les inscrivant toutes on en compterait douze, dont ouze propres à l'Europe. De Blainville n'en adopte que deux seulement, l'Ours des cavernes et l'Ours d'Auvergne; encore regarde-t-il la première comme constituant, avec les Ours brun et noir d'Europe, une seule et unique espèce, qui atteignait une taille presque gigantesque, comparativement avec les races actuelles. Pour nous, à l'exemple de la plupart des paléontologistes modernes, et principalement de M. Laurillard, nous en admettons cinq espèces que nous allons indiquer d'après le naturaliste que nous avons cité en der- nier lieu. s 6. L'OURS DES CAVERNES ou A FRONT BOMBÉ. URSUS SPELÆUS. Blumerbach CaracrÈèRes spécrriques. — Front fortement élevé au-dessus de Ja racine du nez, et présentant deux bosses convexes. Chez cet Ours, le diamètre de l'orbite est comparativement plus petit que dans les autres; les dents offrent chacune quelques différences avec cellss des espèces actuelles; M. Owen à principale- ment fait remarquer que la première molaire permanente d'en haut a son diamètre antéro-posté- rieur plus long, et que la même dent de la mâchoire inférieure offre une, pointe de plus. L'Ours des cavernes était de près d’un quart plus grand que notre Ours d'Europe; il était égale- ment plus trapu, car des os longs d'individus de même taille sont plus épais à proportion dans l’es- pèce fossile que dans l'espèce actuelle. De Blainville réunit cette espèce’à notre Gurs d'Europe, l'Ursus arctos, et Smerling, au contraire, veut en distinguer ses Ursus fornicalus, major et minor. On rencontre les ossements de ce Carnivore en grande abondance dans toutes les cavernes d’Alle- magne, de Belgique, de France, et plus rarement dans celles d'Angleterre. 7. L'OURS ARCTOIDE. URSUS ARCTOIDEUS. Blumenbach. CaracTÈRES spÉCIFIQUES. — Crâne moins bombé que dans l'espèce précédente; bosses frontales moins saillantes; crêtes temporales se réunissant plus en arrière et par un angle plus aigu. De la même taille que l’Ursus spelœus. De Blainville regarde les têtes sur lesquelles cette espèce est établie comme celles de femelles de l'Ours des cavernes; MM. Wagner, Pictet et Owen la considèrent comme une variété du même Ursus; enfin M. Laurillard fait remarquer que, comme il existe de rares humérus qui se distinguent par un trou au condyle interne pour le passage de l'artère cubitale, on doit peut-être les attribuer à ces têtes de formes particulières et peu nombreuses, et qui, dès lors, constitueraient une espèce dis- uincte. Oken en fait son Ursus planus. Du reste, les débris de cet Ours se rencontrent dans les mêmes lieux que ceux de l'espèce précé- dente. 8. L'OURS INTERMÉDIAIRE. URSUS PRISCUS. Goldfuss. Canacrèurs spécrriques. — Tête tenant le milieu entre celle de l'Ours ordinaire et celle de l'Ours noir d'Amérique; profil supérieur de celte tête moins arqué que dans aucune espèce vivante. L'es- pace compris entre la première molaire permanente et la canine plus étendu, de sorte que les petites fausses molaires sont plus écartées. De la taille de l'Ours d'Europe. Il a été trouvé pour la première fois dans la caverue de Gaylenreuth, et depuis a ête repris dans plusieurs localités différentes, surtout en Allemagne. 20 27 210 HISTOIRE NATURELLE. De Blainville regarde cette tête comme un degré plus rapproché de l'Ours d'Europe que de l'Ours à front bombé; M. Wagner pense que son caractère spécifique ne peut être donné avec certitude; mais MM. Pictet et Owen l’admettent comme espèce perdue. Enfin M. Laurillard fait observer que, soit qu'on le considère comme la souche de nos Ours d'Europe, soit qu'on le regarde comme espèce distincte, il n'en est pas moins vrai que les différences qui caractérisent les Ours des cavernes et arctoïde de celui-ci ne tiennent pas aux circonstances extérieures, puisque ces circonstances étaient les mêmes pour toutes les espèces contemporaines. 9. L'OURS D'AUVERGNE. URSUS ARVERNENSIS, Croizet et Jobert. CaracrÈREs sPÉCIFIQUES. — Museau plus large que celui de l'Gurs ordinaire; molaires plus petites; fausses molaires très-séparées l’une de l'autre et persistantes; le talon interne de la carnassière d'en haut aussi rudimentaire que dans l'Ours blane et dans l'Ours malais; les six incisives occupant un espace moindre, comme dans l'Ours noir d'Amérique, quoique les externes soient fortes. Taille or- dinaire, un peu moins forte que celle de Ours d'Europe. Un autre caractère de cette espèce consiste dans son humérus, qui est percé au condyle interne, comme cela à lieu dans l'Ours orné. Les débris de cette espèce, dont une mâchoire supérieure est représentée dans l’'Essai sur la montagne de Boulade, 1827, de MM. Devèze et Bouillet, sous la dénomination d'Ursus minimus, et dans les Aecherches sur les ossements fossiles du Puy-de-Dôme, 1898, de MM. Croizet ct Jobert, et une autre dans l'Ostéographie de De Blainville, se rencontrent dans les alluvions anciennes sous- volcaniques de l'Auvergne. De Blainville pense que cette espèce, la seule qu'il regarde comme éteinte, pourrait bien être la même que l'Ours pe Toscaxe (Ursus Etruscus), G. Guvier, établi sur des fragments de mâchoires su- périeures. Mais, comme le fait observer M. Laurillard, on voit que le talon interne de la carnassière est plus marqué dans l'Ours d'Amérique que dans celui de Toscane, ce qui fait penser qu'il y a là deux espèces particulières. G.Cuvier avait changé ce nom d'Ursus Etruscus en celui d'Ursus cultri- dens, Nesti, d’après le témoignage de M. Portland, qui lui avait annoncé que cet Ours portait de longues canines aplaties, comme le Smilodon ou Felis cultridens, d'Auvergne; mais, comme aueun naturaliste italien n’a rien publié depuis ce temps à cet égard, on est encore obligé d'attendre avant de se former une opinion définitive sur cette espèce. M. Croizet indique aussi ces mêmes fossiles sous le nom générique de Cultridens, et il y distingue trois prétendues espèces, les C. Etruario- ruun, Îssiodorensis et Arvernensis. Quant aux espèces nommées Ursus Pittoriè et metoposcuiruus par M. Marcel de Serre, Ursus Leo- diensis et giganteus, par Smerling, et Ursus Neschersensis, par M. Croizet, c'est avec raison que De Blainville a dit qu'elles ne reposaient pas sur des caractères assez bien déterminés et qu’elles de- vaient se rapporter, soit à l'Ursus spelæus, soit à l'Ursus arctoideus. M. Lund a figuré, mais non décrit, uuc espèce particulière, son Ürsus Brasiliensis, dont quel- ques ossements avaient été découverts sur le bord d’un fleuve de l'Amérique méridionale. Mais un fait curieux, et qui semble tout à fait confirmé par les observations de M. Harlan, qui a pu l'obser- ver sur les lieux, c’est que les nombreux ossements d'Ours que l’on rencontre dans les cavernes de PAmérique ne constituent pas des espèces particulières, mais qu'ils se rapportent à celle qui se trouve encore aujourd'hui dans cette contrée. Enfin, une espèce fossile plus importante, et sur laquelle nous regrettons de ne pouvoir donner quelques détails, est lOurs pes Sivarics (Ursus Sivalensis), dont MM. Cuntley et Hugh Falconner int trouvé, dans le versant méridional des monts Himalayas, une tête osseuse, qu'ils ont figurée ans leur bel ouvrage, mais non décrite. De Blainville pense que cette espèce doit avoir de l'analogie ec l'espèce d'Ours actuellement vivante dans l'Inde, l'Ursus labiatus, er il lui a appliqué les noms scnériques d'Amphiarctos (aue, des deux côtés; oovres, Ours) et de Sivalarctos (Sivalice, Sivalic; agxros, Ours) dans son Ostéographie, ASA : 9 fascicule. CARNASSIERS, 211 4° SOUS-GENRE. — HÉLARCTOS. HELARCTOS. Horsfield, 1854. Zoological Journal, t, IT. Er, chaleur du soleil; pros, Ours. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Ongles longs et comprimés. Museau assez court. Lèvres non pendantes. Pelage noir. Une tache jaunaätre, large, en cœur ou en crorssani, sur la poitrine. Ce sous-genre ne renferme qu’une seule espèce, dont Horsfield a fait le type de son genre Hlel- arctos, tandis que M. Gray la comprend dans le genre Prochilus d'Illiger. 10. OURS EURYSPILE ou OURS MALAIS. URSUS MALAYANUS. Raffles. CaracrÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage noir, assez ras et luisant; au-dessus des yeux, il y a une tache d'un fauve päle, très-marquée dans les jeunes individus, et qui disparaît avec l’âge; le museau est également d’un fauve roussâtre, et la poitrine est couverte d'une tache de cette même couleur, qui pré- sente la figure imparfaite d’un large cœur. C'est la plus petite espèce d'Ours; elle a un sixième de grandeur de moins que l'Ours aux grandes lèvres. La tête de cet animal est ronde; son front large, et son museau plus court proportionnellement que celui des autres Ours. Le cartilage des narines est semblable à celui de l'Ours d'Europe. L’Ours euryspile, qui a reçu successivement les noms d'Ursus Malayanus, Raffles, et de Prochi- lus Malayanus, Gray, et dont Horsfield a voulu à tort faire deux espèces particulières sous les dé- nominations d’{lelarctos Malayanus et euryspilus, est nommé, par les Malais, Ours bateleur, parce que, chez ces peuples, on l'apprivoise souvent, et qu'on lui apprend facilement à danser et à faire divers tours. De même que l'Ours à grandes lèvres, il présente quelque chose de grotesque dans les gestes et la tournure. Il est, au reste, peu farouche, et ne manque pas d’une certaine intelligence. On le trouve à Bornéo, à Java, à Sumatra, probablement dans d’autres îles de la Sonde, et, selon Duvaucel, dans le Pégu. On a pu le transporter vivant en Europe, et notre Ménagerie du Muséum de Paris en a possédé, pendant assez longtemps, un individu. k Par la forme arrondie de sa tête et la largeur de son front, il se distingue aisément des autres espèces du même genre, une seule exceptée, c’est-à-dire de l’Ours à grandes lèvres, qui habite à peu près les mêmes contrées que lui, et c’est probablement pour cela qu'on a dit qu’il n’en était sans doute qu'une variété plus petite et bien tranchée. Pour nous, nous les regardons comme tout à fait distinctes, et nous n’aurions, pour le prouver, qu'à rapporter les caractères particuliers des deux sous-2enres felarctos et Prochilus. > 19 _— 19 HISTOIRE NATURELLE. 5° SOUS-GENRE. — PROCIHILE. PROCHILUS, Tiger, 1811. Prodroma systemalica Mammalium et Avium, Hocyeuos, lèvre à partie saillante: CARACTÈRES DISTINCTIFS. Ongles longs, comprimés. Museau allongé. Livres lonques, pendantes, très-mobiles. Pelage noir brunätre. Une tache blanche en forme de V. sur la poitrine. Ce sous-genre, créé comme genre par Illiger, non-seulement pour la seule espèce qui y entre aujourd'hui, mais encore pour celle que nous avons comprise dans le sous-genre Æelarctos, corres- pond au genre Melursus (meles, Blaireau; ursus, Ours), créé par M. Meyer (Zool. Am. 1794), et adopté, avec juste raison, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et au genre Chondrorhnchus (zevdees, cartilage; suyyes, nez) de G. Fischer (Zoographie, 1. IL, 1814). On n'y range qu'une seule espèce. 11. L'OURS AUX GRANDES LEVRES ou OURS JONGLEUR. URSUS LABIATUS. De Blainville. CaracrÈres sréciriQues. — Pelage d’un noir foncé, présentant quelquefois quelques taches éparses, un peu brunâtres; la poitrine marquée d’une tache blanche en forme de V; de taille moyenne, car sa longueur totale ne dépasse pas 1,35, c’est-à-dire qu'il est d'un huitième moins grand que 1 Gurs d'Europe. Chez cet animal, les lèvres sont très-grandes, lîches, très-extensibles, et la langue est d’une lon- gueur extraordinaire : ces deux caractères sont particulièrement d’une très-grande valeur, et, en outre, on doit remarquer que le bout de la lèvre inférieure dépassant la supérieure donne à ce Car- nivore une figure stupidement animée, pour nous servir de l'expression même de Fr. Guvier. La tête est assez petite. Les oreilles sont grandes, comparativement à celles des autres espèces du même genre. Le museau est épais, allongé. Le cartilage du nez consiste dans une large plaque plane et mobile. Dans le jeune âge, les poils n'étant pas très-longs, cet Ours paraît assez élevé sur ses jambes et très-libre dans ses mouvements; mais, en devenant vieux, les poils qui entourent la tête, prenant beaucoup de longueur, donnent à cette partie du corps des proportions presque monstrucuses, et ceux du reste du corps, tombant presque jusqu'à terre, cachent ses jambes et le font paraître beau- coup plus lourd, au contraire, qu'il n’est en effet. L'Ours à grandes lèvres a donné lieu à une singulière méprise de la part des naturalistes; nous allons la faire connaître d'après les propres paroles de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (Diction- naire classique, 4. NH, 1827). « Un individu de cette espèce, privé de toutes ses incisives, soit par suite de l'âge, soit par quelque autre circonstance individuelle, fut amené en Europe, vers 1790, par des montreurs d'animaux; il fut examiné à cette époque par plusieurs naturalistes, et décrit par eux avec som, L'espèce pouvait être dès lors bien connue; mais ces naturalistes ne comprirent pas que l'absence des incisives pouvait être accidentelle, et, grands admirateurs de la méthode lin- néeune, ils se trompèrent, pour avoir suivi à la lettre un immortel ouvrage sans en avoir pénétré l'esprit. Le nouvel animal manquant d'incisives appartenait nécessairement, suivant eux, à l'ordre des Bruta, que caractérise la phrase suivante : Dentes primores nulli utrinque; ainsi, quoiqu'il eût , CARNASSIERS. 215 le port, la physionomie, les doigts, et tous les caractères extérieurs des Ours, il fut placé dans le genre Bradypus. On se fondait, pour ce dernier rapprochement, sur l'existence, chez le nouvel Ours, d'ongles très-allongés et de poils assez semblables à ceux des Paresseux, et sur cette autre considération purement négative qu'il s'éloigne des autres genres de l'ordre des Bruta beaucoup plus encore que de celui des Bradypes. On se rappelle en effet que cet ordre, qui correspond à peu près à celui que l’on désigne aujourd'hui sous le nom d'Édentés, comprenait les genres Bradypus, Myrmecophaga, Manis, Dasypus, Rhinoceros, Elephas et Trichecus. C'est ainsi que l'Ursus la- biatus fut décrit par divers auteurs sous le nom de Bradypus ursinus, Shaw; de Paresseux ursi- forme, Pennant; de Paresseux Ours et de Paresseux à cinq doigts. Plus tard, quelques auteurs, sans comprendre encore ce qu'était le Bradypus ursinus, comprirent du moins qu'il n’était pas un véritable Paresseux, et ils créèreut pour lui un genre nouveau, qui fut nommé Prochilus par Illiger, et Melursus par Meyer. On doit à Buchanan et à Sonnini d’avoir annoncé les premiers, à De Blain- ville (Soc. philomathique, 1817) et à Tiedeman, d'avoir démontré que le prétendu Paresseux n’est qu'un Ours, à la vérité remarquable par la présence de quelques caractères particuliers. » À cet his-. torique des plus intéressants, nous ajouterons seulement que, pour Tiedeman, cet animal est son Ursus longirostris, et que pour Fr. Cuvier, qui a pu plus tard l'étudier, mais sur un très-vieil indi- vidu, c'est son Ours jongleur. Cette espèce est, suivant Duvaucel, assez commune au Bengale, particulièrement dans les montagnes du Silhet, et elle se rencontre le plus habituellement dans les environs des lieux habités. Elle passe pour être exelusivement frugivore. Douce et intelligente, elle se laisse facilement dresser par les jon- gleurs de l'Inde, et, comme la précédente, on lui apprend à faire différents exercices et à les répé- ter devant le public. Oeuaime Ohoision PETITS-OURS. SUBURSI. De Blamville. Corps assez trapu, moins cependant que celui des Ours. Marche plantigrade. Queue quelquefois courte, quelquefois longue. Pas de clavicule. Ilumérus percé d'un trou au condyle interne. Système dentaire différant de celui des Ours, et particulier pour presque chaque espèce. Les Petits-Ours, pour nous servir de l'heureuse expression de De Blainville, sont en général des animaux de taille médiocre que Linné comprenait, pour la plupart du moins, dans son genre Ursus, parce qu’en effet ils ont également le poil hérissé, qu'ils sont le plus souvent plantigrades, pourvus de cinq doigts aux deux paires de membres, que les carpes comme les tarses sont entièrement nus, larges, et appliqués complétement sur le sol. Aussi tous ces animaux ont-ils une démarche et une allure qui ne peuvent être comparées à celles des autres Carnivores, et surtout des Digitigrades, comme les Chiens principalement. Ce sont des animaux qui, comme les Ours, se nourrissent plus volontiers de substances végétales qu'animales, demi-nocturnes, dormeurs, quelquefois au point de s'engourdir complétement dans l'hiver, s’engraissant avec la plus grande facilité. Tous sont également dépourvus de elavicules, n'ayant pas même d'os claviculaires; ils n’ont pas non plus de cœcum, le cd'on se conti- nuant sans interruption avec le rectum. Mais ils en diffèrent, parce que toutes les espèces de Petits- Ours ont l'humérus percé au condyle interne, particularité qui n'existe peut-être que dans deux espèces d'Ours, et surtout par leur système dentaire, qui, différant constamment de celui de ces derniers animaux, présente une composition particulière presque pour chaque espèce. C’est même ce qui à 214 HISTOIRE NATURELLE. déterminé les zoologistes qui ont pris ce système comme base de l’établissement des genres à en former un assez grand nombre, qu'ils ont confirmés plus ou moins heureusement par quelques lé- gères particularités, et entre autres par la considération de la queue, qui, presque nulle dans les premières espèces, s'allonge beaucoup dans certaines autres. Les Petits-Ours se trouvent répandus dans toutes les parties du monde; un seul genre, celui des Blaireaux, se rencontre en Europe, sur les bords de la Méditerranée. On en connait des espèces vi- vantes en assez petit nombre, et quelques-unes à l’état fossile, Parmi ces dernières, quelques-unes correspondent à des espèces encore existantes aujourd'hui, et d’autres constituent des groupes tout à fait distincts. Cette division répond en partie à la famille des Viverridés de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et à ses tribus des Ursiens et des Mustéliens. Pour De Blainville, on ne doit y admettre que : 1° en groupes d'animaux actuellement vivants, les genres Panda (Ailurus), Raton (Procyon), Coati (Na- sua), Kinkajou (Cercoleptes), Arctites (Arctites ou Ictites), Arctonyx (Arctonyæ) et Blaireau (Meles); et 2° les groupes d'animaux fossiles qui portent les noms de Pterodon et T'axotherium. Pour nous, nous admettrons un plus grand nombre de coupes génériques, tout en faisant, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, une tribu pour le Kinkajou (Cercoleptes) et en rangeant dans cette division des genres que De Blainville n’y mettait pas; nous y placerons particulièrement les genres Rarox (Procyon), Paxva (Ailurus), Coarr (Nasua), Jemne ou Arcrmipes (/ctdes), Agno- therium, Braimeau (Meles) et les subdivisions qu’on y a formées, Taxoraerum, Pasrocvon, Au- PHICYON, Préronon, GLouron (Gulo), Gazieris (Galictis), Mérocaze ou Heuieris (Melogale) et Rarez (Mellivora). A GENRE. — RATON. PROCYON. Storr, 1780. Prodroma methodica Mammalium. Hpcxvwv, nom appliqué au Raton chez les anciens CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, $; canines, =; molaires, ; en totalité quarante dents incisives inférieures bien rangées; canines grandes, comprimées de chaque côté; les trois premières mo- laires sunples, triangulaires, pointues, distantes entre elles, les trois dernières lubereuleuses ; la quatrième présentant trois pointes sur son bord externe; la cinquième presque en entier tubercu- leuse et la plus forte de toutes, et la sixième n’offrant absolument que des tubercules. Corps peu massif. Tête large. Museau pointu, assez effilé, quoique moins que celui des Coats. Oreilles externes petites, ovales. Veux assez ouverts, à pupilles rondes. Langue douce. Pattes moins fortes que celles des Ours. Pieds terminés par cinq doigts, armés d'ongles assez acérés, forts. Talons des pieds de derrière n'appuyant pas tout à fait sur le sol dans la marche, ce qui fait que l'animal n'est pas complétement plantigrule. Queue médiocrement longue, pointue, non prenante. Mamelles toutes ventrales, au nombre de six. Le genre Raton a été créé, par Storr, aux dépens des Ours, avec lesquels il était anciennement confondu, et dont il se distingue par ses formes moins lourdes et par leur agilité beaucoup plus grande. Tiedeman (Zoolog., 4808) a proposé de donner le nom de Lotor à l'espèce véritablement CARNASSIERS, 915 typique de ce groupe, mais ce fractionnement inutile n’a pas été adopté par les auteurs; M. Gray, 1825 l’adopte et fait une division particulière de ce genre sous la dénomination de Procyonine. Ainsi que nous l'avons déjà dit, le genre Raton offre d'assez grands rapports avec celui des Ours, et en même temps il a beaucoup d’analogie avec les Coatis, de sorte qu’il peut servir à établir d’une manière parfaite le passage entre ces deux groupes génériques. D'après M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les caractères du système dentaire peuvent être résu- més de la manière suivante : six incisives à chaque mâchoire; les inférieures toutes très-pelites, tan- dis qu'à la mâchoire supérieure celles de la paire latérale sont assez grandes et en forme de canines: ces dernières dents assez fortes, comprimées; molaires tuberculeuses, au nombre de six de chaque côté et à chaque mâchoire; savoir : à la supérieure trois fausses molaires qui grandissent successi- vement depuis la première jusqu’à la troisième; une carnassière assez semblable à celles des Chats, mais beaucoup plus épaisse, et deux mâchelières assez semblables à celles qui leur correspondent à la mâchoire supérieure. , Fig. 74. — Raton laveur Pour De Blainville, le système dentaire des Ratons n'offre rien de bien différent de celui des Coatis, sur lequel nous rapporterons ce qu'en dit ce célèbre naturaliste. Le nombre des dents et la disposition sont absolument les mêmes dans ces deux genres, quoique les barres postcaniennes soient moins étendues et même presque nulles. Les incisives sont également petites, mais plus en ligne droite : les supérieures toutes contiguës, et les inférieures presque verticales. Les ca- nines sont moins déjetées en dehors et moins tranchantes, surtout dans le Raton crabier. Les trois avant-molaires sont aussi plus coniques dans leur pointe, moins cependant chez le Raton ordi- naire que dans ce dernier; la principale supérieure est surtout plus grosse et moins triquètre : aussi son bord externe a-t-il trois denticules, un médian plus grand au milieu de deux égaux, et son talon large et arrondi offre deux tubercules plus marqués. Quant aux deux arrière-molaires, c’est assez bien la même forme et la même proportion, du moins dans le Raton commun, car, dans le Raton cra- bier, la dernière molaire, aussi bien en haut qu'en bas, est, proportionnellement avec l’avant-der- nière, beaucoup plus petite, ce qui caractérise parfaitement ces deux espèces. Le squelette de ces animaux, sur lequel Daubenton avait dit quelques mots, a surtout été étudié par De Blainville; il en donne une description comparative avec celle du Blaireau, qu'il prend pour type de sa division des Subursus. Dans le Raton crabier, le squelette s'allonge par l'augmentation de la partie caudale, et les membres deviennent plus grêles et même plus élevés que dans les Ours. Le nombre des vertèbres est en totalité de quarante-huit à cinquante, dont quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze ou quinze dorsales, cinq ou six lombaires, trois sacrées et dix-huit coceygiennes. La tête, quoique un peu plus allongée que celle du Blairean, lui ressemble cependant beaucoup dans sa forme générale, même dans un assez grand nombre de particularités; seulement, dans la partie cra- nienne, il y a un peu plus de largeur et d'étendue, et la crête occipitale est moins prononcée; dans la partie faciale, il ÿ a proportionnellement plus de largeur; l'orbite est notablement plus grande et ses apophyses sont plus marquées, et l’arcade zygomatique est plus faible. La mâchoire inférieure 916 HISTOIRE NATURELLE. est encore robuste, mais moins allongée que celle du Blaireau. Les vertèbres cervicales ne présen- tent que peu de différences. Les dorsales ont leur apophyse épineuse un peu plus élevée, plus étroite et plus inclinée en arrière. Les vertèbres coceygiennes sont moins nombreuses; les deux ou trois premières out seules des os en V et ont des apophyses transverses plus longues; les dernières s’al- longent et s’effilent assez graduellement, sans cependant être de longueur très-inégale. L'hyoïde a son corps assez court, droit. Les pièces du sternum sont au nombre de neuf: le manubrium dépasse un peu en avant l'articulation de la première corne. Les côtes sont au nombre de quatorze paires, dont neuf vraies, qui sont grêles, étroites, sauf la première, notablement large. Les membres sont évidemment plus longs que ceux du Blaireau, et surtout plus grêles. L'omoplate est encore assez élargie en avant, et l'appendice de l'angle assez marqué. L'humérus, égalant en longueur les dix pre- micres vertèbres dorsales, est sensiblement moins robuste que dans le Blaireau, surtout remarquable par plus de longueur proportionnelle; l'empreinte deltoidienne dépasse à peine la moitié de la lon- gueur totale de l'os; le condyle est toujours percé d'un trou oblique. Le radius égale en longueur l'humérus; aussi est-il fort grêle, un peu arqué, un peu moins large à l'extrémité supérieure qu'à l'infé- rieure, et très-serré contre le cubitus, encore plus grêle que dans le Blaireau, également un peu arqué, terminé supérieurement par un oléerane court, assez rebroussé, et inférieurement par une apophyse styloide longue et assez renflée. La main est devenue plus longue et plus étroite en totalité et dans toutes ses parties. Cette différence est sensible même dans le carpe; les métacarpiens sont aussi no- tablement plus longs et plus grêles. Les phalanges prennent leurs proportions ordinaires; les deuxièmes près de moitié plus courtes que les premières. Les membres postérieurs, surtout dans leur dernière partie, sont encore plus allongés proportionnellement que les antérieurs. L'os inno- miné est un peu moins long et même surtout un peu moins large que l'iléon chez le Blaireau. Le fémur est au contraire plus long et atteint les onze premières vertèbres dorsales. Les os de la jambe sont de la longueur de celui de la cuisse, et proportionnellement encore un peu plus gréles. Le tibia est, en outre, assez fortement comprimé dans ses parties supérieures, et meédiocre- ment élargi à ses deux extrémités; le péroné plus large en bas qu'en haut, sans apophyse malléo- laire un peu saillante, et très-grêle et même un peu arqué dans son corps. Le pied n’est pas tout à fait aussi lof® que la jambe. Le tarse est évidemment plus étroit que dans le Blaireau; mais la forme et les proportions des os qui le composent sont à peu près les mêmes dans le Raton et le Blaireau. Les métatarsiens et les phalanges sont un peu plus allongés. L'os du pénis existe et est même assez développé, comparativement avec celui du Blaireau; il est fortement recourbé en S renversée princi- palement à la partie antérieure, qui est fortement arquée en dessus; son corps est assez renflé en massue en arrière, un peu triquètre, arrondi jusqu'en avant, où il se comprime et se termine par un petit renflement bifurqué par une gouttière. Le squelette du Raton ordinaire ne diffère guère de celui du crabier, que nous venons de dé- crire, que ‘parce que les membres en général et les os qui les composent sont plus grêles et plus élevés, ce qui a sans doute, comme le fait remarquer De Blainville, porté Daubenton à établir la com- paraison avec ceux du Chat. Mais, du reste, ce sont les mêmes fornies et les mêmes nombres dans toutes les parties; la tête esi seulement un peu plus étroite dans la partie cérébrale et plus allongée dans la partie faciale, quoique la voûte palatine, au delà des dents, soit un peu plus longue. Généralement semblables aux Ours par leur organisation, les Ratons leur ressemblent aussi à beaucoup d'égards par leurs mœurs. Toutefois ils passent pour être beaucoup plus agiles qu'eux, et l'on prétend qu'ils montent aux arbres avec une grande promptitude et beaucoup de facilité. Mais, comme le remarque M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ce dernier fait ne doit nullement nous sur- prendre, puisque les Ratons sont d'une taille de beaucoup inférieure à celle des Ours, et qu'ils sont ainsi notablement plus légers. « Du reste, ajoute le savant professeur que nous venons de nommer, nous n'avons jamais observé dans les allures des Ratons qui ont véeu à la Ménagerie du Muséum rien qui indiquât en eux l’agilité qu'on leur attribue. Toujours leur marche nous a paru assez lourde et leurs allures pesantes, plus même que celles des Ours. » Le régime diététique des Ratons est le même que celui des Ours; ils vivent également de substances végétales et de substances ani- males, et ils ont même plus de facilité pour atteindre une proie vivante. Leur intelligence est aussi développée que celle des Ursus; cependant ils sont moins courageux que ceux-ci et présentent sou- vent de la timidité et de la crainte. M. Isidore Geoffroy dit « qu'a l'aspect d’un homme, un Raton CARNASSIERS. 217 s'enfuit aussitôt et se retire dans le coin le plus obscur de sa loge; souvent même il s'élance contre ses barreaux et témoigne la plus vive frayeur : l’Ours, qui, de même que le Raton, ne possède que des armes peu puissantes, ne redoute rien, parce que sa grande taille et sa force en compensent la faiblesse; d'autres Carnivores, tels que les Chats et les Lynx, aussi petits que le Raton, fuient à l'ap- proche de l'homme, mais en menaçant, parce qu'ils ont confiance dans l'excellence de leurs armes; mais le Raton, à la fois mal armé comme le premier et faible comme le second, ne trouve en lui- même aucune ressource: il ne songe qu à la fuite et non à la défense. » La fourrure de ces animaux est douce et épaisse à la fois, et à peu près de même nature que celle des Renards. Elle est assez recherchée dans le commerce de la pelleterie; ce qui fait que l’on chasse souvent ces animaux. Les Ratons actuellement vivants sont tous exclusivement propres à l'Amérique, et se rencontrent aussi bien dans les contrées méridionales de cette partie du monde que dans les régions septentrio- nales. On en connait bien, et depuis longtemps, deux espèces, qui sonttrès-facilement caractérisées; dans ces derniers temps, M. Wagler en a décrit une troisième, et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a dit qu'on devrait peut-être en distinguer deux autres. Jusqu'ici, il ne paraît pas qu'on ait encore trouvé d’ossements fossiles qui aient appartenu à une espèce de Ratons, soit dans les immenses alluvions de la Plata et de ses affluents, soit dans les nombreuses cavernes du Brésil, explorées assez récemment par MM. Claussen et Lund; cependant il est très-probable que par la suite on en découvrira. Quant aux débris fossiles provenant des plà- trières des environs de Paris, décrits par G. Cuvier dans ses Ossements fossiles, comme se rappor- tant à un groupe paléontologique voisin des Ratons et des Coatis, ossements dont De Blainville fait son genre T'axotherium, nous aurons bientôt l'occasion d'en parler. Les deux espèces de Ratons, qui sont seules parfaitement connues, sont : 1. RATON LAVEUR. PROCYON. LOTOR (URSUS). Linné. CaracTÈRES sPÉGIFIQUES. — Teinte générale du corps d'un gris noirâtre, plus pâle sous le ventre et sur les jambes; museau et oreilles blanchâtres; chaque œil entouré d'une tache noire qui descend obliquement jusque sur la mâchoire inférieure; poils des joues et des sourcils blancs, longs et diri- gés en bas; chanfrein noir; lèvre supérieure portant des moustaches longues, fortes; jambes présen- tant des poils presque ras; queue très-touffue, d'un blanc jaunâtre, offrant cinq anneaux noirs et quelquefois un nombre plus considérable. Longueur du corps, environ 0,65; de la queue, 0",26. Fig. 72. — Raton laveur Buffon a parlé de cet animal, qu'il désigne sous son nom vulgaire de Rarox; SU le premier, le séparant du genre linnéen des Ursus. lui a appliqué la dénomination latine de Procyon lotor, qui est généralement adoptée aujourd'hui 21 28 218 HISTOIRE NATURELLE. Cinq variétés sont indiquées par les auteurs, et souvent même signalées conime des espèces parti- eulières, ce sont : 1° le H'aton laveur fauve, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui a da blanc où les- pèce type a du gris, et du roux assez vif à la place du noir; 2 le Raton laveur à gorge brune, que alisot de Beauvais regardait comme une espèce distincte, chez lequel la gorge offre une tache brune, et qui en outre est petit et a une queue très-longue; 5° le Raton laveur blanc (Meles albus, Brisson), dont le dessus du corps présente des poils très-épais, et qui est d’une couleur blanc jau- uâtre en dessous; 4° le Raton agonurapopé, que D'Azara indique comme venant uniquement du Pa- raguay, et qui diffère du Procyon lotor par l'absence de tache noire sur l'œil, par les oreilles plus pointues, et parce que le dernier tiers de la queue est noir; et 5° le Raton brun du pays des Hu- rons, que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire indique avec doute comme pouvant former une espèce particulière. Quant aux individus à pelage blanc ou roussätre clair, que l'on trouve quelquefois aux États-Unis, il est très-probable que l'on doit les rapporter aussi au type que nous venons de décrire. Le Raton laveur, qui ressemble un peu à un Renard, mais dont le tronc est plus épais, plus rac- courci et plus ramassé, semble se rencontrer dans les deux parties de l'Amérique; mais cependant ilest plus commun dans les régions septentrionales que dans les provinces méridionales. Ces Carnivores se nourrissent de racines, et parfois ils montent, dit-on, aux arbres pour s'empa- rer des œufs dans les nids et même des jeunes Oiseaux. On les apprivoise aisément et l'on en a com- munément dans nos ménageries; on les nourrit avec du pain, de la chair crue ou cuite, et, en géné- ral, avec tous les aliments végétaux où animaux que l’on a sous la main. Hs ont la singulière habi- tude de plonger constamment leurs aliments dans l'eau et de les rouler ensuite quelque temps dans leurs mains avant de les avaler; c’est même à cette particularité qu ils doivent leur surnom de la- veur, et que Linné les a désignés sous le nom d'Ursus lotor. Leur fourrure était employée autrefois dans nos fabriques de chapeaux; leur graisse sert aux mêmes usages que celle des Ours. 2 RATON CRABIER. PROCYON CANCRIVORUS (URSUS). Linné. CaracrÈèREes sPÉCIFIQUES. — Teinte du pelage d'un gris fauve mêlé de noir et de gris; le noir domi- nant sur la tête. le cou et le dos; les côtés du cou et du corps sont d'une couleur fauve sans mé- lange; le bout du nez et les narines sont noirs; une bande brun noirâtre entoure les veux et s'étend jusqu'aux oreilles; le dedans de celles-ci offre des poils blancs; une tache blanche se trouve au mi- lieu du front; les parties inférieures sont d’un blanc jaunâtre; les pattes d’une couleur brun noirâtre, et la queue, fauve mélé de gris, présente huit où neuf anneaux noirs. Il est un peu plus grand que le précédent. Cette espèce a été décrite par Buffon sous le nom de Raton crabier. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire fait observer qu'on devrait peut-être faire deux espèces distinctes du Raton crabier du Brésil et de celui de la Guyane, qui jusqu'ici ont été spécifiquement réunis. Quoi qu'il en soit, le Raton crabier. dont le corps est plus allongé et la queue proportionnellement plus courte que celle du Raton laveur, semble répandu dans toute l'Amérique méridionale, au Paraguay, au Brésil et à la Guyane, où il est principalement assez commun. Il a le même genre de vie que le Raton laveur, et, comme lui, aime à habiter des lieux peu éloi- gnés des fleuves, des lacs ou des bords de la mer. Il se nourrit souvent avec des Crustacés, qu'il re- cherche sur les rivages, et c’est à cette particularité qu'il doit le nom de Æaton crabier. Enfin, une troisième espèce de ce genre, que nous nous bornerons à nommer seulement, est le Maxtlaton d'Hernandez, que M. Wagler iadique sous la dénomination de Procyon Hernandezii, et qui est propre au Mexique, CARNASSIERS 219 E. — PANDA. AILURUS. Fr. Cuvier, 1895. Mammiferes de la ménageric du Muséum, 50€ livr. Auousce, Chat CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. S; canines, =}; molaires, ? Système dentaire : incisives, =, en totalité trente-six dents: les imci- sives sont à peu près toutes d'équle dimension: les cœnimes sont fortes; les molaires augmentent de grosseur à mesure qu'elles deviennent plus postérieures. Téte arrondie, grosse Face obtuse. Joues élargies. Front aplati et large. Museau conique, large et court. Nes obtus. Narines terminales. Oreilles courtes, distantes, un peu aiguës, très-poilues. Yeux placés en avant, proche des narines. Moustaches composées de poils peu fournis Corps épais. Pieds pentadactyles; paume et plante revétues d'une bourre très-dense et très-moelleuse. Ongles très-aiqus, comprimés, arqués Queue forte, épaisse, touffue. Langue papilleuse. Fig. 73. — Panda éclatant. Ce genre a été créé par Fr. Cuvier et était plac@ par lui intermédiairement entre les deux familles des Civettes et des Ours. M. Hardwicke, qui en a donné une monographie dans les Mémoires de la Société linnéenne de Londres pour l'année 1826, a montré que les Pandas devaient être rapprochés des Ratons et des Coatis par la disposition à peu près semblable de leur système dentaire, En effet, ils ne diffèrent guère des Ratons que parce que leur tête est plus allongée, le museau beaucoup plus long et terminé par un nez mobile et par quelques particularités tirées du nombre et de la forme des 290 HISTOIRE NATURELLE. molaires. En outre, comme la majorité des Ours et Petits-Ours, leur marche est franchement planti- grade, et cependant leurs ongles sont conformés presque comme ceux des Civettes, c’est-à-dire qu'ils sont rétractiles. D'après cela, on voit que ce genre, qui n’est pas encore suffisamment connu, présente des caractères communs à plusieurs groupes, et que sa place n'est pas jusqu'ici détermi- née d’une manière bien positive dans la série des animaux. On ne connait qu'une espèce de Panda, qui est propre aux monts Himalayas. PANDA ÉCLATANT. AILURUS REFULGENS. Fr. Cuvier CARACTÈRES STÉCIFIQUES. — Formes généralement ramassées el massives; cou court; longueur to- tale d'environ 4" : la queue comptait près d'un tiers de cette longueur. Pelage composé de poils longs, très-doux et lanugineux à la base; queue épaisse à la naissance, cylindrique et atténuée vers la pointe, et revêtue de poils très-longs et peu serrés. La fourrure de cet animal présente des cou- leurs tranchées et remarquables; le front offre des poils fauves, le dessus du dos, du cou et de la tête, ainsi que la base des membres, sont d’un beau fauve brun qui prend parfois une teinte dorée; une bande brune court derrière les yeux et va s'unir à celle du côté opposé sur le cou; la face, le museau et les oreilles sont d'un blanc pur; l'abdomen et les extrémités sont, au contraire, noirs; la queue est annelée de cercles alternativement jaunes ou brun fauve, et présente du noir à son extrémité; le feutre recouvrant la paume des mains et la plante des pieds est de couleur grise ou brunâtre. Le Panda fréquente le bord des rivières et des torrents qui descendent des montagnes. Il se plait sur les arbres, où il peut facilement monter au moyen de ses ongles rétractiles. Il se nourrit presque exclusivement de petits Mammifères et d'Oiseaux; conséquemment, par son régime diété- tique, il est plus carnivore que les autres Petits-Ours; mais on ne l’a pas encore assez étudié en liberté pour savoir s'il ne mélangerait pas une nourriture végétale à une proie vivante. Son cri sert fréquemment à le faire découvrir, et ressemble au mot wha souvent répété; aussi porte-t-il le nom de Wha et celui de Chitwa dans le pays qu'il habite, et c’est même de cette dénomination corrompue que l’on a fait en français le nom de Panda Cet animal semble représenter en Asie les Ratons qui sont propres à l'Amérique, on ne l'a jus- qu'ici trouvé que dans la chaîne des monts Himalayas située entre le Népaul et les montagnes nei- geuses. Duvaucel le premier a rapporté de ce pays plusieurs individus de cette espèce, qui ont servi à la description de Fr. Cuvier, et presque en même temps M. Hardwicke en recevait également un individu à Londres et s’en servait pour publier une bonne monographie. 9% GENRE. — COATI. NASUA. Storr, 1780 Lrodromus methodicus Mammalium. Nasus, nez. CARACTÈRES GÉNERIQUES. Système dentaire : incisives, %, canines, À; molaires, 2, en totalité quarante dents; les inci- sives inférieures sont bien rangées; les canines sont fortes, aiquës, comprümées, et présentent un Lranchant à leurs faces antérieure et postérieure; les trois fausses molaires supérieures de chaque colé sont simplement coniques, el il y & Lois Maies molaires, dont une carnassière antérieure et deux tuberculeuses postérieures; sur les quatre fausses molaires inférieures, on remarque une car- nassière el une tuberculeuse. Corps allongé, svelte. Nex très-allongé, fort mobile, figurant une sorte de trompe. Museau tronqué obliquement, el dont le bord supérieur est saillant. CARNASSIERS »91 Oreilles petites, ovales. Pieds à cinq doigts, demi palmés Ongles très-forts. Marche plantigrade. Queue très-lonque, couverte de poils, non prenante. Langue lisse. Mamelles au nombre de six : toutes ventrales. io. 74. — Coati. Ce genre a été créé par Storr sous la dénomination de Nasua, et, depuis, Lacépède (Tableau des Mammifères, 1803), en l'adoptant, lui a appliqué, aussi bien en français qu’en latin, la dénomina- tion de Coati. Un n’en connait que deux espèces actuellement vivantes, propres à l'Amérique méri- dionale, et encore la plupart des auteurs sont-ils d'avis que l’on doit les réunir en une seule. On a cru pouvoir en signaler plusieurs à l’état fossile, comme nous le dirons bientôt. Les Coatis, par leurs formes générales, et diverses particularités de leur organisme, doivent être placés auprès des Ratons, avec lesquels ils ont de nombreux rapports. Leur corps assez allongé, à tête étroite et prolongée en un mufle nu qui a la mobilité d'un groin, leur queue non prenante, an- nelée, presque égale au tronc en longueur; leurs yeux petits et leur langue douce et extensible, sont autant de caractères au moyen desquels on peut facilement les reconnaitre. L'odorat est leur sens le plus perfectionné. Leur voix est un petit sifflement ou grognement assez doux, lorsqu'iis mani- festent leur joie, et un cri très-aigu quand ils expriment la colère. Les femelles ont par portée cinq ou six petits. En outre, ces Carnivores sont grimpeurs, comme le montre la disposition de leurs membres, dont les extrémités leur servent à saisir les objets qu'ils veulent porter à leur bouche. Leur régime diététique est omnivore, et, en cela, ils rentrent dans la règle habituelle que nous présentent la plupart des Plantigrades. Ils boivent en lapant. Ils répandent une odeur assez désagréable. Leur pelage n'offre rien de bien remarquable; il se compose de poils assez durs, variés en proportions diverses de roux ou de brun. 299 HISTOIRE NATURELLE. Le système dentaire des Coatis, de même que celui des Ratons, Pandas, Kinkajous et fetides les distinguent des Subursus, voisins des Mustéliens, tels que les Gloutons, les Aretonyx, les Blaï- reaux, etc., pour les rapprocher jusqu'à un certain point des Viverriens. M. P. Gervais se demande si c'est pour cecte raison que Linné, dont les erreurs elles-mêmes ont si souvent un côté rationnel, plaçait les Coatis dans son genre Viverra sous les noms de Viverra nasua et narica, et il ajoute : « Nous n’oserions l'affirmer. Ce qui nous parait cependant démontré, c'est que, malgré certaines analogies apparentes avec les Viverras, les Coatis et genres voisins sont de véritables Plantigrades auxquels les naturalistes modernes ont assigné leur place réelle. Certains caractères de leur denti- tion elle-même, leur squelette manquant entièrement de elavieules, leur système digital, sont autant de points qui les éloignent des Viverriens pour les rapprocher du même groupe que les Ratons, et ces derniers sont eux-mêmes assez rapprochés des Ours pour que du temps de Linné on ne les en séparât pas encore génériquement. » Les dents incisives sont faibles, peu serrées. Les canines ont une forme toute spéciale : les infé- rieures, très-fortes, rappellent celles des Sangliers et sont en pyramide recourbée; les supérieures. très-comprimées, ont le diamètre antéro-postérieur de leur collet considérable. Selon De Blainville, à qui appartient cette caractéristique dentaire, les six molaires de chacune des mâchoires se subdi- visent ainsi : trois avant-molaires, une principale et deux arrière-molaires. Les avant-molaires, peu considérables, ont chacune deux racines; la principale et les arrière-molaires sont tuberculeuses, la première de celles-ci étant plus forte que la deuxième et à peu près carrée, mais bien éloignée du volume qu'elle acquiert chez les Petits-Ours plus voisins du genre des Martes. Fr. Guvier, dans son ouvrage sur les dents des Mammifères, décrit en même temps les caractères odontologiques des Pa- tons et des Goatis, et ne signale pas de différences très-sensibles entre ces deux genres. Daubenton est le premier qui ait fait connaître le squelette du Goati avec quelques détails, et il a indiqué de nombreuses mesures linéaires eu le comparant avec celui du Raton. De Blainville, assez récemment, est celui de tous les anatomistes qui en ait donné une description complète. La dégrada- tion ou la marche vers les Mustelas est peut-être encore plus évidente chez cet animal que dans le Ra- toi ordinaire, plus cependant peut-être dans le tronc que dans les membres, et cela à cause de la lon- gueur de la queue notablement plus grande. En effet, le nombre des vertèbres est de cinquante-six, dont quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze ou quinze dorsales, einq ou six lombaires, trois sacrées et vingt-deux coceygiennes. La tête est encore plus étroite et plus allongée que celle des Ratons, surtout dans la partie faciale, qui est un peu comprimée. La voûte cranienne est moins élargie en arrière, moins étranglée derrière les orbites; les os du nez sont plus longs, relevés et un peu élargis à leur extrémité antérieure; les apophyses occipitales et mastoïdiennes sont moins pro- noncées; la caisse est plus bulleuse et plus arrondie; la voûte palatine un peu plus prolongée et plus transverse à son bord postérieur. L'arcade zygomatique est assez faible et moins arquée. La mâchoire inférieure est aussi plus allongée, plus étroite. Les vertèbres cervicales, dorsales et lombaires ressem- blent assez, à quelques différences près, à leurs analogues chez les Blaireaux et les Ratons. Toutefois les vertibres sacrées ont leur apophyse épineuse plus courte. Les coccygiennes en différent davan- tage; les premières étant fortement apophysées et pourvues d'os en V, les autres s’allongeant, s'amineissant surtout assez rapidement, de manière à former une queue assez longue et fort aiguë. L'os hyoïde ne diffère guère de celui des Ratons. Le sternum est composé de pièces très-étroites, et son manubrium est très-peu prolongé en avant. Les membres, quoique tendant à prendre les propor- tions ordinaires de ceux des Carnivores inférieurs, n’y sont peut-être pas encore arrivés autant que dans le Raton ordinaire, que l'on a pu, sous ce point de vue, comparer avec ceux du Chat. L'omoplate est moins arrondie à son bord ante. Dur, et la crête est moins longue. L'humérus estun pen plus ro- buste, avec la saillie du condyle interne très-prononcée. Le radius et le cubitus sont proportionnel- lement plus courts et plus robustes; l'olécrane est très-large, très-aplati et recourbé en dedans à son extrémité. Les os des mains, sauf des différences de grandeur, sont dans les mêmes formes et proportions que chez les Ratons. On peut dire la même chose des membres postérieurs, si ce n’est qu'ils sont un peu moins longs et moins grêles que dans le Raton ordinaire. L'os innominé est tou- jours assez large dans sa partie iliaque et dans la symphyse pubienne. Le fémur est moins étranglé dans son milieu. Le tibia est plus large infévieurement, et-le péroné est bien plus arqué en dehors, surtout dans sa partie supérieure. Le pied, évidemment un peu plus court e& moins étroit, rappelle l' ce] cs) An CARNASSIERS. 