GEORGE PEELE

( 1 558- 1696?)

GEORGE PEELE

(1558-1696?)

PAR

P. H. CH EFFAUD

Agr£g6 d 'anglais Ancicn Eleve de 1'Ecolc normale sup4rieui

" When the wjoe u neete there needeth no Ivie-bu»h. Th« right coral oeedeth no colouring Where the matt er itself bringeth credit, the man with liit glote winneth small comm endation ".

(l.riT Euphaet )

PARIS LIBRAIRIE FfiLIX ALCAN

O8, BOULRVARD 8 A I K T - C E R M A I N , Io8

Tom droiU traduclion rt de reproduction r^»erve«.

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CS

A MES PROFESSEURS

HOMMAGE RESPECTUEUX

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GEORGE PEELE

INTRODUCTION

Les questions d'ordre g£n6ral que soulfcve une 6lude de Peele ont 616 d6j& trait6es par tous les cri tiques : Ward, Jusserand ou Schelling, qui se sont donn6 pour tAche de vulgariser le drame 61isab6thain. Les relations du dramaturge et de son epoque, ses rapports avec les auteurs contemporains, la simi litude de leur mode de vie, les caracterisliques com munes de leurs ouvrages, tous ces points ont 6t6 inggnieusement mis en lumifere ; et 1'objet de nos recherches s'en trouve d'autant restreint. Nous nous proposons simplement de faire ressortir les traits dis- tinctifs de la personnalit6 et de Toeuvre de Peele, et nous nous efForgons d'atteindre ce but parl'examen des quelques documents accessibles, et l'6tude du texte.

Dans la partie biographique de noire travail, nous n'avons ajout6 que peu aux faits connus : nous nous

GHEFFAUD. 1

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sommes attaches surtout a rapprocher et coordonner des renseignements jusqu'ici disperses, et a Stayer les hypotheses auxquelles leur coordination nous amenait au moyen d'informations tiroes des ecrits memes.

La seconde partie de notre essai est consacr6e a ime revue critique des pieces et poemes, et a la discussion des questions connexes : etat du texte, date de composition, etc. Nous avons enfin recherch6 les sources de chaque drame, aussi consciencieu- sement qu'on 1'avait tent6 jusqu'ici, et avec plus de succfcs, croyons-nous, dans le cas de T ' Arraignment of Paris ' et de i David and Bethsabe '.

Notre 6tude de Foeuvre de Peele se limite, d'ail- leurs, aux productions qui sont ind6niablement siennes. Les pieces qu'on lui a attributes, en totality ou en partie, tripleraient le nombre de celles qui ont trouv6 place dans les editions de Dyce ou Bullen. Une liste complete comprendrait : ' Jack Straw ' ; i Wily Beguiled ' ; 4 The Wisdom of Doctor Doddipol ' ; l A Knack to Know a Knave ' ; ' Alphonsus Emperor of Germany ' ; c Locrine ' ; ' Edward III ' ; 4 The Taming of a Shrew ' ; l The Troublesome Reign of King John ' ; ' The True Tragedy of Richard III ' ; le 1 Richard III ' shakespearien ; le premier ' Henry VI ' ; 1 The First Part of the Contention between the Houses of York and Lancaster ' et ' The True Tragedy of Richard Duke of York ', sur lesquelles se fondent le second et le troisifcme .* Henry VI ' ; la premiere ver-

INTRODUCTION 3

sion de c Romeo and Juliet ' et c Titus Andronicus '. line discussion d6taille*e de I'authenticite' de chaque drame nous entralnerail, surtout dans le cas des pieces shakespeariennes, a une enqu&te fastidieuse et lente, trop souvent etrangere a noire sujet. Nous espe>ons seulement que notre <Hude des oeuvres indis- cutables contribuera a la solution des questions liti- gieuses, dans la mesure od elle remplira sa fin, et mettra au jour les traits saillants du style et de la versification du poete, son choix d'images, et sa m^thode g6n6rale de pens6e.

Parmi les oeuvres authentiques du dramaturge, nous ne saurions compter * Sir Clyomon and Sir Cla- mides ', pifece de folk-lore romanesque, que Dyce lui assigna sur la seule foi d'une note manuscrite, trou- ve"e dans un vieil exemplaire. l Sir Clyomon ' est maintenant, d'un commun accord, rejete du canon de Toeuvre peelienne. Le vers de sept pieds, le dia- lecte dans lequel s'expriment les personnages rus- tiques, la surabondance diversions grammaticales, le vocabulaire archa'ique, tout indique la main d'un auteur ant^rieur a Peele, - - que ce soil Richard Bower, Richard Edwards ou Thomas Preston. Qui- conque prendra la peine d^tudier la piece la rangera sans hesitation parmi les apocryphes peeliens et approuvera la limitation de nos recherches a 1' 4 Ar raignment of Paris ', la l Battle of Alcazar ', 1 Edward I ', 1' l Old Wives Tale ', et ' David and Bethsabe '.

4 GEORGE PEELE

Ces recherches, remarquons-le enfin, sont quelque peu entrav6es par F absence d'un texte bien 6tabli. Au cours des derni&res ann6es, sans doute, on apubli6 avec grand soin une ou deux Editions de pieces s6pa- r6es ; mais il nous faut encore consulter le plus sou- vent le texte modernist, aux variantes incomplfctes, de Dyce ou de Bullen. Peut-etre ce d6faut d'une Edi tion vraiment critique provient-il de la tardive recon naissance des m Writes litteraires de Peele, due elle-m^me a Tattitude d^pr^ciatrice de Charles Lamb a son 6gard. Quelle qu'en puisse ^tre la cause, nous ne doutons pas, cependant, que Peele ne reprenne tot ou tard sa place parmi I'int^ressant groupe de dra maturges qui illustrfcrent la p^riode pr6-shakespea- rienne.

LA VIE DE PEELE

(1558-4596?)

La premifcre tentative faite pour Scrire une biogra- phie de Peele ne remonte « | u ' ,'i 1 691 , un sifecle presque aprfes sa mort. La brifcvete des quelques lignes que Wood lui consacre alors dans ses l Athenae Oxonien- ses' ne saurait, dans ces conditions, nous surprendre. Les sources d'informationauxquelles un contemporain eut puis6 Staient d6jt\ taries, et I'activite de Wood se trouvait ngcessairemen t rSduite h coordonner les quel ques fails que pouvaient lui fournir de consciencieuses recherches dans les archives d'Oxford ou chez les libraires de Londres.

Le soin qu'il apporta h cette tAche ingrate estd'ail- leurs si manifeste qu'aujourd'hui encore ses notes concises r£sument, ou peu s'en faut, tout ce que nous savons de noire auteur1. Les efforts de critiques plus modernes, Dyce, Lammerhirt, ou Bullen, n'ont iiliculi. en somme, qu^ red^couvrir les documents sur lesquels se fondait le vieil 6rudit, et, si quelques

4. Wood. Athenae Oxonienses. ed. Bliss, vol. 4. col. 688.

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details comple'mentaires ont e~te" mis au jour, si quel- ques traits ont e"te" ajoutes ca et la, Fesquisse que nous pouvons tracer de la vie de Peele n'est guere plus fouille"e que la sienne.

Le hasard, pourtant, nous a fourni des rensei- gnements qu'il lui avait refuse's sur la famille et Fen- fance du dramaturge. De*couverte d'ailleurs assez r^cente, et due a la publication par M. Lockhart, en 1876, d'une liste de boursiers de Christ's Hospital et de divers extraits du Court Book de la fondation '. Quelques-uns de ces extraits nous montrent en James Peele, le pere de Fe"crivain, un respectable citoyen de Londres, membre de la corporation des sauniers, occupe" de 1562 a 1585 a tenir les livres de FHopital. George et James sont les seuls de ses enfants que le Court Book mentionne, mais les re- gistres de paroisse de Christ Church, Newgate, nous apprennent, outre le nom de safemme, Anne, Fexis- tence de trois filles, Anne, Isabel et Judith, respec- tivement marines en 1565, 1568 et 1575 2.

4. A. W. Lockhart. List of University Exhibitioners from Christ's Hospital. 4566-1875. London. 4876.

2. 11 est assez curieux de remarquer qu'aucun des critiques de Peele n'a songe a consulter les registres de Christ Church, Newgate, la paroisse dont Christ's Hospital avait dependu des sa fonda tion. Ces registres contiennent pourtant d'interessants details. Le plus important est le remariage de James Peele. Sa premiere femme, Anne, mourut en 4579 (v. Deces. 'July 4 4580 (= 4579) Anne, wife of Jeames Peale '.), mais le veuvage de James fut, en somme, assez court, si nous en croyons la meme source d'infor- mation (v. Mariages. Nov. 3 4584 (— 4580) Jeames Peelle, dark of the hospitall, & Christian Widers). Du premier lit naquirent, outre George Peele, Jeames Peele en 4563 (v. Baptemes. ' 4563.

LA VIE DE PEELE

De ces cinq enfants, George seul nous interesse. Une tradition, ge"ne>alement admise, veut qu'il soil n6 en Devonshire; mais rien n'en prouve la vSracite", et elle semble reposer toute surle fait, -- assez peu probant, que Peele fut immatricule* a Broadgates Hall, le college favori des Studiants de Somerset et de Devon. A d6faut d'autre ISmoignage, il nous faut renoncer a Stablir le lieu pr6cis de sa naissance, et nous contenter d'en fixer la date a 15581.

Qu'il ait, du reste, vu le jour dans un comt6 de Touesl ou dans la cite", ses premieres ann6es, nous en sommes surs, s'6coulerent a Londres; et nous le voyons des 7 ans 6peler ses premiers mots a l'e*cole de Christ's Hospital.

L'Hdpital, en effet, fond6 pour servir d'asile aux

Jan.3Jeames, son of Jeames Peele), Judith Peele, marine en 1575 (v. Manages.' 1576 (=1575) May 19. John Jackman, grocer, & Judyth Peele, the daughter of Jeames), et probablement Anne et Isabel Peele, dont les noces sont consignees dans les memes listes (v manages. ' 1566 (= 1565) May 14. John Alford & Anne Peele '• _ i569 (= 4568) Feb 5. Mathew Shakspere & Isbell Peelle). Ajou- tons que, comme M. Challoner Smith 1'a prou\6 dans le 4 Genea logist' (Av. 1896) les dates des mariages (de 1558 4 1584) et des d6ces (de 1555 a 1581) doivent dtre antidat^es d'un an, ce que nous avons fait dans chaque cas. Les regislres de Christ Church nous donnent encore la date precise de la mort de James Peele sen', (v. Deces 'Dec. 1585. Jeames Peele, dark of the Ospy tall) ; et il est interessant de decouvrir dans la collection de ' Marriage- Licenses * publiSe par la col. J. L. Chester que la seconde femme de James se remaria a son tour. " Boswell Ralph of St-Chris. topher-le- Stock, London, haberdasher, & Christian Peale, widow, of Christ Church, Newgate, London, relict of James Peale, late of same, salter. Gen. Lie. 21 May 1590".

1 . Une deposition devant le tribunal de T Universite d'Oxford que nous citons p. 15 repr£sente Peele comme ag6 de 25 ans en 1583, et il devint aise" de deduire de ce document la date exacte de sa naissance.

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orphelins etfils de pauvres, s'elait dksle debut adjoint une 6cole, que fr^quentaient, au temps de Peele, deux classes differentes d'enfants: les " Howse Chil dren" ou membres de la fondation, et les " Town Children", subdivis6s eux-memes en 61eves payants et en boursiers (u pupils without bills"). Tout porte a croire que George, fils du comptable de la maison, £tait au nombre de ces derniers, et qu'il jouissait m&me de certains privileges, parmi lesquels des dons de livres semblentles plus importants1.

Son sejour a l'6cole de Christ 's Hospital se pro- longea, en tout cas, jusqu'en Mars 1571/72, et nous pouvons assez ais6ment y retracer le cours de ses eludes. Apres avoir appris ses lettres sous la ferule des u Schoolmaisters for the Petties (ou Petites) ABC ", il regut de son propre pere ses premieres legons d'£criture et d'arithmeHique 2, et quitta enfin les classes primaires (" Lower Skole ") pour les classes secondaires (u Upper Skole "). Le " Court- Book " nous a conserv^ le nom de son professeur d'alors: Ralph Waddington, et nous apprend de plus

1. " 26 Oct. 1565. James Peele Clerke is alowed bokes by order of the Gouv'nors for George his sonne who is in the Gram Skole, so farreforthe as he be diligent in his learning and honyst at the Gounors plesure " et : " 10 March 1570. James Peele was grannted for George his sonne soche bokes as from tyme to tyme he shall nede duringe his abode here in the gram skole according to the judgement of the Skole Mr ".

2. Les livres de 1'flopital nous permettent d'affirmer que le pere de Peele remplissait, outre les fonctions de comptable, celles de maitre d'ecriture. Dans la liste destraitements, son nom apparait en face d'une somme, assez minime, de £ 10.

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que Ralph etait, - - outre directeur de < alechiste de 1'hdpital. C'est la un fait digne d'atten- tion. Des les premieres ann6es, les gouverneurs de la fondation s'6taient appliques a donner aux enfants dont ils prenaient a leur charge I'Sducation, un ensei- gnement religieux et moral des plus stricts; et Tesprit de rigidit^ qui 6tait celui de leurslegons dut faire sur Peele une impression durable, seule capable d'ex- pliquer un trait caract6ristique de ses 6crits: leur Ion moral. " Proba est pagina, vita lasciva n £crit Bullen, faussant inge"nieusement un vers de Martial ; et cette citation, plus 6pigrammatique que vraie, contient pour- tant sa part de ve>ite\ II est bien Evident que Peele ne sut, et ne put jamais r6gler int^gralement sa con- duite sur les principes de severe morality dont ses jeunes ans avaient 6t6 imbus, mais il ne cessa jamais de les regarder comme un noble idtfal, digne d'&tre platoniquement ch6ri etparfois6l6gammentexprime\ Peut-^tre m6me eut-il tent6 de les mettre en pra tique, s'il fut reste plus longtemps sous Tinfluence directe de Waddington ; mais son envoi a TUniversit^, a quatorze ans a peine, en d^cida autrement. Get envoi, dti reste, 6tait une faveur, - - faveur que les gouver neurs n'accordaienl qu'aux plus intelligents de leurs Sieves ; et nous pouvons voir un t^moignage de pr6cocit6 dans la minute qui mentionne son depart pour Oxford le 29 Mars 1 571/72 !.

4. V. "1571. March 29. Horses ii, by order of this court was

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Les frais qu'y occasionna son sejour furent evidem- ment, quoique nous n'en ayons pas la preuve formelle * , supports par ses anciens maltres, el il dut en outre recevoir d'eux, comme tous leurs boursiers d'alors, une pension de " xnd weeklie "et tous les livres dont

11 declara avoir besoin.

Cette aide, nous le verrons, lui fut retiree en 1579, mais il avait d6ja, a cette date, parcourules diverses Stapes universitaires, et il nous est possible, grace aux archives 2, de le suivre a chaque stade successif de sa carriere acad^mique. D'abord 6tudiant a Broadgates Hall, comme le prouve une liste dresse"e

hired for the convainge of Edward Harris, one of the childuren of this House, to Oxford, what tyme George Peele, sonne of Jeames Peele clerk of this Hospitall went thether also ".

1. Le document suivant pourrait, a la rigueur, etre regarde comme une preuve de ce genre: "June 15. 4577. James Peele clerk of this house being a suter for somewhat towrarde the charges of his sonne George who is now uppon goinge forthe Bachelor of Arte, wheruppon he is grannted the sum of fyve pounde, that is iii £ now at this present and xls. against Lent next what tyme the same his sonne is to fynishe the same degree ".

2. Les documents relatifs a Peele se trouvent dans deux registres : le premier ' Matriculation Register ' (Univ. Oxon. Arch. P) et le 1 Register of Convocation & Congregation ' (KKq), qui contient les noms des gradues et la date d'obtention des grades, d'Avril 4564 a Septembre 4584. Le ' Matriculation Register' est un epais folio de plus de 380 pages, divise en plusieurs chapitres, un par college ; mais il faut remarquer que les listes d'etudiants qui viennent en tMe de chaque rubrique ne sont point des listes d'immatriculation. L'habitude de les traiter comme telles n'a con duit qu'a des erreurs. En realite, elles enumerent simplement les noms de tous les membres des colleges inscrits sur les livres a une date determinee, differente pour chaque college. La premiere liste, celle de Christ Church, est datee 4564/65 etl'on alongtemps assigne cette date a toutes les autres. Mais une comparaison avec le registre de degres montre la faussete de cette assignation, et la liste de Broadgates Hall, par ex., ne remonte qu'a 4572-73.

LA VIE DE PEELE 11

en 1572/731, il obtint I'annSe suivante une bourse deludes a Christ Church College, dont le Hall n'etait guere qu'une dSpendance, et devint Bachelor of Arts le 12Juin 1577. La date peut surprendre tout d'abord, - ce grade s'acqueYant d'ordinaire apres quatre ans de residence ; mais le retard est justifte par une circonstance fortuite: I'6pid6mie de peste qui 6clata en 1576/77 et entratna la dissolution temporaire des colleges. Et si, par contre, Peele dut ^courier d'un an la pe>iode deludes habituellement requise pour 1'obtention de la mattrise *, ici encore Tanomalie apparente s'explique par un accident ind^pendant de sa volonl6. Une grave maladie de sa mere Tobligea a demander une dispense, qui lui fut -- le Registre de Convocation en fait foi1 imm^diatement accorded,

1. Broadgates Hall < 1572 > P. fol. 489 (Aula Lateportensis) (Aula Latarum Portarum) 49. Peele G.

2. Les references & Peele dans le Registre de Convocation sont assez nombreuses, et, lorsque rapprochees, se competent Tune 1'autre: " Pele (Peele) George; adm. B.A. 42 June 1577; det. 1877/78; suppl. M. A. 2 June, lie. 6 July 1579, inc. 1579. La pre miere minute, relevge dans une liste d'etudiants •• admissi ad !••( lionem alicujus libri logices " prouve que le degr6 de Bachelor of Arts lui fut confere en Juin 1577 ; la seconde qu'il le compieta en prenant part aux argumentations appel£es * determination ', argumentations qui prenaient place au cours du car£me suivant 1'admission. Les references au grade de Master of Arts sont simi- laires: la premiere mentionne le jour ou Peele <4 supplicated", c. a d. ou il demanda a l'Universit6 la permission de prendre son degre*; la seconde nous apprend la date & laquelle il fut " licen sed ", c'est-a-dire admis au litre de Maltre ; la troisieme enfin nous montre qu'il acquit definitivement ce litre par sa participation aux disputes scolastiques, nommees '* inception".

2. Dans une liste de dispenses, nous trouvons le nom de Peele, suivi de ces quelques mots latins: u necessario avocatus, in Aca- demia diutius commorari non potest. " Ce document est date du

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et lui permit de quitter rUniversite", le 2 Juin 1579, pour assister aux derniers moments d'Anne Peele.

Pendant sept longues amides, il avait v6cu dans un milieu dont les tendances 6taient, et de beaucoup^ moins rigides que celles de Christ 's Hospital. Oxford traversait, a cette 6poque, une crise d'inertie morale et intellectuelle1, due a la fois a 1'adminis- tration trop peu rigoureuse des colleges, a la negli gence des tuteurs et autres autorit6s universitaires, et a I'accroissement graduel d'une nouvelle classe d'6tudiants, fils de famille riches, gais, bruyants, debauches, plus disposes a rechercher le plaisir que 1'etude. Peele lui-meme fut-il, cependant, affect^ par Fatmosphere de relachement moral dans laquelle il vivait? La question ne souffre pas de reponse precise. Tout au plus pouvons-nous affirmer que la richesse de ses Merits en allusions classiques, en citations d'Ovide, de Se"neque, et d'autres, prouve qu'il apporta moins de zele a F£tude de la logique et de la philo sophic qu'a celle, plus agreeable et plus riante, de la po6sie et de la fable antiques. II jouit d'assez bonne heure, en tout cas, d'une certaine reputation

2 Juin 1579. La mort d'Anne Peele suivit de pres, fin juin (v. n. 2 p. 6), et George retourna immediatement a Oxford pour y prendre son degre le 6 juillet (v. note precedente).

1. Les contemporains sont unanimes sur ce point; consulter par ex. : 4 Leicester's Commonwealth ' (lre ed. 1584): (ed. Bur- goyne p. 97-100); Lyly. (ed. Bond, vol I. 273-276). Strype. Life and Acts of John WhitgifL Oxford 1822. 3 vol. i. 610-12. Annals of the Reformation ii 390-394; Harrison. Description of England. Bk ii. ch. 3. p. 777-8 ; Wood. History and Antiquities of Oxford ii. 184; etc., etc.

LA VIE DE PEELE 13

de poete, et composa, avant son depart de 1'Univer- site\ un long pofeme narratif: le 4 Tale of Troy \ et une Iphig6nie adapted d'Euripide. De ces oeuvres de jounesse la premiere seule nous est parvenue1, mais nous trouvons trace de la seconde dans quelques vers Lit ins du Dr Gager 4 in Iphigeniam Georgii Peeli Anglicanis versibus redditam '*.

Parmi 1'amas de louangeshyperboliques que I'amiti6 lui inspire, deux vers me>itent d'attirer notre atten tion:

Oxoniae fateor subitum mirabar acumen, Et tua cum lepidis seria mista jocis.

Us nous laissent entrevoir un agr6able compagnon, au caractere aimable, conciliant, a Tesprit vif, au rire et a la plaisanterie faciles, capable pourtantd'une discussion se>ieuse, mais plus enclin peut-6tre a participer aux distractions qu'aux cxercices scolas- tiques de FUniversitS.

Ais6e, plaisante, libre de soucis, telle nous devinons, la vie de Peele a Oxford, et cependant, quelque

1. Encore n'en avons-nous que la version, probablement revised, publiee en 4589 a la suite du ' Farewell to Norris and Drake '.

2. " Aut ego tc nimio forsan complector amore, »«d quia. si similes dignemar iaude labores.

ant tut sunt aptis carmina scripU modis. quicquid id «s(, mento vmdicet iste liber.

Nomen amicitiae non me pudet usque fateri; Ergo si quicquam, quod parrum est, carmine possim,

nee si forte relim. dissimulare qu«o. si quid judicio detur, amice, meo,

Oxonin fateor sobitnm mirabar acumen, cumque tui nimio non sim deceptus amorc,

et tua cum lepidis seria mista jocis. haec tua sunt aplis carmina script* modis.

Haec me suasit amor, sed non ego crednlni ilh ; Vireret Ennpides, tibi *• debere putaret,

nee tibi plus dabitur quam meraisse pnt«m : ipsa tibi grates Iphigenia daret.

«t foraan jussit. sed non quia scribere jnssit, Perge, precor. priscos devincire poeUs

in laudes ibit nostra Thalia tuas ; si priscis. facile gratificere novis ".

Suit un second poeme, aussi 61ogieux, * in eamdem ' ; mais il n'ajoute rien au precedent, et nous jugeons inutile de le repro- duire ici.

14 GEORGE PEELE

charme qu'il ytrouvat, il resolut d'y renoncer en 1579, apr&s la mort de sa mere, et de s'installer pour un temps a Christ's Hospital. 11 dut bientot, du reste, abandonner ce dessein devant 1'insistance mise par les gouverneurs a exiger son depart de la maison paternelle1. Nous ignorons la raison de cette insis- tance, mais nous sommes tenths de supposer, avec Bullen, que les nouvelles habitudes de Peele s'accor- daient mal avec le strict decorum de I'^tablissement. Que la conjecture, d'ailleurs, soit ou non fondle, nous le retrouvons a Oxford d&s la Gn de 1579, et savons par un document officiel qu'il y sejourna jusqu'en 15812. La se borne notre information. Rien ne prouve, comme on Fa suggSre", qu'il enseigna pour se procurer quelques ressources, ou qu'il tenta de se pre"parer a une carriere libe~rale par 1'etude de la M6decine, de la Th£ologie, ou du Droit. II est plus vraisemblable d'imaginer qu'il se donna simplement pour tache de developper ses dons naturels de poete etde dramaturge et decida de ne pas quitter les rives de Flsis avant de s'etre assur6 une place pr66mi- nente parmi les auteurs de son temps.

Son l Arraignment of Paris ' lui donna cette place, et, fidele a sa resolution, il se fixa a Londres, pour ne

1. " Sept. 191579. James Peele hath given his pmis to this coorte to discharge his howse of his sonne George Peele and all other his howsold wch have bene chargable to him, befor mychellmas day next cominge uppon paine of the gounos displeasure, as to their discressions shall seme convenient ".

2. Cf. la deposition de Peele devant le tribunal universitaire d'Oxford, citee p. 15.

LA VIE DE PEELE 15

plus quitter la ville qu'en de rares occasions. Le plus long de ses deplacements fut provoqu6, aprfcs son manage en 1581 ou 82, par les int6r6ts de sa femme dans une affaire de succession. Mais, venu k Oxford pour d^poser devant le tribunal universitaire, en mars 15831, il fut incite adiff£rer son depart par des raisons d'un tout autre ordre. Les *4 fellows " de Christ Church lui demandferent de monter deux pieces la tines du Dr Gager, qu'ils pr^paraient en 1'honneur d' Albert Alasco, prince polonais recommand6 par la reine aux bons soins de I'Uuiversite. Peele y con- sentit, et Holinshed nous a laisse dans ses chroniques un compte rendu des representations, qui semble, en attribuer le succfes autant a la mise en scfcne qu'a la valeur inlrinsfeque des deux drames f. Hatons-nous

1. La deposition de Pcele est & la fois curieuse en elle-mdme, par son melange de latin et d'anglais juridiques, et interessante par les divers renseignements qu'elle nous fournit. Elle me'rite, a ce double litre, d'etre integra lenient reproduite :

" Testis inductus ex parte Johannis Yate super positionibus [?] ex heris [?] juratus, in perpetuam rei memoriam exarninatus xxix° Martii 1583,

Georgius Peele, civitatis Londinensis, generosus, ubi moram traxit fere per duos annos, et antea in Lniversitate Oxoniae per novem annos, aetatis \\\ annorum, testis, etc.

Ad primum dicit esse verum, for so the executor Hugh Christian hath confessed to UflMbponent.

Ad secundum dicit that he thinketh it to be trewe, for Home hath tolde this deponent so.

Ad tertium dicit esse verum, for that the land descended to this deponent in the right of his wife, and that the said Home hath saved to this deponent that he might make his choise whether he wold lay the band uppon the executor or the heyre of the land, being this deponent's wife, et aliter non habet deponere, ut dicit ".

2. "He (the prince) was personally present with his train in the hall, first at the playing of a pleasant comedy intituled Ri vales,

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d'ajouter que les efforts de Peele furent justement re compense" set qu'unvieuxlivre decomptes nousdonne le chiffre exact des sommes qui lui furent vers6es :

" To Mr. Peele for provision for the playes at Christchurche. xviijli

The Chardges of a Comedie and a Tragedie and a shewe of fire worke, as appeareth by the particular bills of Mr. Vice-Chancelor, Mr. Howson, Mr. Maxie, and Mr. Peele 86h18s2d".

C'est la, malheureusement, le dernier des docu ments qui nous fournisse sur la vie de Peele un renseignement precis. De 1583 a la date incertaine de sa mort, notre information devient de plus en plus maigre et clairsemee, et, qui pis est, les quelques details venus jusqu'a nous sont, pour la plupart, justement entach6s de suspicion. Une brochure, publi6e en 1605 environ1, 'the Merry Jests of George Peele'2, pretend, il est vrai, nous donner

then at the setting out of a very stately tragedy named Dido, wherein the Queen's banquet (with ^Eneas' narrative of the des truction of Troy) was lively described in a marchpane pattern . there was also a goodly sight of hunters with full cry of a kennel of hounds, Mercury and Iris descending and ascending from and to an high place, the tempest wherein it hailed small confects, rained rosewater, and snew an artificial kind of snow, all strange, marvellous and abundant" (Holinshed. Chronicles. Vol. IV, p. 508. ed. 1808.)

1. Le permis d'imprimer date de decembre 4605 : " xiiij Decem- bris. Frauncis Fawkner. Entred for his copie under the handes of the wardens a booke called the Jests of George Peele... vjd ".

2. •* Merry conceited Jests of George Peele gentleman, some times a student in Oxford. Wherein is shewed the course of hist life, how he lived. A man very well knowne in the citie of London, and elsewhere. "

LA VIE DE PEELE 17

une histoirc ve>idique de sa vie et nous narrer par le menu ses fails et gestes " & Londres et en tout autre lieu". Mais le contenu du mince quarto frustre notre nlk'nte. Les quatorze histoires dont il se compose, quelque joyeuses et spirituelles qu'elles aient pu jailis parattre, frappent plut6t aujourd'hui par leur grossieretS que par leur esprit, et portent si profon- d6ment 1'empreinte de la tradition qu'on se prend, des les premieres pages, & douter de leur authenticity. L'impression qu'elles donnent, cette impression fa- miliere de choses dej£ lues, se justifie, d'ailleurs, des qu'on parcourt, fut-ce h«Hivement, les recueils de contes du siecle pr6c6dent, et qu'on y retrouve les m&mes avenlures narr6es avec les m&mes details. Telle anecdote, 4 the Jest of George Peele at Bristow ', est adapl6e du livre des 4 Mery Tales, Wittie Questions and Quicke Answeres' public en 15671; telle autre, k how he helped his friend to a supper', - reproduit un passage des Hepues Tranches de Villon2; telle aulre donne a Peele et & une dame inconnue les rdles que jouent, dans les 4 Traditions' de Thorn, Sir John Heydon et Lady Cary8. Bref, il n'est guere d'histoire, dans tout le livre, qui n'ait 616 mainte foisdite etredite, sans autre changement

1. Lire la 1288 histoire, intitule: •• How a mery man devised to cal people to a playe ". Cf. e*galement " Mother Bunches Merri ment" (1604).

•1. Les Repues Franches de Villon. La maniered'avoir des tripes pour diner.

3. Voir la quatorzieme, et derniere, anecdote, des ' Merry Jests '.

CHEFFAUD. 2

18 GEORGE PEELE

qu'un changement de nom et de lieu. Le nom ici est celui dePeele; lelieu Londres, et quelques allusions a la famille, a la personne, aux occupations du dramaturge sont assez habilement introduites pour donner au tout un air d'apparente v^riteA Mais ces allusions memes sont trop insignifiantes ou trop impre- cises pour prater a 1'opuscule un r6el interet biogra- phique; et leur omission est significative dans la com6die contemporaine qui met a la scene divers Episodes des ' Merry Jests '2. L'auteur de la Puritaine a renonc6 au nom m&me de Peele, et c'est sous les traits de Pyeboard3 que nous retrouvons le pauvre etudiant d'Oxford, r6duit par la misere, les guerres et autres calamit6s a jouer le role ingrat de poete a gages, de diseur de bonne aventure, ou de pur chevalier d'industrie. Les aventures nous sont dites,

4. Les allusions biographiques se reduisent a peu de chose; Peele, nous dit-on, avail une barbe bien fournie et de bonne taille, une voix aux intonations feminines ; il habitait pres de Blackfriars, dans Bankside, organisait a 1'occasion les fetes de la cite (Lord Mayor's Pageants), et etait Fun des auteurs attitres des theatres de Londres. Aucun de ces details ne prouve que 1'auteur des * Merry Jests ' connut bien familierement G. Peele.

2. Comparez : i Merry Jests ', 2 et 44 et ' Puritan ' A. i. Sc. 2. et A. 4. Sc. 2. La date de representation de la Puritaine peut etre fixee, grace au temoignage du texte meme. Deux personnages de la piece, George Pyeboard et Captain Idle consultent un almanach : " Turn over, George " dit le capitaine. George : June, July; here, July; that's this month. Sunday 43, yester day 44, to day 45 ". L'habitude des dramaturges elisabethains de se servir, en pareil cas, de 1'almanach de l'anne~e courante, est bien connue ; et nous en pouvons conclure que la Puritaine fut jouee en 4H06. Le permis d'imprimer est date du 6 Aout 4607.

3. 11 est juste d'ajouter que Pyeboard semble un calembour sur le nom de Peele ; car " pieboard " et " peele " signifient tous deux une pelle a four.

LA VIE DE PEELE 19

d'ailleurs, avec une verve et un brio pour lesquels 1'auteur ne doit rien a son original, et la pifcce a assez d'autres mSrites pour en faire Tune des plus attrayan- tes parmi les comedies £lisab£thaines. Mais quelque hommage que nous devions rendre a ses qualit£s, nous ne saurions, malgr6 tout, voir en elle une source d'information digne de foi.

C'est la, pourtant, et dans le quarto de 1605, que les critiques ont puis6 a 1'envi la l£gende de la vie d6bauch6e, licencieuse, ou tout au moins fort irr6gu- lifcre de George Peele. Mr. Saintsbury seul s'inscrit en faux centre ce travestissement des fails, et il n'est pas superflu de r6p6ter aprfes lui que nul t6moignage precis ne nous permet de prendre a notre compte 1'opinion habituellement 6mise sur I'immoralit6 de Peele, ni d'unir son nom trop 6troitement a ceux de Nashe, Greene et Marlowe.

Les deux questions sont, d'ailleurs, connexes, car rien ne semble avoir autant nui au credit de Peele que sa pr6tendue mlimilr avec ce groupe. Son oeuvre, toutefois, n'en porte que de bien faibles traces: la seule allusion a Marlowe qu'elle contienne est un simple hommage a son g£nie dramatique :

Marley, the Muses1 darling for thy verse, fit to write passions for the souls below, if any wretched soul in passion speak ;

(Hon of Gar. Prol. v. 61-63)

le nom m&me de Nashe n'est nulle part inentionn6 ; et la parodie de quelques vers de Greene dans T 4 Old

20 GEORGE PEELE

Wives Tale ' est une marque au moins discutable d'amitie". Les deux ou trois documents contem- porains g6n6ralement produits comme preuves sont tout aussi peu concluants. Le fameux passage du 4 Groatsworth of Wit', invoqu6 par Dyce, est adressS par Greene u to those gentlemen his quondam acquaintance, that spent their wits in making plays " ; le paragraphe qui se rapporte directement a Peele ne t6moigne pas de relations fort familikres1; et enfin les louanges de Nashe dans la preface du ' Menaphon v laissent simplement supposer une certaine sympathie Iitt6raire2. II semble bien que le seul lien qui ait jamais uni Peele aux 6crivains de son temps soit leur commune indignation contre la parcimonie des come- diens pour qui ils composaient leurs pieces. C'est la le sentiment qui transparait sous chaque ligne du * Groatsworth'3, et se donne libre cours dans la page

1. " And thou, no less deserving than the other two, in some things rarer,, in nothing inferior, driven, as myself, to extreme shifts, a little have I to say to thee ; and, were it not for an ido latrous oath, 1 would swear by sweet St-George, thou art unwor thy better hap, sith thou dependest on so mean a stay ".

2. " 1 dare commend him unto all that know him as the chief supporter of pleasance now living, the Atlas of poetry, and primus verborum artifex ".

3. " Base-minded men, all three of you, (Marlowe, Nashe & Peele) if by my misery ye be not warned; for unto none of you, like me, sought those burs to cleave ; those puppets. I mean, that speak from our mouths, those antics garnished in our colours. Is it not strange that 1, to whom they have been beholding, is it not like that you, to whom they have all been beholding, shall, were you in that case that I am now, be both of them at once forsa ken ?... Oh, that I might entreat your rare wits to be employed in more profitable courses, and let these apes imitate your past excellence ; arid never more acquaint them with your admired

LA VIE DE PEELE 21

du l Knight's Conjuring, Done in Earnest, Discovered in Jest', ou Dekker 6voque les ombres des drama turges, et nous convie £ entendre leurs plaintes, au s£jour m&me des bienheureux. " Marlowe, Greene, and Peele ", 6crit-il u had got under the shades of a large vine, laughing to see Nashe (that was but newly come to their college) still haunted with the sharp and satirical spirit that followed him here upon earth; for Nashe inveighed bitterly (as he had wont to do) against dry-fisted patrons, accusing them of his untimely death... Being demanded how poets and players agreed now, 4 Troth ' says he l as physi cians and patients agree, for the patient loves his doctor no longer than till he get his health, and the player loves a poet so long as the sickness lies in the twopenny gallery when none will come into it " . Get ex- pos6 de griefs, aussi justifi6 sans doute que v6h6ment, nous donne la clef de ce bref dialogue des morts, et explique le choix de Peele, Marlowe, Greene et Nashe comme interloculeurs. Mais il serait oiseux de cher- cher dans le rapprochement de leurs noms sous la plume de Dekker une preuve quelconque d'intimite, ou de voir dans la vigne aux larges feuilles que dScrit 1'auteur une discrete critique des penchants de Peele pour la bonne chfere, une allusion couverte &sesexcfcs.

inventions. I know the best husband of you all will never prove an usurer, and the kindest of them will never prove a kind nurse ; yet, whilst you may, seek you better masters, for it is pity men of such rare wits should be subject to the pleasure of such rude grooms ".

22 GEORGE PEELE

Le temoignage du ' Knight 's Conjuring ' est aussi vague et impr£cis que ceux du c Groatsworth of Wit ' et de la preface du c Menaphon', et, a defaut d'infor- mations plus explicites, 1'oeuvre meme de Peele reste la seule autorite d'ou Ton puisse tirer de vraisem- blables inferences.

