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ARRET

DE LA COUR DE PARLEMENT,

RENDU LES CHAMBRES ASSEMBLÉES,

LES PAIRS y SÉANT,

Qui condamne un Imprimé ayant pour titre : Lettrç de M. C. -F. de Volney à M. le Comte de S. . . T, & on:(e autres Imprimés Jans nom d'Auteur , à être lacérés & brûlés par l Exécuteur de la Haute- Jujîice , comme féditieux & calomnieux,

EXTRAIT DES REGISTRES OU PARLEMENT.

Du Jîx Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf.

CE jour la Cour , toutes les Chambres aflemblées , les Pairs y féant , les Gens du Roi font entrés ; & , M* Antoine-Louis Seguier, Avocat dudit Seigneur Roi , portant la parole, ont dit :

MESSIEURS,

Nous avons pris communication des différens Imprimés que la Cour nous a remis , & nous venons lui rendre compte de nos obfervations fur la nature & le but de tant de Brochures également dignes d'animadverfion ^ de mépris.

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Elles font au nombre de douze , toutes , à Texceptlon d'une 'fcule , fans nom d'Auteur j toutes lans nom d'Imprimeur ni •du lieu de rimpreflion.

Nous partagerons ces Ecrits en trois clafles. La première renfermera ce qui concerne les Farlemens & la Capitale.

La féconde contiendra ce qui eft émané de la Bretagne & a un rapport direft aux troubles de cette Province.

Nous réunirons dans la troifieme un Imprimé (igné de l'Auteur, & cinq Numéros d'un Ouvrage deftiné à former une Feuille Périodique fur les affaires aftuelles.

Commençons par ce qui intéreffe les Parlemens & la Ville de Paris.

Le premier Imprimé a pour titre : Catéchifme des Parle- mens. C'efl une efpece de converfation entre deux Interlo- cuteurs , qui , dans les demandes & dans les réponfes , prêtent à tous les Parlemens du Royaume des vues , des projets , un plan, fi éloignés de leurs devoirs , de leurs fondions & de leurs fentimens , qui fuppofent même une intelligence ii com- binée entre le Clergé , la Nobleife & la Magilbrature , une confédération fi ablùrde contre la conftiturion de la Monar- chie & lés droits inaltérables de la Souveraineté , dont les uns & les autres ont toujours été & feront toujours les plus fermes appuis , que la lefture feule de cette Brochure calomnieufe fuffit pour faire connoître l'aveuglement , la haine & la mé- chanceté de l'Ecrivain.

Le fécond Imprimé efl intitulé : Avis aux Parijiens ^ & Appel de toutes convocations d'Etats Généraux , les Députés du troifieme Ordre ne feroient pas fupérieurs aux deux outres.

C'cil: à regret que notre MmifLCre fe voit dans la néceffité de faire Tanalyfe d'un Ecrit diclé par la fureur encore plus que par la folie.

L'Auteur débute par fe plaindre de Xinaclion (hipidt des Habitans de la Capitale , quand on veut Us rendre efclaves , quand ils devroicnt fonger à fe défendre , quand des Ecrivains enflammés de la Patrie , foutiennene leur liberté.

Il les invite à fortir de cette honteufe apathie , à s'élever

contn le Clergé , la Noblejfe & la Mao[flrature ligués enfemhle, & à ne pas louiTrir quz fix cens mille hommes fijpnt la loi à vingt-quatre millions. Bientôt n'écoutant plus que le délire d'une imagination ardente , il s'écrie : unijjbns-nous de cœur

& de fentimens rompons tome communication avec eux »

rappelle:^ tous vos enfans qui font à leur ferviee ; s'ils refufent d'obéir y lance^ la foudre de l'exhârédation , déclare-^-les faîtrcs à la Patrie. Et dans une note que nous ne pouvons pafler fous filence , on lit à ce fujet : Pour l'accomplijfemenr de cette mâle réfolution , je voudrais que cet écrit fut publié aux Prônes de toutes les Paroiffes.

Ce cri de l'édition , ce vœu fanatique n'e.ft pas encore fuffi- fant : l'Auteur pofc en fait , que la Nohleffe , le Clerç:é & la Magiflrature ne fupportent pas le demi-quart des charges pu- bliques i que le Corps du Peuple en paye les fept huitièmes , & i les RepréJ'entans du Peuple doivent être au péneurs en nombre aux repréfentans des deux jl/olAA va^/ï^ >4fv « veut que les Notables du Tiers-Etat dé-

/ Jr I Députés n'ont pas la prépondérance , ( il nfe

CA'^ ^ jI/^xjVc*^"^ même de l'égalité , il faut que les Notable*

■^ datent que s'ils n'ont pas la prépondérance J

7it aux Etats Généraux. Enfin l'Auteur termine par le charger lui-même du poids^ de la défenfe commune ; il déclare qu'il fe rend appelLmt de toute décifion quelconque qui ne feroit pas conforme à ce prin- cipe immuable , que les Repréfentans doivent être en raifon des

' Repréf entés parce qu'elle feroit fouverainement injufle ^

' & par cela Jeul frappée d'une illégalité radicale.

Les paffages que nous venons d'avoir l'honneur de vous rapporter , fuffifent pour caraftérifer un Ecrit de cette na— ture. Nous ne nous permettrons en ce moment aucunes réfle- xions fur les deux Imjximés de la première claflfe.

La féconde doit contenir , entre tous les Imprimés qui nous ont été remis par le Greffier de la Cour , ceux qui ont un rapport direft aux troubles de la Bretagne.

Nous avons réuni fous cette indication hait Brochures qui

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•fit le même cara8:ere &: refpirent le mêine efpm -, vous y verrez le commencement , les progrès & les fuites d'une forte de confpiration qui , fous le voile du bien public & de la liberté , a prefqu'occaiîonné les plus grands défordres.

La première de ces Brochures eft un Difcours , vrai ou fup- pofé , des Commijjaires des Etudians en Droit Ù jeunes Citoyens de Bretagne , en. préf entant leurs Arrêtes au Commandant de la. Province,

On eft tout étonné de voir les Elevés de l'une des Fa- cultés de rUniverfité de Rennes, & le refte des jeunes gens de la Ville , réunis tout-à-coup en corporation , s'ériger en Corps légal , former une AfTemblée & prendre des délibé- rations. Nous ne devons pas préfumer qu'ils aient encore reçu beaucoup d'inftruélions fur les matières de Droit public. Cette Harangue , adreffée au Commandant de la Province , fembleroit néanmoins annoncer une forte de fubordination , un recours à l'autorité royale ; mais dans le fait elle n'ell: que le palTeport de la délibération la plus étrange & la plus inconftitutionnelle.

