ESSAI

SUR

LA TOPOGRAPHIE MÉDICALE

VAIX-EN-SAVOIE ( ZX du M'-BLANC ) E T S V R

SES EAUX MINÉRALES.

Présenté* à l'École de Médecine de Montpellier , le z6 Nivôse an X, par Charleç.Humbert-Antoine DESPINE, d'Anneci, D<. du Monc-Blanc,

Medicinam quicunque vult rectè consequi haie faciat opportet; pri- mùm qu'idem anni tempora animadvernr. ; non tnim quicquam habettt limite ; sed multùm et ipsa à se ipsis et in suis permutationibus dissent iunt. Dci'tdè veto ver.tos, tùm calidos, tùm fri;idos , maxime quidem omnibus hominibus communes, ac deinceps eos qui unicuique régions surit prop ii: opportet autem :t aquatwa f'acultaUs considerare, etc.. . ,

Hipp. De Aë're, Locis ec Aquis. Art. Med. Principes, T. I. p. j.

AN X. i8oi.

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JOSEPHO DESPINE

P A T R I

OPTIMO ET AMANTISSIMO,

HOC LEVIDENSE PIGNUS,

UTINAM DIGNUM,

GRATI ANIMI PIETATIS AC REVERENTI^

AMANTISSIMUS FILIUS

DICAT VOVET CONSECRAT.

AUX CITOYENS

MAURICE-FRÉDÉRIC FLEURY DR. Médecin

MAIRE,

JOSEPH VIDAL Administrateur

ADJOINT ,

DE LA VILLE D'A IX-EN-SA VOIE ,

E T

A LEURS ESTIMABLES CONCITOYENS.

JLX.ECEVEZ l'hommage que je vous fais des prémices de mes travaux dans la science médicale. Qui mérita mieux V offrande d'un ouvrage qui a pour objet les Eaux Thermales d'AiX-Eiï-SAVOïE , que ceux dont les soins, le désintéressement et la sage philantropie , contribuent si puis- samment à leurs salutaires effets ?. ... Ce produit éphémère est , j'en conviens , peu digne de vous être offert : mais j'espère que vous voudrez bien en faveur du père accueillir avec indulgence et bonté les efforts du fils. Recevei le donc comme un témoignage de l'affection sincère et du dévouement qui m'animent. Puisse-t-il vous prouver que je ne me croirai heureux qu'en méritant et possédant votre estime !

C. H. A. DESPINE.

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ESSAI

SUR

LA TOPOGRAPHIE MEDICALE

&AIX-EN-SAVOIE (D^. du Mt, -Blanc)

ET SUR

SES EAUX MINÉRALES.

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OI la nature est belle aux yeux du Naturaliste scrutateur de ses secrets, si elle lui présente par-tout des variétés, des anomalies, des merveilles, combien elle l'est davantage à ceux du médecin sensible, qui voit en tout lieu avec quelle profusion elle y a multiplié les ressources de l'art de guérir. Les maux dont l'espèce humaine se trouve affligée sont immenses, mais les ressources que la Nature nous offre contr'eux sont peut-être plus grandes encore. Il semble qu'elle se soit plu à les pro-

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2,

diguer; et sansêtre'optimîste on voit qu'elle a très souvent placé le remède à côté du mal, l'antidote à côté duvenin, le contre-poison dans l'animal même qui porte le principe délétère qui le rend si dangereux. Bien plus une contrée, par son site, ses eaux , sa constitution météorologique est-elle exposée à une maladie épidémique , pandémique , sporadique même? Nous voyons que la Nature bienfaisante semble y avoir mis tout ce qui est nécessaire pour la détruire chez ceux qui en sont atteints , et en pré- server ceux, qui ne l'ayant point eue encore , en pourraient devenir les victimes.

Le médecin philosophe voit avec admiration cette prévoyance de la Nature, le praticien habile sait en profiter, et d'un objet qui au pre- mier coup d'œil paraissait de peu d'utilité , sans verru, dangereux peut-être , il en tire un parti avantageux et fait souvent des cures qui tiennent du prodige. Celui qui a vu manier avec hardiesse , et même témérité quelquefois, mais presque toujours avec un succès marqué les plantes les plus vénéneuses aux Stork , aux Fouquet , n'est-il pas convaincu de cette vérité ? Et ne lui reste - 1— il pas dans le cœur cet espoir qu'il serait si doux de réaliser : de voir toutes les maladies sus- ceptibles de guêrisojii C'est le but auquel tend la Médecine; elle est encore loin d'y atteindre, mais tous les jours elle fait un pas, tous les jours on recule ses bornes

La Savoie , contrée qui aux yeux de ceux qui ne la connaissent point , paraît à peine susceptible d'offrir les objets de première né- cessité, est peut-être un des pays qui offre le plus de tout ce qui peut contribuer au bonheur de la vie. La Nature semble avoir tout fait pour elle; elle s'est plu à embellir les aspérités, les désagrémens d'un sol rempli de montagnes par les sites les plus agréables, des tableaux char- mans , les points de vues les plus pittoresques , les paysages les plus

variés et toutes les délices de la vie champêtre Ne fit-elle pas celles

du philosophe de Genève, V homme de la Nature et de la vérité ?..... Elle

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nous y offre le plus vaste champ pour exercer la curiosité et les désirs avides du Naturaliste. La Minéralogie et la Botanique nous y présentent des richesses immenses. La terre renferme des mines de fer, de plomb, d'argent, de cuivre, etc. dont quelques-unes sont en exploitation. Elle fournit de la houille en quantité , etc. Ce pays était autrefois hérissé de forêts : on en a diminué insensiblement le nombre pour les convertir en pâturages et en terres labourables. Elles y sont cependant encore assez nombreuses et peuplées des meilleures espèces d'arbres : le sapin, le pin, le mélèze, le hêtre, le chêne, etc. |_i].

Elle y a prodigué les sources d'Eaux Minérales, car peu de provinces aussi restreintes en possèdent un aussi grand nombre : celles d'Aix sont les plus célèbres. Depuis trop long-temps elles avaient été comme oubliées ; la renommée publiait cependant les cures merveilleuses dont chaque jour y était le témoin, et depuis quelques années elles avaient attiré l'attention de l'ancien gouvernement.

En donnant aujourd'hui un aperçu sur la topographie médicale de cet endroit, je n'ajouterai, sans doute , que très-peu à ce qu'en ont dit les D's. Daquin et Bonvoisin dans leurs Analyses; il est flatteur et peut-être un peu hardi, de marcher sur leurs traces : quoiqu'il en soit, pour remplir mon but avec méthode, je divise cette dissertation en trois sections.

La première renfermera l'Historique de la ville d'Aix; après l'avoir suivie chronologiquement dans les diverses révolutions politiques qu'elle

[i] L'amour de l'Histoire Naturelle a déjà depuis long-temps percé jusques dans mon Dé- partement. La Nature prodigue de ses dons , n'offre plus ses merveilles à des yeux indiftérens. Le cit. Marin, professeur de Belles-Lettres à l'Ecole Centrale, a entrepris la flore de nos Alpes; le cit. Mouxi DE Loche a formé lui même une des plus riches collections d'insectes, qui comprend sur-tout ceux qui se trouvent dans notre pays ; ChambÉri voit s'élever un jardin de Botanique qui ne peut que devenir des plus précieux et des plus intéressans , sous la di- rection du Dr. DAQUIN, professeur d Histoire Naturelle pies la même École Centrale, pra- ticien distingué et avantageusement connu dans l'Histoire 1 ittéi aire par plusieurs ouvrages tout le monde s empresse à faire des collections l'on tâche de réunir les productions locales des trois régnes.

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a essuyées, je passerai 5 son état actuel, et aux objets qui ont rap- port à son Histoire Naturelle.

Dans la seconde je donnerai un aperçu sommaire et général de sa Constitution Météorologique , des maladies qui y régnent le plus habi- tuellement et de ses Épidémies.

Troisièmement enfin , je parlerai de ses Eaux Minérales , de la manière de les administrer , des maladies auxquelles elles conviennent , de quel- ques améliorations dont leur administration me paraît susceptible, et je terminerai par l'énoncé succinct des eaux minérales qui se trouvent dans le reste du ci-devant duché de Savoie.

En choisissant ce sujet pour payer mon tribut académique , près de cette ILLUSTRE ÉCOLE, l'on accourt de toute part pour puiser l'ins- truction et se former à la doctrine du divin Vieillard de Cos , j'ai senti toutes les difficultés qu'il présente, et toute mon insuffisance pour bien remplir la tâche que je me suis imposée. Le premier travail d'une plume peu exercée encore dans l'art d'écrire, ne peut manquer d'offrir des imperfections sans nombre, des erreurs peut-être, mais je compte sur l'indulgence de mes maîtres; et la bienveillance dont ils honorent leurs élèves, me fait espérer qu'ils les relèveront avec leur bonté paternelle» et voudront bien m'éclairer des lumières qu'une sage et longue expé- rience leur a données. J'ai essayé d'imiter l'abeille qui compose son miel des sucs combinés de mille fleurs diverses. Je n'ai rien prétendu dire de neuf: peut-on d'ailleurs l'attendre d'un jeune homme qui ne débute qu'en tremblant dans la carrière médicale : mais si l'objet que je traite aujourd'hui présente quelques idées, quelques vues utiles, le vœu le plus ardent de mon cœur sera satisfait , celui d'être utile à ma patrie et à mes semblables

5 SECTION PREMIÈRE.

HISTORIQUE DE LA VILLE tfAIX.

Les causes de la plupart des maladies tiennent à la nature du climat qu'on habite et de l'air qu'on y respire ; aux qualités de la terre , des eaux, des boissons, des alimens : à l'influence des vents qui y régnent et à la constitution météorologique des saisons. C'est donc une con- naissance des plus intéressantes pour le médecin , que celle qui com- prend tous ces objets: le moral doit même entrer dans ses vues : de la nature du tempérament nous tirons des conjectures pour les mœurs; de même aussi l'état du physique nous éclaire sur le caractère et les passions des peuples. C'est par cette méthode sage et raisonnée que le prince de la médecine a été conduit à des maximes invariables sur la constitution des divers individus : aussi prescrit-il soigneusement au médecin qui débute dans sa carrière, d'étudier tout ce qui peut avoir rapport à la topographie médicale du lieu qu'il va habiter. ( De aère , locis et aquis. )

Aix-en-Savoie, est une petite ville située dans une vallée, dont l'étendue du Nord-nord-est au Sud-sud-west, est de 10 kilomètres ( deux lieues ) sa largeur est de z kilom. et demi (demi-lieue ) seulement. D'après la tradition , et une description qu'en a donné dans le dix - septième siècle le D1. de Cabias [iJ, elle s'appella d'abord Aquœ Allobrogum :

[i] Les vertus merveilleuses des bains d' Aix-en-Savoie , par Jean-Baptiste de Cabias. Lyon, chez Benoit Vignieu, MDCLXXXVJII.

Il n'est pas le seul auteur avec les Drs. Daquin et Bonvoisin, qui aient parlé des eaux d'Aix-en-vavoie : Andr. Baccius Elpidianus, dans sa collection générale des bains ( libri 7. de Thermis) en traite également. Le Dr. GaRCIN de la société de Médecine de Londres» écrivit au commencement du siècle passé , plusieurs lettres il parle de leur usage en gé-

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ensuite Aquœ Domitianœ , enfin elle prit le nom ftAqucc Gratianœ , dès que l'empereur Gratien eut fait quelques réparations aux bains. Sa Ion- . gitude est 3.0 38 . Est du méridien de Paris et sa latitude 45.0 39'. ( lon- gitude 4.0 10. à l'Est du même méridien, latitude 5.0 73, d'après la nouvelle division du cercle. ) Elle n'est éloignée que de 1 5 kilomètres ( 3 lieues ) de Chambéri; 50 kilom. (10 lieues) de Genève; 230 kilom. (46 lieues) de T.irin ; 55 kilom. (11 lieues ) de Grenoble; et 90 kilom. (18 lieues) de Lyon.

Cette vi le se trouvait jadis dans la Gaule Transalpine. Elle faisait partie du pays des Allobroges avant la conquête des Romains. Dès lors elle appartint à la Gaule Narbonnaise Seconde, ainsi que toute la val ée qui s'étend depuis Chambéri (Lemnicum) jusqu'à Genève. Après la chute de l'Empire Romain, elle a été pendant long-temps comprise dans la province ecclésiastique Viennoise dpnt Vienne-en-Dauphiné (Vienna Allo- brogunî) était la Métropole; Aix eut alors ses Prœses et ses Cornes, qui vers le 5e. et 6e. siècles étaient souverains. Vers le 12e. ils relevaient des Comtes de Genevois et vers le 15e. ceux de Savoie s'en emparèrent et l'érigèrent en Marquisat relevant de leur couronne. Enfin en 1792 elle est passée ainsi que touie la Savoie sous la domination française.

Elle dut de bonne heure fixer l'attention des Romains à cause de ses eaux. Aussi si nous devons en croire Cabias, ce fut un des pro- consuls de Jules-César nommé Domitius , qui y fit construire le

néral , et en particulier de leur utilité dans le rhumatisme. Elles sont insérées dans le Mercure Helvétique. Mais il ne faut point oublier la dissertation qu'a donnée sur ces eaux therma- les le Or. Fantoni, professeur émérite de l'Université de Turin , sous ce titre , De Aquis Gratianis libdlus. Toute petite qu'elle est, cette dissertation renferme d'excellentes vues prati- ques et des préceptes très-propres à diriger dans 1 administration de ces eaux. Ce mémoire écrit dans une langue étrangère , est trop peu connu ; on le trouve ainsi que celui qui re- garde les eaux d'Echaillon ( De aquis Mauriïmetuibus) dans l'ouvrage intitulé Johannis Fantoni, medici R^gii, et in Taurincnsi Academiâ Professons emeriti opuscula medica et phisiologica* Genevœ, PessillaRI , 1748, 40.

7 premier des bains , et s'en déclara le protecteur et le maître. Les préfets de l'Allobrogie les embellirent et ils furent bientôt changés en de véritables Thermes. Ils ont ensuite été restaurés et considérablement augmentés par l'Empereur Gratien. On peut reconnaître ces différentes époques , par les difFérens degrés de perfection qu'on remarque dans les mo- numens qui ont échappé à la faulx du temps: ces Thermes, ainsi que ceux de Tite à Rome, avoient leur entrée principale , leur enceinte , leur piscine., leurs Apoditàrium , Laconicum, Tepidarium, Eleothesium, etc. [r].

Mais les incendies, les révolutions politiques arrivées dans le moyen âge et qui ont accompagné la décadence de l'Empire Romain, ont fait entièrement perdre le nom du véritable auteur de ces bains, et les mo- numens qui pourr.iient nous en rappeler le souvenir. Un incendie gé- néral eut lieu en 130 d'après Cabias , un autre dans le 13e. siècle; le dernier dans lequel les archives furent consumées par les flammes ain?i que l'hôtel de ville, arriva en avril 1739.

Mais si l'histoire ne nous a rien laissé sur Aix, les restes des bâtimens romains , les inscriptions , les médailles nombreuses qu'on y a trouvées en difFérens temps, le Vaporariun , le Temple de Diane, les bains de marbre trouvés dans beaucoup de maisons particulières, des fragmens de vases étrusques , de pavés à la mosaïque, de" statues, etc. sont des té- moignages certains que la ville d'Aix a joué un rôle marqué tandis qu'elle était sous le pouvoir des Romains.

[1] Le cit- Aîbanis BeaumonT, ingénieur distingué et profondément versé dans la con- naissance des antiques , auteur d'un ouvrage très-précieux sur toutes les Alpes imprimé en Anglais grand fol. et orné de gravures en couleur de la plus grande beauté , ayant fait dans l'été de l'an IX un assez long séjour dans cette ville, s'est vu à même, au moyen des diverses fouilles qui existaient déjà et de celles qu'il a fait faire , de t.acer le plan général que devaient avoir ces Thermes ; il le fera paraître soui peu dans un ouvrage des plus in- téressans qu'il va publier sur la Savoie.

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Mon dessein n'est pas d'entrer dans de longs détails sur les monumerts antiques d'Aix : cependant je ne puis m'empêcher de dire un mot sur les trois principaux: le Temple, l'Arc de CAMPANUS, et le Vapcrarium.

Le TEMPLE est un édifice carré-long, de 13 mètres 5 décim. de large, sur 16 mètres de long et 8 de hauteur environ, jusqu'à la corniche qui termine la partie antique du bâtiment. Il est construit en pierres calcaires taillées en gros quartiers superposés les uns aux autres. Il avait sur ses façades de l'Est et de l'West un fronton entouré d'une corniche.

Ce temple 'paraît n'avoir pas été entièrement achevé. La muraille formée par ces quartiers énormes de pierre était revêtue en dedans d'une chemise faite avec des moellons. L'opinion sur la divinité à l'honneur de laquelle il a été construit est partagée : les uns le regardent comme un temple de Vénus ; d'autres veulent qu'il ait été consacré à Diane; on pencherait plus volontiers pour cette dernière opinion lorsqu'on re- fléchit que cette déité était l'emblème de la chasteté et de la décence qui doit régner dans un lieu destiné aux bains.

L'arc de CAMPANUS, qui est encore assez entier, quoique à moitié enfoui sous terre , paraît avoir été l'entrée des Thermes. On l'a regardé long-temps comme un arc sépulcral. Cette opinion paraît cependant moins probable, si l'on fait attention que dans les inscriptions qu'on y trouve il n'y a aucun signe aqui dénote un semblable usage. (1) L'inscription principale

L. POMPEIVS CAMPANUS V1VS FECIT

paraît désigner celui qui en est l'auteur. Les autres désignent-elles les

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(1) C'est le sentiment du cit. AlBANis Beaumont déjà cité.

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membres de sa famille , ou bien les personnes qui ont coopéré à cet ouvrage r ou bien encore , comme le pense Andr. Baccius Elpi- dianus , porteraient-elles les noms des Ministri des Thermes? C'est ce qu'il est impossible de déterminer : mais la première opinion parait la plus vraisemblable.

11 est construit ainsi que le Temple de gros quartiers de pierre éga- lement superposés les uns aux autres sans ciment. La coupe des pierres est admirée des connaisseurs : sa forme est simple et élégante : son arc est à plein ceintre. Les pilastres qui le décorent nous annoncent cepen- dant qu'il ne date que de la décadence des arts. II présente sur la face qui est tournée êrTwest huit niches qui renfermaient vraisemblablement les effigies des personnes dont les noms sont portés sur l'inscription qui est au bas.

Le Vaporarium (i) est sans contredit le monument le plus précieux que les Romains aient laissé à Aix. Il a été détruit en partie dans les révolutions du moyen âge ; mais ce qui en reste suffit pour nous donner une idée de l'ensemble de ces bruns , et de l'art avec lequel leurs auteurs ont su utiliser , autant qu'il était possible , les eaux minérales

Sur un sol affermi par plusieurs couches de ciment on a fait un cadertage en larges briques carrées : au dessus on a élevé des colonnes également en briques à la hauteur d'un mètre , formées la plupart de douze assises de briques rondes ou demi-circulaires. Une voûte plate a été établie sur ces colonnes au moyen de larges et épaisses briques qui portent en relief l'inscription CLARIANVS (2). Les carac-

(1) Les restes du Vaporarium d'Ais se trouvent sous la maison du cit. Perp.ier , Chi- rurgien distingué par ses talens , établi dans cette ville depuis peu. il les a fait déblayer , et au moyen des réj.a ations qu'il y a fait faire , on peut parcourir commodément tons les souterrains qui en dépendent.

(z) Il est assez singulier qu'à Viemie-en-Dauphinè on ait trouvé dans l'enclos du Couvent de Ste. Claire , des briques de la même forme , des mômes dimensions , avec la même inscription en relief. Chokier , qui rappore ce fait > dit que l'on a trouvé dans ce locai

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îères en sont du haut empire. Do petites cheminées disposées le long des murs qui servent de parois à ce bâtiment , établissaient communi- cation entre la partie voûtée dont je viens de parler présentement et se rassemblait l'eau destinée à fournir les vapeurs , et l'apparte- ment qui était au dessus. La voûte plus basse dans le centre forçait les vapeurs qui se trouvaient condensées entre elle et la surface de l'eau, à s'échapper parles petites cheminées qui étaient au pourtour, et elles venaient remplir la chambre destinée à leur administration.

Les incendies , les inondations , l'élévation du sol d'Aix avaient telle- ment fait perdre le souvenir de ce Vaporarium , que les murs de ville ont été bâtis en partie sur une voûte plate , dont les colonnes avaient été sans doute détruites autrefois par l'eau thermale , l'humidité du lieu , ou le \aps du temps. Les murs avaient 9 mètres de haut et plus d'un mètre d'épaisseur; la voûte plate cependant n'a point été ébranlée.

L'eau thermale ayant fourni au bain de vapeurs , passait dans un grand bassin appelé par Vîtruve et Mercurialïs, Natatio , piscina. Ce bassin existe encore à Aix , et porte le nom de Bain-royal.

D'après l'Histoire de la Chambre des Comptes de Savoie , par Capré ( pag. 101 ) , il paraît que cette Chambre se retira à Aix , depuis le premier jusqu'au 2.7 novembre 1564, parce que la peste était alors à Chambéri. Cette maladie qui ravagea toute l'Europe dans ce siècle , ne parut point à Aix. Le même fléau ayant reparu en 1630 , toute la Savoie éprouva ses fureurs: la ville d'Aix en fut encore exempte; et le Souverain Sénat y vint tenir ses séances , Maison Dardel. ( Note com- muniquée par le cit. R01SSAB.D , juge de paix de VarrondK d'Aix. )

une infinité de débris de têts > qui font avec raison présumer que jadis il s'y trouvoit une grande fabrique de briques et de poterie. ( Voyej les Recherches du sieur CHOMER , sur let antiquités de Vienne > Métropole des Allobroges. Lyon et Vienne, chez BaCDRaND , 1659, livre II , pag. 15 j ),

II

Pour achever l'Histoire politique d'Aix , il faudrait encore considérer les divers Gouvernemens que cette ville a eus , l'influence de ces Gouvetnemens sur les mœurs , et celle des mœurs sur les révolutions qu'elle a éprouvées: mais des détails semblables sont peu liés à une Topographie médicale ; ils demanderaient d'ailleurs des talens bien au dessus de mes moyens , et un temps dont les circonstances ne me permettent pas de disposer : c'est pourquoi je passe à son Histoire Naturelle.

HISTOIRE NATURELLE.

Le vallon se trouve la ville d'Aix offre un tableau agréable et pittoresque. Le paysage est riant , le terrain fertile , et tout y semble inspirer la paix et la gaîté. La vue d'un lac , une plaine vaste , de riches pâturages qu'une rivière traverse en serpentant ; les coteaux couverts de terres labourables et de vignobles dans le bas , et à une certaine hauteur couronnés par des arbres de haute futaie ; des échap- pées de vues sagement ménagées par la Nature , offrant à chaque pas un spectacle différent : tout y séduit , tout y enchante , tout y est fait pour rappeller les isles délicieuses dont parlent le Tasse, le Camoens et Fenelon ; j'irais trop loin , s'il fallait décrire toutes les beautés du site d'Aix ; il suffira , je pense , de dire que par sa beauté seule il serait déjà salutaire à ceux qui viennent user de ses eaux minérales, Une belle situation est un point fort important pour des bains médi- cinaux dont les sites la plupart agrestes , sauvages et dépourvus des objets propres à faire oublier aux malades les maux dont ils sont accablés , s'opposent aux bons effets qu'on aurait lieu d'en attendre.

Mais ce n'est pas seulement sous le rapport des agrémcns de la vue que le site d'Aix est curieux , il l'est encore aux yeux de celui qui aime à considérer la Nature sous tous ses rapports. Le Géologue t'y voyant dans une vallée qui est au pied d'une chaîne des Alpes ,

Ï2,

«t à peu de distance , dans une autre chaîne du Jura , sera sans doute curieux d'observer cet entrelacement de deux sortes de montagnes si différentes par leur nature et leurs productions.

Aix est entre la Montagne de Trèvignin et celle de St. Innocent. La première au couchant esî presque toute taillée à pic ; elle court depuis Anneci jusques à Chambiri , dont elle s'éloigne en se prolongeant au levant : elle est coupée deux lieues au nord d'Aix par une rivière nommée Cheran. Cette montagne dans son étendue change de nom relativement aux Communes auxquelles elle touche. Quoique courant assez en ligne droite , elle se détourne d'une manière très-sensible dans sa partie la plus voisine d'Aix. On n'y trouve presque pas de dépouilles de coquil- lages , de lithophites , etc. et les couches supérieures sont en général parallèles à la figure externe. La roche est calcaire , veinée de spath , et dans quelques endroits de feld-spath.

La Montagne de St. Innocent , vis-à-vis la précédente , prolongement du Jura , cultivée en partie ^ est aussi très-escarpée sur son flanc occidental. La roche qui la soutient , de nature calcaire , est semée de dépouilles de petits coquillages , parmi lesquels on en peut détacher quelquefois de tout-entiers : cela s'observe également sur le reste de la chaîne de montagnes à laquelle elle appartient : son flanc oriental con- tient plusieurs cavernes ; il y en a une entr'autres très-remarquable au dessus du hameau de Savigni , dans laquelle est une abondante carrière de tuf , pleine de particules fossiles.

La vallée d'Aix est bornée au nord et à Test par des montagnes , su midi et à l'west par des collines toutes cultivées. Elle n'est ouverte qu'au nord-west se trouve le lac du Bourget. La partie de la vallée qui est au sud renferme quelques marais ; mais ils sont à plus d'une lieue de la ville. Cette dernière est adossée au couchant d'une montagne calcaire , qui paraît être le foyer des deux sources d'eau chaude qu'elle possède. Ce phénomène est sans doute le plus étonnant qu'elle présente , puisque ces eaux coulent depuis plus de dix-huit siècles,

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«t avec une abondance extraordinaire : comme je dois en parler dans un article à part , je passe à d'autres consLlérarions.

Quoiqu'on ne puisse pas suivre fort loin le courant des sources ther- males dans les flancs de la montagne , on est autorisé à croire qu'elle n'en est pas moins le véritable foyer de la chaieur des eaux. Casias parle de certaines ouvertures qu'on y rencontrait de son temps , et par lesquelles il s'exhalait une grande quantité de vapeurs hépatiques ; on les appelait , dit-il , puits d'enfer ; bien que cela n'existe plus aujour- d'hui , on sait , d'après le rapport des habita.is de la montagne , qu'il s'y trouve un endroit la neige fond aussitôt après être tombée , bien-que les lieux voisins en soient couverts à la hauteur de plusieurs décimètres. Quoique la montagne ne présente aucun produit volcanique , néan- moins on voit à une lieue au dessus d'Aix , au hameau de Pougni , un phénomène qui fait présumer que jadis elle a éprouvé dans cet endroit- un aifùssement considérable C'est une étendue demi- circulaire , taillée à pic, et l'on aperçoit manifestement encore les traces de la disposition primitive des bancs de roc : des blocs de pierre calcaire sont entassés au bas sans ordre. On y rencontre aussi une fente d'où l'on prétend voir sortir de temps en temps des bouffées de vapeurs.

Le bas de la montagne est cultivé ; la terre remplie de débris cal- caires est avantageuse à la vigne ; il en vient un ruisseau qui fait aller quelques moulins. Avant l'incendie de 1739 , il passait au milieu de la ville , et ses inondations n'ont pas peu contribué à en rehausser le sol., er à faire perdre la mémoire des monumens romains. L'eau destinée à fournir à la boisson ordinaire des habitans de la ville vient également de cette montagne , quoique un peu chargée de chaux sulfatée ( sélénite ) battue dans les canaux qui l'amènent à Aix , elle arrive pure , limpide , fraîche et agréable.

La pierre à bâtir y est abondante. La terre du fond de la vallée varie ; mais en général elle est noire , pesante , assez compacte , et très-fertile : c'est de la vraie terre meuble . Elle est onctueuse au tou-

cher si elle est humide ; et paraît être un mélange de parties calcaires , argileuses et de débris de végétaux : la silice n'y est pas bien abondante. Le Tillet , petite rivière qui parcourt la vallée en serpentant dans la prairie , est le dégorgement des marais de Méri ; mais son cours du sud au nord est assez activé par la pente naturelle du vallon vers le lac du Bourget , pour qu'on n'ait à craindre aucun effluve perni- cieux. Le Sierre , torrent qui coule de l'est à l'west , vient de la mon- tagne qui est au nord-est de la vallée.

La colline de Tresserve , qui sépare cette dernière d'avec la partie sud du lac , paraît être entièrement formée d'un grès tendre , dont les couches sont légèrement inclinées du côté du lac. Au couchant du même lac est une autre chaîne des Alpes : le Mont-du-Chat , le plus élevé de cette chaîne , domine toute la vallée d'Aix à l'west ; on y trouve beaucoup de coquillages fossiles : une de ses branches sur-tout , près du hameau appelé Chana^ , situé sur le dégorgement du lac , en pré- sente une quantité étonnante : des cœurs de bœuf , des ammonites , des oursins , des dents de poisson , etc. etc. etc.