997% davantage celui du Raton crabier que celui du Raton ordinaire, L'os du pénis ressemble assez à ce- lui du Raton; il est seulement un peu plus grêle, plus comprimé et surtout beaucoup moins courbé à l'extrémité antérieure, terminée par une dilatation cordiforme. Ôn n'a encore trouvé dans le squelette des diverses sortes de Coatis aucune différence qui puisse autoriser leur distinction en plusieurs espèces; aussi quelques naturalistes n’en reconnaissent-ils, provisoirement du moins, qu'une seule; qu'elle vienne de Colombie, du Mexique, du Brésil, de la Guyane et du Paraguay, toutes les différences observées jusqu'ici, et qui ont rapport aux mœurs où à la coloration, dépendent, suivant cette manière de voir, de l’âge, du sexe ou de la race. D'après M. P. Gervais, qui rapporte les observations de différents voyageurs, le Coarr sociramme (Nasua soli- taria) du prince Maximilien de Wied ne reposerait que sur des individus mäles qui, chassés de leurs troupes, continueraient à vivre éloignés des autres animaux de leur espèce. D'Azara était déjà en garde contre cette cause d'erreur. Voici comment il s'exprime à cet égard. « On dit qu'il y a des Coatis qui vont seuls, et on les appelle Hoequr (qui va seul) et Mondé; mais beaucoup de personnes croient qu'ils sont d’une espèce différente de celle qu'on appelle simplement Coati. Les différences qu'elles assignent ne consistent point dans les couleurs, puisqu'elles attribuent à l’une et à l'autre deux sortes de poils, ni dans les formes, ni en autre chose qu’en ce que le Coati mondé est solitaire ou dépareillé, et avec des dimensions plus grandes, quoique proportionnelles à celles du Coati ordi- naire. Pour moi, je suis persuadé qu'il n‘y a qu'une espèce de Coati, et que la différence qu'on in- dique dans la taille dépend de l’âge ou du sexe, comme aller seul vient de ce qu'il ÿ a beaucoup de mâles qui, abandonnant la société, tächent de rencontrer des femelles dans les endroits écartés. » M. Maximilien De Wied, qui n’admet pas cette manière de voir, rapporte à son Coart soctac (Nasua socialis) les Coati brun, roux et noir de Fr. Cuvier et d'A. G. Desmarest. Pour nous, après avoir pré- venu nos lecteurs de la dissidence des auteurs sur ce sujet, nous allons décrire l'espèce principale, puis nous donnerons des détails sur les mœurs, ainsi que sur les variétés de cette espèce, et nous terminerons l'histoire du genre Coati en disant quelques mots de divers fossiles qu'on y à rap- portés. COATI SOCIAL. NASUA SOCIALIS. \ied. Canacrères sréciriQues. — Pelage d'un brun plus ou moins vif, brunâtre ou fauve, ou même noï- râtre; en dessus du corps, on peut remarquer une teinte plus ou moins verdâtre, et le dessous de l'a- nimal est d’une coloration plus claire, surtout un peu plus jaune; le museau est d’un gris noirâtre, avec trois taches blanches autour de chaque œil. Longueur de la tête et du corps : 0",34; de la queue : 0,40. Si nous réunissons sous le nom de Coati social plusieurs des espèces des zoologistes, nous devons au moins regarder ces prétendues espèces comme constituant des variétés du type. Nous en citerons particulièrement trois : 1° Le Coari srun de Fr. Cuvier, ou Coart nornamre de Buffon, que Linné nommait Viverra nasua, et qu'A. G. Desmarest indique, dans sa Manunalogie, sous la dénomination de Masua fusca. Le pelage est brun ou fauve en dessus, d’un gris jaunâtre ou orangé en dessous; il y a trois taches blanches autour de chaque œil, et une ligne longitudinale de la même couleur le long du nez. Cet animal se nourrit de chair et de substances végétales; il égorge les petits animaux, les volailles, mange les œufs, et recherche les nids; il boit à la manière des Chiens, en lapant et en ayant le soin de relever la pointe de son nez au-dessus de l'eau; il appuie ses deux pattes de devant sur la chair qu'il veut dépecer, et se sert de ses ongles pour la porter à sa gueule, comme le font les Chats. Il marche par petites troupes, La femelle fait de trois à cinq petits par portée. Il n'est pas entièrement plantigrade lorsqu'il marche, mais bien lorsqu'il se repose. En domesticité, il est d’un caractère gai, mais pe s'attache pas à son maître. On le nourrit de pain, de chair crue ou cuite, de fruit, ete. Il habite le Brésil, la Guyane et le Paraguay, où on l'élève en domesticité, en ayant soin de l'attacher, parce qu'il grimpe partout mieux que le Chat, et parce qu'il n’est rien qu'il ne re- tourne et ne mette en confusion. 294 HISTOIRE NATURELLE. A 90 Le Coari roux, Fr. Cuvier (Viverra nasua, Linné; Nasua rufa, À. G. Desmarest). Son pelage est généralement d'un roux vif brillant; le museau est noir grisâtre, avec trois taches blanches autour de chaque œil, mais sans ligne longitudinale de cette couleur sur le nez. Selon Laborde, il vit dans les grands bois, par petites troupes de trois ou quatre individus. Il pose, en marchant à terre, l'ex- trémité des pieds de devant, et n'appuie pas en entier la plante de ceux de derrière; il tient sa queue droite et perpendiculaire à son corps quand il marche, et la passe entre ses jambes lorsqu'il s'endort; son nez est sans cesse en mouvement, et palpe les corps comme une trompe. Il répand une odeur forte, très-désagréable; ses pattes lui servent très-bien pour grimper aux arbres et pour porter sa nourriture à sa gueule. 5° Le Cours Brun variété Fr, Fr, Cuvier (Nasua aurea, Lesson). Dans cette variété, le pelage est plus jaunâtre brillant que dans les autres, et semble comme doré. On pourrait peut-être encore indiquer comme variété de cette espèce le Coati fauve, cité par A. G. Desmarest, et qui correspond au Coati mondé de Maregrave, ainsi que, probablement, au Nasua solitaria, Wied, et qui se distingue seulement par son pelage plus fauve que brun. Un particularité remarquable dans cette espèce se trouve dans la disposition que présentent les extrémités des membres. Les tubercules qui garnissent les pieds de devant sont très-épais, séparés de ceux de la paume par des plis tout particuliers; le pouce communique avec un tubercule très- large, divisé en deux parties, qui est en rapport lui-même en arrière avec un autre placé sur le bord de la main; les trois doigts moyens s'appuient sur un seul et même tubercule qui se prolonge du côté externe de la main, et en arrière duquel s’en rencontre un autre très-fort qui termine la paume du côté du poignet; les doigts externes étant en rapport avec un tubercule très-petit qui communi- que avec une partie du précédent. La plante du pied de derrière a un tubercule correspondant au pouce, un deuxième répondant aux deux doigts suivants, et les deux autres sont en rapport avec la commissure du deuxième doigt avec le troisième, et de celui-ci avec le petit doigt; enfin, le cin- quième se trouve aussi en arrière du côté du talon, et toutes ces parties sont recouvertes d’une peau extrêmement douce. Ainsi que nous l'avons dit, cette espèce se rencontre dans la plupart des contrées de l'Améri- que méridionale; elle est surtout comniune dans les vastes forêts du Brésil, de la Guyane et du Paraguay. Leur caractère n’est pas farouche, et l’on peut aisément les apprivoiser. Aussi les conserve-t-on souvent en domesticité dans leur pays natal, et a-t-on pu même les apporter dans nos ménageries européennes. Dans celle du Muséum de Paris, on les tient avec les Singes et les Makis, sans qu'il e : résulte aucun accident, et l'habitude qu'ils ont de grimper sur tous les objets qu'ils peuvent atteindre leur donne une certaine analogie avec ces animaux. Quoique embarrassés dans leurs mouvements, ils ne sont pas maladroits, et leur douceur, jointe à leur curiosité inquiète, en fait des Mammifères intéressants à observer. L'odorat les guide surtout dans leurs explorations. Fr. Cuvier a donné d’im- portants détails sur un individu de cette espèce qu'il avait été à même d'étudier au Muséum. Quoi- que très-apprivoisé lors de son arrivée à la ménagerie, ce Coati, qui appartenait à la race des Coutis fauves, ne sortit de sa cage qu'après avoir cherché à reconnaître par son odorat ce qui se trouvait autour de lui. Lorsque sa défiance fut apaisée, il parcourut l'appartement, examinant tous les coins avec son nez, et retournant avec ses pattes les objets qui lui faisaient obstacle. D'abord il ne permit pas qu'on le touchät, et il se retournait en menaçant de mordre quand on approchait la main de lui; mais il reprit entièrement confiance dès qu'on lui eut donné à manger, et, depuis ce moment, il reçut toutes les caresses qu'on lui fit, et les rendit même avec empressement, introduisant son long museau dans la manche, sous le gilet, et faisant entendre un petit cri très-doux. Dans la maison de la personne qui l'avait offert à la ménagerie, on lui avait laissé une entière liberté, et il parcourait les greniers et les écuries pour chercher les Souris et les Rats, qu'il prenait très-adroitement. I allait aussi dans les jardins pour chasser et dévorer des Insectes, des Limaçons et des Vers de terre: MM. Quoy et Gaimard, pendant leur campagne de l’Uranie, ont eu à bord un Coati sur lequel ils ont donné quelques détails. « Get animal, naturellement nocturne, ne tarda pas à s'accoutumer à la vie diurne de ses nouveaux compagnons, le grand bruit des manœuvres cessa bientôt de l’effrayer, il devint même très-familier. Ils’attachait de préférence aux personnes qui lui donnaient à manger, CARNASSIERS. 995 répondait à leur appel par un petit cri, et s'approcbait aussitôt pour les caresser. Il aimait à se cou- cher dans le hamac des matelots, et, comme il choisissait de préférence celui d'un marin de service, il n'était pas rare. au retour de celui-ci, qu'une lutte s'engageàt entre le matelot et le Coati, dont les cris perçants exprimaient alors la colère: les coups ne faisaient pas toujours céder l'animal. Il y avait sur la corvette un Chien avec lequel il aimait beaucoup à jouer, malgré l'inégalité des forces. Ce Chien se prêtait volontiers à cet amusement; le Coati, au contraire, s'emportait fréquemment, et le faisait crier en lui mordant les oreilles. Il n’était pas difficile sur le choix des aliments; tout, ou à peu près, lui paraissait bon, et il mangeait indifféremment de la viande crue ou cuite, du lard salé, du pain, du biscuit mâchè ou trempé dans le vin ou dans l’eau-de-vie, des bananes, des Crustacés, du miel, etc.; il aimait de préférence le sucre et les Méduses, et, dès qu'on lui en montrait, on le voyait se précipiter dessus avec une étonnante avidité. Il mangeait des Souris. et il les attrapait lui-même très-lestement. » Malgré ces marques évidentes de familiarité, Fr. Cuvier fait observer que les Coatis sont très obsti- nés, et que les corrections ne les empêchent pas de faire ce qu'on veut leur défendre. Leur morsure est dangereuse, à cause de leurs canines fortes et tranchantes. Les Ratons ont une organisation assez semblable à celle des Coatis; ils n'en diffèrent, pour ainsi dire, que par leur physionomie générale, par la disposition de leurs narines et par leurs yeux, qui ont des pupilles qui se rétrécissent à la lumière en une fente transversale: aussi, selon Fr. Cuvier, ils pourraient n'être considérés que comme une division des Coatis. De Blainville semble être du même avis, mais, pour lui, ce sont les Coatis qui seraient une subdivision des Ratons, et non ces der- niers l’une des divisions des premiers. Si nous passons à l'étude des fossiles, nous voyons que G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, a cru reconnaitre, comme étant voisins des Goatis et des Ratons, des ossements trouvés enfouis dans les couches de plâtre de Montmartre, auprès de Paris, qu'il a nommés Cor: pes pLATRIÈRES, et dont les auteurs qui l'ont suivi ont fait leur Nasua Parisiensis; De Blainville a démontré que ces os fos- siles ne se rapportaient pas à ce groupe, et il en a fait son genre T'axotheriun, dont nous nous occu- perons bientôt. Herman de Meyer a indiqué, sous la dénomination de Nasua Nicensis, des osse- ments fossiles provenant de Keferstein, et qui, comme le fait remarquer M. Paul Gervais, ne sem- blent pas se distinguer de ceux du Coati des plâtrières. Pendant longtemps, on n'avait pas découvert de débris de Coati dans les cavernes si nombreuses de l'Amérique méridionale, dans lesquelles on rencontre des fossiles en si grand nombre. Mais, dans ces derniers temps, M. Lund, dans son Catalogue des fossiles du Brésil, signale un véritable Coati découvert avec les ossements fossiles des cavernes de ce pays. Enfin, notons que l’Ayjænodon qui provient des environs de Tarbes, que M. Dujardin croyait devoir rapporter à ce groupe générique, en est certainement différent, et constitue un genre par- ticulier. : 4me GENRE. — ICTIDE. ICTIDES. Valenciennes. Annales des Sciences naturelles, t. IV. lets, Putois. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire :incisives, À; canines, 42}; molaires, =°; en totalité trente-siæ dents; les inci- sives ont la forme ordinaire de ces sortes de dents; les canines sont longues, comprimées, tran- chantes sur leurs bords antérieur et postérieur, et ressemblent beaucoup à celles des Coatis; les molaires se subdivisent supérieurement en quatre fausses et six vraies, el inférieurement en six fausses et quatre vraies : elles sont remarquables par la grosseur de leur talon, qui est court, plus arrondi et encore plus fort que chez les Paradoxures. Tête grosse. Yeux petits. 22 29 296 HISTOIRE NATURELLE, Oreilles arrondies, velues, terminées par ua pinceau de poils Lèvres qurnies de longues moustaches. Corps trapu. Pieds à cinq doigts, armés d'ongles erochus, comprimés, assez forts, non contractiles. Marche plantigrade. Queue prenante, entièrement velue. Le genre Lctides a été créé par M. Valenciennes, décrit avec soin par lui, en 1825, dans les An- nales des Sciences naturelles, mais iadiqué précédemment, et d'après Ini, sous la même dénomina- tion, par G. Cuvier. De son côté, M. Temminck (Monographie de Mammalogie, t. M, 1824) l'a fait connaître sous le nom d'Areticlis (azxzce, Ours; wzx, Putois), qui montre les rapports qu'il présente avec les Plantigrades et les Digitigrades, ou plus particulièrement avec les Ratons et les Paradoxu- res dont il a été plus où moins rapproché. Le squelette d’une espèce de ce groupe, désignée sous le nom vulgaire de Benturong, a donné lieu à d'importants travaux de MM. Temminck et De Blainville, qui ont montré que, quoique plus grand que celui du Kinkajou, il offre dans son ensemble, et même dans la proportion des parties qui le composent, la plus grande analogie avec lui. Il ÿ a soixante-cinq vertèbres : quatre cépha- liques, sept cervicales, treize dorsales, sept lombaires, deux sacrées et trente-deux coceygiennes. La tête, en totalité, est assez ailongée, un peu étroite dans sa partie vertébrale, et courte dans sa par- tie faciale. La mâchoire inférieure a un peu la forme de celle des Ratons, seulement elle est plus force, et les deux parties de l'apophyse angulaire sont plus marquées. Les vertèbres cervicales sont plus longues et plus étroites que celles des Kinkajous; l'atlas a ses apophyses transverses plus éten- dues et moins larges, et celles de l'axis sont longues, styliformes. Les dix premières vertèbres dor- sales ont l'apophyse épineuse médiocre, assez distante et inclinée également en arrière, et les trois dernières l'ont en avant. Les vertèbres lombaires, assez longues et fortes, croissant de la première à à la sixième, offrent des apophyses généralement assez développées. Le sacrum n'est en apparence composé que de deux seules vertèbres, dont une seule articulée avec l'iléon; mais une troisième doit être comptée dans la vertèbre suivante, dont les apophyses transverses sont bien plus étendues que dans celles de la queue. Des vertèbres coccygiennes, les deux ou trois premières sont tout à fait semblables à à dernière sacrée, les sept suivantes ont des apophyses épineuses articulaires et des os en V; toutes les autres, en général, sont courtes pour leur grosseur, décroissant assez peu rapidement dans les deux dimensions, de manière à constituer une queue peu eflilée et très-hérissée d'épines apophysaires. L'hyoïde, composé de neuf pièces, a son corps très-court, presque eylin- drique, un peu élargi à ses extrémités et portant des cornes antérieures de trois articles. Le sternum a huit pièces assez étroites : le manubrium est dilaté vers son milieu et le xiphoïde est assez étroit. Les côtes sont au nombre de treize à quatorze paires, assez semblables à celle des Kinkajous. Aux mem- bres antérieurs : l'omoplate est très-large, flabelliforme, à apophyse acromion bifurquée; il n°y a pas de clavicule, mais seulement une aponévrose ligamenteuse séparant le muscle trapèze du deltoide; l'hu- mérus, assez allongé, est percé au condyle interne; l'avant-bras est long, faible; les os du carpe et du métacarpe, ainsi que les phalanges, ne présentent rieu de remarquable; il n’en est pas dè même des phalanges onguéales, qui, d’après M. Temminck, ressemblent à un soc de charrue, tant elles sont comprimées et élevées à la base dorsale. Les membres postérieurs sont plus longs que les ân- térieurs, quoique médiocres; l'os innominé ressemble beaucoup à celui du Kinkajou: le fémur est proportionnellement plus long, plus grèle, à peine courbé dans toute sa longueur, large, aplati; le tibia est plus court que le fémur; le péroné est droit, très-grèle; les os du pied rappellent ceux du Kinkajou, si ce n’est les phalanges onguéales, qui ont la forme de celles du membre antérieur. Il n’y a même pas de trace d'os du pénis. Fr. Cuvier a fait observer que ce genre doit être placé dans la famille des Civettes, qu'il est caractérisé par une molaire tuberculeuse à la mâchoire inférieure, et par deux molaires semblables à la mâchoire supérieure; enfin il remarque que, très-voisin du Paradoxure, il se rapproche cependant aussi des Ratons, e’est-à-dire que ses dents augmentent d'épaisseur et deviennent de plus en plus tuberculeuses. Fr. Cuvier ajoute : « À la mâchoire supérieure, les incisives n'offrent rien de parti- culier. Les canines sont très-tranchantes antérieurement et postérieurement, et se rapprochent par CARNASSIERS. 997 là de celles des Coatis. Les deux fausses molaires sont épaisses et du reste normales. La carnas- sière consiste en un tubercule du côté externe, très-semblable à une fausse molaire, et en une crête du eèté interne qui borde ce tubercule et est plus saillante, plus épais dans sa partie moyenne, c’est-à-dire que le tubercule interne et antérieur, que l'on peut suivre depuis les Chats jusqu'aux Paradoxures, se change en une crête qui entoure toute la partie interne de la dent, de plus cette carnassière est peu étendue. La tuberculeuse qui vient ensuite est à peu près de la même grosseur que la caraassière, et elle est arrondie dans toutes ses dimensions, tandis que dans le Paradoxure elle est plus étendue de dedans en dehors que d'avant en arrière, et ce sont ces mêmes formes ar- rondies que présente la seconde tuberculeuse, qui est très- petite et rudimentaire, comme au reste dans la même fanulle de Carnivores. À la mâchoire inférieure les incisives ont cela de particulier que les moyennes ne naissent pas en arrière des autres, ce qui est chez toutes les Civettes, comme chez les Ratons et les Coatis. Les canines sont fortes et plus tranchantes en arrière qu'en avant. Les trois fausses molaires sont normales et très-épaisses, et vont en augmentant de grosseur de la pre- mière à la dernière. La carnassière a tous les caractères que l'on reconnait à celle des Paradoxures, ainsi que [a tuberculeuse. Dans leur position réciproque, la carnassière d'en haut, comme les fausses molaires, est alterne, c'est-à-dire qu'elle correspond au vide que laissent entre elles la troisième fausse molaire et la carnassière d'en bas; c'est sur la face interne de son tubercule et sur sa crête que ces dents agissent. » Ce genre ne renferme jusqu'ici qu'une espèce véritablement bien distincte, et qui anciennement était réunie aux Paradoxures. BENTURONG. ICTIDES ALBIFRONS, (PARADOXURUS.) Fr. Cuvicr. CaracrÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage d'un gris plus ou moins noirâtre. Longueur de la tête ctdu corps : 0",65. Fig. 75. — Benturong. Cette espèce a été fondée par Fr. Cuvier d'après la figure d'un Mammifère qui porte à Java les noms de Benturong et de Binturong, animal que Duvaucel avait vu vivant dans la ménagerie du marquis d’Hastings, à Baragpoor, où on le conservait comme originaire de Boutan. Depuis, M. Valenciennes l'a retirée du genre Paradoxure dans lequel on l'avait placée pour eu faire, à juste titre, le type d'un groupe générique particulier. M. Temminck, d'après les renseignements qui lui ont été fournis par MM. Kuhl et Van Hassel, pense que l’on doit réunir à cette espèce les Lctides ater et aureu de Fr. Cuvier, qui n’en diffèrent que par quelques particularités de leur système de coloration, variant légèrement. En effet, on croit que les mâles sont noirs, que les femelles sont grisätres et que les jeunes individus sont roussätres, et que ces diverses teintes passent de l'une à l'autre. La physionomie du Benturong est semblable à celle d'un Ratop; ses poils sont durs, longs, épais, 998 HISTOIRE NATURELLE. chacun d'eux est noir dans les deux tiers de sa longueur, et grisätre, quelquefois roussätre, à la pointe. Il en résulte que la couleur générale du corps est grise roussätre en dessus sur un fond noir; le ventre est un peu plus foncé que le dos, et il est presque noirâtre; le feutre est laineux, fin, assez épais et roussâtre. La tête est grosse, à peu près aussi large que longue; le nez, le front et le tour des yeux sont gris; les lèvres sont noires; les moustaches sont très-longues, composées de poils blanes ou noirs, ou bien noirs à la base et blancs à la pointe; les yeux sont petits; les oreilles sont arrondies, petites. Le bras est de la même couleur que le corps, mais l'avant-bras parait plus blanc parce que les poils qui le recouvrent ont plus de leur moitié blanchâtre. Il ÿ a cinq doigts à chaque main, eu la paume est noirâtre. Les membres postérieurs sout aussi longs que les antérieurs et of- frent le même arrangement dans la distribution de leur couleur; le pied a cinq doigts à peu près d'égale longueur et pourvus d'ongles assez forts; la plante est noire, entièrement nue et touche le sol sur tous les points de sa surface; la partie antérieure est lisse, tandis que celle qui répond au talon est hérissée de nombreuses aspérités cornées, très-dures. La queue a environ 0,50 de lon- sueur; elle est prenante sans être nue en dessous à son extrémité inférieure; sa base est très grosse et pourvue de muscles très-forts, et elle est recouverte de poils semblables à ceux du dos, avec son extrémité noire. Le Benturong se trouve à Java, et il semble également assez commun à Sumatra et à Malacca. On rapproche quelquefois de ce genre et de celui des Amphicyon, le groupe de fossiles que M. Kaup nomme Agnotherium (ay, inconnu; 6::, bête féroce), qui comprend deux espèces, les A. major, Lartet, des environs d’Auch, et À. minor, De Blainville. ome GENRE. — BLAIREAU. MELES. Linné, 1755. Systema naturæ, Meles, nom appliqué par les Latins à l’espèce typique. CARACTÈRES GÉNERIQUES. Système dentarre : incisives, €; canines, 54; molaires, EX, en totalité trente-six dents présen- tant la plus grande analogie avec celles des Ours; la carnassière de la mâchoire supérieure est re- marquable par sa petitesse, à cause de sa partie postérieure, qui en fait en apparence, extérieure- mont, une fausse molaire, et sa partie interne est composée d'une base garnie de trois petits tubercules que sépare un creux assez sensible; la tuberculeuse d'en haut est démesurément grande et aussi large que longue, à bord externe garni de trois tubercules. Corps épais, bas sur jambes. Museau peu prolongé. Oreilles courtes, arrondies, cachées dans les poils. Yeux petits. Langue lisse. Pieds tous terminés par cinq doigts armés d'ongles très-robustes engagés dans la peau; ceux de devant fouisseurs. Poils rudes, longs, rares, de trois couleurs. Queue très-courte. Une poche ou follicule entre l'anus et la queue, ayant son orifice transversal et laissant suinter une malière grasse très-félide. Hamelles au nombre de six : deux pectorales et quatre ventrales. Linné plaçait d'abord les Blaireaux dans le genre des Ours, et, en effet, l'espèce typique a un faciès qui rappelle assez celui de ces animaux, mais en miniature; plus tard, il en fit un groupe distinct sous la dénomination latine de Meles, qui fut ensuite changée par G. Cuvier (Leçons d'Anatomie comparée, t. 1, 1819) en celle de Taxus, qui a souvent été adoptée. Depuis, on a formé aux dépens de ce geure le groupe des T'axidea (diminutif de Taxus) pour le Meles Labradorica de CARNASSIERS. 299 Linné, et celui des Ursitaæus (Ursus, Ours; Taæus, Blaireau), Iodgson, pour une espèce désignée sous le nom d'U. Nepalensis, et qui correspond probablement à l'Ursus Padicus, Shaw. Pour nous, sans adopter ces divers genres, nous les indiquerons comme formant de simples subdivisions secon- daires. L'ostéologie du Blaireau, étudiée par plusieurs anatomistes, l’a été avec beaucoup de soin par De Blainville, qui, dans son Ostéographie, l'a pris pour type de son groupe primaire des Subursus. L'ensemble du squelette de cet animal, aussi bien dans la nature que dans le nombre et la forme des os qui le composent, aussi bien dans les courbures que dans les proportions des régions de la colonne vertébrale et des parties des membres qui la soutiennent, montre les grands rapports qu'il a avec les Ours. Toutefois le Blaireau a généralement les os de son squelette plus courts proportion- pellement à leur longueur, et par conséquent plus robustes que ceux des autres Petits-Ours, et même que ceux de tous les autres Carnassiers, à l'exception de la Loutre. La série vertébrale est égale- ment plus courte que dans aucune autre espèce, à cause de la brièveté de la queue : aussi n'est-elle formée que de quarante-neuf à cinquante vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, quinze dor- sales, cinq lombaires, trois sacrées et quinze ou seize coccygiennes. La partie cranienne de la tête est épaisse, robuste, arrondie, assez peu déprimée, encore assez large cependant dans sa partie basi- laire et même dans son are pariétal, mais notablement étranglée au milieu de la vertèbre sphéno- frontale. La partie appendiculaire est généralement courte. Le rocher est petit, presque arrondi. L’étrier, également peu développé, a sa platine elliptique allongée et ses branches larges. Le basi- laire est évident, ovale, très-aplati. L’enclume est médiocre. Le marteau est considérable, surtout dans son corps. La mâchoire inférieure est robuste, médiocrement allongée dans sa branche hori- zontale, presque droite sur ses deux bords et courte dans sa branche verticale. Les cavités, loges, fosses et orifices de la tête du Blaireau sont assez bien comme dans les Ours. La fosse temporale est énorme, tandis que les loges sensoriales sont en général assez petites. Les vertèbres cervicales cou- stituent un cou robuste, court, fortement apophysé. L’atlas, large dans son anneau, a beaucoup de ressemblance avec celui de l’Ours, aussi bien dans sa forme que dans les trous dont il est percé; mais ses apophyses transverses sont bien plus courtes et plus arrondies. Il y à également beaucoup de ressemblance entre les six autres vertèbres cervicales et celles de l'Ours. Les vertèbres dorsales sont aussi à peu près dans le même cas; l'apophyse épineuse des onze premières fortement inclinée en arrière, celle de la douzième presque verticale, et celle des trois postérieures antéroverse. Les vertèbres lombaires sont larges dans leur corps, assez peu hérissées. Les vertèbres sacrées ont une forme plus particulière, surtout par lapophyse épineuse tout à fait verticale; le sacrum qui résulte de leur réunion est court, assez large, un peu en coin. Les trois premières vertèbres cocey- giennes semblent pouvoir faire partie du sacrum, tant elles ressemblent à la dernière de celui-ci, en diminuant seulement d'étendue; les autres, plus nombreuses que dans l'Ours, sont aussi plus grêles et décroissent plus rapidement, surtout en diamètre, en sorte qu'augmentant au contraire en lon- gueur, elles constituent une queue plus effilée, quoique cependant aucune n'ait d'os en V. L'liyoide a son corps en forme de barre transverse assez allongée, un peu courbée, élargie aux extrémités, et portant en avant de grandes cornes assez courtes, formées de trois articles. Le sternum est com- posé de neuf pièces, en général moins larges et plus allongées que dans l'Ours : le manubrium est dilaté vers son milieu pour l'articulation de la première corne de l'hyoïde, et le xiphoïde est long, quoique légèrement dilaté à son extrémité. Les côtes, au nombre de quinze paires, dont neuf ster- nales et six asternales, sont assez robustes, mais plus courtes que dans les Ours; elles sont même assez fortement comprimées d'avant en arrière, surtout supérieurement., Le thorax, en totalité, est assez peu comprimé, comme celui des Ours; mais il est plus étendu, surtout dans les hypocondres. Les membres sont robustes, courts, peu éloignés entre eux. Aux antérieurs, l'omoplate est un peu moins large proportionnellement à sa longueur que dans les Ours, et son bord antérieur est moins arrondi; il n’y a pas de clavicule; l'humérus, dans sa forme générale, se rapproche de celui de l'Gurs des Cordillières, seulement il est proportionnellement un peu plus long; lé radius, arqué et polygo- val,est supérieurement presque aussi large qu'inférieurement; sa tête humérale, ovale, transverse, est relevée à son bord antérieur par une saillie anguleuse arrondie; le cubitus est très-large et très- comprimé, surtout en haut, où l’olécrane, assez court, se recourbe fortement en dedans, et en bas il se prolonge en une apophyse styloïde assez large; la main, composée des mêmes os que dans 250 HISTOIRE ATURELLE. l'Ours, mais dans des proportions un peu différentes, considérée en totalité, est un peu plus longue et plus étroite, puisqu'elle égale presque la longueur de l'avant-bras. Les membres postérieurs s’éloignent un peu plus de ceux des Ours, principalement dans les proportions des parties qui les composent, la cuisse étant à peine plus longue que le pied, et la jambe étant plus haute qu'elle, ce qui indique évidemment un passage vers les Digitigrades. L’os innominé, de la longueur du fémur, est encore assez large dans sa partie iliaque; la symphyse pubienne est aussi assez étendue; le fé- mur, un peu courbe dans sa longueur, est large et assez comprimé aux extrémités, reSsemblant beaucoup à celui de l'Ours, sauf sa longueur, qui est proportionnellement moindre; le tibia et le péroné sont dans le cas contraire, c’est-à-dire légèrement plus longs, et par conséquent no- tablement plus grêles; le pied, en totalité, offre encore plus que la main la tendance à s’allonger et à se rétrécir, et c’est surtout dans les os du tarse et du métatarse que cela est plus évident; l'as- tragale, très-plat dans son corps, large dans sa poulie tibiale, s'avance assez fortement dans son apophyse scaphoïdienne; le calcanéum a son apophyse postérieure large, épaisse transversalement, un peu recourbée en bas, mais surtout fort excavée à son côté interne; le scaphoïde est large trans- versalement et porte en avant trois facettes; les métatarsiens sont plus allongés que ceux des Ours, quoique assez épais; le quatrième est avec le médian le plus long de tous, et celui du pouce le plus court, en même temps qu'il est le plus grêle; les phalanges ont, au contraire, assez bien conservé la brièveté qu'elles ont chez les Ours; seulement ce sont les deux médianes qui sont les plus larges. Les os sésamoides sont nombreux; la rotule est assez large et très-épaisse en haut. L'os péuien existe; ilest assez long, un peu courbé dans son corps, qui est triquètre, presque canaliculé en des- sous et anguleux en dessus, un peu renflé en massue rugueuse à son extrémité postérieure. Plusieurs naturalistes, et en particulier Fr. Guvier et De Blainville, se sont occupés du système dentaire des animaux de ce genre. Selon ce dernier auteur, le nombre total des dents est au mini- mum de ce qu'il peut être dans le groupe des Subursus, et, en effet, il n’est ordinairement que de ueuf de chaque côté, tant en haut qu'en bas, et se subdivise en trois incisives, une canine et cinq molaires. Les incisives sont disposées presque transversalement et terminales en haut comme en bas; la troisième supérieure plus grosse que les autres et en forme de canine; la troisième inférieure élargie en palette, inégalement bilobée et notablement plus forte que la seconde, plus rentrée que la première, la plus petite de toutes. Les canines sont robustes, mais courtes, coniques, assez ar- quées, surtout les inférieures, qui sont plus en crochet et moins carénées que les supérieures. Des trois avant-molaires supérieures, la première, quand elle existe, est très-petite, simple, gemmiforme, un peu rentrée et caduque; la deuxième et la troisième presque semblables, si ce n'est pour la gros- seur, et n'ayant qu'une seule pointe un peu comprimée avec un rudiment de talon en arrière, Les deux seules inférieures sont aussi à peu près semblables; la postérieure étant cependant plus large à son collet surtout, et toutes deux ne présentant qu'une seule pointe mousse. La principale molaire d'en haut est triquètre, avec le bord externe tranchant à deux pointes, l’antérieure bien plus sail- lante que la postérieure, et avec un talon assez large ayant à son bord postérieur un seul tubercule excavé; celle d'en bas, plus petite, est presque semblable à la dernière avant-molaire, si ce n’est qu'elle est plus grosse : aussi n’a-t-elle qu'une seule pointe à peine comprimée et médiane, avec deux arrêts basilaires plus marqués. La seule arrière-molaire d'en haut, qu'on peut considérer, ainsi que chez les Ours, comme représentant les deux des Coatis qui se seraient soudées, est remarquable par sa largeur, son étendue, son peu de hauteur, étant formée au bord externe par trois pointes basses, décroissant dela première à la dernière, et par un large talon creusé de deux excavations sigmoïdes produites par le bord interne de la dent et par une saillie intérieure en croissant. Des deux arrière- molaires d'en haut, la première est assez semblable à celle de l'Ours, étant assez étroite, allongée; mais sa moitié antérieure est plus régulièrement triquètre et à trois pointes; l'externe postérieure est la plus forte et la plus élevée, tandis que la partie postérieure en est au contraire plus large, plus arrondie, son bord élevé étant à deux pointes en dehors comme en dedans. Quant à la dernière ar- rière-molaire, elle est beaucoup plus petite, tout à fait ronde, en eupule, à bords relevés, l'externe presque bifide. Relativement aux alvéoles, on remarque en haut une série externe de sept trous : un premier en trou de serrure, deux arrondis, plus petits etrapprochés, deux inégaux, le postérieur plus grand, et deux postérieurs, et une interne de trois trous, un solitaire et deux plus grands et rapprochés en arrière. En bas, il y a une série de neuf trous : les deux premiers les plus petits, très-rapprochés CARNASSIERS. 251 obliquement, les deux suivants à peine plus grands et se touchant presque, mais dans la même ligne, ainsi que les cinquième et sixième, augmentant graduellement en diamètre; vient ensuite une grande fosse, à chaque extrémité de laquelle est un trou conique, le postérieur beaucoup plus grand que l’'antérieur, et; entre deux, deux très-petits trous sur le même rang, enfin une alvéole terminale assez grande, mais peu profonde. Les racines sont, comme à l'ordinaire, proportionnelles à la force et à la complication de la couronne des dents. Celles des incisives sont toujours simples en haut comme en bas. Pour les canines, la racine est également simple, conique ou comprimée, suivant la forme de la couronne, et généralement au moins aussi longue qu'elle. Les avant-molaires d'en haut ont, pour la première dent, une seule racine, et pour les deux autres deux racines coniques, bien distinctes; en bas, les deux avant-molaires offrent deux racines; la principale supérieure a trois racines; la première arrière-molaire présente deux racines en dehors, une seule grande en dedans et une intermédiaire en arrière, et elles sont toutes très-basses; la seconde arrière-molaire d’en haut est dans le même cas: enfin les racines des arrière-molaires, inférieurement, toujours beaucoup plus simples, puisqu'elles ne sont pas au-dessus des deux principales; toutefois la première est souvent très étendue et offre quelques petits radicules intermédiaires. Le Blaireau a l'air de marcher en rampant, à cause de la brièveté de ses jambes, et, comme son poil est long, son ventre parait alors toucher à terre; ses doigts, armés d'ongles très-solides, sont engagés dans la peau : la longueur de ceux de devant les rend propres à fouiller la terre; la queue n'est pas très-longue. Il y a sous cet organe, au-dessus de l’anus, une poche à fente transversale d’où suinte une humeur grasse, fetide. La langue est douce. Le pelage, assez rude, est composé de poils qui sont blancs vers la peau, puis noirs dans le tiers extérieur, excepté la pointe, qui est blanche, ce qui donne au corps une couleur grisätre: dans le jeune âge, le noir, qui occupe le mi- lieu de la longueur du poil, est alors d'un fauve isabelle, qui produit une teinte jaune sur le gris du pelage. Les mœurs des Blaireaux sont bien connues, surtout dans l'espèce typique, et nous aurons oc- casion de nous en occuper bientôt; disons seulement maintenant que ces animaux vivent principalement de proie, qu'ils savent trouver les nids des Abeilles Bourdons, et qu'ils détruisent surtout un grand nombre de Lapins et de Mulots; ils mangent aussi, dit-on, des Sauterelles, des Serpents, des œufs d'Oiseaux, et sans doute quelquefois une nourriture végétale composée de fruits et de racines. C’est au moins ce que l'on doit supposer, car en captivité, où l'on peut les conserver assez facile- ment, ils prennent une nourriture composée de matière animale et de matière végétale. [ls vivent presque constamment dans les terriers qu'ils se creusent dans le sol; on trouve rarement le mäle et la femelle réunis. C'est en été que celle-ci met bas trois ou quatre petits. Les Blaireaux, dont on ne connaît réellement que trois espèces, et encore l'une d’elles imparfaite- ment, se trouvent dans l'Europe méridionale, dans l'Asie, principalement aux Indes orientales et dans le nord de l'Amérique. Les naturalistes ont cru devoir former trois genres particuliers avec les trois espèces connues de Blaireaux. Ce sont les genres : BrairEau PRoPrEMENT ir (T'aæus); Taxinée (T'axidea), Waterhouse, et probablement celui des Ursitaæus. Hogdson. En outre, Fr. Cuvier avait proposé d'indiquer, sous le nom d'Arctonyx collaris (192705, Ours; owë, ongle), un animal qui, mieux étudié, à été reconnu être une simple variété du Blaireau vulgaire. Pour nous, nous ne citerons ces groupes génériques que comme de simples sous-genres, et nous décrirons les diverses espèces actuellement vivantes, après avoir dit quelques mots de celles que l'on trouve à l'état fossile. On a signalé quelques débris de Blaireau à l'état fossile, et, en général, on les rapporte à l'es- pèce commune vivant encore actuellement. C’est dans le diluvium des cavernes que ces restes ont été d'abord signalés. Rosenmüller cite le Blaireau au nombre des animaux dont on a trouvé des 0s- sements dans les cavernes des environs de Gaylenreuth, en Franconie, et, suivant G. Cuvier, les in- dique comme ayant été trouvés à la surface du sol avec ceux d'animaux d'espèces encore vivantes; on en a cité aussi comme découverts dans la caverne de Bronnenstern, également en Franconie. MM. Jean-Jean, Dubreuil et Marcel de Serres, en ont découvert dans la caverne de Lunel-Viel, dépar- tement de l'Hérault: M. Billaudel en a recueilli dans la caverne de l’Aviso, à Saint-Macaire, départe- ment de la Gironde, une mandibule décrite et figurée par De Blainville dans son Ostéographie. M. Mac-Eury en a cité une demi mâchoire inférieure, trouvée dans la caverne de Kent, comté de Devan, en Angleterre. Enfin M. Schmerling en a rencontré dans Jes cavernes de la province de Liége. 232 HISTOIRE NATURELLE. Ainsi que nous l'avons dit, on n’a pas signalé de différences entre ces ossements de Blaireaux et ceux de l'espèce vivante, soit que réellement il n'y en ait aucune, soit que ces os, jusqu'ici en petit nombre, n'aient pas encore pu être comparés d'une manière suffisante. Il parait toutefois que ce genre se trouvait déjà dans la faune dont les terrains tertiaires nous ont conservé-les restes; car M. Morren a découvert aux environs de Bruxelles, au milieu de strates d'un calcaire grossi, enfouies sous des banes de silex corné, et mélangées avec des os de Batraciens, d'Ophidiens, d'Oiseaux et des dents de Squales, une tête et plusieurs parties du squelette d’un carnassier qu'il croit être une es- pèce distincte de Blaireau, et que M. Laurillard propose de désigner sous la dénomination de Meles Morren. 