G OÿELESOO 1921 E FO Re Fe (es dede pay At : ON ES ù rRf À NET D n | MED Lee . ee CE ‘à L !. :, AN A [08 UE UE oh 27,2 f Fo à | . l'EA ‘ RAS 4 24 ( 0] F ” # É ME " . | L } : NS ke s L * LAS fie =, Cm) Fra GÉOGRAPHIE BOTANIQUE RAISONNÉE + « 3 0 à "a + - KT & 70 ne n'” PES à “ GÉOGRAPHIE BOTANIQUE RAISONNÉE OU EXPOSITION DES FAITS PRINCIPAUX ET DES LOIS CONCERNANT LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES PLANTES DE L'ÉPOQUE ACTUELLE PAR M. ALPH. DE CANDOLLE Membre de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, Président de la Société des Arts, professeur émérite à l'Académie de cette ville ; Correspondant de l'Académie des Sciences de l'Institut de France, des Académies de Bavière, de Turin, des Sociétés des Sciences de Barcelone, Vaud, Francfort, Silésie, Batavia, etc., Linnéenne et d'Horticulture de Londres, botaniques d'Edimbourg , Patisbonne, etc. , d'Agriculture de la Seine, de Florence, etc., du Lyceum de New-York , de l'Académie américaine des Arts et Sciences , etc, TOME SECOND PARIS LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON Pour la France et les pays autres que l'Allemagne et la Suisse GENEVE LIBRAIRIE ALLEMANDE DE J. KESSMANN Pour l'Allemagre et la Suisse M DCCC LV L'auteur et les éditeurs se réservent le droit de traduction. #7 AE EE k, £. nu , \i# p À ET : | TA | Ron DEPAIEA ’ Sa À Le 7 APE 4 \ y PSY 1e FIFA ER à { € Er F | ! HI HAE rés ah areas ET 0 A LE 0 Ms: wi Es ” santé sh ! Liu d 160%” tam snclvaill dd Mon ent 6 - où | «AA , ordi sé ti 0 ; | Ê Pr , nsnétnsl teskebi"t EPTLLAL | PIN" CELL 4e as Son ANAL SEE CURE LIVRE DEUXIÈME. BOTANIQUE GÉOGRAPHIQUE, OU CONSIDÉRATIONS SUR LES ESPÈCES, LES GENRES ET LES FAMILLES, AU POINT DE VUE GÉOGRAPHIQUE, F (SUITE. À À CHAPITRE VII. DES CHANGEMENTS QUI S'OPÈRENT DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, SECTION PREMIÈRE. EXTENSION DES LIMITES ET NATURALISATIONS. ARMICGEEM PREMIER CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET DISTINCTION ENTRE DIVERSES NATURALISATIONS, $ [. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Sur chacun des continents, les espèces se sont propagées de proche en proche, et, à moins qu'elles ne soient d’une introduction récente, elles ont dû rencontrer les limites imposées par les effets du climat sur chaque organisation particulière. Ces limites ne varient plus que dans un es- pace restreint, par oscillations, en raison des différences successives des années quant à la chaleur et à l'humidité. On voit ainsi des espèces, Île Dattier, par exemple, lutter sur la même limite moyenne depuis des milliers d'années, attestant à la fois le peu de changement des climats pendant l’époque géologique actuelle, et la permanence de lorganisation des végétaux, malgré les générations qui se succèdent. Toutefois, un grand fait, un fait d’une importance immense au point de vue de la géologie et de l’histoire naturelie, vient de temps en temps se ma- nifester. Une espèce qui habitait quelque pays lointain, transportée par une cause connue ou inconnue, se montre comme plante spontanée et se multi- plie dans un pays où elle n’existait pas auparavant. Elle v résiste à une suc- cession d'années qui comprend toutes les variations possibles du climat: elle y devient de plus en plus commune ; elle s’y répand dans tous les sens, jusqu’à ce qu'enfin elle rencontre sur cette nouvelle terre une limite qu'elle ne franchira plus, à moins que les conditions extérieures ne viennent elles-mêmes à changer. Les faits qui offrent ces caractères constituent ce qu'on appelle des 39 608 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. naturalisations. Is prouvent deux choses, également très importantes : d’abord, que chaque région n’a pas reçu à l’origine toutes les espèces qu’elle peut nourrir et maintenir ; ensuite, que les causes physiques actuelles, même prolongées pendant des siècles, ne peuvent pas engendrer toutes les espèces appropriées à un pays, soit en les Uürant de la matière inorganique, soit en modifiant des espèces existantes. L'adaptation complète des végétaux à chaque pays, en raison de sa nature et de son climat ; la génération spon- tanée, et la possibilité de modifications graves d'espèces sous l'empire des causes actuelles, sont donc trois théories, toutes les trois renversées ou fortement ébranlées par ce simple fait de naturalisations bien constatées d'espèces dans des pays nouveaux pour elles. Il y a, comme on le voit, de l'importance à scruter les détails relatifs aux naturalisations. Je vais m’en occuper ; mais d’abord, il convient de préciser les mots naturaliser et naturalisation, car ils sont pris dans des sens divers, et l’on doit bien s’entendre à leur égard. Je veux aussi montrer comment certaines extensions des limites d'espèces, et certaines diffusions des individus dans l’intérieur de l’habitation, sont des phénomènes sem- blables aux naturalisations proprement dites. Définissons d’abord les termes à employer. $ IL. DES DIFFÉRENTS DEGRÉS DE NATURALISATION. \ J'appelle complétement naturalisée , et par abréviation, naturalisée, une espèce qui, nexistant pas auparavant dans un pays, S'y trouve ensuite avec tous les caractères des plantes spontanées indigènes, c’est-à-dire croissant et se multipliant sans le secours de l’homme, se manifestant avec plus ou moins d’abondance et de régularité dans les stations qui lui con- viennent, et ayant traversé des séries d'années, pendant lesquelles le climat a offert des circonstances exceptionnelles. Arrivée au point de répondre à cette définition, une espèce naturalisée ne diffère plus, en apparence, des espèces anciennes du pays. I faut des docu- ments historiques pour pouvoir constater son introduction, et si l'on en manque, on doit se borner à des conjectures plus ou moins probables. Mais avant de parvenir à ce degré extrême, l'espèce qui tend à se naturaliser, passe par des degrés intermédiaires. Souvent aussi, une espèce ne parvient pas à franchir ces degrés; elle flotte pendant des années, et à plusieurs reprises, dans une catégorie équivoque. Ainsi, près des habitations et des terrains cultivés, on voit souvent des espèces d’origine étrangère végéter pendant une saison, même pendant quelques années, puis on cesse de les rencontrer. Tous les botanistes un peu àgés, dans nos pays de grande population et de cultures générale- EXTENSION DES LIMITES ET NATURALISATIONS. 609 ment répandues, peuvent citer des faits pareils. Les plantes de cette nature doivent être appelées passagères ou adventives. Elles ne peuvent se con: server pendant quelque temps que grâce à des importations renouvelées, ou par Ja succession fortuite de plusieurs années favorables. C'est à chaque observateur de voir, dans les cas douteux, si lune de ces deux conditions existe, car alors l’espèce ne doit pas être regardée comme naturalisée, et même elle ne pourra jamais l'être, à moins de changement dans le climat. La difficulté de constater les naturalisations vraies dépend donc, en partie, de la nature du climat. Si la température diffère beaucoup d’une année à l’autre, comme dans les pays du nord et dans l’intérieur des conti- nents, il faudra des observations prolongées pour savoir si une plante résiste à toutes les intempéries possibles. Entre les tropiques et dans les pays à climat uniforme, on sait bientôt à quoi s’en tenir, à moins que les diversités annuelles dans les pluies n’établissent des variations d'un autre genre. Dans un pays où le commerce, l’horticulture et l'agriculture jettent continuellement des graines étrangères, il faudra plus de peine et plus de temps pour constater la vraie filiation des plantes douteuses, que dans un pays peu habité et peu en rapport avec les autres ; car, dans le premier cas, on doit craindre des semis successifs et multipliés de la même espèce, au moyen de graines, ou importées, ou sorties des cultures. Lorsqu'une plante ne s'éloigne pas des terrains sur lesquels on introduit constamment des graines étrangères, on peut soupconner toujours qu'elle s’y maintient sans mürir ses propres graines et par l'effet d’'introductions répétées. C’est ce qui arrivait près de Montpellier, au pont Juvénal, lorsque d'habitude on y étendait des laines venues d'Orient ou d'Algérie. C’est ce qui se présente aussi dans les ports de mer, aux endroits dans lesquels on dépose le lest des vaisseaux, et plus souvent autour des jardins, surtout des jardins bota- niques. La sagacité des observateurs consiste à démêler les erreurs dans ces cas où elles sont probables. Je n’appellerai pas naturalisée une espèce qui, une fois plantée dans un terrain, s’y conserye indéfiniment et s’y propage par les racines, sans donner de graines, ou du moins sans donner des graines qui répandent l'espèce dans le voisinage. Le Robinia pseudo-acacia, les rhus, PAïlanthus, et certaines plantes vivaces très envahissantes, sont ordinairement dans ce cas. Il faut reconnaître que c'est une catégorie vraiment intermédiaire entre les espèces indigènes et les espèces naturalisées. Ces plantes durent et se pro- pagent; mais étant privées des moyens de dispersion que donnent les graines, elles ne peuvent pas se répandre comme d’autres espèces : ce sont des individus naturalisés, plutôt que des espèces. Une question plus délicate, parce qu'elle tient an fond même des choses, 610 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. est de savoir si les espèces qui ne vivent absolument que dans des terrains cultivés, ou parmi des décombres, sur des ruines, près des habitations, ou sur des fumiers ; en un mot, dans des’ stations déterminées par l’homme, doivent être considérées comme naturalisées dans le pays dont on s'occupe. J'ai beaucoup hésité sur cette question, mais je suis enfin parvenu à une idée claire et simple qui lève tous mes doutes. Les stations artificielles sont ou passagères, ou durables: les unes doivent être renouvelées et entrete- nues continuellement par l'homme, ce sont les champs, les jardins, ete. ; les autres peuvent durer plus qu'une génération et même plus que l'espèce humaine dans un pays, ce sont les murs, les ruines, les décombres, les terrains imprégnés d'azote par les déjections des animaux. Si une plante habite dans une station passagère ; si elle croit, par exemple, dans les champs, sans se répandre dans les sables ou terrains légers du pays, elle n’est véritablement qu'une plante cultivée, que l’homme entretient, sans le vouloir, d'année en année. Si, au contraire, une espèce existe dans les stations durables, elle a autant de chances d'exister dans un millier d’an- nées que les espèces aborigènes du pays. On pourrait même citer des régions où les marais et les forêts ont moins de probabilité de durée que les murailles etles décombres résultant d’un long séjour de l'espèce humaine. Dans ce cas, les plantes introduites sur les murailles et dans les décombres valent bien les espèces les plus ancrées dans le pays. j Il ne faudrait cependant pas conclure, inversement, qu'une espèce des terrains cultivés soit ipso facto une espèce d'origine étrangère. Elle pourrait avoir existé jadis, comme plante spontanée, dans des terrains légers, au bord des rivières, par exemple, avant l'époque où ces mêmes ter- rains ont été envahis par la culture. De même, les plantes des décombres et des terrains azotés ont pu exister dans un pays avant l’arrivée de l'espèce humaine, les unes sur des rocailles, les autres à côté des cavernes hantées par des animaux carnassiers, où dans les vastes prairies sur lesquelles paissaient d'immenses troupeaux de ruminants. Je ne dis rien des espèces attribuées à certains sols très exceptionnels, comme les scories rejetées des usines, les emplacements où lon a fait du charbon, etc., car il faudrait prouver que des espèces vivent uniquement sur ces stations, et il est permis d'en douter. Un cas plus énigmatique encore est celui de cryptogames qui viennent sur des produits chimiques ou industriels d'une certaine nature, et qui ne sont pas connues ailleurs. Ainsi, les fromages ont des espèces eryptogamiques, et chaque fromage parait avoir les siennes. Qu'arriverait-il si l'on cessait d’en fabriquer? Et où se trouvaient ces espèces avant qu'on eût créé leur station? La réponse est difficile ; mais st l’on n’est pas disposé à croire aux générations sponta- EXTENSION DES LIMITES ET NATURALISATIONS, 611 nées ni à des créations spéciales et surnaturelles pour chaque produit que industrie humaine peut inventer, on supposera plutôt que ces espèces à stations bizarres existent ailleurs, etque leurs formes se sont modifiées par une station toute nouvelle. Pour les phanérogames, dans lesquelles nous con- naissons mieux les variations des espèces, les questions de ce genre n’exis- tent pas; 1l'est vrai qu’elles affectent moins des stations particulières ou extraordinaires. C’est un motif pour borner à cette classe nos considéra- lions géographiques. et je reviens ainsi aux phanérogames naturalisées. Une dernière réflexion se présente avant d'aborder les détails : c’est que, sous un certain point de vue géologique, les espèces regardées aujourd’hui comme aborigènes dans un pays, sont peut-être venues jadis d’un autre pays et s’y sont naturalisées. [Test possible que toutes les espèces d’une île, même d’une région continentale, aient été primitivement introduites. Des faits de ce genre ont pu arriver avant ou depuis l'existence de l’homme. Ils se passent sous nos yeux, quand une île madréporique surgit du sein des mers. La distinction entre les espèces naturalisées et les autres espèces peut done paraître subtile. Ce serait, pour la plupart des pays, ou pour beaucoup d’entre eux du moins, une question de temps, c’est-à-dire que les espèces auraient été d’abord naturalisées, puis considérées par nous comme originelles. J’en conviens ; mais cette objection ne fait que redou- bler mon zèle pour constater les phénomènes de naturalisation. Je vou- drais trouver des caractères pour distinguer les plantes cultivées, adven- lives, récemment naturalisées, puis anciennement naturalisées, et enfin prümilives où aborigènes, car il y a sans doute ces cinq catégories dans la plupart des pays. je crains fort que tout ce qui tient à l’origine pre- mière des espèces ne soit longtemps ou à jamais ignoré, à cause de la complication des événements géologiques ; mais si étude des phénomènes actuels peut projeter un rayon lumineux dans ces ténèbres éloignées, ce sera un résultat satisfaisant, eu égard à la faiblesse de nos moyens d’in- vestigation. Quant à la distinction, plus accessible et plus pratique, des espèces adventives et des espèces naturalisées depuis les temps historiques, J'en ferai l’objet spécial de mes recherches dans les articles IT, IV et V du chapitre actuel. S IIT, DES DEUX ESPÈCES DE NATURALISATIONS À PETITE ET A GRANDE DISTANCE. Lorsqu'une espèce s’introduit dans un pays et y prend tous les carac- tères d’une plante naturalisée, il se peut qu’elle vienne directement, ou par l'intermédiaire des jardins, tantôt de quelque pays rapproché, tantôt d’un pays éloigné. Ces termes eux-mêmes sont seulement relatifs. Is 612 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. montrent que l'importance des faits de naturalisation peut être fort diverse. Lorsqu'une espèce manque dans un district et se trouve dans plusieurs des districts voisins, elle peut venir se naturaliser dans les lieux où elle manquait. Dans ce cas, une lacune est comblée, mais le phénomène n’a rien que de simple et d'ordinaire. On peut toujours soupçônner que l'espèce existait primitivement dans la localité et y avait été détruite par une cause moméntanée. Dans ce cas, elle mérite à pee le nom d'espèce naturalisée. On peut eroire aussi que la plante en question ne se maintiendra dans la localité nouvelle que par des introductions fréquentes de graines venant des districts voisins, comme les plantes alpines transportées par les rivières dans les plaines ; alors, c’est simplement une espèce adventive. En tout cas, les faits de cette nature s'expliquent par des causes évidentes et offrent assez peu d'intérêt. IL y en a davantage à voir une espèce reculer ses limites par une natura- lisation en dehors du cercle primitif, ou du cercle précédemment connu de son habitation. L’extension peut se faire, ou de proche en proche, sur terre ferme et le long des côtes, des rivières, ou au travers des golfes et des bras de mer, par l'effet du vent, des oiseaux, des courants, de Fhomme, enfin, qui a porté son activité sur toute la terre. Il s'agira de savoir si les faits de cette nature se passent encore de nos jours, et comment on peut les consta- ter. Les espèces semblent avoir éprouvé déjà toutes les influences qui peuvent étendre leurs limites sur les continents et dans les archipels où elles existent. Il semble qu’elles ont pris, en quelque sorte, leur niveau en raison de l’état actuel des choses. Cependant, il conviendra de s’en assurer et de voir si, à une distance plus grande, à laquelle les causes de transport n’ont pas agi aussi efficacement, des causes nouvelles plus intenses ne déterminent pas aujourd’hui des naturalisations plus fréquentes. On passe ainsi graduellement aux espèces venues de pays lointains, par l'intervention de l’homme, espèces dont la naturalisation introduit des éléments tout nouveaux dans les flores primitives des pays. Entre ces diverses naturalisations, il y a les mêmes rapports qu'entre les différentes espèces de navigations qu'on distingue par des noms bien connus. Les espèces qui se transportent dans l'intérieur de leur habitation, ressemblent au commerce local qui a lieu sur les canaux et les rivières ; les transports à petite distance ressemblent au cabotage, ceux à grande distance au commerce de long cours. Il n’y a pas de limite précise entre ces trois espèces de navigations, dont le sens est pourtant clair dans notre esprit; de même entre les diffusions à l’intérieur d’une habitation, les transports à pelite et à grande distance, il y a des transitions, et cependant la valeur scientifique de ces divers cas mérite ben qu'on les distingue. CAUSES DE TRANSPORTS. 613 ARTICGEErA L. CAUSES QUI PEUVENT AMENER DES NATURALISATIONS D'ESPÈCES OU LES EMPÉCHER. $ [. CAUSES DE TRANSPORTS. Les graines peuvent être transportées d’un endroit à l’autre par des causes plus ou moins évidentes, qui sont le vent, les rivières, les courants, les blocs de glace transportés par la mer, les animaux, et enfin l’homme, c’est-à-dire ses cultures, ses vaisseaux, ses marchandises, ses voyages de plus en plus multipliés. Le vent est la cause la plus générale et la plus ordinaire de dissémina- tion des espèces sur toute la surface d’un pays. Une multitude de graines sont légères, munies d’ailes, de poils ou même d’aigrettes (pappus) ou de chevelures (coma). Elles doivent alors être portées à une certaine distance. D autres roulent à Ja surface du sol, soit isolément, soit av ec les restes des- séchés des fruits ou des capsules. Évidemment, c’est la cause la plus active du mélange des espèces dans les diverses localités d’un pays. Une foule de graines sont portées, il est vrai, dans des endroits où elles ne peuvent pas réussir, et même où elles se gâtent; mais l'abondance des germes est si énorme que les espèces se maintiennent indéfiniment. Le transport des graines par le vent, dans des localités défavorables, est comme une provi- sion naturelle pour le cas où les circonstances extérieures viendraient à changer. Ainsi, quand une forêt de toute ancienneté est abattue, on voit germer subitement une quantité d'espèces qui ne pouvaient pas s’y déve- lopper. Leurs graines avaient été transportées successivement d'année en année, par le vent surtout, et leur accumulation était plus grande que leur destruction ou leur mort par vétusté. À la surface d’un pays mon- tueux, le vent pousse les graines par-dessus les collines et au travers des gorges de montagnes. Il descend quelquefois des hauteurs avec une vio- lence extraordinaire, comme nous le voyons bien en Suisse, ou lorsque les vallées sont dirigées du sud au nord. On voit aussi de temps en temps des tourbillons qui font voltiger la neige, la poussière, ou des graines de bas en haut (a). C’est peut-être la cause la plus ordinaire de la végétation qui s'établit dans les anfractuosités des rochers très abrupts. Le vent peut-il transporter des graines à une certaine hauteur et à de grandes distances, par exemple, au travers d’un bras de mer, ou d’une mer, comme la Méditerranée, l'Atlantique ? C’est une question sur laquelle on peut avoir des idées fort différentes, et où les faits manquent pour arri- (a) M. Boussingault à vu des graines s'élever à 5400 pieds et retomber dans le VOi= sinage. (Humboldt, Tabl. de la nat., édit. 1851, vol. IT, p. 37.) 614 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPECES. ver à une solution. Je n'ai jamais oui parler d'aucune graine tombée d'Angleterre en France, ou d'Irlande en Angleterre, par l'effet des vents d'ouest, qui sont cependant si intenses et si fréquents dans ces contrées. Je ne crois pas que jamais on ait constaté des chutes de graines d'Afrique en Sardaigne, de Sardaigne en Corse, de Corse sur la côte de (Gênes et de Nice, quoique les vents du midi y soient bien violents (a). On cite des cas où les cendres des volcans, la poussière des déserts, ont été portées en mer à de grandes distances et à d’immenses hauteurs (b), mais ces substances sont beaucoup plus légères et plus ténues que les plus petites graines de phanérogames. Les spores des cryptogames pourraient bien être portées d’une île à l’autre, même d’un continent à l’autre, et c’est un moyen d'expliquer la diffusion si remarquable de leurs espèces ; mais, je le répète, pour les phanérogames, nous n’avons rien de semblable qui soit constaté. Aux Antilles, à Bourbon, dans les mers de la Chine, les effroyables ouragans qui déracinent les arbres, enlèvent les toits des maisons et jonchent la mer de feuillage, doivent certainement emporter une multitude de graines et même des fruits assez gros; mais presque toujours ces oura- gans sont locaux, comme des trombes, ou tournoient dans un cercle qui n'est pas très étendu. Il faudrait alors, pour que des graines fussent por- tées au loin, que le vent les fit tomber dans un courant. Cela doit arriver assez souvent; mais dans ce cas, c’est le courant qui joue le rôle principal quant au transport. Les chutes de lichens, qui ont étonné quelquefois les habitants de la Perse et de l’Anatolie, sont une preuve que le vent peut transporter des corps aussi pesants que la moyenne des graines. M. Parrot a rapporté des échantillons du lichen qui est tombé en 1828 dans plusieurs points de la Perse, par des pluies d'orage. Le terrain fut couvert de 3 à 6 pouces d'épaisseur d’une substance qui, étant tombée du ciel, fut décorée natu- rellement du nom de manne. (a) On verra plus loin que M. Gussone, qui a longtemps observé la Sicile et les iles voisines, n'a rien aperçu de semblable. De même M. Godron (Migr. des vég., p. 4). Sir Charles Lyell (Principes de géologie, 6° édit., trad. franc. IV, p. 144), qui est disposé à croire au transport de graines par les causes actuelles, ne cite aucun fait de ce genre observé dans les îles Britanniques. S'il en avait appris un seul par la lecture des journaux ou par la conversation, il l'aurait sûrement noté. J'ai questionné souvent des marins. Ils n ont pu me citer que des insectes ailés ou de la poussière, comme venant lomber quel- quelois sur les vaisseaux à des distances pas très grandes de la côte ; jamais des graines. (b) En 452, les cendres du Vésuve furent portées jusqu'à Constantinople ; en 1815, celles du Sumbawa furent portées à 290 lieues, jusqu'aux îles d'Amboine et de Banda. (Beudant, Cours elém. d'hist. nat., partie géol., p. 45.) En 1845, les cendres du volcan Hécla, en Islande, furent portées aux iles Feroë, Orcades, et même entre l'Angleterre et Urlande. (Ch. Martins, Véget. des iles Feroë, p. 144, d'après des écrits de M. Ehrenberg a ce sujet.) CAUSES DE TRANSPORTS, G15 D’après les descriptions et les figures, ce hichen (Lichen esculentus, Pall., Voy., édit. fr., pl. 108 ; Lecanora esculenta Spr., et surtout, Evers- man, Act. Acad. nat. cur., XV, 2e part., p. 396, t. LXXVIIT), est d’un poids assez considérable, car 1l à un diamètre de 9 à 42 lignes, et une forme sphérique irrégulière. Dans l’hiver de 1845 à 1846, il tomba, dit-on, dans la province de Broussa, en Anatolie, et je crois aussi ailleurs dans ce pays, la même espèce de lichen. Jen ai reçu des fragments, très semblables à la figure publiée par M. Eversman. L’étiquette porte qu'ils sont € tombés du ciel avec la rosée du matin »; mais je ne garantis rien à cet égard. Le fragment le plus gros pèse 480 milligrammes. Sa forme est oblongue, les autres sont sphériques. Ils sont tous rugueux, d’une consis- lance calcaire, d’une teinte terreuse brune (a) avec des points blancs. On peut en voir des échantillons, peut-être plus nombreux, dans le cloître des Arméniens à Venise (Treviranus, Bot. Zeit., 1848, p. 893); mais je ne puis dire leur grosseur et leur pesanteur. Je doute que ces lichens aient été portés loin de leur origine, par exemple, à plus de 10 ou 15 lieues, et certainement ces chutes sont bien rares. Il faut, pour produire un pareil phénomène, non-seulement des vents d’une force extraordinaire, mais aussi des accumulations de fragments détachés sur des pentes où le vent s’en empare. Les graines sont rarement accumulées en quantité aussi grande à la surface des terrains, et si quelques-unes sont rugueuses ou munies de poils et de membranes qui facilitent le transport, il y en à une infinité qui ont une surface lisse, peu saisissable. Les fleuves transportent les graines à de grandes distances. Dans leurs inondations, ils les déposent sur le terrain, où plus tard elles doivent ger- mer convenablement. Les torrents des montagnes emportent souvent dans les plaines des espèces qu’on est étonné dy trouver. Ge sont des cas frap- pants, notés par tous les botanistes, mais dont limportance est presque nulle en géographie botanique, car les espèces alpines ne peuvent pas s’éta- blir à demeure fixe dans les plaines. Les transports par de grands fleuves, dont le cours prolongé traverse des pays à peu près de même niveau et de climat analogue, ont dû, au contraire, avoir une influence très grande pour mélanger des flores diverses. Quand les fleuves marchent du nord au sud ou du sud au nord, ils risquent de porter les espèces sous des latitudes où le climat les empêche de vivre ; mais s'ils se dirigent de l’est à ouest ou de l’ouest à l’est, leur effet, pour reculer les limites, doit être complet. (a) Le lichen dont Je corps d'armée de Jussuff s'est nourri près du Sahara algérien Placodum Jussuffii Link, bot. Zeit., 1848, p. 666) est d’une teinte beaucoup plus claire, tirant sur le rouge. I n'a été trouvé que sur le sol, mais par sa nature il se dé- tache, «etle vent doit le rouler facilement, 616 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. On ignore, pour la plupart des espèces (a), le temps pendant lequel les graines peuvent rester sous l’eau sans se gâter et sans perdre la faculté de germer. [1 ya sans doute de grandes différences d’une graine à l’autre : les unes pourrissent vite ; les autres, les noyaux, par exemple, doivent se con- server longtemps, et même se trouver à la fin d’un long trajet dans une rivière plus disposées à germer, les parties dures s’étant ramollies. Les courants marins peuvent aussi porter des graines à d’immenses dis- tances. [ls doivent d'autant plus fixer notre attention que, si des flores de continents éloignés peuvent se mélanger, ce doit être par leur action, le vent étant reconnu impropre à transporter la plupart des graines au tra- vers de la mer. Il faudrait savoir d’abord jusqu'à quel point les graines résistent à une longue immersion dans l’eau salée. Supportent-elles mieux Veau de mer que l’eau douce? Tout cela est à peu près inconnu, et il est vraiment surprenant que les hotanistes et les géologues n'aient fait aucune expérience directe pourrésoudre des questions si importantes (b). Les graines d'Amérique apportées sur les côtes d'Écosse et de Norwége par le courant de l'Atlantique sont ordinairement privées de la faculté de germer. Je dis ordinairement, car d’après Linné (c), et un savant écossais dont parle M. Ch. Martins sans le nommer (d), ces graines gérment quel- quefois quand on veut les faire lever. D’autres voyageurs ont dit le con- traire (e). Sloane, qui a le premier reconnu l’origine de ces fruits ou grammes, ne dit point qu'on les voie germer (f), et l'habitude générale des paysans écossais et norwégiens, de conserver ces graines plutôt que de les semer ou de les vendre aux horticulteurs des villes, qui seraient certaine- ment curieux de les voir lever, me fait croire qu’elles ont ordinairement perdu la faculté vitale en arrivant en Europe. Le Coco de mer, Lodoicea Seychellarum Labill., est porté depuis des siècles, par un courant, des îles Praslin aux Maldives: cependant il ne s’est pas naturalisé sur ce dernier archipel, dont le climat est fort ana- logue (g). F’admets difficilement la conservation de la faculté de germer (a) M. Dureau de La Malle (Ann. sc. nat., V, p. 373) cite un fait d'après lequelles graines de moutarde et celles de bouleau conservent leur vitalité après vingt ans d’im- mersion dans l’eau douce. (b) Voyez à la fin de cet ouvrage la note sur les questions à résoudre. M. Godron (Migr. des végét., p. 11) a observé, dans le voisinage d'étangs salés, des graines de Graminées qui germaient après immersion pendant un hiver. (6) Linné, Coloniæ plantarum, dans Amœn. acad., vol: VI, p: 3. (d) Martins, Essai sur la végét. des iles Feroë, p. 444: id. Voy. bot. en Norwège, p. 129. (e) M. Eouis Necker, cité par de Candolle, article Géogr. bot., dans le Dictionn. sc. nat., vol, XVII. (f} Sloane, Philos. trans:, 1695, n° 222, (g) Voyez l'histoire complète de ce palmier dans Hooker, Bot. Mag., t. 2754. CAUSES DE TRANSPORTS. 617 après ün long transport par un courant, à moins qu'il ne s’agisse de cer- taines graines qui conservent plusque d’autres les propriétés vitales, comme celles des Légumineuses et des Malvacées (voyez ci-dessus p. 541). J'ajoute encore que souvent la direction des courants porte les graines sur des parages où l'espèce ne peut presque pas s'établir à cause du climat. C’est le cas du gulf-stream en Écosse et en Norwége, du courant qui remonte du sud au nord sur la côte du Japon, et même de celui qui longe le Labrador et les côtes de la Nouvelle-Angleterre, à une profondeur plus grande que le courant superficiel (a). Je montreraï, d’ailleurs, qu’il ne suf- fit pas d’une graine ou de quelques graines pour naturaliser une espèce quand un pays est déjà couvert de plantes ; mais que, pour lutter contre la quantité énorme de graines et de racines qui existent, il faut une aflluence considérable de graines en bon état. Si les courants qui traversent de grandes étendues de mer et ceux qui se dirigent sur les côtes dans le sens des méridiens me paraissent avoir peu d'effet à l'égard des transports de graines et surtout de l'introduction des espèces dans de nouvelles flores, je n’en dirai pas autant des courants qui longent les côtes, ou qui passent d’une terre à une autre terre voisine, dans le sens des degrés de latitude. Sous ces conditions, les graines sont portées, pour ainsi dire, d'étape en étape. Elles restent peu de temps dans l'eau, et le climat des localités successives est favorable à leur développe- ment ultérieur. Ainsi, le courant qui fait à peu près le tour de la mer Médi- terranée, longeant la côte d'Afrique jusqu'en Syrie, revenant ensuite de l'est à l’ouest sur plusieurs points de la côte d'Europe, ce courant a pu évidemment transporter et naturaliser des espèces dans de grandes étendues de la région méditerranéenne. La partie du Gulf-stream qui contourne le golfe du Mexique, le courant qui va de Madère aux Canaries, des Canaries à la côte du Sénégal, celui qui continue le long de cette côte, dans toute étendue de la Guinée, celui de la côte orientale d'Afrique ; le courant du Chili au Pérou, celui de l'Orégon au Mexique; le courant qui traverse de l'est à l’ouest les archipels de la Société, de Fidgi, etc. (b) : tous ces coù- rants doivent avoir de l'influence, car les graines qu'ils transportent peu- vent ne pas rester longtemps en mer et ont bonne chance de réussir par des näturalisations de place en place. Les géologues ont attiré l'attention des botanistes sur un mode de trans- port qui peut avoir de l’importance dans les régions septentrionales, celui par des blocs de glaces flottantes. € Ce n’est point une hypothèse gratuite, (a) Sir C. Lyell, Second tour in America. (b) Berghaus, Physic. Atlas, I Abth., n. 5: Beechey, dans Herschell, Manual of scient. enquiry, carte, p. 106. 618 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. dit M. Ch. Martins, en rendant compte des idées de M. Forbes (a). Les navigateurs des mers polaires ont souvent rencontré des glaçons chargés d’une masse énorme de débris mêlés de terre et de graines. Des plantes végètent sur ces débris comme sur les moraines médianes des glaciers des Alpes, etle glacon venant à échouer sur une côte éloignée, y dépose, pour amsi dire, les plantes qui se répandent ensuite dans la contrée. » Sir Charles Lyell (b) dit que les montagnes de glace ont sous l'eau un volume huit fois plus grand que la partie qui est hors de l’eau. Elles échouent, par conséquent, sur les bas-fonds et sur les côtes. Elles peuvent aussi traverser les courants superficiels, par exemple, celui de Gulf- stream, et dans ce cas elles sont entrainées par le courant profond qui règne du nord au sud, vers des régions fort éloignées du pôle. On en a vu dans l'Atlantique jusqu’au 36° 10” latitude nord, c’est-à-dire sous le paral- lèle de Gibraltar. Un grand nombre échouent à Terre-Neuve et sur la côte voisine. Leur direction, dans l’Atlantique, est du nord-est au sud-ouest (c). Il faut ajouter que les graines enchâssées dans ces blocs et préservées par la glace contre un commencement de germination, se trouvent jetées, par la fonte de la glace, dans des courants qui peuvent les transporter encore plus loin. Les oiseaux sont une cause de transports de graines, à laquelle on attribue généralement de l'importance. On assure que plusieurs espèces, notamment des oiseaux voyageurs, peuvent conserver dans leur estomac, et rejeter en bon état des noyaux ou de petites graines. On dit aussi que certaines graines visqueuses ou des fruits hérissés de crochets, peuvent adhérer aux plumes; que certains oiseaux cachent des graines à quelque distance de leur origine ; enfin, que les oiseaux aquatiques peuvent trans- porter entre les plis de leurs pattes des graines d'espèces maritimes ou d’eau douce. Jai cherché à me faire une opinion sur la probabilité de ces lransports en consultant, non-seulement les ouvrages des naturalistes, mais aussi des campagnards et des chasseurs. En résumé, voici ce que j'ai pu recueillir de plus certain. Les oiseaux granivores sont principalement les gallinacés. Chacun sait que leur digestion, quand elle est normale, détruit les graines les plus dures, qu'elle corrode même les cailloux qu'ils avalent, et que le résultat donne des déjections liquides ou à peu près. Si en tuant des cailles qui viennent d'Afrique on trouve dans leur gésier des graines encore en bon (a) Martins, Colonisation végétale des iles Britanniques, dans la Bibliothèque univ. de (ienève (Archives scientif., 1848, p. 98). (b) Sir Charles Lyell, À second visit to the United-States, 1849, vol. 1, p. 6. ce) Lyell, ibid. Redfield, carte dans American Journal of sciences, 1848, p. 44, CAUSES DE TRANSPORTS, 61 état, cela prouve la rapidité du voyage; mais il faut se garder d’en conclure comme quelques auteurs, que, d'ordinaire, ces graines peuvent être semées par l’animal après la digestion. Si l’oiseau est tué avant que la digestion soit achevée, 1l est clair que les graines peuvent se répandre en bon état; mais le cas est bien rare. Lorsqu'on fait avaler des graines à noyau en grande quantité, la digestion ne s'achève pas toujours. Ainsi, dans quelques parties de l'Angleterre, pour obtenir promptement des haies d’aubépine (Cratæ- gus oxyacantha), on fait prendre à des dindons une grande quantité de baies de cet arbuste, et l'oiseau rejette dans ses excréments les noyaux, un peu altérés, mais d'autant plus prompis à germer (a). Les oiseaux omnivores recherchent souvent les baies qui contiennent de petites graines dures, comme les raisins, les figues, les framboises, les fraises, l’asperge, le gui, le troëne (Ligustrum), etc. Leur estomac n’est pas aussi destructeur que celui des gallinacés, et il parait que les petites graines peuvent traverser leur canal alimentaire sans s’altérer. Lorsque ces oiseaux sont voyageurs, ce qui n’est pas rare dans les régions tempérées et boréales, ils peuvent emporter fort loin des graines, en par- üculier lorsqu'ils quittent à l’automne les pays du nord pour gagner le midi, car, à cette époque, il y a beaucoup de fruits mürs dans la cam- pagne. Les grives, dont plusieurs changent de pays, soit en Europe, soil en Amérique, peuvent ainsi transporter des espèces. Lorsqu'elles avaleni une trop grande quantité de fruits à noyaux, elles les digèrent mal et peuvent en semer les noyaux. C’est une observation de Linné (b), lequel assure aussi que l’alouette sème beaucoup de graines dans les champs. L’adhérence aux plumes et aux pattes des oiseaux est peu probable, Presque toutes les espèces ont des habitudes de propreté et une surface justrée qui s’y opposent. Un chasseur m'a dit que le pie(Picus viridis Lath.), ayant une salive visqueuse, pourrait se charger à l'extérieur de graines, qu'il transporterait sans le vouloir. Le Turdus viscivorus (grive drame), qui recherche le gui avec avidité, en transporte probablement Îles semences, même par le contact de la matière visqueuse du fruit avec ses plumes et ses pattes. Personne n’a pu me dire avoir vu des oiseaux aqua- tiques porter des graines d’aucune manière. D'ailleurs, beaucoup de plantes submergées mürissent leurs graines au fond de l’eau, ce qui fait qu'en général les oiseaux ne cherchent pas à s’en nourrir. Il est possible que les anards, les oïes et les oiseaux de mer transportent quelquefois des (a) Ce fait est cité d’après M. Henslow, par sir Ch. Lyell, Princip. géol., 6° édit, trad, franc., vol. IV, p. 159. (b) Amœn. acad., vol. VI, p. 29, et IV, p. 599. 620 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. graines de plantes aquatiques ou marines dans leur estomac; mais j’en ai cherché inutilement des exemples, et je crois, d’ailleurs, que beau- coup d'oiseaux de mer ne sont pas granivores. Enfin, les geais et les pies ont l'habitude de cacher dans les troncs d'arbres, et même dans le sol des forêts, les fruits et les graines dont ils font provision pour l'hiver. Ce résultat de l'instinct peut expliquer la présence d’une multitude de graines dans les forêts, quand on vient à les abattre; mais il est sans importance pour la diffusion des espèces d’un pays à l’autre. Les quadrupèdes doivent transporter quelquefois des graines, volontai- rement ou par hasard. Je ne parle pas de l’action des rongeurs, qui portent d’un endroit à l’autre, jamais au loin, les graines dont ils font usage; mais plutôt des ruminants, et en général, des herbivores. Plusieurs espèces livrées à elles-mêmes vivent en société et émigrent par masses considé- rables. Les rennes, en Sibérie (a), en sont un exemple. Dans les pays eivi- lisés, l’homme conduit des troupeaux de bœufs et de moutons à de grandes distances. IT n’est pas douteux que les poils de ces animaux ne conservent les graines et les capsules, quand elles sont ou visqueuses, ou munies de crochets et d’épines. On croit aussi que les petites graines dures, celles en particulier qui se trouvent dans certaines baies, peuvent traverser les voies digestives des mammifères sans être altérées (b). Ce der- nier mode est de peu d'importance, parce que les migrations des quadru- pèdes ne sont pas rapides comme celles des oiseaux ; mais le transport des graines adhérentes aux poils doit avoir un effet assez important. En somme, il est remarquable combien les causes naturelles de trans- port, je veux dire les causes étrangères à l’homme, sont plus nombreuses dans le sens du nord au midi que du midi au nord, et combien elles sont rares dans le sens des degrés de latitude, qui est pourtant celui de l’exten- sion ordinaire des espèces. Les vents et les courants se dirigent dans tous les sens ; avec plus de régularité dans le sens des parallèles, mais plus d’in- tensité peut-être dans le sens des méridiens. Le transport des blocs de glace n’a d'effet que des régions polaires aux régions tempérées. Les mi- grations des oiseaux et des quadrupèdes sont dirigées dans le sens des méridiens, et ne peuvent guère avoir d'effet que du nord au sud, attendu que les graines mürissent en automne, lorsque les animaux se mettent en route pour les pays méridionaux. Par suite de plusieurs de ces mêmes cir- constances, el par l’action de la pesanteur et des cours d’eau, 11 y à infini- ment plus de causes qui font descendre les espèces des montagnes que de (a) Le voyage de Wrangel est curieux sur ce point. (b) D'après Facquin (Obs. 11, p. 7), les graines de Psidium sont répandues de cette ma nière par les vaches dans les pâturages des îles Antilles. CAUSES DE TRANSPORTS. 621 causes d’ascension. Les glaciers, les ruisseaux, inclinaison du terrain, les migrations des oiseaux et des troupeaux, en automne, de la montagne à la plaine, tout contribue à faire descendre les plantes alpines. Ainsi, les limites polaires, équatoriales et inférieures des espèces doivent être plus facilement atteintes que les limites à P est, à l’ouest et les limites supérieures. Ainsi, encore, les causes naturelles ayant agi depuis des mil- liers d'années du haut vers le bas des montagnes, du midi au nord, et surtout du nord au midi, l’action de l’homme, comparativement nouvelle, cette action qui se propage dans tous les sens, peut naturaliser plus sou- sent aujourd’hui des espèces à l’est, à l’ouest, et même sur les montagnes que dans les autres directions. Il me reste à parler de celte influence, assu- rément très grande. Le transport des plantes et des graines par l’homme se fait de mille manières, volontairement ou sans intention, directement et ouvertement, ou par des voies détournées et cachées. Les premières peuplades qui se sont répandues sur chaque continent ont porté probablement avec elles quelques espèces de plantes utiles et surtout quelques-unes de ces graines qui s’at- tachent aux vêtements et aux animaux domestiques, et qui se développent bien dans le voisinage des habitations, près des fumiers, des terrains brûlés et des décombres. Plus une population est faible, plus elle est étrangère aux arts de la civilisation, plus ces premiers transports de graines sont insi- gnifiants. Ensuite, la population devenant plus dense, plus civilisée, l’agri- culture ayant pris naissance et étendu son domaine, les occasions de trans- ports se multiplient et s'appliquent à des espèces plus nombreuses. Les peuples chasseurs ou pasteurs parcourent sans doute d'assez vastes éten- dues de pays, mais les peuples cultivateurs préparent des terrains propres à recevoir des espèces nouvelles, et faisant venir les graines de leurs champs de pays plus ou moins éloignés, ils introduisent avec elles des plantes diverses, dont plusieurs naturellement deviennent spontanées. Enfin, lorsque la guerre a créé de vastes empires et forcé les hommes à de nombreux voyages, lorsque la navigation s’est étendue, lorsque des terres nouvelles ont été mises en rapport avec les anciennes, que l’agriculture à pu exporter ses produits, et que l’horticulture s’est mise à peupler les jardins de milliers d'espèces étrangères ; alors les transports de graines sont devenus de plus en plus nombreux. Ils ont pris une influence tout à fait prépondérante sur les transports par des causes naturelles. Quelques réflexions, quelques exemples, doivent convaincre les personnes qui en douteraient. ‘IL est clair que, dans les pays civilisés, la culture s'applique à un grand nombre de plantes et fait varier extrèmement la nature physique des ter- 622 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. rains. Les espèces cultivées, elles-mêmes, deviennent rarement spontanées; mais avec elles on répand une multitude de graines, qui prospèrent sous le nom de mauvaises herbes. Comme les céréales et les plantes fourragères ou potagères ne donnent pas partout de bonnes graines, et que les variétés dégénérent quelquefois, ou que les agriculteurs désirent en obtenir de nou- velles, il s’est établi un commerce de graines très actif, au moyen duquel on reçoit souvent des espèces qu’on aimerait mieux ne pas recevoir. Le mouvement commercial et agricole porte les espèces principalement du nidi vers le nord et des pays anciennement cultivés vers les colonies. Ainsi, l'exportation des graines de trèfle, de luzerne, de légumes divers, est considérable de France en Angleterre, dans le nord de l’Europe et aux États-Unis. Il tend à répandre les espèces de l'Europe tempérée et méri- dionale. Inversement, l’Europe reçoit par les cargaisons de laine, de coton, de graines oléagineuses, de graines d'arbres d'Amérique, et avec les plantes vivantes destinées aux jardins, une quantité d'espèces que l'on n’a pas l'intention d'envoyer et qui ont quelque chance de s’introduire parmi nos végétaux indigènes. On sait que le lavage des laines d'Orient à fait paraitre dans une localité voisme de Montpellier, le pont Juvénal, une foule d'espèces de Barbarie, de Syrie, de Bessarabie qui, il est vrai, pour la plupart, n’ont pas duré dans le pays. Le lest des vaisseaux, déposé quel- quefois sur le rivage, près des ports de mer, est aussi une source d'impor- tation, de même que plusieurs marchandises transportées d'un pays à l'autre. Mais, de toutes les influences humaines, la plus importante peut-être est celle qui résulte des jardins, surtout des jardins botaniques proprement dits. Dans le nombre immense des plantes qu'on y cultive, avec la quantité de graines qu'on y fait venir de l'étranger, il est évident que les chances de naturalisation deviennent très grandes. On apporte ainsi des graines que le hasard des causes naturelles ou des échanges commerciaux ne transpor- terait jamais. Souvent, ce sont des plantes inutiles, mème nuisibles, que les hommes ne rechercheraient pas, sans un motif de curiosité scientifique. Une fois cultivées, elles deviennent souvent de mauvaises herbes dans linté- rieur du jardin, et se répandent quelquefois au dehors, surtout par lefet des déblais qu'on rejette, et des plantes vivantes ou des graines que l'on distribue. Les plantes de quelque mérite, comme ornement ou comme espèces utiles, passent des jardins botaniques dans ceux des amateurs et même des simples eultivateurs. Alors elles gagnent de temps en temps les décombres, les terrains vagues autour des habitations et mème les champs. Ü est certain du moins que leurs graines y sont portées par le vent et les oiseaux. Si elles ne réussissent pas, la cause en est dans le climat et dans CAUSES DE TRANSPORTS. 623 les obstacles divers dont je parlerai tout à l'heure. Le système dés jardins anglais est une cause nouvelle de dispersion. Autrelois, on enfermait les jardins dans des murs ; maintenant on les ouvre, et une gradation insensible conduit des terrains cultivés aux terrains naturels. Les graines s’échappent plus aisément. D'ailleurs, les jardiniers plantent quelquefois des espèces étrangères dans les endroits reculés des grands parcs, et leur donnent ainsi toute facilité de se propager en rase campagne. Tels sont, au premier aperçu, les moyens de transport. Il ne suffit pas d'en constater l’existence, il laut encore prouver par des faits que ces moyens ont agi. On se contente trop souvent d'indiquer les possibilités de transports, sans examiner si elles se réalisent. Ceci pourtant est l'essentiel, et je montrerai bientôt que quelques-uns des moyens de transport ont une action très limitée. Auparavant je dois mentionner les obstacles à la diffu- sion que les graines rencontrent de divers côtés. $ II, OBSTACLES AUX NATURALISATIONS. Lorsqu'une graine est portée pour la première fois dans un pays, elle subit plusieurs épreuves, elle rencontre divers obstacles. La chance est d’abord qu’elle tombe dans une localité défavorable, où la germination et le développement sont plus ou moins difliciles, peut-être même impossibles. Un grand nombre de plantes ne peuvent pas supporter les terrains imprégnés de sel, ou bien leurs graines pourrissent au lieu de germer sur le bord humide d’une rivière. Le vent, les oiseaux, jettent les graines au hasard, dans des localités souvent trop sèches ; des milliers d'insectes les détruisent. Le terrain, d’ailleurs, est souvent couvert d’un tapis de verdure si serré, de broussailles ou de forêts si épaisses, que la place manque véritablement à l'introduction de nouveaux individus. Les prairies étouflent les jeunes arbres à végétation très lente ; les forêts tuent par leur ombre la plupart des plantes qui poussent dans leur domaine. Ainsi, la probabilité qu'une graine unique parvienne à lever après un transport est infiniment légère. On ne peut douter, pour les plantes indi- gènes, de l’énorme proportion des graines qui sont détruites par les acci- dents, les insectes, l'ombre et les racines des plantes existantes; on sait aussi quelle profusion de semences il faut pour qu’une espèce se main- tienne dans sa propre localité. On appréciera par ces faits la viabilité d’une seule graine, toujours plus ou moins détériorée par un voyage. Supposons que la plante germe et s'élève, alors elle devra subir l'épreuve lente et multiple d’un climat nouveau. Enfin, si les conditions physiques du pays lui permettent de vivre et de 40 62h CHANGEMENTS DANS L’HAPITATION DES ESPÈCES. produire ses graines, il faut encore qu’elle puisse lutter, dans ses moyens de propagation, avec les espèces antérieures. Ceci mérite une sérieuse attention, et on l’oublie presque toujours. Les espèces indigènes produi- sent des milliards de graines chaque année. Beaucoup périssent, sans doute, mais beaucoup aussi tombent dans des creux, dans des fossés, où elles se conservent et d’où elles peuvent sortir quelques années après, si les cir- constances deviennent plus favorables. Il ne faut pas croire que la faculté de germer dure précisément un certain temps pour chaque espèce. Lorsque des graines sont enfouies dans un terrain pas trop humide, hors du contact de l’air et des variations extérieures de température, elles se conservent plus que dans les circonstances ordinaires. On en voit la preuve lorsqu’on défriche les forêts, lorsqu'on découvre des remblais accumulés depuis long- temps ou qu’on ouvre des tranchées nouvelles; car, alors, une quantité de graines enfouies, qui ne pouvaient pas germer, se développent tout à coup. Je connais même des exemples de graines tombées au fond de rivières, de canaux, et qui, n'étant pas de nature à pourrir facilement et ne pouvant germer faute d'oxygène, viennent tout d’un coup à pousser si la rivière ou le canal sont mis à sec. M. Moquin-Tandon m'écrivait dernièrement : « Quand on a creusé le canal latéral de Toulouse à Agen, on a laissé pendant près de deux ans sans eau la partie dudit canal la plus rapprochée du canal du Languedoc. La première année , il s’y est développé une quantité incroyable de pieds de Polypogon monspeliense. Cette plante n'appartient pas à la flore toulousaine. D’où venait-elle ? Elle ne donna pas de fruits. L'année suivante, elle avait disparu. » Je ne puis faire sur ces pieds de Polypogon qu’une seule hypothèse. Les graines étaient probablement tom- bées d’un bateau venant des environs de Cette, ou de quelque autre loca- lité maritime, car c’est une espèce du littoral. Du reste, quelle que fût leur origine, il était évident qu’elles s'étaient conservées sous Feau. Dans les pays du nord et sur les hautes montagnes, il est probable que les graines incrustées dans la glace peuvent conserver longtemps leur faculté de ger- mer. Divers animaux rongeurs et quelques oiseaux enfouissent des graines dans le terrain et sont forcés ensuite de les abandonner. Il y a surtout une cause qui produit le même effet, avec une fréquence remarquable, dans les pays tempérés et méridionaux : c’est la sécheresse. Pendant Pété, et prin- cipalement à l’époque de la maturité des graines, le terrain se fend par dessiccation, quelquefois à de grandes profondeurs. Le vent fait tomber les graines dans ces fissures, et quand le terrain se ferme par l'humidité, elles y demeurent emprisonnées jusqu’à ce que les eaux, les excavations par les animaux fouisseurs et le mouvement Qu sol causé par la gelée, les ramè- nent près de la surface, où elles germent. . DES PREUVES ET DES INDICES DE NATURALISATION. 625 Ïl faut donc regarder la couche de terre végétale d’un pays comme un magasin de graines, au profit des espèces indigènes. Les espèces les plus communes, celles qui donnent le plus de graines et les graines les plus durables, y sont le plus fortement représentées; les espèces cultivées dans les jardins y sont en bien pelit nombre, et celles qui arrivent accidentelle- ment dans le pays n'y sont pas même pour une seule semence. Dans un hectare de terrain, les espèces primitives ont une immense quantité de graines en réserve, et si une inondation, une intempérie les détruit à la surface, elles reparaissent en partie {ôt ou tard. La lutte est loin d’être égale entre elles et les graines peu nombreuses et souvent endommagées que les moyens de transport peuvent jeler dans un pays. Je ne vois guère que les espèces entretenues en grande quantité dans les jardins, et les mauvaises herbes qu'on sème avec profusion, sans le vouloir, avec les plantes cultivées, qui puissent soutenir la concurrence; encore, le plus souvent, n'est-ce qu'avec le concours de l’homme, qui prépare le ‘errain et le nettoie de plantes indigènes autant que possible. Si les causes de naturalisation sont nombreuses et quelquefois actives, les obstacles sont puissants : qui des deux l'emporte! C’est ce que nous verrons dans un moment, lorsque j'aurai indiqué à quels signes on recon- nait les espèces naturalisées. ARTICLE II: DES PREUVES ET DES INDICES DE NATURALISATION. Il est rare qu’on puisse avoir des preuves positives de l’origine étrangère d’une espèce. On en est réduit le plus souvent à des conjectures plus ou moins fondées, qu’il faut essayer de baser le plus possible sur des indices de quelque valeur. J’en distingue de trois sortes : indices historiques, lin- guistiques et botaniques. Les indices historiques sont tirés principalement de l’étude des Flores publiées successivement pour un pays. Tel auteur, à une certaine époque, n’a pas parlé de l'espèce; tel autre a soupçonné qu'elle était étrangère. Les opinions ont été peut-être contradictoires ; 1l faut les comparer et les apprécier. Mais, indépendamment de ce travail, qui suppose la connais- sance des vieux ouvrages, on ne doit pas négliger certaines considérations d'histoire proprement dite. Ainsi, des plantes d'Afrique ont pu être natu- ralisées en Italie, à l'époque où les Romains tiraient leurs blés de ce pays. Les croisades ont répandu dans les jardins d'Europe, et sans doute aussi 626 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, dans les campagnes, des espèces dont quelques-unes sont connues pour étrangères, et d’autres peuvent être présumées telles. Les Arabes ont semé une multitude de dattiers en Sicile et en Espagne. La découverte de FAmé- rique a été une grande époque pour l’histoire des végétaux, et la reprise du commerce maritime, en 1816, a élé quelque chose d’important aussi pour amener de nouvelles naturalisations en Europe. La création de jar- dins botaniques a toujours influé sur un pays. La date de l'introduction de certaines cultures a aussi de limportance, parce que les premières graines et les premiers ouvriers sont souvent originaires du pays où cette culture existait, et que des graines d’autres espèces ont pu alors être introduites. Les grandes migrations de peuples et le transport de nom- breux individus sont toujours des occasions du même genre. Ainsi, on a lieu de croire que les nègres transportés en Amérique ont apporté quel- quefois avec eux des graines de leur pays, volontairement ou par hasard. Enfin, dans les colonies, l’époque de la découverte, la formation des pre- miers établissements et leurs progrès successifs, donnent des indices extré- mement forts de l’origine d'espèces douteuses. Lorsqu'une plante s’est répandue depuis quelques siècles, elle n’a pas marché régulièrement de proche en proche. Ordinairement elle a eu de la peine à pénétrer dans certains districts éloignés, et surtout dans les îles. Ainsi, pour constater une origine douteuse, on fera bien de considérer une étendue de pays aussi grande que possible. On verra bientôt comment j'ai pu démontrer l’origine étrangère de plusieurs espèces dans la Grande- Bretagne, en prouvant qu’elles n’exislaient pas encore en France ou en Allemagne du temps de Bauhin, et aussi comment l'invasion moderne d’autres espèces en Italie est indiquée par leur absence des îles de Sar- daigne ou de Sicile. L'étude des noms vulgaires et des langues anciennes fournit des indices linguistiques. Toute plante du nord de l’Inde, par exemple, a dû avoir un nom sanscrit, si elle est de nature à frapper le vulgaire, ou si elle présente quelque propriété, quelque phénomène remarquable. Le Maïs, le Poinciana pulcherrima, les Plumeria, le Myrtus communis, et bien d’autres plantes cultivées aujourd’hui dans l'Inde, n’ont pas de nom sanscrit. Dans les cas douteux et pour des espèces aujourd’hui spontanées, on doit recourir à ce critère, ce qui n’est pas difficile, grâce au soin avec lequel Roxburgh et d’autres auteurs anglais ont recueilli les noms des plantes indiennes (a). Le sanscrit, langue morte, mais dont il resté de grands ouvrages et des tradi- tions locales, offre pour ce genre de recherches des avantages évidents. (a) Piddington a condensé en un petit volume tous les noms indiens de plantes : An Eng'ish index to the plants of India, 4 vol. in-8. Calcutta, 1832, DES PREUVES ET DES INDICES DE NATURALISATION. 627 On peut se flatter de trouver quelque chose de semblable pour les plantes d'Europe, dans les langues celtiques. Malheureusement, les mieux con- nues sont celles qui ont continué d’être usitées Jusqu'à nos jours, par exemple, le gallois (du pays de Galles), et alors on peut toujours craindre qu’un nom de plante, dans ce dialecte, ne soit moderne. Il faut connaître bien cette langue pour distinguer un nom primitif d’un nom tiré du latin à l’époque romaine et d'un nom üré de l'anglais à l’époque actuelle. I est fort à désirer qu'un botaniste se concerte avec un érudit en gallois, et avec une personne versée dans les langues celto-écossaise et celto-irlandaise, pour établir d’une manière positive les noms des plantes les plus remar- quables des îles Britanniques avant la domination romaine. Les ouvrages publiés sur ce sujet (a) sont rares, et d’une époque où la nomenclature botanique était peu assurée. Hugh Davies, en 1813, a publié une Flore de l'ile d’Anglesey, avec les noms gallois (b). Jai essayé d’en tirer parti pour constater l’origine étrangère de quelques plantes qu’on croit naturalisées dans la Grande-Bretagne ; mais, malheureusement, l’auteur a donné des noms qui sont quelquefois la traduction des noms anglais. Mon ignorance en gallois m'a forcé d’être prudent. Les Flores d'Écosse et d'Irlande à moi connues ne mentionnent pas les noms des langues primitives; ce serait cependant facile à recueillir, surtout en Ecosse. Les noms bretons peu- vent démontrer l'origine de plusieurs espèces; j’en ai tiré quelque parti. Les noms provençaux et languedociens peuvent être utilisés pour les plantes du midi de la France, et, en général, les noms de toutes les langues anciennes, mème des patois, qui sont ordinairement des restes de langues anciennes. Les botanistes ont souvent le tort de ne pas s’en informer (ce). (a) Les premiers essais de ce genre de synonymie ont été faits simultanément, mais séparément, selon le témoignage de Hugh Davies, par le révérend docteur John Davies et par Johnson. Le travail de ce dernier se trouve dans l'édition qu'il a publiée en 1633 de Gerarde Herbal. C’est un catalogue d'environ 200 noms, intitulé : À catalogue of Brilisk names of plants. Hugh Davies (We!sh botanology, préface, page vr) signale plu- sieurs erreurs. L'autre essai, celui du docteur John Davies, se trouve dans son ouvrage Antique linguæ brilannicæ et lingquæ latinæ dictionarium duplex, sous le titre particu- lier de Botanologium. Il est transcrit littéralement dans Marcus Zuerius Boxhornius, origines gallicæ, 1624, et renferme environ mille espèces. On possède aussi en Angleterre les manuscrits de la famille des médecins de Myddfai, qui connaissaient bien les herbes de leur pays. Ils descendaient d’un fameux médecin Rhywallon, auquel, Rhys Grug, prince gallois, accorda, en 1230, des terres et priviléges dans l’endroit appelé Myddfai, afin que lui et ses descendants pussent cultiver la médecine sans entraves ni soucis pécuniaires. Tous les successeurs, de fait, devinrent médecins, et le dernier de cette dynastie médicale mourut, d’après Hugh Davies, vers 1740. (b) Hugh Davies, Welsh botano'ogy « systematic catalogue of the native plants of Anglesey, 1 vol. in-8. London, 1813. 1 (c) On ne fera pas ce reproche à mon père; car, dans ses voyages en France, il avait recueilli soigneusement les noms patois de plantes et ceux des langues si harmonieuses du Midi, qu'on regrette de voir tomber au rang de patois. Il rédigea, avec le savant Raynouard, un dictionnaire des noms de plantes contenus dans les poésies des trouba- dours ; je le possède encore inédit, Plus tard, il fit rédiger, par le botaniste Moritzi, un 628 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Ïl est indispensable, dans toute recherche sur les langues anciennes, de combiner des notions botaniques avec les notions linguistiques et histo- riques. Ainsi, il y à des noms que les Celtes paraissent avoir empruntés aux Latins, et pour lesquels la distribution géographique des espèces montre que ce sont, au contraire, les Latins qui ont tiré le nom des Gaulois (a). Les noms vulgaires indiquent souvent une origine étrangère au pays. Je ne dis pas qu'ils ne reposent quelquefois sur des erreurs, comme le blé de Turquie, dont l’origine n’est point la Turquie; mais ces erreurs ont lieu surtout dans des plantes cultivées, et je crois qu’une plante spontanée, portant un nom pareil, serait probablement originaire de l'endroit indiqué, ou du moins ne serait pas du pays. Enfin, les indices botaniques sont nombreux et doivent nous occuper spécialement. La première chose à observer, quand on soupçonne une plante d’être exotique, c’est la localité et le genre de station où elle se trouve. Si elle existe près des ports de mer, dans le voisinage des rivières navigables et des canäux, près des jardins, dans les cultures ; en général, près de la sphère de l’activité humaine, c’est une forte présomption d'importation. Il faudra toujours, dans ce cas, s'assurer que la plante n’est pas simplement adventive, c’est-à-dire de ces plantes qui paraissent et disparaissent sans se naturaliser véritablement. Si elle persiste, il faut savoir jusqu’à quel point des importations successives de graines, ou la durée des premiers et seuls individus introduits n’en seraient point la cause. Après avoir écarté ainsi certaines erreurs, on arrive quelquefois à la probabilité que telle espèce est naturalisée. On peut deviner même si une espèce commence à se natu- raliser et si elle a une bonne chance de réussir. | Ce sont surtout les plantes annuelles, venant parmi les cultures, les plantes à petites graines, celles qui sont abondantes et très répandues ail- leurs, qui se transportent le plus fréquemment. Si donc une espèce appar- tient à l’une de ces catégories, la probabilité d'introduction sera plus grande, toutes choses d’ailleurs égales. Si c’est un arbre, même une plante vivace, l’origine étrangère sera moins probable, car l'extension géogra- phique de ces espèces est ordinairement moins grande. Nous avons vu cependant que plusieurs plantes aquatiques, dont l'aire est très vaste, sont rarement transportées d’un pays à Pautre. grand dictionnaire des noms vulgaires de plantes, dans toutes les langues et dialectes, d’après les Flores et voyages publiés, ouvrage immense, dont la publication serait utile à la fois aux botanistes et aux philologues, ainsi qu'on en jugera bientôt par le parti que Jenaitiré. (a) Voyez ce qui concerne les Fagus, Castanea (p. 68S, 689), Secale (p. 937), etc. DES PREUVES ET DES INDICES DE NATURALISATION. 629 Les espèces nouvelles pour un pays commencent par y être rares. Il est vrai qu'ensuile elles peuvent y devenir communes. La circonstance qu’une espèce étend son cercle d'habitation est toujours un signe de nou- veauté sur le continent où cela se remarque. Si l’espèce y avait été de toute ancienneté, elle aurait atteint depuis longtemps les limites que le climat lui impose. Ces indices se rapportent tous aux premiers temps de la naturalisation des espèces. En voici d’autres, qui peuvent servir dans le cas de naturali- sations plus anciennes, ou même fort anciennes. Lorsqu'une espèce a atteint sur un continent l'extension complète que son organisation et les circonstances physiques du pays peuvent com- porter; si cette même espèce présente sur un autre continent, placé d’une manière analogue, une extension beaucoup moindre, il est probable qu’elle y est naturalisée et qu’elle n’a pas achevé encore de s’y répandre. Ceci est applicable surtout à l'Amérique septentrionale et à l'Europe. Il y à un très grand nombre d'espèces existant en Europe, répandues de la mer Médi- terranée jusqu’en Écosse et en Suède, qui, dans le nord de l'Amérique, occupent seulement les États de la Nouvelle-Angleterre, ou les parties anciennement colonisées du Canada, ou de quelques États du midi, comme la Virginie et la Caroline. Il est impossible de ne pas les croire naturali- sées, quoique peut-être la preuve directe n'existe pas. En effet, si ces espèces étaient américaines, on les trouverait aussi bien dans l’intérieur du pays que près des côtes; il semble même qu’on devrait les trouver sur la côte nord-ouest plutôt que sur la côte orientale, car les elimats occiden- taux concordent mieux en Europe et en Amérique, sous le point de vue de l'humidité et de la douceur des hivers, que les climats des deux rives de Atlantique. Ainsi, quand on voit le Genista-tinctoria, borné en Amérique à deux localités du Massachusetts (Torr. et Gray, ÆE., 1, p. 369); le Dianthus Armeria, à une portion de la Nouvelle-Angleterre (44., p. 195); le Saponaria oflicinalis, compris entre New-York et la Géorgie (id. , p. 195), etc., etc.; quand on voit réciproquement, le Senebiera pinnati- fida, l’Impatiens fulva, le Mimulus luteus, etc., avoir une aire beaucoup moins grande en Europe qu'en Amérique, et, pour citer un dernier exemple, quand on mentionne le Plantago major sur un seul point de l'hémisphère austral, à la Nouvelle-Zélande, et encore dans une seule loca- lité de ce pays (a), il est impossible de ne pas reconnaitre la force de ce genre d’argument. (a) A. Rich., F1. N.-Zel., p. 184, et A. Cunn., Ann. of nat. hist., 1, p. 457. Le doc- teur Hooker, #1, antarct. et FI, N.-Zel,, n’en parle pas. 630 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Les considérations sur l'aire relative des espèces qui m'ont occupé si longtemps trouvent ici une application mtéressante. Tantôt on devra exa- miner l'aire d’une espèce dans deux continents, d’après les règles que j'ai employées ; tantôt il faudra se borner à l’apprécier en raison de la famille ou de la catégorie de plantes à laquelle appartient cette espèce. En réflé- chissant à l'aire moyenne si restreinte des Orchidées, Cucurbitacées, Épa- cridées, etc., ou des espèces ligneuses, on ne sera pas enclin à regarder facilement des plantes de ces familles, ou de cette catégorie, comme naturalisées, On inclinera en sens contraire pour des Polygonacées, Papa- véracées, Salsolacées, Graminées, etc., et pour les plantes annuelles ou des lieux humides, qu’on sait avoir communément une aire très vaste. Quand il est dans la nature d’une plante de se répandre beaucoup, on peut soup- conner, si elle offre quelque part une habitation restreinte, qu’elle vient d’être naturalisée et qu’elle tend à se répandre davantage. Ainsi, quand on remarque dans une région tropicale, au milieu des cultures, dans une seule localité, une espèce d’Amarantacée, ou au bord des rivières, une Scrophulariacée, on pourra bien conjecturer que ces espèces présentent ailleurs des habitations plus vastes, et que, dans la localité observée, elles existent par l'effet de quelque transport fortuit. Un indice tout scientifique, applicable aux espèces transportées les plus anciennes, est fondé sur la proportion ordinaire des espèces par genres et par famiiles, et sur le groupement habituel des espèces analogues sur un même continent où dans la même partie du monde. Il n’est pas probakle qu'une espèce se trouve séparée primitivement de toutes les autres du même genre, ou un genre de tous les autres genres de la famille. Cela n’est pas probable, dis-je, parce que dans les familles bien étudiées et où la classification est bonne, ce fait se présente rarement. L'examen des plantes qu'on sait avoir été naturalisées le confirme. Ainsi, les Œnothera, les Mimulus, les Opuntia, les Agave, abondent en Amérique, et aucune espèce de ces genres n'existait jadis en Europe. Les deux Œnothera natu- ralisés, le Mimulus luteus, l'Opuntia, l’Agave americana, font contraste dans cette partie du monde avec leurs congénères et avec la Flore euro- pécnne en général. Il n’y a aux États-Unis qu’un seul Genista, et c’est le Genista tinctoria ; il n’y a qu'un Inula, et c’est l’'Inula Helenium; il n’y a qu'un Cichorium, et c’est le Cichorium Entybus; il n’y a qu’un Fumaria. et c'est le Fumaria oflicinalis! Toutes ces espèces sont regardées par les auteurs américains comme naturalisées dans leur pays. Probablement, ils en on des preuves plus ou moins directes ; mais, par analogie, à défaut de preuves et dans des cas douteux, une espèce unique, d'un genre ou d’une lunile nombreuse ailleurs, semblera volontiers d'une origine étrangère, NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 631 Si les espèces d’un même genre sont communément groupées dans les mêmes régions, il est encore plus fréquent que les individus de la même espèce soient groupés dans un seul pays. Il y a fort peu d’espèces dis- jointes. Il arrive surtout rarement que les individus de la même espèce soient séparés, sur un continent, par un grand espace de terrain, où il semble qu'ils pourraient vivre, d’après l’apparence des conditions phy- siques. Si done une espèce offre la grande masse de ses individus dans un pays, et présente ailleurs un autre groupe, ou une oasis, pour ainsi dire, il est naturel de croire à un transport, surtout si la distance n’est pas très grande. ILexiste en Angleterre plusieurs plantes naturalisées qui manquent au nord-ouest de la France et aux Pays-Bas, et qui se retrouvent en grande quantité dans le sud-ouest ou le sud-est de l'Europe. Une distribu- tion pareille, avec intervalles, est toujours une présomption de transport. Quelques auteurs sont enclins à considérer une plante comme d’origine étrangère quand elle mürit rarement ses graines, qu’elle souffre du froid de temps en temps, ou que sa floraison est souvent contrariée par les pluies; en un mot, lorsque les circonstances du climat lui sont défavorables. C’est un genre d’argument dont il faut beaucoup se défier. Il y a dans chaque pays des espèces véritablement aborigènes, qui ne donnent des graines qu’à des époques éloignées, ou qui se ressentent parfois des intempéries du climat. Tantôt, ce sont des espèces voisines de leur limite ; tantôt des plantes naturellement délicates et rares. On peut même citer des espèces communes, par exemple, beaucoup d'arbres de nos forêts, qui ne fructifient pas toutes les années, et qui, cependant, sont bien indigènes. L'étude détaillée des faits va me servir à appliquer et à justifier les indices dont je viens de parler. On verra que, très souvent, le concours des indices botaniques, historiques et linguistiques, est remarquable, au point de produire une conviction comme le ferait une preuve positive. * Je parlerai d’abord des naturalisations à petite distance, et ensuite à grande distance. Ces dernières sont souvent les mieux prouvées ; mais l'ordre des idées m’oblige à ne pas commencer par elles. ARTICLE: TV. NATURALISATION À PETITE DISTANCE. $ [. EN DEDANS DES LIMITES DH L'ESPÈCE. La plupart des espèces ne sont pas répandues abondamment et uniformé- ment dans le pays qu'elles sont censées occuper. Souvent les individus sont épars, clair-semés; quelquefois i! y a des intervalles d’une certaine 632 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. grandeur où l'espèce ne se voit plus, tandis que dans le voisinage elle n’est pas rare. Lorsqu'une lacune dans l'habitation d’une espèce peut s'expliquer par l'absence de la station qui lui est nécessaire, on trouve le fait tout simple, et il l’est évidemment. De même si une espèce manque parce qu’une cause locale, comme l'élévation du sol, une exposition trop froide ou trop chaude, l'empêche de s'établir, il ne vaut pas la peine de s’en occuper autrement que pour constater la cause. Mais il arrive quelquefois qu’une espèce manque en un point, sans cause actuelle apparente. Peut- être, dans les siècles antérieurs, une cause locale l’a-t-elle fait disparaître; ou la plante, venant de pays plus ou moinséloignés, ne s’est-elle pas encore répandue dans le district, tout en occupant ceux qui lenvironnent; ou, enfin, des causes de diffusion très anciennes ne pouvaient-elles pas agir sur certaines localités à l’époque où la plante s’est établie dans le pays? Alors, on peut voir l’espèce pénétrer dans certains endroits où elle man- quait naguère. Les plantes aquatiques en offrent les exemples les plus curieux. À Genève, nous avons dans les marais le Nymphæa alba, mais non le Nuphar luteum. Personne ne l’a trouvé d’une manière certaine et spon- tanée, plus près de nous que dans le lac des Rousses (7 lieues) (a) ; dans les marais de Valorbe (Reuter, verbalement}; autour de Vevey et Villeneuve (Rampold, Cat. mss.), à l'extrémité du lac Léman (14 lieues). Il manque au Chablais et au Faucigny ; mais il existe autour du lac d'Annecy (Reuter, verbalement), à 8 lieues de Genève. Il se trouve à une journée de marche dans plusieurs directions. Le Nuphar luteum est très commun dans les pays circonvoisins ; dans le Jura et au delà, dans tout le centre de la Suisse, le nord de l'Italie, la France. Il vient dans des localités plus hautes et plus basses que Genève. Ici, nous n'avons aucune nymphéacée à fleur jaune, et le pays a été tellement parcouru par les botanistes, que le fait est incontestable. Or, le Nuphar luteum peut vivre parfaitement bien à Genève. Il existe dans les bassins du jardin botanique depuis 1816. Je lai mis dans une pièce d’eau chez moi, au Vallon, et il y prospère depuis dix ans. Il s'établirait dans tous les étangs et canaux de nos environs, si Pon voulait l’y mettre, aussi complétement que le Nymphæa alba,.qui s’y trouve déjà de toute antiquité. Le Nymphæa alba présente les mêmes lacunes et les mêmes facultés de naturalisation, dans quelques parties du nord-est de l'Angleterre (Wats., (a) Un manuscrit de Girod-Lacaussade, en ma possession, dit qu’on aurait trouvé le Nuphar luteum près du fort de l'Écluse, mais il en doute. F1 ne savait pas le nom du bota- niste, qui avait parlé de cette localité. NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 633 4 Cybele Brit., 1, p.100 ; Johnston, Bot. of east. borders, 1853, p. 31). Le Villarsia nymphoides, Vent. (Menyanthes nymphoides, L.), offre les mêmes circonstances. [l manque à Genève, à la Savoie (du moins aux parties qui avoisinent Genève), et à toute la Suisse, car le seul point où on l’eût trouvé jadis près de Bâle en est dépourvu depuis plusieurs années (Hagenb., FT. Basil, suppl., 18453, p. 33). Il existe, d’un autre côté, dans les provinces de la France, de l'Italie et de l'Allemagne qui entourent la Suisse, notamment dans le lac de Constance et le haut Danube (Düll, Rhein. FL, p.124), quoique manquant d’ailleurs au Wurtemberg (Sehübl. et Mart., For.) et aux environs de Munich (Zuccar, F1). La Savoie, la Suisse, le Wurtemberg et la Bavière centrale, formant des pays élevés, où les points les plus bas sont à 800 mètres environ au-dessus de la mer, J'ai cru d’abord que le Villarsia ne s’y trouvait pas à cause de la rigueur des hivers; mais comme il est spontané dans le Danube, près Ratishonne (Fürnrohr, Nat. hist. Topog. Regensb., IL, p. 106), en Silésie (Wimm., Fl., 2% édit.), autour de Dantzig (Patze, Mey., Elk., FE. Preuss., p. 271), même à Pensa, dans la Russie orientale et autour du lac Baikal (Ledeb., FT. Ross., UT, p. 78), il faut renoncer à cette explication. Bien plus, le Villarsia, transporté au jardin botanique de Genève, y prospère depuis plusieurs années. Je lai même introduit de là dans ma pièce d'eau du Vallon, près de Genève, dont je parlais tout à l'heure, et la plante s’y multiplie depuis sept ans au point de couvrir tous les bords où l’eau n'est pas trop profonde, et d’avoir passé dans une pièce inférieure, où elle s'établit également. Rien ne peut faire présumer qu'elle ne réussit de la même manière dans tout autre étang de nos environs. Le Villarsia man- quait aux comtés du nord de l'Angleterre. Il a été naturalisé dans un étang près de Wallington (Winch, £ssay geog. distr., 2 édit., p. 35). On l’a aussi naturalisé dans une pièce d’eau de l'ile de Wight, avec l'Hydrocharis morsus-ranæ et le Stratiotes aloides, qui manquaient également à cette île, quoique vivants sur l’île voisine de la Grande-Bretagne (Bromfield, the Phytol., 1849, p. 560). Le Sagittaria sagittæfolia manque aux environs du lac de Genève, en général, et aussi à plusieurs vallées de la Suisse, par exemple, aux environs de Thun (J.-P. Brown, Cat.), de Lucerne (Krauer, F/.); mais il existe dans le canton de Zurich (Külliker, Cat.), autour des lacs de Neuchâtel et de Bienne (Gaudin, Æ{., VI, p. 156), dans la Broye (Rapin, Cat. pl. Vaud.), dans le Valais (Murrith, p. 182, sans localité indiquée). de crois qu'il existe dans quelques parties de la Savoie (d’après un cata- logue manuscrit qui ne porte aucune localité). Sans parler des vallées de Thun et de Lucerne, où l'élévation du pays est peut-être défavorable, il 634 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÉCES. est bien singulier que l'espèce manque au bassm du lac de Genève, quand elle existe dans le bassin du lac de Neuchâtel, Morat et Bienne, où le climat est si semblable. On sait, d’ailleurs, qu’elle est répandue dans tous les pays qui avoisinent la Suisse, et qu’elle avance au nord jusqu’en Finlande et en Suède, pays où le froid est plus prolongé que chez nous. Rien ne fait présumer que le Sagittaria ne s'établit pas très bien dans les eaux des environs de Genève, si on ly mettait. Il vient parfaitement au Jardin botanique; mais jusqu’à présent il n’a pas été naturalisé ailleurs. L'Hottonia palustris présente les mêmes faits en Suisse, notam- ment à Genève. Comme il est moins facile à naturaliser, j'en suis moins étonné. Le Trapa natans est épars dans les eaux douces du nord de l'Italie, de la France, de la Suisse et de l’Allemagne. Il manque à plusieurs districts enclavés dans ceux où il existe. Cependant il se naturalise partout, si Pon veut bien le transporter. Ainsi, on la jeté dans des étangs où il manquait près de Paris (Coss. et Germ., F4, I, p. 134) et en Wurtemberg (Schübl. etMart., F1); il s'y est établi. On le garde indéfiniment dans les bassins de plusieurs jardins botaniques, à Genève, par exemple, où il ne végète pas spontanément. Il serait, je crois, facile de le reprendre, mais il devient si incommode, qu’on aime mieux ne pas le propager. Î a disparu de la Lor- raine depuis quelques années, ou au moins il y est devenu excessivement rare (Godron, #L., 1, p. 340). Il à aussi disparu de plusieurs localités de la chaîne du Jura, selon M. Thurmann (Æssai phytost. Jura, 1, p. 92). Ces faits ont pu avoir un certain degré de fréquence. Probablement, des intempéries, des accidents dont la nature n’est pas connue, ont détruit çà et là l'espèce, indépendamment de la diminution générale des eaux stagnantes par l'influence de l’homme. Dans cette hypothèse, on trouvera tout simple que la plante, mise de nouveau dans un étang, y réussisse bien pendant un nombre d'années quelconque. Je suis assez disposé à admettre la même hypothèse pour d’autres plantes aquatiques. Leur aire est généralement si vaste, leur diffusion a été autrefois si facile, que l'absence dans tel ou tel point, au milieu, ou à côté de l'habitation de l'espèce, fait volontiers présumer quelque diminution accidentelle de fréquence, quelque cause locale de disparition. Les natu- ralisations de ces plantes peuvent done être problématiques dans un sens, tout en élant certaines, car ce sont peut-être des réintègrations, des renouvellements plutôt que des introductions absolument nouvelles. D'un autre côté, dans quelques pays, comme la Suisse, il à pu arriver que les vallées fussent encore couvertesde glaciers à l'époque de l'apparition de cer- NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 639 taines plantes aquatiques ou de leur diffusion dans les pays voisins. Les causes de dispersion de ces espèces auraient cessé ou auraient perdu de leur énergie, depuis que les glaciers ont fait place à divers de nos marais et de nos lacs. On expliquerait ainsi la pénurie assez grande de notre région en plantes aquatiques. Les espèces ligneuses ont disparu souvent d’un district à la suite de la destruction des forêts par la main de l’homme. Elles peuvent quelquefois reparaître si les circonstances redeviennent favorables. Les espèces vivaces sont sujettes à moins d'accidents et de variations d'habitations que les plantes aquatiques et les arbres, parce que, d’ordi- naire, elles s’accommodent mieux de différentes stations. Cependant celles qui exigent des terrains humides, ou l'ombre des forêts, sont aussi expo- sées à disparaître et à reparaître de nouveau, en raison uniquement de certains changements qui s’opèrent dans le pays. Les espèces de terrains secs et de terrains ordinaires ne sont pas dans le même cas. Il faut donc appliquer à chaque catégorie des considérations et des hypothèses diffé- rentes. Je vais en citer quelques exemples. D’après un opuscule intéressant (a) de M. P.-F. Bernard, de Montbel- liard, plusieurs plantes existent aujourd’hui autour de cette ville, qui n'avaient pas été trouvées par J. Bauhin, Chabray, et même le botaniste Berdot, dont l’herbier, fait de 1758 à 1763, se trouve chez son gendre, M. Duvernoy. Ce sont les Globularia vulgaris, Digitalis grandiflora, Seseli montanum, Seseli glaucum, Selinum Chabræi, Selinum oreomontanum (S. Oreoselinum?), Athamanta Libanotis, Spiræa filipendula, Thalictrum minus, angustifolium et galioides. L'auteur attribue l'introduction de ces plantes à un canal dérivé du Doubs, établi depuis un demi-siècle ou environ, qui arrose le vallon de Monthelliard dans une bonne partie de son étendue. « Les graines, dit-il, entrainées et déposées par les eaux, trou- vant le sol dans une exposition convenable, auront pu s’y développer facile- ment. » J'admets l'influence de ce canal, non pour le transport des graines, car l’eau d’un canal n’a guère de courant; mais comme cause d'irrigation, d'humidité et fraicheur dans quelques localités du pays. Le Spiræa fili- pendula à pu se naturaliser par ce motif, peut-être encore le Selinum Cha- bræi, qui aime les endroits humides ; mais les autres espèces habitent plutôt les lieux secs. Le Globularia vulgaris, le Thalictrum galioides, le Libanotis, les Seseli, ne peuvent pas avoir été favorisés par létablis- sement d’un canal, à moins de supposer que les berges étant très rele- (a) Tableau de la végétation du Jura et de l'ancienne Franche-Comté, des Vosges et de l’ancienne Alsace, br. in-8 de 10 pages. Strasbourg, 1822. C’est le prospectus d’un ouvrage qui, je crois, n’a pas paru. .$ «4 RÉ vées, offriraient un terrain plus desséché que le reste du pays (a). Le Globularia vulgaris, espèce bien facile à reconnaitre, est mentionné par J. Bauhin (Hist., HI, p. 14), comme croissant de son temps à Genève et à Bâle, localités assez rapprochées de Montbelliard. Il existe aussi dans l'herbier de C. Bauhin (DC., mss.), je crois sans localité précise ; enfin, il est figuré par plusieurs auteurs anciens, tels que Tabernæmontanus et Clusius, comme une plante européenne. Lobel (Ade. nov., p. 200), en 1576, parle de celte espèce rare comme croissant en Finlande, en Italie et en Allemagne. Le mot de rare ne s’emploierait pas aujourd’hui. [ indique un accroissement de fréquence dans l'espèce, depuis trois siècles, par natu- ralisations successives, dans des points tels que Montbelliard. J'ai tracé exactement les limites actuelles de l'espèce dans le Prodromus, v. XI, p. 611. Elles sont assez remarquables au nord-est et au nord-ouest. Je ne serais pas surpris, à cause de leurs sinuosités compliquées, que l'espèce ne fût en marche sur ces frontières, de sorte qu'ayant occupé le midi de l'Allemagne, il y a trois siècles, en laissant quelques lacunes dans le genre de Montbelliard, elle aurait avancé depuis cette époque vers le nord, tout en comblant les espaces réservés. Les botanistes allemands pourront mieux que moi vérifier cette hypothèse. : Les plantes annuelles sont peut-être plus souvent dans le cas dont je viens de parler. Elles*ont dû se répandre beaucoup avec les plantes culti- vées ; et quand elles apparaissent en un point où l’agriculture existe déjà, il est permis de supposer souvent qu'elles avaient dépassé ou environné ce point dans une progression peu régulière. On aurait de la peine à citer des exemples de ce fait en Europe, à cause de l'ancienneté de la diffusion des plantes de terrains cultivés. J’en ‘”diquerai plus loin, à l’occasion d’es- pèces originaires d'Amérique. Aux États. Unis et dans les colonies, il serait probablement plus facile de constater des faits pareils ; mais comme ils ne conduisent à aucune loi générale, et qu'ils s'expliquent d'eux-mêmes quand ils se présentent, je n’insisle pas davantage. 636 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. $ II. EN DEHORS DES LIMITES. L'extension des limites par des naturalisations de proche en proche doit être un fait rare sur un continent où les cause ‘e ui = œ = 25 ee) FA a: © = Lund existent depuis des siècles. La réflexion et l’observatior (a) Le Digitalis grandiflora préfère aussi les lieux secs, mais je doute de l'assertion de M. Bernard que J. Bauhin ne l'aurait pas trouvé aux environs de Montbelliard. La plante existe dans l'herbier de C. Bauhin (DC., mss ) sous le nom de Digitalis lutea magno * flore, et c’est peut-être celle dont parle J. Bauhin, Hist., Il, p. S13, comme croissant à Montbelliard. #/ NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 637 4 trer que les limites sont généralement assez fixes. A moins qu’une espèce ne soit arrivée depuis peu d'années dans une région, elle a dû s’étendre le plus possible par la dispersion naturelle de ses graines. Les conditions de sa propre nature et du elimat ont réglé la limite où elle est destinée à s’ar- rêter, limite sur laquelle des variations peu importantes de climat, d’une année à l’autre, peuvent déterminer seulement quelques légères oscilla- tions. Toutefois, si les terrains favorables à quelques espèces ont auig- menté dans certaines directions, si des moyens de transport nouveaux ou plus énergiques se sont manifestés, on verra ces espèces avancer davan- tage. Elles se présenteront, il est vrai, surtout comme des plantes adven- tives, que les moyens de transport répandent plus souvent ou plus loin; quelquefois aussi comme plantes naturalisées. L’Anemone coronaria, L., parait avoir marché de l’est à l'ouest, dans le midi de l'Europe depuis quelques siècles, favorisée sans doute par une culture de plus en plus fréquente dans les jardins. Elle existait en Grèce du temps de Dioscoride, et sa fréquence dans ce pays, à Constantinople, en Thrace, en Asie Mineure, ne peut laisser aucun doute que ce ne soit sa patrie de toute antiquité. Les botanistes italiens de l’époque de la renais- sance en parlent, mais autrement qu'on ne le ferait aujourd’hui pour une plante aussi commune et spontanée en Italie. L’un des plus anciens et des plus exacts, Cæsalpinus, Pappelait Anemone alterum genus peregrinum apud nos (De plant., ib.xiv, cap. 9, p. 548, synonyme admis par Ber- tol., FT. TE.,N, p. 456, et qui parait effectivement se rapporter à l'espèce). Clusius dit qu’on avait transporté la plante d'Italie en Espagne, et J. Baubhin l'appelle Anemone 1talica tenuifolia, etc.; mais cela vient peut-être de ce qu’on la cultivait de leur temps en Italie. Aujourd’hui elle est bien spon- tanée dans toute l'Italie et en Sicile, même dans les bois et les prés. On la trouve fréquemment à Nice et en Sardaigne (Moris, F£., I, p. 19). En 1761, Gérard ne l'indiquait pas en Provence, où elle s’est répandue notablement depuis le siècle actuel. Mon père n’en connaissait qu’une seule localité dans cette province en 1816 (DC., mss.). M. Robert l’indiquait près de Toulon en 1838 (Plant. phanér. Toul.), et les auteurs de la nouvelle Flore française, MM. Grenier et Godron, citent Grasse, Dragui- gnan, Hyères, Toulon. Du temps de Magnol (1686), l’Anemone coronaria n'existait pas autour de Montpellier, car on ne peut pas croire qu'il eût omis une plante aussi apparente, bien connue de lui dans les jardins, Gouan la mentionne dans sa Flore, en 1765, et tout le monde l’a retrou- vée depuis x Montpellier. Elle manque à la Flore de Tarn-et-Garonne (Lagrèze, 1 vol., 1847). Elle est cependant près de Toulouse, mais dans une seule localité, très restreinte. M. Noulet (#4. bassin Pyr., p. 5), dit, 638 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. en 14837: « Elle paraît s’y perpétuer depuis longues années. Les graines y auront été portées accidentellement. » Elle n’a pas pénétré encore dans les départements de la Dordogne (Des Moulins, Cat., et Suppl., I), ni de la Gironde (Laterr., F1. Bordel., édit. 1846). Je n’ai trouvé aucune men- tion pour la péninsule espagnole, où cependant la plante est cultivée depuis près de trois siècles. Elle s’est naturalisée près d'Alger, dans un pré peu éloigné de la colonne Voirol (Munby, F1., p. 56). L'espèce paraît s’être na!vralisée autour des jardins dans lesquels on la cultivait, el non par le transport des graines au moyen du vent, des oiseaux, etc. Le Calepina Corvini, Besv. (Bunias cochlearioides, Murr.), est une crucifère bien spontanée dans les lieux humides des déserts, au nord de la mer Caspienne ( Claus, dans Gœbel, Reise, IT, p. 255), dans les prés, autour de Lenkoran (Hohen., PI. T'alusch, p. 144), dans les prés, égale- ment, à Zante (Reut. et Marg., F{.), en Italie (Bertol., F1. Z4., VE, p. 601) et en Sicile (Guss., Syn., Il, p. 144); mais qui, hors des alentours du Caucase, par exemple en Crimée (Bieb., I, p. 87), en Hongrie (Waldst. et Kit., IT, t. 107), et surtout dans le midi de l'Allemagne et en France, est indiquée dans des stations plus ou moins artificielles, comme les décombres, murailles, bords des champs, ete. Cette circonstance, et le fait qu'elle manque à plusieurs Flores de pays où il semble qu'elle devrait se trouver (Sm. et Sibth., Prodr. F1. Græc., Il, p.8; Fraas, Syn.; Munby, F1. Alg. ; Noulet, FT. bassin sous-Pyn. ; Laterr., F1. Bord. ; Colm., Cat. Catal., etc.), font présumer une existence peu ancienne en Europe. Effectivement, Tournefort ne l'indique pas autour de Paris; du moins je ne la vois pas dans son flistoire des plantes des envi- rons de Paris, et aucun auteur ne la cite. Néanmoins, du temps de Vaillant, elle était connue sur les murs des jardins, à Passy. Il la désigne sous la phrase : Rapistrum folio glauco sinuato flore albo (Bot. Par., p. 1714), et l'échantillon a été vérifié dans son herbier (DC., Syst., I, 649). Cette localité, alors récente et unique, à la porte de Paris, fait pré- sumer que l’espèce était sortie de quelque jardin ou avait été transportée avec des graines venant d’ailleurs. Maintenant, le Calepina Corvini est indi- qué dans plusieurs localités du centre de la France (Boreau, F1. dép. centre; Lecoq et Lam., Cat., p. 77), et jusqu'aux environs de Paris (Cheval., FE. Par., p. 867; Cosson et Germ., F1. Par., I, p. 107), sur les murs, les rocailles, dans les champs et les vignes. J. Bauhin ne paraît pas l'avoir connu (Moris, F1. Sard., 1, p. 113), ou, si l’on veut admettre le synonyme cité autrefois par de Candolle (Syst.), il le considé- rait comme une plante d'Italie qu'il avait cultivée dans un jardin de Stutt- gard. Lui et son frère connaissaient cependant bien les plantes de la vallée NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 659 du Rhin et des pays voisins, et le Calepina Corvini existe aujourd’hui dans deux localités de la Côte-d'Or (Lor. et Dur., FL.,1, p. 99), en Lorraine, dans les moissons, où il est peu commun, cela est vrai (Godron, Æ4., I, p. 79), près de Mayence et de Coblentz (Koch, Syn.; Düll, Rhein. F1.). Cette espèce a été indiquée par Murrith dans une localité chaude du Valais, à Branson; mais en Suisse, elle ne paraît guère que comme plante adven- tive. Ainsi, on la trouva, en 1857, dans un terrain à bätir à la porte de Genève (Reut., Cat. suppl., 1, 18AT, p. 11), où elle ne s’est pas main- tenue. Barrelier (Plant. per Gall., elc., p. 38) ne l'avait vue que sur les bords du Tibre. En résumé, ce doit être une plante des bords de la mer Caspienne, qui manquait probablement à l’antiquité grecque et latine, “et qui s’est répandue dans les temps modernes en Italie, ensuite dans le midi de l'Allemagne et le centre de la France, où elle est tantôt naturalisée, tantôt adventive. Le Bunias orientalis, L., es une crucifère vivace ou bisannuelle, très commune en Sibérie, au Caucase, dans le midi de la Russie, en Transyl- vanie, en Galicie(Zawadski, Enum..p.77), en Lithuanieet Livonie (Ledeb., FT. Ross., 1, p.226), en Suède et en Danemarck(Fries, Swmma, p.28), en Allemagne, seulement au nord-ouest, près dela mer Baltique (Koch, Syn. ; Rohl., Deutsch. F1., IV, p. 493). Elle croît dans les prés humides, au bord des chemins, dans les cimetières, ete. Maintenant, elle s’est naturalisée près de Paris, au bois de Boulogne et à Vincennes (Mut., #1. Fr., 1, p. 455) ; depuis longues années, disent MM. Cosson et Germain (F1. Par., I, p. 106); probablement il y a environ 25 ans, car Chevalier (#1. Par, p. 865) disait en 1827 : « Elle me semble s'être naluralisée dans nos environs. » Déjà, en 1824, M. Lejeune (F1. Spa, p.133) indiquait près de Limbourg, Dison, etc., dans les fentes des rochers, comme plante exo- tique, naturalisée. M. Th. Lestiboudois (Bot. Belq., IE, p. 334) disait en 1827 : « Semé en divers lieux de la Belgique, où il s’est naturalisé. » Dans cette partie de l'Europe, espèce a été évidemment introduite par les jardins, où semée par des botanistes. Dans le nord-est, elle paraît être venue d'Orient, de proche en proche. Linné disait : Cr'escit in Russia. Retzius (F1. Scand. Prodr., p. 128) la cite cependant en Scandinavie. Le Flora Danica en a donné une figure, en 1819, comme d’une plante peu commune de Suède, Norwége et Danemarck, sans citer d'anciens auteurs. Wahlenberg, en 4820, dans sa Flore d’Upsal, disait : Zn arvis et agris nunc temporis tam copiose ut eæxtirpari nequeat. Quoique le Bunias orientalis soit en Norwége, il n’est point encore aux îles Féroë (Trevel., Veg. Fer.), ni en Écosse et en Angleterre, où il aurait bonne chance de réussir, Je crois qu'il faudrait l’y transporter pour cela, car malgré ce 11 640 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. qu’on dit des vents, des courants, des oiseaux, etc., je ne découvre jamais, en étudiant la propagation des espèces, une plante transportée au travers de la mer, d’une autre façon que par le lest des vaisseaux, ou avec des marchandises, ou par une intervention quelconque de l’homme. L’Eisholtzia cristata est une labiée des montagnes de l’Inde et de la Sibérie, qui existe, peut-être depuis le commencement de ce siècle, en Russie, où on la donne tantôt comme spontanée (Hæft, F!. Koursk, p. 38, en 1826), tantôt comme subspontanée (Ledeb., F1. Ross., HI, p. 335), et qui se répand depuis quelques années dans les terrains cul- tivés en Allemagne (Reich., F1. Eæc., p. 316; Koch, Syn., 2° édit, p. 631), et dans les terrains cultivés, décombres et bords de chemins, dans la Suède occidentale (Fries, Nov. ed. alt., 1, p. 190; Wabl., F1. Suec., I, p. 1082). Les auteurs de la Flore de Courlande (Fleischer et Lindem., p. 310) la donnent bien pour spontanée, dans les champs, fos- sés, rivages ; mais rien ne prouve qu'elle y ait toujours existé. En Suède, elle est certainement introduite depuis 25 ou 30 ans. Selon M. Wahlen- berg, elle s’est échappée des jardins. En Allemagne, on ne doute pas non plus de son origine étrangère, et quoique M. Reichenbach l'ait admise comme naturalisée, en 1830, il y a encore une quantité de Flores qui n’en parlent pas. Elle s’est répandue autour d'Angers, dans les champs (M. Le- roy, verbalement, 1850). ; Le Tulipa oculus-solis, Saint-Amans, Manquait aux environs de Mont- pellier, d’après Magnol, Gouan et de Candolle ; mais les caractères les plus certains, fondés sur les bulbes, n'avaient pas été suflisamment observés dans les tulipes avant les travaux tout à fait récents, et l’on a pu confondre l’espèce avec une autre. Plusieurs tulipes sont arrivées autour de Florence depuis l’époque de Micheli (a). Je parlerai plus loin (p. 729) des Xanthium arrivés d'Amérique, aux environs de Montpellier, depuis Magnol. Le Styrax officinale, L., est aussi, probablement, un arbuste de Grèce, naturalisé en Jtalie et en Provence. L'introduction est si ancienne, que les preuves historiques font défaut, Il est abondant en Syrie, dans l'Asie Mineure et la Grèce. Il manque à la Sicile et au royaume de Naples, On le connait à Tivoli, près de Rome, depuis l’époque de Cæsalpin (Cæs., IE, p. 71), et peut-être il y était déjà auparavant, car la beauté et l'utilité de l'espèce avaient dû engager les anciens Romains à le cultiver dans leurs jar- dins. M, Bertoloni (F4. 14. IV, p. 446) le cite comme abondant sur les collines de Tivoli et de Bologne. Maratti (FE. Rom., 1, p. 334) n'hésite (a) M. Parlatore m'a certifié ce fait, Il en parlera sans doute dans sa Flora llaliana. NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 6h pas à le considérer comme d’origine étrangère. Le Styrax croît en Dal- matie (h. Boiss. !), peut-être aussi par naturalisation. S'il était primitive- ment d'Italie, il aurait, ce me semble, un nom de forme latine, plutôt que le nom grec storace ou istorace. D'ailleurs, pourquoi manquerait-il au royaume de Naples? On le trouve à Nice (Duby), et jusqu'en Provence, très souvent dans la forêt de Sainte-Baume, à Monrieux, Touris (Garid., Aix, Il, p. 450; Robert, PI. Toulon ; herb. Deless.!), où il est bien spontané , mais probablement naturalisé d’une époque ancienne. Les moines l’avaient peut-être reçu dans le temps des croisades, à titre de plante officmale. Le Vallisneria spiralis s’est établi en abondance dans le canal du Midi près de Toulouse, déjà au commencement du siècle actuel (DC., FL. Fr., IT, p. 268 ; La Peyr., Hist. pl. Pyr., p. 594). Il faut qu'il ait été intro- duit par la navigation dans celte localité de création artificielle. L’espècen’est pas indiquée dans le sud-ouest de la France (Thore, Landes ; Laterr., FL Bord., 4° édit.; Des Moulins, F1. Dord.); mais elle est abondante dans le sud-est, aux environs d'Arles, et les bateaux passent du bassin du Rhône par les étangs, dans le canal du Midi. La Peyrouse dit que le Vallisneria existait de son temps (1813) dans l’Aude et dans la Garonne, près de Tou- louse seulement (Noulet, F. bassin sous-Pyr., p. 593). II commence à pénétrer dans le canal latéral (Lagrèze-Fossat, FT. Tarn-et-Gar., 1847). L'espèce marche de l’est à l’ouest par l'effet des voies ouvertes aux bateaux. Il n’en était pas de même autrefois, et les Alpes ne sont pas traversées par des canaux; donc, la présence de cette plante d’eau douce en Italie et dans le bassin du Rhône est un fait inexplicable par les causes actuelles : c’est un fait géologique ou de création. Au Brésil, une Graminée, le Fristegis glutinosa, vulgairement Capim Gordura, s'était répandue, peu avant le voyage de Saint-Hilaire, dans la province des Mines, venant du pays situé sous 17° 40’ latitude sud (A. Saint-H., Ann. se. nat., XXIV, p. 76). Cette plante visqueuse et fétide apparaît quand on brüle une forêt isolée des campos, et étouffe les autres espèces. Je présume que le vent charrie ses graines à de grandes distances, et que la germination commence tout d’un coup lorsque les conditions du sol se trouvent favorables, après la combustion. En résumé, les naturalisations en dehors des limites d’une espèce, c’est- à-dire les extensions de limites sur un même continent, dont j'aurais pu citer un plus grand nombre d'exemples, tiennent ou à des transports nou- veaux de graines, ou à ce que les stations convenables pour une plante se sont déterminées dans cerlaines directions, pour la première fois, ou à lintroduction peu ancienne d’une espèce sur un point du continent, de sorte 542 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. que les limites imposées par le climat n’avaient pas encore pu être atteintes. Les moyens de transport pour ce genre de naturalisation sont nombreux et variés. On ne saurait dire si les causes naturelles, comme le vent, les rivières, les courants, les animaux, jouent ici un rôle plus important que l’homme par ses voyages, ses jardins, ses champs et ses relations multi- pliées. Pour les naturalisations dont je vais parler, son influence dépassera de beaucoup celle des autres agents. S IIT. AU DELA D'UN BRAS DE MER. Le meilleur moyen, pour connaître le mode de transport des espèces au travers d’un bras de mer, est d'examiner ce qui se passe dans les iles Bri- tanniques, depuis que des observateurs nombreux et attentifs ont enregistré l'apparition de nouvelles plantes. Les auteurs de l'£English Botany, et MM. H.-C. Watson, Babington, Bromfeld, etc., ont distingué avec beau- coup de soin les espèces qu’on peut soupconner d’origine étrangère, et celles qui le sont certainement. La comparaison de leurs opinions, les faits qu'ils citent, quelques rapprochements avec les Flores du continent, l'étude de certains noms vulgaires, fournissent un ensemble précieux pour consta- ter le mode et l'importance réelle des naturalisations, ainsi que la marche de plusieurs de nos plantes européennes de Fest à l’ouest, sous l'influence de l’homme. Je passerai done en revue les Phanérogames que M. Babington (Wan. of Brit. bot., édit. 1847), M. H.-C. Watson (Cybele Brit., 1, 1847; I, 4849 ; IT, 1852), le docteur Bromfield (PAytologist, 1848 à 1850) et quelques autres botanistes anglais mentionnent, tantôt avec certitude, tantôt avec probabilité, comme d’origine étrangère et comme devenues spontanées dans l’île de la Grande-Bretagne. Pour éviter toute équivo- que, il faut d’abord que j'établisse la concordance entre certains termes usités dans leurs ouvrages et les définitions posées ci-dessus dans l'ar- ticle EF. Les espèces qui habitent dans un pays se subdivisent, à mon point de vue, de la manière suivante : Elles sont premièrement ou cultivées ou spontanées. Les espèces CULTIVÉES sont de deux sortes : 1° Cultivées volontairement. 2e Cultivées involontairement (mauvaises herbes, certaines parasites). Je parle ici des espèces qui n'existent absolument que dans les champs, jardins. ete., sans se trouver en rase campagne à l'état spontané, car on cultive aussi des plantes indigènes, et il Y a des espèces ordinairement NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 645 spontanées qui se volent quelquefois dans les terrains cultivés de leur propre pays. Les espèces SPONTANÉES, c’est-à-dire qui vivent et se propagent sans le secours de l’homme, appartiennent à diverses catégories, que je vais énu- mérer, en commençant par les moins importantes et par celles qui ont le plus de rapport avec les plantes cultivées. Ces plantes sont ou : 1° Adventives, c'est-à-dire étrangères d’origine, mais mal établies, pou- vant disparaître d’une année à l’autre. 2 Certainement naturalisées, et par abréviation, naturalisées. Elles sont bien établies dans le pays, mais on a des preuves positives d’une ori- gine étrangère. 3° Probablement d’origine étrangère. Espèces bien établies; mais d’après de forts indices, on a plus de motifs de les croire d’origine étran- gères que primitives dans le pays. En d’autres termes, pour rendre claire- ment mon idée, on pourrait parier plus de un contre un, en faveur d’une origine étrangère. L° Peut-être d'origine étrangère. 1 y a dans ce cas quelques indices d’une origine étrangère, quoique les espèces soient bien établies depuis longtemps dans le pays. Par un motif, ou par un autre, on peut élever quelque doute sur leur indigénat. 9° Indigènes, aborigènes, natives (expression à la fois anglaise et française). Toutes les espèces spontanées dont l’origine n’est pas douteuse, qui paraissent exister dans le pays depuis une époque antérieure à l’in- fluence de l’homme, probablement depuis une époque géologique et non historique, par exemple, s’il s’agit de la Grande-Bretagne, depuis un temps plus ancien que la séparation de cette ile d’avec le continent. Ces distinctions ne cadrent pas avec celles des auteurs anglais, qui, cependant, de tous les botanistes, se sont le plus occupés de ces sortes de questions. Je ne parle pas seulement des divisions incomplètes et mal défi- nies, antérieures aux travaux de M. Watson (a), mais de celles même du Cybele Britannica, ouvrage où les faits relatifs à l’origine des espèces de la Grande-Bretagne sont exposés et discutés d’une manière très judicieuse. L'auteur emploie quatre expressions : colomist, alien, denizen el native. Cette dernière est la seule qui réponde exactement à l’une de mes catégories, celle des espèces indigènes. Les autres ne concordent pas précisément. (a) Le docteur Bromfeld, le plus attentif avee M. Watson, et son prédécesseur immé- diat, n’employait, encore en 1848, que deux signes, l’un pour les espèces certainement introduites, l'autre pour les espèces qui ne sont peut-être pas indigènes (Phytol., WT, p. 205). 644 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Il désigne comme colonist (Cybele, T, p. 63): « Des mauvaises herbes de terrains cultivés ou des alentours des maisons, trouvées rarement hors des terrains modifiés par l’homme, avec une certaine tendance néanmoins à paraître aussi sur les rivages, les tranchées, etc. » Cette définition s’appliquerait à un grand nombre d'espèces des terrains cultivés et des décombres, les unes adventives, les autres durables; mais tantôt indigènes, tantôt d’origine étrangère. Heureusement, dans les applications, M. Watson abandonne la définition qu’il a donnée. La force des choses la ramené à des caractères plus justes, et s’il avait rédigé sa préface après le troisième volume, au lieu de lavoir mise en tête du premier, il aurait pro- bablement rayé le mot colonist ou l'aurait limité à quelques cas particu- liers. Pour preuve, je citerailes Borago officinalis, Stellaria media, Saponaria vaccaria, Viola tricolor, etc., qui, d’après la définition, seraient colonist, et qui sont désignées autrement. Il nomme alien, étrangères, les espèces (Cyb., ib.) € maintenant plus ou moins établies, mais présumées introduites, ou certainement introduites de pays étrangers. » En réunissant ainsi des cas certains et des cas douteux, mais probables, d'introduction, trois de mes catégories de plantes sponta- nées (les 1°, 2° et 3°) sont fondues en une seule. Il est vrai que, dans le corps de l’ouvrage, l’auteur fait comprendre, à l’occasion de chaque espèce, s’il entend qu’elle est adventive (alien stragler, alien scarcely naturalized, etc.), où bien établie, qu’elle est certainement, ou proba- blement d’origine étrangère. [ei encore l’ouvrage vaut mieux que les défi- nitions de la préface. Enfin, M. Watson emploie l’expression denizen, lirée du droit an- glais (a), pour caractériser les espèces qui (Cyb., ïh.) « gardent actuelle- ment leurs localités d'habitation, comme si elles étaient indigènes, sans le secours de l’homme ; mais qui, cependant, sont sous le coup de quelque suspicion d’une introduction de l’étranger. » On reconnaît ma quatrième catégorie de plantes spontanées, qui ont peut-être une origine étrangère; mais en ne distinguant pas les degrés de probabilité, la définition est moins précise que la mienne. De fait, M. Watson appelle dentzen des espèces qui me semblent, ou peut-être, ou probablement d’origine étrangère. La revue des plantes britanniques, déjà classées par M. Watson, est donc un travail assez délicat. aurai à compléter les documents, surtout au moyen des Flores de pays voisins et de recherches linguistiques; après quoi il faudra peser les arguments pour et contre l’origine étrangère et l'établis- (a) Le mot denisen s'applique en anglais aux individus qui ont reçu ce qu'on appelle en France la petite naturalisation, c'est-à-dire qui, étant d'origine étrangère, n'ont pas acquis la totalité des droits de citoyen. NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 645 sement durable ou passager ; enfin, comme résultat, je devrai classer chaque espèce dans une des catégories que j'ai adoptées. J’indiquerai en caractères dits gras les espèces que j'estimenaturalisées, soit avec probabilité, soit avec certitude, si toutefois on ose employer ce terme en pareille matière. Les espèces, ou cultivées, ou adventives, ou dont l’origine est entachée de quelque soupçon, ou enfin indigènes, dont j'aurai été conduit à parler par un motif ou par un autre, sont en carac- tères italiques. Naturellement, je ne cherche à être complet que dans les deux premières catégories (naturalisations certaines et probables), et les espèces des autres divisions ne seront mentionnées que dans des cas dignes d’être discutés ou signalés. L’astérisque, avant un nom spécifique, indique les espèces naturalisées depuis l’époque de l'édition du Synopsis de Ray, par Dillenius, c’est-à-dire depuis 1724. LISTE DES ESPÈCES NATURALISÉES, CERTAINEMENT OU AVEC PROBABILITÉ, DANS L'ÎLE DE LA GRANDE-BRETAGNE (ANGLETERRE, PAYS DE GALLES, ÉCOSSE ); CONTENANT EN OUTRE : A9 L'INDICATION DES ESPÈCES DONT L'ORIGINE À ÉTÉ SOUPÇONNÉE ÉTRANGÈRE ; 29 DES DISCUSSIONS SUR LA PATRIE ORIGINELLE ET SUR LA DIFFUSION DE PLUSIEURS ESPÈCES EUROPÉENNES. Anemone apennina, L.— % — Trouvée depuis un siècle à l'état spontané autour de Londres (Ængl. Bot., t. 1062), maintenant assez répandue, çà et là, en Angleterre (Wats., Cyb., 1, p. 75) et en Écosse. Ray et Dillenius, en 1724 (Syn., p. 229) indiquaient trois localités. Elle est plus rare en Irlande, car on ne cite qu’une localité près du jardin botanique de Glasnevin, faisant partie main- tenant de ce jardin, où elle a été trouvéeil y a 30 ans (Mackay, F4. Hib., p. 6). Comme cette plante manque à presque toute la France et croît seulement en Provence (Lois., I, p.00), en Corse et en Italie, je pense avec M. H.-C. Watson, qu'elle est sortie des parcs anglais, où elle est cultivée. On la trouve en Hollande ; mais selon le Prodr. FI. Bat., p. 4 : «Sine dubio advena. » Si le vent, les oiseaux, les rivières, les courants, déterminaient sa dispersion, elle se serait répandue de proche en proche dans le centre de la France, et de là, peut-être, en Angleterre. Ce n’est pas ainsi que l'espèce a marché, carelle a commencé dans l'ouest par la Grande-Bretagne, et là dans les parcs. On ne peut pas supposer qu'elle ait été jadis très répandue dans l'Europe occidentale et qu'elle soit restée en Angleterre seulement, car elle manquait aux premières éditions du Synopsis de Ray (a), etune plante aussi apparente, croissant autour de Londres, n'aurait pas (a) Les espèces introduites dans l'édition de 1724, et qui manquaient aux précédentes, sont indiquées dans l'ouvrage de Dillenius par un signe particulier (un astérisque). 646 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. échappé aux anciens herboristes. Leur silence n'a pas toujours la même valeur. Dans le cas actuel, combiné avec une culture ancienne de l'espèce ; avec l'habita- tion dans le sud-est du continent et l'absence dans l'ouest; enfin, avec une appa- rition dans des parcs éloignés les uns des autres, il en résulte ce que j'appelle une certitude, non mathématique, mais morale, d'origine étrangère. Anemone ranunculoides. Je ne vois pas de motifs suffisants pour la croire natu- ralisée en Angleterre, comme le dit M. Watson (Cyb., 1, 75: III, p. 373), et comme l’admet {avec doute) M. Babington. Elle se trouve dans la péninsule scan- dinave, en Danemarck, en Hollande (Prodr. F1. Bat., p. 4), en Belgique (Lestib.. Bot.), et ça et là dans le nord de la France, par exemple, autour de Paris et dans le département de la Somme (Pauquy, F1.), et de l'Eure (Breb., FI, Norm., p. 3): pourquoi ne serait-elle pas aussi native d'Angleterre? Hudson, en 1778, est, il est vrai, le premier qui en ait parlé comme d'une plante spontanée ; mais cela provient peut-être simplement de la rareté de l'espèce dans ce pays. IL se pourrait que la culture l'eüt propagée dans l'ouest de la France et en Angleterre depuis deux ou trois siècles ; mais c'est une hypothèse fondée seulement sur quel- ques indices. Elle manque au département du Calvados (Hard., Ren., Lecl., Cal- vad., 1849), aux iles de la Manche (Bab., Prim.: Piquet, Phyl., 1853, p.4093), et à l'Irlande (Mackay, F1.). L'Eranthis hyemalis a une disposition à se naturaliser ; mais il n'est pas encore bien spontané, d’après les informations de M. Watson {Cybele, T, p. 493; II, p. 376). b *Pæonia corallina, Retz. — % — Dans une petite ile escarpée de la Severn, appelée Steep Holmes, où l'espèce a été trouvée en 1803 (Engl. Bot., t. 1513), et dans une localité près de Bath (Wats., Cyb., p. 99). M. Babington la regarde comme naturalisée certainement, et M. Waison en parlait d'abord comme probablement d'origine étrangère; ensuite (Cyb., IT, p. 378), il s’est décidé pour l’affirmative. Ray et Dillenius ne comptent pas cette espèce dans le Synopsis de 1724. Elle existe sur les bords de la Loire, en Bourgogne et dans le midi de la France (Gren. et Godr., Æl. Fr., I, p. 52). Elle manque au nord-ouest de ce pays et à l'Irlande. Comme elle est cultivée depuis longtemps pour la beauté de ses fleurs, il est très probable qu'elle a été jadis plantée ou qu'elle s'était naturalisée en s'échappant des jardins dans les localités anglaises sus-mention- nées. Sans cela, il faudrait qu'elle existät primitivement en Angleterre etqu'elle y fût devenue rare, attendu que la grosseur des graines exclut la supposition d'un transport par le vent, leur mollesse excluant en même temps celle d'un transport par les oiseaux ou les courants. D'ailleurs, l'ile de Holmes présente d'autres espèces (voy. p. 695) qui indiquent d'anciennes cultures. Cependant, les bota- nistes du temps de Ray visitaient cette localité et auraient cité le Pæonia, s'ils l'avaient vu alors ou si, l'ayant vu, ils l'avaient cru sauvage. On peut croire, par ce motif, à une introduction moins ancienne. L'Adonis autumnalis, L., est une de ces espèces difficiles à classer, que M. Watson appelle colonist. Elle est spontanée, selon toute probabilité d'origine étrangère, mais spontanée seulement dans les champs de blé. D'après ma ma- nière de voir, ce n'est pas une vraie spontanéité; la plante est plutôt cultivée contre la volonté de l'homme. Depuis le temps de Gerarde, en 1597, elle offre les mêmes stations en Angleterre. On ne la trouve jamais hors des cultures. Je la laisse, par ce motif, dans la catégorie des plantes qui ne se maintiennent que NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 647 par des procédés artificiels. Elle disparaitrait si l'Ausleterre revenait à l'état inculte, ou si une fois, par une hypothèse moins improbable, on tirait tout le blé de l'étranger; donc elle n’est pas naturalisée, c'est-à-dire acquise définitivement pour le pays. L'Adonis autumnalis croît à Zante dans les prés (Reut. et Margot, Ft. Zante, p. 1); ila des noms grecs, anciens et modernes (Sibth. ; Fraas, Syn. F1. class.) ; d’après cela. il est peut-être originaire de Grèce. Ranunculus arvensis, L. Exactement dans les mêmes circonstances que l'Adonis autumnalis. Comme cette espèce est plus tranchée, on peut étudier beaucoup mieux son habitation et son origine. Elle est indiquée dans les champs et les jachères en Italie, même en Sicile (Guss.) et en Sardaigne (Moris), comme en Espagne (Boiss.), en France, en Angleterre, Allemagne, Russie, Crimée (Bieb.), au sud-est du Caucase (C.-A. Mey., Vers.,p. 202), et en Grèce (Sibth. et Sm.). D'où vient-elle donc, puisque dans tous ces pays, elle se trouve dans des loca- lités artificielles? Je ne connais que l'Algérie où, d'après un auteur, elle serait spontanée hors des cultures. M. Munby (F1. Alg., p. 57) dit: « Dans les champs et prairies, » etil ajoute : « dans un pré argileux près de Bab-el-Oued. » Serait-ce une plante d'Afrique, introduite en Europe par les Sarrasins, ou plutôt par les Romains, qui Liraient beaucoup de blé d'Afrique ? On ne connait aucun synonyme des anciens Grecs ou Latins ; l'espèce n'a pas de nom vulgaire grec {Sibth.), et plusieurs botanistes modernes ne l'ont pas même trouvée en Grèce (Reut. et Marg., Fl. Zante ; Fraas, Syn. FI. class. : Griseb., Spicil.), ce qui indique peu d'ancienneté dans le monde gréco-romain. Helleborus viridis, L. Gerarde (Herbal, p. 825) ne le connaissait pas spontané en Angleterre. Ray (édit. 1724, p. 271) citait des localités, mais doutait de la spontanéité. Smith {(Engl. F1., IL, p. 58) affirme cette qualité et indique plu sieurs comtés. M. Babington n'émet aucun doute sur l'espèce; mais le docteur Bromfeld (Phyt., 1848, p. 206) et M. Watson (Cyb., I, p 29: II, p. 296) doutent tantôt de la qualité spontanée, tantôt de l'indigénat. Comme l'espèce existe en Hollande (Prodr. FL. Bat., p. 12)eten Normandie (Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv., p. 75), qu'elle a même une localité dans le midi de l'Irlande, où elle paraît bien spontanée (Power, Bot. quide Cork, p. 5), je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas tout simplement rare, mais indigène, en Angleterre. Il y a plus de probabilité dans ce sens que dans l'autre. Helleborus fœtidus, L. Gerarde {Herb., p. 286) le disait spontané de son temps. Ray (édit. 4724, p. 272) avait des doutes sur une localité, mais pas sur d'autres; Smith n'en a pas. Bromfield (PAyt., 1848, p. 206) affirme que l'espèce est aussi spontanée dans le comté de Hampshire que près des Alpes. M. Watson (Cyb., I, p.95; I, p. 376), adoptant l'opinion de MM. Hooker et Babington, con- serve des doutes sur l'indigénat, plutôt que sur la spontanéité. La distribution sur le continent (voy. ci-dessus, p.120) me fait croire à l'indigénat en Angleterre, quoique sans doute l'espèce se soit peut-être répandue au delà de ses anciennes limites dans ce pays, par l'effet des cultures, des transports de terres et de graines, etc. Delphinium Consolida, L. D'après ce que dit M. Watson (Cyb., IE, p. 377) de la localité de Swansea, il est fort douteux que, depuis Ray jusqu'à nos jours, cette espèce soit sortie des champs, où elle est même assez rare en Angleterre. Je ne l'appellerai done pas spontanée {voy. ci-dessus, p. 646, 642), encore moins indigène Son origine ne m'est pas connue. Je vois que l'espèce manque à la 648 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Sicile (Guss., Syn.), à la Sardaigne (Moris, F1.), à l'Algérie (Munby, F1.), c'est- à-dire aux pays d'où les Romaius tiraient le plus de blé. En Grèce, en Italie, comme au nord des Alpes, on l'indique ordinairement dans les champs ; maïs vers l'Asie Mineure et le Caucase, les expressions des auteurs de Flores indiqueraient parfois quelque chose de plus sauvage. Bieberstein (F1. Cauc., IT, p.12) dit: In agris et campis; Grisebach (Spicil., 1, p. 319): Jn campis littoralibus ditionis Kalameria Chalcidices. Serait-ce une plante primitivement de ces régions? * Aconitum Napellus, L. — 2% — Trouvé depuis 1819 près de la rivière Tame, dans le comté de Hereford (Hook., Engl. FL, TUE, p. 31) : l'annéesuivante dans celui de Somerset (Engl. Bot., t. 2730) ; ensuite dans le comté de Mon- mouth (Watson, Cyb., I, p. 98), de Denbigh (Wats., #b.), le midi du pays de Galles (Wats., b.), le Devonshire (Engl. Bot., t. 2730); partout avec l'appa- rence d'une plante sauvage, au bord des ruisseaux, dans les endroits frais, évitant cependant les endroits inondés. D’après la multiplicité de ces localités, plusieurs auteurs doutent que l’Aconit soit d'origine étrangère. MM. Babington et Watson lui donnent le titre de planté qui pourrait être dans ce cas (denizen, Waits.). M. Newman {Wats., Cyb.) le regarde comme essentiellement indigène. M. Brom- field (Phytol., 1848, p. 207) se borne à dire qu'il est naturalisé dans quelques points de l’île de Wight, et que, certainement, cette plante alpine n'est indigène (native) nulle part dans le comté. Voici mon opinion : Plus les localités observées seulement dans ce siècle sont nombreuses, plus on voit la plante abondante et bien établie dans ces localités, moins il me paraît probable qu'une espèce aussi remarquable, formant le seul exemple du genre Aconit en Angleterre, eût échappé à Ray, à Dillenius et à tous les botanistes du siècle dernier. Cela serait d'autant plus extraordinaire que le Napel était uhiver- sellement cultivé dans les jardins, à Londres, du temps de Gerarde (Engl. Bot., 1. c.), et que ses propriétés vénéneuses auraient attiré sur lui l'attention des her- boristes, s'il avait existé hors des jardins. L'Aconit Napel est une plante sociale dans les endroits où on la trouve aujourd'hui en Angleterre. Ses feuilles et ses fleurs la feraient remarquer par le paysan le plus grossier. Le nom anglais Monk's hood (capuchon de moine) peut faire supposer l'espèce moins ancienne que les ordres monastiques. Le nom Wolfs bane (mort des loups), qui lui est aussi donné, ferait croire, d'un autre côté, à une certaine ancienneté, puisque les loups ont été détruits en Angleterre il y a quelques siècles: mais lorsqu'on chassait encore ces animaux, l'Aconit était cultivé dans les jardins, et l’on pouvait avoir eu l'idée de s'en servir comme de poison. La plante n'existant pas dans l'ile d'Anglesea, et n'ayant pas été supposée, en 1813, exister sauvage en Angleterre, n'est pas mentionnée par Davies (Welsh Botanology), je ne puis done savoir si elle porte un nom gallois. Les médecins de la célèbre famille de Mvddfai, qui exer- cèrent leur art dès le xm° siècle sous la protection des princes du pays de Galles, et qui continuèrent jusqu'en 1740 (a), devaient bien connaître l'Aconit et le eulti- vaient probablement. Il serait curieux de savoir sous quel nom les livres gallois en parlent, notamment le Botanologium du premier Davies, en 1632. Malheureuse- ment, je ne possède ni les ouvrages, ni les connaissances linguistiques néces- saires pour cette recherche. La distribution de l'Aconitum Napellus hors de la Grande-Bretagne me fait (a) Ci-dessus, p. 627, NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 649 croire aussi qu'il est naturalisé en Angleterre. Il manque à la péninsule scandi- nave, au nord-ouest de l'Allemagne, à la Hollande (Miq.. Disq.; Prodr. FI. Ba- tav., 1850), à l'Irlande: c'est-à-dire à plusieurs des pays qui ont reçu d'origine la végétation la plus semblable à celle de la Grande-Bretagne. Il est commun dans la région de l'Allemagne orientale, des Alpes. Il s'avance, dans les endroits frais, jusque dans les montagnes de l'Eiffel (Lej., Rev. Ft. Spa ; Koch, Syn.), dans quelques forêts des environs de Paris (Coss. et Germ., F1., p. 20), d’Abbe- ville (Boucher dans Pauquy, F1. Somme, p. 15), du Calvados (Hard., Ren., Lecl., Cat., p. 76); mais il est rare dans cette direction. En Belgique, M. Lestibou- dois l'indique seulement comme naturalisé dans les lieux cultivés, sur les rem- parts, etc. (Bot. Belg., 1827, Il, p. 363). 11 va donc en se raréfiant vers le Pas-de-Calais, et il manque près du détroit. Comment peut-on supposer qu'il se trouve plus commun au delà, en Angleterre, à titre de plante indigène ? Le Papaver somniferum paraît fréquemment en Angleterre ; mais, de même que dans la plupart des localités sur le continent, il disparaît, à moins de graines de jardins qui le renouvellent. Il est donc adventif. Papaver hybridum, L. — P, Argemone, L. — P. dubium, L. — P. Rhæas, L. — Tous dans les champs de la Grande-Bretagne, avant l'époque de Gerarde, et probablement depuis l'origine de l'agriculture dans ce pays, mais non dans les localités incultes. M. Watson les appelle colonists, et moi des plantes cultivées contre la volonté de l'homme. Elles disparaitraient comme le seigle ou l’avoine, si l'on cessait de leur préparer des terrains. On ne peut guère douter de leur ori- gine étrangère ; cependant, je dois citer au sujet du Papaver Rhœæas l'observation curieuse publiée par M. Johnston (Bot. of east. borders, 1853, p. 30). Lorsqu'on a ouvert les chemins de fer près de Berwick,les coupures se sont immédiatement couvertes de pavots, spécialement lorsqu'on a attaqué les rognons de graviers que plusieurs géologues estiment avoir été déposés à la fin de l’époque glaciale. Peut- être, dit M. Johnston, cette plante avait-elle existé anciennement à la surface de ces graviers, et les graines enfouies par accident viennent-elles à germer lors- qu'on les déterre? Il est fâcheux qu'on ne sache pas à quelle profondeur les tran- chées étaient ouvertes et d’où sortaient les graines. Il a pu y avoir une culture à la surface, du temps des Romains. On peut entrevoir l'origine de plusieurs des pavots répandus dans nos champs depuis un temps immémorial. Le P. hybridum, L., est sauvage au bord de la mer Égée et de la Propontide (Griseb., Spicil., I, p. 293), à Zante (in campis et pratis, Reut. et Margot, F1., p. 27), ainsi qu'en Crimée (Bieb., F1. Cauc., Il, p. 3). Le premier de ces auteurs est très affirmatif sur ce point, et personne ne mérite plus de confiance. Le P. Argemone, L., croit dans les sables maritimes de la Crimée (Bieb., L. c.). Le P. dubium, L., estsur les collines et les montagnes de la Grèce(Fraas, Syn. FL. class., p. 427), sur les collines herbeuses de la Dalmatie (Vis., Fi. Dalm., IT, p. 99) et dansles plaines de Crimée (in agris el campis, Bieb., L. c.). Le P. Rhœas, L., est indiqué en Grèce, depuis Dioscoride (livre IV, ch. zxiv) jusqu'à nos jours (Fraas, Syn. FI. class., p. 127), seulement dans les champs. M, Grisebach ne l'a trouvé aussi, au nord-est de la Grèce, que dans les champs (Spicil., I, p. 293), et Bieberstein, en Crimée, dans les cultures et les décombres. Au sud-ouest de la Grèce, il en est autrement. M. Margot l'indique à Zante, in campis et pralis, dans les plaineset les prés (Reut. et Margot, F1). M. de Visiani, 650 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. dans les endroits herbeux de toute la Dalmatie (F1. Dalm., IN, p, 100). M. Gussone est plus positif pour la Sicile, in cullis et in collibus apricis herbosis ubique, dans lies cultures et sur les collines couvertes d'herbes exposées au soleil (Syn., II, p. 8). M. C.-A. Meyer paraît l'avoir trouvé sauvage au sud-est du Caucase, car il dit (Vers., p. 175) in collibus prope Baku. Les habitations primitives sont indiquées avec assez de probabilité par cesfaits. Sans doute, les espèces peuvent être sorties des cultures et s'être naturalisées dans les pays où elles se voient maintenant sauvages ; mais un autre genre d'indice con- firme le premier ; à mesure qu'on s'éloigne du point probable d'origine de chaque espèce, on trouve qu'elle manque à certains pays, même dans les cultures. En 1847, autour d'Alger, on ne connaissait pasencore le Papaver dubium, et la pré- sence du Papaver Argemone était douteuse, car M. Munby ne l'avait pas vu, et Desfontaines seul l'avait cité (Munbv. F4, Alg., p. 52). Le Papaver dubium man- quait à l'ile de Sardaigne, encore en 1837 (Moris, F1.). L'Italie avait probablement reçu ces deux pavots de la Grèce, déjà dans l'antiquité : mais, à cette époque, l'Afrique et la Sardaigne envoyaient leurs grains en Italie et n’en recevaientpas. Chelidonium majus, L. M. Watson (Cyb., 1, p. 107) émet des doutes sur son origine. Il l'appelle denizen {voy. p. 644). Gerarde, en 1597, indiquait l'espèce dans les mêmes circonstances de station qu'aujourd'hui. Doit-on la croire étrangère parce qu'elle vient sur les vieux murs, dans les décombres, près des villages, ete.? mais il y a eu des localités analogues, rocailleuses et fortement azotées, avant l’arrivée de l'homme en Angleterre, et elles continueraient d'exister si l'homme disparaissait. La plante en question est d'ailleurs très répandue sur le continent et en Irlande. La probabilité d'une origine étrangère se réduit ici, dans mon opinion, à 4/10* peut-être, ou 4/20°. M. Watson admeltait, je présume, unè pro- babilité moins faible. On voit par là l'inconvénient de grouper sous un seul terme (denisen) toutes les espèces qui offrent matière à un doute, faible ou fort. Glaucium violaceum, Juss. Paraît adventif. Corydalis solida, Sm. Plutôtadventif. (Voyez Wats., Cyb.,1, p.110; III, p. 379.) Fumaria. D'après les auteurs, les diverses espèces de fumeterres énumérées dans les Flores paraissent, ou ne pas sortir des terrains cultivés, et alors ce sont des plantes cultivées malgré l'homme, de la catégorie des pavots, elc., on se répandre accidentellement hors des jardins et fumiers, et, dans ce cas même. on peut douter qu'elles soient durables et qu'elles se rensuvellent autrement que par des graines jetées chaque année hors des cultures. Viola odorata, L. Les doutes émis par M. Watson {Cyb., 1, p. 388) sont bien légers Le docteur Bromfeld affirme l'espèce spontanée dans l'ile de Wight (Phytol., FI, p.21 0). Elle existe en Normandie, en Hollande, ete., sans qu'on la regarde comme introduite. * Corydalis lutea, DC, — Z —- Sur les vieux murs près des jardins. Sou- vent cultivé autrefois. Rav et Dillenius n'en parlent pas. Les auteurs de l'English Botany le reçurent en 1798 (Engl. Bot., E, t. 588): mais Withering l'avait déjà trouvé. Il croit dans une localité près de Caen, sur les vieux murs (Hard, , Ren., Lecl., F1. Calv.), et aussi près de Paris et de Tournay (Lestib., Bol. Belg.). On peut le regarder comme répandu par les jardins dans le nord-ouest de la France eten Angleterre. La patrie primitive parait être l'Italie, l'Hlyrie, etc. On ne l'in- dique ni en Irlande (Mackav, Fi), ni dans le sud-ouest de la France, ce qui conlirme une origine orientale et non occidentale. NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. Go * Arabis turrita. EL. — ©) — Murs d'un collége à Cambridge, déja en 1728 (Huds., F1.), puis à Oxford, dans le Kent et dans une localité près de Kinross. Non mentionné dans les Flores plus anciennes que celle de Hudson. Manque au nord-ouest de la France, à l'Irlande (Mackay, F1.; Pow., FI. Cork.). Tout porte à croire qu'elle est sortie, en Angleterre, des jardins botaniques de Cambridge et Oxford. * Sisymbrium polyceratium, L. — 4) — Selon les auteurs, naturalisé près de Bury Saint-Edmonds, mais échappé d'un jardin qui est même connu à peu près (Wats., Cyb., 1,p.152). Il existe en Portugal (Brot., FL, I, p.558), et dans le midi de l'Europe; mais il manque aux îles Açores (Wats. dans Hook., Journ., 1844, 1847), au nord-ouest de la France et à l'Irlande. Il s'était peut- être répandu une première fois du temps de Gerarde (Varenne, dans Wats., Cyb., II, p. 384), dans le comté d'Essex ; mais je n'ai pas su le se dans mon RATE de Gerarde, Herbal, de 1597. Berberis vulgaris, L. M. Watson (Cyb., 1, p. 391) doute de sa qualité d'abo- rigène; je ne vois pas de motifs pour cela. M. Babington (Mun. brit. bot.) n'émet pas de soupçon. L'espèce existe en Hollande, en Norwége. etc. Cheiranthus Cheiri, EH. — 2 — II croit en Grèce, sur les rochers, à Nau- plie, Milos, Syra, etc. (Fraas, Syn. FL, class., p. 117); mais dans tout le nord- ouest de son habitation actuelle, en particulier dans la Grande-Bretagne, seulement sur les murailles, les ruines, et l'on ne peut guère douter d’une origine étran- gère ancienne. Du temps de Gerarde, en 1597, le nom anglais était déjà Wall- Flower (fleur des murailles). Les constructions étant de nature à survivre aux individus et aux peuples, les plantes des ruines sont bien acquises à un pays. Mathiola incana, L. La station observée, en 1843, sur des falaises presque inaccessibles de l'ile de Wight {Wats., Cyb., I, p. 155), est assurément bien remarquable pour une espèce dont la localité connue la plus rapprochée est à la Teste (Laterr., FI. Bordel., 4° édit., p. 14%) et à Bayonne (Gren. et Godr., F1. Fr.). On dit qu'elle a été vue autrefois sur les falaises de Hastings (Wats., ib.). Il n'existe pas d'indice d'une introduction en Angleterre. C'est peut-être une plante littorale, autrefois plus répandue, et il reste à savoir si on ne la découvrira pas en Bretagne. Le Crambe orientalis, L., vient de s'échapper d'un jardin et s’est naturalisé près de Fochabers (Wats., Cyb., I, p. 115); mais on ne peut pas dire encore si cette plante d Orient s'établira complétement. Les Camelina se montrent fréquemment dans les champs de lin; toutefois sans l'introduction incessante de graines étrangères, il est probable qu'ils disparai- traient. Leur patrie est la Russie méridionale et le Caucase. Isatis tinctoria, L. — (4) — Cette plante, souvent cultivée, s'est répandue dans plusieurs localités éloignées les unes des autres (Wats., Cyb., 1, p. 117), en Angleterre et en Écosse. Elle a été trouvée dans les carrières calcaires de Guil- ford, en 1825 et en 1841, cequi montre un établissement assez durable. Gerarde, en 1597, ne connaissait d'Isatis sauvage, en Angleterre, que dans les endroits où l'on avait cultivé la plante (Herbal, p. 394). On répète de siècle en siècle que les anciens Bretons se servaient du suc d'Isatis pour se teindre la peau en bieu. La Culture en serait donc très ancienne. Les noms gallois, anglo-saxons, allemands, slaves, ont tous de l'analogie et font présumer un usage commun autrefois à toute l'Europe. En Irlande, l'Isatis n'est pas sorti des champs (Mackay). 652 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Thlaspi arvense, L. M. Watson (Cyb., EL, p. 118) l'appelle colonist, ce qui sup- pose d'une manière plus ou moins absolue une station dans les champs et une origine étrangére. Les auteurs anglais, depuis Gerarde, en 1597 (Herbal, p. 206), jusqu'à nos jours (Smith, FL, HI, p. 170: Bab., Man., 2° édit., p. 29). disent pourtant que l'espèce existe au bord des chemins, dans leslieux stériles, incultes, même près de la mer dans un endroit du Suffolk (Sm., L. c.). Est-ce par naturali- sation à la suite des cultures? ou serait-ce, au contraire, la patrie primitive de l'espèce, d'où elle se serait répandue dans les champs? Je crois plutôt à cette dernière hypothèse, selon laquelle la plante serait originaire de l'Europe tem- pérée, et aussi bien d'Angleterre que du nord de la France, du midi de l'Alle- magne, etc. En effet, 1° elle est indiquée plus régulièrement comme arvicole dans les Flores d'Italie et de la région caucasienne que dans celles de l'Europe tempérée occidentale ; 2° elle manque aux champs de pays plus méridionaux d'où sont venues d'autres mauvaises herbes, par exemple, à l'Algérie (Munby, F1. Alg.), à la Sardaigne (Moris, F1.), l'ile de Zante (Reut. et Marg., F1.), peut-être à la Sicile (Guss., Syn.). Évidemment, c'est une espèce qui craint la chaleur ou la sécheresse du midi. Iberis amara, L. Ne sort pas des terrains cultivés. Lepidium latifolium, L. Pourquoi douter de son indigénat, puisque l'espèce est sauvage dans des pays analogues, et l'était en Angleterre du temps de Gerarde (Herb., p. 187) comme elle l'est aujourd'hui. Lepidium Draba, Br. En Angleterre, il est rare, même dans les terrains cul- tivés, et c’est à peine si on le trouve accidentellement au bord des chemins ou dans les décombres (Engl. Bot.,t. 2683; Wats., Cyb., I, p. 124; HE, p. 581). Il en est de même sur le continent, près de l'Angleterre. Je le crois origi- naire du sud-est de l'Europe et des environs du Caucase. En effet, il est indiqué dans les prairies en Sardaigne (Moris, F1.), mais il manquait à Alger en 4847, même dans les champs (Munby), et pour l'Espagne méridionale M. Boissier l'in- dique dans les cultures ; il semblecommun en Italie hors deschamps (Bertol., F1), de même en Roumélie (Griseb.) et autour du Caucase (Bieb., C.-A. Mey., Hohen.) * Alyssum maritimum, L. — % — Trouvé depuis le commencement du siècle actuel sur divers points du littoral de l'Angleterre méridionale et, d'une manière plus adventive, en Écosse, près d'Aberdeen. Les auteurs anglais ne doutent pas de son introduction par le fait d'une culture assez fréquente dans les jardins. M. Watson (Cyb., I, p. 134) semble même croire la naturalisation peu assurée. L'espèce manque au littoral de la France occidentale et à l'Irlande. Elle existe en Portugal (Brot., FL.), et aux Açores (Wats,, Lond. Journ. of bot., 1844, p. 584). Si c'était une plante primitivement occidentale, on la trouverait en Irlande, pays intermédiaire entre les Açores et la Grande-Bretagne. Sisymbrium Irio, L. M. Watson (Cyb., 1, p. 150) le nomme denisen (voyez ci-dessus, p. 644). M. Babington (Man., 2° édit., p. 23) n'émet aucun doute sur son origine, On le trouve dans les décombres, sur les talus, bords de routes, ete., principalement autour des villes anciennes. Quelquefois, il se montre en abon- dance, puis disparaît. On sait qu'il parut en quantité sur les ruines du grand incendie de Londres, en 1667 (Ray, édit. 1704, p. 297). Récemment, un fait analogue est arrivé, selon M. Johnston (Bot. of east. borders, p. 34) : en 4847, on prit de la terre dans un champ où le Sisymbrium rio n'était pas connu, pour construire le chemin de fer du Nord, près de Berwiek, el il parut en masse : mais NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 653 en 4851 déjà, il avait disparu. Ces faits, de même que la présence en Irlande, me font croire l'espèce ancienne et plus commune autrefois qu'à présent. Ce serait le contraire d'une introduction. Erysimum cheiranthoides, L. À peu près dans les mêmes conditions que le Sisymbrium Irio; mais, en outre, Gerarde (Herb., p. 213) le dit sauvage de son temps en Angleterre, et il est plus répandu dans le centre et le nord de l'Eu- rope. On le voit dans les haies, les broussailles. Je le regarde comme une mau- vaise herbe indigène de nos régions tempérées, dont les stations se seraient ‘ multipliées par l'effet des cultures. Erysimum virgatum, Roth. Adventif (Wats., Cyb., ILI, p. 384). Erysimum orientale, Br. Adventif (id., 1, p. 154). Brassica campestris, L. (B. campestris et Rapa, DC., et B. Napus, L.). En traitant plus loin de l'origine des espèces cultivées (chap. 1x, p. 826), je prouverai que la patrie primitive doit avoir été la région entre la Baltique et le Caucase. Je doute qu'elle s’étendit en Écosse et en Angleterre; mais les méthodes ordinaires ne prouvent rien dans le cas actuel, à cause de la culture excessivement ancienne, Ainsi, des noms gallois ou irlandais, tout à fait celtes, ne prouveraient pas l'indigé- nat. À présent, l'espèce est à peine sauvage (Wats., Cyb., I, p. 158), et si elle paraît l'être, on peut toujours soupçonner un semis provenant de pieds cultivés. Brassica oleracea, L. Je ne vois pas pourquoi il n'aurait pas été spontané, avant l'homme, en quelques points de l'Angleterre, puisque sa patrie doit être, d'après divers indices linguistiques (chap. 1x, p. 839), l'Europe occidentale tempérée, et qu'on le trouve sur des falaises en Angleterre et en Irlande (Mackay, F1. Hib., p.238). Sinapis alba, L. M. Watson (Cyb., 1, p.162; III, p. 385) a des doutes sur l'origine, quoique, suivant lui, l'espèce soit parfaitement établie dans les champs et les haies. M. Babington l'indique dans les terres cultivées et les terrains vagues, Elle est en Irlande et en Normandie, dans les mêmes stations. Ray la mentionnait déjà, mais sans préciser sa manière de vivre. Je ne puis avoir que des soupçons, et la probabilité semble plutôt en faveur de l'indigénat, Diplotaxis tenuifolia, DC. Commun sur les vieux murs du temps de Gerarde (1597, Herbal, p. 192), comme à présent (Sm., F1.; Bab., etc.);, M. Watson soupçonne une origine étrangère (Cyb., 1, p.163). Il est en Normandie et en Hollande, même dans les sables (Breb., F1. ; Prodr. FL. But.); mais sa présence en Irlande est douteuse (Mackay ; Power, FI, Cork.), Jusqu'à preuves contraires, je le croirai plutôt indigène en Angleterre. De même pour le Diplotaxis muralis, DC., qui paraît encore plus spontané dans la Grande-Bretagne. Raphanus Raphanistrum, L. Ne sort pas des cultures en Angleterre, en Nor- mandie, en Hollande; ainsi, il n'est pas même spontané dans ces pays, d’après l'acception stricte du mot. En parcourant plusieurs Flores, je n'ai vu l'espèce indiquée hors des champs que dans deux pays : la Dalmatie (in herbidis maritimis, Vis., FL, IN, p. 103), et le midi de l'Espagne (in arenosis et pascuis, Boiss., Voy., If, p. #2). Brotero dit aussi in campis en parlant du Portugal. En Sardaigne (Moris), en Sicile (Guss., Syn.), et le plus souvent en Italie, il est dans les cul- tures, d'une manière plus ou moins exclusive. L'espèce n'a pas encore pénétré, même dans les champs, au midi du Caucase, ni en Algérie (Munby, F1., en 4847). * Senebiera pinnatifida, DC. — (2) — D'Amérique (voy. p. 723). Hudson 65h CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. (Ft. Angl., 1778) le décrivait le premier en Angleterre, sous le nom de Lepi- dium anglicum, croissant en Devonshire et dans le Cornouailles, sur les décom- bres. Malgré ce nom, je crois l'espèce étrangère, car une fois sur une côte, elle se répand de port en port, etil n'est pas probable qu'elle fût depuis longtemps confinée dans un seul point des îles Britanniques. Si elle avait existé ailleurs dans ce pays, Ray et Dillenius ne l’auraient pas ignorée, vu sa station près des villes et ses caractères si distincts. * Alyssum ealycinum, L. — (1) — A paru dans deslocalités de la Grande- Bretagne depuis 1835 (Engl. Bot.,t. 2853, et ci-dessus, p. 74). Il y a eu pro- bablement plusieurs introductions depuis vingt ans, par les semis de graines étran- gères, car les localités sont fort éloignées les unes des autres, et la plante est venue ordinairement dans des champs de blé. Elle en sort cependant quelquefois, puisque M. Babington (Wan. , 2° édit., p. 26) indique les päturages communaux (Voy. Wats., Cyb., I, p. 135). Cochlearia rusticana, Lam. (C. Armoracia), L.— 2% — Dans unarticle de la Bibliothèque universelle de Genève, de sept. 1851, j'ai fait l'histoire de cette espèce sous le double point de vue de son nom et de son origine. J'ai montré qu'on avait tort de traduire quelquefois Armoracia comme si c'était armorica, par l'épithète de Bretagne, car le mot substantif Armoracia a été pris dans Pline, et s’appliquait à une Crucifere de la province asiatique du Pont, peut-être au Rapha- nus sativus. Quant à l'origine, voici comment je m'exprimais : La plante ne croit pas sauvage en Bretagne. Ceci est constaté par les botanistes zélés qui explorent aujourd'hui la France occidentale, M. l'abbé Delalande en parle dans son opuscule intitulé : Hædic et Houat (brochure in-8°, Nantes, 1850, p. 109), où il rend compte d'une manière si intéressante des usages et des pro- ductions de ces deux petites îles de la Bretagne. Il cite l'opinion de M. Le Gall, qui, dans une Flore (non publiée) du Morbihan, déclare la plante étrangère à la Bretagne. Cette preuve, du reste, est moins forte que les autres, parce que le côté septentrional de la péninsule bretonne n'est pas encore assez connu des botanistes, et que l'ancienne Armorique s'étendait sur une portion de la Nor- mandie, où maintenant on trouve quelquefois le Cochlearia sauvage (Hardouin, Renou et Leclerc, Catal. du Calvados, p. 85; de Brebisson, F1. de Normand., p. 25). Ceci me conduit à parler de la patrie primitive de l'espèce. Les botanistes anglais l'indiquent comme spontanée dans la Grande-Bretagne, mais ils doutent de son origine. M. H.