On ne trouve aux environs d'Aix aucun vestige de mines ; mais le règne minéral nous offre encore à 10 kilom. d'Aix ( deux lieues ) , sur le flanc tourné à l'est de la montagne qui borde le couchant du lac du Bourget , une fontaine intermittente assez curieuse. Elle est à 10 minutes de l'ancien Monastère d'Hautecombe : la quantité d'eau qui en sort à chaque irruption est toujours la même [i] ; mais les inter- missions varient singulièrement : pendant les ardeurs de l'été , l'eau ne sort souvent que toutes les 24 heures une fois ; mais dans les saisons pluvieuses , de quinze en quinze , de vingt en vingt minutes , ou même

(1) Ce phénomène vient à l'appui de l'opinion des Physiciens de nos jours , sur la cause de l'intermittence de quelques sources , qu'ils rapportent à la théorie de Siphon.

M

plus souvent , puisque je l'ai vu paraître toutes les cinq minutes après les pluies abondantes qui terminèrent l'été de l'an V.

Le hameau de St. Simond , à 20 minutes nord d'Aix , fournit une source martiale assez abondante et très-chargée du principe ferrugineux; une autre source plus abondante encore et bien plus chargée du prin- cipe martial , se trouve à 10 kilom. ( deux lieues) de , en conti- nuant la route au nord. De sorte que dans un espace de trois lieues (15 kilomètres ) en ligne droite , on a deux chaînes des Alpes, deux sources martiales , deux sources d'eaux thermales , une fontaine inter- mittente , une chaîne du Jura , et un lac

Je présente ici la note des Plantes usuelles que Ton trouve soit dans la campagne , soit dans les jardins d'Aix. Si l'on désire de plus amples détails à cet égard , je renvoie à la notice qu'a donnée le D'-. Daquin , dans sa Topographie médicale de Chambéri.

DIANDRIE.

Jasminum officinale. Veronica Beccabunga. Ojficinalis. Spicata.

Anaçrallis.

o

Arvensis. Verbena ojficinalis. Salvia ojfic.

Pratensis.

Jasmin.

Beccabunga.

Véronique.

V. à épi.

V. faux- mouron.

V. à fleurs sessiles.

Verveine.

Sauge.

S. des prés.

TRIANDRIE.

Anthoxanthum odoratum. Iris nostras. Valeriana ojficinalis.

Phu. Panicum miliaccum.

Iris.

Grande Valériane; V. Phu. MUlet.

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Bri\a média. Avena Sauva»

P raterais* Lolium temulentum, Secale céréale. Hordeum vulgare* Triticum hïbernum.

Kepens.

Spetta.

Monucocurru Gîobularia vulgaris. "

Brise moyenne

Avoine cultivét

A. des prés.

Ivraie.

Seigle cultivé.

Orge.

Froment.

Chien-dent.

Gi. Épeautre.

Pi t. Épeautre (0

Globulaire.

TETRANDRIE. Scabiosa arvensir. Gallium verum.

Mallugo. Aparine. Rubia tinctorum. Plantago major. Media. Sanguisorba officinalis. Alchemilla alpina. llex aquifolium.

Scabieuse.

Gdillet , Caille-lai%

Caille-lait blanc.

Grateron.

Garance.

Grand Plantain.

Moyen Plantain.

Gr. Pimprenelle.

Pied - de - Lion.

Houx.

PENTANDRIE. Lithospermum officinale. Anchusa offic. Cynoglossum offic, Pulmonaria offic. Syrr.phitam offic.

Gremil.

Buglose. Cinoglosse. Pulmonaire. Gr. Consoude.

(i) I es maladies auxquelles les grains y sont le plus sujets , sont la pourriture , et l'avor- teinent : 1 ergot est assez rare.

1J

Borrago offic.

Echium vulgare. Evonymus Europœus*

Eryngium campestre. Angelica archangelica. Coriandrum sativum. Scandix Cerefoliurru

Odorata. Pastinaca sativa. Anethum fxniculum. Daucus Carotta. Srivestris. Conium maculatum. Apium Qraveolens.

Petroselinum. S articula Europcca. Chenopodium vulvaria. Alsine média. Linum usitatissimum. Primula veris.

Auriculata. * Cyclamen Europœum. Menyanthes trifoliata,

Anaoallis arvensis. Convolvulus arvensis. Campanula hederacea. Lomcera caprifolium. Verbascum thapsus. Datura stramonium.

Bourrache.

Vipérine.

Fusain , Bonnet de

prêtre. Chardon-Rolland. Angélique offic. Coriandre. Cerfeuil. C. musqué.

Panais cultivé. Pastenad?* Fenouil.

Carotte cultivée. C. sauvage. Ciguë. Ache. Persil. Sanicle. Velvote.

Mouron des oiseaux. Lin cultivé. Primevère. Oreille d'ours. Pain de Pourceaux. Trèfle d'eau , Trèfle de

marais. Mouron.

Liseron des champs. Campanule à fe. deLierre. Chèvre-feuille. Bouillon-bl^nc. Pomme épineuse : (dans les jardins.)

i8

Hyosclamus albiis. A trop a Bella-dona. Solarium nigrum.

Dulca - amara.

luberosum.

Physalis alhehengi. Rhamnus catharticus* Vitis vinifera

Ribes grossularia.

Rubrum, Hedera hélix. Beta vulgaris.

Rubra.

Cicla.

Gomphrena globosa*

Vinca major, Vlmus campestris. Centiana lutca.

Centaurium. Sambucus communis nigra.

HEXANDRIE. Allium.

Lilîum candidum. Anthericum Liliastrum. Asparagus ojficinalis. Convallaria maïalis.

Polygonatum.

Jusquiame blanche."

Bella-dona.

Morelle.

Douce-amère.

Pomme de terre : (on en a 4 ou 5 variétés).

Alkekenge.

Nerprun.

Vigne cultivée , ( un très - grand nombre de variétés. )

Groseiller sauvage.

Gr. Rouge ordinaire.

Lierre.

Poirée.

Betterave.

Racine de disette , d'abondance.

Amaranthine. Immor- telle.

Pervenche.

Orme.

Gr. Gentiane.

Petite Centaurée.

Sureau ordinaire.

Ail : ( une infinité

d'espèces. ) Lis.

Lis de St. Bruno. Asperge. Muguet de mai. Sceau de Salomon.

Junctis acutus. Galanthus nivalis. Berberis vulçaris. Rumex acetosa.

Acetosella.

Patientia. Colchicum autumnale.

HEPTANDRIE. JEsculus hippocastanum.

OCTANDRIE.

Vacciniwn myrtillus. Erica Scoparia. Vulgaris. Daphne Me\ereum. Polygonum aviculare.

Persicaria.

Fagppyrum.

Bis tort a.

ENNÉANDRIE. Laurus nobilis.

Rheum Raponticum.

DÉCANDRIE. Saponaria officinalis.

Dianthus Cariophyllus,

Silvestris. Sedum acre.

Rupestre. Lychnis flos-cuculi.

Ruta graveolens. Arbutus uva ursi. Oxalis acetosella.

Jonc piquant.

Perce-neige.

Epine-vinette.

Grande oseille.

Oseille auriculée.

Patience.

Colchique : tue chien.

Maronnier d'Inde.

Airelle : Embrune. Bruyère à balais. B. Commune. Bois gentil. Renouée. Persicaire. Blé-sarrazin. Bistorte.

Laurier : ( cultivé dans

les jardins ). Rapontic.

Saponaire. GEillet des jardins. (E. sauvage. Vermiculaire acre. Pet. Joubarbe. Fleur de Coucou.

Pétard. Rhue offic. Busserole. Alléluya,

20 DODÉCANDRIE. A^arum Europœum. Lythrum Salicaria. Agrimonia Europœa. Euphorbia Cyparissïas»

Lathyris,. Sempervivum tectorum. Portulaca oleracea.

Cabarer. Salicaire.

Aigremoine ofïïc. Euphorbe Capillaire»

Tytimale. Epurge. Catapuce. Joubarbe commune» Pourpier.

ICOSANDRIE.

Prunus domestica. Cerasus.

Armeniaca. Amygdalus persica.

Communis* Pyrus Communis.

Malus.

Cydonia. Crathegus oxyacantha. Mespylus germanica. Spircca ulmaria. Posa Canina. Gallica. Rubus idœus. Fragaria vesca^ Potentilla anserina*. Tormentilla erecta. Geum urbanum.

Prunier. Cerisier. Abricotier» Pêcher. Amandier. Poirier. Pommier» Coignassier. Aubépin. Néflier.

Reine des prés, Cinorodon. Rose, de provins. Framboisier- Fraisier commun» Argentine. Tormentille. Benoite.

POLYANDRIE. Nymphéa alba.

Lutea. Chelidonium majus.

Nénuphar blanc. N. Jaune. Gr. Eclaire»

Papaver Rheas.

Somniferum.

Tilia Europcea. Delphimum Ajacis.

Aconitum Napellus. Aquilegia vulgaris. Anémone nemorosa. Clematis vitalba. Ranunculus bulbosus.

Rupens.

Acris. Helleborus fxtidus.

Coquelicot.

Pavot blanc : ( dans les

jardins ). Ti leul. Pied d'alouette : ( dans

les jardins ). Aconit officin. Ancol e offic. Anémone des bois. Herbe aux gueux. Renoncule bulbeuse, Rampante. Bouton d'or. Hellébore puant.

DIDYNAMIE

Ajuga reptans. Teucriwn camccdris, Hyssopus officin. Mentha rotundifolia. Lavandula spica. Nepeta caturia. Satureja hortsnsis. Glechoma hederacea, Betonica offic. Origanum vulgare.

Major ana, Thimus serpillum.

Vulgaris. Melissa vulgaris.

Calaminta. Euphrasia officinalis.

Bugle.

Germandrée.

Hissope.

Mentastre : Baume.

LavanJe ordinaire.

Herbe-au-chat.

Sarriete.

Lierre terrestre.

Betoine.

Origan.

Marjolaine.

Serpollet.

Thim des jardins.

Citronelle.

Calament.

Euphraise.

22,

Anthirrinum linaria. Majus.

Scrophularia aquatica.

Ocymum basilicum. Minimum, Monachorum.

Digitalis purpurea

TETRADYNAMIE. Lepidium sativum. Tlaspi but sa pastoris.

Cochlearia offic.

Sisymbrium nasturtium. Erysimum offic. Cheiranthus Cheirî.

Brassica napus.

Oleracea.

Rubra.

Arvensis.

Eruca. Sinapis arvensis. Raphanus sativus,

MONADELPHIE. Géranium Robertianum,

Gruinum. Altea officinalis. Malva rotundifolia. Crispa,

Linaire."

Mufle de Veau.

Scrophulwire.

Basilic cultivé.

B nain.

B. des moines : ( culti- vés tous les trois dans les jardins ).

Digitale pourprée.

Nasitor.

Bourse à Berger : Ta- bouret.

Cochlearia usuel : Cran- son.

Cresson de fontaine.

Velar, herbe au chantre.

Vieullier jaune : ( cul- tivé dans les jar- dins.

Navet.

Chou cultivé.

Ch. rouge.

Ch. sauvage.

Roquette.

Moutarde des Bleds.

Rave cultivée.

Herbe-à-Robert. Bec-de-grue. Guimauve. Mauve offic. M. frisée.

23 DIADELPHIE. Fumarla offic.

Polygala vulgaris. Genista montana. Ononis arvensis. Phaseolus vulgaris.

Lathyrus Sativus.

Odoratus,

Vicia Sativa. Ervum lens. Cicer arietinum. Galega offic. Melilotus offic. Hedysarum onobrychis,

Trifolium pratense. Arvense. Medicago Sativa.

POLYADELPHIE. Hypericum perfoliatum.

SYNGENESIE. Tragopogon pratense.

Porrifolium. S coi sonera Hispanica. Sonchus alpinus. Lactuca Sativa. Leontodon Taraxazum. Cicorium indivia. Intibus. Arctium happa. Hiemaum Pdosella.

Fumeterre;

Poligala offic.

Genest des montagnes.

Arrête-bœuf.

Haricot: ( il s'en trouve

une infinité d'espèces). Gesse cultivée. Pois-de-senteur : ( dans

les jardins ). Vesce cultivée. Lentille. Pois-chiche. Galéga des boutiques. Mélilot. Esparcette : Sain - foin ;

Pélaga. Trèfle des prés. T. des champs. Luzerne.

Mille-pertuis.

Barbe- bouc.

Cerciflx.

Scorsonère.

Laitron.

Laitue cultivée.

Pissenlit : dent-de-lion.

Endive.

Ch. sauvage.

Gr. Bardanne.

Piloselle : oreille - de~

souris.

±4

Carduus acaulls.

Marianus. Cinara Cardunculus.

H<>rtensis. Carlina vulgans. Carthamus tinctorius. Tanacetum vulgare. Arthemisia vulgaris.

Abrotanum.

Pontica.

Absinthium.

Dracunculus. Gnaphaliun% diuïcum. Tussilago farfara. Senecio vulçraris. Jacobaa. Solidjgo viroa aurea. Inula Helenium. Arnica montana. Bellis perennis.

Chrysanthemum Leucanthemum. Achillea Mille-folium. Centaurea Cyanus.

Benedicta.

Calcitrapa. Matricaria parthenium. Anthémis nobilis.

Ai vends. Heliantus a inuus. Ca^nduia ojjic.

Chardon sans tige.

Ch. marie.

Le Chardon.

Artichaud.

Car'.ine commune.

Safran bâtard.

Tanaisie.

Armoise.

Aurone.

Pet. Absinthe.

Gr. Absinthe.

Estragon.

Pied-de-chat.

Pas-d'âne à il. jaune.

Séneçon.

Jacobée.

Verge d'or offic.

Aunée.

Tabac- du- Savoyard.

Pâquerette.

Gr. Margueritte.

Mille-feuille.

Aubifoin , Casse-lunette;

Bluet. Chardon bénit. Chausse trape. Matricaire oflF. Camomille romaine. Pet. Camomille. Tournesol : Soleil» Souci.

GYNANDRIE.

MONOÉCIE.

*5

Viola odorata.

Bicolor.

Tricolor. Eupatorium canabinum. Impatiens balsamina. Orchis morio. Ophris arachnites. Serapias rubra . Arum maculatum. Lemna minor. Zea Maïs.

Betula alba.

Alnus. Buxus semper virens. Urtica urens. Monts alba. Poterium Sanmiisorba. Quercus robur* Juglans regia. Fagus silvatica. Castanea. Carpinus betula. Corylus sauva.

Avellana.

Pinus silvestris.

Picea.

Abies»

Larix. Bryonia alba.

Violette.

Pensée des champs.

Pensée des jardins.

Euparoire.

B-ilsamine des jardins.

Orchis.

Ophrise araignée.

Elleborine rouge.

Pied de veau.

Lentille d'eau.

Le M aïs , blé de Turquie,

de Piémont. Bouleau. Aulne. Buis.

Gnèche. Ortie. Mûrier.

Pet. Pimprenelle. Chêne blanc. Noyer. Hêtre. Châtaigner. Charmille : Charme. Noisetier. Avelinier : ( dans les

jardins ). Pin. Pèce. Sapin. Meléze. Couleuvrée : Brione ;

Courge sauvage.

4

i6

DIOÊCIE.

POLYGAMIE.

Cucumis Anguria,

Melo. Cucurbita Pepo.

Lagenaria.

Melo Pepo.

Ovifera pyriformis. Aurantiformis,

Salix alba.

Babilonica.

Viminalis.

Vitellina. Viscum album. Humulus Lupullus. Populus alba.

Tremula. Fastigiata. Mercurialis. Spinacia oleracea. Cannabis sativa. Taxus baccata. Juniper us communis.

Valantia cruciata. Acer pseudo-platanus.

Campestre. Fraxinus excelsior. Ficus çarica.

Ces

Angurie ; ( dans les

jardins ). Melon : (dans les jardins).' Potiron. Calebasse. Courge tuberculeuse : et

autres espèces. C. poire. C. orange.

deux espèces ne se

trouvent que dans les

jardins.

Saule.

S. Pleureur,

Ozier blanc.

Ozier jaune.

Guy.

Houblon.

Peuplier ordinaire.

Tremble.

P. d'Italie.

Mercuriale.

Épinard.

Chanvre.

If.

Genévrier.

Croisette.

Erable blanc. Sycomore. Erable ordinaire. Frêne commun. Figuier commun.

*7

!. Equisetum palustre.

Prèle : Queue de che-

val ; Aprêle.

Ophioglossum vuîgatum.

Langue de Serpent.

Asplenium scolopendrium.

Scolopendre. Langue ds

Cerf.

Adianthum nigrum.

Capillaire noir.

Polypodium vulgare.

Polipode.

Filix mas.

Fougère mâle.

Filix femina.

Fougère ordinaire.

Adianthum Capillus veneris.

Capillaire en éventail.

Lycopodium clavatum.

Licopodium off.

Mmum,

•\ Les espèces en sont in-

Brium.

> nombrables, ainsi que

Lichen.

J les variétés.

Boletus igniarius.

Amadoutier.

Fungus.

Champignon. On trouve

à Aix beaucoup de

champignons édules.

Lycoperdon tuber.

Truffe noire.

Le Règne Végétal, comme on peut le voir par cette légère es- quisse de la flore des environs d'Aix , ne nous offre pas moins d'objets à considérer et dignes de piquer la curiosité du naturaliste , que le Règne Minéral. Les productions de la première chaîne de mon- tagnes dont j'ai parlé sont en général les arbres conifères ; le mélèze et le pin y sont en petite quantité , mais le sapin y abonde. On y voit les plantes alpines les plus communes. Celles de la montagne de St-Innocent sont bien différentes. On n'y trouve point la violette des Alpes, ni beaucoup d'autres de ce genre, mais une grande quantité de sedum album. Comme les bornes d'une dissertation

i8

ne' me permettent guère de m'étendre sur la flore de ce pays je me suis borné à faire l'énumération des plantes qui sont les plus intéressantes tant sous les rapports médicinaux que sous ceux du commerce , de l'agriculture et de la vie domestique. Le chanvre y croît très-bien, le lin également , mais on en retire à peine pour la consommation, et elle est grande dans un endroit le linge esLpresque continuellement exposé à l'action de l'eau ou de la vapeur sulfureuse. Les châtaignes de St Innocent sont renommées. Elles font une branche considérable de commerce. Celles de Trcsssrve en ap- prochent beaucoup quoiqu'elles n'ayent ni leur grosseur , ni la fiiiesse de leur. goût. Les plantes potagères y viennent très-bien ; elles sont trop nombreuses pour en faire l'énumération; mais elles sont toutes caractèri-ées par une saveur exquise. Les fruits d'été y sont abondans et des meilleures espèces. On ne voit à peu près à Aix, que ceux de la Basse-Savjie , si nous en exceptons les figues qui sont excellentes , et qu'on peut com- parer à celles d'Avignon et de la haute Provence. Les coteaux sont cou- verts de châtaigners, de hêtres, de chênes : les montagnes , comme je l'ai dit plus haut, de sapins, de pins , de mélèzes , de genévriers, de buis , de bruyère , etc. La prairie offre des noyers , des mû- riers, des saules , des peupliers , des érables : et presque toute l'année elle est émaillée de fleurs. Le foin y est abondant, surtour dans les endroits vont se répandre les eaux sulfureuses. On en retire commu- nément trois récoltes , y compris le broutage qui a lieu dès vendé- miaire, jusqu'à l'apparition de la neige. Depuis quelques années on a multiplié les récoltes de foin par l'établissement des prairies artificielles» le trèfle, la luzerne, le sain-foin, sont les plantes les plus employées pour cela : en général dans toute la vallée la force végétative est con- sidérable, les arbres sont élancés et forts, les plantes herbacées croissent vite, très-haut, et sont bien nourries. La partie aride des coteaux est tapissée de serpolet; elle fournit une excellente nourriture pour les trou- peaux à laine dont la chair est délicieuse.

29

On pourrait aisément naturaliser dans le territoire d'Àix bien des plantes qui ne croissent que dans les Départemens du midi. Plusieurs solanées sont de ce nombre telles que la tomate ou pomme d'amour solanum lycopersicum , l'aubergine solarium insanun, le grenadier , punie a granitum, le câprier capparis spinosa , le topinamboux hdianthus tube- rosus, etc.

Le Règne Animal ne présente pas moins d'intérêt que les deux autres. Cette contrée offre très-peu d'insectes venimeux : les serpens qui, dit-on, n'y font aucun mal , ne sont que des couleuvres , car la morsure de la vipère y est aussi dangereuse qu'ailleurs ; mais ce reptile y est très- rare. C'est un vieux préjugé qui commence à s'éteindre, que de croire que les eaux sulfureuses ont la propriété de leur enlever tout venin : mais les serpens sans venins sont très-nombreux dans le mois de floréal et de prairial: les petits enfans du peuple les manient et s'en amusent dans les rues: ils vont les chercher dans les fentes de roc et dans la caverne d'où s'exhalent au dessus d'Aix des vapeurs sulfureuses [1].

Les vers à soie y réussissent bien, c'est même un objet considérable

de commerce pour les habitans : la culture du mûrier y est soignée ainsi

que l'éducation des abeilles.

Les insectes qu'on rencontre sur la montagne de Trévignin sont tous

des habitans des Alpes, les papillons Alexis, Ligea , JEthiops major et

quantités d'Apollons, des Cerambix les plus rares entre lesquels le cit.

Mjuxi Deloche en a trouvé une espèce non encore décrite; l'abeille

y fournit du miel très-blanc.

[I] JOSEPH BaUHIN, in historia fontis Bollensis , parle de l'innocuité des serpens d'Aix-en- Savoie et l'attribue aux vertus de ses eaux thermales' : mais Vallisntrius n'était pas du rrême avis: consulté par FaNTonI sur ce qu'il pensait de ce phénomène, il lui répondit que ks serpens qu'on trouvait auprès des ea ix c!i4.id?s , u'é-aieit qie de; anguis Esculapu qui sont sans venins. Il dit de plus que c'est une erreur des plus grossières , que de croire qu un se'pent qui est sans venin à Aix eu acquière étant transpoité ailleurs. (Cap. XII» joc, cit.) Le cit. DrapaKNAUD croit que c'est ie ccluber natrix.

La montagne de St-Innocent nous présente à peu près les mêmes insectes que ceux qu'on trouve dans la plaine qui est au bas, exceptés ks papillons Apollo, Phedra. Le naturaliste précité y a rencontré l'Aranea Osbehii , le Myrmeleon longicorne , un criquet non décrit, dont les ailes sont du plus beau pourpre. On y trouve quelques Mdoë cichorei, mais moins que sur la montagne de Trévignin il est en abondance sur le Lis de St-Bruno 4nthericum liliastrum. Cet insecte est d'autant plus in- téressant à connaître qu'il possède une vertu vésicante qui approche de celles des cantharides sans avoir comme elles une action funeste sur la vessie.

La chasse offre beaucoup d'agrémens à ceux qui aiment à se livrer à ce genre d'exercice ; la montagne fournit des chevreuils , des perdrix rouges, des faisans, etc : la côte, des lièvres, des cailles , rois-de-cailles, bécasses, etc : les bords du lac des canards sauvages, des poules d'eau , grèbes , morelles , des loutres , etc. etc Les pigeons, les canards, les poules, les dindons, etc peuplent les basses-cours.

Le lac du Bourget est très-poissonneux; il fournit des anguilles, des carpes, des perches , des lottes, des brochets , des truites saumonées de 15 à 20 liv. et au delà , l'umble chevalier, des alozes clupea arangus qui y arrivent en suivant les barques de sel qui remontent le Rhône , enfin le Lavaret poisson d'un goût exquis qui est propre à ce lac. Il ne se trouve nulle part ailleurs , et c'est une erreur que Valmont de Bomarre a avancé en disant qu'on le rencontrait aussi dans quelques autres lacs de la Savoie. ( V. son Dict. d'hist. nat. \

Le bétail est fécond; les bœufs, les vaches, les moutons sont les seuls qu'on y élève : les porcs y prospèrent aussi assez bien ; mais les chèvres ont été interdites depuis quelque temps à cause de leur dent destructive. On n'est point en usage d'y faire parquer les bêtes à laine, comme cela se pratique dans quelques Uépartemens de la République. La vallée d'Aix , n'offre aucun animal féroce ; ce n'est que dans quelques montagnes désertes et inhabitées de notre département, que l'on rencontre des loups, des ours, des sangliers.

3i

Parlons maintenant des habitans de cette intéressante contrée. ... Si comme dit Buffon (Discours généraux sur Us animaux sauvages) le climat est fait pour les mœurs et les mœurs pour Ae climat [i] ; si l'influence d'un ciel doux adoucit le naturel de l'homme, ne soyons point étonnés si à Aix les mœurs sont pures, douces , et si tout y res- pire bonheur, gaieté et plaisirs. Il est surprenant que malgré le concours immense d'étrangers qui y abondent chaque année , les mœurs ne s'y ressentent point encore de la corruption des grandes yilles. Il est vrai- semblable que le temps des Eaux , étant celui l'on est tout occupé de ses affaires , l'esprit tourné au travail n'a pas le loisir de se livrer à d'autres objets : car comme dit Ovide ,

Otia si tollas perière Cupidinis arcus Despectœque jaccnt et sine luce faces.

La commune d' Aix renferme 1200 habitans environ, sans compter

[1] L'influence du climat ne je borne pas seulement aux moeurs , elle s'étend encore sur Ces formes. Dans les rapprochemens heureux que le cit. DraParnaUD nous a t'ait entre les animaux et les végétaux , dans son cours d'Histoire Naturelle de l'an IX , il nous a prouvé par une infinité d'exemples combien les climats agissaient sur le physique et le mo- ral des uns et des autres. Ccmme la structure, et l'organisation des derniers est plus simple les systèmes organiques plus isolés les uns des autres , l'altération , le mode d'être , la mo- dification enfin qu'ils éprouvent est moins tranchante. Cependant nous voyons en général les plantes de l'Afrique , ainsi que les animaux et les peuples qui habitent cette conttée avoir quelque chose de monstrueux dans leurs formes : celles de l'Asie ont une taille svelte et des plus élégantes ; elles sont parées des couleurs les plus vives et les plus variées : elles nous fournissent les parfums les plus suaves. Les peuples de cette belle contrée ont presque tous une haute stature , ils aiment le luxe et la magnificence , et la mollesse de leurs mouvemens annonce leur extrême penchant à la volupté. Les plantes d'Amérique sont plus modestes; elles s'acclimatent facilement en Europe; de même aussi les Américains ont en général un caractère doux , qui se plie facilement aux maeurs et aux usages des Européens, Les plantes d Europe ont moins de brillant; on n'y trouve point ce faciès national, si je puis ainsi m'exprimer: mais aussi elles ne présentent point cette unifor- mité qui lasse dans celles des autres parties du monde: peut-être i'habitude de les voir mo- difie-t-elle les impressions qu'elles font sur nos sens (Voy. Discours sur les mœurs et la ma- nière de vivre des plantes, par J. DtiAPAKNAUD > pr ofesseur d'Hist. Nat. à CEcole Centrale de l'Hérault.)

3*

les enfans au dessous de ans qui en font à peu près le tiers. Années communes il y a 80 naissances , et 60 morts : de sorte que la population augmenterait considérablement chaque année, si le com- merce ne transportait ailleurs un grand nombre des habitans ; les filles y sont plus nombreuses que les garçons. Une preuve de la salubrité de l'air qu'on y respire est la longévité dont on y jouit; la durée or- dinaire de la vie est de 80 à 90. Les mariages sont féconds et le nombre moyen des enfans peut-être porté sans exagération à six. Les hommes y sont forts et robustes, assez portés au travail. La fidélité, la com- plaisance, les attentions les plus marquées, sont des. qualités morales qui font la base du caractère des habitans de cette contrée.

Le sexe y est gracieux; beaucoup de femmes y ont les yeux et les cheveux noirs, leur taille est en général svelte et bien prise. L'époque de la puberté a lieu ordinairement de 14 à 20 ans. Les soins péni- bles du ménage forment presque toute leur éducation : une fille dès son enfance est livrée aux travaux de l'économie domestique; aussi les femmes y sont-elles à l'abri des affections nerveuses si communes dans les grandes cités. La pluspart des mères ont la coutume d'allaiter leurs enfans; elles n'ont qu'à se louer d'une conduite si sage et qui les met ainsi que leurs nourrissons à l'abri d'une infinité de maux : aussi ne voit-on à Aix presque aucun rachirique ; aucun écrouelleux , et la santé se trouve peinte sur le visage de presque tous les enfans.

Le langage vulgaire est un patois très-doux , ayant beaucoup de syllabes siflantes ; mais la langue française fait partie de l'éducation de la jeunesse, c'est la langue de toutes les personnes de société, les do- mestiques même l'entendent et la parlent , ainsi que l'habitant de la campagne : cependant on y a un accent traînant comme on le remarque assez généralement dans les pays du nord.

Les alimens y sont bons et très - bien apprêtés. Le pain y est blanc ; le bœuf, le mouton , le veau , la volaille , le laitage , le gibier de montagne et de marais , le poisson , les légumes et le jardi- nage y sont excelîens : et c'est principalement pendant la saison des Eaux que la somptuosité des tables est à son comble.

33

La boisson ordinaire des tables bourgeoises est le vin. Il y a aux environs d'Aix d'excellens crus ; St-Innocent, Brison et Pont-Pierre l'em- portent sur tous les autres: ce sont de vrais vins de santé. On en tire également de Montmeliant, de Chautagne , etc. Les rapports com- merciaux , la facilité qu'on a de naviguer sur le Rhône par le lac du Bourget, met à même de se procurer tous les vins de France : aussi les caves d'Aix ne laissent rien à désirer sur cet objet. La bière y est peu usitée. Le thé , le café et le chocolat commencent à devenir à la mode.