497 SOUS-GENRE. — BLAIREAU. TAXUS. Schreber Ce sous-genre ne renferme qu'une espèce qui soit véritablement bien distincte. BLATREAU COMMUN. TAXUS EUROPÆUS. Schreber. CaracrÈREs sréciriQuEs. — Pelage d’un gris brun en dessus, noir en dessous; tête présentant de chaque côté une bande longitudinale noire, passant sur les yeux et les oreilles, et une bande blanche sous ces dernières, s'étendant depuis l'épaule jusqu’à la moustache. Longueur totale de OH: Fig. 76, — Blaireau commun Cette espèce, le Meles de Pline, qui a été décrite et figurée par Buffon et Fr. Cuvier sous le nom de BLameau, a reçu de Linné la dénomination d'Ursus meles, et d'A. G. Desmarest celle de Meles vulgaris. On a en quelquefois distingué le Taissox, Ursus taæus, Schreber, qui n’en est réellement qu'une variété et qui n'en diffère que par son ventre, d'un gris plus clair que ses flancs, par ses oreilles de la même couleur que le corps et seulement bordées de noir, et par la bande noire de la face, qui passe par-dessus l'œil sans y toucher, et qui, en outre, ne se trouve jamais que dans les contrées habitées par le Blaireau commun, et pêle-méle avec lui dans les mêmes localités. On doit aussi en considérer comme n'en étant que des variétés le Bazisaor où Arctonyæ collaris, Fr Cuvier, et le Meles Hudsonius. Les chasseurs ont aussi établi, parmi les Blaireaux d'Europe, des distine- tions analogues à celles qu'on dit exister entre les divers Hérissons; ils reconnaissent un Blaireau Chien et un Blaireau Cochon, d'après la forme de la tête; mais les naturalistes n’ont pas encore été à même d'apprécier ces différences. Le Kakasou, Meles Labradorica, Sabine, à parfois été égale- CARNASSIERS. 233 ment réuni à la même espèce. Enfin quelques Mammifères de groupes plus ou moins distinets por- tent, dans certains cas, la dénomination générale de Blaireaux; c’est ainsi que le Blaireau blanc de Brisson n'est qu'un Raton laveur, atteint de la maladie albine; que le Blaireau puant du cap de Bonne-Espérance, de Lacaille, paraît devoir être rapporté à la Marte Zorille; que le Blaireau de . rocher des Hollandais est le Daman du cap de Bonne-Espérance, et que le Blaireau de Surinam de Brisson est le Coati brun. D'une manière générale, le Blaireau a la taille d’un Chien de médiocre grandeur, et sa physio- nomie rappelle celle du Mätin. Son corps est très-bas sur jambes, et il le paraît encore plus qu'il ne l'est réellement, à cause de la longueur des poils, qui trainent jusqu’à terre. Les oreilles sont pres- que cachées dans le poil des côtés de la tête. La queue ne descend guère que jusqu'au milieu des jambes de derrière. Il y a, à chaque patte, cinq doigts armés d'ongles très-forts et erochus, propres à fouir la terre. Les poils du corps sont durs, rares, longs et de trois couleurs, blancs, noirs et roux, la proportion de ces trois teintes variant selon les parties où on les observe; la tête est blanche, excepté le dessous de la mâchoire inférieure, et offre deux taches noires longitudinales qui naissent de chaque côté, entre l'extrémité du museau et l'œil, et qui vont en’s’élargissant de manière à envelopper l’œil et l'oreille, derrière laquelle elles se terminent; il y a une large bande blanche sur le milieu du front; la gorge, la face inférieure du cou, la poitrine, les aisselles, la face intérieure du bras, le ventre, les aines, la face intérieure de la cuisse et les quatre jambes, sont noires; les côtés du corps, les alentours de l'anus et la queue, sont d’un blanc sale; tout le restant du corps est d'un gris roussätre. Les mœurs du Blaireau sont bien connues; nous rapporterons ce qu’en dit Buffon, parce que le portrait qu'il en a tracé, comme toujours de main de maître, est de la plus grande exactitude. « Le Blaireau est un animal paresseux, défiant, solitaire, qui se retire dans les lieux les plus écartés, dans les bois les plus sombres, s'y creuse une demeure souterraine; il semble fuir la société, même la lumière, et passe les trois quarts de sa vie dans ce séjour ténébreux, dont il ne sort que pour chercher sa subsistance. Comme il a le corps allongé, les jambes courtes, les ongles, surtout ceux des pieds de devant, très-longs et très-fermes, il a plus de facilité qu'un autre pour ouvrir la terre, y fouiller, y pénétrer et jeter derrière lui les déblais de son excavation, qu'il rend tortueuse, oblique et qu'il pousse quelquefois fort loin. Le Renard, qui n'a pas la même facilité pour creuser le sol, profite de ses travaux; ne pouvant le contraindre par la force, il l’oblige par adresse à quitter son domicile, en l’inquiétant, en faisant sentinelle à l’entrée, en l’infectant même de ses or- dures; ensuite il s'en empare, l’élargit, l'approprie et en fait son terrier. Le Blaireau, forcé à changer de manoir, ne change pas de pays; il ne va qu'à quelque distance travailler sur nouveaux frais à se pra- tiquer un autre gîte, dontil ne sort que la nuit, dont il ne s’écarte guère, et où il revient dès qu'il sent quelque danger. Il n’a que ce moyen de se mettre en sûreté, car il ne peut échapper par la fuite; il a les jambes trop courtes pour pouvoir bien courir. Les Chiens l’atteignent promptement lorsqu'ils le sur- prennent à quelque distance de son trou; cependant il est rare qu'ils l’arrêtent tout à fait et qu'ils en viennent à bout, à moins qu'on ne les aide. Le Blaireau a le poil très-épais, les jambes, la mâchoire et les dents très-fortes, aussi bien que les ongles; il se sert de toute sa force, de toute sa résistance et de toutes ses armes en se couchant sur le dos, et il fait aux Chiens de profondes blessures. Il a d'ailleurs la vie très-dure; il combat longtemps, se défend courageusement et jusqu’à la dernière extrémité. Autrefois, que ces animaux étaient plus communs qu'ils ne le sont aujourd'hui, on dres- sait des Bassets pour les chasser et les prendre dans leurs terriers. Il n’y a guère que les Bassets à jambes torses qui puissent y entrer aisément; le Blaireau se défend en reculant, éboule de la terre afin d'arrêter ou d’enterrer les Chiens. On ne peut le prendre qu’en faisant ouvrir le terrier par- dessus lorsqu'on juge que les Chiens l'ont acculé jusqu'au fond: on le serre avec des tenailles, et ensuite on le musèle pour l'empêcher de mordre. Les jeunes s'apprivoisent aisément, jouent avec les petits Chiens et suivent comme eux les personnes qu'ils connaissent et qui leur donnent à manger; mais ceux que l'on prend vieux demeurent toujours sauvages: ils ne sont ni malfaisants, ni gour- mands, comme le Renard et le Loup, et cependant ils sont animaux carnassiers; ils mangent de tout ee qu'on leur offre : de la chair, des œufs, du fromage, du beurre, du pain, du poisson, des fruits, des noix, des graines, des racines, etc., ctils préfèrent la viande crue à tout le reste. Ils dorment la nuit entière et les trois quarts du jour, sans cependant être sujets à l’engourdissement pendant l'hi- 29" 50 234 HISTOIRE NATURELLE. ver, comme les Marmottes et les Loirs. Ce sommeil fréquent fait qu’ils sont toujours gras, quoiqu'ils ne mangent pas beaucoup, et c’est par la même raison qu'ils supportent facilement la diète et qu'ils restent souvent dans leur terrier trois ou quatre jours sans en sortir, surtout dans les temps de neige. « Ils tiennent leur domicile propre, ils n’y font jamais leurs ordures. On trouve rarement le mâle avec la femelle; lorsqu'elle est prête à mettre bas, elle coupe de l'herbe, en fait une espèce de fa- got qu'elle traîne entre ses jambes jusqu'au fond du terrier, où elle fait un lit commode pour elle et ses petits. C’est en été qu’elle met bas, et la portée est ordinairement de trois ou de quatre petits. Lorsqu'ils sont un peu grands, elle leur apporte à manger; elle ne sort que la nuit, va plus au loin que dans les autres temps; elle déterre les nids de Guëpes, en emporte le miel, elle détruit les ra- bouillères des Lapins, prend les jeunes Lapereaux, saisit aussi les Mulots, les Lézards, les Serpents, les Sauterelles, les œufs d'Oiseaux, et porte tout à ses petits, qu’elle fait sortir souvent sur le bord du terrier, soit pour les allaiter, soit pour leur donner à manger. « Ces animaux sont naturellement frileux; ceux qu'on élève dans la maison ne veulent pas quitter le coin du feu, et souvent s'en approchent de si près, qu’ils se brülent les pieds, et ne guérissent pas aisément. Ils sont aussi fort sujets à la gale; les Chiens qui entrent dans leurs terriers prennent le même mal, à moins qu'on ait grand soin de les laver. Le Blaireau a toujours le poil gras et mal- propre; il a entre l'anus et la queue une ouverture assez large, mais qui ne communique point à l'intérieur et ne pénètre guère qu'à un pouce de profondeur; il en suinte continuellement une li- queur onctueuse d'assez mauvaise odeur qu'il se plait à sucer. Sa chair n'est pas absolument mau- vaise à manger, et l'on fait de sa peau des fourrures grossières, des colliers pour les Chiens et des couvertures pour les Chevaux. » A ces détails, nous ajouterons avec M. Boitard que, plein d'intelligence, rusé, très-défiant, le Blaireau ne donne que très-rarement dans les piéges qu’on lui tend. Si l'on a tendu un lacet à l’en- trée de son terrier, il s'en aperçoit aussitôt, rentre dans sa demeure et y reste renfermé cinq à six jours, s'il ne peut, à travers des rochers, se creuser une autre issue; mais, pressé par la faim, il finit par se déterminer à sortir. Après avoir longtemps sondé le terrain et observé le piége, il se roule le corps en boule aussi ronde que possible; puis, d'un élan, il traverse le lacet en faisant ainsi trois ou quatre culbutes, sans être accroché, faute de donner prise au nœud coulant. Si l'on veut forcer un Blaireau à sortir de son terrier en l’enfumant ou en y faisant pénétrer un Chien, il ne manque jamais de faire ébouler une partie de son terrier, de manière à couper la communication entre lui et ses ennemis. Les Allemands ont pour la chasse du Blaireau la même passion que les An- glais pour celle du Renard; mais ils satisfont leur goût avec beaucoup plus de simplicité. En au- tomne, trois ou quatre chasseurs partent ensemble à la nuit close, armés de bâtons et munis de lanternes; l’un d’eux porte une fourche, et les autres conduisent en laisse deux Bassets et un Chien courant bon quêteur. Ils se rendent dans les lieux qu’ils savent habités par des Blaireaux et à proximité de leurs terriers; là ils lâchent leur Chien courant, qui se met en quête et a bientôt ren- contré un de ces animaux. On découple les Bassets, on rappelle le Chien courant et l’on se met à la poursuite de l'animal, qui ne tarde pas à être atteint par les Chiens, et qui se défend vigoureusement des dents et des griffes. Le chasseur qui porte la fourche la lui met sur le cou, le couche et le main- tient à terre pendant que les autres l’assomment à coups de bâton. Si l'on veut le prendre vivant, on lui enfonce au-dessous de la mâchoire inférieure un crochet de fer emmanché d'un bâton, on enlève l'animal, on le bâillonne et on le jette dans un sac. Si on le trouve hors de son terrier, on le chasse aussi au fusil. Sa graisse passait autrefois pour avoir de grandes vertus médicales, mais n’est plus en usage au- jourd’hui. Son poil a la proprièté singulière de ne pas se feutrer; c’est pourquoi on s’en sert très- avantageusement pour la fabrication des brosses employées dans des circonstances qui favoriseraient le feutrage. Les meilleures brosses à barbe se composent avec ce poil. Le Blaireau semble appartenir à la fois à presque toute l'Europe, à l'Asie tempérée, ainsi qu'au nord de l'Amérique. En Europe il est répandu en Espagne, en Italie, en France, en Allemagne, en Pologne, en Angleterre, en Suède, en Norwége, dans les terres montueuses qui bordent le Volga, en Bulgarie, ainsi que sur les rives du Jaïk. On le trouve, assure-t-on, quelquefois dans les bois des en- virons de Paris. Mais il est assez rare partout, et principalement dans les régions méridionales. CARNASSIERS. 235 2 9€ SOUS-GENRE. — TAXIDÉE, TAXIDEA. Waterhouse . Une seule espèce entre dans cette subdivision, et encore nous devons faire remarquer que quel- ques auteurs ne la regardent pas comme distincte et la réunissent au Blaireau ordinaire. CARKAJOU. Buffon. TAXIDEA LABRADORICA (MELES). Sabine. Caracrènes spécrriQues. — Le pelage est brun en dessus, avec une ligne longitudinale blanchâtre, bifurquée sur la tête et simple tout le long du dos; les côtés du museau sont brun foncé, et les pieds de devant sont noirs. La longueur totale est de 0,70, non compris la queue. Cette espèce est le Glouton du Labrador de Sonnini, et faisait partie, sous la dénomination d'Ur- sus Labradoricus, du genre Ours de Linné. Le Carkajou présente de très-grands rapports avec le Blaireau et n'en est probablement qu'une simple variété; comme lui il est carnassier et habite un terrier. La femelle est beaucoup plus petite que le mâle. Get animal se trouve dans l'Amérique septentrionale, dans le Labrador, dans la province de Mis- souri et dans le pays des Esquimaux. 5° SOUS-CENRE. — URSITAXE. URSITAXUS. [odgson. Ce sous-genre ne comprend qu'une seule espèce propre au Népaul, l'Ursitaxus Nepalensis, Hodg- son, qui n'est probablement pas distinct du Meles Indica, Hardwich, et de l'Ursus Indicus, Shaw, et que l’on ne connait pas assez complétement pour que nous la décrivions. C'est auprès des Blaireaux et des Gloutons que nous placerons plusieurs groupes d'animaux fos- siles qui ont avec eux certains rapports, tout en s’en éloignant plus ou moins sous divers points de vue. Nous citerons plus particulièrement les genres : Taxormenun (T'aœus, Blaireau; Gxzv, bête sauvage), créé par De Blainville (Ostéographie, fas- cicule des Subursi, 1841) et ne renfermant qu'une seule espèce, son P. Parisiense, que G. Cuvier (Ossem. foss., t. IT) ou plutôt les compilateurs qui l'ont suivi, nommait Nasua Parisiensis, et dont des débris ont été découverts aux environs de Paris, dans le plâtre de Montmartre. Cette espèce repose sur plusieurs fragments de crâne et de mâchoire inférieure, ainsi que sur quelques os des membres, et tous ces débris, dont De Blainville a rapproché quelques ossements fossiles trouvés en Auvergne par M. Croizet, semblent bien avoir appartenu à un Carnassier de la division des Planti- grades, quoique en même temps ils présentent, pour quelques-uns d’entre eux, comme l'a démontré G. Cuvier, de la ressemblance avec les Dasyures. Nous ne croyons pas devoir entrer dans plus de détails ici, et nous renvoyons aux travaux de G. Cuvier et de De Blainville. PALEOGYON (#20, ancien; xvov, Chien) et ARCTOCYON (uzxx5:, Ours; vo, Chien). De Blainville (Ostéographie, fascicule des Subursi, 1841) a établi sous ces noms un genre de fossiles qui com- prend divers restes d'un Carnassier, consistant en une grande partie de la tête et en quelques os longæmutilés, trouvés dans le grès siliceux tertiaire de la Fère, département de l'Aisne. Les dents molaires de la mâchoire supérieure sont au nombre de sept, dont trois fausses et quatre vraies tu- berculeuses. Les trois fausses molaires et la première grosse molaire ont été brisées, et ne laissent voir que leurs racines ou leurs alvéoles; les autres sont à peu près carrées et ont beaucoup d’analo- gie avec celles du Raton; la dernière est de beaucoup plus petite. La voûte palatine est large; la crête occipitale est très-haute et prolongée en arrière; la cavité cérébrale est petite; l'arcade zyg0- 236 HISTOIRE NATURELLE. LL. 2 matique est très-écartée, ce qui donne une grande largeur à la tête. L'humérus est très-fort et ve- marquable par sa crête deltoïdienne très-longue et très-saillante. De Blainville, qui donne à cette es- pèce ke nom particulier de Palæocyon primævus, lui assigne la place que nous lui conservons et le regarde comme étant un animal aquatique; M. Laurillard, lun de nos savants les plus modestes et l'un de ceux qui connaissent le mieux les animaux fossiles, en considérant la petitesse de la boîte cranienne du Palæocyon primœvus, le grand écartement des arcades zygomatiques et la forme de l'humérus, pense, au contraire, que cette espèce fossile appartenait à un genre de Didelphes plus omnivore que le Thylacine et les Dasyures. AMPHICYON (au, près de; xvwv, Chien). C’est à M. Lartet, dans les Bulletins de la Société de Géo- logie pour 1836, à qui l'on doit la création de ce groupe de fossiles, que, peu d'années après, en 1841, De Blainville, dans son Ostéographie, fascicule des Subursi, a décrit d'une manière complète. Ces ossements constituent une forme animale voisine de celle des Ictides, mais avec une taille égale ou même supérieure à celle de l'Ours, et un système dentaire presque semblable à celui des Chiens ordinaires, ce qui lui a valu la dénomination qu'elle porte. C’est aux investigations per- sévérantes et éclairées de M. Lartet, dans le célèbre dépôt de Sansans, contenant un grand nombre d’ossements de Mammifères, d'Oiseaux, de Reptiles et d’'Amphibiens, que l’on doit la découverte de ce genre et de toutes les pièces nombreuses qui ont servi à De Blainville à en déterminer les rap- ports. Avant la découverte de M. Lartet, la science avait cependant déjà quelques indices de ce groupe d'animaux perdus, mais tellement faibles, qu’il était presque impossible de s’en servir sans erreurs. Aussi G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, avait-il donné comme d’un Loup d’une taille gigantesque une première arrière-molaire supérieure gauche, trouvée dans le dépôt d’Avaray, près de Beaugency, et qui doit évidemment être rapportée à l'Amphicyon. M. Kaup avait aussi trouvé une dent qui semble être également du même groupe, et il avait parfaitement reconnu qu'elle in- diquait une forme animale particulière, pour laquelle il avait proposé le nom d’Agnotherium, qui devrait avoir la priorité si l'identité du genre pouvait être établie d'après ce seul fragment. Dans ce genre il y a trois paires d’incisives supérieures : l’externe plus forte que les autres et plus ou moins caniniforme; les canines sont extrêmement fortes, robustes, assez comprimées, carénées et même tranchantes en arrière, un peu aplaties en dedans, plus convexes en dehors et fortement cannelées dans leur longueur, surtout en avant; les molaires sont au nombre de sept: trois avant-molaires, une principale et trois arrière-molaires, comme dans le Palæwocyon, mais de toutes autres forme et proportion. Les dents de la mâchoire inférieures ont moins connues que celles de la mâchoire supérieure, parce que la mandibule la plus complète que l'on possède ne présente que des alvéoles remplies par les racines brisées; un débris de troisième incisive du côté gauche est remarquable par sa grande compression et sa grande taille; un débris de canine du côté gauche montre que cette dent a beaucoup de rapports avec l'analogue chez le Chien; les molaires semblent en même nombre et de même fornie que celles du genre Chien. De Blainville décrit, en outre, quelques débris de tête, principalement des deux mâchoires, des vertèbres, un humérus, un radius, un cubiltus, un fémur, un tibia, un péroné et plusieurs os des extrémités. Ces animaux sont pourvus de cinq doigts courts et presque égaux, comme les Petits-Ours, et l'humérus est percé au condyle interne. Jugeant ensuite par la brièveté et la force des os des mem- bres antérieurs et postérieurs, et par la forme de presque toutes leurs parties, on peut aisément voir que la comparaison s'établit avec une espèce du genre des Petits-Ours mieux qu'avec aucune autre espèce, et moins avec les Chiens et les Hyènes qu'avec tout autre Carnassier; en sorte qu’en joi- gnant à cette considération l'observation que l'Amphicyon était pourvu d'une queue longue et ro- buste, on est pour ainsi dire conduit à cette conclusion que c'était une forme animale du groupe des Subursi à longue queue, rappelant en Europe les espèces qui existent encore en Amérique et en Asie, mais bien plus carnassière et surtout bien plus grande qu'elle. C'est d’après l'Amphicyon, nommé par M. Lartet A. major, que nous avons donné quelques-uns des caractères de ce groupe fossile. Il existe encore probablement deux autres espèces du même genre : l'une est l'Amphicyon minor, Lartet, trouvé également à Sansans, et correspondant peut- être au Gulo diaphorus de M. Kaup, et l'autre, décrite par De Blainville, et qui n’a pas reçu de nom spécifique, provenant de Digoin, département de Saône-et-Loire. Eulin c'est peut-être près de ce genre que l'on devrait ranger le groupe des Prénopoxs, créé CARNASSIERS. 937 par De Blainville pour une espèce qu'il nomme P. dasyuroides, et que G. Cuvier rapportait au Da- syure cynocéphale, qui a été trouvée dans les plâtres de Montmartre, et sur laquelle nous revien- drons plus tard. Ge GENRE. — GLOUTON. GULO. Storr, 1780. Prodromus methodicus animalium. Gulo, nom donné par les Latins au Glouton CARACTEÈRES GÉNERIQUES. Système dentaire : incisives, À; canines, =; 2; molaires, =; en totalité trente-huit dents; la se- conde incisive inférieure de chaque côté un peu plus en arrière que les autres; les canines assez fortes; les deux ou trois prenitres molaires supérieures de chaque côté comprimées, tranchartes, unicuspides; la quatrième grande, bicuspide; la cinquième petite, tuberculeuse; les quatre pre- mières molaires inférieures unicuspides; la cinquième bicuspide; la dernière tuberculeuse; ilnw'y a pas d'espaces interdentaires. Corps assez bas sur jambes, quelquefois très-lonq. T'aille médiocre. Tête forte, médiocrement allongée. Oreilles arrondies, très-courtes, ayant un peu la forme de celles des Chats. Langue assez rude. Pieds à cinq doigts bien séparés, armés d'ongles crochus, non rétractiles; la plante de ceux de derrière posant en entier où presque en entier sur le sol. Queue assez courte, velue. Pas de poche près de l'anus; cette partie ne présentant que deux légers plis de la peau. Pelage long, abondant, d'un brun noirtre. Fig. 77. — Glouton. C'est sous la dénomination vulgaire de Glouton que Buffon et beaucoup d'autres naturalistes ont parlé d'un animal carnassier propre aux régions arctiques, et dont on à célébré la voracité. Klein en 4751, et, depuis, Storr en 1780, ont établi un genre distinct pour y placer ce Mammifère, que d’autres ont réuni aux Ours, ainsi que le faisait Linné. Plus récemment, on a rapporté au genre Glou- ton le Ratel du cap de Bonne-Espérance, ainsi que le Grison et le Taira, et deux autres Carnassiers propres à l'Asie et à la Malaisie; mais, dans ces derniers temps, on à formé à juste titre, pour ces der- nières espèces, trois genres particuliers; de sorte qu'aujourd'hui il ne reste plus, dans le groupe des 258 HISTOIRE NATURELLE. Glontons, que deux espèces, le type et une espèce qui avait été anciennement confondue avec lur. D'après Lesson, la dénomination de Grisonia de M. Gray correspondrait à ce genre ainsi restreint. Quant à la place que le groupe des Gloutons doit occuper dans la série des Mammifères, elle n’est pas encore déterminée d’une manière bien positive; car les caractères qu'il présente le rapprochent à la fois des Ours et des Martes, de sorte qu'on le range tantôt assez près des premiers dans la sub- division des Petits-Ours, tantôt à côté des seconds dans la famille des Mustéliens. Pour nous, si nous le mettons ici, c’est pour ne pas l’éloigner des Blaireaux, quoique nous convenions qu'il n'est pas aussi plantigrade qu'eux, et que chez lui paraît déjà là marche de digitigrade. On a donné, principalement De Blainville, des détails sur le squelette du Glouton, et nous rappor- terons quelques-uns de ses caractères particuliers et plus saillants. Considéré en général, le squelette du Glouton semble se rapprocher plus de celui d'un Subursus que de celui d'un Mus- tela, à cause de la brièveté de la queue et de la force des os. La colonne vertébrale est composée de quarante-huit à cinquante vertèbres : il y a six céphaliques, sept cervicales, quinze dorsales, cinq lombaires, trois sacrées et treize à quatorze coceygiennes. La tête, bien plus robuste que celle des Fouines, est plus étroite, moins déprimée dans sa partie cérébrale; aussi ses crêtes sagitale et occipitale, et surtout la première, sont-elles beaucoup plus prononcées; la face est aussi un peu plus longue, l'orbite plus grande, l'arcade zygomatique plus épaisse, plus large, et la mandibule un peu plus courbée. Toutes les vertèbres sont bien comme dans les Fouines, seulement, en général, plus épaisses et plus accentuées, surtout dans les apophyses dont elles sont hérissées. Le sternum est composé de dix pièces: son manubrium est court et arrondi dans son avance trachéenne, et son xi- phoide est cartilagineux, assez pointu. Les côtes, au nombre de quinze paires, dont dix vraies et cinq fausses, quoique moins grêles que dans la Fouine, sont encore assez comprimées et par conséquent moins robustes que dans le Ratel; les postérieures sont plus fortes que les moyennes. Les membres, et surtout les antérieurs, sont, proportionnellement au tronc, plus longs que dans les Mustelas. Il n'y a pas de clavicule. L'omoplate, de forme trapézoïdale, est assez dilatée dans son bord antérieur, presque droit. L'humérus, presque égal aux neuf premières vertébres dorsales, est aussi long que le fémur; il est percé au condyle interne, mais nullement au-dessus de la poulie. Le radius et le eubi- tus sont assez fortement arqués dans le même sens, en dedans, et celui-ci peu épais et légèrement tranchant à son bord externe. La main est, en totalité, presque aussi longue que le cubitus; le carpe est cependant très-court, et par conséquent les sept os qui le composent sont petits, quoique dans les proportions ordinaires; par contre, les métacarpiens et les phalanges sont assez allonsés, forts, avec les phalanges onguéales à peine plus longues que les secondes, quoique encore assez couchées. Les mem- bres postérieurs sont encore un peu plus longs dans toutes leurs parties. L'os innominé est cepen- dant un peu plus court, un peu plus égal dans ses deux moitiés, l'iléon étant plus large, plus excavé et plus arrondi à son bord antérieur; le fémur est long et assez grêle; le tibia et le péroné sont en- core un péu plus courts que lui, avec la forme de ces mêmes os dans le Putois. Comme dans ce der- nier le pied est notablement plus long que la jambe, plus même que le fémur; cette grande longueur ne porte cependant pas sur le tarse, dont le calcanéum est encore assez grêle, mais bien sur les mé- tatarsiens et les deux premières phalanges; les onguéales étant à peu près comme à la main, presque droites où très-légèrement arquées. Cette description, que nous venons d'analyser, a été faite par De Blainville d'après le squelette unique que possède la collection d'anatomie comparée du Muséum, et qui avait déjà servi aux travaux de G. Cuvier, ainsi qu'à ceux de MM. Pander et D'Alton. Le système dentaire de ces animaux a beaucoup de rapport avec celui des Martes, dont il se dis- tingue à peine; chez les uns et les autres on trouve une molaire tuberculeuse à chaque mâchoire, et des carnassières ordinaires, mais le nombre des molaires varie; ils ont six incisives à l’une et à l'autre mächoire, et deux canines. Les Gloutons, qui sont de taille moyenne, sont des animaux très-carnassiers, très-féroces, qui vivent à la manière des Martes, et dont la chair fait la principale nourriture. Is sont audacieux, et attaquent même les grands Ruminants. Ils grimpent sur les arbres, attendent au passage les ani- maux dontils espèrent se rendre maitres, et s’élancent sur eux en ayant soin de les saisir au cou et de leur ouvrir les gros vaisseaux de cette région. Par ce moyen, ils les ont bientôt épuisés; et, d'après le récit des voyageurs, les pauvres animaux qu'ils ont atteints précipitent en vain leur course; en vain ils se frottent contre les arbres et font les plus grands efforts pour se délivrer : l'en- CARNASSIERS. 939 nemi, assis sur leur cou, ou quelquefois sur leur croupe, continue à sucer leur sang, à creuser leur plaie, à les dévorer en détail avec le même acharnement jusqu’à ce qu’il les ait mis à mort. Ce- pendant Buffon a possédé vivant, pendant dix-huit mois, un de ces Carnassiers, qui lui avait été en- voyé de la Russie septentrionale, et dont la captivité avait bien changé le naturel. « Ce Glouton, dit le célèbre auteur de l'Histoire naturelle générale et particulière, était si fort privé, qu'il ne faisait de mal à personne. Sa voracité a été aussi exagérée que sa cruauté; il est vrai qu'il mangeait beaucoup, et il m'importunait vivement et fréquemment quand on le privait de nourriture. Lorsqu'il avait bien mangé et qu'il restait de la viande, il avait soin de la cacher dans sa cage et de la couvrir de paille. En buvant il lappe comme un Chien. Il n'a aucun cri. Quand il a bu, il jette avec ses pattes ce qui reste d'eau par-dessous son ventre; il est rare de le voir tranquille, parce qu'il remue toujours. II mange goulûment et aurait dévoré quatre livres de viande si on les lui eût données. » C'est de là qu'est venu le dicton : Manger comme un Glouton. Ce Carnassier, de taille médiocre, est bas sur jambes, et a des formes épaisses et des allures as- sez lourdes, semblables à celles des Ours. Son pelage est fourni, dur et remarquable par la couleur tranchée qui existe entre la couleur des parties inférieures du corps et celle des parties supé- rieures. La peau de ces animaux donne une fourrure assez chaude et d'un beau lustre; aussi l'em- ploie-t-on souvent en pelleterie, et leur fait-on une chasse active pour l'obtenir. On trouve des Gloutons dans le nord de l'Europe et de l'Asie, ainsi que dans les régions froides de l'Amérique septentrionale; mais l'identité spécifique de ceux de l’ancien monde avec ceux du nouveau n'a pas encore été démontrée, faute d'observations suffisantes, car il est bien probable que l’on doit réunir en une seule les deux espèces que nous admettrons dans ce groupe avec tous les zoologistes. A l'époque diluvienne, le Glouton existait dans une assez grande partie de l’Europe, en Alle- magne et en France, et ses ossements, mêlés à ceux d’autres animaux perdus, ont donné lieu à la distinction d'une espèce admise, sous le nom de Gulo speleres, par plusieurs naturalistes, comme différente du Glouton actuel. Mais cette opinion n’est pas celle de G. Cuvier ni celle de De Blainville; ces illustres paléontologistes ne voient dans les Gloutons fossiles de l'Europe tempérée que des in- dividus ayant appartenu à la même espèce que ceux qui vivent aujourd'hui dans le Nord. En outre, assez récemment, M. Kaup a indiqué, comme ayant été découvert dans les sables d'Eppelsheim, dans la Hesse-Darmstadt, des débris fossiles d'un animal de ce groupe, qu’il regarde comme formant une espèce particulière, et à laquelle il a appliqué la dénomination de Gulo antediluvianus. 1. GLOUTON DU NOMD. GULO ARCTICUS, À. G. Desrmarest. CaracrÈREs SPÉCIFIQUES. — Corps assez trapu; pelage d’un beau marron foncé, avec un disque presque noir sur le dos. Longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0",65; de celle-ci, en y comprenant les longs poils qui la déterminent, 0®,25. Cette espèce, que Buffon désignait simplement sous le nom de GLourow, et que Linné nommait Ursus gulo, et Boddært Meles qulo, est de la taille du Blaireau et présente avec lui plusieurs points de ressemblance, tout en en différant assez notablement par la disposition du système dentaire, qui le rapproche des Martes. Dans le Glouton le museau est noir jusqu'aux sourcils; les yeux sont petits et noirs; l’espace com- pris entre les sourcils et les oreilles est d’un blanc mêlé de brun; les oreilles sont couvertes d'un poil ras; la mâchoire inférieure, ainsi que l’intérieur des deux pieds de devant, sont tachetés de blanc; les jambes, la queue, le dessus du dos, de même que le dessous du ventre, sont noirs ou brun noir; les côtés du corps sont d'une belle couleur marron depuis les épaules jusqu'à l’origine de la queue; il y a une tache blanche sur le nombril; les parties de la génération sont rousses; les poils de la partie inférieure du corps sont blanchätres. On remarque un tubercule ou durillon sous chaque doigt; quatre autres durillons sous la paume de la main se tenant ensemble et formant un demi-cercle, avec un autre postérieur; la plante des pieds de derrière offre une disposition semblable, à cela près qu'il n’y a point de tubereule au talon, qui, dans la marche, est un peu relevé. 240 HISTOIRE NATURELLE. C’est à cette espèce que s'applique ce que nous avons dit des mœurs du groupe en général; nous ajouterons seulement que le Glouton est très-cruel et très-vorace, qu'il chasse la nuit et se rend maître d'animaux beaucoup plus grands que lui, tels que des Élans et des Rennes; qu'il n’éprouve pas de sommeil hivernal, et qu'en captivité, lorsqu'il est abondamment pourvu de nourriture, il montre un naturel assez doux. Cette espèce habite toutes les terres voisines de la mer du Nord, tant en Europe qu'en Asie. En Norwége, il est surtout commun dans le diocèse de Drontheim. On le trouve probablement aussi dans les régions septentrionales de l'Amérique, si, comme cela est très-probable, on doit lui réunir la seconde espèce, dont nous allons dire quelques mots. 2. VALVERENNE GULO LUSCUS. Sabine. CanacTÈREs srÉciriques. — Corps trapu; pelage d'un marron assez clair, avec un disque noirâtre sur les parties supérieures du corps. Taille de l'espèce précédente. Le Valverenne ne semble différer du Glouton du Nord que par les caractères insuffisants que nous venons d'indiquer; aussi la plupart des zoologistes modernes réunissent-ils ces deux espèces en une seule, quoiqu'elles aient été distinguées par Linné, qui le premier a nommé celle-ci Ursus luscus, et par un savant auteur américain, Richardson, qui avait pu étudier le Valverenne sur les lieux. Quoi qu'il en soit, ce Glouton habite, en Amérique, le Canada et les parties incultes du nord des États-Unis. Il y est bien connu en raison de ses déprédations, car il montre une grande adresse pour découvrir les amas de provisions formés par les Indiens, et il mange ou détruit toutes les ma- tières animalisées qu'il peut ainsi découvrir. Pour les autres espèces placées anciennement dans le genre Glouton, nous renvoyons aux des- criplions génériques qui vont suivre, 7m GENRE. — GRISON. GALICTIS. Bell, 1826. Fan, Belette. Zoological Journal, t. I. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, $; canines, =; molaires, #4; en totalité trente-six dents; les inci- sives et les canines comme dans les Gloutons; les molaires en nombre moindre, composées supérieu- rement d'une tuberculeuse, d'une carnassière et de deux fausses molaires de chaque côté, et infé- rieurement d'une tuberculeuse, d'une carnassière et de quatre fausses molaires. Museau terminé par un mufle sur les côtés duquel les narines sont ouvertes. Oreilles petites, sans lobules. Yeux à pupilles rondes. = Langue rude. Pieds à cinq doigts, armés d'ongles fouisseurs et qarnis de tubereules très-forts. Moustaches placées sur la lèvre supérieure et au-dessus de l'angle antérieur de l'œil. Pelage composé de deux sortes de poils : les uns laineux gris pale, et les autres soyeux noirs, et quelquefois annelés de blanc; long sur le dos, les flancs et la queue, et court sur le museau, la tête et les pattes. Queue toujours portée horizontalement. Mamelles au nombre de huit. Le genre Grison a été formé par M. Bell sous la dénomination latine de Galiciis pour deux es- pèces, le Grison et le Taira, que l'on comprenait depuis longtemps dans le groupe générique des Antilope à cornes déprimées ll CARNASSIERS. 241 Gloutens, et auxquelles il en a joint une troisième découverte récemment. M. fsidore Geoffroy Saint- Hilaire a adopté ce genre; il en a changé la dénomination et lui a appliqué le nom de Huro. De Blainville le premier, dans son Ostéographie, a donné la description du squelette de deux espèces typiques de ce genre, et il les a comparées à la Marte et au Putois, à côté desquels il les place dans sa subdivision des Mustelas. La colonne vertébrale du Taira est formée de quatre ver- tèbres céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, deux sacrées et de vingt-trois ou vingt-quatre coccygiennes. La tête rappelle celle du Putois plus que celle de la Marte par la brièveté du museau et même par la forme de toutes les parties; seulement, l’étranglement postorbi- taire est plus prononcé, et le trou sous-orbitaire est plus petit, en sorte qu'il y a peut-être plus de rapprochement à faire avec le Zorille. Les vertèbres cervicales sont comme daus la Fouine par la forme de leurs apophyses transverses et épineuses, celles-ci étant cependant moins ensellées à l’axis. Cette même apophyse, inclinée en arrière aux onze premières vertèbres seulement, n'offre pas à son bord postérieur le crochet que l’on remarque aux vertèbres dorsales de la Fouine. Le sacrum n'est véritablement formé que de deux vertèbres; mais la suivante, quoique libre dans tous ses points, doit être regardée comme sacrée, par la forme plus longue de ses apophyses transverses; les vertèbres coc- cygiennes sonten général peu allongées. L'omoplate, l'humérus et les deux os de l’avant-bras, sont, quoique forts, à peu près semblables à ceux de la Marte; mais la main est en général plus courte, les os sont plus robustes, quoique les phalanges onguéales soient de même forme. L'os de la bou- che, le fémur, le tibia et le péroné, ressemblent assez à ceux de la Fouine; cependant, ces derniers ne sont pas plus longs que le fémur. Quant au pied, il est comme la main, plus court en général, comme dans toutes ces parties; aussi l'animal est-il plus plantigrade. La tête du Grison, la seule partie du squelette que l’on possède à Paris, ressemble tellement à celle du Taïra, que l'on pourrait en induire avec une grande probabilité qu'il devrait en être de même pour les autres parties du sque- lette. Toutefois, on a pu s'assurer, sur un individu conservé dans l'alcool, que le nombre des vertë- bres dorsales est de seize, et qu'il y a quatre lombaires, ce qui entraine seize paires de côtes. Lis. 78. — Grison. lr. Cuvier fait remarquer que le système dentaire du Grison et du Taïra est, à très-peu de chose près, le même que celui du Glouton, et qu'il se rapproche beaucoup aussi de celui du Putois. Les incisives et les canines des uns et des autres sont semblables; il en est de même des carnassières et des tuberculeuses, et cela sans plus d'exception pour les relations que pour les formes et pour le nombre. De Blainville, de son côté, fait aussi observer que le Taïra a tout à fait le système den- taire du Putois, tandis que le Grison l’a un peu moins, en ce que l'arrière-molaire d'en haut est considérablement plus grosse, et que le talon de la principale supérieure est un peu plus large et en godet. Il ajoute qu'un jeune Taïra au premier âge lui a présenté, sans mélange et complet, un système dentaire qui ressemble presque entièrement à celui d'un jeune Ratel; les canines sont seu- lement un peu plus fortes, et le crochet basilaire est moins prononcé. Le Grison est très-féroce et très-sanguinaire dans l’état sauvage; il tue et dévore tous les petits atimaux qu'ilrencontre, même sans être pressé par la faim. En captivité, il est assez doux et assez 25 51 249 HISTOIRE NATURELLE. familier; mais, toutes les fois qu'il trouve l'occasion de se jeter sur quelque proie vivante, il Ja saisit avec avidité. Il en est de même du Taira. On trouve les animaux de ce genre assez communément dans une grande partie de l'Amérique méridionale. Les espèces sont : 1. GRISON. Buffon. GALICTIS VITTATA. Bell. CanacTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage plus foncé en dessous qu'en dessus du corps; tête, à parur d’entre les yeux, dessous et côtés du cou, dos, croupe, flancs et queue, gris sale; autres parties du corps noires; une ligne d’un gris blanchätre partant d’entre les yeux, passant sur les oreilles et venant se confondre avec le reste du pelage. Longueur de la tête et du corps : 0",33;. de la queue, 0,08. / Le Grison a une taille très-allongée; il est entièrement plantigrade; ses doigts sont réunis, jusqu'à la dernière phalange, par une membrane, garnis d'ongles fouisseurs et de tubercules très-forts : le tubercule des pieds de devant, voisin des doigts, ressemblant beaucoup à celui des Chiens; un au- tre tubercule au poignet du côté externe; un tubercule en forme de trèfle à la base des doigts des pieds de derrière, et un autre petit et simple à la base du petit doigt: toutes ces parties étant revê- tues d’une peau très-douce. Le Grison, qui était l'Ursus Brasiliensis de Thunberg, le Viverra vitata de Linné, et le Gulo vittalus d'A. G. Desmarest, a été décrit et figuré pour la première fois par Allamand, et cette figure a été reprise par Buffon dans ses Suppléments. D'Azara, dans ses Animaux du Paraguay, a donné quelques détails sur son histoire naturelle, et enfin Fr. Cuvier, dans son Histoire des Mammifères de la Ménagerie du Muséum, à publié la description et une bonne figure de ce Carnassier. Ses mœurs, assez analogues à celles du Glouton, sont très-sanguinaires, ainsi que nous l’a- vons dit. On le trouve dans l'Amérique méridionale, dans les provinces du Paraguay, dans lesquelles il est commun, dans celles de Buénos-Ayres et aux environs de Surinam, où il est plus rare. 2. TAIRA. Buffon. GALICTIS BARBARA. Bell. CanacTÈRES sPÉCIFIQUES. — Tête, et quelquefois cou, d’une couleur grise; corps noir ou brun noi- râtre; une large tache d’un blanc jaunâtre couvrant le dessous du cou et de la gorge. Plus petit que le précédent, et de la taille de la Marte commune. Le Taïna était pour Linné son Mustela barbara, pour À. G. Desmarest son Gulo barbarus, et il à aussi reçu le nom de Viverra poliocephala, Traill, Schneider. Buffon en a donné une description. Il a les formes générales de la Belette et de la Fouine; la tête est oblongue; le museau allongé, un peu pointu, et garni de moustaches dont les barbes sont rares et peu longues; la mâchoire infé- rieure est un peu plus courte que la supérieure; les yeux sont oblongs, situés à une égale dis- tance des oreilles et du bout du museau; les oreilles sont aplaties, avec un double rebord au-dessus de la tête; les pieds sont forts, et destinés à creuser la terre, ayant tous cinq doigts, dont l’in- terne est le plus court : ceux de derrière beaucoup plus longs que ceux de devant, et à doigts à demi palniés, comme dans le Grison; queue longue, droite, et garnie de poils peu fournis, mais longs de 0®,06; poils du corps un peu moins grands, doux au toucher, bruns sur les parties anté- rieures, et noirs sur les postérieures, de même que sur la queue et les quatre jambes; une large plaque d’un blanc jaunâtre sur la gorge et le dessous du cou; reste du cou, ainsi que la tête entière, présentant une teinte de blane obseurcie par un mélange de brun. Cet animal a à peu près les mêmes mœurs que le Grison, il se pratique un terrier “ les bois, et répand une très-forte odeur de muse. Il s'apprivoise aussi très-facilement. CARNASSIERS. 243 Il habite la Guyane, le Brésil, et quelques autres parties de l'Amérique méridionale. La troisième espèce de’ ce genre est le Grisox p'AzcamanD, Galictis Allamandi, Bell, Schomburg, qui a été décrite assez récemment, habite la Guyane hollandaise, et n’est peut-être pas distinéte de la première espèce que nous avons indiquée. 8° GENRE. — MELOGALE. MELOGALE. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 1834. Meles, Blaireau; y#An, Belette Voyages aux Indes orientales de M. Bélanger. Zoologie. CARACTÈRES .GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ©; canines, =; molaires, =; en totalité trente-huit dents; les ancisives ne présentant rien de particulier : les inférieures plus pelites et mieux rangées que les su- périeures; canines supérieures longues, un peu comprimées; six fausses molaires supérieures, deux carnassières et deux tuberculeuses, et inférieurement huit fausses molaires, deux carnassières et deux tuberculeuses; les carnassières supérieures quadrangulaires présentant quatre tuberculeuses et se rapprochant de la forme des tuberculeuses. Tête conique, très-longue. Museau fin, très-allongé, non terminé en groin. Yeux de volume ordinaire. Conques auriculaires très-petites. Membres assez courts, épais, robustes, très-espacés les uns des autres; tous terminés par cinq doigts. Mains très-allongées, à paume entièrement nue, tandis que les pieds, également très-longs, ont leur plante nue seulement dans la partie qui correspond aux doigts et au métacarpe; d'après cela le Mélogale est semi-plantigrade. Ongles très-longs, assez arqués, très-forts et comparables à ceux des Chiens. Corps de forme allongée. Queue assez longue, touffue F Pelage formé de deux sortes de poils, tous longs : les uns laineux, très-distincts, très-abondants, et les autres soyeux, recouvrant les laineux, seuls visibles à l'extérieur, el en général grossiers et rudes au toucher. Fig. 79. — Mélogale masquée. Le genre Melogale à été créé par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire pour une espèce de Carnivore qui, par l'ensemble de ses caractères, est liée intimement avec les Martes et quelques autres groupes 2%4 HISTOIRE NATURELLE. de Mustelas, mais qui en même temps se rapproche, à beaucoup d’égards, des Blaireaux par les formes de la tête, par celles de ses ongles et enfin par la nature de ses poils, ainsi que par la dis- position de ses couleurs. À cette espèce typique, le Melogale personata, viennent aujourd'hui s'en joindre deux autres : l’une, le Melogale fusca, décrite par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et l'autre par M. Gray, qui, dans les Proceedings x0ological Society of London pour 1850, l'indique comme type d’un genre particulier sous la dénomination d’Helictis moschata. Si le rapproche- ment de ces trois espèces est réel, ainsi que le proposent divers naturalistes et en particulier Les- son, ce nom d’Helictis (an, chaleur du soleil; we, Fouine) devrait être préféré à celui de Melogale comme ayant l'antériorité; mais nous ne ferons pas ce changement, parce que la dénomination pro- posée par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire est généralement adoptée. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a donné de grands détails sur le système dentaire du Mélogale, et nous croyons devoir les transcrire ici : « Les dents de ce Mammifère sont en même nombre que chez les Martes proprement dites. Ainsi on compte dix-huit dents à la mâchoire supérieure, et vingt à l'inférieure. Les incisives de l’une et de l’autre mâchoire ne présentent rien de remarquable. Chez la Mélogale comme chez les Carnassiers Vermiformes, les inférieures sont plus petites et moins bien rangées que les supérieures. La paire externe est, en haut comme en bas, plus grande que les paires in- termédiaires. Les canines supérieures sont longues, un peu comprimées, convexes en dehors, aplaties en dedans, presque droites; il n’y a à leur base ni crête ni tubercule. Immédiatement derrière la ca- nine supérieure vient de chaque côté une petite fausse molaire rudimentaire, puis deux fausses mo- laires triangulaires, dont la postérieure est la plus grande, et qui ne présentent rien de particulier. Les deux dernières dents, et surtout la carnassière, sont, au contraire, très-différentes de leurs analogues chez les Carnassiers Vermiformes. La carnassière, séparée par un intervalle vide de la der- nière fausse molaire, est de forme quadrangulaire, mais plus large en dehors qu'en dedans. Sa portion externe se compose d’un grand tubereule tranchant, au devant duquel se trouve un très- petit tubercule arrondi. Sa portion interne est aussi composée de deux tubercules : l’un antérieur, assez grand, conique; l’autre postérieur, plus petit et arrondi. Cette carnassière, au lieu d’être, comme à l'ordinaire, composée d’une grande éminence tranchante avec un petit talon anté- rieur, devient quadrangulaire et composée de quatre tubercules; en d’autres termes, elle passe aux formes des tuberculeuses. La dernière molaire supérieure, ou la tuberculeuse, est presque aussi grande que la carnassière. Sa forme se rapproche de celle d’un ovale, et son plus grand diamètre est le transversal. Son extrémité interne est formée par un tubercule, au devant ét en de- dans duquel il en existe un autre. Son extrémité externe est occupée par deux autres tubercules très-rapprochés entre eux, et dont l’antérieur est divisé en deux par une rainure longitudinale. En- fin, vers le milieu du bord postérieur existe un autre petit tubercule dont on n'aperçoit aucune trace chez les Martes. À la mâchoire inférieure, les incisives sont comprimées, arquées; leur bord antérieur est coudé, etil existe un sillon longitudinal à leur face interne; ces caractères se retrouvent presque tous chez les Martes; derrière ces dents vient de chaque côté une fausse molaire rudimentaire, plus petite encore que celle de la mâchoire supérieure, puis deux fausses molaires, dont la dispo- sition el la grandeur ne présentent rien de particulier; enfin une quatrième, à peu près de même forme, mais plus épaisse et plus grande. La carnassière inférieure offre, comme la supérieure, des caractères particuliers. Elle est très-allongée d'avant en arrière, présente, à chacune de ses extré- mités, un tubercule un peu creusé en dedans, et au milieu deux tubercules mousses, dont l'un oc- eupe le bord interne, et l’autre l'externe. Ces deux tubercules sont égaux, tandis que dans les Martes l’interne est rudimentaire et lexterne très-grand. Enfin la tuberculeuse, qui présente plu- sieurs petits tubercules disposés irrégulièrement, est petite et de forme circulaire. En résumé, le système dentaire de la Mélogale annonce un animal moins carnassier que les autres genres de la fa- mille des Martes, et présente même quelque analogie avec celui des Coatis. » La description du sys. tème dentaire donnée par De Blainville se rapporte à celle de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et montre que, sous ce rapport, la Mélogale est intermédiaire aux Martes et aux Putois. D'après M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, la tête osseuse de la Mélogale, comparée aux cränes des genres voisins, offre des différences remarquables. Toutes les parties antérieures de la tête sont très-allongées, mais en revanche étroites; le chanfrein ne présente point cette forte saillie que l’on remarque entre les yeux chez les Martes et les Moufettes. L’arcade zygomatique, très-grèle chez celle- CARNASSIERS. 245 cf, est très-large dans la Mélogale. Il existe sur la ligne médiane du crâne, depuis la partie posté- rieure du frontal, un sillon très-prononcé, surtout dans la région nasale. Enfin les trous sous-orbi- taires sont très-grands, circonstance anatomique qui coïncide toujours avec le grand développement des parties antérieures de la tête. De Blainville, d’après les mêmes pièces qui avaient servi à M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, a donné, dans son Ostéographie des Mustelas, la description de la tête de la Mélogale, et il a en outre dit quelques mots d’autres parties du squelette. Le radius est court, plat, fortement élargi inférieu- rement, et rappelle en très-petit la forme de celui de l'Ours. Le cubitus est également assez robuste, large, très-comprimé. Les os du carpe, au nombre de sept. sont de proportion et même de forme assez bien comme dans les Martes; les métacarpiens sont courts et proportionnellement assez gros, surtout le cinquième, tandis que les phalanges conservent presque les mêmes proportions : les onguéales étant toutefois en soc de charrue non recourbé. Le tibia est court, fortement élargi à ses deux extré- mités, avec l’apophyse malléolaire très-saillante. Le tarse est proportionnellement assez long, puis- qu'il est du tiers de toute la longueur du pied, et cependant l'apophyse du calcanéum, exeavée à son extrémité, est large et courte, mais le cuboïde et les trois autres os de la première rangée sont assez longs; les métatarsiens, plus longs que les métacarpiens, sont encore plus grèles; les phalanges sont dans le même cas. Les membres sont assez courts, les postérieurs surpassant un peu en longueur les antérieurs, et tous terminés par cinq doigts. Les proportions de ceux-ci sont à peu près les mêmes que chez les Martes, et surtout que chez celles du sous-genre des Zorilles. Les doigts médian et annulaire, sensiblement égaux entre eux, sont, en avant comme en arrière, les plus longs de tous; viennent ensuite aux membres antérieurs l'indicateur, puis le doigt externe, qui est beaucoup plus court, et enfin le pouce. Au contraire, aux membres postérieurs, le doigt externe est non-seulement égal à l'indicateur, mais il le dépasse assez sensiblement. Quant aux pouces, ils sont plus courts encore aux membres de derrière qu'à ceux de devant. Tous les ongles sont forts. Le corps est de forme allongée et terminé par une queue assez longue. La tête est très-longue, représentant, dans son ensemble, un cône allongé, et terminé par un museau très-fin et non dis- posé en groin, comme chez les Mydaus. Par cette forme remarquable de la tête, la Mélogale s'écarte beaucoup des Mustelas, et se rapproche, au contraire, des Coatis, des Blaireaux, des Gloutons, ete. C'est d’après ces considérations que nous avons cru, avec quelques zoologistes, devoir laisser les Mélogales dans le groupe des Petits-Ours, contrairement à l'opinion de MM. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire et De Blainville, qui les rangent à la suite des Martes dans le groupe des Mustelas. Malgré cela, nous convenons que, d'après la considération seule du système dentaire, nous aurions dû les placer auprès des Putois; quoi qu'il en soit, ce genre diffère : 1° des Martes par ses ongles de fouisseur et par la forme particulière de la tête; 2° des Putois par les mêmes caractères et en outre par le nom- bre des dents; 3° et 4° des Zorilles et des Moufettes par le nombre de ses dents, et son museau excessivement allongé; et 5° enfin des Mydaus par le nombre de ses dents, par la forme de son mu- seau, qui n’est nullement terminé en groin, et par sa queue très-longue. En outre, il diffère de tous ces genres, même de celui des Martes, chez lequel le nombre des dents est le même, par des modifica- tions très-importantes dans le système dentaire, modifications qui indiquent des différences remar- quables dans les habitudes et dans le régime diététique. En effet la Mélogale est moins carnassière que le Glouton, et elle mêle constamment une nourriture végétale à de la chair. Elle vit dans des terriers et se trouve dans les bois épais du Pégu, dans les Indes orientales. Le pelage, composé de deux sortes de poils, est généralement grossier, assez long. Les poils du corps sont les plus longs, ceux des membres et de la tête sont au contraire courts; les plus allongés sont ceux de la queue, la Mélogale se rapprochant sous ce rapport des Moufettes. Les espèces de ce genre sont propres à l'Asie et à la Malaisie. Les deux principales sont : 946 HISTOIRE NATURELLE. 1. MÉLOGALE MASQUÉE. MELOGALE PERSONATA. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire Canacrères sréciriques. — Corps brun en dessus, avec une bande blanche; flancs et dessous du corps d’un brun gris; tête, en dessus, brunâtre, avec une tache blanche, et, en dessous, blanchätre. Longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'anus : (0,95; queue, 0",16. Le dessus de la tête est, dans sa plus grande partie, d’un brun légèrement lavé de roux; mais il présente, dans l'intervalle qui existe entre les yeux, une assez grande tache, irrégulièrement triangu- laire, et qui se trouve comme encadrée dans le brun. Les lèvres, les joues, et la plus grande partie de l’espace compris entre l’œil et l'oreille, sont blanches; mais les poils les plus rapprochés des oreilles et les cotés du museau sont bruns, et il existe au milieu de la joue quelques poils de cette dernière couleur. Le dessous de la tête et la gorge sont entièrement blancs. Au milieu du dessus de la tête commence une bande assez étroite, blanche, qui se porte d'avant en arrière sur la ligne mé- diane, jusque vers la partie postérieure du dos. Le brun qui couvre le dessus de la tête se prolonge aussi en arrière, sur les côtés de la bande blanche; mais il passe insensiblement à une nuance bru- nâtre beaucoup plus claire, dont il est très-difficile de donner une idée exacte. Les flanes et la région externe des membres sont couverts de poils d'un gris légèrement roussâtre, ou, mieux, tirant sur la couleur lie de vin, avecla poitrine blanche. Les membres sont aussi à peu près de la même couleur, mais cependant plus gris sur les jambes et les avant-bras, parce que la pointe des poils ras qui couvrent cette partie ne présente plus que quelques traces de blanc. La queue, qui est souvent relevée sur le dos en manière de panache, est couverte de très-longs poils, et elle est de deux couleurs. Dans sa première moitié, elle est, en dessus, de même couleur que les flancs, et, en dessous, blanchâtre, et toute la face inférieure est de cette dernière teinte. Les poils de la base de la queue sont d’un brun grisätre à la racine, blanchätres à la pointe; ceux de l'extrémité de la queue sont blanchätres à la racine comme à la pointe. Le mufle et les oreilles paraissent être couleur de chair, la plante des pieds et la paume des mains étant, au contraire, noirâtre: les ongles sont blanchâtres, et les mous- taches d’un brun roux. D’après la description que nous avons donnée selon M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, on peut voir que cette espèce, se rapprochant des Blaireaux par la forme de sa tête et de ses ongles, leur ressemble aussi, principalement au Taxidea Labradorica, par la disposition de ses couleurs. Il est aussi à remarquer qu'il existe une grande analogie, sous ce rapport, entre la Mélogale et les Car- nassiers fouisseurs de la famille des Martes, tels que les Moufettes, les Mydaus, et surtout les Lorilles. à Cette espèce semble avoir été décrite pour la première fois par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; cependant Lesson indique, mais avec doute, qu'elle doit peut-être se rapporter au Gulo ferrugi- neus d'Hamilton Smith, au Gulo castaneus de Griffith, et au Gulo larvatus de Temminek. C'est au Pégu, dans’ les environs de Rangoun, que M. Bélanger a découvert ce Mammifère. Ses habitudes, dans l’état sauvage, sont peu connues; d’après M. Bélanger, il vit dans les bois, est excessivement irritable, hérisse ses poils sur son corps lorsqu'il est en colère, et, en domesticité, peut être nourri avec des matières végétales aussi bien qu'avec des substances animales. 2, MÉLOGALE BRUNE. MELOGALE FUSCA. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage généralement brun, avec quelques taches blanches, notamment [M4 sur la tête; dessous du corps de couleur pâle. Longueur de la tête et du corps : 0",33; de la queue, 0",09. On rapporte à la Melogale fusca, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, le Gulo Orientalis d'Horsfeld, et le Mydaus macrurus de Griffith, et, si ce rapprochement était adopté, on devrait changer le nom CARNASSIERS. 947 spécifique en eelui de Melogale Orientalis, ainsi que le propose Lesson dans son Nouveau Tableau du Règne animal; Manmufères. Cette espèce, comme l'indique son nom, est presque entièrement brune : les quatre membres dans leur totalité, le corps et la queue presque en entier, enfin une grande partie de la tête, sont de cette couleur, Plusieurs autres parties sont blanches, notamment le dessus de la tête. Entre les yeux, il y a une petite tache de cette couleur; puis, derrière chaque œil, une autre qui, descendant entre l'œil et l'oreille, se porte sur la joue. Celle-ci est également blanche supérieurement, et plus roussâtre inférieurement. Le dessous du corps présente, sur la ligne médiane, une nuance plus claire -que celle des autres parties. En dessus du corps, il y a une ligne blanche qui commence vers le mi- lieu du dos, et se porte sur le sommet du crâne en s’élargissant. Les ongles sont blanchâtres. Le mufle est clair. Les poils sont de deux sortes : les soyeux assez longs, un peu rudes au toucher et très-brillants, et les laineux forment à la base des premiers un duvet assez abondant, dont la couleur est grisätre dans les parties brunes, blanchâtre dans les parties blanches ou roussgs. D'après cette description, empruntée à M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui l'a donnée dans le Magasin de Zoologie pour l'année 1835, on voit que la Mélogale brune diffère de la Mélogale mar- quée, 4° par la couleur générale de son pelage; 2° par sa queue plus courte et couverte de poils beaucoup plus ras; 3° par la petitesse de la tache inter-oculaire blanche qui existe aussi dans l'autre espèce, mais est beaucoup plus grande; 4° par quelques différences dans la forme et les proportions des ongles. Cette espèce est propre à l'ile de Java. La troisième espèce de ce genre provient de la Chine, et a été décrite par M. Gray sous la déno- mipation d'Helictis moschatu. 9% GENRE. — RATEL. MELLIVORA. Storr, 1780. Prodromus methodicus Mammalium. Mel, miel: voro, je dévore. CARACTERES GENERIQUES. 6 Système dentaire : incisives, À; canines, 4; molaires, ; en totalité trente-deux dents; iner- sives el canines disposées conune celles des Chats; molaires supérieures subdivisées en quatre fausses molaires, deux carnassières el deux tuberculeuses, el inférieures comprenant six fausses molaires, deux carnassières et pas de tuberculeuse. En général, d'après Fr. Cuvier. ce système dentaire se rapproche beaucoup de celui des Chats, et s'éloigne assez notablement de celui des Gloutons. Tête peu allongée et terminée par un mufle court. Oreilles assez courtes. : Corps gros, trapu. Jambes courtes, terminées par des pieds armés de cinq doigts garnis d'ongles très-forts, non tranchants et destinés à fouir la terre. Queue courte. Pelage composé de poils raides, assez longs. Lanqgue comme celle des Clrats, garnie de papilles cornées, abondantes. Le genre Ratel ne comprend qu'une seule espèce, anciennement confondue avec les Gloutons, quoiqu'en étant tout à fait distincte, et que quelques zoologistes éloignent de la division des Perits- Ours, dans laquelle nous la plaçcons pour la ranger auprès des Martes, dans la division des Mustelas. C'est Sparmaon (K. Ver. Acad. Handlungen) qui, en 1777, a le premier fait connaître cet animal. Storr, en 1780, en a fait le genre Aellivora, que l'on a transformé en Mellivorus, et qui a été gé- néralement adopté, et M. Swainson (Natural History, Quadrupedes), en 1835, a proposé d'en changer la dénomination latine en celle de Ratelus, qui n'a pas été admise, le nom de Hellivora étant ordinairement adopté. 248 ; HISTOIRE NATURELLE. Le squelette du Ratel, que Daubenton n’avait pas connu, et dont G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, n'avait dit que fort peu de chose, a été décrit assez complétement par De Blainville dans son Ostéographie des Mustelas. Les os.sont encore plus forts, plys robustes que ceux des Glou- tons, et par conséquent plus rapprochés de ceux des Ours. Le nombre des vertèbres est néanmoins presque rigoureusement le même, sauf une de plus au dos, une de moins aux lombes, et une à deux terminales de plus dans la queue. La tête est assez semblable à celle du Putois dans sa conforma- tion générale; la face est cependant légèrement plus longue, et les apophyses post-orbitaires sont moins marquées, et effacées comme dans la Loutre commune. Le corps des vertèbres est fort, sur- tout au cou, et leurs apophyses sont élargies. Le sternum est composé de neuf pièces, en général courtes et presque égales entre elles. Les côtes, au nombre de quinze paires, sont encore plus épaisses, plus larges et plus arrondies que celles du Glouton. Les membres antérieurs, évidemment plus robustes que les postérieurs, quoique assez bien de la même longueur, sont dépourvus de cla- vicules; l’omoplate est large; l'humérus est très-grand et très-robuste, et percé au condyle interne un peu au-dessus de la poulie, comme chezles Chiens; les deux os de l'avant-bras ont quelque ressem- blance avee ce qu'ils sont dans l'Ours, le radius s’élargissant fortement inférieurement, et le cubitus étant presque droit, épais, et arrondi dans son bord postérieur, canaliculé à la face externe; les mains sont courtes, larges; le cinquième métacarpien est le plus large de tous, et les phalanges onguéales sont longues. Les membres postérieurs présentent un os innominé de forme triangulaire, la base en arrière étant fort large, percée d’un très-grand trou sous-pubien presque rond, compris entre une tubérosité ischiatique peu épaisse et une symphyse pubienne très-reculée; le fémur est long, droit, comprimé; le tibia, court et droit, est assez fort, tandis que le péroné est, au contraire, grêle; le pied, dépassant à peine la longueur de la main, est large et épais; les métatarsiens sont un peu plus longs et plus grèles que les métacarpiens; les phalanges plus minces, surtout les onguéales, qui sont plus courtes que les antérieures. La rotule est ovale, arrondie, raccourcie, convexe en de- hors, très-épaisse dans toute son étendue un peu plus cependant supérieurement, el assez arquée à sa base articulaire. Fig. 80, — Ratel. D'après De Blainville, le Ratel est le seul animal du groupe de Carnassiers qui nous occupe dont on ait décrit le système dentaire de jeune âge; chez lui les molaires sont réduites à n'être qu'au nombre de quatre aux deux mâchoires par l'absence de la première fausse molaire d'en haut, et de la dernière arrière-molaire d'en bas. Quant aux dents qui restent, elles rappellent assez bien ce qu'elles sont dans le Glouton, un peu moins carnassières cependant, et la principale inférieure of- fre un denticule au bord postérieur. Dans le jeune âge, les incisives sont très-petites, distantes, transverses, partagées de celles du côté opposé par un intervalle médian nssez considérable; les deux internes supérieures un peu obtuses, courbées, presque égales, mais beaucoup plus petites que lexterne; les inférieures croissant de la première à la troisième, plus grosse et un peu bilo- bée à la couronne; les canines supérieures et inférieures presque égales, en crochet, et pourvues, à la base postérieure, d'un petit denticule bien marqué qui l'élargit. Des molaires supérieures, la 0] ge 2 Coueuar (Felis coucolor). — Tragelaphus angasi CARNASSIERS. 249 première la plus petite, un peu comprimée eten crochet dans sa pointe médiane, avec un talon basi- laire en avant comme eu arrière; la seconde ou principale assez semblable à celle de l'adulte, mais tranchante, avec son talon interne plus reculé, presque médian, et la troisième, ou arrière-mo- laire. de forme triquètre. À la mâchoire inférieure, l’avant-molaire est assez semblable à celle d'en haut, mais un peu plus en crochet; la principale bien plus grande, mais assez bien de même forme et à deux racines; enfin, l’arrière-molaire de forme carnassière, avec deux seuls lobes tran- chants extérieurs, le postérieur bien plus grand, et un très-petit talon, et beaucoup plus carnassière que sa correspondante dans l’âge adulte. Nous avons pensé devoir donner en détail la description de ce système dentaire du jeune âge, parce qu'on en a donné peu de description jusqu'ici, et nous terminerons ce que nous avons à dire de l’odontographie des Ratels en rapportant ce que Fr. Cuvier (Dents des Mammifères, 18941) a écrit sur l’âge adulte de cet animal. « De tous les animaux carnassiers, c’est le Ratel qui nous montre le système de dentition où celui des Chats a été le moins altéré; quant au nombre des dents, il n’a qu'une petite fausse molaire in- férieure de plus qu'eux ; mais sa carnassière inférieure et sa tuberculeuse supérieure se sont agran- dies, et ont pris assez exactement la forme des dents analogues des Martes et des Gloutons, et, comme les dents tuberculeuses ont plus d'influence que les fausses molaires, nous placerons le Ratel après les Hyènes, quoique celles-ci aient une fausse molaire supérieure de plus, parce que leur tubercu- leuse n’est encore que rudimentaire. «À la mâchoire supérieure il y a trois incisives, une canine, deux fausses molaires, une carnas- sière et une tuberculeuse. Les incisives n’offrent rien de remarquable et sont ce que nous les avons vues chez les Chats; il en est de même des canines. La première fausse molaire, plus petite que la deuxième, a les mêmes formes qu’elle. Ce sont des dents analogues aux fausses molaires normales des autres Carnassiers, mais elles sont un peu plus épaisses que celles des Chats; et, au lieu de suivre la direction de l'os maxillaire, elles sont placées obliquement par rapport à cet os. La carnassière ne diffère de celle des Chats que par son petit tubercule interne, qui est plus distinct, et par sa partie moyenne, formée d'un tubercule plus aigu. La tuberculeuse s’est beaucoup agrandie, et est toujours beaucoup plus large du côté interne au côté externe que d'avant en arrière; et, par cela, elle est plus large à sa partie interne qu'à sa partie externe. Chacune de ces parties se compose de trois petits tubercules, et elles sont séparées l’une de l'autre par une cavité assez pro- fonde. À la mâchoire inférieure on trouve trois incisives, une canine, trois fausses molaires et une carnassière. La première incisive est très-petite; les deux autres sont à peu près de même grandeur, mais la deuxième est placée plus en arrière que les autres, quoique sa couronne vienne en avant se placer sur la même ligne qu’elle. La canine n’a rien de particulier. La première fausse molaire est petite, placée obliquement dans la mâchoire, et plus large du côté interne que du côté externe; de ce côté la dent se termine par un tubercule conique, et de l’autre par un talon distinct. La deuxième ressemble à la première, excepté qu'elle est plus grande. La troisième a la forme des fausses molaires normales, mais elle est plus élargie postérieurement. La carnassière est épaisse, principalement à sa partie postérieure, et garnie de trois tubercules, un en avant, un au milieu et un autre en arrière. Dans leur position réciproque, les relations de ces dents sont les mêmes que celles des Hyènes; c’est la partie postérieure très-agrandie de la carnassière d'en bas qui correspond à la grande tubercu- leuse supérieure. « D'après cela le Ratel, dont on ne connait pas encore bien le naturel, doit être, à quelques égards, plus carnassier que les Hyènes, à d’autres moins. En effet, si ses dents sont plus minces et plus tranchantes, sa molaire tuberculeuse supérieure s’est sensiblement agrandie, ce qui le rapproche de la manière la plus intime du groupe des Martes et des Putois. » Le Ratel a le corps gros et bas sur jambes; sa tête est moyenne; ses oreilles sont presque nulles extérieurement; ses poils sont en général rudes, assez longs et de coloration sombre. Ce Carnassier habite les environs du cap de Bonne-Espérance, mais on le trouve également dans d’autres parties de l’Afrique, et notamment au Sénégal et en Abyssinie. Il répand une odeur dés- agréable, qui lui a valu, comme au Zorille, le surnom de Blaireau puant. H est très-friand de miel; aussi emploie-t-il toute son industrie pour s'en procurer. Il se trouve pourvu d’une défense naturelle contre les piqûres des Abeilles, car sa peau, couverte de poils longs et nombreux, d’une dureté 24 - 32 250 HISTOIRE NATURELLE. extrême, est presque impénétrable aux aiguillons de ces Insectes. Les nids d'Abeilles posés dans les arbres n’ont rien à craindre du Ratel;: cependant on assure qu'il cherche à les prendre même dans ces lieux, et l'on ajoute qu'il a coutume de mordre le pied des arbres où sont ces nids, et que ces mor- sures sont pour les Hottentots un signe certain de la présence des Abeilles. Cet animal creuse la terre avec une très-grande facilité et s'empare ainsi des gâteaux de miel des Abeilles terrestres; c'est de cette particularité que le nom de Mellivora lui a été génériquement appliqué. La seule espèce placée dans ce genre est le : RATEL. Sparmann. MELLIVORA CAPENSIS. Fr. Cuvier. CanacrèuEs sréciriques. — Pelage gris en dessus, noir en dessous, avec une ligne longitudinale blanche de chaque côté, depuis les oreilles jusqu'à l'origine de la queue, et placée intermédiaire- ment entre ces deux couleurs, qu'elle vient séparer. Longueur totale : 1%,10; de la queue, 0",35. Cette espèce a successivement porté les noms de Gulo mellivorus, Retzius, et de Gulo Capensis, À. G. Desmarest: Thiedeman lui a donné la dénomination de T'axus mellivorus, et Schreber celle de Viverra Capensis; mais celle de Mellivora Capensis, appliquée par Fr. Guvier, est la plus généra- lement adoptée. Tous ces noms indiquent les rapports multiples que cette espèce présente avec celles de plusieurs groupes de Carnassiers, tels que ceux des Blaireaux, Gloutons, Martes et Putois, et fait comprendre pourquoi sa place, dans la série mamimalogique, n'est pas déterminée d'une manière bien positive. Le pelage est formé de poils longs et durs, cendrés sur le front, le dessus de la tête, la nuque, les épaules, le dos et la queue; noirs sur le museau, le tour des yeux, la mâchoire inférieure, les oreilles, le dessous du cou, la poitrine, le ventre, les cuisses et les jambes; le gris étant séparé du noir, de chaque côté, par une raie longitudinale d’un gris plus clair, presque blanchätre, large de 0°,03 environ, et qui prend depuis les oreilles jusqu'à l'origine de la queue. Nous avons dit que le Ratel était très-friand de miel; nous avons aussi indiqué sa patrie; nous ajouterons seulement qu'il surtout n'est pas rare aux environs du cap de Bonne-Espérance. DEUXIÈME SOUS-FAMILLE. DIGITIGRADES. DIGITIGRADÆ. G. Cuvier. Animaux marchant sur le bout des doigts, ayant tous cinq doigts à loutes les extrémutés; molaires tuberculeuses, et montrant la carnivorité des animaux de cette sous-famille. Le principal caractère des animaux de cette division consiste dans la marche digitigrade des Mammifères qui y entrent, c'est-à-dire en ce que, dans la marche, ils progressent sur le bout des doigts; mais ce caractère ‘est loin d'avoir une valeur absolue, et d'appartenir exclusivement à ces Carnassiers. C’est ainsi, pour ne parler que d'animaux de la classe des Mammifères, que, parmi les Insectivores, le genre Euplère est franchement insectivore, et que la plupart des Didelpbes le sont également. D'un autre côté, dans la sous-famille des Digitigrades, tous les animaux qui y entrent ne le sont pas au même degré, et l'on peut facilement trouver des passages aux Plantigrades; à ce point que certains genres, comme ceux des Gloutons, Mélogales, Ratels, etc., ont été placés tantôt dans l’une de ces sous-familles et tantôt dans l'autre, et, en outre, que d’autres, comme les Loutres, se rapprochent, à certains points de vue, des Amplibies ou Phoques, en prenant ce genre dans sa plus grande extension. D'après ces particularités, De Blainville et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire CARNASSIERS. 291 n ont pas adopté ces deux divisions primordiales, que nous conserverons, à l'exemple de M. G. Cu- vier et de la plupart des zoologistes. Quoi qu'il en soit, les Digitigrades marchent habituellement sur le bout des doigts, et cette dis- position leur donne plus de facilité pour la course. Ce sont en général des Carnassiers très-vifs; ils sont essentiellement carnassiers, et chassent les animaux, principalement les Mammifères, dont ils font leur proie. Presque tous ne mangent que de la chair fraiche, et peu d’entre eux senourrissent de chair putréfiée; toutefois, les Hyènes, et probablement les Protèles, sont dans ce cas. Aucun n'a un régime végétal, et aucun ne s'engourdit en hiver. On connait un nombre assez considérable d'espèces de Digitigrades, et elles se trouvent répandues sur presque toute la surface du globe. On en a signalé plusieurs à l’état fossile. Le nombre de genres qu'on admet dans cette division est assez considérable, et les principaux sont ceux des Moufettes, des Martes, des Loutres, des Civettes, des Mangoustes, des Chiens, des Hyènes, des Chats, etc. G. Cuvier subdivisait les Digitigrades en trois groupes principaux : 1° ceux qui ne présentent qu'une tuberculeuse en arrière de la carnassière supérieure, tels que les Martes et les Loutres; 2° ceux qui offrent deux tuberculeuses plates derrière la carnassière d'en haut, qui, elle-même, a un talon assez large, comme les Givettes et les Chiens; et 3° ceux qui n’ont pas de dents du tout der- rière la grosse molaire d’en bas: tels sont les Hyènes et les Chats. De Blainville fait des animaux qui forment les Digitigrades cinq grands genres, qui tous appar- tiennent à Linné : ceux des Mustela, Viverra. Canis, Hycæna et Felis. Enfin, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire les subdivise en cinq tribus, qu'il nomme Musréuiexs, Viverniexs. CaniExs, Hxéniexs et l'ÉLiexs. Nous adopterons cette dernière classification, tout en y faisant quelques modifications. PREMIÈRE TRIBU. MUSTÉLIENS. MUSTELIHI. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Moluires alternes à couronnes au moins en partie tranchantes. Une tuberculeuse à la mâchoire supérieure. Circonvolutions cérébrales plus ou moins développées Corps allongé, vermiforme. Membres courts, leurs extrémités non empétrées. Marche semi-digitigrade ou digitigrade. Linné (Systema naturw, 1735) à indiqué sous le nom de Mustela un genre de Digitigrades ou Carnassiers vermiformes très-nombreux en espèces, et partagé en plusieurs groupes génériques par les naturalistes modernes, qui n'ont laissé la dénomination latine de Mustela qu'aux espèces voi- sines de la Marte. Dès lors, les Mustelas, tels que les comprenait Linné, sont devenus une petite famille distincte, à laquelle on a appliqué les noms de Mustelins, À. G. Desmarest; Mustelidæe et Mustelinæ, Swainson; Mustelina, Gray; Musteliens, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et à laquelle De Blainville (Ostéographie, fascicule des Mustelus, AS) a restitué le nom de Mustela, en les con- sidérant tous comme ne formant qu'un seul grand genre, qu’il subdivise en plusieurs groupes par- ticuliers, que nous indiquerons bientôt. Les Mustéliens sont des Carnassiers de petite taille, à corps allongé, plus ou moins vermiforme, à membres ordinairement peu élevés, assez distants, semi-digitigrades, et dont les extrémités des membres sont pourvues de cinq doigts, le pouce évidemment plus petit que les autres doigts, avec des ongles de moins en moins fouisseurs, devenant quelquefois presque rétractiles, à peu près comme ceux des Chats. Leurs oreilles sont courtes et arrondies, et leur tête, brève à la face, est plus ou moins allongée, et surtout déprimée à la partie cranienne. Le système dentaire commence à être plus carnassier que celui des Petits-Gurs par un moins grand nombre de dents tuberculeuses. 259 HISTOIRE NATURELLE. #0) Le canal intestinal, pourvu d'une paire de glandes odoriférantes à sa terminaison, est entièrement privé de cœcum. Le squelette offre à peine des rudiments de clavicules, mais il a constamment un os du pénis considérable, et son humérus est presque toujours percé d’un trou au condyle interne. A ces caractères, il faut ajouter que le pelage présente un système de coloration constamment uni- forme, quoique couvert de couleurs différentes et tranchées en dessus et en dessous, où il est or- dinairement plus foncé, ce qui, pour le dire en passant, ne semble guère appartenir qu'aux animaux de cette tribu, car, chez les autres, le dessous du corps est habituellement plus clair que le dessus; les moustaches sont assez peu développées. Les genres placés par De Blainville dans le groupe linnéen des Mustelas sont ceux des Moufettes, Ratels, Gloutons, Mélogales, Zorilles, Grisons, Putois, Martes, Loutres et Bassaris. M. Isidore Geof- froy Saint-Hilaire y admet à peu près les mêmes subdivisions : seulement il les considère comme des genres, et en adopte un plus grand nombre que De Blainville. Pour nous, à l'exemple de G. Cuvier et d'autres zoologistes, nous avons cru devoir rapporter quelques-uns des genres que nous venons de citer dans la tribu précédente à celle des Ursiens, et, conséquemment, nous ne plaçons qu'un nombre plus restreint de genres dans la tribu des Musté- liens; les principaux d’entre eux sont seux des Moufettes, Mydaus, Martes et Loutres : ces deux derniers surtout, partagés en plusieurs sous-genres particuliers. On pourrait encore, à l'exemple de quelques naturalistes, subdiviser cette sous-famille en deux groupes : le premier, celui des MusréLciENs PRoPREMENT pirs (Mustelidw, Lesson), comprenant les quatre premiers grands genres que nous venons d'indiquer, etles Lourres (Lutrea), ne renfermant que le dernier. 4 GENRE. — MOUFETTE. MEPHITIS. G. Cuvier, 1800. Leçons d'Anatomie comparée, t. L Mephinhs, odeur puante. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, +; canines, =={; molaires, : 32; en totalité trente-deux dents; les in- cisives el les canines sont conformées comme celles des Martes; les molaires se subdivisent supérieu- rement, et de chaque côté, en deux fausses molaires, deux carnassières et deux tuberculeuses, et inférieurement en six fausses molaires, deux carnassières et deux tuberculeuses; la carnassière d'en haut se fait remarquer par le gra développement du tubercule tuterne, et celle d'en bas est divisée en deux parties à peu près égales, et toutes deux couvertes de tubercules plus où moins aiqus. Tête courte. Museau ternuné par un mufle qui s'étend inférieurement jusqu'à la partie externe des narines. Yeux assez pelils. Oreilles à conque arrondie, petite. Langue lisse, douce. Membres pentadactyles. Marche semi-digiigrade, où plutôt semi-plantigrade, c'est-à-dire que, pendant cette action, les talons de derrière sont très-peu relevés. Doigts terminés par des ongles arqués, robustes, propres à fouir. Queue médiocre ou très-courte, couverte de longs poils et se relevant en panache sur le dos. Pelage très-fourni, très-long, composé de poils soyeux et de poils lüneux, colorés en blanc ct cn brun noir 9e Moustaches longues, fournies. Ce groupe générique a été créé par G. Cuvier sur une espèce commune dans l'Amérique septen- trionale, et qu'Erxleben et les naturalistes anciens plaçaient dans le genre Viverra sous la dénomi- nation de V. mephitis. Depuis, plusieurs espèces sont venues se joindre à celle-ci; mais le nombre Bulfles attelés CARNASSIERS. 953 doit en être restreint considérablement, car elles n’offrent pas de caractères bien tranchés, et, par leur système de coloration, qui seul diffère plus ou moins, passent de l'une à l'autre sans transition bien sensible. Malgré cela, certains naturalistes ont cru pouvoir non-seulement adopter toutes ces prétendues espèces, mais encore former parmi elles plusieurs coupes génériques; c’est ainsi que M. Gray (Magazin natural History, nouv. série, t. 1, 1837) à créé les trois genres Mephitis, Cone- patus et Marputsius, et que M. Lichtenstein a fait connaître celui des Thiosmus, tandis que Les- son a indiqué celui des Chincha. Nous ne citerons ces deux derniers groupes que comme des sub- division® sous-génériques du genre nâturel des Moufettes; mais il n'en sera pas de même du genre Miydaus, de Fr. Guvier, dont le type est le Mephits Javanensis, À. G. Desmarest, et qui en diffère bien manifestement. Fig. 81, — Moufette mésomèle. Le système dentaire des Moufettes est caractéristique, et Fr. Cuvier (Dents des Mammifères, 1825) en a donné une description complète. D'après lui, c’est à compter de ces animaux que le système de dentition des Martes commence à éprouver des modifications d'une certaine importance. On ne peut cependant encore méconnaitre ce système chez les Moufettes, ni même celui des Chats; c’est prinei- palement par le développement toujours croissant des dents tuberculeuses que les Mustelas diffè- rent des Carnassiers que nous venons de nommer, et ce sont les Moufettes et les Mydaus qui en montrent les premières traces. À la mâchoire supérieure, les incisives et les canines sont exactement celles des Martes. Il y a deux fausses molaires, une très-petite, rudimentaire, et une normale à deux racines et à une pointe. La carnassière se fait remarquer par le grand développement du tubercule interne, qui lui donne une grande épaisseur et une forme triangulaire, et la tuberculeuse, par ses dimensions, qui sont à peu près les mêmes du bord antérieur au bord postérieur que du côté in- terne au côté externe. Chez les Martes, au contraire, cette dent n'a quelque étendue que dans ce dernier sens, et ses tubercules, peu saillants et arrondis, ne se marquent pas nettement chez les Mou- fettes; ces tubercules sont devenus très-forts et anguleux, ce qui en fait vraiment une dent tritu- rante; il y en a quatre principaux, séparés par des creux assez profonds; mais l'extrême irrégularité de leur figure ne permet pas de les décrire. À la mâchoire inférieure, les incisives et les canines sont également semblables à celles des Martes, sans exception, et il en est de même des trois fausses molaires, qui ne diffèrent pas de celles du Grison; la première est beaucoup plus petite que les autres, qui ont les formes et les proportions des fausses molaires normales. La carnassière est divisée en deux parties à peu près égales par une cavité assez marquée; l’antérieure est formée de trois tubercules pointus, disposés en triangle, et la postérieure d'un talon terminé par deux tubercules 95% UISTOIRE NATURELLE. aigus et assez minces qu'un sillon profond sépare. Enfin la tubereuleuse est la même que celle des Martes. Dans leur position réciproque, le grand tubercule interne de la carnassière supérieure rem- plit le vide que laisse entre eux les trois tubercules disposés en triangle de la mâchoire inférieure, et le talon de celle-ci est en relation avec la moitié antérieure de la grande tuberculeuse supérieure, qui, par sa position postérieure, correspond avec le tubercule inférieur. D'après ces dispositions dentaires, on voit que les Moufettes, de même que les Mydaus, qui ont une odontologie tout à fait semblable, sont moins carnassiers que les Gloutons et les Martes, à cause de l’épaississement de leurs dents tranchantes, et qu'elles sont plus frugivores à eause de l'élargissement de leurs dents tuberculeuses. De Blainville s’est également occupé du système dentaire des Moufettes, et les caractères qu'il en a donnés se rapprochent de ceux indiqués par Fr. Cuvier; il fait seulement observer que dans une espèce du Paraguay, qui paraît être le Mephitis Humboldtii, Gray, il n’y a que trois molaires supé- rieures, par absence de la première avant-molatre. Le squelette des Moufettes a été décrit et figuré pour la première fois par Lichtenstein; G. Cuvier n'en a dit que quelques mots, et enfin De Blainville, en 4841, dans son Ostéographie, fascicule des Mustelas, en a donné une description complète à laquelle nous emprunterons ce qui va suivre. Le squelette du Mephitis chinga a évidemment encore beaucoup de rapports avec celui de la Fouine, quoiqu'il soit un peu plus plantigrade. Le nombre total des vertèbres est de cinquante-cinq, dont sept céphaliques, sept cervicales, quinze dorsales, cinq lombaires et vingt etune dorsales, disposées absolument comme dans le Zorille. La forme générale de la tête est celle du Putois; la face est seu- lement un peu plus allongée; les apophyses orbitaires sont presque effacées; la caisse est très-pe- tite et peu saillante; les osselets de l’ouïe sont ramassés, et le marteau est surtout court dans son cou; la voûte palatine, très-peu prolongée, dépasse à peine la ligne dentaire; l'arcade zÿgomatique est très-faible, et l'apophyse angulaire de la mandibule est courte et obtuse. L'apophyse épineuse de lPaxis est convexe dans son bord supérieur, et les apophyses transverses des quatrième, cin- quième et sixième sont très-étroites. Au contraire, aux vertèbres dorsales et lombaires l'apophyse épineuse est plus large, ce qui dépend de la force de la queue, qui est assez allongée. Il n'y a pas de différence à signaler dans le sternum et dans l'hyoiïde. Les côtes sont plus fortes. Quoique la clavicule soit encore très-petite, cartilagineuse et prise dans l'extrémité scapulaire de l'aponévrose des muscles de l'épaule, comme dans la Fouine, l'omoplate est en général plus large par un épanche- ment plus considérable de ses deux bords; l'humérus est plus robuste plus arqué, non percé au- dessus du condyle interne: le radius et le cubitus sont plus accentnès dans leurs lignes d'insertion museuleuse, et cependant l'apophyse odontoïde de ce dernier est beaténup moins large; les os des mains sont un peu plus courts, et les phalanges onguéales un peu moins arquées et surtout plus longues. Les mêmes différences générales se remarquent dans les os des membres postérieurs. L'os innominé est plus fort, un peu moins parallèle à la colonne vertébrale, et la symphyse pubienne est beaucoup plus rejetée en arrière; le fémur est court, large et aplati dans toute son étendue, mais plus en haut qu'en bas; le tibia est un peu plus long que lui, et le péroné est droit, très-grèle; quant au pied, on peut se borner à dire qu'il est un peu plus court, surtout dans les métatarsiens, et en effet il n'égale pas le tibia en longueur. Les autres points de l’organisation intérieure des Moufettes sont peu conüus. On sait que chez ces animaux le tube intestinal ne présente pas de cœæcum. On ne connait pas la structure des organes de la reproduction, mais on s'est assuré d'une manière positive qu'il n'y avait pas de poche anale, comme on en observe dans des Carnassiers de groupes génériques voisins. On a, en outre, constaté l'existence de deux glandes anales assez volumineuses qui sécrètent une liqueur excessivement fétide. Les Moufettes sont des Carnassiers nocturnes qui vivent dans des terriers et se nourrissent de petits Mammifères, d'Oiseaux, d'œufs, de miel, qui pénètrent parfois dans les habitations des hommes, et causent de grands dégâts dans les basses-cours et dans les volières. Ils mangent égale- ment des Vers et des larves d'insectes, ainsi que cela a été constaté pour une espèce du sous-genre Thiosmus, le Mephitis mapurito. Ms prennent aussi une nourriture plus végétale et sont consé- quemment moins carnivores que les animaux qu'il nous reste à étudier, tout en l’étant cependant plus que les Ours et même que les Petits-Ours considérés d’une manière générale, CARNASSIERS. 