-C. Watson (Cybele, 1, p. 129) la regarde comme introduite. La difficulté, dit-il, de l'extirper des endroits où on la cultive est bien connue des jardiniers. Il n’est donc pas étonnant que cette plante s'em- pare de terrains abandonnés et y persiste, au point de paraître aborigène. M. Ba- bington (Manual of Brit. bot., 2° édit., p. 28) ne mentionne qu'une seule localité où l'espèce ait véritablement l'apparence d'être sauvage, savoir Swansea, dans le pays de Galles. Tâchons de résoudre le problème par d'autres arguments. Le Cochlearia rusticana est une plante de l'Europe tempérée, orientale princi- palement. Elle est répandue de la Finlande à Astrakhan et au désert de Cuman (Ledebour, F1. Ross., 1, p.159). M, Grisebach l'indique aussi dans plusieurs loca- lités de la Turquie d'Europe, par exemple, près d'Énos, où elle est abondante au bord de la mer (Spicilegium FL. Rumel., 1, p. 265). Plus on avance vers l'ouest de l'Europe, moins les auteurs de Flores paraissent certains de la qualité indigène, plus les localités sont éparses et suspectes, L'espèce est plus rare en Norwêge NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 655 qu'en Suède (Fries, Summa, p.30, et autres auteurs), et dans les îles Britanniques plus qu'en Hollande, où l'on ne soupçonne pas une origine étrangère (Miquel, Disquisitio pl. regn. Bat.). Les noms de l'espèce confirment une habitation primitive à l'est plutôt qu'à l'ouest de l'Europe. Ainsi, le nom Chren est russe (Moritzi, Dict. inéd. des noms vulgaires). On le trouve dans toutes les langues slaves : AÆrenai en lithuanien, Kren en illyrien (Moritzi, tb. ; Visiani, F1. Dalm., WI, p. 322), etc. Il s’est introduit dans quelques dialectes allemands, par exemple autour de Vienne (Neil- reich, FI. Wien, p. 502), ou bien il a persisté dans ce pays malgré la superposi- tion de la langue allemande. Nous lui devons aussi le mot français Cran où Cran- son. Le mot usité en Allemagne, Meerretig, et en Hollande, WMeer-radys, d’où notre dialecte de la Suisse romane a tiré le mot Méridi ou Mérédi, signifie radis de mer, et n'a pas quelque chose de primitif comme le mot Chren. Il résulte proba- blement de ce que l'espèce réussit près de la mer, circonstance commune avec beaucoup de Crucifères. et qui doit se présenter pour celle-ci, car elle est spontanée dans la Russie orientale, où il y a beaucoup de terrains salés. Le nom suédois Peppar-rot (Linné, F1. Suec., n. 540) peut faire penser que l'espèce est plus récente en Suède que l'introduction du poivre dans le commerce du nord de l'Europe. Toutefois, ce nom pourrait avoir succédé à un aûtre plus ancien demeuré inconnu. Le nom anglais, Horse radish (radis des chevaux) n’est pas d'une nature originale, qui puisse faire croire à l'existence de l'espèce dans le pays avant la domination anglo-saxonne. Il n'a pas plus d'importance que le nom du marronnier, Horse chesnut, qui est bien bien certainement moderne. Le nom gallois du cran Rhuddygl maurth (H. Davies, Welsh Botanology, p. 63), n'est que la traduction du mot anglais, d'où l’on peut inférer que les Celtes de la Grande-Bretagne n'avaient pas un nom spécial et ne connaissaient pas l'espèce. Dans la France occidentale, le nom de Raifort, qui est le plus usité, signifie sim- plement racine forte. On disait autrefois en France Moutarde des Allemands, Moutarde des capucins, ce qui montre une origine étrangère et peu ancienne. Ainsi, dans toute l'Europe occidentale, en Suède, en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, dans le pays de Galles, en France, les noms de l'espèce sont d'une nature composée, faisant présumer ordinairement une date peu ancienne. Au contraire, le mot Chren de toutes les langues slaves, mot qui a pénétré dans quelques dialectes allemands et français sous la forme de Areen et Cran ou Cranson, est bien d'une nature primitive, montrant l'antiquité de l'espèce dans l'Europe orientale tempérée. Il est donc infiniment probable que la culture a pro- pagé et naturalisé la plante de l'est à l'ouest, depuis environ un millier d'années. M. Watson regarde le Barbarea precox, Br., comme d'origine étrangère, plutôt adventif ; mais sa présence sur le continent voisin, et en Angleterre, déjà du temps de Ray (Syn.,p. 297), me fait croire qu'il peut tout aussi bien être originaire du pays. M. Babington le regarde comme indigène. M Power a la même opinion pour le midi de l'Irlande (Bot. guide Cork, p.7). Le Malcomia maritima, Br, vient d'être observé près de Douvres (Wats., Cyb., p 157). C'est une plante du midi de la France, qui peut-être ne durera pas en Angleterre. Elle n'existe pas en Irlande. Hesperis matronalis, L. MM. Babington et Watson inclinent à regarder l'espèce comme répandue par l'effet d'une culture autrefois très générale ; cependant elle paraît bien spontanée sur le continent, jusqu'en Danemarck (Fries, Summu), 42 656 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DFS ESPÈCES. et la troisième édition du Synopsis, de Ray, l'indiquait déjà dans des localités telles que le bord des ruisseaux en Angleterre. * Dianthus plumarius, L, — Z — Sur les vieux murs dans le midi de l'Angleterre. Ray et Dillenius ne l'indiquent pas. Il est du sud-est de l'Europe, par exemple, d'Autriche (Koch), d'Italie; mais il manque à la France, et à l'ouest généralement. Sa culture, fort ancienne, est si fréquente, qu'elle explique la natu- ralisation. M. Watson {Cyb., I) ne doute pas de l’origine étrangère ; M. Babing- ton (Wan., 2° édit.), au contraire, en doute ; mais l'opinion du premier est plus probable, à cause de la patrie de l'espèce et du silence des anciens auteurs. Dianthus Caryophyilus, LE. — 2% — Il croit aussi surles vieux murs dans le midi del’ Angleterre. MM. Babington et Watson le jugent dans les mêmes conditions que le Dianthus plumarius. Cependant, il est donné par Ray et Dillenius (Syn., p. 336) pour spontané sur les murailles, peut-être naturalisé, comme, disent-ils, le Cheiranthus Cheiri. I se trouve dans toute la France jusqu'au nord-ouest, mais également sur de vieilles murailles (Coss. et Germ., F1. Paris; Hard. Ren. Lecl., Cat. Calvad.; Lloyd, FI. Loir.-Inf ; Boreau, FI. centr. ; Lecoq et Lamotte, Cat. plat. centr.). On commence à le trouver dans des localités naturelles vers la Méditerranée ; ainsi, il abonde sur les pelouses sèches de la montagne Noire, près de Carcassone.(Noulet, F1. sous-pyrén., p. 80), et de même en Italie. L'un et l'autre de ces œillets ont disparu du comté de Cork, où ils avaient sem- blé naturalisés (Power, Bot. guide Cork, 1845). Saponaria offieinalis, E, — 2 — Il est difficile de savoir si cette espèce est bien spontanée, et encore plus de conjecturer son origine dans le midi de l'Angleterre. M. Watson (Cyb., 1, p. 494) la classe parmi les espèces denizen, à demi naturalisées. Elle parait native, selon lui, sur les côtes de Devonshire et du Cornouailles. Ailleurs, les localités sont près des habitations et plus ou moins suspectes. Les racines conservent longtemps leur vitalité quand on rejette la plante hors des jardins. Dans l'ile de Wight (Bromfeld, Paytol., III, p.212), elle est certainement d'origine étrangère et à peine naturalisée. En Irlande, les loca- lités sont suspectes et les pieds sont à fleurs doubles (Mackay, F1. Hib.); près de Cork, l'espèce est d'origine étrangère (Power, Guide, p. 13). Elle est rare aux îles de la Manche (Piquet, Phytol., IV, p. 1093), où M. Babington ne l'avait pas vue, et même dans le Calvados (Hard. Ren. Lecl., Cat., p. 92), où cependant elle est indiquée dans les endroits frais, au borddes rivières. On la cite en Hollande(Prodr. Fi. Bat., p. 39) et en Danemark (Fries, Summa). Pour en revenir à l'Angle- terre, il faut noter que Gerarde (Herbal, p. 360) et Ray(Syn., édit. 1724, p. 339) mentionnent l'espèce comme spontanée près des ruisseaux, etc, La question est très douteuse. En balançant les probabilités dans mon esprit, je trouve un peu plus de motifs en faveur d'une introduction par suite des cultures, introduction qui sera toujours peu assurée et peu commune. Saponaria vaccaria L. Adventive seulement (Wats, 1, p. 494, et I, p. 394). Silene noctiflora L. Plante spontanée, selon les anciennes expressions des auteurs, mais spontanée dans les champs seulement, c'est-à-dire cultivée malgré l'homme, dans la Grande-Bretagne, la Hollande, l'Allemagne (Koch, Syn.), la Suède (Wahl., F.), les provinces russes de la Baltique (Fleischer, F1.). Près de Moscou, elle existe dans les champs et dans les bois (Mart., FI. Mose., p. 78); en Silésie, dans les champs et les jachères (Wimm. et Grab., F1, 1, p. 67). La NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 657 Flore de Galicie, par Zawadski, indique des localités ordinaires, sans parler de cultures ; enfin, l'espèce est absolument sauvage autour du Caucase, jusqu'à &,000 p.(Hohen., PI, Tal. ; C.-A.Mey., Verz.,etc.)et en Sibérie (Linn., Ledeb., Ft. Ross, I, p. 315). Voilà un exemple, et ils sont rares, d’une plante orientale, devenue mauvaise herbe dans les régions septentrionales de l'Europe, sans l'être dans le midi, où elle ne croît pas. Elle était en Angleterre déjà à l'époque de Ray (Syn., p. 340), mais moins commune qu'à présent. Gerarde n’en parle pas. * Silene italiea, Pers. — % — Sur les falaises de Douvres, depuis 1825 (Engl. Bot., t. 2748; Bab., Man., édit. I et IT). Échappé des jardins, selon M. Babington. Il ne croît effectivement pas dans l'ouest de la France, mais seule- ment dans le sud-est, jusqu'à Lyon (Gren. et Godr., F1. Fr., 1, p. 218), de sorte qu'un transport de graines en Angleterre, par un autre agent que l'homme, n'est pas admissible. Lychnis Githago, Lam. Cultivé malgré la volonté de l'homme, en Angleterre, depuis un temps immémorial {Gerarde, Herb.; Ray, etc.) La patrie primitive de cette espèce a échappé à toutes mes recherches. Elle est indiquée uniformément dans les terrains cultivés, ordinairement dans les moissons, inter segetes, dans les Flores de toute l’Europe (Sicile, Sardaigne, Espagne méridionale, Portugal, Italie, Grèce, Europe centrale, Courlande, Moscou, etc.), de l'Algérie (Munby), de l’Ar- ménie (C. Koch., Linnœa, 1841, p. 712), des environs du Caucase (Bieb.; CAT Mey.: Hohen. )et jusqu'à Irkutzk en Sibérie (Turez., F1. Baic., p. 211). Aucune Flore ne mentionne une tendance à sortir des cultures. L'espèce n’est pas dans le catalogue des plantes du Sinaï de Bové, par Decaisne, ni dans la liste des plantes de la Chine septentrionale, par Bunge. Elle semble plus commune dans l'Europe tempérée que vers le midi, en Grèce ou en Algérie. Les noms vulgaires donnent un indice assez remarquable. Ceux des langues dérivées du latin viennent de Vi- gella (Nielle, fr. ; Neguillon, esp. ; Anelle, piémont.., etc.), par analogie dela graine avec celle du Nigella sativa, que les Latins appelaient aussi Gith. Par suite de cette ressemblance, on a appelé quelquefois la plante actuelle Nigella falsa, en italien (Moris, Fl. Sard.), etGithone, Gettajone, etc., de même que les botanistes ont fait Githago. Notre Lychnis Githago n'a pas de nom italien qui paraisse ori- ginal, ni de nom latin. On ne cite pas de synonyme de Pline qui puisse lui être rapporté. Il semble avoir été inconnu aux Romains. Les synonymes cités pour Dioscorides sont très douteux (Lychnis sauvage, voy. Fraas, Syn., p. 105), et le nom grec moderne en est tellement différent que l'espèce paraît avoir été inconnue aux anciens. Les noms germaniques sont peu originaux ; les uns sont composés et expriment une association avec le blé ; celui de Rade s'applique aussi à l'ivraie, etil est peu répandu. Si les anciens celtes avaient eu un nom pour cette plante, aujourd’hui si commune en France, il en serait resté des dérivés dans une foule de patois. Davies (Welsh Bot., p. 43) associe en gallois deux noms, l’un latin, Gith, l'autre Bulwg, qui pourrait être original. À côté de cette pénurie de noms celtes, latins, grecs ou germains, il y a un nom slave, Aukæl en russe, Aukalei en lithuanien, Kakol en polonais, qui a donné le nom anglais de la plante Cockle, et les noms grecs modernes Koxxohn et yoyy2k. Ainsi, l'espèce, d'après les études linguistiques, serait venue par les peuples slaves, qui l’auraient possédée avant les peuples latins et grecs. Elle était peut-être spontanée dans la Russie méridionale, la Hongrie ou l'Autriche, sur des terrains meubles dont la culture s'est emparée. - Je ne sais si on la trouvera sauvage dans ces régions. Il est possible qu'elle n'ait 658 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. plus d'habitation naturelle, par suite de la transformation du sol cultivable. Cucubalus bacciferus, L. Ile des Chiens (Dogs island), près de Londres, vers Blackwall. Dillenius (Ray, Syn., p. 267) le cite à Anglesey (Mona),tmais c'était sur l'assertion d'un autre botaniste qui, lui-même, ne l'avait pas vu (Smith, F1. HI, p. 290), et en 1813, Davies (Welsh Bot., p. 41) ne le connaissait pas dans cette petite île. L'espèce croît près de Nimêgue et de Maestricht(Prodr. FI. Bat.) près de Caen (Hard. Ren. Lecl., Fl. Cal), mais il faut se rapprocher de Paris pour la trouver un peu fréquemment. La localité de l'île des Chiens dans la Tamise est déjà couverte de maisons et de chantiers, et comme l'espèce nes’'est pas répandue hors de cetendroit suspect, je préfére la regarder comme adventive Malva verticillata. L. Espèce annuelle, de Chine, cultivée quelquefois dans les jardins, qui s’est montrée depuis 1843 dans les champs d'une localité du pays de Galles, près de Llanely(£ngl. Bot.,t. 2953; Bab, Man., 2° édit., p. 58). I fau- dra savoir si elle dure indéfiniment. D'ailleurs, la station indiquée est un terrain cultivé. Malva nicæensis, L. Trouvé une fois près du jardin botanique de Chelsea (Wats., Cyb., II, p. 329), il est d'une introduction encore récente et précaire. * Althæa hirsuta, L. — (4) — Existe dans une seule localité, voisine d'un village, dans le comté de Kent, et s'y maintient {Ængl. Bot., t. 2674). MM. Bab- ington et Watson le regardent comme étranger d'origine. De même en Hol- lande, où l'espèce existe dans une localité près de la Meuse : on la croit amenée du sud-est par la rivière (Prodr. FL. Bat., p. 50). Elle manque à la Belgique (Lestib., Bot. Belg., Il, p. 303), et se trouve seulement dans le Luxembourg (id.). On la dit spontanée dans plusieurs points de la Normandie, en particulier du département du Calvados (Hard. Ren. Lecl., Cat), mais elle manque aux îles de la Manche (Bab., Prim. ; Piquet, dans Phytol., 1853) et à l'Irlande. * Acer pseudoplatanus. — Parait plutôt indigène à M. Watson (Cyb., F, p. 255). Le docteur Bromfield (PAyt., IT, p.274) le croit naturalisé dans le midi de l'Angleterre et originel dans le nord. On le dit spontané en Hollande (Prodr. Fi. Bat., p. 53) et en Danemark (Fries, Summa) ; mais en Normandie (Breb., FL.) et autour de Paris (Coss. et Germ.) il n'est que planté. Vers le centre de la France, sur les montagnes, on le trouve à l'état sauvage (Boreau, F1., F, p. 35). D'après M. Watson (Cyb., 1, p. 255), il se présente bien comme spontané, au bord des rivières, dans les comtés occidentaux de l'Angleterre. Cependant, à l'époque de Ray, il n'en était pas ainsi (Synopsis, 3e édit., p. #70). D'ailleurs, on ne peut citer aucun nom anglais ou gallois (Davies, Welsh Botan.) qui ait l'appa- rence d'un nom primitif, comme l’est, par exemple, le mot Ahorn des Allemands. En Irlande, cet arbre existe autour des habitations seulement, et il n'est pas re- gardé comme indigène (Mackay, Fl., p. 54). Les probabilités sont dans ce sens pour les îles Britanniques. Je n'oserais pas affirmer, comme M. Babington, que les Tilia europæa, L. et Tilia grandifolia, Ehr., soient d'otitrangare dans la Grande-Bretagne. Au contraire, la lecture des articles de MM. Leighton et Bromleld, dans le PAytolo- gist (I, p. 147 et 169, III, p. #18), me persuade plutôt d'une origine indi- gène. M. H.-C. Watson, cependant, encore en 1847 (Cybele, 1, p. 243) soup- çonne une origine étrangère, excepté pour le Zilia parvifolia, qu'il regarde comme probablement britannique (genuine Brilon). S'il m'est permis d'ajouter un argu- ment dans une question si controversée en Angleterre même, je dirais que les < NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 659 noms gallois du Tilleul, cités par Davies {Welsh Bot., p. 53), ont une appa- rence tout à fait celtique et ne semblent pas des traductions des noms latins ou saxons. Un érudit en langues celtiques pourrait peut-être indiquer un sens au mot Pisgen, qui sert de base au composé Pisgwydden, donné aussi par Davies; mais assurément ce n'est pas l’analogue des noms européens les plus connus du Tilleul. En consultant mon Dictionnaire inédit des noms vulgaires, par Moritzi, je vois que la langue finnoise, une des plus anciennes, dit Lechmus (Pallas, F1. Ross. ), les langues slaves disent Lepa (lithuanien), ou Lipa (russe, bohème, etc.); les langues germaniques Lindou Linde, d'où les Anglais ont tiré Lime. Le Tiliu des Latins est l'origine des noms français, espagnols, etc. Enfin, les Grecs ne connaissaient que le Tilia argentea, qu'ils appelaient Jéxssx gthusa (Fraas, Syn. EL. class., p. 99). Je ne découvre les consonnes caractéristiques ps, ou leur équivalent bs, absolument que chez les Tscheremisses, peuple de Russie, dont la langue est composée de finnois et de tartare. [ls nomment le Tilleul Puschte, Leurs voisins, les Morduans, disent Pikscha (Pall., Ft. Ross., in-8°, v. IL, p.44). Serait-ce l’origine du Pisg des Gallois? Quoi qu'il en soit, ces derniers avaient un mot antérieur aux Romains, et, par conséquent, aux Saxons. Hypericum calycinum, L. Il s'est naturalisé, à ce qu'il semble, dans quelques points de l'Écosse (Bab., Man., 2° édit., p. 59)et de l'Irlande ; mais je suis de l'avis de M. Watson (Cyb., 1, p. 253), qu'il peut avoir été planté et durer long- temps sans se semer de lui-même. Dans l’île de Wight, bien plus au midi que l'Écosse, il se trouve aussi en apparence naturalisé, sans jamais mürir ses fruits (Bromfield, Phytol., 1848, p. 271). * Geranium pyrenaieum, L. — % — M. Watson (Cyb., 1, p. 261 ; I, p. 401) le dit probablement naturalisé (denizen). Il se fonde sur les localités et stations voisines des habitations, chemins, etc. J'ajouterai d'autres arguments. Les anciens auteurs anglais n'avaient pas indiqué l'espèce, soit qu’elle manquât alors au pays, soit quelle leur fût inconnue, par négligence des caractères du fruit. Elle à été introduite dans les Flores au milieu du siècle dernier (Sm., Engl. F1., I, p. 239). Les localités d'Irlande, de Normandie, de Paris, sont sus- pectes, comme celles d'Angleterre, etil faut avancer vers la France orientale pour trouver la plante dans des endroits à l'abri de tout soupçon (Lorev et Dur., F1. Côte-d'Or, etc.) ; enfin, l'espèce manque à la Hollande, à la plus grande partie de la Belgique, et au département de la Loire-Inférieure. Cet ensemble me fait pré- sumer une introduction irrégulière dans l'ouest. Geranium phœum, L. — % — M. Watson le regarde comme étranger (Cyb., 1, p. 259; III, p. 400), parce qu'il se trouve seulement près des jardins dans des localités suspectes. Il a été introduit par Dillenius dans la troisième édition du Synopsis de Ray. Cette plante est éparse dans une grande étendue de lEu- rope, et souvent avec l'apparence, dans le nord-ouest, d'une plante naturalisée ou adventive. On la trouve cependant en Hollande (Prodr. Ft. Bat., p. 54), et dans le département de la Somme, savoir dans les prés humides autour de Montdi- dier (Pauquy, F1. Somme, p. T7). de n'ose me décider pour une origine étrangère dans la Grande-Bretagne. *Impatiens fulva. Nutt. — (1) — Originaire d'Amérique. Voyez plus loin, art. V. Oxalis stricta, L. Cette plante annuelle est devenue une mauvaise herbe dans quelques jardins et cultures du midi de l'Angleterre (Wats., Cyb., 1, p. 272; À -% 660 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. TT, p. 403); mais il ne paraît pas qu'elle se répande hors des terrains que l'homme lui prépare chaque année, donc elle n'est pas spontanée dans le sens réel du mot. | * Oxalis corniculata, L, — 4) — Celle-ci est indiquée dans les terrains vagues, au bord des chemins, On peut croire qu'elle survivrait à l'influence de l'homme si les cultures cessaient dans le pays. Les anciens botanistes anglais ne la mentionnent pas. Elle a été signalée au commencement du siècle actuel (Engl. Bot., t. 1726), et s'est répandue déjà dans plusieurs comtés, suriout du midi (Wats., Cyb., 1, p. 270 ; LT, p. 402 ; Bromf., Phyt., LE, p. 276), avec lecarac- tère souvent d'une espèce mal établie. L'origine de ces Oxalis à fleurs jaunes n'a pas été scrutée par les auteurs. Elles sont en Europe depuis le xvi* siècle, car : 4° On ne peut citer aucun synonyme grec ancien ou latin (Sibth., Fraas, etc ). 2° Ces espèces sont encore rares en Grèce. Fraas n'en parle pas, ni Reuteret Margot (F1 Zante), et M. Grisebach ne les a pas trouvées. 3° Les noms italiens, français, espagnols, grec moderne, n'ont pas un caractère original, et paraissent plutôt dérivés d'usages religieux modernes, d’analogie avec d’autres espèces, ete. 4° On n'indique pas de localités, dans les Flores d'Europe et d'Algérie, qui soient hors des cultures, ou du moins hors du voisinage des habitations. 5° Clusius est le premier qui en ait parlé. C'est en 1576, dans son livre sur l'Espagne (t. 476). Il avait vu l'Oxalis cornic près de Séville « in umbrosis », et dans un jardin à Montpellier. Les auteurs mo- dernes (Boiss., Colmeiro) indiquent cette plante dans les cultures en Espagne, et les mots in umbrosis peuvent s'entendre de champs ombragés. — Quant à la patrie primitive, elle est douteuse, d'autant plus que la distinction des Oxalis corniculata et stricta est incertaine, et que plusieurs botanistes d'Europe et des États-Unis les réunissent. L'origine indienne a en sa faveur l'existence de plu- sieurs noms sanscrits (Piddington, /ndex). Roxburgh (F1., édit. 4832, v. IE, p. 457), affirme la qualité indigène de l'espèce, qu'il nomme Oxalis pusilla, la- quelle est reconnue être l'Oxalis corniculata (Wight et Arn., Prodr., 1, p. 142). On regarde aussi l'Oxalis villosa, Bieb., comme synonyme du corniculata (C.-A. Mey.. Verz. ; Ledeb., F1. Ross.), et cette plante est sauvage au midi du Caucase. Peut-être la même espèce s'étendait-elle primitivement sur une grande partie de l'Asie? Enfin, il est remarquable de voir aux Etats-Unis une plante rapportée généralement à l'Oxalis corniculata, se trouver sauvage et très ré- pandue aussi dans les cultures de cette région. Riddell (Syn. Æl. West. st, 1835) distingue un Oxalis stricta dans les champs et un Oxalis cornicula dans les bois et les ravins. MM. Asa Gray (1848, Bot. north. st.) et Darlington (FL. Cestr., édit. 1853) n'admettent qu'une espèce, qu'ils indiquent dans leschamps et les bois. Y aurait-il deux espèces, l'une asiatique, l'autre américaine, répondant au corniculata et au stricta? M. Godron (Consid. migr., p. 24) a émis Qt: à opinion, sans la motiver. der Ononis reclinata, L. — (1) — Plante des sables de la mer Méditer France, du Portugal, des Asturies (Boiss., Foy. Esp., IL, p. 152), de Biaritz, près Bayonne (Gren. et Godr., F1. Fr., 1, p. 374), des dunes du Morbihan, près de Saint-Adrien (Le Gall, FL. inéd. du Morb., p. 133), de l'ile d'Alderney ou Auri- gny, canal de la Manche, plus voisine de la France que de l'Angleterre (Bab., Prim. F1. Sarn., p. 24). Elle se retrouve au pied d’une falaise du Gal- . loway, dans l'Écosse occidentale (Grah., d'après Wats., Cyb., 1, p. 282). NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 664 M. Watson lui-même a commencé par douter du fait, et plus tard (Cyb., IN, p. #06), il nie positivement que l'espèce soit indigène (native) en Écosse. La découverte du docteur Graham est pourtant si certaine que M. Babington a fait dessiner l'espèce (Engl. Bot., t. 2838) d'après un de ses échantillons. La position isolée de Galloway détourne de l'idée d’un semis adventif et peut faire soupçonner une habitation occidentale jadis plus étendue. Dans cette hypothèse, l'espèce appartiendrait à ces plantes atlantiques dont on voit des membres épars divisés entre l'Espagne, l'ouest de la France et les îles Britanniques. Cependant, elle manque à l'Irlande (Mackay, #1. ; Power, Guide Cork), dont le climat est si favo- rable à la conservation de cette catégorie d'espèces. L'espèce manque également aux iles Açores (Wats., dans Hook., Lond. Journ. Bot, v. Ilet VI). Je crois donc plutôt à un transport de graines par une cause inconnue. Medicago sativa, Medicago falcata, Medicago sylvestris, Melilotus alba, Melilotus parviflora, Trifolium incarnatum, Trifolium elegans, Scorpiurus subvillosus, Vicia Ervilla, sont des plantes dites par plusieurs naturalisées, et par M. Watson, tan- tôt étrangères (alien), tantôt à moitié naturalisées (denizen) : mais il n'est pas prouvé qu'elles fussent acquises au pays, si les marchands n'en faisaient venir constamment des graines, et si la culture n’en était générale, au moins pour quel- ques-unes d’entre elles. Melilotus officinalis, L. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas indigène. Le Trifolium stellatum,'L., se maintient dans le voisinage d’un dépôt de lest à Shoreham (Wats., Cyb., L. p. 297). Il pourra bien disparaître un jour, comme le Trifolium resupinatum de Poole (5b., p. 301). M. Watson (Cybele, 1, p. 32)regarde le Lathyrus latifolius, L., comme naturalisé dans quelques points de l'Angleterre où on le trouve. M. Babington (Wan., 2° édit., p. 85) en doute, peut-être parce qu'il n'est pas certain qu'il se main- tienne de lui-même en rase campagne. Ray le citait déjà en Angleterre (Syn., p. 319). Les auteurs de l’English Botany, t. 1108, l'admettent aussi. IL s’avance du midi de la France jusqu'au département de la Manche et du Calvados, où il est rare (Hard. Ren. Lecl., FL, Calv., p. 119). Près de Paris, ils’ échappe quelquefois des jardins et devient subspontané (Coss. et Germ., Æ4., p. 145). Telle est peut- être la nature des pieds observés en Angleterre depuis longtemps. Le Fragariaelatior, Ehr., est regardé comme naturalisé dans quelques points; mais, selon plusieurs auteurs, il ne mérite pas de constituer une espèce. Par ce motif, je n'insiste pas. D'après ce que dit M. Watson (Cyb., [, p. 359), on ne peut pas regarder lo Rosa cinnamomea, L., comme vraiment naturalisé. M. Watson (Cyb., I et IIT), est disposé à considérer plusieurs Pyrus, Prunus, et le Mespilus germanica, comme étrangers d'origine, dans la Grande-Bretagne, d'abord cultivés, puis disséminés par les oiseaux ; c'est possible, mais je cherche les espèces dont la naturalisation est démontrée, ou tout au moins probable d'après des indices ; or, pour ces arbres, les indices manquent. Je remarque cependant que, pour les Prunus Cerasus et Prunus avium, les noms gallois donnés par Davies (Welsh Bot.), sont dérivés du latin, que le nom anglais du Mespilus germanica, Medlar, est analogue aux vieux noms français, Melier, Mesplé, etc., selon les provinces, et aux vieux noms allemands et danois, Mispel, Mespel, qui se sont changés en Neflier et Nespel. Davies ne mentionne pas cet arbre dans l'ile d'Anglesey, de sorte qu'aucun nom gallois ne m'est connu. 662 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Cotoneaster vulgaris, L. Cet arbuste de Sibérie, de la péninsule scandinave, des montagnes du centre de l'Allemagne, des Alpes et des Pyrénées, se trouve sur un rocher escarpé, au bord de la mer, dans le comté de Caernarvon, pays de Galles (Wats., Cyb., 1; Bab., Man.). Il manque à l'Écosse, et, en général, aux autres lo- calités montueuses des îles Britanniques. Il manque aussi aux Açores (Wats. dans Hook., Lond. Journ., IT et VI). L'isolement de la localité du pays de Galles, la nature des fruits qui doivent tenter les oiseaux et la possibilité que les noyaux soient transportés dans leur estomac, font penser naturellement à une introduc- tion par ce moyen. D'un autre côté, les oiseaux qui émigrent à l'époque de la maturité des fruits seraient partis de Norwége, et alors ils seraient venus en Écosse ou dans le nord de l'Angleterre plutôt que sur la côte occidentale du pays de Galles. L'introduction est donc très douteuse. * Œnothera biennis, L. Originaire d'Amérique. Voyez plus loin, article 5. 11 n'est pas encore arrivé en Irlande (Mackay, F1. ; Power, Guide Cork). * Claytonia perfoliata, Don.—- (1) — D'après M. Newman (PAytol., 1853, p. 982), cette plante de l'Amérique septentrionale se répand activement autour de Londres. M. Corder l'avait signalée, en 1852 (Phytol., p. 485), à Ampthill, dans un endroit éloigné de tout jardin. L'année suivante, on l'a trouvée à Wey- bridge et à Clapham common {Phytol., 1853, p. 982). Elle est probablement sortie des jardins, car on la cultive parfois comme légume. Ses graines sont petites et nombreuses. | Sempervivum tectorum, EL. — % — MM. Babington, Watson et Brom- field, le regardent comme d'origine étrangère, à cause de sa station constante sur les toits, les vieux murs, en général sur des constructions dues à l'homme. Ray (Syn., p. 269) doutait déjà de l'origine anglaise de cette plante. Ses habitations naturelles les plus rapprochées sont peut-être les rochers de Divatte dans la Loire-Inférieure (Lloyd, F1.) et ceux de Saumur (Lorey et Durey, F1. Côte- d'Or, I, p. 364), car, en Normandie et à Paris, les localités sont artificielles. Son introduction, en Angleterre, doit remonter à une époque très ancienne, puisque les Gallois de l'île d'Anglesea lui donnent quatre noms (Davies, Welsh Botan., p. 47) d'apparence celtique, du moins très différents des noms saxons et latins, et auxquelsje ne trouve d'analogie éloignée que dans les langues slaves, par exemple, Disloyg (gallois), et Tschesnok dikoy (russe, d'après Gorter, F1. Ingr., p.77). Dans cette dernière langue, dikoy signifie sauvage ; mais le mot Tschesnok est un nom propre, appliqué probablement à une autre plante. La localité indiquée par Gorter, près de la Luga, semble tout à fait naturelle. Sedum dasyphyllum, L.— % — D'après ce que disent M. Watson (Cyb , I, p. 398) et Bromfield (Payt., 4848, p. 371), il est bien douteux que celte espèce croisse, en Angleterre, ailleurs que sur des murs et même près des jardins. Dillenius l'a énumérée le premier parmi les plantes spontanées anglaises, dans le Synopsis Ge Ray, édition de 1724, p.271. Elle a des stations naturelles (rochers, côteaux) dans le département du Calvados (Hard. Ren. Leel., Cat. Calv., p. 1397), Elle manque à la Hollande, excepté à Maestricht (Prodr. FI. Bat.), et aux îles de la Manche (Bab., Prim.: Piquet, Phyt., 4853): en Irlande elle est rare sur les murs et rocs calcaires des environs de Cork (Mackay, F1. ; Power, Guide), Sedum album, L. Exactement dans les mêmes conditions que le précédent (Voy. Wats., Cyb., ib., et ILE, p. 434). La synonvmie des Sedum sexangulare, L. et Sedum reflexum, L., est trop dou- NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 663 teuse, de mème que leurs stations en Angleterre, pour émettre une Opinion sur l'origine dans le pays. MM. Watson et Bromfield la soupçonnent étrangère, Le Saæifraga Geum, L., espèce de l'Irlande occidentale et des Pyrénées, a été naturalisé près d' Fans (Bab., Engl. Bot., 1. 2093 ; Man., 2° édit., p. 127) et dans le Yorkshire (Wats., Cyb., p. 405). On dit qu'il a été trouvé sauvage dans le Cumberland (Engl. Bot., ib.). M. Watson en doute { Cyb., ib.) ; cepen- dant, je n'ose affirmer qu'il onouat primitivement à la Grande-Bretagne. Je regarde, avec Bromfield (Phytol., 4848, p. 377), le Ribes Grossularia et les autres Ribes comme indigènes. J'en parlerai ailleurs (voy. la table alphab, des espèces à la fin du volume). * Petroselinum sativum, Hoffm. — (1) — Ils s échappe souvent des jar- dins, dans les décombres, les rocailles. Il ere bien naturalisé sur quelques falaises du bord de la mer (Wats., Cyb., 1, p. #30). En France, on le dit subspon- tané, par suite de sa culture très générale (Coss. et Germ., FI. Par.; Gren. et Godr., Fl. Fr.). En Irlande, il s’est établi sur les rocailles et les falaises (Power, Guide Cork, p.27). Il est originaire de la région méditerranéenne. Ray et Dille- nius ne l'indiquaient pas parmi les plantes spontanées en Angleterre; mais en 1763, on le signalait déjà sur les collines près de Cambridge (Engl. Bot.,t. 2793). Le Chærophyllum aureum, L., a été trouvé en Ecosse, entre Arbroath et Mon- rose, et près d'Édimbourg, en 1809, ou un peu avant (Ængl. Bot. t. 2103). Sir W. Hooker (Fl. Scot.), en 1821 diadiquais « dans les champs, raro. » En 1824, Greville (FL. Edin., p. 68) n'avait pas pu le trouver dans la localité près d'Edim- bourg, indiquée précédemment. MM. Babington (Man., 2° édit., p. 147) et Wat- son (Cyb., I, p. 463) doutent que la plante existe dans l'ile de la Grande-Bre- tagne et la regardent assurément comme étrangère si on l'y retrouve. Elle n’est pas en Irlande, ni dans le nord-ouest de la France, ni dans la péninsule scandi- nave. Sa patrie est la région montueuse du centre de l'Europe, jusque vers le midi de la Belgique (Lestib., Bot., If, p. 273). Si elle existe en Écosse, il est probable qu'elle s'est échappée de quelque jardin, ou qu'elle a été semée avec des graines venant de l'étranger. Le Chærophyllum aromaticum, L., a été trouvé, vers 1831, entre Arbroath et Forfar, en Écosse, par le jardinier, G. Don., qui a découvert le précédent (Engl. Bot., t. 2636). M. Watson (Cyb., 1, p. 463) l'appelle étranger. M. Bab- ington (Man., 2° édit., p. 447) lui donne le signe de plante probablement natu- ralisée. C'est une espèce du sud-est et des montagnes centrales de l'Europe. Elle avance à l'ouest jusqu'en Livonie (Fleischer, FL, p. 115): mais elle manque à l'Allemagne occidentale, la Belgique et la France occidentale. Sï elle persiste en Écosse, on devra probablement l'attribuer à une naturalisation par suite des jar- dins ou dés achats de graines faits sur le continent. Le Carum Curvi, L. est soupçonné d'origine étrangère par MM. Babington et Watson. Cependant, M. Watson {Cyb., 1, p. 434) cite un auteur de la fin du siècle dernier, Teesdale, d'après lequel le Carvi était si commun près de Hull que les pauvres gens en ramassaient les graines pour les vendre aux droguistes. Ray (Syn., 2° édit., p. 214) l'indiquait déja comme spontané dans les environs de Hull, et ailleurs. Actuellement, il a été trouvé dans presque toutes les parties de la Grande-Bretagne. Il existe aussi en [rlande (Mackay, F1., p. 122). A l'appui de l'origine étrangère, on pourrait remarquer l'absence dans l'ouest de la France (Hard, Ren. Lecl., Cat. Calo. ; Pauquy, FE. Somm, ; Coss. et Germ., 66/ CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. F1. Par. ; Lloyd, F1. Loire-Inf.); maisil existe en Hollande (Miq., Disq. pl. Bat., p. 73; et Prodr. Fl. Bal., p. 97),en Danemark, en Norwége et en Suède (Fries, Summa, p. 24), de sorte que la plante semble, au contraire, avoir occupé dès longtemps les 50 à 60* degrés en Europe, de l'est à l’ouest. — On pourrait tirer une induction contraire du nom anglais Caraway, et des noms gallois Cartwass, Carddwy (Davies,! Welsh Botan., p. 20). qui paraissent des dérivés du nom latin ou grec Carvi, Carui, Carum, etc. : mais il faudrait savoir d'abord si le nom latin n'a pas prévalu sur quelque nom indigène plus ancien, et il faudrait surtout constater l'origine du mot Carvi. Selon Theïs (Gloss. Bot.), Carvi vient de Carum, et Carum vient de la province de Carie, d'après Pline, livre XIX, chap. vu. D'un autre côté, J. Bauhin (Hist., IT, 2° part., p. 69) dit que le nom grec est Kopss, Kapoy, Kapesy ; mais à cela voici une grande difficulté : Le Carum Carvi ne se trouve pas en Grèce, ni dans l’Asie Mineure, au moins en Carie, Car il manque dans Sibthorp, dans l'Expédition de Morée, dans la Flore de Zante de Reuter et Margot, dans Grisebach, Spicilegium, et dans l'herbier de M. Boissier, si riche en plantes de ces régions. Fraas (Syn. FL. class., p. 145) pense qu'il était inconnu aux Grecs anciens, comme il l'est aux Grecs modernes, Il n'existe pas même en Sicile (Guss., Syn.). Les mots grecs de Kasos, etc., ne se trouvent ni dans la table de Sibthorp, ni dans celle des noms vulgaires de la Flore de Zante. Il faut, par conséquent, que l'origine des noms Carum et Carvi soit différente, ou que les noms Carum et Kapos aient été attribués jadis par les anciens à une autre plante. Peut-être est-ce un nom d'origine germanique et slave, comme la plante ? On dit Xummel en allemand, Kumina en finlandais, Amjn en polonais et bohême, et Cumin dans la Suisse française. L'espèce s'étend de la Sibérie et du Caucase (Ledeb., F1. Ross., IE, p. 249), à la Laponie et probablement à la Grande-Bretägne et à l'Irlande. Je ne vois du moins aucun motif pour rejeter cette dernière région, si analogue aux précédentes en ce qui concerne une foule d'autres espèces. Il y a beaucoup d'incertitude, et les opinions sont très partagées en Angleterre, sur l'Imperatoria Ostruthium, L. (Peucedanum Ostruthium, Koch). La majorité penche vers l'idée qu'il est indigène (Wats., Cyb., 1, p. 453). Je suis disposé à le croire. En effet : 1° l'espèce a dans la Grande-Bretagne une limite au nord et au midi, parfaitement tranchée, ce qui indique une habitation très ancienre et bien établie ; elle se trouve dans tousles comtés du nord de l'Angleterre et dans toute l'Écosse, excepté vers son extrémité septentrionale (Wats., !. ce.) ; 2° elle existe sur le continent dans plusieurs pays du nord, qui ont souvent des espèces com- munes avec cette partie des îles Britanniques, par exemple en Suède (Fries, Summa, p. 23), en Poméranie et dans les montagnes du nord de l'Allemagne (Koch, Syn.); 3° elle existe aussi en Irlande, bien spontanée (Mackay, F1., p. 116). Si Ray ne l'a pas indiquée, je crois que c'est une omission, tenant à ce que l'espèce ne se trouve pas près de Londres. Elle manque au pays de Galles ; il n'est donc pas surprenant qu'elle n'ait pas de nom gallois dans Davies, Welsh Botany. H serait curieux de savoir si elle a un nom primiuf dans le dialecte gaëélie d'Écosse et en Irlande. Malheureusement, il n'existe à ma connaissance aucun ouvrage où les noms de plantes dans ces deux idiomes soient indiqués. * Astrantia major, L. — 2 — Cette ombellifere, si distincte des autres, a élé trouvée, en 1840 et 1841, dans un bois près du château de Stokesav, aux environs de Ludlow, sur les confins du pays de Galles, Elle était dans un lieu reculé de la forêt, avec toute l'apparence d'une plante spontanée. M. Leighton NATURALISATION A PETITE DISTANCE,. 665 (Phytol., L, p. IT) pense que la localité n'indique pas une dispersion par le voisi- nage des jardins ; mais il demande si quelqu'un n'aurait pas semé l'espèce. M. Borrer, qui visita l'endroit en 1841, trouva la plante spontanée, et il crut à une introduction fort ancienne (Bab., Man., 2e édit. I, p. 136 ; Watson, Cyb., 1, p. #24). — Voici ce qui me paraît probable : ou cette plante a été jadis plus répandue dans les îles Britanniques, la trace en étant demeurée dans un seul endroit frais et montueux, ou bien elle a été naturalisée par une cause inconnue, probablement récente. La première hypothèse n'est guère vraisemblable, car l'Astrantia major est une plante des parties centrales de l'Europe ; elle manque complétement à la péninsule scandinave et à l'ouest du continent. Le point le plus rapproché de l'Angleterre où elle existe, est le groupe des montagnes de Spa (Lej., F1. Spa, p. 133). Sielle avait été répandue jadis dans le nord-ouest de l'Europe, il en serait resté çà et là des traces dans le pays de Galles, en Écosse et en Suède. Elle aurait peut-être été connue des anciens habitants du pays de Galles, et cependant, malgré la proximité de Ludlow, ils ne la connaissaient pas, du moins elle ne figure pas dans l'ouvrage de Davies (Welsh Botan.). L'hypo- thèse de la naturalisation est plus probable. Sans doute, la cause du transport est inconnue, mais il ne faut pas oublier que dans les environs de Ludlow, il existe depuis longtemps des parcs, des châteaux, dont les propriétaires, tels que le célèbre physiologiste Knight, qui kabitait à Daunton, ont pu faire venir de l'étranger des graines alpines, ou cultiver l'Astrantia, comme plante curieuse. L'Eryngium campestre, L., est soupçonné d'origine étrangère par M. Watson (Cyb., 1, p. 425), mais non par MM. Babington, Henslow et autres botanistes anglais. Les motifs sont sans doute la rareté de l'espèce dans les îles Britanniques, la dispersion des localités connues, et le voisinage quelquefois de terrains où l’on dépose le lest des vaisseaux. Déjà, à l'époque de Ray, il se trouvait aux environs de Plymouth, à Daventry, dans le centre de l'Angieterre, et près de Newcastle dans le nord {Syn., p. 222). 1] subsiste encore près de Plymouth : il a disparu depuis 1834 de Daventry ; enfin, il se trouve encore dans deux localités autour de New- castle, savoir dans celle indiquée par Ray et dans un endroit voisin d'un dépôt de lest (Wats., Cyb., 1, p. 425). Plymouth et Newcastle sont des localités où l’ahord fréquent des vaisseaux rend une introduction de graines probable. Da- ventry n'est pas dans ce cas. L'espèce existe aussi en Irlande, près de Waterford (Mackay, F1., p. 129), dans les sables. Sans vouloir nier les indices de naturali- sation ‘dont je viens de parler, je remarquerai la fréquence de l'espèce sur tout le continent voisin, par exemple, dans la Loire-Inférieure (Lloyd, F1.), le Calvados (Hard. Ren. Lecl., Cat.), la Hollande (Miq., Disq. pl. Bat.), de sorte que l'espèce a l'air d'avoir existé toujours dans l’ouest de l'Europe, aussi bien que dans le midi. Si elle est plus rare en Angleterre, la cause en est peut-être simplement que les localités sèches qui lui conviennent sont peu communes dans ce pays. Smyrnium Olusatrum, L. Il est bien spontané et d'apparence indigène, d'après ce que dit Bromfield (PAytol., 1849, p. 412). Le Tordylium maximum, L., a été trouvé seulement dans trois comtés méri- dionaux (Wats., Cyb., I, p. 455), notamment près d'Oxford, depuis le temps de Ray (Engl. Bot., t. 4173). [1 est comme l'Eryngium campestre, une plante du continent et des lieux secs. Je n'oserais affirmer une origine étrangère dans les îles Britanniques. * Coriandrum sativum, L. — (1) — Ray (Syn.,p. 221) en parle comme 666 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. d'une plante qu'on cultivait beaucoup de son temps. Elle s'est naturalisée dans quelques points du midi de l'Angleterre (Bab., Man., 2° édit., p. 148 ; Wats., Cyb., 1, p. 464), déjà à la fin du siècle dernier (Engl. Bot., t. 67). Elle se natu- ralise également à la suite des cultures dans le nord-ouest de la France (Coss. et Germ., F1 Par.; Pauquy, F1. Somme). Caucalis daucoides, L. 4). Cette plante des champs cultivés existait en Angle- terre déjà dans le temps de Ray, mais elle n'est pas dans Gerarde (Sm., Engl. Fl., II, p. #1). Elle existait alors sur le continent ; mais les Baubhin (Hist., IL, part. n, p. 80), qui l'avaient en herbier (DC , Prodr.; Hagenb., FI. Bal.), en parlent comme d'une espèce peu commune. On ne connait aucun synonyme des anciens Grecs ni des Latins. En Grèce, la plante n'a qu'un nom grec moderne (Sibth. et Sm., Prodr.; Fraas, Syn.). Quoique répandue dans les champs en Italie, elle n'a pas encore pénétré en Sicile (Guss.;, Syn.), ni en Sardaigne (Moris, Fl., 11), ni autour d'Alger (Munby, F1.), quoique Desfontaines ait dit l'avoir vue dans les champs de la Régence. Evidemment, l'espèce est arrivée, depuis les Romains, dans l'Europe tempérée et méridionale. Elle ne sort pas des terrains cultivés, et par ce motif, je ne l'appelle pas naturalisée en Angleterre. Son pays primitif est probablement le midi du Caucase, l'Arménie, peut-être la Perse. C.-A. Meyer l'indique « près des villages; » mais Hohenacker (Plant. Talysch, p. 96) dit : « dans le pays de Suwant, » et pour d'autres espèces, il a soin de noter s'il les a trouvées dans les terrains cultivés. Turgenia latifolia, Hoffm. (Caucalis latifolia, L.). G) Mêmes circonstances que pour la précédente espèce, à peu de chose près. Également dans les mois- sons d’une grande partie de l'Europe; en Angleterre, dès le temps de Ray, peut- être pas auparavant, car je ne la vois pas dans la première édition de Gexarde ; connue des Baubin ; aucun nom grec ancien ni même moderne (Sibth., Fraas), ni de nom latin. Elle a atteint la Sicile, la Sardaigne et l'Algérie (Guss., Moris, Munby). Elle paraît sauvage dans les montagnes de Suwant (Hohen. et C.-A. Mey.), et probablement aussi en Sibérie; mais je trouve les expressions des auteurs peu affirmatives sur la station dans ces pays. Scandix pecten Veneris, L. (4). Dans les champs de blé, à l'époque de Gerarde (Herb., p. 884). Introduite probablement par les Romains, qui la possédaient, ainsi que les Grecs (Fraas, Syn., p. 150). On l'indique, également dans les cul- tures, en Algérie {(Munby, F1.), en Sardaigne (Moris), en Italie (Bertol., F1), dans l'Europe centrale et jusqu'au midi du Caucase (C.-A. Mey., Hohen.). Je ne connais qu'un seul pays où l'espèce ne soit pas exclusivement dans les cultures, c'est la Sicile. Gussone (Syn., I, p. 341) dit : «inter segetes, in campis, in herbidis submontosis. » Ainsi, cette espèce paraît venir de l'un des centres les plus anciens de l'agriculture en Europe. * Myrrhis odorata, Scop. — 2 — Tantôt absolument sauvage, tantôt voi- sine des habitations, dans un grand nombre de comtés de l'Angleterre et de l'Écosse, mais justement soupçonnée d'origine étrangère par M. Watson (Cyb., I, p. 463). Ray n'en parle pas (Syn., édit. Dill, 1724). L'espèce manque au nord-ouest de la France (Bor., F1. dép. centr., 1, p. 212; Lloyd, FI. Loir.-Inf. ; Bab., Prim. Surn.), comme à la Hollande (Prodr. FI. Bat.). Elle est éparse en Danemarck et dans la péninsule scandinave (Fries, Summa, p. 22), mais plus abondante dans les montagnes de la Hesse, de l'Eifel et de l'Allemagne orientale (Koch , Syn., 1, p. 350). Quelquefois subspontanée, autour des jardins où on la NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 667 cultive, dans les environs de Paris (Coss. et Germ , ÆL., E, p. 225). En Irlande, on peut croire qu'elle a été rejetée des jardins (Mackay. F1.). Cet ensemble de faits me fait croire à une naturalisation du Cerfeuil musqué dans les îles Britan- niques. Le Buplevrum falcatum, qui croit sur le continent, pres de l'Angleterre, et qui a été trouvé en 1832 dans le comté d'Essex {Engl. Bot., t. 2763), loin des habitations, pourrait bien être originaire du pays, comme le pense M. Babington, et avoir échappé à Ray et à Dillenius. par sa rareté et sa petitesse. Buplevrum rotundifolium, L. Espèce cultivée malgré la volonté de l'homme, car elle ne sort pas des champs en Angleterre, comme en France , en ltalie et en Allemagne. Elle parait spontanée, hors des cultures, autour du Caucase (Bieb.) et dans les montagnes de Suwant (Hohen., PI. Tulysch), peut-être aussi en Perse (Fisch. dans DC., Prodr.). Le Fœniculum vulgare, Gærtn. {Anethum Fæniculum, L.), me paraît indigène en Angleterre, comme sur le continent voisin, malgré le doute de M. Watson (Cyb., 1, p. 447). Il est très répandu dans les endroits stériles, surtout sur la côte méridionale et orientale de l'Angleterre (Bromfield, Phytol., 1849, p. 407). Dans l'ile d'Anglesey, le nom gallois (Davies, We/sh Bol., p. 80) parait être purement la traduction du mot latin : ffenigl (fœniculum), cyffredin (commun ?). Peut-être l'usage avait-il fait prévaloir le nom étranger sur un nom celte? Peut- être la plante était-elle primitivement, comme aujourd'hui, étrangère à l'île d'An- glesey, quoique répandue dans le midi de l'Angleterre ? Il n'est pas sûr que l'Anthriseus Cerefolium, Hom. (Chærophyllum sativum, Sm.) soit vraiment naturalisé, On le trouve plutôt dans les déblais des jardins et autour des cultures (Wats., Cyb., T1, p. 462 ; Bromfield, Phytol., 1849, p. 411). Sans les graines issues des pieds qu'on cultive, il disparaîtrait peut-être du pays. * Lonicera Taprifolium, L. — MM. Babington (Mun., 2° édit., p. 451) et Watson (Cyb., IT, p. 10) indiquent l'espèce comme peut-être d'origine étran- gère et naturalisée, et Bromfeld (Phytol., ILF, p. 421) est plus décidé dans le même sens, par des raisons géographiques, dit-il, car la plante croît bien sponta- nément aujourd'hui en Angleterre. La réflexion de Bromfield me semble très juste. L'espèce manque à toute la partie occidentale du continent, par exemple, à la Hollande, au nord-ouest de la France, et même aux Flores de la Loire-Infé- rieure et de Bordeaux. Elle se naturalise quelquefois près de Paris (Coss. et Germ.), mais il faut aller jusqu'en Dauphiné (Mut., F1. Dauph., p. 270), en Lor- raine eten Alsace (Gren.et Godr., F1. Fr , If, p. 9), pour la trouver vraiment indigène. Il n’est guère possible qu'une plante de l'Europe orientale se soit trouvée avoir une patrie distincte à l'occident, et si cela était, on la verrait plus répandue dans cette région, tandis qu'elle manque à l'Irlande et à plusieurs com- tés de l'Angleterre. Ray n'en parle pas. D'après les localités citées par Smith (F1. Brit.,p. 260, en 1800), qui sont près d'Oxford et de Cambridge, la diffusion aurait commencé autour de ces deux Universités, ce qui est arrivé souvent à cause des jardins botaniques. * Lonicera Xylosteum, L. —Spontané maintenant dans quelques points du midi de l'Angleterre (Bromf., Phyt , 1849, p.422). Il n'était pas indiqué par Ray et Dillenius. Il manque à l'Irlande, la Hollande, la Normandie, le département de la Loire-Inférieure (Lloyd). Son habitation commence vers le centre de la France. Sambucus Ebulus, L. Probablement indigène, malgré les doutes de M. Watson 668 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. (Cyb., Il, p. 7). Il existe en Irlande, en France, en Hollande, toujours dans des localités fumées ou voisines des villages et des chemins. C'est sa nature. Avant l'homme, il devait se trouver dans les grasses prairies sur lesquelles paissaient d'immenses troupeaux. * Asperula taurina, L. — % — Naturalisé depuis 1836 dans deux localités des comtés de Leicester et de Westmoreland (Babington, Man., 2° édit., p.153; Wats., Cyb., II, p. 23), et plus récemment en un point du sud-est de l'Écosse (Wats., Cyb., IT, p. 450). Cette plante croît dans les bois du Dauphiné, du Pié- mont (DC., F1. Fr. ;Mut., F1. Fr., Il; p.89), à Montpellier (Gouan) ; mais il n’est pas sûr qu'elle y habite toujours (DC., Cat. h. Monsp.), et je soupçonne qu'elle y était adventive, à cause des endroits indiqués. Comme elle manque à l'Irlande et à l'ouest de la France, il est probable que, dans la Grande-Bretagne, elle s’est échappée d'un jardin, ou qu'elle a été introduite avec des graines étrangères. Il faut encore savoir si elle durera dans ce pays, car l'introduction en est bien récente et partielle. L'Asperula arvensis, L., est d'une introduction récente et douteuse, dans trois localités éloignées (Wats., Cyb., IT, p. 23). Le Galium saccharatum, AIl., n’a été remarqué dans la Grande-Bretagne que depuis le siècle actuel (Engl. Bot., t. 2173); mais il pourrait bien avoir été con- fondu avec les espèces voisines, qui sont du pays. Il croît dans le midi et le centre de la France. Galium tricorne, With. Cette plante, qui croît dans les prés de la Thrace (Gri- seb., Spicil ), et qui est également sauvage à Baku et les monts Talysch (C.-A. Mey., Hohen.), n'existe en Allemagne, en France, en Italie, en Angleterre, que dans les terrains cultivés. Ray la mentionnait déjà. Elle est trop obscure, trop difficile à distinguer, pour qu'on puisse savoir si les anciens la possédaient. Elle est en Sicile (Guss., Syn.) et en Sardaigne, où même on l'indique dans les champs et les haies (Moris, FL, IT, p. 306). Ces localités font supposer une grande an- cienneté dans le monde romain ; mais elle n'était pas encore connue en 1847 autour d'Alger (Munby, F1.) Les Galium spurium, L., et Galium Vaillantii, DC , se trouvent dans les champs. Leur distinction entre eux et d'avec les espèces voisines, est trop diffi- cile pour qu'on puisse rechercher si elles existaient autrefois en Angleterre et de quel pays elles sont originaires. * Centranthus ruber, L. — 2 — Plus ou moins naturalisé dans vingt ou vingt-cinq comtés (Wats., Cyb., Il, p. 24), subspontané d'après Bromfield (Phyt., IT, p. #26). Smith, en 4805, dans l'English Botany, t. 1531, disait : « Ray a omis l'espèce probablement parce qu'il la regardait comme rejetée des jardins. J'ai eu la même opinion jusqu'à ce que je l’aie trouvée avec toute l'appa- rence d'une plante sauvage, dans les creux à chaux du comté de Kent. » — Pour moi, je présume que si l'on cessait de la cultiver dans les jardins, elle sub- sisterait indéfiniment sur diverses murailles, falaises et rochers, ce qui constitue une plante naturalisée. Centranthus Calcitrapa, Dufr. Se maintient depuis un demi-siècle à Eltham ; cependant, M. Watson (Cyb., IT, p.25) doute de la naturalisation. * Valeriana pyrenaiea, L. —- 2 — À été trouvé en Écosse depuis 1782 (Eugl. Bot., t. 1591), dans des fossés et sur des murailles, près de Blair-Adam; ensuite dans diverses localités boisées, Sir W. Hooker (Ængl. Bot , p. 15) le NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 669 croît naturalisé par l'effet de la culture dans les jardins, comme plante d'orne- ment. M. Babington (Man., 2° édit., p. 157) regarde l'introduction comme pro- bable, et M. Watson {Cyb , Il, p. 25) ajoute trois nouvelles localités fort éloi- gnées de l'Écosse, l'une dans le pays de Galles, la seconde en Staffordshire, et la troisième dans le midi, près de Ipswich. L'espèce n'existe sur le continent qu'aux Pyrénées. Si elle était autrefois plus répandue dans les régions occidentales, on la trouverait encore en Irlande plutôt qu'en Écosse. D'ailleurs, ses graines sont munies d'une aigrette, qui facilite la sortie des jardins. On peut conserver cepen- dant quelque doute sur l'origine étrangère, la flore d'Écosse ayant été peu explorée avant 1782. Valerianella carinata, Lois. @® Trouvé dans une dizaine de comtés. M. Wat- son (Cyb., III, p. 354) doute de son origine, tout en regardant le Valerianella olitoria comme indigène (Cyb., IT, p. 27). Je suis disposé à les croire tous deux originaires de la région méditerranéenne et transportés avec les cultures. Ils sont, avec d'autres, en Sicile (Guss., Syn., I, p.31), in pascuis herbosis; et lolitoria a des stations analogues dans plusieurs parties de l'Italie (Bertol , F1. It., 1, p.185). Antennaria margaritacea, Br. — Z — D'Amérique. Voyez plus loin (art. 5). Antérieure à Ray. Erigeron eanadense, EL. — (D — D'Amérique. Voyez plus loin (art. 5). Centaurea montana, L. Cultivée dans les jardins, elle parait commencer à s'introduire ailleurs dans le pays. M. Watson (Cyb., II, p. 87) indique deux localités éloignées. Centaurea Cyanus, L. @). En Angleterre, comme sur le continent, cette espèce ne sort pas des champs de blé. Elle disparaitrait si l'homme ne lui préparait chaque année un terrain convenable. Je ne crois pas qu'on ait jamais réfléchi à son origine et à son histoire, qui présentent cependant quelque intérêt. M. Gus- sone {Syn. F1. Sic., IT, p. 509) nous apprend qu'elle est sauvage en Sicile, in apricis montosis herbosis, sur les pentes herbeuses exposées au soleil, Elle n’est pas indiquée, même dans les champs, en Sardaigne (Moris, F1.), à Alger (Munby, F1.), dans le midi de l'Espagne (Boiss., Foy.; Kellaart, F1. Calp.), à Zante (Mar- got et Reut., Cat.). Elle est rare dans les champs de la Grèce (Fraas, Syn.), et autour du Caucase (Bieb.); mais on la cultive en abondance dans les champs de l'Italie (Ten., Syll. Nap.:; Poll., FL. Ver., etc.), et la multiplicité des noms ita- liens, de même que l'existence d’un nom dans Pline, montrent son ancienneté dans ce pays. M. Colmeiro l'indique à Barcelone, seulement vers le cimetière{Cat., p. 89), et Brotero (F1. Lus., 1, p. 367) la dit cultivée dans les jardins. Évidem- ment, c'est une plante des montagnes de Sicile, transportée, dès l’origine de l'agri- culture, en Italie, et de là dans les régions tempérées, mais qui ne supporte pas la chaleur des plaines autour de son habitation primitive. Le Centaurea solsticialis, L., vient de temps en temps en Angleterre, dans les champs de blé, c'est-à-dire par l'effet de la culture, des transports de graines. * Nardosmia fragrans, Reich. (Fussilago fragrans, L.) — % — Cette plante des Pyrénées et du Dauphiné, souvent cultivée dans les jardins en Angle- terre, s'est établie dans quatre ou cinq localités, où elle paraît devenue sauvage (Wats., Cyb., IL, p. 108). * Senecio squalidus, L. Babingt. (s. chrysanthemifolius, DC., Prodr.). — (1) — Signalé d’abord par sir Joseph Banks (Sm., ÆEngl. F1, HI, > 670 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. p. #31) sur les vieux murs à Oxford, et ensuite ailleurs, dans cinq comités du midi de l'Angleterre. Il était peut-être à Oxford du temps de Dillenius, qui en envoya des graines à Linné, soit du pays, soit du jardin botanique; cependant les auteurs de cette époque ne l'ont pas mentionné dans les Flores. Il manque au nord de la France. Probablement, il aura été apporté en Angleterre avec des graines du midi de l'Europe, ou cultivé d'abord dans le jardin botanique d’'Ox- ford. Il s'est naturalisé dans le comté de Cork, en Irlande, depuis 1839 (Power, Guide Cork, p. 36). Senecio sarracenicus, L. M. Watson (Cyb., I, p. 118) regarde comme probable une origine étrangère, parce que les localités indiquées sont souvent suspectes ou douteuses. MM. Henslow et Babington ne partagent pas cette opinion. Comme l'espèce est donnée pour sauvage en Hollande (Prodr. FI. Bat.), eten Danemarck (Fries, Summa), qu’elle existe aussi en Irlande, dans les bois près de Bantry (Mack., Fl., p. 148), je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas indigène, mais rare, dans la Grande-Bretagne. L'espèce était déja dans Ray, comme spontanée. * Petasites albus. Gærtn. (Tussilago alba, L.). — On a trouvé, en 1848, une étendue de plusieurs yards de cette espèce, dans un bois de chênes, à Stor- thes-Hall, près de Huddesfeld (Phytol., HE, p. #45). On vient de la découvrir jusque dans le comté de Forfar (Wats., INT, p. 459). Elle croît en Suède, en Silé- sie, mais non dans l'ouest de la France et en Hollande. * Hicracium aurantiaeum, L. — On le cultivait depuis longtemps dans les jardins, lorsque G. Don le découvrit spontané dans plusieurs localités du nord de l'Écosse (Engl. Bot., t. 1469). M. Watson {Cyb., IL. p. 52) cite des localités du pays de Galles et du nord de l'Angleterre, outre celles d'Écosse, et il s'ex- prime ainsi : « Indiqué dans une douzaine de comtés environ : mais tout le monde paraît admettre qu'il est introduit. » La distribution géographique le con- firme, car si l'espèce était aborigène en Écosse, elle se trouverait aussi probable- ment aux îles Feroë, Shetland, et dans la péninsule scandinave, où elle manque (Fries, Summa vey.). Hieracium amplexicaule, L. — % —- On cite cette espèce alpine seulement sur les murs d'un collége à Oxford, sur ceux du château de Cleish, comté de Kinross, et enfin G. Don {le jardinier) l’a indiqué dans les montagnes de Clova: mais ses indications se sont souvent trouvées fausses. Les deux localités certaines sont bien éloignées de la patrie de l'espèce, et ne méritent guère d'être regardées comme une naturalisation durable. Filago gallica, L. @). Dans quelques champs du comté d'Essex, déjà du temps de Ray (Syn., édit. 4724, p. 181), maintenant dans celui de Herts, et peut-être ailleurs (Wats., Cyb., IL, p. 104), mais désigné comme colonist par M. Watson, c'est-à-dire ne sortant pas des terrains cultivés, et, par conséquent, non indi- gène et non naturalisé dans le sens adopté ci-dessus. Chrysanthemum segetum, L. (D. En Angleterre, comme en Irlande, en France, en Allemagne, en Suède, en Russie, en Italie, en Espagne, à Alger, cette plante ne sort pas des terrains cultivés. On ignore si elle est ancienne dans les cultures, car le nom de Théophraste, que Sibthorp croyait lui appartenir, a été attribué par M. Fraas (Syn., p. 213) au Chrysanthemum coronarium, et les noms en grec moderne sont absolument différents. L'espèce n'est pas de la région cauca- sienne, où elle n'est pas commune et ne se trouve que dans les champs (Ledeb., F1. Ross.), Quelques Flores l'indiquent plas où moins clairement hors des eul- NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 671 tures. Grisebach (Spicil., IT, p.205), dit in arvis, et plus loin ad rupem in penin- sula Agion-Oros. Gussone (Syn. FI. Sic., 1, p. #84), dit in campis, arvis et cultis ; enfin, Moris (FI. Sard., Il, p. 403), in pascuis et in arvis. Serait-ce, d’après cela, une plante des îles de la Méditerranée et de la Grèce ? Pyrethrum Parthenium, Sm. — % — Plante officinale, commune au bord des chemins, dans les décombres, les terres vagues, les haies, déjà du temps de Ray et de Gerarde (1597). Les localités sont également suspectes en France, en Allemagne (Koch, Syn., I, p. 418), en Italie (Poll. EVAVer. MIT; pr 665 ; Ten., Syll., p. 438), en Catalogne (Colm., p. 84), en Portugal (Brot., [, p. 375). Elle manque encore à deux pays d’où les Romains tiraient leurs blés, la Sicile (Guss., Syn.) et la Barbarie (Munby, F1. Alg.). Tout cela indique une plante des régions situées à l'est de l’ancien monde romain. Effectivement, l'espèce a été trouvée sauvage dans les montagnes de la Turquie d'Europe (Griseb., Spicil., IE, p. 203), sur le mont Olympe de Bithynie (#b.). Guldenstadt l'a trouvée dans le Caucase, sur le mont Beschtau (Ledeb., FT. Ross.) ; mais dans ce cas, comme pour les indications de M. Moris (F1. Serd.) et de M. Boissier (Voy. en Esp.), l'auteur n’a pas suffisamment exprimé si c’est loin ou près des habitations, M. Grisebach dit positivement in pratis montanis. Il me paraît probable que les Grecs anciens et les Romains n'avaient pas cette plante autour d'eux, dans les décombres. Les synonymes supposés, de leurs onvrages, sont très douteux (Sibth., Fraas). Maruta Cotula, DC. (Anthemis Cotula, L.). Les auteurs anglais le regardent comme indigène. Cependant, je ne sais si l'on trouve cette plante hors des cul- tures, des bords de chemins, des terrains vagues. Elle offre ce genre suspect de stations dans toute l'Europe, du Portugal à la Russie, de l'Angleterre à la Sicile et à la Crimée. En est-il de même en Asie Mineure et en Perse? Je ne saurais le dire. Elle manque à diverses Flores de Grèce (Sibth., Fraas, Margot, F1. Zant.) et d'Algérie (Desf., Munby). Si on la découvre sauvage, hors des décombres et cultures, en Perse ou en Asie Mineure, je dirai qu'elle s'est répandue en Europe ; si on ne la découvre pas dans ces pays, on devra penser qu'elle existait primitivement en Europe, dans les terrains aujourd'hui envahis par la culture et par les habitations de l'homme. Xanthium strumarium, L. @ M. Watson (Cyb., Il, p. 135) le considère comme étranger, MM. Babington (Man., 2° édit., p. 199) et le docteur Bromfield (Phytot., XX, p. 525) le regardent comme imparfaitement naturalisé. Ce dernier reconnait que Gerarde et Parkinson en ont parlé ; mais on s accorde à trouver les localités peu fixes et d'une nature suspecte, car la plante se trouve près des fu- miers, décombres, terrains gras non cultivés, etc. On peut a voir les mêmes doutes en Hollande (Prod. Fl. Bat., p. 142), en Danemarck (Fries, Summa, p. 9), et mêmeen France, si l'on se fonde sur la nature des stations. M. Watson ajoute que la plante souffre quelquefois des températures basses, dans son jardin ; mais il à observé des pieds originaires des îles Açores. Après tout, l'espèce pourrait bien être sur sa limite en Angleterre et avoir occupé des stations azotées avant l'ap- parition de l’homme, tout en souffrant parfois de se trouver sous un climat aussi peu favorable. Plusieurs plantes rudérales sont dans le même cas. Tragopogon porrifolius, L. — ©) — Cette plante spontanée en Dalmatie Vis., F1, IE, p. 108), cultivée assez fréquemment en Europe, s'échappe autour des jardins et même à quelque distance. On la dit subspontanée en Allemagne (Koch, Syn., I, p. 485) et à Paris (Cosson et Germ., F.); spontanée au bord 13 672 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. des chemins et des terrains cultivés, mais d'origine étrangère, en Hollande (Prodr. FL Bat., p. 132); rare en Irlande et considérée comme rejetée des cultures (Power, Guide Cork, p.38); spontanée dans les prés en Normandie (Hard. Ren. Lecl., Cat. Calv.,p. 175), et en Angleterre (Wats., Cyb., IE, p. 34: Bab., Man.), déjà du temps de Ray et même de Gerarde. Sa culture ancienne, l'opi- nion des auteurs et le fait d'une interruption entre la Dalmatie et la Normandie, peu probable pour une habitation naturelle, me font croire à une naturalisation. Lactuca Scariola, L. Cette laitue n’a pas en Europe l'apparence aussi sauvage, aussi primitive qu'au midi du Caucase, où M. C.-A. Meyer (Vers.) l'indique in campis et dumetis. En Italie, en France, en Allemagne, en Hollande, et dans les rares localités où elle se trouve en Angleterre, on la cite comme venant au bord des chemins, dans les décombres, les terres vagues et rocailleuses, près des wvil- lages, etc. Elle était déjà dans le Synopsis de Ray. M. Watson (Cyb., IT, p. 42) la compte comme indigène, avec doute. En parlant de l'origine des plantes cul- tivées (chap. 1x), je donnerai des arguments en faveur de l'hypothèse que la laitue cultivée serait le Lactuca Scariola modifié. À ce même point de vue, il serait pos- sible que notre Lactuca Scariola d'Europe fût un retour à l'état sauvage de la laitue cultivée. Je n'ose cependant pas considérer ces hypothèses comme des probabilités, et par ce motif, je n'énumère pas l'espèce comme naturalisée. Le Crepis setosa, Hall. f., a été introduit par des graines étrangères dans les comtés méridionaux depuis quelques années (Bab., Man., 2° édit., p. 191 : non dans l'édit. I de 1843). Bromfeld (PAytol., 1849, p. 522)ne dontait pas de l'intro- duction par des graines venues de l'étranger. Il parle de l'espèce comme ayant paru dans l'ile de Wight et en Écosse. Il faudra voir si elle s'établit définitivement. Silybum marianum, Gærtn. (Ca:rduus marianus, L.). — @ — Pour l'Angleterre, je regarde, avec M. Watson (Cyb., II, p. 77) cette espèce comme d'origine étrangère. I semble qu'elle aurait été plus commune autrefois, car, aux environs de Berwick, elle reparait souvent lorsqu'on creuse des fossés dans des jardins (Johnston, Bot. East. Borders, p.113). Elle existait déjà du temps de Gerarde (Herbal, 1597, p. 989): mais dans les stations où elle se voit encore aujourd'hui, savoir les bords de chemins, les fossés, les tas de fumier, ete. Ces stations sont tellement suspectes, ei en même temps si semblables en France, en Italie, en Allemagne et jusqu'au midi du Caucase (C.-A.Mey., Vers., p. 68), que j'ai dù me poser la question de l'origine probable, et elle ma fort embarrassé. Je doute infiniment que l'espèce fût connue des Romains et des anciens Grecs: en effet, 1° depuis Baubin (Hist., ILI, p. 52) jusqu'à nos jours (Fraas, Syn. FI. class., p. 206), on n'a pas pu citer un synonyme des anciens qui soit admissible. Sibthorp n'en admet point, et les auteurs modernes, Biller- beck et Fraas en indiquent de très douteux, qui s'appliqueraient aussi bien à d'autres carduacées. 2° Les noms en grec moderne cités par Sibthorp et Fraas sont absolument différents des noms anciens supposés, et ils ont une forme com- posée qui indique peu de vétusté. 3° On ne cite aucun nom de Pline. #° L'aspect des feuilles est pourtant assez particulier pour avoir frappé les anciens, si la plante avait existé en Grèce et en italie de leur temps. 5° Les noms italiens, français, allemands, anglais, se rattachent presque tous à une dédicace à la vierge Marie (Chardon de Marie, Lait de Marie, de Notre-Dame, etc.), qui fait supposer une apparition de la plante dans le moyen-àge. Il y a dans les langues slaves des noms qui semblent originaux, par exemple Ostropes en Bohême, Osge- NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 6:3 bad et Osset en illyrien, Podgorzal en polonais (Moritzi, Dict. inéd. noms vulg.), que je nesais pas expliquer, et qui semblent indiquer une origine du midi de la Russie ou des pays autrichiens, ou plutôt une transmission par ces peuples, car la plante n'est pas plus commune, ni plus sauvage dans cette partie de l'Europe que dans beaucoup d'autres. Le seul pays où d’après les Flores, l'espèce semble très commune et éloignée des terrains cultivés, serait le Portugal et quelques par- ties de l'Espagne, car Brotero (F1. Lus., 1, p. 341) dit: {n calcareis circa Olisi- ponem et alibi in Extramadura, rarius circa Conimbricam et in Beira, et Col- meiro dit {rès commun, en parlant de l'espèce dans les Castilles et en Catalogne. Cependant, M. Boissier {Voy. Esp., v. II) ne l'a trouvée que dans les décombres et près des chemins. M. Munby (#1. Alg., p, 90) la dit commune près d'Alger, mais sans s'expliquer sur la nature des stations. Si c'était une plante de Barbarie, même d Espagne, il serait singulier qu'elle ne füt pas arrivée en Italie et en Grèce du temps des Romains. Peut-être la découvrira-t-on, vraiment sauvage, en Syrie? Alors, ce seraient les croisés qui l’auraient rapportée et qui auraient intro- duit dans toutes les langues du midi de l'Europe, et jusqu'en Angleterre, la dédi- cace à la vierge Marie. Cette appellation catholique n'est pourtant pas usitée en Espagne, où les noms signifient simplement chardon laiteux. On peut en tirer un indice de plus er faveur de l'indigénat en Espagne. Doronicum Pardalianches, L., et Doronicum plantagineum, L. MM. Babington et Watson les regardent comme probablement d'origine étrangère : cependant, les détails donnés dans l' English Botany, t. 2654, montrent que l'habitation du premier, en Écosse, a été découverte déjà dans le siècle dernier, avec toute l'ap- parence d’une plante sauvage. Gerarde le connaissait dans le Northumberland (Herb., p. 621). Ilexiste en Hollande, dans les bois (Prodr. Fl. Bat., p. 122); mais M. Fries ne l'indique pas dans la péninsule scandinave, et le dit adventif (inquilinum), en Danemarck. 11 manque aux iles Feroë. Le Doronicum plantagi- neum, L., toujours difficile à distinguer, souvent mélangé, dans les Flores, semble moins spontané dans la Grande-Bretagne (Ængl. Bot., t. 630). On attribue à cette espèce le Doronicum commun dans les bois du département du Calvados (Hardouin, Renou, Leclere, Cat., p. 165). Ces habitations, voisines des îles Bri- tanniques, me font douter d'une origine étrangère, principalement pour la pre- mière espèce. Anthemis tinctoria, L., Achillea tomentosa, L., et Achillea tanacetifolia, AI. Ces trois espèces du sud-est de l'Europe, ou du moins de la partie non occiden- tale, car la première s’avance jusqu'en Suède, ont été trouvées çà et là acciden- tellement dans des localités plus ou moins suspectes (voyez Sm., Engl. FL, TT, p- 459; Wats., Cyb., IL, p. 131 ; III, p. 463). Je ne puis les regarder comme paturalisées. Elles sont plutôt adventives. Campanula Rapunculus, L. Les opinions sont partagées sur son origine en Angleterre (Watson, Cyb., II, p. 137). Dans plusieurs localités, dit cet auteur, on peut présumer une diffusion par d'anciennes cultures. Ray (Syn., 3° édit., p. 277) indiquait déjà des stations suspectes: /n aggeribus fossarum el arvis requielis. L'espèce n'est pas rare sur le continent, jusqu'en Danemarck et en Gothie. On ne peut donner aucune preuve à l'appui de l'introduction en Angle- terre, mais seulement admettre sa possibilité ou quelque probabilité. Specularia hybrida, Alph. DC. — (@) — Seulement dans les terrains cultivés en Angleterre et dans toute l'Europe, excepté en Crimée, où elle existe àt rupes- 674 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. tribus (Bieb., I, p. 156). Il paraît qu'elle n'avait pas encore pénétré dans les champs de l'Algérie, en 4847 (Munby, F1. Alg.), ce qui confirme une origine éloignée des pays d'où les Romains tiraient leurs blés et avec lesquels ils commu- niquaient le plus. Le Vaccinium macrocarpum, Ait. (Oxycoccus macrocarpus, Pers.) a été trouvé en 4845 dans un petit marais, sur le bord d'un chemin près de Mold, pays de Galles (Wats., dans Phytol., IL, p. 441). On ne peut pas constater qu'il eût été planté : mais cette espèce d'Amérique est souvent cultivée en Angleterre, près des pièces d'eau. Peut-être les graines ont-elles été transportées par les oiseaux, qui doivent rechercher ses baies ? Avant de la compter décidément comme natu- ralisée, il faudrait savoir si elle se propage d'elle-même, par graines. * Cyclamen hederæfolium, Wild. — 2 — Trouvé vers la fin du siècle dernier près de Bramfeld, Suffolk, loin de toute habitation (Engl. Bot., 1. 648), retrouvé ensuite dans ce comté, en abondance près de Notts (Wats., Cyb., IE, p. 295), et dans deux autres localités avec moins de certitude et d'abondance (ib.). L'espèce manque en Irlande, en France, en Hollande, en Allemagne, mais est cultivée depuis longtemps dans les jardins anglais, et il parait probable qu'elle en est sortie. On ne peut guère supposer qu'une plante italienne, qui pénètre à peine en Suisse, et dont l'habitation n’est pas très étendue, se retrouve en Angleterre, à titre de plante aborigène, et encore qu'elle eût échappé aux anciens botanistes de cepays, où il n'existe aucun autre Cyclamen. * Lysimachia ciliata, L. — 2 — D'Amérique. Voyez plus loin, article 5. Anagallis cærulea, Schreb. — (1) — Que l'on admette ou non la distinction des deux espèces, il paraît, d'après M. Watson (Cub., Il, p. 301), que l'Ana- gallis cœrulea croît seulement dans les terrains cultivés en Angleterre. il le désigne comme colonist agrestal, et l' Anagallis arvensis comme native agrestal. Davies (Welsh Bot., p. 21) cite, dans l'ile d'Anglesey, une variété de l'Anagallis arvensis, croissant dans des pâturages sablonneux. L'Anagallis cœrulea est indiqué comme sauvage en Italie (Bertol., F1. It, IT, p. 425) et dans la Turquie d'Europe (Griseb., Spicil.. IE, p, 8) : mais il est difficile de se former une opinion sur l'étendue de l'habitation primitive, la plupart des auteurs ayant négligé de dire si les espèces d'Anagallis croissent hors des cultures. L'Anagallis arvensis semble avoir une habitation naturelie plus vaste. Il a un nom gallois dans Davies. Le nom anglais Pimpernell, qui est déjà dans Gerarde, est bien bizarre, et ne peut venir que d'une transposition avec une autre plante. Il n'a aucun rapport avec les noms saxons, français, slaves, latins, grecs, de ces espèces, qui sont très variées, et qui font présumer, par cette variété même, une extension ancienne en Europe, de l’une des espèces au moins. Vinea major, L. — 2 — Originaire du sud-est de l Europe et propagée vers l'ouest par la culture. On ne la signale pas encore en Espagne, à litre de plante spontanée (Boiss., Voy. ; Kelaart, FL. Calp. ; Colmeiro, Cat.), mais bien dans le sud-ouest de la France (Laterr., FL. Bord., 1"° édit., et suiv.), et l'ouest égale- ment (Hard., Ren., Lecl., F1. Calv., p. 488), non compris le département de la Somme (Pauquy, F1.). À Paris, elle est regardée comme rare et subspontanée (Coss. et Germ., F1 , p.252). En Angleterre, on la cultivait beaucoup du temps de R2y,etalors elle s'était déjà naturalisée dans les pares, les haies, ete. Personne ne doute de son origine étrangère. Wiaca minor, L, M, Watson ne la croit pas aborigène ; mais il est seul de son NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 679 avis, et il reconnaît que la distribution sur le continent n’est pas favorable à cette opinion. Je remarque dans Davies (Welsh Bot.), des noms gallois très différents des noms latins, saxons et même slaves, lesquels roulent uniformément sur la syl- labe Vink. Cuscuta hassiaca, Pfeif. — @) — Introduite par les graines de fourrages. Voyez plus loin les espèces américaines, naturalisées en Europe. Elle ne sort pas des prairies artificielles, par conséquent, je ne la compte pas dans les espèces naturalisées. Cuscuta Trifolii, Bab. — (4) — D'après Bromfield (Phytol., IL, p. 563), ce serait plutôt une espèce adventive, en Angleterre, qui se multiplie parfois beau- coup, et diminue plus tard, ou peut même disparaître. Datura Stramonium, L. — (1) — De la région de la mer Caspienne, (Voy. plus loin, art. 5). Les graines conservent longtemps leur faculté de germer. On l'a vu sortir, dans l'île d'Anglesey, en 1813, d'un terrain qui n'avait pas été remué depuis cent ans (Davies, Welsh Bot., p.23). Ilest antérieur à Ray en Angleterre. Plusieurs Verbascum sont adventifs ;: mais je ne crois pas qu'on puisse les regarder comme réellement acquis à la flore anglaise d'une manière durable. * Serophularia vernalis, EL. — 2 — Assez répandue maintenant près des villes, des fermes, etc., dans les haies. Gerarde (édit. 1597), ni Ray et Dil- lenius (Syn., 1724; ne l'indiquent. Or, c'est une espèce bien (ranchée et fort apparente, qui n'aurait pas pu leur échapper. Je la crois, comme M. Watson, d'origine étrangère. Elle a pu se répandre par les déblais des jardins. On la trouve sur le continent, près de l'Angleterre ; mais peut-êtres'y est-elle aussi introduite, ou du moins répandue de preche en proche ? Linaria Cymbalaria, Mill — %Z — Gerarde n'en parle pas dans sa première édition de 1597. Dans la deuxième, de 1636, elle est sous le nom de Cymbalaria italica (voy. Engl. Bot., 502). Parkinson (Theatr., p. 682), qui écri- vait en 1640, mentionne l'espèce comme venant de se répandre autour de quel- ques jardins et habitations. Du temps de Ray (Syn., 1724, p. 282 Lis), elle s'était naturalisée autour du jardin de Chelsea et dans les mines de Darford, près d'York. Pour la première de ces localités, on ne peut guère douter de l'origine étrangère; pour la seconde, on ignore les circonstances locales. Sowerby, en 1798, dans l'Engl. Bot., t. 502, remarque combien cette espèce se naturalise facilement autour des jardins, sur les vieux murs, et prend la place de plantes plus anciennes du pays. Elle s'est répandue en Hollande, où elle manquait jadis (Miq. de Veg. Bat. Distr., page 2), et en Eslande (Mackay, F1, p.203). Indigène en Dalmatie (Vis., FL, LI, p. 166), en Grèce (Sibth. et Sm., Prodr.; Benth., in DC., Prodr., X. p.266), dans plusieurs parties de l'Italie (Chav., Monogr.), elle s'est répandue vers l'ouest depuis trois siècles. Elle est commune aujourd'hui à Bâle, où elle manquait du temps de Bauhin (Hagenb., F1., 11, p. 123). Je nesais quand elle est arrivée à Paris ; mais elle manque dans l'herbier de Tournefort et dans son Histoire des plantes des environs de Paris. Linné raconte sa diffusion à Iéna, dans le xvn° siècle {Amæn., VII, p. 9). * Linaria supina, Desf. — (1) — Espèce de l'ouest de la France, trouvée ré- cemment près de Plymouth (Bab., Wan., 2° édit. ; non dans la 1" édit.), de Poole (Dorset), dans deux localités du Cornouailles (Wats., Cyb., If, p. 221), et même près de Newcastle {id.). La multiplicité de ces stations rend probable la durée de l'espèce en Angleterre. M. Watson émet l'idée qu'elle pourrait avoir été indigène 676 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. sur la côte méridionale. Je ne puis l'admettre, car l'espèce manque à l'irlande et aux îles de la Manche (Bab., Prim, Sarn.; Piquet, dans Phytol., 1853, p. 1093), où elle se serait trouvée probablement si c'était une plante anglo-française. Linaria simpleæ, a figuré momentanément dans la Flore anglaise (Bab., Man., are édit., non dans la 2° édit). * Linaria purpurea, Mill. — 2% — Paraît élabli, car il figure successive- ment dans les deux éditions du Manuel de M. Babington, et M. Watson (Cyb., II, p. 219) indique six localités d'Angleterre et d'Écosse. L'espèce est bien spon- tanée dans les montagnes d'Italie et de Sicile (Guss., Syn.). M. Babington la croit échappée des jardins en Angleterre. Elle manque à l'Irlande. Linaria spuria , Mill. — 4) — Seulement dans les terrains de champs en Angleterre, déja à l'époque de Gerarde. L'espèce est indiquée quelquefois en Italie, hors des cultures, par exemple à Rome sur les bords du Tibre et dans les montagnes (Seb. et Mauri, F1. Rom., p. 203); mais en France, en Allemagne, même en Sicile (Guss., Syn.), en Grèce (Sibth. et Sm., Prodr.), et dans la pénin- sule ibérique (Brot.; Colm., Cat. Catal.), il semble, d'après les auteurs, qu'elle ne peut pas se passer d'un terrain labouré. Elle manque même à plusieurs Flores de ces régions méridionales, et M. Munby, en 1847, ne la connaissait pas en Algérie. Linaria Elatine, L. — (4) — Mêmes circonstances relativement à l'Angleterre que celles du Linaria spuria ; mais l'origine de l'espèce est plus difficile à consta- ter. C’est au midi du Caucase qu'elle semble indigène d'apres le dire des auteurs (C.-A. Mey., Hohen.). En Crimée, en Grèce, en Italie, en Algérie, je la vois indi- quée toujours dans les terrains cultivés, à moins qu'il ne s'agisse de variétés dont la synonymie est peut-être contestable. L Linaria minor, Desf.— @ — D'après Smith (Ængl. FI., IL, p. 135) et Ba- bington (Man., 2° édit., p. 231), cette plante existe en Angleterre seulement dans les champs. Le docteur Bromfield (Phyt., IIE, p. 647) l'indique autour de certains fours à chaux et dans les décombres : mais plus ordinairement dans les champs. Je suis surpris, d'après cela, que M. Watson (Cyb., IE, p. 222) l'ap- pelle sans hésiter native, agreslal, glareal, c'est-à-dire indigène, venant dans les champs et les graviers. On n'a pas fait attention qu'elle manque à la première édition de Gerarde (Herbal, 1597), et que Parkinson (Theatr., p. 1334) en parle comme d’une espèce étrangère, cultivée dans les jardins anglais. Ray l'a introduite dans son Synopsis, donc elle s'est répandue dans le xvr siècle seule- ment. Elle n’est citée en Suède, en Hollande, en France, que dans des localités artificielles. Toutes celles des plaines d'Europe sont artificielles ou fortement suspectes ; l'espèce ne paraît véritablement indigène que dans la région alpine de la Sierra-Nevada (Boiss., Voy. Esp., I, p. 453). Je n'ose pas afñrmer qu'elle soit sauvage et primitive dans le Caucase, où C.-A. Meyer est le seul qui l'indique, encore dans les graviers d'un ruisseau, près de Narzana, à 250 toises d'élévation. Hohenacker (P1. Tal.) n’en parle pas. Bieberstein (IT, p. 74) l'indique in incultis passim, ce qui signifie d'ordinaire des terrains vagues près des villages ou des champs abandonnés. * Antirrhinum majus, L. — 2% — Cette plante, du midi de l'Europe, s'éta- blit avec persistance sur les vieux murs, surtout près des jardins, en Irlande, dans le nord de la France, en Allemagne, même dans le midi de la Suède (Fries, Summa). En Angleterre, elle se trouve non-seulement sur les vieux murs, mais NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 677 aussi sur les falaises de craie, par exemple, à Douvres (Huds., F1, p. 274; Bab., Man., 2° édit., p. 231). Gerarde (Herbal, 1597, p. 439) l'indiquait comme venant dans les jardins seulement. Ray et Dillenius ne la comptait pas dans le Synopsis des plantes spontanées. Hudson, en 1778, n'hésite pas ; ainsi, l'éta- blissement sur les falaises serait postérieure à Dillenius. La diffusion des graines, par les jardins, est évidente. Dans l’île d'Anglesey, l'espèce porte des noms qui paraissent la traduction des noms anglais plutôt que des noms gallois (Davies, Welsh Bot.). Antirrhinum Orontium, L.— @) — En Angleterre et dans tout le midi de l'Europe, je vois cette espèce indiquée dans les champs, après les récoltes, quel- quefois dans les champs et au bord des chemins (Laterr., F1. Bord.). En Sicile et en Grèce,ses stations sont artificielles (Guss., Syn., IT, p. 126; Sibth., Prod.). Parmi plusieurs Linaria et Antirrhinum de Grèce, il est difficile de savoir si c'est l'Antirrhinum des anciens. Les monographes ne disent pas d'où l'espèce est originaire {Chav., Mon.). Elle devient rare dans les champs, du côté de la Sibérie et du Caucase. En Algérie, elle abonde, et M. Munby (FL. Alg., p. 64) l'indique dans les récoltes et sur les côteaux d'un fort près d'Oran. Son point de départ pourrait bien avoir été le nord de l'Afrique. Melampyrum arvense, L. — (à) — Moins répandu dans les champs en Angle- terre que sur le continent. Cettemauvaise herbe ne peut pas être le Melampyrum des anciens Grecs, d’après ce qu'ils en disent, et parce qu'elle manque à la Grèce moderne (Sibth., Prodr., [, p. #89 : Fraas, Syn. ; Reut. et Margot., F1. Zante ; Bory, Chaub., Expéd. Morce). Elle manque également à la Sicile (Guss., Syn.). C'est une plante des régions tempérées ; en Europe, toujours parmi les cultures ; autour du Caucase, probablement sauvage, d’après les expressions des auteurs (C.-A. Mey. ; Claus, dans Gœbel, Reise ; C. Koch, etc.), qui ne sont cependant pas aussi affirmatifs à cet égard qu'on le voudrait. Elle existait dans nos champs à l'époque de Clusius et de Bauhin ; mais Gerarde ne la mentionnait pas en An- gleterre, où Dillenius l'a indiquée le premier (Syn., 3e édit.). * Mimulus Iuteus, Wild. — % — D'Amérique. (Voyez plus loin, art. 5.) * Veronica Buxbaumii, en. — (1) — (V. filiformis, DC., F1. Fr.) Connue en Angleterre depuis 1829 (Engl. Bot., t. 2769). Elle s'y répand assez. Elle est aussi dansle Calvados (Hard. Ren. et Lecl., F1.) et dans le midi de la Belgique (Lejeune, Revue Spa, p. 5: mais elle manquait à la Flore anté- rieure de M. Lejeune). Elle se trouve çà et là en Allemagne; où le nom de Veronica hospita, donné par Martens et Koch {Deutschl. FL, EL, p. 332), montre bien son origine étrangère. Elle s’est répandue même en Danemark et dans la Suède méridionale (Fries, Nov., ed. alt., 1828, [, p. #4), sous le nom de Veronica persica (Fries, Summa veg. Scand., 1846, p. 18). Sa patrie est le sud-est de l'Europe, d'où elle s'est répandue dans l'ouest et le nord-ouest. Elle s'est natura- lisée depuis le siècle actuel à Genève et dans d’autres localités autour du lac Léman (Gaudin, FÆl.), probablement par des graines sorties de jardins bota- niques. Sa diffusion, en Angleterre, ne semble pas avoir une autre origine. * Echinospermum Lappula, Lehm. — (1 (2 — Trouvé d'abord en un seul endroit de l'Angleterre, comté de Suffolk, près de la côte (Bab., Ann. of Nat. Hist., 1840, p. #4; p. 463 ; Man., 2° édit., p. 2418), etensuite,en 4841, dans le Hertfordshire, le long d'un chemin de hallage (F1. Hertf., dans Wats., Cyb., UE, p. 283). M. Babington assure que l'introduction en Norfolk, si elle a eu lieu, ne 678 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. peut pas s'être faite par des graines étrangères ou par le lest des vaisseaux. L'espèce existe sur le continent, d'une extrémité à l'autre, notamment dans le Calvados (Hard., Ren., Lecl., F1. Calv., p.192), dans le département de la Somme (Pauquy, F1., p. 275). Ses fruits adhèrent par les crochets aux vêtements, mar- chandises, etc. Il serait possible que des contrebandiers l'eussent transportée en Norfolk, sur la côte, et qu'elle fût arrivée avec des ballots de marchandises dans le Hertfordshire. Echinospermum defiexum, Lehm. Trouvé dans une localité, en 1846, non loin d'un jardin (Wats., Cyb., HE, p. 365). Ce serait une plante encore adventive. Symphytum asperrimum, Bieb. — % —- Il parait disposé à s'introduire. On le cite déjà dans trois localités (Wats., Cyb., LE, p. 279; II, p. 486) ; mais les faits sont encore peu sûrs et peu anciens. * Anchusa oflicinalis, L. — 2% — Signalé à la fin du siècle dernier dans le Northumberland, sur des terres vagues ou près de la mer(Sm., Engl. FL, I, p. 258), sur des amas de lest (Winch, d'après Wats.), il est indiqué mainte- nant dans six comtés différents (Wats., Cyb., Il, p. 280). On peut croire qu'il se maintient sans le secours d'importations nouvelles de graines. 11 n’est pas cité en Normandie (Breb., F1.; Hard., Ren., Leel., Cat. Calv.), ni dans les îles de la Manche (Bab., Prim. ; Piquet, Phytol., 1853). Dans le département de la Loire- Inférieure, on indique (Lloyd, F1, p. 173) une introduction par le lest des vais- seaux. Il existe en Hollande (Prodr. FL Bat., p. 454) je suppose à la suite d'une introduction déjà ancienne. Caryolopha sempervirens, Kisch.et Trautv. (Anchusa sempervi- rens, L.). — % — Gerarde, en 1597, le connaissait comme plante cul- tivée. On le trouva spontané dans une localité du comté de Kent, depuis la première édition et avant la troisième du Synopsis de Ray {3° édit... par Dillen., 1724 p. 227). En 1778, Hudson (F1. Angl., I, p. 80) citait, outre cette même localité, une près de Londres et une près de Norwich. En 1800, Smith (F4 Brit., are édit., v. EL, p. 215) indiquait six comtés différents de l'Angleterre. En 4824 (Engl. FL, 3, p.259), ilen indique onze, dont une partie en Écosse; enfin, en 1849, M. Watson (Cyb., IL, p. 280) signale l'espèce comme trouvée au bord des chemins et des haies, dans dix-sept des dix-huit divisions qu'il établit pour l'ile de la Grande-Bretagne. Elle s'est avancée jusqu'au nord del Écosse. L'espèce étant bien distincte et apparente, la progression de son habitation ne peut pas être mise en doute, et comme le climat de l'Angleterre ne semble pas avoir changé depuis deux siècles, on doit se dire que l'espèce se serait répandue depuis long- temps si elle avait existé quelque part dans le pays. On la cite dans toutes les Flores de la France occidentale. Je ne puis dire si elle est ancienne dans cette région. Asperugo procumbens, L. — (1) — J'ai peu de doute que cette espèce ne manquät à la végétation des iles Britanniques à une époque ancienne. On ne peut pas deviner son degré de fréquence dans le temps de Gerarde, parce qu'il en parle collectivement avec une espèce beaucoup plus commune ; mais en 1724, d'après le Synopsis de Ray (3° édit., p. 228), une seule localité était bien cer- taine. Maintenant, on en connaît dans sept comtés de | Angleterre et de l'Écosse (Wats., Cyb., IL, p. 282; LIL, p. 486). L'espèce est assez commune en Nor- mandie, quoique manquant encore aux Îles de la Manche (Bab., Prim ; Piquet, Phytol., 1853), Le nom anglais german madwort indique une origine peu ancienne NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 679 en Angleterre. Enfin, elle manque à l'Irlande (Mackay, F1. Hib. ; Power, Guide Cork), ce qui confirme l'idée d'une introduction récente dans la Grande- Bretagne. _Borago officinalis, L. — (4) — J'ai dit dans le Prodromus (X. p.35), que la Bourache n'ayant pas été trouvée autour du Caucase et dans l'Inde, devait être une plante des bords de la mer Méditerranée. J'aurais dù citer l'opinion de M. Bertoloni (#4. 1t., IT, p. 331), qui la regarde comme spontanée dans les herbages, in locis herbidis, de toute l'Italie, et M. Margot, qui l'a vue à Zante, in pralis el herbosis humidis. Ce sont des confirmations; cependant, la plupart des Flores d'Italie et de Grèce indiquent la plante dans les cultures, décombres, etc. En Angleterre, c'est une espèce dejà ancienne. (Gerarde, Herbal, p. 653), mais ne sortant pas des terrains cultivés, par conséquent non naturalisée. Lithospermum arvense, L. — (à) — Ne sort pas des champs cultivés en Angleterre. Spontané en Thrace, d'après M. Grisebach (Spicil., 11, p. 86); probablement aussi en Crimée et dans les monts Talysch, d'après les expressions des auteurs (Bieb., I, p. 421 ; Mey., Vers., p. 97 ; Hohen, p.74). En Italie, en Sicile, en Grèce, en Algérie, c'est comme en Angleterre, une plante des champs. On ne lui connait aucun nom grec moderne ou ancien {Sibth.; Fraas ; Reut. et Margot, F1. Zante); il est probable qu'elle est arrivée dans le moyen âge. On la voyait déjà dans le xvr° siècle en Angleterre (Parkins., Theätr., p. 433). Bycopsis arvensis, L. — (1) — En Angleterre, dans le nord-ouest de la France, en Allemagne, cette espèce pourrait bien être arrivée de l'étranger, dans les cultures, où elle se voit, pour ainsi dire, exclusivement. Si de temps en temps, on la trouve au bord des chemins, dans les terrains vagues et sablonneux près des villages, on peut soupconner une dissémination de graines sorties des ter - rains cultivés. L'espèce ne parait pas plus spontanée ea Russie et autour du Cau- case, d'après les expressions des auteurs sur ses stations : mais elle se trouve communément « dans les plaines de la Garonne, au bord de cette rivière. » selon M. Noulet (F1. sous-Pyr., p. 433), près de Bordeaux, dans des lieux pier- reux (Laterr., F1, p. 281), et M. Bertoloni indique en Italie plusieurs localités qui semblent naturelles (F1. 1t., HE, p. 335). Elle manque à l'Algérie (Munby, Ft), peut-être à la Sicile (Guss.) et à la Grèce (Sibth., Fraas). Son abondance et la nature de ses stations dans le sud-ouest de la France, me font présumer qu'elle est sortie de là, peut-être du midi de la France et de l'Italie septen- trionale. En Angleterre, elle semble avoir été, il y a trois siècles, moins commune qu'à présent. Gerarde (2° édit.) n'en parlait pas. Parkinson est peu explicite. Ray (édit. 1724, p. 224) n'indique pas la plante hors des cultures. . Pulmonaria officinalis, L. Rare et peut-être d'origine étrangère, d'après ce que disent MM. Borrer et Watson (Cyb., HI, p. #87). La confusion des synonymes avec le Pulmonaria angustifolia, et la présence dans les parties du continent voi- sines de l'Angleterre, m'empêchent d'avoir une opinion positive dans le sens de l'introduction. Leonurus Cardiaca, L. Peut-être d'origine étrangère, comme beaucoup de plantes des décombres, mais sans qu'on puisse alléguer des indices bien directs. L'espèce est répandue dans toute l Europe: elle existe en Irlande, et Gerarde, en 4597, l'indiquait déja en Angleterre (Herbal, p. 569) Le docteur Bromlield (Phytol., HI, p. 668) soupçonnait pour cette plante une origine asiatique, à cause de l'habitation des espèces voisines. Il aurait dû ajouter qu'on ne connaît aucun 680 CHANGEMENTS DANS L’HABITATION DES ESPÈCES. synonyme dans les ouvrages des anciens (3. Bauh., Hist., III, p. 321; Sm. et Sibth., Prodr.; Fraas, Syn. FI. class ), et que l'espèce n'a pas encore pénétré dans plusieurs localités du monde gréco-romain. Elle n’est pas indiquée dans le Péloponnèse (Sibth., Expéd. de Morée), à Zante (Reut. et Margot, F1.), en Algérie (Munby, F1.), etil est douteux qu'elle existe en Sicile (Guss., Syn.). On dirait une plante du Caucase ou de Sibérie qui aurait fait invasion en Europe dans le moyen âge, avec les peuplades asiatiques. Elle a des nomshongrois et russes qui semblent plus originaux que les noms français, allemands, etc., tirés de la forme de la feuille ou des propriétés supposées. Les stations au Caucase et en Sibérie peuvent être suspectes, comme en Europe; mais c'est probablement une nécessité pour l'espèce de vivre près des matières azotées. Stachys annua, L.— (1) — Trouvé, depuis 1830, dans les champs de blé du comté de Kent (Engl. Bot, t. 2669 ; Bab., Man., 2° édit., p. 252). A cette occasion, je me suis demandé quel est le pays d'origine, car en France, en Alle- magne, en Russie, le Stachys annua est donné pour une plante arvicole. Elle était déjà dans les champs de l'Europe centrale à l'époque des Baubhin (Pin., p. 233, herbier Bauh., vérif. par DC.) ; mais elle n’a pas encore pénétré en Sicile (Guss., Syn.), en Algérie (Munby, Æ1.), ni même en Grèce (Sibth., Fraas, Margot), où cependant elle pourrait bien vivre autour des villages, dans les dis- tricts élevés. Les nomsitaliens indiquent plutôt une origine étrangère ou récente : herba turca (Targ., Dict.), herba stregona (ib.), c'est-à-dire sorcière. M. Berto- loni (F4: It., VE, p. 159) mentionne une ou deux localités italiennes hors des champs; mais ce peut être le résultat d'une dispersion accidentelle de graines. Autour du Caucase, les indications ne sont guère plus précises. Marshall Biebers- tein dit ponr la Crimée: «dans les lieux incultes et les moissons. » C.-A. Meyer l'a trouvée sur les monts Talysch, dans les champs. Stachys germanica, L. M. Watson (Cyb., I, p. 262: LH, p. 482) a des doutes sur la qualité indigène, parce que les localités sont rares et suspectes. L'espèce est moins rare en Hollande (Prodr. F1. Bat.) et en Normandie (Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv.) ; mais là, comme dans plusieurs autres pays, elle existe au bord des chemins, dans les terres vagues, près des villages, etc. Ray l'admet- tait comme spontanée. Avant lui, Gerarde ne la connaissait pas en Angleterre, ce qui ne prouve pas grand chose pour une espèce aussi rare. Les probabilités les plus fortes sont peut-être dans le sens qu'elle serait en Angleterre près de sa limite naturelle, par conséquent plus rare qu'ailleurs. * Lamium macalatum, L. — % — Trouvé depuis le siècle actuel, près de Bristol et de Londres (Engl. Bot., 4813, t. 2550), plus récemment en Écosse (Bab., Man., 2°édit., p. 250). Répandu sur le continent de Suède à Alger et dans l'Altaï (Benth, Prodr., XII, p. 510). Ilest en Hollande {Miq., Distr. pl. regn. Bat.}, mais non dans les Flores de la Somme (Pauquy) et du Calvados (Hard. Ren. Lecl.), ce quine laisse guère supposer un transport direct au travers du Pas-de-Calais. On cultivait autrefois cette plante en Angleterre (Wats., Oyb., Il, p. 254), assez fréquemment, circonstance qui indique la eause de la dif- fusion. Elle manque à l'Irlande (Mackay, FL. : Power, Guide Cork), nouvelle con- firmation de la qualité étrangère dans la Grande- Bretagne. Il peut s'élever des doutes sur d’autres Lamium ; mais comment les résoudre ? Leur distinction spécifique est difficile, et leur station dans les endroits azotés est une condition de leur nature. NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 681 Hyssopus officinalis, L. — % — Complétement et abondamment naturalisé sur les ruines de l'abbaye de Beaulieu, dans la Nouvelle-Forêt, en particulier, sur les murailles et dans l'étendue du cloître (Bromfield, Phytol., v. ILE, p. 688). Voilà un fait embarrassant à classer : la naturalisation est ancienne, en dehors de toute influence humaine, depuis longtemps ; mais la plante ne s'est pas répandue dans les localités analogues, et celle-ci est de nature à se détruire à la longue. On ne peut pas dire que l'espèce soit acquise définitivement. Salvia pratensis, L. Depuis l'époque de Ray (Hist., 1, p. 545, Syn., 3° édit, p. 237) jusqu'à nos jours (Wats., Cyb., IL, p. 234 : HI, p. 476), on a émis des doutes sur l'indigénat de cette espèce en Angleterre. Tantôt elle avait été con- fondue avec le Salvia Verbenaca, tantôt sa qualité spontanée est douteuse. La localité près de Cobham est cependant constatée depuis près de trois siècles. Comme l'espèce existe, bien spontanée, en Hollande (Prodr. F1. Bat., T1, p. 189), et dans le Calvados (Hard., Ren., Lecl., Cat., p. 208), je ne vois pas de preuve qu'elle ait manqué une fois à l'Angleterre :elle devient rare dans cette direction, puisqu'on ne la voit pas dans les îles de Guernesey et Jersey (Bab., Prim. Sarn. ; Piquet, Phytol., 4853, p. 1093) ; mais tout en devenant plus rare, elle pourrait bien avoir existé çà et là, en Angleterre, dans les temps anciens. Mentha viridis, L. Il y aurait quelques motifs de plus pour accorder à M. Wat- son {Cyb., Il, p. 237) que cette plante est naturalisée en Angleterre, quoique Ray et Dillenius n'en aient pas eu l'idée. D'un autre côté, l'absence d'une patrie bien constatée ailleurs, me fait incliner à l'opinion de, Koch (Syn.) et de MM. Cosson et Germain (F1. Par., 1, p. 315), que ce serait une race du Mentha sylvestris, déterminée, ou tout au moins répandue par la culture Teucrium Botrys, L. — (4) — Onle trouve de temps en temps, depuis quelques années, près de Boxhill, dans le Surrey (Wats., Cyb., IE, p. 365). Onne sait s'il est indigène. En Hollande, les mêmes doutes se présentent (Prodr. FE. Bat., p. 205): mais en Normandie, l'espèce est abondante dans les champs pierreux calcaires (Breb., Fl., p. 203 : Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv., p. 216). Elle manque aux îles de la Manche (Bab., Prim.: Piquet, Phytol., 1853) et à l'Ir- lande. La localité anglaise est excentrique. Si l'espèce y était d'origine, pourquoi ne se serait-elle pas répandue ? Je la crois plutôt importée et encore mal établie. Teucrium Chamædrys, L. D'après MM. Watson (Syn., IT, p. 248: IIE, p. 480 et Power, Guide Cork, p. 54), les localités de la Grande-Bretagne et de l'Irlande sont toutes artificielles ou suspectes. On retrouve ici presque les mêmes faits que ceux du Salvia pratensis, et l'on pourrait appliquer les mêmes raisonnements ; seule- ment, on ne cite pas une seule localité dans laquelle l'espèce soit bien spontanée, hors des murs et du voisinage des habitations. D'un autre côté, elle est assez com- mune en Normandie (Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv., p. 216); mais à Jersey, elle n'a été trouvée que dans une localité suspecte (Piquet, Phyt., 1853, p. 1093). Ray {Syn., 3° édit., p. 231) l'indiquait seulement sur les murs d’un vieux château, et le nom anglais Wall Germander , montre assez ce qu'on en pense. Je suis disposé à la croire étrangère, non parvenue à une véritable naturalisation. Melissa officinalis. Elle commence, dit-on, à s'établir dans le midi de l'Angle- terre (Bab. , Wats., Cyb., IH, p. 246): mais comme on l'a cultivée depuis long- temps et qu'elle ne s'est pas établie et propagée définitivement, je crois qu'elle restera encore dans cette catégorie de plantes plutôt adventives, sans cesse répandues par les jardins et sans cesse détruites par les variations du climat. 682 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Ajuga chamæpitys, L. — (1) Plante du Caucase (Bieb., Il, p. 34) et des monts Talysch {C.-A. Mey., Verz., p. 90), où elle habite au bord des torrents, parmi les pierres et aussi dans les cultures. Elle manque à la Grèce moderne (Exped. de Morée; Reuter et Margot, FI. de Zante). Ainsi, les noms des anciens, attri- bués par Sibthorp, doivent être rapportés aux Ajuga chia et Iva (Fraas, Syn.). Grisebach ne l'a pas trouvée dans la Turquie d'Europe. Elle manque encore à la Sicile (Guss., Syn.). On voit qu'elle a dû parvenir dans les champs d'Italie et d'Espagne par le midi de la Russie, l'Allemagne et la France. Elle existait en Angleterre en 1597, du temps de Gerarde ; mais, cela va sans dire, comme à présent, dans les champs pierreux. En 1847, elle n'était pas encore en Algérie (Munby, F1.) ; je le pense du moins, car cette plante se multiplie beaucoup, et le silence des auteurs est une preuve admissible. * (?) Acanthus mollis, L. — % — Cette plante, facile à remarquer, s'est naturalisée en un point des îles Scilly, à l'extrémité sud-ouest de l'Angleterre, où elle à été vue déjà il y a un demi-siècle (Wais., Cyb., HE, p. 475), et aussi dans une localité près de Penzance (Jones, cité par Wats., Cyb., IL, p. 232). Les loca- lités les plus rapprochées sur le continent sont la Galice {Colm., ecuerdos, p.18) et le Languedoc, car l'espèce manque aux Flores de l'ouest et du sud-ouest de la France. On la cultive volontiers comme plante d'ornement; elle peut s'être répandue de cette manière. Chenopodium, Blitum et Atriplexæ. MM. Babington et Watson indiquent plu- sieurs espèces de ces trois genres sans émettre des doutes sur leur origine, excepté à l'égard du Blitum Bonus Henricus, du Blitum virgatum et des Atripleæ nitens el microsperma. Je suis disposé à croire la plupart de ces espèces originaires de l’Europe orientale et de l'Asie occidentale; mais pour les plantes des décombres et terrains vagues les preuves sont excessivement rares, surtout quand il s'agit d'espèces difficiles à distinguer. La possibilité d'une origine étrangère et la faci- lité du transport ne sont pas des commencements de preuves. il faudrait des indices. Dans le cas actuel ils sont faibles. On en jugera par les espèces suivantes. Blitum Bonus Henricus. Jadis très cultivé en Angleterre, mais spontané aussi dans les endroits humides, les décombres, etc., comme le témoignent Gerarde (Herbal, édit., 1597, p. 259) et Parkinson (Theatr., p. 1227). Les noms anglais sont, à mon avis, le seul indice d'une origine étrangère. Ordinairement, ils tra- hissent une imitation des langues du continent ou une dérivation des usages offi- cinaux : English Mercury, All good, Good Henrie ; cependant, le nom Wild spinage (Petiv.) indiquerait une plante ancienne dans le pays. Il serait intéressant de connaître la valeur des noms gallois cités par Davies (Ielsh Bot., p. 25 5). Les Allemands ont un mot qui semble tout à fait original, Schmerbel {J. Bauh. Hist., 11, p. 965). La langue romantch, des Grisons, en a un autre bien original aussi, Mangauns, Vaungas, Voungas (Moritzi, Dict. inéd. noms vuïg.), auquel se rattache peut-être Varle du Piémont, Ferdacla des Vaudois. Quant au nom si répandu de Bon Henri, en allemand Guter Heinreich, je soupçonne une corruption de Heim (habitation), parce que la plante est commune près des maisons, ou de Heil, parce qu'elle servait en médecine. En effet, on dit dans certains dialectes allemands Heilkraut (Mor., Dict.), et dans l'allemand des Grisons, Heilmeln (Mor., Dict.). 11 y a un nom français (celte ?) original, Sarron, Sars, Serrones (ib.). Je trouve ainsi sur le continent une foule de noms originaux ; mais aucun en Angleterre, à moins de quelque nom gallois, ce dont je ne puis juger. NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 683 Blitum vürgatum, L. — @) — Cette plante, répandue çà et là en Hollande et dans les pays voisins, a été trouvée, dans une seule localité, près d'Édimbourg (Wats., Cyb., IT, p. 367). Je ne sais si elle s'établit. Polygonum Convolvulus, L. () En Angleterre, on le trouve rarement hors des ter- rains cultivés. Bromfield (Phyt., 1850, p.765) indique bien, outre les jardins, ete, les haies humides etles taillis, dans l'île de Wight, et Babington (Man., 2° édit., parle des lieux cultivés et terrains vagues : mais M. Watson appelle l'espèceagres- tal; Smith (Engl. Fl., M, p. 239) énumère seulement des stations cultivées, comme le faisait jadis Ray (édit. 172%, p. 144). C'est donc une question de sa- voir si l'espèce est vraiment spontanée, hors de l'influence de l'homme, en Angle- terre. La même question peut se poser dans toute l'Europe, d'après les expres- sions des auteurs de Flores (Koch, Syn. FE Germ.; Boreau, F1. centr. France ; Bertol., F1. It. ; Sibth. et Sm., Prodr. FI. Gr. ; Guss., Syn FI. Sic., etc.). J. Bau- bin (Hist., I, p. 158) indiquait les terrains cultivés et les haies près de Mont- belliard. C'est exactement les deux stations indiquées dans le Caucase par C.-A. Meyer (Verz., p. 157). Cependant, du côté de la mer Caspienne et de la Sibérie, les expressions des auteurs indiquent plutôt une station d'abord dans les taillis, ensuite dans les terrains cultivés. Hohenacker (PI. Talysch) ne parle pas des terrains cultivés. Bieberstein dit ad sepes, in dumetis, etiam in cultis; Claus (Gæbel, Steppen Reise, IL, p.305) ne cite pasles terrains cultivés, mais il n’a pas vu l'espèce dans le désert. Gmelin dit frequens in omni Sibiria ; Ledebour (FL. Alt, H, p. 82), in agris aliisque locis herbidis frequens. Je suis persuadé, d'après cela, que l'espèce est venue de l'Asie occidentale tempérée en Europe, à une époque peut-êlre ancienne, car on croit l'avoir reconnue dans Pline (Fraas, Syn. FL. ciass.). Polygonum dumetorum, L. — (à) —- En Angleterre et sur le continent ; on l'indique ordinairement dans les haies, taillis, buissons, comme plante vraiment spontanée. Le docteur Bromfield (Phyt., 1850, p. 765) ne pense pas que les anciens auteurs anglais l’aient connu; mais il croit avec raison, ce me semble, qu'on l'avait négligé, ou confondu avec le Polygonum Convolvulus. L'Atriplex nitens, qu'on avait cru naturalisé dans l'île de Wight, est seulement adventif (Bromfield, Phyf., 1850, p. 755). Le Fagopyrum esculentum n’est spontané que par des semis accidentels à la suite de cuitures (Wats., Cyb., I, p. 341). * Rumex alpinus, L. — % — Cette espèce des Pyrénées, des Alpes et des montagnes du nord de l'Allemagne (Koch, Syn.), manque à la péninsule scandi- nave {Fries, Summa veg.). On l’a trouvée, en 1824, dans deux localités d'Écosse, avec l'apparence de plante sauvage (Hook. dans Ængl. Bot., t. 2694), et ensuite dans divers comtés du nord de l'Angleterre. M. Watson (Cyb., I, p. 344) énu- mère sept localités séparées, dans l'un ou l'autre royaume. IT dit qu'autrefois on cultivait l'espèce pour les racines, usilées alors comme officinales. J'ajouterai que, dans les années antérieures à 1824, les agriculteurs écossais ont fait venir de Suisse, en grande quantité, des graines de mélèze. Or, le Rumex alpinus, si commun autour de nos châlets, peut s'être trouvé dans les paquets. * Rumex seutatus, L. — 2% — Dans quatre localités de l'Écosse ou du nord de l'Angleterre (Wats., Cyb., II, p. 3:8): mais ordinairement près des habitations, excepté en un point du Yorkshire. Il croît naturellement dans les Alpes, en Allemagne et jusqu'en Hesse (Koch, Syn.). On le cultivait jadis en 68/4 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Suède, et il en reste encore des traces (Fries, Summa, p. 52). En Hollande, il existe sur quelques murs (Prodr. FI. Bat., 1, p. 228); de même en Normandie (Breb., FI., p. 225). Rumex pulcher, L. — © — MM. Watson, Babington et Bromfeld ne parlent pas d'origine étrangère ; cependant, cette espèce, une des plus caractéri- sées du genre, aujourd'hui assez commune en Angleterre, n'est pas dans Gerarde. Ray (Syn., édit. 1724, p. 442) ne cite aucun synonyme anglais, ni aucune localité hors des faubourgs de Londres. J. Bauhin (Hist., 11, p. 988) n'avait eu connaissance de la plante que par un échantillon de Bologne, lui qui avait visité tant de localités où elle existe maintenant, par exemple, les environs de Genève. Il l'appelait Lapathum pulchrum bononiense. C'est peut-être une espèce originaire du Caucase et de Tartarie, pays où elle abonde. Elle à pénétré à peine en Irlande (Mackay, FI. ; Power, Guide Cork). Daphne Mezereum, L. Les anciens auteurs anglais mentionnent cet arbrisseau eomme croissant en Allemagne et cultivé dans les jardins de leur pays. On le trouva sauvage et abondant, vers le milieu du siècle dernier, dans des bois autour de Andover (Miller, Dict., art. Daphne). Aujourd'hui, on le cite dans neuf comtés différents (Wats., Cyb., If, p. 352). M. Watson, malgré l'assertion de plusieurs botanistes, qui disent l'espèce bien spontanée et qui la croient native, pense qu'elle est d'origine étrangère. Il convient, toutefois, que la distribution géogra- phique sur le continent est contraire à cette idée. Bromfield l'a combattu dans le Phytologist (1830, p. 796). Je ne veux pas nier que les oiseaux n'aient pu trans- porter les graines hors des jardins ; cependant l'introduction, par ce mode, est une pure hypothèse. Le Mezereum est indiqué comme rare, ou assez rare, mais spontané dans les bois en Normandie {Breb., F1., p. 226), même près de la mer, dans le Calvados (Hard., Ren., Lecl., Cat., p. 232). Je ne vois pas pourquoi il n'en aurait pas été de même primitivement en Angleterre, et cette rareté éxpliquerait le silence des anciens botanistes. L'espèce manque à l'Irlande et aux îles de Ja Manche; mais pourquoi la limite naturelle ne serait-elle pas du Calvados au Hampshire ? Asarum europæum, L.Mêmes motifs pour croire à l'indigénat. Aristolochia Clematitis, L. — % — Naturalisée près des vieilles ruines (Bab., 1re et 2° édit.). Déjà, en 1796. Smith {Engl. Bot., t. 398) en cite des exemples, et même Hudson, en 1778. Ray et Dillenius ne l'ont pas comprise dans le Synopsis de 1724. Je crois pourtant la naturalisation plus ancienne, parce que les localités citées sont souvent des ruines de vieux couvents. Il se peut que Ray eût regardé l'espèce comme imparfaitement naturalisée. Gerarde et Parkinson n’en parlent que comme cultivée. Elle croit sur le continent voisin, par exemple, en Normandie (Breb., F1.; Hard., Ren., Lecl., Cat. Calvad.), Le docteur Brom- field (Phytol., 1850, p. 799) donne des détails intéressants sur l'habitation conti- nentale et anglaise de cette plante. De même que M. Watson {Cyb., IE, p. 355), il croit à une origine étrangère en Angleterre, mais il donne des preuves de sa complète naturalisation. Il soupçonne une origine orientale et une diffusion à la suite des croisades, à cause de l’ancien nom anglais Saracen's birthwort. L'espèce manque aux Flores des îles de Ja Manche (Bab., Prim. : Piquet, Phytol., 1853)et à l'Irlande (Mackay, F1. ; Power, F1. Cork), ee qui vient à l'appui d'une progres- sion de l’est à l'ouest. Je ne sais si elle existe en Syrie; mais dans la Russie méridionale et le Caucase, elle se trouve dans les prairies et les bois, avec toute NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 685 l'apparence la plus aborigène (Bieb. ; C.-A. Mevy., etc.), tandis que dans l'Eu- rope, même méridionale, les localités sont plutôt les vignes, haies, ete. L’Aristolo- chia Clematitis Jouissait autrefois d’une grande réputation comme plante officinale (Mérat, Dict. mat. méd., 1, p. 411). Les moines et les empiriques la cultivaient beaucoup en Angleterre et ailleurs. Euphorbia esula, L. — % — M. Watson (Cyb., IH, p. 360 ; IL, p. 505) soupçonne une origine étrangère, à cause des localités rares et suspectes où l'espèce a été trouvée : elle croît cependant en Suède (Fries, Sunvma veg.), en Hollande {Prodr. Fl. Bat., p. 240), en Normandie (Breb., F1. p. 235) et à Jersey (Bab., Prim.); mais elle manque à l'Irlande (Mackay, F1. ; Power, Guide Cork). Je suis disposé à la croire naturalisée dans le nord-ouest de l'Europe, en par- ticulier dans la Grande-Bretagne ; mais les preuves ou indices directs font défaut. * Euphorbia Cyparissias. L.— 2% — M. Watson (Cyb., I, p. 361 ; IH, p. 505), n’a pas de doute sur l’origine étrangère dans la Grande-Bretagne, ni Bromfield (Phyt., 4850, p. 819) en ce qui concerne l’île de Wight. Elle est plus rare que l'Euphorbia esula vers le nord-ouest du continent (Fries, Summa). Elle existe bien en Hollande et en Normandie, mais elle manque aux îles de la Manche Bab., Prim. ; Piquet, Phyt., 1853) et à l'Irlande. Elle s’est avancée de nos jours à l’est de Gottingen (Griseb., Ber. PI. Geo., 1850, p. 1). Gerarde figure cette espèce et l'Euphorbia esula, mais n'indique pas où elles croissaient de son temps. L'Euphorbia Cyparissias venant ordinairement au bord des chemins, n'aurait pas échappé aux auteurs, même à Ray et Dillenius, si elle avait existé de leur temps à l'état spontané. o * Euphorbia Lathyris, L. — ©) — M. Watson (Cyb., IE, p. 364; I, p. 505) a les mêmes doutes que sur l'Euphorbia esula. Les circonstances sont presque semblables ; mais il y a des localités anglaises plus naturelles, une appa- rence plus spontanée, et l'espèce était cultivée autrefois assez communément pour avoir pu se répandre. Elle est positivement d'origine étrangère dans l’île de Jersey (Bab., Prim., p. 88), dansl'île de Wight(Bromf., dans Phytol., 1850, p. 821), et en Hollande, où elle est à peine spontanée (Prodr. FI. Bat., p. 240). On la trouve en Normandie, mais non en Irlande. L'Euphorbia salicifoliu, Host, plante d'Autriche, du midi et du centre de la France, est naturalisée depuis plus de quarante ans, d’après M. Lawson (PhyL., Ill, p. 344), dans un point de l'Écosse, où plusieurs plantes ont persisté plus ou moins à la suite d'anciennes cultures. Elle ne paraït pas se répandre. L'Euphorbia dulcis, L., s'est aussi échappé des jardins, dans le comté de Moray, en Écosse (Wats., Cyb., Il, p. 366). Reste à savoir si elle se sème de nouveau en rase campagne et si elle se maintient par elle-même. Euphorbia platyphyllos, L. Ne paraît pas sortir des terrains cultivés, ja- chères, etc. ; rare dans le nord de l'Angleterre ; assez abondante à l'ile de Wight (Bromf., Phyt., 1850, p.818). Elle a échappé aux anciens auteurs anglais, ou peut-être elle n'était pas arrivée encore dans le pays. Ses stations en France, en Allemagne, en Italie, en Grèce (Fraas) sont plus ou moins artificielles. Il n'en est pas de même en Crimée, où Bieberstein l'indique in sterilibus lapidosis. Voilà probablement le pays d'origine. Euphorbia helioscopia, L. Mêmes conditions, mais plus commune que la précé- dente en Angleterre, où les auteurs anciens l'ont indiquée. Parait se trouver hors des cultures au midi du Caucase ; mais les auteurs sont peu aflirmatifs à cet égard. 686 CHANGEMENTS DANS L'IABITATION DES ESPÈCES. Euphorbia exiqua, L.— G) — Uniquement dans les champs, à l'époque de Ray, comme aujourd'hui. De même sur le continent, au dire de J. Baubin. Je me réserve de scruter l'origine probable de cette espèce et d’autres euphorbiacées à l'occasion du XV* volume du Prodromus. Le Buxus sempervirens, L., est considéré par M. Watson (Cyb., II, p. 366) comme d'origine étrangère, mais naturalisé (denizen). Plusieurs des localités anglaises sont suspectes, et il est douteux que l'espèce se maintienne par ses graines en rase campagne. Le docteur Bromfeld (Phayt., 1850, p. 147) a aussi des doutes. Il remarque cependant que le Buis est bien spontané sur les collines calcaires de la Belgique méridionale, sous une latitude semblable à l'Angleterre ; mais cette asserlion n'est pas confirmée par les Flores belges à moi connues (Lestib., Bot. Beig., 1827, IT, p. 294 : Lej. ei Court., Compend. : Kickx, F1. Brux.; Hannon, F1 Belg.). En Hollande, l'espèce est indiquée comme se répan- dant quelquefois hors des cultures (Prodr. Fl. Bat, p. 239). M. Pauquy (F1. dép. de la Somme) n'indique de localité que près de Paris ; mais la Flore de Nor- mandie doune l'espèce comme venant dans les bois et les haies. Celle du Calva- dos (Hard., Ren , Lecl., p.237) indique les haies, le voisinage des habitations. Le Buis manque aux îles de la Manche {Bab., Prim. ; Piquet, Phytol., 4853), à l'Ir- lande et à la partie nord-ouest de la péninsule ibérique (Colm., Rec. Galic.). Il parait plus spontané en Angleterre qu'en Normandie. Ainsi, on l'a indiqué abon- dant sur les collines calcaires de Dunstable (Sm., Engl. FL, IV, p.133). Il peut s'être naturalisé à la suite d'une culture ancienne dans le pays, j'en conviens ; mais ce serait à une époque déjà reculée, car il paraît avoir été plus commun autrefois, avec une apparence spontanée (Wats., L. e.). Ray (Syn., édit. 1724, p #45)le compte parmi les espèces indigènes, et Gerarde, en 1597 (Herbal, p. 1225), dit : « Sur diverses collines incultes et stériles de l'Angleterre. » — Les noms de Buxus, Buis, Buchs, Box, ou analogues, sont dans les langues gréco-latines, germaniques, slaves {Bus en illyrien, Puss-pan en bohémien), peut- être même celtiques (Beuz en bas breton). On en retrouve les traces ou l'origine en calmouk Boschtom,et en géorgien Bsa (Pall., FI. Ross., Il, p. 28): mais les langues tartare et persane ont un nom tout différent (Pall., #b.). On peut en inférer, ou que les plus anciennes migrations de l'est à l’ouest, en Europe, ont répandu la plante, ou que les peuples en arrivant trouvaient déjà l'espèceet lui conservaient un nom connu et primitif. Dans l'un et l'autre cas, la présence, dans l'étendue de l'habitation actuelle, serait, historiquement parlant, très . ancienne. 2 Yé) A ercurialis annua, L. — () — Le docteur Bromfield (PAytol., 4850, 4 a; . 823), dans un article intéressant sur cette plante, a prouvé qu'elle était d’au- + oins commune en Angieterre qu'on remonte plus haut dans les ouvrages. tes de Ray (1724), Parkinson (1640) et Gerarde (1597) sont curieux sous int de vue, et surtout celui de Turner (Herbal, 1566), qui reproche à ses com- a .€ û L o , . A . . . Te d'avoir employé jusqu'alors une fausse mercuriale, et qui ajoute, en par- lant de la vraie qu'il voyaiten Allemagne : « Elle commence maintenant à être connue à Londres et chez les gentilshommes du voisinage. » En anglais, il n'existe qu'un nom, French Mercury, indiquant une origine étrangère, tandis que les Allemands avaient Bingelkraut et Küwartz, déjà du temps de Bauhin (Hist., IL, p. 978), que les Hollandais ont Schyt kruyd (herbe Schyt), qui a des analogues en polonais, Sscsyr, et en hongrois Ssel-fu, qu'il y a un nom latin tiré de Mer- NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 687 cure, un vieux nom français Cagarelle, etc. Évidemment, cette herbe, aujour- d'hui si commune dansles îles Britanniques, y est d'origine étrangère, et, d'après les noms, je ne la crois pas introduite par les jardiniers flamands, comme le supposait Bromfield, mais ‘plutôt venue de France, au xvi‘ siècle seulement, usitée d'abord”comme légume, et répandue ensuite avec le progrès des cultures. Urtica pilulifera. L. — (1 et (2) — Cette espèce, à laquelle plusieurs réu- nissent l'Urtica Dodartii, présente plus que les autres orties des indices d'ori- gine étrangère dans la Grande-Bretagne. M. Watson (Cyb., I, p. 369) la croit étrangère, et dit qu'elle paraît et disparaît dans diverses localités, maintenant comme autrefois. Bromfield (Phytol., 1850, p. 827) est moins aflirmatif. I trouve l'espèce aussi établie à Yarmouth, par exemple, qu'à Montpellier, où il a eu occasion de l’observer. Le nom anglais Roman nettle (Ortie romaine), était déjà le seul usité en 1597, du temps de Gerarde {Herbal, p. 571), et selon lui, on appelait également cette plante Ortie italienne et Ortie romaine, dans les dialectes du haut et du bas allemand. 1] la dit étrangère en Angleterre, mais cultivée. Par- kinson, en 1640 (Herbal, p. #41), cite une tradition, ou si l’on veut une inven- tion, qui n'est pas sans quelque valeur. « Semée dans nos jardins, dit-il, comme en Allemagne et en France, elle a été trouvée croissant naturellement depuis un temps immémorial, dans deux localités, la ville de Lidde, près Romney, et les rues de la ville de Romney, dans le comté de Kent, où l’on rapporte que Jules César a débarqué avec ses troupes et séjourné quelque temps, ce qui, probablement, a déterminé le nom de Romania, et par corruption, Romeney où Romny, et comme elle croît dans cette localité, on dit que les soldats en avaient apporté des graines avec eux et les avaient semées pour, avec l'herbe, se frotter les membres lors- qu'ils seraient engourdis par le froid, car on leur avait dit d'avance le climat de la Grande-Bretagne si rigoureux, qu'ils ne pourraient pas le supporter sans des frictions pour ramener la chaleur naturelle, et depuis ce temps-là, elle aurait con- tinué à vivre dans cet endroit, en se semant chaque année de ses graines {a). » Humulus Lupulus, L. Les doutes émis par Smith, et plus récemment par M. Watson (Cyb., Il, p. 372), sont combattus victorieusement par Bromfield (Phytol., 1850, p. 827). — Voir plus loin, chap. 1x, l'article concernant le houblon. Castanea vesca, Gærtn. Déjà du temps de Turner, en 1568, il existait de vieux châtaigniers en Angleterre, dans le comté de Kent. « {n the fieldes and manye gardins, » expressions du Herbal, citées par Bromfield (Phytologist, 1850, p. 853), qu'on doit comprendre, ce me semble, comme signifiant « la campagne et plusieurs jardins. » Gerarde, 1597, parle de bois de châtaignier (Herb., p. 1254). Il existe près de Tortworth, dans le comté de Gloucester, un Châtai- gnier, qui était déjà cité pour sa grosseur en 1435, et qui avait, en 4766, une (a) L'origine des orties communes présente un certain intérêt. On les regarde comme les fidèles compagnes de l'espèce liumaine ; or, je vois avec surprise que la langue sanscrite n’a pas de nom correspondant à celui d’ortie (Roxb. F1.; Piddington, Index), quoique l'on ‘connaisse des noms dans les langues modernes de l'Inde, le bengali, l'hindoustani, ete. J'en conclus que les anciens peuples indo-germains, partis de la région caucasique n'avaient probablement pas d'orties chez eux, bien que maintenant elles abondent dans le Caucase et aux environs (Bieb., FL, etc.).Les orties communes seraient donc originaires d'Europe. Elles ont recu, en effet, des noms divers, grecs, latins, slaves, germains, celtes, qui ex- priment le plus souvent la propriété des feuilles, comme Urtica de wro, Nessel (allem.) et Netlle (angl.), venant peut-être de Nadel, aiguille, ete. = _ 658 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. circonférence de 50 pieds, à 5 pieds du sol, et en 1830, de 52 pieds anglais à la même élévation {Strutt, Sylva Brit., p. 82, avec planche). On dit que beaucoup de vieilles maisons à Londres, et la halle &e Westminster, ont des charpentes de bois de châtaignier Néanmoins, ces vieux arbres ont pu avoir été plantés, et les bois de construction avoir été importés du continent. Dans le xvu° siècle déja, on discutait pour savoir si le Châtaignier est originaire dans la Grande-Bre- tagne, ou introduit, Evelyn (Sylva, 2* édit., 1, p. 161) le crovait originaire. De nos jours, MM. Babington (Man.), Watson (Cyb., II, p. 376) et Bromfield (1850, p. 853) s'accordent à douter de ce fait. [ls s'appuient sur ce qu'on plante sou- vent le châtaignier ; sur sa difficulté à müûrir des graines; sur ce que, livré a lui-même, il ne forme pas des forêts, qui s'emparent du terrain, comme le chêne ou le pin, tandis que, sur le continent, il vit comme ces arbres, en grandes agglo— mérations : enfin, on allègue son absence (d'après Bromfeld) au delà du 44° ou 45° degré dans le centre de l'Europe. Cette dernière assertion n’est pas exacte, car il y a des forêts de châtaigniers, bien indigènes, en Alsace (Kirschl., F1. Als., IT, p. 84), et dans les montagnes du Hardt, Prusse rhénane (Düll, Rhein. F1). M. Lestiboudois (Bot. Belg., H, p. 458) l'indique en Belgique « dans les bois, à Ghéluvelt, etc. » On cite un taillis à Leere, près de Gand (Neil, Hortic. tour, p. 58). Le Châtaignier est com- mun près de Paris (Coss. et Germ., F1.); mais, en Normandie, M. de Brebisson le dit cultivé (F1. Norm., p. 238). Cependant, MM. Hardouin, Renou et Leclere (Catal. Calv., p. 239) disent pour le Calvados : « dans les bois montueux, assez commun. » Selon M. Babington (Prim. Sarn., p. 91), il est « naturalisé, » ce qui signifie probablement planté, dans les îles de la Manche ; de même en Irlande. D'après cette distribution géographique, je ne puis dire si l'espèce avait: pour limite au nord-ouest le canal de la Manche, ou s'il n'existait point quelques loca- lités primitives dans le midi de l'Angleterre. La circonstance de ne pas mürir régulièrement les graines serait un argument avec lequel on exelurait de chaque pays un grand nombre d'espèces ligneuses ou vivaces, parfaitement indigènes. L'indice le plus fort est qu'on ne voit pas, d'une manière positive, le Châtai- gnier se répandre par ses propres semis dans les parcs et les forêts de l'Angleterre, quoique ses graines mürissent de temps en temps. Les noms de l'espèce ne prouvent rien en ce qui concerne l'Angleterre, mais ils offrent un intérêt philologique. Le nom gréco-latin Castanea règne dans toutes les langues et a servi de base aux noms vulgaires français, espagnols, portugais, ete. Je n'ai découvert aucun nom différent, qui parût d'origine celte. Davies {Welsh Bot., p. 90) donne pour noms gallois, Castan-wydden (arbre Castan) et Sataen, qui est une moditication analogue au mot Chdtaigne des Français. Les Bretons disent Aistinen pour cha- laignier, Mistin pour chataigne (Legonidec, Dict.). Le nom de Marron est plutôt local et propre à une variété des environs de Lyon (voir Olivier de Serres, Th. agr., édit. Genève, p. 614) Les anciens Gaulois semblent donc avoir employé le même nom que les Latins et les Grecs, ou, en d'autres termes, le mot Castanea remon- terait aux langues les plus anciennes du midi de l'Europe, comme on peut l'at- tendre d'un arbre dont le fruit servait sans doute de nourriture aux peuples des Apennins, des Cévennes, du Limousin, etc., avant l'iniluence gréco-latine, et dont l'habitatiôn naturelle s'étend de la mer Atlantique au Caucase, principale- ment par #0 à 45 degrés de latitude. Assurément, ce n'est pas la ville de Kas- NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 689 ana, en Thessalie, qui a déterminé le nom grec, et par suite, le nom latin, comme le prétendent les commentateurs et les érudits depuis des siècles, car les Gaulois, les Cantabres et les Latins avaient trop de châtaigniers autour d'eux pour s'informer du nom que les Grecs donnaient à cet arbre; ce serait plutôt la ville de Kastana, dont le nom viendrait de l'arbre qui dominait autour d'elle. Selon Pline (4ib. XV, cup. xx), les Grecs auraient reçu le châtaignier de Sardes, ce qui doit s'entendre de la ville de Lydie et non de l'ile de Sardaigne, maisje ne doute pas que l'espèce ne fût indigène en Grèce (voy. Fraas, Syn ). Fagus sylvatica, L. J'ai mentionné (p. 154) les doutes qui s'élaient élevés sur l'indigénat du Hêtre en Angleterre. A mon avis, ils ne reposent sur rien, que sur une phrase de Jules César, qui n'est pas très probante. Il dit dans ses commentaires (1. V,c. x), en parlant des bois qu'il avait trouvés en Angleterre : « Materia cujusque generis, ut in Gallia, est præter fagum et abietem, etc. » Cela peut signifier que le Hêtre n'était pas assez commun pour donner des bois de construction, ou quil ne s'était pas rencontré sur le chemin des armées romaines. Quelques mots sur les noms du Hêtre. Je vois dans les dictionnaires des opi- nions si peu fondées à cet égard qu'il est bon de les rectifier. Toutes les langues du midi de l'Europe ont, pour cet arbre, des noms dérivés du Fagus des Latins ; ainsi, Faggio en italien, Faya en portugais, Fau en vieux français et en romantsch des Grisons, Fayau, Fayard, Fou, Fouteau, dans divers patois français, Faine, pour l'huile tirée du fruit, Fatg en catalan: de plus, par le changement si fréquent de f en h, Haya en espagnol, Hatsch dans le patois de Saint-Girons, département de l'Ariége (DC., Dict. mss.), Hestre, et inaintenant Hétre en français. Bescherelle aîné (Dice., 1849), qui se pique de donner toutes les étymologies, fait venir le mot hêtre de hester en allemand ; mais le Hêtre s'appelle tout autrement dans les idiomes germaniques, et le mot hester n'existe pas dans mes dictionnaires allemands. Quant au Fagus des Latins, les bolanistes modernes, par exemple de Theïs {Dict. étym.), Bœhmer (Leæic. rei herb.), copiant des érudits plus anciens, font venir Fagus de Pry95, et ajoutent que ce mot vient-de ww, comedo, parce que les habitants primitifs se nourris- saient de fruits de Hêtre ! : mais on savait déjà du temps de Bauhin (Hisks As part. u, p.117), que les Grecs appelaient le Fagus sylvatiea OËva et non Pny0c. M. Fraas (Syn. F1. class,, p. 249) le confirme, en notant que le Hêtre est exces- sivement rare dans la Grèce et manque en particulier dans les plaines où les anciens indiquaient le &7y25. À mon avis, le mot Fagus doit prendre sa source dans les langues celtiques, antérieures au latin. La généralité, dans les paiois du nord de l'Italie et de toute la France des noms basés sur Æau ou Fa, en est l'indice. En Bretagne, on dit Fa6, F6, Fôen, et anciennement Far (Legon., Dice.); et dans le pays de Galles Ffa-wydden (Davies, Welsh Bot, p. 90), wydden étant une désinence commune aux arbres et Ffa le nom proprement dit. Les langues germaniques ont toutes les noms du Hêtre fondés sur les con- sonnes bc; par exemple, Buche (allem.), Bok et Bok (suédois), Buece et Bece (anglo-saxon), Beeche (anglais). Les langues slaves de même : Zuk (russe, polo- nais, bohème, illyrien). Les Tartares disent Biuk (Pall., FI. Ross., IT, p: 7). Les / Turcs et les Calmoucks ont un nom tout différent : Tchinar et Tschina (Pall., ib.), et le nom circassien Bshie forme un peu la transition entre les noms slavo-ger- mains et turcs. Les Finlandais disent Tammi (Moritzi, Dict. ined.), les Estho- miens Suksamasaar el _ Saksa-sarra-pu. les Lettons Wihksue, W'ohdsennes 699 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. (Mor., ib.), noms que je ne puis expliquer, et qui semblent en partie des mots significatifs, composés, comme on peut l'attendre de langages placés sur la limite de l'espèce ou même en dehors. Les Populus et Salix ont une synonymie trop embrouillée pour que j'ose dis- cuter les doutes sur l'indigénal de deux ou trois espèces émis par le docteur Bromfield {Phytol , 1850). L'Ulmus major, Sm., introduit de Hollande en Angleterre, sous Guillaume, d'après Miller, fut abandonné comme ayant un bois de mauvaise qualité. Il se trouve cependant encore dans les haies (Engl. Bot., t. 2542: Bab., Man.). Je doute qu'il se propage de lui-même; d’ailleurs, les espèces d'Ulmus sont peu définies, et celui-ci pourrait bien tomber dans l'Uimus campestris. La distinction des espèces est trop délicate pour qu'on puisse scruter convenablement les ori- gines. M. Watson indique deux espèces, toutes deux, selon lui, indigènes. Brom- field (Phytol., 1850, p. 833) admet comme indigène l'Ulmus campestris, L. (non Sm.), et comme introduits, l'Orme à petites feuilles et l Ulmus suberosa. Le vrai Ulmus campestris, L.. a un nom anglais et gallois assez particulier, Wych ; ce qui dénote un arbre vraiment indigène. * Pinus maritima, DC.?— Un Pin, que Bromfeld (Phylol, 1850, p. 888) rapporte, avec doute, au Pin maritime, DC, ou Pin pinaster, Aït., a été intro- duit près de Bournmouth et entre Poole et Christchurch, dans des terrains maré- cageux, où il se répand par ses propres graines, et imprime au pays un Carac- tère analogue à celui des pine-barrens des États-Unis. x Eris tuberosa, L. — 2 — Plante de Grèce et d'Italie quon cultivait sou- vent autrefois comme officinale. Elle est près de Fréjus (Perreymond, PI. Fréj.), de Toulon (Rob., PI. Toul.), d'Agen (Saint-Amans, F1., p. 146; Lagrèze-Fossat, FL Tarn-et-Gar., p. 379), toujours dans une seule localité. Desvaux l'a trouvée dans le haut Poitou (DC.: F1. Fr., V, p. 329). mais la Flore récente de la Vienne, par Delastre, n'en parle pas. Je ne la voisindiquée ni dans la péninsule espagnole (Boiss., Brot., Colm.), ni à Bordeaux (Laterr., F1.). Elle est dans le Cornouailles, aux environs de Penzance, dans les vergers et les haies (Engl. Bot., t. 2818), ordinairement ou constamment autour des anciens jardins ou vergers (Was, Cyb., 11, p. 440). On l'a trouvée aussi en Irlande, près de Cork: mais le docteur Power, dans son ouvrage récent (the Botanists guide for Cork, 1845, p. 65), dit : « pas même naturalisé dans ce point. » L'habitation près de Penzance paraît durable et bien constatée. Je la regarde comme provenant des jardins, parce que l'espèce manque à tout l'ouest du continent. * Iris xiphioides, Ehr. — % — Plante d'Espagne et du midi de la France (Dietr , Syst.), souvent cultivée dans les jardins. Elle s'est naturalisée en un point du pays de Galles, depuis quarante ans (Dillw., d'après Wats,, Cyb., I, p. #40), et dans une localité en Écosse (G. Don. le jardinier, 5b.). * Crocus vernus, Willd. — 2% — Près de Nottingham, au moins depuis le premier quart du siècle dernier (Engl. Bot.,t. 334: Bab, Wan.) près de Mend- ham en Suftolk (Bab. Man.), et çà et là dans plusieurs autres comtés (Wats., Cyb.. I, p. 442). Ce Crocus des montagnes du centre de l'Europe ne descend jamais, selon M. Gay, dans les plaines de la France et d'Allemagne (Bab. , Man.). Il a été cultivé jadis en Angleterre et s’y est naturalisé partiellement. On le dit naturalisé en Irlande(Mackay, F1., p. 274), NATURALISATION A PETITE DISTANCE, 691 Le Crocus sativus, souvent cultivé, n'est pas devenu spontané, ou du moins n'a pas duré comme tel (Wats., Cyb., IE, p. #43). Les Crocus biflorus et aureus ne se trouvent que dans un seul pare, d'où ils ne sortent pas et où peut-être ils ne dureront pas. * Narcissus poetieus, L. — 2% — Gravesend et Norfolk, en 14795 (Engl. Bot., t. 275). Bruyères sablonneuses de Kent et Suffolk (Bab., Man., 2° édit., p. 319), et en grande quantité dans une localité du Warwickshire, près de Fil- longley (Bree, Phytol., 1850,p. 945), où il est possible qu'on l'ait planté à une époque déjà ancienne. Il n'est pas probable que Ray et Dillenius eussent ignoré l'existence, dans le midi de l'Angleterre, d'une espèce aussi apparente. M. W at- son (Cyb., IT, p. #44) ne la regarde pas comme devenue assez spontanée pour être qualifiée de naturalisée (denizen). Elle croît en Italie, dans le midi et le centre de la France. Vers le nord-ouest de ce pays et en Belgique, les localités indiquées font souvent présumer une naturalisation partielle, et l'espèce devient rare. Elle est dans le Calvados (Hard., Ren., Lecl., Cat.), mais non dans le département de la Somme (Pauquy, F1.). Elle se naturalise çà et là en Alle- wagne, dans les pares (Koch, Syn.). Nareissus biflorus, EL. — % — S'il nest pas indigène, il est naturalisé depuis longtemps, car Gerarde (Herb., 112 et 110) le dit spontané dans les champs et au bord des bois. Ray (Syn., édit. 172%, p. 371) n'ose pas affirmer sa spontanéité, ou plutôt sa qualité d'espèce indigène, et le débat continue de nos jours sans que les auteurs les plus attentifs à ces sortes de questions aient jeté, ce me semble, HÉQUPAUE de lumière {Wats., Cyb., IL. p. 444; Bromfield, Phy- tol., 1850, p. 954). L'isolement des bolte la rareté des semences, ne sont pas. des objec tions, car il y a beaucoup d'espèces aborigènes dans ce cas. La dispersion, dans plusieurs comtés de l'Angleterre, est plutôt contraire à l'idée d'une introduction. L'espèce existe même en Irlande, où les cultures ont eu moins d'effet, et pres de ban la dit abondante dans les champs (de Luc, dans Sm., Engl. Fl:, IT, p. 132 ; Mackay, Fl., p. 284). Elle est rare en Nor- mandie, mais elle se trouve dans tre JS frais et vergers (Breb., F4, p. 265 ; Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv., p. 262). Elle manque aux îles de la Manche {Bab., Prim. : Piquet, dans Phytol., 1853, p. 109%), au département de la Loire-Inférieure (Lloyd, F1.), aux départements voisins, car M. Boreau (F1. centr.) l'indique seulement dans celui de Saône-et-Loire, à la Gironde (Laterr., FL. Bord., 4° édit.). L'indication d'Aubry dans les îles d'Hœdic et Houat est plus que douteuse, car l'abbé Delalande ne l'y a pas retrouvée (Hæd. et H., br. in-8”, 1850). Sa patrie véritable est l'Italie. Dans le sud-est de la France déjà elle est rare, et vers l'ouest on remarque un grand intervalle dans l'habitation, ce qui me fait croire que plus loin, sur les bords de la Manche, l'espèce a été répandue par les cultures. Narcissus incomparabilis, L. — % — Cette espèce présente à peu près la même distribution géographique que le Narcissus biflorus: mais elle est plus rare en Normandie et en Angleterre, et eile manque à l'Irlande. On l'a trouvée dans un pare des environs de Swansea, pays de Galles (Dillwvn, dans Wats., Cyb., If, p. 446), dans une localité où elle existe probablement depuis deux siècles, et dans le comté de Worcester (Wats., II, p. 513). On ne doute pas de son origine étrangère, mais plutôt de son introduction réelle parmi les plantes spontanées. 692 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Lilium Martagon, L. — 2% — }l est « naturalisé dans plusieurs taillis, » selon M. Babington, 1” édition, et porte le signe de plante naturalisée dans l'édi- tion de 4847. Rav et Dillenius ne l'indiquaient pas dans le Synopsis des plantes spontanées. {1 est pourtant commun près du village de Samplord, dans le comté d'Essex, dont Ray a donné une Flore spéciale dans Camden Britannia, en 4695 (Doubleday, Phytol., HE, p. 299). C'est une forte présomption de nouveauté pour une plante aussi apparente. Néanmoins, elle existe depuis environ trois siècles dans les taillis, selon les auteurs de l'English Botany, t. 2799 (qui ne citent pas leurs preuves); et près d'Epsom, les plus vieux habitants se rappellent l'avoir vue dans leur jeunesse (id.). Le genre Lilium n’est pas mentionné dans Davies (Welsh Botanol., 1813), et je ne puis savoir si les anciens Gallois connaissaient ce lys pour indigène et lui donnaient un nom celtique. On le croit naturalisé dans la péninsule scandinave (Fries, Summa, p. 63). Il manque à l'Irlande, au nord-ouest de la France, à la Hollande (Prodr. FI. Bal.) et à la Belgique, même aux montagnes de Spa (Lej., F1.), ce qui me confirme dans l'opinion de la natura- lisation en Angleterre. S'il avait été primitivement répandu dans l'ouest de l'Eu- rope, ilen serait resté plus de traces. Néanmoins, M. Newman (Phytol., HT, p. 300) dit que les forêts où on le trouve sont antiques, n'ont jamais été plan- tées, et comme la racine est profonde, cela fait penser à une naturalisation bien établie et bien ancienne. M. Watson (Cyb.. IE, p. #49) doute si peu de l'origine étrangère, quil désigne l'espèce comme alien et non sous l'épithète denizen. L'Ornithogalium umbellatum, L., marqué par MM. Babinglon et Watson (Cyb., IL, p. 458) comme étranger d'origine, est déjà dans Gerarde (1597, Herb., p. 133), qui le regardait comme spontané en Angleterre. Ray (Syn., édit. 47284, p. 372), soupconnait une origine étrangère d’après ses localités. L'espèce existe maintenant dans la plupart des comtés de la Grande-Bretagne. Elle croît sur le continent voisin, des Pyrénées à la Hollande et la Suède. Je n'ose donc pas la dire paturalisée. Voici cependant quelques indices : Elle croît dans l'île d'Anglesey, spontanément; mais le nom gallois Seren Fethleem, indiqué par Davies {Welsh Botany,p. ?3), ne paraît être qu'une traduction du nom anglais Star of Bethleem, Étoile de Bethléem, qui n'a rien assurément de celte, ni même d'anglo-saxon. L'espèce manque à l'Irlande {Mackay, FL. ; Power, Guide Cork) et aux îles de la Manche (Bab., Prim. : Piquet, Phytol., 1853), quoique très répandue en France et en Angleterre. Comme elle se multiplie rapidement partout où elle est plantée (Watson, !. c.), on peut soupconner qu elle a été importée depuis un lemps déjà ancien sur les points principaux de son habitation occidentale, mais non dans les îles moins cultivées et moins étendues. * Ornithogalum nutans, L. — 2% — Dans les champs et les vergers (Bab... Man.). Il manque dans Rav et même dans Hudson (Ff. Angl., en 1778). Les auteurs de L'English Botany, t. 1997, l'ont figuré en 1808, comme une plante commune près de Burv. Il croit près de Caen dans une seule localité ‘Hard., Ren., Lecl., F1. Cale.,p. 267), et près d'Abbeville {Pauquy, F/. Somme, p 402), mais non près de Paris (Coss. et Germ., F1. Par.); en Allemagne çà et là (Koch, Syn.) seulement. En 1787, on l'a trouvé sur les remparts de Copenhague (F1. Dan., t. 912), On l'indique en Hollande (Prodr. Ft. Bat., p. 273). H'est plus répandu dans le centre de Ia France, en Suisse et en Italie, sans être nulle part bien commun : il manque à la plus grande partie de la Normandie, aux iles de la Manche {Bab., Prim.; Piquet, Phytol., 4853) et à l'rlande, ce qui confirme l'hypothèse d'une NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 693 introduction en Angleterre. Les localités du nord-ouest de l'Europe semblent toutes le résultat de naturalisations partielles, provenant de la culture dans les jardins. Fritillaria Meleagris, L. Je penche pour l'opinion du docteur Bromfield (Phy- tol., 1850, p 964 et 968), qui ne voit pas de motifs suffisants pour nier la qua- lité indigène de cette plante. C'est une chose singulière, il est vrai, que les anciens auteurs ne l'aient pas connue comme spontanée dans le midi de l’Angle- terre, où elle est bien constatée depuis un siècle (Blakst. dans Huds., F1.,p. 144) mais elle existe en Suède, en Hollande {Prodr. FI. Bat., p. 272) et dans le dépar- tement de la Somme (Pauquy, F1, p. 404). Elle manque à la Normandie (Breb., F1. ; Hard. , Ren., Lecl., Cat. Calv.), aux environs de Paris (Coss. et Germ., Fl.), aux îles de la Manche (Bab., Prim. ; Piquet dans PAytol., 1853) et à l'Irlande. Je ne pis rien dire pour la Bretagne, mais on retrouve l'espèce dans la Loire-Infé- rieure ( jee F1.), la Gironde (Laterr., FL Bord.)et les départements du centre M | , LL, p. 448). D'après cette limite sinueuse, il paraît que le climat des rh : la Manche lui est défavorable, ce qui s'opposerait aussi bien à la naturalisation qu'à l'indigénat. L'Angleterre serait l'extrême limite à l'ouest, et la plante y serait naturellement plus rare qu'ailleurs, comme toute espèce sur sa limite. Le docteur Bromfield (Phytol., 1850, p. 889) a énis des doutes sur l'indi- génat du Tamnus? communis, très répandu en Angleterre. Ce sont des indices assez légers, comme l'absence de l'espèce en Irlande et le défaut de nom vulgaire ori- ginal. Les faits de distribution géographique dont il parle devraient être examinés plus à fond, car ce botaniste ingénieux, excellent observateur, dont la perte est regrettable pour la science, a été quelquefois incomplet ou inexact dans les cir- constances lenant à l'habitation des espèces sur le continent. Luzula mivea, DC. — 2% — Planté par un jardinier à Bromhall Woods, en Écosse (Balfour, dans Bab., Wan., 2° édit. p. 334); mais on ne dit pas qu'elle se répande dans le pavs. C'est une espèce de Suisse, du Tyrol: non pas des pays occidentaux. L'Echinochlou Crus-galli, Beauv. (Panicum Crus-galli) était déjà du temps de Ray, aux environs de Londres, et du temps de Parkinson (Theatr., p. 1154), dans les décombres, etc. Je suis porté à le considérer comme M. Watson (Cyb., TE, p.148), M. Babington (Wan.) et le docteur Bromfield (Phyt., 1850, p. 4076), comme étranger; mais l'ancienneté rend les preuves impossibles. Il existe as ez communément sur le continent, en Hollande, à Paris, ete. : cependant il cevient rare près de la Manche (Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv.) et manque aux îles de Guernesev et Jersey (Bab., Prim. ; Piquet, Phytol., 1853), ainsi qu’à l'Irlande. Allium MAmpeloprasum, L.— 2% — On a découvert à la fin du xvu‘siècle, dans la petite île de Holmes, à l'embouchure de la Savern, un ail, que Ray Hist., p. 1125 ; Syn., édit. 1724) désigna sous le nom de Allium holmense sphæ- rico capite, et que les modernes ont rapporté à l’Allium Ampeloprasum, L. M. Gay, dans sa monographie consciencieuse de huit espèces d'Allium (Ann. sc. nat., oct. 1847), confirme cette synonymie. M. Webb (Phytol., 1850, p. 937) trouva que les caractères indiqués pour la plante s'accordent mieux avec l'Allium Porrum, L., quil admettait comme espèce, quoique M. Gay en fasse une variété de l’Ampeloprasum. Je donnerai plus loin (chap. 1x) un argument géographique en faveur de l'opinion de M. Gay. Ici, je me borne à constater que la plante de l'île 694 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, de Holmes réunit plusieurs indices d'une origine étrangère, tout en vivant par elle-même, depuis deux siècles au moins, dans celte localité. L'ile de Holmes est déjà pour nous un endroit suspect, par la présence du Pæonia corallina (voy. p.646), faisant présumer d'anciennes cultures. Les caractères de la plante parais- sent se rapprocher du Porrum, espèce ou variété cultivée. L'Allium Ampeloprasum, commun dans la région de la Méditerranée, jusqu'en Portugal, exisle aux Açores (Wats., Cyb. Brit, IE, p. 451), dans la Gironde (Laterr., F1. Bord.), et dans le département du Cher (Allium multiflorum, Boreau, synon., d'après Gay, L c.): mais il manque au nord-ouestde la France (Lloyd, F1. Loire-Inf. ; Lalande, Hædie et Houat; Webb, Phytol., 1850, p. 837; Coss. et Germ., F1. Paris ; Pauquy, F1. Somme ; Breb., FI. Norm.), jusqu'aux environs de Caen, où il est à peine spon- tañé (Hard., Ren., Lecl., Cat. Calv., p. 268, disent : spont. ?, et l'ile de Guer- nesey, où M. Babington (Prim. Sarn., p. 95) le dit indigène, ayant crû de temps immémorial sur l'emplacement autrefois inhabité où l'on a construit la caserne d'artillerie, Dans cette dernière localité, la plante est identique avec celle de Holmes, selon M. Babington, qui a hésité entre l’Allium Ampeloprasum et l'Allium Porrum des auteurs. Les localités de Holmes et de Guernesey ne seraient pas d'un isolement extraordinaire, si l'Allium Babingtonii, Borrer, trouvé dans le Cornouailles (près d'anciens vergers), en [rlande (avec une apparence plus abori- gène) dans le comté de Galway et dans le midi des îles d'Arran, d'après l'En- glish Botany, t. 2906, dans le Cumberland et le Forfarshire, d'après Hutchinson et G. Don (Wats., Cyb., IE, p. 451), est aussi l'Allium Ampeloprasum, comme le pensent MM. Andrews et Watson (Cyb., 1. c.). En aamettant même cette réu- nion, il existerait en France un grand intervalle dans l'habitation de l'espèce. Si, par sa nature, elle demande des climats occidentaux, et si, d'origine, elle existe aux Açores, en Irlande, dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne, et à Guernesey, comme en Portugal et à Bordeaux, pourquoi manquerait-elle aux régions humides et tempérées de la Bretagne et d'une grande partie de l'Irlande ? D'après cet ensemble de faits, je conserve peu de doute que la plante occiden- tale de Holmes et de Guernesey ne soit l'Allium Ampeloprasum ou l'Allium Por- rum, redevenus sauvages à la suite d'anciennes cultures. L'Allium Babingtoni aurait la même origine, à moins qu'un examen botanique plus attentif ne le main- tienne comme espèce, qui, alors, serait indigène en Angleterre, chose bien impro- bable : enfin, tout cela appuie l'opinion de M. Gay, que l'Allium Porrum est une forme cultivée de l'Allium Ampeloprasum. * Aillium ambiguum, Sim. (Allium roseum auet.