L'agriculteur n'a pas tout à fait une nourriture aussi délicate : du pain de seigle, d'orge ou de sarrazin ; des légumes, des pommes de terre , des châtaignes, des raves, des oignons et du jardinage sont ses alimens ordinaires. Le laitage entre dans tous ses mecs : il fait très-peu usage de la viande : ses uniques assaisonnemens sont le sel et le poivre . Teau pure lui sert de boisson , il y joint souvent le petit-lait , le ba- beure , quelquefois le cidre et la piquette. Ses habillemens sont de laine pendant l'hiver, de toile simple -durant l'été , mais en tout temps ils sont larges ainsi que leur chaussure.

La chasse , la nage , la course sont les exercices auxquels la jeu- nesse d'Aix se livre ordinairement. Pendant la saison des Eaux , foutes les occupations se tournent vers ce dernier objet; et le reste de l'année vers le commerce et l'agriculture. Peu de personnes se livrent aux travaux de cabinet et aux sciences abstraites.

Les objets de commerce sont le sel qu'on tire de Peccais par le Rhône, et qu'Àix fournit à presque tout le département. Les vins . la soie , les châtaignes , et le maïs. Je ne parle pas des Eaux qui en font naturellement la branche principale.

Les rues de la ville sont larges et bien percées , il serait cepen- dant utile qu'on y joignît un peu plus de propreté et de bons pavés. Les maisons ont deux ou trois étages : et celles sur- tout qui sont bâties depuis peu sont très-commodes pour l'usage des bains. Le peuple y

5

34

est cependant généralement mal logé , et dans des lieux bas et humides.

Aix a un hospice Militaire qui n'est en permanence que quatre mois de l'année , pendant la saison des Eaux. Il avoit jadis un hospice pour les pèlerins , dont les revenus étaient peu considérables. Les pro- menades en sont belles, agréables et offrent de l'ombrage à routes les heures du jour. Au sortir de la ville sur la route de Genève , on a deux rangs d'allées de tilleuls et de marroniers, qui se séparanr bientôt en formant un angle aigu laissent entr'eux un espace triangulaire orné de plusieurs rangs des mêmes arbres. Cette promenade s'appelle le Gigot à cause de sa forme. Une belle avenue de peupliers d'Italie (populus fastigiata) conduit au lac qui est à une demi-lieue ( z kilom. et demi), et présente d'espace en espace des sièges pour se reposer. Veut-on respirer un air plus pur ? On n'a qu'à monter au dessus de la ville; parcourir les collines des environs et sur-tout celle de Tres- serve , dont tous les points de vue présentent mille tableaux pitto- resques.

D'après la beauté du site, l'air salubre qu'on respire à Aix , le concours de toutes les circonstances dont je viens de parler , la nourri- ture dont on y fait usage, etc. quelle influence ne doit pas avoir sur ceux qui viennent faire usage des eaux sur les lieux , indépendamment de l'usage de ces mêmes eaux, un ensemble de circonstances si propres à favoriser le bon effet des bains. Ajoutons y d'ailleurs le triple avan- tage des voyages , procurer de l'exercice, faire changer d'air , distraire l'esprit : trois puissantes causes qui opèrent souvent seules les change- mens les plus avantageux et les plus inattendus.

Qu'on ne m'accuse point d'exagérer les beautés et les avantages que présente la contrée qui fixe aujourd'hui nos regards : je n'emprunte point le pinceau du poète : c'est ici le langage de la vérité , simple et naïf, naturel au pays.

ff.

3*

"État actuel des Bains,

Les Eaux Thermales d'Aix forment deux courans (i) l'un connu sous le nom d'Eau de soufre , l'autre sous celui d'Eau d'alun. Comme cette dernière dénomination est très - impropre puisque cette source ne contient pas un atome d'alun ( sulfate d'alumine) je me servirai dans le cours de cette dissertation , du nom de source de St-Paul , sous lequel on la connait encore. Leur température s'élève du 33.0 de Réaumur au 36e. Les longues pluies les rafraîchissent et les chaleurs en augmentent la température. Le bassin dans lequel elles jaillissent en sortant du roc est recouvert d'une mousse verte , que le cit. Pictet, professeur de physique , à Genève , a regardé comme une conferve (journal de Genève 1789) (2); dans le bassin, les eaux paraissent plus laiteuses qu'au dehors.

La source dite de soufre est employée principalement pour la douche. Le bâtiment ci-devant Royal , .construit il y a quelques an- nées , est spacieux et commode, sa forme est demi-circulaire, et le milieu est occupé par un large bassin de la même forme dans lequel

(1) II existe encore dans le jardin Fleury, un filet assez considérable d'eau chaude provenant de la source de St-Paul: à côté estun filet d'eau froide. Le propriétaire pourrait très-facilement utiliser un semblable trésor, soit pour des bains, soit pour établir des couches et des serres au moyen desquelles on verrait ici prospérer la végétation , en dépit même de la neige et des frimats.

(z) La mousse des eaux thermales dans quelqim endroits comme Acqui , Vinaï en Piémont dont la chaleur est à peu prés analogue à celle des eaux d'Aix , oifre diverses espèces d'insectes qui y vivent, croissent et s'y multiplient prodigieusement. Je ne sais si Aix nous offre le même phénomène, les ci; constances ne m'ont pas permis encore d'y faire cette cbservation. Le cit. MoUXi Dlioche dont j'ai déjà parlé, a remarqué dans les eaux d' Acqui un très-petit Ditique. Il en a suivi l'histoire et l'a peint dans le plus grand détail. Il ne peut vivre dans l'eau douce, et périt si l'eau est au dessous de zo. "de Réaumur; il l'a appelé Dîtiscut Statiellensis. I.e même naturaliste a vu aux eaux de Vinaï une sorte de ver avode très-petit qui peuple la mousse de ces eaux thermales- BeccaRIa en a observé de deux espèces/ ( Voy, l'Analyse des eaux thermales de Vimiy par Toniana> p. 60. Turin 1786, in-8*. )

on peut descendre par des gradins. Il reçoit l'eau sunbond^nte de la source. On voit à sa surface surnager des flocons filamenteux de soufre formés par la décomposition du gaz hydrogène-sulfure : on en trouve également dans les conduiis des eaux qu'ils ob.trueraient à ia longue, si l'on ne les nettoyait souvent.

L'eau de la source est rassemblée dans un réservoir commun qui par des issues convenablement distribuées fournie à toutes les douches. IL y a deux douches pour hommes avec un bouillon et autant pour les femmes. Il y en a également deux pour les pauvres , et celle qui était jadis destinée à l'usage des Princes est maintenant employée pour les militaires. Chacune de ces douches fournit deux colonnes d'eau de quatre centimètres (18 lignes) de diamètre; et d'un mètre huit décimètres de hauteur (5 pieds 5 p.) Le Bouillon est un bain à la température de la douche, dans lequel l'eau jaillit du fond du bassin.

Les cabinets des douches sont dégagés par un corridor commun , terminé de chaque côté par une salle de compagnie les Baigneur? attendent que leur tour soit venu. La façade du bâtiment est décorée d'un fronton soutenu par quatre colonnes Ioniques : au devant est un robinet qui fournit l'eau pour la boisson et les bains domestiques.

Lorsqu'on construisit ce bâtiment on employa de la pierre calcaire taillée pour les murs, du gypse pour recouvrir les voûtes , et du fer pour faire les croisées et les portes. On crut par donner plus de durée à ce précieux monument : mais l'événement n'a point justifié l'attente. Les vapeurs sulfureuses concentrées dans les cabinets des dou- ches et le corridor qui en est le dégagement, ont agi sur la pierre calcaire , l'ont changée en chaux sulfatée , et la font effleurir en écailles. Le gypse s'est détaché des voûtes, et l'acide sulfureux va- porisé , ayant agi sur le fer qui se trouvait exposé à son action , l'a réduit en vitriol.

Il n'est pas possible de pousser ses recherches sur le cours des eaux de soufre ; on ne peut les suivre que dès leur sortie du roc dans l'an-

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cienne grotte (i). On voit dans cet endroit du soufre sublimé en cris- taux réguliers , la plupart octaèdres alongés.

Il n'en est pas de même de la source de St-Paul: on peut la suivre à quelques centaines de pas au dessus de sa sortie. L'ouverture princi- pale par laquelle on parvient au lit de cette source est naturelle : c'est une espèce de puits qui descend d'abord obliquement , ensuite perpen- diculairement à l'horizon : l'entrée en est jonchée de peaux de serpens que la chaleur du lieu y attire et qui y laissent leur dépouille annuelle. Il faut se traîner à quatre pour y descendre , et l'on y aperçoit dis- tinctement deux courans d'air ; l'un froid et diaphane , l'autre chaud et chargé de vapeurs sulfureuses. Les parois sont couvertes de sulfate de chaux cristallisé en superbes petites aiguilles, et dans quelques recoins de la voûte on aperçoit des morceaux plus ou moins considérables de soufre également cristallisé. Après avoir ainsi rampé la longueur de 8 à 10 mètres, on rencontre la partie perpendiculaire du puits : sa profondeur est de quatre mètres , cinq décim. et sa plus g-ande largeur d'un mètre et demi On y descend par une échelle, et l'on trouve à ses pieds le courant des Eaux de la source de Se- Paul: on y aperçoit aussi le phénomène de la double colonne d'air dont j'ai parlé ; malgré cela la chaleur qu'on y éprouve est excessive. Lorsque j'y descendis avec mon père et le Dr. Coendet, praticien distingué de Genève, dans l'été de l'an VII, il nous eut été impossible d'y rester plus de 35'. On peut il est vrai res- pirer l'air frais , mais outre qu'il est dangereux de s'y exposer lorsqu'on est tout en nage , c'est que ce courant d'air n'est frais que comparati- vement à l'atmosphère dans laquelle on est plongé ; en erT_t lorsque nous fîmes nos observations dans cette grotte , l'atmosphère terrestre étoit à 17.0 1/2 celle du puits à 3 1 le courant d'air frais à 25.0 et l'eau de la source à 37.0 de Réaumur. Les parois de cette grotte sont recouvertes à quelques pouces d'épaisseur de chaux sulfatée: le reste est

(1) Lieu l'on administrai: la douche avant la construction du nouveau bâtiment»

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du vrai carbonate de chaux. La voûte du conduit de l'eau est tapissée de stalactites membraneuses desquelles découlent des gouttes d'acide sulfureux étendu d'eau ; on peut même en recueillir une assez grande quantité pour pouvoir faire diverses expériences. Chaptal rapporte le même phénomène des bains de S'-Philippe en Toscane , d'après le témoignage de Baldassari (i).

Il me paraît que l'on peut expliquer ainsi ce triple phénomène. L'hydrogène- sulfuré qui se trouve interposé dans les molécules aqueu- ses de cette source se décomposant dès qu'il se trouve en contact avec l'oxigène de l'air atmosphérique, l'hydrogène dégagé du soufre se com- bine avec une partie de l'oxigène de cet air et devient l'eau qui étend l'acide, en même temps que celui-ci est formé par la combinaison directe du soufre avec une autre partie de l'oxigène de l'air. La partie du soufre qui n'a pu se combiner avec l'oxigène, se sublime en nature et va former dans les enfoncemens les cristaux dont j'ai parlé ci-dessus. Cet acide est extrêmement évaporable : si on n'a pas l'attention de boucher soigneusement la bouteille , il ne tarde pas à se dissiper en entier , et il ne reste plus alors que l'eau qui, l'étendait. Il est agréable lorsqu'on est au fond de ce goufre , d'avoir à sa disposition une bois- son acide pour se rafraîchir et rappeler ses sens abattus.

(i) Fantoni avait déjà observé de l'acide vittioliqr.e à mi dans l'atmosphère de la source dite de soufre ; il fit même à cqt égard des expériences qui prouvent combien l'homme de génie est toujours au dessus des connaissances de son temps. En effet privé du secours que nous a fourni la cliimie pneumatique il a su s'élever presque au niveau des connaissances mo- dernes. Je rapporterai ses propres paroles : Alice enim (crustoc), dit-il, fungosct, albidce aut cineraceœ, alicubi subviridet sunt, multis aciculis angalatis et lucidis, acore nullo aut pauculo prœditœ, alice verà terassce aquâ mollitce similes, sapore acidissimo ut mhiïnâ earum ddibatâ portions obstupescere dentés senserim. Dissimiles ejusmodi càm attenté circamspicerzm animadverti eas esse acidissimas, quce fontibus propiores essent , eique fcn^strx quâ aditus est ad receptaculum aquarum (il parle de l'ancienne grotte des douches). Ccetzr.is multb minus acidas, et eas deniquè acortm vix ullum habere , qu<x pro'-ul à scatcbris invenirentur. Cap. VI- p 2î$. et ailleurs: suspensâ igirur in earum rem ceptaculo chartd cxrukâ, ità f'e'è evenit quemadmodùm mihi futurum vidjbatur ; nam pluribus ejusdem chartœ locis cceruleus color in subrubrum mutatus est Cap. VII. Sulphuris est spiritus qui citissimè cum aquarum vapore ascendit. Cap. VIII. De Aq. Gratian, Libellas,

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La source de St-Paul fournit à la boisson et aux bains domestiques; c'était elle qui alimentait le Vaporar'mm et une infinité de bains parti- culiers qu'on a trouvés en diiférens temps dans les maisons voisines* L'eau passait ensuite du Vaporarium dans le grand bassin Natatio (i); l'autre source fournissait aussi à beaucoup de bains qui se trouvaient aux environs , et dont plusieurs sont encore enfouis profondément sous terre.

Des personnes dignes de fo» m'ont assuré avoir vu elles-mêmes lors du fameux tremblement de terre qui eut lieu dans le midi de l'Italie et qui renversa une partie de la Calabre en 1783 , les deux sources d'Eaux Thermales , sortir blanches et troubles pendant plusieurs jours. Le fameux brouillard qui parut cette année , et qu'on a cru être une suite du tremblement de terre , s'y montra également ainsi que dans les lieux circonvoisins , notamment à Chambéri , comme l'a observé le Dr. Daquin , dans la topographie qu'il a donnée de cette ville.

Un fait non moins curieux est le suivant, que je tiens du cit. Mouxi Deloche. Des témoins oculaires lui ont rapporté qu'en 1755 lors du tremblement de terre de Lisbonne , les fontaines chaudes devinrent froides et déposaient un sédiment bleuâtre. Ce phénomène dura trois ou quacre jours.

C'est dans l'emplacement qu'occupe le nouveau bâtiment des douches, qu'étaient jadis les bains de Gratjenv: plusieurs subsistent encore au- jourd'hui , et sont revêtus de marbre ; mais ils sont enfouis à un mètre et demi de profondeur au dessous du sol.

(0 Andréas Baccius Elpidianus dans son 4e. livre de Thermis parle des Eaux d'AIÇ in Sabaudiâ. Il attribue la restauration du grand bassin appelé Bain Royal, à l'Empereur Charle- MAGNE-. il prétend même qu il fut revêtu de marbre, (voy. <»NDR. Baccius Elpid. de Thcrmii L- V. p. 200 ).... Fantoni, croît que le nom de royal lui est resté depuis que Henri IV s'y est baigné en 1600, qu il occupait la Savoie lors ses démêlés avec les tours d'tspagne et de ïurin; son opinion paraît mieux tondée que celle de Baccius.

4o SECTION SECONDE.

CONSTITUTION MÉTÉOROLOGIQUE D'AIX , MALADIES RÉGNANTES y ET ÉPIDÉMIE DES ANS VI y VII, FUI ET IX.

§. I.

Constitution Météorologique.

Quoiqu'il ne soit pas à tous égards, de la Médecine comme des sciences physico-mathématiques; il est néanmoins, dit Zjmmermann, des principes généralement reconnus vrais, et dont le Médecin peut se servir comme de formules, en faisant actention de bien en saisir les différences, et de n'en prendre les qualités qu'à leur juste valeur. L'in- fluence de la Constitution de l'air est de ce nombre , et sa connais- sance devient absolument nécessaire à la personne qui veut exercer l'art de guérir avec méthode et succès : son étude faisant donc une partie essentielle de toute bonne topographie médicale, je vais m'occuper maintenant de la météorologie d'Aix.

L'élévation moyenne du baromètre y est de 27 pouces 2 lignes. Il est toujours un peu plus haut en hiver qu'en été, toutes choses égales d'ailleurs. Dans les temps d'orage ses variations subites ne sont jamais plus fortes que de trois ou quatre lignes dans les vingt-quatre heures- Quant au thermomètre , au cœur de la froide saison on l'a vu des- cendre jusqu'au 12.0 au dessous du point de la congélation , rarement plus bas : et le summum de la chaleur en été , est depuis quelques an-

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nées Te 16e. degré : on dit qu'autrefois elle allait au 30e. et même su delà. Le plus long jour au solstice d'été est de 18 heures. Le vent du Nord-nord-est est le plus constant : on l'appelle la. Bise : il rend l'atmosphère pure , et d'une température agréable, ni trop sèche , ni trop humide. Le vent du Sud , appelé simplement le J^ent amène la pluie. Celui du Sud-west ou la Traverse , la tempête et l'orage. II se passe peu d'années il n'y ait quelque tempête, qui éclatent le plus souvent autour de la montagne de S1- Innocent, tandis que la ville d'Aix du côté du midi en est rarement frappée. On observe annuellement que la neige disparait plutôt dans cette ville et aux environs, que du côté de Chambéri l'on voit souvent tomber de la pluie sans qu'elle vienne jusqu'à Aix.

La quantité de pluie qui tombe année commune est assez modérée: cependant elle a été plus abondante depuis quelque temps. Cela tiendrait- il à l'influence du mode mou dont parle Raimond de Marseille , dans la vigueur duquel nous nous trouvons encore : ou bien au refroidisse- ment de l'atmosphère observé par Toaldo de Padoue et Legentil de Paris, qui l'ont estimé de 4.0 1/1 dans l'espace de 55 ans? Cela dé- pendrait-il de la révolution qui paraît s'être opérée dans le globe depuis le tremblement de terre de 1755 , qui détruisit Lisbonne en partie, secoua !'hurope, l'Afrique, l'Amérique et l'Asie : révolution dont l'influence paraît s'être étendue d'une manière tranchante sur le climat de Montpellier, romme l'a observé entre autres un illustre professeur de cette École , le cit. FouQUET.

Les pluies d été se joignent assez fréquemment aux orages et sont alors accompagnées de tonnerres : c'est surtout après un long calme d'été et d'automne. Cette décharge de l'Electrique est bien plus fré- quente, mais moins forte d-ins nos régions montueuses que dans le plat pays du midi de la France ; aussi l'on n'y éprouve point cet abatte- ment général qui précède et suit l'orage dans les départemens qui bordent la Méditerranée , ni cet état de malaise et de prostration de. force qu'apporte le vent Marin à Montpellier, et le Scirocco à Naples»

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L'air chaud et humide étant peut-être le corps le meilleur conducteur de l'Électrique qui existe dans la Nature , il s'en suit que c'est celui qui le soutire le plus aisément, s'en empare et détruit le plus prompte- ment l'équilibre. Ne soyons donc point surpris si l'air des montagnes est plus salubre que celui des plaines , l'homme est sujet à une infinité de maladies inconnues dans les Alpes (i).

A Aix les mois nivôse et pluviôse , sont en général froids et secs , le vent du nord domine. Ventôse et le commencement de ger- minal sont assez doux , la Nature se rêve. Ile , s'anime ; la végétation commence: mais souvent un peu trop vite, parce que les vents du nord survenant vers la fin de germinal surprennent la sève , la gèlent et détruisent en un moment toute l'espérance de l'agriculteur. Ce vent est appelé bise noire par les habitans ; on le voit aussi pour l'ordi- naire régner une 15e. de jours sur la fin de frimaire. Floréal est assez pluvieux , mais prairial ordinairement est très-beau. Les chaleurs se font sentir vers le solstice, surtout en messidor et thermidor. Fructidor est pluvieux sur sa fin. Il y pleut fréquemment , mais les pluies sont de peu de durée : les nuits commencent à devenir longues , les ma- tinées et les soirées fraiches, tandis que la chaleur est encore considé- rable au milieu du jour. -En vendémiaire les brouillards paraissent le matin , souvent ils ne font que raser la prairie ., mais d'autrefois ils en- veloppent toute la vallée : ils sont sans mauvaise odeur, et se dissipent sur les 9 ou 10 heures du matin: le reste de la journée est très- beau. Sur la fin de ce mois et au commencement de brumaire les rosées sont abondantes , souvent il y a de blanches-gelées , et leur évaporation au premier rayon solaire produit quelquefois du brouil- lard, ou bien un froid subit dans l'atmosphère , qui est tel qu'il serait imprudent de s'exposer dehors sans être vêtu convenablement ; l'hy-

(1) Voy. Mauduit, etc. dans les Mémoires de la Société Royale de MédecinefTom, I.

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gromètre en est cependant peu altéré. Ce temps est destiné aux travaux de la campagne. La température devient de plus en plus froide , les arbres se défeuillenr, il tombe quelquefois de la neige , le vent du nord se fait sentir , et s'il tourne au sud-west , les pluies sont plus ou moins abondantes. La fin de brumaire et le mois de frimaire ont souvent de beaux jours ; mais enfin la terre se couvre de son manteau d'hiver, et nous annonce cette saison avec tous ses attributs. L'abondance de la neige et sa chute sur la fin de frimaire sont ordinairement l'annonce d'une bonne saison et d'une abondante récolte en tout genre : et l'on pourrait à l'instar des Égyptiens calculer la fécondité de nos terres sur la quantité de neige, comme ces derniers le font sur l'élévation du Nil.

Le commencement de nivôse est le temps le froid se fait sentir le plus vivement. Le milieu de thermidor est celui la chaleur est dans sa plus grande intensité. La progression de la chaleur varie ; son accroissement est lent au printemps; sa déclinaison assez rapide en automne. v

Pendant l'été , les eaux chaudes, l'ardeur du soleil produisent un se- rein abondant ; c'est pat que Tatmosphèr*- se purifie chaque jour des miasmes délétères qu'y accumulent une infinité de causes : mais la chute de cette eau ainsi volatilisée est par cette raison même plus dan- gereuse pour ceux qui n'y sont pas accoutumés : j'ai vu une per- sonne qui avait la vue très-délicate , éprouver une ophtalmie chaque fois qu'elle voulait jouir de la promenade après le coucher du soleil.

Te'les sont les Constitutions annuelles réglées : elles offrent néanmoins quelques modifications de temps en temps , et mon père a observé que dans le cours de 9 ans et plus particulièrement encore dans celui de 18 ou 19 ans, les constitutions annuelles, semestrées, tempestives et menstruelles , se présentaient avec une sorte de périodicité ; et elle est telle qu'on pourrait prévoir, pour ainsi dire, quelles doivent être la récolte, l'épidémie régnaive, les maladies sporadiques mêmes dans une saison donnée. Cette période semble établir un rapport entre les constitutions météoro-

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logiques de l'air, et les nceuds de la lune, ainsi qu'avec 'la période d u cycle lunaire qui est de 19 ans.

Saisons Médicales.

Le père de la Médecine qui savait que les maladies et leurs causes ne son point assujeties aux calculs, ni aux divisions des astronomes p.'admit point la classification ordinaire des saisons et la division de l'année. En philosophe éclairé et médecin profond , il vit bien que les équinoxes et les solstices ne pouvaient être des points de départ pour cette division : en effet la chaleur de l'été s'est manifestée long- temps avant le premier messidor, et le premier nivôse , n'est pas le jour le froid commence à se faire sentir. Il regarda au contraire les équinoxes et les solstices comme dés points à peu près moyens de chaque saison : car au mois de brumaire \a température absolue et même relative de l'atmosphère ^?t égale à celle de nivôse; en floréal l'air est aussi chaud qu'en fructidor. Hippocrate pour déterminer ces époques d'une manière fixe et invariable ne crut pas pouvoir mieux faire que de prendre pouMfcela l'instant du lever ou du coucher de certains astres , au moment le soleil descend sous l'horizon. Le lever et le coucher des Pléiades correspondant du vivant d'HiPPOCRATE l'un au 26 mars et l'autre au 1 1 novembre v. st. ( 5 germinal et 20 bru- maire) furent les deux grandes époques qui servirent de base à la division de l'année médicale et des maladies en estivales et hibernales,; division de l'année , dit le professeur Fouquet dans ses leçons sur les constitutions, déjà adoptée par Theucidide, dans sa belle relation de la guerre du Péloponèse , long- temps avant Hippocrate (i).

(1) SYDENHAM a adopté les noms de maladies printarmières ou veniales, et de maladies au* tomnalcs, voyant que l'automne et le printemps étaient les saisons il se déclarait un plu» grand nombre de maladies. C'est ea cela seul que diffère sur ce point du père de la Médecine -l'HiPP&CRATE Anglais.

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Les divisions intermédiaires furent prises du lever et du coucher û'Arcturus. D'après cela l'hiver médical avait quatre mois ; il com- mençait au coucher des Pléiades et finissait au lever d'Orion et du Grand Chien ; ici commençait le printemps qui durait jusqu'au lever des Pléiades ; et le lever dy Arcturus séparait cette saison de l'automne.

Cette méthode fondée sur le lever et le coucher des astres n'est point abitraire comme est celle du calendrier civil : mais elle pré- sente une défectuosité qu'HiPPOCRATE n'avait pu prévoir, parce qu'il igno- rait ainsi que les anciens la marche rétrograde du point d'intersection de l'écliptique et de l'équateur. Néanmoins ce changement n'a point encore produit depuis Hippocrate jusqu'à nous une différence si grande dans les points de départ des saisons médicales pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter : nous pouvons donc nous fixer à son précepte. Opportet antem et astrorum ortum et occasum considérar-e, prœcipuè Canis, Arcturi, deindè occasum Pleïadum.

En rapprochant ces époques des calendriers Décadaire et Grégorien, nous verrons que l'hiver médical commence le 20 brumaire (nnovem.'1: 'je printemps le 5 germinal (26 mars ) : l'été le Z3 floréal ( 13 mai): l'automne le 26 fructidor ou 2 vendémiaire ( 1 3 ou 24 septembre): Il fit ainsi deux saisons longues et deux courtes : ces dernières étaient en effet telles dans le pays ce médecin illustre écrivait , et elles ne paraissaient être qu'un simple passage de l'une des grandes saisons à l'autre. D'après cette division le commencement de l'hiver est à Aix humide et froid , il devient ensuite sec et froid , enfin humide et tempéré.

Le printemps est d'abord humide et chaud, sec ensuite, enfin sec et chaud.

L'été lui succède : il est sec et chaud dans le commencement , très- sec et chaud dans son milieu, enfin cfuud et humide sur son déclin.

L'automne est variable : en général cependant les matinées sont froides , et vers midi l'atmosphère est chaude : de sorte qu'elle n'offre aucune constitution bien déterminée.

'4«

Ce passage insensible et assez gradué d'une saison à l'autre est très- propre à entretenir la santé et la vigueur de toutes les fonctions organi- ques : aussi les habitans d'Aix sont-ils rarement exposés aux maladies qui proviennent de l'influence des constitutions annuelles , semestrées ou tem- pestives. A peine l'hiver a-t-il empreint de son sceau, la masse des parties de l'être vivant; à peine l'homme a-t-il acquis la prédisposition (opportunitas de Brown ) aux maladies propres à la constitution hibernale, que le printemps vient la corriger et la détruire etc. etc.... » Tous les actes de la Nature sont ainsi liés entr'eux : » elle passe d'un état à un autre par des nuances insensibles ,. » et des gradations qui ne se distinguent bien nettement que « lorsqu'elles sont prises et observées à une assez grande distance » c'est par qu'est entretenue cette harmonie admirable qu'on observe- » daas tous les êtres de l'univers. (Grimaud, cours complet de fièvres.)

§. I L

Maladies régnantes.

D'après l'exposé succinct que je viens de tracer de la Constitution! Météorologique d'Aix , il n'est pas difficile de croire que les maladies n'y doivent être ni longues, ni dangereuses, tant que les saisons se succéderont dans l'ordre naturel. L'automne seulement paraît être la plus propre à favoriser l'action des causes délétères dès maladies, Aix a eu cependant quelques épidémies. La peste comme rous l'avons vu n'y pénétra point en 1564; mais il y a près de quatre-vingts ans qu'une dissenterie maligne fît quelques ravages aux environs ; depuis lors il v en a eu encore une ou deux dans les communes voisines, mais très-peu meurtrières. Nous y ajouterons l'épidémie de fièvres rémittentes- pituiteuses-gastriques qui s'y est montrée les ans VI , VII , VIII et IX.

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La petite-vérole et la rougeole y ont été quelquefois meutrièrcs. On voit ces maladies contagteuses s'y alterner de trois en trois ans, d'une manière assez périodique. Le Dr. Odier„ savant médecin de Genève , a observé le même phénomène aux environs de cette ville (i) : de sorte qu'on serait volontiers porté à croire que ces maladies participent chez nous du génie épidémique ( ce qui ne les rend pas moins émi- nemment contagieuses), et qu'elles sont amenées par une certaine série de constitutions , qu'on n'a peut-être pas encore assez examinée. La coqueluche tussis convulsiva leur succède assez souvent dans l'enfance, principalement à la rougeole.

Les maladies sporadiques les plus fréquentes sont durant l'hiver , les pneumonies , les fièvres et fluxions catarrhales , assez ordinairement fu- nestes chez les vieillards: les rhumatismes aigus, les sciatiques , les angines , etc.