955 Ce sont des animaux assez élégants, tant par leur forme générale et la disposition de teur queue, garnie de très-longs poils et relevée en panache sur leur dos, que par les couleurs, le blanc et le noir, qui tranchent d’une manière parfaite sur leur pelage, qui présente toutefois du brunâtre. Le nom qu'ils portent provient du mot latin mephitis, odeur fétide, odeur puante, et il indique, ainsi que les surnoms de Bêtes puantes, d'Enfants du diable, qu'ils portent quelquefois, l'odeur in- fecte qu'ils répandent, surtout lorsqu'ils sont irrités et qu'ils veulent éloigner d'eux leurs ennemis. Cette odeur est tellement forte, qu'elle suffoque, et, s’il tombait, dit-on, une goutte de cette liqueur empestée dans les yeux d’un homme, il courrait risque de perdre immédiatement la vue. Lorsqu'il s’en répand sur les habits, elle leur imprime une odeur tellement forte et tenace, qu'il devient pres- que impossible de la faire passer malgré tous les moyens employés pour cela. Kalm, dans son Voyage dans l'Amérique septentrionale, parle de cette odeur infecte des Moufettes, et nous lui em- pruntons à ce sujet le passage suivant : « En 1749, il vint un de ces animaux près de la ferme où je logeais; c'était en hiver et pendant la nuit; les Chiens étaient éveillés et le poursuivaient. Dans le moment, il se répandit une odeur si fétide, qu'étant dans mon lit je pensai être suffoqué, les Vaches beuglaient de toute leur force. Sur la fin de la même année, il se glissa une Moufette dans notre cave; une femme, qui l’aperçut la nuit à ses yeux étincelants, la tua, et dans le moment la cave fut remplie d'une telle odeur, que non-seulement la femme en fut malade pendant quelques jours, mais que le pain, la viande et les autres provisions qu’on conservait dans cette cave, furent tellement infectés, qu'on ne put en rien garder, et qu'il fallut tout jeter au dehors pour ne pas empester le lieu dans lequel étaient ces objets. » Des faits à peu près semblables sont rapportés par D'Azara et par d’autres naturalistes voyageurs, et l'on doit ajouter foi à ces récits lorsqu'on se rappelle que des Moufettes, ainsi que nous avons pu le constater plusieurs fois, conservées dans l'alcool depuis plus de dix ans, conservent cependant une odeur très-forte et très-désagréable lorsqu'on les retire du liquide dans lequel elles étaient contenues, et que cette odeur reste pendant longtemps aux mains des personnes qui les ont maniées. La détermination et la distinction des espèces de ce genre ne peuvent pas encore être établies d'une manière convenable dans l’état actuel de nos connaissances. Tous les individus que possèdent les collections zoologiques de l'Europe, et que les naturalistes ont pu comparer entre eux, et tous ceux que les voyageurs ont décrits quelquefois légèrement dans leurs ouvrages, sont assez diffé- rents par les dispositions des couleurs de leur pelage pour faire regarder comme probable l’exis- tence de plusieurs espèces; mais ils ne le sont peut-être pas assez pour que le nombre de ces es- pèces puisse être fixé avec une entière certitude. Il en résulte qu'une grande confusion existe à cet égard, et que certains auteurs ont admis un nombre très-considérable d'espèces, tandis que d'autres pensent qu'il n’en existe, au contraire, que très-peu. Toutefois, on est généralement d'accord aujour- d'hui pour ne plus placer dans ce groupe générique que des espèces provenant toutes de l'Amé- rique, et principalement des régions septentrionales. La prétendue Mourerre pu Cap a été reconnue n'être autre chose que le Zorirue, espèce du genre Marte de Linné, et la Mour£rre pe Java ou TéLé- Gan, Mephitis Javanensis, À. G. Desmarest, est devenue le type du genre Mydaus de Fr. Cuvier. Buffon, dans son /Jistoire naturelle générale et particulière, t. XHT, et Supplément, t. VIE, ad- met cinq espèces de Moufettes, et il les indique sous les noms de Coase, de Conépate, de Chinche, de Zorille et de Moufette du Chili. Le Coase a été éloigné du genre qui nous occupe pour être placé tantôt dans le groupe des Martes, tantôt, mais plus rarement, dans celui des Coatis. Le Zo- rille n’a généralement pas été admis comme espèce distincte. Le Conépate est devenu le type du sous-genre Mephitis des auteurs modernes sous la dénomination latine de Mephitis putorius, Tiede- mano, Îlen est de même du Chinche et de la Moufette du Chili : le premier, type du sous-genre Chincha de Lesson, sous le nom de Chincha Americana, et le second, type du sous-genre Thiosmus, Lichtenstein, sous l’épithète latine de Thiosmus Chilensis. G. Cuvier, dans le Règne animal, et d'après lui A. G. Desmarest, dans sa Mammalogie, ainsi que Ranzani, remarquent que les différentes races qu'indiquent les descriptions des voyageurs rentrent tellement les unes dans les autres, qu'on est tenté, ou de n’admettre qu'une seule espèce, ou d’en former dix-huit, réunissant ensemble toutes les Moufettes sous le nom de Mephilis Americana; ces auteurs font observer toutefois que, lorsqu'en connaîtra mieux ces animaux, on devra probablement indiquer des espèces définitives dans cette grande espèce, en quelque sorte provisoire, et ils désignent les nombreuses variétés décrites par les 256 HISTOIRE NATURELLE. voyageurs. Depuis cette époque, et sans parler des subdivisions fondées par Lichtenstein, Lessan et M. Gray, sur lesquelles nous reviendrons bientôt, nous ajouterons que M. P. Gervais, dans le Voyage de la Bonite, de MM. Eydoux et Souleyet, a donné de nombreux détails sur le Mephitis Feuillei, et que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans la partie zoologique du voyage de la Vénus, a fait connaître une nouvelle espèce, le Mephitis mesomelu. Pour compléter cet historique, nous dirons encore que, pendant longtemps, on n'avait pas signalé de Moufettes fossiles, mais que, assez récemment, dans la liste des fossiles des cavernes du Brésil, donnée par MM. Lund et Claussen, on a signalé quelques os de ces Carnassiers. On ne semble pas en avoir rencontré des fragments en Europe, à moins que nous y rapportions le genre Palæome- phitis (roauw:, antique; Mephitis, Moufette), indiqué par M Jæger (Vürtenberg foss. Saugth., 1839), et qui est loin d'être connu d'une manière suffisante. 12 SOUS-GENRE., — THIOSME. THIOSMUS. Lichtenstein, 1858 Abhanlungen der Berlin Akademie. Oz, soufre; cour, odeur. Le principal caractère de ce sous-genre consiste dans le museau, qui est moins allongé que dans les autres sous-genres, ainsi que dans le groin qui le termine, et qui est assez long. On y range cinq espèces, dont la plus connue est le : THIOSME DU CHILI. MEPHITIS CHILENSIS. EL. Geoffroy Saint-[ilaire. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’un brun noirâtre, présentant deux lignes blanches qui par- tent du sommet où elles sont unies, et s'avancent le long du dos en se rétrécissant jusque sur les hanches; la queue est blanche, avec quelques poils bruns. La longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, est de 0",50, et cette dernière partie a 0",20 de longueur. Fig. 89, — Moufette du Chili. Cette espèce, qui a été adoptée par Fr. Cuvier, a été décrite pour la première fois par Buffon. G. Cuvier la regardait comme une simple variété du Viverra mephitis de Liiné, Comme l'indique son nom, elle provient du Chili. Les autres espèces de ce sous-genre sont : 1° l'Yacouaré, D'Azara; Thiosmus yagara, Lichtenstein; Viverra conepati, Gmelin, du Paraguay et de la Magellanie; 2° le Mephitis nasuta, Bennett, de Ca- lifornie; 3° le Gulo Quitensis, De Humboldt, de Quito, au Pérou, dont le corps est noir, marqué de deux bandes longitudinales, avec une queue courte, blanche et noire, très-touffue; et 4° le T'hiosmus mapurio, Lesson, variété Zorilla, Hernand, de la Nouvelle-Grenade et de Santa-Fé de Bogota, CARNASSIERS. 257 décrite par De Humboldt, et remarquable par son pelage touffu, d'un noir foncé, n'ayant sur le dos qu'une bande blanche, et dont la queue est terminée par du blanc. 2e SOUS GENRE. — CHINCHE. CHINCHA. Lesson, 1842, Nouveau tableau du Règne animal; Mammifères. Chincha, nom de l'espèce typique du groupe. Ce sous-genre ne renferme qu'une seule espèce. CHINCHE. MEPHITIS AMERICANA. A. G. Desmarest. Caractères sPécIFIQUES. — La tête, les épaules, les côtés du corps et les parties inférieures et pos- térieures, les membres et une ligne qui naît entre les épaules, s’avançant ensuite sur la queue en s’élargissant, sont noirs; le blanc commence entre les deux yeux, s’élargit sur le sommet de la tête, continue à s'étendre sur les côtés du corps, et finit à la queue, où il se mêle avec beaucoup de poils noirs; on voit en outre deux taches blanches, l’une sur les membres de devant, et l’autre sur les cuisses. La taille de cet animal est à peu près celle du Chat domestique. C’est l'espèce de Moufette qui a été décrite par Buffon sous la dénomination de Cnxeme, et elle correspond au Viverra mephitis, Erxleben; Mephitis Americana, À. G. Desmarest; Mephitis chincha et Americana, Lesson, et doit aussi se rapporter à-la variété Hudsonica de Richardson. Le pelage de cet animal varie beaucoup} ce qui a fait établir dix-sept variétés dans cette espèce, parmi lesquelles quelques-unes doivent être regardées comme présentant de véritables différences spécifiques. Sans donner les caractères de ces diverses variétés, nous dirons que plusieurs nous semblent importantes, et nous renvoyons pour plus de détails à la Mammalogie d'A. G. Desmarest. Le Chinche se rencontre dans presque toute l'Amérique, depuis le centre des États-Unis jusqu'au Paraguay, dans les plaines comme dans les pays de montagnes, dans les endroits boisés comme dans les lieux découverts; mais l’on peut dire qu’il est surtout commun dans le Chili. 3° SOUS-GENRE. — MOUFETTE. MEPHITIS. G. Cuvier Loco citato. Quatre espèces entrent dans ce sous-genre, ce sont : 1. MOUFETTE DE FEUILLÉE. MEPHITIS FEUILLEI. P. Gervais. CaracrÈREs srÉciriQuEs. — Pelage entièrement d’un brun légèrement roussâtre, sans bandes blan- ches bien marquées. Longueur totale de la tête et du corps, 0",57; de la queue, 0",15. Dans cette espèce, le mufle est nu et saillant; les tarses et les carpes sont également saus poils à leurs parties plantaire et palmaire; les ongles sont plus longs antérieurement que postérieurement, et fouisseurs aux quatre extrémités; la queue n’est pas en panache comme dans le Chinche. Cette espèce, qui semble bien distincte, était désignée par A. G. Desmarest sous la dénomination de Mephitis Americana, variété Chinche de Feuillée. Elle se trouve aux environs de Monte-Video. 25 33 258 HISTOIRE NATURELLE. 2. MOUFETTE INTERROMPUE. MEPHITIS INTERRUPTA. Rafinesque. CaracrÈnes spéciriques. — Brune; deux raies courtes, blanches, occupant parallèlement la tête; huit raies se dessinant sur le dos, les quatre antérieures parallèlement, et les quatre postérieures dans un sens inverse. Cette Moufette, qu'A. G. Desmarest indique comme simple variété du Mephitis Amerieana, se trouve à la Louisiane, où elle est rare. Les autres espèces du même sous-genre sont la Mephitis mesomela, décrite récemment dans la partie zoologique du voyage de La Ho sous les ordres de l'amiral du Petit-Thouars, et qui pro- vient de l'Amérique méridionale, et le Conépare de Buffon; Viverra putorius, Erxleben; Mephitis putorius, Tiedemann, qu'A. G. Desmarest ne considérait que comme simple variété du Mephitis Americana, et qui habite les États-Unis de l'Amérique septentrionale. 2%e GENRE. — MYDAUS. MYDAUS. Fr. Cuvier, 1821. r Mammifères de la Ménagerie du Muséum. Modaw, je sens mauvais. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, $; canines, =; molaires, ?=?; en totalité trente-deux dents, qui ressemblent beaucoup à celles des Moufettes, et sont en même nombre. Toutefois, les incisives sont disposées sur un arc de cercle très-petit, au lieu d'être placées sur une ligne droite, et les molaires sont beaucoup plus écartées. Tête plus courte que dans les Moufeutes, et rappelant celle des Blaireaux. Oreilles presque entièrement dépourvues de conques externes. Pupille ronde. Narines s'avançant très au dela des mâchoires, et environnées d'un mufle qui a de la ressemblance avec celui du Cochon. Marche presque entièrement plantigrade et très-peu digitigrade. Mains et pieds présentant tous cinq doigts, réunis jusqu'à la dernière phalange par une mem- brane très-étroite. Ongles aiqus et propres à fouir le sol, très-grands aux mains et médiocres aux pieds. Six mamelles : quatre pectorales et deux inguinales. Pelage peu fourni aux parties supérieures, et les parties inférieures, comme le museau, presque entièrement nues; les poils, en général, soycux. Moustuches très-rares. Queue rudimentaire. Ce genre a été créé, en 1821, par Fr. Cuvier; le type et espèce unique de ce groupe générique est une espèce de l'ancien genre Moufette, le Mephitis Javanensis, À. G. Desmarest, d’après sir Raf- de ou Mephitis meliceps, Griffith, qui est propre à la Malaisie, et se distingue particulièrement par la forme de sa tête, par sa queue rudimentaire et par la disposition que présentent les extrémités de ses membres. On lui a quelquefois appliqué la dénomination de Mydas. Le système dentaire des Carnassiers de ce groupe ressemble tellement à celui des Moufettes, que Fr. Cuvier les a décrits tous deux ensemble; il ne diffère que par les caractères de peu d’impor- tance que nous avons déjà indiqués. Il en est de même de son squelette, dont l'iconographie, plutôt que la parole, peut montrer les différences, tant elles sont de peu de valeur et même peu saisissables. On n’en connait qu'une seule espèce vivante, et De Blainville désigne sous la dénomination de 09 CARNASSIERS. 259 Mydaus de Meudon une espèce de Mustélien fossile, trouvée aux environs de Paris, dans la craie de Meudon, et qui doit très-probablement être rangée dans ce genre, mais que l'on ne connait pas d'une manière parfaite. L'espèce unique de ce groupe générique est : MYDAUS ou TÉLÉGON STICNIIAD, Marsham. MYDAUS MELICEPS. Fr. Cuvicr. Caracrères spéciriques. — Couleur générale du pelage brunâtre, avec le sommet de la tête et une ligne qui se prolonge quelquefois le long du dos jusqu’à l'extrémité de la queue, blanchätre. À peu près de la même taille que le Chinche. Dans le Télégon, la peau est de couleur de chair, et presque tous les poils, qui sont peu touffus, sont d'un brun marron très-foncé; on en trouve cependant quelques-uns sur la poitrine, ou cachés parmi les autres, qui sont blancs et d'une apparence soyeuse, tandis que les autres sont plutôt un peu laineux. Cette espèce répand, comme les Moufettes, une odeur extrèmement fétide, et c'est à cette même circonstance que se rapporte la dénomination générique de Mydaus que leur donne Fr. Cuvier, et qui provient du mot grec pudaw, je sens mauvais; c'est aussi d'après l'étymologie de ce nom que nous avons cru, à l'exemple de plusieurs zoologistes, pouvoir donner à ce genre le nom de Mydaus, de préférence à celui de Midaus, que lui appliquait le savant naturaliste qui l'a créé. On ne connaît rien des mœurs de ces animaux; mais, d'après leur analogie avec les Moufettes, d’après la disposition de leur système dentaire, d'après la forme de leurs ongles, on peut conjecturer, sans crainte de se tromper, qu'ils sont carnassiers, et qu'ils vivent dans des terriers, qu'ils peuvent facilement se creuser. Les Mydaus ne sont pas rares à Java, et c’est de cette île que Leschenault, Diard et Duvaucel, ont envoyé au Muséum d'Histoire naturelle de Paris les peaux et le squelette qu'il possède. On les trouve également à Sumatra et à Bantam. 3%° GENRE. — MARTE. MUSTELA. Linné, 1755. Systema nature. Nom appliqué anciennement à la Marte, espèce typique du groupe générique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, # canines, 14; molaires, #=* ou ÿ=Ÿ; en totalité trente-quatre ou trente-huit dents. La deuxième incisive de chaque côté est un peu rentrée. Les canines sont fortes. Les molaires sont tranchantes : les antérieures ou fausses molaires sont coniques, comprimées, tan- tôtau nombre de trois en haut et de quatre en bas, tantôt au nombre de trois en bas et de quatre en haut et de quatre en bas; les carnassières ou grandes molaires, trilobées, ont un petit tubercule à l'intérieur seulement dans quelques espèces; la dent tuberculeuse ou dernière molaire a une couronne mousse, lant en haut qu'en bas. Corps très-long, grêle, vermiforme, comme arqué ou voüté lorsque l'animal est en repos. Tête petite, ovale, légèrement aplatie en dessus. Mächoires inférieures courtes. Oreilles externes courtes, arrondies. Pupille allongée transversalement comme dans les Mammifères crépusculaires. Langue douce. Pieds très-forts, très courts, à cinq doigts réunis dans une grande partie de leur longueur par une membrane. Ongles crochus, très-acérés, excepté chez les Zorilles. 260 HISTOIRE NATURELLE. Queue de médiocre grandeur. Des petites glandes près de l'anus sécrétant une matière dont l'odeur est très-dlésagréable, très- forte, persistante. Pelage composé de poils très-fins, doux au toucher; les plus grands brillants, très-flexibles. Mamelles toutes ventrales, au nombre de quatre à huit. Tube intestinal ne présentant pas de cœcum. Le genre Marre, Mustela, a été créé par Linné pour des espèces dont l'organisation offre beau- coup d’analogie et qui pourraient constituer une petite famille d'animaux partagée elle-même en plu- sieurs groupes génériques. Mais ce genre n’a pas toujours été circonscrit de même; tout en y pla- çant comme type la Marte, le Putois et le Zorille, Raï et Brisson y associèrent les Mangoustes, Linné lui-même y réunit les Loutres. Pennant confondit les Martes avec une foule d'animaux hétérogènes, et Erxleben leur associa les Gloutons. Depuis, Fr. Cuvier, considérant que la structure des organes de la mastication et de la digestion sont, chez les animaux carnassiers, dans des rapports intimes avec le naturel fondamental, et que les différences que ce naturel présente, suivant les espèces, tiennent aux modifications organiques qui ont pour objet, non de le changer, mais seulement de varier les moyens de le satisfaire, a regardé tous les Garnassiers pourvus du même système de dentition que les Martes, et non dérivant de ce système, comme appartenant à un même grand genre, suivant les différences de leurs autres systèmes d'organes, et il y forme cinq subdivisions : celles des Putois, Zorilles, Martes, Grisons et Gloutons. Les naturalistes plus récents que Fr. Cuvier ont plus ou moins modifié ce que ce savant naturaliste avait fait; mais en général, et nous les suivrons ici, ils ont laissé dans le grand genre Marte ses trois premières divisions sous-génériques, et ils ont formé des genres distincts avec les deux dernières. À cela nous ajouterons qu'outre les nombreuses es- pèces vivantes de ce genre on a, dans ces derniers temps surtout, fait connaître quelques fossiles qui peuvent, comme le montre De Blainville, y rentrer naturellement. Le système dentaire des Martes est particulier et est, en général, leur caractère le plus commun. À la mâchoire supérieure, on trouve trois incisives, une canine, deux ou trois fausses molaires sui- vant les sous-genres, une carnassière et une tubereuleuse. Les incisives et les canines n’offrent rien de remarquable et sont ce qu'on les voit chez les Chats, les Hyènes et le Ratel, si ce n’est qu'elles ont leur lobe interne très-petit. La première fausse molaire des Martes est une très-petite dent à une seule racine, et dont la couronne se termine par une pointe très-mousse; c’est une dent rudimen- taire. Les deux suivantes, qui sont les analogues des deux seules fausses molaires supérieures des Putois et du Zorille, sont à plusieurs racines, minces de dehors en dedans, larges d'avant en ar- rière et très-pointues; la première est un peu plus petite que la deuxième: elles sont normales. La carnassière ne diffère pas de celle des Chats, si ce n’est par son tubercule interne plus distinct. La tu- berculeuse est tout à fait semblable à celle du Ratel. À la mâchoire inférieure se trouvent trois inci- sives, une canine, trois ou quatre fausses molaires, une carnassière et une tuberculeuse. Les inci- sives et les canines sont comme chez les Ratels. La première fausse molaire, chez les Martes, est rudimentaire et à une seule racine; les trois suivantes, qui sont les trois seules fausses molaires in- férieures du Putois et du Zorille, ont deux racines et les formes des fausses molaires normales. La carnassière est semblable à celle des Chats, à l'exception du talon, qui est développé postérieure- ment. La tuberculeuse est petite, ronde, et sa couronne se termine par trois petites pointes. Dans leur position réciproque, les relations de ces dents sont à peu près les mêmes que dans les autres Carnassiers. Les particularités tirées du squelette varient trop selon ces trois sous-genres pour que nous nous en occupions maintenant. Le corps de toutes les Martes, long, grêle, vermiforme, leurs jambes courtes, leur agilité et leur souplesse, leur permettent de se glisser dans les trous les plus petits, pourvu toutefois que leur tête puisse y pénétrer. C’est ainsi qu'elles entrent avec la plus grande facilité dans les basses-cours les mieux fermées, et qui, par cela, paraissent à l'abri de leur fureur. En effet, ce sont les plus cruels etles plus sanguinaires de tous les Carnassiers, et, quand ils arrivent dans une basse-cour, ils s'ap- prochent avec précaution de leurs victimes, les tuent et mettent ainsi à mort tout ce qu'ils rencon- trent, lors même que leur faim est entièrement assouvie. Ces animaux sont tellement cruels, qu'ils CARNASSIERS. 261 n'épargnent même pas les espèces du même genre qu'eux, et que les plus forts détruisent les plus faibles, et cependant, dans la même espèce, les parents ont le plus grand soin de leurs petits et font en quelque sorte leur éducation aussitôt qu'ils commencent à marcher. C’est toujours de proie vi- vante qu'ils se nourrissent, et ce n'est que pressés par la faim que parfois ils prennent quelques débris de matière animale morte ou de matière végétale, telles que des ronces, des raisins, etc. Leur nourriture la plus habituelle consiste en petits Mammifères, quelquefois ils s'emparent même des Lapins et des Lièvres, qui sont cinq ou six fois plus gros que les espèces qui les attaquent, et en viennent assez facilement à bout; ils se nourrissent aussi d'Oiseaux, d'œufs, qu'ils vont dénicher sur les arbres, de quelques Reptiles et Amphibiens, etc. La plupart d’entre eux vivent dans les bois; mais deux espèces, la Fouine et la Belette, aiment à se rapprocher des habitations des hommes, et font dans les basses-cours les dégâts que nous avons signalés. [ls emploient dans l'attaque une grande ruse, un courage furieux, une cruauté inouïe et un goût très-prononcé pour le sang, car sou- vent ils ne tuent les animaux que pour sucer leur liquide. On peut toutefois dire peut-être qu'ils ont une certaine intelligence; réduites en captivité, les Martes s’apprivoisent assez bien; cependant Jamais assez pour sentir de l'affection pour leur maitre, et ne pas s’effaroucher de la présence d'un étranger. Sans cesse agitées par un mouvement de défiance et d'inquiétude, elles ne peuvent rester un moment en place, et, si elles cessent par intervalle d'essayer à briser leur chaine, c'est pour dor- mir. La Fouine, sans s'attacher positivement à son maître, peut cependant s’apprivoiser et devenir capable d’une certaine éducation. M. Boitard cite à ce sujet une anecdote dont il a été témoin et re- lative à un garde qui avait dressé une Fouine à pénétrer dans les basses-cours et les fermes, et à tuer le pins de volailles possible, dont il s'emparait ensuite au moyen d’un Chien qui allait prendre le gibier aussitôt qu'il avait cessé de vivre (1). La plupart des espèces de Marte habitent les contrées tempérées et septentrionales de l'ancien continent, principalement de l'Europe; quelques-unes sont propres à l'Amérique, et une seule, le Zorille, à la partie méridionale de l'Afrique. Nous allons successivement les passer en revue, en les rangeant dans les trois sous-genres Marre (Mustela), Purois (Putorius) et Zone (Zorilla); nous parlerons aussi des espèces fossiles les plus importantes. 17 SOUS-GENRE. — MARTE. MUSTELA. G. Cuvier, 1797. Tableaux élémentaires du règne animal. D’après le nom de la Maure, Mustela des anciens. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Une fausse molaire de plus en haut et en bas que dans le sous-genre des Putois. Carnassière inférieure ayant un petit tubereule. Museau un peu allongé. Ongles acérés, à demi rétractiles. 4) Nous demandons à nos lecteurs la permission de rapporter les propres paroles de M. Boitard (Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, tome VIT, 1847) à ce sujet. « Dans un village sur les bords de la Saône, un ancien garde-chasse, un peu fripon, élait parvenu à apprivoiser si bien une Fouine, qu'il appelait Robin, que jamais il ne l’a tenue à l’attiche; elle courait librement dans toute la maison sans rien briser, et avec toute l'adresse d'un Chat. Elle était turbulente, il est vrai, mais elle prenait ses précautions pour ne rien renverser. Elle répondait à la voix de son maître, avançait quand 1l l'appelait, ne le caressait pas, mais semblait prendre plaisir à ses caresses. Elle vivait en très-bonne intellisence avec Bibi, petit Chien terrier anglais qui avait été élevé avec elle. Ceci est déjà très-singulier, mais voici qui l'est davantage : Robin et Bibi n'étaient pour leur maître que des instruments de vol et des complices. Chaque matin, le vieux garde sortait de chez lui, portant à son bras un vaste panier à deux couvercles dans lequel était caché Robin; Bibi suivait derrière son maître, lui marchant presque sur les talons. Ce trio se rendait ainsi autour des fermes écartées, où l’on est dans l'usage de laisser la volaille errer assez loin de l'habitation, Dès que le vieux garde apercevait une Poule à proximité d’une haie, dans un lieu d’où l’on ne pouvait le voir, il prenait Robin, lui montrait la Poule, le posait à terre et continuait son che- min. Robin se glissait dans la haie, se faisait petit, rampait comme un Serpent, et s'approchait ainsi de l'Oiscau; puis tout à coup il s’élançait sur lui et l'étranglait sans lui donner le temps de pousser un cri. Alors le vieux fripon de garde revenait sur ses pas; Bibi courait chercher la Poule et l’apportait, suivi de Robin; l'Oiseau était aussitôt mis dans le 262 HISTOIRE NATURELLE. Un assezgrand nombre d'auteurs, et particulièrement Daubenton dans l'Histoire naturelle générale et particulière de Buffon, et De Blainville dans son Ostéographie, fascicule des Mustelas, ont donné la description complète du squelette de la Fouine, que l'on peut prendre pour type des animaux de ce sous-genre. Ge squelette, dans sa nature anatomique, a quelque chose de plus cassant, de plus sec, de plus dur que celui des Petits-Ours, et, sous ce point de vue, se rapproche davantage de celui des Chats, c'est-à-dire qu'il est peu imprégné de graisse et plus blanc. Le mode d'assemblage des os qui le constituent est aussi un peu plus serré, les saillies et les cavités d’articulations plus prononcées en général. La colonne vertébrale est composée de cinquante-deux vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées et dix-huit coccygiennes, se disposant de manière à produire une arqûre très-prononcée, en dessus au cou, en dessous au dos et surtout aux lombes. Sans entrer dans de minutieux détails sur les vertèbres céphaliques étudiées chacune séparément, nous dirons que de leur réunion et de leurs appendices sous un angle d'environ vingt degrés, il résulte une tête ovale presque droite en dessous, et assez régulièrement arquée en dessus, le point culminant ou le plus bombé étant dans l’espace interoculaire, un peu en gouttière en avant de ce point, et, au contraire, pourvue d'une crête sagittale peu élevée en arrière; ayant ses orifices terminaux assez grands; l'antérieur ou nasal un peu oblique et bordé seulement par les prémaxillaires et les naseaux; le médian ou palatin assez petit et à peu près au milieu du dia- mètre longitudinal; le postérieur plus grand, ovale, presque transverse et échancrant un peu le ba- silaire; la cavité cérébrale est assez considérable, de forme ovale, presque circulaire, partagée en deux par une lame osseuse occipitale complète, mais étroite. Les vertèbres cervicales forment un cou allongé. Les vertèbres dorsales ont leur corps large, cylindrique, non caréné et presque de même diamètre, et leur apophyse épineuse médiocre, avec une sorte d'arrêt à leur bord postérieur, inclinée en avant aux dix premières et en arrière aux quatre autres. Les lombaires sont peu allon- gées, épaisses, assez fortement hérissées par leurs apophyses. Les trois vertèbres sacrées sont pe- tites, distinctes, au moins dans leur apophyse épineuse. Les vertèbres coccygiennes, surtout les dix ou douze dernières, sont grêles, assez longues, décroissant rapidement. Le sternum ne pré- sente rien de différent de celui de la plupart des Carnassiers; il est composé de dix pièces, toutes étroites, comprimées latéralement et élargies à leurs extrémités articulaires; le manubrium étant élargi et le xiphoïde entièrement cartilagineux. Les côtes sont au nombre de quatorze paires; elles sont grêles, très-comprimées et croissent régulièrement de la première à la dernière; leurs car- tilages sont également grêles, presque aussi longs qu'elles. Il en résulte un thorax de médiocre lon- gueur, un peu en baril. Les membres sont petits par rapport à la longueur du tronc, et assez espa- cés; ils sont tous presque égaux. Les antérieurs ont une clavicule rudimentaire suspendue dans les chairs, à peine osseuse; leur omoplate est assez étroite, presque triangulaire; l’humérus un peu re- courbé, percé très-bas au-dessus du condyle interne, l’externe présentant une crête longue; le ra- dius est grêle, assez arqué; le cubitus est un peu fort, comprimé, arqué en dedans, avec un olécrane court, élargi, et une apophyse odontoïde large et forte; le carpe est composé de sept os; le méta- carpe comprend des os assez grèles; les phalanges sont également très-minces et les onguéales sont comprimées, aiguës, élevées en coutre de charrue, quelquefois un peu arquées. Les membres pos- térieurs sont un peu plus longs que les antérieurs, surtout dans la jambe et dans le pied; l'os inno- miné est robuste, un peu courbé dans son bord postérieur, avec l’ischion dilaté vers sa tubérosité; le fémur est assez long, un peu courbé en S; le tibia, plus long que le fémur, est assez grêle, droit presque triquètre et s'élargissant inférieurement; le péroné est très-grêle, parfaitement droit, sans arêtes un peu prononcées; le pied, un peu plus long que la jambe, est composé d’un tarse propor- tionnellement assez court, dont l’astragale, élevé dans sa poulie, a sa tête portée sur un col légère- ment allongé; le calcanéum est comprimé, canaliculé à l'intérieur de sa tubérosité; le métatarse est très-long, assez étroit, formé de cinq os grèles, serrés; les phalanges sont minces, peu allongées, panier avec la Fouine, qui avait sa petite loge séparée, et l'on se remettait en marche pour chercher une nouvelle occa- sion de recommencer cette manœuvre. A la fin, les fermiers du voisinage s’aperçurent de la diminution du nombre de leurs Poules et de leurs Chapons; on se mit à guetter, et l'on ne tarda pas à saisir les voleurs sur le fait. Le juge de paix, qui n'était nullement soucieux des progrès de l’histoire naturelle, fit donner un coup de fusil à la Fouine, et crut faire grâce au vieux garde en ne le condamnant qu'à payer les Poules qui, grâce à Bibi et à Robin, avaient passé par son pot-au-feu. » aguar femelle, J BE/ALET STRE LESE gre roy à Pl CARNASSIERS. 263 moins étroites toutefois qu'aux mains, et les onguéales étant un peu moins élevées qu'aux membres antérieurs. L'os du pénis est un peu élargi à la base, presque triquètre dans les deux tiers posté- rieurs, se relevant et se tordant un peu vers sa terminaison, où il s'élargit considérablement et est percé d'un trou ovalaire. Spécifiquement, il y a peu de différences ostéologiques dans ce sous- genre, ainsi qu'on a pu surtout le constater dans la Marte et la Zibeline. Les Martes sont essentiellement carnassières, comme toutes les espèces du genre; mais on connaît moins leurs mœurs que celles des Putois, dont nous allons bientôt nous occuper. Elles sont de pe- tite taille, semi-digitigrades, et parfois un peu plantigrades; leurs paumes et plantes des mains et des pieds sont presque toujours nues, et ce n’est qu'exceptionnellement qu’elles sont couvertes de poils. On trouve ces animaux dans toutes les parties du monde, excepté en Afrique et en Océanie; elles ne sont surtout pas trop rares dans le nord de l'Europe et de l'Amérique. On a jusqu'ici constaté l'existence de dix espèces récentes; mais, en outre, on en a découvert plusieurs autres à l’état fossile, et ces débris paléontologiques constituent tantôt des espèces parti- culières et tantôt se rapportent aux espèces que l’on trouve encore pendant la période géologique actuelle 4. MARTE. MUSTELA MARTES. Linné, CaracTÈREs spÉciriQues. — Pelage formé de deux sortes de poils : 4° de grands, longs et fermes, cendrés auprès du corps, ensuite fauve clair, et terminés de brun mêlé de roux très-luisant; 2° d'un duvet très-fin, très-abondant, non entièrement recouvert par les longs poils, de couleur cendrée très-légèrement teintée de fauve et de blanchâtre. Bout du museau, poitrine, les quatre jambes et la queue, d'un brun noirâtre, dans lequel il ne paraît que peu de couleur fauve; gorge, partie infé- rieure du cou et partie antérieure de la poitrine, de même couleur, mais offrant une tache d’un jaune clair; partie postérieure du ventre rousse; bords et dedans des oreilles de couleur blanchâtre légè- rement teinte de jaunâtre. En résumé, ce pelage est brun, avec une tache jaune clair sous la gorge. Longueur totale de la tête et du corps, 0",48; de la queue, 0",25. Les anciens connaissaient la Marte, ainsi que plusieurs espèces du même genre, telles que Ja Fouine, le Putois, le Furet et la Belette, et il semble que c'était particulièrement à la Fouine, et selon d'autres à la Belette, que les Grecs donnaient le nom de +», et les Latins celui de Mustela. Mais les recherches des auteurs à cet égard sont assez obscures pour que nous ne croyions pas devoir nous en occuper. Chez les modernes, beaucoup de naturalistes en ont donné des descriptions plus ou moins complètes; nous citerons seulement Buffon, qui l'indique sous la simple dénomination de Marre; Fr. Cuvier sous celle de Marre commune, et Linné, qui lui a appliqué le nom latin de Mustela martes, qu'elle porte encore aujourd'hui. Quelquefois on écrit Martre au lieu de Marte. On a signalé la Marte à l’état fossile; mais ce fait, cité surtout dans le Catalogue paléontologique de M. Tournal, et indiquant des débris fossiles de cette espèce comme trouvés dans les brèches osseuses du dépar- tement de l'Hérault, n’a pas été confirmé d'une manière bien positive. La Marte habite tout le-nord de l'Europe et l'Amérique septentrionale jusqu’à la baie d'Hudson. Buffon assure qu'il n'en existe pas en Angleterre, parce qu'il n'y a pas de bois dans ce pays. Avant que les grandes forêts fussent détruites en France, elle y était assez commune; mais aujourd'hui elle est, au contraire, devenue très-rare. Elle se plaît dans la profondeur des forêts les plus sau- vages, où elle grimpe avec agilité sur les arbres les plus élevés, pour faire une chasse incessante aux petits Mammifères, aux Oiseaux et aux œufs qu’elle peut rencontrer. Elle détruit une grande quantité de petit gibier et de Rongeurs, tels que les Mulots, les Loirs, les Lérots; elle mange aussi des Lézards, des Serpents, des Grenouilles, et recherche les ruches des Abeilles sauvages pour s'emparer de leur miel. La Marte n’est pas un animal tout à fait nocturne, malgré la disposition de sa pupille; mais, ainsi que tous les animaux sauvages qui habitent des pays très-peuplés où l'homme les inquiète souvent, elle se cache pendant le jour et ne sort de sa retraite que la nuit pour com- mettre ses dévastations. « Courageuse et rusée, dit M. Poitard, la Marte, comptant surtout sur son 264 HISTOIRE NATURELLE. extrême agilité, s'effraye peu quand elle est chassée par les Chiens courants; elle se plaît à faire battre et rebattre la passe, à les dépister, à les fatiguer avant de monter sur un arbre pour échap- per à leur poursuite. Encore, quand elle emploie ce dernier moyen, ne se donne-t-elle pas la peine de grimper jusqu'au sommet. Assise à la bifurcation de la première branche, elle les regarde effron- tément passer sans s’en inquiéter davantage. Elle ne se creuse pas de terrier et n’habite même pas ceux qu'elle trouve tout faits; mais, quand elle veut mettre bas, elle cherche un nid d'Écureuil, en mange ou en chasse le propriétaire, en élargit l'ouverture, l’arrange à sa fantaisie et y fait ses petits sur un lit de mousse. Tant qu'elle les allaite, le mâle rôde dans les environs, mais n'en approche pas. Lorsque les petits sont assez forts pour sortir, la mère les conduit chaque jour à la promenade et leur apprend à grimper, à chasser et à reconnaître la proie dont ils doivent se nourrir. C’est alors que le mâle se réunit à la femelle, apporte à ses petits des Oiseaux, des Mulots et des œufs. Dès lors ils ne rentrent plus dans le nid et dorment tous ensemble dans des trous d'arbre ou dans des feuilles sèches, sous un buisson charnu, etc. » La portée des femelles est de deux ou trois petits selon Buffon; mais il paraitrait qu'elle peut être plus considérable et se composer de cinq ou six petits. La fourrure de la Marte est assez recherchée, quoiqu'elle le soit beaucoup moins que celle de la Libeline; on l'emploie surtout à faire des manchons de femme. 2. FOUINE. MUSTELA FOINA. Brisson. CaracrÈres sPÉcIFIQUES. — Pelage de deux sortes de poils : les plus courts très-fins, doux, d'un cendré très-päle, ou même blanchâtres; les grands longs, fermes, moins abondants que le duvet, et le laissant voir par places, de couleur cendrée dans la première moitié de sa longueur, et d'un brun noirâtre dans le reste, avec quelque teinte de roussâtre qui paraît sous différents aspects; jambes et queue noirätres; dessous du corps plus gris que le dessus; une bande plus brune sur chaque flanc, depuis l'aisselle jusqu’à laine; une tache blanche sur la gorge qui s'étend sur une partie de la mâchoire inférieure jusqu'aux oreilles, sur la face inférieure du cou et sur la partie antérieure de la poitrine, et de chaque côté sur la face antérieure des bras jusqu'au pli du coude; poils de la queue les plus grands de tous, assez durs. En résumé, la Fouine se distingue de la Marte, avec laquelle elle a de commun un pelage brun, en ce que tout le dessous de sa gorge et de son mufle sont blan- châtres, et qu'il n’y a seulement qu'une seule tache jaune clair sous la gorge; sa taille est la même. La Fouine, connue depuis très-longtemps, est regardée par quelques zoologistes, particulièrement par De Blainville (Ostéographie, 1841), comme le type du groupe qui nous occupe. La Fouine se rencontre dans l'Europe et l'Asie occidentale; elle est assez commune en France et en Angleterre. Elle se tient de préférence au voisinage des habitations rurales, et fait même quel- quefois ses petits dans les granges ou les magasins à foin; d’autres fois, elle établit son domicile dans un trou de rocher, dans le creux d’un arbre. Du reste, ses mœurs sont en tout point semblables à celles de la Marte et du Putois. Elle dort deux fois par jour, et se place pour cela un peu à la ma- nière des Chats; quand elle est éveillée, elle se met continuellement en mouvement. Buffon nous en a tracé un portrait que nous croyons devoir reproduire. « La Fouine a la physio- nomie très-fine, l'œil vif, le saut léger, les membres souples, le corps flexible, tous les mouvements très-prestes; elle saute et bondit plutôt qu’elle ne marche; elle grimpe aisément contre les murailles qui ne sont pas bien enduites de plâtre, entre dans les colombiers, les poulaillers, ete.; mange les œufs, les Pigeons, les Poules, etc.; en tue quelquefois un grand nombre et les porte à ses petits; elle prend aussi les Souris, les Rats, les Taupes, les Oiseaux dans leur nid. Les Fouines, dit-on, portent autant de temps que les Chats. On trouve des petits depuis le printemps jusqu'en automne. ce qui doit faire présumer qu'elles produisent plus d'une fois par an. Les plus jeunes ne font que trois petits, les plus âgés en font jusqu'à sept. Elles s’établissent, pour mettre bas, dans un magasin à foin, dans un trou de muraille, où elles poussent de la paille et des herbes; quelquefois dans une fente de rocher ou dans un trou d'arbre, où elles portent de la mousse, et, lorsqu'on les inquiète, elles déménagent et transportent ailleurs leurs petits, qui grandissent assez vite, car celle que nous CARNASSIERS. 269 avions élevée avait, au bout d'un an, presque atteint sa grandeur naturelle; et de là on peut inférer que ces animaux ne vivent que huit à dix ans Elle demandait à manger comme le Chat et le Chien, et mangeait de tout ce qu'on lui donnait, à l'exception de la salade et des herbes; elle aimait beau- coup le miel, et préférait le chènevis à toutes les autres graines. » D'après cela on voit que la Fouine montre quelques marques d'intelligence, et nous avons déjà eu occasion d’en indiquer d'autres preuves; nous ajouterons encore que, chez les anciens, il paraïtrait que la Fouine, de même que la Belette, étaient réduites à l'état de domesticité, et qu'elles vivaient dans les maisons à la manière de nos Chats. Jusqu'ici on n'a pas signalé positivement de Fouine à l'état fossile; mais il est probable qu'on parviendra à en découvrir, aujourd'hui surtout que les recherches paléontologiques sont suivies avec autant de soin qu'on le fait. C'est auprès de la Fouine que l'on range trois espèces particulières de Martes découvertes à l'état fossile : la Mustela genettoides de De Blainville, fondée sur deux morceaux de mächoire inférieure trouvés dans le terrain tertiaire moyen d'eau douce de Sansans; 20 la Mustela pardinensis de MM. Croizet et Jobert, de la troisième époque géologique et particulière à l'Auvergne; et 3° la Mustela plesicus, Laïzer et de Parieu, propre aux alluvions du Puy-de-Dôme, et dont De Biainville a pu donner une bonne description du système dentaire. 