}. — [rouve depuis 1837 en assez grande quantité près de Rochester (Engl. Bot., t. 2803), et ensuite dans le Suffolk, à Eye Castle hill (Bab., Man., 2° édit., p. 455}. MM. Babingion et Watson (Cyb., Il, p. 455) ne lui accordent pas même un numéro d'ordre parmi les espèces croissant spontanément ; néanmoins, il ne paraît pas que ces pieds nombreux aient été plantés ou entretenus de main d'homme. Probablement, ils viennent de semences envoyées avec des graines étran- sères, ou se sont échappés de quelque jardin. L'espèce existe dans la région de la Méditerranée et dans le sud-ouest de la France {Laterr., F{. Bord., 4° édit., p. 383), mais non dans le centre et le nord-ouest. Galanthus nivalis, L. Les anciens auteurs, Gerarde et Ray, n ont pas regardé cette plante comme spontanée en Angleterre, On l'a trouvée souvent depuis, NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 699 D'après M. Watson (Cyb., IE, p. #47), les localités sont suspectes ; mais, selon d'auires botanisies (Sm., Engl. Fl.), ily a des localités vraiment sauvages, M. Watson croit l'espèce introduite par les cultures. Le docteur Bromfield (Phy- tol., 1850, p. 959), avait une opinion opposée. Dans ce cas, je suis de son avis, à cause de l'habitation sur le continent, qui n est point interrompue dans la direc- tion des îles Britanniques (Coss. et Germ., Æl. Paris ; Breb., FI. Norm.; Prodr. FI. Bat.; Lloyd, FI. Loire-Inf.,ete.). Elle manque aux iles de la Manche, mais on la cite en Irlande (Mackay, F1.), avec doute sur l'origine. Leucoium æstivum, L. Mêmes doutes chez les botanistes anglais que pour le Galanthus nivalis (Wats., Cyb., 11, p. 448). La distribution géographique sur le continent est plus favorable à l'opinion de M. Watson, d'une origine étrangère, car l'espèce manque aux Flores de la Loire-Inférieure (Lloyd), de la Normandie (Breb.; Hard., Ken. et Lecl.), de la Somme (Pauquy), de Paris(Coss. et Germ.), de Oldenbourg (Hagena), desiles de la Manche (Bab; Piquet, Phyt., 1853), de l'Irlande (Mackay, Power). Je ne la vois s'avancer vers la Grande-Bre- tagne que par la Hollande (Prodr. F1. Bat., p. 270), Lubeck (Hæeck., F1, p. 123) et le Danemark (Fries, Summa). La rareté de ces points me fait soupçonner une introduction comme en Angleterre. Après tout, ce sont des indices: il y aurait autant à parier dans un sens que dans l'autre, el je n'ose me décider en faveur de l'origine étrangère. Lilium pyrenaicum, Gouan. — % — Découvert par M. G. Maw, dans une étendue d'environ 50 yards, sur la droite du chemin de South-Molton à Molland, Devonshire septentrional, à environ 1 mille 4/2 de Molland (Bot. Gaz., IN, p. 305; Phytol., 1850, p. 988). M. Walson (Cyb., LE. p. 370) ne donne pasde détails sur l'introduction. Cette espèce, des Pyrénées et des Alpes méridionales, a été cultivée depuis longtemps en Angleterre, et ne s'était pas répandue hors des jardins. N’aurait-elle pas été plantée dans la localité signalée ? * (2) Tulipa sylvestris, L. —2—-Inconnue comme plante spontanée aux an- ciens botanistes anglais; signalée depuis la fin du xviu‘siècle dans plusieurs parties de l'Angleterre et de l'Écosse (Wats., Cyb., IL, p. 449 ; Bromfeld, PAyt., 1850, p. 963), mais souvent dans des localités suspectes et en petite quantité. Les auteurs penchent pour l'idée d’une origine étrangère et d'une diffusion hors des Jardins. La présence en Normandie, en Hollande et en Suède, n'est pas opposée à cette opinion dans le cas actuel, parce que l'espèce y est rare, souvent près des habitations, et qu'en Suède, du temps de Linné, on ne doutait pas de l'origine étrangère (Linné, F1. Suec., n. 262). Elle manque aux îles de la Manche et à l'Irlande. Clusius et les Bauhin nela cilent pas comme croissant dans le nord de la France et en Suisse ; mais elle est aujourd'hui près de Bèle ‘Hag., #4... Muscari racemosum, Mill. M. Watson (Cyb., Il, p. #61) le croit d'origine étrangère, sans doute parce qu'il n'est pas dans le Synopsis de Ray, et que ses localités sont rares et souvent suspectes. D'un autre côté, le docteur Bromñeld ‘Phyt., I, p. 967) a vu des localités où l'espèce paraît spontanée et ancienne. Il remarque aussi sa présence en Belgique et en France. Elle est citée effective- ment en Normandie {Breb., F1., p. 268) et dans le département de la Loire- Inférieure (Lloyd, FL, p. 266), et elle devient plus fréquente vers l'intérieur du continent. L'absence dans les îles de la Manche (Bab., Prim. ; Piquet, Phytol., 1853), et en Irlande, ne sont pas dans ces conditions un argument bien fort contre l'indigénat. L'espèce semble être rare en Normandie (Hard., Ren., Lecl., 696 CHANGEMENTS DANS L'HAPBITATION DES ESPÈCES. Cat. Calv.) et en Angleterre, parce qu'elle serait là sur les confins naturels de son habitation. Maianthemum bifolium, DC. On a émis des doutes, soit sur la présence, soit sur l'origine de cette espèce dans la Grande-Bretagne (Bab., Man., 2° édit., p. 321 : Wats., Cyb., Il, p. 465 : IE, p. 514). Cependant, d'après les citations mêmes de ces auteurs, Gerarde l'indiquait comme spontanée dans deux loca- lités, et de nos jours on l’a retrouvée ça et là, après avoir effacé l'espèce des Flores anglaises. Elle abonde dans la péninsule scandinave et en Allemagne jusque dans la partie occidentale (Hagena, FI. Oldenb.) ; elle existe dans le nord de la France (Coss. et Germ., F1. Paris; Breb., #1. Norm.); par conséquent, aucune raison géographique ne peut faire soupçonner une exclusion de la Grande-Bre- tagne. Loin d'être naturalisée, elle semble avoir existé jadis plus fréquemment et avoir diminué avec les forêts. | * Amacharis &isimastrum, Bab. — Voir plus loin (art. 5) à l'occasion des plantes américaines naturalisées en Europe. Spartina alterniflora, Lois. La découverte de cette plante des États-Unis à l'embouchure de l'Adour, en Gascogne, et ensuite dans la petite rivière de l'Itchen, près de Southampton, est une chose des plus extraordinaires. Bromfeld {Phyt., 1850, p. 1095) la croyait importée par quelque vaisseau. M. Watson la regarde avec doute comme étrangère (Cyb., I, p. 145). J'y reviendrai à la fin de l’art. 7 du chap. X, car cette plante pourrait appartenir à la catégorie des espèces disjointes, à laquelle je consacre un chapitre spécial. Digitaria humifusa, Pers. — à) — M. Watson (Cyb., ILE, p. 147) doute de la qualité aborigène de cette plante, assez rare en Angleterre, et souvent confondue avec le Digitaria sanguinalis. Elle existe en Suède (Fries, Summa, p. 80), er en Hollande (Prodr. FI. Bat.,p. 299), si le Panicum glabrum, Gaud., est synonyme comme le dit Kunth (Æn., 1, p. 83). Dans l'incertitude de la synonymie dans les Flores, je n'ose affirmer une origine étrangère. Digitaria sanguinalis, L. — @ — Étranger, d'après M. Watson (Cyb., HE, p.148): quelquefois adventif, imporié occasionnellement avec le lest des vais- seaux. Ray, Parkinson (Theatr., 1640, p. 4178), Gerarde (Herb., 1597, p. 25) l'indiquaient déjà comme spontané, dans les mêmes circonstances qu'à présent, c'est-à-dire rare, changeant de place, souvent sur les lisières des champs ; mais aussi sur des collines. Sur le continent voisin, les localités sont également assez suspectes. Il est rare en Normandie. On l'a trouvé récemment à Jersex (Piquet, Phytol., 4853, p. 4094). II manque à l'Irlande. Ce sont bien les apparences d'une espèce venue du sud-est ; mais les preuves où commencements de preuves n'existent pas. Setaria viridis, Beauv. Mêmes conditions à peu près que pour le Digitaria humifusa (Bromf., Phytol., 1850, p. 1077: Wats., Cyb., IT, p. 149). Ray l'indique (Syn., édit. 1724, p. 394) dans les champs, mais rare. Parkinson l'in- dique aussi dans les décombres et lieux incultes. Je ne le vois pas dans la première édition de Gerarde. Setaria verticillata, Beauv, — (4) — Déjà indiqué par Ray dans quelques loca- lités suspectes. Parkinson et Gerarde ne paraissent pas l'avoir mentionné. Il est demeuré rare et vagant en Angleterre, et les modernes le croient d'origine étrangère. Setaria gluuex, Beauv, — (1) — Encore plus rare, indiqué seulement depuis NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 697 le siècle actuel, et dans des localités douteuses, où il ne parait pas persister (voy. Wats., Cyb., EE, p. 150). Phaluris canariensis, L. {1 présente quelque disposition à se naturaliser (voy. Wats., Cyb., IE, p. 150). Avena strigosa, Schreb. — (1) — Cette mauvaise herbe a fait irruption en Europe il y a environ S0 ans, par mélange de ses graines avec les avoines culti- vées. Je la crois originaire de la région caucasienne, car M. C.-A. Mever l'a trouvée dans les prés voisins de la mer Caspienne, entre Sallian et Lenkoran (Vers. Pfl. Cauc., p. 16), tandis qu'en Europe, même en Russie (Rupr., Beilr., V, p. 38; Mart., Prodr. Fl. Mosq., p. 23), on la dit toujours cultivée ou mélangée avec les cultures, rarement dans les terrains adjacents, où elle peut s'échapper çà et là comme les autres Avena cultivés. En Allemagne, on l'a remarquée en 14771 (Schreb.. Spicil. FI. Lips.);: en Suède après Linné, à l'époque de Retzius (Prodr. Fl Scand., p. 20, 4779); dans la Grande-Bretagne à la fin du siècle dernier (Wither., Hull., 1799, p. 26, d’après Sm.). En 1803, Smith (Engl. Bot., t. 1266) l'indiquait en Écosse, dans le comté d'York et le pays de Galles, sans se douter d'une origine étrangère ; maintenant, M. Watson (Cyb., HE, p. 485) l'indique dans 15 de ses 18 subdivisions de la Grande-Bretagne, et ne doute nullement de l’origine étrangère. Elle est déjà en Irlande près de Cork (Mackay, F1.) et à Jersey (Bab., Prim.). Dans le nord-ouest de la France, elle:est rare, et, en général, c'est sous les latitudes de l'Écosse et de la Suède qu'elle abonde. Il est fort douteux qu'elle pût se propager dans ce pays sans le concours volontaire ou involontaire de l'homme, ainsi elle n’est ni spontanée, ni naturalisée. Lolium temulentum, L. Était déjà du temps de Gerarde, en 1597, une des mauvaises herbesles plus communes dans les champs en Angleterre. Si elle est d'origine étrangère, comme le soupçonne M. Watson (Cyb., IT), l'introduction en est bien ancienne. Les L:lium arvense, With. et Lolium linicola avaient pro- bablement été confondus avec lui, et sont, d'ailleurs, moins communs. Avena fatua, L. — 4) — Ne sort pas des champs en Angleterre. M. Watson (Cyb., LE, p. 183) présume, par ce motif, une origine étrangère. L'espèce est déjà dans Parkinson (Theatr., p. 1149), avec les mêmes stations. Elle est sau- vage en Crimée (Bieb., Æl., {, p. 76), et probablement autour du Caucase, d'après les citations de Ledebour (F1. Ross., IV, p. #12). 3. Bauhin la connais- sait en Allemagne et dans les Pays-Bas. Panicum Crus-galli, L., existait déja du temps de Ray et de Parkinson (Theatr., p. 115%), dans les décombres, etc., près de Londres. Je suis porté à le considérer, avec MM. Babington (Man.), Bromfeld (Phyt., 1850, p 1076) et Watson (Cyb., I, p. 148), comme étranger à l'Angleterre ; mais l'ancienneté rend les preuves impossibles. Il était, d'ailleurs, assez commun sur le continent déjà à l'époque des Bauhin. Il est rare du côté de la Manche (Hard., Ren., Lecl., Cat. Cao.) et fait même défaut dans l'ile de Jersey (Bab.; Piquet, Phyt., 1853, p. 1093) et en Irlande ; ce qui peut signifier, ou une introduction récente dans l'ouest de l'Europe jusqu'à l'Angleterre méridionale, ou une délimitation ancienne fixée par le climat. Je viens de dresser, avec tout Le soin possible, le tableau des plantes naturalisées et soupçonnées de naturalisation dans la Grande-Bretagne (Angleterre, pays de Galles, Ecosse). J'ai envisagé ce travail comme une 695 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. étude sur Ja manière de discerner les espèces introduites dans un pays, et, il faut le dire, les travaux des botanistes anglais avaient bien préparé le terrain. Je n’ai eu pour compléter leur ouvrage qu'à comparer leurs opinions, à scruter mieux les habitations sur le continent de plusieurs espèces douteuses, et à m'appuyer quelquefois sur des recherches étymo- logiques, dont un philologue aurait pu tirer encore plus de parti. Voici les résultats qui me frappent le plus : 4. Le nombre total des espèces qu'on peut regarder, avec un degré salisfaisant de probabilité ou même avec certitude, comme d’origine étrangère et complétement naturalisées, hors des cultures, dans la Grande- Bretagne, s'élève à quatre-vingt-trois seulement. Il est vrai que pour les espèces introduites avant le xvie siècle, les preuves tirées des Flores locales sont presque impossibles, et qu’à leur égard, les omissions peu- vent être d’un certain degré de fréquence. 2. Sur les 83 espèces naturalisées, il y en a 10 venant de PAmérique septentrionale; restent 73 espèces introduites par une naturalisation à petite distance, c’est-à-dire d'Europe, ou par l'Europe d'Afrique ou d'Asie. 3. Aucune de ces 73 espèces ne paraît originaire des îles plus ou moins rapprochées de la Grande-Bretagne, car elles sont toutes répan- dues, uniquement ou principalement, sur le continent, à des distances diverses, et il n’en est aucune qui croisse en Irlande ou dans les iles Feroë, et qui manque à l'Europe continentale. 23 espèces ne se trouvent pas à l’état sauvage, ni même à moitié naturalisées dans les pays du conti- nent voisins de l'Angleterre, savoir : la Hollande, la Belgique et la France occidentale ; 50 existent dans le voisinage de la Grande-Bretagne. h. Les 23 espèces qui manquent sur le continent près de l'Angleterre, ne peuvent pas avoir été transportées autrement que par l'influence de l’homme, c’est-à-dire par son intention expresse, ou parmi des graines reçues de loin, ou avec le lest et les marchandises des vaisseaux, ou enfin par la culture préalable dans les jardins, d’où les graines se répandent faci- lement dans la campagne. Si elles étaient arrivées par l'effet du vent, des courants, même des vols d'oiseaux, elles se seraient probablement natura- lisées d'abord en Hollande, en Belgique, dans la France occidentale, avant de passer en Angleterre. Le saut immense qu'elles ont fait est une indica- lion que l’homme a été la cause du transport, D'ailleurs, les circonstances de leurs stations, et quelquefois des renseignements positifs, viennent à l'appui de la preuve géographique. Ce sont les espèces suivantes : Arabis turrita, L. | Aslrantia major, L. Dianthus plumarius, L. Myrrhis odorata, Scop. Silene ilalica, Pers, Lomicera Coprifolium, L. NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 699 Lonicera Xylosteum, L. Acanthas mollis, L. Asperula taurina, L. | kumex alpinus, L. Valeriana pyrenaica, L. Iris tuberosa, L. Nardosmia fragrans, Reich. | [ris xiphioides, Ehr. Senecio squalidus, L. Crocus vernus, Willd. Petasites albus, Gærtn. 1 Lilium Martagon, L. Hieracium aurantiacum. Allium Ampeloprasum, L. Cyclamen hederæfolium. | Allium ambiguum, L. Linaria purpurea, Mill. QE] Sur ces 23 espèces, j'en signale 3 comme s'étant répandues d'abord autour des jardins botaniques de Cambridge ou d'Oxford (Arabis turrita, Lonicera Caprifolium et Senecio squalidus). La grande majorité se compose de plantes généralement et anciennement cultivées, soit pour un motif, soit pour un autre. Les Hieracium aurantiacum, Astrantia major, Petasites albus et Rumex alpinus pourraient bien avoir été introduits avec les graines alpines qu'on a fait venir de Suisse, par exemple, avec des graines de mélèze. Toutes ces espèces manquent encore à l'Irlande, excepté les Dianthus plumarius, Myrrhis odorata, Senecio squalidus, et Crocus vernus, qui se trouvent également dans cette île, mais plus rarement, et toujours avec des indices ou des preuves d’une introduction par les jardins, les cul- lures, etc. Ainsi, évidemment, ces 23 espèces n’ont pas eu ancienne- ment une habitation occidentale en Europe, et elles ont bien été intro- duites par l’homme dans la Grande-Bretagne. 5. Deux espèces, Sisymbrium polyceratium, L., et Alyssum maritimum, L., existent en Portugal et aux Açores, et manquent à la France occiden- tale et à l'Irlande. Rien ne peut faire soupconner un transport par les vents, les courants ou les oiseaux; au contraire, on sait que la première est sortie d’un jardin, et la seconde a été si souvent cultivée qu’on ne peut guère supposer une autre origine. 6. Les AS espèces qui forment le complément des 73 originaires de l’ancien monde, existent dans les pays voisins de la Grande-Bretagne, d'une manière plus ou moins générale, tantôt avec l’apparence d’un établis- sement primitif, plus souvent avec des indices ou des preuves d’une exten- sion depuis quelques siècles, de Fest vers l'ouest, ou du sud-est vers le nord-ouest de l'Europe. En voici le tableau, dans lequel je celasserai les espèces selon leur mode probable d'introduction. 1° Espèces fréquemment cullivées dans les champs, les parcs ou les jardins. Anemone apennina, L. Cheiranthus Cheiri, L. Aconitum Napellus, L. Isatis tinctoria, L. Pæonia corallina, L. Cochlearia rusticana, Lam. Corydalis luntea, DC, Dianthus Caryophyllus, L. 700 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Saponaria officinalis, L. Acer pseudo-platanus, L. Sempervivum tectorum, L. Euphorbia Lathyris, L. Petroselinum sativum, Hoffm. Mercurialis annua, L. | Rumex seutatus, L. Coriandrum sativum, L. | Pinus maritima, DC. ? | Aristolochia Clematitis, L. Centranthus ruber, L. Narcissus poeticus, L. Tragopogon porrifolius, L. Narcissus biflorus, L. Silybum marianum, Gærtn. Narcissus incomparabilis, L. Vinca major, L. Ornithogalum nutans, L. Linaria Cymbalaria, Mill. Tulipa sylvestris, L. Antirrhinum majus, L. 2% Espèces que l'honime peut aisément transporter avec des ballots de marchan- dises, sur ses vétements ou mélangées avec des graines. : Mélange fréquent avec les grains de céréales. Alyssum calycinum, L. CRE + os : F Sort à peine des champs de blé. Althæa hirsuta, L. 1 Echinospermum Lappula. ; : : Ê P PP | Poils roides, parfois crochus , couvrant les calices Anchusa officinalis, L. ; LME à s es ) ou involucres. Station fréquente autour des ha- Caryolopha sempervirens. GA bitations. Asperugo procumbens, L. Urtica pilulifera, L. Rumex pulcher, k, Fruits armés de dents. / Poils visqueux à la surface des feuilles et des légumes. Ononis reclinata, L. Cette dernière espèce est la seule qui puisse faire soupconner un trans- port autrement que par l'homme. Elle à bien une viscosité favorable aux transports accidentels ; mais elle est répandue de loin en loin sur des côtes où l’influence de l’homme ne s'aperçoit pas. En dehors de l'habitation principale du Portugal et de Bayonne, comment se trouve-t-elle en un point du Morbihan, à Aurigny et sur le promontoire désert du Mull of Gal- loway, en Écosse, au nord de l'ile de Man? Les graines de légumineuses supportent mieux que beaucoup d’autres un transport par mer. D'un autre côté, en consultant les cartes, je ne vois aucun courant qui explique les deux dernières localités. Celui dit de Rennel (a) remonte du golfe de Gas- cogne à l'Irlande ; mais il ne dépasse pas la pointe de la Bretagne, vers Aurigny, et ne traverse pas le canal de Saint-George. Il aurait porté cette espèce bien plutôt en Irlande, où elle n'existe pas, que dans ces deux localités. La dispersion par adhérence des poils visqueux aux plumes des oiseaux, à des marchandises portées à Aurigny, à des vêtements de ma- rins qui Seraient descendus par hasard à Galloway, est moins improbable qu'un transport par les courants. (a) Berghaus, Physic. Atlas, Hydrogr., n. 3: Herschell, Manual of scient. enquiry, carte de Beechey, p. 106. NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 701 30 Espèces dont une culture fréquente où un fait d'organisation n'expliquent pas facilement le transport. Geranium pyrenaicum, L. Serophularia vernalis, L. Sedum dasyphyllum, L. Linaria supina, Desf. Sedum album, L. Veronica Buxbaumii, Ten. Pyrethrum Parthenium, Sm. Eamium maculatum, L. Datura Stramonium, L. Euphorbia Cyparissias, L. Plusieurs croissent autour des habitations, sur des murs, dans les décombres, au bord des chemins, et lon comprend que leurs graines ont eu bonne chance d’être transportées accidentellement par FPhomme. Elles ont pu se trouver mélangées avec des graines de légumes et de plantes fourragères qu’on faisait venir autrefois en quantité de France et de Hol- lande. Le Pyrethrum Partheniam est une plante oflicinale, très usitée autrefois, qu’on à volontiers propagée ou même cultivée autour des habi- tations. Les Lamium et le Datura se répandent avec les terres et compost des jardins. En un mot, la nature de ces plantes et leur manière de vivre rendent extrêmement probables des transports accidentels par l’homme, et éloigne l'idée de transports par les oiseaux, le vent ou les courants au travers de la Manche. G. Ainsi, sur 73 espèces introduites du continent européen dans la Grande-Bretagne, et réellement incorporées parmi les espèces spontanées du pays, il y en a une (Ononis reclinata) qui a pu être amenée par les cou- rants ou par des oiseaux, mais qui résulte plus probablement d’un transport accidentel par l'homme. Toutes les autres doivent, positivement ou avec une immense probabilité, leur introduction et leur diffusion à l'influence volontaire ou involontaire de l’homme. Le transport par adhérence aux vêtements et aux marchandises a été rare; l'introduction par le lest des vaisseaux, également. La diffusion par la culture à été de beaucoup le eas le plus fréquent. 7. Les dix espèces d’origine américaine ont aussi élé introduites par les jardins, ou par des transports involontaires de graines avec des mar- chandises, ou avec le lest des vaisseaux. Je reviendrai ailleurs sur ce qui les concerne. Pour le moment, je me borne à constater l'influence considé- rable de l’homme sur les transports d'espèces, et l'influence presque com- plétement nulle ou très douteuse des autres causes, telles que le vent, les courants, les migrations d'oiseaux, dont on parle constamment dans les ouvrages de géologie et de botanique. 8. La majeure partie des naturalisations a eu lieu dans le midi de PAn- eleterre. Le pays de Galles, le nord de l'Angleterre et l'Écosse en offrent un plus petit nombre, sans doute parce que le elimat est moins favorable et que les cultures de plantes étrangères y sont moins communes où moins 702 CHANGÉMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. anciennes. L'Irlande, autant qu'on peut en juger d’après di modernes, a reçu peu d'espèces par naturalisation, quoi favorable dans les comtés méridionaux. Cela s'explique etit nombre el : date récente des jardins, surtout des jardins botaniques. . Les 83 espèces introduites, soit du continent européen, soit d'Amé- rique, se composent de 19 annuelles, 8 bisannuelles, 52 vivaces, h ligneuses, soit, plus exactement : MENOLATPIENNeS. +2 ee eee re oses» NN } Ahiz Apni 59 S3 IuzoCarpiennes EEE LPCPEEECR CRE CCR Le ELEC Mo 83 Caulocarpiennes A e MRMEEE CEE ser e---erper UE 40, Les Monocotylédones sont aux Dicotylédones comme 12 : 74, soit — 1 :6. Le rapport est de 4 : 5,2 dans l'ile de la Grande-Bretagne. Ainsi, les Dicotylédones tendent à augmenter dans le pays, par le fait des naturalisations. Cela vient peut-être de ce qu’on en cultive davantage dans les jardins. 41. Les Composées sont au nombre de neuf seulement. Il y a, en outre, deux Valérianées, munies d’aigrettes. Ces onze espèces constituent 43 pour 400 des espèces naturalisées. Or, la proportion des Composées, Valérianées et Dipsacées, munies d’aigrettes, est dans la Grande-Bre- tagne de 9 pour 100, par où l’on peut apprécier l'influence de ce genre de dissémination. Je laurais crue plus grande, non pour traverser: des bras de mer, mais pour faire sortir les espèces des jardins dans la cam- pagne, ce qui est la marche la plus ordinaire des naturalisations dont il s'agil. 42. Les plantes aquatiques sont représentées dans la liste par une seule espèce (Anacharis). L’homme n’a pas d'intérêt à les répandre, et les causes qui les ont dispersées autrefois ont cessé d'exister. 13. L'absence de plantes des terrains salés est plus remarquable. On peut en conclure que les espèces de Salsolacées du littoral de la pénin- sule ibérique et du sud-ouest de la France, susceptibles de vivre sur les côtes des iles Britanniques, y ont été probablement portées depuis des siècles par la marche du courant appelé Rennel, ou antérieurement par des causes plus puissantes qui ont cessé d'exister. 14. Il n'y a qu'une seule Légumineuse, quoique les graines de cette famille se conservent bien, même dans l'eau de mer, et que le nombre de leurs espèces soit considérable dans des pays peu éloignés de l'Angleterre. 15. Plusieurs espèces se sont naturalisées sur les falaises. Les unes recherchent réellement l'atmosphère maritime (Alyssum maritimum, Sene- biera pinnalifida) ; les autres ont trouvé là tout simplement des localités pierreuses, à labri de la culture, ce qui est rare en Angleterre, La grande NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 703 majorité des espèces naturalisées se trouve sur les vieux murs, ou dans les décombres et près des villages, quelques-unes dans des endroits frais, tout à fait sauvages (Astrantia major, Rumex alpinus, Lilium Martagon, Aconitum Napellus). 16. Le nombre des espèces naturalisées, de toute origine, s’est élevé à 59 depuis le Synopsis de Ray par Dillenius, en 1724. Dans ce nombre, 19 ont été répandues depuis 1800. D’autres espèces, indiquées ci-dessus en ilaliques, commencent à se naturaliser; mais on n’a pas encore une expérience assez longue pour les admettre comme spontanées et bien acquises. Il est diflicile d'estimer l'étendue du même phénomène à des époques antérieures. Deux espèces américaines (Erigeron canadense et Antennaria margaritacea) se sont répandues avant 1724. Il existait des jardins d’ama- teurs et des jardins botaniques déjà dans le temps de Gerarde, à la fin du xvI siècle. Antérieurement les rapports avec le continent étaient assez nombreux, soit à cause de la soumission de plusieurs provinces fran- çaises à la couronne britannique, soit par l'effet de la conquête des Nor- mands et des croisades. Les moines cultivaient souvent des plantes étran- véres, surlout des plantes officimales. Depuis l’époque à laquelle les Romains abandonnèrent l'Angleterre (426), jusqu'à la conquête par les Normands (1066), la civilisation a été presque nulle, et les commu- nications avaient lieu surtout avec des pays du nord, d’où il ne pouvait guère venir des espèces nouvelles pour l'Angleterre. Enfin, depuis l’époque romaine, c’est-à-dire depuis le commencement de l’êre chrétienne jusqu’à l'an 426, l'agriculture ayant été introduite dans la Grande-Bretagne et beaucoup de forêts ayant été abattues, il a dû se répandre des espèces de la Gaule et de lftalie. Le changement matériel que subissait alors le pays était considérable; mais il ne faut pas oublier combien les commu- nications élaient lentes et peu nombreuses, combien l’agriculture était encore peu étendue dans le nord-ouest des Gaules et en Belgique; enfin, à quel degré l'Angleterre était une province reculée et peu peuplée de Pem- pire romain. Le commerce maritime était presque nul; les jardins n’exis- taient, pour ainsi dire, pas ; les militaires étaient les principaux voyageurs de l’époque, mais les légions romaines séjournaient longtemps dans le même pays. Sous un pareil état de choses, ilne pouvait guère s’introduire que des espèces de deux catégories : certaines plantes officinales usitées alors, et plusieurs mauvaises herbes des décombres et du voisimage des habitations. Ceci est encore plus vrai de l’époque barbare, antérieure aux Romains. Je ne parle pas des espèces des champs ou autres terrains cul- uvés, qui, d’après ma manière de voir (p. 610,642), ne sont pas spontanées ! # :) 704 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. et naturalisées, mais appartiennent à une éatégorie distincte, celle des plantes involontairement cultivées (a). Au surplus, les détails dans lesquels je suis entré en parlant de chaque espèce, nous permettent de les classer d’après les probabilités ou les certi- tudes historiques de la manière suivante : Naturalisées depuis 4724 (les espèces marquées d'une ‘)......,...,....... Dù Entre la découverte de l'Amérique et 1724 (Anemone apennina, Antennaria mar - garitacea, Erigeron canadense, Datura Stramonium, Linaria Cymbalaria, Ca- ryolopha sempervirens, Asperugo procumbens, Rumex pulcher, Merc urialis ANBUA)E ecole. RTE SE PRIT TRIER 53 ES EE 9 Entre l’époque romaine et la découverte de l'Amérique (Dianthus Caryophyllus, Saponaria oflicinalis, Tragopogon porrifolius, Silybum marianum, Vinca major, Aristolochia Clematitis, Narcissus biflorus, N. incomparabilis, Lilium Martagon, Allium Ampeloprasum)...s....e..seseesseseessose.sessessosseses 10 Pendant la domination Romaine? (Urtica pilulifera)...,....,......,......... l Peut-être antérieurement aux Romains? (Isatis tinctoria, Cochlearia rusticana, Cheiranthus Cheiri, Pyrethrum Parthenium, Sempervivum tectorum, Sedum dasyphyllum, Sedum album)...,...,,,.....sssssssssssssessssess 7 A une époque impossible à apprécier (Ononis reclinata).................... il Totalides espécespaturalisées..,............... 83 Plus on s'éloigne des temps modernes, plus l'appréciation est douteuse, cela va sans dire. Cependant, elle est assez satisfaisante dans la grande majorité des cas, et si lon se bornait à diviser en deux périodes, avant et après la découverte de Amérique, les chiffres seraient probablement très exacts pour la dernière. 17. Depuis environ trois mille ans, c’est la culture, la navigation, en un mot, l'influence de l’homme, qui ont introduit dans la flore de la Grande- Bretagne des espèces spontanées nouvelles, et il est très douteux que les vents, les courants ou les oiseaux aient naturalisé une seule espèce phané- rogame. [1 est certain, du moins, que ces causes naturelles n’ont intro- duit aucune espèce ligneuse, alpine ou aquatique. Si donc on trouve plu- sieurs plantes de ces trois catégories communes aujourd'hui à la Grande- Bretagne et à d’autres pays, 1l faut : ou, que les moyens de transport aient été antérieurement bien différents; ou, que les îles Britanniques aient été contiguës avec d’autres terres à une époque à laquelle ces espèces exis- laient déjà ; ou encore, que ces espèces, ayant eu jadis une grande exten- sion, aient disparu dans des pays intermédiaires; ou, enfin, que les individus constituant ces espèces aient été, dès l’origine, multiples el répandus dans divers pays. J’examinerai ailleurs, sous un point de vue général, le degré (a) Ces espèces étaient comprises, mal à propos, parmi les plantes naturalisées, lorsque je présentai, en 1850, un aperçu de mes recherches à l'Académie des sciences de Paris (Compt. rend. 13 mai 1850.) Ilen est résulté une assez grande différence entre les chiffres que je citus alors et ceux que je publie aujourd'hui. NATURALISATION À PETITE DISTANCE. 705 de probabilité de ces hypothèses, mais je ne puis me dispenser de rappeler, en passant, que l’époque à laquelle la Grande-Bretagne touchait au con- tinent n’est pas fort ancienne, au dire des géologues. Il serait intéressant de faire sur d’autres îles, ou sur des péninsules bien disüinctes, des recherches semblables à celles que je viens de faire sur la végétation de ja Grande-Bretagne. Malheureusement, pour la plupart des pays, on manque de Flores anciennes et un peu exactes, au moyen des- quelles on puisse constater l'apparition d'espèces nataralisées, La péninsule scandinave, l’ltalie et la Sicile, sont les seuls pays qui présentent, jusqu’à uu certain point, les conditions favorables, Depuis l’époque de Linné, la Flore scandinave est assez connue pour qu'une espèce phanérogame un peu tranchée ou à fleur apparente,venant à s’introduire, les botanistes n'aient pas manqué d'y faire attention, et pour qu’on puisse constater ainsi les Introductions et leurs dates. Il serait curieux de savoir, comme pour la Grande-Bretagne, si les espèces nouvelles sont arrivées par l’action de Fhomme ou par des causes naturelles, Jallais entreprendre cette recherche, en consultant les Flores et les mémoires des savants dignes compatriotes el successeurs de Linné, lorsque la lecture d’une page du Ælora Suecica, de Wahlenberg, m'en a montré linutilité. L'illustre auteur de tant d'excellents ouvrages sur la géographie bota- nique se demande, à la page 6 de sa préface, s’il doit énumérer les espèces d’origine étrangère, Il se refuse à les admettre, € parce que, dit-il, dans aucun pays, les végétaux spontanés ne prévalent autant et ne sont aussi peu gênés par les espèces étrangères ; ce qui vient et de la nature du sol et du elimat. On ne saurait trop s'étonner, dit-il, combien, chez nous, les plantes indigènes sont difliciles à extirper, et les plantes étrangères se con- servent plus difficilement qu'ailleurs. Linné pensait autrement, lui qui croyait {trop aux colonisations des plantes; ainsi, il reçut dans sa Flore la Veronica peregrina, d'après l'idée qu’elle deviendrait plus commune dans la suite, et, au contraire, elle à déjà disparu à tel point qu'il m'a été impos- sible d'en voir un échantillon qui fût certainement cueilli en Suède. Le Datura Stramonium s’est si bien éteint dans la plupart des localités où on le signalait comme abondant, qu'il faut le chercher aujourd’hui sur les côtes extérieures du pays. De même, plusieurs plantes des champs et des jardins sont devenues plus rares, depuis Linné, en Suède, comme en Laponie, où Liestadius l’a observé, Cela vient de ce que les agriculteurs obtenant de plus en plus, de leur propre fonds, les graines dont ils ont besoin pour leurs champs et leurs jardins, en tirent moins de l'étranger, de sorte que les espèces qui ne peuvent pas supporter à la longue les vicissitudes de notre 706 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. climat disparaissent plus aisément. On sait d’ailleurs que les extrèmes, dans les conditions physiques du pays, se présentent à des intervalles si éloignés que, pour considérer une espèce comme vraiment établie, 1] faut qu’elle ait véeu dans le pays pendant la durée d’une génération d’hommes. Nous savons par un siècle d'expérience combien ces espèces étrangères périssent inévitablement après quelques lustres, et comment elles sont remplacées par d’autres, destinées aussi à périr. » Évidemment, dans ces pays septentrionaux, les espèces que j’ai appelées adrentives sont beaucoup plus nombreuses que les espèces naturalisées. En d’autres termes, sur le nombre des espèces que les causes de transport font paraitre de temps en temps, une très petite quantité parvient à s'établir, et encore les circon- stances extrêmes du climat, qui arrivent à des époques irrégulières, quel- quefois fort éloignées, ne permettent-elles pas de considérer une natura- lisalion comme bien réelle avant un laps de trente ou quarante ans. Ïl est done très diflicile de dire s’il y a eu, depuis l’époque de Linné, des espèces complétement naturalisées en Suède. En tout cas, elles sont si peu nombreuses qu’on ne pourrait en tirer aucune conclusion générale (a). La flore des iles de la Méditerranée serait très intéressante à étudier au point de vue de l'origine probable de certaines espèces qu’on peut croire étrangères à l'Italie et même à l’Europe. On y trouverait, comme ailleurs, de forts arguments contre la probabilité des transports par le vent, lamer ou par les oiseaux, et comme conséquence, on arriverait à des idées plus justes sur l'origine des espèces partagées entre l'Europe méridionale et l'Afrique, ou l'Espagne et l’Asie Mineure. Il ne n'est pas possible d'entreprendre un travail aussi considérable, pour lequel rien n’a encore été préparé. Je me (a) A la fin du Flora Suecica, Wahlenberg énumère cent espèces phanérogames, qui ont paru de temps en temps dans le pays, ou dont l'existence est plus ou moins pro- blématique. Ce sont des plantes pour la grande majorité adventives, et encore venant quel- quefois dans les terrains cultivés. On pourrait peut-être en signaler deux ou trois qui paraissent naturalisées, dans le sens complet du mot, à cause de leur ancienneté et de leur spontanéité dans la campagne ; cependant je ne me hasarderai pas à les indiquer, puisque Wahlenberg lui-même, vivant dans le pays et après une longue carrière d'obser- valions, n’a pas pu certifier une naturalisation accomplie. Je me borne à remarquer, que d’après ce tableau, les seuls moyens de transport qui aient été connus pour ces espèces adventives, sont le dépôt du lest des navires, l'achat par les cultivateurs de graines à l'étranger, surtout la cullure préalable dans les jardins. Le seul cas dans lequel Wahlen- berg mentionne un transport par les courants est celui du Chelidonium Glaucium (Glaucium luteum, Scop.) dont il dit (p. 1082) « an ilaque persistens, si undis de novo non adpor- tatur ? » De transports par les coups de vent ou par les oiseaux, je n’en ai vu aucune mention, ni dans cet ouvrage, ni dans d’autres concernant la péninsule scandinave. La Flore plus récente de M. Hartmann (Skandinaviens Flora, 1 vol, in-8, 1849) se termine aussi par une énumération d'espèces les unes advenlives, les autres naturalisées, d’autres enfin purement cultivées, quoique sans la volonté de l'homme. Leur nombre est de 86 pour les Phanérogames. Je puis d'autant moins faire le départ des espèces natura- lisées, que l'auteur a renoncé à l'usage de la langue latine, qui avait été jusqu'à nos jours un des mérites des savants suédois et une des causes de leurs succès, NATURALISATION A PETITE DISTANCE. 797 contenterai de citer une lettre que M. Gussone a bien voulu m'écrire, en réponse à mes questions sur des naturalisations en Sicile. « Je ne connais, dit cet excellent observateur, aucun exemple d'espèce introduite chez nous par les courants maritimes ; loin de là, j'ai observé des faits contraires à cette opinion. Ainsi, dans Pile d'ischia, éloignée à peine de deux lieues du continent, il manque beaucoup de plantes très communes autour de Naples et de Pouzzole, quoique la nature du terrain soit la même, qu'il y ait à Ischia des bois et des vallons ; enfin, que les conditions physiques soient les mêmes. Telles sont les suivantes : Calepina Corvini (a), Chenopodium ambrosioides (b), Mercurialis perennis (c), Lamium flexuosum (c), Angelica sylvestris (c), Anemone apennina, Conium maculatum (d), Seabiosa Columnæ (e), Festuca ligustica (f); et notez que l’Angelica, le Conium et le Festuca cités, se trouvent dans les bois des collines et dans les prairies maritimes du continent en face d’Ischia, que les graines ont une conformation qui offre des facilités pour être trans- portées par les vents ou par les eaux de la mer, et qu’en outre, on trans- porte constamment de la terre ferme à l'ile des fagots pour les fourneaux. De même sur les côtes de Calabre, en face de la Sicile, qui en est si voi sine, on trouve en abondance l’Anthemis chia, les Dianthus tripunctatus et Campanula nutabunda (g), qui manquent dans cette île, quoique la nature du terrain soit la même et que les vents impétueux ne soient pas rares dans le détroit du Phare, ainsi que des courants rapides et périodiques d'une rive à l’autre. De même encore, le Periploca angustifolia, malgré ses graines à aigreties, n’a point passé de l'ile de Favignano à celle de Mari- timo, qui n’en est distante que de deux lieues. D’après cela, comment pour- rait-on affirmer qu'un tel transport ait pu avoir lieu entre l'Afrique et la Sicile, séparées par une distance bien plus considérable et entre lesquelles il n'existe pas de forts courants périodiques comme dans le Phare ? » Je ne connais pas d'exemple de plantes apportées d’un pays éloigné et propagées dans un autre par le moyen des oiseaux. Chez nous, les sites où ils abondent n’offrent aucune espèce particulière que lon puisse consi- dérer comme introduite par celte voie. Je mentionnerai la côte méridio-- nale de la Sicile, de la Calabre, de Reggio et du cap Spartivento, de la (a) C’est une confirmation de l'introduction de cette espèce en Europe, voy. p. 638. (b) D'origine américaine, voyez plus loin. (c) Plantes des bois en Sicile, d’après Guss., Syn. FI. Sic. (d) Trouvé en Sibérie au bord d’un ruisseau, près du mont Tarbagatai (Sievers, dans Ledeb., FI. Alt., 1, p. 363); en Europe, dans les décombres, près des villages, etc. Pro- bablement d’origine asiatique. (e) Variété du Scabiosa columbaria, d’après Coulter. (f) En Sicile, dans les paturages, principalement du bord de la mer (Guss., Syn.). (g) Wablenbergia nutabunda, A. DC., de Calabre et de Sardaigne. 708 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, côte de Sorrente, de Capri et d’Ischia. Je connais encore moins des exemples de sables transportés par les vents de la côte d'Afrique en Sicile et encore moins des insectes, à l'exception de ceux qui ont Phabitude d’émigrer. » Ilest difficile de trouver une confirmation plus complète des principes que j'ai émis et des méthodes que j'ai employées pour découvrir lorigine des espèces. Décidément, les transports au travers d’un bras de mer, quelque petit qu'il soit, par des causes naturelles, sont infiniment rares. On n’en à pas constaté un seul cas en Angleterre, et M. Gussone, après trente ans d'observations et de recherches, n’en connaissait pas un seul exemple en italie. Quant à l’origine des espèces, le fait qu’elles manquent à certaines îles est un bon indice d’une invasion récente sur les continents voisins, surtout quand ces iles sont rapprochées de la terre ferme. Si les espèces ont de la peine à franchir les bras de mer, si, dans la plu- part des cas, leur introduction dans les îles vient de l’homme et non des causes purement naturelles, il n’en est pas de même peut-être des espèces qui s’établissent au delà d’un désert, d’une chaîne de montagnes, ou au delà d’un district ou d’un pays entier contraires à leur végétation. Personne ne peut douter que le vent ne transporte des graines, en leur faisant raser le terrain, sur de très grandes étendues de pays. Les animaux aussi peuvent emporter des graines à de grandes distances, accrochées à leurs poils. Les obstacles de la nature de ceux dont je parle semblent donc devoir être peu de chose. En fait, cependant, les espèces qui s’'introduisent à une centaine de lieues, par exemple, ou même seulement à une cinquantaine de lieues de leur habitation primitive, sans étapes intermédiaires, sont presque toujours apportées par lhomme, volontairement ou involontairement. D'ordinaire, elles ont commencé par être cultivées dans les jardins, où elles se sont répandues dans la campagne. Qu'on suive les détails donnés ci-dessus de la naturalisation des espèces dans la Grande-Bretagne, et ceux dont je parlerai bientôt, touchant la naturalisation des plantes exotiques en Europe, et l’on sera tout à fait convaincu de Finfluence prépondérante des jardins et du commerce des graines sur toutes les causes naturelles de transport. J'ai même constaté qu'en Angleterre, la plupart des naturalisa- tions sont locales, et qu'il faut l'intervention de l'homme pour répandre les espèces d’un comté à l’autre, à peu près comme pour l'introduction pri- mitive dans l'ile. Plus la distance est grande, plus cela est vrai, j'en con- viens; mais on ne peut nier que la diffusion des graines ne soit ordinaire- ment locale et leur transport difficile, même dans des pays qui offrent en apparence peu d'obstacles. À plus forte raison, regarderai-je les chaînes des montagnes, quand elles sont continues, comme un obstacle sérieux. On dira,sans doute, à priori, NATURALISATION À GRANDE DISTANCE, 709 que les coups de vent passent par les gorges de montagnes et peuvent char- rier des graines d’un versant à l’autre, que les animaux étendent quelque- fois leurs migrations d’un côté à l’autre d’une chaîne élevée, etc. ; en fait, je ne connais aucun exemple d’une plante qui se soit naturalisée par ces modes de transport d’un côté des Alpes à l’autre, d’un côté des Pyrénées à l’autre. Si une espèce parvient à se naturaliser au delà d’une chaine, on trouve toujours d’autres causes, comme les jardins, les envois de graines, les voyages de l’homme et les migrations des troupeaux, qui expliquent les transports mieux que les causes physiques. Avant l’apparition de l’homme, avant la multiplicité de ses rapports, les naturalisations devaient être infiniment rares, car elles le sont aujour- d'hui même en Europe, et quand elles arrivent, c’est presque toujours par notre influence directe ou indirecte. Les naturalisations au travers de grandes mers vont en fournir des preuves encore bien plus frappantes. ARTICLE V. NATURALISATIONS À GRANDES DISTANCES. $ |. EXEMPLES BIEN CONSTATÉS PRIS POUR SUJETS D'ÉTUDE. L'importance de ces naturalisations m'engage à citer d’abord quelques exemples choisis parmi les plus curieux et les mieux prouvés dans divers pays. J’insisterai sur la manière de démontrer les faits et sur la diffusion sraduelle des espèces nouvellement introduites sur un continent. l° En Europe. Mimulus luteus, L. — Îl croit spontanément, au bord des ruisseaux, dans l’ouest de l'Amérique septentrionale, de l'ile d'Unalasehka, jusqren Californie, et aussi au Chili (Benth., dans Prodr., X, p.570). M. Bentham aflirme, avec raison ce me semble, que les Mimulus guttatus, DG., et rivularis, Nutt., sont de purs synonymes. L'espèce a été cultivée pour la première fois en Europe, en 1812, à Montpellier (DG., Cat. h: Monsp., p. 127) et en Angleterre ( Bot. mag., t. 1501). Je l'ai trouvée assez ‘ répandue dans les jardins anglais en 1830. Cette plante, à fleur très apparente et d’un genre qui n'existait pas dans la flore indigène de l'Angleterre, ne pouvait pas échapper à l'attention des botanistes si elle venait à se naturaliser. M, G. Palmer la vit, en 1815, près de Dundee, dans un endroit sur lequel on a bâti depuis cette époque (Lawson, Phytologist, 1848, p. 296). M, W, Jackson la trouva près 710 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. de Invergowrie, à peu près à la même époque et dans les années suivantes (PBhytol., ibid.). M. Bree (the Phytol., févr. 1826, p. 420) Va trouvée, en 182%, près d’Abergavenny, en Angleterre, au bord d'un ruisseau de montagne; elle fleurissait avec profusion, mieux que dans les jardins. M. A. Kerr, en 1843, l'observa près de Brechin, en Ecosse, comté de Forfar; M. Balfour, en 1845, près de Largs, en Écosse (the Phytol., 1846, p. 389); M. Towsend, près de Stirling (4b., HE, p. 286); M. Lawson dans deux localités du comté de Forfar, même pays (2b.); M. Stevens (Phytol., 1849, p. 390) dans un bois et dans un pré marécageux du comté de Dumfries, en Écosse; bref, en 1848 (Phytol., HE, p. 296), M. G. Lawson compte quinze localités différentes, dont quatorze en Écosse et une en Angleterre, où le Mimulus luteus avait été trouvé naturalisé, croissant en abondance et fleurissant beaucoup. Il s’est assuré qu'un M. Lennox avait lui-même naturalisé près de Dundee, mais sans doute il a pu s'échapper ailleurs des jardins. Les plantes étaient aussi vigoureuses à Invergowrie, en 1847, que trente ans auparavant. L'espèce, dit M. E. Newman (Phytol., HE, p. 224), est si bien naturalisée dans la Grande-Bretagne, qu'il serait fort difficile, peut-être impossible à lhomme de l’extirper main- tenant. Le Mimulus luteus, sorti des jardins, à aussi envahi les prairies de plusieurs vallées du revers oriental des Vosges ; il s’étend dans la vallée de la Bruch, de Framont à Molsheim, et dans celle de Wasserbourg, le long des ruisseaux (Godron, FE. Juv., 2% éd., 1854, p. 20). Impatiens falva, Nutt. (L. biflora, Willd.).— M. Newman (Phytol., HE, p. 29) la regarde comme naturalisée au même degré que le Mimulus, en Angleterre. M. H.-C. Watson (Cybele, 1, p. 268) assure qu’elle est com- mune sur le bord des rivières et ruisseaux dans les environs de Londres, et que cependant l’origine étrangère, américaine, n’est pas douteuse. En 18/4, M. J.-S. Mill (Phytol., KL, p. 40) assurait qu'elle était aussi commune sur les bords de la Tamise et de la Wey que le Lythrum Salicaria ou l'Epilo- bium hirsutum; mais il ne savait pas l’époque de son mtroduction. Il l'avait déjà vue en 1822. Elle a été figurée, comme plante devenue anglaise, dans le supplément à l'English Botany, 1. 2794. Le silence des auteurs an- glais montre que le mode et l’époque de la naturalisation ne sont pas connus, mais personne ne doute du fait. Les anciens herbiers et les anciens auteurs paraissent n'indiquer dans le pays que l'impatiens noli tangere. L'époque où l’on à commencé à cultiver la plante américaine dans les jardins doit âtre un peu ancienne déjà, car Sweet et Donn (voy. leurs catalogues des Jar- dins angl.) ne peuvent pas la préciser. Œnothera biennis, L. — Espèce commune dans FAmérique septen- trionale, de l’est à l’ouest (Torr, et Gray, FE, 1, p. 492), Elle commença NATURALISATION À GRANDE DISTANCE,. 71 à être cultivée dans les jardins botaniques de PEurope à peu près en 1619 ou un peu avant. En effet, en 1623, C. Bauhin (Pinax, 1° édit., p. 245), dont Pexactitude est connue, dit : « Lysimachia lutea corniculata. Lysima- » chia Virgineæ nomine ipsum semen Patavio missum quod anno 1619 in » horto eleganter crevit et ex semine deciduo se facile hactenus propa- » gavit. » Mon père à vu dans lPherbier de Bauhin, à Bâle, l'échantillon authentique venant d’un jardin, et il a vérifié que c’est bien l'Œnothera biennis, L., actuellement répandu dans plusieurs parties de l'Europe (a). L'édition du Pinax de 1661 ne dit rien de plus que la première. Jean Bauhin n’en parle pas. P. Alpinus (£xot., ann. 1627, p. 325) donne une figure où lon reconnaît l'espèce ; 11 la nomme Hyoscyamus virginianus, et il dit : © Ab hinc annos duos mihi nata est planta ex seminibus nomine » Lysimachiæ Virginianæ ad me missis à Joanne Moro medico et philo- » sopho anglo erudissimo. » Peut-être cette phrase a-t-elle été écrite quelques années avant la publication de l'ouvrage, par exemple vers 1621 ou 1622, de sorte que la culture dans le jardin de Padoue, dont parle Prosper Alpinus, serait la mème dont C. Bauhin faisait mention. Quoi qu'il en soit, 1l me paraît évident que l’'Ænothera bienmis était alors cultivé dans le jardin de Padoue, comme une plante rare. D'un autre côté, je ne puis croire que P. Alpinus et G. Bauhin n’eussent pas reconnu l’espèce si elle avait existé de leur temps en Europe. Après la publication de la planche, les savants auraient sans doute remarqué lerreur et auraient indiqué à quelle espèce européenne ancienne 1! fallait rapporter la plante figurée comme exotique et nouvelle. Au contraire, Linné (Hort. Clhff., p. 144) dit en 1737 : « Crescit in Virginia alisque Americæ locis, » ante centum et viginti annos in Europam translata, nunc spontanea facta, » copiose crescit ubique in campis arenosis Hollandiæ. » Dans le Specres, 2° édit., p. 492, ül dit : & Hab. in Virginia, unde 1614, nunc vulgaris » Europæ. » Haller (Hist., n. 994) la mentionne comme répandue en Suisse (année 1768); mais il ajoute que les Bauhin ne la connaissaient pas comme indigène. Barrelier, à la fin du xvr° siècle, paraît Pavoir vue en Portugal, ou la regardait comme venant de ce pays, d'après le nom (Ly- simachia lutea corniculata latifolia Lusitanica, ic. &. 1232), mais il n’en parle pas dans le texte. Brotero ne l’a pas trouvée dans ce pays. Morison (Hist., Il, p. 274, en 1680) décrit l'espèce comme exotique , cultivée dans les jardins anglais, Parkinson, dans son premier ouvrage, Paradisus, en 1629, décrit et figure la plante comme exotique (p. 263 et 264), ori- (a) Je possède un exemplaire du Pinax où mon père a relaté en marge les noms mo- dernes des plantes de Bauhin, après un travail qu'il fit en 1818, dans l’herbier original, 712 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. ginaire de Virginie. Dans son second ouvrage, Theatrum , en 1640 , il donne une autre figure un peu différente (a), qu'il rapporte cependant à la même espèce et qu'il nomme aussi Lysimachia siliquosa virginiana (p. 548), mais il l'indique (p. 549) comme sauvage dans les terrains secs; par exemple, le long des chemins, des passages et au bord des champs. D’après cela, il semblerait que l'espèce se serait naturalisée en Angleterre de 1629 à 1640. Ray (Hist., I, p. 862), en 1693, copie d'anciennes descrip- tions et ne dit pas que la plante vive en Angleterre. Zwinger (7 heatrum), en 1744, dit que l’espèce était cultivée dans les jardins en Suisse, mais aussi naturalisée près de Bâle, à Huningen. Ceci est remarquable parce que C. Bauhin l'aurait vue dans cette localité si elle y avait été au commence- ment du siècle précédent. Miller, en 1768, la décrit comme une plante de Virginie, devenue commune en Europe (Dict. qgard.), et il la figure très bien. D’après cet ensemble de faits, je ne puis pas admettre lopinion de M. Spach (Veg. phaner., IN, p. 359), que l'Œnothera biennis, L., serait une plante européenne d’origine, et je trouve en tout cas assez malheureuse l'idée de l'appeler Onagra europæa, car pour trancher ainsi la question, il faudrait avoir eu des preuves positives contre l’opinion commune, M. Spach se borne à dire : « Cette espèce est commune dans presque toute l'Europe, au bord des rivières et des torrents, souvent fort loin des habita- tions humaines ; aussi ne nous semble-t-il pas probable qu'elle ait été originairement introduite d'Amérique, ainsi que l’avancent Linné et ses copistes. Nous doutons même que l'espèce désignée par les botanistes amé- ricains sous le nom d’Œnothera biennis soit la même que celle en ques- tion, » Je dirai d’abord sur ce dernier point que, d’après mes échantillons américains et aussi dans lopinion de MM. Torrey et Gray dans leur Flore récente et remarquable des États-Unis, l'espèce est semblable. MM. Torrey et Gray rapportent même, et probablement avec raison, à cette espèce plusieurs synonymes réputés autrefois distincts (Œnothera muricata , grandiflora, etc.). En outre, je diffère complétement d'opiion d'avec M. Spach, en ce que l’assertion de Linné me paraît fondée. Prosper Alpin, GC. Bauhin et les autres botanistes de la même époque x'ont pas connu d'espèce du genre OEnothera en Europe : voilà le fait essentiel, Ce sont des plantes si apparentes qu’on ne peut pas croire à un oubli. En même temps l'Œnothera biennis (et peut-être une espèce voisine figurée par Par- kinson) s’est introduite dans la culture des jardins en Angleterre et à Pa- (a) Les pétales sont fortement mucronés ; dans la planche du Paradisus 1ls le sont légèrement, Dans P. Alpinus ils sont émarginés comme dans les figures modernes, La plante de Parkinson est peut-être différente. NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 713 doue, et les botanistes les plus exacts l’ont décrile et figurée comme exotique. Dans le siècle suivant, l'Œnothera biennis se trouve répandue dans une grande partie du continent européen. Elle est spontanée à Bâle, où vivait Bauhin (Zwinger, 1744), dans d’autres parties de la Suisse (Haller, a. 1768); dans le nord de l'Italie, où vivait P. Alpinus (Zanich., Hist., ann. 1735; Seguier Véron, à. 1744; AI, Ped., etc.). Elle était abondante en 1805, sur les côtes près de Liverpool (Sm., Engl. Bot., t. 1534), en Carniole (Scop., 2° édit., a. 1772), en Hollande (Gorter, a. 1781). Elle est dans toutes les Flores modernes de Paris; mais je ne la trouve ni dans Tournefort, ni dans Vaillant, ni dans les Flores parisiennes du siècle dernier. Elle manque dans lherbier de Tournefort. Elle existe actuellement en Europe, du midi de la France, par exemple à Perpignan (h. DC!), et du nord de l'Italie, jusque dans le sud-ouest de l'Écosse (Wats., Cybele, 1, p. 17), la Suède (Fries, Summa, p. A1), la Russie moyenne (Ledeb., FT. Ross., I, p. 112) et les provinces du Caucase (?d.). Elle est devenue commune, surtout en Allemagne, au bord des rivières, dans les graviers, au bord des chemins, dans les sables, ete. (Koch, 2° édit., p. 268). Dans ce pays elle a reçu une foule de noms vulgaires (Dietr., #1. Bor., t. 214) qui prouveraient une origine européenne si lon ne pouvait les expliquer, soit par l'usage de manger les racines, comme de la raiponce, d’où viennent plusieurs noms; soit par l’odeur nocturne des fleurs qui à frappé généralement. D'ailleurs plus on démontre que la plante est au- jourd'hui commune, populaire même en Europe,moins on s'explique com- ment elle aurait été inconnue aux deux Bauhin, à P. Alpin, et à tous les botanistes de eette époque ou antérieurs. Je suppose qu’elle s’étendra encore davantage au midi, car en Amérique elle avance jusqu’en Floride. Panicum Digitaria, Later. (WDigitaria paspalodes, Michx). — Il croît, selon Kunth (Ænum., 1, p. 52), dans l'Amérique septentrionale, au Brésil et à Maurice. La première de ces régions est ordinairement citée; Kunth ne dit pas sur quelle autorité il indique les autres. Quoi qu’il en soit, le Panicum Digitaria à paru aux environs de Bordeaux il y a vingt- emq ou trente ans. M. Charles Des Moulins le trouva en 1824, entre le pont de Bordeaux et la côte de Cénon, dans des fossés de la nouvelle route de Paris, qui avaient été creusés en 1820. M. J. Gay vérifia les échantil- lons et trouva qu'ils concordaient avec la plante des États-Unis. Il y avait eu, dans les matériaux utilisés pour la route, du sable provenant du lest de différents vaisseaux, et dans les années précédentes il était arrivé dans le port plusieurs navires des États-Unis, dont cinq, de 1820 à 1824, avaient été déchargés de leur lest, M. Charles Des Moulins ne douta pas que 714 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÊCES. ce ne fut l’origine de la plante, mais M. Bose lui écrivit plus tard qu'ayant reconnu les qualités de cette graminée comme fourrage, 1l avait rapporté d'Amérique un boisseau de ses graines et en avait donné en 4802 à M. Dupuis, jardinier du jardin botanique de Bordeaux, pour les semer dans les champs, sables, landes, etc., afin d'en propager l'espèce. IL est possible qu’elle se fût répandue alors, sans avoir été remarquée à cause de sa ressemblance avec le Panieum sanguinale. Depuis 1824, M. Des Moulins et M. Laterrade l’ont vue spontanée dans plusieurs localités des environs de Bordeaux. Elle devient très abondante dans les terrains de sable, dans la vase, près des canaux, fossés, etc. Elle en chasse quelque- fois les plantes indigènes; elle a supporté —150 R. de froid en 1829-30. Les bateaux plats la font remonter le long de la Garonne et du canal latéral de la Dordogne. Il y a plus de dix ans que M. Duchartre l'avait déjà trouvée près de Toulouse. M. Noulet (F1. bass. sous-Pyr., p. 682) dit que c’est près du jardin botanique. Elle est devenue si commune entre Bordeaux et Toulouse que certainement elle doit être regardée comme naturalisée. J’emprunte ces détails à M. Ch. Des Moulins, qui à suivi la succession des faits avec beaucoup de sagacité et de précision (a). Jussiæa grandiflora, Michx, — Un ancien jardinier en chef du jardin botanique de Montpellier, Millois, jeta souvent des fragments de cette plante dans la petite rivière du Lez (Chapel, dans Bull. agric. de l'Hé- rault, avril 4838). En peu d'années, elle y est devenue abondante, au point d’obstruer les écluses des moulins, ce qui m'a été attesté à Montpellier mème, en 1757. M. Delile ne paraissait pas croire, dans ce temps, à une vraie naturalisation, parce que la plante ne donnait pas de graines (b), et que le courant l'entrainait sans cesse vers la mer sans qu'aucune cause natu- relle la ramenât vers la source. Toutefois, comme le Jussiæa est doué d’une multiplication par division très facile, il s’est maintenu Jusqu'à pré- sent dans le Lez (Godron, FE. Juv., 1854). M. Requien en mit dans les fossés d'Avignon, au bord du Rhône et de la Sorgue ; il en apporta à Ton- nelle, chez MM. Audibert; elle s’est tellement multipliée dans ces diverses localités, dit M. d'Hombres-Firmas, que les botanistes seuls la recon- naissent pour étrangère (d’'Hombr.-Firm., Opuse., v. IE, p. 235, ann. 1848). Le Jussiæa grandiflora est originaire de la Caroline et de la Géorgie. Stratiotes aloïdes, L, — Cette plante aquatique à été placée dans les (a) Ch. Des Moulins, Documents relatifs à la naturalisalion en France du Panicum Digilaria, br. in-8, Bordeaux, 1848; extr. des Act. Soc. linn. Bord., vol. XY. (b) C'est ce qui arrive souvent en Amérique, voy. Torr et Gray, FN. Amer., 1, » € p. 21. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 719 étangs de Marly, près Paris, et Sy est très bien naturalisée, ainsi qu’à Meudon (Cosson, Not. plant. erit., fase. À, 1848, p. 16). Tous les pieds sont d’un seul sexe, d'après le témoignage de M. Adrien de Jussieu, qui m'a dit s'être efforcé en vain de trouver un embryon. Le Stratiotes aloides, L., croit naturellement aux Moluques, à Java et au Malabar (Kunth. En SAT, p. 8). 29 Aux Etats-Unis. Les faits de naturalisation dans PAmérique septentrionale sont nombreux. Is sont même si récents et si généralement admis, que les botanistes amé- ricains se sont donné peu de peine pour les constater. MM. Torrey et Gray, dans l'excellente Flore qu'ils publient actuellement, indiquent une foule de plantes comme Imtroduites, naturalisées ; mais je ne vois aucune date, aucune recherche pour constater le mode d'introduction et celui de propagation au travers de l'immense territoire de lÜnicn. Cette lacune n’est pas remarquée aujourdhui, surtout en Amérique. On la regrettera dans un siècle, lorsque les plantes qu’on croit d’origine étrangère se seront naturalisées au point qu'elles auront toute l'apparence de plantes indi- gènes. M. Darlington, un des vétérans de la science aux États-Unis, est peul- être le botaniste qui a accordé le plus d'attention aux faits de ce genre. Je remarque dans son ouvrage, intitulé : Agricultural Botany (4 vol. in-19, Philadelphie, 18/47), des renseignements d'autant plus précieux que l’âge de l’auteur, sa résidence prolongée en Pensylvanie et son esprit naturel d'observation, leur donnent une valeur incontestable. Jen citerai quelques passages. Il ne faut pas oublier que M. Darlington ne s'adresse pas, dans ce livre, aux botanistes, mais aux fermiers, spécialement à la jeunesse de la classe agricole, et que, par conséquent, il se borne à des observations d’une nature pratique et populaire. [l signale les € mauvaises herbes, » presque toutes d’origine européenne. Par son moyen, on est mis sur la trace de leurs envahissements. Xanthium spinosum, EL. — Q Cette exécrable mauvaise herbe étran- gère se naturalise, dit M. Darlington, dans plusieurs districts de notre pays, surtout dans les États méridionaux. On peut la voir fréquemment le iong des chemins et dans les terres vagues, dans les faubourgs de nos villes maritimes du nord; c’est toujours un fléau public. J'ai ouï dire que les autorités d'une de nos villes publièrent une ordonnance, il y a quelques années, contre cette plante, qu’elles appelaient Chardon du Canada (a). (a) Le nom doit s'appliquer au Cirsium arvense. 716 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. L'erreur de nomenclature ne nuisit probablement pas aux ordres donnés ; mais il serait mieux que nos législateurs et nos fermiers connussent les mauvaises herbes par leurs vrais noms. » On peut suivre la migration de cette plante aux États-Unis. Walter (FE. Carol, ann. 1788) n’en parle pas; ni Michaux, en 1803, ni Pursh en 1814, ni Bigelow (F1. Boston) en 1814, ni Barton (Comp. FT. Philad.) en 1818. M. Nuttall (Gen., Il, p.186) dit, en 1818 : « Maintenant naturalisée de Savannah en Géorgie à Georgetown, dans le district de Colombia. Elliot (Sketch. Georg. and Carol.) dit en 1824: «Plante exotique maintenant très commune sur les côtes de Caroline et de Géorgie. » M. Darlington, dans sa première édi- tion de la Flore de West-Chester (Pensylv.), en 1826, dit : « Cette mau- # _vaise pe ; n’est pas encore parvenue dans le pays, et je ne lai pas vue au delà du district de Columbia. » Dans l'édition de 4837, il s'exprime ainsi : « Gate d able plante s’est naturalisée çà et là, er trois ans envi- NE nord- ouest du comté; mais elle y est jusqu’à présent et Met à très rare. C’est à nos fermiers vigilants d’en arrêter les pro- nt que cela se peut. Elle se répand sur les lots vacants (ter- dre) de Philadelphie, entre Broad-Street et le Schuylkill, où elle a | été introduite, il y a quelques années, du midi. » Enfin, j'ai cité ses expressions en 1847. Maintenant, l'espèce est sur la côte du Massachu- setts (Torr. et Gray, FL, Il, p. 295, avril 1842), c'est-à-dire à Boston, où la Flore de Bigelow ne l’indiquait ni en 1814, ni en 1824 (Plants of Boston, 2° édit.). Ainsi, de 1816 ou 1817 jusqu'en 1842, le Xanthium spinosum s’est répandu de la Géorgie à Boston, du 32e au 42° degré de latitude. Il s’est déjà introduit au Brésil (Vell., #4. Flum.), au Chih (Voy. Beechey, p. 57), et sans doute ailleurs. Linaria vulgaris, L. € Cette plante étrangère, dit M. Darlington (Agrie. Bot., p. 110), s’est naturalisée sur une vaste étendue; elle est devenue un embarras dans nos pâturages el nos prairies supérieures (a). M. Wat- son, dans ses annales de Philadelphie, dit qu’elle a été introduite du pays de Galles, comme plante de jardin, par un M. Ranstead, d’origine galloise, qui habitait dans cette ville; de là, un de ses noms les plus connus en Amérique (Ranstead-veed), mauvaise herbe de Ranstead. Elle tend à oceu- per de grands espaces de terrain, par ses racines tracantes qui la rendent maitresse du sol, » Je vois effectivement que le Linaria vulgaris n’est pas mentionné dans Walter (F1. Carol.), ni dans Michaux (FT. bor. Amer.), (a) D’après ces expressions, il semble que l'espèce aurait pris en Amérique une station différente de celle d'Europe ; cependant M, Asa Gray (Bot. of North St., 1848) dit qu'elle croît dans les champs et au bord des routes. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 7147 ui dans Elliot (Sk. Georg.). On commença à la trouver en 1814 autour de Boston (Bigel., 1'e édit., p. 451). L'auteur ne dit pas qu’elle füt étrangère. M. Nuttall (Gen., Il, p. 45), au contraire, la dit naturalisée en beaucoup trop grande abondance dans les États moyens de l'Union, mais non indi- gène. M. Darlington en parle déjà en 1826, dans sa Fiore de New-Ches- ter, en Pensylvanie, comme d’une plante étrangère, nuisible, très répandue. Toutefois, il paraît que l'introduction est plus ancienne, car voici un pas- sage qui à échappé aux auteurs modernes américains et qui remonte à 1806. Il est de Schecut, Flora Carolinæensis, p. 180. « Antirrhinum Linaria, appelé, en Pensylvanie, Ransted, est une plante indigène, vivace, qui croît dans les prés stériles, les pâturages et au bord des chemins. Les vaches, les chevaux et les pores refusent d'en manger, etc. Quelques botanistes estiment que cette herbe détestable n’est pas indigène aux États-Unis. Si la personne qui l’a importée est vivante, elle peut regretter d’avoir pris la peine d'introduire une plante aussi nuisible. » Il faut remar- quer que Shecut parle dans son livre d’une infinité de plantes qui né sont point en Amérique et même qui n’y étaient pas cultivées. Malgré l'opinion Æ qu'il émet d’abord sur le Linaria vulgaris, et le silence de plusieurs | auteurs américains (Pursh, Beck, Asa Gray, Bot. of N. S1.), je crois à l'introduction par M. Ranstead ou Ransted, qui est affirmée par un écrivain de la localité, admise par M. Darlington, également du pays, et qui con- corde avec la marche graduelle manifestée dans les Flores successives. Une plante aussi visible n'aurait pas échappé aux premiers auteurs, tels que Walter, Michaux, ete., et si d’ailleurs elle existait en Amérique depuis des siècles, elle sy serait répandue partout depuis longtemps. Sir W.-J. Hooker l'indique au Canada (F1. bor. Am., I, p. 94%), mais comme introduite. Elle n’est pas encore mentionnée sur la côte ouest de Amérique. Echium vulgare, L. — Il est regardé aux États-Unis comme d’origine étrangère et naturalisé (Darlingt., Agr. Bot.,p. 122; A. Gray, Bot. N. St., 1848, p. 335), quoique Pursh et d’autres auteurs en aient douté. Je le crois effectivement introduit en Amérique, car les ouvrages un peu anciens sur ce pays n’en parlent pas (Walter, Michaux, Elliot, Barton, Comp. Phlad.).Pursh, en 1814, le cite comme « rare et peut-être natu- ralisé. » Nuttall, en 1818, le dit « trop naturalisé en Virginie. » A West- Chester, Pensylvanie, il s’est répandu entre l’époque de la première et celle de la deuxième édition de la Flore de M. Darlington (1826 à 1837). En 1847, il était encore rare en Pensylvanie, mais commun en Maryland (Darlingt., Agric. Bot., p. 122). M. Asa Gray, en 1841 ou 1842, fut très étonné d’en trouver une grande quantité dans la vallée de Shenandoa. € se trouve occasionnellement le long des routes, dans les États du . 718 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Nord, dit-il (a) ; mais ici, dans une étendue de plus de 100 milles, il s’est emparé complétement méme de champs cultivés, surtout R où le roc cal- caire est à nu, ei il forme un long tapis bleu. » Sir W.-J. Hooker ne le mentionne pas dans son Flora boreali-Americana. D'après le silence des premiers auteurs et de quelques-uns des plus modernes, et d’après Pen- semble des faits et des opinions, il est impossible de douter de l'introduc- tion assez récente de l'espèce en Amérique. Piantago major, L. — Le Plantain commun est certainement d’origine européenne, dit M. Asa Gray, en 1848 (Bot. of N. St., p. 278). Voici ce que M. Parlington (Agric. Bot., p. 106) nous apprend de curieux sur cette plante. € Elle est étrangère, mais très généralement naturalisée aux États-Unis, et l’on remarque qu’elle accompagne l’homme civilisé, qu’elle s'établit au bord de ses sentiers et autour de ses habitations récentes. On dit que nos aborigènes la nomment, par ce motif, le pied de l’homme blanc. Peut-être le nom générique Plantago exprime-t-il une idée semblable : planta, la plante du pied, et ago, je mets en mouve- ment, j'agis (b). » Le Plantago major existe dans toutes les parties boréales de l'Amérique, du Labrador et de Terre-Neuve à Sitcha, fort Vancouver (Hook., FT. bor. Amer., Il, p. 128) et en Californie (Voy. Beechey, p. 127). Son introduction, réputée certaine, doit au moins être ancienne, d’après la diffusion actuelle et l'observation des Indiens. Elle manque cependant à quelques-unes des premières Flores américaines (Walter, #1. Carolin., 1788; Michaux, 1803; Barton, Comp. Fl. Phil. 1818). M. Bigelow l’indiquait, en 1814, près de Boston, sans dire qu'elle füt étrangère, et Elliot (S£. Georg., 1, p. 201) en parle, en 1821, comme d’une plante introduite, mais parfaitement naturalisée. 3° Dans les régions intertropicules ou voisines des tropiques. Fragaria vesca, L. — Le Fraisier s’est complétement naturalisé sur les hauteurs de la Jamaïque, d’après l’assertion de M. W. Purdie (Hook., Lond. Journ. of bot., 1844, p. 515). Ien est de même à l'ile Maurice, d'après M. Bojer (Hort. Haur., p. 127) et à File Bourbon. Pour celle-c; nous avons des détails positifs donnés par Bory Saint-Vincent (Compt. rend. Acad. sc., 1836, 2° sem., p. 109). « Le père du mulâtre Lislet-Geof- froy, correspondant de lfnstitut, avait apporté de France des plantes de (a) Botan. ercurs. to N. Carol., dans Silliman, Amer. journ. sc., 42, n° 4, transcrii dans Hook., Lond. journ. of bot., 1842, p. 219. (b) L'étymologie latine est peut-être hasardée, mais elle vaut bien celle de Linné {Phul. bot., $ 234) : Plantago..……. planta tangenda. Mon vieux dictionnaire latin dit : Plantago a planta. C'est plus prudent et peut-être plus vrai, NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 719 Fraisier, qui végétaient mal dans son jardin de Port-Louis, où la chaleur ne leur permettait guère de prospérer. Sur l'avis de Commerson, ces plants appauvris furent transportés par lui et Lislet Geoffroy, sur la plaine des Cafres, où confiés au sol, ils ont tellement prospéré, qu'à l’époque de mon premier voyage, les hauteurs de l'ile en étaient déjà couvertes. Les prairies y ont, en plusieurs endroits, envahi le terrain et étouffé la végéta- tion indigène. Dans la saison des fruits, je vis, en 1801, des espaces qui en paraissaient tout rouges, et je puis assurer, sans exagérer, qu’on ne les traversait point sans se teindre les pieds jusque au-dessus de la cheville, d’une véritable marmelade mêlée de fange volcanique. » Chenopodium ambrosioides. — M. Burchell en sema dans un jardin à Sainte-Hélène. Il partit pour son voyage au Cap, et touchant de nouveau à Sainte-Hélène quatre ans après, 1l recut des plaintes de ce que l'espèce s'était répandue dans l’île, au point de devenir une mauvaise herbe désa- gréable. Le fait est déjà cité par mon père (Géogr. bot. dans Dict, se. nat., vol. XVII), et M. Burchell m'en a confirmé lui-même les détails en 1839. Une espèce de Rubus, appelée common Black berry par les Anglais, s’est tellement multipliée à Sainte-Hélène, après son introduction en 1780, dit Martin (Statist. Brit. colon., p. 524), qu'il a fallu la faire extirper par ordonnance. Acacia longifolia, Wild, — Cette espèce de la Nouvelle-Galles du Sud a tellement envahi l’île de Sainte-Hélène qu’elle en occupe maintenant le tiers (Seemann, Bot. of Herald, p.145 ; id. dans Hook., Journ. of Bot., 1852, p. 239). Ulex europæus, L. L’Ajonc, introduit aussi à Sainte-Hélène, s’y est naturalisé complétement et donne de plus belles fleurs qu'en Europe (Seemann, dans Hook., Journ. ibid.). Parkinsonia aeculeata,L. — Cet arbuste des Antilles et du continent voisin, cultivé au Sénégal depuis 1816, y est devenu sauvage, dans les plaines de Wallo (Perrott. et Le Pr., F1. de Sénégq.). Momordica senegalensis, Lam. — Transporté de Guinée au Brésil, d’après l’abbé Manoel Ayres de Cazal, il y a recu le nom de Erva de San Gaelano. On le voit s'établir à la suite de l’homme , comme le Datura Stramonium et quelques espèces d'Europe. Auguste de Saint-Hilaire qui cite ce fait (Ann. sc. nat., XXIV, p. 69), a comparé le Momordica du Brésil avec celui du pays d’origine. Le même naturaliste revient souvent sur les faits de cette nature, dont il apprécie avec raison toute l'importance. « Quelques plantes européennes, dit-il (Pl. remarq. du Brésil, introd., p. 58), telles qu’un de nos Ana- 46 720 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. gallis, le Leonurus Cardiaca, un de nos Chenopodium, se sent presque naturalisées dans les environs de Rio-Janeiro. La quantité d'espèces venant d'Europe est déjà plus considérable autour des villes situées dans les par- ties élevées de la province des Mines: ainsi, par exemple, on retrouve à Villa-Rica, notre Verveine, une de nos Wenthes, le Poa annua, etc., et l'on voit à Tejuco le Verbascum Blattaria,VUrtica dioica, un de nos Xan- thium, ete. Le nombre des plantes d'Europe augmente encore dans les environs de Saint-Paul ; le Marrubium commune et le Conium macu- latum croissent jusque dans les rues de cette ville; le Polycarpon, sur les murs des jardins qui l'entourent. Plus reculé vers le midi, Porto-Alegre a reçu plusieurs de nos espèces : ainsi, on voit communément, dans quel- ques-unes de ses rues les moins fréquentées, l’Alsine media, le Rumer pulcher, le Geranium Robertianum, le Conium maculatum, YUrtica dioica ; mais nulle part, les plantes d'Europe ne se sont multipliées avec autant d’abondance que dans les campagnes qui s'étendent entre Sainte- Thérèse et Montevideo, et de cette ville jusqu’au Rio-Negro. Déjà la Vro- lette, la Bourrache, quelques Geranium, V'Anethum fœniculum, ete., se sont naturalisés autour de Sainte-Thérèse. Des plantes qui, dans leur pays natal, ne se trouvent qu'isolées, vivent en société dans les environs de Montevideo ; elles s’attachent, pour ainsi dire, aux pas de l’homme, entourent ses habitations et s'emparent des pâturages qu'il parcourt le plus. Les chemins sont bordés de deux larges bandes de fleurs d’un bleu pourpre, celles de l’Æchium maritimum. L'Avena sativa est aussi com- mun dans quelques pâturages que si on avait semé; on retrouve partout nos Mauves, nos Anthemis, un de nos Ærysimum, notre Marrube com- mun, ele.; un de nos Myagrum, dont le premier pied parut il y a dix ans sous les murs de Montevideo, couvre aujourd’hui presque à lui seul tout l’espace qui s'étend de cette ville à son faubourg. J’espérais trouver beaucoup de plantes sur le Cerro de Montevideo, la seule montagne qui avoisine cette ville; mais on à bâti un fort sur son sémmet, des soldats la parcourent sans cesse, et sa végétation actuelle, presque artificielle, ap- partient en très grande partie à la flore d'Europe. Cependant aueune espèce ne s’est répandue dans les campagnes du rio de la Plata et de l'Uru- guay, bien au delà de Rio-Negro , autant que le Chardon Marie (Car- duus marianus), et surtout notre Cardon (Cynara Cardunculus ). Depuis que les troupeaux ont été exterminés, celle plante se multiplie avec une rapidité effrayante; elle couvre aujourd'hui des terrains immenses et les rend inutiles, etc. » Le Leonurus sibiricus, L., a été introduit, selon le docteur Tdefonso Gomez, il y a trente ans, dit Gardner (Hook., Lond. Journ. of Bot., NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 721 1, p. 183), par des graines venues accidentellement de Chine. Il s’est naturalisé si bien que je l'ai rencontré dans toutes les parties du Brésil où j'ai été. » Bertero (Ann. se. nat., XXI, p. 350) reconnut à l’île de Juan-Fer- nandez plusieurs espèces étrangères qui sont devenues très abondantes. Je citerai parmi celles qu'il indique le Melissa officinalis, V Avena sa- tiva, le pècher ordinaire, qui certainement sont des plantes de régions fort éloignées. « Le pêcher, dit-1l, est si abondant, qu’on ne peut se faire une idée de la quantité de fruits qu’on récolte ; ils sont en général très bons, malgré l’état sauvage dans lequel il sont retombés, » M. James Drummond, dont les herborisations dans le sud-ouest de lAus- talie ont été si fructueuses, n’a pas négligé de remarquer certaines espèces dont la naturalisation, bien authentique, a été rapide aux environs de Swan- River. Il mentionne (Hook., Journ. of Bot., 1840, v. If, p. 347) le Lo- lium temulentum, plante mdiquée en Europe, dans l'Asie occidentale et au Brésil (Kunth, £num., v. I); le Briza minor, qui est plus répandu dans le monde, mais qui manquait à la Nouvelle-Hollande ; le Phalaris aquatica, connu jusqu'alors en Europe et en Algérie (Kunth, Æruwm., W, p. 32). » J'ai moi-même introduit, dit-il, les premiers pieds de Physalis peruviana et de Solanum capense, et dans le laps de dix ans ils sont de- venus complétement naturalisés. Le Sonchus oleraceus, qui est à présent la mauvaise herbe la plus nuisible, même jusqu’au distriet de York, était inconnu totalement quand nous arrivämes dans le pays (a). » Des faits analogues se sont manifestés sans doute aux environs de Sidney et dans tous les établissements de la côte orientale quand on a commencé à les coloniser, même à visiter le pays, avant de s’y établir. Comme preuve de la complète naturalisation de quelques espèces dans cette contrée, je citerai une observation de M. Th. Corder, contenue dans le Phytologist de novembre 4845. Ce botaniste est établi dans le sud-est de l'Australie, dans un district intérieur, élevé de 1200 pieds au-dessus de la mer. Il re- marque la présence de plusieurs plantes européennes qu’il croit indigènes parce qu'à l’époque de son arrivée le pays était encore dans l’état de nature. Mais comme ces espèces ne sont pas dans la liste d’espèces primitivement communes à PEurope et à la Nouvelle-Galles, donnée avec soin par M. Brown (ren. rem., p. 58 et 60), il faut qu’elles aient été naturalisées aux environs de Sidney ou des établissements les plus nouveaux de la côte (a) M. Brown (Gen. rem., p. 58 et 60) mentionne le Sonchus oleraceus comme exis- tant à la Nouvelle-Galles du Sud, sans avoir été introduit. Sa propagation rapide à Swan- tiver me fait croire qu'il s'était plutôt naturalisé à la Nouvelle-Galles par des premiers colons ou navigateurs européens, 72? CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. méridionale, d’où elles se sont propagées au travers des terres. Ce sont les Matricaria Chamomilla, Melilotus officinalis, Centaurea solstitialis, Lotus corniculatus, en grande abondance, Linum perenne, Medicago maculata?, Stellaria graminea, Polygonum Persicaria, enfin l’Althæa officinalis. M. G. Gardner mentionne (Bot. mag., avril 1848, append., p. 14) plusieurs espèces d'Amérique et de Madagascar, qui se sont naturalisées à Ceylan, probablement par l'effet de leur culture dans les jardins. € Plu- sieurs, dit-il, sont connues pour s’être échappées des jardins de Colombo ou de Peradenia depuis les derniers vingt-cinq ans. Ainsi le Passiflora fœtida, devenu une mauvaise herbe très commune, est des Antilles et du Brésil, et fut introduit par M. Moon en 1824. Deux espèces de Crotalaria, le C. Brownei de la Jamaïque, et le C. incana du Cap; le Cosmos cau- data, du Mexique, qui ressemble à un Coreopsis ; le Nicandra physa- loides, du Pérou, à fleurs bleues; le Mimosa pudica ou sensitive, de l'Amérique méridionale, sont des mauvaises herbes, non-seulement autour de Peradenia et Candy, mais qui s'étendent en outre rapidement dans toutes les directions, etc. » La colonie de Victoria, dans la Nouvelle-Hollande méridionale, est bien récente; cependant le docteur Muller écrivait, 11 y a quelques mois (Hook., Journ., 1854, p. 125), après avoir parcouru le pays : « Déjà cinquante espèces sont naturalisées au point qu'il serait impossible de les détruire et que même elles dominent les espèces indigènes moins vigoureuses. » L’invasion des espèces étrangères est surtout remarquable dans les pe- tites îles, comme Sainte-Hélène et lAscension, où les espèces aborigènes étaient peu nombreuses et se maintenaient sans avoir beaucoup à lutter. Elles sont maintenant écrasées, pour ainsi dire, par des espèces nouvelles plus robustes ; elles ne peuvent plus supporter cette concurrence avec le monde entier. On les voit diminuer et elles tendent à disparaitre dans leur propre pays, comme les pauvres et faibles indigènes d'Amérique et d'Australie par le contact des populations anglo-saxonnes, plus fortes et plus actives (a). SIL. DU DEGRÉ D'IMPORTANCE DES NATURALISATIONS À GRANDES DISTANCES POUR DIVERS PAYS, Dans le but d'apprécier le nombre et le mode des naturalisations à grandes distances, je me propose d'examiner les espèces qui se sont intro- duites en Europe, de pays lointains, et celles qui se sont introduites aux (a) Voir Seemann, dans Hooker, Journ. of Botany, 14852, p. 238 : extrait dans Hibl, univ. de Genève, 4° série, vol. XXII, p. 93. NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 723 États-Unis. On possède sur ces deux régions des documents assez exacts pour pouvoir établir la liste de toutes les espèces naturalisées, au moins depuis l’époque de la découverte de l'Amérique. Je dirai ensuite quelques mots des naturalisations dans d’autres pays. Quant à l'Europe, j'ai parcouru les principales Flores, Jai étudié, au moyen des ouvrages, l’histoire des espèces qu’on croit naturalisées depuis la découverte de l'Amérique jusqu’à l’époque actuelle, et après avoir laissé de côté quelques espèces dont il est impossible de prouver l’origine étrangère, je puis offrir le tableau suivant comme assez complet en ce qui concerne les espèces venues de pays lointains. Je prie qu’on n'oublie pas la définition du mot naturalisation telle que je l'ai donnée ci-dessus (p. 609), sans cela on pourrait supposer bien des omissions dans mon tableau. ESPÈCES NATURALISÉES EN EUROPE, DEPUIS LA DÉCOUVERTE DE L'AMÉRIQUE (NON COMPRIS LES ESPÈCES ORIGINAIRES DE PAYS VOISINS DE L'EUROPE, COMME LA SIBÉRIE OCCIDENTALE, L'ANATOLIE, LA SYRIE, LA BARBARIE, NI LES ESPÈCES NATURALISÉES EN ISLANDE, AUX ÎLES ACORES, MADÈRE ET CANARIES }); CONTENANT L'INDICATION D ESPÈCES CONSIDÉRÉES A TORT COMME NATURALISÉES ET VENANT DE PAYS ÉLOIGNÉS, ET QUI SONT OU ADVENTIVES, OU, CULTIVÉES INVOLONTAIREMENT, OU ORIGI-= NAIRES DE PAYS VOISINS DE L'EUROPE (&). + Escholtzia californica, Cham.— (1) — Origine : la Californie. — Maintenant autour d'Angers, dans les champs (M. Leroy, verbalement en 1850). Senebiera pinnatifida, DC. — @) — Origine: Amérique tempérée (les deux hémisphères).—Terrains vagues etdécombres près des côtes dans l’île de Bornholm (Fries, Summa), en Angleterre (ci-dessus, p. 653), au sud-ouest de la France, au midi de l'Espagne (Boiss., Voy.) et en Toscane {DC., Sys£.). De Candolle (Syst, IF, p. 524) soupçonnait l'origine étrangère parce que les anciens botanistes ne con- naissaient pas l'espèce Ray et Dillenius n'en parlent pas (Engl. Bot., L. 248); et c'est, je crois, à tort que les Anglais la regardent ordinairement comme indi- gène (Bab., Man., 2° édit.; Wats., Cyb., 1, p. 115). L'échantillon de Montpel- lier vu par mon père est du Port-Juvénal, localité de plantes adventives ; Gouan ne parle pas de l'espèce. Il n'est pas probable qu'une plante aussi distincte eût échappé aux botanistes de l’ouest de l'Europe, notamment aux Anglais, si elle avait existé jadis en Europe. + Malva verticillata, L. — @) — Pays d'origine : la Chine. — Voyez ci- dessus, p. 65. (a) Les espèces de ces diverses catégories sont en caractères italiques. Ce sont principa- lement des plantes qui ne sortent pas des terrains cultivés dans les pays où on les dit naturalisées. Les espèces vraiment naturalisées sont imprimées en caractères gras. Le doute sur l’origine étrangère est indiqué par le signe ?, Le doute de savoir si l'espèce est véritablement naturalisée dans le sens précis du mot est indiqué par le signe ‘. 72h CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÉCES. Malva caroliniana, L. — (à) -- Origine : F Amérique septentrionale. —Mainte- nant dans les cultures près de Sorèze (Godron, Consid. migr., p.19). Hypericum quinquenervium, Walt, — 7 — Origine : Amérique septen - trionale. — Marais de Bientina, près de Pise. Savi l'a décrit comme nouveau sous le nom de Sarothra blentinensis:; mais M. Treviranus (Verhand!. naturf. Ver. Preuss., 11, p. 260) les réunit. Je n'ai vu ni la plante ni le mémoire de Savi. + Cardiospermum Halicacabum, L. —G)—Origine : Inde, Afrique .— Dans les cultures près de Malaga (Hænseler et Rambur, dans Boiss. (Foy. Esp., L, p. 147). M. Boissier ajoute que l'espèce est introduite çà et là dans les parties les plus chaudes de l'Europe, mais je n’en vois pas de preuves dans les Flores. Le C. Ha- licacabum est très commun dans l'Inde, où il a un nom sanscrit (Piddington, Index). est rare et douteux en Amérique. Lepidium virginieum, L. — (4) —- Origine : Amérique septentrionale. — Dans le lazaret de Bayonne depuis longues années (Godron, Cons. migr., p. 22). Impatiens fulva, Nutt. — (1) — Origine : Amérique septentrionale.—Bord des rivières près de Londres. V oye ez ci-dessus, p. 710. + Impatiens parviflora, Led. — 1) —Origine : Sibérie altaique.—Natu- ralisée d’abord dans le jardin de Genève, depuis 1831, où elle est devenue une mauvaise herbe assez abondante : de là dans les fossés d'une route autour de Ge- nève; de même, près de Dresde, elle s'est répandue dans les jardins et les dé- combres (Burkhardt, dans Flora, 1851, p. 162). Elle manque à la Sibérie oeci- dentale et la Russie d'Europe (Ledeb., F1. Ross.). Oxalis cernua, Thunb. — Z — Origine : le Cap. — Sardaigne près d'Orri (Moris, FI. Surd., 1, p. 363); Palerme, sortie du jardin (Parlat., inéd.); Messine (Heldr.); se propage régulièrement en Sicile d'année en année (Parlat.) ; Malte (Kelaart, FI. Calp., p. 60): Gibraltar, depuis 1826 {Kelaart, ib.): Alger (Munbv, FL, p. 45); Barcelone (Webb, verbalement. Oxalis stricta, L. — (4) — Origine : Amérique septentrionale ? — Voyez ci- dessus, p. 650. + Rhus Toxicodendron , L. - ; — Origine : Amérique septentrionale. — Commun dans les bois marécageux de Montaure, près Louviers {Mut., F1. Fr., 4, p. 221); presque naturalisé dans le pare de Malesherbes. près de Paris (Coss. et Germ., F1., 1, p.114). Jedoute quel'espècese propage près de Louviers autrement que par des drageons. Dans ce cas, les individus seraient établis, mais non l'espèce. Toutefois le R. Toxicodendron pousse moins de rejetons que le R. Typhinum. Ampelopsis hcderacea, Mich. —)—0Origine : Amérique septentrionale, — Naturalisé près de Trente et de Roveredo (Hausm., F4 Tyrol, 1851, p. 470). Apios tuberosa, Moœneh.—2— Origine : Amérique septentrionale. — Dans un bois près de Pavie {Moretti, cult. de l'Apios, Rev. hortic., 1852), près de Mantoue (Biasol., b.), en Autriche et en Bohême (Hügel, ib.). ? Potentilla pensylvaniea, L. — 2% — Origine : Amérique septentrionale et Sibérie. — Bois de Boulogne, Arcueil, Grenelle, Vincennes, etc., près de Paris (Mut., FI. Fr.; Cheval., FI. Par.; Coss. et Germ. FT. Par.). Déja au ne x logne depuis quarante ans au moins (DC., Hblasets Mérat, F1. Par., 1812). M. Cosson (fase. 3, p. 107) vient de la retrouver au sommet de la Serra de Segura, eh Espagne, circonstance qui peut faire soupçonner une exis- tente ancienne en Europe. Elle habite la Sibérie dans toute son étendue (Ledeb., FI. Ross., v. IL), le nord-ouest de l'Amérique et le Canada ; mais, chose curieuse, NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 725 elle manque aux États-Unis, à l’est du Mississipi, par conséquent elle ne vient pas dans la Pensylvanie, et le nom induit en erreur (Torr. et Gray, FI. N. Amer., I, p. #38). Ilest probable, d'après le nom donné par Linné, que les premières graiñes venues en Europe étaient au moins d'Amérique. de la regarde par ce motif comme fournie par l'Amérique à l Europe { mais l'origine est douteuse. Œnothera biennis., L. — 1) — Origine : Amérique septentrionale. — Dans presque toute l'Europe, depuis le xvu* siècle. Voyez ci-dessus, p. 710. Œnothera muricata, L. — 2 —Origine : Amérique septentrionale. —Ca et la en Alsace et dans le pays de Bade (Düll, F1.), dans les iles de l'Elbe (F1. Dan. t. 1752; Koch, Syn. FI. Germ.). En Alsace depuis le siècle dernier (OEnothera parviflora, Gmel., F1. Bad, Als., IV, p. 263). Pollich (PL. Pulat.), en 1778,n'en parlait pas. L'OEnothera grandifiora ou suaveolens, qui s’échappe quelquefois dés jardins, par exemple dans les alluvions de la Loire (Guérin, #1. Maine-et-Loire, äe édit., suppl.), est regardé par Torrey et Gray comme une variété du biennis, et ils réunissent également l'OEnothera muricata au biennis. Opuntia Ficus-indica. Webb. — } — Origine : Amérique. — Naturalisé depuis longtemps aux Canaries, dans la péninsule espagnole, en Sicile, même dans quelques points très chauds de la Suisse (Hall, Helv., 1099) et du Tyrol (Koch, Syn.). Pour la synonymie, voyez DC., PL. gr., t. 438 et Webb, Phyt. Can., 1, p. 209; pour l'introduction en Europe, voyez Steinbeil, dans Boiss., Voy. bot. en Esp., 1, p. 25, où la question est fort bien traitée. Il est certain que les botanistes du xvi° et du xvu siècle ont regardé la plante comme transportée d'Amérique ; les noms même tuna, Ficus indica, le prouvent d'autant plus que les Opuntia et Cactus, des Grecs, étaient évidemment des plantes tout à fait diffé- rentes. J'estime, avec Steinbeil, que les Espagnols ont d'abord cultivé le tuna dans le midi de l'Espagne, qu'ensuite on l’a transporté sur les bords de la mer Méditerranée jusqu'en Palestine: que les Maures, chassés d'Espagne, l'ont pro- bablement porté en Barbarie {d'où vient le nom arabe Figue de chrétien). D'un autre côté, on ignore, et Steinheil ne l'a pas fait remarquer, à quelles époques et jusqu'à quel degré l'espèce est devenue, de cultivée, spontanée dans l’ancien monde. Lobel, en 1570, dans ses Adversaria, p. 453; Dodoens (Pempt., p. 813), en 4646 : J. Bauhin (Hist., 1, p. 154), en 1650, n'en parlent que comme d'une plante curieuse, cultivée. Oviedo (trad. de Ramusio, IH, p.120), qui avait vu lés luna en Amérique, et qui écrivait lors des premiers établissements dans ce pays, en 1526, ne dit point avoir vu l'espèce en Europe, excepté dans un jardin d'Italie. On en a planté de bonne heure et abondamment sans doute en Espagne, puis en Sicile, En Algérie (Steinh., L. c.) et dans le midi de l'Espagne (Boiss., L. c.) l'es- pèce paraît bien se propager d'elle-même, par graines. C'est l'opinion de MM. Webb et de Heldreich, qui l'avaient vue en Sicile, en Grèce, à Crète, où elle vient sur des rochers maritimes éloignés de toute habitation. Jussiæa grandiflora, Michx.—2% —Origine : Amérique septentrionale. — Dans les eaux du Lez, près de Montpellier, du Rhône et de la Sorgue. — Voyez ci-dessus, p. 714. : Galinsoga parviflora, Cav.—(4)—Origine : Mexique, Nouvelle-Grenade, Pérou, Chili.— Décrite en 1800 (Roth, Catal., HE, p. 414) dans un jardin d'Allemagne. Répandue en 1807 près de Memel et Osterode, provinces de Prasse (Patze, Mes. Elk., FL Preuss., 1849, 1, p. 314), puis en Lithuanie et en Courlande (Fleisch., FL, 1839, p. 27); en 1821 autour d'Erlang (Zucc., FL, 1821, p. 612). Reichen- … 7 As 726 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. bach l'indique en Saxe (F1, p. 157); Düll, sur les bords du Rhin, toujours dans les champs. Erigeron eanadense, L. — 1 —Origine : Amérique septentrionale. —Par- tout sur les vieux murs, décombres, etc., de la Sicile (Guss., Syn., IT, p. 872), a la Suède (Fries, Summ., p. 3), à Kasan, au Caucase et à l'Altaï (Ledeb., F1. Ross., Il, p. 487). — La première mention de l'espèce est, comme plante cultivée, dans le catalogue du jardin de Blois par Brunvyer, en 1655, sous le nom d'Aster canadensis annuus. Boccone en donna une bonne figure en 4674 (Ie. p. 86) et en parla comme d’une plante naturalisée dans le midi. L'origine amé- ricaine repose sur l'opinion des botanistes de Paris de cette époque. Selon Boc- cone quelques personnes en doutaient de son temps; mais Tournefort (Plant. env. de Paris, 1698, p. 172) dit: « Cependant les plus vieux botanistes de Paris le soutiennent (l'origine américaine) par une espèce de tradition qui paraît assez vraisemblable, car étant sans contredit la plante la plus commune de la campagne de Paris, il serait fort extraordinaire qu'elle n'eût été nommée par aucun des au- teurs qui ont écrit avant Brunyer. » Il insiste sur la facilité de cette plante à répandre ses graines. Elle s'est propagée dans le midi pendant l'impression de la première édition de Zanoni, en 1675, comme on peut le voir dans la deuxième édition, p. 37, publiée par Monti. Linné, en 1763, n'indique l'espèce que dans l'Europe méridionale et en Amérique. Elle est encore rare en Angleterre (Bab. Man., 2° édit.). Ambrosia tenuifolia, Spreng.— ()—Origine : Amérique méridionale.—A Cette, dans une vigne plantée sur du lest de vaisseaux, depuis plus de dix ans (Godron, Consid. sur migr., p. 22). Cotula coronopifolia, L.—{(1 —Origine : Cap, Amérique méridionale, Nou- velle-Zélande. — Naturalisé du temps de Linné en Frise (L., Sp, p. 4257); répandu depuis dans divers points du littoral nord-ouest en Allemagne (Koch, Syn., p. 407; DC., Prodr., VI, p. 78): aux Asturies (Durieu, dans DC., Prodr..); en Portugal et à Cadix (Reuter, verbalement). Tous les Cotula sont du Cap; mais cette espèce, qui vient sur les sables du bord de la mer, est très répandue, Je ne devine pas de quel pays elle a été apportée en Europe. Aster brumalis, Nees.— 2% — Amérique septentrionale. —En Allemagne, çà et là au bord des rivières (Koch, Syn., 2* édit., p. 386 : DC., Prodr., V, p. 236/; probablement aussi en France, mais confondu avec le suivant? (Mut., F1. Fr., HI, p. 125; Lorey et Dur., F1. Côte-d'Or?). Aster Novi-Belgii, L. — 2% — Origine : Amérique septentrionale. — En Allemagne, çà et là au bord des rivières (Koch, Syu., 2° édit., p. 386), en Lor- raine, au bord des rivières, dans plusieurs localités (Godr., F1., 1, p. 25) ; dans quelques lieux frais du centre de la France (Boreau, F1., 11, p. 234); dans les champs, à la Teste (Laterr., FL. Bordel., 4° édit., p. 239) ; en Suisse, déjà en 1829, au bord du lac de Morat et d'un torrent près de Vevey (Gaud., F1, V, p. 313;, près de Bâle (Hagenb., F1, IL, p. 327 et suppl., p. 176: en Piémont (Poll., FI. Veron., II, P. 702). 1 Aster leucanthemus, Desf. — Z — Origine : Amérique septentrionale. — Maintenant au bord de la Sprée, à Berlin (Koch, Syn., 2° édit., p. 386). Aster parviflorus, Nees. — 2% — Origine : Amérique septentrionale. — Au bord du Rhin, du Mein et de l'Elbe, çà et la (Koch, Syn., 2° édit., p. 386, au bord du Rhin et du Neckar (Düll, Rhein. F1., p. 482). NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 727 Aster bellidiflorus, Wild. - — Z — Origine : Amérique septentrionale. — Maintenant à Spire et au bord du Neckar, près de Manheim (Düll, Rhein. F1., p. 482). Devient facilement sauvage en Saxe (Reich., F1. Saæ., 1844, p. 145). Aster abbreviatus. Nees. — % — Origine : Amérique septentrionale. — Au bord du Rhin et du Mein, près de Mayence et de Bade (Düll, Rhein. F1, p 481). N.B. On indique d'autres Asters d'Amérique, comme naturalisés, entre autres en Allemagne : Aster lævigatus, Willd. (Reich., F1. Saxon., 1844, p. 144), Aster mutabilis, Ait. (Reich., ibid.), Aster concinnatus, Willd. (Reich., ibid.), Aster læ- vis, L.(Reich., ibid.), Aster versicolor, Willd. (Düll, Rhein. FL., p.483); en France: les Aster rubricaulis, Lam. (Boreau, FI. centr., p. 234), Aster dumosus, L. (Bo- reau, tbid.); en Angleterre : Aster salicifolius (Johnst., Æ£ast. Bord., p. 102). mais je n ose les admettre, même avec doute, parce que les indications de localités sont uniques, ou trop vagues, et que les déterminations d'espèces sont souvent douteuses. Stenactis annua, Nees. (Aster annuus, L.) — @) et @) — Origine : Amé- rique septentrionale. — Linné (Sp., p. 1229) en parle comme d'une plante du Canada, cultivée dans les jardins botaniques. Sept ans plus tard, en 1770, OEder (FL. Dan., tab. 486) la figure comme croissant près d’Altona : « Copiose in dumetis » horti ploenensis, aufuga forte ex hortis. » Roth (Tent. FL. Germ., 1, p. 366), en 1800, ne l'indiquait encore que dans le Holstein. Pollich {Æ1. Palat.), en 1776, 1777, n'en parlait pas ; mais Gmelin (F1. Bad. Als., HE, p. #48) l'indique dans plusieurs localités du grand-duché de Bade:; « in pratis et sylvaticis. » Elle est maintenant dans plusieurs localités de la Saxe (Reich., FL, p. 143). Villars (FL. Dauph., I, p. 222), en 1789, l'indiquait dans plusieurs endroits au bord de l'Isère, et Mutel (F1. Fr., Il), confirme. Rare en Lorraine (Godr., #1, I, p. 26). DC., en 1805, la cilait dans le Valais (F4. Fr., IV, p. 147). d'après un échantillon de Schleicher. Elle est plus répandue dans le nord de l'Italie, car j'en ai des échantillons indiquées dans le Prodr. (V, p. 298) ; elle y est souvent citée (Poll., FE. Ver., IT, p. 704), même depuis 1802 (Suffren, Frioul). Ledebour, FL. Ross., 11, p. 491) la cite en Ukraine : mais d'après d'anciens auteurs dont je doute. La figure 78 de Gmel. (F4. Sibir., vol. Il) ressemble assez à l'espèce ; mais il dit dans le texte, p. 183 : « In horto medico floruit, ex seminibus in Ukrania lectis. » Je crains une erreur de jardin. Sans cela on douterait de l'ori- gine étrangère, vu la date de Gwelin (1749). D'un autre côté, ce ne peut être une espèce de Russie, car elle manque à toutes les Flores orientales de | Europe. En définilive, étant très répandue en Amérique, connue de Linné seulement dans les jardins et au Canada, puis paraissant çà et là, successivement, dans l'Europe centrale, je suis persuadé de l'origine américaine. Solidago canadensis, L. — 2% — Origine : Amérique septentrionale. — Se naturalise souvent dans le voisinage des parcs et des habitations (Boreau, F1. centr. : Coss. et Germ., F1. Paris, LE, p. 114; Düll, Rhein FL, p. 485): sur la rive gauche de la Garonne, commun à Bègles (Laterr., F1. Bord., 4° édit., p. 239). Il est faux qu'il se soit naturalisé à Vienne (Neilr., F1. Wien, 1846, p. 228). N. B. D'autres Solidago d'Amérique sont indiqués quelquefois comme natura- lisés, mais dans une seule localité, et trop récemment pour qu'on puisse admettre les faits comme durables. Exemple : Solidago lithospermifolia, Wild. (Lecoq, F1. 728 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. plat. cent. France, p. 218), Solidago serotina, Ait. (Lecoq, ib.: Dôll, Rhein. FL, p. #85) : Solidago procera, Ait. (Dül!, ibid.). Ces espèces étant cultivées depuis longtemps sans se répandre, je crois qu’elles restent à l'état de plantes adventives. Bidens bipinnata, L. — (4) — Origine : Amérique septentrionale, — Bord des champs, décombres, dans le Tyrol méridional (DC., Prodr., V, p. 603 : Hausm., fl. Tyr., p. 439), où elle devient un fléau (Koch, sl 2e édit., 396) : près de Montpellier (Mut.. FL Fr., U, p. 142: mon père en avait eu connais- sance avant 1816, mais je n'en vois pas dans son herbier). Gouan (Hort. Monsp., p. 428) disait seulement qu'elle supporte le plein air. Gnaphalium undalatum, L. — 4) - Origine : le Cap. Helichrysum fœtidum. Cass. — 2 — Origine : le Cap. Ces deux espèces se sont naturalisées depuis plusieurs années aux environs de Cherbourg (Lejolis, Ann. se. nat., 3° sér., vol. VIT, p. 228). Antennaria margaritacea. Br. (Gnaphalium margaritaceum). — % — Origine : Amérique septentrionale. — Spontanée du Kamtschatka (Ledéb., FT. Ross., HT, p. 613) et de l'Orégon (Torr., Grav, F1., IT, p. 429) à là baie d'Hudson, à Terre-Neuve et aux montagnes des états méridionaux de l'Union (id..), par conséquent sur une vaste étendue. Clusius{Hist., p. 328), en 1601, la décri- vit le premier sous le nom de Gnaphalium americanum, l'ayant reçue déjà, en 1580, d'un horticulteur anglais qui la croyait d'origine américaine. Gerärde Parad., p. 474), en 1629, ne disait point que la plante fût anglaise ; if la décrivait sous le nom de Argyrocome sive Gnaphalium americanum. On la cultiva beau- coup alors en Angleterre. Le nom vulgaire American cudweed, n'est que la tra- duction de Gnaphalium americanum. NH est probable que l'on eut de bonne heure l'idée de la placer dans les cimetières, à cause de la qualité d'immortelle. Le nom anglais est American live long ou American everlasting (immortelle), d'après les Flores. Les Baubin en parlèrent comme d'une plante cultivée, améri- caine. À l'époque de Ray, on la trouva spontanée et permanente dans un pré du comté d'Essex et dans une localité tte de Galles, sur une étendue de douze mille anglais (Ray, Syn., 1724, p. }. Ray n'osa pas affirmer qu'elle fût d'origine anglaise : « Ob loci natalis nine » Hill et Hudson, en 1788, Smith (F1. Brit.), en 1800, n'indiquaient pas d'autres localités : mais Smith (Ængl. Bot., t. 2018), en 1809, en donne deux nouvelles, dans le centre de l'Angle- terre. M. Babington (Man., 2° édit.), en 1847, se borne à dire que l'espèce ést rare en Angleterre, et la regarde comme probablement d'origine étrangère. Watson (Cyb., I, p. 100 : IE, p. 458) cite des localités, mais n'est guère plus affirmatif quant à l'origine. Sur le continent, Haller (Helr., n. 146) l'indiqua, en 1766, dans un endroit appelé Drakau, au-dessus de l'Aar. Elle y durait ; maïs pouvait, dit-il, être sortie de quelque jardin. Les Flores modernes suisses n'en par- lent plus. Allioni (Ped.,E, p. 173), indique une localité au mont Cenis et une près de Turin ; mais les auteurs plus modernes (Re, Balbis, Pollini) ne confirment pas, car ils citent seulement Allioni, ou même le passent sous silence. Je doute qu'elle soit vraiment naturalisée à Nice (Risso) et à Baréges (Lepevr.', quoique Mutel {F1. Fr., IL, p. 137) le dise. Selon M. Weddell {Coss. et Germ., FE. Par., II, p. #44), elle s ‘est presque naturalisée dans la forêt de Compiègne. Schubler et Martens (FL Wurt., p.529), l'indiquaient, en 1834, dans une localité montueuse et humide près Wolfegg. Dôll {Rhein. F1.), en 1843, cite la même localité, d'après le même collecteur ; mais Koch (Syn., 2 édit., p. 404), aussi en 4843, dit : « In ditioné NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 729 Floræ nostræ sponte non provenit, neque uspiam spontaneum factum est. » Elle s'est naturalisée près de Cherbourg (Lejolis, Ann. sc. nat., 3° sér., v. VII, p. 228); mais il faudra voir si elle persiste. Ainsi, contrairement à quelques auteurs, je regarde comme prouvé : 1° que l'Antennaria margaritacea, Br., a été introduite peu de temps après la découverte de l'Amérique septentrionale dans les jardins anglais, puis dans ceux du continent ; 2° qu'elle s'est naturalisée au commencement du xvu° siècle dans quelques points de l'Angleterre, notamment au midi du pays de Galles, en s’'échappant des jardins et des cimetières; 3° que sur le continent, elle n'a guère franchi la hmite d'une piante adventive, qui vient çà et la pour peu de temps. Peut-être s'établira-t-elle à Cherbourg, dont le climat est si semblable à celui de l'Angleterre. La grandeur relative de l’aire en Amérique et en Europe, concorde avec les indices historiques pour démontrer ces trois points. Xanthium spinosum., L. — (1) — Origine : Amérique méridionale ? Russie méridionale? — N'existait pas à Montpellier du temps de Magnol, ni ailleurs dans le midi de l'Europe, d'après le silence des auteurs sur cette plante facile à remarquer et commune là où elle se trouve. Magnol, dans son Hortus, dit qu'un jardinier lui en avait donné des graines rapportées de Portugal par Tournefort. Celui-ci et Magnol l'appelaient Xanthium lusitanicum, etc. Il n'est nullement pro- bable qu'une espèce aussi distincte, aussi prompte à se répandre, eût existé depuis longtemps en Portugal, sans que Barrelier, dans son Voyage en Espagne, et tous les botanistes antérieurs à Tournelort, en eussent parlé. Je soupçonne que les Portugais l'avaient rapportée, soit du Brésil, où il parait qu'elle existe (DC., Prodr., V, p. 523), soit de quelque point de l'Amérique méridionale, où elle est certainement aujourd'hui (Chili, voyez Beechey, p. 57). Eile manque au Cap (Drége et Mey.. Zwei Pflanz. geogr. Docum.), à l'Inde (Roxb., DC., Prodr.), à lAbyssinie (Rich., Tent. FL. Abyss ). Elle pourrait aussi être originaire du midi de la Russie, car Guldenstadt, qui a écrit son vovage en 1787, en fait sou- vent mention (Ledeb., F1. Ross , Il, p. 515). A cette époque, elle manquait à une grande partie de l'Europe méridionale. Elle s'est introduite à Montpellier, entre l’époque de Magnol et celle de Gouan, c'est-à-dire entre 4700 et 1763 (Linn., Sp., 2° édit., car la première édition ne parle pas de Montpellier). Gouan l'admet- tait dans sa Flore de Montpellier (1765). Elle est commune maintenant en Sicile et en Italie; mais Cupani, à la fin du xvn° siècle, n'en parlait pas (voy. Guss., Syn., v. I), et Séguier (Æ1. Veron., Il, p. 1#1) raconte comment elle s’est introduite à Vérone, un peu avant 1745, par des terres sorties d’un jardin dans lequel on la cultivait. Sibthorp ne la vit pas en Grèce, où elle existe maintenant (Expéd. de Morée; Griseb., Spicil.). Desfontaines, et même M. Munby (F1. Aiger, 1847) ne l'avaient pas vue en Algérie, où M. Boissier {Voy. Esp., v. I) dit cepen- dant qu'elle existe. Pour la naturalisation aux États-Unis, voyez p. 715. Xanthium macrocarpum, DCE. — 4) — Origine : l'Amérique. S'est répandu dans le Languedoc depuis 1844 (DC., herb.; FI, Fr., suppl., p. 356); dans les années suivantes, en Piémont et en Lombardie (Moreiti! h. DC. ; Nocca e! Balb., FL. Ticin.). Je ne puis croire qu'une plante aussi remarquable eût été négligée si elle avait existé dans le midi de l'Europe antérieurement. Ledebour (F1. Ross., Il, p. 514) la cite dans le sud-est de la Russie, comme rare, et peut-être étrangère au pays. Elle est abondante au Mexique, au Pérou, à Buénos-Ayres (DC., Prodr.),e!, pour le dire en passant, je ne puis voir aucune différence entre lès échantillons du midi de l'Europe et ceux du Mexique (Berland. ! 4865) et du 730 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÉCES. Pérou (Dombey ! 34), déjà réunis par mon père. MM. Torrey et Gray (F1. N. Amer., I, p. 285) disent que leur Xanthium echinatum, qu'ils croient différent du Xanthium macrocarpum, DC., au moins en partie, a des aiguillons recurved spreading (recurvo-patentes). Or, je vois dans notre herbier deux échantillons rapportés par mon père à son macrocarpum, tous deux de M. Torrey: l’un, de 1835, a les aiguillons réfléchis, l'autre, de 1820, les a dressés, comme c'est l'or- dinaire dans le macrocarpum. Le Xanthium macrocarpum , BC., étant nouveau en Europe, inconnu au Cap et dans l'Inde, fort rare dans la Russie méridionale, inconnu en Grèce et dans l'Orient, je suppose qu'il est originaire de l'Amérique, où ilest très répandu. Le nom de X. orientale est une erreur. Le Xanthium indicum, Roxb., est le seul que Roxburgh ait trouvé dans l'Inde (FL. Ind., v. I), le seul qui ait un nom sanscrit (Piddington, /ndex) ; il manque à l'Amérique. Celui-là doit être de l'ancien monde. Le Xanthium strumarium aussi, car il est dans tous les vieux auteurs européens. + Specularia pentagonia, Alph. DC. — 4) — Origine : Amérique méridionale et septentrionale. — M. Kralik l'a trouvé dans quelques champs près de Mar- seille (Godron, Consid. sur les migrat., p.18). Collomia grandifilora, Dougl. — (1) — Origine : Amérique septentrionale occid, — Depuis quelques années à une lieue d'Erfurt (Flora, 1850, p. 585), et aussi près de Schleiden sur la Roer (Bot. Zeit., 1850, p. 646). + Vaccinium macrocarpum, Ait. — 3 — Origine : Amérique septentrionale. — Naturalisation encore tellement douteuse (p. 674), qu'il m'est impossible de compter l'espèce. Lysimachia ciliata, L.— 2% — Origine : Amérique septentrionale. —Bord des ruisseaux, entre Theux et Ensival, près de Nessonvaux, entre Verviers et Limbourg , dès 1811 (Lej., #1. Spa, 1, p. 103; l'espèce vérifiée par Duby, Prodr., VII, p. 64); mêmes localités, en 1822 (Lej., Rev. F1. Spa, 1824). En Angleterre dans plusieurs localités (Watson, Cyb., IF, p. 298: IE, p. 494), dont la plus anciennement connue est de 1843. Asclepias Cornati, Deesne (A. syriaca). L.—%—0Origine : Amérique sep- tentrionale. — Abonde aux États-Unis et au Canada. Cornuti la décrivit en 4665 dans son ouvrage sur les plantes du Canada. La figure qu'il en donne est détes- table, et il s'imagina que l'Apocynum syriacum de Clusius, recueilli en Palestine, était la même plante, d'où est venu le nom Apocynum majus syriacum rectum, qu'il lui donna. Linné fit la même erreur; cependant dans son Species, lout en citant le synonyme de Clusius et en nommant l'espèce Asclepias syriaca, il lui donna pour habitation seulement la Virginie. La plante de Clusius est, selon M. Decaisne, le Calotropis procera, et toutes les espèces d'Asclepias sont d'Amé- rique (Decaisne, dans DC., Prodr., VIII, p. 564). Ce point étant éclairei, 1l faut remarquer que l'Asclepias Cornuti, d'Amérique , fréquemment cultive dans les jardins, se naturalise dans le midi de l'Europe et gagnera peut-être un jour sa patrie supposée, la Syrie. M. Soleirol l'a trouvé sur le Monte-Grosso, en Corse (DC., note mss.). Il est naturalisé dans plusieurs localités en France (Mut., FI. Fr., NH, p. 285; Coss. et Germ., F1. Par., E, p. 253 ; Bor., FI. centr., p. 299; Laterr., Fl. Bord., 4° édit., p. 252; A. Gras, Stat. bot. Isère, p. 488); en Dal- matie (Alschinger, F1. Jadr., p. 58). Mimulus luteus, L, — % — Origine : | Amérique. — Voyez p. 709. + Cuscuta corymbosa, R. et Pav.— (1) — Origine : Chili, Pérou. —Répandu NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 7e à Lyon, en Piémont, à Genève et dans le Tessin, avec des graines de luzerne envoyées d'Amérique dans l'année 1840 et suiv. (Choisy dans DC., Prodr., IX, p. 456 et 565). Le C. Hassiaca, Pfeiff., qui parut en 1843 dans la Hesse (Wen- der., F1. Hass., p. 364), est la même espèce selon Engelman (Bot. Zeit.). Les cuscutes étrangères ne sortent pas des terrains où l'on cultive les plantes qui les nourrissent et ne sont pas des plantes vraiment spontanées et naturalisées. Elles ont même souvent un caractère de plantes adventives dans chaque localité. Datura Stramonium , L. (D) et Batura Fatula, 4 (.— Depuis l’époque où Linné (Hort. Cliff., p. 55) disait le Datura Stramonium originaire d'Amérique et naturalisé en Europe, il s'est élevé des doutes sérieux sur cette double assertion. Bernhardi (Linnæa, 1833, litt., p. 122) a réuni des faits intéressants, mais il n'a pas conclu à l'égard de l’origine. M. Bertoloni (F1. 1t., T1, p. 609), après des réllexions très judicieuses, est arrivé à croire l'espèce indigène du midi de l'Eu- rope. Depuis longtemps les auteurs ont envisagé cette plante, si célèbre par ses propriétés vénéneuses, comme originaire tantôt d'Amérique, tantôt d'Asie, tantôt des bords de la mer Méditerranée : on l'a même supposée originaire de l'ancien et du nouveau monde à la fois, et malgré toutes ces hypothèses et ces recherches, la question nest pas résolue. Elle se complique, il est vrai, de ce que les uns ont regardé le Datura Tatula comme une espèce, les autres comme une variété, à tige et fleur colorées. Linné en avait fait une espèce, mais il n'émettait aucune opinion sur son origine, et plus tard on s'en est moins occupé que de celle du Datura Stramonium. En faveur de l'origine européenne du Stramonium, on allègue sa diffusion assez générale en Europe et une description courte et confuse de Dioscorides que Co- lumna (Phytob., édit. Nap., p. 46) s'était efforcé de corriger pour l'adapter à l'espèce. Cet auteur, trouvant dans le texte grec un mélange de caractères appli- cables au Datura Stramonium et à l'Atropa Belladonna, proposa de scinder la des- cription en deux. Dans la première partie, où il croit retrouver la Stramoine, les caractères sont vagues. La plante est nommée Strychnon manikon. La traduction latine porte : « Hujus folium simile est Erucæ folio, majus quidem, ad folia ac- » cedens Acanthi, qui Pæderos dicitur : caules producit ab radice ingentes decem » aut duodecim, ulnæ altitudinem habentes : caput velut olivam ineumbens, » hirsutius quidem, velut Platanisphæram , sed majus planiusque. » Le nombre des tiges ne s'accorderait pas avec l'espèce; la fleur est passée sous silence; enfin les aiguillons du fruit de la Stramoine ne ressemblent pas exactement aux poils roides et nombreux d'un capitule de platane. La description de Dioscorides, tirée elle-même de Théophraste (lib. 1x, cap. 12), est donc insuffisante pour recon- naître l'espèce. D'ailleurs, remarquons-le bien, il ne s’agit pas d'interpréter les phrases des anciens et de corriger leurs textes au moyen de la plante actuelle, puisque la question est, au contraire, de savoir si les textes indiquent clairement l’existence de l'espèce dans le monde gréco-romain. Des auteurs modernes sont tombés dans ce cercle vicieux , et je suis bien aise d'en signaler en passant le danger. Les objections à l'origine européenne de la Stramoine sont nombreuses, D'abord le nom grec moderne Tatoula est absolument différent de ceux de la plante de Dioscorides, qui est appelée Strychnon manikon, Persion, Thruon, et en outre, dans Théophraste, Bruoron et Panisson. Si la plante ou les plantes désignées ainsi _par les anciens étaient le Datura Stramonium, il serait resté probablement quelque 732 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. trace de ces noms dans le grec moderne. Puisque cela n'est pas, il est vraisem- blable que le mot Tatoula a été dérivé par les Grecs modernes de Datoura, mot sanserit d'origine, qui s'était répandu en Europe dans le xvi° siècle. IL existe d'ailleurs, depuis cette époque, une opinion générale que le Stramonium est d'ori- gine exotique. Columna lui-même (p. 50), tout en crovant avoir retrouvé l'espèce dans Dioscorides, prétend qu'elle existe au Mexique, circonstances assez diffi- ciles à concilier, Zannichelli (/stor., p. 253) disait positivement, en 1753, que du temps des Bauhin et de Columna. le Stramonium était cultivé, qu'on le croyait d'origine exotique, mais quil était devenu spontané autour de Venise, comme la plante colorée {le Tatula des botanistes) autour de Bologne. L'un et l'autre man- quent à l'herbier de Baubin (DC., mss.), quoiqu ils existent aujourd'hui dans les environs de Bâle, Autour de Paris, leur existence n'est pas ancienne, car Vail- lant et Tournefort ne les indiquent pas, et cependant ce sont des plantes appa- rentes, dont les propriétés avaient attiré l'attention de tout le monde et que l'on connaissait parfaitement dans les jardins. En Angleterre, du temps de Ray et de Dillenius, on regardait le Datura Stramonium comme sorti des jardins par les déblais qu'on en rejette (Syn., édit. 4724, p. 266). L'édition de 4597, de Ge- rarde, n'en parle pas, du moins comme plante spontanée en Angleterre. Le Datura Tatula ne s'est jamais naturalisé dans ce pays: Pourquoi les deux espèces ne seraient-elles pas arrivées plus tôt en France, en Suisse et en Allemagne, si elles étaient aborigènes du midi de l'Europe? En Italie même, où elles sont bien spontanées aujourd'hui, par exemple dans les marais Pontins (Bertol., F1. It, IE, p. 607). on les croyait généralement d'origine étrangère, à l'époque de Zanoni, il y a deux siècles (Zan., p. 212). Le nomitalien Stramonio où Strimonio, cor- respondant au nom Stramonium des botanistes, indiquerait, il est vrai, une origine du pays. D'un autre côté, s'il était ancien, il se trouverait dans Pline, dont le silence est remarquable, En définitive, il n'est point démontré que les Datura Stramonium et Datura Tatula, L., aient existé jadis en Europe, même en Italie, où ils sont le plus spontanés. Les arguments me paraissent plus forts dans le sens d'une origine étrangère, contrairement à l'opinion de M. Bertoloni, présentée, je le reconnais, avec beaucoup de clarté et d'érudition. L'opinion d'une origine américaine repose sur des bases erronées ou incertaines. Linné (Hort. Cliff.) avait rapporté, à l'imitation de Columna , le Tiapatt de Her- nander (Thes. Mexic., p. 278) au Datura Stramonium, mais il n'en parle plus dans son Species. La plante du Mexique, figurée dans Hernandez, a des feuilles peu lobées pour le Stramonium ou le Tatula, et, de plus, elle n'aurait aucune odeur remarquable, ce qui la distingue de ces espèces. Les fruits sont représen- tés trop jeunes pour qu on puisse s'assurer du caractère des aiguillons. Linné a continué cependant de dire le Datura Stramonium d'origine américaine, proba- blement parce qu'on en rapportlait alors des échantillons d'Amérique, où il pou- vait s'être naturalisé, Aujourd'hui, les auteurs de Flores des États-Unis, s'accor- dent à regarder les Datura Stramonium et Talula comme d'origine étrangère, mais paturalisés. Nuttall (Gen., 1, p. 150) les croit venus d'Asie ou de l'Amérique méridionale. M. Darlington (F4. W. Chester, 3° édit, p. 224) pense qn ils sont d'Asie. Les Portugais du Brésil, selon M. de Martius (F1 Bras. fasc 6, p.163), croient aussi le D. Stramonium introduit d Asie dans leur pays. MM. de Humboldt et Bonpland ont rapporté le Datura Tatula de Caracas, D'après les auteurs et d'après mon herbier, cette forme colorée paraît un peu plus eom- NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 733 mune en Amérique ei plus spontanée que l'autre, Si c'est la même espèce que le Stramonium, elle l'aurait précédé, je suppose, car elle paraît plus robuste, et en général les modifications décolorées sont des dérivations des espèces plutôt que des types. Si ces deux formes sont deux espèces, il est très possible que l'une fût de l’ancien et l'autre du nouveau monde, et alors je croirais le Tatula américain plutôt que l'autre. La plante à fleur blanche (D. Stramonium) paraît, il est vrai, avoir existé aux Antilles, dans les décombres, près des habitations, déjà du temps de Sloane (Jam., 1, p. 459), à la fin du xvn siècle, Depuis cette époque jusqu'à nos jours, les renseignements ne sont devenus que plus difficiles sur la question de Spontanéité, et surtout sur l'origine ; mais il est remarquable que le Tatula soit commun dans les montagnes de Caracas. Depuis le voyage de M. de Humboldt, Lambert en a tiré des graines du même pays(Sweet, FI, Gard., 1"e sér., tab. 83). On indique peu de noms vulgaires pour ces Datura, et le plus souvent ceux usités par les créoles sont dérivés des langues européennes et trahissent une importation. En somme, il n'y a guère de preuves directes en faveur de l'origine américaine, surtout à l'égard du Datura Stramonium. Reste l'hypothèse d'une origine asiatique. On sait que le mot Datura est sanscrit, mais selon Roxburgh et Piddington {/ndeæ, p, 29), il s'appliquait au Datura fastuosa, Roxburgh n'avait pas même vu dans l'Inde les Datura Stramo- nium et Tatula (F1. Ind., édit. Wall, H, p. 239). Celui du Népaul, que le docteur Wallich avait pris pour le Stramonium, est une espèce particulière, Datura Wallichii, Dun_ (Prodr., v. XIIL). Je ne sais s'il faut attribuer au Stramo- Dium un mauvais échantillon en fruit, rapporté par Wallich du pays des Birmans (Cat. itin., n. 436), que M. Dunal à nommé ainsi dans mon herbier, sans le citer dans le Prodromus. Evidemment les Datura Stramonium et Tatula sont rares et en apparence nouveaux dans l'Inde anglaise. On ne les trouve pas davantage dans les publications de Rheede et de Rumphius, ni de Forskal; cependant ils sont de nature à s'être répandus beaucoup et depuis longtemps dans l'Inde, l'archipel indien ei l'Arabie s'ils étaient originaires de l'Asie méridionale et s'ils s'accom- modaient de pays très chauds, ce qui ne paraît guère être le cas. Les régions où le Datura Stramonium se trouve le plus fréquemment sont le Caucase, la Tartarie, le midi de la Russie et de la Sibérie. Un coup d'œil sur le Flora Kossica, de Ledebour (HI, P- 182), montre que tous les auteurs l'ont indiqué depuis Gmelin et Georgi jusqu'aux botanistes nos contemporains, et des îles d'OEsel jusqu'aux monts Talysch et Altaï, même dans les districts les moins accessibles à des plantes d'origine étrangère, comme les rives du Volga (Claus, dans Gœbel, Reise, 11, p. 294), les environs de Lenkoran (Hoben.) et de Barnaul (Ledeb., F4. Alt, I, p. 234). On l'indique il est vrai dans les décom- bres, près des villes et villages, mais c'est la station la plus ordinaire dans toutes les parties du monde. Je ne vois pas que dans l'étendue de l'empire russe on ait observé le Datura Tatula, L. ; c'est toujours le Stramonium, celui à fleur blanche : confirmation singulière de l'hypothèse énoncée tout à l'heure que le Datura Stra- monium serait de l'ancien monde et le Datura Tatula du nouveau. Ce dernier n'est pas indiqué, même dans la Turquie d'Europe (Griseb., Spicil.}, ni en Grèce (Sibth., Prodr.; Fraas, Syn., p. 169). Il paraît moins commun que le Stramo- nium dans l'Europe occidentale, tandis qu'en Amérique c’est plutôt le contraire. Enfin, je remarque l'opinion assez fréquente chez les auteurs au commencement du xvn siècle, que la Stramoine serait arrivée en Europe par l'Orient. Un des 73h CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. noms cités par C. Baubin {Pin p. 168) et par son frère (Hist., HIT, p. 624) était Tatula Tur rum (a), ce qui s “accorderait avec une introduction par Constan- tinople d'une plante des confins de Europe et de l'Asie. Je n'attache pas, du reste, une grande valeur à ces arguments, tirés des noms des auteurs de la Re- naissance, à cause de la confusion de plusieurs espèces de Datura et des erreurs qu'on débitait à l'occasion de ces plantes à vertus extraordinaires. Pour résumer cette discussion, je dirai : 4° Le Datura Tatula, L., est très pro- bablement originaire d'Amérique, savoir de Venezuela , peut-être d'une portion étendue de l'Amérique méridionale et du Mexique ; il aurait été importé en Eu- rope des le xvi° siecle, et se serait naturalisé d'abord en Italie, puis dans le sud- ouest de l'Europe, sans avoir encore pénétré dans le sud-est. 2° Le Datura Stra- monium, L., paraît originaire de l’ancien monde, mais probablement des bords de la mer Caspienne ou régions adjacentes, certainement pas de l'Inde. et il est très douteux qu'il ait existé en Europe du temps de l’ancien empire romain ; il paraît s'être répandu entre cette époque et la découverte de | Amérique. Ces probabilités géographiques appuient l'idée d'une séparation des deux formes au point de vue spécifique. Déjà le docteur Tully (Amer. journ. of sc., 1823, VI, p. 224) avait motivé l'opinion de Linné sur des observations et des expériences positives. Il a suivi pendant dix ans les deux plantes, aux États-Unis, à l'état spontané et cultivé. Sans trouver d'autre différence que la coloration rosée et bleuâtre des tiges et des fleurs dans le Tatula, relativement aux tiges vertes et aux fleurs blanches du Stramonium, il avait constaté que ces caractères sont héré- ditaires, qu'ils ne changent pas selon les circonstances extérieures, enfin que les semis ne produisent aucun état intermédiaire indiquant des croisements possibles ou des modifications naturelles. On a négligé ces observations intéressantes, et l'habitude de considérer la couleur comme accessoire a entrainé plusieurs bota- nistes à prendre le Datura Tatula pour une variété, en quoi ils se sont cepen- dant éloignés des idées reçues, car on prend ordinairement les plantes colorées comme types, et c'est le Tatula qui est fortement coloré, tandis que le Stramo- nium ne l'est pas. Maintenant je reviens à l'opinion fondée par Linné sur un aperçu plein de sagacité, et motivée par le docteur Tully sur des observations positives, mais j'y reviens par des raisons d'un tout autre ordre. Le Datura ferox, L.(Amæn., IN, p. 403), est une plante très douteuse, soit en elle-même, soit quant à son origine. L'espèce est admise par MM. Dunal (Prodr., XH, p. 539), Bertoloni (F1. It., 11, p. 605) et Gussone (Syn. FT. Sie. 1, p. 266); mais je ne suis point persuadé sur la vue des échantillons de l het bier Boissier et de la planche de Zanoni, que ce ne soit pas un élat du Stramo- nium, La plante de Zanoni avait été vue dans un jardin, celle de Boccone (Je. rar., tab. 26) n'était pas de Sicile, mais il l'avait vue à Paris: maintenant les modernes disent la reconnaître dans une plante de Sicile et d'Espagne. Il est bien plus douteux encore qu'elle existe au Malabar, comme on le dit d'après d'an- ciennes traditions des jardins, et dans les décombres autour de Peking (Bunge, Enum., p.48). Je doute fort que la même espèce se trouve à Péking et en Sicile, avec interruption dans tout l'intervalle. (a) On doit regrelter que le nom spécifique Tatula ait été donné par Linné précisé- ment à la planté que les Grecs modernes et les auteurs du temps de Bauhin n'avaient pas appelée ainsi, à une plante qui manque à la Grèce, tandis que le Patura Stramonium est le Tatula de Bauhin et des Grecs modernes. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 739 Datura Metel, L. — (1) — Plante facile à distinguer des précédentes par sa pubescence et son fruit réfléchi. Elle s’est naturalisée en Sicile, dans les sables, près de Messine, et à Pantellaria (Guss., Syn., [, p. 267); en Sardaigne, près de Flumendosa Balau (Moris, dans Bertol., FL 11., 11, p. 609): près de Malaga {Boiss., Voy., Il, p. 436), et probablement aussi à Cadix, d'après un échantillon de mon herbier, qu'on ne dit pas avoir été pris dans un jardin. Les auteurs d'avant le siècle actuel en parlent comme d'une plante étrangère et cultivée. Son origine a été peu recherchée. MM. Bernhardi (Linnœæa, 1833, litt., p. 143) et Dunal (Prodr., XII, part. 1, p. 543) se contentent de dire qu'elle croît dans les régions chaudes de l'Asie et de l'Amérique. D'après M. Bertoloni (1. c.) son habi- tation s'étend des Indes orientales à la mer Méditerranée. Je ne la vois cependant pas indiquée dans Delile, Flora Ægyptiaca, et la plante d'Arabie, de Forskal, doit être différente, car il décrit ses capsules comme dressées. Les auteurs du xvu® siècle ont été partagés sur la question d'origine ; les uns faisaient venir l'es- pèce du Pérou, les autres de Turquie, comme on le voit par les noms usités (C. Bauh., Pin., p. 168). Il semble cependant qu'on adoptait plus volontiers le nom de Noix du Pérou, Pomme du Pérou. En faveur de l'origine indienne, il ne faut pas alléguer l'ancienneté de la planche de Rheede {Walab., I, tab. 28), qu'on rapporte maintenant au Datura alba, Nees ; ni les noms vulgaires, qui ne sont point nombreux (Piddington, Ind., p. 29) et dont aucun n'est ancien, car si le nom sanscrit Datoura, se retrouve dans quelques langues modernes, c'est comme nom générique, appliqué à plusieurs espèces. Roxburgh (F1. Ind., édit. Wall. et édit. 4832) dit le Datura Metel très commun dans l'Inde; cependant, je n'ai dans mon herbier aucun échantillon de ces contrées, et les synonymes de Roxburgh n'appartiennent pas à l'espece. L'origine asiatique est donc très improbable, Quant à l'origine américaine, je n'ai pas de preuve bien positive; cependant, MM de Schlechtendal et Chamisso (Linn., 1830, p. 111) ont décrit une variété au moins du Metel, recueillie au Mexique. Je possède un échantillon envoyé par Berlandier, de Vittoria, et cité déja par M. Dunal. Sellow en a rapporté un échan- tillon du Brésil méridional (F1. Bras., VI, p. 160) : enfin, on attribue le Datura Guyaquileensis, Kunth, à l'espèce actuelle. Sans doute, il faut se défier d’une plante aussi aisée à se répandre, et les collecteurs ne donnent point assez de détails sur la spontanéité des échantillons ; mais, en définitive, il me paraît pro- bable que l'espèce est originaire de l'Amérique intertropicale. Physalis peruviana, EL. — % — Origine : l'Amérique méridionale. — Maintenant dans l'Espagne méridionale (Boiss., Voy. Esp., Il, p. 436 : Dun., Prodr., XIIT, part. 1, p. 440). Probablement aussi en Sicile, car le Physalis edulis, Cyr., dont parle Gussone (Syn., 1, p. 270), est vivace. + Nicotiana auriculata, Bert.— (1) —Origine : Amérique méridionale, — En Sardaigne au bord des champs (Bertero, inéd.; Moris, Elench., IL, p. 7: Bertol., FL. It., I, p. 6146; Dun. dans Prodr., XIE, part.1, p. 558). M. Bertoloni croit cette plante semblable au Nicotiana macrophylla (var. du Tabacum dans Dunal), et M. Dunal la considère comme une espèce peu distincte dont il a vu un échan- tillon de Bahia. Dans l'un et l’autre système, ce serait une plante américaine. + Solanum pseudo-eapsieum, L.— » — Origine : Amérique méridionale. (Alph. DC., Prodr., XIE, part. 1, p. 153). — Naturalisé près d’Arette, au pied des Pyrénées (DC., herb. en 1807, et Dun, d'après herb. Req.). + Nicotiana rustiea, FL. — (1 -— Origine : Amérique.— Naturalisé çà et là 1 +1 736 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. dans les décombres, par exemple, au bord de la Loire (Bor., F1. centr. Fr., p. 350) : subspontané pres des habitations autour de Paris (Coss. et Germ., F1., p. 276); spontané dans un point près de Venise, le Porte del Cavallino (Moric., F1. Venet., p. 120, copié par Nacari, F1. Ven., p. 2%); presque naturalisé dans le midi de la France (Mut., F1., I, p. 330). Solanum Hermanni, Dun., Monogr. (Solanum sodomæwum, L. et Dun.), Prod.—; — Origine : le Cap.—Ne croît pas à Sodome, ni dans l'Orient, mais au Cap (Dun., Mon. Sol. : Boiss., verbalement). — Naturalisé autour de Cadix, où on l'appelle Tomates del Diablo, à Tanger (Reuter, verbalément), en Portugal, à Majorque, en Sardaigne (Dun., dans Prodr., d'après h. DC.), à Ter- racine (Bertol., F1. 1t., II, p. 687), en Grèce (Heldr.). Nicandra physaloides, Gærtn. — (®) — Origine : Amérique méridionale. — Commence à se répandre autour du Caucase et en Lithuanie (Ledeb., F1. Ross.. HE, p. 486) ; de même en Allemagne (Burkh., dans Flora, 1854, p.167). Amsinckia intermedia. — (à) — Origine : Chili. — Voyez p. 741. Heliotropium curassavieum, L. — (1) — Origine : Amérique septentrio- nale et méridionale. — Près de Montpellier, Narbonne, Collioure (Trevir., Verh. Ver. Preûss. Rhein., W, p. 260). Abondant à Cette (Martins, lettre). Phytolacca decandra, EL. — 2% — Origine : Amérique septéntrionale et méridionale. — On dit qu'il a été apporté dans le midi de l'Europe, il y a deux cents ans (Dict. se. nat.}, et qu'il était cultivé pour colorer le vin de Bor- deaux, et aussi dans les jardins des couvents. M. Moquin m'écrit : « Herborisant, en 14843, dans les Pyrénées occidentales, je trouvai plusieurs pieds de cette plante, dans un endroit presque désert ; mais des paysans me montrèrent à une faible distance les ruines d'un couvent.» Barrelier (P/. per Gall., p. 58, t.*450) l'avait vue, eu Europe, vers l’année 4650 ; mais il ne dit pas si elle était cullivée ou spontanée. Ray, en 1693, et Linné n'en parlent que comme d'une plante exotique, cultivée. — Le nom de Raisin d'Amérique confirme. Îl n'est pas possible qu'une espèce aussi remarquable eût été négligée par les anciens bota- nistes. Gouan (F1. Monsp.)l'indiquait spontanée près de Narbonne, en 1765, Haller (FL, Helv., n. 1007), dans le nord de l'Italie, en 1768, et peu après, Allioni la disait très répandue. Les noms de Uva turca o di Spagna, donné en Italie (Poll. F1. Ver., LU, p. 89), fait penser que la plante avait été répandue d'abord en Barbärie ou en Espagne. En 1785, Sibthorp (F1. Gr.. 1, p. 348) doutait qu'elle fût bien spontanée en Grèce. Elle s'est répandue depuis, jusque dans des endroits inhabités des montagnes de l'Arménie (C. Koch, Linn, XXI, p. 736). Chenopodium ambrosioides, L. — (4) — Origine : Mexique, ete. — C. Bauhin (Pin., 4e édit., 1623, p. 438) en parle comme d'une plante qui venait d'être obtenue dans un jardin, de graines du Mexique, en 1619. 11 l'appella Bo- trys ambrosioides mericana. L'édition de 1671 confirme cette origine, Ray (Hist., 1, p. 196) avait la même opinion en 1693. Barrelier paraît l'avoir vue en Portugal, ou venant de ce pays, car il donna le nom de Botrys b@tica, Atri- plicis sylvestris facie, vulgo Botrys mexicana (Barr, t. 4485, texte de Juss., p. 403). La plante était commune en Portugal du temps de Brotero. Barrelier à visité l'Espagne au milieu du xvn: siècle. L'espèce avait pu se répandre par les importations d'Amérique, ou par le courant qui porte des graines sur les Îles NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 737 Canaries et le Portugal. Je crois cependant la première hypothèse plus probable. Selon Linné (Hort. Cliff., p. 85), l'espèce tendait à se reproduire dans les déblais du jardin de Lund. Le Species l'indique au Mexique et en Portugal (probablement d'après Barrelier?). En 1782, Bonamy, F{. Nann. Prodr., p. 26) vit cette plante, apportée près de Nantes par le lest des vaisseaux, se répandre dans le voisinage « comme naturalisée. » La Aore Française de Lamarck {1778) n’en parle pas, M. Laterrade ne la mentionne pas dans la première édition de la Flore Bordel., en 1811 ; mais bien dans la deuxième, en 1821, comme naturalisée alors dans deux localités. Néanmoins, elle a été signalée avant À 805 autour de Toulouse (Verdeil, Mém. Acad. Toul., v. 1, cité par DC., F1. Fr.). Dès lors, on la cite dans toutes les Flores du sud-ouest de la France ; aussi à Toulon (Robert, Cat., 1838). En Italie, du temps de Seguier (F1. Ver., I, p. 90), où on lui donnait, en 1745, le nom de thé allemand, parce que les Allemands en buvaient des infusions. Peu commune dans le midi de l'Allemagne, de Styrie à Bade (Koch, Syn., 2e édit. p.696). Portée dans presque toutes les parties du monde, mais commune surtout en Amérique (voy. Moq. dans Prodr., XHIT, part. 11, p. 72). Il y a eu évidemment plusieurs naturalisations en Europe, par des graines venant ou d'Amérique, ou de jardins, où de pays tels que les îles Canaries, les Acores, l'Algérie, qui ont aussi reçu l'espèce. Roubieva multifida. Mog. (Chenopodium multifidum, L.)—2% — Ori. gine : Amérique méridionale. — Midi de la France, près de Sorrèze, d'après M. Doumenjou (Moq., dans DC., Prodr., XIIE, part. 11, p. 80). M. Doumenjou soup- conne qu'il a été apporté à Sorrèze avec les hardes de quelque élève américain du collége de cette ville. En Portugal (spontané? Wellwitch, &id.); dans la ville de Madrid, spontané (Reuter, verbalement). En Sicile (Leresche, h. Rent. ): dans les décombres, etc. (Guss., Syn., 597, 1, p. 296). Il vient de paraîtreaussi à New-York (Carey, d'après une lettre de M. Moquin, en 4850). Alternanthera Achyrantha, Br. — 2% — Origine : Amérique tropicale, — Introduit aux îles Canaries, dans les rues seulement (Webb, verb.), ce qui montre l’origine étrangère. En Espagne, près de Cadix, où il abonde (Moq., dans DC., Prodr., XIII, part. 11, p. 358). Amarantus albus, L. — (1) — Origine : Amérique septentrionale. — Commun dans la Nouvelle-Angleterre (A. Gray, Man. Bot. N. St., p. 382). Linné en parle comme d’une plante de Pensylvanie. Cependant, M. Darlington (F1. W. Chester., 3° édit.) soupçonne pour ce pays une origine étrangère. En outre, si le Blitum maritimum minus calyculis aculeatis, de Micheli, est la même espèce, comme le veulent Tilli (Cat. h. Pis., p. 24) et Willdenow, cette plante se serait naturalisée dans les sables en Toscane, près de Viaregio, avant l’époque de Linné. Dans les premières années du siècle actuel, on l’a trouvée près de Turin, de Gênes et de Montpellier (Loisel, Not., 1810, p. 40). Comme DC. (F1. Fr.), en 1805; et Balbis (F1. Taurin.), en 1806, n'en parlaient pas, ce doit être de 1807 à 1809. Elle est peut-être plus ancienne en Portugal, car Brotero (FL, p. 125), en 1804, l'indiquait avec doute, et Wellwitch m'en à envoyé de ce pays un échantillon en 1847 (Moq., Prodr., XIE, part. n, p. 264), qui ferait croire que Brotero ne se trompait pas. Elle s’est beaucoup répandue dans le midi de la France (Mutel, F1: Fr., ILf, p. 99) depuis 1809. Maintenant, elle est autour de Paris (Coss. et Germ., F1., IT, p. #47), quoiqu'elle ne figure pas dans les Flores de Mérat, en 1836 et 1837. M. Boreau la trouva, en 1837, près 738 CHANGEMENTS DANS L'HAPBITATION DES ESPÊCES. de Nevers (F1. centr., p. 383), d'où il semble qu elle s’est propagée de proche en proche du midi vers Paris. Elle s'étendra davantage dans le bassin de la Médi- terranée. Déja on l'indique dans le midi de l'Espagne (Boiss.), en Corse et en Sardaigne (h. DC., Moq., Prodr.); en Sicile (Guss., Syn.). L'extension, dans cette direction, a été rapide, car Desfontaines l'avait trouvée en Barbarie, en° 1797 (échant. vérif. par Moq., dans DC., Prodr..). Cependant, Delile ne l'indique pas en Égypte à la même époque, et je ne la vois dans aucune Flore de Grèce, du Cau- case ou d'Orient. Amarantus retroflexus, ZE, — (4) — Croît en Pensylvanie (L., Sp., p. 1407; Willd., Amar., p. 33). — Maintenant dans les champs, en France, depuis en 1778 (Amarantus spicatus, Lam., F1. Fr., I, p. 192, rapporté à cette espèce par Loisel, puis par Moq., Prodr., XIIT, part. u, p. 258). Selon Pollini (F1. Ver., III, p. 113), l'Amarantus maximus Novæ Angliæ totus viridis (Zannich., /st., p.13), serait le même, de sorte que cette plante aurait été commune autour de Venise déjà en 1735. Moricand (F1. Venet.., p. 402) con- firme, en rapportant ce synonyme de Zannichelli à l'Amarantus spicatus, Lam. Il indique la plante au Lädo, port de Venise, en 1820. Zannichelli fut surpris de la trouver ; il la croyait seulement de la Nouvelle-Angleterre, comme Ray l'avait dit auparavant. Du nord de l'Italie, elle a gagné le sud-est jusqu'aux îles Lipari et Stromboli ; mais il était douteux, en 1843, qu'elle fût en Sicile (Guss., Syn..). Elle est en Grèce (Expéd. Mor., n. 1268); où Sibthorp ne la vit pas. Bieberstein (FI. Cauc., MI, p. 619) disait, en 1819 : « Hortorum pestis per omnem Rossiam » meridionalem in Ukraniam usque, nec Poloniæ australiori, uti video ex Besseri » cat. h. cremen. peregrina. » Hohenacker l’a trouvée au delà du Caucase, en 4834 (PL. Tal.. p. 127). Elle manque cependant aux Flores de l'Inde, du moins aux anciennes.—Plus commune maintenant en France que du temps de Lamarek. (Loisel, Not., 1810, p. 142; Mutel, 1836, F1. Fr., IL, p. 100). Éparse en Allemagne, jusqu'au Brandenburg et en Silésie. En résumé, je crois l'espèce introduite, à cause : 4° de l'absence de synonyme certain antérieur au milieu du xvin* siècle ; 2° de l'opinion de Ray et de Linné ; 3° de la diffusion de plus en plus grande, depuis soixante à quatre-vingts ans en Europe. Amarantus hypochondriacus. L, — (1 — Origine : Amérique septen- trionale.—Maintenant près de Vérone (Poll., Fl. Ver., II, p. 444). Vingt ans plus tard, M. de Cesati le compte bien dans la Flore de Lombardie, comme spontané (Notiz. civ., 1844, v. I, p. 309). Il tend à se naturaliser en Saxe (Reich., FI. Sax., p. 326). Amarantus chlorostachys, Willd, — (1 — Origine : Amérique septen- trionale. Confondu trop souvent avec l'Amarantus retroflexus pour que l'on puisse constater sa marche. Willdenow, qui le décrivit le premier en 1788, ignorait sa patrie. On ne cite aucun synonyme ancien, — Croit au Mexique et au midi des États-Unis (Moq. dans DC., Prodr., XII, part. n, p. 259). Plus commun main- tenant en France que l'Amarantus retroflexus, + Amarantus paniculatus, var, sanguineus. — (1 — Origine : l'Amé- rique intertropicale. — Maintenant dans les vignes près de Toulon (Rob., P4. phan. Toul., 1838), Sables de la Loire, près de Nevers, département de l'Allier dans diverses localités (Boreau, FI. centr., p.385). Échappé des jardins et sou- vent spontané (Mut., Ft. Fr., HE, p. 400). notamment près de Paris (id., Coss. et Germ,, F1., p. #47). Évidemment adventif dans le nord de la France. paralt NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 739 naturalisé plus au midi. Cependant, comme il est souvent cultivé dans les jardins de paysans, il a pu se répandre à diverses reprises sans se naturaliser définitive- ment. Les Flores italiennes n'en parlent pas. L'Amarantus caudatus paraît adventif. L’Amblogyna polygonoides, Raf. (Amarantus polygonoides, L.), a une dispo- sition à s'échapper des jardins autour de Dresde (Reich., FI, Sax., p. 325), mais selon Koch il n'est pas naturalisé (Syn., 2° édit., p. 694). Ricinus communis. L. — Z — Originaire de l'Inde, où il a des noms an- ciens, par exemple en sanscrit (Roxb., F1., IT, p. 689). — Cultivé en Égypte depuis longtemps (Matth., p. 771). Selon Linné l'espèce est aussi en Amérique, mais il faut vérifier si c’est bien la même et si elle y est originaire. —Le Ricin est cultivé depuis longtemps dans le midi de l'Europe, où J. Bauhin (Hist., III, p. 643), ni Lobel, ne disent pas qu'il se fût naturalisé. M. Reuter l’a vu spontané à Arcos et à Malaga, dans le midi de l'Espagne, et surtout à Alger. Spontané en Sicile (Guss., Syn., IT, p. 617), et en Grèce (Sibth., Prodr., IT, p. 249). + Querecus Catesbæi, Michx. — 5 — Origine : Amérique septentrionale. — Maintenant près de Verrières, propriété de M. Vilmorin, dans une forêt de pins où il n'avait pas été semé(L. Vilmorin, verbalement). + Agave amerieana, L.— > —Origine : Le Mexique. Cultivé dès 1586 dans les jardins d'Italie (Camer., Hort., p. 11). Clusius l'avait vu en Espagne à peu près à la même époque (Hisp., p. 444). Planté dans le midi de l'Espagne, en Al- gérie, en Sicile, en Calabre, en Dalmatie, pour former des haies et pour d’autres usages. Naturalisé, d'après les expressions des auteurs, quoique cependant je ne trouve nulle part l’assertion qu'il se multiplie de graines, en rase campagne. Des doutes sur l'identité avec l'espèce américaine ont été élevés récemment (Ber- tol., FE. It., IV, p.155 ; Vis., F1. Dalm., I, p. 124), mais je m'en tiens à l'opi- nion unanime des auteurs du xvi° siècle. Les noms vulgaires italiens confirment l'origine exotique. Coix lacryma, L, — Z — Origine : Inde. La plante a un nom sanscrit (Pid- dington, /ndex), donc elle est bien d'origine asiatique, quoique peut-être trans- portée en Amérique. Lobel (Ado. nov., éd. 1605, p. 16), Clusius(Hisp. et Hist., IT, p. 216), J. Bauhin (Hist., I, p. 450), en parlent comme d’une plante cultivée, du moins ils n’affirment jamais qu'elle fût spontanée. On la cultivait surtout dans les jardins des couvents, en Espagne et en Italie, sous le nom de Lachryma Jobi, Lachryma Christi, etc.; dans le Midi de la France, Larme de Moïse, de Job, etc. On faisait avec les graines des chapelets. Peut-être la culture remonte-t-elle à l'époque des croisades, en tout cas elle doit être venue de l'Orient avec les idées qui s’y rattachaient.—Naturalisée maintenant en Sicile (Gussone, Syn., If, p. 568; Parlat., FL. It., 1, p. 105), près des ruisseaux.—« In cultis regionis calidæ hinc inde subspontanea, circa Coin, Alhaurin » (Hænseler dans Boiss., Voy. Esp., IT, p.632). — En apparence sauvage à Madère et aux Canaries (Webb, verbalement). ? Spartina alterniflora, Lois. — Voyez plus loin, chap. X, des espèces dis- jointes. Panicum Digitaria, Laterr. — Digitaria paspalodes, Mich. — % — Ori- gine : Amérique septentrionale, Brésil. — Maintenant dans le sud-ouest de la France. — Voyez p. 713. Glyceria nervata, Erin. — % — Origine : Amérique septentrionale. — Maintenant près de Paris, à Meudon (M. J. Gay, comm. verbale, en 1853), 7490 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. : - Ebrharta panicea, Sm. — % — Origine : Le Cap.—Maintenant autour de Portici (Parlat., FL. Ital., fase. I, 4848, p. #4 et 56). Cyperus vegetus, Wilid, — 2 — Origine ? Amérique méridionale et sep= tentrionale (Kunth, Enum.). — Fixé à Bayonne et à Bordeaux (Godron, Consid. migr, p. 23). . + Canna indiea, L.?, Red.—% — Origine : Inde. — Maintenant en Sicile, près de Syracuse. M. Gussone (Syn., I, p. 3) dit : « Olim forsan culta, sed nune sponte abundanter vegetatsimul cum Coice lacryma. » M. Parlatore (FL. It., p.105) le confirme. Il est bien difficile de savoir le véritable nom de l'espèce et son ori- gine. Gussone cite Red. (Lil.,t. 201). Selon Roscoe, toutes les espèces, sauf une, sont. d'Amérique. Il semble qu'elle a besoin d'être plantée pour se propager. + Aponogeton distachyon, Pers. — % — Origine: Le Cap.—Aujourd'hui dans le Lez, près de Montpellier (Godron, F1. Juven., p.39). Comme le Canna, cette espèce ne paraît pas se répandre hors des rivières dans lesquelles on l'a introduite, ? Sisyrinchium anceps. — Voy. le chap. X sur les espèces disjointes. Anacharis Alsinastrum, Bab. — 2% — Origine : L Amérique septentrio- nale.