Les Etudians en Droit & les autres jeunes Citoyens de la Ville s'étoient affemlDlés dan's la Salle des Ecoles de Droit le 2.0 Janvier lySg y ils avoient pris une délibération , tant en leurs noms perfonnels que par procuration & adhéjîon des jeunes Ci' îoyens des Villes de Nantes , l'Orient , Saint-Malo & autres Villes de la Province y & c'ell dans cette efpece de coalition , ( pour nous fervir d'un terme emprunté de nos voifins , qui exprime une chofe étrangère à nos mœurs , ) qu'il faut cher- cher le germe des troubles qui depuis ont enfanglanté la Bre- tagne.

Cette jeunefTe ardente , inconfidérée , & d*autant pins prompte à décider qu'elle connoît moins les vrais principes , le hâte de prendre parti dans l'efpece de fchifme qui a paru dïvifer les trois Ordres ; & pour faire connoîtrc fon vœu par- ticulier , elle emprunte le langage & la forme ufitée dans les Arrêtés des Cours Souveraines -, en conféquence l'Arrêté qu'elle fait commence ainfi :

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Vu en ladite AffemhUefArrtt du Confeil lEtJt du Roi y du j Janvier , ^ui enjoint aux Dcputés du Tiers-Etat de B rétame de retourner à leurs Communes pour y prendre de nouvelles charges^

Les Arrêts de la Cour ( dit Parlement de Bretagne ) des 8 & 10 du préfent y portant défenfes à tous Corps y Communes & Communautés , de fe réunir ni de prendre des délibérations

autres que celles autorijées par les Ordonnances fous peine

d'être punis & pourfuivis fuiVant la rigueur des Ordonnances portées contre les Ajjemblêes illicites , ik.c. Szc.

Les déclarations de l'Ordre de la Noblejfe y &c.

La Lettre du Chevalier de Guer , Sec.

Les dijfêrens Arrêtés des Paroijps de Rennes ajfem-

blées.

Vu & exaniinê de nouveau le Cahier des charges arrêté par les Membres des Villes & Communes de la Province , en la SalU de r Hôtel-de-Ville , du rnois de Décembre dernier.

Ces diflerens vus font fuivis de plufîeurs conlldétations.

Confîdérant ladite Ajjemblée quelle n'eji pas fous le coup des Arrêts de la Cour , qui défendent les Affemblées illicites G* contraires aux Loix du Royaume , ^rc «.

Confîdérant que la déclaration de l'Ordre de la Nobleffe tend à foulever le Peuple contre fes légitimes Repréfentans , &c.

Confîdérant que la Lettre du Chevalier de Guer efl inji— dieufe y êcc.

Confîdérant que les Arrêtés pris par les différentes Paroiffes , expriment le vœu général & réfléchi du Peuple :

Confîdérant enfin que le cahier des charges du Tiers-Etat ne contient que les réclamations les plus équitables y &C.

Déterminée par toutes ces confîdêrations , l'Affemblée arrête quelle fe réuni ta toutes les fois que le befoin & les affaires pu-' bliques l* exigeront , fatif à fe pourvoir contre les défenfes qui pourraient lui être faites.

Après avoir nié, critiqué , défavoué la déclaration de l'Ordre de la NoblelTe , après avoir confirmé ï Arrêté pris par les jeunes Citoyens de Nantes y du 6 Janvier précédent , celui de l'Orient du iz , & généralement tous les Arrêtés pris par les jeunes

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Citoyens des autres V"illes de la Province , elle ordonne qu£ délibération fera imprimée au nombre dejîx cents exemplairs.

Cette Délibération eft revêtue d'un grand nombre de Signa- tures , & en outre iîgnée Raoul, Lieutenant de Prévôt & Greffier des Etudiants en Droit , pour les jeunes Citoyens de Nantes , C Orient, Saint-Malo , & tous les jeunes gens de la Province noit pfxfents , mais qui om envoyé leur procuration , aceoinpagné de huit cents jeunes Citoyens.

Ce coup d'éclat fait en la Salle des Eceles de Droit ^ a été fuivi d'une démarche plus éclatante encore. Ces mêmes Etu- dians fe font tranfportés le même jour à l'Hôtel-de- Ville fe tenoit l'Affemblée Municipale. Ils ont demandé à entrer , Cr ayant été admis, ce même Raoul, faifant les jonBions de Prévôt ,. a donné leSure de la Délibération prife aux Ecoles^ a mis les Arrêtés fur le Bureau , a demandé acte du dépôt def dites Pièces ,. & l'Affemblée Municipale a décerné acte de la rcpréfentation &" ieclure def dites Pièces ^ & arrêté qu elles feraient dépofées au Greffe, de la Ville.

Cette première Brochure étoit comme le préparatif des faits qui n'ont pas tardé à fe fuccéder.

La féconde a pour titre : Détail de ce qui s'ejl paffé à Rennes le z6 Janvier lyS^.

Cette feuille l'on accufe la NoblefTe d'un complot odieux ^ elle eft traitée ^abominable race , femble contenir la relation- incroyable d'une émotion populaire dont il y a peu d'exemple. Cette relation a été démentie par un récit tout-à-fait oppofé de la part de la Nobleffe de la Province. L'une & l'autre n'ont aucune authenticité : mais la première a été diftribuce avec un tel empreffement , qu'on forçoit ceux qui ne vouloient pas l'acheter àen recevoir un Exemplaire fans en payer la valeur: & cette circonftance peut faire foupçonner l'efprit dans le- quel cette Brochure a été compofée , envoyée & diftribuée»

Nous nous ferions un jufte reproche de reproduire les aflcrtions que ce détail préfente. Il feroit trop douloureux à notre Miniftere de retracer des évènemens H tragiques que aous dcCirerions d'en eflfacer même jufqu'au fouveoir.,

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La troifieme Brochure de cette féconde clafTc , eft en quel- que forte le premier fruit du détail que nous venons de faire connoître.

Elle cfï intitulée : Difcours prononcé à l^ Hôtel de la Bourfc , élans l'AJJemhlée des jeunes gens de Nantes , par M. Omnes Omnibus , Député, des jeunes gens de Rennes , le z8 Janvier

L'Auteur annonce qu'il eft Député & qu'il vient, au nom des jeunes Citoyens de Rennes , chercher les fecours qu'ils attendent

de ceux qui fe font fi bien montrés pour la caufe commune

Je me jacri fierai , ajoute-t-il , s'il le faut , pour mes Compa» iriotes, La Patrie efi en danger , marchons pour la défendre.

Cette vive apoftrophe eft fuivie d'une Proiefiation des- jeunes gens de Nantes : on y lit , Que le cri de la vengeance reten- tiffe jufquau pied du Trône ! Que le Monarque voie couler le jang de nos frères , &c. &c. ..... Jurons tous au nom de l'hu- manité & de la liberté , d'élever un rempart aux efforts de nos ennemis. ..... Ils arrêtent en conféquence de partir en nombre

fuffifant pour en impofer. .... de regarder comme infâmes &

déshonorés , ceux qui auront la haffeffe de vofiuler & même d'ac- cepter les places des abfens de je foumettre aux Com-

miffalres nommés par acclamation pour la police & l'ordre qu'il conviendra obferi'er pendani la route & le féjour à Rennes.