Au printemps , mêmes maladies. Les pneumonies y sont plus fré- quentes en floréal sur-tout. On y voit très-peu de fièvres inflammatoires» ou de phlegmasies exquises.

Sur la fin de l'été les fièvres bilieuses commencent à paraître , et l'automne ne montre guèrcs que de ces maladies humorales, mésenté- riques de Baglivi, dont le caractère principal est une saburre des premières voies. Il est rare qu'elles dégénérer t en ardentes vraies : mais plutôt en ardentes fausses (calentura spuria de Piquer); ou bien elle se compliquent de putridité.

Les premiers froids déterminent fréquemmeut des fièvres catharra- les-bilieuses : des érysipèles. La phthisie pulmonaire y est très-rare. Les enfans sont peu sujets à la teigne : mais après les maladies éruptives de l'enfance , ils conservent souvent une bouffissure générale > ou légère

0) Le Dr. Daquin a aussi fait la mêms remarque pour Chambéri. II fixe les époques du retour de la maladie à huit ou neuf ans: elle se montre alors, dit-il, d'une manière assez générale. Voy. ïopogr. Mâuic. de ÇhambérU p. 76.

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ieucophlegmatie qui se dissipe d'elle-même à la longue. On y vofe aussi très-peu d'affections nerveuses. La dissenterie est ordinairement bénigne. J'y ai vu un jeune homme de 15 ans, qui rendit naturelle- ment un calcul urinaire de la grosseur d'une fève des haricot : je ne sache pas cependant que la pierre y soit une maladie fréquente. On ne voit ni crétin , ni écrouelleux à Aix : les scrofules n'y sont pas pkis endémiques que dans le reste de la ci-devant Savoie , l'on n'y /en- contre pas non plus de goitreux , quoique l'on ait voulu faire passer ces maladies pour être communes à tous les habitans des Alpes. Je ne veux pas m'attacher à réfuter cette opinion due entièrement au psé- jugé > et l'on est assez convaincu aujourd'hui qu'elles n'ont lieu que dans quelques vallées, basses, humides, et l'air n!est point renouvelé par les vents. Les squirres et les cancers n'y sont pas fréquens \ il en est de même de la chlorose, des dartres et de la gale.

Les doucheurs et les doucheuses sont exposés sur leurs vieux jours aux apoplexies , aux cachexies et sur-tout à l'hydropisie. Le passage subit de la température des bains à celle de l'atmosphère les expose aux fluxions cath^rreuses : mais l'habitude les rend plus rares chez eux. que chez les autres individus.

$.111.

Épidémie des ans VI , VU, Vïll et IX.

La maladie qui vient de régner épidémrquemert à Aix, et dans toute la vallée les ans VI , Vil, VIII et IX , a frit trop d'éclat pour la passer sous silence. Je suis d'autant plus aise de faire une petite di- gression à cet égard, qu'elte est très-hée à l'histoire médicale de la ville d'Aix , et que j'ai été moi-même à portée d'en suivre les progrès et les phases : j'en fais en conséquence un article à paru

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:- Article Premier.

Histoire.

Il y eut déjà quelques malades en l'an VI : le nombre en augmenta durant l'année suivante : l'épidémie fut dans son apogée le premier trimestre de l'an VIII: elle se soutint avec intensité toute cette année pendant laquelle elle fut assez meurtrière : dans le premier trimestre de l'an IX elle est allée en déclinant , de telie sorte qu'aujourd'hui elle se trouve entièrement éteinte.

Quoiqu'elle ne se soir pas montrée chez tous les malades avec les mêmes phénomènes , on a remarqué cependant chez tous un type ré- mittent bien caractérisé. Chez tous elle étoit annoncée par des prodro- mes : un état de langueur pendant quelques jours, douleur gravative au front , qui en a imposé à plusieurs personnes sujettes à la mi- graine : bouche pâteuse , amère : teint jaune-verdâtre : conjonctive in- jectée de bile : visage abattu et décoloré : prostration des forces , une sorte d'ennui , d'inquiétude : diarrhée légère chez quelques-uns , consti- pation opiniâtre chez d'autres: douleur à l'épigastre, nausées.

La fièvre débutait par un véritable horror : céphalalgie , pouls fré- quent, petit, faible , resserré, concentré , souvent même irrégulier: pâleur du visage, refroidissement du nez et des extrémités, couleur livide des onghs, urine ciaire, etc.

Une heure après, mal de tète plus violent, pouls aussi fréquent , plus élevé, plein et régulier, rougeur du visage vers les pomettes. qui contrastait d'une manière tranchante avec le teint jaune des ailes du nez , du contour des lèvres et du cou: yeux étincellans, etc.

La période d'expansion se terminait p -ir une sueur abondante , l'ex- crétion d'une urine foncée , d'une selle fétide et le rétablissement gradué et insensible de toutes les fonctions: le pouls conservait toujours un mouvement fébrile, et le mal de tête ainsi que l'abattement continuaient

avec plus ou moins d'intensité. Vingt-quatre, ou trente-six heures après l'invasion du premier paroxisme, nouvel accès accompagné d'/iorror et des autres phénomènes décrits ci-dessus. La chaleur survenait ensuite et c'est à cette époque que la fièvre se caractérisait: tantôt elle se fixait au type continu-rémittent , tierce, double-tierce ou tritaïophie, quarte, amplrmérine , erratique, etc. Quelquefois cependant la maladie ne pre- nait le type continu-rémittent qu'au cinquième ou septième accès. Mais à quelle époque que survînt cette tournure , on s'en apercevait bientôt par les phénomènes suivans.

La sueur ne terminait point l'accès : tous les jours après midi exa- cerbation débutant par une chaleur vive , fréquence et plénitude du pouls , visage d'un rouge jaunâtre , yeux étincellans , etc. Du 5e. au 7e. de la fièvre continue, il survenait un sommeil profond , espèce de léthargie , prostration entière des forces, Lentores circà dentés , déjec- tions involontaires. Du 7 au 1 1 augmentation de ces symptômes, sou- bresauts dans les tendons, carphologie , délire sourd, stridor dentium t insensibilité , déjections vermineuses. Cet état empirait jusqu'au 14 : chaleur brûlante , peau sèche ou bien couverte d'une humidité glu- ante , langue chargée et noire au milieu , aride sur les bords et d'un rouge foncé : tremblement de cet organe lorsqu'on ordonnait au ma- lade de la sortir de la bouche , et oubli de la rentrer : déjections noires, liquides, fétides : haleine puante, pouls faible et irrégulier: hoquet , jac- tationes : espèce d'insensibilité qui faisait que le malade ne se plaignait d'aucun mal : du 1 5 au 16, mort.

Chez quelques malades il se faisait à cette époque un commen- cement d'effort critique. Les urines devenaient chargées et bourbeuses ; les selles liées et pultacées. S'il s'était manifesté quelque escarre gan- greneuse, la Nature travaillait quoique faiblement à son exfoliation; ce- pendant les secours de l'art venant à son aide , on voyait quelquefois le malade échapper au moyen d'une convalescence des plus longues. Lors- qu'au 14e. il survenait un amendement bien sensible des phénomènes on pouvait s'attendre à une issue heureuse , mais d'autrefois malgré

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cet effort critique l'état du malade ne s'améliorait point, et la mort survenait au ~ ie. au 31e. ou 37e jour, par une métastase subite de l'humeur morbifique sur les parotides , sur la poitrine , ou le tube intestinal. La première a constamment été mortelle lorsqu'elle arrivait à une période aussi avancée : et que pouvait cet effort salutaire de la Nature, sur un corps énervé par une longue maladie et affaibli par des éva- cuations abondantes !.... La métastase sur les intestins procurait une diarrhée colliquative qui amenait promptement la mort.

On n'a pas vu des convulsions : mais bien des éruptions miliaires et des pétéchies principalement chez les femmes : aucun ictère , ni ré- tention d'urine. Quelques malades périssaient dans l'invasion du paro- xisme , d'autres durant la période d'expansion: peu de personnes ont résisté , lorsque la maladie a suivi cette marche et a paru avec autant d'intensité. Chez ceux qui ont eu le bonheur d'en échapper, la guérison a été lente , la convalescence longue et pénible.

Le type rémittent tierce a été le plus fréquent; chaque paroxisme débutait par le froid, il était bientôt suivi de la chaleur et de la sueur, pendant la rémission le pouls conservait toujours un reste d'ébranlement. Dans Ses tritœophies , l'accès principal survenait ordinairement vers les trois heures après midi ; l'autre à onze heures du matin ou midi ; ils s'alternaient ainsi de deux en deux jours.

Le type quarte a offert moins d'anomalies dans sa marche : on l'a vu cependant dégénérer en double-quarte, triple-quarte même, ou quo- tidi< nne de quelques auteurs, dont les accès se répondaient de quatre en quatre jours. Ce type s'est montré à la fin de l'automne de l'an VIII dans les vdlages près du lac , sur la colline de Tresserve, etc. etc.

Le type erratique n'a guère eu lieu que chez ceux qui avaient précédem- ment été atteints de la maladie : et durant les convalescences longues et pénibles. Il n'était pas rare de voir les intermittentes tierces devenir dou- bles-tierces et dégénérer en continues après 7 ou 9 accès : fréquem- ment la maladie qui s'était d'abord annoncée continue-rémittente, dégé- nérait au 7e. ou 14e. jour en intermittente. On redoutait le doublement

du type qui de simple devenait composé : c'était un signe insidieux et qui annonçait presque toujours la tournure en continue.

Les plus rebelles de toutes étaient celles qui affectaient le type quarte et ses dérivés : l'indocilité , l'insouciance même des malades ayant fré- quemment obligé de les livrer aux seuls efforts de la Nature , on a vu es fièvres dégénérer en. hydropisies, après avoir occasionné des obstruc- tions dans l'abdomen. Kloeckof dans ses opuscules a prononcé l'in- curabilité des anasarques qui étaient la suite d'obstructions, de vices chroniques, ou de maladies aiguës: Celse et Sydenham ont avancé la même observation : je n'ai vu que trop souvent se vérifier à Aix leur fâcheux pronostic, chez des cnfans et de jeunes filles qui par im- prudence n'avaient point entretenu la sueur qui devient une crise par- tielle de la maladie à la fin de chaque paroxisme. J'en ai vu une ter- minée par un hydrotorax et un dépôt dans le poumon. La malade mourut en rendant une vomique.

Les femmes enceintes, atteintes de la maladie avortaient du $ au 7 de la fièvre continue et périssaient pendant le trouble de la fièvre de lait. Les personnes qui avaient éprouvé des peines d'ame , des privations physiques ou morales, comme la perte d'époux, de parens, d'amis, etc. celles d'un tempérament irritable , ainsi que les pléthoriques et celles dont la constitution était minée par les chagrins et des maladies antérieures , ont presque toutes été vicrimes de l'épidémie.

Tous ceux auquels on a administré le kinkina de bonne heure, pour arrêter la fièvre , ont eu des rechûtes pendant plus d'une année, à moins qu'on n'eut eu auparavant la précaution de déblayer les premières voies : et qu'on ne continuât à leur donner de temps en temps quel- que doux laxatif pour prévenir la saburre. On était cependant quel- quefois obligé d'en venir de suite à ce puissant fébrifuge , lorsque les symptômes insidieux faisaient craindre une terminaison funeste : mais dans ces circonstances ce n'était pas le moment de calculer quelles pou- vaient être les suites de ce remède : quelques légères indispositions ne pouvaient entrer en parallèle avec la mort qui sans une médecine ac»

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îîve eut été certaine. Presque tous ceux qui ont été abandonnés à Î3 Nature ont conservé des obstructions , source éternelle de rechutes.

Les seuls habitans d'Aix et de !a vallée ont été sujets à contracter cette maladie : de même que les étrangers qui par les rapports commerciaux, les fréquens voyage datis cet endroit , un séjour prolongé , ou d'autres causes analogues se sont trouvés acclimatés à ce pays et soumis à l'influence des constitutions médicales qui y ont régné les années précé- dentes. On parle cependant de plusieurs étrangers venus pour faire usage des eaux thermales et qui y ont payé tribut à la Nature. Mais quels sont ces étrangers? Le nombre s'en borne à deux un peu mar- quans , l'un et l'autre plus que sexagénaires : le premier était un Lyonnais paralytique, qui par suites de la révolution avait perdu la plus grande partie de sa fortune : le second était une dame de Chambéri : tous deux accablés de chagrins , d'une constitution délabrée, et déjà malades à leur arrivée aux bain;. Le voyage, la crainte de l'épidémie régnant-', et plus encore l'intempérie de l'été de l'an VII et du premier trimestre de l'an VIII ont été les causes déterminantes de leur maladie, et le peu tl'énergie de la Nature dans des corps affaiblis par l'âge et les chagrins ent rendus inutiles les secours de l'art , quelque sagement administrés qu'ils fussent.

D'après ces considérations , il paraît que les Médecins qui ont été chargés de donner leurs soins aux personnes atteintes de cette maladie , l'ont avec raison considérée , comme une Épidémie ( en prenant le mot dans son vrai sens , celui que lui donne le Père de la Médecine ) du genre des Rémittentss-pituiteuses-gastriques , dont la forme n'a varié que par l état des idiosyncrasies particulières. Les affections locales qui se sont manifestées durant son cours , ont toutes participé plus ou moins de son génie. J'ai vu des coliques atroces ne céder qu'aux remèdes ap- propriés à la maladie principale ; quoique ces affections vives des in- testins n'eussent aucun symptôme fébrile , à part l'altération du pouls qui était petit et fréquent , comme il l'est ordinairement dans ces cas.

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La circonstance de n'affecter que les habitans de la Vallée d'Aix , oa ceux qui s'y trouvaient acclimatés , ou bien encore ceux qui s'étaient trouvés dans le lieu de leur domicile exposés aux mêmes constitutions médicales que les habitans d'Aix , permet de regarder cette maladie comme une vraie épidémie. Elle n'était d'ailleurs aucunement conta- gieuse , et elle a régné non - seulement dans tout le Département , avec moins d'intensité il est vrai , mais encore dans les Départemens voisins , ceux de l'Lère , de l'Ain , du Léman , etc. (i).

Art. II.

Causes.

La Doctrine des Causes , dit l'immortel auteur de l'Expérience en Médecine , est la science philosophique de l'art de guérir. Me soins morbum curavit qui ejus causas cognovit ; nosce enim causam morki est nosce arcanum. ( Fernel ). . . D'après; les phénomènes qu'a manifesté la maladie épidémique d'Aix , je crois qu'il sera facile de remonter à ses causes , pour peu que l'on veuille prêter attention aux Constitutions Météorologiques Médicales des années qui ont précédé son apparition , et celles qui l'ont suivie <z).

~ t x

Le Trimestre d'Eté de l'an V fut extrêmement chaud , comme dans tout le reste de la République : l'Automne de l'an VI fut très pluvieuse;

(i) Anneci , lieu ordinaire de la résidence de mon père , lui a offert plusieurs affections semblables : les fievits ga'-tnques-biiieuses-continues y ont été assez fréquentes ; et mon père a remarqué que la plupart des ma.ades avaient la langue noire vers la racine et dans le milieu , dés le ?e. jour au 14e : époque une légère diarrhée critique mucoso-bilieu'ie amenait la solution de la maladie. La surdité qui survenait constamment du 7e. au 9e. était de bon angine.

(2) Tour me mettre plus à la pottée des personnes qui n'étant point initiées dan* la Science nudicale , pourraient jeter les yeux sur cet écrit éphémère, j'emploirai dés-à-présene la division des Saisons d'après le Calendrier décadaire.

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l'Hiver peu rigoureux ; le Printemps humide et chaud ; l'Été chaud. L'Automne de l'ai VII fut très-pluvieuse : l'Hiver froid et long : le Printemps beau; mii; l'Eté fut extrêmement pluvieux. Le premier trimestre de l'an VIII fut aussi très-humide : l'Hiver quoique court fut très-rigoureux. Le troisième trimestre fut encore très-pluvieux , et l'Eté marqué par une chaleur excessive. L'Automne suivante fut plus modérée , et l'Hiver de l'an IX fut pluvieux et humide : le Printemps ainsi que l'Eté ont ramené insensiblement les constitutions ordinaires des Saisons.

Il parut déjà quelques maladies sur la fin de l'an VI. Le premier trimestre de l'an VII offrit plusieurs fièvres gastriques-bilieuses : le nombre s'en multiplia sur la fin du Printemps et pendant l'Été. En Automne , premier trimestre de l'an VIII , on comptait plus de 400 malades sur une population de 15 à 18 cens habitans. Aix fixa pour lors l'attention du Gouvernement : il nomma deux Médecins , les Drs. Desmaisons fils et mon père, et trois Chirurgiens adjoins, les citoyens Ruffier , Perrier et Canton. Leur zèle , celui du Dr. Guérard , Médecin de l'hospice militaire, qui se trouvait alors à Aix, ainsi que celui des Administrateurs delà Commune fut extrême : on secourut les indigens €n leur fournissant gratis les remèdes dont ils avaient besoin ; des alimens salubres et du vin pour accélérer leur convalescence , et l'on eut la consolation de voir ces mesures et leurs soins couronnés de quelque succès.

L'Hiver suivant fut rigoureux : la maladie cessa presque entièrement de faire des progrès (1); mais parmi ceux qui portaient des obstruc- tions, le germe d'hydropisie , ou d'autres affections chroniques graves, plusieurs dont la constitution avait été affaiblie payèrent le tribut fatal. Le Printemps d'après , peu de malades : mais l'Été brûlant qui le

(i) SVDENHAM a dit : NotMidum est autem épidémie or ■um iilum principem qui sub equinoxia autumnali, sicut rupto aggere torreiu , omnia str avérât , intfuente. hiitnis frigore iutru suuin $6 alveum condere, Sv venu a M , Di Morb, i-pid.

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suivit , puisqu'il ne plut presque pas une fois durant trois mois , fit reparaître la maladie avec des symptômes manifestes de putridité. C'est à cette époque que les signes insidieux se sont montrés plus fréquens , ainsi que les continues -rémittentes-putrides. Preuve bien manifeste de ce que nous dit HiPPOCRATE , de Morbis popularibus , L. III. Nam œstivos morbos superveniens hiems dissolvit , et Hiemales testas succedens trara- mutat. Près de cent cinquante personnes périrent cette année-ci. L'Hiver de l'an IX n'ayant point été rigoureux n'a pas éteint entièrement la maladie , mais dès-lors elle a diminué insensiblement , pour disparaître dans l'Eté , dont la constitution s'est rapprochée de la naturelle. On avait déjà dès l'Automne de l'an IX transporté hors des murs le cimetière qui se trouvait au centre de la ville. L'ancien a été couvert de chaux vive , afin d'en neutraliser les miasmes délétères : il est sévèrement défendu d'y faire aucune fouille.

On voit dans cet aperçu de l'état météorologique de l'air pendant les ans V , VI , VII , VIII et IX , que les Saisons ont été en général très pluvieuses : que la maladie a toujours été proportionnée à l'hu- midité de l'air , et relative aux passages plus ou moins prompts d'une Saison irrégulière à une plus irrégulière encore , soit qu'elles le fussent essentiellement , soit qu'elles le devinssent par le contraste de l'une à l'autre et le changement subit de l'état atmosphérique.

Nous avons dit que c'étaient les vents du Sud et du Sud-west qui amenaient la pluie à Aix ; ce sont aussi ceux qui ont régné pendant ces Saisons pluvieuses. Comme la Vallée n'est ouverte qu'au Nord et au Nord-west , il en résulte que les courans d'air n'ont pu en renou- veler l'atmosphère. Nous savons en effet que les vents ne déplacent que les colonnes d'air qui sont sur leur ligne de direction : aussi a-t-on observé que les Villages qui se trouvaient situés au dessus du niveau de la Colline de Tresserve et du bassin d'Aix n'ont presque pas ressenti l'influence de l'Epidémie. Il en a été de même de ceux dont la situation heureuse exposée aux vents du Nord , les a prémuni contre

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les dangereuses émanations apportées par les vents du Sud et du Sud- west : telle est la Commune de St. Innocent.

Enfin je me résume en disant qu'il paraît hors de doute que la cause de cette maladie est la constitution humide et chaude qui a régné si généralement pendant les années dont j'ai tracé en raccourci l'Histoire Météorologique. L'humidité qui a été si générale a déterminé le caractère principal de TÉpidémie , le pituiteux-gastrique : et les chaleurs qui ont paru de temps en temps avec beaucoup d'intensité , y ont joint l'élément bilieux , et en ont modifié les formes. C'est cette com- plication qui dans l'Automne de l'an VIII a produit de si fâcheux effets.

Après, avoir énuméré les principaux phénomènes de îa maladie , ses diverses nuances et ses causes , disons un mot du traitement qu'on lui a opposé.

Art. III.

Traitement.

II fur fondé sur la cause de gastricité pituitoso-bilieuse qui paraissait si évidente. L'émétique , les doux laxatifs et le kinkina furent les remèdes qui en firent la base.

L'émétique donné dès le début a eu fait avorter la maladie lors même qu'elle s'annonçait avec les phénomènes les plus graves : mais pour qu'il décidât l'éméthèse on était obligé d'unir le tartre stibié à l'ipécacuanha : le premier seul précipitait par les selles ; il causait des diarrhées qui devenaient inquiétantes et dérangeaient la coction : le dernier administré tout seul avait trop peu d'action (i). On y préparait par quelque digestif doux , l'eau d'orge , de chien-dent , etc.

(1) Ce phénomène s'est aussi remarqué à Montpe Hier clans la fièvre d'hôpital qui y régna en l'an VIII. Murkay et ELLER 1 ont également observé clans les aiiections pituitoso-bilieuses.

Fernel , Hoffman , Pringle , LiND , Tissot et plusieurs autres Médecins distingués, ont beaucoup vanté l'émétique dans les rémittentes-gastriques ; ils ont vu souvent qu'il les faisait avorter s ou du moins qu'il en arrêtait le» progrès et prévenait des diarrhées fâcheuse?-

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La manne, la casse, les tamarins , la poudre de tribus, le rartrîtc de potasse , celui de potasse et de soude , le sulfate de magnésie , la rhubarbe étaient les substances qui servaient à évacuer les premières voies : on les variait suivant les circonstances , et l'idiosyncratie des malades. La complication vermineuse nécessitait d'y joindre de temps en temps quelques anthelmintiques. Le semen-contfa , le mercure doux , rhelmir.thocortorT , l'eau de camomille étaient employés avec le plus grand succès.

Les premières voies nettoyées , on recourait , toutes les fois que le type rémittent ou intermittent était manifeste , à l'écorce du Pérou : sa combinaison avec la rhubarbe et le mjriate d'ammoniaque ou de potasse , infusée dans .de l'eau ou mieux encore dans du vin : un opiat composé avec le kinkina , la canelle , la rhubarbe , le muriate d'am- moniaque et la thériaque ont très-bien réussi. On y substituait aussi avec avantage quelquefois les apozèmes amers , le vin d'absinthe et d'aunée : le trèfle de marais nienianth.es trifoliata , la petite centaurée gentîana centaurium , etc.

Durant le cours de la maladie , potions antispasmodiques , toniques , Cordiales , calmantes ; boissons adoucissantes , lavemens , etc. etc. Dans les cas de typhomanie on appliquait les vésicatoires aux jambes et à la nuque : les sinapisrnes n'avaient pas le même succès. Lorsque la malignité était manifeste on joignait au kinkina le camphre , le musc : dans la complication de putridité , la serpentaire de Virginie , l'angélique de Bohème , la canelle , les acides ; la limonade pour boisson , le jus de groseille , et le sirop de framboise , etc. etc. etc.

Mon père arrêta plusieurs fois les progrès de la maladie , en donnant, dès que le prodromes de l'horror se faisaient sentir , huit grammes (deux gros i/z environ) thériaque de Venise délayée dans le double eau de fleur d'orange , en deux prises à demi-heure d'intervalle. Le froid cessait comme par enchantement ; l'accès était léger et laissait ensuite un long espace pour administrer le kinkina , afin de prévenir le pa- roxisme suivant. Les fumigations très-chaudes faites à la tête dans ce

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moment ctirique qui a eu détermine chez quelques malades l'extinction subite du principe de vie , par la concentration extrême des forces , ont aussi très-souvent suppléé à d'autres remèdes plus énergiques que les circonstances n'avaient pas permis d'administrer. Les pédiluves et plu'ôt encore les fomentations sur les jambes et les pieds , ont souvent calmé le délire par une révulsion heureuse des humeurs qui se portaient à la tête.

Sur la fin de la maladie on permettait du bouillon de poulet , des crèmes d'orge , de riz : des gelées de viandes aromatisées , de gro- seilles, etc. etc ; on le faisait même durant tout soa cours, lorsque l'état , l'âge et la constitution de l'individu , ainsi que la mardie lente de la rmladie paraissaient l'exiger.

On n'a pas été 'dans le cas de recourir aux saignées générales ; on en a pratiqué néanmoins de locales aux tempes , derrière les oreilles lorsque le délire faisait redouter une fin apoplectique.

Lorsque la maladie prenait le type insidieux , il fallait de suite voler au kinkina , et le donner plenis manibus. Avait-on détruit le génie fébrile ? il fallait le continuer long-temps , et à forte dose ; car on observait très-bien ce que Werlof a remarqué ; savoir : que le kinkina donné à trop petites doses vers les semaines paroxisùques , bien-loin d'empêcher le retour de la fièvre , paraissait au contraire la rapptler. Aussi l'ingénieux Gsumaud a-t-il dit : « que semblable aux passions , » la fièvre prenait souvent une intensité plus grande des obstacles im- » puissans qu'on lui opposait. »

Quoique l'immortel BagLIVI nous dise: In febrium mesentericarum curatione sapé vidi inutiles esse dies criticos , eorumque vim et -poîesta- tem observarz , sel itntu.mrn.odo vehementiam ac remisswnem accidentium : ( Bagl. p. 51 ) cependant, on a observé dans la maladie d'Aix, quoique la plupart des crises fussent peu manifestes , ou incom- plètes , que c'est aux jours appelés décréteurs par Hippocrate , que se faisaient les change mens notables en bien ou en mal.

Les voies de soiuùon ont varié : tantôt c'a été par l'urine , le plus

souvent par les selles ; quelquefois , et surtout pour les intermittentes J par des sueurs critiques , des dépôts , etc. Mais quelles qu'elles aient été, il n'y a eu que les malades chez qui on a eu soin de nettoyer les premières voies , qui se soient parfaitement rétablis.

SECTION TROISIÈME.

DES EAUX MINÉRALES EN GÉNÉRAL ', DE L'ACTION DES BAINS SUR L'ÉCONOMIE ANIMALE ; APPLI- CATION DE CES PRINCIPES AUX EAUX THERMALES D'AIX ; etc. etc.

Article prem.ier.

Des Eaux Minérales en général.

-agfia

L'eau peut être à juste titre regardée comme une substance que la Nature a dispersée avec le plus de prodigalité et de munificence. Elle entre dans la composition de presque tous les corps ; il y a peu d'agent aussi puissant sur le globe : elle forme les montagnes , comble les vallées , use les corps , mine les rochers les plus durs , dissout les sels , purifie l'atmosphère , fait cristalliser les substances minérales qui se trouvent à la surface et dans le sein de la terre. On ne doit pas être étonné si Hoffmann l'a regardée comme la panacée univer- selle ; s'il a un peu exagéré ses vertus , il est constant du moins qu'il n'y a pas de remède d'une utilité plus générale dans toutes les, maladies et leurs diverses périodes, dans tous les âges, les tempéramens, etc„

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3ôit seule , soit mêlée à des substances médicamenteuses dont elle devient le véhicule (r). Si l'art de guérir n'eût eu d'autres ressources que l'eau , il eût sans doute bien moins fait de victimes ; et c'est déjà savoir beaucoup* que de connaître comment l'on peut se passer de médicamens.

Les anciens Médecins en avaient bien conuu l'utilité et l'importance dans l'art de guérir , tant sous le point de vue d'Hygiène que sous celui de Thérapeutique. Tout ce qu'ils nous ont laissé à cet égard dans leurs écrits , le Traité de Aère , locis et aquis , dont toutes les phrases sont marquées au coin du génie observateur d'HiPPOCRATE ; l'usage qu'ils en faisaient sous toutes les formes , tant dans les maladies aiguës que dans les chroniques , la diète de trois jours établie par Thémison et Thessalus , etc. le prouvent d'une manière certaine. Hippocrate, le flambeau de la Médecine , qui a su tirer un parti si avantageux des moyens les plus simples , n'a pas manqué de saisir tous les avantages qu'on pouvait retirer de l'usage de l'eau tant intérieurement qu'exté- rieurement ; aussi a-t-il fait l'énumération d'une infinité de cas elle lui a été d'un merveilleux secours ; et sans bien connaître la nature de ce corps dont il n'était guères possible qu'il fût instruit , il a su le distinguer , en rendre la vertu applicable à l'économie animale , et enrichir par son autorité respectable , l'art de sauver les hommes du moyen peut-être le plus efficace dont il puisse faire usage : Galien , Celse , etc. l'ont suivi.

Ce que je viens de dire sur l'eau en général , doit à plus forte raison s'entendre des eaux minérales comme remède. Elles offrent une infinité d'avantages. Les siècles les plus reculés en adoptèrent l'usage ;

(i) PLUTARQUE après avoir examiné quel est le plus utile des élémens du feu ou de 'eau i te détermine pour la dernière , parce qu'elle frappe plus généralement nos sens , et 511e sans elle la vie non-seulement serait incommode , mais encore impossible à conserver.

