AT..£.^ MÉDECINE VÉTÉRINAIRE. GANGRÈNE TRAUMATIQUE. Imprimerie et Fonderie de F, JLocquin et Comp,, 16, rue N.-D. des "Victoires. MÉMOIRE OBSERVATIONS CLINIQUES SUR UNE DE SES CAUSES LES PLUS FRÉQUENTES DANS LES ANIMAUX DOMESTIQUES ; PAR M. REMILT, DIRBCTÈUR DE L'ÉCOLE d'àLFORT , PROFESSEUR DE CLINIQUE ET DE MEDECINE OPERATOIRE. PARTS. BECHET J» et LABE, LIBRAIRES DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE Place de l'Ecole de Médecine , n. 4. 4840 JAN 5 4TB raçS La gangrène est un mode de terminaison si grave dans les maladies quelles qu'elles soient, le traite- ment en est si incertain, les suites funestes en sont si fréquentes, que l'on a de tout temps, et avec rai- son , attaché la plus grande importance à la recherche des causes prochaines ou éloignées' qui peuvent la produire ou y prédisposer les malades. Je crois donc digne à un haut degré de l'intérêt des médecins et des vétérinaires, tout ce qui se rattache d'une ma- nière directe ou indirecte à son étiologie. Or, il est une causs dont l'effet m'a paru constant, immédiat , incontestable, dont le mode d'action est évident et facile à comprendre , qui donne souvent naissance à la gangrène dans les animaux domesti- ques, dans le cheval surtout, et qui m'a paru à peine connue, ou n'a été que vaguement indiquée dans les ouvrages généraux de médecine et de chirurgie hu- maines que j'ai pu consulter. Je n'avais rien vu non "VI plus dans les écrits des vétérinaires qui constatât qu'elle eût été pratiquement reconnue par leurs au- teurs avant i833, époque à laquelle je crus devoir appeler sur elle l'attention de mes confrères en publiant quelques observations recueillies soit dans ma pratique particulière, soit à la clinique de M. Va- tel alors que j'étais attaché en qualité de chef de service aux hôpitaux de l'école d'Alfort. Depuis, ma position de professeur de clinique à cette école et le grand nombre de malades qui fré- quentent ses infirmeries , m'ont mis à même de réu- nir sur ce point de doctrine une masse de faits si imposante et si décisive, que ce que j'avais d'abord indiqué comme une probabilité a acquis à mes yeux tous les caractères d'une démonstration , et qu'il m'a suffi de faire suivre à ceux de mes collègues qui s'oc- cupent de pathologie , quelques cas de ce genre, pour les convaincre du fondement de mes observations. Ge qui méritera peut-être à ce mémoire l'intérêt particulier des praticiens > c'est que, dans les gan- grènes externes produites par cette cause, il est très souvent possible, quand on la soupçonne à temps, de l'enlever, et ainsi de couper court aux progrès du mal : c'est qu'il est possible même de la prévenir, dans les cas où elle aurait pu naître, par certaines V1J précautions faciles à prendre , et qui , depuis que je lésai mises en usage sur nos malades 3 ont rendu la gangrène des opérés dans nos infirmeries aussi rare qu'autrefois elle y était fréquente et meurtrière. Il m'a donc paru utile de soumettre à l'apprécia- tion des hommes qui s'occupent de science ou de pratique médicales, les élémens de ce que je crois être, sinon une vérité nouvelle, du moins un point d'étiologie trop peu connu ou trop négligé eu égard à son importance sous le point de vue de la patho- logie comparée. Tel est le but de ce mémoire. Bien que j'y aie fait entrer un grand nombre de faits, je n'ai point rapporté, à beaucoup près , tous ceux du même genre que je possède. J'ai choisi ceux dans lesquels la vérité que je cherche à démontrer m'a semblé le plus évidente j je me suis attaché aussi à donner des exemples de gangrène survenue sur di- verses parties du corps, à la suite d'opérations qui ne sont pas les mêmes , pour prouver que sur quelque région que ce soit, et dans différentes circonstances, la cause que je signale agit toujours d'une manière identique. Quant aux réflexions, j'en ai été sobre. En pré- sence de faits aussi nombreux et significatifs, j'ai pensé que de longs commentaires seraient au moins super- flus. C'est pourquoi je me suis borné à rappeler en leur lieu les traits les plus saillants de l'ensemble des observations ; j'ai indiqué plutôt que développé le lien commun qui les unissait, la théorie qu'ils concou- raient à établir, les conséquences pratiques qui en découlaient. Parfois , seulement, j'ai cru devoir ap- peler l'attention sur certaines circonstances de pa- thologie générale ou d'anatomie pathologique qui m'ont paru mériter d'être signalées, en ce sens qu'elles peuvent jeter quelque lumière sur l'histoire de la gangrène envisagée au point de vue de ces deux sciences. Si, comme je le crois, le fait d'étiologie que je cherche à établir est peu connu ou a souvent échappé à l'observation en chirurgie humaine, et si, pourtant, il a*j présente quelquefois, ce léger travail ne sera pas sans quelque utilité pour la médecine de l'homme, et je me féliciterai de l'avoir publié. Que si ce fait n'est pas nouveau pour les médecins de Phomme, ou s'il n'est vrai que pour la chirurgie des animaux, j'aurai du moins la conviction, en cher- chant à en répandre la connaissance parmi nos con- frères, d'avoir rendu un service de quelque valeur à la médecine vétérinaire, en éclairant un point de pa- thologie et de chirurgie pratique jusque là à peu près complètement inaperçu. MÉMOIRE ET OBSERVATIONS SUR UNE DES CAUSES DE LA GANGRÈNE TRAUMATIQUE. L'application d'un séton à mèche ou à rouelle, l'ouverture avec le bistouri de tumeurs sanguines ou incomplètement abcédéjs qui se développent sur différentes parties du corps , une phlébotomie , et en général toutes les opérations sanglantes, quels qu'en soient le siège ou l'importance t sont quelquefois suivies, le troisième ou le quatrième jour de l'opé- ration, d'un engorgement ordinairement chaud, douloureux et tendu, qui fait des progrès rapides, s'accompagne d'œdématie à sa circonférence , arrête ou empèthe toute suppuration, donne naissance à une succession de phénomènes généraux progressive- ment alarmans, et peut causer la mort de l'animal, si on ne lui oppose à temps un traitement convenable. ( io) De tous les animaux domestiques, le cheval est celui sur lequel j'ai eu le plus souvent occasion d'ob- server cette sorte d'accident que je crois plus fré- quent sur les herbivores que sur les chiens. Je dirai plus loin les conditions particulières qui en favo- risent le développement dans les individus à quelque espèce qu'ils appartiennent. Le petit nombre des vétérinaires qui, dans leurs écrits ou dans leurs cours, ont parlé de ces accidents, les ont considérés comme un effet du développement de la gangrène dans la partie opérée : les uns attri- buant cette fâcheuse terminaison à l'excès de la réac- tion inflammatoire locale; les autres à son insuffi- sance; d'autres enfin , tantôt à l'une, tantôt à l'autre de ces deux causes , suivant la constitution plus ou moins forte ou débile du sujet. N'ayant poini eu entre les mains tous les ouvrages de médecine et de chirurgie humaines dans lesquels il a été traité d'une manière générale ou particulière de la gangrène, il y aurait témérité de ma part à af- firmer que ces accidents n'y ont point été décrits, que leur cause n'y a point été signalée. Tout ce que je puis dire , c'est que dans ceux des ouvrages modernes que j'ai lus, et qui résument sans doute l'état actuel des connaissances pathologiques, je n'ai rien trouvé d'explicite ni sur cette variété de la gangrène à la suite des opérations , ni sur la cause que je regarde comme la déterminant plus spécialement. Je ne rechercherai point s'il est bien exact de re- ( » ) garder comme frappés Je gangrène ces engorgements où la vie n'est point éteinte . puisqu'ils peuvent sou- vent disparaître et guérir sans eschare, sans ablation et par un traitement approprié. Les pathologistes n'étant point d'accord sur la définition qu'on doit donner de la gangrène , j'entrerais dans une dis- cussion générale que je veux éviter. Aussi bien mon intention n'est-elle pas de disserter sur la na- ture de la gangrène; mais principalement, d'appeler l'attention sur la cause la plus fréquente suivant moi , et la moins remarquée jusqu'à présent , de ces engorgements qu'à tort ou à raison je conti- nuerai à appeler gangreneux. Dans tous les cas , si je fais erreur sur le mot , je m'efforcerai, parla clarté avec laquelle j'exposerai les caractères de l'affection, de prévenir toute erreur sur la chose. Mais avant d'entrer dans l'exposition d'aucune idée, je crois rationnel de rapporter d'abord, avec les détails qu'elles comporteront , un certain nombre d'observations choisies parmi les plus concluantes de celles que j'ai pu réunir. J'indiquerai ensuite , en les motivant 5 les induc- tions étiologiques que je crois pouvoir en tirer d'une manière rigoureuse, sans négliger toutefois les re- marques accessoires auxquelles ces observations pourraient donner lieu et qui, sous un autre rapport, me paraîtront présenter quelque intérêt scientifique en ce qui regarde l'histoire de la gangrène. ( «) PREMIÈRE OBSERVATION. Tumeur gangreneuse, suite d'un séton à la fesse, -— Mort de Vanimal. — Caillots putréfiés trouvés sur le trajet du séton. Cheval hongre , très âgé , sous poil bai clair , de grande taille , propre au cabriolet , de constitution molle , n'ayant cependant jamais été malade jusque là chez son propriétaire , loueur de voi- tures, qui le possède depuis trois ans. Renseignements. Il y a six semaines qu'à la suite d'un coup de pied sur le jarret gauche , un engorgement chaud et douloureux dans le principe, devenu plus tard froid et indolent, s'est mani- festé dans toute la partie inférieure du membre correspondant. Des bains émollients d'abord, puis aromatiques, ensuite l'emploi des frictions d'eau-de-vie camphrée et du bandage compressif , sont restés sans succès : l'engorgement a persisté. C'est pourquoi on s'est décidé à amener le cheval aux hôpitaux de l'école d'Al- fortJe i5 octobre i833. Etat de C animal à son arrivée. Il est d'un moyen embonpoint; le flanc est un peu retroussé; le poil pique et terne; les mu- queuses apparentes rose-pâle , l'appétit bon , l'œil vif. Le membre postérieur gauche, à partir du pied jusque un peu au dessus du jarret, est engorgé, dur , peu chaud, peu doulou- reux. La boiterie semble résulter plus de la gêne que le membre éprouve dans les mouvements de flexion, que de la douleur que ces mouvements occasionnent. Le pouls est dans son état normal. Prescription. On fera chaque matin sur l'engorgement, jus- qu'à nouvel ordre , une vigoureuse friction avec deux onces de pommade mercurielle. Promenade au pas , une heure par jour. Bandage matelassé légèrement compressif. Deux onces de nitrate de potasse dans les boissons de la journée. Ration entière. Ce traitement, continué jusqu'au 26, n'ayant produit aucun changement, j'ordonne à l'élève chargé de la surveillance du ( '3) cheval de lui placer un séton sous la peau de la fesse gauche; ce qu'il fit le matin même. Mais comme le cheval était très irritable, il se défendit beaucoup pendant l'opération , et malgré qu'il fût maintenu avec une plate longe , il se mit à ruer brusquement dans un moment où l'aiguille à séton était engagée de plus d'un demi pied entre la peau et l'aponévrose d'enveloppe des muscles ischio-tibiaux. L'instrument ayant son talon en haut et la pointe en bas, pénétra obliquement de haut en bas à travers l'aponé- vrose dans l'épaisseur des muscles. L'élève ne croyant pas la bles- sure aussi grave qu'elle l'était en réalité, ne continua pas moins son opération, et le séton fut placé. Soit crainte d'une re'pri- mande , soit qu'en effet il ne crût pas que l'accident pût avoir de suite fâcheuse, il ne m'en informa point à la visite du lendemain : il me dit seulement qu'une légère hémorrhagie avait suivi le pla- cement du séton , qu'un peu de sang s'était , une heure après , formé en caillot sous la peau, mais qu'il l'avait fait sortir par une légère pression. Je ne fis aucune attention à cette circon- stance assez fréquente dans la chirurgie vétérinaire, et passai à d'autres malades. Le 27 , rien de particulier. Le 28 , je remarque que le trajet du séton est un peu tuméfié et douloureux , que le membre se meut plus péniblement pendant la marche. On m'explique ces circonstances en me disant que le cheval s'est frotté la fesse pendant la nuit sur le mur contre le- quel il se trouve. (Lotions émollientes. On mettra l'animal entre deux barres. ) Le 29 , l'engorgement du séton a un peu augmenté. Il y a tension et douleur très vive. Quelques symptômes de réaction fébrile. Pas encore de suppuration. Je fais enlever le séton. (On fera des lotions calmantes d'eau de têtes de pavot. Saignée de six livres. Régime blanc. Cessation de la promenade. ) Le 3o, la tuméfaction s'étend à tout le membre gauche et gagne le périnée. L'animal parait souffrir beaucoup. Le pouls est vite, fort et dur. La conjonctive très rouge. La respiration ( '4) accélérée, l'air expiré chaud, les reins raides. Le membre ma- lade est tenu dans l'extension et en dehors ; il ne peut être porté en avant. La plus légère pression sur la place qu'occupait le ruban donne lieu a des élancements douloureux qui se manifestent par des soubresauts. Un peu de sérosité roussâtre de mauvaise odeur s'échappe par l'ouverture inférieure du trajet du séton. (Nouvelle saignée de six livres. Débridement de l'ouverture inférieure du séton : on tâchera de faire pénétrer des injections chlorurées dans le trajet qu'il occupait. Lotions calmantes sou- vent répétées sur l'engorgement. Diète sévère. Breuvages adou- cissants acidulés. ) Le 3i, l'œdème a fait de nouveaux progrès; il a gagné le pourtour de l'anus, en haut ; et s'étend, en bas, jusqu'aux organes génitaux. II est moins douloureux et moins tendu que la veille. Les souffrances du malade paraissent moins aiguës , mais il est plus abattu. Le pouls a perdu de sa force et de son développe- ment : il est petit et vite. On commence à sentir les battements du cœur. Les mouvements du flanc sont convulsifs. La sérosité san- guinolente qui s'écoule par l'incision débridée a une teinte de bistre. Son odeur, devenue plus pénétrante, se sent quand on entre dans l'écurie. ( On enfonce profondément dans toute la partie centrale de la tumeur une douzaine de cautères en pointe chauffés à blanc, ies deux ouvertures du séton sont agrandies. Quelques caillots filamenteux de sang brunâtre et infect sortent de l'incision inférieure. On fera de fréquentes injections de chlorure de chaux liquide. On pressera souvent de haut en bas sur le trajet du séton pour en exprimer le sang altéré qui pour- rait y séjourner. ) Le Ier novembre , l'engorgement semble avoir diminué dans le haut de la fesse , sur la cuisse et autour de l'anus j il augmente dans toute la partie inférieure du membre. L'animal ne peut se porter sur ce membre ; et pourtant le toucher est moins doulou- reux que les deux jours précédents. L'abattement est extrême. Pouls très petit, accéléré et confus j battements du cœur très ( -5) forts; respiration profonde et saccadée; air expiré fade; teinte rouge livide des conjonctives; crins de l'encolure et de la queue s'arrachant sans efforts. Une toux faible et quinteuse a été en- tendue de temps à autre pendant la nuit par les élèves de garde. L'odeur de gangrène qui s'exhale de la plaie est si forte, qu'il a fallu tenir la porte de l'écurie ouverte toute la nuit pour n'en être pas incommode. La mort paraissant inévitable et prochaine , je fais cesser tout traitement. Le soir , à neuf heures, je revois le malade. Il est dans un état continuel d'agitation. Il piétine sans cesse, même avec le membre malade; et il est si faible qu'il paraît prêt à tomber. Il a l'œil très ouvert, brillant et hagard; la respiration est pénible; l'air expiré a une légère odeur de gangrène. Le pouls est misérable ; on entend à plusieurs pas de distance les battements du cœur qui percutent violemment la poitrine. Les extrémités sont froides ainsi que les muqueuses apparentes qui sont entièrement ex- sangues. Chute à une heure du matin; agitation convulsive pres- que incessante ; mort à deux heures et demie sur le côté droit. Autopsie à onze heures (neuf heures après la mort). Siège de la tumeur. Le trajet du séton découvert par une in- cision qui s'étend de haut en bas et pénétre toute l'épaisseur de l'engorgement, laisse voir au centre de ce trajet, sur l'apo- névrose d'enveloppe, une ouverture transversale de la lon- gueur de un pouce, à bords mâchés, pénétrant dans un vaste foyer qui s'est formé dans l'épaisseur et en dessous du muscle ischio-tibial postérieur. L'ouverture de l'aponévrose est évidem- ment le résultat de l'incision faite par l'aiguille au moment du placement du séton. Elle se trouve à la partie la plus supérieure' du foyer. Celui-ci contient environ un demi-litre d'un mélange de caillots noirs très diffluentsy de liquide poisseux brunâtre et de débris musculaires ramollis; le tout formant un putrilage des plus fétides. Les muscles environnants sont pâles, tachés de rouge livide et se déchirent tr es facilement. Le tissu cellu- ( -6) la ire inter-musculaire voisin est infiltré de sérosité roussâtre. Abdomen. Il n'existe que quelques ecchymoses sous le péri- toine; elles se trouvent dans la longueur de la région sous lom- baire autour des gros vaisseaux. — La rate est molle; le liquide qu'elle renferme est sans consistance. Thorax. Le péricarde contient environ un demi-litre de séro- sité sanguinolente. Le tissu musculeux du cœur est décoloré et facile à déchirer. Les cavités droites sont remplies d'un sang noir ayant la consistance de poix fondue; les parois internes de ces cavités sont uniformément teintes «n rouge brun. Cette colora- tion s'étend dans toute la veine cave postérieure et ses principales affluentes. Le sang contenu dans ce tronc veineux est liquide et a une odeur frappante de gangrène. Un morceau d'aorte pris sur un cheval de dissection et laissé un quart d'heure dans ce sang en est retiré avec une teinte rouge de sa face interne que le lavage ne peut faire disparaître- Le sang contenu dans l'arbre veineux antérieur est, au contraire , presque généralement coagulé : les vaisseaux qui le renferment ne sont pas sensiblement colorés; il n'a aucune odeur, et le morceau d'aorte qu'on y plonge et qu'on y laisse pendant un quart d'heure reprend sa couleur à peu près naturelle quand on le lave après l'avoir retiré. — De nombreuses ecchymoses existent dans le parenchyme des poumons. Tout le bord inférieur et antérieur du lobe gauche offre les caractères d'un ramollissement gangreneux, au voisinage d'une hépatisa- tion ancienne dont il était affecté dans l'étendue d'à peu près quatre à cinq pouces. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Huré.) DEUXIÈME OBSERVATION: Gangrène survenue à la suite tfun séton à rouelle sous lé ventre. — Mort de l'animal. — Caillots de sang putréfié trouvés sous la peau qui recouvrait le séton. Cheval entier propre au g ros trait, de forte constitution , livré ( '7 ) à des travaux fatigants , mais n'en paraissant pas épuisé, appar- tenant à M. Rollet voilurier à Bercy. Renseignements. Il y a quatre jours que le maréchal du sieur Rollet en visitant ce cheval, jugea utile, sans en dire autrement le motif, de lui placer un séton à rouelle^ous le milieu du ventre. L'opération fut suivie d'une hémorrhagie veineuse, assez abon- dante pour inquiéter l'opérateur qui l'arrêta en plaçant un tam- pon d'étoupes à l'ouverture résultant de l'incision de la peau , et soutint ce tampon avec un surfaix. Le bandage et l'étoupade furent retirés le soir (sept heures environ après leur application). Le sang ne coulait plus ; mais une tumeur aplatie de la largeur d'une assiette ordinaire existait sous le ventre, ayant pour centre le cautère : on n'y fit pas d'autre attention; et le lendemain le cheval était soumis à son service journalier, le maréchal ayant assuré que le travail ferait disparaître la tumeur. Il n'en fut point ainsi cependant. Elle fit au contraire de tels progrès pendant les jours qui suivirent, que M. Rollet crut prudent de conduire son cheval à l'école, où il l'amena lui-même et me donna les rensei- gnements qui précèdent. Etat de ? animal le i septembre 1837, jour de son entrée aux hôpitaux. Il porte sous le milieu du ventre un engorgement* circonscrit , aplati à son sommet, s'étendant en arrière jusqu'au fourreau qui est déjà œdématié , en avant jusqu'à Tinter -ars, sur les côtés jusqu'au bas des flancs. Cet* engorgement est chaud et douloureux , surtout à son centre où il offre un peu de rénitence. L'ouverture du séton laisse suinter un liquide sanguinolent très fétide, au milieu duquel se trouvent des parcelles de cailloit noir quand on juesse légèrement la tumeur au voisinage de cette ou- verture. Le doigt introduit dans la cavité dont elle est l'orifice plonge sous un décollement assez considérable de la peau, au travers d'une masse sanguine demi coagulée , s' écrasant faci- lement et d'une odeur putride bien caractérisée La sauté générale du sujet ne parait pas gravement affectée, Il 2 s ) est gai, a de l'appétit; seulement sa marche est rendue difficile par l'extension de l'engorgement entre les membres antérieurs. Traitement. Je débride l'ouverture par une incision prolongée en avant, j'extrais la rouelle de cuir qui constituait le séton, et je retire le plus qu'il m'est possible des caillots putrides amassés sous la peau. (Desinjectîmis chlorurées feront détacher et entraî- neront ceux que le doigt ne peut atteindre. Une douzaine de pointes de feu sont plongées dans l'étendue^ de l'engorgement sous- abdominal. L'animal sera promené souvent dans la journée. Électuaire avec extrait de gentiane , sel de cuisine et poudre de quinquina. Ration entière.) Le 3 , l'engorgement a fait des progrès en arrière ; il a envahi tout le fourreau au point de rendre difficile la sortie du pénis. La sérosité qui s'écoule des points cautérisés est jaune citron clair; le liquide qui s'échappe de l'incision est toujours sangui- nolent et de mauvaise odeur. Au pourtour la tnracur est dure et sensible. Pas de modification dans l'état général. ( On continuera les mêmes soins. ) Le 4, les enveloppes testiculaires participent à l'infiltration du fourreau qui, lui-même, est plus engorgé que la veille. Marche très difficile à cause de la gêne qu'éprouve le jeu des membres. Il y a un peu de fièvre , moins de gaîté at d'appétit. ( Demi-ration. Lavements émollients. Mêmes soins que les jours précédents ) Le 5 , même état que le 4- La mauvaise odeur du liquide rous- sâtreque fournit la plaie ne peut être masquée que momentané- ment par les injections chlorurées. (Un bandage matelassé sau- poudré de chlorure de chaux solide sera maintenu sous le ventre. Du reste continuation des mêmes soins. ) Le 6, l'engorgement s'est encore étendu en avant et sur les côtés; il paraît pourtant moins saillant là où il a été traversé par des cautères en pointe. Les' eschares produites par ces cautères sont presque toutes tombées ; mais la suppuration dans les plaies qu'elles découvrent est presque nulle ; le peu de pus qu'on y re- marque est clair et de mauvaise nature. L'appétit a bi#n diminué; ( «9) l'animal mange à peine et lentement un quart de ration. ; il a perdu sa gaité; le pouls, jusque-là normal , a pris de la vitesse et de la dureté; on commence à sentir nettement les battements du cœur. (Débridement de la plaie en arrière pour extraire quelques caillots sanguins qu'on y sent avec le doigt. Leur odeur est in- supportable. Mêmes soins que les jours précédents. Quart de ration seulement.) Le 7 , l'engorgement du ventre s'est notablement affaissé, excepté à son centre et aux bourses où il est devenu très con- sidérable. Pouls dur, peu développé, marquant quatre-vingt- six pulsations. Les flancs se creusent. Les crins tiennent moins solidement. Abattement, anorexie, marche très pénible. (On scarifie l'engorgement des bourses et dn fourreau; il s'en écc ule du sang pur mêlé à un peu de sérosité. Suspensoir. Mêmes soins. ) Le 8 , il y a diminution sensible de l'engorgement des bourses et du fourreau; celui du ventre n'a pas augmenté; il est toujours aussi considérable autour de l'ouverture. L'état général devient inquiétant. Le pouls , très accéléré , est aussi très faible. La force des battements du cœur est telle qu'elle imprime une légère se- cousse au corps de l'animal. La respiration est laborieuse et un peu saccadée; la tète basse; la température des extrémités pi es- que froide. L'animal étant jugé sans ressource J. abando iné par son propriétaire, je fais cesser tout traitement et ordo. ne seulement d'observer la marche de la maladie. Le g, l'animal tombe à cinq heures du matin sur le côté gauche après avoj.r longtemps chancelé. Je le vois à la visite de sept heures. L'engorgement a presque disparu partout ailleurs q l'au centre , là où se trouvait le cautère. Il n'y a plus de pouh ; les battements du cœur sont tumultueux; la respiration spasmodique. Il suffit de la plus légère traction pour arracher une grosse mèche de crins. Pâleur générale des muqueuses apparente?. A.jitation con- vulsive des membres. Cependant la mort n'a lieu qu'à trois heures de l'après-midi. (20) Autopsie à quatre heures ( une heure après la mort). Tumeur. Tous les muscles de la région sous-abdominale pos- térieure ainsi que ceux de la partie inférieure de la poitrine sont décolorés et flasques. Le tissu cellulaire environnant est gorgé de sérosité jaune citrin jusque sous la peau dupériné: mais autour de la place qu'occupait le cautère, il est épais, dur , presque lar- dacé. Deux principales excavations existent dans l'épaisseur de cette induration , en arrière et un peu à droite, à cinq pouces au moins de l'ouverture extérieure: elles sont remplies exactement par deux masses sanguines ayant chacune à peu près le volume d'un œuf de poule. L'altération profonde de ces deux caillots qui sont noir encre de Chine et d'une odeur putride insuppor- table} ne permet pas de douter qu'ils ne datent du jour du pla- cement du séton ; et il est évident que ce sont eux qui ont occa- sionné la persistance et l'aggravation des accidents que semblait devoir arrêter l'extraction des caillots qui eut lieu le i et le 6. Il est clair aussi que c'est leur situation profonde qui les a dé- robés à l'atteinte du doigt lors de ces extractions, et que leur adaptation dans un sinus de la p'aie a empêché qu'il"ne soient entraînés par les injection£chlorurés« Abdomen. Quelques légères ecchymoses sur le feuillet pariétal inférieur du péritoine. — Foie volumineux, pâle et mou. — Rate d'un noir violacé, plus grosse que dans l'état normal, se dépouil- lant au plus léger grattage , ou seulement à la moindre pression, de la matière qu'elle contient dans les aréoles de son parenchyme. Cette matière ressemble à de la bouillie de sang. Thorax. Rien de notable dans les poumons. — Le cœur est mou et a une teinte lavée comme s'il était cuit. Le caillot qu'il contient dans les cavités droites est entièrement noir, sans consistance et sans odeur. La face interne de ces cavités n'est que légèrement co- lorée en rouge terne. Plusieurs ecchymoses, dont quelques unes ont la largeur dune pièce de cinq francs, se remarquent sous la séreuse du ventricule gauche dont les parois internes ont, à cela près, leur couleur naturelle; un coagulum blanc jaunâtre, peu ( 31 ) volumineux, plaqué d'une mince lame de caillot noir, y est contenu; il est assez résistant. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Fillette.) TROISIÈME OBSERVATION. Gangrène dans la région inguinale droite après la castration. , — Mort de V animal. — Caillots fibrinedx altérés trouvés dans le tissu des enveloppes testiculaires. Cheval récemment châtré, de huit à neuf ans , propre au ser- vice du gros trait, ayant beaucoup d'embonpoint, paraissant d'une constitution-molle , appartenant à M. Gautier marchand de chevaux rue de Charenton à Paris , conduit aux hôpitaux de l'école le 3o mars i83i. Renseignements . Il y a six jours (le 2 5 mars) que ce cheval a été châtré. La méthode opératoire a été celle par les casseaux, dite à testicules découverts. L'opération faite par un châtreur a été rapidement terminée. Les souffrances apparentes ont été presque nulles. Il y a eu un peu de tristesse les deux premiers jours , mais presque pas de fièvre. L'appétit a toujours été bon; cependant la diète blanche a été prescrite et observée. Le 27 mars au matin, M. Gautier entrant dans l'écurie, voit la litière de son cheval ensanglantée. Du sang coule goutte à goutte de la plaie du côté droit • le testicule du même côté ne tient plus à la portion saine du cordent que par quelques fibres postérieures qui paraissent avoir été tiraillées : il y a eu déchirure presque complète du cordon immédiatement au dessus du cas- seau. M. Gautier évalue à deux ou trois livres la quantité de sang qui a dû s'écouler. Le cheval étant seul dans l'écurie , il ignore quelle a pu être la cause de cet accident. Quoi qu'il en soit , il envoie chercher un sieur Dufay, maréchal du voisinage, qui le rassure sur les suites. Cet homme complète d'un coup de bis- touri l'excision du cordon , accumule une masse énorme d'étoupes («) dans la plaie, les y maintient à l'aide d'un point de suture à bourdonnets, et arrête ainsi l'hémorrhagie. Le lendemain 28, il excise le testicule gauche et enlève le cas- seau. On ne touche point au tamponnement du côté droit. Le cheval a une demi-ration qu'il mange bien. Le 29 , il existe beaucoup d'engorgement aux parties opérées , principalement du côté droit. La partie antérieure de Tétoupade est un peu humide. Le cheval est triste et boude sur son avoine. Il n'a pas fiencé depuis la veille. Le maréchal, frappé seulement de l'humidité de la partie antérieure de l'appareil , l'attribue à l'insuffisance du tamponnement. En conséquence , il dénoue les fils de la suture, ajoute de nouvelles couches d'étoupes par dessus les premières et refait les nœuds. Pour tout traitement il prescrit des lavements et fait lui-même une onction de pommade de peu- plier. Repc^Jfrbsolu. Le 3o, l'engorgement a fait des progrès considérables et s'étend sous le ventre. Les couches d'étoupes mbes la veille sont tra- versées par un liquide roussâtre qui sent très mauvais. Le cheval refuse tout à fait de manger. Il a le flanc retroussé et le rein raide. Les parties sont très douloureuses. M. Gautier étant absent ce jour là, le maréchal fait laver l'extérieur de l'appareil avec de l'eau de vaisselle, substitue l'onguent de laurier à la pommade de peuplier , et administre un breuvage dont il ne dit pas la com- position. M. Gautier, rentrant le soir et effrayé de l'état de son cheval , le conduit lui-même aux hôpitaux de l'école, où il arrive à huit heures, après deux heures d'une marche extrêmement lente et pénible. — L'élève Corneille qui devait surveiller ce cheval recueillit tous ces renseignements de la bouche de M. Gautier qu'il invita à se trouver présent le lendemain matin à ma visite. Visite du 3i. — Etat du cheval. Il est dans un abattement complet; l'œil est morne, demi-fermé, la tête basse; l'attitude dénonce une grande faiblesse; il chancelle pour peu qu'on le pousse. Les reins sont inflexibles; les extrémités froides; les crins s'arrachent facilement. Conjonctive rouge terne; pouls à peine ( 23 ) sensible; battements du cœur remarquablement forts; respira- tion accélérée, flancs retroussés. Il n'y a £as eu de défécation ni d'évacuation d'urine pendant la nuit. L'animai ne s'est pas cou- ché. Un engorgement énorme , indolent et presque froid occupe toute la région inguinale, surtout du côté droit, s'étend en arrière jusqu'au bas de l'anus, et en avant jusque sous la poitrine. La plaie du cordon droit est remplie par une masse d'étoupes qui parait considérable et que soutiennent trois points de suture à bourdonnets. Un liquide roussâtre, extrêmement fétide, pé- nètre tout cet appareil , et s'échappe par gouttelettes à chaque mouyement des membres postérieurs que fait l'animal. Une ma- tière séro-purulente humecte la plaie du cordon gauche qui est refoulé danrs l'aine par l'engorgement. Je fais enlever la suture , et à peine les fils en sont-ils déta- chés, que l'appareil n'étant plus soutenu tombe sur la litière tout d'une masse et .entraine avec lui un litre environ de caillots noirs, diffluents , tellement infects que les élèves qui m'aident à cette opération sont forcés, ainsi que moi, de s'éloigner un instant, tant V odeur est insupportable. Des injections chloru- rées sont faites immédiatement dans la plaie pour la déterger et permettre d'en voir l'aspect: elle est d'une teinte brune plombée; les bords en sont durs , les parois lisses : les doigts introduits dans le fond y sentent des enfoncements celluleux à droite et à gauche, et en retirent des lambeaux de caillots mollasses putréfiés. Je préviens le propriétaire de l'imminence de la mort de son cheval. Cependant confine il témoigne le désir qu'on fasse quel- ques tentatives de traitement , je fais traverser l'engorgement par des scarifications nombreuses et profondes que l'animal ne sent pas , non plus que le cautère actuel blanchi au feu qu'on applique dans les parties scarifiées; on enduit celles-ci d'une couche d'on- guent vésicatoire animé , et on recouvre et soutient l'engorge- ment avec un suspensoir matelassé d'étoupes. (Vapeurs de baies de genièvre sous le ventre; bouchonnements fréquents; couver- tures; frictions de vinaigre chaud sur les membres; injections de (*4) chlorure de chaux liquide dans la plaie droite ; administration d'une bouteille de vin*de quinquina ; lavements ) Malgré tous ces moyens, aucun mieux ne se manifesta. Les symptômes allèrent en s'aggravant. L'animai tomba à onze heures du matin, après avoir chancelé pendant quelques minutes, se débattit de temps à autre et mourut à onze heures et demie. Autopsie faite immédiatement après Ja mort. Région inguinale. L'infiltration séreuse qui constitue l'engor- gement antérieur a lieu dans le tissu cellulaire qui sépare le muscle sous-cutané abdominal de la tunique jaune de ces parois. Les capillaires sanguins en sont fortement injectés. Les lèvres de la plaie sont indurées ; leur coupe est jaune marbré de brun et de bleuâtre. Le cordon droit est terminé inférieurement par un caillot d'un pouce de long à peu près, dont le bout en contact avec le cordon est ferme et adhérent , et dont le bout flottant dans la plaie est irrégulier, mou, baveux et de mauvaise odeur. La partie supérieure du cordon est infiltrée, mais non gravement altérée ; elle adhère par presque toute sa périphérie à la surface interne de la gaine vaginale. Deux sinus principaux , espèces de cavités irrégulières, se pro- longeant entre les enveloppes extérieures de la plaie droite et au milieu de l'épaississement dont elles sont le siège, renferment environ deux verres de sang noir, de consistance de poix fondue , sans aucun caillot*, exhalant une odeur infecte. "L'abdomen renferme deux ou trois litres de sérosité fortement sanguinolente, sans odeur. Le péritoine'est partout très injecté. Les vaisseaux mésentériques sont gorgés de sang quia transsudé à travers leurs parois et leur forme une espèce d'auréole. Plusieurs larges ecchymoses existent sur les grosses anses intestinales. — Le foie est volumineux , pâle , comme lavé et se déchire facilement. — La rate n'est pas sensiblement altérée. Thorax. Quelques ecchymoses seulement se remarquent à la surface extérieure des poumons et dans leur parenchyme. —Les cavités gauches du cœur sont largement ecchymosées. Les cavités (*5) droites renferment un gros caillot noir peu consistant, mais non diffluent; leur face interne a sa couleur ordinaire. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Cor- neille. ) QUATRIÈME OBSERVATION. Gangrène des enveloppes testiculaires a la suite de la castra- tion.