Knfin ils protefient d'avance <.ontre tous Air éts qui pourroieni

les déclarer fédttieux & jurent au nom de l'honneur €' de

la Patrie , qu'au cas qu'un Tribunal injufie parvint à s'emparer de quelqu'un d'eux , & qu'il o fat , par un de ces ailes que la Po- litique appelk acle de vigueur , & qui ne font en effet que des Aclss de dej'potifme , le facrifier fans obferver Us formes & les délais prefcrits par les Loix , ils jurent ^ difons-nous, de faire ce que la nature , le courage & le défefpoir infpirenx pour fi propre confervation.

Cet Ajrêté paroit revêtu d'abord de feize fignatures , & ceux dont on lit les noms, prennent la qualité de Commiffaires. £nfuite on trouva les noms de fix autres Particuliers qui s'an- noncent pour Chefs de correfpondance i & comme tous les

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f./Tutans n*a voient pu ligner , on voit un grand nombre de (i<jn:itures fuivies de plufieurs Sic. tkc. &p.

Vous venez de voir que la JeuneiTe de Nantes a arrêté de partir & d'aller au fecours de Tes frères de Rennes. Ce plan a été aufïïtôt exécuté que conçu. L'Arrêté efl du 28 Janvier. Nous voyons par la qiiatrieine Brochure intitulée , Journal de rouie , que ce mêine jour 28 Janvier, les jeunes gens de Nantes (e font en effet mis en marciie, qu'ils fe font approchés de la. ville de Rennes avec armes & bagages , mais en obfervant une difcipline prefque militaire , d'après un Arrêté fait par les Comm'iffaires nommés avant le départ.

Ce même Journal nous apprend que cette Jeuneiïe a été trois jours en n^arche, que la Jeuneffe de Rennes eft venue en partie la rejoindre à Kozay; que le 31 Janvier, les deux corps réunis fe font remis en route pour arriver à Rennes j que l'entrée de la ville a été interdite au plus grand nombre j que leurs inllances réitérées leur ont fait obtenir la pcrmi/Tion d'entrer, que les jeunes gens de Nantes ont été logés chez ks Bourgeois , & qu'ils ont dipofé leurs armes fous la garde de cinquante d'entreux.

Cependant l'émeute du 26 ayoit excite la vigilance du Par- lement de Rennes, & ayant voulu prendre connoiiTance de F affaire fun-enue entre MM. de la Noblejje & du Tiers-Etat , il avoir rendu un Arrêt qui évoquoit les procédures commencées foit aujîége de la Police , fou au Préfîdial ^ avec défenfes d'en connoitre. Le même Journal nous apprend encore que le Pré- fidial navoit pas voulu déférer à cet Arrêt, qu'il continuoit fes informations , ik que l'ordre des Avocats crut alors devoir agir en fon nom. Il demanda l'entrée de la Cour ^ le rapport de PArrêt de convocation. ( c'eft évocation qu'on a voulu dire ) il demanda que la connoiffance- de l'affaire refiât au Préfidial comme Tribunal d' inflruclion & le feul qui pût en connoitre. Nous ne pouvons nous perfuader qu'un Barreau aufli éclairé que celui de Rennes , ait pu ignorer que les Cours fouveraines ont dans toute l'étendue de leur reffort, & principalement ^ans le lievi de leur fixation , l'exercice inconteftable de la

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grande Police. Le Parlement de Rennes devoit fe placer entre le corps de la Noblefle de celui du Tiers-Etat , pour pa- cifier les efprits &: arrêter le défordre , quels qu'en hilTent les auteurs. Mais ce qui nous étonne encore davantage , c'eft qu*on faffe dire à rAvocat qui portoit la parole au nom de l'Ordre , quil tenait d'une main F Ordonnance & de l'autre le cri public : comme (i cette menace déi^uilée, pduvoit en im- pofer aux Magiftrats dépofiraires de l'autorité : comme la Cour devoit le motif de fes réroluiions à un Ordre fait pour défendre les intérêts des Particuliers, fans interroger la Juftice dans le fanftuaire de la Loi. AufTi le Parlement de Rennes a-t-il répondu à cette infurreftion inouie , qu'il ne devoit au- cun compte à l'Ordre des Avocats , & qu'il vouloit bien lui dire qu'il avoit puifé dans fa fagejfe l'Arrêté qu'il avait pris. Nous lifons dans le même Journal , que mécontent de cette réponfe , l'Ordre a député quatre de fes membres pour Paris , fans doute pour fe plaindre de ce que cette Cour n'a pas fait droit fur fa réclamation.

La cinquième Brochure eft un Recueil de Pièces tant im- primées que manufc rites }' vnvLis et Recueil fe réduit à deux feulement.

La première eft \\n Ecrit des jeunes gens de la ville de Breft, dans lequel ils certifient , promettent & y w/c/zr d'adhérer aux Délibérations de la ville de Rennes. ..... de fe faumettre

à tout ce qu'il plaira à la Jeuneffe affembléc de la ville

de Rennes^ de décider pour foutenir les droits injuflement mé- connus du Tiers , de s'oppofer aux infultes & vexations d'une Nobleffe orgueilleufe & enfin de fe faumettre aveuglé- ment à tout ce qui fera décidé par le Confeil de la Jeuneffe affèm- blécj & de fe confacrer avec le plus parfait dévouement à la caufe publique. Cet Arrêté eft du i^"" Février 1789. Il eft revêtu de loixante ftgnatures , & à la fin il eft figné F rémont y Com- miffaire pour la correfpandance de Nantes àf Rennes.