9. ZIBELINE. MUSTELA ZIBELLINA. Linué CanacTÈRES sPÉCIFIQuES. — Très-semblable à la Marte par les formes et l'habitude du corps, ainsi que par la grandeur. Pelage d’un fauve obscur, mêlé d'un brun foncé; devant de la gorge ayant quelques nuances cendrées; partie antérieure de la tête et oreilles blanchâtres; pieds très-velus et couverts de poils jusque sur les doigts. Longueur de la tête et du corps; 0,40, de la queue, 0",33. Gete espèce habite le nord de l'Europe et l'Asie septentrionale, la Tartarie et la Sibérie jusqu'au Kamtchatka. Elle se tient sur les bords des fleuves; choisit les lieux ombragés et les bois les plus épais; vit dans des trous ou dans des espèces de nids formés d'herbes sèches, de mousse et de ra- meaux, soit sur les branches élevées, soit dans des creux d'arbres ou de rochers; passe la journée entière dans cette retraite et une partie de la mauvaise saison sans néanmoins s'y engourdir; fait sa nourriture habituelle de la chair des Écureuils, des Lièvres, et aussi des Martes et des Hermines, auxquelles elle donne la chasse. En été, elle joint aux substances animales quelques fruits, et sur- tout ceux du cormier, dont l'usage lui cause, assure-t on, des démangeaisons très-vives. La femelle met bas vers la fin de mars ou au commencement d'avril, et sa portée n'est que de trois à cinq pe- tits. Les fourrures des Zilelines de Sibérie passent pour les plus précieuses des espèces du sous- genre Marte, et l'on estime surtout celles de Witinski et de Nerrskinsk. Les bords de la Witima, ri- vière qui sort d'un lac situé à l’est du Baïkal et va se jeter dans la Léna, sont fameux par les Zibe- lines que l'on y chasse. Ces Carnivores abondent dans la partie des monts Altaï que le froid rend iohabitable, ainsi que dans les montagnes de Saïan, au delà de l'Enisseï, et surtout aux environs de l'Üi et des ruisseaux qui tombent dans la Tomba. On a donné de grands détails sur la chasse que les habitants de la Sibérie font à la Zibeline, et l’on a décrit avec soin les fatigues auxquelles l'honime s'expose pour s'emparer de cet animal dans un pays déshérité de Dieu et dans lequel le froid auquel il s'expose peut devenir mortel; nous renvoyons à ce sujet aux récits des voyageurs, ainsi qu'au résumé qu'en a donné M. Boitard, et nous terminerons l'histoire de cet animal en rapportant, d’après M. Lesseps, la manière singulière dont les Kamtchadales s'emparent de la Zibeline. « Un d'entre eux, dit-il, nous demanda un cordon; nous ne pûmes lui donner que celui qui attachait nos Chevaux. Tandis qu'il y faisait un nœud coulant, des Chiens accoutumés à cette chasse entouraient l'arbre. L'animal, occupé à les regarder, soit frayeur, soit stupidité naturelle, ne bougeait pas; il se contenta d’allonger son cou lorsqu'on lui présenta le nœud coulant; deux fois il s'y prit lui-même, deux fois ce lacs se défit. À la fin, la Zibeline s'étant jetée à terre, les Chiens voulurent s'en saisir, mais bientôt elle sut se débarrasser et elle s'accrocha, avee ses pattes et ses dents, au museau d'un des Chiens, qui n'eut pas sujet d'être satisfait de cet accueil. Comme nous voulions tâcher de 29° 54 266 HISTOIRE NATURELLE. prendre l'animal en vie, nous écartämes les Chiens; Le Carnivore quitta aussitôt prise et remonta sur un arbre, où, pour la troisième fois, on lui passa le lacs, qui coula de nouveau. Ce ne fut qu'à la quatrième fois que le Kamtchadale parvint à le prendre. Cette facilité de chasser les Martes est d'une grande ressource aux habitants de ces contrées, obligés de payer leur tribut en peaux de Zibe- lines. » M. Kaup (Europas Thierw, 1. 1, 1859) a désigné des débris fossiles de Zibellina. 4. VISON. MUSTELA VISON. Linné. Canracrères srécrriques. — Grands poils du corps bruns, plus ou moins teints de fauve et luisant noir par-dessous; un duvet très-doux, très-touffu, de couleur cendrée claire, depuis la racine jus- qu'à la pointe, qui a une teinte de fauve päle; queue peu touffue, médiocrement longue, de couleur noire; pieds garnis de poils. Longueur de la tête et du corps, 0,40. Par les dispositions de ses couleurs, cette espèce a tellement de rapport avec le Minx de notre continent, que l'on serait tenté de les réunir si G. Cuvier n'avait rangé la première dans le sous- genre Marte et la seconde dans celui des Putois. Au reste, le caractère le plus saillant est de peu de valeur, puisqu'il consiste seulement dans la couleur de la queue et dans celle de la lèvre supé- rieure. Le Vison vit sur les bords des eaux et habite sous terre. Sa femelle produit de trois à six petits par portée. Sa nourriture consiste en Poissons, Oiseaux aquatiques, Rats, Souris, Moules, œufs de Tortue, etc. Quelquefois il pénètre dans l'intérieur des habitations rurales, y commet les mêmes dégâts que le font dans nos fermes les Fouines, les Belettes et les Putois. La patrie de cette espèce est le Canada, où d’une manière plus générale le nord des États-Unis. Lesson l'indique comme propre au Poitou et à la Saintonge; mais c'est probablement par erreur que ces localités ont été indiquées. 5. PÉKAN. MUSTELA CANADENSIS, Linné. CaracTÈREs srÉGIFIQUES. — Corps couvert de poils de deux sortes; un duvet de couleur cendrée sur la plus grande partie de sa longueur, depuis la racine, et ayant la pointe grise avec quelques nuances de fauve; poils luisants, fermes, présentant les niêmes couleurs que le duvet, excepté dans la partie qui dépasse celui-ci, laquelle est grise et noire, avec quelques nuances de marron, et la pointe qui est noire; couleurs générales résultant de celles des poils ef du duvet, et offrant un mé- lange de gris et de fauve sur la tête, le cou, les épaules, le haut des jambes de devant et le dos: côtés du corps plus gris que les parties supérieures; croupe noirâtre; bas des jambes de devant, jambes de derrière en entier, les quatre pieds et la queue, noirs, avec quelques nuances de brun; dans certains individus, du blanc entre les jambes de devant, sur la poitrine et entre les jambes de derrière, sur le ventre. On en connaît une variété entièrement blanche, que l'on indique sous le nom de Vison blanc (Mustela alba, Richardson). De la taille de la Marte. Cette espèce vit, comme la précédente. sur le bord des lacs et des rivières, dans des terriers qu'elle se creuse. Elle habite le Canada et le nord des États-Unis. 6. MARTE A TÊTE DE LOUTRE. MUSTELA LUTREOCEPHALA, Harlan. CanacTères sréciriques. — Pelage généralement d'un blane brunâtre où jaunâtre, plus clair en dessous, avec la queue d’un brun ferrugineux. D’assez grande taille. Par ses formes générales, cette espèce ressemble à la Loutre; sa tête et ses oreilles sont sembla- CARNASSIERS 267 bles; ses doigts sont à demi palmés, ce qui indique des habitudes aquatiques. Elle vit de Reptiles, de Crustacés et de Poissons, et habite de préférence le bord des ruisseaux et des petites rivières dans le Maryland et les États-Unis. On croit pouvoir rapporter en synonymie à cette Marte le Mink des Américains de Warden, la Mustela rufa d'A. G. Desmarest, et la Mustela vison de Shaw; mais l'on n’est pas bien sûr que cet animal diffère réellement du Vison et du Pékan. 7. MARTE DES HURONS. MUSTELA HURO. Fr. Cuvier, CaracrÈRES spÉGIFIQUES. — UÜniformément d'un blond clair, les pattes et la queue plus foncées; le dessous des doigts entièrement revêtu de poils, comme ceux de la Zibeline. De la taille de la Fouine. Cette espèce, dont la couleur du pelage varie beaucoup, provient du haut Canada. 8. WAJACIH MUSTELA PENNANTI. Erxleben. CanacrÈnes spÉCIFIQUES. — Museau pointu et nez d'un brun noirâtre; oreilles courtes, larges, ar- rondies, hordées de noir: moustaches longues, soyeuses; poitrine brune, avec quelques poils blancs; ventre et cuisses d'un brun noir; pieds larges, velus, ayant des ongles blancs; fond du pelage jau- nâtre, quelquefois noirâtre, passant au brun-marron sur la tête; queue touffue, très-grèle à son ex- trémité, noire et lustrée. Cette espèce, qui est la Mustela melanorhyncha, Boddärt, la Mustela piscatoria, Lesson, et le Viverra piscator, Shaw, habite la Pennsylvanie et les bords du grand lac des Esclaves. 9, CUJA. MUSTELA CUJA. Molina. CARAGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage très-doux, épais, entièrement noir; queue aussi longue que le corps, touflue; museau relevé vers l'extrémité; yeux noirs. Taille du Furet. Cette espèce, que l'on croit être la Mustela cigogmiari, Ch. Bonaparte, Viverra chinga Molina, a à peu près les mêmes mœurs que la Fouine; elle chasse continuellement aux Souris, qui sont sa principale nourriture, et la femelle fait deux portées par an, chacune de quatre ou cinq petits. Elle habite le Chili et le Mexique. On indique encore plusieurs autres espèces de ce sous-genre, et presque toutes proviennent de l'Amérique; elles ne sont pas assez connues pour que nous les décrivions, et nous donnerons seu- lement le nom des principales. Ce sont : la Manre-Rexarn (Mustela vulpina, Rafinesque), du Ca- nada; la Marre-Zonra (Mustela Sinuensis, Humboldt), de l'Amérique méridionale, particulièrement de l'embouchure du Rio-Sinü; le Quiqui (Mustela quiqui, Molina), indiqué comme du Chili, ete. 2e SOUS-GENRE. — PUTOIS. PUTORIUS. G. Cuvier, 1797. Tableaux élémentaires du Règne animal. Nom spécifique transporté au groupe sous-générique ICARACTERES DISTINCTIFS. Carnassière de la machoire supérieure n'ayant pas de tubercule interne. T'uberculeuse d'en haut plus lonque que large. 268 HISTOIRE NATURELLE Fausses molaires supérieures au nombre de deux, elles inférieures au nombre de trois de chaque côlé. Museo plus court et plus gros que celui des espèces du sous-genre Marte. Tous exhalant une odeur pénétrante, désagréable. Fig. 85 — Putois L'ostéologie de plusieurs espèces de ce sous-genre a été donnée plus ou moins complétement; c'est ainsi que Daubenton, dans l'Histoire naturelle générale et particulière de Buffon, a décrit le squelette du Putois sauvage et du Furet. G. Cuvier et De Blainville sont depuis revenus sur le même sujet. Le squelette du Putois, pris pour type des animaux de cette division, considéré en totalité, est généralement plus allongé dans le tronc et ses parties que celui de la Fouine, et, au contraire, les membres sont plus courts et plus distants. Le nombre des os de la co- lonne vertébrale est en totalité de ciaquante-trois : quatre vertèbres céphaliques, sept caudales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées et dix-neuf coccygiennes. La forme de la tête est presque semblable à celle de la Marte; la seule différence appréciable outre celle de la taille porte sur ce que la face est encore plus courte, au contraire de la partie céphalique, qui est plus élargie en arrière. Les vertèbres du cou, du dos, et surtout celles des lombes, sont plus grèles dans leur corps; leurs apophyses sont plus étroites, moins marquées. Les vertèbres sacrées et coceygiennes sont, contrairement, un peu plus courtes proportionnellement, et leur dia- mètre décroit plus rapidement, ce qui rend la queue plus eflilée. La série sternale, c'est-à-dire lhyoide, le sternum et les côtes, ne présentent aucunes différences notables, si ce n'est peut-être plus de gracilité, et par conséquent de rapprochement avec celles des Belettes. Les membres sont assez courts, égaux, très-distants : les antérieurs ont une elavicule rudimentaire; l'omoplate est assez large, ovalaire; l'humérus est court, arqué en S; le radius et le cubitus sont, pour la forme, sembla- bles à ceux de la Fouine, mais très-courts. Les membres postérieurs, en général, plus courts que les antérieurs, ont un os innominé plus étroit; le tibia et le péroné sont moins droits, et, consé- quemment, plus arqués, le pied de même forme, est proportionnellement plus long dans toutes ses parties. La rotule, dans le Putois, est étroite, allongée, un peu oblique. L'os du pénis de cet animal, ainsi que celui du Furet, sont de forme triquètre, irrégulière; cet os est élargi, spatulé à la base, fortement canaliculé en dessous, et à extrémité antérieure en crochet, conime pliée en gouttière, mais non percée. Si nous étudions les différences ostéologiques que peuvent présenter les principales espèces de ce sous-genre, nous verrons que le Furet n'a que quinze paires de côtes, que la face est proportion- uellement moins large, et que l'os innominé est plus court. Dans la Belette et l'Hermine, les os du squelette offrent de grandes différences de taille, et sont généralement plus grèles; la tête et le tronc plus allongés; les membres sont plus courts, plus inégaux, plus distants; le tibia n’est pas plus long que Le fémur; il n'y a plus que quinze vertèbres coccygiennes. Dans le Putois, ainsi que dans le Furet, la Belette etl'Hermine, le Mustela nudipes de Java, qui est une véritable Belette, seulement plus grosse que la nôtre, ainsi que dans la Mustela boccamela de Sardaigne, qui semble ne pas différer de la Belette, la seconde fausse molaire manque aux deux m- Fig, 2, — Cheval baskir. CARNASSIERS. 269 choires, ce qui réduit le nombre de ces dents à +. Il y a, en outre, quelques différences dans plu- sieurs de ces dents, mais elles sont à peu près toutes spécifiques; toutefois, dans toutes les espèces de ce sous-genre, le tubercule de la partie interne de l’arrière-molaire d'en haut est régulièrement conique et médian : la dernière arrière-molaire d'en bas est très-petite, ronde, et relevée dans son milieu par une pointe conique, mousse. Les Putois, en général, sont des animaux très-carnivores, et qui ont les mêmes mœurs que les Mar- tes; on en connaît une douzaine d'espèces, qui sont surtout répandues en Europe et en Asie. Cette première partie du monde principalement renferme les deux tiers des espèces de ce groupe, et l'une d'entre elles se rencontre à la fois en Europe et en Afrique; enfin, on en signale une espèce à Java. Quelques débris fossiles ont aussi été découverts. 1. PUTOIS. MUSTELA PUTORIUS. Linné. CaRACTÈRES SPectFiques. — Pelage brun; les poils intérieurs étant d'un blanc jaunâtre; quelques taches blanches à la tête, et notamment près du museau. Longueur de la tête et du corps, 0,35; de la queue, 0,16. Le Patois est connu depuis la plus haute antiquité; il est très-répandu et se trouve dans l'Europe méridionale, tempérée et boréale. Dans, cette espèce, la queue est plus courte proportionnellement que celle de la Marte et de la louine; la paume des mains est garnie de quatre tubercules à la base des doigts, savoir : deux très-petits, internes, correspondant, l'un au pouce et l'autre à l'indicateur; un grand se rapportant à la fois au médius et à l’annulaire; un moyen tout à fait externe et sous le petit doigt; un cinquième plus reculé, et du côté externe; la plante des pieds n'en a que quatre seulement, disposés comme les antérieurs; tous les doigts ont aussi, en dessous de leurs dernières phalanges, un tubereule très- apparent. Le tour de la bouche, les côtés du nez, la pointe des oreilles, sont blancs; la partie qui est entre la bouche, le coin de l'oreille et le front est blanc varié de brun. Les poils du corps sont de deux sortes : les grands, fermes, luisants, d’un brun noir: les plus courts laineux et de co- loration blanc jaunâtre ou fauve blanchätre, d’où il résulte que la teinte générale est brune partout où les grands poils sont abondants et recouvrent les autres (sur le dos, par exemple), et qu'il y a un mélange de fauve partout où ces derniers sont apparents à l'extérieur (sur le ventre, par exem- ple); les quatre jambes et la queue sont d’un brun noir uniforme. Le Putois porte vulgairement la dénomination de Bête puante, nom qui lui vient de l'odeur in- fecte qu'il exhale, surtout lorsqu'il est en colère; car, alors, cette odeur devient tellement forte, qu'elle dégoûte et éloigne les Chiens les plus ardents à la chasse. Ses mœurs sont semblables à celles de la Fouine; il habite, en été, les campagnes et les bois voisins des habitations, et, l'hiver, il va se loger dans les vieux bâtiments, les granges, les greniers à foin. Il dort pendant le jour, et ne sort de sa retraite que la nuit pour aller à la chasse des petits animaux qu'il peut rencontrer: il ataque souvent les basses-cours. «Il se glisse dans ces endroits, dit Buffon, monte aux volières, aux colombiers, où, sans faire autant de bruit que la Fouine, il fait plus de dégâts. Il coupe ou écrase la tête à toutes les volailles, et ensuite il les emporte une à une, et en fait un magasin. Si, comme il arrive souvent, il ne peut les emporter entières, parce que le trou par où il est passé se trouve trop étroit, il leur mange la cervelle et prend seulement les têtes. Comme il aime beaucoup le miel, il sait profiter du temps où les Abeilles sont engourdies pour attaquer les ruches et les pil- ler.» Les sexes se rapprochent au printemps; les mäles se livrent alors entre eux des combats acharnés; les femelles font de trois à cinq petits par portée; elles les allaitent, les accoutument de bonne heure à sucer le sang et à manger des œufs, et ne les mettent bas que vers le milieu ou la fin de l'été. C'est dans un trou de rocher ou dans un trone d'arbre que le Puteis se réfugie dans la campagne; mais, s'il y a une garenne dans Îes environs, il s'empare d'un terrier de Lapins, et, après en avoir mangé les habitants, il s'y établit commodément, et va à la chasse dans les terriers voisins où sa petite taille lui permet facilement de pénétrer. On a signalé en assez grand nombre, à l’état fossile, des os que l'on rapporte au Putois. Pour 270 HISTOIRE NATURELLE, nous, sans entrer dans des détails à ce sujet, nous dirons seulement que G. Cuvier en a dé- crit comme venant de la caverne de Gaileureuth; que Kruger en a vu dans le schiste d'Œningen; M. Buckland, dans la caverne de Kirkdale; MM. Marcel de Serres et Dubreuil dans celles du dépar- tement de l'Hérault; M. de Christol dans celles de Lunel-Viel; enfin M. Schmerling dans les cavernes des environs de Liége. Ce sont principalement des débris de têtes que l’on a trouvés; mais cependant on a aussi quelquefois découvert d’autres portions du squelette. 2. FURET. MUSTELA FURO. Linné. CaracrÈnes spéciriques. — Pelage jaunâtre avec Les yeux roses. En général plus petit que le Pu- Lois, il n'en diffère pour la forme du corps qu'en ce qu'il a la tête moins large et le museau plus étroit et plus allongé. Son pelage d'un jaune clair offre, dans certaines parties, des teintes de blanc, parce que les longs poils sont en partie blancs, tandis que les poils courts et laineux sont jaunes en entier. Les femelles sont un peu plus petites que les mäles. Le Furet ou Nimse n’est très-probablement qu'une simple variété albine du Putois, perpétuée par une longue domesticité. [nous a été apporté d'Espagne, et les Espagnolseux-mêmes l'ont reçu de Bar- barie dèsla plus haute antiquité, si l'on s'en rapporte à Strabon. A l’état sauvage, il ne peut vivre en France, et, s'il s'échappe des lieux où ilest enfermé, il ne tarde pas à mourir pendant l'hiver. En Es- pagne, où il s’est parfaitement naturalisé, ses mœurs ne diffèrent guère de celles du Putois. « En nais- sant, dit Buffon, il apporte une telle haine pour les Lapins, qu’aussitôt qu'on en présente un, même mort, à un jeune Furet qui n'en a jamais vu, il se Jette dessus et le mord avec fureur; s’il est vivant, il le prend par le cou, par le nez, et lui suce le sang. » Les chasseurs ont tiré parti de cet instinct pour employer cet animal à la chasse du Lapin. On élève pour cela les Furets; on essaye de les dresser, mais ils ne sont jamais très-bien apprivoisés, et leur éducation se borne à tirer parti de l'instinct que leur a donné la nature, et on en fait ainsi, non des domestiques, mais des esclaves tou- jours en révolte et qu'on ne peut conduire qu'à la chaine. Îls ne reconnaissent pas leur maitre, n'obéissent à personne et mordent ceux qu'ils rencontrent. Lorsqu'on s’en sert, on a soin de Îles museler avant de les présenter à l'entrée du terrier, car sans cela ils en tueraient tous les habitants, leur mangeraient la cervelle, se gorgeraient de sang, puis ils s'endormiraient sur leurs victimes. Quand ils sont muselés, ils les attaquent seulement avec les ongles: les Lapins se hâtent alors de sortir, et, dans leur frayeur, vont donner tête baissée dans les piéges qu'on a tendus à l'entrée de leur terrier. Les Furets se détachent quelquefois et s’enfoncent dans les profondeurs des terriers; alors ils sont perdus pour le chasseur. On les élève dans des cages ou des tonneaux : on les nourrit avec du pain, du son, du lait, et l'on s’abstient de leur donner de la chair; ils dorment continuel- lement et ne se réveillent que pour manger. La femelle porte six semaines et fait par an deux por- tées composées de cinq à six petits, et quelquefois de huit à neuf, elle en a assez peu de soin, et l’on assure même que parfois elle les dévore. Ges animaux, comme le Putois, exhalent, surtout quand ils sont en colère, une odeur fétide très-forte. 5. PEROUASCA. MUSTELA SARMATICA. Pallas. CaracrÈères sréciriques. — Pelage d'un brun ferrugineux, tacheté de jaune en dessus; la gorge et le ventre noirs. Longueur de la tête et du corps, 0",35; de la queue, 0",17. Cette espèce est très-voisine du Putois pour les formes générales, mais elle a la tête plus étroite, le corps plus allongé, la queue plus longue et le poil plus court; sa tête est triangulaire; son nez est pointu et dépasse un peu la lèvre; les oreilles sont droites, arrondies, velues; les ongles aplatis, erochus, plus longs aux pattes de devant qu'à celles de derrière; la queue est déliée, garnie de longs poils. Le pelage est luisant, uoir sur la tête, blanc autour de la bouche et des oreilles, sur le som- met de la tête et sur le front; varié sur le corps de brun et de petites taches jaunes qui blanchissent CARNASSIERS. 271 pendant l'hiver; une raie blanche oblique se remarque au dessus des yeux; il y a une autre raie lon- gitudinale, jaunâtre, de chaque côté de la tête; une troisième de cette dernière couleur sur chaque épaule; le corps est noir en dessous, de même que les pieds, qui sont d’un noir très foncé; les poils de l'origine de la queue sont cendrés à la base, noirs dans le milieu et blanchâtres à leur pointe; ceux de l'extrémité cendrés à la base, mais noirs à la pointe; les ongles sont blanchätres. Le Pérouasca habite la Pologne, surtout en Volhynie; on le trouve aussi en Russie, dans les champs déserts situés entre le Tanaïs et le Volga. C’est un animal très-vorace, faisant une guerre conti- nuelle aux Rats, aux Loirs, aux Reptiles et aux Oiseaux; ne sortant que pendant la nuit des terriers qu'il habite dans le jour, et qu'il se creuse lui-même ou qu'il trouve tout faits; répandant une mau- vaise odeur, principalement lorsqu'il est irrité, et alors redressant les poils dont son corps est cou- vert, comme le font les Chats quand ils se mettent en fureur. 4. HERMINE ou ROSELET. MUSTELA ERMINEA, Linné. Caracrères spéciriques. — Pelage d'été d’un brun marron päle en dessus, blanc en dessous; pe- lage d'hiver blanc; queue toujours noire à l'extrémité. Longueur de la tête et du corps, 0m,26; de la queue, 0",09. Dans son pelage d’été, cette espèce, qui porte vulgairement la dénomination de fioselet, à les parties supérieures et les côtés du museau, le dessus de la tête, du dos et du cou, la queue, dans sa plus grande longueur, d'un brun marron pâle; les parties inférieures d'un blanc uniforme, teinté de jaune très-clair; les doigts des quatre pattes, ainsi que le bord des oreilles, d'un blanc pur; la queue terminée par un flocon de poils noirs. Dans son pelage d'hiver, alors qu’elle porte plus ordinairement le nom d'fermine, elle est d’un blane légèrement teint de jaune par tout le corps, excepté le flocon du bout de la queue, qui reste constamment noir. En automne et au printemps, dans le mais de mars, on trouve souvent des Hermines blanches et tachées par plaques de couleur brune marron, soit que cette dernière teinte ne soit pas encore totalement venue, soit qu'elle n'ait pas encore dis- paru en entier. Cette espèce habite l'Europe tempérée, où elle est plus rare que la Belette; mais elle est plus commune dans le Nord, surtout en Russie, en Norwége, en Sibérie et en Laponie. On la rencontre également au Kamtchatka et dans les parties les plus septentrionales des États-Unis d'Amérique. L'Hermine a les mêmes mœurs que la Belette, seulement elle est d'un caractère plus farouche qu'elle, ne se plaît que dans les forêts les plus arides, et jamais elle ne s'approche des habita- tions des hommes. Elle se nourrit d'Écureuiis. de Rats, et recherche les œufs des Giseaux dans les prairies humides. Elle s'élève très-bien en domesticité, et s'apprivoise même plus que la Belette. Sa fourrure est des plus recherchées, surtout quand elle a ce blanc éclatant qu'elle perd toujours plus ou moins en vieillissant pour prendre une teinte un peu jaunâtre; on s’en sert pour faire des man- chons et pour orner les robes des dames, ainsi que celles des docteurs. La chasse de cette espèce, ainsi que celle de la Zibeline, occupe un très-grand nombre d'hommes, et procure un des produits les plus considérables du commerce des peuples du Nord, et principalement de l'empire russe. 5. BELETTE. MUSTELA VULGARIS. Linné CanacrÈnes spécrriques. — Pelagé d'un brun roussätre en dessus, blanc en dessous; l'extrémité de la queue n’est jamais noire dans l'espèce typique, mais cela peut se remarquer dans quelques va- riétés. La longueur de la tête et du corps n’est que de 0",16, et la queue à environ 0",05. Cette espèce est excessivement effilée; la partie supérieure du museau, de la tête, du cou et du corps, les épaules, la face externe et antérieure des jambes de devant, les pieds de derrière en en- tier, sont d'un brun roussätre ou fauve, légèrement teint de jaunâtre; les parties inférieures du corps, depuis l'extrémité de la mâchoire inférieure jusqu'à la queue, la face interne et postérieure 972 DISTOIRE NATURELLE, des jambes de devant. de la cuisse et de la jambe, sont blanches; souvent deux taches brun fauve sont situées à quelque distance au delà des coins de la bouche. La Belette, qui est très-probablement le r41n des Grecs, et que Pallas a désignée sous la même dénomination de Gale, varie assez considérablement dans son système de coloration, d’où il résulte que plusieurs de ces variétés ont été regardées comme des espèces particulières. Nous indiquerons les principales variétés, mais en faisant remarquer que, mieux étudiées, qaelques-unes d’entre elles constulueront peut-être des espèces particulières : 1° le Patorius boccamela, Getti, que l'on regarde comme l’rzxs d'Aristote, et qui se trouve en Sardaigne, établit un passage de la Belette à l'Hermine; en été il est brun et roussâtre en hiver, 2° l'Hermnerre on Becerre pes NriGes (Mustela nivalis, Linné, Mustela hyemalis, Pallas) semble être une simple variété blanche de la Belette avec la seule diffe- rence qu'elle a constamment le bout de la queue noir; elle habite le nord de l'Europe et se rencontre quelquefois en France; 3° la Bererre avraique (Mustela altaica, Pallas), animal propre au nord de l'Asie et de l'Europe, et qui est très-insuflisamment connu; et 4° la Becerre pes Avres (Mustela Al- pina, Gebler), qui ne paraît différer de la Belette que par sa taille légèrement plus grande; elle est Jaunètre où brunâtre en dessus, d'un jaune päle en dessous, avec le menton blanc, ainsi qu'une par- tie de la bouche; habite les Alpes, où elle se loge dans des trous de rochers ou dans des terriers, et se nourrit de petits Mammifères et d'Oiseaux. Cette espèce est vorace et carnassière comme les autres espèces du même genre; en été elle reste dans la campagne et dans les bois, et se nourrit de tous les petits animaux qu'elle rencontre, s’atta- quant parfois à des Mammifères cinq ou six fois plus gros qu'elle, tels que des Surmulots ou sur- tout des Lapins, et venant toujours à bout de les tuer et de les dévorer. En hiver, elle ne s’écarte guère des habitations de l'homme, et fait alors la guerre aux volailles et aux autres animaux conser- vés dans les basses cours. Elle produit deux ou trois fois par an trois, quatre ou cinq petits, que la femelle dépose sur un lit de feuilles sèches, dans le creux d'un vieil arbre. La Belette chasse le jour el non pas uniquement la nuit, comme l’assurait Buffon; elle peut aisément s'apprivoiser, pourvu qu'elle soit prise jeune et traitée avec beaucoup de douceur. La Belette se rencontre dans les parties tempérées et septentrionales de l'ancien monde, ainsi que dans le nord de l'Amérique. Elle n’est pas rare partout. On à signalé plusieurs débris fossiles de cette espèce dans les cavernes, et mélangés avee une foule d'autres animaux; M. Buckland en a indiqué des traces dans la caverne de Kirkdale; M. Schmer- ling dans celles des environs de Liége et M. Marc-Enry dans la caverne de Kent, près de Terbay, en Angleterre. 6. TUHCURI. MUSTELA LUTREOLA. Pallas. CaRACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage d'un brun noirâtre, avec le dernier tiers de la queue tout à fait noir; la lôvre supérieure, le menton et dessous du cou, blanes. De la taille de la Marte. Cette espèce, qui habite le nord de l'Europe et surtout la Finlande, a les pieds à demi palmés; elle se tient sur le bord des eaux, et se nourrit de Grenouilles, d'Écrevisses et de Poissons: ses habitudes tiennent à la fois à celles de la Loutre et du Putois. Elle n'exhale qu'une légère odeur de muse, peu désagréable, d’où il résulte que sa fourrure, d’ailleurs très-belle, est plus recherchée que celle des autres espèces du même genre. C'est probablement cette espèce que Buffon nommait Vison, et qu'Erxleben indiquait sous la dé- nomination de Mustela minor. 7. CHOROCK. MUSTELA SIBIRICA. Pallas CaracrèRes spéciriques. — Pelage à poils longs, d'un fauve doré en dessus, et d'un jaune fauve päle en dessous; le tour du mufle blanc, et la partie du museau comprise entre les veux et cette partie brune. De la taille et avec les formes du Furet, CARNASSIERS. 275 Le Chorock habite les forêts de la Sibérie, et, ainsi que le Putois, dont il a les mœurs, il se rap- proche des habitations rurales pendant l'hiver, et dévaste les basses-cours. 8. PUTOIS À GORGE DORÉE. MUSTELA FLAVIGULA, Boddært, CaRAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage généralement noir, avec la gorge, le ventre et le dos, jaunes; les joues blanches. La longueur de la tête et du corps est de 0,59, et la queue a à peu près la même dimension. La coloration de cette espèce diffère considérablement dans les divers individus, aussi est-il pro- bable qu’on l’a décrite sous plusieurs noms, et qu'on doit lui rapporter les Mustela quadricolus, Shaw; Mustela leucolis, Temmink, et Putorius Hardwickii, Horsfeld. Il se trouve au Népaul. 9. PUTOIS D EVERSMANN. PUTORIUS EVERSMANNII. Lesson. CanacTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’un jaune clair, à pointe des poils brune seulement sur les lombes; la poitrine et les pieds bruns; la queue partout d'une teinte égale. Cette espèce, qui ressemble beaucoup au Putois, habite entre Orenbourg et Boukara. 10. FURET DE JAVA. MUSTELA NUDIPES. Fr. Cuvier CaRACIÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’un beau roux doré très-brillant; la tête et l'extrémité de Ia queue blanches ou d’un blanc jaunâtre; le dessous des pieds entièrement nu. De taille un peu plus petite que le Putois. Il a été trouvé à Java. Ses mœurs n'ont pas été étudiées; mais l'on pense que ce sont les mêmes que celles de nos Martes européennes. 3€ SOUS-GENRE. — ZORILLE. ZORILLA. G. Cuvier, 1795. Tableaux élémentaires du Règne animal. Nom spécifique appliqué au groupe sous-générique. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Système dentaire à peu près semblable à celui du Putois. Tuberculeuse d'en haut assez large. Deux fausses molaires à la mâchoire supérieure, et trois à l'inférieure. Museau court. Ongles des pieds de devant obtus, épais, propres à fouir le sol, mais non à grimper sur les arbres. : G.Cuvier a commencé à étudier l'ostéologie du Zorille; depuis, Lichtenstein en a donné une bonne figure, et De Blainville a décrit le squelette, qui, d’après lui, ne s'éloigne pas encore beaucoup de ceux du Putois et de la Fouine. Le nombre des vertèbres est toujours à peu près le même : cin- quante-six à cinquante-sept, dont vingt et une à vingt-trois à la queue; celles du tronc sont au nom- bre de quinze dorsales et de cinq lombaires. La partie postérieure de la tête est encore un peu moins longue proportionnellement; les apophyses orbitaires sont plus prononcées, et le trou sous- 26 35 274 HISTOIRE NATURELLE. orbitaire est plus petit. L'apophyse épineuse de l'axis se projette entièrement en avant. Les apo- physes transverses des vertèbres cervicales sont moins prononcées. L'apophyse épineuse des ver- tèbres dorsales est courte, et celle des vertèbres lombaires assez large, élevée. Les vertèbres coceygiennes sont nombreuses, dimiuuant graduellement de grandeur, médiocrement allongées. Il y a onze pièces au sternum. Les côtes sont au nombre de quinze paires. Les membres anté- rieurs sont formés, comme dans les espèces du même genre, d’une clavicule rudimentaire, cartilagi- neuse; d’une omoplate à peu près semblable à celle de la Fouine; d'un bumérus assez court, percé au condyle interne; d’un radius court; d'un cubitus fortement canaliculé à la face externe; d'une main forte, surtout en largeur; aussi les os qui la composent sont-ils plus courts, bien plus robustes que dans les Martes : ceux du cinquième doigt sont plus longs que les autres, et les phalanges onguéales plus longues que les secondes. Les membres postérieurs ressemblent davantage à ceux du Putois dans les proportions des parties; en effet, les pieds sont beaucoup plus allongés, plus grêles que les mains, et surtout dans les os du métatarse, car les doigts sont courts, les phalanges onguéales toujours plus longues que les deuxièmes. L’os du pénis ressemble à celui du Grison; il est grêle, droit, assez régulièrement triquètre, peu ou point canaliculé en dessous et dilaté en spatule oblique à son extré- mité antérieure. Le Zorille offre encore une arrière-molaire supérieure un peu plus large que celle qui lui corres- pond dans le Putois, ou mieux plus ovale transverse; la partie externe avec trois pointes basses, et l’interne avec deux marginales; la principale inférieure a un double denticule à son bord posté- rieur; la première arrière-molaire a la pointe interne très-prononcée, le talon un peu plus large, ainsi que la deuxième arrière-molaire, pourvue d'une pointe interne comme dans les Moufettes. fortement des Martes; c’est le genre Hhabdogale (52693, baguette; +42, Belette) de Müller (in Wieg- mann Archiv., t. VE, première partie, 1838), et celui des Zorilla, Lesson (Nouveaux Tableaux du Règne animal. Mammifères, 1849). Un ne connaît qu'une seule espèce de ce groupe, le Zorille, qui est carnivore comme les autres Martes, et qui se rencontre dans plusieurs parties de l'Afrique, telles que le cap de Bonne- Espérance, l'Abyssinie et la Sénégambie. ZORILLE ou PUTOIS DU CAP. VIVERRA ZORILLA. Linné. CaracrÈnes sPÉGIFIQUES. — Pelage noir, avec quelques taches blanches sur la tête et des lignes longitudinales blanches sur le corps en dessus, ou blane avec des taches ou des lignes noires. Lon- gueur de la tête et du corps, 0,54; de la queue, 0,27. Le Zorille a reçu le nom vulgaire de Blaireau du Cap; À. G. Desmarest le nomme Mustela zorilla, et Lesson Zorilla varieqata, dénomination adoptée par les classificateurs modernes. Le pelage de cet animal est généralement de couleur noire ou noirätre, avec des raies, des bandes et des taches blanches où blanchâtres qui ont quelque apparence de jaunâtre; une tache blanche se remarque sur le front, entre les deux yeux; le dessus du cou et du dos sont marqués de quatre bandes de la même couleur, dont les deux du milieu commencent à l'occiput, et l'extérieure de cha- que côté s'étendant jusqu'à une petite distance de l'œil:ees bandes n'étant pas régulières ni pour la largeur, ni par la direction; une bande blanche se voit de chaque côté de la poitrine, commençant derrière le coude, remontant vers le dos ou le milieu du corps, et formant une bande transversale sur la partie postérieure du dos; une deuxième bande blanche transversale sur les lombes, laquelle descend au devant du genou; une tache de la même couleur de chaque côté de la croupe, et une petite bande en forme de demi-anneau à l'origine de la queue, dont le bout est aussi de couleur blanche; la poitrine, les jambes et les pieds sont noirätres, sans mélange de blanc; les grands poils sont fernes et lustrés, cachant un duvet très-dense et offrant les mêmes couleurs; il ÿ a des poils entre les doigts des pieds de derrière. Cette espèce, au reste, varie plus ou moins dans sa colo- ration. L Le Zorille, qui, ainsi que nous l'avons dit, habite l'Afrique méridionale, a le même genre de vie Fig. 2 — Paradoxure d'Hamilton. PL 56 CARNASSIERS. 275 que la Marte, à cela près que, ne pouvant grimper sur les arbres, il se creuse un terrier où il se ré- fugie pendant le jour, et dans lequel il se retire à la moindre apparence de danger. LA 4e GENRE. — LOUTRE, LUT'RA. Linné, 1748. Systema nature. Lutra, nom donné à la Loutre commune par les Latins CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 55 caxïines, =\; molaires, =; F?, en lotalilé trente-six on trente-huit dents. Deuxième incisive inférie ure de chaque côlé un peu rentrée dans quelques es- pèces, et sur la ligne des autres incisives dans une autre. Canines moyennes, crochues. Première molaire supérieure petite, mousse, quelquefois caduque; deuxième tranchante; troisième semblable pour la forme, mais plus épaisse; quatrième où carnassière de grosseur médiocre, à deux pointes externes, et munie d'un fort talon en dedans; cinquième à trois petites pointes en dehors avec un large talon interne, relevé d'un tubercule mousse. Corps très-long, épais, écrasé, bas sur pote Se Tête large, aplatie. Oreilles courtes, arrondies. Lanque légèrement papilleuse. assez douce. Moustaches formées de quelques poils longs. Membres très-courts, forts. Doigts des mains et des pieds allongés, armés d'ongles crochus, non rétractiles, rés par une membrane, el les transformant en des espèces de rames propres à la natation Paume des mains nue et garnie au milieu d'un large tubercule à quatre lobes: plante des pieds nue à la partie antérieure et à talon recouvert de poils. Queue moins lonque que le corps, forte, déprimée à la base. Pelage composé de deux sortes de poils; un duvet excessivement fin, doux et de longues soies brillantes; en totalité. ce pelage est doux, mais ilest rude dans quelques espèces. Deux petites glandes sécrétant une liqueur fétide, situées près de l'anus. Pas de cœcum. Linné, dans les premières éditions de son Systema naturæ, plaçait les espèces qui forment le genre naturel des Loutres dans son genre Mustela où Marte, qui présente avec lui de grands rap- ports, si ce n'est que les espèces qu'il renferme sont essentiellement disposées pour une vie aqua- tique et ont pour cela subi des modifications plus où moins profondes; mais, dans l'édition de 1748 de son immortel ouvrage, il a créé le groupe générique des Lourres, Lutra, et cette division des plus naturelles a été adoptée par Brisson, Scopoli, Erxleben, G. Cuvier, Shaw, Lacépède, Illiger, A. G. Desmarest, en un mot par tous les zoologistes classificateurs. Dans ces derniers temps, on l'a même considéré comme formant une famille particulière, et l'on a cru pouvoir y créer un assez grand nombre de subdivisions génériques; c’est ainsi que Gloger a indiqué legenre Latux, qui correspond à ceux des Pusa, Gken; Enhydris, Lichtenstein, et Enhydra, Flemming; etque d’autres groupes ont été créés, tels que ceux des Pteronura, Gray; Aonyx, Saricovia et Leptonyx, Lesson, ete., auxquels on devrait peut-être joindre quelques groupes d'animaux à l’état fossile. Sans adopter tous ces grou- pes, nous indiquerons les principaux comme subdivisions sous-génériques. Les Loutres se lient, sous le rapport de la dentition, de la manière la plus intime aux Moufettes ou Mydaus, et surtout aux Martes, avec lesquelles elles ont de nombreuses analogies. « A la mà- choire supérieure (nous empruntons ici la description de Fr. Cuvier), les incisives et les eanines sont exactement ce que nous les avons vues chez les Martes, les Gloutons et les Moufettes. Les fausses molaires sont au nombre de trois : la première est trés-petite et rudimentaire; la deuxième, un peu plus grande que la première, mais beaucoup plus petite que la troisième, est, ainsi que cette der- 276 HISTOIRE NATURELLE. nière, régulièrement conformée comme dans toutes les fausses molaires normales. La carnassière est principalement remarquable par l’étendue et la forme que le tubercule interne a prises. Ce n’est plus même une pointe saillante reposant sur une base très-large comme chez les Moufettes, c'est une sur- face large, terminée du côté interne par une ligne circulaire et bordée dans cette partie par une crête unie et saillante. La tuberculeuse a repris les dimensions et les formes de celle des Martes; elle est de même plus étendue du côté externe au côté interne que d’avant en arrière, et les inéga- lités qui en divisent la surface ne diffèrent en rien de ce que nous avons fait observer chez ces der- niers animaux. À la mâchoire inférieure, les incisives et les canines n'ont rien qui les distingue du système de dentition des Moufettes, et il en est de même des fausses molaires, de la carnassière et de la tuberculeuse. Dans leur position réciproque, il résulte des différences que nous avons indi- quées entre les Moufettes et les Loutres que dans celles-ci un tubercule ne vient plus remplir le vide que laissent entre eux les tubereules disposés en triangle de la carnassièrs inférieure. Le pre- mier de ces tubercules, celui qui est à la partie antérieure de la dent, est en opposition avec Île centre creusé de la surface large, bordée d’une crête, qui a remplacé chez ces animaux le tubercule que l'on peut encore voir dans les Moufettes; les deux autres tubercules remplissent le vide qui reste entre la carnassière et la tuberculeuse opposée, et cette dernière présente presque toute sa couronne au talon postérieur de la carnassière d'en bas. Il ne reste en opposition avec la tubereu- leuse de cette dernière mâchoire que le bord postérieur de la dent analogue de la mâchoire d'en haut. Il serait difficile de déterminer par les dents si les Loutres sont plus carnassières que les Mou- fetes: car, sielles paraissent avoir des dents carnassières qui s'éloignent un peu plus de celles des Martes que les carnassières des Moufettes, elles ont, par contre, des dents tuberculeuses moins étendues que celles de ces derniers animaux » De Blainville, de son côté, a également donné quelques dé- tails sur l’odontologie des Loutres, et particulièrement sur celle de la Loutre commune, et compara- tivement il a indiqué les différences que présentent celles du Cap, du Kamtchatka, du Chili; cette dernière principalement remarquable en ce que, supérieurement et de chaque côté, il n'y a que quatre molaires au lieu de cinq. Fig. 84. — Loutre commune. Un assez grand nombre d'auteurs se sont occupés de l'ostéologie de la Loutre commune, et en particulier Daubenton dans l'Histoire naturelle générale et particulière de Buffon, et G. Cuvier dans ses Ossements fossiles. Steller, anciennement, et, depuis, Éverard Home et M. Martin, ont dé- crit le squelette de la Loutre du Kamtchatka. Plus récemment, De Blainville, dans son Ostéographie, fascicule des Mustelas. 1841, a donné de nouveaux détails sur cinq espèces de ce groupe. En général, les Loutres, chez lesquelles on pourrait même indiquer des différences spécifiques dans quelques parties du squelette, s’éloignent des véritables Martes, non-seulement par les modifications que Les pièces qui le constituent ont éprouvées pour une locomotion aquatique, mais encore par quelques points indiquant une véritable dégradation. Plus particulièrement le squelette de la Loutre d'Europe, Lubra vulgaris, considéré dans son ensemble; est caractérisé par le grand allongement de la co- CARNASSIERS. 