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ETUDE
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fRANC-MÂÇONNERIE
AMÉRICAINE
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
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ARTHUR PREUSS
ETUDE
SUR LA
FRANC-MAÇONNERIE
AMÉRICAINE
d'après différents ouvrages faisant autorité Tels que :
Morals and Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite
DU f:. pike
« Masonic Ritualist », « The Encyclopaedia of Freemasonry »
DU IP.'. MACKEY.BTO , ETC
OUVRAGE TRADUIT, AVEC l'aUTORISATION DE l'aUTEUR, \ SUR LA SECONDE ÉDITION AMÉRICAINE
PAR M^iie A. BARRAULT
PARIS Bureaux de la Revue Internationale des Sociétés Secrètes
96, Boulevard Malesherbes
NIHIL OBSTAT
F. G. Holweck Censor librorum
S. Ludovjci. die Vi. Maji. 1908
IMPRIMATUR
Joannes J. Glennon.
Archiepiscopus Sti. Ludovici
S. Ludovici, die 13. Maji, 4908
H
^^
PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION
Une nouvelle édition de ce volume est devenue si rnpidement né- cessaire que nous avons dû nous borner à corrigei- les petites erreurs typographiques qui nous vont été sign.nlées.
Ce nous est un plaisir de pouvoir diie que 1rs critiques de cette Étude parues, jusqu'ici, en ce pays aussi bien qu'au Canada, dans l'Amérique du Sud ou en Europe, lui ont été unanimement fa- vorables. Les Catholiques l'ont acclamée comme uue publication nécessaire et utile. Les Francs-Maçons eux-mêmes ont été con- traints d'en reconnaître le calme et l'objectivité. Lu auteur maçonnique, écrivant dans la « Revue historique du Missouri^ », a pu dire :
« L'Étude sur la Franc- Maçonnerie Américaine
est basée sur Morale et Dogmes du Rite Ecossais ancien et
accepté » de Pike, sur les ouvrages de Mackey et sur des publica- tions d'autres écrivains maçonniques. Elle est écrite avec calme, et s'appuie sur des documents, citant les sources de toutes les alléga- tions faites par l'auteur, en sorte que nul ne peut se choquer en la lisant, quoiqu'on puisse trouver que l'auteur se trompe dans ses conclusions ».
Voici en quoi, d après ce critique, consiste notre erreur : « La ma- jorité des Maçons américains suit le Rite de la iVlaçonnerie d'York, qui conduit de la Loge Bleue, par le Chapitre, à la Commandorie des Chevaliers du Temple. Dans le Rite Ecossais, menant i\c In même Loge au 33^ degré, il n'y a plus d'enseignement philosophique; mais les Maçons répondraient aux assertions de l'auteur que ni
1 Vol, III, n" 1 (Oct. 190SJ p. 79.
VI PREFACE DE LA SECONDE EDITION
l'une ni l'autre de ces deux branches ne contiennent aucun ensei- gnement, religieux, philosophique ou scientifique secret, la partie doctrinale de la Maçonnerie étant exposée sans aucun mystère dans la Maçonnerie « Moniloriale » ou exolérique, tandis que la Maçon- nerie ésotérique, ne sélendant qu'aux formes d'initiation, n'apporte aucun changement ou addition à la partie « moniloriale ».
L'auteur de cette critique est probablement un franc-maçon exo- lérique, lun des Maçons du degré << Knife and Fork », ou tout au plus un *< Bright Mason' » ; sa thèse est si complètement réfutée d'un bout à l'autre du présent volume^ que nous n'avons pas besoin de la discuter ici. Etant donné que les Maçons admettent, comme ils le doivent, l'authenticité de nos sources et l'exactitude de nos ci- tations, nous pouvons, en toute sécurité. laisser le lecteur se pronon- cer lui-même sur la validité de nos conclusions : nous ne les lui impo- sons pas; elles découlent spontanément de nos prémisses.
Arthur PREUSS-
Saint-Louis, l*""^ novembre 1908.
1. Mde infra, pp. 4. 7, 21 sq. — Quant à notre opinion sur les Maçons éso- tériques. voir infra pp. 11. 12.
2. Voir spécialement pp. 7, 9. sqq., 13 sqq.
INTRODUCTION
Parmi les diverses influences qui, sans cesse, concourent à for- mer les idées de l'Américain et à façonner sa vie, il faut, en toute justice, accorder une place considérable à la Franc-Maçonnerie. Notre presse quotidienne en disperse au loin les principes ; ses labeurs pour l'humanilé fournissent à l'écrivain et à l'orateur un thème inépuisable ; ses membres sont, en grande partie, nos légis- lateurs, nos juges, nos gouvernants ; les présidents de notre répu- blique eux-mêmes prennent ouvertement place dans ses rangs ; les éducateurs de notre jeunesse, à l'école comme à l'Université, sont souvent ses adeptes et encouragent, parmi leurs élèves, des sociétés qui singent son secret etses méthodes, et préparent lesjeunes géné- rations à devenir plus tard ses adeptes zélés. Pour comble, enfin, elle compte parmi ses initiés et ses défenseurs des ministres et des évêques protestants ; en aorte que, souvent, ce ne sont pas seule- ment les premières pierres de nos édifices publics, mais encore celles des églises protestantes qui sont posées par ses dignitaires et consacrées par ses rites mystiques. Nier son influence parmi nous, serait nier un fait plus clair que le jour.
A en croire les protestations publiques de la Franc- Maçonnerie américaine, nous ne devrions nous inquiéter ni du nombre de ses adeptes, ni de sa puissance. « Elle n'est, alïirme-t-elle, qu'une pure association de bienfaisance, dans laquelle il n'entre aucun mal. Elle admet toutes les religions, dans un esprit de tolérance univer- selle. Aucun athée ne peut en être membre. Elle enseigne l'amour fraternel et la bienfaisance pour tous, la paternité de Dieu et la fraternité des hommes. Elle exige les bonnes mœurs ; elle enjoint lerosportderautorifé; elle vient en aide à ses associés pendantlavie, et, lorsque la mort les appelle à une existence meilleure, elle con- fie la poussière à la poussière avec des cérémonies appropriées, et pourvoit avec un soin plein de sollicitude aux besoins de la veu- ve et de l'orphelin ». Si k Maçonnerie américaine est cela et rien
VIII INTRODUCTION
que cela, si rien de reprehensible n'est caché et masqué par tout cela, on conçoit difficilemenl l'opposition qui lui est faite.
Cependant cette opposition existe, et j'ajoute : une forte opposi- tion, venant d'un point tout a fait inattendu, si les affirmations de la Maçonnerie elle-même >ont exactes ; opposition et condamnation d'une puissance remarquable par ses propres actes de bienfaisance : l'Église catholique. Est-ce ignorance de la part de celle-ci ? Est-ce préjugé ou bigolisme ? Est-ce mesquinerie d'un orgueil blessé de se rencontrer en face d'un rival puissant ? Est-ce encore le fait du despotisme des prêtres, qui ne peut souffrir aucune influence, fiît- elle bonne, en dehors de la sienne ?
La présente Étude fera la lumière, nous l'espérons, sur tous ces points, qui ne peuvent manquer d'intéresser les esprits chercheurs.
Mais quels guides, demandera-t-on. faudra-t-il suivre dans notre Etude ? — Des guides, répondrons-nous, auxquels on ne saurait opposer d'objections ; des guides qui s'exprimeront en connaissance de cause ; des guides qui parleront en toute sincérité, puisqu'ils ne parleront pas pour nous, mais pour l'instruction de ceux dont ils sont les maîtres reconnus et acceptés. Nous nous ser- virons d'œuvres classiques dans la Franc-Maçonnerie américaine, d'ouvrages émanant d'autorités maçonniques célèbres, comme le F.-. Albert G. Mackey et le F.-. Albert Pike.
Pour prouver que nous n'exagérons pas la valeur de nos sources, valeur qu'aucun Maçon instruit ne songerait à nier un seul instant, nos lecteurs nous permettront de donner, par l'intermédiaire d'un Frère Maçon, une courte notice sur la vie maçonnique et les travaux littéraires de nos informateurs.
« C'est en Maçonnerie », dit le F.-. C. T. McClenachan dans sa Biographie du Dr. Mackey, écrite pour la Fraternité, « que le Dr. Mackey a atteint sa plus grande célébrité, car c'est à cette science et à celles qui s y rattachent qu'il a consacré les meilleures années de sa vie. Il fut initié, admis et élevé au sublime degré de Maître Maçon en 1841, dans la loge de Saint- André, nnmero 10, à Char- leston, S. C. ; il fut immédiatement après affdié à la Loge de Salomon, numéro 1, dans la même ville, et, en décembre 1842, il en fut élu Maître. L'année suivante, il fut élu Grand Secrétaire, et en mars 1845, Grand orateur de la Grande Loge de la Caroline du Sud. 11 fut maintenu dans ces deux postes jusqu'en 1866, sans in- terruption, joignant aux fonctions de Secrétaire celles de Rappor- teur de la correspondance étrangère. Le Dr. Mackey fut élu Grand Orateur en 1845 dans le Grand Chapitre des Maçons du « Royal Arch », puis Député Grand Pontife en 1847 et années suivantes
INTRODUCTION IX
jusqu'en 1854, où il fut fait Grond Pontife. Etant constamment réélu, il conserva ces fonctions jusqu'en 18G7. Au moment de l'or- ganisation d'un Grand Conseil de « Royal and Select Masters » dans la Caroline du Sud, il fut élu Grand-Maître. II exerça une puis- sante el utile influence sur la Maçonnerie de ce pays pendant la période durant laquelle il remplit ces importantes fonctions dans la Grande Loge, le Grand Chapitre et le Grand Conseil. Grâce à ses soins diligents, elle passa d'un état de faiblesse à une grande prospérité. Ses rapports annuels sur la Correspondance étrangère, ses conférences instructives et ses discours lui valurent une répu- tation qui s'étendit aux Corps qu'il représentait. En 1859, les Maçons de >< Royal Arch » des Etats-Unis, l'élurent, lors de leur Assemblée Triennale de Chicago, à la plus haute situation dont ils disposaient : celle de « General Grand High Priest » (Grand Pontife Général ; il la conserva pendant six ans. Le Dr. Mackey s'intéressa de bonne heure à la Maçonnerie du Rite Ecossais, dont la philoso- phie cachée convenait à son tempérament. Il reçut, en 1844, le 33" ou suprême degré de ce rite, et devint membre du Suprême Conseil de la Juridiction méridionale des Etals-Unis. Il en fut immédiate- ment élu secrétaire général, situation qu'il conserva sans interrup- tioajusqu'à sa mort. Pendant plusieurs années, il fut le membre le plus ancien du Rite aux Etats-Unis ; en celle qualité, il occupait la position de Doyen du Conseil. En témoignage de son respect et de son estime, cette Suprême Institution décréta que, durant la vie du Dr. Mackey, l'olllce de Secrétaire Général serait élevé au troi- sième rang, alors que régulièreme.nt il était au sixième.
« Les travaux du Dr. Mackey ont plus contribué que ceux de tout autre, aussi bien dans ce pays qu'en Europe, à enrichir la littérature et la science de la Franc-Maçonnerie. Robert Morris, qui fut le mieux à même d'en juger, a dit en 1856, dans ses Reminiscences : « La figure du Dr. Mackey, en tant qu'historien et écrivain pro- fond et lucide dans tout ce qui concerne la Maçonnerie, est, nous le croyons, sans égale parmi tous les auteurs contemporains, sauf le vénérable Dr. Oliver, d'Angleterre ».'
Non content de ce tribut d'estime, le F.'. McClenachan, dans son Addendum kVEncyctopaedia of Freemasonry-, du Dr. Mackey, ajoute :
« Allcndu que les novices, aussi bien que les esprits déjà avancés, re- cherchent, comme c'est leur droit, dans un ouvrage de ce genre, les derniers résultats des travaux maçonniques, j'ai entrepris, non sans quelque défiance, de continuer et de compléter V Encyclopaedia of
1. Encyclopaedia of Freemasonry, éd. de 1906, pp. 916 et 917.
2. Préface, p. 921.
X INTRODUCTION
Freemasonry. Je n"ai rien ajouté, ni rien retranché à l'ouvrage pro- prement dit ; mais seulement, aux quelques pages de supplément, que l'auteur y avait adjointes lui-même pour combler certaines lacunes, nous avons substitué un volumineux Addendum, où l'ou- vrage est complété d'abord et surtout mis au courant des décou- vertes récentes et des opinions qui ont vu le jour pendant les dix années écoulées depuis la mort du Dr. Mackey... Cet Addendum est un hommage d'atTection rendu à un auteur estimé, qui n'eut pas son égal dans les efforts qu'il fit pour enrichir les connaissances générales de l'Association ».
Nous pouvons donc, on le voit, nous placer en matières maçonni- ques sous la tutelle d'un tel maître avec la plus entière sécurité. Il sait de quoi il parle ; car, outre qu'il remplit quelques-unes des plus hautes positions dans l'Ordre, il fut le maître accrédité de ses con- frères pendant près de quarante ans, de 1841 jusqu'à sa mort, en 1881. 11 dira la vérité, car il écrit pour ceux qu'il désire ins- truire, et il a la certitude que sa pensée dépassera la portée de notre entendement.
« Le fait est, dit-il dans son Encnclopsedia of Freemasonry^ que ceux qui ne sont pas Maçons, ne lisent jamais d'ouvrages authenti- ques de Maçonnerie. Ils n'ont aucun intérêt dans les sujets qui y sont discutés ; d'ailleurs ils ne pourraient les comprendre, n'ayant point reçu cette éducation préparatoire que la Loge seule peut don- ner. En sorte que, si un écrivain faisait une incursion dans ce qui peut être appelé très réellement les arcanes de la Maçonnerie, il n'y aurait aucun danger qu'il fît par là même une révélation inoppor- tune à des gens qui sont incapables de la recevoir ».
Heureusement pour nou!-~, le Docteur est dans l'erreur lorsqu'il affirme que nous ne lisons pas d'authenli(jues ouvrages de Maçon- nerie. Nous allons puiser abondamment dans son Encyclopaedia of Freemasonry, dans son Lexicon of Freemasonry, dans son Symbo- lism of Freemasonry, dans sa Masonic Jurisprudence et dans son Masonic Rilualist, qui sont tous des œuvres classiques de Franc- Maçonnerie américaine. Il est encore dans l'erreur en simaginant que nous ne nous intéressons pas aux sujets qu'il discute dans ses doctes écrits : nous nous y intéressons très vivement. Nous pous- sons même l'audace jus({u'à espérer qu'il est également dans l'er- reur lorsqu'il doute cpie nous soyons capables de bien saisir ce qu'il veut dire, tout en n'ayant pas reçu les utiles enseignements de la Loge. Il en <iit assez long pour nous renseigner clairement, et sans
l'ombre d'un doute, même sur ce qu'il ne fait qu'efileurer. D'ailleurs»
j
1. P. t)17.
INTRODUCTION XI
rinstruction, incomplète d'un côté, peut heureusement être complé- tée d'un autre.
Quant au F.-. Albert Pike et à son livre classique Morals and Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, nous nous contenterons de citer quelques extraits de la Préface et le bref exposé du Frère McClenachan, le continuateur de VEncy- clopœdia of Freemasonry.
« Get ouvrage, dit le F.-. Pike, en parlant de ses Morals and Dogma, a été préperé à la demande du Suprême Conseil des Trente- trois Degrés pour la Juridiction Méridionale [et Occidentale] des Etats-Unis, par le Grand Commandeur [lui-même], et il est publié par son ordre. 11 contient les Conférences du Rite Ecossais Ancien et Accepté dans celle juridiction, et il est spécialement écrit pour être lu et étudié par les Frères de celte obédience, en même temps que les Rituels des Degrés. On espère et on a confiance que chacun d'eux se procurera un exemplaire de cet ouvrage avec lequel il se familiarisera )>.
« Comme il n'est pas fait pour être lu par tout le monde, l'auteur n'a pas craint, en puisant à toutes les sources accessibles, de ré- duire en compendium la Morale et les Dogmes du Rite, de rema- nier les phrases, de changer les mots, de les combiner avec les siens propres, et de les employer comme s'ils venaient de lui ; en un mot d'user d'eux à son gré, afin d'en tirer le meilleur parti possible pour atteindre le but proposé ».
Le F.-. Albert Pike, dit son biographe, est « né à Boston, Mas- sachussets, le i^9 décembre 1809... Après avoir séjourné au Mexi- que pendant sa jeunesse, il revint aux Etats-Unis et s'installa à Little Rock, Arkansas, comme éditeur et avocat. Après la guerre de Sécession, dans laquelle il avait pris parti pour le Sud, il s'établit à Washington, D. C, où il joignit son élude à celle de l'ex-Sénateur Robert Johnson, mais tout en fixant son domicile à Alexandrie. Sa bibliothèque est une merveille, tant par son importance que par le choix des ouvrages qu'elle contient, surtout en ce qui se ratta- che aux trésors de la littérature ancienne. Le F.-. Pike est le Souv(erain) G(rand) Commandeur du Suprême Conseil Méridional du Rite Ecossais Ancien et Accepté, ayant été élu en 1859. II est le G(rand) Maître Prov(incialj de la Gfrande) Loge de l'Ordre Royal d'Ecosse aux Etats-Unis et membre honoraire de presque tous les Suprêmes Conseils du Monde. Il occupe un rang des plus distingués parmi les auteurs et les historiens maçonniques et même parmi les poètes. Son zèle inlassable est sans rival ».' Pike mourut à Washing- ton le 2 avril 1891. 1. Encyclopaedia of Freemasonry, pp. 992, 993.
XII INTRODUCTION
Nous allons donc permettre à la Franc-Maçonnerie américaine de parler dans sa propre cause, en regrettant seulement par instants qu'elle ne le fasse pas plus clairement et plus complètement, et nos lecteurs nous pardonneront si d'aventure telle ou telle de nos cita- tions s'étend à des matières étrangères au sujet, car nous ne vou- drions à aucun prix être soupçonné de présenter un mot ou une phrase hors de son contexte et d'en changer ainsi le sens.
Comme le présent ouvrage est écrit pour le lecteur ordinaire, le savant nous excusera de ne pas traiter certaines questions dune façon très détaillée *. Il saura, sans l'aide de nos etTorts, tirer ses propres déductions des principes posés, nous permettant ainsi de rester dans les limites que demande un écrit destiné au grand public.
Enfin ce volume est une simple contribution à la documentation déjà existante sur la Franc-Maçonnerie américaine. Il n'a pas la prétention d'épuiser le sujet, ni de ne rien laisser à apprendre, mais seulement de présenter aux lecteurs, sur un certain nombre de thè- mes intéressants, l'enseignement que la Franc-Maçonnerie améri- caine, d'après ses sources les plus autorisées, donne à ses initiés, et de les renvoyer, pour plus ample informé, aux ouvrages d'autres auteurs.
Plusieurs de ces chapitres ont déjà paru en substance dans The Catholic Fortnightly Review (la Revue Catholique bi-mensuelle). En présentant notre sujet sous forme de livre, nous avons jugé bon de condenser quelques parties et d'en élargir d'autres, nous espé- rons donner ainsi plus grande satisfaction aux besoins ou aux désirs d'un grand nombre de lecteurs. Si le succès pouvait couronner nos efforts, si nous pouvions faire mieux comprendre et d'une façon plus générale, le but, la nature et les principes de la Franc-Maçonnerie américaine, nous nous estimerions largement récompensé de la peine que la préparation de cet ouvrage nous a coûtée.
Liste des principaux ouvrages sur lesquels on s'est appuyé dans cette étude
I. An Encyclopaedia of Freemasonry and its Kindred Sciences : Comprising the Whole Range of Arts, Sciences and Literature as Connected with the Institution, By Albert G. Mackey, M. D. — Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie et des Sciences qui s y ratta-
1 L'objet irninédial de ce livre explitjue aussi la méthode que nous avons suivie, la fac^on dont nous donnons les références, et quelques autres traits particuliers qui sembleraient de prime abord déceler un manque d'instruction ou de pénétration scientifique.
INTRODUCTION Xill
client : Comprenant tout ce qui. dans les Arts, les Sciences et la Lit- térature se rapporte à cette Institution, par Albert G. Mackey, M. Z).;Philadelphia : Louis H. Everls et C*-^ 1906.
II. — The Symbolism of Freemasonry : Illustrating and Explai- ning its Science and Philosophy, its Legends, Myths and Symbols. By Albert G. Mackey M. D. [Le Symbolisme de la Franc-Maçonne- rie : oil sont étudiés et expliqués sa Science et sa Philosophie, ses Légendes, ses Mythes et ses Symboles, par Albert G. Mackey, M. D.] New-York : Maynard, Merril et Ci% 29, 31 et 33 East Nine- teenth Street' (droits réservés en 1869).
III. — Mackey's Masonic Ritualist : or Monitorial Instructions in the Degrees from Entered Apprentice to Select Master. By A. G. Mackey. M. D. Past General Grand High Priest of the Gen. Grand Chapter of the United States, Author of « A Lexicon of Freema- sonry »,<( Manual of the Lodge «.«The Book of the Chapter» «Cryp- tic Masonry » etc. Le Ritualiste maçonnique de Mackey, ou Instruc- tions « monitoriales » sur les Grades, depuis le Grade d'Apprenti enrôlé jusqu'au grade de « Select Master n,par A. G. Mackey, M. D., ancien Grand Pontife Général du Grand Chapitre général des Etats-Unis, auteur d'un « Lexique de Franc-Maçonnerie », du « Manuel de la Loge », du n Livre du Chapitre », de la « Maçonne- rie cryptique », etc.j New- York : Maynard, Merrill et C'* (droits réservés en 1867)"
IV. — A Lexicon of Freemasonry : Containing a Definition of all its Communicable Terms. Notices of its History, Traditions and Anti- quities and an Account of all the Rites and Mysteriesof the Ancient World, By Albert G. Mackey, M. D. Fourteenth Edition, Enlarged and Improved by the Author [Lexique de Franc-Maçonnerie : Con- tenant une définition de tous ses termes communicables, des notices sur son Histoire, ses Traditions, ses Antiquités et un compte rendu de tous les Rites et Mystères du Monde Ancien, par Albert G.Mackby, M.D. 14^ édition revue et augmentée par i auteur] New- York : May- nard, Merrill et C'^ (droits réservés en 1852, 1855 et 1871).
V. — A Text Book of Masonic Jurisprudence, Illustrating the Written and Unwritten Laws of Freemasonry, By Albert G. Mackey, M. D. Author of a « Lexicon of Freemasonry », « Book of the Chapter », etc. Seventh Edition [Manuel de Jurisprudence ma- çonnique, élucidant les Lois Ecrites et non Ecrites de la Franc-
1. Quelques-uns de ces ouvrages sont sans date, parce qu'ils sont des réimpressions d'ouvrages classiques.
XIV INTRODUCTION
Maçonnerie, par Albert G. M.vckey. M.D. Auteur d'un « Lexique de Franc-Maçonnerie », du « Livre du Chapitre v, etc. 7™^ édition] New- York : Maynard. Merrill et C'". (droits réservés en 1859).
VI. — Morals And Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, Prepared for the Supreme Council of the Thirty-Third Degree for the Southern Jurisdiction of the United States and Published by its Authority [Morale et Dogmes du Bite Ecossais de la Franc- Maçonnerie Ancien et accepté, ouvrage com- posé pour le Suprême Conseil du 33^ Degré, à l'usage de la Juridic- tion méridionale des Etats-Unis et publié par son ordre. Macoy Publishing and Masonic Supply C"., 34 Park Row N. Y. Charleston A.-. M.-. 5641 ' (Par Albert Pike;.
4. La date ci-dessus se lit Anno Mundi 5641. D'après notre supputation, c'est l'an 1880-1881. Le D' Mackey donne ce renseignement dans son Ency- clopaedia of Freemasonry, p. 71 : <( Anno Mundi » . en l'an du Monde. Cette manière est adoptée par le Rite Ecossais ancien et accepté : on forme celte date en ajoutant 3760 à lère vulgaire jusqu'à septembre. Après septembre, il faut ajouter une année de plus, parce que l'année en question est l'année hébraïque, qui commence en septembre, .\insi juillet 18G0-|-3760=:56"J0. et oc- tobre 1860H-3760-I- 1^^621.
ÉTUDE
SUR LA
FRANC-MACONNERIE AMÉRICAINE
CHAPITRE I
Les Francs-Maçons américains et la Franc-Maçonnerie américaine
Avant d'entrer en discussion sur la nature et sur les doctrines de la Franc-Maçonnerie américaine, nous aborderons un point qui est fixé depuis longtemps déjà dans l'esprit d'un grand nombre de nos lecteurs et qui, s'il n'est pas dûment combattu, les préviendra contre cette Elude, et, par là, diminuera la force de tout ce que nous pourrons dire. Ce point est ce qui peut être appelé leur expérience personnelle : qu'il soit 1res difficile; en effet, de juger d'une chose avec calme, lorsque l'expérience person- nelle nous incline d'un côté ou de l'autre, c'est ce que tout homme sérieux et réfléchi admettra sans difficulté.
« Nous avons connu beaucoup de Maçons », diront nos lecteurs ; « nous les avons connus intimement, et nous les avons trouvésd'ex- cellenls hommes, de bons pères de famille, des époux fidèles, de loyaux citoyens ; honnêtes et francs dans leurs affaires, généreux dans leur large bienfaisance, distingués parmi ceux qui partagent leurs croyances ; se liant même avec le clergé catholique, qui n'a jamais vainement fait appela leur générosité; respectés de tous,
1
I LES FRANCS-MAÇONS AMERICAINS
riionneiir enfin de la société à laquelle ils appartiennent. Tels sont la plupart des .Maisons que nous avons connus, et qui nous ont ren- seignés sur la nature de l'Ordre maçonnique et sur les fins qu'il se propose. Les longues années pendant lesquelles ils ont été affiliés à la Maçonnerie, sont la meilleure preuve qu'on puisse avoir que ces fins leur étaient connues : or, rinfégrilé de leur réputation et le sincérité de leur afïection nous sont témoins qu'ils nous disaient la vérité ».
Nous n'avons pas un mot à opposer aux louanges que l'on prodi- gue à de tels hommes. 11 nous serait impossible de dire si, parmi les Francs-Maçons américains, on rencontrerait souvent le type dont nous venons de parler ; mais nous som.mes tout disposés à croire qu'il n'est pas introuvable.
Xous admettons même la sincérité des informateurs dont on nous parle ; il faudra toutefois nous pardonner si nous dou- tons de leur compétence. Cela peut, au premier abord, sembler in- considéré et présomptueux ; mais nous vous prions, cher lecteur, d'examiner nos raisons : d'avance, nous acceptons d être jugé d'après elles.
Nous avons, d'une part, accordé à vos amis Maçons toute fran- chise et sincérité, car nous n'aurions garde de les offenser non moins que vous. D'autre part, nous voudrionsattirer votre attention sur la règle que leur prescrit leur Ordre pour ce qui concerne leurs rapports avec ceux qui ne sont pas Maçons. Elle est contenue dans tous les rituels maçonniques ; on la trouve, en particulier, dans le Ritualiste Maçonnique de Mackeij, pp. 248 et 24^.
'< Condiiiie à tenir en présence d'étrangers qui ne sont pas Ma- çons.— Vous observerez vos paroles et votre tenue, afin que l'étran- ger le plus observat<^ur soit dans l'impossibilité d'apercevoir ou de découvrir ce qu'il ne convient pas de révéler ; parfois vous détour- nerez un entretien, et vous le conduirez prudemment pour qu'il soit à l'honneur de la Vénérable Fraternité ». Le Secret est avant tout, ne l'oublions pas, l'essence même de l'institution. « Le devoir d'un Apprenti enrôlé est contenu tout entier dans les vertus de silence et de secret », est-il dit à la p. .3f)du même volume, et les premiers mots du neuvième ou plus haut degré du rite anii'ricain. c'est-à-dire du '< Select Master », p. 523, recommandent avec insistance, la même vertu maçonniijue. « Les deux vertus cpu' le dessein symbo- li(pie du degré de « Select Master »,a pour objet d'inculquer tout par- ticulièrement sont le mystère et le silence. Elles sont même quali- fiées « de vertus cardinales d'un Select Master parce que la nécessité de leur pratique est montrée de la manière la plus ma- nifeste au candidat, dans la légende aussi bien cjue dans toutes
ET LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE 3
les cérémonies du dei^ré. Mais ces vertus constituent la vérilable essence de tout carac/ère /72acon/2/gtie; elles sont la sauvegarde de l'institution ; elles lui donnent toute sa sécurité, toute sa perpé- tuité ; elles sont alîermies par de fréquents avertissements à tous les degrés, depuisle plus bas jusqu'au plus élevé. L'Apprenti enrôlé commence sa carrière maçonnique en apprenant le devoir du secret et du sdence. Dès lors, il est convenable qu'à ce degré, qui est l'initiation suprême et dans lequel se ferme le cycle en- tier de la science maçonnique, on recoure à la profonde mise en scène du symbolisme pour faire pénétrer ces importantes vertus dans l'esprit du néophyte.... »
« Si nous tournons nos regards vers l'antiquité, dit Calcott, nous verrons que les Egyptiens avaient une telle considération pour le silence et le secret des mystères de leur religion, qu'ils créèrent le dieu Harpocrate et l'honorèrent d'une façon toute spéciale. Ils le représentaient tenant sa main droite près de son cœur et sa main gauche le long de son côté ; le dieu était couvert, en avant, d'une peau semée d'yeux et d'oreilles, pour signifier que, dans la multitude des choses que l'on voit et que l'on entend, il en est peu qui doivent être divulguées.
« Apulée, qui était initié aux mystères d'Isis, a dit : « Aucun danger ne pourra jamais me contraindre à dévoiler aux profanes les choses qui m'ont été confiées sous le sceau du secret. »
Il serait bon, du moins, de méditer sur ce qui précède en pesant les paroles de vos amis francs-maçons. Xous n'insisterons pas, pour le moment, sur ce devoir si important du secret maçon- nique, et nous allons supposer que vog amis ont été aussi ouverts et aussi francs avec vous que vous l'affirmez. Dites-nous, en toute sincérité, ce qu'ils vous ont appris du but et des fins de l'Ordre. Ont-ils affirmé qu'il est tout simplement une organisation sociale ? un groupement pour encourager les bons rapports entre ses membres ? une société charitable pour protéger la veuve, l'or- phelin et les Frères en détresse ? qu'il n'a aucun rapport avec la politique, les partis ou la religion ?
Sont-ce là les choses qu'ils vous ont dites en toute franchise et sincérité ? S'il en est ainsi, nous vous demanderons de nous suivre dans notre Etude, car nous vous donnerons, d'après des documents authentiques de la Maçonnerie américaine, plus de lumière sur ces choses que vos amis n'ont daigné vous en procurer.
Nous rejetons, cependant, tout désir de vous imposer nos opi- nions personnelles. Nous nous contenterons de vous soumettre nos documents et de vous constituer juge de l'exactitude de nos dé-
4 LES FBANCS-MACONS AMERICAINS
ductions, silaiil est ([ue, dans la plupart des cas, les déductions ne soient pas superiluos.
El maintenant, comme épreuve pratique de la science macjonni- que de vos amis, examinons jusqu'où elle est éclairée en co qui concerne la fin et l'objet de la Franc-Maçonnerie. Car, pour être juste, vous conviendrez que, s'ils sont mal informés sur ce point fondamental et de première importance, leur connaissance olTre bien peu de g-aranties en ce qui concerne des sujets plus cachés et plus abstraits. Disons donc que, si sincères qu'ils puissent être, ils sont sincèrement dans l'erreur; et ajoutons qu'au dire du Dr. Mackey lui-même, ceux qui avaient part à l'erreur, formaient, de son temps, la grande majorité de la Fraternité.
« Quel est donc le dessein de la Franc-Maçonnerie? » demande-t-il dans son Symbolisme, pp. 3ii]-80?. « Une très grande majorité de ses disciples, répoml-il. ne considérant que ses résultats pratiques, tels qu'on les constate dans le cours ordinaire de la vie — larges aumônes qu'elle dispense, larmes de la veuve qu'elle console, cris de l'orphelin qu'elle apaise, besoins du pauvre auxquels elle pourvoit — en arrive avec une trop grande rapidité à cette conclu- sion que la Charité, et celle-ci prise dans son sens le moins élevé de secours aumônier, est le grand but de l'institution.
« D'autres, oontinue-t-il, avec une conception plus étroite encore, se rappellent les agréables réunions des banquets de leur loge, les rapports libres qui y sont encouragés, et les obligations solennelles de confiance mutuelle que l'on y inculque constamment, et ils croient que la Maçonnerie a pour mobile unique d'exciter les senti- ments sociaux et de cimenter les liens de l'amitié ».
Le véritable objet, la fin vers laquelle tend la Franc-Maçonnerie, la Maçonnerie américaine, — car c'est de celle-ci que parle le D' Mackey — n'est donc ni dans les simples relations sociales, ni dans la charité bienfaisante qui se manifeste par l'assistance matérielle apportée aux pauvres, aux vieillards, aux affligés ; c'est, dans la vraie pensée maçonnique, quelque chose de plus élevé, de plus vaste ; quelque chose d'infiniment plus digne d'un Maçon instruit. Ainsi donc, tout en admettant la sincérité de vos amis, nous nous voyons contraint, en toute justice, à douter de leur science.
Le Fr.-. McCdenachan dit dans son Addendum à VEnci/clopœdia of Freemasonry du Dr. Mackey, p. l'/O :
« Les Maçons ipii trouvent plus de plaisir dans les rafraîchisse- ments du banquet (pie dans les labeurs de la Loge, et qui n'admirent la Maçonnerie que sous son aspect social, sont ironi((uement appe- lés '< Members of Ihe Knife and Fork Degree » (Les Membres du degré du Couteau et de la Fourchette). Cette satire fut écrite pour
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la première fois par DermolL dans son Ahiman Rezon, p. 3G ; en parlant des Modernes, il dit : « On jugea de même convenable d'a- bolir la vieille coutume d'étudier la géométrie dans la Loge ; et quelques-uns des jeunes Frères insinuèrent qu'un bon couteau et une bonne fourchette placés entre les mains d'un Frère habile, de- vant les matériaux convenables, apporteraient une plus grande sa- tisfaction et contribueraient mieux à arrondir la Loge que la meil- leure règle et le meilleur compas de l'Europe ».
Mais il se peut que vos amis soient quelque chose de plus que cela, et qu'ils méritent d'être placés parmi les « Bright Masons » (Maçons brillants). Ils peuvent connaître à fond le rituel de l'Ordre; ils peuvent savoir sur le bout des doigts le formulaire d'ouverture et de fermeture d'une Loge ; ils peuvent même être capables de traverser toutes les cérémonies de l'inilialion sans se tromper, et cependant n être encore que sur le seuil de la vraie science ma- çonnique.
« On dit (juun Maçon est « brillant », écrit le Dr. Mackey dans son Enci/clopœdia, p. 130, lorsqu'il est bien au courant du rituel, des formules pour l'ouverture et la fermeture, et des cérémonies de l'initiation. Cette expression ne semble pas, cependant, dans son sens technique, comprendre la connaissance supérieure de l'histoire et de la science de l'Institution; et beaucoup de «Maçons brillants» ne sont pas nécessairement des maçons savants ; et, au contraire, il y a des Maçons savants qui ne sont pas très versés dans la phra- séologie exacte du rituel. La première de ces sciences dépend d'une mémoire fidèle, l'autre provient d'une étude approfondie. 11 est à peine nécessaire de dire laquelle de ces deux sciences a le plus de valeur. Le Maçon qui limite sa connaissance de l'Institution à ce qu'il en apprend dans son rituel ésotérique n'aura (ju'une idée res- treinte de la science et de la philosophie de celle-ci ».
« L'adresse qui consiste, ajoule-t-il dans son Symbolism, pp. 310- 311, à répéter avec volubilité et précision les discours ordinaires, à se conformer à toutes les exigences du cérémonial du rituel, ou à donner avec une exactitude sulïisante les signes convenus de recon- naissance, ne fait partie <{ue des notions riidimentaires delà science maçonni(iue.
« Mais il y a une série de doctrines beaucoup plus nobles, conti- nue-t-il, auxquelles la Maçonnerie est liée, et que je vais présen- ter d'une manière bien imparfaite dans cet ouvrage. Ce sont elles qui constituent la science et la philosophie de la Franc-Maçonnerie, et ce sont elles seules qui vaudront une septuple récompense à celui qui se vouera a leur étude.
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« La Franc-Maçonnerie considérée comme science, el non plus, ainsi qu'elle l'a élé trop longtemps, comme une simple inslilution sociale, occupe maintenant une place à part et incontestée parmi les sciences spéculatives. Tandis que l'on conserve toujours soi- gneusement son rituel comme la cassette qui contient un bijou de grand prix : tandis que l'on distribue ses aumônes comme étant le résultat nécessaire, (juoique accessoire, des enseignements de sa morale ; tandis que ses tendances sociales sont toujours cul- tivées comme le ciment solide qui doit tenir uni, dans la sy- métrie et la force tout le merveilleux édifice, l'esprit maçonnique commence partout à chercher et à réclamer quelque chose de sem- blable à la manne du désert, qui nous fournira un aliment intellec- tuel dans notre pèlerinage. Le cri universel qui retentit dans tout le monde maçonnique est: «Lumière ! » Nos Loges devront donc, à l'avenir, être des écoles: notre tâche sera l'étude ; notre salaire sera la science ; les types et les symboles, les mythes et les allégories de l'Institution commencent à être examinés d'après leur sens final; on retrace aujourd'hui notre histoire d'après des recherches zélées sur ses rapports avec l'antiquité ; et les Francs-Maçons compren- nent parfaitement à l'heure actuelle celle définition souvent citée :
« La Maçonnerie est une science de Moralité voilée par l'allégorie et éclairée par les symboles ». Etudier ainsi la Maçonnerie, c'est connaître notre travail et le bien faire. Quel est le vrai Maçon qui reculerait devant cette tâche » ?
Nous sommes certain, cher lecteur, que vos amis Maçons ne vous ont jamais présenté la Maçonnerie sous ce jour, que même les ter- mes employés par le Dr. Mackey vous semblent étranges et nouveaux, el peut-être un peu troublants.
Si vous voulez bien nous suivre pas h pas, patiemment, sans attendre que nous fassions la lumière sur tout à la fois ; sans repousser les clartés que nous pourrons jeter sur le sujet proposé, et sans trop compter sur votre propre expérience, qui est plus appa- rente que réelle, vous apprentlrez beaucoup plus de choses sur la Franc-Maçonnerie américaine que vous n'en savez à présent ; car, n'étant lié par aucun serment, nous pouvons vous dire ce que vos amis Maçons n'oseraient pas vous révéler, en supposant même qu'ils le sachent.
«Mais, nous demanderez-vous, comment est-il possible ou croyable que des Maçons puissent appartenir pendant des années à l'Ordre Maçonnique sans connaître le l>ul l'éel (pi 'il se propose »?
Nous répondrons : « C'est croyable, parce que nous en avons la certitude pai- le témoignaore incontestable des personnages les mieux docunuMilés, tels qiiele Dr. MacUey. Ou'en outre, cela soit pos-
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sible, la chose n'est pas diffîcile à expliquer. Le Dr. Mackeyeu donne quelques raisons ; permellez-nous d'en ajouter d'autres.
C'est possible, en premier lieu, parce que tous les Maçons qui sont, soit banquiers, soit négociants ou commerçants, n'ont pas tous le temps, les aptitudes ou la tournure d'esprit qu'il faudrait pour se livrer à l'étude de ce qu'on appelle la science et la philoso- phie de la Franc-Maçonnerie. On leur a exposé les avantages so- ciaux et moraux de l'Institution lorsqu'on les a invités à en faire partie ; et, pour eux comme pour vous,ona mis tout le reste à l'ar- rière-plan; satisfaits des profils matériels recueillis, ils ont pour- suivi leur carrière dans la vie sans se creuser l'esprit pour savoir ce que la Maçonnerie a ou n'a pas de caché sous ses voiles.
C'est possible, en second lieu, à cause dusyslèmedes degrés éta- bli dans la Franc-Maçonnerie ; car ce n'est jamais que dans le der- nier degré de chaque rite que les doctrines secrètes de la Maçonne- rie sont complètement révélées. Il y a neuf degrés dans le Rite Américain et trente-trois dans le Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Dans chacun de ces degrés, on communique graduellement au candidat quelque enseignement, mais d'une façon toujours incom- plète jusqu'à ce qu'il ait atteintledegré final. Le Maçon « brillant», le Maçon du degré « couteau et fourchette », le Maçon « rouillé » et d'autres de même espèce peuvent rester longtemps dans l'Ordre sans en connaître grand'chose ; l'avancement dans la Maçonnerie devrait être mesuré au savoir et non à l'ancienneté.
C'est possible, en troisième lieu, en raison de la méthode employée pour l'instruction maçonnique, laquelle se donne oralement, en grande partie ; elle est, par cela même, proportionnée à la culture in- tellectuelle et à la capacité du disciple. Il n'en sera révélé au candi- dat que ce qu'il en pourra entendre ; l'Ordre considèrequeledéfaut d'ignorance est uniquement imputable à l'initié qui ne se prépare pas à recevoir une lumière plus grande.
Il y a donc, en Maçonnerie, le Maçon ésotérique ou Maçon de l'école intérieure, et le Maçon exotérique ou Maçon des formes ex- térieures. Tous deux sont bien Maçons, mais ils ne le sont pas éga- lement. Ils sont comme les disciples de Pythagore, qui étaient ou éso- tériques ou exotériques; les derniers étaient ceux « qui assistaient aux assemblées publiques où le philosophe donnait des instructions générales sur la morale » ; les autres étaient ceux qui, seuls, «cons- tituaient la véritable école, et ce sont eux seuls, nous dit Jamblique, que Pythagore appelait ses compagnons et ses amis- ».
Mais, pour que vous ne puissiez pas vous imaginer que tout ceci
1. Cf. Encyclopœdia of Freemasonry, p. (VJi.
Ll'^''
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est pure iiiveiitiou de noire pari, lisez ce que dit le F.-. Pike en termes convaincants et explicites. Instruisant les membres du 17'' degré ou Chevaliers de l'Orient et de 1 Occident, il leur dit :
« Voici le premier des Degrés philosophiques du Rite Ecossais Ancien et Accepté et le commencement d'une série d'instructions qui vous découvriront le cœur et les mystères intérieurs de la Franc- Maconnerie. Ne vous désespérez pas si, après avoir souvent cru être sur le pointd'arriverà la lumière intérieure, vous avez été déçus. De tout temps, la vérité a été cachée sous des symboles, et souvent sous une suite d'allégories, dont il a fallu soulever les voiles un à un pour atteindre la vraie lumière et pour avoir la révélation de la vérité essentielle ' ».
Donc, au cours de seize degrés, c'est-à-dire la moitié de toute la hié- rarchie, on a fait croire au candidat qu'il savait beaucoup de cho- ses, car il s'imagine « être sur le point d'arriver à la Lumière », tan- dis qu'en réalité il savait relativement très peu, puisqu'il va com- mencer une série d'instructions <[ui lui révéleront les vrais mystères de l'Art. Il repousserait, sans aucun doute, lidée de n'être qu'un simple « .Maçon Perroquet », et, cependant, il n'est pas autre chose aux yeux de ses Frères instruits.
Tout Maçon, dit te Dr. Mackey, « tjui confie à sa mémoire les ques- tions et les réponses des leçons catéchistiques et les formules du rituel, sans faire aucune attention à l'histoire et à la philosophie de l'Institution, est vulgairement appelé un Maçon perroquet -, parce qu'on suppose qu'il répète ce qu'il a appris, sans la moindre concep- tion de ce que cela signifie en réalité. Autrefois, quelques-uns te- naient en haute estime ces Maçons tout superficiels, à cause de l'aisance avec laquelle ils subissaient l'épreuve des cérémonies de réception, et on les désignait généralement sous lenom de « Maçons brillants ». Mais les progrès de la Maçonnerie en tant que science exigent aujourd'hui quelque chose de plus qu'une simple connais- sance des leçons qui servent à former le Maçonsavant '.
\li\ « Maçon Perroquet » est donc un des Frères exotériques dont nous avons parlé, il n'est jamais un Maçon ésotérique. Il est bavard, l'autre est renfermé. Il est prêt à nous dire tout ce qui con- cerne la Maçonnerie — tout ce qu'il en sait, et nous consentons à le croire sincère. Peut-être que, scmldable à l'oiseau, son homonyme, il est fier de sa science et toujours disposé à la produire. Mais, comme le perro(piet, il ne fait que répéter ce qu'il a entendu, « sans la moin- dre conception de ce que cela signifie en réalité » ; il possède la
1. Morals and Doijnia, p. '24t>.
2. Cest 1<' Dr. Mackey qui soiilii,'n»'.
3. Encyclopœclia, p. ôGl.
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science exoLérique et non la science ésotérique ; le cœur de la Ma- çonnerie, les myslères qu'elle lient enfermés dans son sein sont cachés à ses yeux. Le D' Mackey est indig'né de voir ces Frères se contenter de cette enveloppe de l'amande sans savourer ce qu'elle contient.
« Ils sont trop nombreux, s'écrie-t-il, ceux qui limitent leurs études aux signes et aux cérémonies de l'initiation. Ils arrêtent là leurs recherches. Ils n'approfondissent ni la philosophie ni les docu- ments antiques de l'Ordre. Ils ne semblent pas savoir que les moyens de reconnaissance ne sont employés que pour se mettre en garde contre la tromperie, et (juc les rites du cérémonial n'ont aucune valeur sans le symbolisme, dont ils ne sont que les formes extérieures. Pour eux, la Maçonnerie est sans nerfs, sans aucun sens, sans vie; c'est une voix creuse qui ne dit rien de compréhensi- ble, un arbre au feuillage splendide, mais qui ne porte pas vn seul fruit ».
Mais il se peut, qu'à l'exemple du Dr. Mackey, nous soyons trop dur pour les Frères exotériqnes ; car nous avons en partie négligé de nous arrêter sur la dilficulté de leur tâche. Ils en sont aux degrés inférieurs ou « Degrés Bleus » de la Maçonnerie, et nous nous ima- ginions bénévolement qu'une instruction loyale et sincère avait tou- jours été mise à leur portée pourvu qu'ils consentissent à la recevoir. Le témoignage du F.'. Pike va, dans l'instruction du « Chevalier Kadosh » ou 13^ Degré du Rite Ecossais, nous mettre jau courant d'un C'irieux état de choses.
.< Les Degrés Bleus, dit-il, ne sont que la cour extérieure ou le portique du temple. Une partie des symboles y est montrée à l'Ini- tié, mais il est intentionnellement induit en erreur par des interpré- tations mensongères. On n'a pas l'intention de les lui faire com- prendre, mais on a celle de lui faire croire qu'il les comprend. Leur véritable explication est réservée aux Adeptes, aux Princes de la Maçonnerie. Tout l'ensemble de l'Art Royal et Sacertlotal fut si soi- gneusement caché depuis des siècles dans les Hauts Grades, qu'il est encore impossible, à l'heure actuelle, de résoudre bien des énig- mes dont ils sont les dépositaires. Il suffît amplement à la masse de ceux qui s'appellent Maçons de s'imaginer que tout est contenu dans les Degrés Bleus, et quiconque tentera de les détromper tra- vaillera en vain et violera ses serments d'Adepte sans aucune véri- table récompense. La Maçonnerie n'est autre chose que le Sphinx enterré jusqu'à la tête dans les sables que les siècles ont amassés autour de lui i ».
1. Morals and Doymu, p. 819.
10 LES FRANCS-MAÇONS AMÉRICAINS
Avez-vons toujours, cher lecteur, la même confiance implicite dans le savoir de vos amis Maçons? Croyez-vous qu'ils se doutent même de la façon dont les considèrent leurs Frères des Grades su- périeurs? Simaginent-ils un seul instant que lOrdrcdont ils font un si i^rand éloge, les trompe de propos délibéré en leur donnant une fausse interprétation des symboles qu'il leur propose, puis- qu'il n'a jamais l'intentioa de les leur faire comprendre, mais seulement celle de leur faire croire qu'ils les comprennent? Est-ce là cette sociabilité, cette bienveillance qu'il pratique envers ses membres mêmes?Vous figurez-vous encore sérieusement que vos amis vous ont tout dit sur ce qui concerne l'Institution ?.. Voici main- tenant un cas où ils furent trompés à leur tour. 11 est tiré de l'ou- vrage du F.-. Pike (pp. 104-105) ; il s'agit de l'instruction donnée pour le 3" grade ou grade de « Maître ».
« La Maçonnerie, dit le F.-. Pike, comme toutes les Religions, comme tous les Mystères, l'Hermétisme et l'Alchimie, cache c'est Pike qui souligne) ses secrets à tous, excepté aux Adeptes, aux Sa- ges ou aux Elus, et se sert de fausses explications et de fausses interprétations de ses symboles pour égarer ceux qui ne méritent que d'être induits en erreur, dans le but de leur dissimuler la\'érité, qu'elle nomme Lumière, et de les en éloigner. La Vérité n'est pas pour ceux (pii ne sont ni dignes ni capables de la recevoir, ou qui la corrompraient. C'est pourquoi Dieu lui-même prive une grande quantité d'hommes de la faculté de distinguer les couleurs et éloi- gne ainsi les masses de la très haute Vérité : il ne leur permet de découvrir que ce qu'il leur est utile d'en connaître. Chaque Age a eu la religion appropriée à ses aptitudes ».
'< Les Docteurs de la Chrétienté eux-mêmes, continue-t-il, sont, en général, les plus ignorants du vrai sens de ce qu'ils enseignent. Il y a peu de livres que l'on connaisse moins que la Bible. Pour la plupart de ceux qui la lisent, elle est aussi incompréhensible que le Zohar ».
El il conclut : « C'est que la Maçonnerie cache jalousement ses secrets, et fourvoie de propos tlélibéré ses interprèles orgueilleux.
11 n'y a pas ici-bas de spectacle à la fois plus pitoyable et |)Ius risi- ble que celui (pie doiiiieiit les Preston et les Webb, (sans parler des autres iiicaïuatioiis phis récentes de la sottise et île la banalité), lorsrpi'ils entreprennent d' « expliquer » les vieux symboles de la Maçoimerie, leur ajoulani ou les ■» améliorant )',(>u même en inven- tant de nouveaux ».
Nous no\is abstiendrons de commenter longuement les nom- breuses anirmations contenues dans ce passage et qui réclament des commentaires, car nous ne voulons pas anticiper sur ce qui
ET LA FRANC-MACONNERIE AMÉRICAINE H
sera disculé ullérieuremenl d'une façon plus complète. La juslifica- tion de la Franc-Maçonnerie trompant ses propres membres, tirée de la privation de la faculté de discerner les couleurs dont Dieu permet que soient alïligées ses créatures, ouvre des horizons sur lesquels nous n'avons pas besoin d'insister — rendre Dieu la cause directe et unique des imperfections physiques de ses créatures — établir une similitude entre les défauts physiques et moraux — accuser Dieu de retrancher l'humanité de la Vérité divine — cou- vrir de mépris Preston et \\'ebb, qui sont des lumières maçonni- ques du Rite d'York et tlu Rite Américain — taxer d'ignorance les docteurs de la Chrétienté en ce qui concerne le vrai sens de la Bible — sont autant de pensées que nous laisserons quant à pré- sent à vos propres commentaires.
Nous remarquerons simplement que, si vos amis Maçons ont atteint le 3*^ degré ou grade de Maître dans la Maçonnerie Ecossaise, ils ont dû avaler d'un trait cette plaisanterie injurieuse pour Dieu et l'homme, ne se doutant pas un seul instant qu'ils n'étaient pas au nombre des élus, mais qu'ils faisaient partie de ceux qui étaient trompés et volontairement induits en erreur. Il ne leur est jamais venu à l'idée que, méprisant les autres, ils étaient eux-mêmes un objet de mépris pour les adeptes ; car s'ils savaient qu'ils ont été victimes de tant de duplicité, pensez-vous qu'ils pourraient être sincères en louant l'Ordre comme ils le font ?
Nous croyons donc pouvoir terminer le présent chapitre. Nous nous étions assigné la lâche de donner une idée pratique, quoique élémentaire, de ce que sont les Francs-Maçons américains et la Franc-Maçonnerie américaine, tout en nous proposant d'exposer les choses d'une manière plus complète et plus détaillée dans les chapitres suivants. Nous avons désiré attirer l'attention du grand nombre de ceux qui. ayant dans leurs relations des amis Maçons estimés, les ont entendus leur chanter les louanges enflammées de leur Ordre, et ont par suite considéré ces louanges comme l'at- testation de témoins compétents. Nous avons volontiers reconnu que lesdils amis étaient dignes d'estime, attendu que nous n'avons pas la preuve du contraire. Nous avons concédé également qu'ils étaient sincères — mais cette concession même nous a contraint à douter de leur science. Nous n'avons pas omis d'indiquer l'obli- gation de la plus haute importance pour le Maçon de garder le secret et le silence au sujet des arcanes de son Ordre ; secret et silence qui doivent dérouter le profane le plus perspicace, car le Maçon est pour sa femme elle-même un étranger, en tout ce qui regarde la Maçonnerie. « Vous devez agir comme il convient à un homme moral et prudent », dit le Bitualiste Maçonnique de
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Mackey, p. ?50. en parlant de la conduite que doit avoir un Maçon chez lui el autour de lui ; « Ayez soin surtout de ne pas niellre voire famillo, vos aniis et vos voisins au courant des ail'aires de la Loge, etc., mais consultez sagement votre propre honneur el celui de l'Antique Fraternité, pour des raisons qui n'ont })as à (Mre men- tionnées ici '.
Nous avons montré, de même, l'esprit de l'Ordre qui, sans rougir, convient qu'il trompe, non seulement ceux qui sont hors de son sein, mais encore ses propres membres des degrés inférieurs, et ose dire qu'en agissant ainsi, il ne l'ail que copier les actes mêmes de Dieu.
En dépit de tout cela, nous avons bien voulu considérer vos amis Maçons comme étant sincères, quoique celle conce^'sion soil au dé- triment de leur Science maçonnique. Nous avons montré qu'ils ont erré en disant que la Franc-Maçonnerie américaine n'est qu'une sim- ple institution sociale, et dans le sens ordinaire de ces mois ; que ceux qui, en toute sincérité, ont adirmé de telles choses ne savent rien des doctrines ni de l'histoire, ni de la Science, ni de la philosophie de l'Ordre, qu'ils sont seulement sous le portique du temple de la Science maçonnique, loin du sanctuaire intérieur ou ésotérique, trompant les autres, quoique cela puisse être de bonne foi, mais trompés à dessein par ceux qui sont plus élevés qu'eux dans l'Ordre.
Nous n'avons donc aucunement attaqué la réputation de vos amis Maçons ; nous ne le ferons jamais sciemment ilans noire pré- sente Etude; vous n'avez donc pas à craindre de nous suivre jus- qu'au bout. Ce que nous allons dire concernera toujours les vrais et profonds Maçons Américains, la Franc-Maçonnerie et son cœur <pii distribue la vie à tout l'Ordre, les Adeptes enfin qui savent les choses telles qu'elles sont en réalité. Nous avons plutôt pris la dé- fense de ceux que vous estimez ainsi, car nous avons démontré par l'autorité et par la raison qu'un Maçon peut être tel sans connaître le véritable but et la fin de l'organisation, puiscjue nous avons en- tendu le Dr. Mackey se lamenlei- de ce que, de son temps, la grande majorité de ses Frères appartînt à celle classe mal instruite. Nous avons montré que cela pourrait bien être dû au système de l'initiation maçonnique qui, en communi(|uant la science peu à peu dans It's ditVérenls giades, laisse l'enseignement incomplet dans son essence jusqu'à ce qu'on arrive au suprême échelon de la hiérar- chie. La prati<iue de l'instruction orale peut facilement aboutir aux mêmes i('sullals, car l'instructeur n'est [)as oldigé de révéler {)lus (pic ne if permettent prudemment le temps, les circonslances et la condition du candidat. La lecture el l'étude ouvriraient les portes à un<> foule de connaissances, mais le temps, le talent, les occasions.
ET LA FRAN'C-MAÇOXNERIE AMÉRICAINE 13
toutes les qualités de discernement requises pour faire les recher- ches maçonniques manquent à beaucoup de Maçons. Et, lorsqu'à tout ceci vient s'ajouter, comme nous en informe le F.-. Pike, une intention froide et bien arrêtée de l'Ordre, de tromper ses membres trop confiants en leur faisant croire qu'ils savent ce qu'en réalité ils ne savent pas, un état de choses qui semblait presque impossi- ble devient non seulement possible, mais réel.
Tout cela, nous l'avons connu, non par les ennemis de la Franc- Maçonnerie Américaine, mais par ses plus chers amis, et, si vous voulez bien nous suivre dans notre Etude, ils nous en apprendront davantage encore. Nous ne sommes pas des « cowans »', ni des écouteurs aux portes, mais des chercheurs de lumière maçonnique, et nous allons à ses sources américaines les plus estimées. Vos amis Maçons se sont montrés de bien faibles guides en vous conduisant; acceptez donc comme nous, à l'avenir, les FF.-. Pike et Mackey pour maîtres. Il est certain qu'ils nous conduiront par des sentiers qui seront loin d'être droits et faciles, car ils essayent souvent de lancer les profanes hors de la piste, mais ils nous mèneront sûre- ment à ce que nous désirons tant posséder : à une science exacte et authentique des doctrines et de la nature de la Franc-Maçonnerie américaine.
1. <i Cowan, » profane. Ce terme purement maçonnique vient du t?rec kuôn, cliien. {Lexique de Franc-Maçonnerie, p. 101 1.
CHAPITRh: II
L Enseignement macjonniole
Nous avons déjà établi que les inslruc lions de la Maçonnerie américaine, comme celles de toutes les Maijonneries sont, les unes exotériques et les autres ésotéri(jues. Le Dr. .Mackey traite ce point dans son E ne i/clopœdi a of Freemasonrij ' sous la rubrique « Maçonne- rie ésotérique », qu'il définit : <( Cette partie secrète de la Maçonnerie qui n'est connue que des initiés, comme distincte de la Maçonnerie exoiérique ou monitoriale. laquelle est accessible à tous ceux qui veu- lent bien lire les manuels etlesouvragespubliéssurl'Ordre.Ces mots viennent du grec etw-î^ixôç, interne, et l^w-ïoixoç, externe, et furent, dans l'origine, employés par Pythagore, dont la philosophie était divisée en philosophie exotérique, ou enseignée à tous, et philosophie ésotérique, enseignée au petit nombre des élus ; de même, ses disciples étaient-ils divisés en deux classes, suivant le degré d'initiation qu'ils avaient atteint : les uns étaient complètement admis dans la société et mis en possession de toute la science que le Maître pouvait communiquer ; les autres n'étaient que de simples postulants, et ne profitaient que des instructions pu- bliques de l'école en attendant la communication graduelle d'une science plus parfaite. Pythagore emprunta ce double mode d'ensei- gnement aux anciens Egyptiens, qui avaient deux espèces de théolo- gie — l'une, exotérique. qui s'adressait à tout le peujile ; l'autre, éso- térique, qui n'appartenait qu'à un nombre choisi de prêtres et à ceux qui [)Ossédaient ou qui étaient appelés à posséder la dignité royale. Et la nature mystique de cette doctrine cachée trouvait son expres- sion dans leur langage symbolique, par les images des sphinx pla- cés à l'enlrée de leurs temples ».
« Il V avait trois degrés dans cette école, » nous dit-il encore-: « le premier ou Mathematici, comprenait les sciences positives ; le deuxième ou r/ieore/Zc/, la connaissance de Dieu, l'étal fulur de l'homme; mais le troisième, ou plus haul degré, ne se comminii- qiiail qu'au petit nombre de ceux dont l'inlfUigence était capable
1.1'. 'Jtlo
2. Encyc, p. <)V3.
L ENSEIGNEMENT MAÇONNIOLE 15
de saisir l'entier épanouisseinent de la philosophie pythai>ori- cienne ».
Voilà donc lécole quimila la Franc-Maçonnerie dans linslruc-
tion donnée à ses membres; c'est pourquoi les « anciens Maçons
ont appelé P\ Ihagore leur vieil ami et leur frère ' «. « A son retour en Europe, dit le Dr. Mackey, il établit sa célèbre école à Crotone ; elle ressemblait fort à celle qu'adoptèrent plus tard les Francs- Maçons'. Gomme, dans l'école du Philosophe, il y avait des choses secrètes ne devant être communiquées qu'au petit nombre, de même il y a dans la Ma»;onnerie des choses secrètes qui ne sont confiées, nous dit le F.-. Pike, qu'aux seuls Adeptes ou vrais Elus. Ces choses sont les «< aporrhèta » de la Fraternité, qui ne peuvent être impri- més, qui ne doivent que passer des lèvres du maître aux oreilles de l'élève, et sur le nombre et la nature desquels l'opinion des Ma- çons est partagée. Ecoutons le F.-. Mackey discourant sur ce sujet : « Mot grec, y-rzoopr,-:-).. — Les choses saintes qui, dans les Anciens Mystères n'étaient connues que des initiés, et ne devaient [)as être révélées aux profanes, s'appelaient les ^'~ aporrhèta n. Quel sont les « aporrhèta» de la Frauc-Maçonnerie ? Quel sont les arcanes qui doivent rester secrets? Voilà la question qui a soulevé ces derniè- res années bien des discussions parmi les disciples de l'Institution. Si le domaine et le nombre de ces >< aporrhèta» sont très considéra- blement étendus, il est évident que bien des recherches importantes, accessibles à la discussion publique de la science maçonnique, se- ront interdites. D'autre part, si les «aporrhèta» sont limités à quel- ques points seulement, une grande partie de ce qui fait la beauté, la stabilité et l'efTicacité de la Franc-Maçonnerie, et qui dépend de son organisation comme association secrète et mystique, sera perdue. Nous tombons de Charybde en Scylla, et l'écrivain maçonnique a de la peine à manœuvrer de façon qu'en évitant d'un côté une exposition trop franche des principes de l'Ordre, il ne tombe dans l'oljscurité par trop de réticence. Les Maçons européens sont beaucoup plus larges dans leur conception de l'obligation du secret que les Maçons anglais ou américains. Il y a peu de choses, en effet, qu'un écrivain maçonnique français ou allemand refusera de discu- ter avec la plus grande franchise i?' On commence aujourd'hui à admettre généralement, et les auteurs anglais et américains s'ap- puient sur cette croyance, que les seuls aporrhèta de la Franc- Maçonnerie sont les signes de reconnaissance et les cérémonies spéciales et caractéristiques de l'Ordre ; en ce qui concerne ces
1. Encijc, p. ti23.
2. Ibicl.. p. 6-2-2.
10 l'enseignement maçonnique
dernières, les renseignements peuvent être publiquement donnés pour servir aux recherches scientifiques, pourvu qu'ils le soient de fagon à être obscurs pour les profanes et à n'être intelligibles qu'aux seuls initiés' ».
Nous sommes heureux que le Dr. Mackey adopte la conception la plus large, quoique nous doutions de ce qu'il dit de ses Frères continentaux; mais nous traiterons plus tard ce qui regarde les. documents écrits ; restons, quant à présent, sur le terrain de la doc- trine orale.
u Une partie considérable de l'instruction communiquée on Franc- Macjonnerie, dit notre auteur, et, de fait, tout ce qui est ésotérique est donné oralement : une loi de l'Institution défend que celte instruction soit écrile. Il y a, dans cet usage et dans cette règle, une analogie frappante avec ce qui existait sous ces mêmes rap- ports dans toutes les institutions secrètes de l'antiquité.
« Dans tous les anciens mystères, on constate la même répu- gnance à confier à l'écriture les instructions ésotériques des hiéro- phantes ; et c'est pourquoi la science secrète enseignée dans leurs initiations était conservée dans des symboles dont la vraie signifi- cation était scrupuleusement cachée aux profanes ». Puis il conti- nue, après avoir cité l'exemple des Druides et des Kabbalisles :
« L'Eglise chrétienne, elle aussi, au siècle qui suivit immédiate- ment l'époque apostolique, observa la même méthode d'enseigne- ment oral. Les premiers Pères avaient grand soin de ne pas confier à l'écriture quelques-uns des dogmes mystérieux de \env religion, de peur que les païens qui les entouraient ne fussent mis au cou- rant de ce qu'ils ne pouvaient ni comprendre ni apprécier. Saint Ba- sile De Spii'itii Sanclo), traitant ce sujet au IV* siècle, dit : « Nous acceptons les dogmes qui nous sont transmis par écrit et ceux qui nous viennent des apôtres et qui nous sont parvenus cachés sous le mystère de la tradition orale ; car plusieurs choses nous ont été transmises sans avoir été écrites, de peur que le vulgaire, trop fa- milier avec nos dogmes, ne perde le respect qui leur est dû ». Et il demande plus loin : «< Comment pourrait-il convenir d'écrire et de faire circuler parmi le peuple un exposé de ces choses, dont la contemplation est interdite à ceux qui ne sont pas initiés »?*
Vous êtes sans doute un peu alarmé, cher lecteur, de voir l'Eglise primitive mêlée aux mystères du paganisme, à l'école de Pythagore et à la Ma(;oimerie moderne, comme étant une .société secrète qui enseignait une doctrine au commun du peuple et en réservait une
1. I-incyclopœdia. pp. r»4'.t-r»riO. '2. lincyilnpsL'dia. pp. 80-81.
l'enseignement maçonnique 17
autre pour ses adeptes. Il faut nous attendre cependant à plus d'un heurt et à plus d'un cahot sur la route que nous voulons suivre. La « discipline du secrel », au temps de la primitive Eglise, n'est pas contestée, mais ce secret avait une intention, un but bien différents de ceux qu'insinue le Dr. Mackey. Alors que le fait d'être connu pour chrétien exposait au pillage'et à la mort, alors que les démagogues excitaient les passions populaires en représentant les disciples du Christ comme les adorateurs d'une tête d'âne, et le sacrement du Corps et du Sang du Maître comme l'immolation d'un enfant dont ils buvaient le sang, la simple réserve commandée par une pru- dence ordinaire défendait de révéler à tout le monde ce qui serait profané par un grand nombre. Mais ce n'était point là l'enseignement dune religion pour le commun du peuple et d'une autre pour les plus avancés. On ne trompait pas de propos délibéré les initiés en leur faisant croire qu'ils possédaient la lumière, tandis qu'on sou- riait sous cape de leur folie. Enfin, cette recommandation du secret disparaissait avec les jours de persécution. Il n'y avait pas, entre la doctrine et le secret, cette relation essentielle qui les rend inséparables, comme c'est le cas dans la Maçonnerie où, ainsi que nous le verrons, l'une ne peut exister sans l'autre. Il n y avait point de serment qui obligeât à ne jamais révéler, dans aucune circons- tance, aux infidèles, une doctrine quelconque enseignée aux chré- tiens, car, en mainte et mainte occasion, les martyrs ont, devant les tri- bunaux, proclamé hautement les mystères de leur foi. Tout ceci met entre le secret maçonnique et celui de la primitive Eglise un abîme infranchissable. Vouloir les confondre, n'est pas honnête.
Quant au témoignage de saint Basile, quiconque voudra bien lire )e chapitre XXVII'^ de son livre sur le Saint-Esprit d'où sont tirés les textes cités, verra clairement qu'il n'y est pas fait la moindre allusion à une doctrine exotérique et à une autre doctrine ésotérique, toutes deux différentes et opposées,dont l'une, assez bonne, quoique fausse, serait pour le commun des mortels, tandis que l'autre, la vraie, serait réservée aux seuls élus. Il affirme simplement, ainsi que le fait l'Eglise catholique, la valeur de la tradition apostolique comme source de foi et de doctrine divines. Il enseigne, en s'ap- puyant sur la connaissance qu'il a du cœur humain, l'influence du mystère sur l'éveil de l'attention. Il nous rappelle que la familiarité engendre le mépris ; que, dans la religion juive, seul le Grand Prêtre devait entrer dans le Saint des saints, une fois par an, et à un moment fixé. C'est ainsi, conclut le saint docteur, que les Apôtres et les premiers Pères ont préservé la dignité des mystères chrétiens. En oulre, les textes mêmes de saint Basile, particulière- ment le premier, ne sont pas correctement cités. Deux membres de
2
18
L ENStlGNK.MtNT MACON.MOUt:
phrases diflerenles el sans ra[)porl entre elles sonl réunis pour nen faire qu'une ; c'est prendre une liberie à peine admise, pour ne rien dire de plus, par les auleurs qui se respeclenl.
Le Dr. Mackey EncijcL. p. 550) expose ainsi les raisons pour les- quelles les arca/zes sonl confiés à la tradition orale :
« En premier lieu, en confiant nos doctrines secrètes et leurs prin- cipes fondamentaux [landmarks'j à la garde de la tradition, tout dan- ger de controverses et de schismes parmi les Maisons et dans les Loges se trouve, par le fait même, écarté. La Ciraiule Loge de chaque juri- diction est l'interprète de ces traditions, et chaque Maçon, comme chaque loge de la juridiction, est obligé de se soumettre à son inter- pi'étation. Il n'y a pas de livre ({ue puissent consulter les Fi'ères en rinlerprélanljsuivant leurs idées personnelles, et dont les textes, parfois équivoques et parfois obscurs, pourraient donner lieu à d'a- bondantes contestations ou à des critiques verbales. Les doctrines elles-mêmes et leur interprétation sont contenues dans les monu- ments de rinstilution;el les Grandes Loges, ses seules mandataires reconnues, ont le pouvoir de décider si oui ou non la tradition a été correctement conservée et quelle en est la véritable interprétation.
Et de là vient qu'il n'existe pas d'institution dans laquelle il y ait eu des controverses en aussi petit nombre et de si peu d'importance, eu égard aux doctrines essentielles et fomJamentales ».
Nous avons noté ce raisonnement, non pour lui-même ni parce que nous le trouvons satisfaisant, mais a cause de la lumière qu'il pi'oj et te sur le fonds de certitudequapportel'Inst rut' tion maçonnique. Donc, en Maçonnerie, l'enseignement principal. essentiel, est oral. Il a la prétention de contenir, comme nous allons le voir, les plus importantes vérités sur la destniée de l'homme dans le temps et dans l'éternité. El à (piel arbitrage ces vérités sont-elles soumises en dernier ressort? A celui de chaque Grande Loge pour sa propre juridiction. Mais ces (Grandes Loges sonl évidemment faillibles ; elles peuvent errer ; elles peuvent tlifTérer entre elles; elles peuvent, à des moments dilTérenls, donner des décisions dilVérentes; sont-ce là les lumières tpji doivent guider l'esprit maçonnique dans les sen- tiers de la vérité ? Lne plus longue dissertation sur ce sujet sera peut-être plus à sa place dans un des chapitres suivants.
Si l'incertitude finale de rinlerj)rélation de votre doctrine orale ou ésoléri(pie est si grande, que dirons-nous de la doctrine elle- même confiée aux monuments de la Fialernité? Nous consentons à
1. Pour rinlerprélation iiukj.-. de ce mol. voir \\. M.\<;ov. Ci/clopedia and Dirlion<irij nf Frccmnsonry. .\'e\v-Vork. 1X71. iii-S". p. 21<i à 2'..'7.
l'enseignement maçonmole 19
vous juger d'après vos propres écrits et à nous adresser pour nous renseigner à votre article sur « l'Uniformité de travail ' ».
« C'est un t'ait, dites-vous, que l'uniformité de travail dans la -Maçonnerie, quoiqu'elle soit bien désirée, n'existera jamais. Il doit en être de même dans toutes les institutions où les cérémonies, les légendes et les instructions sont orales. La trahison de la mémoire, la faiblesse du jugement et la fertilité de l'imagination conduiront les hommes à oublier, à diminuer ou à augmenter les parties d'un système quelconque qui n'est pas maintenu dans certaines limites par une règle écrite.
« Les Rabbins se sont aperçus de cela quanti la Loi orale commen- çait à s'altérer et perdait de son autorité comme de son identité par les interprétations qu'on y donnait dans les écoles des Scribes et des Prophètes. Et dès lors, pour la rendre à son intégrité, on jugea nécessaire de la dépouiller de son caractère oral et de lui donner une forme écrite. C'est à cela même que nous devons attribuer l'origine des deux Talmuds, qui contiennent l'essence de la théologie Israélite. Donc, tandis qu'en Maçonnerie, nous voyons le rituel éso- térique sujet à de continuelles erreurs dues pour la plupart à l'igno- rance ou à l'imagination des professeurs maçonniques, les instruc- tions « monitoriales » — peu nombreuses dans Preston, très dévelop- pées dans Webb et dans Cross — n'ont subi aucun changement ».
Inutile de commenter. Si le rituel ésotérique et l'instruction orale qui s'y rapporte, — cette instruction orale qui contient l'essence même de la Maçonnerie, — sont continuellement exposés à des erreurs qui proviennent de l'ignorance ou de l'imagination des pro- fesseurs maçonniques, le lecteur le moins cultivé comprendra com- bien un tel enseignement est peu digne de foi en tant (jue canal de la vérité. Si, en dépit de toutes ces variations de l'erreur, il n'y a pas de schismes dans la Maçonnerie, il faut nécessairement en con- clure que l'ignorance des Frères atteint un très haut degré, ou que l'amour de la vérité est chez eux à un degré très faible. Il est étrange que les Maçons, (jui se proclament des chercheurs devérité, confient ce qu'ils estiment de plus sacré (( à la mémoire traîtresse, au jugement faible et à l'imagination fertile » qui << conduisent les hommes à oul)lier, à diminuer ou à augmenter les parties d'un système quelconque (pii n'est pas maintenu dans certaines limites par une règle écrite ».
« Mais il n'y a pas, dites-vous, de livre que puissent consulter les Frères en l'interprétant suivant leurs idées personnelles ». Etes-vous
1. Eneijclopœdia, p. 843.
20 l'enskigmcment mac onmoik
donr nil si graiul ennemi du jugement privé, (le la liberie de pensée en malièics maçonniques ?
Faut-il <pie les Frères soient dépourvus d'une règle écrite etdudroil de rinter|»ii'"ler. pour qu'ils puissent être exposés aux divagations de l'ignorance et de l'imagination? Est-ce là la liberté que vous leur accorde/ ? El la loi orale ne prète-l-elle pas autant à la discussion que la loi écrite ? El la Grande Loge ne pourrait-elle pas détermi- ner et ne délermine-l-elle pas, en elTet, le sens de la parole écrite en Maçonnerie aussi bien qu'elle détermine celui de la loi orale? Non, non, nous ne pouvons en toute justice accepter la raison que nous donne le Dr. Mackey ni les motifssur lesquels il l'appuie ; maisnous pouvons le remercier et nous le remercions desimportantes lumières qu'il a projetées sur la qualité de la vérité telle quelle est présentée aux candidats maçonniques, et sur le degré de sujétion mentale que réclame d'eux la Franc-Maçonnerie. Tout ceci nous aidera plus tard à peser, comme il convient, les droits de l'Ordre.
Mais continuons notre citaiion : « Il ressortirait de là, dit le Dr. .Ma«-key. (|ue l'on pourrait olivier au défaut d'uniformité en ren- dant simplement toutes les cérémonies « monitoriales » ; et l'on a jugé la chose si avantageuse qu'on a sérieusement discuté en Angle- terre, il y a quelques années, le projet d'un rituel écrit. Mais le remède serait j)ire que le mal. C'est au caractère oral de sou rituel que la Maçonnerie doit sa stabilité et son succès comme organisa- tion. Un rituel écrit, qui deviendrait bientôt un rituel imprimé, ilépos- séderail la Maçonnerie Symbolique (c'est-à-dire la Franc-Maçonne- rie) de ses attraits comme association secrète, et cesserait d'offrir une récompense au savant laborieux qui chercherait à bien posséder sa science mystique. Sa philosophie et son symbolisme seraient les mêmes, mais les livres qui les contiendraient seraient consignés aux rayons d'une bibliothèque maçonnique, et leurs pages livrées à la discussion des profanes, comme la vulgaire propriété de l'anti- "quaire, tandis (jue les Loges, n'ayant plus de mystères à l'intérieur de leurs portails, ne recevraient que de rares visiteurs, et certaine- ment aucun travailleur ' ».
Il est bien vrai de dire (pie la Maçonnerie flotte entre Charybde et Scylla. Les tares de l'erreur inhérentes à l'enseignement oral sont évidemment sa part, et elle ne peuls'en alVranchir que par la mort. La vie de la vérité ne |)cut nécessairement pas èti-e vigouicuse en elle Car, si .sa [)hilosophie et ses symboles étaient animés par des véri- tés importantes et profitables à notre race, on ne laisserait pas moi- sir ses livres sur les rayons d'une bibliothèipie maçoiuiifpie. mais
1. l-lncijcl.. pp. sr.!-sil.
L'ENSEKiNEMENT M.vyONMOUE 21
ils seraient lus avec intérèl et avec iVuit par tous ceux qui travail- lent ardemment pour la cause de la vérité.
Le secret n'est qu'un voile. Il n'est pas un bien en lui-même et n'a pas de valeur propre, car il n'est qu'un obstacle qui cache la vérité aux yeux de l'esprit, dont elle est le bien et le but. L'esprit est obligé d'écarter l'obstacle pour jouir de l'objet de ses désirs — commenl devons-nous alors juger de la valeur de cet objet lui- même, si l'on nous dit qu'aussitôt le voile tiré, il n'a plus de valeur, plus de beauté, plus de charme, plus d'importance pour exciter l'ardeur, plus de bonté pour mériter l'amour? Si la philosophie et le symbolisme de la Maçonnerie, alors même qu'ils ont quitté le royaume « de la mémoire traîtresse, du jugement faible, de l'imagi- nation fertile», où ils sont « continuellement sujets aux erreurs qui proviennent surtout de l'ignorance ou de l'imagination des profes- seurs de science maçonnique », >< cessaient d'olïrir, comme vous le dites, une récompense au travailleur laborieux qui cherche à bien posséder sa science mystique », que devra penser la froide et calme raison de ce symbolisme et de cette philosophie qui habitent le royaume de l'erreur et de l'incertain et qui sont soumis à l'influence de l'ignorance et de l'imagination?
La seconde raison que donne le Dr. .Mackey, pour laquelle on a confié à l'enseignement oral les principes essentiels de la Maçonne- rie, est « qu'en obligeant le Frère qui veut faire quelque progrès dans sa profession d'en contier les doctrines à sa mémoire, il est très probable qu'il les étudiera et les comprendra à fond ». Et il s'efforce de soutenir cette thèse en faisant appel au cas des « Ma- çons brillants », qui « possèdent mieux cette partie ésotérique et non écrite des leçons, qu'ils ont été forcés d'apprendre sous un maître compétent, et par la voie de l'enseignement oral, que celle qui est publiée dans les Manuels, et, par conséquent, toujours à même d'être lue ' ».
Si le docteur Mackey n'avait pas pris soin de nous instruire des distinctions à faire entre un u Maçon brillant » et un « Maçon sa- vant », en nous disant qu'il n'y avait aucune comparaison possible entre la mémoire de perroquet du premier et l'esprit cultivé de l'autre, nous aurions pu nous laisser prendre dans la trame de son argument. Les ■ xMaçons brillants », les « Maçons perroquets» les « Maçons du « Knife and Fork degree » (grade du Couteau et de la Fourchette) en savent davantage par les instructions orales que par les leçons « monitoriales », non parce que les premières sont orales et les secondes écrites, et partant toujours à même d'être
1. Encyclopaedia, p. 550.
22 l'enseigm:mi::>t MAçoNMyiF,
lues, mais parce qu'on est obligé d'apprendre la partie orale pour être reçu maçon, tandis qu'on n'est pas tenu à lire la partie « nioni- toriale », nous a-t-il dit ; par conséquent, les Frères s'en vont répé- tant, comme ils le font depuis des années, ce qu'ils ont appris, « sans la moindre conception du vrai sens ' » de ce qu'ils disent. Si cet argument était bon, il prouverait merveilleusement l'inutilité de tout ce qui est écrit, parce que les indolents, les paresseux et les gens qui ne lisent jamais en savent plus [)ar renseignement oral qu'ils n'en apprendraient par la lettre écrite.
La troisième raison du Dr. Mackey est « celle qui esl peut-être la plus familière à la Fraternité, et à laquelle César fait allusion pour les Druides. « parce qu'ils ne voulaient pas que leurs docti-ines fussent divulguées au commun du peuple ».
« C'est donc pour ces excellentes raisons, conclut-il, qu'on emploie l'instniclion orale. — pour éviter les controverses oiseuses elles interminables discussions; pour préserver les secrets de notre Ordre de la ruine et pour diminuer les risques qu'ils soient oubliés, en multipliant les diffîcultés à surmonter pour arriver à les posséder; enfin, pour les mettre à l'abri du regard impur des profanes », — c'est pour ces raisons que « l'enseignement oral de la Maçonnerie fut institué tout d'abord, et continue d'être religieusement observé. Sesdoctrinessecrètessontlesbijoux précieux de l'Ordre, et les monu- ments maçonniques sont les cassettes bien gardées où sont conservés ces trésors dans toute leur pureté. C'est donc avec à-propos que notre rituel dit « que l'oreille attentive reçoit le son de la voix qui instruit, et (pie les secrets de la Maçonnerie sont l)ien abrités dans le récep- tacle des C(curs fidèles- ».
Nos lecteurs pourront faire leurs propres réflexions sur le raison- nement du Dr. Mackey.
Mais peut-être (ju'après font ce bel éloge de renseignement oral, ils vont, comme nous, trouver dilTicile de le mettre d'accord avec ce (ju'il dit de renseignonienl écrit. Ecoutons-le li'aiier des biblio- thèques (p. -169 de son Encijclopédie :
'( Il est du devoir autant que de l'intérêt des Loges, dil-il, de fa- ciliter les elTorls des membres qui cherclienl à actpiérir la science maçonnique, et je ne connais pas de meilleure nu'tliode que celle qui consiste dans la formation de bibliothèques maçonniques. La fondation d'une bibliothèque de Cirande Loge serait une bonne chose, nalurellement, mais d'une valeur et d'une impoitance l)ien inléiicure a cell<^ dunt' bibliollièque de Loge. Il suffirai! d'une
1. Hnct/clopti'dia. ]>. âiU.
'2. ihiti.. jip. :.:>(». WA.
l'enseignemknt maçonnioue 23
première dépense de quelques dollars au tlébut. pour son établisse- ment, de quelques autres pour sa conservation et son développe- ment, et l'on verrait chaque Loge de la contrée en possession d'un riche trésor de documents propres à servir aux recherches et aux progrès de ses membres. Le seul fait de voir, à chaque réunion, des ouvrages maçonniques à portée, étalés au regard sur des rayons bien garnis, mis à la disposition des Frères qui n'auront que la peine de les prendre ou de les demander, en amènera un grand nombre à lire alors qu'ils n"ont jamais auparavant lu une ligne sur Thisloire ni sur la science maçonniques
« De même que les municipalités bienveillantes font placer des fontaines publiques dans leurs jardins afin que le chemineau harassé puisse élancher sa soif et se rafraîchir, ainsi les Loges maçonni- ques devraient-elles placer de telles fontaines intellectuelles à la por- tée de leurs membres. Ces fontaines, ce sonlles bibliothèques ; et la Loge qui dépense cinquante dollars, ou à peu près, pour un banquet et se passe de bibliothèque, commet une grave faute maçonnique, car elle refuse, ou tout au moins néglige, de répandre la lumière parmi ses enfants, comme c'est son devoir de le faire.
« Il y a cette diftérence entre deux loges dont l'une a sa biblio- thèque el dont l'autre en est privée, que la seconde est plus igno- rante que la première. Si une Loge prend plaisir à être composée de membres igorants. (ju'elle renonce à la bibliothèque. Si, au con- traire, elle pense qu'il y va de son honneur et de sa réputation que ses membres soient très instruits, qu'elle leur donne les moyens d'étudier ».
Il nous est bien difficile de comprendre, à nous qui ne sommes pas initiés, quel est cet impérieux besoin de bibliothèques maçon- niques, puisque les bijoux de l'Ordre sont si bien gardés dans les cassettes des monuments de l'Institution dont les membres ont été formés par l'enseignement oral, el puisque chaque Frère est une fontaine toute prête à déverser les flots de l'instruction dans une oreille attentive, au moyen d'un langage qui puise ses richesses dans le trésor des cœurs fidèles, pour employer les belles métaphores du rituel. Mais nous avons de bonnes raisons de croir*^ qu'il y a là plus de poésie dans la forme que de vérité dans le fond.
D'accord ou non avec lui-même, ce qui nous est indilTérent, no- ire auteur n'est certainement pas satisfait de l'instruction orale donnée par la Loge. Il est favorable aux publications, aux ouvra- ges écrits sur la philosophie, le symbolisme et les principes de la Franc-Maçonnerie dans l'intérêt des Frères.
« Nous exprimions, il y a plusieurs années, dit-il, nos sentiments
24 LENSKIGNEMENT MAÇONNIQUE
sur ce sujet, niais nous sommes heureux d'avoir occasion de les répéter.
« Aucun Maçon ne parvient de nos jours à une situation tant soil peu distinguée dans la Fraternité s'il n'est sulfisamment instruit. Si ses éludes se sont limitées à ce qu'enseisi^nent les brèves leçons de la Loge, il lui est impossible d'apprécier exactement les lins et la nature de la Franc-Maçonnerie en tant que science spéculative. Les leçons ne sont que le squelette de la science maçonnique. Les muscles, les nerfs et les vaisseaux sant<uins qui doivent animer ce squelette sans vie et lui donner beauté, santé et vigueur, sont contenus dans les commentaires de ces leçons, que l'élude et les recherches des écrivains maçonniques donnent à l'étudiant en Maçonnerie '».
Mais si le bien que font les écrits maçonniques est si grand pour l'instruction de la Fraternité, si les bijoux précieux enfermés dans les cœurs fidèles ne sont, après lout, >< tpi'un squelette inanimé » auquel il man([ue ^excusez le mélange des tiguresj, nerfs, muscles et force vitale que peuvent seuls donner les commentaires écrits, qui sera assez naïf pour s'imaginer (jue la Maçonnerie a confié ses arcanes à la tradition orale simplement parce que c'était le seul moyen fidèle de les conserver intacts?
11 continue : « On objecte que l'on risque de donner trop de lumière au monde extérieur en écrivant des traités et des disserta- tions sur des sujets maçonniques; ces objections ne sont point du tout confirmées par l'expérience. Les auteurs maçonniques ont écrit presque sans restriction en Angleterre, en France et en Allemagne, excepté pour ce qui est profondément ésotérique ; et cependant nous ne croyons pas que le monde profane en soit pour cela plus avisé dans ces contrées que chez nous sur les secrets de la Franc- Maçonnerie. Le monde extérieur est resté, malgré ces publications, aussi ignorant des aporrhêta de notre Art, (|ue si l'on n'avait jamais écrit un seul ouvrage sur ce sujet ; tandis (|ue le monde intérieur — la Fraternité elle-même — a été éclairé el inslruil, et sa concep- tion de la Maçonnerie (non comme association charilnble ou sociale, mais en tant (pie philosophie, science et religion - 1 en a été élevée et élargie ».
Comme vous le voyez, le Dr. Mackey nous conduit petit à petit, parfois incidemment, vers des idées nouvelles sur la Franc-Maçon- nerie américaine. Ce n'est pas une simple institution charitable ou
1. ilncijclopaidUt, p. <(17.
'2. Les mots en ilalii|ue qui se tioiiveiil dans cet ouvai^e sont presiiue tou- jours soulignés par nous. Ici, la partMitlit'-si' est du Dr. MacUev.
l'enseignement maçonnique 25
sociale — c'est une science, une philosophie, un système de morale, une religion. La Maçonnerie française, anglaise, américaine, ne font plus qu'un — l'Art, l'Instilution, la Fraternité, etc., sont tou- jours au singulier.
Mais nous ne faisons que noter ces choses au passage, cher lecteur, car elles feront le sujet d'une étude spéciale dans les chapitres suivants. Si donc vous n'êtes pas encore suffîsamment préparé pour en croire la parole de notre auteur, suspendez votre jugement jusqu'à ce qu'il ait pu vous instruire tout au long, en s'étendant sur chaque point. Nous lui sommes cependant reconnais- sant de croire si fermement >( qu'on ne saurait trop écrire, lire et imprimer sur la philosophie, l'histoire, la science et le symbolisme de la Franc-Maçonnerie, pourvu que les écrits soient toujours confiés à ceux qui comprennent convenablement leur art. En Maçonnerie, comme en astronomie, en géologie ou en tout autre art ou science, on 4oit considérer un ouvrage nouveau, écrit par un homme compétent, comme une acquisition précieuse. Les productions des sots ou des esprits indisciplinés tomberont d'elles-mêmes dans l'oubli, sans que la persécution olTicielle s'en mêle ; mais celles qui ont réellement de la valeur, qui présentent des faits nouveaux, ou qui donnent nais- sance à des pensées fécondes, vivront, en dépit de ce que disent les Jack Gade de la Maçonnerie, pour instruire les Frères et élever le niveau de l'Institution et le rang qu'elle occupe * ».
La comparaison avec les Jack Cade de la Maçonnerie regarde les Maçons et les Grandes Loges maçonniques qui, contrairement à lui, affirmèrent que les écrits maçonniques firent plus de « mal que de bien », et que la Maçonnerie existait et florissait sans eux dans l'harmonie et le bonheur ^ ».
Nous sommes de l'avis du Dr. Mackey quand il dit qu'on ne sau- rait trop écrire, imprimer et lire sur l'Institution; c'est pour cela que nous avons composé le présent petit volume à l'intention de ceux qui ne pourraient consulter les énormes ouvrages du Docteur, ou qui les trouveraient trop compliqués. Nous sommes encore de son avis lorsqu'il prétend que la Fraternité devrait confier le soin d'écrire sur elle à ceux qui comprennent bien l'Art, car nous ne serons sûrs de recevoir la vraie doctrine maçonnique qu'à celle con- dition. Nous admettons que le temps est la meilleure épreuve du mérite, et le fait que les œuvres du Dr. Mackey sont encore, après tant d'années, les livres classiques de la Fraternité américaine, prouve en faveur de leur mérite maçonnique, et nous est une garan-
1. Encyclopaedia, p. tilC).
2. Ibid., p. 616.
'26 l'eNSKIGNKMENT MArONMOlE
tie considérable (inVn les prenant pour ij-uides, nous ne pouvons pas nous égarer.
Nous avons cependant refusé dans notre Intioiiuction de le suivre en ceci, qui est sa conclusion :
« La vérité est que ceux qui ne sont pas Maçons ne lisent jamais d'ouvrages aulhenti(pies de Maçonnerie, ils n'ont aucun intérêt aux sujets (jui y sont discutés ; d'ailleurs, ils ne pourraient les comprendre, n'ayant point reçu celle éducation préparatoire que la Loge seule peut donner. En sorte cjue, si un écrivain faisait une incursion dans ce qui peut être appelé très réellement les arcanes de la Maçonnerie, il n'y aurait aucun danger qu'il fît par là même une révélation inopporlune à des gens qui sont incapables de la recevoir ' ».
La vérité est (jue nous, les |)roranes,nous lisons parfois d'authen- tiques ouvrages maçonniques; la vérité est que nous nous intéressons vivement aux sujets qu'ils traitent ; et nous espérons que le Dr. Mackey, bien qu'il soit intentionnellement obscur, nous laissera, malgré cela, assez de lumière pour comprendre en substance, tout au moins, leur vraie signification.
Xous vous avons mis sous les yeux, cher lecteur, les deux métho- des d'enseignement maçonnique, la méthode orale, la méthode écrite. A la première sont confiées les doctrines secrètes ou ésoté- iqiies ; à la seconde, les doctrines « monitoriales » ou exotériques. Le nombre et la nature des choses qu'il est défendu d'écrire et qui ne peuvent être communiquées que verbalement sont plus on moins restreints ou élargis suivant les Maçons et les Loges maçonniques. Les sujets traités et la manière dont ils le sont dans les livres ma- çonniques dépendront, par conséquent, du plus ou moins de restric- tion ou d'extension accordé par l'auteur.
La Franc-Maçonnerie américaine admet donc qu'elle a des arca- nes qu'elle ne veut pas exposer à l'impur regard de nos yeux profa- nes ; elle convient en outre, comme elle y est obligée, que, même [>armi ses |)ropres membres, ceux d'un degré inférieur sont soi- gneusement écartés des arcanes du gi'ade supérieur, et que nous, profanes, nous le sommes de tous. Klle explique sa conduite par l'exemple de toutes les religions variées du [)aganisme, et cherche à faire de la primitive Kglise chrétienne une ade|)te de celle doc- trine, comme si la religion du divin Maiire, instituée pour ensei - gner toutes les nations, et ipii a reçu Tordre de leur enseigner « tout ce (pi'Il a ordonné », trahissait aciuellement sa mission en ensei-
1. l'Jnci/rlop.i ilia. p. i')]7.
LENSEIGNEMI.NT MAÇONNIQUE 27
gnant une doctrine au commun du peuple, tandis qu'elle en réserve- rait une autre^ toute dillerente et secrète, pour ses adeptes.
En ce qui concerne cette doctrine orale, chaque Grande Loge est, dans sa propre juridiction, la dernière (^our d'appel — on n'a pas le droit de juger soi-même, de discuter, d'avoir une interpré- tation personnelle; lejugf^menl doit être reçu tel qu'il est. C'est ainsi que les schismes en matière doctrinale sont évités, » et de là vient, dit le Dr. Mackey, qu'il n'existe pas d'institution où il y ait eu si peu de controverses, et de si minime imi)ortance, en ce qui con- cerne ses docti'ines essentielles et fondamentales ».
Il est vrai que ce tribunal suprême peut errer ; il est vrai qu'il s'est trompé; il est certain, par conséquent, qu'il n'est pas le porte- parole de la vérité : ce qui peut enseigner l'erreur n'est évidem- ment pas le porte-parole île la vérité. L'absence de schismes n'est donc pas à la louange de la .Maçonnerie ; car, n'étant pas la règle de la vérité, puisqu'elle peut commettre T'^rreur, ainsi que nous l'avons vu. l'iniilé qu'elle obtient et dont elle est si fière, pourrait bien être l'unité dans l'erreur, ce qui est le plus grand mal de l'esprit hu- main. Le schisme dans la cause de la vérité est infiniment préféra- ble à l'unité dans l'erreur. Cependant, malgré la nature chance- lante du jugement de la Maçonnerie, toute intelligence maçonni- que est obligée de se courber devant lui, sans recours.
De plus, celte instruction orale, gardienne et dépositaire des tré- sors les plus précieux de la vérité maçonnique, est souvent confiée à des maîtres ignorants ; elle est, par sa nature même, exposée à de constantes variations ; on pourrait, en réalité, prouver qu'elle a subi des changements importants dus à « la trahison de la mé- moire, à la faiblesse du jugement et à la fertilité de l'imagination », qui « conduisent les hommes à oublier, à diminuer ou à augmenter les parties d'un système quelconque qui n'est pas maintenu dans certaines limites fixées par une règle écrite' ».
Et malgré lout cela, on ne peut songer à abandonner la méthode orale. La Maçonnerie est obligée de s'y tenir, en dépit de tous ses inconvénients, de toutes ses erreurs et incertitudes — ou de périr. Retirez-luî son secret et vous lui retirerez la vie. Ouoiqu'étant les mêmes, sa philosophie, ses symboles, ses doctrines seraient autant de rebuts qui moisiraient sur des rayons d'antiquités littéraires ; son système serait méprisé et ses Loges désertées.
L'éloge ties écrits maçonniques qui retentit si fort à nos oreilles, proclamant leur importance et leur utilité, est en étrange contradic- tion avec tout ceci. La dillérence qui existe entre les Loges qui j)ra-
1. Plus liaut, p. l'.t.
28 LENSEIGNEMENT MAÇONNIQUE
tiquent rinslruclion orale mais qui n'ont pas lie bibliothèque, et les Loges qui en ont une, est que les premières sont plus ignorantes que les secondes. Bi^n loin d'être satisfait des enseignements oraux de la Loge, le Dr. Mackey les appelle « le squelette inanimé de la Ma- çonnerie, auquel les commentaires écrits communiquent vitalité, beauté, santé et vigueur», en lui donnant « des muscles, des nerfs et des vaisseaux sanguins '».
Pourquoi, alors, ne pas soustraire les principes de la Maçonnerie à la domination de *< la mémoire traîtresse, du jugement faible et de l'imagination fertile »,et pourquoi ne pas les confier aux vivifian- tes mains de linslruction écrite ? Pourquoi la Maçonnerie, s'il est vrai qu'elle délient une mission de suprême importance pour l'hu- manité, considère-t-elle la parole écrite comme devant lui porter le coup mortel ?
Les raisons du Dr. Mackey ne satisfont pas res[)ril. Nous pourrions en suggérer d"aulres, mais nous ne ferons (|ue suggérer les deux suivantes : 1'- sa mission, à cause de sa nature même, des preuves sur lescjuelles elle s'appuie, des fins vers lesquelles elle tend, pourrait bien avoir grand besoin du voilede l'obscurité pour cacher ses traits essentiels, qui, s'ils étaient tout d'un coup découverts, éloigneraient un grand nombre de ceux qu'elle attire par son mystère; 2'' en révé- lant soudain tout à tous, le moyen qu'emploie la Maçonnerie avec tant de tact, comme nous l'assure le F. . Pike, de faire croire à ses membres des grades inférieurs qu'ils en savent long, alors qu'en vérité ils savent très peu de chose, et de leur persuader qu'elle est sur le point de leur révéler la lumière, alors qu'elle n'a aucune intention de le faire, ce moyen, dis je, ne trouverait plus place dans le système maçonnique. Ce besoin de se cacher dans les ténèbres, ce besoin de déception est totalement incompréhensible, si la Maçonnerie est ce qu'elle prétend être, une « Ecole de Vérité ».
1. Plus liMul. p. -24.
CHAPITRE HI
Des Moyens d'Instruction dans la Franc-Maçonnerie américaine.
Nous avons exposé dans le chapitre précédent les méthodes qu'emploie la Franc-Maçonnerie américaine pour communiquer son enseignement ; nous allons maintenant examiner brièvement les moyens dont elle se sert dans ce but. On les appelle symboles et allégories, et Ion peut facilement se rendre compte de leurs rap- ports étroits avec la Maçonnerie par le fait qu'ils forment une par- tie de la définition qu'elle donne d'elle-même à ses initiés, quand elle leur dit qu'elle « est un système de moralité voilé par l'allégo- rie et éclairé par les symboles ». L'allégorie, pour cacher les doc- trines maçonniquesnux regardsindiscretsdesnon-initiés et des profa- nes ; les symboles, afin d'illuminer pour l'œil maçonnique le systè- me de morale qu'elle communique — tels sont les moyens d'Ins- truction qu'emploie la Maçonnerie.
Mais qu'est-ce qu'un symbole ? Ouest-ce qu'une allégorie ? Il nous faut ici supplier nos lecteurs de nous être indulgents si nous nous permettons de les inviter à nous suivre dans l'étude d'un sujet un peu ardu peut-être, mais dont l'intérêt consiste en ce qu'il permet de découvrir une grande partie de ce que la Maçonnerie voudrait tant tenir caché. Ses secrets sont enveloppés dans les symboles et les allégories ; nous ne saurions avancer bien loin dans notre étude de la Maçonnerie américaine si nous ne comprenions clairement la na- ture des uns et des autres. Sachons acheter par un peu d'attention et de patience une science qui nous sera grandement utile.
Mettons-nous donc à la recherche d'une définition du symbole, tel qu'il est pratiqué en Maçonnerie; nous la trouvons à la page 466 du Lexique de Franc-Maçonnerie du Dr. INIackey. « Un symbole, dit-il, est une image sensible employée pour exprimer une idée occulte mais analogique ».
Le symbole maçonnique exige donc ti'ois conditions : 1" il doit consister en quelque chose qui puisse être perçu par les sens; 2° un rapport doit exister entre la chose qui représente et la chose repré- sentée ; 3" et, ceci est la condition essentiellement maçonnique, il faul(}urrerapporl et lesensqu'ilcontient soient occultes. D'où il res-
30 DES MOYENS d'i.NSTRICTION
sort que lout symbolisme ijui nesl pas secret, n'est pas maroiiui- que. Celui <jue tonl le monde comprend n"esl sûrement pas la j)ro- priélé exclusive de la Fralernilé. Ne vous laissez donc plus si facilement tromper à lavenir. Vous veiTez l'Ancre ; vous verrez l'Arche, vous verrez la Croix ; vous pourrez même voir la lettre G a\ï milieu d\\n halo lumineux symbolisant la Divinilé ; vous (croirez com|)rendre tout cela — votre intelligence n'aura aucune dillicullé à interpréter tout cela quoi de plus simple et de plus évident? Et cependant vous serez dans une regrettable erreur si vous croyez que le sens maçonnique est celui que vous imaginez. Pour être ma- çonnique, fixez bien ceci dans votre esprit, il faut que le sens soit secret ou occulte. Vos interprétations sont les plus simples, les plus communes du monde profane ; elles manquent de la qualité carac- téristiijiie requise par la définition du Dr. .Mackey — elles ne sont pas occultes. C'est dans l'Encyclopédie, p. 50, que le Dr. Mackey traite de l'Allégorie. 11 dit : « L'Allégorie est « un discours ou une narration dans lequel il y a un sens littéral el un sens figuré, une signification évidente et un sens qui s'y rappoite ; le sens lilléi-al ou évident ayant pour but d'indiquer, par analogie ou comparaison, le sens figuré ou caché. Le caractère d'une allégorie est exactement exprimé par l'origine grecque du mot ûW/.o; et iyopi'jevj, dire(|uelque chose de ditterent, ou, en d'autres termes, s'exprimer île telle façon que le langage dise une chose alors que le véritable sens en est une autre ».
« On a dit, continue-t-il, qu'il n'y a pas de différence essentielle entre une allégorie et un symbole. 11 n'y en a pas dans l'intention, mais il en existe dans le caractère. On peut interpréter une allégo- rie suns aucune entente préalable; on ne peut en faire autant pour im symbole. .Vinsi la légende du troisième degré est une allégorie que l'on doit éviilemment interpréter comme enseignant un retour à la vie; et c'est la légende elie-mème qui nous l'apprend, sans qu'on se soif mis d'accord. La branche d'acacia est un symbole de l'im- mortalité de l'âme. Mais nous ne savons ceci que parce que cette signification a été déterminée conventionnellemcMit lorsque le sym- bole a été institué. Il est ilonc évident tju'une allégorie dont le sens est obscur est imparfaite. Sa signification énigmalique devrait sin- terprétfM" facilement ; c'est ce qui a fait dire au poète fi'ancais Le- mière : < Ldllcrjoiue halnle un palais diaphane ». — Toutes les lé- gende^ de la l''ranc-Maronnerie soid |»lus on moins allt'goritpies, et, quelle que soit la part de vérité cpiil y ail dans |)lusi(îurs d'entre elles, au point dc' vue historique, elles n'ont d'inqiorlance (pi'en tant qu'allégories ou syndîoles légendaires. Les Leçons Anglaises ont par conséipient doiuié une définition très juste de la l'ranc-Maçon-
DANS LA FRA\C-MAÇO-\-\ERIE AMERICAINE 31
nerie en disant quelle est « un système de moralité enveloppé dans l'allégorie et éclairé par les symboles ».
Ce que dit notre auteur de la transparence de l'allégorie ne s'a- dresse qu'à ceux pour qui elle a été composée: c'est-à-dire aux seuls membres de la Fraternité. Il est clair, en elï'et, que, toutes les par- lies du système maçonni([ue ayant été expressément inventées pour empêcher la lumière mat;onnique de venir jusqu'à nous, profanes, qui sommes en dehors des portiques de l'Art, et que l'allégorie étant une partie de telle importance qu'elle entre dans la définition même de la .Maçonnerie, celui-là serait aveugle qui ne voudrait pas convenir que là où l'on a eu l'intention de mettre seulement un voile pour les initiés, on a bien entendu placer un mur de bronze pour nous autres. Mais nous nous rendrons compte de ceci de mieux en mieux, à mesure que nous avancerons dans notre étude.
Peut-être pensez-vous, cher lecteur, que nous avons trop insisté sur le « secret» des symboles maçonniques, et nous ne songeons pas à vous blâmer de la naïveté de votrejugement. Non seulement notre auteur nous dit exactement la même chose, mais il va jus({u'à nous donner un exemple : « Une allégorie, dit-il, peut être interprétée sans qu'il y ait eu entente préalable, mais un symbole ne le peut pas ». « La branche d'acacia est un symbole de l'immortalité de l'âme. Mais nous ne savons cela que parce que cette signification a été conventionnellemenl déterminée lorsque le symbole a été ins- titué ». Ce n'est donc pas parce que l'acacia est toujours vert qu'il représente l'immortalité maçonnique de l'àme ; ce n'est pas non plus, comme le prétend Ragon, ' à cause de l'incorruptibilité de son bois ; car ces deux raisons sont tirées de la nature du bois et non d'un accord, d'une convention. Nous, les profanes, interprétons ainsi ce symbole. C'est l'interprétation courante, simple, évidente, qui se présente d'elle-même à l'esprit. Nous pensions naïvement que telle était celle que lui attribuait la Maçonnerie. C'est, en effet, de telle sorte qn'elle interprétait pour nous le symbole. Nous avions tout naturellement confiance en elle, car nous n'avions pas appris que la Maçonnerie, sans aucun scrupule de conscience, bien mieux, pour imiter ce qu'elle prétend être la conduite de Dieu envers les hommes, induit intentionnellement en erreur ses propres membres; nous n'avions pas appris qu'un « emblème », pour être maçonnique, devait être occulte, et nous étions dans l'heureuse ignorance du fait que le sens maçonnique est purement conventionnel ; c'est une question d'entente préalable.
« Il appartient à chaque Maçon individuellement, dit le F.".
1. Encyclopaadia, p. r)6.
30 DES MOYENS n'iNSTRUCTlON
Pike' . lie découvrir le secret de la Maçonnerie par la réflexion sur ses symboles et par une considération et une analyse approfondies de ce qui se dit et se fait dans l'œuvre. La Maçonnerie n'inculque pas ses vérités. Elle les énonce une ibis pour toutes et brièvement ; on V fait allusion peut-être obscurément ; on interpose un nuage entre elles et les yeux qu'elles éblouiraient. « Cherchez, et vous trouverez la science et la vérité - ».
Et encore'': « Ces degrés ont également pour but d'enseigner /:)/us que la morale. Les si/mboles et cérémonies de la Maçonnerie ont plus d'une signification. Ils cachent la ^'érité plutôt qu'ils ne la dévoilenti ou tout au moins ils se bornent à y faire allusion, et leurs signifi- cations variées ne peuvent être découvertes que par la réflexion et l'étude* ».
L'Apprenti enrôlé, le novice en Maçonnerie lui-même, est mis sur ses gardes par la Maçonnerie.
<( Il faut avouer, dit le Ritualiste Maçonnique, p. 41, que bien des interprétations données dans cette section (la seconde de la leçon) sont insuffisantes pour l'esprit cultivé et semblent avoir été adoptées d'après le principe des anciens Egyptiens, qui employaient les sym- boles pour cacher plutôt que pour exprimer leurs pensées ».
Ces te.\tes sont certes suflisants pour nous mettre à notre tour 'sur nos gardes, car celui qu'ils n'instruiront pas est privé de la faculté de pouvoir s'instruire. Attend-il que la Maçonnerie lui nculque la vérité? Il attendra en vain 1 « La Maçonnerie n inculque pas ses vérités. Elle les énonce une fois pour toutes, et brièvement», dit le F.-. Pike ^ L'italique n'est pas de nous, mais de lui.
Convenons en toute franchise que les moyens choisis par la Fra- ternité pour communiquer ses doctrines sont admirablement adap- tés au but qu'elle se propose. Car, outre la beauté et la force inhé- rentes au symbole et à l'allégorie, la nature indéfinie de l'un et de l'autre prête à leur faire couvi'ir facilement une grande variété de significations, et, par là même, donne libre cours à une infinité d'applications; ils enseigneront ainsi une (|uantilé de leçons vai'iées dans les différents degrés.
Ce vague est d'ailleurs la ii^arauiie la [)liis sine du secret ; car, en piésenfanl au monde ses symboles, la Ma<;onnerie semble s'exposer elle-même au grand jour. Elle peut en appchM- à ses symboles comme
I. .Mnrnl.f and lioijnui, j). '21S. •2. I.il.ili(|ue csl «le l^itvt'. ;{. .Mnrdl.t and I)o<jma, p. 1-18.
J. ,\ |);irl les mots raclienl el dévoilent, c est nous (jni soulignons ici. r>. l't auitni. '
DANS LA FRANC-MAÇONNERÏE AMERICAINE Oo
à ses témoins, en les montrant du doigt avec orgueil. Ne voyez-vous pas la croix? Ne voyez-vous pas la couronne? Ne voyez-vous pas leur union? Ne savez-voLis pas cpie « celui qui porte la croix portera la couronne?» Mais est-ce là le sens macjonnique ? Ah I voilà qui est tout autre chose.
C'est ainsi que la Maçonnerie est à même dincuhjuer plus d'une leçon pleine de beauté et d'attrait, qui, précisément parce qu'elles sont « inculquées », ne sont pas vraiment maçonniques, caries vé- rités maçonniques ne sont qu' « énoncées »,et on n'y fait qu'une al- lusion qui peut être obscure ». Elle réussit de celte façon à s'atti- rer les sympathies et l'appui des profanes ignorants qui croiront en toute simplicité que les symboles n'ont d'autre importance que celle que le reste de l'humanité leur attribue. Elle aveugle par ce moyen les membres des grades inférieurs en paiaissanl expliquer ce qu'elle n'explique point ; et, en les familiarisant avec des symbo- les dont ils ne peuvent soupçonner l'étendue, elle les prépare à une luanifestalion ultérieure, si elle la juge prudente, on elle les laisse dans une douce ignorance, si elle croit que ses cancUdals ne i)Our- raient supporter la plénitude de la lumière. Maintenant, si à l'incer- tain qui s'attache naturellement aux s}mboles et à l'allégorie, vous ajoutez celui qui provient d'une simple convention humaine — du commun accord des })arliesqui instituent le symboh» — vous vous rendrez compte sur le champ du nond>re intiniment accru des si- gnifications que peut contenir le symbole, en même temps que de la difficulté que ceux qui ne sont pas instruits peuvent avoir à en pénétrer le véritable sens.