Voy. Pline , L. XXXI, DeMcdicinâ ex aquat'dibut. Aquarum mirabilia , etc. cap. I.

Yoy. Fr. Hoffmann , De aquâ medicmâ uiûversali Hall». 1712.

Si

il en reste une preuve dans les écrits cI'Hippocrate (i). Les Romains , au rapport de Pline , s'arrêtaient à toutes les eaux chaudes. Il y en avait même ces conquérans de l'univers avaient placé des divinités particulières : il reste des traces de leurs ex-voto (i).

Non-seulement les eaux minérales chaudes étaient usitées par les anciens , mais aussi les froiies : Galien nous parle des eaux alumi- neuses comme très - propres à déterger les vieux ulcères sanieux et à resserrer la peau (3) : Andr. Baccius en traite aussi fort au long dans son ouvrage de Thermis. En général les eaux minérales sont le remède le plus universel , le plus approprié aux diverses espèces de maladies chroniques et à presque tous les genres de maladies aiguës. Elles relèvent le ton , augmentent l'énergie , modèrent la mobilité du système, etc. Dans les maladies chroniques qui proviennent d'embarras, d'obstruction dans les vipères du bas-ventre ; dans les évacuations sup- primées ou dérangées ; il est peu de remèdes mieux indiqués et qui

(1) De sanorum victûs ratione L. Il , cap. X , art. Medic- principes De morb's popul. Loc. cit. T. II , p. 197- ... « 'Iransgrcssus autjm ( homo quidam Athenhnsis ) ad Mdum. » ubi sunt calidee r.atu aies baliea à pruritu qu'idem et cutis crassitudine liberatus ist , etc.

(z) Les Thermes de Tritoli dans le I* oyaun- e de Naples présentaient près des cabinets destinés aux douches et aux bains , des statues qui par la position de leurs mains taisaient connaître l'espèce de mal et la partie du corps pour lesquelles on administrait les eaus dans chacun. Voy. Encydopéd. Méth. au mot TitiTOLl.

A Bénétuti en Sardaigne on voit encore dans les ruines de ses anciens Thermes des inscriptions qui désignent le genre de bains qu'on administrait dans chaque cabinet , et l'espèce de maladie pour laquelle ils passaient pour être plus efficaces.

Le Mcntulii trouvé aux tains de Sextius à Aix-en-Krovence , les nombreuses inscriptions trouvées à Luxtuil , au Mont-d or , Plombières, Bagnëie de Ludion et de fiigorre , etc. le Temple de Liane à Aix-en-Savoie en sont des témoins authentiques.

(?) Les eau* alumineuses sont mises en problème par les Chimistes modernes ; au moins Sont-elles extrêmement rares. UUCLOS, qui a analysé soixante-dix sources d'eaux minérales de France , n y a pas trouvé un atome de vrai sulfate d'alumine : les anciens qui n'y regardaient pas de si près , ont appelé alumiiisutcs toutes les eaus chargées d'un principe Stiptique et astringent

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réunis aux moyens doux qu'une pratique sage et judicieuse sait y joindre, puissent aussi facilement et aussi sûrement rendre à la vie et à la santé des victines dévouées à une mort lente et certaine. Dans les affections hypocondriaques et mélancoliques, de quel avantage ne sont elles pas pour remédier à la constitution physique et morale : elles éloignent des lieux témoins de nos maux , égaient l'esprit , le dissipent et l'utilité du voyage ne doit pas être oubliée. Il faut encore convenir que de tous les moyens que nous fournit la thérapeutique, il n'en est point de plus doux, de moins rebutant , qui agisse d'une manière moins gênante et plus insensible , qui sollicite plus puissamment la Nature à choi- sir l'organe le plus favorable à l'exciétion des humeurs qu'elle doit expulser.

Les eaux en général peuvent se diviser en deux classes: i.° On les nomme économiques, salubtes, lorsqu'elles sont propres aux usages ha- bituels de la vie, et on le connait à leur limpidité, leur pesanteur spécifique. Les meilleures d'entr'elles cuisent bien les légumes, bouillent facilement , dissolvent aisément le savon et de même que l'eau distillée n'éprouvent presque point d'altération de la part des divers agens chi- miques. Plus l'eau se trouve chargée de principes hétérogènes, moins elle est propre à conserver la santé et l'existence des animaux. C'est pourquoi les eaux de rivière et de fbuve sont de toutes le eaux pota- bles les meilleures. Elles flattent moins le goût à la vérité que les eaux de sources , mais elles sont moins crues et plus légères. Leur roulement continuel les purifie tellement qu'on n'y trouve plus que quelque peu de sels calcaires. 2.0 Elles sont minérales , médicinales, lorsqu'elles sont naturellement assez chargées de principes médicamenteux , pour pouvoir agir d'une manière non équivoque sur l'économie animale. Je n'entrerai point dans les méthodes de classification que les divers auteurs ont adoptées pour les Eaux Minérales. Je me contenterai de dire qu'aujourd'hui on îes divise en quatre ordres :

i°. Les eaux acidulés.

i®. Les eaux sulfureuses.

3°. Les eaux salines.

4°. Les eaux martiales.

La partie des eaux minérales est une des plus difficiles de la chimie,. si elle n'est pas effectivement celle qui présente le plus de difficultés, et cela eu égard à la multitude des corps de la Nature que les eaux peu- vent tenir en dissolution. Si l'on fait attention qu'eux seuls considérés isolément méritent toute l'étude du chimiste , à quel degré ne doit- elle pas être portée cette étude , s'il veut analyser ces subtances dissoutes dans l'eau : ces substances la plupart composées, le plus sou- vent-réunies et combinées plusieurs ensemble. Toutes ces considérations doivent suffire pour nous prouver combien les progrès de l'analyse des eaux minérales ont être retardés , et pourquoi effectivement cette- partie de la chimie a le plus langui (i).

Avant la chimie pneumatique, avant que l'industrie, le raisonnement ,,. 3'observation et le plus souvent peut-être un heureux hasard (z) eus- sent perfectionné les divers instrumens dont nous nous servons dans nos laboratoires; avant le perfectionnement des Sciences Naturelles dans le dernier siècle, et les. progrès rapides de la chimie moderne» on ne connaissait que des eaux insipides et des eaux sapides ou sa- lines : mais on ignorait qu'elles étaient les substances qui leur donnaient ces propriété?.

Il n'est presque pas de substance connue qui ne puisse être dissoute dans le calorique : il en est aussi très-peu sur lesquelles l'eau n'ait pas une action plus ou moins marquée. Le calorique lui même se trouve in- terposé dans les eaux minérales chaudes , le thermomètre seul suffit

(1) Cours de chimie du professeur Virenque , an IX.

(2) C'est au hasard répéte-t-on sans cesse que sont dues toutes les découvertes; mais le hasard nous offrirait en vain les phénomènes les plus étonnans, si nous ne savions pas les saisir. Tout parle. à des yeux attentifs, nous dit l'ingénieux Buffon, tout est indice pour ceux qui savent voir, mais rien n'est sensible, rien n'est clair pour le vulgaire , et même pour le vulgaire savant qu'aveuglent les préjugés, {'théorie de la terre-)

«1

pour l'apprécier , si non rigoureusement, du moins assez pour les di- verses applications qu'on en peut faire à l'économie animale. Il y a des eaux minérales qui contiennent du gaz carbonique, de l'hydrogène sulfu-é, mais dans la plupart des cas ces substances contractent avec elles si peu d'adhésion , qu'elles les abandonnent avec la plus grande facilité. Je me borne ici à parler des eaux sulfureuses parce que ce sont les seules qu'on trouve à Aix. On peut voir à l'égard des autres ce qu'en ont dit les auteurs célèbres qui se sont occupés de leur analyse et de leur usage en médecine (i).

On subdivise les Eaux sulfureuses en chaudes et en froides. Les der- nières sont celles qui se soutiennent à la source à un degré de cha- leur au dessous de celle de l'atmosphère , et qui varie du 5e. au 10e. degré de Réaumur ; excepté en hiver que les eaux qui sourdent immédiatement de la terre sont toujours à une température assez constante , et plus chaudes que l'atmosphère : les eaux sulfureuses chaudes sont celles dont la température surpasse celle de l'air ambiant, et nous en voyons depuis le 10e, le 15e. degré au 60e. et même au delà : les eaux d'Aix-la-Chapelle vont presque au degré de l'eau bouil-

O) VENEL. Analyse des eaux de Hairèges.

DucloS) EoURDEDN, CaRKÈRE. Analyses des eaux de la France.

BliC-HOZ. Dictionnaire des fontaines.

Bo rd eu. Prêt. if d observations sur les eaux minérales. Essai sur l'histoire des eaux du Biarn et du Bigorrc, 1746.

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G U N D E l F I N G E .1 Ba ins de Baden.

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Bayen. Recherchas sur les eaux de Bagnères, de Luchon.

CaRTHluskk, Hydrologia.

Marcard. De la nature des bains, traduit de /' Allemand» Paris , an IX, 1801, Description de Pyrmont. z vol. 8 "

Le Roi. De A^uar, Miiier» naturâ et usuy propositienes prxlectionibus academicis accomodat», MonspeJ, 1758.

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lante , celles de Plombières du 47.0 au 61e. Quelques-unes de celles d'Acqui en Piémont sont si chaudes , qu'on y fait cuire les œufs.

On les distingue encore relativement à la manière dont le soufre s'y trouve dissout , et l'on appelle Hépatiques celles il est tenu en dissolution par la potasse, la soude ou une terre alkaline , et ïîèpatlsêes celles qui ne contiennent que du gaz hydrogène-sulfure. Ces eaux ont l'odeur d'oeufs convis à laquelle il est impossible de se méprendre. De plus les acides muriatique oxigèné , nitreux et sulfureux , en aban- donnant leur oxigène suffisent pour en précipiter le soufre.

Les principes' dont nous venons de parler ne sont pas toujours seuls dans les eaux chaudes, il n'en est au contraire pas une qui contienne une subs- tance seule et unique. On en voit qui sont tout à la fois acidulés gazeuses , martiales et sulfureuses (1): c'est ici le chimiste trouve à chaque pas de nouvelles difficultés, et cependant ses analyses deviennent le fild'Arhne pour la conduite du praticien; c'est d'après la connaissance de l'existence de tel ou tel principe dans une eau minérale qu'il en déduira l'utilité ou le désavantage dans les maladies : on sent par de quelle importance est une analyse bien faite, je me borne ici à la faire sentir : je ne veus point entrer dans des détails qui me mèneraient trop loin et je me contenterai de rapporter le résultat des analyses que le Dr. Bonvoisin a faites des eauxd'Aix, afin de fonder sur elles l'utilité et les avantages que la médecine peut en retirer ; je n'oublierai point cependant le sage pré- cepte que nous donne Chaptal relativement aux eaux minérales (i). » Leur analyse, dit-il, devrait être faite chaque année » En effet quel- que théorie qu'on admette pour leur formation, on sent que quoique d'une

(1) Celles de Bala rue sont salines et chaiules ; celles de Sekers ou Seltz acidulés, ga7euse s froides ; celles de Sultsbach acidulés, gazeuses, salines et martiales ; celles d'Aumale ne sont que martiales; celles de Vichi, du Mont-d'or sont gazeuses, chaudes, martiales, salines et sulfureuses. Voy. CaRRÈRE. Tableau des eaux miner, de la France. (2) Élément de chimie, 5e. édition. T, II. p, 442.

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année à l'autre la différence ne soit pas bien sensible , cependant il est certa.n que la décomposition des substances qui y contribuent ne peut pas toujours être la même : les filons des substances miné- rales sur lesquels passent ces sources se corrodent avec le temps, il s'y joint d'autres substances minérales ou bien quelques-unes qui y étaient auparavant cesseront : delà changement dans la nature des eaux, changement dans leurs propriétés et dans leurs vertus , changement dans leurs effets. Les variations atmosphériques influent sur leur volume : delà l'inégalité de leur action suivant les années (i).

Art. II.

Des bains et de leur action sur Vèconomie animale.

Après le coup d'ceil général sur les eaux chaudes minérales , consi- dérées chimiquement , je passe aux différens usages auxquels on les fait servir dans la cure des maladies. Les diverses manières de les em- ployer peuvent se réduire aux suivantes : les bains , la douche , les bains de vapeurs ou étuves et la boisson. Les trois premières peuvent être générales ou partielles : celles-ci comprennent l'application des boues les lotions , etc. etc. Parlons d'abord des bains d'eau douce en géné- ral et de leur action sur l'économie vivante, il nous sera facile en- suite d'en faire l'application aux Eaux Thermales.

(0 Le célèbre DE Haen qui avait analysé plusieurs années de suite toutes les eaux des environs de Vienne , n'y a jamais trouvé les mêmes principes, dans les mêmes proportions. ( Élémuu de thimin de Chaptal, t. il. p. 44*0

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$. I.

Du Bain en général.

L'usage des bains (i) prit sans doute son origine dans les climats chauds de l'Asie , le berceau du genre humain. Les Egyptiens et les Grecs en parlaient déjà dans les temps fabuleux de leur histoire. Les bains de rivière et de fontaine furent sans doute les premiers, ensuite pour plus de commodité on en fit dans l'intérieur des maisons. Homère dans son Odyssée nous dit que Circé délassa Ulysse en lui préparant un bain dans un métal éclatant : l'enchanteresse Médée qui passait pour se baigner dans la décoction d'hommes vivans , n'était qu'une femme savante qui se livrait à l'art de guérir , et qui avait fait construire des bains publics (2). Bientôt on en fit un objet de luxe , et une source de volupté; en effet, selon le même poëte grec pendant que Télé- maque était à la cour de Nestor, la belle Polycaste la plus jeune des filles de Pi Los conduisit le fils d'ULYSSE au bain , le Java de ses

(1) Par Bain on entend aujourd'hui l'exposition du corps à un fluide quelconque dans lequel il se trouve plongé, en tout ou -en partie , soit médiatement soit immédiatement. D'après cette définition, on voit combien les espèces en sont nombreuses : bains aqueux, humides, secs; bains de sable, de terre, de fumier, étuves ; bain électrique, etc. On les nomme bains entiers . demi-bains , bains partiels suivant le plus ou moins de parties du corps qui s'y trouvent ex- posées. Les bains ont encore été divisés d'après leur température, et on en a lait de froids, de tempérés, de tiédes, de chauds, qf de trés-chauds. Cette classification qui paraît être la plus ipédicale parce qu'elle est fondée sur des caractères évidens et un effet très-sensible qu'ils doivent pro- duire sur l'économie vivante, place parmi les froids ceux dont la température s élève depuis le point de la congélation à io.° au dessus therm. de Réaumur , parmi les tempérés ceux de 10 à 10 degrés. Ceux qui vont jusqu'au 25e. sont les tiédes : de au ;$e. sont les chauds et passé ce degré on ne rencontre plus que les trés-chauds. Les eaux d'Aix dont je parle au- jourd'hui ne passant jamais le Jje. ou 56e. , je me bornerai à parler des bains aqueux, tiédes et chauds: et comme l'eau portée à la température de ces derniers n'est employée qu'en douches» je renvoie à ce pa 1 agraphê.

(z) Voy. Histoire de la Médecine, par le Clerc. T. I.

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propres mains, et après avoir répandu sur tout son corps des essences précieuses , le couvrit de riches habits et d'un manteau de pourpre. L'usage du bain fut bientôt appliqué à la médecine : Hippocrate en parle comme d'un remède fort usité (i). Rome qui parait avoir tiré de la Grèce et de l'Asie tout ce qui concerne les beaux arts et le luxe semble y avoir pris également l'usage des bains : de sans doute le nom de haconicum ou Laconicon qu'ils donnaient à une partie de leurs Thermes : mais il ne s'y établit pas si promptement et si généralement qu'en Asie: d'un côté l'esprit des Romains continuelle- ment tourné vers la gloire militaire , ne leur permettait guères de se livrer aux objets de luxe et à tout ce qui paraissait pouvoir énerver leur courage et leurs forces , aus-si les bains du Tibre furent pendant longtemps les seuls que prit la jeunesse de Rome: d un autre côté la sévérité des Censeurs empêchait tout établissement qui eut pu par la suite amener la dépravation des mœurs , et des abus.

Au rapport de Celse (z) c'est Asclépiade son maître qui commença à les ordonner avec hardiesse. Pline dit que pendant six cents ans, on ne connut d'autre médecine à Rome que celle des bains (3), et l'on sait à quel point ils devinrent usités dans toute l'Italie à mesure que le luxe y fit des pro- grès. Agrippa fit bâtir les premiers Thermes publics qui furent à Rome; le Peuple Romain en fit ses délices et ils furent tellement multipliés, que sous Dioclétien il s'en trouvait plus de huit cents dans la seule Italie. Ce qui nous reste encore des Thermes d'AGRiPPiNE, de Néron", de Tue , de Domitien, de Trajan, de Caracalla ; de Dioclétien,

(1) De sanorum victus rations. L. II. cap. X. Artt Med. principes.

li) Antiqui timidiùs eo utebantur : AscLEPlADES audaciàs* A. CORN. CELSI Medic. L. II. cap. XVII. Xid.Art Mid. principes T. VIII. p. 102.

(5) Voy. PLINII Secimdi historiœ mundi , L. XXXI. cap I. De medicinâ ex aquatililus '■ aqaa- rum mirabiiia , etc. cap. III. De aquarum qualitat , insalubrit.it; vel commoditate earum. L. XXXVI. cap. XV. De ddubro Sysici , et de écho septics résonante, et mirabilia œdifijia Romoe. Le naturaliste romain dans ce dernier chap. fait voir avec qu'elle magnificence les bains , ainsi çue les autres édifices publics e'taient construits à Rome.

de Constantin, etc. suffit pour nous prouver la magnificence avec laquelle on les construisait (i): mais les meilleurs établisse mens ne tar- dent jamais à dégénérer, lorsque des lois sévères ne s'opposent pas à la Iilence qui peut s'y glisser. Les bains devinrent une vraie passion chez les Romains, et amenèrent promprement la dégénération des mœurs à h.j!<. lie le triomphe de Lucullus avait préparé depuis près d'un siècle : cette licence alla si loin qu'ADRiEN fut obligé pour faire cesser l'usage indécent aux deux sexes de se baigner ensemble, de porter un édit qui le défendait sous peine de répudiation et de perte de la dot» Martial nous Ta peint en deux mots dans ces vers:

Jnmùana succinctus niçrâ tibl servus alutâ Stat, quotiès calidis nuda foveris aquis.

L. VII Épigr. 34.

La chute de l'empire de Rome , l'irruption des barbares et l'usage du linge restregnirent celui du bain : d'ailleurs depuis l'établissement de la Foi , les nouveaux chrétiens fixant ces objets du côté de la mondanité, jugeant qu'il appartenaient aux préjugés et aux rêveries du paganisme.

(4) Seneque en déclamant contre le luxe de Rome , nous apprend que des personnes même d'une condition inférieure ne se croyaient poip t heureuses, à moins que les murs de leur bains dôme stiques ne tussent ornés du marbre d'Alexandrie.

Dans les Thermes île CaracaLLa ( Th^rmc Aiuoniane ) il y avait 1600 sièges de marbre : .3000 personnes ponvaient s'y baigner à la fois, .ls renfermaient une 'quantité immense de statues et de colonnes : «.'est de qu'ont été tires 1 Hercule et le Taureau Farnéze.

Le biiù/uent des. Thermes de >igclétien avait dans œuvre 1069 pieus en long et 761 de laigeur. <_es i hernies de N^ÉRon ou d'ALEXANDRE contenaient aussi une infinité de statues et de bjs reliefs, etc. etc. i.,e satyrique Martial, pour en faire l'éloge met leur bonté en •opposition avec la malite de >ekon .•

QuiJ Nerone pejus î Quid Thermis melius Naonianis ?

L. VII Epigr. jj.

Les Thermes de Titus nous ont fourni îe fameux Laocoon qui en faisait jadis un de» principaux ornemens. (LaLANDE , Voyage en Italie, T. IV, V. )

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les trouvèrent déplacés. Ils n'aimaient point à se réunir pêle-mêle suivant la liberté ro naine: la pratique du b-ùn leur paraissait trop mondaine, sur tout pourles femmes: les abus dont elle avait été suivie à Rome mettaient d'ail- leurs en garde contr'eux dans ces temps'd'innocence et de simplicité. Ce fut enfin dans les temps des troubles, d'ignorance , et de barbarie qui ac- compagnèrent et suivirent la dissociation et le démembrement de l'Em- pire d'Occident , à l'invasion des Goths et des Arabes qu'on oublia entièrement les bains , et l'usage des eaux minérales. Les lieux qui les renfermaient devinrent déserts, la France alors sous le joug des barbares, plus occupés de leur conquêtes que du profit qu'ils pouvaient retirer du grand nombre de sources minérales qui étaient au milieu d'eux, si connues sous les Romains qui y venaient de loin chercher la santé et se délasser des fatigues de la guerre, la France , dis- je, oublia presque entièrement qu'elle possédait de si riches trésors. On affectait même de laisser dépérir les travaux faits par les Romains, objers qui rappellaient aux peuples devenus libres et sauvages , leur ancienne ser- vitude ( Boroeu. Maladies Chr. Introduct. )

Les Eaux d'Aix en Savoie ont suivi les progrès et la décadence des autres eaux minérales : connues et très-fréquentées par les Romains comme le prouvent les ouvrages qui nous restent de ces anciens maîtres de la terre , elles sont tellement tombées dans l'oubli dans les siècles qui suivirent la chute de leur empire , qu'on avait même entièrement perdu le souvenir de leurs ouvrages. Les bains de Gratien étaient enfouis sous 5 à 6 pieds de terre, le Vaporarium comblé, le Temple de Diane converti en une cave , l'Arc de CAMPANUS en une écurie ^ les eaux perdues en partie par la détérioration du roc qui les ren- ferme et l'élévation du sol : les inscriptions mutilées, la plupart des mé- dailles perdues , etc. etc; mais le génie conservateur des arts nous préparait le 18e. siècle: le flambeau de la philosophie commença à briller vers le milieu du 1 5e : on sentit le tort que l'on avait de ne pas profiter de secours si utiles que la Nature nous offre elle même

7*

avec tant de prodigalité : les médecins s'occupèrent sérieusement des eaux minérales; les Italiens furent les premiers, Savonarola [i], Montagnana de Padoue[z], Conradus Gesner [3], Baccius [4], etc. etc.

Vitruve et M^RCURiALis nous ont donné une très-bonne idée des bains Gtecs et Romains; c'est à l'ouvrage de Vitruve que nous de- vons l'explication des diiFérentes espèces de bains des Gymnases de la Grèce.

Aujourd'hui l'usage des bains soit d'eau douce , soit d'eau minérale est généralement reçu par tous les médecins ; les sources d'eaux ther- males ont fixé l'attention de tous les Gouvememens : on a nommé des médecins et des chirurgiens titrés directeurs et inspecteurs des Eaux Minérales pour y soigner les malades , veiller à l'entretien des bâtimens, aux réparations et améliorations qu'ils exigent, ainsi qu'à la décence qui doit régner dans ces lieux: et !e dix huitième siècle a vu s'élèyer de tout côté à l'envi, pour ainsi dire, des monumens de la magnifi- cence des princes et de leur philantropie. Aix-en-Savoie est de ce nombre; cette ville possède un bâtiment commode spacieux et bien entretenu.

L'action des divers moyens que la médecine emploie pour conser- ver et rétablir la santé dans le corps vivant consiste à conserver ou rame- ner l'ordre des mouvement, en maintenant ou remettant la Nature sur la bonne voie. La dépuration des humeurs, les codions, les crises, les détentes nécessaires pour vaincre les maladies , exigent un accord

[1] Savonarola Michael. De Italix babisîs. Veuet, 1498 f°. Ouvrage excellent et vraiment pratique au jugement Je CaRheue.

[?] Montagnana BarTHo'.o viœus. De balneis Patav'mis tractatus très. I499. [;] ConKaDUS GESNER Collet tio de met allie is rébus et iwminibus, Tiguii, I56J. [4] Andr. Baccius. De thermU libri septem. Venet, 1571 f».

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heureux entre le physique et le moral , une révolution générale dans toute la machine , un renforcement et un remont ement , comme dit Bordeu (r) de tous les ressorts de l'animal. Aucun moyen curatif ne s'écarte de cecte règle, il n'est pas même de spécifique de maladies qui n'y soit soumis: cette marche plus appréciable sans doute, dans les maladies aiguës, n'en est pas moins réelfe dans les chroniques. Les unes et les autres sont su- jettes aux mêmes phases, nous y voyons partout période de crudité ou d'irri- tation, période de coction et période d'évacuation : seulement dans les der- nières ces divers stades sont plus longs, plus espacés; la Nature ayant une moin- dre énergie 'utte moins vivement contre le mal; ses efforts sont presque impuis, sans et ce n'est qu'à la longue que le combat s'engage, pour parler comme les anciens. La cause de cette différence parait tenir à la constitution de l'individu , ou au peu de vitalité du système organique qui devient le siège du mal. Je ne veus pas m'étendre sur cet objet , il nous mè- nerait trop loin ; je me bornerai à dire que le grand art du médecin dans les dernières, consiste à les convertir en aiguës : c'est-à-dire à en accélérer ou retarder la crise à propos, et par conséquent à bien con- naître les cas il faut employer l'un ou l'autre moyen (2.). Je passe maintenant à la considération de l'action des bains en particulier sur l'économie animale , et j'en déduirai l'influence qu'ils peuvent avoir dans la guérison des maladies.

<i) Maladies chroniques, p. Z4.

(1) Voy. sur cet objet l'excellent ouvrage de BoRDFU sur les Maladies Chroniques : il serait à désirer que cet ouvrage dont 1 édition est maintenant épuisée, se trouvât entre les mains de tous ceux qui s'adonnent à l'art de guérir.... Voy. aussi les Leçons de médecins théorico- pratique du professeur Dumas; les vues sages et. lumineuses dont cet ouvrage est rempli sont au dessus de tout éloge. Qu'il serait à désirer que ce savant et estimable professeut entreprit de finir l'ouvrage de Bordlu en rectifiant les erreurs qui peuvent s y trouver: son glorieux début dans la car- rière littéraire est bien t'ait pour l'encourager, et l'École Illustre dont il est membre, s'hono- rera toujours d'une personne qui en propageant la Doctrine Hippocratique» l'utilise davantage ea la présentant avec une méthode philosophique, lumineuse et facile»

IO

$. I I.

Du Bain tiède et de son action sur V Economie Animale.

On ne peut rien décider à priori sur cette espèce de bains. Son action est toujours relative aux circonstances dans lesquelles se trou- vent les personnes qui en font usage (i): cependant je crois que l'on ne doit pas conclure quelle est l'action qu'il doit exercer sur 1 homme vivant, d'après ses effets sur des êtres privés de vie. De ce qu'un morceau de cuir s'alongera, se dilatera, augmentera d'épaisseur , etc. en conclurai-je que l'eau qui a produit cet effet en opérera un semblable sur le corps vivant? Non sans doute, il n'en est pas du corps humain plein de vie , à tous égards comme des corps bruts de la Nature en général ; les lois se singularisent ici , c'est un corps organisé vivant , iqui par l'effet de cette organisation sort des lois générales de la phy- sique : il manque à la peau inanimée cette onctuosité, cette sensibilité, cette force de vie qui la caractérise dans l'animal vivant (2). Nous pouvons donc, je pense, croire avec Grimaud, Zimmermann ( Marcard et autres auteurs modernes que l'action des bains se porte presque entièrement sur la vitalité , et que ce n'est que par leur mode d'agir sur elle, et les modifications qui s'en suivent tant dans les so-

(I) Les différens moyens d'irritation , et plus généralement les divers moyens de sensations qu'on applique sur les parties vivantes n'ont point un effet nécessaire et absolu , mais tou- jours il dépend de l'état se trouve la partie vivante au moment de l'expérience. (Grimaud, Cours des fièvres. T. I. p. 91. )

(1) Si le bain agit d'après les lois physiques sur quelques p arties du corps vivant ce n'est que sur celles qui sont insensibles dans l'état physiologique, telles que l'épidémie et les ongles. Ces parties se gonflent et se ramollissent , mais aussi la sensibilité du corium est tellement augmentée, qu'après un pédiluve, beaucoup de personnes qui auparavant eussent marché nue pieds ne le peuvent plus faire : efi'et qui ne devrait point avoir lieu si le bain était un émoi- fient, un anodin dire et. Voy. ci-aprés p. 77.

7?

Jicîes que dans les fluides , qu'ils sont utiles ou nuisibles dans les maladies.

i°. La première action du bain d'eau tiède sur le corps qui s'y trouve exposé est la pression qu'il exerce sur lui. Ceci lui est commun avec les autres espèces de bains le corps se trouve plongé dans un liquide L'eau en effet augmente par sa gravité le poids que l'atmos- phère exerce sur le corps : ce poids augmente encore en proportion relative des sels et autres substances qui se trouvent dissoutes dans la liqueur du bain : cette considération doit tenir en garde contre les dangers qui pourraient suivre l'administration des bains , chez les per- sonnes qui ont une tendance des humeurs à la tête , et une prédis- position à l'apoplexie. Il n'est pas indifférent de faire prendre des bains plus ou moins profonds , puisque la pression de l'eau peut déterminer des métastases fâcheuses, sur les parties elle s'exerce avec moins d'énergie , par le refoulement des humeurs qu'elle y produit.