D'utiles suggestions sont deja fournies par 1'ordre meme dans lequel furent composees ou joules les diverses productions de 1'auteur, ordre qu'on peut, approximativement, etablir ainsi :

(Voir le tableau imprime a la page suivante).

Ce tableau, quelque succinct qu'il soil1, nous donne une id£e, sinon complete, du moins correcte de la vie de Peele a Londres. Nous le voyons, pendant ces quinze annees, chercher tantot dans le patronage de quelque noble, tantot dans le produit de ses pieces ses moyens habituels de subsistance. L'importance relative de ces deux sources de revenu varie d'ailleurs avec la date. II debute, avec V 4 Arraignment of Paris ' et le c Hunting of Cupid ', sous les auspices d'une coterie bien en cour, la coterie sidn6ienne; et la protection personnelle de Sir Philip Sidney semble m6me probable a qui se rappelle qu'il avait £t£, quelques ann6es seulement avant Peele, etudiant de Broadgates Hall et de Christ Church College. Son nom, en tout cas, reparait souvent dans les ecrits de

4. On trouvera, dans la seconde partie de notre travail, la dis cussion des dates assignees dans ce tableau a tel ou tel ecrit.

LA VIE DE PEELE

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24 GEORGE PEELE

notre auteur, tou jours accompagne de quelqu'une de ces 6pithetes que la reconnaissance sait inpirer a un client liberalementtraite'. L' c Eclogue Gratulatory ' est, en partie, une ele*gie pastorale aux manes du noble et bon Philisides1; 4 Polyhymnia' tresse a sa me*moire une nouvelle guirlande d'61oges*; et louanges sont une fois de plus rendues, dans le prologue de T * Honour of the Garter', au g6ne"reux Sidney,

famous for the love he bare to learning and to chivalry (v. 36-37).

Dks sa mort pre~matur6e a Zutphen, cependant, Peele avait songe" a transfe>er son hommage litteraire a un nouveau suzerain, et dans 1' ' Eclogue ', dans 'Polyhymnia', etc. il associa au nom de Sidney celui du jeune Essex, laissant entendre ga et la que le " comte trois fois honorable ", e"mule de Philisides en courtoisie et en courage, pourrait Fetre aussi en munificence. Nous ignorons, faute de documents, les re"sultats pratiques de ces discrets appels, mais aimons a croire qu'Essex se montra aussi prompt a y repondre que le comte de Northumberland h payer, en 1593, la de"dicace de 1' 'Honour of the Garter*. Un

1. V. ' Eclogue Gratulatory ' v. 62 sqq.

2. V. Polyhymnia v. 221 sqq.

„,.,., , .... ( master Thomas Sidney. The eleventh couple att.lt j masler Robert Alexander.

" Thus long hath dainty Sidney sit and seen Honour and Fortune hover in the air, that from the glorious beams of England's eye came streaming; Sidney, at which name I sigb, because I lack the Sidney that I loved, And yet I love the Sidneys that survive ".

Cf. aussi v. 108 sqq.

LA VIE DE PEELE 25

livre de pavements, relrouv6 & Alnwick Castle, nous conserve la preuve positive de cette Iib6ralil6 : u Delivered Mr Warnour at my Lord's appointment to give to one Geo. Peele, a poet, as my Lord's liberality, £ 3 ". Mais la protection de Northumberland ne semble avoir 616 que temporaire. Peele, au milieu de difficult^ croissantes, dut chercber ailleurs une aide probl6matique ; et le dernier document que nous poss6dons de sa main est une lettre h Lord Burleigh, ou il implore humblement son patronage.

Peele, pourtant, n'avait pas toujours 616 r6duit h. solliciter aussi obs6quieusement la g6n6rosit6 a!6a- toire d'un patron. II avail 616, h plus d'une reprise, le poele choisi par la Cit6 pour organiser les fftles et les processions qui accompagnaient I'enlr6e en fonctions d'un nouveau maire, et avail, de 1588 h 1592 tout au moins, tir6 d'appr6ciables profils de la produclion de ses pieces sur les diverses scenes de Londres. Le succes de sa 4 Bailie of Alcazar ' est allest6 par les nombreuses menlions qu'en fail le Journal d'Henslowe; celui d'1 Edward I' par la r6- impression en 1599 du premier quarlo ; el si 1' ' Old Wives Tale' el l David and Belhsabe1 ne furenl pas aussi favorablemenl reQus, ils n'en apporlerenl pas moins au dramalurge leur quole-parl de gain.

Les en-l6les des diff6renles pifeces el quelques renseignemenls Irouv6s dans les papiers d'Henslowe nous apprennenl que Peele 6crivil successivemenl pour les 4 Admiral's Men ' el pour la Queen fs Com-

GEORGE PEELE

pany ', mais rien ne permet de supposer, comme on Pa fait, qu'il appartint comme acteur a Pune ou Pautre de ces troupes, ni meme qu'il parut jainais sur la scene. On a invoqu6, il est vrai, la ' Jest of George Peele atBristow'; mais c'est la, nousl'avons vu, une version nouvelle d'une vieille histoire, sans autre addition que celle du nom de Peele. On s'est autorise" d'un autre conte, en vers celui-la, qui le repr6sente comme un ami du come"dien John Singer, et declare qu'ils " avaient souvent joue" ensemble a Cambridge"; mais le poeme date du rege de Charles Ier, et ne fait que reproduire servilement, et en mauvais vers, une anecdote des i Mery Jests and Wily Shifts of Scogin'1. On a cherch6 enfin un argument a peine plus valable dans la lettre suivante, qu'un myste>ieux W. P. adressa a Alleyn, en 1588 ou 1589 environ :

u Your answer the other night so well pleased the gentlemen, as I was satisfied therewith, though to the hazarde of the wager ; and yet my meaning was not to prejudice Peele 's credit, neither would it, though it pleased you so to excuse it. But being now grown farther in question, the party affected to Bentley scorning to win the wager by your denial, hath now given you liberty to make choice of any one play that either Bentley or Knell played ; and lest this advantage

1. l Mery Jests., of Scogin' 2. What shift Scogin and his fellows made when they lacked money, (public c. 1565). On trouve une autre version, plus ancienne, de la meme anecdote dans un * Sackfull of Newes' (public c. 1557.)

L\ VIE DE PEELE 27

agree not with your mind, he is contented both the play and the lime shall be referred to the gentlemen here present. I see not how you can any way hurt your credit by this action ; for if you excel them, you will then be famous : if equal them, you win both the wager and credit; if short of them, we must and will say, Ned Alleyn still. Your friend to his power. W. P ".

Le sens de cette lettre, bien qu'obscur, ne Test pas assez pour nous cacher la teneur et 1'objet de la gageure. Alleyn, aux termes du pari, s'engageait a e*galer Bentley et Knell, deux c6lebres acteurs qui avaient alors cesse* de jouer, dans un de leurs anciens r6les ; mais il se refusait a limiter son choix a un r6le determine* dans une piece de'termine'e de Peele; et c'est du credit de celui-ci comme auteur dramatique qu'il se montrait ainsi tout particulie- rement soucieux. Si Peele, d'ailleurs, avait jamais 6t6 rival d' Alleyn sur les planches, nous aurions plus «l'u in- fois entendu parler de son talent; mais les Merits contemporains sont muets a cet 6gard, et le seul document qui dSsigne nettement Peele comme com6- dien est un faux de J. P. Collier qui le dit, en 1589 , soci6taire de Blackfriars Theatre et co-partageant dans les b6neTices du dit theatre1.

Mais, loin d'avoir jamais '•!•'• aussi florissante, la situation de Peele fut toujours pre*caire, malgr6 le

1. Lire dans ' Lord Ellesmere's collection ' le soi-disant docu ment, date Nov. 1589, et commencant par : * These are to certifie your Right Honble Lordships, etc. '.

28 GEORGE PEELE

succes de ses drames. Dfcs 1592, Greene le repr^sente comme u r6duit aux derniers expedients " (driven to extreme shifts) de par la ladrerie des com6diens ; et le fardeau de la misere ne semble dks lors que s'6tre alourdi. Aux e"preuves de 1'indigence s'ajouterent bientot celles de la maladie ; et les derniers Merits du poete t6moignent d'un desespoir r£sign&, d'un dugout de la vie que justifie assez ce surcrolt de misere.

" I laid me down, laden with many cares ",

e~crit-il dans 1' c Honour of the Garter' (v. 7), et le 17 Janvier 1595/96 il adresse au " tres honorable et digne patron du Savoir, Lord Burleigh, grand tr6sorier d'Angleterre " la lettre de supplication que nous avons mentionn6e deja:

Salve, Parens Patriae, tibi plebs, tibi curia nomen hoc dedit, hoc dedimus nos tibi nomen, eques.

In these terms, right honourable, am I bold to salute your Lordship, whose high deserts in our England 's great designs have earned large praises even from Envy's mouth. Pardon, great patron of learning and virtue, this rude encounter, in that I presume a scholar of so mean merit to present your wisdom with this small manual, by this simple messenger, my eldest daughter, and Necessity 's servant. Long sickness having so enfeebled me maketh bashfulness almost become impudency. 4 Sed quis psittaco suum ^ai'pe expedivit? Magister artis, ingeniique largitor, venter'. This subject wherewith I presume to greet

LA VIE DE PEELE 29

your honour, is the History of Troy, in 500 verses set down, and memorable accidents thereof. Receive it, noble Senator of England 's Council-house, as a scholar's duty's signification, and live long in honour and prosperity, as happy as Queen Elizabeth 's gracious countenance can make you.

4 Ecce tibi minium magno pro mimere mitto; esse potest aliquid, te capiente, nihil*.

Your Honour's most bounden. George Peele ". Cette lettre fut de*couverle, parmi les papiers de Burleigh, dans un rouleau de notes sans inte'rftt, menaces, insultes, satires, ou simples fadaises; et il est difficile, dans ces conditions, d'imaginer que la demande de Peele fut jamais accueillie. Un secours de Burleigh n'eut d'ailleurs apport6 qu'un bref soula- gement aux souffrances et a 1'indigence dans les- quelles ses derniers jours s'6coulerent. La mort y mit bient6t un terme, - - comme nous 1'apprenons incidemment de Meres dans son l Palladis Tamia' (1598)1; mais son d6ces passa inapergu, et nous ne pouvons que par conjecture identifier Peele le dramaturge avec le George Peele dont le d6cfcs est mentionn6, dans les registres de St-James Clerken- well, le 9 Novembre 1596*.

1. "As Anacreon died by the pot" " 6crit Meres" so George Peele by the pox " ; mais ces quelques mots ont plutdt i'air d'un grossier concetto alliteratit que de Tenoned ve>idique d'un fait exact.

2. St-James Clerkenwell. Liste d'enterrements: " Nov. 91596 George Peele, householder ".

L'OEUVRE DE PEELE

Les Merits de Peele peuvent, nous le verrons, etre date's avec quelque certitude ; et nous laisserions volontiers a un examen strictement chronologique de son oauvre le soin de re>e"ler dans quel sens et sous quelles influences se forma et se de"veloppa son talent. Une distinction s'impose, pourtant, entre les deux classes de productions : drames et poemes, qui portent son nom ou la trace inde*niable de sa main. Les poemes sont, a une ou deux exceptions pres, des pieces de circonstance, de dates fort diff6rentes sans doute, mais inspires par des incidents identiques processions, tournois et autres rejouissances ettou- jours empreintes du meme caractere. Les drames, par contre, Merits les uns pour le divertissement royal, les autres pour la scene populaire, pr6sentent dans leurs structure, motifs, style et versification assez de varie~t6 pour encourager 1'hypothese d'une Evolution. D'une elude d6taill6e de chaque piece depend le succ&s de nos efforts pour degager et mettre au point

L'CEUVRE DE PEELE 31

cette hypothfese; les pofcmes, en raison m&me de leur uniformity, ne font que dissiper <$ et \h I'obscuritS de quelque point secondaire ; et nous nous sentons justifies k en reporter 1'analyse et la discussion aprfcs examen des oeuvres dramatiques de notre auteur : T 4 Arraignment of Paris ' et le fragmentaire 4 Hunting of Cupid ', la l Battle of Alcazar ' et 4 Edward I', 1' 4 Old Wives Tale* et, enfin 4 David and Bethsabe*.

LA MISE EN JUGEMENT DE PARIS*

L* 4 Arraignment of Paris' est la plus ancienne de ces pieces, la premiere & 1'impression comme h la scfene. Elle fut publtee en 1584 par Henry Marsh, sans nom d'auteur. Mais le secret de 1'anonyme nous est r6v6l6 dfes 1589 par Nashe, dans la preface qu'il 6crit pour le 4Menaphon' de Greene: l4 Neither is [Master Spenser] the only swallow of our summer'* dit-il 4<and Peele's first increase, the Arraignment of Paris, might plead to your opinions his pregnant dexterity of wit and manifold variety of invention, wherein (me judice) he goeth a step beyond all the rest ". Et nos derniers doutes sont dissipSs par rattri- bution £ George Peele dans l England's Helicon * (1600) de deux extraits de T 4 Arraignment', le madrigal de Colin (A. iii. Sc I. v. 1 sqq) et la com- plainte d'OEnone (A. iii. Sc I. v. 74 sqq.)

32 GEORGE PEELE

La representation de la piece fut, sans nul doute, ante>ieure de quelques anne"es a sa publication. * La Mise en Jugement de Paris ' appartenait, si nous en croyons le titre du quarto, aux " enfants de la Cha- pelle royale" ; et quelques vers du dernier acte nous apprennent qu'elle fut jouee le soir m6me d'une nou- velle annexe, c'est-a-dire, au temps du calendrier julien, un dimanche Gras :

The usual time is nigh, when wont the Dames of Life and Destiny, in robes of cheerful colours, to repair to this renowned quen so wise and fair, with pleasant songs this peerless nymph to greet

(V. i. v. 113 sqq.)

Or les enfants de la Chapelle Royale, nous le savons par ailleurs, parurent pour la derm'ere fois a la cour en Aout 1582 (St. Stephen's day). C'est done avant cette date que F ; Arraignment of Paris ' dut etre jou£, et quelques critiques ont cru retrouver la trace de sa representation dans cette minute des •Accounts of the Revels' (1581).

The children of

the Queenes majs- tics Chappell

A storie of enacted on Shro-

vesondaie night wherin was ymployed xvij newe sutes of apparell, ij new hates of velvet xxtle Ells of single sar cenet for facinges bandes scarfes & girdles, one citty. one pallace and xviij paire of gloves.

Mais les decors 6nume>6s dans ces quelques lignes respondent mal aux besoins de notre pastorale, et

L'OEUVRE DE PEELE 33

Tappellation la storie of serable, en outre, assez inadequate. Nous pr6fe"rons croire que T * Arrai gnment* est Tun des " divertissements " ainsi men- tionn£s dans la liste de payements (Nov. 1581. Oct. 1582):

41 Declaration of the Chardges... for Vplayes, twoe maskes and one fighting at Barriers with diverse Devices showed before her Majestic... with other ordinary Chardges... (beginning) the first day of November 1581 and endinge the last day of Octo ber 1582";

et notre croyance s'affermit lorsque nous voyons figurer dans ces comptes un achat de " fleurs, fruits et branchages", accessoires qui nous rappellent ine'vitablement les attributs de Flore, Pomone et Sylvain dans notre piece.

Mars 1 582 semble ainsi , plut6t que Mars 1 581 , la date vraisemblable de la representation. Quoi qu'ilen soit, d'ailleurs, la l Mise en Jugement de Paris ' n'en reste pas moins la premiere oeuvre de longue haleine d'un jeune poete de quelque vingt ans; et, si l'6le*gante composition plie sous les eloges trop pesants de Nashe, il fautadmettre qu'elle t6moigne, en d6pit dequelquesde*fauts, d'une maturity degout,etd'un sens d6ja fort averti des choses du theatre. Fort heureuse est la comparaison qu'en fait Bullen a un jardin d'autrefois, curieusement dessin^, et tout par6 des dons de T6t6 ; et nous craignons seulement que notre analyse ne soit aussi impuissante a en conserver

GHKFFAUD. 3

34 GEORGE PEELE

le charme qirun plan de ce vieux jardin a e>oquer, avec quelques lignes noires et quelques taches d'encre, la couleur des plates-bandes diapre~es et la grace des fleurs fralches ^closes.

Apres un prologue ou la deesse a la pomme, At6, prMit en vers farouches la Iragique destine~e de Paris et de sa race, les dieux rustiques de Flda: Pan, Sylvain et Faune apparaissent, courbe's sous le poids des presents qu'ils destinent, comme marque de bienvenue, a Junon et a ses compagnes. Pomone les rejoint, les bras charge's de fruits odorants, tout dor6s de soleil; et Flore seme de fleurs les prairies humides de rose"e. Bientot les chants des neuf Muses et un joyeux choeur d'oiseaux annoncent 1'approche des trois deesses. Elles arrivent, guid6es par Rhanis, consentent aimablement a recevoir les dons des divi- nite"s champetres, et reprennent leur route vers les pelouses e'toile'es de fleurs de Diane chasseresse. Dans un bosquet voisin, Paris et OEnone echangent de fragiles serments d'e'ternel amour, et OEnone murmure sa joie et ses craintes en une melancolique chanson qu'accompagne doucement Paris sur ses pipeaux enduits de cire.

Un soudain orage a, cependant, forc6 les dresses a chercher abri sous quelques chenes touffus, et, a la faveur des te~nebres, At6 fait rouler a leurs pieds la pomme d'ordont 1'inscription fatale 6tincelle: u Detur pulcherriniffi". Pallas, V6nus, et la Reine des Dieux revendiquent sur 1'heure le prixde la beaut6, et, inca-

L'OEUVRE DE PEELE 35

pables de r£gler a Tamiable leur difFe"rend, s'accordent pour en remettre 1'arbitrage au premier homme que leur fera rencontrer le hasard. C'est P&ris que, pour son malheur, le destin conduit en ce lieu. Con- fondu tout d'abord, et effraye*, il tente de d6clinerla l<\che; mais les dresses le pressent et le supplient, et, quand enfin il cede, s'efforQent par des presents d'influer sur sa decision. Junon lui promet pouvoir et richesses, et fait crottre h. ses yeux un arbre d'or tout couvert de couronnes et de diademes. Pallas s'efforce d'exciter en son £me le d6sir dela gloire par un de"fil6 de chevaliers aux armes e"tincelantes, qui caracolent devant lui au son aigu des fifres. Mais V6nus, enfin, 6voque HSlene dans toute sa beaut^, e*vent6e par de roses Amours, et P&ris, vaincu, tend h laCyth6reenne le fruit convoke", tandis que ses rivales s'e"loignent, menaQantes et courrouce*es.

Le malheur s'est maintenant abattu sur les vallons paisibles de 1'Ida. Colin chante et deplore son amour sans retour pour Thestylis, et s'en va mourir aux pieds d'Aphrodite ; ses compagnons en bergerie, Hobbinol et Diggon, denoncent a Tenvi la funeste passion, etleurs maledictions sont trop tot justifies par Tapparition d'OEnone, d6laiss6e et g6missante. Les lamentations et les pleurs dont elle remplit les bois sont entendus. Us sont entendus par Mercure, que Jupiter envoie, h. la requ&te de Junon, pour citer Paris devant la Haute-Cour d'Olympe. De 1'incon- solable nymphe le dieu au caduc6e apprend oil

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d^couvrir le berger, et dirige ses pas vers les plaines d'Aurore, vers le lieu ou Paris passe d'oisives heures a la cour m£me de V6nus. V6nus, en effet, daigne lui t6moigner sa faveur, et badiner avec lui tandis qu'elle 6coute les plaintes des bergers de 1'Ida et leur promet de venger la mort de Colin sur Tinhumaine Thestylis. Promesse, d'ailleurs, aussitot tenue que faite I Devant le cercueil du pastoureau, un rustre tortu et contrefait passe lentement, courtis6 par rinfortune'e Thestylis, mais insensible a sa beaut6 et a ses larmes. Ce spectacle met un grain de tristesse dans Tame de Paris, et son trouble s'accrolt quand Mercure lui annonce la volont6 des Dieux et ne consent a le laisser libre qu'a la priere expresse de V6nus.

Le jour de jugement et d'expiation est bientftt venu, et les dieux s'assemblent dans le bosquet de Diane. Paris, conduit par Venus, apparalt devant Zeus etles Olympiens; e"coute, impassible, 1'accusation de partiality ported contre lui; nie hardiment la faute, et, par unelongue et 61oquente plaidoirie, arrache un acquittement a ses juges. Les plaignantes main- tenant toutefois leur appel, 1'affaire nepeutque suivre son cours ; et c'est aux dieux qu'6choit la charge de prononcer le d6licat verdict. Jupiter, partag6 entre son d6sir d'etre juste et sa crainte de Junon, reste irr^solu et perplexe; Saturne, Vulcain, et les autres partagent son embarras et son anxi6t6 ; et Fauguste ar6opage se r6sout enfin a renvoyer le jugement a

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Diane seule, sous le pr^texte, assez sp^cieux, que la pomme de Discorde fut jet6e et trouv6e sur 1'herbe grasse de ses bocages.

Prudemment la divine chasseresse lie les trois rivales par les plus solennels serments, resume les fails, Inonce les conside>ants, et tranche brusque- ment la difficult^ en d^cernant le fruit d'or a la chaste nymphe Elisabeth, dont la beaut£ 6gale la majest6 etla sagesse. Pallas, Venus, et Junon m6me, different allegrement a sa decision ; toutrOlympe se r^concilie pour applaudir a Theureux choix, et les farouches Parques elles-m&mes viennent d^poser aux pieds de la reine leur quenouille, leur rouet et leurs ciseaux funestes.

Une aussi seche analyse ne saurait rendre justice a la grace harmonieuse de la piece ; mais elle suffit tout au moins a montrer sur quelles donn^es elle est construite. Lal^gende familiere de Paris, habilement transform6e pour la plus grande gloire d'Elisabeth, en forme naturellement le cadre; et dans ce cadre le poete a introduit l'6pisode, purement pastoral et idyllique, de Tinfortung Colin et de Thestylis la cruelle.

Nous avons ainsi deux actions, d'importance in6- gale, adroitement combiners, mais assez aisSment dissociables, et dont les sources sont parfaitement distinctes. De Tintrigue principale il est facile de retracer Forigine classique dans les H6roides d'Ovide (5, 16, et 17); et Ton peut avancer mainte preuve

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(Time constante, etparfois fort 6troite, imitation. Ce vers, par ex. :

I '11 fill the woods with my laments for thy unhappy deed

(iii. 1.52).

ne rappelle-t-il pas imm6diatement Fhexametre latin : Implevique sacram querulis ululatibus Idam (V. v. 53)? Les mots d'Hobbinol:

Farewell, fair maid, sith he must heal alone that gave the wound; there grows no herb of such effect on Dame Nature 's ground.

(iii. i. 66 sq.)

ne sonnent-ils pas comme un 6cho d'Ovide :

Me miseram, quos amornon est medicabilis herbis (V. v. 149).

ou encore :

Quod neque graminibus tellus fecunda creandis nee deus, auxilium tu mihi ferre potes (V. v. 153-4)?

Enfin la pointe gracieusement melancolique d'OEnone :

Beguiled, disdained, and out of love! Livelong, thou poplar tree and let thy letters grow in length, to witness this with me.

(iii. 1.43 sq.)

et, en fait, toutes les allusions aux serments de P&ris et au peuplier ne sont-elles pas directement tiroes de la 5e Epitre?1 Peele, d'ailleurs, semble aussi familier avee les traductions qu'avec le texte m^me d'Ovide, et Dyce a relev6, dans le catalogue de 16gendes

1. Ovide. Hero'ides. V. v. 21 et suivants.

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qu'OEnone dresse (A i. Sc. 2. 17 sqq.) d'evidentes reminiscences de la dedicace ecrite par Golding pour sa paraphrase des Metamorphoses1. Mais il reste encore a remarquer que le dramaturge a emprunte quelques traits h Tun des dialogues de Lucien, le 0ewv xpt'di;* ; qu'il doit trfes prohablement Tid6e des fastueux tableaux du second acte a 1'Ane d'Or d'Apu- lee8, livre auquel il aura de nouveau recours dans 4 Old Wivfcs Tale ' ; et qu'enfin les descriptions detaill6es des attributs de Junon, Minerve et Venus reposent evidemment sur Tun ou Faulre des mytho- graphes Albricius, Phornutus ou Fulgentius, dont les ffiuvres etaient ordinairement reunies sous une mftme reliure dans les editions du xvi' sifecle4.

Ni les aimables epltres d'Ovide, pourtant, ni les dialogues mi-sceptiques de Lucien, ni aucun livre de reference myihologique n'expliquent les changements apportes par Peele a la version habituelle de la 16- gende; et Ton fait generalement credit au pofete de

1. V. le rapprochement fait par Dyce (e"d. 1861. p. 354 n. 6) entre 1'Arraignment of Paris (I. 2. 29 sqq) et quelques vers de Golding.

2. Comparez, e. g. : * Arraignment of [Paris ii. i. 100-101 et Lucien (ed. Fritzsche. Lips. 1829) xx. §1. 1. 3-6 ou 'Arraignment of Paris iii. 1. 125-130 et Lucien (id.) xx. § 7 1. 12 et suivantes.

3. Lire toute la description de la pantomime de Paris au 10* livre d'Apule~e, mais surtout le passage commencant par " Jam singulas virgines... "(L. Apuleii Metamorphoseon sive de Asino Aureo liber decimus, cap. xxxi etc.)

4. J'ai sous les yeux une Edition dat6e de 1570 qui renferme : C. Julii Hygini fabularum liber; Palaephati de fabulosis narratio- nibus liber; F. Fulgentii Mythologiarum libri in ; Phornuti de natura deorum speculatio ; Albricii de deorum imaginibus liber ; etc. Basileae. ex ofiicina Hervagiana NDLXX ".

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ring6nieuse flatterie du denouement. Mr. Schelling imagine, cependant, en decouvrir Foriginal dans 1'oeuvre de Gascoigne. Le germe de 1'adroite adaptation du vieux conte a de nouvelles fins se trouve, d'apr&s lui, dans ces quelques lignes d'un poeme satirique, 4 the Grief of Joy ', de~die" a la reine en 1577 :

This is the Queen whose only looks subdued her proudest foes withouten spear or shield ; this is the Queen whom never eye yet view 'd but straight the heart was forced thereby to yield. This Queen it is who, had she sat on field, when Paris judged that Venus bare the bell, the prize were hers, for she deserved it well.

Mais le poeme, de la confession meme de Schelling7 ne fut jamais imprime7 jusqu'a nos jours ; et il est difficile d'admettre avec lui qu'il put etre, en tout ou partie, re~cite a Peele par quelque courtisan a la memoire fidele et tenace. Une hypothese qui s'appuie elle-meme sur des conjectures est a peine digne de consideration; et 1'argument de Schelling se re~duit au seul fait que dans les vers de Gascoigne comme dans Y ' Arraignment ' Elisabeth se trouve libe~ralement dot6e de toute la beaute", sagesse et majeste" des Olympiennes. La similitude de theme a, sans doute, son inte>et, mais si nous de~couvrons le me"me motif aussi, sinon plus, explicitement d6velopp6 dans un ouvrage imprim6, universellement connu, et public deux ou trois ans seulement avant la piece de Peele, n'y aura-t-il pas une presomption, une quasi- certitude, que la se trouve Toriginal que nous cher-

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chons? Or, c'est precisSment le cas du pofcme latin qui termine la deuxifcme partie de l'4Euphues', et conclut un panSgyrique de 1'Angleterre, dontle pen dant se lit au 5* acte de notre pastorale1. II semble inutile de chercher ailleurs le prototype des flatteries de Peele, et nous pouvons passer sans d61ai a la discussion de I'inlrigue secondaire.

Le 1 1 1 1 1 1 1 « de cette intrigue est 6videmment empruntS au c Shepherd's Calendar' de Spenser et en est, somme toute, si consciencieusement adapts que 1'argu- ment de la premifcre £glogue en forme le sommaire le plus exact: " Colin, a shepherd's boy, complaineth him of his unfortunate love,... with which affection being very sore travailed and finding himself robbed of former pleasance and delights, he casteth himself on the ground and [eftsoons dieth] ". Peele, du reste, ne pretend nullement cacher cette dette ; il conserve, au contraire, comme une sorte d'hommage, les noms

1. " Pallas, Juno, Venal, cum nympham nomine plenam " Jupiter. Elizabeth vestras li venit ad anres,

tpecurunt. " nostra baec" quteque triumphal " erit ". (quam certe omnino coelica tarba stupent)

Contendum avide: ale tandem regia Juno, bane propham. et memo temper volt ease monarcbam

" Eat mea, de magnis itemma pelivit avis", qiueque suam, namque est pulcbra. diserta, potens.

"Hoc leve, (nee aperno tantorum insignia patram): Quod pulchra esl. Veneris, quod polleat arte, Minervaa,

ingenio pollet ; dot mea " Pallas ait. quod princeps, Nympham quid negetesse meam 1

Dolce Venus risit, rultusque in lumina fiiit. Arbiter istius, modo vis, certain inis esto,

" Haec mea " dixit erit, namquod ametur habet. sin minus, est nullum lis habitura modom".

Judicio Paridis, com sit pralata venustas, Obstupet Omnipotent " durum est quod poscitis" inquit,

ingeniom Pallas 1 Juno quid orget avos f ". est tamen arbitrio res peragenda meo.

Hoc Venus : impatiens veleris Saturnia damni, Tn soror et conjux Juno, filia Pallas,

" Arbiter in coelis non Paris" inquit" erit". es quoque, quid simulem? ter mini can Venus.

Intomuit Pallia nunquam passura priorem. Non tua, da veniam. Juno, nee Palladia ilia est,

" Priamides Helenem - dixit " aduller amet ". nee Veneris. credat hoc licet alma Venus.

Risit. et erubuit, mizto Cytherea colore, Haec Juno, baec Pallas, Venus baec, et quaeque Dear urn,

" Judicinm " dixit " Jupiter ipse feral". divisum Elizabeth cum Jove numen babel.

Aasensere, Jovem compellanl vocibus ullro : Ergo quid obstrepitis t frustra contendilis " inquit,

incipft affari regia Juno Jorem. " ultima TOX haec est, Eliiabelba mea eat ".

Enphues

Es Jovis Elizabeth, nee quid Jove majus habendum, et, Jove teste, Jovi es Juno, Minerva, Venus.

(Euphoes & his England, Ed. Bond, ii 216.)

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memes des bergers de Spenser : Colin, Diggon, Hobbinol et Thenot. Maint passage porte en outre les marques de Timpression profonde que le Calendar avait faite sur son esprit. Dans le premier et le troi- sieme actes on entend l'6cho, faible, mais distinct, des poemes de Spenser, et les motifs qui y sont trailed, sinon les mots qui les expriment, t6moignent d'une elude approfondie des e"glogues. Lajoyeuse reception des trois dresses, avec les chants des d6H6s champ£- tres, les hymnes des Muses avec leur 6cho d'oiseaux gazouilleurs, rappellent a la m^moire les vers spen- se>iens :

I see Calliope speed her to the place

where my goddess shines ; and after her the other Muses trace

with their violins. Bene they bay branches that they do wear,

all for Eliza in her hand to wear?

So sweetly they play

and sing all the way that it a heaven is to hear. (April 100 sqq.)

ou encore :

And [tho] the birds, which in the lower spring

did shroud in shady leaves from sunny rays,

frame to thy song their cheerful chirruping, (June. 53 sqq).

tandis qu'un vers du chant latin des Parques, au 5e acte, paralt tir6 de cette glose d'E, K. sur la U e 6glo- gue : " The fatal sisters, Clotho, Lachesis and Atropos, daughters of Erebus and the night, whom the poets feign to spin the life of man... Hereof cometh the

1

L'OEUVRE DE PEELE 43

common verse : l Clotho colum bajulat, Lachesis trahit, Atropos occat'. "

L'6l6ment rustique, ainsi doming par 1'influence de Spenser, se re*duit sans doute a la plus grande partie du 3* acte; mais 1'atmosphere pastorale se glisse et s'insinue doucement dans toutes les parties de T ' Arraignment'. La piece se pare de tous les orne- ii it'ii I - habituels de la tradition bucolique ; nous avons la chanson d'amour dans le l Lover's Curse' (i. 2. 55 sqq), la m6lop6e dans la complainte d'QEnone (iii. 1. 74 sqq.), et cette delicate babiole consacr6e par le temps, le poeme a 6cho , dans le lai de Thestylis (iii. 2. 57 sqq.), auquel Peele Iui-m6me ajoute ing&ument cette note: " the grace of this song is in the Shepherds' echo to her verse". Les demi-dieux de 1'Ida, qui plus est, different bien peu des bergers du commun; et les ameres plaisanteries qu'6changent Pan et Faune au d6but de la piece ne sont qu'une forme de la traditionnelle lutte du patre et du forestier1. L'impudente or^ade du quatrieme acte appartient a un type pastoral reconnu : celui de la nymphe indiffe>ente et froide, vou6e au service de Diane et a une implacable chastet6. Enfin Faction principale n'esl, apres tout, que 1'histoire des amours du berger Paris et d'QEnone, la nymphe rustique de Tlda ; et Peele lui-m&me reconnalt le caractere r6el

1. Cette lutte poStique trouve son expression la plus eMSgante, et la moins amene, dans la * Maid 's Metamorphosis', dans la scene entre Silvio et Gremio.

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de sa pifcce en la nommant, en premiere page du quarto, u a pastoral ".

Mais cette appellation est contestee par Mr. Homer Smith dans un article de la c Modern Language Association Review', et par Mr. Greg dans une 6tude plus approfondie sur la pastorale en poSsie et au theatre. Mr. Greg, en particulier, persiste a voir dans la ' Mise en Jugement de Paris ' ce qu'il nomme une u pi&ce mythologique " ; et la question qu'il soulfcve ainsi ne proc&de pas, comme on serait tent6 de le croire, d'un pur desir acad^mique de classification. Le changement de nom qu'il propose se rattache aux idees directrices de son ouvrage et a la conception qu'il se fait de Involution du drame pastoral anglais. A ses yeux, la pifcce de Peele, etavec elle une ou deux pieces de Lyly: 'Gallathea' and ; Love's Metamor phosis ', sont essentiellement mythologiques et ne renferment qu'accidentellement des 616ments buco- liques. Elles constituent une classe a part, et prScfc- dent la naissance du drame pastoral proprement dit, naissance due, d'aprfcs lui, a une imitation con- sciente et avou6e de certains modeles italiens1. Cette th^orie soul&ve, toutefois, d'assez graves difficult^s. Elle amfcne a concevoir un type pur et abstrait, avec lequel ne cadre qu'un fort petit nombre de pieces, trois seulement, en fait : la 4 Faithful Shepherdess ' de Fletcher, le ' Sad Shepherd' de Jonson, 1' l Amyn-

1. L" Aminta ' du Tasse et le * Pastor Fido ' de Guarini.

L'CEUVRE DE PEELE

tas ' de Thomas Randolph, et oblige a ne voir dans toutes les autres qu'une longue s6rie d'experiences incoherentes. Elle passe sous silence la presence d'eiements mythologiques dans la plupart des pieces du genre1, et ecboue enfin dans tout effort pour suivre, dans Thistoire de ce genre, la marche continue de Involution. L'examen des fails aboutit a une hypo- these assez differente de celle que formule Mr. Greg. Le drame pastoral, nous le croyons, naquit d'une transformation graduelle du poeme bucolique pr6- existant ; et la 4 iMise en Jugement de Paris ' nous offre un exemple caracteristique du processus. Nous avons vu a quel point Peele est endelte aux 6glogues spens6- riennes, et comment il porte & la scene un theme deja traite dans le * Calendar '. Si nous remarquons en outre 1'union etroite des conventions mythologiques et pastorales dans les poemes mernes de Spenser, leurs constantes allusions aux divinites, h6ros et legendes helieniques, nous rejetterons sans hesiter toute con jecture qui presuppose un disaccord entre les deux Elements, et nous conside"rerons la piece de Peele comme le premier anneau de la longue chalne d'evo- lution qui unit les eglogues de Spenser aux efforts

1. Dans la 'Maid's Metamorphosis' (4599) 1'am our d'Apollon pour Eurymene forme un theme complaisammentdeveloppe" ; les Muses et les Graces y jouent en outre un r6le de re'elle importance, bien qu'accessoire. Dans la ' Careless Shepherdess ' de Thomas Goffe (4629) nous retrouvons Apollon, les Sibylles et le culte de Pan. Dans * Rhodon and Iris ' de Ralph Knevet le denouement ne pourrait etre amende sans Taide aimable de Flore, et enfin dans la pastorale de ' Florimene' (4635) c'est Diane qui denoue Tenche- v^trement de multiples affaires d'amour.

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post6rieurs des dramaturges pour trailer, more pasto- rali, de la vie simple et de 1'amour id6al.