— Mort de V animal. — Caillots de sang putréfié trouvés dans les bourses. Cheval entier propre au service de cabriolet, âgé de treize ans, d'une constitution molle, n'ayant cependant jamais été malade, d'après le dire du propriétaire , M. Bouquet de Paris. Le 18 avril i834, cet animal entre aux hôpitaux de l'école pour y être châtré. Le 19 , il est soumis à un régime convenable pour l'opération qu'il doit subir le lendemain. Le 20, castration; elle est îaite à testicules couverts. Un peu de sang s'éco^e par une des veines scrotales postérieures blessée par lincision du coté droit qu'un mouvement de l'animal a fait prolonger plus en arrière que ne le voulait l'opérateur. Cepen- dant cette légère hémorrhagie s'arrête au bout de quelques mi- nutes. (Diète sévère, promenade, lavements.) Le soir, comme l'animal est inquiet, agité, a le pouls fort et vite, on lui tire six livres de sang. Le 22 , le cheval parait souffrir beaucoup de la région ingui- nale. Attribuant cette douleur au tiraillement du cordon sur le- quel pèsent de tout leur poids les testicules qui sont très volu- mineux; on excise ces organes au dessous de l'épididyme. Il en résulte un soulagement évident. (Continuation du régime, des lavements et de la promenade.) Le 22 , apparition sur diverses parties de la surface cutanée , notamment sur les épaules et la croupe, d'élevures en forme de plaques , de grandeur'variable depuis celle d'une pièce de cinq (a6) francs jusqu'à celle d'une pièce de cinq sous. Ces éleyures sont dures, indolentes et bien circonscrites; les poils qui les recou- vrent sont légèrement hérissés. ( Saignée de six livres , frictions ammoniacées , breuvages émollients acidulés, diète, lavements.) On enlève les casseaux. L'engorgement des bourses est peu con- sidérable. L'animal est moins souffrant. Le a3 , il ne reste plus aucun vestige de l'éruption de la veille. La plaie résultant de la castration va bien; la suppuration com- mence du côté gauche; rien ne l'annonce du côté droit. (Un quart de ration, mêmes soins.) Le 24, les enveloppes testiculaires et le fourreau sont engorgés. La suppuration est séreuse du côté gauche; elle est toujours nulle du côté droit. Quelques gouttelettes sanguinolentes et de mauvaise odeur s'échappent de ce côté. (Suspensoir. Injection d'eau tiède chlorurée. Promenade. ) Le iS _, l'engorgement est énorme aux bourses et au fourreau, surtout du côté droit. Il s'étend de#e côté jusqu'au dessous de la poitrine; la suppuration est tout à fait tarie à gauche. La plaie du côté droit laisse toujours échapper de so^n fond un liquk: sanguinolent brunâtre et infect qui s'écoule goutte à goutte et salit la face interne du membre correspondant. L'animal éprouve une vive douleur quand on presse sur la région inguinale de ce côté. On explore la face abdominale de cette région en introdui- sant le bras par le rectum : il n'y a qu'un peu d'empâtement sous-séreux , mais le cordon n'a pas plus de volume qu'il n'en a ordinairement à la suite de la castration. Pouls petit", dur, accé- léré; respiration vite et saccadée; inappétence, anxiété , marche pénible et embarrassée dans les membres postérieurs; reins in- flexibles. ( Scarifications profondes dans les parties engorgées. ) Il s'en écoule, et on en fait sortir par la pression beaucoup de sérosité mêlée à du sang. (On lotionnera ces parties avec une in- fusion aromatique chlorurée; on injectera du même liquide dans les plaies inguinales. Promenades courtes et fréquentes; lave- (*7) ments; continuation du suspensoir à l'écurie; bouchonnements ; couvertures. ) Le soir, l'engorgement des parties génitales s'est refroidi brus- quement. Il y a chute du pénis qui devient rapidement le siège d'une tuméfaction froide et indolente. L'animal est faible et chan- celant; le pouls presque effacé; les extrémités glacées. (Nouvelles scarifications dans l'engorgement du pénis ; il s'en écoule de la sérosité citrine en abondance. Frictions vigoureuses sur les parties scarifiées avec de l'eau de vie camphrée pure. Administration d'une bouteille de vin de quinquina chaud. Bouchonnements con- tinuels. Couvertures de laine. Fumigations de baies de genièvre.) Une heure après, l'engorgement du pénis a diminué de moitié; un pou de chaleur y est revenu ainsi qu'aux extrémités et à la peau. Le pouls s'est relevé, l'animal est moins vacillant. ( On fera prendre un second breuvage, et on fera de nouvelles frictions pendant la nuit. ) Le 26, même état que la veille au soir après l'administration du quinquina, si ce n'est qu'on a remarqué une augmentation no- table dans la force des baLements du cœur. (Mêmes soins.) Le 27 , le malade peut à peine se tenir debout. Le pouls est insensible ; la périphérie du cor-ps presque froide ; la respiration vite et saccadée; l'œil morne et éteint; les battements du cœur ébranlent le corps à chaque secousse ; les crins s'arrachent à la moindre traction. On veut sortir l'animal de sa stalle; il ne peut marcher seul ; on est obligé de le soutenir avec des barres de bois pour l'empêcher de tomber. Chute à trois heures de l'après- midi. Les tentatives pour le faire relever sont vaines. Depuis ce moment il est dans un état d'agitation presque continuelle et se débat sans cesse. Moj;t à huit heures du soir. Autopsie le lendemain 28 , à huit heures du matin ( douze heures après la mort. ) Région inguinale. L'engorgement sous abdominal a disparu. Celui des parties génitales est produit par une grande quantité de sérosité dont la couleur citrine est troublée par une teinte lé- { 28) gèrement sanguinolente. Des taches rouge-brun, véritables ecchy- moses, sont disséminées çà et là dans les tissus infiltrés, du côté droit où les altérations sont plus étendues et plus prononcées que du côté gauche. Sous le dartos du côté droit , à l'extrémité antérieure de l'incision faite pour diviser les enveloppes lors de l'opération , un décollement existe se prolongeant en avant de trois ou quatre pouces, et logeant dans la cavité qui en résulte un coagulum fibrineux , brun noirâtre, du volume, d'une grosse noix, peu consistant, exhalant une odeur pénétrante de sang putréfié, et nageant dans environ un décilitre de liquide sangui- nolent non moins infect, semblable à celui quon avait vu s'écouler par la' plaie droite lors de l'apparition des premiers symptômes inquiétants. Le cordon gauche est terminé à sa partie inférieure par un renflement creux, communiquant au dehors par une ouverture fistuleuse très étroite, et renfermant du pus gris blanchâtre, séreux, de très mauvaise odeur. Abdomen, Le péritoine est parsemé dans toute son étendue d'ecchymoses nombreuses apparaissant comme des plaques au- réolées le long des vaisseaux mésentériques, et sous forme de ver- getures ou de piquetures. Dans ses autres parties il est unifor- mément rouge , mais sans trace aucune de fausses membranes dans la région inguinale droite. Les ganglions lymphatiques sous-lombaires sont rouges sans avoir augmenté sensiblement de volume. — Larate^plus grosse que dans l'état normal, est inégalement molle, d'un couleur bleuâtre, et laisse couler à la plus légère pression , quand on l'a coupée dans les endroits les plus mous, une bouillie rouge noirâtre que le lavage seul suffit pour lui enlever en laissant à nu sa trame fibreuse. Thorax. "Environ un verre de liquide séro-sanguinolent est contenu dans le péricarde. Le tissu du cœur est ramolli et décoloré. De larges ecchymoses se remarquent sous la sé- reuse du ventricule gauche qui renferme peu de sang. Les ( ^9) cavités droites et les troncs affluents des veines caves sont rem- plis de sang très noir et pris en caillots mous. La face interne de ces cavités et de ces veines est teinte d'une couleur rouge foncé uniforme, partout où elles sont remplies par des caillots de sang, c'est à dire en arrière jusqu'à la division pelvienne , et en avant jusqu'à la naissance des jugulaires. Il est remarquable pourtant que cette coloration est beaucoup plus foncée dans la veine cave postérieure que dans l'antérieure, Les poumons sont sains. ( Ce cheval était surveillé par l'élève Thibaudeau.) CINQUIÈME OBSERVATION. i Gangrené à la région inguinale gauche h la suite de la castra- tion. — Mort de l'animal. — Caillots sanguins putréfiés trouvés autour du cordon testiculaire gauche. Poulain propre au service de diligence , âgé de quatorze mois, d'une bonne constitution, plein de vigueur et de santé. Il appar- tient à M. Verdure de Vincennes , qui l'envoie à l'école pour îe faire châtrer parce qu'il tourmente les juments avec lesquelles il se trouve dans une même écurie. L'opération est faite le i3 mai i83? par M. Maillet chef de service attaché aux hôpitaux d'Alfort. La méthode qu'il emploie est celle dite à testicules couverts. Le poulain avait été préparé à l'opération par une diète blanche. ( Paille et eau légèrement blanchie a\ec de la farine d'orge. ) Quand l'animal est relevé, M. Maillet remarque que la ficelle qui étreint et rapproche les deux branches du casseau en arrière, est un peu desserrée du côté droit. Il en replace une autre qu'il serre davantage. Il y a aussi un léger relâchement dans le lien du côté gauche; mais il ne le croit pas assez grand pour devoir y remédier. (Diète, promenade , lavements, couverture. Saignée de trois livres deux heures après l'opération. ) « Le 14 > rien de remarquable. (Mêmes soins et régime. ) (3o) Le 1 5 au matin , on observe un commencement de suppura- tion, et, comme il arrive ordinairement à la suite de la castra- tion , un léger engorgement des lèvres de la plaie. Le cheval a bon appétit , marche facilement , est aussi gai que son état peut le permettre. (Mêmes soins; on lui donnera quelques poignées de foin dans le courant de la jbnrnée.) . Le soir, à quatre heures , on excise immédiatement au c\^s- sous des casseaux les testicules et la portion de cordon y atte- nant qui doivent être mortifiés. Puis on fait tomber les deux branches de chaque casseau en les écartant, après avoir coupé les liens qui les tenaient rassemblées. Quelques minutes après leur enlèvement ,, on voit du sang s'échapper par le bout inférieur du cordon gai/êhe (1) , goutte à goutte d'abord, puis en filet léger. Cependant cette hémorrhagie s'arrête seule; c'est à peine si elle a fourni trois ou quatre onces de sang. ( On surveillera l'animal pendant la nuit.) Le 1 6, il y a un peu d'engorgement et de douleur aux enve- loppes. La suppuration continue du côté droit; elle y est presque de bonne nature; elle n'a point encore commencé du côté gauche. Les reins sont peu flexibles. L'animal n'a rien perdu de son ap- pétit. Sa marche est libre. Il hennit plusieurs fois à la promenade. ( Mêmes soins. Diète sévère. Embrocations de pommade de peu- plier sur les enveloppes engorgées. Lavements.) Le 17 , peu de changement. Il y a un peu plus d'engorgement à la partie inférieure des enveloppes du côté gauche. Les mouve- mens du membre postérieur de ce côté sont plus raides pendant la marche. Les reins sont inflexibles. (Mêmes soini ; on fait quel- ques mouchetures dans l'engorgement.) (1) Il ne faut pas oublier que ce cordon avait été moins comprimé que l'autre j qu'il ne l'avait pas été autant qu'il aurait dû l'être, M. Maillet ayant négligé de mettre vn second lien pour en rappro- cher sufftsamraent les branches, lorsqu'il s'aperçut, aussitôtaprès l'opé- ration, qu'elles s'étaient un peu écartées. ( 3, ) Le 18 au matin, l'engorgement a fait des progrès effrayants. Il occupe toute la région inguinale gauche, au poinb-de forcer l'écartement du membre correspondant pendant la station : il s'étend en avant du même côté jusqu'à l'ombilic. La plaie est mouillée par un liquide sanguinolent de très mauvaise odeur. La tuméfaction est nulle dans l'aine droite; mais la suppuration, louable la veille, est plus claire dans la plaie de ce côté. L'animal est triste et abattu ; il ne se remue que lorsqu'on le pousse ou le frappe. Le pouls , qui avait peu varié après l'opération , est petit et accéléré. La conjonctive est très rouge et injectée. On com- mence à sentir distinctement les battements du cœur. Les crins sont déjà très faciles à arracher. Il faut noter ici , pour constater la rapidité avec laquelle la ma- ladie a marché , que la veille, à dix heures du soir, l'élève Harlë, chargé delà surveillance de ce cheval, avait trouvé le pouls dans son état à peu près normal, n'avait pas senti de liquide particu- lièrement odorant dans la plaie du côté gauche, et avait dû faiçe d'assez grands efforts pour arrarfier une mèche des crins de l'en- colure. Chargé de la visite ce jour- là, M. Maillet se borne à débrider largement les enveloppes du côté gauche, en prolongeant en avant et en arrière F'incision faite lors de la castration. T^out aussitôt un caillot de sang assez consistant, noir, fétide, et dans un état très avancé de putréfaction s'échappe de la plaie. Sans s'assurer s'il en exi ste d'autres , M. Maillet scarifie profondément l'œdème inguinal -et celui du fourrearu, lotionne avec du chlo- rure de chaux li< rmide , en fait faire des injections dans la plaie droite, enfonce • àes cautères rougis au feu dans les points sca- * rifiés, et recouv re les eschares d'onguent vésicatoire pour fixer l'engorgement et; y provoquer une suppuration franche. (L'animal sera promené p plusieurs fois dans la journée, huit ou dix minutes chaque fois; o n le couvrira bien et bouchonnera souvent. Pour ration , un q> jart d'avoine cuite légèrement salée , donnée en quatre ou en? ig fois , un peu de paille. On administrera de temps (32) à autre quelques palettes d'un électuaire composé de miel, extrait de gentiane, poudre de quinquina et chlorure de chaux.) A onze heures du matin, il y a un mieux apparent; le cheval a mangé un peu d'avoine; il est moins affaissé, moins faible; il s'est couché deux fois et s'est relevé assez facilement. Le pouls a pris un peu del argeur ; mais les battements du cœur sont devenus plus forts, et les crins ne sont pas plus résistants. Il y a eu une légère moiteur générale de la peau à dix heures et demie ; elle a duré environ un quart d'heure. A quatre heures, l'amélioration qui s'était soutenue jusque-là, s'arrête. A dater de ce moment, dès symptômes alarmants se dé- clarent et se succèdent dans l'ordre suivant : Le malade, à peu près tranquille auparavant, commence à s'agiter avec inquiétude; il piétine , frappe le sol avec ses pieds antérieurs , saisit convul- sivement la litière avec ses dents, la mâche quelques secondes ajrec fureur et la laisse retomber; il a l'oeil fixe, hagard; l'ex- pression de sa physionomie est^lle d'une douleur vive et pro- fonde; une sueur générale et abondante se déclare et cesse au bout de quelques minutes; la respiration est courte, saccadée et laborieuse; le pouls est filiforme, presque imperceptible y les battements du cœur ont encore augmenté de violence. L'animal a peine à se soutenir debout , il chancelle à chaque instant comme s'il allait tomber. Insensibilité générale; froiid des extrémités et des parties génitales , dont l'engorgement a diminué de moitié; sécheresse et fétidité des plaies ; pâleur des muqueuses appa- rentes. Cet état de choses va en s'aggravant jusqu'à onze heures du soir. Alors, la faiblesse paraît augmenter, l'animal chancelle et trébuche comme un homme ivre; il cherch*e à se retenir en prenant un point d'appui sur la mangeoire avec sa tète, regarde souvent son flanc gauche. Au bout de quelques minutes, il tombe comme une masse sur le côté gauche, se débat un peu comme s'il avait des coliques , et essaie plusieurs fois de se relever sans pouvoir y parvenir. Mort à onze heures et demie. (33) Autopsie le 19 à huit heures du matin (neuf heures après la mort). Région inguinale. L'engorgement des parties génitales qui existe principalement du côté gauche est produit par une infil- tration séreuse jaune, marbrée de gris pâle, sanguinolente par places. La plaie de ce côté, incisée en long jusqu'à l'anneau inguinal, met à découvert le cordon dans toute sa longueur , et laisse voir entre la face interne du bout inférieur de ce cordon et le raphé, sous les enveloppes, une poche de forme irrégu- lière, de trois ou quatre pouces de profondeur, communiquant largement avec la plaie , et contenant une masse de sang pu- tréfié, de consistance de gelée claire, noire avec un reflet bleuâtre, d'une odeur insupportable. Les tissus qui entourent cette poche sont grisâtres, ramollis, ecchymoses et se déchirent avec facilité. Le muscle crémastère est comme cuit. Le cordon est sphacelé jusqu'au delà de la région inguinale : le tissu cellulaire qui l'entoure dans l'abdomen est le siège d'une infiltration considérable jusque dans la région sous- lombaire. Les muscles de la face interne de la cuisse sont flasques et décolorés , surtout dans leur partie voisine de l'aine. Abdomen. Toute la face interne de la cavité abdominale a une teinte générale rouge livide d'autant plus prononcée qu'on l'examine plus près de la région inguinale. Des ecchymoses nom- breuses , variant à l'infini de forme et de largeur, des vergetures, des piquetures se remarquent dans tous les points de son étendue; on en voit beaucoup à la surface de l'intestin. Les veines mésentériques sont gorgées de sang qui a transsudé à travers leurs membranes, et leur forme une auréole rouge livide jusqu'à deux ou trois lignes de leurs parois. La rate est volumineuse , molle , rouge bleuâtre , marbrée à sa surface; la matière qu'elle contient dans ses mailles est noire et diffluente comme du raisiné. Le foie décoloré se déchire facilement. 3 (34) Rien de notable qu'un peu de rougeur dans toute l'étendue de la muqueuse gastro-intestinale. Thorax. Le poumon , très sain d'ailleurs , est parsemé à la surface de ses deux lobes d'une multitude d'ecchymoses sous pleurales très rapprochées les unes des autres. Une auréole de sang accompagne dans presque toute leur étendue les vaisseaux qui pénètrent cet organe. La substance du cœur est pâle et sans élasticité. Les vaisseaux des scissures cardiaques et coronaires sont accompagnés d'une auréole rouge livide , tachetée de nombreuses piquetures comme les vaisseaux mésentériques. Le ventricule gauche renferme un peu de sang noir et peu consistant. De larges ecchymoses existent en grand nombre sous sa membrane interne. Le sang qui distend le ventricule droit est noir foncé, mi-liquide, mi-caillé en masses presque diffluentes. Les parois de cette cavité sont uniformément teintes en rouge brun. Cette coloration s'étend jusque dans toute la portion tho- racique de la veine-cave postérieure. Elle existe aussi, mais beau- coup moins sensible , dans la veine-cave antérieure. La même teinte se retrouve moins uniforme dans la portion abdominale de la veine cave postérieure ; elle manque complètement dans la veine porte. Une circonstance digne de remarque et que j'indi- quai aux élèves , c'est que dans tout Parbre veineux postérieur le sang est resté liquide , tandis qu'il est pris en caillots plus ou moins consistants dans les branches affluentes de la veine cave antérieure. De même que dans les sujets de plusieurs observa- tions ci-jointes, on peut facilement distinguer une très légère odeur de gangrène dans le sang de la veine cave postérieure , tandis que le sang puisé dans la veine cave antérieure à l'odeur du sang dans l'état normal. ( Ce cheval était surveillé par l'élève Barlé. ) (35) SIXIÈME OBSERVATION (l). Gangrène des enveloppes testieulaires et du cord >n. — Mort de ranimai. — Caillots putréfiés trouvés, à t ouverture 9 dans l'épaisseur des en veloppes. Cheval entier , propre au service de la poste , âgé de neuf ans, atteint depuis quatre mois de la morve chronique, en état moyen (i) Ayant entrepris dès l'année a83i de réunir tous les matériaux d'un traité de chirurgie vétérinaire, m'étant convaincu dans mes recherches bibliographiques de la diversité des opinions émises par les auteurs sur la valeur des différentes opérations mises eu usage ou conseillées sur les animaux domestiques , et ne voulant rien écrire qui ne reposât sur des faits certains et que j'aie pu juger par moi-même, je commençai uue série d'expériences chirurgicales qu-; je continue encore aujourd'hui, et qui ont eu pour témoins to. s les professeurs et élèves de l'école d'Alfort. Ces expériences consistent h pratiquer un plus ou moins grand nombre de fois, suivait son im- portance , chacune des opérations en usage dans notre chirurgie ordinaire ou conseillées sans avoir reçu le contrôle de l'expérience j à en varier les méthodes et les procédés pour reconnaître les plus fa- ciles et les plus surs; à constater les accidents dont elles peuvent être suivies , et à chercher les moyens de les éviter ou d'y porter remède. La castration, opération si fréquemment pratiquée sur le cheval, est une ele celles qui a le plus fixé mon attention. JV étudié com- parativement, en les pratiquant, les diverses méthodes et procédés d'après lesquels on l'exécute , et , entre autres , ia méthode par excision simple du cordon que j'ai expérimentée sur trenie-six chevaux presque tous morveux. De ces trente-six, vingt-cinq on< parfaitement guéri après un temps qui a varié de douze à tivnte jour*; àix ont suc- combé au farcin aigu auquel a donné lieu la suppuration; cinq sont morts de la gangrène locale résultant de la putréfaction de. caillot de sang dans l'épaisseur des enveloppes testieulaires. C'est parmi ces cinq observations que j'ai choisi, pour les rapporter, celle-ci i t la suivante. J'ai cru superflu de faire l'histoire des trois autres qui sont eu tout semblables à la première que je vais consigner. (36) d'embonpoint , mais mou et sans vigueur; abandonné aux hôpi- taux de l'école par M. Labbé son propriétaire. Expérience, Le 12 octobre i836, le cheval est abattu et en- travé comme pour la castration par les casseaux. D'un seul coup de bistouri j'incise dans toute la longueur du testicule , le scro- tum , le dartos et la tunique fibro-séreuse, de manière à pénétrer largement dans la gaine vaginale. Le testicule sort aussitôt; je le saisis de la main gauche , je remonte les enveloppes de l'autre main et je coupe le cordon en travers au-dessus de l'épididyme. J'opère de la même manière sur chaque testicule. Cinq minutes après l'animal est relevé; on le promène quelques instans et on le rentre à l'écurie. Le sang , qui d'abord ne tombe que goutte à goutte , s'écoule bientôt par un filet continu , et s'arrête une heure et demie après l'opération. J'évalue à huit à dix livres au plus la quantité que l'animal en a perdue. Il n'en paraît aucunement affecté et mange avec appétit la ration entière qui lui est continuée. Les enve- loppes qui entourent le cordon dans sa partie conservée, sont tuméfiées ou plutôt distendues par les caillots qui se sont formés et arrêtent l'hémorrhagie. On ne fait rien; on se bornera à noter ce qui pourra survenir. Le i3, l'animal continue à bien boire et bien manger. Il ne s'écoule pas de sang par les plaies. On remarque que l'engorge- ment, qui du reste n'a pas augmenté, existe principalement du côté gauche et est presque nul du côté droit. Le 1 5 , le fourreau est œdématié , l'engorgement un peu aug- menté , les parties opérées un peu douloureuses. Aucun écoule- ment par les plaies; continuation de l'appétit. Le 16, l'engorgement est considérable aux enveloppes et au fourreau. Il s'écoule un peu de pus clair par l'incision droite, l'incision gauche ne donne issue qu'à un liquide fortement san- guinolent et de mauvaise odeur. Le membre postérieur gauche est gêné pendant la marche qui parait pénible. Les reins sont (37) raides , le pouls petit et accéléré. Il y a des moments de tristesse ; l'appétit est moindre. (Soins de propreté.) Le 17 , l'engorgement est énorme; l'œdème s'étend en avant sous le ventre, et en arrière jusqu'en bas du périné. Les plaies sentent très mauvais; la droite a cessé de suppurer. Anxiété con- tinuelle; anorexie; affaiblissement du pouls. On commence à sentir les battements du cœur; les crins tiennent encore assez bien. Le 18, la tuméfaction a fait de tels progrès que l'animal peut à peine porter en avant les membres postérieurs qu'il tient très écartés. L'œdème a gagné le dessous de la poitrine. L'odeur exhalée par les plaies est infecte, surtout par la plaie gauche d'où, s'échappe une sanie sanguinolente quand l'animal fait quel- ques pas. La faiblesse est extrême, le pouls insensible, les extré- mités presque froides, les muqueuses pâles, les battements du cœur tumultueux. Les crins, la veille encore résistants, tombent par mèches à la moindre traction. Mort à huit heures du soir. Autopsie le 19 à midi (seize heures après la mort). Le ventre est balloné. L'engorgement sous-abdominal ne ren- ferme que de la sérosité claire; quelques vergetures se remarquent dans le tissu cellulaire en avant du foarreau. Région inguinale. Entre le bout inférieur du cordon gauche et la partie inférieure des enveloppes, un peu en avant, une poche s'est formée dans le tissu cellulaire très lâche de ces régions, et renferme un caillot noir presque diffluenty d'une odeur putride pénétrante et dans un état très avancé de décomposition. Un peu de sérosité roussâtre ou plutôt, de sang très liquide infiltre les tissus environnants. Le bout inférieur du cordon se termine pa un caillot de près de deux pouces de long qui lui est adhérent et semble le continuer. Ce caillot , ferme à sa base , est tres mou et fdamenteux a son extrémité libre qui a subi, un commence- ment de décomposition putride, moins avancée pourtant q;;e ce'lfe du caillot des enveloppés. Le muscle crémas'.ère est niellasse, cie- coloré et maculé de rouge terne dans sa partie sous inguinale. Abdomen. Beaucoup de liquide sanguinolent est épanche dans ( 38) cette cavité. Un grand nombre d'ecchymoses se remarque sous le péritoine et entre les lames du mésentère dont la plupart des -vaisseaux sont auréolés. La rate est peu altérée. Cavité thcracique. Nombreuses ecchymoses dans les deux pou- mons, moins sensibles cependant dans le poumon droit à cause de l'hyperéiaie cadavérique dont il est le siège , l'animal étant mort et le c idavre étant resté seize heures couché sur ce côté. Le sang que renferment les cavités du cœur est très noir et siru- peux ainsi que dans toute la veine cave postérieure ; il est demi- coagulé dans les jugulaires et le tronc de la veine cave antérieure. Cependant l'odeur de la gangrène ne s'y fait pas sentir. L'inté- rieur des ventricules > du droit surtout , aussi bien que celui des veines est rou^e cramoisi. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Berthe.) SEPTIÈME OBSERVATION. GaKGRêîte des enveloppes testicw f air es à la suite de la castra- tion par excision simple. — Pneumonie gangreneuse consé- cutive, — Mort de t animal. — Caillots Putréfiés extraits des enveloppes peu de temps avant la mort. Cheval entier , propre au trait, âgé de 4 ans , faiblement con- stitué , abandonné aux hôpitaux de l'Ecole pour cause de morve. II tousse depuis deux mois. Expérience, Le i5 octobre 1837, je pratique la castration par excision simple, de la même manière que sur le sujet de la pré- cédente observation. L'opération est promptement faite et ne présente rier de particulier. L'hémorrhagie, nulle d'abord, ne se déclare qi«e cinq heures après , et dure 10 heures. Le sang tombe tantôt goutte à goutte, tantôt par un filet très fin; il n'y * que de courtes interruptions. J'évaluai à 20 livres la quantité de sang qui fut perdue. Pendant cette journée, l'animal mangea la ration entière avec assez d'appétit. (39) Le ifl, il paraît faible; il y a une légère pâleur des muqueu- ses , de la lenteur et de la mollesse dans le pouls. Les enveloppes sont un peu tuméfiées au dessus et en avant des incisions ( admi- nistration d'une bouteille de vin de quinquina. Ration entière). Le 17, l'animal est gai, il a mangé sa ration avec appétit. Les muqueuses sont rosées , le pouls plus fort. On supprime le vin de quinquina (soins de propreté). Dans la nuit , une légère hé- morrhagie a lieu, et s'arrête spontanément. Il n'y a perte que de très peu de sang. Le 18, l'engorgement des enveloppes a augmenté. Un liquide séro-sanguinolent s'écoule goutte à goutte par les plaies : il sent un peu mauvais. (On détache avec précaution la partie la plus extérieure des caillots qui se sont formés dans la plaie . sans oser enlever le tout dans la crainte de renouveler l'hémorrhagie. In- jection de chlorure de chaux liquide; scarifications dans l'en- gorgement; ration entière.) L'animal mange très bien. Le 19, les scarifications ont produit un peu de dégorgement. Je reconnais , en explorant l'intérieur de la plaie avec le doigt qu'il existe en avant de l'angle antérieur de l'incision droite, une poche sous-cutanée dans laquelle s'amasse et s'altère le li- quide exprimé des caillots qui entourent le cordon. Je débride en avant jusqu'au delà de cette poche , et j'enlève encore un peu des caillots qui commencent à se décomposer. Une légère trans- sudation sanguine qui s'opère au travers de ce qui en reste et mouille la plaie, me faisant craindre une hémorrhagie', m'empê- che d'en enlever une plus grande quantité (Injections chlorurées; ration entière). Le 30, des symptômes de pneumonie se déclarent. Fondé par de précédentes observations à craindre la funeste influence sur cette maladie du séjour de caillots altérés dans une plaie, je prolonge en arrière et en avant les incisions du scrotum, et j'ex- trais tout ce qu'il m'est possible de saisir des caillots sanguins qui les remplissent presque entièrement, au risque de déterminer une nouvelle hémorrhagie, Mais il ne s écoule que très peu de (4o) sang veineux qui s'irréte quelques instants après. Les caillots extraits sont beancoup plus altérés que ne me portait à le penser le peu d'engorgement des parties et l'état général de l'animal jusqu'à ce moment. Ils sont tout à fait décomposés et d'une odeur très forte de putréfaction. Il n'existe aucune trace de sup- purtion aux plaies qui ont toutes deux un mauvais aspect. (On répétera souvent les injections chlorurées. — Saignée de 4 livres. — Electuaii e avec le quinquina. ) Le ai , les symptômes sont aggravés : c'est le poumon droit qui est malade. Le cœur bat fortement; le pouls est à peine sen- sible; les crins ne tiennent presque pas. Il y a anorexie complète, faiblesse très grande; l'air expiré a une odeur fade bien sensible. U continue de s'écouler par les plaies un liquide rougeâtre, sa- nieux, infect. Le cheval étant consacré aux expériences , et ne compromet- tant les intérêts de personne par cette témérité, je fais abattre le cheval malgré l'existence d'une pneumonie aussi grave et la difficulté de respiration dont elle s'accompagne. Je veux recher- cher en examinant les plaies plus complètement que je ne peux le faire quand l'animal est debout, s'il ne resterait rien dans leur fond qui entretint les phénomènes gangreneux dont l'enlève- ment des caiilots aurait dû arrêter les progrès. A cet effet, j'agrandis les incisions avec l'instrument tranchant, et je recon- nais que les parois des deux plaies sont tapissées par une couche de fibrine gris-sale, légèrement adhérente, sans aucune trace d'organisation, et que j'avais prise, quand j'explorais avec le doigt l'intérieur des plaies, pour des bourgeons charnus pro- duits à leur face interne. Ce que j'avais cru être le bout du cor- don lui-même, est aussi un caillot fibrineux altéré continu formé à son extrémité dont il a la forme, ayant une certaine consistance et long d'environ deux pouces. Bien que je re- garde le cheval comme perdu, je détache avec assez de faci- lité la couche de fibrine qui revêt la face interne des plaies, et j'excise au raz du bout du cordon le caillot infect qui pend à son (4i ) extrémité. On fait relever l'animal à grande peine. Il est en nage; sa respiration est dans un état d'agitation inexprimable : chaque battement du cœur imprime une secousse à tout le corps. Il peut à peine se tenir sur ses jambes et on est obligé de le soutenir pour le conduire à l'écurie. La surface du corps et les extrémités sont froides. On le bouchonne et le couvre bien; et après qu'il est un peu calmé, on lui administre avec précaution un litre de vin de quinquina, additionné de six gros de camphre. (Les plaies sont détergées avec du chlorure de chaux liquide, et pansées avec la même substance pulvérisée; quelques pointes de feu sont disséminées dans l'engorgement de» enveloppes. Je fais appli- quer un large vésicatoire sous la poitrine.) La journée et la nuit sont très agitées. Le 11 au matin, faiblesse extrême; l'animal ne peut se relever seul. L'odeur de l'air expiré est cadavéreuse. H y a jetage par les deux naseaux d'une matière épaisse et brunâtre ayant la même odeur. Battement de flancs. Pouls inexplorable; muqueuses pâles; extrémités glacées. On entend à plusieurs pas de distance les percussions du cœur contre les parois de la poitrine. Les crins ne tiennent plus. Le râle caverneux avec gargouillement a rem- placé au centre du poumon droit le bruit de frottement de la veille. Le râle crépitant humide existe dans presque toutes les parties de ce poumon restées saines jusque-là. Il n'y a pas d'écoulement par les plaies du scrotum qui sont sèches et livides. L'engorgement environnant a presque entièrement dis- paru pendant la nuit : le vésicatoire n'a produit aucun effet. A 10 heures l'animal se couche, ou plutôt se laisse tomber sur le côté droit ^ essaie inutilement de se relever et meurt presque aussitôt. Autopsie à ii heures (i heure après la mort). Cavité abdominale. La rate est épaissie, molle, contenant une matière analogue à du raisiné un peu liquide. — Le foie est volumineux et laisse écouler des incisions qui le pénètrent du sang noir et comme poisseux. Tels sont aussi les caractères du sang contenu en grande quantité dans la veine cave postérieure; tandis que dans les veines mésentériques il y a çà et là quelques caillots bien formés. Plusieurs des ganglions sous-lombaires sont engorgés et ressemblent par leur couleur et leur consistance à des caillots sanguins. Cavité tlioracique. Les poumons ne s'affaissent pas à l'ouver- ture de la poitrine. La surface du lobe droit est dure, inégale, bosselée par places, marquée de teintes grises aux endroits des bosselures, et rouge, violacée ou bleuâtre dans les points dé- primés. Une coupe transversale à l'axe de ce lobe, pratiquée de haut en bas dans son milieu et intéressant toute son épaisseur , donne écoulement à un liquide brunâtre, trouble et d'une odeur infecte. On distingue sur les deux plans de cette coupe, dont l'aspect est celui d'une tranche de fromage de cochon, les diffé- rents degrés d'altération dont la surface pulmonaire est le siège. En haut et près de la supeficie on voit quelques portions de tissu sain ecchymose çà et là. En se rapprochant du centre, on trouve de l'engouement inflammatoire; puis des points hépatisés avec des noyaux albumino-fibrineux à leur centre , encadrés dans des bandes linéaires de tissu cellulaire infiltré ; plus profondément encore, un commencement de ramollissement des noyaux albu- mino-fibrineux, avec une teinte rouge plus foncée des tissus al- térés qui les entourent* enfin des cavités creusées dans la sub- stance pulmonaire, véritables cavernes traversées par des dé- bris de vaisseaux et de bronches et contenant un détritus gangre- neux d'une odeur repoussante. La principale de ces cavernes a près de 2 pouces de diamètre et se trouve dans le milieu même du poumon très près de sa surface; ce qui a permis de la recon- naître du viyant de l'animal. Le poumon gaucBe a son bord inférieur à l'état d'hépatîsatïon rouge; dans les autres points, il contient disséminées dans sa sub- stance de nombreuses ecchymoses ayant chacune pour centre un noyau blanchâtre; plusieurs de ces noyaux ont une consistance qui doit faire admettre leur ancienneté. (43) Région inguinale. Les plaies des enveloppes testiculaires ne renferment plus qne quelques débris de caillots putréfiés; elles ont, ainsi que la partie sous-abdominale du cordon, tous les caractères de la gangrène. ( Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Mor- let.) HUITIÈME OBSERVATION. Gangrène suite d'un trombus à la jugulaire. — Pneumonie gangreneuse consécutive. — Mort de ï 'animal. — Caillots putréfiés trouvés autour de la jugulaire. Cheval hongre, propre au service de cabriolet, âgé de 9 ans, de constitution molle; appartenant à M. Rousseau, négociant à Renseignements. Le la janvier 1837, ce cheval tomba dans les brancards en faisant une course dans Paris. Il n'en parut pas immédiatement affecté; mais le 17 il devint triste et refusa de manger. Le propriétaire l'envoya aussitôt chez M. Collas, vété- rinaire à Paris, qui jugea à propos de lui rer du sang et ouvrit à cet effet la jugulaire gauche. Dix minutes après, sa rentrée à l'écurie, l'animal se frotta la saignée contre ïa mangeoire, ce qui donnajieu à un épanchement de sang dans le tissu cellu- laire qui sépare la peau de la veine : l'épanchement s'arrêta lorsque le trombus eut le volume du poing. Pour ce fait, le che- val fut reconduit, le lendemain 18, chez M. Collas qui pra- tiqua une incision de haut en bas dans tonte l'étendue de la tu- meur, en retira les caillots sanguins, puis remplit d'étoupes la plaie qui saignait beaucoup après cette extraction , plaça de la paille en dehors des étoupes, ramena la peau par dessus cet ap- pareil, et en maintint les bords le plus rapprochés possible par une suture des pelletiers. Le tout fut recouvert par une couche de plâtre délayé dans l'eau. Ce pansement resta jusqu'au a5, jour (44) où le propriétaire retira son cheval de chez M. Collas pour ren- voyer aux hôpitaux de l'École d'Alfort. Etat de l'animal à son entrée aux hôpitaux : Je remarque d'abord que les poils de la portion de peau qui est située au dessous de l'appareil de pansement, sont salis par une matière sanieuse, rouge, grumeleuse et de très mauvaise odeur. Le propriétaire me déclare qu'il a déjà remarqué lui- même cet écoulement il y a trois jours, en allant voir son cheval chez M. Collas ; mais qu'alors il ne s'en est pas inquiété parce qu'il ne sentait presque rien : que ce n'est qu'hier qa'il a reconnu la mauvaise odeur. Je fais ensuite enlever tout l'appareil qui couvre la partie malade. La plaie résultant de l'incision faite par M. Col- las a environ quatre pouces de longueur sur deux de large. Elle a un mauvais aspect. Sa teinte est rouge brun tacheté de blanc grisâtre. Son odeur est très fétide. Le sang qui la recouvre est en caillots rouges et blancs. Ces derniers sont essentiellement fibrineux , de consistance de fromage , et dans un état avance de putréfaction. Sous un décollement de la peau formant poche à l'angle inférieur de l'incision se trouve un mélange de sanie purulo-sanguinolente , à odeur putride , tenant en suspension des parcelles fibrineuses grisâtres , et pouvant s'échapper au dehors par le fond de la poche où existe une petite ouverture qui parait résulter d'une ulcération gangreneuse de la peau : en effet, les bords de cette ouverture que cachait la (partie infé- rieure de l'appareil, sont bleuâtres et dénudés de poils. Les lèvres delà grande incision sont renversées, tuméfiées, violacées par places, et gangrenées dans presque tous les points où étaient passés les fils de la suture. Le chenal est triste et abattu, tient la tête basse, a la marche molle et nonchalante. L'air expiré est chaud , la respiration très accélérée et plaintive, les muqueuses apparentes rouges, le pouls plein, vite et fort, l'artère tendue. L'auscultation fait reconnaître du râle crépitant humide dans une grande partie du poumon gauche, et dans quelques parties du poumon droit. Il y a ab» (45) sence du murmure respiratoire en arrière de ^épaule gauche. Toux grasse et forte. Diagnostic, Pneumonie double. Pronostic grave. Ce pronostic est fondé sur l'état actuel de Vanimal, d'abord; et sur la déclaration du propriétaire qui, à la question de savoir si son cheval avait déjà été malade antérieu- rement, répondit qu'à deux époques différentes il avait été traité pour des malades de poitrine. — (Saignée de 6 livres; électuaire adoucissant, fumigations légères de vapeur d'eau; couvertures; diète. Pour la plaie , on la nettoie des caillots altérés qui la re- couvrent, et on panse avec des plumasseaux imprégnés de chlo- rure de chaux liquide, qu'on maintient avec une suture à bour- donnets. ) Le 26, la toux est plus fréquente, mais elle est moins forte. Il y a une teinte safranée dans la rougeur des muqueuses appa- rentes. Jetage par les naseaux d'un mucus jaunâtre sale. La plaie du trombus a le même aspect. (Même traitement; nouvelle sai-r gnée de 6 livres. ) Le 27, à la visite, il n'y a pas de changement. Le soir il y a exacerbation. Le pouls devient petit, très accéléré, l'air expiré beaucoup plus chaud, la toux fréquente et quinteuse. L'animal piétine des membres postérieurs. Cet état dure toute la nuit. Visite du 28. Aux symptômes de la veille s'ajoutent les sui- vants : la face est grippée , les naseaux sont très ouverts et re- tractés en haut. Dilatation de la pupille; couleur jaune et infil- tration des muqueuses plus prononcées; pouls petit et mou; sueurs aux flancs, en arrière des épaules et à la base des oreilles; tremblements fréquents dans la station; marche chancelante. On a observé que l'animal est resté long temps couché, se tenant indifféremment sur l'un ou l'autre côté de la poitrine. L'auscul- tation accuse l'absence du bruit respiratoire dans la moitié de la portion auscuUable du poumon gauche; la percussion indique une matité complète dans les points correspondants. On entend du râle muqueux dans les parties du poumon qui respirent. Les (46) mêmes phénooifcnes s'observent dans le poumon droit, mais la matité n'existe pas daiis une aussi grande étendue que du côté gauche. ( Continuation de l'électuaire adoucissant et des fumi- gations. De plus, on place deux sétons sous la poitrine. Saignée de 6 livres : le sang tiré de la veine et recueilli dans une éprou- vette , se coagule en 1 o minutes. Six heures après il y a deux tiers de caillot noir.) A 5 heures du soir, la respiration est extrême- ment accélérée. Les battements du cœur sont très forts ; les mu- queuses apparentes jaune rougeâtre; la pupille dilatée, l'oeil bril- lant, le regard fixe, le front chaud. Le pouls est serré. (Sina- pisuies aux fe ses. Une éponge mouillée d'eau froide sera placée et maintenue sqr le . unmet de la tête. On donnera d'heure en heure une once de crème de tartre dans du miel. ) Le 29 même état. De plus, envies de mordre, refus absolu d'aliments solides, soif ardente. Rien de nouveau à l'exploration delà poitrine. Défécations molles. ( Frictions irritantes sur les membres. On anime le sétons qui ti'ont encore produit aucun effet. Mêmes prescriptions médicamenteuses. On bouchonnera souvent et on enveloppera tout le corps de couvertures. Saignée de 3 livres. Le sang est complètement coagulé au bout de 12 minutes ; il y a les trois quarts de caillot noir. ) — La plaie du trombus est hideuse. Sa teinte est noir livide; toute l'étendue des bords de l'incision tombe successivement en gangrène; un li- quide putrilagineux infect mouille les plumasseaux qui ont servi au pansement. La peau se décolle à son pourtour; un œdème considérable tuméfie les parties environnantes. La veine forme au dessus de la plaie un cordon saillant , dur et très douloureux qu'on sent dans la branche faciale jusqu'à la base de l'oreille. (On déterge avec du chlorure de chaux liquide et on panse avec des plumasseaux imbibés de teinture de quinquina. ) La soirée et la nuit sont très agitées. Le 3o, même état à peu près que la veille : mieux dans la journée; exacerbation le soir. Il y eut des sueurs; et, chaque fois, elles furent précédées de tremblement et d'un état d'agita- (4?) tion inquiète, pendant lequel l'animal grattait alternativement le sol avec l'un et l'autre membre antérieur, ou piétinait des membres postérieurs. (Suppression de la crème de tartre ; lave- ments de décoction de têtes de pavot pour arrêter la diarrhée qui s'est déclarée la nuit précédente. ) Le 3i , l'air expiré a une odeur fade très sensible. L'odeur est la même dans la matière roussâtre qui s'écoule par le nez. Le pouls est faible; il est toujours accéléré et petit. Les battements du cœur ont une énergie remarquable ; les crins commencent à s'arracher facilement; les naseaux sont très dilatés; l'inspiration est grande; il y a battement de flancs; sueurs fréquentes. La tête est basse quand l'animal est debout; mais il est presque toujours couché. Dans les deux poumons l'auscultation et la percussion donnent tous les caractères d'une hépatisation de la partie moyenne des deux lobes avec inflammation au début à la péri- phérie des points hépatisés. On entend de plus un râle muqueux à grosses bulles. La respiration est grave dans les autres points du poumon. La diarrhée a cessé. La gangrène fait toujours des progrès à la plaie du trombus. La tuméfaction s'étend jusqu'à la joue gauche. La matière qui s'écoule des sétons ressemble à de la lie de vin claire. Diagnostic. Gangrène commençante du poumon. Pronostic fâcheux. ( On ajoute du camphre et du chlorure de chaux à l'électuair*. On supprime les sétons et les fumigations de vapeur d'eau. ) Le Ier février, les symptômes s'aggravent. Le battement de flancs est augmenté. L'inspiration de plus en plus difficile. Le jetage est rougeâtre, grumeleux, et infect. L'air expiré a l'odeur bien caractérisée de la gangrène. L'auscultation indique une ca- verne dans le poumon gauche en arrière de l'épaule , à la hau- teur à peu près de la moitié de la poitrine. On tire du sang de la jugulaire pour l'examiner: Il est •%% minutes à se coaguler; il n'y (48) a plus qu'un tiers de caillot noir. Le pouls s'efface de plus en plus. Pronostic. Mort prochaine. Le 2 , l'animal est resté constamment couché la nuit précé- dente, appuyé sur le sternum, les membres antérieurs portés en avant, la tête étendue sur l'encolure, le menton posant sur la li- tière. Il n'y a plus de pouls. L'air expiré est froid et d'une féti- dité insupportable. L'écoulement du liquide sanguinolent par le nez est continuel. Toux très faible, quinteuse et suffocante. Bat- tements du cœur considérables. Mort sur le côté droit dans la nuit du 2 au 3, à deux heures du matin. Autopsie à trois heures de l'après midi ( treize heures après la mort ). La cavité abdominale ne présente rien de particulier. Cavité thoracique. Un peu de liquide séro-sanguinolent est épanché dans les deux sacs pleuraux. Les deux poumons pré- sentent dans plusieurs points de leur surface une teinte vert sombre qui varie d'intensité. Ils tiennent tons deux à la face an- térieure du diaphragme par des adhérences dont les unes ré- centes peuvent être facilement détruites, les autres anciennes sont très résistantes. La plus étendue de ces dernières a lieu vers la partie moyenne du plan postérieur du poumon gauche , et a une étendue de quatre