La féconde Pièce de ce Recueil , eft une Homélie Hiflorico- Politico-Morale, l'Auteur s'eft eftbrcé de faire voir ce que, d'après fes idées & les faits qu'il raconte , on doit penfer de

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lO

la ccnÀuïtc des Ordres de CEglife & de la Nohiejfe , & de celk au Parlement , depuis l'ouverture des Etats de Bretagne,

Dans ce difcours, l'Auteur, vr aiment fanati que, s'cft oublié au point d'affefter d'imiter en tout la forme pranquée dans les inftruftions que les Minift-res <de l'Eglife donnent aux Fi- dèles aflemblés, fur les Myfteres, les Dogmes & les préceptes de notre Religion fainte. Cette Homélie ne préfente qu'un narré iniîdele de faits hafardés ou dénaturés , qu'un afîemhlage d'aflértions injurieufes au Clergé , à la Nobleffe & à la Ma-

fiftrature , la dénonciation d'un fyftême d'ailerviflement mé- ité contre le Tiers-Etat , f) ilême qui n'a jamais exifté & n'exiftera j::maisdans le cœur ou dans i'efprit des deux premiers Ordres de la Province, enfin Tapologie des prétentions de toute nature du troifieme Ordre , 6i un encouragement pour faifir l'occofion de rompre le joug & de rentrer dans tous les droits dont il a été injuftement privé. O ! iouvenir malheureux^ c'eft avec de pareils moyens , c'ei^ par de femblables décla- mations, que les Prédicateurs du tems odieux de la Ligue ^ cherchoient à foulever le Peuple ^i l'animoient contre ce qu'il y avoir de plus refpeftabip d^ns l'Etat 1

Il nous refte encore à vous rendre compte , dans cette clafle, de trois Imprimes qui font une fuite de tout ce que nous venons d'avoir l'honneur de vous expofer.

L'une eft une Protejlation des Etudmns en Droit de la. ville J' Angers , du j Février ijSg.

La féconde , un Arrêté des Membres de la Basoche de la ville d'Angers , du même jour.

La troineme , un Arrêté des jeunes Citoyens de la mêniE Ville , du 4 Février.

La Proteftation des Etudians en Droit , a été faite dans la Salle des grandes Ecoles ; elle a été faite fur la lecture d'une Lettre des jeunes gens de la ville de Rennes. On rappelle dans cette Protcftation les confidérations qui ont déterminé les Etudians en Droit de l'Univerfité de Rennes, on arrête des Flemercimens à tous les jeunes gens de Nantes , aux Etudions en Droit de Rennes , & à tous Us jeunes Citoyens de Bretagne ;

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qu'il leur fera fur le ckcmp donné affurance du ^clc de l'A fl em- blée à concourir avec eux à la jujle vengeance des ajjajjinats commis par quelques Nobles de Bretagne , que chacun Je pré- parera fans délai à partir pour fe rendre à Rennes , qu'on com- muniquera à la Jeuneffe d'Angers les Pièces même de Nantes , & que la Délibération fera rendue publique.

L'Arrêté de la B izoche eft dirigé d'après le mémo plan de conduite. On expole d'.ibord , que déjà les Etudians en Droit & en Médecine , ont envoyé des Députés à Nantes & à Rennes^ pour prendre des informations , & offrir aux Bretons la vie & les bras de la Jeuneffè Angevine, dtfpofée à partir au premier flgnal i & d'après cet expofé, la Bazoche prend une Délibé- ration lembLible à celle des Etudians de la ville de Rennes, & arrête de s'y tranfponer au premier avertijjèment ,ikQ\ue ceux qui obtiendront ou folliciteront les places des abfcns , feront voués à r infamie & déclarés incapables de pojféder aucune Charge dans la Judicature.

Enfin Li Jeuneffe de la ville d'Angers arrête qu'f/z qualité d'hommes Ù de Citoyens , ils font & Jeront toujours prêts à voler

au fecours de leurs frères injuflement opprimés & en

conséquence ils adhèrent omx Arrêtés des Etudians en Droit ^ des Ed'dians en Médecine & des Membres de la Baroche de ladite Ville, Ces tro^"s dernières Pièces font accompagnées d'une grande multitude de fignatures.

L'an.-lyle que nous venons de préfenter des huit Brochures comorifea dans cette féconde clafTe, démontre avec évidence à quel degré de fermentation les efprits fe font portés dans la Provmce de Bretagne. Non-feulement les Municipalités, les Conivnunautés , les ParoifTes fe font afiemblées tSf ont pus des Délibérations : Elles en avoient la faculté \ elles forment un Corps dans l'Etat : Tout Corps a droit de délibérer fur fes intéiêts. Nous n'avons point à nous occuper de ces Déli- bérations particulières. Mais , par quelle inibgation eft-il arrivé que la Jeuneiïe de Rennes^ Nantes, L'Orient y Brefl & Saint- Malo, fe foit afTemblée dans chacune de ces Villes, & fe foit enfuité réunie pour agir de concert & fe porter aux mêmes

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extrémités ? Pourquoi les Etudiants en Droit & en Médecine ont-ils fuivi le même exemple? Qui a pu leur perfuader de former une affociation publique? Comment ont-ils pu fe pro- mettre de faire couler le fang de leurs frères jufjues fous les- yeux du Monarque ? Et comment n'ont-ils pas frémi à^ jurer y s'ils étoient pourfuivis par un Tribunal qu'ils appellent injujle , de faire tout ce que la nature , le courage & le défefpoir infpire pour fa propre confervation ? Comment ce cri de vengeance a-t-il retenti jufque dans lés Villes voisines? par quelle fatalité , en un mot, cette traînée de poudre a-t-elle pris feu au même inftant dans prefque toute l'étendue de la Bretagne ? Vous en avez l'avf.'U dans le Journal de route des jeunes gens de Nantes^ Déterminés par le Difcours prononcé à la Bourfe par un Député de Rennes , ils fe font tranfportés en grand nombre dans le fein de la Capitale , les Etats dévoient être & étoient cenfés affemblés ; ils y font entrés armés , & ont ^ en quelque forte , forcé le Commandant de les admettre y^ pour éviter de plus grands défordres. Ils accufent la Noblefîe, le Clergé , le Parlement ; mais n'ont-ils rien à fe reprocher à eux -mêines? Ne pourrions nous pas leur dire, comme Horace au Peuple Romain , dans les troubles de la République expi- rante ;

Furor-ne cœcus , an rapït vis acrior ^

An culpa ^ Refponfum datt>- Epod» L. Mil.

Eff-ce par l'effet d'une corabinaifbn fortuite que cette JeunefTe^ non contente de foiliciter fes Compatriotes, a fait circuler fort effervefccnce jufque dans les Provinces limitrophes? Par Tim- pulfion de quelle force inconnue les Etudians en Droit , les Etudiants en Médecine de l'Univerûté d'Angers , la Jeunefle de cette même Ville , & la Bazoche attachée à la Sénéchauflee d'Anjou , ont-ils adopté la même réfolution ? Pourquoi cette foule , abfolument étrangère aux Etats de Bretagne , a-t-elle embraffé la querelle du Tiers-Etat de cette Province ? Pour- quoi i eil-elle réunie ^, autant c^u'il a été poffible , à la Jeunefic

Bretonne ? Pourquoi a-t-elle juré de voIcf à ton fccoiir»; au premier fignal , l'a - t - elle remerciée de fa confiance ^ Et, enfin, de quel droit a-t-elle fait imprimer des Arrêtés pris dans la chaleur du premier moment ? Scroit-ce pour faire parade, aux yeux de toute la France, d'une intrépidité cou- pable , & qu'on doit envifager comme le fruit de l'aveugle- ment , plutôt que comme 1 effet d'un zèle pur & d'un vrai patriotifme ?