L'importance de 1' l Arraignment' est certainement accrue par sa date meme, par sa position dans 1'histoire du genre, et il etait utile, de ce fait, d'in- sister sur ses relations aux autres compositions de son espece; mais il nous faut maintenant tourner notre attention vers quelques aspects de la piece elle-m6me. Si nous consentons pour un moment a la traiter comme un compos6 chimique et a la require a ses parties constituantes, les elements que nous d6cou- vrons se ramenent a trois : l'ele"ment arcadien avec ses patres et ses bergeres ; Ferment mythologique avec ses dieux, deesses et demi-dieux; et I'6l6ment courtisanesque, introduit au 5e acte seulement, lorsque Diane, s'avangant majestueusement vers le trdne, u delivrelapommed'orauxmainsdelaReine". Mais Tint^r&t de cette dissociation n'est que de rendre plus 6vidente Fhabilet^ de Peele a combiner les divers elements pour en former un tout. L'analyse de la piece nous a de"ja montr6 avec quelle aisance il modifie la legende connue pour servir les fins parti- culieres d'un divertissement de cour. II nous faut ajouter maintenant que le theme 6tait judicieusement choisi pour former un cadre appropri6 a maintpoeme gracieux, mainte Elegante chanson, et que Peele a su tirer tout le parti possible de son sujet. La joyeuse ronde des dieux rustiques, Fallemande guerriere des neuf chevaliers, d'une part ; le noble chceur des Muses,

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le chant de bienvenue de Pan, le duo d'OEnone et de P&ris, les couplets amoureux de Colin et la m61op6e des bergers, de Fautre, sont autant de fleurs que Peele a brode"es sur le canevas us6 du vieux mythe, en couleurs harmonieusement assorties. L'art de Tauteur se fait plus visible encore dans le soin qu'il apporte £ tresser et entrelacer les deux fils brillants de son action. Par un balancement sym6- trique des deux groupes de personnages princi- paux, Colin et Tbestylis; Paris et OEnone, et par 1'analogie calcul^e de leurs situations res- pectives, Peele r6ussit non seulement h rehausser l'inte>et sce*nique de chaque intrigue, mais encore h assurer Tharmonieuse unit6 del'ensemble. A cette unite" contribuent encore la discrete repetition, de scene en scene, d'un m6me motif en termes iden- tiques, et la dexte>it6 avec laquelle les effets dra- matiques sont inscnsiblement amends. La plainte d'C^lnone, par exemple:

False Paris, this was not thy vow, when thee and I were one, to range and change old love for new (iii. 1. 49-50)

suggere invinciblement h notre m6moire Tamoureux duo du 1" acte. La question anxieuse de P&ris:

But tell me, gracious goddess, for a start and false offence, hath Venus, or her son, the power at pleasure to dispense ?

(iii. 2. 15-16)

6voque, elle aussi, le souvenir de ses faux serments. Et, pour ne donner qu'une preuve de 1'adroite pr6pa-

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ration des incidents ulterieurs, le po6tique avertis- sement donn6 par Ve"nus a Paris :

in hell there is a tree,

where once a day do sleep the souls of false forsworen lovers with open hearts ; and thereabout in swarms the number hovers of poor forsaken ghosts, whose wings from off this tree do beat round drops of fiery Phlegethon to scorch false hearts with heat

(iii. 2. 18 sqq)

nous fait pr6voir le jugement de Paris par les dieux irrit6s, et explique le sombre pressentiment qui jette son ombre sur son bonbeur present.

Nous retrouvons ainsi, au cours de la piece, de veritables leitmotifs, dont la reprise harmonise les gammes et les tons les plus varies de la composition; et FingSniosite de cet artifice suffirait a justifier les louanges que nous suggere la delicate construction de la pastorale peelienne. Le seul reproche qu'on puisse lui adresser justement sous ce rapport est le manque trop manifeste de climax. Le brillant pane- gyrique de FAngleterre et de sa reine, dans la derniere scene, peut dit'ficilement etre consider^ comme tel, et rint&ret de la piece tend a languir apr&s le 3e acte, 1'acte ou Finfortim6 Colin se meurt d'amour, et ou OEnone, abandonnee de Paris, erre, ceinte d'une pale guirlande de peuplier, par les bois maudits de 1'Ida.

Ce n'est point la, d'ailleurs, le plus grave des deTauts de la piece. La peinture des caracteres y est pauvre en couleurs et en nuances. Colin estle berger fidele de la tradition pastorale ; Hobbinol et ses com-

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pagnons sont de bien p<Ues arcadiens; et Fesquisse de Pan, Faune et Sylvain est £ peine plus poussSe. Parmi les personnages mythologiques, les trois dresses seules beritent de la legende classique quel- ques traits distinclifs: Junon r6vele sa jalousie et son aprch' habituelles; Pallas garde son attitude de dignit6 calme et de consciente superiority ; et Venus sa gr&ce, son Eloquence subtile et douce, et la s6- duction de son sourire. Mais nous ne trouvons dans la piece que deux caracteres qui soient dessine"s avec quelque attention aux details ; encore Involution de leurs sentiments est-elle plutcH indiquee que reel- lenient trac6e. OEnone n'offre pas seulement & notre imagination le charme de formes elegantes et souples, voiiees sous la blancheur du lin, mais 1'attrait plus deiicat d'un caractere purement sen timental, assez ingenu et assez ouvert pour nous laisser entrevoir par moments les mysleres m&mes de son coeur. Dans son entretien avec P&ris, la joie d'aimer et d'etre aimee 1'accable presque ; et, au milieu m&me de son bonheur, s'eieve un inde- flnissable pressentiment qui lui fait choisir, quand P^ris la prie de chanter, une chanson au refrain inconsciemment prophetique :

They that do change old love for new, pray gods they change for worse.

Toutes ses craintes vagues s'expriment dans Tardente priere qu'elle murmure contreTinconstance: " Sweet

CHEFFAVD. 4

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shepherd' dit-elle u for OEnone's sake be cunning in this song"; etlesvoeuxde Paris, siprfcs d'Mre brisks, 6veillent en nous comme une impression de peine. Plus lard, quand OEnone reparalt, d6daignee, aban- donne"e, trompee, se defiant de tout et de tous, ellen'a point renonc6 a son amour, bien que Paris s'en soil montre" indigne. Elle vit du souvenir de sa passion ruinSe. La haine ne trouve point de place en son coeur ; rien qu'une douleur profonde, un d6sir de larmes, et le besoin de proclamer et de pleurer son infortune Le caractere de Paris est un peu plus complexe. Nous voyons en lui, au premier acte, une sorte de re"plique d' OEnone ; amoureux comme elle et plein de pressentiments. Mais il se montre bientot, sous la pression de ses instincts, capable d'erreurs morales dans lesquelles ne saurait tomber la douce nymphe. Les images de plaisir sensuel qu'e"veillent en lui les promesses de V6nus lui permettent d'etouffer tout d'abord les murmures de sa conscience coupable ; mais il lui faut bientot e"quivoquer avec lui-meme. II rejette la responsabilite' de ses actes, cherche refuge dans une vague doctrine d'irre~sistible fatalisme, con- vainc a demi les dieux de son innocence ; et pourtant son acquittement m6me ne le delivre ni de son remords ni de son anxie"te* pour Favenir.

L'int6ret que suscite le contraste de son inconstance et de son repentir avec la fidelite' d'OEnone nous fait oublier combien de~fectueuse et imparfaite est 1'ana- lyse des autres caracteres, et nous empeche de cher-

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cher les seuls m6rites de la piece dans sa richesse imaginative, sa grace lyrique, la simplicite de son style, et la vari6t6 de sa versification. Ce sont la, tou- tefois, d'inte>essantes qualit^s, et trop e"videntes dans 1' l Arraignment1 pour avoir jamais 6chapp6 a 1'atten- tion des critiques. Les multiples images, indiffe>em- ment emprunt6es a la po£sie classique, ou aux obser vations personnelles de Peele, I6moignent d'une fantaisie Elegante et aimable, parfois aussi d'uii penchant un peu vif pour le splendide, d'un gout un peu trop prononc6 pour Tor et tout ce qui brille. "Shepherd" dit Junon

I will reward thee... with heaps of massy gold, sceptres and diadems curious to behold, rich robes of sumptuous workmanship and cost, and thousand things whereof I make no boast: the mould whereon thou treadest shall be of Tagus 'sands and Xanthus shall run liquid gold for thee to wash thy hands, and if thou like to tend thy flock, and not from them to fly, their fleeces shall be curled gold to please their master's eye;

(ii. 1. 130 sqq)

et, s'il nous faut louer la fermet6 et la finesse du dessin, il nous faut aussi reconnaltre que les couleurs de ce tableau sont un peu brutales et voyantes. Mais le gout de Peele se montre habituellement en teintes plus dedicates. Dans le paysage n6cessairement con- ventionnel et impr^cis de la pastorale il sail mettre Q& et \h une touche de naive et fralche simplicity, Des vers, gracieusement pittoresques, r6velent en plus d'un passage un r6el sentiment de la beaut6 naturelle:

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Ne'er doth the milk-white way, in frosty night

appear so fair and beautiful in sight

as done these fields, and groves, and sweetest bowers,

bestrew 'd and decked with parti-coloured flowers.

Along the bubbling brooks and silver glide,

that at the bottom in silence slide,

the water-flowers and lilies on the banks,

like blazing comets, burgeon all in ranks;...

the dainty violet and the wholesome mint,

the double-daisy, and the cowslip, queen

of summer flowers, do overpeer the green ;

and round about the valley as ye pass

ye may not see for peeping flowers the grass, (i. 1. 52 sqq.)

La simplicity du style augmente le charme de cette description, et cette simplicity est Tun des traits les plus caracte>istiques de Y ' Arraignment'. C'est sur- tout par contraste avec Teuphuisme alors predominant que la langue de Peele parait libre, aise"e, naturelle. Les marques distinctives de la diction lylyenne, paral!61isme ou antith&se continuels des mots, proposi tions, phrases et paragraphes; surabondance de ques tions oratoires avec arguments pour et contre, sont totalement absentes de notre piece ; et il serait malais6 d'y d6couvrir un seul emprunt al'histoire surnaturelle de Lyly1. Les mani6rismes qu'on y releve remontent plus haut que 1'euphuisme, et Peele tire habilement

1. Le seul passage qu'on serait tente de considerer comme une reminiscence de Lyly est le suivant :

" And whither wends yon tbriveless swain ? like to the stricken deer, Seeks he dictaranum for his wound within our forest here ! " (IH-I. 29.)

(cf. Lyly. Euphues. Bond i. 208 25 sqq) ; mais c'est la en realite, une allusion aux vers de Virgile. Eneide XH 414-6 :

" Non ilia feris incognita capris Gramina (dictamnus), quum tergo volucres haesere sagittae".

L'CEUVRE DE PEELE 33

profit de ces traditionnels artifices de style. II sait faire usage a propos de ('alliteration : u the fairest fattest fawn in all the chase " ou " the painted paths of pleasant Ida " ; de la r6pe*tition de quelques mots ou d'un vers, r6p6tition aussi agre*able a 1'oreille qu'un refrain de chanson ou de ballade ; il sait inter- rompre la monotonie d'une longue scene par de breves et brillantes rgparties (Aiii. sc. 1. 86 sqq), ou encore construire artistement une longue pe>iode logique, ou les propositions secondaires s'enchatnent Tune a 1'autre pour aboutir a une conclusion substan- tielle et concise (A. iv. Sc. 1. Paris 's Oration to the Gods). On sent dans chaque acte, dans chaque scene la presence d'un art conscient ; el ce m6me art se retrouve dans la versification de la piece. Peele y prend un Evident plaisir a varier ses metres et ses cadences, a passer de 1'imposant septenaire aux mesures les plus courtes, les plus agiles et les plus I6geres. Sans doute les " couplets" de 7 ou 6 pieds prSdominent, mais le vers blanc fait aussi son appa rition aux moments les plus dramatiques de Faction, le plaidoyer de Paris ou le discours de Diane, et des vers souples de longueur et de coupe fort diverses, forment 1'habituel moyen d'expression des passages lyriques. Nombreux sont ces passages, chanson breve ou court poeme, et c'est en eux que la m6lodie du vers peelien rSsonne le plus harmonieu- sement. Les meilleurs devinrent immSdiatement popu- laires et prirent de droit leur place dans les antho-

54 GEORGE PEELE

logies contemporaines. Charles Lamb en a choisi un pour 1'enchclsser parmi les gemmes de la poe"sie dra- malique anglaise ; et 1'exquise modulation de son metre, 1'accord 6troit du sens et du rythme, prouvent 1'excellence d'un morceau que nous ne pouvons register au plaisir de citer une fois encore :

OEn. Fair and fair and twice so fair,

as fair as any may be, the fairest shepherd on our green, a love for any lady.

Par. Fair and fair and twice so fair,

as fair as any may be, thy love is fair for thee alone and for no other lady.

OEn. My love is fair, my love is gay,

as fresh as bin the flowers in May, and of my love my roundelay,

my merry merry roundelay,

concludes with Cupid's curse: they that do change old love for new

pray gods they change for worse, (i. 2. 55 sqq.)

La note touched en ce delicieux poeme donne le ton meme de toute de pi&ce. Premier effort du talent de Peele, elle a la fralcheur, la verve, et toutes les qualit6s, avec quelques-uns des de~fauts, d'une oeuvre de jeunesse. Combinant le charme artificiel de la pastorale avecTa grace pure de la 16gende classique et les attractions sc6niques du masque, elle re>ele un poete de gout delicat, 6mu et sincere, un dramaturge encore inexpe>imente parfois, mais toujours adroit et ing£nieux ; et, bien qu'elle perde a ne nous etre point

LOEUVRE DE PEELE 65

pr6sent6e comme au jour de la production, dans de somptueux decors, avec un accompagnement discret de violons et de hautb'ois, son 6clat n'en est qu'affai- bli, et elle brille encore a nos yeux des reflets capri- cieux et changeants de 1'opale.

LA POURSUITE D' AMOUR.

Peele 6crivit une seconde pastorale, sous le titre attrayant de la 4 Poursuite d'Amour ' (the Hunting of Cupid). La pifece est malheureusement perdue ; mais nous pouvons n£anmoins nous former une i< !«'•. assez exacte de son sujet et de son caractfcre g6n6ral, car nous en retrouvons d'assez longs passages1 dans deux anthologies du temps, 'England's Parnassus' (1600) et England's Helicon' (m. d.); et plusieurs pages d'un cahier de notes de W. Drummond of Hawthornden* sont en outre couvertes d'extraits du 4 Hunting', 4l one of the bookes", declare Drum mond "read anno 1609 be me ".

II est presque certain, quoiqu'aucun exemplaire ne nous soit parvenu, que la pifece fut publi^e. Les citations de 1' * England's Parnassus' sont presque exclusivement empruntSes a des ouvrages imprimis ; il est, d'autre part, assez peu probable que Drummond possgdat en 1 609 une copie manuscrite du l Hunting ' ; et enfin les registres de la Compagnie des Libraires

4. ' Cupid's Arrows' et * Coridon and Melampus ' song '. 2. Maintenant en la possession de la Scottish Society of Anti quaries. Edinburgh,

56 GEORGE PEELE

de Londres contiennent, en date du 26 juillet 1591, le permis d'imprimer suivant:

" Richard Jones. Entred unto him for his copye under th[e h]andes of

the Bishop of London and Master Watkins a booke intituled the Hunting of Cupid wrytten by George Peele Master of Artes of Oxford vjd,

permis subordonn6 du reste a une clause condition- nelle, u that yf it be hurtfull to any other Copye before lycenced, then this to be voyde " La clause, sans doute, n'6tait parfois que de pure forme ; mais elle se faisait rarement aussi explicite, et suggere ici que la ' Poursuite d' Amour ' remontait deja, en 1591 , a plusieurs annees. Que la piece fut contemporaine de T l Arraignment ' peut meme 6tre vraisembla- blement infe>e des similitudes d'expression, d'images, et de reminiscences classiques qu'on peut relever dans un abreg6 aussi succinct et incomplet que Test celui de Drummond. De telles similitudes, en effet, ne sauraient etre accidentelles ; toute Fceuvre de Peele prouve qu'il d6passait difficilement sa pens^e, savait mal exprimer une id£e sous diverses formes, mais £tait au contraire trop enclin a se renter dans les Merits d'une meme pe>iode ; et nous pouvons, sans grande crainte d'erreur, regarder le * Hunting of Cupid' comme une piece de cour dont la production, ou du moins la composition, suivit de pres celle de 1' l Arraignment '.

11 est difficile d'imaginer avec certitude ce qu'elait

L'CEUVRE DE PEELE 57

le theme de la pastorale. Drummond, dans ses cita tions, ne montrait pas habituellement le moindre interSt pour Fintrigue ou le plan, mais limitait son attention a des particularity's de style et de vocabu- laire, et se contentait de noter, au cours de sa lecture, les tours de phrase, les pens6es brillantes et concetti po6tiques qui le charmaient, et dont il faisait, a 1'occa- sion, usage dans ses propres poemes. Cette meHhode nous explique pourquoi ce qui nous reste du * Hunting of Cupid ' n'est qu'une se"rie de brefs passages sans cohesion, desquels il est malais6 de d£duire le sens g6ne>al de la piece. Tout au plus le titre et quelques extraits nous autorisent-ils a soupQonner que le sujet 6tait celui de la premiere idylle de Moschus1, de cette idylle ou Eros, 6chappanl h la surveillance de sa mere sous un dSguisement pastoral, s'en va d^cocher ses traits envenim^s dans les valises paisibles d'Arcadie. Quoi qu'il en soil, d'ailleurs, le theme, comme dans T 4 Arraignment \ se transformait adroitement en une flatterie personnelle de la reine, dont la beaut6 seule pouvait mettre fin aux ravages fails parmi les bergers par 1'espiegle dieu d'Amour. ll Cupid" lisons-nous dans Tun des extraits,

enraged to see a thousand boys as fair as be sit shooting in her eyes, fell down, and she plucked all his plumes and made herself a fan.

La pointe est jolie, et forme un prelude appropri6 a

1. "Eptu;

58 GEORGE PEELE

de nouvelles louanges de la beaut6 el de la vertu d'Elisabeth,

delight supreme,

yet so far from the lightness of her sex, for she is the bird whose name doth end in X.

Les citations de Drummond ne nous permettent malheureusement pas de pr6ciser davantage le sujet de la piece, mais elles nous laissent entrevoir plus clairement la maniere dont il 6tait trait6. Le ton de la 4 Poursuite d' Amour' 6tait aussi pastoral que celui de la ' Mise en Jugement de P&ris': u heardgrooms and strawberrie lasses" foulaient une fois encore les planches, et discouraient d'amour en la fagon conven- tionnellequ'exigeaient leursnomsarcadiens, Coridon, Melampus et Lycoris ; et Peele rehaussait leurs entre- tiens de ces ornements pastoraux qui n'avaient point trouv6 place dans sa premiere production. Tel est le chant dialogu6 dont 1' 4 England's Parnassus' nous a garde le texte :

Coridon. Melampus, when will love be void of fears? Melampus. When jealousy hath neither eyes nor ears. Coridon. Melampus, when will love be thoroughly shrieved? Melampus. When it is hard to speak and not believed... Coridon. Melampus, tell me when is love best fed? Melampus. When it has suck'd the sweet that ease hath bred. Coridon. Melampus, when is time in love ill spent? Melampus. When it earns meed and yet receives no rent.

Nous avons la un modele de la piece am6b6e, dont Th6ocrite et Virgile nous donnent tant d'exemples ;

L'CEUVRE DE PEELE 59

et les deux interlocuteurs de notre pastorale se dispu- tent, comme le voulait la tradition, une gageure rustique: u a dish of damsons new gathered from the trees'*. La me'lope'e amoureuse faisait, elle aussi, sa r6apparition dans notre piece. II ne nous reste, il est vrai, que deux vers de cette production, mais ils suffisent a indiquer une nouvelle, sinon fort heureuse imitation du theme spens6rien des infortunes de Colin :

Hard heart that did thy reed (poor shepherd) break, thy reed that was the trumpet of thy wit.

Les palres que d6sesperent leurs mattresses ne sont plus, toutefois, des habitants du I6gendaire Ida, mais des villageois anglais id6alise*s par le poete. La scene est plac6e, non plus en Phrygie, mais sur les falaises crayeuses d' Albion ; et pourtant les descriptions restent presque identiques a celles de V l Arrai gnment ', comme ces quelques lignes le prouvenl amplement:

" On the snowy brows of Albion, sweet woods, sweet running brooks that chide in a pleasant tune and make quiet murmur, laving the lilies, mints and waterflowers in their gentle glide".

D'autres tableaux de ce genre contribuaient sans doute, avec des pieces lyriques, a temperer la mono- tonie de la pastorale conventionnelle. Drummond a copie" tout au long 1'une de ces poesies 16geres, et elle est aussi artificielle qu'elle est exquise:

60 GEORGE PEELE

What thing is love, for (well I wot) love is a thing,

it is a prick, it is a sting,

it is a pretty, pretty thing,

it is a fire, it is a coal

whose flame creeps in at every hole ;

and as my wit doth best devise,

love's dwelling is in ladies 'eyes ;

from whence do glance love 's piercing darts

that make such holes into our hearts.

Le charme de ce chant ; charme que ne diminue point son affeterie, semble 1'avoir fait cherir par les 6mules de Peele. On en trouve un £cho dans le 'Mourning Garment' de Greene, et son 'James IV y fait une allusion directe:

And well I wot I heard a shepherd sing that, like a bee, Love hath a little sting.

Les manuscrits de Rawlinson nous offrent une trans cription nouvelle du morceau entier; et six vers, enfin, en sont r6cit6s par Cornelia dans une pi&ce de 1600, the ' Wisdom of Doctor Doddipol'.

Une telle abondance de citations et de reminiscences semble un signe certain de succ&s, et nous trouvons dans ce succ&s meme une cause de plus pour regretter la perte d'une pikce qui 6tait aux yeux des contem- porains, et serait probablement aux n6tres, un digne pendant de Y ' Arraignment of Paris '.

La l Poursuite d' Amour ' est seule a combler une lacune dans la carrifcre de Peele entre son premier

L'OEUVRE DE PEELE 61

effort dramatique et sa c Battle of Alcazar' en 1588- 1589. Elle marque la fin de ses relations avec la cour ; et ses drames posterieurs sont composes pour un public moins raffing, sinon moins exigeant. Ce passage au theatre populaire, bien qu'expliqu6 par des n6ces- sit6s d'argent, n'en est pas moins surprenant a plus d'un 6gard. Peele devait apprendre a satisfaire des gouts diffe"rents, les gouts des spectateurs du 4 Bull ' ou de la 4 Rose ', et faire, pour ainsi dire, un nouvel apprentissage de dramaturge. C'est dans les rues de la Cit6 qu'il prit tout d'abord contact avec ses nouveaux patrons, les habitues des theatres lon- doniens, dont l'inte>&t s^tendait volontiers aux spectacles les plus divers. Peele, en tant que u city- poet", organisaau moins deux processions du Lord- Maire, pour Woolstan Dixie et Martin Calthorpe1, avant d'offrir ses services aux com^diens. II apprit ainsi a connattre par la pratique les mets, les proce'de's, qui avaient le plus de saveur pour ses maltres du parterre ; et il eul certainement tir6 parti de cette experience nouvellement acquise, si m&me le l Tamburlaine ' de Marlowe, - - phare qui alluma la chalne de feu, n'avait enflamm6 son enthou-

\ . La * Martin Galthorpe Pageant ' est perdue/mais nous trou vons trace de son existence dans les registres des libraires. xxvnj0 die Octobris i588 :

Richard Jones, Entred for his copie uppon condicon that it maye be lycenced, ye device of the Pageant borne before the Righte honorable Martyn Calthrop lorde majour of the cytie of London the 29th daie of October 1588. George Peele the authore,

62 GEORGE PEELE

siasme etson Emulation. Ce futla, cependant, la cause directe qui lui fit tourner son activity vers la scene populaire ; et son premier effort dans cette direction futla 'Batailled' Alcazar1.

LA BATAILLE D' ALCAZAR.

Elle fut publiee en 1594, sous ce titre longuement descriptif: 4* The Battell of Alcazar, fought in Bar- barie, betwene Sebastian King of Portugall, and Abdelmelec King of Marocco. With the death of Captaine Stukeley. As it was Sundrie times plaid by the Lord high Admirall his servants. Imprinted at London by Edward Allde for Richard Bankworth, and are to be solde at his shoppe in Pauls churchyard, at the signe of the Sunne ".

On ne retrouve dans les livres de Stationers' Hall aucune trace d'un permis d'imprimer, et ce fait, joint a quelques autres circonstances, la corruption du texte en plusieurs passages, et 1'absence de Tune des cinq pantomimes, tend a prouver que la version que nous avons est 1'une de ces Editions contrefaites si fr6quentes a l'6poque elisab^thaine.

Le nom de Peele, on 1'a remarqu6, ne figure point au titre ; mais I'authenticit6 de la piece est aussi peu discutable que celle de F i Arraignment'. Malone fut le premier a 1'attribuer a notre auteur, et aucun critique ne s'est depuis risqu6 a douter d'une attri bution que justifient des t6moignages trop probants.

L'OEUVRE DE PEELE 63

La ressemblance de plus d'un passage a telle ou telle portion d'une production peelienne reconnue e"quivaut parfois a une identic litte>ale. Un vers comme celui-ci :

On that brave bridge, the bar that thwarts the Thames ne saurait se distinguer de cette ligne du Farewell :

To that brave bridge, the bar that thwarts her course ;

et ce n'est la qu'un exemple parmi maints autres. La liste des paralleles dress6e par Dyce et Lammerhirt suffirait a authentiquer la piece1. 11 est presque super- flu d'ajouter que les allusions classiques contenues dans la ' Battle ' sont toules familieres a Peele et se retrouvent dansd'autres 6crits signed de lui *. La seule exception apparente, aux derniers vers du ler acte,

to sick as Envy at cecropia 's gate

and pine with thought and terror of mishap (i. 2. 85-6)

fait allusion a un Episode du 2e livre des Metamor phoses, et n'est qu'un signe de plus du penchant de Peele pour cet ouvrage. Du reste, les caracte>istiques usuelles du style peelien, la r6p6tition d'un ou plu- sieurs mots avec addition d'e~pitheles, par exemple, se reinvent dans chaque scene de la l Battle of Alcazar ' et en indiquent clairement 1'auteur. Enfin le t6moignage des contemporains confirmerait s'il en 6tait besoin, cette indication, car six vers du second

1. On peut trouver une liste a peu pres complete des passages correspondants dans Dyce (ed. 1861 p. 340) et Lammerhirt. 1. Comparez par exemple :

Rack d let him be on proud Ixion '* wheel, ' Ixion *s wheel, proud Tanial 'a pining woe,

pin'd let him be with Tantalus ' endless thirst, Prometheus ' torment, and a many moe ;

prey let him be to Tityus ' greedy bird, what toil the toil of Sisyphus doth ask... weary with Sisyphus ' immortal toil ' BA, iv. 2, 90. sqq. A. P. i. 2. 41. sqq.

64 GEORGE PEELE

acte : u We must affect our country as our parents ", etc. sont cit6s par P l England 's Parnassus ' sous Pen-t&te u Country", et assignes par 1'anthologiste h George Peele.

On peut observer que la plupart des passages corres- pondants signals par les critiques se trouvent dans le 4 Farewell ' (1589) ou le c Tale of Troy ' (m. d.). Cette circonstance d6signe d6ja 1 588 ou 1 589 comme la date probable de composition ; mais nous avons d'autres moyens de fixer cette date avec certitude. Une allu sion evidente a PInvincible Armada, au 2" acte :

The wallowing ocean hems her (England) round about,

whose raging floods do swallow up her foes,

and on the rocks their ships in pieces split (ii. 4. 117 sqq.)

nous donne Aout 1588 comme Tune des limites extremes pour la production de la piece, tandis que 1'autre nous est fournie par Peele lui-meme dans ces vers de son ' Farewell to Norris and Drake ' (Avril 1589):

Bid Mahomet's pow, and mighty Tamburlaine, King Charlemagne, Tom Stukeley, and the rest, Adieu (Farewell, v. 21 sqq.)

C'est la, comme Fleay le remarque, une singuliere Enumeration de pieces r^cemment joue'es par la troupe des c Admiral's Men M, et une confirmation du

1. ' Mahomet's pow ' designe fort probablement 1 *l Alphonsus of Arragon ' de Greene; le 'mighty Tamburlaine' n'est autre, nature! lement, que la piece de Marlowe ; et « King Charlemagne est peut-etre 1' ' Orlando Furioso ' de Greene, joue a 1'origine par les acteurs du Lord Admiral.

L'GEUVRE DE PEELE 63

renseignement Irouve au litre du quarto: u plaid by the Lord high Admirall his servants ". Les minutes du Journal d'Henslowe qui se rapporlent indeniablemenl a la ' Bataille d' Alcazar' la classent pourtant, en 1592, dans le repertoire des 4 Lord Strange 's Men ', cepen- dant qu'un document interessant, un plan manus- crit avec noms d'acleurs lemoigne d'une reprise en 1598 par les comediensdu Lord Admiral. Les fails peuvent, au premier abord, sembler quelque peu conlradicloires. Un examendes annales Ihealrales du temps dissipe toute indecision et nous permel de suivre 1'hisloire de noire piece de 1588 a 1601. Lors des premieres representations, elle appartenait, nous 1'avons vu, a la troupe du Lord Admiral; mais quelque temps apres 1'edit de restriction de Novem- bre 15891, cette compagnie dut se disperser pour quatre ou cinq ans, et, tandis que quelques-uns de ses acteurs partaient pour une toume*e en Allemagne, une union etroite s'effectuait enlre les autres, parmi lesquels Alleyn, et les com£diens de Lord Strange. Pendant les ann£es suivantes, les deux Iroupes n'eurent pas d'exislence separ^e ; elles furenl conjointement designers sous le nom de l Lord Strange 's Servants', et Alleyn regarde par le public comme leur directeur. Le repertoire des diverses troupes, d'autre part, etait d'habitude propriete

1. Le 6 Nov. 1589 le Lord-Maire, John Hart, sur les instructions du Lord-Tresorier, interdit aux troupes de Lord Strange et du Lord Admiral dejouer aLondres.

CHEFFALD. 5

66 GEORGE PEELE

commune, maisquelques pieces appartenaientparfois a tel ou tel acteur, et tin temoignage precis nous montre que c'etait la le cas de la * Battle of Alcazar', propriete particuliere de Edward Alleyn1. II apporta la piece aux l Strange 's Men', et comme, pendant cetteperiodeagitee, la troupe ne donna pour ainsidire aucune piece nouvelle, nous ne saurions etre surpris de lui voir repre"senter en Fe>. 1591/92 et jusqu'en Janvier 1592/93 la c Bataille d' Alcazar '2. Durant la peste de Londres (1593-1594) les deux compagnies continuerent a jouer de concert dans les provinces, et a la re"ouverture des theatres occuperent ensemble Newington Butt. Get arrangement cessa toutefois aprfcs quelques representations et les Admiral's Men reprirent leur independance sous la direction d' Alleyn. La piece de Peele passa alors naturellement au reper toire de la nouvelle troupe, et dut a sa popularite de reparailre plusieurs fois a la scene, en 1594, 1598 et 1601. On a jusqu'ici prete peu d'attention a la reprise de 1594 ; mais il est peu douteux que les refe rences, dans les comptes d'Henslowe, a une piece intitulee ' Mahomet 13 se rapportent a notre drame, bien que Collier et Fleay y voient une allusion a une production perdue ' the Turkish Mahomet and Hiren the Fair Greek u et Mr. Greg a F c Alphonsus

4. Voir page 70. note.

2. Henslowe 1'intitule ' Mulo Molloco ', du nom d'un des princi- paux personnages : Muly Molloco ou Abdelmelec (v. B of A. i. Pr, v. 12 et ii. 2. v. 52). Voir journal F. 7-8 (20 fev. 1591. 20 ja. 1593).

3. Lire : ' Henslowe's Diary ' (du 44 aout 1594 au 5 fev. 1594).

4. ' The Turkish Mahomet ' a etc attribue a Peele sur la foi des

L'CEUVRE DE PEELE 07

of Arragon ' de Greene. La piece n'est pas marquee comme nouvelle (ne) par Henslowe ; elle doit done appartenir, comme la 4 Bataille d' Alcazar ' h 1'ancien repertoire des l Lord Admiral's Men', et remonter aii moins aussi haut que 1590. Mahamet est le nom du personnage central de notre drame ; et, en outre, reformation que nous fournit le Journal (inventaires de Mars 15981 et minutes du 2-4 Aout 160T) sur les decors et accessoires de 4 Mahomet ' nous montre qu'ils satisferaient toutes les exigences d'une mise en scene de la ; Battle'. Us consistent en robes dejanis- v saires et costumes de porte-flambeaux, en turbans turcs, en quelques couronnes royales et en une " couronne de fant6me", - - toutes choses qui ont leur Evident usage dans notre piece. Enfin les llmem- bres du Maure " et le " chef du vieux Mahomet"

'Merry Jests'; mais nous avons vu que cet opuscule est une source (['information indigne de confiance. Nous ne savons rien de la pioce, et les quelques allusions satiriqucs qu'on Irouve dans la litterature du temps (v. surtout Shakespeare 4 2 Henry IV '. ii. 4. v. 188 ; et ' Return from Parnassus ') ne nous e"clairent pas.

1. ** The Enventory of the clownes Sewtes and Hermetes Sewtes, with dievers other Sewtes, as followeth, 1598, the 10 of March :

Item, iiij genesareyes gownes, and iiij torchbearers sewtes. Iti-in, the Mores lymes. Item, iiij Turkes hedes".

41 The Enventory tacken of all the Properties for my lord Admi- ralles men, the 10 of Marche 1598 : Item j wooden canepie ; ould Mahemets head. Item iiij Imperial crownes ; one playne crowne. Item j gostes crowne ; j crowne with a sone ".

2. " Layd out at the a poyntment of the 2 of aguste 1601 fora parell for Mahewmett the some of mjd ".

u Pd at the apoyntment of the company unto wm whitte for mackinge of crownes and other thinges for Mahewmets the 4 of aguste 1601 the some of ".

68 GEORGE PEELE

sont, sans nul doute, les restes mutil6s qu'exhibait au public la pantomime du 4e acte.

Now harden 'd is the hapless heathen prince,

this Moor, this murderer of his progeny ;

and to a bloody banquet he invites

the brave Sebastian and bis noble peers, (iv. Pr. 1 sqq)

telles sont les paroles meme de T " introducteur ", et le Plan de 15981 nous r6vele que des assistants entraient en scene avecleu banquet sanglant",

(w)th Dead mens heads in dishes & (w)th Dead mens bones ;

c'est assure"ment dans ces plats que les membres d6pec6s du Maure trouvaient leur place la plus appro- pri6e. Quant aux minutes de 1601, avec leur men tion de courormes, elles ne peuvent que confirmer notre conjecture et 6tablir deTmitivement Fidentite de 1 Mahomet ' et de la ' Battle of Alcazar ',

where three bold Kings, confounded in their height, fell to the earth contending for a crown, (i. Pr. 51-52)

Lesrecettes des representations de 1594, en tout cas, furent presque aussi fortes que celle d'une piece in6dite, et ce signe de succes persistant engagea la troupe a donner le drame une fois encore. A cette reprise appartient le Plan que nous avons deja men- tionn6, une de ces cartes de souffleur ou tables de r6pliques qu'on pendait derriere les decors pour

1. Ce plan a ete publie par Mr. Greg, dans son edition d'Hens- lowe's Diary (vol. 2), et la date en a ete ingenieusement fixee par lui a 1598.

L'OEUVRE DE PEELE

indiquer aux acteurs leurs entries en scene et leurs sorties. Ce plan, fragmentaire et mutile*, nous indique cependant au complet la distribution des r6les, fixe la date de la reprise k la fin de 1597 ou au debut de 1598, etpermet de supposer que 1'enseigne Pistol, dans le second l Henri IV ' de Shakespeare, emprun- tait ses citations ampoules aux representations alors donne"es h la l Rose1.

Then feed and be fat, my fair Calipolis

s'e*criait-il, sur le ton m6me de Mahamet-Alleyn offrant h sa reine un morceau de viande crue h la pointe de l'e*pe"e; et 1'humour n'6chappait pas tout h fait aux gens du parterre. Le ridicule, pourtant, ne tue pas une pifcce populaire; 'Mahomet' ful joue* & nouveau en 1 601 , et Henslowe depensa alors 3 £ 1 2 s. 4 d. h 1'acquisition d'accessoires. Ben Jonson salua sa re*apparition avec une joie satirique et introduisit dans son 4 Poetaster' quelques vers de la * Bataille ', mot pour mot, avec jeu de scene approprie" :

" Enters Minos with Pyrgus on his shoulders and stalks

backwards and forwards as the boy acts.

Pyrgus. Now you shall see me do the Moor. Master, lend me

Tucca. lieu! 'tis at thy service, boy. [your scarf.

Pyrgus. Where art thou, boy? where is Calipolis?

Fight earthquakes in the entrails of the earth, and eastern whirlwinds in the hellish shades ; some foul contagion of the infected heavens blast all the trees, and in their cursed tops the dismal night-raven and tragic owl breed and become forerunners of my fall.

(Poetaster iii fin)

70 GEORGE PEELE

line allusion aussi sp6cifique n'a de sens qu'en tant qu'elle se rapporte a une pi&ce alors surles planches. La parodie de Jonson donne ainsi plus de force a notre hypoth&se. La meme remarque s'applique aux traits d£coch6s par Marston (What You Will v. i) a la malheu- reuse tirade de Calipolis ; et nous sommes in^vita- blement amends par les faits a conclure que notre drame 6tait bien le ' Book of Mahomet ' qu'Henslowe acheta finalement d'Alleyn pour la somme de 2 livres, le 22 Aout 16011.