217 lonne vertébrale et surtout par la brièveté proportionnelle des membres en général, et dans toutes leurs parties. Toutefois, le nombre des vertèbres est le même que dans la Fouine : quatre cé- phaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées, et la différence ne porte que sur les coccygiennes, au nombre de vingt-six. La tête se distingue de celle du groupe des Mustelas par la largeur et la grande dépression de la boîte cérébrale, la minceur des os et par l’extrème brièveté de la face, séparée de celle-là par un étranglement susorbitaire très-prononcé. On doit aussi remarquer la force de la crête occipitale, la nullité de la crête sagittale, le dévelop- pement peu marqué des apophyses orbitaires, la grandeur du trou sous-orbitaire et son grand rap- prochement du bord de l'orbite. Les vertèbres cervicales sont plus courtes que dans la Fouine, et assez semblables pour les apophyses, si ce n’est que l'épineuse de l'axis est convexe, quoique sur- baissée, et que la transverse de la septième est bien plus pointue. Les vertèbres du dos n'offrent rien qui leur soit particulier que leur grande laxité, ce qui indique aussi l'étroitesse et la distance de leurs apophyses épineuses, ainsi que la grande saillie du tubercule des apophyses transverses. Les vertèbres lombaires sont courtes dans leur corps et hérissées de larges apophyses, toutes diri- gées en avant; les transverses surtout croissant rapidement de la première à la dernière, qui est beaucoup plus large que les autres. Lés trois vertèbres sacrées sont distinctes dans leurs apo- physes épineuses, qui sont assez larges; mais la dernière n’est pas soudée aux autres et ressemble à une première coccygienne. Quant à celles-ci, elles sont en général courtes, telles que dans la Fouine, décroissant moins rapidement, beaucoup plus épaisses ou robustes, avec les apophyses et les crêtes d'insertion musculaires mieux marquées, principalement les transverses des premières. L’os hyoïde a son corps large et plat, ses cornes antérieures formées de trois articles également comprimés et crois- sant en longueur du premier au dernier, et en sens inverse en largeur, avec ses cornes postérieures presque droites. Le sternum n’est formé que de dix pièces, dont le xiphoïde est longtemps cartilagi- neux; les pièces intermédiaires sont courtes, presque égales; le manubrium est médiocrement pro- longé en avant. Les côtes, au nombre de dix paires sternales et de quatre asternales, sont grêles, très-espacées, presque contournées en S, fort allongées, ou mieux comme tordues, très-plates infé- reurement, et pourvues, surtout les dernières, de cartilages très-longs et larges, ce qui donne à la poitrine, et surtout aux hypocondres, une étendue considérable. Les membres sont courts et dis- tants, plus encore que ceux du Putois, avec lesquels ils ont une certaine ressemblance, et les os longs qui entrent dans leur composition ont une cavité médullaire aussi développée que celle des Martes. Les antérieurs sont pourvus d’une clavicule très-grêle, presque aciculaire, très-courte, à peine un peu courbée, mais bien osseuse; d'une omoplate courte, large, flabelliforme, comme celle des Putois, très-étendue dans son bord supérieur, avec l'apophyse récurrente de la crête moins prononcée, quoique plus large; d'un humérus robuste, court, égalant à peine les six premières ver- tèbres dorsales, fortement courbé en deux sens contraires, avec l'empreinte deltoïdienne descendant en crête aiguë jusqu’au delà de la moitié de sa longueur, un trou au condyle interne, et le condyle ex- terne élargi par une forte crête; d'un radius et d'un cubitus également très-courts, robustes, tourmen- tés, accentués par des crêtes d'insertion musculaire très-prononcées, le dernier surtout remar- quable par l'épaisseur et la largeur en cuiller de l’olécrane, et le premier par son arqüûre et par une presque égalité dans la largeur de ses deux têtes; d’une main égale en longueur à l'humérus et dans laquelle on remarque la brièveté du carpe, déterminée par la petitesse de ses os, et sur- tout celle du pisiforme; et le peu de longueur des métacarpiens et des phalanges moindre que dans les Martes, et même que dans les Putois, à l'exception des onguéales, plus petites que les deuxièmes et surtout bien moins hautes que la griffe. Les membres postérieurs, plus longs que les antérieurs, du moins dans les deux dernières parties, sont aussi assez robustes; l’os inno- miné est cependant médiocre, et ses deux parties sont presque égales; le fémur, à peine un peu plus long que l'humérus, est à la fois court et large à ses deux extrémités, l’inférieure beaucoup plus épaisse; le tibia est notablement plus long, très-épais, triquètre et comme un peu tordu; le péroné, au contraire, est grêle et terminé en spatule presque également à ses deux extrémités, l'inférieure cependant bien plus épaisse; enfin le pied, plus long d’un quart que la main, est large et épais, sur- tout le tarse : du reste, il ressemble assez bien à ce qu’il est dans le Putois, si ce n’est toutefois que ses différents os sont plus gros proportionnellement à leur longueur, ce qui les rend plus courts, et que les phalanges onguéales sont beaucoup plus petites et bien moins hautes dans la par- 278 HISTOIRE NATURELLE. tie terminale, L’os du pénis a la forme générale de celui des Mustelas, mais il est beaucoup plus court, plus gros proportionnellement et bien moins courbé. ce qui le fait ressembler un peu à celui des Phoques à oreilles. Daubenton, qui a depuis longtemps donné la figure de cet os dans la Loutre, mâle, y a joint celle de l'os du clitoris de la femelle. M. Martin dit que l'os du pénis de la Loutre de mer est robuste, de trois pouces un quart anglais de long. Dans les différentes espèces de Loutre, on a signalé quelques différences. D'abord à la tête, dont la forme générale est assez bien la même dans toutes, si ce n’est que le crâne est plus déprime, plus large, plus longuement étranglé dans la Loutre à petits ongles et dans celle de mer, ce qui le fait ressembler davantage à celui des Phoques; la face présente encore plus de brièveté que dans la Loutre commune : par exemple dans la Lutra lataxina, et, en outre, une sorte d'augmentation gra- duelle dans les apophyses orbitaires. En effet, presque nulles dans la Loutre sans ongles, elles s'ac- croissent peu à peu dans les Loutres communes, Enhydre de la Guyane, de Bahia, du Pérou, de Rio-Grande, et deviennent grandes das la Loutre lataxine. Dans le nombre des vertèbres dorsales et dans celui des côtes, on peut aussi noter quelques différences importantes. Dans la Loutre du Bré- sil, les vertèbres en général, et principalement celles de la queue, sont bien plus courtes et beaucoup plus larges dans leur corps et leurs apophyses transverses, et les os longs qui entrent dans la com- position des membres, surtout l'humérus et le fémur, sont remarquablement courts, larges et dé- primés : mais ce deruicr caractère n'est pas particulier à ectte espèce, car il se trouve dans les Lou- tres du Kamtchatka et les sans ongles du Cap. Un autre fait, rapporté par M. Martin, c'est que chez la Loutre de mer la tête du fémur est, comme dans celui des Phoques, dépourvue de la fossette d'in- sertion du ligament rond, et que la main est remarquable par sa petitesse, au contraire du pied, dont les doigts vont en croissant assez rapidement du premier ou pouce, au cinquième, le plus long de tous. Fig. 85 — Loutre du Japon + La Loutre est un animal essentiellement aquatique, comme l'indique l'allongement de son corps, l'aplatissement de sa tête, la palmature de ses pattes, ete. Elle ne marche que difficilement sur le sol et semble même ne faire que s'y trainer, tandis que, au contraire, l'eau est son véritable élé- ment; [à elle progresse avec une grande vitesse, elle plonge très-facilement et exécute les mouve- ments du Poisson le plus agile. La Loutre se nourrit presque exclusivement de Poissons et en détruit un très-grand nombre; elle mange également les autres animaux aquatiques qu'elle rencontre, tels que les Crustacés, les Vers, ete, et elle s'empare aussi quelquefois, dit-on, d'herbes marines dont elle fait sa nourriture. D'après cela on voit que son régime diététique est encore carnassier, mais toutefois moins que chez les Martes. Elle se retire dans un gite qu'elle se forme dans la fente d’un ro- cher où dans la cavité d’un arbre, mais très-près des rivières; d’autres se logent dansles anfractuosités qu'elles rencontrent dans les berges. Certaines espèces sont fluviatiles, et il en est qui sont marines. On à vu quelques Loutres apprivoisées et dressées par leur maitre de telle sorte, qu'elles vont à la pèche pour lui; mais ces cas sont rares, et cet animal semble d'un naturel sauvage, intraitable et peu apte à être gardé en domesticité. Buffon a essayé souvent d'apprivoiser de jeunes individus Sans ÿ avoir Jamais réussi. «Ils cherchaient toujours à mordre, dit-il, même en prenant du lait, et avant que d'être assez forts pour mâcher du Poisson: au bout de quelques jours, ils devenaient plus CARNASSIERS. 979 doux parce qu'ils étaient malades et faibles; et, loin de s'accoutumer à la vie domestique, ils sont tous morts dans le premier âge.» Contrairement à cette opinion, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire fait observer qu'il a vu une Loutre élevée en domesticité par un paysan qui l'avait prise jeune; elle était apprivoisée, caressait et suivait son maître à la manière d'un Chien, et se montrait même très- peu farouche à l'égard des étrangers : il est vrai que le possesseur de cette Loutre croyait presque, en l’adoucissant, avoir opéré un prodige, parce que ses préjugés lui avaient toujours fait supposer à cet animal un instinet tout à fait intraitable. Toutes les Loutres ont à peu près le même pelage : toutes sont d'un brun plus ou moins foncé en dessus, d’un brun plus clair en dessous, et surtout à la gorge, qui est même quelquefois presque blanche; les variations spécifiques sont très-peu notables, et c'est ce qui fait que la distinetion des espèces est très-difficile. Aussi pendant longtemps n'a-t-on admis dans ce genre que trois espèces par- ticulières, la Loutre d'Europe, la Loutre d'Amérique et la Loutre marine, qui peuvent être carac- térisées assez facilement. Mais, plus récemment, les envois provenant du cap de Bonne-Espérance, de diverses parties de l'Inde, et des deux Amériques, ont augmenté considérablement le nombre des espèces, à ce.point que Fr. Cuvier en admettait déjà douze, et qu'aujourd'hui on en indique une vingtaine; mais, toutefois, on est encore loin d'être bien certain de l'existence d'un aussi grand nombre d'espèces, et c’est tout au plus si on en connaît à peu près complétement la moitié. D'un autre côté, on a reconnu que l'on devait éloigner de ce genre plusieurs animaux qui y étaient placés jadis, tels que le Yapock, qui est un Didelphe; la Lourre n'ÉcyeTe, qui se rapporte au genre Man- gouste, etc. Du moment que le genre Loutre à été indiqué comme renfermant un grand nombre d'espèces. certains zoologistes ont dù, selon leurs habitudes, chercher à y former des subdivisions génériques ou sous-génériques. Neuf genres ont ainsi été proposés; mais l'un d'eux a été indiqué sous quatre noms différents par quatre auteurs particuliers, d'où il résulte qu'il n’y en a réellement que six, en y comprenant la subdivison des Loutres proprement dites. Nous indiquerous ces divisions comme de simples sous-genres sous les noms de Latax, Gloger (correspondant aux Pusa, Gken; Enlny- dris, Flemming; Enhydra, Richardson), pour la Loutre du Kamtehatka ou Loutre marine; Ptero- nurus, Gray, pour une espèce nouvelle, Aonyæ, Lesson, pour la Loutre du Cap ou sans ongles: Saricovia. Lesson, pour la Loutre d'Amérique; Leptonyx, Lesson, pour la Loutre Barang où Lutra leptonyæ, Morsfield, et Lutra proprement dit, qui renferme quatorze espèces, dont le type est la Loutre d'Europe. Avant de passer à la description des principales espèces de ce genre, nous allons, d’après De Blain- ville, dire quelques mots des Loutres que l’on a découvertes à l'étatfossile. On a indiqué sous le rom de Lutra Clermontensis des débris de crânes et surtout un assez grand nombre de dents ayant ap- partenu à une petite espèce, et ayant été trouvés en Auvergne, d'abord par M. l'abbé Croizet, qui lui a appliqué le nom que nous avons indiqué, et plus récemment par M. De Laizer. Dans le dépôt de San- sans, M. Lartet a aussi rencontré quelques ossements qu'il rapporte à sa Lutra dubia. MM. Croizet et Jobert, d'après Lesson, ont aussi cité comme propres à l'Auvergne des os fossiles, qu'ils indi- quent comme formant leurs Lutra elavera et antiqua, la première des terrains tertiaires, et la se- conde du terrain crétacé. On a encore fait connaître des traces de Loutre dans un terrain plus an- cien, c'est-à-dire dans la formation de Meudon, touchant à la craie, désignée sous le nom de calcaire pisolithique; mais De Blainville ne regarde pas ces fossiles comme appartenant à une Loutre, mais comme une espèce de Viverra qu'il indique sous la dénomination de Palæonictis. 197 SOUS-GENRE. — LATAX. LATAX. Gloger, 1858. Ce sous-genre, qui ne renferme qu'une seule espèce, correspond au groupe des Pusa (nom pro- pre), Oken (Zoolog., AS17); Enhydra (eee, qui se plait dans l'humidité), Flemming (Philoso- phical Zool., t. 1, 1825); Enhydris, Lichtenstein (Lid. Darstal., 1827). 280 HISTOIRE NATURELLE. 1. LOUTRE MARINE ou LOUTRE DU KAMTCHATKA. LUTRA MARINA Steller. CanacrÈères spéciriques. — Pelage d’un beau brun marron lustré, dont la nuance varie suivant la disposition des poils; avec la tête, la gorge, le dessous du corps et le bas des membres antérieurs, d’un gris brunâtre argenté. Longueur de la tête et du corps : 1": de la queue, 0",35. Cette espèce, que Buffon désignait sous la dénomination de Lourre pu Kamrenatka, et que les voyageurs indiquent sous celui de Lourre mamie, a reçu de Linné et de Schreber le nom de Mustela lutris, d’Et. Geoffroy Saint-Hilaire celui de Lutra lutris, de Flemming celui d'Enhydris Stelleri, de Richardson celui d'Enhydra Stelleri; enfin, c'est la Lutra marina, Steller, et la Latax marina, Lesson; l’une de ces variétés est la Lourre pe mer, Cook (Lataæ gracilis, Shaw, Pennant), et l'autre la Latax argentata, Lesson. La Loutre marine vit par couple; la femelle ne met bas qu’un seul petit, après une gestation de huit à neuf mois; sa fourrure, composée principalement de poils laineux, surtout à la partie supérieure du corps, est remarquable par sa douceur, son moelleux et son éclat. Aussi la peau de ces Loutres est-elle très-recherchée dans la Chine et dans le Japon, d’où les Russes et les Anglais en transportent annuellement un grand nombre qui sont immédiatement livrées au commerce des pelleteries. Elle habite non-seulement le Kamtchatka, mais aussi la partie la plus septentrionale de l’'Amé- rique et plusieurs îles; elle se tient le plus souvent sur le bord de la mer, et non pas comme les autres espèces, à portée des eaux douces. 9 SOUS-GENRE. — PTÉRONURE. PTERONURA. Wiegmann, 1858. Archives, t. IV. Mrepey, aile; co54, queue. Une seule espèce entre dans ce sous-genre, c’est la Lutra Standbackii, Gray (Pteronurus Stand- backii, Lesson), propre à l'Amérique septentrionale, et qui est loin d’être encore connue d'une ma- nière suffisante. 5° SOUS-GENRE. — AONYX. AONYX. Lesson, 1827. Manuel de Mammalogie. A privatif; ewË, ongle. Ce sous-genre a été indiqué par Lesson comme genre particulier, et il lui assigne pour caractères: système dentaire et habitude du corps des Loutres proprement dites; pieds de forme distincte et doigts à peine réunis par une membrane; le deuxième doigt paraissant soudé au troisième sur toute la première articulation : étant tous les deux plus allongés que les autres; tous les doigts privés d'ongles ou ayant seulement un vestige dongle rudimentaire aux deuxième et troisième extrémités des membres postérieurs. On n'y range qu'une seule espèce. 2. LOUTRE DU CAP. LUTRA INUNGUIS. Fr. Cuvier CaracrÈres srÉciriQuEs. — Plus grande que la Loutre d'Europe, à laquelle elle ressemble par son pelage, qui est d’un brun châtain, avec l'extrémité du museau et de la gorge blanche. Dans cette espèce, qui est la Lutra Capensis, Rüppel, et l'Aonyx Delalandii, Lesson, les pieds Lesesrar Fig. 1. — Couguard 2 — Dauphin de Risso File re] CARNASSIERS. 281 présentent une particularité très remarquable : les doigts, gros, courts, sont très peu palmés, sur- tout aux membres antérieurs; ils sont de grandeur très-inégale, et les deux plus longs, le deuxième et le troisième, ont leur première phalange réunie; enfin, les ongles manquent partout, si ce n'est toutefois aux deux grands doigts du membre postérieur, où même ils ne sont que rudimentaires. Les membres sont moins allongés et le corps un peu plus raccourci que dans la plupart des espèces; en outre, l'imperfection de la palmature rend cette espèce plus terrestre que les autres. Cependant elle vit à peu près de la même manière que notre Loutre d'Europe, et se nourrit de Poissons et de Crustacés. Elle se trouve aux environs du cap de Bonne-Espérance. 4 SOUS GENRE. — SARICOVIE. SARICOVIA. Lesson, 1842 Nouveau Tableau du Règne animal. Mammifères. Nom spécifique transporté à la subdivision sous-sénérique Il n'entre encore dans ce sous-genre qu'une seule espèce. 3. LOUTRE D'AMÉRIQUE ou SARICOVIENNE. LUTRA BRASILIENSIS. Pay Caracrènes sréciriQues. — Un peu plus grande que notre Loutre d'Europe; son pelage est géné- ralement d'un beau fauve, un peu plus clair sur la tête et le cou, plus foncé vers l'extrémité.des membres et de la queue, avec la gorge et la pointe du museau d'un blanc jaunâtre. Cette espèce a reçu de G. Guvier le nom de Lourre n'Auérique; d Etienne Geoffroy Saint-Hilaire celui de Saricoviëaxe; Gmelin la nomme Mustela Brasiliensis; Ray Lutra Brasiliensis, et enfin Lesson Saricovia Brasiliensis. Une particularité remarquable que présente ect animal, c'est qu'il n’a pas de véritable mufle, et que les narines sont nues sur leurs contours. On n’a pas de détails sur ses mœurs, car ce qu'on en a dit peut aussi bien se rapporter à une es- pèce particulière qu'à la plupart des autres. Gette espèce habite l'Amérique méridionale, surtout le Brésil; elle paraît exister aussi dans le sud de l'Amérique septentrionale. 5€ SOUS-GENRE. — LEPTONYX. LEPTONYX. Lesson, 1842. Nouveaux Tableaux du Règne animal. Mammifères. Aërzes, grêle; 5v%%, ongle Une seule espèce constitue ce sous-genre. 4. LOUTRE BARANG. LUTRA BARANG. Fr. Cuvier. CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage rude, brun sale en dessus, avec la gorge d'un gris brunätre qui se fond avec le brun du reste du corps; poils laineux, d'un gris brun assez sale. Longueur de la tête et du corps, 0,65; de la queue, de 0",18 à 07,20. Cette espèce est la Lutra leptonyx d'Horsfield et la Lutra cinerca 4 Tiger; on croit aussi devoir y réunir le Sinuxc de Raffles, que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire désigne sous la dénomination la- tine de Lutra perspicillata. 27 36 282 HISTOIRE NATURELLE. On ne connaît pas les mœurs de ce Carnivore, mais la gracilité de ses ongles doit faire présumer qu'elle présente quelques particularités plus ou moins distinctes. Le Barang se trouve dans l'Inde, particulièrement dans les îles de Java et de Sumatra. 5° SOUS-GENRE. — LOUTRE PROPREMENT DITE. LUTRA. Linné. Loco citato. Ce sous-genre, type du groupe naturel que nous étudions, renferme encore quatorze espèces, qui toutes ne sont peut-être pas bien caractérisées. Nous n’en décrirons que quelques-unes, et nous nous bornerons à citer les noms des autres. L'Europe n’a qu'une espèce. 9. LOUTRE D'EUROPE. LUTRA VULGARIS. Erxlcben Caracrères sPéciriques. — Pelage en dessus d’un brun foncé, en dessous d’un gris brunâtre avec la gorge et l'extrémité du museau d'un grisâtre clair; la couleur de la gorge se fondant insensible- ment et se nuançant avec celle du dessus du corps. Quelques variations se remarquent dans quel- ques individus. La longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, est de 0,70; et celle de cette dernière de 0m,50 à 07,55. Cette espèce, la mieux connue de toutes, est la Lourne de Buffon et la Mustela lutra de Linné. On y distingue plusieurs variétés, telles que les Roensis, Ogilby et variegata, Fr. Cuvier; cette der- uière caractérisée par de petites taches blanches. La Loutre était connue des anciens, comme on peut le voir par divers passages d'Hérodote et d’Aristote; les Grecs lui donnaient le nom d'Emda (ŒEnydris), ainsi qu'on a pu s’en assurer depuis la découverte de la fameuse mosaique de Palestine. C'est en hiver que la Loutre entre en rut, et elle met bas trois ou quatre petits au mois de mars; ceux-ci, qui restent auprès de leur mère deux ou trois mois au plus, ont acquis toute leur taille et toute leur force à la deuxième année. Get animal vit au bord des étangs, des fleuves et des ruis- seaux, et s'y pratique, entre les rochers ou sous quelques racines, une retraite garnie d'herbes sèches, où il passe presque tout le jour, ne sortant que le soir pour chercher sa nourriture, qui con- siste le plus, souvent en Poissons, en Reptiles aquatiques, en Crustacés, en Vers, etc., et quelque- fois, mais plus rarement, en matière végétale. Sa chair peut se manger en temps de carème; mais elle est peu estimée, parce qu'elle conserve un goût désagréable d'huile grasse. Sa fourrure, employée à divers usages, l’est surtout dans le commerce de la chapellerie, où cependant elle commence à être abandonnée. La chasse à la Loutre est assez compliquée; on cherche toujours à faire arriver l'animal que lon poursuit dans un endroit où il n’y a que peu d'eau, et où l’on peut le saisir plus facilement, tandis qu'on ne peut le faire que très-diflicilement dans un lieu où l'eau est plus haute. En Suisse on a trouvé dans la molasse des débris fossiles de la Loutre d'Europe. Cette espèce se trouve répandue dans toute l'Europe; aujourd'hui elle est assez rare en France. On n'a signalé qu'une seule espèce propre à lP’Afrique, la Lutra Poensis, Waterhouse, de Fer- nando-Po. En Asie, on connait trois espèces : les Lutra Indica, Gray, des Indes orientales; Lutra Chinen- sis, Gray, de Chine, et: CARNASSIERS. 985 6. LOUTRE NIRNAIER. LUTRA NAIR. Fr. Cuvier. Caracrères srécrriques. — Pelage d’un châtain foncé en dessus, plus clair sur les côtés du corps, d'un bleu roussâtre en dessous, sur la gorge, les côtés de la tête, du cou et le tour des lèvres. Le bout du museau est roussätre, et deux taches à peu près de la même couleur, placées l'une au-des- sus de l'autre, se remarquent en dessous de l'œil. Longueur de la tête et du corps 0", 75; de la queue, Om, 45. Cette espèce provient de Pondichéry. L'Amérique, plus riche que les autres parties du monde, renfermerait neuf espèces GE ce genre si elles doivent être toutes admises. Les principales sont : 7. LOUTRE DE LA GUYANE. LUTRA ENHYDRIS. Fr. Cuvier. Caracrères spéciriQuEs. — Pelage d’un brun très-clair surtout en dessous, avec la gorge et les côtés de la face presque blancs. Longueur de la tête et du corps, 0,65; de la queue, 0,35. Habite la Guyane. 8. LOUTRE DE LA TRINITE. LUTRA INSULARIS. Fr. Cuvier. CaracrÈREes srÉciFiques. — Pelage composé de poils très-courts, lisses, d’un brun clair en dessus, blane jaunâtre en dessous, ainsi que les côtés de la tête, la gorge et la poitrine. Longueur de la tête et du corps, 0,75; de la queue, 0,50. Un individu de cette espèce a été envoyé de l'ile de la Trinité par M. Robin. 9. LOUTRE DE LA CAROLINE. LUTRA LATAXIMA. Fr. Cuvicr. Caracrères spÉcIFIQUES. — Pelage d'un brun noirâtre en dessus, d’un brun moins foncé en des- sous, avec la gorge, l'extrémité du museau et les côtés de la tête grisätres. Se trouve à la Caroline et constitue une espèce bien distincte. 10. LOUTRE DU CANADA. LUTRA CANADENSIS. Sabine. CaracrèRes sréciriques. — Tête osseuse ressemblant beaucoup à celle de la Loutre commune, dont elle diffère cependant à certains égards, et surtout en ce que, vue de profil, elle suit une ligne plus inclinée, surtout dans sa partie antéricure. Cette Loutre, qui se rencontre au Canada, est désignée par Harlan sous la dénomination de Lutra Brasiliensis, qui a été souvent adoptée. Les autres espèces sont : la Lourre pu Pérou, Lutra Peruviensis, P. Gervais, fondée sur une portion de crâne trouvée à San-Lorenzo au Pérou; la Lutra Platensis, Waterhouse, de la Plata; la Lutra Paroensis, Renyger, découverte au Paraguay; la Lutra Chilensis, Bennett, ou Lutra felina, Shaw et la Mustela felina, Molina, du Chili, et la Lutra Californiæ, Gray, de Californie. 284 HISTOIRE NATURELLE. be GENRE. — BASSARIDE. BASSARIS. Lichtenstein, 1831. In Wagner, Isis. Bzcozss, Renard. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À; canines, 1='; moluires, ?, en totalité quarante dents: les inci- sives el les molaires ne présentent rien de remarquable; les molaires se subdivisent en haut et de chaque côté en trois fausses molaires, une carnassière el deux tuberculeuses, et en bas en quatre fausses molaires, une carnassière eL'une tuberculeuse; ce sont les nombres qu'on trouve le plus ordi- naironent chez les Viverras, et les formes de ces diverses dents se rapprochent aussi beaucoup de celles que l'on voit chez la plupart de ces derniers. Tête assez effilée. Langue douce. Corps allongé, porté sur «tes membres courts, ce qui le rapproche de celui des Mustéliens. Doigts au nombre de cinq à toutes les extrémités. Ongles fortement arqués. Queue très lonçue. Pas de poche odoriférante. Fig. 86. — Bassaride rasée. M. Lichtenstein a indiqué ce genre en 1831 dans le journal l’fsis, et l’a depuis décrit dans son Sacugthiere, liv. IX, en 1854; et, depuis, M. Paul Gervais l'a fait plus complétement connaître dans la partie zoologique du voyage de la Bonite, de MM. Eydoux et Souleyet. Il est fondé sur une es- pèce de Digitigrade découverte au Mexique, retrouvée depuis en Californie, et dont la place n'est pas positivement indiquée dans la série des Carnivores. C'est ainsi qu'il est considéré par M. Water- house (Proceed. zool. Society of London, 1859) comme appartenaut au groupe générique des Ursus de Liuné, par De Blainville, dans un Mémoire présenté à l'Académie des sciences (Comptes-rendus, 1837), par M. Isicore Geoffroy Saint-Hilaire, dans ses cours ainsi que dans le Dictionnaire univer- sel d'Histoire naturelle, 1842 et par M. Paul Gervais (Zoologie de {a Bonite, 1841) comme un Vi- verra; enfin par De Blainville (Ostéographie et Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 1842 comme un Mustelu. Le Bassaride doit être éloigné de la tribu des Ursiens; mais il semble présenter des caractères communs aux Mustéliens et aux Viverriens, et vient lier intimement ces deux tribus ensemble. C’est ainsi que, par la forme générale de son corps et la hauteur peu considérable de ses membres, il se rapproche beaucoup des premiers, tandis que son système dentaire est presque sem- blable à ceux des seconds. D’après cela, on comprend qu'il est à peu près indifférent de placer les Passarides, soit à la fin des Mustéliens, soit au commencement des Viverriens; nous les laisserons avec les Mustelas de Linné, parce que cette tribu renferme déjà un assez grand nombre d'espèces CARNASSIERS. 285 américaines, tandis que les Viverras n'en possèdent pas encore; toutefois nous conviendrons avec M. Isidore Gcoffroy Saint-Hilaire qu’ils offrent de grands points de ressemblance avec les Galidies et Galidictis. Les Bassarides ne sont pas encore suffisamment connus; leur ostéologie a été étudiée avec soin par De Blainville. Par sa forme générale, le squelette ressemble davantage à celui d'un Viverra qu'à celui d’un Mustela, et cela à cause de la longueur de la tête et de la queue. Le nombre total des ver- tèbres n’est cependant que de cinquante-quatre, savoir : quatre céphaliques, sept cervicales, treize dorsales, six lombaires, trois sacrées et vingt-deux coccygiennes. Les vertèbres céphaliques et leurs appendices constituent une tête assez longue, assez étroite, moins large dans la partie cérébro-tem- porale, et au coutraire plus étroite, plus eflilée, moins obtuse, dans la partie faciale que dans les Martes. Du reste, l'orbite est assez grande et pourvue d'une apophyse très-marquée. La caisse est plus étroite; le canal auditif plus court et plus ouvert; le palais plus étroit, moins prolongé, dépassant à peine la dernière molaire; la mandibule est surtout plus longue, plus étroite, plus courbée, avec son apophyse angulaire plus prononcée, plus en crochet, et il n'y a qu'un seul trou mentonnier. Les vertèbres cervicales sont plus allongées et forment ainsi un cou plus long, et elles ont en général leurs apophyses plus étroites. Dans les vertèbres dorsales l’apophyse épineuse des dix premières est dirigée en arrière, et celle des deux dernières seulement l’est en avant. Les vertè- bres lombaires sont, au contraire, assez longues, ce qui donne aux lombes une étendue considé- rable; elles sont hérissées d’apophyses très-prononcées, fortement inclinées en avant. Les vertèbres sacrées sont courtes, étroites, très-distinctes par leur apophyse épineuse, assez griles et antéro- verses. Quant aux vertèbres coccygiennes, après les cinq ou six premières, les autres sont longues eteflilées, décroissant graduellement de manière à produire une queue longue, grêle, très-pointue. L'hyoide a son corps court, proportionnellement assez large; ses deux grandes cornes ont les deux premiers articles longs, très-grêles. Le sternum est court, composé de neuf pièces; le manubrium en forme de poignard et le xiphoïde assez long, spatulé. Les côtes sont au nombre de treize paires, aussi grêles, aussi étroites que dans les Fouines, et peut-être même encore plus courtes, propor- tionnellement aux cartilages; la dernière est surtout remarquable par sa grande brièveté et par son peu de courbure. Le thorax se distingue de celui des Martes par moins de longueur et par une forme conique. Les membres sont assez bien dans les proportions ordinaires. Les antérieurs sont dépourvus de clavicule osseuse; l’omoplate est triangulaire, médiocrement large; l'humérus est long, médiocrement courbé et percé au condyle interne par un canal très-oblique, très-étroit; le radius et le cubitus sont faibles, peu arqués, serrés, assez longs; la main est plus courte que le radius, surtout par suite de la brièveté de la deuxième rangée des os du carpe et par celle des métacarpiens, dont les troisième et quatrième sont presque égaux; les phalanges, particulièrement les premières, sont proportionnellement plus longues; les onguéales sont cependant petites et remarquables par leur forme amincie, courte, à peine arquée et presque dépourvue de gaines à la base. Aux mem- bres postérieurs : l'os innominé ressemble complétement à celui de la Fouine; le fémur est dans le même cas, quoique proportionnellement plus court, étant à peine plus long que l'humérus; les deux os de la jambe sont légèrement plus arqués que dans la Fouine; le pied est un peu p'us court que dans cet animal, n’excédant que de peu la longueur du tibia; il est, du reste, assez étroit, et le moins de longueur ne s’observe guère que dans le tarse et le métatarse, car les phalanges sont, comme à la main, assez allongées, sauf les dernières, qui sont encore plus courtes et plus droites. La rotule est ovale, mince, courbée, presque symétrique. Los du pénis est encore plus long que dans les Martes; courbé dans deux sens opposés et élargi fortement à la base, se rétrécissant gra- duellement jusqu'à sa terminaison, qui est élargie et comme tronquéc; ce dernier caractère les rap- proche des Mustéliens, chez lesquels cet os est également très développé, tandis qu'il s'éloigne des Viverriens, chez lesquels il est très-peu développé quand il existe. Le système dentaire, d'après De Blainville, offre une molaire de plus que les Martes, et par là se lie à celui des Viverriens, dont il se rapproche aussi un peu par sa forme générale. Les incisi- ves sont toujours dans une disposition parfaitement transversale en haut comme en bas, la deuxième de celles-ci étant un peu plus rentrée que les autres. Les canines sont en général plus grèles et plus aiguës que dans les autres Mustéliens. Les avant-molaires ne différent guère que par un peu plus d'unité à celles d'en haut et de crénelure au bord postérieur à celles d'en bas. La principale supé- 286 UISTOIRE NATURELLE. rieure est moins Inéquifatéralement triquètre et moins carnassière à son bord externe que dans la Fouine; aussi son talon interne est-il plus large, un peu bilobé, et l'inférieure encore presque sem- blable à la troisième avant-molaire : la taille est plus grande. Les deux arrière-molaires supérieures offrent le caractère de leurs analogues dans les Viverras; la postérieure est seulement plus petite que l'antérieure. Les deux arrière-molaires d'en bas sont aussi plus insectivores que dans les Mustélas. Deux particularités organiques que présentent ces animaux et que nous devons citer ont été in- diquées par M. Paul Gervais : il n'existe pas de poche odoriférante, mais il ÿ a à l'extrémité de l'in- testin une petite plaque crypteuse, à la surface de laquelle débouchent les deux conduits des glandes anales. Les mœurs des Bassarides ne sont pas connues; toutefois, par l'ensemble de leur caractère, on doit supposer que ces animaux sont carnassiers. On n'en connaît qu'une seule espèce. BASSARIDE RUSÉE. BASSARIS ASTUTA. Lichtenstemn. CaRaCTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage généralement d'un gris fauve, dont la nuance uniforme est re- levée par la coloration remarquable de la queue, qui offre en dessous huit anneaux noirâtres, in- complets. De la taille de la Marte commune. Cette espèce se trouve au Mexique et en Californie : on ne l’a encore que rarement observée, et il serait à désirer qu'on la fit connaître plus parfaitement qu'elle ne l'est jusqu'ici. DEUXIÈME TRIBU. VIVERRIENS. VIVERRII. Isidore Geoffroy Saint Hilaire. Molaires alternes à couronnes au moins en partie tranchantes. Deux tuberculeuses à la mâchoire supérieure, et une seule à l'inféricure. Circonvolutions cérébrales assez développées. Corps allongé, un peu moins vermiforme que dans les Mustéliens. Membres courts ou moyens, à extrémités non empêtrées. Marche semi-plantigrade ou digitigrade. En 1755, dans la première édition de son Systema nature, Linné a créé, sous le nom de Vi- verra, un genre de Carnassiers, qui, depuis, devenu assez nombreux en espèces, a été considéré comme une famille distincte comprenant un assez grand nombre de coupes génériques particulières, tandis que la dénomination latine de Viverra a été spécialement laissée au genre des Civettes. Cette famille est celle des Viverridæ de M. Waterhouse; Viverrinæ, Swainson; Viverriens, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et Viverra, d'après De Blainville, qui a voulu conserver la dénomination linnéenne, tout en adoptant quelques groupes secondaires que ne connaissait pas l'illustre naturaliste suédois. Les Viverriens, qui suivent immédiatement les Mustéliens dans toutes les méthodes véritablement naturelles de mammalogie, où le système dentaire seul n’a pas été pris en unique considération, comprennent un assez grand nombre d'espèces de Carnassiers, en général d'assez grande taille, quoique encore assez médiocre, dont le corps en totalité est plus allongé que celui des Mustéliens, non pas dans le tronc lui-même, mais essentiellement dans la tête, et surtout dans la partie coccy- gienne, qui est toujours très-longue; dont les membres sont un peu plus élevés, moins distants, les tarses plus étroits, plus longs, moins nus, si ce n'est dans les Paradoxures, presque complétement plautigrades, et dont les doigts, en général plus courts, sont encore au nombre de einq à chaque CARNASSIERS. 287 extrémité, excepté une ou deux anomalies, mais dont le pouce est souvent assez court pour dispa- raitre entièrement dans une où deux espèces, et dont les ongles aigus, arqués, sont encore plus semi-rétractiles que dans les Mustéliens, dont le système de coloration, très-rarement uniforme, tou- jours plus clair en dessous qu'en dessus, finit par être annelé et tacheté comme dans la plupart des Chats, dont enfin le système dentaire est presque toujours plus complet, c’est-à-dire qu'outre les trois incisives et les canines, comme dans tous les Carnassiers, la deuxième incisive d'en bas est bien moins rentrée que dans les Mustelas; les molaires sont presque toujours, si ce n’est dans quelques espèces, au nombre de six en haut comme en bas, savoir : trois avant-molaires, une principale et deux arrière-molaires. On peut ajouter que les Viverriens sont en général plus insecti- vores, moins carnassiers que les Mustéliens, parce qu'en effet plusieurs espèces de la section des Paradoxures plantigrades ont les molaires presque aussi tuberculeuses que celles des Subursi, au point que, sous ce dernier rapport, on pourrait très-bien rapprocher ces animaux. Outre ces caractères généraux, nous dirons encore que les Viverriens n'ont pas plus de clavicules que les Mustéliens; que l'humérus, presque toujours percé au condyle interne, l'est quelquefois aussi au dessus de la trochlée, que le canal intestinal est constamment pourvu d’un cœcum très-court au point de jonction de ces deux parties principales, et qu'à sa terminaison il y a toujours des glandes odoriférantes de formes un peu variables et souvent très-considérables. Ces animaux sont essentiellement carnassiers, et leurs mœurs sont assez bien intermédiaires à celles des Mustéliens et des Féliens, ne s’engourdissant pas pendant l'hiver, marchant moins en rampant, montant où grimpant aux arbres pour prendre les petits Mammifères ou les petits Oiseaux qui s’y réfugient, et surtout leurs œufs, dont ils sont, en général, très-friands. Le nombre des espèces de cette tribu est assez considérable, et ces espèces se trouvent répandues presque dans toutes les parties du monde, sauf en Amérique; et encore il y en aurait un représen- tant si l’on plaçait dans le même groupe le genre Bassaride, ainsi que le fait M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. On en connait aussi quelques espèces à l’état fossile. Quant à l’ordre sérial dans lequel les animaux de cette tribu doivent être répartis, nous dirons que De Blainville, dans son Ostéographie, après avoir choisi pour type la Givette proprement dite comme étant à la fois la plus commune et la plus complétement connue, et prenant principalement en considération le système de coloration qui, d’uniforme, devient de plus en plus varié et finit par être tacheté et annelé comme dans les Chats, établit la série spécifique des Mangoustes aux Genettes en passant des groupes qui ont le plus de rapport avec les Martes et les Loutres à ceux qui en ont également plus où moins avec les Chats considérés d'une manière générale. Dans sa classification, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, donnant aux Viverriens une autre place dans la série des Mammifères que ne le fait De Blainville, a dû aussi disposer autrement les genres; c’est ainsi que pour lui cette tribu est rangée entre les Mustéliens et les Caniens; les genres génériques qu'il y admet sont au nombre de quinze, savoir: les Ictides, Paradoxures, Hémigales, Gynogales, Mangoustes, Crossarques, Galidies, Galidictis, Suricates, Aiïlures, Civettes, Genettes, Bassarides, Ichneumonies et Cynictis. Sans adopter entièrement cette dernière méthode, puisque nous avons déjà rangé dans d’autres tribus plusieurs des groupes qu’elle renferme, et que nous y indiquions quelques autres genres, nous les suivrons en grande partie dans cet ouvrage. 1 GENRE. — PARADOXURE. PARADOXURUS. Fr. Cuvier, 1821. Mammifères de la Ménagerie du Muséum, livr. xxiv®. MaoxdcËo:, inattendu; cup, queue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 5; canines, =; molaires, Ê; en totalité quarante dents; les inci- sives sont plus terminales que dans les Civettes, en ligne droite; les canines sont plus comprümées, plus sensiblement striées. À la mâchoire supérieure, il y a de chaque côté deux fausses molaires et 288 HISTOIRE NATURELLE. quatre tuberculeuses, et à la mâchoire inférieure quatre fausses molaires ct seulement deux tuber- culeuses; la face interne de la première tuberculeuse diffère de celle des Civettes, Gencettes et Man- goustes en ce qu'elle est aussi large que la face externe, et qu'elle est transformée en une crête qui a la forme d'une portion de cercle; quelques légères différences se remarquent également dans la première tubereuleuse supéricure. Tête assez allongée et assez semblable à celle des Civeues. OËil à pupille allongée, avec une troisième paupière qui peut entièrement recouvrir le globe. Mufle séparé en deux par un sillon profond qui se prolonge jusqu'à l'extrémité de la lèvre supé- rieure. Narines semblables à celles des Chiens. Marche entièrement plantigrade, et dès lors présentant une différence avec la plupart des ani- maux de la sous-famille des Digitigrades. Doigts au nombre de cinq à toutes les extrémités. Ongles minces, crochus, très-aiqus, presque aussi rétractiles que ceux des Chats, garnis en des- sous à leur extrémité d'un bourrelet qui ne permet pas à l'ongle de toucher la terre, et qui semble être le siége d'un toucher très-délicat. Plantes des pieds et paumes des mains présentant en dessous, à l'origine des doigts, quatre tu- bercüles charnus, revêlus d'une peau fine de même nature que celle des bourrelets des ongles; les tubercules des côtés se prolongeant ct se réunissant au talon et au poignet. Queuc droite, légèrement contournce, non prenante. Fig. 87. — Paradoxure type. Ce genre à été créé par Fr. Guvier pour une espèce placée précédemment dans le groupe naturel des Viverra. L'individu qui avait servi de type pour la création de la division des Paradoxures avait de son vivant une anomalie monstrueuse, la queue tortillée, et c’est ce qui a fait dire que ces ani- maux avaient la queue enroulée sur elle-même et tordue vers son extrémité. Le nom que ces Carni- vores portent leur a été donné pour cette particularité, qui, d’après ce que nous avons dit d'après MM. Temminck e: De Blainville, n'existe réellement pas. Une fois placées dans ce genre, plusieurs espèces, d'après quelques différences surtout remarquables dans le système dentaire, servirent plus tard à former diverses subdivisions distinctes telles que celles des Amblyodon, Hémigale, letide, Cymogale, Pagume, Cynicte, ete.; et, malgré ces nombreuses réductions, on connait encore une di- zaine d'espèces de Paradoxures, qui toutes sont surtout caractérisées par leurs dispositions générales de Viverras ou Civettes, avec une démarche franchement plantigrade. Fr. Guvier, dans son ouvrage sur les Dents des Mammifères, publié en 1825, a donné en même temps la description de l'odontologie des Givettes, Mangoustes, Genettes et Paradoxures, parce qu'il la regarde comme étant entièrement identique. Mais, aujourd’hui qu'on a étudié davantage cette par- tie de l'organisme, on à pu non-seulement distinguer sous le même point de vue les Paradoxures des autres animaux qui en sont les plus voisins, mais encore y distinguer la plupart des subdivi- CARNASSIERS. 