Mais il est probable que nous parviendrons mieux à vous faire saisir cette idée en citant le Dr. Mackey, qui est évidemment plus versé que nous dans ce sujet.
« D'après Porphyre, dit-il, la ditïérence qui existait entre l'écriture hiéroglyphique et l'écriture symbolique des Egyptiens, consistait en ce que la première exprimait le sens par une imitation de la chose représentée: la fumée, par exemple, indiquaillefeu ; Inndis que la seconde présentait une allégorie du sujet par une énigme : un faucon représentait généralement le soleil, une mouche exprimait l'impudence. La première de ces méthodes était à la portée de tous ceux qui voulaient l'apprendre ; l'autre était réservée aux prêtres dans le but de servir à l'instruction mystique ; et elle était, comme je l'ai déjà dit, communiquée aux seuls initiés* ». Les preuves abondent pour démontrer combien le système énigmatique, ren- dait tonte découverte difficile aux non-initiés et combien il voihut
1. Lexicon of Freemasonry, p. 467.
'M ni:S MOYENS dinstrlction
soigueuseineiil les iiléos qui dovaienl rosier cachées. (jiiclle hililude il laissai! à riiilcrprctalioii 1
Un aiili'e avanlaiifc. qui nesl pas des moiudres — clant donné la valeur justement attachée aux commentaires maçonniques — est (juil accorde à l'écrivain maçon un champ d'action plus vaste el une liberté d'interprétation à laquelle il aurait dillicilement pu pré- tendre s'il en eût été dilTéreminenl. Car, outre l'avantage qu'il a de communiquer la science aux initiés tout en laissant les non-initiés dans la plus profonde ignorance des doctrines [)articulières de l'Or- dre, l'auteur maçonuiipie peut énumérer les dilTérents sens attri- bués en des temps dillerenls, par dillerentes personnes, au symbole en question, sans qu'il soit obligé de paraître pencher pour l'un plutôt que pour l'autre. Chaque lecteur peut choisir sa propre inter- prétation suivant le sens qui lui est commvmiqué oralement dans la Loge ; quant au profane bénévole, il se demandera quel intérêt la Maçonnerie peut avoir à communiquer à ses fidèles certaines inter- prétations, et, se plaçant à un point de vue chrétien, s'il est chré- tien, il supposera que ces interprétations sont tout simplement données à titre de document littéraire, et non comme des parties intégrales et essentielles du système maçonni(pie. Quelques exemples éclairciront ce i)oinl. Prenons, entre autres, le symbole de la Rose.
« Le symbolisme de la rose, parmi les anciens, était double, dit notre auteur. Premièrement, comme elle était dédiée à \'énus eu tant que déesse de l'amour, elle devint le symbole du secret; de là vint l'expression « sous la rose » pour indiquer ce qui avait été dit en confidence. Puis, comme elle avait été dédiée à Vénus person- nifiant la force génératrice de la nature, elle devint le symbole de l'immortalité. C'est avec ce dernier sens, plus caché, (pie, dans le symbolisme chrétien, elle fut l'emblème du Christ, par cpii ■< la vie el l'immorlaHlé furent apportées à la lumière >'. La « rose de Saron », dans le Cantique des Cantiques, a de tout temps repré- senté le Christ, el c'est pourquoi l'uller ' l'appelle « cette rose el ce lis en pleine floraison ».
" (Jiesl ainsi que nous saisissons, ajoule-l-il, le sens de la rose sur la croix comme faisant partie du bijou «lu degré de Hose-C-roix. Heghellini -, après avoir montré (pranciciniemcnt la rose était le symbole du secret, el la croix celui de l'immortalité, dit (jne le doid)le symbole de la rose posée sur la croix a toujours signitié le secret de I iiiiniorlalité. lîagon partage celle opinion el dit
1. i'istfiili Siijlil of J'itlesliiie. 'î. 1 . "l, 1). ris.
DANS LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE 35
({lie c'est la manière la plus simple de présenler ce dogme. Mais il donne par la suile une explication diiTérenle, disant que, comme la rose était l'emblème du principe féminin, et la croix ou triple phallus celui du mâle, les deux ensemble, de même (pie le >< lingam » indien, symbolisaient la génération universelle. iMais Ragon, qui a adopté la théorie de l'origine astronomique de la Franc-Maçonnerie, porte souvent, comme tous les théoriciens, ses spéculations sur ce sujet à un point extrême. Une interprétation plus simple conviendra mieux au caractère et aux enseignements de ce degré dans son organisation moderne. La rose est le symbole du Christ et la croix est le symbole de sa mort. Les deux réunis — la rose suspendue sur la croix — signifient sa mort sur la croiv. par hiquelle le secret de rjmmortalité fut enseigné au monde. En un mol. la rose sur la croix, c'est le Christ crucifié '».
Nuus avons ici un symbolisme ({ui commence à Vénus et finit au Christ. Les points extrêmes sont assez éloignés l'un de l'autre pour laisser le champ libre à une multitude innombrable d'interpré- tations, au choix de l'interprète. Le Dr. Mackey nous dit (jue Ragon, comme tous les théoriciens, porte trop loin ses spécu- lations ; il ne dit pas cependant que tel est ici le cas. Mais nous parlerons plus au long de ce symbolisme en temps voulu.
En dépit de l'allirmation positive du Dr. Mackey sur la nature chrétienne du grade de Rose-Croix, nous sommes obligé de mettre en doute la sincérité de sa doctrine jugée au vrai point de vue ma- çonnique. Le seul fait d'être si simplement inculquée lui enlève son cachet de sincérité ; » les vraies, les profondes doctrines de la Maç(jnnerie ne sont pas incidquées ; on y fait simplemenl al- lusion - ■•.
Mais, de peui- que noire lecleur ne puisse croii'e qu'apiès tout, nous insistons trop sur ce principe et ([ue nous donnons trop d'im- portance à un point qui pounail nalurellement admettre des excep- tions, nous allons appeler à notre aide le F.-. Pike, qui écrit ex professa sur ce sujet :
« (^.hacun de nous l'ail Idle ap|)licali()ii qu'il juge convenable des symboles et cérémonies de ce degré (Chevalier Rose-Croix, le 18" du Rite Ecossais Ancien et Acceptera sa proi)re foi et à son pro{>re evedii... C'est comme dans la légende du Maître Khurum, où les uns voient la condamnation et les soulTrances du Christ figurées.; d'autres, celles de l'infortuné (irand Maître des Templiers; d'autres encore, celles de Cliarles F', roi d'Angleterre, et d'autres enfin,
1. Encyclopaedia, pp. (>58-()59. ?. Plus hnuf p. 32.
36 PES MOYENS d'iNSTRICTION
la descente annuelle du Soleil au solslice d'hiviM- dans les régions des ténèbres, qui fui la base de plus d'une léii:en(le aulicjuo. Ainsi, les cérémonies de ce degré sont expliquées de façons dilTéreules ; chacun les interprétant à sa guise et admettant sans peine l'inter- prétation daulrui ».
« Sans cela, continue-l-il, la Maçonnerie ne jioiurnil })as posséder son caractère d'Universalité, ce caractère (pii lui a toujours été particulier depuis son origine'». L'explication de nature essentielle- ment chrétienne donnée par le Dr. Mackey comme étant la seule vraie n'a donc en fait aucun fondement. N'importe quelle autre est maçonniquement aussi légitime. Nous n'en dirons pas plus long quant à présent.
Pike dit encore, à la page 290 : « Si, en quelque endroit, les frères dune religion particulière ont été exclus de ce grade (celui de Rose-Croix), cela montre simplement combien le plan et les fins de la Maçonnerie peuvent être gravement incompris, ("ar. du moment où un degré quelconque ferme sa porte à celui ({ui croit en un seul Dieu et à l'immortalité de l'àme. en prenant prétexte des autres prinei[>es de sa foi, ce degré n'est plus la Maçonnerie. Aucun Maçon n'a le droit d'imposer à un autre son interprétation des symboles de ce degré ou de lui en refuser les mystères pour le seul motif qu'il n'admet pas avec eux l'explication et le commentaire sur- ajoutés ". Le grade n'est donc pas essentiellement chrétien. S'il était restreint à la chrétienté, il ne serait plus la Maçonnerie, ce que le F.-. Mackey sait tout aussi bien que le F.-. Pike.
« Ecoutez, mon Frère, ajoute le F.-. Pike, noire explication des symboles du degré, puis donnez-leur alors telle interprétation plus complète que vous jugerez à propos ».
Voici son explication:
« La Croix, dit-il. a élé un symlx^le saeié de[)uis la plus haute antiipiilé. Ou la trouve sur tous les monuments durables du monde, en Ei^vpte, en As.syrie, dans l'Inde, en Perse et sur les tours bo\iddhiques de l'Irlande. On a dit que liouddha était mort en croix. Les Druides coupaient un chftne, en formaient une croix et la regardaient comme sacrée ; ils donnaient à leurs temples la forme de la croix. Par ses extrémités dirigées vers les quatre points cardinaux, elle symbolisait la nature universelle C'est sur un arbre cruciforme que Chrishna expira, tlit-on, percé de llèches. On le véné- rait au Mexique '^ ».
Si le degré était essentiellement chrétien, comme nous le dit le
1. Morals and Dogma, p. 276.
2. L italique est de Pil^e. romme plug liaut.
DANS LA FfiANC-MAÇONNERIE AMERICAINE 3/
Dr. Mackey, et si la rose était le Christ qui périt sur la croix, romission du nom du Rédempteur dans l'énumération du F.-. Pike serait inexplicable. Mais nous n'avons pas besoin d'explication ; le degré nest pas chrétien. Il est de fait si peu chrétien que, tandis que le nom de Chrishna est mentionné — est-ce parce que pour les initiés Chrishna est le prototype dont le Christ chrétien n'est qu'une modification subséquente? — celui du Christ est complètement omis. Une allusion sullit à rhomme intelligent; n'insistons pas sur ce point maintenant. Nous ne voulons qu'éclaircir l'emploi du symbolisme maçonnique.
Vous êtes chrétien; cher lecteur, peut-être même êtes-vous catho- lique et révérez- vous la croix.Vous la révérez, non pas à cause de sa forme, mais parce qu'elle représente le gibet sur lequel le Christ mourut pour racheter les hommes. C'est uniquement pour cela que vous la révérez et non pour autre chose. Entrez dans une Loge de Chevaliers Rose-Croix. Là, bien en vue, au-dessus du siège du Maître, vous apercevez la croix, et, sur la croix, les lettres LN.R.L, et vous vous écriez : « Ah ! voici sûrement un emblème chi'étien, et qui plus est, le voilà placé bien en vue, à la place d'honneur ; cet emblème est indéniablement et distinctement chrétien ; car, même alors que la croix pourrait ne pas l'être, les initiales qu'elle porte, initiales des mots écrits sur la croix du Sauveur, lui donnent un caractère auquel nul ne peut se méprendre ». — Etes-vous svir de tout ceci ? vous demanderons-nous. Ne peut-on s'y méprendre? N'y aurait-il pas quelque signification maçonnique attachée au sym- bole? Souvenez-vous, n'est-ce pas, qu'on nous a déjà éclairés et mis sur nos gardes a ce sujet. Vous souriez, contiant dans votre savoir. Que le F.-. Pike ne se lasse pas de nous instruire, quoique, hélas 1 vous vous montriez récalcitrant.
« Bien des interprétations, dit-il, ont été données au mot INRI (il ne parle pas d'initialesj inscrit sur la CruxAnsala croix ansée) sus- pendue au-dessus du siège du Maître. Le Chrétien Initiéy voit révé- rencieusement les initiales de l'inscription de la croix sur laquelle le Christmourut. — lesusXazai^enus Rex ludxorum.'Les sages de l'an- tiquité la regardaient comme l'un des plus grands secrets de la Na- ture, celui delà régénérationuniverselle. Us l'interprétaient ainsi i/gr/je natiira renouatur intégra (la nature tout entière est renouvelée parle feu). Les Maçons H-^rmétistes ou Alchimistes inventèrent pour lui cet aphorisme : Igné nitriim roris invenitur. Et on accuse les Jé- suites de lui avoir apjjliqué cet odieux axiome : lustum necare reges impios. Les quatre lettres sont les initiales des mots hébraïques qui nomment les quatre éléments — /amw/m, les mers, l'eau ; Nour, le feu ; fiouach, l'air : et lehesrhah. la ferre sèche. Je n'ai pas be-
38 DES MOYENS d'iNSTR ICTION
soin de répéler ici comment nous l'interprélons ' ». Vous qui étiez si sûr de votre sig^ne, lecteur, approndrez-vous à douter ? Vous pouvez le prendre pour un signe chrétien si vous le désirez. On peut y voir : lesus \azarenus Bex /ur/cTorum, Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. Mais c'est là une inlerprétalion commune; or, le monde profane est exclu de la lumière ma(;onnique. Cette interprétation mancpie, par conséquent, du cachet de la vérilé maçonnique, car 1" elle est claire et simple, et non occulte, et 2" tout le monde la connaît, donc elle n'est pas exclusivement maçonnique
La seconde interprétation se rapproche du point où ils veulent en venir. Pcul-ètre lentendez-vous [)ourla première fois. Vous ne vous èles jamais imaginé que I. N. 1«. 1. pouvait signifier autre chose que ce ipie vous aviez toujoius cru : « Jésus de Nazareth, Roi des Juils ». Les sages de lantiijuité, nous dit-on. pensaient différem- ment. Ouels sont ces sages ? On ne nous le dit i)as : -< La Maçon- nerie n'inculque pas ses vérités, elle les énonce ». De quelle anti- <|uité esl-il cpiestion ? Le terme esl ambigu. S'agit-il des temps qui ont précédéravènemenlduChrist?Aucunsagen'a parlédel'I.N.R.L, ni ne la proposé comme étant le Symbole de la maxime : Igné na- iura renovaiiir intégra. Cette maxime et sa signitication ont été transformées en symbole par ceux qui sont venus après le Sauveur, ce que le F.-. Pike sait très bien ;les initiales des mots inscrits sur la croix n'ont pu être copiées sur cette phrase et ne peuvent en pro- venir. Mais pcul-ètie aimeriez-vous à savoir (|uel profond secret ces sages ont tiré du symbole quand ils l'ont «rapproché», comme l'ad- met notre auteur lui-même, de l'inscription de la croix: « La nature entière est renouvelée par le feu ». C'est par la chaleur tlu feu que les métaux qui représentent le règne minéral, sont alVinés et soudés ensemble ; c'est par la chaleur du soleil que les Heurs, les plantes et tout le règne végétal profitent et reprodiu'sent lein's espèces ; c'est |)ar la chaleur du désii- sensuel (|ue le règne animal est renou- velé ; et c est de la concupiscence (pie la race iiinnaine est sortie ; c'est le feu des passions, comnu* nous allons le déinontrer. (pie ces sages ont \u dans le symbole de la croix.
Car, bien tpu' le !•'.■. PiUe peiiiiclte généreusement à cluKpie frère d'interpréter la croix el >ou inscription à sa guise, celte inter- piétation, jiour être viaie. doit èlre d'accord avec la sienne propre, car la ci'oix du grade de Rose-Croix a un seii> ipu lui est inulicu- licr; et notre lecteur sera surpris en voyant (piels ra|)poils étroits il y a entre le principe des prétendus sages et la croix du degré.
1. Morals iinil l)<i</mii. \i. ■,".•! . I.r> mioI- m il.ilii|iif -imt <lo l'iKr.
DANS LA FRANC-MAÇONNEHIE AMÉRICAINK 89
« Mais son sens parliciiliei- dans ce decré. o'it le F.-. Pike, à la page 290 de l'ouvrage cité, est eeliii (jue lui doniient les Anciens Kgvplicns : « Tholh ou Phi ha est leprésenté sur les monuments de la plus haute antiquité, portant dans la main la Crux Ansaia ou Ankh (une croix en forme de Tau, surmonh e d'un anneau ou cer- cle). C'est ainsi qu'on le voit sur la double tablette de Shufu et de Noh Shufu, qui élevèrent la plus haute des Pyramides, à ^^'ady Meghara, dans la presqu'île du Sinaï. C'était l'hiéroglyphe de la vie qui, précédé du triangle comme préfixe, signifiait qui donne la vie. Donc, pour nous, la croix est le symbole de la Vie — de cette vie qui émana de la Divinité et de celle Vie Eternelle que nous espé- rons tous posséder, ayant foi en la bonté infinie de Dieu ».
Sans nous laisser impressionner pour l'instant par la piété appa- rente de notre auteur, ni sans la metlre en doute, cherchons à faire la lumière sur la nature de la croix, la Cvax Ansata, particulière à ce degré; car ce n'est pas la croix ilu Christ telle que l'entendent les Chrétiens, puisqu'elle en dilfère j^ar sa forme; quant à son sens « particulier », il nous le faudra demander au dieu Tholh ou Phlha des Anciens Egyptiens.
« Phlha, dit le F.-. McClenachan dans son Addendum à VEncy- clopa-dia du Dr. Mackey. p. 941, en expliquant le symbolisme de la la couleur verte, était le dieu égyptien Créateur du monde : on le représentait parfois la chair peinte en vert et tenant un sceptre à quatre couleurs, rouge, bleu, vert et jaune; le feu, l'air, l'eau et la terre ». Il s'agit donc, d'après l'idée égyptienne, de la création — et non de la rédemption de l'homme. La Crux Ansaia se rattache au commencement de la vie. L'I.jV.R.'I. qui est dessus serait, selon cette même idée, lammim, l'eau ; A'our, le feu ; Bouacli, l'air; et lebescliah, la terre ; les quatre éléments de la nature universelle.
Mais le F.-. Pike lui-même ne veut pas nous laisser sans lumière sur un sujet auquel on a fait une allusion obscure. Il nous faut aller à une autre page de son intéressant ouvrage, où il parle d'Amun, le dieu suprême des Egyptiens, et des manifestations d'Amun '.
• Il ne créa rien, dit notre auteur, mais tout émana de lui ; et tous les autres dieux ne furent que ses manifestations » La Puis- sance créatrice , autre manifestation de la Divinité, qui produi- sit l'univers par son Verbe, est symbolisée par un œuf sortant de la bouche de K.neph ; de cet œuf naquit Phtha, image de l'Intelligence Suprême telle qu'elle est réalisée dans le monde, et qui est le type de celle qui se manifeste chez l'homme ; Phtha est également le principal agent de la Nature, ou le Feu créateur et producteur >*.
1. Morals and Doijtna, p. 251.
40 PES MOYENS d'iNSTRICTION
Ainsi, cher lecleur, en allant à Phlha. symbolisé par la Crux An- sata, nous avons trouvé que celJe-ci ne signifie pas le Christ, mais le feu créateur el producteur de la Nature, et nous sommes tout étonnés de trouver le sens occulte d"I. N. H. I. : Igné natura renova- tur intégra. Tel est le symholisnie, telles sont quelques-unes des leçons des plus hauts degrés de la .Maçonnerie. Si vous voulez in- terpréter les symboles autrement, vous pouvez le l'aire. La Ma»;on- nerie est clémente à votre ignorance ; mais si vous prêtez l'oreille aux maîtres autorisés qui connaissent les leçons « particulières » destinées à être communiquées dans les divers degrés, vous n'attri- buerez pas (les interprétations évidentes à des symboles qui sont inlentionnellemenl occultes, i L'italique est de Pike).
Prendre au sérieux ce que les ennemis des Jésuites ont dit être rinterprétalion que donne lOrdre aux initiales I. N. R. 1. serait leur faire trop dhonneur. Une assertion aussi gravement inl'àme réclame une autre paternité que celle du douteux « On dit >', pour tenir debout devant un tribunal quelcompie. Une langue sans scru- pule peut dire n'importe quoi, et tout d'abonl : « On dit... » Mais a-t-on (lit justcnienl ".'Oui a dit ? Sur quel l'ondemcnt ? Tout cela n'est pas contenu dans le simple « On dit ». De plus, ce principe laussement attribué aux Jésuites ' a été soutenu et même étendu par quelques-uns des propres Frères de Pike, si nous en croyons Pike.,lui-même ; car d'après lui-, « Elle (la Maçonnerie) aida au soulèvement de la l'évolution Française, » dont le principe fonda- mental n'était pas uniquement : on a « le droit de tuer les rois im- pies », mais « de tuer tous les rois », et non seulement les rois, mais les reines et leur famille. Nous traiterons cependant la Fraternité plus loyalement que le F.-. Pike n'a traité les Jésuites; et même, s'il nous oblige à condamner les Maçons français pour avoir aidé à produire la Révolution qui n'avait pas seulement adopté ce principe, mais qui le mettait en pratique, nous ne l'attribuerons pas par un simple •" On dit » aux « Frères » américains.
Tel est donc le symbolisme si important pour la Maçonnerie, qui lui est essentiel, si nous en croyons le Dr. Mackey.
«C'est, dit-il, ce caractèi-e jtarliculicr d'enseignement syniboii(|ue, cette entière adoption Av la intlliDilc d'instruction par le symbo- lisme <pii donne à la l'ranc-Maçoimei ie sa nature propre, et qui fait (pi'elle dilïère de toute autre association inventée par l'esprit humain. C'est encore à lui qu'elle doit sa perpétuité el cette forme allrayanle qui lui a loujoiirs conquis rattachement de ses disciples ».
1. \<iir hi lin. Jcsuilenfiiheln. 3' é(J.,pit. Gfi'.l ol suiv.
2. Morals ami hoijnin. p. 'i\.
DANS LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE 4
« L'Eglise Catholique Romaine, conlinue-t-il, est peut-être la seule institution qui continue de cultiver jusqu'à un certain point le beau système du symbolisme. Mais ce qui est, dans une large mesure, pour l'Eglise catholique, purement accidentel et le fruit du développement, est la vie même et l'âme de la Maçonnerie, né avec elle dès l'origine, ou, pour mieux dire, c'est le germe duquel l'arbre est sorti et d'oîi il lire encore sa force, sa nourriture et jus- qu'à son existence. Retirez son symbolisme à la Maçonnerie, et vous retirerez l'âme de son corps, ne laissant qu'une masse de matière inerte et sans vie, tout juste propre à une décomposition rapide* ».
Cet aveu de notre auteur est un aveu de la faiblesse intrinsèque de la doctrine maçonnique. Qu'il exalte autant qu'il le voudra la beauté du symbolisme, il n'en reste pas moins évident que le sym- liolisme est la forme qu'emploie la Maçonnerie pour enseigner la vérité, ou plutôt l'enveloppe de la vérité, mais non la vérité elle- même. Que cela soit la vie même et l'âme de la Maçonnerie, c'est possible ; mais cela ne peut être l'âme de la vérité, car ce que l'on exprime par le symbole peut être, et est en fait, exprimé par la parole ; sans l'interprétation orale de la Loge ou le commentaire écrit des Maçons savants, les symboles maçonniques n'en diraient pas plus long aux membres de la Fraternité qu'aux non-initiés. Les symboles maçonniques n'enseignent rien par eux-mêmes. Les Maçons des grades inférieurs lèvent les yeux vers ceux des grades supérieurs et n'en comprennent rien de plus que les profanes. Et cela tient à l'essence même des symboles, car ils ne sont pas les signes naturels d'une idée, mais, comme on nous l'a dit, ils sont des signes conventionnels, des signes dont le sens, dépend uniquement de leurs inventeurs ; et il est impossible de savoir quelle était l'intention de ces inventeurs, à moins qu'on ne nous la communique par la parole ou par l'écriture. La vérité, et surtout la vérité importante, a une beauté, une dignité innées qui lui sont propres et qui sont indépen- dantes de sa forme accidentelle. Elle supportera toute investigation avec sa simplicité sublime, et, s'il est sûr que, tant que l'esprit plane sur les ailes de la pensée, la vérité s'exprimera par des figures, elle sentira, quand il atteindra les sphères du sublime, qu'elle n"a plus besoin des beautés des symboles. Quand Dieu dit: » Que la Lumière soit. Et la Lumière fut », que le Maçon interprète l'idée comme il lui plaira, sa beauté est toute en elle-même et non dans quelque figure que ce soit. Si donc la Maçonnerie ne veut porter la lumière ni dans sa philosophie, ni dans sa science, ni dans son code de morale, si, lorsque le sens occulte est éclairci et le symbolisme détruit, elle
1. Symbolism of Freemasonry, pp.71, 72. 4
42
OES MOYENS D INSTRICTION
n'est plus qu'une masse de matière inerte sans âme, sans vie, il importe à ses adeptes d'examiner attentivement quelles sont les vérités quelle vient otlVir, car ce sont elles qui sont les bijoux pré- cieux de l'humanité, et non leurs montures imaginaires.
Nous regrettons de nous être un peu trop étendu sur les symboles maçonniques, nous ne pouvons, quant à présent, trailer de l'allégorie maçonnique ; mais peut-être que l'étude de la valeur historique des mythes ou légendes maçonniques, car c'est le nom que leur donne à juste titre notre auteur, sera plus à sa place dans une partie sub- séquente de notre travail. iXous connaissons l'objet et l'importance de l'allégorie : elle cache aux non-initiés ce que révèlent les sym- boles aux initiés.
Ainsi donc, cher lecteur, nous vous avons exposé les moyens em- ployés par la Maçonnerie américaine pour enseigner ses docliines. Ces moyens sont les symboles et l'allégorie. La Maçonnerie est un système de morale éclairé par les uns et voilé par l'autre. Les sym- boles de la Maçonnerie ne sont pas des symboles na/i//"e/s, mais con- ventionnels. Ils ne soul point adoptés à cause dune ressemblance naturelle entre les choses, mais en vertu d'un libre accord de leurs inventeurs, qui permet d'en faire un tel usage. Ils sont donc admi- rablement appropriés au secret de la Maçonnerie, qui reste seule gar- dienne de la clef. Et s'il arrive — ce qui n'est pas rare — que les symboles auxquels la Maçonnerie a volontairement attaché un sens occulte ont aussi un sens naturel ou ordinaire, connu de tous, ils n'en ont que plus de valeur comme intermédiaires secrets, car la multitude des profanes sera satisfaite et s'imaginera ({u'elle avance dans la science de l'Art Mystique alors qu'elle restera dans la plus profonde ignorance sur le vrai sens maçonnique de ce qu'elle voit et enlend. Nous avons étudié quehfues symboles et nous nous som- mes demandé |)Our(pioi la Maçonnerie croit devoir enseigner à ses disciples un tel symbolisme. Nous avons été surpris de voir em- ployer et interpréter, d'une façon si contraire à l'idée chrétienne, des symboles couramment emjiloyés dans un sens chrétien et si chers au cœur chrétien. Mais nous en sommes resté à l'étonnement sans chercher à aller plus loin, par ce que nous ne sommes pas encore prêt à jjoursuivre notre étude dans cette direction.
Enfin, nous avons souligné la faiblesse évidente de la philosophie et du système maçonniques, dont l'enseignement est, de l'aveu de tous, insipide, si on ne lagrémenlc des cbarmesempruulés au sym- bolisme occulte. Combien cette doctrine ditVère de celle du divin Maître, qui envoya ses Apôtres prêcher sa doctrine à toute créature et proclamer du haut des toits jusqu'aux enseignements intimes lombes de ses lèvres !
DANS LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE 43
La Vérité est intéressante par elle-même ; elle a sa valeur propre, son charme particulier; les cœurs sincères l'aiment pour elle-même. Si donc, d'après le témoignage d'un homme aussi bien informé que le Dr. Mackey, la philosophie maçonnique dépouillée de son sym- bolisme est représentée comme « une masse de matière inerte et sans vie tout juste propre à une décomposition rapide », nous pou- vons déclarer, en nous appuyant sur ce témoignage même, qu'une pareille philosophie est dépourvue de l'esprit vivifiant de la Vérité.
CHAPITRE IV Le Choc de l'Entrée kt le Choc de lTllimination
Nolie élude nous a peu à peu. dans les chapitres précédents, en- traîné loin des notions incomplètes que nous avions au début sur la Maçonnerie américaine, entre aulres de celles qui nous faisaient croire quelle était une simple alVaire sociale, une institution cha- ritable l'ondée pour le soulagement de la veuve et de l'orphelin ; qu'elle était enfin la providence des frères âgés et pauvres. On nous en avait parlé comme d'une science et d'une philosophie. Nous avons étudié ses méthodes et ses procédés. On nous a même exposé son but : « c'est un système de morale ».
Entrant donc sous les portiques de la Maçonnerie dont nous voulons pénétrer la doctrine et la philosophie, nous ouvrons le Ma- sonic Ritualist du Dr. Mackey, à la première partie delà Leçon faite à rAp[)renli enrôlé — qui est en somme la première instruction donnée au novice en Maçonnerie ; nous y trouvons le » Choc de l'Entrée ». On comprendra la raison d'être de cette rubri(|ue en li- sant ce passage que nous avons copié. Pour être plus complet, nous commençons notre citation dès le début de la Leçon.
« La première section de la Leçon de l'Apprenli enrôlé, dit le Dr. Mackey, consiste surtout dans la récapitulation des cérémonies de l'initiation. Mais, à cause de cela même, il importe (jue chaque Maçon en ail connaissance afin (ju'il puisse plus largement con- courir à l'accomplissement correct du jite du grade conféré. On y trouve donc en guise d'introduction ipiolqucs principes généraux, <pii nous autorisent à examiner les droits d'autiui à nos privilèges tout en prouvant les nôtres à la situation (pie nous occupons' ».
■ 11 est nalurellemcnl impossible, dans un livre d'instiuction, continue-t-il, de donner une expUcation comjjlète des cérémonies et des symboles variés que l'on emploie pour inculquer les véiilés morales et religieuses; mais une alhision faite, même cm termes gé- néraux, à celles qui sont les plus importantes, en suivant l'ordre dans lecjuel elles se pré.senteiit, sullira pour porter le Maçon con- lem|)lalif à examiner plus al lciiti\eMiciil leur signification ».
1. Masonic Ritualisl, p. 2*2.
ET LE CHOC DE l'iLLUMINATION 45
Nos yeux parcouraient superficiellement ce passage lorsqu'un mot arrêta notre regard : religieuses — que veut dire le Dr. Mac- key quand il parle de vérités morales et religieuses"^ Quels rapports y a-t-il entre la Maçonnerie et la religion? La Maçonnerie ne pro- clame-t-elle pas, dans les termes les plus clairs, qu'elle ne s'ingère dans la religion de personne ?
« La Maçonnerie n'est pas une religion, dit le F.-. Pike*. Celui qui en fait une croyance religieuse, la fausse et la dénature. Le Brahmaniste, le Juif, le Mahometan, le Catholique, le Protestant, qui pratiquent chacun sa propre religion déterminée par les lois, le temps, le climat, devront la conserver, et ne peuvent pas avoir deux religions ; car les lois sociales et sacrées adaptées aux us et coutu- mes cl aux préjugés de certains pays, sont œuvres d'hommes». Halte-là, F.-. Pike; votre plume court trop vite. Voudriez-vous soutenir, par exemple, que le catholicisme est le simple produit du climat? Nous croyions que les fidèles de celte Eglise se trouvaient sous toutes les latitudes. Souliendriez-vous, comme vos mois l'ex- priment clairement, que le Catholicisme est uniquement l'œuvre des hommes? Une inslilulion humaine, « adaptée aux us et coutumes et aux préjugés de certains pays »? Nous regrettons cette digression, car nous ne songions qu'à l'idée émise par vous, que la Maçonnerie n'est pas une religion? Le paragraphe suivant va nous répondre.
« Mais la Maçonnerie enseigne et a conservé dans toute leur pu- reté les principes fondamentaux de la vieille foi primitive, qui sont les bases sur lesq uelles s'appuie tou te religion . Tou tes les religions qui ont existé jusqu'ici oui eu un fonds de vérité ; et toutes l'ont recou- vert d'erreurs. Les vérités primitives enseignées par le Rédemp- teur furent plus rapidement corrompues, mélangées et alliées à des fictions que lorsqu'elles furent enseignées aux premiers hommes ». Ainsi, voilà quelle est votre doclrine. Toutes les religions, sans ex- ception, sont de simples corruptions de vérités primitives. Le Christ il est vrai, a enseigné ces vérités dans leur pureté ; mais ses disci- ples hélas! n'ont pas suivi son exemple. Ils ont corrompu, dans un laps de temps très court, la sainteté de son enseignement, et c'est ce faux Christianisme qui est actuellement en cours parmi nous sous les noms de Catholicisme, Méthodisme, Episcopalianisme, etc., etc. Et telle est la théorie à laquelle vous demandez à un Catholi(iue d'adhérer ! Mais ignorez-vous que c'est tout nettement l'apostasie que vous réclamez ? Comment pourrait-on être Catholi- que au fond du cœur et professer votre doctrine ? Comment un Catholique i)ourrait-il révérer, aimer une Eglise et lui obéir, alors
1. Morals and Dogma, p. 161.
46 LE CHOC DE l'entrée
qu'elle serait en même temps, pour lui. un lissu tlerreurs ? Mais nous vous entendons enfin.
Selon vous, une religion est l'œuvre des hommes. C'est un amas de corruptions et d'erreurs religieuses surajoutées aux vérités fondamentales quelles modifient ; ces corruptions, dilTérentes quant à la forme, s'adaptent « aux us et coutumes et aux préjugés de certains pays », et sont « déterminées par les lois [civiles], par le temps et par le climat », et « s'appellent le Brahmanisme, le Judaïsme, le Mahométisme, le Catholicisme, le F^rolestanlisme. Voilà des religions. Voilà des croyances religieuses. Mais la Maçon- nerie, qui ne contient pas de corruptions surajoutées, la Maçonne- rie, sur laquelle les hommes n'ont rien superposé, la Maçonnerie, n'est ni une religion, ni une croyance religieuse. Elle est certai- nement religieuse, car elle contient les vérités religieuses fon- damentales dans toute leur pureté et leur intégrité ; mais elle peut, en toute sécurité, proclamer audacieusement qu" « elle n'est pas une religion, » puisqu'elle ne s'identifie avec les corruptions d'aucune.
Mais n'allons pas plus avant, pour le moment, dans l'examen de cette théorie : heureux que nos lecteurs soient maintenant plus à même de juger quelle sorte de Catholique, de Mélhodisle,de Juif ou de Brahmaniste,doit être celuiquiadmetque la forme caractéristique de sa religion, en tant que religion particulière, n'est qu'un tissu d'erreurs superposées à la révélation primitive par les machinations des hommes. Hàtons-nous de retourner à la Leçon de l'.Xpprenti en- rôlé, après avoir appris, par une expérience instructive, comment la Maçonnerie, au moment même où elle feint de protester qu'elle ne s'occupe pas de questions religieuses, affirme, dans les termes les plus forts, qu'elle le fait. « La Maçonnerie enseigne et a conservé dans toute leur pureté les principes fondamentaux de la vieille foi primitive, qui sont les bases sur lesquelles s'appuie toute religion ». D'oîi il appert que la Franc-Maçonnerie n'est pas une simple insti- tution sociale ou charitable, mais qu'elle est une science, une phi- losophie, un système de morale — et on nous invite à la révérer commr enseignant seule la vérité religieuse, sans déformation. Continuons donc notre citation du Masonic Rilualisl. Nous sommes préparés au « Choc de l'Entrée ».
« Dans la science symbolique de la Macoimerie, écrit le Dr. Mackey,la Loge est souvent représentée comme un symbole de vie. En pareil cas, le travail de la Loge devient le symbole du travail de la vie avec ses devoirs, ses épreuves et ses tentations ; et le Maçon est le type de l'ouvrier et de l'acteur dans celle vie. La Loge est donc, au moment où paraît l'Apprenti enrôlé, un symbole du
ET LE CHOC DE l'iLLUMIN ATION 47
monde, et l'iniliation est l'emblème de la nouvelle vie dans laquelle le candidat est sur le point de s'engager' ».
Donc, dans le symbolisme maçonnique, la Loge représente la vie humaine — la véritable vie humaine — le modèle de vie humaine que l'humanité devrait vivre. Ce n'est pas la vie que l'on mène hors de son enceinte, et qu'elle appelle la vie « du monde profane », mais la vie qu'elle lui enseignera — la vie maçonnique — . D'après cette idée, il s'ensuit que le travail de la Loge n'est qu'un terme figuré pour signifier le travail de la vie maçonnique, l'œuvre de la vie des Maçons suivant les princijies maçonniques. Par conséquent, l'initiation, ou l'entrée dans une Loge, est l'entrée du candidat dans la vie maçonnique, l'accfuisition de principes maçonniques pour guider sa vie — et telle est, dil notre auteur, la nouvelle vie dans laquelle il est sur le point d'entrer. Ceci une l'ois compris, conti- nuons.
-< Le voilà debout, en dehors de nos porli(|ues, dit la Leçon, sur le seuil de cette nouvelle vie maçonnique, dans l'obscurité, l'infir- mité et l'ignorance. Après s'être égaré parmi les erreurs et s'être plongé dans les corruptions du monde profane du dehors, il vient frapper à nos portes, à la recherche de la nouvelle naissance et de- mandant qu'on enlève le voile qui cache la vérité divine à ses yeux de non-initié- ».
Arrêtons-nous ici pour reprendre haleine et pour demander : « iNIais, cher Docteur, ou plutôt, ô Maçonnerie, car c'est la Leçon ofilcielle (jui parle ici, où nous conduis-lu avec tant de précipita- tion? De quelle obscurité parles- tu? De quelle infirmité? De quelle ignorance? Dans quelles erreurs nous feommes-nous égarés? Dans ([uelles corruptions nous sommes-nous plongés? Nous ne sommes pas venus ici à la recherche d'une nouvelle naissance, mais pour nous joindre à une catégorie de compagnons sociables, pour nous avancer dans les affaires, pour servir nos aspirations politiques, pour assurer l'existence à nos femmes et à nos enfants, si la mort venait tout à coup nous surprendre, pour avoir des amis dans le besoin, si le malheur fondait sur nous inopinément. Voilà quels étaient nos motifs et quels étaient les avantages qu'on nous propo- sait. Nous ne sommes pas à la recherche d'une nouvelle naissance, et nous sommes encore moins en quête de la vérité divine, lorsque nous dirigeons ici nos pas. Nous sommes catholiques. Notre reli- gion nous vient de l'Eglise instituée par Jésus-Christ; de celte Eglise qui peut faire remonter sa lignée ininterrompue jusqu'aux
1. Masonic Bilualist, pp. 22-23. 2.llbi(l., p. 22.
48 IB CHOC DE l'entrée
temps les plus reculés ; de celle qui ret.ul A('< divines Irvres du Christ le message du salut, nous acceptons et révérons à notre tour, la vérité ».
Voilà comment devra parler un Catholique consciencieux ; voilà également ce que devra dire, daccoril avec sa foi. en termes ana- logues, quiconque adhère sincèrement à une forme de religion quelle qu'elle soit. Si tous avaient été, comme nous, instruits par le F.*. Pike ; s'ils avaient accepté la théorie maçonnique, que loule><. les formes de religion, toutes sans exception, sont les œuvres des hommes seuls; qu'en tant que distinctes les unes des autres elles ne sont rien quun tissu d'erreurs surajoutées à la vérité religieuse primitive et pure ; s'ils savaient quo seule la Maçonnerie a conservé intact ce précieux dépôt, ils ne recevraient pas un « choc ». Ils seraient arrivés les yeux ouverts. Mais combien pensez-vous, cher lecteur, qu'il y en ait pour qui les choses soient telles? Il n'est pas étonnant que l'entrée soit appelée un « choc ». Avant de re- chercher consciencieusement la vérité divine dans la Maçonnerie, il faut rigoureusement examiner sur quoi repose son droit à s'en déclarer la dépositaire et la seule dépositaire. De qui la Maçonnerie a-t-elle reçu un tel dépôt? Quand? Où? Comment la Maçonnerie prouvera-t-elle que ce dépôt confié à sa tradition orale qui, étant exposée à « la trahison de la mémoire, à la faiblesse du jugement et à la fertilité de l'imagination », porte les hommes < à oublier, à diminuer, à augmenter » ce qui lui est confié ; comment la Maçon- nerie prouvera-t-elle que ce dépôt n'a subi aucun changement ? La Maçonnerie n'est-elle pas l'œuvre des hommes? Quelles sont ses lettres de créance divines? Combien nombreuses sont les graves et tout importantes questions à régler au préalable, non seulement par tout adepte consciencieux d'une des formes reconnues de la religion, mais par tout homme sincère, aussi indilîérent cpic possi- ble en matière religieuse qu'il puisse être, avant que daccepler cette nouvelle naissance : avant que de recevoir de la Maçouneri»' sa soi-disant vérité divine ! Mais retournons a notre Leçon :
" Fit ici,continue-t-il,de même cpi'à Mo'ise, prèsdu Buisson ardent, le conseil solennel est donné : « Enlève la chaussure de tes pieds, car la terre sur latpielle tu marches est sacrée ; » et les préparatifs du cérémonial l'entourent, tous ayant un caractère significatif lui indi(juanl cpie quehpie grand chaniii^ement va s'opérer dans sa con- dition intellectuelle et morale. Il commence déjà à découvrir [nous remercions l'auteur de sa franchise que le but de la Maçon- nerie est de l'introduire dans des conceptions nouvelles de la vie et de ses devoirs. Il va, en eiTet, commencer à apprendre de nouvelles leçons dans une nouvelle école. Il va y avoir pour lui, non seule-
ET LE CHOC DE l'ilLUMINATION 49
menl un changement pour l'avenir, mais encore la mort du passé ; car l'initialion est, pour ainsi dire, une mort au monde et une ré- surrection à une vie nouvelle ».
Evidemment, ^si la Maçonnerie est ce qu'elle déclare être, sa Log'e est une terre sacrée. Mais la Maçonnerie est-elle ce qu'elle dit être ? Voilà la question des questions, et celle que doit étudier sérieusement et consciencieusement tout homme qui a quelque souci de sou Ame, avant de consentir à « la mort complète du passé » pour pouvoir participer au grand changement intellectuel et moral promis par la Maçonnerie. En vérité, si la Maçonnerie seule propose à notre race une religion pure el sans tache ; si toute forme de religion définie n'est qu'erreur et corruption d'une foi primitive ; si tout ce qui a été ajouté à ce que la Maçonnerie expose comme étant la vérité religieuse fondamenlale, est l'œuvre des hommes, que l'on fait passer pour œuvre divine aux yeux d'une gé- nération crédule, nous comprendrons facilement cette exiinction et cette mort. Si ? Mais quel redoutable sil Et si la Maçoimerie est ce ({u'elle se définit elle-même; « un système de morale », cette ex- tinction totale, cette mort regardera-t-elle aussi ma nature mo- rale ? La Maçonnerie doit m'introduire « dans des conceptions nou- velles de la vie et de ses devoirs » ; on doit me présenter ses leçons « dans une nouvelle école » ; il faut qu'il y ail « mort au monde », et le monde, en langue maçonni([ue, est tout ce qui n'est pas la Ma- çonnerie. Rien d'étonnant à ce que le candidat, pour peu qu'il se rende compte de ce que l'on exige de lui, reçoive un « choc ».
'( Il commence à découvrir » dit le Ritualist. Donc il ne savait rien auparavant. Donc, ignorant la d-emande qu'on allait lui faire, il jura solennellement qu'il ne révélerait jamais ce qui allait lui être manifesté, et qu'il « se conformerait avec empressement aux an- ciens us et coutumes de la fraternité » '.
Voilà pourquoi la honte, le respect humain, et ce qu'il considère comme l'honneur de sa parole l'empêcheront de se retirer, même si sa conscience le lui commandait.
« Tout candidat, devra faire avantjsa l'éception, dit notre auteur, les déclarations suivantes au Senior Deacon (Premier Diacre) en présence des Stewards (Intendants) dans une chambre contiguë à la Loge :
« — Déclarez-vous, sincèrement, sur votre honneur que, sans y avoir été porté par des sollicitations intempestivesde vos amis et sans avoir été influencé par des motifs mercenaires, vous vous posez
1. Masonic Rilualisl, p. 22.
50 LE CHOC DE l'entrée
librement et volontairement comme candidat aux Mystères de la Maçonnerie ?
*< — Je le déclare.
« — Déclarez-vous sincèrement, sur voire honneur, que vous êtes poussé à solliciter les privilèges de la Maçonnerie par l'opinion favorable que vous concevez de l'Inslilution, et par un désir d'ac- quérir la science ?
« — Je le déclare.
« — Déclarez-vous sincèrement, sur votre honneur, que vous vous conformerez de plein gré à tous les anciens us et coutumes de la fraternité ?
<( — Je le déclare ' ».
Ayant ainsi déclaré sur son honneur (jne « librement » et de sou propre mouvement, il s'offrait à la Maçonnerie, «poussé par l'opi- nion favorable... qu'il a de rinstitution et un désir d'acquérir la science » ; ayant promis « qu'il se conformera de son plein gré aux anciens us et coutumes établis » ; — quelle protestation peut-il faire à tout ce qu'on voudrait lui demander? Il est venu librement cher- cher la science. On lui communique la science, la science maçon- nique. Celle-ci va contre ses notions premières — elle choque sa nature morale. Il aurait dû s'y attendre. Etant venu à la Maçonnerie pour y chercher la science raaçonni({ue, il devait supposer (piécette science et les principes propres à la Maçonnerie, n'étaient ni la science ni les principes qu'il possédait déjà. S'il est venu à la Maçonnerie pour y trouver une doctrine non maçonnique, il est un sot.
Mais sa conscience s'alarme? Qu'y peut-on? Les vieilles erreurs ont peine à mourir, nous le savons ; si ses principes lui sutlisaient, pourquoi est-il venu àla Maçonnerie? Il ne peulinvoquer li nportu- nilé des amis — car il a déclaiv, sur son honneur, on présence de trois témoins, (piil ne sest pas rendu aux « sollicitations intempes- tives d'amis » ; il ne peut davantage exprimer des craintes sur ce que la Maçonnerie exigera de lui, car n'a-t-il pas déclaré solennel- lement qu'il vient avec « une opinion favorable de l'Institution » et « un désir d'acquérir la Science » ? Pieds et poings liés par sa parole d'honneiu-, pour ne rien dire du serment de secret que nous ne men- tionnons pas ici, il est obligé daller de l'avant. Il est veiui à la Maçonnerie librement ; il a librement consenti à subirses conditions pourvu qu'elle l'instruise ; la Maçonnerie l'a pris au mot, et il subit la logiqiie de sa situation. Mais retournons à notre Leçon.
I. Mnsnnic Bilurilist. j. p. 21-2?.
ET LE CHOC DE l'iLLUMINATION 51
« Et de là vient, dit le i?/7Ma/is/, que, chez les Grecs, le même mot signifiait à la fois mourir et être initié. Mais, pour celui qui croit à rimmortalité, la mort n'est qu'une nouvelle naissance. Or, cette nouvelle naissance devrait être accompagnée de quelque cérémonie pour indiquer symboliquement et pour imprimer dans l'esprit cette rupture des anciens liens et la formation des liens nouveaux. D'où il ressort que l'impression de cette idée est faitepar le symbolisme du « choc à l'entrée ». Le monde disparaît — les chaînes de l'erreur et de l'ignorance qui avaient jusqu'ici tenu le candidat dans une capti- vité morale et intellectuelle vont être brisées — les portes du Tem- ple ont été largement ouvertes et la Maçonnerie est apparue au néophyte dans toute la gloire de sa forme et de sa beauté, pour ne lui être révélée cependant que lorsque la nouvelle naissance serait complètement effectuée. Ce moment solennel passera-t-il inaperçu? Ce grand événement — le premier de la vie maçonnique de l'aspi- rant — n'aura-t-il aucun retentissement perceptible ? La première entrée dans la Loge — la naissance dans la Maçonnerie, comme on l'a appelée avec raison — ne serait-elle pas symbolisée par quelque signe extérieur ? Le symbolisme de notre science, toujours prêt en toute occasion, avec ses beaux enseignements, sera-t-il en cette seule circonstance muet et insignifiant ? Ou plutôt, les Fils de la Lumière qui sont témoins de cette scène impressionnante ne feront- ils pas, comme les enfants de Korah qui, lorsque cessa la captivité de Babylone et lorsqu'ils entrèrent de nouveau dans le Temple, s'écrièrent dans un enthousiaste élan de joie reconnaissante : « 0 peuples, applaudissez tous ; criez vers Dieu avec la voix du triomphe ? ».
« Le Choc de l'Entrée, conclut celte section de la Leçon, est donc, « pour le candidat, le symbole de la rupture des liens qui l'atta- chaient au monde, et son introduction dans la vie de la Maçonnerie. Cest le symbole des agonies de la première mort et des angoisses de la nouvelle naissance * ».
Etre initié à la Maçonnerie est donc mourir à ce qui n'est pas maçonnique; car « être initié », c'est ■< mourir ». Mais, comme nous en a aimablement prévenu le F.-. Pike, toutes les religions parti- culières, catholique, protestante, juive, bouddhiste, mahométane ne sont pas maçonniques, puisque chacune d'elles a superposé une multitude d'erreurs morales et intellectuelles sur les pures vérités fondamentales enseignées et conservées dans la seule Franc- Maçonnerie. Ces religions sont hors des portiques de la Loge; elles sont le monde profane ; elles sont dans l'ignorance de la Lumière
1. L'italique de ce passage est dans l'original.
52 i.E CHOC DE l'entrée
maçonnique ; en entrant dans la Loge, les chaînes de la captivité morale el inleilrctuelle dans laquelle se trouvait le candidat sont brisées, el il est né libre de toute entrave dans la vie magoiuiique ; il commence à être un bâtisseur libre que ne gêne aucun credo.
Le Choc de rilluminalion va nous faire comprendre avec plxis de détail et une clarté éblouissante ce que le Choc i\(' l'Lntrée n"a fait qu'établir obscurément.
■< La lumière matérielle qui jaillit au fiai du (irand Architecte quand disparurent lobscurité et le chaos, dit le Rilualist aux pages 33-.'î4. a toujours été. en Maçonnerie, un symbole favori de rilluminalion intellectuelle que l'Ordre a pour objet de créer dans les intelligences de ses disciples, d'où nous avons à juste titre pris le nom de « Fils de Lumière ».
« Cette illumination mentale, ajoute-t-il. cette lumière spirituelle qui est la première demande du candidat après sa nouvelle nais- sance, n'est ({u'un autre nom pour la Vkrité divim: — la Vérité de Dieu et de l'Ame — la Nati re i:t l'Ksse.ncl di: l'un et de l'autre
— CE OUI constitue LE BUT PRINCIPAL DE l'eNSEIGNKMKNT MAÇONM- OUE ».
L'objet de l'Ordre, dit la Maçonnerie, est de créer dans l'âme la lumière intellectuelle; iruaginez, cher lecteur, ce que doit être notre lumière ! La Maçonnerie ne doit pas augmenter, perfection- ner notre lumière intellectuelle ; non, elle doit la créer. Pouvons- nous encore lui demander ses lettres de créance? Pouvons-nous demander la source de celte puissance qu'elle alfirme posséder? Son candidat ne le peut. 11 est venu librement, pour être instruit. La Maçonnerie énonce ses doctrines. C'est tellement plus facile que de les prouver! Selon le Dr. Mackey, Pythagore ne prouvait pas i^es doctrines ; il les énonçait, el ses disciples dévoués les acceptaient révérencieusement. F^ythagore est l'idéal de la Maçonnerie. « Les doctrines de Pythagore, dit le Dr. Mackey'. étaient toujours pré- sentées comme d'infaillibles propositions (pii uadmetlaient pas de discussion ; de là l'expression aùrô; ifr,, cesl lui (jui l'a dit, était-elle considérée comuK» une réponse sullisanle à (piieonque demandait une raison ».
Esl-cc une situation sendilalile (|iie la Macnuiierie V(Hidrait créer pour ses disciples? Klle le dit; est-ce là la foi aveuule (pielle appelle lumière intellectuelle ? Dois-jc mourir au passé ? Dois-je considérer ma religion comme un tissu fie corruptions de la vérité religieuse primitive, inveidées j>ar l'homme? Dois-je accepter un nouveau code de morale (bupiid dépende ma destinée temporelle el
I. lùirijclopmdiii nf l'rrcmnuDnrij, \). *W.
ET LE CHOC DE l'iLLI MIMATIOX 53
éternelle, sur un simple ipse dixit! Prouvez-moi d'abord que vous avez un droit justement acquis à l'infaillibilité, et quand vous aurez prouvé ce droit, j'admettrai volontiers votre ipse d/co, dans les limi- tes de voire infaillibilité — mais vous ne pouvez raisonnablement, sans preuve palpable, exiger de moi une telle soumission ; et je ne puis, en homme consciencieux et honnête, vous l'accorder. Je n'ai pas le droit, aux yeux de ma raison et de ma conscience, de vous abandonner tout mon être, simplement parce que, sans vous con- naître, j'ai conçu de vous « une opinion favorable ».
La Maçonnerie a- 1- elle des prétentions à linfaillibilité ? Ou attend-on de nous que nous recevions des propositions infaillibles dune autorilé faillible? Les professeurs en Maçonnerie ne sont cer- tainement pas infaillibles individuellement, car un grand nombre d'entre eux sont ignorants, comme l'avoue constamment le docteur Mackey. Les Grandes Loges ne font valoir aucun droit à l'infaillibi- lité ; cependant, comme nous lavons vu, elles sont les tribunaux suprêmes auxquels on en réfère pour l'interprétation de linstruclion orale qui contient les arcanes ou doctrines secrètes de la Maçonne- rie. Le F.-. Pike tourne en dérision l'idée d'infaillibilité attribuée à un homme ou à une réunion d'hommes — nie qu'elle puisse exister, surtout en matière de croyance religieuse — et sûrement la "Vérité Divine, que la Maçonnerie prétend enseigner, se rapporte à une croyance de ce genre.
« La Foi d'un homme lui appartient tout comme sa Raison, dit le F.-. Pike, dans ses Morals and Dogma, p. 29. Sa Liberté consiste autant dans sa foi libre que dans sa volonté délivrée de tout con- trôle. Tous les Prêtres et Auguresde flome ou de la (irèce n'avaient pas le droit d'exiger de Cicéron ou de Socrate qu'ils crussent en l'absurde mythologie du vulgaire. Tous les Imans du Mahométisme n'onl pas le ch'oit d'exiger d'un païen qu'il croie que l'Ange Gabriel dicta le Coran au Prophète. Tous les Brahmanes (jui ont existé jusqu'à ce jour, fussent-ils assemblés en Conclave comme des Car- dinaux, ne pourraient obtenir le droit d'obhger un seul être humain à croire en la cosmogonie hindoue. Aucun homme ni aucune réunion d'hommes ne peut être infaillible, et nest autorisé à décider ce que les autres hommes devront croire en ce qui concerne un article de foi quelconque ' .Toule religion, la vérité de tout écrit inspiré dépendent, excepté pour ceux (jui les reçurent à l'origine, du témoignage humain et des certitudes intérieures qui sont soumises au jugement de la Raison et aux sages analogies de la Foi. Tout homme doit nécessairement avoir le droit de juger de leur vérité par lui-
1. Cet italique est du F.-, Pike.
54 Ce choc de l'entkée
même ; parce qu'aucun homme ne peut avoir pour juger un droit supérieur à celui d'un autre aussi instruit et aussi intelligent que lui ».
Nous ne nous portons pas garant du raisonnement du F.-. Pike, encore moins de sa doctrine. L'un et l'autre sont erronés. De ce que les Grecs et les Romains n'étaient pas infaillibles en ceci, les Mahometans en cela, les Hindous en autre chose — il s'ensuivrait qu'aucun homme ou réunion d'hommes ne pourrait être infaillible. Jean Smith n'ayant pas d'argent dans sa poche ; Pierre Jones n'en ayant pas dans son chapeau, ni Paul Thomas, dans sa veste — 1 s'ensuit qu'aucun homme ou société ne peut avoir d'argent. L'Homme-Dieu exista, donc il put être infaillible ; il put. si tel fut son désir, communiquer aux hommes l'infaillibilité : la nature elle-même, dans des choses évidentes, communique lin- faillibililé à chacun de nous. Donc l'homme peut être infaillible ; notre auteur n'a pas daigné nous démontrer pourcpioi l'infaillibilité est essentiellement bannie de la foi.
Mais, en admettant même que l'infaillibilité en matière de foi soit possible, la Maçonnerie n'aurait rien à y gagner — car, de fado, nul Maçon ou lirande Loge de Maçons ne réclame pour soi une telle prérogative. Cependant la Maçonnerie s'arroge le droit exclusif d'enseigner la Vérité Divine, puisque tous ceux qui sont hors de son enceinte, clerc ou laïque, évêque ou pape ignorent tout de « Dieu et de l'âme — de l'essence et de la nature de l'un et de l'autre » : tous sont là, hors des murs, « dans les ténèbres, l'intirmité et l'igno- rance », « tenus en captivité intellectuelle et morale ». Il faut que la Lumière — la lumière intellectuelle et morale soit créée dans leurs âmes.
El lorsqu'ils se tournent vers la Maçonnerie pour lui demander (juel gage elle peut leur donner que c'est bien la vérité et non l'erreur (ju'elle va leur communiquer, elle les renvoie à l'école de Pythagore ou aux Anciens Mystères du Paganisme, où l'on ne discutait pas les doctrines, mais où on les énonçait comme autant de propositions infaillibles. On n'a jamais dit d'où venait celte infaillibilité, et cependant c'était là un point essentiel.
En ce qui regarde la vérité divine, l'esprit maçonnique, pour donner une base à son authenticité, est obligé de se rejeter sur l'interprétation et sur l'autorité d'une Grande Loge, laquelle, d'après le F.'. Pike, non seulement n'est pas infaillible mais ne peut pas l'être. Cette interprétation est sujette à des variations, car une (îrande Loge peut être en désaccord avec une autre Grande Loge sur certains points litigieux. Et si, comme cela est arrivé en France, la Grande Loge substitue à votre « Grand Architecte de
ET LE CHOC DE i/iLLUMINATION 55
l'Univers » une « Force Supérieure », un « Principe Créateur », si l'on substitue le simple athéisme à votre déisme, (juel devoir in- combe à chaque Maçon et à chaque Loge, sinon celui de se soumet- Ire, puisque l'interprétation des dogmes maçonniques appartient en dernier ressort à la Grande Loge seule? Ou'advient-il de votre Vérité Divine? — de la nature de Dieu et de l'âme humaine? Ou encore, la théorie française ne serait-elle pas la conséquence logi- que du système maçonnique? Nous posonssimplement la question; nous la discuterons plus tard. La Maçonnerie fait bien d'appeler l'entrée dans sa Loge « une occasion solennelle ", « un grand évé- nement ». Son candidat a eu le temps de réfléchir à la décision qu'il allait prendre ; il l'a prise délibérément, et voilà où il en est — il apprend de nouvelles leçons dans une nouvelle école — les nouvelles leçons concernent Dieu et son âme, l'essence et la nature de l'un et de l'autre.
Regardez en arrière, cher lecteur, et voyez comment nous avons été entraînés par le courant de la doctrine maçonnique, loin de no- tre point de départ. Nous croyions alors que nos amis Maçons nous avaient franchement dit, dans un épanchement intime, quelle était la nature de la Fraternité. Vous ont-ils soufflé mot de ceci, que le grand but de l'enseignement maçonnique était la nature et l'essence de Dieu et de l'âme humaine? Nous avait-on soufflé mot de l'infirmité, des ténèbres, de l'ignorance, des entraves morales dans lesquelles nous languissons et desquelles seule la Franc- Maçonnerie a le pouvoir de nous affranchir? Savaient-ils tout cela? S'ils le savaient et s'ils ont omis de nous le dire, que devons-nous penser de leur sincérité ? S'ils l'ignoraient, que peuvent-ils bien savoir sur l'Ordre ? Mais continuons notre citation.
« El, dit le Ritualist, de même que le chaos et la confusion dans lesi{uels, au commencement, la terre informe et inhabitée était enveloppée, prirent fin et que l'ordre et la beauté apparurent au commandement suprême (|ui créa la lumière matérielle ; de même le chaos et la confusion qui enveloppent l'esprit du néophyte s'éva- nouissent au moment de sa déclaration faite comme il convient, dans les formes régulières et reconnues ; et c'est alors que la vraie con- naissance de la science et de la philosophie, que la foi et la doc- trine de la Maçonnerie sont révélées ' ».
Ici, cher lecteur, vous qui n'êtes pas Maçon, considérez dans ce miroir maçonnique votre condition religieuse et morale. Ce n'est que chaos et confusion. Mais, en réalité, si vous ne connaissez pas la vraie nature de Dieu ni celle de votre âme elle-même, comment
1. Ritualist, p. 33.
56 LE CHOC DE l'entrée
pourriez-vous connaître les vraies lois de l'action humaine? Que pouvez-vous savoir de la religion et de la morale, si vous ignorez quelles en sont les basrs ? Mais, de même que Dieu par son jiat omnipotent tira Tordre et la beauté de l'abîme insondable <lu chaos et du désordre matériels, ainsi la .Maçonnerie accomplira-t-oUepar son fiat omnipolent une plus giande merveille dans l'abîme de votre chaos intellectuel ; et vous connaîtrez Dieu ; vous connaîtrez voire àme ; vos idées religieuses et morales se coordonneront et s'harmo- niseront ; la vérité et la beauté morales et religieuses qui.jusqu'à pré- sent, vous étaient étrangères habiteront dans voire sein à la lumière de la nouvelle vie maçonnique. La Maçonnerie promet tout cela ; mais, encore une fois, nous demandons autre chose que des mois et des promesses qui se i'orgent facilement et à bon compte — nous demandons des lettres de créance, nous réclamons des preuves.
« Mais, continue notre guide, quel est l'esprit (pii pourrait conce- voir, quelle plume pourrait Iracer le tableau de celte terrible convulsion de la Natui'e, de cette ellVoyable séparation de ses éléments qui oui dû accompagner l'ordre divin : « Que la lu- mière soit ». Tenter une telle description serait chose pré- somptueuse. Nous sentons, en médilant sur ce sujet, que l"immo!)ilité el le silence ont dû s'enfuir au souille de la Voix Toute- Puissante, et ({ue la lerre elle-même a tremblé dans sa nouvelle exislence quand le sombre voile des ténèbres fut roulé comme un rideau et mit à nu la face de la nature * ».
Pourquoi a-t-il dû v avoir une convulsion? Pourquoi une sépara- lion des éléments dans l'abîme dn chaos? Qui vous a dit que les éléments étaient mêlés ; car, s'ils n'étaient })as confondus, il n'y a |)oinl eu séparation? Quel besoin de convulsion y a-t-il pour qu'au comuiandement divin, chaque élément, créature obéissante, simisse à son semblable suivant la loi et la mesure convenables ? Kxcusez-nous, Docteur, si, en toute justice, nous taxons votre ont du de pure fantaisie, sans plus de réalité et avec moins de poésie (jue « l'enroulement du voile des ténèbres découvrant la face de la nature ». Notre élude nous donnerait plus de satisfaction si nous y rencontrions moins d'imagination et plus de preuves solides.
Nous compienons, (cpcndanl. le besoin que vous avez de la con- vulsion el du tremblement, cai", vous allez nous le diic tout à l'heure, la création de la lumière matérielle est, jjour vous, l'em- blème de la création de la lumière intellectuelle dans l'esprit de votre candidat. \'ous cherchez à calmer cet esprit qui, s'il a «pielque
1. Jiiluulisl, p. 33.
ET LE CHOC DE l'iLLUMINATION 57
croyance religieuse définie, quelque système de conduite morale, ne peut manquer d'être saisi, que dis-je, terrifié par le saut qu'il est obligé de faire. Donc, celte convulsion, ce soulèvement o«/ dùse pro- duire, parce que vous en avez besoin pour votre symbolisme. Non, cher Docteur, aucune convulsion, ni séparation, ni tremblement, n'ont été nécessaires pour que l'ordre sortît du chaos au comman- dement divin ; car chaque élément obéit à l'impulsion innée de sa nature en exécutant le commandement de Celui auquel c'était un plaisir d'obéir; mais c'est justement ce cœur qui est sincère dans sa foi et dans sa morale, ce cœur qui a bien agi envers lui-même, envers Dieu, envers ses semblaljles. d'après les conseils de sa raison, c'est ce cœur-là que la .Maçonnerie veut d'abord transformer en masse chaotique pour en réunir ensuite, s'il est possible, les éléments épars et en constituer ce qu'elle appelle la religion et l'ordre moral. Mais elle cherche artificieusement à cacher son action destructive en affirmant qu'il existe une condition mentale qui est de pure inven- tion, afin de se poser plus aisément en bienfaitrice désintéressée de noire race. Mais terminons notre citation intéressante :
u Et en Maçonnerie, dit le Ritualist, nous cherchons, par le Choc de l'Illumination, humblement, il est vrai, à conserver le souvenir et à rendre sensible l'idée de la naissance de la lumière matérielle en représentant les circonstances qui l'ont accompagnée et leur rapport à la naissance de la lumière maçonnique. L'une est le mo- dèle de l'autre ; c'est pourquoi l'illumination du candidat est ac- compagnée d'une cérémonie que l'on peut supposer avoir pour ob- jet d'imiter la première illumination de l'univers — très faiblement, c'est vrai, mais d'une façon qui ne laisse pas d'être impression- nante.
« Le Choc de lllluminalion est donc un symbole du changement qui s'opère actuellement dans les conditions intellectuelles du can- didat. C'est un symbole i l'italique est dans le Ritualist \ de la nais- sance de la lumière intellectuelle et de la dispersion des ténèbres intellectuelles ' ».
Tout autre commentaire est inutile après ce que nous avons déjà dit. Nos lecteurs ont compris quel est l'objet de l'en-seignement maçonnique et ce que la Maçonnerie exige de son candidat. La Maçonnerie doit enseigner « la Vérité Divine — la Vérité de Dieu et de l'âme — la nature et l'essence de l'un et de l'autre ». C'est ce qu'elle appelle l'illumination intellectuelle, qu'elle va « créer » dans les esprits de ses néophytes. Elle leur donnera, par ce moyen, une nouvelle naissance dans la vie maçonnique, par laquelle ils acquer-
1. Masonic Jiilualist. pp. 33-34.
58 LE CHOC DE l'entrée
roui une idée nouvelle de la vie cl de ses devoirs, el seront libérés des entraves de la servitude morale dans laquelle ils ont vécu jus- • ju'à ce jour. Il n'y a point dexception à l'aire, peu importe la reli- ij^ion à laquelle on a appartenu jusqu'alors, peu importe éi^alemenl la rectitude avec laquelle on l'a observée. Les saints de l'Eglise catholique eux-mêmes, cpii ont quitté la vie hors de l'enceinte de la Maçonnerie, ont passé de cette sphère terrestre couverts des cor- ruptions du monde extérieur.
En retour de cette illumination, de ce chanL^ement intellectuel el moral, de cet « ordre tiré du clîaos », de cette < naissance à une vie nouvelle », la Maçonnerie demande l'âme de l'homme. Elle réclame une foi aveugle el absolue dans son droit de commmiiquer la Vérité divine : dans son pouvoir de la communiquer : dans le lait (pi'elle la communique : tandis qu'en même temps, comme nous l'a dit Albert Pike, elle Irorape de propos délibéré ses initiés des grades inférieurs, en leur donnant de fausses interprétations des symboles, en leur faisant croire qu'ils savent beaucoup, alors qu'ils ne savent pratiquement rien du tout. Elle demande toute la vie de l'homme en ce monde, car cette vie doit se mouler sur ses prin- cipes ; elle demande sa vie dans l'au-delà, car l'autre monde doit correspondre à celui-ci. Elle ne demantle pas un changement pour l'avenir, mais un effacement complet du passé. Elle réclame la rnj)ture de toutes les anciennes attaches de la religion — parce (juc toute religion, sauf la sienne, ne connaît ni la nature de Dieu ni. celle de l'àme humaine ; elle ne connaît pas la Vérité Divine ; — et de la morale qui. de même (jue la religion, doit être enseignée par de nouvelles leçons dans une nouvelle école ; et elle va briser les chaînes <jui retenaient captive la conscience humaine dans les ténèbres et les corruptions du mondi* profane. Et, alors que l'Ame est t(M'riliée. (jue la conscience est frappée, <pie la raison voudrait élfver la voix i»our faire une eiKfuêle anxieuse, elle cherche à apaiser et à calmer le troul>le des facultés humaines en leur assu- rant que tel est lelfet naturel de la <■ lumièie » el que, daus leur état chaotique, ils doivent s'attendre à une convulsion semblable à celle (pie causa dans le chaos piiuujrdial la création de la lumière lualérielle. Elle alliiine beaucoup, el ne {irouve rien. Si vous lui demande/ des pièces à l'appui, elle n'en a pas à vous montrer.
(Jue le prêtre calh()li<pie qui parcourra ces pages sarrêle ici. Il sexjdiqucra plus c«)uq»lèteuu;nl pouripioi il est si dillicile, même à larlicle de la mort, de ramener à la foi un C-atholicpie (pii a été Maçon. La difficulté n'est pas d'ordre uioral scideuieul. mais d'or- dre intellectuel. Il n'y a pas eu simple désobéissance à l'Eglise et négligence de ses sacreuuMits : il y a eu apostasie foruielle el coui-
ET LE CHOC DE l'iLLI MINATION 59
plète de la foi, dans laquelle la nature même et l'essence du Dieu des chrétiens a été reniée, aussi bien que la nature et l'essence de l'àme chrétienne. Sur quoi peut-on s'appuyer ? Sans un miracle de la grâce — sur rien ! Si les seules passions, l'intérêt, ou des motifs humains avaient égaré le cœur, mais en y laissant du moins les ra- cines de la foi ; s'il n'y avait eu qu'un « changement » et non un « elïacement total du passé », l'approche de l'éternité et la crainte d'un Dieu offensé pourraient réveiller ce qui était depuis longtemps endormi et comme mort. Mais, alors que les racines mêmes de la foi ont été arrachées, que tout lien religieux et moral a été brisé, que la grande transformation intellectuelle de la Maçonnerie a été opérée et que, non seulement un des dogmes a été répudié, mais tout le système catholique rejeté comme étant l'erreur, l'infirmité et l'ignorance, le cas est presque désespéré, comme le sait bien la Franc-.Maçonnerie, puisque c'est elle qui l'a malicieusement pré- paré. S'il reste quelque espoir humain, on le trouvera dans l'intel- ligence de la source fatale qui détruit toute possibilité d'entente réciproque et dans l'effort entrepris pour faire rentrer dans le cœur ce qui en a été si artificieusement et si obstinément banni — les vérités de la foi divine apprises sur les genoux d'une mère.
CHAPITIŒ V La Maçonnerie ÀMi-nicAiNE est-elle une religion?
Nous nous posons celte question, non quo nous croyions qu'il soit possible à un esprit rétléchi de la mettre en doute après les ré- vélations du Choc de l'Entrée et du Choc de l'illuniination ; mais parce que le sujet est si important que l'étuile ne peut manquer d'en être intéressante et profitable à dillerents points de vue.
Cette institution, dont le « but principal est d'enseigner la Vé- rité Divine » — « la Vérité sur Dieu et sur l'àme » — « la nature et Tessence de l'un et de l'autre » ; cette institution qui. pratiquement, a pour objet de faronner la morale humaine d après celte théorie, est, de toute évidence, une religion; car il n'existe ni dans le pré- sent, ni dans le passéaucune religion qui n'ait tendu vers celte même fin ni qui l'ait l'ait plus complètement. La Maçonnerie est donc bien une religion. Mais nous allons étudier ce point sous un autre as- pect.
En feuilletant notre Masonic Hilualisl, nous trouvons à la page l'.KJ une assertion digne de romartjue. Elle comprend deux parties : l'une négative et l'autre allirmative. La voici : Quoique la Maçon- nerie ne soit pas une religion, elle est, dans une large mesure, la servante de la religion > . Cette assertion est contenue dans le dis- cours adressé au Grand Chapelain, lorsqu'il est investi de sa charge.
« Très Révérend Frère, les fondions sacrées de Grand Chape- ain ont été confiées à vos soins, et voici ([ue nous vous confions le bijou de votre oITice.
« Vos devoirs consisteront à diriger les exercices île dévotion de nos Grandes Assemidées '(irand ( '.ninmunivalions) et à accom- plir les fondions sacrées de votre s;iiiitc vocation dans nos cérémo- nies publicpies. Qiioi(/ue In Maronnci'ie ne soil pas une religion, elle csi pour une large pari la servante ih la religion, et nous sommes certains que, célébrés par vous sur ses autels, les olïices ne perdront rien de leur influence vivifiante, puisqu'ils seront accomplis dans cet esprit de tolérance universfdie qui distingue notre instilution. Les <|od lines de mor;dt' d di- \ril n (pic vous avez lliabilude d incul-
LA FRANC-MAÇONNERIE AAlÉRlCAIXE IlST-ELLE UNE RELIGION ? 61
quel' au monde, en tant que ministre de Dieu, formeront les leçons convenables que l'on s'attend à vous entendre communiquer à vos frères dans la Loge. La profession que vous avez choisie dans la vie est la meilleure garantie que vous accomplirez les devoirs de votre fonction présente avec fermeté et persévérance dans le bien. Nous confions à votre garde la Sainte Bible, cette grande lumière de la Maçonnerie ».
Tout le monde en conviendra : les raisons de nier que la INlaçon- nerie soit une religion s'affaiblissent singulièrement en présence des lumières dont on l'entoure.
Un grand chapelain, un Très Révérend Frère, des fonctions sacrées, une vocation sainte, des exercices de dévotion, la célébration d'of- fices sur ses autels, le dépôt de la Bible — tout ceci indique à pre- mière vue une influence sur la religion, manifestement supérieure à celle d'une servante.
Mais de quelle forme de religion la Maçonnerie est-elle la servan- te? Est-ce du Méthodisme, du Presbytérianisme, du Mahomélisme ou du Catholicisme, ou encorede toutes ces religions? Une servante est une aide. 11 est étrange qu'aucune forme de religion ne recon- naisse la Maçonnerie comme une aide « dans une large part ». Le Catholicisme ne la reconnaît certainement pas comme telle, et nous n'avons jamais ouï dire que quelque autre religion le fît. L'influence de la servante si secourable est bien effacée en vérité. De plus, les prétentions émises par la Maçonnerie au « Choc de l'Entrée et au Choc de l'Illumination » excluent l'idée de servitude. Une extinc- tion totale et l'anéantissement du passé, sont œuvre de destruction et non d'aide ; et ceci se conclut tout naturellement de la théorie maçonnique, que toutes les formes de religion sont des corruptions d'une forme primitive; car une fois cette théorie admise, celui qui consentirait à persévérer dans la pratique de semblables corrup- tions serait indigne du nom d'homme. 11 doit donc, s'il n'est pas un hypocrite, abandonner toutes ces pratiques religieuses qui étaient autrefois pour lui l'expression de la Vérité divine; et une société qui serait composée de tels hommes ne peut être envisagée comme une aide sincère de la religion.
De plus, si la Maçonnerie est la servante de la religion, elle doit se reconnaître soumise en matière de religion. Mais comment la soumission lui serait-elle possible, alors qu'elle considère tout postu- lant, a quelque religion qu'il appartienne, quelque hautes fonctions qu'il ait remplies dans cette religion, ou quel que soit le nombre d'an- nées qu'il ait passées à en approfondir les dogmes, est considéré par elle comme se tenant aux portes de la xMaçonnerie « dans l'obscurité, l'ignorance et l'infirmité », comme demandant avec prières que la
(j2 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
Inniièro inlellorluelle <oil « créée » dans son esprit, afin i|nil puisse connaître Dieu el l'essence de son Ame? Ouelle soumission peut-il y avoir dans la Mac^onnerie à l'égard de la \'érité Divine? Cepen- dant elle a pour Imt principal renseignement de celte même Vérité. Et néanmoins la Maçonnerie ne consent à soumettre au jugement d'aucune autorité religieuse sa doctrine sur Dieu et sur lAme humaine ; et elle ne permet à aucun de ses mendires de la révé- ler.
Gomment pourrait-on dire (jue la Maçonnerie est la servante de la religion, alors que l'une de ses caractéristi<pies est précisément l'impossibilité, pour tout individu ou toute corporation d'y intro- duire aucun changement, si léger soil-il ?
« Le dernier point caractéristique (/a/K7/?m/*A', celui qui les résume tous, est que ces landmarks ne peuvent jamais être changés ' ». Le voici : « Vingt-cinquième : les landmarks de la Maçonnerie ne peu- vent jamais être changés. Voilà ce qui constitue les landmarks, ou, comme on les a parfois nommés,» le corps de la Maçonnerie », el il n'est donné à aucun homme ni à aucun groupe d'hommes d'y intro- duire la moindre innovation- ».
Non, non, la Maçonnerie n'est pas une servante. Elle est quelque chose de plus, comme son nom même l'indique. Elle est la Franc- Maçonnerie, ne reconnaissant de liens religieux ou moraux que les siens, comme nous l'avons vu. Elle n'est pas la servante, mais la maîtresse. Elle serait en vérité une servante étrange, celle qui, dans les grandes solennités, insisterait pour occuper la place d'honneur. Voilà cependant ce que fait la Maçonnerie en matière religieuse, car, lorsque des odices publics sont célébrés dans une église aux jours tie fêtes maçonniques, c'est le chapelain de la loge qui doit ollicier. « Dans tout pays où la Maçonnerie est encou- ragée, ilit le Bitualist, ses jours de fête sont célébrés en grande pompe. Ces jours sont la Saint-Jean-Baptiste (24 juin) et la Saint Jean-l'Evangéliste i?7 décembre), ils sont réservés par la frater- nité pour adorer le Grand-Architecte de l'Univers, pour implo- rer ses bénédictions sur toute la grande famille humaine ; el pour
prendre part à la fête de l'alVection fiaternelle En arrivant à la
grille de l'église, les frères se découvrent el ouvrent leurs rangs à droite et à gauche jusqu'à l'endroit oii est le Maître, qui, suivi des frères, passe au milieu, la tête également découverte, et entre dans
l'église Le service flivin doit être célébré j)ar le Chapelain, et
un discours de circonstance est fait par quelque membre compé-
1. h^nriirlnpirilia nf Frremnsonri), ]>. 113. V. Musonir /iihialisl, pp. •il'.^-î.lH.
EST-ELLE UNE RELIGION ? 63
lonl choisi pour l'occasion. Ou cliaiiLera des hymnes el des antiennes appropriées à la fête, el, après le service, on pourra quê- ter aux portes de l'église pour venir eu aide aux œuvres de cha- rité ».
Notre servante a certainement tout pris eu main. Elle institue ses propres jours de fêles, les frères se réunissent pour adorer le Grand-Architecte de l'Univers ; ils le font dans une église publique, leur chapelain y célèbre rollice divin; ils chantent des hymnes el lies antiennes appropriées à la circonstance — tout ceci se passe par ordre et sous le contrôle de la Maçonnerie, et cependant, celle- ci n'est pas une religion, mais seulement la servante de la religion ! Qu'il nous soit permis de demander quelle église elle a choisie pour les offices divins? Oui est-ce qui ciiarge le chapelain de les célébrer? De quelle nature sont les ordres sacrés qu'il possède? Et même, en possède-t-il? De quoi se composentles cérémonies qu'il accomplit, et quelle sorte de cullerend-il au Grand-Architecte de l'Univers ? Oui, ou qu'est ce Grand Architecte de l'Univers? L'église n'est certaine- ment pas une église catholique, le chapelain n'est pas catholique, et le culte n'est pas catholique ; en sorte que, même si l'idée d'un Grand- Architecte de l'Univers était catholique (ce qu'elle n'est pas, étant donné son sens maçonnique), les autorités de l'Eglise catholique ne pourraient pas davantage permettre à ses enfants de prendre part à de tels offices qu'elles ne leur permettent d'assister à ceux des innombrables églises prolestantes qui nous entourent.
La théorie de « la servante » ne tient pas debout à la lumière des faits et des principes maçonniques. La Maçonnerie est donc plus que la servante de la religion. Elle est une religion.
Nous le savons très bien : une telle afïlrmalion faite avec calme et après mûre réflexion va attirer sur nous un déluge de démentis. Nous avons démontré ce que valait celui du F.-. Pike el l'inanité de celui du Masonic Ritualist. Il est facile d'opposer des démentis ; mais qu'on réfuie nos arguments ! Nous allons en fournir un nou- veau dont l'utilité servira à nos adversaires comme à nous.
Il est évident qu'il faut compter comme une religion distincte celle qui a ses autels, ses temples particuliers, ses minisires spé- ciaux et même une grand'prêtrise ; ses consécrations et ses onctions propres ; son riluel, son culte à elle, ses cérémonies et ses fêtes religieuses distinctes, son propre credo, sa morale ; sa théorie par- ticulière sur la nature de l'àme humaine et sur les rapports de cette âme avec la Divinité ; enfin son Dieu particulier. • -
Eh bien ! nous trouvons tout cela dans la Maçonnerie. D'où lions concluons que la Maçonnerie est une religion.
Nul homme de bon sens ne mettra en doute notre première
64 LA rRANC-MAÇ^ONNERlE AMÉRICAINE
proposition, la majeure de rargnment ; car nous avons énuméré lieaucoup plus de choses qu'il n'en lallail à la rigueur pour consti- tuer une religion distincte. C'est donc la seconde proposition ou la mineure qu'il s'agit d'examiner, et c'est une question de fait. N'est- ce pas un t'ait que toutes les choses énumérées plus haut se ren- contrent dans la Maçonnerie? Si oui, la Maçonnerie est bien une religion, en dépit de toutes les dénégations qui ne peuvent venir que de ceux-là seuls qui ignorent les dogmes maçonniques ou qui ne sont pas sincères. Examinons donc le fait en délail :
1" L'Aiilel.
La premièie chose qui arrête notre attention dès que nous ouvrons le Masonic Ritiialisl, c'est l'autel maç-onnique. Il se compose, paraît-il. d'un bloc de pierre entouré de trois chan- deliers, sur lequel est posée la Bible, portant sur ses feuillets ouverts l'équerre et le compas. Le fond est en bois noir, probable- ment en cyprès '. Tel est l'autel pour les grades inférieurs, car la Maçonnerie a un autel différent pour les hauts grades. A la page 35, nous voyons un diagramme qui nous montre la disposi- tion des lumières. Le dessin est accompagné de l'avertissement suivant :
<( On commet si souvent des erreurs dans la disposition des lumières autour de l'autel que le diagramme précédent est inséré pour instruire le >< Senior Deacon » (Doyen des Diacres .ilont l'une des atlril)ulions consiste à veiller à i^e quelles soient dûment dis- tribuées ».
Et du commencement à la fin du livre, il est toujours question de l'autel ; cependant sa forme varie, comme nous l'avons dit.
On lit à la page 532 du Biiualisl : « L'autel du Conseil des Maîtres Royaux et Elus (Council of fioi/al and Selecl 3/r/.s/c/'.s ' représente la célèbre Pierre de Fondation (hi Temple sur hupielle on trouvera l)lus loin des renseignements. 11 fainha donc (jue. contrairement aux autres autels maçonniques, il leprésente une pierre «-ubique, sans autres ornements, sur laquelle on déposera une représentation d»' r.Vrched'.Vlliance. Comme la légende maçonnique pince la Pierre de l'ondalion dans le ■• Saint des Saints » du second leiui)le. mais iininédiitlcment au-dessous dans le premier, et comme ce jjoint est représenté par la neuvième arche dans le Con.seil des Maîtres Elus, il est évident (pie. pendant une réception, du moins, l'autel devra être placé dans les hmites de celte arthe et non pas. comme on le fait trop souvent, en dehors ou même au milieu de la salle ».
1. VdMittic Hitutilisl. p. 11.
EST-I:LLK l-NE RELIGION ? 65
La Maçonnerie a done ses autels particuliers, autels qui ont un sens maçonnique spécial et dont la disposition, la matière, l'orne- mentalion sont miuutieusement déterminées.
2° Le Temple.
Un autel suppose tout uaturellement une église ou un temple. Puisqu'ils ont des autels, les Maçons appellent, même publique- ment, leurs édifices des « temples ».
« Le candidat, dit le Masonic Riliialist de Mackey, cherche la lumière et la vérité dans Tenceinte sacrée de la loge ' » : dès son entrée, « il reçoit, comme Moïse au buisson ardent, l'avertissement solennel : »( Ouilte la chaussure de tes pieds, car la terre sur laquelle lu marches est sainte - » ; et l'une des dilVérences qui existent entre l'ancien tenq^le, dont la loge est la copie, et la loge elle-même, est que « la place la plus sainte d'une Loge est son extrémité orientale, tandis que celle du temple est son extrémité occidentale '■^ ».
« Ils ont l'un avec l'autre des rapports si étroits, nous dit encore le Dr. Mackey dans son Enci/clopxdia, à la page 798, qu'il serait fatal à l'existence future de la Maçonnerie d'essayer de les séparer l'un de l'autre. Chaque Loge est et doit être un symbole du Temple Juif » ; et c'est pour cela que, comme son modèle, la Loge contient le Saint des Saints. « Toute Loge, dit le F.-. Pike, est un Temple, symbolique dans son ensemble et dans ses détails ». '"
3" La Grand' Préirise.
La Maçonnerie possède, avec ses autels et ses temples, une grand'prêtrise instituée par elle et' pour elle. Ce sujet est traité tout au long dans le Masonic Rilaalist, page 420 et suivantes.
« Le but de ce grade (^Grand-Prêtre), celui du moins auquel se rapportent ses cérémonies symboliques, semble être de présenter au candidat le lien de l'amour fraternel qui devrait vuiir ceux qui, ayant été élevés à la plus haute dignité par leurs compagnons, ont ainsi pour mission de conserver intacts les principes (landmarks) de l'ordre, et de protéger de leur haute autorité l'intégrité et l'hon- neur de linstitulion. On rappellera à ceux qui sont ainsi séparés de la foule des travailleurs dans le domaine de la Maçonnerie, et qui sont consacrés pour remplir une mission sainte dont ils devront ensei- gner les glorieuses vérités, à ceux qui siègent dans le tabernacle
1. Libr. cil., p. ■>{).
2. Masonic Ritualist, p. '.'3.
3. Ibid., p. 29.
4. Morals and Dogma, p. 7.
66 LA FR.\NC-MAÇ0^MÎR1E AMÉRICAINr.
comme les représentants du sacerdoce ancien, oti leur rappellera par les cérémonies impressionnantes de ce degré l'amitié étroite et la camaraderie (pii ilevrait exister entre tous ceux quiontélé hono- rés d'un privilège aussi distingué ».
Puis, à la page 480, les peines infligées à ceux qui assument in- dûment les fonctions sacrées, sont exposées dans le récit biblique des châtiments subis par Core, Dathan et Abiron' ; on y voit clai- rement établie la parité qui existe entre le haut sacerdoce maçon- nique et celui d'Aaron. Nous devons ajouter que le Rilualisl nous dit que ce passage de l'Ecriture est « parfois intei'prélé comme l'explication d'une partie importante de l'investiture- ».
Après nous être pénétrés de la défense d'assumer indûment les fondions de la plus haute dignité de la loge ; après nous être con- vaincus qu'une consécration est nécessaire pour remplir une mis- sion sainte dans laquelle doivent être enseignées les glorieuses vé- rités de la Maçonnerie, et que le futur grand-prétre doit siéger dans le tabernacle comme les représentants du sacerdoce ancien, pas- sons à la Bénédiction, qui doit être récitée à la consécration d'un Grand-Prétre.
« Ouand on consacre un (Irand-Prètre, on doit réciter la formule de Bénédiction suivante :
« Et le Seigneur parla ainsi à Moïse et lui dit : Dis à Aaron et à ses fds : Vous bénirez ainsi les enfants d'isrard, et leur direz : Que le Seigneur te bénisse et te garde. Que le Seigneur te montre sa face et ait pitié de toi. Que le Seigneur tourne son visage vers loi et te donne la paix » '.
El notre guide continue :
« La cérémonie de la consécration avec l'huile est préparatoire à l'éh'vation à tout otTice sacré comme l'était, chez les Egyptiens et les Juifs, celle (jui consacrait les rois ou les prêtres. On trouve, parmi les monuments des premiers, un grand nombre d'oeuvres d'art où l'on voit s'accomplir ce rite sacré. Les Ecritures font men- tion de trois cas ditlérenls où l'onction sainte fut administrée; c'est d'abord à Aaron lors de son entrée dans le sacerdoce, puis à David et à Salomon quand ils furent sacrés rois. L'onction était alors considérée comme un symbole de sanctification ou de désignation pour le service de Dieu ou quehpie autre fonction sacrée ». Et, comme si tout cela n'était pas suflisanl pour non."; pénétrer du ca- ractère sacré du haut sacerdoce maçonnique, on lit le passage de
1. \um. \\\. I-;;:..
'J. Miisonii' liiluntitil. p. IIÎO. 3. Num. \ I. ■A>-2G.
EST-ELLE UNE RELIGION ? 67
sailli Paul, aux Hébreux, chap. MI. dans lequel l'apùlre parle du sacerdoce éternel du Christ. Ces paroles, dit le Bitualisl. sont « lues comme explication de la charo:e sacerdotale ». Le passage en ques- tion est entièrenienl mutilé, on y a omis toute mention du Christ.
Le Grand-Prèlre, dit encore le Hitualisl. est au-dessus de tous dans un Chapitre de Maçons Boi/al Arch : le roi lui-même est son subordonné. >< Il l'eprésente Joshua ou Jeshua, fils de Josedech, qui était Grand-Prêtre dos Juifs lors ilu retour de la captivité de Baby- loiie. Il siège à l'Orient et est revêtu du costume sacerdotal de l'an- cien Grand-Prêtre chez les Juifs. Il porte une robe de lin l)leu, pour- pre, écarlate et blanc; il a pour ornement une plaque sur la poitrine, et il est coiffé d'une mi Ire sur laquelle on lit cette inscription: « Saint est le Seigneur ». Le bijou ou insigne du grand prêtre est une mi- tre »'. Son installation se termine parson introduction dans le Saint des Saints. >< Vous allez maintenant prendre place dans le Saint des Saints, dit le Grand-Prêtre et faire l'installation des olïî- ciers qui vous sont subordonnés - ». « Puis le Grand-Prêtre est introduit dans le Saint des Saints' ».
Voici donc ce qu'est le haut sacerdoce en .Maijonnerie. On choisit, selon l'idée maçonnique, un homme faisant partie d'une élite re- crutée dans la foule des travailleurs maçonniques ; on lui confère, en le sacrant, la sainte mission d'enseigner les glorieuses véri- tés de la Maçonnerie ; il est le représentant des grands-prêtres de l'antiquité ; il revêt les habits sacerdotaux et porte la mitre sacerdotale ; il siège dans le Saint des Saints : c'est à lui que s'appliquent les paroles de l'Apôtre relatives au sacerdoce du Christ. Les grands prêtres forment un corps suprême dans les af- faires de la Maçonnerie américaine. Peut-être aussi qu'en considé- rant que Joshua et Jésus sont en hébreu un seul et même mot, nos lecteurs seront entraînés dans un autre cours d'idées.
4° Le Culte.
Vn sacerdoce sans culte serait une anomalie. La Maçonnerie aura donc son culte. Nous avons déjà parlé de son culte public en nous occupant du chapelain de la Loge ; mais il est un autre culte, se- cret celui-ci, qui se pratique sous le couvert des Loges ; son exis- tence est bien établie par le Ritualist, mais on n'a pas le droit d'im- primer quelle en est la nature. Cela ne pou riait sans doute édifier ([ue des yeux maçonniques.
1 Masonic Ritualist, pp. 343, 344.
2. Ibid., p. 463.
3. Ibid., pp. 463-464.
4. Masonic Ritualist, p. 248.
68 LA franc-ma(^'onm:rie amk:ricaine
5" Les Consécraiions et Onctions.
Il en est (jnoslion dans la description que fait le Ritualist du haut sacerdoce, de même que des cérémonies maçonniques. Pour plus de brièveté, nous nous abstenons d'apporter d'autres preuves.
(y' Le Rituel.
« La manière d'ouvrii' et de bn-mer une Loge.de conférer les gra- des, de faire une installation et d'accomplir d'autres devoirs cons- titue un système de cérémonies que l'on appelle le Ritueb Une s^rande partie de ce rituel est ésotérique,et, comme il n'est pas per- mis de la confier au papier, elle ne peut se communiquer que par l'enseignement oral' )>.
7" Les Fêtes.
<< Dans toutes les religions, dit noire auteur-, il y a eu certains jours consacrés à de^ réjouissances, et que Ion a appelés jours de fêle »
« Les Maçons, empruntant cet usage à l'Eg^lise, (ju'ils imitent, ont toujours eu aussi leurs jours de fête consacrés. Les principaux jours de fêle des Maçons Opératifs ou Maçons de Pierre du Moyen-Age étaient la Sainl-.Iean-Baptiste, le ?4 juin, et la fête des Quatre Martyi-s couronnés, le 4 novembre. Cette dernière fut écartée par les Maçons Spéculatifs [Francs-lNiaçonsj ; et les fêtes que célèbre généralement de nos jours la F'raternité sont celle de saint .lean- Baptiste, le '24 juin, et celle de saint .lean l'Evangéliste, le 27 dé- cembre. Ce sont les fêtes qui sont célébrées dans ce pays ».
8» Le Credo.
'< Une croyance en Dieu. — Ceci constitue le seul Credo d'un Maçon — du moins le seul Credo qu'il soil tenu de professer, dit le Ritualist, à la page 44 ». Cejiendant le Dr. Mackey, dans son Ency- clopaedia, élargit (|uel(|ue |)eu la doctrine ou jibitcM explique les mots (i tenu de professeï- >■.
'( Quoique la Maçonnerie, dit-il, ne soit pas un? théologie dog- iiialiipu", el qu'elle soil toléiante dans l'admission de tous ceux (jui oui une croyance religieuse, on aurait tort de .supposer quelle est sans credo. .\u coiilraire. elle a un credo, aucpicl elle enjoint rigou- reusement d'adhérer, et le l'ail de le repousseï' rend absolument inq)ropre à faiic partie île l'Ordre. Ce credo se compose de deux ar- ticles : 1" la croyance en Dieu, Créateur de toutes choses, qui est par (•()nsé(pienl re(N)nnu cijmme le (iraud Architecte île l'Univers;
1. Encyclupœdia. |i. CmO. 'î. Ibid., |j. 276.
EST-ELLE UNE RELIGION ? 69
et 2" la croyance à la vie éleriielle pour laquelle cette vie présente n'est qu'une préparation et une épreuve. L'assentiment au premier de ces articles est explicitement exigé aussitôt que l'on i'ranchit le seuil de la Loge. Le second est enseigné d'une façon expressive par les légendes et parles symboles, et tout maçon doit y adhérer im- plicitement, surtout celui qui a reçu le troisième grade, tout entier fondé sur la résurrection à une seconde vie ».
Nous pourrions facilement prouver que le Credo maçonnique est infiniment plus développé ; eu ell'el, comment enseigner la Vérité Divine — la vérité de Dieu et de l'àme humaine — la nature et l'es- sence de l'un et de l'autre, si la simple croyance en Dieu est tout ce qui est requis des disciples de la Maçonnerie? La nature et l'es- sence de l'un et de l'autre embrassent beaucoup, beaucoup de cho- ses. Nous nous contentons cependant d'indiquer ce fait, car il nous suffit d'avoir prouvé que la .Maçonnerie a son propre Credo.
9» La Morale.
Ceci est l'un des premiers objets des >< nouvelles leçons que donne la nouvelle école de la Maçonnerie. La Maçonnerie se définit elle- même « un système de morale ». Ce système est certaine- ment distinctif de la Maçonnerie, puisqu'il fait partie de son es- sence même. La lumière maçonnique est exigée pour le connaître ; l'aide maçonnique est indispensable pour le vivre : il constitue en somme la « vie maçonnique ». Cette morale est de fait si spéciale, qu'on ne peut en trouver les éléments hors de l'enceinte de la Ma- çonnerie.
« Nous le voyons ilecandidat acquérir à son initiation les premiers éléments de morale » dit notre Ritualist, p. 338. Il est évident que, s'il acquiert au moment de son initiation les premiers éléments de la morale, c'est qu'il ne la possédait pas encore. La morale de la Maçonnerie lui est donc particulière. Mais de ceci, nous reparlerons dans un chapitre spécial.
lO» La Théorie de lAme humaine et les Rapports de l'Ame avec la Divinité, tout ensemble avec
11" Le Dieu spécial de la Maçonnerie.
Ces deux points nous sont clairement démontrés dans les phrases qui nous sont déjà familières, oi^i la Maçonnerie expose qu'elle a pour but de communiquer la Vérité Divine en ce qui concerne la nature de l'àme et l'essence de Dieu. Tous ceux qui sont hors de son sein sont dans les ténèbres ; elle seule possède la lumière ; son candidat supplie pour « qu'on tire le voile qui cache la Vérité divine à sa vue de non initié ». Cette « illumination mentale », celte
70 LA 1 ranc-ma<.;onm:rie ami^.ricaine est-elle une religion ?
« lumière spirituelle » est « la première requête du nouveau candi- dat ». Gomment connaître ce qui vous est tenu caché? Pourquoi tant implorer pour posséder une chose qu'on a déjà ? Pourquoi entrer dans la Ma(;omierie, si elle a pour objet de nous apprendre ce que nous savons? Tout ceci s'éclaircira, sil est possible, à me- sure que nous avancerons dans notre Etude.
Le Dieu de la Maronnerie n'est donc pas le Dieu ([uc nous révé- rons, adorons et aimons, car Celui-là, nous le connaissons sans avoir recours à la Maçonnerie ; notre âme n'est pas ce que nous croyons qu'elle est, selon la Maronnerie, mais autre chose que, seule, la Maçonnerie peut nous révéler. Voilà ce dont il s'agit. Elle allirme donc tout simplement ce que nous disions : qu'elle a sa théorie particulière sur l'àme humaine, sur Dieu, et nécessairement sa théorie sur les rapports entre l'âme et Dieu.
Nous n'avons pas épuisé, dans cette enumeration, les caractères religieux de la Maçonnerie. Nous aurions pu parler de ses invoca- tions, de ses bénédictions, de son baptême', de la communion de ses membres, de ses hymnes, de ses purifications, des crosses dont on fait usage dans les hauts grades, etc. ; mais nous n'avons pas besoin de plus amples développements pour prouver un l'ail aussi évident. Appelez tout cet ensemble, si vous le voulez, une religion travestie, considérez-le comme une caricature ridicule de la religion — nous n'avons rien à voir dans la sincérité ou la fausseté des pro- testations de la ]\Iaçonnerie.Nous avons montré qu'elle a ses autels, ses temples, ses prêtres, son culte, son rituel, ses cérémonies, ses fêtes, ses consécrations et ses onctions, son credo, sa morale, sa théorie sur l'àme humaine et ses rapports avec la divinité, son pro- pre Dieu. Toutes ces choses constituent certainement une religion, une religion fausse à la vérité, mais une religion.
1. Au sujet (iun « Baptême >■ inaronniciue adiiiiiiistré l'ocemmcnt à Now- YtM'k City ; voir la Catholic Forlnitj/illi/ Review, vol. XV, n» 7.
CHAPITRE:VI
Plus DE lumière sur la Franc-Maçonnerie américalne en tant oue
RELIGION
L'idée de présenler la Maçonnerie coinme une religion doil pa- raître si nouvelle à bon nombre de nos lecteurs, et les protestations qu'elle soulève dans la Fraternité se font entendre si bruyantes et si prolongées, qu'un peu })lus de lumière sur cette (jueslion ne sera pas hors de propos. Remettons au Dr. Mackey le soin de nous inS' truire, tout en nous réservant le droit d'appeler votre attention de ci, de là, sur certains points où il risquerait de nous égarer.
« Un grand nombre d'orateurs et d'essayistes maçonniques, nous dit Mackey*, ont en vain dépensé beaucoup d'esprit et de talent pour prouver que la Maçonnerie n'est pas une religion. Ceci vient sans doute du rapprochement que des gens bien intentionnés, quoique dans l'erreur, ont voulu faire entre la Religion et la Maçonnerie, et l'on a craint aussi que, si on les séparait trop ouvertement Tune de l'autre, les adversaires de la Maçonnerie ne réussissent à établir une théorie qu'ils se sont plu à avancer. Ceux-ci prétendent que les Maçons sont portés à substituer les 'enseignements de leur ordre aux vérités du Christianisme.
« Pour moi.ajoute-t-il.qui n'ai jamais cru un instant qu'un esprit bien équilibré puisse admettre une prétention aussi déraisonnable que celle qu'on attribue à la Maçonnerie de vouloir se substituer au christianisme, je ne suis pas disposé à faire autant de concessions que des Frères plus timides touchant le caractère religieux de la Maçonnerie. Au contraire, je soutiens, sans la moindre hésita- tion, que la Maçonnerie est, dans toutes les acceptions du mot, sauf une, et la moins philosophique de toutes, une institution émi- nemment religieuse, qu'elle doil uniquement à Vêlement religieux qu'elle contient son origine et la perpétuité de son existence, et (|ue, sans cet élément religieux, elle ne mériterait guère la peine d'être cultivée par un homme sage et bon. Mais, pour être mieux comjjris, il serait utile de s'entendre sur la vraie définition de la religion. 11
1. Encijdoinrdia of Freemasonry. \). illJ'.t.
/2 PLVS DK LIMIKRE MR LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE
n'est tien de plus illoij;ique (|iie de raisonner snr des termes non dé- finis. Webster a donné qualir délinilions dislincles de la religion ».
Ainsi, vous l'avez entendu : l'élément religieux est Tàme même de la Maçonnerie ; c'est à lui t|u"(dle doit son origine et la perpé- tuité de son existence ; sans lui. la Maçonnerie n'auiait aucune va- leur. Les Frères orateurs et essayistes qui ont nié avec tant d'es- prit et de talent la présence de cet élément religieux dans la Ma- çonnerie et qui ont cherché à démontrer (jue la Maçonnerie et la religion étaient séj)arées l'une de l'autre, ont pu le l'aire dans une bonne intention, sans doute, mais, à notre avis, ils n'étaient ni sin- cères, ni honnêtes. Pour eux, ce n'était pas la vérité (jui impor- tait, mais la crainte que les adversaires de la Maçonnerie ne réus- sissent à établir cette théorie, (pie celle-ci cherche à se substituer au Christianisme. Mais pourquoi cette crainte, s'il n'en est pas ainsi? Comment povn-rait-on réussir à imposer une théorie, si elle est fausse? « Ils se trompaient en le croyant. » dit le savant Dr.Mackey. Se trompaient-ils vraiment? Xous le verrons plus tard.
Ln mot encore, et nous continuerons notre citation. Le Dr. Mac- key nous dit que la Maçonnerie est la religion dans les trois pre- miers sens du mot, mais non dans le quatrième, qui est le moins philosophique. Ignorant le système de philosophie adopté par le Docteur, nous ne pouvons, pour le moment, éclairer nos lecteurs sur ce qu'il trouve de non philosophique ou de moins philosophi- que à ce quatrième sens. PeuL-ètrc la lumière se l'era-t-elle à me- sure que nous avancerons. Voyons donc ces définitions de Webster, telles (pie les rapporte notre auteur :
« l"La Religion, prise dans sa plus grande compréhension, renfer- me une croyance à l'existence et aux perfections de Dieu, -[à la ré- vélation de sa volonté à l'homme, — à l'obligation où est l'homme d'ol)éir à ses commandements, — à un étal fulur de récompense ou de châtiment, et au compte (jiie nous devons rendre à Dieu ; puis à la vie religieuse et pieuse (jue nous sommes lemis de uicikm' en prati(pianl lous les devoirs moraux ».
Il est vrai (pie cela siillil à constituer la religion ; il n'y a (pi'une chose qui mampie pour (pie cela fasse une religion : c'est de réali- ser ces éléments. C'esl une cho.se de ( roire d'une manière générale en un Dieu (pielcoïKjue, possédant telles ou telles perfections ; de croire en une révélai ion dont nous ignorons le sujet, en des obli- gations abstraites, en une vague responsabilité, — et c'en esl une autre toute difTérenle de croire en un Dieu défini, ayant des perfec- tions déterminées ; en une révélation certaine de sa volonté, en des obligations et des devoirs bien précis ; et ce n'est qu'avec de telles croyances (pie nous pourrons prali(pier des vertus délerminées et
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mener une vie vraiment pieuse. Une simple croyance générale et indéterminée en un Dieu quelconque, en des devoirs imprécis, en une révélation vague ne portera jamais à suivre une ligne de con- duite indéfeclil)le et no pourra davantage former un idéal vers le- quel nous puissions diriger noire vie et rajjpelcr une vie vraiment pieuse. La précision sur tous ces points est indispensable à la di- rection des actes, car notre intelligence, comme notre volonté, est impuissante tant qu'elle est dons rincerlitude. Elle serait étrange, cette piété qui s'accommoderait de ninipurle quelle conception de Dieu ; comme le serait un idéal humain qui trouverait sa réalisation dans n'importe quel homme, car alors l'assassin, l'incendiaire, l'ivrogne, le débauché pourraient convenir à cet idéal indéterminé aussi bien que l'homme honnête, sobre, temjiérant ou possédant quelque autre de ces habitudes que nous appelons vertus. Dans celte hypothèse, les pa'iens pourraient être pieux en même temps qu'adultères comme Jupiter, ou ivrognes comme Bacchus ; et les païennes pourraient être à la fois pieuses et aussi impudiques que Vénus.
Donc, si cette première délinilion peut convenir à la Maçonne- rie, comme l'aflirme le Dr. Mackey. cela sufïit à prouver que, non seulement la Maçonnerie est la religion, mais qu'elle est une reli- gion. Car, en fait, la Maçonnerie enseigne une morale déterminée, impose des devoirs précis, approuve ou blâme un certain genre de vie. Ceci suppose nécessairement une révélation, une loi etl^des obligations définies, un législateur et un Dieu défini. Rendez quel- qu'un de ces éléments indéfini, et vous (U'-l mirez du même coup la force de l'obligation.
Nous savons bien que les Maçons nous diront que nous faisons erreur, et que la Maçonnerie permet à chacun de ses membres d'avoir pour idéal les révélations de sa propre religion : le Juif, l'Ancien Testament ; le Chrétien, l'Ancien et le Nouveau : le Maho- metan, le Koran, etc. Mais nous ne nous trompons point ; car la règle de vie ne consiste pas seulement dans l'usage de ces livres, mais dans l'usage de ces livres inlerpréiès niaçonniquement, c'est-à- dire d'après les doctrines maçonniques bien définies qui, à en croire les oracles de l'Institution, sont contenues dans ces livres. Xous Iraiterons cette question tout au long dans le chapitre « la Franc- Maçonnerie américaine et la Bible ».
La Maçonnerie doit donc, comme elle le fait d'ailleurs, donner aux éléments généraux de la religion un sens défini et réel ; et, du même coup, elle constitue nécessairement une religion; car chacun sait que ce qui existe réellement est individuel. Donc la Maçonnerie est une religion.
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2" Suivant la deuxième définition donnée par Webster, au dire du Dr. Mackey. « la religion, en tant que disliuctc de la théologie, consiste dans la pratique de la piété réelle, c'est-à-dire dans l'ac- complissenienl de tous les devoirs connus envers Dieu et nos sem- blables, soit par obéissance à l'ordre divin^, soit par amour de Dieu et de sa loi ».
3"^ Webster dit encore, suivant noire autour. « que la religion, en tant que distincte de la Vertu et de la Morale, consiste dans l'accom- plissement des devoirs que nous devons rendre directement à Dieu pour obéir à sa Volonté ».
4" « Enfin, ajoute notre Docteur. Webster définit la religion, un système quelcoiupie de loi ou d'adoration ; et, dans ce sens, dit-il, la religion comprend aussi bien la croyance et le culte des païens et des Mahometans que ceux des Chrétiens — toute religion consis- tant en une croyance à une ou à plusieurs puissances supérieures qui gouvernent le monde et en l'adoration de cette puissance ou de ces puissances. Et c'est dans ce sens-là que nous parlons de la reli- gion lurcjue ou juive comme de la religion chrétienne ».
Voilà comment le Dr. Mackey définit la religion dans ses quatre significations. Il dit qu'en ceci, il suit Webster. Il ne nous précise pas l'édition d'où il tire ses citations, qu'il nous est impossible de vérifier. Les meilleures éditions actuelles de Webster ne donnent pas ces définitions de la même manière que le Docteur. Nous ne lui chercherons cependant pas querelle à ce sujet; mais nous allons les accepter telles qu'il nous les donne, qu'elles soient ou non de W'ebster.
« Il est clair, ajoute-t-il, que, quelle que soit celle des trois pre- mières significations dans laquelle nous prenions le mot religion — et elles ne diffèrent pas sensiblement entre elles, — la Maçonnerie est autorisée à réclamer le titre d'institution religieuse. Si on l'examine scrupuleusement et de près, on verra qu'elle répond à tout ce qu'exige n'importe laquelle de ces trois définitions ». « Elle requiert une croyance en Dieu et en ses perfections, continue le Docteur, à ce point que, pour entrer dans l'CJrdie, il est iiulispen- sable de faire publi(iuement cette profession de foi. Celui qui ne croit pas à l'existence de Dieu ne peut être reyu Maçon ». Et plus loin : « On a|>p(dic d'une façon techni([ue •< morale spirituelle et plaurhc à tracer maçonni(|ue » la révélation de la volonté de Dieu à l'homme, et tout Maçon doit, suivant les règles et les plans de celte révélation, ériger l'édifice spirituel de sa vie éternelle ». Il ajoute : <' Un état de récompense ou de cliAtimcuit es! nécessairement compris dans toute idée d'obligation, car celle-ci perdrait sa force et son eflicacité sans la croyance à cet étal. El la Maie piété, .soit
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dans le culte divin, soit dans la pratique de la vie, est inculquée comme le devoir immuable du Franc-Maçon, depuis la réception au premier grade jusqu'à l'admission au dernier )>.