Nous ignorons le sort du drame apr&s cette date, mais sa longue carri&re, ses reprises successives, et aussi la parodie r6p6t6e de quelques-unes de ses scenes, nous donnent un irrefutable t6moignage de sa popularity. Cette popularity, il faut 1'avouer, est mal justifies par les nitrites intrins&ques de la pro duction. 11 nous faut chercher ailleurs les facteurs de son succes, et laisser a F analyse le soin de nous les deroiler.

Violant les lois sacrees qui ^tablissaient en Bar- barie la succession collat^rale, Muly Mahamet s'est empar6 de la couronne, a exi!6 ou emprisonn6 ses oncles, h^ritiers legitimes du trone, et inaugure son r&gne par le meurtre de 1'un deux, Abdelmunen, et de ses deux fils. A peine, pourtant, la nouvelle du meurtre a-t-elle atteint Abdelmelec dans son exil

1. " Pd unto edward alleyn at the a poyntment of the com pany the 22 of aguste 1601 for the Boocke of mahemett the some of xxxxs ',

L'OEUVRE DE PEELE 7i

qu'avec 1'aide de troupes e'prouve'es il d6barque pres de Fez, chasse Fusurpateur, et 1'oblige a fuir aux con- fins du Maroc avec sa femme Calipolis el quelques fiddles partisans. Mahamet. serre" de prfcs par les armies d'Abdelmelec, erre, fugitif affam6, par les deserts brulantsde 1'Atlas, et attend anxieusement Tissue de son ambassade aupres de Se"bastien roi de Portugal. Ses espoirsne sont point d6c,us : S6bastien, enflamm6 al'id6e de quelque glorieux exploit contre les Maures, tent6 en outre par les promesses de Maha met, s'engage a lui prefer prompt secours, dans le double but d'accroltre ses possessions et de servir la cause du christianisme. - D'actifs pr^paratifs ont de*j& commence en Portugal, quand Thomas Stukeley, un noble exil6 anglais, parti de Rome avec quelques navires pour conque*rir 1'Irlande au nom du pape, est jete* par la tempfite dans la baie de Lisbonne. Le roi S6bastien, au cours d'une longue audience le dissuade de donner suite a son vain projet, s'efforce de le retenir, et lui persuade enfin de prendre part al'expe*- dition de Barbaric. Des promesses d'alliance sont sollicit6eset obtenuesde Philippe II, et, comptant sur 1'aide espagnole, Se"bastien leve aussit6t Tancre.Mais le perfide Philippe rompt ses engagements, et le roi de Portugal attend en vain dans les eaux de Cadix. IndomptS, pourlant, par cette defection, il se refuse a abandonner son dessein ; et la flotte, hissant la voile, court sur les rives d'Afrique. L'expSdition, bravement, mais inconsidere'ment conduite, aboutit

72 GEORGE PEELE

bientot a une de>oute tragique. Le 4 aoui 1578, S£bastien, Stukeley et sa bande d'ltaliens, unis a Mahamet, livrent a Abdelmelecle combat d6cisif. Les Italiens de Stukeley supportent courageusement le choc, jusqu'a Theure ou la fuite des Portugais les 6crase. S6bastien est tu6 ; le Maure noy6 dans ses efforts pour fuir ; Stukeley, deja bless6, estpoignard6 par ses mercenaires ; et les I6gitimes vainqueurs terminent la piece par une marche funebre, tandis qu'on emportele corps deS6bastien, etqu'on 6corche le cadavre souilie de boue de Fusurpateur,

so to deter and fear the lookers on from any such foul act and bad attempt.

Ce sommaire suffit a nous montrer que le drame devait une bonne part de son succ&s a son contenu allusif. Le roi de Portugal y jouait un role important, etles scenes ou il paraissait ne pouvaient qu'acqu^rir un vif interet du fait qu'en 1589 une flotte anglaise s'armait pour une expedition en Portugal, destin6e a 6tablir sur le trone le prelendant don Antonio. La meme expedition 6tait aussi, dans 1'imagination des Londoniens tout au moins, une menace pour le pape et 1'Italie. Les citadins patriotes la voyaient deja voguer triomphante vers Rome,

there to deface the pride of Antichrist,

and pull his paper walls and popery down ; (Far. v. 25-26)

et ils saluaient de leurs acclamations chacun des sar- casmes Ianc6s par Peele au catholicisme ou a son representant dans notre drame, 1'eveque irlandais,

L'OEUVRE DE PEELE 73

" the reverend, lordly bishop of St-Asses " (ii. 2.49).

La haine de 1'Espagne, en outre, 6tait encore dans toute sa force ; des craintes r^centes n'avaient fait que 1'accroltre, et toute attaque directe centre la perfidie espagnole ou la duplicite de Philippe 6tait avidement accueillie. Peele ne les 6pargna point dans sa l Battle ', et il n'eut garde de n^gliger non plus cet autre sti mulant de Tenthousiasme populaire, un relentissant pan6gyrique de 1'Angleterre, de son noble peuple, et de sa plus noble reine.

Were every ship (s'e"crie-t-il) ten thousand on the seas,

mann'd with the strength of all the Eastern Kings,

conveying all the monarchs of the world,

t 'invade the island where her highness reigns,

'twere all in vain, for heavens and destinies

attend and wait upon her majesty, (ii. 4. 103 sqq.)

Les sons de la trompette patriotique £taient doux aux oreilles londoniennes, el Peele en fait consciencieu- sement vibrer le cuivre. II courtise son auditoire en portant de 600 h tiOOOle nombre des bommes confies par le pape & Stukeley pour conquerir 1'Irlande; il multiplie son unique frigate en sept navires et deux pinasses ; et jelte sur les 6paules de 1'aventurier le manteau 6clatant de Th^roisme. Sans doule une his- toire imparliale nous montrerait en lui un soldat de fortune, un intrigant sans envergure, un forban, presque un traltre a son pays. Mais comment uncapi- taine de pur sang britannique pourrait-il jouer un r61e aussi peu honorable parmi^s Portugais. Maures

74 GEORGE PEELE

et Castillans de notre piece? Peele le dote g6nereu- sement de la t6m6raire bravoure, de 1'insouciant esprit d'aventure, de Fambition invincible qui 6taient le plus propres a le faire ch6rir par Factive imagination 6li- sab6thaine. C'6tait la, 6videmment, d6naturer les fails, mais une erreur deliber6ment commise au profit de prejug6s courants 6tait suffisamment justified, aux yeux du dramaturge, par les acclamations bruyantes qu'elle etait sure de d6chainer.

Les changements apport6s a 1'histoire elaient, d'ail- leurs, assez judicieusement calculus pour ne pas affai- blir Finteret que promettait a Fauditoire la mise en scene d'evenements contemporains1. De nombreux et authentiques details ^taient'introduits dans chaque scene pour maintenir dans Fesprit des s^pectateurs le sentiment de Iar6alit6, et Dr. Brinsley Nicholson a su montrer 2 qu'ils 6taient, pour la plupart, emprunte's a un court ouvrage latin, intitule" ct Historia de bello africano; in quo Sebastianus, Serenissimus Portu- galliae Rex, periit... Ex Lusitano sermone, primo in Gallicum, inde in Latinum translate per Joannem Thomam Freigium D. Noribergae CIODXXC ". Toute Finformatiou qu'on nous donne sur la malheureuse expedition marocaine, sur la disposition des troupes ennemies avant le combat, sur le combat lui-m^me, la mort miserable de Mahamet, etc., est tiree de cet

1. " A modern matter full of blood and ruth" (i. Pr. 50).

2. Voir Peele. Ed. Bullen. vol. I. p. 221 sqq.

L'CEUVRE DE PEELE 75

*

opuscule. El Peele en a complete" 1'etude par la lec ture des chroniques d'Holinshed1, qu'il suivil parfois d'assez pres pour en reproduire les erreurs m6mes, et changer par exemple en Gre*goire XIII le nom du pape Gre*goire VII1. Quant au reste des materiaux utilises dans la pifcce, on en doit peut-6tre, avec Bullen, faire remonter Torigine a de minces brochures depuis longtemps disparues, mais plus probablement a la tradition populaire, reside claire apres une courte < l»Va.de, et toute disposed a aider Peele dans ses efforts pour id6aliser les exploits discutables d'un Thomas Stukeley.

Cette idealisation, 1'appel vibrant fait au patriotisme, et les constantes aljusions politiques de la l Battle of Alcazar7 furent, e"videmment, les agents les plus effi- caces de sa vogue ; mais il nous faut chercher une autre \ cause de son succfcs dans la maniere dont elle satis- faisait les exigences du public d'alors par la magni ficence de ses tableaux, la rapidite* de son action et le ton d6clamatoire de son stylo, en un motparl'adoption sans reserve de tous les process marlowesquesj L*esprit df Emulation dans lequel Peele composa saT^ piece n'est, en fait, que trop Evident. Les scenes de conquele africaine avec leurs peintures d'6tranges ^ cours et d'6tranges poientats, et leur representation des pompes glorieuses de la guerre, certifient Tin-y

1. Ou plutdt de 1'histoire irlandaise de Giraldus Cambrensis qu'Holinshed a traduite.

2. Lire Holinshed. vol. ii. p. 149. 1. 22-51.

76 GEORGE PEELE

fluence de Tamburlaine1, qu'attestent encore la sura-

v bondance et le caractere sensationnel des effets sc6- niques. Peele partage le gout de Marlowe pour l'6clat et la couleur des choses exotiques, des robes imp6- riales broch6es d'or, des lourdes couronnes, des tapis de Turquie jetes sous la roue des cbars, des enseignes

- froissees par le vent, des Maures au teint basane", des bassas vetus de soie pourpre, et des janissaires bruns

,/ 6quip6s pour la guerre. Comme lui, il drape ses per- sonnages des e"toffes somptueuses de 1'Orient, et il habille son Mahomet des de*froques 6carlates et cha- marr6es de Tamburlaine. Quant aux [effets sc6niques, ils assouvissent dans les deux pieces 1'appelit des 6li- sab6thains pour Fhorrible. Chez Marlowe, le heros s'entaille brutalement le bras pour donner a ses fils uneleQon de courage; chez Peele, les ambassadeurs maures, emules de Mucius Sca3vola, livrent leurmain a la flamme des torches pour prouver la v6racit6 de leurs serments. Faut-il un autre exemple? La scene

v finale du second 'Tamburlaine ', ou le conquerant invaincu, aux prises avec la mort, assiste au dernier triomphe de son arm6e, trouve son parallele a la fin du drame peelien, quand le cadavre d'Abdelmelec

1. Le berger et conquerant scythe est d'ailleurs expressement mentionne en bonne place :

" Convey Tamburlaine into our Afric here,

to chastise and to menace lawful kings.

Tamburlaine, triumph not, for thou must die " (i. 2. 33).

et le dernier vers est une reminiscence de ' Tamburlaine ' part 2. Acte V :

For Tambuilaine, the scourge of God, must die".

L'OEUVRE DE PEELE 77

est hiss6 sur le tr6ne royal, pour conlempler, comme s'il v6cut eucore, la victoire de ses partisans et la de"route de ses ennemis. Ce n'est point a de telles imitations, d'ailleurs, que se borne 1'influence des "discours tragiques" de Marlowe. Plus d'un theme de " Tamburlaine " se voit repris et remani6 dans la c Battle '. La fameuse tirade sur la *' suave jouissance d'une couronne " n'a-t-elle point son pendant dans les paroles arrogantes de Stukeley :

Then shall no action pass my hand or sword

that cannot make a step to gain a crown ;

no word shall pass the office of my tongue,

that sounds not of affection to a crown ;

no thought have being in my lordly breast,

that works not every way to win a crown (ii. 2. 69 sqq.)?

La moindre suggestion n'est-elle pas saisie, utilised par rimagination de Peele, et ne tire-t-il pas de ces deux vers :

And when the princely Persian diadem

shall fall like mellow 'd fruits with shakes of death (1 Tamb. ii. 1)

toute la pantomime du cinquieme acte \ la pantomime ou il 6voque a nos yeux la Renomm6e et lui fait suspendre aux branches rugueuses d'un arbre les couronnes que le vent jette a terre comme des fruits trop murs? Toute la piece porte ainsi des marques d'une imitation appreciative de Marlowe. -- Nous en trouverons d'autres dans 1'examen de son style et de sa versification ; mais il n'en serait pas moins erron6

1. * Battle of Alcazar, Acte V. Prol. v. 11 et suivants.

78 GEORGE PEELE

de parler de servilit6 ou de plagiat. Une certaine originalit^ se manifeste dans la structure dramatique de la 'Bataille d'Alcazar'. ' Tamburlaiiie ' en effet, n'est qu'une sorte d'6pop6e egar^e dans les sentiers du drame. Son action est justement critiqued pour sa monotonie et sa longueur. C'est une serie de scenes impressionnantes, une longue chaine de noeuds gor- diens que le he>os tranche un a un. Le conqu^rant scythe d^passe d'autant ses allies et ses adversaires que le Pharaon, dans une peinture 6gyptienne, la tourbe vile de ses ennemis. Anim6e par le souffle ardent de Marlowe, son 6crasante personnalH6 seule unit Fun a 1'autre tous les incidents de la piece et assure Fharmonie du tout. Mais le talent de Peele n'eut pu se hausser a une aussi puissante creation; conscient de cette incapacity il chercha judicieu- sement I'unit6 de sa piece, non point dans la peinture d'un caractere unique, centre de tout interet, mais dans une m6thode de construction diff6rente et plus essentiellement dramatique. Toute Fintrigue de la 4 Battle of Alcazar ' se base sur les crimes de Mahamet et leurs consequences : sa deposition et ses efforts pour regagner la couronne. Ce n'est plus a un r6cit 6pique, a une succession chronologique d'6v6nements que nous avons affaire, mais a une crise provoqu6e par un crime initial. Le juste chatiment et la mort du criminel marquent le drame comme une u revenge- play ", et, en fait, les efforts conscients de Peele sem- blent avoir 6t6 d'unir au type du drame marlowesque

L'CEUVRE 1)E PEELE 79

la tragSdie fataliste, batie surdes modules s6n6ciens. N'e*tait-ce point la, du reste, ce que nous pouvions attendre d'un ancien (Hudiant d'Oxford qui joignait a sa juste admiration de la literature classique le d6sir d'adapter a ses fins tout ce que la faveur populaire avait consacre' d6ja? La l Bataille d'Alcazar', a plus d'un egard, est une pifcce selon la tbrmule de Se"nfcque ; mais constater le fait n'implique pas que les tragedies latines soient les modeles directs de Peele. A la date <>ii parut son drame, la multiplicity des imitations ante>ieures rend impossible la distinction entre 1'influence directe et indirecle du tragique romain ; et tout au plus peut-on affirmer avec certitude que la production peelienne appartient au type s6ne*cien presque au m6me titre que l Tancred and Gismunda ' et les 'Misfortunes of Arthur'. Comme ces pieces, elle respire une atmosphere chargee de sang; comme elles, elle se complalt a l'6talage d'horreurs lugubres; les fant6mes y appcllent la vengeance sur la tele de leurs meurtriers; les allusions mythologiquess'y bor- nent aux dieux d'en bas et a la compagnie infornale qu'aime invoquerSenfcque :Tantale,Ixion,Sisyphe,ou Nemesis ; enfm la piece est dument pourvue des ine*- vitables pantomimes, aussi insipides que compliqu^es. Le choix m&me de son sujet fut peut-6tre dict6 par une ressemblance superficielle avec 1'Agamemnon ou le Thyeste. Quel qu'en ait 616 d'ailleurs le motif, ce choix seul importe , et nul ne saurait contester que 1'his- toire d'un usurpateur meurtrier, chass6 par les pr6ten-

80 GEORGE PEELE

danis 16gitimes etre"duit a courtiserl'aide 6trangere, ne soit un puissant theme de trage"die. Peele, malheu- reusement, n'a pas su en d^gager tout Finteret 6mo- tionnel, et ici encore la pauvret6 psychologique des caracteres estla cause premiere de son 6chec- Maha- met, le heros de la piece, ne doit sa preeminence qu'a ses crimes et ses deTaites, source d'ou precede le mouvement de toute Fintrigue ; mais son caractere n'6volue pas, ne se de>eloppe pas au cours de la pifcce, et n'est pas meme dessine, d&s le debut, en traits fortement distinctifs. II ne se montre a nous qu'en deux attitudes : Tune de feinte confiance et de forfan- terie forcen£e, 1'autre de d^sespoir blasph6mateur. II nous remet en Fesprit tantot Tamburlaine, tantot Bajazet, mais un Tamburlaine et un Bajazet qui seraient pauvres en passion r6elle, sinon en rhe"to- rique passionn^e ; et il n'est, somme toute, qu'un vilain froidement concii et fort indifferemment de"- peint. Calipolis, sa compagne, n'a d'autre fin que de repr^senter Foment de conscience donl 1'absence est, en lui, si manifeste ; et dans la foule des autres personnages S6bastien et Stukeley seuls se pr6sentent a nos yeux avec quelque relief. Le reste se meut f6brilement sur la scene, ombres presque aussi irre~elles que les fantomes dont les cris de " Vin- dicta" retentissent dans les u dumb-shows " de notre drame. Nulle part Fint6ret n'est command^ par Faction et la reaction des diffe>ents caracteres, mis r^ciproquement en vigueur par leur opposition m^me.

L'OEUVRE DE PEELE 8i

L'attention se concentre toute sur les incidents mate'- riels de I'intrigue, et, dans 1'importance qu'on leur donne, la consideration de tous les autres elements dramatiques semble s'etre absorbee. L'intrigue, qui plus est, a la froideur seche d'une ebauche ; rien ne nous reste que le squelette du drame, avec ses c6tes saillantes et ses os gr&les, nu, decharn6, une pure succession d'incidents qui laisse a peine a la passion, au sentiment, a la reflexion le temps ou la possibilite de s'exprimer. Des meurtres, des ambassades, des escarmouches et des batailles, c'est la ce qui occupe presque entierement la pifece, de son expo sition a son denouement; et la grandeur tragique du theme est sacrifice au plaisir tentant d'utiliser tout 1'attii ail fastueux et bruyant des pieces historiques. L'importance disproportionnee donnee aux incidents guerriers de Faction nous engagerait mftme a ranger au nombre de ces pieces la 4 Battle of Alcazar', si la mise en scene exotique, la recurrence de motifs mar- lowesques, et un certain ton de determinisme a la Seneque ne nous rem£moraient a chaque instant les intentions replies de Peele, ses efforts pour extraire de chaque type de drame alors populaire, et com biner dans sa propre production, tous les elements qui lui semblaient propres a gagner la favour de son auditoire.

C'est avec ce m&me objel en vue qu'il fit du vers blanc le metre de sa piece et mit dans la bouche de ses personnages ces tirades redondantes et retentis-

CREFFAUD. 6

82 GEORGE PEELE

sanies alors si che>ies du public. La l Bataille d' Al cazar ', examinee au point de vue de la forme, re>ele, comme on le pouvait pre>oir une double de*pendance. A 1'exemple de Marlowe nous ne pouvons qu'imputer partiellement Fenflure declamatoire du style, quoique plus d'un passage extravagant de notre piece porte I'estampille de Tamburlaine, celui-ci entre autres :

Mahamet.

Such slaughter with my weapon shall I make As through the stream and bloody channels deep Our Moors shall sail in ships and pinnaces From Tangier shores unto the gates of Fess.

Mahamet 's son.

And of those slaughter 'd bodies shall thy son

A hugy tower erect like Nemrod's frame,

To threaten the unjust and partial gods

That to Abdallas ' lawful seed deny

A long, a happy and triumphant reign, (i. 2.55 sqq)1.

Mais il serait injuste de negliger 1'influence de S6neque sur la rhelorique grandiloquente de la c Bataille ' ; a sa part doivent 6choir les invectives les plus acerbes,

1. Gomparez Marlowe ' 2 Tamburlaine '. i. 3 :

Celebinus. Amyras.

No, madam, those are speeches fit for us, And I would strive to swim through pools of blood

for if his chair were in a sea of blood. or make a bridge of murdered carcasses,

I would prepare a ship and sail to it. whose arches should be framed with bones of Turks

ere I would lose the title of a king. ere I would lose the title of a king.

La ressemblance des passages suivants est a peine moins frap- pante :

" Some foul contagion of th'infected heaven 'And all the trees are blasted with our breaths '

blast all the trees " BA. ii. 3. 7-8. i. Tamb. iii. 1.

"And Victory, adorn'dwith Fortune's plumes, " Fortune herself does sit upon our crest "

Alights on Abdelmelec's glorious crest i Tamb. ii. 2,

"BA. ii. 1.6-7.

" And lay huge heaps of slaughter 'd carcasses " Let thousands die, their slaughter 'd carcasses

As bulwarks in her way to keep her back " shall serve for walls and bulwarks to the rest "

BA. ii. 3. 85-6 iTamb. iii. 3.

L'OEUVRE DE PEELE 83

les allusions multiples au monde infernal, aux hiboux, corbeaux et autres oiseaux funestes, aux deserts mau- dits, et a ces antres d£so!6s qu'assombrit 1'ombre lugubre de 1'if et du cyprfcs. Limitation de Mar lowe, par contre, explique seule pourquoi la 4 Battle of Alcazar' est 6crite, de la premiere a ladernifere ligne, en vers blancs. Sans doute on ne saurait faire gloire a Marlowe d'avoir introduit au th6Atre le d6ca- syllabeh6roique, car Peele lui-m&ne en avait fait fort bon usage dans son * Arraignment ', mais 11 n'en suit pas moins Fexemple de son rival lorsque, dans le present drame, il adopte ce mfctre a 1'exclusion de tout aulre. Son vers blanc, du reste, difffcre peu de celui de l Tamburlaine ' ; coulant et facile, il manque encore de vari6t6 et de souplesse, tant il est pau- vre en syllabes hypermStriques eten enjambements. Peele cherche a obvier a cette monotonie et a com- penser la perte de la rime par divers effets de diction. L'alliteration, la r6p6tition des mftmes mots dans le m&me ordre, un exact parallelisme de structure dans les deux hemistiches d'un vers ou dans des vers suc- cessifs sont les proc6d6s auxquels il a le plus fr£- quemment recours ; mais il n'h^site pas a Toccasion devantdes formes plus savantes, devant la tl progres sion iterative ", parexemple, qui consiste a reprendre au d6but de chaque vers les mots qui terminent le precedent :

And for this deed ye shall be renown 'd, renown 'd and chronicled in books of fame,

84 GEORGE PEELE

in books of fame, and characters of brass, of brass, nay, beaten gold. (iii. 4-50 sqq.)

Enfin il s'efforce de varier les plus longues tirades par 1'insertion d'un m&me vers a intervalles sensiblement r^guliers, divisant ainsi le tout en une se>ie de para- graphes, ou, si Ton nous permet 1'expression, une se>ie de stances en vers libres

After the fight happy and fortunate

wherein our traitorous Moors have lost the day,

and Victory, adorn'd with Fortune's plumes,

alights on Abdelmelec 's glorious crest,

here find we time to breathe, and now begin

to pay thy due and duties thou dost owe

to Heaven and Earth, to Gods and Amurath.

And now draw near, and heaven and earth give ear,

give ear and record, heaven and earth, with me;...

our only brother here we do install

and by the name of Muly Mahamet Seth

intitle him true heir unto the crown...

Lo, thus my due and duties do I pay

to Heaven and Earth, to Gods and Amurath. (ii. 1-4 sqq).

Quelques-uns de ces artifices de style, il est vrai, sont aussi familiers a Marlowe qu'a Peele ; mais la plu- part sont particuliers a celui-ci, et montrent a la fois son originality comme versificateur et styliste, et le soin qu'il apporta a re*diger et fignoler sa piece.

En fait, le style travaille et poli de la ' Battle ' est le seul me>ite qui la puisse racheter a nos yeux. Les penchants qu'elle flatte sont des choses du passe" : les hyperboles d'un pan£gyrique n'e"veillent plus notre patriotisme ; la rh6torique d^clamatoire ne provoque plus aujourd'hui que nos sifflets, une action bounce

L'CEUVRE DE PEELE 85

d'incidents et d'atrocit£s r^pugne a notre imagination ; et F analyse des caractfcres dont nous nous soucions presque exclusivement, fait trop manifestement defaut dans la ' Bataille d' Alcazar ' pour nous permettre de souscrire au jugement favorable que les contempo- rains semblent en avoir formed

EDOUARD I.

Assure des sympathies du parterre pour des sujets d'histoire, c'est £ Fhistoire que Peele demanda encore le theme d'un autre drame : " the chronicle of Edward I, surnamed Longshanks ". Mais, instruit par une plus grande experience du th&Hre, il abandonna celte fois les chroniques portugaises ou marocaines, et s'adressa aux annales nationales pour la maliere de sa nouvelle piece.

Son lEdouard T fut imprime en 1593 par Abel Jeffes, et une seconde edition parut, chez William White, en 1599. Les premieres representations, cependant, avaient du pr6c£derde quelques ann^es la publication du quarto le plus ancien, et, quoiqu'il nous faille laisser une certaine part a Timpr^cision, nous en pouvons fixer approximativement la date. Les auto- rit^s habituelles ne nous prfttent qu'une aide ineffi- cace. Dans les Registres des Stationers nous trouvons, sans doute, la mention des editions successives de notre pifcce1, mais ceci ne nousfournit qu'un u termi-

4. viij° Die Octobris 1593. Abel Jeffes. Entred for his copie under th<eh>andes of both the wardens an enterlude intituled the chro-

86 GEORGE PEELE

nus ad quern " pour sa composition ; et le Journal d'Henslowe est aussi pauvre en information1. Tout au plus apprenons-nous de lui que u Longshanks " fut jou6 par les ''Admiral's Men " de Mai 1595 a Juillet 1596 et que les droits de proprie"te en appartenaient a Alleyn jusqu'en Aout 1602 a. Ces quelques details ne nous indiquent pourtant pas l'6poque de la production, et nous en sommes r6duits, pour 1'etablir, au seul t^moignage de la piece m£me. II est ais6 de voir qu'elle fut 6crite apres la deroute de F Armada, pen dant ces ann6es oh 1'Angleterre, fiere d'avoir humilie' 1'orgueil espagnol, chantait un peu trop insolemment victoire. Herr Wilhelm Thieme a, en outre, ing^nieu- sement remarqu6 3 que la scfcne on s'6tale la munifi cence d'Edouard (Sc. i. v. 117 sqq.) faussait Fhistoire pour glorifier indirectement Elisabeth, dont la g6ne>o- sit6 se manifestait alors par des pensions aux marins blesses pendant la lutte contre 1'Espagne. Ceci nous donne \ 588 comme " terminus a quo ", et circonscrit les recherches entre cette date et 1593. Plus de pre"ci- sion, pourtant, est n^cessaire pour determiner la place relative d' l Edouard I ' dans la carriere dramatique de

nicle of king Edward the Firste surnamed Longshank with his Retourne out of the Holye Lande, with the lyfe of Leullen Rebell in Wales, with the sinkinge of Queen Elinor vj*.

13 Augusti 1599. William White. Entered for his copies (salvo Jure cujuscunque) by assignement from Abel Jeffes. Edward Long- shankes, etc.

1. Gonsulter < Henslowe 'sDiary, (du 29 aout 1595au9 juil. 1596).

2. " Pd unto my sone E A for ij bocke called philippe of spayne & Longshanckes the 8 of agust 1602 the some of. iiijn .

3. Peele's Edward I und seine Quellen. Halle 1903.

L'CEUVRE DE PEELE 87

Peele. Fleay 1'assigne approximativement a l'anne"e 1590-91, en raison de ressemblances bien denies avec quelques vers de Polyhymnia (1590)1 ; mais cet argument, bien que solide, ne serait pas concluant en soi sans 1'appoint que lui apportent les allusions poli- tiques contenues en plusieurs passages. Ces deux vers en effet :

Her (England 's) neighbour realms as Scotland, Denmark,

France... have begg'd defensive and offensive leagues, (i. 1. 22-23)

n'admettent qu'une interpretation: en 1590, le roi d'Ecosse, Jacques IV, 6pousa, surles conseilsd'Elisa- beth, Anne, fillede Ferdinand de Danemark ; et regut Tordre de la Jarretiere en mfime temps qu'Henri de Navarre, alors occupe" a gagner sa couronne avec 1'aide de troupes britanniques. Une reference a ces e've'nements contemporains nous explique le choix de 1'ficosse, du Danemark et de la France dans notre texte. uWhat warlike nation", 6crit encore Peele,

what barbarous people, stubborn or untam'd,

erst have not quak'd and trembled at the name

of Britain and her mighty conquerors? (i. 1. 16 sqq.)

2. Cf. par ex.

" And whilst ibis ancient standard bearer lives ,, To be jour beadsman now that was your knight" he '11 be my beadsman, father if yon please " Polyhymnia Sonnet 18.

E.I. Sc i. 128-9.

" Renown 'd Edward, star of England 's globe " " Britannia's AUai, star of England '• globe " Ei. Scv. 48. Pol. T. 4.

" And sway the sword of British Albion. " •• That sway the massy sceptre of her land " Ei. Sc ii. 321. Pol. T. 5.

" The damps that rise from out the queachy plots " When in the qneacby plots Python he slew" El. Se. 7. 77. Pol. v. 213.

" Hath won his crown, his collar, and his spurs ". " He won his knightly spars in Belgia.

El. Sc. 1 90.

" Dab on your drams, tanned with India s sun " And follow'd dab of drums in fortune's grace". Ei. Sc. 1. 107. Pol. 197-8.

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et on serait tent6 de regarder ces quelques vers comme une vaine rodomontade, si le passage n'6tait comment^ et 6lucid6 par ces mots de 1'historieri Camden : u The glory of Queen Elizabeth was spread abroad, and her reputation extended far, having obtained in 1590 of the Emperor of the Turks rest and quiet for the Vaivod of Moldavia who had been miserably plagued and turmoiled by the Turks, and a peace for the Polonians who were threatened by them with a sharp and dangerous war'71.

Ces allusions rendent presque sure la dale sugge"re"e par Fleay (1590-91), et nous croyons probable que la piece appartenait alors, comme en 1595, a la troupe du Lord Admiral2. La version que nous en poss6dons prouve, en tout cas, que Peele n'eut rien a voir avec sa publication ; la date du premier quarto suggere m6me qu'elle fut envoy6e a 1'impression par les com6diens lorsque la peste les obligea a quitter Londres pour les provinces. Le drame, tel que nous Favons dans 1'exemplaire de 1593, est irr6m6dia- blement mutil6 ; non seulement le texte en est cor- rompu, mais plusieurs scenes sont maladroitement

4. Camden. The History of Quen Elizabeth. 4 ed. London. 4688. p. 442.

2. Nous avons vu que ies " Admiral's Men " et les " Strange 's Men " ne formerent qu'une seule troupe de 4590 a 1594. Ceci auto- riserait Fleay a conjecturer, avec une certaine plausibilite, que le vers " Shake thou thy spear in honour of his name " est une allusion a Shakespeare ; car Shakespeare appartenait a cette date a la troupe de Strange, et jouait habituellement, nous dit John Davies, des " r61es de roi ".

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d6plac£es, plusieurs passages transports la oil ils n'ont que faire, el le denouement, enfin, est assez de*plorablement endommage' pour n'6tre qu'un m£- lange confus de pieces et de morceaux. Quant au quarto de 1599, bien qu'il corrige quelques erreurs typographiques trop manifestes, il en adopte impli- citement la plupart, en ajoute d'autres, et n'est, somme toute, qu'une servile relmpression. Dans les deux cas il est Evident que, si les erreurs de texte peuvent fctre impulses a 1'insouciance du copiste ou a Tignorance du compositeur, une conjecture d'ordre different doit expliquer les autres anomalies des quartos : et seul un compte rendu de*taill6 de la pifcce peut mettre sur la voie d'une solution plausible.

Le rideau se Ifcve sur un retour de croisade, le retour triomphal du roi Edouard et de la reine El6onore. Grande est leur joie a la vue de la patrie anglaise : noble leur gratitude envers les troupes qui ont affront^ avec eux les perils de la guerre sainte. Le roi reQoit de Gloucester les insignes du pouvoir, et, aprfcs avoir fix6 le jour de son couronnement, s'eioi- gne avec tout son cortege pour gouter les plaisirs de la table et la joie du repos. Encore ignorant de son retour, Lluellen, le rude chef Gallois, se flatte de deiivrer son pays du joug britannique et d'^pouser bient6t la gracieuse Ellen, <l -the rose of Leicester's hall and bower". Tout au bonheur de ce doux espoir, il raille joyeusement un moine qu'il rencontre en compagnie peu canonique; mais un messager lui

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apporte de brusques nouvelles : Edouard est arrive" a Windsor, la barque d'Ellen a e"te" prise, sur la route de Galles, par des vaisseaux anglais; et Lluellen, avec des serments de vengeance, d6vaste sur-le- champ la frontifcre. Pour 6touffer la rebellion, on envoie Mortimer et une arme*e ; mais Longshanks lui-meme ajourne sa venue jusqu'au lendemain du couronnement. La solennit6 de ce jour est rendue plus imposante encore par la presence des nobles Scossais qui confient a Edouard le choix de leur monarque et acceptent Baliol de sa main. Le roi quitte alors la cour pour FOuest et termine aussitot la guerre par la restitution d'Ellen a son 6poux et la promesse de ne laisser personne r6gner en Galles qui ne soit n6 en sol gallois. Cette promesse dissimule, toutefois, un plan bien trame\ Mand6e par Longsbanks k Carnarvon, El6onore y accoucbe bientot d'un fils qui remplit les conditions du traite" et regoitl'hommage des rebelles. La pacification serait ainsi complete, si Lluellen ne s'avisait de chercher refuge dans les forets pour y vivre la vie bardie et irr^guliere du hors-la-loi. Tandis qu'il personnifie Robin Hood et sa compagne Maid Marian, ses partisans se partagent avec succ&s les roles de Little John, Friar Tuck et autres h6ros du brigandage. Tous volent, pillent, attaquent, arr&- tent, rangonnent et 6trillent les voyageurs, du plus grand seigneur au moindre manant; et le roi lui- meme, quoique vainqueur de leur cbef en combat singulier, ne peut mettre fin a leurs exactions et &

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leurs rapines. De p£nibles ere'nements, d'ailleurs, 1 'uppellent en ficosse, ou Baliol, rassemblant une arm6e h Berwick, s'est inopin£ment re"volte\ Edouard marche droit au repaire, 1'atlaque, 1'emporte et exp^die Baliol captif a la Tour de Londres. Au pays de Galles aussi, la victoire favorise la cause anglaise : Mortimer taille en pieces la derniere bande et mas sacre le dernier mutin. Mais la Fortune pretend £prouver encore la Constance d'Edouard. Aux dangers nationaux succedent les malheurs domestiques : la reine, 1'Espagnole E16onore, a re>616 son origine par sa cruaut6 et son orgueil, et s'est Iaiss6e emporter au meurtre inqualifiable de la mairesse de Londres. Le chatiment, du reste, a suivi de pres Tassassinat: la terre, s'entr'ouvrant, a englouti la reine a Charing Green pour la rejeter a Potter' s-hith, et maintenant elle repose, bris^e et g^missante, sur son lit de mort. Le roi, 6pouvant6 par la nouvelle, hate son retour d'ficosse pour courirau chevet de son Spouse. Sous un d^guisement eccl^siastique, il la confesse; et apprend de sa bouche qu'elle a souill£ le lit nuptial avec son beau-frere et un moine ; mais, respectueux de la mort, il rSprime sa douleur et sa colere, pardonne comme 6poux et absout comme pr6tre, et c!6t le drame par de magnanimes paroles de remission.

L'action , on le voit par cette analyse, est surcharged d'incidents que le dramaturge se soucie peu de faire decouler logiquement Tun de 1'autre ; et force nous est d'arranger les scenes successives en trois series s6pa-

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rees, de reduire la piece a trois intrigues distinctes, traitant respectivement des guerres d'Edouard, de la vie d'E16onore, et des aventures du Robin Hood gallois . Chaque intrigue, d'ailleurs, a ses sources sp£ciales. Deux 6rudits allemands, Herr Thieme et Herr Kro- neberg, ont laborieusement 6tudi6 la question. II est inutile de les suivre dans le detail de leur 6tude; il suffit de rappeler que la source des portions stric- tement historiques de notre piece a 6t6 trouv6e par eux chez Grafton et Holinshed, et quelques pas sages particuliers chez Stow, Walsingham et Mathew of Westminster. Cette partie de leur travail est exacte, et nous n'avons aucun motif pour revenir sur leurs conclusions. II n'en est pas de meme en ce qui con- cerne les scenes pseudo-historiques consacr^es a E16onore. Tous supposent que Peele tira ses mat^riaux de ballades intitules l A Warning-Piece to England against Pride and Wickedness ' et ' Queen Elinor's Confession ' mais nous ne saurions affirmer que ces ballades ont pr6c6d6 la piece de Peele, car la premiere ne fut imprime^e par Thomas Symcock que sous le regne de Jacques Ier, et la plus ancienne version de la seconde est dat6e 1685. II serait meme possible, a la rigueur, de se passer de 1'une et Fautre. Les ' Gesta Romanorum' en effet, contiennent un passage qui coincide en tous points avec le re~cit du meurtre corn- mis par E16onore * ; et 1'histoire du man* confesseur,

1. Voir: Gesta Romanorum. Ed. Hermann OEsterley (Berlin. i872)p. 683-279 app. 83.

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familiere aux conteurs italiens ', se retrouve dans un ouvrage anglais contemporain : le ' Schoolmaster' de Thomas Twyne (1576) *. II conviendrait peut-6tre de chercher la la source de notre seconde intrigue. Quant a la troisieme, l'6pisode de Lluellen-Robin Hood, elle paralt directement fondle sur le folk lore et les cycles de ballades populaires, bien qu'il soitcurieuxdeconstaterque tous les incidents en sont plus ou moins identiques a ceux de la * Lytell Geste ' et de la 4 New Play of Robin Hood ' , publie*es ensemble par W. Copland en 1550 environ.