pouces environ. Poumon gauche. Une incision pratiquée sur le milieu de sa surface costale, précisément au point ou avait été entendu pendant la vie le bruit de frottement avec gargouillement, pénètre dans une vaste caverne ayant près de cinq pouces de diamètre longi- tudinal, et renfermant un liquide boueux formé d'un mélange de matières noirâtres, grises et sanguinolentes, exhalant une odeur repoussante de gangrène. Du côté de la surface costale , cette caverne est séparée du sac pleural correspondant, i° par une couche de tissu pulmonaire enflammé ayant à peine quatre lignes d'épaisseur , 2° par le tissu cellulaire sous pleural infiltré , 3° par la plèvre qui n'est pas sensiblement altérée . Elle est donc (49) presque superficielle. Sa face interne, rugueuse et mamelonnée , est constituée partie par le tissu cellulaire interlobulaire infiltré de sang décomposé, partie par la substance pulmonaire profondé- ment désorganisée. Elle est traversée dans son intérieur par des débris de bronches et de vaisseaux. Elle communique avec le tube respiratoire par une grosse division bronchique qui s'ouvre dans sa cavité vers sa partie antérieure. Cette division et celles voi- sines sont remplis de la matière renfermée dans la caverne. Les altérations de la substance pulmonaire ne sont pas arrivées au même degré dans toute l'étendue de la partie malade du poumon. Au voisinage de la caverne, cette substance est complètement hépatisée; on la trouve combinée en quelque sorte avec des caillots rouges et gris, qui lui donnent la consistance de fromage de Neufchatel , et l'aspect marbré : au delà de ce degré de lésion, le tissu pulmonaire a l'aspect grenu et la consistance demi-ferme de Fhépatisation moins avancée : enfin il est simplement engoué de sang combiné avec son tissu, ou largement ecchymose, dans celles de ses portions qui avoisinent le plus la partie saine. Dans celle-ci, il y a çà et là des noyaux plus ou moins consi- dérables de tissu pulmonaire malade dans lequel se retrouvent moins en grand,, et au ramollissement gangreneux près, tous les genres d'altération que je viens d'indiquer; les plus avancés au centre, les plus récents à la circonférence. Dans quelques points, on ne voit que de simples ecchymoses sans noyau fibrineux. Ainsi on peut suivre dans le poumon toutes les phases de la maladie, depuis V ecchymose qui en marque le début et qui en est le degré le plus simple, jusqu'au déliquium gangreneux qui en est le terme et le degré le plus avancé. Poumon droit. Une caverne en tout semblable à celle que je viens de décrire et dans laquelle on pourrait loger le poing, existe dans tout, l'appendice antérieur. Comme celle-là, elle est de formation évidemment toute récente et communique avec une grosse division bronchique. Le tissu pulmonaire entourant offre les mêmes altérations que du côté gauche; seulement elles sont 4 (5o) moins étendues. De plus on trouve dans ce lobe pulmonaire deux cavernes à parois fibreuses, épaisses et résistantes, ren- fermant une matière blanche, pultacée, sans odeur. L'une de ces cavités pourrait contenir une grosse noix; elle est située dans l'épaisseur du bord dorsal du poumon près de la surface dia- phragmatique. L'autre un peu plus petite, se trouve au bord inférieur du même lobe. Aucune des deux ne communique avec les bronches. Huit ou dix >^K^c^ti^nsO)jàn cidres, résistantes, disséminées dans ce môm^Èobe dçgte^— sonf'eptfcuirées de sub- stance hépatis^e, ayaift-gprouvé autour de tioià-dentre elles un commencement de raniolliss«lnrent gangreneux. Cœ concrétions ayant presque la constance de*-*ttëeTcïïles crétacés , préexis- taient manifestement à llrHçatàdjk^c^uejÇ&C^ Cœur. Un demi-litre environ "de" "sérosité sanguinolente est contenu dans le péricarde. La substance du cœur est pâle, molle et facile à déchirer. Un sang noir pris en un caillot peu consistant est renfermé en petite quantité dans le ventricule gauche dont la face interne est maculée de nombreuses ecchymoses. Les ca- vités droites sont uniformément teintes en rouge terne et remplies par du sang très foncé de consistance poisseuse. Trombus. Jusqu'à sa division parotidienne , la jugulaire est distendue par un caillot blanc et ferme à son sommet, noir à sa partie inférieure et à' autant moins consistant qu'on s'approche davantage de l'endroit de la saignée. Là il ressemble tout à fait par sa couleur et sa diffluence à du raisiné. Son odeur est celle qu exhalait pendant la vie la plaie dont il baigne encore la surface» Tous les organes qui entourent celle-ci, présentent l'infiltra- tion séreuse ou sanguinolente, la décoloration ou les ecchymoses qui caractérisent les tissus cellulaire , cutané ou musculaire frap- pés de gangrène humide ou en contact avec des tissus gangrenés. Toute la partie de la jugulaire située au dessous du trombus, est blanche à l'intérieur, luisante , polie, parfaitement sain©. Crâne. L'animal ayant présenté quelques symptômes cér»é- (5. ) braux, le crâne a été ouvert. La substance du cerveau et du cer- velet a paru plus pâle que dans l'état normal. Ce qu'on trouve de plus remarquable, c'est la distension du sinus caverneux su«- phénoïdal , par un caillot blanc, très ferme , qui en remplit exac- tement la cavité. Ce caillot est renflé à ses extrémités, rétréci et déprimé au milieu. Il avait dû avoir un volume beaucoup plus considérable au moment de sa formation , alors qu'il contenait encore le sérum et la matière colorante dont il est complètement dépourvu. ( Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Pigot). NEUVIÈME OBSERVATION. , Gangrène suite d'un trombus à la jugulaire. — Mort de l'a- nimal. — Caillots fibrineux putréfiés trouvés entre la ju- gulaire et la carotide. Cheval entier, de gros trait, âgé de i/j ans, fortement consti- tué, appartenant à M. Aliot, rue du Bon Puits Saint Victor, à Paris. Renseignements. Ce cheval est tombé fourbu le 1 4 juillet 1 838. De ce jour au 18 du même mois il a été saigné plusieurs fois. Le 20, les symptômes de la fourbure avaient complètement disparu. Le 22, l'animal s'est frotté la jugulaire droite contre la mangeoire au point correspondant à l'une des saignées; et, immédiatement, un trombus s'est manifesté. Le 1 3 au matin le cheval est conduit aux hôpitaux de l'École pour y être traité. Etat de l'animal lors de son entrée aux hôpitaux. II. ne reste aucun symptôme de fourbure. La marche est facile et hardie; le poil frais et lustré, l'appétit bon, l'air gai, la respiration libre. Il existe du côté droit , au tiers supérieur de la gouttière traché- lienne, une tumeur du volume d'un œuf de pigeon, fluctuante sur tous ses points. Une légère incision presque fermée en marque le cenlre et indique l'endroit où a été faite la saignée. Du sang (51) desséché adhérent aux poils qui recouvrent la peau du dessus de là tumeur annonce qu'une hémorrhagie a eu lieu au moment de la formation du trombus. Peu de chaleur et de douleur. Traitement. M. Henry Bouley, chef de service , qui visite le cheval, incise l'engorgement dans le sens de la longueur ( de haut en bas), extrait les caillots qui soulèvent la peau , et fait un pansement compressif avec des plumasseaux qu'il soutient par quatre points de suture à bourdonnets. ( Diète blanche; pas d'aliments fibreux; le cheval est mis dans l'impossibilité de se frotter. ) Le a5, nouveau pansement. Rien de notable sur la plaie. Tous, jetage peu abondant par les naseaux. ( Fumigations de vapeur d'eau , bouchonnements fréquents , couvertures. ) Jusqu'au 27 l'aspect de la plaie s'améliore : le jetage est de- venu très abondant, la toux grasse. Diagnostic. Bronchite. ( Continuation de la diète , électuaire et fumigations adoucis- santes. ) Le 28, la plaie est en voie de cicatrisation. Apparition de nou- veaux symptômes àefourbure. (Saignée de six livres à la veine de l'ars droit. Cataplasmes astringents sur les sabots , promenade sur un terrain doux. ) Le 29 mêmes symptômes. ( Nouvelle saignée de six livres. Mêmes prescriptions. ) Le 3o il n'y a pas de mieux. Le jetage par les naseaux con- tinue. (Mêmes soins que les jours précédents, moins la saignée.) Les ier et 2 août, rien de remarquable. Le 3 l'animal marche mieux , mais la tuméfaction du trombus a augmenté. Elle avait la veille le volume d'une petite noix à peine ; le sang circulait librement dans la veine; il n'y avait plus de fistule apparente. Aujourd'hui la tumeur a la grosseur d'une forte orange, et se prolonge en bas par un œdème qui s'étend jusqu'au milieu du bord trachéal de l'encolure. La plaie a une teinte blafarde ; les bourgeons qui la recouvrent sont mollasses : (53) à son centre se voit l'orifice d'une fistule dont la profondeur per- pendiculaire est de deux pouces , et qui remonte ensuite du côté de la tête. La sonde en est retirée couverte de sang; et sa sortie est suivie de l'écoulement de quelques gouttes de ce li- quide. (Application d'onguent fondant de Lebas sur la tumeur. Mêmes soins pour la fourbure et la bronchite. ) Le 5 on fait faire quelques pas à l'animal pour juger de l'état de la fourbure. Il marche assez facilement. Mais à peine est-il remis à sa place qu'au moment où il élève brusquement la tête en haut pour chasser les mouches , une colonne de sang de la grosseur du doigt s'échappe par la fistule en jet continu, et vient avertir de la réouverture de l'incision faite à la jugulaire par le phlébotome. Un des élèves de garde arrête aussitôt cette hémor- rhagie en comprimant sur la partie supérieure du vaisseau ; l'autre va prévenir M. Bouley qui ne voit d'autre parti à prendre que de lier la jugulaire , ce qu'il fait sur le champ. La ligature est soutenue par quelques plumasseaux imprégnés d'eau salée et maintenus au moyen de la suture à bo.urdonnets. ( Barbottage clair pour tout aliment. On surveillera l'animal de très près. ) Le 6, il y a infiltration de la gorge et de l'espace inter-maxil- laire. La fourbure a en grande partie disparu. Le 7 l'engorgement des régions parotidienne et inter-maxil- laire a fait de nouveaux progrès. Il s'étend aussi inférieurement jusque près du poitrail. La difficulté delà respiration augmente. L'animal paraît inquiet , a perdu l'appétit. Le j étage a cessé d'être continu. Le pouls est vite , grand et mou. ( On fait quel- ques scarifications dans les parties tuméfiées ; il s'en écoule beau- coup de sérosité, et il en résulte un dégorgement sensible. Une saignée de trois livres est pratiquée à la saphène gauche.) Le 8 la tuméfaction est devenue tellement considérable en dessus du thrombus que toutes les dépressions de la gouttière de l'encolure, de la gorge, de l'auge, forment des saillies difformes, du côté droit. La dypsnée est extrême et accompagnée de râle. On enlève l'étoupade : la vaste plaie qu'elle recouvre a une teinte ^54) plombée; des couches minces de sang caillé et déjà altéré la re- vêtent par place. Un liquide épais, espèce de bouillie rougeâtre, s'écoule par la fistule et exhale une odeur pénétrante de sang putréfié. Les battements du cœur , jusque-là normaux , sont devenus très forts. L'infiltration de l'auge rend impassible l'ex- ploration du pouls à la glosso-faciale : aux autres artères il est insensible. Les crins offrent moins de résistance quand on les arrache; cependant ils tiennent encore bien. (La plaie est sau- poudrée de camphre écrasé , et pansée avec des plumasseaux im- bibés d'un mélange à parties égales de teinture de quinquina et d'eau-de-vie camphrée. On renouvellera le pansement à quatre heures du soir. ) — A sept heures l'asphyxie est tellement immi- nente qu'il faut pratiquer la trachéotomie. On fait cette opéra- tion à la portion cervicale la plus inférieure de la trachée, at- tendu l'impossibilité de la faire plus haut à cause de l'engorge- ment qui recouvre le conduit. Un mieux momentané a succédé à l'opération. Les symptômes les plus alarmants ont diminué d'intensité , mais une heure après, ils avaient repris leur première violence. (Saignée de trois livres, malgré l'imminence de la perte de l'animal. ) Le 9 au matin, le malade existe encore, mais tellement faible et chancelant, avec une respiration si difficile et si suffocante, qu'il est évident qu'il va tomber et mourir. La plaie qu'on découvre , a les mêmes caractères que la veille. Dix minutes après la visite, chute de l'animal sur le côté gauche; violente agitation pendant une demi-heure et mort à huit heures. Autopsie à midi (quatre heures après la mort ). Tumeur. L'engorgement fendu profondément sur la jugulaire droite et suivant la direction de ce vaisseau, laisse voir tous les tissus circonvoisins imprégnés de sérosité citrine dans les parties les plus éloignées de l'endroit de la saignée, et sanguinolente dans celles qui s'en rapprochent davantage. Un ichor gangreneux baigne le trajet de la fistule qui aboutit dans un foyer de trois pouces au moins de diamètre , situé dans le tissu cellulaire lâche (55) et abondant qui se trouve entre la jugulaire et la carotide. Un deliquium sanguin mi-partie caillé, mi-partie liquide, de couleur lie de vin foncée et <¥une odeur infecte , remplit ce foyer et paraît être le point de départ des accidents. Les nerfs pneumo-gastrique et trachéal récurrent sont entourés par du tissu presque lardacé au dessus de ce foyer; et, à leur passage au niveau de ce centre des altérations , ils baignent, avec l'artère carotide, dans le détritus gangreneux et putride dont je viens de parler. Il y avait injection manifeste du tissu cellulaire qui unit les filets du pneumo-gastrique, dans une étendue de près de cinq pouces, à la hauteur des principales altérations. M. Bouley qui m'a transmis les notes de cette ouverture , a cru reconnaître dans différents endroits de cette partie du nerf, des points purulents. Thorax. De nombreux tubercules miliaires déjà anciens sont disséminés dans l'épaisseur du poumon droit; et autour de ces granulations - mais seulement autour d'elles , existent des ecchy- moses , espèces de petites hémorrhagies partielles , évidemment récentes, leur formant une auréole rouge d'une à deux lignes au plus de diamètre, qui se fond insensiblement à sa circonférence avec la substance pulmonaire environnante. La congestion par hypostase dont le poumon gauche est le siège, et, en même temps, celle résultant de l'asphyxie, empêchent de voir si les mêmes taches ecchymotiques existent autour des tubercules miliaires moins nombreux qu'on sent dans le poumon gauche. Les cavités droites du cœur sont distendues par un volumi- neux caillot noir sans odeur. Quelques petites ecchymoses se remarquent à la face interne des cavités gauches qui sont pres- que vides. Abdomen. Les viscères abdominaux, la rate elle-même, ne présentent pas de lésion notable. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Dayot). (56) DIXIÈME OBSERVATION. Gangrène locale suite de throfkbus a la jugulaire, — Gangrène pulmonaire consécutive. — Mort de l'animal. — Caillots putréfie's trouvés dans la jugulaire ouverte. Cheval de trait de six ans, de forte constitution, appartenant à M. Maur, marchand de chevaux à la barrière de Reuilly. Renseignements. Le i5 juillet i838, une saignée avait été faite à la jugulaire gauche par le propriétaire lui-inême. Cette saignée ne s'était pas fermée; et, depuis qu'elle avait été pratiquée, deux hémorrhagies s'étaient manifestées qu'on avait eu beaucoup de peine à arrêter par le tamponnement. État de l'animal lors de son entrée aux hôpitaux de l'école, le 27 juillet. Le thrombus forme une tumeur de la grosseur d'un œuf de poule , située vers le tiers supérieur de la jugulaire gau- che. Cette tumeur est à peu près également élastique sur tous les points de son étendue; les poils qui entourent la petite incision du centre sont agglutinés par du sang desséché. Un œdème peu considérable existe à sa base et se prolonge à deux ou trois pou- ces du côté de la poitrine. La santé générale ne paraît pas affectée. (Application vésicante sur la tumeur; diète blanche; l'animal est retourné dans sa stalle et attaché à deux longes.) — Deux heures après les mouvements que fait l'animal pour tirer et mâcher sa paille donnent lieu a une hémorrhagie. On ôte la botte de paille qu'il a devant lui, et au bout de quelques instants l'hémorrhagie s'arrête spontanément. Les 28 et 19 la tumeur augmente peu. Le 3o elle est un peu affaissée et devenue conique. Une fluc- tuation obscure à son sommet fait espérer la terminaison par suppuration. Le 3i il se détache du centre de la tumeur un lambeau de peau de la largeur d'une pièce de vingt sols, qui laisse voir en dessous un caillot fibrineux blanc roussâtre, de la grosseur d'une ( 57) petite noix , sans odeur. ( Lotions de chlorure de chaux. Mêmes situation et régime. ) Le Ier août, M. Bouley, chef de service, remarquant que le caillot est sans adhérence, et craignant sa putréfaction, le fait sortir en pressant avec les doigts et appuyant légèrement à la base de la tumeur. L'expression ainsi exercée provoque la sortie de quelques caillots de sang et d'un peu de liquide de couleur et de consistance lie de vin claire, que recouvrait la masse fibri- neuse. Un cautère chauffé à blanc est appliqué sur le trajet fis- tuleux. ( Mêmes soins. ) Le 3, une légère hémorrhagie a lieu à travers l'escarrhe qui est trop mince. Nouvelle cautérisation après l'introduction préalable dans la fistule de crin haché qu'on réduit ainsi en une couche de charbon qui s'agglutine à l'intérieur de la plaie et augmente la résistance de l'escarrhe. Cependant, le 4> une nouvelle hémorrhagie se déclare malgré que l'animal n'ait rien mâché et ne se soit pas frotté. Voyant l'insuccès de moyens ordinairement efficaces ( la cautérisation simple et avec intermède), et redoutant les suites d'une hémorrhagie qui pourrait se renouveler en l'absence des élèves de garde et devenir promptement mortelle, on se décide à faire la ligature de la jugulaire et on la pratique à trois pouces environ au dessus de l'ouverture de la saignée. L'incision faite pour découvrir le vaisseau, et qui s'étend depuis l'endroit de la ligature jusqu'au dessous de la saignée, permet de s'assurer que ses parois sont saines au point où le lien est appliqué. ( Panse- ment avec une étoupade imprégnée d'une dissolution de sel ma- rin et soutenue par des points de suture à bourdonnets. ) Jusqu'au 9 la plaie est pansée tous les jours et devient de plus en plus belle. Le 11 elle est en pleine voie de cicatrisation. x Le 12, à la visite du matin, on remarque de l'œdème et un peu de douleur autour de la plaie qui est devenue luisante et ne suppure plus. L'animal a perdu la gaité qu'il avait reprise; il est abattu et ne mange plus qu'avec lenteur la demi-ration qui lui (58) est donnée depuis le 8. ( On panse la plaie avec le digestif animé. Quart de ration. ) Les i3 et 14, l'engorgement est resté à peu près stationnaire. La douleur a un peu augmenté, la plaie ne suppure pas. L'animal est toujours triste. ( Même pansement. ) Le i5, l'infiltration qui constitue l'engorgement a gagné les régions parotidienne et intermaxiliaire ; les environs de la plaie sont très douloureux; l'abattement est continuel; l'animal prend un point d'appui avec son menton sur le bord de sa mangeoire , et reste des heures entières dans cette position , la tête penchée du côté gauche. La plaie commence à sentir mauvais. Le pouls est vite, large et mou; la respiration laborieuse, les mouvements du flanc accélérés s'exécutent en deux temps. ( Saignée de six mres; (jlectuaire adoucissant; onction de pommade de peuplier sur l'engorgement qui entoure la plaie; celle ci sera saupoudrée plusieurs fois de chlorure de chaux solide dans le cours de la journée et de ia nuit. ) Le 16 il n'y a pas de mieux. I/engorgement est augmenté. Quand l'animal n'a pas la tête appuyée sur la mangeoire, il s'ac- cule au bout de sa longe tenant la tête élevée et l'encolure ten- due. Le pouls qu'on ne sent plus qu'à travers l'aedématie de l'auge est toujours vite, plein et mou. Les flancs sont plus agités; l'air expiré a l'odeur fade qui précède la manifestation de la gangrène pulmonaire. La plaie d'un rouge terne marbré de noir a tout à fait l'odeur gangreneuse. (Fumigation de vapeur d'eau légèrement chlorurée. Electuaire à base de quinquina. Cautérisation en pointes pénétrantes dissénrnées dans tout l'engorgement. Appli- cation de chlorure de chaux en poudre sur la plaie. ) Le 17, l'œdème a gagné le poitrail inférieurement , et s'étend supérieurement jusqu'à la b:.se des oreilles. La station est incer- taine et vacillante. La physionomie morne. Il y a battement de flancs; l'odeur de gangrène cet bien prononcée dans l'air expiré; on sent distinctement les ..louveroenls du cœur ; cependant ils ne sont point aussi forte, qu'ils le sont la plupart du temps dans (59) des cas analogues. L'engorgement de l'auge empêche l'explora- tion du pouls à la glosso-faciale. L'aspect de la plaie est des plus mauvais, l'odeur qu'elle exhale est fétide et repoussante; mais rien ne s'écoule de la fistule qui est au centre. ( Môme pan- sement local. Administration d'un électuaire tonique avec acétate d'ammoniaque et camphre. ) Le 18, à la visite du matin, le cheval est trouvé couché sur le côté droit. Il est dans cette position depuis la veille à dix heures du soir. La dypsnée est telle que M. Bouley se hâte de pratiquer la trachéotomie qui ne produit aucun soulagement. Les crins tombent au seul frottement de la litière sur laquelle l'animal se débat. Les extrémités sont froides; le battement de flanc considérable. Cet état de souffrance et dVigitation se pro- longe jusqu'à six heures du soir, où la mort vient le terminer. Autopsie le 19 à huit heures du matin (quatorze heures après la mort). Tumeur. Le tissu cellulaire qui environne la jugulaire dans toute sa moitié supérieure est dur, lardacé, rougeâtre par place, parsemé de petits foyers purulo- sanguinolents. Autour du point correspondant à la saignée, et dans la portion de jugulaire si- tuée au dessous de la ligature , existe un mélange putrilagineux de sang altéré , de pus et de noyaux fibrine ux d'une .odeur infecte. A côté de la portion de veine située au dessous de la saignée , au milieu du tissu cellulaire qui sépare cette veine de la carotide, se trouve un paquet de fibrine de/orme irrégulière, de couleur grisâtre mêlée de rouge obscur, £ écrasant facile- ment sous le doigt, d'une odeur putride des plus fortes, et du volume environ d'un gros œuf de poule. Un peu de sang liquide de couleur et de consistance de lie de vin entoure cette masse. Le muscle sous-scapulo-hyoïdien dont la face externe touche à ces matières est d'une pâleur et d'une flaccidité extrêmes. Les mêmes caractères, bien que moins prononcés , se rencontrent dans les portions musculaires les plus voisines. Poumons. Des noyaux gangreneux variant de volume depuis (6o) celui d'un œuf de dinde , jusqu'à celui d'un œuf de pigeon se présentent disséminés dans le poumon gauche , et entourent au- tant de points tuberculeux de formation évidemment ancienne. Le poumon droit est plus généralement envahi. La moitié an- térieure est dans un état complet de désorganisation gangre- neuse. Cœur. On ne nota rien de remarquable dans le cœur que la teinte noire des cavités droites , due évidemment à l'imbibition cadavérique si prompte dans les animaux qui succombent à des affections gangreneuses. M. Henri Bouley qui m'a remis ces notes d'autopsie , n'a pas recherché si le sang de la veine cave antérieure avait une odeur différente de celle de la veine cave postérieure. Abdomen. Rien de remarquable. ( Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Guil- lemart). ONZIÈME OBSERVATION. Gangrène du pied après (opération du javart cartilagineux, — Mort de l'animal. — Caillots putréfies trouvés sous le bourrelet. Cheval entier, propre au trait, fortement constitué, d'un tem- pérament sanguin, âgé de quatorze à quinze ans, appartenant à M. Bonichon , maître paveur à Paris. Renseignements. Voici tout ce qu'on peut savoir du maréchal qui amène ce cheval à l'école : il a boité quelques jours après la ferrure. Une opération légère ( il ne dit pas en quoi elle a con- sisté) a été pratiquée, à la suite de laquelle la boiterie a nota- blement diminué : mais six set-naines après, le propriétaire ayant fait travailler son cheval avant la guérison complète, !e mal s'est aggravé au point où il est aujourd'hui; ce qui a décidé à re- courir aux soins de l'école. Etat du malade le 20 décembre i834^ jour de son entrée (61 ) aux hôpitaux. Boiterie tellement forte du membre antérieur gauche que l'animal peut à peine le poser à terre. Près de la moitié interne du sabot est décollée supérieurement par au. pus séreux ; tuméfaction douloureuse de la couronne correspondante. Il existe à la partie inférieure du pied , entre la sole et la paroi décollée, au niveau du quartier, une excavation creusée sans doute par le maréchal , au fond de laquelle on aperçoit l'orifice d'une fistule qui s'enfonce en haut sous la paroi du sabot, et dans laquelle une sonde introduite pénètre jusqu'à la couronne. Le membre est douloureux, demi fléchi ; l'épaule amaigrie ; fièvre de réaction très forte. Pronostic, Carie probable de Fos du pied et du cartilage latéral. ( Cataplasme émollient pour calmer la douleur et assou- plir la corne. L'opération sera pratiquée le lendemain. Saignée de six livres , diète. ) Le 21, je pratique l'opération du javart cartilagineux, qui consiste à extirper tout le cartilage latéral de l'os du pied. J'en- lève en même temps les deux tiers de la sole soulevée par le pus. Une partie du bourrelet complètement réduite en putrilage est excisé. Je rugine profondément l'os du pied carié dans une éten- due de près d'un pouce : puis j'applique un appareil. Les mou- vements continuels de l'animal ont rendu l'opération et le pan- sement très difficiles. Deux heures après , les souffrances parais- sent très vives. (Nouvelle saignée de six livres. Diète sévère. Lavements émollients. Couvertures. ) Les 22 et a3 , même état. L'animal est souvent couché et se plaint beaucoup. La fièvre de réaction ne diminue pas. ( Mêmes prescription et régime. Saignée de six livres le i3 au soir. ) Le 24 , les douleurs et la fièvre paraissant encore augmen- tées, je fais lever le pansement. Il n'y a pas de suppuration éta- blie; la plaie a une teinte rouge luisant un peu plombée; une pellicule jaunâtre recouvre sa partie sous-cornée et s'en détache facilement. Application d'un nouvel appareil qu'on serrera peu, ( Mêmes soins généraux et régime.) — Pendant la nuit, le panse- (6a) ment tombe, et la plaie reste à nu jusqu'au moment où l'élève de garde s'en étant aperçu, le replace avec l'aide du palefrenier; la plaie était toute ensanglantée. Le 25, l'élève chargé de la surveillance de ce cheval, igno- rant cette circonstance, ne la déclare pas à la visite. ( L'élève de garde s'étant trouvé indisposé était entré à l'infirmerie le matin même et avait oublié de dire à son camarade l'événement de la nuit. ) L'enveloppe de toile qui recouvre le pansement empêche de voir s'il a été dérangé. Les 26 et 27, il n'y a pas de mieux. Cependant, ce dernier jour , bien que l'animal ne s'appuie pas sur le membre , l'inten- sité de la fièvre de réaction parait moindre. L'animal est plus abattu, mais beaucoup moins agité. Il a barbotté et cherché à tirer sa paille. • Le 28 , le pouls est devenu petit et plus accéléré ; la conjonc- tive a pâli ; les battements du cœur ont augmenté de force ; il y a eu la nuit des défécations diarrhéiques. Tout le membre droit antérieur est d'une sensibilité extrême. J'étais absent ce jour là; et mon chef de service qui faisait la visite à ma place, n'étant en fonctions que depuis peu de temps , crut agir prudemment en remettant le pansement au lendemain , pour que je pusse y assister. La journée et la nuit furent très agitées. Le 29, je trouve l'animal dans l'état suivant : couché sur le côté gauche, !es yeux fixes et brillants, la commissure des lèvres et les naseaux rétractés, la lèvre inférieure pendante, le pouls très vite et à peine sensible , les muqueuses apparentes pâles , la respiration accélérée et saccadée, le flanc cordé; les crins ne te- nant plus, les extrémités froides. La main appliquée sur le côté droit de la poitrine ( l'animal est couché sur le côté gauche ) sent nettement les secousses imprimées par les battements du cœur. Le membre antérieur droit est le siège d'un engorgement dur et tendu à sa partie inférieure, œdémateux à sa partie supérieure, qui s'étend jusqu'au coude. Ce membre est dans une agitation presque continuelle. On essaie vainement de faire relever le ma- (63) lade; il ne fait aucun effort pour se s utenir. Traitement nul. Mort à neuf heures du soir. Autopsie le 3o à dix heures du maUn (treize heures après la mort). Temps froid et sec. Etat extérieur. Raideur cadavérique. Ballonnement. Système musculaire généralement un peu décoloré. Cette dé- coloration est surtout sensible dans les muscles pectoraux droits et la masse olécranienne du même côté. Abdomen. Rien de remarquable, si ce n'est la pâleur et la mollesse du foie et des reins. — La rate est gonflée, noire et telle- ment ramollie, qu'il suffit, après en avoir excisé un morceau, de le presser légèrement entre les doigts et de l'exposer sous un filet d'eau pour le réduire à sa trame fibreuse. Thorax. La substance pulmonaire est saine. Au milieu de celle du lobe droit, notamment vers son bord dorsai, existent un assez grand nombre de taches ecchymotiques , espèce de pe- tites infiltrations sanguines du volume d'un gros pois à celui d'une tète d'épingle. Le péricarde renferme près d'un litre de sérosité roussâtre, presque sanguinolente. Le cœur est complètement décoloré et très flasque : les vaisseaux qui rampent à sa surface sont au- réolés. Les cavités gauches sont occupées par un gros caillot blanc assez consistant qui s'étend jusque dans le tronc aortique et les veines pulmonaires. Leur face interne à fond pâle, est ma- culée par places de larges ecchymoses. Les cavités droites ont leurs parois rouge-brun; le sang qu'elles contiennent est noir, demi-coagulé , sans caillot blanc, et exhale une odeur bien pro- noncée de gangrène. Ces caractères du sang se retrouvent, dans la veine cave antérieure et manquent dans les jugulaires aussi bien que dans la veine cave postérieure et ses afférentes. Un morceau de l'aorte d'un cheval sacrifié quelques instants avant pour les travaux anatomiques, plongé dans le sang des cavités droites , prend en peu de minutes une couleur rouge safrané que le lavage ne peut lui enlever. Un lambeau pareil reste le même ( 64) temps dans du sang retiré des jugulaires, sans que sa couleur nor- male s'y altère sensiblement. Membre droit. Il est le siège d'une infiltration séreuse con- sidérable. De nombreux capillaires rouges très injectés rampent au milieu de l'infiltration. Aussitôt que l'appareil est enlevé du pied , un peu de sang liquide très altéré s'écoule de dessous les portions restées du bourrelet. Une odeur des plus infectes s'en exhale. En soulevant le bourrelet qui se déchire entre les pinces, on découvre modelé sur toute la place qu'occupait le cartilage avant son extraction, un caillot noir, mollasse et complètement putréfié. Les parois de la cavité qu'il occupe sont elles-mêmes ramollies et ont une teinte plombée livide qui y décèle l'existence de la gangrène. L'articu- lation du deuxième avec le troisième phalangien n'est pas ou- verte. Il est évident que ce caillot qui n'existait pas lors du pre- mier pansement , s'est formé lors de l'hémorrhagie qui eut lieu dans la nuit du iS au 26. ( Ce cheval était surveillé par l'élève Prévost (Pierre) ). DOUZIÈME OBSERVATION. Gangrène suite de contusion au dessous de l'œil. — Mort de l'animal. — Caillots putréfiés sous la peau de la région temporale. Jument de selle âgée de 9 ans, de constitution sèche, appar- tenant à M. Truchon , rue Saint Louis, n° 11, à Paris. Renseignements. Il y a sept jours, cette jument est tombée dans un fossé de huit pieds de profondeur ; on J'en a retirée immédiatement. Elle avait en avant des genoux deux déchirures complètes de la peau. Sur la partie droite de la tête qui avait porté sans doute sur un corps aigu, deux pouces au dessus de l'arcade orbitaire, existait une plaie semblable à une coupure, de la longueur d'environ un pouce et demi, et de laquelle le (65) sang coulait en assez grande abondance. Cette hémorrhagie ce- pendant ne tarda pas à s'arrêter. La personne qui conduit le cheval à l'école ne sait pas autre chose. Elle ignore si on a mis en usage, depuis, un traitement quelconque et quel a été ce traitement. Etat de V animal lors de son entrée aux hôpitaux, le 1 4 jan- vier i836\ Il porte la tête bas; celle-ci est très engorgée, du côté droit surtout. L'œil du même côté est très saillant : l'infiltration qui l'entoure, se propage supérieurement et en arrière jusqu'à quatre pouces environ de l'orbite; là existe une plaie ayant forme d'incision , de deux travers de doigt au moins de largeur, à bords tuméfiés et éraillés. Un liquide purulo-sanguinolent s'en échappe quand on presse un peu sur l'engorgement. Ce liquide sent très mauvais. A la surface de la plaie aboutit une fistule qui conduit la sonde en bas et en avant jusque sur l'arcade orbitaire qu'on sent être dénudée de son périoste. Plus en arrière du côté des salières , la sonde pénètre dans un corps sans résistance et est retirée teinte en rouge noirâtre : il est clair qu'elle a plongé dans du sang altéré. Les paupières sont considérablement tuméfiées ; la conjonctive, très infiltrée elle-même, est repoussée sur le globe de l'œil qu'elle recouvre en avant au point de le cacher entièrement : cependant cet organe est sain. L'infiltration qui a envahi toute la joue droite et la rend boursouflée , s'étend jusqu'aux ailes du nez qu'elle gonfle à tel point que l'animal ne peut plus respirer que du côté gauche. Toutes ces parties sont chaudes et douloureuses, surtout autour de la plaie. M. Maillet, mon chef de service, qui recueillit ces renseigne- ments et visita le malade À son arrivée (il était trois heures de l'après midi ), fit de profondes scarifications sur toute l'étendue de l'engorgement , nettoya avec soin le pourtour de la plaie , ordonna des injections de chlorure de chaux liquide dans la fistule, et prescrivit de fréquentes lotions émollientes. (Saignée de quatre livres à la saphènej diète blanche; lavements irritants pour prévenir une congestion cérébrale. ) Dans la soirée, la jument 5 (66) fut assez tranquille. Pendant la nuit elle resta presque toujours couchée , cherchant quand elle se relevait à avaler un peu d'eau blanche, ce qu'elle faisait assez facilement , mais ne parvenant qu'avec peine à mâcher quelques brins de paille qu'elle prenait dans sa litière ne pouvant lever la tète jusqu'au râtelier. Dans la matinée du 1 5, à six heares, le palefrenier l'ayant fait lever , elle retomba peu d'instants après et ne se releva qu'après s'être dé- battu pendant quelques minutes. Visite du i5. Huit heures du matin. Je trouve la malade couchée sur le côté gauche dans un état continuel d'agitation convulsrve. Elle se roule de temps à autre comme si elle éprou- vait des coliques ; puis se relève , se couche de nouveau, regarde son ventre et se plaint beaucoup. Il y a des sueurs partielles aux flancs, sur les parties latérales de la gorge, et en bas des oreilles. L'engorgement de la tête qui a augmenté empêche qu'on puisse apprécier l'état du pouls : mais on sent les battements du cœur qui sont d'une énergie remarquable. Je déclare la mort inévitable et très prochaine; mais voulant en reconnaître la cause , je débride avec un bistouri la fistule de la tête, j'introduis le doigt dans son fond, et j'en fais sortir un bon décilitre de sang demi-liquide , entièrement décomposé et d'une odeur repoussante. Ce sang était amassé dans une exca- vation formée sous la peau des salières par un refoulement en avant du tissu graisseux qui remplit la face temporale. Mort à onze heures du matin. Autopsie à deux heures de l'après midi ( trois heures après la mort ). Tête. Toutes les régions de la face, les joues, les naseaux, l'auge, sont infiltrés d'une sérosité jaunâtre coagulée. Les pau- pières , la conjonctive et tous les tissus mous qui environnent l'œil droit sont confondus en une masse rouge noirâtre marbrée de bleu, complètement gangrenée. La fistule correspondante à là plaie va directement aboutir sur l'apophyse orbitaire dont le milieu, dans l'étendue de près d'un pouce , est dénudé, poreux, (67) jaunâtre et d'un aspect macéré. En arrière, et dans la fosse tem- porale se trouvent des débris de caillots noirs nageant épns du sang liquide , le tout extrêmement infect* Le sang des veines jugulaires et de lu veine cave antérieure ne se prend pas en caillots solides; cependant il n'a pas de mau- vaise odeur. Il est au contraire bien coagulé dans toute l'étendue de la veine cave postérieure. Thorax. Le cœur n'est qu'un peu ramolli et pâle. Ses cavités ne sont pas teintes en rouge; mais l'intérieur de chacun des ven- tricules est moucheté de petites taches rouge vif en très grand nombre, évidemment anciennes, tranchant sur le fond blan- châtre de la membrane interne et existant dans l'épaisseur même de cette membrane. Quatre ou cinq larges ecchymoses récentes et sous-séreuses existent dans le ventricule gauche. Il n'y a qu'un peu d'engouement dans le lobe pulmonaire droit. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Dufils). TREIZIEME OBSERVATION. Gangrène suite dfune opération sur le sommet de V encolure. — Pneumonie gangreneuse consécutive. — Mort de f animal. — Caillots sanguins putréeiés trouvés dans le fond de la plaie. Cheval entier de neuf ans, propre au trait, fortement consti- tué , appartenant à M. Cosnard de Nanterre. Renseignements. Il y a deux mois passés que ce cheval eut sur le bord supérieur de l'encolure , un peu en avant du garrot, un cor occasionné par le frottement d'un collier mal rembourré. Le cor fut enlevé par un vétérinaire. La plaie qui en résulta de- vint belle, et , au bout de six semaines , paraissait cicatrisée , lorsqu'une fistule s'est ouverte à son centre et a permis de re- connaître la carie du ligament cervical. Le vétérinaire, après quinze jours de traitement , conseilla d'envoyé* ce cheval aux (68) hôpitaux de l'école. Il est bon de noter qu'après l'enlèvement du cor , une suppuration abondante avait eu lieu pendant près d'un mois, et qu'à dater de l'époque où la sécrétion du pus avait di- minué, une petite toux sèche, courte, non quinteuse, s'était dé- clarée (i), et persistait malgré les fumigations de la vapeur d'eau, et l'électuaire adoucissant mis en usage pour la faire cesser. Etat de l'animal lois de sou entrée aux hôpitaux , le 3o août i836. Le cheval a toutes les apparences d'une santé florissante. Il est en bon état et semble très vigoureux. Mais cette vigueur ne se soutient pas à l'exercice. Il est en nage pour être venu de Nanterre à Alfort au pas, de cinq à sept heures du matin. Le pouls est lent et faible. La plaie de l'encolure a environ quatre pouces de longueur sur trois de largeur. Elle est grenue , rose pâle et suppure peu. Près de chacun de ses bords , à droite et à gauche , s'ouvre une fistule dirigée de haut en bas et d'arrière en avant. Chacune d'elles a une profondeur de huit pouces en- viron dans ce sens , et aboutit à la lame du ligament cervical , en longeant sa corde qu'elle laisse à nu. Celle du côté droit ar- rivée inférieurement à cette profondeur , se recourbe en haut et en avant, et s'étend d'à peu près quatre ou cinq pouces dans cette nouvelle direction, autant que permet d'en juger l'intro- (1) Bien n'est plus commun, dans nos hôpitaux du moins, que cette petite toux sur des animaux affectés de plaies abondamment sup- purantes, notamment les plaies si fréquentes du garrot et de l'enco- lure. Je la crois occasionnée par les infiltrations sanguinesecchyraoti- ques qui ont lieu dans le parenchyme pulmonaire lors des grandes sup- purations; ecchymoses que j'ai constamment trouvées dans lesanimaux qui succombaient ou qu'on sacrifiait pour incurabilité pendant ces suppurations, et qui sont a mes yeux l'origine de ces petits noyaux fibrineux ou purulehs qu'on rencontre dans le tissu pulmonaire des animaux à la suite des longues et abondantes suppurations. De très petites saignées, souvent répétées quand les animaux étaient assez robustes pour les supporter, m'ont souvent réussi pour faire dispa- raître cette toux. (69) duction d'une sonde flexible de caoutchouc. Des filaments d'un jaune terne, m"sà du pus clair, mousseux et de mauvaise odeur, annoncent la carie du ligament. Le bord supérieur de l'encolure est tuméfié jusqu'à six pouces environ en avant de la plaie, indice certain que le ligament cervical est malade jusqu'à cet endroit. Pronostic fâcheux, même dans l'hypothèse d'une guérison possible, à cause du long temps qu'elle mettra à s'effectuer. Traitement. Soins de propreté, en attendant la réponse du propriétaire à qui on écrit pour lui faire part de la nécessité d'une opération et lui demander son consentement à ce qu'elle soit pratiquée. Le 7 août l'autorisation arrive. Pendant cet intervalle de temps, on a entendu le cheval tousser souvent; la toux a bien les caractères que le conducteur avait indiqués. Le poil s'est piqué. Le 8 on fait l'opération. Elle consiste à pratiquer une con- tr'ouverture à la partie la plus déclive de chaque fistule, à travers les muscles épais des parties latérales de l'encolure, et à engager une mèche de chanvre dans ces contr'ouvertures pour, faciliter l'écoulement du pus séreux _, dont l'accumulation au fond de la plaie produit la macération et entretient la carie du ligament cervical sur lequel il repose. Une troisième contr'ouverture est faite à la partie antérieure de l'engorgement, de manière à pénétrer au point le plus déclive du prolongement antérieur de la fistule du côté droit. On recouvre la plaie principale avec des plumasseaux secs qu'on soutient par une suture à bourdonnets. Le cheval est à peine relevé depuis quelques instants qu'il se manifeste une hémorrhagie abondante par la dernière contr'ou- verture faite du tôté droit. On ne parvient à l'arrêter qu'en tam- ponnant fortement. Le cheval s'est beaucoup débattu; il paraît faible. ( Diète. Le soir on nettoiera le pourtour du pansement pour enlever le sang qui s'y sera concrète, ) (70) Le 8 rien de particulier. Le 9, on lève l'appareil. Les plumasseauxTCs plus profonds sont imprégnés de sang. Les plaies paraissent assez belles; il n'y a point encore de suppuration ; rien ne s'écoule par les con- tr'ouvertures. On déterge avec une infusion aromatique chloru- rée , et on remarque que le liquide que l'injection a fait pénétrer dans la profondeur des plaies, en sort teint de sang et entraîne avec lui quelques légers caillots à odeur fade. Le pouls est tou- jours lent et faible , l'artère pleine , le poil de plus en plus piqué. (On panse avec le chlorure de chaux. Deux quarts d'avoine pour ration. On administre six décilitres de vin de quinquina. ) Le ii, nouveau pansement. La plaie supérieure et les deux pre- mières contr'ouvertures sont belles et commencent à suppurer. La plaie résultant de la contr'ouverture antérieure droite est rouge violacé , terne et ne suppure pas ; il y a de la tuméfaction douloureuse à son pourtour. L'eau tiède qu'on injecte en sort roussâtre et sent mauvais. (Pansement des plaies déjà suppu- rantes avec du digestif animé ; pansement de la dernière avec du chorure de chaux. Administration d'un électuaire à base de quinquina. Demi ration. Le 12 , peu de changement. Le i3 , il y a moins de pus sur les plumasseaux des premières plaies; il ne s'en est presque pas écoulé des contr'ouvertures postérieures où il est redevenu séreux. Un peu de liquide rous- sâtre, de très mauvaise odeur, humecte l'orifice de la contr'ou- verture antérieure; l'engorgement circonvoisin a sensiblement ' augmenté et est plus douloureux que les jours précédents; l'artère est pleine, le pouls plus fort; il y a une légère agitation des flancs; l'animal a toussé plus souvent et jette un peu par les deux na- seaux depuis la veille au soir. L'auscultation de la poitrine fait reconnaître du râle muqueux et sibilant dans toute l'étendue auscultable du poumon gauche , en même temps que du râle cré- pitant humide en arrière de l'épaule. Diagnostic, Broncho-pneumonie commençante. (7> ) Pronostic très grave à cause de l'imminence de la gangrène à l'encolure. ( On fera trois petites saignées de deux livres chacune dans le courant de la journée. Fumigations émollientes. Conti- nuation de l'électuaire à base de quinquina. Pansement de toutes les plaies de l'encolure avec le chlorure de chaux. ) Le 1 4 , la gangrène est évidente à la plaie antérieure de l'en- colure. L'engorgement œdémateux a envahi la gorge et la joue droite. La pneumonite est confirmée : il y a absence de bruit respiratoire et matité dans les parties où la veille il y avait du râle crépitant humide; ce dernier existe à la partie moyenne de la poitrine et s'étend aussi aux mêmes points du côté gauche. Odeur fade de l'air expiré. Agitation convuîsive des flancs. Pouls petit et faible. Battements du cœur très forts. Les crins ne tien- nent presque pas. Anxiété et abattement. Cependant les mu- queuses ont leur couleur ordinaire et les extrémités ne sont pas froides. ( Large vésicatoire sous la poitrine. On animera les plaies avec de l'onguent épispastique. Cautérisation profonde de l'engor- gement du cou. Injections chlorurées dans les plaies.) Le i5 , la suppuration a cessé dans les plaies postérieures qui ont une teinte rouge violacé. Du liquide sanguinolent s'écoule en petite quantité par la contr'ouverture antérieure. L'œdème s'étend en bas vers le bord trachéal de l'encolure jusqu'au poi- trail : il est moins douloureux. Les escnâres de la cautérisation ne sont point ébranlées. L'air expiré a une odeur de gangrène bien prononcée. Il y a exaspération de tous les symptômes de la pneumonie. Pouls très faible , petit et vite. Augmentation dans la force des battements du cœur. Les crins ne tiennent plus. Il n'y a pas de j étage par les naseaux. Pronostic. Mort prochaine. Traitement. Nul. Mort à minuit sur le côté droit. Autopsie faite à neuf heures du matin (neuf heures après la mort). Abdomen. Rien de remarquable. (7,0 Poitrine. Les deux poumons sont" le siège d'une gangrène existant à la partie moyenne et antérieure du lobe gauche , et n'intéressant que le tiers antérieur du lobe droit. Les taches grises ou jaunes se détachant sur un fond noir, violacé ou brun rougeâtre et lui donnant l'aspect marbré, les bandes celluleuses infiltrées qui encadrent dans une foule de compartiments ces tissus dégénérés, l'écrasement facile de la substance ainsi altérée, son ramollissement dans quelques points , l'odeur infecte et péné- trante qui s'en exhale , sont les caractères de cette gangrène. Il n'y a point encore de déliquiura gangreneux ni de la caverne. Cependant les petites divisions bronchiques qu'on trouve au mi- lieu de cette désorganisation sont d'un rouge violacé, et con- tiennent de la sanie gangreneuse en notable quantité. Dans les parties du poumon qui ne sont point envahies en totalité par l'altération, on voit, à différents degrés d'avancement, des points enflammés ou congestionnés disséminés çà et là , ayant l'étendue d'une fève, d'un haricot, d'un pois, d'une tête d'épingle. Ces der- niers paraissent ne consister qu'en une simple ecchymose : les précédents ont le même aspect, avec cette différence qu'il se trouve un petit noyau grisâtre à leur centre, que ce noyau est entouré d'une auréole rouge foncé qui devient de plus en plus claire en s'éloignant du centre et finit par se fondre insensiblement dans la couleur rose pâle de la substance saine environnante. Le noyau central de matière grise est plus considérable dans les points enflammés dont le volume atteint ou passe celui d'un haricot; et déjà laspect, la consistance et l'odeur des tissus gangrenés commencent à s'y faire remarquer. Il est probable que c'est ainsi que l'altération a commencé dans les parties moyenne et antérieure qui n'offrent plus qu'une masse gan- grenée; que ce sont ces points qui, en s'étendant rapidement, finissent par se joindre , se confondre , et ne présenter plus qu'un seul tout au milieu duquel toute trace d'organisation a disparu. Le cœur est pâle et un peu mou. Le sang que contiennent ses cavités droites a la couleur et la consistance de la poix fondue. (73) Les parois de ces drvités sont d'un rouge clair uniforme.— Cette couleur s'étend en se fonçant davantage dans la veine cave anté- rieure , dont le sang a une légère mais évidente odeur de gan- grène; elle existe à peine dans la veine cave postérieure dont le sang est demi coagulé et n'a pas d'odeur particulière. L'expé- rience de l'immersion de deux morceaux de l'aorte d'un cheval sain dans le sang de l'une et l'autre veine cave , donne pour ré- sultat, après un quart d'heure, la coloration rouge clair indélébile du morceau plongé dans la veine cave antérieure; tandis que l'autre, mis sous un filet d'eau, reprend sa couleur à peu près naturelle. Encolure. L'examen de la plaie du cou met hors de doute le point de départ des accidents gangreneux. Un caillot sanguin , ou plutôt une masse de fibrine de couleur gris sale avec un reflet rougeàtre, d'une odeur repoussante , se trouve dans la direction de la contr'ouvcrture antérieure et à quatre pouces au moins de profondeur, entre le muscle grand complexus et la lame du ligament cervical. Cette masse aplatie, qui a plus du volume du poing, baigne dans un liquide séro-sanguinolent aussi très fétide, semblable à celui qui s'échappait delà contr'ou- verture pendant la vie de î'animal. Les muscles environnants offrent la teinte pâle nuancée de rouge livide par place, que présentent ordinairement les chairs au voisinage des matières putréfiées. Le crâne n'a point été ouvert. (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Poret.) QUATORZIÈME OBSERVATION (i). Gangrène à la suite de l'extirpation d'une tumeur à la pointe de ? épaule. — Mort de l'animal. — Caillots sanguins putré- fiés extraits de la plaie deux jours avant la mort. « Le 8 octobre , il entra aux hôpitaux de l'école un cheval de (i) Cette observation est textuellement extraite du registre de cli- ( 74 ) | » trait, âgé de six ans, portant depuis six mois à la pointe de o l'épaule une tumeur qui, d'abord grosse comme une noix, » avait acquis progressivement le volume d'une tête d'enfant. » Elle était dure, non douloureuse, n'était adhérente qu'au » mastoïdo-humérîil dans la substance duquel elle paraissait » s'être formée. Tous les fondants connus ayant été essayés sans » succès par le vétérinaire du propriétaire, je conseillai l'extir- » pation comme le seul moyen qui offrît quelques chances de » succès. On y consentit. Elle fut arrêtée pour le lendemain. » Le g, le cheval fut abattu. Je pratiquai sur la peau qui re- » couvrait la tumeur une incision en T. J'en détachai les lam- » beaux, les fis tenir par des aides et cherchai à isoler la tumeur » à toute sa périphérie, me réservant d'en attaquer la base au » dernier moment, parce que c'était là que je devais rencontrer » les plus gros vaisseaux. Tout alla bien jusqu'à ce que je fusse » arrivé à la partie profonde ; mais là , le fond de la plaie se » trouvant recouvert du sang qui s'écoulait d'une foule de vei- ■4 nuîes et artérioles musculaires que je ne pouvais lier ni tordre, » ne pouvant les voir ni les saibir, je commençai à couper, » sai s les apercevoir, de plus gros rameaux vasculaires qui aug- » mentèrent l'némorrhagie et m'aveuglèrent davantage. Je n'avais » pas assez étendu mes incisions externes : il en résulta que » j'éuis gêné pour agir librement au fond de la plaie que » l'étendue du pédoncule de la tumeur rendait plus profonde » que je ne l'avais prévu. Aussi, pour avoir la facilité d'arrêter » promptement une hémorrhagie qui m'inquiétait déjà , mehâtai- » je de réséquer ce pédoncule d'un seul coup de bistouri, au » risque d'ouvrir les vaisseaux considérables qui devaient s'y » rencontrer. Il arriva en effet que le sang sortit par gros jets nique que tenait M. Maillet, mon chef de service; elle a été recueillie en mon absence pendant les vacances de i836. Je la transcris littéra- lement , laissant M, Maillet raconter lui-même ce qu'il a vu et ce qu'il a fait. ( 75) » artériels et veineux et inonda promptement tonte la plaie. » J'aurais bien pu lier les branches artérielles, divisions des tra- » chelo et sterno-museulaires, que je saisissais aisément avec les » doigts; mais le sang coulait si abondamment par de larges » veine» enfoncées dans les tissus, que je craignis que l'animal » n'en perdit une trop grande quantité pendant le temps que » j'emploierais à lier les artères: je me décidai donc à tam- » ponner. Une succession de tampons d'étoupe mouillée d'eau » froide fut introduite et accumulée dans la plaie. Les lambeaux » cutanés rapportés par dessus furent réunis et solidement main- » tenus par une suture de pelletiers , et aussitôt je fis relever » l'animal. Cependant le sang qui suintait et s'écoulait même à » travers l'appareil, distendait la peau au point de me faire » craindre la déchirure des lèvres par les points de suture. Je » chargeai l'élève, à qui la surveillance de ce cheval était confiée, » d'appuyer avec le plat de la main sur l'appareil et de le sou- » tenir ainsi jusqu'à ce qu'il s'aperçut de la cessation de l'hémor- » rhagie ; en même temps un autre aide projetait continuellement » de l'eau froide sur toute cette région. Au bout d'une heure, la » tumeur n'augmentant plus, et le sang ayant depuis plus de y> vingt minutes cessé de transsuder, je fis ces-er la compression « et les aspersions. Un linge mouillé qu'on rafraîchissait de » temps à autre fut seulement appliqué sur l'appareil. Le cheval » fut attaché à deux longes. » Deux heures après l'opération , j'examinai le cheval ; il sAi- » tait un peu , le pouls était petit , les muqueuses pâles , la i • ration accélérée, mais il n'y avait pas d'afiaibli» sèment notable. » J'évaluai de quinze à dix-huit livres la quantité de sang qu'il » avait perdue. Un peu d'eau blanche qu'on lui présenta fut re- » fusée; il refusa aussi de prendre un breuvage tonique qu'on » chercha à lui faire avaler. Je m'opposai a ce qu'on insistât, • dans la crainte qu'en se défendant il se livrât à des mouvements » qui pourraient faire reparaître 1 némorrhagie. » Vers cinq heures du soir , il but un peu d'eau blanche. Peu (76) » d'instants après, le sang recommença à couler clair , rouge sang » artériel, mais en petite quantité. Je fis renouveler les douches » réfrigérantes, et ordonnai qu'on ouvrît les portes et fenêtres » de l'écurie pour y entretenir un courant d'air frais. Je défendis » qu'on donnât des boissons dans la soirée. L'hémorrhagie ne » s'arrêta cependant qu'à onze heures du soir. . » Le 10, au matin, la tumeur était considérable; la peau était » distendue par l'appareil et le sang. Il y avait chaleur au pour- » tour _, pouls moins élevé que la veille. L'animal n'était point » abattu. On entendait à plusieurs pas de distance un râle ron- » fiant muqueux particulier qu'on percevait dans toute sa force » en appliquant l'oreille à l'ouverture des cavités nasales, sur » la gorge et sur tout le bord trachéal de l'encolure. On l'en- » tendait aussi distinctement, mais plus faible, en auscultant la » poitrine (i). » Je me bornai à faire nettoyer doucement le pourtour de la » plaie, et prescrivis quelques lotions d'eau salée. Le soir, à » dix heures, je fis administrer un demi-litre de vin de quinquina. » Le il, il y avait autour de la plaie un engorgement 1res vo- » lumineux qui s'étendait inférieurement jusque entre les mem- » bres antérieurs. Il s'exhalait de cette plaie une odeur infecte. (i) J'ai souvent entendu ce ronflement, espèce de gros râle mu- queux avec bruit de soupape, dont parle ici M. Maillet. Celui qui l'entendrait pour la première fois et ne connaîtrait pas l'état du cheval, affirmerait sans hésiter l'existence du croup, ou de fausses membranes dans les voies antérieures du tube respiratoire, dans le larynx surtout; car c'est à cet organe que ce bruit est principalement sensible à l'au- scultation. C'est toujours à la suite de grandes opérations pratiquées sur un des points de la gouttière de l'encolure, et par exemple , à la suite d'enlèvement de tumeurs situées en dedans de la pointe de l'épaule, d'extraction de grosses cordes de farcin accompagnant la jugulaire, de profondes incisions faites dans quelques cas de trombus avec ulcération de la jugulaire, etc. , que j'ai eu occasion d'observer ce singulier symptôme. J'eus besoin de faire l'ouverture de deux che- (77) » Je défis les points de suture et enlevai une à une les couches » d'étoupes qui composaient l'appareil ; mais arrivé aux dernières, » je vis s'échapper en nappe à travers les caillots qui s'y étaient » amassés , une quantité de sang assez grande pour me faire » craindre une hémorrhagie considérable si je tentais d'enlever • les derniers caillots et l'étoupade qui les soutenait. Je me hâtai » donc de les recouvrir avec des plumasseaux imbibés de chlo- » rure de chaux que j'avais fait préparer à l'avance ; j'en remplis » la plaie, et les maintins avec des points de suture à bourdon- » nets moins serrés que la veille. J'ordonnai que deux fois dans » la journée on imbibât l'appareil de chorure de chaux. Si à » craindre que me parût la gangrène, j'étais cependant rassuré » par l'état général du sujet dont l'appétit était bon, les crins » tenaces, le pouls et les battements du cœur normaux, les mu- » queuses rose vif, la physionomie éveillée. » Le soir , je fis pénétrer huit cautères effilés et chauffés à » blanc dans l'infiltration inférieure qui avait beaucoup aug- » mente depuis le matin. » Le 12, l'engorgement était énorme. Il s'éteudait en bas et en » arrière jusqu'à l'abdomen, et latéralement gagnait l'autre épaule. » L'odeur de la plaie était la même que la veille; il sortait un liquide vaux abandonnés au moment où ce ronflement existait sur eux , r our me convaincre qu'il n'y avait pas do fausses membranes , pas de lam- beaux quelconques, pas même de mucosités dans les cavités nasales, le larynx, la trachée ou les bronches. Je crois donc qu'il y a là un phénomène purement nerveux, qu'il faut rapporter à une lésion, compression ou altération du nerf trachéal récurrent pendant ou après l'opération. On sait en eflet que ce nerf fournit des rameaux aux muscles dilatateurs du larynx. Je sais bien que Ton serait en appa- rence aussi fondé à croire à la compression ou lésion du pneumo-gas- trique qui fournit le trachéal récurrent; mais j'observe que dans aucun des cas où j'ai remarqué ce symptôme, les fonctions digestives et pulmonaires n'ont paru modifiées, ce qui aurait eu lieu si le pneumo-gastrique eût été intéressé. (78) » séreux par les ouvertures résultant de la cautérisation. Je me dé» » cidai à faire le pansement et enlever tous les caillots delà plaie, » quoi qu'il pût arriver. Il n'y eut pas d'hémorrhagie. Les masses de » sang caillé que je retirai avec les plumasseaux du fond de la » plaie étaient à moitié décomposés et d 'une odeur repoussante. » Les unes étaient noires et mollasses, les autres déjà formées » en noyaux fibrineux ; le tout nageant dans un liquide brun v noirâtre, et formant un mélange putride singulièrement infect. » Des eschares gangreneuses revêtaient les points de la plaie sur » lesquels reposaient ce liquide ou ces caillots altérés. J'enlevai » avec le bistouri ces eschares encore très minces sans que l'animai » parût en éprouver la moindre douleur. Il montra la même in- » sensibilité quand je pratiquai une incision à la partie la plus dé- » clive de la plaie, pour permettre l'écoulement facile du liquide » dont je voulais prévenir l'accumulation dans son fond. Je » touchai ensuite avec le cautère tontes les parties à moitié » gangrenées que je venais de dépouiller, de leurs eschares et » pansai avec le chlorure de chaux. » Le i3, l'engorgement a continué ses progrès en arrière et » latéralement. Il occupe tout le poitrail et empêche tout mouve- » ment des membres antérieurs. En haut il s'étend jusqu'à la » gorge > forçant l'animal à étendre la tête sur l'encolure pour » respirer. Les plaies résultant de la cautérisation sont sèches. » Il en est de même de la plaie principale dont les parois se » sont recouvertes de nouvelles eschares. La peau est décollée » et livide au pourtour de la tumeur, surtout inférieurement; » ce décollement a lieu autour de chaque point cautérisé. La » plaie, comme la tumeur, sont complètement insensibles. La » faiblesse et rabattement sont extrêmes ; l'appétit nul. On ne » sent presque pas le pouls; les battements du cœur sont tu- » multueux. Le cheval est mort à sept heures du soir. » Autopsie le i4 à 8 heures du matin (treize heures après la » mort ). C 79 ) » Toute la région de la tête et de l'encolure sont emphyséma- » teuses. » L'ouverture de Tabdomen ne fournit rien de remarquable. » Les muscles pectoraux sont secs et colorés en brun noirâtre » dans la partie de leur étendue la plus voisine de la plaie. Il ne » sort pas une goutte de liquide des incisions do^t on les tra- » verse. Cette gangrène se propage dans toutes les parties qui en- » tourent la plaie, surtout inférieurement. Le tissu cellulaire » environnant est infiltré de sérosité. » Il n'y a plus ni caillots ni fibrine altérée dans la plaie. Dans » son fond se trouvent des ganglions lymphatiques colorés en » rouge brunâtre et très tuméfiés, mais ils ne sont pas gangrenés. » Au dessous sont les artères et veines trachélo-musculaires dont » les divisions ouvertes ont fourni tout le sang qui s'est écoulé » pendant et après l'opération. La gangrène se propage entre ces » vaisseaux sur le tissu cellulaire dans lequel ils sont plongés, et » s'étend visiblement dans celui de la poitrine jusqu'à la base du » péricarde. » La substance du cœur a presque le même aspect que les » muscles voisins de la plaie. Ses cavités ne renferment que j eu » de sang très noir et non coagulé. Le ventricule gauche est et u- » vert d'ecchymoses à sa face interne dont la teinte est rouge » clair; le droit est rouge très foncé. » Le poumon, perméable partout, présente à sa surface et » dans son épaisseur un assez grand nombre de taches rouge » noirâtre qui sont évidemment des ecchymoses. » (Le sujet de cette observation était surveillé par l'élève Leclerc.) (8o) QUINZIÈME OBSERVATION. Morve chronique devenue gangreneuse à la suite d'une saignée nasale. — Mort de ranimai. — Caillot putréfié trouvé autour de\a plaie résultant de la saignée. Cheval entier, faisant le service de la poste d'Alfort, âgé de sept ans , de taille moyenne , fortement constitué , mais fatigué depuis six mois par un travail forcé. Renseignements. Deux des principaux symptômes de la morve chronique, Je jetage par le naseau gauche et l'engorgement des ganglions interrnaxillaires du même côté, se sont montrés et persistent depuis six semaines. Il n'y a pas de trace apparente d'ulcération. Les enveloppes testiculaires gauches sont engorgées, dures, sensibles, et adhérentes à la partie postérieure du testicule. Le cheval boit et mauge bien , ce qui ne l'empêche pas de mai- grir tous les jours davantage. Les battements du cœur ne sont pas sensiblement plus forts que dans l'état de santé; le pouls ne présente rien d'anormal; les mouvements du flanc sont réguliers ; l'animal n'a jamais toussé. Désespérant de le guérir, et désirant faire une expérience avant de le sacrifier, je voulus tenter un des moyens de traite- ment conseillé par Morel, la saignée aux sinus" veineux de la pituitaire. Mais n'ayant pas d'instrument convenable pour pra- tiquer cette opération , je recourbai la pointe d'un clou à cheval , en forme de crochet , et fixai solidement la base de ce clou autour de l'extrémité d'une petite baguette longue de douze à quatorze pouces. Ce fut le 3 décembre i835, qu'après avoir fait conduire le cheval aux hôpitaux de l'École pour mieux suivre l'expérience, j'introduisis le crochet dans la cavité nasale, et en tournant la pointe du côté de la cloison , à la hauteur du milieu du sinus vei- neux supérieur, je la fis pénétrer dans son intérieur en appuyant (S, ) légèrement et tirant en bas, de manière à en déchirer les parois dans l'étendue d'un demi-pouce environ. Un écoulement sanguin, abondant, qui eut lieu immédiatement, m'annonça que le sinus était ouvert. Je fis la même opération sur la partie apparente du sinus inférieur avec le même résultat. Le sang coula pendant dix minutes environ, et s'arrêta ensuite presque instantanément. L'animal fut alors mis à l'écurie et attaché à deux longes. Une demi-heure après, je fis injecter quelques litres d'eau froide dans le nez pour le nettoyer, et un peu d'eau blanche fut accordée an cheval, qui but sans que les mouvements qu'il fit renouvelassent l'hémorrhagie. La journée fut bonne. Le 4 au matin, deux ou trois parcelles de caillot rouge, mou et sans odeur, furent trouvées sous l'aile supérieure du naseau gauche; l'ouverture du sinus inférieur est presque fermé. L'appétit est toujours bon ; même état général. ( La ration est d'une demi- botte de foin, deux bottes de paille, un quart d'avoine, un quart de farine d'orge.) Le cheval est gai à la promenade au pas qu'on lui fait faire; pendant cet exercice il s'ébroue plusieurs fois, et chaque fois il expulse de petits débris de caillot des cavités nasales. Le 5 au matin , l'air expiré a une odeur fade très sensible • la membrane pituitaire a une coloration rosée un peu terne. Le jetage n'a pas cependant changé de caractère, et la matière qui le constitue est toujours d'un blanc sale, visqueuse et peu abon- dante. Bien de change' dans l'état général. Le soir à quatre heures je revois le malade : la matière du jetage est très légère- ment striée de sang, un peu odorante. L'air expiré n'est plus seulement fade , il a une odeur ammoniacale assez prononcée. Les ganglions de l'auge, sans être plus engorgés, sont plus dou- loureux. La muqueuse nasale a une couleur rouge plus foncée- une ecchymose de la largeur d'une lentille existe sur cette mem- brane en bas de la cloison , au-dessous du point où a été faite l'ouverture du cornet inférieur, dont la trace n'est marquée que par une ligne rouge un peu irrégulière. Pas de modification ap- 6 (82 ) préciable dans l'état général. (Fumigation avec un mélange de vapeur d'eau et de chlore. — Injection de chlorure de chaux liquide très étendu dans les cavités nasales. — Même régime.) Le 6 , à la visite du matin, le j étage est très abondant et plus liquide ; l'odeur en est fétide; les stries de sang y sont plus larges et plus nombreuses; il reflète une teinte jaunâtre. L'air expiré a une odeur semblable à celle de la matière du jetage; la couleur de la muqueuse est la même que la veille, seulement elle est plus tranchée; il n'y a pas de nouvelle ecchymose , et celle qui existait, bien que plus foncée, ne s'est pas sensiblement étendue. La respiration nasale est un peu ^èaée9 il y a de l'accélération dans les mouvements du flanc. L'appétit est beaucoup moindre; le cheval refuse tout à fait l'avoine. Le pouls et les battements du cœur conservent le même caractère. (Mêmes fumigations que la veille; de, plu s un électuaire tonique camphré. ) Je ne revois pas le malade dans la journée. Le 7 , il n'y a plus à se méprendre sur la nature du mal. Le mucus purulent qui s'écoule par la narine gauche est plus abon- dant encore que la veille : il a, ainsi que l'air expiré, une odeur gangréneus2 des mieux caractérisées; sa couleur est lie de vin pâle, nuancée de jaune. L'ecchymose remarquée les deux jours précéden;s est remplacée par une ulcération allongée de bas en haut qui a près d'un pouce de long sur trois lignes de largeur. Cette ulcération paraît intéresser presque toute l'épaisseur de îa muqueuse; le fond en est formé par le réseau veineux de cette membrane, quelques très petits grumeaux de sang noir qui s'y trouvent accolés indiquent que quelques unes des veinules de ce réseau ont été perforées. Les ganglions intermaxillaires sont très gros et très douloureux; les ailes du nez sont tuméfiées, la respi- ration nasale est difficile du côté malade , et un peu bruyan'.e quand on bouche la narine saine ; la paupière gauche est tumé- fiée et ('œil chassieux. L'aaimal a presque complètement perdu l'appétit ; il ne fait plus que mâchonner quelques bouchées de foin, qu'il prend de (83 ) temps à autre et n'avalé pas toujours. Les défécations sont rares, mais de consistance ordinaire. Le pouls , notablement accéléré , contraste par sa petitesse avec les battements du cœur, qui ont beaucoup augmenté de force. La marche de l'animal est lente et indécise ; il paraît comme absorbé. (On se bornera à observer le malade dont l'état est jugé incurable.) Le 8 , tous les symptômes locaux et généraux ont augmenté d'intensité. Anorexie complète; respiration nasale bruyante. Plusieurs ulcérations existent sur la cloison du côté gauche qu'on ne peut plus examiner que difficilement à cause de l'engorgement considérable des ailes du nez. De petits grumeaux de sang dé- composé sont mélangés aux mucosités jaunâtres qui s'écoulent du nez. On observe un peu de jetage par la narine droite. Le pouls est plus faible , les battements du cœur plus forts et plus secs. La maigreur fait des progrès rapides; l'animal semble traîner ses membres en marchant. Les crins commencent à s'arracher facilement. On a entendu plusieurs fois une toux pectorale sèche, courte et répétée. Cependant la percussion de la poitrine a de la résonnance , et l'auscultation fait entendre le bruit respiratoire dans toute l'étendue des poumons accessible à ce genre d'explo- ration. (Pas de traitement.) 0 Le 9 , deux ulcérations sont apparentes sur la muqueuse na- sale du côté droit, elles sont situées sur la membrane qui revêt la cloison à l'extrémité inférieure de la gouttière. L'une a la lar- geur à peu près d'une pièce de dix sous un peu alongée , l'autre est de moitié plus petite; elles sont très près près l'une de l'autre, l'une plus haut, l'autre plus bas. Le doigt introduit dans le nez sent distinctement d'autres ulcérations , que leur siège plus profond dérobe à la vue. Les ailes du nez de ce côté commencent à se tuméfier. La respiration nasale est laborieuse. Aggravation des symptômes généraux. Des mèches entières de crins de l'en- colure cèdent à la plus légère traction. Pouls très faible. Mou- vements du cœur de plus en plus forts. La toux a encore été (34) ~nt entendue, elle a le même caractère. Rien d'appré- ciable dans la poitrine. (Pas de traitement. Le 10. les deux côtés du nez sont presque dans le même état. L'odeur de l'air expiré est insupportable. Le jetage sanieux a lieu par les deux naseaux. C'est à peine si l'animal peut respirer, tant les ailes du nez sont engorgées. Faiblesse extrême. On ne sent presque plus le pouls, malgré l'énergie croissante des batte- ments du cœur. Pas de défécation. Chute de l'animai à deux heures de l'après-midi. Mort à trois heures. Autopsie à trois heures et demie .une demi-heure api mort]. Abdomen. On ne trouve aucune lésion remarquable dans les fs abdominaux, si ce n'est dans la rate, dont la couleur est violet fonce , et la consistance un peu moindre que dans l'état de santé. Organes génitaux. Le ti>su cellulaire qui unit la 1 unique éry" throîde au dartos est infiltré , dur et épaissi, principalement au- tour de la partie postérieure du testicule gauche, qui est forte- ment adhérent à ses enveloppes à cet endroit. L'n peu de matière blanche, inodore, molle et comme fibrineuse existe dans un foyer de la grandeur d'une coque de noisette à 1* naissance de l'épidi- dvme. Le reste de «l'organe . ainsi que le cordon , est parfai- tement sain. Quelques uns des ganglions sous-lombaires sont infiltrés d'un liquide séro- purulent , mais ont leur couleur, leur volume et presque leur consistance ordinaires. Thora.i . Les poumons , vus extérieurement , paraissent par- faitement sains; ils sont partout souples et crépitants sous la pression des doigts. Cependant la coupe de ces organes, du lobe «uiche surtout, laisse voir une centaine au moins de taches ecchy- motiques . plus ou moins rapprochées , dont l'étendue est à peu près partout d'une demi ligue à une ligne et demie, et don1 quelques unes seulement présentent à leur centre un point blan- châtre a peine gros comme la tête d'une petite épingle et s ecra- (85) sant à la pression. La substance pulmonaire n'est point altérée autour de ces ecchymoses. Les parois musculaires du cœur sont pâles et sans élasticité ; elles se déchirent avec assez de facilité. Plusieurs larges ecchy- moses existent à la face interne du ventricule gauche, notam- ment sur les saillies qu'elle représente; ces ecchymoses se trouvent entre la membrane interne et le tissu musculaire qu'elles ne pénètrent pas. On en remarque une seule peu étendue et peu foncée à la base des valvules auricuio-ventriculaires dans le ventricule droit. Il n'y a rien de remarquable dans la trachée Cavités nasales. L'ouverture des cavités laisse voir la mem- brane pituitaire qui revêt les deux côtés de la cloison, presque entièrement détruite par de larges et profondes ulcérations plus isolées et ^>ius petites du côté droit , se confondant presque toutes entre elles du côté gauche. En grattant avec le dos du scalpel à la surface de cette membrane, on en exprime une sanie rougeâtre, infecte, de consistance pulpeuse. Mais ce qui est bien remarquable est un caillot noir, ayant à peu près la forme et le volume d'une amande alongée et recouvrant la plaie /aile au sinus veineux supérieur par la pointe du clou. Ce cail- lot, d'une fkiollesse qui le rend presque diffluent , a une odeur repoussante ; et on ne s'expliquerait pas qu'il eût pu ne pas être expulsé depuis la saignée (car il est évident qu'il date de cette époque) , s'il ne se prolongeait par les radicules de sa base, qui a un peu plus de consistance, dans l'intérieur des veines for- mant le sinus. C'est autour de ce point que les désordres sont le plus prononcés. La surface des cornets ainsi que leurs replis , bien que labou- rés par beaucoup d'ulcérations, sont cependant moins lésés. Sur le fond noir que reflète toute la membrane, on voit se dessiner, comme dans toute morve aiguë, gangreneuse, soit des élevures linéaires blanchâtres qui semblent des lymphatiques gonflées de (86) lymphe concrétée ou purulente, soit des ulcérations de forme et de grandeur diverses. N'est-il pas évident que sur le sujet de cette observation, la morve chronique eût conservé longtemps ses caractères, sans la saignée locale faite aux sinus, et notamment au sinus su- périeur qu'on n'a pu, à cause de sa situation profonde, nettoyer du sang qui s'est coagulé à l'ouverture de la dé- chirure. N'est-il pas évident que le développement des caractères de gangrène a coïncidé avec le moment où le caillot formé autour de la plaie du sinus supérieur a commencé à se putréfier. N'est-il pas évident, enfin, que ce caillot putréfié est la cause, et le point de départ de tous les accidents qui ont amené la mort. (Ce cheval était surveillé par l'élève Quetier.) SEIZIÈME OBSERVATION. Gangrène de la cuisse , à la suite de V extirpation d'une corde defarcin. — Mort de V animal. — Séjour prolongé et alté- ration de plusieurs caillots sanguins dans la -plaie. Cheval entier de huit ans , de taille moyenne , de constitution épuisée, faisant le service des voitures Omnibus, appartenant à M. Verdure de Vincennes. Renseignements. Ce cheval a été mis à l'infirmerie de Vin- cennes pour une corde de farcin existant à la face interne de la cuisse droite, sur laquelle toutes les applications médicamen- teuses les plus énergiques sont restées sans succès. Il y a plus de trois mois qu'il a cette corde, quand, d'après le conseil de M. Maillet , chef de service à la clinique de l'École d'Alfort , on l'amène aux hôpitaux de cet établissement pour qu'on y tente l'extirpation du lymphatique altéré qui constitue la corde. État de V animal lors de son entrée à l'École , le 26 décembre («5) i836. Il a assez d'embonpoint , paraît énergique dans le pre- mier moment du trot , mais est promptement échauffé à cet exercice. Il a bon appétit, toute» ses fonctions s'exécutent libre- ment. A la face interne de la cuisse droite, on sent sur le trajet de la saphène, à partir du jarret, jusque dans l'aine , une corde de la grosseur du petit doigt, sur laquelle la peau est adhérente et qui est un peu sensible à la pression. Le membre est légère- ment engorgé, mais l'animal ne boite pas. Les ganglions de l'auge sont sains, aussi bien que les cavités nasales. Malgré l'ancienneté de la maladie qui offre peu^ de chances de guérison radicale , je& regarde l'animal comme étant dans de bonnes conditions pour être opéré sans danger vnmédiat, d'autant plus que son proprié- taire assure qu'il ne l'a jamais entendu tousser depuis qu'il est à Vincennes. Le 27 au matin , opération. Elle consiste à fendre la peau sur toute la longueur de la corde , à l'en détacher par la dissection , à séparer le lymphatique malade des parties sous-jacentes et à l'extraire. Deux grosses divisions veineuses afférentes de la sa- phène sont coupées pendant l'opération et liées immédiatement. Il n'en est pas de même de ces grosses branches veineuses qui rampent au fond de laine, entourent la base du pénis et se plongent sous la peau des enveloppes testiculaires : sur trois qui sont ouvertes, une seule peut être liée, les deux autres sont trop profondes pour être saisies par les pinces. On est forcé de tam- ponner pour arrêter le sang. Des plumasseaux imprégnés d'eau salée sont appliqués dans *:oute l'étendue de la vaste plaie résul- tant de l'enlèvement de la corde et maintenus par plusieurs points de suture à bourdonnets. ( Diète sévère. On projettera à chaque instant de l'eau froide sur l'appareil jusqu'à la cessation de l'hé- raorrhagie. Repos absolu.) — Deux heures après , le sang a com- plètement cessé de couler. L'animal en a perdu de 9 à 10 livres [ c'est la quantité qu'on retire quand on fait à un cheval une forte saignée). — Le soir, on donne un quart de ration, qui est mangé avec appétit. (88) Le 28, l'animai est gai et cherche à manger; il ne parait pas plus affecté qu'avant l'opération. On remarque seulement un peu de vitesse et de dureté dans le pouls. L'appareil de panse- ment n'est pas dérangé. (Eau légèrement farineuse. Un quart de ration. On nettoiera à l'eau froide les bords de l'appareil qui sont pénétrés de sang concrète.) Le 29 , même état général. On observe un peu d'engorgement au jarret du membre opéré dont les mouvements sont évidem- ment douloureux. Quelques gouttelettes de sérosité sanguino- lente suintent de l'extrémité inférieure de l'étoupade. Aucune mauvaise odeur. Les bourses sont considérablement engorgées , chaudes et sensibles à la pression. Désirant extraire de la plaie quelques uns des caillots dont la présence peut devenir dangereuse, je fais enlever avec précaution l'appareil. On absterge avec légèreté le sang épaissi à la surface de la plaie. Des caillots considérables s«nt formés dans le voisi- nage de l'aine : on essaie de les détacher , et on parvient à en faire tomber plusieurs. Mais quand on arrive aux couches pro- fondes , leur ébranlement est suivi d'un écoulement de sang noir qui annonce que les veines blessées ne sont point encore assez solidement obstruées. On cesse toute traction et on fait un nouveau pansement compressif. (Projections d'eau froide jus- qu'à cessation d'hémorrhagie. Repos absolu. Quart de ration.) Le sang ne coule que quelques minutes; il en tombe au plus une livre. Le 3o au matin, l'engorgement du membre, celui des bourses surtout , a sensiblement augmenté. Le membre est raide et se meut tout d'une pièce. Sans être précisément abattu, l'animal a perdu sa gaîté des jours précédents; il a laissé un peu d'avoine dans sa mangeoire. Le pouls est vite et serré. Il y a eu un peu de frisson de trois à quatre heures du matin. Le poil est piqué. Toute la partie inférieure de l'étoupade est pénétrée d'un sang clair, ou plutôt de sérosité sanguinolente qui mouille, en s'écou- lant goutte à goutte, la face interne du membre. Il b'cxhale de (»9 ) l'appareil une légère odeur de sang altéré. L'animal fuit avec anxiété le plus léger attouchement de la partie opérée ou Se son voisinage. Le pouls est moins fort que la veille , il est plus vite et toujours serré. On défait le pansement avec précaution : il est à peine enlevé, qu'une vapeur fétide s'échappe de la région inguinale. Une légère pression sur les bourses engorgées fait sortir par la plaie un liquide roussâtre de mauvaise odeur; cependant il ne s'écoule pas de sang en nature. Je retire avec les doigts , en les déchirant sans traction, plusieurs portions de caillots mous, noirs, putré- fiés, qui sont amassés dans des bas- fonds formés par des poches dans le tissu cellulaire des bourses. La profondeur de ces poches et leur position dans l'aine m'empêchent de tout enlever. ( Pan- sement avec des plumasseaux imprégnés de chlorure de chaux. Quelques starifications sont faites dans l'engorgement des bourses. On met un suspensoir matelassé d'étoupes , saupoudré de chlo- rure de chaux solide. Un quart d'avoine donné en trois ou quatre fois; eau blanche. Trois lavements dans la journée. On fera un nouveau pansement chloruré le soir, et on changera aussi le sus- pensoir. ) Visite du 3i. La journée delà veille a été assez tranquille; l'animal a mangé lentement la moitié de sa ration ; le soir il l'a refusée; elle est encore dans sa mangeoire. La nuit il a été inquiet, agité , a gratté plusieurs fois le sol avec un membre antérieur. — L'engorgement des bourses a augmenté; il gagne la région inguinale et s'étend sous le ventre jusqu'en avant de l'ombilic. L'odeur du chlore ne peut masquer la fétidité de celle que répand le liquide roussâtre qui suinte à travers le pansement. Le membre sur lequel a été faite l'opération a plus que doublé de volume par la tuméfaction dont il est le siège : il est dur, tendu et dou- loureux; tout mouvement de flexion y est impossible ; il est tenu écarté en dehors de sa ligne d'aplomb ordinaire. Physionomie générale morne et inquiète, face grippée; œil brillant; poil terne et piqué ; amaigrissement sensible. Flanc fortement ré- (90) tracté. Respiration accélérée et un peu convulsive. Pouls petit, très serré et vite. Augmentation notable dans la force des batte- ments du cœur, qui sont secs et bien détachés. Les crins s'arra- chent facilement. Anorexie. Pansement. Les plumasseaux sont pénétrés par le ttquide roussâtre qui suintait à travers