EXTRAIT DU TOME TREIZIÈME DES ANNALES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES. ARTS ET COMMERCE DU PUY. ESSAIS DE CULTURE DES PLANTS D'ARBRE ET DES GRAINES DISTRIBUÉS PAR LA SOCIÉTÉ EN 1847; rapport LU PAR M. AYMARD, SECRÉTAIRE. — À fevrier 4848. — MESSIEURS , J'ai eu l'honneur de vous exposer, à la séance du 5 novembre dernier , les essais de culture qui ont été faits en 1847 au jardin Expérimental de la Société 1. Je viens aujourd’hui compléter ces données, en quelque sorte officielles, par l'énoncé des résultats obtenus sur plusieurs points du département et dans 1 Bulletin, tome V, page 267. . TOME XIII. 19 178 CULTURE DES PLANTS D’ARBRE des zônes de culture très diverses. Ces résultats sont consignés dans des lettres et rapports qui vous ont été transmis par un certain nombre de nos confrères et par d’autres personnes étrangères à la compagnie. Permettez-moi, Messieurs, tout en laissant aux au- teurs de ces communications intéressantes la respon- sabilité de leurs assertions, d’exprimer iei , en votre nom, un témoignage de gratitude pour leur zèle et leur concours éclairé. « J'ai planté cette année , — écrit M. Olivier, membre correspondant , à Tence — , quatre mille arbres sur une étendue de deux hectares. Les deux essences qui dominent sont le mélèze et l’épicéa. La plupart de ces plants m’avaient été adressés par la Société ; d’autres proviennent de mes semis, et de pourrettes qui m'ont été fournies par M. Charmont, pépiniériste , à Yssingeaux. Tous ceux qui ont résisté à la sécheresse du mois de mai, offrent une assez belle végétation, et lorsqu'ils auront subi l’épreuve de la seconde année, qui enlève aux épicéas une partie de leur fraicheur, ils reprendront, j'espère, cette vigueur que la transplantation a pour effet d’in- terrompre. « Le pin de Haguenau et celui de Corse, que la Société m'avait envoyés, prospèrent bien , sans toute- fois donner un produit aussi brillant que celui de l’'épicéa et du mélèze. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 179 « Le pin de lord Weymouth, si gracieux et si frais, pousse avec une merveilleuse vigueur ; mal- heureusement ses branches latérales sont peu nom- breuses, ce qui lui donne une apparence grèle, que n'a pas le robuste épicéa, couvert de si épais ra- meaux. Les planteurs ne doivent pas, à mon avis, le multiplier autant que cette dernière espèce : jeté çà et là capricieusement au milieu d’une vaste planta- tion , le pin de lord Weymouth embellit le paysage et repose agréablement la vue. Les pourrettes que jai reeues de la Société , sont encore en pépinière , et dans un an ou deux je les transplanterai en motte : cet arbre, repiqué ainsi, ne périt presque jamais. » MM. Descours, membre correspondant , aux Es- tables , et Faure, receveur des domaines , à La Chaise- Dieu, insistent également sur les avantages de lPépicéa et du mélèze. « Ces arbres, dit M. Faure, paraissent se plaire sur nos froides montagnes plus qu'aucun des plants que j'ai reçus. Depuis cinq ou six ans j’en ai planté plusieurs milliers âgés de deux à trois ans, et je n’ai qu'à me féliciter de mes essais. Je ne puis pas en dire autant des semis des mêmes essences, dont le résul- tat a été moins satisfesant. J'ai pensé que le terrain sur lequel on a répandu les graines, n’avait pas été suffisamment ameubli. J’ai su que des habitants de Ja campagne ont de jeunes et beaux mélèzes et épicéas, qu'ils auraient pris, dit-on, dans mes bois. Il peut 130 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE être intéressant de signaler ce fait, puisqu'il annon- cerait que ces gens ont pris goût à ce genre de plan- tation , inconnu jusqu'à ce jour dans notre canton. » M. de Chaumeils, membre du conseil général, annonce qu’à Pradelles les jeunes plants d'arbre dis- tribués par la Société n’ont généralement pas réussi comme les années précédentes; « ce qu’il faut, dit-il, attribuer à la sécheresse , et plus encore peut-être à ce qu'ils n’ont pu être replantés aussitôt après avoir été arrachés de la pépinière 1. » MM. Croze, membre correspondant, à Saint-Pierre- Eynae ; Antier, à Laussonne ; Chanial, à Cayres, et Chorand, membre non résidant, à Tallobre, ex- priment la même opinion. Cependant M. Aubazac , curé de Saint-Paulien , dit que dans une propriété, à Cubelles, non loin de Saugues, 1l a pu sauver« près des deux tiers de ses jeunes plants », résultat pareil à celui que constate M.Bouix, membre correspondant, à Mon- tival, près de Champclause. « Du reste, dit-il, les pourrettes , celles du mélèze principalement, qui ont La Société , en décidant la création d’un jardin ou pépinière expérimentale, a pensé qu’elle obvierait à cet inconvénient : à l'avenir les plants d'arbre ne devront plus provenir dé villes éloignées ; mais ils résulteront en partie de semis pratiqués dans cette pépinière , et en partie de jeunes pourrettes qui y seront préalablement transplantées : tous les plants ne seront d’ailleurs distribués qu'après deux ou trois répiquages. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS, 181 pu résister, ont acquis un développement remar- quable. » M. Bouix ajoute : « Dans la commune d’Araules, à un myriamètre de mon domicile, existent deux mé- lèzes de la plus belle venue. Je me suis procuré quelques uns de leurs cônes; au printemps j'en em- ploierai la graine pour des semis particuliers aux- quels je veillerai avec soin. La Société pourra savoir un jour, d’après cet essai, si cette nouvelle essence peut se propager naturellement par la graine des arbres élevés dans le pays. « J’avais apporté d'Annonay de la graine de pin maritime; €Craignant que ma localité ne füt trop froide pour cet essai, j'en fis faire l'épreuve dans Ja commune du Chambon et dans celle de Tence, et je puis assurer que la réussite a été aussi satisfesante qu'on pouvait le désirer. » MM. Chouvon, Robert, Plantade, Filhiot, Borie, Aulanier, etc., membres résidants ; MM. Tuja, Jouve, Mathieu, James Dubois, Jeannisson , pro- priétaires, au Puy; MM. Senac, correspondant, à Ronzet ; de Sereys, à Chomelix ; Achard, à La Ter- rasse, près de Coubon ; Dumolin de Fraysse , à Saint- Jeure ; Beaufrère, à Salettes ; Saugues-Sauveur, à Saint-Jean-de-Nay ; etc. , annoncent qu’un certain nombre de plants d’épicéa, de mélèze, de laricio, pin de lord Weymouth , pin de Haguenau , bouleau , châtaignier, soignés convenablement en pépinière , 182 CULTURE DES PLANTS D’ARBRE ont pu échapper aux désastres de la sécheresse. ……. MM. du Villard et de Longevialle, membres résidants, et Tharin , agent comptable de la Société, ont même réussi à préserver quelques jeunes cèdres du Liban. Outre l’épicéa, M. Descours, des Estables, a essayé depuis quelques années des plantations d’ormeaux et de sycomores, et malgré l’àäpreté du climat de cette partie haute de nos montagnes, malgré la sécheresse de l’année, cette dernière essence serait encore, d’après ce correspondant, celle qui offrirait les jets les plus vigoureux. Aux renseignements qui précèdent, beaucoup de personnes se sont empressées d'ajouter d’autres indi- cations relatives à divers essais de culture de plantes fourragères , oléagineuses , céréales et légumineuses. (=) ? (=) ? Le] Le trèfle incarnat, que la Société conseille depuis quelques années comme récolte intercalaire !, a été expérimenté avec succès dans le cours de l’année agricole 1846—47 aux environs du Puy, dans la vallée de la Loire et jusque sur des points élevés du département. Semé en 1846, après la moisson, il a fourni, sui- vant les conditions plus ou moins favorables de la température et du sol, une coupe du 15 mai à la mi- ? Bulletin, tome I, page 251 , 402 et suiv. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 185 juin 1847 ; et l'on a pu mettre, de suite après, des pommes de terre ou des raves, ou bien laisser libre cette portion de la sole, pour ui donner les façons de jachère. Les stations les plus favorables à ‘cette culture ont été Bouzit, Ours, Taulhac, Les Avits et Laussonne, comme vous Pont éerit MM. Dubois de Roche, Gravier, Gory, Astier et Antier. Dans son rapport Iu à la séance du 2 juillet der- nier !, M. Vauzelle, correspondant, à Rauret, avait fourni à la Société d’utiles indications pour eette loca- lité. M. Castanier vous en a transmis également pour Pradelles , et vous en avez recu dé MM. Aübazac ét Charrade pour Cubelles et Venteuges. M. Dubois, de Roche, fait néanmoins la remarque que la vesce, qui est cultivée aussi comme récolte intermédiaire , aurait peut-être sur le trèfle incarnat l'avantage d’être plus appropriée à l'alimentation des bêtes à laine. Le maïs blanc, considéré comme fourrage, à été souvent recommandé par la Société avec raison, d’après les expériences fructueuses qui’ ont été faites par divers membres , notamment par notre honorable président et par M. Chouvon. M. de Brive emploie depuis plusieurs années cette plante dans sa culture. « Je la sème habituellement, ? Bulletin, tome V, page 221 et 555. 184 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE dit-il, après la récolte d’un fourrage hätif, tel que vesce , trèfle incarnat , et je me procure ainsi pour la saison la plus sèche de l’année une nourriture fraiche et succulente , que recherchent avec avidité tous les animaux de mon étable. Cette récolte dérobée, pourvu qu’elle ait été précédée d’une fumure ordinaire, donne un produit considérable, sans nuire en aucune facon aux semences de céréales qui doivent suivre. « Dans les pays de jachères, en semant du mais sur les terres au repos tous les quinze jours depuis le 1° mai jusqu’au 1° juillet, on obtient pendant plu- sieurs mois un fourrage abondant et des meilleurs qui existent. Le maïs doit être semé plus épais pour four- rage que pour graine , et dans la même proportion que les fèves noires. Il doit être récolté depuis le commencement jusqu’à la fin de la floraison. « Je ne saurais trop recommander à nos cultiva- teurs l’emploi de cette plante, qui végète pendant les temps les plus chauds, et donne un fourrage pré- cieux pendant les mois de juillet, août et septembre, époque où la nourriture verte manque ordinairement aux bestiaux qu'on nourrit à l’étable. » M. Chouvon pense qu'employé seul à l'alimentation des vaches, ce fourrage produit moins de lait que lorsqu'il ne constitue qu’une partie de leur nourri- ture. Il ajoute qu'un tiers de trèfle uni à deux tiers de maïs établit à cet égard un mélange convenable. Du reste cette plante a réussi constamment aux Es- ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 185 treits, soit pour fourrage , soit pour graine, bien que M. Chouvon l'ait cultivée dans des terres fortes et dans des terres légères , parfois mème à l’exposition du nord. J Ces résultats confirment les observations favorables consignées au rapport de M. Charles de Lafayette du 4 décembre 1846 1, au sujet du maïs, « dont on ne saurait trop, disait-il , encourager la culture comme fourrage vert dans une grande partie du département, et comme granifère dans les localités appropriées à peu près aux mêmes conditions de climat et d'altitude des environs du Puy ». La grande spergule n’a produit un résultat satis- fesant que dans une seule localité, Le Chambon, grace aux soins intelligents de M. Riou, adjoint , à qui M. Bouix avait envoyé une partie de la graine qu'il avait reçue de la Société. L’ajonc marin n’a prospéré que chez MM.deLaroule, membre du conseil général , et Dubois, propriétaire , à Pranlary. L’esparcette a généralement réussi, surtout dans les terres marno-calcaires. « Je crois de mon intérêt, écrit M. Astier, de m'occuper spécialement de cette ‘ Bulletin, tome IV, page 257. Voyez aussi les instructions et rapports divers insérés au tome [, pages 44 et 88 ; tome Il, pages 68. 