De ces trois intrigues, que I'expos6 des sources, comme Tanalyse du drame, re"vele distinctes, les deux premieres sontr6ellement, sinon 6lroitement r6unies, mais les aventures de brigandage de Lluellen n'in- te>essent pas immediatement Faction propre de la piece. Elles sont m6me si 6trangeres a 1'ensemble que quelques critiques lendent a les conside"rer comme de pures interpolations. Leur style, cependant, est trop peelien pour nous permettre d'accepter une telle supposition, et nous croyons fermement qu'elles sont des additions faites par Peele a sa premiere ver sion du drame. Si cette conjecture est vraie, l'6pi- sode de Robin Hood doit former un tout inde"pendant ; - on peut, en fait, 1'extraire de la pifcce sans porter

1. V. par ex. le Decameron de Bocace. vn, 5; Bandello 1-9 ; Malespini, 92« conte; Scala Cell fol. 49. Antonio Francesco Doni, etc.

2. Thomas Twyne ' The Schoolmaster or Teacher of Table Phi losophic " The 4tf> Bk. Ch. 8.

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atteinte auxdeux autres intrigues. Son insertion dans le texte doit en outre causer la transposition de quel- ques scenes et la revision de quelques passages ; la transposition des scenes * a deja e"te" note"e par nous, et les passages refondus sont insouciamment con serve's, sous leur forme primitive, a la fin de la derniere scene8. Enfin, il est un fait qui confirme 6trangement notre hypoth&se : en deux ou trois places la pifcce dans son etat actuel pre~sente de flagrantes contradictions. Voici 1'exemple le plus typique : le roi declare a Sir David, Gallois au ser vice de TAngleterre bien que frere de Lluellen : u Sir David, you may command all ample welcome in our court for your countrymen " Sc. xm, 1. 37). Mais David a deja, dans une scene pre"ce~dente, une des scenes d' ;t outlawry ", trahi Edouard et rejoint son frere dans les forets de Mannock Deny (Sc. xn, v. 160 sqq.), et les paroles du roi ne se

1. Sc. HI, v. 39-41 et tirade d'Eleonore (74-116) ; Sc. xv, et pro- bablement aussi Sc. in (117-137).

2. Ges vers de la Sc. 25 (Ed. Bullen 1, p. 215 n. 5) ont ete evi- demment remplaces par ce passage de la Sc. xm :

And Mortimer, tis thou must haste to Wales, While -we with Elinor, Glocester and the rest

And rouse that rebel from his starting-holes, With speedy journey gather up our forces,

And rid thy king of his contentious foe And beat these braving Scots from out our bounds,

Whilst I with Elinor, Gloster and the rest Mortimer, thou shall take the rout in hand

With speedy journey gather up our force, That revel here and spoil fair Cambria,

And beat these braving Scots from out our bounds. My queen, when she is strong and well a foot'

Courage, brave soldiers, fates have done their worst ; Shall post to London and repose her there.

Now, Virtue, let me triumph in thine aid. Then God shall send us haply all to meet,

(Sc. 25. fin.) And joy the honours of our victories (Sc. xm).

Quelques autres vers: " Again Lluellen he rebels in Wales, and false Baliol " etc. seraient a leur place dans les scenes 10, 12 ou 13 de notre drame, mais non point dans la scene finale, longtemps apres la decapitation de Lluellen (Sc. xvm) et 1'empri- sonnementde Baliol (Sc. xxi).

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justifient, la contradiction ne s'explique, que si Ton voit dans I'^pisode de Robin Hood, comme nous le proposons, une se*rie d'additions ulte>ieures.

Ces additions, remarquons-le, consistent presque entierement en scenes comiques, concues apres coup pour 6gayer et £clairer le ton par trop sombre de Faction principale '. Sous sa forme originate, en effet, la piece manquait ;i peu pres totalement d'ei&nents humoristiques ou burlesques. Elle limitait son sujet a la vie publique d'Edouard I", a ses rapports avec 1'ficosse et le pays de Galles, d'une part; aux m6faits de la reine Ele"onore, de 1'autre. II semble nature!, dans ces conditions, qu'elle adoptat 1'esprit et la methode des pieces historiques populaires. Elle tirail, comme elles, tout son inte>6t, de la peinlure d'6ve*- nements propres a 6veiller le sentiment national ; elle employait les m&mes proc6d6s sc6niques pour la representation visuelle de son theme ; et n'h£sitait pas plus qu'elle a mettre en scene des tableaux m£lo- dramatiques, dont la violence allait parfois jusqu'a Tatrocit^. Elle s'en distinguait, pourtant, par plus de consistance et de cohesion dramatiques. Peelene suit pas ses originaux avec une lidi'-l i I «'• aussi servile que ses pr^d^cesseurs, mais traite le r£cit des chroni- queurs avec beaucoup de liberte et quelque talent. Bien que les 6v6nements de son action splendent sur

1. Les additions faites par Peele comprendraient : Sc. ii 198-307, Sc. VH, Sc. viii, Sc. xi 1-18 et 85-119, Sc. xi, Sc. xn, Sc. xix, Sc.

XXIV.

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plus de vingt ann6es, de 1274 a 1296, il les condense dans les limites d'une p6riode relativement courte, et par d'adroits changements de temps et de lieu donne a sa piece une forme plus concentred. C'est ainsi que le couronnement d'Edouard(1274) et 1'accession de Baliol au trone d'Ecosse (1296) sont rapproch6s dans une meme scene ; que le bapteme du prince deGalles, et le mariage de Gloucester avec Joan of Aeon, r6ellement s6pares par un intervalle de plus de seize ans, sont ramen^s a une date iden- tique. Partout Peele manie les donn^es de 1'histoire avec la meme desinvolture ; d6daignantla chronologic, guid6 seulement par son sens d'artiste, il fagonne la r6alit6 au gr£ de ses besoins et impose d6liber6ment aux incidents du regne d'Edouard un ordre plus dra- matiquement efficace que Fordre historique.

Get effort pour ecrire une reuvre coherente mar- quait un progres d^fini sur des pieces comme les i Vic tories of Henry V ' ou le ' Troublesome Reign of King John '. Le soin apporte a la peinture des caracteres en marquait un autre ; et la Peele se d^passait lui- meme. On aurait tort, il est vrai, de chercher dans 4 Edouard I' une analyse subtile etfouill6e. Les touches dedicates qui se pressent sous la brosse d'un drama turge consomme sont refusers au pinceau de Peele. Mais, si le nornbre des couleurs dont il dispose est Hmit6, elles lui suffisent h camper sur la toile ses per- sonnages, a leur donner une individualit6 propre, a les doter de pens^es, de sentiments, et, lorsqu'ils agis-

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sent, de raisons plausibles pour justifier leurs actes. Lluellen, parexemple,longtempsirr6solualar^volte, est poussS a une rupture soudaine par les affresd'un amour frustrS. Sous la pression d'un grief personnel, il donne libre cours a sa haine de race, et ddsormais poursuit jusqu'fc la mort une politique d'opposition constante aux efforts unificateurs d'Edouard. Dans cette lutte, la force brutale, rintr6pidit6 t6m6raire, une certaine vaillance irr^fl^chie seraient ses seules armes, s'il ne subissait, a regret, I'influence de son frfcre David. Mais Sir David incarne, pour ainsi dire, la mauvaise foi galloise, alors traditionnelle sur la scfene anglaise. Ces quelques mots de lui :

Not too much prowess, good my lord, at once, some talk of policy another while (Sc. IV 7-8)

donnent la clef de son caractfere. Vil et abject est le r6le qu'il joue a la cour d'Edouard, ou, toujours obs6- quieux et souple, il rSussit a gagner la confiance du souverain, et lui extorquerles secrets dont il fait part, sous main, a ses complices. Son r6el patriotisme est a peine une excuse a sa duplicit6, et son dernier trait de perfidie, haute trahison ou peu .s'en faut, trouve aux mains du bourreau une recompense m6- rit£e. Baliol, roi d'Ecosse, est, et de beaucoup, un plus honorable rebelle. Sans doute, il viole la foi jur£e; mais sa faute procfcde de nobles motifs. Con- vaincu que 1'ficosse souffre sous la tyrannic anglaise, il cherche dans une guerre d'ind^pendance le bien-

CHEFFAUD. 7

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6tre etla prosp&rite de son pays. C'est ail grand jour, d'ailleurs, qu'il de"fie 1'Angleterre ; son cartel est sans Equivoque ; la lutte qu'il livre loyale et Tranche; et il salt garder jusque dans la deTaite une attitude de dignit6 calme et sereine.

II serait oiseux de multiplier les exemples pour montrer que dans l Edouard I ' les personnages secon- daires monies ont leurs traits distinctifs, et ne sont plus, comme dans la l Bataille d' Alcazar ' les rouages obscurs du m6canisme dramatique. Le progres fait par Peele est incontestable, et devient plus manifeste encore quand nous reportons notre attention vers les deux principaux dramatis personse : Edouard et El6o- nore. Peut-etre leur portrait est-il encore dessine h gros traits, peint en teintes trop crues ; peut-6tre ne doit-il son relief qu'a un contraste assez artificiel d'ombres et de lumieres. Mais ces imperfections sont largement compense~es par I'int6r£t que provoque en nous 1'opposition continue de deux irr6conciliables personnalit6s. Edouard nous apparalt tel que les chroniqueurs le de~crivent : u a man of a stout courage, that never failed in any danger or adversity,... and commonly achieved any enterprise he took in hand " * ; mais, en de"pit de cette energie, en d6pit de ses qualit6s vraiment royales, peut-6tre £ cause d'elles, le Destin le choisit express^ment pour sa victime. II s'attaque h lui sous toutes les formes de Fingratitude et de la

1. Grafton's Chronicle, or History of England (1569). Ed. 1809. ii. p. 308.

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rebellion, sous le masque m&me de Finfortune domes- tique. Lluellen, Baliol se levent en armes centre lui. David, qu'il aime tendrement, le trahit. Sa femme, »• nf in . se rend coupable a son e"gard des transgressions les plus odieuses ; et pourtant nul de ces coups de la Fortune ne peut Fabattre ; il reste jusqu'a la derniere scene aussi stoKquement magnanime qu'il est injus- tement miserable.

En face de cette 6quanimit6, de cette grandeur d'ame, la nature d'ElSonore paralt plus farouche encore que Peele ne Fa peinte. Elle est animge, domin£e, emport6e par une passion unique: Forgueil; mais cet orgueil qui tralne a sa suite la cruaut6 et le crime. Derriere ses acteslesmeilleurs, il se dissimule et se glisse; quand, au retour de Palestine, elle pro- digue For aux soldats qui ont vers6 leur sang pour la croix, nulle piti6 r6elle ne la guide ; ce qu'elle veut, c'est surpasseren munificence le roi et tous ses nobles r6unis: u Bethink thee, Elinor, " s'6crie-t-elle, " of a gift worthy the King of England 's wife and the King of Spain's daughter; and give such a largess that the chronicles of the land may crake with record of thy liberality ". Femme du roi d'Angleterre et fille du roi d'Espagne ! voila les deux titres qui justifient a ses yeux son arrogance et sa superbe. Elle doit a la noblesse de sa naissance, a la grandeur de sa con dition d'6blouir tous les yeux par sa splendeur et d'e'clipser les autres reines de la chr6tient6 par sa majest6 et sa gloire. Trop de luxe dans le costume

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ou la demeure de ses sujets, trop d'apparat dans leurs plaisirs, est un crime capital a ses yeux, et la mairesse de Londres paie de la mort la pompe qu'elle d£ploie au jour du bapt^me de son premier-n^. Le coeur hautain d'E16onore est pourtant adouci par sa propre maternit6. La caresse de bras a fossettes, de doigts menus, le sourire d'yeux innocemment ind6cis eveillent en elle des tre~sors irisoupQonn6s de ten- dresse. " Ned, art thou come, sweet Ned", murmure- t-elle a son royal 6poux, "welcome, my joy!

Thy Nell presents thee with a lovely boy:

Kiss him and christen him after thine own name,

puis, dorlotant 1'enfant " There is a boy, I warrant you, will hold a mace as fast as ever did father or grandfather before him (Sc. X. 20 sqq.) Mais un incident, insignifiant en soi, rappelle trop t6t la reine a sa vraie nature. Les barons gallois, en guise d'hom- mage, apportent humblement au jeune prince le traditionnel manteau de frise, present trop grossier pour cette reine altiere: u Fie, fie ! " crie-t-elle u for God's sake, let me hear no more of it. If Wales have no more wit or manners than to clothe a King's son in frieze, I have a mantle in store for my boy that shall, I trow, make him shine like the sun and per fume the streets where he comes. " (Sc. X. 167 sqq). L'orgueil, une fois r6veil!6, acquiert un irresistible ascendant sur une femme affaiblie encore par les douleurs de 1'enfantement. II devient anormal, mor-

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bide, et la pousse & formuler de folles requites que le roi e*carte avec douceur. Mais aucune force humaine ne saurait e"touffer une passion coupable que la mater- nit6 n'a pu tempe'rer qu'un instant. II faut qu'une puissance plus haute intervienne et 6crase la pe"che- resse avec le pe*che\ La main de Dieu s'abat lourde- ment sur ElSonore. Severe est l^preuve par ou elle passe, et elle en sort mise'rablement brise"e. Brise*e, mais moralement r6g6ne're'e ; car nul sentiment ne subsiste en son coeur que le sens de sa culpability et un profond remords, aucun de"sir que Tanxi6t6 de con- fesser ses fautes les plus secretes ; et les derniers mots humbles qu'elle murmure de ses Ifcvres mou- rantes nous re*concilient presque avec elle :

0 pray, for pity, pray, for I must die. Remit, my God, the folly of my youth! Farewell, farewell, commend me to my King, commend me to my children and my friends, and close my eyes, for death will have his due

(Sc.XXV, 105 sqq.)

II reste a re*pe*ter apres tant d'autres que la repre*- sentation d'Cle*onore comme une reine hautaine et criminelle, rachet6e a la derniere heure par un miracle, denature la re*alile* historique et porte la marque des penchants anti- espagnols de la multitude. Toutefois s'il nous faut reprocher a Peele d'uliliser sans scrupuleles pr6jug6s populaires, nous ne devons point, dans noire indignation morale, oublier que le caractere d'Ele*onore pre*sente de replies qualit6s dra-

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matiques et constitue une elude imparfaite, mais ori- ginale, de la passion d'orgueil. Peele, sans doute, exc&de la force de son talent quand il cherche a sonder les profondeurs du pe*ch6 et du repentir, mais ses efforts prouvent au moins qu'il en 6tait venu a regarder F analyse psychologique comme un des fac- teurs les plus importants de la mise en scene de Thistoire.

Notre discussion de la piece justifie maljusqu'icila sev&rite de la critique envers 4 Edouard I' ; et pourtant cette se've'rite' se comprend. Peele commet lagrande faute artistique d'introduire dans sa composition des scenes comiques essentiellement elrangeres a son esprit. Sur les de"sastreux effets de cette insertion nous reviendrons plus tard, mais il convient d'abord de determiner la valeur propre de ces scenes . Nous savons deja comment elles sont rattach^es a 1'action princi- pale : Peele a simplement transfere" a Lluellen les aventures traditionnelles de Robin Hood, et tent6 de donner aux bois de Mannock Deny un peu du renom le"gendaire des foretsde Sherwood. L'id6e, a vrai dire, etait assez heureuse ; Robin Hood elait un des he*ros de la ballade populaire, un personnage favori des " morris dances "et des jeuxde mai; son histoire e"tait souvent cont6e, au coin de feu, tandis que les pommes rotissaient sous la cendre, et Peele 1'avait probable- ment entendue lui-meme des levres de quelque che- vrotante commere. Son imagination avait e*t6 charm£e par d'agrdiables peintures d'une vie aventureuse et

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libre sous la verte feuill^e ; des visions de Robin dans son justaucorps de laine verte, de Maid Marian, che- veux flottants et jupe trouss^e, flottaient devant ses yeux ; et il s'avisa de redire 1'histoire familiere, sous forme d'intermfede, a son auditoire londonien. Comme dans les ballades, le hardi brigand et sa joyeuse bande violent la paix du Roi, tuent son gibier, d£pouillent ses sujets ; coin mo dans les ballades, le roi, revetu de la bure paysanne, s'en va chercher dans la forfct 1'au- dacieux rebelle, le rencontre, le deTie, etlebat; et c'est encore des ballades que nous viennent les figures secondairesqui traversentla scfcne : fermiers, potiers, pr&tres et colporteurs. La description de leurs aven- tures impliquait naturellement 1'usage de tous les proc6de*s habituelsde la farce : d^guisements, baston- nades, dialogues aux grasses re"parties, chansons joyeuses. Peele n'a Iaiss6 6chapper nul de ces moyens d'exciter le rire. Une difficult^, pourtant, Farr&tait; il ne pouvait transfe'rer au sombre chef Gallois tous les traits que la tradition pr&tea Robin Hood ; mais il se tira d'affaire en dotant de la jovialit6 et de tout Tenjouementde Robin uneautre personnage que Lluel- len, Friar David ap Tuck. Frere David fournit l'6te- ment r^ellement comique de la piece. Son manteau gris de frauciscain recouvre un aimable drdle, apte repr6sentant du catholicisme tel que Peele et ses con- temporains le comprenaient. David, de son propre aveu, n'est qu'un pauvre moine, un pauvre homme de Dieu, ^ but as good a fellow as any, legs, feet, face

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and hands, and heart, from top to toe of right shape and Christendom ; and he loves a wench as a wench should be loved " . Inutile d'ajouter que sa religion n'est qu'hypocrisie, qu'il fr6quente Fauberge plut6t que F^glise, chante un chant a boire mieux qu'un psaume, r6ve moins dejeuner que de remplir sabouteille etsa besace de gateaux et de vin muscat. Sans doute ilfait quelques concessions a la dignit6 de sa profession : il se tonsure, jure par la messe et entrem&le ses paroles de quelques mots latins. Mais, a cela prfcs, il ne vaut pas mieux, peut-Mre moins, que le plus profane des p6cheurs. Gourmand, ivrogne et tant soitpeu paillard, il est encore irritable, emporte', enclin a terminer une discussion par quelques moulinets de son redoutable gourdin, et connalt enfin trop de manieres de se pro curer de 1'argent dont la plus honne" te et la plus com mune est (comme pour Panurge) " par fac,on de lar- recin furtivement fait ". De tels errements, toutefois, sont presque pardonnables chez le chapelain d'une bande de proscrits; et Friar David ap Tuck reste, malgre tout, un gredin sympathique, dont les pires actions sont rachet^es par un atome d'humour M6me dans la peinture de son caractere, pour tant, Peele descend trop souvent jusqu'a la farce grossiere et cherche Fhilarite dans des plaisanteries trop libres. C'est la un d^faut apparent dans toutes les scenes comiques, non pas le plus apparent, n6anmoins. Elles sont passibles de plus graves reproches, que justifie leur insertion maladroite dans le texte original.

L'OEUVRE DE PEELE

Malgr6 les efforts de Peele, ellesprennent, au contact des scenes de combat ou de meurtre, un air d6sagr6a- blement sombre, un aspect d'6vidente irre*alit6, qui leur 6tent tout pouvoir de convaincre et de plaire. La soudaine transformation de Lluellen, Rice ap Mere dith, Ellen, etc. en personnages a la Robin Hood alteredefac. on si brusque et si irrationnelle leurs carac- teres que le spectateur en reste d6concert6 et con- fondu. Enfin Interpolation de Tun ou 1'autre des passages burlesques en des points assez fortuits de Tintrigue, derange 1'ordre logique des incidents, <ir-t ni i I I YM||] il i IMV et Tinlerd6pendance des parties, et bouleverse la structure dramatique de toute la pifcce. Ainsi s'expliquerimpressionded6sespe>ante confu sion faile par * Edouard 1 ' lorsqu'bn le lit dans son en semble. Son style etsa versification, qui plusest, sont malchoisispourlaisser a 1'ouvrage une unit6 au moins apparente, car, si les portions se>ieuses de la piece sont presque uniform6ment6crites en vers blancs, les parties comiques en sont re"dig6es tantdt en prose, tan- t6t en melres de quelques pieds. Ces mesures courtes et agiles, trop nombreuses peut-6tre et monotones de rythme, n'en m6ritent pas moins quelque louange; elles developpent des motifs de ballade dans le metre m6me de ce genre populaire, et sont parfois polies avec tant de soin qu'on devine le plaisir de Peele au cliquetis sonore de leurs rimes1. Quant a la prose,

1. Lire, par exemple: Sc. viii. v. i 24 132.

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malgre la condamnation de Collier dans ses " Annals of the Stage", elle est ais£e, coulante, 616gante quoique simple, etles images qui Foment s'accordent bien avec les id6es familifcres qui s'y trouvent expri- m6es. Le vers blanc, par contre, est trop souvent ampoule, encombr6 de figures et de tropes, surcharge de souvenirs mythologiques et de citations latines ou italiennes. Exception faite d'un plus grand pourcen- tage de rimes, il est presque identique a celui de la * Bataille d' Alcazar ' et rappelle encore par sa struc ture le vers de Marlowe. A cette ressemblance, cependant, se r6duit dans ' Edouard 1\ 1'influence qui dominait 1'autre drame. Une ou deux r6mini- scences de Tamburlaine, il est vrai, se retrouvent parmi ses images1 ; quelques vers en semblent em- prunt6s a 4 Edouard II'2; mais, dans sa conception g6n6rale et le traitement de son sujet la piece se s6pare nettement du type de drame marlowesque. Cecin'im- plique pas, d'ailleurs, qu'elle montre plus d'origi- nalite que la c Bataille '. Elle fournit, au contraire, un exemple aussi valide du talent imitateur etassimilatif de Peele, et se modele simplement sur des originaux differents, les pieces historiques alors en vogue. La I6gere superiority dramatique que lui donnait sur

1. Cf. ' Edward 1 ' Sc. vi. 18 sqq. et < 2 Tamburlaine ' 1. 3. 39 sqq.

2. Comparez:

" Not Caesar leading through the streets of Rome " As Caesar riding in the Roman street

the captive kings of conquer 'd nations " with captive kings at his triumphant car "

Ei. Sc. 1 91-2. Eii. 1. 1.

" And rouse that rebel from his starting holes " And march to fire them from their starting holes "

Ei. Sc. 25. En. iii. 2.

" Hence, feigned weeds ! unfeigned is my grief " " Hence, feigned weeds ! unfeigned are my woes ' '

Ei. Sc. 25-123. En. iv. 6.

LCEUVRE DE PEELE 107

elles un judicieux emploi des sources a disparu lorsque des Elements Strangers ont 6te" introduits dans un tout de\j£ complete. Sous sa forme actuelle notre drame apparalt deTectueux en construction, pauvre en unit6 ; la presence d'un certain iiilnvf psychologique ne suffit nullement h compenser ces imperfections ; bref, dans son propre genre, l Edouard I ' s'61feve h peine au-dessus du niveau des oeuvres ant£rieures, et ajoute aussi peu au renom de son auteur que cette Bataille d' Alcazar', dont il semble avoir partagS le succfcs.

UN CONTE DE VIE1LLE FEMME.

Avec Edouard 1 '. Peele dit adieu pour un temps h Thistoire et aux chroniqueurs, et, laissant derriere lui "les falaises crayeuses d'Albion " mit b la voile pour les royaumes de la faerie. II en rapporta T l Old Wives Tale \ d&icieux melange de fantaisie dedi cate, de satire etde r£alisme souriant1.

11 est difficile d'en fixer exactement la date ; mais nous pouvons heureusement en circonscrire la periode de production dans de certaines limites. La pifece, en effet, emprunte son canevas et quelques details & un court roman public par Greene en 1588 : 4 Perimedes the Blacksmith'2. Elle est en outre endett6e h un

1. Le permis »1 impression est consign^ dans les Livres des Libraires, en date du 17 'Avril 1595 : " xvij° die Aprilis 1595. Raphe Uancocke. Entred for his Copie under the handes of bothe the wardens a booke or interlude intituled a pleasant conceipte called the owlde wifes tale vjd ".

2. Dans les deux la fern me d'un forgeron charme de ses contes d'attentifs auditeurs qui ont refuse de passer la veillee a jouer aux

108 GEORGE PEELE

6crit post6rieur de Greene, son c History of Orlando Furioso' (c. 1591)1, dont elle reproduit quatre vers avec de 16geres variations. Elle contient encore quel- ques reminiscences d'une trag^die anonyme l Soliman and Perseda'2, joue~e aux environs de 1590. Enfin, elle se rattache, comme nous le verrons, a la guerre ,de pamphlets Iivr6e aux Harveys par Lyly, Nashe, et autres guerre qui n'6clata se>ieusement qu'a cette meme date. II appert done de 1'ensemble des temoi- gnages, pris cumulativement, que Y l Old Wives Tale T ne pouvait 6tre 6crit avant 1591. II est 6galement plausible d'admettre que cette anne"e m&me, ou la suivante, en vit la composition. La seule allusion politique que contienne la com^die, une attaque contre les pr&tres espagnols, qu'elle d6crit comme 41 moines ind6finis et gredins infmis " indique une 6poque ou I'animosit^ 6tait exasp6r6e contre le catho- licisme et 1'Espagne. Tel 6tait precis^ment le cas en 1591, date ou une s6rie de complots encourages par Philippe II, provoqua une severe proclamation royale " for remedy of the treasons which under pretext of religion had been plotted by Seminaries and Jesuits,... sent secretly into the Kingdom "3. II serait,

cartes, et nous retrouvons dans les deux des personnages affuble's de noms identiques : Sacrapant, Delia, etc.

4. Gf. : Peele. * Old Wives Tale ' v. 885 sqq : Greene. ' Orlando Furioso ' Sc. i. v. 73 sqq.

2. La serie d'interjections : " 0 coelum ! o Terra ! o Maria ! o Nep tune " (0. W. T. 10), par exemple, est empruntee a ' Soliman and Perseda ' (iv. 3. 67).

3. Voyez : Galendar of State Papers. Oct. 18. 1591. Proclamation by the Queen.

LCEUVRE DE PEELE 10ft

pourtant, imprudent de tirer des inferences de ce seul fait, si des documents additionnels ne pouvaient 6lre produits. Mais nous trouvons au litre du quarto 1'utile renseignement que la piece de Peele fut repre sented par les comediens de Sa Majeste. Or nous avons la certitude, d'une part, que le theatre des " Queen's Men" dut fermer ses portes en Juin 1592 par ordre du " Privy Council " ' ; de 1'autre, que 1' l Old Wives Tale" n'appartenait pas h son repertoire lorsqu'il rouvrit en 1594s. Nous sommes ainsi n£cessairement amends & conclure que la comedie fut jou6e pendant les premiers mois de 1592, au plus tard, et compos6e entre le debut de 1591 et cette date.

C'est done une production de la maturite de Peele, et il importe d'insister sur ce fait, pour faire pifcce aux assertions de ces critiques qui pretendent y relever toutes les caracteristiques d'une oeuvre de jeunesse. L' ; Old Wives Tale ' est, & leurs yeux, une insignifiante babiole, doue*e d'assezde gr^tce aimable pour se recommander £ un auditoire d'enfants, et Bullen seul se risque £ sugg£rer que la com6die

1. A la suite de d6sordres qui prirent place le 11 Juin 1592, le " Privy Council" interdit, le 23, la representation de toute piece & Londres et dans les alentours. Permission de jouer fut cependant accorded a la troupe de Strange, mais a elle seule, en Aout. Elie nVu put d'ailleurs profiler, en raison de la peste, avant De- cembre. Elle joua alors de Dec. 1592 a Kev. 1593, mais dut bientot fermer son theatre, par crainte d'infection, jusqu'a Paques 1594.

2. En Avril 1594 la troupe de la Reine et la troupe de Sussex jouerent ensemble a la '* Rose ", le theatre d'Henslowe. Ceci explique pourquoi nous retrouvons, dans ses comptes, des traces de leur repertoire commun (F. 9.)

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pourrait avoir aussi son charme pour des spectateurs adultes. Nous Fadmettons d'autant plus volontiers que nous sommes ported a voir dans cette pifcce la plus u se"duisante peut-Mre, et en tout cas la plus spirituelle l\ de toutes celles que nous avons de Peele. Lui faire justice, toutefois, est malais6, et nous esp6rons seu- lement que notre analyse prosa'ique ne la i^pouillera point de tout son nitrite.

Trois joyeux pages ont perdu leur route dans les bois, et mi-amus6s, mi-effray6s par cette m6saven- ture, s'efforgent dene pasperdreen meme temps leur gaiet6. La fatigue commence pourtant a les accabler, quand paralt fort a propos un forgeron. Us le helent, Fassaillent d'avides questions, et Clunch (c'est la le nom de 1'artisan) les emmene hospitalierement a sa pauvre hutte, ou il fait de son mieux, avec Madge sa femme, pour les bien accueillir. Epuis6s comme ils le sont, ils s'endormiraient de grand coeur, mais il n'y a place que pour un dans le lit de Clunch, et Madge entreprend de tenir les deux autres e"veilles par le r6cit d'un vieux conte d'hiver. Rapprochant son escabeau du feu, elle s'essuie la bouche du coin de son tablier, place sur ses genoux ses deux mains ridges, et commence ainsi:

II y avail une fois en Thessalie un enchanteur nomme* Sacrapant, le plus habile et le plus savant qu'on eut su voir. 11 pouvait tout faire et se changea en un grand dragon pour enlever De"lie, la fille du roi, qu'il enferma, tout eplore"e, en son noir chateau.

L'CEUVRE DE PEELE iii

Par sa magie aussi, il savait donner aux hommes les formes et les apparences les plus di verses , et il trans- forma le jeune et bel Erestus la nuit en un ours, le jour en un vieillard, 1'obligeant h vivre au carrefour d'une for&l et & parler par 6nigmes a lout venant.

Lampriscus un jour vint a lui ; et Lampriscus 6tait un veuf qu'affligeait amferemenl le sort de ses deux till.'- : car Tune, quoique belle comme le lys, 6tait irritable comme la gufcpe, et 1'autre, toule remplie qu'elle IVil de bonl£et de douceur, gtait laide, contre- faite et bossue. 11 se rendit done auprfes du vieillard de laforfct, etlui conta son cas. u Envoie-les " dit Eres tus " au Puits de la Vie ; elles y d6couvriront leur des- tin6e, et des maris " ; sur quoi Lampriscus revint chez lui et envoya Zantippe et Celanta au lieu dit.

Pendant ce temps, le roi de Thessalie avail exp6di6 tous ses sujets a la recherche de sa fille, tant el tant qu'il ne restail auprfes de lui que ses deux til-, le g£ant fanfaron Huanebango, Corebus le sot, et un pauvre chevalier nomm£ Eumenides.

Les deux frferes s^armferent tout d'abord pour la d£livrance de la princesse. Us cheminferenl loin, bien loin, plus loin encore, el parvinrent enfin au carrefour de la for&l, ou, las d'avoir tant march6, ils s'arr^tferent pour demander conseil a Erestus. <4Essayez votre souffle a toute flamme " futla rSponse '* carlorsqu'un peu de feu s'6teindra, vous verrez se r^aliser vos voeux les plus chers. Essayez volre souffle a toute flamme ". Ainsi instruits, les deux frferes r6p6tfereut leur legon,

H2 GEORGE PEELE

et partirent pour le noir chateau de Sacrapant. Aleurs yeux brilla bieriiot laflamme ardente qui e"taitle signe et la cause de son pouvoir. Us soufflerent, mais ils ne r^ussirent pas a F6teindre, parce qu'homme mortel ne le pouvait, et Sacrapant les enchanta, les forgant a piocher sans cesse, tandis qu'un esprit les piquait d'un aiguillon pointu1.

Alors le g6ant Huanebango ceignit son e"p6e a deux mains, jurant de d^couvrir, delivrer, et 6pouser la princesse. II s'eii fut, et Corebus s'en fut avec luL Ensemble ils arriverent prfcs du vieillard de la for6t, qui tira Corebus par la manche et lui dit: " Ecoute- moi, 6coute-moi ; il sera sourd quand tu ne verras plus ; la richesse peut-etre... " mais ils 6taient trop presses pour chercher, trop sots pour comprendre, le sens de ses paroles, et ils continuerent leur route jusqu'au noir chateau. Trois fois ils en firent le tour, puis ten- terent d'entrer ; et dans ce moment un roulement de tonnerre assourdit Huanebango, T6clat d'un e"clair aveugla Corebus, d'affreuses Furies les saisirent, et ils furent jet6s incontinent au Puits de Vie. La, apres avoir travers6plainesetbois, haies et fosses, Zantippe et Celanta etaient arriv6es. Zantippe la premiere plon- gea sa cruche dans 1'eau de la citerne, et une t£te d'or s'6leva en chantant : ;t De tes doigts fins, douce fille, peigne-moi et chaque cheveu sera un 6pi, chaque e"pi

1. Toute cette partie de la piece renferme un parallele au 1 Gomus ' de Milton. Les ressemblances et les differences de la comedie de Peele et du masque miltonien ont e!6 etudiees en detail par M. W. Sampson * Milton's Minor Poems'.

L'OEUVRE DE PEELE 113

une gerbe d'op" ; mais elle la frappa de sa cruche, et Huanebango Smergea, tach6 de boue, tout ruisselant, et c'6tait l'6poux qu'elle dut£pouser, pour 6tre mal- heureuse h jamais. Alors Celanta s'assit sur la mar- gelle et la tele remonta, chantant le m6me refrain. Doucement elle lacaressa, doucement elle la peigna, et voyez ! des pieces d'or tomberent dans son giron et Corebus apparut. Aveugle il ne pouvait voir salaideur ; et il l'6pousa, pour la rendre heureuse ct jamais.

Cependant la princesse D61ie restait prisonniere, et le pauvre chevalier Euinenides, dernier de tous, d^sira partir. II quitta la Thessalie et s'en vint au carrefour de la forei u Dieu vous garde mon pere ". dit-il dou- cemenl au vieillard, et lui demanda son horoscope, 4lMonfils'\r6partitlevieillard/4jevoisdanstes traits ton bonheur. Va, distribue I'aumftne, donne ce que tu possfcdes, et les os des raorts se leveront fi ton appel. Adieu! " Eumenides remercia alors le vieillard, et reprit sa route. II arriva ainsi a un village ou il vit une foule assemble. Etonn6, il en demanda la cause et il apprit qu'on refusaitla sepulture a un cadavre parce que le d^funt, un homme du nom de Jack, n'avait Hen laissS pour payer la defense. Le chevalier en prit piti<$, et, vidant sa bourse, le fit enterrer £ ses frais, puis il remonta en selle et partit, L'ombre de Jack, cependant, fut si 6mue de gratitude qu'elle se leva de la tombe et le rattrapa sur la route, lui offrant humblement ses services. Eumenides accepta, ettous deux chevaucherent de compagnie, chevaucherent

GUEFFAUU. 8

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jusqu'au chateau de Sacrapant. Dans ce moment Jack eleignit la flamme ardente ; Jack trancha la tete du magicien ; Jack pronon^a les mots cabalistiques ; et Erestus cessa de parler par 6nigmes, les deux freres cesserent de piocher, et les portes du chateau s'ou- vrirent toutes grandes. Alors Jack conduisit sonmaltre a la chambre ou Delie dormait d'un sommeil enchant^ sur un lit en broderie d'or et d'argent, et lui ensei- gna les prieres qui rompent les charmes ; sur quoi la princesse s'e"veilla, et donna sa main, son coeur et sa foi aEumenides; 1'ombre reconnaissante s'evanouit d'un bond dans le sol, et tous rentrerent en Thessalie pour y cele"brer le mariage de la fille du roi et de son fidele chevalier.

Telle est la teneur du conte que la vieille femme se prend a dire, et qu'elle terminerait sans doute, si les personnages de son histoire n'apparaissaient en scene et n'yjouaient eux-memes leurs roles. Madge n'a plus qu'a rester assise et 6couter. Mais n'est-ce point la tache trop lourde pour une bavarde? Elle ne peut s'empecher de faire, quand Foccasion s'en pr6sente, quelques commentaires, que les joyeux pages com- pletent a leur tour par de gaies ou d'impertinentes saillies.