—Trouvée en 1842 par le docteur G. Johnston dans une pièce d'eau près de Berwick, et successivement depuis dans un très grand nombre de rivières, ça- naux et élangs de la Grande-Bretagne, même tout récemment dans une pièce d'eau en Irlande (Phytol., 4854, p.88). Les faits concernant cette naturalisation ont été résumés par M. W. Marshall (The new water weed, br. in-8°. London, 1852). J'ai donné un extrait de cette brochure dans la Bibliothèque universelle de Genève (oct. 1853, Arch. sc., p. 196). Il est possible que l'espèce fût en Angle- terre et même en Irlande depuis quelques années lorsqu'on l'a découverte; le témoignage de certains jardiniers et éclusiers est dans ce sens (Phytol., 1850, p. 990; 1854, p. 88). Cependant la majorité des hommes de cette classe et l'una- nimité des botanistes qui avaient herborisé dans les localités où elle existe est dans, celui d'une introduction récente. La multiplication par division a été rapide. On a pu souvent la suivre de place en place. L'espèce est bien différente des au- tres plantes aquatiques du pays. Elle n'est représentée que par des individus femelles. Quant au mode de naturalisation, tantôt on a remarqué qu'elle avait paru après l'introduction de plantes aquatiques cultivées, tantôt on a attribué son transport à des bois flottés du Canada, importés en Angleterre, où ils se distri- buent par les canaux et séjournent souvent dans les bassins. J'ai recherché l'histoire de plusieurs autres espèces que l'on soupçonne d'ori- gine étrangère en Europe; mais n'étant pas parvenu à m'en convaincre ni même à regarder la chose comme probable, j'ai eru inutile de les faire figurer dans l'énu- mération précédente. C'est le cas, par exemple, du Leersia oryzaides, plante citée dans plusieurs Flores depuis cent cinquante ans, qui était peut-être connue déjà de C, Bauhin (a), et qui pourrait bien avoir échappé antérieurement à l'attention des botanistes, au lieu d'être d'origine lointaine, MM. Savi et Parlatore présument que les Cyperus difformis, L., et deux ou trois Fimbristylis ont été introduits dans les rizières d'Italie avec les graines de riz (Parlat., F1, 14, vol. IL). C'est possible, même probable si l'on veut; mais on manque de preuves ou mêmede commence- ments de preuves. D'ailleurs plusieurs de ces espèces existent en Égypte ou dans (a) Malheureusement il paraît qu'il n'est pas dans son herbier, d'après Tes notes de mun père, NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 7h4 quelques pays analogues peu éloignés de l'Italie. L'Elæocharis atropurpurea var. minor qui se trouve au bord du lac de Genève, à Pavie, au Sénégal et peut-être dans l'Inde (Parlat., F1. It., I, p. 68), pourrait bien exister dans d’autres pays voisins de l'Europe, et rien ne prouve qu'elle n'ait pas toujours été quelque part en Europe. J'ai rejeté aussi comme adventives, plutôt que naturalisées, un grand nombre de plantes fréquemment cultivées, qui sont mentionnées dans certains ouvrages comme naturalisées, par exemple les Scabiosa atropurpurea, Helianthus annuus et tuberosus, Jasminum officinale, Syringa persica, Amarantus caudatus, Polygo- num tataricum et Fagopyrum, plusieurs Panicum, etc., qui paraissent çà et là près des cultures ou persistent dans certaines circonstances favorables, sans se main- tenir ni s'étendre, d'une manière certaine. Une foule de plantes dites par Risso naturalisées aux environs de Nice, rentrent dans cette catégorie. Le Phyllanthus Niruri, plante de l'Inde, a été trouvé à Saint-Just, près de Marseille, et l’pomæa purpurea à Saint-Barnabé (Castagne, Cat. pl. Mars., p. 80); ce sont aussi pro- bablement des plantes échappées des jardins et adventives. Le Nerine sarniensis Herb. {Amaryllis sarniensis, L.), plante du Japon, fut répandu sur les côtes de Guernesey, il y a une centaine d'années, par un vaisseau qui fit naufrage (Dou- glass, dans Linn. amæn., VITE, p. 11; Bot. mag., L. 294). L'espèce fleurit et se maintint quelque temps au bord de la mer, ensuite on l'a conservée dans les jardins seulement (Bot. mug.), et les Flores modernes n'en parlent plus (Bab., Prim. FI. Sarn.). Le Pulmonaria virginica a été trouvé sur des ruines, près de Netley abbey ile de Wight?), loin de toute habitation (Nicholls, confirmé par Bromfield, Phytol., 1849, p. 376); mais c'est une plante qui peut avoir été plantée dans un parc et qui persiste longtemps sans se répandre, d'après sa manière de vivre dans les jardins. M. Lagrèze-Fossat me fit passer en 1845 quelques fragments et graines d'une borraginée annuelle qui venait de paraitre sur les terrains nouvellement remués du canal latéral de la Garonne, près de Moissac. J'eus le plaisir de reconnaître la petite plante du Chili, appelée Amsinckia intermedia. Ce genre étant le seul dans la famille où les cotylédones soient bipartites, je ne pouvais me tromper. M. La- grèze-Fossat en parle dans sa Flore de Tarn-et-Garonne (A vol. in-8°, 1847, P. 261). Selon lui, les graines étaient probablement venues du Chili avec des graines de Madia, que le comice agricole de Montauban avait reçues par le minis- tère de l’agriculture trois ou quatre ans auparavant. L'Amsinekia a persisté dans le même lieu jusqu'en 4847; mais dès lors M. Lagrèze-Fossat ne l'a plus re- trouvé, ce qu'il attribue à l’envahissement des digues du canal par le Cynodon Dactylon et par la Luzerne que l'administration a fait semer. M. Barbe, de Cepet {canton de Valence, d'Agen), ami de M. Lagrèze-Fossat, duquel je tiens ces dé- tails, à naturalisé l'Amsinckia dans son jardin, où elle vient spontanément et d'où elle a bonne chance de se répandre dans le pays. Quelques arbres auraient, ce me semble, une disposition à se naturaliser dans le sens vrai du mot. Le cèdre (Cedrus Libani) est dans ce cas. Je le vois lever de graines, à Genève, dans les prairies voisines de vieux arbres de son espèce, et il me semble qu'il réussirait si Ja faux des ouvriers ne venait ordinairement le dé- truire. D'autres conifères, souvent cultivées, sont peut-être dans le même cas. On ne peut cependant accorder aucune valeur à l'assertion des auteurs qui appellent naturalisé un arbre planté ou semé en quantité et qui s'élève bien, dans un pare 7h2 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. ou dans des foréls créées par l'homme. Une espèce pourrait donner dans ce cas de bonnes graines sans se naturaliser, comme le blé, le maïs, la pomme de terre et tant d'autres plantes cultivées en grand, qui ne s'établissent pas en Europe, hors des cultures, malgré l'abondance et la parfaite qualité de leurs semences. Voici les principaux résultats de la liste qui précède : 4. Le nombre total des espèces d’origine éloignée, qu’on peut regarder avec probabilité ou certitude comme naturalisées en Europe, depuis la dé- couverte de l'Amérique, s'élève à 64 espèces. Sur ce nombre, 13 pré- sentent encore quelques doutes, non sur une origine exotique, mais sur la qualité de plantes bien établies. Je ne dis rien des espèces marquées en lettres italiques, dont l'établissement et quelquefois l’origine offrent bien plus de doute encore. 2, L'origine de ces 64 espèces est intéressante à remarquer. Il y en à : De l’Amérique septentrionale seule......,.......... 37 Id. méridionale hi tone 4 Des deux Amériques simultanément................ 8 Total du nouveau monde..... 49 49 De la"Sibérre centrale... mess ss essaient: il De T'ASieméridionales 270.120 e RES Tes 3 De la Nouvelle-Hollande. ......... ss... 0 De Maurice .ow Bourbon......ssss.ssssseee.se:. (l De l'Afrique tropicale. .......se.ss-ossss.e.e 0 : Da Cap... esse som ongesues 6 Total de l’ancien monde, .... 10 10 Amérique septentrionale et Sibérie, à la fois...........,.,. 2 Origine incertaine , «.s.ssesssseneeseseenesensssens 3 Total général... s...se.soreseoronoeroosee 64 Les 37 espèces de l'Amérique septentrionale sont presque toutes des États-Unis. Le grand nombre d'espèces communes aux deux parties de l'Amérique montre que lés espèces de l'Amérique méridionale ne peuvent guère s'introduire en Europe, à moins qu'elles ne soient de nature à sup- porter le climat du Mexique ou des États-Unis méridionaux. 3. Le mode d'introduction n’est pas toujours connu exactement ; mais on peut dire d’une manière certaine que ce n’est Jamais une action con- statée du vent, des courants ou des oiseaux, et, au contraire, {oujours une influence connue ou très probable, directe on indirecte de l’homme. L'in- troduction, par une culture préalable dans les jardins, est infiniment plus fréquente que celle par le lest des vaisseaux, par le mélange involontaire avec des marchandises, ou par l’adhérence à des vêtements et autres objets. A. La grande majorité des espèces naturalisées se sont établies dans l'Europe méridionale ; les deux tiers, à peu près, se tronvent sur les bords de la mer Méditerranée ou dans le sud-ouest de la France et en Portugal, NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 7h5 Plus on remonte vers le nord de la carte d'Europe, moins on trouve de ces espèces. Les régions arctiques n’en ont aucune. Le Mimulus s’est établi en Écosse, mais en deçà des monts Grampiens ; le Senebiera pinnatifida s’avance jusqu’à l’île de Bornholm; l’Erigeron canadense, jusque dans la Suède méridionale et jusqu'à Kasan. Ce sont les plus boréales des espèces paturalisées. On reconnait l'influence d’un climat défavorable pour contre- balancer la grande étendue et la supériorité des moyens de communica- üon. L’äpreté du climat vers les 60° au 65° degrés latitude, s'oppose presque complétement aux naturalisations d'espèces; car, d’ailleurs, la surface de ces régions septentrionales est fort étendue sous les 50° à 60° degrés de latitude. En Angleterre, en Allemagne, en Hollande, en Danemark, etc., les communications avec les pays lointains sont très actives, et l’on verrait s'introduire beaucoup plus d'espèces si le climat n'était encore défavorable. Les espèces originaires de l'Amérique méridionale et de l'Asie méridio- nale se sont naturalisées dans le midi de l'Europe. Celles du Cap se sont établies dans la même région, excepté deux qui sont dans l’ouest de la France. Les espèces du nord des États-Unis se sont répandues surtout en Allemagne et en Angleterre; celles du midi et celles du Mexique plutôt dans l'Europe méridionale. 5. Les 64 espèces naturalisées se composent de : 24 annuelles, 4 bisan- nuelles, 29 vivaces, 1 plante grasse (Opuntia), 6 arbrisseaux ou arbustes, un seul arbre (Quercus Catesbæi), et ces espèces ligneuses sont presque toutes mal établies. IT y a en d’autres termes : Monocarpiennes 0. 0..... 30 Selelsssitsle 28 Rhizocarpiennes... ss... soso sasi se 29 Caulocarpiennes, .. ...ssessseossesesersvesses 7 . —— Totalhrisr sheteciecte 64 6. Trois espèces seulement sont aquatiques, les Jussiæa grandiflora, Aponogeton distachyon et Anacharis Alsinastrum ; une douzaine recher- chent les endroits plus où moins humides; un nombre égal vivent sur les décombres, les vieux murs ; les autres, dans des stations diverses ou moins caractérisées. 7. Les Monocotylédones sont aux Dicotylédones : : 9: 55 =1 : 6. En d’autres termes, sur 100 espèces naturalisées, on compte 86 Dicotylé- dones et 14 Monocotylédones; proportion de Dicotylédones plus forte que pour l’Europe en général. 8. Les Composées sont au nombre de 15, soit près du quart; les Sola- nacées de 7; les Amarantacées de 6; et les Graminées de 4. Ce qui est frappant, c'est le petit nombre des Légumineuses (E espèce), La prédomi: 7h4 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÉCES. nance des Composées s'explique par leur abondance dans les pays d’où l’Europe a reçu le plus d'espèces, en particulier aux États-Unis, par la facilité des aigrettes à adhérer aux marchandises, et aussi par la circonstance que le elimat européen leur est favorable. 9. L'introduction des espèces naturalisées, de pays lointains, a marché à peu près régulièrement depuis la découverte de l'Amérique. Le total, 64 en 3 siècles 1/2, donne 18 espèces par siècle, en moyenne. Avant la découverte de l'Amérique et du cap de Bonne-Espérance, l'introduction d'espèces de pays éloignés était presque nulle. Il à pu en arriver de l'Asie méridionale, de l'Asie orientale ou d’Abyssinie, par de rares voya- seurs et par des naturalisations successives dans les pays intermédiaires, mais je n’oserais pas estimer cette quantité même à une espèce par siècle. À l'avenir, les rapports avec les pays lointains étant beaucoup plus fré- quents, le nombre des jardins étant aussi plus considérable, les espèces naturalisées dépasseront 48 par siècle. Il est probable que plusieurs plantes de Californie, de lOrégon, de la Chine, de la Nouvelle-Hollande, du Chili et de Buénos-Ayres, viendront s'ajouter à la Flore européenne. 10. Les seules espèces qui soient devenues communes dans une partie un peu étendue de l’Europe , sont : Dans le midi, l'Opuntia Ficus-indica, le Phytolacca decandra et l'Amarantus albus; dans le midi et le centre, lErigeron canadense. Du reste, parmi les autres espèces, plusieurs sont sociales, c’est-à-dire très abondantes dans les localités où elles se trouvent. Tel est le cas des Jussiæa grandiflora, Anaächaris Alsinastrum, Bidens bipinnata, Antennaria margaritacea, Amarantus retroflexus, Panicum Digi- taria. Les quatre espèces indiquées ci-dessus comme les plus communes sont toutes d’une introduction qui remonte à plus d'un siècle, et quel- quefois à plus de deux siècles. On pourrait en inférer que d’autres espèces naturalisées depuis peu deviendront communes au même degré. Cependant, il faut remarquer aussi combien ees quatre espèces se sont répandues promptement dès leur arrivée en Europe. 11. Sur les 64 espèces, il y en a 49 qui existent, hors d'Europe, dans plus de deux régions différentes, en prenant le mot région dans le sens arbitraire admis ci-dessus, pour mes calculs sur l'étendue des habitations. Cette proportion de 29 pour 4100 est énorme, car pour l’ensemble des Phanérogames, elle se trouve de 4 1/2 pour 100 (voy, p. 247), et dans les familles de eette classe où les espèces ont Paire la plus grande, la proportion ne dépasse pas 20 à 24 pour 100. Il est évident que les espèces susceptibles de se naturaliser de pays lointains, en Europe, sont ordi- nairement des plantes très répandues ailleurs, soit paree qu'elles sont robustes, soit parce qu'elles se trouvent douées de moyens exceptionnels de NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 745 tansport ou de reproduction qui les ont depuis longtemps fait se répandre en divers pays. 12. Cependant, quelques familles dont les espèces sont très répandues (p. 604, 517), ne sont pas représentées sur cette liste, ou le sont faible- ment, par exemple les Fluviales, Joncées, Gonvolvulacées, Polygonées, Sal- solacées, Cypéracées, Verbénacées, Gentianacées, sans parler de familles propres aux pays plus chauds que l'Europe. Jy vois une nouvelle preuve que les causes de la dispersion de plusieurs espèces, en particulier des plantes aquatiques, sont antérieures à lordre actuel des choses, anté- rieures surtout à l'influence de l’homme, qui est aujourd’hui la cause pré- dominante. 43. Les 64 espèces appartiennent à 46 genres différents, dont 21 sont nouveaux pour l'Europe; elles se rangent dans 24 familles, dont trois (Ficoides, Phytolaccacées, Cannacées), sont nouvelles pour l'Europe. Voici maintenant la liste des espèces naturalisées d'Europe ou d’autres pays éloignés dans le Canada et le territoire ancien des États-Unis, c’est-à- dire dans les États orientaux, entre le Mississipi et la mer Atlantique. Je me suis servi principalement de la Flore de MM. Torrey et Gray (À Flora of North America, vol. E, in-8°, 1838-1840; vol. IE, part. 1,11 et 11, 1841- 1843) pour les familles comprises entre les Renonculacées et les Compo- sées, dans l’ordre du Prodromus, et de l’ouvrage plus récent de M, Asa Gray (À Manual of the Boatany of the Northern United-States, 4 vol. in-8°, 1848), pour les autres familles de Phanérogames. MM. Torrey et Gray ont indiqué avec exactitude et sagacité, à ce qu'il me parait, les espèces devenues spontanées. Comme elles sont presque toutes d'origme récente, que leur propagation d’une partie à lautre du territoire a été remarquée fréquemment par les auteurs depuis un demi-siècle; comme, d'ailleurs, la grande majorité des introductions a eu lieu dans les États de la Nouvelle-Angleterre, il y a peu de chances d'erreurs en consultant essen- tieltement ces deux ouvrages (a). Quelquefois, cependant, j'ai recouru à d’autres Flores, pour lever des doutes et pour perfectionner et compléter la liste. Les ouvrages de M. Darlington, en particulier (Flora Cestrica, 4, 2et 3° édit.; Agricultural Botany, 1547), m'ont offert des rensei- gnements très utiles. La cause d'erreur dont il faut le plus se défier est la présence de (a) Un auteur allemand a demandé récemment (Linnæa, XXIE, p. 151) pourquoi les Américains, en particulier M. Torrey, indiquent la plupart des espèces trouvées aux États-Unis et en Europe, comme introduites de ce dernier pays. Il paraît croire que c’est sans motif, par idée préconçue, Je puis dire, au contraire, qu'en suivant une à.une les espèces soupconnées d'origine européenne, j'ai trouvé presque toujours des preuves ou des indices très forts à l'appui des assertions de MM, Torrey et Gray. 746 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. plusieurs espèces européennes dans les parties boréales de l'Amérique. Lorsqu'une plante est commune aux deux continents, il ne faut pas croire facilement qu’elle se soit naturalisée aux États-Unis. Dans tous les cas, si elle y parait nouvelle, son importation peut provenir d’une diffusion du nord au midi par le Canada, de sorte que la naturalisation rentrerait dans la catégorie des naturalisations à petite distance. J’ai éliminé, par consé- quent, ces espèces, autant que possible, de même que celles qui peuvent être venues de l’Orégon (a), du Mexique ou des Antilles. Je conserve cependant comme naturalisées les espèces qui seraient venues de pays loin- tains, d’abord au Canada, aux Antilles ou au Mexique, et qui auraient gagné ensuite les États-Unis. Ce sont des cas rares, et souvent les espèces qu’on soupçonne venues de cette manière ont pu arriver aussi par une importation directe aux États-Unis. Pour savoir si une espèce était primiti - vement commune aux régions boréales des deux continents, j’ai consulté souvent, outre les Flores américaines, celles de Scandinavie et celle de Russie de M. Ledebour. Il n’est guère probable qu'une espèce existàt jadis aux États-Unis et en Europe, si elle ne peut pas avancer en Europe jusque vers la Laponie, ou en Asie jusque vers le Kamtschatka. Les espèces primi tivement communes aux deux continents sont presque toujours circom- polaires, ou à peu près. Ainsi, par exemple, MM. Torrey et Gray soup- connent le Ranuneculus muricatus d’être importé aux États-Unis. Pour moi, je n’en doute nullement; car, dans le vieux monde, il ne s’avance pas même jusqu’en Allemagne, ni jusqu’en Sibérie, et en Amérique, il manque aux parties septentrionales, c’est-à-dire à celles qui ont le plus souvent des espèces communes avec l’Europe. ESPÈCES NATURALISÉES AU CANADA OU AUX ÉTATS-UNIS (A L'EST DU MISSISSIPI) ET ORIGINAIRES DE PAYS ÉLOIGNÉS , TELS QUE L'EUROPE, L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE, ETC. (b). 1° Originaires d'Europe. Ranunculus bulbosus, L. — 2%. Ranunculus muricatus, L. — (. Helleborus viridis, L. — 2%. Delphinium Consolida, L. — G) — Dans les cultures et hors des cultures. Berberis vulgaris, L. — 3 — Walter et Michaux avaient pris le Berberis (a) Le Nasturtium officinale et le Barbarea vulgaris, par exemple, se trouvent sur la côte nord-ouest, et MM. Torrey et Gray les regardent ‘comme introduits dans les anciens États de l’Union. Il est possible qu'ils soient venus d'Europe, mais ils peuvent aussi être venus d’ailleurs, ou avoir été primitivement plus répandus en Amérique. (b) Le doute sur l’origine étrangère est indiqué par le signe ?. J'entends le doute, non- seulement des auteurs américains, mais celui aussi résultant de mes recherches. Le doute sur la qualité de plante bien naturalisée est indiqué par le signe +. Les espèces vraiment naturalisées sont en caractères romains ; d’autres, cultivées ou adventives, sont en ita- liques NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 7h7 canadensis pour l'espèce ordinaire d'Europe. Cependant le Berberis vulgaris croît aussi en Amérique, savoir : à Terre-Neuve (Morison in Hook., F1. bor. Am.), au Canada et sur le littoral de la Nouvelle-Angleterre (Torr. et Gray, F1., 1, p. 49), en particulier près de Boston, où Bigelow l'indiquait déjà en 1813 (FI., 1"° édit., p. 78), sans dire qu'il fût introduit. MM. Torrey et Gray ne doutent pas de l'introduction. Ils l'affirment à plusieurs reprises, sans citer leurs preuves. Les arguments botaniques sont favorables à cette opinion. En effet: 1° L'espèce offre en Amérique une aire infiniment moindre que dans l'ancien monde ; 2° elle manque à l'Islande (Hook., Tour Icel.; Bab., Trans. bot. Soc. Ed., HT, p. 17), aux îles du nord de l'Écosse, à la Laponie et au Labrador, c'est-à-dire aux pays qui auraient pu servir de lien et de passage aux deux habitations ; elle manque aussi à la Sibérie orientale et à l'Amérique occidentale (Ledeb., F1. Ross., v. l. Sir Charles Lyell (A second visit to the Un. St., T, p. 32) parle de l'introduction de cette espèce sur la côte de la Nouvelle-Angleterre comme d'un fait récent. Il attribue son extension vers l'intérieur aux bestiaux, qui en mangent les baies, Papaver dubium, L.— @) — Dans les champs seulement. Chelidonium majus, L. — % — Échappé des jardins (Darlington, F1. Cestr.., 4re édit., p. 56). Glaucium flavum Crantz. — ©. Fumaria officinalis. L. — () — Terrains cultivés. Nasturtium sylvestre, Br. — %. Hesperis matronalis, L. — 2%. Sisymbrium officinale, Scop. — @ — Il manque encore à l'Asie orientale (Ledeb., F1. Ross.). On le trouve dans l'Orégon (Hook., F1. bor. Am.), proba- blement introduit. Walter, en 1788, ne l'indiquait pas dans la Caroline, ni Elliott, en 1824, dans la Caroline et la Géorgie, tandis que maintenant il existe du Canada à la Géorgie (Torr. et Gray, F1, v. 1. Sisymbrium Thaliana, Gay et Monn. (Arabis Thaliana, L.) — 4 — 1 manque à l'Asie orientale, au nord-ouest de l'Amérique et au Labrador. Elliott, en 1824 , ne l'indiquait pas en Géorgie, où il existe maintenant (Torr. et Gray, FL, v. D). Sinapis nigra, L. — @). Sinapis arvensis, L. — (4) — Dans les champs seulement. Camelina sativa, Crantz. — @) — Champs et terrains cultivés. Thiaspi arvense, L. — (à) — Champs (Beck, Bot.). + Thlaspi alliaceum, L. — G) — Champs. ? Thlaspi alpestre, L. — 2% — Canada (d'après un seul collecteur). [nconnu dans le reste de l'Amérique, en Sibérie et en Laponie. Senebiera Coronopus, Poir.— ‘ Lepidium campestre, Br. — 4. Capsella bursa-pastoris, DC. — 4. + Raphanus Raphanistrum, L. — à + Reseda luteola, L. — @. Hypericum perforatum, L. — 4 — Manque à l'Asie orientale (Ledeb., FL. Ross.), à l'Amérique occidentale et aux terres polaires. Polycarpon tetraphyllum, L. f. — @. Spergula arvensis, L. — (). ? Sagina decumbens, L. — () — Très répandue. 748 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. 9 Sagina apetala, L.— G) — Très répandue, mais dans les champs seulement. + Sagina erecta, L. — 4) — Une seule localité douteuse. Arenaria serpyllifolia, L. — G) — Dans les champs seulement. ? Stellaria media, Sm. — @ -— Très répandue autour du pôle. Paraissent manquer encore à l'Asie ? Cerastium vulgatum, L. — 4. [orientale et au nord-ouest de l'Amé- ? Cerastium viscosum, L. — %. (rique, ce qui me fait croire à l'intro- \duction aux États-Unis. Silene inflata, Sm. — 2%. Silene quinquevulnera. — (n. Silene nocturna, L. — (4) — Terrains cultivés seulement ? Silene noctiflora, L. — G) — Terrains cultivés. Silene Armeria, L. — «). Lychnis Githago, Lam. — G) — Champs. Saponaria officinalis, L. — 2%. + Saponaria vacearia, L. — G) — Terrains vagues près des habitalions (A. Gray, Bot. N.St., p. 58). Dianthus Armeria, L. — «). Geranium pusillum, L. — 2%. Malva rotundifolia, L. — %. Althæa officinalis, L. -— 2%. Abutilon Avicennæ, Gærtn {Sida Abutilon, L.). — &) = Probablement naturalisé dans le midi de l’Europe, et de là en Amérique. Hibiseus Trionum, L. — «@). s Rhamnus cathartieus, L. — 7% — Trouvé d'abord dans les parties les plus reculées des districts montueux de l'État de New-York, par le docteur Barratt. Selon lui les vieux habitants du pays l'avaient vu dans les jardins avant qu'il parût dans les bois. (Torr.; FL. Un. St., 1, p. 263). Trouvé ensuite dans le Massachu- setts, surtout près des villes (Torr. et Gray, F£., 1, p. 261). Il doit avoir paru près de Boston depuis 4824, car la Flore de M. Bigelow n'en parlait pas. D'après ces faits et l'extension de l'espèce en Europe, je suis persuadé de la naturalisation en Amérique, quoique plusieurs auteurs émettent des doutes. Vicia sativa, L. @). Ervum hirsutum, L. — ®. Trifolium arvense, L. = @ — Malgré le doute de plusieurs Américains, je le crois introduit, parce qu'il est borné au territoire anciennement colonisé et qu'il manque au nord-ouest de l'Amérique et à la Sibérie orientale (Ledeb., F1. Ross. , v. 1). On l'indique d’ailleurs dans les vieux champs, localité presque com- plétement artificielle. Tritolium pratense, L. — 2% — On pourrait douter de son origine étran- gère en le voyant répandu en Amérique de l'Islande (Hook., Tour.) aux Flo- rides et à l'Orégon (Torr. et Gray, F1.), en Europe jusqu'en Laponie ; maïs les auteurs américains sont positifs sur son introduction. M. Darlington (Agrie. Bot. 1847, p.38) raconte qu'il a vu les premières cultures de son comté dans l’époque de 1790 à 1800, mais que Bartram en avait fait avant l'indépendance américaine. Personne ne dit que l'espèce fût spontanée avant d'être cultivée. Ledebour ne l'indique pas dans l'Asie orientale. Trifolium medium, L. — %. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE,. 7h9 Trifolium procumbens, L. — (). Trifolium agrarium, L. — G): Melilotus officimalis, L. — @. Melilotus leucantha, Koch. — @,. Melilotus parviflora, Desf, — (n. Médieasestve L'-J &: à Aucune espèce de Medicago n'est Medicago maculata, Willd. — @). ec à Fninast satire ail Média o6 lupulina, L. — @. réussi comme plante fourragère, du Medicago intertexta , Willd. — (D). (rire So à ke tre 2° édit), ets’est peu répandu hors des Medicago nigra, Wild. — O. alt. Genista tinctoria, L. — 3 — Il n'existe pas d'espèce de Genista dans l'Amérique septentrionale. Rosa rubiginosa, L. — 5. Cratægus oxyacantha, L.— ; — Peu répandu encore. Helosciadum nodiflorum, Koch. — 4) — Walter l'indique en 1788 dans la Caroline, et Elliott en 4821, à Charleston. Ce dernier soupçonne qu'il à été introduit d'Europe, et remarque sa localité autour et dans la ville de Charleston. L'espèce ne s’est pas répandue ailleurs(Torr. et Gray, Fl., en 1840), ce qui me fait croire à l’origine étrangère, car dans le vieux monde elle occupe un grand territoire. Elle se trouve aux Açores (Wats., Lond. Journ. of Bot., v. HI). Pastinaca sativa, L — @. Daucus Carota, L. — @). Galium verum, LL. — %. Le Galium Aparine est soupçonné d'origine étrangère par MM. Torrey et Gray, et je conviens que la nature de ses fruits rend son transport très probable. Je vois aussi qu'il ne s'étend pas dans les États méridionaux de l'Union, tandis que dans l'ancien monde il s'étend au midi jusqu'à Alger (Munby, F1.). Cependant, comme il est indiqué dans tout le nord de l'Europe, de l'Asie (Ledeb., F1. Ross., I], p. #20) et de l'Amérique, notamment sur la côte nord-ouest; que, d’ailleurs, il y a d’autres espèces de la même section en Amérique, je n'ose pas dire que les pro- babilités soient plus dans le sens de l'introduction dans le nouveau monde que dans le sens contraire. Fedia olitoria, Vahl., — &@). — Bords des prés (Darlingt.). Dipsacus sylvestris, Mill. — 4). Tussilago Farfara, L. — %. Inula Helenium, L. — %- Maruta Cotula, DC. — @. Anthemis arvensis, L. — (à) — Champs. + Achillea Ptarmiea, L. Z. Leucanthemum vulgare, Lam. — % — Certainement introduit dans les anciens États de l'Union, dd après les auteurs américains ; cependant très répandu dans le nord et l'ouest de ce continent. Je le crois naturalisé d'ancienne date et non aborigène, parce qu'il manque à l'Asie orientale (Ledeb., F1. Ross.) +Pvyrethrum Parthenium, Sm. — % =- Échappé des jardins, commence à se naturaliser (Torr. et Gray, F1, p. 413). Tanacetum vulgare, L. — 2%. Artemisia Absinthium, L, — %. 750 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Filago germanica, L. — @. Senecio vulgaris, L. — (4) — Non indiqué encore dans le nord-ouest de l'Amérique et l'Asie orientale. 11 n’a paru à West Chester, en Pensylvanie, qu'en 1846; il était devenu très commun en 1850, et l’année suivante il ne l'était plus (Darlingt., F1. Cestr., 3° édit., p. 152). Centaurea nigra, L. — % — Naturalisé dans le Massachusetts, peut-être indigène à Terre-Neuve, selon MM. Torr. et Gray (F1., 11, p. 454). Comme l'espèce n'est pas arctique dans l’ancien monde, et qu'elle y présente une aire limitée à une portion de l'Europe (Ledeb., FI. Ross., II, p. 692), je ne crois pas qu'elle soit indigène à Terre-Neuve. Centaurea Cyanus, L. — (® — Échappé des jardins: anciens champs et bords des chemins (Torr. et Gray, Ft. N. Amer., p. 454). Bords des chemins, échappé des jardins (A. Gray, Bot. of North. St., p. 24): jardins et terrains va- gues (Darl., F1. Cestr., 3° édit., p. 453). Ce changement de station d’une plante qui ne sort pas des ne dans toute l'Europe (excepté en ou, m'a paru remar- quable. Centaurea melitensis, L. — @). Centaurea Calcitrapa, L.— @). + Cnicus benedictus, L. — @. Cirsium lanceolatum, Scop. — @. Cirsium arvense, Scop. — % — MM. Torrey et Gray le disent naturalisé dans les États-Unis, et probablement indigène à Terre-Neuve et au Canada. Si c'étaitle cas, ilexisterait probablement aussi dans le nord-ouest de l'Amérique et dans l'Asie orientale, mais il y manque. Onopordon Acanthium, L. — @. - Lappa major, L. — @. "L. Lampsana communis, L. — (0 — Au Canada inférieur et dans une seule localité des États-Unis en 1843 (Torr. et Gray, F1, IL, p. 466). 11 CHE Cichorium Entybus, L. — %. RAS Sonchus arvensis, L. — @). MATE: Sonchus oleraceus, L. — (®. cp ibtÉ Sonchus asper, Vill. — @.— MM. Torrey et Gray (F1., IT, p. 501) le disent probablement indigène, je suppose parce qu'il est plus répandu que le pré- cédent du côté du midi et de l'ouest en Amérique. Cependant, il manque, comme lui, à l'Asie orientale, et aucun Sonchus n'est indigène, d'une manière certaine, dans l'Amérique septentrionale. Le Sonchus tenerrimus, trouvé en Californie, y a probablement été introduit. Je ne puis croire que les Sonchus oleraceus et asper, si complétement mélangés en Europe et ailleurs, ne soient pas originaires du même continent. M. Darlington (F1. Cestr., 3° édit., p. 462) croit le Sonchus asper étranger dans le comté de West Chester en Pensylvanie. Anagallis arvensis, L. — &). Verbaseum Thapsus, L.—®.\) Aucuneespèce de Verbascum n'est indigène Verbascum Blattaria, L.—@. } d'une manière certaine, Les V. Thapsus et Verbaseum Lychnitis, L.— @.)V. Blattaria sont devenus très communs . Linaria vulgaris, L. — 2% — Voyez ci-dessus, p. 716, Linaria Elatine, Mill. — @). Veronica arvensis, L. — (n. Veronica agrestis, L. — @. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 751 Veronica hederæfolia, L. — Mentha viridis, L. — %. Mentha piperita, L. — % Peu naturalisées en comparaison du Mentha Mentha arvensis, L. — 2% xdbes Origanum gs .—% — Ila toutes les apparences d'une plante natura- lisée(Darl., F1. Cestr., 2° édit., p.316). Aucune autre espèce ne croît en Amérique. Thymus Ser Dillon, L. — ; — Échappé çà et là des jardins, mais très peu naturalisé. Seul de son genre aux États-Unis. Calamintha Clinopodium, Benth. —%. Clinopodium vulgare, L.— %. + Melissa officinalis, L.—%. Nepeta Cataria, L. — %. Nepeta Glechoma, Benth.— % — Voyez Darlington (F1. Cestr., 3° édit., p. 207), et Benth., Prodr., XIT, p. 394). Lamium amplexicaule, L. — (1 — Toutes les espèces sont de l'ancien monde. Lamium purpureum, L. — 4) — Rare; dans les jardins, etc. (Darl., F1. Cestr., 3° édit.). Leonurus Cardiaca, L. — 2% — Tous les Leonurus sont de l’ancien monde. Galeopsis Tetrahit, L. Galeopsis Ladanum, L. — (1, — Encore rare. Stachys arvensis, L. — 1, — Poe. rare. Dans les champs seulement ? Marrubium vulgare, L. — % — Dans le Prodromus (v. XIE, p. 453), j'ai émis des doutes sur Éd he de cette espèce en Amérique, à cause de sa grande extension, du Canada à Buénos-Ayres et au Chili (excepté entre les tro- < piques). extension qui parait plus vaste que dans l'ancien monde. Aujourd'hui, je reviens à l'opinion de M. Bentham et des auteurs américains, parce que : As toutes les autres espèces du genre sont de l'ancien monde ; 2° celle-ci manque dans quelques Flores locales des États-Unis, par exemple, dans celles de Boston DER 1e et 2° édit.), ce qui n'arriverait guère pour une plante originaire des deux continents : 3° M. Darlington, dans tous ses écrits, de 1826 à 1847, en k comme d'une plante étrangère, cultivée d'abord comme officinale, et qui se répand lentement, — Elle manque à l'Asie orientale (Ledeb., F1. Ross.). Ballota nigra, L. — %. Phlomis tuberosa, L. — 2% —— Dans une seule localité près du lac Ontario. Aucune espèce du genre n'est d'Amérique, du moins avec certitude. + Hyssopus officinalis, L. — 3. Éc hium vulgare, L. — % — Voyez p. 717. Lycopsis arvensis, De Ga) — Dans les champs, encore peu répandu. Symphytum officinale, L. — % — Peu naturalisé ; échappé des jardins. Toutes les espèces du genre sont du vieux monde. Lithospermum arvense, L. — (à) — Champs. Lithospermum officinale, L. — % — Encore peu répandu. Cynoglossum officinale, L. — — Naturalisé près des anciens établisse- ments (Darl., Ft. Cestr., 3° édit, p. 217). Echinospermum Lappula, Lehm.— (4) — Maintenant lout autour du pôle arctique, mais probablement parti de l'empire russe et répandu par la facilité de ses fruits à s'accrocher aux corps extérieurs. Récemment arrivé en Angleterre 18 te LL r % s = 792 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. (voy. p. 677 ). Il est plus rare aux États-Unis qu'en Europe, et manque encore à certaines Flores, par exen:p'e, à celle de Boston (Big., 1° et 2° édit.). Aucune espèce véritable du genre n'est américaine. Les auteurs américains hésitent à le dire introduit ; mais je le crois dans ce cas, seulement, l'introduction est peut- être ancienne dans le nord-ouest. Convolvulus arvensis, L. — 2% — Terrains cultivés. Cuscuta epitinum, Weiïhe. — (D — Champs de lin. Datura Stramonium, L. — (4) — Vovez ci-dessus, p. 731. Hyoscyamus niger, EL #0. Solanum nigrum, L — (. Solanum Dulcamara, L. — 3. + Atropa Belladonna, L. — 2% — Près des jardins. + Lycium barbarum, L. — 5 — Près des jardins. Plantago major, L. — (ù — Voy. p. 713. Plantago lanceolata, L. — m. + Erythræa Centaurium, L. — (1) — En un seul point, pres du fort OUswego, + Periploca græca, L. —5. Ligustrüm vulg rare, L. — 3 — Cultivé pour les haies. Les oiseaux ont Pt ses graines (As. Gray, Man. of Bot. N. St.). Chenopodium album, L. — (n (a). Chenopodium glaueum, L. — (. Chenopodium urbicum, L:— («. Chenopodium murale, L. — ‘5. , Chenopodium hybridum, iè a. Ambrina Botrys, Moq. — Blitum polymor phum, Mey. i). Agatophytum Bohds HE TEUS Moq. — %. Amaraäantus Blitum, L. — 4) — Terrains culüvés. Rare. Polygonum orientale, L.— () Polygonum Persicaria, L. — 4. ? Polygonum Convoloulus, L. — 1) — Quelques auteurs américains le soup- connent étranger, à cause de sa station dans les terrains cultivés. Michaux, en 1803,et Elliott, en 1821, l'indiquaient déja comme spontané en Caroline : mais antérieurement, Walter (1788) n'en parlait pas. Rumex obtasitolius, L. — 2%. Rumex crispus, L. — 2%. (a) Depuis la rédaction de cette liste il m'est venu des doutes sur l'origine européenne du Chenopodium album, à cause du fait qu'il existait à Neubraunfels, dans le Texas, avant l'introduction récente des cultures (Litidheñner, Linn., XXII, p. 131); de sa présence dans l'Orégon, il est vrai près des aticiens campements (Douglas, dans ook. FL bor. Am., I, p. 127), aux iles Feroë (Martifis, Veg. Fer., p. 374), et en Laponie (Fries, Summa). D'un autre côté, jé né le vois indiqué ni au Kamtschatka (Bot. Beechey voy.), ni à Kotzebue-Sound, au nord-ouest de l'Amér ique (id.), ni à Sitcha (Bongard, Veg. Sirha), ni au Labrador (Schlecht., Linn,, 4835), nien Is made (Houk., Tour in Iceland : Bab., Trans. bot. Soc. Ed., vol. IH), d'où il semble que l'espèce à une extension oindre en Asie el én Amérique qu'en Europe; ce qui indiquerait une origine moins ancienne. Elle n'a pas de nom sanscrit (Piddington, /nder), NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 1 ©t C9 Rumex conglomeratus, Murr. — %. Euphorbia Helioscopia, L. — «à. Euphorbia platyphylla, L. — @. Euphorbia Peplus, L. — «. Euphorbia esula, L. — 2% — Sorti des jardins (Oakes). Euphorbia Lathyris, L. — %,.— Sorti des jardins (A. Gray). + Salix alba, L. — 5 ) Ces espèces se propagent-elles de graines ? + Salix fragilis, L. — 5 On peut toujours craindre que les pieds ne + Salix viminalis, L. —; }soient uniquement des boutures. Urtica dioica, L. —: %. Urtica urens, L. —- (1) — Peu répandue dans l'est. Asparagus officinalis, L. — %. Hemerocallis fulva, L. — % — Échappé des jardins. Ornithogalum umbellatum, L. — %. Allium vineale, L. — %. Alopecurus pratensis, L. — %. Alopecurus geniculatus, L., est soupconné d'origine étrangère par M. À. Gray (Man. N. St): mais il se trouve du Canada jusqu'au nord-ouest (Hook., FL. bor. Am.): il croit aussi en Laponie. Phleum pratense, L. — %— Les auteurs américains affirment son origine étrangère. A la suite d'une culture fréquente, sous le nom de Timothy grass, il s’est beaucoup répandu dans la campagne. Cynodon Dactylon, L. -- %. Dactylis glomerata, L. — 2%. Briza media, L. — %. Poa. M. A. Gray regarde les Poa trivialis, pralensis et compressa, comme d'ori- ine étrangère dans la Nouvelle-Angleterre. Ils existent tous trois an Labrador (Schlecht., in Linn., 1835, p. 81), et les deux premiers s'avancent en Europe jusqu'en Laponie, le dernier jusqu'en Suède. Je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas communs d’origine aux deux continents, ainsi que beaucoup de Gra- minées arctiques. Le Poa pratensis surtout est très répandu dans le nord de l'Amérique (Hook., F1. bor. Am., IE, p. 246). J'en dirai autant du Festuca ovina, du Festuca pratensis, du Trilicum caninum, que M. A. Gray regarde, avec plus ou moins de certitude, comme d'origine étrangère. Festuca duriuscula, L. — %. Festuca elatior, L. — 2%. Bromus mollis, L. — ©. Bromus secalinus, L. — (1) — Champs seulement. Lolium perenne, L. — %. + Lolium temulentum. — (1 — Anciens champs. Aira præcox, L, — (1. Arrhenatherum avenaceum, Beaux. (Avena elatior, L.). — 2%. Holeus lanatus, L. — %. Anthoxanthum odoratum, L. — % — Il est en Sibérie, en Laponie, aux iles Feroë et à Terre-Neuve (FL. bor. Am., I, p. 235), ce qui peut faire croire à une habitation autour du pôle, Cependant, les auteurs américains affirment lintro- duetion aux États-Unis (Darl., F4 Cestr,; À. Gray, Man. Bot. N.SL.), et l'ex- tension en Amérique serait plus grande au nord, l'espèce irait jusqu'au Labrador, 75/4 CHANGEMENTS DANS L’HABITATION DES ESPÈCES. si elle existait d'origine sur le continent américain, puisque chez nous elle avance jusqu'en Laponie. Panicum sanguinale, L. — 4) — Terrains cultivés. \ Les auteurs américains croient tous ces Setaria d'origine étrangère. Je n'ai Setaria verticillata, Beauv. — fde doute qu'à l'égard du Setaria glauca, ? Setaria glauca, Beauv. — qui a été trouvé dans l'intérieur du Ca- Setaria viridis, Beauv. — «) nada à Saskatchawan (Hook., FI. bor. + Selaria italica, Kunth. — (1 Am., I, p. 236), et qui avance en Eu- lrope jusqu'en Suède. Cependant, je le ’ crois plutôt étranger à l'Amérique. 29 Originaires de pays éloignés autres que l'Europe. Gynandropsis pentaphylla, DC. — G — De l'Afrique et de l'Inde. Citri species. — 5 — Il y a probablement plus d'une espèce naturalisée de l'Inde aux Antilles et dans les États méridionaux de l’Union. Bertram en par- lait déjà en 1791. ? Hibiscus Manihot, L. — % — De l'Inde ; trouvé depuis le siècle actuel sur les bords du Mississipi, mais probablement échappé des jardins. Melia Azedarach, L. — 5 — D'Asie ; peut-être apporté d'Europe. Rosa lævigata, Michx. — 3 — De Chine. Xanthium : spinosum, L. — &) —- Voy. p. 715, 729. Soliva nasturtifolia, DC. — 7 — De Buénos-Ayres. + Convolvulus purpureus, L. @ — Der Amérique méridionale. Venu pro- bablement de proche en proche, de jardins en jardins, par les Antilles et le Mexique. + Nicandra physaloïides, Gærtn. — 4) — Du Pérou. : Roubieva multifida, Moq. — % — Du Pérou, de Buénos-Ayres et du Brésil. Vient de paraître à New-York dans les promenades (Carey, d'après une lettre de M. Moquin, en 1850, qui a vu un échantillon). L'introduction est trop récente pour qu'on puisse dire si la plante durera. Eleusine indica, Gærtn.— (n —De l'Inde, et portée dans plusieurs régions. Phalaris canariensis, L. — — Des Canaries, mais cultivée aussi ailleurs. Voici ce que je remarque sur cette lise : 1. Le nombre total des espèces de pays éloignés qu’on peut regarder comme naturalisées au Canada et dans les États-Unis orientaux, s'élève à 184. Sur ce nombre, 19 ne sont peut-être pas encore bien établies. 2. L'origine des 184 espèces est clairement indiquée dans le tableau. Il y en a 172 d'Europe et 12 seulement d’autres pays. Assurément, je ne puis aflirmer que toutes les premières soient venues directement d'Europe. Plusieurs existent, originellement ou par naturalisation, aux Canaries, à Madère, aux Acores, et quelquefois dans diverses régions du globe; elles ont pu arriver de ces pays et non d'Europe , mais c’est peu probable quand on pense à la multitude de vaisseaux qui ont chargé leur frêt dans les ports NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 755 européens directement pour les États-Unis et aux relations habituelles des Américains avec les horticulteurs et marchands de graines d'Europe. Je suis surpris que le commerce des États-Unis avec le Brésil, le Chili, la Nouvelle-Zélande, les îles Sandwich et la Chine, commerce qui a pris beaucoup d'activité depuis trente ans, n'ait pas encore amené la uaturali- sation d'espèces de ces régions. Jusqu'à présent on ne s’en aperçoit pas. Le Roubieva multifida, qui vient de paraître à New-York, et dont la natu- ralisation n’est pas encore consolidée par l'épreuve du temps, est la seule plante, peut-être, qui soit venue de cette manière. À l'avenir, il en arrivera plusieurs sans doute. Elles pourront compenser un peu la diminu- tion probable de celles qui viendront d'Europe. 3. Le mode d'introduction en Amérique à été, comme en Europe, tou- jours, le transport de plantes ou de graines par l’homme, volontairement ou involontairement. Le dépôt dun lest des vaisseaux, le méjange avec les marchandises, surtout avec les graines qu'on à fait venir en quantité énorme de France et d'Angleterre, la culture dans les jardins et autour des fermes, toutes ces causes ont agi avec une intensité remarquable. h. Il s’est naturalisé en Europe 35 espèces de l'Amérique septentrionale, en ne comprenant pas deux espèces de Californie ou de l'Orégon (p.742); pendant le même temps, il s’est établi en Amérique, entre la mer Atlan- tique et le Mississipi, 172 espèces d'Europe, c’est-à-dire einq fois plus. Je m'explique ce fait extraordinaire par la fréquence beaucoup plus grande d’en- vois de graines en Amérique, notamment pour les besoins de l’agriculture, et aussi par le désir des colons de revoir autour d'eux les plantes auxquelles s'associent leurs souvenirs de jeunesse. Pendant longtemps on a fait venir des graines de trèfle, de luzerne, de toutes nos graminées, de toutes nos céréales, par milliers de boisseaux, et l’on a semé avec elles une foule de nos herbes les plus communes. En revanche, les Européens n’ont guère tiré, en fait de graines, des États-Unis, que des graines d'arbres, et seulement pour quelques amateurs ou pépiniéristes. Combien d’émigrants européens par- tent avec des paquets de graines ! Combien de colons établis écrivent pour en faire venir! Même les mauvaises herbes du pays natal ont un charme pour eux, témoin l'introduction du Linaria vulgaris, dont les cultivateurs américains se plaignent aujourd'hui, et qu'ils doivent au souvenir patrio- tique d'un de leurs ancêtres, émigré du pays de Galles. Le courant de l’action des hommes (p. 716) a été infiniment plus fort d'Europe vers l'Amérique septentrionale que dans le sens opposé. 5. Le midi des États-Unis ne paraît pas avoir recu autant d’espèces étrangères que les États de Pensylvanie, New-York, Massachusetts, peut- être pas autant que le Canada, dont le climat rigoureux semble cependant 756 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, peu favorable. J’attribue encore ce fait à la nature des relations commer- ciales avec l’Europe. Les colons des États méridionaux cultivant le tabac, le coton, le maïs, n’ont pas dû importer autant de graines européennes que ceux des États septentrionaux, dont l’agriculture était plus dans le genre de celle d'Europe. D'ailleurs la colonisation a marché plus activement dans le nord, et la masse des émigrants s’est portée essentiellement de ce côté, 6. Les 184 espèces naturalisées au Canada et dans les États-Unis orien- taux, se composent de 85 plantes annuelles, 15 bisannuelles, 66 vivaces, h arbrisseaux ou sous-arbrisseaux, 10 arbustes, 4 petits arbres (Melia, deux Salix, Citrus, ces derniers peut-être de plus d’une espèce), aucun grand arbre, En d’autres termes : Espèces monocarpiennes . ,....e..s.esseoessseuenes 100 IR ATMNZOCANDINNES SE EEE EEE Cer---Ee- , 66 [d/MMicaulocarpiennes. er MIS L OR. 18 HoRIS. SEE HER IE 184 Le chiffre des plantes ligneuses montre combien le climat des États-Unis est plus favorable à cette catégorie que celui d'Europe. 7. Aucune espèce n’est aquatique; une douzaine vivent dans les lieux humides; 22 dans des prés ou pâturages ; une cinquantaine dans les ter- rains incultes et lieux abandonnés, près des villages, au bord des routes, dans les décombres autour des habitations ; 4 spécialement dans les gra- viers, au bord des lacs et des rivières; 6 dans les haies ou broussailles ; 3 dans les forêts ou les bois; le reste dans des stations multiples ou peu défimes. 8. En comparant avec les espèces naturalisées où répandues dans les terrains cultivés en Europe (a), on voit que l'Amérique à reçu infiniment plus de plantes des champs ou terrains cultivés et des prairies. l'est aisé de l'expliquer. Les cultures européennes étaient chargées d’une multitude de mauvaises herbes d'Asie, du nord de l'Afrique et d'Europe, introduites graduellement pendant des siècles, depuis l'origine de l'agriculture ; une partie de ces plantes a malheureusement été transportée en Amérique, avec les graines des céréales et des fourrages. Toutes celles des champs sont nuisibles ; mais parmi les espèces des prairies, 1l y en à d’avantageuses, comme les Medicago sativa, Trifolium pratense, Phleum pratense, Festuca elatior, Alopecurus pratensis, Arrhenatherum avenaceum, Lolium perenne, et autres Graminées. Les États-Unis ont recu d'Europe, en fait de plantes spontanées, beaucoup de mauvaises herbes et quelques plantes utiles. Au contraire, l'Europe à reçu de l'Amérique septentrionale plusieurs plantes (a) Ces dernières ne sont pas comptées comme naturalisées (voy. p. 610). NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 797 inutiles, plutôt que nuisibles (plantes des décombres, chemins, ete.), et une espèce seulement de quelque utilité, le Panieum Digitaria, qui peut servir de fourrage. Le Phytolacca decandra sert à colorer les vins ; emploi aussi nuisible à l'acheteur que profitable au vendeur (a). En somme totale, aux États-Unis, les champs ont été détériorés par les plantes naturalisées d'Europe, les prairies ont été bonifiées; en Europe, les naturalisations de plantes des États-Unis ont été à peu près sans inconvénient ni avantage. 9, Les Monocotvlédones sont aux Dicotylédones = 22 : 162 — 7: 7; ainsi en Amérique, comme en Europe, les introductions auginen- tent la proportion des Dicotylédones. 10. Les familles principales sont, parmi les plantes naturahisées aux États-Unis el au Canada : ONMDASÉR AE LCR Re. 26, soit 14 sur 100. (PANNNÉES EE leletes ee else die 18 10 Pabiees PER CeIe Us 18 10 Légumineuses, 41... 0 16 9 CATINDHVIERS etre me ste 12 6 Li lieR Ana do bd tool 10 5 Le chiffre des Graminées et Légumineuses, bien plus élevé que dans les plantes naturalisées en Europe, confirme ce que je disais tout à l'heure de l'avantage des introductions d'espèces spontanées en Amérique pour la bonification des prairies. On remarquera combien l'ordre relatif de ces familles est semblable à la proportion qu'elles offrent en Europe, Cela vient de l'origine surtout européenne des plantes naturalisées aux États- Unis. 14. Les 184 espèces naturalisées aux États-Unis et au Canada ont pu être introduites depuis la fin du xvr siècle, car les voyages des deux Cabot et de Corteréal au Canada et jusqu'au Labrador, eurent lieu de 1494 à 4500, Il n'est pas probable que les établissements antérieurs des Seandi- naves, sur la côte du Groënland, aient pu naturaliser des espèces, à cause du climat de ces régions arctiques et de luniformité préexistante de végé- jation entre les parties septentrionales de l’Europe et de l'Amérique visitées par ces premiers navigateurs. Ponce de Léon visita la Floride en 1512, el W. Raleigh, la Virginie en 1584. L'introduction des espèces européennes ne remonte probablement pas aussi haut. Les navigateurs qui abor- daient pour la première fois dans ces pays n'avaient aucun intérêt à y porter des espèces d'Europe. Is devaient être tentés plutôt de rapporter en Europe ce qu'ils voyaient de remarquable ou d’utile dans les productions de (a) L'Opuntia est utile {comme fruit et comme clôture, mais il ne vient pas de Ja partie de l'Amérique dont je fais ici la comparaison avec l'Europe, 4 758 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. l'Amérique. Il a fallu des établissements agricoles pour que lintroduction des espèces püt commencer. La première colonie anglaise en Virginie date de 1607. Les Hollandais s’établirent à New-York en 1614, et les puritains dela Nouvelle-Angleterre, à Plymouth, en 1620. Depuis ce moment, une grande quantité de graines furent apportées et propagées avec activité qui distingue la race anglo-saxonne. Les 154 espèces naturalisées se sont introduites pendant 280 ans environ, car les espèces signalées depuis quelques années seulement sont encore, pour la plupart, à l’état d’épreuve, et je n’ai pas du les compter dans le nombre des espèces naturalisées cer- tainement. La proportion est de 80 par siècle, chiffre bien plus considérable qu'en Europe (p. 744). Je reviendrai sur les causes d’une différence aussi sensible. L’abondance avec laquelle l'introduction des espèces s’est faite a pu varier pendant la durée des deux siècles; mais aucun document ne permet de s’en faire une idée. Je soupçonne qu'elle à été plus grande dans les années qui ont précédé l'indépendance des États-Unis qu’à aueune autre époque. Cela me paraît probable, parce que les colonies avaient alors un commerce actif avec l’Europe, et que les établissements y étaient assez nouveaux pour que lon dût acheter des graines à l'étranger pour l’horticulture et l’agriculture. Maintenant, le commerce est plus actif, mais il s’est formé des jardins et des pépinières, qui dispensent de tirer les graines communes de pays lointains. La manière dont les plantes étrangères se répandaient encore, de 1813 à 1820, date de plusieurs Flores américaines ; les traditions toutes vivantes des botanistestde cette époque sur lorigine de plusieurs espèces me font penser aussi que les naturalisations étaient, pour la plupart, peu anciennes. 12. Les Flores américaines indiquent plusieurs espèces naturalisées qui sont devenues communes. Le manque de Flores locales m'empêche de constater celles qui abondent véritablement d'une extrémité à l'autre du territoire, des Florides au Canada. Quelques espèces sont devenues aussi communes dans certains endroits qu'en Europe, par exemple, lEchium vulgare, les Linaria vulgaris, Leucanthemum vulgare, Cirsium arvense, Verbascum Thapsus, etc. Elles abondent au point qu'un savant géologue (a) a pu écrire : € Ces plantes d'Europe, introduites en Amérique, serépandent et finissent par couvrir le sol, envahissant le Lerrain occupé jadis par les plantes indigènes, et les faisant successivement disparaître, à peu près de la même manière et dans les mêmes proportions que la race indienne cède le pas à l'homme blanc et disparaît devant la civilisation qui s'implante sur la terre des Peaux-rouges. » Il y a probablement de l'exagération dans l'idée d’une disparition des espèces indigènes devant les autres ; mais on (a) Aga:siz, Buil. Soc. sc. de Neuchâtel, 25 novembre 4847. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 759 voit que l’envahissement est assez marqué dans les régions anciennement colonisées des États-Unis. 43. Si quelques espèces sont devenues abondantes, je n’ai pas été moins frappé de la rareté actuelle d’autres espèces, et surtout de l'absence, parmi les plantes naturalisées, de plusieurs plantes très communes en Europe. Les Ranunculus arvensis, Papaver Rhœas, Cheiranthus Cheiri, Geranium molle, Geranium pratense, Bellis perennis, Centaurea Jacea, Specularia Speculum, Specularia hybrida, Borago officinalis, Mercurialis annua, Verbena officinalis, et bien d'autres plantes communes en Europe, répandues même ailleurs, n’ont pas encore passé aux États-Unis. Le climat leur serait-il contraire? Les graines ne se sont-elles pas trouvées dans les envois de graines pour l'agriculture ? La suite montrera si ces espèces ne peuvent pas s'établir en Amérique. Je vois dans ce fait plutôt un indice que des naturalisations continueront à avoir lieu, jusqu’à ce que toutes les plantes robustes et prolifères des pays tempérés se soient casées, dans quelques districts au moins, du territoire si varié des États-Unis. 14. Ici, comme parmi les plantes naturalisées en Europe, la grande majorité des espèces habitait plusieurs régions avant de se répandre en Amérique. Presque toutes sont des espèces, non-seulement de Europe tempérée, mais aussi de là région méditerranéenne et de quelques régions voisines, comme la Sibérie, le Caucase, la Perse, les iles de Madère ou des Canaries. Je n’essaierai pas d’en calculer exactement le nombre, parce que les espèces des décombres, des chemins, etc., qui sont si nombreuses dans la liste, ont évidemment été transportées dans plusieurs pays comme aux États-Unis. Leur extension est trop factice pour mériter une certaine importance. Les seules espèces qui n'aient pas le caractère de grande diffusion géographique, sont : Helleborus viridis et le Silene Armeria, qui s'étendent de l'Angleterre à la Grèce; les Medicago intertexta et Medi- cago nigra, qui sont du midi de lPEurope; le Centaurea nigra, L., qui habite l'Europe tempérée; le Symphytum officimale, qui est de l'Europe tempérée et méridionale; le Ligustrum vulgare, qui occupe une moitié de l’Europe et la région caucasienne ; le Rosa lævigata, dont la patrie, en Chine, est peut-être assez limitée; Le Soliva nasturtiifolia, qui est de Buénos-Ayres, et dont l'extension n’est pas encore bien connue. Ainsi, sur 466 espèces naturalisées aux États-Unis, il n’y en a peut-être pas 40 qui n’eussent, avant leur introduction, une habitation beaucoup plus grande que la moyenne des Phanérogames, et je doute qu'il y en ait une seule dont l'habitation fût au-dessous de l'aire moyenne. 15. Les 184 espèces naturalisées aux États-Unis ou au Canada appar- tiennent à 420 genres différents, dont 59 sont nouveaux pour le pays 760 GHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, d'introduction, et 56 nouveaux pour l'Amérique septentrionale tout entière. ’armi ces genres, il y en à qui sont nombreux en espèces dans d'autres régions, par exemple, les Fumaria , Sinapis, Althæa, Citrus, Medicago, Genista, fnula, Verbascum, Thymus, Lamium, Marrubium , Phlomis, Echium, Echimospermum, Chenopodium, Ornithogalum, Holcus, Setaria, Les espèces naturalisées appartiennent à à$ familles différentes, dont deux, celle des Méliacées et les Aurantiacées, n'étaient pas représentées auparavant. Dans les contrées analogues au midi de l'Europe et aux États-Unis, les faits de naturalisations seront probablement un jour aussi nombreux, I fut seulement que l'espèce humaine ait eu le temps d'y déployer là même activité et que des botanistes sédentaires y observent l'introduction des plantes nouvelles. Déjà, dans les environs de Buénos-Ayres et de Monte- video, au Chili, sur la côte occidentale de l'Amérique du nord, on a remar- qué plusieurs espèces introduites, surtout des espèces de nos champs, de nos routes et de nos villages d'Europe. Le nombre en est impossible à con- stater. Espérons qu'il paraîtra bientôt des Flores de ces pays, afin que l'invasion d'espèces étrangères puisse à Pavenir être constatée, Les régions intertropicales ne sont point défavorables aux naturalisa- tions. Elles y sontrares aujourd’hui; mais cela tient au genre de communi- eations de ces pays, qui ont lieu avec l’Europe et les États-Unis, bien plus qu'avec des. pays ayant une végélation analogue à la leur. Les plantes d'Europe et du nord de l'Amérique, jetées par une multitude de vaisseaux dans les ports du Brésil, de la Guyane, de Java, de l'Inde, ont bien peu de chance de réussir, de même que nos plantes des régions tempérées dont on essaie la culture dans les jardins des pays équatoriaux ; mais lorsque le commerce deviendra plus actif entre les pays intertropicaux eux-mêmes; lorsque leurs jardins seront mieux pourvus de plantes des pays chauds, on verra, je pense, une multitude d'espèces nouvelles devenir spontanées, Gardner, qui connaissait si bien le Brésil et l'ile de Ceylan, où il à mal- heureusement terminé ses jours, remarquait la facihté avec laquelle plu- sieurs plantes américaines ou africaines se sont répandues à Ceylan, les unes sans cause, et d’autres échappées d'une manière certaine des jardins botaniques (a). Plusieurs de celles qu'il indique sont ligneuses (Opuntia, Vinca rosea, Allamanda cathartica, Lantana, Buddleia madagascariensis), de sorte que l'abondance des espèces de celte catégorie, dans les pays chauds, n'empêche pas le phénomène des naturalisations. La Flore de l'Inde de Roxburgh et Wallich, mentionne plusieurs plantes naturalisées : a) Bot. mag., 1848, appendix, p. 14 ; Journal of the hortic. Soc., IV, p. 40. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 761 mais de tous les ouvrages sur la botanique des pays tropicaux ou subtro- picaux, le plus concluant à cet égard est l'Hortus Maurilianus, de M. Bojer. Dans ce volume, publié en 1837, l’auteur énumère toutes les espèces qu'il connaissait alors dans Pile Maurice («), comme spontanées ou comme cultivées. I dit d’un grand nombre qu'elles se sont naturalisées. Jen relèverais la liste, si je ne pensais que maintenant elle est devenue incomplète, et si la détermination de lorigine des espèces ne présentait quelquefois des questions insolubles, à cause des espèces de Pinde et du Cap, qui peuvent se trouver, sur la côte d'Afrique et à Madagascar, et, par conséquent, n'avoir pas été introduites à Maurice, du moins à titre de plante venant de pays éloignés, La question la plus abordable et la plus intéressante dans ce genre, est de savoir quelles sont les espèces intertropicales du nouveau monde, naturalisées dans l’ancien, et vice versa, de l’ancien monde, naturalisées dans le nouveau, abstraction faite des espèces qui sont sorties récemment des jardins ef qui se Sont naturalisées d’une manière toute locale et bien connue, dans quelques points comme l’ile Maurice, l'ile de Ceylan, ete. En d’autres termes, c’est un problème digne d'attention de chercher quelles sont les espèces assez généralement répandues dans les deux mondes, en apparence originaires de chacun des deux, et qui, cependant, ont été apportées et naturalisées par divers agents, soit d'Amérique, soit de l’an- cien monde. Je vais en donner la liste aussi complète que J'ai pu le faire. $ ITF. LISTE DES ESPÈCES INTERTROPICALES SPONTANÉES, EN APPARENCE ORIGINAIRES DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU MONDE, QUI ONT PROBABLEMENT ÉTÉ NATURALISÉES PAR TRANSPORT DE L’UN A L'AUTRE. Les recherches contenues dans les articles et paragraphes précédents, sur des naturalisations bien constatées, nous permettent d'estimer, sans trop de défiance, le degré de probabilité de plusieurs naturalisations dou- teuses, de celles, par exemple, qui ont eu lieu entre l’ancien et le nouveau monde, avant le siècle actuel. Toutefois, il faut le reconnaitre, quelques- uns des indices dont nous avons fait usage pour les naturalisations en Eu- rope et aux États-Unis, ne peuvent pas se rencontrer ici. On manque de Flores locales, de Flores faites à des époques successives, et surtout de Flores complètes et bien travaillées. D'un autre côté, à défaut de ces moyens d'investigation, il y a quelques arguments, quelques indices, appropriés (a) J'emploie ce nom plutôt que celui de île de France, parce qu'il est le plus ancien ; Ja règle de priorité est aussi juste, aussi commode, en géographie qu'en botanique. 762 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. aux pays intertropicaux, sur lesquels on peut s'appuyer d’une manière spéciale. La végétation des régions tropicales, quand on compare l’ancien et le nou- veau monde, se compose essentiellement d'espèces différentes, et même en grande partie de genres différents. Je citerai plus loin quelques espèces qui semblent avoir été communes, dès lorigine, aux deux mondes, quoique tropicales; mais ce sont des cas excessivement rares, et même je doute que plusieurs de ces espèces n'aient pas été transportées dans des temps très reculés par une cause inconnue. Ainsi, entre les tropiques, toutes les probabilités sont, à priori, et avec beaucoup de force, dans ce sens : 2° que les espèces également spontanées dans les deux mondes sont originaires de l'un des deux seulement ; 2° que les espèces d’un genre principalement ou exclusivement américain qui se trouvent ailleurs sont d’origine américaine, ou inversement , que les espèces d’un genre asiatico-africain , qui se trou- vent en Amérique, sont originaires de l’ancien monde. Ces lois de probabi- lité auront surtout de la valeur dans le cas de genres très nombreux. Ainsi les deux cent cinquante Hyptis connus existent en Amérique, et sept d’entre eux ont été retrouvés en Afrique ou en Asie. N’est-il pas infiniment pro- bable, par cela même, que ces derniers ont été transportés d'Amérique? L'île de Madagascar est séparée de la côte d'Afrique par un courant rapide qui rend les échanges directs de graines difficiles. Les îles Mau- rice et Bourbon ne reçoivent pas de courant direct et habituel de Mada- gascar; au contraire, les courants portent plutôt vers Madagascar (voyez Berghaus, Atlas, part. hydr., pl. 15). Si donc une espèce est spontanée dans ces trois îles, qu’elle soit ou qu’elle ne soit pas en même temps sur le continent africain, par exemple en Guinée, on ne pourra guère supposer pour elle une origine américaine. Si elle est en Guinée et qu’elle manque aux îles de l’Afrique orientale, soit îles Mascarenhes, on pourra incliner facilement, au contraire , à l’opinion d’une origine du nouveau monde. À défaut de Flores anciennes qui puissent constater l'introduction des espèces, les noms vulgaires anciens prennent de l'importance. Le sanserit est d’une immense ressource à cet égard. Il était langue morte déjà à l’époque de la conquête de l'Inde par Alexandre le Grand! Ainsi toute plante actuellement dans l’Inde qui se trouve avoir un ou plusieurs noms sanserits ne peut pas être originaire d'Amérique, En faisant usage de ce critère, je n'ai cessé d'admirer la précision de Roxburgh dans ses dési- gnations de noms indiens (a), la richesse des noms sanscrits, dont un (a) Roxburgh, Flora Indica, édit. Wallich, 2 vol. in-S, 1820-1824, et surtout édit, 1832, 3 vol. in-8, Cette dernière ne renferme pas les excellentes additions du doc- NATURALISATION A GRANDE DISTANCE, 763 habile philologue, M. Adolphe Pictet, n'a quelquefois appris le sens, et enfin, le développement de cette antique civilisation dans laquelle le génie poétique s’alliait à l'observation exacte des phénomènes naturels. Les indices botaniques se sont trouvés toujours d'accord avec les indices tirés des noms sanscrits, excepté pour deux espèces (Acacia farnesiana et Gom- phrena globosa). Fignore si ces deux exceptions proviennent de quelque erreur dans l'intelligence des noms sanscrits par les auteurs anglo-indiens, ou si elles doivent jeter quelque défiance sur les conclusions à tirer de l'emploi du sanscrit. Peut-être Roxburgh a-t-il pris quelquefois un nom usité par les Brahmes pour un nom sanscrit, ou un nom de langues issues du sanserit pour un nom primitif. En général, cependant, l'ouvrage de Roxbugh paraît un guide très sur. Malheureusement si l’origine asiatique peut quelquefois être démontrée par un nom sanscrit, l'absence d’un nom dans cette langue ne doit pas être regardée comme un indice bien fort d’une origine non asiatique. Quand il s’agit d’une plante de l'archipel indien ou des parties les plus méridionales de l'Inde, le sanserit ne pouvait pas avoir de nom, car les peuples qui le parlaient habitaient le nord de l'Inde. Si l'espèce est peu apparente, si elle appartient à un genre diflicile à débrouiller, on ne peut pas s'étonner de ne point trouver de nom sanscrit. D’un autre côté, je ne pense pas qu’une plante qui serait aujourd’hui commune dans les provinces septentrionales de lfnde et d’une nature apparente, ou offrant des usages importants, püt avoir échappé à la nomenclature et aux ouvrages sanscrits si elle avait existé jadis dans les mêmes provinces. Les communications entre l’ancien et le nouveau monde sont de deux sortes : 1° les courants; 2° les rapports établis par les peuples européens ou d’origine européenne depuis trois siècles. Dans l'Atlantique, le principal courant (Gulf-stream, courant des Flo- rides) (a) part de l'embouchure du fleuve des Amazones et de la côte de Venezuela, fait le tour du golfe du Mexique , sort avec rapidité entre Cuba et les Florides, se porte vers les Açores, où 1l diminue beaucoup de vitesse ; puis d’un côté il passe vers l'Europe, et de l’autre vers les Canaries et la côte de Guinée, qu’il longe dans presque toute son étendue. A voir la quan- üté de graines qu'il porte en Irlande, en Écosse et en Norwége , on doit croire qu'il en transporte aussi sur la côte d'Afrique. Un autre cou- rant part du Congo et se répand, en forme d’éventail, sur tout le Brésil. teur Wallich, mais eile contient les classes qui suivent la pentandrie, L’index de Pid- dington (4n english index to the plants of India, 4 vol. in-8, Calcutta, 1832) est tiré principalement de Roxburgh. (a) Voyez Berghaus, Physic. Allas, 2 abth., pl. 3 et 4, ou Beechey, dans Herschel, Man. of sc. enq., carte, p, 106. 76} CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Ces deux courants doivent avoir d'autant plus d'effet qu'ils unissent des régions également chaudes, où les graines trouvent en arrivant des condi- tions à peu près semblables. Outre la communication ancienne établie par cette voie, la traite des nègres a dû porter des espèces d’un côté à Pautre de l'Atlantique. Les trafiquants partatent d'Amérique , et quand leur com- merce était libre, ils faisaient des établissements sur la côte d'Afrique. Avec le lest des vaisseaux, avec les graines destinées à leur nourriture ou à quelques rares plantations, et même sur leurs habits, ils pouvaient appor- ter des graines d'Amérique. En repartant, ils pouvaient également intro- duire des espèces africaines dans le nouveau monde, et les malheureux nègres eux-mêmes ont dù quelquefois avoir l’idée d’emporter quelques graines de plantes utiles ou de plantes auxquelles se rattachaient pour eux des idées superstitieuses. Dans le grand Océan, les communications sont moins actives, moins ini- portantes. Les voyages ont été toujours moins nombreux, surtout en sui- vant une direction parallèle à l'équateur. Excepté par le moyen des anciens salions, qui unissaient une fois par an les Philippines à l'Amérique, le com- merce n’a Jamais suivi celte voie avec activité. Les courants aussi ont peu d'importance. D’après un ensemble de faits recueillis par M. Hooker fils (Trans. Soc. Linn., XX, part. 11, p. 254), le courant principal vers la côte occidentale de l'Amérique est un courant qui vient du pôle sud, qui longe la côte du Chili et du Pérou, puis vient passer avec une grande rapi- dité entre les îles Galapagos et aboutit à l'ile Cocos, plus au nord, dans la direction du Mexique. Ce courant, d’après l'Atlas de Berghaus (2° part., pl. 4), se prolonge, en tournant à l’ouest, avee moins de rapidité proba- blement, des îles Galapagos vers Farchipel des Marquises et des îles Basses, Un courant peu actif, découvert par le capitaine Fizroy (Hook. f., £. e.), marche de la baie de Panama au nord-est des îles Galapagos, où 1l vient se confonûre avec le précédent. Dans ces parages les graines qui flottent ne peuvent cheminer que de l'est à l'ouest. Plus au nord, vers les îles Sand- wich, la direction est la même, mais elle doit avoir peu d'effet pour les plantes, parce que la côte de Californie et du Mexique est longée par un courant du nord au sud, qui sépare FAmérique du courant de l'est à l'ouest. Les courants indiqués des iles Sandwich et des îles Marquises vers l’ouest, se dirigent vers les îles Carolines, le Japon, l'archipel in- dien. Il y a quelques courants contraires, locaux où momentanés, qui n'al- térent pas le grand fait, le fait capital de la direction générale des courants de la mer Pacifique de l'est à l'ouest. Le seul contre-courant qui mérite d'être noté est celui qui se dirige des îles Carolines aux îles Sandwich. I en résulte que les îles Sandwich peuvent recevoir autant de plantes peut- NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 765 être par les courants d'Asie que par ceux d'Amérique. L'ensemble des faits, Je le répète, dirige les graines des côtes de l'Amérique sur les îles du grand Océan et sur l'archipel indien, et non d’Asie en Amérique. La Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande se trouvent peu influencées par les courants. Le principal, dans ces parages, est celui qui marche de Van-Diémen à Sidney, et qui change de direction suivant la saison. Dans la mer indo-africaine, les courants changent aussi de sens avec la mousson. Is peuvent porter des graines du Malabar et de Ceylan à Mo- zambique et Madagascar, ou, vice versa, à peu près également. Enfin, dans le canal de Mozambique, la mer prend une direction constante bien prononcée du nord au sud. Les espèces du Cap n’ont aucune faci- lité pour gagner Madagascar. Celles des îles Mascarenhes, au contraire, celles de Mozambique et même de l'Inde, ontune chance d’être portées au Cap. Elles peuvent même doubler le Cap et gagner la côte occidentale d'Afrique, où, il est vrai, les courants sont peu actifs dans la direction du cap de Bonne-Espérance au Congo. Telles sont les causes de transport actuellement existantes dans la zone intertropicale. Voyons maintenant ies effets. Je rappelle que mon but n’est pas d'indiquer les espèces naturalisées ré- cemment et d’une manière toute locale, dans quelques points où les Euro- péens exercent une grande influence, comme Ceylan, Java, Pile Mau- rice, etc. Je désire énumérer les espèces, en apparence primitives, qui, d’après des indices scientifiques, ont une origine étrangère. Ce travail est intimement Hé à celui dont je donne plus loin les résultats sous le titre d'Æspèces disjointes entre des régions tropicales (chap. X, art. Vi). On verra, dans cet article également, quelques espèces dont le transport à peut-être eu lieu, mais d’après des indices très légers qui rendent le fait possible plutôt que probable. La réunion des deux listes présente l’ensemble des espèces communes à l’ancien et au nou- veau monde, avant les introductions toutes récentes et locales dans le siècle actuel, à Ceylan, Java et autres points très fréquentés des VOYAgeurs, Les espèces dont le tr'anspert est mfiniment probable, je dirai presque certain, d'après une réunion de plusieurs indices, ne sont accompagnées dans la liste suivante d’aucun signe. Les espèces marquées du point de doute (?) ont été vraisemblablement transportées, mais les indices en sont inoins nothbreux où moins forts. Les espèces qui se trouvent dans l’ancien Bt le nouveau monde sans probabilité, mais avec possibilité, cependant, de transport, sont dans Particle vi du chap. X des espèces disjointes, avec le signe T. Enfin les espèces des deux mondes qui ne présentent aucune 766 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. probabilité, je dirai presque une impossibilité de transport, se trouvent dans cette liste des espèces disjointes sans aucun signe quelconque. Dans le tableau actuel, comme dans celui des espèces disjointes , Je classe les espèces suivant qu’elles sont répandues dans Asie, l'Afrique et l'Amérique, ou seulement en Amérique et en Afrique, ou enfin en Amé- rique et en Asie. Il est inutile de parler des espèces communes à l’Afrique et à l’Asie, car ces deux continents se trouvent liés par l'Arabie et lAbys- sinie, où l’on découvre chaque jour des espèces indo-africaines. À la fin du relevé des espèces disjointes, on trouvera l'indication de plu- sieurs espèces sur lesquelles je n’ai pas pu obtenir des renseignements suflisants, ou qui ont été indiquées par erreur comme répandues dans les divers continents équatoriaux. | 1° Espèces intertropicales, actuellement communes à l'Asie (a), l'Afrique « rique, mais transportées probablement de l'ancien monde dans le Lou , . * 7 F “ du nouveau monde dans l'ancien. y eh. : 2 Lite. 2 Argemone mexieana, L. — 1, — En Amérique, Afrique et À su littoral, dans les graviers, les décombres et les cultures, assez souvent avec | parence d'une plante introduite. J'ai indiqué plus haut son extension acteelle (p. 564). La capsule est munie de poils roides, aigus, qui peuvent la faire adhérer à des vêtements ou à des ballots ; mais je crois plutôt au transport involontare de graines avec le lest des vaisseaux ou avec diverses marchandises. Étant du litto- ral, l'espèce s'établit aisément après un transport de cette nature. — Son pays d'origine est probablement l'Amérique, où elle est plus répandue. Bojer (4. Maur.) la dit naturalisée à Maurice. Roxburgh ne la mentionne pas en Asie, où on l'a trouvée depuis. On connaît quatre autres espèces, toutes d'Amérique ? Cleome pentaphylia, L. et Br. (Gynandropsis pentaphylla, DC.). — (1) — Très répandu entre les tropiques, et même au delà, en Asie, Afrique et Amérique. M. Brown (Obs. Oudney, p. 17) soupconne une introduction en Amérique. Il se fonde sur ce que les autres espèces de a même section appar- tiennent à l’ancien monde, et sur ce que celle-ci étant à la fois officinale et un légume recherché des nègres, a pu être apportée d'Afrique par eux, J'ajouterai qu'elle vient fréquemment dans les terrains cultivés, près des villes, et que, par exemple, dans le midi des États-Unis, on la regarde bien comme introduite (Torrey et Gray, Fl., I, p. 121). D'un autre côté, elle a des noms vulgaires, qui ne paraissent pas européens : Sambo à la Jamaïque (Browne), Coyers aux Bar- bades (Hughes, Maycock), Acaïa et Mosambé à Cayenne (Aublet). On peut soup- çonner ces noms d'origine africaine. Si l'espèce a été introduite aux Antilles, c'est avant Sloane, qui en parlait en 1707 (vol, 1, p. 194%), L'existence dans l'Inde, de toute antiquité, est claire quand on voit les noms de l'espèce (Pid- dington, /ndex), dont quelques-uns sont ou sanscrits ou usités par les Brah- manes (Rheed , IX, tab. 24). (a) Les iles de l'archipel indien et, en général, du grand Océan, sont ici rapportées à l'Asie. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 767 ? Mollugo nudicaulis, var. Ü, bellidifolia, Fenzl (Ann. Wien Mus., 1, p. 383). — à — 10 dans l'Asie méridionale, au pays des Birmans , 20 au Sénégal; 3° à la Jamaïque. M. Fenzl a vérifié la concordance de la plante de Wallich avec celle du Sénégal, et il leur rapporte la planche de Sloane, t. XXIX, f. 2 (Pharnaceum spathulatum, Sw.). Il admet la variété « dans l'Inde et à Sainte-Lucie en Amérique, plus une variété y à l'île de Cuba. MM. Wight et Arnott (Prodr. pen., p. 43), Webb, Hook. f. et Bentham (F1. Nigr., p. 104, 225) admettent l'identité, implicitement ou explicitement, entre les plantes d'Amérique et d'Afrique, ou d'Afrique et d'Asie. Pour une espèce aussi insignifiante et aussi difficile à distinguer, la nomenclature vulgaire n'indique rien sur l'origine, non plus que le silence d'anciens auteurs. Les Mollugo sont épars dans divers continents. La petitesse des graines et l'habitation de l'espèce actuelle dans les sables, les jardins, près des fermes, a pu favoriser le transport. Urena lobata, L. — 2% — \MM. Hooker fils et Benth. (F1. Nigr., p. 226), disent que c’est une espèce très répandue entre les tropiques, en particulier, la variété qu'ils nomment +, dont ils ont comparé des échantillons indiens, africains et américains. Je me suis assuré que les carpelles sont échinés, chaque pointe étant en outre munie, vers son extrémité, de dents recourbées. Aucune organi- sation n'est plus favorable aux transports par adhérence. Il Ÿ a ües Urena dans l'ancien et dans le nouveau monde. Celui-ci paraît moins commun en Amérique, où même rare comparativement à l'Asie et à l'Afrique occidentale. Il n'est indiqué ni dans Maycock (F1. Barbad.), ni dans Macfadyen (F1. Jam.), ni dans les cata- logues de plantes américaines des Voyages de Beechey et du Sulphur. Au con- traire, Roxburgh {F1., 2° édit., v. III, p. 182) le dit commun dans presque toute l'étendue de l'Inde, et Rumphius, de même que le Voyage de Beechey, le mentionnent dans les îles du grand Océan. Ce sont des probabilités en faveur d’un transport de l’ancien dans le nouveau monde. Roxburgh et Piddington n'indi- quent pourtant pas de noms sanscrits, mais seulement des noms de langues mo- dernes de l'Inde. L'espèce est peut-être venue de l'archipel indien ou d'Afrique, depuis que le sanscrit est langue morte. ? Sida spinosa, L. — ; 1) — 1° Inde {Sida alba, Linn. ; Sida alba, var. «, Wight et Arn., Prodr., p. 58): 2° île Maurice (DC. ! herb. ; Bojer, H. Maur.) Cap, vers l’orient de la colonie (E. Mey. et Drège, Ziei Pflanz. geogr. Docum., p. 222), île Saint-Jacques du Cap Vert (Webb, in Hook., Ft. Nig., p. 107), Sénégambie (Guill. et Perr., F1 Seneg., p.74), Abyssinie (A. Rich., Tent. F1. Abyss., I, p. 64); 3° États-Unis d'Amérique, de New-Jersey à la Floride et l'Arkansas (Torr. et Gray, #1, I, p. 231). Les Sida sont de tous les pays chauds. Celui-ci se trouve aux États-Unis au bord des chemins, dans les terrains sablonneux (Torr. et Gray): au Sénégal, dans les endroits humides, argileux ou sablonneux (F1. Seneg.). Il n'a pas de nom sanscrit (Roxb., 2° édit. : Pid- dington, {ndex) et semble peu commun dans l'Asie méridionale. Son absence dans les Flores des Antilles me fait croire qu'aux États-Unis ce doit être une espèce introduite par le commerce, peut-être par la traite des nègres. Je croirais la plante originaire d'Afrique. Les pointes des carpelles sont poilues, mais les poils peu roides et non rebroussés. Cependant, ces pointes peuvent faire adhérer à des vêtements ou à des marchandises. ? Sida stipulata, Cav.{(S. prostrata, G. Bon:$S. spinosa, WWall., non L., d'après Wightet Arn.). — 3 — Les auteurs du Ælora Nigritiana (p. 231) 49 768 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. disent qu'il est dans l'Asie, l'Afrique et l'Amérique intertropicales. MM. Wight et Arnott {Prodr. FL. pen., p. 57) disent qu'ils n'ont pas pu découvrir une diffé- rence entre leurs échantillons de l'Inde et les Sida balbisiana, brachypetala et repanda, des Indes occidentales. D'après mon herbier, je ne saurais voir de dif- férence entre l'échantillon de Sida stipulata de l’île Maurice, et ceux du Sida brachypetala des Antilles, qui ont servi au Prodrome. L'incertitude des détermina- tions par les auteurs m'empêche de dire s'il est plus commun dans un pays que dans un autre, et, par le même motif, l'absence dans Roxburgh (F1. Ind.) ne me touche pas. Les carpelles sont terminés par des arêtes scabres, qui peuvent favo- riser le transport. M. Bojer {H. Maur.) le dit véritablement spontané à l'île Mau- rice,"ce qui me ferait croire qu'il est de l’ancien monde. Sida cordifolia, L. (S. altheifolia, Sw.: S. africana, Beauv .), — 2 (D — Très commun dans les régions chaudes des deux mondes (Hook. f. et Benth., F1. Nigr., p. 230) ; en Jamaïque, au bord de la mer (Sloane), ou dans les prés secs inférieurs (Macfadyen); au Sénégal, dans les lieux secs et sablonneux (Tent. Fl. Seneg.). Les arêtes des carpelles sont munies de poils roides et rebroussés qui en font de véritables hamecons, très favorables aux transports. L'espèce à un nom sanscrit (Roxb., FI. Ind., 2° édit., v. III, p. 177; Piddington, Index), ce qui montre une grande antiquité en Asie. Si elle a été apportée ‘en Amérique, comme je le crois, c'est avant 1700, car Sloane la mentionne spon- tanée (Jam., 1, p. 218). Elle peut avoir été portée de la côte d'Afrique par les négriers. Mibiscus esculentus, L. — (® — Cultivé généralement dans les pays chauds de l'ancien et du nouveau monde. Linné, et la plupart des auteurs, disent: Crescit in Indiis. On l'indique très rarement comme spontané, car en consultant une multitude d'auteurs, je ne vois d'assertion à cet égard que dans Jacquin (Obs., I, p. 11), où il est dit: Crescit sponte in Caribæis. Évidemment , il n’est pas d'origine asiatique, car il n’a pas de nom sanscrit (Piddington, Index). L'espèce n'est indiquée à Ceylan que comme cultivée {Moon, Cat.) et Roxburgh (F1., 2° édit., v. IT) ne la mentionne même pas. On pourrait soupçonner une ori- gine africaine, parce que Piso {Hist., Il, p. 31) dit que les habitants du Congo et d'Angola l'appelaient Quillobo, analogte au nom des Portugais du Brésil, Quin- gombo ; mais il n'est pas sûr que ce nom soit africain. M. Brown (Bot. of Congo)ne mentionne pas l'espèce, et le Flora Nigriliana en parle comme d'une plante eul- tivée sur la côte d'Afrique. Reste donc l'hypothèse de l'origine américaine. Elle est corroborée par l'assertion de Jacquin sus-mentionnée, par le nom vulgaire Okkoro, Ockro où Ockra, mentionné déja par Commelyn, en 1697 (Hist., J, p. 37), par Hughes, en 1750 (Hist. Barbad., p.210), et qui semble propre aux Américains ; enfin, par le fait que les premiers descripteurs ont reçu l'espèce d'Amérique, par exemple, Commelyn, de Surinam, en 1686. Le nom arabe indi- qué par Delile (F4. Æg.ül., p.21) signifie Hibiscus à fruit long, ce qui n'indique pas une nomenclature vulgaire primitive, mais plutôt une comparaison faite avec une espèce plus ancienne. ? Hibiscus tiliaceus (Paritium tiliaceum, Saint-Hil). — 5 — D'apres M. Brown (Bot. Congo, p. 58), et d'autres auteurs, il croît en Asie, Afrique et Amérique. L'identité en Afrique et en Amérique a été vérifiée récemment encore par MM. Hooker et Arnott (Bot. Beechey, p. 168) et Macfadyen (F1. Jam., p. 69). Les Hibiscus sont de tous les continents. Celui-ci habite le bord de la mer, Ses NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 769 capsules peuvent être transportées par les courants, et le transport n'est pas sans effet, à cause de la durée de vitalité des graines de malvacées. L’utilité des fibres pour les cordages et autres emplois dont parle Rumphius, peut avoir engagé l'homme à transporter les graines et à propager l'espèce. Elle n’a pas de nom sanscrit, mais cela n'indique rien, attendu que son habitation est au midi des régions dans lesquelles se parlait cet ancien langage. Je ne sais où elle est le plus commune, à l'archipel indien ou sur les côtes de l'Amérique méridionale à l'est et à l'ouest (Benth., Bot. Sulphur, p.68; Saint-Hil., FL. Bres., 1, p. 256; Macfad., Jam., p. 69, etc.). Si l'on admet les synonymes de Sloane (Jam., I, p. 216), les premiers auteurs sur l'Amérique, comme Lery, en auraient déjà parlé. Je soup- çonne un transport par les courants, peut-être fort ancien. Zornia diphylila, var. glochidiata, Benth. (F1. Nigr., p. 301). M. Bentham regarde cette légumineuse annuelle comme répandue en Amérique, en Afrique et en Asie, entre les tropiques. Elle possède, sur son légume fort petit, des poils en hameçon, qui la rendent aussi facile à transporter que les Bidens, les Xan- thium, etc. Le genre Zornia, quoique peu nombreux, appartient aux Fe conti- nents intertropicaux. L'espèce actuelle, qui se trouve dans les mauvais terrains de plusieurs parties de l'Inde, d'après Roxburgh (F1, édit. 1832, v. IL, p. 353), n’a pas de nom sanscrit (Roxb. ; Piddington, Index), ce qui fait présumer te origine étrangère à l'Inde. La synonymie n'est pas assez certaine pour que la question d'origine puisse être bien étudiée. M. de Schlechtendal (Linn., 1830. p. 183) admet l'identité en Afrique et en Amérique. ? Desmodium triflorum, DC. (Hedysarum trifiorum, L. ; Nicolsonia reptans, Meisn. Linnæa, XXI, p. 260; Hook. et Benth., Æ. Nigr., p. 304). — % — Herbe très répandue dans les terrains humides et les cultures, dans l’ancien et le nouveau monde, entre les tropiques. Malgré ce genre de stations, M. R. Brown (Bot. Congo, p. 58 et 61) ne soupçonne pas qu'elle soit transportée. Elle croît : 1° dans l'Asie méridionale (Wight et Arn., Prodr. ), en abondance à Timor (Decaisne) ; 2° à Maurice (DC., Prodr., I, p. 334 : 5 Boss H. Maur.), en Guinée (Hook. et Benth., 1. c.) ; 3° aux Antilles {DC., 1. c.), à la Guyane (id.), à Acapulco (Benth., Bot. Sulph., p. 82). Les autres Nicolsonia sont d'Amérique, Afrique ou Asie (Steud., Nom. : Hook.f. et Benth., F4. Nigr., p. 304). Celui-ci a des légumes très minces, qui se coupent en travers et qui ont à leur surface de petits poils, un peu crochus, par lesquels je soupçonne qu'ils peuvent adhérer. On ne connaît pas de nom sanscrit à cette plante, qui est cependant très commune dans l'Inde, où elle joue le rôle de nos trèfles, dans les prairies. Elle a des noms indiens modernes (Roxb., FL. Ind., 2e édit., v. EI, p. 353 ; Piddington, Index). Elle semble un peu moins répandue en Amérique, et l'on ne cite pas de synonyme de Sloane et autres auteurs anciens (Sw., Obs. ; Macfadyen, Fl. Jam.), ce qui peut faire soupçonner une introduction dans le nouveau monde, par les cultures des colonies. Abrus precatorius, L. — > — Liane commune et spontanée aujourd'hui, entre les tropiques, principalement sur le littoral, dans les trois continents. La beauté des graines, leur usage comme grains de chapelet ou pour colliers, et même comme nourriture grossière (Sloane, Jam.), ont dû engager à les trans- porter et à les semer. M. R. Brown (Congo, p. 62) les regarde comme assez dures et ayant un embryon assez développé pour supporter un long transport par les courants, Déja Sloane (Jam., 1, p. 181) prétendait que le courant de l'Atlantique 770 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. les portait quelquefois en Écosse. Je suis persuadé que si, en pareil cas, elles arrivent sur la côte d'un pays chaud, elles peuvent y réussir, car les légumi- neuses conservent leur faculté de germer. L'espèce est seule de son genre. Je la crois originaire d'Asie, car elle a plusieurs noms sanscrits (Piddington, Index), et elle y est plus répandue qu'ailleurs. Cependant, elle était bien établie à la Jamaïque, du temps de Sloane, en 1700. Parkinsonia aculeata, L. — € — Légumineuse si souvent cultivée pour faire des haies ou pour ornement et qui se propage avec une telle promptitude que maintenant il est difficile de savoir son origine. Elle est devenue ou elle était spontanée dans les divers pays intertropicaux. Elle paraît décidément nou- velle dans l'Inde, car elle y est encore peu commune, et MM. Wight et Arnott lui donnent le signe de plante probablement étrangère (Prodr. F1. pen.). D'ail- leurs, elle n’a pas de noms vulgaires (Piddington, /nd.; Moon, Cat. Ceylan). Je la crois aussi introduite en Afrique, car nous savons la date précise de son intro- duction au Sénégal {p. 717), et, à Maurice, elle est seulement cultivée (Bojer, H. Maur.). En Amérique, au contraire, elle est plus spontanée et plus répandue. Cependant, elle avait été introduite à la Jamaïque à l'époque de P. Brown (Jam. - p. 222), c'est-à-dire vers le ‘milieu du siècle dernier, du continent américain, disait-on. Sur ce continent, elle porte quelquefois des noms vulgaires qui indi- queraient une origine de l'ancien monde ; ainsi, à Cumana, Spinilio d'Espana (Kunth, Nov. gen., VI, p. 335). Le genre a deux espèces : celle-ci, et une de l'Afrique australe (Benth., F1. Nigr.), ce qui indiquerait une origine africaine. Acacia Farnesiana, Willd. — »; — Paraît indigène el commun en Amé- rique, de la Nouvelle-Orléans à Buénos-Ayres et au Chili (Benth., in Hook., Lond. Journ. of Bot., 1, p. 49%; V,p. 95). 11 fut cultivé pour la première fois dans un jardin d'Europe, en 1641, et de graines venant de Saint-Domingue (Ald., Hort. Farnes., p. 3). Je crois qu'il s'est étendu, par la culture, vers la Louisiane. MM. Torrey et Gray (F1., 1, p. #05) n'en doutent pas. Il n'est pas indiqué dans la plupart des Flores des Antilles (Sloane, Browne, Maycock, Macfadyen), et si d'autres l'indiquent (Schlecht., F1. S.-Thom., dans Linn., 1830, p. 191), on peut craindre que ce ne soient des échantillons cultivés ou échappés des cultures. L'espèce est souvent dans les collections d'Asie et d'Afrique (F1. Nigr., p. 331): mais dans ce dernier pays, elle est moins répandue, et jamais peut-être spon- tanée. Kunth (Ann se. nat., VIII, p. 422) en a reconnu des fleurs que M. Jomard lui a dit extraites d'anciens tombeaux égyptiens. D'un autre côté, P. Alpinus ne l'avait pas vue en Égypte, et il est difficile de supposer qu'une fleur aussi odorante si elle avait été cultivée par les anciens Égyptiens, ne se fût pas répandue chez les Romains et par les croisades. Delile (FL. Æg. üll., p. 31) lui attribue le Mim. scor- pioïdes, Forsk., appelé Fetneh par les Arabes : toutefois ce nom de Fetneh n'existe pas dans l'ouvrage de Ebn Baithar, si complet pour les plantes d'Égypte du «u‘ siècle. Dans l'Asie méridionale, elle est cultivée et spontanée. Roxburgh est affirmatif sur ce dernier point (F1. Ind., 2° édit , v. I, p. 557). Il cite même deux noms £anscrits, ce qui indiquerait une existence bien ancienne dans l'Inde ; mais les noms indiens en diffèrent totalement, ce qui jette du doute sur la réalité des noms sanscrits. Je ne vois aucun synonyme de Rheede où de Rumpbhius. L'espèce n'est pas dans Moon (Cat. Ceyl.), à moins que ce ne soit son Acacia cæsia, auquel il n’attribue aucun nom vulgaire. L'Acacia Farnesiana est indiqué à Java ‘Hassk., Zoll.), à Timor (Decsne) : mais rien ne prouve qu'il soit ancien dans ces pays, NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. FFE. L'odeur excellente des fleurs et la facilité de culture, ont fait répandre singu- lièrement l'espèce depuis deux ou trois siècles. Je la crois, comme M. Bentham, originaire de l'Amérique méridionale et introduite dans l'Inde. Dans ce cas Roxburgh aurait pris des noms indiens modernes pour des noms sanscrits, et l'existence chez les anciens Égyptiens serait aussi une erreur. L'espèce ne paraît pas être venue par le courant de l'Atlantique en Afrique, car elle n'est pas indi- quée comme spontanée sur ce continent. Guilandina Bonduc, L. (G. Bonducelia, EL.) — 5 — Il existe sur les trois continents intertropicaux (Brown, Congo, p. 58; Benth., lettre): mais ordinairement près des côtes. M. R. Brown (Bot. Congo, p. 62) pense que les graines peuvent être transportées par les courants, sans perdre leur faculté de germer, à cause de la dureté du spermoderme et du grand développement de l'embryon. Il mentionne l'assertion faite à sir J. Banks de graines de cette espèce apportées en Irlande par le courant de l'Atlantique, et qui auraient germé. Elles me paraissent trop grosses pour étre avalées par des oiseaux. Les sept espèces de Guilandina contenues dans Steudel sont, ou américaines, ou asiatiques. Celle-ci a des noms en langue sanscrite (Piddington, Index), et dans toutes les langues modernes de l'Inde (id.; Roxb., FL, 2° édit., v. IE, p. 357, où il certifie déjà l'identité avec la plante d'Amérique). Rheede, Rumphius, parlent de l'espèce. Ainsi, elle a tous les caractères d'antiquité en Asie. Plumier et Sloane en parlaient déjà, pour l'Amérique, mais leurs ouvrages ne datent qne de cent cinquante ans. Sloane raconte comment les graines sont jetées par le courant de l'Atlantique sur les côtes du nord-ouest de l'Europe. ? Canavalia obtusifolia. — 7» — Liane, de la famille des Légumineuses, qui habite les côtes de la mer, entre les tropiques, dans l'ancien et le nouveau monde (Benth., Bot. Sulph., p. 85; Fl. Nigr., p. 307; Wightet Arn., Prodr., p.253; Bojer, A. Maur., p. 108). Les autres CT du genre, dont on connais- sait une douzaine seulement en 1825 (Prodr., v. 1), sont, ou d'Amérique ou d'Asie, aucune d'Afrique, Le Flora N'igritiana n'en ajoute aucune de propre à ce continent. Le légume ressemble à celui du Caroubier {Ceratonia): les graines ont 9 à 10 lignes de longueur. Probablement, elles supportent l'immersion dans l’eau salée, comme celles de l'Entada, et, par conséquent, le transport par les cou- rants. Roxburgh (Dolichos rotundifolius, F1. Ind., 2° édit., v. IT) et Piddington (Index) ne citent pas de nom indien, ancien ou moderne; mais il faut remar- quer que l'espèce habite les côtes méridionales de la péninsule indienne et non le pays de l'antique sanscrit. La côte de Malabar, l'archipel indien (Decsne, Timor), la côte occidentale d'Amérique et la côte orientale d'Afrique ont des communications par les courants. Les deux côtes de l'Atlantique en ont de plus intimes. Clitoria Ternatea, L. — 2 — Cette jolie plante grimpante, cultivée si fréquemment dans les pays chauds, paraît originaire d'Asie. Elle a une foule de noms indiens modernes et deux noms sanscrits (Roxb., F1, 2° édit., v. IT, p. 321 ; Piddington, /ndex). Elle est ou d’origine ou naturalisée, aux iles + gascar, Maurice et Bourbon, dans les montagnes (Bojer, H. Maur. ; DC., herb. On l'indique aussi en Arabie (DC. Prodr.); mais je ne la vois pas dans le Flora Nigritiana. Enfin, elle est dans l’île de Cuba (h. DC. !), dans les terrains cultivés (Humb. et Bonpl., Nov. gen., VI, p. 41 5), aux Barbades (Maycock, F1.), à Saint- Thomas (Schlecht., Linn., 1830, p. 178). Étant si souvent culiivée, on ne 172 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. peut pas savoir exactement si elle se maintient d'elle-même hors des jardins. Les espèces de la section Ternatea sont du vieux monde, les autres d'Amérique. Cassia oeccidentalis, L. — (1) Z — Amérique, Afrique, Asie, Australasie (Br., Congo, p. 58 et 61 ; Vogel, Cass., p. 21 : Hook.f. et Benth., F1. Nigr., p. 324) Espèce officinale, souvent cultivée, notamment en Afrique, spontanée surtout dans les terrains cultivés, près des habitations, etc. On ne peut guère douter de son transport dans plusieurs pays. Quant à l'origine, c’est plus délicat. Je penche pour l'Amérique, parce que l'espèce y semble plus commune, surtout aux Antilles. Elle n'a pas de nom sanscrit (Piddington, Index), ce qui éloigne l'hypothèse d'une origine asiatique. M. R. Brown dit que les nègres pourraient l'avoir portée d'Afrique en Amérique. On peut croire aussi que les courants, dont le principal marche en sens contraire, l’auraient apportée en Afrique. Cassia fistula, L. — 7 —Très répandue dans l'Inde et en Égypte: introduite par les Espagnols en Amérique, d’après les détails que donne Sloane (Jam., IE, p. 42). ? Crotalaria ineana, L. — (1) — 1° Commune dans l'Amérique intertropi- cale sur les collines arides (Jacq., Obs., IV, t. 82), du Mexique au Brésil et au Pérou (Benth., in Hook., Lond. Journ., Il, p. 588); 2° Afrique tropicale occiden- tale (id., F1 Nigr., p. 292, et L. c.); 3° Inde orientale, dans le Doab (Benth, in Lond. Journ., I, p. 588, d'après un échantillon de Edgeworth, qui le dit spon- tané). MM. Wight et Arnott (Prodr. FI. pen.) ne l'ont vue dans l'Inde que cul- tivée. M. Bentham soupçonne la plante d'origine américaine, peut-être parce que les autres espèces de la section sont principalement d'Amérique, ou qu'elle est moins répandue dans l'ancien que dans le nouveau monde. Les légumes sont:très velus, ce qui peut déterminer un transport par adhérence, indépendamment des courants. L'absence de noms sanscrits et indiens (Piddington, /ndex) et la rareté dans l'Inde, excluent l'hypothèse d'une origine asiatique. Gardner (Journ. Hort. Soc., IV, p. 40) dit l'espèce naturalisée dans l'ile de Ceylan. Crotalaria retusa, EL. — ©) (G)— 1° Inde, où elle est commune,au moins dans le midi (Roxb., F1., 2° édit., p. 272; Wall., list, 5405) et dans l'archipel indien (Rumph.); 2° iles Mascarenhes, où elle est bien spontanée, dans les monta- gnes(Boj., H. Maur., p. 86) ; 3° aux Antilles; mais d'après mon herbier, natura- lisée à la Dominique, et d'après Macfadyen, naturalisée à la Jamaïque (F1., p. 239). Il est probable d'après cela qu'elle est d'origine étrangère aux Barbades(Maycock, FL., p. 291), à Saint-Thomas (Schlecht., Linn., 1830, p.177), quoique les auteurs citent la plante sans réflexion. Elle n’a pas de nom sanscrit connu: mais si elle manque au nord de l'Inde, cela ne prouve rien. Le légume est glabre. Je ne vois pas de cause de transport. Crotalaria verruecosa, L. — (1) —- Exactement dans le même cas que le Crotalaria retusa. Originaire dans l'Asie méridionale et l'archipel indien; origi- naire, où du moins spontané aux îles Mascarenhes : naturalisé à la Jamaïque (Macfadyen), dans les cultures ; trouvé aussi à Saint- Thomas. KRhizophora Mangle, L. — ; — Embouchure des fleuves, marais maritimes : 1° Océanie orientale aux îles des Amis, de la Société, des Nouvelles-Hébrides, de la Nouvelle-Calédonie {(Endi., F1. Südseeins., dans Ann. Mus. Wien, 1, p. 4184) : 2° Amérique occidentale aux Galapagos (Hook. f., Trans. Linn. Soc., XX, p. 225), et sur la côte jusqu'au 24938’ latitude nord en Californie (Benth., Bot. Sulph., p. 14); 3° Amérique tropicale orientale, du Brésil aux Antilles : NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 719 4° Afrique tropique occidentale (Hook. f. et Benth., F1. Nigr., p. 341). On sait que les graines germent dans l'eau salée et peuvent être portées par les courants. Cela explique bien la présence des deux côtés de l'Atlantique, mais sur la côte occidentale d'Amérique! Peut-on supposer que les graines auraient doublé le cap Horn, ou que des oiseaux les auraient transportées au travers de l'isthme de Panama ? Je ne puis croire à des faits aussi extraordinaires, car l'espèce aurait dù venir du Brésil jusqu'au Pérou, sans pouvoir s'établir dans les régions froides ou tempérées des deux côtes australes de Amérique, et quant aux oiseaux, je ne sais ce qui pourrait les tenter dans les fruits coriaces des Rhizophora ; je ne vois pas non plus comment ils les emporteraient. L'hypothèse la moins improbable paraît celle-ci :'L'espèce serait d'origine américaine ; elle aurait traversé l’isthme de Panama, par l'effet de quelque grande inondation, après s'être établie assez avant dans les terres sur les rives de fleuves remontés par la marée ou dans des lacs saumâtres. De la côte orientale d'Amérique, elle aurait gagné la côte occi- dentale d'Afrique par les courants, et, semblablement, de la côte occidentale d'A- mérique, les courants l'auraient portée dans les îles de la mer Pacifique. Le Rhizophora racemosa offre probablement les mêmes circonstances, en particulier, le fait d'exister des deux côtés de l'Amérique ; mais sa synonymie n'est pas assez bien constatée (voyez chap. X, article 1v). Les Rhizophora des mers indo-africaines sont différents. Ageratum conyzoides, L. — (1) —M. R. Brown (Congo, p. 61) l'indique parmi les espèces où la nature des péricarpes pourrait faire supposer des trans- ports. D'un autre côté, pourquoi cette Composée, dont l’aigrette manque quel- quefois, serait-elle plus facile à transporter que deux ou trois mille espèces munies constamment d’une aigrette, qui sont abondantes dans les pays intertro- picaux, plusieurs dans les jardins, sur les côtes, etc.? J'ai prouvé (p. 702) que les aigrettes ne favorisent pas extrêmement le transport, même avec l'action con- comitante de l'homme. Les quatre autres espèces d'Ageratum bien connues, sont d'Amérique et n’ont pas une grande extension. Celle-ci croît souvent dans les cul- tures, les décombres, etc. Étant plus répandue dans le nouveau monde que dans l’ancien, n'ayant dans l'Inde que des noms en langues modernes (Roxb., F1. 2e édit., v. LE, p. 415, Ageratum cordifolium), et passant pour naturalisée à l'île Maurice (Bojer, H. Maur.) et à Ceylan (Gardn., Journ. Hortic. Soc., IV, p. 40), je suis disposé à la croire d'origine américaine. Bidens pilosa, L. — (1) — Plante commune dans les terrains cultivés. Elle y devient incommode par la manière dont ses akènes, terminées par des poils en hamecçon, s’accrochent aux personnes qui passent (Webb, dans F1. N'igr., p.142). Évidemment, elle a dû être transportée par adhérence aux hommes et aux mar- chandises. On la connaît actuellement : 1° dans les parties tempérées ou chaudes des États-Unis, aux Antilles, à la Guyane (Maycock, F/. Barb.), à la Guyane (Aubl., p. 794); 2° en Afrique, aux îles du cap Vert (Webb, b.), des Canaries (h. DC. !), sur la côte de Guinée (F1. Nigr., p. #35), à l'île Maurice (DC., Prodr..): 3° à la Nouvelle-Zélande (Forst., Lesson) et aux îles des Amis (Forst.). Sur 68 espèces du genre, la grande majorité est d'Amérique, et quelques-unes d'Asie. Celle-ci est plus répandue en Amérique, et elle n'a pas encore pénétré dans l'Asie proprement dite. Sphenoclea Pongatium, DC. (Prodr., VIE, p. 548). — © — M.R. Brown (Bot. Congo, p. 58) signalait déjà cette plante comme répandue entre les tro- 77h CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, piques, en Amérique, Afrique et Asie. Elle habite les sables humides, terrains cultivés, etc. Les graines sont pelites; mais ni la capsule, ni les graines ne paraissent plus favorables aux transports que celles de la plupart des plantes, L'espèce est seule de son genre et de sa famille. L'habitation est continue dans l’ancien monde, par l'Égypte : mais comment la plante aurait-elle passé de là en Amérique? Je ne l'ai pas vue indiquée aux iles Sandwich, ni dans les îles à l’est de Timor. Dans mon herbier, il n'y a d'échantillons américains que des Antilles, et l'espèce manque à la plupart des Flores du nouveau monde. Je la crois intro- duite depuis moins d'un siècle en Amérique, car Sloane, Browne, etc., ne parais- sent pas en faire mention. J'ai un échantillon des Antilles {Le Dru), qui date de 4806. Roxburgh (F1., 2° édit., v. 1, p. 507) ne donne pas de nom sanscrit; mais la plante manque peut-être au nord de l'Inde. Scævola Lobelia, L. — ;} — D'après M. de Vriese (Nederl. Kruidk. Arch., II, Deel., I, Stuk., p.20), qui a récemment examiné de nombreux échantillons, cette espèce comprend le Scævola Kænigii, Wabl. etle Scævola Taccada, DC., ou Scævola Plumieri, Burm. et L. C'estune plante des côtes de la mer, en Asie, Aus- tralie, Afrique intertropicale et aux Antilles. M. de Vriese n'en a pas vu de la côte occidentale d'Amérique; mais M. Hooker fils l'indique cependant aux iles Gala- pagos (Trans. Linn. Soc., XX, p. 205). Elle ne peut guère y être venue des iles des Amis, elc., ou elle existe, car les courants marchent en sens contraire. Aucun Scævola n'est propre à l'Amérique. Le Scævola Thunbergii est différent, selon M. de Vriese. Vinca rosea, EL. — ; — \algré l'observation vraie de M. Bentham (F1. Nigr., p. 450), que toutes les autres espèces de Vinca sont de l'ancien monde, je n’ai guère de doute sur l'origine américaine de celle-ci. Ses caractères sont un peu exceptionnels dans le genre (A. DC., Prodr., VIT, p. 382), ce qui diminue la valeur de l'argument énoncé. D'ailleurs, elle ne peut pas être primitive dans l'Inde, puisque Roxburgh (F1., 2° édit., v. If, p. 1) ne l'avait jamais vue spon- tanée, et qu'en sanscrit elle n’a pas de nom (Piddington, /nd.). On la regarde comme introduite à Ceylan, où elle est devenue abondante autour de Colombo (Moon, Cat., p. 19: Gardn., Journ. of hortic. Soc., IV, p. 40). Elie a été positivement introduite à l'ile Maurice (Bojer, H. Maur., p. 208), et probable- ment aussi au Cap (A. DC., £. c.), où Thunberg, Harvey, E. Meyer et Drège, ne l'indiquent pas. Je conviens que le Flora Nigritiana la mentionne sur la côte de Guinée, en un seul point. Au contraire, en Amérique, elle est très répandue, des Antilles, du Mexique (A. DC., 1. c.), et de Realejo, côte occidentale (Benth., Bot. Sulph.), à Rio de Janeiro. La graine n'a pas de chevelure ; mais la beauté des fleurs engage à cultiver cette plante, qui se multiplie et se naturalise aisément. Malgré son nom de Pervenche de Madagascar, qu'elle a reçu dans les jardins, je n'ai pas vu d'échantillon venant de cette île. Elle a été probablement introduite du con- tinent américain aux Antilles, car les anciens auteurs ne l'indiquaient pas. Ipomæa pes-capræ, Br. — 2% — Au bord de la mer, en Amérique, Afrique, Asie, Australie, d'après les auteurs (Br., Congo, p. 58 : Choisy, Prodr., IX, p. 349; Hook. f. et Benth., F1. Nigr.; Hook. f., Galapagos). J'en possède à peu près également d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. La grosseur et la vitalité des graines, ainsi que la station maritime, font présumer des transports par les courants. Dans ce cas, ils dateraient d'une époque ancienne, vu la disper- sion remarquablement uniforme et générale aujourd'hui, Roxburgh {2° edit., vf, NATURALISATION A GRANDE DISTANCE, TA p. 485 et 486, Convolvulus pes-capræ et C. bilobatus) ne, donne que des noms indiens modernes, pas de nom sanscrit; mais l'espèce habite les côtes méridio- nales de l'Inde et de l'Archipel plutôt que les régions voisines du pays du sanscrit. Dans l'hypothèse d’un transport par courants, on ne voit pas bien com- ment l'espèce aurait passé de l'Atlantique au grand Océan, elle qui n habite pas au Cap de Bonne-Espérance ni en Patagonie. Peut-être le courant qui contourne l'Afrique, venant de Madagascar, a-t-il été l'agent de cette diffusion? Alors, l'espèce serait venue de l'Afrique orientale ou de l'Asie, puis de l'Afrique occi- dentale en Amérique, par le courant méridional, de l'est à l'ouest (p.763). Main- tenant, l'espèce est aussi commune sur les côtes occidentales que sur les côtes orientales dans les deux Océans. ? Ipomœæa tubereulata, Rœm et Seh. — 2% — 1° Inde (Convolv, digita- tus, Roxb. et Wall., F1. Ind., IL, p. 65; Ip. tuberc., Choisy, Prodr., IX, p. 386, eih. DC. !); 2° Amérique méridionale à Montévideo, au Brésil et à Para (Choisy, L. e.). La variété B, Choisy, de Rio-Janeiro, citée dans le Prodr., d'après mon herbier, est extrémement semblable à l'espèce. J'en ai des échantillons des îles Maurice et Bourbon; mais d’après une étiquette et d'après M. Bojer (Hort. Maur, p. 228), la plante est cultivée, puis « à peine naturalisée » dans ces îles. On la cite aussi aux îles Sandwich, avec doute {Hook. et Arn., Bot. Beechey, p. 90), ou sans doute (Choisy, L. c.). Roxburgh en parle comme d'une plante commune dans l'Inde, mais sans citer de nom vulgaire, ancien ou moderne. Les Convolvulus et Ipomæa se ressemblent tellement que cela prouve peu de chose. Si l'espèce ne diffère pas de l'Ipomœa palmata, comme on peut le soupçonner, elle serait aussi en Afrique. ? Batatas pentaphylla, Choisy {Ipomæa pentaphylla, Jacq.). — Œ— M. Brown (Bot. Congo, p. 58) et M. Choisy (Prodr., IX, p. 339) le comptent parmi les espèces communes à l'Asie, l'Afrique et l'Amérique intertropicales. Mes échantillons de ces trois continents s'accordent bien. Le genre est plutôt améri- cain, mais il y a des espèces d'Afrique et d'Asie, Celle-ci a des poils très longs et abondants sur le calice, les pédoncules: mais ils ne sont ni durs ni crochus, en sorte qu'ils ne doivent pas favoriser un transport par adhérence. S'il y à eu transport, ce ne peut être que par les courants, ou avec les graines de jardins, car l'espèce est quelquefois cultivée (Bojer, Æ. Maur., p. 226). Elle croit dans l'intérieur des terres, comme sur les côtes. On ne la cite pas comme maritime ; mais je serais étonné sielle ne s'arrangeait des localités maritimes et de l'im- mersion des graines dans l’eau de mer, comme la plupart des Convolvulacées. Elle paraît également commune partout. Cependant, M. Bojer la donne pour être à peine naturalisée, à la suite des cultures, dans l'ile Maurice. Roxburgh la dit com- mune dans l'Indoustan, sans citer de nom vulgaire ancien ou moderne (Convolv. hirsutus, Roxb.). Il y a quelque probabilité d'origine américaine. ? Batatas paniculata, Choisy (Couvolv. paniculatus, L.: Ipomœæa in- signis, Andr.). — 2 — Dans les haies, au bord des forêts et de la mer: 1° Asie méridionale et archipel indien: 2° Nouvelle-Hollande (Br., Prodr., p. 486): 3° Afrique tropicale à l’île Maurice (Boj. ! H. Maur., p. 26), côte de Guinée (Choisy, Prodr., IX, p. 339: F1. Nigr., p. 464); 4° Amérique, aux Antilles (Choisy, ib.); près de l'Orénoque (Choisy, d’apr. un échant. de Humb. et B.), à Realejo sur la côte occidentale (Benth., Bot. Sulph.\. — D'après mon herbier, l'espèce serait bien plus commune dans l’ancien que dans le nouveau monde, car je n'ai pas un 776 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. seul échantillon d'Amérique, et au contraire plusieurs de l'Inde et de Maurice. Dans l'Inde elle a des noms vulgaires modernes et sanscrits (Piddington, Index, sous Convolvulus paniculatus); par conséquent elle existe depuis un temps immé- morial en Asie. On la cultive quelquefois comme plante d'ornement. Ses calices et ses fruits ne paraissent favoriser en rien le transport, mais il est possible que les graines portées dans l'Océan par les fleuves conservent longtemps leur vitalité. Je soupçonne une naturalisation en Amérique par l'effet des cultures. Cependant le genre est plutôt américain. Heliophytum indicum, DC. (Keliotropium indicum, L.).— (1) — Par- tout entre les tropiques (voy. Alph. DC., Prodr., IX, p. 556; Hook. f. et Benth., Fi. Nigr., p. 471). — La majorité des autres espèces est d'Amérique, mais il y en a aussi d'Afrique et'une espèce d'Asie. L'Hel. indicum se trouve souvent dans les terrains cultivés ou près des habitations. D'après cela on peut soupçonner des transports de graines faits involontairement par l'homme. Les fruits cependant ne présentent ni crochets, ni poils, et seulement deux cornes ou pointes peu aiguës. S'il y a eu des transports, ils remontent à une époque ancienne, car l'es- pèce est très répandue partout, et les auteurs du siècle dernier en ont tous parlé. Elle a un nom sanscrit (Piddington, /ndex), ce qui prouve une origine de l’an- cien monde. Physalis angulata et autres Solanacées? (a). Hyptis pectinata, Poit. — (1) — 1° Amérique intertropicale; 2° Guinée, Fazokel, Abyssinie, Port-Natal, Madagascar (Benth., Prodr., XII, p. 127); 3° Maderaspatam et îles Mariannes (id.). — J'en ai beaucoup d'échantillons, soit d'Amérique, soit d'Afrique, mais non d'Asie. En Afrique il paraît presque, aussi commun que dans le nouveau monde, et c’est le seul Hyptis dont on puisse le dire. D'après cela je douterais de l'importation d'Amérique. Cependant, 41° les deux cent cinquante Hyptis connus existent tous en Amérique, et sept seulement se retrouvent simultanément ailleurs ; 2° celui-ci à un calice Scabre, par lequel il peut adhérer sans peine à des corps étrangers ; 3° il vient dans les haies, bords de route, comme sur les collines sèches, etc.; 4° il est comparativement rare en Asie, car Roxburgh et Wallich n’en parlent pas, et l'Hypüs persica, Poit., qui lui est rapporté, n’est de Perse que d'après une plante cultivée au jardin de Halle et reçue de celui de Paris! (Poit., Ann. Mus., VIE, p. 471); 5° il manque à l'ile Maurice (Bojer, 4. Maur.). Hyptis brevipes, Poit. — (1) — 1° Commun en Amérique entre les tropi- ques ; 2° île de Fernando Po sur la côte de Guinée (Benth., Prodr., XIE, p. 107: Ft. Nigr., p. 489); 3° Philippines (id.), Célèbes (h. DC.!), Java (Zoll.!), tle de Bouton, vis-à-vis de Pulo-Penang (h. DC. !}. — Quoique répandu dans l'archipel indien et trouvé aussi en Guinée, M. Bentham soupconne qu'il a été apporté d'Amérique. Il se fonde probablement sur l'habitation des autres espèces. Celle-ci a les dents du calice assez roides et poilues, maïs sans crochets ni épines qui favo- risent particulièrement le transport. Les localités où elle existe en Asie et en Afrique sont de celles où il v a le plus de plantes introduites par les jardins, etc. Un Hyptis aussi commun en Amérique, serait commun partout, s'il était égalément originaire des deux mondes. (a) Cette famille aurait besoin d’être étudiée de nouveau sous le point de vue de l'ori- gine des espèces. Le temps m'a manqué pour me livrer à ce travail qui serait considérable, Je l'ai fait çà ét là pour plusieurs espèces, (Voy. la Table alphabétique, à la fin.) NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 112 Hyptis spicigera, Lam. — (D — M. Bentham (Prodr., XIE, p. 87) en a vu des échantillons : 4° de divers pays intertropicaux de l'Amérique; 2° de Séné- gambie, Éthiopie et Madagascar ; elle est aux îles du cap Vert (Webb, F1. Nigr.); 3° de Manille. — Mes échantillons d'Afrique (Madagascar) et du Bresil concordent bien. M. Bentham pense que l'espèce est sortie d'Amérique, probablement parce que toutes les autres s'y trouvent réunies. Les poils et dents du calice sont assez favorables à un transport par adhérence. Loucas martinicensis, Br. — (1) — Très répandu dans les régions inter- tropicales de l’ancien monde (Benth., dans Prodr., XIT, p. 533); existant aussi en Amérique, aux Antilles et au Brésil (Benth., #b.; h. DC. !), Comme les qua- rante-sept autres Leucas habitent l’ancien monde seulement, en particulier l'Asie, que celui-ci se trouve fréquemment dans les cultures et près des habitations, et que les dents du calice favorisent un peu son transport par adhérence à des vête- ments ou ballots, je regarde comme très probable une naturalisation en Amé- rique. Je la crois même peu ancienne, car il me semble que l'espèce est encore peu répandue sur le continent, ou du moins qu'elle ÿ occupe une aire bien infé- rieure à celle de l'espèce dans l'ancien monde. Je ne la vois pas indiquée encore sur la côte occidentale de l'Amérique (Beechey's et Sulphur's voy.; Hook. f., Gala- pagos). — Quant à l'origine primitive, ce ne peut être l'Inde, car l'espèce manque à Ceylan (Moon, Cat.), au Bengale (Roxb., F1, 2° édit.), et n’a pas de noms in- diens (Piddington, Znd.). On l’a trouvée dans le pays des Birmans et dans la péninsule indienne (Benth., £. c.). Elle est beaucoup plus répandue en Afrique, d’où il semble qu'elle est sortie. | Leonotis nepetæfolia, Br. — (Gi) — Habite les mêmes pays que le Leucas martinicensis, d'après M. Bentham (Prodr., XII, p.535 ; F1. Nigr., p. 489), et donne lieu aux mêmes suppositions. Le calice parait encore plus favorable à l'idée d'un transport par adhérence. Sur les onze espèces du genre, la majorité est d'Afrique, un petit nombre d'Asie. Roxburgh n'en avait pas connaissance, et le docteur Wallich l'indique seulement dans une localité (Sillet); mais en Afrique elle est très répandue. Chenopodium ambrosioides, L. — (1) — Très répandu en Amérique et probablement importé par les voyageurs en Afrique et dans l'Inde, comme il l'a été dans le midi de l'Europe {p. 736). On le trouve maintenant en Algérie (Moq., Prodr., XII, part. 1, p. 70), dans les îles et sur la côte occidentale d'Afrique jusqu'au Cap (Moq., #0.; Benth., F1. Nigr., p. 490). On le dit positivement naturalisé à l'île Maurice (Boj., H. Maur., p. 269). J'ai parlé ailleurs (p. 749) de la rapidité avec laquelle il s’est établi à Sainte-Hélène. En Asie il paraît moins répandu qu'ailleurs et il a peu de noms vulgaires (Piddington, /ndex), quoique son odeur doive fixer l'attention. À ce sujet, je remarquerai que l'Index de Piddington ne contient de nom sanscrit pour aucun Chenopodium, et que dans le catalogue des plantes de Ceylan, en anglais et cingalais, publié par Moon, le genre n'est pas même mentionné. C'est une présompüon bien forte que les Chenopodium, maintenant si répandus, ne sont pas d'origine asiatique. (Voy. p. 752.) Cyathula prostrata, Blume.— 2% —Amarantacée très répandue dans l'Asie méridionale et l'Afrique intertropicale, qui se trouve aussi aux Antilles et au Brésil (Mog. in Prodr., XIII, part 11, p. 326; Benth., F1. Nigr., p. 492). Je ne doute pas que les hameçons (glochides) qui accompagnent les faisceaux de fleurs 778 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. ne favorisent le transport par adhérence à des vêtements ou des ballots. Toutes les espèces du genre, excepté une, sont de l'ancien monde. Celle-ci est sortie peut-être de l'archipel indien ou de l'Afrique tropicale, mais non du continent asiatique, car Roxburgh (F1, 2° édit., v. 1, p. 674, sous Achyranthes) n'en a eu connaissance que par un échantillon venu par hasard des Moluques avec des plantes à épices. Alternanthera sessilis, Br. (Moq.! in Prodr., XII, p. n, p. 357, var. 0) — (1) — Amarantacée très répandue dans les sables humides, surtout près de la mer : 1° Dans l'Asie méridionale et même au bord de la mer Caspienne ; 2° en Afrique, de l'Egypte à l'île Maurice et au Cap (Moq.. L. €. ; Benth., FI. Nigr., p. 495); 3° aux Antilles et au Brésil (Moq.! L. c.). — Je ne la vois pas indiquée sur Ja côte occidentale d'Amérique (Beechey's voy.; Sulphur's voy.: Hook. f., Gala- pagos). Elle paraît moins répandue dans le nouveau monde que dans l'ancien, et comme, en outre, elle a un nom sanscrit ( Piddington, /nd., sous Achyranthes triandra), cela peut faire soupçonner un transport en Amérique. D'un autre côté, la graine et le fruit ne présentent rien de favorable à un transport par des oiseaux ou par l'homme. Les graines étant petites et dures, on peut croire qu'elles sup- portent l'immersion dans l'eau salée. Elles pourraient aussi avoir été apportées avec du sable dans des vaisseaux. M. Moquin (Prodr., XILL, part. 1, p. 356) indique l’Alternanthera dentieu- lata, Br., comme étant aussi en Asie, Afrique et Amérique. Mon échantillon de Saint-Domingue concorde effectivement avec ceux d'Afrique : mais en étudiant l'espèce, le Prodrome à la main, je ne puis la regarder comme suffisamment dis- tüincte de J'Alternanthera sessilis. Le défaut de pubescence de la tige, qui, d'après la phrase, est la seule distinction, ne suffit pas, car l'Alternanthera sessihs est souvent peu pubescent, et l'Alternanthera denticulata offre quelquefois, vers le haut des mérithalles, une pubescence analogue à celle de l’Alternanthera sessilis. La dispersion géographique, si semblable, me paraît venir à l'appui de l'identité. A marantus spinosus, L. — (1) — Mauvaise herbe des terrains cultivés, décombres, ete., en Asie, Afrique et Amérique (Moq., in DC., Prodr., XI, part. n, p. 260 ; Webb, F1. Nigr., p. 173; Benth., ib., p. 492). Mes échantillons d'Asie et d'Amérique concordent tout à fait. A l'ile Maurice, elle n'est que natura- lisée (Boj., H. Maur., p. 266) ; en général, d'après les livres et les herbiers, elle parait moins commune en Afrique que dans les autres parties du monde, et je doute qu'elle y soit d'origine. Quant à l'Inde, je doute également, à cause du petit nombre de noms vulgaires et de l'absence de nom sanscrit (Roxb., F1., 2° édit, v. HI, p. 614 ; Pidd., {ndexæ). 11 est vrai qu'elle a reçu en français le nom de Brède de Malabar, et que, dans l'archipel indien, où elle est très commune, et à Ceylan (Moon, Cat.), elle pourrait être plus ancienne qu'au Bengale; enfin, pour l'Amérique, Sloane disait déjà. en 1707, qu'elle croissait au bord des chemins dans les Antilles {SL., Jam., I, p. 143, Blitum americanum spinosum), et elle est très répandue au Mexique, dans la Louisiane, etc. — Comme plante à petites graines dures, à épines pointues, venant dans les jardins et utilisée quel- quefois à la manière d'épinards, elle a de bonnes chances de transport. Euxolus viridis, Mog. (Amarantus viridis, L. non Willd.), — 1 — Près des habitations : 1° En Europe, Afrique septentrionale, Abyssinie, îles Cana- ries, etc. : 2° aux Antilles et au Brésil : 3° aux iles de la Société (Lay et Collie). La variété € à Java et au Brésil (Moq., Prodr., XI, part. un, p. 274, et h. DC. Ù. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 779 Ayant été confondu longtemps avec l'Amarantus Blitum (a), il est presque impos- sible de sefier aux auteurs qui en parlent. Peut-être est-il originaire de la région méditerranéenne, où il se trouve communément? Euxolus caudatus, Moqg. (Chenopodium caudatum, Jacq.). — @ — M. Moquin (Prodr., XIII, part. n, p. 274) en a vu des échantillons nombreux d'Amérique, Afrique, Asie et Australie. Mon herbier, arrangé par M. Moquin, ren- ferme plusieurs échantillons d'Amérique, quelques-uns d'Afrique, un de Java et un de Bengale {h. Puerari). Ainsi, l'espèce paraît plus abondante en Amérique. En effet, je ne vois pas que Roxburgh en ait parlé (F1., 2° édit., v. IT). Les pro- babilités sont pour une origine américaine. ? Achyranthes fruticosa, Lam. — 7 — i° Sénégambie (h. DC!); Moq., Prod., XIE, part. n, p. 314); 2° Guadeloupe {h. DC!, je n'ai pas compris pour- quoi M. Moquin a du doute sur cet échantillon). Il y a une var. B, pubescens, au Mexique: 3° iles Mariannes et Rawak (Gaud. h. DC! Moq., ib.), Inde (Desf., Hort. Par., mais j'en doute). — Les fruits réfléchis, avec leurs bractées et calices roides et pointus, favorisent un peu les transports par adhérence. — Sur les 47 Achyranthes connus, aucun n'est propre à l'Amérique. Ils sont généralement d'Afrique, ou des îles du grand Océan, ou de l'un de ces pays eten même temps d'Amérique. Voilà des indices de transport dans le nouveau monde. ? Achyranthes aspera, EL. — 5 — 1° En Afrique, au Cap (Moq., Prodr., XIE, part. 11, p. 314), Sénégal, Abyssinie (ib., h. DC!); 2° Arabie (h. DC!), une variété qui mérite à peine d'être distinguée et que Webb (F1. Nigr.) a trouvée aux îles du cap Vert, existe communément dans l'Asie méridionale (Moq., L. c., var. G.), où elle a une foule de noms, entre autres un nom sanscrit (Roxb. et Wall., Ft. Ind., 1, p. 496; Pidd., /ndex: 3° aux Antilles (West, h. DC'). Cet échantillon unique du nouveau monde est, je pense, 1 Achyranthes aspera, men- tionnée sans description par West dans sa Flore de Sainte-Croix. — Une var. 3. Moq., !. c., est indiquée à Saint-Vincent. Mauvaise herbe (Wall), qui paraît sortie de l'Inde. Ses fruits sont, comme ceux de l'Achyranthes fruticosa, assez favorables anx transports par adhérence. L'espèce s'est naturalisée à l'ile Maurice (Bojer, Hort. Maur... ? Achyranthes argenten, var. 5. virgata, Mo. (Prod. XIII, part. 11, p. 316). — 5 — D'après des échantillons comparés par M. Moquin, celte va- riéte existe : 1° dans le midi de la région de la Méditerranée, jusqu'en Abyssinie ; 2° à Java; 3° à Porto-Rico. — Mon échantillon de Java concorde bien avec ceux d'Europe et d'Afrique. Je n'en ai point d'Amérique. — L'Achvranthes argentea est commun dans le nord de l'Afrique, en Siciie, Sardaigne, Arabie. L'espèce parait originaire de cette région. Ses fruits sont comme ceux des autres Achy- ranthes. (a) Amarantus Blitum, L. (à). Mauvaise herbe des décombres dans le midi de l'Eu- rope, en Egypte, en Arabie, dans l'Inde {Moq. in DC., Prodr., XIE, part. 11, p. 263), quise retrouve à Cuba (Moq., &b., d’après un échantillon de Pavon), mais qui appartient plutôt aux régions extratropicales. Les variétés + nanus, et À græcizans, de Moquin, sont aussi dans les deux mondes. La synonymie étant difficile et douteuse, à moins d'échantillons authentiques, je ne puis rechercher l’origine. D’après mon herbier et le texte du Pro- dromus , la variété z semble infiniment rare en Amérique, relativement à la région méditerranéenne. — Si l'A. viridis, Roxb. (F1., 2° édit., vol. If, p. 603) doit lui être rapporté, il serait indigène dans l'Inde, mais, chose singulière, Roxburgh et Piddington .ne donnent aucun nom indien vulgaire, même moderne. Serait-ce une espèce originaire de la région méditerranéenne ? 780 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. ? Phyllanthus Niruri, L. — (1) — 1° Plante commune dans l'Asie méridio- nale, où Rheede, Rumphius, Roxburgh, etc., l'ont décrite depuis longtemps. Elle y porte généralement des noms vulgaires, même un nom ancien sanscrit (Pid- dington, {ndex); 2° elle est indiquée aussi dans quelques Flores américaines, par exemple, à Saint-Thomas (Schlecht., Linnæa, 1831, p. 761), aux Barbades (Maycock, F1.), sur la côte occidentale entre les tropiques (Benth., Bot. Sulph., p. 165); mais je ne vois cité aucun synonyme de Sloane, Piso et autres auteurs anciens sur l'Amérique; 3° sur Ja côte de Guinée (Benth., F1. Nigr., p. 510). Comme c’est une plante officinale, qui vient dans les terrains cultivés (Roxb., Rumph.). et qui se naturalise facilement (Bojer, H. Maur., I, p. 280), je la crois introduite en Afrique et en Amérique. ? Eleusine indica, Gzærtn,—(1) — Au bord des chemins, dans les prés, les terrains cultivés : 1° dans l'Asie méridionale (Roxb., F1. Ind., édit. Wall. [, p. 346: Kunth, En., 1, p.272; Hook. et Arn., Voy. Beech., p. 249), les iles de l'archi- pel indien (Decsne, Timor, etc.), de la Société et Sandwich (Hook. et Arn., Foy. Beech., p. 72, 101); 2° en Afrique {(Kunth., L. c.), à Maurice (Boj.. H. Maur., p. 370), aux îles du cap Vert, en Guinée (F1. Nigr., p. 189, 567); 3° en Amé- rique (Kunth, L. c., et Humb. et B., Nov. gen.), de la Caroline (Michx., F4, I, p. 164), au Brésil méridional (Nees, F1. Bras., in-8°, 11, p. 439). Point de nom sanscrit (Roxb., F1. ; Pidd., Index), ce qui semble indiquer une existence moderne dans l'Inde. Je ne lui vois aucune cause spéciale de transport ; mais elle multiplie rapidement par ses graines petites et nombreuses. Comme fourrage, elle n'est bonne que jeune ; ensuite, les vaches n’en veulent pas (Rumph., Roxh.). Elle est aussi répandue et spontanée dans l’ancien que dans le nouveau monde. ? Dactyloctenium mucronatum, Willd. (D ægyptiacum, Willd. ex Kunth). — () — Entre les tropiques, dans les trois continents (Kunth, En., I, p.261 : Benth., FI. Nigr., p. 566). Dans les cultures, au bord des chemins, dans les pâturages ; ce qui me fait présumer un transport. Quoique la plante soit commune dans l'Inde, et que les animaux la recherchent, Roxburgh ne mentionne pas de nom sanscrit, mais seulement un nom indou (Eleusine ægyptiaca, Roxb., FL, 2° édit., v. 1, p. 344). Elle paraît commune également en Afrique et en Amérique. Il y a peut-être plus de probabilité pour une origine africaine, à cause des trois autres espèces du genre qui sont de l'ancien monde. Cenchrus echinatus, L. — (1) — M. Bentham (F1. Nigr., p. 564) le dit de l'Inde, l'Afrique et l'Amérique méridionale. Les épines de l'involucre sont pro- bablement une cause de transport. D'après Kunth (£n., 1, p. 166), l'espèce est beaucoup plus abondante en Amérique. Il ne cite en Asie que l'ile de Luçon, où il y a bien des plantes introduites. Roxburgh n'en parle pas. A l'ile Maurice, elle est seulement naturalisée (Bojer, A. Maur.). Les autres Cenchrus sont, pour la plupart, d'Amérique, un petit nombre de l'Océanie. Je présume celui-ci d'origine américaine. 2° Espèces probablement transportées d'Afrique en Amérique, ou vice versa, Mais qui ne sont pas en Asie ou en Australie, Sida earpinifolia, L. f, — € — Une des plantes les plus communes au Brésil (Saint-Hil., F1. £r., 1, p. 484) et aux Antilles, près des habitations, dans NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 781 les décombres, etc. Elle est aussi aux îles Canaries (Webb, Phyt. Can., p. 37), où M. Webb soupçonne qu'elle est introduite, et à l'île Maurice, où je la crois aussi étrangère, car on l'indique au bord des chemins (Boj., H. Maur., p. 32). M. de Schlechtendal (Linn., 1820, p. 268), qui a comparé des échantillons des Antilles avec ceux de Maurice, a vu dans l'herbier de Willdenow, un échantillon de Roxburgh, venant peut-être de l'Inde, et le Sida planicaulis, Cav., qui lui est rapporté par plusieurs, était de l'Inde. Cependant, Roxburgh (F1. Ind., 2° édit.) Wight et Arnott (Prodr.), et Wallich (List), ne mentionnent aucun de ces noms. Je doute que l'espèce existe en Asie. Quant aux îles africaines, je regarde l'intro- duction comme très probable. ? Sida rhombifolia, L.— > — Les auteurs s'accordent à le regarder comme des trois parties du monde; mais je ne suis certain que de deux, savoir : 1° Amé- rique intertropicale, où il abonde ; 2° Afrique, des îles Canaries (Sida canariensis, Willd., ex Webb, Phyt. Can., sect. 1, p. 36), et du cap Vert (Webb, in F1. Nigr., p.108) de la Guinée(Hook., &., p. 230), de l'ile Maurice (Boj., H. Maur, p. 32), jusqu'en Abyssinie {Sida riparia, Hochst., ex Rich., Tent. FI. Abyss., p. 65). Quant à l'Asie, je vois que les auteurs du Flora Nigritiana (p. 230) l'admettent; mais MM. Wight et Arnott (Prodr. FI. penins.) disent que le Sida rhombifolia de Roxb. et Wall., est le Sida rhomboidea. La patrie du Sida alba, Cav. (non Linné), rapporté à cette espèce, est bien douteuse, car il s'agit d'une plante de jardin. Les échantillons de mon herbier sont d'Amérique et d'Afrique. JIs ont les pointes des carpelles dures, roides et scabres, ce qui les fait adhérer facilement. Les espèces analogues sont de l'ancien ou du nouveau monde, ? Urena americana, L. (U. retieulata, Cav.). —- 5 — M. R. Brown (Congo, p. 59) l'énumère comme espèce d'Amérique et d'Afrique, et il a toujours comparé des échantillons (p. 63). Je n'ai pas pu vérifier l'identité. L'espèce n'est pas indiquée dans le Flora Nigriliana, ni dans le Tentamen FL. Seneg. Elle est seulement cultivée à l'ile Maurice (Boj., Hort.). Le caractère du genre est d'avoir les carpelles échinés, ce qui favorise le transport. et l'espèce a effectivement au sommet de la capsule des épines avec poils recourbés (Macfadyen, Jam., 1, p.60). Les Urena se trouvent dans les deux mondes. Celui-ci paraît plus fréquent aux Antilles qu’en Afrique. A la Jamaïque, il se trouve dans les pâturages de mon- tagnes. Triumfetta Lappula, L. — à — Afrique occidentale et Antilles (F1. N'igr.., p. 113, 234). Il se trouve dans des endroits habités et les poils crochus de la capsule adhèrent aux vêtements comme ceux des Xanthium ou des Galium Apa- rine (voy. Macfadyen, F1. Jam., p. 410), ce qui rend les transports extrêmement probables. Le genre existe en Asie, Afrique et Amérique. Friumfetta rhomboidea, Jaceq. — à — Côte de Guinée et Saint-Thomas, où elle est certainement identique avec la plante d'Amérique d'après MM. Hooker f. et Bentham (F{. Nigr., p. 234). Le genre Triumfetta appartient aux trois conti- nents intertropicaux. — Les fruits de cette espèce sont échinés et les pointes sont de plus munies de dents recourbées, comme dans le Triumfetta Lappula. C'est l'organisation la plus favorable aux transports par adhérence. L'espèce est commune aux Antilles, dans les décombres, les prairies (Sw., F1, p. 863). Elle paraît fréquente aussi en Guinée, mais M. Bojer (Hort. Maur.) ne l'indique pas aux îles Mascarenhes. Drepanocarpus lunatus , Mey. — € — Rivages, lieux inondés : 4° en 782 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, Amérique, aux Antilles, au Mexique, à la Guyane (DC., Prodr., I, p. 420): 2° en Guinée et au Sénégal (Br, Congo, p. 59; Hook. f. et Benth., FI. Nigr., p. 315). — Sur douze espèces du genre énumérées par Steudel, j'en vois dix d'Amérique seulement, une du Sénégal, et la présente partagée entre les deux régions. — Les légumes coriaces et recourbés de cette plante paraissent devoir flotter assez bien dans les courants, et, grâce à la vitalité des graines de légumi- neuses et à la station de celle-ci sur les côtes, l'introduction d'Amérique en Afrique paraît probable. Les arguments botaniques et la direction des courants {p. 763) me font croire à l'origine américaine. Ecastaphyllum Brewnei. Pers. — 7 — 1° Antilles, continent américain, jusqu'au Brésil (DC. ! Prodr., IT, p. 420; Hook. f. et Benth., F1. Nigr., p. 314); 2° Guinée (h. DC.! Benth., F1. Nigr.) et Sénégal (DC.! 1. c.). — Les onze au- tres espèces du genre sont d'Amérique. — Mes échantillons des deux régions concordent bien. — Le légume est plat, monosperme, membraneux. Comme l'espèce croit dans les taillis près de la mer et que les Lésumineuses conservent longtemps leur faculté de germer, je regarde un transport par les courants comme probable. Le principal va d'Amérique en Afrique {p. 763), et c'est justement l'Amérique qui est le pays des autres espèces du genre. Mucuna urens. DC. — > — On le connaissait aux Antilles et sur le conti- nent de l'Amérique méridionale ; mais, en outre, il paraît se trouver en Guinée. MM. Hooker fils et Bentham (F1. Nigr.,p. 307) le citent à Fernando Po, à Accra et en Gainée, « en apparence identique avec la plante des Indes occidentales figurée par Plumier, » L'as sertion, on le voit, n'est pas complète, peut-être à cause de l'état des échantillons. Danses Sloane (Jam., 1, p. 179), les graines de cette Légumineuse sont portées souvent par les fleuves dans la mer, et de là rejetées sur les côtes où transportées au loin, par exemple sur la côte d'Écosse D'après Jacquin (Amer., p. 203), on attribue à ces graines, appelées vulgaire- ment yeux de bourrique, toutes sortes d'idées superstitieuses, et en général la plante est officinale. Par ces divers motifs, elle peut avoir élé portée en Afrique par les courants ou par l'homme. Schranchkia leptocarpa, BC. — 2% — |” Saint-Domingue DC., Prodr.), Brésil septentrional et méridional (Benth. in Hook., Journ. 0} Bot, IV, 1841, p. 415); 2° Guinée (Benth., F1. N'igr., p. 331). — Les sept autres espèces sont d'Amérique. Celle-ci n'a pas les aiguillons du légume crochus comme le Schranckia uncinata, mais ils sont étalés, nombreux, et je ne serais pas surpris que par leur moyen des légumes aient été transportés sur des vêtements ou des ballots. L'ex- tension est plus grande en Amérique. On sait que les Légumineuses, en particu- lier les Mimosées, conservent longtemps la faculté de germer. Mimosa asperata, L. — 5 — 1° Amérique, du Venezuela au Brésil méri- dional (Benth. in Hook., Journ. of Bot., 4841, v. IV, p. 400); 2° Afrique tropicale occidentale et orientale (id. et FL. Nigr., p. 330). Mes échantillons des deux continents s'accordent. Les légumes se coupent transversalement et sont « undique setoso-hispidissima. » Les poils n'en sont pas crochus ni en hameçon, mais ils peuvent bien se fixer dans des corps extérieurs. Le genre existe sur les deux continents. — L'espèce a été introduite du continent américain à la Ja- maïque, d'après P. Browne, et aujourd'hui M. Macfadyen (F1. Jam., p. 305) déclare ne l'avoir trouvée que dans les jardins de cette ile. Elle existe sur la côte orientale d'Afrique (F1. Nigr., 1. e.), et cependant elle n'est que cultivée à Mau- NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 783 - rice (Boj., À. Maur.). L'origine est donc incertaine; mais je soupçonne un transport d'un continent à l’autre par adhérence (a). Desmodium incanum, DC. — 3 — Commun aux Antilles, dans les brous- sailles, les pâturages et au bord des chemins (Macfadyen , Fl. Jam., p. 266): existe aussi dans l'Afrique tropicale occidentale (Benth., F1. Nigr., p. 303), et peut-être à Maurice(DC., Prodr.; Benth., L. c.). Il y a des Desmodium en Afrique et en Amérique, mais celui-ci a des poils crochus sur son légume : « Mauvaise herbe, désagréable, dit M. Macfadyen, parce que les articles des légumes se rompent et adhèrent aux vêtements. » Le transport est donc très probable. Desmodium tortuosum, DC. — > — 1° Antilles (Hedysarum triphyl- lum, etc.; Sloane, Jam., 1, p. 484, t. 116, f. 9; Macfad., Jam., p. 267; DC. Prodr., 11, p.333), sur les bords de la Magdalena (H. B. et Kunth) ; 2° aux îles du Cap Vert, au Sénégal, en Abyssinie (Webb, F1. Nigr., p. 122, où il affirme l'identité par comparaison avec des échantillons américains). — Le genre est partagé entre l'Afrique et l'Amérique. — L'espèce actuelle semble aussi répandue sur l’un des continents que sur l'autre. Ses légumes ont des poils crochus qui les font adhérer aux vêtements. D'ailleurs, l'espèce habite assez ordinairement les terrains cultivés (Sloane, Macfad.). Cassia obtusifolia, L. — (1) — D'après les auteurs du Flora Nigri- liana, cette espèce croît en Afrique et en Amérique, savoir : 1° aux Antilles (Vogel, Syn. Cass., p. 24; Sloane, Jam., IL, p. 47, sous le nom de Sena minor), dans le midi des États-Unis (Torr. et Gray, F1, 1, p. 394) et dans l'Amérique méridionale (Vogel, 1. c.); 2° au Sénégal, dans les sables (Perr. et Guill., Tent. FI. Seneg., p. 260), auxiles du Cap Vert (Webb, F1. Nigr., p. 126), en Guinée (Benth. et Hook. f., FI. Nigr.,p. 324). Vogel indique le Sénégal avec doute, dans son Synopsis ; mais alors il n'avait pas vu d'échantillons africains. Ceux des îles du Cap Vert et de Guinée paraissent avoir été comparés avec des échantillons d'Amérique, séparément, par M. Webb et par M. Bentham. L'espèce est spon- tanée dans les deux mondes ; cependant, je vois qu'en Guinée elle a été trouvée près des habitations. Elle est officinale. Les graines de Légumineuses se conser- vent longtemps. Bidens leucantha, Wälld.—- @) — Espèce des décombres, lieux humides cultivés, etc., qui s'accroche et se transporte par les poils en hameçon de ses fruits. Elle est très répandue en Amérique, du Chili aux Antilles, du Brésil au Mexique (DC., Prodr., V, p. 598). Si on la trouve à Madere (Love, ib.), aux îles du Cap Vert (Webb, F1. Nigr., p. 142), au Cap (Drège ! h. DC.), on ne peut guère douter de l'introduction dans ces pays. À l'île Maurice, où la plante est devenue commune, on l'appelle herbe à Sornet, du nom d'un intendant auquel on attribue sa naturalisation, sans doute involontaire (Bory, h. DC.). Le Bidens bipinnatu, L., originaire d'Amérique, Sest naturalisé en Europe (p. 728). On le trouve aussi en Guinée (F1. Nigr.); mais son origine étrangère n'est presque pas douteuse, et d'ailleurs il est plutôt extratropical. (a) Je suis surpris que le Mimosa pudica, dont les légumes s’accrochent si aisément aux habits et qui est cultivé partout Comme curiosité, ne se soit pas naturalisé hors d’Amé- rique. Il n’est indiqué ni dans le Flora Nigritiana, ni dans Wight et Arnolt, Prodr. F1. pen. Ind., ni dans Bojer (Hort. Maur.), comme plante spontanée. H s’est cependant intro duit à Ceylan (p. 722). 00 784 CHANGEMENTS DANS L'HAPITATION DES ESPÈCES. ?Schwenkia americana, L. — @ — Dans les terrains cultivés, les décom- bres : 4° au nord-est du Brésil ; 2° en Sénégambie et en Guinée (Br., Congo, p. 59 ; Benth., in Prodr., X, p. 194; Fi. Nigr., p. 473). Des vingt-trois autres espèces du genre contenues dans le Prodromus, il y en a 22 d'Amérique et 1 de Guinée. Je ne possède de l'espèce actuelle que des échantillons américains. Les graines sont petites, ailées, chagrinées (muriculata-tuberculata) ; mais je ne pense pas que ce soit une cause de transport digne d'attention. La station, dans les eul- tures, est un indice plus suspect, surtout quand les graines sont petites et nom- breuses. ? Capraria biflora, L. — % 3 — Commun en Amérique, des Antilles et du Mexique au Brésil (Benth., in Prodr., X, p.429): se retrouve en Guinée, à Cape coast (Benth., F1. Nigr., p. #74). Les trois autres espèces de Capraria sont d'Amérique. Celle-ci paraît bien plus répandue en Amérique qu'en Afrique. Elle croit près des habitations (Jacq., Browne), et l'on en fait usage comme thé. Tout cela me fait soupconner un transport. D'un autre côté, les capsules n’ont rien qui le favorise en apparence ; mais les graines sont petites et nombreuses. Chrysobalanus Eeaco, L. — à — Sponta né principalement dans les taillis du bord de la mer : 4° dans l'Amérique intertropicale, des Antilles au Brésil, et sur la côte occidentale (Benth., Bot. Sulph.) ; 2° dans l'Afrique tropicale occiden- tale {Br., Congo, p. 61 ; Benth., FL. Nigr., p. 336). Comme cet arbuste a un fruit mangeable, recherché des nègres (Tent. FL. Seneg., p. 272) et quelquefois des Européens (Jacq., Am.) on a supposé qu'il pourrait avoir été transporté par l'homme, et dans ce cas, le plus probable serait un transport d'Afrique en Amé- rique par les nègres (Br., L. c.). D'un autre côté, le noyau, qui ressemble à une petite noix pointue, pourrait avoir flotté dans le courant d'Amérique en Afrique, et comme l'espèce croît au bord de la mer, elle se serait facilement établie à son arrivée. Je regarde un transport de l'une ou l’autre nature comme probable, L'origine est plus difficile à deviner. Les quatre autres espèces du genre sont partagées en 3 d'Amérique et 4 d'Afrique (Steud., Nom.). Outre l'état ordinaire du Chrysobalanus Icaco, il y a des variétés de couleur et de forme du fruit, qui paraissent plus nombreuses en Amérique. Ainsi, les arguments botaniques sont un peu plus en faveur de l'origine américaine. L'Icaco me semble plus répandu aussi dans le nouveau monde, quoique M. Brown le dise très générai sur les deux continents. En Amérique, il est aussi commun sur la côte occidentale que sur la côte orientale (Benth., Bot. Sulph.); en Afrique, il manque aux iles Masca- renhes (Bojer, Æ. Maur.), et peut-être aussi à la côte orientale. Au Sénégal, il n'est pas très commun (Tent. F1. Seneg.). 11 paraît ancien en Amérique, car Marc- graf et Piso (Hist. nat. Bras , 4648) l'indiquent déjà au Brésil. Plumier, Browne, Catesby, l'avaient vu abondant aux Antilles. Enfin, il porte des noms indigènes, soit en Amérique, soit en Afrique ; mais les colons européens lui ont donné en Amérique des noms (Prune coton, Prune des anses, Cocoplum, ete.) qui sont tirés de l'apparence ou de la station, tandis qu'au Sénégal, les Français l'ont appelé Prune d'Amérique (Perrottet, Tent. F1. Seneg.). Ainsi, la majeure partie des indices est en faveur de l’origine américaine. ? Hyptis atrorubens, Poit. — 2 — 1° Commun dans l'Amérique tropi- cale; 2° à Sierra-Leone (Benth., Prodr., XII, p. 108 ; FI. N'igr.). Je n'en pos- sède que du nouveau monde, où il parait abondant. On le trouve tantôt dans les forêts, tantôt dans les cultures. Les dents du calice sont bordées de poils roides NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 755 et étalés. Quoique ces poils ne soient pas crochus, ils peuvent favoriser le trans- port par adhérence. Le fait que les 250 Hyptis connus sont tous en Amérique, et que 7 d’entre eux seulement ont éte retrouvés ou en Afrique ou aux Philip pines, pays qui n'en ont aucun en propre, constituent des présomptions bien fortes en faveur d’une origine américaine. ? Hyptis obtusifolia, Br. (App. Lo Salt Abyss. et Bot. Congo, p. 59). Cette espèce n'a jamais été décrite, et M. Bentham n'a rien pu en dire dans le Pro- drome (v. XII, p. 140); mais le fait de l'identité de la même espèce en Afrique et en Amérique n'a jamais été avancé par M. Brown sans une comparaison exacte des échantillons (Congo, p. 63). Les Hvptis sont généralement à petites graines et assez répandus près des habitations, dans les haies, taillis, cultures. L'origine des 250 espèces connues fait présumer que celle-ci est américaine. ? Chenopodium fœtidum, Schrad. — (4) — D'après M. Moquin (Prodr., XIE, part. u, p. 76), il croît : 1° au Mexique, 2°à Buénos-Avyres; 3° au Cap; 4°en Abyssinie. Il est probable qu'on le trouvera ailleurs,-entre ces localités si éloignées ; mais les espèces de Chenopodium sont difficiles à distinguer, et on les recherche peu. L'habitation dans les décombres, jardins, etc., et la nature des graines, petites, dures et nombreuses, rendent les transports assez probables. La majorité des espèces voisines est en Amérique. Telanthera frutescens, Mog.— > — La variété «, abondante en Amérique, se trouve aussi à Maurice (Moq., in Prodr., XIIT, p. 365, d'après un fragment de Commerson dans mon herbier). Si l'on ne trouve pas cette variété en Afrique, sur la côte occidentale, il sera difficile de croire à un transport, puisque les cou- rants portent d'Amérique sur la côte de Guinée, et non à l’île Maurice. Toutefois, je remarque la présence d'autres variétés de l'espèce dans la mer Pacifique (var. 9, Moq., à Manille et à Guyaquil), ce qui fait présumer que l'espèce varie faci- lement, et que les courants l'auraient portée dans plusieurs directions sur les sables, où elte s'établit si aisément. Telanthera maritima, Moq., var. « (Prodr., XIII, part. 11, p. 365). — %—1° Antilles, Brésil : 2° Oware (Moq. dans h. DC !), côte de Guinée (Benth., Fi. Nigr., p. 495). — Les cinquante-quatre Telanthera du Prodrome sont en Amérique, excepté le Telanthera longipes, qui est de la Nouvelle-Hollande. Si donc on en retrouve deux ou trois, celui-c1 entre autres, en Afrique ou en Asie, il y à pour eux présomption de transport, d'autant plus que ce sont des plantes du littoral, dont les graines doivent supporter l'immersion dans l’eau salée et peuvent se trouver accidentellement dans le lest des vaisseaux. c Alternanthera Achyrantha, Br. — 2% — Cette plante des sables mari- times a donné lieu à des erreurs bizarres qui se sont propagées même dans les publications les plus récentes. M. Moquin (Prodr., XIE, part. 11, p. 358) l'in- dique dans plusieurs parties de l'Amérique, sous l'un et l’autre tropique et un peu au delà; aux îles Canaries et à Cadix. Tout cela est exact. Mais il ajoute, d'après les auteurs, « in India orientali » (Roth), « Turcomania » (Linné). Or, 4° Personne n'a vu cette plante dans l'Inde. Roth l'a décrite d'après un échantillon de Heyne, sous le nom de Achyranthes repens; mais le docteur Wallich ayant vu la plante de Heyne, dit qu'elle est probablement l'Achyranth. prostrata (Cyathula prostrata Blume), et M. Moquin en fait son Cyathula repens (Prodr., XIII, part. n1, p. 330). 2° Linné a dit dans son Species, Are édit., p. 205, 2° édit., p. 300: « Crescit in Turcomania » : maisil cite Dill., Hort. Elth., 3, t. VIE, et Dillenius dit : «Specimina 786 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. » misit Mylan ex Tucomaniæ regionis metropoli (Buenos-Ayres), » ce qui n'a plus rien d'étonnant, car l'espèce est commune à Buenos-Avyres. Sa grande ex- tension en Amérique, comparée à celle de l'ancien monde, et sa station sur le lit- toral, ne laissent guère de doute d'une introduction par les vaisseaux aux îles Canaries et de là à Cadix. Elle manque aux îles du Cap Vert (F1. Nigr.) et à Madère (Lemann, liste mss.). Iresine vermicularis, Mogq. (Illecebrum vermiculatum, L.). — Z — Cette amarantacée, très commune sur les sables maritimes des Antilles au Brésil, se retrouve sur la côte du Sénégal et de Guinée (Moq., Prodr., XHIT, part. 11, p. 339; Benth., #4. Nigr., p. #94). — Les vingt-trois autres Iresine, suffisamment connus, sont ou d'Amérique ou de la Nouvelle-Hollande. Celui-ci étant seul en Afrique et moins répandu là qu'en Amérique, pourrait bien y avoir été apporté. Je ne vois rien dans la plante de très favorable à un transport, mais comme elle vit dans les terrains de sables, près de la mer, si une graine est apportée par des courants ou par un vaisseau, elle a bonne chance de réussir. Le courant marche d'Amérique en Afrique, mais je crois plutôt à un transport par les négriers. Iresine aggregata, Mog. (DC. Prodr., XIII, part. 11, p. 340}. — Z — Sables et littoral : 4° de Cuba, Cumana et Bahia; 2° de Sénégambie, où elle pa- rait commune d’après mon herbier. Même probabilité d'origine que pour l'Iresine vermicularis. Boerhaavia paniculata, Rich. — 2% — M. Bentham (F1. Nigr., p. 495) rapporte à cette espèce essentiellement américaine (Choisy, Prodr., XIIT, part. 11, p. 450) des échantillons recueillis en Guinée. On sait combien le genre est dis- persé entre les tropiques. En admettant l'identité d'espèce, toujours difficile à constater dans les Boerhaavia, et dont je ne puis m assurer dans le cas actuel, il faut ajouter que les fruits sont ordinairement velus et glutineux, Le transport n'aurait donc rien d'improbable, d'autant plus que les espèces de ce genre ne craignent pas le littoral. Commelyna agraria, Kunth. — Il parait aussi commun dans l'Afrique occidentale tropicale qu'en Amérique (Benth., F1. Nigr., p. 541). M. Bentham soupçonne même une identité avec le Commelyna communis, qui croît dans l'Inde et en Guinée. Kunth (Enum., IV, p. 36 et 38) distingue les deux espèces et indique le Commelyna agraria en Amérique et le Commelyna communis en Asie. Ce sont des plantes assez communes dans les terrains cultivés. Le Commelyna agraria est une mauvaise herbe, très nuisible, à Cuba (Pæppig, dans Kunth). Je ne connais rien de favorable aux transports dans l'organisation. D'après les sta- tions aux Canaries, M. Webb soupconne une introduction par les vaisseaux. Remirea maritima, Aubl. — 2% — Amérique orientale et Afrique occi- dentale entre les tropiques, sur le littoral (Kunth, Enum., IE, p. 439; Benth., Fi. Nigr., p. 552). Plante traçante dans les sables maritimes. La seconde espèce connue est de la Nouvelle-Hollande et peut-être de l'Inde. Celle-ci manque aux îles Mascarenhes, ce qui me fait pencher pour un transport d'Amérique en Guinée. ? Sporolobus virginicus, Kunth (Agrostis virginiea, L.) —% — Plante des sables du littoral : 4° en Amérique, où elle est très répandue, de la Virginie au Brésil (Nees, F1. Bras., in-8°, vol. II, p. 400), et au Pérou (Kunth, Enum., I, p. 210); 2° à Saint-Thomas du Cap Vert (Bentham, F1. Nigr., p. 564), au cap NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 787 de Bonne-Espérance (Kunth, 1. c.). M. R. Brown (Prodr. et Congo, p. 58) attri- buait à cette espèce des échantillons de la Nouvelle- Hollande, M. Nees (F1. Bras., in-8°, p. 400) en fait une espèce distincte (Wilfa Matrella), mais Kunth (Enum., L. c.) la réunit de nouveau et dit encore que le Sporolobus virginicus croît aux îles Sandwich. MM. Hooker et Arnott, Beechey's Voy., p. 104, la citent effecti- vement dans cet archipel. MM. E. Meyer et Drège (Zwei Pflanz. geo. Docum., p. 223) admettent au Cap une variété du Wilfa Matrella, Nees, et aussi le Spo- rolobus virginicus. Je le crois américano-africain, mais douteux quant à l'Asie. Voyez le suivant. ? Stenotaphrum americanum, Schrank (Rotthollia dimidiata, Thunb.; Stenot. glabrum, Trin.).