989 sions secondaires que nous avons précédemment indiquées. D'après De Blainville, ces animaux, par leur système dentaire, sont les moins carnassiers et les plus omnivores de Ja tribu des Viverriens. Toutefois, le nombre des dents est le même que chez les Civettes. Les incisives sont cepen- dant un peu plus terminales en ligne droite. Les canines sont plus comprimées, plus carénées, moins arrondies, et même plus sensiblement striées, ce qui est assez bien comme dans plusieurs espèces de Petits-Ours. Les trois avant-molaires d’en haut comme celles d'en bas sont un peu plus serrées et surtout plus larges à la base, plus comiprimées, plus tranchantes, avec le tubercule du bord postérieur de la troisième à peine indiqué. La principale d'en haut est de même forme que dans la Civette, mais un peu plus petite proportionnellement dans sa partie externe, au contraire du talon interne, plus large et relevé d'un mamelon. Celle d'en bas est au contraire moins comprimée, moins simple; elle est en effet composée d’une partie antérieure à trois pointes, l’externe postérieure la plus haute, et d'un talon relevé au bord externe et à l'interne d’un denticule, en sorte qu'elle res- semble un peu à une carnassière inférieure. Les deux arrière-molaires supérieures sont en général plus rondes, plus disproportionnées entre elles. La première de beaucoup la plus grosse, ovale ou mieux un peu parallélogrammique à la couronne, en biseau bidenté au bord externe et en talon ar- rondi, un peu relevé sur son bord, à l’interne. La deuxième, très-petite, presque ronde, relevée d'un denticule à la partie antérieure du bord externe. Quant aux deux arrière-molaires inférieures, elles sont presque tout à fait comme dans les Civettes, seulement avec les pointes moins élevées, surtout les trois antérieures de la première. En résumé, ce système dentaire, qui est spécialement celui du Paradoxure type, est plus carnassier dans les avant-molaires et même dans les principales que dans les autres Viverriens, et il l'est moins dans les arrière-molaires; toutefois il l'est encore plus que dans les Petits-Ours, dont toutes les molaires sont constamment plus épaisses, surtout la principale, aussi bien en haut qu'en bas. L’ostéologie des Paradoxures, et principalement celle du Paradoxæurus typus, a été étudiée avec soin par De Blainville dans son Ostéographie des Viverras. L'ensemble du squelette indique un animal plus allongé, plus vermiforme que la Civette, et cela surtout par la longueur de la queue. Le nombre total des vertèbres est de soixante-six, savoir : quatre céphaliques, sept cervicales, treize dorsales, sept lombaires, trois sacrées et trente-deux coccygiennes. Les vertèbres céphaliques, dans leur en- semble et dans presque toutes leurs parties, n’offrent réellement que des différences spécifiques, si ce n'est peut-être, dans la tête en général, un étranglement post-orbitaire plus prononcé, un front un peu plus large, des apophyses post-orbitaires plus saillantes, ce qui rend le cadre de l'orbite légère- ment moins incomplet que dans les Viverras proprement dits. Les vertèbres cervicales offrent plus de dissemblance que celles de la tête, du moins sousle rapport des apophyses épineuses des quatre der- nières, qui sont assez élevées, bien plus que dans la Civette et que dans la Mouine, mais grêles, pointues et spiniformes; la dernière inclinée en avant et bien plus longue. L'atlas a, au contraire, ses apophyses transverses plus courtes, plus arrondies, et l’axis a son apophyse épineuse moins sail- lante en avant. Les vertèbres dorsales ont également leur apophyse épineuse assez élevée, du moins dans les premières. Les vertèbres lombaires sont assez semblables à celles des Viverras. Le sacrum a sa dernière vertèbre à peine soudée aux autres, et la première seule articulée au bassin. Les six premières vertebres coceygiennes ont des apophyses transverses; au delà elles croissent d'abord et décroissent ensuite très-lentement, ce qui est un caractère de préhension; les dernières devenant cependant d’une assez grande ténuité. Le sternum, composé de huit pièces, est en tout semblable à celui des Civettes; il en est de même de l'hyoïde. Il y a treize paires de côtes : huit asternales et cinq sternales; toutes sont à peu près égales. Les os des membres ressemblent plus à ceux des Pe- tits-Ours qu'à ceux des Viverriens considérés d’une manière générale. L'omoplate est plus large que dans la Civette; sa forme rappelle celle de l'Ours pour la grandeur, la largeur de la fosse sus-épi- neuse, la forme du bord antérieur, ete.; le bord postérieur, au contraire, est presque droit. Il n'y a pas de trace de elavicule. L'humérus est assez semblable à celui de la Civette; il y a proportionnelle- ment moins de longueur; les os de l’avant-bras sont assez analogues à ceux des Mustéliens. Le ra- dius est d’un quart moins long que l'humérus. Les os de la main sont courts; parmi les os du carpe, le pyramidal est petit et le pisiforme comprimé; le trapèze est plus petit que l’unciforme; les métacarpiens sont d’une brièveté proportionnelle remarquable, très-renflés à leur extrémité; celui du pouce seulement est un peu plus court que le cinquième, et le deuxième est le plus gros 28 37 990 HISTOIRE NATURELLE. de tous; les premières phalanges sont arquées et élargies vers leur tiers externe; les deuxièmes sont droites et les troisièmes plus comprimées, plus hautes, en un mot plus en griffes. L’os inno- miné, au membre postérieur, est court, fortement élargi en arrière, et du reste assez bien dans les mêmes proportions que dans les Civettes. Le fémur est proportionnellement un peu moins long que dans les Martes, plus déprimé dans son corps et même dans son extrémité tibiale. Le tibia et le pé- roné ressemblent plus à ceux des Civettes qu'à ceux des Mustelas. Le pied, quoiqu'à peine plus court que le tibia, est assez élargi par la disposition des os du métatarse; la poulie tibiale de l’as- tragale est large. Le calcanéum à son apophyse élargie à son extrémité, et en tête de elou arrondie. Le cuboïde est court, ramassé, ainsi que les trois os cunéiformes. Les métatarsiens sont grêles, ra- massés. Les phalanges ressemblent beaucoup à celles de la main; les troisièmes seulement plus longues, plus élevées, plus minces et plus rétractiles. L'os sésamoïde du membre antérieur, qui se développe dans le tendon du long abducteur du pouce, est médiocre, triquêtre, tandis que dans des groupes voisins il présente quelques différences; c’est ainsi qu’il est arrondi dans le Gynogale, et nul dans l'Hémigale, où il semble remplacé par une saillie du scaphoïde. La rotule, de force mé- diocre, ne présente guère de différence avec celle des Givettes que dans les proportions de ses deux diamètres. L’os du pénis ne se trouve pas dans le Paradoxure type, et on ne le rencontre pas non plus dans le Cynogale. Quelques différences plus ou moins caractéristiques se remarquent dans le système ostéologique de diverses espèces propres à ce genre ou qui y entraient anciennement, et sont devenues depuis les types de groupes plus ou moins distincts. C’est ainsi que dans les Am- blyodon, c'est-à-dire dans le Paradoxæurus leucomystax, les apophyses post-orbitaires du crâne sont moins prononcées; au contraire, elles le sont beaucoup dans le P. Bondar. Le squelette du P. mu- sanga ne diffère en rien de celui du P. typus; celui du P. Derbyanus, qui est le type du genre Hemigale, diffère un peu plus, d'abord dans le nombre des vertèbres caudales, qui est de vingt-six, et ensuite parce qu'il est plus grêle dans toutes ses parties, et surtout dans les os longs des membres qui sont un peu plus élevés, et, en outre, par divers autres caractères moins importants. Quelques autres caractères anatomiques, propres au Paradoxure type, ont été signalées par Fr. Cuvier. La langue est longue, étroite, mince et couverte de papilles cornées, globuleuses à leur base et terminées par uve pointe crochue, grêle; elle présente des tubercules arrondis, recouverts d'une peau très-douce, et sa partie postérieure est garnie de cinq glandes à calice. L'oreille a sa conque externe arrondie, avec une profonde échancrure à son bord postérieur, recouverte par un large lobe analogue à celui qui se voit sur l'oreille des Chiens; toute la partie interne est garnie de tubercules très-compliqués dans leurs formes, et l’orifice du canal est recouvert d’une sorte de val- vule. Les mamelles sont au nombre de trois de chaque côté, une pectorale et deux abdominales. On ne connait pasles mœurs des Paradoxures à l’état de liberté, et l’on ne sait pas d’une manière posi- tive quelle est leur nourriture. Cependant. de la forme verticale de leurs pupilles on peut induire qu'ils ont des habitudes nocturnes, qu'ils passent le jour cachés dans les retraites qu'ils se creusent, et qu'ils vont la nuit pourvoir à leurs besoins; d'après leur système de dentition, analogue à celui des Civettes et des Genettes, on peut supposer qu'ils prennent la même nourriture qu'eux, et que conséquem- ment ils vont à la recherche des petits animaux qu'ils peuvent atteindre, et dont ils font leur proie. Une des particularités les plus remarquables que présentent ces Carnivores consiste dans leur dé- marche, qui est franchement plantigrade, quoique par tous leurs autres caractères, et particulière- ment par la forme de leur corps, ce sont des animaux qui se rapportent à la sous-famille des Digi- tigrades. La taille des Paradoxures est médiocre; leur pelage se compose de poils laineux et de poils soyeux; ces derniers étant moins nombreux que les autres. De longues moustaches garnissent les côtés de la lèvre supérieure et le dessus des yeux. Toutes les espèces du genre des Paradoxures sont loin d’être connues d’une manière suffisante, et les zoologistes ne sont même pas d'accord sur le nombre qu'on doit en admettre, ni même sur celui des groupes génériques que l’on doit y former. Ces animaux se trouvent sur quelques points de l'Asie et de la Malaisie; c’est à Java que l'on en rencontre le plus grand nombre. L'Inde conti- nentale fournit l'espèce type; on en a indiqué une espèce d'Afrique, mais elle ne doit pas rester dans ce groupe naturel, et forme celui des Cryptoprocta, Bennett. Pour ne pas augmenter inutilement le nombre des subdivisions génériques, nous laisserons dans ce genre naturel plusieurs des groupes qu'on en à distingués, tels que ceux indiqués sous les dénominations de Cynogale, Owen; Amblyo- g. 2 — Squelette du Phoque. DS CARNASSIERS. 991 don, Jourdan, et Pagumua, Gray; et nous ne les considérerons que comme des sous-genres, tout en reconnaissant que, plus complétement étudiés, ils devront probablement plus tard avoir le rang de véritables genres. D'après cela, nous placerons dans ce grand genre naturel treize espèces. 17 SOUS-GENRE. — PARADOXURE. PARADOXURUS. Fr. Cuvier La presque majorité des caractères que nous avons indiqués déjà se rapportent entiérement à ce sous-genre, principalement ceux tirés des systèmes ostéologique et odontologique. Nous ajouterons seulement que les espèces placées dans cette division étaient, au moins celles alors connues, placées dans le genre Civette (Viverra), et qu'Otto (Nova Acta naturæ Curiosorum Bonn., tome XVI, deuxième partie) applique à ce sous-genre le nom de Platyschista (rrazvs, large; oysozce, séparé), qui n'a généralement pas été adopté. Les dix espèces placées dans ce groupe sont propres à l'Asie et à la Malaisie; ce sont les : 1. POUGOUNÉ ou PARADOXURE TYPE. PARADOXURUS TYPUS. Fe. Cuvier CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Sa couleur est d’un noir Jaunâtre, c'est-à-dire que, vu de côté, et de manière à n'apercevoir que l'extrémité des poils, l'animal paraît noirâtre, tandis que, regardé de face, et de manière à voir jusqu'à la peau, il semble jaunätre. Sur ce fond général se trouvent trois rangées de taches noirâtres de chaque côté de l'épine, et d’autres éparses sur les cuisses et les épaules, et qui disparaissent sur le fond noir ou forment de simples bandes. La tête est noire jaunâtre, pâlis- sant vers le museau, et l’on voit une tache blanche au-dessus de l'œil et une au-dessous. L’oreille est noire, excepté le milieu de sa face interne, qui est couleur de chair, et son bord externe, qui a un liséré blanc. Les membres sont noirs, -mais la peau des tubercules qui se trouvent sous les doigts est de couleur de chair. La queue est noïre dans la deuxième moitié de sa longueur; elle est de la couleur du corps dans l'autre moitié. Sa longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, est de Om,50; celle de la queue de 0,45, et la hauteur de l'animal est de 0,95 Buffon a décrit comme une légère variété de la Genette de France un animal qu'on montrait, en 1772, à la foire Saint-Germain, et qu'on nourrissait seulement avec de la viande; la patrie de cet animal était inconnue, et c’est par erreur que Buffon la regardait comme identique avec la Genette de France; de même que c’est par suite d’une nouvelle erreur que, dans les Suppléments de son illustre ouvrage, il l'indiqua sous la dénomination de Genette du cap de Bonne-Espérance. G. Cu- vier, le premier, reconnut que ce Garnivore était le Pougouné des Indes orientales, et un individu de la même espèce que Fr. Cuvier eut ensuite occasion d'étudier vint lui fournir les traits distinctifs nécessaires pour le séparer non-seulement de la Genette de France, mais même pour en faire le type d'un genre particulier, celui des Paradoæurus. Outre les noms que Buffon appliquait à tort à cette espèce, elle en porte un assezgrand nombre d'au- tres qui lui ont été appliqués en raison des variations de pelage qu'elle peut éprouver. C'est le Pa- RADOXURE TYPE, Paradoxurus typus, Fr. Guvier; le Poucouxé ou Marre pes pazxiers, Leschenault; Viverra genetta et Musanc sapucor, Raflles; Viverra nigra, À. G. Desmarest; Viverra hermaphro- dita, Pallas; Platyschista Pallasü, Otto; Paradoxurus Pallasü, Gray; Paradoxurus albifrons, Leister, etc. Cet animal habite les lieux plantés d'arbres et dans lesquels se rencontrent des broussailles. Ses mœurs ne nous sont pas connues à l’état de liberté; mais, en captivité, on sait qu'il se nourrit de chair, et que ses mouvements sont très-vifs. Il habite l'Inde continentale, Pondichéry et Bombay, et se trouve aussi assez communément dans l'ile de Java. 292 HISTOIRE NATURELLE. 2. MUSANGA ou BULAN. PARADOXURUS MUSANGA. Temminck CanacTÈREs SPÉGIFIQUES. — lPelage d'un fauve obscur mêlé de noir; la queue étant de la même cou- leur, excepté le bout, dans la longueur de 0",05 à 0,06, qui est blanc, l'espace qui sépare l'œil de l'oreille est blanc, et une tache blanche se remarque sur l'oreille. Les narines sont séparées par un sillon profond. Sa taille est celle du Chat ordinaire; la longueur de son corps est à peu près égale à celle de sa queue. Il se trouve à Java, Sumatra, Bornéo, Timor, Siam, et probablement à Malacca. Il semble exelu- sivement propre aux pays de plaines. C’est le Viverra musanga, Marsden, Horstield; Viverra fas- ciuta, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; Viverra Gceoffroyi, Fischer; Purois rayé De L'Inne, Buffon; Cuar SAUVAGE A BANDES NOIES, Sonncrat; Paradoæurus dubius, Gray; Paradoæurus Crassii, Harday, Gray, ete. L'avani-dernier no: donné pour un jeune âge de cette espèce, et le dernier pour une variété assez distincte. Les autres espèces de ce sous-genre que nous nous bornerons seulement à citer sont : 1° le Para- doæurus Bondar, Gray, qui a été successivement placé dans les genres Genette et Givette, et qui à été désigné sous les noms de Paradoæurus Pennantii, Gray, et hirsutus, Hogdson. Il provient du Bengale et du Népaul, et se distingue particulièrement par la disposition de son système dentaire, qui est en général composé de dents plus petites. et par ses arrière-molaires, dont les tubereules sont plus courts et plus abaissés; 2° le P. trivirgatus, Gray, qui se trouve dans les montagnes de Java et de Sumatra; 3° le P. binotatus, Gray, de l'Inde continentale; 4° le P. leucopus. Ogilby, des Indes orientales; 5° le P. Finloysont, Gray, de Siam; 6° le P. prehensilis, Temminck, des Indes orientales; 7° le P. Nepalensis, Hodgson, du Népaul; et 8° le P. Hamiltonu, Gray, qui proviendrait de l'Afrique, et qui, par son système dentaire, décrit avee soin par De Blainville dans son Ostéogra- phie des Viverras, diffère beaucoup des autres Paradoxures. et doit constituer très-probablement un groupe générique distinct assez voisin de celui des Civettes. Le nombre des molaires est de six de cha- que côté des deux mâchoires, mais souvent il n’y en a que cinq supérieurement. Les incisives sont presque égales, très-petites; les canines gréles, un peu comprimées, non carénées. Les trois avant- molaires d'en haut sont biradiculées, triangulaires, assez tranchantes, avee un dentieule au milieu du bord postérieur des deux dernières : celles d'en bas sont également larges et tranchantes, avec le talon en avant comme en arrière, mais sans denticule. Des deux arrière-molaires d'en haut, la pre- mière est triquètre, à bord externe tranchant, très-oblique, très-bas, avec un talon arrondi, tandis que la deuxième est excessivement petite, ronde; en bas, la dernière a aussi la même forme, mais elle est beaucoup moins petite, et la première est également très-peu carnassière, très-épaisse, quoi- que le talon soit très-court. 2* SOUS-GENRE. — CYNOGALE. CYNOGALE, Owen, 1857 In Gray, Mag. nat. Hist. (n s.),t. 1. Koowv, Chien; yærr, Belette Les Gynogales sont des animaux à corps bas sur jambes, à tête garnie sur ses côtés de très- fortes moustaches et à oreilles de petite dimension, Leur pattes sont toutes à cinq doigts palmés antérieu- rement et postérieurement, assez peu allongés, et la marche est véritablement digitigrade. Le poil est partout très-abondant, surtout dans sa partie laineuse, qui forme une bourre épaisse et moel- leuse, bien plus abondante que celle de la Loutre. Les moustaches, composées de soies roides et nombreuses, contribuent à donner à la physionomie de ces animaux quelque chose de tout à fait particulier. Divers points de l'ostéologie du Cynogale ont été donnés par De Blainville. La colonne ver- tébrale est formée par cinquante-quatre vertèbres distribuées ainsi : céphaliques, quatre; cervicales, CARNASSIERS. 293 sept; dorsales, quatorze; lombaires, six; sacrées, trois, et coccygiennes, vingt. La tête ne diffère réellement de celle de la Civette que dans des particularités à peine exprimables. On peut cepen- dant aisément remarquer sa grande étroitesse dans toutes ses parties, et surtout dans l’espace in- terorbitaire, la presque nullité des apophyses orbitaires, la longueur du museau, la largeur du trou sous-orbitaire et celle de l'arcade zygomatique. De toutes les vertèbres, les coccygiennes seules présentent quelques différences; elles sont en général petites, très-déliées, et décroissant rapi- dement de manière à constituer une,queue très-aiguëé. Les côtes sont grèles et très-comprimées. L'omoplate présente des différences plus marquées dans sa forme moins avancée, dans son bord anté- rieur moins dilaté, presque droit. L'humérus, proportionnellement plus court, est percé au-dessus de la poulie, et ne l’est pas au condyle interne, double caractère qui rapproche ce squelette de celui des Chiens. Des deux os de l’avant-bras, la tête seule du radius diffère en ce qu'elle est plus transverse que celle de la Givette; l’olécrane du cubitus est aussi plus cubique, plus épais, moins large. La main est égale dans toutes ses parties, principalement dans les os du métacarpe, proportionnellement moins longue, mais un peu plus cependant que dans les Mangoustes : aussi les premières phalanges sont-elles moins courbées, un peu moins dilatées, et, au contraire, les deuxièmes un peu plus courtes et plus larges. Les phalanges onguéales sont légèrement moins hautes et moins arquées. Le fémur est plus cylindrique, moins déprimé, moins large dans son corps. Le tibia et le péroné sont presque comme ceux des Paradoxures. Les os des trois parties du pied sont un peu moins grêles, plus larges, surtout pour les phalanges, dont les deuxièmes sont tout à fait droites et non arquées; les phalanges onguéales sont aussi moins courbées, Fig. 88. — Cynogale de Bennett. Chez ces Carnivores, les différences odontologiques portent essentiellement, à la mächoire su- périeure, sur le grand développement et la forme large, comprimée, triangulaire, élevée, un peu courbée à la pointe des trois avant-molaires, par conséquent plus carnassières, au contraire de la principale, qui, rétrécie dans sa lame externe, est élargie dans son talon interne, arrondi et denti- culé sur ses bords, et même des deux arrière-molaires, dont la première est plus arrondie, plus plate à la couronne, et la deuxième plus large; à la mâchoire inférieure, sur la même exagération carnassière des trois avant-molaires, comprimées et aussi développées en hauteur qu'en largeur, et surtout sur la forme de la principale, très-mince et très-denticulée sur ses bords, de manière à res- sembler un peu à une dent de Requin : quant aux arrière-molaires,.elles sont seulement encore plus plates et de proportions moins différentes entre elles. Ainsi cette espèce, qui semble la plus carnas- sière pour les avant-molaires, le serait au contraire le moins pour les postérieures. Sa formule den- taire est la même que celle des Paradoxures proprement dits. Les Cynogales, que la plupart des auteurs regardent comme devant former un genre particulier, et que nous ne réunissons qu'avec doute aux Paradoxures, ont été la même année, et presque si- multanément, distingués génériquement par Owen sous la dénomination que nous leur conservons, 9294 HISTOIRE NATURELLE. et par De Blainville (Annales des Sciences naturelles, t. VIT, 1837) sous le nom de Lamictis (aux, Poisson; wrw, Belette); puis, l'année suivante, M. Müller (Tydschr. v. Nat. Ges., 1. V, 1838) les nomma Potamophilus (merauss, fleuve; çuc;, ami). De toutes ces dénominations, la première citée a seule été adoptée. L'espèce type et unique de cette subdivision est donc : Li 3. CYNOGALE DE BENNETT. CYNOGALE BENNETTII. Owen. CaracrÈères spÉciriques. — Pelage composé de poils laineux et de poils soyeux; la bourre est de couleur brun rougeâtre ou cannelle; à sa base, elle est grisâtre; les poils soyeux, qui sont surtout apparents au dos, dépassent un peu ceux de la bourre, et, comme ils sont terminés de blanc, ils donnent au pelage une teinte générale glacée. Plus petit que le Paradoxure type. Certe espèce, qui paraît être le Paradoæurus leucomystax, Gray, Temminck, porte les noms de Cynogale Bennett, Owen; Viverra (Lamictis) carcharias, De Blainville, et de Potamophilus bar- batus, Müller. Outre les travaux des zoologistes que nous venons de nommer, nous devons ajouter que M. P. Gervais, dans le Voyage de la Bonite de MM. Eydoux et Souleyet, s’est occupé du Cyno- gale, et qu'après avoir rétabli la synonymie de cette espèce il a décrit avec soin le système den- taire du jeune âge. Le Gynogale arrive à la taille du Zibeth; il préfère les endroits humides, les fleuves mêmes : semblable sous ce rapport aux Loutres, il y cherche sa nourriture, et ses dents sont parfaitement disposées pour lui permettre de saisir les Poissons. C’est le plus aquatique de tous les animaux de la tribu des Viverriens; on peut dire aussi qu'il a plus d’affinité avec les Chiens que la plupart des autres animaux de la même division. C’est un des Carnassiers les plus curieux que l’on ait décrits dans ces dernières années, et déjà un de ceux les mieux connus. Il habite Bornéo et Sumatra. 5° SOUS-GENRE. — AMBLYODON. AMBLYODON. Jourdan, 1837. Comptes-rendus des séances de l'Académie des Sciences. Au@)vs, angle; odwv, dent C'est principalement par la conformation de ses dents que ce groupe a été distingué de celui des Paradoxures. Les dents, en général, sont plus omnivores que celles du Paradoxure type. Les inci- sives et les canines présentent cependant la plus grande ressemblance : celles-ci étant également comprimées et tranchantes; mais les avant-molaires sont déjà un peu moins comprimées, aussi bien que les principales, et surtout que celles d’en bas, qui sont plus épaisses. Quant aux arrière-molaires. la disproportion entre celles d’en haut est presque la même; mais la première est plus triquètre, le talon interne étant notablement plus petit que le bord externe, et, pour les deux d'en bas, elles sont encore plus semblables dans les formes et les proportions, seulement les tubercules, plus abais- sés, semblent légèrement plus mamelonnés. Outre les caractères que nous venons d'indiquer, M. Jourdan montre que les Amblyodons diffèrent des Paradoxures par quelques autres points de leur organisation, mais cependant cela n’est pas marqué d’une manière bien notable. On ne place qu'une seule espèce dans cette subdivision. %. AMBLYODON DORE. AMBLYODON AUREA. Jourdan. Caracrères sréciriques. — Coloration d'un brun fauve doré, répandu uniformément sur toutes les parties du corps. Taille d’un Chat ordinaire. CARNASSIERS. 295 Cette espèce est le Paradoæurus Philippensis de M. Temminck, et le P. Jourdanii d'Ogilby. Il provient des iles Philippines, et l’on n'en connaît pas les mœurs. 4° SOUS-GENRE. — PAGUME. PAGUMA. Gray, 1830. Proceedings of zoological Society of London. Etymologie incertaine. Ce sous-genre est fondé sur une espèce de Paradoxure assez peu connue, et qui ne se distingue guère des autres que par des caractères de peu de valeur, et qui ne sont véritablement pas gé- nériques. La seule espèce de ce groupe est le Paguma larvata, Gray, autrefois connu sous les dénomi- vations de Paradoxurus larvatus, Gray, Temminck; laniger, Hogdson; Grayi, Bennett; Viverra larvata, Gray, et Gulo larvatus, H. Smith. Elle habite le Népaul, les Himalayas, et la Chine. Les groupes des Cryptoproctes et Hémigales ont quelquefois été réunis au genre Paradoxure; mais ils en sont distincts; nous nous occuperons plus tard du premier, et le second va être décrit immédiatement 9me GENRE. — HÉMIGALE. HEMIGALUS. Jourdan, 1837. Comptes-rendus des séances de l'Académie des Sciences. Hut, à moitié; yæAn, Belette. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 6 Système dentaire : incisives, À; canines, +={; molaires, 5=Ÿ, dont fausses molaires, ?=3, vraies 4—4> molaires, 22; en totalité quarante dents. Les deux incisives externes sont séparées des quatre autres par un intervalle assez grand. La troisième fausse molaire à un talon interne, et les der- nières molaires de la même espèce sont presque aussi développées que les dents qui les précèdent; les fausses molaires sont tranchantes comme chez les Genettes, tandis que les vraies molaires sont tu- berculeuses conune celles des Paradoxures. T'ête effilée. Museau fortement fendu. Oreilles droites, assez élevées, ovoïdes, nues intérieurement, et poilues à claire voie vers la pointe du bord externe, avec une échancrure à la base externe du lobe. Pieds semi-plantigrades, comme ceux des Genettes. Plante des pieds antérieurs nue seulement dans le tiers de sa surface; celle des pieds postérieurs nue dans les deux tiers. Ongles à moitié rétractiles, grêles, pointus. Queue non susceptible de s’enrouler sur elle-même. Ce genre a été créé par M. Jourdan pour une espèce placée précédemment dans le genre Paradoxure, auquel on le réunit quelquefois, quoiqu'il en diffère assez notablement. Ce groupe a reçu de son créateur le nom d’Hemigalus, que De Blainville (Annales des Sciences naturelles, 1831) à modifié en celui d'Hemigalea. M. Gray, dans les Proceedings de la Société zoologique de Londres pour 1857; M. Temminck, dans ses Monographies de Mammalogie, et M. Paul Gervais, dans la partie zoologique du Voyage de la Bonite de MM. Eydoux et Souleyet, se sont occupés de l'espèce unique de ce genre. L'étranglement et les apophyses postorbitaires de la tête sont très-prononcés. En outre, le sque- lette diffère de celui des Paradoxures, d'abord dans le nombre des vertèbres caudales, qui est de vingt-sept, et ensuite parce qu'il est un peu plus grèle dans toutes ses parties, et surtout 296 HISTOIRE NATURELLE. dans les os longs des membres, qui sont légèrement plus élevés. Il y a aussi moins d'élévation dans l’apophyse épineuse des vertèbres cervicales, plus de largeur et moins d’enfoncement inter- iliaque dans les apophyses transverses de la septième vertèbre lombaire; moins d'élargissement dans le bord antérieur de l’omoplate, par là plus droite, et enfin une disposition plus rétractile dans les phalanges onguéales, plus hautes, plus comprimées, et, dans les deuxièmes phalanges, plus excavées au bord externe, surtout aux membres antérieurs. Une particularité importante, citée par M. Paul Gervais, existe en ce que le condyle interne de l'humérus a un trou pour le passage du nerf médian, comme chez les autres Viverriens, et qu'il n’y a pas de perforation à la fosse olécra- nienne. L'espèce type du genre Hémigale ayant ses mâchoires plus grêles que les Paradoxures, le sys- tème dentaire qui les arme est plus aigu, et pour ainsi dire intermédiaire à celui du Paradoxurus typus et du Cynogale; les avant-molaires sont en effet un peu plus comprimées, plus en forme de lancette dans le premier, mais la principale de la mâchoire supérieure et les deux arrière-molairessont un peu comme dans le second, légèrement moins larges cependant, surtout au côté interne. On peut à peu près dire la même chose de ces mêmes dents à la mâchoire inférieure; mais la principale est évidemment un peu plus épaisse et moins denticulée sur ses bords. Quant aux deux arrière-molaires, elles sont comme dans le Cynogale. M. P. Gervais fait, en outre, observer que les dents de ce Car- nivore ont, par leur forme, une analogie remarquable avec celles du Canis megalotis, À. G. Desma- rest; mais le nombre est ici comme dans la plupart des Viverriens, c’est-à-dire de six molaires de chaque côté de chacune des mächoires. Ce nombre des molaires, indiqué par M. Paul Gervais, diffé- rerait de celui signalé par M. Jourdan, qui dit qu'il y en a sept inférieurement. D’après M. Tem- minek, le système dentaire correspondrait à ceux de la Genétte de l'Inde (Viverra Indica), et de la Fossone (V. fossa); mais cette ressemblance, ainsi que le fait observer M. Paul Gervais, n’est pas absolue. La langue est garnie de papilles cornées; le gros intestin a 0",16 de longueur, et le cæcum, qui n’a que 0,095, est ample et peu musculeux; l'intestin grêle mesure 17,40. L'espèce unioue placée dans ce genre est : HÉMIGALE ZÉBRÉ. HEMIGALUS ZEBRA. Jourdan. CanacrèRes sréciriques. — Pelage d'une teinte jaunâtre ou isabelle plus ou moins foncée, d’égale longueur partout, sans longs poils, soyeux, doux et bien fourni; les quatre extrémités sont d'un brun clair à pointe des poils jaunâtre; le bout de la queue, depuis la moitié, est noir ou brun noi- râtre. Une raie brune s'étend sur toute la longueur du crâne, depuis le museau jusqu’à l'occiput; une autre, de chaque côté, va du museau au bord de l'orbite; cette bande varie en longueur, ce qui rend les interstices jaunâtres plus où moins marqués; une bande longitudinale brune est dessinée de chaque côté de la nuque; ces deux bandes aboutissent à la première large bande transversale disposée sur les omoplates; cette première bande est pleine ou bien imparfaite, probablement selon l'âge des sujets; on compte cinq et jusqu'à sept de ces larges bandes transversales distribuées à intervalle sur toute l'étendue du dos, depuis la conque jusqu’à la croupe, tandis que la base de la queue est plus ou moins distinctement marquée de demi-anneaux bruns. La longueur de la tête et du corps est de 0",49; celle de la queue de 0",30. Cette espèce, l'Hemigalea xebra de De Blainville, a reçu plusieurs dénominations : c’est le Para- doæurus Derbyanus, et Paradoxuras zebra, Gray; l'Hemigalus . À la mâchoire supérieure, vingt dents, ou seulement dix-huit, suivant que la première molaire, qui est rudimentaire, existe ou n'existe pas; à la mâchoire inférieure, dix-huit. Incisives supérieures externes très-grandes et échancrées en dehors et en arrière. Canines supérieures presque droites, aplaties en dedans; les in- férieures arquées. De chaque côté, supérieurement, deux ou trois fausses molaires, une carnassière, deux tuberculeuses; inférieurement, trois fausses molaires, une carnassière, une tuberculeuse; tu- berculeuses moins étendues que les carnassières. Cräne à pan renflé entre les orbites et se rétrécissant fortement en arrière de ses fosses : apo- physes postorbitaires des frontaux et des jugaux ne se joignant pus. Paluis présentant un grand nombre de sillons semi-cireulaires à convexité antérieure. Museau fin, allongé. Mufle bien marqué. Nex médiocrement prolongé, à narines s'ouvrant par des ouvertures assez étendues, et prolon- gées obliquement en arrière sur le bord du mufle, près de la ligne à partir de laquelle commencent les poils. Oreilles à conque de largeur et de longueur moyennes. Fig. 92 — Galidie concolore. Membres assez courts, tous à extrémités terminées par cinq doigts; ces doigts ayant en arrière le médian et le quatrième égaux; mais, en avant, le médian plus long que les autres; puis le qua- trième, puis le deuxième, puis, mais avec une grande différence de longueur, l'externe, et enfin l'interne, qui est le plus court. Plantes des pieds, sauf les talons, et paumes des mains nues. Fig. 1 — Mangouste à bandes, TX LESESITRE S lu) Fig. 2. — Loup. (Mâle.) BEVALET PI. 40. CARNASSIERS. 307 Ongles, surtout ceux de devant, assez longs, médiocrement arqués, demi-rétractiles, assez aiqus à leur extrémité. Queue moins longue que le corps, nullement préhensile. Poils soyeux, médiocrement longs, serrés, cachant les poils luineux. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a créé ce genre pour trois Carnivores de Madagascar, dont l'un avait été signalé par M. Smith, et dont les deux autres étaient alors nouveaux. Ce genre, ainsi que l'indique son nom tiré du grec, mn, montre les rapports qu’il présente avec les Belettes, et en général avec les Mustéliens, tout en appartenant réellement aux Viverriens. Les analogies que ce groupe offre avec les Mangoustes sont moindres que dans les groupes précédents, quoiqu'il y ait encore quelque chose, dans la conformation de leurs pieds, qui montre que ce sont des animaux plus carnassiers. Le corps des Galidies se termine par une queue longue et couverte de longs poils plus ou moins fins. Le pelage se compose de poils laineux et de poils soyeux : ceux-ci fins, de lon- gueur médiocre, très-abondants, et recouvrant entièrement les laineux. Pour compléter la caractéristique de ce genre, il nous reste à parler avec plus de détails que nous ne l'avons fait du système dentaire, et à dire quelques mots de leur ostéologie; c’est ce que nous allons faire en copiant ce qu’en rapporte M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans le Magasin de Zoologie de M. Guérin-Méneville pour 1839. « Les dents des Galidies sont moins nombreuses et plus tranchantes que celles des Galictis. Outre les quatre canines et les douze incisives si constantes chez les Carnivores, on trouve, de chaque côté, à la mâchoire supérieure, tantôt cinq et tantôt six molaires, selon que la première fausse molaire est tombée ou non; à la mâchoire inférieure, cinq molaires seulement. Les six incisives supérieures sont bien rangées. et le sont sur une ligne droite : les deux paires intermédiaires ne présentent rien de remarquable; mais les incisives externes sont plus longues, beaucoup plus grosses que les au- tres, singulièrement épaisses à leur base; chacune d’elles est creusée, en dehors et en arrière, d’une gouttière oblique, large et peu profonde, où se loge, quand la bouche se ferme, la partie an- térieure de la canine inférieure correspondante. Les canines supérieures sont droites, comprimées, aplaties en dedans, très-peu convexes en dehors, creusées, à la partie antérieure de leur face in- terne, d’un sillon longitudinal presque linéaire. La même dent présente sur la face externe, mais seulement chez la Galidia elegans, quelques autres sillons pareillement longitudinaux et linéaires. Après la canine vient, de chaque côté, soit un très-petit intervalle vide, soit une dent excessivement petite et perdue presque entièrement dans la gencive : dans le premier cas, il y a cinq molaires supé- rieures seulement; dans le second, il y en a six. Sur trois crânes, deux offrent cette petite dent: l’un appartient à une Galidia elegans adulte, l’autre à une espèce adulte des G. olivacea; la troisième, qui ne la présente pas, est celui d’une autre Galidia elegans, plus âgée que la précédente. L'exis- tence ou l'absence de cette molaire accessoire n’est donc pas même un caractère spécifique. On trouve, au contraire, constamment deux fausses molaires, l’antérieure plus petite, la postérieure plus grande; toutes deux très-saillantes, comprimées, presque tranchantes; puis une carnassière ayant la forme d’un triangle à base antérieure, lequel est sensiblement plus allongé et plus rap- proché de la direction longitudinale chez la Galidie élégante La base de ce triangle résulte de la juxtaposition de deux tubercules ayant chacun la forme d'une petite pyramide triangulaire : en arrière de celui d’entre eux qui est externe, vient une éminence comprimée, tranchante, très-sail- lante, puis une autre éminence très-peu saillante, mais à arête aiguë, dont l'extrémité forme le som- met du triangle que représente la dent dans son ensemble. La première tuberculeuse, placée trans- versalement, a trois petites éminences peu saillantes en dehors,et une plus saillante, triangulaire, tout à fait en dehors. Vient ensuite une seconde tuberculeuse beaucoup plus petite, et qui pré- sente sur sa couronne deux petites concavités, dont chacune est bornée en dehors par une partie saillante; dans la Galidia olivacea, les deux tubercules, surtout le dernier, sont plus étendus que leurs analogues dans les G. elegans. À la mâchoire inférieure, les incisives sont rangées sur une ligne droite, mais peu régulièrement; les deux externes, qui sont de beaucoup les plus grandes, et les deux internes sont un peu plus en avant que les deux incisives de la partie intermédiaire. Les canines diffèrent beaucoup de celles de la mâchoire supérieure : elles sont triangulaires et arquées, avec une arèle assez marquée et courbe comme elle en arrière. Un petit intervalle correspondant 308 HISTOIRE NATURELLE. à la place, d'ailleurs plus étendue, qu'occupe la première fausse molaire de la plupart des Viver- riens, précède trois fausses molaires tranchantes, dont la postérieure a, derrière son éminence prin- cipale, un tubercule comprimé, presque de même forme que celle-ci. La carnassière, très-étendues a trois grandes pointes triangulaires en avant, et, derrière elles, une autre concave, dont le bord postérieur se relève en un bord assez saillant. Vient enfin la tuberculeuse, qui est semblable à la supérieure. La tuberculeuse inférieure de la Galidia eleguns est une très-petite dent, représentant- un ovale très-peu allongé, avec trois ou quatre tubercules, et l'analogue de cette dent, chez la Ga- lidia olivacea, a cinq tubercules à arêtes assez vives, ete. » La boîte cérébrale est étendue, allongée, et séparée de la base par un rétrécissement un peu plus marqué chez la Galidia elegans, un peu moins chez la G. olivacea; la région nasale présente à peine un léger renflement, qui ne dépasse nullement, en arrière, les apophyses postorbitaires : disposi- tion bien différente de celle qui existe chez les Mangoustes et les Ichneumies. L’apophyse postorbi- taire du frontal est, de chaque côté, très-allongée; mais celle du jugal l'étant très-peu, le pourtour orbitaire n'est osseux que dans ses deux tiers antérieurs. Les arcades zygomatiques sont médiocre- ment écartées du crâne. Les naseaux ne finissent pas en arrière en pointe, comme dans beaucoup de Carnassiers, mais s’articulent avec les frontaux par des sutures obliques, assez étendues. Les con- ques auditives sont grandes et font une assez forte saillie à la base du crâne. Les espèces placées dans ce genre, toutes propres à l’île de Madagascar, sont au nombre de trois. 1. GALIDIE ÉLÉGANTE. GALIDIA ELEGANS. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, CaracrÈnes sPÉCIFIQUES. — Corps d'un beau rouge marron foncé; queue presque aussi longue que le corps, ornée de longs anneaux alternativement noirs et de la couleur générale du pelage. Lon- gueur de la tête et du corps, 0,40; de la queue, 0",30. Cette espèce, que M. Smith, dans son African Zoology, a indiquée sans lui appliquer aucune dé- nomination, semble être le Vondsira de Flacourt. Elle est surtout répandue dans les environs de Tamatave, dans l’ile de Madagascar. 2. GALIDIE CONCOLORE. GALIDIA CONCOLOR. Isidore Geolfroy Saint-Hilaire. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Corps d’un brun rougeâtre, tiqueté de fauve et de noir; queue beau- coup plus courte quele corps et de même couleur que lui. Longueur du corps et de la tête, 0,925; de la queue, 0",19. Elle habite Madagascar. Le 3. GALIDIE OLIVATRE. GALIDIA OLIVACEA. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. CaracrÈRES sPÉGIFIQUES. — Corps d’un brun olivâtre, tiqueté de fauve; queue de même couleur que le corps. Longueur de l'animal, prise de l’origine de la queue au museau, 0,30. Cette espèce est nommée par les habitants de Madagascar Sulano et Salanon. CARNASSIERS. 309 8ue GENRE. — GALIDICTIS. GALIDICTIS. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 1839. Magasin de Zoologie de M. Guérin-Méneville. Galidia, Galidie; trs, Belctte. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À; canines, 5={; molaires, 5=}; en totalité trente-six dents. Ce sys- tème dentaire est très-voisin de celui des Galidies, mais les canines supérieures sont beaucoup plus grosses, un peu arquées, obtuses et présentant à leur surface un grand nombre de petites lignes ho- rizontales et circulaires couleur de rouille; les inférieures très-arquées, très-épaisses, colorées de roux; les incisives supérieures sur une rangée courbe, à concavité antérieure, la paire externe d'une dimension considérable; les inférieures mal rangées, très-grandes, à l'exception de la paire interne; la première fausse molaire parait ne devoir jamais exister chez les adultes, et les molaires en général diffèrent peu de celles des Galidies. Pieds pentadactyles, semblables à ceux des Galidies. Tête assez large, avec un mufle large, court, peu prolongé au devant des dents Oreilles larges, courtes, comme chez les Mangoustes. Queue aussi longue que le corps et la tête réunis. Pelage rappelant celui des Genettes. Fig 93. — Galidictis strié Le genre Galidictis de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que ce savant zoologiste avait d'abord indiqué sous la dénomination de Galictis, dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences pour 1837, offre beaucoup de rapports avec les Galidies, ainsi que l'indique son nom, et n’est pas jusqu'ici suffisamment connu. Outre les particularités que nous avons déjà signalées, ce genre présente quelques caractères 0s- téologiques assez distincts. Le crâne est remarquable par la largeur du museau en avant, par l'écar- tement des arcades zygomatiques, qui sont très-développées, mais ne portent que de très-courtes apophyses postorbitaires; par l'étendue considérable de la symphyse de la mâchoire inférieure, et par quelques autres caractères de moindre apparence. Ce crâne et le système dentaire que nous avons décrits indiquent un animal plus éloigné des Ga- lidies que ne le sont ordinairement des genres voisins; les pieds sont néanmoins presque entièrement semblables, et le corps offre aussi une grande analogie, si ce n’est très-probablement dans la région recto-génitale. L'espèce type de ce groupe est le: 910 HISTOIRE NATURELLE. CARNASSIERS. VONSIRE BLANC. GALIDICTIS STRIATA. fsidore Geoffroy Saint-Hilaire CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Corps présentant en dessus cinq grandes bandes noires longitudinales et deux autres plus petites de même couleur sur un fond grisâtre; la queue est au contraire, la base exceptée, uniformément blanche. Longueur de la tête et du corps, la même à peu près que celle de la queue, d'environ 07,33 Cette espèce, que M. Jules Goudot indique comme étant nommée par les Madécasses Vontsira foutche, était connue depuis assez longtemps, et, avant que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en ait fait le type de son genre Galidictis; et elle avait reçu d'Étienne Geoffroy Saint- Hilaire le nom de Mustela striata, et de G. Guvier celui de Putorius striatus. Elle habite l'île de Madagascar, et, ce qui concorde avec les différences du système dentaire, a une férocité beaucoup plus grande que celle des Galidies, qui, eux, sont plus omnivores. AcÉronox. Acerodon. . AELLO. Aello. Amblyodon. Anilyoton. : Amphisorer. Amphisore. ANOURE. Anoura. Aonyx. Aonyz. . AuTE. Arileus. ARTIBÉE. Arlibeus. ATiLACE. Athilar. , Bassarine. Bassaris, . BLatmEau. Meles. . . . . . Bracuyruyize Brachyphylla. Brachysorex. Brachysorex CARNASSIERS. Carnivora CARNIVORES. Carnivora. CéLèxo. Cœleno. . Cexruriox. Centurio. . CENTRONYCTÈRE. Centronycteris. . CéPHALoTE. Cephalotes. CHÉIROPTÈRES. Cheroptere: 5 CniLonycrÈRE. Chilonycteris. Chinche. Chincha. CurysocuLore. Chrysochloris ee ue de CHRYSOCHLORIENS. Chrysochlorii CT fo UE Il CLADOBATE. Tupuia. Coari Nasua.. à Coxpyiure. Condylurus. ConazuE. Corallia. Cynogale. Cynogalus. . CYNorTÈRE. Cynopterus. . Danis. Danis.. Deswax. Mygale.. Deswone. Desmodus. . DESMODIDÉS. Desmodide. . Desuoniexs. Desmodii. Dicuoure. Diclidurus TABLE ALPHABÉTIQUE 12 1 TAuBs$e DIGITIGRADES, Dire: OT C0 à A) Dixops. Dinops. . . . . . . Dreusie. Diphylla. . . ., ÉLevrnérure. Eleutherura. Envauroxore. Emballonura. Eromopuore. Epomophorus. . Éncuue. Ericulus. ÉRINACÉIDÉS. Erinaceide. EuriÈer. Eupleres. - EUPLÉRIDÉS Æ ipbride, Fonte. Furia . Galinie. Galidia, . Gauinicris. Gulidictis. … GLossopnaGe. Glossophaga. Grourox. Gulo. GRisON. Galictis. . GYMNURE. Gymnura. GYMNURIDÉS. G nent Helarctos. Helarctos.. MEwiGaLEe. Hemigalus. Hénissox. Erinaceus. . Herpestes. Herpestes. . Hydrosorex. Hydrosorex. . HypobEnNE. Hypoderma . IcuxenmoxtE. Ichneumonia . Icrine. Ictides. INSECTIVORES. Tien ora. KixkaJou. Potos. . Latax. Latax. ô Leptonyx. Leptonyx. . Loruosrone. Lophostoma. . Loure Lutra, . . Lutra. Lutra. . MacnocLosse. Macroglossus. . MacropnyLLE. Macrophylla. , MacroscékoE. Macroscelides. : MACROSCÉLIDES. WMasroscelidæ. . MavaTÉE. Madateus. . Mancouste. Mangousta. . ManGue. Crossarchus. Manre, Mustela. . MécaèRe. Megaera. MéGanene. Megaderma. MécocaiE. Melogale. . . Meplhitis. Mephitis. Minioptère. Miniopterus. . Morosse. Molossus, - MOLOSSIENS. Molossir. Moxopuyize. Monophyllus. Morwoops. Mormoops. 312 Moser. Mosra. . Mourerre. Mephatis. Mongos. Mungoz. MusanalGxE. Soreæ Mustela. Mustela MUSTÉLIENS. Mustelii . Minaus. Mydaus. Myorrère. Myoplerus. Mysracise. Mystacina. NOCTILIENS. Noctilii . NocriLiox. Noctilio. ; 5 NOCTILIONIDÉS. Noctiliontdæ Nycrire. Nycteris. . É NYCTÉRIENS. Nycterii. . Nxericée. Nycticeus. Nycticejus. Nycticeius Nycticeus. Nycticeus. Nycrorntie. Nyctophilus Ocyrère. Ocypeles. . OrErtrann Plecotus. . OURS. Ursi. . Ours: Ursus. . . . . . Pacnysone. Pachysoma. PaxDa. Ailurus. . é Pananoxure. Paradomurus. Paradoæurus. Paradomurus . PéoIManE. Cheiromeles, . PETITS-OURS Subursi. Puyiiome. Phyllodia. Puvicornore, Phyllophora. Phyllorhina. Phyllorhina Puyicosrome. Phyllostoma. PHYLLOSTOMIENS. D n ; Pipistrelle. Pipistrellus. . : PLANTIGRADES. nee à POTIDÉS. potidæ. Prochile, Prochile. . PréroxoTe. Pteronotus. . PrTÉRONURE, Pteronurus.…. Pulois. Putorius. Rare. Moelliora 40 280 267 247 HISTOIRE NATURELLE. CARNASSIERS | Baron. Procyon . Rinxororue. Fe De RITINOLOPHIENS Rhinolophu. . Rhinolophus. Rhinolophus RiNorowE. Rhinopoma. . RoussETTE. Pteropus. . ROUSSETTES. Pleropii, Saricovie, Saricovia ScaLore. Scalops ScororniLe. Scotophilus. Sorex. Soreæ. . SORICIDÉS Des STÉNODERME. Stenoderma. . : STÉNODERMIENS. Stenodermii STURNIRE. Slurnira. . TALPIDÉS. Talpidæ. TALPIENS. Talpii. Tannec Centetes. Tapniex. Taphozous. . . . TAPHOZIENS. Taphoztü. Taupe. Talpa.. Taxidée. Taxidea. . Taxus. Taæus. Thalarctos. Thalarctos. Thiosme. Thiosmus. … . Unocuyrre. Urocryptus. Unorrique. Urotrichus. . URSIENS. Ursii Unsiraxe Ursitazus . . Ursus. Ursus. Vaurine. Vampirus. . de VAMPIRIDÉS. Vampiridæ. . Vespertilio. Vespertilio.. ; VESPERTILIENS Vespertilii. . VesrenTiL1O\. Vesperlilio. EE. VESPERTILIONIDÉS one VESPERTILIONIENS. Fespertilioniæ VIRERRIENS. Viverridæ. . XaxTHARPYIE. Xantharpyia. ; LOTUIE LOT Re re ee mm, a STE LIN une [853.1 tr + I | N LIBRARIE QUIL 9088 00768 3097 | |