Nous avons ainsi, pour ainsi dire, une 'c piece hors de la pi&ce " ; et cette particularity de structure merite notre attention comme 1'un des exemples les plus anciens et les plus curieux d'un proc6d6 longtemp^ familier aux dramaturges 6lisabe"thains. L'entrela-

L'OEUVRE DE PEELE i!5

'.**

cement des deux pieces tdmoigne d'une habilete" con tinue et prouve amplement le soin artistique apport6 par Peele a la composition de sa com6die. Toute l'6ten- due, pourtant, n'en peut 6tre comprise qu'apres exa- men attentif de la pifcce proprement dite, la repr6- sentation dramatique du conte de Madge. Lorsque ce r6cit romanesque est iso!6 de ce qui 1'entoure, on > upercoit vite que toute Faction en roule sur Fusage neTaste que fait Sacrapantde ses pouvoirs magiques; FenU'vement de D61ie, la transformation d'Erestus en un vieillard prophe" tique sont les deux faits d'ou de*coule la se>ie d'incidents la plus importante, Fintrigue principale, si le terme n'est point par trop ambitieux. En dehors de cette intrigue, qui se r^duit aux aven- tures successives des deux freres, d'Huanebango et d'Eumenides, tous r^solus cilib6rer la priricesse thes- salienne, et tous guides par Favis tfriigmatique d'Erestus, il ne reste que les deux ou trois scenes consacr^es a Lampriscus et a ses filles ; et, quelque ind6pendante que puisse paraltre cette intrigue acces- soire, elle n'en a pas moins sa source dans une pre diction d'Erestus et se voit en outre relier a l'6pisode central par le mariage de Celanla et Zanlippe avec Corebus et Huanebango. Simple nous apparall done,

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somme toute, la trame dont est ourdie la fine produc tion de Peele, et peu nombreux les fils qui la com- posent, Mais Us sont si savamment tiss6s, tresses, qu'il devient fort difficile de les d^brouiller. Aussi la plupart des critiques ont-ils abandonne" la delicate

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t£che, et se sont-ils contends d'exprimer le regret que la pi&ce fut si complique"e. Elle Test, sans doute, mais d'une complication volontaire, simple moyen dont use Peele pour atteindre ses fins, pour faire croire a ses auditeurs qu'ils e"coutent, sous un toil de chaume, un long conte d'hiver, dit par une antique bavarde. Si Madge nous contait elle-m6me 1'histoire de bout en bout, elle tr6bucherait a maint detour, s'6carterait sans cesse du droitchemin,nous entrainerait souvent dans les me'andres de ses souvenirs et de ses oublis. Elle se montrerait tantot prolixe, tan tot absurdement concise, et son r6cit donnerait plus d'une fois une impression de confusion malhabile. C'estcette impres sion meme que Peele s'efforce de conserver, dans de raisonnables limites, en changeant h tout instant la scene, en multipliant ses personnages, en accelerant son action, enaccumulant les incidents sur une courte periode, et, grace a ces artifices, il re*ussit plus qu'a demi a nous persuader que nous entendons re"ellement le caquet loquace d'une commere de village.

Ce caquet n'est pas, du reste, aussi na'if et naturel qu'on serait tente" de le croire tout d'abord. L'histoire d'enchantement de Madge, avec son ge"ant, son magi- cien et sa princesse, est une combinaison adroite d'ele"ments emprunt^s par Peele au folk-lore de son temps, et on peut, aujourd'hui encore, trouver des paralleles populaires a quelques-uns de ses motifs. II semble que la vieille campagnarde pr^tende conter 1'bistoire de l Childe Rowland ', mais l Jack the

L'OEUVRE DE PEELE H7

Giant-Killer' peut aussi revendiquer ses droits, el plusieurs Episodes de la pifcce ressemblent singulifc- rement a des incidents des ; Three heads of the Well", du 'Thankful Dead', du ;Red Ellin', et autres le"- gendes qu'on peut encore lire dans les 4 English Fairy Tales' de Mr. Jacobs ou les l Illustrations of Scotland ' de Jamieson. II n'y a qu'un passage, dans notre com6- die, qui n'est pas base sur la tradition populaire, mais sur des reminiscences classiques. II a trait a la g6n6a- logie de Sacrapant, et lui donne pour mere Meroe", une sorciere qu'Apul£e fut le premier a animer, et a douer de pouvoir magique, dans son ' Ane d'Or1. Mais, a cette exception presv£'est au folk-lore, eta lui seul, que Peele est redevable pour ses mat£riaux.

La maniere dont il les utilise est la plus adequate el la plus appropriee a son theme. La forme de }' c Old Wives Tale ' nous rappelle constamment celle de la | <lcante-fable". Commece genre decomposition, c'est , un r£cit en prose qu'inlerrompt c?i maiut intervahV une se>ie plus ou moins longue de vers ; et le style affiche davantage encore celle similitude. Simple, r^alisle, parfois m^me vulgaire, il s'enlrem&le de phrases rythmiques, de proverbes et de dictons, ou de tor- mules comme le fameux " fee-fa-fum " qui se retrouve dans tant decontes anglais. Quoique sans recherche, il n'est pas sans ornement. Lisez la description que

1. Ce conte semble une version du l Tale of the Three kings of Colchester ' que Dyce mentionne, sans autre details, dans son edition de Peele.

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fait Lampriscus de ses deux filles ; c'est un excellent exemple. " Neighbour" dit-il aErestus, u by my first wife, whose tongue wearied me alive, and sounded in my ears like the clapper of a great bell,... you have heard me say I had a handsome daughter '. l True, neighbour'. ' She it is that affects me with her continual clamours, and hangs on me like a bur : poor she is, and proud she is, as poor as a sheep new- shorn, and as proud of her hopes as a peacock of her tail well-grown'. - - l Holily praised, neighbour; as much for the next'. - - ' By my other wife, I had a daughter so hard-favoured, so foul, and ill faced, that I think a grove full of golden trees, and the leaves of rubies and diamonds, would not be a dowry answerable to her deformity ". (1. 224 sqq.) Des images qui abondent en ce passage, la plupart sont des comparaisons usuelles, tirees de la vie domestique ou de la nature familiere ; quelques-unes portent la marque de cette magnificence un peu voyante vers laquelle incline Timagination populaire lorsqu'elle se donne libre cours ; mais toutes sont en harmonie avec le ton general du conte, que Peele a voulu faire sien dans cette piece.

Le style et la versification sont, apr&s tout, Fel6- ment le plus important de F l Old Wives Tale '. C'est par 1'usage qu'ils font de la langue et du m&tre que les dramatis persons sont le plus ais^ment reconnais- sables: les deux freres s'expriment en vers blancs, Erestus en enigmes rimees, Huanebango en prose

V

L'CEUVRE DE PEELE 119

grandiloquente, et Eumenides en prose aussi, mais naturelle et sans appreM. N'elait cette difference, il serait difficile de les distinguer, car leurs caracteres sont aussi sommairementdessine's qu'il convientdans mi conte de fe*es. Un magicien pervers, une dame

w fcro^MX^

malheureuse, deux freres aimants, un g6ant vantard, et un amant fiddle, ainsi Fanalyse d^finit les prin- cipaux personnages, et saurait mal ajouter un seul trait a cette breve description. Ceci n'est vrai, hatons-nous de le dire, que des portions romanesques de la piece, dontl'inte>&treposaitassez naturellement sur une succession rapide d'incidents surprenants et vane's, plut6t que sur une subtile analyse des carac teres. Par contre, les scenes r6alistes qui precedent, ou interrompent, Faction romanesque t6moignent d'une observation souvent fine de la nature humaine. Madge et Clunch sont deux figures vivantes de paysans, que 1'art de Peele nous pr6sente avec quelque relief. Clunch est un forgeron bien en chair, aux larges muscles, aux traits gros et rudes, mais e*clair6s par deux yeux gris bon-enfant. C'est un homme aux manieres un peu brusques, affable pourtant, et hospi- talier; habile aussi, et savant, de Tavis des voisins tout au moins, parce qu'il a appris un peu plus que ne comportait son metier, a lu quelques livres a ses heures de loisir et en a retenu plus d'un mot long et sonore dont il aime user, et abuser, a Toccasion. Quant a Madge, c'est une petite vieille, proprette et meliculeuse, d'une provenance a satisfaire le mari le

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plus exigeant, (Tune activity a faire honte a la meil- \ leure des m6nag&res. Ses yeux sont un peu obscurcis, maintenant; ses joues ridees et ses cheveux gris; mais elle a encore les sourcils fort noirs et les dents saines, et elle reste presque aussi alerte, remuante et vive qu'aux plus beaux jours de sa jeunesse. Nous reconnaissons en elle, et en Clunch, des gens de la campagne, peints sur le vif, aussi re" els que diffterents du type conventionnel du paysan, -- repr6sent6 par Hob et Lob dans ' Cambyses ' ou par Hodge dans 1 Gammer Gurton'. On en pourrait dire autant, du v reste, des autres villageois de notre piece ; ici nous entendons un couple de manants se quereller dans un cimetiere avec un fossoyeur et un marguillier; la nous voyons 1'accorte hotesse d'une auberge villa- geoise ; et tous ces personnages nous sont pre"sent6s, sinon avec autant de details ; du moins avec le meme humour, que le forgeron et sa femme.

II plane sur toutes les scenes rustiques de F ' Old Wives Tale ' un air de r6alit6 aimable qui fait d'elles un repoussoir efficace aux autres parties de la pikce. La constante combinaison du r6alisme et du roma- j nesque, en faisant ressortir le contraste de chaque 616ment, est apte, pourtant, a jeter quelque discredit sur le plus artificiel des deux et a 6veiller a ses d6pens notre sens du ridicule. C'6tait la, pr^cisement, Feffet que Peele recherchait de propos d^lib^re, et qu'il sut produire. Sa com6die arrivait juste au moment de la vogue th^atrale des chevaliers amoureux, dames

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infortun^es et sorciers criminels ; elle parodiait avec ironie les d^fauts les plus apparents de ce type de drarae, I'accumulation irr6f!6chie d'6pisodes, la confusion due a cette multiplicity, et le prodigue emploi du coup de theatre et de la surprise. L* 4 Old Wives Tale ' est uu impertinent d6fi aux fantaisies h^roiques du romanesque, une critique enjou^e de ces pieces qui aimaient trailer des aventures les plus extravagantes. Toutes ses scfcnes devaient, naturel- lement, contenir de nombreuses allusions, claire- ment intelligiblesaux contemporains. Elles (Schuppent aujourd'hui a la perception, mais nous pouvons encore discerner qu' c Orlando Furioso ' et l Soliman and Perseda f Staient au nombre des pieces rail!6es par Peele, et que le rdle d'Huanebango dtait, pour une bonne part, une parodie du h6ros romanesque: le fantastique chevalier-errant.

11 enlre pourlant dans le caractfcre de ce rodomont braillard des trails qui y semblent inlroduils pour ri- diculiser, non poinl un type g6n£ral de h6ros, mais une personnalil^ bien d6finie. II n'est gu^re difficile, d'ail- leurs, de deviner centre qui Peele prtftendait diriger ses amfcres moqueries : il fait d^biter par Huanebango quel- ques-uns des fameux hexamfctres anglais d'Harvey :

0 that I might, but I may not, woe to my destiny therefore ! Kiss that I clasp, but I cannot, tell me, my destiny, wherefore !.

[(675-676).

4. Gf. G. Harvey. * Three proper and witty familiar letters, etc'. Encomium Lauri :

O that I might, but I may act, wo« to my destiny therefor*

122 GEORGE PEELE

et met ainsi, sous la caricature qu'il dessine, le nom de son original. II est peu douteux, enve>it6, que son 4 Maitre Bango ' repr6sente Gabriel Harvey comme le voyaient ceux de ses contemporains qui lui 6taient hostiles. Non content de tourner en derision ses absurdes efforts pour introduire les metres classiques dans la poesie anglaise, et de le f!6trir comme faiseur de vers maladroit, Peele Fattaque, et aussi aprement, comme prosateur. 11 rit de ses lourdes p6riodes con- tourn6es, de sa rh6torique pompeuse, de son 6trange vocabulaire, des mots qu'il forge, des 6pithetes qu'il frappe a son coin, il condamne, avec autant de verve que Nashe, son " charlatanisme de mots" et ses u empietementssurle franc-alleu du latin ". " Voyez- vous cet homme? " dit un personnage de la piece en montrant du doigt Huanebango ctvous n'imagineriez pas qu'il courrait un ou deux milles aprks un gateau. . . m'a-t-il pourtant assez demand^ un morceaii de celui-ci, m'accablant de tant de ' substances super- fantielles ' et ' foisons de la terre ' que je ne savais ce qu'il me voulait dire " . Nous ne le savons pas non plus, bien souvent, mais remarquons que le langage par trop affect^ d'Huanebango imite la maniere d'Harvey dans les * Three proper and witty familiar letters to Senior Immerito ', et que le feu et le soufre, le ton- nerre et les Eclairs dont il etoffe ses discours sont une allusion tardive, mais directe, a la ' short but sharp disquisition ou earthquakes" qui rendit Gabriel si profond£ment ridicule aux environs de 1580. Jus-

L'OEUVRE DE PEELE 123

qu'ici, cependant, la satire de Peele peut a peine 6tre accused d'acrimonie. Elle devient plus violente lors- qu'elle passe de Toeuvre a la personue d'Harvey. Peele ne manque pas, naturellement, de lui rappeler ses parents, les humbles cordiers de Saffron Walden : Huanebango sevante sans cessedesage"ne"alogie, jure par Thonneur de sa maison, parle de sa c^lebre Iign6e, et nomme ses anc^tres, son grand-pere Polimackero- placidus et son pere Pergopolineo, deux mots (remarque Fleay) qui suggerent h une oreille anglaise des calembours tels que ceux-ci u Polly make-a-rope- lass " et u Perg-up-a-line-oh ! " La vanit6 bien connue d'Harvey, ses allures dictatoriales et blessantes, son insupportable entfetement s'affirment en outre pres- que a chaque ligne de son rdle1. Ses espoirs de pro motion a la cour sont bafou6s; FiHalage qti'il aimait faire de son intimit£ avec les grands s, d'unc pnHendue parent^ avec Sir Thomas Smith3, est plaisamment rail!6. Bref, toutes ses faiblesses sont stigmatis6es, et le portrait ne saurait, dans ses grandes lignes, 6lre autreque le sien. La ressemblance sY'tend, d'ailleurs,

4. V. par ex., " If she be mine, as I assure myself the heavens \\ill do somewhat to reward my worthiness, she shall be allied to none of the meanest gods " etc. ('296 sqq), ou bien :

" I \\ill follow my fortune after mine own fancy, and do accor ding to mine own discretion " (321 -2), ou encore :

" Here is he that commandeth ingress and egress with his wea pon, and will enter at his voluntary, whosoever saith no ". (572).

2. " t have abandoned the court and honourable company, to do my devoir against this sore sorcerer ", etc. (289 sqq.)

3. " Indeed 1 had a cousin that sometime followed the court ", (205).

124 GEORGE PEELE

jusqu'aux plus menus details. Harvey, par exemple, avail un teint mat dont il etait passablement fier. II nous dit de lui-meme dans les ' Gratulationes Val- denses '

Atra coma est : color et fortasse subitalus *,

que Nashe commente ainsi : u II a la couleur basan6e du lard ranee ou de la morue skche ". Ce teint basan6 est aussi celui d'Huanebango; u Sur ma foi! " s'e"crie Zantippe u quel graisseux gaillard est-ce la? l'a-t-on trempe dans la boue, au fond du puits? " Harvey e"tait un homme de haute taille ; Huanebango est un ge"ant. Harvey e"tait bon escrimeur, et s'en piquait2, et Huanebango ne traverse pas la scene sans son e"pee a deux mains3, " la meilleure 6pee " declare Madge 11 que Dieu aitjamais dou6e de vie ". Enfin on ne sau- rait objecter que la ridicule sentimentality et les gro tesques amours d'Huanebango soient des traits qui ne conviennent pas au portrait d'Harvey. Nous savons par ailleurs qu'il 6tait de temperament amoureux, ais^ment captive" par les belles, et que seuls son manque d'humour et de bon sens ou son excessive vanite lui faisaient essuyer honte sur honte, refus sur

1. Xatpe vel Gratulationum Valdensium Libri quatuor (1578).

2. " You may term me an old fencer " ecrit-il " indeed I was once John Burlegh's scholar".

3. Nous trouvons une allusion similaire dans le ' Pierce Pen niless ' de Nashe, allusion dont les termes rappellent ietran- gement le sarcasme de Peele :

" An old fencer (i. e. Harvey), flourishing about my ears his two-hand sword of Oratory and Poetry, peradventure shakes some of the rust of it on my shoulders, but otherwise strikes me not but with the shadow of it, which is no more than a flap with the false scabbard of contumely ".

L'CEUVRE DE PEELE 125

refus. Nashe nous informe m6me que la cause pre miere des hexametres anglais de Gabriel fut son affec tion pour Kate Widdows, la femme du sommelier de St-John's College ; et il est naturel que ce soit sous Tempire demotions identiques, son amour pour Zantippe, que Bango d6bite sa tirade hexam6- trique :

1 Mill id,!, phileridos, pamphilida, florida, flortos;

dub dub-a-dub, bounce, quoth the guns, with a sulphurous

[huff snuff:

\\;iked with a wench, pretty peat, pretty love, and my sweet

[pretty pigsnie,

just by thy side shall sit surnamed great Huanebango : safe in my arms will I keep thee, threat Mars, or thunder]

[Olympus (v. 667 sqq.)

N'est-ce point la un ensemble de te~moignages suffi- sants pour nous faire assimiler Huanebango et Har vey ', et nous faire appliquer a T l Old Wives Tale ' ce que Nashe disait de la com6die latine de Pedantius : 14 under one of the chief parts, the firking finicaldo fine Gabriel is full drawn and delineated from the sole of the foot to the crown of his head ". Nous pourrions remarquer encore qu'Huanebango est pourvu par Peele d'un inseparable compagnon, Corebus. Ce Corebus n'est, dans la l^gende, qu'un sot qui veut d£nombrer les vagues de la mer alors qu'il ne peut

4. Nous pourrions ajouter quelques de* tails secondaires. Ces mots d'Huanebango, par exemple. «* Fair lady, if thou wert once shrined in this bosom, I would buckler thee haralantara " (330-1) semblent faire allusion 4 ce vers des Grat. Vald. m.

•• T»r»UnUr» quid si | terribilis tuba nunc resonel ', etc,

126 GEORGE PEELE

compler jusqu'a cinq; mais dans notre piece nous trouvons d'excellentes raisons de croire qu'il repre"-

\ sente Richard Harvey, un des freres de Gabriel. Ce que nous savons de Richard se r6duil a peu : c'6lail, nous dil-on, un pretre de campagne, qti'un penchant pour 1'astrologie avail pouss6 a publier des predictions irre'alisees1, qu'une incartade avail une fois, a Cam bridge, fail mellre aux ceps2, et qu'une maladie des yeux rendail presque aveugle3. Chacun de ces derails trouve sa place, mulalis mulandis, dans la com6die de Peele : son Corebus esl un mananl au cerveau faible, qui se fait forl de re"soudre les 6nigmes el de

' pr6dire 1'avenir, se vante d'avoir introduit dans sa paroisse la u culture du ceps"4, et se voit finalemenl frappe" de c6cit6 par Sacrapanl. Des allusions aussi d£finies ne peuvenl s'expliquer par une coincidence accidenlelle ; elles nous poussenl a admellre que Peele donnail une parl 6gale, dans son animosil£, aux deux

1. " An astrological discourse upon the great notable conjunc tion of the two superior planets, Saturn and Jupiter, which shall happen the 28t[l day of April 4583, etc. written newly by Richard Harvey, At London. 1582 ".

2. " There was a show made of the little Minnow his Brother, Dick, at Peterhouse, called ' Duns furens. Dick Harvey in a frenzy' whereupon Dick came and broke the College glass-windows, and Doctor Perne (being then either for himself or Deputy Vice-Chan- cellor) caused him to be fetched in and set in the Stocks " Nashe. ' Pierce Penniless '.

3. " 1 squirt ink into his decayed eyes with iniquity to mend their diseased sight... The ecclesiastical dunce, instead of reco vering waxes stark blind thereby ". Id.

4. Nous nous sommes risques a remplacer par un jeu de mots sur i ceps ' le jeu de mots anglais sur ' stocks ' et ' stock '. Le texte de Peele porte : " 1 have given the parish the start for the long stock " (284).

L'CEUVRE DE PEELE 1*7

membres les plus marquants de la famille des Harveys. II nous est impossible aujourd'hui de comprendre la nature exacte de cette animosit£, mais nous sora- mes encore a m&me d'en d6couvrir les causes. En 1589 avail paru le 4 Menaphon ' de Greene, augment^ d'une preface de Nashe. qui contenait une critique g£ne>ale de la literature du temps et classait Peele ! et Greene parmi les figures les plus 6minenles de cette literature. Le nom des Harveys n'elait pas mftme nn Mil i»ii nr. et Richard paratt avoir ressenti une aussi d£daigneuse omission. Dans 1'avant-propos d'un ou- vrage qu'il publia en 1590: l the Lamb of God' il invectiva Nashe et ajouta avec quelque dtfpit: " Let not Martin, or Nashe, or any other piperly make-play or make-bate presume overmuch of my patience as : of simplicity, but of choice ". Cette phrase pouvait £tre regarded comme une attaque contre tous les Scrivains et auteurs dramatiques de Londres ; et Nashe ne manqua point de Tinterpreter dans ce sens. 11 semble que Peele fit de m&me et que les parties satiriques de T * Old Wives Tales' furent sa r^ponse a Tattaque supposee de Hichard. Peut-6tre avait-il, du resle, d'autres motifs de prendre les armes contre les Harveys. 11 <Hait en 1590-1591 a la solde de la Cour, charg4 d'organiser les fetes d'anniversaire de la reine1; et cette circonstance le mil fort proba- blementen rapports avec Lyly, le po^tefavori d'alors.

1. ' Polyhymnia, etc. 1590.

128 GEORGE PEELE

Or, Lyly etait en guerre ouverte avec Gabriel Harvey qu'il avait deja vilipende dans son opuscule: " Pap with an Hatchet", et Peele ne pouvait faire mieux pour se concilier sa faveur et celle de ses puissants patrons que de porter Harvey a la scene sous les traits risibles d'un vantard au cerveau vide et aux phrases sonores. Mais, quelles qu'aient 6t6 les raisons de son attaque, cette attaque n'en reste pas moins un fait patent, et il nous faut regarder la pi&ce de Peele comme un element jusqu'ici msoupQonn6 de 1'affaire Lyly, Nashe, etc. centre Richard et Gabriel Harvey. Dans son Edition des oeuvres de Nashe, Mr. Mac Kerrow conjecturait Fexistence d'anneaux interm6- diaires dans la longue chalne d'inimiti6 qui relie le 'Lamb of God' de Richard (1590) a la r6ponse tardive de Greene dans l A Quip for an Upstart Courtier' (1592). Nous inclinons a penser quel' ' Old Wives Tales ' est 1'un de ces anneaux ; et ses scenes contiennent assez de satire acerbe pour justifier et corroborer cette hypothkse.

DAVID ET RETHSABEE.

II ne semble pas, cependant, que Peele ait pris plus ample part a la querelle, car le seul drame poste"- rieur que nous ayons de lui: l David and Rethsabe', n'y fait pas la moindre allusion, ni, d'ailleurs a au- cun 6v6nement contemporain. Fleay, il est vrai, voit " en Rethsabe et en David Elizabeth et Leicester, la

L'OEUVRE DE PEELE 1*9

premiere femme de Leicester en Urie, et en Absalon Marie reine d'Ecosse". Mais, m&me si nous admel- tons que le travestissement d'allusions politiques par changement de sexe n'6tait pas inconnu au th&Hre 6lisab6lhain, il nous est difficile de croire qu'une diffamation calomnieuse de Leicester, ou quelque 41 scandal about Queen Elizabeth" se soil jamais exprime^ ouvertement sur la scfcne publique. II nous est 6galemenl impossible de donner notre assen- timent k I'inference que tire Fleay de la prStendue presence dans le drame d'un dessein all6gorique, h savoirqu'ilful compost vers 1588. Desdocuments plus valables nous sont n6cessaires pour en fixer la date. L'en-t&te du vieux quarto ne fournitque de maigres informations. Outre le litre m6me, il ne donne que le nom derimprimeur: Adam Islip, et 1'annde de publi cation: 1599. L'unique edition du temps est done posterieure h la mort de Peole; mais le permis d'im- primer avail 616 accord£ bien ant6rieuremenl, dbs le mois de Mai 1594, el la minute qui s'y rapporle dans les regislres des Libraires nous aide h. determiner Tune des limites de composilion de la pifcce '. L'aulre esl moins ais6menl dlablie. Le drame de Peele, nous le verrons, conlienl des passages direclemenl imil6s de I'o3uvre d'un pofele religieux franc;ais : Guil- laume Saluste du Barlas, plus pr6cis6menl de quatre livres de sa seconde semaine (Eden, Artifices,

SAdun Islip. F.ntre" for hi.'cop.e under th<e h>andes of bothe the wardens a book called the book of David and Beths»b« vj«.

CllEFFAUO. 9

130 GEORGE PEELE

Arche, et Trophies) dont le dernier parut seulement en 1591 \ De la d6coule naiurellement la conclusion que le ' David ' de Peele dut etre compose apres cette date. L'emprunt d'une longue comparaison (sc. viii. v. 59 sqq) au premier livre de la ' Fairy Queen ' de Spenser 2 ne peut que confirmer cette conclusion ; et, si enfin nous tenons compte du fait que les theatres de Londres furent clos de Juin 1592 a Paques 15943, nous pourrons donner 1591 ou 1592 comme la

4. Les poemes de du Bartas furent publics respectivement :

f Triomphe de la foi.

La Muse Chretienne 5 Judith en 1574.

r Uranie, La Premiere semaine en 1579.

( Eden. Imposture. Furies. Artifices. La Seconde semaine > en jgg^

(1" et jours). ^ Arche Babylone. Colonies. Colonnes.

( Vocation. Peres. Lois. Capitaines.

La Seconde semaine i 1591

(3* et 4- jours). £ Trophees. Magnificence. Schisme. Decadence.

L'oeuvre du poete protestant trouva un immediat succes aupres du public anglais. Le premier Iraducteur ne fut autre que Jacques IV d'Ecosse, et a partir de 4584, les traductions se succederent pendant un demi-siecle. Les paraphrases anglaises que Peele pou- vait connaitre sont les suivantes :

4584. Uranie or Heavenly Muse Jacques IV.

4585. Judith Tho. Hudson. 4585. Uranie or Heavenly Muse (2e edit.) Jacques IV. 4588. Portion de la < First Week ' (perdue) Sir P. Sidney. 4594. The Furies Jacques IV.

A Canticle of the Victory of ivry J. Sylvester.

The First Week (permis d'impression de)

probablement J. Sylvester. 4592. Triumph ot Faith; sacrifice of Isaac ; shipw reck of Jonas J. Sylvester. 11 est a remarquer que la ' Seconde semaine ' ne fut pas traduite avant 4596.

2. Peele. ' David & Bethsabe ' Sc. viii. v. 59 sqq. Spencer. ' Fairy Queen ' BK. i. c. 5. st. 2.

" As when the sun, attir 'd in glistering robe, " At last, the golden oriental gate

comes dancing from his oriental gate, of greatest heaven gan to open fair ;

and bridegroom like hurls through the gloomy air and Phoebus, fresh as bridegroom to his mate,

his radiant beams, such doth king David shows", came dancing forth, shaking his dewy hair

add hurlSd his glistering beams through gloomy air1

3. Voir note 4, page 409.

L'OEUVRE DE PEELE 134

pe>iode pendant laquelle la piece fut presque indis- cutablement e*crite et repre"sent6e ' .

Elle est, en tout cas, la derniere des productions dramatiques de Peele; ceci, a deTaut d'autre Evidence, nous serai t amplement prouv6 par sa diction, son metre, en un mot sa forme ge'ne'rale, qui tous sug- gerent la main d'un artisan experiments. Conside're'e par la plupart des critiques comme Toeuvre la ineil- leure de notre dramaluge, elle a 616 1'objet de louan- ges vives, parfois enthousiastes ; et, avec quelques restrictions, nous nous rallierons al'elogieuse opinion habituellement formulae.

La piece tire son sujet, comme le litre 1'indique, de sources scripturales, et suit de si pres le r6cit du Vieux Testament que 1'analyse n'en peut 6tre plus convenablement donnee que dans le style rn6me de la Bible :

II arrivaque David, se promcnant sur la leirasse de son palais, vit une femme qui se baignait dans le jar- din de sa maison; et cette femme etait fort belle.

Le roi envoya done savoir qui elle 6tait etCusai lui dit que c'Stait Bethsab6e, femme d'Urie, II6theen.

Alors David, ayant envoy^ Cusai, la fit venir, et quand elle fut venue, il dormit avec elle, et elle conQut.

C'6tait le temps ou les rois ont accoutum6 d'aller a

4. Nous ignorons au repertoire de quelle troupe appartenait 4 David and Bethsabe ' ; et il semble impossible de savoir si cette minute du Journal d'Henslowe (Worcester's Men's Accounts) se rapporte a notre piece :

•• Octr. 1602 ; Pd (or poleyes and workmanship? (or to hange Absalome xiiij ".

132 GEORGE PEELE

la guerre, et Joab, Urie, avec tout Israel assie~geaient Rabbath, cit6 des Ammonites. Mais David demeura ci Jerusalem,

Et il envoya des courriers a Joab avec ordre de lui dire: Envoie-moi Urie. Et Joab le lui envoya.

Au meme temps, Amnon, le fils de David, congut une passion pour sa scaur Thamar. L'amour qu'il avait pour elle devint si excessif qu'il lerenditmalade, et il la fit prier de venir, pour lui appreter manger et lui preparer quelque chose de sa main.

Thamar alia done a Fappartement de son frere Amnon. Elle prit de la farine, la petrit et la delaya, et fit cuire le tout devant lui ; mais apr&s qu'elle le lui eut pr^sente", il se saisit d'elle et lui fit violence.

Alors Thamar, ayant mis de la cendre sur sa tete et de"chir6 sa robe, s'en alia en jetant de grands cris, et Absalon, son frere, concut une grande haine contre Amnon.

Le roi David s'en affligea fort, et il ordonna a Absalon de ne parler en aucune sorte & son frere, parce qu'il vengerait lui-meme le tort fait a Thamar.

Cependant Urie e"tait venu au palais du roi, et David lui recommanda d'aller en sa maison, pour couvrir son adultere. II le fit venir pour manger et boire a sa table, et il Fenivra, mais Urie passa la nuit devant la porte du palais et ne retourna point chez lui.

Alors David envoya a Joab une lettre 6crite en ces termes : Mettez Urie a la tete de vos gens ou le com-

L'CEUVRE DE PEELE 133

hat sera le plus rude, etfaites ensorte qu'il soil aban- donn6 et qu'il y pSrisse.

Joab, continuant done le siege de la ville, mil Urie vis-a-vis le lieu ou il savait qu'6taient les meilleures troupes de 1'ennemi, et quelques-uns des gens de David perirenl, entre lesquels Urie, H6th6en.

Mais Bethsab6e, la femrae d'Urie, enfanta un fils, - et cette action qu'avait faite David d6plutau Seigneur.

Le Seigneur envoya done Nathan a David pour lui dire : Pourquoi avez-vous m6pris6 mes paroles jus- qu'a commettre le mal devant mes yeux? Vous avez fait perdre la vie a Urie, H6th6en ; vous lui avez 616 sa femme et Tavez prise pour vous ;

C'est pourquoi l'6pe"e ne sortira jamais de votre maison. Je vais vous susciter des maux qui nattront de votre propre maison. Le fils qui vous est n6 aussi va certainement perdre la vie.

Et le Seigneur frappa 1'enfant que la femme d'Urie avail eu de David, et le septieme jour il mourut.

Quand il vit que 1'enfant 6tait mort, David se leva de terre, prit de 1'huile de parfum, et s'en etant oint, entra dans la maison du Seigneur et 1'adora.

Et il consola sa femme Bethsab6e, dormilavec elle, et en eut un fils qu'il appela Salomon.

Puis il rassembla tout le peuple, et marcha contre Rabbath, et aprfes quelques combats il la prit.

Mais pendant que David 6tait sous Rabbath, Amnon fit tondre ses brebis dans Baal-hazor, et invita tous les enfants du roi a venir chez lui.

134 GEORGE PEELE

Et Absalon, quand Amnon commenQa a etre trou ble par le vin, le frappa et le tua; et aussit6t tous les enfants du roi, se levant de table, monterent chacun sur leur mule et s'enfuirent.

11s e*taient encore en chemin quand le bruit vint jusqu'aux oreilles de David qu'Amnon £tait mort, parce qu'Absalon avait resolu de le perdre depuis le jour qu'il avait fait violence a sa soeur Thamar.

Le roi se leva aussitot, d6chira ses vetements, se jeta par terre, et tous ses officiers qui 6taient pres de lui d^chirerent leurs vetements.

Mais le coeur du roi penchait encore vers Absalon, et Joab le fit mander. II se presenta done devant le roi, et se prosterna a terre devanl lui, et le roi le baisa.

N6anmoins Absalon s'insinua dans les affections d'Israel. 11 se forma une puissante conspiration ; etla foule du peuple croissait de plus en plus.

Le roi dut faire hate pour s'e"chapper et tous ses officiers avec lui, et il monta la colline des Oliviers, nu-pieds, latete couverte, et en pleurant.

Alors Absalon , suivi de tout Israel, passa le J ourdain.

Aussitot David, ayant fait la revue de ses gens, e"tablit sur eux Joab, Abisai et Etha'i pour les com mander, et il leur dit : Conservez-moi mon fils, mon fils Absalon.

L'arm6e marcha ainsi en bataille contre Israel, et la bataille fut donne"e dans la foret d'Ephraim.

Absalon e*tait monte" sur une mule, et comme il passait sous im grand chene fort touffu, sa chevelure

L'OEUVRE DE PEELE 135

s'embarrassa dans les branches d'un arbre, et il demeura suspendu entre le ciel et la terre.

Joob le vit en cet e*tat, et, prenant en sa main trois dards, lui en pergale coeur. Et tous les gens d'Israel s'enfuirent chacun dans leur tente. Alors Joab dit a Cusai: Allez et annoncez au roi ce que vous avez vu. Cusai lui fitune profonde r6ve>ence et se mit£courir.

Cependant David 6tait assis entre les deux portes de la ville, avec Bethsab6e et Salomon. Et Bethsab6e se baissa profond6ment et, adorant le roi, elle dit: Mon Seigneur, jurez & votre servante que Salomon r^gnera aprfcs vous etqu'il sera assis sur votre trdne.

Le roi lui jura et lui dit: Salomon votre fils sera assis en ma place et r^gnera sur lout Israel.

Mais alors la sentinelle qui 6tait sur les murailles au hautde la porte vit un homme qui courait, et Cusai parut.

Mon fils Absalon est-il en vie? lui dit le roi; et Cusai lui re"pondit: Que les ennemis de mon roi, et lous ceux qui se soulevent centre lui pour le perdre soient trailers comme il 1'a 6t£.

Le roi, e*tant done saisi de douleur, se couvrit la face et se mit a pleurer, criant: Mon fils Absalon, Absalon, mon fils, mon fils!

Et bientdt Joab entra dans la ville avec les hommes de Juda ; mais la victoire fut changed en deuil dans toute I'arm6e parce que tout le peuple savait que le roi 6tait afflig6 de la mort d'Absalon.

Alors Joab, etant entr6 au lieu ou 6tait le roi, lui

136 GEORGE PEELE

dit: Venez pr6sentement vous montrer a vos servi- teurs; parlez-leur et t6moignez-leur la satisfaction que vous avez d'eux, car je vous jure que si vous ne le faites, vous n'aurez pas cette nuit un seul homme aupres de vous.

Et Bethsabee lui dit : Quittez ce deuil ; allez vous asseoir a la porte de la ville. Et le roi alia s'asseoir a la porte de la ville ; se montrant a ses serviteurs, il leur parla ; et tous les cosurs de son peuple se rejoui- rent.

Le c David and Bethsabe ' de Peele emprunte, on le voit, ses donne"es au 2e livre de Samuel, et n'est en certains endroits qu'une paraphrase dramatique des chapitres xi et suivants1. II reste, de la premiere a la derniere scene, tres pres de son original et en adopte parfois la phras^ologie menie. Mais, tandis que le re*cit du Vieux Testament est quelqtie peu diffus et ne pre"sente qu'une longue se>ie d'episodes propres a illustrer la vie de David, le drame de Peele offre dans Fensemble plus de cohesion et de fini, parce que les incidents en sont moins nombreux et paraissent unis par une id6e centrale. David, en c6dant a sa passion adultere pour Betbsab6e, devient pour elle le meur- trier d'Urie, et de cet adultere, de cet homicide de"coule toute une serie de crimes : le viol de Thamar, le meurtre d'Amnon, la trahison d'Absalon, qui for-

1. Herr Bruno Neitzel (George Peele 's David and Bethsabe. Halle 1904) adresse une liste complete des passages bibliques imi- tes par Peele.