— 2% —D'après Kunth{£Enum.,1,p. 138) et Bentham (F1. Nigr., p. 562), cette espèce existe en Amérique et en Afrique, sa- voir : 4°en Amérique, dans le midi des États-Unis, aux Bermudes, au Brésil; 2° en Afrique, sur la côte de Guinée, à Saint-Thomas, au Cap (Kunth; E. Mey. et Drège, Zwei Pflanz. geo. Docum.). Espèce des sables maritimes. Les deux autres du même genre sont d'Asie et d'Afrique. L'absence de l'espèce actuelle et du Sporolobus virginicus aux îles Mascarenhes (Bojer, H. Maur.) me ferait pencher pour un transport des deux espèces par l'Atlantique. Poa ciliaris, L. — (1) — Amérique équinoxiale et Guinée (Hook. et Benth. Nigr. FL, p.567). M. Brown (Congo, p. 59) l'indiquait déjà comme africano-amé- ricain. M. Bentham, dans la Flore du Niger, l'indique en outre dans l'Inde; mais je n'ai pas pu m'en assurer. Kunth (Enum., I, p. 337) cite le Poa ciliaris Roxb., de l'Inde, mais il soupçonne qu'il est différent. Le Poa ciliaris croît dans les endroits ou stériles ou cultivés (Sw., Obs.). M. Hooker fils (Trans. Linn. Soc., XX, part. n, p. 254) indique cette espèce comme une de celles que les oiseaux peuvent transporter. Je ne pense pas qu'ils aillent d'Afrique en Amérique. 3° Espèces intertropicales, actuellement communes à l’Amérique et à l'Asie ou aux iles du grand Océan, probablement par suile de transports. Xribulus cistoides, L. (Kalstrœmia cistoides, Endl., Ann. Wien Mus, 1, p. 184).—%— 1° Antilles (Jacq., Coll., V, p.109; H. Schænb., I, p. 103 ; Maycock, F1. Barb., p.175), Curaçao (Jacq., L. c.); 2° îles Sandwich (Lay et Collie, Meyen dans Endl., c.; Hook. et Arn., Bot. Beech. Voy., p. 80), île Malden, une des plus orientales de la mer Pacifique (Hook. f., Trans. Linn. Soc., XX, p. 253). Les capsules ont des épines qui peuvent les fixer aux vête- ments et aux ballots de marchandises. Tephrosia piscatoria, Pers. — à — 1° Iles orientales de la mer Paci- fique, comme lesîles de la Société (Hook. et Arn., Beech. Voy., p. 62), Sandwich (id., p. 81; Gaudich, et Meyen, dans Endl., F1. Sudseeins.), et indiqué autrefois dans les Indes orientales (Ait., H. Kew.), mais probablement par erreur, car il n'est pas mentionné dans Wight et Arn. { Prodr. FI. penins.); 2° Amérique occidentale tropicale à Realejo (Benth., Bot. Sulph., p. 80). Il n'est pas indi- qué dans les plantes des îles Galapagos que M. Hooker fils a pu réunir (Trans. Linn. Soc., XX, part. nu). Espèce du littoral. On sait que les graines de légumi- neuses conservent longtemps leur vitalité dans l’eau de mer. Poinciana pulcherrima, L. — 3 — Ce bel arbuste est cultivé dans les régions chaudes de l'Asie, de l'Amérique et à l'ile Maurice, comme ornement ef 788 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. pour haie, à cause des épines. On le cite comme spontané, depuis longtemps : 41° aux Antilles (Sloane, Jam., Il, p. 49, Sena spuria arborea, etc., Jacq., Amer., p. 122); 2° en Malabar (Rheed., Mal., VI, t. 1). Les auteurs modernes l'indi- quent aussi en Colombie (Benth., Bot. Sulph., p. 87), dans le Mexique occi- dental (Hook. et Arn., Voy. Beechey): en Chine (id.), à Ceylan (Moon, Cat, p. 34), à Java (Zoll., Verz., p. 2), mais sans qu'on puisse savoir exactement si les échantillons étaient bien spontanés et si l'espèce était ancienne dans le pays. Je la crois originaire de l'Asie méridionale. En effet : 4° Rheede dit : « In hortis et cœmeteriis colitur, cæterum crescit in eremis et frulicelis, » expressions remarquables par leur sens positif et par leur date ancienne (1685), tandis que les premiers auteurs américains (Sloane, Browne) ont jeté des doutes sur l'ori- gine. 2° L'espèce a des noms vulgaires nombreux et qui paraissent indigènes à Ceylan, dans le Bengale et le Malabar (Moon, Roxb., Rheede; Piddington, Index). Aux Antilles ce sont des noms européens par leur forme et leur sens (Sloane, Maycock, F1. Barbad.). 3° Sloane raconte que, d'après Ligon, l'espèce aurait été introduite aux Barbades des îles du Cap Vert (où elle n'est pas indiquée par Webb, F1. Nigr., mais où elle peut avoir été cultivée jadis). Hughes, en 1750, ne dit rien de l'origine aux Barbades. Browne (Jam., p. 225), après Sloane, soupçonne qu'elle a été apportée à la Jamaïque de quelque autre colonie, quoique de son temps elle y fut spontanée; Schlechtendal {Linn., 1830, p. 193) dit qu'elle a été d'abord cultivée à Saint-Thomas, où elle s'est naturalisée; Aublet (Guy., [, p. 186) n’en parle que comme d'une plante qu'il avait vue cul- tivée à l’île de France! Enfin, on ne cite aucun synonyme de Piso ou de Her- nandez, les plus vieux auteurs sur l'Amérique, et cependant une pareille espèce n'aurait pas été négligée. Si elle est originaire de Ceylan et de Malabar, il n'est pas étonnant que Roxburgh (F1. Ind., 2° édit., v. II, p. 255) ne l'ait vue que cultivée; il affirme que les pieds élevés de graines des Antilles sont semblables à ceux de l'Inde. Les deux autres espèces du genre sont, l'une d'Asie, l'autre d'Amérique; mais il est possible que le genre entier tombe dans le Cæsalpinia. Asclepias curassavica, L,— Commun en Amérique: indiqué aussi aux iles de la Société (Lay et Collie, dans Endl., Fl. Sudseeins., ete.) et a Canton (Hook. et Arn., Voy. Beechey, p. 200) ; mais il me paraît évident qu'il s'est échappé des jardins ou qu'il a été apporté dans ces localités. On sait combien cette plante se multiplie aisément. Si elle était primitive ou ancienne en Asie, on la verrait presque partout. Roxburgh n'en parle pas dans son Flora Indica, 2° édit. Gard- ner (Journ. hortic. Soc., IV, p. 40) la cite comme naturalisée et d'origine améri- caine, dans l'île de Ceylan. Les 39 autres espèces d'Asclepias connues sont d'Amérique, ce qui me paraît indiquer assez clairement l'origine. ? Ipomæa pes-tigridis, L. — (4) — 1° Inde et archipel indien (Choisy, Prodr., IX, p. 363); 2 ile de Saint-Thomas, mais seulement dans les cultures de canne à sucre, et d'après cela probablement introduite (Schlecht., Linn. 1834, p. 74 ; Choisy, L. c.). Quamoclit vulgaris, Choisy (Ipomæa Quamoclit, E.). — D — Cette petite plante, si distincte et si élégante, est spontanée dans l'Asie méridionale et l'Amérique intertropicale. Elle est souvent cultivée, d'où l'on peut présumer qu'elle s’est échappée des jardins Je la crois originaire d'Asie, car elle est fort commune dans l'Inde, où elle porte plusieurs noms vulgaires, en particuher un nom sanscrit (Roxb., El. And , édit, Wall., I, p. 93; Piddington, {ndex) : mais NATURALISATION À GRANDE DISTANCE. 789 à Ceylan, il est douteux qu'elle croisse (Moon, Cal.) et elle a un nom étranger (p. 3). En Amérique, elle est abondante et spontanée certainement en plu- sieurs points, notamment au Mexique (Benth., Bot. Sulph., p. 133), à Para (Choisy, Prodr., IX, p.336); mais je vois qu'à la Jamaïque, dans le siècle der- nier, elle n'existait que cultivée (Browne, Jam., p. 155), comme aujourd'hui, à l'île Maurice (Bojer, H. Maur.). Introduite dans les jardins européens en 1583, Cæsalpinus en parla le premier (p.154), sous le nom de Gelsiminum rubrum. Il en ignorait l'origine. On lui donna dans les jardins le nom de Quamoclit,et Camerarius, en 1588, la figura sous ce nom {Hort. med., p. 135). 1] dit : « Planta nova ex India, » ce qui s'entendait alors plutôt de l'Amérique (voy. id., p. 94). Clusius (Curæ post., p. 8), en 1611, donna une bonne planche, et appela l'espèce Qua- moclit aut Quamochlit sive Jasminum americanum. Ainsi, la notion vraie ou fausse que l'espèce étaitaméricaine, s'est introauite entre 1588 et la mort de Clusius. L'orthographe nouvelle du nom Quamochlit semble montrer qu'on croyait le mot mexicain. Je ne sais où de Theis {Gloss., p. 242) a été imaginer que Quamoclit vient de x6aus, haricot, et xl:r0s, bas, nain. Linné (H. Cliff., p. 66), dit : « est nomen_ barbarum. » Malgré l’h ajouté par Clusius, on continua d'écrire Qua- moclit (Columna, Ag. et terr., t. LXXII, très bonne). L'espèce n'est pas spon- tanée en Afrique, ni dans les îles de la mer Pacifique. Hyptis capitata, Jacg. — Commun dans l'Amérique tropicale, a été trouvé aussi à Manille (Benth., Prodr., XII, p. 106). Je ne le possède que d'Amérique, La rareté extrême, partout ailleurs, montre qu'il y a eu une introduction locale à Manille. Le calice n'est pas épineux. Voyez page 784. Hyptis spicata, Poit. — (1) — Est dans le même cas (Benth., &b., p. 121); son calice est scabre, non épineux: sa présence en Asie dans un seul point, où il y a beaucoup d'espèces introduites, est suspecte. Voyez d’ailleurs page 784. Hyptis suaveolens, Poit. — /;, — Commun en Amérique, à été trouvé aussi à Java (Zoll., 2241 !)}, aux Moluques, aux Philippines et dans l'Inde (Benth., Prodr., XI, p. 126). Le calice est poilu ; de plus, entre les poils, on voit une matière suintée qui donne probablement la bonne odeur de l'espèce. Il faut remarquer que c'est une plante officinale, cultivée comme substitut de la mélisse. Par conséquent, il est possible qu'elle se soit échappée des jardins de Java, Manille, etc. Voyez page 784, les probabilités d'origine de tous les Hyptis. Gomphrena glohosa, EL. — (1) — Spontané maintenant dans quelques points de l'Amérique méridionale et de l'Asie méridionale. Étant, en outre, géné- ralement cultivée ; ayant des graines nombreuses, dures, lisses, et qui germent avec une grande facilité dans les sables humides et près des terrains cultivés, il n'est pas probable que cette plante soit originaire de deux continents. Elle a plutôt été transportée par l'homme, En partant de cette hypothèse, l'origine de l'espèce est un problème assez délicat. Les indices botaniques sont en faveur de l'origine américaine. En effet, il y a 78 Gomphrena bien connus ({Prodr., XIE, part. 11, p. 383), dont 75 américains et 3 de la Nouvelle-Hollande. Je regarde le Gomphrena hispida, L., fondé sur une mauvaise planche de Rheede, comme très douteux, ainsi que le Gompbhrena cylindrica, Schum., dont M. Moquin n'a pas eu d'échantillons et dont le Flora Nigritiana ne parle pas. Le Gomphrena hispida, de l'Inde, paraït tout aussi bien une Verbénacée ou une Composée qu'un Gomphrena. Ainsi, il est peu probable qu'un vrai Gomphrena se trouve ou en Asie, ou en Afrique. Les indices topographiques (slations, localités) sont douteux. 790 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, Rheede (Malab., X,t. 37), un des premiers auteurs qui aient parlé de l'espèce (en 1689), dit : « Crescit in arenosis, » et il n'ajoute pas même qu'elle fut cultivée au Malabar. Roxburgh, cependant, n'a jamais vu la plante dans l'Inde que cultivée (FL. Ind., 2° édit., v. II, p. 63). Loureiro (FI. Coch., I, p. 218) dit également: « Passim culla in Cochinchina et China. » Moon (Cat., p. 21) l'indique comme spontanée à Ceylan. Rumphius, en 1750, dit : « Zn Amboina quondam exotiea fuit planta, ex Java delata, nunc autem satis multiplicata est in hortis. » (Herb. Amb., V,p. 290, tab. 100, f. 2.) Or, à Java, elle est seulement cultivée (Blume, Bijdr., p. 548 ; Zoll., herb. et Verz., p. 73). Spanoghe l'indique à Timor : « /n hortis cultis » (Linnœæa, 1841, p. 346); et Thunberg, au Japon « « Crescit hine inde sæpe culta in ollis» (FL Jap.,p. 114). D'autres auteurs citent la plante aux îles de la Société, en Chine, etc., mais n'affirment pas qu'elle füt spontanée. Elle l'était à la Jamaïque, en 1789; mais autour de la ville de Savannah, et Browne doute de l'origine de l'espèce (Jam., p. 184). Aublet ne dit pas si la plante était spontanée ou cultivée à la Guyane. Mais le fait le plus significatif est l'observation de M. de Martius {Beitr. Amar., p. 90) : « Quoique l’on regarde cette plante comme de l'Inde orientale, je dois dire que je l'ai trouvée dans les parties intérieures, au fond de la province de Rio-Negro, au bord du Japura. Si elle a été introduite dans cet endroit, ce ne peut être qu'avec la nourriture des poules que les Portugais amènent dans leurs canots. » Ainsi, dans l'intérieur du Brésil (où il y a tant de Gomphrena), et peut-être au Malabar et à Ceylan, l'espèce parait spontanée. J'ajouterai que la variété blanche {y Moq., L. c.)est bien spontanée au Mexique (Moq., !. c., herb. DC.!). Les arguments historiques sont que les Européens ont reçu la plante de l'Inde, car Breynius (Cent. I, t. 54), en 4677, l'appelait Amarantho affinis Indiæ orientalis, de même Commelyn (Hort., I, t. 85), etils en ont parlé les premiers. On ne cite aucun synonyme des anciens ouvrages sur l'Amérique, tels que Sloane, Hernandez, Piso ; tandis que Rheede et Rumphius n'ont pas manqué d'en parler; enfin, les arguments lin- quistiques sont assez confus dans le cas actuel. Roxburgh attribue à la plante un nom sanserit, Amlana, que Piddington (/ndex, p. 40) écrit Umlana. Ceci indi- querait une ancienne culture dans l'Inde : mais quoique l'espèce soit assez remar- quable, on pourrait bien l'avoir confondue avec des Celosia, Achyranthes, ou quelque autre plante à fleur persistante. Je dois dire cependant que les noms sanscrits offrent d'ordinaire une grande précision. Il y a aussi des noms vulgaires dans les langues modernes de l'Inde, de Ceylan, du Japon. Peut-être sont-ils sim- plement tirés de l'aspect et de la nature de la fleur, comme les noms usités par les Européens, Perpetuas, soit Immortelle aux Philippines (Blanco, FL), Immor - telle à l'île Maurice (Bojer), Bouton de bachelier à la Jamaïque (Browne). En résumé, les indices botaniques et topographiques sont pour l'origine américaine; les indices historiques et linguistiques pour l'origine asiatique. Je penche pour les premiers. Pisonia aculeata, EL. — > — 1° En Amérique, des Antilles au Brésil (Choisy, in Prodr., XHIF, part. 1, p. #40); 2 dans l'Inde (Roxb., F1. Ind., 2e édit., p. 217), où il affirme l'identité ; à Timor (Decaisne, Herb. Tim., p. 45 ; Choisy, L. c.), aux Moluques, Philippines (Choisy, #b.). A l'ile Maurice, il n'est que naturalisé (Bojer, #. Maur., p. 265), et je ne les vois pas indiqués ailleurs en Afrique. Cet arbuste croît dans les fourrés, sur les côtes. Ses fruits portent des glandes crochues et gluantes, par lesquelles ils s'attachent aux corps étrangers, NATURALISATION À GRANDE DISTANCE, 791 Les plumes des oiseaux en sont quelquefois tellement garnies, qu'ils ne peuvent plus voler (Sloane, Jam., Il, p. 25). Les épines sont aussi un moyen par lequel des branches peuvent adhérer, et se trouver transportées avec les fruits sur des vaisseaux. Je regarde le transport comme très probable. Ce qui m'étonne, c'est de ne pas trouver l'espèce citée en Afrique et sur la côte occidentale d'Amérique. Elle paraît plus commune en Asie qu'en Amérique (comparez Roxb., L. e., avec Swartz., où l'espèce n'est pas indiquée), Elle a des noms vulgaires dans l'Inde, et s'il n'y en a pas en sanscrit, ce n'est pas étonnant, puisque l'espèce habita les parties méridionales de l'Inde. Les autres Pisonia sont, ou d'Amérique, ou d'Asie, et deux d'entre eux de l'île Maurice. La probabilité pour l'espèce actuelle est un peu en faveur de l'origine asiatique, et d'un transport, déjà ancien, par adhérence à des ballots, etc. Mirabilis Jalapa, L. — Z — 1° En Amérique, spontanée au Mexique (Her- nand., Thes. ann., 1651, p. 279; Berland.! h. DC.), à la Jamaïque (Sloane, I, P. 244), aux Barbades (Maycock, FL), et probablement sur une grande partie du continent de l'Amérique méridionale ; mais je n'en possède pas d'échantillons, et la plante étant souvent cultivée, il est difficile de savoir où elle est spontanée. Elle n'est pas indiquée dans Humb. et B., ni dans les plantes du Pérou, de Meyen (Act. nat. cur., XXI), ni aux Galapagos {Hook. f., Trans. Soc. Linn., XX, part. 1). Malgré le nom de Merveille du Pérou, donné par les Espagnols, à l'époque de l'introduction de la plante, je doute qu'elle fût originaire de ce pays ; elle semble plutôt du Mexique ; 2° en Asie, dans le Malabar (Rheede, X, tab. 75, où il ne dit passi elle est spontanée ou cultivée) , à Ceylan, spontanée (Moon, Cut., p. 45), Amboine dans les jardins et ad arearum oras (Rumph., 1. VITE, p. 41), en Cochinchine {Lour., 1, p.123), Chine (id.; Voy. Beechey), au Japon (Thunb., Kæmpf., cité par lui), à Java, in apricis el in hortis(Blume, Bijdr., p. 732), cultivée à Timor (Span., Linnœæa, 1841, p. 342). Je crains une erreur dans Piddington (Index, p. 57), où se trouvent indiqués un nom sanscrit et divers noms indiens pour le Mirabilis Jalapa, qui n’est pas dans Roxburgh (F1. Ind., 4° et 2° édit.), ni dans Wall. (List.), ni dans Ainslies (Wat. med. Ind.). Dans le nord de l'Inde, pays du sanscrit, le Mirabilis n'aurait pu se trouver que cultivé, à cause du froid. En résumé, l'espèce est aujourd'hui, et depuis deux siècles au moins, cul- tivée et spontanée en Amérique et en Asie. Elle est rarement en Afrique ; cepen- dant elle commence à se naturaliser à l'ile Maurice par l'effet des cultures (Bojer, H. Maur.). Comme les cinq espèces du genre sont toutes spontanées en Amérique, je soupçonne celle-ci d'être naturalisée en Asie, par suite d'une culture générale et d'une reproduction facile. Gardner le pensait pour l'ile de Ceylan (Journ. hor- tic. Soc., IV, p. 40). Mirabilis dichotoma, L.— 2% — Espèce d'Amérique (Choisy, Prodr., XIIT, part. 11, p. 428), souvent confondue avec le Mirabilis Jalapa, souvent cul- tivée avec elle. J'en ai vu des échantillons de Taïti et de Pulo-Pinang, deux loca- lités où il y a des jardins. Étaient-ils spontanés ? La nécessité de prouver ou de discuter les faits m’a obligé d’entrer dans beaucoup de détails sur ces espèces communes aux régions intertropicales. Je vais résumer en un tableau le résultat de mes recherches. Les espèces seront classées maintenant selon leur origine probable, 792 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. RÉCAPITULATION DES ESPÈCES INTERTROPICALES NATURALISÉES DE L'ANCIEN DANS LE NOUVEAU MONDE, OU VICE VERSA, AVEC LEUR ORIGINE PROBABLE ET LE MODE PROBABLE DE TRANSPORT (a). A. Espèces d'origine probablement américaine. 1° Naturalisées en Afrique seulement. Sida carpinifolia, L. f. — 3% — Avec le lest ou les marchandises. Urena americana, L. — 4 — Par adhérence. Triumfetta rhomboiïdea, Jacq. — 3 —Par adhérence. Drepanocarpus lunatus, Mey. — 3 — Courant de l’Atlantique. Ecastaphyllum Brownei, Pers. — 3 — Courant de l'Atlantique. Mucuna urens, DC. — ; — Courant de l'Atlantique. Schranckia leptocarpa, DC. — 2% — Par adhérence. Cassia obtusifolia, L. — 4) — Suite de culture. Chrysobalanus Icaco, L. — 3 — Courant de l'Atlantique ou semis. Bidens leucantha, Willd. — 4) -— Par adhérence. Schwenkia americana, L. — (D — Par les cultures. Capraria biflora, L. — % 5. — Culture. Hyptis atrorubens, Poit. — % — Par adhérence. Hyptis obtusifolia, Br. — Transport accidentel par l’homme. : Chenopodium fætidum, Schrad. — (D — Avec des graines potagères. Telanthera maritima, Moq. — Courant de l’Atlantique ou lest des vaisseaux. Alternanthera Achyrantha, Br. — % — Courant de l'Atlantique ou lest des vaisseaux. Iresine vermicularis, Moq. — % — Courant de l'Atlantique ou lest des vaisseaux. fresine aggregata, Moq. — 2% — Courant de l'Atlantique ou lest des vaisseaux. Boerhaavia paniculata, Rich. — % — Adhérence. Remirea maritima, Aubl, — % — Courant de l'Atlantique ou lest des vaisseaux. 20 En Asie seulement. Tribulus cistoides, L. — 2% — Par adhérence. Tephrosia piscatoria, Pers. — 3 — Courants. (a) J'indique seulement les espèces qu'on a pu croire indigènes, et qui probablement sont d'origine étrangère, non celles qu'on dit échappées des jardins, plus récemment, d'une manière toute locale, par exemple à l'île Maurice (Bojer, Æ. maur.), à Ceylan (Moon, Cat.; Gardner, Journ, hort. Soc,, LV, p. 40), ete. NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 793 Asclepias curassavica, L. — Culture. Hyptis capitata, Jacq. — Culture ou transport accidentel par l’homme. Gomphrena globosa, L. — (1 — Culture. Mirabilis Jalapa, L. — % — Culture. Mirabilis dichotoma, L. — % — Culture. 3° En Afrique et en Asie. Argemone mexicana, L. — à — Avec le lest ou les marchandises. Hibiscus esculentus, L. — {) — Culture. Hibiscus tiliaceus, L. — 5 — Courants. Crotalaria incana, L. — (4) — Adhérence ou par les vaisseaux. Acacia Farnesiana, Wild. — 5; — Courants ou culture. Parkinsonia aculeata, L. — 5 — Culture. Rhizophora Mangle, L. — 5 — Courants. Ageratum conyzoides, L. — G) — Mélange avec des graines ou mar- chandises, lest. Bidens pilosa, L. — (1) — Adhérence. Vinca rosea, L. — 5 — Culture. Batatas pentaphylla, Choisy. -— (1) — Culture ou courants. Hyptis pectinata, Poit. — (1) — Adhérence des fruits. Hyptis brevipes, Poit. — 4) —- Lest des vaisseaux, mélange avec des graines ou marchandises. Hypüis spicigera, Lam.— 1) — Adhérence ou mélange avec des graine ou marchandises, etc. Chenopodium ambrosioides, L. — &) — Culture ou mélange de graines avec des marchandises, etc. Amarantus spinosus, L. — @)— Adhérence ou transport par mélange avec le lest, etc. Euxolus caudatus, Moq. — ( — Mélange accidentel avec le lest ou diverses marchandises. Cenchrus echinatus, L. — (1 — Adhérence. = B. Espèces originaires probablement de l’ancien monde, naturalisées en Amérique. 1° Venant originairement d'Afrique, selon les probabilités. Sida spinosa, L. — 5 &) — Par adhérence. Desmodium triflorum, DC. — % — Adhérence, mélange avec les graines potagères, etc. 794 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES, Leucas martinicensis, Br. — (1) — Adhérence. Leonotis nepetæfolia, Br. — «) — Adhérence, Euxolus viridis, Moq. — à) — Mélange avec le lest, les marchandises. Achyranthes fruticosa, Lam. — 5 — Adhérence ou mélange avec des marchandises, le lest, etc. Achyranthes argentea, var. virgata. — 3 — Adhérence, ou mélange avec des marchandises, le lest, ete. Dactyloctenium mucronatum , Willd. — @ — Mélange avec le lest, des marchandises, etc. (Toutes ces espèces se trouvent aussi en Asie.) 2° Venant originairement d'Asie, selon les probabilités. a. Manquant à l'Afrique. Poinciana pulcherrima, L. — ; — Culture. Ipomæa pes-tigridis, L. — ( — Culture. Quamoclit vulgaris, Choisy. — @ — Culture. Pisonia aculeata, L. — 5 — Adhérence. b. Existant aussi en Afrique. » Cleome pentaphylla, L. — &— Mélange de graines avec des marchan- dises ou lest, culture. Sida cordifolia, L. — 3 — Adhérence. Guilandina Bondue, L. — 5 — Courants. Abrus precatorius, L. — 3 — Courants ou culture. Clitoria Ternatea, L, — % — Culture. Crotalaria verrucosa, — & — Mélange de graines avec le lest ou des marchandises. Heliophytum indicum, DC. — @— Mélange de graines avec le lest ou avec des graines potagères, etc. Alternanthera sessilis, Br. — (n — Mélanges de graines avec le lest, les marchandises. Achyranthes aspera, L. — ; — Adhérence. Phyllanthus Niruri, L. — (5) — Culture. 3° Originaires ou d'Asie ou d'Afrique, sans qu'on puisse le deviner. Urena lobata, L. — % -— Adhérence. Sida stipulata, Cav, — à — Adhérence, DS | © NATURALISATION À GRANDE DISTANCE, Cassia fistula, L. — Culture. Crotalaria retusa, L. — &) @ — Mélange de graines avec le lest, les marchandises. Sphenoclea Pongatium, DC. — & — Mélange de graines avec le lest, les graines potagères, etc. Seævola Lobelia, L. — 3 — Courants ou mélange avec le lest. Batatas paniculata, Choisy. — 2% — Courants ou cultures. Ipomæa pes-capræ, Br. — %Z — Courants. Cyathula prostrata, Blum. — % — Adhérence ou lest. C. Espèces transportées de l’ancien dans le nouveau monde, ou vice versa, Mais d'origine douteuse. 1° Communes à l'Afrique seulement et à l'Amérique, par conséquent originaires de l’une des deux et non d'Asie. Sida rhombifolia, L. — 5 — Adhérence. Triumfetta Lappula, L. — ; — Adhérence. Mimosa asperata, L. — ; — Adhérence. Desmodium incanum, DC. — 5 — Adhérence. Desmodium tortuvsum, DC. — 3 — Adhérence. Chenopodium fœtidum, Schrad. — 4 — Mélange de graines avec le lest, les marchandises. Telanthera frutescens, L.— % —Courants ou mélange avec le lest, etc. Commelyna agraria. — Mélange avec des graines potagères. Spirolobus virginicus, Kunth. — % -— Courants ou lest, mélange avec des marchandises. Poa ciliaris, L. — @ — Mélange de graines dans les cultures. Stenotaphrum americanum, Schranck. — % — Courants ou lest, mé- lange avec des marchandises. 20 Communes à l'Asie seulement et à l'Amérique. Aucune espèce. 3° Communes à l'Asie, l'Afrique et l’ Amérique, et non originaires d'Asie. Zornia diphylla, var. glochidiata, Benth. — %) — Adhérence. Cassia occidentalis, L. — @) — Culture. 4° Communes à l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, sans indice sur l'origine. Mollugo nudicaulis G. — (4) — Mélange de graines avec le lest, les graines potagères, ete, 796 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Canavalia obtusifolia. —- 5 — Courants. ‘Jpomæa tubereulata, Roem. et Sch. — % — Culture. Euxolus viridis, Moq. — 4) — Avec le lest, les graines potagères. Eleusine indica, Gærtn. — 4) — Mélange de graines avec. le lest, les graines potagères, elc. La vue de ce tableau fait naître les réflexions suivantes : 40 L'ancien monde a reçu plus d'espèces du nouveau monde que celui-ci de l’ancien. On pouvait le deviner, à priori, car les courants les plus actifs et les plus réguliers entre les tropiques marchent de l'Amérique vers l'Afrique, et de l'Amérique vers les îles du grand Océan. Trois plantes seulement m'ont paru être sorties de l’ancien monde par leffet des cou- rants, et elles existent toutes les trois en Afrique. On peut augurer de là qu’elles ont été portées en Amérique par le courant qui, de Benguela, va se répandre en éventail, et, par une marche assez lente, sur le Brésil d’un côté et les Antilles de l’autre. Parmi les espèces originaires d'Amérique, il yen a quatre fois plus qui paraissent avoir été transportées par les courants. Cette cause étant plus active dans un sens que dans l'autre, explique à elle seule pourquoi l’ancien monde s’est enrichi plus que le nouveau par l'effet des naturalisations entre les tropiques. \ 20 Néanmoins le chiffre des espèces naturalisées, soit dans l’ancien, soit dans le nouveau monde, est une quantité insignifiante eu égard aux Flores d’une richesse si extraordinaire des régions tropicales, et lors même qu’on augmenterait la liste par de nouvelles découvertes ou en ajoutaïit plusieurs des espèces indiquées dans l’article 6 du chapitre X (Espèces disjotnles), ce serait toujours une fraction minime de la végétation de chaque con- tinent,. 3° Avant l’intérvention de l’homme, le mélange dés espèces entre l’an- cien et le nouveau monde était presque nul dans la région tropicale. En effet, la majorité des espèces naturalisées parait avoir été apportée par l’homme, soit volontairement, soit plutôt involontairement. Il y à tout au plus quinze à vingt espèces qu'on puisse croire apportées par la mer; et dans le nombre quelques-unes peuvent être récentes, tandis que d'au- tres peuvent, avec autant de probabilité, avoir été apportées par l'homme. Ce résultat indique une séparation entre l'Amérique et l'ancien monde plus ancienne que l'existence mème des espèces actuelles, et fait croire qu'il n'a jamais existé, depuis ces espèces, de grandes îles ou des archipels intermédiaires. I semble aussi que les courants, il y a quelques milliers d'années, n'étaient pas plus actifs que de nos jours. h° Les transports les plus nombreux ont été, comme on pouvait s’y NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 797 attendre, d'Amérique à la côte d'Afrique. Le grand courant de l'Atlantique et la traite des nègres ont déterminé ce résultat. Les espèces échappées d'Amérique par la côte occidentale s'élèvent au plus à une dizaine, et ordi- nairement c’est l’homme qui les a portées avec lui et non les courants. 5° L'action de l’homme sur le transport des espèces intertropicales a été jusqu’à présent involontaire plutôt que volontaire. Elle a eu lieu presque toujours par suite d'accidents qui jetaient de petites graines, communes sur le littoral ou près des habitations, dans le lest des vaisseaux, parmi des graines alimentaires ou potagères, ou dans des provisions de diverse na- ture. Souvent aussi les espèces munies sur leurs fruits ou leurs graines de poils erochus, de dents recourbées ou très pointues, ou de matières vis- queuses, ont été transportées par adhérence aux vêtements el aux ballots de marchandises. À voir la rareté des espèces munies de ces moyens d’ad- hérence dans le règne végétal, et leur abondance parmi les plantes qu’on croit naturalisées, on ne peut douter que ce moyen de transport n'ait été un des plus réels. 6°'Les plantes transportées sont tellement de la nature de celles qui se répandent aisément, que la majorité d’entre elles, après avoir gagné le nouveau ou l’ancien monde, s’y sont propagées sur une étendue considé= rable. Celles d'Amérique se trouvent en majorité à la fois en Afrique et en Asie. Celles de l’ancien monde sont ordinairement asiatico-africaines, et elles l’étaient peut-être avant de passer en Amérique. 7° Comme dans les régions tempérées, ce sont les espèces du littoral et celles qui répandent beaucoup de graines dans les décombres, les jardins ou les champs cultivés, qui ont été le plus souvent transportées. Viennent ensuite les plantes cultivées comme ornement ou à titre de plantes offici- nales ou économiques; mais leur proportion n’est pas grande, évidemment à cause du petit nombre des jardins et du faible développement de la civi- lisation dans ces contrées. Les espèces des forêts et les plantes submergées dans l’eau douce ne présentent jamais d'indices d’une origine étran- gère. 8° Quelques familles sont fortement représentées dans la liste. Ce sont les Malvacées, Tiliacées, Légumineuses, Convolvulacées, Labiées, Amaran- tacées, Nyctaginacées. Les unes ont des graines qui conservent longtemps leur faculté de germer et peuvent flotter dans les courants ( Malvacées, Légumineuses, Convolvulacées ) ; d’autres ont souvent des fruits ou graines munies de pointes, de crochets ou d’enduits visqueux (Tiliacées, Labiées, Nyctaginacées); plusieurs, on peut même dire la plupart, sont fortement représentées sur les côtes et dans les terrains légers des plantations. 9° La plupart des espèces sont annuelles ou ligneuses. Les premières 798 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. se trouvent surtout dans les terrains cultivés. Les autres abondent dans les broussailles du bord de la mer. On sait du reste que, dans les pays chauds, la plupart des espèces qui durent plus d’un an, et même quelque- fois des espèces annuelles, deviennent ligneuses. ARTICLE ; NI. EXEMPLES DE NATURALISATIONS MANQUÉES. Je viens de citer !des exemples certains de naturalisation; j'aurais pu en indiquer un plus grand nombre. Il faut cependant reconnaître que les cas d’une nature opposée sont nombreux aussi, et plus nombreux peut-être. Quand on pense à la multitude des jardins, par exemple en Europe; quand on compte surtout les jardins botaniques, où l’on cultive, en pleine terre, des milliers d'espèces de tous les pays et de toutes les familles, on est surpris qu'il ne s'échappe pas un plus grand nombre de plantes qui se naturalisent en rase campagne, ou au moins près des villes. Le vent doit disperser les graines; on emporte des déblais hors des en- droits cultivés; on distribue et l’on exporte des graines, souvent mélangées ; il faut done, d’après le peu d'espèces qui se naturalisent, que les obstacles dont j'ai parlé ci-dessus (art. IL, $ 2) soient bien puissants. Il faut même que, pour une graine introduisant une espèce nouvelle dans un pays, des millions d’autres graines périssent annuellement ou ne laissent qu'un pro- duit chétif qui s'éteint au bout d’une ou deux générations! Il est curieux de réfléchir au nombre de plantes qui se multiplient spon- tanément dans les jardins botaniques et y deviennent en quelque sorte des mauvaises herbes, sans cependant sortir de l'enceinte de l'établissement. J'ai vu, par‘exemple, dans le jardin botanique de Genève le 1 Navarretia heterophylla, Benth., plante annuelle de Californie, et le Collomia grandi- flora, du même pays, se semer d’elles-mêmes dans les plates-bandes, avee la même constance pendant dix où quinze ans, sans se répandre en dehors dans le pays. On a essayé souvent de naturaliser des plantes, et presque toujours on a échoué. Combien n’a-t-on pas répandu de graines à dessein dans le bois de Boulogne et ailleurs près de Paris. Qu'en est-il résulté? Bien peu de chose au dire de tous les botanistes. Le Potentilla pensylyanica est le résultat le mieux constaté. Près de Genève, autour du village de Bernex, un de mes amis 4 jeté EXEMPLES DE NATURALISATIONS MANQUÉES. 799 dans la campagne, il y a quinze ou dix-huit ans, les graines de plusieurs centaines d'espèces recueillies au jardin botanique ; personne n’en a vu aucun eflet. M. Gosse, le fondateur de læ Société helvétique des sciences naturelles, retiré dans son hermitage de Mornex, sur Salève, avait soin de cultiver des plantes de montagnes pour les naturaliser autour de lui. L'expérience à duré longtemps, et la Flore de Mornex ne parait pas avoir changé le moins du monde. « Boissier de Sauvages, dit son neveu, M. d’Hombres-Firmas (Opuse., 1848, IT, p. 373), lorsqu'il venait visiter ses frères et son pays, portait toujours des paquets de graines et de plantes qu'il croyait utile ou curieux de propager; il les mettait dans les bois, dans les prairies, au bord des fontaines à Sauvages, où plusieurs se sont naturalisées depuis plus d’un siècle (a). L’intempérie des saisons en a fait périr cependant une bonne partie. M. le docteur Dumalet et l'abbé Desroches, botanistes de ce pays, m'ont dit avoir trouvé jadis, au quartier de la Combe-Mousseuse particu- lièrement, des plantes exotiques importées par mon grand oncle; je les ai vainement cherchées quand je commencçais à faire un herbier. » M. d'Hom- bres cite quelques espèces, mais elles existent aussi sur les montagnes de la Lozère, non loin des Cévennes, et elles peuvent par conséquent venir d’une autre origine que les semis de Sauvages. On voit que si M. d'Hombres croit volontiers à des résultats positifs, il n’en cite aucun de probant et il assure même que la plupart des plantes semées avaient disparu. M. d'Hombres (p. 372) parait croire que les plantes de montagnes qu'on trouve dans les Cévennes à l'endroit appelé Ort de Diou (Hortus Dei) viennent en partie de naturalisation faites par les professeurs de Montpel- lier. Il indique cependant lui-même un auteur du pays (Rouger, l'opogr. du Vigun) d’après lequel les prêtresses d’Isis venaient jadis de Nimes cueillir des simples à l'Ort de Diou. Je vois aussi que Gouan (Herbor., p. 201) ne donne pas aux plantes de cette localité une origine étrangère artificielle. Les essais de naturalisation ont été nombreux et persévérants autour de Montpellier. Nissole avait commencé. Plus tard Gouan en fit beaucoup ; il les raconte dans son ouvrage intitulé : Herborisations aux environs de Montpellier, p.IX et 226. On voit dans ce livre que Gouan lui-même et un autre botaniste du pays, Amoreux, avaient semé intentionnellement PS (a) Je possède l’exemplaire du Species de Linné, ayant appartenu à Boissier de Sau- vages. On y voit de sa main beaucoup de notes sur des caractères ou des localités, mais je n’ai rien trouvé sur ce sujet. 51 800 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. ou planté des centaines d'espèces dans diverses localités qu'ils indiquent exactement. Gouan donne sa liste des noms d'espèces. Amoreux avait dé- posé la sienne dans les registres de la Société des sciences de Montpellier. Les essais datent de 1767 à 1771; or je ctois pouvoir dire qu'à l’époque où mon père résidait à Montpellier, en 1810-16, on n’en voyait plus guère de traces (a). M. Moquin-Tandon, en 1827, à semé beaucoup de graines dans les localités les plus connues des environs de Montpellier, à Gramont, Lavalette, Fonfrède, aux prés d’Arènes, au port Juvénal; pas une seule, me dit-il dans une lettre récente, n’a voulu se naturaliser. MM. Delile et Dunal m'ont cité quelques espèces qu'on croit naturalisées à Montpellier, parce que Magnol n’en parlait pas et qu’elles sont cependant fort apparentes (b). Je ne trouve aucunede ces espèces dans la liste de Gouan. Peut-être sont-elles dans la liste inédite d’Amoreux; mais je crois plutôt que ces plantes, toutes originaires de la région méditerranéenne, se sont propagées de proche en proche, ou se sont échappées des jardins, ou encore ont été transportées par les mille moyens qui agissent depuis des siècles sur les côtes de la mer Méditerranée. M. Targioni-Tozzetti a souvent répandu des graines de jar- dins autour de Florence, d’après ce que m'a appris M. Moricand. Le ré- sultat a été le même qu’à Montpellier, c’est-à-dire nul ou très douteux, au point que les botanistes n’en parlent plus. On mentionne aussi à Florence des espèces naturalisées depuis l’époque de Micheli, mais ce sont des plantes du bassin de la Méditerranée, et rien ne prouve qu’elles ne se soient pas répandues de proche en proche, ou par les divers moyens qui naturali- sent les plantes de pays rapprochés, indépendamment des semis des bota- nistes. Les essais de naturalisation manquent donc très souvent en Europe. 1 n’en est probablement pas de même dans les pays nouvellement colonisés. Là on apporte des plantes qui n’ont pas été essayées et qui viennent ordi- nairement de régions fort éloignées , à l'égard desquelles il ne manquait, on peut le dire, que des moyens de transport pour se répandre. Les plantes que Gouan et Amoreux jetaient avec profusion autour de Montpel- lier avaient toutes été cultivées dans le jardin botanique, et se seraïent peut-être naturalisées d’elles-mêmes si elles en avaient été susceptibles. Dans un pays neuf, aucune chance pareille d'exclusion n'existe. Du reste, il est possible qu’en Europe , surtout dans le midi, on püût obtenir de meilleurs résultats en choisissant mieux les espèces et en répandant les graines (a) Un manuscrit de mon père, rédigé de 1815 à 1820, porte que sur plus de 800 es- pèces, toutes susceptibles de vivre en plein air à Montpellier, que Gouan avait semées dans la campagne, on pouvait à peine en citer une seule qui se fût naturalisée à demeure. (b) Ce sont les Tulipa oculus-solis, Anemone coronaria, Xanthium spinosum, Onopor- donum virens, et Hypericum crispum, DE L'ENSEMBLE DES FAITS DE NATURALISATION. 801 autrement. [ faudrait penser aux plantes de pays analogues à celui où Pon essaie. Ainsi des espèces de Sibérie auraient bonne chance en Suisse; des plantes du Chili et de la Californie, en Espagne, dans le midi de la France ; des plantes du nord-ouest de l'Amérique, en Angleterre, etc. De même aux États-Unis des plantes du Japon se naturaliseraient aisément, et aù Cap, des plantes de la Nouvelle-Hollande. En fout pays les espèces aquatiques et celles des lieux humides ont de bonnes chances, de même que les plantes des dévombres et celles des terrains cultivés. Les espèces à grande habita- tion doivent mieux réussir. Enfin la manière de semer doit faire beaucoup. On à plus de chances favorables en répandant une seule année une grande quantité de graines dans une seule localité bien choisie, qu’en semant d'année en année et dans plusieurs endroits différents. Par le procédé que j'indique on met l’espèce nouvelle un peu plus dans là condition des an- ciennes, d’avoir beaucoup d'individus et beaucoup de graines, en état de lut- ter contre les espèces envahissantes et contre les accidents de toute nature, ARTICLE VIT DE L'ENSEMBLE DES FAITS DE NATURALISATION. Je viens d’énumérer des faits de naturalisation bien constatés et des ten- tatives qui ont échoué. Chacun peut apprécier par là le degré de probabi- lité et d'importance des transports de graines, et la valeur des obstacles qui s'opposent à l'introduction de nouvelles espèces dans une région. Ce n’est plus par théorie, c'est par l’expérience qu'on peut maintenant en parler. A l'occasion de chaque pays pris pour exemple, j’ai indiqué les résultats fondés sur une ohservation de deux ou trois siècles: ils sont souvent identiques d’un pays à l’autre. Cela m'engage à faire ressortir quelques faits généraux, qui sont, pour ainsi dire, les lois du phénomène. L'action directe ou indirecte de l’homme est, de tous les moyens de transport, le plus actif, depuis plusieurs siècles. Le commerce des graines pour l’agriculture et Pexistence des jardins botaniques sont les deux causes qui produisent le plus de naturalisations. Viennent ensuite les transports involontaires avec le lest des vaisseaux, les marchandises, etc., les plantations faites avec intention de naturaliser, et d’autres modes d’action de l’homme. Les causes naturelles (le vent, les rivières, les courants, les glaces flottantes, les oiseaux et animäux sauvages) n’ont amené nulle part des naturalisations d'espèces, constatées par une observation directe, à moins que ce ne soit sut une férre continue. Au travers d’un bras dé mer corame 802 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. la Manche, et à plus forte raison, au travers d’un Océan, ces causes de transport ont été ou nulles, ou sans effet, depuis que l’homme observe. Dans les pays intertropicaux, les courants semblent avoir introduit quel- ques espèces, mais on en est réduit sur ce point à des conjectures plus ou moins probables. Ainsi, plus on remonte la chaîne des temps, plus les naturalisations devaient être rares. Avant l'apparition de l’espèce humaine dans un pays, elles étaient excessivement rares. Les différentes Flores ont eu alors une époque de vie locale, presque sans mélange d’un continent à l’autre et d'une île à une terre voisine. Cependant, à une époque beaucoup plus reculée, les conditions physiques et géographiques étant différentes, cer- taines causes de transport auraient eu plus d'importance, et des causes maintenant insignifiantes ont pu jouer un grand rôle. L'activité humaine étant aujourd’hui la cause prépondérante, les natura- lisations sont d'autant plus nombreuses dans un pays que la population y est plus grande, plus civilisée, et que les rapports avec l'étranger y sont plus nombreux. Cependant, les pays septentrionaux présentent des obstacles d'autant plus grands à l’introduction des espèces que l’on avance plus vers le nord. Les naturalisations sont d'autant plus faciles que le cli- mat est plus favorable à la vie des plantes en général. Actuellement, les régions tempérées ont échangé entre elles plus d'espèces que les régions chaudes, parce que le commerce et l’agriculture y sont plus actifs; mais, selon les probabilités, les pays équatoriaux finiront par être modifiés, plus que tous les autres, par l'introduction d'espèces nouvelles. Le maximum d’effet produit a été, en Amérique, dans la zone qui s'étend des Florides au Canada, entre l'Atlantique et le Mississipi. Cette région a vu s'ajouter 184 espèces à sa Flore depuis 230 ans. Si la marche con- tinue ainsi pendant quelques siècles, le phénomène sera vraiment remar- quable. À raison de 80 espèces par siècle, au bout de mille ans, ce serait S00 espèces, c’est-à-dire environ le tiers du nombre des plantes abori- gènes. L'hypothèse n’est pas forcée, parce que les États-Unis, jusqu'à pré- sent, n'ont reçu qu'une partie des plantes d'Europe disposées à se natura- liser et un nombre insignifiant de plantes d'Asie, d'Afrique ou de l'hémisphère austral. Les progrès de la navigation et l'augmentation du nombre des jardins, amèneront, sans doute, à l'avenir, plus d'espèces de ces contrées, à défaut de plantes d'Europe. D'un autre côté, il y a proba- blement une limite venant de ce que toutes les espèces ne sont pas propres à s'établir, même dans les pays les plus semblables à celui de leur origine. En effet, de grandes catégories de végétaux phanérogames ont une peine COMPARAISON DES NATURALISATIONS ET L’AIRE MOYENNE LES ESPÈCES. 803 infinie à se naturaliser. Telles sont les plantes ligneuses, surtout les grands arbres, les plantes de montagnes, celles des forêts, et la catégorie immense des espèces qui n’occupent sur leur continent d'origine qu’une aire très limitée. Il suffit que la majorité des plantes d’une famille entre dans l’une de ces catégories pour que les faits de naturalisation y soient rares ou même inconnus; ainsi, pour ne citer que des familles nombreuses, les Myrtacées, les Rubiacées, les Éricacées, les Asclépiadées, les Primulacées, Apocynacées , se naturalisent très rarement ; les Orchidacées, Melastoma- cées, Protéacées, Acanthacées, Gentianacées, Saxifragacées, Amentacées, Liliacées, ne présentent encore aucun fait certain de naturalisation. Je mentionnerai encore les Palmiers et les Conifères, dont l’importance n’est pas en proportion du nombre des espèces. Inversement, les plantes des terrains légers ou cultivés, des décombres, des bords de chemins ou des terrains vagues près des habitations, les plantes des lieux humides, même les plantes aquatiques, en général, celles appartenant à des familles où l’habitation des espèces est au-dessus de l’aire moyenne ; enfin, les espèces dont les graines se dispersent ou se transportent facilement, à cause de quelque circonstance particulière, comme les aigrettes ou les poils crochus, forment les catégories de plantes qui se naturalisent le plus aisément, En fait de familles importantes par leur nombre, ce sont les Gomposées, les Crucifères, les Carvophyllées, les Labiées, les Solanacées, les Borraginées, les Scrophulariacées, les Convol- vulacées, les Salsolacées, les Amarantacées, les Polygonacées, les Graminées. D’après ce qui précède, les flores qui changeront le plus par le fait des naturalisations, sont celles des pays chauds, humides, et qui offrent beau- coup de terrains propres à la culture. Elles s’enrichiront surtout de plantes annuelles et de certaines familles, telles que les Composées, Labiées, Sola- nacées, etc., dont je viens de parler. Elles gagneront en genres nouveaux plus qu’en espèces. La proportion des Dicotylédones augmentera. Toute- fois, en s’enrichissant de formes nouvelles, les plantes communes à divers pays devenant plus nombreuses, ces flores perdront plus ou moins de leur caractère d'originalité. ARTICLE VIII. COMPARAISON ENTRE LA FACILITÉ DES NATURALISATIONS ET L’AIRE MOYENNE DES ESPÈCES (a). Il est essentiel de remarquer certaines disparates entre l’aire moyenne des espèces et leur facilité à se naturaliser. À priori, on croirait que les plantes dont la naturalisation est facile sont celles qui ont l'aire moyenne (a) Voir p. 604 et 605, 804 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. Ja plus vaste, et viceversà. Cela arrivera un jour peut-être ; mais actuelle- ment, il n'en est pas ainsi, el l’on peut en tirer la conclusion que des causes antérieures dominent encore la distribution géographique des espèces. Les Composées, par exemple, une fois transportées sur un continent, $'y répandent avec facilité, mais elles ont une habitation moyenne peu étendue. Les Caryophyllées sont dans le même cas. La première de ces familles est douée d’aigrettes qui favorisent la dispersion , la seconde ren- contre partout des terrains légers qui conviennent à plusieurs de ses espèces ; l’une et l’autre avaient besoin pour se répandre qu'une cause nouvelle et puissante de transport leur fit franchir les mers, et cette cause à été l’homme, avec ses vaisseaux et ses cultures. Les plantes de montagnes, comme les (Gentianacées, Saxifragacées, Primulacées, offrent peu ou point de naturalisations, quoique leur aire moyenne soit grande, Il faut qu’à une époque plus ancienne, les circonstances leur aient été plus favorables, soit que les chaines de montagnes aient été moins sépa- rées, les plaines intermédiaires étant, par exemple, moins abaissées, soit que des moyens de transport aujourd’hui peu importants, les montagnes flottantes de glace ou tel autre, aient été jadis d’une importance beaucoup plus grande pour elles. Les plantes aquatiques ont une aire très vaste. Elles se naturalisent aisément, ais quand l’homme se plait à les transporter, car les causes naturelles de notre époque sont impuissantes à cet égard. Il faut, pour que les Nymphéacées, Potamogeton, Haloragis, Lentibulariées, ete., se soient largement répandues avant l’arrivée de l’homme, et sans sa volonté, que des causes spéciales, qui n'existent plus aujourd’hui, les aient dispersées jadis, ou qu’elles aient été formées primitivemeut en divers pays. J'en dirai autant des Joncées, des Cypéracées, des Plumbaginées, qui se trouvent répandues dans de vastes pays ou sur des côtes très éloignées, sans que de nos jours, même avec l'intervention de l'homme, des faits de naturalisation aient été constatés à leur égard, et sans offrir dans leurs graines une organisation très favorable aux transports, du moins en appa- rence. SECTION II. RETRAIT DES LIMITES D'ESPÈCES. Dans presque lous les pays où l’on a herborisé depuis longtemps on parle d'espèces qui deviennent rares, qui disparaissent même, au dire des hota- nistes, ou qui sont bien près de disparaître. S'il s’agit d'une flore peu RETRAIT DES LIMITES D'ESPÈCES. 805 étendue, des environs d’une ville, par exemple, on trouve aisément la cause de ces changements, car on connait l’histoire des localités, et presque tou- jours la diminution ou disparition d’une espèce tient à un changement déterminé par Phomme dans les stations propres à l’espèce. Quand il s’agit de pays plus étendus, les changements de fréquence et de nature physique sont plus difficiles à apprécier; mais les causes sont ordinairement les mêmes. Les plantes de marais deviennent rares, disparaissent quelquefois de certains districts, parce que les marais ont été desséchés ; les plantes de forêts, parce que les bois ont été coupés; les plantes de certaimes col- lines, parce qu'on a défriché, etc. Quelquefois aussi, dans les environs d’universités célèbres, l’avidité des collecteurs a fait disparaître les plantes rares de localités classiques. Ainsi, aux environs de Montpellier, l’indiscré- tion des botanistes, combinée avec les défrichements, excitait, vers la fin du siècle dernier, les doléances de Gouan (a), et depuis cette époque, le mal n'a fait qu'empirer. La destruction des forêts dans presque toute la région de la mer Méditerranée a été désastreuse sous ce point de vue. [l est impos- sible de ne pas croire que la flore du Péloponèse, celle des iles Baléares et de plusieurs provinces d’Espagne ont perdu graduellement des espèces, à mesure que le terrain devenait plus aride par la destruction incessante des forêts qui le protégeaient. Certaines catégories d'espèces étant expulsées successivement dans le voisinage de leur limite, par la destruction des stations qui leur sont néces- saires, il en résulte forcément le retrait de la limite générale. L’effet, néanmoins, doit être assez lent et moins fréquent qu'on ne le pense. Il est rare qu'on détruise la totalité des marais ou la totalité des forêts d’un pays. Presque toujours il reste des anses de rivière, des petits marais, de même que des ravins boisés, des bouquets épars, où les plantes aquatiques, les plantes de marais et les plantes forestières conservent une place. Elles deviennent rares, mais elles ne disparaissent pas facilement de tout un pays s’il a une étendue un peu considérable. J'aurais voulu étudier sur quelques Flores la disparition présumée des espèces, comme j’ai étudié l'introduction d'espèces nouvelles. Malheureusement, les disparitions sont infiniment plus difliciles à constater que les apparitions. Il y a toute la dif- férence d’un phénomène négatif à un phénomène positif, d’un changement obscur à un changement apparent. D'ailleurs, si l’on ne retrouve plus aujourd’hui dans telle flore certaines espèces que d’anciens auteurs y signa- laient, le vague des premiers livres de botanique, le défaut d’herbiers, le défaut d'ordre et d'indications précises dans ceux qui existaient, la confu- (a) Herborisations, préface, p. vin. € 806 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. sion habituelle des espèces spontanées, naturalisées, adventives et cultivées dans les herbiers et dans les ouvrages, sont des causes qui doivent faire reculer dans ce genre d'investigation. En voyant des espèces devenir rares, et en observant combien d’espèces dans chaque Flore moderne sont énu- mérées uniquement sur l’assertion plus ou moins exacte des anciens auteurs, on ne peut guère douter que les espèces ne perdent quelquefois du terrain; mais le constater, mais mesurer l’étendue du phénomène, compter le nombre des espèces, est un travail qui me paraît impossible dans l'état actuel de la science (a). J’estime le fait du retrait de quelques limites un fait réel. Je présume que dans chaque flore il se passe quelque chose comme dans les modifications d’une langue : on remarque les mots nou- veaux ; on les signale avant même qu’ils soient bien naturalisés; au con- traire, lorsqu'un mot tombe en désuétude, il faut des siècles pour qu’on s’en aperçoive et que les érudits puissent le constater au moyen d’une com- paraison attentive des auteurs. Je vois cependant une cause qui restreint la substitution des espèces dans les Flores, et qui n'existe pas pour la succession des mots d’une langue. Les espèces ont une vie inhérente à elles-mêmes, et cette vie leur fait surmonter de grandes difficultés. Les graines se conservent longtemps; elles s'accumulent dans le terrain ; elles se répandent d'un endroit à l’autre, de sorte que l'espèce est tenace, au milieu de circonstances quelquefois bien mauvaises pour elle. Grâce à la multiplicité, à la dispersion et à la conservation des graines, les espèces peuvent se défendre et envahir. Nous avons vu que les envahissements soit naturalisations ne sont pas des faits communs; le recul des limites est probablement plus rare encore. Si la compensation n’existe pas entre ces deux phénomènes opposés, et je crois probable qu’elle n'existe pas, la suite des siècles doit amener dans les flores de chaque pays un mombre total d'espèces plus grand et une plus forte proportion d'espèces semblables, il y aura à la fois plus de richesse et moins de diversité, comme Je le faisais remarquer tout à l'heure (p. 803). Certaines espèces, habitant principalement les terrains cultivés, les bords des chemins, les haies, les sables humides, les dé- combres, les bords de rivières, deviendront de plus en plus caracté- ristiques de notre époque. D’autres, comme les plantes de marais, de (a) On trouvera des faits intéressants sur des disparitions locales ou reculs de limites d'espèces dans les ouvrages suivants : Von Lowis, Ueber die ehemalige Verbreitung der Eïichen in Liv und Esth Land, in-8, Dorpat, 1824 ; Unger, dans Bot. Zeitung, 27 avril 1849 ; Bromfield, dans Phytologist, 1S49, p. 491; Lees, ibid., p. 3510; Lecoq et Lamotte, Plant. vasc. du plateau cent. France, p. 422 ; Cosson et Germain, F1. Paris, p. 418, 660. Il y a des faits, plus curieux encore, de réapparitions d'espèces ; voyez ci- dessus, p. 649, plus loin, chap, X, art. 1, $ 2, et dans Watson, Cyb. Brit., I, p. 242. RETRAIT DES LIMITES D'ESPÈCES. 807 montagnes, de forêts, deviendront plus rares et plus limitées. Elles apparte- naient à un ancien état de choses, elles font place à un nouveau. La diminu- tion générale de l’humidité et l'intervention de l’homme sont les moteurs lents, mais continuels, de cette transformation des flores locales, du moins depuis l’époque historique. A une époque tantôt contemporaine des peuples civilisés, tantôt plus ancienne, la formation de la tourbe démontre des changements assez impor- tants dans les flores du nord-ouest de l’Europe. Ce combustible se forme de végétaux, principalement de mousses du genre Sphagnum, qui se décom- posent imparfaitement et lentement par l'effet de l'humidité et d’une tem- pérature peu élevée (a). La formation de la tourbe peut commencer à toute époque et se continuer indéfiniment, pourvu que les conditions subsistent. Elle a lieu sous l’eau (tourbe submergée), ou, plus souvent, hors du niveau des eaux (tourbe émergée). Les tourbes émergées d'Irlande, d'Écosse, des îles Shetland et Feroë, et du nord-ouest de l'Allemagne, renferment des troncs d’arbres dont les espèces ont disparu de ces pays, mais qui existent plus à l’est sur le continent européen. Ces tourbes peuvent être quelquefois très anciennes, surtout les couches inférieures ; mais elles sont subséquentes aux derniers terrains géologiques. En Irlande, des cônes de Pinus Mughus (qui avaient été confondus d’abord avec ceux du Pinus sylvestris, var. scotica), se trouvent dans la tourbe de diverses localités, à des profondeurs ordinairement de 6 à 40 pieds (b). On en a trouvé, par exemple, dans les environs de Newport, district de Mayo, où depuis deux siècles toutes les forêts ont été détruites (c). Le Pinus Mughus, Jacq., est actuellement une espèce qui manque à toutes les îles Britanniques, à l’ouest du continent européen et à la péninsule scandinave. 11 faut aller jusqu’en Silésie et au centre des Alpes pour le rencontrer, en partant de la côte occidentale de l'Europe. Les îles Shetland n’ont pas d’autres arbres actuellement que le Betula alba et le Juniperus communis. On a trouvé dans la tourbe, à 6 pieds de profondeur, des Pinus Picea, L. (Abies pectinata, DC.), dont un, en parti- culier, avait 6 pieds de circonférence et 40 pieds de hauteur (d). Cet arbre manque aujourd’hui aux îles Britanniques et à la péninsule scandinave (e). (a) Le meilleur ouvrage sur la formation des tourbes me paraît celui de M. Lesquéreux, intitulé : Quelques recherches sur les marais tourbeux en général, 1 vol. in-8, Neu- châtel, 1844. (b) J'ignore comment la tourbe d'Irlande grandit. Celle des vallées hautes du canton de Neuchâtel, en Suisse, augmente de 1 pied à 1 pied 1/2 par siècle, d’après M. Lesqué- reux, mais cela varie beaucoup selon les circonstances locales. (c) Babington, Trans. Bot. Soc. Edinb., I, p. 126, Annals of nat. hist,, 1, p. 217. (d) Edmondston, Ann. of nat. hist., p. 295, IT, p. 71. (e) Voyez ci-dessus, p. 158. 808 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES. On a trouvé dans les mêmes tourbes des fruits et des troncs de Corylus Avellana, espèce qui existe encore dans la Grande-Bretagne et aux Orcades (Wats., Cyb., IE, p. 379). Le Betula alba, L., manque aux iles Feroë, mais on le voit encore dans la tourbe (Ch. Martins, Vég. Feroë, dans Foy. en Scandin., ete., Il, p. 363). L'auteur ne croit pas que la destruction en soit ancienne, et il l’attribue à l’imprévoyance des habitants. Il serait intéres- sant de chercher dans les couches anciennes de tourbe, en Écosse, en Irlande, et ailleurs, les espèces qui existaient jadis dans le pays et qui ont disparu, soit en se maintenant aujourd’hui dans d’autres régions, soit d’une manière absolue peut-être, comme le cerf gigantesque des tourbières d'Irlande. Malheureusement, il ne paraît pas que ce travail ait été fait, même en Écosse, où tant d'hommes instruits pourraient s’en occuper, et où M. Neill en avait indiqué l'importance, déjà en 1843 et même anté- rieurement (Ann. of nat. hist., XI, p. 73). En général, dans les pays froids et humides, la destruction d’une forêt amène la production de la tourbe, et celle-ci empêche la reproduction des espèces ligneuses. On l’a vu fréquemment dans le nord-ouest de l'Europe (Lyell, Geol.), et aussi dans nos montagnes de la Suisse (Lesquéreux, Rech. sur les marais tourbeux, p. 47, 83, ete.). Il suffit que des coups de vent aient renversé les arbres, que des neiges considérables ou des incendies les aient fait périr, que l’homme, avec son imprévoyance ordi- paires, les ait rasés, pour que les mousses viennent s'emparer des bois morts ou du terrain humide; alors, elles s’y établissent d’une manicre absolue. Les parties inférieures cessent hientôt de végéter; elles deviennent de la tourbe, dont la nature chimique, indépendamment du tapis serré de la surface du marais, s'oppose à la germination et au développement des arbres. Il est donc inutile de supposer un changement dans le climat pour expliquer la disparition des forêts dans le nord-ouest de l'Europe et sur quelques montagnes du centre. Je reconnais seulement que, vers l’époque plus reculée où les forêts s’y étaient établies, les conditions devaient être différentes, car, dans ces régions, quand le terrain est vacant, il vient des mousses et de la tourbe ; alors, il venait des arbres. Mais ceci nous con- duit à des questions géologiques et à celle du premier développement des espèces, dont J'aurai bientôt à m'occuper (chap. XI). ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. 809 CHAPITRE IX. ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. SECTION PREMIÈRE. ESPÈCES CULTIVÉES VOLONTAIREMENT. ARTICLE PREMIER. POSITION DE LA QUESTION ET NATURE DES RECHERCHES A FAIRE. Nous avons étudié les faits de l'extension des plantes spontanées. Nous avons vu que souvent une culture préalable a été la cause du transport et de la naturalisation des espèces dont l'habitation s’est agrandie. II s’agit maintenant d'examiner des faits, qui se présentent dans un ordre inverse, et qui sont antérieurs par leur date, sans être cependant plus anciens que l’homme. Je veux parler de la mise en culture de certaines espèces, et de l’origine, souvent douteuse, quelquefois encore inconnue, des plantes généralement cultivées. La question a de l'importance, non-seulement à cause d’une connexion intime avec l’histoire générale des peuples, mais aussi à cause de lincer- titude où l’on a été longtemps sur l’origine de la plupart des espèces cul- tivées, incertitude qui a fait naître des suppositions étranges, par exemple, celle d’une création et d’une distribution surnaturelles de ces espèces, ou d’une disparition de continents, depuis l’époque des premières cultures. On s’est demandé aussi jusqu’à quel point ces espèces ont été modifiées par l'action de l’homme, et si, peut-être, plusieurs d’entre elles ne seraient pas un produit factice de nos cultures. Ces questions, malheureusement, sont remplies de difficultés et de complications. Ainsi, l'ancienneté et la généralité de plusieurs cultures empêchent assez souvent de constater si les individus qui paraissent spon- fanés dans un endroit y sont vraiment tels, et surtout si l'espèce a toujours existé dans le pays dont il s’agit. Des graines peuvent être sorties de champs ou de jardins ; elles peuvent étre restées enfouies dans un sol sur lequel jadis la plante avait été eul- tivée. Dans les cas de cette nature, un voyageur peut prendre pour spon- tanée une espèce qui est adventive, ou naturalisée, ou plutôt, en employant un mot allemand très expressif qui nous manque, verwildert, devenue sauvage. Ainsi, quand on prétend avoir trouvé du blé ou du seigle spon- tanés, dans une région sauvage de la Perse ou de l'Asie Mineure, il doit 810 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. rester toujours quelque doute dans l’esprit : ce peut être le résultat d’un transport accidentel ou d’une ancienne culture ; du moins il n’est pas pos- sible de prouver absolument le contraire. Les plantes cultivées ont pu naître dans des localités éminemment pro- pres à leur croissance ; ces localités, par ce motif même, ont dû être envahies depuis longtemps par les cultures, et alors il est impossible de distinguer les pieds qui descendent de l’espèce primitive, de ceux qui descendent de pieds cultivés. Enfin il est clair que les variétés et les races (variétés héréditaires), si nombreuses, des plantes cultivées, sont un obstacle à la découverte des ori- gines, en même temps qu'un objet essentiel de recherches. D'un autre côté, les documents historiques et linguistiques abondent au sujet des plantes cultivées. C’est un avantage dont nous devrons profiter autant que possible. ARTICLE IT. HISTOIRE ET ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. Afin de mettre un certain ordre dans l’énumération des principales plantes cultivées, je classerai les espèces suivant qu’elles sont cultivées pour leurs racines ou tubercules souterrains, pour leurs tiges, leurs feuilles, fleurs, fruits et graines. Cette classification est commode en ce que certains organes sont sujets à plus de variations que d’autres, d’où résul- tent certaines facilités ou certaines difficultés pour constater l'état pri- mitif des espèces, suivant qu’elles rentrent dans l’une ou l’autre de ces diverses catégories. A. Plantes cultivées pour leurs racines, leurs bulbes, ou pour des tubercules venant de la tige. Solanum tuberosum, L, — [a pomme de terre était cultivée à l'époque de la découverte de l'Amérique dans toutes les régions tempérées du Chili à la Nouvelle-Grenade, mais non au Mexique (Humb., Nouv.-Esp., 2e édit., vol. Il, p. 451). Elle l'était aussi, dit-on, dans la Caroline sep- tentrionale, puisque Thomas Herriott, de l'expédition de Raleigh, ou Raleigh lui-même la rapportèrent de ce pays (Banks, Trans. hort. soc. Lond., I, p. S), et que Gerarde la reçut également quelques années après de la même contrée (Herbal, édit. 1597, p. 781). Il est possible ce- pendant que son introduction dans l'Amérique septentrionale ne fût pas alors ancienne, car comment aurait-elle manqué au Mexique, si elle avait ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 811 été propagée du Pérou aux États-Unis, par les indigènes? Le voyage de Raleigh eut lieu 95 ans après la découverte de l'Amérique. Il ne serait pas impossible que la pomme de terre transportée depuis quelque temps d'un lieu à l’autre par les Espagnols, eût été introduite récemment dans l'Amérique septentrionale par quelque navigateur resté inconnu, et le peu de diffusion de cette culture chez les indigènes, en particulier vers le nord, où elle réussit si bien, indiquerait une introduction peu ancienne (a). Gerarde publia le premier une figure et une description assez médiocres, d’après une plante de la Caroline, importée directement et cultivée dans son jardin. Les tubercules en sont représentés comme fort petits, mais probablement par réduction. L’espèce est mentionnée comme une des plantes alimentaires principales du pays de Quito, par Pierre Cieca, auteur d’une ancienne chronique, dont l’Écluse transcrit le passage. Lui-même, l’Écluse, publia une planche et une description botanique de l’espèce, en 1601 (Clus. rar. pl. hst., pars. 11, p. 79). On relit avec intérêt cette description, comme preuve, soit de l’exactitude d’un grand botaniste, soit du peu de variation de l'espèce, depuis son introduction en Europe. En particulier la plante donnait alors jusqu'à 50 tubercules de grosseur inégale, ayant de 1 à 2 pouces de longueur (b), irrégulièrement ovoides, rougeàtres, mürissant en novembre (à Vienne); la fleur était plus ou moins rose (exterius ex purpurû candicans, interius purpurascens, radiis quinque herbaceis), comme aujourd’hui; mais elle semble avoir été plus odorante, car l’Écluse en compare le parfum à celui des fleurs de tilleul. Certaines variétés répondent exactement, sauf peut-être l'odeur, à la description de l’Écluse; mais il s’est formé par la culture de nouvelles variétés hâtives, et d’autres à très gros tubercules. L'Écluse sema des graines qui donnèrent des pieds à fleurs blanches, dépourvus de tubercules dans la première année. Les plantes décrites si bien avaient été envoyées en 1588, à l’auteur, par Philippe de Sivry, seigneur de Valdheim, gouverneur de Mons, qui les tenait de quelqu'un de la suite du légat du pape en Belgique. L'Écluse ajoute que la plante avait été reçue en Italie, d’Espagne ou d’Amé- rique (certum est vel ex Hispaniis, vel ex Americä habuisse), et il s'étonne de ce qu’étant devenue commune en Italie, au point qu'on la mangeait comme des raves, et qu’on en donnait aux pores, les savants de (a) M. le docteur Roulin, qui a étudié avec tant de zèle les ouvrages concernant l’Amé- rique, n'a dit n’avoir aperçu aucune trace de la présence de la pomme de terre chez les habitants des Etats-Unis avant leur contact avec les Européens. Je reviendrai sur cette question, p. 815. (b) Un auteur, ordinairement très exact, publiait récemment que la pomme de terre, à son introduction en Europe, produisait fort peu de tubercules, qu’il a fallu une longue culture pour l’amener à l’état actuel, etc. L'Écluse, au contraire, à l’origine, admirait a rapidité de multiplication. 812 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. l'école de Padoue en aient eu connaissance par les tubercules qu'il leur envoya d'Allemagne. M. Targioni (Lezz., I, p. 10) a constaté qu'on cultivait la pomme de terre en Toscane, au commencement du xvi° siècle, comme ayant été apportée d’Espagne ou de Portugal par des moines. Ainsi sir J. Banks (Trans. Soc. Hort. Lond., 1, p. 11, en 1812), et M. Dunal (Hist. nat. des Solanum, 1813, p. 25), à une époque où l’on croyait généralement la pomme de terre introduite par W. Raleigh, ont eu raison d'insister sur le fait d’une introduction antérieure due aux Espagnols. Les tubercules rapportés par les vaisseaux de sir Walter Raleigh, en 1555, ou plus pro- bablement en 1586, de la Caroline septentrionale, qui furent multipliés d'abord en Irlande, ne peuvent pas être l’origine de ceux que l’on cultivait abondamment en Italie avant 1588, et qu'on savait dans ce pays être venus par l'intermédiaire des Espagnols. Si l'introduction par les Anglais a eu plus de retentissement que celle par les peuples méridionaux, on doit Vat- tribuer à ce que le climat des îles Britanniques et l'activité des habitants devaient rendre la diffusion de la pomme de terre plus rapide et plus efli- cace (a). Depuis cette époque, elle s’est répandue en Europe graduelle- ment, et au travers d'obstacles inutiles à rappeler, qui tenaient aux pré- jugés des populations et nullement à un état imparfait de la plante. Il est intéressant de constater que l'espèce est sauvage au Pérou, et plus certainement encore au Chili. On lignorait, en Amérique, au com- mencement du siècle actuel, car M. de Humboldt (Essai géo. pl., p. 29) l'avait cherchée inutilement, et on lui avait affirmé qu'aucun voyageur n'avait observé dans la Nouvelle-Grenade, au Pérou et jusqu'à la Paz au- cune Solanée sauvage à racine nourrissante (Æssai sur la Nour -Esp., 2° édit., v. IE, p. 455). Molina est peut-être l'ancien auteur qui à influé sur l'opinion de M. de Humboldt, car il n'indiquait (ist, nat., lrad. franç., p: 102) au Chili que deux pommes de terre, lune cultivée, pogny des habitants, l’autre sauvage, à tubercules très petits et d'un goût un pet amer, maglia des indigènes (Solanum Maglia, Dun., Prodr., +. AIT, part. 1, p. #3). D'un autre côté, Ruiz et Pavon disaient avoir trouvé le Solanum tuberosum sur les collines des environs de Chancay, ville de la côte du Pérou (FE. Peruv., H p. 38). Pavon écrivait plus tard à Lambert (Hook., Misc., Il, p. 203) : « Le Solanum tuberosum croît sauvage aux environs de Lima, à quatorze lieues de cette ville, sur la côte; je lai (a) La plante apportée par sir Francis Drake et sir John Hawkins était clairement la batate, dit sit J. Banks (Trans. Soc. Hort., 1, p. 11), de sorte que les questions diseu- tées par M. de Humboldt (Nouv. -Esp., 2° édit., vol. 11, p. 461 et 464) sur les localités visitées par ce voyageur n'ont pas d'application à l'objet actuel, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 813 trouvé moi-même au Chili. » La première de ces indications est sans doute la même que celle du Flora Peruviana. Pavon envoya à Lambert des échantillons de la plante sauvage du Pérou. On peut douter cependant que ce fût bien le Solanum tuberosum, car l’espèce ainsi nommée par Pavon dans lherbier de M. Boissier est, suivant M. Dunal, une espèce voisine (très voisine | de la pomme de terre, le Solanum immite (Dun., Prodr., XII, part. 1, p. 32.) M. Caldcleugh envoya plus récemment, en 1822, à la Société d’horti- culture de Londres, des échantillons qu’il regardait comme la vraie pomme de terre, spontanée au Chili (Hook., 2b.). Le docteur Lindley (Journ. Hort. Soc., 1847, +. HE, p. 66) affirme que cette plante, cultivée pendant quelques années à Londres, était bien l'espèce ordinaire. M. Cruckshanks écrivait à sir W. Hooker (tbid.) les observations qui sui- vent : « On objecte souvent que dans les pays où la pomme de terre croît sauvage elle pourrait, comme on l’a observé pour d’autres plantes en Amé- rique, avoir été introduite et n'être pas une espèce indigène. Î y à ce- pendant beaucoup de motifs pour croire qu’elle est indigène au Chili, et que les pieds qu'on y trouve sauvages ne sont pas le produit accidentel des plantes cultivées. On les trouve ordinairement sur des pentes rocailleuses et escarpées où l’on n'aurait jamais pu les cultiver, et où le transport acci- dentel que l’on présume n'aurait pas pu s’effectuer. Cette pomme de terre sauvage est très commune à Valparaiso, et je lai suivie sur la côte à quinze lieues au nord de cette ville; mais je né sais pas jusqu'où ellé s'étend, soit au nord, soit au midi. Elle habite surtout les falaises et col- lines du bord de la mer, et je ne me souviens pas de lavoir vue à plus de deux ou trois lieues des côtes. [lv a une circonstance non mentionnée dans les livres, c’est que la fleur est toujours d’un blanc pur, sans trace de cette teinte pourpre, si commune dans les variétés cultivées, circonstance que je regarde comme une forte preuve de son origine spontanée (pour- quoi?). Je déduis une autre preuve de ce fait, qu’on la trouve souvent dans les endroits montueux, loin des cultures, et qu'on ne la voit pas dans le voisinage immédiat des champs et des jardins où l’on cultive la pomme de terre, à moins qu’un courant d’eau traversant le terrain ne puisse entraîner des tubercules dans des lieux non cultivés. » M. Cruckshanks présume que les pommes de terre sauvages des environs de Lima dont parlait Pavon, doivent leur origine à cette circonstance, au moins pour les parties basses, voisines de la rivière de Chancay; mais il ajoute que l'introduction est moins probable pour les collines, aujourd’hui incultes. M. French (Journ. geo. Soc. Lond., 1839, p. 3C6) raconte qu’on essaie de cultiver près de Chilecito, dans la province de Rioja, république 814 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Argentine, la pomme de terre sauvage, indigène dans les montagnes de la Famatina. Ses tubercules sont petits. Meyen (Grundr. der Pflanz. geo., p. 365) dit avoir trouvé deux fois la pomme de terre sauvage sur les Cordillères du Chili et du Pérou; mais il n'avait rapporté d'échantillons que de celle du Chili (Nees, Act. Acad. nat. cur., XIX, suppl., p. 384). Meyen montre d’ailleurs une grande légèreté dans son exposé historique de la pomme de terre, car il n’a pas consulté l'ouvrage classique de Dunal et ne se doute pas de l'introduction par les Espagnols. Des témoignages plus positifs sont venus par M. Ch. Darwin, qui a trouvé la pomme de terre sauvage, en grande quantité, dans l’archipel appelé Chonos ou Chiloé, près du Chili, sous le 45° degré de latitude. Le plus gros tubercule de ceux qu'il recueillit n'avait que 2 pouces de longueur, et son goût après la cuisson était insipide, un peu aqueux, nullement amer (Darwin, Journ., cité par Lindl., Journ. Hort. Soc., II, p. 66). Le pro- fesseur Henslow s’assura de l'identité spécifique avec le Solanum tubero- sum (4b. et Hook. f., FT. ant., 1, part. 11, p. 331). Le docteur Hooker (ib.) énumère cinq variétés différentes du Solanum tuberosum, qui seraient toutes spontanées dans le Chili, les îles Chiloë et le Pérou; le type le plus sûr de l’espèce est indiqué par lui à Chiloé et à Lima (Mac Lean, herb. Hook.). Il distingue du Solanum tuberosum, probablement, dit-il, comme espèce, le Solanum Commersonii, Poir.,qui s’étend de Valparaiso à Buenos- Ayres, et qui diffère surtout, d’après lui, par une fleur moins grande. Je possède un échantillon qui paraît bien être du Solanum tuberosum et que M. Dunal à rapporté à cette espèce après un examen attentif. Il doit avoir été sauvage, car il a été recueilli au Chili par M. Claude Gay et nous a été communiqué avec l’étiquette suivante : « Solanum tuberosum; au centre des Cordillières de Talcagoué et de Cauquenes, dans les endroits que visitent seulement les botanistes et les géologues. » Dans son Historia de Chili, N, p. 75, M. CI. Gay énumère le Solanum Luberosum comme véritablement indigène au Chili, à Valdivia et à Juan- Fernandez; comme croissant dans les localités les plus reculées, les plus sauvages ; enfin, comme ayant servi d'alimentation avant la conquête aux habitants du pays, qui allaient les chercher sur les collines, au dire des premiers voyageurs. Il me parait incontestable, d’après cet ensemble de faits, que le véritable Solanum tuberosum croît spontané au Chili, dans les iles voisines, et même jusqu’au Pérou. Les plantes analogues trouvées à lorient de la chaine des Andes, dans la direction de Buenos-Ayres, sont toutes, peut-être, des espèces différentes, savoir : les Solanum Commersonii et Solanum Maglia des auteurs. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 815 On a trouvé récemment diverses pommes de terre indigènes dans les parties élevées du Mexique. Le docteur Lindley (Journ. Hort. Soc., HI, p. 67 et 70) pense que le vrai Solanum tuberosum serait ou sauvage ou naturalisé dans les montagnes de ce pays. Cependant deux des plantes mu- nies de tubercules qui lui avaient été envoyées comme vraiment spontanées au Mexique, se sont trouvées être des espèces distinctes (Solanum de- missum et Solanum cardiophyllum, Lind!.), et parmi celles qui appartenaient au Solanum tuberosum, l’une avait été adressée comme sauvage, mais « peut-être apportée du Pérou » (p. 70), et l’autre, toute seule, n’avait pas d'indication analogue. Ce serait l’unique exemplaire du Solanum tubero- sum au Mexique, car le pied indiqué à la page 67, comme Solanum tube- rosum, en est évidemment différent. Le docteur Lindley, tout en disant qu'il appartenait au Solanum tuberosum, le dit semblabie au Maglia du Chili et au Solanum verrucosum, Schlecht., qui sont d’autres espèces, du moins selon ma manière de voir. Je dirai même franchement que la multi- plicité des formes réunies par le docteur Lindley au Solanum tuberosum fait naître des doutes dans mon esprit sur le pied d’origine mexicaine qu’il rapporte à cette espèce. Une occasion m'a permis d'étudier le Solanum verrucosum en grand. Il a été introduit dans l’agriculture d’un village du pays de Gex, près de Genève, par de simples cultivateurs, qui l'avaient reçu du Mexique et qui le multipliaient, en 1850 et 1851, comme exempt de maladie. Les tu- bercules en sont tardifs, plus petits que ceux du Solanum tuberosum, d’un goût excellent, de chair jaune ; les tiges sont multiples d’un même tuber- cule, très droites, et sont renflées près des feuilles; les fleurs sont d’un rouge violet très vif; la baie est tachetée de blanc (a). D’autres espèces du Mexique, ayant aussi des tubercules, sont indiquées par les auteurs (Prodr.., vol. XIII, part. 1, p. 32 et 679), mais aucune ne paraît rentrer dans le Solanum tuberosum. La principale difficulté quant à la présence de la pomme de terre au Mexique est dans des faits historiques malaisés à concilier. On ne peut guère comprendre comment les indigènes de la Caroline auraient cultivé le Solanum tuberosum, si les Mexicains ne leur avaient transmis cette plante. Or, la pomme de terre rapportée de Caroline en Irlande était bien le Solanum tuberosum, et, d’un autre côté, M. de Humboldt assure que les anciens Mexicains ne cultivaient pas la pomme de terre. De plus, rien ne peut faire penser que les indigènes des États-Unis aient eu autrefois l'ha- (a) J'ai publié un récit détaillé de ces faits dans la Revue horticole du 4% juin 1832. Chez nous les tubercules sont restés petits, et ont été souvent atteints de la maladie. En France, les essais ont été plus heureux (Rev. hortic., 1854) ; quelques tuberceules ont été d'une grosseur raisonnable et la maladie ne les a pas envahis. 59 à 316 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. bitude de la cultiver! On n’en cite aucune preuve d’après leurs traditions, leur langage et les dires des voyageurs. J'ai déjà indiqué l'opinion du docteur Roulin à cet égard (p. 814). M. Asa Gray, professeur de bota- nique à Harvard University, près de Boston, est dans le même sentiment, qui est partagé, me dit-il, par M. Harris, bibliothécaire de l’université, un des hommes les plus versés dans les antiquités du pays. Il y a dans l’en- semble de ces faits et de ces assertions des choses qui concordent mal. Si Von venait à découvrir une preuve de la culture du Solanum tuberosum chez les anciens Mexicains, la présence de la plante spontanée dans leur pays deviendrait plus probable, quoique, d’une manière abstraite, une habitation s'étendant de la Patagonie au Mexique soit toujours invraisem- blable. Il est plus probable cependant, comme je l'indiquais au début de cet article, que la pomme de terre apportée de la Caroline par les Anglais aurait élé introduite antérieurement sur cette côte par des Européens, car les Espagnols l'avaient déjà transportée du Pérou dans divers pays, au moins dans le leur. Manioe. — Les maniocs à suc vénéneux et à sue non vénéneux étaient considérés autrefois comme des variétés d’une seule espèce (Jatropa Ma- nihot, L., Janipha Manihot, Kunth). Maintenant, surtout depuis les recherches de Pohl (FT. Bras., I, p. 47), on les regarde plutôt comme deux espèces, l'une dont il faut extraire le sue vénéneux pour employer la racine et qui a des feuilles à sept lobes (Manihot utilissima, Pohl), l'autre à suc doux et à feuilles 5-lobées (MHanthot Aipi, Pohl). Le nom générique de Manihot, employé déjà par Plumier, Tournefort et Adanson, est préférable en lui-même et par ancienneté aux deux autres. L'abbé Raynal a répandu une erreur en disant que le manioc avait été apporté d'Afrique en Amérique. M. Robert Brown (Bot. Congo, p. 0) af- firmait le contraire, en 1818, sans donner cependant de preuves, et depuis M. Moreau de Jonnès (Hist. Acad. se., 1824), M. de Humboldt (Nouv.- Esp., 2° édit., vol. Il, p. 395), et M. A. de Saint-Hilaire (Guill., Arch. bot., 1, 239), ont insisté sur l’origine américaine. Il est diflicile d’en douter, En effet : 1° Les deux Manihots étaient cultivés par les indigènes du Brésil, de la Guyane et des parties chaudes du Mexique avant l'arrivée des Européens; 2° cette culture était très commune aux Antilles dans le xvi° siècle (J. Acosta, Hist. nat. Ind., trad. franç., 1898, p. 463 ); 3° elle est encore actuellement plus répandue dans le nouveau monde que dans l'ancien; 4° elle a été importée à lile de Bourbon, de mémoire d'homme, par le gouverneur de la Bourdonnais (Thomas, Stat. Bourb., Il, p. 18), et dans l'Inde elle n’est encore qu’un objet de curiosité ; 9° il existe une foule de variétés et de noms vulgaires indigènes en Amérique ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 817 (Pobhl, {. c.; Aubl., Guy., vol. Il, mém. à), ce qui ne paraît pas avoir lieu en Afrique (Thonn., Guin., p. 414; Hook., F1. Nigr.); 6° le genre Manihot ne compte pas moins de quarante-six espèces au Brésil seulement (Pohl, l. c.), presque toutes spontanées, mais aucune espèce indigène n’a été découverte dans l'Afrique tropicale (Hook., FL. Nigr.; Bojer, H. Maur.). Il est difficile, assurément, de comprendre comment les nègres de la côte de Guinée et du Congo ont reçu le manioc; mais toutes les probabilités botani- ques et historiques militent en faveur d’une importation du nouveau monde. Les expressions des voyageurs qui ont parcouru l Amérique méridionale sont peu claires à l'égard de la qualité spontanée des Manihot. Pohl (F4. Bras., 1, p. 29) dit bien, en parlant du Manihot Aipi : € Colitur in totà » Brasilià et in Americà hispanicà, certissime Brasiliæ indigena, » et du Manihot utilissima (p. 33) : « Colitur in totà Brasilià et Americà meridio- » nali et est indigena Brasiliæ, nec unquam ex Africà translata; » mais il ajoute (p. 84): « Verum difficile problema videtur, in omnibus quæ coluntur » plantis veram primariamque vel originariam ejus speciem designare. Ego » quidem meam Manihot pusillam primitivam ipsius Manihot utilissimæ » plantam esse censeo. » D’où il paraît que Pohl n'avait pas rencontré de Manihot sauvage identique avec aucune des plantes cultivées. M. de Mar- tius n’en ayait pas vu également, car Pohl avait examiné les Manihots de sa collection (Pohl, p. 59), et il ne cite aucune localité pour le Manihot com- mun. Son Manihot pusilla semble assez différent des espèces cultivées, d’après les figures. MM. de Humboldt et Bonpland disent, en parlant des deux espèces cultivées (Janipha Manihot, Kunth, Nov. gen., I, p. 108) : « Crescit fere sponte, locis aridis exustis, prope Mompox in convalli flu- » minis Magdalenæ. » Quant aux auteurs anciens, comme Piso, il est assez hasardeux de dire si les Manihots sauvages dont ils parlent sont les types des espèces cultivées ou l’une des autres espèces décrites comme indigènes par les botanistes modernes. La planche du Mandihoca sauvage, de Piso (p. 55) est rapportée par Pohl, quoique très mauvaise, dit-il, au Manihot Aipi. Assurément il est probable que les deux espèces croissent spontanément au Brésil, surtout vers la région du fleuve des Amazones, mais on n’en a pas encore la preuve complète. Arum Colocasia, L.(Colocasia antiquorum, Schott, Melet.).—On cul- tive cette espèce dans les eaux du Delta d'Égypte, sous le nom de Qolkas (Delile, FT. Æg. ill, p. 28), ou Koulkas (Delile, De la Colocase des an- ciens, br. in-8, 1846). Clusius (Hist. IF, p. 75) avait vu la plante en Por- tugal. Il dit que les Espagnols lappelaient Alcoleaz et l'avaient reçue d'Afrique. M. Boissier (Voy. bot. Esp., I, p. 590) cite, comme nom vulgaire dans le midi de PEspagne Alcolcaz, qui rappelle complétement 818 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. le nom arabe. Il ajoute que l'espèce est pour ainsi dire naturalisée (ere spontanea) dans le midi de l'Espagne. Clusius transcrit les assertions de Belon, Prosper Alpin et autres voyageurs, pour prouver combien la culture de cette plante était répandue à cette époque dans la basse Égypte. Elle y jouait un rôle très important, et on l’appelait, comme aujourd’hui, Colcas ou Coulcas. Puisque la racine en était alors si recherchée, et qu’elle formait une des bases de la nourriture du peuple, il est probable que sa culture remontait à l’antiquité. On a cru reconnaître en elle d’abord le Kosxacux des anciens; mais si, comme le dit Dioscoride, ce nom s’appliquait à la racine comestible de la fève d'Égypte, reconnue pour être le Nelumbium (Delile, Ann. Mus., I, p. 375; Reynier, Écon. des Égypt., p. 321; De- lile, De la Colocase des anciens, 186), ce serait tout autre chose. Je croirais plutôt que les Grecs ont méconnu J'Arum cultivé en Égypte, lequel ne fleurit presque jamais (Clus., /. c.), et ont cru, mal à propos, que la racine employée communément était celle du Nelumbium, qui est filan- dreuse et assez mauvaise à manger (Delile, De la Colocase). Ce qui me le fait penser, c’est l’analogie évidente du mot Colocasia avec les noms arabes Colcas ou Coulcas. Tous paraissent venir du nom sanscrit de lArum Colocasia, Kuchoo (prononcez Koutchou), indiqué par Roxburgh (F1. Ind., 2° édit., vol. IT, p. 194), d’autant plus que l’on cultive beaucoup cette espèce dans l’Inde (Royle, Z!1. Him., p. 406) (a). Belon prétendait avoir trouvé lArum d'Égypte, spontané, dans les ruis- seaux de l’ile de Crète (Clus., £. c.); Sibthorp, dans les îles de Crète, Chypre et Zante (Prodr., Il, p. 245 ); mais je n’en vois pas de confirma- tion dans les ouvrages plus récents (Fraas, Syn. FT. class.; Reuter et Margot, F1. de Zante). M. Tenore (Syll., p. 475) l'indique dans les étangs de Calabre, à San-Eufemia. Il n’est pas certain qu'on l'ait trouvé sauvage dans l'Inde, car les variétés spontanées dont parle Roxburgh (II, p. 495) sont rapportées à d’autres espèces ou croissent autour des habitations, dans des localités suspectes. Ce que dit Moon (Catal. Ceyl., p. 64) de varié- tés sauvages, dans l’île de Ceylan, n’est accompagné d'aucune preuve. Néanmoins, je suis porté à croire, avec M. Boissier (Voy. Esp., 1. c€.), que l'espèce est originaire de l’Inde et qu’elle à été transportée dans l'ouest, où elle s’est naturalisée. Peut-être les anciens Égyptiens l’avaient-ils appor- tée de l’Inde avec le Nelumbium, à une époque très reculée. Le Nelum- bium aurait disparu des eaux du Nil, et PArum, plus utile aux hommes et plus robuste, se serait conservé. (a) Delile et d’autres auteurs ayant pensé que le Colocasia des Grecs était la racine du Nelumbium, c’est une idée malheureuse d’avoir appelé l'Arum Colocasia, L., Colocasia antiquorum, comme l'a fait Schott. I vaudrait mieux reprendre le nom spécifique Ægyp- tiacum, employé avant Linné, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. S19 Le grand nombre des variétés de l’espèce dans l'Asie méridionale, l’an- cienneté &e leurs noms, la quantité d'espèces voisines découvertes dans cette région, militent en faveur de lorigine asiatique. Il est difficile de dire, dans l’état actuel de la science, jusqu’à quel point les Aroïdées analogues cultivées à Ceylan et aux îles de la Sonde et Mo- luques, sont des espèces semblables ou distinctes. Rumphius en a figuré trois (vol. V, tab. 106, 109, 110), dont une, suivant lui, est la plante d'Égypte. Elles ont été rapportées depuis, par les auteurs, diversement. Au- cune de ces deux ou trois espèces n’a été trouvée sauvage. Enfin le T'aro ou T'allo, de la Nouvelle-Zélande et d’O-Taïti, est l’Arum esculentum de Forster, P{. esc., p. 57 (a), espèce qui ne diffère peut- être pas de la plante d'Égypte, d’après ce que dit M. R. Brown (Prodr., p. 386). Elle est cultivée dans l’île septentrionale de la Nouvelle-Zélande et dans toutes les petites îles de la mer Pacifique. Le nom de T'allo paraît de même origine que celui de T'allus, employé dans l’île de Java pour l'Arum Colocasia, suivant M. Hasskarl (Cat. h. Bog. alt., p. 55). Aucun voyageur, à ma connaissance, ne dit avoir trouvé le Tallo à l’état sauvage. Si ce n’est pas la même espèce que l’Arum Colocasia de l'Inde et d'Égypte, au moins il est probable que son origine géographique n’en est pas bien différente. Les indigènes des petites îles éparses dans l'océan Pacifique auraient apporté dans leurs migrations de l’ouest à l’est. Dioscorea ([Igname). — La distinction desespèces de Dioscorea, au point de vue botanique, a fait des progrès depuis quelques années (Blume, Enum., p. 20; Presl., Rel. Hæœnk, p. 133; Griseb. in F1. Bras., V, p. 43). On avait prouvé déjà depuis Lamarck, que Linné confondait deux plantes au moins, sous le nom de Dioscorea sativa, l'une asiatique (D. deltoides, Wall., d’après le témoignage de Griseb.), l’autre américaine (D. Cliffortiana, Lam.). Il s’en faut cependant que l’on ait rapporté les ignames cultivées dans différents pays et mentionnées par les auteurs, aux espèces admises aujourd’hui. Heureusement certaines considérations, applicables à toutes les espèces cultivées, peuvent nous diriger dans la recherche des origines. Malgré le nombre considérable de variétés ou d’espèces que l’on cultive maintenant dans l'Inde, même dans les plaines et les vallées chaudes vers le nord, aucune ne possède un nom sanscrit (Roxb., F1. Ind., TT; Pid- dington, {ndex). La culture des ignames ne peut donc pas avoir pris nais- sance dans cette région du continent asiatique ; et cela est d'autant plus re- marquable, qu’on y trouve plusieurs espèces indigènes du genre Dioscorea, dont quelques-unes sont comestibles. (a) L’Arum esculentum de Linné (Sp., p. 1369) a pour synonymes la tab. 110 de Rum- phius, un Arum cultivé à la Jamaïque, et d’autres plantes probablement différentes, 820 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES: Transportons-nous en Amérique. Là aussi plusieurs espèces de ce genre croissent spontanément, par exemple au Brésil, dans la Guyane, etc., mais il semble que les espèces cultivées ont été plutôt introduites. En effet, les auteurs indiquent peu de variétés ou espèces cultivées (Plumier une, Sloane deux), et peu de noms vulgaires. Le plus répandu est Yam, T[gname ou Inhame, qui est d’origine africaine, suivant Hughes, ainsi que la plante cultivée de son temps aux Barbades (Hist. nat. Barb., p. 226, en 1750). Le mot yam, d'après lui, signifiait manger, dans les idiomes de pln- sieurs des nègres de la côte de Guinée. Il est vrai que deux voyageurs plus rapprochés de la découverte de l'Amérique, cités par M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2° édit., vol. Il, p. 468), auraient entendu prononcer le nom d’'Zgname sur le continent américain : Vespueci, en 1497, sur la côte de Paria; Cabral, en 1500, au Brésil. D’après celui-ci, le nom S’appliquait à une racine dont on faisait du pain, ce qui conviendrait mieux au Manive, et me fait craindre une erreur, d'autant plus qu’un passage de Vespucci, cité ailleurs par M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2° édit., vol. IT, p. 403) mon- tre la confusion qu'il faisait entre le manioc et l’igname. Le D. Cliffortiana, Lam., croit sauvage au Pérou (Hænke, L. c.) et au Brésil (Mart., FT. Bras., V, p. 43), mais il ne n’est pas prouvé qu’on le cultive. Pres! (Rel. Hænk, Le.) dit: « verosimiliter coltur, » et le Flora Brasiliensis ne parle pas de culture. Malgré l’origine africaine, selon Hughes, de l’igname cultivée aux Bar- bades, je ne trouve pas à la culture des Dioscorea, en Afrique, les carac- tères d’une grande antiquité. Sur la côte occidentale, on ne cultive qu'une ou deux espèces (Thonning, PI. Guin., p. 447; Hook., F1. Nigr., 939). Lockhardt, au Congo, n’en avait vu qu'une et en un seul endroit (Br., Congo, p. 49). Il en avait reconnu une autre, sauvage, à racine comestible, mais amère (1b., p. 54). Si la culture des ignames avait été ancienne dans l'Afrique intertropicalé, les Grecs et les Romains en auraient eu probablement connaissance par l'Égypte. De nos jours encore, elle est à peine essayée dans ce pays, car Forskal et Delile ne l'ont pas vue (Forsk., p. LIV; Delile, Z{L., p. 29), et Hasselquist paraît le seul qui en ait parlé (Delile, #6., probablement d’après L., Amæn., IV, p. 466, sans descer.). Par voie d'exclusion, nous arrivons ainsi à regarder comme le centre originaire probable de la culture du Dioscorea l'archipel indien et les extré- mités australes du continent asiatique, peut-être aussi la côte orientale de l'Afrique, sur laquelle les renseignements nous manquent. Les arguments directs concordent, car la culture des Dioscorea n’est nulle part aussi fré- quente, aussi variée que dans l'archipel indien et dans les régions voisines. De plus, on y trouve, à l'état sauvage, plusieurs des espèces eultivées. Ainsi, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 521 le D. pentaphylla, L. (Ubium quinquefolium, Rumph., V, tab. 127), qui est l’espèce la plus cultivée à Amboine, se trouve sauvage dans plu- sieurs des îles de l'archipel (Rumph.; Blume, £nuwm.,p. 20) etsur la côte de Malabar (Blume). Le D. bulbifera, Li. (Helmia bulbifera, Kunth), moins cultivé que plusieurs autres, se trouve spontané dans l'archipel in- dien (Rumph., tab. 124; Blume, /. e.), sur le continent indien, même à Sillet et dans le Nepaul (Kunth, /. c.), à Madagascar (Griseb., FT. Bras.,N, p. 28). Le D. aculeata, L., une des bonnes espèces cultivées dans lar- chipel indien, se trouve, d’après Rumphius € in Zephyreis Sinæ partibus, maxime sponte » (Amb., V, p. 358). Le D. deltoides, Wall., une des plantes confondues par Linné sous le nom de D. sativa, auquel on doit rap- porter, selon M. Grisebach (FT. Bras.; V, p. A3), la planche 180 de Rum- phius, est aussi une espèce cultivée dans l'archipel indien, et se trouverait sauvage : « circa castellum Victoriam » (Rumph., V, p. 482), et au Nepaul (Wall, n° 5110, échant. examiné par Griseb.), mais c’est l’espèce la moins connue peut-être. Quant au D. alata, L., qui est l'espèce la plus généralement cultivée dans l'archipel indien, les petites îles de la mer Pacifique et le continent indien (Rumph., Amb., V, tab. 120, 121; Forst. PL. esc., p. 56; Roxb., FT. Ind., WI, p. 798), personne ne dit l'avoir trouvé sauvage. On n’a pas assez exploré les îles Célèbes, etc., pour que cela prouve quelque chose. Le nom Ubi, employé jusque dans les îles d’O-Taïti, des Amis, etc., est d’origine malaise (Forst.) et montre que l’igname de ces îles avait été ap- portée de l'archipel indien. Batatas edulis, Choisy (Convolvulus Batatas, L.). — L'origine de la Batate est douteuse d’après les auteurs. MM. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2° édit. vol. IE, p. 470), Meyen (Grundr. Pflanz. Geog.,p. 373), Boissier (Voy. Esp.), etc., indiquent une origine américaine ; MM. Bojer (Hort. Maur., p. 225), Choisy (Prodr., IX, p.338), etc., une origine asiatique. La même diversité se remarque dans les ouvrages antérieurs. La question est d'autant plus difficile que les Convolvulacées sont au nombre des plantes les plus répandues dans le monde, soit depuis des époques très anciennes, soit par l'effet de transports actuels. En faveur de l’origine américamne, il y a des motifs puissants. Les 15 espèces connues du genre Batatas se trouvent toutes en Amérique, savoir 11 dans cette partie du monde uniquement, et 4 à la fois dans les deux mondes, mais avec possibilité ou probabilité de transport. La culture de la batate commune est très répandue en Amérique. Elle remonte à une époque reculée, car Maregraff la cite pour le Brésil, sous le nom de Zetica - (Bres., p. 16 avec fig.). M, de Humboldt dit que le nom Camote vient 822 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, d’un mot mexicain; le mot de Batatas (d’où par transposition erronée, on a fait Potatoe, pomme de terre) est donné pour américain. Sloane (Hist. Jam., 1, p. 150), Hughes (Barb., p. 228), en parlent comme d’une plante très cultivée, ayant plusieurs variétés aux Antilles. Ils ne paraissent pas soupçonner une origine étrangère. Clusius, qui l’un des premiers a parlé dela Batate, dit en avoir mangé dans le midi de l'Espagne, où l’on prétendait l'avoir reçue du nouveau monde (Clus., Hist., IL, p. 77). Il indique les noms de Batatas, Camotes, Amotes, Ajes (a), qui étaient étrangers aux langues de l’ancien monde. Son livre date de 1604. M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 1. c.) dit que d’après Gomara, Christophe Colomb, lorsqu'il parut pour la première fois devant la reine Isabelle, lui offrit divers produits du nouveau monde, entre autres, des Batates. Aussi, ajoute-t-il, la culture de cette plante était-elle déjà commune en Espagne dès le milieu du xvr siècle. Oviedo (trad. de Ramusio, vol. IT, part. m1), qui écrivait en 1526, avait vu la batate très cultivée par les indigènes de Saint-Domingue, et l'avait introduite lui-même à Avila, en Espagne. Rum- phius (V, p. 368) dit positivement que, selon l'opinion commune, les Bat- tatas ont été apportées par les Espagnols d'Amérique à Manille et aux Moluques, d’où les Portugais les ont répandues dans l'archipel indien. Il cite des noms vulgaires, qui ne sont pas malais, et qui indiquent une introduction par les Castillans. Enfin, il est certain que la Batate était inconnue aux Grecs, aux Romains et aux Arabes; qu’elle n’était pas cul- tivée en Égypte, et cela même il y a un demi-siècle (Forsk., pl. 11v; Delile, Z{L.), ce qui ne s’expliquerait guère si l'on supposait une origine de l’ancien monde. D'un autre côté, il y a des arguments pour une origine asiatique. Les Chinois et les Cochinchinois cultivaient la Batate, dans le siècle dernier (Lour., FT. Coch., I, p. 131), et peut-être depuis longtemps, car l'En- cyclopédie d'agriculture en parle et mentionne diverses variétés (d’Her- vey Saint-Denys, Rech. sur l'agric. des Chin., 1850, p. 109). Le nom chinois, d’après Loureiro, est Hoän-xy. La culture de la Batate était répandue dans lnde dans le siècle dernier (Roxburgh, édit. Wall., IE, p. 69). On lui attribue plusieurs noms vulgaires, et même selon Pidding- ton ({ndex, p. 23), un nom sanscrit, Ruktaloo, prononcez Roktalou, qui n'a d’analogie avec aucun nom à moi connu et qui n’est pas dans le Dictionnaire sanscrit de Wilson. D’après une note que m'a donnée M. Adolphe Pictet, Ruktaloo semble un nom bengali composé du sanserit Alu (Rutka plus dlu), nom de l’Arum campanulatum, et qui, dans les dia- (a) Ajes élait un nom de l'igname (Humb,, Nouv,-Esp.. 2° édit, vol, Il, p, 467,468), ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 823 lectes modernes, désigne l’igname et la pomme de terre. Cependant, Wal- lich (FL. Ind.,1. c.) mdique plusieurs autres noms que Piddington omet. Roxburgh (édit. 1832, vol. I, p. 483) ne cite aucun nom sanscrit. Rheede (Mal., VIT, p. 95) dit que la plante était cultivée au Malabar. Il cite des noms vulgaires indiens. Les motifs sont beaucoup plus forts, ce me semble, en faveur de l’ori- gine américaine. Si la Batate avait été connue dans Pinde à l'époque de la langue sanscrite, elle se serait répandue au loin dans l’ancien monde, car sa propagation est aisée et son utilité évidente. Il paraît, au contraire, que les îles de la Sonde, l'Égypte, etc., sont restées étrangères pendant long- temps à cette culture. Peut-être unexamenattentiframènera-t-il à l'opinion de G.-F.-W, Meyer, qui distinguait (Primitiæ FT. Esseq., p. 103) la plante asiatique des espèces américaines. Cependant, on n’a pas suivi généralement cet auteur, et je soupçonne que, s’il y a une espèce asiatique différente, ce n’est pas, comme le croit Meyer, la Batate décrite par Rumphius, que celui-ci dit apportée d'Amérique, mais la plante indienne de Roxburgh. On cultive en Afrique des Batates; mais, ou leur culture est rare, ou les espèces sont différentes. M. Robert Brown (Bot. Congo, p. 55) dit que le voyageur Lockhardt n'avait pas vu la Batate, dontles missionnaires portugais avaient mentionné la culture. Thonning (PI. Guin.) ne l'indique pas. Vogel à rapporté une espèce cultivée sur la côte occidentale, qui est cer- tainement, d’après les auteurs du #lora Nigritiana,le Batatas panicu- latus, Choisy. Ce serait donc une plante cultivée pour ornement, ou comme espèce officinale, car la racine en est purgative (Wall. dans Roxb., F1. Ind., W, p. 63). On pourrait croire que, dans certains pays de l’ancien ou du nouveau monde, l’Ipomæa tuberosa, L., aurait été confondu avec la Batate ; mais Sloane (Jam., 1, p. 152) nous avertit que ses énormes racines ne sont pas bonnes à manger. M. de Humboldt(Nouv.-Esp., 1. c.)mentionne le Convolvulus platani- folius, Vahl, comme cultivé en Amérique, sous le nom de Batate, avec la véritable Batate. M. Choisy (Prodr., IX, p. 380) rapporte cette espèce à l’{pomæa fastigiata, Sweet, dont le type est une plante de l'Inde, le Convolvulus fastigiatus, Roxb., qui ne parait pas avoir de tuber- cules. Je reviendrai sur cette espèce douteuse (voy. la tab. alphab. finale). .Je ne vois, d’ailleurs, aucune preuve que la plante décrite par Vahl ait une grosse racine et soit cultivée. Une Convolvulacée à racine comestible, qui peut bien être confondue avec la Batate; mais dont les caractères botaniques sont pourtant distincts, 82! ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. estl’{pomæamammosa, Choisy (Convolvulus mammosus, Lour. ; Batata mammosa, Rumph., Amb.,1. IX, tab. 131). Cette espèce croît spontané- ment près d’Amboine (Rumph.), où elle est aussi cultivée. Elle est estimée en Cochinchine. M, Choisy lui rapporte, avec doute, le Convolvulus chryso- rhizus, Solander, variété de la Batate ordinaire, selon Forster, qui est l'espèce cultivée sous le nom de Umara, Gumarra où Gumalla, dans les îles d’O-Taïti, à l'ile de Pâques et dans la Nouvelle-Zélande septentrionale (Forst., PL. esc., p. 56). Quant à la Batate (Batatas edulis), personne, à ma connaissance, ne dit l'avoir trouvée sauvage, ni dans l’Inde, ni en Amérique (a). Clusius (Hise., Il, p. 77) prétend bien qu’elle croît « spontanée dans le nouveau monde et dans les iles voisines » ; mais il ne donne pas de preuve de son assertion. Helianthus tuberosus, L. — La racine appelée Topinambour en fran- çais, Jerusalem (b) artichoke en anglais, Pataca, en espagnol (Herrera, Agrie., H, p. 246), a été cultivée en Europe depuis le commencement du xvir° siècle, comme venant d'Amérique. Columna, qui en a parlé un des premiers, en 1616, l'avait vue dans le jardin du cardinal Farnèse, et la nomme Aster peruanus tuberosus (Col., Ecphr.; 1, p. 14). Bauhin (Prodr., p. 70), en 1619, l'appela Chrysanthemun latifolium brasilia- num. Parkinson lui donna le nom de Battatas canadensis. Plusieurs auteurs de cette époque donnèrent vaguement l’épithète de indicum. Linné (H. Cliff., p. 420) à adopté l'opinion de l’origine canadienne, qui est dé- cidément une erreur, au moins quant au Canada proprement dit ; mais qui pourrait bien s'appliquer aux districts plus méridionaux compris autrefois, d'une manière vague, sous le nom de Canada. La plante n’a été trouvée sauvage nulle part. D’après sa manière de vivre, elle doit provenir d’une région tempérée, et, d'après tous les témoignages, d'Amérique. Je doute que ce soit du Brésil, car sur 40 espèces décrites dans le Prodromus, il n'y en a pas une seule de ce pays. L'origine péruvienne a,'en sa faveur, le nom du jardin Farnèse au moment de l'introduction, et le fait qu’il existe deux ou trois Helianthus dans la chaine des Andes (Meyen, Nov. act. Acad. nat. cur., XIX, Suppl., 1; DG., Prodr., V, p. 585). Cependant M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2e édit., vol. I p. 473) n'a vu l'espèce cultivée dans aucune partie des colonies espagnoles, et la grande majorité des espèces du genre provient du Mexique et des États- Unis. M. de Martius (Syst. mat. med. Brasil.) n'a pas vu le Topinambour au Brésil. Je ne puis rien découvrir dans les noms vulgaires qui indique (a) Le n° 701 de Schomburgk, Coll., 1, est spontané dans la Guyane. Selon M. Choisy, c'est une variété du Batatas edulis ; selon M. Bentham (Hook., Journ. bot., V, p. 352), c'est le Batatas paniculata. Mon échantillon, assez imparfait, me semble différer des deux. (b) Par corruption de Girasol, des aliens (Phillips, Comp. Kütch. gard., 1, p. 294.) ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 825 l'origine. MM. Torrey et Gray (F1. N.-Amer., Il, p. 332) parlent de l'espèce comme cultivée aux États-Unis et se naturalisant quelquefois dans les haies, etc. Je ne la vois pas dans les Plantæ Fendlerianæ, de M. Gray. Elle manque à nos Zcones ined. Floræ mexicanæ, de Mocino et Sessé. Raphanus sativus, L.— Les radis et raiforts se trouvent quelque- fois spontanés dans la région de la mer Méditerranée, par exemple en Es- pagne (Lag. dans DG., Syst. Il, p. 663), dans l’île de San Pietro, près de la Sardaigne (Moris, FT, Sard., T1, p. 99), plus fréquemment encore en Grèce (Fraas, Syn. F1. class., p. 123), où l’on présume que c’est le Sgpavte yet de Théophraste et de Dioscoride, le même nom étant appliqué dans la Grèce moderne au Raphanus sativus sauvage (Fraas, /. c.). D’après Dios- coride (1. 11, c. 138), la plante se nommait chez les Romains Armoracia. Le nom ancien s’est conservé en Italie sous la forme de Ramoracia (Targ., Dizz., p. 144). A défaut d’une ancienneté démontrée, la fréquence de la plante dans ce pays, indique une origine spontanée, tandis que vers le centre et l’ouest de la région méditerranéenne, élle se serait plutôt natura- lisée çà et là, par l’effet de la culture. On l'indique aussi en Crimée (Lerche, cité par Ledeb., FT. Ross.,1, p. 225) et au mont Ararat (Hehn, 16.), ce qui, dureste, concorde avec l’assertion de Pline (1. x1x, €. 5), que le Rapha- nus appelé &ycex par les Grecs, avait un nom particulier dans le Pont, Ar- mon (a). D’après Bosc (Dict. agric., XI, p. 39), le voyageur Olivier lau- rait trouvé sauvage en Perse; mais Bosc a attribué souvent à Olivier des faits analogues, sans en être probablement bien sûr. Linné (Sp., p. 935) avait eu connaissance de la variété chinoise oléifère, et il dit de l’espèce € habitat in Chinà ». Cela ne prouve pas qu’elle y fût spontanée. Thun- berg (FL. Jap., p. 263) dit qu'au Japon : Ç crescit juxta vias, colitur ubi- » que. » M. Bunge ne l’a pas rencontré dans la Chine septentrionale. Rox- burgh (FE. [nd., WE, p. 126) en parle comme d’une plante cultivée dans l'Inde, à racine grosse comme la jambe d’un homme, sortant en partie de terre et ayant un nom sanscrit Mooluka. Cela ne peut guère s'appliquer au radis. Wight et Arnott (Prodr. F1. pen., vol. I, p. 19), de même que (a) Armon paraît la source du mot latin Armoracia. Celui-ci a été transporté d’une manière fatale par les modernes au Cochlearia dit Armoracia, le Cran ou Chren des Slaves et de plusieurs dialectes allemands et français. Matthiole (édit. 1570, p. 333) avait averti déjà que l’Armoracia des anciens n’était pas le Cran, mais Linné n’en a tenu compte, et a propagé l’erreur de quelques botanistes du xvi* siècle, en établissant le nom spécifique Cochlearia Armoracia. C’est par une seconde erreur que l’on a traduit souvent en français le nom de Cochlearia Armoracia par Cran de Bretagne, tandis que : 1° Pespèce n’est pas spontanée dans ce pays, et 2° l'adjectif du mot Armorique serait armoricus, ica, et non Armoracia. J'ai donné, page 654, les preuves détaillées de l’origine et de la patrie du Cran, espèce de la Russie méridionale et des provinces voisines, introduite dans l'ouest, 826 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Loureiro (F1. Coch.) citent le R. sativus comme cultivé, non spontané. Il existe en Chine plusieurs races oléifères ou à racines charnues. De ces der- nières, le jardin de Paris a reçu diverses bonnes qualités, qui se main- tiennent. Le nombre de ces races, en Chine et en Europe, l'ancienneté probable de la culture par les Grecs et les Romains, me font soupconner que l’habitation primitive était fort étendue, peut-être de la Chine à la Grèce. Une aussi grande extension ne serait pas extraordinaire pour une plante de cette famille (a). Brassica campestris, L.(B.campestris et Rapa,DC.),etBr. Napus, L. — Les auteurs les plus récents s'accordent assez à réunir les B. rapa et campestris (Ledeb., FT. Ross.,[,p. 216 ; Bab., Man., 2° édit., p. 24; Fries, Summa veg. Scand., p. 29, etc.). Quelques-uns doutent qu'on puisse distinguer le B. Napus par des caractères positifs (Bab., L. c.). Quoi qu'il en soit, deux choses seulement nous intéressent et n’offrent pas d'incertitude : 1° l'ancienneté de la culture des raves, navets et de la plu- part de leurs modifications ; 2° le fait qu’on en retrouve les types à l’état sauvage. L'agriculture des Celtes et des Germains reposait en partie sur ces ra- cines, usitées comme légume ou comme nourriture des bestiaux (Revmier, Écon. Celt., p. 138). Les Grecs et les Romains les cultivaient aussi, quoique d’une manière moins générale, à cause de la température plus éle- vée des pays qu'ils habitaient (Billerb., F4. class., p. 170; Fraas, Syn. FT. class., p. 122). Le grand nombre de figures et de synonymes à l’époque de la renaissance montre combien il existait de races de navets en Europe, à la fin du moyen âge -(DC., Syst., Il, p. 590). (a) J'avais rédigé cet article lorsque M. J. Gay m'a adressé la note suivante qui modifie partiellement ce que j'ai dit: « Vous pensez que ce doit être une rave ou un radis, et probablement le Raphanus sativus, qui, suivant Fraas, croit spontanément en Grèce, où on l'appelle Rapania agria. J'ai déjà eu l’occasion de vous dire que, suivant moi, le Rha- phanus sativus venait de beaucoup plus loin, et peut-être de Chine. Quant au Rapania agria des Grecs modernes et à l'Armoracia des Latins, j'ai tout lieu de véhémentement soupconner que c’est le Raphanus maritimus, Smith, lequel se promène sous divers noms depuis la mer Caspienne jusqu’à Gibraltar, d’où il suit les côtes de l'Océan jusqu'en Angle- terre, à la faveur du climat tempéré qu'il y trouve en hiver. En Angleterre et en France, c’est le Raphanus sativus, Smith. En Italie, c’est le Raphanus Landra, Moretti. Sur les bords de la mer Caspienne, c’est le Raphanus rostratus, DC. On le cultive, même, en Provence, en Sibérie, et sans doute en beaucoup d’autres lieux, et alors c’est le Rapha- nistrum Gayanum, Fisch. et Mey., Ind. sem. hort. Petrop., fase. 4, p. 44 (dont j'ai fourni les graines aux auteurs, avec observations détaillées). J'ai moi-même cultivé ou vu vivantes ces quatre plantes, et je ne puis y voir qu'une seule espèce qui diffère du R. Raphanistrum par sa racine bisannuelle, devenant facilement vivace et fournissant la seconde année un navet très puissant. Cette plante diffère génériquement du Raphanus salivus, qui est d’ailleurs annuel, par son fruit articulé vers la base, et non pas d'une seule pièce. Il y a 3 espèces et 2 genres, Raphanus sativus, Raphanistrum arvense et marilimum, » ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 897 La patrie originaire a été regardée comme douteuse (DC., b.), proba- blement à cause de la facilité avec laquelle ces plantes si communes se ré- pandent hors des cultures. Depuis quelques années, une exploration plus exacte des pays septentrionaux et orientaux de PEurope ne laisse pas de doute. De Ledebour (F1. Ross., 1, p. 217) n'hésite pas à indiquer le B. rapa (auquel il réunit le B. campestris) spontané dans toute l'étendue de la Russie et de la Sibérie, et le B. Napus dans la Russie tempérée, l'Armé- nie et peut-être la Sibérie. M. Fries (Summa veg. Scand., p. 29) admet ces deux espèces dans la péninsule scandinave, comme plantes spontanées, la première partout, la seconde dans le midi. L’habitation s'étendant de la mer Baltique au Caucase, il n’est pas surprenant que les peuples du centre et du sud-est de l'Europe aient essayé la culture de ces espèces, de- puis une époque reculée, peut-être sans communication les uns avec les autres. Daucus Carotta, L. — La carotte était peu cultivée chezles Grecs et les Romains (Cæsalp., 1. vir, c. 21 ; Billerb., FT. class., p. 67; Fraas, Syn., p. 140), mais à mesure que l’agriculture s’est perfectionnée, elle à pris une place plus importante. Du temps d'Olivier de Serres, on cultivait déjà les deux variétés jaune et blanche. Je me borne à faire remarquer combien la plante spontanée est commune en Europe, et combien peu elle à varié par la culture. On sait, par les expériences de M. Vilmorin, que la carotte sauvage semée en bon terrain devient semblable à la carotte cultivée, au bout de quelques générations, et que, inversement, la carotte cultivée de- vient sauvage par quelques générations en mauvais terrain. Pastinaea sativa, L. (Panais). Campanula Rapuneulus (haiponce). La culture de ces deux racines a beaucoup diminué depuis l'introduc- tion de la pomme de terre. Le panais était cultivé quelquefois en grand ; la raiponce, plutôt comme légume, dans les jardins; mais on peut voir dans Olivier de Serres (édit. 1629, p. 471) combien on en faisait cas il v a deux siècles. Je mentionne ici ces espèces pour constater qu’elles croissent spontanément dans une grande partie de l’Europe, et qu’une culture assidue pendant plusieurs siècles ne les avait pas altérées sensiblement. Arracacha esculenta, Banceroft. — Cette Ombellifère est cultivée assez en grand, pour la nourriture de l’homme, dans la Nouvelle-Grenade, On connaît encore trop peu la région d'où elle est probablement originaire pour savoir si elle se trouve sauvage et jusqu’à quel point elle a été modi- fiée par la culture. Je ne dis rien des TFacea pinnatifida, L., Dracæna terminalis, EL Dracontium polyphylum, EL., dont les racines servent à la nourriture 828 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, des indigènes dans les îles de la mer Pacifique. Ce sont des plantes moins cultivées que spontanées, et qui ne sont guère répandues hors de leur pays d’origine. i Allium Cepa, L. — L'oignon est une des espèces le plus anciennement cultivées. Son habitation primitive est inconnue, d’après Kunth (Enum., IV, p. 394). Voyons s’il est possible de la découvrir au moyen des faits ac- tuellement constatés. Les Grecs modernes appellent :5suuude PAllium Cepa, qu'ils cultivent beaucoup (Fraas, Syn. FT. class., p. 291). C’est une bonne raison pour croire que le xp6uuvsy de Théophraste (Hast., 1. vi, c. 4) est la même espèce, comme les auteurs du xvi° siècle le pensaient déjà (J. Bauh., Hist., I, p. 548). Pline (1. x1x, €. 6) traduisait ce mot par Cæpa. Les anciens en connaissaient plusieurs variétés, qu'ils distinguaient par des noms de pays: Cyprium, Cretense, Samothraciæ, etc. On en cul- tivait une en Égypte (Pline, /. c.), si excellente, qu’elle recevait des hom- mages, comme une divinité, au grand amusement des Romains (Juven., Sat., xv). Les Égyptiens modernes désignent l'A. Cepa sous le nom de Basal (Forsk., p. Lxv) ou Bussul (Ainslies, Mat. med. Ind., 1, p. 269), d'où il est probable que le Betsalim ou Bezalim des Hébreux est bien la même espèce, comme le disent les commentateurs (Hiller, Hieroph., W, p. 36; Rosenmüller, Handb. bibl. Alterk., IN, p. 96). Il y a des noms sanscrits tout à fait différents : Palandu, Latarka, Sukandaka (Piddingt., Index; Ainslies, {. c.), et une foule de noms indiens modernes. L'espèce est généralement cultivée dans l'Inde, en Cochinchine et en Chine (Roxb., FT. Ind., W; Lour., FT. Coch., p. 249), même au Japon (Fhunb., FE, p. 132). Ainsi la culture remonte, dans l’Asie méridionale et dans la ré- gion orientale de la mer Méditerranée, à une époque partout très reculée ; de plus, les noms chinois, sanserits, hébreux, grecs et latins n’ont pas de connexité apparente. De ce dernier fait, on peut déduire l'hypothèse que la culture aurait été imaginée après la séparation des peuples indo-européens, l'espèce se trouvant à leur portée dans divers pays à la fois. Ce n’est pour- tant pas l’état actuel des choses, car on trouve à peine des indices vagues de la qualité spontanée de VA. Cepa. Je n’en ai point découvert dans les Flores européennes ou du Caucase; mais Hasselquist à dit (Foy. and trav., p. 279) : «Il croît dans les plaines près de la mer, aux environs de Jé- richo. » Le docteur Wallich à inséré dans sa Liste de plantes indiennes, n° 072, des échantillons qu'il indique avec des localités du Bengale, sans dire qu’ils fussent cultivés. Cette indication, peu suffisante, j'en conviens, unie à l'ancienneté des noms sanscrits et hébreux et aux communications qui existaient entre les peuples de l'Inde et les Égyptiens, me fait présu- mer que l'habitation était dans une vaste étendue de l'Asie occidentale, peut- ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 829 être de la Palestine à l'Inde. Des espèces voisines, prises quelquefois pour le Cepa, existent en Sibérie (Ledeb., F1. Ross., IV, p. 169). M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2° édit., voi. I, p. A76) dit que les Amé- ricains connaissaient de tout temps les oignons, en mexicain Xonacatl. « Cortès, dit-il, en parlant des comestibles qui se vendaient sur le marché de l’ancien Tenochtitlan, cite des oignons, des porreaux et de Pail. » Je ne puis croire cependant que ces divers noms s'appliquent à nos espèces cul- tivées en Europe. Sloane, dans le xvn° siècle, n'avait vu qu’un seul Allium cultivé à la Jamaïque (A. Cepa), et c’élait dans un jardin, avec d’autres légumes d'Europe (Jam., 1, p. Lxxv). Le mot Xonacail n’est pas dans Hernandez, et J. Acosta (Hist. End., trad. fr., p. 165) dit expressément que les oignons et les aulx du Pérou sont originaires d'Europe. Les espèces du genre Allium sont rares en Amérique. Allium ascalonicum, L. — Le nom vient de la ville d’Ascalon en Judée, et il s’est conservé sous le nom moderne échalote. Théophraste a parlé d’un Cæpa, ou zp5puvoy, sous le nom de Goxghovees xpéuuve, et Pline sous celui de Ascalonia (IL. ce.). La traduction et les expressions des au- teurs anciens ont conservé cette désignation pour léchalote, sans que l'on fût peut-être bien certain de l'identité. D’après Roxburgh (F1. Ind., édit. 1832, vol. I, p. 142), on cultive beaucoup l’Allium ascalonicum, L. dans l’Inde. On lui attribue le nom sanscrit de Pulandoo (prononcez Pou- landou), mot presque identique avec Palandu, attribué à lAllium Cepa (Piddington, Index). Évidemment la distinction entre ces deux espèces n’est pas claire dans les ouvrages indiens ou anglo-indiens. Loureiro dit avoir vu l’Allium ascalonicum cultivé en Cochinchine (EL, p. 251), mais il ne cite pas la Chine, et Thunberg n’indique pas cette espèce au Japon. Ainsi. vers la région orientale de l'Asie, la culture n’est pas générale. Ce fait et le doute sur le nom sanscrit me font croire qu’elle n’est pas ancienne dans toute l'Asie méridionale. Malgré le nom de l’espèce, je ne suis pas persuadé qu’elle existàt non plus dans l'Asie occi- dentale. Rauwolf, Forskal et Delile ne l'indiquent pas en Syrie, en Arabie et en Égypte. Linné (Sp., p. 429), cite Hasselquist comme ayant trouvé l’espèce en Palestine. Malheureusement il ne donne pas de détails sur la localité ni sur la condition de spontanéité. Dans les voyages de Hasselquist (Voy. and trav., 1766, p. 281, 282), je vois un Cepa montana crois- sant au mont Thabor et sur une montagne voisine; mais rien ne prouve que ce soit l'espèce. Dans son article sur les oignons et aulx des Hébreux (p.290), il ne mentionne que l’Allium Cepa, puis les Porrum et sativum. Sibthorp ne l’a pas trouvé en Grèce(Prodr.), et M. Fraas ne l'indique pas comme cultivé actuellement dans ce pays (Syn. FT. class., p. 291). 830 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. D’après Koch (Syn. F1. Germ., 2° édit., p. 883), il s’est naturalisé dans les vignes près de Fiume. Toutefois M. de Visiani (F1. Dalm., p. 138) n’en parle que comme cultivé en Dalmatie. | D’après l’ensemble des faits, je suis amené à l’idée que l’Allium ascalo- nieum n’est pas une espèce. Îl suflit, pour concevoir des doutes sur son existence primitive, de voir que : 1° Théophraste et les anciens en général en ont parlé comme d’un état de l’Allium Cepa, ayant même importance que les variétés cultivées en Crète, en Thrace et ailleurs; 2° on ne peut pas prouver qu'il existe à l’état sauvage; 3° on le cultive peu ou point dans les pays où l’on présume qu'il a pris naissance, comme la Syrie, l'Égypte, la Grèce; 4° il est ordinairement sans fleurs, d’où venait le nom Cepa sterilis, donné par C. Bauhin, et la multiplicité des caïeux se lie tout naturellement à ce fait; 5° lorsqu'il fleurit, les organes de la fleur sont semblables à ceux du Cepa, ou du moins on n’a pas découvert de diffé- rence jusqu’à présent, et d’après Koch (Syn. FT. Germ.), la seule diffé- rence d'avec l’Allium Cepa est d’avoir la hampe et les feuilles moins ren- flées, quoique fistuleuses. Alium sativum, E. — Linné, dans son Species (p. 425), indique la Sicile comme la patrie de l'ail commun, mais dans son Hortus Cliffor- tianus, ordinairement plus exact, il ne donne pas d’origine. Le Synopsis Floræ Siculæ de M. Gussone et le Flora Ttalica de M. Bertoloni n’en parlent pas. De Candolle (FT. Fr., IT, p. 219) regardait comme spontané et comme type de l’espèce un Allium à bulbe simple trouvé sur le bord de la mer, près des îles d'Hyères, dont parle Gérard dans sa Flore de Pro- vence. Mais MM. Robert (Cat. FT. Toulon) et Castagne (Catal. de Mar- seille)ne mentionnent point cette plante ni aucun Allium sativum spontané. D'ailleurs une espèce aussi robuste, aussi généralement cultivée, se trou- verait probablement dans une foule de localités de la région méditerra- néenne si elle en était originaire, tandis que les Flores d'Algérie (Desf., Munby), d’Espagne (Boiss., Voy.; Colmeiro, Catal. pl. Catal. et de Cas- tille), d'Italie (Bertol.), de Dalmatie (Vis.), de Grèce (Margot et Reut.; Sibth. et Sm.; Fraas, Syn. FT. class.), ne l'indiquent pas comme spontanée. M. Fraas dit seulement qu’elle se naturalise en Grèce par l'effet des eul- tures. Je ne vois non plus aucune preuve que l'ail soit spontané en Égypte, comme le dit Kunth (Ænum., IV, p. 381). Le seul auteur qui l'indique sauvage est Ledebour (F4. Att., IE, p. 4, et FT. Ross, IV, p. 162) : « In australioribus deserti Soongoro-Kirghisici, » d’après des bulbes rappor- tées de ce pays et cultivées au jardin de Dorpat. Les Flores du Caucase (Bieb., C. A. Mey., Hohen.) n’en parlent pas, non plus que celles de l'Inde et l'Énumération des plantes de la Chine septentrionale de M. Bunge ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 831 Voyons s'il est vraisemblable historiquement que lail soit originaire du centre de PAsie. On pense que c'était Le Yx0:59.y de Théophraste et de Dioscoride et PAI- lum de Pline. Le nom moderne grec Xz:63: (Fraas, Syn., p. 290) le confirme, à défaut de bonnes descriptions chez les anciens. Les Hébreux cullivaient probablement Pail sous le nom de Schum (Hiller, Hieroph., Il, p. 36), Schumem (Rosenmüller, Æandb. bibl. Alterth., IN, p. 96), qui n’est pas éloigné du nom grec ni du nom arabe hum (Ebn Bai- thar, Ubers. v. Sontheimer, 1, p. 230), ou T'oum Tom (Delile; Forsk, p. LXV), et qui semble avoir même racine que le nom sanserit Mahoushudha (Roxb., ET Ind., 2° édit., p. 142). De ce dernier découlent divers noms indiens modernes Loschoun, Rushoun, etc. (Pidd., {ndex). Les Basques ont un nom qui parail asiatique, Baratchouria (Moritzi, Dict. noms vulq. inéd.). On voit que plusieurs langues asiatico-européennes semblent avoir reçu le nom de l'ail d’une origine commune, très ancienne, asiatique. La culture de l'espèce est aussi très répandue en Asie jusqu’en Chine (Lour., FT. Coch.), mais Thunberg ne l'indique pas au Japon; Pensemble de ces documents concorde assez bien avec la présence signalée dans le désert Soongoro-Kirghisien, car les races indo-européennes sont parties d’une région qui en est peu éloignée. Il resterait à savoir jusqu'à quel degré l’Attium Seorodoprasum, L. (Allium Ophioscordon, Don), appelé Rocambole en français, est différent de PAllium sativum. De Candolle (ET. Fr., IE, p. 220), Koch (Syn., 2° édit., p. 830) et d’autres, soupconnent qu'il en est une variété. Spontané dans les îles de l'archipel grec (Sibth.; Fraas, Syn. FT. class.), il l'est pro- bablement ailleurs dans la région méditerranéenne. Je ne puis dans ce mo- ment me livrer au travail monographique nécessaire pour vider cette question. Beta vulgaris, Moy. — Le type des bettes, cardes et belteraves se trouve, avec une racine fusiforme, peu volumineuse, dans les terrains sa- blonneux, aux Canaries, autour de la mer Méditerranée, en Perse (Moq., dans Prodr., XIE, part. 11, p. 55), et jusque dans la partie de l'Inde qui en est voisine (Jacquem., 0.). Dans l’Inde proprement dite, elle est cultivée pour les feuilles, mais non pour les racines, et elle n’a pas de nom san- scrit (Roxb., FT. Ind., If, p. 59). Les Grecs, et surtout les Romains, fai- saient un grand usage des feuilles de Bette. Ils en distinguaient deux variétés, rouge et blanche (Cæsalp., IV, c. 22; Fraas, Syn. FT. class., p. 233). Depuis cette époque, les races devinrent beaucoup plus nom- breuses, C. Bauhin énumère la plupart de celles qu’on cultive aujourd’hui, en particulier les Betteraves à racines grosses et rouges, Olivier de Serres 03 832 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. (édit. 1629, p. 470) décrit aussi fort bien la Betterave rouge qu’on cultive aujourd’hui en grand pour les bestiaux; il en parle comme d’un légume introduit récemment d'Italie en France. Si, comme le pense M. Moquin, toutes les bettes, cardes et betteraves proviennent d’une seule espèce, la culture aurait fait varier beaucoup cette espèce ; mais on peut conserver des doutes sur l'identité spécifique. Toutefois, si la Betterave, par exemple, est une espèce distincte, elle ne pourrait être originaire que du midi de l'Europe ou de régions très voisines qui sont bien explorées, et dans les- quelles on ne l’a jamais trouvée à l’état sauvage ; par conséquent, la déri- ation d’un autre état spécifique est plus probable. — Les transitions nombreuses de couleur et de forme sont en faveur de lespèce unique. J’ajouterai que la Betterave est une des plantes les plus flexibles, une de celles où les modifications deviennent le plus vite héréditaires, d’après des expériences dont M. L. Vilmorin à bien voulu m'entretenir. Rubia tinctorum, L — Les botanistes ne sont pas d'accord sur là limite de l’espèce et sur le nombre des espèces du genre Rubia en général, mais il n’est pas douteux que la Garance cultivée ne soit sauvage en Itahie (Bert., ÆT. It, IE, p. 146), en Grèce (Decaisne, Rech. Garance, p. 58), sans parler de quelques pays voisins, de l'Orient et du midi de Europe, où elle peut avoir été introduite et où l'espèce n’a pas toujours été vérifiée suffisamment au point de vue botanique. L'identité de la plante cultivée et de la plante spontanée est intéressante parce que la culture de la Ga- rance est déjà ancienne. Les Romains la pratiquaient (Pline, 1. x1x, €. 3). Reynier (£con. Celt., p. 318) pensait que le nom de Farantia, de la basse latinité, employé dans les Capitulaires, nom différent du nom latin Rubia, montre une ancienne culture chez les Gaulois. Il est possible cependant que l'usage fût de chercher les racines de la plante spontanée. La Garance est mentionnée assez souvent dans les actes français du moyen âge (de Gasparin, Traité d'agric., IV, p. 253), ce qui confirme Fidée d'une culture ancienne dans le pays. Plus tard elle y fut pour ainsi dire aban- donnée, jusqu’à l’époque où Althen lintroduisit de nouveau dans le comté d'Avignon, au milieu du Xvi* siècle. Elle avait fleuri davantage en Hol- lande, en Allemagne, et surtout dans la Grèce, l'Asie Mineure et la Svrie, d'où l’exportation était considérable, Le Rubta Hinctorum n’est pas connu dans l'Inde. Les nonis sanscrits Vikusa, Arouna et Urouna, qui, par parenthèse, ont un certain air d’aflinité avec les noms Varantia et Gu- rance, S'appliquent au Rubia Munjistha, Roxb., espèce spontanée, non cultivée, du nord de l'Inde, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. S3à B. Plantes cultivées pour leurs tiges. Cannabis sativa, p, — La culture du Chanvre est ancienne dans l'Inde, surtout dans les provinces septentrionales, soit comme plante textile, soit pour les propriétés exhilarantes des feuilles, fleurs ct graines. Les noms sanscrits étaient Banga et Ganjika (Roxb., FT. Fnd., 2 édit, IH, p. 772), Bhanga et Gunjika (Piddington, fndex). La racine de ces noms a42g, hang ou an, se retrouve dans toutes les langues asialico- européennes; Bang en hindou et en persan (Roxb., {. c.), Ganga en ben- gali (id., +b.), Kanab dans la langue des Celtes (Reynier, Econ. €elt., p. AAS) et en breton (Legon, Dict.), Cannabis en grec et en latin, Hanf en allemand, Æemp en anglais, Chanvre eñ français, Cannab en arabe (a). La culture du Chanvre existait chez les nations celtiques (Revynier, £. c.), qui avaient tiré de Kanab le mot camisia, chemise. Les Scvythes, d’après Hérodote, les Grecs et les Romains cultivaient le chanvre. Au contraire, les Hébreux et les anciens Égyptiens ne le connaissaient pas, car on n’en dé- couvre aucune trace dans les livres sacrés (Rosenmüller, #£andb. bibl. Alterth., IN), ni dans les enveloppes de momies (Dutrochet, Comptes rend. Acad. se., 1837, 1° sem., p. 741). Encore, à la fin du siècle dernier, on ne cultivait le Chanvre en Égypte que pour le hachich, préparation enivrante (Forsk., Delile). Le recueil des lois judaïques, intitulé Hichna, fait sous la domination romaine, parle du Chanvre, mais en expiiquant ses propriétés textiles, comme une chose peu connue (Reynier, Æcon. des Arab., p. 154). Le Chanvre est spontané dans le nord de lPinde (Roxb., /. e.) et en Sibérie (Ledeb., FE. Ross., LE, p. 63/4). Bieberstein (Æ7., 1, p. AT9), Hohenacker (PL. T'alysch, p. 31), C.-A. Mever (Verz., p. A5), Findi- quent aussi au midi du Caucase, mais dans les décombres, autour des vil- lages. M. Bunge l’a trouvé au nord de la Chine dans les mêmes localités. L'origine sanscrite des noms et le témoignage des botanistes concordent à établir que le pays primitif est l'Asie tempérée, probablement vers la mer Caspienne, et qu'une culture fréquente, répandue de tous côtés, naturalise quelquefois l’espèce dans le voisinage des habitations. Linum usitatissimum, Mill. — Les momies des anciens Égyptiens sont enveloppées d’étoffes de lin, et les peintures des Catacombes ne laissent pas de doute sur la culture de cette plante en Égypte dès une époque extré- (a) Ayant vu le nom arabe écrit de différentes mañiéfes, j'avais consulté feu mon col- lègue J. Humbert, professeur d’arabe, qui m'a indiqué Kan-nab, comme le plus répandu; ét aussi Kon-nab, Han-nab, Ken-nab, Kanedir, suivaht les localités. 53/4 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. mement reculée (Reynier, £con. Egypt., p. 315; Dutrochet, Larrey et Costaz, Comptes rend. Acad. sc., Paris, 1837, 1% sem., p. 739). Les Juifs (Reynier, Écon. des Arab., p. 433) cultivaient le Lin. Ils en tiraient aussi d'Égypte. Les noms Linon, Linum, sont grecs et latins. N'ayant aucune ressemblance avec le nom chaldéen Chisma, le nom hébreu Pischta, ni avec les noms sanscrits (orthographiés en lettres latines), Ouma, M atousi, Atasi (Piddington, {nd., p. 52), Utusi (Roxb., FT. EInd., 2° édit., If, p. 110), ni enfin avec les noms arabes Kattane, Kettane ou Kit- tane (a), il me semble que la culture du lin était originaire, ou du moins avait eu une origine distincte en Europe ou dans l'Asie Mineure. Les Égyp- tiens n’ont pas pu la recevoir de l'Inde; car, dans ce dernier pays, on ne cultive le lin, aujourd’hui encore, que pour faire de l’huile avec les graines (Roxb., 4. e.; Royle, LU. Him., p. S2). Les Germains et les Celtes cul- üvaient le lin pour tissus (Reynier, Æcon. Celt., p. 451), et selon de Theïs (Gloss. Bot., p. 276), le mot celte Llin, signifiait fil, et était l'o- rigine des mots Lin en français, Linen en anglo-saxon, Lein en allemand, Linon des Grecs, et Linum des Latins. Je vois aussi dans Bauhin (Hast.. HE, p. 451), queles Bohêmes disaient Len. Une étymologie qui fait sortir la eul- Lure du lin de l’Europe tempérée, me plait, parce que cette culture y réussit mieux que dans le midi. D’un autre côté, il faut reconnaitre que les Alle- mands et les Anglais emploient plutôt les mots Flachs et Ælax (b), qui vont aucun rapport avec lin. D'ailleurs, à une époque si reculée, où les forêts du centre de l'Europe n'avaient que de rares habitants, et aucune communication avec l'Égypte, comment serait-il arrivé que les Égyptiens eussent cultivé la même plante originaire de nos contrées? La patrie du Linum usitatissimum était considérée naguère comme inconnue (Nouv. Dict. d’hist. nat., etc.). M. Planchon, dans sa mono- graphie récente des Linées (London Journ. of Bot., 1848, p. 165), se borne à dire : « Verosimiliter ex Oriente ortum. » Ledebour (F1. Ross., Ï, p. A25), l'indique comme quasi spontané dans la Russie centrale; puis il ajoute des localités du désert de la mer Caspienne et de la Sibérie occi- dentale, où la culture, assurément, est peu répandue. M. Hohenacker (PL. T'alysch, p. 168), indique le Lin au midi du Caucase, près de Lenkoran, quasi spontané. La facilité avec laquelle une plante aussi souvent cultivée (a) Ces noms m'ont été donnés par M. J. Humbert, professeur d'arabe, comme les plus habituels et probablement, d’après divers orientalistes, comme d'origine persane. Le docteur Royle indique le nom Kutan (prononcez Koutan) comme persan (Royle, Him., p. 82), et Akshoot (prononcez Akchout) comme arabe. Il est singulier que le nom Kulen ou un nom analogue, soit presque celui du coton dans les langues arabiques. Est-ce une transposition , ou une confusion fondée sur un emploi semblable ? (b) Ce terme est aussi dans les langues slaves. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 835 peut s'échapper dans la campagne, et la confusion assez fréquente avec le Linum angustifolium, Huds., et surtout avec le Linum humile, Miller (a), me font accepter avec réserve les indications des auteurs. L’étymologie multiple des noms, l'ancienneté de la culture en Égypte, en Europe et dans le nord de l’inde à la fois, la circonstance que, dans ee dernier pays, on cultive le lin seulement pour faire de l'huile avec les graines, me font croire que deux ou trois espèces d'origine différente, confondues sous le’nom de Linum usitatissimum par la plupart des auteurs, ont été cultivées jadis dans divers pays, sans imitation ou communication de VPun à l'autre. Les progrès de la civilisation ont pu amener des transports de graines et des mélanges, comme celui des Linum usitatissimum et humile, en Europe. Je doute, en particulier, que l'espèce cultivée par les anciens Égyptiens fût l'espèce indigène en Russie et en Sibérie, qui réussit surtout dans les eli- mats un peu froids. On cultive aujourd’hui en Abyssinie, sous les noms de Telba et Entatieh, un lin que M. A. Richard nomme Linum usitatissi- mum (L'ent. FT. Abyss., I, p. 51), et qui mériterait un examen attentif, la monographie de M. Planchon sous les yeux. Ce pourrait bien être le type du Lin cultivé dans l’ancienne Égypte, quoique les Abyssins d'aujourd'hui ne le cultivent ni pour les fils, ni pour l'huile, mais pour manger les graines torréliées. Au surplus, la région où se trouve le Lin sauvage, le midi du Caucase, à été le point de départ des peuples primitifs indo-européens. On peut croire qu'ils auraient emporté cette plante avec eux, dans toutes les direc- tions. Ce qui rend cette hypothèse moins probable que lautre, c'est la diversité des noms en sanserit, en hébreu et dans les langues anciennes de l’Europe, ainsi que la diversiié des usages du lin selon les pays. Le chanvre est sorti de la même région, etil a conservé des noms indo-européens qui prouvent une origine unique; bien plus, il était inconnu aux Hébreux et anciens Égyptiens. Si ces peuples avaient reçu le Lin du nord, pourquoi w'auraient-ils pas obtenu le chanvre également? Agave americana, L. — L’Agave mexicana est cultivé depuis un temps inmémorial au Mexique, sous les noms de Haquey et Metl, pour en extraire le vin dit pulque, au moment où la hampe florale commence à se former. M. de Humboldt a décrit très clairement cette culture (Nouv.- Esp., 2e édit., I, p. AS7); mais il ne nous dit pas s’il a vu l'espèce tout à fait spontanée au Mexique ou dans l'Amérique méridionale. Elle est si fré- quemment plantée dans ces régions pour haies, ou pour en fabriquer le fil (a) D’après M. Planchon, le Z. humile se distingue du L. usitalissimum par une cap- sule notablement plus longue que le calice, et à valves ciliées. [l se trouve mélangé dans les champs de lin ordinaire. Sa patrie est inconnue. 836 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. de pite, indépendamment du suc employé au Mexique seulement; elle se multiplie si abondamment par des drageons, en particulier dans Îles loca- lités arides, que la qualité de plante spontanée doit être difficile à consta- ter. Nous restons ainsi dans le doute sur son état primitif et sur son origine géographique précise. Évidemment, ce doit être l'Amérique, et très proba- blement le Mexique, d'après l'ancienneté de la eulture dans ce pays et l’absence de communications dans les temps reculés entre PAmérique méri- dionale et l'Amérique septentrionale (Humb., £. e., p. 460). Sacecharum oflicinarum, L.,S. violaccum, Euss. et S. sinense, Roxh. — Kunth (Enum., \, p. 474) admet ces trois espèces dans les Cannes à sucre cultivées. [l distingue dans l’espèce ordinaire (S. officinarum), quatre variétés, entre autres celles d'O’Taïti. Roxburgh (FT. FInd., 2e édit., H, p. 238) décrit les Saccharum officinarum et Saccharum sinense, cultivés de son temps en Asie. [l y aurait sans doute de l'intérêt à rechercher, au point de vue botanique, jusqu’à quel degré ces espèces sont distinctes. Sous le rapport de la botanique géographique, la question est assez inutile, car toutes les espèces ou variétés cultivées sont originaires de l'Asie méridio- pale, et aucune n’a été trouvée à l’état sauvage. Ceci résulte du silence des botanistes modernes. L’assertion de quelques auteurs anciens (Piso, Bras., p. A9), qui disaient la Canne originaire des îles Canaries, et celle de Wal- kenaer (Cosmog., p. 496), qui la disait du Maroc, ne sont que des erreurs. L’ancienneté de la culture dans PAsie méridionale mdique origine, et doit ramener notre attention sur cette partie du monde. La culture de la Canne à sucre est très ancienne en Chine. La plante, envoyée de ce pays à Roxburgh, en 4796, et qui fut introduite au jardin de Calcutta, comme l’espèce ou variété cultivée par les Chinois, était le Saccharum sinense, Roxb. Les cannes cultivées dans l'Inde de toute anti- quité étant différentes de celle-ci, on peut croire que la Chine et l'Inde avaient deux espèces primitivement spontanées et distinctes, et que Pidée de les cultiver est venue séparément dans les deux pays. Les noms sanserits du Saccharum oflicinarum sont {Æshoo et Rusala, pour les variétés claires; Poondra et Kanguruka, pour les variétés rouges, d’après Rox- burgh. Aucun de ces noms orthographiés en français (Zkchou, Poundra) ne ressemble aux mots de nos langues occidentales. On trouve l’origine des noms arabe, Sukkar (Delile, FL. Æg. ul), grec, Saecharon, et de tous les noms européens Zucker, Sucre, etc., dans le sanscrit, Sarkura (Royle, £{l., p. A26), qui est bien un nom ancien, écrit plus souvent Cér- karä ou Cärka, d'après ce que m'a dit M, Ad. Pictet. Ce nom se retrouve dans Cherukoo (prononcez Cheroukou), en langue telinga (Roxb., £. e.), Sakkara en langue tamool (Royle, ZE. Him., p. 426), Jaggery en hin- ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 857 dustani moderne (Royle, b.). La culture de la Canne à sucre ne paraît pas très ancienne dans les îles de larchipel indien, d’après le petit nombre des noms vulgaires de variétés (Rumph., 4mb., V) et l’origine indienne de ces noms (Crawfurd, cité dans Marshall, Mem. Wern, Soc. Edinb,, V, part. 1, p. 138). Les livres hébreux ne parlent pas du sucre (Rosenmüller, Handb, bibl, Alterth., IN), d’où lon peut inférer que ce produit n’était pas connu à Babylone. Plus tard, les Grecs et les Romains eurent connaissance de la Canne à sucre (Arundo indica), comme eultivée dans l’Inde, et même en Arabie. On avait élevé des doutes à cet égard ; mais les recherches com- plètes de MM. Philipps (Cult. veg., 2° édit., I, p. 233) et Fingerhut (Flora, 1839, II, p. 529), ont confirmé que, sous le nom de Saccharon, les anciens entendaient bien la Canne à sucre, et non une espèce de bambou. Les Arabes se sont mis, pendant le moyen âge, à cultiver la canne de plus en plus, et l'ont introduite en Égypte, puis en Sicile et dans le midi de lEs- pagne (a), où la culture en à été florissante, jusqu’à ce que l'abondance du suere des colonies y fit renoncer. Dom Henri transporta, en 4420, la Canne à sucre de Sicile à Madère, d’où elle fut portée aux îles Canaries en 1503 (Buch, Canar. Tns.). De ce point, elle fut introduite au Brésil, dans le commencement du xvr° siècle (Piso, Bras., p. 49); elle a été portée à Saint-Domingue vers Pannée 4520 (Humb., Nouv.-Esp., 2e édit,, I, p. 34), et peu après au Mexique; à la Guadeloupe, vers 1644 (Not. stat. col. franç., 1, p. 207); à la Martinique, vers 1650 (1b,, p. 29). Elle fut portée à Bourbon dès l’origine de la colonie (Notice. stat, col, frane., {, p. 83). La variété dite d'O’T'aïtr, dans les colonies françaises, de Bourbon dans les Antilles anglaises (Macfadyen, dans Hook., Mise., 1, p. 101; Maye., ET. Barbad., p. 50), a été répandue en Amérique, comme plus produe- tive, dès la fin du siècle dernier. Ses noms indiquent d’où on la croyait ori- giaire. Î ne faudrait pas admettre, cependant, qu'elle fût spontanée à O’Taïti, comme certains auteurs Pont supposé. Forster (PE. ese., p. 77) dit positivement que la canne cultivée dans cet archipel n’y est pas à l'état sauvage. C. Plantes cultivées pour leurs feuilles. 10 Comme fourrages. Il est assez inutile de prouver queles Graminées qui constituent certaines de nos prairies artificielles se trouvent toutes dans un état véritablement (a) Voyez le calendrier rural de Harib, écrit dans le x° siècle, pour l'Espagne, traduit par M, Dureau de la Malle, dans sa Climatologie de l'Italie et de l’Andalousie, p. 71. 838 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. spontané et reconnaissable. On dira peut-être que les caractères n’ont pas changé par la culture, parce que celle-ci est peu ancienne. Ïl en résulte cependant le fait curieux et important à noter, que beaucoup de Graminées ne varient pas pendant la première période de la culture. Nous verrons que les Triticum, Hordeum, Avena, etc., ont peu varié depuis trois ou quatre mille ans qu’on les cultive en vue des graines; et s'ils se sont comportés, à l’origine de la culture, comme les graminées-fourrages, il en résulterait qu'à une époque excessivement recuiée, ces espèces ont été probablement ce qu’elles sont aujourd’hui. Les seules plantes en dehors de cette famille qu’on cultive depuis plu- sieurs siècles pour fourrages, sont des Légumineuses. Elles se retrouvent toutes spontanées, comme on va le voir. Medieago sativa, L. — La Luzerne était connue des Grecs et des Romains, qui lappelaient Mdr, Herba medica, Ledica, parce qu'ils la regardaient comme apportée de Médie (Plin., L. xvur, e. 16; Link, Urw.; Billerb., FT. class., p. 197; Fraas, Syn. F1. class., p. 63). Les Ro- mains la cultivaient fréquemment, d’après Varron, Virgile, ete. Les habi- tants de la Grèce la cultivent très rarement aujourd’hui, quoi qu’en dise Sibthorp (Fraas, /. c.). Du temps d'Olivier de Serres, on la cultivait principalement en Espagne et dans le midi de la France (TA. d'agr., édit. 1629, p. 238). On l’appelait Sainfoin ou Luzerne. Le premier de ces noms est resté dans quelques localités, par exemple, à Genève; mais il s'applique ordinairement à FOnobrychis sativa. Le second venait, dit-on, de la vallée de Lucerna, en Piémont; cependant les Italiens appellent l'espèce Hedica, où Erba spagna, cedrangola, Fieno d'Ung- heria, foin de Hongrie (Targ. Tozz., Diz. Bot.). Le nom espagnol Alfafa, d’origine arabe, prouve que les Maures n'avaient pas négligé cette plante précieuse. Les Espagnols l’appellent également Mielga où Melga (de Medica?). Hs avaient aussi un vieux nom Æ£ruaye, cité par J. Bauhin (Hist., Il, p. 381), et les Catalans disent Userdas (Colm., Cat.), d'où vient peut-être le nom patois du midi de la France, Laouxzerdo, et le nom français Luzerne, puisque la culture s'était conservée en Espagne plutôt qu’en Italie. L'espèce n’a pas de nom sanscrit, quoiqu'elle existe au nord de l'Himalaya. Elle se trouve, avec les apparences d’une plante spontanée, indigène, dans toute la Sibérie (Ledeb., F7. Ross., 1, p. 524), dans le Cachemir (Royle, LU. Him., p. 192-197), la région du Caucase (Bieb., Fl., HU, p. 224), le midi de la Russie (Ledeb., {. e.). En Allemagne (Koch, Syn., 2° édit., p. 175), en Suisse, en France, et surtout en Espagne (Boiss., Voy., I1,p. 164), elle est spontanée ; mais l'abondance et l'ancienneté des prairies artificielles ne permettent pas de savoir Jusqu'à ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉPRALEMENT CULTIVÉES. 