« C'est ainsi, dit-il, que, suivant la deuxième et la troisième définition, toute cette piété pratique et l'accomplissement de nos devoirs envers Dieu et envers nos semblables viennent de ce principe d'obéissance à la volonté divine sur lequel ils sont fondés. De quelle autre source, ou de quelle autre volonté pourraient-ils venir? C'est la voix du Grand Architecte de l'Univers, dont chaque cérémonie de notre rituel est pour nous un symbole, de même que chaque pièce d'ameublement de notre Loge ; tout parle au vrai Maçon pour lui commander de craindre el d'aimer Dieu et ses frères. Il est oiseux de dire que le Maçon fait le bien simplement parce qu'il obéit aux statuts de l'Ordre. Ces statuts eux-mêmes ont leur sanction dans l'idée maçonnique de la nature et des perfections de Dieu, idée qui nous est parvenue dès l'origine de l'histoire de l'Institution, et la diffusion de cette idée en fut le Init et la raison d'être ».
Nous avons laissé le Dr. Mackey s'étendre tout à loisir, car ses paroles sont une belle confirmation de tout ce que nous avons déjà prouvé. Comme le credo de la Maçonnerie évolue sous sa plume facile ! « Une croyance en Dieu et en ses perfections » ; « la révéla- tion de sa volonté à l'homme » ; « un état de récompense ou de châtiment » ; « vraie dévotion envers Dieu et piété dans la pratique de la vie » ; quel vaste champ de croyance tout ceci ouvre au Maçon instruit ! Il n'est peut-être pas tenu-à tout pratiquer, mais il faut qu'il admette tout. Et remarquez comme tout est déterminé et précis en Maçonnerie, en dépit des apparences : piété pratique et obéissance à la volonté divine ; la voix du Grand Architecte de l'Univers symbolisée par toutes les cérémonies et parlant par chaque pièce de l'ameublement de la Loge ; l'idée maçonnique de Dieu, qui est la sanction des statuts de l'Ordre. Il ne s'agit pas d'une piété quelconque, d'une volonté divine quelconque ; d'une voix ou d'une autre ; d'une idée de Dieu indéfinie ; mais, selon le cas, chaque chose est fixe et déterminée. Tout est réel ; tout fait partie A\ine religion.
« Cependant, il faut avouer, dil-il, que la quatrième définition ne semble pas s'appliquer strictement à la Maçonnerie ». Mais, en fait, la quatrième définition, qu'elle le paraisse ou non, 'es/ applicable à la Maçonnerie au sens strict du mot, comme nous l'avons déjà prouvé plus d'une fois et comme nous le prouverons encore. Nous ne nous attendons pas, dans une organisation comme la Maçonnerie, qui cherche à se cacher derrière un voile impénétrable, à voir que les
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choses paraisse/il ce qu'elles sonl en réulilé. .Nos lecteurs, qui ont cru tout d'abord que la Maçonnerie était une simple institution de l)ienfaisanc('.sont étonnés denlendre les révélations roliyieuses que la Fraternité lait sur son propre complo. Il ne \ouv semblait pas que la Maçonnerie fût religieuse dans aucun sens du tonne: et pourtant, malgré les apparences, notre auteur admet spontanément que les trois premières significations de la religion, significations attribuées à Webster, peuvent être applicable.; à la Maçonnerie ; l)icn mieux, il prouve qu'elles le sont. Les apparences sont parfois décevantes.
-' Mais elle [la Maçonnerie n'a aucunement la prétention de prendre une place parmi les religions du monde, entendues comme sectes, ou systèmes particuliers « de foi et de culte » par quoi nous distinguons le Christianisme du Judaïsme, ou le Judaïsme du Mabo- mélisme ».
La vraie Maçonnerie n"a aucune prétention à occuper une place dans ce qu'elle appelle les religions du monde; car celles-ci, comme nous l'a dit le F.-. Pike, sont des corruptions de la foi primitive. La Maçonnerie ne veut certes pas prendre rang parmi ces dernières, pas plus qu'elle n'ambitionne dètre une secte dilférant ilu Chris- tianisme comme le Christianisme dilTère du Judaïsme ; car notons bien que, dans l'idée maçonnique, les sectes particulières sont la corruption dift'érant de la corruption ; la religion fondamentale étant la même en l'une et en l'autre, les ditïérences ne proviennent que des erreurs accumulées qui sont l'œuvre de l'homme. La Ma- ç'onnerie diffère donc, d'après sa i)roprc théorie, de toute forme l»articulièrc de religion, elle est la religion calholique, universelle, de l'humanité. File prétend être le type pur duquel les religions sont les déformations mullijiles. Elle est la base solide sur laquelle on a entassé des erreurs variées. Aussi difl'ère-t-elle de toutes les religions : elle est cachée, enfouie sous toutes ces formes particu- lières de religion, mais elle est supérieure à toutes.
« Dans ce sens du mol le sens de secte . dit-il. nous ne parlons et nous ne pouvons pas parler de la religion maçonnique, pas plus que nous ne dirons d'un homme qu'il n'est pasun Chrélien,mais un .Maçon. N'oilà oi^i les adversaires delà Mnçonnerie se sont fourvoyés ; ils ont confondu l'idée d'une institution religieuse avec celle de la religion chrétienne en tant (pie forme spéciale de culte, et ils ont supposé (pie. parce que la Maçonnerie enseigne la vérité religieuse, elle se propose comme remplaçante de la vérité chrétienne et du devoir chélien ' ».
Les idées chrétiennes sur Dieu et sur l'àme humaine, les idées
1. En<iirh)p:v(li(t nf l-'rrrmnsoiirii. p. fill.
i:N TANT GUE RELIGION'
calholiques, par exemple, sonl-elles idenliqueinenl les mêmes que les idées maçonniques ? Les devoirs chrélicns, au sens strict du terme, sont-ils identiques aux devoirs maçonniques ? La morale chrétienne et la morale maçonnique sont-elles semblables ? Répon- dez par oui ou par non. Vous ne pouvez pas dire " oui '", car vous idenlifiori"z la Maçonnerie au Christianisme en i^énéral ou au Ca- tholicisme, et vous protestez bien haut, et avec raison, qu'il n'en est pas ainsi. Par ce seul mot, vous détruiriez tout l'échataudage maçonnique, sa raison d'être et celle de son mystère, car nous trouve- rions en dehors de la Maçonnerie ce qu'elle affirme ne pouvoir exis- ter ailleurs que dans son sein. Il faut donc que vous répondiez : « Non : l'idée chrétienne de Dieu, la morale chrétienne et le de- voir chrétien ne sont pas maçonniques ». Et vous avez raison, votre assertion sera confirmée à chaque pas que nous ferons dans notre Etude. Mais ne voyez-vous pas que le Maçon instruit, le candidat à la lumière maçonnique qui embrasse votre théorie doit nécessaire- ment, s'il est sincère et honnête, abandonner les idées chrétiennes, les idées calholiques qu'il avait jusqu'alors tenues pour sacrées, pour adopter les nouvelles idées, les nouveaux principes, la nouvelle vie que propose la Maçonnerie ? N'est-ce pas là une substitution évi- dente ? « Mais elle ne se présente pas sous cet aspect », dites-vous. Ah ! voilà qui est bon : qu'elle se présente ou non comme telle, elle est logiquement un remplacement, et c'est comme telle que l'accepte celui qui est véritablement instruit. Ainsi que nous l'avons dit, aucun homme, digne de porter ce nom, ne pourra à la fois croire que le Christianisme, le Catholicisme soit un tissu de corruptions et d'er- reurs inventées par l'homme, et adhérer à ses doctrines spécifiques et pratiquer les devoirs particuliers qii'il impose. La naissance de la nouvelle foi est la mort de l'ancienne. Supposons qu'au moment même où s'opère ce changement, on présente à celui en qui il s'opère la pure religion, telle qu'il la conçoit ; s'il est honnête, il l'embrassera spontanément. N'est-ce pas de la sorte que .-'opère toute suljstilulion, qu'on l'appelle ainsi ou non?
Pour que le lecteur comprenne mieux le sophisme auquel recourt la Maçonnerie pour nier quelle veuille supplanter le christianisme, nous allons retourner brièvement à la doctrine qu'expose le F.". Pike : « La Maçonnerie enseigne et a conser\é dans toute leur pureté les principes fondamentaux île la vieille foi primitive, qui sont tes fiases sur tesqiietles s'appuie toute retigion. Toutes les religions qui ont existé jusqu'ici ont eu un fonds de vé- rité ; et toutes l'ont recouvert d'erreurs. Les vérités primitives en- seignées par le Rédempteur furent plus rapidement corrompues, mélangées et alliées à des fictions que lorsqu'elles furent enseignées
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aux premiers hommes. La Maçonnerie est la morale universelle qui convient aux habitants de tous les pays, aux hommes de tous les Credo^ ».
De son propre aveu, la Maçonnerie existe donc sous deux formes : une forme pure et intacte, qui se trouve dans le sein de ses Loges ; une forme fausse et corrompue, qui réside dans les diverses religions pratiquées au dehors. Dès qu'il entre dans une Loge, le candidat est inondé de lumière ; la lumière intellectuelle est créée dans le chaos de son esprit; les corruptions introduites par toutes les re- ligions particulières apparaissent dans leur vraie lumière à son regard fortifié et purifié ; et au travers de ces corruptions, derrière elles, dans chacune d'elles, il découvre la pure Maçonnerie, bien qu'elle soit ca- chée et ensevelie sous^leur masse. Il faut donc que vous en arriviez à reconnaître la Maçonnerie dans votre religion, que vous soyez ca- tholique, protestant, juif ou bouddhiste; il faut que vous admettiez que votre religion, quelle qu'elle soit, n'est qu'une variété de la Ma- çonnerie, son prototype, etune variété d'origine humaine. Ne compre- nez-vous pas. disent les auteurs à qui nous avons affaire, que vous ne substituez aucunement la Maçonnerie à votre religion, mais que vous ne faites que reconnaître en celle-ci la Maçonnerie qui s'y. trouve? Vous écartez simplement les corruptions sans faire de sub- stitution. Il est donc juste de dire que la Maçonnerie peut commu- niquer sa lumière aux hommes de toutes les religions, sans s'occu- per de ce ([u'elles sont, puisque toutes sont, en résumé, la Maçon- nerie elle-même corrompue par l'homme.
Tel est donc le sophisme subtil et insidieux dont tout le système maconnicpie est vicié, et qui a trompé tant d'esprits bien intention- nés. Le germe de ce sophisme est contenu dans les ligures dont usent nos auteurs. Elles semblent bien appropriées, et .sont copen- diinl des j)lus inexactes, si l'on y regarde de près. Ce qu'on nous donne pour des erreurs dans les diirérenles religions, c'est ce que la Maçonnerie appelle des constructions superposées aux vérités pri- mitives et fondamentales, et qu'elle représente comme des corrup- tions qui recouvrent et cachent ces vérités. La fausse impression faite sur l'esprit du disciple de la Maçonnerie est celle-ci : il croit que les vérités premières et fondamentales sont distinctes des erreurs et des altérations qui constituent toutes les formes particulières de religion et que l'on compare à des constructions superposées, tout comme les fondations d'une maison sont distinctes desélages qu'on élève au-dessus, comme est distinct le fer de la rouille qui le ronge, le diamant, de la teirc (pii le recouvre. Si ce sont choses bien dis-
1. Morals anil Dogma, p. 1<)1.
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linctes, on peut donc enlever les unes sans nuireà l'autre, car chacune a son existence indépendante. Voilà le sophisme d'où vient le mal.
Or, ce que la Maçonnerie appelle erreurs et corruptions dans les difïérentes religions, est précisément ce qui constitue ces religions. Ceserreurs ne forment pas quelque chose d'étranger à l'essence de la religion comparable à la terre qui enveloppe le diamant, mais quel- que chose qui lui est intimement, intrinsèquement uni, s'identifiant avec elle au point de ne former qu'une seule et même chose, une sorte de composé vivant dont on ne saurait séparer les éléments sans le détruire. Retirez au Christianisme ses doctrines particuliè- res, et vous n'aurez plus le Christianisme. Retirez au Judaïsme, au Bouddhisme, au Presbytérianisme ce qui leur appartient en propre, et vous les détruirez, quoi qu'il reste à leur place. Dites ce que vous voudrez, vous leur avez enlevé l'existence même en leur retirant ce que vous appelez corruptions, comme on détruirait un homme, un cheval, un chien, un chevreuil en les dépouillantde leurs caractères spécifiques : on eu ferait de simples animaux et rien de plus. Et de même que cet animal abstrait et général, s'il pouvait exister, ne ressemblerait en rien à l'homme, au cheval, au chien, au chevreuil, puisqu'il ne serait aucun d'eux, de même la Maçonnerie est elle- même considérée dans le système maçonnique comme la religion fondamentale, différente et distincte de ses formes variées, car elle n'est aucune d'elles. En résumé, la Maçonnerie, même dans la théorie qui la pose en religion fondamentale, et quoique cette théorie soit fausse, constitue une religion distincte, comme nous l'avons prouvé par d'autres arguments.
«Ses amis les plus chauds et les plus.éclairés,continueleDr. Mac- key, n'ont jamais avancé ni soutenu une semblable prétention, à savoir : que la Maçonnerie fût présentée comme devant se substituer à la vérité et au devoir chrétiens' «.C'est vrai. Docteur, répondrons- nous ; mais une telle action ou une telle absence d'action ne prouve rien. Vous savez aussi bien que moi qu'il serait excessivement im- prudent aux amis les plus fervents de la Maçonnerie d'avancer ouvertement ou de soutenir pareille théorie, si vraie qu'elle put être. Ces amis doivent prétendre le contraire. Vous le prétendez vous- même, et ils suivent votre exemple. Il faut nous excuser cependant de nepas accepter comme preuve de votre assertion ce qu'ils n'ont point fait.
(» La Franc-Maçonnerie n'est pas le Christianisme, dit le Docteur, ni sa remplaçante. Elle ne cherche pas à le supplanter, non plus que n'importe quelle autre forme de culte ou de système de foi.
1. Encyclopedia, p. 641.
80 PLis m: lumikri: sir la ihanom aoonnerie américai>e
Klli^ ninlervienl duns aucun creilo on doc-trine confessionnelle, elle ne touche que la vérité religieuse fondamentale — pas assez pour annuler la nécessité du système chrétien du salid, mais plus que sullisamment poiu" démontrer qu'elle est, dans tous les sens philo- sophiques du terme, une institution religieuse, celle dans laquelle le Maçon chrétien sincère trouvera, pourvu qu'il les cherche avec ardeur, des modèles de sa propre foi exaltée et divinement inspi- rée » ' .
r>eprenons : La Maçonnerie n'est pas le Christianisme — nous aclmettons cela sans peine ; mais nous ne pouvons convenir aussi volontiers qu'elle ne se pose pas en remplaçante. Nous avons clai- rement prouvé que. par sa nature même, elle en était le >< substi- tut » ; que ce soit inleniionnellement ou non, qu'elle se présente ou non comme telle, ceci est, quant à présent, en dehors de la question. Cependant, s'il s'agit de s'entendre sur un simple mot. satisfait d'avoir prouvé que lo Mat-onnerie, en tant que religion, justifie parfaitement la définition anglaise de ce mol, nous consen- tons à admettre que, dans un certain sens, on peut laisser passer l'assertion de Mackey. (^-ar un « substitut »peut être parfait ou im- parfait. 11 peut remplacer complètement ou dans cpielques détails seulement. S'il remplace dans tous les détails, il est complet et par- fait ; s'il n<^ remplace que dans quelques détails seulement, il est un « substitut » incomplet et imparfait. Si par substitut, le Docteur Mackey entend un substitut parfait, nous pouvons admettre sans hésiter que la Maçonnerie n'a pas une telle prétention. Puisqu'elle se dit être le professeur cle la Vérité divine dans toute sa pureté, elle ne pourrait représenter à la fois la masse des «corruptions» qui. dans sa propre idée, constituent les formes du Christianisme autour de nous. Tout cœur maçonnique éclairé et sincère doit rejeter ces corruptions, et il n'est pas nécessaire de les rem|»lacer. Mais. comme nous l'avons e\pli(|U(''. en rejetani ic qui couslilue essenliellenicnl le Christianisme, on détruit le Christianisme tel (ju'il est actuelle- ment professé, même si. dans la théorie ma<;ouni(pie, cette destruc- lion est supposée n'èlrc <jue la restaurai ion du pur Christianisme et son reto::r à l'enseignement du Christ. Le Christianisme, tel qu'il est dans nos coeurs et dans le coMH" de ceux (pii nous entourent, n'est plus.\'»)us été-; libre, il est \ rai. de ne pas appelei' cela « s'ingérer » dans notre foi, car ingérence cl destruction ne sont pas synonymes* Vous pouvez, dire (pie la foi religieuse Maç()nni(pie. professée maintenant par l'initié, ne se « substitue » pas à la foi chrétienne qu'il professait auj)ara\anl ; il n'en reste pas moins certain que, s'il
1. l'.ncijrlitpn-diii. p. t"i||.
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est sincère ot honnête, ledit initié conviendra que sa foi (dn-étienne appartient au passé. A l'avenir, il ne conlessera plus que la [)ure loi maçonnit[ue. dont notre auteur nous dit dans cette même phrase qu'elle « n'est pas le Chrislianisme ». La Maçonnerie « n'intervient pas dans les credos ou les doctrines confessionnelles >> ; elle les fait disparaître, non dans l'esprit des Maçons exotériques et sans ins- truction, mais dans l'àme des Maçons ésolériques et éclairés, comme le prouve l'expérience et comme le confirmera de plus en plus notre étude.
Mais ce que nous voulons nier absolument, c'est que la Maçon- nerie « ne détruit pas... le système chrétien du salut ». En elTet, si la doctrine chrétienne du salut était nécessaire à la Maçonnerie, elle n'admettrait pas dans sou sein des Juifs, des Boudilhisles, des Mahometans et des sectateurs de Confucius, qui rejettent cette doctrine chrétienne du salut. Dans cet article même, d'où nous tirons nos citations, notre auteur nous dit que la Maçonnerie «< n'est pas le Judaïsme, quoiqu'il n'y ait en elle rien d'oiîensant pour le Juif ». Soutiendrait-il que la doctrine du salut, qui est essentielle- ment fondée sur le Christ, le Messie qui est venu, n'a rien de répu- gnant pour la foi religieuse du Juif?
Ce que dit le Dr. Mackey de la « foi exallée et divincmenl ins- pirée » du Maçon chrétien, ne nous retiendra pas ; car pourquoi la Maçonnerie ne fait-elle pas sienne celte foi, si elle la croit divine- ment inspirée ? Pourquoi considère-l-el!e le Koran comme divine- ment inspiré, de même que les Vedas et tous les livres enfin que les différentes religions tiennent pour divins? Nous traiterons ce sujet dans les chapitres « La Maçonnerie américaine et le Christianisme » et « La IMaçonnerie américaine et la Bible ». Nous n'indiquons ceci qu'en passant. pour montrera nos lecteurs combien peu tie confiance il faut avoir en ces expressions d'apparence chrétienne, lorsqu'elles sont employées par des écrivains maçonniques.
» Toute vraie Maçonnerie, poursuit notre auteur, lend vers la religion. Si elle fait quelque progrès, c'est dans celle direclion sainte. Considérez ses anciens préceptes i Landmarks;, ses cérémo- nies sublimes, ses allégories et ses symboles profonds, inculquant tous la doctrine religieuse, j)rescrivant la pratique des devoirs religieux, enseignant la vérité religieuse, et dites-nous ({ui pourrait nier qu'elle est une institution éminemment religieuse? ' ».
Certes, nous ne le nions pas. Elle est une institution éminemment religieuse dans sa forme particulière de religion ; cl nous remoi- cions le Dr. Mackey, qui confirme tie plus en plus notre opinion que
1. Encyclopœdia. p. 041.
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la Maçonnerie est bien une religion. Toutes ses cérémonies, ses symboles, ses allégories enseignent distinctement la doctrine maçon- nique religieuse et ses pratiques, et rien de plus. Tout cela a été ins" titué expressément dans cette vue et enseigne tout ce qu'en matière de religion, un Maçon doit savoir ou pratiquer pour élever « l'édifice spirituel de sa vie éternelle ». Ce sont là des caractères distinctifs de la Maçonnerie, qui ne s'appliquent (juà elle. Or, des vérités religieuses, des pratiques complètes en matière de religion et parti- culières à une institution religieuse constituent bien, dans tous les sens du mot, une religion distincte.
« De plus, dit le Dr. Mackey.la Maçonnerie sous toutes ses formes est marquée au coin d'un véritable esprit de dévotion. Nous ouvrons et fermons nos Loges par la prière ; nous appelons la bénédiction du Très-Haut sur tous nos travaux; nous exigeons de nos néophytes une profession do foi confiante dans l'existence et la providence de Dieu ; et nous leur apprenons à se courber avec humilité et révé- rence en ententlant prononcer son nom terrible, tandis que sa loi sainte est largement exposée sur nos autels. La Franc-Maçonnerie est ainsi identifiée à la religion, et, quoique un homme puisse être éminemment religieux sans être Maçon, il est impossible qu'un Maçon soit « sincère et digne de confiance » vis-à-vis de son Ordre, s'il n'a pas le respect de la religion et s'il n'en observe pas les principes ».
Qu'entend le Dr. Mackey, en disant qu'un homme peut être émi- nemment religieux sans être Maçon? Veut-il dire qu'on peut avoir une idée de Dieu éminemment vraie sans être Maçon ? Qu'on peut avoir une idée éminemment vraie de la nature et de l'essence de Dieu et de l'àme humaine sans entrer dans la Maçonnerie? Qu'un homme peut pratiquer à un degré eminent la vraie morale qu'en- seigne la Maçonnerie el cependant ne pas participer à la lumière maçonnique qui, en fait, n'a pas « été créée dans le chaos de .son esprit » ? Si l'on peut être « éminemment religieux » selon la vraie religion de la Maçonnerie sans entrer dans son sein, toutes les récla- mations qu'elle fait entendre en faveur de son illumination n'ont aucune raison d'être; c'est à quoi le Dr. Mackey ne peut con.sentir. Il faut admettre alors que les mots ' êmineumieiil religieux » signi- fient, comme ils doivent évidemment le faire, l'éminence dans l'er- reur (car pour la Maçonnerie, nous le savons, tout ce qui est hors de son sein est l'erreur). Nous imaginons que nos bons profanes éminemment religieux ne vont |>as remercier le Dr. Mackey de son compliment plus que douteux.
« Mais, conclut notre auteiir la religion de la Maçoimerie n'est pas sectaire. Elle donne asile dans son sein hospitalier aux lidèles
EN TANT OLE RELIGION 83
de toute religion, n'en rejetant ni n'en approuvant aucun en raison de sa foi particulière. Elle n"est pas le Judaïsme, quoiqu'elle ne contienne rien qui puisse offenser un Juif; elle n'est pas le Chris- tianisme, quoiqu'il n yail en elle rien qui répugne à la foi du chré- tien. Sa religion est la religion générale de la nature et celle de la révélation primitive qui nous a été transmise par quelque ancien collège sacerdotal — à laquelle croient tous les hommes, et dans laquelle ils ne peuvent pas ne point s'entendre. Elle inculque le principe de praliquer la vertu, mais elle ne fournit aucun système de rédemption pour le péché. Elle montre à ses disciples la voie du bien, mais elle ne prétend pas être « la voie, la vérité et la vie ». Elle ne peut donc p.is être substituée au Christianisme, mais elle y mène ; et, comme elle est la servante de la religion, elle peut remplir, ainsi qu'elle le fait souvent, le rôle du porche de l'église, qui introduit les élus dans le temple de la vérité divine.
« C'est alors que la Mai^onnerie est vraiment une institution reli- gieuse ; et c'est sur ce point surtout, sinon uniquement, que le Maçon religieux peut Taffirmer ' ».
Nous avons déjà considéré la Maçonnerie comme servante de la religion ; par cet hymne que le Dr. Mackey a dû souvent chanter avec ses Frères dans l'enceinte de la Loge, vous allez juger à quel point il croit à cette théorie:
Salut ! divine Maçonnerie, Brille, gloire des siècles 1 Puisses-tu régner longtemps 1 Que partout où seront tes Loges Leurs ordres soient souverains ; Qu elles soient toujours l'ornement du pays. Tu es divine .' '
Cet hymne fait partie du rituel, et se nomme le chant du <( Maî- tre Mark ». L'absurdité qu'il y aurait à admettre qu'une servante puisse « i"égner » est trop évidente pour que tout commentaire ne soit superflu ; et que dirons-nous des mots « divine maçonnerie » appliqués à « la servante » ?
1. Encyclopaedia, p. 64L
2. Hail .' Masonry divine. Glory of ages shine ; Long may'sl Ihou reign .' Where'er thy Lodges stand, May they have great command, And always grace ihe]land ; Thou art divine !
[Masonic Ritualist, p. 166)-
84 I'f.lS DE IIMIKRE SLH I. A 1-R.\N«;-M ACONMcmi; AMÉHK AIM:
Klant (lonnr tout co quo nous avons dit cl dirons dans les chapi- tres qui vont suivre, nous ne nous attarderons pas non plus sur la prétention de la .Maeonnorie à nètre pas une secte. L'idée de secte, selon elle, est étroite, limitée, et non universelle — elle dépend ilu pays, des usaijes. des préjugés. La .Mac-onnerie. d'après sa propre théorie, est. au conlraiie. universelle, convenant à tousles hommes, dans tous les climats, au-dessus de tous les préjugés: en un mot. elle est catholique, mais non catholique romaine. L'Kglise est ro- maine, infestée par le microbe du pays et du climat. Elle est faite pour les Romain.? et elle leur convient, tandis qu'elle ne peut satis- faire toute l'humanité. C'est donc la Maçonnerie qui est la vraie re- ligion catholique de l'humanité, et c'est bien là ce qu'elle dit à ses initiés, quand elle leur parle de la conduite à tenir dans une Loge.
« Aucune discussion ni querelle ne devra donc se manifester dans l'enceinte de la Loge, encore moins les querelles sur la religion, les pays ou la politique ; car. en tant que Maçons, nous appartenons uniquement à la religion caiholiqiw dont il est parlé plus haut ' «,
La Maçonnerie consent donc à recevoir dans son sein largement hospitalier le .luif. le Méthodiste, le Catholi(jue. le Musulman, tous ceux (pii veulent Itien accepter sa religion fondamentale de Vérité divine, les vérités primitives sur Dieu et surl'àme humaine qu'elle seule a conservées immaculées. Ce sont des vérités transmises par un collège patriarcal de prêtres. Qu'étaient ces prêtres? On ne le dit pas ; mais ils nous communiquèrent la i-eiigion de la nature et de la révélation primitive. On ne nous dit pas davantage comment la Maçonnerie a réussi à conserver intactes ces vérités à travers tous les siècles, au milieu des vicissitudes des temps, malgré la tendance du cœur humain à corrompre laVérité, malgré l'ignorance démontrée des maîtres en Maçonnerie, et l'inévitable altération des traditions orales. Le nombre des institutions ou des individus qui ont transmis ces vérités est égalemenL inconnu. Nous verrons (jue la Maçonnerie ne peut pas retracer sa propre his- toire dune façon certaine et authentique. Ce[)endant elle exige de son candidat, comme nous lavons vu. une abdication totale de tout son être: de son intelligence, pour pouvoir y opérer un grand chan- gement ; (Je son coeur, pour y établir mie vie morale toute nouvelle. Kt lors(ju'on lui deuiande (piels sont ses titres, elle n'a que sa jia- role à oITrir. Comme Pythagore, elle impose ses propositions infail- libles \y,\y un .>-im|)le Ipse diro, « C'est moi t\\i'\ I ai dit ». Cela sulïit naturellement à ceux (pii la ci'oient ■< divine D.Mais quelles preuves ap|iort<'-l-ell<'? L'humanité, l'humanité raisonnable, no peut placer
1. HiliKilist. p. '.M'.t.
EN TANT QUE RELIGION 85
eulre les mains de la Maçonnerie ses inléi'èls éternels et temporels sur cette alTirmalion gratuite.
« Ma religion, dit la Maronuerie, est telle, que tous les hommes y peuvent s'entendre, et que nul n'y peut trouver un motif de désaccord ». En èles-vous bien sûr? demanderons-nous, ^"ous devez nous l'aire connaître la nature et l'essence de Dieu, de l'àme hu- maine, les rapporis qui existent cuire eux. Vous devez nous ensei- gner la vraie morale, nos devoirs envers Dieu, envers nous-mêmes et envers nos semblables — et vous nous dites que les hommes ne peuvent pas èlrc en désaccord sur ces points? Mais si les hommes n'ont pu s'entendre avec les Maçons sur le premier point fonda- mental, celui de l'existence et de la nattu'e de Dieu, et cela malgré l'illumination maçonnique et le grand changement intellectuel, que dira la Maçonnerie sur la possibilité d'une telle divergence? Et cependant nul maçon n'ignore l'existence du fait : le Grand-Orient de France et les Loges de sa dépendance, au nombre d'environ deux cent cinquante, très au courant de la doctrine maçonnique, se sont cependant, après mûre rétlexion. déclarés purement et simple- ment en désaccord avec le reste de la Maçonnerie sur ce point ca- pital : Dieu'. Vous dites qu'-à compter de ce moment, ils ont cessé d'être Maçons. Que tel soit le cas ou non, cela nous importe peu quant à présent. A dessein, nous n'appuyons pas sur ce point. La proposition que nous avons avancée nous demeure acquise. Les hommes, même lorsqu'ils sont en pleine possession de la lu- mière maçonnique peuvent avoir des opinions divergentes sur la religion maçonnique. Des dissensions i)euvent encore surgir entre eux, puisqu'ils ne s'entendent même pas au sujet de Dieu.
Enfin, dit noire auteur, la Maçonnerie « n'oll're aucun système de rédemption du péché ));donc,elle ne peut prétendre se substituer au Christianisme - »
Pour lesquels de ses disciples se substituerait-elle au Christianis- me ? Faut-il répéter une fois de plus que le Maçon Bouddhiste, sectateur d^ Confucius, ou Mahometan rejette la doctrine chré- tienne de la rédemption. Ils peuvent, sans elle, entrer dans la vie éternelle de la Maçonnerie. Donc, elle n'cslpas essentielle. De plus, notre auteur sait que la Maçonnerie soutient que cette doctrine n'est pas indispensable. L'Initiation, la purification des anciens mystères du paganisme, symbolisée par l'Acacia, sullit aux Maçons. Car l'A- cacia, qui est l'arbre sacré de la Maçonnerie, symbolise l'immor- talité, l'innocence et l'initiation ; et notre auteur nous dit que ces
1. Encyclopedia of Freemasonry. |i. 'X>\. •2. Ibid., p. 9.
86 I'LUS DE LIMIÈRF SUR LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
trois choses sont intimement unies, que « cette union doit être maintenue si nous désirons acquérir une définition exacte du sym- bole ' ». Quand nous traiterons de « L'Ame dans la Maçonnerie », nous expliquerons très clairement pourquoi la Maçonnerie peut se passer de la doctrine de la Rédemption.
Sans recourir à d'autres preuves, puisque la Maçonnerie elle-même admet si nettement qu'elle est une institution éminemment reli- gieuse, nous terminerons ici ce chapitre. Les Frères qui niaient le fait n'iirnoraient pas cependant que la Maçonnerie était essentielle- ment une institution religieuse, mais ils redoutaient que les adver- saires de la Maçonnerie ne se prévalussent de cette concession, une fois faite, pour réussir à démontrer que. pour les cœurs maçonni- ques sincères, la Maçonnerie, en bonne logique, devait remplacer le Christianisme. La crainte des Frères était bien justiriée,|ainsi que nous l'avons montré. Ajoutons que, sur ce point, nous sommes en complet désaccord avec le Dr. Mackey.
Nous admettons, il est vrai, avec le Docteur, et sans la moindre réserve, que dans la Maçonnerie se vérifient les trois premiers sens donnés au mot religion ; et nous avons surabondamment prouvé que le quatrième sens s'y trouve également contenu. C'est un « sys- tème de foi et d'adoration » ; c'est donc une religion. En ce qui con- cerne la foi maçonnique, nous pouvons nous en tenir à l'article qui nous prescrit de croire en Dieu, à la révélation de sa volonté, à un état de récompense ou de châtiment, etc., etc. ; son ensemble cons- titue le credo du Maçon. Quant au culte maçonnique, nous avons déjà vu qu'il consiste surtout dans le travail de la Loge : « Notre travail, dil le Dr. Mackey, est son culte - ». Que manque-t-il à la Franc-Maçonnerie pour être un système de foi, un culte, une reli- gion ?
11 est certain que, de l'aveu d'un grand noml)re de Frères, la Maçonnerie est une religion qui sullit à leurs aspirations et qu'ils n'ont besoin d'aucune autre.'Dans une remarquable réunion qui eut lien au Temple mac-onnique d'Oakland i Californie), le lundi soir "21 avril 189.'^, pour la réception du cœur de rEx-Couverneur Ygnacio flerrera y Cairo par le Chapitre Hose-Croix de Gethsémani n° 5, le Frère .lames C C. Lee, 3?'\ et Colonel du l". S. A., dit, lorstpi'il eut à répondre au toast porté « Au FrésidenI d(>s J-^lats-Unis » : « Au Patriotisme joint à la Maçonnerie I — car je ne connais sur terre aucune religion plus élevée que la Maçonnerie. Si le patriotisme, dis-je, se joint à elle, notre pays prospérera sous n'importe (juel
1. lùlryi-lojjxflio. p. '.t.
'2. Symholium of Frvcmasnnrii. p. 'J(iS.
EN TANT QUE RELIGION 87
président. Le F.-. Samuel W. Holiday fit écho à ce senliment eu insislaul sur ce fait qu'après quarante ans passés dans la Maçonnerie, il était autorisé à alïirmer que celui qui était un bon Maçon était à la fois un bon patriote, un bon fils, un bon mari, un bon voisin, un bon ami; et il ajouta : « Si vous connaissiez un mot qui réunît en soi un plus grand nombre des vertus cardinales qui devraient faire l'ornement de notre pauvre humanité, je voudrais entendre son nom. Souvenez-vous qu'ici nous n'avons ni églises, ni sectes discordantes. Nos principes sont très simples : l'honnêteté, la sincérité, l'affabilité, la vérité, la tempérance, le dévouement au pays et à la vérité. Rien de moins ; rien de plus. Souvenez-vous que, si vous pouvez trouver une meilleure religion pour nous con- duire sur le chemin de la gloire, je vous prie de me la révéler, car elle m'est complètement inconnue ' ».
Il est donc inutile, comme nous l'avons démontré, que le Dr. Mackey affirme que la Maçonnerie ne se substitue pas au Christia- nisme. Nous admettons qu'elle ne s'y substitue pas d'une manière parfaite, car elle refuse naturellement de représenter le Christia- nisme en ce qu'elle considère comme les corruptions de cette forme de religion. Mais elle s'y substitue vraiment, en ce sens qu'elle retire le Christianisme des cœurs qui étaient chrétiens, et qu'elle les conduit à la gloire maçonnique.
1. Tiré d'une l)rochur(> iloiit le titre complet sera donné plus loin.
CHAPITRK VII
La Ki{.\m;-Mai;o\.\u:rie amkiîicaine i:t le Paganisme
Nous avons i)iouvé. dans les deux chapitres précédenls, que la l'ranc-Maronnerie américaine est une rcliÊrion. Il est vrai que nous n'avons pas toujours employé ladjcctif « Américaine » ; nous avons voulu éviter une répétition inutile, mais cet adjectif est toujours sous-entendu, car nous ne nous appuyons que sur les au- teurs classiques de la Franc-Ma«:onnerie américaine, qui ont écrit en vue d'instruire les Fi'ançs-Macons américains. Xous procéderons de la même façon dans la suite de cet ouvrage ; nos lecteurs sup- pléeront répilhèle partout où il sera question de Maçonnerie.
Après avoir prouvé que la Maçonnerie est une religion, qu'il suit logiquement de sa propre théorie qu'elle est la seule religion : après lavoir entendue, conformément à celte prétention, se donner le ti- tre de religion « catholique » de l'humanité, il nous faut parler de la nature de son Credo. Lue investigation de ce côté est tout indi- (juée au point où nous en sommes arrivé dans notre Étude.
La Maçonnerie n'est pas le Christianisme. Ceci, elle le déclare ouvertement. Ou'est-elle donc? Prenons notre Masonic Ritualist, et lâchons d'y trouver une réponse à notre question. A peine l'avons-nous ouvert. (jue nos désirs sont satisfaits, et qu'une lumière assez nette nous éclaire.
Le rituel d'une religion est l'expression et l'extériorisation de sa nature. C'est à cette fin qu'il a été composé ; pour elle encore qu'on s'en sert. Quelle réponse fait donc le Masonic Ritualist à notre fpjestion au sujet de la religion de la Maçonnerie?
.Xussitùt après avoir parlé du caractère l'eligieux de la Maçonnerie cl reconnu l'ojjportunilé des cérémonies d'ouverture et de ferme- lurc des Loges, il se hâte de nous introduire dans les mystères <lu paganisme. Kl nous n'allons pas larder à découvrir qu'entre ces mystères el la Maçonnerie, il y a des jioints de contact qui ne sont pas l'elTel d'un pur hasard; mais nous nous rendrons compte peu à peu qu'ils sont plus que des associés, plus que des amis. Nous ver- rons.;! noire grande surprise, qu'il existe entre eux la relation la plus élroilr. MmI-. n'anlicipiHK pas sin- les instructions du lJr..Mackey.
LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE ET LE PAGANISME 89
« Les cérémonies d'ouverture, dit le Masonic Ritualist, avaient, dans les anciens mystères (ces rites sacrés qui ont fourni tant de modèles au symbolisme maçonnique), un caractère des plus solen- nels. Le héraut sacré des Anciens Mystères inaugurait les cérémo- nies d'ouverture des plus hautes initiations par la formule solennelle suivante : « Hors d'ici, profanes ! » à laquelle s'ajoutait la défense hautement intimée d'employer toute expression pouvant sembler de défavorable augure aux rites qui se préparaient* ».
Ces paroles sont bien celles d'un admirateur du paganisme : les termes « rites sacrés », « caractère des plus solennels », « héraut sacré », « formulle solennelle », mettent à nu les sentiments de l'auteur.
Et comment pourrait-il parler autrement des rites religieux» qui ont fourni tant de modèles au symbolisme maçonnique » ? Il serait étrange d'adopter des modèles sacrés sans les révérer. Nous n'al- lons pas cependant nous arrêter à une vénération sentimentale, car aussitôt que nous pénétrons dans la Loge, nous sommes tenus à participer à des cérémonies païennes. C'est pourquoi Mackey- prend la peine de nous exposer l'histoire et le symbolisme du rite païen de la procession circulaire (circiimambulation). Il procède par or- dre, et commence par nous donner la détinition de ce mot :
« Ce rite, dit-il, dont le nom vient du verbe latin circumambiilare, marcher autour, consiste en l'usage^'observé, dans toutes les cé- rémonies religieuses de l'antiquité, de faire processionnellement le tour d'un autel ou de quelque autre objet sacré ».
Ayant ainsi défini la « circuraarabulation )>,et après l'avoir rehaus- sée du prestige de l'antiquité, notre auteur continue :
« Ainsi, en Grèce, dans leurs rites sacrificatoires, les prêtres et le peuple faisaient toujours trois fois le tour de l'autel enchantant un hymne sacré. Macrobe nous dit que cette cérémonie se rappor- tait au mouvement des corps célestes, qui, d'après les anciens poè- tes et les philosophes, produisaient un son harmonieux impercepti- ble à l'oreille humaine, et qu'ils appelaient « la musique des sphè- res ». C'est pourquoi, dans la procession autour de l'autel, on pre- nait grand soin de tourner en imitant le cours apparent du soleil. On partait donc de l'est et l'on y revenait en passant par le sud, par l'ouest, et enfin par le nord. En observant cette méthode, on voit que l'on avait toujours l'autel à sa droite ».
Voilà comment, cher lecteur, nous sommes transportés dans la Grèce païenne, au milieu de ses rites sacrificatoires, et comment on
1. Masonic Ritualist p. 12.
2. Ibid. p. 25-27.
90 LA FRANC-MAÇO.NXERIE AMÉHICAINE
nous instruit sur la « circumambulalion » et sur ses raisons d'etre. Nous allons assistera une cérémonie religieuse du paganisme ayant le soleil pour objet, et force nous est de prendre les plus grandes précautions alin de réussir à imiter le mouvement apparent de cet astre.
« Mais, demanderons-nous, même en admettant que les Grecs et les Romains de l'antiquité aient pratiqué cette « circumambulation » dans leurs rites purificatoires, que s'ensuit-il ? Que nous devons faire de mémo? Mais ne savez-vous pas que l'argument : « Ils font ainsi, donc nous devons faire de même » n'a de valeur que s'il y a parfaite conformité entre nos religions pour la croyance et pour la pratique? Si notre religion est dilïérente de la leur, il faut en tirer la conclusion directement opposée : « Ils ont fait cela, donc nous ne devons pas le faire». Par conséquent, si la Maçonnerie défend l'usage de son rite par la pratique des païens, les relations de la Maçonnerie avec le paganisme ne peuvent être dissimulées ».
Mais la Maçonnerie ne tient aucunement à dissimuler ses rela- tions. Après avoir cité les pratiques par lesquelles les Hindous et les Druides imitaient avec révérence le cours du soleil, notre au- teur s'empresse d'alTirmer :
« Et c'est de cette cérémonie universellement pratiquée et de l'usage invariable d'aller de l'est à l'ouest en passant par le sud, et en ayant par conséquent toujours la main droite du côté de l'autel, que ressort avec évidence la source commune de tous ces rites et 'unité de leur origine, source à laquelle la F ranc-Maçonnerie doit aussi son existence^ ».
Suivant le Dr. Mackey, le paganisme grec et romain, le brnhma- nisme, le Druidisme adoraient le soleil ; or, la Franc-Maçonnerie pratiquant tous les mêmes riles religieux, il en ressort avec évi- dence, dit la Maçonnerie, que nous venons tous de la même source primitive. Cette parenté est sans dout(> édifiante aux yeux du Ma- çon initié, mais c'est une parenté, disons-le honnêtement, dans la- quelle il n"y a que du paganisme et rien autre.
Or, lorsq\ie la Maçonnerie veut prouver la praticpie ijniver- .selle du rite de la « circumambulalion » parmi les nations de l'an- tiquilé. elle fait une omission considérable ; elle ne dit rien de la religion juive, dont le Christianisme est la fleur et le fruit. Elle choisit (juatre formes du paganisme; et, d'une plume légère, elle en déduit l'universalité de cette coutume.
Ici, rher lecteur, nous vous prions d'excuser la courte digression que nous allons faire, pour attirer votre attention pendant quelques
1. Musnnir lUluulisl, p. '27.
ET LE PAGANISME 91
instants sur la forme de raisonnement commune, nous devrions dire classique, chez les auteurs maçonniques. On la nomme induction ; elle serait parfaitement légitime si elle était conforme aux règles aux- quelles elle devrait se soumettre. Mais nous allons montrer l'écueil en faisant voir qu'il n'est aucune forme de raisonnement où il soit plus facile de violer les règles, sans que le lecteur ordinaire s'en aperçoive (Jn nomme quelques auteurs anciens qui auraient enseigné une théorie : donc toute l'antiquité l'enseigna. Les Grecs, les Romains, les Druides, les Brahmanistes pratiquaient telle cérémonie : donc toute l'antiquité la pratiqua. Les références aux auteurs cités sont trop rarement données. Gicéron dit, Plaute dit, Macrobe dit, telles sont les informations otTertes. Parfois, on renvoie d'une manière générale à tout un ouvrage, comme pour le De Spiritu Sancto de saint Basile. Tout le monde conviendra que des recherches person- nelles sur les bases de ces inductions sont pratiquement impos- sibles. Prenons un exemple tiré du Masonic Ritualist, p. 26 : « Le poète latin, Plaute. fait dire à l'un de ses personnages : « Si vous voulez honorer les dieux, il faut vous tourner du côté droit ». A lire ce passage tel qu'il est présenté, on se figure que Plaute est le Shakespeare de la poésie latine, et que son opinion doit avoir une grande importance. Mais, en examinant le texte de plus près, nous nous apercevons que ce n'est même pas Plaute qui parle, mais un de ses personnages. Dans quelle œuvre? On ne nous le dit pas. De sorte que, même si nous savons le latin, même si nous sommes assez instruits dans cette langue, en supposant encore que nous ayons un Piaule sous la main, il nous sera bien difïicile de trouver un texte ainsi isolé. De plus, en admettant qu'un personnage de Plaute dise en effet cela, un auteur ne fait pas exprimer à tous ses personnages ses propres idées et ses sentiments. Et même si Plaute était vraiment(ce qu'il n'est pas) le poète romain, c'est-à-dire l'oracle de son siècle, qui prendra la peine de faire des recherches si longues et si ennuyeuses sans être sûr du succès? La difïîcullé des recher- ches est fatale à l'investigation personnelle ; on trouve plus simple de croire aveuglément ce qui est écrit, de s'imaginer qu'il y a une autorité qui fait loi là où il n'y en a pas, d'admettre que la ques- tion est résolue, surtout si elle l'est selon le secret désir de nos cœurs. Mais un tel système n'est compatible qu'avec la crédulité la plus aveugle. A ceux qui sont habitués aux raisonnements faits à la légère et qui ne prennent pas la peine de faire des recherches per- sonnelles soigneuses, on n'a qu'à parler bien haut de l'émancipation de l'intelligence, de l'impossibilité où est tout homme ou toute société d'hommes de nous dicter notre foi religieuse, et on leur fera aisément avaler Plaute et ses personnages avec leurs sentiments
92 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
«Après avoir fait des difTicullés pour un moucheron, ils avale- ront un chameau », suivant le proverbe. Mais retournons à notre « circumambulation ».
Ayant tlonc établi à son entière satisfaction ce qu'il considère comme l'origine évidente de l'Institution, le Dr. Mackey con- tinue :
(* Parmi les nations pa'iennes, c'était à la grande doctrine du Sabaïsme ou Culte du Soleil que s'appliquait la « circumambula- tion ». Seule, la Franc-Maçonnerie lui a conservé son sens primitif, celui de symboliser le soleil comme source de lumière matérielle et comme l'œuvre la plus merveilleuse du Clrand Architecte de l'Uni- vers ».
« L'explication que donnent Webb et Cross dans leurs leçons mo- dernes ne vaut pas la peine d'être critiquée. La Loge représente le monde; les trois principaux officiers représentent le soleil dans ses trois phases principales — au lever, à midi et au coucher. La circum- ambulation rappelle donc ce cours apparent de l'orbe solaire qui, passant par ces trois points, fait le tour du monde. Nous considérons ceci comme son symbolisme astronomique, mais au point de vue in- tellectuel, la circumambulation et les obstacles qu'elle rencontre en difîérents points, symbolisent les travaux et les difficultés de l'étu- diant au cours du chemin qui le conduira de la nuit intellectuelle ou ignorance à la lumière intellectuelle ou Vérité ' ».
La clarté se fait pour nous, car nous savons maintenant avec quelle forme du paganisme la Maçonnerie réclame une parenté. C'est avec le culte solaire des anciens. Mais, avant de nous lancer dans les commentaires, permettons à notre auteur de nous instruire davantage.
L'adoration du soleil, nous dit-il. fut introduite dans les mystères, non pas à titre d'idolâtrie matérielle, mais comme moyen d'expri- mer une idée du passage de la mori à la vie, idée qui est tirée delà réapparition journalière de l'astre lumineux à lest après sa dispari- tion à l'ouest pendant la nuit..\u soleil encore, en tant que régéné- rateur et vie de toutes choses, doit être rendu le culte phallique, qui avait une part importante dans les mystères. Les Gnostiques ont pris aux initiations milhria(|ues, dans lesquelles le culte du soleil tenait une place si prépondérante, un grand noml)re de leurs symboles qui ont à leur tour eu leur inlluence sur les Francs-Maçons du moyen âge. C'est ainsi que le soleil s'est fait une place si éminente dans le système maçonnique, non comme un objet du culte, mais simple-
1. ytasonic /?//ua//«/, p. 27.
Eï LE PAGANISME 93
ment comme un symbole dont rinlerprélalion se présente de diffé- rentes manières ».
Remarquez bien, cher lecteur, quelle généalogie la Franc-Maçon- nerie américaine revendique constamment dans ses auteurs classi- ques : l'Institution moderne vient de la Maçonnerie du moyen-âge, née des Gnostiques, les descendants des mystères mithriaques ou autres semblables, engendrés à leur tour par le sabaïsme ou culte primitif du soleil ; le culte phallique, ou culte des facultés généra- trices de l'homme, tenant partout un rôle important. Trouverons- nous ce même culte dans la Maçonnerie ? Il faut nous y attendre, si la vie tout entière de la Maçonnerie moderne et les anciens mystères du paganisme sont identiques ; si, comme on nousle dit, ladilTérence qu'il y a entre eux n'est que de pure forme. Toutefois, ne disons pas encore notre dernier mot. mais attirons plutôt l'attention de nos lec- teurs sur une expression ou deux introduites par le Dr. dans quel- ques passages ; elles pourront éclaircir notre sujet.
Dans le Ritualist, Mackey appelle le soleil : « la plus merveilleuse des œuvres du Grand Architecte de l'Univers », et dans le dernier passage que nous avons cité :« le régénérateur et celui qui revivifie toutes choses ». De plus, il est toujours personnifié et n'est jamais employé au genre neutre. Notons que cette personnification cons- tante qui, en anglais, se comprend dans la poésie où elle est à sa place, n'a aucune raison d'être en prose, surtout dans la modeste prose rituélique.Un homme sensé, et à plus forte raison un homme instruit, n'aurait jamais recours à ce procédé, sinondans un but déter- miné. Et pourquoi le soleil matériel, « source de lumière matérielle », est-il l'œuvre la plus noble de l'univers ? Que deviennent l'âme humaine, le monde des esprits, la vie, l''inteliigence, le libre arbitre? Est-ce que la Maçonnerie soutiendrait qu'ils sont le produit de la lumière matérielle du soleil, « le régénérateur et vivificateur de toutes choses »? Serait-ce là la nature et l'essence de làuie humaine que doit nous apprendre la Maçonnerie? Si nous devons entendre ses propres expressions à la lettre, nous répondrons allirmativement à toutes ces questions; oui, nous sommes « les enfants de la lumière » dans son sens le plus matériel. Si les assertions delà Maçonnerie doi- vent être entendues diiïeremment, elle aurait dû s'exprimer autre- ment.Comme nous reprendrons ce sujet plus tard, contentons-nous de bien faire ressortir l'importance du soleil dans le système maçon- nique.
Cette importance va nous faciliter l'étude des purifications : « Dans les Anciens Mystères, dit le Ritualist à la page 40, le candi- dat procédait tout d'abord à la lustration ou purification. Il n'était pas permis au candidat de pénétrer dans le vestibule sacré ou d'en-
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tendre la formule secrète de l'initiation avant qu'il ne se fût sym- boliquement purifié, par l'eau ou par le feu, des corruptions du monde qu'il était sur le point de quitter. Un principe analogue existe dans la Franc-Ma<^onnerie, où les premiers symboles présen- tés à rAppnnili enrôlé sont ceux qui impliquent une piu'itication du cœur, dont la purification corporelle des Anciens Mystères était le svmbole. Nous ne faisons plus usage <lu bain ni de la fontaine, parce que, dans notre système philosophique, ce symbolisme est plus abstrait ».
Il est vrai que. pour ceux qui considèrent le soleil comme le régé- nérateur et le purificateur de la nature, le feu est un agent de puri- fication beaucoup plus naturel que l'eau. Nous lui devons la chaleur de notie sang et celle de nos passions. Aussi les païens compre- naient-ils ainsi les choses lorsqu'ils donnèrent au culte de la passion humaine une place prépondérante dans leur adoration du soleil- L'eau est le symbole et le moyen de purification dans le baptême chrétien, mais la Maçonnerie n'est pas chrétienne et trouve le sym- bolisme du Christianisme trop abstrait.
Le non-initié pourrait demander : Pourquoi la purification par l'eau est-elle trop abstraite? L'eau n'est-elle pas un symbole com- mun de purification? N'est-ce pas par elle qu'est purifié tout ce qui est souillé ou malpropre? Et, comme elle punfie'nos mains et notre visage, qu'y a-t-il d'abstrait à la prendre comme symbole de la purification de nos cœurs? Pour bien comprendre notre auteur, il faut le lire à la lumière de la philosophie de la Kabbale traitant de l'homme: de cette vieille Kabbale juive d'où la Maçonnerie a tiré sa philosophie en grande partie. Dans ce système, ce n'est pas le cer- veau, mais le cœur qui est le siège de l'intelligence. La purification du cœur n'est donc pas pour eux, comme pour nous, la purification des allections, mais celle de l'intelligence. Nous ne parlons pas de purifier l'intelligence, mais de l'éclairer. Llleesl purifiée lors(jue les nuages de l'ignorance (jui l'obscurcissent sont dissipés, comme l'air est purifié lorsque les miasmes et les vapeurs dont il est chargé sont dissipés par 1(> layous du soleil. La purification du cœur est donc celle illumination spiriiuelle dont la Maçonnerie nous a parlé dans le « Choc de rilhiniination ■. et qu'elle nous a complètement révélée en nous parlant de la liiniièie matérielle du so- leil. Celte purification du co'ur, cette science particulière aux anciens mystères du j)aganisnie et à la Ma(:(»nnerie, est. en elVet, mieux repré- sentée par le feu »[iie par- l'eau. i)iii>qiie le feu bn'de là ovi leau éteint. C'est à la Kabbale, qui a tant eni|iniiilé aux niyslèi-es païens, et à ces niN>lèi-es eiix-mèiiies. tpie nous aurons à deuuinder une explica- lifin ^iii" ce <pr<'sl la li-ane-Macoimerie et >ur ses syml)oles. Pour
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nous qui connaissons drjà les rappoi'ls de la Maçonnerie avec les mystères, le l'ait est évident ; cependant, nous voulons en demander une nouvelle conlirmation à notre Ritualist.
Nous y lisons aux paires 41 et 42 : « Les Maçons instruits ont toujours eu tendance à aller au-delà des simples expressions tech- niques et des phrases stéréotypées des leçons ; ils fouillent l'histoire et la philosophie des religions de l'antiquité et l'organisation des anciens mystères pour y chercher la véritable explication de la plu- part des symboles de la Maçonnerie, et c'est là qu'ils ont toujours pu trouver leur véritable interprétation ».
Allez donc tous, initiés et profanes, allez, vous qui voulez étudier la Maçonnerie, non pas dans sa seule forme extérieure qui ne vous donnera aucune interprétation vraie de ses symboles, mais dans son esprit et dans sa substance, allez aux vieux mystères du paganisme; pénétrez-vous de leur histoire, de leur organisation, de leur philo- sophie, et vous y trouverez la Maçonnerie telle qu'elle est. Il faut, comme nous le dit le Dr. Mackey, que nous étudiions le paganisme pour comprendre la Franc-Maçonnerie. Les Maçons savants ont toujours été aux sources [)aïennes, et c'est là qu'ils ont toujours réussi à trouver la véritable interprétation.
Quoi de plus naturel, puisipie la vie toutentière, l'esprit des mystè- res du paganisme, et la Maçonnerie sont identiques ? Tenez-vous à l'entendre dire par des lèvres maçonniques? Ecoutez le Dr. Mackey discourir sur ce ({u'il appelle l'ère préhistorique de la Maçonne- rie ' .
« Et, en ce qui concerne lère préhistorique, dit-il, — celle qui la rattache aux mystères du monde pa'ien, aux vie'^x prêtres d'Eleusis, deSamolhrace oudeSyrie — avouons franchement que nous ne par- lons i)as maintenant de la Maçonnerie avecson organisation actuelle, qui, nous le savons, n'existait pas alors, mais d'une science par- ticulière et uniquement particulière aux Mystères et à la Franc-Ma- çonnerie, d'une science que nous pourrions appeler le symbolisme maçonnique et qui constituait le sang coulant dans les veines des institutions anciennes et modernes, science qui leur donnait une identité de fond alors même que les formes étaient dissemblables ». Voici donc ce vieux collège sacerdotal que nous cherchions au chapitre précédent ; il est formé des prêtres d'Eleusis, de Samo- Ihrace ou de Syrie 1 C'est de ce collège-là que la Maçonnerie pro- clame qu'elle t'eut sa doctrine religieuse, les Vérités pures de la foi primitive, « la Vérité Divine — la N'érité sur Dieu et sur l'âme humaine — la nature et l'essence de l'un et de l'autre ». Considérez
1. Encijcloon'dia o/ Freemasonry, \). 207.
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la source de lillumination religieuse de la Maçonnerie I C'est en de telles mains qu'on nous< demande|de déposer les destinées éter- nelles et temporelles de l'humanilé !
Fier de celte identité prouvée avec le paganisme, tel qu'il est contenu dans les Mystères pa'iens, nous entendons sans étonnement noire auteur appeler les païens « ses frères » de Rome.C'esten par- lant de la foi ou de la fidélité, symbolisée par la main droite, qu'il dit:
« La main droite a de tout temps été l'emblème de la fidé- lité, et nos anciens frères adoraient la divinité sous le nom de Fides ou de Fidélité, que l'on représentait quelquefois par des mains droites jointes ou encore par l'image de personnages se tenant par la main droite. Numa, le premier, éleva un autel à Fides, e[, sous ce nom. l'on vénéra la déesse des serments et de l'honnêteté. Les obli- gations contractées en son nom étaient considérées comme plus ilnvîolables que d'autres ».
Il est. certes, très édifiant de voir k nos anciens frères » adorer la divinité sous la forme d'une déesse païenne, et notre Frère Numa lui élever, le premier, un autel ; mais quoi qu'elle puisse être chère à nos frères contemporains, ce n'en est pas moins de l'idolâtrie pa'ïenne.
Remarquez de quelle façon le candidat en Maçonnerie est de plus en plus attiré vers le paganisme.
D'abord les mystères païens fournissent des modèles au symbo- lisme maçonnique ; puis la pratique des cérémonies païennes ap- porte l'évidence que ces Mystères et la Maçonnerie ont une origine commune ; ensuite on fait remonter la Maçonnerie moderne auxMys- tères mithriaques de l'adoration du soleil et du phallus, en passant par les Gnosliques et par les Maçons du moyen âge ; et nous voyons que c'est à ces Mystères qu'on renvoie le candidat pour y trouver l'explication vraie de la plupart des symboles de la Fraternité, en lui donnant l'assurance qu'il l'y découvrira; maintenant le candidat nous est représenté fraternisant avec les adorateurs d'une divinité païenne. et recevant des païens l'emblème de la fidélité. Les obliga- tions contractées au nom de la « fidélité » sont plus inviolables que toutes les autres. C'est ainsi qu'on sème les graines qui produiront leur fruit en leur temps.
El qui se serait imaginé que l'idée même de « constructeur », la plus essentielle en Maçonnerie, est une idée païenne ? Ce n'est pas nous, certes, car nous avions tellement entendu parlerdu Tem- ple de Salomon et de ses rapports avec la Maçonnerie que nous nous imaginions bénévolement que, si tout le reste était païen en Maçon- nerie, cette idée du moins pouvait revendiquer une autre parenté. Hélas ! comme malgré tout ce qu'on nous avait appris, nous nous
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rendions peu compte de Fidentilé parfaite qui existe entre les Mys- tères du Paganisme et la Maçonnerie I L'idée du constructeur de temple est aussi païenne que tout le reste.
Tandis que les Maçons discutent sur la dérivation du mot Maçon, ils sont tous d'accord sur sa signification. Un Maçon est un bâtis- seur. Sur ce point, tout le monde s'entend. Il n'est pas un bâtisseur d'édifices matériels, comme le sont les maçons d'aujourd'hui et com- me l'étaient ceuxdes temps passés ; son œuvre, telle qu'il l'entend, c'est la construction de l'humanité. Nous lisons dans Le Symbolisme de la Franc-Maçonnerie, pp. 8d et;86,que les maçons de l'antique Jé- rusalem construisaient un temple terrestre et matériel qui devait être consacré au service et au culte de Dieu — une maison dans laquelle Jéhovah devait habiter visiblement par sa Chekinah (sa [gloire ), et d'où il devait, par Urim et Thummim, faire entendre ses oracles pour gouverner et diriger son peuple choisi.
« Mais l'art opératif (la construction des édifices matériels) ayant cessé pour nous, nous, en tant que Maçons spéculatifs, symbolisons les labeurs de nos prédécesseurs en nous employant à la construc- tion d'un temple spirituel dans nos cœurs, temple pur et sans tache, digne d'être la demeure de Celui, qui est l'auteur de toute pureté — où Dieu sera adoré en esprit et en vérité, et d'où toute mauvaise pensée et toute passion déréglée seront bannies, comme le pécheur et le Gentil étaient bannis du sanctuaire du temple juif.
« Cette spiritualisation du Temple de Salomon est la première de toutes les instructions de la Franc-Maçonnerie, la plus impor- tante et la plus profonde de toutes ».
Tout ceci, qui semble si orthodoxe, si chrétien même, est pure- ment païen. Le Masonic Ritualist nous en informe aux pp. 112 et 113. « L'idée de la légende (du constructeur de Temple; fut certai- nement empruntée aux Anciens Mystères dont la leçon était la même que celle que l'on trouve dans le troisième degré de la Maçonnerie ». Expliquez le Temple comme vous l'entendrez ; qu'il représente, si vous le voulez, comme il le fait souvent, le corps de l'homme, c'est ainsi que le Christ parle du Temple de son corps; qu'il représente l'âme humaine, le monde en général, l'humanité présente et future ; le constructeur de tous ces temples, c'est la Maçonnerie ; et le modèle auquel chacun d'eux doit se conformer doit être pris dans les anciens mystères du paganisme. L'idée leur est empruntée. « Le Temple égyptien, dit le Dr. Mackey, était le véritable archétype du tabernacle mosaïque, de même que celui-ci était l'archétype du Temple de Jérusalem ».Le symbolisme basé sur ce Temple devait, en dernier ressort, se rapporter au Temple égyp- tien. Considérez donc, cher lecteur, si vous le pouvez, le but vers le
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quel est dirigée rinfliience maçonnique secrète du monde actuel, et quelles doivent OLi-e les conséquences de cette influence, alors »jue c'est le paganisme, concentré et exprimé dans l'idée d'un temple païen. qu'elle s'elTorce sans cesse d'établir. en y employant toutes ses énergies. La vie physiijue, morale et intellectuelle de chacun ; la constitution de la famille, de l'Etat : la religion de l'humanité, les destinées él(MnellPs de l'âme, tout cela doit être moulé sur le modèle d'un temple païen. Voilà quel est le but de la Maçonnerie en ensei- gnant la Vérité Divine.
Mais un temple était essentiellement l'endroit où l'on adorait ; et le culte. chez les païens, nous assure la Maçonnerie, était de deux es- pèces : le culte idolâtre du commun du peuple et le culte secret des Mystères. La Maçonnerie rejette le premier et adopte le second. Le Temple. en tant qu'il exprime ce culte et qu'il s'identifie avec lui, est donc le type que la Maçonnerie propose aux yeux ésotériques, et ce culte est, comme nous l'a dit notre auteur, le culte phallique. « Au soleil, aussi, doit être rendu le culte phallique comme au régénéra- teur et à celui par qtii toutes choses sont revivifiées, et ce culte cons- titue la partie la plus importante des mystères ' ». Sur ce dernier point, il n'y a aucun doute, car toutes les pages des ouvrages de Mackey abondent en citations qui le confirment; nous ne les prodi- guons pas à nos lecteurs par respect pour leurs sentiments. Si nous sommes paifois obligé de froisser leur délicatesse, il faut nous ex- cuser, car il nous est impossible de parler loul au long de la Maçon- nerie sans avoir alVaire à son essence.
Dans son article sur le culte phallique -, le Dr. Mackey, après avoir explicpié le sens du mol, dit que ce culte passe pour avoir pris naissance en Egypte, où, après le meurtre dOsiris par Typhon, dans lequel il faut voir le symbole de la destruction de la lumière so- laire par la nuit, Isis, sa femme, ou le symbole de la nature, se mit à la recherche de son corps mutilé ; elle en trouva, dit-on, toutes les parties, sauf les organes générateurs. Ce mythe sym- bolise tout simplement le phénomène du coucher du soleil qui, une fois disparu, perd sa puissance fécondante et vivifiante. Le phallus était donc, en tant que principe générateur du mâle, uni- versellement vénéré parijii les anciens, et il l'était comme rite reli- gieux, sans qu'il y eût le moindre rapport à toute application im- puri' ou lascive ».
Notre auteur ne nous dit j)as pourquoi, dans les mystères, il fal- lait vénérer le principe générateur du mâle ; il se contente d'expo-
1. liiKijcIopwdid of hreenvisonrij. \t. 70*).
2. Ihid. p. .")77.
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ser et d'approuver le fait. On n'explique pas davantage pourquoi un tel symbolisme est employé pour représenter une chose aussi évidente que la lumière du soleil, qui, chaque jour, brille et dispa- raît.L'histoire d'Osiris et d'isis est une invention; pourquoi y a-t-on eu recours pour exprimer des phénomènes naturels aussi connus que le lever et le coucher du soleil ?
Pourquoi les anciens invenlaient-ils de telles fables et employaient- ils de tels symboles?
AfTirmer qu'ils le faisaient sans y ajouter la moindre idée impure ou lascive est admissible ou non, suivant ce que l'on entend par ces mots. Nous montrerons, en traitant de la morale ma(;onnique, que la pureté maçonnique est très dilTérente de la pureté chrétienne, tout comme l'était la pureté païenne. Le commandement de Dieu à Moïse : « Tu ne commettras pas l'aJullère », et son corollaire : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain », brillent par leur absence dans le decalogue maçonnique, tel que le donne le F.-. Pike'.
Dans son Symbolism of Freemasonry, à la page 113, le Dr. Mac- key, après avoir donné le passage que nous venons de rapporter, cite Sonnerat^ pour soutenir son opinion sur la pureté du culte des anciens. « Sonnerat remarque, dit-il, que ceux qui pratiquaient ce culte avaient les principes les plus purs et menaient une vie irré- prochable, et il semble qu'il ne soit jamais entré dans la tète d'au- cun législateur ou du peuple indien que quelque chose de naturel pût être grossièrement obscène ».
A vrai dire, on ne saurait trouver d'obscénité dans les objets physiques, considérés en leur ensemble, leur totalité, et faisant la part légitime des circonstances, des bornes prescrites par la raison naturelle — ceci est évident. Toutes les religions bénissent l'union du mari et de la l'emnie, comme Dieu la bénit. Tous les enfants ai- ment leurs père et mère et l'union a laquelle ils doi\ent la vie. Mais des limites, des restrictions sont imposées par la nature raisonnable à nos appétits sensuels, et il n'est })as naturel à l'homme, ni même à la brute, de se permettre de dépasser ces limites. La Maçonnerie elle-même a pendant longtemps ^ reconnu ces Ijornes en excluant les bâtards de l'Ordre; aujourd'hui, la Maçonnerie moderne est [)lus indulgente. Si rien île ce (ju'on peut appeler naturel n'est obscène, pourquoi est-il recommandé aux Maçons de « respecter la chasteté des femmes de Maçons et celle de leurs filles * » ?
1. I^iKE. Morals and Doyma. pp. 17-18.
2. Voir plus loin, cliaj). : Morale maronni<ine. Voyage aux Indes Orientales, I. p. 11!S
3. Cf l'Jncyclopœdia, ji. lOS.
4. Ihid. p. Kill.
100 LA FBANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
« Mais, continue Mackey, le Phallus ou, comme l'appellent les Orientalistes, le L iny a m, él&iy la representation du seul principe mas- culin. Pour compléter le cercle de la génération, il faut faire un pas de plus. Nous trouvons alors dans la Cleis des Grecs et le Yoni des Indiens, un symbole du principe générateur de la femme ayant une importance égale à celle du Phallus. La Cteis était un piédestal circulaire et concave, ou réceptacle, sur lequel reposait le Phallus en forme de colonne, qui sortait du milieu du réceptacle ' ».
Mais quels rapports y a-t il entre tout ceci et la Ma(^'onnerie amé- ricaine? s'écriera peut-être notre lecteur à bout de patience. Le Dr. Mackey va nous le dire.
« Nos anciens frères, écrit-il, dédiaient leurs loges au roi Salo- mon, parce qu'il fut notre premier Trés-Excellent-Grand-Maître ; mais nos Maçons modernes dédient les leurs à saint Jean-Baptiste et à saint Jean l'Evangéliste qui étaient les deux éminents patrons de la Maçonnerie et, depuis qu'ils ont été choisis, il existe dans toute Lo- ge régulière bien administrée, un point déterminé, dans la circon- férence d'un cercle, encadré de deux lignes parallèles et perpendi- culaires,représentantsaint Jean-Baptiste et saint Jean l'Evangéliste, au-dessus desquelles sont posées les Saintes-Ecritures. Le point représente un frère quelconque; le cercle indique la ligne limitro- phe qu'il ne permettra jamais à ses préjugés et à ses passions de lui laisser franchir. Tournant autour de ce cercle, nous rencon- trons nécessairement les deux lignes parallèles en même temps ({ue les Saintes-Ecritures, et, tant qu'un Maçon reste renfermé dans ces sages limites, il est impossible qu'il tombe matériellement dans l'erreur ».
« Le point dans le cercle, continue Mackey, est un symbole im- portant et intéressant en Maçonnerie, mais il a été si avili dans l'interprétation que donnent de lui les leçons modernes, que plus tôt l'oubliera l'étudiant en Maçonnerie, mieux cela vaudra. Le sym- bole est eu réalité une allusion indirecte à l'ancien culte du soleil, et c'est lui qui nous mène pour la première fois à cette modilication de ce culte connue des anciens comme culte du phallus ».
« Le phallus, ajoute-t-il, était une imitation de l'organe généra- teur du niAle. Il était généralement représenté par une colonne^ entourée d'un cercle à sa base, placé là pour la cteis, ou organe gé- nérateur (le la femme. Cette union du phallus et de la c/c/s
était pour les anciens le modèle des [)uissances generatrices de la nature qu'ils adoraient sous les formes réunies du |)riii(i|)e actif ou niAle el <lii |trin('ipe passif ou femelle. Pénétrés de celle idée de
1. l'.nrijih)fiiL'il'i(l,\\. r>77.
ET LE PAGANISME iOl
l'union des deux principes, la plus ancienne des divinités qu'ils in- ventèrent était hermaphrodite, et ils croyaient que Jupiter, le dieu suprême, avait les deux sexes à la lois, ou, comme Ta dit un de leurs poètes ^< avait été créé mâle et vierge immaculée ».
« On supposait encore, dit toujours notre Bitualist, que cet her- maphrodisme de la divinité suprême était représenté par le soleil qui figurait la force génératrice mâle, et pai" la nature ou l'uni- vers qui symbolisait le principe prolifique femelle. Et cette union était figurée de difTérentes façons, principalement par le point dans le cercle ; le point inditjuant le soleil, et le cercle, l'univers ou la nature, en qui ses chauds rayons prolifiques engendraient la vie ».
Qu'il nous soit permis de demander ce qu"ont à faire les deux saints Jean, les deux éminents patrons des Loges, avec ces cultes du soleil et du phallus ? Apprenez une leçon du symbolisme ma- çonnique, l'une des premières qu'enseigne la Maçonnerie, et, quand vous l'aurez bien comprime, vous saisirez quel peu de consistance a le voile chrétien qui cache derrière lui le paganisme.
« Les deux lignes parallèles qui, d'après les Leçons modernes représentent saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Evangéliste, figurent en réalité deux périodes du cours annuel du soleil. A deux certains points de son évolution, que l'on nomme le Solstice d'été et le Solstice d'hiver, le soleil se trouve dans les signes zodiacaux du Cancer et du Capricorne. Quand le soleil arrive à ces points, il a atteint respectivement ses limites, extrêmes au nord et au sud. Si nous considérons le cercle comme représentant le cours annuel du soleil, les points où les deux lignes parallèles touchent le cercle représenteront les deux solstices. Or, les jours précis où le soleil atteint ces points extrêmes sont le 21 juin et le 22 décembre, et cela explique pourquoi les deux saints Jean, dont l'Église fêle les anni- versaires aux alentours de ces dates, ont été choisis '■ ».
« Ainsi, conclut le Docteur, la véritable interprétation qu'il faut donner au point dans le cercle est celle qui convient au Maître et aux Gardiens d'une Loge. Ils contiennent à la fois le symbolisme du monde et de la Loge. Le Maître et les Gardiens sont représentés par le soleil; la Loge, par l'univers ou le monde; le point est égale- ment l'emblème du même soleil, et le cercle qui l'environne, celui de l'univers, tandis que les deux lignes parallèles ne figurent pas, en réalité, les deux saints, mais les deux limites extrêmes au nord et au sud du cours du soleil - ».
1. Ritualist, p. 63
2. Ibid. p. 63.
102 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
Il y a pou de passasses dans le Ritualisi qui nous fassent mieux saisir linanilé des prétentions de la Maçonnerie à être chrétienne Il s'annonce à grand bruit de trompettes en célébrant les louanges des deux saints Jean, les deux éminenls patrons des Loges, pour finir par l'aveu qu'il n'est aucunement question d'eux historiquement parlant, mais des deux points extrêmes du cours annuel du soleil, des deux moments où il est le plus et le moins ardent. C'est donc le soleil, son culte et le culte phallique qui appartiennent à la Maçonnerie. Le nom des deux saints n'est là que comme symbole, pour indiquer à l'initié le soleil arrivé dans les signes du Cancer et du Capricorne, et pour dérouter le profane qui croit qu'il s'agit du Précurseur et du disciple du Christ.
Nous avouons qu'en lisant ces noms pour la première fois, nous avons donné dans le piège. Nous avons cru, comme le croira tout non-initié, que ces noms quoique employés à tort, se ra[>portaient bien aux deux saints en question. Nous nous souvenions de ce qui nous avait été ditsurces saints dans les leçons sur l'ouverture d'une loge, et nous n'aurions jamais penséquele « Symbolisme » put aller si loin.
« On déclare alors (pie la loge est ouverte en due forme, au nom de Dieu et des deux saints Jean, pour le premier, le second ou le troisième degré, suivant le cas '.
« On dit ([u'une loge est ouverte au nom de Dieu et des deux saints Jean c'est Mackey qui souligne), pour déclarer que nous nous assemblons dans un but sacré et religieux, pour témoigner de notre profonde révérence pour cet Etre Divin dont le nom et les attributs devraient faire l'objet constant de nos contemi>la- tions, et de notre respect pour ces anciens patrons que les traditions de la Maçonnerie ont joints si intimement à l'histoire de l'Institu- tion ».
Comparez les deux passages et tirez-en vos propres conclusions. Et la loge est ouverte au nom de Dieu et de ses deux saints !
Qui, sont ces deux saints ? Deux points nommés du cours du so- leil. La loge est donc ouverte au nom de Dieu et des saints signes du Cancer et du Capricorne, pour des fins sacrées et religieuses ». Si tels sont les saints, quel est le Dieu auquel ils sont unis ? Et voilà l'instruction donnée à l'Apprenti enrôlé, au novice en Maçonnerie ! C'est ainsi qu'il est conduit au culte phalli(|ue, au culte des facultés génératrices «le la nature humaine, et le plus souvent à une j)ériode de la vie où il n'est que trop |>orté,
1. liilualisl. p. 11.
ET LE PAGANISME 103
en dehors même de toute instruclion maçonnique;, à s'adonner à un tel culte. Et ce culte étant élevé à la dignité de culte religieux, son intelligence maçonnique purifiée en tirera les conclusions na- turelles, car « pour les purs, tout est pur ». Les anciens, qui ado- raient les passions de la nature humaine étaient irréprochables dans leur morale ; il le sera comme eux. Horace était un initié. Sa sensualité, si effrontément exposée dans ses Odes, n'était que des écarts de jeunesse bien naturels. Alcibiade était un initié, mais nous ne voudrions pas faire un tableau de sa morale. Tibère en était un également; qui n'a pas entendu parler de Caprée ?
N'importe : dans chaque loge bien administrée, on voit, pour l'instruction des frères et pour leur édification, le symbole phal- lique, le point dans le cercle. Bien mieux, la Loge elle-même, les colonnes de la Loge, les officiers de la Loge, les symboles les plus ordinaires employés par la Loge, tout exprime la même signification à l'initié. Voulez-vous entendre ces affirmations dans des termes explicites appliqués au Temple de Salomon ?
La Loge, comme nous l'avons vu, est un type du Temple de Salomon, qui est lui même une copie des Temples phalliques égyp- tiens.
« La description suivante du Temple de Salomon, faite par J.-G.-R. Forlong, dans son admirable ouvrage intitulé Rivers of Life (Les Rivières de la vie) ne peut pas être négligée dans une ency- clopédie maçonnique, nous dit le F.". McClenachan dans son Adden- dum à VEncijclopédie de la Franc-Maçonnerie du Dr. Mackey, (pp. 1004, 1005 1 ». Apprenez-nous, je vous prie quelles sont ces idées sur le Temple de Salomon si' admirables et si instructives pour la Fraternité ?
« Que la boîte de l'arche d'alliance, avec sa tour phallique, est semblable à tout un sanctuaire sivaïque, que la tovu' tlentrée n'est autre chose qu'un obélisque égyptien, ou bien la copie des piliers bouddhistes ou des colonnes d'Hercule placées près du temple phénicien Qu'un autel est une arche avec un « siège de misé- ricorde » ou lieu du feu et du sacrifice ».
Voici ce qu'il nous dit un peu plus loin : « Ces temples sont com- muns surtout chez les adorateurs du phallus de l'Inde méridionale. Un portique élevé orne généralement la façade ; on trouve dès l'entrée, les piliers phalliques, avec des autels pour le sacrifice , etc., et, dans le coin le plus reculé, le sanctuaire ou oracle du culte ». Ou encore : « Celte [section] donne les détails de la pointe et de la position des phalli, Jachin et Boaz ».
La même théorie est reprise à la page 1015, et plus complètement encore à la page 1016. « L'arbre et son extrémité de lotus, dit Kitlo
104 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE ET LE PAGANISME
prit la place de la colonne égyptienne sur les deux fameux phalli de Salomon, Jachin et Boaz ». (p. 1017).
Ces deux piliers étaient sous le portique du temple de Salomon, et leurs représentants, portant les mêmes noms, Jachin et Boaz or- nent la loii-e maçonnique. Le temple de Salomon était un temple l>halliqne, la loge est sa représentation fidèle, comme le sont le monde, l'humanité, comme l'est encore l'individu — tout devant être construit sur le même plan — voilà toute la Maçonnerie. Voilà où nous a conduits la Maçonnerie avec son paganisme el ses sym- boles païens ; elle l'a fait lentement, pas à pas, mais infailliblement.
D'abord. elle nous a montré son respect et son amour pour les cé- rémonies païennes qu'elle présente comme sacrées et comme le mo- dèle des siennes propres. Puis elle oblige son candidat à faire le tour de la Loge. en parlant de l'est pour y revenir par le sud et l'ouest, afin d'imiler le cours journalier du soleil. Elle présente doncson candidat au soleil, objet du culte des anciens, purificateur] el régénérateur de toutes choses. Puis, on lui fait voir la communauté d'origine, la différence de formes mais l'identité de fond qui existent entre la Maçonnerie américaine et les mystères païens. Elle fait remonter son histoire aux mystères mithriaques ou culte phallique, modifi- cation du culte du soleil, en passant par les Gnostiques.
Elle renvoie son disciple studieux aux mystères païens pour y trouver la vraie signification de ses propres symboles, l'assurant que c'est là qu'il l'y découvrira. Elle reconnaît pour ses frères les anciens iiomains idolâtres, el elle fait remonter le nom môme de Maçon, bâtisseur de temple, jusqu'aux autels phalliques des temples païens, dont le Temple de Salomon n'était que la copie. C'est donc au culte d'Isis ou de la nature que nous aboutissons; c'est amsi (pi'il <^st appelé — le culte de noire nature sensuelle. Voilà pourquoi nous avons l)esoin qu'un chaagemcMil s'opère dans noire inlelli- gence, car la conscience el la raison chréliennes nous dirigent au- trement. C'est pour enseigner ce culte que la Loge, est construite el ornée : ses olficiers représentenl le malin, le midi et le soir de riiiimanité ; ses piliers se nomment Jachin et Boaz ; ses colonnes : Sagesse, Force et Beauté soutiennent la Loge et une colonne n'est autre chose qu'un pilier bouddhique ; elle en a le même sens phallique ; et, pour résumer tout en un mot, on trouve dans chaque Loge bien administrée le point dans le cercle, ce qui figure les lins sacrées et religieuses que se propose la Loge, et ce point dans le cercle est le symbole phallique des païens.
CHAPITRE Vril Le Dieu de la Franc-Maçonnerie Américaine
« L'une des premières leçons enseignées au Maçon au début de son initiation, nous dit le Masonic Ritualist, p. 14, est qu'il ne devra jamais entreprendre quoi que ce soit d'important sans invo- quer d'abord la bénédiction de la Divinité. C'est pourquoi, dès le début des cérémonies d'ouverture, on adresse une prière au Suprême Architecte de l'Univers. Bien que cette prière soit faite par le Maître, tous les Frères doivent y participer et tous, lorsqu'elle est terminée, doivent répondre : « Qu'il en soit ainsi : Amen ».
^( On déclare alors, continue le Ritualist, qu'au nom de Dieu et des deux saints Jean, la Loge est régulièrement ouverte, pour le premier, le deuxième ou le troisième degré, suivant le cas ».
Le Ritualist ajoute: « La formule: la Loge est ouverte au nom de Dieu et des deux saints Jean'^ est comme une déclaration des motifs religieux et sacrés de notre réunion, de notre profonde révérence pour cet Etre divin dont le nom et les attributs devront faire l'unique objet de notre contemplation, et de notre respect pour ces anciens patrons que les traditions de la Maçonnerie ont si étroitement liés à l'histoire de l'Institution ».
Nous avons vu ce qu'étaient ces patrons si vénérés de la Maçon- nerie, « les signes saints et sacrés du Cancer et du Capricorne ». C'est en leur nom et en celui du Dieu de la Maçonnerie que la Loge est ouverte pour des motifs « religieux et sacrés »,et que le candidat est conduit au culte phallique. Que peut donc bien être ce Dieu maçonnique? Telle est la nouvelle question qui s'impose, et^quoique l'élude de cette question doive nécessiter quelque effort de pensée à nos lecteurs, nous sommes certain qu'ils ne s'y refuseront pas, étant donné les difficultés avec lesquelles ils nous voient aux prises; car c'est précisément alors que, dans l'intention avouée de nous éloigner, nous profanes, de la science maçonnique, on complique les choses à plaisir, il est plus difficile de les débrouiller, et de dévoiler aux non-initiés ce que, d'après le F.-. Pike, « l'on n'énonoe
1. Les italiques sont du Ritualist.
106 LE DIEU
souvent qu'une fois et brièvement, ou ce à quoi on ne fait souvent aussi qu'une allusion obscure ».
Si nos lecteurs veulent bien considérer que les Maçons donne- raient volontiers jusqu'à leur âme pour acquérir cette science — car le but principal de l'Ordre est de l'enseigner — ils conviendront qu'ils la trouvent à bon compte, puisque tout ce que nous leur demandons, c'est de nous accorder une demi-heure d'attention sérieuse et soutenue. Nous allons condenser en quelques pages plus d'enseignement que les Frères n'en acquièrent en un grand nombre d'années d'initiation, parce qu'ils sont obligés d'avancer degré par degré, tandis qu'ayant devant nous tous les degrés, nous pouvons puiser dans chacun d'eux à notre convenance.
Donc, la Maçonnerie admet qu'il existe un Dieu ; elle prie un Dieu; elle n'accepte aucun cantlidat qui ne croit pas en un Dieu.
« La Franc-Maçonnerie, nous dit Mackey ', est excessivement tolérante en ce qui concerne les croyances, mais elle exige que tout candidat à l'inilialion croie à l'existence de Dieu, en tant que puissance gouvernante et protectrice, et en la vie future. On ne cherchera pas à modifier sa foi religieuse pourvu qu'elle com- prenne ces deux principes ».
Peu importe qui est le Dieu adoré ou ce qu'il est. Qu'il soit Bouddha, le Christ, le Dieu des Sociniens ou des .luifs, le « totem » des tribus de l'Alaska, la Vénus des Romains, le Zeus des Grecs, c'est indifférent. Tout ce qui est exigé, c'est une croyance en une divinité quelconque. La Maçonnerie se charge de répandre une merveilleuse clarté sur la Vraie Nature et l'essence de Dieu. Vous ne connaissez pas Dieu tel qu'il est, puisque vous n'avez pas été éclairé par la lumière maçonnique ; on ne vous a pas enseigné les allégo- ries et les magnifiques symboles empruntés à un vieux collège sacer- dotal de prêtres païens d'Eleusis, de Samothrace ou de Syrie, et vous n'avez pas étudié non plus les symboles de la diviiiilé dans les mystères du paganisme. Les Maçons instruits ont toujours trouvé la Vérité Divine, la nature et l'essence de Dieu dans ces symboles. Nous allons prendre le chemin (ju'on nous indique, et nous vous demandons de vouloir bien nous y accompagner.
Une Loge étant le temple religieux de la Maçonnerie, c'est vers la Loge tjue nous nous tournerons tout naturellement pour y trouver un .symbole de la divinité; car, si toutes les vérités de la Maçonnerie sont contenues dans des symboles, le principal, le plus important de tous ces symboles ne peut faire défaut. Il doit, sans doute, être le
1. Hncyctopœdta, p. G'24.
DE LA FRANC-MA.ÇONNERIE AMÉRICAINE 107
plus en vue dans la Loge et sauter aux yeux dès l'entrée. Et, en effet, à la page 95 du Masonic Riiualisl, nous avons une gravure de la Loge, et nous y voyons la lettre G dans un halo resplendissant, suspendue au-dessus de la tête du Maître. Ce G, sans aucun doute, signifie Goo (Dieu). Ayant découvert le symbole cherché dans la Loge, nous sommes sur le point d'en sortir quand nos regards sont attirés par les instructions qui précèdent et suivent le symbole. Préoccupés que nous étions de découvrir le Dieu de la Maçonnerie, nous allions oublier un instant que son Dieu n'est pas noire Dieu.
Le paragraphe dans lequel se trouve la gravure de la Loge qu'il- lumine la lettre G est intitulé : « Les Avantages moraux de la Géométrie », et débute par cette assertion remarquable : « La Géométrie, la première et la plus noble des sciences, est la base sur laquelle est érigé tout l'édifice de la Maçonnerie ».
Gomment ! nous écrions-nous, nous pensions que c'était la théolo- gie, science de Dieu et des choses divines, qui était la première et la plus noble des sciences. La géométrie, comme son nom même l'exprime (puisqu'il signifie littéralement mesure de la terre), est une science toute terrestre, qui traite des points, des lignes, des surfaces, des solides, toutes choses, en un mot, qui supposent la ma- tière ; comment la science qui traite essentiellement de la matière peut-elle être la première et la plus noble des sciences ? Le G dans le halo n'exprimerait-il pas plutôt la Géométrie que God (Dieu) ? Ou encore exprimerait-il à lafoislaGéométrieetGod(Dieu),ensorte que, pour le Maçon, le bâtisseur, la Géométrie serait sa théologie, sa science de Dieu ? Est-ce là le fil conducteur qui va nous aider à sortir de cet inextricable labyrinthe maçonnique? C'est lui, en vé- rité. Notre dernière supposition est juste : le G dans la gloire repré- sente la théologie maçonnique et Dieu, ou la Divinité maçonnique; — nous remarquerons que les Maçons n'aiment pas le mot Dieu — . car la Géométrie est le symbole maçonnique de la Vérité Divine.
'< De même que, dans toute église catholique romaine, dit le Dr. Mackey, et dans un grand nombre d'églises protestantes, on trouve, en quelque place d'honneur, une croix gravée ou sculptée, comme symbole du Christianisme, on peut voir dans toutes les Lo- ges maçonniques du côté de l'Orient, un G peint sur le mur ou sculpté sur bois ou sur métal, suspendu au-dessus du siège du Maître. Ceci est, en fait, sinon le plus important, du moins le plus familier des symboles de la Franc-Maçonnerie, celui auquel le poète Burns fait allusion dans ses vers si connus et si souvent cités en parlant de « cette clarté hiéroglyphique que nul ne vit jamais sauf
1. Eneyclopsedia, p. 624.
108 LE DIEU
les gens de la Corporation' », cesl-à-dire que nul ne vit cette clarté d'une façon intelligible, en comprenant ce quelle signifiait ».
La signification de ce symbole nesL donc pas God (Dieu i, tel que nous comprenons ce mot, car nul autre que les gens de la Secte, les Maçons, ne le vit jamais dune façon intelligible, en comprenant sa signification. Et cependant la lettre G doit être étroitement liée avec la divinité de la Maçonnerie, car elle est située à TEst, trône du Soleil levant, objet du culte rendu au soleil et à ses modifications ; c'est la source de la lumière; elle est placée au-dessus de la tête du Maître; et est le svmbole de la Maçonnerie, comme la Croix est celui du Catholicisme. Elle est donc étroitement liée aux dogmes fondamen- taux de la Maçonnerie.
Hutchinson et d'autres auteurs cités par le Dr. Mackey déclarent nettement que la lettre G exprime à la fois Géométrie et God (Dieu)-.
« Ne l'appliquer qu'au seul nom de Dieu, dit Hulchinson\c'est la priver d'une partie de sa portée maçonnique, quoique j'aie déjà montré que les symboles employés dans les Loges représentent que la Divinité, en tant qu'Architecte du monde, est le grand objet de la Maçonnerie. Cette lettre significative symbolise la Géomé- trie qui. pour les savants, est la science vers laquelle tendent tous leurs travaux, et qui, pour les Maçons, contient la détermi- nation, la définition et la preuve de l'ordre, de la beauté et de la merveilleuse sagesse de la puissance de Dieu dans sa Création ».
Mais, bien que le G dans la gloire représente à la fois Dieu et la Géométrie, science divine de la Maçonnerie, le Dr. Mackey, et nous en trouverons d'autres qui partagent son opinion, déplore que la Maçonnerie ait adopté ce symbole.
" Il est à regretter, dit-il,* que la lettre G ait jamais été admise comme symbole dans le système maçonnique » « 11 n'y a au- cun doute que la lettre G soit un symbole très moderne et n'appar- tenant à aucun ancien système antérieur à l'origine de la langue anglaise. C'est, par le fait, une corruption du vieux symbole kabba- listique hébreu, la lettre yod, par laquelle on exprime le nom sacré (le Dieu — nom le plus sacré qui soit, le Télragramme. Cette lettre yod est la lettre initiale du mot ninii f>u Jehovah, et on la ren- contre constamment dans les écrits des auteurs hébreux, employée
1. "... that hieroglyphic bright,
WTiich none but Craftsmen ever saw «.
2. bncyclopsedin of Masonry, p. 301.
3. Spirit of Masonry, Led. viii.
4. Encyclopscdia, p. 302.
DE LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE 109
cemnie abréviation ou symbole de ce nom sacro-saint, que l'on n'écrit, pour ainsi dire, jamais entièrement ».
» Maintenant, aioute-t-il, comme l'initiale du mot God (Dieu), est également un G, et que ce mot est l'équivalent du nom hébreu .lehovah, on a adopté cette lettre comme symbole devant tenir lieu, dans les Loges modernes, du symbole hébreu. Adoptée d'abord par les auteurs des rituels anglais, elle a été transmise, sans aucune explication, à la Maçonnerie continentale, et on la trouve employée comme symbole dans tous les systèmes, en Allemagne, en France, en Espagne, en Italie, au Portugal, ainsi que dans tous les autres pays où la Maçonnerie a été introduite, quoiqu'il n'y ait qu'en Allemagne qu'elle soit, comme en Angle- terre, un symbole intelligible ».
« Enfin, continue le Docteur, « la lettre G a donc, en Maçonne- rie, la même force et le même sens que la lettre yod pour les kabbalistes. Ce n'est qu'un symbole de la lettre hébraïque, et comme celle-ci est un symbole de Dieu, la lettre G n'est autre chose qu'un symbole d'un autre symbole ».
Nous interrompons ici la citation de peur que nos lecteurs ne se perdent dans toute cette phraséologie du savant Docteur. Il nous dit que, d'après les kabbalistes (dont nous verrons que la théorie s'accorde avec celle des Maçons), la lettre yod exprime la nature de Dieu, parce qu'elle est la première lettre du mot Jehovah, tel qu'il est compris et interprété par les kabbalistes mêmes. La lettre yod était donc le symbole de la divinité kabbalislique et maçonnique. Mais aujourd'hui, le G remplace yod. Donc il représente yod, il^est le symbole de yod, et partant est bien le'symbole d'un symbole.
Vous ne manquerez pas de poser ici cette question : « Pourquoi G n'est-il pas, comme yod, un symbole de Jehovah ? Dieu n'est-il pas Jehovah, et Jehovah n'est-il pas Dieu ? Gomment se peut-il faire que G ne soit pas, tout aussi bien que yod, un symbole de Jehovah » ? Nous répondrons d'une façon complète au chapitre suivant ; mais nousjugeons opportun de le faire brièvement dès à présent. Jehovah, tel que nous, catholiques, nous, chrétiens, nous, profanes, appar- tenant au monde non-maçonnique, le comprenons et adorons, n'est pas le Dieu des Maçons. Notre Jehovah est le Jehovah de la Bible ; le Jehovah maçonnique est le Jehovah de la Kabbale. Sont-ils donc diftérents ? Totalement. C'est pourquoi, au « Choc de l'Illumina- tion >, on a exigé que vous rompiez toutes vos anciennes attaches, afin de pouvoir former de nouveaux liens, adorer la véritable divinité, et vivre une vie nouvelle.
Vous ne pouviez guère vous attendre à voir la Maçonnerie adorer
110 LE DIEU
le Jehovah des Hébreux primitifs. Voici dailleurs le portrait qu'en trace la plume facile du F.-. Pike.
« La Divinité des primitifs Hébreux parla à Adam et à Eve dans le Jardin de Délices, tout en se promenant à la fraîcheur du jour; elle parla à Caïn ; elle s'assit et mangea avec Abraham sous sa lente ; ce patriarche réclama d'elle un gage visible afin qu'il consentit à croire à sa promesse positive ; elle permit à Abraham de discuter avec elle et de lui persuader de changer sa première décision à l'égard de Sodome ; elle lutta avec Jacob; elle montra toute sa personne, sauf sa face, à Moïse ; elle dicta aux Israélites jusqu'aux moindres règlements administratifs, même les dimen- sions du tabernacle, même son aménagement ; elle insista pour qu'on lui fit des sacrifices, et les agréa ainsi que toutes les oITran- des brûlées sur des autels ; elle était violente, jalouse, vindica- tive, autant qu'ondoyante et irrésolue ; elle permit à Moïse de la dissuader de sa résolution arrêtée de détruire entièrement son peiiple ; elle commanda l'exécution d'actes odieux et révoltants de cruauté et de barbarie. Elle endurcit le cœur du Pharaon ; elle se repentit du mal qu'elle avait promis de faire aux Xiniviles ; et elle ne le fit pas, ce qui motiva le dégoût et la colère de Jonas » .
Le sentiment qui anime ce passage est évident, son injustice l'est également pour qui que ce soit, même pour un incroyant, pouivu qu'il prête au sujet une attention sincère. Pike sait aussi bien que nous que, pour parler de Dieu, nous sommes obligés de nous servir du langage humain ; qu'en nous servant du langage humain, nous employons un intermédiaire imparfait ; que, pour que cet intermédiaire puisse être employé, il faut que la persomie qui parle et celle à qui l'on parle fassent la part des choses ; qu'il est déloyal de prendre au sens propre le langage figuré que l'on emploie et de l'interpréter littéralement, — et que, en ce qui concerne Dieu, il ne doit être entendu (pie dans un sens figuré, puisque nous ne pouvons parler de lui que par analogie.
Si nous disons d'un héros : c'est un lion, nous ne faisons (pi'af- firmerce que toutes les langues admellent ; si nous disons d'un homme de génie : c'est un aigle, aucun de nos lecteurs ne songera à nous condamner. Mais voici venir un ciitique du génie du F.-. Pike qui, se refusante distinguer entre la vérité sous-entendue et notre fac^on de l'exprimer, commence par nous tourner en ridicule pour avoir donné à notre héros, quatre j)atles, une 'M-inière et une queue, et à notre génie, desserres, des plumes et un bec. Nous n'a- vons rien fait de tout cela. Il en est de même de l'Ecriture, lorsqu'elle
DE L\ FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE 111
dit : Dieu parla, elle ne lui prêle pour cela ni corps, ni lèvres, ni langue, non plus que, lorsqu'elle le représente marchant, elle ne lui suppose des jambes. Ces objections sont aussi puériles qu'impu- dentes. Nous ne disposons pas d'assez de place pour les réfuter en détail.
On pourrait encore prouver le manque de sincérité de ces atta- ques en s'appuvant sur la fable d'Osiris, qu'on nous invite à exalter jusqu'aux cieux malgré tout ce qu'elle contient de révoltant. Ne sommes-nous pas aussi invités à admirer avec sympathie ce meur- tre d'un frère par son frère, pour expliquer la succession des saisons de l'année et les phases variées de la belle et bonne nature. Les or- gies et l'ivrognerie de Bacchus, les fornications de Jupiter, l'im- pudicité de Vénus, Saturne dévorant ses propres enfants, tout cela peut Cdve travesti et embelli par les explications et les inter- prélalious des admirateurs des mystères païens ; mais le Jéhovah des anciens hébreux excite les railleries dii F.'. Pike pour avoir épargné Ninive après que ses menaces l'eurent amenée au repentir, et pour avoir soulevé 1 indignation de Jonas qui, dans sa vanité blessée, aurait préféré voir la cité repentante détruite plu- tôt que de s'exposer à être considéré par les Ninivites comme un faux prophète.
« Tu te chagrines, dit le Seigneur, pour le lierre que tu n'a pas eu la peine de planter ni d'arroser, et qui poussa en une nuit et qui périt en une nuit.
« Et n'épargnerai-je pas Ninive, celte grande cité, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille personnes qui ne savent pas distin- guer leur main droite de leur main gauche, et un grand nombre d'animaux » ?
La lettre G soulève donc les objections du Maçon ésotérique ; car celui qui prendrait la divinité maçonnique pour notre Dieu n'a- dorerait, en aucune façon, le Jéhovah maçonnique. Quoi qu'il en soit, celle lettre a été adoptée, et, pour le moment, du moins, il faut l'accepter telle qu'elle est.
« Quant à signifier la Géométrie, continue notre auteur, Kloss, l'historien maçonnique allemand, nous dit que les anciens Maçons opéralifs rapportaient toute la science de la Géométrie à l'art de construire, ce qui a engagé les Maçons anglais modernes à com- prendre sous le nom de Géométrie tout le système maçonnique. Voilà pourquoi on adopta le symbole de cette science, qui est en même temps celui de God (Dieu), pour le degré de Compagnon.
<( Somme toute, conclut-il, ce symbole rendu sacré, puisqu'il s'ap- pliquait au grand Géomètre de l'Univers, méritait bien d'être éga-
112 LE DIEU
lement appliqué à cette science qui, depuis les temps les plus re- culés, est considérée comme synonyme de la Ma»,*onnerie ' ».
Nos idées s'éclaircissent. La Géométrie est le symbole de la Ma- çonnerie ; car, puisque la Maçonnerie est la construction de l'huma- nité sur des bases païennes, la Géométrie, «science qui consiste ex- clusivement dans l'art de bâtir », va lui servir admirablement de symbole. L'œuvre de la Maçonnerie, c'est la construction du tem- ple païen do l'humanité ; le Maçon en est le constructeur, le géo- mètre : la Divinité maçonnique est le Grand Bâtisseur, le Grand Architecte de l'L nivers, le Grand Géomètre, l'Algabil ^.
« Car la Maçonnerie voit dans le Dieu suprême qu'elle adore, nous dit le Dr. Mackey, non pas un numen divinum, une puissance divine, non pas un moderator rerum omnium, un modérateur de toutes choses, comme l'appelaient les anciens philosophes, mais un Grand Architecte de l'Univers. D'après la conception maçonnique, c'est Lui qui est le Tout-Puissant Constructeur de ce Globe terres- tre et des innombrables mondes qui l'entourent. Il n'est pas Yens enliiim (l'Etre des êtres) ; aucun des titres dont l'a gratifié la spé- culation ancienne et moderne ne lui convient ; il est simplement l'Architecte — au sens où les Grecs entendent leur 'oLpx^-:iy.r<ù-j, le contremaître - sous les ordres duquel nous devons tous travailler comme des ouvriers ; notre travail constitue donc notre culte ». Et citant Lenning, il ajoute dans une note en bas de page : « L'ouvrier est le nom symboliipie du Franc-Maçon ».
Ecartez donc de votre esprit, cher lecteur, toutes les idées que vous avez eues jusqu'à présent sur Dieu; car, d'après la Maçonnerie, elles sont toutes fausses ; représentez-le vous désormais comme un Maître Maçon, le Surintendant du travail, car il n'est que cela, et considérez mainh'naiil combien vous êtes libre. Vous êtes un bâtis- seur, un maçon avec lui, par sa volonté ; il vous dirige ; mais vous n'êtes pas sa ci'éature, l'œuvre de ses mains, et toute la loi morale édifiée sur cette idée s'écroule ; les liens de votre nature morale sont brisés. Vous rendez-vous compte de plus en plus jusqu'à quel point les liens qui vous attachaient au passé sont brisés ? Complè- t»*menl, irrémédiablement brisés .' Vous devenez un /'/a /r- Mac on ; un /vYz/jc'-batisseur.
yui nous en dira davantage sur ce Grand Géomètre, ce Grand Baii.sseur ? Qui nous mettra à môme de pénétrer plus intimement dans la nature réelle de ce Dieu maçonnique? Le F.-. McClenachan, le continuateur du Dr. Mackey, nous apportera la lumière qui nous
1. tneyclopsBdia, p. 30*2.
2. Ibid., p. Cife.
DE LA FRAWC-MAÇONMERIE AMÉRICAINE ll3
manque. Voici d'abord le mot épelé maçonniquement « G. O. D. Les trois lettres initiales de Gomer, Oz, Dabar ». C'est là une sin- gulière coïncidence, continue-t-il, qui mérite de retenir notre attention : « Les lettres qui composent le nom anglais de la divi- nité se trouvent être les initiales des mots hébreux : sagesse, force, beauté, les trois grandes colonnes ou supports métaphoriques de la Maçonnerie. Elles présentent la raison presque unique qui puisse faire accepter aux Maçons l'emploi de la lettre G suspendue osten- siblement à l'Est, dans la Loge, au lieu du Delta. La coïncidence semble être plus qu'un accident fortuit * ».
Sans nous attarder sur la répugnance qu'éprouve le F.-. McCle- nachan à employer le mot Dieu pour dénommer la Divinité maçon- nique, répugnance qu'il n'arrive à surmonter que lorsqu'il a décou- vert dans ce mot les initiales des colonnes ou piliers qui, métapho- riquement, soutiennent la Maçonnerie, nous passons bien vile, tout surpris de nous voir si soudainement rejetés sur ces fameuses colonnes dont le sens phallique nous a été révélé au chapitre pré- cédent. « Le monolithe, ou colonne ronde qui se dresse seule, nous dit le Dr. Mackey, était pour les anciens une représentation du Phallus, symbole de la force créatrice et génératrice de la di- vinité, et c'est dans ce pilier phallique qu'il nous faudra trou- ver la véritable origine du culte des colonnes qui n'était qu'une des formes du culte phallique, le principal des cultes auxquels se livraient les païens- ».
Il est certain que le culte rendu à une divinité donne une idée de ce qu'elle est, et que le culte phallique nous amène logiquement à déduire qu'il convient à la Divinité à laquelle il est rendu ; mais nous tenons tant à ne rien affirmer en dehors de ce que nous pou- vons prouver clairement, que nous aurions hésité à tirer une telle déduction, si le F.-. Me Glenachan ne nous avait pas présenté Dieu sous la forme des piliers de la Loge.
" Mais le F.-. Mackey va confirmer ce que le F.-. McGlenachan vient de nous dire assez clairement.
« J'ai par ailleurs, nous dit-iP, traité très à fond du sentiment en faveur chez les anciens qui croyaient que la Divinité Suprême était bisexuelle ou hermaphrodite, renfermant dans l'essence de sa nature les principes du mâle et de la femelle, les forces géné- ratrices et prolifiques de la nature. Telle était la doctrine univer- selle de toutes les religions anciennes, doctrine qui trouvait un
1. Symbolism, p. 185.
2. Encyclopaedia, p. 957.
3. Symbolism, p. 185.
114 LE DIEU
^vinl)ole loiil iiuliqiié dans le phallus et la cleis chez les Grecs,, le liiii^am et rVoiii chez, les Orieulaux ; d'où la Macjonnerie a lire le sien avec quelque raison : un point dans un rercle. Toutes ces religions de l'antiquité enseignaient un Dieu créateur, à la fois niâle et femelle ».
■. Nous avons, dans ces symboles sensuels de la Loge, l'expression de h\ nature et de lesscnce de la Divinité maçonnique. Telle fut la doctrine de toutes les religions anciennes, dit notre auteur ; si ilonc vous ue trouvez pas la Divinité là où elle est, mettez votre religion de côté: c'est une corruption moderne des hommes. \'ouj ne savez pas comment il faut interpréter le. (1 dans la gloire, ou comment il faut lire avec les anciens l'I. N. R. I. de la croix tlu Sauveur. Il n'y a rien là qui soit d'invention humaine. (Test une des vérités fon- damentales, ou mieux la vérité fondamentale de la religion primi- tive qui nous a été transmise par l'ancien sacerdoce patriarcal d'E- leusis, de Samolhrace ou de Syrie. C'est la vérité cachée comme un diamant au milieu des décombres de notre religion, celle qui se- ra révélée par le rayon pénétrant de l'illumination maçonnique, re- cueillie par l'intelligence maçonnique dans laquelle l'ordre et la beauté auront jailli du chaos ; c'est cette vérité enfin qui consti- tuera la pierre fondamentale de la vie maçonnique.
« Or, cette théorie, continue le Dr. Mackey avec d'autant plus d'assurance qu'il a moins de raison d'en avoir, ne peut, sans au- cun doute, soulTrir d'objections au point de vue de son ortho- doxie, si nous l'envisageons au sens spirituel, celui avec le- (juel ses premiers auteurs ont eu l'intention de la présenter aux esprits, et non au sens grossier et sensuel qu'on lui a prêté depuis. Car, prenant le mot sexe, non pas avec le sens qu'on lui donne dans la conversation ordinaire pour désigner la marque d'une organisation physique spéciale, mais dans un sens pure- ment philosophique, qui seul convient à semblable rapproche- ment et qui implique simplement la manifestation d'une puis- sance, on ne saurait refuser à l'Etre Suprême celle de possé- der à la fois en lui-même et en lui seul les deux puissances géné- ratrice et prolifique. Lanzi a reconnu avec une habileté singulière, dans le tétiagramme, ou nom de Jehovah, celte môme idée si gé- néralement en faveur parmi les nations de l'antiquité ; et ce qui est presque aussi intéressant, c'est que, par sa découverte, il a réussi à démontrer quelle devait être, selon toute probabilité, la prononciation du mol' '>.
« Cette théorie ne souffre aucune objection au point de vue de
1. Symboluim, p. 186.
DE LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE 115
l'orthodoxie », nous dit le Dr. De quelle orthodoxie parle-l-il ? Est-ce de l'orthodoxie catholique, de l'orlhodoxie chrétienne? L'une comme l'autre trouvent cette théorie très discutable, car, ainsi qu'il en convient lui-môme, quel qu'ail pu être le sens qu'elle avait à l'origine, on lui en a prêté dans la suile un autre grossier et sensuel. Ce qui a été fait une fois peut l'être deux. Notre auteur pourrait-il nous indiquer le moyen de l'empêcher ? Et, pourquoi, je vous prie, faut-il admettre que les premiers auteurs de la théorie en question aient employé le mot sexe dans un sens spirituel, et comme symbole de « puissance » ? Ses derniers partisans ne l'ont pas en- tendu ainsi — le Dr. l'avoue^ ; pourquoi leurs devanciers auraient- ils nécessairement fait le contraire? L'auteur affirme ce qui réclame des preuves ; c'est que des preuves, il n'en a pas.
Ceux qui, dans des temps plus récents, ont été initiés au système maçonnique, ont pris dans un sens grossier et sensuel, différent de de ce que le Docteur appelle le sens « philosophique », un mot qui attribue un sexe à la Divinité. Il est donc faux que le sens phi- losophique de puissance soit » le seul qui doive êtie employé dans un tel rapprochement ». Et qu'y a-t-il après tout de si philosophi- que ou de si spirituel à employer le mot sexe comme symbole de la puissance de Dieu ? La philosophie, comme la charité, est faite pour couvrir une multitude de péchés. Le sens « philosophique »! Voilà un grand mot, derrière lequel peut se cacher bien du vide. Pourquoi se donner tant de peine pour faire de Jehovah un être hermaphrodite, afin d'arriver tout simplement à exprimer son omni- potence spirituelle ? Croyez-vous devenir philosophe parce que, constatant que la lumière du soleil contribue aux énergies généra- trices et prolifiques de la nature, vous en faites une puissance her- maphrodite .''• Au lieu de devenir philosophe, vous vous rendez ridi- cule.
Pour ne pas donner à ce chapitre des proportions démesurées, nous ne traiterons de la découverte de Lanzi que dans le suivant ; son éclat et son importance méritent cette discussion à part. Nous allons retourner à notre Ritualist pour étudier le but de la Géomé- trie, de la Maçonnerie, afin de découvrir, autant qu'il est en notre pouvoir, dans cette science, la première et la plus noble de toutes, où il faut que nous cherchions ce Dieu maçonnique bissexuel ou hermaphrodite.