L'CEUVRE DE PEELE 137

ment les themes successifs de la piece. Ge*n6ralement parlant, les premiers incidents etles derniers se trou- vent dans la double relation de cause a effet, et de p6ch£ k chatiment. Ce rigide enchalnement interne donne h la composition de Peele une unit6 qui est plus ou moins absente de I'histoire.biblique. C'est la, du point de vue dramatique, un ind£niable progres, dont le me>ite, cependant, ne peut 6tre entierement attri- bu6 a Tinge* niosit£ du dramaturge. Les Episodes avaient <l<-j;i 616 choisis et iso!6s pour 1m . le lien qui les re"unit, indissolublement attach^ par du Bartas dans une partie de sa Seconde Semaine ' intitul6e * les Trophies'. La conception g6ne>ale du drame peelien, 1'expiation d'un p6ch6 par d'infinis mal- heurs, - - esl aussi celle du poeme franc.ais, et s'ex- prime clairement dans ces vers, que nous voyons adapter et d6velopper dans 4 David and Bethsabe ':

Tu as brassg la mort a Tinnocent Urie; tu Tas fait, 6 cruel ; mais aussi la tuerie, I'horrible parricide, et lasche trahison, hoftes perp6tuels, honniront ta maison... Chez toi le frere ira, d'un nom parent baiser sa detestable ardeur sur sa soeur apaiser... TOD sang centre ton sang descochera sa rage; ton fils te soustraira de Jacob le courage; pour te desar^onner armera tes vassaux et te donra, f^lon, assaux dessus assaux. Tu serviras, battu, d'example aux autres roys. (Ed. 1601. T. 2. p. 103. Du B. S. Troph v. 1029 sqq.)

De \h Peele a tir6 la notion qui forme la base de toute son reuvre, et sa dette ne se borne pas a cet

138 GEORGE PEELE

emprunt. Nous avons des preuves surabondantes qu'au moment ou il 6crivait il 6tait sous 1'influence directe du poete huguenot. INous pourrions men- tionner que dans les limites assez elroites de son drame, on retrouve les caracteristiques familieres de du Bartas: son penchant pour les pointes et les con cetti, pour le cliquetis de mots sonores, son habitude de forger des noms ou adjectifs composes1 , son accu mulation de connaissances astronomiques d'ordre anti-copernicien ; mais il est inutile d'insister sur une ressemblance de details lorsque nous trouvons en deux portions diff^rentes de ' David ', 1'exposition et le denouement, de longs passages exclusivement inspires par la l Seconde Semaine', quelquefois tra- duits mot pour mot. La description du jardin de Bethsab6e, avec sa richesse de details pittoresques, est mode!6e sur celle du Paradis Terrestre dans FEden de du Bartas. Dans ces deux descriptions correspon- dantes, sans doute, Fordre des elements est I6ge- rement modifi6, et il est d'autres differences, car Peele tantot amplifie, et tantot condense ; mais le parallele n'en reste pas moins frappant et nous trouvons ga et la des vers presque litteralement traduits. Ce " cou plet", par exemple;

Let all the grass that beautifies her bower

bear manna every morn instead of dew. (Sc. i. 44-5.)

1. Par exemple : praise-note ; inside-bark ; new-hewn ; fire-per fumed ; fever-sick ; combat-blow ; much-too-forward ; tragic-hued ; etc., etc.

L'CEUVRE DE PEELE 139

r6pfcte les mots de du Bartas:

Si je dis qu'au matin des champs la face verte 6toit, non de rose"e, mais de manne, couverte.

(2* Sem. 1" J. v. 73-74.)

Get autre alexandrin frangais :

Le bruit de cent ruisseaux semond le doux sommeil (id. v. 43.)

devance les vers si souvent cit6s de Peele :

Seated in hearing of a hundred streams

that with their murmur summon easeful sleep

(DuB. Sc. 1. v. 95-6.)

Et nous pourrions auSsi justement comparer ces deux distiques:

Lending her praise notes to the liberal heavens, struck with the accents of archangel's tunes

(Du B. Sc. 1. v. 31-2.)

Et marians leurs tons aux doux accents des Anges chantoieut et 1'heur d'Adam et de Dieu les louanges.

(2'S. lerJ. v.86-7.)

ou ces deux morceaux descriplifs :

Au long dun clair ruisseau, dont la brillante areine

est de fin or d'ophir, les cailloux de rubis,

1'onde de pur argent, le rivage de lis,

et qui des plis glissants de sa source sacrge,

gazouillard, labyrinthe une flairante pre"e. (id.v. 477 sqq.)

That precious fount bear sand of purest gold ; and, for the pebble, let the silver streams play upon rubies, sapphires, chrysolites; the brims let be embraced with golden curls of moss that sleeps with sound the waters make

(Du B. Sc. i.v. 37 sqq.)

La scfcne d'oiices exemples sont tir6s conserve, tou-

140 GEORGE PEELE

tefois, une certaine originality ne fut-ce que dans 1' arrangement de sa matiere. Mais dans le dernier acte du drame, Peele, apparemment fatigue" d'adapter et d'imiter, se contenie de rendre en anglais un long extrait d'un autre chant de la 4 Seconde Semaine'. Cetle partie de sa piece, si Ton s'en souvient, consiste en un dialogue moralement dogmatique, au cours duquel David enseigne a son fils Salomon, autantque mortel le peut faire,

the skill and holy secrets of God's mighty hands. (Sc. xv. 71-2).

Or, tout ce dialogue n'est qu'une traduction honne'te et fidele d'une portion des c Artifices ', ou, cependant, Adam et Seth tiennent la place de David et de Salomon . II serait trop long de citer ici en entier les passages paralleles, et il nous faut les rejeter en un appendice ' ; mais nous pouvons au moins choisir un specimen typique, propre a montrer sous son vrai jour la m^thode de Peele. Voici done, a la suite Tun de Fautre, son texte et celui de du Bartas :

A secret fury ravisheth my soul lifting my mind above her human bounds and, as the eagle, roused from her stand with violent hunger towering in the air, seizeth her feathered prey, & thinks io feed, but, seeing then a cloud beneath her feet, lets fall the fowl, and is emboldened with eyes intentive to bedare the sun

1. Voir Appendice, page 176 sqq.

L'OEUVRE DE PEELE 141

and styeth close unto his stately sphere ; so Solomon, mounted on the burning wings of zeal divine, lets fall his mortal food and cheers his senses with celestial air, threads in the golden starry labyrinth and holds his eyes fixed on Jehovah's brows

(D&B. Scxv. v. 117 sqq).

II est soudain poussg d'une fureur secrette, non comme le M£nade qui rouant, furieux, palist, rougit, panthele, ulcere sans courroux ses membres jusqu'aux os, et si ne sent ses coups, ains comme 1'Aigle perd sa branche accoustumge et, ramant par les airs d'une gasche empennge, void sous ses pieds la nue, et fait, audacieux, d'un d'il ferme cligner du clair soleil les yeux, de im im- Adam, mont£ sur les ardentes ailes du seraphique amour, perd les choses mortelles, se paist du doux ether, fend les ronds estoillez et tient dessus le front de Dieu ses yeux collez,

(Du Bart. Artif. v. 573 sqq).

La marche que du Barlas imprime h son d6velop- pement est soigneusement suivie par Peele, et il se contente (comme dans le passage que nous avons choisi h dessein) d'abrtfger parfois une comparaison ou de dSvelopper et expliquer une image. Dans 1'en- semble, n6anmoins, le plan general et les details d'expression se correspondent exactement, el la dif ference la plus grande enlre le pofcme frangais et sa traduction anglaise est une difference de mfclre, le vers blanc se substituant, dans la copie, aux alexan- drinsde Toriginal.

Cette dette de Peele envers le pofcte des l Semaines * merite d'autant plus d'arrfeter notre attention qu'elle

142 GEORGE PEELE

nous permet de reviser quelques-uns des jugements ordinairement formulas sur l David and Bethsabe '. II nous faut ^carter Fhypothkse de Ward et Fleay qui tous deux supposentun prototype dramatique, quel- que vieux myslere maintenanl perdu. II nous faut reje- ter les assertions gratuites de Sir Sidney Lee, qui imagine de problematiques ressemblances entre la piece de Peele et le c David combattant etc. ' de Des Masures1. II nous faut enfin ramener a leur juste valeur les eloges d6cern6s par la critique allemande, sous pr^texte d'originalit6, aux scenes finales de notre drame.

Non, en verit6, il n'y aguere d'originalit6 dans son sujet ; et il la faut chercher bien plutot dans la maniere donl ce sujet meme est trait6. ' David et Bethsab6e ' est, a plus d'un^gard, Faboutissementnaturel de Tex- p6rience dramatique de Peele. Construit sur les lignes d'un " drame-chronique", il traite simultan^ment, comme ' Edouard 1', de la vie privet et de la vie publique d'un roi, mais il est en meme temps, comme la ' Bataille d' Alcazar ', une tentative pour combiner la pifcce historique avec la trag6die classique. L'his- toire de David, telle que Peele nous la raconte, est

4. Deux vers seulement dans les trois pieces de Des Masures (David Combattant ; David Fugitif ; David Triornphant) pourraient, a la rigueur. etre rapproches d'un passage de Peele :

" Dois-je prendre Asahel qui, en la plaine large, Leger, vole des pieds comme un sauvage daim"

(David Fugitif 1876-7); cf. ' D. and B. Sc ix v. 28 sqq. Mais la ressemblance fortuite s'explique aisement par ce fait que les deux poetes ont puise a la meme source, 2 Samuel, ii. 48.

L'CEUVRE DE PEELE 143

un veritable theme a la S6neque ou Ton voit une maison royale vou6e a la ruine par les crimes de son chef, mais oil la conception d'Ate est remplac£e par celle, plus approprie*e, de Fire de Jehovah. Le drame entier est doming par la colere divine que provoque la transgression de David, r&paprc'* du h£ros ; et ses Episodes principaux ne sont que les effets successifs de cette colere. En d6pit d'une surabondance de motifs, Tid6e centrale reste toujours en pleine lumiere et la m oral i 16 en est tir6e a tous les moments critiques de Faction et dans les choeurs de la piece1. L'effort Evident de Peele est de repr^senter les ravages que peut faire le pe*ch6 dans une ame humaine, puis hors de Tame ou il a pris nais- sance; de montrer comment il altere, pervertit ou d6truit les sentiments les plus forts et les plus nalurels, comment il rompt les liens entre frere et soeur, fils et pere ; et quelle longue trainee de malheurs et de crimes il laisse toujours derriere lui.

C'6tait la une conception hautement artistique el moralement 6lev6e, dont la mise en oeuvre d^pendait, toutefois, de Tanalyse psychologique, trop souvent deTectueuse dans les 6crits de Peele. Tel n'est pas, heureusement, le cas pour l David and Bethsabe ', ou presque tous les caracteres sont bien contrasted et ing6nieusement d6peints. Leur representation, sans doute, repose encore trop sur les incidents mate>iels

4. Voir surtout Sc. in. v. 440 sqq ; choeur; Sc. v. v. 46 sqq ; Sc. viii. v. 4-13.

144 GEORGE PEELE

de 1'intrigue et reste subordonn6e a la mise en scene de 1'histoire ; mais, bien qu'entrave ainsi par les fers d'un plan pr6d6termin6, Peele r6ussit a animer ses personnages d'une vie plus r6elle qu'il n'avait su le faire jusqu'alors.

David prend justement, dans sa trag6die, le r61e de protagoniste, et le jeu tumultueux de ses passions, sensualit^, douleur, amour paternel, colere, et remords nitrite bien une minutieuse attention. Le roi a la harpe glisse insensiblement a la faute, plutot qu'il ne la commet. La faveur constante que Dieu lui a montre^e, 1'approbation donn£e a tous ses actes, ontrelache en lui le sens de la responsabilite ; et il reste aveugle a la honte de sa passion pour Bethsabee, la femme d'autrui. Le crime incestueux d'Amnon lui dessille cependant les yeux ; il entrevoit une ressemblance entre 1'erreur morale de son fils et la sienne, apergoit leur origine commune dans d'ini- ques app6tits et s'efforce, assez faiblement, d'6chap- per aux sables mouvants du p6che\ II ne fait, toute- fois, que s'y enfoncer plus avant, et recourt enfin au meurtre d'Urie, stratageme d6sespe>6 pour dissi- muler Fadultere. Maintenant trop conscient d'avoir viole les lois divines et humaines, il abandonne tout controle sur les e>6nements, laisse ses capitaines livrer ses batailles, les batailles du Seigneur , et, volontairement captif en son palais, attend le cha- timent inevitable. Du sommeil de sa passivit6 Fapre voix de Nathan le reveille, proph^tisant la mort du

L'OEUVRE DE PEELE HS

fils que Bethsab^e congut. L'enfant meurt, et David, sur d'avoir expi6 la faute par cette perte cruelle, renalt aussit6t a Faction. Son espoir est implacablement frustr6 par la colere divine. Sans doute, il triomphe des Ammonites et de Rabbath ; mais a 1'heure meine de la victoire, il apprend qu' Absalon a tu£ Amnon, et il retombe dans sa pesante inertie. II souffre que les affaires de 1'fitat soient dirige'es, que sa propre con- duite lui soit dieted, par ses lieutenants; il rappelle, sur les instances de Joab, lecoupable Absalon, et, par cette marque de faiblesse, prepare lui-m&me la rebel lion de son fils. Abattu, humilie par ce dernier coup, le plus rude qui le puisse frapper, il s'abaisse jusqu'a trouver unejoie amere aux pires insultes de ses ennemis, jusqu'a accepter comme son du les menaces et les maledictions de Semei. La r6volte d'Absalon souleve a peine sa juste colere. A Tapproche de la bataille, Taffection paternelle chasse de son coeur tout sentiment hostile, et il adjure patheHiquement ses ^ens d'Spargner, ne fut-ce que pour lui, le fils qu'il aime encore. Cette priere, pourtant, n'est pas enten- due, et il se r^volte sous la douleur :

Hath A lisa 1 on sustained the stroke of death? Hence, David, walk the solitary woods. There let the winds sit sighing till they burst! And let them toss thy broken lute to heaven, even to his hand that beats me with the strings. 0 Absalon, Absalon ! 0 my son, my son ! Would God that I had died for Absalon ; but he is dead! ah! dead! (Sc. XV. v. 165 sqq).

GUBFFAUD. IO

146 GEORGE PEELE

Les mots lui manquent; il soupire et sanglote ; d6chi- rani ses veiements, il se jette a terre, et reste 6tendu sur le sol de sa tente, immobile et prostr6, jusqu'au moment ou les douces paroles de Bethsab6e ealment comme un baume les cuisantes douleurs de son ame blessee.

La femme d'Urie est ainsi habilement r&ntroduite a la derniere scene pour consoler 1'homme qui Fa en trainee an malheur; et son pardon est, enfin, le signe que la colere de Dieu a cess6 de poursuivre le coupable.

C'est a juste titre d'ailleurs que Bethsab6e devient 1'interprete de la divine c!6mence. Elle reste pure m6me dans le p6ch6, victime, plutot que complice, des transgressions de David. De toute sa force elle s'oppose a sa passion, r6siste a ses flatteries, a ses prieres, et ne cede qu'a son commandement expr^s. Meme alors, elle n'ob^it qu'avec un coeur afflig6 et deplore secretement le mal dont sa beaut6 est cause. La mort d'Urie, la perte soudaine de son enfant la peuvent seules pousser a crier 1'aveu d^chirant de sa douleur cached:

Mourn, Bethsabe, bewail thy foolishness,

thy sin, thy shame, the sorrow of thy soul!

No comfort from the ten-string 'd instrument,

the tinkling cymbal, or the ivory lute;

nor doth the sound of David 's kingly harp

make glad the broken heart of Bethsabe.

0, what is it to serve the lust of Kings 1 (Sc. V. v. 1 sqq).

Instrument passif de la luxure royale, il lui en faut

L'OEUVRE DE PEELE 147

cependant supporter lesfunestes consequences ; mais la foi en Dieu , la confiance en sa justice la soutiennent dans ses epreuves; et le Seigneur recompense son attente en lui donnant enfin un Bis qui porte toutes les marques de sa faveur: Salomon.

Peele s'est prudemment abstenu de donner a Bethsabee un r6le trop important. Sa purete ne sent qu'a accentuer les erreurs de David; et elle disparalt quand le roi se fraie, a travers la douleur, une voie vers la redemption. Le personnage avec qui David est alors contrast^ est Absalon, Absalon dont 1'orgueil, 1'opiniatrete et 1'ingratitude sont les traits les plus saillants. Fier de sa beaute, de la force de son adolescence, confiant en sa sagesse, persuade, bien A tort, de la faveur de Jehovah, il suit sans les con- trdler toutes les suggestions de ses penchants. Sa premiere infraction aux ordres de David le meurtre (1 Amnon h Baal-hazor regoit un immediat pardon ; et il meprise 1'indulgence de son pere comme un signe d'incapacite. Son ambition denature prend ainsi sa source dans un acte de bienveillance qui eut du provoquer sa gratitude. Deja haissable a nos yeux, il accrolt notre horreur par son attitude arrogante et froide, ses efforts hypocrites pour rejeter 1'odieux de sa rebellion sur Dieu lui-m&me.

1 am the man dit-il " God made to glory in ,

when by the error of my father's sin,

he lost the path that led into the land

wherein our chosen ancestors were blest, (Sc. iv. v. 64 sqq).

148 GEORGE PEELE

et cette justification suffit a elouffer la voix de sa con science ; mais la r6elle faiblesse de la confiance qu'il affecte apparalt bientot dans les plaintes qu'il exhale avec son dernier souffle, sous le ch&ne touffu d'Ephraim :

0 give me once again my father 's sight,

that, shedding tears of blood before his face,

the ground may witness and the heavens record

my last submission sound and full of ruth (Sc. xm. v. 37 sqq).

Un repentir impost par le Destin reste, pourtant, toujoursentach6 de suspicion etle remords d'Absalon, quoique v6h6ment, nous laisse insensibles a toute compassion et a toute pitie*.

Absalon, Bethsab6e, David sont les trois person- nages les plus importants de notre drame, et Peele a justement consacr6 a leur representation les res- sources de son talent. Son analyse s'6tend, toutefois, jusqu'aux caracteres secondaires. Joab nous apparait comme un Israelite au coeur droit, a la volont6 forte, ferme conducteur d'hommes, toujours indulgent a une premiere faute, mais inexorable a toute rechute ; Urie comme un robuste et brave soldat, qu'enno- blissent un sentiment rigide du devoir et une in^bran- lable foi en Dieu et en son roi ; Cusa'i, enfin, comme un serviteur fidele, d6vou6 a David corps et ame, sans autre loi morale que les commandements de son maltre. Bref, sur la large toile de ' David and Bethsabe ', chaque figure se de~tache, distincte, peinte avec plus ou moins de details, mais toujours exacte-

L'GEUVRE DE PEELE 149

ment proportioned & son importance relative. Le seul reproche auquel Peele s'expose, sous ce rap port, est d' avoir mis dans la bouche de ses person- nages un langage trop souvent incompatible avec leur situation, leur condition, oil leur £ge. Tous les 4 dramatis personae ' rois, soldats, pr&tres, et nirnif le jeune Salomon s'expriment dans le m6me style recberch6 et orn6. Le r6sultat estparfois d^plai- sant et propre h. influencer d6favorablement le juge- ment que la critique doit porter sur la diction de la pifcce.

Si, toulefois, nous nSgligeons ses 6videntes imper fections comme moyen d'expression dramatique, il nous faut reconnaltre ses mSrites inlrinsfeques. Sous la forme harmonieuse et diverse du vers blanc, elle se r6vfcle toujours 6l6gante, polie, quelquefois impo- sante, constamment enrichie d'images et de tropes. Peele a prodigu6 dans son V David et Bethsab6e ' toute la richesse de sa fantaisie po6tique ; le lyrisme se r^pand dans chaque fibre, dans chaque veine de sa structure; et une abondance de m6taphores et de comparaisons en fait presque une s6rie ininterrompue de figures. La plupart sont du type spens^rien, et quoique souvent heureuses, sont trop longues pour que nous les puissions citer ' ; mais quelques-unes sont condenses en peu de vers, comme cette gra- cieuce peinture de Bethsab6e:

1. Voir, par exemple, Sc. H. 46-52 ; Sc. vi. 408-112; Sc. xi. 131- 135; Sc. XIH. 7-10.

183 GEORGE PEELE

Brighter than inside bark of new-hewn cedar, sweeter than flame of fire-perfumed myrrh, and comelier than the silver clouds that dance on Zephyr's wings. (Sc. i. v. 55 sqq).

Peele semble s'&tre plu £ la beaut6 sensuelle qu'of- fraientcertaines situations de son intrigue, etfestonne chacune de ces scenes d'une guirlande de descriptions aux couleurs et aux parfums exotiques *. Comme le voulait son sujet, il s'efforce d'incorporer dans son drame les fastueuses images du Cantique des Can- tiques ou de quelques Psaumes, et r^ussit souvent a communiquer a ses vers un peu de leur orientale splendeur. Des reminiscences de tous les livres du Vieux Testament donnent a la piece un ton scriptural bien approprie 2 ; effet auquel contribuent encore le frequent usage de laparabole, si familier a rimagina- tiqn hebraique, et Finsertion dans le texte de noms propres bibliques. Leur constante presence, 1'art avec lequel ils sont introduits dans les limites du vers mon- trent que Peele les aimait pour leurs qualit^s sonores ; et dans des vers comme ceux-ci :

And Jonathan, Abinadab and Melchisua

water 'd the dales and deeps of Askaron

with bloody streams that from Gilboa ran

in channels through the wilderness of Ziph (Sc. vn, v. 27 sqq).

4. Lire, entre autres, 1'invocation de Bethsabee au Zephyr et la description de 1'ete par Absalon.

2 Les exemples abondent : <4 Fairer than Isaac's lorer at the well " (Sc. i. 54) ou :

"God, in the whizzing of a pleasant wind

shall march upon the tops of mulberry-trees " (Sc. XH. 16-17) ou encore : " As whilom he was good to Moses 'men by day the Lord shall sit within a cloud" etc. (Sc. xn. 19 sqq.)

Neitzel, op. cit., a signale la plupart des reminiscences bibliques.

L'OEUVRE DE PEELE 15i

nous entendons une note faible, mais distincte, des melodies futures : de I'harmonieux entrelacement de noms bibliques qui, longtemps apres, devait prater une majestueuse dignite" a I'epope'e de Milton1.

Le seul fait qu'une telle comparaison soit possible plaide en faveur du g6nie de Peele, et est en lui- ni6me un eloge sur lequel nous laisserions volontiers sa piece. Mais il reste une difficile question a r6- soudre : David and Bethsabe ' constitue-t-il un tout, ou n'est-il qu'un long fragment? Un examen attentif laisse peu de doute sur la re*ponse; toute une s6rie de fails semble de"montrer que nous avons seulement une partie de 1'oeuvre de Peele. Son drame porte, h premiere vue, la marque distinctive des productions inacheve"es : un disaccord trop frequent entre les divers Episodes qu'il prSsente. II y a, dans ses quinze scenes, quatre ou cinq contradic tions absolues, dont deux, les plus frappantes, peuvent 6tre Isoldes comme exemples typiques. Klles se suivent, d'ailleurs, de pres dans notre texte. Scene vi, la ffcte champfttre ou pe>it Amnon est donn^e par Amnon m£me, et non par Absalon, comme on 1'avait originairement projet6 ; et dans la 7* scene, bien que le meurtre n'ait provoqu6 ni la vengeance de David ni le bannissement d'Absalon, une veuve

1. Nous pourrions citer d'autres vers encore ; e. g.

" Even from the valleys of Jehouphat

Up to the lofty mounts of Lebanon" (Sc. iii. T. 55-4) ou bien : •• The dew that on the hill of Hermon falls

rains not on Sion's top lofty towers ; the plains of Gath and Askaron rejoice " (Sc. v. T. 6 §q<i). ete.

152 GEORGE PEELE

de Th6cu6, sur le conseil de Joab, s'adresse au roi en ces termes:

Call home the banished that he may live

and raise to thee some fruit in Israel, (Sc. vn. v. 148-9)

implorant ainsi le rappel d'une sentence qui n'a jamais 6te prononcee. Ces inconsequences, et d'autres ana logues ', sont ddjaassez significatives. Mais nous pou- vons invoquer d'autres arguments, signaler par exem- ple la presence dans le quarto d'un court fragment absolument Stranger au contexte2, etmentionner que le dernier choeur de la pi&ce reste inintelligible si Ton n'admet pas Thypothfcse d'une suite, perdue ou jamais £crite:

Now, since this story lends us other store to make a third discourse of David 's life, adding thereto his most renowned death and all their deaths that at his death he judged, here end we this, and what here wants to please we will supply with treble willingness.

Le passage est difficile a expliquer, mais si nous le comprenons correctement, il signifie que Peele avail

4. Remarquez 1'entree soudaine de Thamar, a la Sc. m(v. 30) et la mention qu'elle fait d'un episode (v. 34) ignore de nous ; ou encore 1'invraisemblable invitation d'Absalon a Amnon, contre qui il vient de proferer des menaces de mort (Sc. in. v. 426 sqq. et 452 sqq. surtout 468).

Z. " What boots it, Absalon, unhappy Absalon,

sighing I say, what boots it, Absalon, to have disclos 'd a far more worthy womb than"...

(imprime, dans le quarto, apres le 2e choeur, i. e. quand Absa- on a de"ja ete tue par Joab).

L'OEUVRE DE PEELE 153

CODQU son drame comme une sorte de trilogie tra- gique, traitant successivement du p6ch£ de David, de son expiation, et de sa redemption. Les deux pre mieres parties sont venues jusqu'ci nous sous les litres (donnas en t&te du quarto) des l Amours de David et de la belle BethsabSe ' et de la l Trag<§die d'Absalon '. La troisieme resta inachev£e ; et pourtant quelques mots du choeur et diverges indications relevSes dans les dernieres scenes nous permettent d'en imaginer le contenu. Base*e sur le ler Livre des Rois, elle eut renferme la r6volte de Joab et d'Adonias, leur fin malheureuse, la mort e"difiante de David, et enfin 1' accession au tr6ne de Salomon, dont la vertu, la purete et la sagesse etaient le symbole du pardon definitif de Jehovah et du renouvellement de sa faveur & la race de David1.

L'achfcvement de la piece sur ces donne"es eut pu seul de*gager toute la grandeur tragique de son theme. Mais dans I'etat m&me ou elle a •'•!.'• Iaiss6e par son auteur, ou du moins ou elle nous est parvenue, nous pouvons discerner la noblesse de sa conception et mesurer 1'habilete artistique avec laquelle cette con-

1. Ces episodes sont prepares dans les Ue et 15e scenes. Les promesses explicites faites par David a Salomon sont introduces dans le texte pour motiver la r^volte d'Adonias (un ills plus Ag6 de David) dont le nom apparait en t^te de la scene, quoiqu'il ne joue aucun r6le dans le drame. II faut en outre constater que Peele s'ecarte quelque peu de la Bible en rendant plus directes et plus \iolentes les menaces de Joab au roi, avec Tintention e"vidente de justifier la mort imminente de Joab une des " deaths that at his death he (David) judged".

154 GEORGE PEELE

ception estr6alisee. ' David etBethsabee' prend inde- niablementle pas sur les autres productions de Peele, et doit sa preeminence non point a son vers, quoique doux et plaisant, ni a son style, quoique riche en images delicates ou somptueuses, mais a la majeste de ses eftets sceniques, a son pathetique, a ses traits de sensibilite emue, en un mot a sa peinture des caracteres, qui 1'eievent, malgre toutes ses imper fections, du niveau d'un poeme dramatique a celui d'un drame reel.

LES POEMES.

4 David et Bethsabee ', la meilleure contribution de Peele au theatre elisabethain, fut aussi la derniere. Ses ecrits posterieurs sont des poemes intitules c The Honour of the Garter ' ou c Anglorum Feriae ' ; et la mention de ces compositions nous amene a la derniere section de notre travail : 1'etude des oeuvres purement poetiques de Peele.

Les poemes dont nous avons a traiter ont ele Merits a presque tous les stages de sa carriere, de 1579 a 1595. Us pr6sentent, n^anmoins, un aspect 6tran- gement similaire, du sans doute au fait qu'ils sont tous, sauf le c Tale of Troy ' et la l Praise of Chas tity ' des specimens de poesie adulatrice. Comme tels, ils contiennent plus d'un detail qui peut avoir sa valeur pour 1'historien, mais ajoutent peu au renom de Peele. Le merite d'un poeme, generalement par-

L'CEUVRE DE PEELE 15o

lant, est en raison inverse de Tiniest qu'il offre a l'e>udit. Une pifece de vers courtisanesque est essen- liellement une piece de circonstance, el qui ne peut pas d6passer les limites de la circonstance qui l'a fait naltre. L'anniversaire d'une reino, 1'installation de quelques chevaliers de la Jarretiere sont choses qui inte>essent d'autant moins le grand public qu'elles inte*ressent plus les personnes dont la naissance a 6*16 ce*l6br6e ou qui ont 6t6 1'objet d'une distinction honorifique. De*gager de ces incidents des pens6es et des sentiments <!' in I i-iv I commun qui puissent trans former la piece de circonstance en un poeme veritable est une tache difficile etardue; et quoique, dans ce genre, Peele ait t£moign£ quelque talent, il n'avait pas assez de ge*nie pour triompher completement de tous les obstacles.

Le 'Tale of Troy' et la 4 Praise of Cbastity ' sont les deux seuls poeines qui n'aient point a porter le fardeau de flatteries conventionnelles. Ceci ne veut point dire, d'ailleurs, qu'ils soient meilleurs que le reste ; 1'inverse serait plut6t vrai. - - Le l Tale of Troy', bien que public* en 1589!, est une oeuvre de jeunesse1, un exercice de versification sur le theme ISgendaire des guerres troyennes, et il est clair qu'a Theure ou il fut compost, les aptitudes de Peele

1. Une edition revue, mais & peine corrigee, parut en 1604 sous un format r6duit (4 pouce 1/2).

•2. Voir la d^dicace du ' Farewell to Norrisand Drake ': " Whe- reunto I have annexed an old poem of mine own, the tale of Troy ", etc.

156 GEORGE PEELE

n'avaient pas atteint leur complet d^veloppement. 11 demandait encore presque servilement une inspiration aux auteurs classiques qu'il venail d'6tudier, ou aux Merits contemporains qui 1'avaient s6duit. L'insertion de details pastoraux dans le conte mythologique doit ainsi 6tre attribute a une imitation du l Shepherd's Calendar ' de Spenser, dont Peele reproduit textuel- lement un vers1; tandis que Fair m6die>al plut6t qu'he!16nique de ses personnages montre 1'influence de ce chaucerianisme qui avait pris, pour un temps, la tyrannie d'une mode dans la litte>ature 6lisa- bethaine. Mais le ' Tale of Troy' est, avant tout, un epitome versifie d'un livre des Metamorphoses d'Ovide, le 13% et de quelques-unes de ses H6ro'ides, 5, 16 et 17. Tantot paraphrase et tantot traduction, c'est une version anglaise du texte latin, abr6g6e en presque toutes ses parties, I6gerement d6velopp6e sur quelques points, et completee a 1'aide de fragments de 1'Eneide ou d'autres sources moins nobles : Dares Phrygius ou Dictys Cretensis. Peu, trfcs peu d'addi- tions sont originales, mais il faut reconnaltre, a la louange de Peele, qu'elles contiennent les meilleures images du poeme. La description dela flotte grecque quittant Aulis

as shoots a streaming star in winter's night (v. 257) ou la peinture de la joie de Paris,

4. " And tuned his pipe unto the water fall " (T. of T. v. 70) ; cf. Spencer. Sh. G. April, v. 36 " And tuned it unto the water fall".

L'CEUVRE DE PEELE r>7

as blithe as bird of morning 's light in May (v. 190)

montrent Peele sous son jour le plus favorable. De tels passages, cependant, sont rares et courts, et, dans 1'ensemble, le l Tale of Troy ' est un r6cil rabo- teux et in£gal en pentametres rim6s, et ressemble h une mosaique moderne faite de fragments antiques maladroitement raccord6s.

La l Praise of Chastity M, quoique bien plus courte, est plusriche en beaux vers et en images brillantes, et le reproche auquel elle est exposed est d'ordre plut6t moral que litte>aire. Peele a orn6 le plaisir sensuel de ses plus attrayantes couleurs pour rendre d'autant plus grand le triomphe de la vertu. II imagine qu'il suffit de nous assurer de la victoire finale, sans s'apercevoir que de trop complaisantes peintures du p6ch6 vont directement & Tencontre de ses intentions. Mais nous pouvons peut-£tre pardonner Terreur psycbologique qu'il a commise en d^crivant trop chaleureusement les charmes de la beaule\ en raison de ce vers exquis :

Her dainty hand made music with her lace (v. 71)

Tous les poemes de Peele se rachelent ainsi par des passages d'une incontestable beaut6, qui nous engagent b. les lire malgr6 Tinsipidit6 de leur matiere. En 6tudier un 6quivaut h les connaltre tous, et nous ne pouvons guere les differencier que par leurs titres

1. La Praise of chastity ' fut publi^e, en 1593, dans 1'anthologie intitule ' The Phoenix Nest ' (permis d'imprimer. 8 Oct. 1593).

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4 Pageant Woolstan Dixie ', l Descensus Astreae ', 1 Farewell to Norris and Drake ', ; Eclogue Gratu- latory ', ' Polyhymnia1, c Honour of the Garter' et 1 Anglorum Feriae'1, ou par cette circonstance accidentelle qu'ils furent Merits, les uns pour les f&tes de la Cit6, les autres pour les galas de la Cour.

Ceux que Peele composa en quality de u city-poet " contiennent simplement les diverses tirades des per- sonnages qui figuraient dans les processions, mais aucune description des ce>e*monies m£mes, comme ce fut plus tard la coutume au temps de Monday et de Chettle. Lespoemes, cependant, nous apprennent que la pompe d6ploye"e lorsque Dixie ou Web entrfcrent en fonctions 6tait pr6cis6ment semblable a celle qu'6talfcrent ces fetes solennelles jusqu'au jour de leur suppression. Nous avons les memes chars et les memes estrades, la meme repr6sentation de person- nages mythologiques ou allegoriques : Thalie,

1. Nous avons a dessein omis de cette liste les ' Speeches at Theobalds " comme entaches de suspicion. 11s furent pour la pre miere fois imprimes par J. P. Collier d'apres trois manuscrits tombes en ses mains (?), le premier en 1833, les autres aune date ulterieure. Mais ces poemes se rapportent a des incidents (retraite de Lord Burleigh a Theobalds, apres la mort de sa mere, de sa femme, et de sa fille, etc.) qui se trouvent mentionnes longue- ment dans les ' Progresses of Queen Elizabeth etc ' de Nichols (vol. ii. The Hermit's Oration al Theobalds. Io94. penned by Sir Robert Cecil) et peuvent avoir et6 construits sur ces donnees par Je faussaire litteraire qu'etait Collier. Leur forme, d'ailleurs, est si peu peelienne que le ' Gardener's Speech' et le ' Molecat- cher's Speech' ont ete attribues a Lyly par son dernier editeur, Mr. Bond. II semble, en tout cas, preferable de reserver notre jugement, en 1'absence des manuscrits decouverts (?) par J. P. Collier.

L'OEUVRE DE PEELE 159

Agla6 , Clio, Magnanimity Loyaute\ etc., les mftmes flatteries a Tadresse du maire de Londres, etles habi- tuels calembours sur son nom1. 11 nous faut, toute- fois, supplier a la raret6 des traits descriptifs pour reconstituer le d6cor de ces rejouissances publiques et imaginer la procession traversant les rues de la cit6 : des pages d'abord et des joueurs de fifre pour d6blayer la route ; puis de pr6tendus sauvages excites par le bruit des petards et 1'odeur de la poudre ; les trom- pettes et les musiciens de la < i I > ; les membres des corporations avec leurs longues robes et leurs capu- chons noirs et rouges; les officiers du sheriff; (les officiers du Maire; et enfin le Maire lui-m&me, v&tu de pourpre, une lourde chalne d'or sur la poitrine, accompagn6 par ses raassiers, et suivi de tous les 6chevins.

La splendeur de ces pompes municipales semble, pourtant, n'avoir fait qu'un indifferent appel a 1'ima- gination de Peele. 11 se sentait plutdt attir6 vers les jeux guerriers, joules et tournois qui rehaus- saient les ffctes de la Cour ; et ses vers nous commu- niquent plus d'une fois les agr6ables impressions qui avaient 6t6 les siennes a ces spectacles. Nous applau- dissons avec lui aux prouesses d'6quitation des che-

4. * Pageant Woolstan Dixie ' v. 534.

" For London '* welfare and her worthiness ; dixi".

1 Pageant William Web' (Descensus Astreae) v. 2 et 9-10.

'•How Time hath turned his restless wheel about,

and weav 'd a web

for your con tent".

160 GEORGE PEELE

valiers; nous partageons Finte>et qu'il prend aux devises de leurs boucliers, aux ornements cisel6s de leurs armures, aux housses brod^es de leurs coursiers, au jeu de la lumiere sur les cuirasses d'acier, sur les casques 6tincelants et la pointe brillante des lances. Nous voyons les chevaux piaffer, s'6brouer, se cabrer ; nous entendons le son aigu des clairons et des trom- pettes, et le choc terrible, au milieu de Farene, quand les armures se froissent et se heurlent, et les lances se brisent en 6clats.

De telles descriptions remplissent plus qu'ci moiti6 les po&mes de circonstance de Peele, etla similitude des peintures qu'ils contiennent tous rend impossible un compte rendu distinct de chacun d'eux. Mieux vaut, semble-t-il, les jeter en masse dans le creuset de Fanalyse, et les require a leurs elements consti- tuants.