Il feroit , fans doute, dangereux d'approfondir des queflions que l'homme fenfé fe fait malgré lui-même , mais auxquelles il lui eft impo/fible de répondre. Détournons nos regards de ce tableau trop affligeant , & achevons de parcourir les Im- primés dont notre Miniftcre a été chargé de rendre compte à la Cour.

Le nombre n'en efî pas confidérable dans la troifieme claffe i ils fe réduifent à deux : en voici le réfumé.

Le premier eft intitule : Le:tre de M. C.-F, de Volney , à M. le Comte de S T.

Il paroît que cette Brochure eft une réponfe à la réfutatîorv d'un des ouvrages de l'Auteur. Le commencement de cette lettre cft une fuite de farcafmes contre celui à qui elle clt adreffée , un long tiffu d'^inve^tives contre la NoblefTe Fran- çoife , un affemblage de reproches contre la Magiflrature , Ck un recueil apologétique des lumières , des forces 6c des pré- tentions du Tiers-Etat. L'Auteur veut repoufi!er des Etats- Généraux tous ceux qui font attachés à la Nobleffe de quelque manière que ce foit , & , pour cet effet , il divife fon ordre ( le Tiers-Etat ) en deux clajfes ; l'une réellement indépendante de la Nobleffe par j a fortune ù fon caraclere ; l'autre encore dans le ferrage par fes intérêts & f es places : ces derniers yô/zr , dit-il, des efc laves d^ Alger que nous voulons délivrer, mais que nous Jommes forcés de canonner afin de détruire le Corfaire.

Quant aux principes que l'Auteur établir, nous n'cR citerons qu'un feuli il renferme tous les autres. Il diftingue dans le Tiers-Etat la force morte & la force vivante , & voici comme il s'exprime : pour vous expliquer la force morte , je vous dirai

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(jue cejl celle d'un Payfan qui , pcrfécuté par un Haut-Jujlklcr, Je déjend par des Mémoires ; & cjue la Jorce vivante , efl celle d'un autre Payfan qui ^ poujje à bout , prend f on fufil & Je fait juflice. On peut juger de i.i trempe d'efprit de cet Ecrivain , de la profondeur de fesraifonnemens, de la fiigefîe de fes vues, par cette feule explication.

Le fécond Imprimé élî: divifé en cinq numéros, qui forment chacun une Brochure féoarée : elles ont pour titre : La Sentinelle du Peuple, S^ font adrcflécs aux gens de tomes les profeffons ^ fcicnces , arts , commerce & métiers compojant le Tiers -Etat de la Province de Bretagne.

Cet ouvrage, comme nous l'avons déjà annoncé, étoit dcf- tiné à devenir périodique , & le plan que le journalifte paroît avoir adopte , eft de recueillir les projets, les propos, les con- verfations, les entretiens furtifs, & généralement tout ce qui peut avoir trait aux affaires de la Province , & d'accompagner le tout de fes remarques & de fes réflexions.

L'Auteur avertit que tout Citoyen doit avoir un emploi dans la fociété , & il fappofe qu'il a pris , pour fon lot , le métier d^ fcntinelle i en conféquence, il va rodant les foiis par les rues î il it tient en embufcade aux coins de:, carrefour:; ; il parcourt les places publiques, épie tous les paffms, les fuit, \es écoute, de fait fon pront de toutes les converiations qu'il i:>ei:t entendre. Ce cadre eft rempli de nouvelles apocriphes, de fables inven- tées à plaifir , de contes propres à échauffer le Peuple , d'évé- nemens ajuftés aux affairé*; du jour, d'allégories injurieufes &: de conjurations qui n'exiffent que dans Tmiagination de cet efpion no6lurne. Son but principal ell d'exafJDcrer le Tiers- Etat contre la Nobleffe. Il accufe , fans ceffe, les deux premiers Ordres d'avoir formé un complot pour opprimer, pour dé^ pouiiler le troilieme, pour le réduire à un efclavage honteux i & la Magiftrature eft d'intelligence pour faire réuiïïr la conf- piration Frères & Citoyens , s'écrie-t-il , faites feu- lement ce que je vous dirai Je veux , avant dx jours ,

mettre à vos pieds tous les Conjurés. Et ce fecrct eft d'obliger tou^ les membres du Tiers-Etat, dans quelque rang qu'ils fe

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trouvent places , à rompre toute communication , à refufef tout fcrvice , en un mot à ne rien faire de ce cfui concerne leurs profcifions, pour le Clergé , pour la Nobleflc ik la Ma- giiîraturc. Cet cxpcciient cfl hcureulement imaginé, ik le Tieis- État s'applaudir it fans doute d'une réfokition û analogue à (es intérêts. Au refle, FAuteur eu d'accord avec lui-méire ; car Ion y^rojet cft de détruire dans le Royaume tout ce qui n'eit pas le Tiers-Etat. Dans un autre de Tes numéros, il introduit un médiateur qui offre d'appaifer tous les débats , & cet cfprit pacific-Ueur trou\-e extrciordmaire cjuunOrdrcfcJépare Jus deux aurres. Voici la réponfe de l'Auteur : cjuappelle-^-vous un Ordre? Change^ vosjermes , Monfîcur. Le Tiers- Etat nejl point un. ordre; il efl la Naàon; ccjl un Corps entier Ù complet dont la.NohlcÇj'e & le Clergé ne font pas mime les membres utiles , car

ils ne le font ni vivre ni agir; ce font deux loupes (ju'il

faut refouler drns la maffe. A-t-on jamais rien lu de plus extra- vagant. Le délire eft porté jufqu'à la frénéiie.

Avant de terminer cctre difcufïion, nous allons vous faire connoirre le génie de ce Folliculaire anonyme ^ nous ne ci- terons plus qu'un paff:^ge du dernier de fes Numéros ; mais on doit frémir en le liîant.

Aj^rès s'être livré à la violence de ces déclamations , l'Au- tciir dit qu'il veut quitter les perfonnalités pour fonger à la clîofe publique. Il s*adrelîe à l'un des Membres de l'Ordre de la NobleiTe , & l'invite à jetter un regard fur la France & fur la Bretagne ; & à l'afpecl des nuages immenfes de l'ho- rifon , de juger quelle tempête fe prépare. Il ajoute : le feu de la f édition efl prêt à éclater y voyei^ les liens de CEiat dffous , Jefiein des pafjio/is brifé , le champ ouvert à la licence ; voyer

impagms , les allarmes dans les fa ^danger des Citoyens , voyej^ le danger de votre Ordre, En vain il veut fe raffembUr pour oppofer plus de réfifiance _, la jeuncffe roturière fe ligue ù forme des Corps volontaires redoutables. On J'ufcite V9S Payfans contre vous ; & leur donnant en propriété

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ce au ils n'ont qu en fermes , ils deviennent vos plus ariens en- nemis Tremble:^ de livrer un combat le Peuple n'a

rien à perdre & tout à g<3-gner.