L'effet du bain quant à la chaleur est aussi bien plus grand que celui de l'air à une température égale. Comme l'action de la chaleur est toujours en raison directe de la gravité spécifique du fluide qui en est le conducteur, la chaleur du bain doit produire une impression huit ou neuf cens fois plus forte sur le corps humain que l'air à une même température. L'expérience journalière le prouve , quel est l'homme qui supportant facilement une atmosphère de 30, 40 degrés pourrait supporter un bain à cette température? Les étuves au 40e. n'incommodent pas en général les habitans du Nord, mais ils ne supporteraient certaine- ment pas un bain à la même température.

20. Le bain tiède relâohe-i-il les parties , ou en augmente-t-il le ton et la vitalité ? Cette question toute paradoxale qu'elle paraisse n'est pas encore décidée, et je ne me flatte pas de le faire Quelques mé- decins ont pensé que parce que le bain tiède calmait, il devait relâcher: d'autres croient le contraire , de ce nombre est Marcard, auteur de l'excellent traité des Eaux minérales de Pyrmont. J'avoue que malgré

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l'opinion généralement reçue et étayée par le sentiment respectable d'u« grand nombre de médecins célèbres, je me trouve ébranlé par ses raisons. En effet il est constant qu'au sortir du bain tiède on ne sent pas que ses forces aient diminué , à moins qu'on n'en fasse abus. Si quelques auteurs Romains disent que les habitans des campagnes étaient plus propres aux travaux militaires que ceux de la ville , par- ce que ces derniers usaient fréquemment du bain , nous devons moins l'attribuer au bain en lui même , qu'aux plaisirs auxquels il servait chez eux comme d'introduction. Baglivi est d'une opinion bien différente, il assure que les Romains n'ont la force et la vigueur de leur tempé- rament qu'au fréquent usage des bains tièdes (i). S'il est des per- sonnes qui aient à se plaindre de l'usage des bains , elles le doivent attribuer à la manière intempestive dont elles les prennent, et à l'abus qu'elles en font. Ce qui parait certain c'est qu'on ne peut guères at- tribuer le gonflement des vaisseaux cutanés dans le bain tiède au re- lâchement, mais bien plutôt à la raréfation des fluides : le corps d'ail- leurs dans l'état naturel n'est-il pas continuellement abreuvé de liquides, et de vapeurs aqueuses?

3°. Les bains ralentissent peu ou point la fréquence du pouls : mais ifs possèdent au plus haut degré la vertu calmante , c'est ce que l'expérience de tous les siècles a prouvé. Aussi Hippocrate (z) les recommandait- il formellement dans les maladies aiguës : la plupart des médecins qui on* marché sur ses traces en ont fait de même. Rhazès (3), Avicenne ont

(1) Ne pourrait-on pas aussi regarder l'époque l'on a cessé l'usage diététique des bains comme celle la dégènéraiion de 1 espèce humaine a fait de plus rapides piogrés: on peut douter qn'aujourd'hui la majeure partie des hommes ne pourrait manœuvrer sous le poids dune armuie antique complète, comme le faisaient nos ancêtres : l'habitude pouvait y contri- bue! pour beaucoup, mais certes elle n'en faisait pas tous les frais.

(z) De dctûi rations in acutis L. III. Cap. IV. Art. MtJ. pr. T. Jl p. 156. (5) Rhazès. Devariolis. Cap. VI- De his rébus qux accélérant erupt. yariolar. Art. Med. pr, T. VII. p. *4K

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conseillé le bain de vapeurs dans la petite-vérole, mais les observations moderne? (i) nous ont prouvé avec combien plus d'utilité les bains tièJes peuvent être employés lorsque l'éruption s'annonce avec orage.

4°. Mais s'il ne relâche pas quel est donc son mode d'action?

Pour moi je suis persuadé qu'il agit en repartissant les mouvemens d'une manière uniforme et générale. La peau devient ici un centre de fluxion par la titillation qui s'exerce sur les vaisseaux cutanés. L'effet s'en propage à l'intérieur par la sympathie de la peau avec les organes internes (2); ce'a entraîne naturellement une détente dans la partie la vitalité se trouvait accumulée , et le calme renait dans toute la machine. Il n'est pas même souvent nécessaire d'avoir recours aux bains entiers pour obtenir un effet semblable : la légère irritation que l'eau tiède détermine sur une partie dissipe souvent toute seule , des délires, des migraines, des spasmes, etc. La détente est encore augmentée par la transpiration que favorisent les oscillations répétées des extrémités des vaisseaux et du système absorbant. En effet comme parmi les actes qui mènent une maladie à une solution heureuse , les plus im- portans sont les évacuations plus ou moins abondantes qui surviennent dans toutes les maladies , tout ce qui agit en favorisant l'excrétion cutanée doit jouer un des principaux rôles dans la classe des moyens curatifs.

(O L^MERY ( Voy. Mém. de l Acad. an 1757) est le premier qui les ait prescrits : il eut Au succès et cependant il fut taxé de hardi , d'extraordinaire, etc. La MliTHÉRiE les a con- seillés avec avantage ( Voy. MéTioire sur la pet. ver. ). OLIVIER de St-Tropez (Journal de méd. de Vandermonde 1760.) cite l'histoire d'un enfant qu'un b,ain tiède rappela, pour ainsi dire à la vie en calmant les spasmes qu'il éprouvait et favorisant l'éruption qui ne pouvait pas se faire. TisSoT les conseille et maRCaRD (loc. cit.) rapporte d'après son expérience que (.'est un puis - ïaiit moyen pour détourner les pustules du visage et les porter sur les endroits qui ont été immergés.

(i) Pourraît-on rapporter à une semblable cause , l'effet singulier qu'a retiré LiEBERKUHN du bain tiède dans l'œdème du poumon, dont il est fait mention dans l'immortel ouvrage de BaRTHEz 1 Les nouveaux Elèmeits de la Science de i'iiommc, Chap, VIII,

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C'e?t donc à cette manière d'agir, je crois , qu'on doit rapporter les bons effets qu'on retire des bains tièdes dans l'état d'irritation que les vives émotions de l'ame décident presque toujours dans la région épigasffrtïjitë : dans les cas de spasme et de convulsion etc. (i>. Dans les maladies éuiptivcs et sur-tout dans les exanthèmes chroniques comme la gaie, les dartres etc. : les affections rhumatismales , sur-tout dans celles l'humeur se trouve fixée : des affections locales comme la migraine, la céphalalgie, une hémorragie spontanée , active locale , la néphralgie , etc. Huxham les conseillait dans toute maladie inflammatoire pour produire une détente. Lorsqu'après des maladies aiguës il reste un pouls fébrile, rien n'est plus utile pour accélérer l'entier rétablisse- ment que l'usage des bains tièdes. Ils conviennent encore dans le cas d'obstructions des viscères et des organes du bas-ventre, la mélancolie t la manie , l'hystérie : dans la suppression des évacuations périodiques chez les femmes , dans les pâles couleurs, les apéritifs, et les chalybés ont plus de succès si leur usage est secondé des bains (i). Mais on en voit sur-tout l'utilité dans les fièvres hectiques : chez les personnes qui ont une constitution sèche , tendue, irritable : les hommes de lettres , les personnes sédentaires d'un certain âge, chez lesquelles le bain arrête les progrés de la dessication des fibres et ralentit les pas d'une vieillesse toujours prompte à affaiblir nos organes et à nous conduire au terme fatal auquel aboutissent tous les êtres vivans (.3).

(1) Fouqust rapporte une observation très -intéressante de BroUSSoNET pe're qui dissipa une affection spasmodiqne gt'nJia:e en exposant la plante des pieds du malade à la vapeur de l'eau chaude, et en luifaisaut prendre des de ni-bains t èdes (GbimaUD. T. II. p. 9.)

(î) Le protesse ir SENEAVX est un des premiers qui aient mis en vogue à Agde il a pratiqué 10 ans, et à Montpellier l'usage des bains tièdes long-temps continués dans les ac- couchemens lens et laborieux. Dans son cours U'accouchemeiis de 1 an IX , il nous a cité le cas d'une femme qui allait subir l'opération césarienne , d'après lavis des autres médecins accoucheurs qui la voyaient. Le cit. Seneaux appelé, examine la malade, voit que tout l'obstacle provient de lu phlogose des parois du vagin: il fait deux saignées , leur fait succé- der un bain de quatre heure de durée : les parties se ramollissent, se relâchent et ! accouche- ment se fait avec la plus grande facilité.

(3) 11 est encore vui autre eiiet du bain tiède sur l'économie animale que je me con-»

79 5. III.

Du Bain chaud.

Le bain chaud est plus actif que le bail tiède , il agit de la même manière sur les corps vivons. Son activité le ren 1 un moyen précieux entre les mains d'un médecin habile , mais il doit en user avec mo- dération et méthode : accélérant fortement le mouvement circulatoire du sang, il augmente momentanément la plithore, et la faiblesse r;ui succède à l'abondante transpiration qu'il occasionne , demande toute l'attention du médecin. Cette pléthore et ce relâchement de la peau qui suivent le bain chaud ne cessent pas avec lui : la transpiration continue à être abondante encore quelques heures, et peut causer des anxiétés, des faiblesses qui épuisent souvent. On a un moyen de préve- nir ces accidens : il n'y a qu'à reprimer doucement l'action du bain en le refroidissant par degré; et alors ce qui paraîtrait extraordinaire à tout homme privé du flambeau de la physiologie , le bain chaud rafraîchit , en modérant le jeu des agens de la chaleur dans l'économie animale et remettant tout en équilibre par ses vertus diuré- tique , apéritive et délayante. Cette propriété est ce qui rend cette sorte de bain si précieux et d'un usage plus commun que les autres. Hippocrate dit que le bain chaud inférieur à la température du

tente d'énoncer ici, c'est l'absorption plus on moins considérable du fluide dans lequel on est plongé pendant la durée du bain. Quoiqu il soit assez difficile de l'apprécier avec exactitude, l'expérience prouve que cette considération est plus importante , qu'on ne le croirait d'abord puisqu'on peut s'en servir pour nourrir les malades , etc. Elle peut même servir avec avan- tage à expliquer pourquoi l'on retire plus de profit des bains de terre, de sable , de fumier de marc de raisins et d'olives, etc. que de toute autre espèce de bains, dans ce ta' es aiTecrions dépendantes d'une diatiié;e muqueuse : telles sont les scrophules, le scorbut , certaines plith.i4.ef pulmonaires , hecticies, etc.

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sang fortifie et celui qui lui est supérieur relâche : cela est très-vrai et le bain chaud agit bien différemment du Bain très-chaud, qui affaiblit et relâche avec d'autant plus de facilité qu'on est plus disposé à cette faiblesse.

Ce n'est principalement que dans les cas il faut une méthode perturbatrice pour rappeler les forces vitales de leurs aberrations , en tâchant de faire concourir les efforts de l'art avec ceux de la Nature, qu'on doit avoir recours aux bains chauds. Comme ils titillent fortement les vaisseaux cutanés, ils sont très-indiqués dans les maladies qui ont pour phénomène principal un état de spasme intérieur , ou défaut d'équilibre dans la répartition des forces vitales et toniques profondément établi dans le système.

C'est particulièrement dans les affections paralytiques et rhumatismales, dans les atrophiesque l'utilité des bains est plus manifeste [i], ainsi que dans toutes les maladies la Nature porte ses efforts à l'extérieur et cher- che à se débarrasser du levain morbifîque qui détériore la masse des humeurs. Ils sont encore d'un grand secours dans les cas d'obstructions, dans les squirres et dans la plupart des maladies qui dépendent du système lymphatique : dans les écrouelles , la maladie vénérienne : la gale , la lèpre , les dartres, et la nombreuse cohorte des affections cutanées en éprouvent une amélioration sensible qui va souvent à la guérison radicale : il en est de même des douleurs aux articulations accompagnées d'une congestion abondante de matière albumineuse , des engorgemens lymphatiques du tissu cellulaire et des glandes, etc.

Les bains chauds sont aussi emménagogues, mais sans entrer dans de p'us grands détails , qu'il me suffise de dire que dans tous les cas il faut fortement remuer le système , stimuler les organes, exciter une puissante transpiration , porter à la peau , disséminer uniformément

[i] Cjeltus-Aurelianus les recommande fortement dans ces cas. Voy, Morb. chr. J.. H.. Cap, V. Art, Med. pr. T. XI. p. 117.

8r

les Forces , les bains chauds sont un des moyens les plus simples et les plus énergiques que possède l'art de guérir. Je passe à d'autres espèces de bains.

5. iv.

De la Douche.

La douche ne diffère de la lotion que par-e qu'on fait tomber l'eau d'une certaine hauteur; et du bain proprement dit, que parce qu'il n'y a qu'une partie du corps qui soit exposée à son action ; on peut y joindre l'immersion dans l'eau , mais elle n'y est point nécessaire. On la divise en Douche au filet, et en Douche goutte à goutte ; rela- tivement à la température , il y en a de froides , de tièdes , de chau- des , etc. ; ne devant parler ici de la douche que reativement au mode de l'administrer à Aix, c'est sur la douche chaude seule que je m'arrêterai.

Dans ce genre de remède nous avons deux élémens à examiner; i*. le liquide et sa température; ±*. la percussion qu'il opère. Pour ce qui est du premier nous n'avons rien à ajouter à ce qui a été dit à l'article du bain chaud : il n'en est pas de même à l'égard du second; on pourrait même dire qu'il est l'objet principal de la douche.

L'effet de la percussion opérée par la chute de la colonne d'eau n'est pas toujours relatif aux lois de la phyîique , mais il parait toujours pro- portionné à la sensibilité de la partie qui y est exposée : la colonne d'eau agit sur cette dernière par parties qui se succèdent et qui agis- sent isolément et en raison du point de contact et de leur momentum celui-ci est d'autant plus violent que la colonne est plus élevée. Cette percussion successive produit une activité plus grande dans la circulation, la rougeur , la douleur et la chaleur de la partie : elle n'agit point de même sur le cadavre, ce qui est une preuve manifeste que son action

II

se porte principalement sur la vitalité. Celle-ci se trouve donc augmentée, les amas et congestions d'humeurs sont dissipées; l'action même se pro- page jusque dans l'intérieur des articulations , et l'on voit des fausses ankiloses, des demi paralysies se dissiper mieux qn'elles ne l'auraient pu faire par les frictions , les bains , les fomentations , les onctueux et les stimulans , l'électricité même si vantée par de Haen et Bertollon.

D'après cette manière d'agir de la douche , confirmée journellement par l'expérience , il n'est pas difficile de déterminer les cas elle peut être utile. Elle est d'un avantage inappréciable dans tous les engorge- mens lymphatiques , tels que squirres indolens , douleurs scrophuleuses, dépôts laiteux, œdèmes et gonflemens des articulations après les frac- tures , les luxations ou les foulures : après la fracture de la rotule ou la rupture du tendon d'Achille, soit pour donner du ton aux ligamens, et du jeu aux tendons, soit pour dissiper les concrétions albumineuses des articulations et détruire la fausse ankilose qui les accompagne assez constamment.

Les rhumatismes et tout ce qui tient au genre d'affections paralyto- dées, comme goutte sereine, aphonie , cophosis ou surdité , oris distorsio, paralysies partielles ou générales , hémiplégie ou paraplégie, rétractions musculaires, concrétions goutteuses, sciatiques, atrophie, aridures, etc, en re- çoivent ordinairement une amélioration marquée. La douche est sur- tout très-avantageuse aux jeunes personnes du sexe , chez lesquelles la première menstruation a peine à se faire ; chez celles qui ayant déjà eu leurs règles souffrent beaucoup à chaque retour , et ont ce qu'on appelle règles difficiles et pénibles : elle l'est aussi contre la stérilité.

Les maladies externes telles qu'ulcères , corps étrangers intro- duits dans un membre, exostoses , caries , fistules, éprouvent chaque jour les heureux effets des douches sagement administrées.

83 §. V.

Du Bain de vapeurs.

Les avantages obtenus des bains chauds , devaient naturellement faire présumer aux hommes et sur- tour aux médecins ce qu'on devait at- tendre de l'eau mise à l'état de vapeurs. Aussi voyons nous des étuves humides dès l'antiquité la plus reculée (i). Le Tepidarïum faisait les délices de Rome dans le beau siècle d'AuGUSTE. : il tomba en des- suétuie avec la chute de l'empire , mais il se conserva toujours dans

(i) Vitruve nous donne une très-bonne idée des thermes qui étaient proche des gymnases de la Grèce : on entrait d'abord dans Y Apoditerium ou Coriceum , l'on laissait ses habil- Iemens : ensuite on trouvait le bain froid Frigida lavatio. j°. La clumbre destinée aux frictions ,ou onctions d huile » Elxothcsium ou unctuarium. 40. Le Propnigcum vestibule de rHypocaustum ou poêle , et du Tepidarïum : celui-ci était une étuve voûtée , se prenaient les bains de vapeurs , et tout proche se trouvait un bain d'eau chaude Calida lavatio : venait ensuite le Frigidarium ou chambre du rafraîchissement.

Les Romains qui consultaient plus la bienséance que les Grecs avaient séparé l'appar- tement des hommes d'avec celui des femmes: c est ce qui avait multiplié chez eux les pièces de bains ; cependant ils étaient ordinairement échauffés par le même fourneau .• au milieu cliaque appartement on voyait un grand bassin, auquel venait aboutir l'eau chaude par plusieurs conduits : il était entouré d'un corridor , avec une balustrade , et une galerie pour ceus qui attendaient. Les étuves sèches, (Calidarium de VlTHUVE , Laconicum de CtLSE ) , et les étuves lu nides ( Tepidarium ) étaient conciguè's; on leur donnait la forme d'une rotonde, afin que les vapeurs et la chaleur fussent distribuées d'une manière plus uniforme : la voûte en était percée pour donner dit jour , et cette ouverture se fermait par un bouclier d'airain qu'on élevait ou baissait à volonté , afin de diminuer ou d'accumuler plus ou moins les vapeurs. Dans un appartement voisin se trouvaient trois vases d'airain appelés Milliaria , à cause de leur ampleur. L'un contenait de 'eau froide, l'autre de l'eau tiède, le dernier renfermaic de l'eau chaude; par des tuyaux correspondans» on pouvait faire passer de ces eaux au souhait des baigneurs. ( Voy. En.yclop. par ordre de matières. Dict. de Médecine, II. partie , t. 5 , art bain ).

F.és des Thermes pubtics, il y avait encore deux pièces dont une était située au nord , et portait le non de Piscina , Natatio : on pouvait s'y baigner et nager ; l'aune était destinée au>; (Jnetuarii , Aliyili et mues personnes attachées au servioe des Thermes,

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l'Orient (i), l'Egypte (2), et l'on s'en sert depuis un temps immémorial en Russie et dans la Finlande. Les orientaux y prodiguent tout ce que le luxe peut avoir de plus recherché ; les femmes sur-tout sont ivres de ce genre de plaisir : il supplée à l'exercice dont elles sont privées, et entretient toutes leurs fonctions dans leur' état naturel. On n'y voit point comme en Europe de femmes hystériques, au rapport de Timoni elles sont toutes fécondes : ne soyons donc pas surpris si l'obligation du bain pour elles est plus indispensable que celle de la Mosquée (3). Il n'est pas jusqu'aux sauvages de la Pensilvanie qui n'aient aussi leurs étuves , si nous en croyons le récit du missionnaire Loskiel (4). L'Italie nous en offre de naturelles : les grottes de St-Germain dans la terre de Labour , et de l'Isle d'Ischia près de Naples exhalent une grande quantité de vapeurs aqueuses ; les malades y accourent de toutes parts pour en retirer quelque soulagement; mais les étuves artificielles de Russie et de l'Orient l'emportent infiniment sur toutes les grottes

(1) Voy. Dissertation sur tes lains orientaux de TlMONI , médecin à Constantinople ; et ANQUETiL sur les bains de vapeurs Indiens. Il en donne une idée curieuse et piquante»

(2) Voy. Lettres de Savary sur l'Egypte. 11 n'est peut-être pas d'endroit l'on aie autant raffiné l'art des étuves : les Lettres se souviendront long-temps qu'elles furent alimen- tées pendant plus de six mois à Alexandrie , par la bibliothèque des Ptolomees.

Voy. aussi Sakchès , Mém. sur les bains Russes, ouvrage des plus intéressans et digne d'un excellent praticien : ces bains réunissent l'avantage des Thermes grecs et turcs Le même auteur parle des Étuves de Finlande; i'Êtuve sèche ainsi que l'humide y sont en usage ; la dernière n'est portée que du }6e. au 40e. degré de Réaumur ; la première peut l'être du, 48e. au 56e.

(5) Paris de Montpellier , médecin à Andrînople > dans son mémoire sur la peste , cou^ ronné par la faculté de médecine de Paris , paraît d'un avis contraire. Il dit que les Eruves loin d'être utiles aux femmes, favorisent plutôt la contagion , les hémorragies , flétrissent de bonne heure leurs appas, procurent l'hystérie, et occasionnent très- souvent la suppression des évacuations périodiques. Timoni cependant pense bien que les bains de vapeurs peuvent contribuer à donner à la peste un peu plus d'énergie , lorsque les principes contagieux qnt déjà pénétré profondément , mais on ne peut guéres douter que bien des maladies ne soient moins fréquentes , et moins dangereuses dans les pays chauds , que dans les pays froids , pa$ la seule raison qu'on y transpire davantage» ( Voy. MaRCARD. De la nature des bainu

(4) Marcarq /. cit, p. li.Jj

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d'Italie, et sur les étuves sèches d'Allemagne, dans lesquelles on ne peut pas renouveler l'air à volonté.

L'effet des étuves humides, ou bains de vapeurs sur l'économie animale, est à peu près le même que celui du bain chaud quant au mode d'agir, mais non pas quant à son intensité. L'eau réduite en va- peurs est plus pénétrante ; elle baigne toutes les parties du corps encore plus intimement que l'eau du bain. On voit en conséquence combien ce moyen est puissant lorsqu'il s'agit de porter fortement à la peau. L'usage diététique des bains de vapeurs préviendrait chez nous une grande quantité de maladies, et sur-tout la pléthore, et l'usage théra- peutique en dissiperait beaucoup. Toutes celles qui sont la suite d'une sueur répercutée : les rhumatismes , les sciatiques , quelques rhumes mêmes , sont de ce nombre. Le célèbre Spaarman, médecin Suédois, qui a partagé la gloire du malheureux Cook dans son voyage au Cap de Bonne-Espérance et dans celui de l'Isle d'Otaïti , nous assure avoir vu des effets merveilleux du bain de vapeurs dans la goutte. Herman Won-der-heide proposa dès ie commencement du 17e. siècle de guérir la peste par les sudorifîques , en les employant dès que les premiers symptômes commenceraient à se manifester. Les an- timoniaux , et sur-tout le tartrite antimonié de potasse qui sont si efficaces dans les maladies contagieuses , n'agiraient-ils point comme tels,

plutôt que comme évacuans immédiats ? L'usage consacré en Russie

du bain de vapeurs pour les femmes nouvellement accouchées est digne de remarque ; quoiqu'il répugne à la conduite adoptée généralementdans le reste de l'Europe, lorsqu'on voit une pratique établie , consacrée par l'habitude depuis un temps immémorial , sans qu'il en résulte de grands inconvé- niens , ne peut-on pas en conclure qu'elle a été fondée sur de bennes raisons, et confirmée par une expérience heureuse? Au moins on doit dans ces sortes de cas être très-réservé sur son sentiment, et ne pas donner son improbation sur de simples raisonnerions théoriques.

L'étuve humide détermine puissamment la transpiration, mais il ne -faut pas croire que toute l'eau qui inonde une personne qui se trouve

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exposée à cette atmosphère soit de la sueur. L'homme nu placé dans une étuvc de ce genre sera bientôt couvert d'eau qui ruissellera de tout son corps: mais cette eau n'est pas la transpiration seule: l'homme vivant, comme la physiologie nous en instruit, dans quelque atmosphère qu'il se trouve , comerve à peu près la mène température. Cette pro- priété le rend un corps froid à l'égard d'une étuve humide bien su- périeure en chaleur : de sorte que toute l'eau qui est dans l'atmosphère ambiante en gouttelettes extrêmement divisées vient se condenser sur lui comme sur le réfrigérant d'un alambic et s'échapper ensuite par son propre poids. C'est par cette explication toute physique qu'on peut rendre raison pourquoi les bains de vapeurs sont plus supportables que les étuves sèches (i). Il n'en faut pas néanmoins con- clure que l'on puisse en user dans tous les cas. L'action de cette at- mosphère brûlante et chargée de vapeurs sur le poumon, peut vive- ment affecter cet organe chez les personnes faibles et délicates , sujettes à l'hémoptisie , aux palpitations , à l'asthme humide , et à une mobilité extrême du système nerveux : c'est ce qui a fait imaginer de construire des Bains de vapeurs locaux , qui n'ont point les inconvéniens du bain

(6) On supporte bien les Etuves sèches à une plus haute température que les humides , comme je l'ai dit plus haut , et comme le prouvent les bains de la Finlande ; mais elles affaiblissent davantage , causent des picotemens douloureux â la peau , et une crispation dans- cet organe ; et on ne peut pas les supporter aussi long-temps , même à température égale. Je remarquerai en passant , que l'atmosphère , dans quelque lieu de la terre que ce soit, n'a. jamais une te.n^éraMre au-dîla du }ze de Réaum. Dans le Sénégal et les autres brûlantes con- trées de 1'. frique , la Nature ne déroge point à cette loi, c'est ce que confirment tous lefr voyageurs.

Tillet, dans in mémoire inséré dans la collection de ceux de l'Académie des sciences- de Paris, pour l'an 1764, rapporte avoir vu la servante d'un boulanger , rester 8 ou 10 minutes dans un four, dont la température allait à 11} degrés, c'est-à-dire, à 5} au-dessus- de celle qui est nécessaire pour entretenir l'eau en ébullition , et 81 au-dessus de la t empé- ratu:e ordinaire du corps. Elle i> épromait pas , suivant son rapport , la moindre incommodité* Syr Joseph Banks a réitéré ces essais avec Fordyce ; BLAGDEN et Auguste BROUSSONNET» (Voy. Séméiot. de Viuor BROUSSonnet , p. u6..J !

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de vapeurs général. La respiration s'y trouve à couvert et la seule partie malade y est exposée à l'action bienfaisanre du bain.

Telles sont les considérations générales qu'il était à propos de pré- senter sur l'usage des bains tièdes et chauds, douches et bains de va- peurs , considérés en eux mêmes , indépendamment des principes mé- dicamenteux qu'ils peuvent contenir. Je vais maintenant en faire l'ap- plication aux eaux thermales d'Aix. Les principes chimiques dont elles sont chargées contribuent sans doute beaucoup à opérer les cures mer- veilleuses qu'elles produisent : mais ils n'en font pas tous les frais et je rappelerai en passant une remarque qui est assez générale ; c'est que l'on voit que de toutes les eaux thermales , celles qui renferment le moins de principes étrangers sont les plus fréquentées et le plus gé- néralement efficaces. Telles sont Leuk ou Louëche, Pfiffer, Aix-la- Chapelle, Aix-en-Savoie , Bath , Luxeuil, Plombières, etc. La Nature en effet est simple dans ses procédés, et ses opérations les plus mer- veillenses sont produites par des forces simples, mais appliquées avec sagesse et constance. Ce n'est point que je veuille nier que les prin- cipes divers contenus dans les eaux minérales n'aient une véritable ac- tion sur l'économie animale , autant vaudrait - il refuser à la potasse caustique la propriété de produire une escarre : mais je suis intimement persuadé que le bon effet qu'on retire des eaux ne doit pas être uni- quement attribué aux divers principes chimiques qu'elles contiennent, mille circonstances concourent à en activer les effets : aussi le traitement par les eaux minérales employées à leur source est sans contredit plus avantageux que celui qu'on fait par des eaux minérales artificielles ou des eaux transportées. Tout s'y réunit pour opérer soit sur le physique, soit sur le moral , les révolutions nécessaires dans le traitement des maladies chroniques. Le voyage , l'espoir de réussir , le changement de nourriture , l'air sur-tout qu'on y respire qui baigne et pénètre tout le corps , l'étonnement Ton se trouve sur les lieux , le changement des sensations habituelles , les connaissances nouvelles que l'on fait, les petites passions qui naissent dans ces circonstances, l'honnête liberté dont

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on y jouit , etc. tout cela ne contribue-t-il en rien à changer , boule- verser , et détruire les habitudes d'incommodités et de maladies aux- quelles sont sur-tout sujettes les personnes de la Ville ?

Art. III.

Application de ces principes aux Eaux Thermales d'Aix.

Ce que j'ai dit sur l'action des bains tièdes , chauds , des douches et des bains de vapeurs doit s'entendre des eaux d'Aix, la seule différence qui existe entr'elles et l'emploi de l'eau pure provient des principes médicamenteux qu'elles contiennent. D'après l'analyse du Dr. Bon vois in les Eaux dites de soufre ont donné sur vingt-huit livres d'eau évaporée.

9 grains alkali minéral vitriolé Sulfate de soude.

19 gr. magnésie vitriolée Sulfate de magnésie.

1 1 gr. chaux vitriolée Sulfate de chaux.

4 gr. sel marin à base magnésienne. . Muriate de magnésie.

30 gr. i/r chaux aërée Carbonate de chaux.