De ceux-ci le plus important est, naturellement, la flatterie, flatterie al'adresse des commandants de la flotte anglaise : Drake ou Norris, a 1'adresse des sei gneurs de la cour : Sir Henry Lee, Cumberland, etc., des favoris de la reine : Burleigh ou Essex, mais surtout a 1'adresse de 1'incomparable Elisabeth elle-meme. II serait oiseux d'6nume>er ici tous les compliments et toutes les epithetes qui lui sont prodigu6s, mais il est inte>essant de constater que, dans 1'adula- tion dont elle est Tobjet, nous retrouvons pour ainsi dire une quantite variable et une quantity constante. La premiere se r^soud en allusions politiques qui dif-

LCEUVRE DE PEELE 161

ferent avec la date du poeme. C'est ainsi que dans les jours paisibles de 1585 ou 1590 la reine est ce16br6e comme 1'universelle pacificatrice ; qu'aprfes ses vic- toires sur 1'Espagne, elle devient la glorieuse impe"- ratrice du monde,

over whose throne the enemies of God

have thundered their vain successless braves, (Farewell. 68-69)

et qu'en 1595, 1'annge des complots du Catho- licisme anglais centre sa vie ', elle s'entend glori- fier comme ointe du Seigneur et deTenseur de la foi,

by miracles preserv 'd from perils imminent and infinite, (Angl. Per. 18-19)

- Quant a la quantity constante, elle consiste en toutes ces formules de louange hyperbolique qui furent employees a tour de rdle par chaque poete 6li- sabeHhain. Si tous les personnages que Peele trans- forme en pane"gyrisles de la reine 6taient ranges en procession, leur cortege serait aussi long que dispa rate. En t&te marcherait la Renomm6e u cloth 'd in falcon's feathers to the ground" (Hon. of Gar. 54), puis deTilerait une 16gion imposante de chevaliers, sur des montures richemenl caparagonn^es, et suivis d'une foule d'hommes d'armes, d'6cuyers etde pages aux Iivr6es 6carlates. Derriere, a une allure plus lente, une troupe de bergers, de bergers, non,

4. Les attentats criminals de Roderigo Lopez, medecin de la reine et de Patrick Cullen. par ex., furent machines par desr^fu- gies catholiques anglais. V. Camden. ed. 4688. p. 484 sqq.

CHEFFAUD. ix

102 GEORGE PEELE

mais de nobles deguis6s comme tels, et conduisant de leurs houlettes d'or un troupeau symbolique de moutons enrubann6s. Enfin, pr6c6d6es par le parfum de la myrrhe et du baume,

dancing and singing sweetly as they go, three naked virgins, deck'd in garlands green,

(Hon of Gar. 64-65)

les trois Graces, Ii6es par des chatnes de fleurs, escor- t6es d'un essaim d'Amours auxjoues roses. Et c'esta Windsor que cet 6clatant cortege dirigerait allfcgre- ment ses pas, pour y trouver et y adorer la Reine Vierge,

under a canopy of crimson bysse,

spangled with gold, and setwith silver bells. (Hon of Gar. 64-65)

Nous devinons les r6v6rences et les courbettes, nous entendons les paroles d'humble flatterie, mais jugeons inutile de les rep^ter avec autant de complaisance que Peele.

II y a pourtant un 6l6ment plus noble dans son adu lation ; un peu de sinc6rit6 en rachete le ton g6n6ra- lement artificiel. Dans quelques vers nous d6couvrons d'bonorablesraisonsa son attitude enthousiaste envers la cour, le sentiment que la souveraine est la Dame Id6ale de ses po&tes en m6me temps que le chef de FEtat. Ses ardents 61oges sont en partie une expression du loyalisme, du r6el patriotisme, dont les notes sonores retentissent dans son ' Farewell to Norris and Drake'. Ce patriotisme, comme toute passion

L'OEUVRE DE PEELE 163

yiolente, est agressif, dirige" d'abord centre les ennemis h 1'orgueil ambitieux, qui oserent menacer Elisabeth de leur Armada,

shipped for fight,

to forage England plough 'd the Ocean up, and slunk into the Channel that divides the Frenchmen's strand from Britain's fishy towns

(H. of G. 12 sqq.)

Mais la haine de Peele n'est pas limited & 1'Espagne. II soupire & la pense*e que 1'Angleterre a pu aban- donner la lutte centre la France ; il se rdjouit de voir les lions des armes britanniques s'orner de nos fleurs de lys ; il aime & r6p6ter les noms d'Edouard III et du Prince Noir, & rappeler les siecles de guerre, ou les troupes anglaises apprenaient le fram;ais par la me*- thode la plus directe,

went to school to put together towns, and spell in France with fescues made of pikes (H. of G. 125-6)

De sauvages sarcasmes de ce genre sont lance's a la France, £ 1'Espagne, a tous les pays catholiques en g£ne>al ; et nous ne saurions nous elonner de cette violence, car Tanimosit^ de Peele reposait h la fois sur des prejug£s de race et de religion. Un ton de protestantismeopiniatre, intransigeant, estmanifeste dims tous ses poemes, et parfois m^me imporluu. 11 d6guise la Superstition en pr6tre, Tlgnorance en moine, et leur fait all6goriquement empoisonner les sources pures du bonheur britannique ; il parle de I'ltalie comme des u ^curies d'Augias", de Rome

164 GEORGE PEELE

comme du "siege de 1'avarice a triple tiare", et accumule les invectives sur les supp6ts d6test6s du papisme qu'il abhorre.

De telles marques d'intolerance cadrent mal avec nos gouts modernes ; mais nousne saurions nous faire les censeurs des convictions de Peele. Nous n'avons qu'a juger la forme litte>aire qu'il leur donne, et, de ce point de vue, il faut reconnaitre que, dans ses Eclats de patriotisme vehement ou d'enthousiasme orthodoxe, il sait donner h la passion toute son elo quence ettoutesa force. Lavigueurn'estpas,pour- tant, le ton dominant de ses poemes; 1'impression qu'ils laissent est plutot une impression de grace et de douceur. Ecrits, comme ses drames, en vers blancs coulants et faciles, en un style a la fois elegant et simple, ils font honneur a ses qualit6s techniques d'6crivain. L' c Eclogue Gratulatory' n'est qu'une exception, une experience malheureuse danslalangue demi-archaique de Spenser; mais les autres, et surtout 1' ' Honour of the Garter ' et i Anglorum Feriae '*, sont parmi les meilleurs specimens de

1. Nous ajouterions volontiers < Polyhymnia ' ou tout au moins le beau " sonnet " qui clot le poeme i

" His silver locks time hath to silver turn 'd " etc. ;

mais Mr. Bond, op. cit., revendique le poeme comme ecrit par Lyly, sur la foi d'une certaine similitude d'expression avec les 03uvres lylyennes. Nous ne croyons pas que les ressemblances qu'il signale (v. i et Endim. ii. 3-30; v. 7 et Euph. ii. 209 36, Camp. iv. 3-8; v. 10 et Euph. i. 224-5, 32-38, etc.) suffisent pour priver Peele du credit d' avoir compose ce petit chef-d'oeuvre, et faisons simplement la part du doute en resistant au desir de le citer.

L'OEUVRE DE PEELE i«S

vers blanc non dramatique ante>ieur a Milton. Le cours e"gal et doux de leur metre compense la vanit6 de leur contenu ; et quelques passages heureux, d'ordre pastoral ou he>oique, temperent la monotonie de leurs flatteries interminables. Tantdt une simple expression uthesweet transparent air", "the golden morning " ou '4 thes ilver-winding waves ", Sveille en notre esprit une sensation plaisante. Tantdt nous trouvons une fralche peinture de paysage:

Even at that time did I take my rest, in sight of that fair castle, that overlooks the forest one way, and the fertile vale water'd with that renowned river Thames, old Windsor castle (H. of G. v. 16 sqq);

tant6t la description soigneusement polie d'un che valier,

all arm'd in sables, with rich bandalier that baldrick-wise he wore, set with fair stones and pearls of Ind, that like a silver bend show'd on his varnish 1d corselet black as jet,... and plumes as black as is the raven 's wing that from his armours borrow 'd such a light as boughs of yew receive from shady stream ;

(Pol. v. 71 sqq.);

et dans des vers comme ceux-ci nous sentons que le poete, meme dans son rdle de flagorneur a gages, savait discerner 1'aspect poetique et la beaute pitto- resque des choses qu'on le payail pour louer.

166 GEORGE PEELE

CONCLUSION.

Les pofcmes, en tout cas, nous 6clairent a plus d'un £gard sur les gouts de Peele. Leur richesse' eft descriptions de carrousels et de joutes, de tournois ou de batailles leur donnerait un ton presque exclu- sivement h6roi'que, si les allusions aux ev6nements contemporains n'6taient souvent couvertes d'une sorte de voile pastoral. Tels qu'ils sont, ils t6moignent a la fois de 1'enthousiasme pour la vie active, de Tadmi- ration pour les hauts faits d'armes, et du vif pen chant pour le charme conventionnel de la bucolique qu'on retrouve dans tous les Merits de Peele.

II est tentant, sans doute, de parler, comme on 1'a souvent fait, de la souplesse de son talent, de traiter comme masques la l Mise en Jugement de Paris ' et la 4 Poursuite d' Amour ' ; la 4 Bataille d'Alcazar ' comme une trag^die de vengeance et de sang ; c Edouard I ' comme une pi&ce historique, l David et Bethsab6e 7 comme un mystfcre attard6, et le ' Conte de Vieille Femme ' plus ou nioins comme une comSdie roma- nesque. Mais, si nous essayons de classer ces produc tions, nous voyons bientot qu'a 1'exception de la derniere, elles appartiennent aux deux types de la pastorale et du u drame-chronique". Que les traits caracteristiques de la pastorale se trouvent dans T ' Arraignment ' et le ' Hunting ', nous nous sommes d^jaefforces de le montrer. Le faitque Peele a brod6

L'CEUVRE DE PEELE 167

ses scenes rustiques sur un canevas mythologique ne I'empfeche nullement de preserver les marques distinc- iives du genre ; et quelques touches demotion sin cere ou de simplicity naive furent tout son apport a une tradition qu'il respecta, dans Tensemble, tres fidelement. Ses relations avec le drame historique sont un peu plus complexes. l Edward I ' seul re*poud en tous points a une stricte definition des pieces de cette olasse. Le melange du tragique et du comique, I'enchatnement moins rigoureux des Episodes, une diction plus libre, une rhe'torique moins serre*e, r6- velent une adhesion 6troite au type reconnu. La parent^ rtfelle de la ' Battle of Alcazar ' et de l David and Bethsabe ' a ce m&me type ne saurait pourtant &tre m^connue, quoique rendue moins 6vidente par Fintroduction d'^l^ments Strangers dans leur con ception ou leur structure. La * Bataille d'Alcazar' est avant tout une piece historique sur un sujet tire* d'annales£trangeres;4 David 'un " drame chronique" sur un theme bibiique ; mais tous deux tentent une combinaison du drame s6ne*cien avec les compositions moins 61abore*es du theatre populaii-e. Frustre^e dans le premier cas par une imitation coucomilante de Marlowe, cette tentative r^ussit mieux, et de beau- coup, dans le second ; et elle mtfrite qu'on s'y arr^le, parce qu'elle diff^renciel'ceuvre de Peele de celle de ses contemporains. Tout en faisant appel aux sym pathies habituelles de son public, il s'efforga d'intro- duire dans ses compositions des 616ments plus nobles

168 GEORGE PEELE

emprunt^s & la tradition classique, et Ton peut voir la im effort pour communiquer au drame irr£gulier du peuple un certain sens de Tordre et de la forme artis- tiques. L' l Old Wives Tale', bien que different en caractere de toutes ses autres productions, dSfinit plus clairement son attitude a l'6gard des pieces de son temps. Parodie des drames romanesques, il ridi- culise espifcglement ceux monies de leurs defauts que Sidney critiquait dans sa ' Defence of Poesy ', leur manque absolu de proportion, leur surabondance d'incidents, et la confusion qui en r^sulte et defend ainsi indirectement la position interm6diaire prise par Peele entre la raideur contrainte de l'6cole pseudo- classique et la licence sans limites des dramaturges populaires.

La nouveaut6, d'ailleurs relative, de cette position constitue le seul titre de Peele a un peu d'originalite. Partout ailleurs, son manque d'invention n'est que trop Evident. La rSceptivite" et 1'imitation 6taient les traits les plus saillants de son temperament litt^raire, et dans les deux stages de sa carrifcre, qu'il 6crivlt pour la cour ou pour les com6diens de Londres, il ne sut jamais entifcrement se dSgager de Tinfluence d'autrui. A la cour, composant ses pieces pour I'amusement d'une reine e*rudite et d'une soci6t£ que dominaient tyranniquement des gouts classiques et arcadiens. il suivit le sillage de la mode en dramatisant Fidylle pastorale r6cemment mise en vogue par Spenser. L'imaginations6duite paries visions dories de beaute"

L'CEUVRE DE PEELE 169

delicate et sensuelle que lui offraient ses themes buco- liques, il fit rSsonner une fois encore les m61odieux pipeaux des p&tres, evoqua la gr&ce des nymphes rustiques endormies k 1'ombre des h&tres, berce*es par le bruissement monotone des brebis paissantes, et sut ainsi flatter les platoniques aspirations d'une noblesse blase'e vers une vie de simplicite et d'inno- cence. Trfes diffe>entes 6taient les exigences du public londonien, et rindiffe>ence absoluedes specta- teurs aux amours et aux douleurs des bergers et pastourelles 1'incita k chercher d'autres themes, plus sensationnels, des scenes de bataille, de meurtre et de sang. Mais le changement n'6quivalait qu'k un passage de 1'influence de Spenser & celle de Marlowe, de S6neque et du drame historique ; et, quels que fus- sent ses modules, la me"thode de travail de Peele resta essentiellement la m^ino.

II serait pourtant exage>6 de le repr6senter comme un servile imitateur. II se montra aussi, jusqu'k un certain point, capable de creer. Le choix de ses sujets te"moigne d'un sens dramatique averti. C'est Toeil d'un artiste qui a choisi dans le cycle des 16gendes troyennes le jugement de Paris et dans la vie de David l^pisode de son amour pour Bethsabe"e. L'in- trigue du l Conte de Vieille Femme ' est en soi extrfc- mement attrayant, et le sujet m&me de la ' Bataille d' Alcazar ' ou d' 4 Edouard I ' n'est point d6nu6 d'in- te>6t. II faut faire ^galement credit h Peele de quelque adresse et dexte>ite* dans le traitement de ses sources.

170 GEORGE PEELE

Qu'il fit usage du mythe classique ou de la tradition populaire, ou qu'il utilisat les mat6riaux moins mania- bles de Fhistoire, il prouva par un judicieux proceeds de selection et de coordination qu'il n'etait pas igno rant de la perspective et de la sym^trie litt^raires, et qu'il s'efforc,ait toujours d'atteindre une certaine har- monie et unit6 d'effet.

Toute son oeuvre est ainsi contr616e par une sorte de faculty critique, a Finfluence de laquelle il nous faut aussi attribuer les modifications apport6es a la structure dramatique, les progrfcs faits d'une pi&ce a 1'autre dans la representation des caractfcres.

En ce qui touche la construction, il serait t6meraire de g&aeraliser, puisque nul des drames ne nous est parvenu dans un 6tat parfaitement satisfaisant. II y aurait quelque difficult^, du reste, a parler d'un progr&s de Fincoherent l Edward I ' sur 1' ' Arraign ment ' aux proportions 616gantes. On peut, toutefois, remarquer dans toute la carri&re de Peele une ten dance graduelle bien definie vers une plus grande complexity de plan. Tandis que 1' ' Arraignment of Paris' et la 4 Battle of Alcazar' ne contiennent en somme qu'une action, ' Edward I ' montre la jux taposition d'un Episode amoureux et d'une intrigue politico-militaire, augment^e de scenes comiques; 1 David and Betbsabe ' pr^sente une abondance de motifs plus logiquement relics Fun a 1'autre ; et F ; Old Wives Tale', enfin, prouve chez son auteur un reel pouvoir pour d^velopper et condenser un argument

L'OEUVRE DE PEELE 171

complique\ A tout prendre, on pourrait dire que te dramaturge se familiarise insensiblement avec sa melhode de polymythie, mSthode essenliellement inconnue de Marlowe ou de Greene, et combine de plus en plus adroitement plusieurs actions dans les limites d'une seule pifcce.

Le progres de 1'analyse psychologique est encore plus manifeste. L'inaptitude a concevoir fortement les r6alit6s de la vie qui causait une certaine g£ne dans les scenes de la * Mise en Jugement ' ou de la 4 Bataille d' Alcazar', disparalt dans les pieces post6- rieures. c Edouard I ' r6vele deja un effort vers une representation plus s6rieuse des caracleres; dans 4 David et Bethsab6e * les personnages principaux Emergent des ombres indistinctes du fonds et se de"tachent nettement a nos yeux, individuality's replies et vivantes, et quoique, m&me dans ce drame, Peele ne r6ussisse point a faires siennes toutes les ressources du palh6tique, son manque de vigueur et de passion ne peut nous empftcher de reconnaltre Tam^lioration constante de sa technique de la premiere a la derniere de ses compositions.

La sympathie qu'il montre invariablement a ses personnages magnanimes et vertueux est digne d'at- tention. Dans tous ses drames le thfeme est trait6 avec ferveur morale. On n'y rel&ve aucune trace de ce pardon hatif, inconside>6, du vice, ou de ces repen- tirs soudains et faciles du p6cheur qu*on trouve, par exemple, dans le 4 James IV ' ou le ' Looking Glass '

172 GEORGE PEELE

de Greene. L'idee de retribution est le leitmotif qui reparaltdans tousses 6crits; et la reconciliation, dans son c David ', du principe de redemption et de celui d'expiation n'ajoute qu'une touche chretienne au fata- lisme retributif qu'il avait herite de Senfcque. Son reuvre n'est jamais entacheede cynisme, d'indecence ou de suggestions immodestes, et sa notable purete, 1'insistance qu'elle met a rester morale, la distinguent de celle des dramaturges contemporains qui, Kyd excepte, s'embarrassaient peu de tels scrupules.

De fermes croyances religieuses, une foi anglicane prolixe, un patriotisme aussi z616 qu'intolerant, tels sont les sentiments qui semblent avoir trouv6 le plus de faveur auprfcs de Peele. Us se pr&taient, malheu- reusement, a des de"veloppements lyriques ?plutot que dramatiques, et Peele a trop souvent cede a la tenta- tion d'inserer dans ses pieces de longues tirades sur ces themes favoris, tirades qui, malgre tous leurs merites poetiques et oratoires, restaient nettement etrangeres a 1'essence du drame.

Ce n'est point la, d'ailleurs, la seule concession qu'il fit au lyrisme. Ses manierismes les plus frap- pants: alliteration, repetition d'un mSme mot ou rap prochement de mots semblables, gout avere pour toutes les formes de reiteration et de paralielisme, prouve sans doute le soin qu'il apporta a la compo sition de ses pieces, mais enlerent trop souvent a son style toute efficacite dramatique. L'impropriete de la diction est accrue encore par le maniement du metre.

L'CEUVRE DE PEELE 173

Peele garda jusqu'a la fin une attitude ambigue, hesitant sans cesse entre le vers blanc que la mode le pressait d'adopter, et le vers rim6 vers lequel 1'entratnait son inclination personnelle. Sa l Bataille d'Alcazar ' et son 4 David ' sont les deux seules pieces entierement Scriles en vers he>o*ques avec un faible pourcentage de rimes ; mais dans ses autres produc tions les pentameires alternent avec toute une vari6t6 de mesures, surtout de courts metres lyriques; ou s'entremfclent tout au moins de nombreux * 4 cou plets " rim6s Levers blanc lui-meme, d'ailleurs, est peu dramalique. Pauvre en enjambements, pauvre en syllabes hyperm^triques, il est presque d£pourvu de toute souplesse, et par ses qualities im-mes , son aisance rythmique, sa douceur harmonieuse, la belle ordon- nance de ses figures, il se voit interdire d'exprimer ad6quatement la passion, parce que la passion est, avant tout, irr6guliere, violente et d6sordonn6e. L'abondance de u lyrical in terbreatbings", chants ou poemes intercal^s dans la piece pour le charme musical de leurs vers, arrete encore le derelop- pement de Faction ou des caracteres. Enfin 1'effet du dialogue est aflaibli par la profusion m&me des images qui pr6tendent Torner. La fantaisie de Peele se condense rarement en figures brfcves et ardentes ; elle s'6taleplut6tenm6taphores ^tendues, enlongues comparaisons ; et cette tendance indique un esprit incapable de subordonner ses images a l^motion qu'elles devraient illustrer. Le poete, du reste, n'he-

174 GEORGE PEELE

n'h^site jamais a sacrifier Finterei dramatique pour introduire quelque morceau descriptif propre a pro- clamer son amour de la couleur ou de la forme. La scene initiate de l David', gracieux tableau de Bethsab6e au bain est un exemple typique. Un corps souple et blanc qui brille sous Fonde endia- mant6e de la source ou s'entrevoitparmi les branches jalousement touffues du bosquet, un rayon oblique de soleil dans Tor de la chevelure, la vision passe devant nos yeux. Mais Peele s'attarde trop complai- samment, comme encbaln6 par la magie de la grace ; et semble encore irr^solu a engager Faction propre du drame. A chaque instant son imagination est ainsi enflamm^eparun sentiment d6licatde ce qui est beau dans la nature. Une prairie toute diapr6e de fleurs, le cours paisible d'une riviere, la fralcheur ensoleil!6e du matin Farretent et le s6duisent ; et, tandis qu'il les peint amoureusement en vers exquis, il oublie pour un temps le dessein et le developpement de sa piece. II y a peu, dans son oeuvre, de melaphores emprunt^es a la vie bumaine; la nature, et surtout la nature ina- nim6e, cieux, Stoiles, mer, fleurs et gemmes, lui fournissent le plus grand nombre de ses images. Copiers parfois des classiques et trait6es alors com me des ornements un peu factices, elles t£moignent plus souvent d'une observation fine et pen6trante, et donnent a sa po6sie une richesse de couleur, une 6l6gance gracile, un charme insaisissable qui tous attestent la sinc6rit6 de ses dons lyriques.

L'CEUVRE DE PEELE 178

De tels dons, cependant, servent aussi peu au dra maturge que la grace du style et la m6lodie da vers les deux aulres qualit^s dominantes de roeuvre de Peele. Qualites si manifestos, en fait, que dans une appreciation g6n£rale de son talent, ses r^elles apti tudes dramatiques sont n6cessairement obscurcies par ses m6rites d'6crivain, de styliste, et de pofcte. Ce serait la, si nous parlions d'un successeur de Shakes peare, une condamnatiou sans appel; mais, au temps de Peele, le drame anglais etait encore en voie de croissance et devolution, et avail avant toutbesoin d'un exemple de forme. Par 1'agencement des mots, 1'habile combinaison des phrases, I'ing&iieux arran gement des p6riodes, Peele contribua a donner cet exemple autantau moinsque Greene, Marlowe ou Lyly, et il m6riterait, fut-ce pour cette seule raison, d'etre c. » 1 11 [ »t .'• parmi les figures les plus £minentes de la premifere p^riode ^lisab^thaine.

APPENDIGE PEELE ET DU BARTAS

Peele. David $- Bethsabe. Sc. XV.

BETHSABE

What means my lord, the lamp of Israel From whose bright eyes all eyes receive their light, To dim the glory of his sweet aspects And paint his countenance with his heart's distress? Why should his thoughts retain a sad conceit, When every pleasure kneels before his throne And sues for sweet acceptance with his Grace? Take but your lute, and make the mountains dance, Retrieve the sun's sphere & restrain the clouds 10 Give ears to trees., make savage lions tame Impose still silence to the loudest winds. And fill the fairest day with foulest storms Then why should passions of much meaner power Bear head against the heart of Israel?

DAVID

Fair Bethsabe, thou mightest increase the strength

Of these thy arguments drawn from my skill

By urging thy sweet sight to my conceits

Whose virtue ever serv'd for sacred bain

To cheer my pinings past all earthly joys;

But, Bethsabe, the Daughter of the Highest,

Whose beauty builds the towers of Israel,

She that in chains of pearl & unicorn

Leads at her train the ancient golden world

Al'l'liNDICE 177

Du Barlas. La Seconde Semaine. Les Artifices.

II (Tubal) fait sur ce modele un lutli harmonieui, qui meine au bal les monts,

retrograde les cicux

oreille les foists, les lions dessauvage, impose aux vents silence et sereine Torage.

(Du B. 2- Sem. Art. 503 II).

Saincte fille du ciel,

dgesse qui ramenes 1'antique siecle d'or,

CHKFFAUD. ia

178 GEORGE PEELE

The world that Adam held in Paradise,

Whose breath refineth all infectious airs

And makes the meadows smile at her repair,

She, She, my dearest Bethsabe,

Faire Peace, the goddess of our graces here,

Is fled the streets of fair Jerusalem

NATHAN

55 Let Salomon be made thy staff of age, Fair Israel's rest, and honour of thy race.

DAVID

Tell me, my Salomon, wilt thou imbrace Thy father's precepts graved in thy heart, And satisfy my zeal to thy renown 60 With practice of such sacred principles As shall concern the state of Israel.

SALOMON

My royal father, if the heavenly zeal Which for mywelfare feeds upon your soul Were not sustained with virtue of mime own, If the sweet accents of your cheerful voice Should not each hour beat upon my ears As sweetly as the breath of heaven to him That gaspeth scorched with the summer's sun I should be guilty of unpardoned sin 70 Fearing the plague of Heaven & shame of earth; But since I vow myself to learn the skill And holy secrets of his mighty hand Whose cunning tunes the music of my soul It would content me, father, first to learn How the Eternal framed the firmament, Which bodies lead their influence by fire, And which are filled with hoary winter's ice,

What sign is rainy and what star is fair, Why by the rules of true proportion,

APPENDICE 17»

qui, belle, rass6renes 1'air trouble de tromjons;

qui fais rire les champs

0 Paix, heureuse Paix, tu sois la bienvenue, Vierge depuis vingt ans aux Gaulois inconnue,

(Du Bartas. 2" Sem. Les Artifices. 1. 1 ff.)

Seth, qui tient du saint Abel la place, Baston de sa vieillesse, et gloire de sa race.

(Du Bartas. Sem. id. 1. 518 f.)

II (Seth) parle en ceste sorte: "0 pere, si le zele Qui te ronge pour moi d'une ardeur cternelle Ne m'etait point conu : si tu ne me conois D'un ml sans fin veillant : si ta prudente voix Ne batoit nuit et jour mon oreille apprentice

Je craindroys d'encourird'un importun le vice:

et me contenteroys d'avoir appris comment 1'Eternel sur ce tout vouta le firmament. Quels corps sont pleins de feu,

quels corps sont pleins de glace et comme il faut encore quc mes moeurs je compasse.

(Du Bartas. id. 537 ff.)

quel signe est pluvieux, quelle 6toile est sereine, comme le ciel se meut: comme en un juste cours

180 GEORGE PEELE

80 The year is still divided into months,

The months to days, the days to certain hours.

What fruitful race shall fill the future world,

Or for what time shall this round building stand, What magistrates, what kings shall keep in awe Mens's minds with bridles of the eternal law

DAVID

Wade not too far, my boy, in waves too deep! The feeble eyes of our aspiring thoughts Behold things present & record things past, But things to come exceed our human reach 90 And are not painted yet in angels eyes:

For those, submit thy sense and say "Thou power That art now framing of the future world. Knowest all to come,

not by the course of heaven By frail conjectures of inferior signs, By monstrous floods, by flights & flocks of birds, By bowels of a sacrificed beast, Or by the figures of some hidden art, But by a true and natural presage Laying the ground and perfect Architect 100 Of all our actions now before thine eyes From Adam to the end of Adam 's seed

0 Heaven, protect my weakness with thy strength So look on me that I may view thy face 0 Sun, come dart thy rays upon my moon That now mine eyes, eclipsed to the earth May brightly be refined and shine to heaven Transform me from this flesh, that I may live, Before my death, regenerate with thee ! 110 0 thou, great God, ravish my earthly sprite

APPENDICE 181

fan divise en ses mois,

et le mois en ses jours.

(Du Bartas. id. 523 ft.) M.tis ta bont6 me donne et le soin et le coeur De nVenqu6rir de toi du bonheur et malheur qui talonne nos ans: quelle race f^conde doit peuplerl'univers: que deviendra le Monde: combien doit-il durer :

quels Magistrals, quels Hois Tiendront serfs les humains sous la bride des loix!

Mon Ills (respond Adam) Tocil de nostre pens6e Void la chose prgsente et revoid la passe"e Nous cele qui nous suit si, rendu plus qu'humain II ne la lit au front du Trois fois-Souverain

Toy done qui seul conois toutes choses futures Vii par le cours du ciel,

par foibles conjectures

Par des poincts acouplez, par le vol des oiseaux Ou par le tremblement des consultez boyaux :

Ains d'une prescience et certaine, et parfaite Gomme estant du futur 1' Agent et le Pro fete.

Devant qui les trois temps coulent enscmblement A qui 1'Eternite" semble moins qu'im moment : 0 Dieu,

regarde moy, a fin que je regarde le iniroir de ta face, 0 Soleil, vien, et darde tes rais dessus ma Lune, afin qu'ores mes yeux eclipsent vers la terre, et luisent vers les cieux. Retire-moidu corps afin qu'beureux je vive Au ciel avanl ma mort. 0 ma vie,

0 ma vie, r'avive

182 GEORGE PEELE

That for a time a more than human skill May feed the organons of all my sense, That when I speak, I may be made by choice The perfect echo of thy heavenly voice !

SALOMON

A secret fury ravisheth my soul

Lifting my mind above her human bounds, And, as the eagle, roused from her stand

120 With violent hunger, towering in the air

Seizeth her feathered prey, and thinks to feed, But, seeing then a cloud beneath her feet, Lets fall the fowl, and is emboldened With eyes intentive to bedare the Sun And styeth close unto his stately sphere So Salomon, mounted on the burning wings Of zeal divine, lets fall his mortal food And cheers his senses with celestial air Treads in the golden, starry labyrinth

130 And holds his eyes fix'd on Jehovah's brows

DAVID

257 Then happy art thou, David's fairest son That, freed from the yoke of earthly toils And sequestered from sense of human sins

260 Thy soul shall joy the sacred cabinet Of those divine ideas that present Thy changed spirit with a heaven of bliss

APPENDICE 183

pour im temps mon esprit :

et fais qu'i cette fois Je soy comme 1'Echo de ta ce"leste voix.

II est soudain pouss6 d'une fureur secrette Non comme le M6nade, ou le chastre* Curete, Qui dansant, qui bavant, qui rouant, furieux, Sous ses sourcils tremblants les torches de ses yeux, Horrible de grimasse, horrible de parole, Ne comprend le Daemon qui forcen6 1'afTole : Paslit, rougit, panthele, ulcere sans courroux Ses membres jusqu'aux os et si ne sent les coups

Ains comme TAigle perd sa branche accoustume"e Et ramant par les airs d'une gasche emplumde,

Void sous ses pieds la nue,

et fait, audacieux, D'un oeil ferme cligner au fier Soleil les yeux:

De mesme, Adam guinde" sur les ardantes ailes Du se"raphique amour, perd les choses mortelles Se paist du doux &ther :

fend les ronds estoillez et tientdessus le front de Dieu ses yeux collez.

(Du Barlas. id. 547 IT.) Voy, voy comme il (Ilenoc) s'exerce a souflfrir la lumiere

Comme libre du joug des corporelles loix, Et se*questr6 des sens

il vole quelquefois dans le saint cabinet des Id£es plus belles,

Ayant la Foy, le Jeusne & TOraison pour ailes: Comme a certains moments, bien qu'hoste de ce lieu Sainct il possede tout, sent tout, void tout en Dieu: Comme pour quelque temps montant de forme en forme

i8i GEORGE PEELE

Then thovi art gone ! ah, thou art gone, my son ! To heaven, I hope, my Ahsalon is gone

Thy soul, there placed in honour, of the saints Or angels, clad with immortality, Shall reap a sevenfold grace for all thy griefs, Thy eyes, no more eyes, but shining stars, Shall deck the flaming heavens with novel lamps 270 There shalt thou taste the drink of seraphins And cheer thy feelings with archangels 'food Thy day of rest, thy holy Sabbath day Shall be eternal. And, the curtain drawn Thou shalt behold thy sovereign face to face With wonder knit in triple unity, Unity infinite and innumerable.

APPENDICE 1S3

Kn la forme de Dieu, heureux, il se transforme.

Vois comme le Tout-beau, qui bnilant d'amitie"

Pour ses rares beautez le veut non par moiti6,

Ains tout, et pour tousjours, dresse a son Tout 1'eschelle

Qui conduit d'ici bas a la gloire 6tcrneIIc

C'est done fait, tu t'en vas? tu t'en vas donq a Dieu

Adieu, mon fils Henoc, adieu, mon fils, adieu! Vy la- ha lit bien-heureux. Ja ton corps qui se change En nature d'Esprit, ou bien en forme d'Ange, Vest rimmortalit6.

Ja tes yeux, non plus yeux I )«'•(•(. rent flamboyants d'astres nouveaux les cieux. Tu bumes a longs traits la boisson nectar6e:

Ton sabat est sans fin.

La courtine tiree Tu vois Dieu front a front

et sainctement uni Au bien triplement un, tu vis en Tinfini

(Du Bartas. id. 653 ff.)

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The Famous Chronicle of King Edward the first, sirnamed Edward Longshankes, with his returne from the holy land. Also the life of Lluellen rebell in Wales. Lastly the sinking of Queene Elinor, who sunck at Charingcrosse, and rose againe at Potters- hith, now named Quenehith. London. Printed by Abell Jeffes, and are to be solde by William Barley, at his shop in Orations slreete. 1593. 4 to.

The famous Chronicle of King Edward the first, sirnamed Long shankes, with his returne from the holy land. Also the life of Lluellen rebell in Wales. Lastly the sinking of Queene Elinor, who sunck at Charingcrosse, and rose againe at Potters-hith, now named Quenehith. Imprinted at London by William White dwel ling in Cow Lane. 1599. 4 to.

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A Farewell. Entituled to the famous and fortunate Generalls of our English forces: Sir John Norris and Syr Frauncis Drake knights, and all their brave and resolute followers. \Vhereunto is annexed: A Tale of Troy... Doone by George Peele. Maister of AH- in Oxforde. At London printed by J. C. and are to be solde by William Wright at his shop adjoining to St Mildreds church in Hie Poultrie Anno 1589. 4 to.

The Tale of Troy: by G. Peele M. of Arts in Oxford. Printed by A. H. 1604.

An Eclogue Gratulatorie. Entituled To the right honorable and renowned Shepheard of Albions Arcadia: Robert Earle of Essex and Erse, for his welcome into England from Portugal!. Done by George Peele. Maister of Arts in Oxon. At London. Printed by Richard Jones, and are to be Solde at the Signe of the Rose and Crowne over against the Faulcon. 1589. 4 to.

Polyhymnia. Describing the honourable triumph atTylt, before her Majestic, on the 17 of November last past, being the first day of the three and thirtith yeare of her llighnesse raigne. With sir Henrie Lea, his resignation of honour at Tylt, to her Majestic, and received by the right honorable, the Earle of Cumberland. Printed at London, by Richard Jhones. 1590. 4 to.

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The Honour of the Garter. Displaied in a Poeme gratulatorie. Entitled to the worthie and renowned Earle of Northumberland. Created Knight of that Order, and installed at Windsore. Anno Regni Elizabethae 35 Die Junii 26. By George Peeie, Maister of Arts in Oxenford. At London. Printed by the Widdowe Charle- wood, for John Rusbie and are to be sold at the West Doore of Paules. [1593]. 4 to.

Anglorum Feriae, Englandes Hollydayes, celebrated the 17th of November last, 1595, beginninge happyly the 38 yeare of the raigne of oursoveraigne ladie Queene Elizabeth. Ry George Peele

190 GEORGE PEELE

Mr of Arts in Oxforde (imprim6 pour la lre fois a quelques exem- plaires par Mr Fitch, d' Ipswich. 1830. 4 to).

4 Pageant Woolstone Dixie '.

Reimprimee dans la ' Survey ' de Stow (edit. Strype). folio. 1720. Livre V. pp. 136-137.

Reimprime dans la ' Harleian Miscellany '. 1808. vol. 10. pp. 68 sqq.'

Reimprime dans les l Progresses of Queen Elizabeth' de Nichols, 1788. vol. ii. pp. 221. sqq.

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England's Parnassus. 1600. Reimprime dans 1" Heliconia' de Park. vol. iii. London 1815. 3 vols.

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Vol. iii. p. 236. Man (Dav. & Beth. 1st Chorus 3 ff.)

Vol. iii. p. 247. Misery (Hon. of the Ga. 246 ff.)

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Vol. iii. p. 404. The division of the day natural. Vesper. (Hon. of the Ga. 1 ff.)

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Sidney Lee. The French Renaissance in England. 1910

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 4

LA VIK I,F. PKKLE (1558-1596?) 5

L'OEUVRE DE PEELE 30

4 La Mise en Jugement de Paris' 31

4 La Potirsuite d'Amour' 55

'La Ratailled'AIcazar' 62

'Edouardl' 85

'Un Conte de Vieille Femme' -107

'David el Bethsab6e' 128

Les po^mes 154

CONCLUSION 166

APPENDICE : Peele et Du Bartas 176

BlBLIOGRAPHIE. . 187

CHARTRES. IMPRIMEHIE DURAND, RUE FULBERT.

BINDING LIST MAY I

Cheffaud, P. H. George Peele

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