839 quel point la plante est aborigène. Elle paraît plus rare en Italie, en Sar- daigne (Moris, E1., 1, p. 437), en Algérie (Munby, F7. Alq., p. 8h), en Grèce, quoique dans ces pays la culture en soit très productive, au moins dans les endroits arrosés. M. Gussone (Syn. FT. Sie.) ne l'indique pas, même comme plante spontanée ou naturalisée en Sicile. Ainsi, contraire- ment à l'opinion commune que la Luzerne est une plante d'Espagne et du midi de la France (Linn., Sp., p. 1096), je la crois originaire de l'Asie tempérée et des provinces au sud-est de la Russie, introduite de l'Orient en Grèce, comme le disaient les anciens; et, enfin, naturalisée dans le midi de l’Europe et jusqu’en Algérie, par l'effet d’une culture fréquente et de vieille date. Trifolium pratense, L. — La culture du Trèfle m’existait pas dans l'antiquité, quoique sans doute la plante füt connue de presque tous les peuples de l’ancienne Europe. L'usage s’en est introduit dans le xvi‘ siècle en Allemagne (Link, Urw., p. 422). Olivier de Serres n’en parle pas dans son ouvrage (Théâtre d’agric., 1629), où il mentionne cependant la Luzerne et le Sainfoin. Le Trèfle est indigène dans toute l'Europe, dans la Sibérie occidentale et centrale (Ledeb., FT. Ross., |, p. 518), dans le Cachemir (Royle, Z{!. Him., p. 198), l'Arménie et le Caucase (Ledeb., {. c.). Il ne paraît pas que deux siècles et demi de culture l’aient fait varier; du moins, on trouve sauvages des variétés semblables au Trèfle cultivé. Onobrychis sativa, Lam, — Le Sainfoin ou Esparcetteest d’une eul- ture contemporaine au Trèfle. Elle a commencé plus au midi de l'Europe. Ainsi, à l’époque d'Olivier de Serres, elle était commune dansle sud-est de la France (Th. d’agr., 1629, p. 242). L'espèce croit spontanément en France, en Italie, en Allemagne, dans la Russie méridionale, au Caucase (Ledeb., F1: Ross.); mais on ne l'indique ni dans le midi de l'Espagne (Boiss., Voy.), ni en Algérie (Munby, F{. Alg.), ni en Sardaigne (Moris, F1.), ni en Grèce (Sm., Fraas). Les Bretons leur donnent un nom qui signifie herbe ou foin français, ce qui montre une origine récente et étrangère à eux (Reynier, Econ. Celt., p. AA1). 9° Comme léqumes. Brassica oleracea, L. — On s'accorde à regarder comme le type du Chou ordinaire et de ses innombrables modifications la plante sauvage des côtes d'Angleterre (Bab., Han. Brit. bot., 2° édit., p. 24), du Danemark, (Fries, Summa, p. 28), de la Zélande (Dod., Pempt.. p. 626), du nord- ouest de la France (Bosc; DC., On the diff. sp. of Brassica, dans Trans. Soc. Linn. Lond., 1821 ; Brebisson, Fl. Normand., 2e édit., p. 18). 510 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. C'est en Angleterre, principalement, que la qualité spontanée sur les falaises est bien certaine. Les Flores de lintérieur de l’Europe et de la Russie méridionale n’indiquent pas lespèce à l’état spontané, non plus que les ouvrages sur le Caucase, la Sibérie et la Chine septentrionale. Dans la région de la mer Méditerranée, on trouve trois espèces qui ont été rappor- (ées quelquefois au B. oleracea, ou confondues avec lui. Ce sont les B. balearica, Camb., des îles Baléares; B. insularis, Moris, de Sar- daigne, et B. cretica, Lam., de Grèce. M. Bertoloni (F1. Tt., VIE, p. 146) rapporte le B. balearica Badaro (non Camb.), de la côte de Ligurie, au B, oleracea ; mais c’est une opinion à examiner. M. De Notaris (Prosp. FT. Lig., 1846) admettait auparavant le B. balearica comme venant sur les côtes de Gênes. Le Brassica des rochers maritimes du mont Athos, que Sibthorp et Smith (Prodr., W, p. 29) rapportaient au B. oleracea, paraît être le B. cretica; du moins celui-ci est le seul qu'on ait trouvé dans la localité (Griseb., Spicil., p. 263), et M. Fraas (Syn. FT. class., p.121) n’a pas vu le B. oleracea sauvage en Grèce. Il est donc très douteux que le type de l'espèce existe ou ait existé dans l’Europe méridionale, à moins que certaines variétés cultivées ne soient venues de ces Brassica de Ja Méditerranée, estimés généralement des espèces distinctes. Les documents historiques et linguistiques conduisent également à.des origines multiples pour les Choux cultivés. Théophraste indiquait seulement deux variétés (Reynier, Æcon. des Grecs, p. 482). M. Fraas (Syn., p. 121) énumère trois noms différents de l’ancienne Grèce, comme se rapportant au Brassica oleracea : Kaulr, Arist.; Péozo; (nOn Poyzsis),Theophr., et KocuËr Où Kodufros, Diosc., ce qui suppose trois variétés. Pline (1. xx, ©. 9) dit bien que les Grecs en connais- saient trois. De son temps, on en cultivait au moins le double en [alie (L. xx, e. 8), et on leur appliquait généralement le mot Brassica, quoique les noms Caulis et Crambe, qui rappellent les noms grecs, fussent aussi employés par les Romains. Le mot Brassica, n'étant point tiré du grec, et se trouvant chez un auteur {el que Pline, postérieur à la conquête des Gaules, me paraît venir du Celte, car Bresie voulait dire chou en langue celtique (Origines qau- loises, d'après de Theïs (£tym., p. 67). M. Le Gall m'écrit que ce nom est cité dans le Dictionnaire du père Rostrenen, comme tombé en désuétude chez les Bretons, et que le nom ordinaire actuel est Kaol, soit dans les anciens Dictionnaires, Caul. On retrouve sous celte forme le Ks), des Grees et le Caulis des Latins. Le mot Caul ou Chaulx, des peuples cel- tiques, selon Pezron et Bullet (de Theïs, 4b.), signifiait aussi légume. Ces mots gréco-celtes, dont la racine est Caul, ont eu pour descendants le ao 2e — ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, Shi Cavolo des Italiens, le Caou des patois du midi de la France, le Chou des Français, et leur aflinité est grande avec le Koh! des Allemands, le Kale des Anglais, le Kaal des Norwéciens, le Kol des Suédois, le Col des Espagnols ; on le retrouve même en persan, sous la forme de Kelum (Ainslies, Mat. med, Ind., 1, p. 46). Je ne sais si les Grecs avaient recu ce nom des peuples germains et celles, ou si les Germains et les Celtes l'avaient reçu des Grecs, ou si les uns et les autres le tenaient d’une ori- gine commune très ancienne. Le nom grec Ks4xf£, traduit, en latin, par Crambe, se retrouve dans le Krumb, Karumb ou Koromb des Arabes (Moritzi Dict. incd, des noms vulq.; Delile, Z{T., p. 19), et peut-être avait-il une connexion d’origine avec le mot Kraut des Allemands, qui s'applique au Chou et à foute espèce d’herbage, le Chou étant le légume principal des peuples germains, Le mot Pis, des Grecs n’a laissé aueune trace dans les noms subséquents des variétés de Choux, ce qui me fait craindre une erreur dans Fopinion de ceux qui regardent ce mot comme différent du Pose, et Comme un des synonymes du Brassica oleracea, opinion qui remonte cependant à Aristote (3. Bauh., Haist., 11, p. 829). Les mots celtes et latins Bresie et Brassica, ont eu pour descendance le Berza des Espagnols, les Bersa el Verea des Portugais, le Bersych des Gallois, le Broskwa des Hlyriens (Moritzi, Dict, inéd.), le Broccoli des Italiens. il existe une autre source de noms de l’espèce dans les langues asiatica- européennes. La racine en est la syllabe Kap ou Cap, qui signifie téte en celte (de Theïs, Gloss. bot., p. 67), de même que Caput en latin. Les noms qui s'appliquent probablement aux variétés de Choux en tête sont, en ” français, Cabus, Choux cabus; en anglais, Cabbage; en vieux allemand, Kappes Kraut (X. Bauhin, Hist., 1, p. 820); en lettonien, Kapost (Moritzi, Dict. inéd. des noms vulg.); en esthonien, Kappust (id.); en illyrien, Kappust (id.); en hongrois, Kaposta (id.); en bohèémewet en russe, Kapusta (id.); en tartare, Kapsta (id.), et même en bengali et hindustani, Kopee, soit Kopi (Piddington, Zndex, p. 13). L'absence de nom sanserit montre que la culture du Chou, dans les pro- vinces septentrionales de l’inde, n’est pas fort ancienne, quoique son intro- duction soit antérieure aux Européens (Royle, Z{!. Him., p. 70). Loureiro (FE Coch., p. ASE) avait vu le Chou ordinaire cultivé en Chine et en Cochinchine, et il doute, non sans raison, qu’il y soit indigène. Thaunberg ne lindique pas au Japon, d’où l’on peut inférer que l'introduction en Chine est récente, comme dans PInde septentrionale. Ces détails nous ramè- nent aux noms usités en Europe et dans la partie adjacente de FAsie. 842 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, Ceux que j’ai cités appartiennent aux langues celtes et slaves, el mème à des langues plus anciennes asiatico-européennes. [ reste quelques noms dont je ne puis retracer l’origine, tels que Repollo, qui signifie Chou cabus en espagnol (Gattel, Diet. Esp.) et se retrouve en portugais (Moritzi, Diet.), Jarmuz en polonais (id.), Sjami en arabe (Forsk., p. LIV), Aoxso Où Awewme, en grec moderne (Sibth., Prodr., I, p.29; Fraas, Syn. F1. class., p. 121). Ce sont des noms, ou modernes, ou extrêmement locaux, et peut-être concernant des variétés particulières. Sans nous arrêter à ces mots exceptionnels, nous pouvons dire que la grande masse des noms appliqués aux variétés du Brassica oleracea déri- vent de quatre racines distinctes : une celto-slave, Cap; une celtique, Bresic; une celto-germano-grecque, Caul ; enfin, une gréco-germanique, Cramb. Ces faits sont incompatibles avec l’idée que toutes les races de Choux viendraient du Brassica oleracea sauvage sur les côtes occidentales de l'Europe. Les peuples primitifs de notre continent avaient bien peu de communications les uns avec les autres, et leurs migrations n’ont point été des côtes de l’océan Atlantique vers la mer Noire et la mer Méditerranée. Ïl faut done, ou que l'habitation de l'espèce ait été jadis plus étendue, ou que les variétés cultivées dérivent, les unes de la plante des côtes d'Océan , d’autres d’une plante de la Russie méridionale , d’autres, enfin, de la région gréco-latine. Il serait bien possible que Phabitation ancienne du Brassica oleracea s’étendit de l'Océan jusqu’à la mer Noire et la mer Caspienne, à une époque où ces régions étaient plus boisées, plus humides, plus imprégnées de selet moins cultivées qu'à présent (a). Il se pourrait aussi que les Grecs et les Romains enssent commencé par cultiver les Bras- sica cretica, Brassica balearica et Brassica insularis, propres à la région de la mer Méditerranée; que certaines variétés vinssent de ces plantes si voisines du Brassica oleracea, et que, plus tard, le mélange des Choux cultivés, lhybridation qui en résulte et la formation d'un nombre crois- sant de variétés, aient rendu la distinction des origines impossible aux botanistes. Le nombre des variétés cultivées déjà dans le xvr° siècle est très remar- quable. On peut voir dans un travail de mon père, couronné par la Société d'horticulture de Londres (Hem. on the diff. species, races and varie- lies of Brassica, dans Trans. hortic. Soc.), et dans le deuxième volume du Systema, une classification complète de ces modifications diverses, et à a) Pallas mentionne un Brassica oleracea sauvage dans le midi de la Russie, mais Ledebour (F1, Ross., 1, p. 218) n'a pas pu s'assurer du fait et vérifier la détermination de l'espèce, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 843 l'appui de la plupart d’entre elles, des figures de Dodoens, Bauhin, etc., aussi exactes que si on les faisait aujourd’hui. Lactuea Scariola, var. sativa, Moris. — De Candolle (Prodr., VIE, part. 1, p. 138, dit: « Patria dubia, forte India orientalis. » I ajoute : € Wallich, Cat. Compos., n° 35h, an spontanea ? » Dans la liste autographiée du docteur Wallich, ce numéro est devenu la plante n° 32/4, originaire des herbiers de Madras et de Wight; d’où il ressort que rien ne prouve sa qualité spontanée. Le n° 353 du Catalogue des Composées (32/48 de la liste) venait du Népaul, et se trouve rapporté dans le Prodromus, avec doute, au Lactuca sativa. Il n’est pas certain non plus qu’il soit spon- tané. Le docteur Royle (LU. Him., p. 247) dit que la Laitue ordinaire se trouve dans les jardins du nord de l'Inde. Roxburgh (F1. Ind., édit. 1832, Il, p. 403) l'indique aussi dans les jardins et dit ignorer le pays natal de lespèce. Comme elle n’a pas de nom sanserit, mais qu’elle est connue dans l'Inde moderne sous le nom de Kahou (Roxb.; Piddington, Znd.; Royle), commun avec la langue persane (Roxb.) et analogue à larabe Khuss (Roxb.), Chass (Forsk., p. LXxII), je ne puis admettre une origine indienne, ni même une culture fort ancienne dans l’Inde, Loureiro et Thun- berg avaient vu l'espèce cultivée en Cochinchine et au Japon; mais rien ne prouve qu’elle y fût connue de toute ancienneté ; au contraire, Loureiro dit que les Européens l'avaient introduite à Macao. M. Bunge (Enum. pl. Chain.) ne l'indique pas dans la Chine septentrionale. Il faut donc revenir à l'Asie occidentale ou l'Europe comme patrie pro- bable, d'autant plus que la culture de l'espèce était ancienne et générale dans l’étendue de l'empire romain, dans la Grèce antique et chez les Perses du temps de Cambyse, d’après Hérodote (&). La plante se propage assez souvent hors des cultures et persiste au point de paraître spontanée (Boreau, ÆT. centr. France, I, p. 276; Koch, Syn. Germ., 2° édit., p. 494; Trautv., dans Ledeb., F1. Ross., Il, p. 806); mais je ne connais aueune localité où l’on puisse dire qu’elle oflre réellement les caractères d’une plante spontanée. H paraît donc probable que la Laitue cultivée n’est qu'une forme du Lac- iuca Scariola, si commun en Europe et jusque dans les régions du Cau- case et de PAltaï (Ledeb., FT, Ross., Il, p. 803; Hohen., En. T'alysch., p. 40). Dioscoride déjà les distinguait seulement comme T'hridaæ et T'hri- dax sauvage (Fraas, Syn. FT. class., p. 199). MM. Koch (£. c.), Moris (ET. Sard., H, p. 532) et Bischoff (Bertrage x. FI. Deutschl., p. 189) (a) Philipps, History of cultivaled vegelables, 2° édit., vol. I, p. 315. Cet au- teur, malheureusement, a négligé, dans la plupart des cas, de citer les ouvrages anciens qu'il a consultés. 8h ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. ont donné des raisons péremptoires pour l'identité spécifique de ces deux plantes. Hi parait plus certain encore que les £. capitata, L. crispa et L. laciniatæ, dont on ne connaît pas d'échantillons sauvages, sont de pures modifications de la Laitce cultivée. La Laïtue pommée (capitala) existait déjà chez es Grecs (Fraas, £. e.), et leur variété à feuilles de 20m: (Theophr., vi, €. À), était probablement à feuilles laciniées, où du moms à angles aigus, comme nos Lailues erispées. Pme (1. xx, c. 8) énumère beaucoup de variétés, dont une est dite crispa. La patrie actuelle de la plante spontanée, le Lactuea Seariola, est vaste ; mais en Europe, les localités sont souvent suspectes (p. 672), et la patrie primitive était peut-être au midi du Caucase et dans quelques pays adjacents. Cichorium Intybus, £. — Sauvage dans toute l'Europe (excepté en Laponie), en Sibérie, jusqu’au lac Baïkal (Ledeb., F7. Ross., HE, p. 77%), au Japon (Thunb., FE, p. 30%), dans le Caucase (2d.), le pays de Taluseh (id), YÉgypte (h. DC.). Ses limites, du côté sud-est, ne sont pas encore connues, Je ne vois ee pourquoi l'habitation ne se prolengerait pas dans la Perse et le Caboul. M. Royle (EÜ. Him., p. 247) regarde l'espèce comme introduite dans le sd de l'Inde, pour ses propriétés médicales ; maïs il la réunit au Cichorium Cosnia, Ham. soit Cichorium Endivia, L., ce qui est à examiner. M. Bunge(ÆEnum. pr Chin. bor.) a vule Cichorium Intybusdans les jardins et les décombres à Péking, où on le regarde comme & origine étrangère, — La culture de la Chicorée amère est probablement fort ancienne. Il est difficile de savoir si elle a commencé en Égypte on en Grèce. Aujourd’hui, l'espèce s'appelle, en arabe, Sjihærie (Forsk., p. LXxm) où Chikouryeh (Del., IU., p. 24). Or, Pline disait déjà (1. xIK, ec. 8): Est et erraticum Intubum, quod in Ægypto Cichortmn rocant. » Et ailleurs (L xx, e. 8) : € Erratieum ({ntubum) apud nos quidam Ambugian appellarere. [In Ægypto Cichortem vacant, quod sylrestre sit. Sativum autem Serin, quod est minus el venenosius. Cichorium refrigerat. En cibo sumptum, etc. » Théophraste (Hist., 1. vir, €. 14) parlait aussi du Kw, mais sans donner les détails qui seuls permet- traient de reconnaitre l'espèce. De Theïs (Dict. étym., p. F3) croit que les Grecs avaient tiré le nom de l'Égypte. H cite Maillet (Deser. Egypte, p. 12), d'après lequel, dans le siècle dernier, le peuple égyptien aurait fait une grande consommation de chicorée. Reynier, qui avait fort bien observé l'agriculture de l'Égypte lors de l'expédition française, n’en parle pas (Econ. publ. Egypt., K, p. 80). Dioscoride (L. 11, e. 160) mentionne trois Séxes, l'une sauvage (Kæwow), et deux cultivées (à larges feuilles et à feuilles étroites et amères). Ceci me conduit à parler du Cichorium Endi- via, confondu souvent avec le Cichorium Intybus. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GENÉRALEMENT CULTIVÉES. SA5 Cichorium Endivia, 1. — La différence la plus apparente d'avec le Cichorium Intybus est d’être annuelle ou bisannuelle, non vivace. La diversité des feuilles supérieures est peu de chose en elle-même, ou quand on examine la variété intermédiaire du Cichorium Intybus, appelée diva- ricata (C. divaricatum, Schousb.). Il y a une autre source de différences que M. Bischoff a signalée (Beitr. zur FT. Deutsch., p. 27), dans la nature du pappus. Celui du Cichorium Intybus est excessivement court, et a deux rangées fort mégales ; le pappus du Cichorium Endivia, au contraire, est de un tiers environ de la longueur de lakène, et sur deux rangs peu inégaux. M. Sehultz (dans Phytogr. Canar., sect. 11, p. 891) admet les Cichortum Entybus et Endivia, comme deux espèces, l’une vivace, autre annuelle; mais il divise l'Endivia en plusieurs variétés, divaricata, puis humilis et nana, spontanées en Sicile, et la forme cultivée, qui serait ainsi origi- naire de la région méditerranéenne. Le Cichorium Endivia n’a été d’abord connu que dans les jardins, où il est recherché plutôt comme légume que comme salade, à cause de son goût peu amer. Linné (Sp., p. 1143) et de Lamarck (Dict., L, p. 732) ignoraient son origine. Bose (Dict. agr., V, p. 19h) le disait de linde, sans citer d'autorité. De Candolle (Prodr., VI, part. r, p. 84) ayant con- staté l'identité du Cichorium Cosnia, Ham., distribué par le docteur Wal- lich, sous le n° 3241 (354 des Composées), la patrie est devenue certaine. En effet, cette plante, nommée en hindustani, Kasni (Royle, FE. Him., p. 247), en tamul, ÆKashi (Piddington, {ndex), croît à Patma, à Kamaon et dans le Népaul (Wall., h. DC., et liste). Mes échantillons ont bien l'apparence d’une plante spontanée. J’en possède aussi un de Chine, rap- porté par sir G. Staunton; mais il a l'apparence d’une plante cultivée, et deux de Cachemir, rapportés par le docteur Royle, dans lesquels les feuilles inférieures manquent. J'ai vérifié le caractère du pappus dans les échantillons de Kamaon qui paraissent le plus spontanés. C’est bien le pappus comparativement plus long du Cichorium Endivia. Le docteur Royle, qui ne distingue pas les Cichorium Intybus et Cichorium Endivia (AL, p.247), paraît les regarder comme introduits dans l'Inde. [y à un fait urave à l’appui de cette manière de voir, c’est labsence de nom sanserit pour l’une et l’autre Chicotée (Roxb., FE Ind,; Pidd., fndex) et lexis- tence d’un seul nom moderne indien. D’un autre côté, le Cichorium Endi- via est indiqué comme cultivé dans la Chine septentrionale (Lour., #1. Coch., p. 583), quoique Bunge n’en parle pas (Ænwm. pl. Chin. sept.), el Thunberg (FT. Jap., p. 304) dit : «Crescit prope Ledo. » La présence, au Japon, suppose de l'ancienneté, soit d'existence spontanée, soit de cul- ture, car ce pays avait eu, à l'époque de Thunberg, peu de rapports avec 8AG ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. l'étranger, et ses plantes cultivées étaient ordinairement celles usitées par les Chinois depuis longtemps. Les Égyptiens confondent le Cichorium Endivia cultivé avec le Cichorium Intybus cultivé, sous les noms de #en- deb, Hendibe, Hendebeh (Forsk., p. Lxxu; Del., ZU., p. 24), qui parait l’origine du mot français Ændive, du mot botanique £Endivia, et qui semble aussi avoir une relation originelle avec l'£ntubum, de Pline. Les botanistes du xvi° siècle distinguaient déjà nos principales variétés des deux Cichorium. J. Bauhin (Hist., I, p. 1007) est très complet à cet égard. Blackwell a‘figuré très bien le Cichorium Intybus sauvage (tab. 183); une Chicorée eultivée (tab. 177), qu'il dit annuelle, et qui serait par conséquent l’Endivia ; enfin (tab. 378), une Endivia cultivée à feuilles larges et crispées. Spinacia oleraeea, L. — L'Épinard était inconnu aux Grecs et aux Romains (J. Bauh., Hort., Il, p. 964 ; Fraas, Syn., FT. class.). Il était nouveau en Europe dans le xvi° siècle (Brassavola, p. 176), et l’on discu- tait pour savoir s'il devait s'appeler Spanacia, comme venant d'Espagne, ou Spinacia, à cause des épines du fruit (Matth., édit. Valgr., p. 545). La suite a montré que le nom venait de arabe Zs/änädsch (Ebn Bai- thar, übersetz., von D° v. Sondtheimer, [, p. 34), Esbanach (Forsk., p. Lxxvu), Sebänalkh (Delile , ll. Æg., p. 29). Les Pere disent Lspanj ou Ispanaÿj (Roxb., F1. Ind., édit. 1832, HI, p. 771, si le Spi-. nacia tetrandra, Roxb., est bien l’Épinard commun, comme ip pat A1 et l'usage culinaire l’indiquent). Les Hindustanis disent Zsfany ou Palak (Pidd., Zndex) ou encore Pinnis (Roxb., Pidd.). L'absence de nom san- scrit indique une culture peu ancienne dans l'Inde. Loureiro (FT. Coch., p. 757)avait vu l'Épinard cultivé à Canton, mais M. Bunge ne l’a pas ren- contré dans le nord de la Chine, et Thunberg n’en parle pas dans la Flore du Japon. La culture ne semble pas ancienne dans l'Asie orientale. Il est probable qu’elle a commencé chez les Persans ou les Arabes depuis l’époque des Romains. Je n'ai pas de preuve qu'elle ait pénétré en Europe par lEs- pagne plutôt que par tout autre point. Au contraire, l'ouvrage de Herrera sur l’agriculture espagnole, édition de 1819, ne mentionne l'espèce que dans un supplément moderne (EH, p. 239), d'ou il est probable que l'édi- lon primitive de 1513 n’en parlait pas. Ebn Baithar, qui vivait en 1235, était de Malaga, mais les ouvrages arabes qu'il cite ne disent pas où la plante était cultivée, si ce n’est l’un d'eux, qui parle de sa culture générale à Babylone et à Ninive. M. Moquin (Prodr., XI, part. , p. 118) regarde avec raison l'Épi- nard comme d'Orient, mais 1l ne cite aucun échantillon spontané, si ce n'estune variété /arinosa trouvée par M. C. Koch dans la Géorgie cauca- ls » ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 817 sienne (Sp. spinosa farinosa, C. Koch, Linn., 1843, p. 118). Aucun des auteurs sur les plantes. du Caucase (G. A. Mev., Hohen., Bieb.) n’en parle, mais c’est le pays de la seconde espèce du genre, le Spinacia tetran- dra. Ledebour (FT. Ross., TN, p. 712) adopte l'opinion que la plante trouvée par Koch est l'état primitif et spontané de lespèce. Les au- teurs du Bon jardinier disent l'épinard originaire de l'Asie septentrionale sans donner de preuve. Je ne pense pas qu'il puisse vivre en Sibérie. D’après Bose (Dict. agric., V, p. 284), le voyageur Olivier avait rapporté de son voyage en Perse et en Anatolie des graines d’épinard recueillies dans la campagne. Il est donc à peu près certain que l’épinard à fruits épi- neux ordinaire, croit dans la région comprise entre le Caucase et le golfe Persique, peut-être aussi dans l’Asie Mineure. Le Spinacia glabra, Miller (Spnacia oleracea, G, L.), appelé gros épi- nard ou de Hollande, me paraît une race produite par la culture. Il dif- fère par sa taille, ses feuilles arrondies et surtout par l’absence de piquants, modifications assez ordinaires dans les plantes cultivées. Non-seulement personne ne l’a trouvé sauvage, mais encore il n’est mentionné que dans les cultures européennes et semble s'être produit après lintro- duction de la plante ordinaire. Tragus doit en avoir parlé le premier, d'après J. Bauhin (Hist., Il, p. 965), mais Matthiole, contemporain de Tragus, n'en parle pas (édit. Valgr., p. 343). C. Bauhin (Pin., p. 114) l’ajouta dans son édition subséquente de Matthiole. Rumex acetosus, L. et Rumex Patientia, EL. — Ces deux espèces d’oseilles sont bien spontanées en Europe, et personne n’a de doute sur l'identité spécifique des plantes sauvages et cultivées. Les Grecs et les Ro- nains les employaient déjà. On croit (Fraas, Syn. FL class., p. 231) que le Rumex sativus de Pline était le Rumex Patientia, aujourd’hui moins eul- tivé que le Rumex acetosus. Aïlium Porrum, L. — D’après une monographie très complète de M. Gay (Ann. sc. nat., 3° sér., VIL, tirage à part, p. 22), le porreau cultivé ne serait qu'une variété de l’Allium Ampeloprasum, L., si commun dons la région de la mer Méditerranée, spécialement en Algérie (Gay, £. e.), et qui dans l'Europe tempérée se naturalise quelquefois dans les vignes et autour des anciennes cultures (Koch, Syn.; Babingt., Man.; Engl. Bot., etc.). M. Gay semble se défier de beaucoup d'indications de Flores méditerranéennes, car, à l'inverse des autres espèces dont il énumèere les localités hors de l'Algérie, il ne cite dans le cas actuel que les localités algé- riennes, admettant néanmoins la synonymie des autres. L’Allium Ampelo- prasum n'est pas indiqué au Caucase, dans la Sibérie ni dans l'Inde. Voyons si les documents historiques sur PAllium Porrum confirment la réunion. D4 848 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Les anciens Grecs le cultivaient sous le nom de Hs2, confirmé par le mot ra Hoaca des Grecs modernes (Fraas, Syn. F1. class., p. 290), etils le distinguaient de l’Allium Ampeloprasum, qu’ils appelaient Aurehémpassy. Les Latins employaient le mot Porrum (Pline, xx, c. 6, De Porro sectivo et capitato et de Allio). Ce mot, duquel sont dérivés nos noms modernes européens, est assez voisin du nom arabe Korrât (Forsk., Delile) ou Kur- râth (Ebn Baithar, auteur du x siècle, [, p. 363). Hasselquist (Voy. and trav., p. 290) le voyant cultivé partout dans l'Orient, ne doute pas qu'il ne fût déjà chez les Égyptiens de l'antiquité. Hiller (Hieroph., H, p. 36) dit que c’est le Chatsir des Hébreux, et que le nom vient d’un mot qui signifie couper, comme les Latins disaient Porrum sectile. Selon Rosen- müller (Handb. bibl. Altert., IN, p. 9h), ce nom, qu'il écrit Chazir, signifiait en hébreu de la verdure, de l'herbe, et s’appliquait à l'espèce ac- tuelle. On ne connaît pas de nom sanscrit (Roxb., FT. Ind., édit. 1832, I, p. 142; Pidd., Index), et la culture de PAllium Porrum n’est pas indiquée en Cochinchine, en Chine et au Japon, par Loureiro et Thunberg. Le nom bengali est notre nom arabe et latin Purou (Pidd., Index, p. 3), car le nom de Gundana, indiqué par Roxburgh, s'applique à une autre espèce, selon Piddimgton. On ne peut douter, d'après ces faits, que la culture de l’Allium Porrum ne soit sortie de la région de la mer Méditerranée : ainsi la plante cultivée est issue de la région de l’Allium Ampeloprasum, ce qui confirme lopimion de M. Gay, fondée sur l'examen purement botanique des formes, opinion déjà confirmée par l'étude géographique de lAllium Ampeloprasum dans les îles Britanniques. (Voy. p. 693.) 3° Feuilles employées à divers usages. Nicotiana Tabacum, L. — Il est bien certain que l'espèce est origi- naire du nouveau monde. Les circonstances de son introduction en Europe sont si connues, elles se trouvent dans un si grand nombre d'ouvrages, qu'il est mutile de les rappeler ici. En revanche, 1l y a de l'intérêt à savoir si la plante existe spontanée en Amérique, et dans quelle partie de ce vaste continent. Sur ces questions j'ai consulté une foule d'ouvrages anciens et modernes sans découvrir de faits précis. La plupart des auteurs ne distin- guent pas suflisamment les échantillons cultivés et spontanés, soit par né- gligence, soit parce que les graines s’échappent souvent des cultures et na- turalisent la plante d’une manière plus où moins durable dans presque toutes les régions chaudes de l'Amérique et d’autres pays. Hernandez, Piso, Sloane, Ruiz et Pavon, M. de Humboldt, donnent des détails intéressants ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 819 sur ies noms primitifs, sur l'extension de la culture en Amérique avant les Européens, ete.; mais ils ne disent pas avoir vu la plante spon- tanée. M. de Martius regarde l'espèce comme introduite au Brésil (Syst. mat. med. Bras., p. 120 ; Sendtn., dans FT. Bras., VI, Solan., p. 166). Dans mon herbier je vois quelques échantillons vérifiés par M. Dunal qui peuvent avoir été spontanés, mais les preuves positives manquent. Le n° 3223, À, recueilli par Blanchet dans la partie méridionale de la pro- vince de Bahia, est celui qui, d’après la localité, semble le plus spontané, Nicotiana rustica, EL. — D'origine américaine, comme le précédent, il était plus souvent cultivé chez les anciens Mexicains (Humb., Mour.- Esp., 2° édit., Il, p. 50). Au contraire, dans l'Amérique méridionale, c’est le Nicotiana Tabacum qui est surtout employé, car Ruiz et Pavon (F., IE, p. 16) ne mentionnent pas le Nicotiana rustica au Pérou, ni M. de Martius (Mat. med. Bras., p. 120) au Brésil. Aucun auteur, à ma connaissance, ne dit lavoir trouvé vraiment spon- tané. Je possède un échantillon recueilli dans la Nouvelle-Californie par Douglas en 1833, époque où le pays était bien peu habité. Rien ne prouve que cet échantillon ne provienne pas de grammes échappées d’une plante cultivée ; mais la probabilité est bien en faveur d’une origine mexicaine. M. Bertoloni (F1. Lt., 11, p. 617) croit cette espèce originaire de l’ancien monde, probablement des bords de la mer Méditerranée. Son principal argument est que Gæsalpinus, en 1583, décrivait cette plante sous le nom de Quædam congener Tornabonæ (hib. vin, cap. A4), et la disait de l’ancien monde. Cæsalpin ajoute cependant : « Apud nos peregrina. » On peut hésiter sur la partie de l'Amérique d’où lespèce est originaire, mais non, ce me semble, sur l’origine au nouveau monde. Nicotiana chinensis. Fisch. Dun. (Prodr., XIIT, part. 1, p. 599), et Nicotiana persica, Bun, (Prodr., XIE, part. 1, p. 567). — A l’occasion de ces deux espèces, 1l faut examiner une question curieuse, controversée depuis longtemps, celle de savoir s’il y a des tabacs d’origine asiatique. A l’époque de l’introduction en Europe des N. rustica et N. Tabacum, dont l’origine était évidemment américaine, on ne pensait pas à cette question. Rumphius (Amb., V, p. 225) a émis, le premier peut-être, des doutes fondés sur l’ancienneté de divers noms de tabac cultivés dans les îles de l'archipel indien et sur l'opinion de quelques habitants âgés de ce pays. Loureiro (FT. Coch., p. 136) a présumé également que son N. fruticosa rapporté aujourd’hui (avec doute) au N. chinensis serait originaire d'Asie. M. Brown laissa tomber incidemment la phrase suivante dans son Mémoire sur le Congo (p. 53), et de sa part je ne pense pas que ce fût sans exa- men : « Toutes les espèces de Nicotiana paraissent être d'Amérique, ex- 850 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ÉSPÈCES CULTIVÉES. ceplé le N. Australasiæ (N. undulata, Vent., et Prodr. Nov.-Holl., non FI. Peruv.), qui est certainement de la Nouvelle-Hollande (a). » Enfin, les doutes ont augmenté depuis que des auteurs anglais ont prétendu con- naître un nom sanserit pour le tabac (Pidd., {ndex), et ont cité des auteurs persans comme ayant parlé de la culture du tabac avant la découverte de l'Amérique (Royle, 21. Him., p. 282). Étudicns la question d’abord au point de vue botanique et ensuite au point de vue historique et linguistique. Les considérations de géographie botanique pure conduisent sans hésiter à l'hypothèse d’une origine américaine de toutes les espèces cultivées du genre Nicotiana. En effet, 1° les N. chinensis (compris le N. fruticosa, Lour.) et N. persica ne sont connus qu'à l’état de plantes cultivées, du moins aucun auteur n’aflirme les avoir trouvées à l’état spontané (Lehm., Nicot.; Lour., L. e.; Dunal, Prodr., XI, part. 1, p. 559, 967); 20 le enre se compose actuellement de cinquante espèces, en excluant les dou- teuses de caractères ou de patrie (Dunal, /. c.), et sur ce nombre qua- rante-buit sont d'Amérique, deux de la Nouvelle-Hollande, et aucune d'Asie ou d'Afrique; 3° les espèces supposées asiatiques appartiennent à une section qui comprend les espèces de la Nouvelle-Hollande, il est vrai, mais en même temps plusieurs espèces d'Amérique; section d’ailleurs peu distincte, à ce qu'il me parait. Les arguments historiques de Rumphius (4mb., V, p. 225) ont quelque force. En parlant du tabac (qu’il regarde comme l’espèce cultivée en Eu- rope), il dit: « Je ne sais si dans l'Inde orientale il est exotique ou indi- vène, car il se trouve dans des localités où aucun Espagnol, ni Portugais n'a résidé, et dans presque toutes les îles et provinces. Ceux même qui ont été au Japon avec le célèbre voyageur Martin Gerritzen de Vrieze ont trouvé l'habitude de fumer chez les cruels Tartares de l'ile de Ese ou Jedso. J'ai oui dire à de vieux Javanais, qui tenaient la chose de leurs parents, que le tabac était connu à Java antérieurement à l’arrivée des Portugais, c’est-à-dire avant 1496, non il est vrai pour fumer, mais comme plante oficinale. Les Indiens aflirment généralement que l'usage de fumer le tabac leur à été montré par les Européens. La pratique médicale ancienne du pays était d'employer les feuilles pour les ulcères invétérés... On peut dire, en sens opposé, que dans l'Inde entière il ne se trouve à peu près d'autre nom que celui de T'abaco où Tambaco, tandis que si la plante était indi- gène, elle aurait un nom dans chaque province. La cause de ce fait devra ètre cherchée. » (a) L'espèce en question recevait la même année à Hambourg, dans la Monographie de M. Lehmann, le nom de N. suaveolens. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 851 Pour apprécier la valeur de ces réflexions, il faut en remarquer la date. Rumphius a écrit dans la seconde moitié du xvn® siècle, c’est-à-dire presque deux siècles après l’arrivée des Européens. Dans un laps de temps aussi considérable, les traditions des indigènes avaient pu s’altérer, et la culture du tabac, toujours si aisée et si prompte à se répandre, avait pu pénétrer dans les provinces les plus éloignées, même en supposant la plante d’origine américaine. Le voyage de Gerritzen était plus ancien que ceux de Rumphius, mais sans doute plus récent que les découvertes des Portugais en Chine et au Japon. Ceux-ci avaient abordé en Chine dès 1518, et au Japon dès 1542 (Malte-Brun, Géog., 1, p. 496), et ils avaient découvert les côtes du Brésil de 1500 à 1504; par conséquent le tabac peut avoir été apporté par eux dans les Indes orientales longtemps avant l’époque des Hollandais. Les Chinois appelaient le tabac Hun, selon cet auteur (V, p. 226), mot qui ne ressemble pas mal au nom brésilien Pefume ou Petum (Piso, édit. 1658, p. 206), sous lequel les Portugais le connurent d’abord. — Loureiro dit de son N. fruticosa (probablement le N. chi- nensis, Fisch.) : « Ubique culta in Cochinchina et China, ubi vernaculis nc- minibus nominatur, tanquam indigena : nec ex America translatam fuisse suspicantur. » Les noms vulgaires qu'il mentionne sont : Cay thuoc an et Yen ye. Cay est évidemment un mot qui signifie herbe ou quelque chose d’analogue, car il est répété pour plusieurs espèces ; T'huoc n’est pas très différent des variations des mots T'aboc, Tambaco et autres dérivés de T'abago ou T'abaco. Thunberg (FT. Jap., p. 91) ne mentionne qu’une seule espèce au Japon; il la nomme N. Tabacum, L., vulgairement Ta- baco, et la ditintroduite sans aucun doute par les Portugais avec l'usage de fumer. Or si les Chinois avaient connu de toute ancienneté une plante du genre Nicotiana, même en supposant qu'elle eût été employée uniquement comme officinale, les Japonais l’auraient reçue probablement depuis un temps reculé à cause des communications habituelles entre les deux peu- ples. Il serait intéressant de constater par les ouvrages chinois depuis quelle époque et sous quels noms le tabac y est mentionné, sans oublier que la plante à pu avoir un emploi insignifiant jusqu’à ce que les Européens eus- sent montré les usages, assez bizares en eux-mêmes, de fumer et de priser, usages qui ont dû se répandre rapidement chez un peuple sensuel comme les Chinois aussitôt qu’il en a eu connaissance (a). Rheede et Roxburgh n’ont pas mentionné le tabac. C’est indiquer suffi- samment qu'ils le regardaient comme cultivé et d’origine étrangère sur le (a) M. Stanislas Julien a eu l’obligeance de me dire que dans ses études de la langue chinoise, il n'avait pas rencontré d'indice de la présence ou au moins des usages du tabac avant le contact des Européens. 852 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. continent indien. Des auteurs plus récents ont attribué au Nicotiana Ta- bacum divers noms indiens et même sanserits! Piddington ({ndex, p. 60) cite Dhumrapatra et T'amrakoota comme les noms sanscrits. Ce dernier ressemble beaucoup aux noms bengali et hindustani du tabac, Tumak et Tambaca, qui sont évidemment des dérivés de T'abaco et Tambaco, ce qui me fait douter de son ancienneté. Resterait le premier, qui est évidem- ment un mot composé et sur lequel j'ai consulté mon ami M. Adolphe Pictet, philologue bien connu. € Ce mot, n’a-t-il répondu, n’est pas dans le Dictionnaire de Wilson; il signifie feuille à fumer et a tout l'air d’un composé d'origine moderne pour désigner le tabac, dont d’ailleurs il n’est question nulle part dans les livres anciens. » Si le nom Dhumrapatra était véritablement sanscrit et s’appliquait à un Nicotiana quelconque, il est probable qu’on en trouverait des dérivés dans une foule de langues modernes de l’Inde. On attribue d’ailleurs ce mot non point à une espèce particulière de Nicotiana qui serait asiatique, mais au N. Tabacum, c’est- à-dire à l'espèce ordinaire, dont l’origine américaine est certaine. Les Cyngalis ont un nom dont j'ignore l’origine, Doonkola (Pidd., 1b.). Vu la prononciation Doun de Doon, il se rattache peut-être à Petum (prononcez Petoum) des Américains. Le nom telinga Poghako est presque Tobaco ; le nom hindustani Bujjirbhang indique simplement une compa- raison avec le chanvre, Bhang, que l’on fume à la manière du tabac dans l'Asie méridionale. Le tabac de Shiraz est obtenu de la culture du Nicotiana persica. Rien ne prouve cependant que celle industrie soit antérieure à la découverte de l'Amérique. Ebn Baithar, médecin maure du x siècle, qui connaissait bien les plantes officinales des pays musulmans, ne mentionne aucune espèce de Nicotiana (trad. allem. par de Sontheimer, 2 vol. in-8°, 1842). Rauwolf avait parcouru l'Orient de 1573 à 1575, et il n’est question d’au- cune espèce de tabac dans sa Flore publiée par Gronovius. Enfin, le doc- teur Royle (LU. Him., p. 282) afirme que d’après des ouvrages persans de matière médicale, la culture du tabac aurait été introduite dans l’Inde en 1605, ce qui fut confirmé par une proclamation subséquente d'un prince nommé Jehangeer. Le nom arabe du tabac estle même que le nom ture, savoir T'üttün (Forsk., p. Gvi), qui ne ressemble pas mal à Petum, nom primitif brésilien. Un autre nom arabe assez répandu est Docchan, qui veut dire fumée (Forsk., p. LI). En définitive, les indices historiques et linguistiques d’une origine asia- tique, sont tous légers, contestables, et ne peuvent pas balancer les indices de toute nature favorables à l’origine américaine. J’ajouterai, comme con- séquence, que la valeur des deux Nicotiana supposés d'Asie, est forte- ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 893 ment ébranlée au point de vue de la distinction spécifique. On trouvera probablement, en étudiant de plus près, que ces deux plantes sont simple- ment des espèces américaines, ou modifiées par le climat, ou semblables à des espèces encore mal connues, qui auraient été transportées d'Amérique avec les tabacs ordinaires (a). Thea chinensis , Sims. — Sans rechercher si le Thé comprend deux espèces : T'hea viridis et Thea Bohea, ou si ce sont deux variétés, Je dirai que l’on cultive en Chine et au Japon, depuis des milliers d'années, plusieurs variétés de Thé. On en retrouve une au moins, parfaitement sau- vage, et cependant bien reconnaissable, dans le pays d’Assam (Grifith, Reports). Probablement, la patrie actuelle, ou ancienne, s’étendait sur plusieurs provinces adjacentes en Chine, Cochinchine et pays d’Ava ; mais on ne pourra jamais peut-être le constater, parce que le Thé a pu se semer par accident hors des cultures. Thunberg (FE. Jap.,p. 226) dit du Thea Bohea : « Crescit ubique sponte et culta ad margines agrorum. » Loureiro (Fi. Coch., p. 414) se sert d'expressions analogues (habitat culta et inculta), pour les deux espèces cultivées en Cochinchine et à Canton. Quant à M. Fortune, dont la relation est si intéressante au point de vue de la fabrication du Thé (b), il ne parle pas de la plante sauvage. Quoique l'usage du Thé remonte à des légendes fort anciennes des Chi- nois, il ne s’était pas répandu vers Le pays indien, car la langue sanscrite n’a pas de nom pour cette feuille (Pidd., {ndex; Roxb., F1.). lex paraguariensis, Saint-Hil. — Le Maté est cultivé au Paraguay depuis un temps que l’on ne peut guère préciser. L'usage de recueillir les feuilles de la plante sauvage qui croît dans le Paraguay et au Brésil (Saint-Hil., Mém. Mus., IX, p. 351; Ann. sc. nat., 8° sér., XIV, p. 52; Hook., Lond.journ. of Bot., 1, p. 34), pour en faire du Thé, est ancien chez les indigènes. On a trouvé quelques différences, dans la forme des feuilles, entre des échantillons cultivés au jardin de Rio et d’autres spon- lanés, et aussi entre des échantillons spontanés de diverses localités; mais un examen attentif a conduit A. de Saint-Hilaire, et plus tard sir W. Hooker, à les considérer comme appartenant à la même espèce. (a) Au moment de livrer mon manuscrit à l'impression, je reçois le Journal of the horticultural Society, vol. IX, p. 3, dans lequel M. Bentham, rendant compte d'un travail de M. Targioni, sut l'introduction des plantes cultivées en Italie, avance que le Nico- tiana persica est une variété du N. longiflora, espèce américaine. La comparaison des planches du Bot. reg., tab. 1592, et de Sweet, Brit. flow. gard., 2° série, tab. 196, ne me permet pas d’adhérer à cette opinion, mais je vois avec plaisir que l’auteur n’admet pags l’origine prétendue européenne ou asiatique de certains Nicotiana. (b) Three years wandering in China, 1 vol. in-8. L'auteur a observé que le thé vert se fabrique avec le Théa bohea ou le Thea viridis à volonté. Il admet néanmoins la dis- tinction botanique des deux espèces. 854 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, Le Maté est plus commun aujourd'hui à l’état sauvage qu’à l’état cultivé. Vienne un temps où le Paraguay et le Brésil méridional soient cultivés comme la Chine, on ne trouvera presque plus de Maté sauvage, et les pieds, qui paraîtront indigènes, seront peut-être soupçonnés de sortir d’enclos cultivés, ainsi que cela arrive pour le Thé et bien d’autres plantes cultivées. Erythroxylon Coca, Lam, — Les indigènes du Pérou et des provinces voisines de l'Amérique, cultivent abondamment le Coca, pour les feuilles, qui se mächent comme le Bétel dans l'Inde. Joseph de Jussieu a, le premier, fait connaître cette plante. Selon lui, «elle vient abondamment dans la pro- vince de los Jungas, au Pérou. » (Lam., Dict., If, p. 393). M. Weddell a publié récemment (Ann. se. nat., 3° sér., v. AIT, p. 88) des détails inté- ressants sur sa culture. Les indigènes de la Bolivie seule en consomment 6 millions de kilogrammes de feuilles par année, et on voit dans J, Acosta (Hist. nat. Ind., trad. franc., p.172), que, vers la fin du xvr: siècle, les Péruviens en faisaient un grand usage. La plupart des auteurs anciens et modernes ont négligé de dire si l'espèce croit spontanément et dans quelles parties de l'Amérique; mais le docteur Pœppig en a trouvé près de Cuchero et au sommet du Cerro de San-Cristobal, au Pérou, qui, selon lui, peuvent avoir été indigènes (Hook., Comp. bot. magq., H, p. 25). L’indigofera tinctoria, L., qui à un nom sanscrit, Vif (Roxb., F1. Ind.,v. UT, p. 379), est sûrement une plante asiatique d’origine proba- blement indienne. Le mot latin Zndicum, montre déjà que les Romains connaissaient l’indigo pour une substance originaire de l'Inde. Quant à la qualité spontanée de la plante, Roxburgh dit : € Lieu natal inconnu, car quoique commune maintenant à l'état sauvage dans la plupart des provinces de l'Inde, elle n’est cependant pas éloignée ordinairement des endroits où elle est cultivée actuellement, ou la été, » Wight et Arnott (Prodr.. p. 202), Wight (ic., tab. 365), Royle (Z{L. Him., tab. 195), n'apprennent rien à cet égard. Plusieurs espèces voisines sont décidément spontanées dans l'Inde, entre autres VZ. cœrulea, Roxb., F1., HT, p. 377, que l'on cultive aussi, L°7, tinctoria a été introduit en Afrique et en Amérique. On lui rapporte certaines variétés cultivées dans ces régions; mais à moins d’une étude spéciale, approfondie, on ne peut avoir la conviction de l’iden- üté spécifique, et cela importe peu au point de vue qui nous occupe. L’indigofera argentea, L., qui se cultive beaucoup en Égypte, est spontané en Abyssinie (Rich., Tent. ET. Abyss., p. 184). [n'était pas de l’Inde, comme le disait Linné (Voyez Wight et Arn., Prodr., p. 202). Sous la domination romaine, les Juifs paraissent avoir cultivé un indigo (Reynier, Econ. des Juifs et Arab., p. 439), dont les Romains, cepen- ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 859 dant, n’ont pas parlé. C’était peut-être l’Indigofera argentea. Cependant, en Égypte, la culture de l'indigo ne paraît pas plus ancienne que le moyen äge (Reynier, £con. des Egypt., p. 35h). Indigofera Anit, L.? — On cultive en Amérique un, deux ou même trois Indigofera, qui paraissent originaires de cette partie du monde, et que l’on rapporte, sans preuves suflisantes, à l’Indigofera Anil de Linné. Ce dernier, qui est décrit dans le Mantissa, p. 273, est dit de l’Znde. Je ne puis croire que Linné ait écrit {ndia pour les Indes occidentales, d'autant plus que le mot Anil devait être connu comme asiatique (Nil en sans- crit et dans plusieurs langues modernes de lInde; Nil en ceingali, attribué par Piddington à l’Indigofera tinctoria; Nili en tamul à l'Indigc- fera Anil; Volet Anir en arabe, et de là chez les Espagnols). Malheureu- sement, Linné ne cite ni le collecteur, ni la localité précise de son échantillon type, et l’absence de tout synonyme ôte encore un moyen de con- naître la plante qu’il a nommée, Il est à désirer qu'on s’en assure dans son herbier, si possible. Les botanistes anglo-indiens ne savent ce qu'est lIndigofera Anil de Linné. Roxburgh (FT. Fnd., v. ND lomet, et Wight et Arnott (Prodr. pen., p. 202) ont vu dans l’herbier de Smith (qui devait connaître mieux que personne la plante de Linné), un échantillon intitulé : Indigofera Anil, qu'ils donnent, eux, pour synonyme de l’Indigofera pau- cifohia, Delile. Le genre Indigofera à quelques espèces spontanées en Amérique, quoique la grande majorité soit de ancien monde. Il n’est done pas surprenant que la culture de certaines espèces fût en Amérique antérieure à la découverte. Ferdinand Colomb, dans la biographie de son père, nomme l’Indigo parmi les productions de Haïti (Humb., Nour.-Esp., % édit., I, p. 54). Sloane (Jam., IE, p. 37, tab. 176, f. 3), a décrit et figuré très mal un Indigofera spontané aux Antilles, que l’on a souvent rapporté à l’Indigofera Anil, L., et dont Hughes (Jam., p. 203) et Maycock (FT. Barbad., p.304) font mention comme d’une plante ancienne. Il semblerait spontané aux Antilles. Selon M. de Humboldt (/. c.), les peintures hiéroglyphiques des anciens Mexicains montrent l'emploi de l’Indigo. Joseph Acosta (Hist. nat. [nd., trad. franç., édit. 1598, p. 175) dit qu'on en exportait beau- coup de la Nouvelle-Espagne à son époque. Si les peintures mexicaines représentent la plante de l’'Indigo, je me range à l’opinion de M. de Hum- boldt, mais si Pon juge de la plante d’après la couleur bleue, cela ne prouve rien, car l'espèce finctoriale figurée par Hernandez (T'hes., p. 108) comme cultivée et spontanée au Mexique, est évidemment différente de tout Indigofera. Aug. de Saint-Hilaire (Nour. Ann. des voy., 1833 ; Ann. sc. nat., 2 sér., VIE, p. 112) à vu au Brésil un Indigofera 856 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, propre à la teinture, mais seulement dans le voisinage des habitations. Morus alba, 1. — Le Muürier blanc était connu des anciens Grecs, de même que le Horus nigra, L. Sur ce point, les savantes recherches de M. Fraas (Syn. Fl. class., p. 236) ne peuvent laisser aucun doute. On sait que les vers à soie furent apportés en Europe sous Justinien, par des moines qui venaient de l’intérieur de l'Asie. Dès lors, le Mürier blanc et les vers à soie furent transportés successivement dans toute l’Europe méri- dionale et tempérée. Les Morus alba et nigra croissent spontanément dans l'Asie Mineure, en particulier dans le Pont et l'Arménie (Fraas, {. c., p. 257-239). Le Morus alba est indiqué en Thrace (Griseb., Spicil., I, p. 330), en Thessalie (Fraas, {. c.), et ailleurs en Grèce, en Italie (Poll., FT. Ver., HD) ; mais dans ces localités, il est fort probable qu’il s’est naturalisé à la suite du transport si fréquent des graines par les oiseaux ou par l'homme. Le Morus alba parait commun et spontané au midi et au sud-ouest de la mer Cas- pienne (C. A. Mey., Verz., p. 45: Hohen., PI. Talusch, p. 31); peut- être au nord du Caucase n'est-il que semé et naturalisé, malgré sa spon- tanéité actuelle (Ledeb., FT. Ross, II, p. 643). Le Morus nigra est indiqué près de Lenkoran, et, en général, au sud-ouest de la mer Cas- pienne et au midi du Caucase (Ledeb., FL. Ross., I, p. 644). Le .doc- teur Wallich, List, n. AGAS) rapporte, avec doute, au Morus alba, un Mürier de Kamaon et Sirmore, dans l'Inde septentrionale ; mais l'espèce et la qualité de plante spontanée sont incertaines. Le docteur Royle (Z{L. Him., p. 537) dit : « Le Morus alba est rare dans l'Inde et cultivé dans peu de jardins seulement. » M. Bunge l’a trouvé dans les montagnes au nord de a Chine € quasi spontané. » (Enum., p. 60). Vu sa nature robuste, il ne serait pas étonnant qu'il eût existé dans une grande partie de l'Asie tempérée, avant la naissance de l’industrie des vers à soie. Le Morus nigra n’est pas indiqué par les auteurs anglo -indiens. D’après les recherches de M. Ant. Targioni (a), les premiers vers à soie élevés en Italie auraient été nourris avec le Morus nigra ; cela résulte des expressions de Pier Cres- cenzio, qui écrivait en 1250. Les vers à soie existaient à Florence avant 1266, et ils avaient été introduits en Sicile dès 1148. Dans le xvi‘ siècle, les feuilles du Mürier blane avaient remplacé celles du noir, et l'on eroit communément, selon M. Targioni, que des boutures du Morus alba avaient été apportées d'Orient, en 1484, par Fr. Buonvicini. Morus indica, Wind, — Ce Mûrier, dont le fruit est noir, est eelui que (a) Cenni storici sulla introd. di varie piante nell' agric. ed ort. losc., Firenze, 1850. Je né connais malheureusement cet écrit que par un extrait donné dans le Journal of the hortic, Soc., en 1854. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 857 l’on cultive dans toute l'étendue de l’Inde. Il est le seul dont on connaisse un nom sanscrit (Roxb., Æ1., édit. 1832, v. HI, p. 596; Pidd., {ndex). Roxburgh ne lavait vu que cultivé. Le docteur Wallich, Zast, n. 46/45) indique plusieurs localités, Népaul, Moalmyne, Ava; mais sans dire jusqu’à quel point les pieds observés y étaient spontanés. Je les crois tels, car les régions de l'Inde renferment d’autres espèces (ou variétés) de Müriers, qui sont certainement indigènes. D. Plantes cultivées pour leurs fleurs ou leurs bractées. Humulus Lupulus, L. — Les Celtes et les Germains faisaient usage du houblon (Reynier, £con. Celt., p. 433), mais peut-être allaient-ils le chercher dans la campagne sans le cultiver. Les Romains et les Grecs ne l’employaient pas. Sa culture remonte au moins à quelques siècles dans l'Eu- rope centrale. Elle a amené plusieurs variétés de la plante. Cependant per- sonne n'hésite à reconnaître les houblons cultivés pour la même espèce que le houblon sauvage qui croit en Europe, au Caucase et en Sibérie (Ledeb., FT. Ross., HT, p. 635). Il n'existe pas sur le revers méridional de l'Himalaya (Royle, LU. Him., p. 335) et n’a aucun nom sanscerit. Comme l'espèce était répandue sur une vaste région, chacune des lan- gues primitives européo-asiatiques de cette région lui avait donné un nom différent. Les Germains ont dit Æopf, d'où le Hop des Anglais. Le houblon des Français, le Humle des Danois, etc., sont analogues au mot allemand et aussi au mot Humala des Esthoniens et au Kumalak des Tartares. On croit que le houblon est désigné par Pline (1. xx1, c. 15) sous le nom de Lupus salictarius, ce qui est confirmé par le nom italien Lupulo, Lu- polo (Targ. Tozz. Dict., p. 54). A la renaissance on en tira le nom géné- rique Lupulus, usité jusqu'à Linné, qui prit celui de Humulus (Gen., 1 éd., ann. 1737, n. 750; Hort. Cliff., p. 158) et nomma l'espèce Hu- mulus Lupulus (a). Les Slaves disent Chmel, qui se retrouve en russe, bohême, serbe, etc., et n’est pas éloigné du Kixua des Grecs. Les Lettoniens ont le mot Apini (Moritzi, Dict. des noms vulgq.), mot tout à fait distinct. Je note cette variété de noms pour une plante à grande habitation, paree que, dans d’autres cas, l'unité de nom sera l'indice d’une origine res- treinte. Crocus sativas, 1. — La culture du safran est très ancienne dans (a) Linné fait venir le nom Humulus de Humus (Gen.,1. c.), mais la concordance entre le nom suédois du houblon Humble (FL. Suec., p. 297) et le nom danois Humle est si grande, qu’on ne peut la croire fortuite, Évidemment Linné avait fait le nom Humulus par un de ces calembours étymologiques, indiqués déjà dans sa Crilica botanica, en 1737, p. 49, développés ensuile dans sa Philosophia, n° 229 ; seulement il disait tolérer les noms déjà faits: dans le cas actuel il en a forgé un lui-même. 858 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, l'Asie occidentale. Les Romains vantaient le safran de Cilicie; ils le préfé- raient à celui eultivé en Italie (Pline, 1. xx1, c. 6). L’Asie Mineure, la Perse et le Cachemir sont depuis longtemps les pays qui en exportent le plus. L'Inde le reçoit aujourd’hui du Cachemir (Royle, LU. Him., p.372). Roxburgh et Wallich ne l’indiquent pas dans leurs ouvrages. Les deux noms sanscrits mentionnés par Piddimgton ({ndex, p. 25) s’appliquaient probablement à la substance du safran importé de l'Ouest, car le nom Kasmirajamma semble indiquer le pays d’origine Cachemir, et le nom Kunkuma peut avoir la même source que le nom persan Kerkum et le nom hébreu Karkom, mentionnés par Royle (a). Le nom grec Kogxoe est évidemment dérivé de ceux-ci; mais le nom Safran, qui se retrouve dans toutes nos langues modernes d'Europe, vient de l'arabe Sahafaran (J. Bauh., Haist., Il, p. 637), Zafran (Royle, {. e.). Les Espagnols, plus près des Arabes, disent Azafran. Le nom arabe lui-même vient de Assfar, jaune, d’après Mérat (Dict. mat. méd., W, p. 467). Le Crocus sativus est spontané en Grèce (Sibth., Prodr.; Fraas, Syn. FT. class., p. 292; Herbert, dans Journ. of hortic. Soc., H, p. 267)et très vraisemblablement aussi dans l'Asie Mineure et la Perse. On l'indique dans les Abbruzzes près d’Ascoli (J. Gay, cité par Babington, Man. Brit. FT.). Sa culture, dont les conditions sont exposées d’une manière très:inté- ressante par M. de Gasparin (Cours d'agric., IV, p. 207) devient de plus en plus rare en Europe et en Asie (Jacquemont, Voy., HE p. 238). Elle à eu quelquefois pour effet de naturaliser, au moins pendant quel- ques années, l’espèce dans des localités où elle semble sauvage. Caryophyllus aromatieus, L — Le giroflier doit être originaire des Moluques, ainsi que le dit Rumphius (Il, p. à), car la culture en était limitée 11 y a deux siècles à quelques petites îles de cet archipel. Je ne vois cependant aucune preuve qu’on ait trouvé le giroflier véritable, à pé- doneules et boutons aromatiques, dans un état spontané. Rumphius regarde comme la même espèce une plante qu'il décrit et figure (IT, tab. 3) sous le nom de Caryophyllum sylvestre, et qui se trouve spontanée dans toutes les Moluques. Un indigène lui avait dit que les girofiers cultivés dégénèrent en cette forme, et Rumphius lui-même avait trouvé un de ces grofliers (a) Je remarque une certaine confusion chez les Arabes entre le safran et le carthame, dont les fleurs donnent aussi une teinture jaune et qui est cultivé en Egypte, où le safran ne l’est pas (Forsk., Delile, Reynier). Le nom du Carthamus tinctorius en arabe est gor- tom (Delile, ZI, p. 24), celui de la fleur de cette plante o’sfour (id.), æ//ar (Forsk., p. Lt). Le premier de ces noms rappelle le nom hébreu et persan du Crocus ; le second vient de sa couleur et de l'analogie aves le safran. Le Carthame a reçu dans le commerce le nom de safranon où faux safran. On voit dans les anciens auteurs (Cæsalp , 3. Bauh., HI; p. 76), et déjà dans Pline, que des emplois analogues ont fait de tout temps rappro- cher et désigner semblablement ces deux plantes, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 859 sylvestres dans une ancienne plantation de girofliers cultivés. Cependant la planche 3 de Rumphius diffère de la planche À du giroflier cultivé, par la forme des feuilles et des dents du calice. Je ne dis rien de la planche 2, qui paraît une monstruosité du giroflier cultivé. Rumphius dit que le giro- flier sylvestre n’a aucune qualité aromatique (p. 43); or, en général, les pieds sauvages d’une espèce ont les propriétés aromatiques plus dévelop- pées que celles des plantes cultivées. Sonnerat (Voy. Nouv.-Guinée, tab. 19 et 20) publie aussi des figures du vrai giroflier et d’un faux giro- fier, d’une petite ile voisine de la terre des Papous,; il est aisé de voir que son faux giroflier diffère complétement par les feuilles obtuses du vrai giro- fier, et aussi des deux girofliers de Rumphius. Je ne puis me décider à réunir ces diverses plantes sauvages et cultivées, comme le font tous les auteurs (Thunb., Diss., Il, p. 826; DC., Prodr., IE, p. 262; Hook., Bot. mag., tab. 2749; Hassk., Cat. h. Bogor. Alt, p. 261). Il est sur- tout nécessaire d’exelure la planche 120 de Sonnerat qui est réunie dans le Botanical Magazine. On trouve dans cet ouvrage et dans les diction- naires d'histoire naturelle Pexposé historique de la culture du giroflier. E. Plantes cultivées pour leurs fruits. Anona squamosa, EL. (en français Pomme-canelle, Marie baise, Atlier; en anglais Sweet sop, sugar Apple, et dans l'Inde abusivement Custard Apple). — La patrie de cette espèce, ainsi que d’autres anona- cées cultivées, a suscité des doutes qui en font un problème intéressant. M. R. Brown (Bot. Congo, p. 6) établissait en 1818 le fait que toutes les espèces du genre Anona, excepté l’Anona senegalensis, sont d'Amérique et aucune d'Asie. Aug. de Saint-Hilaire (Pl. us. des Brés., 6° livr., p. o) dit que d’après Vellozo, l'A. squamosa à été introduit au Brésil, qu'ily est connu sous les noms de Pinha, venant de ia ressemblance avec les cônes de pin, et d’Ata, «évidemment emprunté aux noms Aftoa et Atis, qui sont ceux de la même plante en Asie, et qui appartiennent aux langues orientales. Donc, ajoute de Saint-Hilaire, les Portugais ont transporté VA. squamosa de leurs possessions de l'Inde dans celles d’Amé- rique, etc. » Ayant fait en 1532 une revue de la famille des Anonacées (Mém. soc. Phys. et d'hist. nat. de Genève), je fis remarquer combien argument botanique de M. Brown devenait de plus en plus fort, car malgré l'augmentation considérable des Anonacées décrites, on ne pouvait citer aucun Anon1, et même aucune Anonacée à ovaires soudés qui fût originaire d'Asie. J’admis (p. 19 du mém. tiré à part) la probabilité que l'espèce venait des Antilles ou de la partie voisme du continent améri- 860 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. cain; mais par inattention j'attribuai cette opinion à M. Brown, qui s'était borné à revendiquer une origine américaine en général (a). Depuis, des faits de diverse nature ont confirmé cette manière de voir. L’Anona squamosa, L., a été trouvé sauvage en Asie, avec l’apparence plutôt d’une plante naturalisée; en Afrique, et surtout en Amérique, avec les conditions d’une plante aborigène. En effet, d’après le docteur Royle (I. Himal., p. 60), cette espèce à été naturalisée en plusieurs localités de l’Inde ; mais 1l ne l’a vue, avec l’apparence d’une plante sauvage, que sur les flancs de la montagne où est le fort de Adjeegurh, dans le Bund- lecund , parmi des pieds de Teck. Lorsqu'un arbre aussi remarquable, dans un pays aussi exploré par les botanistes, n’a été signalé que dans une seule localité hors des cultures, il est bien probable qu’il n’est pas origi- naire du pays. M. Hooker fils l’a trouvé dans l’île de Santiago, du cap Vert, formant des bois sur le sommet des collines de la vallée de Saint-Dominique (Webb, dans F1. Nigr., p. 97). Comme l'A. squamosa n’est qu’à l’état de culture sur le continent voisin (Flor. Nigr., p. 204); que même il n’est pas indiqué en Guinée par les collections de Thonning (P{. Guin.), ni au Congo (Br., Congo, p. 6), ni dans la Sénégambie (Guill. Perr. et Rich., Tent. F1. Seneg.), ni en Abyssinie ou en Égypte, ce qui montre une introduction récente en Afrique ; enfin, comme les îles du cap Vert ont perdu une grande partie de leurs forêts primitives, je crois dans ce eas à une naturalisation par des graines échappées de jardins. Les auteurs s’ac- cordent à dire l'espèce sauvage à la Jamaïque. On a pu autrefois négliger l’assertion de Sloane (J'am., Il, p. 16$) et de P. Brown (Jam., p. 257), mais elle est confirmée par M. Macfadyen (F1. Jam., p. 9). M. de Mar- tius à trouvé l'espèce dans les forêts de Para (FT. Bras., fase. 2, p. 15), localité assurément d’une nature primitive. Il dit même : « Sylvescentem in nemoribus paraënsibus inveni, » d’où l’on peut eroire que les arbres formaient à eux seuls une forêt. Splitgerber (Nederl. Kruidk. Arch., 1, p. 230) l'avait trouvé dans les forêts de Surinam et l'indique an spon- tanea? Le nombre des localités dans cette partie de l'Amérique est assez significatif. Je n'ai pas besoin de rappeler qu'aucun arbre, vivant ailleurs que sur les côtes, n’a été trouvé véritablement aborigène à la fois dans l'Asie, l'Afrique et l'Amérique intertropicales (chap. X). L'ensemble de mes recherches rend un fait pareil infiniment peu probable, et si un arbre était assez robuste pour offrir une telle extension, il serait exces- sivement commun dans tous les pays intertropicaux. D'ailleurs les arguments historiques et linguistiques se sont aussi ren- (a) Voyez Bot. of Congo, et la traduction allemande des œuvres de Brown, qui a des tables alphabétiques. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 861 forcés dans le sens de l’origine américaine. Les détails donnés par Rum- phius (1, p. 139) montrent que l’Anona squamosa était une plante nouvel- lement cultivée dans la plupart des îles de larchipel indien. Forster n'indique aucune Anonacée comme cultivée dans les petites îles de la mer Pacifique (Plant. escul.). Rheede (Halab., IX, p. 22) dit VA. squamosa étranger au Malabar , mais transporté dans l'Inde d’abord par les Chinois et les Arabes, ensuite par les Portugais. Il est certain qu’il est cultivé en Chine et en Cochinchine (Lour., F1. Coch., p. 427), ainsi qu'aux Philip- pines (Blanco, F1.) ; mais depuis quelle époque ? C’est ce que nous igno- rons. Il est douteux que les Arabes le cultivent (a); mais dans l'Inde on le cultivait du temps de Roxburgh (FT. Ind., 64. 1832, v. IF, p. 657), qui n'avait pas vu l'espèce spontanée, et qui ne mentionne qu'un seul nom vulgaire de langue moderne (bengali), le nom Afa, qui est déjà dans Rheede. Plus tard on à cru reconnaitre le nom Gunda-Gatra comme sanscrit (Piddington, Zndex, p. 6); mais le docteur Royle (Z{1. Him., p. 60) avant consulté le célèbre Wilson, auteur du Dictionnaire sanserit , sur l'ancienneté de ce nom, il lui a été répondu qu'il avait été tiré du Sabda chanrika, compilation moderne comparativement. Les noms de Ata, Ati, se trouvent dans Rheede et Rumphius (1, p. 139). Voilà sans doute ce qui a servi de base à l'argumentation de Saint-Hilaire, mais un nom bien voisin est donné au Mexique à lAnona squamosa. Ce nom est Afe, Ahate de Panucho, qui se trouve dans Hernandez (p. 348 et A5) avec deux figures assez semblables et assez médiocres’, qu’on peut rapporter ou à l'A. squamosa, avec M. Dunal (Hfém. Anon., p. 70), ou à A. Cherimolia, avec M. de Martius (FT. Bras., fase. 2, p. 15). Oviedo emploie le nom de Anon (b). Il est très possible que le nom de Ata soit venu au Brésil du Mexique et des pays voisins. Il se peut aussi, je le reconnais, qu'il vienne des colonies portugaises des Indes orientales. M. de Martius dit cependant l'espèce importée des Antilles au Brésil (FL Bras., 1. c.). Je ne sais s'il en a la preuve ou si elle résulte de (a) Cela dépend de lopinion qu'on se formera sur l'A. glabra Forsk. (4. asiatica, 6. Dun., Anon., p. 74; A. Forskalii, DC., Syst., 1, p. 472), qui était cultivé quel- quefois dans les jardins de l'Egypte lorsque Forskal visita ce pays, sous le nom de Keschta, c'est-à-dire lait coagulé. La rareté de la culture et le silence des anciens auteurs montrent que c'était une introduction moderne en Egypte. Ebn Baïthar (trad, allem. de Sontheimer, 2 vol. 1840), médecin arabe du xm° siècle, ne parle d’aucune Anonacée et ne mentionne pas le nom de Keschta. Je ne vois pas comment la descrip- tion et la figure de Forskal (Descr., p. 102, ie, tab. 15) différent de l'A. squamosa, L’échantillon de Coquebert, cité dans le Systema, concorde assez avec la planche de Forskal, mais comme il est en fleur et que la planche donne le fruit, l'identité ne peut être bien prouvée, (b) De là vient le nom de genre Anona, que Linné a changé en Annona (provision), parce qu'il ne voulait aucun nom des langues barbares, et qu’il ne craignait pas les jeux de mots (voy. la note p. 857). 862 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, l’ouvrage d’Oviedo, qu'il cite et que je ne puis consulter. L'article d'Oviedo transerit dans Maregraf (p. 94) décrit VA. squamosa sans parler de son origine. | L'ensemble des faits est de plus en plus favorable à l'origine américaine, La localité où l'espèce a paru le plus spontanée est celle des forêts de Para. La culture en est ancienne en Amérique, puisque Oviedo est un des premiers auteurs (1535) qui aient écrit sur ce pays. Sans doute la culture est aussi d’une date assez ancienne en Asie, et voilà ce qui rend le pro- blème curieux. Il ne m'est pas prouvé cependant qu’elle soit antérieure à la découverte de l'Amérique, et il me semble qu’un arbre fruitier aussi agréable se serait répandu davantage dans l’ancien monde s'il y avait existé de tout temps. On serait d’ailleurs fort embarrassé d'expliquer sa culture en Amérique au commencement du xvi° siècle en supposant une origine de l’ancien monde. Anona muricata, £, (en français Corossol, Cachiman; en anglais Sour sop). — Cette espèce , à laquelle M. Brown (Congo, p. 6) réunit l'A. asiatica, L., paraît spontanée aux Antilles. Swartz(Obs., p. 221) dit : € Habitat campos Jamaicæ et Hispaniolæ. » Macfadyen (FT. J'amaic., p: 7) la dit commune partout. Selon P. Brown (Jam., p. 255), c'est une des espèces les plus communes dans les savanes de la Jamaïque, et les nègres seuls en recherchent le fruit. Splitgerber (Ned. Kruidk. Archi, Y, p. 226) la dit sauvage à Surinam, mais autour des plantations, et M. de Martius (FT. Bras., fase, 2, p. 4), qui la dit importée au Brésil, ajoute qu’elle a de la disposition à se répandre hors des cultures. La même espèce est cultivée à Sierra-Leone (FT. Nigr., p. 204), peut-être par suite d’une introduction récente. L’A. asiatica, L., fondée sur VA. sylvestris, etc., de Burman (Linn., H. Cliff., p. 222; Sp., I, p. 738), est une plante de Ceylan, associée par Linné à des synonymes américains, et considérée par M. Brown (Congo, p. 6) comme l'A. muricata. Elle est incertaine pour les botanistes indiens (Moon, Cat. Ceyl. ; Roxb., F1., éd. 1832; Wight, Z{., p. 16) comme pour nous (a). Roxburgh et Wight n'ont pas vu l'A. muricata cultivé en Asie. ’ Anona retieulata, L. (en français Cœur de bœuf, en anglais Cus- tard apple). — Sa patrie primilive est aux Antilles, par exemple à la (a) L'échantillon de l’herbier de Linné mentionné par mon père (Syst., [, p. 473 et 476), paraît avoir été recu par Linné depuis qu'il avait nommé une espèce A, asiatica, d'après ce que dit M. Brown (Bot. Congo, p. 6), et ne serait donc pas authentique. J'ai deux échantillons nommés A, asiatica, L., mais aucun n'offre la moindre authenticité. L'un, à feuilles non ponctuées, est probablement l'A. squamosa ; l’autre, de Java, à feuilles ponctuées et pubescentes, est difficile à classer vu l'absence de fruits. L’A. asia- tica de Linné paraît une espèce fabriquée avec des synonymes et qui serait à détruire, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 863 Jamaïque, où il croît dans les montagnes (Macfadyen, F1, Jam., p. 10; Jacq., Obs., p. 223). Il est cultivé au Brésii (Martius, F1. Bras., fase. 2, p. 15) et dans l'Asie tropicale, mais pas encore en Afrique (Hook., FT, Nigr., p. 206), si ce n’est à l’ile Maurice (Boj., H. Maur.). Rheede (IL, tab. 30, 31) l'avait vu cultivé au Malabar, où les habitants le considé- raient comme importé de l'étranger. D’après ce que dit Rumphius (1, p. 136), on voit bien que l'espèce était cultivée et peu ancienne dans les îles asiatiques. Roxburgh ne connaissait aucun nom sanserit où même un peu ancien, car le nom bengali Noona vient évidemment de Anona. Il pensait, avec raison probablement, que PAnona asiatica, Lour. (non L.), cultivé en Cochinchine, est la même espèce. Anona Cherimolia, Lam — Le Cherimolia estindiqué par de Lamarck, et M. Dunal, comme croissant au Pérou; mais Feuillée, qui en a parlé le premier (Obs., IT, p. 23, tab. 17), le mentionne comme cultivé. Mac- fadyen (FT. Jam., p. 10) le dit abondant aux montagnes de Port-Royal, de la Jamaïque ; mais il ajoute qu'il est origimaire du Pérou et doit avoir été introduit depuis longtemps, d’où il semble que l'espèce est cultivée dans les plantations des parties élevées de Pile plutôt que spontanée. Sloane n'en parle pas. MM. de Humboldt et Bonpland l'ont vu cultivé dans le Venezuela et la Nouvelle-Grenade ; M. de Martius, au Brésil (F{. Bras., fase. 11, p. 15), où les graines en avaient été obtenues du Pérou. L'espèce est cultivée aux îles du cap Vert et sur la côte de Guinée (Hook., F1. Nigr., p. 205); mais il ne paraît pas qu’on lait répandue en Asie. Son origine américaine est évidente. Je n’oserais pourtant pas aller plus loin et affirmer qu’elle est du Pérou plutôt que de la Nouvelle-Grenade, où même du Mexique. On la trouvera probablement sauvage dans une de ces régions. Meyen ne l’a pas rapportée du Pérou (Nov. act. nat. cur., XIX, suppl. 4). Orangers Ct Citromniers. — Après les recherches consciencieuses et savantes de Gallesio (a), je n’ai pas à revenir en détail sur l’histoire des différentes espèces ou variétés du genre Citrus. Il me suflit de renvoyer à son ouvrage pour plusieurs des faits dont il parle, et d'ajouter quelques renseignements plus modernes sur les espèces cultivées ou spontanées dans l'Asie méridionale. Citrus medica, Gall, — Le Cédrat (b) est l'espèce parfaitement bien (a) G. Gallesio, Trailé du Citrus, in-8, Paris, 1811. Dans cet ouvrage, la notion d'espèce est confondue avec celle de race, mais loutes les observations sur les semis et la culture des orangers, ainsi que les recherches historiques, méritent les plus grands éloges. Le mémoire de Risso (Ann. du Muséum, vol. XX), est de 1813. Il renferme beaucoup moins d'informations. (b) J'évite le nom de Citronnier appliqué par Gallesio au C. medica, parce que malheu- reusement en français nous avons transporté ce terme au C. Limonum. Ce dernier est appelé dans toutes les langues, excepté dans la nôtre, Lemon, ou Limon, ou quelque 59 864 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. décrite par Théophraste (1. 1, €. h) comme abondante en Médie, c’est-à- dire dans la Perse septentrionale. On en recevait des fruits à Rome dans les premiers temps de l'ère chrétienne, et peut-être auparavant. Les tenta- tives de culture avaient d’abord échoué en Italie, et l'introduction ne fut acquise que vers le rn° ou 1v° siècle, d’après Gallesio (p. 218). Le nom Citria, Citrus, est d'origine latine (Diosc., Mat. med., T, p. 132; Gal- lesio, p. 263), et s’appliquait aussi à d’autres arbres très différents (a). Les Hébreux cultivaient le Cédratier du temps de la domination romaine, et se servaient de son fruit, comme ils le font encore à présent dans la fête des tabernacles; mais rien ne prouve qu'ils aient connu cet arbre du temps de Moïse (Gall., p. 195, 209). Ilest probable qu'ils l'avaient trouvé à Baby- lone à l’époque de la captivité, d’où ils l'avaient rapporté. Quoi qu’il en soit de la diffusion de l’espèce dans l'Asie occidentale, à cette époque reculée, rien ne prouve qu'elle existät spontanée et originaire, en Médie. Les voya- seurs modernes ne l’ont pas rencontrée sauvage en Perse. Ce pays, il est vrai, à été peu visité par les botanistes, etses forêts ont peut-être diminué depuis quelques siècles par un effet des dévastations et de la sécheresse. Le docteur Royle à trouvé le Citrus medica sauvage dans les forêts du nord de l'Inde (J{. Himal., p. 129). Les habitants l’appellent Bijouree (prononcez Bijouri); en anglais, Citron. Roxburgh (FE. Ind., 2° édit., v. HE, p. 392) avait reçu des mon- tagnes de Garrow des graines de trois variétés ou espèces, dit-il, de citron, qu'il avait semées au jardin botanique de Calcutta. Le nom sanserit du Citrus medica, d’après Roxburgh, est Beeja-poora, et le nom hindustani, Bejoura. On voit dans Beeja (prononcez Bija) la source du nom cité par Royle. Les noms persan Turcre et arabe Utrej, cités par Roxburgb, sont entièrement différents. On cultive le Citrus medica en Cochinchine et en Chine (Lour., FT. Coch., p. 568); mais il n’est pas indiqué au Japon par Thunberg. D’après cet ensemble de faits, il est clair que l'espèce est origi- uaire du nord de l’inde. Comme lhabitation de chaque Aurantiacée est chose d’analogue. La langue française n’a respecté l'usage universel que par l'emploi du mot limonade. (a) Le Citrus atlantica, dont on faisait les belles tables, mensa citrea, d'Afrique, était probablement lespèce de cèdre, Cedrus atlantica, que nous savons maintenant exister dans l’Atlas. Une pareille confusion de nom était bien possible, puisque dans notre siècle, où l’on a de si grandes prétentions à tout connaître, on ne sait pas encore de quel arbre provient le palissandre ou rose wood, du Brésil, avec lequel on fabrique une immense quantité de meubles. Les articles des dictionnaires de commerce sont absurdes sur ce point, et les hotanistes n'ont eu des renseignements un peu plus exacts qu'un 1833. Palissandre Vient probablement des mots Palo santo, bois saint. Il paraît que l'arbre est une légumineuse du Brésil, du genre Machærium (voy. Hook., Journ. ef bot., sept. 4853, et mon article dans la Bibliothèque universelle, juin 4854), mais l'espèce est dou- teuse. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 865 naturellement assez restreinte, je ne pense pas qu’elle s’étendit de l'Inde à la Perse septentrionale, Probablement, on l’a transportée de bonne heure dans cette direction, de même qu’en Chine. Les graines se sèment naturels lement dans les colonies, par exemple, à la Jamaïque (Macfad., F4). Citrus Limonwm, Risso (Limonier, Gall, p. 405). — Le Limon, que nous appelons mal à propos, en français (voy. la note p. 863), Citron; est un fruit bien caractérisé par sa forme ovoïde, mucronée, sa couleur jaune claire et sa pulpe très acide. D’après le docteur Royle (14. Him.; p. 150), le nom ordinaire vient du sanscrit Nmbooka (prononcez Nim- bouka), d'où est venu en bengali Neeboo (prononcez Nibou), en indous- tani Veemoo, Leemoo, Leeboo (prononcez Nimou, Limou, Libou), en arabe Limoun (Gall., p. 405), en italien Limone, en vieux français Limon (Oliv. de Serres), en anglais Lemon. Le docteur Royle l’a trouvé sauvage dans les forêts du nord de l’inde. Un fruit aussi acide ne devait pas attirer l'attention des agriculteurs et des voyageurs. Il n’est pas étonnant que l’an- tiquité romaine et grecque ne lait pas connu. Sa culture ne s’est répandue vers l'occident que par la conquête des Arabes. En s'étendant sur de vastes régions de l'Asie et de l'Afrique, ils ont propagé partout les Oran- gers et le Limonier. Ce dernier a été porté par eux, dans le x° siècle de notre ère, des jardins de l’'Oman, en Palestine et en Égypte (Gall. p. 251). Jacques de Vitry, dans le xui° siècle, décrit très bien le Limon qu’il avait vu en Palestine, et sans doute, ce sont des Croisés qui l’appor- tèrent en Italie, sans que lon puisse fixer précisément dans quelle année. Du côté de l’est, le Limonier s’est répandu en Cochinchine (Lour., Fl.3 p. 568), et probablement en Chine. Thunberg ne l'indique pas au Japon. Il se propage et se naturalise de graines dans les colonies d'Amérique, par exemple, à la Jamaïque (Macfad., #1.). Citrus Aurantium, L. — L/Orange amére ou Bigarade (Citrus Bigaradia, Duham.; Citrus vulgaris, Risso) et Orange douce (Citrus Aurantium, Risso) se conservent régulièrement de graines, d’après les expériences de Gallesio et de plusieurs horticulteurs des environs de Finale (Gall., p. 30), contre dites, ilest vrai, par Macfadyen (a). Comme le seul caractère distinctif, d’après Gallesio lui-même (p. 422 et 149), est la saveur de Ia pulpe, je suis disposé, au point de ‘vue bota- (a) Il est vraiment curieux de mettre en opposition les passages suivants : Gallesio (p. 32). « J'ai semé pendant une longue suite d'années des pepins d'orange douce, {tantôt pris sur des arbres francs, tantôt sur des orangers greffés sur bigaradiers ou sur limo- niers : j'ai toujours eu des arbres à fruits doux. Ce résultat est constaté depuis plus de 60 ans par tous les jardiniers du Finalais. Il n’y a pas un exemple d’un bigaradier sorti des semis d'orange douce, ni d’un oranger à fruits doux sorti de la semence de biga- rade. » Voyez aussi la page 67, où l’auteur répète le même fait. 11 raconte ailleurs, 866 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. nique, à voir là deux races et non deux espèces. Linné les réunissait sous le nom de Citrus Aurantium. Examinons cependant séparément ces deux races ou espèces. L'étude de leur origine géographique pourra peut-être jeter quelque jour sur l'importance de leur caractère distinctif. Le Bigaradier (Citrus vulgaris, Risso), de même que le Limonier et lOrange douce, était inconnu aux Grecs et aux Romains, et comme ces der- niers avaient étendu leurs relations jusque vers la péninsule indienne et même l’île de Ceylan, Gallesio (p. 244) en tire l'induction que ces arbres, en particulier le Bigaradier, n'étaient pas cultivés alors dans la partie occi- dentale de l'Inde. Il à étudié, sous ce point de vue, les anciens géographes et voyageurs, tels que Diodore de Sicile, Néarque, Arianus, et n’a trouvé aucune mention des Orangers. Cependant, la langue sanscrite, bien plus ancienne que les Romains et les Grecs, avait un nom pour l’Oranger, Nagarunga(Roxb., FT. Ind., édit. 1832, vol. IL, p. 392), ou Nagrunga (Royle, ZI. Himal.,p. 130). C'est même de là qu’est venu le mot orange, car les Hindustanis en ont fait le nom Narungee (Royle, 1b.), que nous devons prononcer Naroundji, les Arabes ont fait Narunj (Gallesio, p. 122) et les Italiens Naranzi, Arangi (Gall., 1b.). Dans le moyen âge, les auteurs ont dit en latin Arancium, Arangium, puis Aurantium (Gall., p. 123, 124). Je ne trouve pas dans les auteurs anglais la preuve que le mot sanscrit s’appliquât à l’Orange amère plutôt qu'à lOrange douce (a) ; mais cela semble probable, car les Arabes qui ont transporté les Orangers de l’Inde vers loccident, ont connu d’abord lOrange amère et lui ont appliqué le mot Narunj (Gall., p. 122 et 248). Les médecins (p. 355) comment la gelée de 1709, ayant fait périr les orangers de Finale, on avait pris l'habitude dans le pays d'élever des orangers à fruits doux de semences. « Il n’y eut pas une seule de ces plantes qui ne portàt des fruits à jus doux (p. 357). » Macfadyen (F1. Jam., 1837, I, p. 129) : « C'est un fait établi, familier à tous ceux qui ont vécu quelque temps dans cette île, que la graine des oranges douces donne très souvent des arbres à fruits amers (bitter), ce dont des exemples bien prouvés sont arrivés à ma connaissance personnelle. Je n'ai pas ouï dire cependant que des graines d’oranges amères aient jamais donné des fruits doux... Ainsi l’oranger amer était le type primitif. » Il ajoute (p. 130) que dans les districts à sol calcaire les oranges semées sont toujours douces, et que dans ceux d’une autre nature, elles sont plus ou moins acides ou amères, même quand elles viennent des meilleures oranges. Le même auteur avait déjà publié ces faits en 1830 (Hook., Bot. misc., I, p. 303). Il disait alors que les dis- tricts non calcaires sont du trap ou des formations secondaires. Dans ces localités, les fruits ont plus ou moins d’acidité (acridity). Cette dernière expression peut faire penser que les oranges produites mürissent mal, sont acides, comme les oranges douces de Hyères, ce qui est bien différent de la qualité amère du bigaradier. Le mot sour en anglais veut dire acide et bitter amer, et l’auteur emploie presque partout le mot bitter. A la page 430 seulèment, 11 parle d’oranges sour ou bitter, comme de choses analogues. Il ne cite pas Gallesio, dont l'autorité me paraît supérieure, vu la spécialité de ses études sur les orangers. (a) Cette preuve m'a été fournie récemment par M. Adolphe Pictet. Voyez la note plus loin, p. 870. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 867 arabes ont employé dans leurs prescriptions le suc amer du Bigaradier dès le x° siècle de notre ère (Gall., p. 247). Les recherches approfondies de Gallesio montrent que l’espèce s'était répandue depuis les Romains dans la direction du golfe Persique, probablement par Peffet des expéditions des Arabes dans l'Inde. Ce peuple, agriculteur et conquérant, a transporté le Bigaradier en Arabie dès la fin du 1x° siècle de l’ère chrétienne. Ce fut par Oman, Bassora, frac et la Syrie, d’après l’auteur arabe Massoudi (Gall., p. 315). Les Croisés virent le Bigaradier en Palestine, et on le cultivait en Sicile dans l’année 1002, ce qui n’est pas étonnant, puisque les Arabes avaient envahi cette ile en 828. Ils lavaient aussi porté en Espagne (Gall., p. 297 et 288). Ce sont eux, probablement, qui l'avaient répandu dans l'Afrique orientale. Les Portugais le trouvèrent en Éthiopie en 1520 (Gall., p. 289) et sur la côte orientale d'Afrique, lorsqu'ils doublérent le Cap de Bonne-Espérance eu 1498 (4d., p. 240). Rien ne peut faire penser que l’Orange amère ou douce existàt en Afrique avant le moyen âge. La fable du jardin des Hespérides doit concerner un autre pays ou un autre fruit, et peut-être n’est-elle qu’un jeu de imagination fertile des Hellènes (Gall., p. 223). Aucun botaniste moderne, à ma connaissance, n’a trouvé le Bigaradier sauvage dans l'Asie méridionale, qui doit être cependant sa patrie, Rox- burgh, Royle, Griffith, Wight, n’en parlent pas. Le docteur Wallich (List, n. 6384) est le seul qui indique une localité, Silhet, au nord-est du Ben- gale; mais il ne donne ni description, ni détail sur la station des individus observés. Le Citrus fusca, de Loureiro (F1. Coch., p. 571), qui habite latissime in Cochinchina, rarius in China, s'en rapproche; mais il a un fruit de 2 pouces seulement de diamètre. L'intérieur de la Chine est trop peu connu pour que, du silence des auteurs, on puisse rien conclure. Je crois, en définitive, le Bigaradier originaire de l'Inde au delà du Gange, comme le soupçonnait Gallesio, et même je reculerai lhabitation probable jusque vers Sillet, le pays des Birmans et la Cochinchine, Les véritables motifs sont, en résumé : L° que l'espèce était peu ou point cultivée dans le temps des Romains à l'occident de l'Inde; 2° que les botanistes ne Pont pas trouvée sauvage ou naturalisée dans la péninsule indienne et dans le Bengale. ne semble pas que le Bigaradier se sème aussi facilement que le Limo- nier et le Cédratier dans les colonies américaines. Macfadyen (F1. Jam., p. 128) l'indique seulement comme cultivé; les autres Citrus comme cultivés et naturalisés. L'Orange douce vient spontanément dans les forêts de Silhet et sur les pentes des monts Nilgherries (Royle, ZI}, Himal., p, 129). Turner en 868 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. trouva d'excellentes au pied des collines de Buxedwar (Turner, Voy. aw Thibet, p. 20 et 387, d’après Royle;, et cette localité est au nord-est de Rungpoor, dans le Bengale. Le docteur Wight (JU. Ind., p. 107) dit, mais sans détails et sans préciser la saveur du fruit, que l’Oranger se trouve sauvage dans les jungles des montagnes de la péninsule. Loureiro (FL. Coch., p. 569) décrit un Citrus Aurantium, à pétiole presque toujours ailé et à pulpe « acido-dulcis, » qui paraît bien l’Orange douce; et il ajoute : « Éabitat culta incultaque in Cochinchina et China. » Ces faits prouvent que l'Oranger à fruit doux se maintient habituellement, si ce n’est constamment, comme le dit Gallesio, par le semis des graines, et qu’il est ou spontané d’origine dans une grande étendue de l'Asie méridio- nale, ou naturalisé dans une portion au moins de cette vaste région, à la suite d’une culture ancienne et générale, Afin d’éclaireir ce dernier point, il faut chercher dans quel pays la cul- ture 4 commencé et comment elle a marché. Un fruit aussi gros et aussi agréable n’a pas pu exister dans une région sans que l’homme eût essayé de le cultiver, et cette réflexion inspire assez de sécurité dans les recherches qu’on peut faire. Celles de Gallesio ne laissent rien à désirer. Il prouve d'abord (p. 287) que l'Oranger apporté de l'Inde, par les Arabes, en Égypte, en Palestine et dans le midi de l'Europe, n’était que l'Oranger à fruit amer, soit Bigaradier. Les citations des textes arabes sont très con- eluantes. De même pour le midi de l'Europe jusqu’au xv° siècle (p. 292). Du x° au xve siècle, les chroniques parlent souvent de lOranger, mais toujours à fruit aigre. C’est aussi celui que les Portugais trouvèrent sur la côte orientale de l'Afrique après avoir doublé le Cap (id., p. 240). En arri- vant dans l'Inde, ils trouvèrent des Orangers à fruits doux. Le Florentin, qui accompagnait Vasco de Gama, et qui a publié la relation du voyage, dit : © Sonvi melarancie assai, ma tutte dolei. » (1 y a beaucoup d'Oranges, mais toutes douces.) Ni ce voyageur, ni ceux qui suivirent ne témoignèrent plus de surprise d’une espèce d'Orange aussi agréable. Gal- lesio en infère que les Portugais n’ont pas été les premiers à rapporter lOranger doux de l’Inde, où ils arrivèrent en 1498, ni de Chine, où ils parvinrent en 4518 (Gall., p. 300). D'ailleurs, une foule d'écrivains du commencement du xvi° siècle parlent de POrange douce comme d’un fruit déjà cultivé en Italie et en Espagne. Il y a plusieurs témoignages pour les années 1523, 1525 (Gall, p. 802). Ainsi, Popinion de ceux qui regardent les pieds cultivés en Portugal comme les plus anciens, n’est pas fondée, L'Orange douce est probablement venue au travers de l'Asie, de proche en proche, par l'influence des Arabes, et plus tard par l'effet des relations si fréquentes du midi de l'Europe, surtout de Gênes et de Venise, avec ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 869 POrient (Gall., p. 315). Comme la rivière de Gênes est devenue de bonne heure le centre du commerce des Oranges, on peut croire que les Génois ont été les principaux agents de cette introduction. Le nom d'Orange de Portugal donné souvent aux meilleures Oranges douces, viendrait simple< ment de ce que le climat de Portugal leur est favorable, ou de ce que les Portugais auraient introduit de Chine, à une époque moins ancienne, des Orangers de qualité distinguée. Rien ne prouve que lOranger à fruit doux füt ancien dans l'Inde. Au contraire, s’il avait été spontané ou cultivé de toute ancienneté dans ce pays, surtout dans la péninsule et à Ceylan, on ne peut douter que l’expédi- tion d'Alexandre, les communications avec la Perse, les voyages des Ro- mains par la mer Rouge, ne l’eussent fait connaître dans l’occident beau- coup plus tôt. Assurément, on Paurait choisi, cultivé et propagé de préférence au Limonier, au Cédratier et au Bigaradier. Roxburgh (FL. Ind., 2° édit., v. HE, p. 893), si explicite pour les fruits de l'Inde, en parle à peine. Dans l’Archipel indien, lOranger à fruit doux était considéré comme venant de Chine (Rumph., Amb., Il, e. 42). Il était peu répandu dans les îles orientales de la mer Pacifique (Forst., PE. esc., p. 35). Les Chinois, au contraire, les Cochinchinois et les Japonais (Thunb., FE, p. 292) cul- tivent l’Oranger à fruit doux en abondance et depuis un temps immémorial. Probablement, l'habitation primitive se trouvait dans la Chine méridionale, la Cochinchine, le pays des Birmans; peut-être Sillet, où le docteur Wal- lich paraît avoir vu la plante spontanée, comme Loureiro en Chine et en Cochinchine. Quant aux localités du Bengale, et surtout de la péninsule indienne, je les crois plutôt l’effet de la dispersion de graines jetées hors des cultures. Dans les colonies, on sème l’Oranger et il se répand quelquefois de lui- même (Macfadyen, FT. Jam., p. 128). J'ai dit que, d’après des expé- riences directes de Gallesio, il conserve toujours de graines sa qualité, tandis que Macfadyen (voyez la note ci-dessus) nie positivement que cela soit constant. Les deux assertions peuvent se concilier si lon suppose que Gallesio a écarté toute chance de croisement avec le Bigaradier et que les cultivateurs de la Jamaïque ne s’en sont pas préoccupés. Il se peut aussi que Macfadyen appelle orange amère une orange acide plutôt qu'amère à la facon du Bigaradier (voy. la note p. 866), Ceci me ramène à la question de l’espèce, question que les semis ne peuvent jamais trancher. Le Bigaradier et lOranger à fruit doux ayant, selon les probabilités exposées ci-dessus, la même habitation primitive, jy vois un argument de plus en faveur de l’opinion qui réunit les deux races. 570 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. en une seule espèce. Dans cette hypothèse, lOrange douce serait une modification du Bigaradier née en Chine ou en Cochinchine, à une époque très reculée, sans doute, mais historique et non antérieure à l'homme (a). L'hypothèse me semble cependant un peu moins probable que celle qui fait dériver la Pêche lisse de la Pêche velue (p. 886). Citrus japonica, Fhunb. — Cette espèce, à fruit gros comme une cerise el très doux, paraît distincte. Elle croît au Japon, où on la eul- tive, de même qu’en Chine (Thunb., F1., p. 293 ; Fortune, Journ. hor- tic. Soc., IX, p. 239). Citrus javanica. Blume (Bijdr., P:. 140). a Rumphius l'a figuré (IL, pl. 29). Il paraît une bonne espèce, à feuilles larges, fleurs solitaires, fruit petit, arrondi, et peu acide. Il est cultivé à Java; mais on le trouve aussi sauvage, près des habitations, dit Rumphius; sur le mont Salak, dit M. Blume. Indépendamment de ces espèces bien tranchées, il existe dans les cul- tures, en Europe et en Asie, une multitude de formes plus ou moins inter- médiaires, assez souvent monstrueuses ou stériles, qui ne paraissent pas avoir été trouvées à l’état sauvage et sur lesquelles lopinion des mono- graphes n’est pas fixée. Les croisements hybrides ont probablement joué un grand rôle dans leur histoire. Je rappellerai seulement les principales d’entre elles et les plus caractérisées. Citrus decamana, Wild (Pampel-moes, Rumph., Il, tab. 24, £. 2; Shaddock des Anglais). — C’est une des catégories les plus abondantes dans les cultures de l'archipel indien. Les formes en sont peu fixées, d'après ce que dit Rumphius ; mais la variété à très gros fruits dont il parle (p. 98) paraît se maintenir de graines, et plusieurs auteurs en font le type d'une espèce (Blum., Bijdr., p. 140; Forst., PL, ese., p. 35). D’après Rumphius, le pays d’origine serait la Chine méridionale. Loureiro (F1. Coch., p.572), dit : « Habitat frequenter in Cochinchina et China; » mais cela ne signifie pas qu'elle soit spontanée, car ailleurs (voy. C. Auran- üum) 1l a soin de dire si une plante cultivée est aussi spontanée. On la cultive certainement beaucoup en Chine, dans le midi et sur le littoral. On envoie les fruits de là à Pékin (Bunge, Ænum., p. 9). Au Bengale, on Fa reçue de Batavia (Roxb., FT. Ind., 2° édit., v. IE, p. 393). Elle a été (a) M. Adolphe Pictet vient de me fournir un indice de la date peu reculée de l'Orange douce. IL à cherché dans les ouvrages sanscrits les noms significatifs donnés à l'Orange ou à l'Oranger. Ils sont au nombre de 47, qui tous font allusion à la couleur, à l'odeur, la qualité acide (dantacatha, nuisible aux dents), le lieu de croissance, ete., jamais à une saveur douce ou agréable, Cette multitude de noms, indépendamment du nom ordi- naire Nagaranga, montre un fruit ancien dans le pays, mais différent pour la saveur, de l’Orange douce, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 871 transportée d'Asie en Amérique par un capitaine Shaddock, d’où vient le nom anglais (Pluk., Abmag., p. 239; Sloane, Jam., I, p. A1). Il paraît que les premiers pieds vinrent de graines laissées aux Barbades par le- dit Shaddock (Sloane, {. c.). À la Jamaïque, on continue d’en semer (Macfad., FT. Jam., p. 131). Si Gallesio avait eu connaissance de ce fait, il aurait sans doute admis l'espèce, car son principe était de regarder toute forme constamment héréditaire comme spécifique. Il n'avait pas vu le vrai Citrus decumana d'Asie, et d’après les descriptions, il le rapportait au Citrus Aurantium à fruit doux (p. 161). Il s'efforce de le distinguer de la Pomme d'Adam, qu'il regarde comme une hybride de l’Oranger et du Cédratier (p. 144). Je suis disposé à admettre le Citrus decumana comme espèce, non pas précisément à cause de lhérédité qui est propre aux races et aux espèces, ni à cause de la grosseur du fruit, caractère susceptible de transitions, mais peut-être à cause des feuilles pubescentes en dessous (Rumph., Blume, Macfad., /. c.) et légèrement ciliées sur les bords (Blume), ce qui, dans un genre à feuilles essentielle- ment glabres et lisses, me parait avoir quelque valeur. Le Citrus decu- mana réussit dans les lieux très humides, autre différence d'avec les Oran- gers (Macfad., L. c.). Si on admet l'espèce, il faut reconnaitre en même temps qu’elle s’est modifiée dans les cultures, et qu'il s’est formé sou- vent des hybrides avec les autres espèces cultivées. La Pomme d'Adam, connue déjà des Arabes à l’époque des croisades, présente les indices d’une plante hybride (Gall., p. 141). Le Citrus nobilis, Lour., ne diffère du Citrus Aurantium à pulpe douce que par le fruit légèrement déprimé, caractère bien insuflisant pour une espèce. Le Citrus Limetta, Risso (Ann. Mus., NX, p. 195), est évidemment com- posé de plusieurs formes distinctes, que Gallesio a séparées avec mé- thode et a rapportées à diverses espèces comme variétés ou hybrides. En particulier, la Bergamotte est, selon lui (p. 118), une hybride du Limo- nier et de l’Oranger, je suppose de l’Oranger amer. Il n’en donne aucune preuve directe ; mais la circonstance qu’on possède plusieurs de ces inter- médiaires en Asie et en Europe, et le fait qu’on ne les trouve pas sauvages, rendent vraisemblable l'opinion de Gallesio sur les quatre types primitifs de nos fruits cultivés du genre Citrus. Je termine en remarquant la facilité avec laquelle les Aurantiacées se sont naturalisées de semis en Amérique, dès les premiers temps de la con- quête. J. Acosta (Hist. nat. Ind., trad. franç., 1598, p. 187) en était déjà surpris, et une foule d’autres voyageurs également. Mangostan. — Le Gareinia NMangostana, EL, croit dans les forêts de quelques-unes des îles orientales de larchipel indien, par exemple, à 872 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Baleya (Rumph., I, p. 133). Il est très local, soit comme plante spon- tanée, soit même comme plante cultivée. L’excellence du fruit a, sans doute, engagé les habitants de plusieurs pays à le cultiver; mais on ne peut réussir que dans les régions très chaudes et très humides. Rox- burgh n’a jamais pu obtenir le Mangostan au delà du 23° degré 1/2 de latitude dans l'Inde (Royle, ZU. Him., p. 133). Transporté à la Jamaïque, il ne donne que des fruits médiocres (Macfad., FT. Jam., 4, p. 134). Mammea americana, Jacq. — Le Mamee où Mammee des colons anglais et espagnols ; l’Abricotier d'Amérique des colons français, dont le fruit est assez estimé, se trouve sauvage dans les îles Antilles (Sloane, Jam., 1, p. 123; Jacq., Amer., p. 262; Macfad., p. 135) et sur le continent voisin (Jacq., tb.). On le cultive dans ces pays, mais on a peu essayé de le transporter ailleurs. I n'existait pas même dans les jardins de l'ile Maurice en 1837 (Boj., H. Maur.), ni à Calcutta du temps de Rox- burgh (F1., édit. 1832). Vitis vinifera, L. — La Vigne est spontanée dans toute la région infé- rieure du Caucase, au nord, et surtout au midi de la chaîne, en Arménie, et au midi de la mer Caspienne, d’après plusieurs auteurs cités par Ledebour (FL. Ross., I, p. 458). Les notions historiques ne permettent pas de douter que ce ne soit la patrie originaire de l'espèce. S'étendait-elle beaucoup vers le midi de la Russie, l'Anatolie, la Perse et lesmontagnes du Caboul ? C’estce que les recherches botaniques ne peuvent plus nous apprendre. La Vigne se sèmeet se naturalise aisément dans les régions tempérées de l’ancien monde. Quand on trouve des pieds sauvages dans les haies, les broussailles, rien ne peutapprendre s’ils descendent de raisins cultivés ou de raisins spontanés, et plus on se rapproche de l'habitation originaire, plus l'incertitude augmente. La conformation des feuilles, la grosseur et la saveur des fruits sont des indices trompeurs à cet égard, puisque des Vignes livrées à elles-mêmes, non taillées, venues de semis au lieu de boutures, peuvent très bien offrir des caractères distincts, tout en provenant de Vignes cultivées. Il est certain que lespèce prospère dans toute l'Asie occidentale tempérée, notamment au Caboul, en Cachemir et dans le pays de Kunawur (Royle, CI. Him., p. 148). Elle à un nom sanscrit, Draksha (a), qui montre (a) M. Adolphe Pictet m'apprend que le raisin se nomme en sanscrit Rasa on Rasala, savoureux, abondant en jus. Il remarque l'analogie avec le mot raisin. Celui-ci est sup- posé venir du latin racemus, ou du grec bxË, grain de raisin (Bescherelle, Dict. Fr.). Je croirais que le mot grec et le mot sanscrit dérivent d'une origine commune, remontant à la dispersion des peuples indo-éuropéens, sortis de la région caucasique, patrie de la vigne. Toutefois, à l'inverse du chanvre (p. 833), la vigne et le raisin ont reçu des noms extrêmement différents dans les langues d'Asie et d'Europe, ce qui fait supposer une habitation primilive fort étendue. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 873 lancienneté de son existence ou de sa culture dans l'Inde septentrionale: M. Bunge l’a vue dans le nord de la Chine, cultivée seulement (Enum., p. 11). Le progrès de la culture dans l’Europe occidentale, par l’influence des Grecs et des Romains, est résumé dans l'excellent ouvrage de Reynier, sur l'Économie publique et rurale des Celtes et des Germains (1 vol. in-8°, Genève, 1818, p. 472). Anacardium occidentale, EL. — Le Pommier d'acajou, Cashew des Anglais, est ainsi nommé par le hasard d’un nom des indigènes d'Amérique Acaju, Acajaiba (Piso, Bras., p. 57), sans rapport avec l’acajou, bois de construction. La partie mangeable est le pédoncule renflé qui supporte la noix. L'espèce est sauvage dans une grande partie du continent américain, savoir : au Brésil (Piso, £. e.), à la Guyane (Aubl., p. 392), et aux Antilles (Jacq., Amer., p. 124; Macfad., FT. Jam., p. 219). On l'indique aussi entre Panama et Guyaquil (Benth., Bot. Sulph., p. 79), à Nicaragua (Le. Mex. ined.!) ; mais à défaut de renseignements, je ne puis dire s’il est cultivé ou spontané dans toutes ces localités. MM. de Humboldt et Bon- pland ne lont rencontré que cultivé (Nov. gen., VIT, p. 5). M. Aug. de Saint-Hilaire (Ann, sc. nat., XXII, p. 268) ne l’a pas trouvé sauvage entre le 13° degré de latitude sud et le Rio de la Plata. Évidemment, c’est une espèce qui s'éloigne peu du Hittoral et de la zone équatoriale. D’après Piso, les indigènes du Brésil en faisaient grand usage; donc, l'espèce est bien américaine. On l'indique cependant aussi comme spontanée en Asie et en Afrique. Voyons ce qu’il faut en penser. D'abord, quant à l'identité spécifique, elle est admise par tous lesauteurs qui ont vu la plante vivante, Rumphius, Rheede, Roxburgh, Loureiro, Blume, Hasskarl, ete.). Mon père (Prodr., I, p. 62) à fait naître des doutes, en constituant une variété avec les échantillons indiens, et en ajoutant € An species distinctæ ? » Il signale deux caractères différentiels. L’un est le pédoncule dix fois environ plus long que la noix dans la plante américaine, à peine trois fois plus grand, dans la plante d'Asie; or, ce caractère varie, suivant l’état de maturité, probablement aussi suivant la variété cultivée ; d'ailleurs, entre la plante de Rheede (IE, tab. 54, fig. infér.) et celle de Jacquin (Amer., tab. 35) ou de Catesby (Car., Append., IX, tab. 9), je ne vois pas de différence. Le second caractère est : dans la plante américaine, filamento longiore anthera orbato apice subdilatato; dans la plante asia- tique, filamento longiore anthera crassa donato cœteris subeffætis ; puis l’auteur ajoute : « An char. staminum ex meis staminibus desump- tum constans? » Les échantillons authentiques de mon herbier ne per- mettent guère de lever le doute, car le filet saillant, hors de la fleur, est fréquemment brisé. D'ailleurs, il s’agit d’un genre polygamo-dioïque, où 874 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÉCES CULTIVÉES. des variations de cette nature sont peu de chose, surtout si les échantil- lons viennent de pieds cultivés. Il est certain que Roxburgh (F1. Ind., édit. 4832,11, p. 313, publiée depuis le Prodr.) décrit bien l’étamine principale comme fertile, tandis que selon Jacquin (Amer..) elle serait stérile. Je n’ai su voir qu'une seule différence dout on puisse bien juger dans l'herbier. Mes échantillons d'Amérique (ceux d’une origine certaine) ont tous le limbe des feuilles, au premier coup d'œil, arrondi à la base, en réalité, arrondi et brusquement atténué en petites bordures du pétiole, comme dans la figure de Catesby ; quelquefois non décurrentes sur le pé- tiole, comme dans une des feuilles figurées dans Lamarek, Z{L., tab. 322, et dans Ja planche de Piso. Mes échantillons d'Asie (Pun du jardin de Calcutta ; l’autre de même origine, reçu plus tard, n° 990, Wall., List) ont le limbe plus également atténué et eunéiforme à la base, comme dans les planches de Rumphius ({, tab. 69) et de Rheede (IE, tab. 54). Je n’oserais pas éta- blir une espèce sur cette diversité de quelques échantillons ; je me borne à la signaler. Les arguments historiques auront peut-être plus de force. D’après Rumphius (1, p. 177) le nom malais est tiré du nom portugais cadju, qui est lui-même américain; le nom d’Amboine signifie fruit de Portugal ; le nom Macassar est tiré d’une ressemblance avec le fruit du Jambosa; l'espèce n’était point très répandue alors; Garcia ab Orto ne l'avait pas trouvée à (Groa en 1550, mais Acosta l'aurait vue ensuite à Couchin, et les Portugais Pauraient multipliée etrépandue dans l'Inde et l’archipel indien. Tout cela montre une origine récente en Asie. D’après Blume (Bijdr., p. 1155) l'espèce est cultivée à Java. Rheede (TT, p. 66) dit: « Pro- venit ubique in Malabar. » Cependant il indique un seul nom qui paraisse indigène, Kapa-mava; les autres sont dérivés du nom américain. Wight et Arnott (Prodr. penins. Ind., p. 168) marquent l'espèce du signe des plantes probablement étrangères. Piddington ({ndex) ne mentionne qu'un seul nom vulgaire de langue moderne, et aucun sanscrit. Loureiro (FL. Coch., p. 304) avait vu l'espèce sur la côte orientale d'Afrique, au Malabar et au Bengale, mais il ne doute pas de l’origine américaine. Rox- burgh (FT. Ind., 2° éd., L. ce.) ne traite pas la question d’origine. Il ne cite qu'un nom de langue indienne moderne, aucun sanscrit. L'espèce n’est pas indiquée au Japon par Thunberg, ni aux îles Philippines par Blanco (Are éd.), ni aux îles de la mer Pacifique (Forst., PI. ese.; Guillem, Zephyr. T'ait.). Enfin, le docteur Wallich (List, n° 990) indique plu- sieurs échantillons de Tavoy et Penang, sans dire s'ils étaient cultivés ou considérés comme un arbre du pays. Cet ensemble est tout en faveur de l’origine américaine. Un arbre aussi remarquable aurait été répandu de ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 875 bonne heure dans l’Asie méridionale et dans les îles de la mer Pacifique, s’il était d’origine asiatique. L'existence en Afrique me paraît plus récente encore. Loureiro l’a indi- quée il est vrai sur la côte orientale, mais en ajoutant qu'il suppose lori- gine américaine. L’Anacardium n’est pas en Abyssinie (Rich., T'ent. FT. Abyss.). Thonning ne l'indique pas en Guinée, ni M. Brown au Congo (Bot. Congo, p. 12 et 49), et si on l’a trouvé plus récemment à Saint- Thomas et Fernando-Po (Hook., F1. Nigr., p. 285$) il est probable que l'introduction n’en est pas ancienne. Quatre autres espèces du genre Anacardium sont d'Amérique, une cinquième, A. dubium, Roxb., est de Sumatra, selon l’auteur, mais la plante était probablement cultivée dans le jardin de Calcutta, et d’ailleurs son genre est douteux. L’Anacardium occidentale est done probablement une espèce cultivée et spontanée en Amérique, ayant une variété transportée en Asie. Mangifera indica, L,—(n ne peut douter que le Manguier (Mango tree, des Anglais) ne soit originaire de l'Asie méridionale ou de l'archipel indien quand on voit la multitude de variétés cultivées dans ces régions, la quan- tité de noms vulgaires et anciens, en particulier un nom sanserit (Roxh., Ft. Ind., éd. Wall., I, p. 435; Pidd., {ndex), et l'abondance extraor- dinaire de cet arbre dans le Bengale, la Péninsule indienne et Ceylan, même à l’époque de Rheede. Du côté de la Chine, la culture était peut-être moins répandue, car Loureiro mentionne l'espèce seulement en Cochinchine (FT. Coch., p. 198). D’après Rhumphius (FE, p. 95) elle avait été introduite de mémoire d'homme dans certaines îles de l'archipel asiatique. Forster ne mentionne pas l'espèce parmi les plantes à fruit comestible des petites îles de la mer Pacifique. Le nom vulgaire aux Philippines, Manga (Blanco, F1., p. 181) montre une origine étrangère, car c’est le nom malais et espagnol. Le nom vulgaire à Ceylan, où Pespèce est sauvage (herb. Lugd. Bat., d'après Blume, Mus. Lugd. Bat., 1, p. 194) est Ambe ou Ette Ambe; analogue à l’ancien nom sanserit Amra, et d’où viennent les noms persan et arabe Amb (Rumph., {. e.; Forsk., p. vit), les noms indiens modernes et peut-être, par une dérivation plus éloignée, les noms malais Mangka, Manga et Mampelaan (Rumph., &. e.). y à cependant plu- sieurs autres noms usités dans les îles de la Sonde et des Moluques (Rumph., L. e.; Blume, Mus. Lugd. Bat., 1, p. 191), et en Cochin- chine (Lour., £. c.) qui ne peuvent se rattacher nullement à cette source. La multitude et la variété de ces noms indiquerait une origine ou au moins une culture fort ancienne dans archipel indien. Rumphius ([, p. 94) mentionne deux variétés à petits fruits sauvages à Macassar et à Java. M. Blume (Bijdr., p. 1157) en indique une sauvage 876 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. sur le mont Salak à Java, mais dans un écrit plus récent(Mus. Lugd. Bat., I, p. 194) il la rapporte à une autre espèce, et regarde le M. indica comme spontané à Ceylan et non dans l'archipel. Rheede n’avait certainement pas trouvé le Mangifera indica spontané, d’après ce qu'il dit d’une espèce sau- vage à propriétés vénéneuses (IV, p. 2); Roxburgh non plus (F1. Ind., éd. 1832, v. I, p. 641), mais il décrit sous le nom de Mangifera sylvatica, un arbre de Sillet, qui pourrait bien être simplement une variété, malgré le fruit pointu et une différence dans le nectaire. Le docteur Wallich paraît n'avoir pas eu connaissance de cette espèce de Sillet, car il transerit sim- plement la description de Roxburgh (éd. Wall., II, p. 438) et la plante n’est pas dans la table de ses Listes. Lui-même en parlant du M. indica, dit : « J’ai rencontré, en apparence sauvage , près de Hetounra, sur les bords du ruisseau appelé Karra ou Karrara, un arbre que je prends pour le Mango commun ; il n’était pas en fleur. » Cette phrase et le silence de Loureiro, Wight, Royle et Griflith, montrent que le Mangifera indiea, sil est spontané sur le continent asiatique, y est du moins bien rare. Cela n’est pas aisé à concilier avec l'existence d’un nom sanscrit. Le M. indica s’est peu répandu vers l'Occident. Il a des noms arabe et persan, mais Delile ne l'a pas vu en Égypte (F1. Æg. ill.), et je ne le vois indiqué dans aucun des ouvrages sur l’Afrique continentale, même dans le Flora Nigritiana et le Tentamen FL. Abyssinicæ récemment publiés. Ebn Baithar, médecin arabe du xiu° siècle, qui énumère les plantes con- nues des Musulmans, n’en parle pas (trad. allem. de Sontheimer, 1840). Tout cela indique une expansion peu ancienne sur le continent asiatique. Le fruit est excellent; l'espèce se multiplie de semis. Avec de pareilles conditions, 1l est diflicile de s'expliquer comment elle n’a pas été trans- portée soit dans lantiquité, soit par les Arabes dans le moyen âge, d'Arabie en Nubie, de là en Guinée, si l'espèce était connue de toute ancien- neté dans l’Inde et à Ceylan. Ces réflexions, et la rareté ou l'absence de pieds sauvages de l’espèce sur le continent indien, me font croire que l'ile de Ceylan est la vraie patrie de l'espèce. Toutefois le M. laurina, Blume, spontané dans les îles de Java, etc., en est excessivement voisine et se croise avec elle, si même elle n’est une simple variété. On cultive à Maurice une multitude de variétés (Bojer, H. Maur., p. 73). À la Jamaïque, l'introduction date seulement de 4782 (Macfad., 1, p. 221), mais l'espèce à réussi parfaitement et donne par les graines beaucoup de variétés. À Cayenne, elle n'existait pas avant les premières années du siècle actuel (Aubl., Diet. agrie., NU, p. 172). L'intro- duction était plus ancienne au Brésil, car c’est de là qu'on fit venir des graines à la Barbade au milieu du siècle dernier (Hughes, Barb., p. 177). ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 877 Fragaria vesea, L. — Bubus idæus, L. — Le fraisier et le framboi- sier se cultivaient déjà dans le moyen âge, quoique les anciens en aient parlé seulement comme de plantes spontanées. Les variétés sont devenues nombreuses, surtout celles du fraisier. Cependant personne nhésite à reconnaître au milieu d'elles les espèces si communes dans les régions tempérées de l’Europe et de l'Asie. L'introduction moderne de fraisiers d'Amérique parmi les variétés de la fraise ordinaire n’empêche pas de con- stater l’origme et l’identité spécifique de celle-er. Cerisiers. — les auteurs modernes très estimables (Koch, Syn. F1. Germ.; Ledeb., Fl. Ross., etc.) s'accordent à classer toutes les va- riétés de cerisiers sous les deux espèces de Linné : Prunus avium et Prunus Cerasus. La première est spontanée en Europe et au Caucase (Ledeb., FT. Ross., Il, p. 6). La seconde se trouve dans les forêts au midi du Caucase (Ledeb., {. e.). On l'indique aussi € comme spontanée » en Crimée (Ledeb., {. c.), en Bithynie et dans la Macédoine (Griseb., Spreil., L, p. 87), et même (par naturalisation ?) en Volhynie et Lithuanie (Ledeb., L. c.). D’après la compilation de Pline (éd. 1634, L. xv, c. 25), la cerise manquait à l'Italie avant Lucullus, qui lapporta du Pont. On ne peut douter qu'il ne s’agisse d’une des variétés du Prunus Cerasus (Reynier, Écon. des Perses, p. 298), car le Prunus avium est décidément spontané en Europe, notamment en Grèce (Fraas, Syn. KT. class., p. 68), et il l'était déjà anciennement. Théophraste n’a pas pu entendre autre chose en parlant d’un cerisier de très haute taille (1. 111, €. 43). D'ailleurs le nombre des variétés de cerisiers dont parle Pline indique une culture déjà ancienne à son époque. Les noms vulgaires confirment l'existence primitive de plusieurs espèces ou variétés, répandues en divers pays de l’Europe et de l'Asie occidentale. Presque tous les noms du midi de l'Europe et des langues germaniques sont dérivés du Kécasos des Grecs; d’autres expriment la qualité amère (ama- rasca dans la haute [talie), ou acide (griotte, autrefois agriotte, en France, d’après Olivier de Serres, mot venant de acris) (a); une troisième source est dans les langues slaves, Wischenka en russe, Wisné en Bohême, Wischna en serbe, d’où Weichsel, nom allemand de la griotte; enfin le (a) Le mot griotte est pris dans des sens différents suivant les provinces. Dans la Suisse française, où les griottes sont acides, l’étymologie d'Olivier de Serres, fondée sur les griottes de la France orientale, nous parait très claire. À Paris, on nomme griotte une cerise douce (Duham., V, p. 27); aussi depuis longtemps s’est-on escrimé à inventer une autre étymologie. Ménage (Dict.) fait venir le nom d’une suite de modifications de Cerasa, par Cerasia, Cerasiota, Crasiola, Craiota, Criota, Griota, intermédiaires fictifs. Bes- cherelle (Dict., en 1849) dérive de + privatif grec, et d’acer, aïgre, parce que, dit-il, l'espèce est plus douce qu’une autre. Singulière idée de combiner un mot grec et un mot latin pour faire un mot français! Selon moi, ou les griottes ont changé ou le sens du mot a été transposé dans la France occidentale. 878 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. mot français Guigne, Guinie, vient du celte. En Bretagne la cerise douce se nomme Kignez (Le Gall, lettre). De là aussi le mot Guinder des Espa- gnols, Guingeira des Portugais. Du reste les noms s'appliquent ici à une variété, là à une autre. Les cerisiers à fruits mangeables ne croissent pas dans la chaîne de l'Himalaya, mais on cultive dans le Cachemir sous le nom de Alou-balou (Aloo-baloo, orthographe anglaise), un cerisier que le docteur Lindley regarde comme l’espèce commune, sans dire laquelle (Royle, Z{Z., p. 85). Ce nom Balou est presque celui appliqué au cerisier par les peuples au midi du Caucase, Bali (Moritzi, Dict. inéd. noms vulqg.). Le nom hin- dustani Padam, que Piddington attribue au Prunus Cerasus, doit être le Cerasus Puddum, DC., qui n’en a pas le bon goût, et dont la fleur est rose. Je doute beaucoup que le cerisier spontané et cultivé au Japon, désigné par Thunberg (FL, p. 201) sous le nom de Prunus Cerasus soit vraiment le cerisier ordinaire. Selon lui, les feuilles en sont très acuminées. M. Bunge ne mentionne pas de cerisier dans le nord de la Chine, ni Ledebour (F1. Ross.) dans la Sibérie orientale ou la Daourie. Pruniers. — Toutes les variétés de prunes et pruneaux cultivés sont rapportées par Linné au Prunus domestiea et par quelques modernes (Koch, Syn. F1. Germ.; Ledeb., F1. Ross.) au Pr. domestiea :e{ au Pr. insititia, L. La classification des variétés nous importe peu, car on s'accorde à dire que le Pr. domestica est spontané autour du Caucase et des monts Talysch (Pall., FT. Ross., I, p. 18; Ledeb., FT. Ross., I], p. 5),et le Pr. ansititia dans le Caucase (1d.), la Grèce (Fraas, Syn. FT. class., p. 69), et l'Europe tempérée (Linn.; Sm., Engl. Bot.; Bertol., F1. It., V, p. 133). Il est souvent difficile, en Europe, de savoir si les pruniers sauvages sont vraiment d’origine spontanée, ou proviennent de noyaux jetés dans la campagne. Pline (1. xv, ce. 13) dit déjà que le nombre des variétés était immense € ingens turba prunorum. » Ainsi la naturalisation dans quelques parties de l'Europe peut remonter bien haut. La multiplicité et la diversité des noms vulgaires anciens indiqueraient plutôt une existence primitive assez étendue, en Europe et dans Asie ocei- dentale. Si je consulte le dictionnaire où nous avons fait relever par Moritzi les noms vulgaires de toutes les Flores, voici ce que je trouve: 4 Ja grande majorité des noms dérive du rs% des Grecs dans les langues latines, germaniques et même en lettonien (Pluhme); 2° les langues slaves ont tiré leurs noms d’une racine très différente, car on dit Shiva en Bohême, Slivonik en russe, ete.; 3° les Tartares et les Tures disent £rik et Uruk, pour prune, et, chose très remarquable, c'est presque le mot celte des Gal- lois, Eirin (Davies, Welsh Botan., p. 47); 4° quelques noms viennent ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 879 de l’épithète prune de Damas, comme Damson en anglais, Darmassin en piémontais ; 9° le nom grec Koxxvunkco n’a laissé pour ainsi dire aucune trace dans les langues modernes; 6° les noms arabes Barkouk (Forsk., p. 67 et 143) et Aën (Munby, F1. Alg.) sont entièrement distincts, si ce n’est que la fin du premier ressemble au commencement du nom grec Koxxvpnéas 7° les Bretons (M. Le Gall, lettre) emploient le nom de Prun, qui est le mot grec et latin. [ls ont d’autres noms, Bolosse ou Belosse, pour le fruit sauvage du Prunus insititia, et ÆHirin ou Ærin pour celui du Pr. spinosa. Dans la Suisse francaise nous avons le mot Belosse pour le fruit du Prunus spinosa. Le mot anglais Bullace, pour prune, a la même origine. Les Gallois ont conservé le vieux mot celte Hirin(Eïirin), en le transposant peut-être d’une prune sauvage à une espèce cultivée. Tout cela démontre l'ancienneté des pruniers dans toute l'Europe tempérée et autour de la mer Méditerranée. Nos pruniers ne paraissent pas s'être répandus an- ciennement du côté de l'Asie orientale. M. Bunge (ÆEnum. pl. Chinæ bor.) rapporte, avec doute, au Pr. domestica, un prunier cultivé rarement dans le nord de la Chine. Il est plus que douteux que le Pr. domestica, Thunb., nommé par Kæmpfer Malus persica, soit un de nos pruniers. Enfin, on ne connait aucun nom sanscrit pour la prune ou le pruneau (Pidd., {ndex). Abricotier.— [Le Prunus armeniaea, EL. (Armeniaca vulgaris, Lam.) croît spontanément en Arménie, et en général autour du Caucase, soit au nord, soit surtout au midi de cette chaîne (Pall., F{. Ross., p.16; Ledeb.., FT. Ross., Il, p. 3, qui a vu des échantillons et cite Güldenst. et Hohen.). M. W. J. Hamilton dit lavoir trouvé sauvage près de Ourgou et Outch- Hisar, dans l’Anatolie (Nour. ann. des voy., février 4839, p. 176), mais j'ignore si cette assertion a été vérifiée par un hotaniste. Il en est d’elle, peut-être, comme de celle de M. Eusèbe de Salle (Voyage, 1, p. 140) qui dit avoir trouvé l’Abricotier sauvage autour des ruines de Balbeck, mais qui décrit l’arbuste comme ayant 1 pied 1/2 de hauteur, les feuilles linéaires, et le fruit de la grosseur d’une noisette, avec un goût austère, d’où il résulte que c’est une autre espèce. Reynier (Écon. des Egypt., p. 371), qui était botaniste, a trouvé l’Abricotier « presque sauvage » dans les oasis de la haute Égypte. M. Munby l'indique en Algérie spontané et cultivé (FT. Alg., p. 49). Ce sont probablement des naturalisations par suite d’une culture très générale. Il en est de même au midi de l'Himalaya, car l’Abricotier ne s’y trouve sauvage que sur l’emplacement de villages abandonnés (Royle, LU. Him., p. 205). Le témoignage des botanistes Pallas, Guldenstädt, Hohenacker et Ledebour en faveur de la région du Caucase est bien plus sûr, d'autant qu'il s'accorde avec la tradition selon laquelle la pie dopénare des Grecs, le Malum armeniacum et le Præ- 96 830 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. cocia des Romains, étaient l’abricot. La patrie de l’espèce, vérifiée par les modernes, me paraît ici plus certaine que le sens des mots grecs et latins, car le peu de caractères donnés par les anciens sur les Malum armenia- cum et les Præcocia s'appliquent également aux abricots et aux variétés précoces de pêches (Spreng., Comm. in Diosc., IT, p. 416). Cette question de nomenclature a quelque intérêt à cause de l’origine contestée de notre nom abricot. Les uns le font venir de l'arabe Barkouk, les autres du mot latin Præcoccia, écrit quelquefois Præcoqua. Voyons ce qui est le plus probable. Les Grecs du temps de Théophraste ne connaissaient ni le Pêcher, ni l’Abricotier, car le seul arbre, selon cet auteur (Hist. pl., 1. vu, ec. 42), qui émit ses fleurs avant ses feuilles était lAmandier. Dioscoride, trois siècles et demi plus tard, c’est-à-dire dans le premier siècle de l'ère chré- tienne, parle du Pêcher et ajoute (1.1, c. 165) : «Le fruit plus petit que la pêche que l’on nomme Armemiaca et que les Romains appellent Præcocia (rpœuxGua) convient mieux à l’estomac. » Pline, son contemporain, men- tionne ce fruit sous le nom unique de Præcocia (1. xv, c. 12). I dit que les pêches mürissent en automne, et les Præcocia en été, que ceux-ci avaient été introduits depuis trente ans. Galien (De alim., 1. 1, c. 20) dit que les uns distinguent les Armentiaca et les Prœæcocia, tandis que d’autres les réunissent sous le nom d’Armentiaca. Il est à regretter qu'aucun de ces auteurs ne parle ni de la nature des noyaux, ni de la couleur des fruits. Le peu de caractères indiqués me paraissent convenir à l’abricot, sans vouloir nier quecelaconvient aussi à la pêche précoce. Les Grecsmodernes appellent l’'abricot Hocroxxex et Bip (Fraas, Syn. FT. class., p. 69); les Italiens disent Armellini, et plus ordinairement Albicocca, Albicocco ; une variété se nomme Albicocca biricola (Targ., Diz., I, p. 79). Dans l'ile de Sar- daigne, où les traditions latines sont bien conservées, on dit Piricoccu (Moris, FE. Sard., 11, p. 8); dans le pays de Venise, Baricocolo (Moritzi, Dict. inéd. noms vulq.). Tous ces noms ont certainement l’ap- parence de descendre de Armeniaca , de Præcocia, ou quelquefois de Arbor præcoæ, qui s’appliquerait bien à l’abricotier, soit pour les fleurs, soit pour le fruit comparé à la pêche. En vieux français on disait Armègne et Abricot (3. Bauh., Hist., I, p.168); en vieux allemand, Armenellen, Marillen, ete. (id.), qui semblent dériver toujours de l'un ou l’autre des noms grec et latin. Les partisans d’une origine arabe font dériver abricot de Barkouk ; mais il faudrait pour cela : 4° que la culture de l'Abricotier fût ancienne dans les pays arabes; 20 que le mot Barkouk s'appliquât ordinairement à l’abricot ; or, ni l’une ni l’autre de ces conditions n’est exacte: La culture ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 851 de l’Abricotier ne semble pas très ancienne dans le midi de PAsie et en Égypte. I n'existait point de nom sanscrit (Pidd., {ndex), quoique l’abri- cot soit aujourd'hui abondant en Gachemir, et dans le nord de l'Inde, Les noms indiens sont eux-mêmes peu nombreux. Je n'ai vu citer aucun nom hébreu. Si les anciens Égyptiens avaient eu labricot, certainement les Grecs et les Romains lauraient cultivé avant l’ère chrétienne. Ainsi, les Égyptiens ont dû le recevoir depuis cette époque, soit par les Romains, soit par la Perse et la Syrie. Dans le moyen àge, le mot arabe Barkouk s’appliquait bien à l’abricot, mais seulement en Afrique et en Andalousie, selon Ebn Baithar, médecin arabe, né à Séville, qui avait été jusqu’en Perse dans le commencement du xm° siècle. Î avait trouvé ce nom appli- qué en Syrie, à une petite espèce de prune (Ebn Baithar, trad. allem. de Sondtheimer, [, p. 182). J. Bauhin avait déjà dit (Hist., 1, p. 168) que le nom arabe ordinaire de labricot était Âermex, Mirmix, Mex, Mesmes, Mirmis. Forskal (p. ex) et Delile (LL) confirment que Mischnusch estle nom de l'abricot, et Barkoug celui d’une prune. Il est probable que les Andalous l'avaient confondu avec les noms dérivés du mot latin præcoæ. Le mot espagnol actuel, pour l’abricot, est Albari- coque, très semblable aux noms italiens, malgré sa tournure arabe. Ainsi, en définitive, je crois le nom abricot d’origine latine, et les noms arabes Mermex, Mesmes, etc., me paraissent dérivés de l’autre nom gréco-latin Armeniaca, d'où lon a tiré, en Europe, Armegnes, Armencllen, ete. Peut-être le nom arabe vient-il du persan, car on dit aussi en Perse Mischmisch (Roxb., FT. ind., I, p. 501). Il est inutile de réfuter l'opinion d’un auteur moderne (Bescherelle, Dict. franç.), qui lait venir abricot d'un mot celte, abred, signifiant précoce. Les Celtes ne connaissaient probablement pas l’abricot. Péchers. — Les Grecs et les Romains ont reçu le Pêcher, amygdatus Persica, L. (Persica vulgaris, Mill), à peu près au commencement de l'ère chrétienne. Le nom de Persica, Malum persicum, indiquait d’où ils l'avaient tiré. Je ne reviens pas sur ces faits si connus (Théophr., Hist., IV, c. 1v; Diosc., 1. 1, ce. cLxiv ; Pline, édit. Genève, 1. xY, €. xnn). On cultive aujourd’hui divers Pêchers dans le nord de l'Inde (Royle, Il. Him., p. 204); mais, chose remarquable, on ne leur connaît aucun nom sanscrit (Roxb., ÆT. Ænd., 2° édit, I, p. 500; Piddington, Index; Royle, !. c.); d’où l’on peut inférer une existence et une culture peu anciennes dans ces régions. Roxburgh, ordinairement si explicite pour les noms indiens modernes, ne mentionne que des noms arabes et chi- nois (a). Piddington n'indique aucun nom indien, et Royle, seulement des . {a) Rose, chef du commerce français à Canton, les avait recueillis d’après des manus- 882 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. noms persans. Le Pêcher ne réussit pas ou exige de très grands soins pour réussir dans le nord-est de l'Inde (Hook. f., Journ. of Bot., 1850, p. 54). En Chine, au contraire, sa culture remonte à la plus grande antiquité. Il existe dans ce pays une foule d’idées superstitieuses et de légendes sur les propriétés de diverses variétés de pêches; le nombre de ces variétés est très considérable (Lindl., Trans. hort. Soc., V, p. 121); en particulier, on y trouve la forme singulière de la pêche déprimée (Trans. hort. Soc. Lond., IV, p. 512, tab. 19), qui paraît s'éloigner plus qu'aucune autre de l’état naturel de lespèce ; enfin, un nom simple, celui de To, est donné à la pêche ordinaire (Roxb., £. e.). D’après cet ensemble de faits, je suis porté à croire que le Pêcher est originaire de Chine plutôt que de l’Asie occidentale. S'il avait existé de tout temps en Perse ou en Arménie, la connaissance et la culture d’un arbre aussi agréable se seraient répandues plus tôt dans Asie Mineure et la Grèce. L'expédition d'Alexandre est probablement ce qui l'avait fait con- naître à Théophraste (322 avant J.-C.), qui en parle comme d’un fruit de Perse. Peut-être cette notion vague des Grecs remonte-t-elle à la retraite des Dix mille (401 avant J.-C.) ; mais Xénophon ne parle pas du Pêcher. Les livres hébreux n’en font aussi aucune mention. Le Pêcher n’a pas de nom en sanscrit, et cependant le peuple parlant cette langue était venu dans l'Inde du nord-ouest, c’est-à-dire de la patrie ordinairement ‘pré- sumée pour l'espèce. En admettant cette patrie, comment expliquerait-on que ni les Grecs des premiers temps de la Grèce, ni les Hébreux, ni le peuple parlant sanserit, qui ont tous rayonné de la région supérieure de l’'Euphrate ou communiqué avec elle, n'auraient pas cultivé le Pêcher? Au contraire, il est très possible que des noyaux d’un arbre fruitier cultivé de toute ancienneté en Chine aient été portés au travers des montagnes, du centre de l'Asie en Cachemir ou dans la Bouckarie et la Perse. Les Chinois avaient découvert cette route depuis un temps très reculé. L’importation aurait été faite entre l'époque de lémigration sanscrite et les relations des Perses avec les Grecs. La culture du Pêcher, une fois établie dans ce point, aurait marché facilement, d’un côté, vers l'occident, de l’autre, par le Caboul, vers le nord de l'Inde, où elle n’est pas très ancienne. crits chinois, et Noisette (Jard. fruit., 1, p.76) a transcrit textuellement une partie de son mémoire. Ce sont des faits dans le genre de ceux-ci : Les Chinois considèrent les pêches allongées en pointes et bien rouges d’un côté, comme le symbole d'une longue vie. En conséquence de cette antique persuasion, ces pèches entrent dans tous les ornements en peinture et en sculpture, et surtout dans les présents de congratulations, etc... Selon le livre de Chin-noug-King, la pêche Yu prévient Ja mort; si l'on n'a pas pu la manger à temps, elle préserve au moins le corps de la corruption jusqu'à la fin du monde. On cite toujours la pèche dans les fruits d'immortalité dont on a bercé les espérances de Tsin- chi-Hoang, de Vouty, des Han et autres empereurs qui prétendaient à l’immortalité, etc. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 883 A l'appui de l'hypothèse d’une origine chinoise, on peut ajouter que le Pêcher a été introduit de Chine en Cochinchine (Lour., FT. Coch., p.386), et que les Japonais donnent à la pêche le nom chinois de Too (Kampf., Amæn.,p. 798; Thunb., F1. Jap., p.199) (a). M. Stanislas Julien a eu l’obligeance de me lire en français quelques passages de l'Encyclopédie japonaise (liv. LXXxvI, p. 7), où le Pêcher, Tao, est dit un arbre des contrées occidentales, chose qui doit s'entendre de la Chine à lPégard du Japon, ou plutôt des parties intérieures de la Chine, relativement à la côte orientale, puisque le fragment est tiré d’un auteur chinois. Le Tao est déjà dans les livres de Confucius, v° siècle avant l’ère chrétienne, et même dans le Rituel, du x‘ siècle avant J.-C. La qualité de plante spontanée n’est pas spécifiée dans l'£Encyclopédie dont je viens de parler; mais, à cet égard, les auteurs chinois sont peu attentifs. Les noms vulgaires des Pêchers dérivent des sources suivantes : 40 La plupart des noms européens viennent du mot grec et latin Persica; 2 dans les langues slaves, il y a quelque racine comme Bresk ou Brosk, car on dit en Bohême, Breskew ou Breskowy, en polonais Broskwinia, en illyrien Breskwa où Praska (Moritzi, Dict. inéd. des noms vulq.) : si ces noms ne sont pas une Corruption étrange de Persica, ils indique- raient une transmission du Pêcher dans l'Europe orientale différente de celle par la Grèce; 3° le nom latin d’une variété dite Duracina (Pline) se retrouve dans l’espagnol Durazno (Moritzi, 4h.) ; 4° le nom grec moderne Pcdaxmsa (Fraas, {. c.) remonte à une ancienne expression tirée de la cou- leur des fleurs ou peut-être de la chair ; 5° les Arabes ont un nom tout à fait distinct, Chauwk, Chôwk (Forsk.) qui se trouve déjà dans Ebn Bai- thar, au x siècle (trad. allem., [, p. 399); 60 les Persans disent Shuft- alou (voyez la note à la page suivante); 7° les Chinois disent T'o; 8° notre nom vulgaire français, pour la pêche lisse, Brugnon ou Brignon, n’est pas dans les autres langues. Il vient peut-être de Brun, à cause de la couleur du fruit, comme les Espagnols ont appelé certaines pêches, Brunoles (Mor., Dict.). Du reste, le nom de Brugnon est peu ancien en français, ou était autrefois peu répandu, car je ne l'ai pas rencontré dans Bauhin, Mat- thiole et autres auteurs de cette époque. J’ai voulu donner ces détails lin- guistiques pour compléter le sujet; mais ils ne conduisent pas précisément à une conclusion. L'absence de noms sanscrits et hébreux reste le fait le plus important, duquel on peut inférer une introduction du Pêcher dans l'Asie occidentale, venant de plus loin, c’est-à-dire de Chine. (a) Kæmpfer et Thunberg indiquent aussi le nom de Momu, mais M. de Siebold (FL. Jap., 1, p. 29) attribue un nom assez semblable, Mume, à un Prunier, Prunus Mume, Sieb. et Z. S8A ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Les indices botaniques ne sont pas aussi clairs. Le Pêcher a été trouvé spontané dans plusieurs points de l'Asie; mais on peut toujours se deman- der s’il y était d’origine primitive, ou par le fait de la dispersion des noyaux provenant de pieds cultivés. La question est d'autant plus nécessaire que ces noyaux germent facilement et que plusieurs des modifications du Pêcher sont héréditaires (Noisette, Jard. fr., p. 77; Trans. Soc. hortic. Lond., IN, p. 518). Des pieds en apparence spontanés ont été trouvés fréquemment autour du Caucase. Pallas (FT. Ross., p. 13) en a vu sur les bords du Terek, où les habitants lui donnent un nom qu'il dit persan, Scheptala (a). Les fruits en sont velus, âpres (auwsteri), peu charnus, à peine plus gros que ceux du noyer; la plante petite. Pallas soupçonne que cet arbuste provient de Pêchers cultivés. Il ajoute qu'on le trouve en Crimée, au midi du Caucase et en Perse; mais Marshall Bie- berstein, C.-A. Meyer et Hohenacker n’indiquent pas de Pêcher sauvage autour du Caucase. D’anciens voyageurs, Gmelin, Güldenstadt et Georgi, cités par Ledebour, en ont parlé. M. C. Koch (Ledeb., FT. Ross., [, p. 3) est le seul botaniste moderne qui dise avoir trouvé le Pêcher en abondance dans les provinces caucasiennes. Ledebour ajoute cependant, avec pru- dence, an sponte? Les noyaux que Bruguière et Olivier avaient apportés d'Ispahan, qui ont été semés à Paris et ont donné une bonne pêche velue, ne venaient pas, comme le disait Bose (Diet. d'agric., IX, p. 4ST), d’un Pêcher sauvage en Perse, mais d’un Pêcher des jardins d’Ispahan (Thouin, Ann. Mus., VE, p. 435). Je ne connais pas de preuve d’un Pêcher trouvé sauvage en Perse, et si des voyageurs en indiquent, on peut toujours craindre qu'il ne s'agisse d'arbres semés. Le docteur Royle (Z!E. Him., p. 204) dit que le Pêcher croît sauvage dans plusieurs endroits du midi de l'Himalaya, notamment près de Mussouri; mais nous avons vu que dans ces régions la culture n’en est pas ancienne, et ni Roxburgh, ni le Flora Nepalensis de Don, n’indiquent de Pêcher sauvage. M. Bunge (Enum. pl. Chin., p. 23) n’a trouvé dans le nord de la Chine que des pieds cultivés. Ce pays n’a guère été exploré, et les légendes chinoises semblent indiquer quelquefois des Pêchers spontanés. Ainsi, le Chou-y-ki, d'après l'auteur cité précédemment, porte : «€ Quiconque mange des pêches de la montagne de Kouoliou, obtient une vie éternelle. » Thunberg (FT. Jap., p. 199) dit : « Crescit ubique vulgaris, præcipue juxta Nagasaki. In omnt horto colitur ob elegantiam florum. » N semble, d’après ce passage, que l'espèce croît hors des jardins et dans les jardins; mais peut-être s'agit-il seulement, dans le premier cas, de Pêchers cultivés en plein vent. (a) Shuft-aloo (prononcez Schouft-alou), est le nom persan de la pêche lisse, d'après le docteur Royle ({!1. Him., p. 204). ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 585 Je n’ai rien dit encore de la distinction à établir entre les différentes variétés ou espèces de pêchers. C’est que la plupart sont cultivées dans tous les pays, au moins les catégories bien tranchées que l’on pourrait consi- dérer comme des espèces botaniques. Ainsi la grande distinction des pêches velues et des pêches lisses, sur laquelle on a proposé deux espèces (Per- sica vulgaris, Mill., et P. lœvis, DG.) se trouve au Japon (Thunb., F1. p. 199) et en Europe, ainsi que dans la plupart des pays imtermédiaires (a). On accorde moins d'importance aux distinctions fondées sur l’adhérence ou non-adhérence du noyau à la chair, sur adhérence ou non-adhérence de la peau superficielle, sur la couleur blanche, jaune ou rouge de la chair, et sur la forme générale du fruit. Les deux grandes catégories de pêches, velues et lisses, offrent la plupart de ces modifications, et cela en Europe, dans l'Asie occidentale et probablement en Chine. Il est certain que dans ce dernier pays la forme varie plus qu'ailleurs, car on y voit, comme en Europe, des pêches allongées, et de plus des pêches dont je parlais tout à l'heure, qui sontentière- ment déprimées, où le sommet du noyau n’est pas même recouvert de chair (Noisette, L.c.; Trans. Soc. hort., IV, p. 512, tab. 19). La couleur y varie aussi beaucoup (Lindl., Trans. hort. Soc., V, p.122). En Europe, les va- riétés les plus distinctes, en particulier les pêches lisses et velues, à noyau adhérent ou non adhérent, existaient déjà il y a trois siècles, car J. Bauhin les énumère avec beaucoup de clarté (ist, I, p. 162 et 165), et avant lui Dalechamp, en 1587, indiquait aussi les principales (Hist., T, p. 295). A cette époque les pêches lisses étaient appelées Nucipersica, à cause de leur ressemblance de forme, de grosseur et de couleur avec le fruit du noyer. C’est dans le même sens que les Italiens l’appellent encore Pescanoce. J’ai cherché mutilement la preuve que cette pêche lisse existàt chez les anciens Romains. Pline (1. xv, e. 42 et 13), qui mélange dans sa compi- lation des pêchers, des pruniers, le Laurus Persea et d’autres arbres peut- être, ne dit rien qui puisse s'entendre d’un fruit pareil. On a cru quelquefois le reconnaître dans les T'uberes dont parle Pline (De div. gen. malorum, L. 11, €. 14). C'était un arbre fruitier apporté de Syrie du temps d’Auguste. Il y avait des T'uberes blanches et de rouges. D’autres (Tuberes? ou Mala ?) des environs de Vérone étaient velues. Le reste du chapitre paraît con- cerner les Mala seulement. Des vers élégants de Pétrone, cités par Dale- champ (E, p. 358) prouvent clairement que les T'uberes des Romains du temps de Néron étaient un fruit glabre, mais ce pouvait être le jujubier (Zizyphus), le Diospyros, ou quelque Cratægus, aussi bien que le Pêcher à (a) Les relations sur la Chine, que j'ai consultées, ne parlent pas de la pêche lisse; mais comme elle existe au Japon, il est infiniment probable qu’elle est aussi en Chine. 886 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, fruit lisse. Chaque auteur, à l’époque de la renaissance, a eu son opinion à cet égard ou s’est mis à critiquer l’assertion des autres (Dalech., £. e.; Matth., p. 122; Cæsalp., p. 107; J. Bauh., p. 163, etc.). Peut-être y avait-il des T'uberes de deux ou trois espèces, comme le dit Pline, et l’une d'elles qui se greffait sur les pruniers (Pline, p. 47, c. 10, à la fin) est-elle la pêche lisse ? Je doute qu’on puisse jamais éclaircir cette question (a). En admettant même que le Nucipersica eût été introduit en Europe seu- lement au moyen âge, on ne peut se refuser à constater le mélange dans les cultures européennes depuis plusieurs siècles, et au Japon depuis un temps inconnu, de toutes les qualités principales de pêches. Il semble que ces qualités diverses se soient produites partout au moyen d’une espèce primitive, qui aurait été la pêche velue. S'il y avait eu d’origine deux espèces, ou elles auraient été dans des pays différents, et leur culture se serait éta- blie séparément; ou elles auraient été dans le même pays, et dans ce cas il est probable que les anciens transports auraient introduit ici une des espèces, ailleurs l’autre. Je fais autant de cas de ce genre d’arguments que de certains faits horticoles au moyen desquels on appuie l'opinion d'une identité originelle des pêches lisses et des pêches velues (b). Je suis bien loin d’incliner à une opinion de Knight (Trans. hort. Soc. Lond., III, p. 3, extr. dans Ann. phys. et chim., XIII, p. 329), d’après laquelle le Pêcher serait un produit de l’horticulture obtenu graduellement de l’Amandier. Ce savant ingénieux a croisé un Pêcher et un Amandier, et le semis a donné un arbre sur lequel on a recueilli des pêches déhiscentes à la manière des amandes et des pêches ordinaires. Le croisement prouve (a) Je n’ai pas pu découvrir un nom italien de fruit glabre ou autre qui dérive de tuber ou tuberes. C’est une chose singulière, car, en général, les anciens noms de fruits se sont conservés sous quelque forme, (b) Les deux catégories, dit-on, se croisent facilement, mais on peut aussi croiser l’Amandier et le Pêcher, et beaucoup d’autres espèces reconnues comme distinctes. On cite plusieurs cas (Trans. hortic. Soc. Lond., I, p. 103, II, p. 39) où sur le même pied, que dis-je, sur le même rameau, il s’est développé des pèches velues et des pèches lisses (Neclarine des Anglais). Ce serait, au premier aperçu, l’origine de la pèche lisse, mais on peut aussi l'expliquer par un croisement antérieur de deux espèces ou de deux variétés préexistantes. Ainsi le Cytisus purpureus est, de l’aveu de tout le monde, une espèce bien distincte du C. Laburnum. Cependant sur les pieds de l’hybride, appelé com- munément Cytisus Adämi, on voit assez souvent se développer des branches à fleurs rouges du C. purpureus, à fleurs jaunes du CG. Laburnum, et à fleurs intermédiaires de l'hybride. Cela varie sur le mème pied d’une année à l’autre. De même dans certains orangers hybrides (Gallesio, Citrus, p. 44). — Un argument plus fort est l'assertion de quelques cultivateurs, que la pèche lisse vient parfois de semis de Ja pèche ordinaire. Ce serait le cas du Boston nectarine (Trans. hort. Soc., 1"° série, VI, p. 394 ; Lindl., Journ. of hort. Soc., V, p. 28). Malheureusement la filiation repose sur des souvenirs ou des propos d'horticulteurs, et non sur des expériences directes bien eonstatées. Dans un autre cas, M. Calver, de Royallon, aux États-Unis, aurait obtenu par semis des pêches et des brugnons sur un même arbre (Phytologist, septembre 14851, p. 299 ; dans un extrait du Gardener's Mag., par le Phytol.). ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 887 l'afinité de deux espèces, et rien de plus. Quant aux interprétations, dans le mémoire de Knight, des auteurs grecs et latins à l’égard de la pêche et des T'uberes, elles sont presque toutes erronées, faute d’avoir consulté les botanistes de la renaissance, tels que Matthiole, Dalechamp et J. Bauhin, qui avaient parfaitement éclairci les textes originaux. Les pêches cultivées du temps de Pline n'étaient pas mauvaises, ni médiocres, etsiles expressions de l’auteur ne sont pas assez précises à cet égard, la réflexion fait com- prendre que les anciens ne se seraient pas donné la peine d'apporter de pays éloignés et de cultiver un fruit de peu de valeur. Enfin, la grande facilité avec laquelle nos pêches se sont multipliées de semis en Amérique et ont donné sans le secours de la greffe des fruits charnus, quelquefois très beaux, me fait croire que l'espèce est dans un état naturel, peu altéré par une longue culture et par des fécondations hy- brides. En Virginie et dans les États voisins on a des pêches provenant d’ar- bres semés, non greffés, et leur abondance est si grande, qu’on est obligé d'en faire de l’eau-de-vie (Braddick, Trans. hort. Soc. Lond., I, p. 205). Sur quelques pieds les fruits sont magnifiques (4b., pl. 13). À Juan-Fer- nandez, dit Bertero (Ann. sc. nat., XXI, p. 350), « le Pêcher est si abon- dant, qu'on ne peut se faire une idée de la quantité de fruits qu’on enrécolte; ils sont en général très bons, malgré l’état sauvage dans lequel ils sont retombés, » D'après ces exemples, il ne serait pas surprenant que les Pêchers sauvages , à fruits médiocres, trouvés dans l'Asie occidentale, fussent tout simplement des pieds naturalisés sous un climat peu favorable, et que l’espèce fût originaire de Chine, où la culture paraît la plus ancienne. Amandier. — L’Amygdalus communis est mentionné par Pline (1. xvr, e. 25, à la fin,et 1. xv, c. 22) sous le nom grec Amygdala. D'après le chapitre 22 du livre xv, dont la rédaction est assez confuse, il paraît que les Romains appelaient aussi lAmandier Nux, et le rapprochaient ainsi du Juglans. Pline doute que l'Amandier existât en Italie du temps de Caton, parce que celui-ci lappelait Nux græca. Peut-être, cela prouve-t-il seu- lement qu’on avait introduit l’espèce par la voie des Grecs. On cite (Nouv. Duhamel, IN, p. 410) des vers du premier livre des Géorgiques dans les- quels le mot Nux s'applique à un arbre fruitier qui fleurit au printemps. La culture de l’amandier était répandue en Grèce, surtout dans les îles de l’Archipel. Théophraste et Dioscoride en parlent souvent. La distinction des amandes amères et des amandes douces existait chez les anciens, et l'on attribuait à certaines pratiques horticoles l'effet de transformer les unes dans les autres (Thécphr., Hist., IL, e. 8, à la fin). Je doute de l'efficacité de ces moyens ; d'autant plus qu'un horticulteur exact, M. Gallesio (Traité du Citrus, p. 32), ayant semé souvent des amandes douces, n’a jamais 888 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. obtenu que des amandes douces. Les Hébreux cultivaient lAmandier et avaient aussi les deux catégories d'amandes (Hiller, Hierophyt., I, p. 215; Reynier, Écon. des Arabes, p. 477). Aujourd’hui encore on cultive beau- coup l’'Amandier en Syrie (Delile, FT. Æq. IUL.). 1 ne réussit pas dans l'Inde (Roxb., F1. Ind., édit. 1832, IT, p. 500; Royle, ZU. Himal., p. 204). Ses fruits ne mürissent pas dans le nord de ce pays, et il fait probablement trop chaud dans le midi. On importe des amandes du nord- ouest et de l'ouest. Les auteurs n’indiquent aucun nom vulgaire indien ni sanserit (Roxb.; Piddington, {ndex). M. Bunge (Enum., p. 29) l’a vu cultivé dans le nord de la Chine. Thunberg (F1. Jap.) ne l'indique pas au Japon. Loureiro (FT. Coch., p. 886) dit que les deux variétés, douce et amère, sont cultivées en Chine, mais il ne les avait pas vues en Cochin- chine. Les noms de l'Amandier n’indiquent pas une transmission de peuple à peuple. Ils semblent avoir des racines différentes. Les Grecs ont dit Auya%, AuvyJayta, d'où viennent les nomseuropéens même dans les lan- ques slaves; les Hébreux disaient Batnim, qui s’'appliquait à différents fruits analogues (Reynier, L. c.); et surtout Schaked, exprimant la précocité, et Luz (Hiller, Hieroph., 1, p. 215) ou Lus (Rosenmüller, Handb. bibl. Altert., IV, p. 262). De ce dernier nom les Arabes disent Louz (Delile, L. c.; Munby, F{. Alg.). Les Persans disent Badam (Roxb., L. e.) ou Badanie Farsie (Ainslies, Hat. med., T1, p. 7); les Chinois, Him et Hanh (Lour., L. e.); les Javanais Kateping (Aïnslies, 1b.). Cette diversité peut faire croire que la patrie primitive de l'Amandier était vaste, et que différents peuples ont eu isolément l’idée de le culuiver. On a trouvé l’'Amandier sauvage très fréquemment au midi du Caucase. Tous les auteurs l’indiquent, et la plupart ne soupconnent pas qu'il pro- vienne des arbres cultivés dans les jardins (voy. Bieb. ; C.