« La Géométrie, la première et la plus noble des sciences, est la base sur laquelle est érigé tout l'édifice de la Maçonnerie. Par la Géométrie, nous pouvons, d'une manière étrange, suivre la Nature dans ses détours variés et jusque dans ses recoins les plus cachés. Par elle, nous découvrirons la puissance, la sagesse el la bonté du
116 LE DIEU
grand artisan de l'Univers, et nous considérerons avec délices les proportions (pii régissent cette vaste machine. Grâce à elle, nous verrons comment les planètes se meuvent dans leurs difl'érents orbites, et nous démontrerons leurs évolutions variées ; nous pourrons explicjuer le retour des saisons, et la variété des scènes que déploie chacune d'elles aux yeux attentifs. Nous sommes entourés d'une multitude de mondes, qui roulent dans l'espace immense : tous sont l'œuvre du même Artiste divin ; la même loi infaillible de la Nature les conduit tous.
« C'est en considérani attentivement la Nature, en observant ses belles proportions, que l'homme eut tout d'abord l'idée d'imiter le plan divin et d'étudier l'ordre et la symétrie. Ce fut là l'origine des sociétés et celle de toute œuvre utile '».
La Nature ! Voilà le mol mystique : l'objet de la Vérité divine de la .Mat:onnerie, c'est la Nature. Nous sommes, une fois encore, ren- voyés à la Nature, culte des anciens mystères, auxquels la Maçonnerie a déjà eu recours pour nous expliquer ses doctrines symboliques. C'est donc par la Maçonnerie, car Géométrie et Maçonnerie ne font qu'un, que nous suivrons la Nature jus<jue dans ses profondeurs les plus cachées, que nous découvrirons les soutiens de la Loge maçonnique, que nous vénérerons la loi infaillible de la Nature en construisant une société sur son plan. Il faut,' par con- séquent, que nous trouvions dans la Nature la Divinité bissexuelle de la Maçonnerie.
« Les mystères étaient un drame sacré, dit le F.-. Pike,- dans lecpiel se iléroulait quelque légende se lapportant aux change- ments de la Nature, à l'univers visible qui révèle la Divinité. Ils étaient, sous bien des rapports, aussi inlelligildes aux païens qu'aux chrétiens. La Nature est le grand Maître de l'homme, car elle est la révélation de Dieu ».
« Au-dessus de 1 immense chaos des erreurs humaines, dit-il encore ^ brille magnifiquemeïit la lumière calme el limpide de la religion naturelle ; elle nous montre Dieu comme le Père Infini de tous les hommes el possédant puissance, sagesse, justice, amour et sainteté en toute perfection. L'Univers, la Grande Bible de Dieu, rayorme splendidement tout autour de lui. La Nature matérielle est son Ancien Testament, vieux de millions d'années, plein de vérités éternelles (pie nous foulons sous nos pieds, étincelant des gloires immortelles (jui sont au-dessus de nos
1. Mnxnnic Ritualist, pp. '.»'>%.
2. Morals and Dogma, p. (A.
3. Ibid., p. 715.
DE LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE 117
lêles. La Nature humaine est le Nouveau Testament du Dieu Infini qui nous en révèle chaque jour une page, à mesure que le
Temps en tourne les feuillets » « Tout ce qui existe est une
pensée du Dieu Infini : la Nature est sa prose, el l'homme, sa poésie. »
Dès lors, vous pouvez, à voire gré, appeler la Nature Dieu, ou appeler Dieu la Nature. Le mot importe peu, pourvu que vous consentiez à attribuer à la Nature ce que le Fr.-. Pike appelle les « qualités de Dieu ».
« Il y a un athéisme de pure forme, dit-il, qui est une négation de Dieu dans les termes, mais non en réalité. Tel dit : Il n'y a pas de Dieu ; ce qui veut dire qu'il n'y a pas de Dieu qui ait tiré de lui- même sa propre existence, ou qui n'ait jamais eu d'origine, mais qui a été, est, et sera toujours la cause première de l'existence, esprit et providence de tout l'Univers ; donc l'ordre, la beauté, l'harmonie du montie de la matière ou du monde de l'esprit n'in- diquent aucun plan de la Divinité. Mais il ajoute : la Nature — entendant par ce mot la totalité des êtres — voilà ce qui est puissant, actif, sage et bon ; la Nature tire d'elle-même sa propre vie, a été, est et sera la cause de son existence, l'esprit de l'Univers et sa providence à elle-même. Il y a, certes, un plan et une volonté, desquels proviennent l'ordre, la beauté et l'harmonie ; ce plan et cette volonté appartiennent à la Nature - ».
L'idée d'une chose qui est sa propre cause d'existence, et qui s'est engendrée elle-même paraîtra chose nouvelle à nos lecteurs. Ce soi-disant athée, qui n'est au fond qu'im profond philosophe, voudrait-il nous dire comment une cliose peut agir avant d'exister? car ce n'est qu'à cette condition qu'elle peut être la cause absolue de son existence.
Le F.'. Pike nous dit « qu'en de tels cas, la négation de Dieu est de pure forme et non réelle. On admet les qualités de Dieu et l'on affirme qu'elles sont réelles ; et c'est par un simple change- ment de nom qu'on appelle le possesseur de ces qualités Nature, et non pas Dieu. La vraie question est celle-ci : les qualités que nous appelons Dieu existent-elles ? et non pas : quel nom allons- nous donner à ces qualités ? Un homme peut appeler Nature lensemble de ces qualités, un autre, Ciel, un troisième. Uni- vers ; un quatrième, Matière, un cinquième, Esprit, un sixième. Dieu, Theos, Zens, Alfadir, Allah ou tout ce qu'il lui plaît. Tous .admettent l'existence d'une Puissance, d'un Être, d'un
1. Les italiques sont de Pike.
118 LE DIEU
I\ns qu'ils uoniiiienl de cliflerenles tarons. Le nom est sans la moindre importance '».
Nous laissons à nos lecteurs le soin d'imatsinor quelle sorte de Dieu nous pourrons avoir formé en mettant en lui des qualités, ou mieux en faisant de lui un ensemble de qualités avec une énorme majuscule au mol Oualités.La spiritualité du sexe d'un tel Dieu im- porte peu, nesl-il pas vrai ? puisque vous pouvez l'appeler Matière ou Esprit ; pour le Maçon éclairé, le nom que vous lui donnerez aura le même sens, que ce soit Satan, Jupiter, Vénus, Apollon, Nature : tout cela ne fait qu'un. Il sudit que vous admettiez les qualités d'une chose sans qu'il soit utile d'attacher d'importance à son nom. Reconnaissez les qualités de l'eau et appelez-la feu, pierre, poison, ballon, train de chemin de fer, cela n'a aucune importance, le nom ne fait rien à la chose. Reconnaissez les qualités d'un brigand, et donnez-lui le nom de Washington, d'Homère, d'Albert Pike ou du Christ lui-même, c'est là pure bagatelle.
L'absurdité et le peu de consistance d'un tel sophisme sont stupé- fiants. Confondre le langage tel qu'il esi avec ce qu'il aurait pu ou pourrait être ! Il n'est pas douteux que lorsque l'eau reçut son nom, on aurait pu l'appeler feu et vice versa ; auquel cas, nous pourrions actuellement alîirmer que l'eau brûle une maison et que le feu étanche la soif. L'application du nom dépendit du libre choix de celui qui le donna. On aurait pu de même appeler George \\'ash- inglon, Homère ou Albert PiUe ou tout autrement, sans rien changer pour cela à sa personnalité. Mais il eii va dilVéremment alors que les mots ont été choisis pour désigner telle ou telle cho- se, tel ou tel individu. Il devient impossible de les changer à vo- lonté pour leur faire désigner une personne ou une chose détermi- née. Kt si nous affirmions qu'Albert Pike était un vil hypocrite, un menteur, un infâme blasphémateur, le pire parmi les mauvais, nos excuses aux Frères.", seraient reçues avec un mépris mérité, lors- que nous viendrions déclarer que nous reconnaissons le F.*. Pike comme un « gentleman »,un savant et le modèle des Maçons ; mais qu'étant donné que nous reconnaissons en lui l'existence de toutes ces qualités réunies, les noms que nous leur donnons impor- tent peu. Le mot Jupiter exprime une certaine série d'idées cpii ne se reliou\ent |)Hs dans le Christ. Le mol « Chiist » exprime une individualité (jui dillère de celle de Mahomet, dont le nom à son tour ne désigne ni Confucius, ni Bouddha, ni Isis ; île même le mol « Nature », (jui désigne la nature matérielle, sexuelle, en sup-
I. Mnrul>> and Untjnui, pp. f.-lX-fil |. I.cs ihilupics de ce passjige sont aussi de Pike.
DE LA FRaNQ-MAÇONNERIE AMERICAINE 119
posant même que vous lui attribuiez les « (Jualilés de Dieu » ne peut se rapportera Dieu.
Mais pourquoi ne pas appeler Dieu, Nature, alors que les anciens, dans leur sagesse, l'appelaient u l'Ame de l'Univers » ?
« Il est, nous dit le F.-. Pike, l'âme vivante, pensante, intelligente de l'Univers. le Pcrmanknt, I'Immuable (I'Eo-twî... Estos) de Simon le Magicien, rU.v qui est toujours, (le Tôov,/o 0/2) de Platon, en opposi- tion avec le tlux et reflux perpétuel, ou (jenesis, des choses ».
« El, de même que la Pensée de l'Ame, cpii émane de l'Ame, est rendue perceptible et visible par les Mois, de même la Pensée de Dieu, jaillissant de Lui-même, immortelle comme Lui, aussitôt que conç-ue, — immortelle avant cela, parce quelle était en Lui — s'est exprimée par le Verbe, (pii est sa manifestation, son mode de com- munication ; et ainsi lut créé l'Univers matériel, mental, s[)iriluel
qui, comme Lui. ne commença jamais d'exister »
«■ Car la Pensék de Dieu vit et est lmmortelle... Les étoiles, la terre, les arbres, les vents, etc.. sont l'alphabel dont elle se sert pour se communiquer aux hommes el leur faire connaître la volonté et la loi de Dieu, l'Ame de l'Univers. El c'est ainsi qu'en toute vé- rité i< le Verbe s'est fait chair el habita parmi nous ». « Dieu, le Père inconnu, narvi/j àyvwoTTç... Pater Agnoslos, qui ne nous est connu que par ses Attril)uts ; l'Absolu Je Suis. La Pensée de Dieu, Evvoix.., Ennoia, et le Verbe Aôyo;... Logfos, Manifestation et expres- sion de la Pensée,... voilà la Vraie TRi.NrrÉ Maçonnique ; l'âme universelle, la Pensée dans l'Ame, le Verbe ou la Pensée exprimée ; les Trois en Un, d'un Trinilaire Ecossais ' ».
« Ici, la Maçonnerie s'arrête, continue le F.-. Pike, et laisse à ses initiés le soin d'appliquer et de dévelop'per ces grandes vérités, de la manière qui peut sembler à chacun se concilier le mieux avec la raison, la philosophie, la vérité et sa foi religieuse. Elle se re- fuse à servir d'Arbitre entre elles et lui. Elle regarde avec calme de- vant elle, tandis que chacun multiplie à sa guise les intermédiaires entre la Divinité et la Matière, et les personnitications des manifesta- tions et des attributs de Dieu, suivant ce que lui dicte sa raison, sa conviction ou son imagination ».
« Tandis que l'Indien nous dit que Parabhahma, Brehm et Paratma composaient la première Trinité, qui se révéla sous le nom de Brahma, ViSHNU et Siva, Créateur^ Conservateur, Destructeur... l'Egyptien adore Amun-Re, Neith et Pldha, Créateur, Exécuteur, Pensée ou Lumière ... El. tandis que le pieux Chrétien croit que le
1. Morals and Dogma, pp. 574, 575. L'italique et les petites capitales sont dans Pike.
[20 LR DIEU
Verbe habita dans le Corps mortel de Jésus de Nazareth et soulTrit sur la croix, que le Saint-Esprit descendit sur les Apôlres et inspire acliielleinenl loulcs les âmes chrétiennes ..., landis que toutes les religions prétendent à la possession exclusive de la Vérité, la Maçonnerie inculque sa vieille doctrine et rien de plus ' ».
Voilà comment la Maçonnerie tolère les credos et n'intervient dans les ci'oyances de qui (pie ce soit ! D'abord, dit-elle, acceptez ma doctrine, mon Dieu, l'Ame de l'Lnivers ; mon Père Eternel, la Divinité Inconnue; mon Verbe Eternel, qui n'est pas « le Verbe qui se (il chair eu Jésus-Christ » ; mon Saint-Esprit, qui planait au- dessus des eaux de la Création, le « Feu elemental » ; puis, si votre raison, votre imagination ou votre caprice vous entraîne dans les ro\aumes des credos variables et querelleurs qui tous prétendent, avec même raison et même certitude, posséder exclusivement la Vérité, je regarderai tranquillement devant moi sans intervenir dans la discussion. Je tolérerai toute la faiblesse de votre inteHi- gence, toutes les divagations de votre imagination, votre manque de philosophie, pourvu seulement que vous acceptiez mon Dieu Unique, ma Trinité de Personnes. Telle est la Trinité maçonnique ; toutes les autres sont tolérées, quoique fausses.
Mais pourquoi ne pas appeler la Nature « Dieu », et Dieu « l'Ame de la Nature », puisque notre ancien Frère Pythagore et tous nos Vénérables Frères, les Kabbalistes, considèrent Dieu et la Nature comme ne faisant (ju'un ?
« D'après la Kabbale, nous dit le Fr.-. Pike-, Dieu et l'Lnivers ne font (ju'un ».
Et Pike dit aussi de la doctrine de Pythagore : « Selon Pytha- gore, Dieu était Un, une seule substance, dont les parties continues se prolongeaient au travers de tout l'Univers sans séparation, dilTé-
rence ou inégalité, à l'instar de l'àme dans le corps humain
Le Monde ou Univers était ainsi comparé à l'homme; le Principe de Vie qui le meut, à celui qui fait mouvoir l'homme. C'est pour- (pu)i Pvthagore appelait riiomme un microcosme, ou j)elit monde, puisqu'il possédait en miniature toutes les ipialités que l'on trouve dans l'Univers sur une grande échelle. Il tient de la Nature divine par sa raison et par son intelligence, et de la Nature élémentaire |)ar les facultés qu'il |)ossède de transformer les aliments en d'au- tres substances, de (Moître et de se reproduire. Pythagore fit ainsi (fe l'Univers ungraud Etre intelligent comme l'homme, une immense divinité a\anl en soi ce (pie l'homme a en lui-même, le mouvement,
1. Les pel. cap. ef l'itali(|. sont (!«• Pilie. 1. Morals and Dogma, p. 705.
DE LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE 12l
la vie, l'intelligence et, de plus, une perpétuité d'existence que l'homme n'a pas ; et dès lors qu'il possède en soi cette perpétuité du mouvement et de la vie, il est la Cause Suprême de Tout.
« Etendue partout, cette Ame Universelle, selon Pythagore, n'a- git pas partout également, ni de la même manière >'. Comme la Nature Universelle était la grande divinité de Pythagore, l'homme était nécessairement le diminutif de cette divinité, car on retrouve en miniature dans l'homme tout ce qui est en grand dans la Divi- nité : il pai'ticipait à la Nature divine comme à la Nature élémen- taire.
C'est pourquoi cette nature participée est libre, comme le dit le chrétien syrien Bardesane dans son L<y/-e (/es Lo/s des pays, en parlant des hommes : Dans les choses qui ont rapport à leur corps, ils main- tiennent leur nature comme les animaux, et dans les choses qui concernent l'esprit, ils font ce qui leur plaît, étant libres, puissants et comme une image de Dieu ' ».
Considérez le Franc-Bâtisseur, le Franc-Maçon dans le monde du F.-. Pythagore. Le corps, appartenant à la création animale, doit suivre ses instincts, mû et poussé par la Divinité, Ame de la Nature Universelle ; l'esprit, purifié par l'initiation maçonnique et délivré des liens de l'ignorance morale et du credo religieux, peut faire ce qui lui plaît, étant ainsi « à limage de Dieu ».
Vous le voyez. Dieu est identifié avec la Baison. « Croire en In Baison de Dieu et au Dieu de la Baison, nous dit PiUe, c'est rendre l'Athéisme impossible. Ce sont les idolâtres qui ont fait le> Athées ». \ « L'analogie donne au Sage toutes les forces de la Nature. C'est la clef du grand Arcanum, la racine de l'Arbre de Vie, la science du bien et du mal ».
« L'Absolu, c'est la /?rt/so/2. La Baison est par elle-même. Elle EST PARCE qi'elle EST, et iiou parcc que nous supposons qu'elle est. Elle est là où rien n'est, mais rien ne pourrait exister sans elle. La Baison est la Nécessité, la Loi, la Bègle de toute Liberté, et la direction de toute initiative. Si Dieu Est, il est par la Baison. La conception d'une divinité absolue en dehors, ou indé- pendante de la Baison n'est autre chose que 1 Idole de la Magie noire, le fantôme du Démon - ».
Sans perdre notre temps à examiner les absurililés de ce passage, et particulièrement celle qui consiste à placer la Baison là ou « rien
1. Morals and Dogma, p. 857.
2. Ibid., p. 737.
122 LE DIEU
n'existe », hâtons-nous de poursuivre notre Elmle, préparés comme nous le sommes maintenant pour recevoir la dernière leçon de la Maçonnerie, celle qui les couronne toutes et qui est la conclusion des 861 pages de Morals and Dogma of Freemasonry, du F.-. Pike. Nous allons citer le passage tout entier, et nous cherche- rons des éclaircissements aux sources autorisées.
Pike nous a parlé de l'harmonie de l'Univers comme étant dans la Divinité de Tintinie Sagesse et de l'infinie Puissance la résul- tante de forces variées et contraires en contlit, etc., etc., et il conclut :
« De l'action et de la réaction mutuelle de ces contraires agissant deux à deux résulte ce 'qui forme avec eux le Triangle, symbole de la Divinité pour tous les Anciens sages : c'est ainsi que d'Osiris et d'Isis sortit Har-œri, le Maître de la Lumière, de la Vie et du Verbe créateur ».
L'idée du F.-. Pike est celle-ci : Prenez n importe (pielle paire des contraires nommés, comme par exemple la Sagesse Infinie et la Puissance Infinie ; de leur union va sortir un troisième être qui formera avec les deux premiers une trinité. Cette trinité ou ces trois choses peuvent être symbolisées par un triangle, ou figure à trois côtés, comme on le faisait pour Osiris, Isis et leur progéniture Har-œri ; car le triangle était considéré par les anciens comme un symbole de la Divinité. Ainsi éclairés, écoutons son enseignement. « Aux angles d'un triangle se trouvent, avec leur signification symbolique, les trois colonnes qui supportent la Loge ; celle-ci est elle-même un symbole de l'Univers ; et ces colonnes sont la Sagesse, laj F^uissance. l'Harmonie ou Beauté >■. l
Comme on représente la Divinité par un triangle, dit-il, et qu'elle supporte l'Univers, on peut également représenter la Divi- nité par les trois colonnes de la Loge, la Sagesse, la Puissanceet la Beauté réunies en triangle pour supporter la Loge, puisque, comme nous l'avons vu. la Loge elle-même est un symbole du monde. Dans ce triangle de colonnes, notre lecteur se verra irrésistiblement ra- menéauC.O.D.(Gomer,()z, Dabar)de Mac Clenachan.G.O. D.dont nous avons déjà expliqué la signification sexuelle dans ce chapitre. Le fait qu'on a pu employer le terme G. O. D. pour représenter les forces procréatrices et j)roliti(|ues de la Nature, a été la seule rai- son (pie le Frère a pu imaginer pour expliquer la présence de ce mol dans la Maçonnerie. Le Dr. Mackey, lui aussi, nous a surpris en nous donnant la Divinité comme bissexuée chez tous les anciens peuples, et en nous promettant de nous prouver(pie Jehovah n'était point une exception à la règle. Quoi d'étonnant dès lors à ce que, après avoir suivi aussi docilement le F.-. Pike, nous nous aperce-
DE LA FRANC-MAÇONNEBIE AMERICAINE 123
vions qu'il nous ramène aux mêmes colonnes ou piliers phalliques de la Loge, pour nous révéler sous leur ombre, dans son instruction dernière au sublime Prince du Royal secret, le 32°"^ du Rite Ecos- sais, lunilé de Ihomme et de Dieu, la divinité de l'homme.
» Un de ces symboles qui se trouvent, dit-il, sur la planche à tracer du grade d'apprenti, enseigne cette dernière leçon de la Franc-Ma- çonnerie. C'est le triangle rectangle, qui représente l'homme, com- me une union du spirituel et du matériel, du divin et de l'humain. La base mesurée par le nombre 3, le nombre du triangle, représente la divinité, le divin ; le côté perpendiculaire, qui a pour mesure le nombre 4, le nombre du carré, représente la terre, le matériel et l'humain ; l'hypoténuse, qui a pour mesure le nombre 5, représente ce qui est produit par l'union du divin et de l'humain, c'est-à-dire l'âme et le corps ; 9 et 16, carrés de la base et du côté perpendicu- laire, étantadditionnésensemble, donnent le total 25, dont laracine est 5, qui est la mesure de l'hypoténuse.
« Et comme dans chaque triangle de perfection, ajoute Pike, un est trois et trois est un, de même l'homme est un, tout en étant d'une double nature, et il n'atteint les buts de son être que quand les deux natures qui sont en lui, se trouvent en exact équilibre, et sa vie n'est une œuvre parfaite que quand elle est aussi une harmo- nie, qu'elle est belle, comme les grandes harmonies^de Dieu et de l'Univers.
M Telle est, mon Frère, dit-il pour conclure, telle est la 'Vraie Pa- role du Maître Maçon : tel est le vrai Royal Secret, qui rend pos- sible, et finalement rendra réel le Saint Empire de la vraie Frater- nité Maçonnique. Gloria Dei est celare 'Verbum. Amen * ».
Nous avons donc suivi jusqu'à présent la Nature dans ses retrai- tes les plus secrètes, et nous avons trouvé la divinité de l'homme. Nous avons étudié la Géométrie, et nous avons trouvé le triangle rectangle ; il exprime cette vérité : que le carré du côté opposé à l'angle droit est égal à la somme des carrés de^la base et du côté perpendiculaire. On nous apprend que la base représente le divin, que la perpendiculaire représente l'humain ; que l'hypoténuse re- présente l'homme, c'est-à-dire la résultante. La Géométrie, « la pre- mière et la plus noble de toutes les sciences, la divine vérité^de la Maçonnerie, étudiée sous des Maîtres compétents, nous a conduits ainsi à la déité bissexuée, hermaphrodite, qui est représentée par les colonnes de la Loge, par le point dans le cercle, etc. etc.
Mais où est exactement le divin dansjl'homme ? Où est l'hu- main ? Pouvons-nous trouver une autre expression pour désigner
1. Toutes ces Majuscules sont de Pike.
124 Li; DIEU
cette base el celle peipendiculaire qui rapprochera notre présente théorie des vieilles théories païennes qu'on nous a apprise vénérer, et dans lesquelles les Maçons illuminés ont loujours trouvé la vraie doctrine maçonnique ? Heureusement pour nous, le F.-. Mackey va nous donner une explication de ce même triangle rectangle qui représente l'union dans l'homme (lu divin et de l'humain, c'est-à-dire du triangle de la Divinité. l'iJsiris, llsis et IHar-dM'i de F.-. Pike. « Le triangle rectangle, nous dit-il, est une autre forme de cette figure fie triangle» qui mérite qu'on y pi-ête attention. Il était chez les Egyptiens le symbole de la nature universelle: la base représen- tait Osiris ou le principe mâle ; la perpendiculaire Isis ou le prin- cipe femelle et l'hypoténuse Hoius, leur fils, ou la progénilure du principe mâle et du piincipe femelle ' »
« Ce symbole, conlinue-l-il, fut révélé à Pythagore par les Egyp- tiens pendant son long séjour dans leur pays; et, en le recevant, apprit à connaître la propriété qu'il possédait, c'est-à-dire que la somme des carrés des deux côtés est égale au carré du côté le plus long — ce qui est symboliquement exprimé par la formule ; Horus est le produit de l'union d'Osiris el disis ^ ».
Nous allons enfin pouvoir nous arrêter. Le F.-. Mackey réduit la solution du F.-. Pike à la vieille formule phallique. Ce qui est divin dans l'homme, autrement dit la base, c'est le principe mâle géné- rateur ; la perpendiculaire qui représente ce qui est humain, c'est le principe producteur de la femelle; le résultat de l'union est Horus ou l'enfant, le temple et le Dieu de la Maçonnerie.
(^.ondensons en quel({ues mots la substance de notre chapitre. Nous cherchions le Dieu de la Maçonnerie, avec l'assurance que la Maçonnerie possédait sa divine \érilé à elle — sa propre Divinité. Nous sommes entrés dans la Loge el avons trouvé le symbole G., distinct if de la Maçonnerie, comme la Croix est propre au Catholicisme. Cela signifiait G. O. I).. les colonnes |)halliques tie la Loge, el aussi Céométrie, la Th('ologie maçonnique. On nous a ap[)ris <|ue la Déité. en Maçonnerie, était le constructeur, l'Archi- tecte de ITnivers. le surintendant sous la direction duquel nous avions aussi à construire ; on nous avait prévenus (l'avance que l'idée de constructeur avait él('' empruntée aux myst('res païens, où la Divinité était adorée dans les facultés procréatrices de l'homme ; il élail évident pour noiisque la Divinité de la Loge ne pouvait être autre que l'homme. Mais enfin, comme les lecteurs auraient pu douter de nos raisonnements, nous nous sommes adressé à la Ma-
1. Encijclopœdia, pp. 82*.t. 830.
2. Le Har-rrri du F.-. Pike.
3. Encyclopœdia, pp. 829, 830.
DE LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE l2&
çonnerie pour en savoir plus Jong\ Elle nous a invités à étudier la Géométrie, et la Géométrie nous a renvoyés à l'étude de la Nature. C'est ce que nous avons fait. Nous avons appris que la Nature pou- vait être appelée Dieu ; — que l'Univers était une émanation de Dieu, — que les Créatures étaient les idées mêmes de Dieu, arrivées à l'existence. Nous avons découvert que les anciens sages appe- laient Dieu l'âme de l'Univers — que notre Frère Pythagore iden- tifiait la Nature et Dieu, qu'il faisait de la Nature une Grande Di- vinité, et de l'homme un résumé de celle-ci. Nous avons appris des kabbalistes,nos théologiens en qui nous avons confiance, que Dieu et la Nature étaient une seule chose, que dès lors Dieu et l'Huma- nité étaient fune même chose. Nous avons été mis en présence de Dieu identifié avec la Raison, si bien que Dieu était la Haison, que la Raison était Dieu. Et finalement, la leçon suprême et dernière de la Maçonnerie, le Royal Secret, c'est que la Divinité de l'Homme est clairement enseignée dans la formule géométrique du triangle rectangle, qu'Osiris et Isis engendrent Horus, que les facultés pro- créatrices de la Nature produisent l'Univers, que l'union de la Divinité et de l'Humanité donne naissance à l'Homme divin, vieille théorie païenne qui fait tous les Dieux bissexués.Nous voilà arrivés à la religion naturelle, à la grande révélation de la Nature ; nous voilà possesseurs du Nouveau-Testament maçonnique, dans lequel «celui qui a pris chair et a habité parmi nous», ce n'est pas le Jehovah chrétien incarné en Jésus-Christ, mais le « Père inconnu » de la Ma- çonnerie, le Jéhovah de la Kabbale. Un Homme divin, un Dieu in- carné, non point en Jésus-Christ, mais dans la seule humanité, telle est la Divinité révélée par la Maçonnerie.
CHAPITRE IX La Fraxo- Maçonnerie américaine et le Jéhovah kabbalistique
D'après ce que nous a dil le F.-. Albert Pike sur l'indilTérence de la Maçonnerie pour le nom de Dieu, qui « est de la moindre impor- tance »', nous pourrions nous imaginer que la Fraternité est, en effet, complètement indilTérenle sur ce point. Elle l'est, il est vrai, dans un sens ; mais dans un certain sens seulement, et c'est notre sens. Peu importe le nom donné à notre Dieu : que ce soit Bouddha, Jupiter, Zeus. Osiris ou tout autre ; notre Dieu n'étant pas la vraie Divinité maçonnique, le nom que nous donnons à un faux dieu en vaut un autre. C'est pourquoi le F.*. Mackey regrette que la let- tre G soit prise comme syml)ole de Jéhovah, et le F.-. McCIenachan serait inconsoUiide d'appeler la divinité maçonnique God (Dieu), si le mol G. 0. D. ne désignait pas les colonnes phalliques de la Loge. « Elles sont presque la seule raison qui puisse faire accepter au Maçon l'emploi de la lettre (i suspendue ostensiblement à l'Est dans la Loge, au lieu du Delta «^
La Maçonnerie n'est donc pas aussi indifférente qu'elle le veut bien dire. Tout au contraire, (piand elle en arrive, non pas au nom de Dieu, car « Dieu » est menteur, mais au vrai nom de la Divinité maçonnique, toute cette indifférence de façade tombe, et nous voyons la secte exhorter ses adeptes en toute occasion, sans trêve ni merci, à poursuivre sans relâche la recherche du vrai mot, le nom de la Divinité, qui leur révélera la Vérité divine, la nature et l'essence du Dieu maçonnique.
« La recherche du Mol ", nous dit le Dr. Mackey'. est un résumé de la marche intellectuelle et religieuse de l'Ordre, depuis le temps de la dispersion de Babel, alors que les foules furent ensevelies dans les profondeurs des ténèbres inlellecluelles, où laV^érité sem- blait être a jamais éteinte. Le vrai nom de Dieu fut perdu, sa vraie nature méconnue ; les divines leçons communiquées par notre père Noé, oubliées ; les anciennes traditions, corrompues ; les vieux
1. Morals and Doijnia, p. l'A'A.
2. Voir le chapitre précédtMil.
3. Symbolism , p. -{Ot.
LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE ET LE JEHOVAH KABBALISTIQUE 127
symboles, pervertis. La Vérité fut enterrée sous les décombres du Sabéisme, et le culte idolàtrique du soleil et des étoiles remplaça celui du vrai Dieu ».
« La recherche du Mot — pour retrouver la Vérité divine — cela, et cela seul, est l'œuvre du Maçon, et le Mot sera sa récom- pense »*.
Notre auteur prouve, aux pp. 376-381 de son Encyclopsedia, que ce nom est Jéhovah. « De tous les mots significatifs de la Maçon- nerie, nous dit-il, Jéhovah est de beaucoup le plus important. Reghellini affirme avec raison qu'il est « la base de notre dogme et de nos mystères ». « En hébreu, il se compose de quatre lettres mni; c'est pourquoi on le nomme le Tétragramme, ou nom de quatre lettres, et, comme il était défendu aux Juifs, ainsi qu'il l'est aux Maçons, de prononcer ce nom, on l'appelait encore le nom Ineffable ».
« En Maçonnerie, continue-t-il, comme dans les mystères hé- braïques, on l'appelle le « Mot », le « Vrai mot » ou le « Mot Perdu », le symbole de la science de la Vérité divine, ou la vraie nature de Dieu- ».
Notre lecteur doit se rendre compte de la lumière que projette sur la Divinité maçonnique le sens attaché à ce mot par la Maçon- nerie elle-même, puisque ce mot est la « base du dogme et des mys- tères maçonniques ».
Cependant, malgré son importance capitale, quelques juridic- tions maçonniquçs de ce pays et les Loges d'Angleterre ont pré- féré d'autres noms à celui de Jéhovah comme base des dogmes ma- çonniques et comme abrégé de la vérité divine de la Maçonnerie ; mais cette préférence même va nous être d'un grand secours dans notre étude, en nous montrant de plus en plus la tendance de la pensée et de la théorie maçonniques.
Ecoutons le Dr. Mackey : « Quoiqu'il n'y ait peut-être pas, dans tout le système ésotérique de la Maçonnerie, de point plus claire- ment établi que celui qui fait du Tétragramme le mot essentiel, on a admis dans quelques juridictions de ce pays des innovations qui ont changé ce mot en trois autres ; ceux-ci sont tout simplement des noms divins provenant d'autres langues, mais qui ne possèdent aucunement le symbolisme sublime, propriété exclusive du vrai nom de Dieu. Il faut dire que le Grand Chapitre Général des Etats- Unis blâma dans un de ses règlements l'innovation de ces termes explicatifs et rétablit le Tétragramme ; mais cette déclaration de
1. Ibid., p. 309.
2. Encyclopgedia, pp. 376-381.
128 LA KRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
ce qu'on pourrait appeler un axiome en Maçonnerie rencontra dans quelques endroits une oppo::ilion ouverte, ou bien on n'y obéit qu'avec répugnance' ».
Nos lecteurs sont, sans doute, désireux de savoir quels sont les trois mots adoptés par la Maçonnerie pour expliquer celui de Jeho- vah; et quels sont les mots si chers au cœur des (Maçons qu'ils y tiennent au point de rejeter le nom de Jéhovah, malgré les maxi- mes de l'Association et lautorité du Grand Chapitre Général.
Les voici : Jah, le dieu-soleil des Syriens ; On, le soi-disant dieu-soleil des Egyptiens; Bel ou Baal, le Dieu-feu des Chaldéens, dontJJéhovah punit si sévèrement le culte idolâtrique.
« Bel, nous dit le Dr. Mackey^ est la forme contractée de Baal; les Babyloniens ladoraient comme leur principale divinité. Les Grecs et les Romains le considérèrent de même et traduisirent son nom par ceux de Zeus et de Jupiter. Il fut introduit, en compagnie de Jah et d'On, dans le rite Royal Arch, comme symboledu Tétra- gramme ; ce qui a autorisé les ignorants à penser que lui-môme et les deux autres noms qu'on lui a adjoints remplaçaient le Tétra- gramme.Le Grand Chapitre Général des Etats-Unis, en 1871, corri- gea cette erreur et déclara que le Tétragramme était le vrai mot pancréateur, tandis qu'il ne permit qu'on conservât les trois autres qu'à la condition qu'ils ne fussent employés que comme noms ex- plicatifs»; et il ajoute un peu plus loin : « Belenus, le Baal de l'Ecriture, était identifié à Mithra et à Apollon, dieu du soleil ».
« Et cependant, dit encore le Dr. Mackey, malgré la déclaration explicite et très nette du fondateur du Royal Arch anglais, qui af- firme que le Tétragramme est le nom pancréaleur, le système an- glais actuel l'a rejeté pour mettre à sa place trois autres mots, dont le deuxième n'a aucun sens ».
Que ceux qui|ne trouvent rien de reprehensible dans la Maçon- nerie anylaise ou américaine méditent un peu sur les révélations du Dr. MacUey touchant la substitution de Baal à Jéhovah comme mot explicatif de la Divinité maçonnique. Mais quauîl nous aurons vu Jéhovah sous les traits que lui prête le F.-. Pike, nous ne serons plus sur{»ris que la conscience maçonnique se débatte aussi molle- ment contre ce mol, qu'elle le fait contre G. O. D.
Mais retournons au Dr. Mackey.
<( Il ressort évidemment de tout ceci, nous dit-il, que Webb re- connaissait le mot Jéhovah, et, non les trois autres qui lui ont été substitués <lans la suite par quelques Grands Chapitres de ce pays,
1. I-Jncyclopiedia, p. 3bU.
2. Ibid., 1». 112.
ET LE JEHOVAH KABBALISTIQUE l29
et que, très probablement, Webb employa d'abord ces mots comme interprétant et expliquant la nature divine du premier mot, le plus important de tous. Et ceci s'accorde avec l'une des traditions du degré, qui nous montre ces mots placés sur l'arche d'alliance autour du vrai mot, comme une clé qui en doit faire voir la significa- tion ' ».
« Désigner tout autre que ce mot de quatre lettres, ajoute Mackev, du nom de mot pancréateur et tout puissant, aussi bien en Maçon- nerie que dans le symbolisme hébreu, d'où la Maçonnerie l'a tiré, c'est aller contre la doctrine des Talmudistes, des Kabbalistes, des Gnostiques; c'est repousser l'enseignement de tous les savants hé- braïsants, depuis Buxtorf jusqu'à Gesenius. Se mesurer à de tels combattants, c'est aller au devant d'une défaite certaine, c'est faire preuve de plus de témérité que de modération. C'est pourquoi le Grand Chapitre Général des Etats-Unis a très judicieusement remis le mot Jéhovah à la place qui lui convient. Il n'y a que dans le rite d'York et dans le rit américain que cette erreur ait jamais existé. Dans tous les autres rites, le Tétragramme est reconnu comme le vrai mot ».
Nous pouvons donc être certains que Jéhovah est bien le vrai Mot, et que Reghellini eut raison d'en faire la base de la doctrine et des mystères maçonniques. Vous devez comprendre quelle idée se faisaient de Jéhovah les fondateurs du Royal Arch qui choisi- rent pour « expliquer » son nom : Jah, le dieu-soleil syrien, On, le soi-disant dieu-soleil égyptien, et Baal, le dieu-feu des Chaldéens. Vous devez vous rendre compte de la vénération affectueuse qu'avaient pour ce nom chéri les Maçons anglais et leurs Frères américains qui le rejetèrent et liii substituèrent celui de Baal comme nom de la Divinité 1 Enfin vous garderez toute votre sym- pathie à ces Frères ignorants et égarés, dans leur défaite écrasante où ils sont combattus par les maîtres les plus autorisés de la Théologie maçonnique unis aux Talmudistes, aux Kabbalistes et aux Gnostiques. Jéhovah est le Mot. Est-ce le Jéhovah hébraïque des Chrétiens? Non. C'est le Jéhovah kabbalistique que doivent révé- ler le Dr. Mackey, Lanzi et le F.*. Pike. Ils montreront à leurs Frères ignorants que leur terreur de Jéhovah n'est pas fondée, et il nous renseigneront davantage sur la Divinité de la Maçonnerie.
« J'ai, en quelque endroit, nous dit Mackey, traité tout au long de l'idée très répandue chez les Anciens, que la Divinité suprême était bisexuelle ou hermaphrodite, renfermant en elle-même les
1. Encyclopœdia, pp. 380, 381.
2. Ibid., p. 381.
130 LA FR.VNC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
principes mâle et femelle, les puissances génératrices et prolifi- ques de la nature ».... « Ils ont tous enseigné que Dieu, le Créateur, était à la fois mâle et femelle » : puis, après avoir établi que le mot sexe (levait s'entendre au sens philosophique de puissance, il con- clut : « Celte idée, qui était si généralement répandue parmi les nations de l'antiquité, a été également retrouvée dans le Télra- gramme ou nom de .léhovah, avec une ingéniosité singulière par Lanzi, et ce qui est non moins intéressant, c'est qu'il a, par cette déronverte, été mis à même de démontrer quelle était, selon toute probabilité, la vraie prononciation du mot »'.
Nous allons donc accompagner le Dr. Mackey et Lanzi dans leur grande découverte, après quoi nous parlerons de la valeur de leur démonstration. C'est ce qu'enseigne la Maçonnerie qui nous inté- resse ; si nous nous occupons des bases de sa doctrine, c'est uniquement pour ceux qui oui besoin d'éclaircissement pour les voir sous leur vrai jour. Passons donc a la démonstration.
« Le nom ineffable, dit le Dr, Mackey, le Télragramme, le shem hamphorash — car il est connu sous ces formes variées — est com- posé de quatre lettres, yod, heh, vau, et heh, formant le mot
"l"' »
« La première de ces lettres, yod, correspond à 1'/ anglais pro- noncé comme Vi français dans/nac/j/Vjc.
« La seconde et la quatrième, heh, est équivalente à une h aspi- rée.
« El la troisième lettre, raii, a le son d'un o long. « Lisant ces quatre lettres 1. H. 0. II. de droite à gauche, comme cela se doit en hébreu, nous avons le mot mn\ équi- valant à Ih-Oh. Cette transcription est celle ipii se rapproche le plus de la prononciation, (juoiqu'elle ne soit aucune des sept qui furent, dit-on, employées par les patriarches à dilïérentes époques. « Prononcé ainsi, ajoute-l-il, le mol ne nous donne aucun sens, car le moi ihoh n'existe pas en hébreu ; et comme tous les noms hébraïques représentaient une chose déterminée, nous sommes obligés d'en conclure que telle n'était pas la prononciation origi- nelle, el force nous est d'en chercher ime aulie qui donnera un sens au mot.
' Puis Lanzi procède à la découverte de celle vraie prononcia- tion comme il suit :
« Dans la Cabale, un sens caché est souvent déduit d'un mot, en Iransposanl ou en renversant ses lettres, et ce fut par ce moyen que les Cabalistes cachèrent un grand nombre de leurs mystères ».
1. Syniholism. pp. 185, 180.
ET LE JEHOVAH KABBALISTIQUE 131
« Lanzi appliqua ce procédé cabalistique au Tétragrarame, lors- qu'il observa que ih-oh, lu à rebours, faisait le mot oh-ih.
« Or, en hébreu, ho est le pronom masculin qui correspond au pronom il ; et hi est le pronom lerainin qui équivaut à elle ; donc le mot Ho-Hi, traduit littéralement, donne le composé Il-Elle ; c'est-à-dire que l'inefTable nom de Dieu en hébreu, lu cabalistique- ment, comprend en lui-même le principe mâle et le principe femelle, la force génératrice et prolifique de la création ; et nous retrouvons encore ici le symbolisme si répandu du phallus et de la cteis, du lingam et de l'yoni ou de leur équivalent, le point dans le cercle, et partant, une nouvelle preuve saisissante des rapports de la Franc-Maçonnerie aux Anciens mystères ».
« Puis, continue Mackey, nous pourrions trouver ici le sens de ce passage de la Genèse resté inintelligible jusqu'à ce jour : Et Dieu créa l'homme à son image ; il le créa à l'image de Dieu ; il les créa mâle et femelle ». Ils n'auraient pu être « à l'image de Ihoh s'ils n'avaient été mâle et femelle ».
Voilà donc celte profonde découverte de Lanzi telle qu'elle est révélée aux FF.-, par le Dr. Mackey, et voilà du même coup le Dieu de la Maçonnerie, le .Jéhovah des Kabbalistes, expliqué par Jah, On et Baal et réduit à la formule phallique des Dieux païens, si bien que le F.-. Mackey s'écrie transporté : « Voilà une nouvelle preuve saisissante des rapports qui existent entre la Maçonnerie et les anciens mystères ». Lorsque le F.. Pythagore eut découvert que la Divinité pouvait se représenter par un triangle-rectangle dans lequel Osiris et Isis, le soleil et la nature, le soleil et la terre, le Divin et l'Humain, engendraient par leur union Horus ou Har-œri, c'est-à-dire l'homme, il s'écria, le cœur débordant de joie : « Eureka, j'ai trouvé 1 » Gomme lui, le F.-. Mackey ne peut contenir son émotion en présence de la nouvelle dé- couverte et il nous fait entendre son Eureka : < J'ai trouvé, s'écrie- t-il, comment l'homme esta l'image de Dieu : il est mâle et femelle car, s'il n'était pas tel, il ne pourrait être à l'image du Jéhovah Kabbalistique, le ll-EUe ». Reghellini dit à son tour : « Geci est la base des dogmes et des mystères maçonniques » ; ceci, ajouterons- nous, est la nature et l'essence du Dieu de la Maçonnerie.
Mais quand nous nous serons exactement rendu compte des efforts désespérés qu'il a fallu faire pour tirer du mot Jéhovah cette signification bisexuelle et hermaphrodite, nous comprendrons de mieux en mieux l'importance qu'attache la Maçonnerie à lui appro- prier cette signification sensuelle. 11 n'est pas sérieux de prétendre qu'en parlant de la Divinité le mot sexe ait un sens spirituel, alors qu'on prend une peine inouïe pour contourner et défigurer le nom
132 LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE
de Dieu, afin damoner Jehovah, à équivaloir à sexe, ce mol étant compris dans le sens réaliste et matériel qu'il a pour nous. C'est abuser de notre crédulité que de nous parler d'un sexe spiri- tuel, en nous disant en même temps que l'homme ne serait pas à l'image de Dieu si, physiquement, il nétait inàle el remelle,et que, sans celte condition, la Genèse serait inintelligible. Passons à lar- gumenti
Tout d'abord, nous constaterons que Lanzi el Markey se rendent coupables de chercher volontairement à nous induiie en erreur en jjrélendant que le Yod de Jehovah correspond à la voyelle /, et le Vau à la voyelle 0, car ils savent que ces deux lettres sont des consonnes el non des voyelles. Notre auteur nous le dit lui- même très nettement dans son Encijclopœdia,-A\\y. pages 877 et 378.
.. L'alphabet hébreu, nous dit-il, se compose entièrement de consonnes. A l'origine, le lecteur suppléait, en lisant, au son des voyelles devant, pour cela, connaître d'avance, la prononciation correcle de chaque mot ; si celte connaissance lui niancpiait. les lettres »[u'il avait sous les yeux n'y pouvaient suppléer. el untuielle- mentjilluiélail impossible(Ie|)iononcer les mois (piillisail. Tous les Hébreuxconnaissaienl.pai l'usage, lessons des voyelles à l'aide des- quelles se prononçaient les consonnes dans les mots, de même que les Anglais savent tous les dill'érenls sons que peut avoir la même
voyelle dans dilTérents mots» • Or, cet incommunicable nom de
Dieu, se compose de quatre lettres, Yod,IIeh, Van, Heh, équivalant à J II V 11. Il est évident que nous ne pouvons, dans notre langue, prononcer ce mot si deux voyelles au moins n'y sont ajoutées. Cela est, d'ailleurs, tout aussi impossible en hébreu. Le Juif connaissait bien le son des voyelles dans les mots usuels qu'il entendait pro- noncer continuellement, comme nous savons cpie M. doit se lire Monsieur devant un nom propre, parce que nous entendons faire le rapprochemenl tous les jours. Mais le nom de Dieu, dont ces quatre lettres étaient le symbole, n'était jamais i)rononcé; on lui substituait celui d'Adonai (Seigneur) ». C'est ici, cher lecteur, que se trouve la vérité sur le cas qui nous intéresse. Nous avons quatre consonnes J II V IL et non pas Ih-Oh, dont Lanzi et Mackey ont besoin pour leur transloiiiiation magicpie. 11 n'existe pas en hébreu de mot Ih-Oh, nous dit-on. Nous répondrons : c'est vrai, mais Ih-Oh ne représente aucunement les consonnes hébraupies ; et vous compte/, sur l'ignorance ou sur la mauvaise foi de vos lecteurs en faisan! une substitution <jue vous savez pertinemment fausse en tous |»()ints. Il n'y a donc ni Ih-Oh. ni Ho-lli par renveisemoni, ni 11-Klle.
Kn Mcoiid iicu.diles-noussur cpiclprinciiie de langage repose l'u-
ET LE JEHOVAH KABBALISTIQUE 133
sagekabbalistique de lire les motsà rebours? Qu'il y aitdes cas ex- ceptionnels, nous l'admettons; mais on ne peut établir une règle sur descas exceptionnels. Changez la position des lettres du mot rat et vous avez a/'/ ? Direz-vous que ces mots sont les mêmes? Mysti- cisme sublime : paît nous donnera rapt ; Noëldevient Léon et ainsi de suite. Et, ce qui est vrai pour une langue l'est également pour toutes. Le F.*. Pike allirme que « le renversement des lettres d'un mot fut autrefois pratiqué partout». Mais il échoue piteusement dansl'efTort qu'ilfaitpour nous prouver une assertion aussi générale. Nous admettons donc les cas exceptionnels, mais nous rejetons la règle. Prouvez-nous que Jéhovah rentre dans les exceptions.
Troisièmement : le Dr. Mackey, avec tous les érudits en science hébraïque, fait dériver ce mot du verbe n\"i, être. « Le mot ineffa- ble, dil-il, vient du Verbe substantif -\", hayah, être, qui, en contbinant le présent, le passé et le futur dans sa formation, est considéré comme désignant Dieu dans son existence éternelle et immuable- ».
Enlin, les pronoms hébraïques ne sont ni ho ni hi, mais hua, hia, dans lesquels l'aleph final n'est pas simplement orthographique, mais fail partie de !a racine-^ ». Donc les pronoms sont formés de trois lettres et non de deux, et, en les retournant, nous aurons six lettres et non pas quatre. Hua-hia renversé donnera aih-auh, qui se rapproche à peu près autant de Ho-Hi que le Il-Elle de la Maçon- nerie se rapproche du vrai Dieu.
C'est, comme on le voit, dans tous ces détours et dans ce piège grossier que le Dr. Mackey et son guide Lanzi voudraient nous prendre pour nous révéler le grand mystère maçonnique de la nature de Dieu, contenu dans le mot Jéhovah. Intervertissez les lettres; lisez le mot à rebours ; faites deux formes du pronom alors qu'il n'y en a (ju'une ; modifiez les formes de ces pronoms ; et voilà que vous avez obtenu le résultat désiré. Mais, avec de tels procé- dés, nous nous demandons ce que vous n'auriez pas pu faire de ce mot. Le F.-. Pike nous dira plus loin ce qu'en ont fait les Kabba- listes ; c'est une question qui, pour le moment, nous détournerait de notre sujet.
« Mais, vous récrierez-vous, les Kabbalistes n'ont jamais fait Dieu bisexuel ; le F.-. Pike dit expressément le contraire »! Doucement, cher lecteur ; êtes-vous bien sur de ce que vous avancez? Pourriez- vous allirmerque vous comprenez bien le F. . Pike ? Il dit que les
1. Morals and Dogma, p. G99.
2. Eneyclopœdia. p. 37tj.
3. Brown's Dictionary of Gesenius.
134 L.\ FHANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
Kal)b;ilistps ii';itlrihiiai»Mil pasà la \iaie Diviiiilé les organes sexuels; mais il n a jamais dil ijue Jehovah en élail dépourvu ; el Jéliovah esl, comme nous la si clairement prouvé le Dr. iMackey. la Divinité de la Maronnerie.Ne conl'ondez pas les deux. La ]\la<;onnerie n'a au- cun lapporl avec ce (ju'elle appelle la Vraie [)ivinité, l'Absolu. C'est le Pater Agnosios des Gnostiques, l'Inconnu el l'Inconnaissable des philosophes modernes. One peuvent avoir atlaire avec lui les gens pratiques? Mais permettons au V. . Pike d'exposer lui-même ses idées.
« De sols commentateurs, nous <lit-il ', ont dil que la Kabbale prêtait à la Vraie Divinité des caractères sexuels. Il n'y a rien dans le Zohar ou dans aucun de ses commentaires (pii justifie semblable assertion. Toute la doctrine de la Kabbale repose au contraire sur cette proposition londamenlale (jue la Vraie Divinité esl Infi- nie, étendue à tout, sans borne ni détermination, et, parconséquent, sans forme. Pour commencera opérer la création, Elle a dû, tout d'a- bord. elTectuer un vide en Elle-même. A cette fin, la Divinité, dont on peut exprimer approximativement la Nature en la définissant la Lumière informe et illimitée qui remplit l'espace, se contracte en tous sens par une rotation intérieure, et produit ainsi une sorte de vide, dans le(piel, seul, reste un vestige de sa Lumière ; et 11 répand ses émanations, c'est-à-dire des parties de sa Lumière ou Nature dans cet espace sphérique ou circulaire ; c'est à quelques- unes de ces émanations qu'on attribue symboliquement les carac- tères sexuels ».
Il faudrait, pour discuter le nombre considérable d'absurdités en- tassées dans ces lignes et dans les suivantes, disposer de plus de place que nous n'en avons ici ; aussi ne ferons-nous qu'appeler l'at- tention sur quelques points. La vraie Divinité du F.-. Pike est ma- térielle; elle s'étend, se contracte, fait (mi elle-même des espaces vi- des ; elle émet des parties d'elle-même. Ainsi existante en elle-même avant la Création, elle est inconnue et inconnaissable ; elle n'a pas même de nom. Parconséquent, ni les Kabbalistes, ni les Maçons, leurs élèves, n'ont, comme nous l'avons dit, rien à faire avec sa nature el son essence. Le F.-. Pike et lesj Kabbalistes ne peuvent nous dire qu'une chose sur cette Divinité première, c'est qu'elle est une sorte de lumière remplissant tout l'espace, quoique plus loin dans son livre, le F.-, semble la considérer comme l'élher qui pénètre tout. Qirim[>orte ce: qu'elle était? Cela ne signifie rien : la Divinité de la Maçonnerie, c'est Jéhovah ? Est-il bisexuel ? Voilà la
1. Morals and Dogma, p. 760.
ET LE JEHOVAH K ABHALIST lOL'E 135
question ; et qui est ce Jéhovah ? Ca que des coninienlaleurs inin- telligenls ont dit de la vraie Divinité ne nous regarde pas ».
Nous lisons dans Morals and Dogma, pages 848 et 849 : « Dieu dit à Moïse: « Je suis celui qui suis, fus et serai à jamais». Mais la vraie Divinité, dans sonessence non manifestée, considérée seule, avant la création, n'a pas de nom. Telle était la doctrine de tous les anciens Sages, et telle elle est clairement exprimée dans la Kabbale. mn*i, est le nom de la Divinité qui s'est manifestée dans un acte unique, celui de la Création, et contenant en Elle-même, en idée et en réalité, l'Lnivers qui devra être revêtu d'une forme et matériellement développé dans l'éternelle succession des siècles. Comme Dieu ne fut jamais n'étant pas, continue Pike, il ne fut pas davantage ne pekisant pas, et l'Univers n'eut pas plus de commen- cement que la Pensée Divine, dont il est l'expression, pasplusque la Divinité elle-même. La durée de l'Univers n'est qu'un point marqué à mi-chemin sur la ligne infinie de l'éternité ; et Dieu ne fut pas inerte et improductif pendant toute l'éternité qui s'étend derrière ce point. L Archétype de l'Univers ne fut jamais n'existant pas dans la Divine Intelligence. Le Verbe était dès le Commencement avec Dieu et II était Dieu. Et le nom Ineffable est celui, non pas de l'Es- sence même, mais de l'Absolu, manifesté en tant qu'Etre ou Exis- tence ; car, disent les Philosophes, les mots Existence ou Etre im- pliquent une idée de limite, tandis que la Vraie Divinité est illimi- tée et indéfinie; elle est la somme des possibles et, de plus, tout ce qui est, fut et sera ' ».
Bisum teneatis, amici 1 Le F.-. P.ike a courageusement plongé dans les questions difficiles de l'essence et de l'existence et dans la possibilité objective des choses, et voyez ! Il est allé jusqu'au fond, non pas des difficultés, mais de l'absurdité ! La Vraie Divinité est, fut et sera ; elle est, fut et a été la possibilité de toutes choses ; elle était, comme nous l'avons vu, étendue sur tout, se contrac- tait, émettait des parties d'elle-même, et n'avait cependant ni être ni existence, puisqu'elle était infinie : Car l'Existence ou l'Etre, disent les philosophes, c'est le limité » !!! Quelle sottise !
D'après celle théorie, la Divinité de la Maçonnerie serait quelque chose de fini et de limité.
C'est Jéhovah ; tel n'est pas, nous dit-on, le nom de la Vraie Di- vinité, car celle-ci, étant infinie, n'a pas de nom. C'est le nom de la Vraie Divinité en tant qu'elle se manifeste par l'Etre et l'Existence ; et l'Etre et l'Existence sont des limites, suivant la philosophie du F.-. Pike. Donc, Jéhovah, le Dieu de la Maçonnerie s'identifie avec
1. Les italiques, majuscules, petites capitales, sont de Pike.
136 LV FR.\NC-M\(;ONNERIE AMÉRICAINE
les émanalioiis de la Divinité, car il n'v a et ne peut y avoir rien en dehors de la Vraie Divinité et de ses Kmanalions. Elle est l'Alpha et rOmei^a de la Création, le commencement et la fin. Donc, si nous réussissons à découvrir r.\lpha et l'Omeg-a de la Création, nous aurons trouvé l'objet de nos recherches. La voie de lin- vestiii:ation nous est ouverte, et nos guides vont nous venir en aide.
Examinons avant tout la doctrine des Kabbalistes ; rien n'y est plus évident que ceci : l'homme est le commencement et l'achèvement de la Création. L'homme est, par conséquent. leJéhovah kabbalistique et maçonnique ; car, si nous avons refusé au F.'. Mackey et à Lanzi le droit de massacrer, suivant leur méthode. le .léhovah pour arriver à lui donner une signification bisexuelle. nous ne voulions blâmer que leur manière de s'y prendre pour atteindre leur but, et non la signification elle-même. Pour les Kabbalistes, comme pour les Ma- çons, Jéhovah, c'est l'homme.
Car, d'après la Kabbale, Adam Kadmon ou l'homme archétype, est l'Alpha ou la première des émanations divines, qui contient en elle-même toutes les autres.
Voici ce que dit le F.-. McClenachan : t Le nom donné dans la doctrine kabbalistique à la première émanation de la Source Eternelle, était Adam Kadmon ; ce qui signifie le premier homme ou le premier produit de l'énergie divine, ou le Fils de Dieu '». Ce n'est donc pas Jésus-Christ qui est le Fils de Dieu ; c'est Adam Kadmon, première émanation de la lumière primitive qui se con- tracta pour émettre ce même Adam dans le vide ainsi formé. Cet Adam Kadmon ou l'homme archétype avait un corps, nous disent les Kabbalistes; donc il avait un sexe.
« La Kal)l)ale donne une forme humaine à Adam Kadmon. l'Idée de l'Univers, nous dit le F.-. Pike-. " En lui, Kether est le crAne ; Hakemah et Binah, les deux lobes du cerveau ; Gedulah et Geburah, les deux bras ; Tephareth, le tronc ; Netsach et Hod, les cuisses, Yesod l'organe du mule, et .Malkuth l'oigane de la femelle ou de la génération ». Telle est la première émanation de la Divinité; tel est le premier homme, le Fils de Dieu. Voil.-^ quelle est la manifes- tation <le la Divinité primitive ; voilà 1(^ .léhovah maçonnique, car la Divinité primitive n'a pas de nom : el rien n'existe en dehors de la lumière primitive et de ses émanations.
« L'I'lra Sulld s'exprime ainsi, nous dit le V. . Pike^ : « L'Uni-
1. Hncyrlopœdin, pp. '.>24, ^•2.")
2. Mnrnls and Hof/ma. pp. ~7>~. 7r>8.
3. Ibid., [). 763.
ET LE JEHOVAH KABBALISTIOUE 137
vers reçut la forme mâle et femelle. La Sagesse, qui renferme toutes «hoses, alors qu'elle flottait et brillait, ne le fit que sous la forme du mâle et de la femelle. Hakemah est le Père, et Binah est la Mère ; tous deux sont en équilibre en tant qu'homme et femme ; c'est pourquoi tout ce qui existe est constitué sous la forme mâle et femelle, et rien n existerait, s'il n en était ainsi ».
Sans nous arrêter au fait que la possibilité d'existence d'êtres purement spirituels est supprimée, que les Anges deviennent du même coup des chimères, et qu'enfin la Vraie Divinité elle-même, si elle existe, est nécessairement hermaphrodite, nous passons à l'étude des rapports qui existent entre Adam Kadmon et nous- mêmes. Le F.-. Pike va nous prêter ses lumières*.
« De même que l'Homme (l'iniité de l'Humanité), dit-il, est un microcosme, Adam Kadmon est un macrocosme qui contient tous les effets de la cause première... De même que l'Homme Matériel est la fin, et le complément de toute création, le commencement s'en trouve dans l'Homme Divin. De même que l'Adam inférieur reçoit tout de tout, TAdam supérieur donne tout à tout. De même que le premier est le principe de la lumière réfléchie, le second est celui de la Lumière Directe. Le premier est le terminus de la Lu- mière descendante. De même que l'homme inférieur s'élève de la matière la plus abjecte à la Cause Première, l'Adam supérieur descend de l'acte simple et infini jusqu'à la puissance la plus atté- nuée et la plus infime ».
Donc, les rapports qui existent entre tout homme et Adam sont ceux de l'unité au tout, de limlividu à la race, à l'humanité» L'homme individuel, matériel, est lachè.vement et la fin des émana- tions divines, dont Adam Kadmon. l'Homme Divin, est le commen- cement. Chacundenousest le réceptacle de tout, la lumièreréfléchie de la Divinité manifestée Adam Kadmon, .Jéhovah existe pour nous, et non j)as nous pour lui : car nous sommes la fin dont il est le commencement. Il émana de la lumière primitive afin de pouvoir nous communiquer toutes choses. S'il est divin, nous le sommes à plus forte raison.
En résumé, le nom de .Jéhovah n'est que l'expression des princi- pes mâle et femelle de la nature humaine.
« Adam, dit le F.". Pike -, est le Tétiagramme humain, qui est tout entier contenu dans le yod mystérieux de la Kabbale, image du phallus kabbalistique. Ajoutez à ce Yod ^i] le nom ternaire d'Eve, et vous formerez le nom de Jéhovah, le Tétragramme Divin, le mot transcendant, kabbalistique et magique, ""ini ».
1. Morals and Dogma, p. 760.
2. Ibid., p. 771.
10
138 LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE
Prenez donc l'homme OU le principe mâle humnin ; ajoutez-lui Eve, ou le principe féminin humain, et vous aurez Adam et Eve, les progéniteurs de la race humaine, le Tétragrarame divin, Jéhovah» la divinité bisexuelle que nous cherchions.
«< En renversant les lettres du Nom InelTable, nous dit encore le F.". Pike ' et en le séparant, il devient bisexuel comme l'est le mot Yud-He ou Jah et révèle la signification d'une grande partie des obscurités de la Kabbale; il est le Très-Haut, dont les colonnes Jachin et Boaz sont le symbole ».
Or, nous savons que Jachin et Boaz sont les piliers phalliques de la Maçonnerie. Jéhovah est, évidemment, au-dessus de ce qu'ils représentent. Le Très-Haut est naturellement celui en qui la Créa- tion ou Adam Kadmon est achevé ; tlone Jéhovah est identifié avec les forces procréatrices et prolifiques de l'homme.
« On nous dit, continue Pike, que Dieu créa l'Homme à limage de la Divinité ; et il les créa mâle et femelle », et l'auteur symbo- lisant ensuite le Divin par l'Humain, ajoute que la femme contenue à l'origine dans l'homme, fut retirée de son côté. Ainsi Minerve, déesse de la sagesse, sortit-elle femme parfaite et tout armée du cerveau de Jupiter ;Isis fut la sœurd'Osiris avant d'être son épouse, et Maya, la Mère de tout ce qui existe, s'était dévelojipée en Brahma, source de toutes choses, le vrai Dieu, sans sexe m nom. Le Verbe est le Fils uniciue du Père ; et la terreur qui présidnit aux Mystères les plus sacrés avait imposé silence au sujet de la Nature du Saint- Esprit. Le Verbe est la Lumière et la Vie de l'Humanité ».
Peu importe doue le chemin que nous prenons : que nous lisions Jéhovah à l'eu vers ou à l'endroit, que nous fassion.*» d'Adam le Yod et y ajoutions Eve ; ou que nous renversions Jéhovah pour en faire Ho-Hi ou Jah, nous aboutissons toujours à cette même significa- tion du Ii.-P]li.e. El cette Divinité hermaphrodite n'est pas la Vraie Divinité, l'Èlie piemier, car II n'a pas de noiu,mais son émanation est l'Univers et celui qui en est le Maîlre, l'Homme. De fait, si nous en croyions le F.-. Pike, c'est rhomnie cpu (il Dieu et non pas Dieu qui filJ'homuu'.
« Dieu agit par ses œuvres, dit-il " : au ciel par les anges ; sur la terre ()ar les hommes. Dans le ciel des conceptions humaines, c'est l'hinnanili' ipii crée j)ieu ; et les hommes croient que Dieu les fil à son itnai^e, |)arce (pi'ils le font à la leur ».
Nous devrions terminer ici notre chapitre, puisque nous avons prou\é ce (|ue nous voulions, c'est-à-dire que le Jéhovah de la Kab-
1. Morals nnil [Joyma, p. 8-10.
2. lhifi.,[}. 736.
ET LL JEHOVAH KABBALISTIQUE 139
bale, c'est l'homme : Adam Kadmon, l'Archétype, étant l'humanité en général, la nature humaine, l'espèce; et le simple Adam, l'indi- vidu, étant la fin pour laquelle le prototype, le Fils de Dieu, émana de la lumière primordiale. Adam joint à Eve nous donne le Jeho- vah céleste, le mot pancréateur de la Maçonnerie ; l'homme indi- viduel est l'œuvre parfaite.
Nous avons pensé cependant que nos lecteurs nous sauraient gré de les faire profiter du supplément d'information que veut bien nous donner le F.-. Mackey sur le sujet obscur et difficile de la Di- vinité |)rimitive et sur ses émanations qui aboutissent à l'homme. Sa définition difï'ère quelque peu de celle du F.-. Pike, mais non dans les grandes lignes. La voici :
« L'Etre Suprême, disent les Kabbalistes, est une imité absolue et impénétrable, n'ayant rien hors d'Elle,et contenant tout en Elle. On le nomme En Soph,« L'Infini ».I1 ne peut, dans son immensité, être compris par l'intelligence, ni décrit par des mots intelligibles à l'esprit humain et qui donneraient une idée de son existence. Il était donc nécessaire que, pour se rendre compréhensible, l'En Soph agît et créât. Mais il ne pouvait pas être le Créateur direct, parce qu'étant infini, il ne pouvait avoir ni volonté, ni intention, ni pensée, désir ou activité, toutes ces qualités n'appartenant qu'à un être fini. Donc l'En Soph fut obligé de créer le monde d'une façon indirecte, par dix émanations de la lumière infinie. Il était lui-même cette lumière dans laquelle il habitait. Ces dix émanations sont les dix Sephiroth ou Splendeurs de l'Infini, et voici de quelle manière elles furent produites : d'abord l'En Soph envoya dans l'espace une émanation spirituelle. Cette premier* Sephira se nomme Kether, « la couronne », parce qu'elle occupe la position la plus élevée. Elle contenait les neuf autres, qui en jaillissaient dans l'ordre suivant : Premièrement une force masculine on active procédait de la Kether, et cette seconde Sephiia s'appelait Choc- mah ou ■< Sagesse». Celle-ci engendrait un contraire, une force féminine ou passive, nommée" Binah ou « l'Intelligence ». Ces trois Sephiroth constituaient la première triade, dont procédaient les sept autres. De l'union de la Sagesse et de riiUelligence sortait la quatrième Sephirah appelée (^hesed ou « Miséricorde ». Et notre auteur continue ainsi jusqu'à la fin. Le Dieu kabbalistique est tout aussi absurde sous la plume du Dr.Mackey que souscellede Pike*. D'abord « il est une unité impénétrable », et cependant les Kab-
1. Nous avons négligé, dans ce paragraphe et dans quelques autres, des citations de nombreux mots liébreux inutiles.
140 LA FRANC-MAt.ONNERlE AMÉRICAINE
balistes discernent « qu'il contient tout en lui » ; « qu'il fut obligé de créer » ; qu'il ne pouvait pas créer « directement », mais «indi- rectement » ; qui! dut créer « par dix émanations ». Comment ont-ils pu distinguer tout cela dans l'impénétrable ? Comment savent-ils tout cela sur l'inconnaissable? Comment ont-ils pu com- muniquer au F.". Pike ce qui concerne la contraction de l'Eu Soph et la manière de produire ses émanations? Et pourquoi lEn Soph était-il dans l'obligation de se rendre comprehensible? Nous nous demandons même si nous avons raison d'appeler Divinité lètre dans lequel il n'existe ni volonté, ni intention, ni pensée, désir ou acti- vité, « toutes ces qualités ne pouvant appartenir qu'à un être fini ». Comment celle divinité peut-elle agir, si elle n'a pas d'ac- tivité? Comment peui-on admettre une nécessité d'agir pour l'iner- tie infinie? Et, comme elle existait seule, rien n'existait en dehors d'elle pour l'appeler à ruction, si tant est qu'on puisse sommer d'agir ce qui est essentiellement inerte. El si la pensée, le désir et l'action sont les quulilés exclusives des êtres finis, la Vraie Divi- nité demeure toujours sans penser, désirer ou agir ; car la Vraie Divinité est infinie et non finie, à moins de soutenir que, tout en étant incapable d'agir, elle agil cependant et se met au rang des êtres finis par ses émanations. Les absurdités sajoutant ainsi les unes aux autres, on pourrait aller loin 1
Dites-moi, par exemple, comment tout était-il en celle Divinité ? Comment l'action demeurait-elle dans l'inaction ; la volonté dans ce qui ne peut vouloir ; le distinct et le déterminé dans l'indéter- miné et l'indistinct par essence ? \e vous apercevez-vous donc pas que vous ave/, des efTels qui sont supérieurs a leur cause ? Car la connaissance, la pensée, la volonté, l'action, qui sont la propriété des émanations, les rendent infiniment supérieures à celte divinité absurde qui ne peut ni vouloir, ni penser, ni savoir, ni agir. .\h ! il est vrai que nous devenons ainsi des t'ranc.s-bàtis.seurs, des Francs- Macjons dans ce momie où nous ne sommes en rien redevables à la divinité. Nous. Hommes. nous lui sommes iiifinimenl >upéri(Mirs.Mais ne nous créa-l-elle pas ? Comment ? Aveuglément, par nécessité de nature, sans le savoir, sans le vouloir, sans en avoir l'intention ou le <lésir. Nous ne pouvons faire sa volonté : elle n'en a pas. Nous ne pouvons l'adorer : nous lui sommes supérieurs. Nous ne pouvons même pa> l'ainicr comme on aime un ami. puisqu'elle n'a pas «l'a- mour à nous rendre. Nous pouvons aimer la race humaine, per- sonnifiée dans r.Vdani Kadinon, mais nous serions insensés d'aller au-delà. • Ees véritables objets de la religion, nous dil i(M'.-. Pike, sont ceux qui se voient ' ».
1. Mnrah and Doyma, p. 62.
ET LE JÉHOVAII KABBaLISTIQUE 141
« Le Maçon, ajoute-t-il plus loin ', est familier avec les doctrines suivantes de Philon : l'' L'Etre suprême est un centre de Lumière, dont les rayons ou émanations inondent l'L nivers ; c'est celte Lu- mière qui sert de but à tous les voyages maçonniques, c'est elle que figurent dans nos Loges le soleil et la lune... ». 2" Le monde fut créé, non par l'Etre suprême, mais par un agent secondaire, qui n'était que son Verbe, le Aôyoç, et par des êtres qui n'étaient que ses idées secourues par une Intelligence ou Sagesse 2oyt«, l'un de ses Attributs ». Nous ne devons donc rien directement à la Vraie Divinité ; si nous avons une dette de reconnaissance, c'est au Verbe, le Logos, l'Adam Kadmon,qui contient en Lui-même, comme nous l'a dit Pike, les eifets de toutes les Causes premi(-'res ».
Nous n'ignoi'ons pas qu'à certains moments, le F.*. Pike semble soutenir une doctrine dilTérente et atfirmer que Dieu possède libre arbitre, pensée et activité ; c'est qu'alors il ne parle pas de la Vraie Divinité, de l'Absolu, mais simplement de l'Univers émané de Lui. Il vénère trop ses Maîtres pour les contredire dans leurs dogmes fondamentaux et dans ceux de la Maçonnerie. Les dogmes chrétiens, rejetés par les sages de l'antiquité païenne, parles Kab- balistes et par le F.*. Pike, proclament un Créalenrpersonnel, dis- tinct de l'Univers, intelligent, appelant à la vie ses créatures par l'omnipotence de sa volonté. Quelle que puisse être votre opinion sur le F.*. Pike, n'allez pas le soupçonner d'être chrétien ! Mais re- tournons aux émanations de la Divinité, aux Sephiroth ou splen- deurs, telles que les expose le F.-. 3»Iackey.
« Ces dix Sephiroth, dit-il, sont collectivement dénommées l'homme archétype, le Microcosme, comme l'appelaient les philo- sophes grecs ; chacune d'elles désigne une partie distincte du corps. Ainsi la Couronne est la tête; le Sagesse, le cerveau ; et l'Intelli- gence, le cœur, que l'on considérait comme le centre de l'entende- ment ». Considérez, cher lecteur, le changement intellectuel opéré par la Maçonnerie. Le cœur et ses affections sont la suprême lu- mière qui éclaire notre route ici-bas, car le cœur est le siège de l'intelligence maçonnique. Les désirs du cœur sont la raison du Maçon ; il est inutile que j'indique les conséquences logiques qui découlent de ce principe d'une façon si évidente.
« Ces trois Sephiroth, continue notre auteur, représentent ce qui est intellectuel : la première triade est donc le Monde Intellectuel. La Miséricorde est le bras droit ; la Justice, le bras gauche, et la Beauté est la poitrine. Ces trois émanations représentent les quali- tés morales ; c'est pourquoi la seconde triade est appelée le Monde
I. Morals and Dogma, p. 252.
142 LA FRA^■C-MAÇO^^ERIE AMÉRICAINE
Moral. La Fermeté est la jambe droite, la Splendeur, la jambe gau- che, et la Fondation, les parties intimes ; on donne donc à la troi- sième triade le nom de Monde Matériel. Enfin, le Royaume corres- pond aux pieds, base sur laquelle tout repose ; il représente l'har- monie de tout l'archétype humain' ».
Nous avons par conséquent dans l'homme les dix émanations divines, et toutes également divines, le fondement sur lequel elles reposent toutes : les forces génératrices et prolifnjues de la Nature, telles qu'on les trouvedans l'humanité. Siquelquune desémanations avait la priorité sur les autres, c'est aux forcesgénératricesquecelle priorité serait accordée, puisqu'elles sont la neuvième émanation, celle vers laquelle les autres sont dirigées, la dixième n'ajoutant rien à ses devancières, mais ne faisant qu'exprimer l'harmonie et l'unité du tout.
Les puissances génératrices sont des émanations du monde mo- ral dans l'homme, et cependant elles n'en font pas partie. Elles sont la fleur et le fruit de la morale kabbalislique, quoique dégagées des restrictions de la morale, parce quelles sont hors de sa sphère. Elles appartiennent au monde matériel et non au monde moral.
Il ne faut plus s'étonner que la morale maçonnique ne soit pas chrétienne. L'intelligence qui, pour nous, est la lumière de notre route morale, réside dans le cœur, au dire du Maçon ; et les désirs de la chair, les passions charnelles de notre corps .sont une évolu- tion divine ou émanation du monde moral. Nous ne sommes plus surpris que la divinité des Maçons, leur Jèhovah soit bisexuel. et que, selon le Dr. Mackey^ « le Nom InelTable de Dieu en hébreu, lu kabbalistiquement, contienne en lui-même le principe mâle et femelle, l'énergie génératrice et prolifique delà création». Nous trou- vonsnaturelde« relrouverici le symbolismesi généralement répandu du phallus et de la cleis, du lingaui el de lyoni, ou de leur équiva- lent, le point dans le cercle, el une autre preuve j)alpable des rap- ports de la Franc-Maçonnerie avec les Anciens Mystères ».
Mais, dans Jèhovah lu Uabbalisliquementou à rebours, nous avons plus encore pour les initiés ; et, si nous ne rapportions pas le texte du !•.•. PiUe, fidèle à notre habitude de n'alllrmer que ce que nous pouvons prouver, nous aurions renoncé à suggérer même ce que nous allons dire, car nos lecteurs auraient douté de nous. Qu'avons- nous donc dans Jèhovah renversé : Vahveh n'est après tout qu'une autre forme du môme mot? Nous avons Satan.
« Le vrai nom de Salan, nous disent les Kabbalisles, cités par le
1. Encyclopaedia, pp. :VM et suivanti's.
2. Syniholium, p. 1H8.
ET LE JEHOVAH KABBALISTIQUE 143
F.-. Pike * est celui de Yah veh renversé ; car Satan n'est pas un dieu noir, mais la négation de Dieu. Le Diable est la personnifi- cation de l'Athéisme ou de l'Idolâtrie ».
« Pour les Initiés, ajoute Pike, ce n'est pas une Personne, mais une Force, créée pour le bien, mais qui peut servir au mal. C'est r Instrument de la Liberté ou Libre Arbitre. Les initiés représentent cette Force qui préside à la génération physique sous les traits my- thologiques et cornus du Dieu Pan ; de là vint le bouc du Sabbat, frère de l'ancien Serpent et le Porte-Lumière ou Phosphor, dont les poètes ont fait le faux Lucifer de la légende ^ ».
Jusqu'où le flot de l'instruction maçonnique nous a-t-il entraî- nés? Yahveh, Jéhovah, car ainsi que tout le monde sait, ce ne sont que ditïérentes formes du même mot. Yahveh renversé, ou lu Kab- balistiquement est, selon le Dr.Mackey et Lanzi, une Divinité bi- sexuelle, hermaphrodite, et maintenant le F.-. Pike et ses Frères initiés le convertissent en Satan, force qui préside à la génération physique ; une force créée pour le bien, maisqui peut être pervertie. Il ne leur a pas suffi de convertir Jéhovah en homme, ce qui n'était déjà pas mal, le voilà converti en Satan !
Il est vrai que le F.-. Pike pourra dire qu'après tout, il n'y a pas de dilïérence essentielle entre sa théorie et celle de Lanzi; car nier la personnalité de Satan, de Lucifer et en faire une Force présidant à la' génération, c'est admettre que cette force ou Yahveh trouvera naturellement son plus grand exposant dans l'homme. Dans les deux théories, Jéhovah sera par conséquent identifié à l'homme.
Il faut convenir que, tout en désirant sincèrement faire toutes les concessions raisonnables, nous ne voyons pas clairement que les deux théories soient identiq.ues ; car une Force « prési-4 dant à la génération » n'est pas exactement « la force génératrice elle-même » ; l'expression semble plutôt indiquer un agent direc- teur et distinct. Auquel cas les théories seraient nettement diffé- rentes. Mais alors même que, par une interprétation débonnaire à peine justifiée par la phraséologie employée, nous accepterions la proposition, la doctrine du F'.*. Pike et des Kabbalistes n'en serait pas moins défectueuse. '
Car, en premier lieu, si la théorie est la même, pourquoi l'expri- mer d'une manière si choquante? Pourquoi ouvrir à l'ignorance, à la malice ou à la folle témérité morale (les FF.-, peuvent souriz'e à l'idée qu'il y ait là quelque chose d'immoral) un chemin qui con- duit tout droit à rendre à Satan le culte dû à Jéhovah, car le Jého-
2. Morals and Dogma, p. 102.
3. Ibid.
144 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
vah qu'adore la Secle est le Jéhovah renversé. El en second lieu^ puisque les opinions personnelles du F.-. Pike el des Kabbalisle& n'onl aucune influence pour délerniiner la réalité et la personnalité de*Satan, attendu que l'Esprit ainsi nommé a son existence et sa personnalité en dehors d'eux et de leur pensée, le culte qui lui est rendu épouvante les cœurs chrétiens. Les FF.-, peuvent sourire de pitié à notre crédulité et à notre aveuglement, mais nos paroles ne s'adressent pas aux seuls Frères .-..
11 est évident que cette même doctrine du culte de Satan pour- rait également se déduire de la substitution de Baal à .Jéiiovah en maçonnerie ; car l'opposition biblique de ces deux divinités est uni- versellement connue. Mais on pourrait nous répondre que celte substitution avait été blâmée par les Francs-Maçons américains en général, et qu'on avait rétabli le nom de Jéhovah comme celui de la Divinité. La révélation du F.-. Pike,qui fait Satan de Jéhovah et Jéhovah de Satan, prouve que, dans celle restauration, tous lesinté- rêlsdeBaal furent conservés, comme l'indique encore évidemment le fait que Baal fut toujours et est encore actuellement admis pour expliquer Jéhovah.
C'est pour avoir ces clartés que les Maçons ont rompu avec tous les liens qui les rattachaient au passé ; et en vérité comment ces liens pourraient-ils exister avec cet enseignement ? Où est la foi chrétienne dans ce cœur pour lequel Dieu devient Satan, et Satan une puissance bienfaisante, laquelle puissance est dépourvue de personnalité et n'est qu'une simple force présidant aux désirs sensuels de l'homme.
^ Mais nous avons beau rejeter, comme nous y sommes obligés, la doctrine maçonni(|ue, nous constatons qu'elle est le fruit logique des principes kabbalistiques. Car les Maçons sont des Bâtisseurs du modèle de l'Algabil, le Maître Constructeur de l'Univers. D'après les sages de l'antiquité, si vénérés des Maçons, la Divinité est un Bâtisseur en vertu de son principe générateur symbolisé par Yod. « Yod, dit le F.-. Pike ' est appelé dans la Kabbale Vopifex, Vou- vrier de la Divinité ».
« Adam, dit encore Pike -, est le Tétragramme humain, (pii est résumé dans le Yod mystérieux de la Kabbale, image du Phallus kabbalistique ». Le /Va/jc-Bàtisseur, le /•'/•« /jc- Maçon, car les deux mots sont synonymes, est donc celui en (pii la force de génération phvsicpie n'est sujette que de son Libre Arbitre. Api)olez cette force Jéhovah, Il-Elle, Baal, le Dieu du Feu, Satan, Lucifer, le serpent,
1. Morals ami Dofjnia, p. 79?. Ibid 771.
ET LE JÉUOVAH KABBALISTIQUE 145
et rendez-lui le culte dû à la Divinité ; ils ne sont qu'un aux yeux de la Maçonnerie ésotérique. L'homme libre dans l'abandon à ses passions qui sont des dons de Dieu ; l'homme dont l'inlelligence réside dans le cœur, l'homme dont la loi est la loi de l'amour sen- suel, l'homme des passions humaines déifiées — voilà ce qu'est le Franc-Glaçon ésotérique.
« Si OEdipe, nous dit Pike*, au lieu de tuer le Sphinx, l'avait vaincu, allele à son chariot et conduit dans Thèbes,il aurait régné, sans commettre d'inceste, sans calamités et sans exil. Si Psyché, à force de soumission et de caresses, avait persuadé à l'Amour de se révéler, elle ne l'aurait jamais perdu. L'Amour est l'une des images mythologiques du grand secret et du g-rand agent, parce qu'il exprime à la l'ois un acte et une passion, le désert et la fertilité, une flèche et une blessure. Les initiés devraient comprendre tout cela, et de peur que les profanes ne le surprennent, la Maçonnerie n'en dit jamais trop long ».
Là où le F.-. Pike nous refuse la lumière, le F.-. McClenachan est plus aimable ; et sans en dire trop long', il nous apprendra que le nom même de l'homme (Adam) exprime l'amour sensuel, confirmant ainsi ce que le F.-. Pike nous a dit du létragramme humain.
« En Hébreu, le feu de l'amour qui brûle dans le Midi, est are, brûler, dit le F.". McClenachan. Sur les monuments et dans les temples égyptiens, la chair de l'homme est peinte en rouge, et celle
de la femme en jaune Le nom de l'homme signifie rouge en
hébreu, et comme l'amour est l'image du feu, il est le lien univer- sel des êtres, dont il unit les cœurs - ».
L'homme ou principe mâle, symbolisé par le feu, était re- présenté en rouge, et le principe féminin identifié avec l'idée de lu- mière ou de flamme était représenté en jaune ou couleur de terre claire; au-dessus de la femme on voyait un messager aux pieds agi- les portant les nouvelles de la détresse du Maçon et du retour du sau- veur assuré. Cette lumière du feu, être féminin d'une beauté divine, la Vénus égyptienne, s'appelait Athor, ce qui signifie : habitation d'Horus ^ ».
Si Œdipe s'était montré sage et n'avait pas détruit le Sphinx, symbole du secret et de la science la plus sublime, mais l'avait dompté ; s'il était entré dans la nature divine de l'homme telle que la révèlent les mystères, son mariage avec sa mère aurait pu ne pas offenser son sens moral ou provoquer la colère des dieux ; car Isis
1. Morals and Dogma, p. 732.
2. Encyclopaedia, p. 941.
3. Ibid.
146 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
OU la Naliire était la sœur d'Osiris en même temps que sa femme ; Junoa était à la l'ois la sœur et l'épouse de Jupiter. Si Psyché avait étudié les Kabbalisles, elle n'aurait pas été curieuse de savoir qui était sont amant, car il importait peu qu'il fût l'époux de Vénus. Pour les « Enfants de Lumière », postérité du feu et tie la flamme, les possesseurs du Secret Royal, semblables sujets ne doiven pas se juger au moyen des faux ideals des profanes. « Sancta Sanctis, répéterons-nous encore, dit Pike ' : aux Saints, les choses saintes, et à celui qui est tel, les mystères de la Kabbale paraîtront Saints. Cherchez et vous trouverez, dit l'Ecriture, frappez et l'on vous ouvrira. Si vous désirez trouver le Sanctuaire et mériter d'y être admis, nous en avons dit assez pour vous en montrer le chemin. Si vous ne le désirez pas, il est inutile que nous en disions davantage puisqu'il a été inutile que nous en disions tant «.Cette fois, au moins, nous voici parfaitement d'accord avec les sentiments du F.-. Pike, tels qu'il les exprime dans ces deux dernières phrases, et nous ter- minons notre chapitre. Sancia Sanctis ; nous connaissons les cho- ses saintes de la .Maçonnerie ; nous connaissons la nature et l'es- sence de Dieu.
1. Morals and Dogma, p. 772.
CHAPITRE X La Franc-Mâçon>'erie américaine et l'Ame humaine
Lorsffiie le candidat, à la recherche de la lumière, frappa à la porte (le la Maçonnerie, on lui donna l'assurance qu'on lui ensei- gnerait la vérité divine, la vérité sur Dieu et sur l'âme humaine, la nature et l'essence de l'un et de l'autre. Nous avons vu ce que la Maçonnerie a à lui dire sur Dieu ; cherchons maintenant ce qu'elle peut lui révéler touchant Tàme humaine.
Quant aux questions diverses qu'on se pose au sujet de l'àine, le F.-. Albert Pike nous informe que l'humanité, à l'heure actuelle, y prend peu d'intérêt.
« Pour les anciens, dit-il, c'était [la lumière) un efïluve de la di- vinité. Pour nous, comme pour eux, c'est le symbole approprié de la vérité et de la connaissance. Pour nous aussi, l'ascension de l'âme a travers les sphères est symbolique ; mais nous sommes aussi peu instruits qu'eux sur la cause et l'origine <le l'âme et sur sa destinée après la mort. Ils se sont elîorcés d'avoir un concept et une foi quelconques, un credo quelconque sur ces points. Mais il suf- fit aux hommes d'aujourd'hui de ne s'occuper en rien de tout cela, ■et de croire seulement que l'âme est une choice distincte du corps et devant lui survivre. A-t-elle existé avant lui ? il ne pense pas à le chercher. On ne se demande pas si elle est une émanation de la Divinité ou si elle a été créée de rien, ni si elle a été engen- drée à la façon du corps et est le produit de l'âme du père et de celle de la mère. Ne sourions pas des idées des anciens avant d'a- voir une conception meilleure ; mais acceptons leurs symboles en ce sens que l'âme est dune nature divine, ayant pris son origine dans une sphère plus voisine de la Divinité et y retournant lorsqu'elle est débarrassée de la dépouille du corps, etne pouvant y rentrer que purifiée de toutes les souillures et du péché, qui se sont pour ainsi dire incorporés à sa substance par suite de son union avec le corps ».
Le F.". Pike, en disant dune manière si générale que les hom- mes d'aujourd'hui ne se préoccupent pas de l'origine de l'âme et ne tiennent pas à savoir d'où elle vient ni où elle va, semble consi-
1. Morals and Dogma, pp. 7G et 77.
148 I-A FRANC-MAÇO.NNERIE AMÉRICAINE
dérer quelques centaines tie millions de chiéliens comme une quan- tité négligeable ; car ce sont justement les (jueslions qui les préoc- cupent et qui rei^oivenl de la religion chrétienne une réponse pré- cise ; et s'ils ne la recevaient pas, ils ne se tiendraient pas pour sa- tisfaits. Tout catholique, tout enfant protestant bien instruit sait que son âme a été créée de Dieu ; il sait qi^elle a été créée pour connaître, aimer et servir Dieu, et, en observant sa loi, obtenir le salut. Elle sait de plus qu'elle est destinée à une éternité de bon- heur ou de réprobation et de malheur. Il est étrange que des gens puissent chercher la lumière dans la Maç;onnerie qui confesse son ignorance sur des points si fondamentaux. Il est étiange qu'ils puissent quitter le certain pour ce qu'on proclame incertain 1
Mais n'allons pas trop vite. La Maçonnerie laisse-t-elle ses ini- tiés sans instruction sur ces points? Loin de là. Elle a sa théorie à elle, et elle l'enseignera. Lorsqu'elle semble glisser légèrement sur ces sujets, c'est afin d'ébranler la foi. si elle existe, dans l'âme deson néophyte, afin d'y substituer son propre credo Lorsqu'elle envient à élever l'édifice de ses théories, son ton est celui d'iui mailre. Acceptez, dil-elle, les symboles des anciens sages, et posez dans votre cœur, pour fondement solide de la doctrine maçonnique, l'idée que l'âme est d'une nature divine ; qu'elle a pris son origine dans une sphère voisine de la Divinité ; qu'elle en est une émanalion,el, qu'après la mort, elle y lelournera pour y être réabsorbée ; qu'elle doit être purifiée du péché ; que limpossibililé d'éviter le péché est, en l'ait, une condition de noire existence mortelle, puiscjue, par l'union de l'âme avec le corps, le péché devient, en quehpie façon, une partie de sa substance ; que le péché est donc imputable au corps, et non a l'âme. Admettez tous ces principes sans un mot de preuve, et, sur le fondement profond <le votre crédulité maçonni- • pie. la Maçonnerie élèvera un édifice renuirquable par sa largeur et par sa hauteur.
(.)iielle est donc la théorie maçonni(pie de l'âme? A la page 520 de Morals and Dogma, \e F.*. Pike nie expressément que nous puissions nous former une idée de l'immatériel. Il avait déjà allirmé à la page précédente que, seul, le matériel peut exister. Il semble- rail flonc que, logiquement, il doit tenir l'âme pour matérielle. ■< Nous n'avons pas le pouvoir de nous former en nous-mêmes, dil-il', une idée quelconque de ce qui est immatériel. Nous em- ployons ce mol, mais il nous apjiorle unicpiement la notion de l'ab- sence et de la négation de la malérialilé ; et celle-ci, s'évanouissant, semble nous laisser seulement l'espace et le temps infinis et sans bornes ».
1. Lnc. cit.
ET l'ame humaine 149
« Noire plus s^rande difTicullé, dit-il encore \ vient de ce que le langag-e n'est pas l'expression exacte de nos idées, j)arce que les mots représentent des corps et sont des images de ce qui est cor- porel et matériel >>. Si nous employons le mot « émanation », notre esprit pense involontairement à quelque chose de matériel, décou- lant de quelque autre chose qui est matériel ; et si nous rejetons l'idée de matérialité, il ne nous reste de l'émanation qu'une chi- mère. Le mot « chose » lui-même nous suggère ce qui est matériel et tombe sous nos sens. Si nous retranchons de ce mot l'idée de matérialité, il ne nous représente plus aucune chose, par conséquent il devient une chimère intangible, que l'esprit essayerait en vain de saisir. Existence et Etre sont des termes qui contiennent la même Idée de matérialité ; de même que les mots Puissance et Force présentent à l'esprit l'idée d'une chose matérielle agissant sur une autre. Eliminez cette idée, et aussitôt ces mots, dépouillés de leur sens physique, semblent représenter des choses aussi irréelles que l'ombre qui danse sur un mur et qui n'est elle-même que la simple absence de lumière ; tel est pour nous l'esprit : tout simplement ce qui n'est pas matière ».
Le F.-. Pike, confondant ainsi la raison et l'imagination, trébu- che à chaque pas. Nous ne pouvons pas nous imaginer un être im- matériel, pas plus que nous ne pouvons en voir un avec nos yeux. Tout objet capable de frapper l'une des facultés qui se nomment la vue et l'imagination, est matériel. Il n'en va pas de même pour la raison, qui peut nous faire planer au-delà de la sphère du sensible. Nous pouvons connaître les vertus en elles-mêmes : l'honnêteté, la justice, la bonté. Nous pouvons, par exemple, généraliser, et con- naître l'humanité en général. Nous pouvons connaître ce qui est possible, c'est-à-dire ce qui pourrait exister quoiqu'il n'ait jamais existé ou ne doive jamais se réaliser. Notre auteur convient même que nous pouvons connaître l'infini. Nos facultés purement maté- rielles ne pourraient s'exercer sur de tels objets.
L'intellect ou raison pure est dun tout autre ordre ; il appartient en propre à l'âme seule. De plus. Pike confond les mots de forme et de sens négatifs avec les mots dont la forme est négative et le sens positif. Par exemple, dire : il n'a rien fait, ou : il n'a pas dit la vérité, sont choses bien dilTérentes. Cependant ces deux pro- positions contiennent une négation, mais toutes deux sont pure- ment négatives. Il est vrai que, logiquement, d'après le F.-. Pike, l'âme serait matérielle, puisque, comme nous allons le voir, elle est une émanation de la Vraie Divinité qui < a rempli tout l'espace »,
1. Op. cil., p. 569.
15') LA Fli VNC-MAÇONNERIE AMKRICAINE
« se conlracle », « émet des parlies de sa substance ». La matière seule est sujelle à semblables modifications. Mais ne soyez pas sur- pris de voir le Frère chani^er complètement d'avis quand cela lui- convient, et de l'entendre nous dire, sans un mot d'explication, que l'âme de l'homme est immatérielle.
«( Au commencement, dit-il', l'Univers n'était qu'Une seule Ame. 11 était le Tout, seul avec le Temps et l'Espace, et infini comme
eux Il eut celle pensée : « Je vais créer l'homme, dont l'àrae
sera à mon imay^e. et il dominera ». El voilà que ïHomme apparut avec ses sens, son instinct et sa faculté discursive ».
" — El cc[)('iitlanl ce n'élait j>as enrore l'homme I conliniie-l-il, mais seulement un animal cpii rcs|iirail. voyait et pensait ; jusqu'au moment où une élincelle immatérielle de l'Etre Infini de Dieu pé- nétra son cerveau, et devint son Ame ; voilà l'Homme, l'iinmorlel ! C'est ainsi (pie l'homme est le triple produit île la pensée de Dieu : il voit, entend et sent ; il pense et raisonne ; il aime et est en har- monie avec l'Univers ».
Nous avons donc ici riioniint' triple : l'homme sensible, l'homme doué lie raisonnement, l'homme divin; cependant, malgré loul cela, l'homme, en tant qu'il esl à l'image de Dieu, est un simple animal. Je vais créer Thonime à mon image, dil Dieu. « El voilà l'homme avec ses sens, son instinct, sa faculté discursive — et ce- pendant ce n'est pas l'homme ! mais un animal ijui respirait, voyait el pensait », dil le F.-. Pike. C'est l'étincelle provenant de l'Etre même de Dieu qui est, à proprement parler, l'ame humaine. Ce rayon est donc quehjue chose de separable el dentièremenl dis- tinct de l'àme de l'homme^douée de sensibilité et de raisonnement, car l'homme, sentit el pensa avant de la recevoir. En conséquence, l'homme, en tant<pi«' pensant el raisonnanl, est. suivant notre auteur, un pur animal; même avec la pensée et le raisonnement, ses actions ne sont pas, à vrai dire, celles de l'homme, car elles ne le deviennent qu'après la réception de l'étincelle de la Divinité.
Ah ! raison ! raison ! Vous don! la Maromierie préleud faire si grand cas, voyez comme vous èles dclrùnéc el mise au rang des brutes, quand cela sert aux fins de la Secte ! Ce n'est pas vous qui «onstituez l'homme, l'homme. C'est un aulre principe ; un rayon direclemenl émané de la Divinité, distinct de vous el qui, entrant dans noire cerveau, devient noire i^me : et ce rayon quittera un jour notre cerveau i>t vous laissera constituer, si vous pouvez, l'ani- mal respirant comme devant.
Et les effets moraux de celle doctrine? Le rayon divin ne peut
1. Morals and Dogma, p. 582.
KT LAMi: HUMAINE 151
faire le mal. D'un autre côlé, un pur animal n'est pas moralement responsable. Et cependant l'homme est manifestement, responsa- ble ; mais il est responsable en tant qu'homme ; et ce qui le consti- tue en tant qu'homme est divin, et partant impeccable. Mais nous verrons cela plus tanl.
Donc, conformément à cette théorie de la divinié de l'àme, elle existait avant d'être unie au corps, k Cette opinion de la préexis- tence des âmes, substances pures et célestes, avant leur union avec nos corps, qu'elles sont venues animer du haut du ciel, dit le F.-. Pike\ remonte à une haute antiquité. Un rabbin moderne Manas- seh Ben Israël, assure qu'elle fui de tout temps reçue chez les Hébreux. C'était celle de la plupart des philosophes qui admettaient l'immortalité de l'âme, et, par conséquent, elle était enseignée dans les Mystères ; en elfet, comme le dit Lactance, ils ne pouvaient con- cevoir comment l'âme survivrait au corps, si elle n'avait pas existé avant lui, et si sa nature n'était pas indépendante de celle du corps. La même doctrine fut adoptée par les plus instruits des Pères grecs et par beaucoup de Pères latins, et elle prévaudrait probablement aujourd'hui, si les hommes prenaient la peine de réfléchira ce sujet et de se demander si limmorlalité de 1 âme n'implique pas sa préexistence ».
« Quelques philosophes, conlinue-t-il, soutenaient que l'àme était emprisonnée dans le corps en punition de fautes commises dans une existence antérieure. Mais comment ils conciliaient cette idée avec l'inconscience de la même âme par rapport à cette existence antérieure, ou aux péchés commis alors, on ne le voit pas. D'autres soutiennent que Dieu, de sa pure volonté, envoya l'àme habiter le corps. Les Kabbalistes unissaient les deux ojunions. Ils enseignaient qu'il y a quatre mondes : Aziluth, Briarth, Jezirath et Aziath : le monde de l'émanation, celui de la création, celui des formes et ce- lui de la matière, ainsi hiérarchisés, l'un étant au-dessus de l'autre et plus parfait, à la fois en ce qui concerne leur propre nature et celle des êtres qui les habitent. A l'origine, toutes les âmes étaient dans le monde Azilulh, le plus élevé des cieux, séjour de Dieu et des esprits purs et immortels. Ceux qui descendent de ce monde sans avoir commis de faute personnelle, mais par l'ordre de Dieu, sont doués d'un feu divin qui les préserve de la contagion de la matière et les rétablit dans le ciel aussitôt que leur mission est ter- minée. Ceux qui en descendent par suite d'une faute personnelle vont de monde en monde, perdant peu à peu leur amour des choses divines et leur contemplation d'eux-mêmes, jusqu'à ce que, tom-
1. Morals and Dogma, p. 440.
15'2 LA FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
bant (le leur propre poids, ils alteignenl le monde Azialh. Tout ceci est du pur platonisme, revêtu des termes et des figures pro- pres aux Kabbalistes ».
A lire le F.-. Pike, on pourrait s'imaginer que les Pères grecs les plus savants tinrent conseil pour se déclarer en faveur de la préexis- tence des âmes, alors que c'est exactement le contraire. Seul, Ori- gène soutint cette opinion, que les autres blâmèrent et condamnè- rent ; quant aux Pères île l'Eglise latine, pas un ne partagea un ins- tant cet avis. Nous pouvons juger par de tels exemples, qui se ren- contrent fréquemment chez le F.-. Pike, de la confiance que nous devons lui accorder. Il est absurde, d'après lui, de croire à l'immor- talité de l'àme après sa création. si Ion n'admet pas une immortalité préexistante, car il [)iélend que chaque pensée, chaque volonté, chaque action subsistera à travers les siècles, du moment où elle aura pris naissance. Soutiendrait-il que la pensée que nous avons en cet instant, l'acte que nous accomplissons pour la première fois préexista de toute éternité ? S'il en est ainsi, l'absurdité d'une telle théorie sera la meilleure réfutation de la première.
Et encore, avec toute cette préexistence et cette Divinité, quel triste tableau ne fait-il pas du Divin dans l'homme ! « S'il n'y avait rien de Divin dans l'homme, dit Pike', que serait- il après tout, si- non un animal plus intelligent que l'homme? Celui-ci n'a ni défaut ni vice que tel ou tel autre n'ait pas ; donc, dans ses vices, il n'est qu'un animal d'ordre supérieur; d'autre part, il n'a presque pas de supériorité morale, il n'en a aucune peut-être — même parmi les vertus les plus excellentes, comme la générosité, la fidélité, la magnanimité — que tel ou tel animal ne possède à degré égal ».
Nous avouons que le F.-. Pike a une façon singulière d'arriver au divin dans l'homme. Il dit : Comparez l'homme aux animaux qui sont considérés comme ses inférieurs. Mettez en parallèle leurs vices et leurs vertus. Les bêtes sont ses égales pour les vices, mais, pour les vertus, elles lui sont supérieures: donc, il doit y avoir quel- que chose de «liviii dans l'homme. Au lieu de montrer le côté divin, cher F."., vous prouvez le C(Mé bestial; et bien loin de démontrer que l'homme est un animal supérieur, vous le mettez manifestement, au-dessous des luiiiii.nix.
« Comme ces choses, dit-il encore-, d(''|)assent de beaucoup noire enicndeineni, et comme, dans la (leiièscles mois employés pour ex- primer l'origine des êircs ont un sens incerlaiii.el (pi'on peutindif- férenimcnlles rendit» pai" » eiigendrt'^ ». " |)i(»(iiiil ». « fait », « créé ». il esi inutile de disserler longu«'menl pour savoir si l'Ame ou l'Es-
1. Manils and hognui. |). S")?.
'2. ihid.. p. h:,h.
ET l'ame hlmai>:e 153
prit de Ihomnie est un rayon émané ou découlant •'de l'Intelligence Suprême, ou bien si. du néant, elle a été appelée à l'existence par un pur acte de volonté de la Puissance Infinie qui l:i doua d'immor- talité et d'une intelligence à l'image de l'Intelligence Divine ; dans les deux cas, on peut dire que, chez l'homme, le Divin est uni à l'Humain. Le Triangle equilateral inscrit dans le Carré est un sym- bole de cette union ».
Pike reprend : « Nous voyons l'âme, dit Platon, comme les hom- mes virent la statue de Glaucus retirée de la mer où elle avait été enfouie pendant de nombreuses années. Lorsqu'ils la virent, il ne leur fut pas facile, en admettant qu'il leur fût possible, de discer- ner quelle avait été sa nature originelle. Ses membres en partie brisés, et le reste usé et défiguré par l'action des vagues et par les coquillages, les roseaux, les cailloux y adhérant, elle ressemblait plutôt à un monstre étrange qu'à ce qu'elle était lors- qu'elle quitta la Source Divine. Ainsi, dit-il, nous voyons l'âme dé- formée par une multitude de choses qui l'ont blessée, mutilée, défigurée. Mais le Maçon qui possède le Secret Royal, peut ici dis- cuter avec le philosophe et lui montrer qu'étant donné l'amour qu'a l'âme de la Sagesse, ses tendances à s'allier avec ce qui est divin et immortel, ses aspirations élevées, ses combats — même alors qu'ils ont abouti à la défaite — contre les obstacles que lui opposent les sens et les passions, et l'esclavage où ils voudraient la tenir, on peut affirmer que. lorsqu'elle aura été dépouillée de la ma- tière qui l'entoure et qui l'a subjuguée, lorsqu'elle aura été débar- rassée de la gangue qui la déforme, la défigure, l'âme retrouvera sa vraie nature, et qu'elle s'élèvera par dfegrés, au moyen de l'échelle, mystique des sphères, pour regagner son premier séjour, son lieu d'origine ».
Non, l'initié ne discute pas sur les termes de la Genèse ; il les accepte sans mol dire avec la théorie kabbalislique des émanations. Que la créature soit une parcelle de Divinité et par conséquent ne fasse qu'un avec la Substance Divine ; que, de l'abîme du néant, elle ait été appelée à l'être, et soit alors tout à fait distincte de la substance divine, voilà des considérations qui sont de pures baga- telles pour l'initié, puisque, dans les deux cas, nous avons l'union du Divin et de l'Humain I Dans la première hypothèse, les deux sont identifiés ; dans la seconde, ils sont distincts et non identifiés — de telles puérilités ne sont pas pour troubler la surface placide d'une intelligence maçonniquemenl éclairée.
Pauvre Divinité, disons-le, que celle qui habite dans l'homme défigurée par le temps, la passion, la matière ! La matière est éga-
11
154 LV FRANC-MAÇONNERIE AMÉRICAINE
lemenl une émanation de celle même Divinité, sidentifie avec elle, et cependant elle dégrade, défigure et déforme le rayon de feu di- vin qui pénètre notre cerveau et devient notre àme ! Illumination merveilleuse I II n'est pas étonnant que le F.-. Mackey exulte à la pensée de faire de cette illumination le caractère distinclif de notre espèce. « Reliiez à la Franc-Ma(;onnerie son symbolisme, dit-il', et vous aurez enlevé le corps à son âme, ne laissant subsister qu'une masse de matière inerte et sans vie, destinée à se corrompre rapidement ».
Cependant, toute défigurée et dégradée que pui.sse être lame ; bien qu'elle se soit vautrée dans la fange du vice, il est une chose dont le F.'. Pike est certain: c'est qu'il n'y a pasdenfer. Il va nous l'apprendre. tout en nous révélant une découverte lilléraire.
« Les commentaires et les études sur la Divine Comédie, œuvre de Dante, se sont multipliés, dit-il -, et malgré cela, personne, à notre connaissance, n'a fait ressortir son caractère spécial. L'œuvre du grand Gibelin est une déclaration de guerre à la pa- pauté, par la révélation audjicicuse qu'elle fait des Mystères. L'é- popée de Dante est Johannite et Gnostique ; elle est, comme l'Apo- calyps^e, une application osée des figures et des nombres de la Kab- bale aux dogmes chrétiens, et une négation tacite de loul ce que ces dogmes conlienneut d'absolu. Le voyage du poète au travers des mondes surnaturels s'accomplit comme l'initialion aux Mystères d'Eleusis et de Thèbes.Il s'fchappe du goufTre de l'Enfer, sur la porte duq lel on lisait la phrasu' tlu déses|)oir, en renversant la posi- tion (.le sa tète et de ses pie is, c'est-à-dire en prenant la contre- partie du dogme catholicpie ; puis i! remoiite vers la lumière en se servant du Diable lui-m'* m-, comme d'échelle monstrueuse, comme Faust monte au ciel en miM,t;uit le pied sur la télé de Méphislophelès vaincu. L'enfer n'est infranchissable que pour ceux qui ne savent en revenir. Nous nous dégageons de ses chaînes à force d'audace ».
Ce n'est pas l'audacr pnjpremcnt dite, nuiis une certaine audace, F.-. Pike, qui nous délivicra de l'enfer. Ce n'esl pas l'audace qui consisle à melLre nos pieds là où devr.dl être n<jtre tète. et vice versa. mais c'est en gardant nuire tète et nos pieds dans la position conve- nable où Dieua vouliiles mettre, alin»picnouspuissi(jnssuivre Ifslois de notre nature Idles (|u"ll les a élablics, cl non en les relouiiiani kabbalisliquenK'iit. Ilesl j)lusgrave que vousne le pensez desenaller la lèleen avant en enfc]-. Selon toute pr(jbabililé,vous n'aurez guère occasion <le ienvei>er [)lus tard voire allilude. Nous louons l'au-
1. Si/nilinlism nf f'rri'niiisonry, p. 7'2. ■J. M omis (ind hoi/nui, p. H22.
ET LAME HLMAIKE 155
da:e raisonnable, mais nous blâmons la folle témérité. Cette ques- tion est beaucoup trop grave pour pouvoir être tranchée par un simple haussement d'épaules ou par un sourire dédaigneux. Notre pensée ne fait pas davantage lé ciel et l'enfer qu'elle ne les déti'uil; notre pensée ne crée ni ne détruit la i-éalité que nous sommes ou celle du monde qui nous entoure. Les partisans de la Christian Science peuvent soutenir le contraire, mais la maladie ne nous frappe-t-elle pas tous, et la mort ne fauche-t-elle pas ceux qui nient son existence ? l'immortalité sur terre ne dépend pas uniquement de notre croyance que nous allons y vivre éternellement heureux. Pesez donc bien les raisons qui étayent une semblable doctrine sur la vie au-delà des portes du tombeau.
La doctrine de la Maçonnerie sur l'àme est donc ainsi succincte- ment formulée par le F.-. Pike ' : « L'àme de l'homme est immor- telle ; elle n'est pas le résultat de son organisme, ni un composé des modes d'action de la matière, non plus qu'une succession de phénomènes et de perceptions ; mais elle est une Existence indivi- duelle et uni(]ue, un esprit vivant, une étincelle du grand foyer central de Lumière qui est entrée dans le corps et y demeure. Elle en sera séparée par la mort et retournera à Dieu d'où elle vient; c'est une existence qui ne se dissipera pas, ne s'évanouira pas, qui ne sera pas anéantie au moment de la mort, comme un soutTle ou une vapeur; elle continued'être et de posséder activité et intelligen- ce, tout comme elle existait en Dieu avant d'être enveloppée dans le corps ».
Telle était la doctrine des Gnostiques,et telle nous l'expose notre auteur sous une forme un peu plus .générale -. « Emanation de tous les êtres spirituels de la Divinité, dégénérescence progressive de ces êtres, d'émanation en émanation ; rédemption et retour de tous à la pureté da Créateur ; puis, après le rétablissement général dans l'harmonie primitive, un état de bonheur vraiment divin, dans le sein de Dieu : tels étaient les enseignements fondamentaux du Gnosticisme ».
Oui ne voit combien tout ceci est flatteur et consolant pour la fragilité et les passions humaines I Cependant, la question n'est pas là. La question est celle-ci :' Est-c? vrai ? Edifier des systèmes plus favorables encore à nos appétits est chose aisée; mais l'assentiment de notre nature inférieure n'est pas une garantie de vérité.