l'appareil. Ils tombent en masse aussitôt q,u'ils ne sont plus retenus par les nœuds de la suture et entraînent avec eux quatre ou cinq portions de caillots mollas- ses _, couleur encre de Chine , d'une odeur repoussante , ayant chacun à peu près le volume d'une grosse noix. Un ichor infect remplit les sinus que forme la plaie dans les bourses. Aucune trace de bourgeonnement ou de suppuration. La surface de la plaie, quand elle est nettoyée est d'une teinte ardoisée livide. Les lèvres de peau dans lesquelles les points de suture ont été engagés, tombent en gangrène. Il faut replacer d'autres fils à côté des premiers tout à fait à la base des lèvres. Malgré l'im- minence de la mort, on fait de nombreuses scarifications dans les parties engorgées; on en exprime, en les pressant, le plus possible de la sérosité qui les infiltre -} après quoi on fait péné- trer des cautères actuels dans les plaies résultant des scarifica- tions. ( On administrera une bouteille de vin de quinquina ; et on fera prendre un électuaire tonique camphré. ) A dix heures une sueur froide recouvre les parties génitales. Les extrémités se refroidissent aussi; le pouls est imperceptible. Les battements du cœur sont si forts qu'ils ébranlent le corps de l'animal. Respiration accélérée ; mouvements des flancs sac- cadés et convulsifs ; yeux hagards; faiblesse extrême; chancel- lement. Chute à onze heures un quart sur le côté gauche. FaiMes et inutiles efforts pour se relever ; agitation continuelle des mem- bres. Mort à midi moins dix minutes. Autopsie à trois heures. ( Trois heures après la mort. ) Abdomen. Rien de remarquable dans l'appareil digestif, si ce n'est un peu à& ramollissement de la rate, dont on exprime (9' ) facilement, après [l'avoir coupée, un liquide épais rouge lie de vin. Rien dans l'appareil urinaire. Les cavités nasales, le larynx et la trachée sont sains. Poumon. Un assez grand nombre de petits points comme pu- rulents, existent dans le lobe pulmonaire droit , notamment dans son bord dorsal. Quelques uns de ces petits corps se trouvent aussi dans ïe lobe gauche. Ils ont la consistance caséeuse, et s'é- crasent facilement sous le doigt. Quelques uns sont plus fermes et ne cèdent qu'à une forte pression. Leur volume varie de celui d'un gros pois à celui de la tête d'une petite épingle. La sub- stance pulmonaire qui entoure la plupart d'entre eux est parfai- tement saine. Il en est qui sont enkystés. Indépendamment de Ces altérations évidemment anciennes , bien que d'une date diffé- rente ( il ne faut pas oublier que ce cheval était farcineux depuis trois mois ), on remarque aussi dans la substance des deux lobes pulmonaires et près de leur surface , une multitude de petites extravasations sanguines , couleur sang artériel , qui rendent comme sablée de rouge vif la coupe un peu rosée du tissu pulmo- naire. Quelques unes de ces taches ont la largeur d'une lentille; presque toutes sont beaucoup plus petites. La substance du cœur est pâle et un peu ramollie. De larges ecchymoses existent sous la séreuse du ventricule gauche , sur- tout près des valvulqf auriculo-ventriculaires. Le peu de sang contenu dans ces cavités est pris eu caillots dans lesquels la partie blanche est plus abondante et piquetée de rouge : le caillot noir est en petite quantité et sans consistance. Le ventricule droit ne présente que deux ecchymoses du côté du septum ventriculaire; il est distendu par du sang noir non pris en caillots, et exhalant une légère odeur de gangrène. — Cette odeur était surtout pro- noncée dans le sang que contenait la partie abdominale de la veine cave postérieure dont la face interne était évidemment, je ne dirai pas enflammée, mais rougie du côté gauche, celui sur lequel avait reposé le sang, l'animal étant tombé sur ce côté, (90 y étant mort, et ayant conservé cette position jusqu'au moment de l'autopsie (i). Région inguinale. Les ganglions sous-lombaires sont engor- gés mous, et d'un rouge brun, tellement foncé, qu'ils ressemblent à des caillots de sang. Le péritoine est marqueté de plusieurs taches ecchymotiques de forme et de grandeur variables , rapprochées surtout du côté de la région pelvienne. La surface de la plaie résultant de l'opération est lisse, d'une teinte bleuâtre livide; les muscles de la face interne de la cuisse sont pâles, ramollis, ecchymoses par plaies. Une sérosité san- guinolente engorge le tissu cellulaire des bourses. — Sous la peau du scrotum, dans la région inguinale droite existe une poche communiquant avec la partie supérieure de la plaie, s'enfonçant sous la moitié supérieure de cette partie des enveloppes, et ren- fermant une masse sanguine noirâtre , épaisse, sans consi- stance , exhalant une très forte odeur de putréfaction. ( Ce cheval était surveillé par l'élève Samson.) (i) Un morceau d'aorte thoracique d'un cheval sacrifié pour les dissections des élèves , fut plongé dans le sang odorant et presque fluide qu'on retira de cette partie de la veine cave postérieure. Un autre morceau fut plongé dans du sang du même animal retiré de la veiue cave antérieure où il était en partie coagulé et n'avait aucune o leur. Au bout d'un quart d'heure, ces deux morceaux furent re- tirés el examinés comparativement. La face interne du premier avait pris une teinte rougeâtre uniforme, légèrement veinulée, que le frottement et le lavage ne purent faire disparaître. Il a suffi de faire couler un filet d'eau sur le second pour en enlever tout le sang et lui rendre sa couleur jaune naturelle. (93) DIX-SEPTIÈME OBSERVATION (i). Gangrené a la suite d'un selon au poitrail. — Mort de l'ani- mal. —SIang putréfié dans le trajet du séton. Le 16 août 1827, par une température très élevée, M. Causard, voiturier à Maisons- Alfort, ramène aux hôpitaux de l'école un vieux cheval qui en était sorti cinq jours auparavant, après avoir été traité avec succès d'une inflammation gastro-intestinale, dont la convalescence avait été très longue {1). Le lendemain de sa sortie, le sieur Causard ayant eu occasion de faire voir son che- val à un maréchal de Bercy, celui-ci lui avait conseillé de lui mettre un séton au poitrail, pour rendre sa guérison plus com- plète, attendu que ce moyen ayant été négligé à l'école, il se pourrait faire que son cheval retombât bientôt malade une troi- sième fois. A l'instant même on avait procédé à l'opération , à la suite de laquelle, nous dit M. Causard, il avait coulé beau- coup de sang clair comme de l'eau rousse. Comme le sang con- tinuait toujours à couler , M. Causard avait laissé son cheval chez le maréchal, et l'avait repris le soir à son retour de Paris. Le ma- réchal lui dit que le séton ayant encore donné une certaine quan- tité de sang , il avait été obligé , pour en arrêter l'écoulement , de mettre beaucoup d'amadou et d'étoupes dans les deux ouver- tures, ce qui avait parfaitement réussi; qu'il y avait bien un peu d'engorgement au poitrail, mais que cet engorgement était avan- tageux, parce que le séton ferait plus d'effet; qu'il ne devait donc pas s'en effrayer j qu'il suffisait de le graisser avec de l'on- guent populéum. Rassuré par ces raisonnements , M. Causard (i)'Extrait de la clinique de M. Vatel. (a) Ce même cheval avait été affecté de la gastro-entérite épùoo- tique qui régna en 1825, et, au «lire de M. Causard , ne s'était jamais parfaitement rétabli, bien qu'il eût toujours depuis continué son travail. (94) avait ramené le cheval chez lui, et était parti le lendemain matin en voyage, laissant son malade à l'écurie, et recommandant bien au charretier qui devait le soigner, defr&ter le séton avec de l'onguent popiléum, si l'engorgement continuait. Il était resté deux jours a osent; et à son retour, effrayé de l'état où il avait trouvé son cheval, il l'avait avec beaucoup de peine con- duit à l'école, tant était grande la difficulté qu'il éprouvait à marcher ! Tels sont les renseignements que nous donne M. Cau- sard, en les entremêlant de malédictions fort énergiques contre son ami le maréchal. Le malade qu'il nous présente porte au poitrail un engorge- ment considérable , traversé par un séton à mèche, dont les deux extrémités, réunies ensemble par un nœud, sont tendues par la tumeur dont elles serrent étroitement la partie qu'elles embras- sent. Les membres antérieurs écartés l'un de l'autre sont infiltrés a pleine peau jusqu'au genou. L'animal paraît accablé de la marche qu'il a faite ( il a été plus d'une heure à parcourir un quart de lieue ). Il n'a presque plus de pouls ; les muqueuses ap- parentes sont peu colorées, le flanc est cordé, l'œil fixe et ha- gard, la respiration courte, les ailes du nez dilatées; le centre de l'engorgement est presque froid et à peine sensible. On coupe le séton, on retire la mèche, et avec elle une douzaine au moins de tampons d etoupes qui avaient servi au maréchal à arrêter lliémorrhagie. Deux ou trois décilitres de sang épais , noir et dans un état complet de dissolution putride , s'échappent par les ouvertures du séton aussitôt qu'elles sont désobstruées. La mort était imminente; et avant de rien essayer, on en pré- vient M. Caus.trd, qui, ne pouvant croire à de pareils effets d'un séton, veut reconduire son cheval chez lui, et prie qu'on lui envoie des élèves pour le traitei. Une heure après les élèves sont de retour; ils ont trouvé le cheval étendu mort sur un des côtés de la route à deux cents pas de l'école. L'ouverture n'en a point été faite. (9^) RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS QUI PRÉCÈDENT. Symptômes, marche, durée, terminaison. Au milieu de tous les rapports , je dirai presque de la ressemblance si frappante que présentent entre eux les dix-huit cas qui précèdent, on aura remarqué surtout une circonstance matérielle qui n'a manqué dans aucun d'eux et en constitue évidemment le ca- ractère principal : je veux parler de la présence au centre des engorgements qui ont formé le point de départ des accidents gangreneux, de caillots san- guins ou de sang liquide, de couleur , de consistance et de quantité variables, mais toujours dans un état plus ou moins avancé de décomposition pvÊidde. Or, c'est là à mes yeux un fait capital que je me borne quant à présent à constater, et sur lequel je revien- drai bientôt pour en développer l'importance écolo- gique. Mais d'abord il me semble utile de résumer dans une analyse rapide l'ensemble des caractères que présente la gangrène lorsqu'elle se manifeste dans les circonstances que je viens de rapporter \ de rajH peler les phénomènes qui accompagnent et indiquent son développement; d'en préciser autant que pos- sible la marche et la durée générale, et enfin de re- tracer les lésions les plus saillantes qu'on trouve à l'autopsie des cadavres. (96) Dans l'espèce, c'est généralement trois, quatre ou cinq jours après qu'une opération ou une blessure ont occasionné un écoulement sanguin , que se mon- trent les symptômes qui précèdent immédiatement ou décèlent déjà la naissance de la gangrène. Toute- fois, une condition est indispensable à cette mani- festation ; c'est qu'une quantité plus ou moins con- sidérable de sang ait séjourné soit sous un appareil à la surface de la plaie, soit dans des poches résultant du soulèvement de la peau, soit dans des sinus plus profonds existant entre les muscles ou sous les apo- névroses. Il est des cas cependant dans lesquels ce n'est que plus longtemps après le moment où la plaie a été faite, où le premier écoulement de sang a eu lieu, que les accidents se déclarent : les 3e9 g% 10e et i ic observations en fournissent des exemples. Mais, dans ces cas, il est remarquable que trois, quatre ou cinq jours avant l'apparition des phénomènes gangre- neux, une cause particulière avait de nouveau donné lieu à unehémorrhagie,et que du sang s'était amassé dans la profondeur ou à la superficie de la plaie. La présence de sang épanché en certaine quantité, ayant séjourné un certain temps dans la plaie , est donc la condition matérielle , la condition sine quâ non du développement de cette variété de gan- grène. Cela ne veut pas dire qu'elle soit la seule; car, à ce compte , un très grand nombre d'opérations sanglantes auraient presque inévitablement cette fâ- cheuse terminaison. Il est besoin, au contraire, pour (97) que ce résultat se produise, que les malades se trou- vent sous d'autres influences que je ferai connaître, et dont reflet sur le sang amassé dans la plaie, im- prime à ce liquide les modifications qui rendent son contact si funeste aux tissus vivants. Avant que des signes certains de gangrène aient été reconnus, on peut , jusqu'à un certain point, soupçonner l'imminence de son développement. Un engorgement inaccoutumé se forme rapidement au- tour des parties opérées. Cet engorgement s'étend dans tous les sens, est œdémateux aux limites de sa circonférence; il est ordinairement tendu, chaud et douloureux au centre; la piaie autour de laquelle il a pris naissance (quand l'absence ou l'enlèvement de l'appareil de pansement permettent de l'examiner), est rouge livide, plombée, luisante; rien n'y indique l'établissement prochain de la suppuration ; ou si déjà cette sécrétion morbide avait commencé, elle s'est supprimée presque tout à coup. Le liquide qui s'en écoule est séro-sanguinolent , sans odeur d'abord; ou bien il a une odeur fade ou légèrement ammo- niacale; il est rare que cette odeur ne soit pas déjà très sensiblement fétide lorsque l'engorgement date de plus d'un jour. Le pouls, à cette époque, est surtout remarquable par son accélération. Il n'y a, comme phénomènes généraux, que des symptômes de réaction fébrile d'autant plus prononcés que l'animal est d'une con- stitution plus forte et plus énergique. Cependant sur 7 (98) les individus débilités par l'âge, les fatigues ou les mauvais soins, ces phénomènes généraux sont à peine sensibles ; chez eux , il n'y a encore de saisis- •ables que les symptômes locaux. Que si, averti par ces premiers caractères, le pra- ticien n'a pas , en enlevant avec soin tout ce qui se trouve de sang à la surface ou dans la profondeur de la plaie, et en appliquant un pansement approprié, prévenu l'aggravation des accidens, alors le mal fait des progrès dont la rapidité est quelquefois effrayante. La tuméfaction , de plus en plus chaude et doulou- reuse, envahit toute la région malade, puis les cir- convoisines,au point d'en gêner considérablement ou empêcher tout à fait les mouvements : elle s'étend principalement vers les parties déclives où elle est plus œdémateuse. Le liquide qui s'écoule de la plaie, qu'on en fait sortir par la pression , ou qu'on en re- tire par un moyen quelconque, est roussâtre, brun ou bistre, d'une odeur putride plus ou moins pro- noncée. L'animal fuit avec anxiété le moindre attou- chement ou seulement un semblant d'attouchement sur la partie malade; et l'exaltation de la sensibilité y est telle, que, par la position particulière qu'il lui donne, il semble qu'il cherche à la soustraire à une pression douloureuse qu'il y éprouverait incessam- ment. A cette époque, on observe une accélération notable dans le pouls qui ordinairement diminue de force et se serre. Les mouvements respiratoires sont plus pressés; il y a de l'agitation dans le flanc; les reins (99) sont inflexibles ; il y a quelque chose de grippé dans la face; un air de vive souffrance ou de malaise pro- fond dans la physionomie, se décelant par la rétrac- tion des lèvres et des ailes du nez, par l'expression alternativement morne ou brillante du regard. L'ani- mal est tantôt abattu et comme absorbé , tantôt dans un état d'agitation presque continuelle ; il y a parfois des soubresauts dans la région malade. L'appétit est nul 5 cependant il n'est pas rare de voir les chevaux à tempérament nerveux saisir convulsivement la paille ou le foin, les mâcher avec une espèce de fu- reur , et puis les laisser retomber au bout de quelques instants sans avoir cherché à les avaler. Pas de défé- cation. Il y a chaleur vive à la peau. Tous ces symptômes existent ordinairement dès le deuxième ou troisième jour de l'apparition de l'en- gorgement. Ceux qui leur succèdent annoncent que déjà le mal a fait des progrès plus profonds et que l'infection gangreneuse commence à se généraliser. A ce moment, les phénomènes locaux n'ont plus qu'un intérêt secondaire : c'est l'économie tout en- tière qui est pénétrée par le poison morbide et en accuse la présence et les effets par les symptômes suivants qui sont caractéristiques: Le pouls devient de plus en plus vite et s'amoindrit : au fur et à mesure qu'il perd de sa force; les batte- ments du cœur deviennent plus sensibles et augmen- tent d'énergie; ils sont secs, bien dessinés, ne peu- vent être sentis d'abord que par l'application de la ( *o<> ) main sur le coté gauche; mais plus tard, et progressi- vement , ils deviennent plus distincts et finissent par heurter si violemment la poitrine, qu'ils ébranlent visiblement le corps de l'animal à chaque contraction et peuvent être facilement entendus à quinze ou vingt pas de distance. Je le répète, cette énergie va crois- sant jusqu'aux derniers moments de l'animal; et, chose singulière, c'est quand 'e pouls est devenu in- explorable qu'elle a acquis son maximum d'inten- sité (i). (i) Cette augmentation progressive dans la force des batte- ments du cœur, correspondant à une diminution sensible et gra- duelle dans le développement du pouls dont l'accélération va croissant, s'observe presque invariablement, soit dans les maladies dans lesquelles les qualités du sang s'altèrent primitivement ou consécutivement sous l'influence de causes à action lente et con- tinue ; soit, et surtout, dans celles où l'altération de ce liquide est due à Faction presque instantanée de matières virulentes ou sep- tiques quelconques introduites par voie d'injection ou d'absorp- tion dans le torrent circulatoire. Ainsi, pour rester dans le cercle des maladies naturelles (qu'on me permette cette expression), on la remarque dans le cours des maladies charbonneuses carac- térisées d'abord par l'apparition de tumeurs à la périphérie du corps; ainsi dans le cours et à la suite de longues suppurations; ainsi quand la gangrène locale s*étend au lieu de se circonscrire , et doit se terminer par la mort, etc.. : dans tous ces cas, je re- garde ce phénomène comme le premier indice de la généralisa- tion des effets du poison morbide , et je l'attribue au commen- cement de l'altération du sang déjà plus ou moins infecté par ce poison. La suite de ce mémoire prouvera que cette dernière supT position n'est pas sans quelque fondement. Pourrait -on expliquer cette augmentation si remarquable dans ( ioi ) Le moment où les battements du cœur commen- cent à se faire sentir, coïncide avec une augmenta- tion remarquable dans la fétidité du liquide contenu dans la piaie ou qui s'en écoule. À cette époque l'engorgement local fait encore des progrès sur quel- ques sujets, reste stationnaire chez la plupart^éprouve les battements du cœur, par l'impression particulière que doit percevoir cet organe à l'arrivée dans ses cavités d'un sang mo- difié dans ses qualités naturelles par son mélange avec le poison, et devenant de plus en plus excitant, ou même irritant, au fur et à mesure que la quantité du poison augmente? Ces battements plus foits (que ce soit la systole ou la diastole qui les constitue) ne seraient-ils pas une manifestation de la réaction du cœur au contact du sang altéré qui vient de le pénétrer tout à coup? Ce qui est constant, c'est que dans les cas à marche si rapide de tumeurs charbonneuse ou gangreneuse, c'est peu de temps, souvent même peu d'heures après qu'ils ont commencé à se faire sentir, mais toujours après, qu'il devient évident par d'autres symptômes que la maladie, toute locale d'abord, du moins en apparence, est devenue générale: ce qui est constant, c'est que dans les maladies à marche beaucoup plus lente, qui résultent dans nos animaux domestiques des résorptions puru- lentes, ils existent avec un caractère bien particulier longtemps avant qu'aucune autre modification fonctionnelle un peu frap- pante ait fait soupçonner l'infection de l'économie; ce qui est constant encore, c'est que ces battements augmentent au fur et à mesure que le poison morbide est versé plus abondamment dans le torrent circulatoire. Aussi ai-je depuis longtemps, à ma cli- nique, appelé l'attention des élèves sur ce symptôme qui m'a toujours été d'un grand secours pour le diagnostic et le pro- nostic des affections gangreneuses ou purulentes , si fréquentes dans no- hôpitaux. ( 102 ) un léger affaissement chez d'autres; sur presque tous il est moins douloureux et moins chaud. La res- piration s'accélère; les mouvements des flancs sont courts, saccadés; il y a des sueurs partielles, quel- quefois des tremblements musculaires au grasset, en arrière de l'épaule, en avant du poitrail. Certains sujets ont des paroxysmes fébriles caractérisés par un frisson suivi de sueurs générales (huitième observation) ;chez d'autres, il se manifeste dessymptômes cérébrauxavec agitation violente, spasmes, envie de mordre, etc, (cinquième observation); le plus grand nombre tombe dans un état d'affaissement qui dure jusqu'à la mort presque sans interruption. Dans ce dernier cas , la tête est basse, l'œil terne et fixe, les paupières demi- fermées ; l'animal est, comme on le dit, au bout de sa longe; il ne paraît pas entendre le bruit qu'on peut faire autour de lui; il sent à peine les coups qu'on lui donne pour le faire tourner à droite ou à gauche; il faut le pousser si on veut le faire changer de place; il se couche rarement; si on essaie de lui faire faire quelques pas, il se fait tirer par sa longe; sa marche est nonchalante et incertaine; il butte souvent pour peu que le terrain sur lequel il chemine soit inégal. Déjà, à cette époque, le flanc se creuse; le corps s'amaigrit visiblement; le poil est piqué; les crins ré- sistent moins aux efforts qu'on fait pour les arracher; et même, sur les sujets naturellement affaiblis, ils cèdent à la plus légère traction. , Ces symptômes marquent, comme je l'ai dit, les ( io3) premiers effets de l'infection gangreneuse générale. Après ce temps, la maladie marche vite, et tout annonce une mort prochaine et inévitable. Le pouls, dont l'accélération et la petitesse avaient été crois- sant, s'efface progressivement et devient inexplo- rable; tandis que les mouvements du cœur ont une telle violence, et parfois une telle précipitation, qu'ils sont souvent tumultueux. La respiration est confuse; les mouvements du flanc sont convulsifs et irréguliers; les extrémités et la surface du corps perdent leur chaleur naturelle ; les sueurs, s'il y en a, sont froides ; la faiblesse est extrême; c'est à peine si l'animal peut se tenir sur ses membres ; il chancelle au moindre mouvement qu'il exécute; l'amaigrissement fait des progrès rapides; les crins ne tiennent presque plus, des mèches entières en sont arrachées sans effort ; les muqueuses sont pâles ou d'un rouge livide. L'engorgement alors est considérablement affaissé , froid, indolent. Les plaies se sèchent, ou le peu de liquide qu'elles laissent échapper est séreux et a une odeur insupportable; souvent la peau est décollée à leur périphérie et tombe en gangrène à leurs bords. Arrivés à cette période de la maladie, certains ani- maux vivent encore un jour entier dans un état d'in- sensibilité absolue, prêts à tomber à chaque instant, ne se soutenant sur les quatre membres qu'en les écartant automatiquement pour élargir leur base de sustenta- tion , en même temps qu'ils appuient le menton sur le bord de la mangeoire et le corps sur le mur voisin. ( >o4 ) Chez la plupart, la mort se fait moins attendre : l'ani- mal se couche ou plutôt se laisse tomber comme une masse, fait quelquefois d'inutiles efforts pour se relever , agite presque continuellement les membres antérieurs et finit par mourir au milieu de ces pé- nibles convulsions. Telle est, en général, la marche des accidents; telle est la succession ordinaire des symptômes dans ces sortes de cas. La durée en est toujours très courte. Le plus grand nombre des malades succombe du troi- sième au cinquième jour à compter de l'apparition dos premiers symptômes gangreneux. Quelques uns meurent plutôt; peu résistent plus longtemps. Dans tous les cas , si rapide qu'ait été la marche de la gangrène, elle offre dans son développement, comme on vient de le voir, trois temps bien distincts qu'il n'est pas sans importance pour la pratique de signaler ici. ho premier temps est marqué par la série des sym- ptômes locaux , tels que l'excessive douleur de la partie, le début de l'engorgement, l'odeur fade ou seulement un peu ammoniacale de la plaie ou du liquide qui s'en échappe, etc.. La fièvre n'exisle pas ou n'est que légère 5 le pouls et la respiration ne sont point gravement altérés; l'appétit n'a pa3 entièrement cessé. A cette période qui dure ra- rement plus d'un jour, l'affection est encore toute locale, et elle peut être arrêtée par l'enlèvement de la cause matérielle (le sang putréfié) qui la produit. ( »o5) L'extension considérable de l'engorgement et l'odeur putride exhalée par la plaie, coïncidant avec plus de précipitation dans les mouvements respira- toires, avec une accélération notable dans le pouls qui devient petit et serré, avec l'augmentation pro- gressive dans la force des battements du cœur et dans les phénomènes d'une violente réaction iébrile ou d'un commencement d'abattement, sont les carac- tères principaux qui marquent le début du second temps. A ce moment , le pronostic est des plus graves; une quantité plus ou moins considérable de matière putride ou d'ichor gangreneux a déjà été transportée par voie d'absorption dans la circulation générale: les chances de succès pour un traitement quelconque sont donc fort incertaines. Enfin, le troisième temps est caractérisé par l'affai- blissement graduel de l'animal dont le pouls s'efface en même temps que les battements du cœur redou- blent d'énergie, dont les crins sont facilement ar- rachés, dont les extrémités se refroidissent, dont l'anxiété devient de plus en plus profonde, etc. Je n'ai pas besoin de dire qu'à cette période qui est celle de l'infection générale, toute tentative de traitement serait infructueuse : la mort alors est inévitable et très prochaine. Il est rare, quand le poumon est déjà le siège de lésions quelconques plus ou moins anciennes au mo- ment où la gangrène locale se déclare , que ces lé- sions ne prennent pas très promptement le caractère ( «o6) gangreneux. Les première, septième, huitième, dixième et treizième observations en sont des preuves frappantes. En effet,le sujet de la septième observation toussait depuis deux mois quand on a pratiqué l'opé- ration à la suite de laquelle la gangrène locale d'abord, puis la gangrène pulmonaire, se sont déclarées. Il en était de même du sujet de la treizième. Le cheval qui a fait le sujet de la huitième toussait, il est vrai, de- puis moins longtemps lorsqu'il est arrivé aux infir- meries de l'école; mais le propriétaire a dit qu'il avait été traité antérieurement pour deux maladies de poi- trine. Quant aux sujets des première et onzième, sur lesquels il ne fut donné aucun renseignement de cette nature, et qui ne présentaient à leur arrivée au- cun symptôme apparent d'aifection pulmonaire, l'au- topsie a démontré évidemment des lésions anciennes dans la substance du poumon. Dans ces cas de complication , on conçoit que la coexistence d'une maladie aussi grave qu'une pneu- monie imprime quelques modifications à la marche ordinaire de la maladie principale; on conçoit que des symptômes particuliers doivent se produire: cepen- dant on peut voir par les cinq observations où des faits de cette nature ont été consignés, que la phy- sionomie générale de l'infection gangreneuse n'en a pas été sensiblement changée. Il y a eu quelques symptômes de plus; il n'y a eu aucun symptôme de moins. Ce que je dois faire remarquer, c'est que, dans ( I07 ) quatre des sujets qui ont été affectes de pneumonie, cette maladie n'a pris le caractère gangreneux que le lendemain ou surlendemain du jour où ce caractère s'est déclaré dans la plaie point de départ de la gan- grène. Il est vrai que dans le sujet de la huitième ob- servation la gangrène locale a paru exister six ou sept jours au moins avant la gangrène pulmonaire : néan- moins, si on lit avec attention les détails de cette observation , on verra que ce n'est que le 29 janvier qu'a commencé autour de la plaie l'engorgement que nous avons signalé comme le premier indice de la tendance de la gangrène a se généraliser : or, c'est le 3i qu'a été manifestement reconnue dans l'air expiré, cette odeur fade particulière qui caractérise le début de la gangrène pulmonaire. Il est donc de toute évidence que, dans tous ces cas, le développement de la gangrène dans le poumon a été la conséquence directe du développement de la gangrène dans la plaie extérieure; et il est bien re- marquable que le moment où la pneumonie prend un caractère gangreneux, est précisément celui où des symptômes certains indiquent que le poison gan- greneux a commencé à être versé par l'absorption dans la circulation générale. Autopsie. — Sur tous les sujets, sans exception, on a trouvé au milieu des tissus ou a la surface des plaies d'où l'en- gorgement gangreneux avait procédé, une notable ( »o8) quantité de sang dans un état complet de décom- position putride. Sur les uns ce sang était à l'état de caillots noirs généralement ramollis ou diffluents; sur les autres à l'état de masses ou plaques fibrineuses, jaune terne, facile à écraser; sur d'autres, il se trou- vait à l'état de liquide épais ou clair, de couleur rouge-brun ou bistre; sur beaucoup, il y avait à la fois des caillots noirs ou des paquets fibrineux, et une quantité plus ou moins considérable de sang liquide ou de sérosité sanguinolente altérés. Le tissu cellulaire entourant ces matières pu- trides est infiltré à une profondeur et dans une éten- due variables, mais toujours très grandes, de liquide séreux, ordinairement rougeâtre très près du foyer putrilagineux, jaune citrin partout ailleurs. On y rencontre assez souvent aussi des rougeurs ecchy- motiques ou de l'injection capillaire. Je n'y ai jamais trouvé de pus. L'état des muscles qui environnent la plaie varie peu. Ceux qui forment ou avoisinent le plus ses parois sont généralement mous, faciles à déchirer, et d'un pâle jaune maculé de rouge terne livide. Ces carac- tères, mais beaucoup moins prononcés, se retrouvent dans les muscles de toute la région siège de l'engor- gement, lorsque le foyer gangreneux a été un peu étendu. Si j'ajoute que, dans quelques cas, la peau s'est décollée ou est tombée en gangrène autour ou sur les bords de la plaie, j'aurai indiqué tous les désordres ( I09 ) observés dans ces circonstances sur la partie malade ou à son voisinage. — Quant aux lésions profondes, elles ne sont ni aussi nombreuses ni aussi apparentes que l'intensité des symptômes et la terminaison si promptement funeste de la maladie pourraient le faire supposer. Coeur. Dans quelques sujets , dans ceux surtout qui sont ouverts assez longtemps après la mort, une quantité plus ou moins considérable de liquide séro- sanguinolent est épanchée dans le péricarde. Dans certains cas aussi, des taches de sang, des piquetures sablées, ou une auréole rougeâtre accompagnent dans leur trajet les vaisseaux qui rampent dans les scissures spiroïdes et coronaires. Le tissu mus culeux du cœur est toujours pâle, flasque, et se déchire avec la plus grande faciliié : mais ses cavités ne se pré- sentent jamais l'une et l'autre dans le même état : Ventricule gauche. Le sang que renferme ce ventricule est généralement en moins grande quan- tité que celui contenu dans le ventricule droit : il est pris, ordinairement, en une petite masse dont la plus grande partie est du caillot blanc lamé sur l'une de ses faces d'une couche plus ou moins épaisse de caillot noir très peu consistant. D'autres fois il n'y a que du caillot noir; rarement il s'y trouve du sang à l'état liquide. Dans aucun cas il ne m'a paru exhaler l'odeur de la gangrène. Dans tous les sujetsde mes observations sur lesquels le cœur a été ouvert, (et sur presque tous il l'a été). ( »o) j'ai trouvé à la face interne du ventricule gauche des ecchymoses en quantité variable, ayant depuis la largeur d'une lentille jusqu'à celle d'une pièce de cinq francs ; existant par fois sur presque toute l'é- tendue de la face interne du ventricule, mais se trouvant le plus ordinairement sur les saillies formées parles colonnes charnues. Ces ecchymoses consistent dans des couches de sang pur, épanché et étalé entre la membrane interne du ventricule et son tissu mus- culeux qui s'en trouve quelquefois imprégné à une profondeur de un ou deux millimètres. Ces couches ont rarement plus d'épaisseur qu'une feuille de pa- pier ordinaire; cependant j'en ai vu dont cette di- mension égalait celle d'une pièce de vingt sous. La membrane séreuse qui les recouvre est parfaitement saine (i). (i) Si j'insiste autant sur la description de ces ecchymoses ventriculaires, c'est que, bien qu'elles se rencontrent très fré- quemment dans les herbivores domestiques , on n'est pas bien fixé sur leur nature qui a été et est journellement encore mé- connue par un grand nombre de vétérinaires. Les uns, en effet , les rapportent à l'inflammation des cavités du cœur; d'autres les considèrent comme des taches gangreneuses ; ceux-ci les regar- dent comme des lésions particulières aux maladies typhoïdes; ceux-là comme des effets caractéristiques de certains agents toxiques. Il est vrai qu'on remarque presque constamment ces ecchymo£es dans les animaux qui ont succombé à des maladies charbonneuses, typhoïdes, gangreneuses, ou à la suite de l'ad- ministration de certains poisons : mais, par cela même qu'on les ( III ) Sur tous les points où ces ecchymoses manquent, la face interne du ventricule a sa couleur à peu près naturelle. Elle n'est rouge ou brune dans toute son étendue que dans les cas rares où le sang qu'elle ren- ferme étant liquide et très foncé, on a laissé beau- coup de temps s'écouler avant de faire l'autopsie (6 e observation). Ventricule droit* Le sang contenu dans cette ca- retrouve dans tous ces cas , il est évident qu'elles ne sont parti- culières à aucun d'eux. Il est pourtant , je ne dis pas une maladie ni même un genre de maladie , mais un phénomène morbide , un symptôme com- mun à plusieurs maladies , dont la coïncidence avec ces ecchy- moses est de nature à frapper tous les observateurs : je veux parler des battements du cœur quand ils se sont montrés avec une certaine violence dans le cours de l'affection , quelle qu'elle soit. En effet , dans les maladies que j'indiquais tout à l'heure comme celles à la suite desquelles tous les vétérinaires ont re- connu ces taches sanguines dans les ventricules , les battements énergiques du cœur sont signalés comme un des symptômes les plus constants. Y aurait-il donc entre ce symptôme et cette lésion un rapport de cause à effet? Ne pourrait-on pas regarder ces ecchy- moses comme de véritables hémorrhagies résultant de la déchi- rure de quelques unes des fibres du tissu musculeux du cœur, dé- chirure produite elle-même par la violence extraordinaire des contractions de ce tissu? Pour ma part, je le crois. Il est remar- quable, en effet, que c'est dans le ventricule gauche que ces ec- chymoses ont lieu constamment; tandis qu'elles sont moins fré- quentes et bien moins considérables dans le ventricule droit dont l'action est beaucoup moins énergique : il est remarquable aussi ( m ) vite, indépendamment de ce qu'il est plus abondant et plus foncé en couleur, es! toujours plus dif- fluent que dans le ventricule gauche. Je n'y ai jamais trouvé de caillot blanc. Tantôt il est pris en caillots noirs extrêmement mous; tantôt il est tout à fait li- quide et ressemble pour la consistance et la couleur à de la poix fondue. Dans quelque cas il a une odeur qui rappelle à un degré plus ou moins prononcé celle de la gangrène (i ie, 16e et 20e observations.) que, lorsqu'elles sont en petit nombre, elles existent aux points correspondants à l'insertion des colonnes charnues , là où les pa- rois musculaires sont le plus épaisse et les plus puissantes ; et que, lorsqu'elles sont nombreuses , c'est à ces points que se trouvent les plus étendues. J'ajouterai, pour donner une nouvelle proba- bilité à mon opinion, que ces ecchymoses s'observent sur un grand nombre de chevaux qui, sans avoir été malades, ont suc- combé après avoir beaucoup souffert et s'être violemment débat- tus plusieurs heures avant leur mort : par exemple, les chevaux qui servent aux exercices opératoires de nos élèves , et qui meu- rent après avoir subi chacun pendant une journée entière plus de soixante opérations , la plupart longues et douloureuses. C'est pour la même raison, sans doute, qu'on ouvre peu de chevaux morts à la suite de coliques violentes ou d'affections vertigineuses, sans rencontrer des ecchymoses dans les grandes cavités du cœur. Cependant, je me hâte de reconnaître que si dans certaines maladies ( typhoïdes , gangreneuses etc.), ces ecchymoses sont plus constantes , plus nombreuses et plus étendues, cela ne dé- pend pas seulement de la violence des contractions du cœur; mais aussi, et en même temps, d'une part, du plus de liquidité du sang; d'autre part, de la plus grande mollesse du tissu du cœur si facile à déchirer dans ces maladies. ( i'3 ) A moins que l'ouverture n'ait lieu immédiatement ou très peu d'heures après que l'animal a succombé , la face interne des cavités droites a, dans toute son étendue, une teinte rouge d'autant plus foncée qu'on s'éloigne davantage du moment de la mort. Que si on procède à l'autopsie une, deux ou trois heures seulement après, il est très rare, quel que soit l'état physique du sang, que cette coloration existe (a-, 3% 7e, 9e, 12e, 16e et 20e observations.) Il est facile de se convaincre, en détachant avec soin la membrane interne, que le tissu musculaire sous-jacent est parfaitement étranger à cette colora- tion; qu'il n'a été le siège d'aucune exsudation san- guine qui pourrait l'expliquer; que la séreuse seule est rouge; qu'elle l'est à peu près uniformément dans toute son étendue; qu'elle a son poli naturel ; qu'elle n'est recouverte d'aucun produit de sécrétion mor- bide , et qu'elle n'a pas une épaisseur plus grande que dans l'état normal. Les ecchymoses sont aussi rares dans le ventricule droit qu'elles sont fréquentes dans le gauche. On y en rencontre cependant quelquefois: dans ce cas, elles ne sont facilement apercevables que lorsque la face interne de cette cavité n'a point encore pris cette teinte rouge plus ou moins foncée dont il vient d'être question. Artères. Je n'ai jamais rencontré dans le système artériel de lésions notables. Dans aucun cas le sang n'y a paru bien sensiblement altéré. Mais je dois 8 ( »4) avouer qu'il n'a pas autant fixé mon attention que celui des veines. Veines. — Sang veineux. — Les altérations que j'ai observées dans le système veineux, se trouvaient principalement dans les gros troncs et leurs affluents les plus considérables. Soit qu'elles existassent sur la face interne des veines ou dans le sang que conte- naient ces vaisseaux, en a pu remarquer qu'elles n'é- taient ni constantes sur tous les individus, ni sembla- bles d'intensité sur ceux qui les présentaient. Et, par exemple, la coloration de la face interne des veines, d'un rouge cramoisi dans plusieurs sujets, était rouge vif, rose ou normale sur d'autres, suivant Vépoque plus ou moins éloignée de la mort à laquelle l'au- topsie avait lieu. Sous ce rapport, les observations que j'ai faites à l'occasion de la rougeur de la face in- terne du ventricule droit sont ici parfaitement ap- plicables. Je ne les répéterai donc pas (i). (i) Il est hors de doute pour moi que cette coloration, qu'on l'ait observée dans le cœur ou dans les vaisseaux, est ici un phénomène purement physique, un effet de l'imbibition cadavé- rique, et don une lésion qu'on puisse rattacher à l'inflammation. Il suffirait, pour le prouver, de ce que je viens de dire de l'absence de toute rougeur dans le cœur et les veines quand on avait ou- vert peu d'heures après la mort , et de l'existence d'une colora- tion d'autant plus foncée dans ces organes, qu'on avait tardé da- vantage à faire l'autopsie du cadavre. Je rappellerai pourtant, en complément de preuve , la remarque consignée dans la seizième observation , dans le sujet de laquelle une seule moitié de la face (n5) Mais ii s'est présenté, en ce qui regarde les veines, une particularité fort remarquable et que je crois digne de fixer l'attention : c'est que, suivant que la gangrène s'était développée sur une région anté- rieure ou postérieure, la coloration était sensible- ment plus prononcée à l'intérieur des veines qui rap- portaient le sang des parties antérieures ou posté- rieures du corps (ire, 4% $% i3e et 16e observations); c'est que, lorsque le sang veineux exhalait une odeur de gangrène, cette odeur ne se remarquait que dans les veines afférentes de la partie gangrenée et dans les troncs où elles se dégorgent (ir% 5% n% i3% 16e et io" observations) ; c'est que le sang était toujours notablement plus noir , plus diffluent , plus boueux, interne de la veine-cave postérieure était colorée en rouge , la moitié