470 ; tome IT, page 202 ; etc. 186 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE espèce de fourrage, par la raison que les marnes cal- caires et argileuses dominent dans nos localités, et qu'il reste démontré par l’expérience que l’esparcette végète très bien dans ce terrain stérile et impropre à la production de toute espèce de céréale. » À Cussac, dans des marnes et argiles, qui, à la vérité, renferment en assez grande abondance l’élé- ment calcaire, M. Robert, membre résidant, a ob- tenu également d'importants résultats d’un essai de ce genre « opéré sur plusieurs hectares d'un terrain jusqu’à ce jour improductif ». Cette culture a été expérimentée dans des conditions à peu près semblables à Solilhac par M. Reygnier, membre correspondant, « La carotte à collet vert a fourni à divers membres le sujet d'observations intéressantes. « J'ai cultivé cette plante avec beaucoup de succès, écrit M. Astier ; j'en ai propagé l'espèce, d’abord comme l’un des fourrages les plus abondants, et, en présence de la maladie des pommes de terre , comme la racine la plus propre à subvenir aux besoins des cultivateurs. « Comparant son produit dans des terres de diffé- rente nature, j'ai pu remarquer que le terrain volca- nique à donné les plus beaux sujets. Dans une pièce de terre et avec toutes les conditions de culture dési- rables un espace de trois ares a produit près de quatre ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 187 cents décalitres de racine de belle qualité. Cet exemple a suffi pour déterminer les habitants de mon village à la culture de cette plante, et désormais, il faut l’es- pérer, la carotte partagera nos guérets avec la rave et la pomme de terre. » La même espèce de carotte a donné des produits remarquables à M. Beraud , de Rosières, « dans un terrain peu amendé, mais très profond », condition de culture qu'il regarde comme essentielle. « Aux environs de Brioude, écrit M. Pomier, cette culture est déja très répandue. On sème à la volée ; on repique quelquefois , mais on sarcle toujours. La majeure partie du produit sert de nourriture aux bestiaux , qui en sont très friands. » M. Reygnier, correspondant, à Roche-Limagne, cite l'exemple de quelques cultivateurs qui emploient fruc- tueusement la carotte à l’engrais des moutons. Au Puy, à Mons, à Taulhac, à Bouzit, à Montival et à Pradelles les résultats ont été également favo- rables !. Toutefois, d’après M. Castanier, il semblerait ? Depuis plus de dix ans que la Société conseille l'emploi de la ca- rotte comme fourrage, elle n’a pas cessé de recevoir des renseignements sur les résultats fructueux qu’a offerts cette culture. Voyez le Bulletin , tome I, pages 79 et 285 ; t. IT, p. 120 ; t. III, p. 155, 222; etc. On trouve aussi dans le Bulletin des notions utiles sur la plupart des cul- gures signalées ici , notamment sur le rutabaga , la betterave blanche, le topinambour, diverses espèces de pomme de terre, le pavot-æillette , les céréales , etc. 188 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE que dans cette dernière localité la carotte de Breteuil l'aurait emporté en grosseur sur l’espèce à collet- vert. À ce propos, il est peut-être intéressant de rappeler que MM. de La Valette ! et Charles de Lafayette ? avaient constaté en 1846 un résultat pareil pour la carotte jaune-pâle, demi-longue, des Vosges. À Se- nilhac, chez M. de Lafayette , quelques racines de cette espèce avaient pesé jusqu'à trois kilogrammes. « Je la crois, disait-il, plus profitable que la blanche. En raison de sa forme , plus grosse et moins allongée, la carotte des Vosges serait bien moins exigente sur la profondeur du sol. » — Chez M. de Chaumeils la ca- rotte de Breteuil et celle desVosges auraient également réussi. — Il en à été de même chez MM. Chanial, à Cayres, et Exbrayat , au Puy. M. Chanial en dit autant du rutabaga ou navet de Suède. — M. Antier est encore plus explicite. « Les rutabagas, écrit-il , font très bien , et les bestiaux s’en accommodent parfaitement ; mais cette plante de- mande beaucoup de soin quand elle commence à pousser. Alors, qu’elle est sujette à être dévorée par les insectes , 1l faut le soir y répandre de la suie ou de la cendre mêlée avec un peu de chaux vive. » ! Bullelin, lome V, page 49 49. Re He RAIN HD T, £ ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 189 M. Thomas Bresson, propriétaire, au Puy, assure, d'après une expérience de trois années, que le ruta- baga , à l'exclusion des sols sabloneux, réussit très bien dans les terres fortes. — Quelques rutabagas semés en même temps que les betteraves ont, chez M. Astier, conservé leur verdure pendant les chaleurs de l'été, « et ont donné une récolte presque double, comparée à ceux qui avaient été semés à la mi-juillet, époque où l’on sème les raves, le tout sur le même terrain ». Chez le même correspondant « la production des panais a été inférieure ». La betterave blanche champêtre , eultivée aux Es- tables par M. Descours , est parvenue à une gros- seur remarquable. MM. Astier, aux Avits; Filhiot, à Espaly; Hedde, au Puy, et Pomier, à Brioude, en obtiennent depuis plusieurs années des résultats que ces propriétaires regardent comme productifs. À leur dire, cette plante réussit mieux au repiquage que la carotte. Le topinambour , dont les avantages ont été ap- préciés par diverses personnes pour les terres de médiocre qualité et peu propres à la culture des pommes de terre, et qui d’ailleurs parait convenir assez bien à l'alimentation des bestiaux , a été l’objet d'observations très divergentes. 