Le F.-. Pike admet le péché et la nécessité de la purification de l'âme. Il ne nous a pas parlé jusqu'ici du moyen de purification
1. Morals and Dogma, p. 533.
2. Ibid., p. 248.
156 LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE
à employer. On nous l'a bien enseigné dans « Le Choc de l'Entrée », mais nous étions alors trop naïfs pour comprendre.
« Il doit non seulement se produire un changement, nous dit Mackey,' pour entrer dans l'avenir, mais encore une mort complète au passé ; car l'initiation est, en quelque sorte, une mort au monde et une résurrection à une vie nouvelle. Et de là vient (pie, chez les (irecs. le môme mot signifiait à la fois mourir et élre initié. Mais, pour celui qui croit à l'immortalité, la mort n'est (pi'une nouvelle naissance ».
Et le F.-. Pike ajoute : '- « L'initiation était considérée comme une mort mystique ; une descente dans les régions infernales, où toutes les souillures, les taches et les imperfections d'une vie mau- vaise et dissolue étaient lavées parle feu et par l'eau ; et l'on disait alors que l'Epopte parfait était régénéré ; c'était un nouveau-né, rendu à une vie nouvelle de lumière et de pureté ; l'Epopte était placé sous la protection divine ».
L'initiation est en Maçonnerie ce qu'est le baptême pour les chré- tiens ; elle est plus encore, car pour les chrétiens, l'âme baptisée peut se perdre par sa faute; en Maçonnerie, l'àme régénérée com- mence sa vie immortelle.
« La terre, qui tient enchaînés un si grand nombre d'esclaves, dit le 1'".". Pike ^est à la fois pour le Maçon le point de départ et le but de 1 immortalité. Nombreux en elTet sont ceux qu'elle enterre sous l'amas des soucis vains et des futilités absorbantes. Mais, pour le Maçon, elle est la montagne haute des méditations, où il a devant lui et autour de lui le Ciel, l'Infini, l'Eternité. Pour les âmes éle- vées, pures et vertueuses, cette vie est le commencement du Ciel et une partie de l'immortalité ».
<Jn s'imaginerait, en lisant ce passage du F.'. Pike, que le Maçon, tel un '^austère anachorète, est sans cesse occupé] à méditer profondément les vérités éternelles : mais les facultés Imaginatives du F.-, sont souvent très ca[)ricieuses et donnent paifois Pun air de roman à ses écrits les plus sérieux. « Il occupe un rang des plus dis- tingués parmi*les auteurs et les historiens maçonniques et même pai-mi les jioèles; son zèle infaligable est sans pareil », dit le F.*. MacClenachan *.
Telle est la doctrine de la Ma(;oiHierie sur l'àme humaine : doctrine découpée, divisée entre un grand nombre de degrés.
1. Masonic ïiiluulisl, p. 23.
2. Morals ami Dot/ma, p. 373.
3. Jbiil., p. 141.
I. Encijclopxdia of Freemasonry, p. 'J93.
ET L AME HLMAlNE 157
manifestée, peu à peu, comme uue Sai>es:>e meiveilleuse à l'uiitié. alors qu'il peut la trouver avec moins de peine et avec une clarté et un ordre supérieurs dans la Jeirish Encyclopaedia ' (l'EncvcIo- pédie juive , sous la rubrique « Cabala ».
« La psychologie de la Cabala, dit Fauteur de l'article, est étroi- tement unie avec ses doctrines métaphysiques. Dans la Cabala, ainsi que dans le Talmud, l'homme est représenté comme la somme et le produit le plus noble de la création. Les organes mêmes de son corps sont disposés selon les mystères d'une Sagesse très haute, mais l'homme proprement dit, c'est l'âme : le corps n'est que le vêlement, l'enveloppe a travers laquelle apparaît l'homme vérita- ble, l'homme intérieur. L'àme est triple, car elle est composée de Nefesh, Ruah et Neshamah : Nefesh côrrespoud au monde Asiyya- tique ; Ruah au monde Yesiralique ; Xeshamah. au monde Béria- tique. Xefesh, c'est le prmcipe animal, sensitif dans l'homme, et comme tel, il est en contact direct avec le corps. Ruah représente la nature morale ; il est le siège de bien ou du mal. des désirs bons ou mauvais, suivant qu'il se tourne vers Xeshamah ou vers Nefesh. Neshamah est pure intelligence, pur esprit, incapable de bien ou de mal ; c'est la pure lumière divine, le plus haut degré delà vie de l'àme. La Genèse de ces trois puissances de l'âme est ditïérente, cela va de soi. Xeshamah procède directement de la Sagesse di- vine ; Ruah, de la Sefirah (^Emanation dite « Beauté ». et Xefesh, de la Sefirah Malkut, « Domination ». En dehors de celte trinité de l'àme, il y a, en outre, le principe individuel, c'est-à-dire l'idée du corps, avec les traits qui forment l'individualité de toute personne ; il y a l'esprit de vie, dont le siège est le cœur. Mais comme ces deux derniers éléments ne font point partie de la nature spirituelle de l'homme, ils ne sont pas compris dans les divisions de l'âme.
« Les Cabalistes expliquent comme il suit l'union de l'àme et du corps : Toutes les âmes existent dans le monde suprasensible avant la formation du corps, et c'est au cours du temps qu'elles sont unies à leur corps respectif. La descente de l'âme dans le corps est rendue nécessaire par la nature finie de la première ; ede est obli- gée de*s'unir au corps afin de prendre sa place dans l'Univers, de contempler le spectacle de la création, d'acquérir la connaissance d'elle-même et de son origine,el,finalement,après avoir achevé dans le monde la tâche qui lui était assignée, de remontera la source in- tarissable de lumière et de vie qui est en Dieu ».
« Lorsque Neshamah remonte vers Dieu, Ruah entre dans lEden pour y jouir ties plaisirs du paradis, et Nefesh repose en paix sur
1. Funk et Wagnalls C ., vul.III.Jp. 470.
158 L\ FRANC-MAÇON \I:RIE AMÉRICAINE
li'rre. Toutefois,, cette assertion ne s'applique qu'au juste. A la mort de l'impie. Neshamah, souillk^ de péchés, rencontre des obs- tacles qui lui rendent didicile le retour à sa source; et tant que ce retour n'a pas eu lieu, Ruah ne peut entrer dansI'Eden. et Nefesh ne trouve aucun repos sur la terre. A cette doctrine se rattache étroitement celle de la transinitrration de l'àme. sur laquelle la Ca- bala insiste longuement. Pour que l'Ame puisse remonter à sa source, elle doit avoir atteint d'abord l'entier développement de toutes ses perfections dans la vie terrestre. Si elle n'a pas rempli cette condition dans le cours d'une existence, tout est à refaire pour elle dans un autre corps, et ainsi de suite, jusqu'à ce que sa tâche soit accomplie. La Cabale Lurianicjue ajoute à la métem[)sycose proprement dite la théorie de l'imprégnation des âmes; c'est-à-dire (pie si deux âmes ne se sentent pas à la hauteur de leurs lâches. Dieu les unit dans un seul corps alin qu'elles puissent se soutenir et se compléter mutuellement. comme par exemple le font l'aveugle et le paralytique de la fable'. Si l'une des deux âmes a besoin d'aide, l'autre devient, pour ainsi dire, sa mère. la prend sur son sein et la nourrit ».
Nous avons cité ce passage en entier pour donner à nos lecteurs une vue d'ensemble bien nette de la doctrine kabbalistique au sujet de l'âme humaine, sans aflirmer que la Maçonnerie accepte cette théorie dans tous ses détails. Nous avons montré, parles ouvrages d'Albert Pike, qu'elle en accepte les points essentiels. Le temps nous manquant pour donner nos [)reuves, nous bornerons là nos assertions.
L'âme de riioninie. telle que nous la montre la lumière maçonni- que,est dès lors une émanation de Dieu, une étincelle de la llamme divine; elle est donc divine elle-même. C'est une étincelle qui pénètre dans le cerveau de l'homme qui constitue l'Ame hu- maine. Cette Ame est au-dessus de la raison, distincte de la raison qui fait partie de l'homme animal. En conséquence, la raison n'est pas le véiilable guide de l'homme, tant en ce cjui regarde la vérité, (ju'en ce (jui se rapporte à la morale : en elTet l'homme est homme en vertu de son princi|)e divin, et non en vertu de la raison.. Mais cette partie divine de l'homme, quand elle pénètre dans le cerveau, et s'unit aux trois autres parties du principe qui lai! la vie de l'homme, ou pour parler plus exactement, aux trois autres princi- pes inférieurs de la vie savoir : l'àuie inférieure. |).ir hupidle
1. Coiii|»art'z la r.Tl)li' dans Sanh.. 'M a, !•.
2. Cf. Die h'alihttlfih Einfiihriing in die jiidische ^f!l■'itil< iind dcheimwissens- rhaft. (La Kal)i>.il<\ inlnMluclion à la mysliqm^ et .-"i ioccullisnic juifs) par le Dr. Erich Bis.tn.iï. I.rip/.ii.'. l'.H»3. pp. 63-r)W.
ET L AME HUMAINE 159
l'homme voit et seul, lame moyenne ou principe dalTectionet l'àme supérieure ou intelligence, contracte une souilluio par- l'union avec la matière. Le péché devient, en quelque sorte, '< une partie de sa substance ». Il faut qu'elle s'atïranchisse de cette souillure alin de pouvoir remonter à sa source. Et c'est là que se montre l'avantage inappréciable de la Franc-xMaçonnerie. Il y a deux routes pour re- monter à la source divine. L'une est courte et fleui-ie, c'est celle que prend l'illuniiné, l'élu, grâce à \'iniliationA\ui est une purifica- tion de l'homme intérieur et divin : initiation qui fait disparaître toutes les taches du passé ; par elle, les « Enfants de Lumière », de cette lumière de laKabbala qui mène directement à la Lumière pri- mitive et éternelle, commencent leur existence immortelle, avec la certitude qu'à leur mort. l'Etincelle divine lemontera immédiate- ment à sa source, et que les principes inférieurs de la vie jouiront du repos sur terre. L'autre route est une longue et difficile voie de purification dans une autre vie; voie dans laquelle l'âme impie qui n'a point connu Jéhovah en tant que Il-EUe, qui a mené une vie opposée à la nature en déclarant la guerre à ses instincts ici- bas, qui a dès lors eu le dessous dans son existence mortelle, et cela sans qu'il y eût faute de sa part : cette âme doit satisfaire à la Justice de la divinité maçonnique : celle-ci ne permettra pas le retour définitif dans son sein avant que la divine étincelle ait été, petit à petit, purifiée et rendue à sa nature première. Ainsi, en défi- nitive, les harmonies éternelles sont rétaldies, et le péché finit par être anéanti entièrement; l'enfer n'est qu'un épouvantail inventé pour terrifier les âmes craintives. Alors fieiirira sur nos tombes, /Acacia, symbole d'initiation, d'innocence cl d'immortalité : ainsi sont résolus maçonniquement les uîyslères de la vie humaine, de l'âme humaine, de l'Ici-bas et de l'Au-delà ; tout cela d'après des de Mystères dont l'origine même est inconnue I
« Où les Mystères ont-ils pris naissance? On l'ignore, dit le F.-. Pike '. On suppose qu'ils vinrent de l'Inde, en passant par la Chaldée, en Egypte, d'où ils lurent transportés en Grèce. Quel que soit le lieu de leur origine, ils furent pr:iliqués chez toutes les nations de l'antiquité, et, comme cétait l'onlinaire, les habitants de la Thrace, les Cretois, les Athéniens se disputèrent l'honneur de les avoir inventés, et chacun de ces peuples prétendit n'avoir rien emprunté à l'autre ». Voilà donc sur quoi se fonde l'assurance maçonnique avec laquelle vous dites avoir donné la véritable solution du problème de l'âme humaine 1 El après tout, que savez- vous réellement de ces anciens Mystères ? Car bien que, dans les
1. Morals and Dogma, pp. 3r>3-35^.
160 LA Kil ANC-MAÇONNERIE AMEKICAINE
grades supérieurs, la Kabbale soit la Bible, la Maçonnerie, ainsi (jue nous l'avons vu. va plus loin que la Kabbale et nous renvoie aux Mystères.
Que savez-vous exactement des Mystères? Vous n'avez que [leu de certitude et beaucoup de simple théorie.
« Tout dabord, je soutiens, dit le Docteur Mackey. qu'à l'origine lies temps, il existait des vérités certaines de haute importance pour le bien-être et le bonheur de l'humanité. Ces vérités avaient été communiquées — peu importe comment, mais très probablement par inspiration directe — à l'homme par Dieu ».
« Ces vérités consistaient principalement dans les propo.'^ilions abstraites de l'unité de Dieu et de l'immortalité île l'ûme ' ».
X Peu importe comment », dites-vous, Docteur; mais il imf^orte beaucoup au contraire. Vous exigez de nous l'abandon du prés^''nt et de l'avenir pour nous communiquer l'illuminai ion maçonniqut ; il nous importe au dernier point de savoir comment la Maçonnerie a obtenu cette lumière. Quoique vous prétendiez que vos buts soient identiques à ceux des mystères païens, vous ne prétendez pas des- cendre de ces mystères. Vous savez qu'ils étaient, comme les vôtres, communiqués sous serment aux initiés,et qu'une indiscrétion aurait coulé à ces derniers plus cher que leur vie. C'est pourquoi Noël -, que nous citons d'après vous, nous dit : « Les Mystères étaient des cérémonies secrètes que l'on pratiquait en l'honneur de ceitains dieux, el dont le secret était connu des initiés seuls. Ceux-ci n'étaient admis ipiaprès de longues et pénibles épreuves dont la révélation leur aurait covlté plus cher que la vie ». Rappelez-vous, Docteur, que vous n'avez pas, comme nous, le bonheur de posséder des livres écrits pour l'instruction des initiés, tels cpie le sont vos pro|)rt>s ouvrages, ceux du F.-. Pike, et ceux de tant d'autres auteurs mai-(>nni(jues. Et vous en convenez dans les termes les plus clairs.
.( QiKiul à l'ère préhistorique, dites-vous, celle tpii la rattache (la Maçonnerie) aux mystères du monde païen et aux vieux prêtres d'Eleusis, de Samolhrace ou de Syrie, — disons loyalement que nous n- traitons plus ici de la Franc-Maçonnerie, telle qu'elle est organisée actuellement, nous savons fort bien qu'elle n'existait pas en ce leuqis-là). Non, nous parlons d'une Science particulière, elative uniquement aux Mystères et à la Franc-Maçonnerie, «l'inie science que nous pouvons appeler .symbolisme maçonnique, qui constituait la véritable sève vitale des institutions anciennes et
1. Si/niholism of Freemasonrij, p. 12. '2. Dictionnaire de la Fable.
ET l'ame humaine 161
modernes et leur donna une identité d'esprit, alors même qu'elles offraient des formes dissemblables ^ ».
Maintenant, cher lecteur, faites attention aux aveux suivants :
« Aussi, quand nous montrons les rapports de la Franc-Alaçonne- rie avec ces époques préhistoriques, et que nous en retrouvons le germe, bien que nous n ayons point de documents pour guides, bien que nous n ayons point l'appui de récits authentiques oraux ou écrits, nous trouverons des pensées fossiles conservées intactes dans ces antiques intelligences, tout comme les pensées vivantes qui surgissent dans la Maçonnerie moderne, pensées qui, pareilles aux coquilles et aux poissons fossiles des anciennes formations du globe terrestre, démontrent, par leur ressemblance avec les spéci- mens vivants, la transition graduelle qui rattache le passé au présent ».
Est-ce sur de telles incertitudes que vous nous invitez à mettre enjeu notre âme et notre avenir éternel? Des Mystères d'origine incertaine, par conséquent des mystères dont l'autorité est lout au moins incertaine ? Des mystères connus uniquement grâce à des pensées fossiles conservées dans d'antiques intelligences ? On ne nous dit pas quelle cause explique cette conservation). L'orgueil peut être flatté par l'illusion d'être un élu ; le passion peut être flattée par la négation railleuse de l'idée d'enfer; la raison peut être humiliée en s'entendant refuser son droit d'être le guide de l'homme ; mais la nature humaine persistera envers et contre tout à alïïrmer hautement que l'homme qui cherche sincèrement la 'Vé- rité Divine sur l'âme humaine exige quelque chose d'un peu plus substantiel que la doctrine de la Maçoi,inerie ; que, s'il apprécie la valeur de son âme, il ne l'abandonnera pas sans réflexion à de telles incertitudes et à de semblables absurdités.
1. Encyclopœdia, p. '297.
CHAP IT BE XI La Fh \M;-M.\roNM;Kii: a.mei!1cai>e et la Bible
Si (iiu'liiuuu de nos lecteurs a eu l'occasion de parcourir un rituel maçonnique, il n'a pu niancpier d'être impressionné par les multiples références que l'on y fait à la Bilde et [)arle respect pro- foml (luelOii n^mifeste à ce livre saint. Elle semble, à vrai dire, faire partie de la Maçonnerie. Voici ce que dit le Dr. Mackey ' : « Une Loge est une assemblée de Maçons dûment réunis, ayant pour Jes autoriser à travailler la Sainte Bible, lEquerre et le llompas, et une Charte ou (iai-antiede Constitution ».
Ce n'est pas tout; tournons la page et nous trouverons l'informa- tion suivante : « Toute assemblée légale de Maçons, dûment réunie pour travailler, composera une Loge légitimement et légalement constituée. Elle est légitimement constituée, c'esl-à-dire réguliè- rement et avec ordre, lorsqu'elle contient le nombre de membres voulus pour former un quorum, et quand la Bible, lEquerre et le Compas y sont présents ».
On nous dit, à la page "2."^ du Nilualist. \)Ouv*\\io\ la Bible se trouve dans la Loge : « La Sainte Bible nous est donnée comme règle et guide de notre foi ; l'Équerre pour régler nos actions, et le compas pour circonscrire nos désirs et nos passions dans des limites conve- nables afin (piilsne puissent porter préjudice à aucun de nos sem- blables et surtout 9 auciui. ]"rère Maçon ; et l'on peut d(''duire de cela que la Bil)le est la lumière cpii éclaire la route de notre devoir envers Dieu ; l'Eipierre est celle <pii éclaire la voie de notre devoir envers nos semblables, et le (^.ompas, la lumière (pii éclaire la voie de notre devoir envers nous-mêmes ».
A la |)age r>'4, on nous met encore la Bible sous les yeu.\ : « L'a- meublement d'une Loge, nous <lil-on, consiste dans la Sainte Bi- ble, l'Equerre et le Compas. La Sainte Bible est dédiée à Dieu, l'Equerre au Maître, et le Compas à la Fraternité. La Bible est dé- diée à Dieu, parce qu'elle est le don inestimable de Dieu à riiomme ***^; l'E<pien-eau Maître, jiarce <|u'clle est l'insigne ma-
1. Masonir fiilualisl, p. 17.
'J. Les asltMisques soiil de M.icKcn .
LA FRANC-MAÇONNERIE AMERICAINE ET LA BIBLE 163
çonnique approprié à la fonclion ; et le Compas, à la Fraternité, parce que ses membres apprennent, en faisant attention à son usagé, à circonscrire leurs désirs et à maintenir leurs passions dans de sages limites ".
Passant à la page 60, nous trouvons en noie une citation du Dr. Oliver affirmant (pTun des points de ressemblance çntre l'ancien Tabernacle et les Loges maçonniques est que, « dans le premier, le volume sacré conlenanl la volonté et la loi de Dieu révélées était déposé dans lArche dAlliance », et que le même dépôt sacré est placé bien ru vu-' ilans nos Loges ».
De plus, la Maçounerie ne se contente pas de mettre la Bible ouverte sur .-on autel, dans le secret de ses assemblées ; elle tient à manifester publiquement son respect en portant ostensiblement la Bible dans ses processions solennelles. Voyez aux pages 143 et 144 du Masonic Rilualisl, et vous trouverez l'ordre que doit observer la procession dans la consécration et la dédicace d'une nouvelle Loge. « Après les membres de la nouvelle Loge, et précédant immé- diatement les «Maîtres Vénérables». les Saintes Ecritures sont por- tées par le plus âgé des membres ou par quelque membre impor- tant qui n'est pas en fonctions ». De plus, au bas de la page 144, nous lisons qu'une place est réservée à la Bible pendant la « cé- rémonie de la consécration ». « Lue estrade est élevée en face de la tribune ; on y met des sièges pour les Grands oificiers. La Sainte Bible, l'Equerre. le Compas et le Livre des Constitutions sont placés sur une table, en face du Grand .Maître ; la Loge est alors au centre de l'estrade, recouverte de salin blanc et de Ù)i\e. et entou- rée des trois cierges et des vases contenant le blé. le vin et l'huile ».
On nous parle encore de la Bible au sujet du discours fait au « Maître Vénérable » pour son entrée en fonctions : « En observant assidûment les règlements de votre Loge, les constitutions de la Maçonnerie et surtout les Saintes Ecritures, qui vous sont données comme règle et guide de votre foi, vous vous rendrez capable de vous acquitter de vos fonctions avec honneur et gloire, et vous pré- parerez une couronne de félicité qui subsistera éternellement' >■.
Pour le discouis au Grand Chapelain -, on met la Bible bien en vue : « La profession que vous avez choisie pour être votre lot dans la vie est la meilleure garantie que vous remplirez les devoirs de votre nouvelle charge avec fermeté et persévérance dans le bien.
1. Rilualisl, p. 159.
2. Ibid., p. 190.
164 LA FRANC-MAÇONNKRIE AMKHICAlMi)
Nous confions à votre garde la Sainte Bible, cette grande lumière de la .Ma(^onnerié ».
Nous trouvons I». "^O?;, parmi les détails sur l'ordre des proces- sions publiques [JOur les endroits où elles ont lien à laSaiul-Jeau : « La Bible, rEt|ueri"e et le (Compas seront |)ortés sur un coussin de velours crauioisi par un Maître Maeon âgé, accompagné de deux dia- cres tenant leur bàlon », et à la page '204, la même prescription est renouvelée pour la procession solennelle qui doit avoir lieu quand la pose de la première pieri'e d'un édifice public est faite par des Maçjons.
La Bible occupe la même place dans ia piucissiuu pour la dédi- cace des salles marouni(|ues i voir p. 217) ; quand on est arrivé à la salle et que remplacement de la Loge a été fixé, « on dresseauprès d'elle un piédestal sur lequel on met la Bible ouverte, avec l'équerre elle compas posés sur ses l'euillets ; sur un autre piédestal, on jîlace le Livre des Constitutions ».
La Bible suit le Maître Ma(;on jusqu'au tombeau, car seul il a droit à des funérailles maçonniques : « Nul Franc-Maçon ne peut être enterré avec le cérémonial de l'Ordre... à moins qu'il n'aille grade de Maître ; celle règle n'admet aucune exception ' ». Dans cette circonstance solennelle, « la Bible, l'Equerre et le Compas sont placés sur un coussin de velours bleu, recouvert d'un ilrap noir et porté par le membre le plus âgé de la Loge - ».
Les règles à suivie concernant la place que doit occuper la Bible, loi's<jue les proi-essions maçonni(iues pénètrent dans les édifices [iublics, se trouvent à la page 240 du Rilualisl. « En entrant dans les édifices publics, la Bible, l'Equerre, le Compas et le Livre des Constitutions doivent être placés en face du Grand Maître, auprès de (pii doivent se tenir le Graïul Maréchal et les Grands Diacres ».
Les insignes d'un « Past Master » sont figurés à la page 307. Le premier est un livre ouvert ; on lit sur la page de gauche le mot « Ezékiel », et sur celle de droite « Chap. XX ». Nous croyons naturellemenl que ce livre est la Bible. Voici l'explication qui suit : << Le Livre de la Loi, cette grande lumière en Maçonnerie vous guidera vei's toute vérité ; il dirigera vos pas vers le temple du bonheur et vous indicpiera tous les devoirs de l'homme. L'E- querre nous enseignera à régler nos actions avec la règle et le cor- deau et à haiinoniser notre conduite d'après les principes de la mo- rale et de la vertu. Le Compas nous a|)pi"cnd à limiter nos désirs dans Ifjute situation, afin (pie, nous élevant aux lionneui's par notre inéiilc, nous puissions vivre respectés et iimurir regi«'ll<-s >■.
1. Rilualisl. p. 230.
•>. ihiti.. p. -m.
ET LA BIBLE • 165
Ecoulez maintenant ce passage qui semble être un aveu explicite de la croyance en l'inspiration divine des Ecrituj'es. Nous lisons à la page 361 : « Ce fut au Buisson ardent que Moïse reçut la mis- sion divine qu'il accomplit en composant le Penlaleuque. Et, comme c'est de ces écrits de Moïse que nous tenons tous les enseignements significatil's qui distinguent un Maçon Royal Arch du reste île la Fraternilé. il est {iarticulièrenient à propos de faire précéder les instructions qui doivent être données dans la suite [)ar la lecture du passage qui détaille les circonstances dans les- quelles le législateur Israélite reçut la puissance et l'autorité néces- saires pour faire ces miracles dont il est parlé dans d'autres parties du degré ».
Le nombre et l'étendue de nos citations montrera clairement, à notre avis, que nous n'avons aucun désir de diminuer l'importance donnée à la Bible par la Franc-Maçonnerie américaine, ou de passer sous silence le fréquent emploi qu'elle fait du Livre Saint.
L'équerre et le compas placés sur elle ou, selon la locution ma- çonnique, la « couvrant », la Bible est posée ouverte sur' l'autel (Riiualist, p. li) ; elle est indispensable dans toute réunion de Maçons (p. 17) ; la Loge n'est pas Jusle, c'est-à-dire « régulière et dans l'ordre » sans elle (p. 48) ; elle est portée solennellement dans toute procession maçonnique, et en général par un Maçon vénérable par son age (pp. "202, 217, etc.) ; elle accompagne le Maître Maçon à sa dernière demeure (p. 231) ; lorsque des fonctions maçonniques s'accomplissent dans des édifices publics, on la place sur un piédes- tal vis-à-vis du Grand Maître (p. 240,; ; elle n'est pas lettre morte pour la Fraternité, car elle « nous est donnée comme règle et comme guide de notre foi », et « elle éclaire la voie de nos devoirs envers jDieu » (p. 34); elle est « dédiée à Dieu, parce qu'elle est l'inestimable don de Dieu à l'homme » (p. 54) ; elle est « le volume sacré qui contient la vérité révélée de Dieu >> (p. 60) ; elle est la règle et le guide de la foi du Maître Vénérable élu ; c'est elle qui lui [)ermettra de« se pré- parer une couronne de félicité qui durera éternellement » (p. l59) ; elle est mise entre les mains du Grand Chapelain comme « la grande lumière de la Maçonnerie » (p. 190 ; elle guidera le Maçon vers toute vérité ; elle « conduira ses pas vers le temple du bonheur et lui indiquera tout le devoir de l'homme » (p. 307); Moïse reçut au buisson ardent la mission divine qui fut accomplie par la rédaction du Pentateucpie (p. 361) ; et de plus, les textes bibliques sont abon- damment distribués dans tout le Ritualist, un passage approprié devant être lu pour chaque degré.
Personne n'accusera d'infidélité ce tableau des prétentions qu'a la Franc-Maçonnerie de respecter et de vénérer la Bible. Il semble
166 LA FR \N(;-MAÇ>>.NKHn: améhu:ai>e
iii(lisciital»le h pieinit'i-e vue, lanlles fails soiiL publics et nombreux, si nombieuses aussi sonl les expressions apparemment orthodoxes. Sans doute, il y a bien (jà et là des passages qui sonnent de façon étrange à l'oreille chrétienne, le! celui-ci: « La Sainte Bible nous est donnée comme règle el comme guide de notre foi : l'équerre pour régler nos actions »... « La Bible est ia lumière qui éclaire la voie de noire devoir envers Dieu ; TEquerre est celle qui éclaire la voie de notre devoir vis-à-vis de nos semblables » p. 34 .Ces expressions paraissent étranges à l'oreille chrétienne, car elles semblent limiter la sphère d'iniluence de la Bible. Pour le Chrétien, la Bible est non seulement la règle de sa foi, mais celle de ses actes : oulre qu'elle éclaire la voie de notre devoir envers Dieu, elle éclaire celle de notre devoir envers notre prochain et envers nous-mêmes. C'est une lumière universelle et non partielle. Une autre lh<'orie qui pa- rait tout aussi étrange est celle qui soulienl que la Bilile devrait être proposée comme règle de foi maçonnique, alors - (|ue la croyance en
Dieu constitue tout le credo {.\u Maçon — du moins le seul
credo qu'il soit obligé de piol'esser » p. 4i . Mais les doutes sou- levés font bientôt place à un paisil)le l'epos, grâce à des phra- ses à dessein construites pour produire cet etïet, et si nous n'avions pas d'autres arguments en réserve, les gens que berce la douceur du langage maçonnique croiraient encore que la Maçonnerie est, pour la majeure partie, incomprise.
Nous avons lieuieusemeat autre chose a mettre sous les yeux de nos 'ectcuis.
Pour celui qui ne connaît pas les procédés de la Maçonnerie, la simple présence de la Bible dans la Loge ou dans une procession sullil a démontrer le profond respect qua pour elle la Fraternité ; il oublie ce fait significatif que la Bible ne se voit jamais seule. Il ne se rend pas compte que ce n'est pas la Bible en elle-même, mais la Bible courerie par léquerre et le compas <pii fait l'objet du res- pect maçonniiiuo. Qu'il veuille bien croire à la fidélité de notre assertion tirée du Dr. Mackey, Enci/clopœdia of Freemasonry, (p. Gî)8).
« L'n ancien usage de la Fraternité veut (pie le Livre de la Loi soit toujours ouvert dans la Loge. Il y a en ceci, comme en toute chose; nuiçonnitjue, un syml»olisme approprié. Le Livre de la Loi est la (irande Lumière de la Maçonnerie. Le fermer serait intercepter les rayons île lumière divine qui émanent de lui ; s'il est ouvert, c'est afin dindi(pier que la Loge n'est point dans les ténèbres, mais sous l'iidluence d'une puissance illuminative... Mais le Livre de la Loi n'est pas ouvert au hasard. Il y a, pour chaqui" grade, des passages ap[)ropriés qui font allusion au but du
ET LA BIBLE 167
grade ou à cjuelque parl.ie de son riluel, ce qui fail que le ivre doit être ouvert à ces passages ». Puis, après avoir énuméré les eiidroils en question, il continue : « Pour conclure, il sera bon d'observer que. pour donner à ces passages toute leur importance maçonni- que, il est essentiel qu'ils soient couverts de léquerre et du compas. La Bible, Téquerre et le compas sont des symboles significatifs de la Maçonnerie. On prétend qu'ils se rapportent à ce qui distinguait nos anciens Grands Maîtres. La Bible est l'emblème de la sagesse du roi Salomon; l'équerre celui de la puissance d'Hiram, et le com- pas celui de l'habileté du Constructeur en chef. OueUjues auteurs maçonniques ont davantage encore spiritualise ces symboles en supposant qu'ils représentaient la sagesse, la vérité et la justice du Grand Architecte de l'Univers. En tout cas, ils constituent des par- ties instructives et essentielles du vrai riluel maçonnique, cju'il faut étudier ensemble pour bien les comprendre ^ > .
Voulez-vous encore plus de clarté? 11 est essentiel que la Bible soit couverte de l'équerre et du compas pour que les susdits pas- sades aient toute leur valeur maçonnique. Ce sont des parties inté- grantes du vrai Rituel maçonnique qui, pour être comprises, doivent être étudiées ensemble. Ce n'est donc pas, comme nous l'avons dit, la Bible en elle-même qui est l'objet du respect maçonnique, car l'équerre et le compas ne sont pas nécessaires à la Bible en tant que révélation chrétienne; il n'est pas un seul chrétien qui la couvre de l'équerre et du compas.
Mais, peut être, notre auteur consentira-t-il à nous communiquer lasignificationderéquerreet du compas dont il est si souvent ques- tion dans les symboles maçonniques? Ce sera le seul moyen de nous faire saisir le sens de la Bible lue à la lumière de l'équerre et du compas? 11 nous en instruira avec plaisir, pourvu que nous ayons la patience d'aller au mot « Talisman » (pp. 788-789 de VEncyclo- pœdia).
« De cette transformation des talismans gnostiques en sym- boles maçonniques, due à une transmission graduelle qui nous en fut faite par l'alchimie, le Rosicrucianisme et l'architecture du moyen âge, il n'y a point à chercher un meilleur exemple que celui que nous offre cette planche qui se trouve dans VAzoth P/ii- losophorum de Basile Valentin, le philosophe hermétique qui flo- rissait au dix-septième siècle ».
« Cette planche, dont le dessin est hermétique, reprend Mackey, mais qui est pleine de symbolisme maçonnique, représente un globe ailé inscrit, avec un triangle, dans un carré. Un dragon, sur
1. Encijclopœdia of Freemasonry, p. 690.
16S L\ FRaN'C-MAÇONNKRIE AMERICA 1.M-:
lequel une forme humaine ayant deux mains et deux tètes se tient debout, repose sur ce globe. La forme humaine est entourée du soleil, de la lune et de ciiK] étoiles, le tout représentant les sept planètes. Lune des têtes est celle d'un homme; l'autre est une tôle defemmo.La main (jiii fait partie du côté masculindela statue tient un compas : celle qui est du côlé féminin lient une équerre. L'équerre et le compas ainsi distribués me semblent indiquer qu'à l'origine un sens phallique était attaché à ces symboles, comme il y en avait un au point dans le cercle ; le point est visible sur la planche, au centre du globe. Le compas tenu par le mâle représen- terait le principe générateur, et l'équerre que tient la femelle serait le principe producteur. Cette interprétation donnée à l'équerre et au compas combinés indiquait le passage du talisman hermétique au symbole maçonnique ».
Le F.". Pike va continuer l'explication dans ses instructions aux Frères du 33® degré ' en reprenant précisément au point où s'arrête le Dr. Mackey.
w Vous voyez au début de ce chapitre, dit-il, « un vieux symbole hermétique, copié dans la Materia Prima de Valenlinus, imprimée à Francfort en 1613 avec un traité intitulé Azoth. Ce symbole se compose d'un Triangle sur un Carré, tous deux contenus dans un cercle sur lequel repose un dragon ; un corps humain est debout sur le dragon : il n'a que deux bras, mais il a deux têtes, lune d'homme, l'autre de femme. Du côté de la tète d'homme, on voit le soleil, du côté de la tète de femme, la lune, le croissant dans le cercle de la pleine lune. Et la main qui est du côté du mule tient un Compas, celle qui est du côté de la femelle, tient une Kquerre »...
« La Terre, la grande Productrice, a donc toujours été représen- tée comme une femelle, comme la Mère — notre Crande, Libérale et Bienfaisante Mère, la Terre »...
« Le Soleil et les Cieux, en tant qu'agents procréateurs et géné- rateurs ont toujours été considéi-és comme des mâles ; ce sont les générateurs (pii font fructifier la Terre et la font produire ».
'< La statue hermaphrodite est le symbole de la double nature at- tribuée par les anciens à la Divinité en tant que Cénératrice et Pro- ductrice, tels Hrahma et Maya chez les Aryens, Osiris et Isis chez les Egyptiens. De même, le Soleil était mâle et la Lune femelle, Lsis était à la fois la S(cur et l'épouse d'Osiris. Le Compas est donc le .symbole hermétique de la Divinité créatrice, et 1 Equerre, celui do la Terre productrice ou de l'Univers ».
El Piko ajoute : « Des cieux vionl la partie s|)iriluellc et immor-
I. Mdi-iiIs and l)ognw. |i|i. s'tU. SM.
ET LA BIBLE 169
telle de l'homme ; de la Terre, sa partie matérielle et mortelle. La Genèse hébraïque dit que Jehovah forma l'homme tlu limon de la terre, et qu'il lui souilla la vie dans les narines. Les âmes, émanant de la Divinité, traversaient les sept sphères planétaires, représentées par l'Echelle mystique des initiations mithriaques, que figurait à son tour l'Echelle de Jacob (avec sept échelons et non pas trois) ; elles descendaient pour èlre unies à leurs corps humains, el il leur faudra repasser par ces sept sphères pour remonter à leur lieu d'origine, leur véritable demeure, dans le sein de la Divinité.
Le Compas, en tant que symbole des Cieux, repiésente donc la partie spirituelle, intellectuelle et morale de cette doul)le nature de l'Humanité ; et l'Equerre, symbolisant la Terre, sa pai'lie maté- rielle, sensuelle et inférieure.
Lisez donc, cher lecteur, votre Bible à la lumièi'e de lEtjuerre et du Compas, qui ne font qu'un av3c le point dans le cercle, el vous lirez ainsi la Bible maçonnique, mais non la Bible chrétienne. Le li- vre matériel peut être le même, mais qu'est le livre matériel inter- prété à l'aide de pareils symboles ! Les chrétiens appelleront-ils cela du respect et de la vénération? Nous avons vu comment l'ins- cription de la croix du Christ avait été dénaturée par ceux que le F.-. Pike nomme les Anciens Sages; nous avons vu la Croix elle- même travestie en un symbole sensuel ; traiter ainsi ces sujets, c'est les profaner ; donc pour que l'argument soit valide, il doit éta- blir non seulement l'emploi, mais l'emploi chrétien des choses en question.
Après avoir compris que l'objet de la vénération maçonnique est la Bible maçonnique et non la Bible chrétienne, nous pourrions ne pas nous attarder sur sa présence dans les processions maçonni- ques solennelles, si la place qu'elle occupe dans ces processions et le caractère de celui quilaporteue projet.-iient une nouvelle lumière sur notre sujet.
Tout d'abord, sa place : La Bible n'occupe pas la place d'hon- neur ; celle-ci est réservée au « Livre des Constitutions » de la Ma- çonnerie. La Bible jiasse invariablement avant ce dernier dans la procession, el, lorsqu'elle se trouve dans la procession de la (Irande Loge, c'est presque en tête du défilé ; le Livre des Constitu- tions est au contraire à la fin de la procession ; il précède immédiatement le Grand Maître. Mackey nous dit bien clairement que cette dernière place est la place d'honneur : « La place d'hon- neur dans une procession maçonnique est toujours à l'arrière' ». Ne vous laissez pas surprendre davantage par laspecl vénérable
\. BUualisl. p. 240.
12
l70 LA Fr<ANC-MAÇONiNERIE AMÉRICAINE
de celui qui porte la Bible, car il nesl pas le type de la perfection en Maçonnerie. L'idole de la Fraternité est Ihomme fort et vigou- reux, en pleine jeunesse, en qui les facultés reproductrices de la race s'affirment prospères ; la vieillesse, chez qui les passions sen- suelles sont virtuollonient moi'les ou sur leur déclin, n'est pas le symbole de la dignité humaine en .Maçonnerie, mais «elui de la dé- crépitude. Aussi la Maçonnerie fait-elle un tout autre choix pour le porteur du Livre des Constitutions; au lieu de prendre « le membre le plus âgé de la Loge » p. 200 ; « un vieux Maçon » ^p. '217 ; « un vieux Maître Maçon » p. 217 , etc.. comme pour la Bible ; c'est le « Maîlre de la Loge la plus ancienne » (p. 202. 204, 216i qui le porte. Voilà qui fait une difference capitale, car ne peut être élu « Maître » d'une loge qu'un homme en pleine force de l'âge et capable d'accomplir le travail maçonnique.
Le « Maître » de la Loge la plus ancienne est le personnage le plus marquant en .Maçonnerie, de même que la place d'honneur dans la processionist à la fin. Nous voyons donc que, même cou- verte de l'équerre et du compas, la Bible est, à ces deux points de vue, en bien mauvais rang.
Mais que diront les amis de la Maçonnerie lorsqu'ils apprendront qu'elle ne tient pas la Bible comme plus sacrée que le Koran, les Védas, le Zend-Avesta ou tout autre livre sacré de quelque religion que ce soit? Que deviennent toutes ces belles phrases : la Bible, « cet inestimable don de Dieu à l'homme », « la règle et le guide de notre foi éclairant la voie de notre devoir envers Dieu, « le par- chemin sacré contenant la volonté révélée de Dieu > ; la Bible qui nous donnera le moyen « de nous préparer une couronne de félicité qui durera éternellement ». etc.. etc.. etc. ? Je demande encore une fois ce que deviennent toutes ces protestations?
Ll cependant telle est bien la théorie maçonnique ; la Bible, le Koran, les Védas, les Zend-.\vesla sont dégale valeui" à ses yeux ; ils sont tous des « Livres de la Loi » et pai- conséquent, elle a pour eux un respect égal. Le Dr. Mackey nous le dit en termes explicites dans son Encyclopœdia nf Freemasonr-i/ p. 124). lorsqu'il traite du *< Livre de la Loi ».
« N'oici. dit-il, la Sainte Bible qui, dans toute Loge, est toujours ouverte pour signifier que sa lumière devrait être répandue parmi les Frères... le Livre de la Loi est maçonnicpiement ce livre sacré dans lequel le .Maçon, à quelcpie religion qu'il appartienne, croit trouver la vérité révélée de iJieu. (pioic^ue. techniquement parlant, les Juifs n'entendent par la Thorah,ou Livre de la Loi, que le Fenta- leuqiie ou les cinq livres de Mo'ise. Four le Maçon chrétien, c'est I Ancien et le .Nouveau Testament qui forment le Livre de la Loi ;
ET LA BIBLE I7l
pour le Juif, c'est l'Ancien Testament ; pour le Musulman, le Ko- ran ; pour les Bralimanistes^les Vedas, et pour les Parsis, le Zend- Avesta ».
Le Masonic Ritualist (p. 59) donne le même enseignement : « Quelle que puisse être la religion professée par un Maçon, cette révélation de la Divinité qui est reconnue par cette religion devient sa planche à tracer. Ainsi la planche à tracer du Maçon juif est l'Ancien Testament ; celle du Chrétien, l'Ancien et le Nouveau ; celle du Mahometan, le Koran ». La « planche à tracer » est un symbole emprunté à la Maçonnerie operative, c'est la planche sur laquelle l'architecte dessine ses plans. « La planche à tracer, nous dit notre auteur, nous rappelle que, de même que l'ouvrier fie maçon pro- prement dit), élève son édifice temporel d'après les règles et les plans tracés par le maître sur sa planche, ainsi notre devoir, que nous appartenionsà la Maçonnerie operative ou spéculative, estd'é- lever notre édifice spirituel suivantles règles et les plans tracés par le Suprême Architecte de l'Univers, dans les grands livres de la nature et de la révélation, qui sont notre planche à tracer spiri- tuelle et morale ». Puis, vient le passage que nous avons cité et qui place le Koran, la Bible, les \'edas, le Zend-Avesta et tous les autres livres dits sacrés au niveau de la plus parfaite égalité, comme étant tous des manifestations de Dieu à l'homme. La Ma- çonnerie dit tour à tour de chacun d'eux ce qu'elle dit de la Bible ; elle professe pour tous le même respect et manifeste à chacun sa vénération, comme elle la manifeste à la Bible. Chacun, selon le cas, est « une règle pour la foi du Maçon », « le don inestimable de Dieu à l'homme » ; chacun « éclairei;a la voie du devoir du Maçon envers Dieu » ; chacun « est le parchemin qui contient la vérité révélée » etc, etc.; tout cela s'applique à tous également. Cette sorte de louange, cette sorte de respect de la Bible sont une dérision.
Imagine/, un critique qui ferait le même éloge de tous les au- teurs, depuis Shakespeare jusqu'au plus obscur journaliste a deux sous la ligne; un panégyriste qui aurait les mêmes louanges pour tous les êtres humains indistinctement, quelle qu'ait été la difle- rence de leur esprit et de leurs œuvres ; un artiste qui, avec un en- thousiasme égal, découvrirait le même mérite artistique dans un chef d'oeuvre de Raphaël et dans la grossière esquisse au fusain faite par un rustre ; et dites-moi quelle valeur vous attacheriez à leurs louanges et à leur vénération ([uand ils viendraient vous dire qu'ils professent une grande admiration ou un profond respect pour votre poète, votre statue, votre personnage historique préférés ! Il est évident qu'aucune révélation n'est vraiment vénérée alors que toutes les révélations sont vénérées comme également divines.
17"J I.A FR.\NC-MA(;0NNEH1E AMERICAINE
'< Mais, dira-l-oiK vonle/.-voiis done soulonir quaucuii Maçon ne vénère la Bible chrélienne? Nous savons par expérience que cela esl faux ». Doucemenl ! nous navons rien dit de semblable. Nous avons alTaire ici, comme dans loul lensemble de cet ouvrage, au svslème maçonnique, aux membres ésotériques de la Secte, les Maçons très instruits. Ce chapitre aura pour conclusion la preuve qu'un Maçon bien informé des principes de son Ordre ne poul vénérer la Bibh^ comme divine en se plaçant à un point de vue chrétien. A cela se réduisent nos afTirmations. Il nous est impossi- ble de pénétrer dans un cerveau maçonnique pour y découvrir l'im- portance de son savoir; et la charité chrétienne nous oblige à croire qu'il sait plutôt moins (pie plus.
D'après ce (pie dit le Dr. MacUey sur le caractère chrétien de la Maçonnerie', et après avoir constaté qu'Oliver, Hutchinson et les anciens rilualisles anglais lui reconnaissaient ce caractère, nous nous imagineions sans peine combien de Protestants sincères, tant Anglais qu'Américains, ont pu être dupes en la cir- constance ; ils ont demandé à la Bible l'interprétation des symboles maçonniques au lieu de la dcinaiider aux mystères païens'"^. De là vient (pie l'Etoile Flamljoyanlc de la Ma(;onnerie était, selon l'inter- prétation de ^^'ebb, «lEtoile (pii ap|)aiul aux Mages orientaux pour les guider jusqu'au lieu où ('tail né le Sauveui-' ». « Mais, ajoute notre auteur, cette dernière interprétation, l'une des plus anciennes du symbole, fut jugée trop seclaire, et ne pouvant convenir à la religion universelle de la Maçonnerie, aussi a-t-elle été omise depuis la réunion des Grands Conférenciers à Baltimore en 1842 ».
En 1820,1a Grande Loge del'Ohio, dit le Dr. Mackey, décide que, « pour les premiers degrés de la Maçonnerie, le résultat des exa- mens sur la religion ne pourrait être un obstacle à l'admission ou à l'avancement des aspirants, pourvu (ju'ils professent une croyance en Dieu et en sa parole sainte » ; et en 1854, la même (irande Loge adopte une résolution déclarant (pie la Maçonnerie, telle que nous l'avons reçue de nos pères, enseigne la divine autorité de l'Ecriture Sainte. En 1845, la Grande Loge d'IUinois déclara que, pour être initié, il était nécessaire de croire à l'authenticité des Ecritures. Ouoique dans la Chrétienté, il n'y ait (pie très peu de Maçons qui nient l'aulorilé divine de l'Ancien et du Nouveau Testament, exi- ger la déclaration d'une telle croyance |>réalablcment à l'initiation.
1. Hncyclopœdui, p. l'VJ.
2. RilualUL p. 41.
3. Ibid., p. 56.
ET LA BIBLE 173
c'est se mettre en opposition directe avec les règlements exprès de l'Ordre, qui ne demandent que la croyance en Dieu et par suite à l'immortalité de l'âme comme profession de foi »'.
A la page 97 de son Encyclopaedia of Freemasonri/, notre auteur aborde le même sujet.
<( La croyance en l'authenticité des Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament, dit-il, en tant que condition religieuse requise pour l'initiation, ne constitue pas une des lois de la Maçonnerie, car un tel règ-lement détruirait l'universalité de l'Institution, et s'il existait, les chrétiens seuls pourraient y être admis. Mais, en 1856, la Grande Loge de l'Ohio déclara « qu'il serait exigé de tous ceux qui sont admis à jouir des privilèges de la Maçonnerie, un aveu spécial de leur croyance ; à l'autorité divine des Saintes Ecritures, et que rejeter une telle croyance est faire à l'Ins- titution une olTense qui réclame une punition exemplaire ». Il est à peine nécessaire de dire que, dès sa promulgation, ce principe fut presque universellement condamné par les Grandes Loges et les juristes maçonniques de ce pays. La Grande Loge de l'Ohio renonça plus tard à ce règlement. En 1857, la Grande Loge du Texas adopta une résolution du même genre ; mais la Fraternité rejeta d'une manière générale toute profession de foi religieuse, excepté celle d'une croyance en Dieu ».
Nous n'avons aucun moyen de juger du degré de sincérité qu'il a pu y avoir dans l'acte de ces Grandes Loges : « Il est à peine néces- saire de dire, nous apprend notre auteur-, que, dès sa promulgation, ce principe fut presque universellement condamné par les Grandes Loges et les juristes maçonniques dé ce pays ». Le principe dut donc être abandonné parce qu'il se trouvait en conflit avec la géné- ralité de la Maçonnerie qui n'est pas chrétienne. Car, « si la Maçon- nerie était une institution exclusivement chrétienne, les Juifs et les Mahometans, les Brahraanistes et les Bouddhistes ne pourraient en conscience avoir part à son illumination ' ». Aussi, les Loges, même cellesquiétaientsincères,durent-ellesaccepter dépasser sous silence la question de l'authenticité de l'Ecriture ; et soit que nous voyions la Bible ouverte sur leurs autels, soit qu'elles la portent publique- ment en procession, en un mot, quel que soit l'usage qu'elles en font et malgré luutes les phrases à tournure orthodoxe qu'elles coni- posenl pour leurs rilfiels, nous ne nous y laisserons pas prendre, et nous no verrons dans aucun de leurs actes ou dans aucune de leurs paroles une profession de foi chrétienne.
1. Encyclopaedia, p. 698.
2. Ibid., p. 97.
3. Ibid., p. 163.
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LA FR \N"r-MArOVNERlE AMERICAINE
Ouand nolrr auteur nous «lil qu il y a " ppu de Maçons qui rejettent l'autorilé divine de l'Ancien cl du Nouveau Teslainenl ». il n'a pas linfention de faire entendre qu'ils affirment celte autorité. On n'afTirme pas nécessairemenl ce que l'on ne rejette pas. Nous ne nions pas que nous sommes âgés de dix mille ans, mais nous ne Talfirmons pas non plus. Nous n'en pailons pas. Si d'autres sonl assez sots pour nous attribuer un si grand âge. ils en ont toute la responsabilité. Pour notre part, nous ne nions rien, nous restons silencieux. Nous ne le croyons pas, nous ne l'alTlrmons pas ; mais nous ne le nions pas.
Peut-être nos lecteurs trouveront-ils intéressant de voir comment la .Maçonnerie se sert de la Bible dans son Rituel. Nous allons choi- sir deux textes que nous mettrons en regard. Le premier est tiré aux pages 271 et 272 du Masonic RiUialist. Les versets, d'après le Dr. Mackey « ont été pris avec une légère modification nécessaire du second chapitre de la première Epîlrede saint Pierre et du 28*" chapitre d'isaïe - .
^ \ersioj7 Maçonniijue
Nous dépouillant donc, mes frère?, de toutf malice, de toute fraude o\ de toute.s liypocrisie?. envie?; et paro- les mauvaises...
Si toutefois \o\is a\ez goûté com- bien le Seigneur a de grâce, vous approchant de lui, pierre vivante méconnue, il est vrai, des hommes, mais choisie de Dieu et précieuse, vous aussi soyez comme des pierre? vivantes, soyez b^tis en une maison spirituelle, un sacerdoce saint, poui- offrir des sacrifices accei)lables à Dieu. Cest pourquoi il est dit aussi dans lEcriture : \'oici que je pose en Sion, pour fondation, une pierre éprouvée, une précieuse pierre an- gulaire : celui qui croit ne se hâtera pas (Je la franchir. Pour vous donc i|ui Toyez, c'est un honneur ; et même pour ceux <pii sont désobéis" sants, la pierre «jue les const rui*- teurs ont refusée, est choisie comme pierre d'angle.
Frères, ceci est la volonté de Dieu, que par de bonnes actions vous ini- jiosiezsilence à l'ignorance des hom- mes sots. Comme des gens libres.
l'ersion biblique
Vous dépouillant donc de toute malice et de toute fraude, des dissi- mulations, des envies et de toutes les détraclions...
Si toutefois vous avez goùlé com- bien le Seigneur est doux. Vous ap- prochant de lui. pierre vivante reje- tée, il est vrai, par les hommes, mais choisie et honorée par Dieu, soyez vous-mêmes posés sur lui comme des pierres vivantes, un édifice spi- rituel, un sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles agréables à Dieu, par Jksis-Christ. C'est pour- quoi l'Kcriture porte : Voici <iue jr pose en Sion ta suprême pierre angu- laire, choisie, précieuse, cl qui croira en elle ne sera pas confondu. Pour vous donc qui croyez, elle est un honneur, mais pour les incroyants. /(/ pierre ijue les conslrucleurs onl re- jelce est devenue la Idle de l'angle. Et une pierre d'achoppement et une pierre de scandale pour ceux qui se heurtent contre la parole, et ne croient pas même ce à quoi ils onl été destinés. Mais vous êtes la race élue, le sacerdoce roval. la nation
KT LA BIBLE
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qui ne vous servez pas de votre li- sainte, le peuple acquis, pour que herté comme d'un manteau de mé- vous annonciez les grandeurs de ce- chanceté, mais en serviteurs de lui qui vous a appelés des ténèbres Dieu. Honorez tous les hommes, ai- à son admirable lumière. Vous qui niez la fraternité, craignez Dieu ». autrefois n'éliez pas un peuple et
maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui n'aviez pax obtenu miséricorde el maintenant avez obtenu miséricorde. Mes bien-aimés, je vous conjure comme étrangers et voyageurs de vous abstenir des désirs charnels qui combattent contre 1 ame ' ».
L'omission du nom du Christ dans un passage spécialement écrit >ur Lui est une de ces légères modifications nécessaires dont on nous a parlé ; l'omission de la recommandation de l'Apôtre au sujet des plaisirs sensuels en est une seconde. Mais quand on se rappelle que l'adoration d'une pierre ou d'une colonne « n'était qu'une forme du culte phallique », que la neuvième sephirah des Kabbalistes est la Fondation des organes générateurs, on comprend facilement et la raison de l'omission du nom du Christ et la signitication qu'on lui substitue. Mais, conime ceci s'est opéré en faisant de Jehovah un Il-Elie, nous ne devons pas être surpris qu'on procède de même pour le Christ. La Bible interprétée au moyen de l'équerre et du compas ne peut donner d'autre sens.
Le second texte est tiré du Manonic Biliialist de Mackey, pp. 431 et 432.
VersLon maçonnique
Car ce Melchissedek, roi de Salem, prêtre du Dieu Très Haut ;qui nm- contra Abraham alors qu'il revenait du massacre des Rois, et qui le bénit, à qui Abraham donna de son i-(jté la d:me de tout : étant d abord, par interprétation. Roi de Justice, et après cela, Roi de Salem, c'est-à-dire, Roi de paix ; sans père, sans mère, sans descendance, n'ayant ni com- mencement dans les jours, ni fin de vie, mais fait à la ressemblance du Fils de Dieu, reste prêtre éternel- lement. .Maintenant considérez com- bien fut grand cet homme auquel le patriarche Abraham lui-même donna la dîme du butin. Et en vérité, ceu.x qui font partie des fils de Levi, et qui reçoivent l'office de prêtrise, ont
Version biblique
Car ce Melchissédech, roi de Sa- lem, prêtre du Dieu Très Haut, qui alla au devant d'Abraham, revenant de vaincre les rois, et le bénit, auquel aussi Abraham donna la dime de tout, dont le nom signifie premièrement roi de justice, et ensuite roi de Salem, c'est-à-dire roi de pai.x. Oui est sans père, sans mère, sans généalogie, qui n'a ni commen- cement de jours, ni fin de vie, mais, ressemblant ainsi au Fils de Dieu, demeure prêlre perpétuellement. Or, considérez combien est grand celui à qui le patriarche Abraham donna la dîme de ses principales dépouilles. A la vérité, ceux des fils de Levi qui reçoivent le sacerdoce ont ordre, se- lon la loi. de prendre la dîme du
1. Les italiques et les petites capitales sont de lauteur Mr A. Preuss.
176 LA FRANC-MAÇONNKIUF-: AMERICAINE
droit de recevoir les dimes (lu peuple, peuple, c'est-à-dire de leurs frères, conformément à la loi, c'est-à-dire. île quoique ceux-oi soient sortis égale- leurs pères, quoiqu'ils sortent des ment d'Abraham. Mais celui dont la reins d'Abraham. Et, bien que la génération n'est point comptée par- chose ne se soit pas faite sans un mi eux a pris la dime d Abraham, et serment, il fut fait prêtre. En eilet ces a béni celui qui avait les promesses.
prêtres (sous la loi lévitique) étaient En effet, celui de qui ces choses
faits sans serment, mais celui-ci le sont dites est d'une autre tribu de la- fut sous serment, par Celui qui lui quelle nul n'a servi à l'autel, (lar il dit : « Le Seigneur a juré, et il est manifeste que Noti-e-Seigneur ne se repentira point : Tu es prêtre est sorti de .hula. tribu de laquelle pour toujours, selon Tordre di* Mi-l- Moise n'a rien dit touchant les piè- ciiisedek. (llébr. \\\. l-Oj .. très. Et c'est encore plus manifeste
s'il s'élève un autre prêtre qui a une similitude avec Melcbissèdech. Oui n'est pas établi selon la loi d'un précepte charnel, mais selon la puis- sance de sa vie immortelle Et. de
plus, ce n'a pas été sans serment, car les autres prêtres ont été établis sans serment, mais celui-ci la été avec serment par celui <jui lui a dit : Le Seigneur a juré, et il ne s'en re- pentira pas ; vous êtes prêtre pour l'éternité. Tant est meilleure l'alliance dont Jésus est le médiateur' .
Nos lecleur.s peiivenl apprécier comment on inlerprèle la Bible lor.squon a pour guides l'équerre el le compas ! On nous a bien ilil cependanl que les trois étaient inséparal)les el ne faisaient quun en Maçonnerie, et que les Frères.*, ne pouvaient accepter la Bible que dans ces conditions.
Le F.'. Pike nous dit - : « Ceux ipii piiseii^ncnt, même ceux qui enseignent le Christianisme, sont en général les plus ignorants du vrai sens de ce qu'ils enseignent. Il n'y a pas de livre sur leciuel on sache moins d<^ choses (pie la Bible. Elle est aussi incompréhen- sible que le Zohar a la plupart de ceux cpii la lisent ».
Et il ne peut en être aulrcmenl. élant donné tpie ceux (pii |»ré- chent le Christianisme ne se doiilcnl [las (pie la Bible nesl qu'une autre forme de la Kabbale.
■ La Sainte Kabbale, ou tradition des enfants de Seth, vint de Chaldée par l'intermédiaire d'Abraham, dit le F.-. Pike ^, elle fut enseignée au sacerdoce égyptien par Joseph, recouvrée et purifiée par .Moïse, dissimulée sous des symboles dans la Bible, révélée par le Sauveur à saint .lean, et entièrement contenue sous des formes
I. La Vfi-iion hildiffue est tirée de la traduction frantjaise de La Sainte liihle .le 1. il. lié IJavm:, Paris. Lethicllcux. \S<X] \. ni T. 'J. Morals and ha^ina, p. lOri. 3. Ilnd.. p ii7.
ET LA BIBLE 177
hiératiques analogues à celles de l'anliquilé, dans l'Apocalypse de cet Apôtre ».
Le F.-. Pike, cependant, donne une version entièrement diffé- rente de la provenance de la Kabbale lorsqu'il traite ex professa des Mystères. « Il sortit, du, fond de l'Egypte, dit-il, un homme d'une sagesse consommée, initié à la science secrète de l'Inde, de la Perse et de l'Ethiopie. Ses compatriotes l'appelaient Thoth ou Phtha ; les Phéniciens le nommaient Taaut ; les Grecs, Hermès Trismégiste, et les Rabbins, Adris... La Nature semblait en avoir fait son favori et lavoir comblé des dons nécessaires pour lui per- mettre de l'étudier et de la connaître à fond. La Divinité avait, pour ainsi dire, infusé dans son être les sciences et les arts, afin qu'il put instruire le monde »...
« En Egypte, continue le F.-. Pike, il institua les hiéroglyphes : il choisit un certain nombre de personnes qu'il jugea les plus dignes d'être les dépositaires de ses secrets; il ne prit que celles qui étaient capables d'arriver au trône et aux plus hauts olfices dans les Mys- tères ; il en forma un corps, les créa Prêtres du Dieu vivant, les instruisit et dans les sciences et dans les arts et leur expliqua les symboles qui les voilaient. Quinze cents ans avant Moïse, l'Egypte révérait dans les Mystères un Dieu suprême nommé le Seul lucréé », etc., etc. '.
« Il est hors de doute, dit phis loin noire auteur, que Joseph était initié. Après qu'il eut interprété le rêve de Pharaon, ce monarque le nomma Premier Ministre, le fit monter dans le char qui suivait le 'sien, tandis qu'on criait sur son passage ^6rec/i .^(prosternez- vous) et lui donna le gouvernement de la terre d'Egypte. De plus, le roi lui confia un nouveau nom, Tsapanat-Paânakh, et lui fit épouser Asanat, fille de Potai Parang, prêtre d'On ou Héliopolis, ville dans laquelle se trouvait le Temple d'Athom-Re, le Grand Dieu d'Egypte, le naturalisant ainsi complètement. Il n'aurait pu contra.cter ce mariage ni exercer cette dignité s'il n'avait, par avance, été initié aux Mystères ' ».
« Où les Mystères ont-ils pris naissance? On l'ignore ^ ». On sup- pose qu'ils vinrent de l'Inde en Egypte à travers la Chaldée, et que, de là, ils passèrent en Grèce ».
Pour réussir à faire de la Bible un travestissement de la Kabbale, Pike prétend tout connaître ; donc il nous informe, page 97 {Morals and Dogma), que^Joseph enseigna les Mystères aux prêtres égyp- tiens. Cependant, lorsque cela lui convient, le F.-. Pike retourne
1. Morals and Dogma, p. 364.
2. Ibid., p. 368.
3. Ibid., p. 353. ]3
178 LA FR.\NC-M\<;0.\.NKRII-. AMÉRICAIN!:
l'histoire : il dil que l'Egypte et ses prêtres avaient leurs Mystrres quelque 1.300 ans avant Joseph, car il ne s'écoula qu'environ tieux siècles entre Moïse et Joseph.
Le F.'. Pike commit encore une ii^rave erreur, s'il faut en croire des Frères plus modernes, en anirmaul ijue le Christ révéla quoi que ce fût à saint Jean, d'où cehii-(i lira son Apocalypse.il écrit dans son Encyclopsedia, sous la rubricjue Oannes. p. 987 : « Celui qui, le preniier, enseigna à l'homme les lettres, les sciences et les arts, particulièrement l'architecture, la géométrie,|la botanique, l'a- griculture et toute»? lesautres si-iences utiles, fut le dieu-poisson Oan- nes (myth.). Ce professeur universel apparut, selon Bérose. dans le Golfe Persique, non loiUjde Babylone.et quoiqu'il fût un animal^ il était doué de raison et d'une grande science. Cette créature avait en général la forme d'un poisson, ayant une tète humaine au- dessous d'une tête de poisson, et des pieds semblables à ceux de 'homme. Ce personnage s'entretenait avec les hommes pendant le jour,raais ne mangeait jamais avec eux. Il y avait à Kouyunjik une statue colossale du dieu-poisson Oannes. Ce qui suit est tiré du Livre d'Enoch (vol. II, p. 154) : « LesMaçonscélèbrent leur grand fes- tival au jour de la Saint-Jean, sans savoir que, ce faisant, ils honorent le dieu-poisson Oannes, le premier Hermès et le premier fondateur des Mystères, le premier messager à qui l'Apocalypse fut révélée, et qu'ils confondent Oannes avec l'auteur fabuleux de la vulgaire Apocalypse ».
Que reste-t-il de la Bible chrétienne après (pielle a été « cou- verte » de l'équerre el du compas ? Oue reste-t-il du respect dû à la Bible dans les cœurs ma»;omii({ues nourris d'histoires de pois- sons, du genre de celle méprisable légende d'Oannes? Oue le lecteur fasse ses propres commentaires. Nous terminerons par une autre citation du F.-. PiUe dans lacpiejlo il élablil un jinrallèle entre la Bible et la Kabbale :
'< Toutes les véritables religions dogmatiques, nous ilit-il ', sont sorties île la Kabbale el y relournenl : tout ce qu'il y a de scienli- ficpie et de grand dans les rêves religieux de tous les illuminés, comme Jacob B(ehme, bwedenborg, Saint-Marlin et autres sem- Idables est emprunté à la Kabbale ; toutes les associations maçon- niques lui doivent leurs secrets et leurs symboles ».
• La Kabbale seule consacre l'Alliance de la Baison Universelle et du N'erbe Divin ; elle met en équilibre i>ar les contrepoids de deux forces qui semblent opposées, l'élernelle balance de l'exis- tence ; seule, elle met d'accoi'd la Baison et la i'oi. la Puissance et
1. Morals iiml iJogiiiu. p|i. 741, 715.
ET LA BIBLE
179
et la Liberté, la Science et le Myslère; elle a les clefs du Présent, du Passé et de l'Avenir ».
« La Bible, avec toutes les allégories qu'elle contient, n'exprime que d'une manière incomplète et voilée la science religieuse des Hébreux. La doctrine de Moïse et des Prophètes, identique au fond à celle des anciens Egyptiens, avait aussi son sens extérieur et ses voiles. Les livres hébreux ne furent écrits que pour rappeler les traditions à la mémoire; et ils étaient écrits en symboles incom- préhensibles aux profanes. Le Pentaleuque et les poèmes prophé- tiques n'étaient que de simples livres élémentaires de doc- trine, de morale, de liturgie ; et la vraie philosophie secrète ou traditionnelle ne fut écrite que plus tard, sous des voiles encore moins transparents. Ainsi naquit une seconde Bible, inconnue ou plutôt incomprise des Chrétiens ; une collection d'absurdités mons- trueuses, dit-o«V; un monument, dît l'adepte, dans lequel on trouve tout ce que le génie de la philosophie et celui de la religion ont pu former ou imaginer du sublime; un trésor entouré d'épines ; un diamant caché dans une pierre grossière et sombre ».
« On est rempli d'admiration en pénétrant dans le sanctuaire de la Kabbale, en voyant une doctrine si logique, si simple et en même temps si absolue. L'union nécessaire des idées et des signes, la con- sécration par les caractères primitifs des réalités les plus fonda- mentales ; la Trinité de mots, de lettres, de nombres ; une philo- sophie aussi simple que 1 alphabet, aussi profonde et infinie que le Verbe ; des théorèmes plus complets et plus lumineux que ceux de Pythagore ; une théologie dont les sujets se compteraient sur les doigts ; un Infini qui tiendrait dans le creux de la main d'un enfant; dix chiffres et vingt-deux lettres, un triangle, une équerre et un cercle ; voilà tous les éléments de la Kabbale. Tels sont les principes élémentaires du Verbe écrit, reflet de ce Verbe parlé qui créa le Monde » !
Nous ne savons pas, il est vrai, et nous l'avouons, quel air ont des doctrines semblables à la suivante, à la lumière du Sanctuaire de la Kabbale, car nous n'y sommes jamais entré, mais nous savons quel air elles ont en face du simple bon sens. Si nos lecteurs souhaitent avoir un assortiment plus complet, ils n'ont qu'à consul- ter le volume cité.
« Ceux qui savent la vérité ont écrit : Celui qui ne se lave pas les mains avant de manger, comme l'ont ordonné les Rabbis de sainte mémoire, sera transporté dans une cataracte, où il n'aura pas de repos ; il sera traité comme un assassin que l'on a jeté à l'eau- ».
1 Les iiâlioii6S sont cl6 PilcG
2. Kitzur. Sh'lh, fol 17, col. 2 ; « The Kabbala », p. 27G, Univeraul Classic Library, Hebraic Literalure.
180 LA FRANC-MAÇON.NERIF. AMÉRICAINE
Ayez honle de votre sort, ô vous tous qui ne vous lavez pas ! Ne prenez pa» voire place à table avec des mains qui n'ont pas été la- vées,de peurque vousne subissiez le destin des assassins et ne soyez transportés dans le Niagara ou dans quelque autre cataracte sembla- ble !
« Mander la viande après le fromage, ou le fromage après la viande, nous dit-on, est un péché très grave ; et il en est question dans leZohar, à la section Mishpalim où il est dit que celui qui est sans scrupules à cet égard sentira qu'un mauvais esprit résidera en lui pendant quarante jours ; son àme sortira de lespril qui n'a'pas de sainteté' ».
Ce qui suit est également profond et pratique : « On devra se couper les ongles tous les vendredis, ja'mais le jeudi, pour éviter que ^es ongles ne commencent à pousser le jour du prochain sab- bat. On devra se couper d'abord les ongles de la main gauche, en commençant par le quatrième doigt et en finissant par le pouce i puis on devra couper les ongles de la main droite, en commençant par le pouce et en finissant par le quatrième doigt ; il ne faudra pas changer l'ordre suivant : 4^, "2®, 5", 3" , 1'% pour la main gauche et 1*% 3", 5", 2-, 4^ pour la main droite. Ne jamais couper les ongles à deux doigts consécutifs, car cela est dangereux et nuit à la mémoire. La raison et le mystère au sujet de l'ordre à suivre pour se couper les ongles sont bien connus de l'expert-)).
Si quelques-uns de mes lecteurs ont soulTert d'un trouble de mé- moire, ils en connaissent à présent la cause. Quelle splendide mémoire ils auraient eue, s'ils avaient été instruits plus tôt dans la science des mystères kabbalistiques, et s'ils avaient évité de se couper le.» ongles de deux doigts consécutifs !
Le F.-. Pike n'est pas sans connaître la nature de la Bible qu'il préfère tant aux Ecritures Chrétiennes ; il nous en informe lui- môme ■.
« La Maçonnerie, dit-il, e.^l une recherche de la lumière. Cette recherche nous fait directement remonter à la Kabbale. Dans cet encherèlremcnt ancien et peu compris d'ahsiinlité et de philoso- phie, l'initié trouvera la source d'un grand nombre de doctrines; avec le temps, il pourra parvenir à comprendre les philosophes hermétiques, les Alchimistes, tous les penseurs du Moyen âge opposés au Pape (Anti-papal), et Emmanuel Swedenborg )>.
Ici donc, cher lecteur, sur cette roule qui mène d'un enchevêtre-
1. Op. cU. p. '?SU ; Kitzur Shlh,{o\. 18, col. 2.
'J. Op. rit., pp. 282, 283 ; Kitzur Sfi'lli. fol. 61, cl. 2.
3. Morals and dogma, p. 741.
ET LA BIBLE 181
ment d'absurdité et de philosophie stupide aux divagations de Swedenborg, nous abandonnerons l'initié américain. Nous préfé- rons prendre la route qui mène de la Bible chrétienne à Jésus- Christ.
Nous n'avons pas nié, remarijuez-le, que la Franc-Maconnerie américaine employât le Livre de la Bible ; toutefois nous avons prou- vé que l'objet du respect maçonnique n'était pas la Bible chrétienne mais la Bible, l'équerre et le compas pris comme formant « un tout inséparable », si l'on veut donner aux passages de la Bible leur vé- ritable importance maçonnique ». Nous avons montré, en suppo- sant qu'un fait aussi évident ait besoin de démonstration, qu'une telle Bible est une Bible maçonnique et non une Bible chrétienne, car un livre matériel n'est rien si son contenu est mutilé, rejeté ou déformé. Nous avons montré que, dans les processions maçonniques solennelles, la place de la Bible et la personne de celui qui la porte symbolisent son infériorité par rapport au Livre des Constitutions maçonniques. Nous avons démontré que les louanges données à la Bible ne signifient rien sur les lèvres des Maçons, puisque la Bible n'est, pour la Maçonnerie, qu'un des livres de révélation divine ; pour elle, le Koran, les Védas, le Zend-Avesta, etc., toutes les Ei-rilures sacrées ont même valeur. Nous avons montré comment on a volé aux textes leur sens chrétien en y supprimant le nom du Christ. Nous avons vu par quelles absurdités l'authenticité des livres est rejetée. Nous avons entendu déprécier la Bible mise en parallèle avec la kabbale, livre qui, 'd'après le F.-. Pike lui-même n'est qu'un enchevêtrement d'absurdités mêlées avec ce qu'il appelle de la phi- losophie. On va jusqu'à soutenir que la Bible est une forme impar- faite de la susdite kabbale. Si c'est là tout le respect porté par les maçons aux Saintes Ecritures, jugez un peu de ce que pourrait être le mépris qu'ils leur témoigneraient !
CHAPITRE XII
L\ Frwc-Maçonnerie Américaine dans ses Rapports avec LE Catholicisme et le Christianisme
Ouoiciiie les pages précédentes aient mis en pleine lumière les rapports de la Franc-Maçonnerie ésotérique américaine aveclecalho- licisnîe et le christianisme, nous avons pensé qu'il ne serait pas hors de propos, el qu'il serait même utile pour une plus grande clarté de présenter en quelques pages les opinions courantes des Maçons sur différents sujets concernant le catholicisme et le christianisme.
Et d'abord, en ce qui regarde le catholicisme, nous devons nous rappeler qu'il est en pleine décadenee.
« Le catholicisme, dit le F.-. Albert Pike', qui, dans ses premiers temps était une vérité vivante, est tombé en décadence, et le pro- testantisme s'éleva, prospéra et dégénéra.
« Les doctrines de Zoroastre étaient les meilleures que pussent re- cevoir les anciens Perses ; il en était de même de celles de Confu- cius pour les Chinois ; et de celles de Mahomet pour les Arabes idolâtres de son siècle. Chacune de ces doctrines était vérité pour son temps. Chacune était un Evangile prêché par un Réformateur, et si quelques liouinies avaient assez peu de chance pour devoir s'en contenter quand d'autres atteignaient à une vérité plus haute, cela devait être attribué à leur destin et non à leur faute. Il faut les plaindre et non les persécuter ».
« Les vieilles théologies, les philoso[)hies religieuses d'autrefois, dit-il encore, ne peuvent |)Ius nous sullire aujourd'hui-^ ».
Il oublie qu'il nous a renvoyés aux Mystères anciens, aux philoso- phies païennes el à la profonde Kal)bale; mais passons, il nous sullit de connaîti'C l'idée qu'il se fait du catholicisme.
Donc, comme toutes ces anciennes religions, le catholicisme y compi'is, étaient uni(juement « Vérités |iour le temps », et les meil- l(!ures (pi'une race ou un pays, eu égard à son degré de barbarie on de cidliire iiiiparlaile, fût capable de recevoir, la Maçonnerie com- patissante ne se choipiera i)as si «piebpie adepte de ces religions,
1. Morals and Dogma, p. 38,
2. Ibifl., p. 163.
LA. FRANC-MAÇONNERIE DANS SES RAPPORTS 183
après avoir adopté les dogmes maçonniques, cherche à les interpré- ter d'après avec sa foi particulière.
« Nous ne rabaissons, dit le F.-. Pike', l'importance d'aucune Vérité. Nous ne disons pas un mot qui puisse être jugé irrévéren- cieux à l'égard d'une foi quelconque. Nous ne disons pas au Musul- man que ce qui est essentiel pour lui, c'est de croire qu'il y a un sevd Dieu, et qu'il importe peu que Mahomet ait été ou non son pro- phète. Nous ne disons pas à l'Israélite que le IMessie qu'il attend est né à Bethléem, il y a près de deux mille ans, et qu'il est hérétique de ne pas le croire. Et nous ne disons pas davantage au chrétien sincère que Jésus de Nazareth n'était qu'un homme comme nous, ou que son histoire n'était que la reproduction imaginaire d'une lé- g:ende plus ancienne. Tout cela dépasse notre juridiction. La Ma- çonnerie qui n'est d'aucun temps appartient à tous les temps ; n'é- tant d'aucune religion, elle trouve en toutes les religions ses gran- des Vérités ».
»( Elle révère tous les grands réformateurs, dit-il, page 525 ; elle voit dans Moïse le Législateur des Juifs, dans Confucius etZoroas- tre, dans Jésus de Nazareth et dans l'Iconoclaste arabe, de grands professeurs de morale et d'éminents réformateurs, sinon quelque chose de plus ; et elle permet à chaque membre de l'Ordre d'en avoir une idée aussi haute que son Credo et la Vérité le demandent, et même de leur attribuer un caractère divin >>.
« La Maçonnerie, continue-t-il, n'est incrédule à aucune vérité, elle n'enlève la foi à aucun credo, excepté dans le cas où ce ci^edo abaisserait la haute estime de la Divinité, et la ravalerait au niveau des passions de l'humanité,, nierait la haute destinée de l'homme, attaquerait la bonté et la bienveillance du Dieu suprême, saperait ces grandes colonnes de la Maçonnerie : la Foi, l'Espérance et la Charité, ou inculquerait l'immoralité et le mépris des obligations actives de l'Ordre ».
La Maçonnerie n'apprend à être incrédule à aucun credo, excepté, — faites bien attention, cher lecteur, à l'exception.
Tout d'abord, le catholicisme rabaisse l'idée maçonnique de la Divinité.
« Sur l'ensemble des hommes, dit le F.-. Pike-, il n'y en a pas un sur dix mille dont les aspirations s'élèvent au-dessus des besoins journaliers de la vie animale la plus grossière. Dans notre temps et dans tous les temps, tous les hommes, à peu d'exceptions près, dans la pliq)arl des pays, sont nés pour être de simples bêtes de
1. Morals and Dogma, [t. 524. •l. Ibid., pp. V95, 2%.
184 LA FB\NC-MAÇO.<NERlE DANS SES RAPPORTS
somme, les compagnons de tâche du cheval el du bœuf. Profondé- ment ignorants, même dans les pays '< civilisés », ils pensent et raisonnenl à la laron des animaux aux côlés desquels ils peinent et se travaillent. Pour eux. Dieu, Ame, Esprit, Immortalité ne sont que des mots vides de sens. Le Dieu dos dix-neuf vingtièmes du monde chrétien n'est pas autre chose que Bel, Moloch, Zeus ou tout au plus Osiris, Milhra ou Adonaï, sous un autre nom, adoré avec les vieilles cérémonies ou formules rituelles du Paganisme. Ce quon adore comme le Père dans l'Eglise chrétienne, cost la statue de Jupiter Olympien qui était dans le Temple païen ; c'est la statue de Vénus qui est devenue la Vierge Marie ». 11 n'y a naturellement en cela rien dolTensant pour les oreilles catholiques et chrétiennes, car le F.-. Pike nous a donné l'assurance que la Fraternité n'est irrévérencieuse à l'égard d'aucune foil Mais peut-être sommes-nous chatouilleux à l'excès ; continuons.
Le Catholique accepte le Jéhovah des Hébreux tel qu'il nous est présenté dans l'Ancien Testament. En quelle estime le F.'. Pike le tient-il ?
» La Divinité de l'Ancien Testament, dit-il ', est partout repré- sentée comme l'auteur direct du mal. dépêchant aux hommes des esprits mauvais et trompeurs, endurcissant le cœur de Pharaon et faisant porter sur tout un peuple l'iniipiité d'un seul. La grossière conception de la Sévérité l'emportant en Dieu sur la Miséricorde peut seule expliquer les sacrifices humains projetés sinon exécutés par Abraham el Jephté. Dans tous les temps el dans tous les pays du monde, les hommes, en général, ont reconnu l'existence d'un Dieu, sans se faire une idée convenable de sa dignité. La Jalousie Divine existe encore sous dilTérentes formes accommodées aux cir- constances.
Dans Hésiode, elle apparaît sous la forme la plus basse de la mé- chanceté humaine. Dans le Dieu de Moïse, c'est une crainte de voir désobéir à son pouvoir autocralitjue qui prévient les révoltes politiques. Et même, les châtiments portés contre le culte rendu à d'autres dieux semblent souvent dictés plutôt par un souci jaloux de sa propre supériorité en tant que Dieu<quepar l'immoralité et le caractère dégradant de l'idolâtrie elh^même ».
Nous avons déjà noté, dans un précédenOchapitre-, ce (juc dil le F.-. Pike (p. 207) de la ilivinilé primitive des Hébreux ; nous nous abstiendrons donc de répéter ici la citai ion; il est « irritable, jaloux et vindicatif autant qu'ondoyant et irrésolu.... il commande d'ac-
1. Morals and iJogma, p. fiS7, »jH8.
2. Supra, p. 147 dp Preuss ; voir l. VI. p. 3988 de la Revue.
AVEC LE CATHOLICISME ET LE CHRLSTIAXISME 185
complir les actes les plus révoltants, les plus hideux de cruauté et de barbarie »'.
« Telle était, dans le peuple, l'idée de la Divinité, continue- t-il, et cela, soit que les prêtres n'en eussent pas de meilleure et se missent peu en peine de la redresser, soit que l'intelli- gence populaire ne fût pas assez développée pour pouvoir s'élever à une plus haute conception de la Toute-Puissance ».
« Mais telles n'étaient pas, ajoute-t-il, les idées du petit nombre d'esprits intelligents et éclairés chez les Hébreux. Il est certain que ceux-c/ avaient une notion vraie de la nature et des attributs de Dieu, aussi bien que les esprits du même ordre chez les autres nations : Zoroastre, Manou, Confucius, Socrale et Platon. Mais leurs doctrines sur cette matière étaient ésotériques ; ils ne les communiquaient pas largement au peuple; ils n'en favorisaient qu'une élite restreinte ; de même qu'en Egypte, dans l'Inde, en Perse et en Phénicie, en Grèce et en Samothrace, elles étaient com- muniquées, dans les mystères les plus célèbres, aux seuls initiés ». L'Eglise catholique proclame qu'elle n'a rien de commun avec les mystères ni avec les Kabbalistes, qui constituent l'élite restreinte. Donc, selon le F.-. Pike, et cette théorie lui est commune avec les auteurs ma(^onniques, l'Eglise ne peut revendiquer la vraie connais- sance de Dieu. Le Dieu de l'Ancien Testament et de Moïse « est ravalé au niveau des passions humaines ». Pour les Maçons, il est une exception entre les autres dieux de l'antiquité.
De plus, le Catholicisme, suivant la Maçonnerie, repousse la haute destinée de l'homme. Celle destinée est la Liberté, l'Egalité, la Fraternité.
« Le Christianisme, dit le F.-. Pike', prêche la doctrine de la Fraternité ; mais il répudie l'égalité politique en enseignant conti- nuellement l'obéissance à César et aux autorités légales. La Ma- çonnerie a été le premier apôtre de l'égalité. Dans les monastères régnent la fraternité et l'égalité, mais non la liberté. La Maçon- nerie y a ajouté ; elle a réclamé pour l'homme ce triple héritage : Liberté, Egalité et Fraternité ».
« Les vérités, dit-il quelques lignes plus loin, sont les sources d'où découlent les devoirs, et c'est seulement depuis quelques siè- cles qu'une vérité nouvelle a commencé à se faire voir distincte- ment : que l'homme est supérieur aux institutions, et non les insti- tutions à l'homme, Il a, par nature, l'empire sur toutes les institu- tions. Elles sont pour lui, dans la mesure de son développement. Ce n'est pas lui qui est pour elles... Libre Gouvernement, Libre Pen- sée, Libre conscience. Libre langage !. .
1. Morals and Dogma, p. 23.
186 L.\ FRA.NC->r\ÇON.\ERIE DANS SES RAPPORTS
>' La Maçonnerie a senti que celle vérilt^ avail pour elle la loule- puissance (le l)ieu, et que ni Pape ni potenlals ne pouvaient rien sur elle ». (p. '24).
« La soif du pouvoir n'est jamais satisfaite, dit-il (p. 74) ; elle est insatiable. Ni les hommes, ni les nations, n'ont jamais assez de puissance. Lorsque Rome élail la maîliesse du monde, les empe- reurs se firent adorer comme des dieux. LLglise de Rome réclamait le despotisme sur les âmes et sur la vie entière, depuis le berceau jusqu'à la tombe. Elle flonnait et vendait des absolutions pour les péchés passés et futurs. Elle prétendait à l'infaillibilité en matière de foi. Elle dépeupla l'Europe pour la purger d'hérétiques. Elle dé- peupla l'Amérique pour convertir des Mexicains et des Péruviens. Elle donna et reprit les trônes; et, au moyen de l'excommunication et de l'interdit, elle ferma les portes du Paradis aux Nations... Chercher à subjuguer la volonté d'autrui et à rendre lésâmes capti- ves parce que c'est exercer la plus haute puissance, semble être l'objet le plus élevé de l'ambition humaine. Tel est le fond de tout prosélytisme et de toute propagande, depuis Mesmer jusqu'à l'Eglise romaine et à la République française ».
.. La foi d'un homme, nous dit-il, (p. '2*.);, lui appartient en propre autant que sa raison. Sa liberté consiste autant dans l'indépendance de sa foi que dans celle de sa volonté, par rapport au contrôle de l'autorité... -Vf// homme, nulle réunion d'hommes ne peut être infailli- ble, ni autorisé à décider ce ({ue d'autres hommes doivent croire et tenir pour article de foi. ..Tout homme doit nécessairement avoir le droit de décider, en ce qui le concerne, ce qui est vrai, car, à information et intelligence égales, nul homme ne peut avoir un droit supérieui- ou plus fort (jumu autre |)our juger ».
Par consé(piçnt, nul n'a le droit, dans aucune circonstance, d'in- niger un chAliment en matière de foi. « Jamais homme, dit le F.-. Pike, (p. H)5), n'eut le droit d'usurper la prérogative que Dieu lui- même n'exerce pas, et de condamner ou de punir quelqu'un pour sa ciovance. Nés en pays prolestant, nous sommes protestants. Si nous étions venus au monde à l'ombre de Saint-Pierre de Rome, nous aurions été de dévots catholitiues ; nés dans le (piartier juif d'Alep, nous aurions méprisé le Christ comme un imposteur; à Constantinople, nous aurions crié : « Allah est Allah, Dieu est grand, et .MahcMuet est son prophète 1 » La naissance, le paysetlédu- calion nous donnent notre foi. Il en est peu qui croient à une reli- gion pour avoir examiné .son évidence et son authenticité, et s'être fait une opinion raisonnée sur la valeur de ses preuves. Il n'y a pas \m homme sur dix mille qui ait une idée des preuves de sa foi. Nous croyons ce (pi'on nous en.seigne, et les plus fanaliiiucs sont les
AVEC LE CATHOLICISME ET LE CHRISTIANISME 187
moins instruits des fondements de leur croyance. C'est une loi im- périeuse du gouvernement divin; loi inflexible comme Dieu même, que l'homme accepte sans raisonner la croyance de ceux au milieu de qui il est né et a grandi ; la toi t'ait ainsi partie de sa nature et résiste à toute évidence contraire, et il refusera de croire au témoi- gnage de ses propres sens plutôt que de renoncer à la conception religieuse qui a grandi en lui, qui est devenue la chair de sa chair et l'os de ses os ».
Le F.-. Pike a complètement néglige le cas où l'incrédulité à reçu un châtiment. En ce qui concerne l'Eglise catholique, l'incré- dulité n'a jamais été punie chez ceux qui étaient nés hors de son sein. Elle a toujours professé quelle n'a aucune juridiction sur les non-baplisés. Elle ne châtie que l'obstination dans l'apostasie, et c'est aussi ce que fait la Mayonnerie en excommuniant ceux de ses membres quelle considère comme de faux-frères et en les punissant autant qu'elle le peut. On voit manifestement l'absurdité du F.-. Pike sur la loi impérieuse et inflexible du gouvernement divin, sui- vant laquelle nous persévérerions dans une croyance reçue sans examen. Non seulement des individus, mais des peuples entiers ont changé leur croyance, quelquefois en mieux et quelquefois en pis. Quelle stupidité de dire qu'elle devient « la chair de leur chair et l'os de leurs os ».
« La Maçonnerie, nous dit-il encore, (p. 164 , conserve le souvenir de l'implacable es^lerminalion que firent les troupes sauvages de Moïse et de Josué des gens de tout sexe et de tout âge, parce qu'ils avaient le malheur de ne pas connaître le Dieu des Juifs, ou parce qu'ils l'adoraient sous un faux nom.. ..Elle voit les persécutions soufï'ertes par Pierre et Paul, le ijiartyre de saint Etienne, les épreuves d'Ignace, de Polycarpe, de Justin et d'Irénée ; puis, d'au- tre part, les soutTrances des misérables païens sous les empereurs chrétiens, comme celles des Papistes en Irlande et sous le règne
d'Elizabeth et de l'obèse Henri Et elle voit aussi l'oppression
actuellement encore exercée au nom de la religion : des hommes fusillés dans une prison chrétienne, dans la chrétienne llalie, pour avoir lu la Bible chrétienne ; des lois contre la liberté de la parole sur (les sujets touchant au christianisme, dans presque tous les Etals chrétiens ; et la potence étendant son bras au-dessus de la chaire ».
« SilaMaçonnerie, nousdil-il encore, (p. 27), avaitbesoind'ôtre jus- tifiée pour le fait d'imposer des devoirs politiques et moraux à ses initiés, il lui suffirait d'exhiber la triste histoire du monde. Elle n'au- rait même pà^ besoin de tourner les pages pour remonter aux chapi- tres où Tacite expose les horreurs incroyables du despotisme des
Ib8 LA franc-maçon>+:kie dans sks rapports
Caligula et des Doinilien,des Caracalla,des Commode, desVitellius, et des Maximin. elle u'aurail (jifà parler des siècles de calamilés que traversa la gaie nation française, de la longue oppression des temps de la féodalité, des Bourbons égoïstes, de ces temps où les. paysans étaient volés el tués par leurs propres seigneurs el princes comme des moutons, où le seigneur avait les prémices du lit nup- tial du paysan, où la cilé, une fois prise, était livrée sans pitié au pillage et au massacre, où les prisons dElat regoi'geaient dinno- cenles victimes et où l'Eglise bénissait les bannièi-es des assassins impitoyables et chantait un Te Deum pour célébrer la (jràce su- prême accordée à la veille de la Saint-Barthélémy ».
Mais citons un passage qui se l'apporte à des événements plus récents encore.
« Il y a cent ans, dit Pike ', on apprit que les Kadosh n'étaient autres que les Templiers dissimulés ; on abolit donc ce degré qui, cessant d'être en activité, devint, sous un autre nom, une courte et simple cérémonie. Alors, du fond de la tombe dans la- quelle il pourrissait après ses meurtres, ClémentV hurle contre les successeurs de ses victimes, par la voix de Pie IX,(jui [>rononce son allocution contre les Franc-Maçons. Les fantômes des Templiers morts hantent le Vatican et troublent le sommeil de la Papauté [)aralysée, qui, redoutant les trépassés, vocifère ses excommunica- tions et ses analhèmes impuissants contre les vivants. C'est une déclaration de guerre ; elle était nécessaire pour secouer l'apathie et changer l'inertie en activité ».
Malgré tout ce que l'on peut dire sur cette citation, il n'en reste pas moins vrai que le F.. Pike avait plus de bon sens que quelques- uns de ses Frères. ..qui voulaient faire de Pie IX un Franc-Maçon^ Nous traiterons ce sujet dans notre chapitre suivant pour ne pas perdre, quant à présent, le fil île notre discussion.
Après tout, le catholicisme est-il autre chose ([u'une sorte de ré- miniscence des vieux mystères païens dans lesquels nous retrouvons tous les sacrements? « La célébration des Mystères de Mithra,dit-iP, était, comme le sacrifice catholique, nommée une messe, et toutes tes cérémonies en usaye étaient les mêmes. On retrouva là tous les sa- crementsde l'église catholique, même le soulTle do la Confirmation. Le prêtre d<î Mithra promettait aux initiés la délivrance du péché, au moyen de la confession et du baptême, et une vie future de bon-
1. Mordis arxl Do^imi, |i. si 1.
'2. Cf. The Culholic l'ortnii;lillti licview.WA. WW. W 13. ftp. -lOi'-Kir. : .. lienotl XIV el Pie IX élaienl-ils Francs-Maçons}' >< jirlicie rcprodiiil pto»ul)slance aux pages 207 fl suivanli-s df Pnuiss (cliapilic suivant).
3. Morals and I)ognia. pp. r)ll-5rj.
AVEC LE CATHOLICISME ET LE CHRISTIANISME 189
heur ou de misère. Il pratiquait l'oblation du pain, image de la ré- surrection, le baptême des nouveau-nés, l'exlrême-onction, la confession des péchés, tout cela faisait partie des rites milhriaques. Le candidat était purifié par une espèce de baptême, on lui impri- mait une marque sur le front, il olïrait le pain et l'eau en pronon- çant certaines paroles mystérieuses ».
Dans quelle langue les .Mystères de Mithra portaient-ils le nom de de messe ? demanderons nous au F.-. Pike. C'est, en vérité, la plus belle invention qui soit sortie de votre imagination. Le mot « messe » désignant l'olfice catholique, vient, d'après tous lesétymologisles,du latin liturgique missa\ mot qui n'existe pas comme substantif,dans la langue latine classique. C'est un terme technique employé par les catholiques et qui est universellement reconnu comme tel. Et comment pouvez-vous dire que les cérémonies sont les mêmes de part et d'autre, alors qu'elles diffèrent selon les dilTérents rites ca- tholiques ? Les catholiques orientaux n'ont pas les mêmes cérémo- nies dans la messe que les Latins, et, parmi les Latins eux-mêmes, il y a des nuances. Non, F.\ Pike , vous abusez de l'ignorance de vos FF.-., lorsque vous présentez les sacrements catholiques comme des travestissements de rites mithriaques. Tout le monde sait qu'il existe un abîme infranchissable entre les Mystères du paganisme et le Catholicisme ; c'est ce qu'un admirateur des Mystères païens, comme vaus, ne peut pardonner. Les sacrements sont le sang même qui vivifie l'Eglise; ils sont donc aussi éloignés de tout ce qui est païen, que l'Eglise elle-même est éloignée du paganisme. L'ori- gine de l'une et de l'autre [Franc-Maçonnerie et Christianisme l, dit le docteur Mackey -, est ditTérente, leur histoire est dissemblable ».
Mais le F.-. Pike avait son idée en cherchant ainsi à faire de l'Eglise catholique une modification du Mithraïsme ; car, dans les hauts grades de la Maçonnerie, il y a plusieurs choses qu'on peut, avec une modération extrême, qualifier de travestissements de l'Eglise catholique. 11 existe un « baptême maçonnique », bien que le F.-. Pike refuse d'y reconnaître une imitation du sacrement chrétien ^
« Quels sont, demande le F.-. Pike S les symbolesde purification nécessaires pour faire de nous des Maçons parfaits ?
« Le lavage avec de l'eau pure, ou baptême, répond-il ; parce que nettoyer le corps, c'est représenter emblématiquementla purification
1. Cf. Keliner, Heorlologie, 2«éd. B. Ilerder, 1".)00. Pages 58sqq..
2. Encyclopdia, p. 107.
3. Pour un exemple de « Baptême Maçoniiiquo >> dans Xfw-Voik City, voir The Catholic Eorlnighlly Review, T. X\'. n' 7.
4. Morals and Dogma, pp. 538-530.
190 LA FRANC-MAÇONNERIE DANS SES RAPPORTS
de l'Ame el parce que cela favoriî^e la santé du corps ; la verlu est la santé de l'àine. tout comme le péché el le vice en sont la maladie elle dérangement ; puis, il y a l'onclion, ou action d oindre avec l'huile, parce que cela a pour ellel de nous mettre à part et de nous consacrer au service et au sacerdoce du Beau, du Vrai el du Bien ; quant aux i-obes blanches, elles sont les emltlèmes de la candeur, de la pureté et de la vérité >^.
'< Uuel est pour nous, reprend-il. le symbole principal de la rédemption et de la régénération définitives de l'homme ?
« C'est, répond-il, le souper fraternel avec le pain qui nourrit, avec le vin qui rafraîchit et réconforte ; symbole du tenips à venir où toute l'humanité sera une grande et harmonieuse fraternité ; enseignement qui nous apprend les grandes leçons que voici : c'est que la matière changeant sans cesse sans qu'aucun atome soit anéanti, il n'est pas rationnel d'admettre que l'âme, étant d'une nature bien plus noble, ne prolonge pas son existence au-delà du tombeau ; c'est que les myriades il'hommes qui sont morts avant nous, pourraient revendiquer un droit de propriété sur les particules qui composent nos corps mortels, la matière ne cessant de former des combinaisons nouvelles ; les corps des antiques morts, des patriarches qui ont précédé et suivi le Déluge, des rois el du menu peuple de tous les siècles, s'élant dissous en leurs éléments consti- tutifs, sont transportés par le vent à travers tous les continents ; ils entrent incessamment comme parties intégrantes dans les demeu- res des âmes nouvelles, ce qui crée de nouveaux liens de sympathie et de fraternité entre tout homme vivant el sa race tout entière. Dès lors, dans le pain que nous mangeons, dans le vin que nous buvons ce soir, W peut ' se trouver, toutes prêtes à entier en nous, les particules mêmes qui ont concouru à former les corps matériels appelés Mo'ise, Confucius, Platon, Socrale ou Jésus de Nazareth. Dans le sens le plus rigoureux des teimes, nous mangeons el buvons les corps des morls, el il nous est impossible d'aHirmer qu'il y ail un seul atome de notre sang, de notre corps, dont une àme ou une autre ne puisse nous disputer la propriété ».
Ouand nos lecteurs auront été informés que c'est cela qu'on nomme la « Communion des Frères )-. ils comprendront aisément le sens de loul ce (pie dit le F.". PiUe.
' Le Pain el le rin consacrés, dit le V .• . Mackcy- , c'est-à-dire le pain et le vin employés, non pas simidement comme aliments, mais rendus sacrés par la volonté de symboliser un lien de fraternité, ce
1. L<"s ilalitiucs .s(int «le l'ikc.
'2. Encyclopxdui. p. 121). '
AVEC LE CATHOLICISME ET LE CHR1STL\MSME UU
pain qu'on mange, ce vin qu'on boil pour accomplir ce qui s'appelle quelquefoisla» Communion des Frères», se reti-ouvent dans certains des grades supérieurs, comme dans l'Ordre du Souverain Pontifical dans le Rile Américain, el dans le grade de Rose-Croix des Riles Français el Ecossais ». « Et c'est ainsi que dans le pain (consacré) et dans le vin (consacré) que nous buvons ce soir, peuvent entrer les parcelles mêmes de matières qui vont s'incorporera nous et qui ont jadis fait partie du corps matériel... appelé Jésus de Nazareth. C'est dans le sens le plus rigoureux des U rmes que nous mangeons et buvons les corps des morts ».
Et cependant, en dépit de toutes ces choses, il est des gens qui voudraient nous persuader qu'il n'y a rien d'anticalholique dans la Franc-j\la<^onnerie américaine 1
Tournons-nous maintenant vers le Christianisme.
La Maçonnerie, nous l'avons dit. révère également tous les grands réformateurs. Bouddha, Confucius, Mahomet el Jésus- Christ. L'âme chrétienne qui n'est pas satisfaite avec cela doit être bien difficile, en vérité. Mais si cela ne suffit pas, la Maçonnerie élargira les limites de sa tolérance, comme nous l'avons vu, et prendra en pitié ceux à qui l'on proposait une foi plus noble, la foi pure de la Kabbale, et qui se contentent d'aller à tâtons dans les voies obscures d'un Christianisme suranné.
*( Les ignorants stupides qui égarèrent le Christianisme primitif, en substituant la foi à la science, la rêverie à l'expérience, le fan- tastique au réel ; les inquisiteurs qui, pendant tant de siècles, firent nne guerre exterminatrice à la Magie, qui réussi à couvrir du voile des ténèbres les antiques découvertes de l'esprit humain ». dit le F.-. Pike', « en sorte que nous allons à tâtons dans l'obscurité pour retrouver la clef des phénomènes de la nature ».
La pitié ne vous sullit-elle point? En ce cas, la Maçonnerie vous traitera avec indulgence, dans le grade de Rose-Croix, si vous croyez ce à quoi le Christ Lui-même ne croyait pas: à sa Divinité. «Et tout vrai Chevalier de la Rose-Croix, dit le F.-. Pike-, révélera la mé- moire de Celui qui l'enseigna [la « Nouvelle Loi », le « Mot », [c'est- à-dire l'Amour], et elle sera pleine d'égards pour eeux-là même qui lui atiribuenl un caractère bien au-dessus de ses propres conceptions ou de sa croi/ance, et qui vont jusqu'à le considérer comme Divin ».
Le Christianisme croit également à l'histoire de la Création, telle quelle est donnée dans la (ienèse ; à la chute de l'homme par la tentation du Serpent ; à la réalité de l'existence de Satan ; à la
1. Morals and Dofjma, \). 732. '2. Ihid.. \). 310.
192 LA FFANC-MAÇONNEBIE DANS SES RAPPORTS
révélation de Dieu aux Juifs : toutes choses et bien d'autres encore que la Maçonnerie nie.
« L'homme est tombé, dit le F.-. Pike', mais non par la tenta- lion du Serpent. Car, d'après les Phéniciens, le Serpent participait à la Nature Divine et il était sacré, comme en Egypte. On le croyait immortel, à moins qu'il ne l'ùt tué par violence; il retrouvait la jeu- nesse dans sa vieillesse, en entrant en lui-même pour s'y consumer. C'est pourquoi le Serpent qui forme un cercle en mordant sa queue, était un emblème de rEtornilé. Lorsqu'il avait la tèle d'une cor- neille, il était de Nature Divine et représentait le soleil. Une Secte de Gnostiques le prit à cause de cela pour son bon génie, et c'est encore pourquoi Moïse éleva le Serpent d'airain dans le Désert, afin qu'en le regardant, les Israélites retrouvassent la vie ».
Si vous voulez vivre spirituellement, cher lecteur, rejetez loin de vous l'histoire slupide de la tentation d'Eve. Le Scr|>enl est un principe de vie, d'immortalité, de Divinité. Acceptez <lonc la jolie fable, non pas celle des chats de Kilkenny qui s'entre-dévoraient, mais celle sur laquelle la légende irlandaise est fondée, celle du serpent se mangeant lui-même tout entier. Imitez les Ophites qui adoraient le serpent comme dieu. C'est ainsi que vous vous rappro- cherez du vrai cidte de Dieu.
« Nous nous mo({uons des Augures, dit le F.-. Pike (page 10?). Il est fort aisé de railler, et si diflicile de bien comprendre. La Divinité a-t-elle laissé le monde entier sans Lumière pendant quarante siècles pour finir par illuminer un seul petit coin de la Palestine et un peuple brutal, ignorant et ingrat » ? Non, F.-. Pike, Dieu n'a pas laissé le monde sans lumière pendant quarante siècles, quoiqu'il la répandît avec une plus graiule abondance sur la nation juive ; on pourrait dire aussi qu'il envoya plus tard son divin Fils dans ce même petit coin de la Palestine, avec une mission person- nelle de salut rédempleur,inalgrr la mort honteuse que ferait subir à ce Fils le peui)le de Judée.
Mais la religion juive, sur laquelle repose le Christianisme, ne peut avoir été inspirée par Dieu, dit le F.-. Pike, puisqu'elle a changé de siècle en siècle, cori ompue au contact des sectes païen- nes qui l'approchèrent.
«^La religion enseignée par Moïse, dit-il -, qui promulguait le j)rincipe d'exclusion, comme les lois d'Egypte, avait à loulesjles époques de son existence, fait des emprunts à toutes les religions avec lesquelles elle s'était trouvée en contact. Tandis que, par les
1. Morals and Doijnia, p. 27H. •2. Ibid., i).-M7.
AVEC LE CATHOLICISME RT LE CHRISTIANISME 193
soins des érudils et des sages, elle s'éLail enrichie des plus admira- bles principes des religions de l'Egypte et de l'Asie, elle fut altérée par les égarements du peuple, par tout ce que contenaient de parti- culièrement impur et de séducteur les fiiœurs et la superstition des païens. Un changement s'était opéré au temps de Moïse etd'Aaron, un autre sous David et sous Salomon, un troisième avec Daniel et Philon ». Le F.-. McClenachan est tout aussi capable de faire de la lumière sur l'Ecriture chrélienne.
« Les deux arbres de la Genèse, dit-il ', étaient l'arbre de la Vie et l'arbre de la Science ; ils furent probablement tirés de l'histoire des Egyptiens ou de celle de Zoroastre. Sauf la mention qui est faite dans la Genèse de l'arbre de Science, il n'en est plus question dans la Bible, tandis qu'on trouve le nom de l'arbre de Vie ou de l'Arbre qui donne la vie », dans l'Apocalypse, II, 7. C'est bien le sens que contient le nom oriental Lingam ou pilier. Lorsque ce pilier était couvert d'inscriptions gravées dans la pierre, le Toth ou Pilier prenait en Egypte le nom d' « Arbre de Science ». Retrouver dans les doctrines du paganisme la source originelle de la révéla- tion hébraïque, modifier ou au besoin inventer des fables païennes pour leur donner l'apparence de préfigurations des doctrines et des pratiques chrétiennes, employer constamment l'équerre et le com- pas pour découvrir dans la Bible le culte phallique des anciens, telle est, vous le voyez, la tâche de la Maçonnerie ésotérique.
11 est vrai de dire qu'un elTorl a été tenté pour christianiser la Maçonnerie, comme nous le dit le Dr. Mackey-, et ceux qui ont puisé la Maçonnerie à de telles sources sans avoir rien lu sur les ten- tatives maçonniques, ceux qui n'ont jamais pénétré au plus profond du sanctuaire maçonnique, ont cru bénévolement que non, seule- ment la Maçonnerie n'était pas anti-chrétienne, mais qu'elle était hautement chrélienne.
« Quelques auteurs maçonniques des plus distingués d'Angle- terre et de ce pays, dit le Docteur, ont adopté la théorie de l'inter- prétation des symboles de la Franc-Maçonnerie à un point de vue chrétien ; cette théorie, selon moi, n'appartient pas à l'ancien sys- tème. Hutchinson, et Oliver après lui — malgré la profondeur phi- losophique de leurs spéculations maçonniques — sont tombés, je crois, dans une grande erreur en donnant le nom d'institution chré- tienne au grade de Maître Maçon. Il est vrai qu'il renferme dans son ensemble les grandes vérités du Christianisme concernant l'im- mortalité de l'âme et la résurrection du corps; cette coïncidence n'a
1. Encydopxdia, p. 1017.
2. Ibid., pp. 162,163. 14
194 LA F.-. M.-. AMÉRICAINE ET LE CATHOLICISME
rien d'élontianl, parce que la Franc-Maçonnerie esl la vérité, et que la vérité doit être une. Mais l'origine de l'une et de l'autre est différente ; leur histoire est dissemblable. Les principes de la Franc 'Maçonnerie ont précédé l'avènement du Christianisme. Ses symboles et ses légendes viennent du Temple de Salomon et du peuple qui vivait dans un temps plus éloigné encore. Elle tient sa religion du sacerdoce ancien, et sa foi, de Noé et de ses plus pro- ches descendants. Si la Maçonnerie n'était qu'une institution chré- tienne, les Juii's, les Mahometans, les Brahmanistos, les Bouddhis- tes ne pourraient avoir part à son illumination. Mais elle met toute sa gloire dans son universalité. Les citoyens de toutes les nations peuvent converser dans son langage ; les hommes de toute reli- gion peuvent s'agenouiller à son autel ; les fidèles de tous les cultes peuvent accepter son credo ».
On peut dire en toute vérité que celui qui s'est imaginé que la Maçonnerie est chrétienne est tombé dans une grave erreur. Qui- conque essaya de la christianiser aurait dû se rendre compte de l'impossibilité de christianiser le paganisme et son culte sensuel. Le Dr. Mackey pardonne cette faute, parce qu'elle est instinctive.
« Ce sentiment est instinctif, dit-il, et il provient des plus nobles aspirations de notre nature humaine; c'est pourquoi nous voyons les auteurs maçonniques chrétiens s'y abandonner jusqu'à l'excès et nuire au caractère cosmopolite de l'institution par l'abondance de leurs interprétationsconfessionnelles ' ». On ne parle jamais d'excès quand il s'agit du paganisme. La Maçonnerie ne trouve à redire que lorsque le Christianisme est en cause. D'après la Maçonnerie, le Christianisme est sectaire, anticosmopolite ; il ne fait pas partie de l'ancien système: en un mol. nous l'avons déjà dit, il est anti- maçonnique.
1. Encyclopaedia, p. 63.
CHAPITRE XIII Benoît XIV et Pie IX étaient-ils Francs-MaçOxNS ?
Nous relevons dans le New Age, revue ma(;onnique publiée à Washington D. G., celle question posée par le rédacteur d'un ar- ticle paru dans le numéro de janvier 1905 (pp. 81, 82).
« Comment se fait-il, s'il est vrai que la Maçonnerie soit si anti- catholique et si antichrélienne, que des évèques et même des papes aient été membres de l'Institution ? Si les papes peuvent être francs-maçons, les simples catholiques devraient avoir la permis- sion de faire partie de la fraternité.
« Xous n'avoils pas la moindre prévention contre l'Eglise catho- lique romaine, continue notre auteur, nous considérons la con- damnation portée par elle contre la Franc-Maçonnerie comme le résultat de son ignorance de la vraie nature de la Fraternité et des fins qu'elle se propose. Lenning nous dit, dans son Ger/nan Freemason's Lexicon (Lexique du Franc-Maçon allemand), qu'après qu'il eut con- firmé la Bulle lancée contre les Francs-Maçons par son prédécesseur, Clément XII, le pape Benoît XIV, influencé par un de ses partisans, zélé Franc-Maçon, fut secrètement initié à l'Ordre. Un Franc- Maçon romain, du nom deTripolo, prononça un discours à l'occasion de la réception du pape, et il est avéré que, durant la dernière par- tie de son pontificat, le Pape libéral et éclairé cessa de persécuter les Francs-Maçons, ce qui renforce les allirmations de Lenning ».
Nous lisons plus loin :
« Le Pape Pie IX était Franc-Maçon, et si l'Evèque de Dijon, Le Nordez, appartient véritablement à la Fraternité, il n'a fait que suivre l'exemple des hauts dignitaires de sa propre Eglise ».