gauche , parce que l'animal étant mort et resté plusieurs heures couché sur le côté gauche , elle seule avait été en rapport avec le sang qui ne remplissait que la moitié du diamètre de la veine. Et j'ajouterai, non plus pour le fait dont il est ici question, mais à propos de la coloration des veines en général, que sur un assez grand nombre de chevaux que j'ai ouverts et qui avaient succombé à différentes maladies , j'ai vu la face interne des vei- nes marquée çà et là de taches rouges plus ou moins foncées , et ces taches répondre exactement à des parties de caillots rouges avec lesquelles elles étaient en rapport depuis plus ou moins longtemps : tandis que la même veine avait sa couleur naturelle partout où elle était en contact avec des caillots blancs ou avec elle-même. C'est là une observation que les vétérinaires peuvent faire très fréquemment. ( n6) dans celui des systèmes veineux qui rapportait le sang des parties désorganisées (1) ( ire, 5% 6% 7% 11e, 12, i3e et 16' observations). Les différences, sous ce dernier rapport^étaient si tranchées dans les deux arbres veineux, qu'on peut voir , en se repor- tant aux huit observations auxquelles je renvoie, que dans plusieurs des sujets qui les ont fournies, tandis que le sang était plus ou moins liquide ou poisseux dans la veine cave postérieure et souvent dans la plupart des veines qui s'y rendent, il était, soit en- tièrement, soit en partie coagulé dans la veine cave antérieure , et vice versa. Il y a même eu cette par- ticularité dans le sujet de la 7e observation, qui a succombé à une gangrène suite de castration, que le sang qui était poisseux dans la veine cave postérieure, présentait plusieurs caillots bien formés dans les vei- nes mésentériques. Il m'a été du reste facile, par un moyen fort simple, de démontrer clairement, i° que le sang veineux avait réellement éprouvé des modifications dans ses qualités et propriétés physiques , et que ces modifi- cations existaient principalement, sinon exclusive- ment, dans les branches et troncs veineux qui rap- (1) C'est, je crois, à cet état particulier, à cette véritable disso- lution du sang dans les veines ou troncs veiDeux charriant au cœur le sang puisé dans les parties gangrenés, qu'il faut attribuer la coloration plus prompte et plus foncée qu'on observe dans ces vaisseaux après la mort. ( "7) portaient au cœur le sang de la partie gangrenée; 3° qu'il était raisonnable d'attribuer à cette modifica- tion dans les qualités du sang de certaines veines, la coloration plus prompte et plus intense de la face in- terne de ces vaisseaux ; 3° que cette coloration était un phénomène purement physique. Ce moyen est celui qu'ont employé MM. Trousseau et Rigot dans les belles expériences qu'ils ont faites à l'Ecole d'Al- fort sur les colorations cadavériques des vaisseaux. Voici comment je le mettais en usage : je prenais deux morceaux de tissu artériel sur un cheval récem- ment mort et dans lequel ce tissu était à l'état normal; je plongeais l'un de ces morceaux dans le sang de la veine cave postérieure, l'autre dans le sang de la veine cave antérieure ; je les y laissais 12, 1 5 ou 20 minutes, et , ensuite, je les retirais et les lavais dou- cement sous un filet d'eau. La face interne du mor- ceau plongé dans celle des veines dont le sang était altéré, conservait après le lavage une teinte rouge safranée d'autant plus prononcée que l'immersion avait duré plus longtemps; tandis qu'il suffisait du passage de l'eau, sans lavage, pour faire reprendre au morceau plongé dans la veine dont le sang n'était pas altéré, la couleur qu'il avait avant l'expérience. Rate. La rate a été trouvée engorgée et surtout considérablement ramollie dans les sujets d'un très grand nombre d'observations : et il est remarquable que, presque constante, lorsque la gangrène a existé dans les parties postérieures du corps, cette lésion ( H8) a manqué assez souvent lorsque le siège de la gan- grène se trouvait vers les régions antérieures. La couleur extérieure de ce viscère;, dans cet état, est violet foncé ou bleu noirâtre; il est d'une mollesse remarquable. Si on l'incise, la matière renfermée dans sa trame fibreuse en est facilement exprimée par un léger grattage; elle ressemble alors à du raisiné un peu clair : ou bien même, il suffit d'une faible pres- sion pour que cette matière s'écoule sous forme de bouillie noire. Je ne crois pas inutile de dire en passant, que cet état de gonflement et de mollesse extrême de la rate, est peut-être la lésion pathologique la plus constante dans toutes les maladies où le sang est altéré, soit primitivement, soit consécutivement (i). (i) J'ai l'un des premiers, et depuis longtemps déjà, signalé cet état particulier delà rate comme une des lésions qui ne man- quent jamais dans les maladies typhoïdes ou charbonneuses , et, en général , dans toutes celles où on s'accorde à reconnaître que le sang est plus ou moins profondément altéré. Voici l'exemple d'un cas où la connaissance de cette vérité pathologique, m'a mis à même d'empêcher un vétérinaire fort instruit de commettre une grave erreur dans les conclusions d'un rapport dont il était chargé comme expert. Un marchand de chevaux des environs de Paris achète en foire plusieurs chevaux qu'il fait partir le lendemain et ramener chez lui par un de ses garçons. Ces chevaux font vingt-quatre lieues en trois jours. A leur arrivée, le marchand les examine et s'aper- çoit que l'un d'eux boite un peu et porte une petite tumeur en bas du thorax^ en dedans et en arrière du coude gauche. Le ( »9) A part les lësjons et altérations que je viens de faire connaître , il n'y a plus rien de constant à Tau- garçon ne s'est aperçu de rien ; il ne sait d'où elle peut provenir. Au bout de quatre heures, cette tumeur, qui était à peine du vo- lume d'un gros œuf de poule quand le marchand Ta reconnue , avait presque le volume d'une tête d'homme et continuait à s'é- tendre. Il la regarde comme une tumeur charbpnneuse ? se hâte d'amener son cheval aux hôpitaux de l'école , et se met en règle contre son vendeur. La tumeur fait des progrès rapides en gros- seur plutôt qu'en largeur, la fièvre se déclare et l'animal meurt trois jours après son entrée aux hôpitaux. M. Maillet est nommé expert par le tribunal pour constater la cause de la mort. Examen fait de la tumeur, et n'ayant rencontré dans les viscères abdo- minaux et thoraciques, aucune lésion qui pût expliquer la mort, ce vétérinaire en conclut que l'animal a succombé à une maladie charbonneuse; et il fout convenir qu'en l'absence de toute autre lésion , la tumeur avait certains caractères qui pouvaient si non légitimer , du moins excuser jusqu'à un certain point cette croyance. J'arrive sur ces entrefaites dans la cour où se faisai* l'autopsie ; et ayant su de M. Maillet l'opinion qu'il y avait pui- sée, j'examinai le cadavre. Mon attention se porta d'abord sur la rate : ne la voyant point altérée , j'exprimai mes doutes sur l'exi- stence réelle d'une affection charbonneuse, et engageai M. Maillet à examiner de nouveau et avec plus d'attention les parties ma- lades. L'épaule avait bien été détachée; mais on n'avait point incisé le grand pectoral qui paraissait parfaitement sain. M. Mail- let le fit enlever, et tout aussitôt il reconnut la cause de la tu- meur. C'était une fracture récente des cinquième et sixième côtes sternales, à leur partie supérieure. Là était le point de départ de l'infiltration qui constituait l'engorgem ent et qui s'étendait dans le tissu cellulaire abondant et lâche qui se trouve entre l'épaule et la poitrine. ( (W ) topsie des animaux qui ont succombé aux accidents gangreneux objet de ce mémoire. On ne trouve plus que quelques ecchymoses sous péritonéales et sous pleurales lorsque la partie gangrenée avoisinait le péritoine ou la plèvre 5 quelquefois des infiltrations sanguines et sanguinolentes des ganglions envi- ronnants; des auréoles rougedtres ou livides au- tour et sur le trajet de quelques vaisseaux , etc. Mais on n'observedan s aucun viscère principal rien de notable, aucune modification morbide se ratta- chant originairement et comme lésion immédiate- ment dépendante, à l'affection gangreneuse^ rien qui explique par un état phlegmasique quelconque une mort aussi rapide. Il est vrai que, sur quelques sujets, on a trouvé dans les poumons des désordres bien suffisants pour faire succomber très promptement les animaux chez lesquels ils existaient ; mais il est évident pour moi, et il le sera sans doute pour ceux qui liront avec quelque attention les observations qui concernent ces animaux, que, sur eux, des lésions organiques pulmonaires préexistaient à la gangrène locale , qui a elle - même précédé la gangrène pulmonaire ; qu'elles ne sauraient dès lors en être considérées ni comme un accident connexe, ni comme un effet; que si elles ont revêtu la forme gangreneuse , c'est qu'elles constituaient dans le poumon un point ou des points d'irritation , autour desquels le sang s'est infiltré avec d'autant plus d'abondance qu'il était rendu ( "I ) plus fluide par le virus septique. Or, une inflamma- tion franche ne pouvait se développer dans de pa- reilles conditions; et il est arrivé ce que j'ai toujours vu arriver lorsque des pneumonies existent ou se de'- cîarent sur des herbivores placés sous l'influence ou déjà affectés de maladies gangreneuses ou typhoïdes: ces pneumonies ont pris très rapidement le caractère gangreneux. La terminaison par gangrène peut et doit donc seule être rapportée à l'affection qui nous occupe; mais la lésion primitive du poumon, cause première, condition indispensable des désordres qui y sont survenus, en était tout à fait indépendante, et ne saurait s'y rattacher en aucune manière. En résumé donc, s'il est vrai, comme je le crois, et comme j'ai cherché à le démontrer, que les colora- tions plus ou moins foncées remarquées à la face in- terne des ventricules du cœur et des vaisseaux ne soient ici qu'un effet de l'imbibition cadavérique, l'autopsie n'a en réalité révélé de lésions morbides principales que, i°le léger gonflement et surtout le ramollissement plus ou moins considérable de la rate qu'on a observés sur un grand nombre de sujets; 20 Y altération particulière du sang, mani- feste surtout dans les veines ou troncs veineux éma- nant de la région malade, et même, sur beaucoup, reconnaissable encore dans le ventricule droit du cœur, bien que, dans cette cavité, le sang provenant des parties gangrenées soit déjà mélangé à celui de toutes les autres parties du corps. ( l«* ) Or, le genre de lésion de la rate que je viens d'inr diquer n'ayant jamais été observé par moi dans les herbivores domestiques, que dans les maladies spo- radiques ou enzootiques dans lesquelles l'altération du sang était manifeste, et qu'après que ce liquide avait évidemment subi dans son état normal des mo- difications profondes; n'ayant été signalé par la plupart des auteurs que dans de pareilles circon- stances; n'ayant du reste été reconnu dans les ob- servations rapportées dans ce mémoire que sur un certain nombre des animaux qui en font le sujet; n'en résulte-t-il pas qu'à la suite des accidents gan- greneux que je viens de décrire, l'altération, et pour- quoi ne le dirais-je pas, l'état pathologique du sang, a été, en tant que lésion profonde, le fait capital, es- sentiel y le seul fait constant mis en évidence par l'au- topsie : !a lésion de la rate, quand elle a existé, n'en ayant été qu'une conséquence morbide ; la coloration des vaisseaux n'en ayant été qu'une conséquence ca- davérique. Cependant je m'empresse de le reconnaître; cette altération morbide du sang n'était pas sensiblement générale; elle n'était physiquement reconnaissable que dans les grosses veines ou dans les troncs vei- neux dans lesquels était versé le sang émané des par- ties gangrenées, Mais, là, elle était incontestable. En effet , comment ne pas regarder comme une altération morbide les caractères présentés par le sang dans toutes les autopsies? Quelle autre raison ( {#) qu'un effet pathologique pourrait expliquer cette coloration si noire , cette non coagulation , cette li- quidité poisseuse constamment observée dans une partie notable de ce liquide, et toujours précisément dans les veines et troncs veineux situés du coté de la région malade dont ils charrient le sang; tandis qu'aucun de ces caractères n'existait dans les autres vaisseaux, ainsi que cela a été constaté dans les ive, 4% 5% 6% 7% n% 12% i3e et 16e observations? A quelle autre cause attribuer celte odeur évi- dente de gangrène qu'exhalait sur quelques animaux le sang de certaines veines, et seulement encore des veines ou troncs veineux dans lesquels était versé le sang provenant des parties gangrenées (ir%5%i i % i3e et 16e observations)? Ne sont-ce pas aussi l'un des caractères de l'alté- ration du sang, que ces ecchymoses qui ont été ren- contrées sous les plèvres, sous le péritoine ou dans les poumons de plusieurs animaux; que ces auréoles livides, véritables transsudations, qui accompagnaient le trajet de certains vaisseaux ? Quelques personnes m'ont fait observer que ces différents phénomènes se rapportent également, et, dès lors, pourraient être tout aussi bien attribués à la putréfaction. Sans doute, tels sont aussi, ou à peu près, les effets de la putréfaction cadavérique ! Mais, je le demande, serait-il raisonnablement pos- sible de regarder comme résultat de la décompo- sition putride, des phénomènes observés quelques ( "4) heures seulement après la mort? Or, qu'on veuille bien se rappeler, entre autres fait», que les sujets de la plupart des observations que j'ai rapportées ont été ouverts le jour même où ils ont succombé! Qu'on dise, par exemple, si la putréfaction a pu entrer pour quelque chose dans ce qui a été remar- qué sur les sujets des 3e et i5e observations dont l'autopsie a eu lieu une demi-heure après la mort? dans ceux des 2e et 7% dont l'ouverture a été faite une heure après; dans ceux des 9% 12e et 16e, pour l'au- topsie desquels on n'a pas tardé plus de trois aquatre heures? Et, pourtant, on n'a pas oublié que dans cette dernière , dont le sujet était atteint d'une gangrène de la cuisse et ne fut ouvert que trois heures après sa mort, on fut frappé de l'odeur remarquable de gangrène qu'exhalait le sang contenu dans la veine cave postérieure , odeur qui se retrouvait même , bien que moins sensible, jusque dans les cavités droites du cœur. Ce n'est donc pas la putréfaction qui a fait éprouver au sang les caractères particuliers, les altérations ma- nifestes qu'il a présentées : le peu de temps qui s'est généralement écoulé entre la mort et l'autopsie suf- firait déjà pour enlever même le doute à cet égard. Mais une autre réflexion, qui naît de l'observation des faits eux-mêmes, rend encore cette proposition plus évidente: si, en effet, les modifications éprouvées par le sang dans ses caractères physiques avaient été l'effet de la décomposition putride, pourquoi n'au- ( 1^5) raient-elles existé que dans certains vaisseaux et au- raient-elles manqué complètement dans la plupart des autres? Pourquoi dans tels sujets était-ce le sang de la veine cave antérieure ou de l'une de ses affluentes, et dans tels autres celui de la veine cave postérieure? Et pourquoi, dans beaucoup, tandis que ce liquide était noir, plus ou moins dissous, et même quelquefois déjà odorant, dans une veine de la partie postérieure du corps ou dans le tronc dans lequel elle se rend , se présentait -il avec ses caractères de couleur et de coagulation ordinaires dans tout l'arbre veineux antérieur, et vice versa ? Dira-t-on que c'est parce que le sang provenant des parties malades a des qualités particulières qui le rendent plus facilement et plus promptement pu- trescible? Mais alors,]c'est admettre en d'autres ter- mes ce que Ton prétend contester : car si le sang a des qualités nouvelles qui le rendent plus putresci- ble, c'est qu'il n'est plus dans son état normal ; c'est qu'il est altéré; or, 1 altération, pendant la vie, d'un élément quelconque de l'organisation animale, c'est une maladie. Comme on le voit , la raison des caractères parti- culiers que présente le sang dans ces circonstances, qui reste comme un problème insoluble quand on la cherche dans la putréfaction, se trouve bien facile- ment, bien naturellement, quand on admet, ce qui est si évident, que les modifications éprouvées par ce liquide sont dues à l'action d'un principe septique puisé par les veines de la partie gangrenée, au mi- ( 126 ) lieu ou a la surface des tissus où elles plongent, et versé par elles dans le torrent de la circulation. Cette explication si naturelle, a, en outre, l'avantage d'être en rapport avec les symptômes généraux obser- vés pendant la vie et de rendre raison de leur succes- sion, de leur développement, de leur intensité pro- gressive. Elle nous fait comprendre comment la ma- ladie reste locale tant que ne srest point encore opé- rée la désorganisation gangreneuse ; comment,'aussitôt que celle-ci a commencé , quelques phénomènes généraux apparaissent sous l'influence du virus sep- tique que l'absorption commence à verser dans l'éco- nomie; pourquoi les premiers, les plus graves, les plus saillants de ces phénomènes se manifestent dans les actions circulatoires; comment, dès que l'infection a commencé, l'absorption continuant à puiser et ré- pandre le principe gangreneux, l'affection se géné- ralise si rapidement et les symptômes prennent si vite un caractère aussi alarmant; comment , enfin , la mort est si prochaine alors, et si inévitable; et pourquoi les modifications éprouvées par le sang sont plus sensibles dans les veines , ou troncs veineux les plus voisins du siège de la maladie gangreneuse. Nous comprenons ainsi que c'est là un véritable em- poisonnement, opéré par un agent incessamment et directement versé dans l'économie avec une abon- dance toujours croissante jusqu'au moment de la mort; et nous nous expliquons rationnellement la puissance et la promptitude de ses effets? ( I27 ) Ëtiologie. Je l'ai dit ailleurs, et je le répète, ce qu'il y a eu de plus constant, de plus matériellement appréciable à l'autopsie de tous les animaux dont j'ai rapporté l'ob- servation, c'est la présence au centre ou à la surface des tissus gangrenés de caillots sanguins noirs et diffluents ou de masses Jibrineuses ramollies , DANS UN ÉTAT COMPLET DE PUTRÉFACTION. On a VU aussi que, sur un grand nombre de ces animaux, cet état des caillots et de l'ichor sanguinolent dans lequel ils baignaient presque toujours, avait pu être recon- nu pendant la vie au sein des parties, avant la mani- festation d'aucun signe gangreneux dans leur inté- rieur, et alors qu'elles ne présentaient encore que les caractères ^.'une inflammation locale plus ou moins vive. Ce n'était donc pas après le développement de la gangrène que le sang qui avait fourni ces caillots s'était épanché; ce n'était donc pas non plus sous son influence qu'il s'était ainsi décomposé : évidemment, au contraire, dans tous cescas,l'épanchement du sang avait eu lieu tout d'abord par suite d'une blessure ou d'une opération ; évidemment aussi sa putréfaction avait précédé la manifestation des phénomènes gan- greneux. Or, cette circonstance est ici bien impor- tante à constater dans l'intérêt et pour la démonstra- tion de l'étiologie que je cherche à établir ; puisque, suivant moi, c'est à la présence et à V action de ce ( »8) sang putréfié qu'il faut, dans tous ces cas , rap- porter le développement de la gangrène. Il me sera facile, je pense, de justifier cette proposition. En thèse générale et dans les cas ordinaires, lors- qu'à la suite d'une opération, d'une blessure ou d'un accident quelconque, du sang s'amasse et séjourne en plus ou moins grande quantité dans la profondeur de la plaie qui en résulte, il donne lieu par sa présence à l'un des phénomènes suivants : Ou bien, s'il est en très petite quantité et à l'abri du contact de Fair, il est promptement et presque entièrement repris par l'absorption ; Ou bien, ce qui est plus fréquent, il ne tarde pas à se séparer en deux parties, dont une liquide qui sort de la plaie, ou est résorbée; l'autre, solide et librineuse q ai adhère aux tissus, s'organise, et finit généralement par se confondre et s'identifier avec les parties environnantes; Ou bien, enfin, s'il n'est point absorbé et ne s'or- ganise pas, des bourgeons charnus se forment dans la plaie, la suppuration s'y établit, et il est entraîné au dehors avec le pus. Mais s'il arrive qu'aucun de ces phénomènes ne se produise; si le sang épanché n'est point résorbé; s'il séjourne dans la plaie sans s'y organiser, et sans que, pourtant, de la suppuration s'y développe et l'entraîne; alors il devra nécessairement subir les modifications qu'éprouve toute matière animale qui ne fait plus partie de l'organisation et n'est plus protégée par ( 129 ) elle , il rentrera sous l'empire des lois physiques et chimiques, en un mot, il se putréfiera; et sa putré- faction sera d'autant plus prompte qu'il se trouve pré- cisément dans toutes les conditions sous l'influence desquelles ce phénomène se produit le pins rapide- ment, l'air et la chaleur humides. Ceci posé d'une manière générale, si nous nous reportons à ce qui s'est passe sur les sujets des obser- vations qui servent de base à ce mémoire, il nous est facile de reconnaître que, dans tous, du sang s'est écoulé pendant ou immédiatement après une opération ou une blessure; qu'une certaine quan- tité en est restée plus ou moins profondément dans la plaie, y a séjourné sans qu'aucun travail d'or- ganisation s'y manifeste, et n'a pas tardé à s'y putré- fier. Nous reconnaissons encore sur ces animaux cet autre fait, que, pendant les quelques jours que la décomposition du sang a misa s'opérer, aucun travail d'isolement ou d'élimination n'a eu lieu dans la plaie; de sorte que le tissu vulnéré s'est bientôt trouvé en contact immédiatavec les caillots et l'ichor arrivés au degré de putréfaction que nous avons constaté dans chaque observation. En cet état de choses, il y avait donc parité de con- ditions entre ces animaux et ceux sous la peau ou dans l'épaisseur des tissus desquels on insère, dans un but expérimental, des matières animales, solides ou liquides, déjà putréfiées. Y a-t-il eu parité dans les effets? On va en juger: 9 ( i3o) MM. Barthélémy aîné et Dupuy ont fait à l'école d'Alfort, chacun à une époque différente, des expé- riences assez nombreuses sur l'inoculation des ma- tières putrides; et ils en ont consigné les résultats dans le compte rendu annuel des travaux de l'école. Voici ce qu'on y lit : — « Il résulte des nouvelles expériences tentées par M. Bar- thélémy aîné : i° a° « Que des tranches de muscles coupées après un cheval de » dissection et introduites, lorsqu'elles commençaient à se pu- » tréfier , sous la peau de la fesse de deux chevaux , ont fait » mourir l'un quatre jours, l'autre cinq jours après l'opération, » quoique l'on n'ait mis que vingt grammes de cette chair dans » la plaie du premier cheval, et deux grammes dans celle du » second. ( Compte rendu des travaux de l'école d'Alfort , no- » veinbre 1816. ) — Il résulte des expériences auxquelles s'est livré M. Dupuy, « que des matières provenant d'animaux pleins de santé tués dans » les boucheries , telles que du sang ou de la chair musculaire, 0 introduites sous la peau de chevaux vigoureux, après avoir été » altérées à l'air, ont déterminé des affections qui réunissaient » tous les caractères des maladies charbonneuses et qui ont fait » périr ces chevaux en cinq jours. A leur ouverture on a trouvé » les lésions indiquées par les auteurs qui ont traité de ces ma-' » ladies. » ( Compte rendu des travaux de l'école d'Alfort , octobre 1818.) Je le demande, à part les détails qui manquent, le résultat général n'est-il pas le même , ne s'est-il pas accompli dans le même espace de temps, sur les animaux sujets de ces expériences et sur ceux sujets ( ttl ) de mes observations? n'est-ce pas presque constam- ment quatre ou cinq jours après la manifestation des caractères putrides dans le sang épanché , que ces derniers animaux ont succombé; c'est à dire quatre ou cinq jours après que ce sang s'est trouvé au degré d'altération qu'avaient éprouvé, au moment de leur inoculation , les matières qui ont servi aux expé- riences de MM. Barthélémy et Dupuy? Il est regrettable que le cadre très restreint des comptes rendus annuels des travaux des écoles vé- térinaires, n'ait pas permis à ces deux expérimenta- teurs d'entrer dans quelques détails sur la nature et la succession des symptômes qu'ils ont dû observer pen- dant la durée de leurs expériences , non plus que sur les lésions qu'ils ont rencontrées après la mort. Nous y eussions sans doute retrouvé, sous ce double rap- port, l'analogie que nous venons de montrer si frap- pante dans le point de départ des accidents gangre- neux, leur durée, leur terminaison. Cependant M. Dupuy a été plus explicite dans un mémoire qu'il a publié en 1823 avec ce titre : « De V affection gangreneuse dan3 le cheval. » [Nouvelle Bibliothèque médicale , t. ier? p. 3a 1.) Parmi les expériences nombreuses dont la narration compose ce travail, on en trouve quelques unes qui, ayant consisté dans l'inoculation sous la peau ou l'injection dans les veines de matières animales putréfiées, repro- duisent sous le rapport de la marche des accidents locaux , des symptômes généraux et de l'autopsie , ( i32) les principaux traits qui se remarquent dans mes ob- servations. Toutefois, il m'était tiop facile de me convaincre par mes propres yeux, de la vérité de cette analogie ; et, pour éclairer davantage le fait étioiogique que j'ai entrepris de démontrer, il m'était trop important de le faire, pour que je n'aie pas répété moi-même ces expériences. Donc, cinq chevaux affectés de la morve chroni- que, mais assez bien portants du reste, y ont été sou- mis. Sur trois, l'inoculation a été faite avec un décilitre de sang putréfié provenant d'animaux parfaitement sains; sur deux, je me suis servi de chair musculaire également putréfiée. Sur le premier , la matière de l'inoculation a été déposée sous la peau de l'encolure, région postérieure; sur le deuxième sous la peau cor- respondante aux ganglions de l'entrée de la poitrine; sur le troisième, sous la peau de la région costale gau- che; sur le quatrième, sous la peau de la face interne de l'avant-bras droit; sur le cinquième , sous la peau de Ja face interne de la cuisse droite, région ingui- nale. Le sujet de la troisième expérience a seul survécu ; l'engorgement qui avait apparu autour de l'incision n'ayant point été très considérable, et la suppuration s'étant établie dans la plaie dés le quatrième jour. Les quatre autres sont morts » que l'on considère fréquemment comme de vrais charbons, ne » doivent point être attribuées au principe virulent susceptible de » transmettre l'épizootie , mais bien à un état particulier de dé- » composition de la matière inoculée. » — La proposition que je viens de formuler et qui résume toutes les considérations d'étiologie qui la précèdent, une fois démontrée et admise, implique évidemment la suivante qui s'en déduit comme une conséquence rigoureuse, et qu'on peut énoncer en ces termes comme en étant un véritable corollaire: Le danger du séjour sous la peau ou dans les ( i38) tissus, du sang qui s'écoule d'une plaie, est d'au- tant plus grand et plus prochain i° qu'au moment où cette plaie est produite, et par suite d'une cause quelconque, l'animal a déjà éprouvé dans sa na- ture des modifications morbides qui rendent ce li- quide susceptible de se putréfier plus promptement. 20 Que y bien que parfaitement sain au moment oîi il vient d'être blessé ou opéré, l'animal se trouve plongé y immédiatement après, dans une atmo- sphère dont la chaleur humide et surtout l'altéra- tion miasmatique accélèrent la putréfaction. S'il était besoin de beaucoup de preuves à la pre- mière partie de cette proposition , je les trouverais nombreuses et convaincantes dans l'histoire de la plupart des épizooties typhoïdes dites putrides qui, à diverses époques, ont causé sur les bestiaux de si effrayants ravages. Ainsi, pour ne citerque quelques exemples, Desplas, qui étudia et décrivit avec tant de soins une épizootie qui régna en 1786 sur les bœufs de la province de Quercy, observe-t-il , en parlant du traitement, « qu'il est à remarquer qu'un grand nombre d'ani- » maux sur lesquels on plaça des sétons, éprouvèrent » sur la partie même, au bout de quatre, six, huit, » dix ou douze heures, des tumeurs qu'il appelle » charbonneuses » (1). (1) Je sais bien que, dans certains cas, il y a quelque chose de plus immédiatement dépendant de l'essence même de la ma- (*39) Ainsi, dans le Dictionnaire de médecine vétéri- naire de d'Arboval , Fun des auteurs qui ait le plus complètement résumé tout ce qui a été écrit dans la science vétérinaire, on lit à l'article Typhus : « Il arrive souvent que l'irritation que déterminent » les sétons pendant la période de l'accroissement » ou avant le déclin de ces maladies , provoque le » développement de certaines tumeurs très rappro- » chées par leur nature de celles qu'on appelle char- » bonneuses. Cet effet se produit même dans de » simples maladies sporadiques ou même dans des » maladies externes. » Il est évident que ces tumeurs que d'Arboval n'ose pas appeler charbonneuses , qu'il n'a considérées que comme se rapprochant de la nature du charbon, que comme une sorte de charbon accidentel , ne sont autre chose que les tumeurs gangreneuses que j'ai décrites dans ce mémoire. Plus loin ? en effet , le même auteur , en rappor- ladie dans le développement de ces tumeurs ; dans le cas , par exemple de maladie charbonneux. Mais il n'en est pas moins vrai que, dans cette circonstance encore, les accidents tumoraux, quand ils sont la suite d'un séton, sont plus graves et marchent plus rapidement que lorsqu'ils sont produits par une cause qui , ne donnant point accès à l'air dans l'intérieur de l'engorgement, ne rend pas imminente la putréfaction des liquides épanchés. De là, malgré l'opinion si imposante de Gilbert, la réserve d'un grand nombre de praticiens dans l'emploi des sétons comme moyen curatif des affections charbonneuses. ( »4o) tant le résultat de ses propres observations sur le typhus contagieux épizoo tique qu'il observa en grand dans les désastreuses années de 1814 et i8i5, déclare « que les sétons placés au début de la ma- » ladie augmentaient la fréquence du pouls, la cha- » leur de la peau, et devenaient même le siège d'une » leucophlegmasie partielle ou d'une tuméfaction » gangreneuse » . A l'article Gangrène du même ouvrage, on lit : « Les sétons et trochjsques divers appliqués à contre- » temps dans les circonstances d'épizooties ty- » phoïdes, donnent lieu à des enflures, à des infil- » trations qui deviennent énormes et passent aisé- » ment à la gangrène. » Et plus loin : « La gangrène qui succède à l'inflammation[(i) » causée par la présence d'un séton pratiqué mal à » propos dans les leucophlegmiisies, certains phleg- » mons et quelques maladies épizootiques, présente » des phénomènes particuliers. Ce séton ne déter- » mine que peu ou point de douleur; bien qu'animé » par des cantharides, il n'évacue que de la sérosité (i) On remarquera dans ce passage une singulière contradic- tion : suivant l'auteur , c'est à Y inflammation , suite de l'appli- cation du séton, qu'il faudrait, dans les cas qu'il cite, attribuer la gangrène; et cependant, trois lignes plus bas, il déclare avec raison que , dans ces sortes de cas, les sétons, même animés par des cantharides, né déterminent que peu ou point de douleur. ( »4» ) n et point de pus ; mais le troisième ou le quatrième » jour y l'enflure que sa présence occasionne prend » le caractère gangreneux , et elle devient énorme » en deux ou trois jours. Il en est de même des )> trochisques introduits sous la peau dans des cir- » constances semblables (i). M. le professeur Vatel, dans son Traité de mé- decine opératoire , confirme en d'autres tenues ce que d'Arboval a avancé dans l'ouvrage précité. Voici comment s'exprime ce vétérinaire : « Les sétons, sui- » vant plusieurs auteurs, ne peuvent jamais faire de » mal. Néanmoins, dans les gastro-entérites avec » faiblesse des organes locomoteurs (2) , leur usage » est très dangereux ; et , alors même que celle-ci » n'existe pas, il n'est pas rare de voir les sétons » produire des engorgements charbonneux (3) qui (1) Il y a, comme on le voit, la plus grande ressemblance entre la marche de ces tumeurs et celle des engorgements que j'ai décrits dans ce mémoire. C'est vers le troisième ou quatrième Jour après la blessure ou l'opération, que commencent à se ma- nifester les caractères gangreneux; et c'est deux ou trois jours après la manifestation de ces caractères que l'engorgement qui les accompagne a atteint son maximum de développement. {'à) Je dois faire observer que les théories de la médecine dite physiologique, régnaient dans toute leur force en médecine vété- rinaire à l'époque à laquelle M. Vatei composait le traité auquel j'emprunte ce passage. Les maladies, jusque-là appelées typhoïdes ou putrides , s'appelaient alors gastro-e. Hérites avec faiblesse des organes locomoteurs. (3) On ne trouve que trop souvent, dans les ouvrages vdtéri- ( i4») » occasionnent la perte des malades du troisième au » cinquième jour. Enfin , et pour citer une époque plus rapprochée de nous, je rappellerai ce qui a été observé dans un grand nombre de déparlements et signalé par la plu- part des vétérinaires lors de l'épizootie qui régna sur les chevaux en 1825. Des engorgements gangre- neux énormes et presque toujours mortels étaient si souvent la suite de l'application des sétons, que la plupart des praticiens furent obligés de renoncer à leur emploi. Or? quand on se rappelle qu'un des caractères communs aux affections dites putrides ou typhoïdes est la promptitude avec laquelle se décomposent les cadavres des animaux qui y ont succombé; quand on fait attention que c'est surtout à la putrescibilité par- ticulière des humeurs, et notamment du sang, qu'est due cette rapide décomposition; quand on sait que l'application des sétons dans ces sortes de cas est sou- vent suivie d'un écoulement sanguin si abondant, qu'on est quelquefois obligé d'avoir recours au tam- ponnement pour l'arrêter; on s'explique que cette opération si simple puisse être si souvent suivie du développement d'engorgements gangreneux. Il naires, les mots charbonneux et gangreneux employés indis- tinctement pour désigner les engorgements circonscrits, fréquem- ment mortels, qui ont pour caractère principal la rapidité de leur développement. ( «43 ) doit arriver en effet, bien fréquemment, qu'une quantité plus ou moins considérable du sang qui s'est écoulé, s'arrête et séjourne sous la peau dans le trajet du séton. Est-il donc surprenant que, putres- cible comme nous avons reconnu qu'il l'était , il s'y décompose rapidement et donne lieu ainsi à l'en- semble des phénomènes gangreneux qui se produi- sent par la présence et l'action du sang putréfié? Enfin, c'est encore parce que le sang est moins coagulable, c'est parce qu'il est plus pauvre dans les animaux mollement constitués ou épuisés par de trop rudes travaux, que, dans les conditions ordi- naires , la variété de la gangrène traumatique que j'ai décrite dans ce mémoire est, sur eux, beaucoup plus fréquente que sur les sujets forts et robustes dont la santé n'a jamais reçu de sérieuses atteintes. Mais si ces derniers animaux sont , par eux-mêmes, moins exposés à cette nature d'accidents à la suite des opérations sanglantes, parce que chez eux les qualités du sang le rendent plus organisable et dès lors moins putrescible , ce n'est pas à dire pour cela qu'ils en soient à l'abri dans toutes les circonstances. Le sang à la surface ou dans la profondeur d'une plaie ne se putréfie pas seulement à raison de ses qualités particulières au moment où il s'est écoulé; sa décom- position, comme celle de toutes les matières animales, se produit encore sous l'influence des propriétés plus ou moins altérantes de l'atmosphère dans laquelle l'animal est plongé. On sait , par exemple , que de ( M4) deux portions de muscles prises immédiatement après la mort, l'une sur un animal qui a succombé à une affection typhoïde, l'autre sur un animal mort à la suite d'une cause violente quelconque , mais parfaite- ment sain du reste, la première se putréfiera beau- coup plus promptement que l'autre, si on lès place toutes deux dans les mêmes conditions atmosphé- riques. Que si , au contraire , au lieu d'exposer ces deux lambeaux musculaires dans un même lieu, on plonge le premier dans un air sec et chaud et le second dans un air chaud et humide, il se pourra faire que la décomposition putride se produise aussi vile sur tous les deux, si même elle n'a lieu plus promptement sur le second. Ce dernier effet est en- core plus manifeste et plus prompt si cet air chaud et humide est en même temps altéré par des miasmes comme cela a lieu dans les localités où des animaux, et surtout des animaux malades, sont habituellement réunis en grand nombre. Or , il en est de même pour le sang épanché dans les plaies à la suite d'une blessure ou d'une opéra- tion. Deux circonstances peuvent en produire et ac- célérer la décomposition : ou bien une modification morbide qui, en altérant ses qualités, le rend plus putrescible; ou bien une action particulière, l'action putréfiante bien connue d'un air chaud, humide et plus ou moins vicié par des miasmes. Cette dernière circonstance explique pourquoi l'on voit quelquefois des accidents gangreneux compliquer des solutions ( '45 ) de continuité récentes, sur des animaux que leur bonne constitution semblait devoir en préserver, lors- que ces animaux sont placés pendant leur traitement dans des écuries chaudes et humides , dans celles surtout dont l'air est altéré par des exhalaisons mias- matiques sans cesse renaissantes : telles sont, par exemple , les grandes infirmeries vétérinaires qui sont constamment remplies de malades atteints d'af- fections catarrhales, de plaies abondamment suppu- rantes, etc. Il est facile de comprendre maintenant pourquoij'ai puobscrversi fréquemment la gangrène traumatique dans les hôpitaux de l'école, même sur des chevaux d'une constitution forte et vigou- reuse (i); tandis qu'elle se rencontre plus rarement (i) Une circonstance particulière a puissamment contribué à rendre malsaines les écuries affectées aux infirmeries de l'école. Il ne se trouve aucun endroit couvert à l'extérieur'ct au voisinage de ces localités, pour y abriter les chevaux et donner ainsi la possi- bilité de les sortir et de faire au dehors les pansements des plaies suppurantes. Il faut donc, et il faudra encore quelque temps, jus- qu'à ce qu'on ait réparé cette grave omission , panser les piaies, faire prendre les bains de pied , pratiquer beaucoup de petites opérations à l'intérieur même des écuries, toutes les fois que le temps est trop froid ou trop pluvieux pour permettre de conduire les animaux au dehors. D'un autre côté, et par suite d'une nou- velle imprévoyance, on n'a ménagé aucun moyen d'éviation pour les eaux chargées de sang, de pus,. et autres matières ani- males qui proviennent du nettoyage journalier des hôpitaux : on est obligé, pour empêcher ces eaux de faire mare, de les jeter et étaler sur le sol extérieur où elles entretiennent des exhalai - 10 ( i46 ) sur les animaux qui sont traités dans les écuries de leurs propriétaires, ou soignés dans des infirmeries moins souvent et moins complètement remplies que les nôtres. Je n'ai pas besoin de dire, je pense , que les acci- dents du genre de ceux que je signale sont plus à redouter et marchent plus vite lorsque les animaux blessés ou opérés se trouvent sous l'influence de la double circonstance d'une mauvaise constitution et d'un air altéré. sons qui sont loin d'être favorables à la salubrité. Aussi, le pro- fesseur de clinique qui m'a précédé et moi, avons-nous, entre autres conséquences de cet état de choses, remarqué assez sou- vent des accidents typhoïdes dans des animaux affectés de ma- ladies internes que tout annonçait devoir être fort bénignes , et des accidents gangreneux à la suite de lésions chirurgicales qui eussent été fort simples et promptement guéries dans d'autres cir- constances hygiéniques. Depuis que j'ai l'honneur de diriger l'école d'Alfort,j'ai appelé avec instance l'attention de l'administration supérieure sur la nécessité de remédier à un mal aussi déplorable dans une école vétérinaire; et je suis heureux de pouvoir dire que des disposi- tions sont prises en ce moment pour y apporter un prompt re- mède. En attendant, j'ai prescrit le pansement en dehors des écuries, de tous les animaux affectés de plaies suppurantes ou d'affections nécessitant un lavage quelconque; j'ai ordonné d'en nettoyer souvent le sol à grande eau , de les aérer largement et fréquemment; j'ai fait faire tous les quinze jours d'abondantes fumigations guytonniennes ; et, depuis , j'ai eu beaucoup moins souvent à remédier aux complications de la nature de celles que je viens de signaler. (•If) De tout ce qui précède, il me serait possible, assu- rément, de conclure à la vérité de Pédologie que j'as- signe à la plupart des cas de gangrène traumatique* En présence des faits que j'ai