Quel pinceau a pu tracer cette image horrible des cala- mités que les diflentions publiques pourroient accumuler? Les écrits multipliés qui contiennent ces indices d'une rébellion méditée , feroicnt-ils les avant-coureurs du plus terrible àcs fléaux ? Ce ne font encore que des manifeftes , mais les bruits fouterreins préfagent l'explofîon des volcans. Le calme qui paroît fuccéder aujourd'hui aux premiers coups de l'orage , n'ell peut-être qu'un calme apparent. Les trois Ordres font toujours partagés , ils font en préfence , ils s'attendent ; lequel deviendra l'agrelTeur } Nous ne pouvons le diflimuler ; vous venez de l'entendre ; ce n'eft pas la Nobleffe qui veut anéan- tir le Tiers-Etat , c'eft un Membre du Tiers Etat qui cherche à le foulever ; c'ell lui qui annonce toutes les horreurs de la guerre civile ; il dit à la Nobleffe : nous fommes tout , vous n'êtes rien ; cédez à la force , autrement vos clmteaux jont incendiés , vos ricAeJfes font difjipées , vos droits féodaux vous font arrachés , vos femmes & vos enfans fe trouvent expofés aux infultes de la populace Ù aux befoins de la pauvreté ; &

dans ce combat terrible de la Nation contre vous vous

remportiez la victoire vous régnerie^ fur des tombeaux

& fur des ruines.

Nous ne faifons que copier littéralement le texte de l'Ecri- vain. Comment cara6térifcr de pareils Ouvrages? Le fanatihne n'a jamais enfanté de produftions plus féditieufes j comment a-t-on pu en tolérer la diftnburion ?

Reprenons en peu de mots tout ce que nous venons d'offrir en détail.

Le Catéchifmc des Parlemens préfente un fyffême que la Magiftrature défavoue , & que la haine de certains efprits mal Intentioimés a pu feule imaginer.*

L'Avis aux Parifiens eft le fignal de la fédition , tout y refpire le fchifme , la fureur & l'anarchie.

Les Arrêtés des Etudians en Droit & en Médecine de l'Uni- verfité d'Anc^ersi Les

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Les Arrêtés de la Jeunefle des villes de Rennes , Nantes, l'Orient , Breft , Saint-Malo & Angers ;

L'Arrêté de la Ba-:^ochc de la Séncchauflee d'Anjou ;

Le Difcours prononcé à la Bourfe de Nantes , & l' Homélie de l'Orateur Breton i enfin , la Lettre de Volney ^ la Scntine'k du Peuple , ne font que le langage de l'infubordination & de la révolte, le produit du délire tb^c de ra\cuglement. Par-tout on voit une main ennemie , qui enrafle reproches fur reproches , ^cculation far accufation, complots fur complots; l'opiniâtreté d'un Auteur , qui prend toures les formes pour reproduire fes fentimens , & les faire adopter ; les efforts d'un Conjuré , qui fe propofe de caufcr un embrâfement dont rien ne pu: lie arrêter lis progrès. En effet , quelle a été l'origine des troubles de la Bretagne ? Nous n'acculerons aucun des trois Ordres.... Il y a peur-êrre eu des torts refpeftifs. Le parti étoit pris avant rAffembléc des Etats , & la fermentation s'eft augmentée par la fermeté de la Noblelfe & i'obfdnation du Tiers; mais le feu n'a pas rcilé long-temps caché fous la cendre ; l'incendie a bientôt écaté. Tirons le rideau fur un fpeélaclc lamentable. La combuftion eft devenue prefquc générale ; alors la jcum (Te a ^oulu fiire la loi , la jeuneffc, vive, préfompaieufe , facile à s'égarer , fur-tout lorfqn'elle fe livre à fon premier mouve- ment ; elle s'c 11 érigé à elle-même un Tribunal démocratique ; elle a donné fes idées pour des Piébifcites ; elle a envifîgé fes déLbérations comme le premier ufage de fa liberté & le fondement de l'riutorité qu'elle vouloir s'arroger ; elle en a ordonné l'imprcflion.

Impnmer des Arrêtés violens , fe lier par des fermens réci- proques , former des attroupemens illicites & provoquer la réunion armée d'une portion des Citoyens , voilà cependant les fru.ts de cette liberté indéfinie de la preffe que l'amour de l'indépendance ne cefie de réclamer ! Il n'en efVen quelque forte léfulté , dans les circonftances aéluelles , que des Hbelles fédititux , des relations menfongeres, des avis propres à en- flammer les cfprits , des adhcfions à des projets fanguinaires , 6c la facihté de communiquer promptement les réfolutions

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les plus violentes & les plus contraires à l'ordre public. Tel "eft i'ufage qu'on fait encore aujourd'hui de cette tolérance univerfeiie ; mais n'eft - elle pas devenue abufive ? Nous en tenons la preuve entre les mayis , & le compte que nous venons de rendre de tous ces Imprimés dépofera toujours que l'intention de la Cour n'a jamais été de favorifer les abus d'une impreffion clandeftine.

L'ufage légitime de la prefTe , ce moyen fi rapide d'étendre les lumières ce les connoifTances utiles au genre humain , cette liberté repréfentative du don naturel de la parole , dégénère , comme la parole elle-même , en licence intolérable , toutes les fois qu'elle facihte le moyen de répandre le poifon de l'erreur , d'attaquer les dogmes & les mylteres de la Religion , de corrompre la pureté de la morale , de blefler l'iionnêteté pubhque ik de diffamer le dernier des Citoyens. Tous ces grands objets doivent être couverts de l'Egide de la Loi , & quiconque leur porte atteinte eft ua perturbateur du repos public.