Voici la conclusion :
« Si les papes et les évêques peuvent être Maçons, pourquoi tous les membres de la même Eglise n'auraient-ils pas le droit d'entrer dans la Société ?»
Cet argument paraît plausible aux Protestants, qui se méprennent complètement sur les rapports qui existent entre le Pape et les
1Ô6 BENOÎT XIV ET PIB IX
fidèles catholiques. « Le Pape a fait telle chose, donc tout catholi- que peut la faire. Cet argument n'existe pas pour le catholique, qui sait que le Pape et les évéques peuvent errer, peuvent pécher gra- vement. Lescatholiques peuvent-ils, pour ce motif, en conscience, en faire autant? Evidemment non. La conscience catholique n'a pas pour guide ce que fait le Pape, ni même ce qu'il enseigne en tant que personne privée, mais seulement ce qu'il enseigne à l'Eglise univer- selle comnie \*icaire de Jésus-Christ. Or, lorsqu'ils ont parlé de la sorte sui' la Franc-Maçonnerie, tous les Pontifes l'ont condamnée dans les termes les plus clairs, et, parmi ces condamnations, il n'en est pas de plus nettes et de plus précises que celles de Benoît XIV ei de Pie IX. Ce sont ces paroles-là qui sont les guides des consciences catholiques, et non les actes personnels de l'un ou l'autre de ces pontifes.
Mais lorsqu'on en vient à considérer les deux pontifes dont la secte a fait choix pour déclarer qu'ils furent au nombre de sesmem- hres, on est surpris de l'aveuglement des Frères. Le Docteur Mackey, mieux informé, prête à Benoît XIV un caractère tout différent de celui sous lequel nous le présente Lenning.
« Il était distingué par sa science, dit le Docteur*', et il fut un grand prolecteur des arts et des sciences. Il se montra cependant ennemi implacable des sociétés secrètes, et il lança, le 18 Mai 1751, sa fameuse Bulle qui renouvelait et maintenait l'excommuni- cation portée contre les Francs-Maçons dans celle de son prédéces- seur » Le Docteur fait une légère erreur de date. La Bulle, signée le 13 Mai, ne fut publiée que le 28 -.
Mais si cette erreur insignifiante s'est glissée dans l'écrit du Docteur, il n'y a aucune erreur sur les sentiments du Pontife. La Bulle fut lancée dans la onzième année d'un pontificat qui ne dura que dix-sept ans, huit mois et seize jours ; le Pape avait alors soixante-seize ans.
Voici en (juels termc'^ fut portée la célèbre condamnation de Benoît XIV :
« Cependant, pour qu'on ne puisse pas nous reprocher l'im- prévoyance d'avoir négligé quelque chose qui pût facilement ôter toute ressource et fermer la bouche au mensonge et à la calomnie, après avoir pris l'avis de quelques-uns de nos Vénérables Frères, les Cardinaux de la Sainte Eglise Homaine, nous avons décrété de confirmer par les présentes celte Constitution de Notre prédéces- seur, insérée ci-dessus mol à mot dans la forme spécifique qui est
1. lùicyi'liijunlia. p. 11!{.
'■i. tiullarium Heiieilicli \/V', vol. iii, p. 280.
ÉTAIENT-ILS FRAXCS-MAÇONS? 197
de toutes la plus ample et la plus efficace, comme nous la confir- mons, la corroborons et la renouvelons de science certaine et de la plénitude de Notre autorité apostolique, par la teneur des présen» tes lettres, en tout et pour tout, comme si elle était publiée pour la première fois, de Noire autorité et en Notre nom, et Nous voulons et Nous décrétons qu'elle ait force et efficacité à toujours^ ».
Tel est le Pontife dont Lenning voudrait faire un ÏNIacon. Benoît XIV confirme sous une forme spécificfue la condamnation de son pré- décesseur qu'il introduit mot pour mot dans la sienne ; puis, après un soigneux examen, il la rend perpétuelle ; et Ion voudrait nous faire croire qu'entre sa soixante-seizième et sa quatre-vingt-deu- xième année, un certain Maçon, — chose aussi invraisemblable que beaucoup d'autres à ce sujet — initia le Pontife et en fit un Franc- Maçon. Quand, où, comment cela se passa-t-il? — Que l'imagina- tion poétique réponde. La condamnation solennelle ne fut jamais révoquée, elle subsiste encore dans toute sa force, — et Benoît xiv mourut sans la rétracter. « Mais, dit le Rédacteur du New-Age, il est certain que, durant la dernière partie de son Pontificat, le Pape libéral et éclairé cessa, en fait, de persécuter les Francs-Maçons, donnant ainsi une base solide aux affirmations de Lenning ». Nous avouons qu'il nous est impossible d'imaginer ce que l'auteur en- tend par « la dernière partie » du Pontificat de Benoît XIV. 11 nous semble qu'un document de cette importance, émanant d'un homme de soixante-seize ans, six ans avant sa mort à l'âge de quatre-vingt- deux ans peut-être considéré comme ayant paru sufiîsamment près de la dernière partie de son règne. Nous sommes heureux de cons- tater que le Dr Mackey avait une trop bonne opinion de l'intelli- gence de ses lecteurs pour leur présenter Benoît XIV comme Franc-Maçon.
L'histoire de Sa Sainteté Pie IX est taillée dans la même étofle, « Elle prit naissance en Allemagne, dit John (lilmary Shea, dans sa Vie du Pape Pie IX (pp. "291, Q9?) et ses auteurs rrurent qu'en plaçant la scène en Amérique, ils ne seraient point découverts. Ils déclarèrent donc positivement que Pie IX avait été reçu dans une Loge maçonnique de Philadelphie ; ils citèrent ses discours et affirmèrent qu'un certain nombre de ses autographes étaient con- servés dans la Loge. Malheureusement pour l'histoire. Philadelphie est une ville située dans le monde civilisé ; ses habitants savent lire et écrire. Ils cherchèrent donc et déclarèrent après examen qu'il n'existait pas dans la ville de Loge maçonnique au nom indiqué» qu'en outre Jean-Marie Mastaï n'avait jamais été reçu dans aucune
1. Bullariiun Benedicll XIV. vol. iii. p. 28,").
Î98 BENOÎT XIV ET PIE IX
Loge de Philadelphie. Ils ne purent trouver aucune trace de son passage dans la ville, puisqu'il n y avait jamais été ; aucune Loge n'avait de ses autographes ; les Maeons eux-mêmes attestèrent que le tout était pure invention. La calomnie ainsi réfutée reparut cepen- dantde temps en temps, mais. dans ses versions les plus modernes, on prit soin de ne pas spécilier trop distinctement la loge ou la ville ».
L'époque légendaire de l'initiation du Pape est bien antérieure à la fameuse allocution du 25 septembre 1865 et même à l'éléva- tion de Jean-Marie Mastaï au trône pontifical. En tout cas, nous ne pouvons comprendre quelle sorte de satisfaction les Frères.-, peu- vent tirer de leur invention d'avoir fait de Pie I\ un membre de l'Ordre maeonnique.
Voici ce que le Saint Pontife dit lui-même : « Parmi les nom- breuses machinations et les moyens par lesquels les ennemis du nom chrétien ont osé s'attaquer à l'Eglise de Dieu, et ont essayé, quoique en vain, de l'abattre et de la détruire, il faut, sans nul doute, compter cette société perverse d'hommes, vulgairement appelée Maçonnerie, qui, contenue d'abord dans les ténèbres et l'obscurité, a fini par se faire jour ensuite, pour la ruine commune de la Religion et de la Société humaine ».
Et plus loin : « De Notre autorité apostolique, Nous réprouvons et condamnons cette société maçonnique et les autres sociétés de
même nature et Nous ordonnons, sous les mêmes peines que
celles qui sont spécifiées dans les Constitutions antérieures de Nos prédécesseurs, à tous les Chrétiens de toute condition, de tout rang, de toute dignité et de tout pays, de tenir ces mêmes sociétés comme proscrites et réprouvées par Nous ».
L'aiïirmation des Maçons, que Pie IX fit partie de l'Institution, bien loin d'être favorable à leur cause, est sa plus écrasante con- damnation, car cela les prive absolument de la possibilité d'accu- ser d'ignorance celui qui dénonça la Maçonnerie comme l'ennemie de l'Eglise de Dieu et de l'humanité, d'une manière si solennelle, si publique et si terrible ; de ce fait, sa condamnation doit être re- connue comme ayant été prononcée par un homme qui })arlait de ce dont il avait été témoin, qui savait que la Maçonnerie était mau- vaise, qu'elle était l'ennemie de toute religion surnaturelle et de la société telle qu'elle est constituée ; qu'elle était aussi opposée à la véritable humanité qu'au vrai Dieu'.
1. Dans une alloculiori solcnnellr prononcée le 20 avril 18^19, Pie IX fit une allusion attristée à ces bruits c|ui circulaient sur sa personne sacrée si pro- fondément injuriée, le dénonçant comme affilié à la Maçonnerie. <■ C'était, di- sait-il. la plus noire de toutes les calomnies ». ^Cf. Pacutlep, Der Golze der Ilumanilal. l'Idole lie riuiin.inilé. Fribourij, lS7r). pp. 7".?l-72'2 .
ÉTAIEM-ILS FRA>CS-MAÇONS ? 199
Est-ce là le Frère que réclame la Maçonnerie ? Le F.-. Pike, dans un passage déjà cité, refuse de fraterniser avec lui.
Le rédacteur du New Age excuse la condamnation prononcée par l'Eglise, la rejetant sur l'ignorance. Nous croyons que l'igno- rance est de son côté. Le F.-. Pike aurait pu l'instruire '.
« Parce que la vraie Maçonnerie, dit-il, celle qui a gardé tous ses attributs, a arboré les bannières de la Liberté et de l'Egalité des droits, parce qu'elle s'est révoltée contre toute tyrannie temporelle et spirituelle, ses Loges furent proscrites par un édit des Etats de Hollande en 1735. Elle fut proscrite en France par Louis XV en 1737. Le pape Clément XII lança contre les Francs-Maçons en 1738 sa fameuse Bulle d'excommunication qui fut renouvelée par Benoît XIV, et le Conseil de Berne les proscrit à son tour en 1743».
L'auteur de l'article cité ne nie pas le fait de rébellion ; il cherche à le justifier en stigmatisant comme tyrannique l'autorité spiritu- elle et temporelle de l'époque.
1. Morals and Dogma, p. 50.
CHAPITRE XIV
COUP D OElh SLR LE FONCTIONNEMENT D UNE LOGE AMERICAINE
Mais peut-être ce^ doctrines sont-elles formulées seulement dans des livres et n'en est-il jamais question dans les Loges américaines. « La Franc-Maçonnerie américaine, pourrait-on dire, est en théo- rie telle que vous venez de le démontrer ; mais les maçons améri- cains ont trop de largeur d'esprit pour en appliquer les principes à la rigueur ».
Nous répondons, comnîe nous lavons t'ait invariablement : Nous parlons du système maçonnique ésotérique, tel qu'il est en lui- même, et non des individus. Mais peut-être serait-il bon de pé- nétrer au cœur d'une Loge en profitant d'une occasion qui, de l'aveu des membres eux-mêmes, est unique dans l'histoire de la Franc-Maçonnerie, et de recueillir les principes exposés par des membres éminents de l'Ordre. Nous nous référerons à une bro- chure publiée pour l'édification des Frères, elle est intitulée : Compte rendu de la réception du cœur de notre Frère martyr, lex- (iouverneur Ygnacio f ferrera y Cairo... par le chapitre de Gethse- mani, n° 5, Rose-Croix du rite ancien et accepté de la Franc-Ma- çonnerie, au Temple maçonnique, Oaldand, Californie, Lundi soir, 24 avril 1903. Avec l'adresse et autres choses intéressantes présen- tées à cette occasion. Les faits se sont passés non loin de nous, et il n'y a pas très longtemps. Nous avons sous les yeux la seconde édi- tion, preuve que la brochure eul du succès. Le F.-. Sir Knight Ros- coe I. Gray a fait un rapport sténographié. Le président était le F,'. Edwin A. Sherman, 33", i)ien connu sur le versant du Pacifique, Sage Maître du Chapitre de (iethscmani, n" 5, Rose-Croix.
Le P.". Alexandre K. Coney, 32", Consul général du Mexiiiuo, fit l'adresse. Il appela l'attention sur la responsabilité prise par le Cha- pitre de Celhsemani en acceptant le cœur du F.*, llerrera y Cairo, et dit que la Maçonnerie n'est pas une ent^umc, et que si on la frappe, elle doit frapper à son tour ; puis il formula « le grand prin- cipe du droit de la conscience, à savoir : pour tout homme, le droit de se former ses conceptions religieuses personnelles sans qu'elles
D UNE LOGE AMERICAINE
•201
lai soient imposées par un prêtre de quelque religion que ce soit » (p. 14). Enfin il fait la peinture des dangers imminents que court notre pays. « Peut-être sommes-nous à la veille d'une lutte terrible avec ce pouvoir qui, depuis Rome, a soulevé des tempêtes dans l'Amérique espagnole et dans l'Europe méridionale, où il était dan- gereux de croire ou de réclamer le droit de croire qu'on peut ado- rer Dieu suivant les dictées de sa propre conscience. Dans ces pays, tous les hommes sincères furent dans la nécessité de s'unir, et les Frères durent faire alliance avec le gouvernement libéral. C'était une question de vie ou de mort
« Il n'y avait là aucun maître protestant, ni personne pour ensei- gner aux hommes un credo di lièrent de celui selon lequel ils avaient été élevés. La vérité était naturelle et spontanée. Mais les hommes étaient dans les fers; ils avaient atYaire à l'Inquisition et à toutes sortes de tortures. C'est sous un tel système que naquit le noble esprit dont nous honorons ce soir le souvenir, l'une des plus brillantes étoiles du ciel maçonnique qui éclairent la roule des gé- nérations futures » fp. 15). Jusqu'à quel point la peinture tracée par le P.*. Coney est-elle conforme aux faits, le lecteur peut en ju- ger d'après les premiers paragraphes de la vie du F.-. Herrera y Cairo donnés à la page 3 de la brochure susdite.
« En 18'21, dit-on, dans la cité de Guadalajara, Etat de Jalisco, République de Mexico, naquit Ygnacio Herrera y Cairo. iSon père Anacleto Herrera fonda la première loge de Maçons dans la Répu- blique de Mexico peu de temps après qu'elle se fut proclamée séparée et indépendante de l'Espagne, et c'est lui qui inspira à Ygnacio ses idées de liberté, d'égalité et de fraternité. A l'âge de douze ans, il perdit son père ; il entra dans un séminaire dirigé par des prêtres, et là, il attira l'attention de ses maîtres par son appli- cation et sa brillante intelligence. Jamais il ne prit part aux jeux des autres enfants, mais il se tenait à l'écart, replié sur lui-même, et, néanmoins, par la franchise et l'heurevse disposition de son caractère, il se fit aimer et estimer de ses condisciples.
« Il se fit recevoir Docteur en Médecine. Depuis son enfance jusqu'à sa mort, il se distingua par son amour pour les pauvres, dont il donna des preuves par les soins, l'attention et la charité qu'il témoigna aux malades et aux indigents. Il enseignait sans cesse aux ignorants leurs droits et leurs devoirs, prêchant la liberté de pensée et de parole, la tolérance en matière de religion ; en conséquence il était adoré de cette classe de ses concitoyens, respecté des gens intelligents de son propre milieu, mais craint du clergé et de ses partisans. Le clergé mit tout en œuvre pour l'attirer de son côté, lui faisant les offres les plus séduisantes, qu'il re-
202 COUP n'ôKiL SUR le fonctio>'Nemes:t
poussa loujouis ». Mais où étaient le chevalet, les tortures, I'liujui- silion pendant tout ce temps? Le F.-. Coney averti de ce qui conve- nait à ses auditeurs, leur servait des horreurs qu'il savait bien n'être pas vraies.
« Vint ensuite une prière par le Chapelain de la Loge, le F.'. Chas. E. Gillet, 33-, secrétaire du Chapitre de Cethsemani ; puis quelques mots du F.-. Sherman, lorsque l'on découvrit, à l'Est, le vase qui devait contenir le cœur du F.*. Ilerrera. Ce vase était surmonté du portrait du Frère, et au-dessus du portrait se trou- vaient trois bustes de grandeur naturelle.
« Il n'est que convenable, dit le F.-. Sherman, avant d'opérer le dépôt du cœur, d'appeler votre attention sur ce que vous voyez mainlonani dans l'Est. Vous voyez là des martyrs. A droite, c'est Coligny, assassiné à la Saint-Barthélémy; au nord, c'est Guillaume le Silencieux assassiné par le Jésuite Gérard ; au centre, c'est notre bien-aimé Président Abraham Lincoln aussi martyrisé : il tomba victime d'une conspiration depuis longtemps tramée par les Jésuites, — et son assassin était lui-même un Jésuite. L'amulette ou médaille de Jésuite fut prise au cou de Booth, et on peut la voir, dans le cabinet du juge avocat général à Washington. Ce complot des Jésuites fut formé cinq ans avant qu'il ne lût question île la candidature de Lincoln à la présidence, et dès lors il était marqué comme une victime par cette puissance terrible contre laquelle sont ligués lous les Maçons du Bile Ecossais » (p 17).
Lorsque le F.-. Sherman consent à inventer l'histoire, il fait preuve d'une rare habileté. N'est-il pas étrange, en effet. qu'il sache tant de choses sur les complots des Jésuites et sur leur parenté avec l'un des crimes hisloi'iqaes les plus audacieux, et qu'il en garde le secret, caché dans les profondeurs de la Loge ? C'est étrange — et plus qu'étrange — si c'est vrai ; et si c'est faux, et le monde entier, sait que tel est le cas, que doit-on penser de semblables assertions faites et écoutées, et de ceux qui les font ou les ap[»rouvent ?
Le F.-. Joseph H. Wythe, 14^ Chapelain de l'Association des Vétérans marons de la Côte du Patificjue, ayant été présenté, dit : « Mes Frères en Maronnerie et Mesdames cl amies, les très inté- ressants offices de cette solennité sont bien propres à faire une impression profonde sur tous les esprits maromiitpies. Ils nous met lent sous les yeux les principes fondamentaux de la Maçonnerie même, refuge el défense de la vérité el de la lilicrlé religieuses. Ils indiquent également la princij)ale source el la virulence de l'opposi- tion faite à la vérité... \os ennemis — et tout particulièrement nos ennemis pontificaux — accusent la Maçonnerie d'enseigner l'Athéis- me : mais cette calomnie toute gratuite est contredite par l'histoire
d'une loge américaine 203
entière de l'Ordre et par son rituel. Où trouverez-vous une attesta- tion plus sublime de l'existence de la grande Cause Première que dans la .Maçonnerie? Nul n'est admis à franchir le seuil de la Loge s'il ne confesse sa croyance en Dieu ».
« Un vrai Maçon, continue- t-il, ne soumet sa conscience qu'à Dieu seul. Dieu est le grand Législateur pour l'âme humaine, et c'est vers lui que va notre sentiment de soumission le plus élevé. C'est une impertinence et une tyrannie pour tout sacerdoce humain que de dicter ce que nous devons croire et faire. C'est pourquoi le Papisme qui prétend à la domination des consciences est si vio- lement hostile à la Maçonnerie, et là où ses prêtres sont les maî- tres, ils persécuteront les Maçons jusqu'à la mort même. On ne connaîtra qu'au jour du jugement le nombre de nos Frères qui ont péri sur le bûcher, dans les tortures, ou qui sont morts de faim dans les prisons de l'Inquisition » !
« Il ne faut pas nous faire illusion et croire que la lumière de la liberté civile et religieuse, qui brille d'un si grand éclat dans notre pays, a pénétré assez profondément les ténèbres des nations voisi- nes pour rendre la persécution presque impossible. Citons les ter- mes de la lettre envoyée le mois dernier par le Grand-Orient de Rome au F.-. Sherman : « Le l'ait n'est que trop vrai : les prêtres, du fond de leur nid, le Vatican, sefï'orcent d'éteindre sous le souf- fle glacial de la Réaction le feu sacré de la Science et de la Liberté, que notre Fraternité alluma au prix d'énormes sacrifices, en face de terribles dangers et qu'elle entretient actuellement dans le monde entier... » ^
« La Papauté, s'étant égarée loin, de la source pure et authentique du Christianisme, mène aujourd'hui la lutte contre la Maçonnerie avec un redoublement d'audace, surtout en Italie, où cette Papauté attise la révolte contre l'ordre établi, en ne cessant de travailler à la ruine de l'unité et de l'intégrité du pays »...
Le F.-. Wythe rapporte alors un fait qui aurait eu lieu à Mollendo (Pérou), et ajoute :
« Voilà une autre preuve de la haine de Rome pour la liberté et la vérité. L'antique poison sera toujours le même, et nous pour- rons nous estimer heureux, aux Etats-Unis, si nous échappons à une lutte corps à corps arec la Papauté pour la sauvegarde de notre liberté ».
Voyons, franchement, F.-. Wythe, croyez-vous à toutes ces sot- tises? A quoi eùt-il servi de brûler sur le bûcher vos Frères Ma- çons ou de les faire tourmenter par l'Inquisition, puisque, dans ces temps-là, la Maçonnerie presc/vra// à ses membres d'appartenir à r Eglise du pays quils habitaient"! Lisez le Masonic Ritualist de
204 COUP d'oeil sir le fonctionnement
Mackey(p.244),(el vouslrouverezcellemêmecitalionailleurs): «Mais bien que, dans les anciens temps, les Maçons fussent tenus de se conformer à la religion, quelle qu'elle fût, du pays ou de la nation où ils se trouvaient, on estime aujourd'hui plus opportun de res- treindre cette obligation à la religion sur laquelle tousles hommes sont d'accord, en leur laissant la liberté de leurs opinions person- nelles ». Où étaient donc ce danger, ce courage, etc., etc., donl vous parlez? Où était cette lil)erlé de conscience dont vous vous faites gloire, quand la Maçonnerie obligeait ses membres à adop- ter la religion du pays, quelle qu'elle fût? Et si celte adhésion n'é- tait qu'extérieure, la participation à ses rites était pure hypocrisie. Lorsque le F.-. James L. Cogswell, Président p/'o temp., eût of- fert au F.-. Sherman un souvenir de l'estime des Frères, on chanta l'hymne ■< Saliil, Maçonnerie divine ! » ; la forme en diffère un peu de celle que Ion trouve dans le Masonic Ritualist de Mackey (pp. 214, 215). Les deux premières strophes sont identiques, la diffé- rence ne vient qu'ensuite. \'oici quelques-uns des vers chantés en cette circonstance :
« Nous te construirons (les Temples sûrs;
Nous abriterons ici tes Autels
Contre la main impure de Rome.
Nous les construirons forts et grands.
Remparts du Pays de la Liberté
Contre les coups de la haine
El contre l'empire du Pape' »
Comme il s'était produit un léger retard dans les préparatifs du banquet, on en profita pour réclamer la réponse aux toasts. Au toast porté « Au Président des Etals-Unis », le F.-. James 0. L. Lee, ,'32*, Colonel U. S. A., répondit :
« Tant que le Président des Etals-Unis sera un patriote, nous
n'avons pas à nous demander à quel parti il appartient Par
l'union du Patriotisme et de la Maçonnerie — car je ne connais sur Icrre aucune religion supérieure à celle de la Maçonnerie — par celte union, dis-jc, notre pays vivra sous n'importe (juel Prési- dent »
Le F.". Coney répondit au loasl |)orté << Au Président de notre Sœur, la Républi(|ue du Mexicjue ».
Le Wise-Master (Sage Maître) j>arla en ces termes : « Le F.*.
' " Wr'tl liiiild ihi) Temples sure : Thine Altars here seen re
From Home's foul hand. We' II liiiild Ihem slrong and jireid. Bulwarks (d I'reedom s Slate Against the Ijloirs of t fate
And Pope' s Commands. <> (p. 23).
d'une loge américaine 205
Caswell n'est pas ici. Le toast qui vient ensuite, selon la règle, est celui qui fut porté « Aux vingt-sept Suprêmes Conseils Réguliers du trente-troisième grade du Rite Ecossais Ancien et Accepté delà Franc-Maçonnerie, ainsi qu'à tous les corps qui leur sont subor- donnés dans le Monde entier ». Je désire de plus que, dans toute l'étendue de l'Amérique du Sud, du Mexique et de l'Europe méri- dionale, c'est la seule Maçonnerie qui soit connue, et que toutes les Grandes-Loges Maritimes de Maçonnerie Bleue envoient des repré- sentants à ces Suprêmes Conseils et en reçoivent d'eux, car ils sont des Grandes-Loges dans les limites de leur juridiction. » (p. 25).
Ceux qui doutent de l'unilé de la Franc-Maçonnerie dans le mon- de entier feront bien de consacrer quelques instants de rétlexion à ces paroles du F.-. Sherman.
Répondant au toast x A la Maçonnerie de tous les Rites et Grades du monde entier », le F.*. Amasa \\'. Bishop, 30% s'exprima ainsi :
« Très Sage Maître et chers Amis, je trouve qu'il n'est pas très juste d'inviter les gens à répondre à des toasts sans qu'ils sachent d'avance quels seront ces toasts, et sans qu'ils aient le temps de rassembler au moins quelques idées.
« La Maçonnerie, ainsi que l'indique le toast, est universelle ».
Puis, ayant remercié le Père Célesîe de l'avoir fait naître Amé- ricain, il le remercie encore de ce que nous possédons « la liberté d'adorer Dieu suivant les prescriptions de notre propre conscience sans que personne soit là pour nous dire « fais ceci » ou « fais cela » sous peine de torture. Il y a sur la surface de la terre un pays où la liberté existe dans sa plus grande et plus haute gloire, et je crois que, grâce à l'aide de la Maçonnerie qui est universelle, cette liberté de pensée, liberté par excellence, deviendra aussi univer- selle que la Maçonnerie elle même. Notre digne F.-., dans son allocution, a dit qu'un temps pourrait venir où nous aurions à défendre cette liberté de conscience ; mais je vous l'affirme, en quel- que temps que le peuple de ce pays soit appelé à résister à la tyrannie , sous quelque forme qu'elle se présente, un million d'épées s'échapperont de leur fourreau pour abattre l'usurpateur, quel qu'il puisse être, et d'où qu'il vienne. »
Et peu après, il ajouta : La Maçonnerie est une influence éduca- Irice: partout où vous rencontrerez un corps maçonnique, vous trou- verez des hommes qui pensent, presque toujours des hommes d'une intelligence supérieure, parce qu'ils ne pourraient rester Maçons pen- dant de longues années sans progresser, sans avancer au lieu de reculer, parce que la Maçonnerie est lumière, parce que la Ma-
200 COUP d'oKIL ïiLR LE FONCTIONNEMENT
çonnerie est éclucation. parce que la Maçonnerie est civilisation. Puisse-l-elle, dans un avenir prochain, devenir également universelle [)a[' son iidluence civilisatrice el ses léchons de libéralis- me dans le monde entier, comme elle l'est actuellement dans ce glorieux pays de liberté ». (pp. 27, 28)
Cher lecteur, formez-vous une opinion sur la lumière maçonni- que, l'éducation, le progrès, l'intelligence, la civilisation, le patrio- tisme maçonniques, d'après ce qui s'est l'ait et dit dans cette réunion. qui,à en croire ceux qui y prirent part et ce qu'on nous en rapporté, fut regardée comme un fait unique dans l'histoire de la Maçon- nerie. « Il n'y a véritablement rien de comparable à cela dans toute l'histoire de la Franc-Maçonnerie», dit le Fr.'. Coney dans son allocution (p. 16). La lumière est-elle faite pour décevoir, l'éduca- tion est-elle faite pour engendrer la rancœur et la haine ? Le progrès préchera-t-il l'intolérance contre laquelle on s'insurge ? Fera-t-on absorber à l'intelligence de telles histoires de che- valet, de torlure et de meurtre ? La civilisation en viendra-t-elle à refuser à autrui les droils que vous regardez comme un présent divin ? Le Patriotisme sonnera-t-il l'appel à la guerre civile, aux propos belliqueux, alors que tout homme de bon sens sait qu'il n'existe aucune preuve de ce que vous avancez ? Non, Frère Bishop, le spécimen que le Chapitre vous offre en ce moment, est bien fâcheusement dépourvu des qualités que vous énumérez ; on n'y voit point que le premier exemple de tolérance religieuse en Amérique fut donné par les Catholiques du Maryland, que celte tolérance fut tristement payée de l'intolérance de ceux (jui avaient été tolérés avec tant de charité ; que, si la tolérance fut inscrite dans notre Constitution, l'aide en hommes et en argent apportée par les Catholiques de France, et sans laquelle, selon toute probabilité, une telle indépendance n'eût jamais été conquise, cette aide fut un facteur puissant, ainsi qu'en conviendront tous ceux qui ont fait une étude impartiale de l'histoire américaine. Il ne faut pas non plus perdre de vue le voisinage du Canada catho- lique, dont on désirait l'amilié. Nous ne souhaitons pas de dimi- nuer l'intelligence, le progrès, la largeur d'esprit, partout où on les trouve, mais il nous faut des preuves, et non des mots creux.
LeFr.-. William S. Moses, 32""", Chevalier Grand Commandeur, cx-Grand-Maîlre du (Irand-Consistoire de Californie, un ties Fr.-. Visiteurs, et auquel l'expérience de (piarante-qualre ans passés dans la Maçonnerie, et les charges (piil avait remplies donnaient bien le droit d'exprimer les sentiments maçomiiques, dit entre autres choses :
« Pmir eiiipl(j\er le langage des poètes, je pnisdire «jue c'est le
d'une loge américaine 207
crépuscule de la vie, et que les événements prochains projettent leur ombre en avant d'eux. Je vois au loin, — je ne vivrai pas assez pour le voir réellement, mais il y a ici des hommes qui verront cela, — je yo'isapprocheri heure de l'inérilable conflitentre les forces de liberté et Vusurpation de cette tyrannie terrible qui a son trône à Borne. » Ouelques-uns d'entre vous seront peut-être appelés à prendre les armes pour défendre cette liberté que vous possédez maintenant. Quand vous le ferez, rappelez-vous ce vieillard qui a prévu de loin l'événement et qui ne l'a pas jugé si éloigné que cela.
« Vous autres jeunes gens, quand le temps viendra, bouclez votre cuirasse, prenez votre épée ; que le Rite Ecossais soit connu, que la Maçonnerie se dresse ferme, sans peur, au premier rang : vous y trouverez vos Fr.-. pour vous mener au combat, en faveur de la liberté, à cette lutte qui sera soutenue par les citoyens amé- ricains résolus à protéger et à défendre la liberté pourleurs femmes et leurs petits enfants. » [Applaudissements] p. 31).
La guerre des citoyens américains (?) pour la protection (?) des libertés américaines (?) fut déchaînéebfenlôt après'. L'univers entier sait quelle fut son ignoble histoire, et son issue plus ignoble encore.
Le F.-. Samuel W. HoUiday, après avoir loué le Fr.\ Moses comme le « dernier mot » du caractère maçonnique, et après avoir manifesté la joie qu'il éprouve « à voir ce Fr.*. plein de vie et de vivacité, débordant de virile énergie, de patriotisme, d'amour pour l'Ordre Maçonnifjue, » apprend à ses auditeurs qu'il ne partage point l'anxiété qui a été exprimée au sujet des libertés américaines et il donne ses raisons.
« Je vais vous dire pourquoi, dit-il. Je ne prétends pas nier que de nombreux ennemis sont occupés à tendre des pièges à nos libertés et à notre prospérité. Nos institutions publiques, j'entends^celles qui assurent l'indépendance et la liberté dans ce pays, comptent de nombreux adversaires. Leurs ennemis mortels pullulent autour de nous ; mais je vous le dis, tant que vous resterez fidèles aux vertus de la Maçonnerie, tant que vous soutien- drez les écoles publiques (à ce moment l'orateur est interrompu par des applaudissements énergiques et soutenus), tant que vous ferez cela, nos libertés n'auront rien à craindre : Souvenez-vous- en ».
L'illustre F.. James B. Merritt, 33^, Grand-Maître des cérémonies et Grand-Maître, répondant au toast «du Grand Consistoire de Cali- fornie », commença en disant combien il était fier de l'honneur qui lui était fait; puis, abordant son sujet, il exposa brièvement et clai-
1. Le Mouvement lancé par l'A. P. A. (American Protective Association).
208 COUP d'oeil sir i-e fonction nemknt
remenl une grande partie de ce que nous avons rappork- dans les pages précédentes :
« Me voici devant vous..., dit-il, pour alliruior (pie notre Rite Ecossais a une signification ; que, comme .Maçons du Rite Ecossais, nous ne reconnaissons aucun supérieur à l'individu en matière de religion et en matière de politique. Nous avons pris l'engagement de ne permettre à auc.un homme, à aucun groupe d'hommes de nous dicter noire conduite religieuse ou notre conduite politique, et nous reconnaissons que, depuis que Dieu a fait cette terre, aucun homme, aucune femme, aucun corps d'hommes n'a eu ce droit et que jiul corps d'homme n'a maintenant ou n'a jamais eu un droit quelconque de nous expliquer ce que commande le livre de notre foi, que ce livre soit le Pentateuque, les Deux Testaments, le Zend-Avesta, ou le Koran. Jamais homme ou groupe d'hommes ne reçut d'un pouvoir supérieur la mission de nous les interpréter. Cha- cun de nous doit se les interpréter à soi-même, et nous sommes te- nus de conformer notre conduite à l'interprétation que nous nous en donnons. Nous prétendons-que nul homme, nul groupe d hom- mes n'a le droit d'influencer notre conduite politique. Nous ne re- connaissons aucun parti. iXoiis volons selon les principes de la Ma- çonnerie Ecossaise, et l'homme qui appartient au Rite Ecossais et qui n'agit pas ainsi en viole tonte les obligations, depuis la première jnsquà la trente-troisième. Je me trouvais dans un des Etats de l'Union l'année où la seule question posée devant le peuple était celle des écoles communes : les deux grands partis politiques de cet Etat rivalisaient à <{ui se prosternerait le plus bas devant le despotisme romain ; chacun d'eux sévertuant à accumuler plus que l'autre les obstacles sur la route des écoles communes, à leur faire la guerre; le parti qui dans l'Etat fit la profession de foi la plus énergique de dévouement au despotisme romain, emporta le vote de l'Etat sur ce seul point. Et maintenant mon ami llolliday (je re- grette qu'il soit sorti de celle si lie) n'a point peur ; il ne partage pas notre inquiétude, à nous qui craignons, nous qui savons que le dan- ger mortel est là, bien en face de nous, et que c'est notre devoirdans toute élection, de la plus petite à la plus grande, depuis les élections municipales jusqu'aux élections les jilus importantes, de laisser la détermination de notre vote aux personnes qui se présenteront comme les champions de nos Ecoles communes, de notre religion commune, de noli'c honneur commun, sans distinction de parti, afin (pie tous puissent savoir que celui (jui se montre le plus ferme sou lien de notre pays et de nos Ecoles communes, sera assuré de nos voles. Tels sont les senlimcnls du (irand Consistoire de Californie, dont i'ai l'honneur d'iHre le (irand-Couimandeur ». (pp. 33-34).
d'une loge américaine 209
Avec quelle confiance la Magonnerie déclare que le système de l'Ecole commune fait partie intégrante de son libéralisme ! Il est inutile d'ajouter des commentaires. Lisezet jugez vous-mêmes quel degré de liberté, de spontanéité dans le vote possèdent ses mem- bres. Elle proclame à grand bruit de trompettes : « Aucun homme, aucun groupe d'hommes ne dirigera notre vote, ne nous dictera la manière dont nous devons voter », et sans reprendre haleine, elle dit à ses électeurs : « Faites en sorte de voter selon les principes de la Maçonnerie Ecossaise ; autrement vous violerez toutes les obligations, depuis la première jusqu'à la trente-troisième sans exception ! » Ah ! oui, mais ce sont des principes, ce n'est point un homme, ni un groupe d'hommes I C'est vrai, mais quel indigne, et mesquin subterfuge ! C'est dire qu'il n'y a pas de principes pro- testants, pas de principes catholiques, et que quiconque voterait selon ces principes serait l'esclave des hommes. La Maçon- nerie est riche en mots : fraternité, liberté, égalité, mais il n'en est pas un, du premier au dernier, dont le sens ne soit immédiatement restreint par des clauses qui le limitent, si bien que Fraternité finit par signifier Maçonnerie, et rien de plus ; la liberté, c'est la répression et la destruction des Eglises Catholiques et Chrétiennes ; égalité signifie « nos Ecoles communes, notre religion commune, notre honneur commun»; humanité, c'est le vrai Dieu maçonnique.
Nous terminerons ce chapitre par la lettre qu'adressait le Grand Orient de Rome au Fr.-. Sherman (p. 2 de la brochure).
Ad Universi Terrarum Orbis Summi Architecti Gloria m.. Deus Meumque Jus. Ordo ab Chao.
Dal GRANDE ORIENTE di Roma. Valle del
Tevere sotto la Volta Celeste al 41° 54' di Latitudine
Nord e 10° 7' di Longitudine Est del suo Zenit.
Il Supremo Consiglio del Sovr.-. Gr.-. Ispettori Ge-
nerali ; Gr.-. Eletti Cavalri Gr.-. Comm.-. del
Grande Impero del 33™" ed ultimo grado di
Rito Scozzese Ant.-. ed Ace.-, délia
Massoneria in Italia sedente in Roma
il Giorno — del mese — dell"
annodi V.-. L.-. 0G089
— edeir E.-. V.-. il
di 6 de Marzo
189;:;
42, Piazza Paoli, Roma. Italy Mar. G. 1893.
15
2lO COUP d'oFIL Sl'R I.K FONCTiONNEMENT
III.-. Br.-. Edwin A. Shermann. 33", W.-. of
Gelhsemane Chapter n° 5 of Rose-Croix
Oakland, California.
« Très illustre et cher Fr.*., par l'intermédiaire du secrétaire, «j^énéral du Supn''me Conseil de Washington, le Suprême Conseil d'Italie a reçu les résolutions présentées par vous, Illustre Frère, le 18 décembre 1892, et unanimement approuvées par votre Chapitre, qui encourage la Maçonnerie en général, et la Maçonnerie d'Italie en particulier, dans leur tâche de revendiquer tous les droits civils des nations, et le don précieux de la liberté de conscience, accordé à l'espèce humaine tout entière par le Grand Architecte de l'Univers.
« Il n'est que trop vrai que les prêtres, du fond de leur nid, le Vatican, s'efTorcent déteindre, sous le souffle glacé de la Réaction, la Flamme Sacrée de la Science et de la Liberté, que notre Fraternité a allumée au prix d'énormes sacrifices et en face de terribles dan- gers, et qu'elle maintient en tout son éclat dans le monde entier.
« Il est vrai que la Papauté, entraînée par l'erreur, loin de la source pure authentique du christianisme, engage présentement la lutte contre la Maçonnerie avec un redoublement d'audace, surtout en Italie, où cette Papauté entretient une révolte permanente contre l'Ordre établi, et renouvelle sans cesse ses elTorts pour détruire l'unité et l'intégrité du pays.
« Nous n'avons jamais douté de l'atîeclion et de la sympathie des Maçons américains pour nous dans cette lutte (jue nous soutenons dans la citadelle même du Vaticanisme, mais vos paroles, si pleines d'avis utiles et d'encouragement pour nous, nous ont grandement réconfortés. Elles ont été accueillies, reçues avec enthousiasme à la dernière Session du Suprême Conseil, et elles ont été aussitôt tra- duites et communiquées à toutes les Loges et Chapitres de la Famille Maconnitjue Italienne.
« Au nom du Suprême Conseil, 33"", et de tous les Maçons d'Italie, acceptez. Illustre et cher Frère, et transmettez à votre Chapitre nos remerciements les plus sincères et les plus alïeclueux, Sov.-. (ir.-. Commandeur. Le Del.-. Sov.-. Gr.-. Commandeur,
Le Gr.-. Secrétaire Gen.-., Ad. Lemmi, 33*.
Téofilo. Gay, 32".
Nous nous bornons à reproduire la lettre telle que nous la trou- vons, et nous nous en tenons à compléter certains mots abrégés, pour la commodité de nos lecteurs.
Nous avons étudié ainsi la Maçonnerie Esolérique américaine dans se»; rap{)orts avec le catholicisme et le christianisme.
d'une loge américaine 211
Le Catholicisme est suranné, il a cessé de suffire aux lumières actuelles. Son Père Éternel est Jupiter transformé, sa Vierge Marie, une Vénus modifiée. Le Dieu de l'xVncien Testament qu'il adore est partout l'auteur du mal ; il a la plupart des passions du cœur humain ; c'est la conception grossière d'esprit^ grossiers. Son auto- rité, c'est la tyrannie exercée sur les consciences ; son histoire est faite de persécution et de corruption. Son institution divine est incroyable, aussi bien que l'inspiration des Ecritures. Ses doctrines sont d'anciennes fables païennes corrompues. Sa messe est un sa- crifice païen imité per les Frères, qui, de même que les prêtres, consacrent le pain et le vin qu'ils se partagent ; le hasard peut faire qu'ils reçoivent quelque parcelle du corps de Zoroaslre, de Confu- cius, ou du cadavre de Jésus de Nazareth.
La Maçonnerie révère le Christ comme elle révère Mahomet ; elle tolère, prend en pitié, considère avec bienveillance ceux qui croient à la divinité du Christ, qui lui-même n'y croyait pas. Tout ce qui a été dit sur l'altitude de la Maçonnerie à l'égard de l'ancien Testa- ment s'applique au Christianisme en général, avec autant de force qu'au Catholicisme en particulier. LaChrislianisation de la Maçonne- rie a été tentée par des auteurs bien intentionnés, tels qu'Oliver, mais ce ne sont pas des forces humaines qui peuvent christianiser l'essence même, le sang vital du Paganisme. La Maçonnerie a éli- miné les interprétations chrétiennes comme trop sectaires. Nous sommes entrés dans la Loge, nous y avons entendu des discours sur le Papisme, la tyrannie romaine, etc., et le tout a eu pour couron- nement une lettre officielle de la Maçonnerie italienne au Fr.*. Sher- man, Sage Maître du chapitre Gelhsernani n° 5, Rose-Croix, Oak- land, Californie. Nous présentons les fails, et laissons le lecteur libre de tirer lui-même ses conclusions.
CHAPITRE XV
LA MORALE MAÇONNIQUE
Nous donnons à dessein à ce chapitre le litre de Morale Maçonni- que et non celui de Morale des Maçons, parce que nous étudions des théories et non des personnes. Il ne faut donc en aucune façon voir dans notre langage une attaque contre le caractère individuel de tel ou tel Maçon, ni même contre le caractère moral des Maçons en gé- néral,si ce n'esten tant qu'ils modèlent leur conduite sur les princi- pes ésotériques de leur Ordre. S'ils vivent conformément aux théo- ries maçonniques, leur morale n'est rien moins que chrétienne ; c'est ce que nous allons prouver, et c'est là seulement ce qui nous occupe. Quant à leur défaut de sincérité ou de fidélité à leurs principes, Dieu seul en est juge. Nous discutons les principes de la Maçonnerie et non les personnes.
La liaison intime qui existe entre la morale, quelle qu'en soit l'espèce, et la Maçonnerie, ressort nettement de ce fail que la morale entre dans la définition même de l'Art : « La Franc-Maçon- nerie est un système de morale, voilé par des allégories et éclairci par des syml)()les ' ». Et le Dr. Mackey, parlant des Loges -, nous apprend qu'on ne peut y admettre « des hommes immoraux et de vie scandaleuse », mais seulement des gens« de bonne réputation ». Ainsi donc, afllrme-l-on avec assurance, pour être un Maçon, il faut être un homme moral, »
Mais alors comment se fait-il, se demandera le lecteur ordinaire, que le Dr Mackey^ se désole de ce qu'il y ait « dans notre Ordre, des hommes dont le genre de vie el le caractère ne font nullement hoimeur à l'Institution ?>• Il est vrai que, d'après ce qu'il nous assure, cette manière de vivre n'est point le résultat de l'enseigne- ment maçonnique, mais qu'elle en est la violation, qu'on trouve des exemples semblables dans le Christianisme, etc., etc. Tout cela est à côté de la question. Le fait est que des gens immoraux peuvent être Maçons ; dès lors, il est faux que les gens moraux seuls puissent être membres de l'Ordre.
\. Miisurni- Jiilualisl.. p. \'2 el suiv.
•J. Ibid., p. 24.
3. Lnnjclopxdia of Freemusonry, p. 847.
LA MORALE MAÇONNIQUE 213
Voltaire n"étail-il pas Maçon? Le Fr.'. Mac Clenachan nous assure qu'il le fut ; « Voltaire, dit-il ', un des plus fameux écri- vains français, naquit à Châlenay, près Sceaux, en 1694. Les débuts de sa vie furent dissolus et décousus. En 1728, il s'éprit follement d'une Madame du Ghâtelet... Pendant son exil en Angle- terre, il s'imprégna des théories déistes, qui marquèrent sa vie. Il fui accusé d'athéisme. Il fut initié dans la Loge des Neuf Sœurs, à Paris, le 7 février 1778, en présence de Franklin et d'autres Maçons de distinction. Sa mort, le 30 mai 1778, donna lieu à une mémora- ble Loge de Deuil qui fut tenue le 28 novembre de la même année ». Si la morale de Voltaire est le type de celle de la Maçon- nerie, nous ne portons point envie à la Fraternité. Benjamin Fran- klin avait été initié quelque temps avant 17.34-. Mais, si grande que soit notre admiration pour le talent de l'homme, pour son caractère sympathique, pour les services qu'il rendit à son pays, sa vie fut fort loin du type de la morale chrétienne.
« Ses mœurs, à cette époque, (c'est-à-dire au commencement de son âge viril), dit un récent biographe de notre sage, étaient assez- bonnes, à en croire ses propres assertions. Il afTirme qu'il n'était ni malhonnête, ni injuste, et nous pouvons le croire sans difficulté, car ce ne furent point là les défauts de son caractère. Dans son Aulobiographie, il dit qu'il a traversé cette période de la vie « sans commettre volontairement aucune grossière immoralité, ou injus- tice, ainsi qu'on aurait pu s'y attendre, vu mon manque de religion ». Dans la première rédaction de son Autobiographie, il avait ajouté : '( A l'exception de quelques sottes intrigues avec des femmes débauchées, et qui me furent plus préjudiciables qu'à elles, à raison de la dépense ». Mais, dans le texte revisé, ces mots ont été rayés ^
Sa règle en fait de chasteté était la suivante :
« Chasteté. — Se livrer au plaisir vénérien rarement et seule- ment en vue de la santé ou tie la postérité, jamais au point de s'abrutir, de s'affaiblir ou de faire du tort à votre tranquillité, à votre réputation, ou à celle d'autrui^ ». Règle propre sans doute à éviter bien des excès, mais qui, cependant, s'éloigne beau- coup de l'idéal chrétien. « Ah ! mais il n'était pas encore Maçon ! direz-vous peut-être. Sans doute, cela est vrai, car la date de
1. Encyclopsedia, p. 1021.
2. Ibid., p. 290.
3. BiGELOw. Œuvres de Franklin, T. I. p. 180 et Le Véritable Benjamin Fran- klin, par Sydney George Fisijer, 4"" Ed.. Pliiladolphie. 1902. p. 85.
4. Le Véritable B. Franklin, p. 102.
214 LA MORALE MAÇONNIQUE
son initiation est incertaine. Mais notre argument reste le même, car lorsqu'on dit qu'aucun homme immoral ne peut être Maçon, on emploie une expression qui ne s'applique pas seulement aux gens qui font efTeclivement partie de l'Ordre, mais à ceux qui solli- citent leur admission, en soi-le que, même si Franklin était exclu de la première catégorie, il pourrait faire partie de la seconde. H y a plus : sa lettre à un jeune homme sur le choix d'une maîtresse fui écrite le 25 juin 1745 : certaines des règles qu'il y pose sont trop grossières pour que son biographe les ait reproduites'. A cette date, Franklin était certainement Maron. Il ne faut donc pas prendre trop à la rigueur l'expression « un homme moi'al. »
II y a dilVérents systèmes de morale. Je ne veux pas dire de vrais systèmes, car parmi les systèmes divers, il n'en est qu'un (jui puisse être le vrai ; je dis des si/stèmes, et, vous le savez, ce qui est qualifié de moral, loué et pratiqué comme tel i)ar un système, est condamné comme immoral par un autre. L'Epicurien était un homme mo- ral, d'après son propre système, quand il se donnait tous les plai- sirs possibles, et évitait la souiTrance. Le plaisir était pour lui la pierre de touche du bien et du mal : c'était par là qu'il fallait déter- miner la nature morale de toutes les actions. Il y a l'école utili- taire de morale, où l'utilité est prise comme critérium. Telle action m'esl-elle utile? Dans ce cas elle est juste, quelques autres carac- tères qu'elle puisse présenter. Et l'utilité dont il s'agit ici, c'est l'uti- lité dans la vie présente. Si ce qui m'est utile est juste pour moi, le développement de ma propre personnalité est la règle pour juger ma moralité. Les prétendus droits de ceux qui se trouvent sur ma route ne sont que les fantômes d'une conscience mal instruite, et, fier de mon intégrité morale, j'écraserai toute opposition par tous les moyens en mon pouvoir. La morale utilitaire n'est point une morale chrétienne. Il y a la morale du Mormon, celle du Maho- metan, celle de l'Athée, celle du Nihiliste ; mais toutes sont anti-chrétiennes. Le point essentiel, q\iand on traite de la morale maçonnique est de découvrir quelle sorte i\o morale elle est, d'examiner sur quels principes elle est fondée, en un mot, de chercher si elle est chrétienne ou anti-chrétienne. L'important pour
1. N'oir FisiiKi!. Le W'-rilahlc /{cnjuinin Fronrlilin. V\i\\:M\r\\A\\i\ \W2, pp. \'2Ct- 128. « L)ans le l)t''|)nit<'riicril (i'l":t;if. à W.isliinirlon. dit M. l-islii-r. I. r. j». V2(y, on conserve «''Kalemeiil la ieltie do 1- ranklin .'i 1 Acidi-niie IJoyale de BruxelIo.s sur tes parfums, lettre que les règle.s artiielle» du bon fjoùl ne permettraient pas de publier, et Franklin lui nn^me en dit ([u'elle »Hail troj) grossière, pour (|ue des lecteurs bien élevés puissent la tolérer. — Cf. Bioelow, Œuvres de Franklin. T. Vil. p. 37-1.
L\ MORALE MAÇONNIQUE 215
nous consiste en cela, et non simplement dans ce fait que la Maçonnerie appelle morale la ligne de conduite qu'elle enseigne.
Ici, cher lecteur, si vous voulez écouter une phrase, ou proposi- tion qui a été rédigée tout exprès pour donner au non-initié l'im- pression que la morale maçonnique est chrétienne, vous n'avez be- soin que de quelques instants pour résoudre la question de la nature de la morale maçonnique, et vous la résoudrez... de travers. Vous voudrez bien accepter sans réserve une assertion comme celle-ci : « La morale de l'antiquité, de la loi mosaïque et du christianisme, est la nôtre )>^ « Peut-on, direz-vous, s'exprimer plus clairement, plus fortement ? La morale maçonnique est donc chrétienne ». Et pourtant la morale maçonnique n'est pas chrétienne, elle ne peut l'être, dans le sens que nous donnons à ce mot. « Nous reconnais- sons, dit le Frère Pike, dans tout homme qui enseigne la morale, dans tout Réformateur, un frère en cette grande œuvre ».
« Nous... reconnaissons, dit-il plus loin, tous les initiés comme nos frères. Nous n'appartenons à aucun credo ou école ; dans tou- tes les religions il y a une base de vérité, dans toutes il y a une morale pure » ^ Qu'est déjà devenue votre théorie chrétienne, alors que Zoroastre, Confucius, Mahomet, Brigham Young sont placés comme professeurs de morale sur la même ligne que Jésus-Christ? Avez-vous déjà oublié que « si la Maçonnerie était simplement une institution chrétienne, le Juif et le Musulman, le Brahmaniste et le Bouddhiste ne pourraient point, en conscience, avoir part à sa lu- mière?»^ Et si celte illumination consiste dans l'enseignement d'une morale, — car la Maçonnerie se définit « un système de mora- le » — comment celle morale peul-elle être chrétienne, du moment que le Juif, le Musulman, le Brahmaniste et le Bouddhiste peuvent, en toute conscience, l'adopter et la pratiquer ? Avez-vous donc ou- blié déjà le Choc de l'Entrée et de l'Illuminalion », où tout candi- dat se présente à la porte de la Maçonnerie, « sur le seuil de cette nouvelle vie maçonnique, dans les ténèbres, l'impuissance et l'ignorance ; » où, « après avoir erré parmi les erreurs, tout couvert des souillures du monde extérieur et profane » (et tout ce qui est en dehors de la Maçonnerie est ce monde profane), « il vient en homme désireux de s'instruire, à ses portes (de la Maçonnerie) en quête d'une naissance nouvelle, demander qu'on retire le voile qui cache la vérité divine à son regard de non-initié ? Et cette initiation, qui est « en quelque sorte une mort au monde et une résurrection
1. Morals and Dogma, p. 308.
2. Jbid., p. 311.
3. Encyclopaedia of Freemasonrij, p. 103,
216 LA MORALE MAÇONNIQUE
à une vie nouvelle ? » Et « ce monde qu'on laisse derrière soi, ces chaînes d'erreur et d'ignorance qui ont jusqu'alors maintenu le candidat dans une captivité morale et intellectuelle, et qui sont brisées», etc., etc.? ' Avez-vous oublié tout cela ? Avez-vous oublié si vite que la Maçonnerie est païenne dans ses modèles, dans ses aftinités, dans son essence vitale ? El vous vous attendriez, après cela, à une morale chrétienne ? Avez-vous la mémoire si courte que vous ayez oublié ce culte phallique ? et Jéhovah ! le Il-Elle,le Dieu Maçonnique, et l'âme émanation de la Divinité ? Ne vous rappelez-vous pas que le Masonic Rilualist (p. 338) nous a enseigné que le candidat acquiert, lors de son initiation, les premiers éléments de la morale ? Assurément tout cela a dû vous prouver que la morale maçonnique n'est pas chrétienne.
La morale chrétienne a pour base les dix commandements ; il n'en est point ainsi de la morale maçonnique. Un Maçon, en tant que Maçon, n'est point lié par eux. Il peut les observer s'il le juge bon ou s'il est assez ignorant pour y croire; mais ils ne sont et ne peuvent pas être des liens pour une conscience maçonnique. C'est ce que le Dr Mackey va nous apprendre :
« DÉcALOGLE. On appelle ainsi, dit-il ^ les dix commandements de la Loi Mosanjue tels qu'ils furent donnés du haut du Mont Sinai et rapportés dans le XX* Chapitre de l'Exode ; ils ne sont point obligatoires pour un Maçon, conlinue-t-il, parce que l'Institution est tolérante et cosmopolite, et qu'elle ne saurait exiger de ses membres qu'ils adhèrent à des dogmes ou préceptes religieux, si ce n'est à ceux qui expriment une croyance à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'àme. Le gouvernement d'une Institution qui a pour grand trait caractéristique l'Universalité, ne saurait faire choix d'une loi partielle prescrite pour une religion déterminée. »
La théorie maçonnique des dix Commandements qui sont la base de la morale chrétienne consiste donc à dire qu'ils sont seulement « une loi partielle, prescrite pour une religion déterminée ». Ils ne font pas, ils ne peuvent faire partie de la morale maçonnique, et un Maçon est un homme moral, au point de vue maçonnique, alors même qu'il les enfreindrait tous. A vrai dire, il en coûte peu d*(Mrc un homme moral dans ces conditions, et si c'estlà ce que vous appelez être un homme moral, vous ne gagnez guère aux yeux du Chrétien par la haute moralité de vos membres.
Mais qu'est-ce que le Dr. Mackey entend par une loipa;7/e//e?Est-
1. Filualist, pp. 22-23.
2. Hnryrlnpsrfiia. p. 207. i. y^ù/.,p.205.
UA MORALE MAÇONNIQUE 217
elle partielle, en ce qu'elle ne contiendrait pas tous les préceptes mo- raux? L'est-elle, parce qu'elle ne s'impose qu'à une partie de l'hu- manité? Son explication montre qu'il attribue au mot partielle le second de ces deux sens, car il rejette le Decalogue Mosaïque comme inconciliable avec une institution cosmopolite, qui a pour caractère essentiell'universalité.Le Juif y est donc soumis, s'il n'est point pé- nétré de l'enseignement maçonnique. Le Catholique et le Protestant sont liés par ses chaînes, si la Maçonnerie ne les a point brisées. Le Maçon, dans la liberté morale de l'Art, n'est point soumis au Deca- logue mosaïque, qui, à son avis, ne fut point fait pour lui.
Mais, alors, la Maçonnerie n'a point de loi morale ? Elle en a une ; elle ne saurait s'en passer, car, sans loi morale, il ne pourrait exister « un système de Morale >>. Si ce n'est point la Loi Mosaïque, qu'est-ce donc? Le Dr Mackey va nous le dire dans son Encyclopédie, p. 508.
« \]nMaiÇon,diseni\es Anciennes Constilutions de 1722, est tenu, par son engagement, d'obéir à la loi morale ». Or cette Loi morale ne doit pas être regardée comme limitée au Decalogue de Moïse ; ce sont là les bornes étroites où les auteurs ecclésiastiques enferment tech- niquement cette Loi ; il faut plutôt la chercher dans ce qu'on appelle lex naturse ou loi de nature. La loi naturelle a été défi- nie par un auteur de mérite, mais non récent, qui a écrit sur ce sujet : « la volonté de Dieu, en ce qui concerne les actions humai- nes, fondée sur les différences morales des choses, volonté qui, pou- vant être découverte par la lumière naturelle, oblige, par suite, l'humanité tout entière. » Telle est la loi morale, « à laquelle font allusion les Anciennes Constitutions citées plus haut, reprend-il, c'est celle qui y est déclarée la Loi de laFranc-Maçonnerie.Et,encela l'on agit sagement, car il est évident que nulle loi moms universelle n'eût pu être choisie judicieusement pour le gouvernement d'une institution dont le caractère le plus remarquable est l'universalité. »
Pour ne pas employer à traiter le présent sujet plus de temps qu'il ne faut,nous ne discuterons pas sur le point de savoir si les mots d'« Universel » et d'« Universalité » doivent être entendus dans leur sens ordinaire ou dans le sens maçonnique de « Naturel » et de « Na- ture », car « Univers » et « Nature » sont synonymes. Quel que soit ce sens, il importe peu au sujet que nous traitons. Ce qui est claire- ment exprimé, c'est que la loi morale de la Maçonnerie ne doit pas être bornée à l'étroite loi de Moïse ; que cette loi est la loi de Na- ture ou loi morale, que la lumière naturelle permet de découvrir.
En ce qui regarde la première assertion, c'est-à-dire l'étroitesse de la loi Mosaïque, nous nous risquerons à affirmer que les précep- tes en paraîtront assez larges pour s'appliquer à la vie morale dans
1. Grove, System of Moral Philosophy, t. II, p. 122. Londres, 1749.
218 LA MORALE MAÇONNIQUE
une étendue plus vaste que ne le désirent la plupart des créatures humaines. En lisant ce passage du Fr.-. Mackey, on serait tenté do se figurer que la Maçonnerie va vous proposer un certain systè- me de morale plus élevé, plus noble, pins vaste que le système mo- saïque. Mais hélas ! quand on en vient au fait, on ne trouve que verbiage, rien de plus ! C'est la loi de Nature, « fondée sur les différences morales des choses, et obligatoire pour toute l'espèce humaine, parce qu'elle peut être découverte par la lumière naturelle. »
Qu'est-ce que cette loi, susceptible d'être découverte par la lu- mière naturelle ? Est-ce le bien moral, ou le mal moial ? Mais bien (tes hommes appelés philosophes, ayant eu recours à la lumière na- turelle, ont nié toute différence entre l'un et l'autre. Telle était la théorie de Franklin à ses débuts, ainsi que nous l'apprend son bio- graphe déjà cité. « Il alla même plus loin que Voltaire, en estimant que Dieu étant tout puissant et souverainement sage, et ayant créé l'Univers, tout ce qui s'y trouvait devait être bon, que le vice et la vertu étaient de vaines distinctions »•. Si une intelligence comme celle de Franklin s'égara au point de départ même de la morale, le Dr.-. Mackey ne doit pas avoir une confiance exagérée en sa lumière naturelle.
Mais admettons, et nous le faisons volontiers, que la droite raison ou l'intelligence naturelle, non faussées par la passion, puissent dé- couvrir, par la lumière intellectuelle naturelle, la distinction entre le bien et le mal moral, et en même temps le commandement natu- rel de faire le bien et d'éviter le mal, nous doutons fortement que l'intelligence maçonnique, qui a son siège dans le cœur^,et dont la lumière, ainsi que nous l'avons vu, est la lumière sensuelle de la passion ', sache découvrir le véritable bien moral et le véritable mal moral. Les expressions « lumière maçonnique, lumière naturelle ■ ont pour les initiés un sens que notre lecteur ne soupçonne guère.
•' L'homme ou le principe mAle, dit le F.'. Me Clenachan\ sym- bolisé par le feu ardent, était représenté par la couleur rouge, et le principe féminin, identifié à l'idée de lumière ou de flamme, était représenlé par la couleur jaune ou par celle de la terre légèrement colorée, au-dessus de laquelle le messager au pied agile emporte les nouvelles d'un Maçon en détresse et revient avec le secours exigé. Cette lumière du feu, la femelle divinement belle, la Vénus
1. I isiiiii, The truc Ilenjaniin Franklin, p. i*l, où il est fait allusion à la brochure de Franklin intitulée phertè el nécessité. '2. lincyclopirdia of l-'recniasonrij. p. 391.
3. lf}id., \<. '.MI.
4. Jhid., p. 9J.
LA MORALE MAÇONNIQUE 219
des Egyptiens, s'appelait Athor, ce qui signifie demeure d'IIorus et on la représentait ainsi». La morale, vue à cette /«m/ère, s'accordera très bien avec le système qui a formé l'objet de notre Etude, mais ce sera la sensualité païenne et non la chasteté chrétienne. Que peut-on attendre, en etïet, d'un système qui conduit ses disciples au culte phallique comme principe de religion? D'un système qui torture et contourne Jéhovah au poini d'en faire un Il-EUe? D'un système dont les principaux symboles ont tous une signification sexuelle, si l'on remonte à leur source ? Le Dr. Mackey nous indi- que bien la distinction à faire entre les deux systèmes, au sujet du mot « lis ».
« La plante dont il est si souvent fait mention dans l'Ancien Tes- tament sous le nom de lis, comme étant l'emblème de la pureté et lie la paix, nous dit le Dr. Mackey ', était le lotus de l'Egypte et de l'Inde. Elle occupait une place d'honneur parmi les ornements de la décoration du Temple. Le bord de la Mer d'airain était parsemé de fleurs de lotus ciselées ; les chapiteaux qui surmontaient les co- lonnes du porche et le haut du fût de ces mêmes colonnes étaient ornés de la même plante,.. Le lis dont parle notre Sauveur pour figurer une beauté et une gloire spéciales, alors qu'il comparait les œuvres de la nature aux décorations de l'art, était une fleur différente ; probablement une sorte de lilium. C'est celte fleur qui est représentée dans tous les tableaux de la salutation de Gabriel à la Vierge Marie »... ■ .
« Il ne faut cependant pas oublier, ajoute-t-il plus loin, la diffé- rence qui existe entre le lotus de l'Ancien Testament et le lis du Nouveau. Le premier est une plante maçonnique ; c'est à peine s'il est fait mention du second. Quoi qu'il en soit, le lotus est constamment nommé au lieu du lis, et cette erreur, qui provient de l'ignorance des premiers traducteurs en fait de plantes sacrées, s'est glissée dans les rituels maçonniques ».
Non, le lis de la virginité de Marie et le lotus de la sensualité païenne n'ont, en réalité, rien de commun ! Le lotus, si renommé dans les religions de l'Egypte et de l'Asie, dit le Dr Mackey, est une espèce de Nymphsea, ou nénuphar, qui croît abondamment sur les bords des rivières dans les pays chauds... Les divinités brahmaniques sont presque toujours représentées soit ornées de ces fleurs, soit les tenant à la main comme un sceptre, soit assises sur elles comme sur un trône ». « Coleman dit^ reprend-il, que, pour les poètes hindous, le lotus était ce que fut la rose pour les
1. Encijclopsedia of Freemasnnrij, p. 471.
2. Mylhol. Hindus, p. 388.
220 LA MORALE MAÇONNIQUE
Perses. Flottant sur 1 eau. il est lemblémedu monde, et représenle encore le mont Méru, séjour des dieux. Le lotus était chez les Egyptiens, le symbole dOsiris et d'Isis. Les prêtres le considé- raient comme un ornement sacré, et on en couronnait la tête d'un grand nombre de divinités. L'architecture sacrée des Egyptiens le reproduisait fréquemment ; il figurait comme entablement sur les colonnes de leurs temples. C'est ainsi que Salomon l'introduisit dans l'architecture juive. On le trouve sous le nom d"« ouvrage des lis », formant une partie des ornements des deux colonnes qui étaient sous le porche du Temple ».
Nous voici, une fois encore ramenés, par des voies détournées, il est vrai, mais dune façon incontestable, aux symboles sensuels de la Secte ! La fleur de lotus, sorte de Nymphaea, la rose des Perses, le symbole du monde ou de l'univers, Osiris et Isis, la coiffure ou la couronne isiaque, 1' « ouvrage des lis » des piliers phalliques du Temple de Salomon — voilà bien, en effet, le lis maçonnique et non le lis de la chasteté chrétienne, qui, lui. n'est pas maçonnique.
Et de crainte, cher lecteur, que vous ne pensiez que nous cher- chons à vous convaincre de force, permettez-nous de citer ce que dit le Dr Mackey sur cette même vertu de chasteté ; nous reprodui- rons la citation mot à mot, modernisant simplement l'orthographe d'un texte qui se donne pour de l'anglais du XIV* siècle.
« Chasteté. Dans le Manuscrit Halliwell des Conslilulions de la Maçonnerie^ écrites à une époque qui ne dépasse pas la fin du XIV* siècle, et prétendant être une copie des Règlements adoptés à York en 9?6, le septième article est ainsi libellé :
« Tu ne coucheras pas auprès de la femme du maître
Non plus qu'auprès de celle de ton compagnon, sous aucun pré-
[texle,
De peur que la Fraternité ne te méprise ;
Ne couche pas davantage auprès de la concubine de ton compa-
[gnon
Que lu ne voudrais qu'il le fil auprès de la tienne ' ».
« El encore, continue le Dr Mackey, dans les Constitutions con- nues sous le nom de Manuscrit de Matthew Cooke, écrites vers la fin du XV® siècle, le même règlement est renforcé en ces termes : « Septième article. Il ne devra pas convoiter la femme ou la fille
1. Thou shall not by Ihe niasler's irifc lie, Nor by Ihtj fellow's in no manner wise, Lesl Ihe Crafl would Ihee despise : Nor hy Ihy fellow's concubine, .\c more thou would.-it he did by Ihine ».
LA MOtîALE MAÇONNIQUE 221
de ses maîtres, ni celle de ses compagnons, à moins que ce ne soit avec une intention de mariage ». C'est ainsi qu'au cours de toutes les anciennes Constitutions et anciens Règlements, nous trouvons ce précepte de respecter la chasteté des femmes et des filles de nos frères, précepte qui est maintenu jusqu'à nos jours, comme il est à peine nécessaire de le dire ' ».
Il est étrange que le Dr Mackey ne se soit pas aperçu combien la chasteté maçonnique est plus restreinte que ne l'est la chasteté mosaïque. Le Maçon doit respecter la chasteté des femmes et des filles des autres Maçons, — les Règlements ne vont pas au-delà ; pour observer le commandement mosaïque, il faut respecter la femme en général. Et le Christ, expliquant le précepte mosaïque, ordonne à ses disciples de respecter toutes les femmes, et même dans leurs pensées : « Vous avez entendu qu'il a été dit par les anciens: Tu ne commettras point d'adultère. Mais moi je vous dis : • Quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur - ».
Le Christ ne s'arrête ici ni à la femme, ni à la fille, ni à la concu- bine du prochain. On pourra objecter que ce manuscrit de Halliwell est apocryphe ^ et qu'il est rejeté par la science maçonnique mo- derne ; cela ne peut détruire notre argument. Ce n'est pas à cause de sa doctrine qu'il est rejeté, mais pour un défaut d'authenticité. Le fait que la doctrine qu'il renferme est bien la doctrine maçon- nique est clairement prouvé par la citation approbatrice du Dr. Mackey. Cela suffit amplement à nos fins.
Mais le champ de la liberté sensuelle est singulièrement limité par l'étendue du précepte de chasteté mosaïque et chrétienne ; nos ap- pétits inférieurs se révoltent contre la voie droite et étroite qu'ils ont devant eux. Plus la femme est respectée, plus notre nature sen- suelle est contenue : « Plus d'espace ! Plus d'espace ! s'écrie la pas- sion,car, lorsqu'il s'agit de principes maçonniques, la morale ne con- cerne que les hommes; la femme est essentiellement incapable de vraie morale — à bas les chaînes de l'ignorance et de l'erreur de la morale chrétienne et mosaïque ! — « Le Maçon ne combatpas contre ses propres instincts», dit le F.-. Pike^. « De l'espace» ! dites-vous. Que dit le Maître ? « Entrez par la porte étroite, parce que la porte large et la voie spacieuse est celle qui conduit à la perdition, et ils sont nombreux ceux qui entrent par elle. Ou'elleest étroite la porte
1. Encyclopaedia of Freemiisonry. p. ItJU.
2. Malt h. V, -17. •>8.
3. Encyclopcrclia of Freeniusunt'y, p. 977.
4. Morals and Dogma, p. 231.
22? LA MORALE MAÇ0NN1(?UE
et resserrée la voie qui conduit à la vie, el il y en a peu ijui la trou- vent » '.
Nos lecteurs seront frappés de ce fait étrange au point d'en t^lre incroyable que, d'après les principes maçonniques, il n'y a pas de vraie morale pour la femme. Et cependant telle est la réalité. Car la Maçonnerie soutient que, hors de son k illumination », tout est ignorance morale et ténèbres; que celui qui n'a pas franchi ses portiques languit dans les chaînes de l'esclavage moral ; que c'est lors de l'initiation que sont im})lantés dans le cœur immain les pre- miers principes de la vraie morale. Mais il est tout aussi certain que la femme ne peut pas être Maçon. II est donc évident que la fem- me ne peut recevoir la lumière maçonnique, et, par là même, est incapable de connaître la vraie morale. Ou'advienl-il des Rebec- cas ? Elles forment une société aiïlliée à la Maçonnerie, mais elles ne peuvent être de vrais Maçons. C'est un principe fondamental, uii « landmark v de l'Ordre, que ses membres seront des hommes exclusivement.
« Il y a quelques contrées des Etats-Unis, dit le Dr. Mackey,- où ces degrés (pour les femmes) sont en vogue, tandis que ilans il'au- lres,ils ne sont jamais pratiqués et sont condamnéscomme des inno- vations déplacées. Le fait est que ces soi-disant degrés ont été hien mal présentés, aussi bien par leurs partisans que par leurs adversai- res. Quand on dit aux femmes qu'en recevant ces degrés, elles font partie de l'Ordre et qu'elles sont instruites en Maçonnerie, qui prend alors le nom de « Maçonnerie des Dames », on les trompe tout sim- plement. Toute femme api)arentée à un Maître Maçon par les liens du sang a particulièrement droit à l'assistance el à la protection maçonniques. Si on lui dit cela et si l'on ajoute qu'au moyen de ces degrés androgynes, elle sera mise à même de faire valoir ses droits par une formalité, qu'on pourrait appeler une déclaration orale, mais que la possession desdits degrés ne la rapproche aucunement des prati(|ues de la Maçonnerie, si l'on agit ainsi honnêtement à son égard, dis-je, il n'y a rien de mal ; au contraire, quelque bien peut en advenir, si ces degréssont conférés à bon escient el s'ils sont conservés prudemment. Mais toute tentative d'incorporer à la Ma- çonnerie ces degrés et spécialement cette institution anormale (pie l'on appelle la Maçonnerie des Dames est chose fautive, imprudente et sujette à soulever l'opposition des membres instruits et prudents de la Fraternité ». Donc les femmes ne peuvent appartenir à la Ma- çonnerie; ils'ensuit qu'elles ne peuvent pas être morales, maçonni-
1. Mallh. VM. 13. U.
'2, Encyclopœdia of Freemusonnj. p. "0
LA MORALE MAÇONNIQUE 223
quement parlant. La morale maçonnique dépend du sexe. La Ma- çonnerie des Dames, ou système de morale pour la femme, est une anomalie. Il est vrai que la voie est largement ouverte aux pas- sions humaines! Le Maçon n'a pas à combattre ses instincts.
« Souvenez-vous, dit le F.*. Pike', que tous les caractères de moralité qui se rencontrent dans l'homme ont leur prototype chez les créatures d'intelligence inférieure; la cruelle bestialité de l'hyè- ne, la rapacité sauvage du loup, l'impitoyable férocité du tigre, la sournoise hypocrisie de la panthère se retrouvent chez l'homme, et on ne devrait pas s'émouvoir davantage en les découvrant en lui que dans les animaux ».
La morale maçonnique plane à des hauteurs sublimes, vue à la lumière naturelle du Dr. Mackey !
La femme est, par son sexe, exclue de la vraie morale ; et nous voyons tous lescaractères moraux qui se révèlent chez l'homme trou- ver leurs prototypes dans la brute. « L'homme n'a ni défaut, ni vice qui n'existe chez quelque animal ; donc il n'est autre chose, par ses vices, qu'une bête d'un ordre supérieur ; et parmi les plus nobles qualités morales, telles que la générosité, la fidélité, la magnanimité, peut-être n'en est-il qu'un petit nombre, n'en est-il même aucune, qui n'appartienne, et au même degré, à quelque animal^. Ne pou- vant trouver aucune diiïérence essentielle, ni même une dilTérence quelconque, entre la moralité des animaux inférieurs et celle de l'homme, le F.-. Pike se voit obligé d'abandonner la sphère de la morale et de chercher la source de la suprématie de l'homme dans la parcelle de divinité qui constitue l'àme humaine. Etrange divinité, dont le code de morale n'est pas plus noble que celui de la brute!
Etant donc mécontent du Decalogue Mosaïque, le Fr.-. Pike en invente un à l'usage des Frères .-.. « La Maçonnerie a, dit-il, son Decalogue "\ qui est une loi pour ses Initiés. Voici ses dix Comman- dements ». Pourquoi en annonce-t-il dix, se demandera sans doute un lecteur pointilleux ? Est-ce parce qu'il lui a plu de réunir ses préceptesen dix groupes? nous les reproduirons, quoi qu'il en soit, tels qu'ils sont :
« I. ©.-. Dieu est Eternel, Tout Puissant, Sagesse, Immuable, Suprême Intelligence, et Amour Intarissable.
Tu dois l'adorer, le révérer, l'aimer. Tu l'honoreras en pratiquant les Vertus !
II. 0-- Ta religion consistera à faire le bien parce que cela sera pour toi un plaisir,et non pas simplement parce que c'est un devoir.
1. Morals and Dogma, p. 70.
2. Ibid., p. 857.
3. Ibid., p. 17.
224 LA MORALE MAÇONNIQUE
Afin de devenir l'ami de l'homme sage, lu obéiras à ses préceptes ! Ton Ame est immortelle ! tu ne feras rien qui la puisse dégrader !
III. 0.-. Tu lutteras sans cesse contre le vice !
Tu ne feras pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fissent
Tu seras soumis à ta destinée, et tu tiendras allumée la lampe de la Sagesse !
IV. O-'- Tu honoreras tes parents !
Tu respecteras et honoreras les vieillards !
Tu instruiras la jeunesse !
Tu protégeras et défendras l'enfance et l'innocence !
V. 0.-. Tu aimeras ta femme et tes enfants I Tu aimeras ton pays et obéiras à ses lois !
VI. O'- Ton ami sera pour toi un autre toi-même ! Le malheur ne fera pas de lui un étranger pour toi 1
Tu feras pour sa mémoire ce que tu ferais pourlui, s'il élaiten vie. VIT. 0.-. Tu éviteras et tu fuiras les amitiés qui ne sont pas sincères ! En toutes choses, lu éviteras l'excès ! Tu redouteras de rien faire qui puisse entacher ta mémoire !
VIII. O- • T'J ^^ permeltrasàaucune passion de le dominer ? Tu le serviras des passions d'autrui comme de leçons profitables ! Tu seras indulgent à l'erreur !
IX. 0.-. Tu écouteras beaucoup : Tu parleras peu : Tu agiras bien !
Tu pardonneras les injures !
Tu rendras le bien pour le mal !
Tu n'abuseras ni de ta force ni de ta supériorité !
X. O- • ^^^ étudieras les hommes pour les connaître, afin d'ap- prendre à le connaître toi-même !
Tu re<'hercheras sans cesse la vertu !
Tu .seras juste !
Tu fuiras l'oisiveté !
Mais le grand commandement de la Maçonnerie est celui-ci : « Je vous donne un commandement nouveau : Que vous vous aimiez les uns les autres ! Celui qui dit qu'il est dans la lumière el qui hait son frère, est encore dans les ténèbres ».
« Tels sont, conclul-il, les devoirs moraux du Maçon. Mais le dévoir de la Maçonnerie est d'aider à élever le niveau moral et intel- lectuel de la Société, en faisant progresser la science, en mettant des idées en circulation, et en développant l'intelligence des enfants ; en mettant ^naduellemenf , par l'enseignement d'axiomes nouveaux et
LA MORALE MAÇONNIQUE 22^
par la promulgation de lois positives, la race humaine en harmo- nie avec ses destinées ».
La brièveté nous défend les longs commentaires. Il faut cepen- dant que nous attirions l'attention sur quelques points.
Tout d'abord, nous n'avons pas le moindre désir de nier que, lus dans leur sens apparent, les commandements précédents contien- nent une part de bonne morale. Je dis : dans leur sens apparent, car le F.'. Pike a jugé bon de faire précéder ces commandements de signes : une croix dans un cercle alternant avec un simple cercle. Or, la croix dans le cercle a la même signification que le point dans le cercle, et le simple cercle est un symbole de la nature, de l'uni- vers, du principe féminin. Et de même que la Bible chrétienne lue à la lumière de l'équerre et du compas prend son vrai sens maçon- nique, ces préceptes acquerront le leur lorsqu'ils seront interprétés avec leur signe par le Maçon ésotérique. Quant au Maçon exoléri- que, il les lira comme le profane, sans s'arrêter au symbole qui les accompagne et ne verra peut-être que peu de ditTérence entre ces commandements et ceux de la loi mosaïque. S'il est chrétien, il prendra le premier commandement comme se rapportant au Dieu des chrétiens ; il n'a pas pris garde au signe phallique qui le pré- cède, car il est bien loin de posséder la révélation sur Jéhovah, le dieu hermaphrodite de la Maçonnerie.
En second lieu, il y a, en effet, beaucoup de largeur dans cette morale ; mais c'est une largeur dans le vague et dans l'indéfini, qui, semblable à la charité, bien que dans un tout autre sens « peut couvrir une multitude de péchés ». « Tu lutteras sans cesse contre le vice »; « Tu rechercheras sans cesse la vertu » sont des comman- dements dont le sens dépend du modèle proposé par la morale établie. Ce que les chrétiens et les catholiques tiennent pour vertu peut être considéré comme vice par la Maçonnerie ; c'est ainsi que nous trouvons souvent le célibat catholique combattu, comme étant immoral, par les législations qu'inspire la Maçonne- rie.
En troisième lieu, nous cherchons en vain les commandements si clairs et si explicites de la loi mosaïque, ou leurs équivalents. Au lieu de « Tu ne commettras pas l'adultère », « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain », nous trouvons des expressions comme celles-ci : « Tu ne permettras à aucune passion de te dominer » ; « Ton âme est immortelle, tu ne feras rien qui la puisse dégrader », expressions que le Maçon exotérique, s'il est un prolestant sincère et droit, interprète comme équivalant à la loi révélée à Moïse, mais qui, ainsi que nous l'avons vu en traitant de la vertu de chasteté,
16
226 LA MORALE MAÇONNIQUE
n'ont pas le même sens. La chasteté imposée aux Maçons par la Maçonnerie est beaucoup plus reslroinlo.
En quatrième lieu, nous cherchons en vain à constater un perfec- tionnement du divin abrégé de la morale chrétienne : « Tu aime- ras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton Ame, de tout ton esprit et de toutes tes forces ». Tel est le premier comman- dement, et voici le second, qui lui est semblable : « Tu aimeras Ion prochain comme toi-même* ». Il n'est pas jusqu'au nouveau com- mandement de la Maçonnerie, emprunté à l'Evangile, qui ne perde à l'adaptation : « Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres, et que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés- ». Le modèle du Christ pro- posé à notre charité et à notre abnégation est omis ; cet amour qui sacrifia tout pour l'homme — la famille et ses joies, tout ce que le monde tient pour cher, la vie elle-même inclusivement, — tandis que la bienfaisance et la charité maçonniques, comme nous le mon- trerons dans notre chapitre suivant, ne s'exercent que sur de sim- ples superfluités, car nul Maçon n'est obligé d'aider son frère dans le besoin au prix d'un préjudice personnel sérieux.
En cinquième lieu, nous passons les commandements semblables à celui-ci : « Tu seras indulgent à l'erreur », qui suggère ce corol- laire : « Tu seras tolérant à l'égard de la foi catholique ». Nous avons assez longuement parlé, dans un chapitre précédent, de l'es- prit anlicalholique du F.-. Pike et de ses Frères.., et une expé- rience trop souvent répétée dans les pays où la Maçonnerie peut impunément exercer son intolérance a donné au monde entier la preuve que la tolérance qui est sur les livres maçonniques est dans le fond du cœur l'intolérance la plus acerbe contre le Catholi- cisme.
Flnfin nous ferons cette remarque : puisque la Maçonnerie pré- tend être la seule école de vraie morale, son système devrait con- tenir tout le bien moral nécessaire à l'homme et prohiber tout le mal moral. Il ne sullit pas que ledit système contienne du bien, même en se plaçant à un point de vue vraiment moral et chrétien, caria Maçonnerie réclame l'homme tout entier en ce monde, et elle prétend le [)réparer à ses destinées éternelles dans l'autre. 11 est donc inutile de citer telle ou telle chose comme étant bonne dans la Maçonnerie ; il n'est pas en ce monde de système qui soit en- tièrement pervers. Nous ne pouvons juger la Maçonnerie que d'a- près ses prétentions et ses promesses, en considérant les droits
1. Marc, XII. 30. 31.
2. Jean, xiil, 34.
LA MORALE maçoNmoue 227
qu'elle revendique et les promesses qu'elle fait ; et jugée sous ces aspects, nous constatons qu'elle est lamenLablemenL en défaut. Elle rejette la morale surnalurellement révélée, car sa morale est en- gendrée par la lumière naturelle. Elle ne prétend à aucune certi- tude dogmatique.» Le Maçon ne prétend pasavoir la certitude dog- matique, dit le F.-. Pike', il n'a pas la vaine prétention de pouvoir atteindre à cette certitude ». Sa morale est donc condamnée à er- rer éternellement dans le royaume des simples opinions, à changer par conséquent selon les circonstances et les sentiments de l'actua- lité, privée de toute sanction fixe et infaillible. El quand nous réflé- chirons à la théorie maçonnique de l'éternité qui enseigne que, sans considération des infractions à la loi morale dont nous aurons pu nous rendre coupables dans le temps, nous serons certainement après notre mort absorbés dans la Divinité ; quand on nous dira que notre âme véritable, étant une étincelle du feu divin, ne peut pas pécher, et que nos fautes morales ne sont imputables qu'à la ma- tière dans laquelle elle est plongée, les commandements du F.-. Pike ne nous paraîtront plus qu'un faible et bien fragile obstacle aux assauts des intérêts personnels et aux sollicitations des pas- sions.
Peut-être un exemple concret de la morale maçonnique pourrait- il intéresser nos lecteurs. « Un Maçon est tenu par le texte des Constitutions, nous dit-on, d'obéir à la loi morale, et, s'il comprend l'Art comme il convient, il ne sera jamais un athée stupide ni un irréligieux libertin. Mais, bien qu autrefois les Maçons eussent l obli- gation (ictre de la religion du pays ou nation..., on trouve aujour- d'hui/)/us /}/'a//g«e de les obliger seul&ment à accepter celte reli- gion sur laquelle tous les hommes s'entendent, gardant pour eux leurs opinions personnelles - ».
Voilà, certes, un étrange échantillon d'enseignement moral, et qui met bien en relief ce qu'est capable de sanctionner la morale maçonnique. « Si un Maçon comprend bien l'Art, dit le Ritualist, ou mieux les Anciennes Constitutions citées par le Ritualist, il ne sera jamais un athée stupide ni un irréligieux libertin ». Mais tous les Maçons connaissent-ils bien l'Art? Le Dr.Mackey ne cesse de se récrier, dans tous ses ouvrages, contre lignorance maçonnique. Et tout athée est-il nécessairement stupide ? Les philosophes athées sont des athées et ne se considèrent pas comme slupides.Le Maçon ne sera pas un « libertin irréligieux » ! Que faut-il penser de cela? Tous les libertins sont-ils irréligieux? Le Docteur sait aussi bien
1. Morals and Dogma, p. 226.
2. Masonic Ritualisl, p. 244; Encyclopsedia of Freemasonry, p. 112.
228 LA MORALE MATONNIQUE
que nous que la proslilulion publique pratiquée au nom des divi- nités païennes faisait partie du culte religieux du paganisme, et provenait tout naturellement du culte phallique des anciens. Ceux que vénère la Maçonnerie ne tenaient pas de tels libertins pour irréligieux.
Et que faut-il penser d'une morale dans laquelle la profession d'une religion est une simple question de convenance ? d'une mo- rale pour laquelle la religion est comme un vêtement (jue l'on prend ou laisse à volonté suivant les pays et les climats?
Un Maçon était tenu d'être un brahmaniste dans l'Inde ; un juif en Palestine ; un catholique à Rome ; il devait rejeter sa religion pour embrasser le mahomélisme à La Mecque, selon que ses affaires, sa santé, sa curiosité, son plaisir le portaient à fixer sa résidence dans l'un ou l'autre endroit. Quelle part est faite à la sincérité dans la foi d'un tel homme? Que pensez-vous de ses pratiques religieuses? Ce que le chrétien considère comme un sacrilège ne pesait guère à une semblable conscience, car tel qui, aujourd'hui, a reçu à Rome rEucharislie,pouvait fouler aux pieds le crucifix à Constantinople, le lendemain. La Maçonnerie lui a «commandé d'être delareligion du pays, ou de la nation, quelle qu'elle soit, bien que la Maçon- nerie, grâce à la lumière sublime qu'elle possède, lui ait enseigné que toutes les formes de religion sont erreur, œuvre humaine, cor- ruption de la vérité primitive ». «Tu seras indulgent pour l'erreur»', même jusqu'au point de la professer publiquement, tel était son ordre.
Nous ne poursuivrons pas ce sujet plus loin, car nous en avons assez dit pour faire voir clair dans le système maçonnique : c'est en effet de cela ({ue nous avons essayé de traiter. Nous avons exposé les principes qui devraient, selon la Maçonnerie, régler la vie morale de l'homme et de la société, tout en espérant que la vie des Maçons vaut mieux que les principes soutenus par l'Art.
Nous avons montré que l'expression «» un homme moral » com- porte autant de sens qu'il en est donné dans les systèmes de morale, et qu'il n'en résulte point nécessairement (pion soit moral comme l'entend le christianisme. Nous avons l'ait voir (jue la morale maçon- nique, produit de principes païens, n'est point chrétienne. Elle rejette les commilndemenls mosaïques et leur substitue les siens. Ceux-là, elle les donne comme loi de la raison naturelle, en rejetant tout ce qui est surnaturel. Nous avons examiné brièvement les commandements, leur nature, leur autorité, leur sanction. Nous aNons vainement cherché chez les siîctateurs du culte phallique, et
1. Murais and Duyma. p. Is.
LA MORALE MAÇONNIQUE 229
nolrerecherchedevaitforcément être vaine, les commandements mo- saïques de la chasteté. Le Maçon ne fait pas la guerre à ses instincts : pourquoi la ferait-il? Dans son système, il n'y a pas de Satan, il n'y a pas d'esprits mauvais qui poussent l'homme à faire le mal ; l'enfer est un vain fantôme, qui, pareil à une vilaine ombre, s'enfuit à l'ap- proche de la lumière maçonnique ; la véritable âme de l'homme, étincelle de la Divinité, ne peut pécher naturellement : en sorte que la faute morale réside dans le corps, et est abandonnée avec le corps, tandis que l'àme doit être absorbée dans la Divinité, dont elle est une émanation; puis, en somme, tout cela n'est qu'affaire d'opinion, car la certitude dogmatique en ces matières est hors de notre portée. Dans un pareil système, l'exemple de saint Paul, qui mortifiait sa chair pour la contraindre à la soumission, loin de mériter l'éloge, est franchement condamnable; c'est le résultat de l'ignorance.
Vraiment, avec un tel système, le Fr.'. Pike a raison quand il dit ; « Toute morale 'sic Ij caractéristique de l'homme trouve son prototype parmi les créatures d'une intelligence inférieure... et devrait ne pas exciter une émotion différente quand on la rencon- tre chez l'homme et quand on la rencontre chez la bète '. \'raiment l'homme « n'a ni défaut, ni vice qui n'existe chez quelque animal ; donc il n'est autre chose, par ses vices, qu'une bête d'un ordre su- périeur ; et des plus nobles qualités morales, telles que la généro- sité, la fidélité, la magnanimité, peut-être n'en est-il qu'un petit nombre, n'en est-il même aucune qui n'appartienne, et au même degré, à quelque animal ». Le Fr.-. Pike lui-même ne saurait trouver de ditïérence entre la moralité de l'homme et celle de la bête, et, comme nous l'avons vu, il -cherche la distinction entre l'homme et la bête dans une étincelle de la Divinité, théorie aussi absurde aux yeux de la raison qu'elle est contraire à la révélation chrétienne.
La voilà donc, cette Maçonnerie qui, à ce que dit le Fr.*. Pike, « a pour devoir de développer l'esprit de la jeunesse. Grâce au sen- sualisme de nos théâtres, à une presse qui recherche la sensation ; grâce au relâchement des mœurs publiques; grâce au dédain pour le mariage, grâce à la propagande publique en faveur de la limita- tion de la postérité par des moyens que réprouve la morale chré- tienne ; grâce à l'Eugénisme, qui, acceptable dans un certain sens et avec toutes les précautions morales dont l'éthique chrétienne l'entoure, mais qui sous des plumes non chrétiennes, n'est qu'un terme poli pour désigner un vice qui n'a rien de chrétien; grâce à
1. Morals and Dogma, p. 76.
2. Ibid., p. 857.
230 LA MORALE MArONNMOUE
toutes ces causes, qui sont les produits naturels du paganisme mo- derne, dont la Maçonnerie se glorifie d'être le porte-parole, — les esprits de nos jeunes gens croissent à vue d'oeil. C'est la Maçonne- rie qui pose la première pierre des écoles publiques et des Univer- sités d'Etat, en parle au possessif et dit : « Nos Universités ».
C'est cette Maçonnerie qui lutle, et lutte avec succès pour chasser Dieu de notre éducation, afin de préparer un sol favorable, où elle plantera plus tard son Jéhovah, son Il-Elle, le Dieu du paganisme, la nature telle qu'elle se symbolise dans l'homme affranchi des liens de la morale chrétienne. Il faut être vraiment aveugle pour ne pas prévoir les résultats de tout cela ! La Maçonnerie les voit claire- ment, elle travaille à les réaliser par un labeur invisible mais in- cessant, et le catholique qui n'a point été plongé dans le sommeil de l'engourdissement, le protestant qui n'a point été endormi par des phrases pleines de douceur et de tendresse sur la vertu et la morale, et l'amour, et la tolérance, et la croyance en Dieu, et l'im- mortalité de l'àme, se réveilleront en sursaut, mais trop tard ; ils se frotteront les yeux et se détourneront en voyant que l'ivraie a étouflé le froment. Tel est le réveil de la France, tel est le réveil qui se prépare partout, lorsque les années auront passé, et que les ger- mes du sensualisme, semés à profusion, auront produit le fruit qu'on en attend.
I
CHAPITRE XVI
Bienfaisance maçonnique
Dans notre précédent cha[>itre, nous n'avons pas nié que la Ma- çonnerie n'enseigne plus d'une utile leçon de morale, quoique, ainsi que nous l'avons montré, comme système complet de morale, elle soit non-chrétienne, païenne et condamnée par la saine raison. De même, dans le présent chapitre, nous n'avons nul désir de ré- voquer en doute les beaux côtés de la bienfaisance maçonnique bieiVque, nous le montrerons, cette bienfaisance soit loin d'être tout ce que prétend la Secte.
Il y a deux bienfaisances maçonniques : l'une estimée par la fra- ternité comme l'œuvre essentielle de la Maçonnerie, mais qu'on n'expose cependant pas avec trop d'insistance au monde, car sou- vent elle est reléguée à l'arrière-plan ; l'autre, accessoire et acci- dentelle, qui, néanmoins est constamment placée au premier plan, rideau superbe destiné à cacher les projets véritables de l'Ordre, puisque, grâce à lui, des Maçons mêmes y sont trompés. « Une très grande majorité de ses disciples, dit lé Dr. Mackey dans un passage déjà cité, considérant uniquement ces résultats pratiques tels qu'ils apparaissent dans la vie de chaque jour — les nobles libéralités qu'elle répand, les larmes de veuves qu'elle a séchées, les" cris d'orphe- lins qu'elle a apaisés, les besoins de déshérités auxquels elle a sub- venu — arrivent trop rapidement à cette conclusion que la charité, et encore entendue au sens étroit d'aumône, est le but principal de l'Institution ». Le soin des veuves, des orphelins et des indigents au moyen de l'aumône n'est, aux yeux de la Maçonnerie, que la moindre partie de sa bienfaisance. Elle attache beaucoup plus d'im- portance à ce qu'elle estime être l'émancipation de notre race.
Sa bienfaisance essentielle consiste donc à instruire l'humanité, « de la vérité sur Dieu et l'àme, sur la nature et l'essence de l'un et de l'autre ' » ; à briser « les chaînes d'erreur et d'ignorance qui ont jusqu'ici retenu le candidat dans la captivité morale et intellec-
1. Masonic Rilualisl, p. 33.
232 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
luelle ' » ; à 0 élever le niveau moral el inlellecluel de la société en faisant avancer la science, en mettant des idées en circulation, en développant l'esprit de la jeunesse el en mettant graduellement, par la propagation d'axiomes el la promulgation de lois positives» la race humaine en harmonie avec ses destinées >^. Telle est la bien' faisance dont les murs des Loges font résonner la louange ; elle peut se répandre en pratiquant une légère saignée à la bourse des Frères, mais de plus, en certains cas, elle peut aider à refaire leurs finances appauvries, quand les charités catholiques sont confisquées au profit de la nation el que les FF.-, se trouvent fort à propos être la nation.
Quelle idée faut-il se faire de l'illumination maçonnique en elle- même ? Xos lecteurs le peuvent conclure des pages qui précèdent. Nous n'y ajouterons rien. Nous nous bornerons à considérer l'es- prit de philanthropie dans la Maçonnerie, son amour de notre race, sa bienfaisance universelle, en prenant le mol universelle au sens de large ou générale. Et ici, en considérant son esprit à l'égard de la générosité ou de la parcimonie, nous devons le juger, non d'a- près la valeur que nous attachons à son illumination, ni d'après celle qu'on devrait lui accorder, mais d'après la valeur que la Ma- çonnerie elle-même réclame qu'on y attache. Si la Maçonnerie pro- clame, croit ou prétend croire qu'elle possède un trésor inestima- ble pour l'humanité, et si elle dispose de ses réserves avec parcimo- nie ; si elle exclut absolument de ses libéralités la plus grande par- tie de notre race; si elle l'exclut pour des raisons futiles ou sans raison aucune ; si elle en exclut des êlres humains liés à ses mem- bres par les liens les plus tendres de la nature, il n'est personne qui, connaissant le véritable étal des choses, dise que sa philan- thropie est large. Mais si, d'un côté, nous connaissons les préten- tions de la Maçonnerie à l'égard de la vérité divine et de la morale) si, d'autre part, comme nous le prouverons avec évidence, elle est en bien des cas exclusive, nous ne saurions conclure aulre chose, sinon que son esprit de bienfaisance est élroit et qu'il ne possède pas l'universalité entendue au sens de largeur.
Car il est essentiel à la vraie bienfaisance de passer aux actes dès qu'il est en son pouvoir d'accorder un bienfait.
« Cogan, dans son ouvrage On Ihe Passions, dit le Dr Mackey -, définit ainsi la bienfaisance : « Quand notre amour ou notre désir
1. Masonic Rilualisl, p. 33.
2. Encijclopxdia of Freemasonry, p. il3.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 233
« du bien a les autres pour but, nous l'appelons bienveillance ou « bienfaisance. La bienfaisance embrasse tous les êtres capables de « jouir d'une part du bien; ainsi la bienfaisance devient universelle, « si elle se manifeste par un plaisir ressenti à la vue de la part de « bien dont jouit toute créature, dans la disposition d'augmenter « cette part, dans un sentiment de malaise à la vue de la souffrance « et dans l'horreur de la cruauté, de quelque prétexte qu'elle se « déguise ».
« Cet esprit, continue le Dr. Mackey, doit remplir le cœur de tous les Maçons à qui on a appris à considérer l'humanité comme formée par le Grand Architecte de l'Univers pour l'assistance, l'ins- truction et le soutien mutuels de ses membres ».
Par ces derniers mots, le Dr. Mackey complète la déflnition de Cogan. La vraie bienfaisance, le véritable amour ne consiste pas, comme nous l'avons dit, dans une simple sentimentalité, mais dans la ditTusion réelle des bienfaits, dans la mutuelle instruction, la mutu- elle assistance et le mutuel support de tous ceux qui sont capables de recevoir le bien que nous pouvons leur faire. L'esprit de la Maçonnerie est-il celui d'une telle bienfaisance ? Lisez et jugez.
« Au point de vue du prosélytisme, dit le Dr. Mackey ', la Franc- Maçonnerie ressemble plus à la foi exclusive de Brahma qu'à la foi accueillante de Moïse, de Bouddha, du Christ ou de Mahomet.
« A parler clair, continue-t-il, la Franc-Maçonnerie est rigoureu- sement opposée à tout prosélytisme. Quoique ses membres, chaque fois qu'une occasion favorable se présente, n'hésitent pas à défendre l'Institution contre les attaques de. ses ennemis, ils ne cherchent jamais, en faisant à dessein l'éloge de ses vertus, à lui gagner de nouveaux amis ou à accroître le nombre de ses disciples.
« Bien au contraire, continue-t-il, elle se vante, comme d'un mérite qui lui appartient en propre, d'être une Institution ouverte aux volontés libres Non seulement elle défend à ses membres tout effort en vue de recruter des initiés, mais, chaque fois que des can- didats se présentent pour être admis à ses rites sacrés, elle leur demande, dès le premier pas, de déclarer sérieusement quils se présentent d'eux-mêmes et librement sans avoir été influencés par les instances importunes de leurs amis »•
« Ainsi cet esprit d'anti-prosélytisme inculqué à tousles Maçons, dès le début de leur initiation, quoiqu'il ne soit pas un «landmark», revêt le caractère sacré d'une loi de ce genre, et par là, la Franc-
1. Encyclopjadia of Freemasonry, p. 612-614.
234 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
Maçonnerie se dislingue de toutes les autres associations humai- nes, et dit avec fierté : « Nos portes sont ouvertes toutes grandes à tous les hommes de bien et de bonne foi. mais nous ne demandons à personne d'entrer ».
Le F.-. Mackey n'ignore certes pas l'existence du prosélytisme maçonnique, ou, pour parler comme lui, non-maçonnique, et ces paroles en sont une condamnation sévère.
«< C'est, dit-il, un usage établi dans l'Ordre (de se présenter sans être influencé par les sollicitations de ses amis) ; rien ne saurait donc être plus pénible à un vrai Maçon que de voir cet usage violé par déjeunes Frères étourdis. Or, on ne peut nier qu'il ne le soit souvent ; et cette violation est le résultat d'influences néfastes exer- cées, sans même qu'on s'en doute, sur la Maçonnerie, par nombre de sociétés similaires auxquelles le temps présent, comme le passé, a donné naissance, et qui n'ont d'autre ressemblance avec la Maçon- nerie que d'avoir certaines cérémonies secrètes d'initialion. Il en ré- sulte que quelques-uns viennent parmi nous imbus des principes et accoutumés aux usages de ces sociétés récentes oùles sollicitations persévérantes des candidats sont considérées comme une pratique légitime et même digne d'éloge ; ils apportent avec eux cette notion préconçue, et considèrent comme leur devoir d'exercer toute leur influence pour persuader à leurs amis de devenir membres de l'Art. Ceux qui méconnaissent à ce point la vraie politique de notre ins- ti'Mtion, devraient apprendre de leurs Frères plus âgés et plus ex- périmentés qu'il est tout à fait contraire à nos lois et à nos princi- pes de demander à qui que ce soit de se faire Maçon ou d'exercer aucune sorte d'influence sur l'esprit des autres, excepté celle qui ré- sulte d'une vie vraiment maçonnique et de la mise en pratique exemplaire des principes par lesquels on peut être amené à deman- der son admission dans nos Loges. Ce n'est pas nous qui devons chercher, on doit nous chercher' ».
De telles tendances sont en tout point contraires à l'esprit de bienfaisance, pris dans son sens le plus large. La bienfaisance veut se répandre ; elle se met à la recherche de la pauvreté et de la misère. Elle ne se croise pas les bras dans une sublime contemplation d'elle-même. en disant : « Si les méchants et les igno- rants ont besoin d'aide et de lumière, qu'ils viennent me chercher ; qu'ils frappent en suppliant à ma porte, et implorent mon aide! « Il n'est personne, hors la Maçonnerie, qui appelle cela le véritable esprit de bienfaisance, surtout lorsfju'il s'agit d'un corps qui a la
1. Manonir Jurisprudence, pp. 85, 86.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 235
prétention, justifiée ou non, de détenir dans ses mains le bonheur temporel et éternel de tous les mortels. « Allez, dit le divin Maître à ses apôtres et à ses disciples, enseignez toutes les nations' ». « Allez par tout l'univers et prêchez l'Evangile à toute créature^ ». Comme la bienfaisance maçonnique pâlit auprès de celle du Christ !
Non seulement le véritable esprit de la Maçonnerie se montre in- différent aux intérêts éternels des masses, mais de plus, il ne con- sent à communiquer sa soi-disante vérité divine que sous le sceau d'un secret inviolable. En effet, tous les Maçons, depuis les grades inférieurs jusqu'aux plus élevés, sont tenuspar sermentà ne révéler absolument rien de ce qu'on leur apprend dans la Loge à ceux qui ne sont pas Maçons.
Voici la règle maçonnique de conduite en présence d'étrangers qui ne sont pas Maçons : « Vous aurez soin, dit le Ritualisa, qu'il soit impossible à l'étranger le plus perspicace de découvrir dans vos paroles ou votre attitude ce qui ne doit pas être divulgué ; il vous faudra parfois faire dévier le cours d'une conversation pour arriver à la tourner prudemment à l'honneur de la vénérable Fraternité ».
« Conduite à tenir chez soi et dans son entourage :
« Vous devez agir comme il convient à tout homme moral et sage ; ne faites rien connaître des affaires de la Loge à votre fa- mille, à vos amis, voisins, etc.; prenez conseil de votre propre hon- neur, de celui de l'Ancienne Fraternité, et cela pour des raisons dont il n'y a pas lieu de parler ici ».
« Conduite à tenir envers un Frère étranger :
« Il vous faudra l'examiner soigneusement de la manière que vous dictera la prudence, afin de ne pas vous laisser imposer par un ignorant qui joue un rôle menteur; vous devez l'écarter avec mépris et dérision, vous gardant bien de lui faire connaître la moindre chose ^». Et cette règle doit être si rigoureusement observée à l'égard des vi- siteurs des Loges que le principe suivant a été établi :
« Enfin, dit le Dr Mackey, traitant ce sujet "', en aucun cas, une délicatesse injustifiable ne devra faire fléchir la rigueur de ces règles. Rappelez-vous que, pour les raisons les plus sages et les
-I. Malth.. XXVIII, l'.i.
2. Marc, XVI, 15.
3. Ritualist, p. 249, 250,
4. Ibid., p. 250.
5. Encyclopseclia, p. 267.
?36 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
plus claires, la charitable maxime de la Loi, qui dit : mieux vaut laisser échapper quatre-vingt-dix-neuf coupables que de punir un innocent, cette maxime, dis-je, chez nous, doit être retournée, et, dans la Maçonnerie (les mots suivants en italique sont de notre auteui'j : mieux vaut que quatre-vingt-dix-neuf honnêtes gens soient exclus d'une Loge que d'y laisser pénétrer un seul <^ cowan » (ce dernier mot désigne quiconque n'est pas Maçon) ». Admirable bienveillance ! admirable amour de notre race, d'exclure quatre- vingt-dix-neuf honnêtes gens de la source de la vérité divine plu- tôt que d'admettre un seul profane non lié par le serment !
El que devons-nous penser d'une bienfaisance qui, dans celte ma- tière importante entre toutes, « la connaissance de Dieu et de l'âme humaine — la nature et l'essence de l'un et de l'autre », endurcit le cœur de l'homme contre ceux qui lui sont le plus proches et le plus chers? contre la mère qui l'a porté, contre la femme que son cœur a choisie, contre sa sœur, contre sa fille, contre son fils mi- neur, contre son père au déclin de la vie, lorsque l'espérance de l'immortalité bienheureuse est le plus nécessaire ; que devons-nous penser de la largeur, de la profondeur, de la sincérité d'une telle bienfaisance ? Et cependant, on exclut absolument de l'illumination maçonnique tous ceux dont nous venons de parler et d'autres encore.
Les qualités refjuises des candidats à la Maçonnerie sont exposées en dilîérents endroits des œuvres du Dr. Mackey, mais nulle part plus complètement que dans sa Masonic Jurisprudence.
« Les qualités essentielles en celui qui demande à être initié aux mystères de la Franc-Maçonnerie, dit-il ', sont de deux sortes : internes et externes.
« Les qualités internes sont celles qu'il possède en son cœur, sans qu'elles paraissent au dehors. Elles ont rapport à ses disposi- tions particulières relativement à l'Institution — aux motifs qui le poussent à y entrer et au but (pi'il se propose. Ces motifs et ce but sont connus de lui seul, et par conséquent seule une déclaration solennelle de sa part peut en donner connaissance.
« Les (pialités externes sont relatives à ce qu'on voit de ses apti- tudes à l'initiation, et elles sont fondées sur son caractère moral et religieux, sur son extérieur, sur la trempe de son esprit et sur sa position sociale. La connaissance en peut être donnée par un sérieux examen fait par une commission nommée à cet elïet ».
Laissons de côté, pour le moment, les cjualités internes, et tour- nons noire attention vers les qualités externes que notre auteur -
1. Masnnic Jurisprudence, p. 1^3
2. Jhid., p. H'J. ■
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 237
ramène à quatre chefs : qualités morales, physiques, intellectuelles et politiques. Toujours désireux de ne pas trop nous étendre, nous ne discuterons pas pour savoir si un certain nombre de ces qualités ne sont pas, au sens le plus strict, des qualités internes, par exemple, les qualités intellectuelles et morales. Consacrons le peu de place dont nous pouvons disposer ici à traiter des qualités physiques requises des candidats, car, une fois que nous nous serons bien rendu compte des restrictions qu'elles contiennent pour les membres de l'Ordre, retardant ainsi l'illumination maçonnique, nous pourrons facilement leur ajouter d'autres restrictions qui proviennent des premières.
u Pour le sexe, dit le Dr. Mackey' , le principe est absolu, c'est l'un des « landmarks » de l'Ordre ; la première condition requise pour l'initiation, c'est que le candidat soit « un homme ». Et il continue : « Ce principe écarte naturellement la femme de l'initia- tion ». Quels que soient donc ses rapports avec un Maçon, la fem- me est radicalement exclue, comme nous l'avons dit, de la vérité divine telle que la conçoit la Maçonnerie, et de la vraie morale. Cette exclusion est un « landmark » de l'Ordre, c'est-à-dire un principe essentiel et fondamental de la Maçonnerie, qu'il n'est pas en son pouvoir de changer. « En supposant qu'il soit possible à toutes les autorités maçonniques actuelles de se réunir en un con- grès universel et qu'elles adoptent à l'unanimité quelque nouveau règlement, dit le Dr. Mackey-, ce règlement, tant qu'il ne serait pas aboli, aurait force de loi pour toute la Fraternité, cependant il ne serait pas un « landmark ». Il aurait bien, il est vrai, le caractère d'universalité, mais il lui manquerait celui d'ancienneté ».
« Il est une autre particularité qui s'attache à ces « landmarks », continue-t-il: c'est qu'ils sont immuables. De même que le congrès auquel je viens de faire allusion n'aurait pas le pouvoir d'établir un « landmark », il n'aurait pas davantage le droit d'en abolir aucun. Les « landmarks » de l'Ordre, comme les lois des Mèdes et des Perses, ne peuvent souffrir aucun changement. Ils restent ce qu'ils étaient, il y a des siècles, et ils demeureront tels jusqu'à ce que la Maçonnerie elle-même cesse d'exister ». Donc, aussi longtemps que la Maçonnerie sera la Maçonnerie, la femme, c'est-à-dire la moitié de l'humanité, par le seul fait d'une malechance physique qui l'a fait naître du sexe féminin, devra errer dans l'ignorance et les ténèbres intellectuelles et morales, hors de l'enceinte de la Frater- nité. Et pourquoi?