1 gr. fer. Un peu de partie extractive animale , et à peu près 1/3 du volume de gaz hépatique ( hydrogène sulfuré ) contenant un peu d'air fixe ( gaz carbonique ).

Leur température varie du 33e. au 36e. degré. Elles exhalent une odeur d'oeufs couvis, dont on ne s'aperçoit plus cependant dès qu'on se trouve plongé entièrement dans l'atmosphère des cabinets des douches. Elles, ainsi que leur atmosphère, noircissent les métaux blancs.

Les eaux de la source de St-Paul analysées par le même chimiste , lui ont fourni :

6 grains sel de glauber. . . '. Sulfate de soude.

18 gr. sélénite Sulfate de chaux.

6 gr. sel cathartique Sulfate de magnésie.

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il grains sel marin calcaire, ....... Muriate de chaux.

4 gr. sel marin à base de magnésie. . Muriate de magnésie.

32 gr. chaux aérée.. . Carbonate de chaux.

2 gr. fer.

Elles contiennent encore un peu de partie extractive animale et en- viron 1^3 du volume du gaz hépatique uni à l'acide vitriolique libre, mais cet hydrogène est moins hépatisé qu'à la source dite de soufre. (Bon voisin. Analyse des eaux minérales delà Savoie , p. 22.)

L'argent y noircit plus difficilement: et l'odeur d'ceufs convis y est moins sensible. On voit par qu'il y a une grande différence entre ces deux sources (1) : cela provient sans doute des couches sur les- quelles leur lit est posé, et des substances qu'elles rencontrent sur leurs passage , cependant leurs usages médicinaux sont à peu de chose près les mêmes.

Elles sont l'une et l'autre onctueuses au toucher. Les sels purgatifs qu'elles contient ne sont pas en quantité suffisante pour produire un effet sensible , à moins qu'on ne leur donne une action mécanique en les administrant à forte dose : elles sont très-résolutives, apéritives, diuré- tiques , expectorantes , emménagogues , etc.

(I) La différence , d'après Bonvoisin , est surtout marquée dans la partie gazeuse des eaux.-' Dans la source , dite de soufre , le gaz est hévatico-carbonique ; delà la différence qu'il a cru remarquer dans la nature de la roche qui revêt intérieurement les conduits de ces eaux' » Ceux des eaux du Bâtiment- Riyal sont, dit-il, couverts de Spath cal-.aire , dont une partie » est cristallisée , et l'aitre amorphe ou stalactiteuse. Ceux des eaux de St. Paul présentent u de h séléuke laquelle étant dais la grotte surchargée d'acide , forme des stalactites marne' » louées , ten 1res et membraneuses.

J'ignore si l'on a fait à Aix , une observation répétée avec le plus grand succès à Vinaï en Piémont. ( Voy. Analyse des taux de Vmaï par M- FonTaNa» Turin 1786 ), savoir.» que l'eau surchargée de gaz aérien (carbonique) donne au mortier, dans la composition duquel on l'a fait entrer , une dureté plus grande que l'eau simple , et aux murs qu'on en bâtit , plus de solidité. GjaVELU a observé également qu'elle favorisait singulièrement la végétation On pourrait réitérer de semblables observations dans les lieux que la Nature a favorisés d eaux acidulés gazeuses , comme Pyrmont , Spa,Pérols, etc.

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go

Toutes les règles de conduite du Médecin doivent reposer sur l'ex- périence : il importe peu de savoir ce que doit produire un remède , il faut connaître ce qu'il fait réellement. Je vais donc tâcher de faire l'énumération des maladies pour lesquelles une pratique de plus de vingt ans a appris à mon père que l'usage des deux sources Thermales d'Aix peuvent être de quelque utilité (i). Elles sont très-nombreuses (x).

Les Douleurs Rhumatismales Chroniques doivent occuper le premier rang : rien n'est plus propre à réveiller le ton de la partie malade , à exciter toute l'action vitale , que les secousses de la douche et le principe gazeux dont les eaux sont imprégnées (3). Les Bains sont aussi très-avantageux : ils préparent les voies et rendent l'impression de la douche plus efficace et moins désagréable.

Ils le sont également dans les douleurs de sciatique , sur-tout pour celles qui ont été ramassées dans les lieux bas et humides , et qui dépendent d'une certaine débilité dans le système musculaire et calorifique.

z°. Dans les affections paralytiques l'administration des eaux Thermales, sous toutes les formes , est généralement très-utile. L'expérience nous

(1) Voy. le mémoire du Dr. DESP1NE, dans le n". IV du journal de Lyon pag. 230 . €t suivantes.

(1) Nous ne sommes plus â cette époque de la médecine, l'on n'envoyait aux eaux miné- rales , qu'après avoir épuisé les malades par des saignées plantureuses , et des purgatifs pan-

chimaeogues. ( Letrcs de Gui-Patin ) , époque à laquelle on disait que la

maladie , ayant résisté à ces puissans moyens prodigués avec générosité , n'avait sa cause ni dans le sa'ig , ni dans les humeurs, et en conséquence on envoyait aux Eaux. Elles ont revendiqué leurs droits à la reconnaissance des hommes, depuis que leur usage est dirigé d'après les vrais principes de l'art.

(5) Les eaux de Bagnères , ainsi que celles de Barrèges , sont aussi excellentes dans les

rhumatismes froids L'estimable LordaT , dont les leçons utiles applanissent le

sentier épineux que doit suivre le jeune médecin pour parvenir au faîte des connaissances médicales, nous en a cité plusieurs exemples. Je suis flatté de rendre ici hommage aux talens et aux vertus de mon maître : ses qualités rendent son amitié inapréciable , et son souvenir cker à tous ceux qui ont eu l'avantage de le connaître et de profiter de tes lejoas,

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apprend que la Nature guérit quelquefois spontanément ces maladies en développant une sensation de chaleur qui parcourt toutes les parties affectées , que de tous les mo} ens le plus efficace est la fièvre excitée par la Nature , et contenue dans les limites convenables. . . . Par les eaux Thermales nous tâchons d'imiter la Nature : nous excitons une partie de l'acte fébrile. D'ailleurs comme la dégénérescence pituiteuSQ coeMste le plus souvent avec l'affection paralytique , les sudorifîques , les srimulans , les toniques apéritifs sont les moyens les mieux indi- qués (I;.

Bordeu nous apprend que toutes les paralysies ne se guérissent pas également par l'usage des eaux minérales : c'est dans celles qui dépendent d'une affection spasmodique qu'elles ont plus de succès (2) : et c'est une vérité constante que les eaux ne guérissent que très-rarement les paralysies par cause persistante d'une manière décidée dans le cerveau.

Cullen nous avertit qu'on ne doit recourir aux stimulans dans l'état hémiplégique que quand les symptômes qui indiquent une compression considérable de l'organe cérébral sont dissipés. En effet , dans tous les cas maladifs on ne peut remédier à l'effet qu'en détruisant la cause : et si en employant des moyens propres à remédier à l'effet , les mêmes moyens tendent à augmenter l'intensité de la cause , comme Cela arrive lorsque le système nerveux se trouve affecté par la domi- nance du système sanguin sur lui , on aggravera au contraire de plus

(1) Dumas . Leçons de médecine thêorico- pratique.

(2) <'et aureur rapporte une infinité de cas, les eaux Thermales ont été avantageuses.0 il serait à désirer qu il eut mis un plus grand soin à décrire toutes les circonstances qui peuvent éc'airer le jeune praticien, en nous disant que tantôt elles font du bien, tantôt du mal clans la chlorose , l'astli ne , les affections spasmodiques , paralytiques . etc. sans décrire quels sont les ca^ qui les contr indiquent , quels jont ceux qui 1rs exigent, il nous met dans une perplexité singulière. En parlant des cas de paralysies , il cito une Dame qui vint à Baiéges pour une aphonie comp;ète. î£lie fut parfaitement guérie, et bientôt , ajoute- t-il , elle se dédommagea bien amplement du temps perdu.

en plus la maladie. Ainsi Ton se gardera d'envoyer aux Eaux Thermale? les personnes paralytiques avancées en âge , d'un tempérament sanguin, qui ont Yhabitus corporis apoplectique caractérisé par un col court , une tête large , le visage extrêment rouge , la conjonctive injectée : ceux qui mangent beaucoup , qui sont sujets à des hémorragies habi- tuelles : principalement lorsque la paralysie a été précédée de vertiges à'épistaxis , de céphalalgie , de visions phantastiques , d'engourdissement stupeur des membres , embarras de la langue , etc. Ce n'est pas que dans quelques cas semblables les Eaux Thermales n'aient produit des effets avantageux ; mais ils paraissent avoir toujours hâté le retour de l'apoplexie et précipité le moment funeste. Ut plurimùm ab usu aqua- rum mineralium in affectibus paralyticis à gravibus cerebri lœsionibus ortis abstinendum est. ( Le Roi , De aquarum mineralium naturâ et usu. Monspelii an. 1758 , p. 25 et seq. )

Elles sont très-utiles également dans l'apoplexie séreuse , et les affec- tions paralytiques qui la suivent. Les Eaux Thermales qui contiennent quelques principes salins dans des proportions assez considérables pour agir comme excitant sur le système cutané , sont celles qu'il faut choisir de préférence ; telles sont celles de Balaruc , etc. ; mais il faut y avoir recours dès que tout mouvement fébrile a cessé : et ne pas s'y prendre trop tard , parce qu'alors la Nature n'a plus de force : son énergie est usée , si je puis ainsi m'exprimer , et l'asténie dans laquelle se trouvent plongées les forces nerveuses et musculaires , rend nuls tous les efforts que peut faire la Médecine pour les rétablir (1).

La guérison de ces maladies sur- tout de l'hémiplégie est longue , souvent il faut faire plusieurs cures avant que le malade éprouve du

(1) C'est sur cette remarque pratique qu'a pesé particulièrement le Professeur Baumes dans ses leçons sur les maladies appartenantes à la Pclilymphic, et en particulier en parlant de l'apoplexie séreuse .- première forme du cinquième genre du second ordre de sa Nosologie^ ( Cours de l'an IX ).

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soulagement. La pratique de mon père lui a prouvé que la persé- vérance dans l'usage méthodique des Eaux a très- souvent triomphé des affections de cette espèce , si l'on en excepte les cas dont j'ai parlé plus haut.

3°. Dans les Fluxions Catharrales , lorsqu'elles sont encore dans leur acte de formation , il est incontestable que les bains de vapeurs ne puissent être très-avantageux en procurant une abondante diaphorèse. C'est d'après ce principe qu'on peut en quelque sorte rendre raison du succès presque constant dont est suivi l'usage des eaux sulfureuses en boisson et en bains de vapeurs dans la phtisie pulmonaire. Ajoutez-y encore la spécificité d'organe que le soufre paraît avoir sur les pou- mons , et que des expériences répétées ne permettent guères de révoquer en doute : ordinairement dans ces cas les eaux s'administrent seules , à petites verrées ; ou bien coupées avec le lait de chèvre , d'ânesse , etc. Les vapeurs hépatiques , ces exhalaisons hydrogéno-sulfurées mettent les malades dans un état de bien-être tout particulier. Le gaz qui se dégage des eaux est ainsi porté immédiatement sur l'organe affecté. Quelle est sa manière d'agir ? Nous l'ignorons : mais si nous en croyons aux expériences de Beddoès sur les airs factices , nous le regarderons Comme un doux somnifère (1).

D'après cette Théorie , ce remède convient particulièrement dans les affections de poitrine qui dépendent d'une irritation , d'un spasme , d'une phlogose particulière. Les bains de vapeurs convenablement di- rigés ne manquent jamais de produire des bons effets toutes les fois que la fièvre phtisique n'est pas confirmée. Lorsque le malade n'est point encore tombé dans la maigreur et le dépérissement qui annoncent ta fin prochaine.

Fagon a guéri radicalement un asthme par l'usage des Eaux de Barèges , administrées particulièrement en boisson. Bordeu , qui nous

(0 Baumes. Essai d'un système chimique de la science de l'homme , pag. 6j.

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rapporte ce fait , n'a pas été aussi heureux (M. Chr. p. 164) ; il n'a pas vu de cires entièrement opérées par les eairx minérales sulfu- reuses ; mais leur usage a presque toujours produit un grand soulage- ment. Son observation coïncide avec celles que mon père a faites à Aix. C'est pour l'asthme sec principalement que le Professeur Baumes nous les a conseillées. ( Cours de Van IX. )

40. La douche , les bains chauds , la boisson des Eaux Thermales d'Aix communiquent à tout le système vasculaire une action qui les rend très-propres à la cure des obstructions des viscères , des engorge- mens glanduleux , des tumeurs squirreuses , scrophuleuses , accumula- tion de synovie , tumeurs blanches et lymphatiques des articulations f hyperostoses , etc.

Dans la résolution d'une glande engorgée nous remarquons bien visiblement les trois états par lesquels passent les maladies aiguës pour obtenir une guérison parfaite. i°. La formation en est lente ; c'est une véritable inflammation chronique et dont la marche est proportionnée au degré de vitalité de la partie. l°. Le temps de coction est très- marqué , la tumeur qui est sur le point de se résoudre acquiert ordi- nairement plus de volume ; elle se gonfle et se durcit souvent au point d'épouvanter les personnes peu expérimentées. 30. Enfin la Nature a choisi son mode d'évacuation , et la tumeur se dissipe peu à peu. Telle est la marche ordinaire de ces maladie» : les eaux minérales sulfureuses chaudes hâtent ce pénible et long travail : leur vertu résolutive con- siste à favoriser la coction de la matière qui cause l'engorgement : elles agiront d'autant plus vite que la personne sera plus jeune , la mollesse de ses fibres plus grande et l'engorgement moins considérable.

Quant au cancer , les Eaux d'Aix ne sont pas d'une utilité aussi marquée. Cette tumeur n'est susceptible d aucun effort bien critique ; ses progrès sont lents ; souvent elle est fomentée par un vice humoral , dont l'impression profondément gravée dans le système a fortement altéré la constitution. Souvent aussi on ne l'attaque que lorsque le cancer est confirmé : les ressources thérapeutiques purement médicales ; celles qui

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n'agissent que sur la vitalité sont inutiles alors , et peut-être même celles qui sont tirées de la Médecine opérante. Dans le premier temps néanmoins ( l'état de squirrosité ) les Eaux Thermales sont très-recom- mandées : et dans toutes les époques nous savons que les Bains calment puissamment les douleurs atroces qui sont l'apanage de cette cruelle maladie.

5°. Nous n'oublierons point des maladies qui paraissent être plus particulièrement du ressort de la Chirurgie , et pour lesquelles les Eaux d'Aix ont été des plus avantageuses. Les exostoses , les caries , les fausses ankiloses , les suites de fractures compliquées , des entorses , de la fracture de la rotule , de la rupture du tendon d'Achille , etc. Quantité d'ulcères invétérés , des fistules entretenues par la présence de quelques corps étrangers ont été guéries par les Faux d'Aix , qui en augmentant par leur action stimulante les forces de la Natire , ont déterminé l'expulsion des corps étrangers.

Personne ne révoquera en doute les excellens effets des bains chauds d'Eaux Minérales dans les douleurs les plus cruelles , peut-être , de toutes , celles de la pierre. Tous les bons écrivains sont d'accord là- dessus : Alexandre de Tralles , Arétée , etc. témoignent les bons effets des bains dans ces cas ; Frédéric Hoffmann rapporte qu'il a eu occasion d'observer un malade tourmenté de douleurs atroces causées par une pierre arrêtée dans le canal de l'urèthre , lesquelles cessaient presque entièrement tant qu'il restait dans le bain. Mon père dans le mémoire précité en rapporte un exemple : la personne qui en est le sujet rendit plusieurs graviers , un entr'autres de la grosseur d'une fève de haricot , et il fut par-là presque radicalement guéri.

6°. Elles ont produit les meilleurs effets dans les affections de la peau occasionées par un principe d'àcreté quelconque : dans les gales répercutées , la gale elle-même , les dartres vives , farineuses , ou écailleuses , la teigne et toutes les éruptions cutanées périodiques et chroniques.

Dans les gales répercutées elles rappellent l'éruption , préviennent les

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accHens qui en seraient la suite : elles en hâfent le développement » et bientôt procurent une cure radicale. Elles jouissent du même avan- tage dans les éruptions cutanées , suite de mauvaises couches , dépôts laiteux, maux d'estomac, engorgemens de V utérus , douleurs erra- tiques , etc. etc.

BoRDEU rapporte plusieurs exemples de gonorrhées virulentes , d'exostoses , et autres affections dépendîmes du virus syphilitique , qui onr été entièrement guéries par l'usage des Eaux Thermales de Barrèges , dont les propriétés chimiques et physiques sont à peu près les mêmes que colles d'Aix-en-Savoie. La pratique de mon père ne lui a pas montré à beaucoup près le même sucrés : mais ne pourrait-on pas accuser B jrdeu , quoique d'ailleurs un des premiers Médecins du dernier siècie , d'un peu de prévention toutes les fois qu'il s'agissait de Ses eaux minérales ( i ) ?

y0. La chlorose est une maladie pour laquelle on éprouve chaque jour l'avantage des Eaux Thermales sulfureuses : rien n'est plus propre à relever le ton des vaisseaux utérins que la douche , l'exercice , la dissipation et tout l'appareil qui accompagne l'administration de ces Eaux à leur source. On ne doit point abuser du bain dans ces cas ; mais le bain combiné avec les martiaux , la douche et autres moyens qui paraissent avoir une spécificité d'organe sur la matrice , produisent les *plus merveilleux effets , et rendent en peu de temps aux personnes du sexe et l'intégrité de leurs fonctions et la fraîcheur de leur coloris. Aix offre d'autant plus d'avantage pour la guérison de la chlorose , que

(t) FaNTONî pense que les eaux d ' \ix sont pernicieuses .'ans toute affection syphilitique, torsque la maladie est encore m aetrbuate et firvorz : nuis qu'elles sont du plus grand avan- tage pour tour reliquat dépendant du virus lui-même ou de l'abus du mercure , comme douleurs, croûtes dartreuses , Ulcères ans gencives , tremblement des membres , etc.- etc. etc. Il pré- fère l'usage du bain tiède au bain chaud, et même il rejeté absolument la doucha: mais ajont.'-t-il, slquidim tot.i j im lues djvi'cta fuerit. ( L. cit. C. XXII. p. 160 ) ; l'observa» vatiou de mon père, coïncide parfaitement avec l'opinion de Fantoni.

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l'on peut facilement y composer la cure de l'usage combiné des Eaux Thermales et des eaux ferrugineuses de St. Simond ; combinaison qui d'après les meilleurs Praticiens est des plus utiles.

Pour ce qui est des fleurs-blanches , mon père a toujours vu les eaux de la fontaine de St. Paul être plus efficaces que celles du bâti- ment des douches. L'une et l'autre source ont fait souvent disparaître la stérilité chez des femmes qui , mariées depuis long-temps , n'avaient point encore pu jouir du bonheur d'être mères. Il faut remarquer cependant que la stérilité peut dépendre de tant de causes diverse? , qu'il est impossible de décider de prime-abord , et d'après l'expérience, dans quels cas nos eaux sont efficaces. L'analogie doit nous servir de guide : je crois qu'elles ne conviennent que dans la stérilité qui pro- vient d'une cachexie , d'un état d'apathie ds tout le système ; ceile qui accompagne 1 a polysarcie , l'engorgement de la matrice , et de ses dépendances , les fleurs-blanches , etc. (i).

Dans les Hecticies (i) le bain est avantageux , mais à la manière de Pomme. Il faut e continuer quatre, huit, dix heures même, s'il est néces- saire. Les eaux thermales sulfureuses sous toutes les formes , admi- nistrées convenablement sont sur-tout d'un avantage inapréciable dans les fièvres phthisiques. Le professeur B VUMES dans soi cours de patholo- gie de l'an IX, nous a rapporté l'heureux effet qu'il en avait obtenu chez une jeune personne. Uenteritis dont elle avait été atteinte étL'it dégénérée en phthisie entérique , après la ponction d'une tumeur enkis- tée qui renfermait 6 kilogr i nés ifi de matière purulente ; elle fut envoyée à Les eaux sulfureuses qu'elle y prit adminis-

(!) C'ost le sentiment de Fantoni , puisqu'il dit en pariant de ces eaux Infjcundat

pond inulLr.i adjuvât <-f q.ix ab humido ac debili ut.ro ibjrtun tin:nt ; et quas ab in.om- modâ g as'itatt mil dïffi..u porta remamns dolor et imbecillitas lurpborwn. affligit. ( Cap. XIV j p. 244. Ui Aq. G. lib. )

(2) i 'roiiiéme genre du premier ordre de la première classe du système nosologiqtie du Professeur Baumes. ( Cours de l'an IX ).

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trées d'abord en boisson , coupées avec le lait , ensuite avec des infu- sions vulnéraires unies aux balsamiques furent suivies du plus heureux sucrés. Cette dame eut le bonheur d'échapper à la fièvre lente qui com- mençait à miner sa constitution déjà affaiblie, et dont les progrès J'auraient bientôt jeté dans un état de faiblesse et de débilité tel qu'elle y eût infailliblement succombé. Cet excellent praticien nous a conseillé les eaux thermales sulfureuses dans le Nephritis suppuré; il engage de choisir de préférence celles qui outre les propriétés sulfureuse et hépa- tique , sont encore légèrement salines et contiennent une petite quamité de soude.

8°. L'usage des eaux d'Aix est encore très-avantageux dans les ma- ladies où le système nerveux pèche et par excès de ton, et par vice de disttibutiori des forces : dans les convulsions , la catalepsie, l'hystérie le chorea S"-Witit les contractions spasmodiques des membres, contre lesquelles on voit souvent échouer les meilleurs antispasmodiques. Cepen- dant elles sont nuisibles dans l'épilepsie qui est la suite d'une violente commotion, de l'accumulation des fluides dans le cerveau, ou enfin de toute cause qui occasionne une compression vers l'origine des nerfs. Il en est de même des cas de palpitation , d'asthme , etc. lorsque ces affections dépendent d'un vice organique du cœur , tels que ané- vrismes , ossifications , ulcères du poumon , etc.

Je finis enfin le tableau fastidieux des misères humaines pour les- quelles les eaux d'Aix paraissent utiles: et pour me résumer, je dirai qu'il est peu de maladies chroniques pour lesquelles elles ne soient avantageuses pourvu qu'on les prenne avec méthode. ELes conviennent sur- tout dans les affections rhurnatigues, goutteuses et arthritiques; dans toutes les suites de fractures, de luxations et de cicatrices douloureuses (i) ,

(I) Il serait trop long si je voulais citer des exemples des diverses maladies pour lesquelles je viens de conseiller les eaux Thermales d Aix. On peut voir pour cela le mémoire inséré dan? le journal de Lyon , dont j'ai parlé plus haut. Je suis cependant bien aise de présenter ici une observation récente qui m'a été communiquée par le citoyen MfiRMET, médecin de cette École, mon- collègue et mon ami.

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et en général dans toutes les maladies il y a lenteur de circula- tion , ép.jississement de la lymphe, atonie et faiblesse. Si ces maladies sont causées par quelque acrimonie dépendante d'un virus spécifique , on observe que ces eaux ne sont pas prises avec le même avantage à moins qu'on n'ait fait précéder , ou qu'on n'accompagne leur usage des remèdes qui sont propres à la détruire. Des sujets abattus par des douleurs de goutte et qui ne pouvaient plus se soutenir , s'en sont si bien trouvés qu'ils y ont recouvré leurs forces et la santé. Nombre

Le z brumaire an VIII > le citoyen Dan... .âgé de 41 ans, d'un tempérament sanguin, fit une chute de 7 mettes de haut. Il tomba sur les pieds , qui portant à faux sur un plan incliné glisser ent rapidement , et il retomba sur ]es fesses. Tout l'effort de la cîiûte parut porter sur l'articulation des première et deuxième ,'ertébres lombaires. Il sentit dans cet endroit une espèce de craquement avec sentiment de déchirure et une trés-vive douleur Il ne put se relever , et l'on fut obligé de l'emporter à quatre.

Après un examen attentif, je ne trouvai ( c'est Mer.met qui parle ) d'autres traces extérieures de la chute , qu'une légère saillie à l'endroit de l'apophyse épineuse de la 2e. vertèbre des lombes , une forte contusion sur le côté externe de la fesse droite , 1<3 malade pouvait mouvoir les deux jambes ; la droite était cependant légèrement engourdie.

On employa les saignées , la diète , les anti-phlogistiques , les lavemens émoiiiens et des fomentations émollientes un peu résolutives à la région des lombes. Je tentai avec assez peu de succès la réduction du léger déplacement que j'avais cru remarquer à la le. vertèbre lombaire.

Au !>e. jour il survint des douleurs pulsatives â l'intérieur de la région des lombes, avec fièvre et légers ^frissons. Cet accident me donna de l'inquiétude, mais une diète rigoureuse , des lavemens réitères , des applications émollientes et savonneuses , entremêlées de frictions avec un linimerft volatil huileux trés-pénetrant, firent disparaître les douleurs internes dans l'espace de quelques jours. ... Ce ne fut qu'au bout de J décades , que le malade put se lever et marcher avec des béquilles. Il était obligé de se tenir courbé en devant , et s'il quittait ses souliers, il tombait. Je lui fis continuer les frictions avec de la flanelle fine. On ten ait la partie chaudement. Il put quitter ses béquilles trois mois après la chiite, il montait même à cheval, mais la colonne épinière était roide ; il ne pouvait la fléchir , ni se baisse» sans être forcé de s'accroupir .- le malade était obligé de se tenir penché en avant.

Dans le courant de thermidor , 9 mois après son accident, le citoyen Dan.... fut à Aix-en- Savoie. Il y prit les bains , se fit doucher , les lombes surtout. L usa^e des eaux pendant un mois , améliora singulièrement son état ; à son retour il marchait très droit, pouvait courir, danser , etc. Il n'est resté qu'une légère roideur dans les rnouvemens du tronc sur le bas;i,: , mais il se promettait bien de se délivrer de ce rené d'incommodité , en retournant a Aàs 'année suivante.

ÎOÔ

de braves défenseurs de la Patrie, y ont pris des bains avec succès: les uns ont vu des ulcères intarissables se guérir : quelques autres ont recouvré l'usage de leurs membres dont ils étaient privés par des tausses anki. loses: une infinité ont vu disparaître après quelques douches, quelques bains , etc. des douleurs rhumatismales gagnées au bivouaque ; des pa- ralysies partielles , etc.

Art. IV.

Précautions à prendre dans l'usage des eaux thermales d"Aix - en - Savoie.

C'est de la méthode que dépend l'effet salutaire des médicamens. L'administration des eaux thermales sulfureuses et devenue par la dé- suétude en quelque sorte arbitraire et soumise au caprices. On n'a pas suivi de règles dans leur usage et on a conséquemment rencontré bien des circonstances leur inutilité a pu être due au défaut de soins et d'attention qui entrent au moins pour la moitié dans les avantages qu'on en peut retirer: par le succès échappe, le préjugé s'établit, et l'art de guérir se voit privé de secours qui bien administiés doivent peut-être triompher de tous les autres.

Il n'est point indifférent de prendre un bain à tel ou tel cîegré de tem- pérature : les douches pendant tant ou tant de minutes, etc. des àpeu- près ne suffisent pas toujours, comme le pensent les malades et ceux qui les soignent : tandis qu'il est constant que tel bain , dont le degré de chaleur ou de froid sera supérieur ou inférieur à celui que demande une maladie produira des effets tout-opposés à ceux qu'on en attend.

Il n'est pas facile de dire jusqu'à quel point la constitution mé- téorologique de l'air, la saison, le genre de nourriture, les passions, l'exercice et le repos, etc. peuvent contribuer à rendre nos eaux sa- lutaires. Quoique les préjugés de nos ancêtres touchant le choix des maisons et la nécessité indispensable de faire précéder la saignée , la pur-}

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gation, le régime et bien d'autres prétentions de ce genre commencent à s'évanouir : cependant il est certain qu'il ne faut pas se donner des airs de mépris pour des choses qui de prime-abord sembler t si in" différentes en elles mêmes. La véritable grandeur en médecine consiste à ne rien négliger de ce qui peut être utile aux malades : et sans tomber dans l'excès minutieux du médecin si joliment critiqué par Zimmermann (i), je crois qu'il est des précautions indispensables à prendre lorsqu'on fait usage des eaux chaudes, mais l'âge, le sexe, le tempérament, et les habitudes y apportent une infinité de modifi- cations.

Il faut jouir à Aix des agrémens de la promenade , mais se retirer dès que l'atmosphère refroidie par le coucher du solei1 laisse préci- piter sur la terre les vapeurs que la chaleur du jour avait volatilisées •' le serein est très-abondant à Aix, et l'on doit être retiré chez soi dès le coucher du solul , en évitant avec soin les promenades auxquelles la fraîcheur et la beauté des soirées invitent malgré soi.

Sans se tenir au régime d'un anachorète, on ne dot point se laisser séduire parle luxe de la table, dans lequel les personnes qui tiennent des pensionnaires à Aix, semblent vouloir se surpasser à l'envi : la bonté des mets , leur délicatesse , la variété et la profusion jointes à l'air en- gageant avec lequel on les présente , concourent puissamment à passer sur ce point les avis donnés par les médecins.

Quant au mode d'administration des eaux , la quantité des douches, leur durée, ainsi que celle du bain, la boisson des eaux, de même que le régime durant et après la cure , tout doit être subordonné aux indications à remplir, à la nature et à l'intensité du mal, ainsi qu'au tempérament du malade. Les gens' plétoriques doivent souvent erre préparés par la saignée. Ceux qui ont des symptômes de saburre seront

(i) Traité de l'expérience en médecine. T. IIJ , p. 504.