Eft-il poffible qu'il fe trouve des âmes affez viles pour fe livrer à des perfonnalités qui déshonorent plus celui qui fe les permet que celui qu'on cherche à déshonorer .'' Comment *fe rencontre-t-il des Imprimeurs aflez faméliques p.our mettre au jour des ouvrages obfcenes , des écrits téméraires , des bro- chures calomnieufes, &: toutes ces produ61ions préparées pour attifer le feu de la difcorde dans le cœur ou dans l'efprit des Citoyens.'' Y a-t-il donc de la probité à répandre la calomnie, à devenir l'inftrument de la diffamation , & à fe rendre le complice d'un mal fi difficile à réparer.^

Quand le Roi a autorifé tous fes Sujets à lui faire parvenir leurs fentimens particuhers fur objet important qui femble partager la Nation , le Roi n'a eu d'autre but que d'éclairer fa religion : & il donnoit une grande preuve de bonté , en confultant fes Sujets fur leurs propres intérêts. Pouvoit-il pré- voir que cette bonté paternelle deviendroit la fource d'une multitude d'écrits , plus propres à divifer les eiprits qu'à les rapprocher, plus capables de confondre les idées que de réunir

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les opinions , plus favorables aux faélieux que confolans pour

les véritables Patriotes? Il cil peut-être tems encore de réprimer un délbrdre qui pourroit caufer les plus grands malheurs , par la rapidité avec laquelle l'Art de l'Imprimerie communique la contagion. Pour arrêter ces funejîcs efcts , le Roi a déclaré qu'il alloit prendre des mefures propres à prévenir la licence à laquelle on fe livre en imprimant toutes fortes d'ouvrages fans aucune fanclion. Puifle cette intention manifeftée être déformais une digue alTez puifl'ante pour arrêter l'imprcfTion furtive &: la diilribution publique de ces ouvrages licentieux , dont une tolérance fimefte femble autorifer la publicité !

Quelque profond que foit l'égarement de ces Ecrivains ano- nymes , qui , du fein de leur obfcurité , fement le trouble ik: appellent la révolte , qui voudroient armer la Nation contre la Nation , qui ne connoiiTcnt de droit public que la force , & fe promettent de dénaturer la Conftitution françoife , pour s'élever fur fes ruines par l'établifTement d'une égalité chimé- rique dans tous les états & dans toutes les conditions ; nous ofons encore nous flatter que le phantôme de l'illuiion ne tardera pas à s'évanouir , & que bientôt le Génie du patrio- iifrne confumera les nuages qu'un Démon malfaifant oppofe à la lumière de la vérité.

La fituation aftuelle de la France eft femblable à la pofition critique d'une flotte nombreufe battue de la tempête , ik dans l'impoffibilité de faire ufage des fignaux convenus ; les vaif- feaux , poufTés par les vents contraires, obéificnt à la vague écumante, fe heurtent, s'entrechoquent, fe féparcnt, malgré l'habileté de la manœuvre : mais auffi-tôt que l'orage ell difTipé, ils fe rapprochent , fe fecourent , fe réunilTent fous le pavillon amiral , le mettent en ligne , & voguent avec confiance pour arriver au port qui les attend. Les Etats-Généraux du Pvoyaurrie feront ce point de réunion j c'eft dans cette augul^e Alll mhlée , & fous les yeux d'un Monarque chéri , que les Repréfentans de la Nation, guidés par le même efprit , animes du même zèle , formant le même vœu , après avoir dépcfé fur l'autel de la Concorde ks préjugés anciens & nouveaux, les préten-

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tions injuftes & démefurées , l'orgueil du rang , le poids de la multitude , la défiance enfin , & les jaloufics , fources impures de la fureur ou de l'aveuglement , porteront au pied du Trône les fruits précieux de l'union , une preuve éclatante de fon dévouement, & fa jufte réclamation contre les abus que le malheur des temps a fait introduire dans toutes le s parties de l'Adminiftration. Pourrions - nous craindre de nous livrer à cette douce efpérance ? Ce n'eft que dans cet accord heureux de fentimens infpirés par le véritable honneur , que les Fran- çois peuvent fe prouver à eux-mêmes qu'ils font frères , amis , Citoyens , qu'ils ne forment qu'une feule famille , qu'aucun des trois Ordres ne veut prédominer, qu'ayant tous le même intérêt, ils doivent tendre au même but, & aflurer le bonheur commun , par un monument inébranlable dont la liberté , la foi publique & l'amour de la Patrie auront pofé les fon- demens.

Puiffent nos vœux hâter ce moment fi defiré ! Mais , en efpérant que le flambeau de la difcorde fera entièrement étouffé , il eft de notre devoir , comme de la fagefle de la Cour, de condamner pubUquement les Imprimés dont nous venons de lui rendre compte. Les fanatiques plaifantent fur un genre de flétrifiure depuis long -temps en ufage dans les Tribunaux ; mais l'homme circonfpe61 y voit une improbation légale prononcée par les Dépofitaires de l'autorité fouveraine : & fi l'Auteur d'un Ecrit repréhenfible , ainfi que fes partifans, fe font une gloire & tournent en ridicule une condamnation juridique ; l'homme fage fe tient en garde contre un Ouvrage condamné par les Minifi:res de la Loi , faits pour veiller à la confervation des bafes fur lefquelles rcpofent la tranquiUité publique. C'eft dans les momens de crife que la vigilance des Magiifrats devient , en quelque forte , le contrepoifon des opinions que la cupidité , l'indépendance & l'anarchie veulent accréditer.

Nous laiiTons à la Cour les Imprimés qu'elle nous a fait remettre , avec les conclufions par écrit que nous avons prifes à ce fujet.

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Et ù font lefJits Gens du Roi retirés , après avoir laifle fur le Bureau leHits douze Imprimés, & les conclufions par eux priics par écrit lur iceux.

Eux retirés.

Vu les douze Imprimes , favoir le premier in-ii , intitulé : Caiéchifmc des ParUmcns , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur, contenant i6 pages d'impreflion , comm.ençant par ces mots : Quétes-vous de votre nature? &L finiiTant par ceux-ci : Point de réponfc. Le deuxième Imprimé , aufii /;?-i 2 , intitulé : Avis .aux Parifiens^ fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur, contenant 1 1 pag. d'ii-nprefTion , commençant par ces mots : Frivoles Parifiens , & finiiTant par ceux-ci : ù qui s'engraijje devostravaux.he troifîeme Imprimé in-i 1 , intitulé : Difcours de MM. les Commi[faires des Etudians en Droit & jeunes Citoyens deBretagne , en préj entant leurs Arrêtés à M. le Comte de Thiard , Commandant de la Province , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant douze pages , commençant par ces m.ots : Monficur le Comte , &■ finiffant par ceux-ci : le Marchand de VEpinay , Greffier, Le quatrième Imprimé in-ii, intitulé : Détail de ce cjui s'eft pajje à Rennes le i6 Janvier lySg , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant fix pages , commençant par ces mots : Notre Ville a eu le (peclade , & finiffant par ceux-ci : tels quilsfe font pajjés ; avec cette apoftille en lettres itali- ques : Le rejle à r ordinaire prochain. Le cinquième Imprimé in\ 1 , intitulé : Difcours prononcé à l'Hôtel de la Bourfe , dans i'Affcmblée des jeunes gens de Nantes , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant huit pages d'impreflion , commen- çant par ces mots : Meffieurs , & finiffant par ceux-ci : Lupé , Menard , &t. &c. Le fixieme Imprimé in-ii , intitulé : Journal de Route , Nantes , le z8 Janvier lySc) , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant douze pages d'impreflion , com- mençant par ces mots : Le Mercredi matin fufdit jour , & fi- niffant par ceux-ci : Jeroit imprimé. Le fcptieme Imprimé , in- titulé : Pièces intérejjantes , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant vingt-huit pages d'impreflion , commençant par ces