1. Masonic Jurisprudence, p. 9G.
2. Ibid., p. 15.
238 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
« Peul-êlre la meilleure raison que Ion puisse donner de l'exclu- sion des femmes de nos Loges, dit notre auteur', se Irouvera-l-elle dans le caractère de notre organisation comme société mystique? La Franc-Maçonnerie spéculative n'est qu'une application de l'art de la Maçonnerie operative à des fins morales et scientifiques. La branche operative de notre Institution fut l'avant-coureur et l'ori- gine de la branche spéculative. Or, comme nous n'admettons aucun changement ou innovation dans nos coutumes, la Maçonne- rie spéculative a conservé toutes les règles et tous les règlements qui la gouvernent tels qu'ils existaient lorsqu'ils gouvernaient la Maçonnerie operative. Et les hommes robusteselvigoureux,jouissant de l'usage de tous leurs membres et facultés pouvant seuls apparte- nir à cette dernière, on a maintenu la règle qui exclut de la Maçon- nerie spéculative tous ceux qui ne sont pas en possession des quali- tés requises. Ce n'est pas parce que nous jugeons lafemme indigne, infidèle ou incapable de garder un secret, comme on l'a prétendu à tort, que la participation à nos rites et cérémonies est interdite à la femme ; mais c'est parce que, dès notre entrée dans l'Ordre, nous avons trouvé certains règlements établissant que seuls pourraient y entrer les hommes capables d'endurer les fatigues ou de remplir les devoirs des Maçons opératifs. Nous avons pris l'engagement solennel de ne jamais altérer ces règlements, qui ne pourraient êlre changés sans une désorganisation complète du système tout entier de la Maçonnerie spéculative ».
'■ Quelle excuse puérile ! Quoi, la Maçonnerie, qui révèle la vérité divine, qui seule enseigne la vraie morale, ne peut communiquer son illumination à la femme, parce que la nature ne lui a pas donné une force physique suiïisante pour porter et manier la truelle! Parce qu'elle est incapable de scier la pierre et de poser des bri- ques, la femme ne connaîtra rien de la vraie nature de Dieu ni de l'âme humaine! ! ! Mais bien des femmes sont capables d'accomplir ces travaux, bien des femmes les ont accomplis dans les pays non civilisés ; on les a vues accomplir même des travaux plus fatigants encore. Quelles raisons alléguerez-vous pour exclure ces femmes- là? '< Les tailleurs de pierre, de qui nous descendons, excluaient les femmes », répondrez-vous. — Toutes étaient-elles exclues. Doc- teur?— Toutes.— Sans exception? — Sans exception. — Mais vous oubliez, Docteur, qu'en parlant des «guilds», vous nous avez dit* que « les femmes étaient admises dans toutes les « guilds », usage qui, selon Herberl^ fut emprunté aux guilds ecclésiastiques de l'Europe
1. EnrijiliijiieJia of Frteniusonry, p. 888. '2. Encyclopeedia of Freemasonry p. 311. 3. Liu. Com}). I. 83.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 239
méridionale ; frères et sœurs étaient dans les termes de la plus par- faite égalité » ; et ces guilds, nous dites-vous à la page précédente, étaient «des guilds religieuses, commerciales ou des guilds de l'Art (Craft)». — «Ah 1 réplique le Docteur, nous descendons du roi Salomon, qui n'employa que des hommes pour construire son tem- ple ». « Et, de même qu'il est évident, dit encore le Dr., que le roi Salomon n'employa pour la construction de son temple que des hommes sains, vigoureux et habiles ouvriers, de même nos Lo- ges, à l'exemple de ce grand modèle, exigeront-elles, comme con- dition indispensable pour l'initiation à nos mystères, que le candi- dat soit un liomme. capable d'accomplir tel ouvrage que le maître lui commandera. Voilà donc l'origine du landmark qui exclut les femmes de l'initiation ». (Les italiques sont de Mackey).
Mais le Dr. Mackey oublie qu'il nous a dit ailleurs' que tout ce rapprochement entre la Maçonnerie et Salomon et son temple est « pure fable », et « qu'il n'est aujourd'hui aucun auteur tenant à sa réputation d'historien critique qui consentirait à défendre cette théorie ». Nous donnons la citation en entier dans notre chapitre sur l'histoire de la Maçonnerie, et nous ne voulons pas la répéter ici.
Le docteur Mackey attribue donc une origine fictive à ce land- mark si important qui, si sa théorie est vraie, et si nous devons juger de sa bienveillance par ses assertions, exclut ses parents les plus proches et les plus chers, non seulement d'avanta- tages sans prix, mais encore de tout ce qui ennoblit réellement la vie humaine. Et que dire des gens de loi? des médecins? des gens de lettres? De ceux-là, Salomon n'en-enrôla et ne songea à en en- rôler aucun pour tailler les pierres de son temple. Pourquoi ces ca- tégories et d'autres catégories analogues ne sont-elles pas exclues de la Maçonnerie, si la raison donnée a quelque valeur?
« Mais nous avons trouvé la Maçonnerie telle, lors de notre en- trée, s'écrie le Docteur, poussé dans ses derniers retranchements, et nous avons promis solennellement de ne point la modifier ». Ah! Docteur, si vous avez trouvé la Maçonnerie telle quand vous y êtes entré, vous y avez trouvé l'esprit de bienveillance réduit à des pro- portions bien mesquines, et vous avez eu grand tort de faire d'aussi solennelles promesses. Les avez- vous faites en connaissance de cause, ou les yeux bandés, sous la seule intluence de l'estime aveugle que vous professiez pour l'institution ? Ecarter de
1. Masonic Jurisprudence, p. 97
2. Encyclopaedia of Freemasonry, p. 798.
'240 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
parti pris, et dune façon absolue, mère, épouse, fille, sœur, de la Vérité divine, pour les raisons superficielles qu'on a vues, c'est montrer la plus complète absence de cœur ; et le faire les yeux fer- més,c'est prouver avec toute l'évidence possible, combien on est cou- pable de prendre des engagements graves, sans en voir clairement la portée.
« Mais agir autrement, ce serait anéantir la Maçonnerie, » dites- vous. Cela sutTirait à prouver, si la preuve était nécessaire en ce moment, combien ce système est radicalement vicieux.
C'est se montrer sans cœur et barbare, que de refuser à l'intelligence la Vérité divine, au cœur la véritable morale, en al- léguant uniquement le sexe, lorsqu'il s'agit des êtres auxquels vous êtes le plus intimement attaché par la loi que vous prétendez res- pecter et pratiquer, la loi naturelle.
La seconde condition est celle de l'âge. « Les anciens Règle- ments, dit le Dr Mackey*, n'indiquent pas expressément le nombre d'années à l'expiration desquelles un candidat entre en possession du titre légal qui lui permet de demander son admission. Le lan- gage employé précise qu'il doit être «d'un âge mûr et discret». Mais l'usage, dans l'Art, a varié selon les pays, quant à la fixa- tion du temps où cette période de maturité et de discrétion est censée atteinte. Le sixième Règlement, adopté en 16G3, prescrit « qu'on n'admettra personne à moins qu'il n'ait vingt-et-un ans ou plus »; mais les Règlements postérieurs sont moins explicites». Notre auteur indique ensuite l'âge exigé dans divers pays pourl'ini- tiation. La règle du Grand-Orient de France olfre néanmoins un intérêt particulier : « Le Grand-Orient de France, dit le Docteur, exige que le candidat ait vingt-et-un ans, à moins qu'il ne soit fils d'un Maçon ayant rendu quelque grand service à l'Ordre, ou qu'il ne s'a- gisse d'un jeune homme entré au service militaire depuis six mois, auxquels cas, l'initiation peut se faire à l'âge de dix-huit ans ». Six mois passés dans l'armée ont assez mûri l'intelligence du candidat pour qu'il reçoive la divine Vérité maçonnique, et ont préparé son âme à la pureté de la morale maçonnique !
« Un homme avancé en âge, qui radote, nous dit-il-, est dans le cas du jeune homme dans sa minorité, et pareillement inhabile à l'initia- tion «.Ouant à la conformation corporelle, le Dr. Mackey nous en informe: «Aucune partie de la juris[)rudence maçonnique n'a donné lieu à de plus grandes discussions dans les dernières années, que
1. Masunic Jurisprudence, p. 'J7.
2. Ibid., p. 99.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 24l
celle qui a Irait à la confornialion corporelle exigée du candidat. Tandis que certains interprètent à la lettre le langage des anciennes Constitutions, et exigent rigoureusement la plus grande perfection des membres supérieurs et inférieurs, il en est d'autres qui les interprètent avec plus de largeur, et rejettent seulement les indi- vidus qu'une difformité naturelle ou une lésion consécutive mettrait hors d'état d'accomplir le travail de la Maçonnerie spéculative. Dans une controverse de cette sorte, la seule manière de trancher la question, c'est de se livrer à un examen minutieux et impartial des autorités sur lesquelles est fondée la loi qui a trait à la confor- mation physique ». '
Nous allons supposer que le Dr. jMackey a fait cet examen ; nous nous bornerons donc à énumérer les catégories d'individus exclues de la MaçoHuerie, sans reproduire les raisons qui en sont données. Sont exclus : les aveugles- ; les sourds-muets^ ; les muets* ; les eunu- ques 5 ; les hermaphrodites 6, '< si tant est, dit le Docteur, que de tels monstres aient jamais existé réellement ». Nos lecteurs trouveront sans doute étrange l'exclusion de cette dernière classe, puisqu'elle représente parfaitement les divinités antiques, à l'égard desquelles la Maçonnerie se montre si tolérante, divinités qui étaient toutes hermaphrodites, à ce que nous dit le Docteur Mackey". Ceux qui sont exclus comme ne remplissant pas les conditions intellectuelles sont ceux qui ne savent ni lire ni écrire \ bien qu'il ait été dérogé à cette loi ; les idiots et les fous ^ ; les sots '", les athées ^*. En Alle- magne, les Juifs ont été longtemps exclus '-; ceux qui sont nés dans la servitude sont disqualifiés en raispn de leur infériorité politi- que *^ ; il en est de même des fils de ces derniers'". On ne doit point admettre les personnes enfermées en prison ou en quelque autre lieu de détention^^.
1. Masonic Jurisprudence, p. 100.
2. Encyclopœdia of Freemasonry, p. 118.
3. Ibid., p. 204.
4. Ibid., p. 232.
5. Ibid., p. 266. G. Ibid., p. 336.
7. Masonic Riiualisl, p. 62; :Symbolism of Freemasonry, p. 114.
8. Masonic Jurisprudence, pp. 116-117.
9. Ibid., p. 117.
10. Encyclopœdia, of Freemasonry, p. 281. ll./6/d., p. 95.
U. Ibid., p. 383-3^.
13. Masonic Jurisprudence, p. 119.
14. Ibid., p. 118.
15. Ibid., p. 120.
17
24'2 niENFAlSANCE MAOONNlQt E
On serait certainement porté à croire que, toutes ces restrictions portant sur les qualités internes et externes, sur l'état moral, physique, religieux, politique, ayant été observées, Taccès au salut maconniijue sera ouvert à tous ceux qui consentiront à tenter l'épreuve. Mais il en est tout autrement. 11 y a encore d'autres lois qui prescrivent des restrictions. Le candidat doit s'adresser par écrit à la Loge la plus rapprochée du lieu de sa résidence,el sa demande, signée de lui, doit être apostillée par deux membres de la Loge '.La demande doit être lue en réunion plénière - et envoyée à une commission qui s'enquerra de la réputation et des qualités du can- didat^ : et il doit s'écouler un mois avant que la Loge se prononce*. Si le rapport de la commission est favorable, la Loge procède à son scrutin 5 , et le candidat est rejeté si tous les votes sans exception ne lui sont i)as favorables. «Si, toutefois, il n'y a qu'une boule noire, l'urne est dite impure, et le vénérable fait procéder à un nouveau scrutin, qui est fait de la même manière, parce qu'il a pu arriver que le vote négatif ait été déposé par erreur ou inadvertance, dit le Dr. Mackey; mais, reprend-il, si, au second tour de scrutin, la boule noire repa- raît, le Vénérable déclare que le candidat est rejeté. Si, au premier scrutin, il y a deux boules noires ou plus, le candidat est déclaré rejeté, sans qu'on ait recours à un second scrutin "^ ».
« Ln Maçon, dit-il encore ", ne doit compte à aucun pouvoir humain, du vote qu'il émet au sujet de la demande d'un candidat. C'est à sa seule conscience qu'il doit répondre, pour les motifs qui l'ont amené à agir ainsi, et pour l'acte lui-même. Il va de soi qu'on est blâmable quand on se laisse influencer, dans l'usage de ce droit précieux, par une brouille ou un préjugé, et qu'on satisfait un sen- timent peu généreux au moyen d'un vole hostile. Mais nul n'a le droit de rechercher si un membre a cédé ou non à l'influence de tels motifs, s'il obéit à de tels sentiments. Aucun Maçon ne peut rtre appelé à rendre compte du vote qu'il a exprimé. Une Loge n'a pas le droit de chercher à savoir comment tel ou tel de ses mem- bres a voté. On ne peut faire aucune enquête, on ne doit accepter aucun renseignement à ce sujet.
« La loi se montre si anxieuse de sauvegarder celte indépen- dance du vote, garantie de sa pureté, que la Grande-Loge qui décide
1. M (iKonic . Jurisprudence, p. 122, 12(j.
2. Ibid.. 1». 130.
3. Ihid.. p. 131.
4. Ihid., p. 132. T). Ihid.. |i. 131.
0. Ihid.. Pli. 137-13S.
7. Ihid.. i.p. 1 12 ri M3.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 243
avec une aulorilé absolue sur loul le reste, n"a nul pouvoir pour intervenir dans ce qui regarde le vote sur un candidat, et bien quon ait pu se montrer injuste envers un homme probe, un homme de valeur, en le rejetant il doit arriver de temps à autre de ces faits d'injustice manifeste), ni la Grande-Loge, ni le Grand-Maître ne peuvent y remédier ; on ne peut accorder aucune dispense, soit pour casser la décision de la Loge, soit pour admettre la validité d'un vote qui n'est pas unanime. » Une fois l'exclusion prononcée, alors même qu'elle est le fait d'une rancune ou d'un préjugé de la part de quelque membre, dit le Dr. Mackey ', la demande ne peut être reprise en considération, sur un simple vole de la Loge... En second lieu, le candidat éliminé ne peut demander l'initiation à aucune autre Loge ».
Nous croyons avoir poussé assez loin l'étude de cette partie de notre sujet pour montrer ce qu'est l'esprit de la bienveillance ma- çonnique. Nous ne contestons pas à la Maçonnerie le droit de limi- ter le nombre de ses membres ; nous nous en tenons à considérer le degré de largeur et d'universalité dont sa bienveillance fait preuve à l'égard de l'humanité, lorsqu'il s'agit de lui faire part du trésor inestimable que la Maçonnerie prétend posséder : la vérité divine, la vérité sur Dieu et sur l'àme humaine, sur la nature et l'essence de l'un et de l'autre, ainsi que la véritable morale dont nous le voyons {le candidat) acquérir les premiers éléments dans son ini- tiation ■-.
Pour nous former un jugement pratique en celte alTaire, rendons- nous compte, approximativement, du nombre des gens exclus de la Maçonnerie, et qui n'auront plus d'espoir d'être admis à profiter de ses lumières.
Premièrement tout le sexe féminin, c'est-à-dire environ la moitié de la totalité dé l'espèce humaine est exclu pour toujours, absolu- ment. En second lieu, tous les garçons mineurs, ce qui augmentera le premier nombre^l'un bon quart .Viennent ensuite les gens affligés d'une imperfectionphysique,lesaveugles, les sourds, les boiteux, les malheureux enfants disgraciés de la nature qui, à raison même de leur infortune, se voient refuser l'élévation de l'intelligence et la perfection de la volonté, au moyen desquelles l'Art prétend prépa- rer l'humanité en vue de l'avenir. Le malheureux esclave, le « bond- man » *, les fils de celui-ci et les gens qui n'ont pas reçu d'instruc-
1. Masonic Jurisprudence, p. 149.
2. Masonic Rilualisl, j>. 3?8.
3. On nomme ainsi celui qui est tenu par uiif peine ou par serment à four- nir un certain nomijre dannées de travtiil.cniinue le <■ coolie •>. Nous n'avons pas en français de mot équivalent.
"244 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
lion, elles faibles d'espril,lous se voienl interdil l'espoir de devenir Maçons ; enfin la boule noire unique, l'unicjue vote défavorable va limiler encore le nombre des élus. Où esl-elle possible, celle largeur, celle universalité de la bienveillance, si les restrictions s'ajoutent aux restrictions, et que presque toutes étant entièrement indépendantes du libre arbitre du candidat, il ne lui soil pas possible de les écarter ?
Ainsi donc l'esprit de la Maçonnerie est tout le contraire de la largeur desprit. C'est le système du «petit nombre d'élus». Elle prend pour ses modèles les Écoles païennes de la philosophie et les anciens .Mystères, avec leur petit cercle d'initiés, qui regardait de bien haut le troupeau du vulgaire, auquel on enseignait systémati- quement l'erreur, parce qu'on le jugeait incapable de recevoir une doctrine plus élevée. Parmi les Maçons eux-mêmes, il y a des membres ésotériques, ceux qui se bercent dans la pleine lumière de la Maçonnerie, et ils sont comparativement en petit nombre ; puis la masse considérable de la Fraternité, ceux qui, à en croire le Dr. Mackey,ne connaissent pas même le véritable but de la Maçon- nerie, et se contentent de faire l'ornement du degré « Couteau et Fourchette », du grade « Perroquet » , ou de reluire en qualité de « Maçons brillants » parmi les Frères exolériques.
Dans maints endroits', le Dr Mackey voudrait, pour soutenir l'exclusivisme maçonnique, faire appel à la loi de Moïse^qui excluait du sacerdoce les impotents et les estropiés.
On ne considéra jamais qu'il fût indispensable d'appartenir au sacerdoce israélite pour connaître la vérité divine et la morale. Le Jéhovah de Moïse était connu et servi par les femmes comme par les hommes, par les jeunes comme par les vieux. Il était le Dieu de tous, et tous le connaissaient et le servaient. La Maçonnerie a une théorie essentiellement différente ; d'après elle, il faut être Maçon pour connaître Dieu, l'âme humaine et la vraie morale ; tout le reste des hommes est absolument exclu de cette science, qui est cependant de la plus haute importance pour tout être humain. L'exclusion de la Maçonnerie entraîne donc avec elle des consé- quencesessentiellementditlerentes de celles qui découlent de l'ex- clusion du sacerdoce mosaïque; d'ailleurs, la première est déjà par elle-même un excès de cruauté lorsqu'elle est motivée par les {)rétextes puérils dont nous avons parlé.
Pour trouver la Maçonneiie secourable, et dans le vague espoir de lui découvrir un peu plus de largeur d'esprit, tournons-nous vers sa bienfaisance accidentelle, celle qu'elle exerce sur les
1. Masonic Jurisprudence, p. 112 etc.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 245
vieillards et les orphelins, les A^euves et les nécessiteux. On nous a dit et répété à satiété, dans les termes les plus explicites, que cette bienfaisance-là était accidentelle et non essentielle.
« Bien que la Maçonnerie, dit le Dr. Mackey', doive son origine à son caractère religieux et philosophique, la charité, au sens de secours apporté aux malheureux, est cependant, et quoique acciden- tellement un point important de son enseignement, C'est pourquoi on a dit avec raison qu'il n'est aucune institution dont les lois im- posent avec plus de force, dont les préceptes inculquent avec plus d'ardeur la vertu de charité ».
Nous sommes tout prêt à reconnaître l'importance donnée à ce point en Maçonnerie, et nous ne le sommes pas moins à apprécier tout le bien qu'elle fait ; nous regrettons seulement quelle n'en fasse pas davantage. Et si la Maçonnerie n'était, comme tant de gens le croient, qu'une société de bienfaisance ayant pour but de soula- ger ses malades, ses déshérités, de consoler ses affligés et de don- ner la sépulture à ses morts, la bénédiction de l'Eglise catholique reposerait sur elle comme elle repose sur tous ceux qui travaillent à secourir ceux qui souffrent et à améliorer le sort de l'homme. Mais, nous l'avons vu, la Maçonneriepoursuit un but essentiellement différent. La charité matérielle n'est qu'un accessoire.
En condamnant la Maçonnerie, l'Eglise n'a donc en vue que le mal et non le bien, c'est-à-dire les erreurs religieuses et morales des principes et des pratiques maçonniques Elle ne condamne pas la charité aumônière de la Société, à moins que celle-ci ne s'en serve comme d'appât ou comme de manteau pour dorer ou pour couvrir ce qui est faux au point de vue religieux et ce qui est mal chréliennemenl parlant.
Après avoir reconnu, comme nous l'avons fait, le bien qu'il y a dans la charité aumônière de la Maçonnerie, examinons brièvement si elle est bien tout ce qu'elle prétend être, s'il est vrai qu'il n'est aucune institution « dont les lois imposent avec plus deforce, dont les préceptes inculquent avec plus d'ardeur la vertu de charité ». Pour étudier ce sujet comme il convient, consultons cette partie de la Masonic Jurisprudence du Dr. Mackey où il traite du « Droit au secours >».
« Le devoir d'assister l'indigent et l'affligé étant l'un des plus im- portants parmi ceux qu'inculquent les « landmarks » et les lois de l'institution, le privilège de réclamer cette assistance est l'un des droits les plus importants d'un Maître Maçon. C'est ce que nous
1. Masonic Rilualisl, pp. 40-47.
2. Ibid. pp. 2'24-231
246 BIENFAISANCE MAÇONNIQUE
appelons lechniquemcnl,en termes de loi maçonnique, « le Droit au secours », cl c'est ce qui va faire le sujet de cette section ».
« Le droit de réclamer du secours, ajoute-t-il, est spécialement reconnu dans les <* Anciennes Constitutions », approuvées en 1722, et qui contiennent ce qui suit sous la rubrique « Conduite à tenir envers un Frère étranger » :
« Mais si vous découvrez en lui un Frère franc et sincère, il fau- dra le respecter en conséquence. S'il est dans le besoin, il faudra le secourir si vous le pouvez, ou sinon lui indiquer comment il pourrait trouver du secours. Employez-le pendant quelques jours,, ou recommandez-le pour qu'on l'emploie ; cependant vous n'êtes pas obligé d'aller au-delà de vos moyens. Vous êtes tenu simple- ment à préférer un Frère pauvre si c'est un homme bon et loyal, à toute autre personne qui se trouverait dans les mêmes cir- constances ».
« La loi, ainsi explicitement exposée, continue le Dr. Mackey, a toujours été celle selon laquelle l'aide maçonnique est réclamée et accordée ; et, en l'examinant bien, on verra qu'elle renferme les quatre principes suivants :
1. Le solliciteur doit être dans le malheur.
2. Il faut qu'il soit digne de pitié.
3. Celui qui donne n'est pas obligé d'excéder ses moyens dans le secours qu'il accorde.
,4. On doit préférer un Maçon à tout autre dans les mêmes cir- constances.
Nous passons sur la première condition, en nous bornant à faire remarquer combien la Maçonnerie a rétréci le domaine de l'assis- tance par raumône, grâce aux conditions (juelle a exigées de ses membres. Les aveugles, les sourds, les paralytiques, les muets, les mutilés de quel(|uc membre, les déchus, les faibles d'esprit, les vieillards décrépits, les illettrés, toutes ces catégories de la famille humaine qui ont le plus grand besoin du secours par l'aumône, sont ai)solument exclus de la Maçonnerie, et par là même déchus de tout droit à l'assistance. N'ont élé admis dans l'Ordri; (jue des gens sains et bien portants, des gens d'une certaine position sociale, qui, selon les lois ordinaires (\c la nature, se liouvoront parfaitement en état de se tirer d'alïaire, eux et leurs familles ; dès lors, les besoins auxquels la Maçoinierie sera appelée à pourvoir seront, selon tous les calculs humains, réduits à un minimum. Il faudra de l'aide, certes, car les calculs humains ne sauraient empêcher tousles mal- heurs, mais la Maçonnerie a tellement rétréci sa sphère, qu'en don- nant peu, elle aura l'air do donner beaucoup, et fera sur le specta- teur fortuit une impression bien supérieure à la valeur réelle du
BIENFAISANCE MAÇONNIOUE 247
donacconlô.Pour comparer la charité maçonnique à celle des autres institutions, nous devons comparer la proportion des Macrons qui ont besoin d'aide à celle de nomlire d'autres organisations (|ui se trou- vent dans la même situation. Pour peu qu'on accorde à cette ques- tion un instant d'examen, on se rendra compte de l'aspect déce- vant que peut prendre la charité maçonnique. Cent dollars donnés à un individu feront l'eflet d'une grosse somme ; mille dollars dis- tribués à mille personnes ne feront aucune impression, selon toutes les apparences. Ce que chacune reçoit est insignifiant, et peut être accepté d'un air grognon, et pourtant la somme accordée est plus grande ; plus grande aussi la charité réelle ; son étendue a pourtant fait que le mérite est diminué aux yeux de trop de gens.
La seconde condition est celle-ci : >< Le solliciteur doit être di- gne » ; elle exige que le Maçon soit dans une situation correcte. Aucun Maçon expulsé ou suspendu n'a droit au secours. N'y sont pas non plus admis ceux qui ne sont point arrivés au grade de Maître. « Les Apprentis, dit le Dr Mackey, ne votent plus, — ils n'ont plus le droit de faire des visites, — ils ne sont que des Maçons commencés, — des Maçons incomplets, inachevés, — et comme tels, ils n'ont point droit au secours maçonnique. Les mêmes remarques s'appliquent aux compagnons'. » De même, les Maîtres Maçons seuls ont droit aux funérailles maçonniques-." Nul Franc- Maçon ne sera enseveli avec les cérémonies de l'Ordre.., à moins qu'il n'ait été promu au troisième grade ; c'est une règle à laquelle on ne peut faire aucune exception. Les Compagnons ou Apprentis n'ont point droit aux funérailles rituelles » ; ils ne doivent pas non plus prendre place dans le cortège, eji pareilles circonstances. De même, les veuves et les orphelins des Maîtres Maçons ont seuls droit au secours, et ce droit ne dure que pendant le temps du veuvage, et celui oi'i ils resteront orphelins. La question des veuves qui se remarient, et qui par là cessent d'être veuves de Maçons est encore discutée ; mais l'opinion du Dr. Mackey est celle que nous avons donnée ^
La troisième condition est qu' << il ne faut pas attendre du donateur qu'il dépasse ses moyens dans la valeur des secours qu'il accorde : c'est-à-dire, reprend le Docteur, expliquant le sens de la loi, qu'il faut n'attendre de la part d'un Frère que le montant de l'aide qu'il peut accorder sans se mettre lui ou mettre safamilledans une gêne réelle. C'est là la loi non écrite, et c'est sur elle que se
t. Masonic Jurisprudence, p. 2.31.
2. Masonic Ritualist, jij). 249 et suiv.
3. Masonic Jurisprudence, pp. 228 et suiv,
248 BIENFAISANCE MAÇONNIOVE
règle la loi écrite qui dit : « Vous n'avez point l'obligation de faire plus que vos ressources ne le permettent. » « Cette condition, reprend-il, n'est point incompatible avec les vrais principes de la charité, qui n'exigent pas de nous le sacrifice de notre propre bien- être, ou celui de notre famille, pour secourir les pauvres, mais veulent que nous retranchions un peu de notre luxe, de notre superflu, si nous avons le bonheur d'en posséder, pour secourir nos frères, et que nous le fassions avec une libéralité prudente, en tenant compte, comme il convient, du confortable de ceux qui nous tiennent de plus près '. »
Telle est donc la règle de la Maçonnerie en fait de secours, même quand il s'agit de Maîtres Maçons, de leurs veuves, de leurs orphe- lins : nul n'est tenu d'accorder une aide supérieure à celle qui exi- gerait le sacrifice du luxe et du superflu. »
La quatrième condition est : « Un Maçon doit passer avant tout solliciteur qui se trouverait dans la même situation. >> « C'est, dit notre auteur, le même principe qui a été formulé avec force par le grand Apôtre des Gentils, il y a dix-huit siècles. Lorsque l'occasion se présente à nous, faisons du bien à tous les hommes, et particu- lièrement à ceux qui font partie de la maison des fidèles. » -.
Le principe ainsi enseigné par l'Apôtre, reprend-il, semble avoir été, conformément aux nécessités mêmes de notre nature, celui qui a présidé aux œuvres charitables et bienfaisantes de toutes les communautés religieuses, de toutes les associations utiles, de toutes les sociétés politiques qui ont existé avant ou depuis son temps ».
Comme le Dr. Mackey. en vrai Maçon éso/érique,re']e\.[e le surna- turel, il ne peut pas même concevoir la possibilité de s'élever au- dessus des sentiments naturels du cœur humain, sentiments qui sont bons en eux-mêmes, mais qui n'en sont pas moins imparfaits, comme la source d'où ils sortent. Personne ne blâme la Maçon- nerie de donner la préférence à ses membres en cas d'égale néces- sité, car il est évident que ses meml)res ont droit les premiers à sa charité. Ce qu'on critique dans la Maçonnerie, c'est l'exclusivisme qui la porte à ne donner qu'aux siens, à eux seuls. « Ils (le Maître et les Surveillants! envisageront les méthodes les plus prudentes, les plus efficaces pour oljtenir et répartir les sommes qui pourront être données ou qui leur seront confiées dans un but de charité, afin d'accorder du secours sculemenl aux véritables Frères tombés dans la pauvreté ou dans la vieillesse, et à aucun autre, mais cha-
1. Masonic Jurisprudence, p. '^20.
2. fJalates, vi, 10.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 249
que Loge disposera en particulier de ses charités en faveur des Frères pauvres conformément à ses propres règlements jusqu'au jour où toutes les Loges se mettront d'accord (par un règlement nouveau) pour transmettre les ressources de charité réunies par elle, à la Grande Loge, lors de la réunion trimestrielle ou annuelle, à l'elfet d'en constituer un fonds commun permettant de donner aux Frères pauvres une aide plus généreuse ».'
On n'aurait pas non plus le droit de blâmer la Maçonnerie de cet exclusivisme, si elle ne faisait point tant d'étalage de l'univer- salité de sa charité. Sa bienfaisance est réservée aux Frères qui ont été atteints par la pauvreté et la vieillesse, et à ceux-là seule- ment. Si les Frères ont été atteints par la pauvreté, ils n'étaient pas dans cette situation lors de leur admission. C'est quand l'opu- lence, ou tout au moins l'aisance fait place à la pauvreté, c'est quand la force et la vigueur de l'âge viril sont ruinées par la vieillesse et la misère, et seulement quand il s'agit de membres d'un Ordre qui se ferme rigoureusement aux classes besogneuses, c'est seulement alors que s'exerce la charité maçonnique. S'il est possible de trouver une sphère plus restreinte, qu'on la montre !
Il n'est donc pas vrai, et par conséquent on n'a pas pu « dii*e à bon droit qu'il n'existe pas d'institution dont les lois ordonnent plus impérieusement, dont les préceptes enseignent plus fortement la vertu de la charité- ». Le christianisme, en tant qu'identifié avec le catholicisme, enseigne et pratique une charité que la Maçonne- rie ésotérique combat âprement, parce qu'elle oblige la charité ma- çonnique à rougir. De sa vérité, de sa morale divine, aucune créa- ture humaine n'est exclue. « Es-tu celui qui doit venir ou devons- nous en attendre un autre ? » telle fut la question que les disci- ples de Jean posèrent au Divin Maître. Et leur répondant, Jésus dit: « Allez et rapportez à Jean ce que vous avez entendu et vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et l'Evangile est prêehé auxpauvres,et béni soit celui qui ne sera point scandalisé en moi'' » « Ce que je vous dis dans l'obscurité, dites-le à la lumière, et ce que vous entendez à l'oreille, prêchez-le sur les toits des maisons. Et ne craignez point ceux qui tuent le corps, et qui ne peuvent'pas tuer l'âme, mais plutôt celui-là qui peut détruire en enfer à la fois l'âme et le corps * ». Même pour les enfants qui n'ont point atteint
1. Masonic Ritualist, pp. 256-257. Règlements généraux,
2. Ibid., p. 47.
3. Luc, vil, 20-23.
4. Malth., X, 27, 28.
250 lUENFAISANCE MAÇONNIQUE
l'âge de raison, il y a le saliil dans les eaux du baptême ; l'idiot de naissance a le salut ouvert devant lui, de la même manière ; il en est ainsi pour linsensé, si un grave péché personnel, dont il ne s'est point repenti, n'y met point obstacle. Aucune mutilation, au- cun malheur apporté en naissant ou dû au sexe ne s'y opposent ; l'esclave dans ses chaînes, le prisonnier dans son cachot, le paria de la société, s'ils ont un repentir sincère, et ceux qui ignorent la science humaine, voient les portes du Ciel chrétien s'ouvrir aussi larges, ou plutôt infiniment plus larges que pour le petit nombre des élus de ce monde, (pii, velus de fin lin et de pourpre, font chaque jour de somptueux festins, ne luttent point contre leurs instincts et tiennent le pauvre loin de leur demeure. La voilà, la vraie Calholicilé, dont la Maronnerie est retranchée pour tou- jours par ses landmarks essentiels.
D'ailleurs, la charité par l'aumône n'est point pour le Catholicis- me un fait accidentel, qu'on met en relief. C'est quelque chose d'es- sentiel. « Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui fut préparé pour vous depuis le commencement du monde. Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, cl vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu et vous m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité; j'étais
en prison, et vous êtes venus à moi En vérité, je vous le dis,
tout ce que vous avez fait pour l'un de ceux-ci, le moindre de mes frères, vous l'avez fait à moi. »
<< Alors il dira aux autres, qui seront à sa gauche : « Retirez-vous tous de moi, vous, les maudits, dans le feu éternel qui a été prépa- ré pour le Diable et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez point donné à manger ; j'avais soif et vou.< ne m'avez point donné à boire, etc.... En vérité, je vous le dis, tout ce que vous u'av(v. point fait à l'un de ceux-ci. le moindre de mes frères, c'est à moi que vous ne l'avez point fait. Et ceux-h'i iront au châtiment éternel, mais les justes iront à la vie éternelle ».' Ce sur quoi repose la dilVérence entre les actes qui mériteront un bonheur ou un malheur éternel n'est ni transitoire, ni accidentel, mais essentiel. C'est pourquoi la charité catholique est si profondément enracinée dans le cœur des catholiques pauvres ou de fortune moyenne qui donnent par chlirité cent fois plus que les riches relativement à leurs moyens. 11 ne semble pas étrange à ceux-là de prendre sur leurs modiques ressources, car la règle de charité calholi(|ue n'est pas de « sacrifier le superflu de l'abondance », mais de faire le sacrifice de ses aises, du nécessaire, de la vie elle-même. « Aimez-
1. Mallh. , XXV, 31-10.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 251
votus les uns les autres, dit le Christ, comme je vous ai aimés » ; et il mourut pour nous sur la croix.
Pour le calholicjue, le crucifix est à lui seul le résumé de toutes les leçons de charité, mais le crucifix offusque les yeux maçonni- ques et la Maçonnerie: on ne le tolère même plus dans les hôpitaux pour consoler les malades angoissés ou pour réconforter ceux qui se fatiguent à les soigner. Les religieux catholiques qui avaioit voué leur vie aux déshérités de ce monde, sous quelque forme que se présentât la souffrance, et sans attendre aucune compensation, ont été dispersés, exilés, contraints au mariage, en sorte que les soucis domestiques les privent du temps, des occasions et du désir même d'améliorer le sort des maliieureux.
On a confisqué, avec les fonds qui les entretenaient, les orphe- linats catholiques, les hôpitaux, les maisons de retraite pour les vieillards et les déclassés, volant ainsi au pauvre son patrimoine, pour arriver à lui voler sa foi. 0 vous tous qui composez l'humani- té souffrante, vous voici abandonnés à la tendre. pitié des Frères ésotériques ; vous êtes, hélas I exclus de tout ce que la Maçonnerie peut donner, et tout ce que vous retiriez de la charité catholique vous a été enlevé ! Mais vous devriez vous en estimer heureux, au lieu de vous plaindre, car tout cela est fait dans un but de bienfai- sance universelle. Quelque Frère ou des. Frères vont bénéficier du transfert des fonds ; s'ils ne sont pas aussi pauvres que vous, ils sont du moins plus dignes d'être secourus. Tandis que l'émancipa- tion de notre race, qui la soustrait à l'influence de l'Eglise catholi- que,vous est plutôt nuisible, elle se montre profitable à l'Ordre qui l'a accomplie.
« Mais, après tout,dira-t-on, un Maçon viendra en aide à un autre Maçon bien plus volontiers qu'un catholique à un catholique. Si je m'approche d'un Maçon et lui fais le signe de détresse, il me se- court immédiatement ; au contraire, si je vais à un catholique et lui fais le signe de la croix, je m'en retourne les mains vides ».
Notre contradicteur ignore tout des pratiques maçonniques et s'en va répétant ce qu'il a entendu dire à des gens mal informés. Il s'imagine qu'il n'a qu'à se présenter à un Maçon, à faire le signe, pour être immédiatement et largement secouru. Il ne sait pas que 1° on examinera tout d'abord ses besoins et son droit au secours et que, même s'il est dans le besoin, il sera rejeté « avec mépris et dé- rision' » s'il n'est un maçon bien posé. 11 ignore, en second lieu, que, même se trouvant dans le besoin, et étant un Maître Maçon de bonne réputation, le Frère auquel il s'adresse n'est tenu à lui venir en aide
1. Masonic Rilualisl, p. 200.
252 BIENFAISAN'CE MAÇONMOfE
que « par un sacrifice sur son luxe ou son abondance, s'il esl favorisé de ces dons'». Telle est la loi maçonnique sur ce sujet. Nous objec- tera-t-on encore qu'un catholique favorisé des biens de la fortune n'accueillerait pas avec la mcme générosité un cas intéressant sur lequel on appellerait son attention que ne le ferait un Maçon dont la charité comparativement parcimonieuse est connue? Il faudrait, pour le croire, ne rien connaître de la charité catholique. Il suHit que le cas mérite l'intérêt pour que le catholique donne au sollici- teur, qu'il soit ou non un coreligionnaire, qu'il fasse ou non le signe de la croix, car faire la charité à un homme, à quelque race ou reli- gion qu'il appartienne, c'est la faire au divin Maître ; en supposant même que, dans un cas déterminé, le catholique refuse le secours demandé, considérez le nombre de canaux par lesquels sa charité se répand sur l'humanité, car les appels aux catholiques sincères dans l'opulence, qui sont relativement rares, sont incessants et viennent de tous côtés.
Allez à travers nos villesmodernes,elrecherchezlesinslitutionsde charité, et dites-nous par qui ont été fondées toutes celles que vous rencontrerez? Sont-elles dues à la charité maçonnique ou à la charité catholique ? Allez au travers des villes qui ont fleuri au temps où la charité chrétienne évoluait librement ; quels sont ces monuments splendides, qui sont aujourd'hui occupés par la ville ou par l'Etat commcs bibliothèques, prisons, casernes ? Ce sont des collèges, des asiles, des couvents, des hôpitaux catholiques. Ils sont là pour por- ter un témoignage muet mais éloquent de l'étendue de la charité catholique ; les gouvernements qui les ont volés si brutalement re- culent, malgré les énormes ressources dont ils disposent, devant les sommes d'argent qu'il faudrait verser pour rembourser la va- leur de tels édifices. Séparez donc, cher lecteur, l'écorce des paro- les maçonniques de la graine des actes, et vous serez surpris de voir dans quelles proportions diminuera la provision qui nous sem- blait si importante ; et, quoique le F.-. Pike semble élargir le cercle de la loi maçonni(iue en admettant à participer aux charités de l'Institution les profanes qui en sont dignes, croyez bien que le mot c dignes » est plus captieux que réel.
Limitée dans sa bienfaisance essentielle, plus restreinte encore dans sa bienfaisance accidentelle ou aumônière, la Maçonnerie, fille ou sœur de l'indifTérence païenne manifestée à l'humanité soufTrante, peut simuler la bienfaisance chrétienne, qu'elle prétend égaler ou surpasser ; mais dépourvue de la charité du Christ qui excède les simples forces de la nature, privée de la leçon divine
1. Mnsonic Jurisprudence, p. 226.
BIENFAISANCE MAÇONNIQUE 253
qu'enseigne le crucifix, n'étant pas portée à l'héroïsme du sacrifice personnel, elle ne fera jamais les actes charitables accomplis par l'Eglise catholique. Elle le sait bien, et c'est pourquoi les premiers coups qu'elle porte au Catholicisme sont toujours dirigés contre la charité catholique.
CHAPITRE XVII
Histoire de la .Maçonnerie
Pour prt^parér les voies à une l)rève exposition de Ihisloire de la Maçonnerie, nous ne saurions mieux faire que de rapporter ce qu'é- crit sur le même sujet le F.-. Mackey. On ne laccusera certaine- ment pas de prévention et de partialité.
« C'est l'opprobre de la Franc-Maçonnerie, dit-il, que son his- toire n'ait jamais été écrite dans un esprit de vérité critique ; que toutes les recherches relatives à celle histoire reposent sur la cré- dulité et non sur l'esprit scientifique; que les jui^ements ont trop souvent été influencés par « les enchantements » de l'imagination ; que les chaînons manquants à la chaîne des preuves ont été fré- quemment remplacés par ties inventions gratuites, et que des cho- ses de la plus haute importance ont été étourdiment appuyées sur des documents dont l'authenticité n'était pas prouvée' ».
C'est parler clair et net, et encore peut-on dire que le F.-. Mac- key gaze les cho.ses, Ce qu'il appelle « invention gratuite » est ap- pelé, sans euphémisme, par d'autres Frères, comme par tout le monde en général, une fourberie pure et simple.
« Et ceci, continue le Docteur, m'amène à poser cette importante question : Comment l'histoire de la Franc-Maçonnerie doit-elle être écrite pour mériter le respect de ses ennemis et s'assurer l'appro- bation et l'assentiment de ses amis? ».
« Tout d'abord, dit-il, nous devons commencer par une définition précise du mot Maçonnerie. Si nous en faisons le synonyme de l'ranc-Maçonnerie, nous devons nous borner au récit des événe- ments étroitement liés avec cette institution sous sa forme et orga- nisation actuelle. Nous pouvons dire alors que la Maçonnerie a reçu une nouvelle organisation et a été restaurée au commencement du XVIII" siècle. Nous pouvons suivre la trace de cette Inslilulion sous une forme plus ancienne mais non dissemblable dans les guildes maçonnicpjes de l'Europe; dans les corporations de Tailleurs de pierre d'Allemagne ; dans les Francs-Maçons voyageurs du Moyen-
1. I-incycli>]ne(liii of J-'rceiiKisDurij, |ifi. '"••'(. "jyT.
Histoire de la maçonnerie 255
âge, et la raf lâcher aux Collèges d'Architectes de Rome. Une his- toire de ce genre ne manque pas de documents authentiques pour appuyer sa vérité ; et il n'y a aucune difficulté à attribuera l'Institu- tion une respectable antiquité ».
Nous sommes d'accord en partie avec notre auteur lorsqu'il sou- tient que l'histoire de la Maçonnerie doit être en réalité l'histoire de la Maçonnerie et rien autre chose, et qu'elle doit, en conséquence, se confiner dans les événements qui sont étroitement liés à l'orga- nisation présente de l'institution. Mais nous ne saurions lui accor- der, jusqu'à plus ample informé, et nous refusons purement et sim- plement de croire qu'il puisse, à l'aide de documents authentiques, retracer l'histoire de la Maçonnerie moderne, comme il l'a fait. Pour cela, en effet, il ne suffît pas de trouver, aux différentes épo- ques, différents corps d'architectes et de maçons, ni que ces archi- tectes et ces maçons soient des architectes et des maçons religieux, ni qu'on remarque chez eux une certaine organisation; il faut prou- ver beaucoup plus : il faut prouver que ces différents corps d'ouvriers étaient religieux au sens Maçonnique du mot, et qu'eux seuls con- naissaient « la vérité sur Dieu et sur l'âme humaine, la nature et l'essence de l'un et de l'autre » ; qu'ils étaient seuls à connaître et à pratiquer « la vraie morale » ; et que leur vérité divine et leur morale étaient identiques à la vérité et à la morale maçonniques. Tant que ces points n'auront pas été établis avec évidence (et ce sont en l'espèce les points essentiels), les prétentions de la Maçon- nerie à une haute antiquité ne sauraient être reçues au tribunal d'une critique impartiale. Pour ne pas trop éplucher l'article du Dr. Mackey, contentons-nous ici d'exposer ce dont la Maçonnerie doit faire la preuve, et renvoyons pour une plus ample discussion à la dernière partie de notre chapitre.
« Mais, si nous confondons la Maçonnerie, dit le Docteur, avec la Géométrie, avec l'Architecture ou avec la Science morale, nous mettons dans l'esprit de l'écrivain, aussi bien que du lecteur, une telle confusion d'idées qu'il n'en saurait sortir aucun résultat pra- tique. Et cependant, ce fut l'erreur qui domina chez tous les écri- vains anglais qui se sont occupés de la Maçonnerie au dernier siè- cle et même, à peu d'exceptions près, chez ceux du siècle présent. A un moment donné, ils parlent de la Maçonnerie comme d'une institution mystique qui, avec ses formes alors existantes, était fa- milière à leurs lecteurs ; bientôt après, que dis-je? à la même page, ils s'étendent longuement, tout en conservant le terme de Maçon- nerie, sur les progrès de l'Architecture ou de la Géométrie, et peut- être même sur la condition des vertus morales »'.
1. Encyclopsedia of Freemasonry, p. 2%.
256 HISTOIRE DE LA MAÇONNEBIE
« Ainsi Preston, conlinue-l-il,dans ses Illuslralions of Masonry, commence sa section de iOrigine de la Maçonnerie, en établissant que, depuis le commencement du monde, on peut retracer la fonda- tion de la Maçonnerie. El il ajoute : De l'instant oii a commencé la symétrie et où Iharmonie a déployé ses charmes, notre Ordre a eu son commencement. Or, lorsque nous avons parcouru le chapitre entier, nous trouvons que ce n'est pas la F'ranc-Maconnerie, telle que nous la connaissons, que l'auteur a en vue, mais quelque grande vertu morale : le sentiment social, l'amour de l'homme pour l'homme, toutes choses qui, étant innées au cœur humain, doivent avoir existé dès l'aurore de notre race, et, de toute nécessité, ont pré- ludé à la civilisation et aux arts.
« Oliver, malgré les incontestables services qu'il a rendus à la Maçonnerie, était malheureusement trop adonné aux spéculations abstraites. Il a été « plus royaliste que le roi ' ><, et, commentant cette page de Preston, il déclare que notre science existait avant la création du globe, et, qu'elle est répandue à travers les innom- brables systèmes qui remplissent le ciel empyrée et l'espace uni- versel w.Mais, en poursuivant notre lecture, nous trouvons que, par Maçonnerie spéculative, l'écrivain entend « un système de morale fondé sur la croyance en un Dieu », et que cette tirade grandilo- quente se rapporte, non pas à la Franc-Maçonnerie dont il a déclaré vouloir retracer l'histoire, mais à l'existence d'une telle croyance parmi les êtres doués de sentiment et d'intelligence qui, comme il le suppose, habitent les planètes et les étoiles du système solaire.
« Anderson, continue-t-il, est plus modeste dans ses prétentions et se contente de faire remonter la Maçonnerie à Adam et à l'Eden ; mais on s'aperçoit bientôt que, lui^aussi, sous le même nom, traite de choses toutes dilîérentes, et que la Maçonnerie de notre premier père n'est pas la Franc-Maçonnerie de nos jours, mais la Géomé- trie et l'Architecture.
« Maintenant, dit le Docteur, tout cela, c'est du roman et non de l'histoire. De telles assertions sont ce que les Français appellent façons de parler^ c'est-à-dire Heurs de rhétorique qui ont plus d'éclat que de sens. Qu^nJ '^ lecteur les rencontre dans desglivres écrits par des hommes éminents qui veulent enseigner ex cathedra l'histoire véridique de l'Ordre, ou bien il se dégoûte d'une étude si follement conduite, ou bien il en arrive à adopter^des théories qu'il ne peut soutenir, parce cpi'elles sont absurdes. [Dans le premier cas, la Franc-Maçonnerie perd peut-être un disciple; dans le second, il
1 '■ has outherodofl Ilerod ».
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 257
est viclime d'une tromperie )>. Après avoir établi comment l'His- toire de la Maçonnerie devrait être écrite, notre auteur conclut :
« Il ne saurait y avoir une plus grande gloire que celle d'être le fondateur d'une nouvelle école d'Histoire maçonnique d'où les fic- tions et les assertions hasardées des premiers écrivains seraient bannies, et dans laquelle serait adoptée la règle qui a été donnée comme la maxime fondamenlale de toute science inductive, — en des termes qui ont été pris récemment pour devise par un puissant investigateur de la vérité historique :
« Ne pas amplifier et ne pas diminuer les faits — ne rien ajouter et ne rien retrancher. Exposer la Vérité, toute la Vérité, et rien que la Vérité » ' .
Ces lignes, où sont si clairement et si magnifiquement exposés les vrais principes qui doivent guider l'historien, font regretter que le Docteur Mackey consacre une si large part de son Encyclopœdia à rééditer des mythes et des fables maçonniques, mythes et fables qui ont été donnés pour des faits par les écrivains qu'il condamne avec tant de raison. Prenons, par exemple, celui-ci, qui concerne l'origine de la Franc-Maçonnerie:
« C'est une théorie de quelques écrivains maçonniques, dit-il-, que les principes de la pure et primitive Franc-Maçonnerie ont été conservés dans la race de Selh, toujours séparée de celle de Caùi ; mais, qu'après le déluge, ils ont été altérés à la suite de la sécession d'une partie des Séthites, qui établirent la Franc-Maçonnerie bâ- tarde des Gentils. Cette théorie a été très amplement développée par le Dr. Oliver dans tous ses ouvrages. Les colonnes élevées par Selh pour conserver les principes des arts et des sciences sont men- tionnées par Josèphe.Mais, quoique les anciennes Constitutions par- lent de Seth, elles attribuent l'érection de ces colonnes aux enfants de Lamech, et dans les hauts degrés de la Maçonnerie, cette érec- tion est attribuée à Enoch ».
C'est avec de telles miettes d'histoire qu'on régale lés lecteurs maçonniques; mais il y a d'autres fables servant à entretenir l'his- toire mythique et à nourrir la crédulité maçonnique : la fable de Noé, la fable d'Euclide, la fable de Pythagore, la fable du roi Salo- mon et du temple de Salomon.
En ce qui concerne ce temple, les remarques du Dr. Mackey sont certainement intéressantes : « En Maçonnerie, dit-iP, le temple de Salomon a joué un rôle des plus importants. 11 fut un temps où
1. Encyclopaedia of Freemasonry, p. 'J97.
2. Ibid., p. 708.
3. Ibid., p. 798
18
2Ô8 HISTOIRE DE LA MAÇ^ONNERIE
tout écrivain maçjonnique admettait, sans hésiter, que la Maçonnerie y reçut sa première organisation ; que là, Salomon, Hiram de Tyr et Hiram Abif présidèrent en qualité de Grands Maîtres des Loges qu'ils avaient établies ; que là, les degrés symboliques furent insti- tués ainsi que les systèmes d'initiation, et que, depuis cette époque jusqu'à nos jours, la Franc-Maçonnerie a traversé tranquillement le cours du Temps dans une succession ininterrompue et sous une forme toujours la même. Mais la méthode moderne de recherche historique a balayé cet édifice élevé par l'imagination, d'une main aussi brutale et d'un efîort aussi puissant que l'a fait le roi de Ba- bylone démolissant le temple sur lequel tout cela reposait. Aucun écrivain soucieux de sa réputation d'historien critique ne voudrait essayer de défendre cette théorie. Cependant elle a fait son œuvre. Durant la longue période dans laquelle l'hypothèse tenait lieu de fait, son influence s'est exercée à couler la Maçonnerie dans un moule étroitement relié à toutes les particularités du temple de Salomon et aux événements dont il fut le théâtre. Si bien que pres- que tout le symbolisme de la Franc-Maçonnerie dérive encore au- jourd'hui du « Temple du Seigneur » à Jérusalem. Entre eux, le lien est si étroit qu'on ne saurait essayer de les séparer l'un de l'au- tre sans compromettre l'avenir de la Maçonnerie. Chaque Loge est et doit être un symbole du Temple juif; chaque Maître sur son siège représente le roi juif, et tout Maçon personnifie l'ouvrier juif.
« Il en doit être ainsi, continue-t-il, tant que durera la Maçonne- rie. Nous devons accepter les mythes et les légendes qui la ratta- chent au Temple, non pas certes comme des faits historiques, mais comme des allégories ; non pas comme des événements réels, mais comme des symboles, et nous devons prendre ces allégories et ces symboles pour ce que leurs créateurs ont voulu qu'ils fussent : comme les bases d'un système de morale ».
Tout cela est « mythe, fable, construction de l'imagination et fiction )), et pourtant cela a été enseigné et accepté comme autant de faits « durant une longue période » par tous les écrivains ma- çonniques ; et c'est sur cette fiction, sur ce mythe, sur ce men- songe qu'est fondée la morale maçonnique. Je dis « mensonge »,car donner sciemment un mythe pour un fait, c'est mentir; et si la grande majorité des écrivains maçonni(jues y ont été trompés eux- mêmes, et s'ils ont été les victimes plutôt que les auteurs de celte fraude, on n'en peut dire autant des inventeurs et de ceux qui les premiers enseignèrent ce qu'ils savaient être faux.
La légende d'Euclide vaut juste autant que la précédente. Toutes
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 259
les anciennes Constitutions manuscrites, dit le Dr. Mackey*, con- tiennent la légende bien connue d'Euclide,dont le nom de «Worthy Clerk Euclide » {Digne Clerc Euclide) s'y trouve altéré de toutes les manières imaginables. Entre ces vieux mémoires, je choisis ce qu'on appelle le « Dowland Manuscript » {Manuscrit Dowland), d'où est dérivée la forme de cette légende d'Euclide chezjles] vieux Maçons. Le manuscrit Dowland, quoique écrit [évidemment au XVIII* siècle, est considéré par des gens compétents comme une copie en style moderne et plus intelligible d'un manuscrit plus [an- cien, de l'année 1530. Et c'est parce qu'il est plus facilement .intel- ligible des lecteurs modernes que je l'ai choisi de préférence à d'au- tres mémoires plus anciens, quoique, dans tous, la légende soit au fond la même. La légende est énoncée en ces termes «.J Le'lecteur me permettra de moderniser l'orthographe et de changer un mot ou deux pour rendre le récit plus intelligible.
« Lorsque Abraham se rendit en Egypte avec Sara, son
épouse, il enseigna aux Egyptiens les sept Arts ; là, il eut un disci- ple remarquable nommé Euclide, qui s'instruisit parfaitement bien et enseigna à son tour les sept Arts libéraux. Et, en ces jours, il ar- riva que le souverain et les grands du royaume eurent un grand nombre d'enfants, soit de leurs femmes, soit même d'autres dames dudit royaume, pour ce que le pays est chaud et très prohfique. Et ils n'avaient pas les moyens sufïîsants d'entretenir leurs enfants, et ce leur était à grand souci. Et alors le roi du pays tint un grand conseil et un parlement pour découvrir le moyen d'élever honnête- ment les enfants, ainsi qu'il convient .à des gentilshommes. Et ils n'en purent trouver aucun de satisfaisant. Et alors ils firent publier par tout le royaume que si quelqu'un pouvait leur en enseigner un, il n'avait qu'à se présenter, et que, pour sa peine, il recevrait une récompense honnête ».
Euclide répondit à leur appel. « Et alors cet homme eminent prit avec lui les enfants des seigneurs et leur enseigna, avec la géomé- trie pratique, toutes les manières de travailler la pierre pour construire églises, temples, châteaux, tours et manoirs, et en géné- ral toute sorte de bâtiments
« Et ainsi la science fut implantée en ce pays, et l'excellent Maî- tre Euclide lui donna le nom de Géométrie. Et maintenant, dans tout ce pays, elle s'appelle Maçonnerie ».
« Cette légende, explique le Dr. Mackey, considérée historique- ment, est tout à fait absurde, et l'anachronisme qui fait d'Euclide
1. Encyclopœdia, p. 265.
2G0 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
le contemporain d'Abraham, ajoute encore, si possible, à l'absur- dité ». Le Docteur continue en défendant ce conte comme un mythe maçonnique destiné à faire passer une leçon maçonnique. Il est étrange, en vérité, que la Maçonnerie, celle divine inslitutrice, ne puisse faire passer ses leçons autrement que par de telles absurdi- tés ! L'origine de la Maçonnerie, d'ailleurs, qui est attribuée à des conditions morales qui sont tout autre chose que chrétiennes, peut incontestablement satisfaire les aspirations maçonniques, car elles sonl en parfaile harmonie, comme nous l'avons vu, avec la licence maçonnique. Le souverain et les grands de ce pays étaient dignes d'être les précurseurs de la Fraternité, car ils n'avaient pas à lutter contre leurs instincts, pas plus, le F.*. Pike nous en assure, que les Frères.-, d'aujourd'hui.
La fable de Pythagore est contenue dans la Manuscrit Leland,qui passe sans conteste pour une supercherie '. Notre lecteur nous per- mettra de la traduire en langage moderne : « Comment est-elle {la Franc-Maçonnerie) venue en Angleterre ? », demande-t-on. Voici la réponse :
« Le Grec Pierre Gower voyagea pour son instruction en Egypte, en Syrie et dans tous les pays où les Vénitiens ont implanté la Maçonnerie. Il se fit introduire dans toutes les Loges de Maçons ; là, il apprit beaucoup ; ensuite, il retourna dans la Grande Grèce, où, par ses travaux, il s'acquit une haute réputation de sagesse ; il fonda une Grande Loge à Groton, y tit de nombreux Maçons. Plu- sieurs de ceux-ci voyagèrent en France où ils tirent à leur tour un grand nombre de Maçons, De là, dans la suite du lemps, lArt passa en Angleterre ».
« Locke, continue le Dr. Mackey, avoue qu'il fut tout d'abord intrigué par ces noms étranges : Pierre Gower, Groton et les Véni- tiens; mais un peu de réllexion lui apprit que c'étaient des altéra- lions pour Pythagore, Crotone el les Phéniciens ».
La théorie noachique est exposée tout au long par le F.-. Mackey dans les premiers chapitres de son Symbolism of Freemasonry.
« Laissons de côté, dit-il, toute la période de l'histoire du monde antérieure au déluge, car, en ce (]ui concerne noire sujet, elle n'a exercé aucune influence sur le moiidc nouveau (|ui sortit des ruines de l'ancien. Mais, après ce cataclysme, nous trouvons les descendants immédiats de i\oé en possession de deux vérités religieuses qu'ils avaient reçues de leur commun père, el que celui-ci tenait de la succession des patriarches qui l'avaient précédé. Ces vérités étaient
1. Encyclopœdia u[ Freemasonry, p. '.t77.
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 261
l'existence d'une Intelligence Suprême, Créatrice. Conservatrice et Régulatrice de l'Univers, et, comme conséquence nécessaire, la croyance à l'immortalité de l'âme qui était une émanation de la cause première, et qui devait être distinguée, par une éternelle survivance, de la poussière vile et périssable qui l'orme sa demeure terrestre.
« Cette affirmation, continue-t-il, que ces doctrines étaient con- nues et admises par Noé, ne semblera pas une supposition hasardée à quiconque croit à la révélation divine. Mais tout esprit philosophi- que, à mon avis, arrivera à la même conclusion indépendamment de toute autre autorité que celle de la raison.
« Le sentiment religieux, en tant, du moins, qu'il se rapporte à la croyance en l'existence de Dieu, paraît être, en un certain sens, inné ou instinctif, et, par conséquent, universel dans l'àme humaine. Il n'y a pas d'exemple d'une nation, si dégradée qu'elle soit au point de vue intellectuel et moral, où l'on ne trouve quelque preuve évi- dente d'une disposition à cette croyance. Le sentiment peut être perverti, et l'idée grossièrement corrompue, mais ils n'en existent pas moins et montrent la source d'où ils ont jailli ' ».
Pourquoi le Dr.Mackey passe-t-il sous silence l'histoire des temps antérieurs au déluge comme n'ayant exercé aucune influence sur le monde nouveau, alors que Noé reçut « de la série des patriarches qui l'avaient précédé » les vérités concernant Dieu et l'ame humaine? C'est une question à laquelle le Docteur aurait de la peine à répon- dre. Pourquoi partir de Noé, si les vérités ne datent pas de lui? Si elles sont la vraie religion et le fondement de la vraie morale trans- mise par tradition dans la série des patriarches, certainement elles ont exercé une influence et une influence considérable sur « le monde nouveau qui est sorti des ruines de l'ancien ».
Si, en^second lieu, ces vérités sont aussi naturelles à l'esprit humain que notre auteur l'affirme, nous voilà reportés en arrière jusqu'au premier esprit humain, c'est-à-dire à Adam au Paradis, comme dans la théorie du Dr. Oliver, rejetée par le Dr. Mackey. On ne peut logiquement commencer à Noé.
En troisième lieu, le Docteur a introduit dans la doctrine de Noé une théorie essentiellement maçonnique, celle de l'àme humaine, émanation de l'Être Suprême, théorie aussi contraire à la droite raison qu'à la révélation, à laquelle l'auteur en appelle. Comment prouve-t-il, ou même comment essaye-t-il de prouver que cette théorie fut celle des descendants immédiats de Noé?
1. Symbolism, pp. 'i'i-'23.
262 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
Propager SOUS le couvert de la croyance générale à l'immorlalité de lànie une doclrine grosse de si dangereuses conséquences, c'est souverainement malhonnête. Donc, pour la Maçonnerie. Noé n'est pas un fondement plus solide que le reste.
Les Maçons eux-mêmes se rendent compte de l'incertitude des origines de leur ordre. La preuve en est que le Dr. Mackey rapporte une douzaine de théories proposées sur ce point par les Frères. « L'origine et la source d'où est sortie la Franc- Maçonnerie, telle que nous l'avons maintenant, dit-il ' a fait naître parmi les érudits en Maçonnerie plus d'opinions divergentes et de discussion que tout autre sujet dans la littérature de l'Institution. Les historiens de la Franc-Maçonnerie l'ont, à dift'érentes époques, fait remonter aux sources suivantes : 1° La religion des patriarches ; 2° Les mys- tères du Paganisme ancien ; 3" Le temple du roi Salomon ; 4° Les Croisés; 5°Les Templiers; 6° Les Collèges d'Artisans à Rome; 7°La Maçonnerie operative du Moyen-âge ; 8° Les Rose-Croix du XVI" siècle ; 9° Olivier Cromwell, à raison du succès de ses entreprises politiques; 10" Le Prétendant, pour la restauration de la Maison des Stuarts sur le trône d'Angleterre; 11" Sir Christophe Wren et la construction delà cathédrale de Saint-Paul; 12° Le Dr. Desaguliers et ses associés en 1717. Chacune de ces douze théories a été de temps en temps, et la douzième, à une époque récente, soutenue avec beaucoup de zèle, sinon toujours avec beaucoup de jugement, par ses partisans. Quelques-unes d'entre elles, il est vrai, ont été depuis longtemps abandonnées, mais les autres attirent encore l'attention et trouvent des défenseurs. Mes idées sur ce sujet sont exprimées dans l'article Antiquité de la Franc-Maçonnerie, auquel je renvoie le lecteur ».
Ici, cher^lecteur, vous avez douze théories différentes proposées par les érudits en Maçonnerie, qui ont recherché les origines de cette institution, et le Dr. Mackey a des vues personnelles sur la matière. Et cependant, c'est cette institution qui prétend posséder incontestablement les traditions religieuses primitives de notre race, et avoir de quoi fournir l'humanité d'articles fidèles et sans altération en matière de religion et de morale 1 Le Dr. Mackey s'élève contre ceux qui assignent l'année 1717 comme date de l'origine de la Maçonnerie, et il les considère comme des hommes de peu de jugement; mais la vérité est que l'histoire maçonnique sérieuse et digne de confiance commence à cette date -. On appelle
\. Ëncyclopœdia, p. 55G.
2. Depuis peu (Le Dr. Mackey écrivait il y a plus dune génération), « les historiens dignes de foi (parmi les Maçonsy se sont mis d'accord pour
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 263
cela renaissance, mais c'est le commencement réel de la Franc- Maçonnerie organisée telle que nous l'avons à présent.
« Les faits qui se sont passés à Londres en 1717, dit-il', alors que s'organisa ce corps important, connu depuis sous le nom de Grande Loge d'Angleterre, ont toujours figuré dans l'Histoire de la Maçonnerie comme « Renaissance de la Maçonnerie ». Dans la première édition des Conslitulions, publiée en 1723, Anderson dit que les Frères ont renouvelé les Loges languissantes de Londres, mais il ne s'étend pas davantage sur cet événement. Dans la seconde édition, parue en 1738, il est plus prolixe, et le rapport que nous y trouvons est le seul document que l'on possède sur l'organisation de 1717. Il va sans dire que tous les auteurs qui suivirent ont puisé leurs données dans Anderson. Voici comment Preston ^ détaille les faits ; on préfère son exposé à celui d'Anderson, parce que, sous une forme plus concise, il contient tout ce qui est raconté longuement dans ce dernier. »
« A l'avènement de Georges P"", les Maçons de Londres et des environs, ayant perdu Sir Christopher Wren, et voyant leurs assem- blées annuelles interrompues, résolurent de s'unir sous un nouveau Grand Maître et de rétablir les assemblées et les fêtes annuel- les de la Société. C'est dans cette intention que se réunirent à ï Apple-Tree Tavern (Taverne du Pommier), en Février 1717, les quatre Loges qui, seules, existaient alors dans le sud de l'Angle- terre : les Loges At the Goose and Gridiron (A l'oie et au gril), Saint-Paul's Church-Yard ; The Crown (la Couronne), Park-Lane; près de Drury-Lane ; The Apple-Tree Tavern (la Taverne du Pommier),ChariesStreet,Covent Garden; et The Rummer and Grapes Tavern (la taverne le Gobelet et les Raisins), dans le Channel-Row, àWestminster. Quelques anciens Frères prirent part à cette réunion. Après avoir élu comme président le Maître Maçon le plus âgé parmi ceux qui étaient présents, ces Loges se constituèrent Grande Loge, pro tempore, dans les formes requises. Il fut décidé à cette réunion qu'il y aurait tous les trois mois des assemblées de la Fraternité et que la prochaine Assemblée et la fête annuelle auraient lieu le 24 juin /l rOie et au Gril, dans Saint-Paul's Churchyard (en l'hon- neur de la Loge la plus ancienne qui se tenait là à cette époque),
admettre que la première Grande Loge d'Angleterre, fondée le 24 juin 1717 de J.-C. est la mère de toutes les loges maçonniques régulières des trois degrés de l'Art....). (Fr.-. Henry Leonard Stillson,32«, dans VEncyclopsedia Americana, au mot Masonic Fralernihj.
1. Encyclopedia, pp. G45, 646.
2. Illuslr., p. 191.
264 HISTOIRE DE LA. MAÇONNERIE
dans le but d'rlire un Grand Maître, choisi dans lenrsein, jusqu'à ce qu'on eùl l'honneur d'avoir un Frère noble pour chef.
Et le F.-. Mackey continue : « Celle thèse, que la Maçonnerie ne fut pas organisée pour la première fois en 1717, mais simplement renouvelée, trouva ré^enunenl des détracteurs parmi les iconoclas- tes modernes qui refusent de croire à tout ce (jui vient de la tradi- tion ou même à toute opinion qui n'est pas soutenue par quelque notoriété contemporaine. Le F.'.W.l^.Buchan,d'Ani:^lelerre,en par- ticulier,a attaqué, dans ses nombreux articles écrits pour \e London Freemason (1871 et 1872;, l'ancienneté de la Franc-Maçonnerie. 11 refuse de lui accorder une existence antérieure à l'année 1717. Sa théorie est exactement celle-ci : « Noire système de grades, pa- roles, attouchements, signes, etc., n'existait pas avant 1717 » environ. Il admet cependant que certains des « éléments ou fonde- ments » des degrés existaient avant cette époque, mais qu'ils n'étaient pas alors en usag(; chez les seuls Maçons, et qu'ils étaient communs à toutes les guilds. Il croit que le système actuel est dû au génie inventif d'Anderson et de Desaguliers, et il suppose qu'il n'est qu'une simple « reconstilulion d'une ancienne société, de quelque vieille* forme de philosophie pa'ienne, par exemple ». Il part de là pour soutenir que ce ne fut pas une « résurrection »,mais seulement « une renaissance », et il explique ce qu'il veut dire, en ces termes : « Il y eut, avant le xviu'' siècle, une renaissance de rarchiteclure pa'ienne ; puis, dans le même ordre d'idées au xvin* siècle une renaissance sous un extérieur nouveau, une forme nou- velle du mysticisme païen; mais nous ne sommes redevables aux Ma- çons opératifs ni pour l'une ni pour l'autre, bien qu'on se soit servi des Maçons opératifs dans l'un et l'autre cas {London Freemason, 23 septembre 1871).
« La théorie de Buchan, nous dit le Dr. Mackey, a été attaquée par les FF.-. Willian J. Hughan et Chalmers J. Patlon. On admet- tra généralement qu'il a raison loisqu'il soulienJ (\uc les trois de- grés de Maître, de Compagnon et d'Apprenti étaient inconnus aux Maçons du xvii® siècle, et que ces dilTérenles classes n'étaient que des échelons du rang, mais il n'en reste pas moins évident que les moyens de reconnaissance, la méthode de gouvernement, les lé- gendes et une grande partie du cérémonial de l'initiation existaient chez les Maçons opératifs tlu moyen Age, et furent Iransnns aux Ma- çons spéculatifs du xviii' siècle. L'œuvre d'Anderson, de Desagu- liers et de leurs contemporains fut de perfectionner cl de dévelop- per, mais non d'inventer. Le système maçonnique de nos jours est le résultat d'une croissance lente mais sAre. De même (jue les Gonfé-
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 265
rences d'Anderson qui nous sont connues, depuis leur publication en 1725, furent dans la suite modifiées et augmentées par les travaux successifs de Glare, de Dunckerly, de Preston et de Hemming, de même Anderson et Desaguliers ont soumis le simple cérémo- nial qu'ils trouvèrent, lors de la réorganisation de la Grande Loge en 1717, à une modification et à un développement analogues ».
Qu'il nous soit permis de demander comment le Dr. Mackey sait qu'Anderson n'invente rien ? Dans ce même compte rendu qu'il fait de la réunion de 1717, il donne le litre de Grand iNIaître à Sir Christophe Wren, alors que le Dr. trouve que Findel a raison de dire- « qu'Anderson, ayant été chargé, en 1735, par la Grande Loge, de faire une liste des anciens patrons des Francs-Maçons, afin de fournir une sorte de base historique, transforma les Patrons les plus anciens en Grands Maîtres, et les Maîtres et Surintendants en Grands Surveillants et autres dignitaires inconnus jusqu'en 1717 ».
« Wren était, en fait, dit le Dr. Mackey% ce que les Maçons du moyen âge appellent Magister operis, ou Maître de l'OEuvre. x\n- derson, qui écrivait dans un but déterminé, transforma naturelle- ment ce titre en celui de Grand Maître — office qui fut inconnu, croit-on, jusqu'en 1717. Le témoignage d'Aubrey établit sufTisam- ment que Wren était un Franc-Maçon, et les événements de sa vie prouvent son attachement à la profession ». La transformation des patrons de la Maçonnerie operative en Grands Maîtres de la Ma- çonnerie spéculative, nous semble, en vérité, une invention de belle taille, mais le Dr. Mackey lui-même, traitant d'Anderson, nous mon- trera clairement qu'il inventa autre chose encore.
Faisant le récit de la vie d'Anderson et donnant un compte rendu de ses travaux de littérature maçonnique', noti'e auteur parle de l'édi- tion des ^^îCi'e/mesConsWu/iOAisc/e /a jPranc-./l/açonA2e/7ede 1723. « Sa valeur intrinsèque, dit-il, consiste seulement en ce qu'elle contient le premier texte imprimé des Anciens Devoirs et des Règlements Géné- raux. L'histoire de la Maçonnerie qui les précède et forme le corps de l'ouvrage est imaginaire, sans aucun poids, et prétentieuse à un degré qui va parfois jusqu'à l'absurde. La Fraternité est grande- ment redevable à Anderson pour les efforts que lui coûta sa réorga- nisation, mais il est hors de doute qu'il eût mieux valu qu'il se con- tentât de donner les comptes rendus de la Grande Loge de 1717 à
1. Encyclopedia of Freemasonry, p. 805.
2. Hist., p. 127.
3. Ibid., p. 895.
4. Encyclopaedia, p. 68.
266 HISTOIRE DÉ LA MAÇONNERIE
1738, contenus dans sa seconde édition, et de nous conserver les devoirs et règlements qui, sans lui, auraient pu s'égarer. Aucun au- teur maçonnique ne consentirait actuellement à citer Anderson pour documenter une histoire de l'Ordre antérieurement au xviii® siècle. Il faut ajouter que, dans la reproduction des Anciens De- voirs dans l'édition de 1738, il commit plusieurs altérations et in- terpolations graves dans les textes, ce qui, à juste raison, otTensa quelque peu la Grande Loge et, en outre, ôta toute valeur à la seconde édition au point de vue documentaire ><.
Le Dr. Anderson inventa donc dans son édition de 1738, et ses in- ventions et interpolations furent assez importantes pour ôter toute valeur à cette seconde édition. Déplus, et surtout, son histoire estle produit d'une imagination inventive, car elle est «imaginaire, sans aucun poids et prétentieuse au point d'en être absurde ». Tout ce que nous savons de ladite résurrection de 1717, nous le tenons de cette source unique. Sur quoi le Dr. Mackey fait-il fonds pour aiïîrmer si positivement qu'il n'y a eu là aucune invention ?
Dans le compte rendu de la réunion de 1717, notre lecteur a appris, à son grand étonnement peut-être, que des tavernes furent les premiers temples dans lesquels la Maçonnerie révéla à ses initiés la vraie nature de Dieu et de l'âme humaine, et leur inculqua la vraie morale.
Longtemps après la renaissance de la Maçonnerie en 171 7, dit le Dr. Mackey, « les Loges maçonniques continuèrent à s'assembler dans les tavernes, comme elles l'avaient fait auparavant. C'est ainsi que fut organisée la Grande Loge d'Angleterre, et, pour em- ployer le langage d'Anderson, « les assemblées trimestrielles res- suscitèrent « grâce à quatre Loges qui tenaient respectivement leurs assemblées à la brasserie «The Goose and Gridiron », à la brasserie « The Crown », à la'.Taverne « The Apple-Tree » et à la Taverne « The Rummer and Grapes ». Pendant un certain nombre d'années, la Grande Loge tint quelquefois ses assemblées trimes- trielles à la Taverne du Pommier, mais principalement à la « Devil Tavern « (Taverne du Diable), et la Grande Fête avait lieu dans le « hall » d'une Corporation. La première Loge fondée à Paris s'or- ganisa dans une taverne de la rue des Boucheries, dont le tenant était un nommé Hure, et toutes les Loges qui furent créées dans la suite tinrent également leurs assemblées dans des tavernes, comme en Angleterre. Cette coutume fut pendant fort longtemps adoptée par d'autres pays d'Europe ; en Amérique, elle ne fut abandonnée qu'à une époque relativement récente, et il est possible qu'elle soit encore observée dans quelques villages obscurs. »
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 267
Voilà donc, cher lecteur, quels furent les premiers temples de la vraie et unique divinité, du Jéhovah de la Maçonnerie. Voilà quel était son autel, voilà où s'assemblaient ses sincères adorateurs pour contempler ses perfections divines. C'est là que leur était commu- niquée la véritable lumière maçonnique, dans laquelle ils étudiaient la vraie nature de Dieu et de l'âme humaine. C'est là qu'ils chan- taient leurs hymnes sacrés. Il faut convenir que ces hymnes étaient de nature informe, grossière et bachique, et que le raffinement maçonnique moderne les proscrit '; mais alors que tout cela se passait à la Taverne du Diable, lieu de réunion favori des Frères.'., on n'y regardait pas de si près.
« Dès le commencement du xiv^ siècle, continue notre auteur ^, les Guilds ou Corporations de Londres, avaient leurs « halls « ou lieux d'assemblées, dans lesquels ils emmagasinaient leurs mar- chandises à vendre. Au début, ce n'étaient que de modestes cons- tructions; mais ils prirent peu à peu une importance considérable, et le Goldsmith's Hall, bâti au xv*^ siècle, était, dit-on, un édifice de vastes proportions et d'aspect imposant. Ces « halls », que l'on trouvait partout au xviii*^ siècle, suggérèrent probablement aux Francs-Maçons l'idée d'en construire de semblables pour la Frater- nité; mais, à mesure que l'association gagnait en importance, la nécessité d'avoir un local plus respectable, plus convenable et plus sûr que celui que pouvaient offrir les tavernes et les brasseries, se faisait plus urgente, et c'est là surtout ce qui détermina les Maçons à construire des édifices spéciaux pour leur usage particulier ».
S'il est vrai que l'idée de construire des édifices pour leurs assem- blées a été inspirée aux Francs-Maçoms par les Guilds, si les Maçons s'assemblaient dans les tavernes et non dans les « halls « des Guilds, il est évident que les Francs-Maçons modernes ne sont pas les des- cendants directs des Guilds du moyen âge ; s'ils l'avaient été, ils auraient tout naturellement hérité des locaux dans lesquels s'assem- blaient leurs prédécesseurs, et n'auraient eu besoin qu'aucune idée se rapportant à des halls semblables leur fût suggérée.
Puis, le Dr. Mackey continue : « Le premier Hall maçonnique dont il soit fait mention est celui qui fut érigé par les Loge de Marseille, en France, en 1765... En 1772, la Grande Loge d'Angle- terre ayant réuni par voie de souscription des sommes importantes
1. Encyclopedia, pp. 725, 726.
2. Ihid., p. 727.
268 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
pour la conslruclion d'un « hall », prit les premières dispositions nécessaires pour l'exécution de ce projet... * ».
« En Amérique, dit- il, les Loges continuèrent à se tenir dans des tavernes, jusqu'à une époque très récente'. On considère aujour- d'hui cet usage comme déshonorant : cependant, ainsi que nous l'avons déjà dit, il n'a pas été complètement abandonné, surtout dans les villages de campagne 1res isolés. Il est impossible de déterminer à quel moment précis et dans quelle localité fut élevé le premier « hall » maçonnique dans noire pays. Nous trou- vons bien dans un journal de Boston, à la date de 1773, une note invitant les Maçons à se rendre au festival de Si- Jean l'Evangéliste au « Hall des Francs-Maçons », mais, en pour- suivant nos investigations, nous découvrons que ce hall n'est autre qu'une salle du Green Dragon Tavern (Taverne du Dragon vert). D'autres édifices furent élevés a Boston comme l'Exchange Cofîee House; ils servaient aux réunions maçonniques à l'occasion; on leur donna le nom de Halls maçonniques par courtoisie, quoiqu'ils n'eussent pas droit à ce titre. Ce ne fut qu'en 1832, que le premier « hall «indépendant fut construit dans cette ville : il reçut le nom de Temple maçonnique, nom qui l'ut généralement adopté pour désigner les « halls « dans toutes les grandes villes ».
Le Dr. Mackey parle encore de l'origine joyeuse des Loges anglai- ses, à la page 521 de son Encyclopaedia of Freemasonry : « En An- gleterre, dit-il, les Loges ne semblent pas avoir reçu de nom dis- linctif avant la fin du siècle dernier. On avait, jusque-là, distingué les Loges par leurs numéros d'ordre. Nous trouvons, par exemple, dans la première édition du Livre des Conslitutions, publiée en 1723, une liste de vingt Loges enregistrées sous leur numéro d'or- dre,depuis le n" 1 jusqu'au n" 20 inclusivement. Plus tard, on les
1. Encyclopaedia, p. 327.
2. <> Je ai «'lé l)ien informé par ceux (pii se sont rotirés des assenihlôps
de Franrs-Maeons que leur pnncipal niolif lui de fuir les dangers d'inimo- ralilé «pii présidaient à de telles assenddées. Sans accuser rinsliUition d'avoir l'imnioralilé coinnie olijet. ils m'assurèrent (ju'une tenue de Loge avait pres- que toujours pour consefjuenres l'intempérance, les conversations obscènes, les chants inconvenants, |)our ne rien dire des autres vices, et (|ue. dans certaines occasions, on pratiijuait des cérémonies (juc la simple décence ne pouvait tolérer. Outre ces raisons d'ordri' général. J'ai souvent entendu dire que les assemblées les plus inccmvenatdes de toutes ét.iienl celles (jui se tenaient dans les petits villages de |)rovincc ou dans les tavernes retirées. Elles ne sont en général <|ue (\o<' rendez-vous de rinlempéraiice et des vices qu elle engendre ». Lettre de Mgr .lohn Carroll à Michael McLlhiney. 7 janvier i~'M dans : Herhcrches liislorifiucs, calholii/ues américaines de(imniN iGrifl'in's American Catholic llislorical Ilcscarcbcs; , nouvelle série, vol. l\ , N" 1 , pp. 55-56.
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 269
désigna parle nom de la taverne où elles tenaient leurs assemblées. Dans la seconde édition du même ouvrage, publiée en 1738, nous trouvons une liste de cent six loges désignées parfois, ce qui est assez étrange, comme il suit : Loge N° 6 at the Bummer Tavern, dans Queen's Street ; N° 84, at the Black Dog (au Chien noir) dans Castle Street; ou N" 98 at the Bacchus Tavern, dans Little Bush Lane. En lisant de tels noms et de telles localités, nous ne pourrons nous étonner de voir appréciés à leur juste valeur « les trois petits verres de punch» dont parle avec tant d'attendrissement le Dr. Oli- ver dans son Book of the Lodge (Livre de la Loge), ni de ce qu'il trouve naturel « qu'il y ait eu plusieurs frères qui témoignèrent quelque désir inquiet de voir augmenter cette ration ».
En 1717, le corps des Francs-Maçons, si toutefois nous pouvons honorer de ce nom leur nombre encore si restreint, était formé d'Apprentis, c'est-à-dire de simples novices en Maçonnerie.
« L'ensemble de la Fraternité, nous dit le Dr. Mackey •, étant alors composé d'Apprentis, ceux-ci exerçaient une grande influence sur la législation de l'Ordre. Quoiqu'ils ne pussent représenter leur Loge dans les Assemblées trimestrielles de la Grande Loge — fonc- tion qui ne pouvait être remplie que par un Maître ou par un Com- pagnon — il leur était toujours permis d'être présents à la grande fête, et aucun Règlement Général ne devait être changé ou abrogé sans leur consentement. Ils avaient, naturellement, le rôle le plus important dans toutes les affaires de leurs Loges respectives, car le nombre des Maîtres et des Compagnons, dans chaque Loge, était restreint, vu la difficulté et les obstacles qu'on éprouvait à obtenir ces degrés, ce qui ne se pouvait faire qu'à une Assemblée trimes- trielle d'une Grande Loge.
« Mais aussitôt que les Loges subordonnées furent investies du pouvoir de conférer tous les grades, le nombre et l'influence des Maîtres ne tarda pas à augmenter. Et aujourd'hui, la plus grande partie de la Fraternité étant formée de Maîtres Maçons, la législa- tion de l'Ordre est exclusivement entre leurs mains, et les Appren- tis comme les Compagnons sont tombés dans l'obscurité, leurs grades étant considérés uniquement comme une préparation à la grande initiation, qui est celle du degré de Maître ».
Ce que le Dr. MacUey pose ici comme un fait, à savoir que, dans la soi-disant résurrection, il y avait déjà des Maîtres et des Compa- gnons, il veut bien nous informer ailleurs^ que cela même est dé- pourvu d'évidence historique.
1. Encyclopsedia, p. 82. •2. Ibid., pp. 692, 693.
270 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
« Le premier témoignage positif, dit-il, que nous ayons de l'exis- tence du degré de Maître se trouve dans les Règlements Généraux rédigés par Payne en 1720. Là, il est déclaré que les Apprentis ne peuvent être reçus Maîtres et Compagnons que dans la Grande Loge. Mais ce renseignement ne contredit pas la théorie soutenue par quelques-uns qui en attribuent la création à Desaguliers, en 1717.... )).
« La preuve documentaire fait encore défaut (Mackey l'admet un peu plus loin) pour fixer avec précision la date de la création de ce troisième degré tel que nous le voyons aujourd'hui. Mais il ne serait pas prudent de contredire trop nettement l'opinion de ceux qui en font remonter l'origine de 1710 à 1720. Les preuves de jour en jour plus nombreuses qui ressortent de la découverte des anciens ma- nuscrits semblent confirmer cette opinion ». Ici, le Dr. Mackey oublie ce qu'il a si énergiquement soutenu ailleurs, que les résur- rectionnistes (revivalistsi comme il les appelle, n'ont rien inventé.
Que l'Angleterre soit la mère de la Franc-Maçonnerie moderne, notre auteur le prouve '. Parlant du mot « Lodge » : Ce mot, dit-il, est en français loge ; en allemand loge ; en espagnol logia ; en portu- gais loja ; et en italien loggia. C'est une preuve irréfutable que le mot avec l'Institution qu'il désigne, est passé d'Angleterre sur l'Europe continentale ». De même, la substitution du G au Yod, en tête du mot Jehovah, prouve avec évidence le même fait. D'abord adoptée par les rédacteurs anglais des rituels, dit le Dr. ^, elle est passée sans observation à la Maçonnerie du Continent, et on la ren- contre comme symbole dans tous les systèmes d'Allemagne, de France, d'Espagne, d'Italie, de Portugal et dans tous les autres pays où la Maçonnerie a été introduite, bien que ce soit seulement en Allemagne et en Angleterre, que cette lettre puisse être prise comme symbole ».
On donne des dates diverses pour l'introduction de la Franc- Maçonnerie en France. Kloss indique 1725 ; une autre autorité donne 1718 ; l'abbé Robin ^ 1720. L'Espagne la reçut en 1727 ou 1728* ; les Etats-Unis en 1728 ^ ; l'Allemagne en 1730, bien que la première Loge régulière date ^ de 1723 ; la Russie en 1731" ;
1. Encyclopa'dia, p. 47'2. '2. Ibid., p. 302.
3. Ibid., pp. 288-28'.».
4. Ibid., p. 729. 'i. Ibid., p. 84r). 0. Ibid., p. 310. 7. Ibid., p. 680.
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 271
l'Italie en 1733' ; la Suède en 1735 ^; le Portugal en 1736^; la Suisse en 1737^ ; la Prusse en 1738 ou 1740^ ;' l'Autriche en 1742 s . En Irlande, des documents authentiques datent^de 1736, bien que le Livre irlandais des Constitutions, édité pour la première fois en 1730, dise que, « environ trois cent soixante-dix ans avant la nais- sance du Christ, les trois fils de Milesius l'Espagnol subjuguèrent le royaume, s'établirent dans difïerentes parties du pays, formè- rent des colonies et organisèrent des Loges ». « Naturellement, dit le Dr. Mackey "^ , c'est là une assertion absolument fabuleuse et mythique. » La prétention des Maçons d'Ecosse à remonter jusqu'à Robert Bruce en 1314, et plus haut encore jusqu'à l'Abbaye de Kilwinning, ne mérite pas plus de crédit. Et la fameuse convention d'York en 926, que les Maçons anglais alléguèrent si longtemps avec orgueil, est pareillement un mythe... « Le quatrième Manus- crit, dit le Fr.-. Mac Clenachan 8 est celui de Krause, manuscrit connu sous la dénomination de Constitution du Prince Edwin en 926. Cette allégation est restée sans « soulever de doutes pendant des dizaines d'années, puis on en vint à avoir des scrupules, et aujourd'hui les Maçons chercheurs y accordent peu de crédit. Le Fr.*. Gould termine sa revue des objections par ces mots : «Î^Ainsi qu'il arrive ordinairement pour les pièces apocryphes de cette sorte, le document original fait défaut, et il est dilTicile de s'expliquer comment Krause a pu se faire le défenseur de son authenticité dans un cas qui se présente ainsi. Peut-être l'explica- tion se irouve-t-elle en ce fait que, dans les supercheries de ce genre, la crédulité des uns est une tentation qui pousse les autres à user de fraude, particulièrement lorsque la fraude ne produit aucun dommage personnel, et que le chercheur de vieux documents peut se flatter de sa propre ingéniosité ». « Ces remarques, reprend le Fr.-.Mac Clenachan, sont bonnes à rappeler,surtout quand il s'agit de presque tous les documents apocryphes. Le cinquième, la Charte de Cologne, est le 37'' manuscrit mentionné dans la liste du Dr. Mackey ^, et il était d'avis que l'authenticité en était réelle. Le Fr.-. Gould cite Bobrick et le Dr. Schwelschke comme ayant
1. Encyclopaedia, p. 371.
2. 76/cf.,p. 772.
3. Ibid., p. 594.
4. Ibd., p. 776.
5. Ibid., p. 615.
6. Ibid.; p. 96.
7. Ibid.,, p. 369.
8. Ibid., p/^977.
9. Ibid., p. 634; cf. aussi p. 173.
2/2 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
examiné avec soin l'aulhenlicité du manuscril el s'élant prononcés négativement d'une manière décisive. Le sixième, la Charle Larme- nius ou Charte de transmission, est celui « sur lequel se fonde la prétention de l'Ordre du Temple à descendre en ligne directe des Chevaliers Templiers de l'histoire ; elle ne fut publiée qu'entre 1804 et 1810, et son histoire antérieure, si tant est qu'elle en ait une, est entachée d'imposture au point de rendre vaine toute ten- tative de débrouiller l'écheveaude mensonges dans lequel est enve- loppée toute la question ». La discussion qui vient ensuite est longue, et il faut recourir à l'histoire du Fr.-. Gould.
Ainsi donc, la Maçonnerie, établie en 1717 en Angleterre, et répandue bientôt après sur tout le continent européen, subit des changements divers au cours du temps et selon les lieux. Ses pre- miers représentants en Angleierre s'efTorcèrent delà christianiser, mais ils échouèrent, car l'interprétation chrétienne fut rejetée peu à peu comme impropre à une institution cosmopolite, devant l'au- tel de laquelle Juif, Brahmane et Musulman pouvaient s'agenouiller.
Selon le Dr. Mackey, Preston fut le premier qui donna à la Maçonnerie une philosophie. 11 nous montre clairement avec quel mince bagage la Maçonnerie se préparait à devenir le guide divin de l'espèce humaine. « Il suflit toutefois, dit le Dr. Mackey , de rappeler que Preston nous a donné un système philosophique de Maçonnerie qui, succédant immédiatement aux détails peu scienlifî- fiquesel bien maigres enseignés jusqu'à son temps dans les Loges, dut faire l'effet du soleil quand il perce brusquement les ténèbres de minuit. Il n'y eut ni crépuscule, ni aube qui fît pressentir à la Fraternité, prise au dépourvu, la lumière qui allait briller sur elle. Non, soudain, sans préparation, sans progrès gra- duel, sans développement, sortant presque du néant pour passer à la surabondance, les Leçons Prestoniennes furent données à l'Ordre dans toute la [)lénitudode leurlumière,avec toute la richesse de leur symbolisme et de leur science, et vinrent prendre la place des systèmes absurdes et presque insignifiants qui avaient eu cours jusqu'alors. C'est, je crois Byron qui a dit qu'un matin il se trouva fameux en s'éveillant. La Franc-.Maçonnerie, si on la personnifiait, aurait pu dire aussi, le jour où Preston proposa son système, que, d'un sommeil qui avait duré un siècle et demi, elle s'éveilla à l'état de science. Ce n'est |ias que la Fianr-Maçonneric n'ait toujours été une science, mais en fait, pendant tout ce temps-là, el plus longtemps cneoie, sa science avait été en sommeil. Depuis 1717, l'Art s'étuiteiigagé dans des tAches moins fécondes, mais plus à son
1. lînryclopseclia of Freemasonry, p. -403.
HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE 273
gré que la culture de la science maçonnique. Les soupers agréa- bles, les verres de punch, l'harmonie du chant, de misérables jeux de mots capables de mettre Johnson dans une fureur que Boswell lui-même n'eût pu décrire,tout cela laissait trop peu de temps pour des recherches sur des sujets abstrus. Les révélations de l'équerre du Dr. Oliver nous fournissent en abondance des preuves positives de l'état inférieur de la littérature maçonnique à cette époque-là, et s'il nous fallait des preuves nég-atives, nous les trouverions dans l'absence totale d'un livre sur la Maçonnerie scientifique dont la lecture soit possible, jusqu'au jour où parurent les œuvres d'Hut- chinson et de Preston. Les leçons de Preston marquèrent donc le début d'une ère nouvelle dans le système ésotérique de la Franc- Maçonnerie » .
Ainsi, selon le Dr. Mackey, l'année 1772 est le véritable point de départ de la Maçonnerie ésotérique, telle que nous la possédons aujourd'hui. Nous pensons toutefois que ses remarques devraient être bornées à la Franc-Maçonnerie anglaise ; car sur le continent, la Maçonnerie avait déjà des desseins tout autres que de se livrer à de joyeux banquets.
« Parce que la vraie Maçonnerie, dans sa puissance intacte, portait les drapeaux de la Liberté et de l'Egalité des droits, parce qu'elle était en révolte contre la tyrannie temporelle et spirituelle, dit le Fr.-. Pike', ses Loges furent proscrites en 1735, par un Edit des Etats de Hollande. En 1737, Louis XV les interdit en France. En 1738, le Pape Clément XI 1 lança contre elles sa fameuse bulle d'Excommunication, qui fut renouvelée par Benoît XIV; en 1743, le Conseil de Berne les proscrivit aussi. La bulle de Clément XII a pour titre : la condamnation de la société des Liberi Mura tori ou de la Franc-Maçonnerie,sous peine d'excommunication ipso facto, dont l'absolution est réservée au Pape seul, excepté à l'article de la mort ». Et par cette bulle tous les Evêques, les Ordinaires et les Inquisiteurs étaient revêtus du pouvoir de punir les Francs-Ma- çons comme « véhémentement suspects d'hérésie », et de recourir, en cas de nécessité, à l'aide du bras séculier, c'est-à-dire à deman- der leur exécution capitale aux autorités civiles ».
Que le Pape ait eu raison de soupçonner les Francs-Maçons d'hé- résie en matière de doctrine catholique, c'est ce que nous avons prouvé cent fois dans les pages qui précèdent ; la doctrine maçon- nique est de parti pris formulée de manière à être diamétralement opposée à l'enseignement catholique ; que le Pape ait à bon droit excommunié ceux (jui rejetaient les doctrines catholiques, c'est ce
1 Morals and Dogma, p. TjO.
19
274 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
que reconnaissent toutes les personnes loyales, car c'est ainsi qu'on agit dans toute société dont les lois et les règles sont violées, et la Maçonnerie excommunie ses membres exactement comme le fait toute autre société : « L'expulsion, dit le Dr. Mackey', est, de tou- tes les peines maçonniques, la plus grande qui puisse être infligée à un membre de l'Ordre ; aussi a-t-elle souvent été qualifiée de mort maçonnique. Elle dépouille l'expulsé de tousles droits et privilèges dont il a pu jouir, non seulement comme membre de la Loge parti- culière d'où il a été chassé, mais encore de ceux qui lui apparte- naient en qualité de membre de la Fraternité entière. 11 est immé- diatement privé de tout ce qui faisait de lui un Maçon; il est comme s'il n'avait point été admis, en tout ce qui constitue ses droits, et néanmoins ses devoirs et obligations subsistent aussi rigoureuse- ment que jamais, car il est impossible qu'aucun pouvoir humain les abolisse. Il ne peut plus solliciter l'assistance de ses Frères, ni exi- ger d'eux l'accomplissement d'aucun des services auxquels il avait droit auparavant, ni visiter aucune Loge, ni prendre part à aucune cérémonie publique ou particulière de l'Ordre. Il est comme exclu de l'enceinte, et ce serait un crime chez un Frère, quel qu'il soit, étant au fait de son expulsion, d'entrer en communication avec lui sur des sujets maçonniques ».
Appelez cela expulsion ou excommunication, le changement de nom ne modilie en rien la nature de la chose. Toutefois, ce que le Fr.*. Pike dit, en dernier lieu, savoir que l'appel au bras séculier signifiait « qu'on demandait au pouvoir civil de mettre à mort le Maçon », jjrouve l'ignorance la plus grossière, ou c'est la calomnie la plus honteuse. Dans tout pays protestant où il existe une reli- gion d'Etat, on a recours au bras séculier, dans certaines circons- tances, pour la défense de cette religion. Néanmoins personne ne confond le recours à ce bras avec une sentence de mort. Il en était ainsi pour l'Eglise Catholique dans les pays catholiques. Le bras séculier était invoqué pour sa défense ; la peine infligée était pro- portionnée au crime commis. Or, si les Maçons étaient, en ces temps- là, comme l'affirme le F.-. Pike, en révolte contre les autorités ci- viles aussi bien que contre le pouvoir ecclésiastique, ce n'est point un fait bien extraordinaire (juil y en ail eu de misa mort. La révolte contre le pouvoir civil est encoie aujourd'hui un crime capital. Ce qui est remanpiable, c'est que des Maçons n'aient point été punis. Par conséquent, au lieu de calomnier l'Eglise et les gouvernants catholifjues, les Maçons devraient, en toute justice, admirer leur modérai ion.
1. lincyclopwdia, ji. JJU.
HISTOIRE DE L\ MAÇONNER'IE 275
L'histoire maçonnique de ce temps, telle que la retrace le Fr.-. Pike *, n'a rien de bien flatteur pour la Fraternité. « La Maçonnerie, dit-il, s'égara longtemps dans l'erreur. Au lieu de se perfectionner, elle dégénéra de sa simplicité première, et rétrograda vers un sys- tème dénaturé par la stupidité et l'ignorance, qui, au lieu de construire un beau mécanisme, en fit un plein de complication. Il y a moins de deux cents ans, son organisation était simple, et tout à fait morale, ses emblèmes, ses allégories, ses cérémonies faciles à comprendre, le but et l'objet en étaient aisés à voir. Elle était alors limitée à un fort petit nombre de grades. Ses constitutions étaient semblables à celles d'une société d'Esséniens, écrites au premier siècle de notre ère. On pouvait y voir le Christia- nisme primitif, organisé en Maçonnerie, l'Ecole de Pythagore dé- barrassée de détails incongrus ou absurdes; une Maçonnerie simple et significative, où il n'était pas besoin de se mettre l'esprit à la torture pour découvrir des interprétations raisonnables ; une Ma- çonnerie à la fois religieuse et philosophique, digne d'un bon ci- toyen et d'un philosophe éclairé ».
Et il reprend : « Les innovateurs, les inventeurs bouleversèrent cette simplicité primitive. L'ignorance se lança dans la création de grades ; des bagatelles, des riens, de prétendus mystères, absur- des ou hideux, usurpèrent la place de la vérité maçonnique. La description, le tableau d'une horrible vengeance, le poignard, la tête ensanglantée, voilà ce qu'on vit dans le paisible Temple de la Maçonnerie, sans qu'on en expliquât d'une manière satisfaisante la signification symbolique. Des serments absolument dispropor- tionnés avec leur objet choquèrent le candidat ; dès lors ils devin- rent ridicules, et furent un objet de dédain. Les acolytes furent soumisàdes épreuves, obligés d'accomplir des actes qui auraient été abominables, s'ils avaient été réels, mais qui, n'étant que de pures chimères, semblaient absurdes, et ne produisaient d'autre effet que de provoquer le mépris et le rire. On inventa huit cents grades d'une nature ou d'une autre ; on enseigna l'incrédulité, et même le jésui- tisme sous le masque de la Maçonnerie. Les rituels de grades dignes de respect, copiés et mutilés par des ignorants se transfor- mèrent en œuvres de sottise et de trivialité ; les mots en furent si corrompus qu'il a été impossible jusqu'à ce jour d'en retrouver un grand nombre. L'on obligea les candidats à se dégrader eux- mêmes, à subir des affronts qu'un homme intelligent et honorable ne supporterait pas ».
De là vint, reprend le Fr.*. Pike, que, dans la pratique, la partie
L Morals and Dogma, pp. 325, 326, 327.
276 HISTOIRE DE LA MAÇONNERIE
la plus considérable des grades revendiqués par le Rite Ecossais Ancien et Accepté, et avant lui, par le Rite de Perfection, tombè- rent en désuétude, furent simplement communiqués, et que leurs Rituels devinrent étriqués et insignifiants. Ces Rites ressemblèrent à ces vieux palais ou châteaux de barons, dont les dilTérentes parties construites à des époques différentes que séparaient des années, sur des plans et d'après des goûts qui avaient beaucoup changé, for- maient un tout discordant et mal assorti. Le judaïsme et la cheva- lerie, la superstition et la philosophie, la philanthropie, la folie de la haine et du désir de vengeance, une morale pure, et une re- vanche injuste et illégale s'y rencontrèrent en un accouplement étrange, se donnèrent la main dans les Temples de la Paix et de la Concorde ; l'ensemble tout entier devint un mélange grotesque de choses incompatibles, de contrastes et de contradictions, d'extra- vagances choquantes et fantastiques, de détails qui blessaient le bon goût, de belles conceptions surchargées et défigurées par des absurdités qu'avaient fait naître l'ignorance, le fanatisme^et un mysticisme dépourvu de bon sens.
« Une pompe vide et stérile, dit-il encore, et qui d'ailleurs est impossible à réaliser, à laquelle on ne peut attacher aucune espèce de signification, des explications amenées de bien loin, et qui se rédui.^aient à autant de platitudes stupides ou qui avaient elles- mêmes besoin d'un interprète, des titres ambitieux, qu'on s'attri- buait arbitrairement et auxquels leurs inventeurs n'avaient pas daigné attacher une explication qui pût les disculper d'avoir folle- ment prétendu à une dignité temporelle, à du pouvoir, à des titres de noblesse, tout cela fit rire les gens et rougir l'Initié. »
La voilà, l'histoire de la Maçonnerie, écrite par un des plus grands interprètes, un de ses admirateurs les plus profonds. Et que dire des Maçons qui pendant toutes ces années ont confié leurs ames,-4eurs destinées éternelles à l'ignorance, ù la superstition, à des mystères hideux ou absurdes, à des serments révoltants, à une haine folle, au fanatisme, à un scepticisme absurde et même à l'in- crédulilé ? Lise/, l'acte d'accusation dressé par le P^r.-. Pike, et ju- gez de la pureté des canaux par lesquels la religion et la moralité primitive de notre race sont parvenues jusqu'à notre époque !
Voilà, lésumée brièvement, l'histoire de la Maçonnerie. "Grâce à lu douzaine d'origines que ses discii)les lui attribuent, il n'est pas étonnant qu'elle soit restée dans les ténèbres de l'ignorance au su- jet (le ses ancêtres. Adam et Selli, et Enoch, et Noé, et Salomon, et Iliram, et Euclidr. et Pythagore, sont, comme ^L^çons, des per- sonnages |)urein('iil niylliiques.
HISTOIRE DE LA MAÇON^TERIE 277
La Maçonnerie moderne a pour mère l'année 1717. 11 existait probablement quelques Loges avant cette date, bien qu'on n'y dis- tinguât point les grades qui sont en usage aujourd'hui. A la vérité, elle contenait le germe du Naturalisme, cultivé parmi les festins de taverne et de comptoir; mais, pour se développer en Angleterre, ce germe dut attendre l'époque de Preston et de Hutchinson, de même qu'il lui a fallu grandir sur le continent avant d'y produire les hauts grades.
La Maçonnerie est. en réalité, la renaissance du mysticisme païen, l'application religieuse des principes des humanistes qui ten- tèrent de ramener le monde aux époques païennes. Organisée en x\ngleterre, elle se répandit rapidement sur le continent européen et dans les colonies d'Amérique, vraiment une par l'esprit, une dans le projet que nourrissaient les cœurs et les intelligences des Ma- çons ésotëriques, c'est-à-dire de défaire ce que l'Eglise catholique avait fait dans le monde.
CHAPITRE XVIII
La. Maçonnerie Américaine ne fait-elle ou'ln avec la Maçonnerie
Européenne?
II faut regretter sincèrement qu'à cette question posée simple- ment, on ail fait trop souvent des réponses aussi simples, sans faire attention que les mêmes mots peuvent avoir des sens bien diffé- rents. Aussi l'anirmative, tout comme la négative, est-elle exposée à de sérieuses difficultés. Si l'on a atTaire à un catholique, et s'il refuse d'admettre l'identité de la Maçonnerie en Europe et en Amé- rique, assurant clairement que ce sont deux choses diflérentes, il lui sera difficile de défendre les procédés de son Eglise, qui rejette tous les Francs-Maçons sans distinction, et excommunie les Ma- çons américains tout comme leurs frères d'Europe. Si. au contraire, il affirme l'identité des deux Maçonneries, il soulève une tempête de protestations, des Maçons et des non-Maçons, et on le met en de- meure d'expliquer la différence d'esprit et de conduite c\m sem- ble exister entre les deux Maçonneries : celle du continent étant adversaire forcenée du catholicisme, ce que n'est pas la Maçonnerie américaine. Si les deux n'en font qu'une, comment expliquer cette différence?
Notre lecteur, qui a déjà paroouiu notre chapitre sur l'esprit anli- calholique de la Franc-Maçonnerie américaine, qui a enlendu les instructions données aux PT. . par le F.-. Mackey et le F.-. Pike, qui a assisté à une tenue de Oakland Lodge, présidée par le F.-. Sherman ; qui a eu l'heureuse chance de lire la lettre ollicielle du V.-. Lemmi ; notre lecteur, dis-je, se rendra facilement compte que l'esprit ésotériquede la Maçonnerie est partout le même, en Amérique et ailleurs. Si ses manifestations sont moins i)ru vantes et moins odieuses, c'est parce que, chez nous, les circonstances ne s'y prêtent pas; c'est que, chez nous, bon nombre de Maçons exolériques sont des hommes pour cpii la tolérance religieuse est un sentiment
MAC.*. EUROPÉENNE ET MAC.'. AMÉRICAINE 279
sincère et non pas un mot vide de sens ou un masque trompeur, et qui ne sont pas disposés à souscrire à des mesures ouvertement hai- neuses ; c'est que, même les Maçons ésotériques ne peuvent pas se défaire de la droiture naturelle au caractère américain, et plus que tout, c'est que la plupart d'entre eux n'ont pas, comme les Maçons de l'Europe continentale, apostasie leur foi. Il n'y a pas d'ennemi plus cruel qu'un apostat. Celui qui n'a jamais été catholique n'est pas exposé aux soupçons de ses compagnons. Il peut avoir des amis catholiques ; il peut s'associer avec des catholiques sans qu'un Maçon mette en doute sa loyauté envers la Fraternité. Mais l'apos- tat craindra toujours, même sans motif raisonnable, qu'une marque de respect ou de considération accordée à l'Eglise ne soit mal inter- prétée par ses associés et, comme Pierre dans le palais de Caïphe, il n'a d'autre ressource que de protester qu'il ne connaît pas le Christ. Une ignorance non coupable peut se concilier avec la droi- ture comme aussi la bigoterie innocente ; l'ignorance coupable ou méchanceté et la bigoterie coupable, jamais. Chez l'apostat, l'igno- rance non coupable peut être amenée par la faute de l'éducation familiale, par le manque d'instruction religieuse et par l'absence de pratique religieuse chez ses parents, etc. Ce n'est donc pas une impossibilité, mais, en tout cas, c'est l'exception; et le contraire est la règle.
Mais ne tenons pas compte, pour le moment, de ce qui a été dit dans les précédents chapitres, et occupons-nous sans parti-pris de l'unité ou unicité de la Maçonnerie. Cette question souvent débat- tue est d'une importance capitale et mérite bien une étude atten- tive.
L'unicité dont il est question peut être de rite, ou de gouverne- ment et de tête, ou de fraternité et d'esprit, ou entin de doctrine, et celle-ci est le principe des autres. Jusqu'à quel point, en chacun de ces sens, la Maçonnerie américaine et la Maçonnerie européenne, ou, pour donner à la question une portée générale, jusqu'à quel point la Maçonnerie répandue à travers le monde est-elle une ? C'est ce que nous avons à examiner.
La Maçonnerie n'a pas d'unité de rite. Le Dr. Mackey ' compte trente-sept rites différents. « Le système original de la Maçonnerie spéculative, dit-il, consistait seulement dans les trois degrés sym- boliques appelés, par conséquent. Ancienne Maçonnerie profes- sionnelle (Ancient Craft Masonry). Tel était l'état de la Maçon-
1. Encyclopaedia of Freemasonry, pp. 649, 650.
280 LA MAÇONNERIE AMERICAINE NE FAIT-ELLE
nerie jusqu'à l'époque appelée renaissance de 1717. Tel était le rite originel ou usage approuvé, et il en fut ainsi en Angleterre jusqu'en 1813. Alors se fil l'union des deux Grandes Loges ; le « Holy Royal Arch » fut déclaré partie du système, et ainsi le rite anglais ou, comme on l'appelle communément, le rite d'York fut légitimement constitué en quatre tlegrés.
« Mais, dans l'Europe continentale, l'organisation de nouveaux svslèmes commença beaucoup plus tôt, et l'invention de ce qu'on appelle les hauts grades donna naissance à une multitude de rites. Tous ces rites s'accordaient en un point essentiel. Ils étaient élevés sur les trois degrés symboliques qui, en chaque cas particulier, leur servaient de base et de fondement. Ils étaient considérés comme une extension et un développement des idées maçonniques contenues dans ces degrés. Les degrés d'apprenti, de compagnon et de maître étaient le portique par lequel tous les initiés étaient obligés de passer avant de pouvoir conquérir l'entrée dans l'inté- rieur du temple élevé par les fondateurs du rite. Ils étaient le texte, et les hauts grades, le commentaire — ».
u J'ai dit, conlinue-t-il, que ces rites ont été en grand nombre. Quelques-uns d'entre eux ont vécu autant que leurs auteurs, et non plus, et ils sont morts quand l'énergie qui leur avait donné nais- sance cessa de les entretenir. D'autres ont duré plus longtemps, et ils continuent à diviser la famille maçonnique, en se bornant toute- fois à lui fournir diverses méthodes pour atteindre à la même fin supérieure, c'est-à-dire l'acquisition de la Vérité divine par la Lu- mière maçonnique. Ragon, dans son Tuileur général, nous en nomme cent huit sous les différents titres de Rites, Ordres et Aca- démies ' ».