rapportés et des raison- nements qui s'y appliquent et s'en déduisent si natu- rellement, il me semble difficile de révoquer en doute que la putréfaction du sang épanché dans les plaies a été la cause immédiate des phénomènes gangreneux qui s'y sont développés. Mais le sujet me paraît avoir trop d'importance, pour que je n'essaie pas de justifier et de faire partager mon opinion sur ce point de pathogénie, par tous les genres de preuves dont une longue suite d'observations m'a mis à même de disposer. J'ai dit, et je viens de répéter, que la décomposi- tion putride d'une certaine quantité de sang épanché avait été, dans tous les cas que j'ai rapportés, la cause nécessaire et le point de départ de la gangrène locale; et que c'était celle-ci qui, en infectant le sang par l'absorption , avait occasionné la mort : ce qui revient à dire i° Que s'il n'y avait pas eu de putréfaction de ce sang il n'y aurait pas eu de gangrène ; 2° Que si, aussitôt que le sang épanché avait com- mencé à se putréfier, il avait été entièrement enlevé de la plaie , la gangrène ne se serait pas développée. Or, c'est précisément cette démonstration qu'il me reste à faire pour compléter ce mémoire; et j'es- père la rendre assez frappante par l'exposition suc- ( i4&) cincte de quelques uns des faits que j'ai recueillis, pour ne plus laisser subsister aucun doute sur cette partie de l'histoire de la gangrène que j'ai essayé de traiter. Citons d'abord les faits, nous en ferons ressortir ensuite les enseignements qu'ils renferment. DIX-HUITIÈME OBSERVATION. Gangrène, suite d'un épanchement sanguin dans le tissu cel- lulaire de l'encolure. — Mort de l'animal. — Fibrine altérée trouvée dans la tumeur qui constituait V épanchement . Cheval blanc, propre au cabriolet, de 8 ans, de bonne con- stitution, appartenant à M. Matard père, propriétaire à Ville- neuve-Saint- Georges. Etat du cheval lors de son entrée aux hôpitaux de l'Ecole le i5 juillet i83fi. Un léger engorgement peu chaud et peu doulou- reux entoure le point où a été pratiquée une saignée à la jugu- laire. Le cordon que forme ordinairement celte veine au dessus de la saignée, dans ces sortes de cas, esta peine sensible. L'ou- verture laite par le phlébotome est l'orifice d'une fistule qui a au plus un demi-pouce de profondeur. Le liquide qui s'en écoule est peu abondant et séro-purulent. L'animal est gai, a de l'ap- pétit et de l'embonpoint. — Pronostic favorable. Traitement. Applications fondantes sur l'engorgement ; diète sévère d'aliments fibreux et d'avoine pour éviter la mastication, on retourne l'animal dans sa stalle et on l'attache à deux longes pour l'empêcher de se frotter; ces sortes d'affections s'accompa- gnant toujours à cette période de beaucoup de prurit. Du 16 au 20 rien de notable; si ce n'est de l'infiltration au dessous de l'engorgement, produite par les applications fondan- tes qu'on y a faites. (On donne pour nourriture des carottes et de l'avoine cuite. ) ( '49 ) Le 28, il n'y a presque plus rien. La plaie se rétrécit et se dessèche; l'engorgement est à peine sensible; il n'y a plus d'in- duration ni de douleur sur le trajet de la veine. L'animal mange depuis deux jours une ration ordinaire. J'ordonne qu'on invite Je propriétaire à venir le retirer des hôpitaux. Le 3o au matin , une tumeur circonscrite qui s'est formée pen- dant la nuit sans qu'on puisse en reconnaître la cause, est remar- quée à quatre pouces au dessous de l'orifice de la fistule. Cette tu- meur est peu chaude et peu douloureuse. Elle est œdémateuse à sa partie inférieure; elle fléchit sous le doigt à une forte pression dans tous les points de son étendue. Rien n'annonce qu'elle ren- ferme du pus. Je la fais recouvrir d'un mélange de térébenthine et de sublimé corrosif pour en obtenir la fonte ou la suppu- ration. Le 2 août, il n'y a qu'un affaissement partiel de la tumeur. Elle est maintenant indurée, sans élasticité aucune. Le 3, M. Maillet, mon chef de service, ayant remarqué qu'il s'écoulait un liquide séro- purulent par la fistule, la sonda et parvint avec la sonde en plomb jusqu'au noyau de la tumeur , sans pouvoir pénétrer dans son épaisseur. Ayant pris une sonde en fer un peu forte, il força en appuyant sur la résistance qu'il rencontrait, et arriva dans une cavité dont il s'échappa un verre à peu près de sérosité fortement sanguinolente quand on retira la sonde. Il s'assura que la fistule était en dehors de la veine, et il y passa une mèche qu'il fit sortir par une contr'ouverture pratiquée au point le plus déclive de la cavité. Mais cette contr'- ouverture ayant à peine la largeur suffisante pour le passage de la mèche d'étoupes qui l'obstruait complètement, je l'agrandis à ma visite du 5. Le 6 , l'engorgement a augmenté : il est chaud, très doulou- reux et œdémateux; l'œdème s'étend en haut jusqu'à la gorge , en bas jusqu'au poitrail, et efface complètement la gouttière de l'encolure du côté malade, ( Embrocations de pommade de peu- ( >5o ) plier; renouvellement de la mèche; injections chlorurées par l'ouverture supérieure; diète sévère.) Le 7, l'engorgement a fait de nouveaux progrès. L'animal ne peut plus fléchir l'encolure dans aucun sens ; il respire très diffi- cilement. Depuis la veille au matin il a refusé toute nourriture. L'œdème qui s'est étalé sous la ganache , même du côté gauche , empêche d'explorer le pouls. Les battements du cœur commen- cent à se faire sentir avec une certaine force. Les crins tiennent bien encore. Le liquide qui s'écoule des ouvertures de la mèche est rougeâtre et fétide, mais en très petite quantité. (J'ordonne qu'on parsème toute l'étendue de l'œdème de pointes de feu pé- nétrantes. Injections chlorurées fréquentes. ) A. i o heures du soir , la difficulté de la respiration est augmentée. Les conjonc- tives sont rouges et leurs vaisseaux gonflés. Il y a imminence d'asphyxie. L'œdème est plus considérable, toujours chaud, mais presque plus douloureux. ( Scarifications profondes dans l'en- gorgement qu'on presse ensuite pour en exprimer le plus possi- ble de sérosité. L'état des parties rend la trachéotomie impos- sible. ) Le 8 , à 5 heures du matin , mort de l'animal avec tous les symptômes de l'asphyxie. Autopsie le même jour à 10 heures du matin (5 heures après la mort ). Les muscles de l'encolure sont infiltrés de sérosité jaunâtre, de même que le tissu cellulaire sous-cutané et inter- musculaire de la même région. On voit peu de sang en nature dans toutes ces parties ; mais la sérosité dans laquelle elles bai- gnent paraît très riche en matériaux concrescibles , car elle se prend facilement en gelée à l'air libre. Les lymphatiques très gros qui accompagnent la carotide sont distendus par un liquide clair qui les rend très apparents. Les ganglions de l'entrée du thorax sont gonflés, imprégnés de fluide séro-sanguinolcnt, plus rouges et plus friables que dans l'état normal. L'infiltration ne se propage pas dans l'intérieur de la poitrine. ( i5i ) La mèche passée le 3 est entourée dans presque tout son trajet par un tissu lardacé très dur et criant sous l'instrument. Dans sa partie inférieure, elle traverse une eavité de peu d'étendue, à parois dures et épaisses du côté correspondant à la peau , molles et friables du côté des muscles sous-jaccllts. Cette cavité est rouge- noirâtre dans son intérieur, et renferme, au milieu d'un liquide épais, couleur lie de vin, infect et peu abondant, une masse principale de fibrine gris-rougeâtre , sans adhérence avec ses parois , grasse au toucher , s'écrasant facilement sous les doigts , du volume à peu près d'un œuf de pigeon , et d'une odeur putride très prononcée. Trois ou quatre autres masses fîbrineuses beaucoup plus petites et plus altérées encore existent autour de ce gros noyau. Les muscles les plus voisins de cette poche sont décolorés et marqués çà et là dans leur épaisseur de taches rouge terne sombre. Les poumons, le cœur et le cerveau ne présentent d'autres lésions que celles observées après la mort par asphyxie. On ne remarque rien sur la jugulaire qui puisse avoir quelque rapport de causalité avec la mort du cheval et les phénomènes qui l'ont précédée. Cette veine est en bonne voie de cicatrisation, et pres- que transformée en un cordon fibreux blanc rougeàtre dans la partie qui avait été le siège de l'altération primitive. Il est donc manifeste que la mort a été causée par l'asphyxie; que celle-ci est résultée de la compression exercée .sur les nerfs respirateurs et les voies respiratoires par l'engorgement énorme qui s'est progressivement et rapidement développé à partir du 6 • et que cet engorgement doit être attribué à la putréfaction du sang épanché dans la cavité existant à son centre, quelle qu'ait été la cause de cet épanchement que je ne m'explique que par une contusion ou un frottement quelconques. Je ferai remarquer en terminant, et cette remarque a de l'importance, que c'est à dater du moment où lj passage de la mèche a donné accès à l'air, dans la cavité sanguine, que les premiers accidents ont apparu. ( Le sujet de cette observation était surveille par l'élève -Ver/y). ( '52) •IX-NEUVIEME OBSERVATION. Gangrène à la suite de l'ouverture d'un abcès à la pointe de l'épaule. — Mort de V animal. — Sang putréfié trouvé dans la cavité de l'abcès. Le ii septembre i83i, M. M , beurrier à Paris , conduit aux hôpitaux de l'école un cheval percheron de six ans, portant à la pointe de l'épaule gauche une tumeur ayant à peu près le volume de la tête d'un enfant, dure à sa circonférence, offrant à la pression de la main sur son centre les caractères d'une fluc- tuation profonde. Cette tumeur , qui s'est développée depuis trois jours seulement, est chaude et douloureuse. (Onction sur toute son étendue d'un mélange à parties égales d'onguents po- puléum et basilicum. ) Le lendemain l 'i , la fluctuation au centre de la tumeur est plus sensible. On y plonge un bistouri droit qui pénètre à plus de quatre pouces de profondeur pour arriver jusqu'au foyer. Le pus qui en sort n:est pas encore bien formé ; il est clair , sanguinolent et en petite quantité : beaucoup de sang s'écoule des tissus qu'a traversés l'instrument pour atteindre la poche de l'abcès. Quand il a cessé de couler , je fais injecter par l'ouver- ture de l'incision deux ou trois seringues d'eau tiède légèrement alcoolisée, pour nettoyer la plaie des caillots qui la remplissent: Je pansement est fait à sec. Le 1 3 au matin, la tumeur a augmenté d'étendue; elle est très chaude et excessivement douloureuse; la plaie est d'un rouge vif et encore ^un peu saignante. Il y a de la tristesse et des symptômes fébriles. (Saignée de huit livres; breuvages mucila- gineux:, légèrement acidulés; pansement avec de letoupe sèche bien douce; bandage matelassé sur la tumeur; lotions fréquentes avec un mélange à parties égales de décoctions de graine de lin et de tètes de pavots; dicte blanche. ) — Le soir, l'engorgement ( >53) fait de nouveaux progrès; la chaleur et la douleur sont exces- sives; l'animal paraît éprouver des élancements convulsifs à la seule apposition du doigt sur la partie malade ; les symptômes de réaction générale sont aussi très prononcés. Je fais lever le pansement que deux points de suture à bourdonnets mainte- naient sur la plaie. Le plumasseau qui depuis le matin occupait toute la profondeur de l'incision, est retiré couvert d'un ichor séro-sanguinolent, brunâtre et déjà fétide. Un peu de cet ichor . s'est écoulé par l'ouverture aussitôt après l'extraction du plu- masseau. (Scarifications sur toute l'étendue de l'engorgement , qui s'étend jusqu'à l'avant bras, et occupe toute la base du côté gauche de l'encolure : beaucoup de sang et de sérosité s'en écoule. Détersion de la plaie par des injections d'une légère infusion de plantes aromatiques; et, quand elle a été bien nettoyée, injections chlorurées , et pansement avec un plumasseau imprégné de chlo- rure de chaux, qu'on renouvellera trois fois dans la nuit. Sai- gnée de huit livres. (Le pouls était plein, vite et dur); conti- nuation des breuvages tempérants , des fomentations calmantes et de la diète. ) Le 14, à la visite du matin, la tumeur n'a pas augmenté de volume à la pointe de l'épaule ; mais elle s'est étendue en bas , et a envahi tout l'avant-bras jusqu'au dessus du genou; il y a beaucoup moins de chaleur et de douleur que la veille. La plaie de l'incision au centre de la tumeur exhale toujours une odeur putride que ne peut dissimuler celle du chlore. On n'y voit au- cune apparence de suppuration, non plus qu'aux plaies des sca- rifications qui sont sèches et violacées. Un peu d'emphysème se fait remarquer sous la peau de l'épaule et à la base de l'encolure. L'animal est dans un abattement extrême; le pouls a complète- ment changé ; il est devenu petit et serré. L'écartemënt des ailes du nez, la légère tension de la tête sur l'encolure, l'accélération saccadée des mouvements du flanc annoncent la gène de la res- piration. Je regarde l'animai comme perdu : cependant je pra- tique sur les parties tuméfiées depuis la veille de nouvelles sca- ( "54) rifications, d'où s'échappent à peine quelques gouttes de séro- sité; j'y plonge ensuite, aiosi que dans les scarifications faites la veille, des cautères coniques chauffés à blanc. La tumeur est re- couverte d'une forte couche d'onguent vésicatoire : on adminis- trera trois fois dans la journée et avec précaution, un litre d'une forte infusion vineuse de camomille; on continuera à injecter dans la plaie principale de la solution aqueuse de chlorure de chaux. L'animal succombe à onze heures du soir. Autopsie douze heures après la mort. abdomen. Rien de remarquable dans le tube digestif. La rate est notablement tuméfiée ; la matière ordinairement brunâtre et épaisse , qui remplit les aréoles de son parenchyme , est noire el presque diffluente. Thorax. Un litre environ de sérosité sanguinolente est épan- ché tant dans la plèvre que dans le péricarde. Le tissu du cœur est pâle et ramolli; il présente, sous ce rapport, les mêmes ca- ractères que l'ensemble du système musculaire : la séreuse qui tapisse les cavités droites du "àcœur est d'un rouge foncé; le sang qu'elles renferment est noir et épais, mais sans coagulum. Rien de notable n'existe dans les cavités gauches , si ce n'est une lé- gère coloration en rouge de leurs parois. Tumeur. Le foyer central de la tumeur a deux pouces à peu près de diamètre en tous sens; il contient un caillot mou et d'un noir violacé . de sang nageant dans un reste de sérosité sanguinolente et d'une odeur putride très prononcée. La face interne de ce foyer est irrégulière et tapissée par du tissu cel- lulaire , rien n'y décèle l'existence d'une fausse membrane ou de bourgeons charnus. Les parois en sont épaisses et formées de tissu lardacé peu consistant , et parsemé de nombreuses et larges ecchymoses. En général, le cadavre commence à se putréfier sensi- blement. ( i55) VINGTIÈME OBSERVATION. Gangrené après V ouverture d'une tumeur sanguine suite de contusion sur la hanche. — Mort de l'animal. — Putréfac- tion des caillots sanguins constatée pendant la vie et après la mort. Jument de roulage d'une constitution forte et nerveuse, de huit ans, appartenant à M. Chicaudet, entrepositaire à Alfort. Renseignemens . Le ier juin 1837, cette jument tombe sur le côté gauche en descendant au trot la tâîe de Bercy la Grande Pinte, et se relève à l'instant même. Quelques minutes après, l'homme qui la conduisait s'aperçoit qu'une tumeur s'est formée au-dessous de la hanche gauche, et que cette tumeur augmente à vue d'œil. Il l'attribue à la chute ; et , en effet , le soulèvement des poils, l'enlèvement de quelques uns, l'empreinte poudreuse qu'on remarque sur la saillie de la hanche et au dessous indi- quent que c'est sur ce point que le corps a porté lors de la chute, et qu'il y a porté assez violemment. Cependant il n'y a pas de plaie. Un maréchal, en face de l'atelier duquel l'accident était arrivé, consulté par le conducteur de la jument, prescrit et fait lui- même une friction d'eau-de-vie camphrée. Au bout de dix mi- nutes la tumeur a cessé de s'accroître. Elle a à peu près le volume d'une tête d'homme, mais elle n'est pas circonscrite et fait peu de saillie. La bête boite beaucoup; on la ramène à Alfort. Trois jours après, le 4, M. Chicaudet fait demander à l'École deux élèves du cours de pratique pour visiter sa jument. La tumeur est chaude, douloureuse _, sans fluctuation aucune j il y a œdé- malie à sa partie inférieure jusqu'au jarret. La bête a un peu de fièvre, ce qui ne l'empêche pas de manger la ration qu'on lui donne. La boiterie qui est très grande au sortir de l'écurie , diminue beaucoup après deux minutes de marche , et semble ne ( 156) devoir être attribuée ensuite qu'à la gêne mécanique que la tu- meur occasionne dans les mouvemens du membre. (Saignée de six livres, lotions émollientes sur la partie malade; diète ce jour- là; on ne donnera qu'un quart de la ration ordinaire les jours suivants , jusqu'à ce que la fièvre ait disparu. ) Jusqu'au 10, les choses restent à peu près dans le même état, ce que voyant le propriétaire , il se de'cide à amener sa jument à l'École, à ma consultation. Le 1 1 au matin, il la conduit lui-même, et me donne les ren- seignemens qui précèdent et qui me sont confirmés par les deux élèves envoyés les jours précédents pour donner des soins à la malade. Je l'examine avec attention : la tumeur est peu saillante et très étalée; elle est ferme et résistante dans les deux tiers in- férieurs, et se continue en bas par un œdème offrant lui-même une certaine fermeté. Elle est plus molle dans son tiers su- périeur , et fait éprouver à l'exploration la sensation , mais vague et incertaine , d'un liquide profondément situé; cependant rien n'indique que ce liquide soit du pus; rien n'autorise à croire à Fexistence d'un abcès. La peau paraît très saine sur toute l'étendue de la tuméfaction ; les poils y sont lisses et non piqués : il n'y a presque pas de douleur au toucher; pas de fièvre. La boiterie ne parait résulter que de l'embarras que l'infiltration de la région malade apporte dans la libre flexion de la cuisse. Je fais appliquer de l'onguent vésicatoire sur la tumeur, et je con- seille au propriétaire d'attendre et de me ramener sa jument dans deux ou trois jours. Le i3, il la soumet de nouveau à mon examen, mais dans un état bien différent. Une incision de cinq travers de doigt de lon- gueur, au moins , existe parallèlement à l'axe du membre dans la partie supérieure de la tumeur. Un liquide sanguinolent; clair, s'en écoule au moindre mouvement que fait l'animal. Cette incision a été pratiquée, il y a une heure, par le maréchal du pays, à qui son voisinage de l'École donne une grande réputation d'ha- ( >57) bileté dans les environs. Il a vu la jument en passant dans l'écurie où elle se trouvait, et a déclaré qu'il était parfaitement inutile de la conduire à l'Ecole pour ce qui restait à faire ; que l'abcès était mûr et ne demandait qu'à être ouvert. Et, tout aussitôt , avec l'assentiment du propriétaire , il a tiré un bistouri de sa poche et l'a plongé dans le tiers supérieur de l'engorgement où il avait cru sentir la fluctualion. De la sérosité roussâtre, d'a- bord, puis du sang presque pur, s'en étaient échappés : la quan- tité en fut évaluée à près d'un litre. Il n'y avait pas un atome de pus. Cependant M. Chicaudet , peu rassuré sur les suites que pouvait avoir cette opération , avait cru devoir venir , immédia- tement après, me demander mon avis. L'incision a ouvert une vaste poche, dont la partie supérieure qui renfermait le liquide séro- sanguinolent , est tapissée par des caillots fibrineux, rougeâtres, organisés en membranes déjà un peu adhérentes à ses parois. Dans la partie inférieure, la plus con- sidérable, existe un coagulum noir, d'un volume énorme, peu consistant à son centre, plus ferme et commençant à s'organiser à sa circonférence, le tout sans aucune odeur. II est évident que cette masse sanguine provient d'une hémorrhagie considérable qui aura eu lieu au moment même de la chute faite il y a treize jours par la jument; hémorrhagie qui explique la formation si prompte de la tumeur après cet accident. Quoi qu'il en soit, je porte un pronostic fâcheux. Pour éviter, s'il est possible, la dé- composition putride des caillots non organisés, aussi bien que celle des masses fibrineuses étalées à la surface interne des parois, j'essaie d'en enlever le plus possible. Je parviens à en extraire une assez grande partie; mais au moment où je venais de déta- cher un gros coagulum accolé sur la portion charnue du muscle iléo-aponévrotique, un jet de sang s'échappe qui me force à interrompre mon opération et à arrêter cette hémorrhagie par un appareil compressif , ne pouvant trouver au milieu des cail- lots , pour en faire la ligature, le vaisseau qui lui donne lieu. J'humecte l'appareil compressif avec du chlorure de chaux, et je ( >58) fais verser deux décilitres de ce liquide dans la poche sanguine. La jument est laissée dans les hôpitaux. Les jours suivants, jusqu'au 17, la putréfaction s'empara de ceux des caillots qu'on ne put extraire; et, en même temps, toits les symptômes de la gangrène locale d'abord , puis ceux d'une infection gangreneuse générale se déclarèrent. Leur par- faite ressemblance avec ceux rapportés dans les dix-sept obser- vations de la première série, me dispense de les consigner ici. La mort eut lieu le 17 à onze heures du matin. Autopsie à une heure de l'après-midi (deux heures après la mort). Tumeur, La peau de la région siège de la contusion est dé- collée jusqu'au milieu antérieur de la jambe. D' énormes caillots JibrineuX) noirs et gris rougeâtres, sont, les uns adhérens, les autres libres dans la plaie. Ils sont dans un état de complète dé- composition putride. Les muscles environnants ont une teinte pâle, livide, marbrée de taches d'un noir presque charbonnéjW ichor rougeâtre, gangreneux, en baigne les portions en rapport avec la plaie et pénètre le tissu cellulaire qui les unit. Le sang de la veine- cave postérieure a la couleur et la consis- tance de la poix liquide , et exhale manifestement une odeur de gangrène qu'on ne retrouve pas dans celui contenu dans la veine-cave antérieure; celui-ci , cependant, n'est pas non plus coa- gulé. — Le sang renfermé dans le cœur offre la même liquidité. On sent encore l'odeur de gangrène dans les cavités droites, mais elle y est moins prononcée que dans la veine-cave postérieure. Le cœur est très pâle , mou et fortement ecchymose dans ses ca- vités gauches. Poumon, Quelques ecchymoses seulement dans les pou- mons. Abdomen, La rate est volumineuse, bleu noirâtre; la matière contenue dans son parenchyme a la consistance de la bouillie épaisse. ( «59 ) Rien de notable dans les voies digestives , urinaires et respi- ratoires. Le crâne n'a pas été ouvert. (Cette jument était surveillée par l'élève Hennequin.) VINGT-UNIÈME OBSERVATION (i). Gangrène à la suite de l'ouverture d'une tumeur sanguine sur la croupe d'un chien. — Mort de l'animai. — Caillots pu- tréfiés dans la cavité de la tumeur. Renseignemens . Le 7 mai 1827, un vieux chien bull-dog, ap- partenant à M. Cliford, contre-maître à la fonderie deCharenton, reçoit sur le côté gauche de la croupe un violent coup de ringard. A l'instant même il se développe un engorgement considérable , qui fait des progrès si rapides , qu'au bout de quelques minutes la peau en est tendue et reflète une teinte violacée. Mais bientôt la tumeur cesse d'augmenter; la saillie qu'elle forme à la surface de la croupe s'étend sur la fesse et sur la cuisse, et rend le membre difforme. Le lendemain, l'animal parait faible; mais il conserve sa gaîté et son appétit. La tumeur est molle et peu sensible au centre; elle est dure et plus douloureuse à la circonférence. On se borne, d'après les conseils d'un médecin anglais attaché à la fonderie, à quelques applications émollientes pour calmer la douleur. Le surlendemain, un élève d'Alfort passait devant la fa- brique, on lui fait voir le malade. Trompé par la légère fluctua- tion qui existe au centre de l'engorgement, l'élève croit à l'exis- tence d'un abcès , il y plonge un bistouri. Mais au lieu de pus , c'est du sang presque pur qui s'échappe par l'ouverture. Surpris et effrayé, l'opérateur tamponne la plaie pour arrêter l'hémor- (1) Extrait de la clinique de M, le professeur Vatel. ( iû° ). rhagîe, et engage M. Cliford à conduire son chien à l'école , où je le vis le 1 1 mai, à la visite du matin. État de l'animal. J'examine la partie malade, siège d'un en- gorgement circonscrit, saillant, ayant à peu près le volume des deux poings. Elle est chaude et douloureuse. Afin de m'assurer de l'état intérieur de la plaie , j'en extrais les linges qui avaient servi à arrêter l'hémorrhagie; ces linges sont imprégnés de sang déjà très odorant. Un peu de sérosité fortement sanguinolente s'écoule encore après leur extraction; je n'y remarque aucune trace de pus. Des caillots fibriheux, rouges ou brunâtres, occupent toute la circonférence de la tumeur entre la peau et les muscles; le tissu cellulaire n'est apparent nulle part. Je tente d'enlever sur plu- sieurs points quelques portions de ces caillots , dont la couleur plus foncée et l'odeur fétide annoncent un commencement de putréfaction ; mais quelque précaution que je prenne , le sang qui s'écoule après chacune de ces tentatives est si abondant, que je suis forcé d'y renoncer. Je me borne à lotïonner le pourtour de la tumeur avec une légère dissolution de sel marin, et à main- tenir dans la plaie ; par une suture à bourdonnets, des plumas- seaux imbibés de teinture de quinquina étendue. Le soir, la plaie continue à sentir très mauvais : on renouvelle le pansement. Le i3, à deux heures de l'après-midi, le chien étaitmort. L'ouverture, faite immédiatement après, nous fit remarquer le ramollissement putride d'une partie du sang coagulé épanché sous la peau. Ceux des caillots que leur situation en dessous des couches sanguines superficielles avaient mis à l'abri du contact de l'air, étaient moins odorants et plus solides; et enfin une adhé- rence assez forte avait déjà eu lieu entre la peau et les parties sous-jacentes par le moyen du coagulum fibrineux qui occupait la circonférence. Le fond de la plaie était bleuâtre et livide. M. Cliford , qui assistait à l'ouverture, nous dit que huit jours auparavant il avait perdu un autre chien buli-dog, à peu près de la même manière : qu'à la suite d'un combat, pendant lequel ce ( i6i) chien avait été saisi à la joue par son adversaire, il lui était sur- venu une énorme tumeur sous la peau de cette région ; que le lendemain on l'avait ouverte; qu'il s'en était écoulé beaucoup de sang qu'on avait arrêté en recouvrant la plaie avec de l'amadou; mais que, le jour suivant, la plaie sentait très mauvais, et que trois jours après le chien était mort, (i) VINGT- DEUXIEME OBSERVATION (i). Gangrène à la suite de l'ouverture d'une tumeur sanguine à la cuisse d'un chien. — Mort de l'animal. • — ■ Sang putréfié trouvé dans la tumeur. Renseignements. M. Imbert, propriétaire à Paris , fait conduire le 7 septembre 1827, à la visite du matin, un beau chien braque qui a la cuisse très engorgée. Huit jours auparavant, M. Imbert étant à la chasse, avait , dans un moment d'emportement, tiré sur son chien un coup de fusil chargé de gros plomb. Bien qu'il ait paru atteint, ce chien quittait très ardent, avait encore chassé quelques instants; bientôt après il s'était arrêté ne marchant plus qu'à trois pattes ; il avait la cuisse droite très grosse à sa partie postérieure et interne. ( Le chien présentait le côté gauche au (1) Extrait de la clinique de M. le professeur Valcl. (2) Rien n'est plus fréquent que ces tu meut s sanguines sur les chiens à la suite des coups violents qu'ils reçoivent à chaque instant, ou des morsures qu'ils se font entre eux dans leurs combats Un grand nombre en est amené aux hôpitaux de l'Ecole pour des accidents sem- blables; et cependant, pendant les onze années que j'y ai passées, je n'ai vu la gangrène se développer dans ces tumeurs que dans quatre cas dans lesquels on avait eu l'imprudence de donner accès à l'air en y pratiquant des incisions plus ou moin3 larges. Il suffit le plus souvent d'abandonner ces tumeurs à elles-mêmes, ou de les recouvrir de quel- ques préparations fondantes pour en obtenir la résolution; quelque- fois il se forme un abcès. 11 ( i62) moment où on lui avait lâché le coup. ) Une très petite tache de sang, et une ecchymose sous-cutanée, de deux lignes à peu près de largeur , indiquaient l'endroit où un grain de plomb avait pénétré à la face interne et un peu postérieure de la cuisse. Les jours suivants, on s'était borné à des lotions d'eau fraiche d'abord , puis on avait fait des applications émollientes ; mais aucun mieux ne se manifestant^ M. Imbert, d'après le conseil d'un de ses amis, fit à l'endroit de l'ecchymose une incision de quelques lignes pour faire sortir le sang qui se trouvait sous la peau; et en effet, le sang coula assez abondamment après cette opération pour qu'il devînt nécessaire de l'arrêter. Ce fut le len- demain de cette petite opération que le chien fut envoyé à l'école avec une lettre renfermant les détails qui précèdent. Etat de l'animal. La cuisse droite est très engorgée , chaude et douloureuse; le chien abandonné à lui-même, ne s'appuie pas sur le membre de ce côté ; cependant il est facile de s'assurer que le fémur n'est point fracturé. Du sang presque pur s'écoule goutte à goutte de la plaie. La masse de sang coagulé qui en forme toute la surface, est rouge-brunâtre, peu consistante, et n'exhale encore aucune mauvaise odeur. Dans la crainte fondée d'ébranler le caillot et de produire une nouvelle hémorrhagie , on n'y tou- che qu'avec beaucoup de précautions. ( Application d'un ban- dage légèrement compressif , qu'on arrosera d'heure en heure avec de l'eau salée -, diète sévère : on surveillera le chien pour qu'il fasse le moins possible de mouvements, et ne cherche pas à arracher son bandage; lavements émollients. ) Le 8 au matin , V odeur de la plaie et la couleur des caillots apparents annoncent le commencement de la putréfaction du sang. Depuis ce moment , l'abattement du malade augmente sen- siblement; et, malgré l'emploi des antiputrides les plus énergi- ques, la gangrène se déclare dans la partie , et le chien succombe le quatrième jour de son entrée à l'école. Autopsie. — La diffluence , la couleur brunâtre et V odeur infecte de la plus grande partie du sang épanché sous la peau ( i63J et dans l'épaisseur des muscles , font facilement reconnaître la cause de la mort. Quelque soin que j'aie mis à la dissection de la cuisse, je n'ai pu reconnaître le vaisseau dont la blessure avait dû être cause de cette abondante et rapide hémorrhagie. Je pus seulement constater que le tronc même de l'artère fémorale n'avait point été ouvert. Il est bien probable que le grain de plomb que je retrouvai sous la peau de la face externe avait dé- chiré dans son trajet l'une des grandes musculaires de la cuisse. VINGT-TROISIÈME OBSERVATION. Gangrené à la suite de l'ouverture d'une tumeur sanguine à V épaule d'une vache. — Mort de l'animal, r— Caillot pu- tréfié trouvé dans la tumeur. Dans le courant de juillet i832, un nourrisseur de Saint- Mandé, vient, dans l'après-midi, réclamer les secours de l'école pour une vache qu'il dit être affectée du charbon. Il n'y avait plus d'élèves à l'école qui venait d'être licenciée; je me rends moi-même chez le propriétaire. Trois jours auparavant, cette vache avait reçu au dessus du coude gauche un violent coup de corne , à la suite duquel un engorgement s'était immédiatement développé, et avait acquis en peu d'heures un volume considérable. Un connaisseur , comme il y en a tant, avait conseillé l'application d'un séton pour le faire résoudre, et on avait déféré à son avis. On évalua à un litre à peu près la quantité de sang qui s'écoula par l'ouverture infé- rieure du séton pendant la première heure qui suivit l'opéra- tion. Au bout de ce temps, l'hémorrhagie s'arrêta d'elle-même; et jusqu'au matin du jour de ma visite, l'engorgement était resté stationnaire. Mais alors il avait commencé à faire des progrès inquiétants , et on s'était adressé à l'école. La tumeur , dont le centre était sur la masse des muscles olé- crâniens, embrassait presque toute l'épaule droite et descendait (i64) jusqu'au genou : un ichor brunâtre et fétide s'écoulait par l'ou- yerture inférieure du séton. Il n'y avait plus de pouls; les yeux étaient fixes, la pupille dilatée, les cornes froides', ainsi que les extrémités. Je jugeai la bète perdue. Cependant, pour condes- cendre aux désirs du nourrisseur qui me priait d'essayer quel- ques moyens, j'enlevai le séton et cautérisai profondément dans l'engorgement. Une heure après , on vint me prévenir chez un propriétaire voisin que la vache était morte. Le nourrisseur en fit lui-même l'ouverture devant moi : un caillot, ou plutôt une masse de sang noir, demi-liquide , et d'une odeur putride in- supportable , formait la partie de la tumeur qu'avait traversée le séton. Les tissus environnant la tumeur étaient infiltrés de séro- sité jaunâtre ou sanguinolente. Je n'assistai point à l'ouverture des cavités splanchiques. Il résulte bien clairement de ces nouveaux faits, dont je crois inutile de multiplier les exemples, que, sur les animaux qui en font le sujet, aucun sym- ptôme qui annonçât la gangrène ou seulement qui pût la faire supposer imminente, ne s'est manifesté avant que les tumeurs qui en sont devenues le siège aient été ouvertes par l'instrument tranchant. Ce n'est que dans les jours qui ont suivi celui où une incision a été pratiquée à travers leurs parois, qu'a commencé a apparaître la succession des phénomè- nes que nous avons vus dans nos premières observa- tions indiquer la naissance de la gangrène, en confir- mer l'existence, en déceler les progrès. Cependant, l'apparition de ces phénomènes n'a pas été le premier effet, le résultat immédiat de cette ouverture : un fait intermédiaire s'est accompli entre le moment où ( '65) l'incision a été pratiquée et celui où les premiers ca- ractères gangreneux ont apparu; c'est la putréfac- tion d'une partie plus ou moins considérable du sang épanché qui constituait la tumeur. La gangrène n'est venue qu'après cette putréfaction. Ainsi, tant que l'intégrité des parois de la collec- tion sanguine n'a pas permis à l'air de pénétrer dans son intérieur, le sang bien qu'épanché en quantité considérable (20e, 21e et 22e observations) ne s'est point putréfié, parce qu'il n'y avait point d'air dans la cavité qui le renfermait, et que la présence de l'air est une condition indispensable au développe- ment de la putréfaction. Pareillement, et ceci est bien important à noter, tant que l'absence de l'air a empêché qu'aucun phénomène de décomposition putride n'eût lieu dans le sang, aucun accident gan- greneux ne s'est déclaré ni sur la partie contuse ni à son voisinage. Ce n'est qu'à dater du moment où l'incision de la tumeur a mis le sang qu'elle renfer- mait en communication avec l'extérieur, que ce li- quide qui ne pouvait s'écouler au dehors, se trou- vant soumis, dans une cavité chaude et humide, à l'action de l'air qui venait d'y pénétrer, en a subi les effets et s'est putréfié. Et c'est seulement après que la putréfaction d'une partie de ce sang a eu lieu, qu'ont commencé à se manifester les accidents gan- greneux septiques auxquels les animaux ont suc- combé. Ici donc les rapports de cause à effet entre la pu- ( «66 ) tréfaction du sang cxtravasé dans la plaie et le déve- loppement de la gangrène dans cette plaie sont plus évidents encore, s'il est possible, que dans nos pre- mières observations. En effet, si violente qu'ait été la contusion quia produit répanchement du sang; si vive qu'ait été dans quelques uns de ces cas l'inflam- mation locale à la suite d'une telle blessure; si consi- dérable qu'ait été la quantité de sang extravasé ; au- cun accident inquiétant ne s'est manifesté, tant que l'absence du contactde l'air sur le sang épanché n'a pas permis à ce sang d'éprouver la décomposition putride : et cependant, il s'est écoulé jusqu'à treize jours entre la formation de la tumeur et son ouverture, dans le sujet de la 20e observation. Mais du moment qu'en ouvrant la tumeur, on a donné accès à l'air dans une cavité chaude et hu- mide qui renfermait du sang non encore organisé, tout aussitôt, la putréfaction de ce sang d'abord, puis, et deux ou trois jours après , la gangrène se sont manifestées. Ce n'est donc pas par une de ces actions spécifiques qu'il faut admettre sans pouvoir en donner une rai- son satisfaisante; c'est en vertu de son incontestable et nécessaire influence sur le développement de la pu- tréfaction, c'est en agissant comme une des conditions de ce dernier phénomène, que Vair a eu, dans tous les cas que nous avons cités, une part si grande, bien qu'é- videmment indirecte, à la production des accidents gangreneux. Il est dès lors bien clair que s'il n'est ( >67) pas la cause immédiate, il est manifestement la cause première de ces accidents; puisque sans air le sang épanché ne se serait pas putréfié; et que, s'il ne s'é- tait pas putréfié , la gangrène ne se serait pas décla- rée. Tel est du moins le seul rôle que l'observation matérielle des faits permette de prêter à ce fluide dans ces circonstances; et il me paraîtrait difficile de lui en supposer un autre qui s'expliquât d'une ma- nière à la fois aussi simple et aussi rationnelle. — Au surplus, ce n'est pas dans les seuls cas de ce genre que la présence de l'air me semble avoir une influence décisive sur le développement de la gangrène. Je disais plus haut que rien n'était plus commun dans les maladies épizootiques dites putri- des y que l'apparition d'engorgements gangreneux sur le trajet des sétons; et j'en indiquais comme rai- son première la putrescibilité du sang ou du liquide sanguinolent qui, «'amassant sous la peau dans le trajet du séton, ne tardait pas, par suite de ses quali- tés et de son contact avec l'air, à se putréfier et à y agir à la manière des matières putrides inoculées. Eh bien, il est si vrai que c'est la présence de l'air qui vient, en produisant la décomposition putride du liquide épanché ou infiltré sous la peau, y dé- terminer consécutivement la gangrène, que les en- gorgements quelquefois énormes qui, dans ces ma- ladies, suivent souvent l'application des sinapismes ou des vésicatoires, ne prennent jamais le caractère gangreneux: pour ma part, du moins, je ne l'ai ja- ('68) mais observé; et je ne sache pas qu'aucun auteur vé- térinaire ait signalé de fait de ce genre. Ainsi, sans rappeler l'épizootie de 1825 lors de laquelle un grand nombre de vétérinaires, forcés de renoncer à l'emploi des sétons, parce que leur applica- tion était souvent suivie d'engorgements gangreneux , eurent recours avec avantage aux sinapismes ou aux vésicatoires; passant sous silence plusieurs faits isolés recueillis à différentes époques dans mon service de clinique ; je me bornerai à citer comme exemple assez frappant, le résultat d'observations comparatives que j'eus l'occasion de faire en i83i dans les hôpitaux de l'école d'Alfort : A cette époque , le i ie régiment d'artillerie ca- serne à Vincennes, à la suite d'une remonte en che- vaux très considérable et très mal faite, était ravagé par des pneumonies gangreneuses qui frappaient à la fois un si grand nombre de chevaux , que les infir- meries du fort ne suffisant pas, une partie des ma- lades fut dirigée dans nos infirmeries avec l'assenti- ment de l'administration supérieure. Des sétons au poitrail furent, entre autres moyens, mis d'abord en usage. Mais les cinq premiers chevaux sur lesquels ils furent placés ayant succombé à des engorgements gangreneux dont ces exutoires devinrent la cause dé- terminante et le siège; et M. Joly, vétérinaire en chef du régiment, m'ayant observé qu'il avait déjà perdu plusieurs malades de la même manière , je dus renoncer à l'usage de ces dérivatifs et recourir à ( i6g) d'autres moyens pour combattre par une révulsion puissante et continue les fluxions abondantes qui s'opéraient aux poumons ou dans les sacs pleuraux. J'employai lessinapismes sous la poitrine, auxquels je faisais succéder le soir même un large vésicatoire. Des engorgements effrayants en furent la consé- quence : ces engorgements envahissaient toute la région inférieure du tronc et remontaient quelque- fois jusque dans la région inguinale: mais sur tous les animaux ils conservèrent le caractère d'œdèmes chauds; et aucun ne prit le caractère gangreneux, bien que plusieurs des chevaux sur lesquels ils se dé- veloppèrent aient succombé plus tard à la pneumonie gangreneuse. Pourquoi donc cette terminaison gangreneuse des engorgements produits par les sétons, tandis que ceux beaucoup plus considérables qui résultaient de l'emploi combiné et successif des sinapismes et des vésicatoires ne prenaient jamais ce fâcheux carac- tère? Assurément on ne saurait l'attribuer à la plus grande intensité de l'inflammation qu'auraient dé- terminée les sétons, puisque les phénomènes inflam- matoires étaient notablement plus développés à la suite de l'emploi delà moutarde et des topiques vé- sicants. On ne serait pas davantage fondé à l'attri- buer à l'absence de toute manifestation réactionnelle à la suite de