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mots : Nous foujjignés , & finilTant par ceux-ci : par un Curé de Bretagne, Le huitième Imprimé in-\ 2 , intitulé : Protejlation & Arrêté de MM. les Etudlans en Droit de la Ville d'Angers , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant cinq pages d'imprefTion , commençant par ces mots : Nous foujjignés , 6c finifTant par ceux-ci : pour MM. les Etudians non préjens à CAJfemblée. Le neuvième Imprimé in-ix , intitulé : Arrêté de MM. les Membres de la Ba:^oche d^ Angers , du j Février lySc) , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant fept pages d'im- prefîion , commençant par ces mots : Mejfieurs les Membres de la Ba:^oche dAngers , & finiffant par ceux-ci : Dubois , Secrétaire. Le dixième Imprimé in- 1 2 , intitulé : Arrêté des Jeunes Citoyens de la ville d'Angers , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , contenant cinq pages d'impreflion , commen- çant par ces mots : Nous jeunes Citoyens de la ville d'Angers , 6l finifTant par ceux-ci : Verfé , Yvon , &c. &c. Le onzième Imprimé intitulé : Lettre de M. C. F. de Volney, à M. le

Comte de S T. , fans nom d'Auteur ni d'Imprimeur ,

contenant vingt-trois pages d'imprcfîion , commençant par ces mots : M. le Comte , 6c finifTant par ceux-ci : C. F. de Volney. Le douzième Imprimé intitulé : Affaires de Bretagne; la Sentinelle du Peuple , divifé en cinq N°^ diflinfts l'un de l'autre , tous fans nom d'Auteur ni d'hnprimcur -, le premier N°. contenant douze pages d'impreflion , commençant par ces mots : Amis & Citoyens , 6c finifTant par ceux-ci : pire encore que le defpotifme. Le fécond N°. contenant dix-huit pages d'imprefTion, commençant par ces mots : Amis & Ci- toyens , 6c finifTant par ceux-ci : de peur d'accident. Le troi- fieme N°. contei\ant vingt pages d'imprefTion , commençant par ces mots : Amis & Citoyens , & finifTant par ceux-ci : la logique de l'Auteur , avec cette apoflille en lettres italiques : la fuite inceffamment. Le quatrième N°. contenant dix-neuf paores d'impreflion , commençant par ces mots : Amis 6* Ci- toyens ^ 6c finifTant par ceux-ci : vingt fois plus fort queux. Le cinquième N'\ contenant dix-huit pages d'imprefTion, com- mençant par ces mots : Amis & Citoyens , 6c fiaifTant par

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ceux-ci : à la perte de leur tyrannie. Concluions du Procureur Général du Roi. Oui le rapport de M'^ Adrien-Louis Lefebvre d'Ammecourt , ConfeiUcr.

La matière mife en délibération :

LA COUR ordonne que lefdits douze Imprimés feront lacérés oc brûlés en la Cour du Palais, au pied du grand efcalier d'icelui , par l'Exécuteur de la Haute- Juftice , comme féditieux , calomnieux , tcndans à détruire la confiance né- ceflaire à maintenir dans les différentes claffcs des Citoyens , à perpétuer les troubles par la violence des expreffionsi comme contraires aux vues de fageffe & de bonté qui ont déterminé le^Roi à convoquer les Etats-Généraux du Royaume ; fait défenfes aux jeunes Gens de la ville d'Angers , aux Etudians en rUniveriité de ladite Ville , aux Clercs de Procureurs compofant la Bazoche en la Sénéchauffée d'Angers, défaire à l'avenir de pareils Arrêtés , fous telles peines qu'il appartien- dra ; enjoint aux Offciers de la Sénéchauffée d'Angers, & aux Reftcur & Profi. fleurs de l'Univerfité de ladite Ville de veiller à ce qu'il ne foit fait à l'avenir aucun Arrêté fem- blable, foit dans la grande Salle d'audience de la Police, foit dans la grande Salle des Ecoles de Droit , foit ailleurs ; enjoint à tous ceux qui ont des exemplaires defdits Im- primés de les apporter au Greffe de la Cour , pour y être fupprimés ; fait inhibitions & défenfes à tous Libraires & Imprimeurs , d'imprimer , vendre &: débiter lefdits Impri- més , & à tous Colporteurs , dillributeurs & autres de les col- porter ou diftribuer , à peine d'être pourfuivis extraordinai- rement & punis fuivant la rigueur des Ordonnances; ordonne qu'à la requête du Procureur Général du Roi , il fera informé pardevant le Confciller-Rapporteur , pour les témoins qui fe trouveront à Paris; & pardevant les Lieutenans-Criminels des Bailliages & Sénéchauffées , pour les témoins qui demeurent en Province , de la compofition & diftribution defdits Impri- més; pour les informations faites, rapportées &: Qommuni-

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quées au Procureur Général du Roi , être par lui requis & par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; à cet effet ordonne qu'un exemplaire de chacun defdits. Imprimés fera dé.pofé au Greffe de la Cour pour fervir à l'uiliruélion du procès. Or- donne que le préfent Arrêt fera, imprimé , publié & afficl é par-tout befoin fera , êc copies collationnées envoyées aux Bailliages ^■i Sénécliauffées du refîort , pour y être lu , pu- blié &: regiftré ; enjoint aux Subftituts du Procureur Général du Roi efdits Sièges d'y tenir la main & d'en certifier la Cour dans le mois. Ordonne que ledit Arrêt fera notifié à la requête du Procureur Général du Roi , pourfuite & diligence de fon SubiHtut en la Sénéchauffée d'Angers , aux Refteur & Profeffeurs de l'Univerfité de ladite Ville , pour qu'ds aient à tenir la main à l'exécution dudit Arrêt , en ce qui les concerne. Fait en Parlement , toutes les Chambres. affemblées , les Pairs y féant , le fix Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf. Colla- tionné LuTTON,

Signé D U F R A N C.

Et le Samedi fept Mars mil fept cent quatre-vingt-neuf , à la levét de la Cour , lefdits Imprimés ci-dejfus énoncés , ont été lacérés & hrûlés , par l'Exécuteur de la Haute-Juflxe , au pied du grand EfcaUer du Palais , en préfence de moi François- Louis Dufranc , Ecuyer , l'un des Greffiers de la Grand' Chambre , afjlfé de deux Fluiffers de la Cour.

Signé DUFRANC,

A PARIS , chez N. H. Nyon, Imprimeur du Pailcment, rue Mignon Saint Aniré-des-AfCs , 1789.

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