Il n'y a donc pas unité de Rite. Mais ce manque d'unité ne nuit en rien, nous assure le Dr. Mackey, à « l'unicité essentielle » de la fa- mille maçonnique ; ce ne sont là que dilTérentes méthodes pour atteindre à la connaissance du Dieu maçonnique et de l'âme ma- çonnique, au moyen de la lumière maçonnique.
La Maçonnerie n'a pas non plus l'unité de gouvernement et de tâte. Nous n'avons, pour nous en rendre compte, qu'à considérer l'ensemble des Maçons répandus sur le globe.
1. Le nombre des rites maronniques actuels ", in use to-day, » est de dix, d'après la Cyclopedia of FralernUies '2°"^éd., 1007, p. 20). Le rite anglais (appelé à fort rite d'York) et le rite écossais ancien et accepté ■< sont consi- dérés comme universels -. Le rite américain <> vient ensuite. en raison de son importance, et il est pratiqué aux Etats-Unis et dans le Dominion du Canada, où se trouvent les trois quarts des Francs-Ma^'ons du monde entier ».{Ibid.)
qu'un avec l\ maçonnerie européenne ? 281
Le Rile écossais, il est vrai, se rapproche davantage de cette unité. Il a établi son état-major à Rome pour mettre en évidence son antagonisme avec la Papauté ; dans le Rite américain et autres semblables, le gouvernement est exercé par des Grandes Loges indépendantes.
« Une Grande Loge, dit le Dr. Mackey S est l'autorité dogma- tique et administrative de l'Ancienne Maçonnerie, ou des trois grades symboliques... ».
Et, plus loin, il ajoute : « Une Grande Loge est investie du pouvoir et de l'autorité sur toute la Société dans les limites de sa juridic- tion. C'est la Cour d'Appel suprême pour tous les cas maçonniques, et toutes les Loges, comme tous les Maçons qui sont sous la dépen- dance de cette Cour, par là même doivent obéissance à ses décrets. Le gouvernement des Grandes Loges est donc complètement despo- tique. Tant qu'une Grande Loge existe, les Loges doivent lui obéir sans examen. ,
Puis, notre auteur continue : « Cette puissance autocratique d'une Grande Loge est basée sur un principe de convenance et provient d'une loi fondamentale, établie au moment où furent organisées les Grandes Loges, c'est-à-dire au début du xvni" siècle. Dans un corps aussi vaste que la Société, il faut de toute nécessité un con- trôle suprême pour préserver de l'anarchie l'Institution, et on ne saurait en choisir de plus convenable que celui qui, d'après son ca- ractère distinctif, est formé, ou devrait être formé de la sagesse, de la prudence et de l'expérience de toutes les Loges établies dans son obédience, de sorte que la voix de 1^ Grande Loge n'est pas autre chose que la voix de la Société, exprimée par leurs représentants ».
Nous n'avons pas le temps de discuter ici, et d'ailleurs ce serait bien inutile, l'existence de ce pouvoir autocratique dont les décrets « doivent être respectés et obéis sans examen par les Loges qui lui sont soumises ». Aucun pouvoir humain, et la Maçonnerie n'en ré- clame point d'autre, n'a le droit d'exiger d'hommes raisonnables une obéissance aussi aveugle ; et un homme raisonnable ne peut y consentir sans renier sa propre nature. L'utilité ne saurait justifier cette exigence ; la défense contre l'anarchie ne le demande pas, et on ne saurait le faire admettre en disant que c'est la voix de la So- ciété exprimée par ses représentants. Pour nous, accoutumés à un gouvernement représentatif, nous savons que, souvent, les représen-
1. Encyclopaedia, pp. 319, 3?0.
282 LA MAÇONNERIE AMÉRICAINE NE FAIT-ELLE
tanls n'exiiriinenl pas la sagesse, la prudence et l'expéiionce réu- nies de leurs subordonnés ; ol que souvent leurs décisions ne sont pas la voix de ceux (juils représentent. Et les lirandes Loges ma- çonniques ne font pas exception.
Les dilTérentes tentatives faites aux Etats-Unis en vue d'établir une Grande Loge générale poui* la République tout entière, sont relatées tout au long par le Dr. Mackey dans son Encyclopaedia of Freemasonry, pp. 305-308.
« Du jour où les Clrandes Loges de ce pays, dit-il, entreprirent, au commencement de la Guerre d'Indépendance, de secouer le joug des Grandes Loges d'Angleterre cl d'Ecosse — c'est-à-dire du jour où elles commencèrent à sortir de leur condition subalterne et furent portées à prendre un caractère souverain et indépendant —
des tentatives furent faites par des membres de la Société pour
renverser la souveraineté des Grandes Loges d'Etat et mettre à leur place Ain pouvoir de surintendance établi, soit comme Grand Maître de l'Amérique du Nord, soit comme Grande Loge des Etats- Unis. Comme les colonies se réunirent sous un pouvoir fédéral, ainsi, dès le commencement de la lutte pour l'Indépendance, les Loges, longtemps contenues par une longue habitude de soumis- sion aux Grandes Loges mères d'Europe, essayèrent dès le début du conflit, après que toutes relations politiques entre l'Angleterre et l'Amérique furent rompues, d'instituer l'office de Grand- Maître des Etats-Unis' ».
La première tentative, semble-t-il, fut faite le ?7 décembre 1779 et répétée sans succès à dilTérentes époques jusqu'à ce que. à la Convention de Chicago, en 1859. elle fut, paraît-il, finalement aban- donnée -.
Parmi les races latines, les Grandes Loges sont appelées Orients, et leur pouvoir est un peu plus étendu que celui des Grandes Loges américaines. « La plupart des Grandes Loges établies par les races latines, dit le Dr. Mackey, telles que celles de France, d'Espagne, d'Italie et des Etals de l'Amérique du Sud, ont reçu le nom de Grands Orients. Ainsi ce mot est, en un sens, synonyme de Grande Loge, mais ces Grands Orients ont souvent une juridiction plus étendue que les Grandes Loges ; ils exercent fréquemment leur au- torité sur les plus hauts grades, ce qu'interdisent les Grandes Loges anglaises et américaines. Ainsi, le < ïrand Orient de France exerce
1. Encyclopaedia, pp. 30r>, .3fMî.
2. fhid., p. 322.
qu'un avec la maço'nerie européenne ? 283
sa juridiclion, non seulement sur les sept grades de son propre rite, mais encore sur les trente-trois du rite ancien et accepté (ou rite écossais) et sur tous les autres rites pratiqués en France ».
Le dernier paragraphe a subi cependant quelques modifications à la page 290 du même ouvrage ; mais le Dr. Mackey, ayant écrit ses articles à dilTérentes époques, il n'est pas difficile de s'expliquer ces variantes.
« L'obédience maçonnique de France est aujourd'hui divisée, dit-il,' entre les deux corps (le Grand Orient de France et le Su- prême Conseil du Rite Ecossais), et le Grand Orient et le Suprême Conseil existent maintenant tous deux, à titre de pouvoirs indépen- dants, dans la Maçonnerie française. La tendance du Grand Orient de France à s'immiscer dans l'administration des autres pays, prêterait à présenter sous un jour défavorable l'histoire des trente années qui suivirent, (de 1841 à 1871); cette période se termina enfin par le refus de toutes les Grandes Loges des Etats-Unis et de quelques-unes d'Europe , d'entretenir aucune relation avec lui ; rupture dont tout bon Maçon doit souhaiter la fin. L'un des actes les plus extraordinaires du Grand Orient de France a été l'abolition récente de l'ofTice deGrand Maître, dont les attribu- tions étaient remplies par le Président du Conseil de l'Ordre ».
Mais quoiqu'elle ne possède ni l'unité de rite, ni l'unité de tête et de gouvernement, la Maçonnerie est un corps, une institution, une fédération qui embrasse le monde entier. Les alTirmations les plus claires des ouvrages maçonniques classiques en font foi. A la page 650 de V Encyclopedia of Freemasonry, on nous apprend que la différence de rituel n'y fait pas obstacle.
« La manière d'ouvrir et de fermer une Loge, dit le Dr. Mackey, ae conférer les grades, d'installer, d'accomplir d'autres devoirs encore, constitue un système de cérémonies appelé Rituel. Ce rituel est en majeure partie ésotérique, et, comme il ne peut être confié à l'écriture, on ne le communique qu'au moyen de l'instruction orale. L'autorité directrice exige que, dans chaque juridiction maçonnique, le rituel soit le même, mais il diffère plus ou moins suivant les rites et les juridictions. Mais cela ne détruit pas V universalité de la Maçonnerie. Le rituel n'est que la forme extérieure et extrinsèque de la doctrine de la Franc-Maçonnerie, doctrine qui est partout la même. C'est le corps qui est immuable, restant toujours et partout le même. Le rituel n'est que le vêtement extérieur qui couvre le
1. Encyclopeedia, p. 200,
284 LA MAÇONNERIE AMERICAINE NE FAIT-ELLE
corps, il est sujet à des variations continuelles. Il serait bon et dési- rable que le rituel fût parfait et partout le même. Mais si cela est actuellement impossible, nous nous en consolerons du moins en songeant que, si les cérémonies ou le rituel ont changé à dilTérenles époques et varient encore suivant les pays, la science et la philo- sophie, le symbolisme et la religion de la Maçonnerie sont et conti- nueront d'être les mêmes partout oh sera pratiquée la vraie Maçon- nerie ». Les commentaires ne sauraient que diminuer la clarté d'une telle doctrine. Nous consacrerons donc nos efforts à en four- nir (le nouvelles preuves et non à la développer.
LeDr. Mackeyditencore' : « L'identitédesformulesemployées pour l'ouverture et la fermeture (d'une Loge) et la réception des grades, constitue ce qu'on appelle, en termes techniques, l'uniformité d'opération. Cette expression, prise au sens restreint, ne signifie pas que les cérémonies sont les mêmes pour les mêmes degrés con- férés dans des pays ou des rites différents, mais simplement que les Loges de même rite et surtout de même juridiction ont le même rituel ». Il démontre ensuite, tout en admettant que c'est impossi- ble, combien il serait désirable qu'il n'y eût, en effet, qu'un seul rituel pour toute la Maçonnerie, et il ajoute- :
« Nous devons donc nous féliciter que l'uniformité dans l'opéra- tion, aussi désirable qu'impossible à obtenir, ne soit pas aussi importante que beaucoup se sont plu à le dire. Oliver, par exem- ple, semble confondre dans ses ouvrages les cérémonies des degrés avec les « landmarks» de l'Ordre. Ce sont choses très différentes. Les « landmarks », qui touchent à l'essence même de l'Institution, sont depuis longtemps consignés dans la loi écrite ; ils ne peuvent jamais être changés, à moins d'une perversité voulue, comme il est arrivé en France, où l'on a aboli la Grand'Maîtrise. Mais les varia- tions dans la phraséologie des leçons ou la forme des cérémonies d'initiation ne peuvent avoir d'autre effet qu'une incommodité pas- sagère, tant qu'on laisse intact le fonds du symbolisme, base sur
laquelle reposent la science et la philosophie de la Maçonnerie
Les changements apportés dans le rituel ne peuvent jamais avoir assez d'importance pour détruire la véritable essence de l'Institu- tion. Ses dogmes profonds sur l'unité de Dieu, sur la vie éternelle et sur la fraternité humaine universelle, enseignés par sa méthode symbolique brilleront toujours d'une lumière élincelanle au-dessus de toutes les variations [)assagèrcs de la phraséologie. L'uniformité
1. Encyclopedia, p 843. ?. fbirl., p. 844.
qu'on avec la maçonnerie européenne ? 285
dans Vopération peut ne point être obtenue, mais V uni fortuite clans le but et l'uniformité dans le caractère préserveront pour tou- jours la Franc-Maçonnerie de la désagrégation ».
« L'orgueilleuse parole de Gharles-Quint, nous dit le Docteur*, dans un article sur l'Universalité de la Maçonnerie : « Le soleil ne se couche jamais sur mon vaste empire», peut s'appliquer avec autant de vérité à l'Ordre de la Franc-Maçonnerie. Nos Loges sont disséminées de l'est à l'ouest, du nord au sud sur toute la terre habi- tée. Partout où l'homme civilisé a laissé l'empreinte de ses pas, nos temples se sont dressés. Les leçons de l'amour maçonnique ont pénétré les solitudes de l'Ouest : l'homme rouge de notre terri- toire a pris part, avec son frère plus éclairé, aux mystères de notre science , et les sables arides du désert africain ont plus d'une fois vu se donner le salut maçonnique. La Maçonnerie n'est pas une fontaine qui donne santé et beauté aux habitants d'un hameau solitaire, et abreuvant la soif de ceux-là seuls qui sont fixés sur ses bords : c'est un puissant cours d'eau se faisant route à tra- vers collines et montagnes, serpentant au milieu des plaines et des vallées de toute la terre, portant dans son sein bienfaisant les eaux abondantes de l'amour et de la chaiilé pour les pauvres, les veuves et les orphelins du monde entier ». Comment et jusqu'à quel point on peut admettre ces paroles de notre auteur, on l'a vu dans notre chapitre sur la Bienfaisance maçonnique. Ici, une seule chose nous intéresse : l'unité de ce cours d'eau. C'est précisément parce que la Franc-Maçonnerie est partout la même que le Dr. Mackey et tous les autres écrivains maçonniques parlent toujours de Maçonnerie, de Franc-Maçonnerie, etc., au singulier, et non de Maçonneries ou de Franc-Maçonneries. Ils parlent du système maçonnique, de la philosophie maçonnique, de la religion maçonnique, de l'histoire maçonnique, dujsymbolisme maçonnique, de Tlnstitution maçon- nique, de la lumière maçonnique, de l'Ordre maçonnique, de la Corporation i Craft), de la Fraternité maçonnique, de la famille ma- çonnique, du monde maçonnique. Il n'y a jamais la plus légère difficulté à parler des Frères français, anglais, allemands, ou Frères continentaux. « Tout ornement, toute devise (sur les tabliers ma- çonniques) empruntés au dehors, dit le Dr. Mackey, sont de mauvais goût et altèrent le caractère symbolique de l'investiture. Mais les tabliers de soie ou de satin ornés de chamarrures, de peintures et de broderies, qui,^peu à peu, ont pénétré dans l'intérieurdenos Lo- ges, n'ont aucune espèce de rapport avec l'Ancienne Maçonnerie : ils sont une innovation de nos Frères français, qui. n'aimant ja-
1. Encyclopœdia of Freemasonry, p. 846.
286 LA MAÇONNEtilE AMÉRICAINE -NE FAIT-ELLE
mais la simplicité et portant dans leurs diverses cérémonies d'insti- tution récente leur amour du clinquant, ont fait disparaître les symboles les plus beaux et les plus impressionnants de notre Insti- tution ' ». Elncore, parlant des aporrhéla ou secrets de l'Ordre^, il nous apprend que « les Maçons européens sont beaucoup plus lar- ges dans leurs idées sur l'obligation du secret que les Anglais ou les Américains. 11 y a, en elTet, peu de choses qu'un écrivain ma- çonnique en France ou en Allemagne se refuse à discuter avec la plus entière liberté. Maintenant, on commence à admettre partout, et les écrivains anglais et américains agissent conformément à cette idée, qu'en réalité, les seuls aporrhèta de la Franc-Maçonne- rie sont les signes de reconnaissance et les cérémonies particuliè- res et distinctives de l'Ordre ».
En conséquence, notre auteur, sous le titre Continental Lodges, se hàle de nous apprendre que cette expression désigne unique- ment une simple divergence d'usages. « Cette expression {Loges continentales est employée dans tout cet ouvrage, comme elle l'est couramment par les écrivains anglais, pour désigner les Loges du continent européen qui conservent nombre d'usages, ou abandon- nés ou jamais observés par les Loges d'Angleterre, d'Irlande et d'Ecosse tout comme par celles des Etats-Unis d'Amérique. Le mot « Maçonnerie continentale » est employé dans le même sens ».
Il n'est donc pas étonnant que, dans leurs expositions de la Franc- Maçonnerie, les écrivains maçonniques citent indilïeremment des auteurs de tout rite et de toute nationalité; c'est le même système différemment habillé, comme le dit le Dr. Mackey,^ mais les vête- ments dont il est habillé ne tiennent pas plus à son essence que nos habits à notre personne.
« Les expositions qui sont en grand nondjre en français, en alle- mand et dans les autres langues du continent, dit-il,'* ne sont pas des attaques dirigées contre la Franc-Maçonnerie, elles sont sou- vent écrites par l'autorité et pour l'usage de la Fraternité. La pra- tique de la Maçonnerie continentale permet une liberté de publica- tion qui serait à grand'peine tolérée par la Fraternité anglaise ou américaine ».
Il est donc naturel de trouver dans le symbolisme de la Loge, la leçon tant et tant de fois répétée de cette unité mondiale ; et, sous la ditîérence des symboles, la leçon qui s'en dégage reste toujours la même.
1. Fiuyrlujjaedia, p. SU •2. Ihid., pp. >S1 et 8-<'. 3. Ibid.. p. 18r>. 4- /6td., p.270.
qu'un avec la maçonnerie européenne ? 28?
« Dans les «Lectures» du Rite d'York, écrit le Docteur Mackey', le baldaquin environné de nuages est présenté comme le dessus de la Loge, nous enseignant, comme le dit Krause, « que la Loge primi- tive n'est pas retirée dans une construction close, mais qu'elle est pour tout le monde et qu'elle touche au ciel. Cela nous enseigne en particulier qu'en tout pays, sous la voûte des deux, la Franc- maçonnerie a sa place. Gadike, de son côté, dit: «Tout Franc-maçon sait que, par le baldaquin environné de nuages, nous représentons le ciel, et qu'ainsi nous lui apprenons combien est vaste notre sphè- re d'utilité. Il n'y a aucune partie habitée de la terre où notre labeur ne puisse se faire jour, de même qu'aucune partie du globe n'est sans son baldaquin de nuages». « Donc, continue le Dr. Mackey, l'interprétation donnée par les Allemands, d'après laquelle le sym- bole exprime l'universalité de la Franc-Maçonnerie, n'est pas pré- cisément d'accord avec les systèmes, anglais ou américain, d'après lesquels cette universalité est symbolisée par la forme et l'étendue de la Loge ».
« L'étendue dune Loge maçonnique, continue-t-il'^ mesure, dit- on, en hauteur la distance qui sépare la terre du plus haut des cieux ; en profondeur, celle qui va de la surface au centre, et en largeur, celle qui est entre l'est et l'ouest. Cette façon de s'exprimer est symbolique ; elle a pour objet de nous apprendre quelles sont les limites de la Maçonnerie, dont l'étendue est aussi vaste que la charité maçonnique ».
C'est pourquoi, parlant du « Globe », il nous dit que, « pour le second degré, on a adopté comme symboles de Vextension univer- selle de l Ordre, le globe céleste et le globe terrestre, qui rappellent en même temps les droits universels de l'amour fraternel». D'après lui, tout l'attirail varié enseigne la même leçon : « Ainsi les outils propres à chacun des grades exhortent le Maçon, s'il est apprenti, à préparer son esprit à recevoir les grandes vérités qui lui seront révélées plus tard; s'il est compagnon, à savoir app"écier leur impor- tance et à en faire l'usage qui leur convient ; s'il est maître, à enor- nerla beauté par la pratique de l'amour fraternel et de la bonté, ci- ment qui unit tous lesMaçons dans une Fraternité commune*». « Le ciment dont on se sert dans la Maçonnerie operative pour joindre les dillerentes parties d'une construction en un tout solide et dura- ble, dit-il, est emprunté par la Maçonnerie spéculative [la Franc-Ma- çonnerie) comme symbole, pour indiquer cet amour fraternel qui
1. Encyclopaedia, p. 147.
2. Ibid., p. 271.
3. jbid., p. 312.
4. Ibid., p. 361.
288 LA MAÇONNERIE AMERICAINE NE FAIT-ELLE
unit les Maçons de lous les pai/s en une même Fraternilé. Comme il est reconnu que celle fralernilé ne trouve son perfectionnement que chez les seuls Maîtres Maçons, ce symbole se rattache, à très juste titre, au troisième degré* ».
La bordure à glands qui entoure la planche à tracer de l'Apprenti enrôlé a le même sens. « Ce quon appelle la bordure à glands, dit le Dr. Mackey ^ est une corde, décorée de glands, qui entoure la planche à tracer de l'Apprenti ; cette môme planche à tracer est une figure de la Loge et symbolise le lien d'amour — le lien mysti- que — qui unit la Société (Graft), si dispersée quelle soit, en une seule fraternité ».
Revenant au « Mystic Tie^ » (lien mystique), nous retrouvons la même doctrine, exprimée en de pareils termes, et même en des ter- mes plus clairsencore. « Ce lien sacré et inviolable. ditnolre auteur, qui unit les hommes d'opinions les plus discordantes en une chaîne de frères, qui ne donne quune langue aux hommes de toutes les nations, ei un seul autel aux hommes de toutes lesreligions,cs,là bon droit nommé, à cause de l'influence mystérieuse qu'il exerce, le Lien Mystique (Mystic Tie); et les Francs-Maçons, qui, seuls, subis- sent cette influence ou en bénéficient sont appelés « les Frères du Lien Mystique ».
C'est pourquoi les Lois générales de la Maçonnerie enchaînent les Maçons dans le monde entier. Les Lois générales, dit le Dr. Mackey *, « sont tous ces Règlements faits par ces assemblées qui détenaient dans ce temps-là le pouvoir de juridiction universelle. Elles ont donc force de loi sur toute la Société, quelque dispersée qu'elle puisse être ; et. comme les assemblées souveraines qui les ont faites ont depuis longtemps cessé d'exister, il semble qu'elles soient sans appel ».
Les officiers principaux sont également partout les mêmes. « II y a, dans toute Loge symbolique, nous dit le Docteur ^, trois officiers principaux : un Maître, un Senior Warden et un Junior Warden. Cette règle a toujours existé depuis la résurrection de la Maçonne- rie, et môme quelque temps avant cet événement ; elle est si géné- rale qu'on la considère comme un des « landmarks » de l'ordre. Elle existe dans tous les pays et dans tous les Bites. Les noms don- nés à ces officiers peuvent différer suivant les pays, mais les fonc- tions qui s'y rattachent et qui consistent à présider la Loge sont
1. Encyclopaedia, p. 103.
2. Ibid., p. 80S.
3. Ibid., p. '.Al.
4. Ibid.,, p. ■I4().
5. Ibid., p. m:,.
OU*UN AVEC LA MAÇONNERIE EUROPÉENNE ? 289
réparties entre les trois officiers susdits, et ces fonctions sont par- tout les mêmes. Les Maçons allemands appellent les deux ><. War- dens )' der erste et der zweite Aufseher ; les Français, premier et second surveillants ; les Espagnols, jor/mer el segundo Vigilante; elles Italiens, primo et secundo Sorregliante.
« Les positions occupées par ces olticiers dans la Loge varient selon les Rites. Le premier surveillant siège à l'ouest, et le second au sud, dans le rite d'York et dans le rite américain. Dans les rites français et écossais, les deux surveillants sont à l'ouest; le premier au nord-ouest et le second au sud-ouest ; mais les trois officiers doivent toujours former le triangle; d'ailleurs, on forme un triangle dans le carré de la Loge, et le Maître et les Surveillants occupent chacun l'un des sommets de ce triangle ».
Les variations des rites ont si peu d'importance, el ils ont si peu de rapports entre eux que quelques-uns sont formés par la combi- naison de plusieurs autres ; le même Maçon peut appartenir à des Loges de Rite différent; la même Loge peut pratiquer plus d'un rite ; la Maçonnerie d'un pays peut y avoir pris naissance par diffé- rentes sources, et elle peut dépendre de juridictions différentes.
Prenons, par exemple, le Rite suédois qui est, nous dit le Dr. Mackey*, un composé du pur Rite d'York, du rite français des hauts grades, du Templarisme, de l'ancienne Stricte Observance et du système rosicrucien. Zinzendorf n'est pas étranger non plus à la formation de ce Rite, quoique les Maçons suédois l'aient rejeté plus tard. C'est un Rite exclusivement pratiqué dans le royaume de Suède. Il fut en réalité établi comme une sorte de réforme ou de compromis pour concilier les élém'ents discordants des Maçonne- ries anglaise, allemande et française qui, vers le milieu du xviii^ siècle, vinrent bouleverser l'atmosphère maçonnique de la Suède ».
Il en est de même pour le Rite de Fessier ^ « Clavel et Ragon, assure Mackey, disent que les rituels de ces degrés furent tirés de la Rose Croix d'Or, du rite de la Stricte Observance, du Chapi- tre des Illuminés de Suède, et de l'ancien chapitre de Cler- mont ».
Webb, en formant le rite américain, y a également introduit la philosophie dés hauts grades du continent. <( Webb était un homme d'une certaine valeur, dit le Dr. Mackey ^ quoiqu'il ne fût pas, il est vrai, l'égal de Hutchinson ou de Preston ; mais il était, de tous les hommes de son temps et de son pays, celui qui avait le plus étu-
1. Encyclopaedia of Freemasonry, p. 776.
2. Ibid., pp. 275, 276.
3. Ibid., p. 454.
20
'290 UA MAÇONNERIE AMERICAINE NE FAIT-ELLE
<lié la Maçonnerie et qui la connaissait le mieux. Je ne sais sur quelle base repose l'opinion qu'il visita l'Angleterre et y fut instruit par Preston lui-même: le fait n'a pour moi rien d'invraisemblable. 11 est évidenl qu'un tel homme n'aurait pas fait un tel voyage sans étudier le système qui, à ce moment, dominait en Angleterre, et la direction qu'il donna à ses travaux dans la suite montre qu'il poussa sesinyeiiig-AiionsJusqu à la science continentale de la Maçonnerie, telle quelle est développée dans les hauts grades. Lorsqu'il revint en Amé- rique, il se servit de tous les documents variés recueillis par lui, pour compiler et arranger ce système et y introduire non seulement des « lectures», mais des degrés qui ont toujours subsisté depuis cette époque ».
Le Rite écossais ancien et accepté, système essentiellement fran- çais, et qui nous est venu de France en 1783 sous le nom de Rite de Perfection, ne contenait, à l'origine, que vingt-cinq degrés. « En 1801, nous dit cependant notre auteur, ^ un Suprême Conseil fut inauguré à Charleston par John Mitchell et Frederick Dalcho. On trouve dans les Archives du Suprême Conseil d'abondantes preu- ves que, jusqu'à cette époque, les vingt-cinq degrés du Rite écossais étaient seuls reconnus. Mais tout à coup, lorsque fut faite l'orga- nisation du Suprême Conseil, un nouveau Rite surgit : il naquit de l'adoption de huit nouveaux hauts grades continentaux, ce qui fit, du trente-troisième, au lieu du vingt-cinquième degré, le point culminant du Rite. A propos de ce Rite, le Dr. Mackey nous a dit un peu plus haut, dans la môme page : « Bien qu'il soit un des plus récents parmi les Rites Maçonniques, puisqu'il n'a été établi qu'en 1801, il est, à l'heure actuelle, le plus populaire et le plus largement répandu. On trouve dans presque tous les pays civilisés du monde des Suprêmes Conseils ou des Corps gouvernants de ce Rite, et dans beaucoup de contrées, il est la seule Obédience maçonnique. C'est le cas de presque tous les pays lalins ».
Il est de notoriété commune (ju'un Maçon peut appartenir à des Loges de rite difTérenl. Le Dr. Mackey- faisait partie à la fois du Rite .Vméricain et du Rite Kcossais Ancien et Accepté ; de même le Dr. Dalcho, un des fondateurs du Rite Ecossais Ancien et Accepté, était membre du Rite d'York, ^ etc., etc.
La pralitpie de Riles différents par la même Loge s'appelle >< Cu- mul de Rites >•. ■ (^est, dit le Fr.*. Me Clenachan*, la pratique par la même Loge de deux ou plusieurs Rites, comme ceux d'Amérique, ou d'York, oudel'Ecossais Ancien et Accepté, ou des Rites Ecossais
1. Hncyrlupfedia ol' Freemasonry, p. G'J7.
2. Voir .Mrmnir ili; M<; (Ii.knachan. dans \ Encxjclopœdia, pp, 916, 917.
3. Ihid . p. -..'(11.
4. Ibid., p. '.tu.
qu'un avec la maçonnerie européenne ? 291
et Français modernes. Ce Cumul des Rites a été pratiqué, dans de grandes proportions, en France, et en Louisiane, dans les Etats- Unis ».
Notre pays porte un excellent témoignage de la diversité des sources d'où provient la Maçonnerie : le Rite d'York fut apporté d'Angleterre ; puis vint le Rite de perfection, rite essentiellement français, établi à Paris en 1754 ; celui-ci, ainsi que nous l'avons vu, comprend vingt-cinq des degrés de la Maçonnerie Ecossaise An- cienne et Acceptée ; ses huit autres sont les degrés de la haute Maçonnerie continentale. Le Rite Ecossais ancien et Accepté, tel qu'on le pratique chez nous, est donc de la Maçonnerie purement continentale ; en fait, l'Assemblée de Charleston, où ce Rite fut fabriqué, est appelée r Assemblée-Mère du Monde » '.
La Turquie, à son tour, peut nous servir d'exemple. « Il s'y trouve, dit le Dr. Mackey parlant de ce pays, une Grande Loge Provinciale d'Angleterre, ayant sous sa juridiction quatre Loges à Constanti- nople, et quatre à Smyrne. Le Grand Orient de France a sous son obédience quatre Loges à Constantinople ; quatre à Smyrne et une à Constantinople sont soumises au Grand Orient d'Italie; la Grande Loge d'Irlande a une Loge sous sa dépendance à Constantinople, de même que la Grande Loge d'Ecosse- ». Et tout cela compose la Maçonnerie, et non des Maçonneries. Le mot est toujours au singu- lier, car ces divisions ne sont que des divisions de juridiction; il ne s'agit que de distinctions au point de vue du gouvernement, et non au point de vue de l'esprit et des doctrines maçonniques.
L'unité mondiale de la Maçonnerie est clairement démontrée dans les « landmarks » ou principes essentiels de l'Ordre, dont le quatorzième est ainsi conçu : « Droit de tout Maçon à visiter toutes les Loges régulières et à y siéger ^ ». « Le droit qu'a tout Maçon de visiter toutes les Loges régulières et d'y siéger, explique le Dr. Mackey*, est un « landmark » absolu de l'Ordre. Il s'appelle « le droit de visite ». Ce droit a toujours été reconnu comme la pro- priété indiscutable de tout Maçon qui voyage à travers le monde. Et il en est ainsi, parce que les Loges sont considérées à Juste titre comme de simples divisions organisées pour la commodité de la fa- mille maçonnique universelle ».
« Tout Maçon afTilié et bien noté, dit-il encore% a le droit de visiter n'importe quelle Loge, où qu'elle soit, et aussi souvent que cela
1. Encyclopaedia, p. 846.
2. Ibid., p. 838.
3. Masonic Rilualisi, p. 242.
4. Encyclopaedia of Freemasonry, p. 442.
5. Ibid., p. 8G0.
29? LA MAÇONNERIE AMERICAINE NE FAIT-ELLE
peut lui C'[re utile ou agréable, et ce droit s'appelle en termes de loi maçonnique « le droit de visite ». C'est l'un des plus importants de tous les privilèges maçonniques, parce qu'il est fondé sur le prin- cipe de Videnlité de l Institution maçonnique comme famille univer- selle, parce qu'il met en évidence la maxime si connue: « Le Maçon peut trouver un loyer sous tous les climats et un frère dans tous les pays». Ce droit est universellement reconnu, et depuis si longtemps, que je n'ai pas hésité à le classer parmi les « landmarks » de l'Or- dre.
« La doctrine admise sur ce point est que le droit de visite est un des droits positifs de tous les Maçons, continue notre auteur, parce que les Loges sont dûment considérées comme de sim- ples divisions établies pour la commodité de la famille maçonnique universelle ». 11 donne ensuite les raisons qui pourraient priver un Maçon de ce droit ; puis il conclut : « Mais les juristes maçonni- ques ont toujours décidé ipi'en l'absence de ces justes motifs, le droit de visite est absolu et positif, et qu'il est la propriété de tout Maçon qui voyage à travers le monde ». La même doctrine est traitée tout au long dans son Text Book of Masonic Jurisprudence (Manuel de Jurisprudence maçonnique, pp. 203-216) dans lequel il ajoute au texte que nous venons de citer : « Quel que soit le lieu où il se trouve, à quelque distance qu'il soit de son habitation, quel que soit le pays étranger dans lequel il voyage, le Maçon de bon renom doit trouver dans toutes les Loges un foyer où il puisse être sur de recevoir l'accueil le plus chaud et le plus sincère' ». Il est vrai qu'il nous dit quelques pages plus haut que les Grandes Loges de quelques Elats d'Améri({ue ont refusé ce droit de visite ou l'ont concédé comme une faveur et non comme un droit absolu.
« La doctrine admise dans le Maryland est celle-ci, dit-il : Toute Loge est, en elle-même, une famille séparée et distincte du reste de l'univers, et a le droit incontestable de refuser d'admettre dans son sein <pii bon lui semble ». (Rapport du Comité de Correspondance étrangère 1854, p. 10). 11 ajoute, dans une note en bas de page, que M ceci suppose une idée très rétrécie de l'universalité maçonnique, et qu'en faisant decha(jue Loge une famille dislinrle et indépendante, on retire à llnstitulion son caractère cosmojxilile. Il est heureux que cette théorie ne soit pas admise ailleurs-' ».
Tout Maître Maçon a donc le droit à l'aide et ù l'assistance par- tout où il se trouve, et il est passdilede la juiidiclion maçonnique de l'endroit où il demeure. Le devoir d'aider et d'assister, non seule-
I. 7'e.it Book of Masunic Jurisprudence, p. 'I?07, 'i. Jbid., p. 205.
qu'un avec la maçonnerie européenne ? 293
ment tous les Maîtres Maçons dignes d'intérêt et qui ont besoin de secours, mais encore leurs veuves et leurs orphelins, tout dispersés qu'ils puissent être sur la surface du globe, est l'une des obligations les plus importantes de celles qui sont imposées à tous les Frères du « Lien mystique » par l'esprit et les intentions de l'Institution maçonnique.
Cette unité du corps maçonnique est exposée avec la même clarté à la page 388 de l'Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie, où le Dr. Mackey traite de la juridiction des Loges. Celle juridiction esl « géo- graphique ou personnelle. La juridiction géographique d'une Loge est celle qu'exerce cette Loge sur tout le territoire oii elle est si- tuée ; cette juridiction s'étend à tous les Maçons, affiliés ou non, qui habitent sur ledit territoire... ».
« ha Juridiction personnelle d'une Loge est cette juridiction pé- nale qu'elle exerce sur ses propres membres, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. Tant qu'un Maçon est membre d'une Loge, il est sous l'autorité de celte Loge, et soumis à son pouvoir de juridiction pénale, peu importe la dislance qu'il peut avoir miseentre lui et la- dite Loge ». Nous voyons donc que, sans cesser d'être membre d'une Loge, et tout en restant susceptible de subir sa condamnation si elle le déclarait convaiucu de manquement à quelque devoir maçon- nique, tout Maçon, par le seul fait qu'il entre dans une autre juri- diction maçonnique, doit être soumis à cette dernière, dont il de- vient le sujet, même s'il ne s'affdie à aucune de ses Loges. En etTet, comme on nous l'a dit, les juridictions diiïérentes ne sont que de simples divisions établies pour la commodité du gouvernement de la grande famille maçonnique ; et la loi maçonnique que nous étu- dions n'est autre chose que l'application de ce principe.
C'est pourquoi noire auteur, dans son article sur les « statistiques de la Franc-Maçonnerie », s'enorgueillit de son unité et de son uni- versalité.
Ecoutons-le : « L'assertion que, dans chaque pays, le Maçon peut trouver un frère sous toutes les latitudes est puissamment étayée par les statistiques de l'Ordre, qui prouvent que, parloutoù l'homme civilisé a pénétré, ses temples ont été établis. Il est impossible de préciser le nombre des Francs-Maçons disséminés par tout le monde ; mais si nous ne nous égarons pas en croyant qu'on en compte plus de 400.000 dans les Etals-Unis d'Amérique, une éva- luation qui porterait leur nombre lolalà un million et demi au moins serait plutôt au-dessous de la réalité. Nous donnons ici la liste des pays où la Franc- Maçonnerie se pratique ouvertement, avec la per- missioD des autorités publiques, et nous omettons les Etats où des gouvernements soupçonneux mettent les Maçons dans la nécessité
294
LA MAÇONNERIE AMÉRICAINE NE FAIT-ELLE
de se réunir en cachette, si tant est qu'ils se réunissent, Etats bien peu nombreux de nos jours, grâce aux progrès de l'esprit de to- lérance.
I. Europe
Anhalt-Bernburg |
Mecklembourg-Schwerin |
Anhalt-Dessau |
Pays-Bas |
Bavière |
Norwège |
Belgique |
Portugal |
Brème |
Posen (Duché de) |
Brunswick |
Prusse |
Danemark |
Pologne prussienne |
Angleterre |
Saxe |
France |
Saxe-Cobourg |
Allemagne |
Saxe-Gotha |
Hambourg |
Saxe-H ildburghausen |
Hanovre |
Saxe-Meiningen |
Hesse-Darmstadt |
Saxe-Weimar . |
Hollande |
Saxe (Royaume de) |
Holstein-Oldenburg |
Schwarzburg-Rudolstadt |
Hongrie |
Ecosse |
Iles Ioniennes |
Espagne |
Irlande |
Suède |
Italie |
Suisse |
Malte |
Wurtemberg |
II. Asie |
|
Ceylan |
Perse |
Chine |
Pondichéry |
Inde |
Turquie |
Japon |
|
III. Océanie |
|
Nouvelle-Galles du Sud |
Sumatra |
Java |
Sandwich (Iles) |
Nouvelle-Zélande |
|
IV. Afrique |
|
Algérie |
Guinée |
Bourbon (Ile) |
Maurice |
Canaries (Iles) |
Mozambique |
Ou"lN avec la MACONNEBIE El ROPEENNE
295
Cap de Bonne Espérance
Egypte
Goa
Sénégambie Sainte-Hélène
V. Amérique
Antilies
Argentine (République)
Barbades
Bermudes
Brésil
Canada
Carthagène
Chili
Colombie
Saint-Christophe (Ile de)
Curaçao
Dominique
Guyane hollandaise
Guyane anglaise
Guyane française
Guadeloupe
Haïti
Jamaïque
Martinique
Mexique
Nouveau-Brunswick
Nouvelle-Grenade
Nouvelle-Ecosse
Panama
Pérou
Rio de la Plata
Saint-Barthélémy (Ile)
Sainte-Croix
Saint-Eustache
Saint-Martin
Saint-Thomas
Saint-Vincent
La Trinité
Etats-Unis
Uruguay
Venezuela
Le même catalogue, un peu augmenté, se trouve dans le Maso- nic Lexicon (pp. 4d5-457j. Comme il a été fait il y a plus de trente ans, il semble un peuvieilli par endroits; il pourra servir néanmoins à donner au lecteur une idée de l'expansion de la Maçonnerie à tra- vers le monde.
D'après le F.-. Henry-Léonard Stillson, 32% historien maçonni- que, qui a écrit dans V Encyclopaedia Americana,^ « le nombre des membres de la Maçonnerie symbolique est publié annuellement aux Etats-Unis et au Canada. En 1903, on en compta 962.438, répartis en 12.704 Loges dépendant de 57 Grandes Loges, soit 39.500 membres de plus qu'en 1902 ».
Le New-York Tribune Almanac and Political Register (p. 233)
1. Vol. X, voir \'av\.\c\e Masonic Fralernily.
2. D'après la Cyclopsedia of Fraternilies (l'Encyclopédie des Fraternités), plus de 200.000 candidats sont initiés chaque année dans les fraternités et so- ciétés secrètes d'Amérique, dont 30.000 dans la Fraternité maçonnique... ». Le total donné plus haut ne comprend pas les Maçons nègres, qui sont au nombre d'environ 60.000 en ce pays, mais qu'on considère comme illégiti- mes ». {Ibid., p. 72).
296 LA MAÇONNERIE AMÉRICAINE NE FAIT-ELLE
accuse un total de 1.1?8.998 membres dans les « Grandes Loges maçonniques de 1 Amérique du Nord ». Le World Almanac and Encyclopaedia pour 1908 (p. 404) donne, comme il suit', « le compte rendu des Grandes Loges des Etals-Unis et de l'Amérique anglaise pour l'année 1905-1906 » : « Nombre total des membres: 1.062.425; admissions et réintégrations, 28.155 ; retraites, 22.008 ; expulsions et suspensions, 659 : suspensions pour non-payement des charges, 12.760; morts, 16.123. Accroissement du nombre des membres sur l'année précédente, 66.576 ». Un tableau statistique donne 1.188.566 comme nombre des membres en 1907.
Le World Almanac de 1908 (p. 404) nous informe que le « Sou- verain Grand Consistoire du rite écossais ancien et accepté », qui forme un groupement de ce rite divisé, fut organisé il y a cent ans à New- York sous Végide du Grand Orient de France... par M.'. I.-. Joseph Cerneau i, 33^ et que son suprême Conseil a des rela- tions fraternelles avec les Suprêmes Conseils d'Angleterre, d'Ir- lande, du Canada, d'Italie, d'Egypte, de Cuba, d'Argentine, d'Aus- tralie, de Nouvelle-Zélande, du Me.rique, de Belgique, d'Allema- gne, de Suisse, de Grèce, d'Autriche-Hongrie et autres Grands Orients ».
On peut se rendre compte de quels autres Grands Orients il s'agit en constatant, toujours d'après le World Almanac, que le « Suprême Conseil des Souverains Grands Inspecteurs Généraux du Trente-troisième et dernier degré » du même rite sont également « en relations d'amitié avec les Suprêmes Conseils de France... du Brésil.... de l'Uruguay, du Paraguay, du Pérou, du Portugal... de la Colombie, du Chili, de l'Amérique centrale... et de l'Espagne ».
Le « Souverain Sanctuaire de l'Ancienne Maçonnerie primitive (rite de Memphis) du Continent américain » fut directement intro- duit de France dans ce pays par Jacques-Etienne Marconis vers 1857-, et comme il fut créé en afliliation avec le Grand Orient
1. L'n graivl nonil)ip de Matons considèicnf Ornoau comme <■ le Caglios- tro amérirain ». Il urtranisa son Suprême Conseil de Souverains Grands Fn«^pecteurs généraux, 33°, à New-York en isl'J. D'après Mackey [Encyclopae- dia, p. tWT), le rife Kcossais ancien et aeceplé n existait pas <■ avant 1801 », et on lit tlans la Ci/clopa-^ia of Fralernilies ['2- »''dition, p. t3) : <- Le rite Ecos- sais ancien et accepté jirit naissance à Charleston, S. C. en 1X01 ; il provient des vingt-cinq depr«'s du Rite de perfection. Chapitre de Clermont, Paris, 1754... ». Le procès de Cerneau fut la cause d'une dissension dans la Maçon- nerie de Rite Ecos.sais aux Etats-Unis, «jui dura plusieurs années ». (Ihid .,
p. 47).
2. Le lecteur pourrait trouver intéressant de savoir <|ue ce rite fut établi à Paris en 1830, et qu'il eut bientôt des Lo^es à Marseille et à Bruxelles. Il comprenait à l'origine quaire-vinpt-douze deprés, puis quatre-vingt-seize et enfin un quatre-vinf^l-dix-seplième degré fut rréé pour le chef ofliciel du Kite ». Cyclopxdia of FrulerniUc», 2* éd. p. 78).
qu'un avec la maçonnerie eubopéenne ? 297
de France ', il est afïîlié aux dilïérenles puissances maçonniques du monde entier, et ses représentants entretiennent avec ceux d'Italie, d'Espagne et de Roumanie (entre autres pays), des rela- tions régulières - ».
Les Maçons « Royal Arch » des Etats-Unis ont « sous la juridic- tion immédiate de [leur . Grand Chapitre Général, 28 Chapitres subordonnés, dont quelques-uns sont à Porio-Bico, ' au Chili et dans r Empire chinois ».
« \^' universalité de la Maçonnerie, ajoute le Dr. Mackey, n'est pas moins honorable à l'Ordre qu'avantageuse aux Frères.'.. Nos Loges sont disséminées de l'Est à l'Ouest et du Nord au Sud, sur toute la surface du globe habité... Le Maçon indigent et abandonné peut trouver un frère en tous les climats et un foyer dans tous les pays.
•< La preuve de ces assertions, continue-t-il, est contenue dans le tableau suivant des pays où la Franc-Maçonnerie est ouverte- ment pratiquée avec la permission des autorités publiques. Il n'y est pas fait mention des pays comme l'Autriche, où les Loges sont obligées de se tenir en cachette, à cause de l'intolérance soupçon- neuse du gouvernement. Il faudrait y ajouter l'Italie et la Hon- grie * » .
On nous affirme donc maintes et maintes fois, dans les fermes les plus clairs et les plus emphatiques, que le corps maçonnique est un à travers le monde, et nous voyons les Etats-Unis figurer à leur rang sur la liste maçonnique alphabétique tout comme la France, V Angleterre, V Allemagne, le Mexique ou toute autre contrée du globe. La Maçonnerie est une; le rite, la juridiction varient, selon le goût des Frères, quant aux cérémonies, et suivant les convenances du gouvernement maçonnique. Voici ce qu'atteste notre auteur si clai- rement et de façons si variées, avec tant d'assiduité et de persévé- rance que, s'il rencontrait un contradicteur parmi les Maçons, il faudrait qu'il fût tout à fait ignorant de son Ordre ou qu'il man- quât de sincérité. L'unité de la Franc-Maçonnerie repose sur ses « landmarks » ; elle est exprimée dans ses lois, ses symboles, ses signes ; elle est exposée par les orateurs et les écrivains maçonniques, qui proclament (|u'elle fait la gloire et l'orgueil de la Maçonnerie ; elle fait les frais des toasts ordinaires des banquets maçonniques, et on la représente fré((uemment comme l'un des grands avantages temporels qui reviennent aux Francs-Maçons.
1. New Inlernalional Encyclopœdia. Vol. XI (1903), p. 994.
2. Ibid., p. 405.
3. Ibid., p. 405.
4. Masonic Lexicon, p. 455.
298 LA MAÇONNERIE AMÉBICAIXE NE FAIT-ELLE
De plus, le grand public admet cela comme une chose toute na- turelle, et un livre de références fort connu, le World Almanac, a fait suivre, pendant des années, son tableau statistique de la Ma- çonnerie, de la note suivante : >< Ces Grandes Loges celles des Etals-Unis et de l'Amérique anglaise) sont intimement affiliées à la Grande-Loge anglaise, qui a pour Grand-Maître le Duc de Con- naught, et aux Grandes-Loges d'Irlande. d'Ecosse, de Cuba, du Pérou, de l'Australie méridionale, de la Nouvelle-Galles du Sud, de "Victoria ; elles sont également unies aux Maçons d'Allemagne et d'Autriche. Elles ne sont point affiliées ni en correspondance avec les Maçons du Grand-Orient de France '. Toutefois elles sont en rapports d'affiliation avec les Maçons placés sous la juridiction du Suprême Conseil, et elles les reconnaissent. La Franc-Maçonnerie est au ban de l'Eglise en Espagne, en Italie et dans les autres pays catholiques ; les membres y sont peu nombreux et clairsemés ^ ».
Nous avons, croyons-nous, suffisamment prouvé plus haut que nos Maçons américains correspondent avec les Maçons d'Italie et les reconnaissent, alors même que dans ce pays la Fraternité forme de» groupes « peu nombreux et clairsemés ».
Il nous reste à dire quelques mots de la rupture avec le Grand- Orient de France, à laquelle il est fait allusion dans les passages que nous venons d'emprunter au World Almanac. Une rupture de communications n'est rien de plus qu'un schisme en Maçonnerie : la doctrine essentielle de l'Institution n'en est point atteinte, son esprit n'en est point altéré. Aucun de ceux qui sont familiers avec l'histoire maçonnique n'ignore la longue et Apre querelle qui di- visa les Grandes Loges d'Angleterre ^ ; cependant, en 1813, les dis- sensions cessèrent et l'harmonie fut rétablie. lien fut de même des désaccords qui eurent lieu au Brésil * , en France^, à Francfort', en Irlande ', en Suisse** , aux Etats-Unis^ . Pendant le temps que durèrent ces querelles, les relations maçonniques furent interrom- pues, mais la doctrine, l'esprit de la Maçonnerie restèrent, au fond, les mêmes.
1. Dans la dernière édition du World Almanac, celle de 1908. cette phrase a été légèrement modifiée ainsi qu'il suit : "... ne correspondent pas avec les Maçons placés sous la juridiction du Grand-Orient de France.... ».
2. The World Almnnar and Hnci/clop^rdia (1906), p. 336.
3. Hnri/clopudin nf Freemasonry, pp. (15-68.
4. Unci., pp. 12r)-126. F). Jbid., pp. 288-290.
6. Ihid., p. 290
7. fhid., p. 370.
8. Ihid., p. 777.
9. Ibid., pp. 491, 477, 727.
qu'un avec la maçonnerie européenne ? 299
Aussi rargumenl qu'on nous présente si souvent, qu'il existe une ditïérence essentielle entre la Franc-Maçonnerie française et la Franc-Maçonnerie américaine, à cause de la rupture de leurs relations, est dépourvu de toute valeur.
1° Chez nous, le Rite Ecossais est purement français par son ori- gine et par sa transmission.
2" La rupture s'est faite avec le Grand-Orient de France, ainsi que nous l'avons vu. Or, le Grand-Orient de France ne représente qu'une partie de la Maçonnerie française.
« Le Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté de France, dit le Fr.-. Me Clenachan i est resté et reste encore fidèle à tous les principes de la Franc-Maçonnerie, en ce qu'il garde la première place au Père qui est aux cieux, qui fut, est et sera tou- jours un être personnel. Un ensemble considérable de Loges de la Fraternité reconnaissent l'autorité du Suprême Conseil ; leur nom- bre, d'après les derniers renseignements, s'élève à quatre-vingt- trois, tandis que celles qui s'attardent dans leur attachement à l'O- rient, peu confiantes en leur avenir, arrivent au nombre approxi- matif de deux cent-cinquante, pour la France et ses dépendances. Parmi elles, il en est dont l'existence n'est que nominale, et qui ne s'intéressent point à la Maçonnerie ». Ainsi donc, il n'est pas vrai qu'il y ait rupture complète entre les Maçons de France et le reste du monde. Des relations amicales existent encore avec le Rite Ecos- sais de France et les quatre-vingt-trois Loges maçonniques qui lui sont subordonnées.
3° Ne nous demandons pas s'il est prudent ou avantageux pour le Grand Orient d'avouer franchement son incroyance. L'afTirma- lion de cette incroyance est la conséquence logique des principes de la Maçonnerie ésotérique, ainsi que nous l'avons vu dans notre étude sur le Dieu maçonnique et Jéhovah. Le naturalisme de la Ma- çonnerie, la déification des passions humaines ne peuvent aboutir ailleurs pour les esprits logiques. Le Grand Orient de France ne saurait être accusé d'ignorer les principes maçonniques ; sa décla- ration fut le fruit de réflexions et de considérations prolongées ; elle n'est que l'expression formelle de ce que nous avons reconnu à maintes reprises sous les voiles du langage. Il se peut qu'elle man- que de prudence ; en tout cas, elle est vraie.
« La discussion, dit le F.-. Me Clenachan, et une tentative que fit une grande partie de la Maçonnerie française en vue d'éviter une calamité maçonnique menaçante, furent impuissantes à empêcher
\. Encyclopœdia of Freemasonri^. p. 954,
300 LA MAÇONNERIE AMERICAINE NE FAIT-ELLE
l'Assemblée Générale «lu Grand Orient de Franco d'achever son bouleversemenl et celui des corps qui lui étaient subordonnés, en adoptant presque à l'unanimité l'amendement désormais fameux de l'article I de la Constitution maçonnique, le 14 septembre 1877.
« Nous donnons ci-dessous le texte de l'amendemeiit et celui du second paragraphe original, qui a été supprimé :
« Paragraphe original : La Franc-Maçonnerie a pour principes l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme, et la solidarité hu- maine ».
« Amendement substitué : « Attendu que la Franc-Maçonnerie « n'est point une religion, et n'a dès lors aucune doctrine, aucun « dogme à alfirmer dans sa constitution, l'Assemblée, adoptant le « vœu IX, a décidé et décrété que le second paragraphe de l'arti- '( cle I de la Constitution serait effacé, et qu'à la place des mots « dudit article seraient mis les suivants : 1^ La Franc-Maçonnerie « étant une institution essentiellement philanthropique, philoso- « phique et progressive, se propose pour objets immédiats la re- « cherche de la vérité, l'étude de la morale universelle, des scien- « ces et des arts, et la pratique de la bienfaisance. Elle a pour prin- « cipes la plus entière liberté de conscience et la solidarité hu- « maine, et sa devise est Liberté, Egalité, Fraternité ».
« L'adoption de ce qui précède fut le résultat d'une délibération approfondie des membres de l'assemblée, qui restèrent pendant plus d'un an livrés aux pénibles travaux des débats et des réflexions les plus profondes.
« En prenant le parti qu'on vient de voir, la^ France rejeta la Ma- çonnerie par l'organe du Grand Orient ; mais la Maçonnerie ne rejeta point la France. Il en résulta que les puissances maçon- niques du monde firent de j)rofondes et tristes réflexions sur la possibilité de continuer des rapports amicaux, et ces réflexions aboutirent à la cessation rapide des relations de courtoisie et de représentation avec un centre maçonnique jadis plein de fierté, qui substituait en lettres de feu les mots de force supérieure et de principe créateur au grand symbole maçonnique de Dieu. En con- séquence, comme il ne peut exister de Maçonnerie sans Dieu, la Maçonnerie cessa d'avoir une existence organisée dans ce pays, et, bien que le Grand Orient existe toujours nominalement, il n'est point maçonnique.
« Le Suprême (Conseil du Hite Ecossais ancien et accepté de France, reprend-il dans un passage déjà cité, « est resté et reste « purore fidèle à tous les principes de la Maçonnerie ' ».
1. Encyclopxdia, p. 'X>i.
qu'un avec la >fAÇONNEhIE EUROPEENNE ? 301
Le monde n'est pas prêt pour une négation formelle et franche de Dieu, ainsi que le savent fort bien les autorités maçonniques hors de France. Il faut donc garder le mot Dieu ou Jehovah. Ce sera un écran commode. Le Maçon exotériqiie le prendra dans un sens, le sien ; le Maçon ésotérique le prendra dans un autre sens, le sien aussi. Mais qu'on n'oublie pas ce que nous a dit le Fr.-. Me Clenachan :
« G. 0. D. Initiales de Gomer, Oz, Dabar. C'est une singulière « coïncidence, et qui mérite réflexion, que les lettres qui forment « le nom de la Divinité en anglais soient précisément les initiales « des trois mots hébreux qui signifient sagesse, force et beauté, les « trois grands piliers ou soutiens figuratifs de la Maçonnerie. Il « semble qu'elles constituent exclusivement, ou peu s'en faut, le « motif qui peut faire accepter à un Maçon l'usage de l'initiale G, « suspendue de façon très visible à l'Orient de la Loge, à la place « du Delta. C'est là un détail qui nous paraît quelque chose de plus « qu'un hasard ' ».
Dabar, Sagesse, D Oz, Force, O
Gomer, Beauté, G
« Ainsi ces initiales cachent la véritable signification ».
Pourquoi faut-il faire accepter au Maçon l'emploi de G, comme initiale de God, Dieu, et pourquoi le lui fait-on accepter en dé- couvrant dans ce mot les symboles des colonnes maçonniques ; comment le mot God lu à rebours, Dabar, Oz, Gomer, frap- pera-l-il l'esprit de l'initié qui lit Jehovah à rebours, de manière à obtenir Ho-Hi, He-She? Nous l'avons longuement expliqué ail- leurs. Mais quel profane reconnaîtra God, Dieu, dans le mot ainsi défiguré ? Donc, dire qu'il n'est point de Maçonnerie sans Dieu, alors ({ue le motif, et presque le seul motif capable de faire accepter au Maçon l'emploi de l'initiale G, c'est qu'elle représente « Sa- gesse, Force, Beauté », colonnes phalliques de la Loge, c'est, pour des chrétiens, une pure mystification, et c'est ainsi que l'a pris le Grand-Orient de France.
En conséquence, la Maçonnerie ésotérique est partout la même, car partout les mêmes principes sont enseignés dans les hauts gra- des ; la Maçonnerie exotérique, ou Maçonnerie des non-initiés, pré- sentera naturellement des différences. Mais ces différences n en for- ment pas moins un corps unique, que le même esprit anime à des degrés divers. C'est grâce à cela que nous avons vu l'aigreur et la bigoterie du Chapitre Rose-Croix de Gethseraani, à Oakland, en Californie,
1. Encyclopmdia, p. 957.
302 MAG.'. AMÉRICAINE ET MAC.'. ELROPÉENNE
et du F.*. Sherman, dont l'esprit inspire el dirige les affaires ma- çonniques sur la côle du Pacifique, bien que nous ayons peine à croire que lous les genllemen présents à la réunion en question aient approuvé du fond du cœur les sentiments ainsi exprimés. Mais le fait même de se réunir en un corps, où l'on prend, ne fût-ce qu'en partie, un esprit aussi anticalholique, aussi antichrétien que celui de la Vraie Maçonnerie, voilà ce que l'Eglise catholique ne peut que condamner. Son amour des âmes ainsi abusées par les appa- rences extérieures, et le prix qu'elle attache à ces âmes l'obligent à parler haut et clair, sans tenir compte de ce qui en résultera pour elle.
Comme la Maçonnerie avancée et progressive de France a ouver- tement proclamé son dessein de chasser Dieu de France, ainsi le but de la Maçonnerie avancée est d'agir de même, dans le monde en- tier.
La Maçonnerie est une partout, non point par le rite, ce qui n'est là qu'une unité accidentelle, non point par la juridiction, ce qui pareillement n'est qu'une affaire de convenance ; non point pour ses membres exotériques, car ceux-ci sonttenusdans l'ignorance desdoc- trines de l'Art. Elle est une en son esprit véritable et ésotérique ;elle est une en son but, en son objet; une dans sa lumière et ses doctri- nes; une en sa philosophie et sa religion; elle forme ainsi une famille, une corporation, une institution, une fraternité, un ordre, un monde, qui tend, par sa catholicité, à se substituer à la catholicité qu'a établie le Christ.
APPENDICE
L'Umté de la Franc-Maçonnebie
C'est une erreur profondément enracinée dans nombre d'esprits catholiques que la Maçonnerie chez nous est différente de la Maçon- nerie européenne et latino-américaine ; et cette erreur est soigneu- sement entretenue par les Maçons eux-mêmes, qui y trouvent eur compte. Aussi n'avons-nous point été surpris de voir l'article sui- vant imprimé de bonne foi dans un de nos journaux catholiques'.
Un discours récemment prononcé devant la Loge de Louisville n" 400. des Maçons Libres et Acceptés, par John C. Strother, de Louisville (Kentucky), révèle un fait peu connu en ce pays, à savoir : que les Francs-Maçons aux Etats-Unis ne reconnaissent point ceux de France et des autres pays latins, et n'ont avec eux aucune communication.
Ce discours qui a été imprimé dans le Masonic Home Journal contient le passage suivant :
« Je puis dire quen un sens il y a plusieurs sortes de Maçonnerie. La Franc-Maçonnerie nest pas connue, enseignée et pratiquée dans le monde entier avec la croyance en Dieu comme Suprême Architecte de l'Univers, ni avec l'idéal élevé de morale qui caractérise les loges de notre pays et qui, je puis bien le dire, sont connus et mis en pratique dans la Loge n° 400 de Louisville, et dans les autres Loges de cette ville et de cette juridiction. La Franc-Maçonnerie telle qu'elle existe en France, en Italie, en Espagne, en Portugal et dans les républiques sud-américaines est une association politi- que antireligieuse qui, en ces dernières années, est devenue une sorte de secte athée, ne faisant pas mystère de sa haine pour la religion révélée.
<> La Franc-Maçonnerie a été introduite en France probablement vers 1720, et dans les autres pays susnommés probablement plus tard. De nombreux gentilshommes français se sont affiliés aux Loges où la libre pensée et l'in- crédulité étaient ouvertement discutées. Des Loges pour les femmes furent organisées où la liberté, la licence n'étaient guère moindres que dans les Lo- ges pour les hommes, et, dans ces loges, les dames de la Cour et les fem-
1. Cet article a été tiré des quotidiens profanes dont plusieurs lui ont don- né, pour une raison quelconque, une importance considérable.
3Ô4 LUNITÉ DE LA FRANC-MAÇON.NERIE
mes les plus en vue par leur condition et par leurs relations dans la so- ciété et dans la politique en devinrent membres et les fréquentèrent assidû- ment.
" Dans une société à ce point dégagée de linfluence religieuse, les Loges maçonniques étaient une sorte de terrain neutre où chacun pouvait penser et choisira sa guise sans redouter linfluence ni l'hostilité de l'Eglise ou de l'Etat. Dans ces réunions, l'existence historique du Christ, pour ne rien dire de sa Divinité, était l'objet de discussions et de plaisanteries, et cette disposition accrut sans doute, si elle ne le créa point, l'antagonisme exis- tant entre la Franc-Maçonnerie et l'Eglise catholique romaine.
<< De temps en temps, les papes de Rome ont publié des décrets lançant l'excommunication sur les membres de l'Ordre. Mais la sentence d'excommu- nication ne vint pas seulement de l'Eglise catholique romaine, car, pas plus tarti qu'en 1888. Albert Pike, Grand Commandeur des Etats-Unis. (Rite écos- sais, excommunia solennellement les Francs-Maçons français en des termes non moins énergiques que ceux dont s'étaient servis les papes.
« C'était une conséquence de la pratique des Loges, de ne pas exiger la croyance en l'existence de Dieu comme Suprême Architecte de l'Univers, croyance considérée par elles comme un objet de pure spéculation pouvant être admis ou rejeté au gré de chaque Frère qu'on n'obligeait plus à faire serment dans un sens ou dans l'autre, et qui était amené à la liberté de pensée, et, peut-êtie plus encore, à la liberté d'action.
« L'antagonisme devint si aigu entrel'Ordre et l'Eglise, qu'en l89L.le Grand Orient de France prit des résolutions qu'il imposa à toutes les Loges rele- vant de sa juridiction et aux termes desquelles c'était le devoir de tout bon Maçon d'user de son influence pour amener la suppression de toutes les as- sociations ecclésiastiques, religieuses, enseignantes ou charitables, et la confiscation de leurs biens au profit de l'Etal. C'était en outre le devoir de tout Franc-Maçon de proposer que les élèves des collèges ou établissements religieux fussent exclus des emplois officiels dépendant du gouvernement dans toutes les branches de l'administration, armée, manne ou services civils.
t L'attitude de la Franc-Maçonnerie à légard de la religion dominante en France, en Espagne, en Portugal et dans les républiques sud-ainéricianes, c'est-à-dire de la religion catholique romaine, est donc fort loin d'être bien- veillante, soit pour la croyance, soit pour la pratique. L'opposition de l'Eglise aux tendances athées et h la licence coutumière aux Maçons, pour la pensée comme pour la pratique, a provoqué chez ceux-ci une activité correspondante. Or, leur influence politique en France est hors de propor- tion avec leur nombre, et c'est elle qui constitue sans aucun doute la force invisible mais puissante qui a amené la Separation de l'Eglise et de l'Etat, et produit en France une révolution complète, quoique non sanglante. Jus- qu'ici ".
Tout Ifcleur inlflligenl verra du premier coup ce que valent les assertions du F.-. Slrolher.
1" La Franc-Maçonnerie, telle qu'elle existe en France, en Italie,
l*unité De La franc-MaçonneïîIe 305
en Espagne, en Portugal et dans les républiques sud-américaines est une association politique antireligieuse, qui, en ces dernières années est devenue une sorte de secte athée ne faisant pas mystère de sa haine contre la religion révélée.
2° Les Loges françaises, dès le commencement, ont été des cen- tres de libre-pensée et d'incrédulité. « Des loges pour les femmes furent créées où la licence n'était guère moindre que dans les Lo- ges pour les hommes ». Dans ces réunions, « l'existence historique du Christ, pour ne rien dire de sa divinité, était l'objet de discus- sions et de plaisanteries ».
3° Cette disposition" accrut, si elle ne le créa point, l'antagonisme existant entre la Franc-Maçonnerie et l'Eglise catholique romaine ».
4° La persécution de l'Eglise, dans les républiques sud-américai- nes et en France, est maçonnique, et elle a été amenée par l'oppo- sition de l'Eglise « aux tendances athées et à la licence coutumière aux Maçons pour la pensée comme pour la pratique ».
Nous remercions le Frère de confirmer si simplement et si fran- chement ce que nous avons avancé dans les pages précédentes, ou plutôt ce qu'ont avancé les autorités maçonniques américaines les mieux informées et les plus éminentes ; car, pour nous, nous n'avons d'autre mérite que d'être un copiste fidèle. Nous ad- mettrons volontiers avec lui, comme nous l'avons déjà admis expres- sément, « qu'il y a, en nu sens, différentes sortes de Maçonnerie ».Il s'agit seulement de déterminer ce qu'on entend par sens. Il y a la Maçonnerie ésotérique, c'est-à-dire la marchandise vraie et authen- tique ; il y a la Maçonnerie exolériqae, denrée falsifiée et assaison- née au goût du consommateur. Il y a différents rites, etc., comme nous l'avons expliqué ailleurs. En ces « sens », mais non en un au- tre, on peut dire qu'il y a différentes Maçonneries : la Maçonnerie ésotérique authentique est partout la même.
La feuille catholique citée plus haut s'est donc trompée, quoique avec les meilleures intentions du monde^ lorsqu'elle a affirmé que le discours du Juge Strother, « révèle un fait peu connu en ce pays, à savoir : que les Francs-Maçons aux Etats-Unis ne reconnaissent point ceux de France et des autres pays latins ». Ce n'est malheu- reusement pas conforme à la réalité.
La feuille en question sortait à peine des presses que paraissait l'article suivant, dans VExaminer, de San-Francisco (26 Mai 1907) :
« Les Maçons du Rite Ecossais de l'ancien et du nouveau monde vont, pour la première fois, depuis l'origine de la Maçonnerie, tenir un congrès inter-
21
306 l'unité de la franc-maçonNerie
national. Il n'y aura à ce congrès que sept délégués des Etats-Unis, et l'un deux est ^V. Frank Pierce, de notre ville. Cette réunion mondiale se fera à Bruxelles le 10 juin prochain. Mr. Pierce avec James D. Richardson, du Tennessee, et George F. Moore, de lAlabania représenteront la juridiction méridionale du Rite Ecossais. Mr. Pierce représentera aussi le Rite Ecossais dHawai et des Philippines qui se rattachent à la juridiction méridionale des Etats-Unis dAmérique.
.« Henry L. Palmer, du Wisconsin, et deux inspecteurs généraux nommés par lui, représenteront la juridiction septentrionale. Diaz, président du Mexi- que, chef du Rite Ecossais dans ce pays, a choisi Allison Xailor, de Was- hington D. C. pour représenter le Mexique à la réunion : ainsi des sept délé- gués de ce pays, il n'en est qu'un qui représente en réalité, à titre ofllciel, la juridiction du Mexique.
« Les Suprêmes Conseils qui doivent être représentés à la conférence de Bruxelles sont : les juridictions méridionale et septentrionale des Etats-Unis, France, Belgique, Italie, Irlande, Angleterre et Pays de Galles, Ecosse, Por- tugal, Pérou, Brésil, Venezuela, Etats-Unis de Colombie, République Argen- tine, Uruguay, Colon, Mexique, Grèce, Hongrie, Suisse, Canada, République Dominicaine, Chili, Espagne et Egypte ».
La réunion a été tenue comme il avait été décidé, et le 5 juillet 1907, VExaminer contenait le câblogramme suivant :
« P.\nis, 4 juillet. — Les délégués américains à la Conférence maçonnique internationale qui vient de se tenir à Bruxelles ont apporté à Paris la nouvelle que le prochain congrès international se tiendra aux Etats-Unis. Le congrès se réunira dans cin<[ ans en une ville (jui sera choisie par les deux juridic- tions américaines ".
D'autres journaux du pays donnaient de plus amples détails.
" Pari.<, 1 juillet. — La prochaine conférence maçonnique internationale doit se tenir aux Etats-Unis, suivant la nouvelle apportée à Paris par les délégués américains au congrès qui vient de se terminera Bruxelles. Trois délégués sont arrivés ici de la capitale de la Belgique : James D. Richard- son, Grand Commandeur du Suprême Conseil de la juridiction méridionale de Washington D. C, George F. Moore, de l'Alabama, dignitaire de la même juridiction; le général S. C. Lawrence, de Boston, lieutenant Grand-Com- mandeur de la juridiction septentrionale. Les trois autres délégués améri- cains sont en voyage sur le continent. Ce sont W. Frank Pierce, de Califor- nie ; Chas. F. Gallagher, de Boston, et Barton Smith, de Toledo, Ohio. Ri- chardson dit aujourd'hui que vingl-et-un Suprêmes Conseils qui régissent les degrés maçonnitiucs au-dessus du troisième étaient représentés au con- grès. Celui-ci ne s'est pas tenu pour formuler des règlements, mais pour arriver à l'unincalion du Rite Ecossais, et pour un échange de vues tendant à 1 unification des Suprêmes Conseils du monde entier. On devait traiter aussi de la conduite à tenir à l'égard des Loges maçonniques irrégulières. Vers la lin de la session, fut adoptée une résolution aux termes de laquelle le prochain congrès se, tiendra dans cinq ans dans une ville qui sera dési- gnée par les deux juridictions américaines ».
Qui voyons-nous là fraterniser? Vingt-ct-un Suprêmes Conseils, dont deux appartiennent aux Etats-Unis; et dans ces deux,
l'unité de la fbanc-maçonnerie 307
nous trouvons représentés tous les Maçons américains du Rite Ecossais, car ils appartiennent tous à l'une ou à l'autre de ces juri- dictions. D'où viennent les dix-neuf autres Conseils? Principale- ment des contrées mêmes avec lesquelles, nous dit-on, les mem- bres du Rite Ecossais, en Amérique, n'ont aucune communication. La France est-elle exclue? Elle vient après les Etats-Unis sur la liste. Le Mexique est-il exclu? Le lien qui rattache les Etats-Unis à leur sœur latine est si étroit qu'Allison Nailor, de Washington D. C, est choisi pour la représenter. L'Italie, l'Espagne, le Portu- gal et les difïérentes républiques sud-américaines, dont le F.*. Strother blâme si énergiquement l'athéisme et l'immoralité, sont sans doute exclus? De crainte d'erreur, relisons encore la liste : France, Italie, Portugal, Pérou, Brésil, Venezuela, Etats-Unis de Colombie, Argentine, Uruguay, Colon, Mexique, Saint-Domingue, Espagne, Chili. Ces contrées forment un tout harmonieux avec l'Angleterre, l'Irlande, le Pays de Galles et l'Ecosse, la Grèce, la Hongrie, le Canada, la Suisse, l'Egypte, les Etats-Unis et la Belgi- que. Peu nous importe que l'objet de la réunion ait été ou non, de légiférer. Nous ne supposons pas que la Maçonnerie, dont l'essence est précisément le secret, expose ses projets aux profanes. Ce qui nous intéresse pour le moment, c'est tout simplement son unité ; et le but avoué de cette réunion était de la rendre plus solide encore.
Et qui obtient la prépondérance dans une réunion de ce genre ? La majorité. Et qui a la majorité? Les Maçons de l'Europe latine et ceux des républiques latino-américaines déclarés athées et immo- raux. Et quand, dans une assemblée de ce genre, on traitera de ce que les Maçons du Rite Ecossais doivent croire touchant le Grand Architecte de l'Univers, la morale maçonnique, l'éducation, l'Eglise catholique, etc., etc., quelle doctrine sera proclamée comme étant la vraie doctrine ésotérique du Rite écossais en fait de croyance et de morale ? Et cela, même en supposant (ce que nous avons mon- tré nêtre pas le cas) que les délégués américains soient d'un au- tre avis que leurs Frères. C'est la majorité qui décide ; et, comme le F.-. Strother l'avoue lui-même ingénument, cette immense ma- jorité est athée, immorale, antireligieuse et furieusement antica- tholique. Et le Rite Ecossais d'Amérique, non seulement veut fra- terniser avec les Frères latins, mais il veut bien davantage encore, et consent à jouer dans cinq ans le rôle de victime.
L'union intime de la Maçonnerie mexicaine et de la Maçonnerie américaine, si clairement montrée parle choix du F.-. Nailor, est pleinement confirmée par de récents événements.
Dans les premiers mois de 1907, les Mystic Shriners des Etals- Unis ont établi leur Ordre dans la capitale du Mexique et ont ad-
308 l'umté de la franc-maçonnerie
mis parmi leurs membres quelques-uns des Francs-Maçons les plus éminenls du Mexique ; quoiqu'on piiisse prétendre que cette secte n'est pas, à proprement parler, la Maçonnerie, il est du moins cer- tain qu'avec ses caractères propres, elle est la fleur et le fruit de la Fraternité, puisque seuls les Maçons des hauts grades peuvent en devenir les membres '. Là fraternisent les Maçons mexicains et amé- ricains ; en quoi consiste leur prétendue exclusion? En outre, voici ce qu'on projette pour l'année suivante, d'après \c Mexican Herald de 5 novembre 1907 :
« Le comité exécutif nommé par le Temple Anezah, A. A. Mystic Shrine, en vue de préparer la réception des Shriners dont la visite est attendue 'en janvier, comité comprenant W. O. Staples, président ; W. B. Hull, W. G. Stevens, N. L. Brinker, W. L. Vail, K. M. Van-Zandt et H. D. Barto, s'est réuni hier et a discuté le programme général de la réception. On attend de 1.500 à 2.000 Shriners qui vont faire ce pèlerinage avec leurs familles et on a proposé d'organiser une série de divertissements qui durent plusieurs jours.
<• Le Past Imperial Polentale Clayton de St-Joseph, Mo., et la plupart des membres de l'Impérial Conseil seront à la tête du pèlerinage, et l'on s'attend à ce que ce soit l'événement le plus considérable pour les Afaçons {sic) qui se soit produit au Mexique.
De plus, le 6 août 1907, les Templiers des Etats-Unis^ ont établi une Commanderie à Mexico. Nous citons le Mexican Herald du 7 août :
1. L' Encyclopaedia Americana (t. X, au mot Mvstjc Shrine^ dit que cet Or- dre " est composé uniquement de Maçons du 33* degré ». C'est probable- ment une erreur. Suivant le World Almanac !1908. p. 405) « celte société est composée unicjuement de Maçons ayant atteint le 32' degré (Voir aussi la Cy- clopaedia of Fralernilies de Stevens, 2« édition, .New- York 1907, p. 1). Il y est dit «jue les Maçons actifs du Irenie-lroisième degré ne sont qu'une centaine en tout dans l'Amérique du Nord; les <• trente-troisièmes «honoraires sont moins de 1.000 (Ibid. p. 54 . Seuls, les « trente-troisièmes ■> actifs sont membres du Suprême Conseil ou Corps dirigeant du Rite {Ibid, p. 53). Outre «r.\ncien Ordre arabe du Mystic Shrine, il y a nombre d'autres Sociétés aux Etats- Unis qui posent comme condition |)rpliminairc à l'admission, l'affiliation à l'un des corps maçonniques ». La New International Encyclopaedia, où est pris le texte que nous avons cité, nomme, parmi les Sociétés affdiées à la Maçon- nerie, l'Ordre de VEloile d'Orient, l'Ordre My.^tique des Prophètes Voilés du Royaume enchanté et l'Ordre international indépendant des Chouettes. (T. XI, 1003, p. 993). La CyclopfPdia of Fraternities (2' édition, 1907, p. 67) en ajoute deux autres ; La Société moderne des Rose-Croix et le Souverain Collège des Degrés maçonniques unis.
2. Les Chevaliers Templiers tiennent de fort près aux Francs-Maçons. L' Encyclopaedia Americana (t. X) parle d'eux à l'article Masonic Fraternity, comme faisant partie de celle-ci. Le World Almanac de 1908 (p. 405) dit: " Pour obtenir ces Ordres ^ceux que confère une Commanderie de Cheva- liers du Temple : Croix Rouge, Chevalier Tonqilier, Chevalier de Malte) il
ne suffit pas d'être Maçon, il faut, de plus, être Maitre-Maçon, Maçon du , Royal Arch en bonne position, et faire partie en même temps d'une Loge et d'un Chapitre ».
l'unité de la franc-maçonnerie 309
« La Commanderie U. D. des Chevaliers du Temple a été dûment consti- tuée hier soir en grande solennité. La fondation s'est faite dans les salons de la Loge de l'Ordre, sous la présidence du général George M. Moulton, Past Grand Maslc du Grand Camp des Chevaliers du Temple aux Etats- Unis. A l'ouverture de la Commanderie, le Pasl Grand Commander Moulton était assisté d'officiers qui avaient été nommés par lui lorsqu'il occupait le poste d'Eminent Commandeur de la Grande Commanderie générale.
Le général Moulton délivra à la Commanderie sa charte, qui la constituait régulièrement comme faisant partie de la Grande Commanderie générale. Et les premières élections faites en vertu de cette charte ont donné les ré- sultats suivants ;
Pour donner une idée de la haute situation qu'occupe le Général Moulton dans les milieux maçonniques, nous ne saurions mieux faire que de donner la liste des emplois qu'il a remplis :
M. W. Grand Maître de la Grande Loge A. F. et A. M., Illinois ; Past Mas- ter (Passé Maître) de la Loge Covenant, n" 526 ; M. E. Grand-Prêtre du Grand Chapitre R. A. M., Illinois ; Past High Priest (Passé Grand-Prétre) du Chapi- tre Corinthien, n° 6'.) ; Maître des Cérémonies de l'Ordre de la Grand-Prètrise en Illinois.
Rite Ecossais Ancien et Accepté : Maréchal de Camp du Suprême Conseil, 33« degré M. M. J. U. S. A.: Passé Premier Lieutenant Commandeur, Conseil de Délibération (Illinois); Passé Commandeur en Chef, Consistoire Oriental, 3"2« degré, S. P. R. S. Passé Prince Souverain, Conseil de Chicago, 16° degré ; Prince de Jérusalem, Vallée de Chicago ; Souverain Grand Inspecteur Géné- ral, 33® degré, et Membre Honoraire du Suprême Conseil de la Juridiction septentrionale des Etats-Unis.
Le Général Moulton était, en outre, le représentant accrédité des Institu- tions maçonniques dont les noms suivent, auprès d'autres corps d'égale im- portance : le Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté du Vene- zuela (Amérique du Sud) ; la Grande Commanderie des Chevaliers du Tem- ple de Californie; le Grand Conseil Royal des Maîtres Elus de l'Orégon; le Grand Chapitre des Maçons Royal Arcli de Delaware ; la Grande Loge des Anciens Maçons libres et acceptés du Kansas : la Grande Loge des A. F. et A. M. (Anciens Maçons libres et acceptés) de l'île de Cuba.
Nous ne pouvons, faute de place, donner ici que la moitié à peine des titres maçonniques du Général. Ceux que nous avons énumérés suffiront cependant à montrer quel rang élevé il occupe dans la Maçonnerie Bleue et dans le Rite Ecossais. Il est, de plus, Repré- sentant Accrédité du Rile Ecossais Ancien et Accepté du Suprême Conseil du Venezuela (Amérique du Sud), comme il l'est de la Grande Loge des Anciens Maçons libres et acceptés de l'île de Cuba. Il est chez lui parmi ses Frères du Mexique qui sont très honorés de sa visite. Aussi le Herald, dans son numéro du 10 août 1907, informe-t-il ses lecteurs que :
La visite du Passé Grand Maître Moulton à notre ville avait pour but de fonder la Commanderie du Mexique, mais que, pendant son séjour ici, il
310 l'unité de la franc-maçonnerie
étudia la Maçonnerie mexicaine en général et se montra excessivement satis- fait de la Loire Bleue. Il fut particulièrement heureux de la réception que lui firent le Général Diaz, président de la République, et les Chevaliers Tem- pliers de la ville.
Qu'il nous soit permis, avant de conclure, de faire une petite digression, pour remarquer que les dignités variées dont se trouve investi le Général Moulton révèlent un fait intéressant ; cette enu- meration met en évidence les nombreuses ramifications de l'in- fluence maçonnique dans des corps qui ne sont ni directement ni ouvertement afTiliés à la Maçonnerie. C'est grâce à celte influence que la Fraternité est mise à même d'atteindre le but que lui assi- gne le F.-. Pike : propager les idées maçonniques et agir sur la législation dans un sens qui leur soit favorable.
11 n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, et si les Catholiques, peut-être même certains membres de notre clergé, persistaient — ce qui, nous l'espérons, ne se produira pas — à fer- mer les yeux devant l'évidence, qu'ils se chargent d'expliquer la condamnation qui frappe aussi bien la Maçonnerie européenne] et latino-américaine que celle des Etats-Unis ; mais qu'ils le fassent avec la loyauté et la sagesse de Notre Sainte Mère l'Eglise. Les déclarations si nettes du F.-. Strother leur feront voir combien l'Eglise s'est montrée juste dans sa conduite envers la première de ces|Maçonneries — et noire propre Etude, nous l'espérons du moins, aura suflî pour les convaincre que l'Eglise n'a pas été moins juste à l'égard de la Maçonnerie américaine.
* *
Si, après avoir lu ce volume, un de nos lecteurs n'éloit pas encore entièrement convaincu, (pi'il prenne The Genius of Free ^Jasonry and the Twentieth-Centunj Crusade (Le Génie de la Franc-Maçon- nerie et la Croisade du vingtième siècle) par J.D. Bick, Maçon dis- tingué, auteur de Mijstic Masonry et autres ouvrages.
Nous avons sous les yeux un exemplaire de la seconde édition publiée par Vlndo-American Book Co. de Chicago (1907). En voici la dédicace : « Pour le bien de la Maçonnerie, dans l'intérêt de l'In- dépendance et de la Fraternité, de la Lumière, de la Liberté et de l'Amour contre l'Ignorauce, la Sui)erslilion et la Craiule, le Cléri- calisme, le Despolisme et le Jésuitisnie ». Un chapitre d'introduc- tion s'adresse «< Aux Catholiques ». Le livre lui-même est un i>ain- j)hlct anlicatholique dont les anticléricaux européens les plus acer- bes pourraient être fiers. La thèse principale soutenue [)ar l'auteur est que le génie du Catholicisme — qu'il appelle Papisme^ cela va
l'unité de la franc-maçonnerie 311
s&ns dire — et celui de la Franc-Maçonnerie sont « diamétralement opposés » et « d'un antagonisme irréductible » ; que, par consé- quent, « le Maçon est partout Vennemi du Papisme » (p. 67).
« A la page 250, il parle plus ouvertement encore : « On ne sau- rait contredire plus complètement les prétentions du cléricalisme (lisez du catholicisme) que ne le fait la Franc-Maçonnerie .. . La Franc-^Iaçonnerie (remarquez bien que l'auteur est un Américain parlant à des Américains) est carrément, et pour des raisons bien définies, l'exacte contre-partie du cléricalisme ». Et l'auteur conti- nue, page 251 : « Plus le monde se convertit aux principes éthiques de la Franc-Maçonnerie, c'est-à-dire : Amour fraternel. Assistance mutuelle et Vérité, et à la Morale enseignée et pratiquée par Jésus, et plus il répudie tous les principes, prétentions et pratiques du cléricalisme romain... U indifférence et l'inertie de beaucoup de francs-maçons ne sauraient provenir que de Vignorance et de la folie ou de la lâcheté. Tout Franc-Maçon intelligent et loyal devrait relever le défi de Rome avec tout ce qu'il implique, et se mettre à l'œuvre sans retard. Voilà ce qu'il devrait faire, à moins qu'il ne préférât confesser sa lâcheté ». Combattre le catholicisme par tous les moyens et le détruire si possible, est, d'après cet écrivain ma- çonnique de la dernière heure, une partie — et une partie très im- portante — du Magnum Opus de la Franc-Maçonnerie. L'espace nous manque pour faire des citations plus étendues de cet ouvrage ; mais si notre lecteur consent à lire attentivement l'extrait suivant, pris aux pages 170 et 171 du Genius of Freemasonrg, et à Texami- ner à la lumière des nombreux passages de Pike et de Mackey que nous avons cités, il conviendra. certainement avec nous : 1° Que les Maçons ésotériques américains se préparent à apprendre à leurs Frères exotériques comment il faut tirer des conclusions logiques des principes que la Maçonnerie leur enseigne depuis nombre d'an- nées ; 2° que notre présent ouvrage n'a pas été écrit sans motif suili- sant : « Nous constatons qu'en beaucoup de Loges, on a grand souci et on se montre fier de mener l'Œuvre à sa perfection en se conformant au rituel dans l'initiation des candidats, et cela est ex- trêmement louable. Toute Loge et toute réunion devrait avoir honte d'apporter de l'insouciance et de la négligence à la représen- tation d'un drame aussi grandiose. Plus il y a de perfection dans l'exécution de l'œuvre si dramatique de la Loge, plus l'impression produite sur le candidat est profonde et durable, et plus chaque Frère aura de considération pour le rituel et pour l'œuvre.
« En outre, cette haute estime, cette considération, cet attache- ment au travail ordinaire de la Loge est la meilleure des prépara-
312 l'unité de la franc-maçonnerie
lions pour l'accomplissement de VŒiivre^ plus vaste qui s'y trouve symbolisée. Aucun Maçon intelligent, réfléchi et sincère ne pour- rait être témoin de cette œuvre si excellente de la Loge sans en res- sentir un redoublement d'enthousiasme, d'amour et de zèle pour l'Ordre.
« Lorsque cette estime et la juste fierté qui en résulte font réflé- chir le Maçon et qu'il en arrive à se dire : « Voilà des vérités vivan- tes, et non pas seulement des mois creux et des cérémonies sans vie et sans portée », on devrait le préparer et le mettre en état de franchir l'étape suivante-, par l'étude de la réalité^ dont tout le ri- tuel et tout le travail de la Loge ne sont, d'un bout à l'autre, que le symbole vivant. Il s'apercevra alors (ju'on lui a donné la clef et un nombre incalculable de moyens d'en faire usage. S'il tient à creu- ser profondément pour explorer le souterrain où les anciens Joyaux furent cachés et mis à l'abri, il sera capable de relever le gant, de donner le mot d'ordre et de passer^ à la Lumière du Magnum Opus '• ».
Nous concluons en citant les paroles qui terminent, dans l'ou- vrage de M. Buck, le chapitre intitulé « Le vrai but » (p. 258).
« Le but est, en vérité, des plus évidents, si évident qu'il faudrait être un fourbe ou un imbécile pour s'y méprendre. Ce n'est pas par ignorance ni pour ne pas avoir été assez mis en garde que
<< Nous attendons sous le soufUe ardent de la fournaise Le travail de la transformation s «.
Si nous attendons plus longtemps, c'est que nous sommes ré- fraclaires à l'évidence du devoir ».
Et pour nous, catholiques, si nous demeurons plus longtemps dans l'ignorance du vrai caractère de la Franc-Maçonnerie ésotéri- que américaine et du vrai but qu'elle poursuit; si nous négligeons de suivre le conseil que nous a donné si souvent noire Sainte Mère l'Eglise lorsqu'elle nous exhorte à prendre les précautions néces- saires, nous n'aurons que ce que nous aurons mérité le jour où les Maçons seront tout-puissants aux Etats-Unis, comme ils le sont au- jourd'hui en France. Ils nous traiteront alors, en Amérique, comme ils traitent nos frères infortunés dans ce beau mais malheureux pays.
A. P.
FIN
1, 'l, 3, '1. Les italiques sont de M. lUick. 5a <■ We irait beneath the furnace blast The pangs of transformation ».
ERR ATA
p. 159. Lire, à la 26'' ligne, après ces mois :
pour terrifier les âmes craintives. 11 faut que l'audace ait le
dernier mot. Nous renverserons avec Daiile la position de noire tête et de nos pieds, et nous admettrons le contraire de la doctrine pontificale sur lenfer. Alors fleurira, etc
P. 168. 1*"" alinéa commençant par ces mots : Le F.-. Pike... Lire 32^ degré, au lieu de 33*.
INDEX ALPHABÉTIQUE
Aaron, 193.
Abraham, 259.
Acacia, 85, 159.
Adam, 137, 138, 144.
Adam Kadmon, 136-138, 141.
Adultère, 22;, 225 sq.
Age requis pour être admis dans la F.-. M.-., 240 sq.
Algabil, 144.
Allégorie maç.*. 29 sqq. , 42.
Ame (L') de la F.-. M.-, el l'ame humaine, 147 sq., 260 sq.
Américain (rite) 281, 289.
Amour, 145.
Amun, 39.
Ancien et Accepté (rite écos- sais) 17"^ degré, 8.
Ancien Ordre arabe de l'Autel mystique (^Mystic Shriners), 307 sq.
Anderson, 263 sqq.
Angleterre (L'), Mère delà Ma- çonnerie, 270.
Annus Mundi, xiv.
Anti-religieux (Caractère) de la F.-. M.-., 305.
Aporrheta de la Secte, 15, 24, 286.
Apostats (Catholiques) en tant que Maçons, 279.
Apprenti, 23, 32, 44, 46, 269, 280, 287.
Apulée, 3.
Arbre de la Science, 193.
Arcanes fLes) de la Mac.., x. 11, 15, 26.
Aspect social de la F.-. M.-., 5.
Autel maçonnique, 64 sq.
Autel mystique (V. Ancien Or- dre arabe de l'Autel mysti- que).
Azolh Philosophorum, 167 sq.
Baal V. Bel).
Bacchus, 111.
Baptême, 94, 156, 188, 189.
Basile (Si), 16 so., 91.
Bâtards. 99.
Bel, 128, 129, 131, 144, 184.
Benoît XIV, 195 sqq.
Bible, 11, 73, 116, 162 sqq ; comment la|Maç.'. la déna- ture, 174{sqq.
Bibliographie, *xii.
Bibliothèques] maçonniques, 22 sqq., 28.
Bienfaisance maçonnique, 3, 4, 231 sqq.
Bordure marquetée, 288.
1. Présumant que cet ouvrage serait fréquemment consulté, et pour faciliter la recherche des références, j'ai mis le plusjgrand soin à] composer cet Index. Les chiffres renvoient aux pages du livre. A. P.
3'f>
INDEX ALFHABtTlQlE
Boudului ol le Bouddhisme. 1(H),
191. -215. Boule noiie. '24'2. Brahma, 138. 168. « Bright Masons » (Maçons bril
lanls), 5. 8. ?1. Buchan, W. P., 264. Buck J. S., 310 sqq.
Cabale (V. Kalibale).
Ccilholic FortniyhUij Review,
xii. 87. Calholique V. Ea^Hse). Catholique (V. Vox . Cerneau, Jo^eph, "2^6. Chant du » Maître Mark ». S3. Cliaos. 56, Ô8. Charité maçonniiiiie. .;, 4. 6. 231
à -203. Chaslelé.98. U«.). 213. 220 >(|q. Chevalier.- Teini)iieis V. l'em-
pliers . Choc (Le) de l'HuIrée et le Choc
de l'IMumination, 44 sqq., S>4.
156. 213. Christ, 34. 37 s.|., 45, 118, 186-
1 y 1,235. Christianisme l82 sq. Circumambulation, S*.> sq. Classes exclues «h> la Kraternit»'-.
241 >i\., 243 Si]. Clément XII, l!»5. (Commandements (Les dij^) tie la
Maçonnerie, 223 s()(j. Ommunion maeonmque, 191.
(Voir également Souper, .Mes- se, Sacrements . Compa^Mion, 264, 269, 287. Compas V. Kquerre). Confession, 188. Confucius, 183, 185, 191, 215.
('onsécration d'un Crand Prêtre
maçon. (J6 sqq. Consécrations maçonniques, 68. ("onslrucleur \'. Maçon). Continentale (Maçonnerie), 285,
289, 29! >. (Convention Internationale des
Francs-Maçons, 305, 306. Coran. 53, 73, 81, 170, 171, 181. Couronne, son symbolisme, 32,
33. CoNvan. 236. Création. 191 sq. Credo maçonnique. 68 sq., 75,
78, 183. (Croix, son symbolisme, 34 sq.,
36 sqq. Cromwell (Olivier . 262. Cross (auteur maçonnique], 34
sq., 36 sq., 38. Crucifix. 251. Crux ansala. 39 sq. Cteis, 100.
Cumul des rites. 291 sq. Culte maçonnique, 67.
Dalcho. 590.
Dames Franc-Maçonnerie des), 222 s(|.
Daniel, 193.
Dante, 154, 159.
David. 193.
Decalogue. 216 scjq.
Déce|>tion maçonni»pie. 8, 9. 28, :V2. 34.
Déclaration à faire par les can- didats, 49 sq.
Degrés. 264, 276, 280.
Degrés bleus, 9.
Degré Couteau et Fourchelle t. 21.
INDEX ALPHABETIQUE
317
Désagulieis Dr., 262, 264.
Diaz, Président, 306.
Dieu (Le) de la Maçonnerie, 69,
105 sqq., 117, 110, 121, 125,
134 sqq. Discipline du secret, 16 sq. Divin (Lei dans l'homme, 152. Doctrine du Maryland, 292. Doctrines « monitoriales », 26,
44.
E
Echelle mystique, 169.
Eglise (L'), 186 sqq.
Eglise catholique (L'), vni, 16
sq., 41, 45 sqq., 159, 182 sqq. Egypte (L') et les Egyptiens, 33,
39, 177, 192, 220. Eleusis, 95, 106, 154, 1C)0. Emanations divines dans l'hom- me (Les dix), 142. Encyclopédie juive, 157 sq. Enfants de Lumière Les), 159. Enfer, 154, 159, 161, 229. En Soph, 139. Enterrement maçonnique, 164,
165. Equerre (L') et le Compas, 162,
163, 164, 165, 166, 167, 168,
169, 475, 176. Etoile d'Orient (Ordre de 1'),
308. Etoile flamboyante, 172. Euclide, sa légende, 258, sq. Européens (maçons), 15, 24. Eve, 137, 138.
Exclusion des candidats, 242. Exclusivisme maçonnique, 243
sq., 249. Excommunication maçonnique,
274. Extrême-Onction, 189, 190.
Faust, 154.
Fessier, 289.
Festivals maçonniques, 68.
Feu (Le), son symbolisme, 94, 218.
Fides, 96.
Foi catholique. Pourquoi il est si diflicile d'y ramener un Fi'anc-Maçon, 58 sq.
France (Maçonnerie en), 54, 85, 23'», 270, 282 sq., 298 sqq, 302, 303 sqq., 306.
Franc-Maçonnerie, elle se donne pour science de moralité, 6; pour science spéculative, 6, 4() ; pour une religion, 24 sq., 45 sq., 60 sq(|., 71 sqq. ; pour la servante de la religion, (H) sqq. ; pour la vraie l'eligion catholique de l'humanité, 84 ; corrompue et incorrompue, 77 sq(i. ; son ère préhistorique, 95 s(j. ; son caractère chrétien, 193 sq ; son unité, 278 sqq. ; son universalité, 36, 285 sq.
F'rancs-Maçons (V. aussi Maçon) beaucoup d'hommes boils par- mi eux, 1, 12; ésotériqiies et exotériques, 7, 14, 193; com- ment on trompe à dessein les initiés, 9 et 10; Francs-Maçons européens, 15, 24; maçons spé- culatifs, 97.
G
,( G » (la lettre), 107 s(iq., 126,
270, 301 . Gallagher (Charles) F., 306. Genèse, 193. Génie (Le) de la Maçonnerie,
310 sqq.
318
INDEX ALPHAHKTIOUE
Géoméirie, 108 ^^lj<| . 'lô s(|..
123. Georges I"", '263. Gelhsém.'ii)i (Chapilrc dei N° 5,
Rose Croix (Oaklami, Gal.). 86
sq.,200sfiq., 301. Globe. ?87.
Gnoslique?, \'2iK 134, lôô. G. 0. D., 1 13. 12?, 124. 2(). 128,
301. Grand Archilecle dc i'Lnivers,
II 2. 12:.. (ir;iii<l Chapelain, fiO sq., 163. (irandes Communications, 60. Grande Loge, 280 sqq.; en tant
({ue cour d'appel, 27, 55. Grande Loge d'Angleterre, 263.
266. 267. Grand-Maître, 265; des Etals- Unis, 282 sq. Grand'Prêlrise maçonnique, 65
sq., 67. -Grèce, 89.
H
Halls maçonniques, 164. Har-œri, 122. 124, 125, 131. Hermaphrodite (di^-inilé), 113,
115,131. Herfltiès Trismégiste, 177, 178. Hermétisme, 10, 180. Hiram, 167.
Histoire maçonnique, 256 sqq. Ho-Hi (V. Il-Elle). Homme (L'i triple, 150. Horace, 103. Hymne maçonnique (Un), 83.
Ignorance de nombreux maçons V. également Maçons bril- lants et Maçons du degré Cou- teau et Fourchette), 6, 9.
Ihoh ^V. Il-Elle;.
11-Elle, 115. 131 .sqcj., 138.
Illinois, 172.
llluminalion i^V. Choc).
Induction maçonnique, 91.
Infaillibilité. La Maçonnerie a-t- cllc des prétentions à l'infail- libilité, 53 sq(i., 186.
Initiation, 5, 44 sqq., 49 sqq., 105, 156. 159, 173, 242, 243.
I. N. R. L, 37 sqq., 114.
Instruction maçonnique, 7, 13, 14 sqq. ; ésolérique et exoté- rique, 14; moyens d'instruc- tion, 26 sq., 30 sqq.
Isis, 122. 124, 125, 131, 138, 145, 168.
J
Jachin et Boaz, 103, 104, 138.
« Jack Cades de la Maçonnerie », 25.
Jah, le dieu-soleil des Egyp- tiens, 128, 129, 131.
Jean (les deux saints), 62, 100, 101 i 102, 105, 164, 176.
Jéhovah, 108 sq., 111, 114, 115, 126 sq., 129, 130, 131.
Jérusalem, 97.
Jésuites, 37, 40.
Jésus (V. Christ).
Jonas, 1 11.
Joseph, 177.
Junon, 146.
Jupiter, 111, 118, 126, 146.
Juridiction maçonniijue, 292 sq.
K
Kabbale (La) et les Kabbalistes, 109, 120, 126 sqq., 134, 152 154, 157 sq., 159, 160, 175, 176, 177 sqq., 180, 181,185.
Kadosh, 188.
INDEX ALPHABÉTIQUE
319
Khurum (Maître), 35. Kîoss, 111.
Lanci, r29, 130, 136, 143. Landmarks, 18, 62, 81, 233, 237
284. 291 sq. Lawrence, S. C, 306. Lecture des mois à lenvers.
133. Lemmi, A., 210. Le Nordez (Mgr), 195. Liberté, Egalité, Fraternité, 185. Lien mystique, f/288. Lignes parallèles (Les deux ,
101. Lingam, 35, 100. 193.
Livre des Constitutions, 163, 170 181.
Lis, 219 sq.
Loge, symbole de vie, 46 ; son symbolisme, 101, 103; sa défi- nition, 162, 270; ses dimen- sions, 287.
Lois générales de la Maçonnerie, 288.
Loi morale, 2l7.
Lotus, 219 sqq.
Lumière, 162.
Lustration, 93.
M
Mackey, Albert, G. Esquisse de sa vie, viii sqq. ; ses ouvrages considérés comme classiques 26.
Maçon (Le), constructeur, 96 sq.;
spéculatif, 97. « Maçon savant » , Le), 5, 21. Macrobe, 89, 91. Mahomet, 191, 125. Maître Maçon, 170, 269.
Maître (Degré de), 10, 11.
Manasseh ben Israel, 151.
Manou, 185.
Marconis, 296.
Marie, 219.
Maryland i Doctrine du), 292.
Maya, 138, 168.
Memphis .Rite de), 296.
Messe, 188, 189.
Mexique, 306, 307, 308, 309.
Mitchell, Jean, 290. Mithriaques, mystères (V. aussi
Mystères), 96, 104, 169, 188. Moïse, 135, 165, 178, Î83, 184
190, ly2, 216. Moloch, 184. -Mondes (Les quatre) des Kabba-
lisles, 151 sq. Moore, Georges, 306. Morale maçonnique, 69, 219. Morals ami Dogma Pike), xi. Mot (Le), 127 sq., 130 sqq. -Moullon, Geo, M.. 309 sq. Mystères (anciens) du paganis- me, 54, 89, 93, 94, 95, 96, 97,
98,116, 131,151,154,159,160.
177, 178, 262. Mythes maçonniques, 257, 258. Mythologie païenne. ll9.
N
Xailor, Allison. .306, 307. Xature (Culte de la), 116, 117. Nini\e, 111. Xoé, 261.
Nouveau Testament maçonni- que (Le), 117. Xuma, 96.
O
Oanhes, 178.
OlFiciers d'une Loge, 288 sq.
Ohio, 172, 173.
320
INDEX ALPHABETIQUE
Oliver Dr.). 163. 256, 257, 261.
269. On. 128, 129. 131. Onclion V. Exlrême-Oncliou.. Onhe inlernalional indépendant
des Hiboux. .S08. Ordre niysli<(iie des ProplicLes
voilés, 308. Orients Grand.s . 282. . Ori^ène. 152. Origine de la F'ranc-Maçonnerie.
256 sqq.. 262 sqq. Osiris. 111. 122. 124, 125. 1.6.
131, 138, 146. 168.
Paganisme (^La Fraiic-.Maronne-
rie ainrricaine el \c). 88 sqtj..
1!)4. Palmei'. Henry L., 3li6. Papisme, 310, 3)1. Passé Mailvc I Past \Masler), 64. Péché Le), 15U. Pcnlaleu(pie, ITU. Peiro(jnels (Maçonsi, 8. 21. Phallique (Culle , 92, 98 sqtj..
101. 102. 104, 113, 124, 168.
216. Phallu>. 100. 101, 113. l:;7. Ph^M-aon. 184. Philon, 141. Phlha. 34. 177. Pie IX, 188, 195 s(p|. Pierce W. Franck, 306. Pierre de Foiidalion, 64. Pike. Albert, xi, 118, 156, 304. Piliers ou Colonnes de la Loge,
113, 122, 138, 193. Planche à tracer de IWpprenti,
123, 288. Planche à tracer du Maçon, 171.
Platon el le Platonisme, 151,
1.^3, 185. Piaule. 91. Point dans le Cercle, 100, 101,
104. Politique (Les Maçons dans la\
208 sq. Porphyre, 33.
Préexi.'^tence des âmes. 151, 152. Près Ion William. 10, 256, 263,
265. 272 .sq.. 290. Processions maçonniques, 169. Prosélytisme, S:J3 sq. Psyché, 145, 146. Pureté maçonnifpie comparée à
la pureté chrétienne, 99 sqq. Pythagorr. 7 : « l'Ancien Frère et
Ami », 14. 15, 16, 52, 54, 120,
121, 125, 131, 179, 260 sqq.,
2'; 5.
Q
a (Jualités » de Dieu, 117.
Ragon .1. M., 280, 289.
Hebecca Filles de , 222.
Fieligion maçonnique (Notions de , 45 sqq., 227 sqq. ; la Ma- çonnerie est une religion, 60 s((q., 71 s(j(|. ; « elle n'est pas sectaire », 82.
Renaissance de la Franc-Maçon- nerie. 263.
Richardson, .lacques D.,.306.
Rite de Perfection, 291.
Rites maçonniques, 2.9 sq.
Rite suédois, 289.
Rituel maçonnique, 20 sq., 68, 167, 283.
Rose, son symbolisme, 34.
Rose-Croix (Degré , 35 sq., 37, 38, 191. 200 sqq., 289.
INDEX ALPHABETIQUE
321
Rose-Croix (Société moderne
des), 308. Rosicrucianisme, 167, 26?, 28'.),
308. Royal-Arch, 128 sq., 180, 297.
Sabaïsme ou Sabéisme, 9'>.
Sacerdoce, Le Haut Sacerdoce maçonnique ou (irand'Prèlri- se, 65 sqq.
Sacrements maçonniijues, 188 sqq.
Salomon. 66, 167. 1113, '220,239; Temple de —, 97, 103 sq.
Samothrace, 95. 106, 114, 160.
Sancta Sanctis, 14G.
Sanctum Sanctorum, 07.
Satan, 142 sqq. ; son culte, 1 43.
Saturne, 11 J .
Schismes maçonniques, 18, 19.
Secours (Droit au), 245 s(jq.
Secret, l'essence de la Franc- Maçonnerie, 2 sqq., 9, 10, 21, 22, 27, 31 sqq., 42, 235 sqq.
Secret royal, 153.
Sephiroth, 139, 141, 175.
Serpent, 263.
Sexe, dans la Divinité, 115, 131 sq. ; comme titre à l'entrée dans la Franc-Maçonnerie, 237, 240.
Shea .1. G., 197.
Signe de détresse. 251.
Smith Barlon, .306.
Socrale, 190.
Soleil, loi, 168.
Soleil (Culte du), 90, 92, 98, ICI, 168.
Souper fraternel (Le), 190.
Souverain Collège des Degrés maçonniques alliés, 308.
Statistique, 293 sqa.
Strollier .John C, .30» sqq.
Swedenborg, Eni manuel, 180, 181.
Symbole maçonnique, 29 sqq., 42 sq.
Symbolisme de la Franc-Maçon- nerie, 8, 9, 29 sqq., 32, 34, 40 sq., 42, 46 sq., 95, 98 sqq., 106 sqq., 141 sq., 144 sq., 154, 167 sq., 172, 192, 219 sq., 286.
Syrie, 95, 106. 114, IHO.
Talisman, 167, 168.
Talmud, 157 sq.
Tavernes, premiers temples de la Franc-Maçonnerie, 266 sq.
Temple (Le maçonnique, 65, 97, 103; — égyptien, son vérita- ble archétype, 97 ; — de Salo- mon, 103 sq., 194, 219, 258.
Temples maçonniques (V. Ta- vernes).
Templiers (Chevaliers), .308 sqq.
Télragramme, 114, 127, 128, 137^
Texas, 173.
Thoth, .39, 177, 193.
Titres ou ([ualités du candidat, 236, 240.
Tolérance maçoiuiiiiue, 119. 120.
Tradition orale, 18 sq., 27.
4' rente-deuxième degré, 168.
Trente-troisième degré (Maçons du —aux Etats-Unis), 308.
Triangle, 122 sqq., 125, 131, 167.
Tripolo, 195.
Turquie (La Franc-Maçonnerie en), 291.
U
« Uniformité de Travail », 19.
322
INBEX ALPHABETIQUE
Unité de la Franc-Maçonnerie, •278 sqq., 285 sqq., 297, 302 sqq.
Universalité de la Maçonnerie, 36, 285 sq.
V
Védas, 170, 171, 184.
Vénus, 34 sq., 106, 111, 118,145,
184. Vérités maçonniques, 32, 33. Vertus maçonniques, 2. Visite (Droit de), 291 sq. Voltaire, 213, 2l8.
W
Webb, 10, 92, 129, 172. 289.
Webster, 72 sqq. Wren (Sir Christopher), 262, 263. 265.
Yoni, 100.
York (-Rite d"), 280, 287. 289,
291. Young (Brigham . 215.
Zend .\vesla, 170, 171, 248. Zeus, 117, 126, 184. Zohar. 180. Zoroaslre. 183. 185, 215.
TABLE DES MATIÈRES
Pages
InlroJuctioa V
Biblioifraphie XII
Chapitre I
Les Fraiics-Macons américains et la Franc-JMaronnerie
américaine 1
Chapitre*!! L'Enseignement maçonnique 14
Chapitre III
Des Moyens d'Inslruclion dans la Franc-Maçonnerie amé- caine 29
Chapitre IV Le Choc de l'Entrée et le Choc de l'Illumination. ... 44
Chapitre \'
La Maçonnerie américaine est-elle une religion ? . . . 60
Chapitre VI
Plus de lumière sur la Franc-Maçonnerie américaine en
tani que religion 71
Chapitre VII La Franc-Maçonnerie américaine et le Paganisme. ... 88
Chapitre VIII Le dieu de la Franc-Maçonnerie américaine 105
324 TABLE DES MATIÈRES
Chapitre IX
La Franc-xMaçonnerie américaine et le Jéhovah kabbalisli-
que 126
Chapitre X La Franc-Maçonnerie américaine et lame humaine. . . 147
Chapitre XI La Franc-Maçonn rie américaine et la Bible 162
Chapitre XII
La Franc-Maçonnerie américaine dans ses Rapports avec le Catholicisme et le Christianisme 182
Chapitre XIII Benoît XIV et Pie IX étaient-ils Francs-Maçons ? . . . ]V»d
Chapitre XIV Coup d'reil sur le fonctionnement dune Loge américaine. 200
Chapitre XV La Morale mat:onnique 212
Chapitre X\'1 Bienfaisance maçonnitpie 231
ClIAPlTRI. XN'II Histoire de la Maçonnerie 254
«■.HAPITRE Will
La Maç(jnnerie américaine ne fait-elh^ qii un avec la Maçon- nerie européenne ? 278
Ai'pENnir:i:
L'Unité de la l'ranc-Maçonnerie 306
Lriata 313
Index alpliabi'liipie 315
Tabb' d.'> Malicre> 323
IMIPRIMERIE CATHOLIQITE
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