190 CULTURE DES PLANTS D’ARBRE « J'ai semé le topinambour, dit M. Badiou , pro- priétaire, à Agizoux, à côté de quelques pommes de terre ; mais les tubereules de cette plante n’ont pas été aussi gros ni aussi abondants. » Dans son rapport de 1846 M. Charles de Lafayette disait que, dans une terre ordinaire, les tiges s'étaient élevées à la hauteur de trois mètres , et qu'une seule plante avait fourni plus de cinquante tubercules. Ce résultat favorable a été confirmé cette année par M. Aubazac à Cubelles , et Schlisler à Craponne , non seulement dans de bons sols, mais encore dans des terres assez maigres. M. Chouvon serait porté aussi à penser, contrai- rement à l’opinion de M. Badiou, que cette plante, placée dans de bonnes conditions, est aussi productive que la pomme de terre. Citons comme un exemple intéressant de la même culture dans une station élevée l'expérience de M. Descours, qui a obtenu aux Estables une récolte abondante. Les soins qu’on a donnés à cette plante, paraissent avoir été motivés assez généralement par le désir de suppléer au déficit des pommes de terre au moyen de la propagation d’un nouveau genre de tubercule. Plusieurs membres ont essayé aussi d'améliorer par des procédés particuliers la culture des pommes de terre , et de remédier ainsi à la maladie qui en 1846 avait atteint ce précieux tubereule. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 191 Pour se conformer au vœu de M. le Ministre de l’agriculture, qui vous avait envoyé une certaine quantité de graines de pomme de terre, MM. Du- montat, Chouvon, Jandriac, Latourette, Pomier, Chanial, ont tenté la régénération de l'espèce par des semis. Vous venez d'entendre un intéressant rapport !, dans lequel M. Dumontat a signalé des produits remarquables venus de semence et à l’aide du repiquage. Par les mêmes procédés, M. Chouvon a obtenu aussi d'assez gros tubercules qui lui ont paru offrir quatre ou cinq variétés : la jaune naine hätive, la rohan , la prussienne rouge, et deux autres peut-être nouvelles. À peu près même résultat chez MM. Jandriac et Latourette. « Au printemps dernier, écrit M. Pomier, la Société voulut bien m'envoyer un petit paquet de graines. Malheureusement il passa par des mains infi- dèles, qui ne m'en laissèrent que la dime. Le mal n'eut pas été grand , si l’on eùt mis ces graines à profit ; mais je crains bien qu’on ne vous en parle pas. Comme c'était le fond du sac, et qu’elles m'avaient paru chétives, tant elles étaient mélées avec les débris de leurs baies, je les semai, je l'avoue, avec peu de soins; cependant elles levèrent très bien. Alors jeus l'attention d’extirper les herbes; mais j'aurais dü aussi repiquer les jeunes plants, au moins les * Voir dans ce volume, compte-rendu de février, page 58. 192 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE plus épais, ce qui certainement m'aurait donné de meilleurs résultats. Les feuilles de ces plantes étaient diversifiées par leur forme et par leur teinte, et j'en concus l'espérance d’une récolte variée et sous le rapport des espèces et sous celui de la quantité. Vers le commencement de novembre seulement je levai moi-même ma petite récolte , qui me fournit une eer- taine abondance de tubereules , la plupart d’une gros- seur ordinaire. Je séparai attentivement les diverses variétés. Je n’en reconnus que deux de celles qui sont assez généralement cultivées sous les noms de jaune, et de hätive dite Saint-Jean. Les autres, assez nom- breuses, m'ont paru nouvelles. Parmi ces dernières, j'en ai trouvé de différentes formes : longues, arron- dies, même tuberculeuses; il y en avait d’un violet presque noir et plus ou moins foncé ; quelques unes étaient d’un rose plus ou moins tendre , ou d’un jaune se nuançant jusqu’au blanc. « Comme j'avais jeté les graines sur la terre, en passant légèrement le rateau pour les couvrir, un certain nombre de tubercules avaient cette couleur verdâtre que leur donnent les rayons du soleil lors- qu'ils les frappent, et ee sont celles qui ont produit le plus abondamment , sans doute parce qu’elles étaient moins couvertes. D’après cette expérience, ne pour- rait-on pas regarder comme erroné le système suivant lequel des agriculteurs conseillent de semer avant l'hiver et profondément, dans le double but, disent- ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 195 ils, de préserver le tubereule de la gelée, et d’avoir une récolte précoce? J'ai essayé moi-même cette méthode ; elle ne m'a pas réussi. J'ai remarqué, en outre, que les pieds les plus profonds donnaient en général un produit moins abondant en grosseur et en quantité que eeux qui étaient presque à fleur de terre. « Je conserverai soigneusement ma récolte jus- qu'au printemps prochain , et je placerai en terre séparément les diverses variétés, afin de pouvoir con- stater, toutes choses étant égales d’ailleurs, quelles seront les meilleures et pour l'alimentation