l'application des sétons, puisque jus- qu'au moment où la gangrène avait complètement envahi la tumeur, celle-ci était tendue à son centre, ( «7° ) chaude et très douloureuse, ce qui n'annonçait rien moins que de l'atonie locale. La véritable raison de cette différence dans les ré- sultats ne serait-elle pas plutôt la suivante : le pla- cement des sétons dans les animaux dont je viens de parler était généralement suivi, par suite de la profonde débilité des malades, d'un écoulement de sang clair ou de sérosité fortement sanguinolente dont une certaine partie s'arrêtait et séjournait sous la peau dans le trajet du séton. Or ce sang ne ten- dant pas à s'organiser à cause de son peu de plasticité, et se trouvant en rapport par les deux ouvertures du séton avec l'air extérieur (l'air chaud altéré des infirmeries), ne tardait pas à se putréfier et à agir à la manière des matières putrides déposées sous la peau ; de là les engorgements gangreneux. Tandis que le liquide séro-sanguinolent ou le sang lui-même qui affluait en si grande abondance dans les parties irritées par les sinapismes et les vési- catoires, se trouvant abrité par la peau de tous rap- ports avec Tair extérieur, était par ce seul fait préser- vé de la décomposition putride. Aussi n'observa-t- on pas à la suite de l'emploi de ces moyens les acci- dents gangreneux qu'occasionnaient les sétons. — Une autre observation qu'on est à même de faire journellement dans la pratique vétérinaire, vient encore fournir une nouvelle preuve de la part déterminante que j'attribue à l'air dans la production ( «7* ) de la gangrène chirurgicale dans un grand nombre de cas. Voici cette observation : Des œdèmes plus ou moins chauds ou froids, sus- ceptibles de prendre parfois une étendue considéra- ble, se développent assez fréquemment sur des che- vaux épuisés par la fatigue, la mauvaise alimentation ou les maladies. De ces engorgements qui apparaissent le plus ordinairement aux parties les plus déclives de chaque région , les uns sont sans cause directe appa- rente, les autres procèdent de lésions locales (plaies ou blessures quelconques); quelques uns sont un des phénomènes extérieurs de l'affection si grave dans les herbivores connue sous le nom de charbon. — La partie principale du traitement externe auquel on a généralement recours dans ces divers cas est es- sentiellement chirurgicale : elle consiste soit à sca- rifier profondément la tumeur, soit à la pénétrer de distance en distance par des cautères en pointe chauf- fés à blanc. Eh bien, il n'est pas rare de voir la gangrène se développer dans ces tumeurs après qu'elles ont été scarifiées, lors surtout que les scarifications ont été suivies d'un notable écoulement de sang, et lors aussi que leur ouverture extérieure n'étant pas au point le plus déclive de la plaie qu'elles ont produite, une cer- taine quantité de ce sang ou de liquide sanguinolent peut rester dans son fond sans s'écouler au dehors. Tandis que si au lieu de scarifier la tumeur on l'a cautérisée j ou bien si, immédiatement après l'a- ( x72 ) voir scarifiée , on a passé des cautères chauffées à blanc dans les plaies résultant des scarifications, la gangrène ne survient que très rarement. C'est là un fait reconnu depuis longtemps par les vétérinaires : aussi, sans en avoir donné jusqu'à présent une raison théorique satisfaisante, la plupart d'entre eux em- ploient-ils de préférence le cautère actuel, soit dans les cas que je viens d'indiquer, soit dans les engorge- ments dans lesquels la gangrène existe déjà ou est seulement imminente. Je sais bien que dans ceux de ces engorgements qui sont indolents et où la chaleur est à peine sen- sible, on pourrait expliquer les bons effets de la cau- térisation par la surexcitation qu'elle produit, par la réaction franchement inflammatoire qu'elle provo- que. Mais que devient celte explication quand il s'a- git de celles de ces tumeurs où la douleur et la cha- leur sont très développées, et sur lesquelles cependan t la cautérisation est incontestablement le moyen le plus sûr pour éviter la gangrène? Ici encore il me paraît que toute la différence dans les effets, résulte de ce que, dans un cas ( les scarifications simples), chacune des plaies permet la libre introduction de l'air dans les mailles des tissus infiltré, et dès lors son libre contact et son action sur le liquide plus ou moins sanguinolent et putrescible épanché sous la peau; tandis que dans l'autre (la cau- térisation), l'eschare produite par le cautère s'inter- posant comme un diaphragme entre ce liquide et ( '73) l'air extérieur, prévient ainsi sa décomposition et conséquemment la gangrène. II est vrai que cette eschare finit par tomber : mais comme elle ne tombe qu'à la suite d'un travail de suppuration plus ou moins long à s'effectuer, il arrive que, lors de sa chute, elle ne découvre et ne livre au contact de l'air que des surfaces qui suppurent et qui, partant, n'ont rien à redouter de son action. — En résumé, sous le rapport étiologique, j'ai dit, et je crois l'avoir suffisamment prouvé, que les tu- meurs gangreneuses qui se développent quelquefois après une opération ou une blessure, sont dues le plus souvent à l'action du sang putréfié sur les tissus sains au milieu ou à la surface desquels il s'est épan- ché avant, pendant ou après cette opération ou lors de cette blessure. J'ai indiqué les circonstances con- stitutionnelles qui pouvaient, sur certains malades favoriser et hâter le développement des phénomè- nes putrides et conséquemment des accidents gan- greneux. Enfin, j'ai insisté sur ce point que, dans les nombreuses observations que j'ai été à même de recueillir, le contact de l'air avec le sang épanché avait été le point de dépari, la condition vraisem- blable de tous les accidents; ce qui a paru surtout évi- dent dans les 18% 19e, 20e, 21e, 22e et 23e observa- tions. À ces preuves directes et déjà bien concluantes, j'en ajouterai rapidement quelques autres, qui, par cela même qu'elles sont négatives, ne laissent plus ( i74 ) le moindre doute sur l'influence principale exercée par Vair dans la production des accidents qui nous occupent. i° Les ruptures partielles de quelques unes de leur*s fibres s'observent quelquefois dans certains muscles du cheval. M. Rigot en a publié plusieurs exemples dans le tome IV du recueil de médecine vétérinaire (année 1827). A la suite de ces ruptures, qui sont presque toujours ignorées pendant la vie de l'animal, du sang s'épanche en plus ou moins grande quantité dans l'épaisseur du muscle déchiré; et ce n'est que plus tard, des mois, des années même après l'ac- cident, qu'en ouvrant l'animal qui a succombé à toute autre maladie, on constate les désordres dont la déchirure est accompagnée. Dans les cas de cette nature que j'ai observés, dans tous ceux dont a parlé M. Rigot,le sang contenu dans l'épaisseur des muscles où il séjournait quelquefois depuis fort long-temps, quelle qu'ait été sa quantité et sous quelque aspect qu'il se soit présenté, n'a jamais paru avoir éprouvé le plus léger degré de putréfaction : aussi les tissus avec lesquels il était en contact et qui formaient les parois delà cavité accidentelle où il était renfermé, n'étaient- ils aucunement altérés. J'ai souvent observépareil ac- cident à la clinique de l'Ecole , soit dans les muscles psoas, soit dans les muscles de la croupe, sur des chiens employés par leurs propriétaires à tirer de petites voitures : des déchirements considérables avaient eu lieu au centre de ces muscles ; et les animaux sont (153) morts après avoir présenté pendant assez longtemps, les uns tous les caractères d'une paraplégie, les au- tres ceux d'une claudication très forte} dont j'étais loin , sur les premiers que j'ai vus, d'avoir même soupçonné la cause. En effet, pendant leur vie, au- cun engorgement n'avait été observé ni au voisinage des lombes, ni sur la croupe , ni sur aucune région environnante. A l'ouverture, j'ai toujours trouvé dans l'épaisseur des muscles déchirés , des caillots sanguins de couleur et de consistance variables, bai- gnant tantôt dans un liquide purulent clair et rou- geâtre, tantôt dans de la sérosité sanguinolente un peu trouble. Toujours ces caillots, ce pus, ce liquide sanguinolent, ces muscles déchirés, ont été trouvés sans odeur : mais aussi, dans aucun cas, si grands qu'aient été les désordres, je n'y ai rencontré la plus légère apparence de gangrène. C'est que dans tous ces amas de sang une condition manquait pour que la putréfaction s'y développât : la présence de l'air. 2° Il est peu de vétérinaires qui n'aient eu occa- sion de trouver, à l'ouverture de quelques chevaux, des tumeurs sanguines, souvent fort considérables, sous la capsule de la rate. Pour ma part j'en ai vu un assez grand nombre; il n'est même pas rare d'en observer plusieurs sur une seule rate, dont l'état at- teste qu'elles se sont formées à des époques diffé- rentes. Dans quelques unes de celles que j'ai dissé- quéesj le sang avait conservé sa liquidité; dans d'au- tres sa partie fibrineuse s'était déposée et adhérait à la ( >76 ) périphérie de la cavité. Dans aucune je n'ai reconnu de tendance à la décomposition putride; dans au- cune je n'ai vu ou entendu dire que la gangrène se fût développée. — J'ai fait la même remarque sur de semblables tumeurs développées depuis assez longtemps à ce qu'il paraissait, à la surface du foie de chevaux sacrifiés pour cause d'usure ou de mala- dies incurables. C'est que, dans ces cas encore, le sang épanché était parfaitement à l'abri du contact de l'air. 3° Quand, par suite d'un étranglement ou d'une compression quelconque, un organe cesse d'être en communication avec les centres nerveux ou circula- toire, il se mortifie; et bientôt, s'il est au contact de l'air la putréfaction s'en empare, et des accidents gangreneux peuvent se déclarer dans les titsus sains qui lui sont continus; à moins que ceux-ci ne deviennent le siège d'une prompte inflammation éli- minatoire. — Supposons le même organe également étranglé et mortifié, mais soustrait à V influence de T air : quels que soient ses rapports avec les parties saines environnantes, celles-ci seront bien rarement dangereusement affectées de son contact, parce qu'il ne se putréfiera pas : loin de devenir la cause d'in- fection gangreneuse , sa présence ne provoquera même pas le développement d'une inflammation éli- minatoire : il disparaîtra par atrophie ; il sera ré- sorbé. La castration, suivant qu'elle est pratiquée d'après ( »77 ) telle ou telle méthode, nous fournira des exemples de ces divers cas. Ainsi, soit qu'on émascule par les casseaux, la ligature ou le bistournage, on produit toujours la mortification du testicule eu étranglant le cordon. Mais, dans les deux premiers de ces modes opératoires, les enveloppes ayant été largement in- cisées, l'organe mortifié se trouvant au contact de l'air, ne tarde pas à se putréfier : aussi, par sa pré- sence, occasionnerait-il souvent la gangrène des par- ties supérieures du cordon, si les branches du cas- seau ou le nœud de la ligature qu'on laisse jusqu'au développement de la suppuration , n'isolaient com- plètement le testicule putréfié des parties saines supérieures. Tandis que quand on châtre par bis- tournage, la torsion qui opère l'étranglement du cordon se faisant à travers les enveloppes et sans avoir besoin de les inciser, le testicule se mortifie bien dans les bourses; mais comme il y est entière- ment à l'abri du contact de l'aii\ il ne se putréfie pas. Il disparaît à la longue par résorption. Aussi , quoique la plupart des taureaux et béliers du midi et de l'ouest de la France soient châtrés par le bistour- nage, n'ai-je jamais entendu dire que la gangrène ait été observée comme conséquence de cette opération . 4° Que si l'on veut dans d'autres organes que les muscles et le tissu cellulaire, dans d'autres parties que les parties voisines de la peau, des exemples non moins frappants de l'importance du rôle que joue l'air sur le développement delà gangrène, qu'on exa- ( 178) mine ce qui se passe à la suite de certaines hémor- rhagies pulmonaires dans le cheval. J'ai vu, en effet, plusieurs fois (et chaque fois je l'ai fait remarquer aux élèves qui suivaient ma clinique) des poumons dans l'intérieur desquels des caillots sanguins occu- paient presque toute la capacité de certaines cavernes où tout indiquait qu'ils se trouvaient depuis long- temps. Ces cavernes étant closes de toutes parts et n'ayant aucune communication avec les bronches, le sang n'avait aucune mauvaise odeur. Sur le même cheval, sur le même lobe pulmonaire, d'autres ca- vernes dans lesquelles s'ouvraient des divisions bronchiques , renfermaient du sang qui semblait épanché depuis beaucoup moins longtemps: dans celles-là, l'odeur et les caractères du sang ne lais- saient aucun doute sur sa putréfaction; aussi étaient- elles le centre d'une dégénérescence gangreneuse qui s'étendait sur une partie plus ou moins considé- rable du tissu pulmonaire environnant. Et pourtant, dans ces deux cas, presque toutes les conditions sont les mêmes : il y a les mêmes lésions; elles ont à peu près la même étendue; elles existent sur le même sujet, dans le même organe. Mais, dans les unes de ces collections sanguines s'ouvrent des divisions bronchiques; l'air pénètre; de là, putré- faction du sang épanché , et par suite gangrène du tissu avec lequel il est en contact. Dans les autres, il y a enkystementcompletdu sang épanché; pasdecommu- nication avec les bronches, partant non pénétration ( *79 ) de Vair : il ne s'y manifeste aucun signe de décom- position putride, le tissu qui environne la cavité n'offre aucune trace de gangrène. — Je le répète, les faits de ce genre ne sont pas rares dans les pou- mons du cheval; et depuis que j'ai appelé l'attention sur cette étiologie de la gangrène, plusieurs vétéri- naires, parmi lesquels je citerai MM. Delafond et Henry Bouley, les ont souvent constatés dans leurs recherches d'anatomie pathologique. 5° Enfin , quelle que puisse être , dans les consé- quences qu'on pourrait en tirer, la portée de la der- nière remarque qui me reste à faire, et dût-elle pa- raître une prétention de ma part à généraliser une théorie quejen'aientenduappliquer, quant àprésent, qu'à certains cas de gangrène chirurgicale, je ferai ob- server qu'autant la gangrène (i) est rare dans les or- ganes ou parties d'organes qui sont dérobés par leur situation au contact de Vair, autant elle est fré- quente dans ceux qu'entoure ou pénètre ce fluide. Ainsi, je le demande, connaît-on beaucoup d'exem- ples de gangrène du foie, des reins, de la rate , du cerveau, à la suite des inflammations même les plus aiguës de ces organes? Quant à moi, je n'en ai jamais (i) J'entends parler ici de la gangrène la plus fréquente; de cette gangrène humide qui consiste dans la mortification des tissus avec prodution d'ichor gangreneux et tendancejrapide à l'envahissement des tissus voisins d'abord, et bientôt à l'infection de l'économie tout entière. ( i8o) vu dans nos animaux domestiques; et ce qui semble prouver que, s'il yen a, ils doivent être bien rares, c'est que les pathologistes n'ont point admis comme variétés d'espèces des splénites, rénites, hépatites ou cérébrites gangreneuses. On ne citeguèrenon plus, hors les cas de plaies pénétrantes, de terminaison par gangrène des phlegmasies de la plèvre, du péritoine, de X } arachnoïde. Combien souvent, au contraire, cette funeste ter- minaison ne se remarque-t-elle pas dans les organes que tapissent les membranes muqueuses? Et quel vétérinaire n'a eu bien des fois à traiter dans sa pratique, des coryzas, des angines, des pneumonies , des entérites, des cystites gangreneuses? Les inflammations sont-elles donc plus aiguës dans ces derniers organes que dans les premiers que je citais? y revêtent-elles un type,un caractère, un mode, spéciaux, qui leur réservent particulièrement la fatale propriété de finir si fréquemment par la gangrène? Pour ma part, je ne le crois pas. Je vois tout simple- ment que, de ces organes, les uns sont en communi- cation plus ou moins directe avec Pair extérieur-, ce sont ceux que tapissent les membranes muqueuses: c'est sur ceux-là que s'observent de nombreux cas de gangrène. Les autres ne sojit point en rapport avec Pair ; c'est le foie, c'est la rate, c'est le cerveau; ce sont la plèvre, le péritoine, etc. : sur eux les in- flammations ne prennent que bien rarement , si tant est qu'elles le prennent, le caractère gangreneux. ( .8i ) J'ai vu pourtant un assez grand nombre de cas de péritonite terminée par gangrène ; mais c'est seule- men ta la suite de blessures pénétrantes de l'abdomen, après la castration à testicules découverts par exem- ple. J'aiaussi observédepuis douzeansdeux czsàegan- grène dans h plèvre; maison va voir que ces deux faits viennent singulièrement à l'appui de ce que j'avance ; puisque, sur l'un des animaux qui les ont présentés, la gangrène est survenue à la suite de l'extirpation d'une portion de côte cariée , pratiquée maladroite- ment par un maréchal qui avait déchiré une assez large portion de la plèvre pendant son opération; et que, sur l'autre, la gangrène se remarquait sur une partie delà plèvre correspondante à l'ouverture dans le sac pleural gauche d'une caverne pulmonaire com- muniquant depuis quelques jours seulement avec les bronches. Dans le premier cas, Y air avait pénétré dans la plèvre par la plaie extérieure; dans le second, il s'était introduit par les voies respiratoires. Ainsi , sans vouloir prétendre que les organes soustraits au contact de l'air ne sont jamais atteints par la gangrène, je doute qu'on puisse contester qu'elle y est infiniment moins fréquente que sur ceux dans l'intérieur desquels pénètre naturellement ou accidentellement ce fluide. J'ajouterai cette autre remarque, qui n'est pas moins fondée et a également ici une assez grande importance, que sur les organes accessibles à l'air, la gangrène est d'autant plus fré- quente et marche d'autant plus rapidement, toutes ( i8a) circonstances égales d'ailleurs, que le fluide les pénè- tre plus facilement et en plus grande abondance. Par exemple, les organes de l'appareil respiratoire sont, sans contredit, ceux sur lesquels la terminaison gan- greneuse a lieu le plus souvent ; et elle est plus fréquente dans le tube digestif que sur la muqueuse génito urinaire. Une observation d'un autre genre et qui rattache ces dernières remarques aux idées étiologiques dé- veloppées dans le corps de ce mémoire, est celle-ci : S'il est vrai que la terminaison gangreneuse des inflammations est plus fréquente dans les appareils d'organes qui sont accessibles à une plus grande quantité d'air, il est vrai aussi qu'elle est relative- ment plus fréquente dans ceux de ces organes qui sont en même temps pénétrés et pénétrables par une quantité plus considérable de sang. Ainsi, de tous les organes respiratoires , le poumon est sans con- tredit celui qui reçoit et contient le plus de sang et d'air, celui dans lequel, dans l'état inflammatoire, le sang s'extravase le plus facilement : aussi est-il celui dans lequel la gangrène est incontestablement le plus fréquente et le plus grave. Après le poumon vient la muqueuse nasale que l'on sait être si abondamment pourvue de sinus veineux dans nos herbivores do- mestiques : or personne n'ignore combien, souvent, dans certaines circonstances, les inflammations con- nues sous le nom de coryzas , prennent le caractère gangreneux. Puis vient le larynx, et enfin la trachée (i83) dans laquelle même les plaies pénétrantes donnent si rarement lieu à l'inflammation et à la gangrène. De même, dans le tube digestif, la muqueuse in- testinale étant, sur le cheval, celle que le sang peut pénétrer le plus abondamment dans le cas d'inflam- mation ou de congestion , dans laquelle , ou à travers laquelle , il s'infiltre ou s'épanche le plus facilement, est celle sur laquelle la gangrène a été incompara- blement le plus souvent observée: tandis qu'on la cite beaucoup plus rarement dans l'estomac, et qu'on ne l'a jamais observée dans l'œsophage. Il ne suffit donc pas qu'il y ait de IWr9 il faut aussi qu'il y ait une notable quantité de sang dans les organes pour y faciliter le développement de la gangrène : et il est de remarque que c'est dans les cir- stances où tout fait supposer l'extravasation d'une certaine partie de ce sang dans le tissu ou à la surface de ces organes, que la gangrène se déclare ordinai- rement. En effet c'est à la suite des phlegmasies dites suraiguës , quand il y a ce qu'on appelle excès d'inflammation^ qu'elle est regardée comme imminente ? Or, dans cet état pathologique , les vais- seaux sont tellement engorgés, tellement disten- dus par l'affluence toujours croissante du sang, qu'il est bien rare qu'une certaine quantité de ce li- quide ne s'en échappe pas pour se répandre et s'in- filtrer dans la trame de l'organe : l'ouverture des sujets qui ont succombé à cette période des inflam- mations en fait foi. Voilà donc du sang sorti de ses ( «84) vaisseaux, et qui se trouve en contact avec l'air chaud et humide que contient ou laisse transsuder l'organe enflammé; le voilà, dis-je, dans des conditions sous l'influence desquelles sa décomposition putride peut avoir lieu s'il ne s'organise pas, s^il n'est pas éliminé par la suppuration, ou s'il n'est pas rejeté au dehors par un mécanisme physiologique quelcon- que. Cette première analogie, dans leurs conditions ap- préciables, entre la gangrènedes muqueuses et la gan- grène traumatique, serait assurément assez frappante déjà pour faire soupçonner qu'il ne serait peut-être pas déraisonnable d'appliquer à la naissance de la pre- mière , la théorie par laquelle j'ai cherché à expli- quer le développement de la seconde. Or, cette idée prend plus de vraisemblance encore quand on pousse plus loin cette comparaison des circonstances dans les- quelles la gangrène vient frapper lesphlegmasies des muqueuses. Par exemple, j'ai fait remarquer plus haut que c'était surtout pendant le règne des maladies épi- zootiques, ayant un caractère putride, que l'ouverture des engorgements, renfermant des matières sanguino- lentes épanchées , et le placement des sétons étaient le plus souvent suivis de l'apparition de la gangrène. Eh bien, c^st également quand les coryzas , quand les pneumonies régnent enzootiquement ou se dé- clarent sur des animaux isolés pendant le règne des épizooties et des enzooties, que la terminaison par ga n- grène de ces maladies est le plus fréquente. Ne serait- ( i85) ce pas aussi parce que, dans ce cas, le sang étant plus fluide transsude plus souvent à la surface ou dans la trame des organes qu'il congestionne \ et parce que, en même temps , comme il est très peu organisable, il y subit plus promptement la décom- position putride qui donne lieu à la gangrène? Du moins, les masses fibrineuses complètement putré- fiées qu'on trouve dans les poumons gangrenés, ou sur la muqueuse nasale, à la suite des coryzas gangre- neux , donnent-ils une grande apparence de vérité à cette manière de voir. Autre analogie. J'ai fait remarquer que la gan- grène traumatique était à craindre , même sur des animaux assez bien constitués , quand , après une opération ou une blessure qui avaient laissé des cail- lots de sang dans une plaie, ils étaient placés dan3 des localités où l'air était infect et malsain. Or, la même remarque a été faite par les vétérinaires , en ce qui regarde l'influence d'un air vicié sur le développe- ment de la gangrène dans les phlegmasies des or- ganes en rapport fonctionnel avec ce fluide. Enfin , j'ai démontré que l'inoculation de matières animales putréfiées sous la peau donnait naissance à des tumeurs gangreneuses parfaitement semblables à celles qui compliquent quelquefois les opérations ou les blessures. De même , les expériences démon- trent qu'en se servant des voies de la circulation pour transporter dans les poumons des matières putrides, c'est a dire, en injectant par la jugulaire une certaine ( i86) quantité de sang ou de pus altérés, on détermine très souvent des pneumonies gangreneuses ayant la plus grande ressemblance, pour ne pas dire une identité parfaite , avec celles qui se développent naturel- lement. En résumé, il ressort de tous les faits et considé- rations qui composent le chapitre Etiologie. i° Que la gangrène traumatique paraît devoir sa naissance dans la plupart , si non dans la généralité des cas, à l'action septique du sang ou des autres ma- tières animales épanchées ou mortifiées qui se putré- fient à la surface ou dam la profondeur des plaies. 2° Que la présence de Y air étant nécessaire à l'ac- complissement de la putréfaction, cette gangrène ne saurait avoir lieu que dans les cas particuliers dans les parties soustraites au contact de ce fluide, 3° Que, dès-lors, toutes les circonstances propres à hâter la décomposition putride des matières ani- males, telles que l'altération particulière du sang lui- même dans certaines maladies, l'état miasmatique de l'air, etc...., favorisent singulièrement le développe- ment et hâtent les progrès de la gangrène. 4° Qu'il est très probable que dans un grand nombre de cas de phlegmasies internes, notamment celles des muqueuses respiratoires et des pou- mons, la gangrène, quand elle se développe, a une origine semblable à celle que je viens d'assigner à la gangrène traumatique. ( »87 ) TRAITEMENT. Les considérations étendues dans lesquelles je suis entré dans les chapitres qui précèdent, et qui m'ont paru nécessaires pour bien déterminer la nature et les causes de la gangrène traumatique , me permet- tant de réduire à quelques lignes ce qui concerne le traitement. S'il est vrai , en effet , que la présence de caillots de sang putréfiés à la surface ou dans la pro- fondeur des plaies , y devienne la cause détermi- nante la plus ordinaire de la gangrène, l'indication saute aux yeux. Il doit suffire : i° Pour prévenir la gangrène, quand elle est à craindre à la suite d'une blessure ou d'une opération, de prendre les précautions nécessaires pour éviter dans les plaies le trop long séjour du sang coagulé qui s'amasse soit dans leur profondeur, soit sous l'appareil de pansement à leur surface; 2° Quand les symptômes qui en précèdent la naissance se déclarent, d'explorer la plaie avec soin pour la débarrasser du sang déjà plus ou moins putréfié qui peut s'y trouver, et de panser avec des médicaments ayant la propriété d'empêcher la putréfaction. Or, depuis que j'ai prescrit et observé à ma clinique ces précautions si simples, la gangrène chirurgicale que nous avions souvent occasion d'ob- server sur les blessés et les opérés dans les hôpitaux ( «38) de l'école, y est devenue extrêmement rare, ou, quand elle s'est déclarée, y a été promptement et fa- cilement arrêtée. Je pourrais en rapporter ici une multitude d'exem- ples empruntés, soit à ma pratique particulière, soit à celle de plusieurs de mes collègues ou de vétéri- naires qui ont bien voulu me les communiquer. Mais je craindrais d'augmenter encore l'étendue déjà bien grande, peut-être, de ce mémoire, et de l'augmenter sans utilité; les observations que j'aurais à rapporter étant toutes parfaitement sem- blables entre elles, quant aux faits en eux-mêmes et aux détails dans lesquels je devrais entrer pour les exposer. Je ne citerai donc que les deux sui- vantes comme exemples. Je terminerai ensuite en indiquant les propositions thérapeutiques qui découlent de ce travail. VINGT- QUATRIÈME OBSERVATION (i). Tumeur gangreneuse h la suite de V application d'un séton à rouelle. — Extraction des caillots putréfies. — Guérison. Une grande jument normande du Cottentin , appartenant à M. le comte d'Harville , est conduite aux hôpitaux de l'école pour y être traitée d'une boiterie ancienne du membre antérieur gauche , contre laquelle avaient échoué les frictions de toute na- ture qu'on avait pu essayer. Le jour même de son arrivée, 6 juin (i) Extrait de la clinique de M. le professeur Vatel. ( i89) 1827 , et par un temps très chaud , un cautère à rouelle est placé à la pointe de l'épaule. Le sang coule en assez grande abondance pendant quelque temps après cette opération; il est très liquide; et cette circonstance jointe à la mollesse apparente de la jument sert à M. Vatel pour expliquer aux élèves cette hémorrhagie à laquelle il est quelquefois nécessaire d'opposer des hémostati- ques, mais qui , cette fois, s'arrêta seule au bout de plus d'une heure. Dans le courant de la journée , la bête ne parut aucune- ment affectée; elle but et mangea comme à l'ordinaire. Le soir, l'élève aux soins duquel la bête était confiée , observa que la po- che où le cautère était logé sous la peau, était distendue par du sang non coagulé qui s'y était amassé. Il prit note de cette particularité, sans y attacher du reste beaucoup d'importance. Le 7, à la visite du matin, à laquelle je remplaçais M. Vatel (j'étais alors attaché aux hôpitaux en qualité de chef de service), la pointe de l'épaule est le siège d'un engorgement chaud , dou- loureux, plus étendu en bas qu'en haut, et qui gêne la marche de l'animal. N'ayant encore vu, alors, aucun effet fâcheux résulter de l'application des sétons ou cautères, je regarde cette tuméfac- tion comme un effet de l'action un peu vive du cautère, et me borne à prescrire des fomentations émollientes. La bête, du reste, avait bon appétit, et ne paraissait pas malade. Le soir, l'engor- gement a fait de nouveaux progrès : il a gagné l'avant- bras, s'étend à l'ars du même côté, dont il efface presque les plis, et gêne beaucoup le déplacement du membre. Le pouls est vite et petit, la respiration profonde, les muqueuses apparentes injec- tées et légèrement ecchymoses , l'appétit presque nul. Je procède à l'instant même à l'extraction de la rouelle, que je regardais comme la cause unique, l'agent d'irritation producteur de tous ces accidents. La partie engorgée est d'une sensibilité extraordi- naire. (Saignée de six livres, fomentations émollientes fréquem- ment répétées, léger bandage matelassé sur la partie, diète blanche. ) Le 8, l'engorgement s'est encore étendu; il a envahi tout le ( »9° ) membre antérieur gauche , le poitrail et la partie antérieure du ventre ; tout mouvement du membre est impossible; appétit nul, pouls très petit et presque effacé. La vapeur qui s'exhale de la place qu'occupait le cautère , et la sérosité roussâtre qui la remplit, ont une odeur fétide très pénétrante. Pour éviter le séjour dangereux de cette sérosité dans la poche cellulaire où elle est accumulée , on prolonge de trois pouces environ , et par sa partie inférieure , l'incision qu'avait nécessitée l'introduction de la rouelle. Aussitôt deux décilitres environ du liquide dont je viens de parler j s'écoulent; et avec lui, un caillot sanguin d'un noir brun , mollasse, presque dif- fiuentèt dans un état avancé de décomposition putride. Ce caillot représente à peu près le volume d'un petit œuf de poule. (Scarifi- cations profondes dans toute l'étendue de l'engorgement, des- quelles on fait sortir par expression une grande quantité de sérosité citrine qui distend les mailles du tissu cellulaire ; et immédiatement après, cautérisation à l'aide d'un cautère chauffé à blanc dans chacune des scarifications ; lotions souvent répétées d'une solution de chlorure de chaux ; électuaire avec extrait de gentiane et camphre; diète blanche.) Le 9, l'engorgement n'a point augmenté; beaucoup de séro- sité s'est écoulée et s'écoule encore par les scarifications, à tra- vers ou sur les côtés des minces eschares que la cautérisation y a produites ; même état général. ( Continuation du traitement de la veille ; et de plus, administration en breuvage, et en deux fois dans le courant du jour , de deux onces de sel de cuisine dissous dans l'eau. ) Le 10, la sérosité a continué à couler aussi abondamment que la veille ; quelques eschares se sont détachées ; il y a beaucoup moins de tension à la peau du membre qui est un peu moins tu- méfiée ; la malade a bu seule toute son eau blanche et bien tiré sa paille. ( Même prescription que la veille ; on permet quelques poignées de foin arrosé d'eau salée. ) Le 1 1 , beaucoup d'eschares sont tombées; la sérosité qui con- ( i9i ) tinue à couler est moins abondante et plus épaisse; dans quelques plaies plus vermeilles que les autres , elle commence à prendre les caractères du pus. L'engorgement diminue sensiblement. La ju- ment a bien mangé son foin. On supprime le camphre de l'élec- tuaire ; on accorde un quart de foin , et on ordonne la prome- nade avant et après les grandes chaleurs de la journée. Depuis ce moment; le mieux s'est soutenu de jour en jour; l'engorgement s'est progressivement effacé, et la jument est sortie des hôpitaux parfaitement guérie, même de sa boiterie, le 7 juillet suivant. VINGT-CINQUIÈME OBSEEVATION. Engorgement gangreneux à la suite de l 'opération de la queue à l'anglaise. — Caillots sanguins putre'fiés extraits de la plaie. — Guérison. Dans les derniers jours d'août i83o, M. de Sainte-Foix, ha- bitant une maison de campagne à Saint-Mandé , me fait prier de me rendre chez lui pour voir un cheval qu'on me dit être dange- reusement malade. Arrivé chez ce propriétaire , je suis conduit auprès d'un beau cheval mecklembourgeois, de quatre ans et demi , acheté il y a trois jours à un marchand de chevaux arrivant du pays. Ainsi qu'il avait été convenu dans les clauses du marché, le marchand avait pratiqué au cheval l'opération de la queue à l'anglaise, et l'avait mis à la poulie, garantissant tous les accidents qui pourraient en résulter. Le premier jour s'était bien passé ; l'hé- morrhagie, abondante d'abord, s'était promptement arrêtée, et l'état général du cheval était satisfaisant. Le lendemain matin, il y avait un peu d'engorgement _, mais pas d'altération apparente de la santé. Le soir, cet engorgement était augmenté , sans toute- fois dépasser la base de la queue. Le surlendemain , la tuméfac- tion s'étendait à la croupe ; le cheval était triste et ne mangeait pas. On se décida à consulter sur son état qui devenait alarmant, ( 192 ) pour y porter remède et , le cas échéant , se mettre en mesure contre le marchand opérateur. J'examine les parties malades avec attention : la base de la queue a un volume presque double de celui qu'elle a dans l'état de santé ; la peau de la face inférieure du tronçon est tendue, et on y distingue facilement une nuance violacée, qui se dessine à travers sa couleur gris-noirâtre; les crins de la face supérieure s'arrachent à la moindre traction; l'engorgement de la queue s'étend jusque sur la croupe, les fesses et le périné. Trois inci- sions en T avaient été faites sur chacun des muscles abaisseursj les plaies qui en résultent sont d'un rouge livide , sans trace au- cune de suppuration. Les deux de la base , qui ont été prati- quées très près de l'anus, sont larges, béantes et d'une couleur plombée; celle du côté gauche sur lequel l'engorgement est plus considérable , laisse écouler goutte à goutte un liquide san- guinolent et très fétide. Après m'être assuré que ce ne pouvait être la traction exercée sur la queue qui avait produit cet accident (le poids qui servait à tendre cette partie n'était que de cinq livres), j'introduis le doigt avec précaution dans cette plaie pour en explorer l'intérieur; et, sentant dans sa partie inférieure (dans la position de la queue à la poulie), un corps mou , qui s'écrase à la moindre pression que j'exerce pour l'entraîner au dehors, je parviens à l'extraire par parcelles, et à quatre ou cinq reprises différentes. Citait un caillot de sang ramolli par la putréfaction , et répandant une odeur ammoniacale très péné- trante. Rien de semblable n'existait dans l'incision de la base du côté droit. L'état général du malade est très inquiétant : le pouls est vite et très faible, les muqueuses apparentes pâles , le flanc re- troussé, la respiration profonde, l'appétit nul, l'accablement très grand. La première indication était de prévenir une nouvelle accu- mulation dans la plaie de sang ou de sérosité sanguinolente. Je fais sur le milieu delà lèvre inférieure une incision transversale à ( i93) sa longueur, que je prolonge de près de deux pouces , et qui pro- cure l'issue de quelques grumeaux de sang ayant les mêmes caractères que le caillot premièrement extrait. Je pratique sur les parties de la croupe et des fesses engorgées et presque froides , des scarifications de plus d'un pouce de profondeur, desquelles s'écoule beaucoup de sérosité citrine; le tissu cel- lulaire , mis à nu par les scarifications , est infiltré , d'un pâle légèrement bleuâtre, et à peine sensible à l'introduction et à la pression du doigt. A défaut d'autres cautères, je fais chauffer à blanc les extrémités de fortes pincettes de cuisine , que je passe rapidement dans chacune des scarifications, après en avoir exprimé le plus possible de sérosité. Je déterge ensuite les plaies de la queue, et notamment celles de la base, avec de l'eau de javelle étendue d'eau, et recommande que plusieurs fois par jour ces plaies soient lotionnées avec une solution affaiblie de chlorure de chaux. Je réduis à deux livres le contre-poids de la queue. (Diète blanche , deux breuvages par jour d'eau salée, élec- tuairc avec l'extrait de gentiane , le camphre et l'acétate d'am- moniaque.) Trois jours après, toutes les eschares étaient tombées, une suppuration de bonne nature commençait à s'établir dans les plaies de la queue et celles résultant des scarifications ; les sym- ptômes généraux inquiétants avaient disparu. Le cheval fut successivement rerais à son régime ; et , lors de ma dernière visite, le 08 septembre, il ne restait plus de cette série d'accidents que les traces des scarifications que j'avais faites, et qui probablement n'ont pas tardé à disparaître. i3 ( '94) PROPOSITIONS THÉRAPEUTIQUES. t° Quelle que soit l'opération qu'on pratique, ou la blessure à laquelle on a à remédier, il est prudent d'éviter que du sang s'amasse et séjourne en cer- taine quantité dans la plaie qui en résulte; sur- tout quand l'animal est d'une constitution faible ou épuisée, que la température atmosphérique est chaude et humide, et que, comme dans le cas d'ap- plication d'un séton ou d'un cautère, l'absence d'ap- pareil permet l'entrée d'une certaine quantité d'air dans l'intérieur de la plaie. Si , malgré les précautions qu'on a pu prendre , quelques caillots se sont formés et exhalent une mau- vaise odeur, on ne peut trop se hâter de lever le premier appareil (si un appareil a été placé) pour les enlever et prévenir leur putréfaction. Si un engorgement gangreneux se développe quelques jours après une opération ou blessure avec plaie, on doit scarifier profondément pour en exprimer les matières putrides qui l'ont produit ou qui le constituent; pratiquer des incisions de ma- nière à permettre l'écoulement facile des liquides altérés; et, immédiatement après, passer un cautère chauffé à blanc dans toutes les scarifications ou in- cisions, afin de produire à leur surface une eschare suffisante pour les abriter du contact de Pair et en prévenir ainsi les fâcheux effets. ( '9» ) 2° Si on a à traiter une tumeur qui s'est dévelop- pée rapidement, et qu'on soit fondé à la croire for- m'ée par un épanchement sanguin sous la peau ou dans l'épaisseur des muscles qu'elle recouvre, il faut bien se garder de l'ouvrir : les astringents d'abord , puis des émollients ou des résolutifs excitants suivant l'indication, suffiront presque toujours pour en opé- rer la résolution. Une seule circonstance peut ré- clamer le secours de l'instrument tranchant : c'est celle de la formation d'un abcès; et dans ce cas en- core, à moins d'indication particulière, est-il souvent préférable d'attendre qu'il s'ouvre spontanément. 3° Les engorgements dits charbonneux-, ainsi que les œdèmes qui les simulent et qui sont formés par de la sérosité sanguinolente, doivent toujours être ouverts de préférence avec le cautère qu'avec l'in- strument tranchant; ou bien, quand on se sert, d'a- bord de ce dernier, il est prudent de passer ensuite un cautère chauffé à blanc dans chacune des incisions qu'on aura faites. J'en ai dit plus haut la raison. 4° Lorsqu'il règne des maladies avec un caractère typhoïde, dans lesquelles le sang, presque séreux et évidemment altéré, transsude sous forme d'ecchy- moses dans l'épaisseur des tissus et semble avoir perdu ses propriétés d'organisation , il est sage de s'abstenir de placer des sétons ou des cautères : leur application ne produisant aucun effet sensible; ou, ce qui est plus dangereux , étant souvent suivie d'en- gorgements qui ne suppurent pas et prennent très ( '96) promptement un caractère gangreneux. — Que si, dans ces maladies, les dérivatifs à la peau ou dans le tissu cellulaire sous-jacent paraissaient indiqués, il serait préférable de développer une fluxion sous-cu- tanée (avec de la farine de moutarde, par exemple, ou toute autre substance fortement irritante), et de plonger quelques cautères en pointe dans l'engorge ment qu'on aurait produit, pour le fixer au dehors et y provoquer la suppuration, si elle est possible. De cette manière, Vair ne peut avoir accès, comme dans le cas deséton ou de rouelle, dans l'intérieur de l'en- gorgement; les liquides éminemment putrescibles qui ont afflué dans la partie irritée ne sont point sou- mis à son influence: et on a rarement à craindre la gangrène. FIN.