102 évacués , etc. etc. On ne doit pas lorsqu'on boit les eaux se gorger cfô ce liquide. On en -prend deux verres d'abord, ensuite trois, quatre, ou même d'avantage si on le supporte bien : on observe en commençant la progression du moins au plus, et du plus au moins , en finissant : il est bon quelquefois de les couper , on a vu des personnes éprouver des hémorragies, des coliques et autres graves accidens par la boisson des eaux pures , en ressentir les plus salutaires effets lorsquelles les coupaient avec du lait ou autre substance.

Le remède doit toujours être proportionné au mal. Lorsqu'une ma- ladie est ancienne , elle exige une cure plus longue. On ne doit rien précipiter, on ne force pas impunément la Nature : si quinze, "vingt jours ne suffisent pas, on reste des mois enriers aux eaux. A Baden , à PfifTer, à Leuk. on demeure au bain 5,6, 10 heures même, et la cure dure» un , deux , trois mois et souvent au dtlà. C'est l'expérience qui y a introduit cet usage, et sans doute sur de bonnes raisons (i). D'ailleurs que gagne-t-on en voulant précipiter les remèdes? D'aggraver ses maux, ceux même pour qui les eaux étaient les mieux indiquées. Une cure de quinze jours est de beaucoup trop courte pour des maux enracinés et opi- niâtres : on peut s'estimer heureux quand on sent une amélioration après 4 ou 5 décades : quelquefois il est très-utile de faire deux cures dans une année, entre lesquelles on laisse un espace plus ou moins long. Lorsque les circonstances le permettent , on devrait continuer les eaux tant qu'on s'aperçoit de leurs bons effets; malheureusement nombre de malades perdent trop vite courage lorsqu'ils ne sentent pas bientôt le sir ces de la cure, ou que les eaux les éprouvent : nombre d'autres aussi se laissent engager par leurs bons effets à cesser trop tôt leur usage ; mais une précaution sur tout qu'on ne doit pas oublier , c'es^ de ne jamais troubler l'acte de la digestion par aucun bain , ni douche*

(i) Tissot a dit de Leuk, ce que Fabrice-df-Hilden disait de Pfifïcr ; que des ma- lades y ont pai.s>i dans l'eau tou: le temps de leur cure»

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Enfin , il est des constitutions pour lesquelles elles ne valent absolument lien: telles sont les personnes délie nés, celles qui ont la poitrine faible ; celles atteintes d'asthme humide , d'hémoptysie , de maux de tête pres- que habituels , d'abcès internes non ouverts, d'anasarque, etc. etc. Je passe à la manière dont on^administre ordinairement les eaux ther- males, à Aix.

A R T. V.

Mode d'administrer les eaux thermales à Aix.

Boisson. Je me suis assez étendu sur cet ob'et, je me contenterai d'ajouter que les eaux de la fontaine de St-Pau! sont principalemen employées sous cette forme. Celles du grand Bâtiment des bains net $e boivent ordinairement que pendant l'usage de la douche.

Bains. Une habitude dont on ne saurait trop rendre raison , porte ceux qui préparent les bains, à les composer avec moitié eau de St-Paul et moitié eau de Soufre à moins que le médecin en décide autrement. Leur durée est en général d'une heure , à une heure et demie : leur température varie ; cependant en général lorsqu'on ne la règle pas avec un thermomètre, on la porte toujours un peu trop haut. On se sert de baignoires de bois, ou de cuivre, et l'élévation de l'eau est d'environ de deux pieds et quelques pouces (ydécim.). Pendant leur durée, on prend 2 ou 3 verrées de l'eau de l'une des deux sources , suivant l'ordonnance du médecin. Les bains se prennent chez îes particuliers.

Douches. On administre les douches dans le bâtiment ci-devant Boyal : il y a des salles de compagnie chacun attend que son tour soit venu. En entrant dans le cabinet on se deshabille , et l'on fiescend dans le bassin qui contient ordinairement, un ou deux décimètres

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(de? à 6 pouces) d'eau. On si assied et aussitôt les deux doucheurs, ou les doucheuses si ce sont des femmes <,i) , armés chacun d'un tuyau de fer-blanc appelé Cornet promènent la colonne d'eau sur tout le corps, en s'arrêtant de préférence sur les endroits qu'on leur indique : ils frot- tent avec les mains, massent , promènent de nouveau les Cornets , font craquer les jointures , et enfin pour égaliser la chaleur , ils plongent pendant une demi minute, une minute au plus dans le bouillon. On sort le malade du bain , on l'enveloppe d'un linge , d'une couverture on lui lie pieds et mains , et dans cet état il est emporté dans une chaise à porteurs à sa chambre ; on le met au lit il sue abondam- ment pendant une heure ou deux. Un bouillon restaurant vient reparer les pertes faites, un sommeil agréable ramène la tranquillité , rétablit le calme dans toute la machine, et termine la fièvre factice qu'a pro- duit la douche.

La durée de la douche varie ; chez les hommes on la porte à quinze , vingt minutes ; mais chez le sexe qui est plus mobile et plus irritable , on ne doit jamais passer dix ou douze , encore ne faut-il parvenir à cette durée que par des gradations insensibles, et rarement est-on obligé de les soumettre au bouillon. L'atmosphère de la douche, la chute et la chaleur de l'eau qui ont un degré qui étonne , l'eau qui rejaillit sur le visage , ainsi que tout l'appareil qui accompagne cette opération , font sur le malade qui y est soumis pour la première fois une sensation vive et désagréable : on trouve d'abord le remède un peu violer t , mais on s'y habitue bientôt et l'on finit que'quefois par trouver le temps trop court; souvent on préféreroit la Douche au Bain, si la Nature pouvait se plier à nos caprices. Pendant la douche on boit ordinairement deux ou trois verrées d'eau sulfureuse: si létat

(i) L'on n'a point à Aix-en-Savoie, l'usage peu désent qui subsiste encore dans quelques

eaux theri7 aies de France > de faire doucher les deux s-jxes par une doucheuse et un dou-

cheur, dont 1 nn fait les frictions , tandis que l'autre promené les cuinets , ou lait les aJi'u- mous. Tels sont Balaruc, St. Laurent, etc.

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du malade ne permet pas d'administrer une douche ordinaire , on la mitigé au gré du médecin , et à cet égard on n'a qu'à se louer de la complaisance des personnes vouées à cet office.

Buns de vapeurs. On n'a point encore à Aix de bâtiment uni- quement destiné à l'usage des bains de vapeurs. On y supplée par l'atmosphère chaude et humide des Cabinets des Douches : on y trouve des sièges , et l'on peut y aller à toute heure du jour à part le temps pendant lequel on administre la douche. On n'y a pas resté un quart d'heure , une demi- heure , qu'on est tout en nage : l'eau ruisselé en abondance de toutes les parries du corps , on sent la poitrine se dilater avec plus d'aisance , et un bouillonnement se fait éprouver dans toutes les veines.

Bain-Royal. Le grand bassin appelé Bain-Royal l'ancienne Natatîo est un bain chaud : il reçoit l'eau de la source de St. Paul et un filet d'eau froide ; il est découvert , et en conséquence sa température est inférieure à celle de la source primitive ; elle va du 30e. au 33e. degré. Il reçoit à peu près 3 pieds t/z d'eau , de sorte qu'on peut à son aise y nager : c'est que la jeunesse d'Aix va se livrer à cette espèce d'exercice gymnastique , et elle le peut en toute saison.

Ce bain qui est trop négligé , comme moyen curatif présente de grands avantages. La chaleur y est un peu forte à la vérité ; mais comme il ne se trouve pas couvert , l'atmosphère en est continuelle- ment renouvelée ; et l'on peut le supporter très-long-temps : on en retire sur- tout de très grands secours dans les rhumatismes chroniques , dans les engorgemens suite de foulure , dans les éruptions galeuses répercutées , et en général dans tous tous les cas qui exigent un remède actif et de longue durée.

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A R T. V I.

Améliorations à faire aux Bains d'Aix.

Malgré les soins de l'ancien Gouvernement , malgré les attentions du nouveau pour tout ce qui peut contribuer à l'augmentation des res- sources de l'art de guérir , l'administration des Eaux Thermales d'Aix me paraît encore susceptible de quelques améliorations qui n'auront pas sans doute échappé aux Directeurs de cet établissement , mais que les circonstances n'ont probablement pas permis de mettre encore à exécution. On les avait senties il y a long-temps, et l'expérience acquise depuis n'a fait que les confirmer davantage.

i°. Chaque bain devrait être muni d'un thermomètre , afin de ne les prendre qu'à la température prescrite par le Médecin.

z°. Comme il est utile de rassemblera Aix les avantages que l'on trouve épars dans les autres lieux que la Nature a favorisés d'Eaux Thermales, il me paraît qu'il faudrait y établir de grands Bassins à température graduée , l'on pût rester 3,4,6 heures de suite , comme on le pratique à Leuk , à PfiiTer , Schensnachen, etc. Le Bain-Royal pourrait, sans de grandes dépenses , être utilement consacré à cet usage ; d'autant plus qu'il serait aisé d'y faire venir un courant d'eau froide , afin de tem- pérer l'eau à volonté.

On devrait aussi se déterminer à faire construire un bâtiment public de bains tempêtes , auxquels les hommes se trouvassent naturellement invités par la commodité , la propreté des eaux , le désir de conserver leur santé , ou de la réparer ; ressource dont la classe subalterne se trouvera toujours privée tant qu'on ne lui en facilitera pas la jouis- sance (1).

(1) Il serait facile aussi de joindre â l'ensemble de ces bains , un grand bassin pour y baigner les chevaux , comme il y en eut un autrefois. Qucedam porrà lacuna extitisse olim di-

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3*. La Douche telle qu'on l'administre actuellement est un moyen très-salutaire et des plus énergiques que puisse employer l'art de guérir, mais son administration pourrait encore être perfectionnée. Dans chaque Cabinet des Douches il devrait y avoir une horloge de sable pour en mesurer la durée : il en faudrait plusieurs de 5 minutes à 2.5. L'im- possibilité où l'on est d'y porter des montres de métal blanc , ou d'or, à cause de l'atmosphère sulfurée , fait que souvent on s'oublie dans l'eau , ce iqui a eu donné lieu à de graves accidens , à l'abri desquels on serait désormais en prenant cette précaution. Il faudrait aussi que chaque Douche fût fournie d'un assortiment de brosses , comme on s'en sert à Bath , et dans d'autres sources d'eaux minérales d'Angleterre et d'Allemagne : l'action de la brosse est bien plus active que celle de la main. On pourrait même y ajouter des grattoirs dans le genre des Strigilia dont se servaient les anciens, et dont Mercurialis nous a transmis la figure. ( Merc. De arte gymn. L. I , p. 31 )

Un assortiment de cornets propres à diriger l'eau sous toutes les formes et sur toutes les parties du corps est aussi nécessaire. Les cornets- en arrosoir qui , à l'avantage d'étendre l'eau sur une grande surface , joignent encore celui de rompre la colonne d'eau et de modérer son impulsion trop vive pour certaines constitutions", manquent absolument. On devrait aussi réformer les chaises à porteur , qui étant actuellement garnies en laine , ont quelque chose de répugnant pour les malades sensibles et délicats. On y substituerait avec avantage et à peu de frais des rideaux de basin , de toile peinte , même de simple toile de coton bien blanche.

4°. On pourrait aisément à Aix faire des boues artificielles, comme on en voit à Acqui , à Vinaï , à St. Amand , afin de les appliquer sur

citur pro cqurrum lavacro , in quam à regali balneo aqua exuiidans per ductum subtcrraneum procul emanlari toUbjt. ( FahITONI , de Aj. Gr. libel p, izo ). .... Cet établissement deviendrait d'autant plus nécessaire, si l'on changeait la destination du bair.-royal , consacré maintenant à cet usage.

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les articulations, pour atténuer , fondre, résoudre les tumeurs synoviales et albumineuses , etc.

5°. L'établissement d'un Bain de vapeurs est indispensable : on peut choisir pour cela divers endroits.' Le C". Pictet, Professeur de phy- sique à Genève , proposa il y a quelques années une forme de cons- truction très-commode et peu dispendieuse. Il voulût profiter de l'ouverture naturelle qui se trouve au dessus d'Aix : y bâtir une espèce de tour avec un escalier en spirale qui conduirait à diverses cellules , dont la température et l'atmosphère de vapeurs seraient graduées par leur éloignemenc plus ou moins considérable de la surface de l'eau : ou bien on pourrait imiter le Vaporarium que nous ont laissé les Romains , modèle toujours à suivre lorsqu'il s'agira de ce qui a rapport à la gymnastique. L'attention principale dans la construction de ces sortes de bâiijnens , est de donner à l'eau qui doit fournir les vapeurs , autant de surface qu'il est possible , parce que nous savons que l'éva- poration est toujours en raison directe de l'étendue des surfaces. Il serait encore nécessaire qu'il y eût tout près un appartement l'on pût se retirer et demeurer jusqu'à ce que le calme se fût rétabli dans toute la machine , et qu'on pût s'exposer à l'air sans danger. On pourrait y réunir facilement tous les avantages des Étuves Russes , Turques , Indiennes, Egyptiennes, etc. ( Voy. SanchÈs, Timoni, Savari, etc. etc.) Des monumens aussi utiles ne fairaient pas moins d'honneur au Gou- vernement que ceux que des spectacles de tout genre font élever jour- nellement avec la plus grande somptuosité.

Je ne dis rien .de ce qui concerne les agrémens ; on sent de soi-même qu'il importe aux habitans d'Aix de les multiplier autant que possible : leur intérêt ain>i que celui du malade , sont des motifs assez forts > je pense , pour ne rien négliger de ce qui peut y avoir trait.

Je termine ici cette Dissert.-uion déjà trop longue , si l'on considère la manière dont je l'ai traitée. Je réclame l'indulgence paternelle de mes Juges pour un écrit éphémère qui , semblable à la fltur , périt le jour iriême qui l'a vu naître. Dans l'espoir qu'ils se laisseront guider par

ioc;

ce sentiment qui leur est si naturel , je le livre avec confiance à leur jugement , et j'attends en tremblant leur arrêt.

NOTICE

DES PRINCIPALES EAUX MINÉRALES DE LA CI-DEVANT

SAVOIE.

SAVOIE prop*. dite.

Aix. Eaux Thermales sulfureuses à 12 kilom. 172. ( deux lieues 172 ) de Chambéri : nous ne dirons ici rien de plus à leur égard.

St. Simond. A deux kilom. 1/2 N. d'Aix ( 1/2 lieue ). Ces eaux sont martiales.

La Boisse. A 3 kilom. N-W. de Chambéri. Le Dr. Fleury en a publié une espèce d'analyse sous ce titre : Lettres sur les vertus des eaux ferrugineuses de la Boisse. . . Écrite à Mr. Pouteau de Lyon , zde. édition. Chambéri. Lullin. 8°. 1778. Elles étaient déjà connues en 1748 , que le Dr. Fleury les ordonna avec succès à plusieurs Espagnols: dans la suite des éboulemens de sable et les inond nions de Leisse torrent voisin les ayant couvertes , elles ne furent rendues praticables qu'en 1776.

Elles sont très-limpides , ont un goût ferrugineux ; en Été elles sont aussi légères et plus froides de 2. ° de Réaumur que celles des meil- leures fontaines de Chambéri ; mais elles sont plus chaudes en hiver. Elles ont le même goût que celles de Spa ; leur dépôt n'est qu'une

no

teinte rougeâtre qui pénètre plus ou moins, les cailloux selon le temps qu'ils y ont été exposés. Les eaux de la Boisse ne souffrent pas un long transport ; 6n y trouve très-peu de sélenite : elles rougissent la teinture de noix de galle. FLEURY dit qu'elles ont eu de grands succès contre la gravelle , l'ischurie , la rétention d'urine , la dissenterie : elles conviennent sur tout dans la chlorose , les maux d'estomac, etc. C'est le rendez- vous des jeunes personnes du sexe de Chambéri. On y va le matin de 5 à 6 heures pendant l'Eté. La promenade agréable , l'exer- cice qu'on est obligé de faire pour aller à l'endroit de la source, ne contribue pas peu sans doute à augmenter les bons effets de la boisson de ces eaux , qui ne sont pas autant chargées du principe martial que celles de St. Simond. On y voit plusieurs sources , une entr'autres dont l'eau agitée dans un gobelet exhale une odeur hépatique très-marquée.

Futenei. À 1 kilomètres W-N. d'Albens ; 4 kilom. N. de La Biolle.

Cette source martiale est très-abondante ; elle jaillit dans un creux à côté d'un petit ruisseau , en soulevant le sablon. Sa température était à 9. ° de Réaumur , l'atmosphère étant à 16 et l'eau du ruisseau à 15. Elle est très-chargée du principe ferrugineux ; elle est légèrement soufrée et contient du gaz inflammable qui se dégage par bulles qui sortent du fond Je l'eau. La noix de galle leur donne une couleur d'un brun foncé approchant du gros vin rouge. Les expériences que nous y avons faites mon père et moi , nous ont appris que renfermées dans une bouteille bien lutée , elles conservent pendant deux heures presque toutes leurs propriétés : que même six heures après avoir été puisées elles sont encore supérieures à celles de la Boisse et d'Amphion, Le lapî de douze h. suffit pour leur enlever toutes leurs vertus médica- menteuses : on trouve alors dans les bouteilles un dépôt grisâtre.

Ces trois sources sont employées avec le plus grand succès pour les pâles-couleurs , les ophtalmies chroniques , les faiblesses d'estomac. J'ai

ÏIÏ

vu celles de Futenei résoudre en peu de temps des obstructions de rate énormes produites par des fièvres intermittentes quartes.

Coise. On donne le nom de Fontaine de la Sauce à une source qui est à huit hectomètres S W. de Coise : 35 hectom. F. N. de Montmeliant. Le Dr. Bonvoisin en par e dans ïaalyse des principales eaix minérales de la 'Savoie , p. 2 et suivantes : Mé.n. de l Acad. R. de Turin , T. II , p. 419.

Cette eau est froide et très-chargée de magnésie. Elle jouit de quelque renommée pour la résolution des ob>tructions et tumeurs glan- duleuses : on prétend qu'elle peut fondre les tophus de la goutte : un phénomène particulier qu'elle présente est un dégagement de gaz hy- drogène qui a la faculté de détoner lorsqu'on l'enflamme : il se fait avec une sorte d'intermittence , c'est-à-dire , qu'après quelques minutes on voit constamment paraî;re une quant;té prodigieuse de petites bulles qui se dégagent avec fracas du fond de la fontaine creusé en bassin , et vont se crever et se perdre à la surface : deux ou trois éruptions gazéiformes suffisent pour remplir une bouteille. Elle est au m:lieu d'un marais , à un mètre du ruisseau qui en fait l'écoulement et qui couvre quelquefois la fontaine dans ses inondations. Cette eau agitée dans un verre donne une odeur sulfureuse très-sensible.

Chateau-neuf. Les eaux de Château-neuf ou de la Ferranche sont à 3 hectom. N-E. de Maltaverne : à 3 3 hectom. SE. de St. Pierre d'Albigni. Elles sont chargées de fer , de gaz carbonique , et de quelques sels qu'on n'a pas encore déterminés : la teinture de noix de galle en précipite beaucoup de fer : elle est peu commode à puiser , ressemblant plutôt à un bourbier qu'à une fontaine : elle est située au milieu des îerres labourables.

La Croix. A i< hectom. N. de la Rochette ; c'est une source abondante , reçue dans un grand bassin de bois dans le village chef-

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lieu de la commune de La Croix , qui n'apas d'autre fontaine publique; les habitans qui en font un usage habituel n'en éprouvent aucun fffet particulier ; mais les étrangers y aperçoivent un goût ferrugineux très- sensible , et elle se teint en brun par l'addition de la noix de galle. ELe ne tarit jamais : elle est très-fraîche en Été.

MAURIENNE.

Pont-Amafrei. A 5 kilom. N. de St.-Jean-de-Maurienne : cette source est à 4 hectom. 1/2 N-N-W. du pont neuf de Pont-Amafrei , tout près et à l'w.est de la grand-route : on n'en fait aucun usage par- ticulier. Elle est salée , mais moins que celle d'Arbonne et de Salins dont nous parlerons plus bas.

Villard-Jarrier. Commune de Jarrier à un kilom. E. de Jarrier, 1 kilom. de St.-Jean-de-Maurienne. Elle est ferrugineuse.

Echaillon. Commune d'Hermillon , à 1 kilom. E. de St.-Jean- de Maurienne.

Ces eaux sont chaudes et salées ; la source est contre et entre les fentes de granit qui sert de base à une haute montagne qui la domine. Ses vertus avaient engagé l'ancien Gouvernement à faire construire un pont sur l'Arc pour en faciliter l'usage aux habitans de St. -Jean.

Fantoni en a parlé. Il dit que le Dr. Favre , Médecin de St.-Jean- de-Maurienne , découvrit une nouvelle source en 1696 , et qu'il en fît faire usage à beaucoup de malades. Elles ne contiennent point de fer, quoi qu'en ait dit Favre ; mais elles ont l'avantage de supporter le transport. Fantoni appelle une de ces sources Fons Carolinus , et l'autre Fons Victorius ( Ds Aquis Maurianensibus }.

Mont-Cenis. A 7 kilom. de Lans-le-Bourg. Elle fut découverte en 1784 par le Dr. Bonvoisin : elle est située au bord oriental du

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lac du Mont-Cenis , entre le lac et la maison de l'hôpital. Elle fournit une petite quantité d'eau ferrugineuse : le dépôt qu'elle laisse est ocreux , d'un jaune foncé.

TARENTAISE.

Bonne-val. A 4 kilom. du Bourg St-Maurice. Ces eaux sourdent ddns le lit même du ruisseau de Bonne-val , directement au dessous du roc appelé le saut de la pucelle : les habitans disent que jadis on venait s'y baigner. Elles sont thermales sulfureuses , et très-chaudes,

Arbonne. La Roche d'Arbonne est à 3 kilom. W-N. du Bourg St-Maurice près du Nant ( ruisseau ) d'Arbonne. C'est une mine de sel gemme qui jusqu'à présent n'a été exploitée que par des particuliers pour leur usage domestique. Elle est connue depuis long-temps , Capré en fait mention dans son histoire des Comptes de Savoie , imprimée en 1562. : le préfet Sauzai en parle aussi dans sa statistique du Dr. du Mont-Blanc. Les eaux qui y filtrent sont très - chargées de muriate de soude.

Salins. A 16 hectom. S. de Moûtiers. Cette source alimente les salines de Moûtiers et de Conflans : elle sort d'un rocher de plâtre , et dépose dans son cours une grande quantité de tuf et d'ocre , elle n'est pas riche : elle ne donne qu'une livre au quintal ; mais la source est abondante. ( Robilant. Essai géograph. et Docimasie des États du R, de Sardaigne en terre ferme ; mémoire inséré dans le recueil de ceux de l'Acad. de Turin. T. I. p. 191. )

i Alues. A 4 hectom. S-W. des Alues. Cette source est ferrugineuse. La Perrière. A i kilom. W-N. de St-Jean-de-la-Perrière. Eaux

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1 14

thermales au bord du Doron, torrent impétueux qui a emporté réta- blissement des bains dans une inondation.

GENEVOIS,

La Caille. Commune d'Alonzier à iz kilom. i/t N. d'Anneci. Ces eaux thermales situées près des Usses sont très-abondantes et d'une chaleur tempérée: le therm. y monte jusqu'à 2,3. ° Elles sont sulfureuses et on y trouve fréquemment de gros flocons blancs de soufre : il y a trois sources principales à une desquelles on aprrçoit les resres d'un ancien bain qu'on présume être l'ouvrage des Romains. L'analyse de cette source a été faite dans le courant de l'Eté dernier, par plusieurs membres de la Société d'Hist. Nat. et de chimie de Genève , en pré- sence du cit. p'Aimar, préfet du Léman et d eplusieurs autres savans. Elle porte dans le langage du pays le nom de Lau-ben , c'est-à-dire , Les-bains. Ces eaux sont employées avec succès par les habitans de l'endroit contre les engorgemens lymphatiques et les affections cutanées : la difficulté de l'accès du lieu empêche que cette excellente source ne soit fréquentée.

Menton. A un demi-kilom. S. de Menton : et i kilom. NW. de Talloire. Cette source est sulfureuse froide : elle est située au pied de ja colline de Chère ; on s'aperçoit au premier abord que ces eaux sont hépatiques. Il s'en dégage une grande quantité d'hydrogène-sulfuté. La tradition porte que jadis il y avait un bâtiment pour y prendre les bains: on prétend même en montrer quelques vesuges. Les habi-. tans en font gr?nd usage comme médicament dans les engorge- mens scrophuleux, les obstructions du foie, les pâles couleurs, etc. Ces eaux sourdent à 1 kilom. du lac d'Anneci : on prétend qu'à peu de dis- tance de là, sous la colline de Chère, est kun endroit pendant

l'hiver viennent se retirer les canards sauvages et les poules d'eau : cet endroit ne gèle, dit-on , jvnais et si l'on y plonge les mains on aper- çoit une chaleur très-sensible.

Bromine. Canton de Silingi , à 3 kilom. E. de Silingi , 6 ifz N-W» d'Atineci. Elles ont les mêmes propriétés que celles de Menton.

Planchamp. A 1 kilom. W. de Tussi : 3 i/z S-E. de Clermont. Elles sont martiales , approchantes de celles de St-Simond.

Drize. A i kilom. de Carouge. On découvrit cette source en 17*? 3# L'eau en est limpide quand on la puise : elle prend bientôt un œil nébuleux et dépose ensuite un sédiment jaunâtre: elle a le goût ferrugineux. D'après l'analyse que Tingri célèbre pharmacien-chimiste de Genève en a publié le 10 octobre 1785 à Genève 8°,une livre de 18 onces poids de marc contient ,

Acide carbonique 4 grains 75.

Terre calcaire 3 16.

Fer , . . . o 58.

Sulfate de chaux o 50.

Muriate de chaux o 2.0.

Partie bitumino-résineuse. . . o 03.

Sa température est de ii.° l'atmosphère étant à 20. Un volume égal à une once d'eau distillée pèse 1 once 2 grains 1/2. La teinture de noix de gale la colore en rouge foncé, puis bientôt en noir.

Étrambière. A 7 kilom. E-S. de Carouge et de Genève. Cette eau sort d'un rocher au pied du petit mont Salève et au bord de l'Arve, 700 pas hu dessus du poit d'Étrambière : Saussure la visita en 1763: elle n'était alors connue que des paysans: il en fît l'analyse en 1778.

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Elle exhale une forte odeur de soufre que l'on sent de 40 à 50 pas: c'est une eau sulfureuse froide , très-chargée de foie de soufre qu'on précipite aisément. Une pinte contient 5 à 6 grains d'allcali fixe : deux grains de terre absorbante. Voy. Saussure, Voyage dans les Alpes, T. I. p. 292.

C H A B L A I S.

Amphion. Commune de Pub'ier, à 1 kilom. N-E. de Publier. 3 kilom. W-S. d'Evian. Ces eaux sont martiales froides : le fer y est tenu en dissolution par le gaz carbonique d'après Bonvoisin. Tingri a trouvé dans une bouteille de 36 onces de cette eau ,

Terre calcaire. ....... 6 grains 00.

Sulfate de chaux o 75.

Oxide de fer o 45.

(Saussure. Loc. cit. §. 316.) Ces eaux ont joui d'une réputation colossale. Les princes de la Maison de Savoie y sont venus souvent. Amphion était alors le rendez- vous des Anglais, des Suisses, des Français, des Genevois, etc. Tous concourait à en rendre le séjour délicieux. Un site charmant , les bord du lac de Genève, la perspective du pays de Vaud, etc. Ces eaux ont guéri maint et maint vaporeux, des hypocondriaques, des hystériques, etc. Elles sont recommandées aussi dans les obstructions , la chlorose , les ophtalmies chroniques, etc. etc.

Marclaz. A 4 kilom. de Thonon. Cette source est martiale, elle est moins abondante que celle d'Amphion, mais elle contient plus de fer. Tingri en a publié l'analyse en 1774: il y a trouvé par pinte,

Terre calcaire 7 grains 75.

Fer oxidé 1 54.

Sulfate de chaux 1 25. .. ■„' j ;

( Saussure. Loc. cit. §. 314.)

ii7 Bowoisin la regarde comme plus chargée de principe martial que celle d'Amphion, mais moins fondante.

Grande-Rive. A 3$ hectom. E-N d'Évian. Cette eau est aussi martiale et gazeuse comme les précédentes , mais elle est plus pur- gative (1).

Ut desint vires , tamen est laudanda voluntas f Hâc ego content os auguror esse Deos.

(1) Les notes précédentes sur les principales eaux minérales de la ci-devant Savoie , que les circonstances ne m'ont point permis de véii/ier entièrement , m'ont été en partie com- muniquées par un jeune no.n:ne digie de foi » dont les ta'ens supérieurs utilisés aujourd'hui par le Gouverne nent , tairont honneur à sa patrie et à ses concitoyens ; c'est le Cn. Claude Marie Pillet de Clurabéri, ingénieur géographe adjoint du Département.

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de l'ancienne Université. Auguste BROUSSONLT.

FAUTES A CORRIGER.

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