et sous le rapport du revenu... En vous rendant compte de cette seconde année d’épreuve, j’ajouterai le résultat d’un essai sur une nouvelle espèce, qui provient du Chili, et dont mon excellent ami, M. Debert-Clerzat, adjoint au maire de Clermont , m'avait donné deux tu- bercules. J’en ai déja cette année obtenu un certain nombre. Cette espèce a une enveloppe grise ; son in- térieur est d’un jaune-safran , et elle est d’une saveur très agréable. » M. Chanial , à Cayres, c’est à dire dans des eondi- tions de station plus élevées, a obtenu également d’un semis de graines de pomme de terre des résultats assez fructueux , quoiqu'ils le soient peut-être moins que les précédents. Notre confrère signale dans son rap- port « deux ou trois variétés de tubereules, les uns gros comme des œufs de poule , d’autres comme des noisettes ». TOME XII. 15 194 CULTURE DES PLANTS D’ARBRE M. Hedde-Martin, propriétaire, au Puy, rend compte de la culture de quelques variétés de pomme de terre. « Celles que je cultive annuellement pour mon ménage, sont de trois espèces : jaune, violette, et rouge. Je les fais placer dans des sillons à la dis- tance de vingt-cinq à trente centimètres. Le fumier est répandu autour du tubercule. Le produit est à peu près de neuf à dix pour un. La violette me paraît la plus productive et de meilleure garde. « Je confie également à la terre à la fin du mois de mars quelques tubereules de l'espèce jaune hâtive ; je n’en ai jamais recueilli au delà de six à sept pour un. » Ce propriétaire à essayé de fumer quelques uns des mêmes tubereules avee du sel employé à cet effet dans certaines proportions. « Je n’ai obtenu, dit-il, comparativement au surplus de ma récolte, qu’un ré- sultat négatif » , observation que nous ne consignons ici, d’ailleurs, d’après M. Hedde, qu'avec une ex- trême réserve, parce qu’il n’est pas démontré que l'expérience ait été faite dans toutes les conditions qu’elle aurait pu comporter {. 1 EMPLOI DU SEL POUR L'AGRICULTURE. — On sait d’une manière po- sitive que le sel augmente dans une proportion considérable l’action fertilisante du fumier, lorsqu'on a eu soin d’en mélanger au tas une certaine quantité, mais seulement quelques jours avant de le conduire au champ. | Son action est encore assurée pour la réussite de la récolte, lors- ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 195 L’imperfection des moulins à huile, le rendement trop minime qu’on en obtient, et surtout le prix trop élevé de la facon, seraient, au dire de quelques correspondants, des causes de découragement à l’é- gard des cultures oléifères. Cependant le colza et le pavot-æillette ont été introduits cette année dans quelques localités où ces plantes n'étaient pas en- core connues. Le colza Pa été à Cubelles, grace à M. l’abbé Aubazac, et le pavot, à Montival par les soins de M. Bouix. C'est aux Estreits , à Taulhae , à Saint-Pierre-Eynac et à Laussonne , que le colza a été cultivé avec le plus d'intelligence et de succès par MM. Chouvon, Gory, Croze et Antier. Suivant ces propriétaires , la plante qu’on l’emploie en pleine terre sur un sol même fatigué , en ayant soin toutefois de le semer quelque temps avant le grain et dans une quan- tité au moins égale aux mesures de blé qu’il faudrait pour ensemencer la méme surface. Seiné de bonne heure au printemps, dans les prairies sèches, il augmente la quantité du produit, et dans celles qui sont humides il a, outre cet avantage, celui d'améliorer la qualité; il réussit pour les trèfles et pour les autres prairies artificielles. On sait aussi que, mélangé avec certains fourrages secs avariés , il permet de les utiliser pour l'alimentation du bétail. En général on peut dire qu’en agriculture l'emploi du sel peut étre tenté avec espérance de succès sur toute chose ; mais en parti- culier nous recommandons aux cultivateurs son usage fréquent et habituel pour {oute espece de bétail. 196 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE exige un terrain riche et de bonnes fumures, et après elle on obtient encore d'excellentes céréales. À Laussonne, le pavot-æillette a donné aussi d’heu- reux résultats ; mais c’est à Coubon et à Brioude qu'ont été faites depuis quelques années les expériences les plus concluantes pour l'introduction de cette plante précieuse {. Dans la première de ces localités, M. de Brive a continué la culture de l’œillette. « Cette plante, dit-il , est préférable au colza, en ce qu’elle occupe le terrain moins long-temps, et peut entrer plus facilement dans les assolements; en ce qu’elle n’est point exposée aux gelées , qui détruisent souvent les colzas ; en ce qu’elle donne une huile bien plus délicate, et que dans certaines localités on la mélange à l'huile d'olive, avec la certitude que le consommateur ne reconnaitra pas la fraude. « La variété de pavot dite aveugle me parait devoir être préférée , quoiqu’elle exige plus de main d'œuvre pour l'extraction dela graine; elle est en effet beaucoup moins sujette à perdre ses graines , soit par l'effet du vent , soit à la récolte. Le produit de l’œillette est un peu inférieur en quantité à celui du colza; mais la supériorité de son huile et de son prix de vente donne à son rendement à peu près la même valeur. © Rapport de M. de Brive, Bulletin, tome IT, pag. 412, 420 ; de M. Pomier, page 4116, et tome IV, page 44, 70, etc. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 197 « Sa graine doit être semée en mars, à la volée, sur une terre préparée avant l'hiver par la charrue et la herse, par conséquent bien ameublie; on la re- couvre légèrement au rateau. Les plants doivent être espacés de vingt à trente centimètres, par un bi- nage fait avee soin ; et ils se conduisent ensuite tout seuls jusqu’à la maturité, qui a lieu à la fin d'août. » M. Pomier confirme ses précédentes observations par les données suivantes : « La culture du pavot-æillette se propage aussi dans nos pays , mais pas encore assez. Je ne me suis point aperçu que cette plante épuise beaucoup le sol , comme le prétendent quelques agriculteurs : trois à quatre mois suffisent pour arriver de l'ensemencement à la récolte. Le produit est supérieur en qualité et en quantité sur celui des autres oléagineux , sans excepter le noyer , dont la récolte est très souvent chanceuse , à cause des gelées du printemps. Depuis sept à huit ans j'en sème de trois cents à trois cent cinquante mètres carrés , et chaque année j'en récolte huit à dix décalitres, qui me rendent de dix-huit à vingt-deux kilogrammes d’une huile dont la qualité est généra- lement appréciée : brülée à la lampe, elle est sans odeur , et donne sans fumée une belle clarté. « Je conserve toujours des graines plus qu'il ne m'en faut pour semer l’année suivante, afin d’en donner aux personnes qui me les demandent , et ra- rement il m’en reste. Le même terrain les recoit tous 193 CULTURE DES PLANTS D’ARBRE les trois ans , et les récoltes qui leur succèdent, sont , 4 généralement belles. » Les céréales dont les essais de culture paraissent of- frir des chances de suecès, sont le blé géant de Sainte- Hélène , le froment de Taganrock , le froment-miracle, l'orge-chevalier, l'orge nu à six rangs, l’orge nu à deux rangs , le seigle multicaule, et l’avoine de Hongrie. À l'égard du blé géant ou nonette, M. Chorand écrit de Tallobre : « Cette variété réunit de plus grands avantages que celle du pays : sa paille , à demi pleine, par conséquent plus pesante, est aussi plus longue (quatre décimètres de plus environ), et elle porte des épis plus longs et plus pleins ; son grain est également beaucoup plus gros. J'ai choisi dix épis des plus beaux du froment ordinaire, et, terme moyen , ils ne m'ont rendu que trente-huit grains l’un ; tandis que dix autres , aussi très beaux , du blé- nonette ont rendu en moyenne soixante-cinq grains. Dix litres de ce blé semés en 1846 ont produit six décalitres, et cela , il faut le remarquer, malgré les dégâts de linondation , la sécheresse, et surtout la grèle, qui a ravagé une parte de mes récoltes. Toutes les proportions étant égales, et même en tenant compte de cette circonstance, qu’il faut bien noter, que — Île blé-nonette était chez moi, en quelque sorte, un pro- duit de culture jardinière —, le froment ordinaire à rendu beaucoup moins. » ET DES GRAIÎNES DISTRIBUÉS. 199 MM. Shlisler, Badiou et Tharin annoncent que des semis du même grain faits dans l'automne dernier à Craponne, à Agizoux et à Solignac-sur-Loire, montrent une végétation satisfesante. Toutefois M. Badiou à remarqué que ce blé talle moins que les espèces du pays, et il pense qu’il conviendrait peut-être de le semer un peu plus épais. « Le froment de Taganrock, dit M. Pomier, ne mérite pas moins l'attention de la Société. Quoiqu'il ne soit pas d’une qualité supérieure, surtout pour le pain de première qualité , il offre presque toujours un très beau rapport, donnant du quinzième au vingtième grain dans les années ordinaires ; il est allé même jusqu’au vingt-huitième. Sa paille, grande et forte, ne verse jamais , et par son abondance elle est d’une grande uulité pour les engrais. Inutile de rappeler que sa farine est d’ailleurs la plus propre à la confec- tion des pâtes , telles que macaroni , vermicelle , ‘etc. , dont l’usage est aujourd’hui si répandu. Aussi sa eul- ture s’'étend-elle principalement dans le Puy-de-Dôme, et elle s’est également propagée dans l'arrondissement de Brioude, où depuis plusieurs années notre hono- rable confrère, M. de Macheco, l'a pratiquée en grand. A son imitation , beaucoup de culuvateurs de Paulha- guet , de Langeuc, de Brioude, etc., s'occupent de cette céréale avec avantage. « A la vérité, ce grain est moins recherché par nos 200 CULTURE DES PLANTS D'ARPRE boulangers, qui prétendent , comme nous l'avons déja dit, ne pouvoir en obtenir ur pain de première qualité. Mais on se demande s’il n'aurait pas besoin d’une ma- nipulation différente. Du reste, mêlé avec du seigle, et même seul , le taganrock donne un pain de seconde qualité fort substantiel. À tous ces titres done il mérite la préférence sur le seigle , et sur notre froment ordinaire , qui dégénère dans nos localités , malgré le soin qu’on a de changer la semence. » M. Pomier rend aussi un bon témoignage du fro- ment-miracle : « Vers la fin d’octobre 1846 je semai une petite quantité de ce blé, qui m'avait été donné par M. Fouilhet, notre confrère et substitut du pro- eureur du roi, à Brioude. A la fin de juin 1847 j'en ai obtenu environ trois litres d’un grain de toute beauté. Sa tige était forte, et Je ne pense pas qu’elle puisse verser. Son grain contient plus de farine et moins de son que le froment ordinaire. J’estime qu'une terre très substantielle est indispensable à cette céréale. » | À Pradelles l’orge-chevalier a prospéré. « Aussi, dit M. Castanier, j'ai conservé soigneusement ma petite récolte, pour la semer l’année prochaine. » M. de Chaumeils atteste la même réussite. M. Cha- nial ajoute que chez lui les épis ont été très longs, et le grain fort beau. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS: 201 Il en a été de même à Saint-Pierre-Eynac , chez M. Croze, et à La Voüte-sur-Loire, chez M. Robert- Laurenson. Les résultats satisfesants que plusieurs membres, et particulièrement MM. Chouvon et de Chaumeils, avaient depuis quelques années obtenus de la culture de l’orge nu à six rangs (hexagone ou céleste), avaient engagé la Société à faire une distribution assez consi- dérable de cette céréale. « Cette espèce, écrit M. de Chaumeils, était autrefois peu connue dans le canton ; mais aujourd'hui un certain nombre de cultivateurs en font usage. L’orge à six rangs , qui peut se semer au printemps ou en automne , ne parait guère réussir sur un sol granitique ; du moins les expériences faites dans cette nature de terrain n’ont pas été favorables ; mais dans les terres riches , et principalement sur un sol volcanique , les résultats en ont été bons. «À la suite d’une récolte sarclée et dans une bonne exposition, la semence a produit en d’autres années jusqu’à quinze et vingt pour un ; mais en 1847, à la suite d’autres céréales, la proportion n’a pas été la même, « M. Castamier avait semé en septembre 1846, après une récolte d'orge ordinaire un hectolitre vingt litres d'orge hexagone , qui a produit huit heeto quarante htres. « Jean Arnoux, cultivateur fermier, à St-Clément , 202 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE en a semé un hectolitre quatre-vingts , à la suite d’une récolte de pois. Le produit en a été plus abondant que celui de l'orge ordinaire. « Semé en automne !, l’orge céleste ou hexagone mürit avant le seigle, et donne du grain assez à temps pour fournir aux besoins du ménage et permettre de faire lever les autres récoltes ; ce qui est un avantage remarquable après l’année si mauvaise de 1846 , où les eultivateurs n’ont pas tous pu conserver des pro- visions suflisantes. Étant mondé, ce grain épaissit plus à la soupe que l'orge ordinaire, et le goût en est bien préférable. » À ces observations judicieuses de notre confrère , permettez-moi d'ajouter une donnée sur laquelle il serait bon d'appeler l'attention de nos cultivateurs , c’est que « ce grain , d'après Matthieu de Dombasle, peut très bien entrer dans la fabrication du pain , au- quel il ne donne nullement la saveur particulière au pain d'orge ». M. Chorand fait aussi l'éloge de cette espèce : « Sa feuille, d’un vert tendre , est plus large, et sa tige un peu plus haute que celle de l'orge ordinaire. Songrain, beaucoup plus fin et transparent , n’a presque pas d’é- * ILest intéressant de remarquer que c’est le premier essai de eul- ture hivernale qui soit mentionné dans les rapports des correspondants de la Societé : M. Chouvon dit avoir constamment semé cette orge-au printemps. ET DES GRAINES DISTRIBUÉS: 205 coree et pèse davantage. Un fait assez eurieux à si- gnaler , c’est que les épis ont résisté en grande partie à la grèle, qui, chez moi, a emporté les trois ein- quièmes de l'orge commun. » La plupart de ces résultats sont confirmés pour Saint-Pierre-Eynac et Laussonne par les rapports de MM. Croze et Antier. Une autre espèce, l’orge nu à deux rangs, parait avoir réussi chez MM. Chanial et Chorand. « L'année dernière, éerit M. Chanial , je récoltai trois hectolitres vingt de cette orge; j'en fis monder quatre-vingts litres, qui en ont rendu cinquante-huit. Voulant comparer cette orge avec la commune, je fis monder aussi quatre-vingts litres de cette dernière ; mais le rapport fut moindre, puisque je n’en obtins que quarante-cinq. C’est done, à quotité égale, une différence de treize. Partant la culture de l'orge nu à deux rangs serait avantageuse sous ce rapport ; je dois ajouter seulement que cette espèce est plus difficile à dépiquer que la commune. » M. Chorand confirme cette dernière observation , et ajoute que « dans le même temps qu’on emploiera à battre trois airées d’orge commune , on n’en battra que deux de l’autre espèce » ; mais cet inconvénient parait être compensé par des avantages très notables , « à tel point que cette orge me paraitrait même préfé- rable à la céleste. Sa feuille est large, d’un vert foncé. 204 CULTURE DES PLANTS D'ARBRE Sa paille est un peu plus grosse que celle de l'orge commune. Sa maturité est plus précoce d’environ huit jours. Elle a un grain fin à peu près comme la céleste , et qui n'offre presque pas d’écorce , mais est beaucoup plus gros. Son rapport serait égal en quan- tité à celui de la commune; mais le grain pèse davan- tage , c’est à dire environ seize kilogrammes le double décalitre , tandis que l'espèce du pays ne pèse guère que douze kilo cinq cents grammes. Comme la céleste, elle parait devoir résister à la grèle. Mondée, elle donne bien moins de déchet que la commune. Je crois aussi, sans oser trop me prononcer à cet égard, qu’elle serait à lo soupe d’un goût plus délicat. » « Le seigle multicaule, écrit M. Aubazac, fut semé en juillet 1847; il tarda assez long-temps à sortir, mais ensuite il prit une vigueur extraordinaire. Il a été coupé comme fourrage vers la fin de l'automne, et j'ai lieu d’en attendre une bonne récolte. » M. Badiou, ayant fait deux lots de la petite quantité de graines qu’il avait reeue de la Société, en sema la moitié vers la fin de juin sur une mauvaise terre. « Elle donna de fortes touffes, dit-il. Il y en avait trop peu pour faire pacager. » Le second lot, semé en au- tomne, contrairement aux prescriptions de la compa- gnie, « n’a produit que de faibles touffes ». MM. Charles de Lafayette et Shlisler ont obtenu, le premier à Senilhac, et le Second à Craponne, une ET DES GRAINES DISTRIBUÉS. 205 complète réussite dans le cours de l’année 1846—47, et 1ls se proposent de renouveler leurs essais sur une plus grande échelle. L'avoine blanche de Hongrie, dont la Société espé- rait de bons résultats, n’a pas également prospéré par- tout. C’est ce qu'ont écrit MM. de Chaumeils , Antier, Chanial, Badiou et Dubois, de Roche. — Cependant M. Croze en rend un bon témoignage. — M. Bouix dit aussi qu’elle est bien venue au Chambon, quoiqu'un peu moins à Champelause, — M. Chanial déclare même qu’elle a été chez lui belle et abondante. Il a réservé sa petite récolte pour la semer l’année pro- chaine. M. Castanier annonce qu’il a semé une espèce d’a- voine du Var, et qu'aussitôt après la moisson il en fera connaitre les résultats. « L'épeautre, dit M. Chorand, n’a pas réussi. J’en ai semé au printemps et à l’automne. La récolte d'automne a été presque nulle; celle du printemps, quoique mauvaise, a été pourtant meilleure; mais celle-ei a l'inconvénient de mürir très tard : je n’ai pu faire cette récolte que dans la première quinzaine de septembre. » Il est fâcheux que nous n’ayons pas reçu d’autres renseignements sur cette céréale , qui par sa rusticité pourrait être utilement cultivée sur nos plus hautes 206 CULTURE DÉS PLANTS D'ARPRE montagnes. Nous engageons done notre zélé confrère à réitérer cette expérience, qu’on ne saurait confier à des soins plus habiles et plus persévérants !. Le même correspondant donne des renseignements favorables sur la fève de Windsor, « qui, dit-il, a prospéré au moins aussi bien que celle du pays ». * Cette culture étant inconnue dans le département, il peut étre ulile d’en indiquer ici les avantages : « L'épeautre, dit Dombasle, est la récolte principale dans quelques cantons froids, montagneux et peu fertiles ; il est beaucoup plus rustique que le froment , et craint moins les terrains humides pendant l’hiver. On le sème quelquefois aussi dans des terrains trop riches pour le froment, et où l’on craindrait que ce dernier ne versät. En général dans beaucoup de pays on préfère cette récolte au froment, quoiqu’elle soit à peu près inconnue dans d'autres. Il se sème en même temps que le froment et à la quantité d’environ quatre hecto- litres par hectare , parce que les balles, qui sont adhérentes au grain, en augmentent beaucoup le volume. « On peut aussi le semer pour le faucher en vert : il convient par- faitement pour cet usage, à cause de sa rusticité, el aussi parce que son fourrage est très touffu ; il est même préférable au seigle, parce qu'on peut le faucher plus long-temps, les épis ne se développant pas aussi vite; mais il est un peu moins hâtif. » LR SL Ce froment , dit aussi le Bon Jardinier, est utile dans les terrains compactes , où il vient mieux que les autres espèces. La farine de l’épeautre est d’une qualité supérieure, mais le grain est difficile à extraire de la balle ; et a besoin pour cela de passer une pre- mière fois sous la meule. C’est de tous les froments celui qui talle le plus, et si l'on avait à cultiver une espèce pour fourrage, celle-ci serait eértainement une des plus convenables. » ET DÉS GBAINES DISTRIBUÉS. 207 MM. Dumontat et Robert-Laurenson en rendent le méme témoignage , de plus, ils assurent qu’étant eueillie verte et lorsqu'elle a acquis toute sa grosseur, elle offre pour la cuisine un légume d’un goût fin et délicat. Suivant les recommandations de Ia Société , M. Faure , à La Chaise-Dieu , à fait enfouir comme engrais la plante du lupin, « qui, dit-il, était de- venue très forte et très volumineuse », et il a semé ensuite là-dessus du froment , « qui, ajoute-t-il, est beau comme je n’en ai jamais vu ». Aux Estables la même plante a également acquis une végétation remarquable , comme l’a constaté M. Descours. — Il en a été ainsi à Taulbac, chez M. Gory; mais, ce propriétaire ayant voulu la laisser grainer , elle n’est pas arrivée à une entière maturité. À Pradelles, d’après le rapport de M. Castanier, le lupin « était parvenu à la hauteur d’un mètre » ; mais au lieu de l’employer pour amender le sol, il l’a donné comme fourrage aux bestiaux. Ce n’est pas que cette plante ne puisse servir à cet usage : on l'utilise en effet ainsi dans quelques pays, mais jeune et pâturée en place par les moutons. « Au surplus , comme le dit M. Chouvon dans son rapport, le lupin est très utile pour améliorer le sol, lorsqu'on a soin de l’enfouir pendant sa floraison. » Diverses plantes légumineuses ont éié accueillies 208 PLANTS ET GRAINES DISTRIBUÉS. avec faveur dans les jardins. Telle est surtout la poi- rée à large côte, dont plusieurs rapports font mention. Pour ne citer que celui de M. Hedde-Martin, « cette plante, dit-il, semée le 22 avril, transplantée le 20 juin, a très bien réussi : ses côtes étaient d’une blan- cheur et d’une largeur remarquables ». Nous en dirons autant de l’épinard de Flandre, « légume de Ia plus grande beauté, dit M. Faure. J'en ai laissé grainer , ajoute-t-il, une partie que je me propose de semer au printemps prochain. » Le gros potiron et le giraumont , le chou de Bruxelles, le céleri-rave, le pois knith, etc., ont également été l’objet de renseignements favorables, et il est acquis que ces légumes peuvent prospérer dans la Haute-Loire et sous des conditions très di- verses de sol et de climat. « Le haricot de Savoie, dit M. Tharin , possède en outre de sa qualité supérieure un autre avantage, celui de pouvoir être cultivé dans nos vignes : comme il ne file pas, l’arrachage de la plante ne nuit pas aux ceps ; il donne d’ailleurs très abondamment. »