-A, Mey., Verz.), ce qui pourtant est possible. Ledebour (F{. Ross., Il, p. à) ajoute avec prudence : an vere spontanea? Cependant l'espèce étant mdiquée dans des localités de montagnes et par divers botanistes, comme spontanée, je suis disposé à l’admettre pour telle. Il est très possible que la patrie d’origine s’étendit sur la Perse, l'Asie Mineure, la Syrie et mème l'Algérie, comme nous allons le voir, mais nous n’en avons aucune preuve. Les Amandiers su- vages de Grèce et d'Italie sont assez ordinairement regardés comme natu- lisés, à la suite d’une culture ancienne et fréquente. Cependant M, Fraas (Syn. FT. class., p. 67), qui a observé la plante en Grèce, eroit que l’amande douce est naturalisée et l’'amande amère vraiment spontanée. M. Bertoloni (F1. Tt., V, 425) cite l'Amandier sauvage des montagnes de Térracine, mais il n’émet aucune opinion à cet égard, M, Moris (F1. Sard., ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 889 IT, p. G) ne l’a pas trouvé hors des cultures en Sardaigne. Il croit en Sicile sur les rochers du bord de la mer (Guss., Syn., 1, p. 552). Enfin, Rauwolf l’a trouvé jadis près de Tripoli, dans les haïes, ce qui a fait dire à Linné que l'Amandier habite la Mauritanie (H. Cliff., p. 186; Sp., p. 677). Desfontaines (KT. Atl., 1, p. 893) dit que l'Amandier croît spontané en Algérie, mais in arvis. L'éditeur du Nouveau Duhamel (NW, p. 410) dit l'avoir trouvé sauvage en Barbarie, et ajoute que les fruits avaient tous les amandes amères. Selon M. Munby (Æ{. Alg., p. A9), « cet arbre se trouve quelquefois à l’état sauvage, mais toujours échappé des jardins. » Enfin, M. Cosson a trouvé récemment des bois d’Amandiers, avec toute l’apparence d’une espèce sauvage, à Saïda, en Algérie (Ann, sc. nat., 1° sér., XIX, p. 429). Les localités de Sicile et d'Italie me sem- blent un effet de naturalisation, car si l’espèce avait existé primitivement dans cette île, les Romains l’auraient cultivée plus tôt, et ne l’auraient pas reçue tardivement de la Grèce. Poiriers, — Le Pyrus communis, L., est bien spontané dans l'Europe tempérée et dans la région du Caucase (Ledeh., Æ{. Ross., Il, p. 94). Les Romains du temps de Pline (1. xv, e. 15) cultivaient déjà un très grand nombre de variétés. Leur mot Pyrus venait du celte, Peren, d'où les Français ont fait Poire, et les Anglais Pear (de Theïs, Gloss., p. 387). Les Grecs employaient les mots Axças où Oyx% (Bilberb., FE, class. ; Fraas, Syn. FI. class.) et aussi Ares, pour le Poirier cultivé (Fraas, /. ec.) Le mot allemand Birn a peut-être la même origine que le mot celte. Les noms slaves sont tout différents : Gruscha en russe, Krusska en Bohême. Les noms persans, arahes, chinois, sont encore tout autres. Probablement la patrie primitive était vaste, et la culture très ancienne, avec une infinité de variétés, qui amenaient des noms divers. Il n’y a pas de noms sans- crits. Cela se comprend, car aujourd’hui la culture du Poirier s’étend jus- que dans les régions centrales de l'Asie et dans le nord de la Chine (Bunge, Enm.), mais non dans lInde septentrionale (Royle, Him., p. 202). Pommier. — Le Pyrus Malus,L., qui paraît la source de toutes les variétés acerbes et douces de nos pommes (Koch, Syn. F1. Germ., 1, p. 261), croît dans l’Europe tempérée et la région du Caucase (Ledeb., F1. Ross., Il, p. 96). Les Romains (Plin., 1. xv, c. 44) et les Grecs en culti- vaient plusieurs variétés sous les noms de Malum, Myéo. Le mot Pomum s’appliquait en latin à tous les fruits arrondis et charnus. Le nom de Pomme d'api vient probablement de la variété Appiana, introduite par Appius, d’après Pline. Les noms du Pommier différent moins les uns des autres dans les 890 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. anciennes langues de l’Europe que ceux du Poirier, ce qui fait soupçonner une patrie primitive moins vaste, des variétés moins nombreuses ou une culture transmise de peuple à peuple par imitation, plutôt que native dans chaque pays. La racine de presque tous les noms est Ab, Ap, Al, Av, Af. Les Tartares, les Hongrois et les Tures disent Alma (Moritzi, Dict. inéd. des noms vulg.); les Bretons et les habitants de Cornouailles disent Aval, Avalen (ibid); les Gallois Afalen (Davies, Welsh Bot., p. 49); les Allemands Apfel; les Anglais Apple, les Russes J'ablon, les Polonais Gablon, les Ilyriens Jabluka (id.); les Latins Malum, qui diffère peu du mot grec Myhix; les habitants de la Biscaye disent Sagara (Mor., bid.). Le Pommier est cultivé dans le nord de la Chine (Bunge, Enum., p. 27), quelquefois dans le nord de l’Inde (Royle, LU. Him., p. 206), mais plus abondamment dans le Cachemir et les pays voisins. On cite pour la pomme un nom sanscrit, Seba (Piddington, {ndex), qui n’est pas très éloigné des noms européens, entre autres du nom basque. Le nom arabe Tufa, et surtout le nom chinois Pim-Po (Lour.), en sont très diflérents. Thunberg (F1. Jap.) n'indique pas le Pommier au Japon, ce qui me fait présumer qu’il n’est pas ancien en Chine. Cognassier, — Le Cydonia vulgaris, L ,Croit spontané sur les collines et dans les bois en Italie (Bertol., F1. Lt., V, p. 172), en Sardaigne (Moris, FL., 11, p.55), en Grèce (Sibth., Prodr., p.344; Fraas, Syn. FI. class., p. 74), à Constantinople (Castagne, mss.; Brunn., dans Griseb., Spreil., 1, p. 94), probablement dans l'Asie Mineure, car on le cite fré- quemment en Crimée et au midi du Caucase (Ledeb., FT. Ross., I, p. 101). Autour de ces localités, par exemple, en Sicile (Guss., Syn., I, p. 598), dans le midi de la France, en Espagne, en Algérie (Munby, F1., p. 50), il est indiqué dans les haies, près des habitations, et semble plutôt introduit par l’extension de la culture. Les Grecs et les Romains en distinguaient déjà plusieurs variétés. Ils eurent l’idée de greffer sur une qualité commune, E=5:00::, Struthia (Theophr., 1.11, ec. 3 ; Plin., xv, €. 14) une variété plus belle venant de Cydon, dans l’île de Crète. De cette variété, appelée Kudoyor, Kudwyéæ, vient le nom Malum cotoneum (Plin.), Cydonia et tous les noms mo- dernes Codogno (It.), Coudougner (vieux français), Coing (Fr.), Quitte (Allem.), même en bohémien Kdaule ou Gdaule (Mor., Dict. inéd. des noms vulg.). y a cependant chez les peuples slaves des noms tout diffé- rents : Pigwa en polonais, Aiva en russe (Moritzi, tb.). Le nom arabe et persan, Bedana, est encore tout autre. Cette diversité de noms s'accorde avec l'étendue de l'habitation, de la Perse à l'Europe orientale. On à ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 891 trouvé récemment en Imérétie, une variété spontanée dont le fruit est de la grosseur d’une tête d'enfant (Ledeb., {. c.);, preuve que les formes attri- buées à la culture sont quelquefois tout à fait naturelles. Le Cydonia vulgaris est cultivé dans le Cachemir, et actuellement dans l'Inde septen- trionale (Roxburgh, 2° édit., Il, p. 511; Royle, ZU. Him., p. 205). Peut-être sa patrie primitive s’étendait-elle jusque vers l’Hindu-Kusch. L'espèce n’a pas de nom sanscrit. Elle n’est pas cultivée dans le nord de la Chine, où M. Bunge n’a vu que le Cydonia sinensis, Thouin, espèce fort inférieure quant au fruit (Roxb., /. c.). On cultive cette dernière espèce et le Cydonia japonica, Pers., plutôt pour la beauté des fleurs que pour le fruit. Loquhat (Mespilus japonica, Thunb., Eriobotrya japonica, Lindl ), — Ce fruit, d’un parfum délicieux, est cultivé en Chine et au Japon. Il s’est répandu au Bengale du temps de Roxburgh (F1. Ind., 2° édit., vol. II, p. 10). Les auteurs ne disent pas assez clairement l'avoir trouvé sauvage, Thunberg (FL, p. 206, dit : « Crescit in pluribus regni pro- vinciis vulgaris. » Kæmpfer est moins explicite encore. Grenadier. — Le Punica Granatum est considéré par les auteurs comme originaire de la côte septentrionale d'Afrique, sans doute parce que les Romains avaient tiré l’espèce de Carthage et avaient appelé son fruit Granalum, à cause de ses grains, ou Malum punicum, à cause de l’origine (Plin., 1. x, c. 494; 1. xv, c. 11 ; 1. xx, c. 6). Desfontaines, dans sa Flore de l'Atlas (1, p. 391), a bien dit : « Sponte crescit in montibus ; » mais M. Munby (F{. Alger., p. 49), plus récemment, s’ex- prime ainsi : Q Vient spontanément, mais toujours aux environs des jar- dins. » ILest cultivé, non spontané, en Abyssinie (A. Rich., T'ent. FT. Abyss., p. 285). Le nom arabe Rummän, Rumän (Forsk., p. Lvir et cxun), Roummän (Delile, LUL., p. 45), Chedjerat erommana (Munby, L. e.), Rana ou Ruman (Roxb., FT. Ind., 2° édit., p. 499), vient de l’hébreu Rimnon (Hiller, Hierophyt., 1, p. 143) et du chaldéen Rimmonna (3. Bauh., Hist., I, p. 78). L’Ancien Testament mentionne souvent le Gre- nadier, dont l'écorce et les fruits avaient des significations allégoriques. La terre promise est annoncée (Deut., vi, 8) comme abondante en Vigne, Figuier et Grenadier. Plusieurs villes ou localités de la Palestine tiraient leur nom de celui du Grenadier (Hiller, {. c.). Ainsi, sans vouloir nier que l'espèce existàt primitivement à Carthage, d’où Pline dit que les Romains l'avaient ürée, Je crois plutôt qu’elle était spontanée d’origine en Pales- tine, et que les Carthaginois l'avaient reçue de Tyr. Elle se serait ensuite naturalisée, jusqu'à un certain point, dans l’Afrique septentrionale, comme cela se voit assez souvent aujourd’hui en Espagne, en Italie, dans le midi 892 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. de la France et en Grèce (Fraas, Syn. FT. class., p. 80). Dans ce der- nier pays cependant, sa culture remonte à une grande antiquité. Le nom de Po, qui a peut-être une origine commune avec le mot hébreu, est déjà dans Odyssée, et la mythologie parle de la grenade (voy. Agdeste). Le Zendavesta des Persans la mentionne aussi (Reynier, £con. Arab., p. 47h). Cela n’a rien de surprenant, car le Grenadier est sauvage dans l'Asie Mineure (Boiss., Voy. Esp., IL, p. 210), en Arménie et au midi du Caucase (Ledeb., FT. Ross., Il, p. 104), et Burnes en a trouvé des bois entiers dans le Mazanderan (Royle, Z!L. Him., p. 208). Le nom persan est Anar (Ainsües, Mat. med. [nd., 1, p. 322), d’où vient le mot ture Nar (id.), et quelques noms indiens. Ceux-ci dérivent plutôt du nom sanserit, Darimba(Roxb., FE. Ind., édit. 1832, IH, p. 499). On trouve l'espèce ou spontanée d’origine, ou naturalisée, dans le nord de l'Inde (Royle, l. c.). M. Bunge l’a vue cultivée dans le nord de la Chine (Enum., p. 28). En résumé, je regarde l'espèce comme originaire de l'Asie occiden- tale, entre les montagnes du centre et la mer Méditerranée, le Caucase et le golfe Persique. Ce sont probablement les peuples anciens qui lont répandue à l’est vers l'Inde septentrionale et la Chine, à l’ouest dans la région de la mer Méditerranée, et elle s’est naturalisée complétement ou imparfaitement dans plusieurs de ces régions. Jambosa vulgaris, DC. (Eugenia Jambos,E.). — Cette espèce est bien figurée dans Rheede (AZ alab., 1, tab. 17, et Wight, Z{L., tab. 435). D’après le nom usité au Malabar, Malacca-schambu (Rheede, /. c.), elle serait venue de Malacca. Quoique Rheede indique des noms persan et arabe, je ne vois aucune preuve que l'espèce se soit répandue du côté de l'Arabie et de l'Égypte (Forsk., Delile). Au Malabar et à Ceylan (Moon, Cat., p. 38), elle n’est que cultivée. On peut inférer de ces faits une ori- gine étrangère et pas très ancienne dans la péninsule. Le nom sanserit Jamba, qu'on lui attribue.(Roxb., Æ{. Ind., ?e édit, IE, p. 494), a peu d'importance, parce que, probablement, c'était un nom générique dont on trouve la trace dans les noms vulgaires indiens des espèces voi- sines (Piddington, {ndex, p. 34). M. Blume ne l’a vue que cultivée à Java (Bijdr., p. 1035), Le docteur Wallich (List, n, 3615, h. et f.) l'in- dique dans le Bengale, à Sirmore et Kamroop, et aussi à Penang, sans dire si elle était cultivée ou spontanée. Loureiro (F7, Coch., p. 379), dit : € Habitat in Cochinchiné et in multis Indie locis. » Mais, comme il attribue à la plante un fruit pyriforme, on peut craindre une confusion avec l'espèce suivante. Je suis disposé à admettre que l'espèce croit spon- tanément dans la péninsule malaie et à Penang. On l'a introduite à File Maurice (Boj., 4, Maur., p. 145), à Sierra-Leone el à Saint-Thomas ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 893 (Hook., FT. Nigr., p. 359); mais il ne n’est pas prouvé qu’on la cultive en Amérique, car le Rose apple de la Barbade est rapporté par Maycock (EL Barb.,p. 213) au Jambosa macrophylla, DG., avec des synonymes qui me font douter de l’assertion. Jambhosa malaccensis, Wight et Arn. (Eugenia malaccensis, E., non Lour.).— Les planches de Rheede, Halab., 1, tab. 18, et Rumphius, Amb., 1, tab. 37 et 38, f. À et À, me semblent concorder pour cette espèce à grappes axillaires, à fleur rose et fruit pyriforme, tandis que dans la précédente les grappes sont terminales, les fleurs blanches et les fruits sphériques. Sa culture est répandue depuis longtemps dans les îles de l’ar- chipel asiatique, jusque dans les îles Sandwich , Marquises, ete. (Forst., PL, esc., p. 36). On la cultive aussi à Ceylan et dans la Péninsule indienne, mais les noms vulgaires indiqués par les auteurs ne sont ni nombreux, ni très anciens. Aucun n’est sanscrit. Elle est spontanée dans les îles indiennes, principalement dans les plus orientales (Rumph., [, p. 195), ce qui con- corde bien avec l’extension de la culture vers les îles de la Société, etc., de même qu'avec le peu d'ancienneté du côté de l'Inde. M. Blume ne l’a pas trouvée sauvage dans l'ile de Java (Bijdr., p. 1034), et il semble que Loureiro ne l’a vue ni sauvage ni spontanée. Elle est cependant cultivée en Chine, si la détermination est exacte (Beechey, Voy., p. 188). On l’a transportée à l’île Maurice (Boj., H. Maur.). Quant aux colonies améri- caines, je ne saurais où trouver une détermination précise des Jambosa cultivés, et je crois leur introduction peu générale et peu ancienne. Les difficultés de nomenclature m’empêchent de parler d’autres Jambosa cultivés dans l'Asie méridionale, qui ont une importance moins grande. Goyavier, — On sait que la couleur de la chair est un caractère de peu d'importance dans les goyaves, comme dans la pêche, mais la plupart des auteurs admettent comme source de distinction spécifique la forme ou obovée, ou sphérique du fruit (Psidium pyriferum, L.,et P. pom- ferum, L.). Raddi, ayant observé ces arbustes au Brésil, prétend avoir vu sur le même pied des fruits pyriformes et des fruits presque ronds (Di alcuni spec. di Pero indiano,in-h°, Bologna, 1821, p. 1). I! réunit les deux catégories sous le nom de Psidium Guajava, L'opinion de Raddi a été suivie par trois botanistes, M: de Martius (Syst, mat. med, Bras., 1843, p. 32), M. Hasskarl (Flora, 1844, p. 589), et M. Blume (Mus. Lugd. Bat., 1, p. 71), qui ont vu les goyaviers vivants, Cette opinion s'appuie sur une observation directe, au moins celle de Raddi, Pour la contredire ou la rejeter, comme font plusieurs botanistes, il faudrait d’au- tres observations ou expériences positives. Il aurait fallu, par exemple, nous dire siles pepins de goyaves sphériques donnent toujours des goyaves 894 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. sphériques, et ceux des goyaves pyriformes des goyaves pyriformes. Cela serait d'autant plus aisé à vérifier que les graines conservent longtemps leur faculté de germer (Raddi, p. 5) et multiplient la plante avec facilité, soit dans les cultures, soit ailleurs (Jacq., Obs., II, p. 7; Bojer, 4. Haur., p. 1439). Si la forme du fruit est héréditaire, les deux goyaves seraient des espèces, ou au moins des races; si elle n’est pas héréditaire, ce ne sont que des variétés dans l’acception pure du mot. Le silence des auteurs sur toute transformation par l'effet des semis peut faire croire à l'hérédité, d'autant plus que les jeunes pieds donnant des fruits dès la troisième année (Rheede, Malab., HI, p. 82), les transformations auraient été facilement remarquées. Voyons si la distribution géographique conduit à distinguer deux espèces. Psidium puyriferum, L. — La goyave pyriforme est commune aux Antilles (Jacq., Obs., Il, p. 7). Les Français la nomment Goyave du pays (ëd.). Elle abonde hors des cultures, parce que les animaux en sèment les graines avec leurs déjections (id.). À la Barbade, on lui donne le nom de Goyave française (Maycock, F1. Barbad., p. 206). En lisant Sloane (IL, p. 161), le plus ancien auteur sur la Jamaïque, on peut douter qu'il ait vu des goyaves pyriformes, tandis que plus tard Hughes (Jam., p. 132) les indique dans cette ile. Ces faits conduisent plutôt à l’idée d’une origine étrangère et d’une naturalisation dans les îles Antilles. Hernandez (or. Hisp. thes., p. 85), un des premiers auteurs sur l'Amérique, parait men- tionner le Ps. pyriferum comme ayant un fruit beaucoup plus gros que le pomiferum et une absence de mauvaise odeur qui le faisait rechercher dans les jardins. Il dit que les deux espèces croissent : € In calidis locis mon- » tosis, et campestribus, et præcipue Quauhnahuaci. » Plusieurs auteurs, Aublet, de Humboldt et Bonpland (Nov. gen., VI, p. 152), Schomburgk (Journ. of Bot., Il, p. 318), Bentham (Bot. Sulph., p. 97), indiquent le Ps. pyriferum à la Guyane, à Cumana, à Guyaquil, sans dire s'il était cultivé ou spontané. Pison (Hist. Bras., p.74) le décrit bien sous le nom de Guaïaba. Il paraît lavoir vu sauvage au Brésil, car il dit: « Montibus » aut sylvis densioribusnon innasciltur, sed planitiemet campos amat. Agrestis » esse desiit, villicorum quippe industria viridariis illata, numerosas plantas » cuncipit et procreat ut nihil frequentins oceurrat, » Mais il ajoute : « Fruc- » tuum enim grana ab avibuset pecoribus deglutita, et mox per alvum cum »excrementis deposita , locis licet arenosis et tristioribus, altissime ger- » minant maximeque luxuriant. Alus Indiarum regionibus communis hæc » arbor, ac proinde hic patriam Brasiliani negant, sed tractu temporis inter » illas habita est. » Macgraf (Bras., p. 10/4) le dit aussi apporté au Brésil soit du Pérou, soit de l'Amérique septentrionale (ce qui peut s'entendre des ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 895 Antilles et du Mexique). Il est commun aujourd’hui au Brésil, cultivé et spontané, selon Raddi (Wem., p. 3). En définitive, quoique cet arbuste soit très ancien et très répandu en Amérique, nous ne pouvons discerner nulle part d’une manière satisfaisante s’il est spontané, ou s’il est naturalisé par l’effet des cultures. En admettant le dire des anciens auteurs, il aurait été spontané au Brésil et au Mexique, à une époque où les cultures n'étaient pas aussi nombreuses qu’à présent. On ne peut guère douter qu’il n'ait été introduit dans l'archipel indien par les Portugais ou les Espagnols dès leurs premiers voyages, quand on lit Particle de Rumphius (1, p. 141) et qu’on remarque les noms vulgaires usités dans cette région, presque tous dérivés du nom américain Guiava. Rheede (Halab., IT, tab. 34) indique l'espèce comme cultivée dans la péninsule indienne. Elle n’a point de nom sanscrit (Roxb., Piddington). Forster ne la mentionne pas dans ses Plantæ esculentæ des îles de la mer Pacifique, ni Thunberg dans son Flora Japonica. Loureiro (F1. Coch., p. 379) prétend l'avoir vue cultivée et spontanée en Cochinchine, mais l'espèce qu'il décrit est douteuse, ayant le fruit ovoide, quelquefois arrondi, rarement pyriforme. D'ailleurs, nous savons que les graines se sèment faci- lement hors des jardins. Psidium pomiferum, L.— Selon Jacquin (Obs., Il, p. 7), il était moins cultivé aux Antilles que le précédent, et on le nommait à la Martinique Goyavier de Cayenne. Il semble, au contraire, d’après Sloane (IE, p. 161) et Maycock (FT. Barbad., p. 206) être plus répandu aux Antilles. A la Barbade, on le nomme Goyavier commun ou de jardin. D’après J. Acosta (Hist. [nd., trad. franç., 1598, p. 176) cet arbre se serait introduit et naturalisé à Saint-Domingue depuis l’arrivée des Espagnols. Hernandez (Nov. Hisp. thes., p. 85) en donne une description et une figure très reconnaissables. Selon cet auteur, presque contemporain de la conquête du Mexique, le Ps. pomiferum croissait € in calidis locis montosis, et campes- tribus, et præcipue Quauhnahuaci. » Kegel l’a trouvé dans la Guyane hol- landaise, spontané, car il dit: «In fruticetis prope Paramaribo copiose, Guayava incolarum. » (Schauer in Linn., XXI, p. 272). Aublet (Guy., p. 487) le nomme Goyavier des savanes. Raddi lui rapporte l’Araca guacu de Piso (Bras., p. 75) et de Marcgraf (p. 105). Ces auteurs ne s'expliquent pas sur l’origine et la nature spontanée. La Flore du Brésil de Saint-Hilaire (If, p. 282) n’en parle pas, mais l'espèce appelée Ps. Larruotteanum, pourrait bien, selon Cambessèdes lui-même, être le Ps. pomiferum sauvage, à petit fruit. Selon Raddi (Mem., p. 3) il est cultivé et spontané au Brésil, sans doute près de Rio. Ce même Psidium pomiferum est extrèmement répandu en Asie et dans 57 896 ORIGINE MÉQGRAEHQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. l'archipel asiatique. Rumphius (E, p. 142, tab. 48) l’appelait Cujavus ou Gujavus agrestis, parce qu'il le voyait dans les îles Moluques, parmi les buissons, dans des lieux incultes. On le cultivait aussi, et alors ses fruits étaient plus gros. Les habitants le regardaient comme d’origine étrangère, parce qu’il se trouvait surtout dans le voisinage des premiers établisse- ments portugais, et qu'ils ne lui connaissaient aucun nom indigène. Rum- phius (p. 144) inclinait à cette opinion, car, disait-il, on ne voit pas beau- coup de buissons de cette espèce; il se pourrait que les oiseaux l’eussent transportée de Manille aux Moluques, et auparavant d'Amérique dans quel- qu’une des îles du grand Océan. Cette supposition est bien improbable, et l'auteur aurait dû parler plutôt des hommes. À Java, le Psidium pomiferum est abondant soit dans les jardins, soit dans les taillis (Blume, Bijdr., p. 1093 ; Hassk., dans Flora, 1844, p. 588). À l'appui de l’idée qu'il est d’origine étrangère dans tout cet archipel, je dirai que Forster ne l’a pas rencontré dans les petites îles de la mer Pacifique (Plantæ escul.; Guillem, Zephyr. T'ait.). Si c'était une plante originaire des Moluques ou de Java, ou une plante commune à ces iles et à l'Amérique, elle aurait existé probablement ou aurait été introduite de bonne heure dans les îles de la Société, etc. Rheede l’a figurée dans son Hortus Malabaricus (X, tab. 35). C'était un fruit étranger au Malabar, désigné comme venant de Malacca, et qui pouvait venir aussi bien, disàit-il, des Moluques, de Chine ou d'Amérique. On ne lui connaît aucun nom sanscrit et fort peu de noms indous modernes (Roxb., Piddington). Loureiro (FT Coch., p. 379) prétend l'avoir trouvé dans les forêts de la Cochin- chine et de la Chine. Le fruit n’a qu’un pouce de diamètre au plus. On l'indique à la Chine (Hook. et Arn., Bot. Beechey, p. 188), sans dire s'il y est cultivé ou spontané. Le Ps. aromaticum de Blanco (F1. Filip., Are édit., p.416) paraît être le pomiferum. L'auteur assure qu’il est indigène aux Philippines € quoiqu'on dise communément le contraire. » Thun- berg n’en parle pas dans sa Flore du Japon, ce qui fait présumer une exis- tence peu ancienne en Chine et aux Philippines. En résumé, le Psidium pomiferun se trouve cultivé et quelquefois spon- lané en Amérique et en Asie; mais en Amérique sa culture parait avoir été générale du Brésil aux Antilles et au Mexique dès le commencement du xvure siècle, l'espèce avait été trouvée sauvage dans le Mexique peu de temps après la conquête, enfin on lui donnait des noms vraiment indigènes. Au contraire, en Asie, environ un demi-siècle (Rheede) ou un siècle plus tard (Rumphius, 1790), la culture n'avait pas pénétré dans les petites îles de la mer Pacifique, les habitants du Malabar et des Moluques regardaient la plante comme origine étrangère, et lui donnaient des noms tirés des ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 597 langues européennes ou de comparaisons avec d'anciens fruits de leur pays. Ajoutons que sur 99 Psidium connus (DC., Prodr., I; Walp., IE, p.170), 97 sont d’origine américaine sans contestalion ; un (Ps. guineense), qu'on disait de Guinée, n’a pas été retrouvé en Afrique (Hook., F4. Sin p. 399); enfin le Ps. pumilum, Wahl (Ps. caninum, Lour. ? Hook. Arn., Bot. Beech., p. 188), qu'on dit spontané à Amboine (Rumph., 1 tab. 9), à Java (Blume, Bijdr., p. 1093) et à Canton, pourrait bien, d’après la nature de ses noms vulgaires, ses localités maritimes ou voi- sines d'établissements européens et la diffusion facile des graines de Goya- viers être encore d’origine américaine (@). Le Psidium pomiferum a été rapporté de la côte occidentale d'Afrique (Hook., F1. Nigr., p. 359), probablement de cultures. Il est cultivé et presque naturalisé à l’île Maurice (Bojer, H. Maur., p. 138). Je reviens à la question de la division ou de la séparation des Goyaviers en deux espèces. La géographie botanique est plutôt favorable à la réunion, car 1° les deux formes paraissent originaires du même pays, le Mexique probablement, ou en tout cas l'Amérique intertropicale ; 2° elles sont mé- langées presque partout, et depuis deux siècles, dans les cultures. On peut en inférer, comme des pêches lisses et velues, et des oranges douces et amères, ou qu'elles sont arrivées partout ensemble, venant d’un même centre, ce qui serait singulier, ou qu’elles se transforment l’une dans l’autre par l’effet des semis. Le Goyavier à fruit arrondi paraît plus robuste, à saveur et odeur plus forte; il est plus disposé à se naturaliser. Il serait donc la souche, en admettant une seule espèce. Il est probable néanmoins que les formes sont devenues héréditaires, comme dans les pêches lisses et velues, comme dans les cotons blancs et jaunes, dans les pavots à graines blanches et graines noires, etc.; car aucun auteur ne signale de transfor- mation à la suite de semis. Lagenaria vulgaris, Ser. (Cucurbita Lagenaria, L.). —— [es gourdes et cougourdes forment une espèce dont l’origine paraît avoir été méconnue. Linné (H. Chff., p. 431; Sp., p. 1434) dit qu’elle croît en Amérique, dans les lieux humides. M. Seringe (Prodr., HI, p. 299) s’est borné à dire : entre les tropiques. Elle me paraît originaire de inde comme mon père le soupçonnait déjà en 1805 (FT. Fr., IE, p. 692). Voici les motifs. 1° L'espèce a été trouvée sauvage dans l’Inde (Roxb., #{. Ind., édit. 1832, vol. IIT, p. 719), dans les forêts humides qui s'étendent vers Deyra Doon (Royle, LU. Himal., p.218). C’est une variété à fruit amer. (a) Mon père a rapporté au Ps. pumilum un échantillon de la Guadeloupe, dont il fait une variété (Prodr., I, p. 233). Il est dans un état si incomplet que je ne saurais émettre une opinion. 898 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Rheede l'indique aussi spontanée dans tout le Malabar (VIT, tab. 1 et 5). La même, selon lui, est cultivée dans les jardins pour être mangée; d’où il semblerait que la plante sauvage, dans cette région, n’est pas amère. En Europe, la variété dite trompette est bonne à manger (Duchesne, Dict. enc., Il, p. 100). II se pourrait que la plante ne fût pas bien spontanée, ou qu’elle füt naturalisée dans l'Inde par l'effet des cultures ; mais il y a d’autres preuves. 2e La variété sauvage dont parle Roxburgh a un nom sanscrit, Kutoo- Toombee (Roxb., {. c.), la variété cultivée se nommant en sanscrit Ulara (Roxb.), Ulavoo (Piddington, {ndex), et en bengali Kudoo et Laoo (Roxb.), aussi T'oombo (Pidd.). On voit que les noms modernes indiens dérivent des deux noms sanserits; que, par conséquent, on a admis de tout temps l'identité de la variété sauvage et des variétés cultivées. La culture doit remonter à une grande antiquité, d’après les noms sanserits. 3° L'espèce est cultivée depuis un temps qu’on ne peut préciser, dans tous les pays de l'Asie méridionale qui ont pu la recevoir de l'Inde. Ainsi, Loureiro (FT. Coch., p. 725) décrit parfaitement les trois variétés admises par Duchesne. Il note que la grande gourde-bouteille à la chair amère, et la gourde- trompette, la chair douce, ce qui coïncide avec les observations faites en Europe. Les Zcones plantarum sponte in China,de Van Braam, donnent une très bonne figure de la gourde-bouteille ou des pèlerins. D’après le titre de l’ouvrage, on peut croire que la plante est indigène en Chine; mais cela demande confirmation. Kæmpfer et Thunberg (F1. Jap., p. 323) indiquent l'espèce au Japon sous deux formes. Rumphius (V, tab. 144) décrit la gourde-bouteille comme souvent cultivée dans les îles Moluques, ainsi que la gourde-trompette et la grande calebasse. Les indigènes lui donnent des noms variés, dont un, Balo, se retrouve à Ceylan sous l'ortho- graphe Balu (Moon, Cat., p. 66). ho Au contraire, en Amérique, le Lagenaria n'est indiqué par aucun vieux auteur, Je l’ai cherché inutilement dans Hernandez, Piso et Marc- graf. Sloane (Jam., 1, p. 225, 226) en décrit deux ou trois variétés comme cultivées à la Jamaïque vers la fin du xvrr siècle ; mais on ne peut conclure, ni de ses synonymes, ni de ses expressions, que l'espèce fût spon- tanée ou seulement très répandue dans les cultures en Amérique. Hughes west pas plus affirmatif. Plus tard, P. Browne (Jam., 2°é6dit., p. 354) énumère deux gourdes, l'une grande, cultivée; l’autre petite, cultivée, ou sauvage en plusieurs points de la Jamaïque, ayant une pulpe purgalive, amère. Rien ne prouve que ce soit le Lagenaria vulgaris, car l'auteur ne donne ORIGINE DES ESPÉCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 899 qu'un seul caractère, celui d'avoir une coque dure, servant de coupe ou de bouteille. Maycock (F1. Barbad., p. 373) admet ce synonyme; mais il ne dit pas que l'espèce soit spontanée à la Barbade. Joseph Acosta (Hist. nat. And., trad. franç., p. 167) parle de calebasses, usitées en Amérique, probablement au Pérou, connues sous le nom de Capallos, qui servaient de vases ; mais il est impossible de savoir si ce n’est pas une autre espèce. J'en dirai autant des Zucche dont parle Oviedo (trad. de Ramusio, IT, p. 112), qui étaient cultivées si abondamment aux Antilles et à Nicaragua, à l’époque de la découverte de l'Amérique, pour en faire des vases et des bouteilles. Ce devait être une Cucurbitacée, voilà tout ce qu’on peut affirmer. Enfin, les botanistes des États-Unis (Nutt., Gen., If, p. 298 ; EIL., Sketch. Gcog., H, p. 663 ; Torr. et Gray, ÆT.,1, p. 544) répètent, sans donner de preuve, que les indigènes de leur pays cultivaient la grande gourde à l’époque de la découverte, et qu’elle s’est naturalisée en partie autour de leurs habitations. Elliott, qui paraît le plus attentif sur ce point, dit : «Elle se trouve rarement dans les bois et n’est certainement pas indigène. Elle paraît avoir été apportée par les anciens habitants de nos contrées d’un pays chaud. Maintenant, elle croit spontanément autour des établissements, surtout dans les îles près de la côte (sea islands). » 5° Malgré cette prétendue origine américaine, la gourde parait avoir été connue en Europe avant la découverte de l'Amérique. Herrera, qui écrivait peu de temps après cet événement, en 1513, la mentionne dans le nombre des Calabazas cultivées en Espagne, et ne dit point qu’elle füt nou- velle (édit. 1819, IIT, p. 77). La gourde des pèlerins (biventricosa) est figurée très clairement en 1539 par Brunfels (Herb., UT, p. 189), comme étant le Cucurbita des Anciens. Elle est figurée aussi dans le frontispice de l'ouvrage de Ruellius, de 1536. Plus tard, Lobel (Hist., p. 866 et Advers., p. 287) remarque l'usage, très fréquent dans le midi de Europe, de porter le vin dans de petites gourdes. Il me semble avoir vu d’an- ciennes images de pèlerins qui en représentaient. Peut-être avaient-ils pris dans l'Orient l'habitude de s’en servir. Cependant, les Romains, au commencement de l’ère chrétienne, employaient à cet usage une espèce de Cucurbitacée qui servait aussi à soutenir les nageurs sans expérience. Cela résulte de vers de Columelle, qui sont cités par Tragus (Stirp., p. 825) et Ruellius (Hist., p. 498), en parlant des Cucurbita. Elles fournissent : Nariciæ picis aut Actæi mellis Hymeti Aut habilem lymphis hamulam, Baccho ve lagenam. Tum pueros eadem fluviis innare docebit. Pline (1. xx, c. 5) dit également qu'on en faisait des vases, wrcer, et 900 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. « des barriques pour le vin, cadi ad vina condenda. Comme les autres espèces de Cucurbitacées sont impropres à ces usages, je présume, malgré le silence des auteurs classiques modernes (Billerb., F1. class.; Fraas, Syn. F1. class.), queles Anciens connaissaient l’espèce. La savante traduc- tion de Ebn Baithar, médecin arabe du xin° siècle, par M. de Sondthei- mer (a), n’en parle pas; mais espèce n’est pas précisément officinale. Rauwolf, qui avait visité l'Orient en 1574, l’avait vue dans les jardins de Tripoli, d'Alep et de Deera (FT. Or., édit. Gronov., p. 125). Or, dans ce temps, les plantes d'Amérique ne pénétraient pas promptement dans les régions asiatiques. Forskal (p. cxxn) indique un nom arabe, Dubba Dybbe, dont l’étymologie m'est inconnue. L’espèce parait peu répandue sur le continent africain. Elle n’est pas dans le Flora Nigritiana. A. Richard (T'ent. FI. Abyss., p. 293) a cru la reconnaître dans les plantes d’Abyssinie de Schimper, sect. 11, n. 1971, mais sans fruits la détermination est difficile, et d’ailleurs rien ne fait présumer que l’espèce soit spontanée en Afrique. 6° Enfin, les autres espèces du genre, peu nombreuses, il est vrai, sont d'Asie et non d'Amérique. L'ensemble de ces faits est en faveur de l’origine asiatique. Les noms de Zuccha (b) en italien et de Calebaza (c) en espagnol, d’où Calebasse en français, s’appliquaient à cette espèce et à d’autres Cucurbi- tacées. Le dernier a été donné aussi aux fruits de Crescentia et de Baobab, à cause de leur ressemblance avec les gourdes. Le nom lui-même de gourde ne peut guère venir d’un mot celte, signifiant lourd, pesant, comme le prétend de Theïs (Gloss. bot., p. 142), par la raison toute simple que les Celtes ne connaissaient probablement du Lagenaria, ni la plante ni le fruit. Ce nom est un abrégé de Cougourde, qui était usité autrefois, et tous deux viennent de Cucurbita (prononcé à la manière latine coucourbita). Le mot latin, de même que celui de Cucumis, con- combre, ne vient pas du grec ; mais probablement, comme cucullus, d’une racine qui veut dire curvus ou cavus. Par une coïncidence qui n’est peut-être pas fortuite, une espèce de Cucurbita (C. Pepo, Roxb., non L.) se nommait en sanscrit Kurtaroo (prononcée Kourtarou), et le Lage- naria, en bengali, Kudoo (prononcez Koudou). Cueurbita maxima, Duch. (Cucurbita Pepo x, Linné), — La grosse Courge où Potiron à corolle évasée jusque dans le fond, est une plante (a) Zusammenstellung Heil-und Nahrungsmittel von Ebn Baithar, traduit de l'arabe par le docteur J. von Sontheimer, 2 vol. in-8$, Stuttgard, 1850. (b) Vient du mot grec Ex appliqué à des cucurbitacées. (c) Vient peut-être de ces noms arabes de cucurbitacées cités par Matthiole (éd. Valgr., r. 366), Haraha, Hara, Carha. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 901 dont les auteurs ignorent l’origine (Duchesne, Dict.enc., If, p. 151; Ser., dans Prodr., WI, p. 316); seulement, comme l’observe Duchesne, les noms de Courge d'Inde, Courge marine ou d'outre-mer, donnés au xvi° siècle, montrent une origine lointaine. J. Bauhin (ist, I, p. 219) indique effectivement ces noms et montre l'incertitude où lon était alors sur l'origine des Cucurbitacées cultivées. Les auteurs mélangeaient diverses espèces que les modernes ont essayé de distinguer ; mais au milieu de leurs énumérations de formes, on reconnaît le Potiron, si bien caractérisé par Sauvages, Sphæra polis compressis, meridianis sulcatis, figuré par Lobel(Zc., tab. 641, Pepo maximus indicus compressus) et par Dodoens (p- 666, Pepo rotundus major): Il est difficile de savoir si les Grecs et les Romains connaissaient cette plante, au milieu des variétés si nombreuses et si mal décrites des Cucur- bitacées qu'ils cultivaient. Pline (1. v, €. 5) parle de fruits gros et même très gros. Il les nomme Pepones, mais il ne dit rien de leur forme. L'espèce ne paraît pas d’origine américaine, quoique M. de Martus lui rapporte le J'urumu de Piso, Bras., édit. 1698, p. 264; Marcgraf, édit. 1648, p. A4. La planche de ces auteurs ne ressemble pas mal, mais elle est fort réduite et la description en est insignifiante. Le fruit n’est pas dé- primé. Il était cultivé par les indigènes, mais il pourrait avoir été imtro- duit chez eux par les Portugais, avant le voyage de Maregraf. En général, les Flores américaines parlent de l’espèce comme d’une plante cultivée, sans donner des noms indigènes, sans citer des auteurs contemporains de la découverte, en un mot sans aucun indice d'ancienneté (Pepo maximus indicus compressus, Sloane, Jam., 1, p. 226; Cucurbita Pepo, Aubl., p. 887; Maycock, FT. Barb., p. 380). M. Darlington (Agric. bot., p. 60) dit que c’est une espèce cultivée aux États-Unis, mais originaire de l’est. On la cultive en Abyssinie (Ach. Rich., T'ent. F1. Abyss., p. 295) sous le nom arabe Doubba, qui montre une origine de l'Orient, car le mot est arabe. D'ailleurs l’espèce n’est pas indiquée dans le Æ/ora Nigritiana, et rien ne peut faire présumer une origine africaine. Par exclusion, on arrive à l'Asie tempérée ou méridionale. L'espèce n’est pas indiquée dans les Flores du Caucase (Ledeb., F7. Ross., IT). D'un autre côté, je ne puis la reconnaître dans aucune des espèces de Thunberg (Flora Japonica). M. Bunge ne Va pas vue dans la Chine septentrionale (Enum., p. 31). Ainsi, par exclusion encore, nous sonimes rejetés vers le sud-ouest ou le midi de l'Asie. Les ouvrages sur lnde et l'archipel indien donnent des descriptions et des planches, qui s'accordent assez avec la plante cultivée en Europe, sans cependant coïncider exactement. Rum- phius (Amb., V, tab. 145) décrit et figure sous le nom de Pepo indicus 902 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. compressus mazimus. appliqué à l'espèce, une plante cultivée très géné- ralement dans l'archipel indien, qui ressemble à la nôtre, excepté quant au fruit ovoïde plutôt que sphérique, à peine déprimé. Ce doit être le Cu- curbita Melopepo, Lour., F1. Coch., p. 729, d’après la description et les synonymes. Elle est « late culta in Cochinchina et China, » Rheede (M alab., VIII, tab. 2) figure une plante de Malabar, dont il dit: « Inter edulia habetur et ubique invenitur. » Elle offre des lobes du calice, dans la fleur femelle, étalés, égalant la moitié de la longueur de la corolle, divisés en pétiole et limbe. M. Wight (ic. 507, et TU. Ind., W, tab. 105 ou 121) figure le même calice que je ne me souviens pas d’avoir va dans notre espèce cultivée en Europe (a). Roxburgh (FT. Jnd., édit. 1822, HT, p. 719) parle aussi de cette plante sous le nom de G. Melopepo. Ni lui, ni les auteurs anglo-indiens plus récents, ne mentionnent un nom sanscrit et n’indiquent l'espèce comme spontanée. Ainsi le Cucurbita maxima : 4° doit être originaire de l’Asie méridionale; 2 p’a pas été découvert encore à l’état sauvage. N'ayant pas eu de nom sanserit, il est probable que son pays d’origine est au delà du Gange ou dans quelqu’une des îles de l'archipel asiatique. Il se peut que ce soit une espèce modifiée par la culture, au point de ne pouvoir être reconnue dans l’état spontané. Enfin, ces doutes ramènent à l'opinion de Linné qui con- naissait la plante comme une forme de l’espèce suivante. Cucurbita Pepo, Dueh. — [ci viennent se ranger les nombreuses formes de courges appelées Cucurbita Pepo par Duchesne (Dict. enc., Il, p. 152) et divisées dans son énumération en deux groupes, Pepo moschata et Pepo polymorpha. Elles ont pour caractère commun une corolle rétrécie à sa base et non évasée comme dans l’espèce précédente. M. Seringe (Prodr.., II, p. 317) a détaché les Cucurbita moschata, C. verrucosa, L., C. aurantia, Wild., C. ovifera, L., que Duchesne réunissait. J'ai voulu essayer de me former une opinion sur ce point, mais la multiplicité des formes, l'absence de bonnes planches modernes et l'absence plus complète encore d'échantillons dans les herbiers m'en ont empêché, Je me bornerai donc à quelques remarques historiques et géographiques, tout en réservant la question d'espèce. 1° Plusieurs de ces courges étaient connues des Grecs et des Romains, sous les noms de Ksox5y0n, Cucurbita et Pepo, comme le disent les auteurs de l’époque de la Renaissance et des temps modernes (Fraas, Syn. F1. class., p. 104). Préciser quelles formes ils entendaient sous chaque nom, (a) Je regrelte d'avoir laissé passer la saison où j'aurais pu le vérifier. Cet organe des fleurs femelles est cadue ; je ne puis le voir dans mon herbier. J'en ai cherché inutilement la description ou la figure dans les auteurs. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 903 c’est ce que les expressions brèves et obcures de Dioscorides, Pline et autres, ne nous permettent en aucune manière. 20 Le Cucurbita ovifera, L., Mant., que Duchesne regarde comme une des courges les plus franches, les plus susceptibles d’être détachées comme espèce, avait été trouvé sauvage près d’Astrakan , dans le siècle dernier (Linn., Mant., p. 126), mais personne ne l’a trouvé depuis dans les environs de la mer Caspienne et du Caucase (Ledeb., FT. Ross., p. 142). Il est figuré déjà, en 1576, dans Lobel, Hist., p. 367. 3° Le Cucurbita verrucosa, L. (C. polymorpha verrucosa, Duch.) est une forme qui semble une bonne espèce à cause de deux caractères, les verrues de l'écorce du fruit, et sa dureté, analogue à celles des gourdes, La plante a été figurée et décrite pour la première fois en Europe par Da- lechamp (Hist., p. 617), c’est-à-dire en 1587. Elle est dans la Flore du Japon de Thunberg (p. 323), mais sans description suffisante et avec un synonyme de Kæmpfer. Or, ce dernier auteur désigne la plante sous lépi- thète de Cucumis major longissimus verrucosus, multis fissuris dehiscens, tandis que le C. verrucosa offre un fruit arrondi ou à peine oblong. Ce peut être un Cucumis, un Momordica. Rien ne prouve que notre plante cultivée en Europe ait été vue ailleurs. h° Le Cucurbita moschata, Ser., a été considéré dès le xvi° siècle comme venant d'Amérique. En 1587, Daléchamp (p. et tab. 616) disait : « Sunt cucurbitarum genera peregrina, quas ferunt ab occidentalibus Indiis asportatas fuisse, unde cucurbitæ indicæ à muitis cognominantur, H:æ magnitudine, figura, colore differunt, omnes tamen ad melopeponum figuram accedunt. » Puis il figure le C. moschata sous le nom de Cucur- bita indica rotunda, et ensuite un Cucurbita indica longa, qu'il dit être le Cucumis turcicus de Fuchsius, et qui paraît un Giraumon commun oblong. Ce rapprochement indique une grande incertitude sur les origines. Poiret (Dict. sc. nat., XI, p. 234) dit en parlant du G. moschata : € M. de Chanvalon est le premier qui, dans son voyage de la Martinique, ait parlé de cette plante. » J’ignore la Valeur de l’assertion et la date du voyage. En outre, il m'est impossible de découvrir dans les auteurs américains aucun indice quelconque sur cette plante. 5° Jusqu'à présent on ne connaît aucune espèce bien certaine de Cucur- bita en Amérique. Le C. asperata, Gill., voisin du GC. mammosa (presque inconnu) de Molina, est du genre Chizostigma, Arn., dans Hook., Journ. bot., HT. Le GC. fœtidissima, Kunth, dans H. et B., est très mal connu, d’après l’auteur lui-même. Rien ne peut faire présumer une culture an- cienne du C. Pepo en Amérique, si ce n’est le fait isolé, sans preuves, sans confirmation récente, que le C. verrucosa, espèce ou variété du C. Pepo, 90/4 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. aurait été cultivé par les indigènes voisins des sources du Missouri (Nutt., Gen., I, p. 228). Tout ceci porte à croire que les Cucurbita, en particulier les formes du Pepo, sont sans exception de l'ancien monde. 6° M. Hasskarl décrit deux espèces distinctes et spontanées de Cucurbita dans l'ile de Java (Cat. h. Bogor.'alt., p. 190); cependant M. Blume (Bijdr., p. 930) ne mentionnait que des espèces cultivées. Rumphius, Rheede, Roxburgh, Loureiro, Thunberg (F1. Jap.), Wight ne citent comme spontanée dans l’Inde ou l'archipel indien aucune plante qu'on puisse rapporter à l’une de nos formes du C. Pepo. La plante nommée C. Pepo par Roxburgh (FT. Fnd., édit., p. 1832, IE, p. 718) paraît dif- férente, d’après le synonyme cité de Rheede, qui est le Benincasa cerifera. Le C. Pepo de Loureiro paraît autre chose, d’après le synonyme de Rum- phius, qui est le C. farinosa, BL., et d’après la description. L’abondance de ces Cucurbitacées dans toute l’Asie méridionale fait présumer que la patrie originaire des Pepo est là. D’un autre côté, les espèces ou variétés figurées dans Rheede et Rumphius ne concordent jamais avec les nôtres. 7e Il semble, d’après les ouvrages, qu'il y a plus de formes du C. Pepo en Europe que partout ailleurs, et surtout qu’elles y sont plus anciennes. Leur nombre est remarquable dans les auteurs du xvi° siècle, tels que Dodoens, Daléchamp, Bauhin. Ce nombre ne paraît pas aussi élevé dans les ouvrages sur l’Inde et l'archipel indien. J’ignore si les Chinois en culti- vent beaucoup. Forskal n'indique en Arabie et en Égypte que deux formes (p. zxxviet exxn). Rauwolf (FE. or., édit. Gronov., p. 12h) ne mentionne même pas l'espèce, lui qui énumère les autres Cucurbitacées qu'il voyait en 4574, dans les jardins d'Alep, de Damas et de Tripoli. Pour l’Abys- sinie (A. Rich., T'ent. FI. Abyss.) et la côte occidentale d'Afrique (Hook., F1. Nigr.) le C. Pepo n’est pas mdiqué. 8° En résumé, je regarde comme certain que les formes rapportées au Cucurbita Pepo ne sont pas d'Amérique ; mais en me rappelant que le nom Cucurbita est vraiment latin, que les mots grecs Kokcx.0n €t Eexoæ, appli- qués à des Cucurbitacées cultivées sont aussi d’une apparence hellénique propre, que l'espèce n’a pas de nom sanscrit (le G. Pepo, Roxb., étant dif- férent); en réfléchissant au nombre probablement considérable de variétés du temps des Romains, et surtout au xvr* siècle en Europe, j'hésite entre la région méditerranéenne et l'Asie méridionale comme habitation primitive. Dans tous les cas, assurément, l'espèce n’a pas été retrouvée sauvage. Peut- être la découvrira-t-on dans l'Asie méridionale, en Chine, par exemple? Alors, la question serait décidée. Ces doutes, néanmoins, sur l'origine, en font naître d’autres sur la valeur de l'espèce, et font incliner à l'idée qu'elle aurait dévié d'un état primitif par l'effet de la culture. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 905 Cucurbita Melopepo, L. — Le Pastisson, Bonnet de prétre, Bonnet d’électeur, est une courge plus large que longue, couronnée, au sommet, d’un renflement circulaire, au milieu duquel s'élèvent des protubérances plus ou moins saillantes. L'absence de vrilles, ou leur développement sous forme de feuilles, aident aussi à reconnaitre la plante. Ces caractères sont assez bizarres. [ls indiquent peut-être une forme monstrueuse, devenue héréditaire. On en voit de bonnes figures déjà, en 1587 (Daléchamp, p. 615), et plus tard dans Dodonæus (p. 666), et Bauhin (Hist., IT, p. 224, qui les cultivait depuis 1561). Lobel semble indiquer cette plante dans ses Adversaria, p. 287, sous le nom de Cucumeres latiores cly- peiformes; mais il n’en donne aucune figure dans la série de planches de Cucurbitacées contenues dans ses Observationes, p. 364 et suivantes. Ces deux ouvrages sent cependant de 1576. Je ne trouve rien qui se rapporte à l’espèce dans Ruellius (1536), Brunfels (1536-39), Brasavola (1539) ; d’où il semble qu’elle aurait paru en Europe au milieu du xvie siècle. Les noms des premiers auteurs ne font allusion qu’à la forme du fruit et non à l’origine. La désignation de J. Bauhin, Cucurbita siciliana, est tout à fait arbitraire. Je ne puis trouver aucune description ou figure, qui s’en approche le moins du monde, dans les ouvrages sur Asie méridionale, l'Afrique ou l'Amérique. [l ne semble même pas que la plante soit cultivée en Asie, car Rumphius, Rheede, Wight et Arnott (Prodr.), Moon (Cat. Ceyl.), Blume (Bijdr.) n’en parlent pas, et les Cucurbita Melopepo de Roxburgh et de Loureiro sont autre chose, d’après les synonymes et les descriptions. Il est difficile de croire qu’elle existe en Chine depuis plusieurs siècles, car dans ce cas elle aurait pénétré au Japon, où Thunberg ne l'indique pas, et dans l’Inde ou l'archipel indien. Cet ensemble de faits me porte à croire que le Cueurbita Melopepo est une altération produite par la culture, en Europe, au xvre siècle. Cucumis Melo, L. — Depuis l’époque de la renaissance (Brasavola, p. 153) jusqu’à nos jours (Fraas, Syn. FT. class., p. 103), la plupart des auteurs soutiennent que les Anciens cultivaient le Melon. Ils ne sont pas d'accord sur les synonymes des Grecs et des Latins. Selon M. Fraas, l’au- teur le plus récent, c’était le £xvx de Théophraste, le Hérw de Diosco- rides, le Myoxinw de Galien, le Melo de Pline. Malheureusement, les passages des auteurs sont très brefs et parlent des propriétés médicales plus que des formes et des caractères botaniques. Galien (De alim., 1. 11, c. ») dit cependant une chose qui ne s’applique pas du tout au Melon. « Les Melopepones n’excitent pas le vomissement comme les Pepones. De là vient que, dans les Pepones, on s’abstient de la partie intérieure de la 906 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, chair où sont les graines, tandis que dans les Melopepones, on la mange. » Comme le dit très bien Matthiole (édit. Valgr., p. 368), après de pareilles expressions, on ne sait que penser. Je demeure comme lui dans le doute, après avoir lu les textes, et je voudrais trouver des indices d’une autre nature pour m'assurer que les Anciens connaissaient le Melon. Les meilleurs arguments sont peut-être dans les noms vulgaires modernes et dans la tradition. En Grèce, le Melon est nommé aujourd’hui Hero (Fraas, {. c.); en [talie, on le nommait déjà en 1539 (Brasav., L. c.)et on le nomme encore maintenant Pepone, Melone, Mellone (Poll., F1. Ver., IE, p. 145). Les Espagnols employaient déjà au commencement du xvi° siècle (Herrera) le terme de Melon. S'ils avaient reçu ce fruit des Arabes et non des Romains, il est vraisemblable qu'ils lui auraient donné un nom arabe, comme cela est arrivé pour le coton. En Sardaigne, où les traditions romaines sont bien conservées, on dit Meloni (Moris, F1. Sard., Il, p. 85). Ilest certain que du temps de Matthiole, en 1570, on cultivait plusieurs variétés de Melons qui étaient excellentes. La planche de cet auteur (p. 368), celle de Daléchamp, en 1587 (p. 623), ne laissent aucun doute sur l'espèce. L’admiration des auteurs du xvr° siècle pour le parfum et le goût exquis du Melon, comparée au silence des Romains, qui w'étaient pas peu gourmets, est assurément un indice de la nouveauté du fruit en Europe. Virgile, par exemple, n’en parle pas (Fée, Paulet, FL, de Virg.). Les fragments de Pline, Columelle, Apicius, etc., sur le Melo, sont très brefs et insignifiants. D’après Olivier de Serres (T'heatr. d'agric., édit. Genève, p.477, en 1629), la culture du Melon s'était répandue considérable- ment dans le midi de la France, où elle était auparavant inconnue. « Pline, dit ce vieux et aimable auteur, prend le plus souvent le concombre pour le melon, confondant ces deux fruits sous même appellation, montrant par là le melon être de son temps en Italie nouvelle viande. Nul autre ancien auteur de rustication n’en fait mention. » Le père de l’agriculture espa- enole, Herrera, disait, en 1513 (Agric. gen., édit. 1809, IT, p. 114) avec une bonhomie qui n’exelut pas la malice : € Si le melon est bon, c’est un des meilleurs fruits qui existent, et même aucun ne lui est préférable. S'il est mauvais, c’est une mauvaise chose. On a coutume de dire que les bons sont comme les femmes bonnes, et les mauvais comme les mau- vaises. » Rien ne prouve que les Arabes aient cultivé le Melon ordinaire avant les Européens. On à supposé que leurs médecins du moyen âge en auraient parlé quelquefois sous le nom de Kadt ou Chiar (Ebn Baithar, trad. de von Sondtheimer, Il, p. 280), sans aucune description du fruit ou de la plante; mais ce nom de Chiar, attribué au Melon par M. de Sondtheimer, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉPALEMENT CULTIVÉES. 007 est le nom du concombre, Cucumis sativus, d’après Forskal (p. Lxxvr) et Delile (FT. Æq., p. 29). Le nom de Bathich, dérivé évidemment de l'Abatichim des Hébreux, attribué aussi au Cucumis Melo (Sondth., 1b., I, p. 145), doit être plutôt celui du Cucumis Citrullus, le nom arabe du vrai Melon étant Dummeæjri (Forsk., 1b.), Domeyri (Del., p. 29). Rau- wolf, en 1574, n'avait vu le Melon qu'à Tripoli, car il le cite comme cultivé seulement dans cette localité, lui qui indique le Melon d’eau et la courge à Halep et à Tripoli (FT. or.., édit. Gron., p. 124). Je ne puis regarder ceci comme une preuve de non-existence dans l'Orient ; mais n’oublions pas que les Hébreux, et peut-être les Romains du temps de Jules César, ne connaissaient pas l'espèce. Plus on marche vers l'Asie méridionale, moins la culture du Melon paraît ancienne. On ne connait aucun nom sanscrit (Roxb., F1. Ind., édit. 1832, IT, p. 720; Pidd., Zndex, et un seul nom moderne, à la fois bengali, hindustani et persan, Khurbooja, indi- que une origine persane. Point de planche dans Rheede, Rumphius (Amb., N, p. A0) dit que les Melons ont été apportés dans les îles de l'archipel asiatique par les Portugais. Ils sont médiocres en Chine et en Cochinchine (Lour., p. 726). On les cultive beaucoup au Japon (Thunb., FT, p. 323), ce qui indiquerait une date plus ou moins ancienne dans l’Asie orientale. Aucun des auteurs que je viens de citer ne parle de Melons sauvages, ni même naturalisés par dissémination hors des jardins. La culture de l’espèce n'étant pas fort ancienne, et la plante n'ayant Jamais été trouvée sauvage dans la région de la mer Méditerranée, en Afrique, dans l'Inde et les îles de l'archipel indien, nous arrivons, par exclusion, à soupconner qu’elle est originaire de la Tartarie ou des envi- rons du Caucase. Cest aussi la seule région où l’on prétende avoir quel- quefois rencontré l'espèce hors des cultures. Willdenow (Sp., IV, p. 613) disait : € habitat in Calmucchia, » sans indiquer de preuve, tandis que Linné (Sp., 2° édit.) ne connaissait aucune habitation. M. de Steven (Hém. soc. Mosc., in-4°, IV, p. 70) dit l'avoir trouvé dans un endroit stérile, Join de toute habitation. sur les bords du fleuve Kour, dans le district de Schirvan; mais il regrettait de n’en pas avoir conservé des échantillons desséchés, afin de vérifier exactement l'espèce. « Dans la Russie méridio- nale, ajoute-t-il, on le cultive en abondance et il ne s'échappe pas dans la campagne. » Bieberstein (IT, p. 624) cite Steven, et il dit n'avoir pas ren- contré la plante spontanée autour du Caucase. M. Hohenacker l’a trouvée près d’Élisabethpol (Ledeb., F1. Ross, Il, p. 142). Jusqu'à présent, MM. de Steven et Hohenacker sont les seuls qui aient trouvée ; mais leur témoignage, très digne d’attention, concorde avec les faits historiques, el 908 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. aussi avec la qualité extraordinairement bonne des Melons cultivés autour du Caucase. Les peuples caucasiens et slaves ont plusieurs noms spéciaux pour le Melon. Le Dictionnaire des noms vulgaires dressé par Moritzi, d’après les livres de notre bibliothèque, indique un nom turc et tartare Kaun, et un nom illyrien, qui pourrait avoir une origine slave, Ljubenika , Lubenika. Le nom russe ordinaire est Dina (Erman, Reise, I, p. 235). Il se pourrait que l'habitation de l’espèce fût primitivement bornée aux vallées qui sont au midi du Caucase, en général aux environs de la côte méridionale de la mer Caspienne, et que la plante se fût répandue ailleurs tardivement. L’uniformité des noms tirés de Melo, dans toute l'Europe, est un indice d'introduction peu ancienne. | Cucumis Citrulius, Ser. (Cucurbita Citrullus, L.). — [La Pastèque ou melon d’eau est une plante dont l’origine est incertaine d’après les auteurs. Linné (Sp., p. 1435) dit: « Habitat in Apulia, Calabria, Sicilia. » Seringe (Prodr., HE, p. 301) dit: « in Africa et India. » Puis il ajoute une va- riété décrite au Brésil par Marcgraf, ce qui complique encore la question. Éclaircissons d’abord ce dernier point. La planche et le texte de Marcgraf (Bras., p. 22) me paraissent bien s'appliquer à la Pastèque. D’un autre côté, rien ne prouve que la plante n’eût pas été apportée au Brésil par les Européens, si ce n’est le fait d’un nom vulgaire Jaee, mais l'argument n’est pas fort. Maregraf cite aussi des noms européens. Îl ne dit pas que l’espèce fût spontanée, n1 très généralement cultivée. Sloane l’indique comme cultivée à la Jamaïque (1, p. 226), sans prétendre qu’elle fût américaine, et assurément le silence des premiers auteurs, sauf Marcgraf, le rend bien peu probable. Selon les commentateurs, depuis Matthiole (Comm., p. 369) jusqu'à nos jours (Fraas, Syn. FT. class., p. 105), la Pastèque était inconnue aux Grecs et aux Romains. Les auteurs du xvr° siècle la nommaient Citrullus, à cause de lanalogie avec les fruits de Citrus, ou Anguria, qui est le nom italien (Daléch., p. 629; Poll., FT. Ver., UT, p. 148) dérivé probablement, par transposition, de Ayysôgeæ, nom grec donné à d’autres Cucurbitacées (Fraas, Syn. FT. class., p. 103; Margot et Reuter, F1. Zant., p. 48). Le nom grec moderne de la Pastèque est Kagmousta (Fraas), d’où vient peut- être le nom russe Arbus (Erman, Reise, 1, p. 235). Évidemment les peuples du midi de l'Europe ont reçu la Pastèque des Arabes ou de l'Orient en général. Les premiers auteurs, tels que Dalé- champ, ont eu soin d'indiquer les noms arabes Bathec, Batheca, dont parle ensuite Forskal (Deser.. p.167) en écrivant Battich. Ce nom, du reste, d’où vient celui de Pastèque, s'applique à diverses variélés (Delile, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 909 Ill. Æq., p. 28) et même à d’autres espèces (Forsk., p. 169). Rauwolf, en 4574, trouva la Pastèque en abondance dans les jardins de Tripoli, de Rama et d'Alep, sous les noms de Bathieca (Rauwolf, édit. Gronov., p- 124; Daléch., L. c.), et Schareej, sans parler d’autres noms encore (Aïnslies, Mat. med. Ind., 1, p. 217). La racine du mot Battich est dans l’hébreu Abbattichim, un de ces fruits d'Égypte que le peuple juif regrettait dans le désert. Les commentateurs ont traduit Abbattichim par Pepo, Melopepo, Melo et autres noms de Cucurbitacées (Hiller, Hieroph., IL, p. 59), Cucumis Melo (Celsius), et ensuite par Cucumis Citrullus, melon d’eau, pastèque (Rosenmüller, Æandb. bibl. Altert., IV, p. 98). La probabilité est pour ce dernier sens, à cause du nom arabe. D’un autre côté si la Pastèque avait été cultivée en Égypte, à une époque aussi reculée, probablement les Grecs et les Romains en auraient eu connaissance et lauraient introduite chez eux. Le nom espagnol de la Pastèque est Zandia (Herrera, Agric., I, p. 263), en Catalogne Cindria, Cindriera (Colm., Cat., p. 55), qui se retrouve dans l’île de Sardaigne, Sindria (Moris, FT. Sard., H, p. 85). Ces noms sont une énigme pour moi, car je ne dé- couvre aucune origine arabe ou latine, et cependant rien au monde ne peut faire penser que la Pastèque soit une plante d’Espagne. Les Persans disent Hinduanach (Ainslies, {. e.), ce qui indique une origine indienne. L'espèce a un nom sanscerit, Chuya pula, d’après Ainslies (/. ce.) et Pid- dington ({ndex, p.26). Cela n'aurait rien d'étonnant en soi, mais je m’en défie, parce que tous les noms indiens modernes en diffèrent complétement. L'espèce est si généralement cultivée dans Pinde (Roxb., IE, p. 719), la Cochinchine, la Chine (Lour., Æ., p. 780), le Japon (Thunb., FE, p. 323), les îles de l'archipel indien (Rumph., Amb., V, tab. 146), que son pays d’origine doit être l'Asie méridionale. Personne ne prétend lavoir trouvée sauvage dans aucun pays. L’indi- cation, faite bien légèrement par Linné, de la Pouille, la Calabre, la Sicile, est copiée de Matthiole (Hist., p. 369) qui dit simplement que les meil- leures pastèques sont de ces provinces. Cucumis sativus, L. — Le Concombre soit Cornichon était cultivé déjà par les Grecs et par les Romains. C'était le Eéxvss de Théophraste, et le Cucumis de Pline. Il est figuré avec soin par tous les auteurs du xvi* siècle (Daléch., p. 620; Matth., p. 367, etc.), Linné et de Lamarck (Dact., IF, p.72) regardent l’origine comme inconnue. M. Seringe a mis dans le Pro- dromus (U, p. 301): « in Tataria et India oriental. » L’indication de la Tartarie est tirée de Willdenow (Sp., IV, p.615), mais je ne sais quelle valeur elle peut avoir. Ledebour (F1. Ross., 11), si exact dans la citation des auteurs touchant la Russie et le Caucase, ne mentionne pas l'espèce. 919 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Elle porte dans le midi de l'Europe des noms dérivés de Cucumis (pro- noncé à la manière des Latins, Coucoumis) : ainsi, Cocomero en italien, Cogombro en espagnol, etc. Les Allemands disent Kukummer, et aussi Gurke. L'origine de ce dernier mot paraît être dans les langues slaves, car les Bohèmes disent : Agurka, et les Polonais Ogorek (Moritzi, Dict. inéd. des noms vulq.). Les Esthoniens disent Ukkuritz et Uritz. Cette diversité montre une diffusion ancienne dans l’Europe orienta'e et septentrionale. Le nom persan est Kyar (Roxb., FT. Ind., HI, p. 720), et le nom arabe Faküs (Forsk., p. LxxvI). Il y a un nom sanscrit, Sookasa (Pidd., Znd., p. 26), que nous devons prononcer Souhkasa, et qui pourrait bien être l’origine des mots grecs Lixvos, Swvn, Sexe, appliqués à l'espèce actuelle et à d’autres Cucurbitacées. On cultive fréquemment le Concombre dans l'Inde (Roxb., I, p. 720; Wall.,n. 6737), en Cochinchine (Lour., p. 726), en Chine (id.), au Japon (Thunb., FE, p. 324), à Java (Blume, (Bijdr., p. 930), en Arabie (Forsk.), en Égypte (Del.), en Abyssinie (A. Rich., T'ent., p. 294); mais, dans aucun de ces pays, on ne la ren- contré sauvage, ni seulement avec l'apparence d’une plante échappée hors des cultures. L'existence d’un nom sanscrit indique une ancienneté très reculée dans le nord de l’Inde, et, comme l’espèce a été connue des Grecs avant plusieurs fruits de l'Asie méridionale, c’est probablement du nord- ouest de l’Inde, par exemple du Caboul ou de quelque pays adjacent, qu’elle est originaire. Tout fait présumer qu’on la découvrira un jour dans ces régions encore mal connues. Ribes Grossularia, L.— La Groseille à maquereau cultivée dans les jardins n’est qu’une variété du Ribes Uva-crispa, si commun en Europe (DC., El. Fr., IN, p. 408 ; Koch, Syn., 2eédit., I, p. 292; Ledeb., F1. Ross., Il, p. 195). On la trouve quelquefois sauvage (Engl. Bot., tab. 4292, 2057; Ledeb., L. c.; Poll., F1. Veron., I, p. 304); mais elle peut s’être échappée des jardins. Ni l'espèce ordinaire, ni la variété cultivée ne sont dans les auteurs grecs et latins. Probablement, elle manquait alors à l'Europe méridionale, où l'extension de la culture l'a naturalisée depuis çà et là. Tous les auteurs du xvr° siècle en parlent et la figurent sous les noms de Uva-crispa, Urva-spina, Grossularia. Les Italiens et les Espagnols emploient communément la première expression, tirée de l’analogie avec le raisin, Le nom de Grossularia vient, dit-on, de Grossulus, petite figué mal mûre (Ruell., p. 283), et le mot français de Groseille, écrit autrefois Groiselle où Groisseletz (Dod., p. 748), aurait la mème origine. Cepen- dant, comme l’espèce était inconnue aux Romains et se trouvait plus au nord que le Figuier, l'étymologie me parait douteuse. Le nom de Groseille ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 911 vient plutôt de l'allemand Krausbeere où Krauselbeere, qui signifie lui- même baie crispée (à feuilles erispées). Matthiole (édit. Valgr., p. 135) distinguait déjà la variété cultivée de la plante spontanée. Les langues slaves et celtes avaient des noms différents du nom allemand. L'ancien nom anglais était Feaberry et Feabes (Phillips, Account of fruits, p. 177). Le nom breton est Spezad (Legonid., Dict.). Cette diversité concorde avec une existence spontanée ancienne dans plusieurs pays. Le nom anglais mo- derne, Gooseberry, et le nom français à maquereau, viennent, selon Phil- lips (L. c.), de cequ’on en faisait une sauce pour les oies et les maquereaux. Ribes rubrum, L. — Le Groseillier ordinaire, rouge, est spontané dans l'Europe septentrionale et tempérée, de même que dans toute la Sibérie (Ledeb., F7. Ross., Il, p. 199) jusqu’au Kamtschatka, et en Amérique du Canada et du Vermont à l'embouchure de la rivière Mackensie (Torr. et Gray, FT. N. Am., 1, p. 150). Comme le précédent, il était inconnu aux Grecs et aux Romains, et la culture s’en est introduite dans le moyen âge seulement. La plante cultivée diffère à peine de la plante sauvage. L'origine étrangère pour le midi de l'Europe, est attestée par le nom Groseille d'outre-mer, donné en France (Dod., p. 748) au xvi* siècle. À Genève, ja Groseille se nomme encore vulgairement Raisin de mare, et dans le can- ton de Soleure, Meertrübli. Je ne sais pourquoi on s’est imaginé, il y a trois siècles, que espèce venait d'outre-mer. Peut-être doit-on l'entendre dans ce sens, qu’elle aurait été importée par les Danois et les Normands, ou que ces peuples du nord, venus par mer, en auraient introduit la cul- ture? J’en doute, cependant, car le Ribes rubrum est spontané dans presque toute la Grande-Bretagne (Wats., Cyb.) et en Normandie (Breb., Æ1.); les Anglais, qui ont eu des rapports fréquents avec les Danois, ne culti- vaient pas encore ce fruit en 1557, d’après une liste des fruits de cette époque, rédigée par Th. Tusser et publiée par Phillips (Account of fruits, p. 136), et encore du temps de Gerarde, en 1597 (Herb., p. 1143), la culture en était rare et la plante n'avait pas de nom particulier (a); enfin, il y a des noms français et bretons qui font supposer une culture anté- rieure aux Normands dans l’ouest de la France. Les vieux noms de cette contrée nous sont indiqués dans le Dictionnaire de Ménage. Selon lui, on appelait les groseilles rouges, à Rouen, Gardes, à Caen Grades, dans la basse Normandie Gradilles, et dans son pays, en Anjou, Castilles, Ménage fait venir tous ces noms de rubius, rubicus, etc., par une suite de transformations imaginaires, du mot ruber, rouge, des Latins. Legonidec (Dict. celto-breton) nous apprend que les groseilles rouges se nomment (a) Celui de Currant est venu plus tard, par suite de l’analogie avez les raisins de -Corinthe (Phillips, 4b.). 58 912 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. aussi Kastilez (avec L mouillée), en Bretagne, et il fait venir ce nom de Castille, comme si un fruit fort peu connu en Espagne et abondant dans le nord, pouvait venir de la péninsule. Ces mots répandus à la fois en Bretagne et hors de Bretagne, me semblent d’une origine celte, et à appui, Je dirai que, dans le Dictionnaire de Legonidec lui-même, Gardiz, signifie en breton rude, äpre, piquant, aigre, etc., ce qui fait deviner l'étymologie. Le nom générique Ribes à donné heu à d’autres erreurs. On avait cru recon- naître une plante appelée ainsi par les Arabes ; mais 1l vient plutôt d’un nom très répandu dans le nord pour le Groseillier, celui de Ribs en danois (Mor., Dict. inéd. des noms vulg.), Risp et Reps en suédois (Linné, F1. Suec., n. 197). Les noms slaves sont tout différents et assez nombreux. Olea europæa, L. — L'Olivier se naturalise avec une grande facilité partout où on le cultive. Devenu sauvage (var. sylvestris où Oleaster), les fruits sont plus petits etrien ne peut le distinguer d'individus qui auraient été primitivement spontanés, de génération en génération. Le seul moyen de reconnaître la patrie originaire est donc de voir où l'espèce a été d’abord indiquée et cultivée. L’Olivier était un des fruits promis aux Hébreux dans la terre de Canaan. Les livres sacrés le mentionnent si souvent comme spontané et cultivé (Hiller, Hieroph., 1, p.175, 177; Rosenmüller, Handb. bibl. Alt. IV, p. 258) ; son fruit et son huile sont tellement liés aux usages du peuple juif; l'espèce est encore si commune en Palestine, qu'on ne peut se refuser à voir dans la partie orientale de la région méditerranéenne le pays d’origine de l'espèce. Du côté de l’intérieur de Asie, elle ne s’étendait pas bien loin, car les Perses, du temps d’Hérodote, ne faisaient pas usage d'huile d'olive, ce qui étonna les Grecs (Hérod.; Strab.; Reynier, Econ. des Perses, p. 282). L'Olivier n’a pas de nom sanscrit (Pidd., /ndex). I est donc très probable queles Oliviers sauvages trouvés dansle Caboul (Elphinstone, p. 46) et dans les régions basses ou abritées des bords de la mer Caspienne (Ledeb., F1. Ross., NI, p. 38), proviennent d’une extension causée par les cultures. La patrie primitive s’étendait probablement sur l'Asie Mineure, peut- être même en Grèce, car les plus anciens auteurs, Homère et Hésiode, parlent fréquemment de lOlivier et de son huile (Reynier, Econ. des Grecs, p. AAO), et l’histoire de cet arbre se perd dans la mythologie des Hellènes. Selon les Romains (Plin., 1. xv, c. ©), il n’en existait pas encore en Italie, en Espagne et en Barbarie à lPépoque de Tarquin l'ancien (615 ans avant J.-C.), tandis qu'à celle de Pline on l'avait répandu dans les Gaules et en Espagne. I est dificile de croire que l'introduction sur la côte septentrionale d'Afrique ne füt pas très ancienne, si même l'espèce n’est originaire de ce pays, comme de Syrie. Théophraste (523 ans avant J.-C.), mentionne ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 913 les nombreux Oliviers de la Cyrénaïque (1. 1v, c. 3). D’anciens voyageurs aux iles Canaries, par exemple, Bontier, en 1403, ont indiqué l'Olivier dans cet archipel, où M. de Buch(Canar., trad. dans Arch. bot., [, p. 302), et MM. Webb et Berthelot (Hist. nat. Can., Géogr. bot., p. 28), le regardent comme indigène, sans en donner cependant des preuves. On peut soupçonner une extension primitive de l’espèce dans l'Afrique sep- ientrionale et jusqu'aux iles Canaries. Cependant, on peut croire aussi que les Phéniciens et les Carthaginois auraient porté l'Olivier, de Syrie, dans cette direction, de même qne les Grecs l'ont porté plus tard sur les côtes septentrionales de la mer Méditerranée. Les pieds sauvages seraient pro- venus de pieds cultivés. Comme indice du peu d'extension de l’Olivier dons les temps anciens du côté de l'Ouest, je dirai que tous les noms vulgaires autour de la mer Méditerranée dérivent de deux sources uniquement, savoir : le mot Ehaix des Grecs ou Olea des Latins, dont la base est dans la lettre 1: et le nom hébreu Zait où Sait, qui a passé dans l'arabe Zartun (Ebn Baith., trad., p. 549), Sjetun (Forsk., p. zix). Les deux noms, grec et hébreu, propagés sur les deux côtes, sont venus se réunir dans la péninsule ibérique. Les Espagnols disent Olivo, Oliveria, et en Andalousie Acey- tuno, pour l’Olivier cultivé; Azebuche pour l’Olivier sauvage (Boiss., Voy. Esp., I], p. A07). Les Portugais disent Oliveira pour lOlivier cultivé et Zambugeiro (a) pour le sauvage (Brot., FE. Lusit., L, p. #0). De là aussi cette singularité apparente de l'espagnol, que Aceyte signifie huile et non vinaigre, si ce n'est quand il s’agit des saintes huiles (Santos oleos), qui se rattachent au culte romain. Le mot Aceyte est exactement le mot hébreu et arabe pour huile, Zeit ou Sert. Il est évident, d’après cette marche des noms vulgaires, que l’Olivier existait primitivement en Syrie et en Grèce; que les habitants de ces deux pays ont commencé à en extraire l'huile et à cultiver l'espèce, sous des noms originaux distincts; que les Hébreux, les Tyriens et ensuite les Arabes ont porté l’Olivier sur la côte méridionale de la mer Méditerranée, comme les Grecs, et ensuite les Romains, sur la côte opposée; enfin, que les deux importations se sont confondues dans la péninsule ibérique, où il ne se trouve aucune trace de nom cantabre, mais, au contraire, un mélange des noms grec et hébreu. D’après cela, les très vieux Oliviers qu’on a trouvés dans les îles Canaries viendraient d’une introduction par les navigateurs de Tyr ou de Carthage, plutôt que d’une origine spontanée. Chrysophyllum Cainito, L. — Le Caïnitier ou Caïmitier des Fran- çais, Star apple des Anglais, est cultivé aux Antilles, depuis un temps (a) Les Arabes d'Alger disent Zenboudje pour l'Ülivier sauvage (Munby, FL. Alg., p. 2). 91 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. qu’on ne peut fixer. Il n’est pas spontané à la Jamaïque, dit Sloane (Jam. Il, p. 170), mais il se sème et se répand hors des cultures. Céci doit nous rendre défiants sur les expressions des auteurs, par exemple sur celles de Jacquin (Amer., p. 52): « Habitat in Martinica et Domingo... in Jamaica; » sur celles du Nova genera de MM. de Humboldt, Bonpiand, Kunth (I, p. 236) : « Crescit in prov. Caracasana prope La Victoria, in insula Cuba Los Guines, in Peruvia, etc., » et sur d’autres analo- oues. Aucun ouvrage, à ma connaissance, ne certifie la qualité spontanée de l'espèce dans telle ou telle localité. Ne trouvant l'espèce, ni dans Piso et Marcgraf, ni dans Hernandez, je la crois originaire des Antilles, plutôt que du continent américain. Il ne parait pas qu'on l'ait transportée en Afrique (Hook., F1. Nigr.; Boj., H. Maur.), ni en Asie (Roxb.; Wight et Arn.; Hassk., Cat. Bog.; Blanco, FT. Filip.), peut-être parce que le fruit est peu estimé en Amérique. Le même nom de Caimito s'applique au Lucuma Caimito, Alph. DC., Prodr., VIT, p. 467, arbre de la même famille des Sapotacées, à fruit comestible, croissant au Brésil. Lucuma mammosa, Gærtn. (Achras mammosa, E.). — [a Sapote des Espagnols, Mammei-sapote des Français et des Anglais, est un arbre spontané dans les forêts des Missions de l’'Orénoque (Humb. et B., Nov. gen., I, p. 240). On l'indique aussi à Carthagène (Jacq., Amer., p. 57) et dans plusieurs des îles Antilles (id.; Maye., FT. Barb., p. 146), mais sans préciser s’il est spontané ou cultivé. D’après ce que dit Sloane (If, p. 125), je le crois seulement cultivé à la Jamaïque et probablement aussi dans les autres îles. On n’en à pas essayé la culture en Afrique et en Asie, si ce n’est aux îles Philippines (Achras Lucuma, Blanco, FT, p. 237). Le nom de #amei qu'on lui donne dans cet archipel montre bien l’origine américaine, que Blanco cependant n’affirme pas. Le fruit est fade. Sapota Achras, Mill. (Achras Sapota, L.). — Le Sapotier, Sapotil- lier, Sapotiller, Sapodiller des Français, Zapota, Zapotilla, Nispero des Espagnols, un des arbres fruitiers les plus estimés en Amérique, se trouve spontané dans les forêts du Venezuela (Jacq., Amer., p.29; Humb. et Bonpl., N. gen., IT, p. 239), dans une île près de Campèche (Sloane, Jam., I, p. 172), dans les forêts de la Jamaïque (id.). Comme il est eul- tivé depuis longtemps et fréquemment, je ne serais pas surpris qu'il fût naturalisé, et non originaire, dans quelques-unes des Antilles. Il a été introduit à l’île Maurice, dans les jardins (Boj., 4. Maur., p. 197), aux îles Philippines (Blanco, F4, p. 236, où il dit ignorer l’ori- gine), à Java (Hassk., PI, Jar, rar., p. AG63) et peut-être aussi dans . ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 915 quelques jardins de l'Inde (Roxb., F1, IE, p.185; Wall., List, n° 4148, F). La rareté dans les plantations de ces pays, la nature des noms vulgaires, le silence des premiers auteurs tels que Rheede et Rumphius, et celui de Loureiro, qui est pourtant plus moderne, ne laissent guère de doute sur une origine étrangère. Solanum esculentum. Dun. (S. melongena, L., part.). — L’Aubergine a plusieurs noms sanscrits (Wall. dans Roxb., F{, [nd.,Il, p. 248; Pidd., Index), ce qui prouve immédiatement une origine asiatique. Rheede (X, tab. 74), Rumphius (V, tab. 85), Loureiro (FT. Coch., p. 161) décri- vent la plante comme généralement cultivée dans l’Asie méridionale et l'archipel indien. Ces auteurs ni d’autres plus récents ne disent lavoir trouvée sauvage, mais Rumphius lavait vue ordinairement près des habi- tations. Elle est arrivée en Europe depuis les Romains, sans doute par les communications de proche en proche avec l'Orient. Rauwolf (FL. or., édit. Gron., p. 26) l'avait vue cultivée, en 1574, dans les jardins d’Alep, sous les noms de Melanzana, d'où vient Melongena, et de Bedengiam, que Forskal (p. Lx) écrit Badindjän. Ce dernier nom, qui tire son ori- gine de l’hindoustani Baingan, Badanjan (Pidd., Znd., p. 82) et du sanscrit Bhuntakee (Wall., L. c.), paraît la source de notre nom Auber- gine. Les plus anciennes descriptions des auteurs européens ne datent que du commencement du xvu° siècle (Dun., Mon. Sol., p. 209), mais Ebn Baithar, médecin arabe du xur° siècle, en parlait déjà et citait Rhazès (Ebn Baithar, trad. allem., 1, p. 116). L'espèce est cultivée sur la côte occidentale de l'Afrique (Hook., F1. Nigr., p. 478); à l'ile Maurice, sous le nom de Bringelle (Boj., H. Maur., p. 20), et en Amérique ; mais pour cette région, le plus ancien synonyme indiqué par les auteurs est celui de Hughes, et encore il n’est pas bien sûr et ne remonte qu'au milieu du xvure siècle. La difficulté de distinguer l'espèce du S. insanum, rend la recherche dans les anciens auteurs très dificile. Elle a, du reste, peu d'importance au point de vue qui nous occupe, car nous sommes certains : 1° de l’origine asiatique ; 2° que la plante n’a pas été jusqu’à présent trouvée sauvage. Lycopersicum esculentum, Mill. — La 7'omate ou Pomme d'amour, appartient à un genre dont toutes les espèces sont américaines. Elle n’a point de nom sanserit, ni même de nom indien moderne, d’après le silence de Roxburgh (FT. Ind., édit. 1832, I, p. 565) et de Piddington ({ndex). Elle n'avait pas pénétré au Japon du temps de Thunberg (F1. Jap.), ce qui montre qu’elle n'existait pas anciennement en Chine, Rumphius (Amb., V, p. A1G) mdique le nom de T'omatte, comme usité par les Malais, et ce nom est américain, car Guilandinus, dans le xvir° siècle, appelait la 916 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. plante T'umatle Americanorum(C.Bauh., Pin., p.167). Les auteurs des xvre et xvir’siècles décrivent l'espèce, cependant rien ne peut faire supposer qu'elle fût connue avant la découverte de l'Amérique. Un tel ensemble de faits prouve suffisamment l’origine américaine, quoique peut-être la plante ait été trouvée, avec une apparence plus ou moins spontanée, dans quelques localités africaines et asiatiques (a). Parmi les noms qu’on lui donna en Europe il y a deux siècles, les seuls qui indiquent l’origine sont ceux de Mala peruviana (Eyst. dans Bauh., Hist., IT, p. 621), Pomi del Peru (Bauh., ib.). Je crois d'autant plus à l’origine péruvienne que l’espèce manquait à la Jamaïque du temps de Sloane et qu’elle à été introduite à la Barbade, du Portugal, il n’y a guère plus d’un siècle (Hughes, Barb., p. 148). Cependant M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2° édit., IT, p. h72) regarde les tomates comme une an- cienne culture du Mexique. Jusqu’à présent personne n’aflirme l'avoir trouvée sauvage en Amérique. On la cite quelquefois, par exemple à Tepic, dans le Mexique, mais sans donner de preuve qu’elle ne fût pas cultivée (Benth., Bot. Sulph., p. 142). Le docteur Hooker (Trans. Lin. Soc., XX, p. 202) énumère une variété du L. esculentum parmi les plantes trouvées aux Galapagos, mais dans l’île où existent des cultures, celles de James. Il ajoute : « L’herbier de Hooker contient des échantillons de cette plante, exactement semblables, du continent de l'Amérique méridionale et des îles de la mer du Sud. Ils sont tous plus petits (de fruit ?) que l’état commun de l'espèce. » Ceci doit s'entendre probablement d’une plante spontanée, mais est-ce bien l’espèce ? n'est-elle point échappée des cultures? Meyen (Nov. act. nat. cur., XIX, suppl., p. 391) n’a pas trouvé l'espèce en Amérique. Persea gratissima, Gærtn. (Laurus Persea. L.). — |} Avocatier des colons français, Avocado des Espagnols, Alligator pear des Anglais, n’a rien de commun avec le Ileoséz des Grecs, qui était un Cordia. C’est un des meilleurs fruits de l'Amérique tropicale. Cependant il n’était pas encore introduit dans les cultures de l’Inde au commencement du siècle actuel (Roxb., F1.) et son introduction dans l'archipel indien ne remonte pas au temps de Rumphius. On le cultive beaucoup à Bourbon et à l'ile Maurice, depuis 1758 (Aubl., p. 364), mais il n’est pas indiqué sur la côte occidentale d'Afrique (Hook., FT. Nigr.). Clusius (Hist., p. 2) décrit le Persea, en 1604, comme un arbre frui- üer, rare, d'Amérique, apporté dans un jardin en Espagne, et s’appelant (a) J'en ai de l’île Maurice. Les échantillons d'Asie que M. Nees (Trans. Linn. Soc., XVI, p. 61) et le docteur Wallich (n. 268, suppl. êt 2611) rapportaient à cette espèce le sont par M. Dunal (Prodr., XI, part. 1, p. 26) au L. cerasiforme, espèce très voisine, américaine également. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 917 Aguacate. Hernandez (p. 89) parle d’un fruit indigène et cultivé au Mexi- que, sous le nom de Ahuaca Quavhitl qui semble être le même. M. Nees (Laur., p. 129, et Beitr. Æquin. Laurin., in Linnæa) cite des échan- tillons trouvés dans les forêts de Para et dans les lieux incultes de Caripe, de Cumana, qui doivent bien être spontanés. On peut craindre que ceux venant de pays cultivés, comme Caracas, le Mexique, les îles Antilles, ne soient ou cullivés ou échappés des cultures. Jacquin les disait introduits du continent aux Antilles (Obs., |, p. 35). Sa patrie s’étend peut-être jusqu’au Mexique, car on le rapporte souvent de ce pays. Papaya vulgaris, BC. (Dict. enc.,V,p. 2), CarieaPapaya,L. — L’ori- gine du Papayer est encore douteuse d’après les auteurs. Il y a du moins des dictionnaires où l’on répète que l’espèce est asiatique , tandis que M. Brown a prouvé depuis 1818 l’origine américaine (Bot. of Congo, p. 22). Ses arguments sont que l'espèce n’a pas de nom sanserit; que les habitants de l'archipel indien la regardaient, d'après Rumphius, comme d’origine étrangère, introduite par les Portugais; enfin que les autres espèces du genre sont toutes américaines. Les détails donnés par Rum- phius (4mb., I, p. 147) ont une grande force, car outre l'opinion répandue sur l'origine exotique, il dit que l’espèce tantôt n’a pas de nom vulgaire, tantôt reçoit des noms exprimant seulement l’analogie avec d’autres plantes ou une importation étrangère. Depuis les réflexions de M. Brown, il a été découvert d’autres espèces, mais toujours en Amérique. Roxburgh (F1. Ind., édit. 1832, II, p. 825) avait vu fréquemment le Papayer dans les jardins de l'Inde, mais il ne cite, en fait de nom vulgaire, que celui de Papaya, qui est américain. Il ne parait pas que dans le siècle dernier l’es- pèce eût pénétré jusque dans les petites îles de la mer Pacifique, car Fors- ter (Plantæ escul.) n’en parle pas. Thunberg ne l'indique pas non plus au Japon, mais Loureiro (F1. Coch., p.772) l'avait vue en Chine, en Cochin- chine et en Afrique. Elle est cultivée effectivement en Afrique, par exemple sur la côte occidentale (Br., Congo, p. 92), aux îles Mascarenhes (Boj., H. Maur.) et en Arabie (Forsk., p. cxx11). Toutefois rien ne peut faire pré- sumer que ce soit depuis un temps bien long, et il est certain que les Grecs et les Romains n’en ont pas eu connaissance, quoique l'arbre soit bien remarquable. ; Tout en reconnaissant la force des raisons en faveur d’une origine amé- ricaine, il semble que le transport à dû se faire en Asie à l’époque des premiers voyages des Européens, car en 1626, de Valle en avait rapporté des graines à Naples, de l’Inde orientale. Elles avaient levé et l’arbre est figuré par Columna, à la fin de l’ouvrage de Hernandez (T'hes., p. 870). Quand on ouvre les vieux ouvrages sur l’Amérique, on trouve plusieurs 918 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, descriptions ou figures du Papayer. Sloane (Jam., IT, p. 164), Hughes (Barbad., p. 181, tab. 14 et 15) n’affirment pas que la plante soit mdi- gène dans les Antilles, mais Browne (Jam., p. 360) le dit positivement pour la Jamaïque. Hernandez (T'hes., p. 99) mentionne le Papaya comme indigène à Saint-Domingue. Ximenès l'aurait vu au Mexique (Margr., Bras., p. 104), mais sans aflirmer qu'il fût spontané. Le voyage de Beechey (Bot., p. 425) l'indique aussi à Realejo du Mexique; nous ignorons s’il y était spontané. Marcgraf(Bras., p.103), en 1648, décrit et figure l'espèce sous le nom de Papayou Mamoeira des Portugais. I dit : « Mas ubique in sylvis obvia; fæmina haud ita frequens et in hortis tantum abundat. » Piso (édit. 4658, p. 159) répète cette phrase. Sir W. Hooker (Bot. mag., tab. 2898) ne donne aucune localité pour la plante spontanée. J'en ai cherché inutilement dans Aublet, de Martius et autres auteurs. Ainsi l’assertion de Marcgraf, en faveur de l'habitation spontanée au Brésil, est encore la plus positive. Celles de Hernandez et de P. Brown, en faveur des îles Antilles, me paraissent moins certaines. Cependant on peut hésiter entre ces deux pays, comme origine de l’espèce. Figuier, — L'ancienne espèce de Linné, Ficus Carica, a été divisée en plusieurs par M. Gasparrini (Æicerche sulla nat. del Caprifico e del Fico, in-4°, Napoli, 1845, p. 76), et M. Miquel, après examen attentif, admet cette division (Hook., Lond. journ., 1848, p. 222). Le premier ne donne aucun détail historique sur l'ancienneté et l’origine des espèces qu'il admet ; le second se borne à une énumération, plus abrégée encore sous ce point de vue. La plupart des figues cultivées aujourd’hui en Italie étaient proba- blement connues des Anciens; mais il faudrait une étude spéciale pour s’en assurer, et M. Gasparrini est presque le seul qui püt la faire. Dans cet état, je me borne à quelques réflexions seulement : 1° Le Figuier est indiqué déjà dans Homère, Théophraste et Diosco- rides, avec la distinction de Figuiers sauvages et Figuiers cultivés (Fraas, Syn. F1. class., p. 242); 2° les livres des Hébreux en parlent souvent; 30 on attribue un nom sanserit au Ficus Carica, L. (Piddington, {ndex, p. 37). Je vois cependant que Roxburgh, ordinairement si attentif aux noms anciens et modernes de l’Inde, ne mentionne que des noms bengali, persan et arabe (F1. Ind., édit. 1832, III, p. 528). 4° Un très grand nombre d'espèces du genre Ficus, tel que Gasparrini et Miquel le limitent, se trouvent spontanées dans l’ancien monde. 5° M. Gasparrini indique comme spontanés en Italie ses Ficus leucocarpa, Ficus Dottata et Ficus polymorpha. Plusieurs autres sont seulement dans les jardins. I est vrai qu'on n'a probablement pas cherché à les distinguer parmi les Figuiers spontanés dans les pays voisins. 6° Les graines de Figuier passent ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 919 intactes dans les organes digestifs de l’homme et des oiseaux, qui peuvent ainsi les semer hors des cultures. Les pieds indiqués comme spontanés, par M. Gasparrini, par exemple, se trouvent souvent sur de vieux murs, près des habitations. Il est bien difficile d'estimer jusqu’à quel point des Figuiers sauvages sont d’origine ancienne dans un pays où ils sont naturalisés par l'effet des transports accidentels. 7° Enfin, il est vraisemblable, d’après cet ensemble de faits, que les Figuiers cultivés sont tous originaires de l'Asie occidentale, en particulier de la Perse, de la Syrie, de l’Asie Mineure, peut- être aussi du sud-est de Europe et de la côte septentrionale d'Afrique. Artoearpus incisa, L. — L’Arbre à pain est indiqué par les anciens voyageurs comme cultivé et donnant une des bases de la nourriture dans toutes les îles orientales de la mer Pacifique, par exemple, à O’Taïti, à la Nouvelle-Guinée, aux Célèbes, aux Moluques. Les indigènes en possédaient plusieurs variétés, notamment celle dont les fruits sent dépourvus de graines, ce qui indique une très ancienne culture. Sonnerat a transporté l’Arbre à pain à l'ile de France (Voy. à la Nouv.- Guinée, p. 100), où lintendant Poivre le répandit. Le capitame Bligh avait pour mission de le transporter dans les colonies anglaises d'Amérique. On sait qu’une révolte de son équipage lempêcha de réussir la première fois; mais, dans une seconde expédition, il fut plus heureux. En janvier 4793, il débarqua 150 pieds d'Arbre à pain dans Pile de Saint-Vincent, d’où lon a répandu l'espèce en Amérique (Hook., Bot. mag., tab. 2869). La structure, les usages et le transport de pays en pays sont très bien connus (voyez Forsk., Plant. esc. ; Rumph., Amb., I, p. 112; Hook., L. c.,ete.); mais je ne puis découvrir dans aucun auteur l'affirmation que l'espèce soit spontanée quelque part. L'amiral Anson ne l'avait vu que cultivé dans l’île de Tinian (Voy., trad. franç., IE, p. 5Â), quoique Sonnerat le cite pour une assertion contraire. Les auteurs dont je viens de parler, non plus que Guillemin (Zephyr. Tait.), Tréeul (Mon. des Artoc., dans Ann. sc. nat., 8e sér., VIT, p.110), Endlicher (Ann. Wien., Mus.) ne parlent que de pieds cultivés, ou se taisent sur ce point. Rumphius seul indique un arbre sauvage de l'ile de Banda, comme type de l'espèce; mais la figure qu'il en donne (1, tab. 34) n’a pas les feuilles découpées, et je vois que MM. Hasskarl (Cat. h. Bog. alt., p.78), Trécul (2. c.) et Hooker (L. c.) ne citent pas cette planche. Artocarpus integrifolia, L.— Le Jacquier, Jack tree des Anglais, qui tire son nom des noms vulgaires indiens J'aca, Tsjaka, est très répandu dans les cultures de l'Asie méridionale, depuis un temps immé- morial. On ne lui connaît pas de nom sanscrit (Piddington, Zndex); par conséquent, il n'était pas cultivé autrefois dans les plaines du nord de 920 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÉCES CULTIVÉES. l'Inde. D’après Rumphius (4, p. 10%), il est commun dans les îles occi- dentales de larchipel indien ; mais il devient rare vers les îles orientales, où 1l n’a plus de nom vulgaire. Dans le siècle dernier, il n’existait pas dans les cultures des petites îles de la mer Pacifique, telles que O’Taïti, les Mar- quises, etc., car Forster (Plant. esc., et Guillem., Zephyr. T'aït.)nel'in- diquait pas. Ainsi, l'espèce ne peut être originaire que de la péninsule indienne, des îles occidentales de l'archipel asiatique, de la péninsule malaie, de la Cochinchine ou de la Chine méridionale, pays où elle est cultivée très généralement. Rumphius assure qu’elle est spontanée dans les forêts de Ceylan : « {n Leylana frequentissime occurrunt hæ arbores, ibique crassissimæ et gravissimæ in sylvis crescunt, uti aliæ arbores sylvestres » (Amb., I, p. 106). La variété de Rumphius, [, tab. 34, que l’on rapporte à la mêmé espèce (Trécul, Ann. sc. nat., 3° sér., VIII, p.116), est probablement sauvage également dans les îles occidentales de l’archipel, d’après ce que dit Pauteur (p.108). Rheede (H. Malab., HI, p. 48) n’est pas explicite sur sa qualité spontanée. Il dit: « Nascitur hœc arbor ubique in Mala- bar et per totam Indiam. » Roxburgh (FL. Ind., édit. 1832, IL, p. 522) déclare ignorer la patrie originaire; mais M. Wight (ic. II, n. 678) nous dit heureusement : «€ Comme j’ai trouvé à plusieurs reprises cet arbre dans les jungles les plus sauvages et sur les escarpements les plus difliciles à atteindre, j'ai pensé qu'il doitètre véritablement originaire de l'Inde. Cepen- dant, cette opinion peut n'être pas fondée, car un arbre dont le fruit est si généralement estimé, pourrait avoir été transporté et propagé dans les endroits les plus sauvages. » Malgré ce doute, je suis disposé à regarder la péninsule indienne et Ceylan comme la patrie primitive et actuelle de l’espèce. Les témoignages de Rumphius et de Wight, d'accord avec les inductions historiques, me suflisent, d'autant plus que Loureiro ‘(F1 Coch.) n’a trouvé l'espèce que cultivée en Cochinchine et en Chine. M. Blume (Bijdr., p. 482) parle d’une variété spontanée à Java. Le Jacquier a été introduit dans l'ile Maurice et tend à s’y naturaliser, c'est-à-dire à devenir spontané (Bojer, Æ. Maur., p. 260). On le cultive aux Antilles anglaises depuis Ja fin du siècle dernier (Hook., Bot. mag. tab. 2833). Il ne parait pas qu'on le cultive sur la côte occidentale de l'Afrique (Br., Congo; Hook., F. Nigr.). Phœnix dactylifera, L.— Je ne cite le Dattier que pour rappeler : 1° son importance dans le nord de l'Afrique et dans plusieurs contrées voisines (Voy. p.343); 2°sa culture fort ancienne ; 3° sa qualité d'arbre spon- Lané, non contestée, principalement sur tout le revers méridional de l'Atlas. Musa sapienoum, Br. (Bot. of Congo, P- 21), Musa paradisiaca Cl ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 921 Musa Troglodytarum, Linné (Sp., p. 1478). — On regardait assez généralement le Bananier, ou les Bananiers, comme originaires de l'Asie méridionale et comme transportés en Amérique par les Européens, lorsque M. de Humboldt est venu jeter des doutes sur l’origine purement asia- tique. Il a cité, dans son ouvrage sur la Nouvelle-Espagne (1'° édit., II, p. 360), d'anciens auteurs d’après lesquels le Bananier aurait été cultivé en Amérique avant la découverte. Il convient que, d’après Oviédo (Hist. nat., 1556 (a), p. 112-114), le père Thomas de Berlangas aurait transporté, en 1516, des îles Canaries à Saint-Domingue, les premiers Bananiers, introduits de là dans d’autres iles et sur la terre ferme (b). Il reconnait que, dans les relations de Colomb, Alonzo Negro, Pinzon, Vespuzzi et Cortez, il n’est jamais question du Bana- nier. Lesilencede Hernandez, qui vivait un demi-siècle après Oviédo, l’étonne et lui parait une négligence singulière, € car, dit-il (2° édit., p. 385), c’est une tradition constante au Mexique et sur toute la terre ferme, que le Platano arton et le Dominico v étaient cultivés longtemps avant l’ar- rivée des Espagnols. » L'auteur qui à marqué avec le plus de soin les dif- férentes époques auxquelles l’agriculture américaine s’est enrichie de pro- ductions étrangères, le Péruvien Garcilasso de la Vega (Commentarios reales, |, p. 282), dit expressément que, du temps des Incas, le maïs, le quinoa, la pomme de terre, et dans les régions chaudes et tempérées, les bananes faisaient la base de la nourriture des indigènes. Il décrit le Musa de la vallée des Andes ; il distingue même l'espèce plus rare, à petit fruit sucré et aromatique, le Dominico, de la banane commune ou Arton. Le père Acosta (Hist. nat. de [ndias, 1608, p. 250) affirme aussi, quoique moins positivement, que le Musa était cultivé par les Américains avant l’ar- rivée des Espagnols. Enfin, M. de Humboldt ajoute, d’après ses propres ohservations : « Sur les rives de l’Orénoque, du Cassiquiare ou du Beni, entre les montagnes de l’Esméralda et les rives du fleuve Carony, au milieu des forêts les plus épaisses, presque partout où l’on découvre des peuplades indiennes quin’ont pas eu des relations avec les établissements européens, on rencontre des plantations de Manioc et de Bananiers. » M. de Hum- boldt, en conséquence, a émis l'hypothèse qu’on aurait confondu plusieurs espèces ou varlétés constantes de Musa, dont quelques-unes seraient origi- naires du nouveau monde. M. Desvaux s’empressa d'examiner la question spécifique et dans un travail vraiment remarquable, publié en 1814 (Desvaux, Journ. bot., IN, (a) Le premier ouvrage d'Oviédo est de 1526. C’est le plus ancien voyageur natu- raliste cité par Dryander (Bibl. banks.) pour l'Amérique. (b) Jai lu ce passage également dans la traduction d’Oviédo par Ramusio, vol, I, p. 115. 922 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. p. 5), il établit que tous les bananiers cultivés pour leurs fruits peuvent être rapportés à une seule espèce. Dans cette espèce 1l distingue 44 va- riétés qu'il dispose en deux séries, les bananes à gros fruits (7 à 15 pouces de longueur), et celles à petits fruits (L à 6 pouces) appelées vulgairement figues bananes. M. R. Brown, en 1818, dans son ouvrage sur le Congo (p. 51), soutient aussi qu'aucune circonstance dans la structure des bana- niers cultivés en Asie et en Amérique, n'empêche de les considérer comme appartenant à une seule espèce. Il adopte le nom de Musa sapientum, qui me parait effectivement préférable à celui de M. paradisiaca, adopté par M. Desvaux, parce que les variétés à petits fruits fertiles rapportées au M. sapientum, L., semblent plus près de l’état des Musa spontanés qu’on à trouvés en Asie. M. R. Brown remarque, sur la question d’origine, que toutes les autres espèces du genre Musa sont de l’ancien monde; que personne ne dit avoir trouvé en Amérique, dans l’état sauvage, des variétés à fruits fertiles, comme cela est arrivé en Asie; enfin, que Piso et Maregraf ont regardé le Bananier comme introduit du Congo au Brésil. Malgré la force de ces trois arguments, M. de Humboldt, dans la seconde édition de son Essai sur la Nouvelle-Espagne (1, p. 397), ne renonce pas tout à fait à son opinion. Il dit que le voyageur Caldeleugh (Trav. in S. Amer., 1825, I, p.23) a trouvé chez les Puris la tradition établie que sur les bords du Prato, on cultivait longtemps avant les communications avec les Portugais une petite espèce de banane. Il ajoute qu’on trouve dans les langues américaines des mots non importés, pour distinguer le fruit du Musa, par exemple Paruru en tamanaque, etc., Arata en maypure. J'ai lu aussi dans le voyage de Stevenson (1, p. 328) qu’on aurait trouvé dans les huacas ou tombeaux péruviens antérieurs à la conquête, des lits de feuilles des deux bananiers cultivés habituellement en Amérique, mais comme ce voyageur dit avoir vu dans ces huacas des fèves (1, p. 363), et que la fève est certainement de l’ancien monde, ses assertions ne méritent aucune confiance au point de vue botanique. M. Boussingault (C. r. Acad. Se., Paris, 9 mai 1836) pensait que le Platano arton, au moins, est originaire d'Amérique, mais il n’en a pas donné les preuves. Meyen, qui avait aussi été en Amérique, n’ajoute aucun argument à ceux qui étaient connus avant lui (Pflanz. geog., 1836, p/383). Il en est de même de M. Ritter (Erdkunde, IN, p. 870 et suiv.) qui reproduit simplement pour l'Amérique les faits indi- qués par M. de Humboldt. Je n'ai pas moi-même d'argument nouveau et direct à apporter, mais l'étude préalable de questions analogues et celle de nombreux faits concernant les plantes spontanées, me conduisent à énoncer une ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 993 opinion. Je le ferai en insistant sur les détails concernant l'habitation asiatique. Et d’abord l'ancienneté et la spontanéité du Bananier en Asie sont des faits incontestables. Il y à plusieurs noms sanscrits (Roxb. et Wall., F1. Ind., WU, p. AS5; Pidd., {ndex). Les Grecs et ensuite les Arabes en ont parlé comme dun arbre fruitier remarquable de l'nde (Rumph., 4mb., V, p. 135; Ritter, Erdk., IV, p. 880). Le Bananier offre dans le midi de Asie, soit sur le continent, soit dans les îles, un nombre de variétés im- mense ; la culture de ces variétés remonte dans l'Inde, en Chine, dans l'archipel indien, à une époque impossible à apprécier ; elle s'était étendue jadis, même dans les petites îles de la mer Pacifique (Forst., Plant. esc., p. 28) et sur la côte occidentale d'Afrique (Clus., Exot., p. 229; Br., Bot. Congo, p. 51); enfin, les variétés portaient des noms distincts dans 1es langues asiatiques les plus séparées, comme le sanserit, le chinois, le malai. Tout cela indique une ancienneté prodigieuse de culture, par con- séquent une existence primitive en Asie, et une diffusion contemporaine avec les races d'hommes ou antérieure. On dit avoir trouvé le Bananier spontané en plusieurs points, et cela mé- rite d'autant plus d’être noté que les variétés cultivées ne donnant souvent pas de graines et se multipliant par division, Fespèce ne doit guère se naturaliser par semis hors des cultures. Roxburgh l'avait vu dans les forêts de Chittagong (Corom., tab. 275; F1. End., 1. c.), sous la forme du M. sapientum, L. Rumphius (4mb., V, p. 139) décrit une variété à petits fruits sauvage dans les îles Philippines. Loureiro (ÆT. Coch., p. 791) parle probablement de la même sous le nom de A7. seminifera agrestis, qu'il oppose au AZ. seminifera domestica, et qui serait done sauvage en Cochinchine. Blanco indique aussi un Bananier sauvage aux Philippines(ÆE., Are édit., p. 247), mais sa description est insufisante. Finlayson (Journ. to Siam, 1826, p. 86, d’après Ritter, £rdk., IV, p. 878) a trouvé le Bana- nier sauvage, en abondance, dans la petite île de Pulo Ubi, à l'extrémité sud du pays de Siam. Moon (Cat. Ceyl., p.71) énumère une multitude de variétés de l’île de Ceylan, dont huit au moins, d’après les noms et l’ab- sence d'indication de plante cultivée, seraient sauvages dans cette île. Transportons-nous maintenant en Amérique : les faits sont tout autres, On n’y a jamais vu le Bananier sauvage, excepté à la Barbade (Hughes, Barb., p. 182; Maycock, FE. Barb., p. 396), mais là c’est un arbre qui ne mürit pas ses fruits et qui est par conséquent, selon les probabi- lités, le résultat de graines de variétés cultivées peu abondantes en semences, Le Wild plantain de Sloane (I, p. 148) paraït une plante très différente des Musa. Les variétés qu'on prétend pouvoir être indigènes en Amérique, 924 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. sont au nombre de deux seulement, et en général on y cultive infiniment moins de variétés qu'en Asie. La culture du Bananier est, on peut dire, récente dans une grande partie de l'Amérique, car elle ne remonte guère à plus de trois siècles. Piso (édit. 1648, Hist. nat., p. 75) dit positive- ment que la plante à été importée au Brésil, et n’avait pas de nom brési- lien. I] ne dit pas d’où elle venait. Nous avons vu que, d’après Oviédo, l’es- pèce a été apportée des Canaries à Saint-Domingue. Ceci, joint au silence de Hernandez, généralement si exact pour les plantes utiles, spontanées ou cultivées, du Mexique, me persuade que le Bananier manquait, lors de la découverte de l'Amérique, à toute la partie orientale de ce continent. Existait-1l dans la partie occidentale, sur les bords de la mer Pacifique ? Cela est très invraisemblable quand on pense aux communications qui exis- taient entre les deux côtes vers l’isthme de Panama et à l’activité avec la- quelle les indigènes avaient répandu dans toute l'Amérique les plantes utiles, par exemple le manioc, le maïs, la pomme de terre avant Parrivée des Euro- péens. Une espèce telle que le Bananier, dont ils font tant de cas depuis trois siècles, qui se multiplie si aisément par les drageons, qui à une apparence si frappante pour le vulgaire, n'aurait pas été oubliée dans quelques villages, au milieu des forêts ou sur le littoral. Je conviens que l'opinion de Garcilasso, descendant des Incas, auteur qui à vécu de 1530 à 1568, est d’une certaine importance, lorsqu'il dit que les indigènes connaissaient le Bananier avant la conquête. Écoutons cepen- dant un autre auteur bien digne d'attention, Joseph Acosta, qui avait été au Pérou, et que M. de Humboldt invoque à l'appui du précédent. Ses expres- sions me conduisent plutôt à une opinion différente (a). Il s'exprime ainsi dans la traduction française de 1598 (1. IV, ce. 21) : « La cause pour la quelle les Espagnols l'ont appelé plane (car les naturels n'avaient point de tel nom) a été comme ès autres arbres, pour autant qu'ils ont trouvé quel- que ressemblance de l'un à lautre. » Il montre combien le plane (Platanus) des Anciens était différent. Il décrit très bien le Bananier, et ajoute que cet arbre est très commun aux Indes (ici cela veut dire en Amérique) « quoi- qu'ils disent (les Indiens) que son origine soit venue d'Éthiopie…. 1 y a d’une espèce de petits planes blanes et fort délicats, lesquels ils appellent en l’Espagnolle (b) Dominique. y en à d’autres qui sont plus forts et plus gros, et d’une couleur rouge. I n'en croît point au Pérou, mais on les (a) M. de Humboldt a cité l'édition espagnole de 1608. La première édition est de 1591, Je n'ai pu consulter que la traduction française de Regnault, qui est de 1598, et qui a tous les caractères de l'exactitude, indépendamment du mérite au point de vue de Ja langue française. (b) C'est-à-dire probablement à Hispaniola, soit Saint-Domingue, ear s’il avait voulu dire en langue espagnole, on aurait traduit par castillan et sans leltre capitale, Voyez d’ailleurs la page 168 de l'ouvrage. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 995 apporte des Indes (a), comme au Mexique de Cuernavaca et des autres val- lées. En la terre ferme et en quelques îles, il y à de grands planares, qui sont comme boqueteaux (bosquets) très épais. » Assurément, ce n’est pas ainsi que s’exprimerait l’auteur pour un arbre fruitier d’origine améri- caine. Il citerait des noms américains, des usages américains. Il ne dirait surtout pas que les indigènes le regardent comme d’origine étrangère. La diffusion dans les terres chaudes du Mexique pourrait fort bien avoir eu lieu entre l’époque de la conquête et celle où écrivait Acosta, puisque Her- nandez, dont les recherches consciencieuses remontent aux premiers temps de la domination espagnole à Mexico (quoique publié plus tard à Rome) ne dit pas un mot du Bananier (b). L’historien Prescott a vu d'anciens ouvrages ou manuscrits, selon lesquels les habitants de Tumbez auraient apporté à Pizarre des bananes lorsqu'il débarqua sur la côte du Pérou, et il croit aux feuilles trouvées dans les huacas, mais il ne cite pas ses preuves (ec). Quant à l’argument des cultures faites par les indigènes, à l’époque actuelle, dans des contrées de l'Amérique très séparées des établissements européens, il m'est difficile d'admettre que depuis trois siècles des peu- plades soient restées absolument isolées et n'aient pas reçu un arbre aussi utile, par l’intermédiaire des pays colonisés. En résumé voici ce qui me paraît le plus probable : une introduction faite de bonne heure par les Espagnols et les Portugais à Saint-Domingue et au Brésil, ce qui suppose, j'en conviens, une erreur de (Garcilasso quant aux traditions des Péruviens. Si cependant des recherches ultérieures prouvaient que le Bananier existait dans quelques parties de l'Amérique avant la découverte par les Européens, je croirais à une introduction for- tuite, pas très ancienne, par l'effet d’une communication inconnue avec les îles de la mer Pacifique ou avec la côte de Guinée, plutôt qu’à l’exis- tence primitive et simultanée du Bananier dans les deux mondes. La géo- graphie botanique tout entière rend cette dernière hypothèse extrêmement improbable, je dirai presque impossible à admettre surtout dans un genre non partagé entre les deux mondes. Enfin, pour terminer ce que j'ai à dire du Bananier, je remarquera (a) I1 y a ici probablement une faute d'impression pour Andes, car le mot /ndes n’a pas de sens dans ce passage. Le même ouvrage dit, page 166, qu'il ne vient pas d’ananas au Pérou, mais qu’on les y apporte des Andes, et page 173, le cacao vient des Andes. Cela signifiait donc les régions chaudes. Le mot Andes a été appliqué ensuite à la chaîne des montagnes, par une transposition bizarre et malheureuse. (b) J'ai parcouru l’ouvrage en entier pour m'en assurer. (c) Conquête du Pérou, édit. de Baudry, E, p. 164, 83. L'auteur a consulté des sources précieuses, entre autres un manuscrit de Montesinos, de 1527, maisil ne cite pas ses autorités pour chaque fait, et il se borne à des indications vagues et collectives, qui sont loin de sufiire. 9926 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, combien la distribution des variétés est favorable à l’opinion de l’espèce unique, adoptée dans des vues de botanique pure, par Roxburgh, Desvaux et R. Brown. S'il existait deux ou trois espèces, probablement l’une serait représentée par les variétés qu’on a soupçonnées originaires d'Amérique ; une autre serait sortie, par exemple, de l'archipel indien ou de la Chine, et la troisième de l'Inde. Au contraire, toutes les variétés sont géographi- quement mélangées. En particulier, les deux qui sont le plus répandues en Amérique différent sensiblement l'une de l’autre et se confondent chacune avec des variétés asiatiques, ou s’en rapprochent beaucoup. | Ananas (Bromelia Ananas, L). — L'Ananas cultivé, dont Rumphius, Commelyn, Plumier, faisaient un genre distinct, avec raison, d’après plu- sieurs modernes (Lindl., Bot. reg., tab. 1068; DC., Mém. Soc. phys. Genév., VII), me parait, malgré les doutes élevés par quelques auteurs, une plante d'Amérique, introduite de bonne heure en Asie et en Afrique. Nana, d'après Maregraf (Bras., p. 33), était le nom brésilien, d’où les Portugais avaient fait Ananas. Les Espagnols avaient imaginé le nom de Pinas ou Pomme de pin, à cause de l’analogie de forme avec le fruit du pin pignon (Oviédo, trad. de Ramusio, HE, p. 115 ; Joseph Acosta, ist. Ind., trad. franç., p. 166). Tous les premiers écrivains sur l'Amérique en font men- tion : Oviédo, Thevet, Pison, Maregraf, J. Acosta, ete. Hernandez (Thes., p. 311) dit: € Alumna est Haiïtinæ insulæ, hujusque Novæ Hispaniæ calidarum regionum montosisque in locis incola. » cite un nom mexicain, Matzathi. On avait apporté un fruit d’'Ananas à Charles V (JT. Acosta, L. c.). Rheede (Hort. Mal., XI, p. 6) ne doute pas que FAnanas n'ait été transporté d'Amérique dans l'Inde. Après lui, Rumphius (Amb., V, p. 228- 230) conteste, « parce que, disait-il, P'Ananas est cultivé dans toutes les parties de l'Inde, et même on en trouve de sauvages aux Célèbes et ail- leurs. » J’ignore si ces Ananas sauvages appartiennent à l'espèce. Ils peuvent, d’ailleurs, avoir été naturalisés, car l'Ananas donne quelquelois des graines (DC., {. c.). Rumphius remarque cependant que l'Ananas n’a pas de noms asiatiques. Il n’en connaît pas, et celui de Rheede, Kapa-tsjakka, est évidemment liré d’une comparaison avec le fruit du Jacquier. C’est sans doute par erreur que Piddington ({ndex, p. 14) attribue à Ananas un nom sanscrit, Anarush, car ce nom mème parait venir d’Ananas, et Rox- burgh (F1. Ind., édit. 1832, v. IT, p. 116) remarquait l'absence de nom dans cette langue. Il ne pouvaitmême pas citer de nom moderne indien autre que celui d'Ananas. Le Dictionnaire de Wilson n'indique pas le mot Anarush, et les auteurs indiens disent positivement que Ananas a été introduit dans le Bengale, sous le règne d'Akbar, en 1594 (Royle, Z{4., p. 376). D'aprèskKir- ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 997 cher, Chine ulustrée, trad. de 1670, p. 253), les Chinois cultivaient l'Ana- nas; mais on pensait qu'il leur avait été apporté du Pérou. Hernandez(T'hes., p. 311) cite Acosla commeayant parlé du transport d'Amérique dans l'Inde ; il est vrai que c’est Christophe Acosta (Arom., dans Clus., Exot., €. XLIV, p. 28h), qui est une autorité bien moins grande que Joseph Acosta (a). Clusius (Exot., 1. c.) met en note que des navigateurs revenus de Java en 1599, avaient rapporté des ananas confits dans du sucre, avec la cou- ronne, dont il publie la figure. Il en avait vu les feuilles apportées de Guinée, quelque temps auparavant, sous le nom de Pinas, donné par les Portugais. Ceci n’est pas incompatible avec le transport d'Amérique ; seu- lement l’Ananas aurait été une des premières plantes répandues hors du nouveau monde en Afrique et en Asie. M. R. Brown parle de l’Ananas comme existant sur la côte occidentale d'Afrique, mais il admet l’origine américaine (Congo, p. 50). L'absence complète d’allusion à l'Ananas dans les ouvrages des Grecs, des Romains et des Arabes, montre son introduction dans l’ancien monde depuis la découverte de l'Amérique. Si l'origine américaine n’est plus douteuse, 1l est moins aisé de consta- ter où et dans quelles conditions l’Ananas se trouve sauvage. Il à des dispositions à se naturaliser, soit par les graines qu’il contient quelque- fois, soit par les couronnes et les bourgeons que l’on jette hors des cultures, À Ceylan et près de Rangoon, dit le docteur Royle (Z{E.,p. 376), l’Ananas est si abondant qu'il paraît sauvage, etle capitaine Turner en atrouvé beau- coup dans les jungles près de Teshoo-Loomboo. Rumphius a voulu parler peut-être de quelque plante naturalisée de cette façon, ou d’une espèce analogue, dans son article sur les Ananas sauvages des îles Célèbes, etc. (V, p. 228). Hughes (Barbad., p. 231) parle d’Ananas sauvages aux Barbades, et M. Maycock (F1. Barbad., p. 135) aflirme que c’est bien l'espèce, Hernandez (Thes., p. 311) semble indiquer la qualité spontanée à Saint-Domingue et au Mexique ; mais les termes ne sont pas précis sur ce point. Marcgraf (Bras., p. 33) et Pison (Bras., p. 88) mentionnent positivement un Ananas sauvage au Brésil, donnant beaucoup de graines, Il est difficile de savoir si c'est bien l’espèce. M. de Martius m'a écrit récemment avoir trouvé lAnanas sauvage dans les Catingas de Bahia, M. de Humboldt (Nouv.-Esp., 2° édit., I, p. 478) dit: « Nous avons trouvé l’Ananas sauvage et du goût le plus exquis, au pied de la grande montagne de Duida, sur les bords de Alto Orinoco. Souvent les graines (a) On confond quelquefois les deux. Joseph Acosta avait été au Pérou et a rédigé l’his- toire naturelle des Indes ; Christoval ou Christophiorus Acosta était un médecin de Burgos, auteur du Tractado de las drogas (1578), traduit en latin par Clusius, 59 928 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. ne sont pas toutes avortées. » Une localité aussi éloignée des centres de colo- nisation indique assez probablement l'habitation originelle de l'espèce, qui, du reste, pouvait s'étendre sur une région plus on moins vaste en Amérique. M. Lindley (Bot. reg., tab. 1068) admet quatre espèces distinctes dans les Ananas cultivés. À lune d’elles, il donne le nom de satira, qui est bien impropre, car on n’a pas l'habitude, ni même ordinairement la possibilité de semer les Ananas. Ce serait une confirmation de la division en plusieurs espèces de pouvoir constater que les Ananas sauvages, au Brésil, vers le haut Orénoque, aux Antilles et au Mexique sont différents et correspondent aux quatre principales variétés cultivées. Jusqu’à présent, nous n’en avons aucun indice; mais l'attention des voyageurs doitse porter sur cette recherche. Du temps de la découverte de l'Amérique, les indigènes cultivaient déjà trois variétés ou espèces d’Ananas (Oviédo, /. c.). F. Plantes cultivées pour leurs graines. 1 Nutrilives. Toutes les plantes à graines alimentaires sont annuelles et ne se multi- plient que par semis. C’est une condition qui doit les empêcher de s’éloi- gner notablement des types primitifs. Les graines, d’ailleurs, sont un organe important, qui varie peu dans la mème espèce, et quand 1l varie, ce n’est que par des caractères accessoires, tels que la grosseur, la couleur, et jus- qu’à un certain point la forme. Lors même que les graines sont recouvertes d’un péricarpe, comme dans les Graminées, Polygonées, Salsolacées, cette membrane étant sèche et mince, ne varie pas au même degré que les péricarpes qui constituent les fruits de plusieurs Rosacées ou Légu- mineuses. Le peu de variabilité des espèces de Triticum, Hordeum, Secale, Avena, Ægilops, Lolium, ete., avait frappé M. Loiseleur-Deslongehamps (a), et lui avait suggéré des idées fort justes à l'égard des céréales cultivées. Je les crois, comme lui, peu éloignées de leurs types primitifs, malgré l’aneien- neté de leur culture, et je m'appuie sur les motifs qui suivent : 4° Dans les jardins botaniques où l'on cultive les Ægilops, qu'on a pré- tendu quelquefois se transformer en froments, chaque espèce se conserve, au contraire, sans modification pendant plusieurs années. Loiseleur-Deslong- champs avait questionné sur ce point le chef de l’école du jardin de Paris, (a) Considérations sur les céréales, vol. in-8, Paris, part. 1 et li, 1842-1845. Je ne connais pas d'ouvrage plus instructif sur les froments. L'auteur y fait preuve d'exactitude. d’érudition et de vues philosophiques sur les espèces à un degré remarquable. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 929 M. Pepin, lequela certifié avoir semé pendant dix-huit ansles Ægilops ovata, triuncialis et squarrosa, sans qu’ils aient varié en aucune manière. Le même horticulteur n'avait vu se former aucuné variété parmi les Graminées non céréales, depuis nombre d'années qu’il s’occupait du jardin de Paris. Les Lolium varient cependant assez, mais les modifications portent sur la taille, sur le nombre des fleurons et sur les arêtes, plutôt que sur les graines. 2e Les collections de céréales qu’on sème d'année én année, dans le même terrain, se conservent distinctes. Ainsi, au jardin de Paris, on cultive 150 à 160 races de froment, depuis plus de trente ans (Loisel., p. 45). Un cultivateur du pays de Caux, appelé Tesnière, avait cultivé, à la fin du siècle dernier, le même blé pendant trente ans, sans aucun changement percep- tible (Daict. d'agric., VE, p. 200); enfin, les collections de céréales de MM. Vilmorin, maintenues avec beaucoup d'ordre et augmentées depuis un demi-siècle, sont une preuve du même genre. 3° Les grains de froment qu'on a sortis des plus anciens cercueils de momies d'Égypte, se sont trouvés semblables à certains froments actuels. Déjà Delile (Dureau, Ann. sc. nat., IX, p.71) en avait été frappé. De Can- dolle a reconnu dans ces graines le Triticum turgidum (Phys. véq., p. 694). Raspail avait reconnu l’orge ordinaire torréfiée (Aém. Mus., XN, p.150). Loiseleur avait examiné plus récemment des graines rapportées par le général Fernig, et déposées à Paris dans le Musée égyptien; il les avait trouvées identiques avec le blé blanc anglais de 1840 (Consid. sur les céréal., p. 98). Enfin, le blé rapporté par M. Prokesch au comte de Stern- berg, comme avant été pris dans un cercueil de momie, ce blé qui fut semé, et dont deux grains levèrent, après avoir été mis d’abord dans de l'huile, puis dans de l’eau, se trouva concorder avec le T'riticum vulqare, spica laxa mutica alba glabra, de Metzger (voy. Flora, 1835, p. 4). 4° La fécondation des céréales a lieu dans le bouton de la fleur, avant que les étamines sortent et pendant que les glumes sont appliquées les unes contre les autres, ce qui exclut les fécondations hybrides (Loisel., p. 79). L'expérience des blés mélangés ou rapprochés montre qu’ils ne se croisent pas (Loisel., #b.). Les Ægilops seraient plus accessibles à ce genre de fécondation, d’après les observations de M. Godron, dont je parlerai tout à l'heure. 9° Comme je le remarquais ci-dessus, on ne multiplie les céréales que de graines, par conséquent, plusieurs causes qui introduisent des variétés et des races dans d’autres plantes (boutures, greffes, etc.) n’existent pas pour celles-er. 6° Les hommes n'auraient pas été tentés de cultiver les espèces de Triti- cum, Hordeum, etc., si les graines de ces plantes n’avaient été pesantes et 930 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. nourrissantes, à peu près comme elles le sont aujourd’hui. Voyons-nous des | peuples barbares essayer la culture des Ægilops et de tant d’autres Grami- nées à graines médiocrement farineuses? Les hommes peu civilisés ont- ils jamais eu l’idée qu'une longue culture püt améliorer une espèce? Et s’ils arrivent à cette notion, leur état de société n'est-il pas un obstacle à une application efficace du principe? Plus on suppose l’agriculture ancienne et remontant à une époque d’ignorance, plus il est probable que les culti- vateurs avaient choisi des espèces offrant, à l’origine même, un avantage incontestable. 7° Le nombre des céréales cultivées du temps des Romains était déjà assez élevé, on en reconnaît six ou sept qui correspondent aux espèces ad- mises par les modernes (Loisel., p.76). Il est vrai que chacune offrait moms de modifications qu’à présent ; mais n'est-il pas probable que si l’on avait apporté à Rome, du temps de Pline, les céréales cultivées en Perse, dans le nord de l’Inde, en Chine, etc., le nombre des formes se serait trouvé bien plus élevé ? De toutes ces observations ou réflexions 1l faut conclure que, selon les probabilités, la plupart des formes tranchées (espèces ou races bien dis- tinctes) de céréales, existaient déjà 1l y a trois ou quatre mille ans, et même avant qu’on eût essayé de les cultiver. L'opinion de Buffon et de plusieurs écrivains, que les céréales seraient un produit factice de l’homme, ne paraît donc nullement vraisemblable. Je croirais plutôt que dans le nombre des plantes cultivées, ce sont les plus constantes. On doit probablement les retrouver spontanées, ou si elles ne se retrouvent pas, après des recher- ches plus attentives que celles qu’on a faites jusqu’à présent, il faudra supposer, non que les espèces ont changé d’une manière notable, mais plutôt que les localités d’origine ont changé. Elles peuvent, en effet, avoir été submergées ou être devenues trop sèches, ou avoir été envahies totale- ment par l’agriculture, au point qu’on ne pourrait plus y distinguer les pieds aborigènes des pieds issus de plantes cultivées. Après ces considérations préliminaires qui s'appliquent aux plantes de la catégorie actuelle, plus qu'aux autres plantes cultivées, je vais passer en revue les espèces de céréales. Il faut bien les étudier une à une, si l'on veut savoir leur origine et constater celles qui ont été retrouvées à l'état spontané. Triticum vulgare, — [l comprend les froments d'hiver et d'été (T. hybernum et T. æstivum de Linné) que les Romains connaissaient déjà et qui sont à peine des races, car ce n’est qu'en les semant à cer- taines époques qu'on parvient à les maintenir. Iest prouvé que la culture du Froment remonte, dans l'ancien monde, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 931 à l'origine même de l’agriculture. MM. Link (a), Reynier (b), Dureau de la Malle (ce) et Loiseleur-Deslonchamps (d) ont réuni tous les faits histo- riques Sur ce point, avec une érudition qui ne laisse rien à désirer. En Chine, le blé fut cultivé dès l’année 2822 avant l'ère chrétienne (Stanislas Julien, dans Loiseleur, p. 29), et il l'était déjà alors en Pales- tine et en Égypte, d’après plusieurs passages des Livres sacrés. Son intro- duction dans l'empire chinois est connue. Elle est attribuée à un person- nage réel, l’empereur Chin-nong. Dans l'Occident, au contraire, elle se rattache, d’après la Genèse, aux premiers actes de l’homme sur la terre, car il fut condamné à manger son pain à la sueur de son front; et, d’après les traditions païennes, à une divinité plus ou moins fabuleuse, Isis des Égyptiens, appelée Cérès par les Grecs, ce qui démontre une ancienneté des plus grandes. Je remarque aussi que le blé d’été a un nom en sanscerit (Roxb., F1.; Pidd., [ndex). La culture du Froment doit donc être sortie de la région comprise entre les montagnes de l’Asie centrale et la mer Méditerranée. C’est aussi dans cette région qu’on a dit souvent autrefois, et de nos Jours, avoir trouvé du blé sauvage. D’après Diodore de Sicile (1. 1, cap. 14) c’est à Nysa que € Osiris trouva le blé et l'orge, croissant au hasard dans le pays, parmi les autres plantes, » et M. Dureau de la Malle à établi que Nysa était en Palestine. Isis, femme d’Osiris, aurait transporté le blé en Égypte. Moïse (Deut., NID) appelle la Palestine « la terre du Froment, de l'orge, de la vigne, où naissent le figuier, le grenadier, l'olivier. » Homère et Diodore parlent de la Sicile, comme de la patrie du froment. Diodore dit qu’on y voyait de son temps, du froment qui pousse de lui-même (trad. de T'erasson, I, p. 186, 190). Les Grecs croyaient aussi que le blé existait sauvage dans leur pays, avant que Cérès eût enseigné à le cultiver (Dio- dore, tbid., If, p. 322), mais il ne parait pas que Théophraste et les autres naturalistes de la Grèce aient eu çette opinion. Strabon dit qu’en Hyreanie (Mazanderan) le blé se sème de lui-même « quod ex spicis decidit renasei » (édit. 1707, [, p. 124, et Il, p. 776). Il est plus affirmatif pour une con- trée de l’Inde septentrionale : « fr Musicani regione frumentum sponte nasci, tritico persimile ait (Aristobulus) » (IE, p. 1017). Bérose dit que dans le pays entre le Tigre et l'Euphrate, on trouve «€ frumentum agreste, hor- deum, ochron » (Georgii Syncelli, Chronogr., fol. 1652, p. 28). C’est (a) Link, Ueber die ültere Geschichte der Gelreide Arten, dans Abhandl. der Berlin. Akad. Wiss., 1816, XVII, p.122 ; 1826, p. 67, et dans Die Urwelt und das Alterthum, 2° édit., Berlin, 1834, p. 399. (b) Reynier, Économie des Celles et des Germains, 1 volin-8, 1818, p. 417. (c) Dureau de la Malle, Ann. sc. nat., IX, 1826. (d) Loiseleur, Considéralions sur les céréales, 1842, part, 1, p. 32. 032 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. encore dans l’Asie occidentale que les modernes ont prétendu avoir retrouvé le Froment spontané. Je ne sais ce que vaut l’assertion de Heinzelmann citée par Linné (Sp., 1, p. 126), que le Froment d’été croît chez les Baschkirs ; personne ne l’a retrouvé au nord du Caucase depuis cette époque. Mais pour la Perse, il y a un témoignage d'Olivier que l’on reproduit dans tous les livres. Ce voyageur marchant sur la rive droite de l'Euphrate, au nord- ouest d’Anah, dans un pays impropre à la culture, dit: « Nous trouyàmes dans une sorte de ravin, le froment, l'orge et l’épeautre, que nous avions déjà vus plusieurs fois en Mésopotamie. » (Voy. dans l'empire othoman, 1807, II, p. 460). Enfin, on annonce (Bull. soc. bot. de Fr., 1854, p. 108) que M. Balansa vient de trouver le blé (Trit. sativum) dans une herborisation au mont Sipyle, de l'Asie Mineure, et cela « dans des circon- stances où il était impossible de ne pas le croire spontané. » La question serait de savoir s’il paraissait aborigène plutôt que spontané, car une plante semée par l’homme dans la campagne, ou provenant d'anciennes cultures, est spontanée sans être aborigène. En résumé, les assertions sont anciennes et assez nombreuses pour la Mésopotamie; mais celle de M. Balansa, pour l'Asie Mineure, semble plus positive. Peut-être l'habitation primitive s’étendait-elle jadis de ce pays jusqu’au nord-ouest de l'Inde, et un changement de climat aurait diminué la fréquence de l'espèce? Jusqu'à présent les botanistes n’ont trouvé le Fro- ment sauvage nien Palestine, ni dans le nord de l'Inde. La variété extra- ordinaire des noms dans les langues anciennes d'Asie et d'Europe, indique une patrie primitive très vaste, et infirme l'idée d’un transport d'un point central par les peuples originels. Au point de vue des changements que les espèces peuvent subir, en particulier quant au nombre et à la grosseur des graines, 1l est impossible de ne pas remarquer combien le Froment est stationnaire depuis des mil- liers d'années. Les efforts incessants de l'homme ne l'ont pas rendu plus productif, et les blés de miracle ne sont pas plus communs ni plus abon- dants qu'ils ne l’étaient à l’époque romaine (Pline, 1. xvm, e. 10). Cette dernière considération et celles énoncées plus haut (p. 928, 929) sur les céréales en général, auraient dû rendre les botanistes plus défiants sur de prétendues transformations des Ægilops sauvages en Tri- licum, Des observations de M. Esprit Fabre (a), avaient fait croire à plu- sieurs personnes que l’Ægilops triticoides, Req., peut devenir par la eul- ture une sorte de blé, et cependant cet Ægilops triticoides lui-même parait (a) Des -Egilops du midi de la France et de leur b'ansformation, par E. Fabre, br. in-4, avec une courte introduction, ete., par Dunal, br. in-4, dans les Mém. acad. se. Montpellier, 1853. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 933 être une modification de PÆ. ovata, si commun dans le midi de Europe, On doit à M. Godron (a) d’avoir démontré que ces changements de formes dans des semis successifs tiennent tout simplement à des hybrides qui nais- sent entre les Ægilops sauvages et les Triticum cultivés, Ces hybrides sont irréguliers ; ils viennent quelquefois d’un seul grain parmi ceux d’un épi, et ils ne durent pas de génération en génération comme les races de blé. Triticum turgidum, L. (TL. compositum, E.). — {| était cultivé déjà chez les anciens Égyptiens (DC., Phys. vég., p. 694) et à Rome du temps de Pline (Loisel., p. 79). Il n’a pas de nom sanserit (Roxh., Æ1.; Pidd., Index), et n’est pas même indiqué comme cultivé dans l'Inde moderne (Roxb., FE, édit, 1832; Royle, LUE, Him., p. AS). La patrie primitive doit être vers le sud ou l’ouest de la mer Méditerranée, puisque l'espèce n’était pas même cultivée dans le nord de lnde, où les anciennes migra- tions du peuple parlant sanscrit et les rapports commerciaux auraient dû l’introduire si elle s'était trouvée en Perse et en Mésopotamie. Je ne connais aucun auteur qui aflirme lavoir trouvée sauvage. M. GC. Koch (Linnæa, 1848, XXI, p. 427) mentionne bien la plante comme trouvée à Constan- tinople, Brussa, Trébizonde et le pays de Tschoruk ; mais il parle dans l’article qui précède du Triticum vulgare cultivé, et rien ne prouve que le Triticum turgidum ne soit pas également cultivé. Cet auteur est ordi- nairement explicite quand il mentionne les espèces spontanées. (Voy, ce qu'il dit du seigle.) L'Épeautre (Triticum Spelta), — (On pense que c'était le grain appelé Ovpz où Zerx et Zéx par les Grecs, d’où l’on a tiré le mot Zea, appliqué mal à propos au mais (Link, {. e.; Dureau, {. c.; Billerbeck, F4. class. ; Fraas, Syn. FT. class., p. 307). Les commentateurs de l'Ancien Testament traduisent aussi le met hébreu Kussémeth, qui se trouve trois fois dans la Bible (Exode, 1x, 31, 32 ; Isaie, xxvut, 24, 25; Ézéchiel, 1v, 9), par épeautre (Rosenmüller, Handb. d. bibl. Altert., IN, p. 83); mais es qualités indiquées pour cette plante sont si vagues, qu'on pourrait attribuer le mot aussi bien au Triticum mo- nococcum, dont je vais parler. L’épeautre n’est guère cultivée dans les pays chauds. En particulier, elle n’est pas connue aujourd’hui en Égypte (Dureau, {. e.; Reynier, £g., p. 337), et l'on n’en trouve pas de graines parmi celles extraites des catacombes, tandis que le passage de l’'Exode suppose la culture du Kussémeth en Égypte. Quoi qu’il en soit, l'Épeautre a toujours été moins cultivée, et cultivée (a) Quelques notes sur la Flore de Montpellier, p. 7, Besancon, 1854, dans Mém. Soc. émul. Doubs ; lettre confirmative dans Bull. Soc. bot. Fr., I, p. 66. Voyez aussi les critiques de Fabre, dans Jordan, De l’orig. des div. var. ou esp. d'arbres fruitiers, - br. in-8, Paris, 1833, p. 62. 93 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, dans moins de pays que le blé ou l'orge. Elle paraît avoir existé ancienne- ment chez les peuples germaniques sous le nom de Spalt et chez les peu- ples celtiques (Reynier, Celt., p. 421). Les habitants du Pont la cultivaient à l’époque de l’expédition d'Alexandre (Xénophon, trad. de Gail, IV, p. 252, cité par Loisel.), mais elle n’a pas de nom sanserit (Roxb., F1. ; Pidd., Zndex), et aujourd’hui même il ne paraît pas qu’on la cultive dans le nord de l’Inde (Royle, ZUL. Him., p. A1S). Elle n’est pas une des cinq espèces de céréales que l’empereur Chin-nong introduisit en Chine, lors- qu’il fonda l’agriculture, lan 2822 avant l’ère chrétienne (Stan. Julien, dans Loisel., Céréal., p. 29). Ainsi l'Épeautre ne peut pas avoir été dé- couverte dans l'Asie orientale, et même si elle est originaire de Perse ou de Mésopotamie, on l’aurait cultivée seulement depuis les migrations de la race parlant sanscrit de l'Asie occidentale vers l'Inde. La difficulté de sortir le grain de la balle a dû retarder l'introduction de la culture de cette espèce. Deux voyageurs modernes disent l'avoir trouvée sauvage en Mésopotamie et en Perse. L’un est Olivier, dans le passage cité tout à l'heure pour le blé. L'autre est André Michaux, qui l'aurait trouvée près de Hamadan et en aurait envoyé des graines à Bose, lequel les aurait semées à Paris et en aurait obtenu l’épeautre ordinaire (Lam., Dict. enc., I, p. 560; Dureau, Ann. se. nat., IX, p. 75). Ici les témoignages sont plus probants que pour le blé, car l’Épeautre est plus aisée à reconnaître, et il est moins probable que les pieds observés fussent originaires de pieds cultivés, à cause de la rareté de la culture. Loecular (Friticum monococeum, L.). — Sa culture à toujours été de peu d'importance, et ilest diflicile de savoir si elle est ancienne. L'espèce n'a pas de nom sanserit (Roxb., F{.; Piddingt.) et parait n’être pas cul- tivée dans Inde aujourd’hui (Royle, ZU. Himal., p. 418). I est possible que ce soit la plante mentionnée dans la Bible, sous le nom de Kussé- meth (voy. p. 933), celle dont les Syriens et les Arabes faisaient le pain ordinaire, sous le nom de Æullestis, d’après Hérodote et Strabon (Reynier, Écon. des Arabes, p. A18). Le Locular supporte mieux que l’épeautre les climats méridionaux. Ni l’épeautre, ni le Locular ne sont cultivés aujourd’hui en Égypte(Reynier, Écon. Égypt., p. 337). Quelques auteurs croient que le Locular est le T7 où A+:7 des anciens Grecs (Billerbeck, FT. class. ; Fraas, Syn. F1. class.). Aujourd'hui, on ne le culuve pas en Grèce (Fraas, 1b.). Bieberstein dit positivement (Æ{. Taur. Caue., , p. S5) que le Tri- licum monococeum croiten Crimée, dans les plaines exposées au soleil, et dans le Caucase oriental, sur le flanc des collines. I indique certaines ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 935 différences d'avec la plante cultivée. M. Hohenacker n’en parle pas dans son Catalogue de la province de Talysch, ni M. C. A. Meyer, dans son Verzeichniss, etc., de plantes du Caucase oriental. Kunth (£num., I, p. 439) cite Bieberstein, mais rien ne prouve qu'il ait vérifié sa plante, Ledebour (FT. Ross.) n’a pas vu les échantillons sauvages dont parle Bie- berstein ; ainsi, cette origine est très douteuse. Hordeum. — L’Orge paraît une de ces plantes cultivées de toute anti- quité en Égypte et en Palestine. Raspail (Hém. Mus., XV, p. 150) s’est assuré que les grains torréfiés, extraits des Catacombes et déposés dans la collection Passalacqua, appartiennent à l’Orge commune et non au Fro- ment, comme Kunth l'avait dit. Je ne vois cependant pas de preuve quant à l'espèce d’Orge. Des grains torréfiés d'Hordeum hexästichon ou de Hordeum distichon auraient peut-être les mêmes caractères sous le microscope, que ceux de l’Hordeum vulgare. D’après Forskal (FT. Æq. Arab., p. 1x1), l'Hordeum hexastichon serait l'espèce cultivée aujourd’hui en Égypte, et Delile semble le confirmer en rapportant l’'Hordeum hexastichon, Forsk., à l'Hordeum vulgare, L, (Del., FT. Ægq. E., p. 5). L’Orge des Hébreux pouvait être l’'Hordeum vulgare à quatre rangs, ou l'Hordeum hexastichon à six rangs. La seule espèce cultivée dans l'Inde et ayant un nom sanserit, est l'Hordeum hexas- tichon (Pidd., {ndex; Royle, LU. Him., p. AS). L’Orge n’est pas men- tionnée dans les cinq premières espèces de céréales cultivées en Chine, dès lan 2822 avant J.-C. (Loisel., Céréal., p. 29). Les Romains cultivaient l’Hordeum distichon et l'Hordeum hexastichon (Columelle, cité par Link, Uriw., p. 407). Les Grecs avaient l’Orge à deux, quatre et six rangs (H. distichon, vulgare et hexastichon), d’après Théophraste (Link, #b.); mais aujourd'hui ils ne cultivent que les deux dernières espèces (Fraas, Syn. FT. class., p.305). Ainsi, contrairement à ce qu’on aurait supposé, l'Hordeum hexastichon, qui parait l& forme la plus éloignée de l’état spon- tané d’une Graminée, est précisément celle qui a été le plus cultivée dans l'antiquité, car on la trouve chez les Éseyptiens, les Grecs et dans le pays du sanscrit. Les autres espèces n'étaient cultivées que dans la région méditer- ranéenne. On peut croire, d’après cela que toutes sont des plantes dans un état primitif, non altéré par la culture, et qu’on avait commencé par culti- ver lhexastichon, à cause de son apparence plus productive. Voyons où l’on a trouvé des Hordeum spontanés. Les passages du Deutéronome et de Diodore de Sicile, mentionnés ei- dessus à l’occasion du blé, indiquent la Palestine comme la patrie à la fois de l’Orge et du Froment. Moïse de Chorène indique les bords du fleuve Kur en Géorgie, Bérose la Babylonie, Marco Polo la province de Balas- 936 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. chiana, dans l'Inde septentrionale ; Théophraste et Pline mentionnent aussi l'Inde; enfin, Pausanias fait venir l’Orge, avec Cybèle, dela Phrygie (a); mais ces auteurs n’ont peut-être pas distingué suffisamment la plante spon- tanée de la plante cultivée, et, dans tous les cas, l’espèce d’Orge dont ils parlent est incertaine. Olivier (Voy. dans l’emp. othoman, HE, p. 460) dit aussi avoir trouvé plusieurs fois l’Orge (quelle Orge?) sauvage en Méso- potamie, et une fois ensuite près d’Anah, sur la rive droite de l'Euphrate. M. C. A. Meyer (Verzeichn. Pflan. Caucas., p. 26) affirme que l'Hordeum distichon, L., croît spontanément entre Lenkoran et Baku, dans les prai- ries, vers la mer Caspienne. M. C. Koch ne croyait pas l'avoir trouvé au midi du Caucase, près du fleuve Kur, autrement que comme culture (Lin- nœæa, XXI, p. 430) ; mais il a décrit (:b.) un Hordeum spontaneum, sauvage dans les steppes de Schirvan, au sud-est du Caucase, qu'il pense être le type de l’'Hordeum Zeocriton, L., et que Ledebour (FT, Ross., IE, p. 327) rapporte, après examen des échantillons, à l'Hordeum distichon, L., en particulier, à une variété trouvée par Kotschy, dans la Perse australe (Hord. distichum, var. Boiss., in Kotschy, n. 290). D’après tous ces témoignages, il faut bien regarder l'Hordeum distichon comme spontané et aborigène au midi du Caucase, du côté de la mer Caspienne, et probablement en Perse. N'ayant pas été altéré par quelques milliers d'années de culture, il est probable que les autres espèces sont restées également dans leur état pri- mitif ou à peu près. Willdenow (Sp., [, p. 472) dit que l'Hordeum vulgare croit près de Marzameni en Sicile, et près de Samara en Russie. I dit aussi que l'Hordeum distichon croit près du fleuve Samara, en Tartarie. La première de ces mdi- cations est bien douteuse, car M. Gussone n'indique aucune des espèces d'Hordeum cultivées, comme étant spontanée en Sicile (Syn. FI. Sic., Prodr. FT. Sic). La Tartarie est voisine de la région où M, C, A. Meyer a trouvé l'Hordeum distichon. Secale cereale, L. — Le Seigle est remarquable par sa fixité. Les modifications appelées Seigle de printemps, Seigle Marsais, Seigle trémois, reviennent au Seigle commun quand on les cultive selon la méthode ordi- naire (Tessier, Dict. d'agric., XI, p. 424). La qualité robuste de cette plante devait faire présumer qu'on la trouverait sauvage, dans l'état actuel de la plante cultivée. On a cependant été induit en erreur par les espèces voisines qui croissent dans le sud-est de l'Europe, et peut-être dans l'Asie occidentale. Ainsi, le Seigle spontané de Sicile est le Secale montanum, Guss., (a) Dureau de la Malle, Ann. se, nat., IX, p. 7, cite les ouvrages de ces auteurs, où il est question de l'Orge. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 937 espèce vivace; le Seigle des îles de lArchipel est le Secale villosum, L. et Sibth. ; enfin, celui que Bieberstein avait trouvé dans la région du Caucase, et avait nommé d’abord Secale cereale, est une espèce voisine, nommée par lui-même Secale fragile. Je ne sais sur quelle autorité Kunth (Enum., 1, p. 449) à dit que le Secale cereale (qu'il distingue bien du Secale fragile) croît « im deserto Caucasico-Caspio. » M. C. A. Meyer ne l'indique pas dans son énuméra- tion des plantes caucasiennes, ni M. Hohenacker, dans ses plantes de Talysch. M. C. Koch semblait avoir enfin découvert le Secale cereale sauvage dans l'Arménie occidentale (Linnæa, XXI, p. 427, année 1848); mais Ledebour (F/. Ross., II, p. 339) qui à vu sa plante, la rapporte au Secale anatolicum, Boiss. (Diagn., V, p. 76). Gette nouvelle espèce, com- mune à ce qu'il paraît dans l'Asie Mineure, entre la Bithynie et le Pont, se distingue par un épi grêle, caduc et par la forme des glumes (a). Le Seigle paraît inconnu dans l'Inde, car Roxburgh, Piddington ({ndex) et Royle (Z{!. Him., p. 419) n’en parlent pas, et aucun nom sanserit ou indien moderne n’est indiqué. Probablement il n’a été cultivé que depuis la migration du peuple parlant sanscrit de l’ouest à l’est. Les anciens Égyp- tiens ne le cultivaient pas (Reynier, Écon. Ég.). Les Grecs ne le connais- saient que comme un grain cultivé dans la Thrace et la Macédoine, si c’est bien le Be dont parle Galenus (Alim, 1, c. 18). Pline mentionne le seigle (Secale) comme usité au pied des Alpes, par les Taurini qui l’appellent Asia « Secale Taurini sub Alpibus Asiam vocant. » Ce nom si ancien est curieux comme indice d’origine (lib. xvin, cap. 16, p. 383 de l’édit. de 1631). Le mot Secale viendrait de Secal, nom celtique d’après Reynier (Écon. des Celtes, p. 419) ou Segal (de Theïs, Gloss., p. 428); étymo- logie plus plausible que celle du mot latin seco, donnée assez souvent. Du reste, le Dictionnaire celto-breton de Legonidec ajoute au mot Segal un signe d’après lequel l’auteur soupconnait une origine étrangère. Les mots Rog, Roggen(b), Rya deslangues germaniques, et Zyto des langues slaves, montrent une culture très ancienne dans la région qui s'étend de la mer Noire à l'Océan, sans aucune communication avec les langues méridio- nales de l’Europe. Cela devait être, car dans les pays méridionaux le Seigle ne réussit que sur les montagnes. En Sicile, où quelques botanistes ont cru qu'il venait spontanément, il n’a été introduit comme culture que dans (a) La crainte de confusion de ce genre doit empêcher d'admettre le dire de voyageurs qui mentionnent le seigle sauvage, à moins que ces voyageurs n'aient rapporté des échan- tillons vérifiés par des botanistes, ou ne soient eux-mêmes des botanistes exacts. Je ne sais, par exemple, quel degré de confiance accorder à l’assertion du professeur Louis Ross, qui, dans un ouvrage publié à Halle, en 1850, dit avoir trouvé le seigle sauvage dans plusieurs endroits de l’Anatolie (Bot. Zeitung, 1850, p. 520). . (b) On reconnaît dans ces noms une analogie avec le nom celte. 938 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, le xvin° siècle de notre ère, par le roi Victor-Amédée (Philippi, dans Lin- nœæa, NI). Ainsi les arguments historiques et linguistiques nous rejettent du côté de la mer Noire et de l’Europe centrale pour découvrir l'origine de l’espèce. Voici un indice tout à fait concordant et auquel personne n’avait songé jusqu'à présent. Dans plusieurs pays de l’Europe, en Suisse, en France, en Italie, d’après ce que j'ai pu voir et ce que disent les auteurs de Flores, le Seigle lève quelquefois dans les champs où il a été cultivé l’année précédente, mais non hors des terrains cultivés. Il n'en est pas de même dans l’Europe tem- pérée orientale, en particulier dans les États autrichiens. Le Seigle s’y trouve au bord des routes et même dans les prairies. Cela résulte des as- sertions de plusieurs auteurs. Je ne parle point de Besser et de Biebers- tein (Suppl., p. 93) qui avaient pris le Secale fragile pour le $. cereale ; mais, par exemple, Sadler (FT. Pesth., I, p. 80) dit en parlant du Secale cereale : € Occurrit quoque spontaneum ad vias, in campis, ete. » Host (ET. Austr., I, p.177) dit aussi: € Occurrit in arvis, ad vias, sepes, » et il le distingue pourtant bien du $S. villosum et du S. fragile qu'il nomme S. sylvestre. Baumgarten (F1. Transylo., IT, p. 225) dit : € In agris cultis passim, ad agrorum pratorumque margines et ad vias. » M. Neilreich (ET, Wien, p. 58) l'indique comme la céréale la plus cultivée autour de Vienne, et de plus € venant partout, même dans les près et les bois, où elle est devenue sauvage (verwildert). » Enfin, M. de Visiani (F1. Dalm., I, p. 97) tout en décrivant une nouvelle espèce à épi caduc, le S. dalma- ticum, dit en parlant du S. cereale, à épi persistant : € Colitur in Dalmatia præcipue montana et illic sponte occurrit ad sepes et vias agrestes. » Mest-ce pas un ensemble de faits curieux? Puisque le Seigle ordinaire, plante qui, d’ailleurs, varie très peu et qui est robuste, se répand si aisé- ment hors des cultures dans cette contrée; que de plus, la culture du Seigle était sortie de la Thrace, d’après les anciens, l'espèce ne serait-elle point aborigène de la région entre les Alpes et la mer Noire, spécialement de Hon- grie, Dalmatie, Transylvanie? et les pieds que les auteurs disent échappés des cultures ne seraient-ils point le reste de pieds primitifs, ou plutôt les pieds cultivés et sauvages ne seraient-ils pas une descendance croisée des pieds aborigènes ? La culture s’est promenée ou établie sur toutes les loca- lités dans lesquelles la plante primitive pouvait se trouver ; mais l'existence de pieds hors des cultures, quelle que soitleur source immédiate, me parait une présomplion bien forte d’une origine dans cette partie de l'Europe. Avena sativa, L_— L'Avoine n'était pas cultivée par les Hébreux, les Égyptiens, les anciens Grecs et les Romains (Reynier, Econ. des Celtes, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 939 p. A22; Link, Die Urwelt, 2° édit., p. 409 ; Fraas, Syn. FI. class., p. 304). Aujourd’hui même elle n’est pas cultivée en Grèce, si ce n’est comme objet de curiosité (Fraas, tbid.). On ne la cultivait pas non plus dans l’Inde (Royle, Himal., p. A19), mais quelques Anglais en ont semé pour la nourriture de leurs chevaux. Il paraît que les peuples germains en faisaient usage dans l'antiquité, car d’après Pline (bb. xvin, €. 47) leur pain était fait d'avoine, comme celui des Écossais modernes. Le mot Arena paraît venir du mot allemand Hafer, qui est bien voisin du mot russe et bohème Oves, Owes,du polonais Owies (Moritzi, Dict. étym. inéd.), d’où provient évidemment le mot anglais Oats. Dans le nord de l'Angleterre, on disait autrefois Hauer (Bulleyne, Book of simples, cité dans Johnston, Bot. east. borders, p. 218). Les Tartares disent Sulu (Mor., +b.); les Hongrois Zab (1b.), et les Ilyriens réunissent des noms de plusieurs origines Ovas, Zob, Sily, Pir, Jahri (Nis., ET. Dalm., 1, p. 69), dont la multiplicité et la forme simple annoncent une existence très ancienne dans cette partie de l'Europe. Galenus (De aliment. facult., 1, c. 44) dit que l'Avoine était abondante en Asie, surtout en Mysie, au-dessus de Pergame; qu’on la donnait aux chevaux, et que les hommes en faisaient aussi du pain dans les années de disette. Ces détails montrent combien était fausse l'opinion que l’Avoine serait originaire de lile de Juan-Fernandez, opinion qui régnait dans le siècle dernier (Linné, Sp., p. 118; Lam., Dict. encycl.,f, p. 831), et qui paraît venir d’une assertion du navigateur Anson (Phillips, Cult. veg., I, p. 4). Selen le Dictionnaire d'agriculture (H, p. 154), le voyageur Olivier aurait trouvé l'Avoine sauvage en Perse ; mais c’est, je pense, une erreur, car il n’en est fait aucune mention dans l'ouvrage d'Olivier. M. Bové l’a trouvée dans le désert du mont Sinaï; mais M. Decaisne (Ann. sc. nat., 2e série, Il, p. 13), en citant l'espèce, ajoute ces mots: € Nulle part, ni en Égyple, ni en Arabie, l’Avoine ne se trouvant cultivée, l'échantillon rap- porté par M. Bové doit provenir de graines apportées par les Européens. » Les peuples modernes de ces pays ne cultivent effectivement pas cette plante, qui était inconnue aussi aux Hébreux. Voilà de bons motifs, assurément, pour repousser une origine du mont Sinaï, ou même de la Perse. I faut chercher plutôt au nord du Caucase, en Sibérie, en Russie ou en Autriche, comme l’indiquent la variété des noms primitifs dans les langues slaves, la rareté et la nouveauté de la culture chez les peuples gréco-latins, juifet indiens, La nation qui parlait le sanserit avait apporté le chanvre de l'Asie occidentale, probablement du midi du Caucase, dans le nord de l'Inde, pourquoi n’aurait-elle pas apporté aussi l'Ayoine 910 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. si elle avait existé dans le même pays? D'ailleurs, les espèces du genre Avena, analogues à l’Avoine cultivée, sont des plantes d'Europe et de Sibérie. J'ai fait d’abord des recherches sur ce dernier pays, sans découvrir dans les ouvrages aucun indice que lFAvoine y fût spontanée, ni même la preuve d’une culture ancienne et générale. La Flore de Ledebour n’en parle pas, non plus que l'Énumération des plantes du nord de la Chine, de M. Bunge, où se trouve seulement l'Avena nuda var. chinensis. En Europe, au contraire, dans les pays qui dépendent aujourd’hui de l’Au- triche, je remarque un indice très significatif, mdépendamment de la mul- titude des noms et de l’ancienneté de la culture. Plusieurs Flores constatent que l’Avena sativa se voit hors des terrains cultivés, dans les haies, terres vagues, etc. Il en est de cette plante, dans ces pays, comme du seigle. Selon les auteurs, ce sont des pieds échappés des cultures; mais si l’Avoine se naturalise ainsi hors des terrains cultivés dans cette seule contrée, ne serait-ce point qu’elle en est originaire, et ces pieds sauvages ne seraient-1is point les restes de plantes aborigènes aussi bien que des individus sortis des champs”? Si l'espèce est aborigène dans ce pays, la culture a certaine- ment envahi son habitation primitive, surtout leslocalités qui lui conviennent: alors, comment distinguer aujourd’hui les pieds issus de plantes aborigènes et ceux issus de plantes cultivées ou de croisements inévitables entre les deux catégories? Les auteurs sont affirmatifs sur la spontanéité dans les pays dont je parle. Baumgarten (Enum. stirp. Trans., WI, p. 259), dit : € Zn cullis et ad nemorum margines viasque ac passim admuros. » Host(FT. Austral., I, p.133). € Occurrit in cultis et in incultis. » Neïlreich (FE. Wien, p. 85) s'exprime ainsi : € Généralement cultivée, mais aussi naturalisée, partout dans les terrains incultes ou cultivés, au bord des chemins et dans les lisières des champs.» Enfin, M. de Visiani(F{. Dalm., 1, p.69: « Sponte exit ad sepes, agrorum aggeres et inter segetes. » Nous ne voyons rien de pareil dans le reste de l'Europe. J'arrive donc à la même conclusion que pour le seigle : Ou l'Europe occidentale tempérée, sans être le pays d’origine, est éminemment favorable à l'espèce, au point qu'elle se natu- ralise hors des cultures, et l’origine est impossible à deviner ; ou, plus pro- bablement, la patrie primitive est précisément cette région, et la culture répandue sur les stations d’origine depuis des milliers d'années, à déter- miné un mélange complet entre les pieds spontanés et les pieds cultivés, de sorte que ceux qui vivent aujourd'hui descendent des uns et des autres. Les faits relatifs aux Avena orientalis et nuda ne sont point contraires ; seulement, il parait que ces espèces viennent de contrées plus orientales, ou ne sont que des modifications de l'Avena sativa. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 941 Ainsi, l’Avena orientalis. Schreb. , n'avait pas été distinguée avant la fin du siècle dernier, ou peut-être n'avait pas pénétré en Europe; mais le nom scientifique, ainsi que les noms vulgaires usités en Allemagne, T'ur- kischer, Ungarischer Hafer, Avoine de Turquie, de Hongrie, indi- quent une introduction moderne par l'Orient. Le nom hongrois, donné par Baumgarten, Napkeleti zab, n’est que la traduction du nom botanique. L'espèce paraît se répandre quelquefois hors des cultures, car Host dit : « Seritur el occurrit inter segetes, ad vias, pagos et in aliis locis. » Cependant, les autres auteurs n’en parlent pas, où ne mentionnent rien de semblable. L’Avena nuda, souvent cultivée, ou mélangée avec l'Avoine ordinaire, n’en est probablement qu'une race (Link, Ænum., 1, p. 81). Elle offre elle-même une modification appelée Avena nuda, var. chinensis (Kunth, Enum., 1, p. 302) qui a été trouvée par M. Bunge € in ruderatis prope Pekinum » (Enum. plant. in China, p. 71). Les noms vulgaires de PAvena nuda indiquent une existence peu ancienne. Je n’en connais qu'en allemand, et ils expriment des comparaisons avec lAvoine com- mune, Sand Hafer, Grüthafer, Tatarischer, Ægyptischer, Welscher Hafer (Moritzi, Dict. noms vulg. inéd.). Elle ne sort point des cul- tures. Je ne parlerai pas des Eleusine, Panicum et Sorghum, dont la culture remonte à une grande antiquité dans l’ancien monde, parce que la difi- culté de distinguer les espèces est un obstacle à toute recherche sur les origines. Plusieurs Panicum ont des noms sanserits qui prouvent une cul- ture très ancienne dans lInde. On sait aussi que l’empereur Chin-nong introduisit la culture de deux Millets dans l'année 2822 avant J.-C. (Stan. Julien, dans Loisel., Cons. sur les céréales, part. 1, p. 29): Les Chinois modernes en cultivent encore deux, le P. italicum et P. milaceum, d’après M. Bunge (Enum. pl. Chin., p.70). D'après Diodore de Sicile, les anciens Ethiopiens se nourrissaient de millet, mais on ne peut pas préciser l’épo- que de l'introduction en Égypte (Reynier, Écon. des Égypt., p. 352), pays dans lequel maintenant le Doura joue un rôle si important. Cette espèce, ou quelque plante voisine, avait été apportée à l’époque de Pline, de l'Inde en Italie (Pline, 1. xvur, p. 7). Les Celtes et les Germains cultivaient aussi des Millets (Reynier, Écon. Celt., p.424, d'après Strabon, etc.). Ces différentes Graminées ont évidemment plusieurs origines dans l’ancien monde, mais l’état de la science ne permet pas encore d'approfondir ce sujet. Oryza sativa, L.—[{àa culture du Riz remonte dans l'Inde à l'antiquité la plus reculée (Théophr., Hist., 1. 1v, p. 5). C’est l’empereur Chin-nong qui l’a introduite en Chine, l’année 2822 avant J.-C. (Julien, dans Lois., Cons. 942 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. sur les céréales, part. 1, p. 29). Elle s’est répandue depuis longtemps dans l'Afrique orientale. Les Grecs ne connaissaient le Riz que comme eul- tivé dans l'Inde (Link, Urwelt, 2° édit., p. 412). Le mot Oryza des Grecs ne ressemble pas mal au mot sanscrit Arunya (Piddington, {ndex, p. 63) et au mot cingali Ooruwee (ib.), prononcé Ouroui. Du temps de Strahon, le Riz était cultivé en Babylonie, dans la Bac- triane, la Susiane et la Syrie (Strab., Geogr., 1. xv; Reynier, Écon. des Arabes et des Juifs, p. A50). Ce sont les Arabes qui l'ont propagé dans le bassin de la mer Méditerranée, en particulier dans la Sicile (Reynier, Écon. des Arabes, p. 94). Les modernes l'ont porté en Amérique. On trouve assez souvent le Riz spontané dans l'Inde. Comme il a une grande disposition à se naturaliser dans les pays chauds et humides (Nees, dans Martius, FT. Bras., in-8°, II, p. 518), il se pourrait bien que ces pieds spontanés fussent tout simplement le produit de grains dispersés par l’homme, les oiseaux, le vent ou les rivières. La localité primitive a dû être le bord des fleuves, qui sont justement les endroits les plus peuplés, ceux où le riz cultivé peui se répandre le plus aisément. Quelle que soit l'origine, il est certain que des pieds de riz se trouvent hors des cultures, et que ces pieds sont regardés par les auteurs les plus exacts comme ap- partenant à la même espèce. M. Link en a examiné plusieurs dans l'herbier royal de Berlin (Die Urwelt, 2e édit., p. 413). Quelques-uns venaient de lagunes au bord de la mer. Ils étaient identiques avec la race de Riz cultivé qui à un grain allongé. Roxburgh parle avec beaucoup de détails (FT. Ind., édit. 1832, II, p. 200) du Riz sauvage appelé Newaree par les Telingas, qui se trouve en abondance au bord des lacs, dans le pays des Circars. Le grain en est recherché par les riches indous. Cependant on ne le cultive pas, parce qu'il produit moins que le Riz ordinaire. Rox- burgh ne doute pas que ce ne soit la plante originelle. Dans ce même pays des Circars, on cultive le Riz en grande quantité. Lea Mays, L. — Le Maïs est originaire d'Amérique et n’a été introduit dans l’ancien monde que depuis la découverte du nouveau. Je regarde ces deux assertions comme positives, malgré l'opinion contraire de quelques auteurs et le doute émis par le célèbre agronome Bonafous, auquel nous devons le Traité le plus complet sur le Maïs (a). Au moment où cet ouvrage parut, j'en rendis compte dans un journal, et combattis par de forts arguments l'hypothèse d'une origine asiatique (b). La question me semblait résolue. Je n’en aurais plus parlé si je n'avais (a) Histoire naturelle, agric. et économ. du Mais, 4 vol. in-folio, Paris et Turin, 1836. (b) Bibliothèque universelle de Genève, août 1836, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 943 appris mdirectement qu'un auteur se propose de soutenir de nouveau l’ori- gine asiatique, et si je n’avais des motifs à ajouter à ceux qui sont connus, On verra, je l’espère, combien les arguments en faveur d’une origine de l’ancien monde sont faibles, combien ceux d’une origine américaine ont une force prépondérante. Il est certain que le Maïs manquait autrefois à l'Europe; mais ce qui est contesté, c’est la maière dont il sv est introduit, On s’est appuyé souvent sur une charte du xmre siècle, publiée par Moli- nari (Storia d'Incisa, ete., 1, Asti, 1810), pour soutenir que le Maïs avait été apporté alors de l'Asie Mineure à Incisa, dans le Haut-Montferrat, par deux croisés, compagnons d'armes de Boniface HF, marquis de Mont- ferrat. L’historien des croisades, Michaud, et ensuite Daru et de Sismondi, ont beaucoup insisté sur cette charte d’Incisa; mais Bonafous a démontré qu’elle ne parle pas du Maïs. Que dit, en effet, cette pièce? « Qu’en année 1204, au mois d'août, dans l’église de... en présence de... deux officiers au service de Boniface, de retour du siége de Constantinople, ont rapporté et donnent à la ville... un morceau de la vraie croix... , plus une bourse pleine d’une sorte de graines ou de grains de couleur d’or et en partie blancs (a), inconnus auparavant dans le pays; ils disent les avoir apportés d’une province d'Asie appelée Natolie, où ils faisaient des incursions avec leurs cavaliers, pendant le siége de Constantinople, que ces grains se nommaient Aeliga, qu'ils rapporteraient beaucoup dans la suite, et seraient d’un grand avantage au pays, ele, ete. » Comme il y a une foule de graines de couleur dorée et un peu blanches, Bonafous n’admet pas, d’après cela seulement, qu'il s'agisse du Maïs: il cherche le sens du mot Aeliga. I le trouve, de mème que ceux de Melica et de Melya, dans plusieurs documents authentiques du moyen âge. Ainsi, un compte de Uberto de Lucerna, seigneur de Moretta, en date de 1298, conservé dans les archives de Turin, mentionne le prix de diverses céréales, en particulier, du setier di Meliga (et ailleurs Melya). Muratori cite éga- lement le prix de ce grain dans une occasion. Crescenzio, un siècle avant Colomb, explique la manière de cultiver le Hilica, et cette manière est la même, dit Bonafous, que celle usitée aujourd’hui pour le Maïs. Delile, dans sa Flore d'Égypte, a déjà fait remarquer que le sorgho ou millet d'Inde (Holeus Sorghum), cultivé de toute ancienneté dans l'Orient, a aussi des grains dont on peut dire de colore aureo et partim albo, attendu que, sur le même épi, il y en a de jaunes et de blancs. Cardan, au xvre siècle (De subtilitate libri XXI, Basileæ, 1553, p. 389), dit que le blé cultivé en (a) Bursain unam plenam de semine, eu granis de colore aureo, et partim alba, 60 Ok ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Amérique, sous le nom de Maïs, ressemble, par son port, à la plante nommée en Italie Milica ou Sorghum. C. Bauhin, à la même époque, disait que les Lombards appelaient Heliga la plante que les Toscans nommaient Saggina. Matthiole confirme et dit qu'ailleurs, en Italie, on la nomme aussi Sorgo. Georges de Turre (Dryadum, Amadryadum, Clorisque triumphus, Patavii, 1685), dit que le Maïs ou Blé ture, importé en Italie depuis peu d'années, offrait une tige ressemblant à celle de la plante nommée Meliga ou Sorghum. Les académiciens de la Crusca, dont l’au- torité est d’un si grand poids en matière de langue italienne, rendent, dans leur Dictionnaire, l'expression de Meliga (en latin Melica), par celle de Saggina. Enfin, M. Targioni Tozzetti, auteur d’un Dictionnaire bota- nique justement estimé, traduit les mots Holcus Sorghum, L., par Melega, Melica, Melliga, Miglio indiano, Panico indiano. « Ce n’est que dans le dialecte piémontais, dit Bonafous, que le nom de Melia ou Meliga se donne à la fois au Zea et à lHolcus, en distinguant néanmoins cette dernière plante de la première par les mots de Melia rossa ou Melia de ramasse (Maïs rouge où Maïs à balai ), tandis que dans la langue italienne, le Maïs reçoit les noms de Grano turco, Sorgo turco, Formen- tone, Granonc, Grano siciliano, Grano d'India, ete. » Ainsi, en défini- tive, l'acte d’Incisa ne prouve rien sur le Maïs, et le grain rapporté par les croisés était plutôt une variété de Sorgho inconnue alors dans le Mont- ferrat. Les noms de Blé de Turquie, Blé turc, donnés au Maïs dans presque toutes les langues d'Europe, ne démontrent pas mieux une origine orien- tale. Les désignations de ce genre viennent souvent d'erreurs populaires au moment de l'introduction d’une espèce. Le coq d'Inde, originaire d’Amé- rique, a été appelé en anglais Turkey; le peuplier d'Italie ne croît pas sauvage dans ce pays ; le riz a été importé en Caroline, malgré le nom de riz de Caroline, etc. Le Maïs est appelé en Lorraine et dans les Vosges, Blé de Rome; en Toscane, Blé de Sicile ; en Sicile, Blé d'Inde ; dans les Pyrénées, Blé d'Espagne ; en Provence, Blé de Barbarie ou Blé de Guinée. Tous ces noms, moins répandus que celui de Blé de Turquie, montrent que, dans chaque localité, on a désigné le Maïs, suivant le pays d’où on le tirait immédiatement, sans remonter à une origine plus éloi- gnée. Les Turcs le nomment Blé d'Égypte, les Égyptiens Douràh de Syrie, ce qui peut faire croire qu'il n’est originaire ni de Turquie, mi d'Égypte. Heynius (Opusce. acad., 1, p. 344; Güttingen, 1785), et quelques auteurs modernes ont supposé que le nom de Blé ture venait de ce que les épis du Maïs sont terminés par des houppes de stigmates, semblables aux ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 045 houppes des bonnets de Turcs. On a cru aussi que c'était une allusion à la barbe des Turcs, mais rien ne le démontre. L'opinion de quelques auteurs du xvi' siècle sur l’origine orientale du Maïs, n’a pas plus de poids que les arguments tirés du nom de Blé de Turquie. Ce nom même a pu les induire en erreur, ou, du moins, donner à leur assertion plus de cours qu’elle ne méritait. Suivant Bonafous, le premier qui ait parlé du Maïs est Bock (Tragus), en 1532, c’est-à-dire quarante ans après la découverte de l'Amérique. Il aurait dit que cette plante fut apportée de l'Arabie heureuse en Allemagne, et qu’on la nom- mait Blé d'Asie, grand blé et grand roseau (Tipha magna) ; mais Bona- fous n'avait pas vu l'édition originale, qu’il prétend être de 1532, et je doute qu’elle existe, car elle n’est pas indiquée dans Pritzel, Thesaurus litteraturæ. L'édition vue par Bonafous était la traduction de 1552, que j'ai acquise récemment, et où je vois qu'il a défiguré complétement le sens. En effet, l’auteur dit (p. 650) que l'Allemagne peut s'appeler en quelque sorte l'Arabie heureuse, attendu qu’elle s'enrichit de plantes étrangères, entre autres du Frumentum Turcicum, etc., dont il donne une figure exacte. Il ajoute (p. 652) : « Hoc frumentum quod Germani Welschkorn, hoc est Italicum (ita enim omnia peregrina et prius nostro orbi incognita appellare solent) vocant, jure equidem Tipha magna dici possit. Quia vero e scriptis veterum nullum nominis hujus testimonium habemus, vocabimus interea Asiaticum frumentim. In Asia siquidem ultra Bactram fluvium adeo grande frumentum fieri tradunt, ut nucleos olivæ sua æquiparet magnitudine. » Des voyageurs lui avaient montré cinq grains de Maïs et lui avaient dit qu’ils venaient Çex [ndia. » Enfin, dans le doute de savoir ce qu'est la plante de Bactriane, il se décide à appe- ler le Maïs : T'ypha magna, Triticum magnum seu Asiaticum, en alle- mand, T'urkisch où Welschkorn. HN n’est pas question du Maïs dans lopuscule du même auteur de 1531, reproduit dans le vol. Il de Brun- fels, en 1536; ni dans l'ouvrage de Dorstenius (Franef., 1540). Ruellius (Hist., 1536) dit en parlant du Maïs : « Hanc quoniam avorum nostrorum ætate e Græcia vel Asia venerit T'urcicum frumentum nominant, » ce que Fuchsius (p. 824) répète en 1543. Ce fut donc la première opinion admise; mais combien la base posée par Tragus était légère! Quelle bizarre idée de rapprocher le Maïs de cette plante inconnue, mais bien différente, de Bactriane ! Dodoens, en1583 (Pempt., p. 509) ; Camerarius, en 1588 (Hort., p. 94) ; Matthiole (édit. 1570, p. 305) et autres firent justice de ces opinions conçues à la hâte, et soutinrent de la manière la plus positive l’origine américaine. Ils adoptèrent de préférence le mot H ar ÿs, qu'ils savaient être américain. 946 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Les voyageurs qui décrivirent les premiers les productions de VAmé- rique (a), témoignèrent beaucoup d’étonnement de la culture du Maïs ; ce qui doit faire penser qu'ils n’en avaient point vu chez eux. Hernandez (T'hes. Meæx., p. 242), qui consacre un long chapitre au Maïs, exprime une sorte d’indignation de ce que les Espagnols n'avaient pas encore introduit chez eux une plante aussi utile; or, ce voyageur était parti d'Europe en 1571, suivantles uns, en 1593 suivant d’autres (Lasègue, Mus. Deless., p. A67). Voyons maintenant si le Maïs n’était pas connu en Asie ou en Afrique, avant la découverte de l'Amérique; et, puisque les documents européens ne peuvent rien prouver à cet égard, c’est aux livres et aux monuments orientaux que nous aurons recours. Le Zea des Grecs n'était point le Maïs, mais l’épeautre (p. 933). Les livres sacrés n’en font aussi aucune mention. Le célèbre orientaliste d'Herbelot (Bibl. Orient., Paris, 1697, au mot Rous) a commis une erreur relevée par Bonafous; il cite un passage de Mirkhond, historien persan du xv° siècle, d’après lequel Rous, huitième fils de Japhet, fit semer dans les îles de la mer Caspienne « le blé que nous appelons, dit d'Herbelot, Blé de Turquie, et que les Tres appellent encore dans leur langue Rous et Boulgar. » Recourant au texte de Mirkhond, à la Bibliothèque de Paris, Bonafous à vu, à l'endroit cité par d’Herbelot, que Khozar, fils de Japhet, fit semer sur les rives du Volga du Kaveres, espèce de céréale que les Dictionnaires traduisent par millet; et que Rous, frère de Khozar, fit cultiver dans les îles du Volga, le Borgou, qui, d’après les mêmes, signifie une espèce d'arbre creux dont on fait des flûtes. Le mot Borgou aurait done été confondu avec Borgoul ou Bolqour, que les auteurs rendent par alica, frumentum seu triticum, far decortica- tum, ete. ; et du mot Bolgour, d'Herbelot aurait fait Boulgar, qui, d’après les vocabulaires, veut dire cuir, et non une graine quelconque. « Quant au mot rous, pris dans le sens de Maïs ou de grain, je n’ai trouvé nulle part, dit Bonafous, aucun terme qui justifie le récit de d'Herbelot. Ou cet auteur aura puisé à une autre source que celle qu'il mdique, ou une étrange confusion se sera mise dans les notes qu'il avait rassemblées, » Les voyageurs qui ont parcouru l'Afrique et l'Asie dans les temps qui ont précédé la découverte de l'Amérique, ne font pas mention du Maïs. Il est vrai qu'ils n'étaient pas nombreux, ni très exacts, et qu'ils n'avaient pas pénétré dans toutes les parties du continent asiatique. Les monuments de l’ancienne Égypte n’indiquent aucune trace du Maïs. J'ai parcouru les planches de l’ouvrage de Caillaud, et n'ai pas aperçu le (a) P. Martyr, Ercilla, Jean de Lery, ete., qui écrivirent de 4546 à 457$. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 947 moindre dessin qui püt le rappeler. On y reconnaît cependant à mer- veille le millet, la vigne et d’autres plantes. L'absence du Maïs, dans les catacombes et monuments anciens d'Égypte, est généralement admise (a). Voici cependant un témoignage contraire qui serait une grande décou- verte, s'il n’y a pas eu erreur ou supercherie. Les détails suivants, dit Bonafous, que j’extrais d’une relation inédite du voyageur Rifaud, méritent d’être rapportés littéralement : « Les grains et Pépi de Maïs, que j'ai découverts à Cournac (Thèbes), se trouvaient, sous la tête d’une momie posée sur un oreiller de hois. Les grains étaient dans une coupelle de terre cuite ; la tige, de 18 pouces de longueur, conservait encore ses feuilles, Sur la partie gauche de la momie, on voyait de petits fruits nommés nabac en arabe, mêlés à des grains de blé et à des bulbes d’une plante dont les habitants se servent pour faire des grains de chapelet. Sur la partie droite de la momie, s’obse-vaient des végétaux aquatiques, nommés resche en arabe. Il y avait aussi cinq ou six pains de froment. Une guirlande et une couronne de fleur de lotus ornaient le corps de la momie; la couronne reposait sur la poitrine, et la guirlande serpentait autour du corps. Le cer- cueil, de bois de sycomore, et couvert de signes hiéroglyphiques, était renfermé dans un sarcophage de basalte; des figurines de terre cuite, au nombre de trois cent quatre-vingt-dix, entouraient la momie. La caisse, de bois, avait 5 pieds 7 pouces de long, et le sarcophage, de basalte, avait environ 6 pieds. Ce fut à la partie occidentale de Thèbes, sur le revers de la chaîne libyque, que je fis cette découverte tout à fait due au hasard, si l’on considère que la petite vallée qui recélait ce tombeau avait été explorée par les Arabes pendant plusieurs années. » Je ne doute nullement de la véracité de Rifaud; mais je crains qu'il wait été victime de quelque supercherie. Remarquons d'abord que les Arabes ont exploré depuis plusieurs années la vallée dont il s’agit, et n'ou- blions pas que le Maïs est cultivé maintenant dans toute l'Egypte. Deman- dons-nous ensuite si les anciens Égyptiens, qui entendaient parfaitement l'agriculture, et qui liaient toutes leurs idées religieuses à des productions naturelles, auraient possédé le Maïs sans l'avoir cultivé autant et plus que le millet et l'orge, et auraient enfermé un grand nombre d’espèces de plantes dans des milliers de cercueils sans se souvenir de lune des plus précieuses. Dans mon esprit, il y a contre l'opinion de l'existence du Maïs dans l’an- cienne Thèbes, une preuve morale bien plus forte que le fait isolé décou- vert par Rifaud : c’est que le Maïs, introduit en Égypte, aurait dû s’y répandre partout, être figuré sur tous les monuments, se lier à toutes les (a) Voy. Kunth, Ann. sc. nat., NII, p. 418, et Raspail, Notice sur la détermination spécifique des céréales trouvées par M. Passalacqua dans un tombeau égyptien, 118 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÉCES CULTIVÉES. idées religieuses, se retrouver dans toutes les catacombes, comme on y retrouve le blé, orge, le millet et la plupart des productions importantes de l'Égypte ancienne et moderne. Ce qui est arrivé en Amérique chez les Péruviens et les Mexicains, serait arrivé en Égypte, et il n'aurait pas fallu exploiter pendant des siècles ce pays couvert de monuments, pour y trouver une seule fois un seul épi de Maïs antique. Si les anciens Égyptiens l'avaient possédé, ils l’auraient laissé perdre, car Prosper Alpin, qui décrivit lagri- culture de ce pays en 1592, ne parle nullement du Maïs. A la fin du siècle dernier, cette plante était encore peu cultivée en Égypte (Forsk., p. Lin) et n'avait pas de nom distinct des Sorgho. Ebn Baithar, médecin arabe du xuiI° siècle, qui avait visité les pays entre l'Espagne et le golfe Persique, ne parle d'aucune plante qui semble être le Maïs (trad. allem. de Sond- theimer). «Ne pourrait-on pas entrevoir le Maïs, dit Bonafous, dans un passage de Diodore de Sicile, où cet historien raconte qu’un aventurier grec, nommé Jambol, visita, dans la mer des Indes, une île où croissait une espèce de roseau qui portait en abondance un grain précieux, semblable par sa forme à celui de l’orobe... » — « On le recueille, dit Jambol, et on le fait macérer dans l’eau jusqu’à ce qu'il ait atteint la grosseur d’un œuf de colombe ; ensuite, après lavoir pilé et pétri avec les mains, on en apprête des pains que l’on fait cuire au four, et ces pains sont d’une saveur très douce. » — « Ce grain, inconnu à Diodore, dit Bonafous, pouvait être le Maïs, et l’île où Jambol l'observa, était la Taprobane des Anciens, aujour- d’hui Ceylan, suivant les uns, où Sumatra suivant les autres. » Je ne reconnais guère le Maïs dans cette description insignifiante de Dio- dore de Sicile; mais, ajoute Bonafous, € ce qui peut donner du poids à opinion qu’il s’agit de cette plante, c’est qu’elle est cultivée d’une manière générale, depuis un temps indéterminé, dans les îles de Java, Sumatra et autres de l'archipel indien. M. J. Crawford, qui a résidé neuf ans à Java, dit que le Maïs est, dans cette île, la production la plus importante après le riz ; qu'on le nomme Jarung, mot qu'il eroit indigène et qui est répandu d’un bout à l’autre de l'archipel. Il s'appuie sur ce que les productions que l’on sait être d’une origine étrangère portent ordinairement des noms qui lindiquent (History of the Indian archipelago, Édimbourg, 1820, vol. D). » Or l'espèce est, au contraire, d’une introduction si récente dans ces îles que Rumphius mwen parlait pas! Le Maïs est peu cultivé sur le continent indien. Il l'était surtout très peu dans le siècle dernier. Roxburgh, en effet, dans sa Flora Indica (a), écrite 1 y à quarante ou cinquante ans, dit en parlant du Zea Maïs : € cul- (a) Roxb., Flor. Ind., ed. Serampore, 1832, vol, I, p. 568. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 9/19. tivé dans différentes parties de l'Inde dans les jardins, et seulement comme objet de luxe; mais nulle part, à ma connaissance, sur le continent indien comme objet de culture en grand. » Bonafous mentionne des culturés observées par l’évêque Heber au pied de l'Himalaya; mais il est probable que c’était une introduction récente dans le pays. Le Maïs n’a pas de nom en sanscrit; du moins les botanistes anglais Roxburgh et Piddington, si exacts à rapporter les noms de plantes dans les langues asiatiques, n’en citent aucun (a). En bengali, le nom est Hokka, en hindustani Bhotta et Bhuta, en telinga Mokajuna. N serait intéressant de chercher si ces noms indiquent quelque chose relativement à l’histoire de la plante. A Ceylan, le nom est Muwa, d'après Moon (Cat., 1821, p. 61), qui n'hésite pas à dire le Maïs d'origine américaine. Le Maïs est cultivé en Chine (b) probablement d’une manière peu géné- rale, et Bonafous a découvert un livre chinois qui en parle, quoique la date de sa publication soit de peu d’années postérieure à la découverte de l'Amé- rique. Le titre de l’ouvrage est Phen-thsao-kang-mou (traité général d'histoire naturelle), par Li-chi-tchin, 9 vol. in-8”. « Il fut commencé, dit Bonafous, en 1552 et terminé en 1578. » L'édition qu'il en a consultée estde 1637; elle se trouvait dans la bibliothèque de Huzard. On y voitla figure du Maïs avec son nom chinois. Bonafous à copié la planche et en fait le frontispice du chapitre sur la patrie du Maïs. La ressemblance est assez grande. L'auteur demande si le peu d'années écoulées entre la découverte de l'Amérique et l’époque où ce livre parut, ne permet pas de croire que Pintroduetion du Maïs en Chine était antérieure à cette découverte. Il s'ap- puie sur l'isolement des Chinois et sur la lenteur de leurs progrès agricoles. Il soupçonne que le Maïs aurait été porté, avant la découverte de l’'Amé- rique, de l’archipel indien en Chine. J'avoue qu'avant de me ranger à cette opinion, je voudrais voir la première édition du livre chinois, car il se pourrait qu'on eût introduit dans la seconde (1637), une plante qui aurait été transportée depuis peu dans l'Asie orientale. Il serait à désirer aussi qu'un érudit en chinois voulût bien traduire le nom et la description de Li-chi-tchin, s’il en a donné une. Il faudrait encore constater l’époque de la rédaction de ce livre, et chercher dans d’autres ouvrages du même pays une confirmation de la découverte de Bonafous. En général, les sinologues ne parlent point du Maïs. Il n’est pas men- tionné parmi les cinq espèces alimentaires dont l'empereur Chin-nong in- (a) Piddington, English index to plants of India, in-8, Calcutta, 1832. (b) M. Duchène le nie dans son histoire du Maïs, et, en effet, la plupart des voyageurs en font pas mention. Cependant Macartney en parle, vol. HE, p. 38 de la traduction française. 950 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, troduisit la culture longtemps avant l’ère chrétienne (Julien, dans Loisel., Consid. sur les céréales, p. 29); au contraire, 1l est indiqué dans une En- cyclopédie chinoise du xvu* siècle comme apporté des pays occidentaux (Klaproth, dans Humb., Nouv.-Esp., 2° édit., p. 409). M. d'Hervey-Saint- Denys (Rech. sur l'agric. et l'hort. des Chinois, À vol. in-8°, Paris, 1850), qui a exploité surtout la grande encyclopédie Chéou-chi-thong- khao, imprimée en 1737, et qui parle de l’ancienne agriculture des Chi- nois, mentionne un grand Sorghum qui, d’après la figure originale, tient également du maïs et du bananier (p. 251), mais il n'indique nulle part le Mais. Thunberg (FE. Jap., p. 37) mentionne le Maïs comme cultivé au Japon, et, avec une légèreté digne de lui, il cite pour synonyme un nom de Kæmpfer, lequel, d’après la phrase même de Kæmpfer, doit être un Sor- ghum. Il attribue donc, par erreur, au Maïs ce que Kæmpfer dit de ce Sor- ghum, par exemple qu’il a été probablement transporté de Chine au Japon. Le Maïs aurait pu à la rigueur être introduit en Chine à la date de l’'En- cyclopédie dont parle Bonafous, car les Portugais abordèrent à Java en 41496 (Rumph., Amb., V, p. 525), quatre années après la découverte de l'Amérique; ils parvinrent en Chine dès 4516 (Malte-Brun, Géogr., I, p. 493), et le voyage de Magellan de l'Amérique australe aux Philippines eut lieu en 41520. Si je me refuse à supposer une introduction directe de cette manière, c’est que les Chinois auraient propagé extrémement vite une plante aussi précieuse, et qu’on n’en aurait pas été à la fin du siècle der- nier sur le continent indien à cultiver le Maïs comme une délicatesse d'amateurs (Roxb., FT. Ind., II, p. 569). Aujourd'hui encore il est moins répandu dans l’Inde qu’en Amérique (Roxb., Z{., p. 420). Les arguments de cette nature, quand il s’agit de plantes annuelles, fa- ciles à cultiver, et d’une utilité évidente, me semblent plus forts que toutes les interprétations possibles de chartes du moyen âge et d'opinions d'anciens auteurs. On va s’en assurer en jetant un coup d’œil sur les faits relatifs au Maïs en Amérique. La culture en était aussi générale dans cette partie du monde au mo- ment de la découverte, que celle du blé ou de l'orge en Europe et en Asie (J. Acosta, Hist. nat. Ind., trad. française, 1598, p. 160 ; Hernandez, Thes. Mexic.). Elle régnait du Chili à la Virginie, du Brésil à la Cali- fornie. Elle avait produit un nombre considérable de variétés, ce qui indique une culture déjà ancienne ; aujourd’hui encore c’est du nouveau monde que les agriculteurs ont fait venir presque toutes les variétés un peu distinctes de Maïs, et ils paraissent n’avoir pas encore épuisé cette riche mine. Les tombeaux des Incas, les catacombes les plus antiques du Pérou, contiennent habituellement des épis de Mais, de même que celles ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 951 de l'Égypte contiennent des grains d'orge et de millet. Les cérémonies reli- gieuses des anciens Mexicains et Péruviens exigeaient souvent l'emploi du Maïs. Au Mexique, une déesse portant un nom dérivé de celui du Maïs (Cinteutl, de Cintli), était adorée comme la Cérès des Grecs, car elle rece- vait les prémices des récoltes du Maïs, de même que la déesse grecque les premiers épis de nos céréales. À Cusco, les vierges du Soleil préparaient du pain de maïs pour les sacrifices. Rien ne montre mieux l'antiquité et la généralité de la culture d’une plante dans un pays que cette fusion intime avec les usages religieux des premiers habitants. Les autres espèces du genre Zea sont américaines. Le Maïs varie plus dans la forme et la couleur de ses graines que nos céréales de l’ancien monde. Ceci est digne d'attention, soit pour la recherche du Maïs primitif indigène, soit comme considération sur les modifications des espèces. Il est assez curieux de voir une plante de la même famille que nos céréales, varier autrement qu’elles. Gependant le fait est certain, car 1l ya des Maïs à grains ronds, ovoides, pointus, à pointes recour- bées (a), et enfin de couleurs très différentes, tandis que les grains de froment sont toujours ellipsoïdes et s’éloignent peu de la couleur jaune. Jusqu'à présent on n’a pas retrouvé le Maïs, d’une manière certaine, à l’état sauvage. A. de Saint-Hilaire (Ann. se. nat., XNI, p. 143) avait cru le reconnaitre dans la race qu'il nomme Zea Mays tunicata, dont les grains sont entièrement cachés par des enveloppes allongées et aiguës. Le naturaliste américain, l’abbé Larranhaga, qui le lui avait donné, disait que les Indiens Guaycurus le cultivent ; mais, selon de Saint-Hilaire, ces sau- vages sont au dernier rang de léchelle, et ne se livrent à aucune culture. Un jeune Guarany, qui était né dans le Paraguay ou sur ses frontières, recon- nut ce Maïs, et ajouta qu'il croissait dans les forêts humides de son pays. Le Maïs ordinaire étant la seule graminée dont les graines soient à décou- vert, Saint-Hilaire présume que la forme signalée serait l’état primitif de l’espèce. Bientôt Bonafous (Hist. nat. du Maïs, p. 30, pl. 5 bis) donna une figure de ce Maïs, qu'il nomma Zea cryptosperma. Il le regardait comme une espèce distincte. On lui en avait envoyé des graines de Buenos- Ayres sous le nom de Pinsingallo, en l'avertissant que « la culture n’en altère point les caractères, mais que la difficulté de séparer le grain de ses glumes empêche de le semer plus souvent. » Le docteur Lindley, dix ans après la publication de Bonafous et sans en faire mention, donna la figure et la description du même Maïs (Journal of (a) Zea Mays rostrata, Bonafous, Compt. rend. Acad. sc. Par., 1842, 1°" sem.,p. 683. Cette forme se perpétue de semis. Elle doit être ancienne, car on en a trouvé dans une rivière du Pérou une imitation sculptée, qui a été envoyée à M. Robert Brown, d'après le témoignage de Bonafous, 952 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. the hortie. Soc., I, p. 114) dont la Société d’horticulture de Londres avait reçu des graines, par M. Floy, de New-York. Ce dernier disait les avoir reçues des montagnes Rocheuses! (Rocky mountains), et affirmait que deux ou trois ans de culture avaient fait perdre les glumes et donné les caractères du Maïs commun. Nous n’avons aucun moyen de vérifier lexac- titude de M. Floy et surtout des personnes qui lui avaient remis les graines primitives. La localité est singulièrement éloignée du Paraguay. Si les faits sont exacts, si en même temps le Maïs cryplosperme à été trouvé dans deux pays aussi distincts, je croirais volontiers que le Maïs ordinaire, quand il se sème dans les clairières des forêts et se naturalise, prend des glumes qui dépassent la graine. Ce serait un retour à un état primitif, comme ceux observés par M. Roulin pour les porcs et autres animaux domestiques redevenus sauvages. Peut-être l’espèce serait-elle spontanée au Paraguay et naturalisée dans les montagnes Rocheuses ou plutôt dans le Mexique ? Rien ne prouve sa spontanéité véritable. En définitive l’origine américaine me semble bien prouvée, mais la portion de l'Amérique d’où la plante est sortie est très douteuse. D’après les anciens usages des habitants, ce peut être le Mexique ou l'Amérique méridionale; plutôt le Mexique, à cause de la marche probable des populations du nord au midi. Chenopodium Quinoa, Wild, —[,e Quinoa formait la base de la nour- riture des indigènes de la Nouvelle-Grenade, du Pérou et du Chili, dans certaines régions élevées à l’époque de la découverte de l'Amérique. La culture en a continué dans ces pays, par habitude, et à cause de l’abondance du produit, car la farine est mélangée d’un principe amer, dont on a de la peine à se débarrasser par des lavages à l’eau froide. On a distingué de tout temps le Quinoa à graine noire et celui à graine blanche (Molina, Hist. nat. Chili, p. 101). Ce dernier est le plus estimé. Molina parle des deux; le père Feuillée décrit et figure seulement le blanc (Journ. des obs., édit. 4725; Plant. médie., p. 15, tab. 10). I varie aussi par une teinte ver- dâtre ou rougeàtre de toutes les parties (a): Dans l'Inde on ne cultive aucune espèce de Chenopodium pour le produit des graines; on se sert (a) Je ne puis adopter l'opinion de M. Moquin (Prodr., XI, part. 1, p. 67), qui rap- porte (comme variété) le Quinoa blanc d'Amérique, à une espèce très douteuse, que l'on dit originaire d'Asie, le Chenopodium purpurascens, Jacq. La plante que M. Moquin m'a donnée et que j'ai cultivée, comme le Quinoa blanc du jardin de Toulouse, ressemble beaucoup à la fig. 3641 du Bot. mag. que sir W. Hooker et M. Moquin (Prodr.) rap- portent au Ch. Quinoa. Les fruits sont un peu rugueux et ponctués, mais dans un Quinoa noir du Chili, je les ai vus légèrement ponetués. [ls sont plus arrondis dans le blane, à cause de l'abondance de la farine, Le Ch. purpurascens, dacq , H. Vind., HI, t 80, a des feuilles supérieures entières fort différentes et des élamines exsertes. Le Quinoa blanc est bon à cultiver en Europe, à cause de ses feuilles, qui valent celles de l’épinard, et qui ont l'avantage de pouvoir servir dans la saison la plus sèche quand l’épinard manque dans les jardins. La graine est amère, elle conviendrait probablement aux poules, d'après ce que dit Molina. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 953 seulement des feuilles de quelques espèces (entre autres du Chenopodium album) pour légume (Roxb., F{., éd. 4832, vol. IP). I est même remar= quable qu'aucun Chenopodium n’a de nom sanserit connu (Roxb., F1.; Pidd., {ndex), d'où l’on peut inférer que les espèces actuellement com- munes dans Asie méridionale sont des mauvaises herbes d’origine étran- gère. Le Quinoa est certainement une plante américaine. Les deux races en sont probablement fort anciennes. On peut soupconner que la moins colorée, qui est la plus farineuse, est une dérivation de l’espèce primitive. Ni l’une ni l’autre ne sont indiquées autrement que comme plantes cultivées, mais il s’agit de l'Amérique méridionale et des parties les moins connues de ce vaste continent. Polygonum Fagopyrum, L. —Le blé noir ou blé sarrasin était inconnu aux anciens Romains et aux Grecs (Reynier, Écon. Celt., p. 425; Link, Die Urwelt, p. 15; Fraas, Syn. F1. class.). Il s’est introduit en Europe vers la fin du moyen âge. Cherchons à en découvrir l’origine. On le cultivait au xvi° siècle dans POdenwald (Tragus, édit. 1552, p. 648) sous le nom de Heydenkorn. Cæsalpin (p. 166), en 1583, le décrit comme cultivé, probablement en Italie, sous le nom de Formen- tone, ais Saresinum. Dodoens (Pempt., éd. 1616, p. et pl. 512) dit qu'on le cultivait beaucoup en Allemagne, ainsi qu'en Brabant. Le nom Fagopyron à été fabriqué par les érudits, d’après la ressemblance de la graine avec celle du hêtre (Dod., +b.; Reynier, 1b.); aussi est-il inconnu en Grèce (Sibth.; Reut. et Margot, F1. de Zant.; Fraas, Syn. FT. class.). On cultivait peu l’espèce en France il y « quelques siècles, car Olivier de Serres (éd. 1629) n’en parle pas. Le nom de blé sarrasin n’est pas indiqué dans J. Bauhin (Hist., 1651, Il, p. 994), qui avait vu la plante cultivée à Montpellier et à Bâle, et qui mentionne ordinairement les noms vulgaires avec exactitude. Il cite les noms de blé et dragée aux chevaux en fran- cais. Le nom sarrasin ne doit done pas venir des mots celtes had rasin, signifiant blé rouge, comme le prétend Reynier (Écon. Celt., p. 425), car il se trouverait dans tous les pays et idiomes anciennement celtiques. D'ailleurs, si les peuples celtes avaient connu l'espèce, Jules César en aurait parlé et les Romains l’auraient répandu partout après la conquête des Gaules (a). Il est plus probable que le nom sarrasin vient de la cou- (a) M. Le Gall, conseiller à la cour de Rennes, a eu l’obligeance de m'écrire : « Comme vous je pense que le Polygonum Fagopyrum a été introduit dans les Gaules longtemps après la domination romaine. Il n’a point un nom celtique proprement dit, un nom simple. Il n’est indiqué en breton que par une sorte de périphrase, par un rapport cer- tainement peu naturel. Il est introduit comme rival du froment, et son grain est noir; il mérite d’être nommé Æd-du, blé-noir, Gwinis-du, froment noir. Le mot sarrasin ou had rasin appliqué à une plante ne figure pas, à ma connaissance, dans les dictionnaires bretons ; ce serait d’ailleurs un mot composé. » 95/4 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. leur noire du grain, couleur qu’on attribuait populairement aux Maures et Sarrasins, ou de ce qu'on à cru que l'espèce aurait été introduite par les Sarrasins. Évidemment elle n’est pas ancienne dans l'Europe méridio- nale. Elle pourrait être arrivée ou par le midi ou par lorient. L'origine méridionale ne peut s'appuyer absolument que sur le nom vulgaire sarrasin, c’est-à-dire sur un indice très insignifiant. Il y a des raisons infiniment plus fortes pour ne pas l’admettre, quoique Bose, dans le Dictionnaire d'agriculture (XX, p. 379) ait dit positivement, mais sans citer de preuves, que les Maures auraient transporté le Sarrasin d'Asie en Afrique, et de là en Espagne. Le Polygonum Fagopyrum est peu ou point cultivé dans les pays méridionaux. Desfontaines (Æ{. Aflant.), M. Munby (F1. d'Alger), M. Boissier (Voy. en Esp.) ne le mentionnent pas. Reynier (Écon. des Celtes, p. 425) remarquait déjà que cette culture manque à l'Afrique et à l'Espagne, et qu’elle est au contraire fréquente dans les pro- vinces de la France où les Arabes n’ont pas pénétré. Ebn Baithar, médecin arabe, né à Séville dans le xrrr° siècle, n’en parle pas (trad. allemande de Sondtheimer). Dans le nord de l'Inde, où la plante est cultivée (Royle, ZE. Himal., p. 314), l'introduction ne peut pas être ancienne, car l’espèce n’a pas même de nom sanscrit (Roxb., FT. Ind.; Pidd., Zndex), et à Ceylan, elle n’a pas même un nom indigène moderne (Moon, Cat. Ceyl., p. 32). N'ayant pas été connue dans l’ancien empire romain, n'étant pas non plus d’origine méridionale, il faut que cette espèce soit arrivée en Europe par l’est ou le nord-est, selon l'opinion émise par Link. Les noms vul- gaires et la qualité presque spontanée dans lorient de l'empire russe le confirment. Les Polonais et les Bohèmes désignent l'espèce sous le nom de Tatarka (Mor., Dict. inéd. noms vulg.), les Esthoniens, sous le nom de T'attar ou T'atrikat, ce qui indiquerait une origine tartare. Un autre nom très répandu dans les pays slaves est, en russe Gretscha, Hretscha (Mor., Dict.), soit Greczica (Link, Urw., p. 415), en polonais Gryka (Mor., 4b.), en lithuanien Grikki (Mor., 1b.), qui semblerait indiquer une transmission par les peuples grecs, mais ce serait alors par les Grecs de Byzance ou de la Tauride, car les anciens Hellènes ne cultivaient pas l’es- pèce. Les Hongrois disent Hajdena, Haritska (Mor., 1b.); les Serbes Elda (Griseb., Spec. El. Rum., I, p. 315); les Allemands, dans cer- tains dialectes, Haden, Haiden, Heiden (Mor., tb.); plus ordinairement ils emploient les noms tirés de l’analogie avec la graine du hêtre (Buche), Buchweitzen (froment-hêtre). Dans les dialectes occidentaux on a dit Bockweydt ou Buekweydt (Dod., Pempt., p. 312), qui vient ou de Bock, bouc, ou plutôt d'une corruption de Buche, car je ne sais quel rapport la plante peut avoir avec les boues, Les noms anglais Buckwheat (froment ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 955 buck), et les noms français de quelques provinces Bouquette, Bucail, Boketta (Mor., Dict.) viennent des noms allemands. Les Italiens disent Faggina, de Fagus; les Catalans Fajol, et les Castillans A//forjon, Alforfon (Mor., Dict.) qui semblent aussi dérivés de Fagus. Aïnsi les noms vraiment particuliers, ou indiquant une origine, se trouvent dans les pays slaves, et montrent une introduction par l'est, Selon M. Grisebach (£. c.), Sestini aurait trouvé l’espèce spontanée près de Constantinople, mais aucun auteur ne confirme, et personne n’a indiqué la plante ni dans l'Asie Mineure, ni autour du Caucase. Ledebour (FL. Ross., IT, p. 517) l'indique dans la Russie moyenne (presque spontanée), dans les déserts de la Russie méridionale (d’après Falk seulement), dans la Sibérie baïkalienne, et peut-être en Daourie. Selon Bosc (Diet. d’agric., XI, p. 879), Olivier l'aurait trouvée sauvage en Perse ; mais je ne puis en trouver la preuve dans la relation du voyage de ce naturaliste. L’indication dans la Russie orientale et la Sibérie n’a rien d’improbable. Cependant, il ne faut pas oublier que l’espèce se sème aisément et se maintient pendant un an ou deux dans les cultures ou aux environs, ce qui peut induire en erreur. Polygonum tataricum, L. — D'abord confondu avec le précédent, on peut-être introduit plus tard en Europe. Il croît sauvage en Sibérie, près du Jénissé (Gmel., F1, I, p. 63, tab. 13, f. 1 ; Meisner, Prodr. monog. Polyg., p. 62). Linné(H. Cliff., p. 151), qui le regardait comme une variété du commun, dit que les graines en étaient venues de Russie. Dans le Species, il disait : « Habitat in Tataria. » Ledebour (F1. Ross., TI, p. 516) l'indique presque spontané dans la Russie moyenne, et spontané dans la Sibérie occidentale, centrale et orientale. Gmelin l'avait déjà trouvé en Sibérie. [y à un nom tartare Dikusch (Moritzi, Dict. noms vulg.) et un nom russe et tartare à la fois Kyrlik (ib.). Polygonum emarginatum, Roth. —4l croit en Chine et dans le Népaul, pays où on le cultive avec les précédents (Meisner, Prodr. mon. Polygq., p. 62). M. Bunge (Ænum. pl. Chin. bor.) ne mentionne ni les uns ni les autres. Don (Prodr. F1. Nep., p. 7h) dit que cette espèce, et le Polygonum tataricum sont regardés à peine comme spontanés dans le Népaul, parce qu’on les cultive depuis un temps immémorial sur les con- fins de la Chine et de l’Inde septentrionale. Dans ce cas, pourquoi ne cite- t-on aucun nom sanserit? S'il en existait pour cette espèce ou pour le Polygonum Fagopyrum, Roxburgh et Piddington n'auraient pas manqué de les indiquer, car la forme des graines est très particulière. La culture des Polygonum doit être moins ancienne que celle de la plupart des céréales, en Asie comme en Europe, Par ce motif, on ne peut douter que les espèces 956 ORIGINE GÉCGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. n'existent quelque part dans la nature, et si l'on n’a pas retrouvé le Poly- gonum Fagopyrum et le Polygonum emarginatum spontanés, d’une manière bien certaine, cela tient à ce qu'on n’a pas encore assez exploré l’Asie, ou peut-être au mélange de pieds d’origine cultivée avec ceux d'origine sauvage, dans le pays primitif. Faba vulgaris, Moœneh (Vicia Faba, L). — La Fève était cultivée par les anciens Grecs et les Romains (Link, Die Urwelt, 2° édit., p. 417; Fraas, Syn. Fl. class., p. 55), par les Hébreux (Reynier, Écon. des Arab, et Juifs, p. 428 ; Rosenmüller, Æandb. bibl. Altert., IN, p. 90) et les anciens Égyptiens (Delile, Hist. pl. cult. en Éq., p. 12). Elle manque cependant aux graines qu’on retrouve dans les catacombes (DC., Physiol., p. 695 ; Kunth, Ann. se. nat., VIT; Musée du Louvre). Peut- être cela vient-il de ce qu’elle était réputée abjecte et indigne de la nourri- ture des prêtres, ou de certains prêtres, par suite d'idées superstitieuses expliquées par les auteurs (Reynier, Rev. phil., 1807, Écon. des Égypt., p. #41). La Fève que les Grecs appelaient Fève d'Égypte était le Nelumbium speciosum, comme on l’a fort bien prouvé (Reynier, Écon. des Égypt., p. 321 ; Delile; Link, L. c.). La Fève ordinaire se cultive depuis quelques années dans l'Inde (Aïnslies, Mat. med., 1, p. 28; Royle, ZI!. Himal., p. 1906; Wight et Arn., Prodr. pen. Ind., p. 235), mais elle est inconnue dans l’ile de Ceylan (Moon, Catal.), et on ne lui connaît aucun nom san- scrit ou même indien moderne (Roxb., F., édit. 4832, IE, p. 823; Pidd- ington, Index). La culture n’en est donc pas ancienne dans l'Asie méri- dionale. Ceci est d'autant plus extraordinaire que, d’après M. Stanislas Julien (dans Loiseleur, Consid. sur les céréales, part. 1, p. 29), la Fève serait au nombre des cinq graines dont l’empereur Chin-nong avait intro duit la culture en Chine, l'an 2822 avant notre ère. Bunge (Enum. pl. Chin.) Va vue cultivée dans le nord de la Chine, de mème que Kæmpfer et Thunberg au Japon. Pline, 1. xvux, c. 12, edit. Genevæ, 1631), qui confondait évidemment plusieurs Légumineuses et le Nelumbium, sous le nom de ÆFaba, dit : « N'ascitur et sua sponte plerisque in locis, sicut septentrionalis Ocean insulis, quas ob id nostri Fabarias appellant. » (On ne sait où sont ces iles, etM. Link soupçonne que la plante indiquée est le Pisum maritimum.) « Ltem in Mauritania sylvestris passim, sed prædura et quæ perco- qui non possit. » (Ge ne peut donc être la Fève, qui, d'ailleurs, n'a pas été trouvée en Algérie.) «Nascitur etin Ægypto... scapo quatuor eubi- torum..…. simile caput Papareri, colore roseo.….. radix per quam lauta incolarum cibis, ete. (Évidemment le Nelumbium). » C'est proba- ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES, 957 blement d'après ce passage que Linné donne, avec une singulière assu- rance, l'Égypte pour patrie de la Fève (Sp., p. 1039). Lui,ou Willdenow, auraient ensuite appris du voyageur Lerche, que la Fève croit sauvage près de la mer Caspienne, sur les confins dela Perse (Willd., Sp., HT, p. 1111). Bose (Diet. d’agric., NV, p. 512) dit: «Olivier la rencontrée sauvage en Perse; » mais je n’en vois pas la confirmation dans le Foyage même d'Olivier, et il semble que Bosc a cru, un peu légèrement, sur des conver- sations peut-être avec Olivier, que ce voyageur aurait trouvé la plupart de nos plantes cultivées dans l’intérieur de la Perse. [le dit déja du Polygo- num Fagopyrum et de l’Avena sativa, dont il ne paraît pas qu'Olivier ait parlé dans ses écrits. Sans vouloir contester l’assertion de Lerche, qu'il m'est impossible de contrôler, je remarquerai que Bieberstein n'indique pas la Fève dansla région du Caucase, ni MM. C. A. Meyer (Verzeichniss, ete.) et Hohenacker (Plant. T'alysch), dans les districts voisins de la mer Cas- pienne et de la Perse, où l’on dit qu’elle existe. Ledebour (F£. Ross., D, qui à recueilli tous les documents relatifs au Caucase russe, ne cite que l’assertion de DC. (Prodr.), qui est tirée de Willdenow. Mon herbier et celui de M. Boissier n’apprennent rien à cet égard. Les noms de la Fève, dans l'Asie occidentale et en Europe, se rattachent à quatre sources : 1° Un nom hébreu, Phul (Hiller, Hieroph.,H, p. 129), ou Pol (Rosenmüller, Bibl. Altert., IV, p. 90), d'ou le nom arabe Fül (Forsk., Æg., p. Lxx), Foul (Delile, FL. Æq.); 2° le nom celte Fa, Fao, Fav (Legon., Dict. celt. bret.), ou latin Faba, qui n’est pas éloi- gné du précédent, et d’où dérivent les noms italiens, français et espagnols; 30 le nom slave Bob, qui est le même en polonais, en bohème et en illy- rien (Moritzi, Dict. inéd.), et qui a une parenté évidente avec le Bohne des Allemands et le Bean des Anglais; 4° enfin, le nom grec Ksauzs, qui était un nom générique, car on appelait aussi la fève Kéauos Ekmvexte (Hip- pocr.). On ose à peine dire que le nom grec moderne Kouxxex (Fraas, L. c.) en dérive, tant il est différent. L'existence d’une racine slave et l’analogie des noms slaves, allemands et même celte, peut faire présumer une trans- mission de l’est à l’ouest par la Russie. Les Latins auraient reçu la plante, non des Grecs, mais plutôt directement d'Asie, ou indirectement par les Gaulois, car le nom Faba est plus près des noms hébreu, celte et germain que du nom grec. Ervum Lens, L.—Ta Lentille était cultivée chez les Grecs, les Hébreux, les Égyptiens, de toute antiquité. Il n’en était pas de même dans l'Inde, car la plante n’a pas de nom sanserit (Roxb., Æ1., éd. 1832, II, p. 324; Piddingt., {ndex). On la cultive assez fréquemment aujourd’hui dans le Bengale. 958 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. M. C. À. Meyer (Verzeichn. PI. Caucas., p. 147) dit en parlant des provinces russes au delà du Caucase : € Colitur, crescit etiam quasi sponte hinc inde circà pagos; » cependant M. Hohenacker, qui a visité la région au sud-est du Caucase, n’en parle pas (Enum. pl. T'alysch). Ledebour (FL Ross., |, p. 662) cite Georgi, comme ayant trouvé l'espèce dans la Russie méridionale. On la voit aussi en Europe, çà et là, dans les champs, mais elle parait plutôt une importation provenant de la culture. M. Koch (Syn. F1. Germ., ?° éd.) dit : « Colitur et occurrit passim quasi sponte. » Sibthorp emploie les mêmes expressions pour la Grèce (Prodr. F1. Gr., II, p. 75). C’est bien une de ces espèces où la diffusion de la culture empêche de constater l’origine précise. Le mot arabe Ads (Forsk., p. Lxx1) vient de l’hébreu Adaschim (Mor.., Dict. inéd.); mais les noms latin Lens et grec Baxs, baux (Théop., Diosce., Fraas, Syn. FT. class., p. 56), n’ont aucun rapport entre eux. Peut-être ces différents peuples avaient-ils trouvé la Lentille indigène chez eux. Théo- phraste (Hist., 1. 1v, c. 5) la regarde comme une plante usitée en Grèce et manquant à la Bactriane, c’est-à-dire à la Perse. Les Allemands ont tiré le nom de la Lentille du latin, comme les Français. Les peuples slaves ont des noms tout autres, en polonais Soczwecka Siewna, en illyrien Socivika, en russe T'schetschevitza, d’où il semble qu'ils auraient reçu l’espèce de l'Asie occidentale, et non par les Grecs et les Romains. 1 Cicer arietinum, EL. — Le Pois chiche était cultivé par les anciens Grecs, Égyptiens et Hébreux, mais à la différence du précédent, il a un nom sanserit (Pidd., Zndex) et plusieurs noms indiens modernes (Roxb., FT., éd. 1832), ce qui montre une culture plus ancienne. D'après cela, Théophraste (1. 1V, €. 5) se trompait probablement en disant que le Pois chiche (Epéév0ce) manquait aux régions asiatiques intérieures, telles que la Bactriane et l'Inde. On le trouve quasi spontané dans les provinces autour du Caucase (Pallas, C. Koch, dans Ledeb., FT. Ross., 1, p. 660), de même que dans les champs du midi de l'Europe (Linn., Sp.; DC., Prodr.). I est impos- sible de dire si les pieds, en apparence spontanés parmi d’autres cultures ou dans le voisinage, sont d’origine vraiment spontanée. L'espèce avait deux noms en grec (Théophr., Diose.; Fraas, Syn. FI. class., p. 55), Ex6 05: et Keës, ce qui indique plutôt une origine du pays même. Le nom Cicer des Latins n’est pas sans analogie avec le Keës des Grecs, avec le Ketsech des Hébreux, qui était probablement le Pois chiche d’après Reynier (Écon. des Arab., p. 430); mais les noms arabes Homos, Ommos, Cotane, Melan (Rauw., F1. or. éd. Gron., n° 220: Forsk., p. Lxx1), et le nom sanserit Chennuka (Pidd., Index) sont plus éloignés ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 959 ou entièrement différents. Les Espagnols ont un nom particulier Garbanzo, qui est représenté dans quelques provinces françaises sous la forme de Garvance (Mor., Dict. ined.). Les noms allemands et français dérivent du latin. Les peuples slaves paraissent n'avoir pas de noms spéciaux pour cette espèce, dont la culture est plutôt méridionale; je note seulement un nom illyrien Slanutak (Mor., tb.), qui ne se rattache ni au grec, ni au latin. Une aussi grande diversité dans les noms fait présumer une patrie primitive très vaste. Lupinus albus, L.—HLupinus Fermis, Forsk, — Eupinus hirsutus, L, — Les Lupins sont cultivés autour de Fa mer Méditerranée, soit pour les graines, soit pour enfouir la plante comme engrais. Tous les trois sont cultivés aujourd’hui en Égypte (Delile, Mém. pli Cul NUITS MCE Prodr., 1, p. A07), mais je ne trouve pas de preuve que cette culture remonte ni aux anciens Égyptiens, ni aux Hébreux. Elle était inconnue autrefois dans l'Inde, car les Lupins n’ont pas de nom sanserit (Piddingt.. Index: Roxb., FL), et le nom actuel hindustani T'urmas (Pidd., nd.) n’est évidemment que le mot grec 6:çuo; ou le mot arabe T'ermis. M. Royle (LU. Himal., p. 194) dit qu'aujourd'hui même on ne cultive aucun lupin dans le nord de PInde; mais qu’on en trouve des graines dans les bazars sous le nom de foormus. Les Grecs modernes cultivent seulement le L. hirsutus, et encore dans le seul district de Maina, d’où lon peut inférer que le @épuos des Anciens était cette espèce, indigène d’ailleurs en Grèce (Fraas, Syn. Æ/. class., p. 51). La culture des Lupins semble done d’origine grecque et romaine. Le L. albus croit spontanément dans la région méditerranéenne, par exemple en Italie (Bertol., Æ£., VIT, p. 412), en Kicile (Guss., Syn., I, p. 266), en Thrace (Griseb., Spicil., 1, p. 11), près de Constantinople (Durv., 1bid.; Castagne, Cat. manse.), et dans les provinces russes au sud-ouest du Caucase (Ledeh., FT, Rosse, !, p. 511). Le L. Termis a été trouvé, bien spontané, en Sardaigne et en Corse (Moris, F1. Sard., T, p. 596), en Sicile (Guss., L. e.). On l'indique aussi en Égypte (Delile, TU, p. 21), dans le midi de l'Espagne (Boiss., Voy.), dans quelques points de l'Italie (Bertol., ÆT., VIT, p. 411); mais les auteurs sont moins afirmatifs sur la qualité de plante spontanée. Le L. hirsutus est décidé- ment sauvage dans la région méditerranéenne du Portugal et de PAlgérie (Boiss., Voy. Esp., Il) jusqu'aux îles de archipel (Sibth.) et Constanti- nople (Castagne, manse.). Pisum sativumm, EL, -— Pisum arvense, . — Le premier était cultivé chez les Grecs anciens et les Romains (Billerb., FT class., p. 185; Fraas, Syn. FT. class., p. 52). Je n'ai pas de preuves qu'il le fût chez les 61 960 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÊCES CULTIVÉES. Hébreux et chez les Égyptiens. Dans l'Égypte moderne, on cultive plutôt le Pisum arvense, le seul dont parle Delile (Plant. cult., p. 14). D'un autre côté, il aurait un nom sanscrit et beaucoup de noms modernes dans l’Asie méridionale, d’après Piddington ({ndex, p.71), ce qui indique une date très reculée pour ce pays. Roxburgh (F{. Ind., édit. 1832, vol. IT) et Wightet Arnott (Prodr., p. 235) ne mentionnent que le Pisum sativum, et non le Pisum arvense, comme cultivé aujourd’hui dans Inde; cepen- dant, Piddington indique un nom moderne hindustani pour le Pisum arvense, et Royle dit aussi qu’il est cultivé (ZE. Himal., p. 190). Ce nom est rapporté par Roxburgh au Pisum sativum, d’où il résulte que les Anglo- Indiens ont plus ou moins confondu les deux espèces. En Grèce, actuelle- ment, on cultive le Pisam sativum (Fraas, /. e.). On attribue tantôt à l’une, tantôt à l’autre espèce des noms très divers dans les langues slaves (Horoch, Goroch, etc.), dans les langues germaniques (Aerter en sué- dois, Arbeiss, Arbe en allemand ancien, ete.), qui sont très différents des noms grecs, latins et celtes I{:0:, Pisum et Piz. Probablement, les peuples du centre de l'Europe ont trouvé ces plantes chez eux, et ceux du nord les ont recues de la Russie méridionale. Quoi qu’il en soit de leur confusion dans les livres et dans les langues, les deux espèces se retrouvent à l'état sauvage. Le Pisum sativum est en Crimée, sur les collines, près du détroit (Bieb., F£., 11, p. 451), ce qui, du reste, est la seule localité indiquée, et par un seul auteur. Le Pisum arvense est décidément spontané dans la région méditerranéenne, depuis l'Espagne méridionale (Boiss., Voy.) jusqu’à la Russie méridionale (Ledeb.., FL. Ross., I, p. 661). Selon M. Grisebach (Spreil., TE, p. 69), le Pisum ar- vense, de Sibthorp et de Moris, doit être rapporté au Pisum elatius, Bieb. ; mais pour la question de spontanéité, cela nousimporte peu, carles botanistes qui ont comparé les deux espèces, Ledebour, par exemple, les admettent loutes deux comme spontanées aujourd’hui dans les environs de la mer Noire. Lathyrus sativus, L. — Lathyrus Cicera, L. — Les Gesses sont cul- livées comme fourrage et pour les graines dans toute la région méditerra- néenne; seulement, en quelques points, on sème la première espèce (Égypte, d'après Delile, PE. cult.); ailleurs, plutôt la seconde (Grèce, d'après Fraas, Syn. FT. class., p. 52); enfin, dans d’autres localités, on sème les deux espèces. D’après Billerbeck (ÆÆ4 class., p. 186) et Fraas l. e.), les Grecs et les Romains auraient eu les deux espèces. Ni l'une mi l'autre n'avaient de nom sanserit; mais le Lathyrus sativus à des noms mo- dernes bengalis (Piddington, Zndex). Je n'ai aucune preuve qu'ils fussent cultivés par les Hébreux et les anciens Égyptiens. Les livres hébreux n’en parlent pas (Rosenmüller, Bribl. Altert., EN). ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 961 L'une et l’autre espèce croissent spontanément en Espagne(Boiss., Voy., I, p. 196), en Algérie (1b.), généralement dans le midi de l’Europe et jus- qu'aux provinces caucasiennes (Ledeb., #7. Ross., 1, p. 681). Ordinaire- ment, il est vrai, elles se trouvent dans les champs, ou près des cultures, de facon que lorigme est douteuse. Toutefois, C. A. Meyer (Verz. Pflanz. Cauc., p. 148) dit du Lathyrus sativus : « Zn dumetis et locis incultis circa pagos provr. Lenkoran; a T'aluschenis copiose colitur. » Et du Lathyrus Cicera : « {n collibus prope Baku. » M. Fraas indique aussi des localités montueuses pour le Lathyrus sativus. Vicia sativa,L. — La Vesce peut être considérée comme fourrage ou comme plante nutritive. Par sa manière de végéter, elle se rapproche plus des Ervum, Cicer, Faba, etc., que des fourrages. Les Grecs et les Romains la cultivaient sous les noms de B:#% et Vicia (Billerb., FE. class., p. 188; Fraas, Syn. FI. class., p. 55). Des noms analogues au latin Vrcia se trouvent dans les langues germaniques et slaves (Moritzi, Dict. inéd. des noms vulq.); mais il y a des noms arabes tout à fait différents. Dans l'Inde, elle a plusieurs noms modernes, sans aucun nom sanscrit (Piddington, {ndex). Elle croît, spontanée, au midi du Caucase, dans les prés (C. A. Meyer, Verz., p. 147); en Grèce, parmi les buissons de la zone des arbres tou- jours verts (Fraas, /. c.), et en général, dans le midi de l'Europe et en Algérie (Boiss., Voy. Esp. ; Munby, FT. Alq., etc.); mais dans l'Europe tempérée, elle vient plus ordinairement parmi les cultures, d'où lon peut inférer qu'elle est introduite et non originaire. Phaseclus. — Bolichos.— La distinction des espèces est trop difficile, trop peu avancée dans ces deux genres pour que la recherche des origines puisse être faite convenablement. Si l’on ne connait pas aujourd'hui telle espèce à l’état sauvage, il est fort possible que telle autre espèce ou variété considérée comme différente, en soit la soûiche. D'ailleurs, les pays d’origine sont nécessairement des régions tropicales peu explorées jusqu'à présent. Selon Fraas (Syn. Fl.class., p.52 et 56), les anciens Grecs cultivaient les Phaseolus vulgaris (4:):72:) et Phaseolus nanus ($4::2:5). Ils connuis- saient peut-être, comme plante indienne, le Dolichos Catjang. Le mot Xooyse, d’où vient peut-être notre mot Haricot (a), S'appliquait à quelque espèce de (a) Théophraste dit de V'Apayes «est frumentorum vitium, » Ce qui convient au Vicia vil- Josa, mais nullement aux haricots. Par une coïncidence bizarre le Pois, Pisum sativum, se nomme en sanserit Harenso (Piddington, /ndex;. Le mot haricot viendrait-il de l’un de ces mots, transposés d’une légumineuse à une autre ? J'en doute beaucoup. Ce mot si vulgaire en francais, ne vient pas du celte, comme le prétend Bescherelle dans son Dic- tionnaire étymologique de la langue française, car le haricot se nomme en breton Fa-munud, qui veut dire fève menue ou Pis-ram, par comparaison avec le pois (Le 962 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, Vicia (Billerb., KL class., p. 188; Fraas, Syn., p. 54). Les Égyptiens modernes cultivent le Phaseolus Mungo, L., et le Dolichos Lubia, Forsk. (Delile, PL. cult., p.14); mais je ne sais si la culture en est ancienne en Égypte. L'Inde est une des régions où l’on cultive le plus de ces espèces. Selon le docteur Royle (LU. Him., p. 190), ce sont les Phaseolus radia- tus, Roxb., Mungo, Roxb., aureus, aconitifolius, cuneatus, Max, cal- caratus, des auteurs anglo-indiens, Dolichos Catjang, sinensis, Lablab, cultratus; puis, en Cachemir, le Phaseolus vulgaris, semblable à celui d'Europe. De toutes ces espèces, les seules qui aient un nom sanscrit, d’après Roxburgh et Piddington, sont les Phaseolus radiatus, Mungo et Lablab. Le Phaseolus vulgaris et le Phaseolus nanus étant rares dans l'Asie orientale, n’avant pas de nom sanserit et ayant été cultivés par les Grecs, doivent être originaires plutôt de l'Asie occidentale, contrairement à l'opinion reçue. Je note, à l'appui de cette hypothèse, que les noms allemands et anglais ne sont point fondés sur les noms grec et latin, et que les jardiniers flamands, en 1596, appelaient les haricots Fève turque (Phillips, Cult. veg., 1, p. 7h). Jusqu’à présent, personne ne dit avoir trouvé ces espèces à l’état sau- vage. Roxburgh n’a vu spontanée, dans l’Inde, aucune des espèces culti- vées; mais il yen a d’autres, en particulier, son Phaseolus sublobatus, dont les graines sont, dit-on, recherchées par les enfants, quoique la plante ne soit pas assez productive pour être semée. Quelques-unes de ces plantes sont probablement originaires de la Chine méridionale, de la Cochinchine ou des îles de l'archipel indien; l'absence de nom sanscrit le rend assez probable (a). 29 Graines employées à différents usages. Arachis hypogæa, L, — La Pistache de terre (Earth nut, des Anglais) se cultive dans tous les pays chauds, soit pour manger la graine, Gall, lettres mss.), genre de mots qui indique une introduction peu ancienne. Le pre- mier auteur français où je trouve le mot Haricot est Tournefort (/nst., p. 415). Bauhin, Matthiole et autres n’en parlent pas. Olivier de Serres (Théâtre, édit. 1629, p. 97) se sert du mot Fazéole. On voit qu’à son époque on cultivait l'espèce. — On attribue quel- quefois l'origine du mot haricot à l'emploi qu’on faisait, dit-on, de ce légume pour le plat appelé haricot (Phillips, Hist. cult. veg., 1, p. 74, qui l'avait probablement tiré d’un livre français), mais, en fait, le plat nommé haricot est composé avec du mouton seul ou du mouton et des navets (Dict. Acad., édit. 1835, au mot HaRiCOT). Ménage (Diet. étym., 1694) fait venir haricot de Faba, par une série de transformations imaginaires. (a) Le Phaseolus Caracalla aussi n’a pas de nom sanserit, d'où il aurait été facile de conclure que l'espèce n’est pas d’origine asiatique. Une fleur aussi curieuse n'aurait pas été négligée, elle aurait eu plutôt dix noms qu'un dans une langue telle que le sanscrit. MM. Wight et Arnott (Prodr. F1. pen. Ind., p. 244) ont du reste indiqué la véritable ori- gine, d’après vu échantillon spontané du Brésil. Avant eux on disait la Caracole d’origine asiatique. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 963 soit surtout pour en tirer de l'huile. Linné (Sp., p. 1040) dit de l’Ara- chis : € Habitat Surinami, in Brasilia, Peru.» En 1818, M. R. Brown (Bot. Congo, p. 53) s’exprimait ainsi : € Elle a été probablement intro- duite de Chine, sur le continent indien, à Ceylan et dans l'archipel malai, où l’on peut croire, malgré sa culture aujourd’hui générale, qu’elle n’est pas indigène, particulièrement à cause des noms qu’on lui donne. Je regarde comme n'étant pas très improbable qu’on laurait apportée d'Afrique dans différentes régions équinoxiales de l'Amérique, quoique cependant elle soit indiquée dans quelques-uns des premiers écrits sur ce continent, en particulier sur le Pérou et le Brésil. D’après Sprengel, elle serait mentionnée dans Théophraste, comme cultivée en Égypte; mais il n’est pas du tout évident que l’Arachis soit la plante à laquelle Théophraste fait allusion dans le passage cité. Si elle avait été cultivée autrefois en Égypte, elle se trouverait probablement encore dans ce pays; or, elle n’est ni dans le Catalogue de Forskal, ni dans la Flore plus étendue de Delile. II n’y a rien de très invraisemblable, continue M. Brown, dans l'hypothèse que . VArachis serait indigène en Asie, en Afrique, et même en Amérique; mais si l’on veut la regarder comme originaire de l’un de ces continents seulement, il est plus probable qu’elle aurait été apportée de Chine, par l'Inde, en Afrique, que d’avoir marché dans le sens contraire. » Mon père, en 4825, dans le Prodromus (1, p. 47h), revint à l'opinion de Linné. Il admit l’origine américaine sans hésiter; mais peut-être le passage de M. R. Brown lui avait-il échappé. Reprenons la question avec les données actuelles de la science. L’Arachis hypogæa était la seule espèce connue de ce genre singulier, lorsque M. Brown écrivait ce qui précède. Depuis, on a découvert six autres espèces, toutes du Brésil (Benth., Trans. Linn. Soc., XVII, p. 199; Walp., Rep., 1, p. 727). Ainsisen appliquant la règle de proba- bilité dont M. Brown a tiré le premier un si grand parti, nous inclinerons, à priori, vers l’idée d’une origine américaine. Rappelons-nous que Marc- graf(Bras., p. 37, édit. 1648), et Pison (édit. 1698, p. 256), décrivent et figurent la plante comme usitée au Brésil, sous le nom de Mandubi, qui paraît indigène. Ils citent Monardes, auteur de la fin du xvi° siècle, comme l'ayant indiquée au Pérou, avec un nom différent, Anchrc. Joseph Acosta (Hist. nat. [nd., trad. franc., 1598, p. 165) ne fait que men- tionner l’un de ces noms usités en Amérique, Mani, et en parle à l’occa- sion des espèces qui ne sont pas d’origine étrangère en Amérique. L’Ara- chis n’était pas ancienne à la Guyane, aux Antilles et au Mexique. Aublet (p. 765) la cite comme cultivée, non à la Guyane, mais à l’ile de France. Hernandez n’en parle pas, et Sloane (Jam., 1, p. 184) ne l'avait vue que 964 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, dans un jardin et provenant de graines de Guinée. Il dit que les négriers en chargeaient leurs vaisseaux pour nourrir les esclaves pendant la traversée, ce qui indique une culture alors très répandue en Afrique. Pison, dans la seconde édition (1658, p. 256, non dans l’édit, 1648), figure un fruit très analogue, importé d'Afrique au Brésil, sous le nom de Mandobi, bien voisin du nom de l’Arachis, Hundubi. D’après les trois folioles de la plante, ce serait le Voandzeia, si souvent cultivé en Afrique ; mais le fruit me parait plus allongé qu’on ne l'attribue à ce genre, et il a deux ou trois graines au lieu de une ou deux. Quoi qu’il en soit, la dis- tinction établie par Pison entre ces deux graines souterraines, l’une brési- lienne, l’autre d'Afrique, tend à faire penser que l’Arachis est du Brésil. L’ancienneté et la généralité de sa culture en Afrique est cependant un argument de quelque force, qui compense jusqu'à un certain point l'an- cienneté au Brésil et la présence des six autres Arachis dans ce seul pays. Je lui donnerais beaucoup de valeur sil’Arachis avaitété connue des anciens Égyptiens et des Arabes; mais le silence des auteurs grecs, latins et arabes, l’absence de l'espèce en Égypte, du temps de Forskal, me font penser que sa culture en Guinée, au Sénégal (Guill. et Perr., F1. Seneg.) et sur la côte orientale d'Afrique (Lour., F1. Coch.), ne remonte pas à une date fort ancienne. Elle n’a pas non plus des caractères d’antiquité bien grande en Asie. En effet, on ne lui connaît aucun nom sanscrit, ou même bengali (Roxb., FT. End., WI, p. 280; Pidd., Zndex), mais seulement un nom hindustani. D’après Rumphius (V, p. 426 et 427), elle aurait été importée du Japon dans plusieurs des îles de l'archipel indien; elle n'aurait eu alors que des noms étrangers, et le nom usité par les Chinois signifiait seulement fève de terre. A la fin du siècle dernier, elle était cultivée géné- ralement en Chine et en Cochinchine. Cependant, malgré cette supposition de Rumphius, d’une introduction dans les îles par le Japon ou la Chine, je vois que Thunberg n’en parle pas dans sa Ælore Japonaise. Or, le Japon à eu d'anciens rapports avec la Chine, et les plantes cultivées, origi- naires de lun des deux pays, ont ordinairement passé de bonne heure dans l’autre. Elle n’est pas indiquée par Forster parmi des plantes usitées dans les petites îles de la mer Pacifique. L'ensemble de ces données me fait présumer l’origine américaine, j'ajou- terai même brésilienne. Aueun des auteurs que j'ai consultés ne dit avoir vu la plante spontanée, soit dans l’ancien, soit dans le nouveau monde, Ceux qui parlent de FAfri- que ou de l'Asie ont soin de dire que la plante y est cultivée. Maregraf ne le dit pas pour le Brésil, mais Pison indique l'espèce comme semée, Sesamum indicum, DC, (S, indicum etS. orientale, L.).— Le Sésame ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 965 est une de ces graines oléagineuses répandues depuis longtemps dans les régions chaudes de l’ancien monde. Pline (1, xvur, €. 40) en parlant des cultures d'été des Égyptiens dit: « Sesama ab Indis venit: ex eo et oleum faciunt. Color ejus candidus. » Il parle d’un Sésame sauvage, usité aussi en Ésypte pour de l'huile, et qui doit être le Ricin (1. xv, e. 7). Théophraste (1. vux, €. 1, 5) et Dioscorides (1. 11, c. 121) mentionnent aussi un Sésame, plante annuelle, dont les Égyptiens tiraient de l'huile. Malgré ces témoi- gnages concordants, je doute que la culture du Sésame fût bien ancienne en Égypte, car il ne parait pas qu’on en trouve des grains dans les cercueils de momies, et les commentateurs ne citent aucun nom hébreu qui se rap- porte à elle (Hiller, Æierophyton ; Rosenmüller, Bibl. Altert., IN). Le nom de Sesamum est commun aux Grecs, aux Latins et aux Arabes (Forsk., p. LxXvIN), sauf quelques variations insignifiantes de lettres. Le nom san- serit est Z'ila (Roxb., FT. Ind., UK, p. 100). 11 y aun nom malais Widjin (Rumph., V, p. 205), un nom chinois MWoa (ib.), un nom japonais Koba (Thunb., ÊT. Jap., p. 25h). La diversité de ces mots dans des langues anciennes, montre l’antiquité de la culture et sa grande diffusion dès lori- gine. C’est aussi une indication que les races considérées, par les uns, comme appartenant à la même espèce; par d’autres, comme formant plusieurs espèces ont peut-être une patrie primitive différente, et ce fait appuierait l'idée de plusieurs espèces. Roxburgh et le docteur Royle (LU. Himal., p. 294) qui ont observé la culture de divers Sésames et qui reconnaissent l'hérédité de leurs caractères, admettent une seule espèce. Dans ce cas, la plante primitive serait probablement celle à graines noires, à fleur rose, feuille peu large, entière ou sinueuse, que Rumphius (V, p. 204, 205) nous dit être la plus commune dans l'archipel indien et se propager hors des cultures, parce qu’on la bannit des jardins. Aucun autre auteur ne parle de Sésame spontané, et nous ne pouvons pas savoir si Rumphius lui-même entend une plante vraiment sauvage, ou une plante qui s'échappe des eul- tures par la facilité avec laquelle ses graines se répandent. Le nom malai vulgaire, Wiedjen allas, signifie Sésame sauvage (Hassk., Cat. h. Bogor. alt., p. 152). Le Sésame est cultivé sur la côte occidentale d'Afrique (Hook., FT. Nigr., p. AG4). C’est de là que les Portugais apportèrent au Brésil la variété à graine blanche et à feuilles étroites entières (Piso, Bras., édit. 1658, p. 211). Comme toutes les vraies sésamées (Trib., 1; DC., Prodr., IX) bien connues, sont originaires d'Afrique ou d'Asie, je doute infiniment que les deux Sesamum encore mal connus, peut-être cultivés, et d’origine mal établie, qui sont à la fin du genre dans le Prodromus, soient vérita- blement indigènes en Amérique. 966 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, Papaver somnifernm, L.— || est fait mention du Pavot cultivé déjà dans Homère (Billerb. ; Fraas, Syn. F1. class.). Pline (1 xx, c. 18) en parle longuement. 11 distingue trois variétés : blanche, noire et sauvage. Cette dernière est probablement le P. setigerum, DC. que MM. Moris (FL. Sard., 1, p. 80) et Boissier (Voy. Esp., Il, p. 16) regardent comme une race spontanée du P. somniferum. Pline dit que la capsule en est plus allongée, plus petite et a des propriétés plus énergiques. Or, les qualités du P. setigerum sauvage en Espagne sont plus intenses que celles de la plante cultivée, d’après des essais de M. Hænselaer (Boiss., [. c.). L’ancienneté des races à graines blanches et à graines noires est un fait curieux, parce que personne n'a proposé de les considérer comme deux espèces. Ce serait, selon tous les botanistes, une modification héréditaire d’une seule espèce; mais alors, il faut en convenir, une modification dont l'origine se perd dans la nuit des temps. Les langues asiatico-européennes ont des racines très diverses pour le Pavot : 1° Mxe en grec; 2° Papaver en latin ; 3° Kooknar en persan, Khus-Khash en arabe (Aïnslies, Mat. méd. Ind., 1, p. 826), d'où Cascall en espagnol (Mor., Dict. inéd.), qui paraissent venir de Chosa en sanscrit (Piddington , {ndex) (a); 4° Post en bengali et hindustani (Roxb., FE. Ind., édit. 1832, IT, p. 571 ; Piddington, {ndex), et aussi en sanscrit (Aïnslies, {. c.); Jeisoku et vulgairement Kes en japonais (Thunb., FT. Jap., p. 222). Loureiro n’a pas vu le Pavot en Cochinchine et dans la Chine méridionale. M. Bunge la vu cultivé au nord de la Chine (Enum., p. 4); mais je ne connais aucune preuve que cette culture remonte à une grande ancienneté dans l'Asie orientale. L'absence de nom hébreu (Hiller, Hierophyton; Rosenmüller, Brbl. Altert., IV) peut faire croire que les Juifs ne avaient pas, quoique du temps de Pline les Éeyp- tiens fissent usage du suc de Pavot comme oflicinal (Pline, xx, ec. 18). D’après cet ensemble, je ne puis dire où la culture aurait commencé, Il est possible qu’elle soit très ancienne dans plusieurs pays, savoir : dans la partie orientale de la région méditerranéenne, dans l'Inde et la Chine septentrionale, enfin au Japon. L’habitation primitive de l'espèce avait peut-être une grande étendue, comme celle de plusieurs Papavéracées, et dans ce cas, divers peuples auraient imaginé séparément de cultiver la plante. En comparant les auteurs anglo-indiens avec ceux d'Europe, il me semble que les variétés sont plus nombreuses et plus généralement eul- tivées depuis des siècles dans le rayon de la Grèce et de l'Italie, ce qui ferait supposer lhabitation primitive vers la région méditerranéenne et (a) Ou plutôt de Khaskhasa, qui est le nom ordinaire en sanserit, d'après une note que M. Ad. Pictet me communique, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 967 une extension subséquente du côté de l'Asie orientale. Je reviens ainsi, par un grand détour, à lopimion de MM. Moris et Boissier sur l'identité avec le P. setigerum qui eroit spontanément dans tout le bassin de la mer Méditerranée, et qui serait le type primitif des Pavots cultivés. Il v a contre cette opinion la grande ancienneté des deux races cultivées à graine noire et graine blanche. Les Pavots se sèment autour des champs, et il est impossible de savoir dans quel cas les pieds mériteraient d’être considérés comme sauvages. On assure que l'espèce vient dans les champs, en Grèce (Sibth., Prodr., 1, p. 399; Fraas, Syn. FT. class., p. 127), quoique sa culture n’y soit pas habituelle. À Genève, où on le cultive comme plante d'ornement, je l'ai vu persister dans des jardins, d’année en année, à l’état semi-double, au même degré que plusieurs mauvaises herbes. Brassica eampestris oleifera. BC. — [ee colza est considéré comme une forme du B. campestris, très voisine de l’état naturel de l'espèce (DC., Trans. hort. Soc. Lond., V). Les navettes d'hiver sont aussi des modifications de la même espèce, maintenant que l’on réunit les B. Rapa et B. campestris (Koch, Syn.; Ledeb., F1. Ross.; Bab., Man.). J'ai dit (p. 826) que la patrie primitive du B. campestris était de la mer Baltique au Caucase. L'idée de cultiver ces plantes pour l'huile à extraire des graines n’a pu venir que dans les pays de l’Europe tempérée où Polivier, le pavot, le sisame et même le noyer n'étaient pas introduits, ou donnaient des récoltes incertaines. Il y a deux siècles l’usage de l'huile de navette était très général dans le nord de la France, la Flandre et l’Angleterre (Olivier de Serres, édit. 1629, p. 469). On ne peut préciser à quelle époque il remonte (Reynier, Écon. des Celtes, p. 146), mais il est probablement fort ancien. Raphanus sativus, L.— (n le cultive en Chine pour extraire de l'huile des graines, et dans ce cas la racine n’est pas charnue. Jai dit ailleurs (p- 825) quelle est la patrie probable de l'espèce. Camelina sativa, Crantz. — La Cameline est spontanée dans presque toute l’Europe continentale tempérée (Koch, Syn. F1. Germ.; Bertol., FI. Ft., NI; Ledeb., F1. Ross., 1, p. 196), dans la région du Caucase (Ledeb., tb.), en Sibérie jusqu’au lac Baical (1b.). Je doute beaucoup que le Myagros de Dioscorides et de Pline doive se rapporter à elle, Rien ne prouve qu’elle ait été cultivée par les Grecs et les Romains, mais dans le moyen âge la culture s’en est répandue. Elle à probablement commencé en Allemagne ou en Russie. Étant mélangée d'ordinaire parmi le lin, on l'avait appelée Leindotter en allemand (Lein, lin, dotter, jaune ; à cause de la graine). Les érudits du xvie siècle l’appelaient quelquefois Pseudolinum 968 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. (Lonic., p. 154), et peut-être Cameline vient-il de Chamælinum qui exprimerait la même chose; je ne vois cependant pas ce mot dans les vieux auteurs. [1 y a des noms russes, hohèmes, lithuaniens, etc., assez variés, et différents des noms allemands. Juglans regia, L. — Pline (1. xv, c. 22) dit expressément que le Noyer a été introduit de Perse en Grèce : « Et has e Perside a regibus trans- latas, indicio sunt græca nomina. Optimo quippe genus earum Persicon atque Basilicon vocant. Caryon a capitis gravedine, propter odoris gravitatem. » Théophraste entendait bien le Noyer par Kéguoy et Kopuey Bacthuës Où Heçorrx, quoique M. Fraas paraisse en douter (Syn. FL. class., p. 55), car les propriétés indiquées au livre 1°, chap. 178, vont bien à l'espèce, et il dit (1. 1, c. 41) qu’on en tirait de l'huile. Le nom moderne grec Kazsvde, cité par M. Fraas, est une confirmation de l’ancien nom. Les Romains appelaient le Noyer, Nux, et le fruit, Jovis glans. On connaît l’usage de jeter des noix au-devant des épouses. Les Arabes sem- blent avoir eu connaissance du Noyer par les Romains, car ils lui ont donné le nom de Jowz (Ainslies, Mat. med. Ind., 1, p. 463) où Jown (Roxb., FT. Ind., UE, p. 361) ou Dschauwz (Ebn Baithar, trad. par Sondth., 1, p. 266). Il y a du reste d’autres noms arabes et indiens mo- dernes qui paraissent se rattacher au sanscrit UÆshadu (Roxb.), Unkotha (Pidd., Zndex). Le mot hébreu £gos, qui se trouve une seule fois dans la Bible, est attribué au noyer (Rosenmüller, Bibl. Alt., IV, p. 224). I offre une ressemblance singulière avec plusieurs noms du Noyer chez les peuples du Caucase (Pallas, FL. Ross., IL, p. 3). L'existence de noms slaves, Oresak en bohème, Orak en illyrien (Vis., FL. Dalm., 1, p. 215), et d’un nom basque, Ençauria (Mor., Dict. inéd.), indiqueraient une culture antérieure aux Romains. Cependant le mot breton vulgaire Craouf (DC., manssc.), ou plutôt Kraouen et plus anciennement Knouën, Knou, Knau (Le Gall, lettre) se rattache au Késs des Grecs. Le Noyer est spontané dans la région au midi du Caucase (Ledeb., FL. Ross., 1, p. 507), d’après divers voyageurs, dans les forèts montueuses de Talusch (C. A. Mey., Verzeichn. Caucas.), et probablement en Perse et en Cachemir, car, d'après Roxburgh (/. e.), il est natif des montagnes du nord et du nord-est de l'Hindustan. M. Bunge, en parlant du Noyer dans la Chine septentrionale, dit : « Occurrit hine inde (£nuwm., p. 62). » Ce qui semble indiquer un état non cultivé. Fheobroma Caeno, L. — || croit sauvage dans une région étendue de l'Amérique méridionale, savoir : le bassin du fleuve des Amazones (Mart., Ucber d. Cacao, dans Buchn.. Rep.), et celui de l'Orénoque (Humb, et Bonpl., Vos, gen., NV, p. 316). La culture s'est propagée dans d'autres ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 969 localités chaudes, humides et fertiles du même continent et aux Antilles, mais il est très douteux que les Theobroma spontanés de ces pays soient le véritable Theohroma (Cacao. Les anciens Mexicains employaient les graines de Cacaoyer comme une sorte de monnaie et faisaient grand usage du chocolat (Humb., Nour.-Esp., 2° édit., HE, p. 33). Hernandez (Nov. Hisp, thes., 1. 11, e. 46) parle bien du Cacaoyer comme crois- sant au Mexique « in calidis fervidisque regionibus, ete. » Cependant aucun auteur moderne, à ma connaissance, n’a trouvé le T. Cacao, L., spontané au Mexique, aux Antilles, ni même à la Guyane, et il est probable que les. indigènes de ces pays se servaient de diverses espèces analogues du genre Theobroma, dont quelques-unes ont peut-être des qualités aromatiques supérieures, d’après le prix considérable de leurs graines dans les villes du Mexique (Mart., {. e.). On en connaït plusieurs au Brésil, dans la Guyane et au Mexique (Mart., /. c.; DC., Prodr., etc.). Coffea arabica, L. — Le Caféier croît spontanément en Abyssinie (A. Rich., Tent. El. Abyss., 1, p. 349), et dans le Soudan, où 1l forme de grands bois (Rütter, cité dans Flora, 1846, p. 704). On l'indique même au midi du Niger, jusqu’à Sierra-Leone (Pütter, tb.) et sur la côte occi- dentale à Monrovia (Vogel, dans Hook., FT. Nigr., p. A13). Je ne con- nais pas de preuve qu’il soit spontané en Arabie. Cela n’aurait rien d’éton- nant, vu la grande analogie du climat et de la végétation entre les deux côtés de la mer Rouge. Au surplus, dans le cas où des voyageurs le trou- veraient véritablement sauvage en Arabie, on resterait peut-être dans le doute de savoir s’il est aborigène, ou s’il provient de graines transportées par l’homme et les animaux des cultures dans la campagne. Les graines de café perdent rapidement la faculté de germer, mais elles se répandent aisément autour des terrains cultivés et naturalisent l’espèce. Ainsi Meyen à trouvé le Caféier naturalisé près de Rio-de-Janeiro, dans les bois du mont Corcovado (Geogr. bot., trad. anglaise, p. 384). Il est assez probable qu'il s’est naturalisé dans plusieurs autres régions. L'usage du café paraît fort ancien en Abyssinie. Shehabeddin Ben, auteur d’un manuscrit arabe du xv° siècle (n° 944 de la Bibl. de Paris), cité dans l'excellente dissertation de John Ellis (An historical account of Coffee, 177à) dit qu'on employait le café en Abyssinie depuis un temps immé- morial. L'usage, même médical, ne s’en était pas propagé dans les pays voisins, car les croisés n’en eurent aucune connaissance, et le célèbre médecin Ebn Baithar, né à Malaga, qui avait parcouru le nord de l'Afrique et la Syrie au commencement du x siècle de l'ère chrétienne, ne dit pas un mot du café (trad. de Sondtheimer, 2 vol. in-8°, 1$42). En 1996, Bellus envoyait à de l'Écluse des graines dont les Égyptiens tiraient la 970 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÉCES CULTIVÉES. boisson du Cavé (Epist. ad Clus., p. 309). À peu près à la même époque Prosper Alpin en avait eu connaissance en Égypte même. Il désigne l’arbuste sous le nom de « arbor Bon, cum fructu suo Buna. » Le nom de Bon se retrouve aussi dans les premiers auteurs sous la forme de Bunnu, Buncho, Bunca (Rauw., Clus.). Les noms de Cahue, Cahua, Chaubé (Rauw.; Bauh., Hist., I, p. 422), Cavé (Bellus, /. c.) s’appli- quaient en Égypte et en Syrie, plutôt à la boisson préparée, et sont devenus l'origine du mot Café. Le nom Bunnu, ou quelque chose d’analogue, est si bien le nom primitif de la plante, que les Abyssins l’appellent aujour- d'hui encore Boun (Rich., T'ent. FI. Abyss., p. 390). Si l'usage du café est plus ancien en Abyssinie qu'ailleurs, cela ne prouve pas que la culture y soit bien ancienne. Il est très possible que pendant des siècles on ait été chercher les baies de café dans les forêts où elles étaient sans doute très communes. Selon l’auteur arabe cité plus haut, ce serait un muphti d’Aden, à peu près son contemporain, appelé Gemaleddin, qui, ayant vu boire du café en Perse, aurait introduit cette coutume à Aden, et de là elle se serait répandue à Moka, en Égypte, etc. D’après cet auteur le Caféier croissait en Arabie. Il existe d’autres fables ou traditions, d’après lesquelles ce serait toujours des moines ou des prêtres arabes qui auraient imaginé la boisson du café (Nouv. dict. d'hist. nat., IN, p. 352), mais elles nous laissent également dans l'incertitude sur la date première de la culture. Quoi qu'il en soit, l'usage du café s'étant répandu dans l’Orient, puis en Occident, malgré une foule de prohibitions et de conflits bizarres (Ellis, {. c.), sa culture est devenue bientôt un objet important pour les colonies. D’après Boerhaave, le bourgmestre d'Amsterdam, Nicolas Witsen, directeur de la Compagnie des Indes, pressa le gouverneur de Batavia, Van Hoorn, de faire venir des graines de Caféier d'Arabie à Batavia, ce qui fut fait et permit à Van Hoorn d’en envoyer des pieds vivants à Witsen, en 1690. Ceux-ci furent placés dans le jardin botanique d'Amsterdam, fondé par Witsen. Ils y portèrent des fruits. En 1714, les magistrats d'Amsterdam en envoyèrent un pied en bon état et couvert de fruits, à Louis XIV, qui le fit soigner dans son jardin de Marly. On multiplia aussi le Caféier dans les serres du jardin du Roi à Paris. L'un des professeurs de cet établissement, Antoine de Jussieu, avait déjà publié en 1743, dans les Mémoires de l'Académie des sciences, une description intéres- sante de la plante, d’après un pied que Pancras, directeur du jardin d'Ams- terdam lui avait envoyé. Les premiers Caféiers d'Amérique furent introduits à Surinam par les Hollandais, en 1718. De la Motte-Aigron, gouverneur de Cayenne, ayant été à Surinam, en obtint quelques-uns en cachette et les multiplia en ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 971 1725 (a). Le Caféier fut introduit à la Martinique par de Clieu, officier de marine, en 4729, d’après Deleuze (Hist. du Museum, 1, p. 20), en 1723, d’après les Notices statistiques sur les colonies françaises (T, p. 30) (b). On l’introduisit de là dans les autres îles françaises, par exemple, à la Guadeloupe en 1730 (Notic. stat. col. fr., [, p. 209). Sir Nicholas Lawes le cultiva le premier à la Jamaïque (Martin, Statist. colon. Brit. Emp.). Dès 1718, la Compagnie française des Indes envoya des plants de café Moka à l’île Bourbon (Nouv. Dict. hust. nat., IN, p. 135), et même selon d’autres (Notices stat. col. franc., I, p. 84), ce fut dès 4747, qu'un nommé Dufougerais-Grenier fit venir de Moka dans cette île des pieds de café. On sait combien la culture du Caféier s’est répandue à Java et au Brésil. Rien, si ce n’est le défaut de bras pour récolter les baies, ne l'empêche de se répandre dans la plupart des pays intertropi- eaux, d'autant plus que le Caféier s’accommode des terrains en pente et assez arides où d’autres produits ne peuvent pas être obtenus. Il est dans l’agriculture tropicale un équivalent de la vigne en Europe et du thé en Chine. Gossypiam. — Après là savante dissertation de M. C. Ritter (c), il serait inutile de reprendre la discussion des noms employés dans les langues anciennes. D'ailleurs, le but de mes recherches m'en dispense, car (a) Ce détail est emprunié à Ellis, Diss. Caf., p. 16. Les Notices slatistliques sur les colonies françaises (Il, p. 46) disent : « Vers 1716 ou 1721, des semences fraîches de café ayant été apportées secrètement de Surinam, malgré la surveillance des Hollandais, Ja culture de cette denrée coloniale se naturalisa à Cayenne. » (b) Le nom de ce marin est écrit Declieux par Deleuze et par Kunth (Nov. gen., ID), qui lui a dédié le genre Declieuxia, De Ciieux par les auteurs du Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle, Duclieux dans le Dictionnaire classique, Desclieux par les auteurs des Notices statistiques sur les colonies francaises. J'ai voulu savoir à quoi m'en tenir sur le nom exact de cet officier bien méritant de son pays. Je me suis adressé au Ministère de la marine et des colonies, et voici les renseignements qu’on a bien voulu me commu niquer d’après les archives. Le sieur de Clieu était côusin de Ducasse, marin célèbre, allié au comte de Maurepas par le comte de Roye son gendre, et par le due d'Amville. Il était né en Normandie, à une date non connue. D’après ses états de service, il était garde de la marine au Havre le 27 mars 1702, enseigne de vaisseau le 4°" novembre 1705, capitaine de troupes, puis major (1726) à la Martinique, chevalier de Saint-Louis le 18 juin 1718, lieutenant de vaisseau en 1733, gouverneur particulier de la Guade- loupe le 4°° juin 1737, capitaine de vaisseau le 10 juillet 1746, commandeur honoraire de Saint-Louis le 8 septembre 1750, retiré avec une pension de 6,000 livres le 1® sep- tembre 1752, rentré au service et passé au Havre, par ordre, le 1°° septembre 1753, retiré de nouveau sur sa demande le 21 mai 1760, avec pension de 2,600 livres, décédé vers 1775. Services à la mer, 4 années ; trois campagnes. Des rapports au Roi, en 1752 et 1769, rappellent qu'il avait porté et planté le premier pied de café à la Martinique, et s'était toujours distingué par son zèle et son désintéressement. Les différences dans la date indiquée pour l'introduction viennent probablement de ce qu'il fit deux fois le voyage avec une persévérance louable. Une première fois les plantes périrent ; la seconde fois, il avait semé des graines en partant, et elles réussirent, grâce, dit-on, à ce qu'il prenait sur sa mince ration d’eau pour les arroser. (c) Die geograph. Verbreitung der Baumiwolle, br. in-4, Berlin, 4852, 972 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. je n’ai à parler des noms que pour éclaircir certaines origines de cultures ou d'espèces, et à cet égard, le problème est différent de ceux dont lillustre géographe s’est occupé. La langue sanserite avait un nom très ancien pour le Cotonnier, celui de Karpästi (Rilter, p. 11), ou Karpassee (orthographe anglaise). Ceci nous prouve l'existence d’un Gossypium dans l’Inde septentrionale, proba- blement du Gossypium herbaceum, selon des indices dont je parlerai plus loin. L'espèce connue des anciens Persans, déjà mentionnée dans le Zend Avesta, sous le nom de Pembeh (Ritter, p. 9), venait cependant d’un arbre, d’après le texte primitif, ce qui supposerait une espèce plus ligneuse que le Gossypium herbaceum. Théophraste (1. 1v, ec. 9) parle aussi d’un Cotonnier de l'ile de Tylos, dansle golfe Persique (Malte-Brun, Géogr., HW, p. 205 ; Ritter, /. c.), qui était un arbre, et Pline (1. x, c. 40) dénatu- rant ce passage, et confondant peut-être avec un Bombax, ajoute que le fruit est de la grosseur d’une courge. Les livres hébreux parlent d’étoffes de Carpas, de Schesch et de Buz, sur lesquelles on a beaucoup discuté pour savoir si c'était du coton (voy. Ritter, L. c.) Pour nous, la question est indifférente, puisque les Juifs pouvaient recevoir, ou d'Orient, ou d'Égypte, des tissus de diverses natures, et que les livres sacrés ne décrivent pas les plantes d’où provenaient les fils. Il serait plus important de savoir si les anciens Égyptiens employaient le coton. On n’en découvre aucune trace dans leurs peintures; mais les archéologues ont souvent cru le reconnaître dans le tissu qui enveloppe les momies. L’apparence est peut-être favorable à cette opinion ; cependant le meilleur critère, celui d’une observation des fils sous le microscope, a été dans le sens opposé. Le chimiste Thomson eut le premier lidée de faire cette recherche, et ayant réuni des fragments de bandelettes de momies déposées dans plusieurs collections, il les soumit à Bauer, l'homme le plus qualifié de son temps pour résoudre une question de cette nature. Après examen, Bauer aflirma de la mamière la plus positive que tous les fils étaient du lin. Pour moi, qui ai connu l'exactitude et la persévérance de Bauer, cela me suflit. Du reste, Dutrochet a confirmé (Acad. se. Paris, 1837,1: sem., p. 740), ainsi que plusieurs micrographes allemands, cités par M. Ritter. On a trouvé cependant des graines d’un Gossypium dans le cercueil d'une momie, extraite par Rosellini lui-même et déposée au Musée de Florence (Ritter, p. 23). Ce serait en opposition avec les faits déduits de l'étude des tissus sous le microscope, si des Gossypium n'existaient réellement, à l’état spontané, dans la haute Égypte. ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 975 Pline avait déjà dit : « Superior pars Ægypl, in Arabiam vergens gignit fruticem, quem aliqui Gossypion vocant, plures xylon et ideo lina inde facta xylina. Parvus est similomque barbatæ nucis defert fructum, cujus ex interiore bombyce lanugo netur. Nec ulla sunt eis candore molitiave præferunda. Vestes inde sacerdotibus Æqgypti gra- tissimæ. » Or, les voyageurs modernes ont constaté que lAbyssinie pro- duit spontanément deux espèces du genre Gossypium, dont une appelée dans le pays, Dut où Hout, ressemble beaucoup au Gossypium herba- ceum, mails en paraît vraiment distincte par son involucre, par ses feuilles ponctuées et sa durée plus grande. Cest le Gossypium punctatum, Schum. et Thonn. (F4. Guin.), qui s'étend d’Abyssinie (A. Rich., T'ent. ET. Abyss., 1, p. 63) jusqu'en Guinée (Thonn.) et dans le Sénégal (Guil- lem. et Perrott., F1. Seneg., 1, p. 63 ; Notic. statist. colon. france, Il, p. 263). Il est certainement spontané et cultivé dans ce dernier pays. Le nom arabe du coton est Quin, Kutn, soit, selon notre prononciation, Koutn, qui ne ressemble pas mal au mot vulgaire abyssinien, et qui, par l’effet d’une transposition ou d’une coïncidence fortuite, se trouve aussi ressembler au nom arabe et persan du lin (voyez ci-dessus p. 83/4). Notre mot Coton vient du nom arabe qui se trouva appliqué au vrai Gossypium herbaceum, introduit par les Arabes en Espagne. On peut croire que le Gossypium herbaceum, cultivé d’ancienne date en Asie, s'était répandu vers la Syrie et l'Arabie, et se mélangeait peut-être, dans les cultures du uord de l'Afrique, avec le Gossypium punetatum, d’origine africaine, qui lui ressemble beaucoup. À l’époque de Mahomet, les Arabes étaient géné- ralement vêtus de coton (Schouw, at. Schild., p. 149), tandis que dans les temps anciens, cette substance paraît avoir été rare dans toute la région de la mer Méditerranée. Au dire de Pline, les prêtres seuls, en Égypte, s’habillaient d’étoffes de coton. Pour les Romains, c'était aussi un grand luxe, en admettant que certains tissus, dont le nom est l’objet de contro- verses, fussent bien de coton. Tout cela est aisé à concilier, car les Gossy- pium de l’Inde ne pouvaient pas parvenir sans de grands frais sur les bords de la Méditerranée, et ceux spontanés dans la haute Egypte pouvaient n'avoir pas été mis en cullure. Les expressions de Pline indiqueraient plutôt une espèce spontanée dont on recueillait les produits avec une cer- taine peine. Si la culture s'était introduite dans les temps anciens en Égypte, surtout dans la basse Égypte, elle aurait passé de là dans d’autres provinces romaines, el l'antiquité latine s’en serait beaucoup occupée. Ce doit done être depuis les premiers temps de l'ère chrétienne, et avant Mahomet, que la culture s’est répandue en Égypte. Le docteur Wallich indique le Gossypium herbaceum comme croissant 97/4 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, sur les bords de l'Irrawadi et d’autres fleuves du pays de Martaban (Lust, n. 1880). Roxburgh, le docteur Royle (JU. Himal., p. 98) et MM. Wight et Arnott (Prodr. Fl. penins.) ne paraissent pas l'avoir vu sauvage. Tou- tefois, l’universalité et l’ancienneté de sa culture dans l'Inde me font croire qu'il existe ou qu'il existait primitivement dans ce pays, d'autant plus que les Gossypium acuminatum et Gossypium obtusifolium, de Roxburgh , espèces voisines, non cultivées, croissent dans le Bengale et à Ceylan (Roxb., F1, HI, p. 185). L'usage du coton ne paraît pas ancien en Chine. Les habitants de ce pays employaient et emploient encore aujourd’hui la soie de préférence au coton. Schouw (Natur. Schild., p. 149)dit que, d’après différents indices, les Chinois n'auraient cultivé le Cotonnier que depuis le 1x° siècle. Les cotons nankins, venus de Macao, sont attribués par le docteur Royle (Z{L. Him., p. 99) au Gossypium religiosum, L., espèce en elle-même très obscure. Forster avait aussi rapporté d'O-Taïti un coton nankin (Royle, l. c.); mais on ne voit pas s’il était spontané ou cultivé (Forst., Prodr., p. 48), et l'espèce est incertaine. Des cotons jaunes sont cultivés mainte- nant dans divers pays. En général, on les regarde comme d’origine asia- tique (Royle, {. c.), et, dans ce cas, il faut que ce soit de Chine, de Siam ou des îles de l'archipel indien. Ce ne peut être de l'Inde, d’après l'intro- duction récente dont parle Roxburgh (HT, p. 186). Peut-être y at-il plu- sieurs espèces de couleur nankin? Le G. arboreum est une autre espèce très difficile à distinguer, car les synonymes qu'on lui rapporte diffèrent d’an auteur à l’autre. Selon le doc- teur Royle, elle se trouverait dans les îles Célèbes, en Arabie, en Égypte et dans l'Inde, où elle n’existe cependant que près des temples (7/1. Him., p. 99). Le coton dit en arbre, cultivé en Égypte, est le G. vitifolium, Cav., d’après Delile (FT. Æq. ül., p. 21), une des deux espèces qui croissent spontanément en Abyssinie (A. Rich., T'ent. FT. Ab., p. 6), mais le docteur Royle le rapporte au G&. Barbadense, Sw., culuvé en Amérique, et parait croire qu'il a été importé d'Amérique. Les botanistes qui ont étudié ces espèces sur le vivant ne s'accordent pas. Il serait done assez inutile de chercher la solution de pareilles difficultés dans les échan- tillons imparfaits et mal déterminés de nos herbiers. Comme on l'a souvent remarqué, il faudrait une bonne monographie du genre Gossypium, mais ce ne serait pas l’œuvre de quelques années ni d'un botaniste ordinaire. Une circonstance remarquable de l’histoire du coton, c’est sa présence ancienne en Amérique. Les indigènes de Saint-Domingue avaient des étofles de coton à l’époque de la découverte, et les habitants du Mexique se ser- vaient de coton non filé et filé pour une multitude d’usages (Prescott, ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALÆMENT CULTIVÉES. 975 Conquête du Mexique; Sloane, Jam., IT, p. 69; Macfadyen, F1. Jam., I, p. 75; Humb., Nouv.-Esp., 2e édit., II, p. 27). Joseph Acosta (Hist. Ind., trad. franç., 1598, p. 175) indique du coton exporté de Saint-Domingue, et aussi du coton cultivé en grande quantité à Tucuman et au Paraguay. Oviédo (dans Ramusio, IE, p. 38), un des plus anciens écrivains sur l'Amérique (a), parle du coton de Saint-Domingue comme étant indigène, très abondant, et un objet d'exportation en Espagne. M. R. Brown possède (Royle, Z{!. Him.,p. 86) des graines de Cotonnier avec leur coton et des étoffes de coton, tirées de tombeaux des Péruviens et rapportées par M. Cuming. Il est impossible, dans l'état actuel de la science, de dire ce qu’étaient ces espèces de Gossypium cultivées autrefois et probablement indigènes en Amérique. La délimitation des espèces est incertaine, et le transport des graines d’un continent à l’autre a compliqué beaucoup la question. Le docteur Royle, qui a étudié les Gossypium dans les jardins botaniques indiens, n'hésite pas à dire (Z{!. Him., p. 86): « Les espèces reconnues pour être d'Amérique diffèrent de toutes les espèces indiennes. » C'était aussi lopinion de Roxburgh (FE. Ind., HI, p. 187), qui avait étudié et comparé les Gossypium pendant trente ans, au jardin botanique de Calcutta, et celles de M. Wight (ZU. And. bot., , p. 7), qui a donné les meilleures planches de diverses espèces ou variétés. Selon Roxburgh et Royle les G&. barbadense et hirsutum de Swartz, sont américains (Roxh., £. c.; Royle, Z{L., p. 100). D'un autre côté, M. Mac- fadyen (F1. Jam., 1, p. 72) reconnait trois espèces pour spontanées et non cultivées à laJamaïque (G. purpurascens, jamaicense, oligospermum), etune à la fois spontanée et cultivée (G. brasiliense) ; mais il ne peut constater ni le &. barbadense, ni le G. hirsutum, de Swartz. Les premiers auteurs qui ont signalé le coton en Amérique, le disent indigène, par exemple, au nord de Mexico (Vasquez, cité par Sloane, J'am., IE, p. 69), à la Guyane (div. #b.), au Brésil (1b.), à Saint-Domingue (Oviédo, +b.). Marcgraf (dans Piso, Æist. nat. Bras., I, p. 59) décrit assez bien une espèce de Cotonnier, usitée alors au Brésil, c’est-à-dire à une époque où il n’y avait guère de culture. L'espèce cultivée ordinairement aux États-Unis est considérée par les auteurs américains comme le (G. herbaceum (b). La culture n’en est pas ancienne dans ce pays. En 1784, on confisqua à Liverpool un ballot venant de l’Amérique septentrionale, par le motif que le coton n’y croissait pas. (Schouw, Nat. Schld., p. 152). Le nom de l'espèce et l’époque de l’in- (a) L'édition espagnole du Sumario est de 1526. (b) On cultive aussi le coton appelé sea island, que les auteurs rapportent au G. bar badense. Il vient probablement des Antilles, 62 976 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. troduction me font croire que les graines avaient été tirées de l’ancien monde, plutôt que du Mexique ou des Antilles ; mais les auteurs de Flores américaines, M. Darlington lui-même, qui traite si bien les questions de botanique agricole (Agric. bot., À vol. in-12), ne le disent pas. En résumé, diverses espèces de Gossypium sont originaires des zones tropicales d’Asie, d'Afrique et d'Amérique. Elles y croissent encore spon- tanément, et il n’est pas extraordinaire, vu l’apparence des capsules, que les anciens habitants de plusieurs pays aient eu l'idée de se servir du coton et de cultiver diverses espèces dans ce but. Il est inutile de supposer pour cela des communications entre les trois continents. Comme les espèces sont naturellement très voisines, et que des graines peuvent avoir été échangées anciennement entre l’Inde et l'Égypte ou la Syrie, puis, après la découverte de l'Amérique, entre l’ancien et le nouveau monde, la difficulté de les distinguer est devenue de plus en plus grande. Cocos nucifera, L. — L'origine du Cocotier présente un problème inté- ressant. L'opinion commune est en faveur d’une origine asiatique ; mais les onze autres espèces du genre Cocos connues jusqu'à présent, sont du Brésil. Ainsi, les probabilités historiques semblent opposées aux probabi- lités botaniques. Voyons ce qu’il convient d'admettre. L'usage de la noix de coco, comme fruit et comme matière oléagineuse, est extrêmement ancien dans l'Asie méridionale, car l'espèce a un nom sanscrit (Roxb., F1. {nd., VIE, p. 614) et des noms vulgaires dans toutes les langues du midi de l'Asie et des îles voisines (Roxb.. £. c.; Rumph., Amb., 1, p. 7).Le nom sanserit Narikela, N'arikeli, a laissé des traces dans les langues qui en sont dérivées ; par exemple, en hindustani, Nariel, en telinga Nari Kudum; mais, ce qui est bien remarquable, les indigènes d'O-Taïti appellent le Cocotier Ari, et le fruit de l’arbre Via (Forst., PL. esc., p. A9). Les Malais disent Nior, les Chinois Ja (Rumph., L c.). Comme le sanscrit régnait dans une région où le Cocotier ne peut pas être cultivé (a), il est clair que les peuples du continent asiatique ont recu la connaissance et le nom du fruit de l'archipel malaïi. Il y est effectivement très répandu, même sur les îlots inhabités qui se sont formés au-dessus de madrépores. Le climat de Ceylan lui est favorable, car on exporte annuel- lement de ceite ile trois millions de noix de coco (Marshall, dans Hem. Soc. Wern. Edinb., 5° part., 1, p. 107), et dans tout l'archipel indien, son abondance est si remarquable, sa présence au bord de la mer si fré- quente, que les anciens voyageurs ont toujours cru l'espèce à la fois spon- (a) Au nord de Calcutta, par exemple, à Luknow, il ne donne plus de fruits (Marshall, Mem. Soc. Wern., Y, part. 1). ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 977 tanée et cultivée dans ces parages (Forst., PT. esc., etc.). La persistance de la faculté de germer, après une immersion prolongée dans Peau de la mer, est un fait reconnu pour les noix de coco; ainsi, il ne faut pas s’éton- ner de la diffusion au milieu d’un archipel et dans toute la région polyné- sienne. La limite s’arrêtait assez promptement au midi, car à là Nouvelle-Hol- lande, à Hanover bay (lat. 15° S.; long. 1240), le Cocotier manquait, ainsi que l'arbre à pain, et ce sont MM. Gray et Lushington qui les ont intro- duits récemment (Journ. roy. Soc. Lond., 1838, p. A59). Les Grecs et les Romains n’en ont pas eu connaissance. Les mo- dernes ont tiré le nom de coco du mot latin coceus, coque (Palma indiea coccifera, C. Bauhin; palma coccos ferens, Recchi) ; à moins que ce mot ne vienne du Portugais Coquo, mine, grimace, à cause des trois trous, qui font ressembler à la tête d’un singe (Nierenb., Hist. nat., 1635, p. 296) (a), ou encore du mot arabe Gauzoz Indi, noix d'Inde (Rumph., f, p. 7). Les Arabes l'ont porté vers l’Afrique, sous des noms qui signifient noix de l’Inde, ou avec un nom tiré de l'Inde, comme Naregil, Narig,etc. (Rumph., I, p. 7); mais ils n’ont pas pu le répandre beaucoup, parce qu’il ne supporte pas la température de l'Égypte elle-même. En Arabie, on le trouve jusqu’à Moka (Nieb., cité par Marshall, {. c.). L'extension vers l'Afrique équatoriale est peut-être due aux Arabes, peut-être aussi aux courants qui longent la côte de Mozambique, du nord au sud. Marcgraf (Bras., édit. 1648) en parle comme existant il v a deux siècles à Pile Mau- rice (p. 140) et au Congo (p.138). D’après M. de Martius(Palm., p. 125), les Portugais l’ont introduit sur la côte de Guinée, de Benguela et jus- qu’à l’embouchure du Zaïre. M. R. Brown remarque cependant (Bot. Congo, p. 55) que l’expédition de Tuckey n’a pas rencontré le Cocotier sur les bords du fleuve Congo, et que les naturels du pays ne le connaissent pas. Le Flora Nigritiana n’en parle pas. D’après l’ensemble de ces faits, lexistence dans Parchipel indien est antérieure à la langue sanserite; néanmoins, le Cocotier n’a pas été connu du monde romain qui était en rapport avec Ceylan, et il s’est répandu assez tard sur le continent africain, ce qui doit faire soupçonner une ori- gine éloignée, dans la direction des îles orientales de la mer du Sud. Voici maintenant les données concernant l’Amérique : Marcgraf (Bras., p.138) et Piso (Bras.,p. 65) semblent admettre une origine étrangère au Brésil, sans le dire positivement. Les noms brésiliens qu’ils indiquent ont une certaine analogie avec les noms asiatiques, et eux- mêmes emploient le nom de Cocoeiro [ndica. Le Cocotier a été apporté à (a) Je ne trouve cependant pas le mot coguo dans les dictionnaires portugais, 978 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. la Guyane par les missionnaires (Aubl., Suppl., p. 102). Sloane (Jam.,[, p. 9) le dit d’origine étrangère aux Antilles. Hernandez (Thes., p. 71) Pavait vu introduire des Indes orientales dans les Indes occidentales. Cependant, les Mexicains l’appelaient, selon lui, Coyolli. Si ce nom n’est pas une corruption de Coqueiro, Coco, il est peut-être l’origine. Un vieux auteur, Martyr (a), cité par Sloane, parle de l’introduction aux Antilles, mais admet que le Cocotier existait déjà sur la côte du Pérou, peut-être amené en ce point par les courants. Oviédo (trad. de Ramusio, IE, p. 53), qui écrivait en 1526, dès les premiers temps de la conquête du Mexique, dit que le Cocotier était abondant sur la côte de la mer du Sud, dans la pro- vince du cacique Chiman. Il décrit clairement l'espèce. Joseph Acosta (Hist. nat. Ind., édit. franç., 1598, p. 177) en avait vu à Porto-Rico et autres endroits des Indes; or, il prenait le mot Indes pour l'Amérique et l'Asie, indifféremment, et il traite de fruits américains dans le même chapitre. Du reste, aucun autre auteur des premiers temps de la colonisa- tion en Amérique, ne vient à l’appui de ces indications vagues sur la pré- sence du Cocotier dans le nouveau monde avant les Européens. Laet (Hist. nat., 1650), Christophe Acosta (De las drogas, 1578, p. 98), Garcias de Orto (dans Clus., Exot.) et autres n’en parlent que comme d’un arbre d'Asie. On ne peut douter d’après cela que le Cocotier ne fût étranger au Brésil, à la Guyane et aux Antilles; d’une manière générale, au côté oriental de l'Amérique ; mais il semblerait avoir existé avant l’arrivée des Européens sur la côte occidentale du Mexique. M. de Martius (Palm., I, p. 188) est arrivé à la même conclusion par d’autres documents. Il cite le voyage de Dampier (Amsterdam, 1705, p. 186), d’après lequel le Cocos nucifera était abondant sur les iles de l'isthme de Panama, et non sur le continent voisin. Il présume que ce point serait le lieu d’origine, et que les courants auraient porté l'espèce de là sur l'ile de Los Cocos, où Wafer (Voy. de Dampier, p. 253) et Van- couver (édit, franç., V, p. 325) l'avaient vu, couvrant le sol, avant léta- blissement de toute population. Il est certain qu'il existe un courant d’eau à une température élevée, qui porte de Panama vers cette île et au delà, landis que les îles Galapagos, du moins les plus méridionales, sont baiï- gnées par les eaux froides du grand courant qui marche du Chili au Pérou (Hook. f., Trans. Linn. Soc., XX, p. 254). De l’île des Cocos, le premier courant, celui de l’est à l’ouest, aurait porté les fruits aux petites îles Gal- lego, Duncan, et de là aux îles Sandwich, vers le nord, et aux Marquises, (a) P. Martÿr, de Angleria, a écrit dans la première moitié du xv1° siècle, La traduction anglaise est de 1555, d'après Dryander, Bibl, Banks, 1, p. 148. RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES. 979 vers le midi de l'équateur. Une fois dans ces archipels, d’autres courants et lespèce humaine l’auraient transporté vers l'Asie, M. de Martius observe que les migrations peuvent remonter à une époque très ancienne. Tout cela est conforme aux faits connus, savoir : la persistance pour la noix de coco de la facuité de germer, son transport fréquent par mer, sa station habi- tuelle sur les côtes, son existence fort ancienne à l’île dite des Cocos à une centaine de lieues du littoral américain, dans le courant de l’est à l’ouest; et enfin, à ces indications du Cocotier sur la côte occidentale de lAmé- rique avant les Européens, d’après quelques auteurs. M. de Martius présume l'espèce originaire de la côte occidentale du con- tinent américain et des petites îles adjacentes, vers Panama. J'aimerais tout autant dire qu’elle existait avant l’homme, et peut-être depuis un temps très reculé, à la fois sur cette côte et dans l’ile des Cocos, qui en est, pour ainsi dire, dépendante, car elle en est éloignée comme les îles Shetland le sont de la Norwége. Le transport de cette île aux îles de la Polynésie est plus dificile, mais il est possible, d’après la direction des courants ; tandis que si l’on suppose le Cocotier originaire des îles polyné- siennes ou asiatiques, il faut supposer un transport par l’homme dans la direction de l'Amérique, ce qui est peu probable avant l’arrivée des Euro- péens. L'hypothèse de l’origine américaine a aussi ce grand avantage de faire concorder la patrie du Cocos nucifera avec celle de toutes les espèces du genre. Elle est, en somme, vraisemblable. ARTICLE III. RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES, $ I. SURETÉ DES MÉTHODES ÉMPLOYÉES. Un premier résultat, bien satisfaisant, est de voir que les méthodes diverses par lesquelles on arrive à constater l’origine des espèces cultivées, conduisent presque toujours, dans chaque cas particulier, à des conclusions semblables. Ces méthodes sont ou botaniques, ou historiques et linguistiques. Elles sont toutes utiles, mais leur valeur diffère selon les cas. Parmi les méthodes botaniques, la plus directe est de chercher dans les herbiers et, les auteurs si la plante que l’on étudie à été trouvée sauvage dans tel ou tel pays. Quand elle la été, il faut contrôler presque toujours l'observation par d’autres moyens, car il se peut qu’une plante cultivée depuis longtemps se soit naturalisée en s’échappant hors des cultures, et 980 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. souvent aussi il n’est pas certain que les pieds observés aient été véritable- ment spontanés. Dans le doute, il faut voir comment les espèces du même cenre, surtout les espèces voisines, sont distribuées géographiquement. Plus elles sont groupées dans une seule région, ou un seul continent, plus il est probable que l’espèce cultivée en est originaire. Lorsqu'une espèce est aborigène d’un continent, elle existe très souvent dans les îles voisines. Ainsi, quand une culture manque à certaines îles, c’est une probabilité qu’elle est nouvelle sur le continent voisin, et récipro- quement si elle manque au continent, elle est probablement nouvelle dans les îles. Les espèces cultivées de toute ancienneté en Europe (fraise, framboise, chou, rave, etc.) sont cultivées depuis longtemps dans les îles Britanniques ; les espèces anciennes en Chine, et probablement abori- gènes, sont cultivées au Japon (thé, orangers, etc.); les espèces anciennes dans l'Amérique intertropicale sont cultivées aux Antilles, etc. Même sur chaque continent, l'extension et la généralité d’une culture sont des indices assez certains de l’origine. Plus une espèce est utile à l'homme et aisée à multiplier, plus cet argument a de force. Le nombre des variétés ou races est encore un indice. Plus une espèce cultivée offre de modifications diffé- rentes dans une partie du globe, plus il est probable qu’elle y est ancienne et originaire. J'ai trouvé cependant en pratique ce genre d'indice moins fort que les autres, je suppose, parce que les peuples font varier une espèce, à des degrés différents, dans une même période, selon l'état de leur civilisation. Les méthodes historiques et linguistiques sont pour le moins aussi bonnes. Quand on ne sait pas d’une manière positive, par témoignages cer- tains, si une espèce est originaire, ou introduite dans une région, il faut voir la nature et le nombre des noms. L'existence d’un nom sanscrit, hébreu, grec ou latin, est assez facile à constater, vu les recherches déjà faites, et elle est très probante. Les noms celtes, slaves, germains, sont moins aisés à découvrir; mais quand les espèces cultivées existaient jadis en Europe et avaient des noms dans les anciennes langues non classiques, il en reste ordinairement des traces dans les langues modernes et les patois qui en dérivent. La diversité des racines parmi les noms vulgaires d'une espèce, montre, ou une existence originelle sur de vastes pays avant l'époque de la dispersion des peuples (grenadier, houblon, poirier), la culture ayant alors commencé dans diverses régions; où une confusion probable de plusieurs espèces qui habitaient primitivement des pays divers, et que les hommes auraient échangées el confondues (coton, lin, chou). En tout cas, ces noms vulgaires doivent être consultés avec prudence. Hs sont utiles surtout quand ils ont une forme simple et originale, qui n’est pas RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES. 981 une comparaison où une qualification venant de la forme ou de l’usage, et quand ils ne sont pas un nom générique appliqué par un peuple à une seule espèce. Ainsi, le mot Blé, Korn (allemand) est donné par certaines populations au seigle, par d’autres au froment, ou même à l'orge, quand ces espèces sont leur culture principale ou exclusive. Les noms indiquant des pays d’origine sont souvent trompeurs (blé de Turquie, blé sarrasin, etc.); mais ils ont au moins le mérite d'indiquer une origine étrangère. Avec ces précautions, et en s’aidant du secours des philologues, les noms vulgaires sont quelquefois très concluants. Leur comparaison dans un grand nombre de langues, abstraction faite de toute idée préconçue, est extrêmement utile. C'était un de nos motifs, à mon père et à moi, pour faire rédiger par Moritzi un Dictionnaire des noms vulgaires, d'après les ouvrages de notre bibliothèque. Son manuscrit est souvent cité dans ce qui précède, et l’on a pu voir tout le parti que j’en ai tiré. $ IT. QUELLES ESPÈCES CULTIVÉES SONT CONNUES A L'ÉTAT SAUVAGE. D’après ce qui précède, on peut classer les espèces en sept catégories. 1° Retrouvées à l'état sauvage, bien spontances, et sans aucun doute quant à l'identité spécifique. Solanum tuberosum, L. | Rumex acetosus, L. Dioscorea pentaphylla, L. Allium Cepa, L — bulbifera, L. Thea chinensis, Lour. — aculeata, L. Ilex paraguariensis, St. Hil. — deltoidea, Wall. | Indigofera argentea, L. Ipomœa mammosa, Choisy. | Erythroxylon Coca, Lam. Brassica campestris, L. (et B. Rapa). Morus alba, L. — Napus, L. — saigra, L. Raphanus sativus, L. . Humulus Lupulus, L. Daucus Carotta, L. | Crocus sativus, L. Pastinaca sativa, L. | Anona squamosa, L. Campanula Rapunculus, L. — muricata, L. Allium sativum, L. — reticulata, L. Rubia tinctorum, L. Citrus medica, Gall. Cannabis sativa, L. — Limonium, Gall. Medicago sativa, L. Garcinia Mangostana, L. Onobrychis sativa, Lam. Mammea americana. L. Trifolium pratense, L. Vitis vinifera, L. Brassica oleracea, L. Anacardium occidentale, L Cichorium Entybus, L. | Fragaria vesca, L. Ends. | Rubus idæus, L. Rumex Patientia, L. | Prunus avium, L. 982 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Prunus Cerasus, L. — domestica, L. — insititia, L. -— armeniaca, L. Amygdalus communis, \FÈ Pyrus communis, L. — Malus, L. Cydonia vulgaris, L. Punica Granatum, L. Jambosa malaccensis, Wight et Arn. Lagenaria vulgaris, Ser. Cucurbita ovifera, L. Cucumis Melo, L. Ribes rubrum, L. Olea europæa, L. Lucuma mammosa, Gærtn. Sapota Achras, Mill. Persea gratissima, Gærtn. Papaya vulgaris, DC. Phænix dactylifera, L. Musa sapientum, Br. Bromelia Ananas, L. Triticum vulgare, L. — Spelia, L. Hordeum distichon, L. Oryza sativa, L. Polygonum tataricum, L. Lupinus albus, L. — Termis, L, — hirsutus, L. Pisum arvense, L. — sativum, L. Lathyrus sativus, L. — Cicera, L. Vicia sativa, L. Camelina sativa, Crantz Juglans regia, L. Theobroma Cacao, L. Cocos nucifera, L. Coffea arabica, L. Gossypium punctatum, Sch. et Th, 99 Retrouvées dans un état qui parait sauvage, sans une vérilable certitude à cet égard, peut-étre naturalisées par des graines sorties des cultures, en tout cas existant sous la forme des plantes cultivées. s Arum Colocasia, L. Linum usitatissimum, L. Morus indica, Willd. Spinacia oleracea, L. Indigofera tinctoria, L. Citrus Aurantium, Risso. Citrus javanica, Blume. Persica vulgaris, Mill. Psidium Guajava, Raddi. Artocarpus integrifoha, L. Avena sativa, L. Triticum monococcum, L. Secale cereale, L. Polygonum Fagopyrum, L. — emarginatum, Roth. Faba vulgaris, Mœnch. Ervum Lens, L. Cicer arietinum, L. Sesamum orientale, L. Papaver somniferum, L. Gossypium herbaceum, L. 3° Retrouvées sauvages, mais sous une forme qui permet des doutes quant à l'iden- tilé spécifique. Beta vulgaris, Moq. Lactuca Scariola sativa. Allium Porrum, L. {sous forme d'A. ampeloprasum). Mangifera indica, L. Ribes Grossularia, L. (sous forme de R. uva crispa). Gossypium arboreum, L. &° Retrouvées peut-être à l'état sauvage, mais douteuses à cet égard, et aussi quant à l'identité spécifique. Manihot utilissima, Pobl. — Aipi, Pobl. _Ficus Carica, L. et Sp. aflines. Hordeum vulgare, L Lea Mays, L. RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES, 983 9° Inconnues encore à l'état sauvage, et admises cependant comme de bonnes espèces. Dioscorea alata, L. Batatas edulis, Choisv. Helianthus tuberosus, L. Arracacha esculenta, Bancroft. Agave americana, L. Saccharum officinarum, L. — violaceum, Tuss. — sinense, Roxb. Nicotiana Tabacum, L. — rustica, L. — chinensis, Fisch. — persica, Lindl. Caryophyllus aromaticus, L. Anona Cherimolia, Lam. Citrus vulgaris, Risso (C. Aurantium amarus). Citrus japonica, Thunb. Eriobotrya japonica, Lindi. Jambosa vulgaris, DC. Cucurbita maxima, Duch. Cucumis Citrullus, L. — sativus, L. Chrysophyllum Caïnito, L. Solanum esculentum, Dun. Lycopersicum esculentum, Mill. Artocarpus incisa, L. f. Triticum turgidum, L. Hordeum hexastichon, L. Avena orientalis, Schreb, Phaseolus vulgaris, L. Chenopodium Quinoa, Willd. Arachis hypogæa, L. Gossypium barbadense. 6° Inconnues à l'état sauvage, mais qui ne sont peut-être que des variétés ou des races obtenues dans les cultures.‘ Arum esculentum, Forst. Citrus decumana, Willd. Persica lævis, Mill. (var. ? P. vulgaris). Allium ascalonicum, L. Cucurbita Melopepo. Avena nuda, L. 7° Inconnues à l'état sauvage, mais mal définies comme espèces, Indigofera Anil, L. Cueurbita Pepo, Duch, Milium diverses espèces. Sorghum P Phaseolus | Dolichos Capsicum | diverses espèces. Pendant longtemps, on a regardé comme impossible de découvrir lori- gine de la plupart des espèces cultivées. Tantôt on les croyait obtenues, par la culture même, de plantes spontanées à formes très différentes ; tantôt on présumait que habitation primitive aurait été dénaturée ou submergée; enfin, on allait jusqu'à supposer une intervention miraculeuse de la divinité pour donner directement à l’homme les premières graines des plantes les plus utiles, lesquelles manquaient cependant à plusieurs peuples et diffé- raient totalement dans l’ancien et le nouveau monde. Rarement, on avait la sagesse d'attendre que tous les pays eussent été explorés. Si l’on veut constater l'opinion qui régnait au commencement du siècle actuel sur cette grande question, il faut noter le passage suivant de M, de Humboidt (Essai 98h ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES, sur la géogr. des plantes, 1807, p. 28). « L'origine, la première patrie des végétaux les plus utiles à l’homme et qui le suivent depuis les époques les plus reculées, est un secret aussi impénétrable que la première demeure de tous les animaux domestiques. Nous ignorons la patrie des graminées qui fournissent la nourriture principale aux peuples de la race mongole et du Caucase; nous ne savons pas quelle région à produit spontanément les céréales, le froment, l’orge, l’avoine et le seigle... Les plantes qui constituent la richesse naturelle de tous les habitants des tropiques, le Bananier, le Carica Papaya, le Janipha Manihot et le maïs, n’ont jamais été trouvées dans l’état sauvage... La pomme de terre présente le même phénomène. » Depuis l’époque où l’illustre auteur écrivait le fragment que je viens de citer, on a découvert la pomme de terre en Amérique, sans parler du Papayer que Marcgraf avait indiqué depuis longtemps comme sauvage dans les forêts du Brésil. Enfin, pendant que M. de Humboldt parcourait le nou- veau monde, Olivier et Bruguière visitaient les régions de l'Asie occiden- tale, premier berceau de la race européenne, et y trouvaient le froment, certains Hordeum et d’autres plantes cultivées, dans un état véritablement spontané. Lorsqu'on étudie toutes les espèces une à une, sans négliger celles qui offrent moins d'intérêt que le froment ou la pomme de terre, mais en tenant compte de l’ensemble des cultures, on voit que, d’année en année, on est parvenu à des notions plus sûres et plus simples sur l’origine des espèces et sur leur état spontané. Au lieu de supposer des modifications immenses dans les formes spécifiques, ou des disparitions de continents, ou des phénomènes miraculeux, on arrive à l’idée tout ordinaire que le pro- grès des découvertes géographiques et botaniques permettra probablement de constater peu à peu la patrie d’origine et l’état primitif de toutes les plantes cultivées. La vue des listes qui précèdent conduit évidemment à cette conclusion. Sur 157 espèces choisies comme exemples, parce qu’elles sont les plus généralement cultivées et qu'on peut les déterminer avec assez de sécu- rité, il s’en trouve 85 qui ont été retrouvées certainement sauvages, dans un état identique avec celui des plantes cultivées, au moins de certaines variétés des plantes cultivées; 21 espèces doivent probablement être ajoutées à ces $5, mais on est moins sûr de leur qualité spontanée; 6 espèces ont été trouvées à l’état spontané, mais sous une forme diffé- rente des variétés cultivées, et, par conséquent, avec doute; à autres espèces sont douteuses sous ce double rapport d'identité et de qualité spon- tanée ; 6 espèces sont inconnues à l’état sauvage, mais paraissent être des modifications obtenues par la culture ; 2 sont des espèces douteuses ; en- RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES. 985 fin, parmi les plantes cultivées que l’état actuel de la botanique descriptive permet de considérer avec sécurité, il ne reste que 32 espèces qui n’aient pas été retrouvées du tout à l’état sauvage. Ainsi, les espèces reconnues identiques à l'état sauvage, forment 0,54 des espèces; celles qui présentent quelques doutes, à divers égards, forment les 0,26; enfin, les espèces non retrouvées et admises cependant comme de vraies espèces, constituent seu- lement 0,20 des espèces. Si l’on réunit toutes les espèces reconnues à l’état sauvage d’une manière certaine ou probable, on en compte 117, soit 0,74 de la totalité des espèces énumérées. La proportion de ces plantes reconnues à l’état sauvage a beaucoup augmenté depuis cinquante ans. Les espèces qu’on sait historiquement avoir été cultivées d’abord en Europe, se retrouvent toutes dans cette région à l’état spontané. Inverse- ment, les espèces dont l’état spontané est encore inconnu, sont toutes des plantes dont la culture a commencé hors d'Europe, et dans des pays assez mal connus. D’après cet ensemble de faits n'est-il pas probable qu'un jour, et même à une époque peu éloignée, on connaîtra, dans leur état spontané, l’im- mense majorité, peut-être la totalité des espèces cultivées? $ IIT. RÉGIONS D'OU PROVIENNENT LES PLANTES CULTIVÉES. S'il est quelquefois difficile de constater l’état spontané des espèces cul- tivées, il est rare que l’on doute sur leur pays d’origine, surtout quand on prend le mot pays dans un sens vaste, comme lAsie méridionale, la Sibérie, l'Europe, l'Amérique septentrionale, etc. On est forcé parfois d’hésiter sur la patrie d’une espèce, entre le Brésil ou les Antilles, entre la Chine ou l'Inde, l'Inde ou la Perse, etc. ; mais il est excessivement rare que l’on soit indécis entre le nouveau monde et l’ancien, entre l’Afrique et l'Asie. x La répartition primitive des espèces utiles à l'homme est assez curieuse. Elle est contraire à l'hypothèse qui se serait présentée à priori, si l’on avait essayé de la deviner d’après lutilité future pour l'espèce humaine, comme on le fait souvent quand il s’agit du but de certains phénomènes naturels. Ce ne sont pas toujours les pays dans lesquels l’espèce humaine prospère qui étaient primitivement doués de végétaux fort utiles; ainsi, les États-Unis n’avaient primitivement pas une seule plante nutritive, ni une seule plante d’une utilité quelconque assez grande pour qu’on la répandit dans les cultures. L'Europe en avait moins que Asie occidentale. La Nou- velle-Hollande, la Nouvelle-Zélande et le Cap n’ont pas fourni une seule espèce, quoique la population actuelle trouve dans ces pays des condi- tions excellentes de climat. Ces faits ressortent du tableau qui suit : 986 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES 4° ORIGINAIRES DE L'ANCIEN MONDE, Europe. Brassica campestris, L. (B. camp. et| Fragaria vesca, L. B. Rapa). Rubus idæus, L. Brassica Napus, L. Prunus avium, L, Daucus Carotta, L. Pyrus communis, L. Pastinaca sativa, L. — Malus, L. Campanula Rapunculus, L. Ribes Grossularia, L. Beta vulgaris, Mod. — rubrum, L. Rubia tinctorum, L. Lupinus albus, L. Trifolium pratense, L. — Termis, Forsk. Onobrychis sativa, L. — hirsutus, L. Brassica oleracea, L, Pisum sativum, L. Lactuca Scariola (var. sativa), — arvense, L. Cichorium Intybus, L. Lathyrus sativus, L, Rumex acetosus, L, — Cicera, L. — Patientia, L. Allium ampeloprasum (var, Porrum). Humulus Lupulus, L. Crocus sativus, L. Vicia sativa, L. Camelina sativa, Crantz. Secale cereale, L. Avena sativa, L. Asie septentrionale et occidentale. (Sibérie, Tartarie, Perse, Asie Mineure, Syrie, Arabie). Allium sativum, L. Cucumis sativus, L. Cannabis sativa, L. Olea europæa, L. Linum usitatissimum, L. Triticum Spelta, L. Medicago sativa, Lam. — vulgare, L. Spinacia oleracea, L. — _monococcum. Morus alba, L. Hordeum distichon, L. — nigra, L. — vulgare, L. Vitis vinifera, L. — hexastichon, L. Prunus Cerasus, L. Polygonum Fagopyrum, L. — domestica, EL, — tataricum, L. — insititia, L. _ emarginatum, Roth. — armeniaca, L. Faba vulgaris, Mœnch. Amygdalus communis. Ervum Lens, L. Cydonia vulgaris, L. Cicer arietinum, L. Punica Granatum, L. Phaseolus vulgaris, L. Cucurbita ovifera, L, | Juglans regia, L. Cucumis Melo, L. | Afrique seplentrionale. Phœnix dactylifera, L. Afrique intertropicale. Indigofera argentea. Gossypium punctatum, Schum. Coffea arabica, RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES. 987 Cap de Bonne-Espérance. Aucune espèce. Nouvelle-Hollande et Nouvelle-Zélande. Aucune espèce. Asie méridionale et archipel asiatique. Arum esculentum, Forst. Dioscorea pentaphylla, L. — bulbifera, L. — aculeata, L. — deltoidea, Wall. — alata, L. Jpomœa mammosa, Ch. Saccharum violaceum, Tuss. — sinense, Roxb. — officinarum, L. Cichorium Endivia, L. Thea chinensis, Sims. Indigofera tinctoria, L. —— cœærulea, Roxb. Morus indica, Willd, Caryophyllus aromaticus, L. Citrus medica, Gall. — Limonum, Risso. — vulgaris, Risso. — Aurantium, Risso. Citrus japonica, Thunb. — javanica, Blume. — decumana, Willd. Garcinia Mangostana, L. Mangifera indica, L. Amygdalus persica, L. Eriobotrya japonica, Lindl. Jambosa vulgaris, DC. — _ malaccensis, Wight et Arn. Lagenaria vulgaris, Ser, Cucurbita maxima, Duch. — Pepo, Duch. Cucumis Citrullus, Ser. Solanum esculentum, Dun. Artocarpus incisa, L. f. — integrifolia, L. Musa sapientum, L. Oryza sativa, DC. Sesamum indicum, DC. Gossypium herbaceum, L. De l’ancien monde, mais douteuses quant à la région ; ou originaires de deux des régions ci-dessus énumérées, ou, enfin, douteuses comme espèces, Raphanus sativus, L. — Asie et Europe méridionales. Papaver somniferum, L. — Probablement de l'Asie occidentale et de la région méditerranéenne, Allium Cepa, L. — Asie occidentale et méridionale. — ascalonicum, L. — Asie occidentale et Europe méridionale ? Persica lævis, Mill. — Probablement une race obtenue dans la culture. Ficus (div. esp.).—Asie occidentale, méridionale et région méditerranéenne. Avena nuda, L. — Probablement une modification de la culture. — orientalis, Schreb. — Asie. Arum Colocasia, L. — Inde ou Égypte ; peut-être les deux? Triticum turgidum, L.— Région de la Méditerranée orientale, Gossypium arboreum. — Espèce douteuse. 990 ORIGINAIRES DU NOUVEAU MONDE. Amérique septentrionale (sauf les Antilles). Agave americana, L. Nicotiana rustica, L. 988 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. Amérique méridionale, Panama et Antilles. Solanum tuberosum, L Manihot utilissima, Pohl. — Aïpi, Pohl. Batatas edulis, Choisy. Arracacha esculenta, Bancroft. Nicotiana Tabacum, L. Ilex paraguariensis, Saint-Hil. Erythroxylon Coca, Lam. Anona squamosa, L. — muricata, L. — reticulata, L. — Cherimolia, Lam. Mammea americana, Jacq. Anacardium occidentale, L. Chrysophyllum Caïnito, L. Lucuma mammosa, Gærtn. Sapota Achras, Mill. Lycopersicum esculentum, Mill. Persea gratissima, Gærtn. Papaya vulgaris, DC. Bromelia Ananas, L. Cocos nucifera, L. Chenopodium Quinoa, Wilid. Arachis hypogæa, L. Gossypium barbadense, Sw. Theobroma Cacao, L. Originaires d'Amérique, mais avec doute sur la région. Helianthus tuberosus, L. — Probablement de l'Amérique septentrionale. Psidium Guajava, Raddi (Pyriferum et pomiferum). Zea Mays, L. Probablement de l'Amérique, malgré l'opinion contraire de la plupart des auteurs et malgré les noms, : Nicotiana chinensis, Fisch. | — persica, Lindl. l 3° ORIGINE ABSOLUMENT DOUTEUSE OU INCONNUE. Cucurbita Melopepo, L. — Probablement une race obtenue par la culture, sans qu'on sache précisément où elle a commencé. On voit que presque toutes les espèces cultivées ont une origine connue, si ce n’est quant au pays même, du moins quant à la grande division du globe à laquelle appartient le pays. Il est donc inutile de supposer des régions disparues sous l'Océan depuis invention des cultures, et encore bien moins une création miraculeuse et spéciale des plantes cultivées indé- pendamment des espèces ordinaires. L'ensemble des faits prouve que les hommes ont cullivé tout simplement les espèces qui étaient à leur portée et qui leur paraissaient offrir quelque avantage. Dans certains cas, ils les ont transportées avec eux d’un pays à l’autre, mais souvent aussi ils les ont trouvées en arrivant dans une région. En particulier, la diversité absolue des espèces cultivées dans l’ancien monde et en Amérique, avant la dé- couverte, montre combien les deux continents étaient isolés, ainsi que leurs habitants, depuis une époque impossible à préciser. RÉSULTATS DES RECHERCHES SUR LES ESPÈCES CULTIVÉES. 989 $ IV. ANCIENNETÉ DE PLUSIEURS RACES DANS LES VÉGÉTAUX CULTIVÉS ; MANIÈRE DE DISTINGUER LES RACES ET LES ESPÈCES. Une chose m'a extrêmement frappé dans la recherche méthodique à laquelle je viens de me livrer. C’est l’ancienneté de plusieurs des races ou variétés héréditaires de nos végétaux cultivés. On attribue probablement à la culture detrop grands effets. De ce qu'elle peut créer des formes transmissibles par les graines, on croit que ce phé- nomène est arrivé souvent, et que les principales modifications sont dues à cette cause. Le fait est que la culture produit beaucoup de petites modifications, tandis que les races vraiment héréditaires et tranchées sont presque tou- jours anciennes, c’est-à-dire qu’elles remontent à une époque dont l'homme a perdu la trace, et qui, probablement, dans beaucoup de cas, est contem- poraine des premières cultures, peut-être antérieure à toute culture. Ainsi, on remarque dans les ouvrages du xvie siècle les principales races de choux, de navets, de courges, sans parler de diverses qualités de céréales et d’arbres fruitiers dont l'identité est moins évidente. Les Ro- mains, du temps de Pline, cultivaient déjà une grande quantité de poires, prunes, etc. Homère distinguait déjà les pavots à graine blanche et à graine noire. Les Égyptiens cultivaient le Sesame à graine blanche. Les Hébreux distinguaient l’Amandier à fruit doux et à fruit amer. Les vignes à raisin rouge et blanc paraissent aussi d’une grande ancienneté historique. Indépendamment de ces exemples où l'identité spécifique n’est guère dou- teuse, il y à un grand nombre de cas dans lesquels deux formes voisines, bien distinctes et héréditaires, existent depuis un temps reculé, sans qu’on puisse affirmer si ce sont des races on des espèces. Les Psidium pyriferum et pomiferum, l'orange douce et l’ofange amère, la pêche lisse et la pêche velue, en sont des exemples remarquables. L’hérédité de leurs formes n’est peut-être pas aussi bien établie que celle des pavots à graines noires et à graines blanches, ou des vignes à fruit rouge et fruit blanc, et il y à des indices historiques pour les classer parmi les races et non parmi les espèces proprement dites; d’un autre côté, comme leurs caractères distinetifs sont plus nombreux et plus importants, beaucoup d'auteurs les regardent comme des espèces distinctes. Ce sont des questions analogues à celles de l'unité de l'espèce humaine, ou de l'espèce canine, dans le règne animal. Elles sont toujours difficiles. On peut cependant se laisser guider par quelques raisonnements, qui conduisent à certaines probabilités là où les preuves manquent. Lorsque les caractères distinctifs se trouvent uniquement dans les 990 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. organes pour lesquels on cultive la plante, c’est une grande probabilité que ces caractères viennent de la culture. Aïnsi, quand deux formes voisines d'arbres fruitiers diffèrent par la grosseur, la saveur ou la forme du fruit, le botaniste doit y mettre moins d'importance que si les caractères étaient dans la fleur ou les feuilles. Évidemment, en effet, l’homme a été entrainé à con- server les modifications qu’il obtenait pour les fruits, et il cherche toujours à les obtenir. Dans les thés, le tabac ou le chanvre, qui sont cultivés pour leurs feuilles ou leurs tiges, les diversités de fleurs et de fruits sont proba- blement naturelles et non artificielles. Quelquefois une modification qui semble être ou une espèce ou une race est indiquée dans les livres, à une certaine époque et dans certains pays, avec des circonstances qui font présumer une introduction récente dans les cultures. Si la modification en question a des qualités économiques supé- rieures à celles des variétés qu’on cultivait avec elle plus anciennement ou plus communément, il est probable qu’elle s’est produite par la culture. En effet, si elle avait existé de tout temps comme espèce sauvage et dis- tincte, la culture aurait commencé par elle. Au contraire, les qualités mfé- rieures qui se maintiennent par habitude dans les cultures, ont la chance d’être des espèces primitives, car une variété médiocre étant produite, on l’abandonne volontiers. En appliquant cette règle de probabilité, les Hordeum vulgare, dis- tichon, hexastichon, paraissent de bonnes espèces, car le plus riche, x l’Hordeum hexastichon, est d’une grande antiquité comme culture, et 1l est probable qu’on a eu l’idée de le cultiver parce qu'il existait avec de bonnes apparences. Après lui on aurait rebuté les autres, s’ils S'étaient mamifestés par accident dans les cultures, mais comme on les à cultivés aussi, 1l est probable que certains peuples les avaient trouvés dans la nature autour d'eux, et qu'ils ont continué de les cultiver par habitude, ou par défaut de communication avec ceux qui avaient la meilleure espèce. Inversement l'oranger à fruit doux semble une modification de l’oranger à fruit amer, car il paraît moins ancien dans les cultures, et cependant, si lun et l'autre avaient existé en Asie spontanément, les peuples les moins habiles se seraient emparés d’abord de l'orange douce, comme ayant des avantages évidents, et auraient négligé l’autre pendant longtemps. Lorsqu'on hésile pour savoir si une forme héréditaire de plante cultivée est une race ou une espèce, il convient aussi de chercher si la culture en a commencé dans des régions différentes ou dans la même région. Si le premier cas se présente, plus les régions sont éloignées, plus il est probable que les formes représentent des espèces distinctes, On sait que les espèces phanérogames communes à l’ancien et au nouveau monde, sont infiniment ESPÈCES CULTIVÉES MALGRÉ LA VOLONTÉ DE L'HOMME. 991 rares, excepté vers le Nord, ainsi quand on parvient à établir qu’un Indigo- fera, je suppose, ou un Gossypium, a été cultivé d’abord en Amérique, on a démontré presque complétement qu’il appartient à une espèce, relativement aux formes voisines de l’ancien monde, quelque difficiles à distinguer que ces plantes puissent paraître. D’après un raisonnement analogue on peut sup- poser une confusion d'espèces dans le lin cultivé, uniquement parce que la culture semble avoir commencé à la fois dans l'Europe tempérée et en Égypte, c’est-à-dire dans deux pays qui ont infiniment peu d'espèces phané- rogames communes. Le cas inverse n’a pas la même valeur. Si la culture de deux formes voisines a commencé dans la même région, on peut croire ou que les deux formes étaient spontanées dans le pays, ou que lune d'elles s’est développée anciennement dans les cultures, sans que l’histoire ou les noms vulgaires en aient laissé le moindre mdice. Ces raisonnements tendent donc à montrer, dans certains cas, si deux formes héréditaires d’une plante cultivée sont plus anciennes que lagricul- ture, ou si elles sont le résultat de l’action de l’homme. Quand on a établi que deux formes sont antérieures à l’agriculture, on peut encore soup- çonner que l’une d’elles est dérivée de l’autre à une époque plus ancienne, peut-être avant la présence de l’homme ou avant certains phénomènes géologiques. On retombe alors dans les grandes questions de la définition de l’espèce, de la date des espèces actuelles, du nombre et de la répar- tition de leurs individus avant l’époque historique, et même de leur ori- gine première, questions formidables, sur lesquelles les espèces cultivées n’apprennent rien, et dont la solution dépend de la distribution actuelle des espèces spontanées, éclairée par la paléontologie et la géologie. J°y reviendrai dans les chapitres XI et XXVI. SECTION IT. * ESPÈCES CULTIVÉES MALGRÉ LA VOLONTÉ DE L'HOMME. A côté des plantes que l’homme cultive en grand et volontairement, on en compte plusieurs qui profitent de ses travaux et dont il serait heureux de pouvoir se débarrasser (p. 610, 642). Leur introduction dans les cultures remonte quelquefois à une époque reculée; cependant on ne peut pas dire qu’elles aient beaucoup varié. La plupart sont annuelles ; or, la circonstance d’avoir eu des milliers de géné- rations soumises à des influences particulières, et d’avoir passé sous des climats nombreux et divers, en raison de l'extension de l’agriculture, n’a pas amené chez elles autant de modifications que chez les espèces cultivées proprement dites; il semble même qu’elles ne présentent pas des modi- 03 992 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES. fications plus nombreuses que les espèces absolument sauvages. Je déduis de là une confirmation du mode d'action de l’homme pour faire varier les plantes annuelles cultivées. Ce n’est pas la culture même qui les change, c’est plutôt le soin avec lequel on isole, dans la culture, les graines de pieds offrant certaines modifications utiles ou curieuses, afin de les semer à part, et de répéter successivement ce choix pendant plusieurs générations. Personne ne prend cette peine pour les nombreuses espèces de pavots, de Galeopsis, de Linaria, etc., qui remplissent nos champs, aussi demeurent- elles extrèmement distinctes et invariables sous les influences extérieures les plus diverses. L'origine de ces plantes a souvent de l'intérêt, Chacune est un petit problème historique, linguistique et botanique, où les indices doivent être cherchés de divers côtés et pesés avec un certain jugement. Il en est comme des plantes cultivées proprement dites, seulement à quelques égards on a moins de peine pour remonter aux origines. Dans cette catégorie de plantes et pour chaque pays, certaines espèces sont aborigènes ; les autres sont venues de régions tantôt voisines, tantôt éloignées. Les premières doivent se trouver en dehors des cultures, dans des loca- lités complétement naturelles. Il peut arriver cependant qu’on ne découvre pas d’une manière certaine des localités en dehors des cultures, ou qu’on ait lieu de soupçonner un transport de graines des terrains cultivés dans les localités naturelles. Ainsi on peut croire le Borago oflicinalis originaire d'Italie, le Galeopsis Ladanum originaire de l’Europe tempérée, l'Adonis autumnalis originaire de Grèce, parce qu'on les trouve quelquefois sau- vages dans ces divers pays hors des terrains cultivés. Cependant, comme on ne les voit guère dans des localités éloignées des habitations, les graines peuvent avoir été dispersées hors des cultures, et il devient nécessaire de contrôler ce genre d'observations par d’autres. Il faut tâcher de s’assurer que l’espèce dans les autres régions, d’où elle pourrait provenir, ne sort pas des cultures, et que son ancienneté est grande dans le pays duquel on la croit originaire. Enfin, 1l se pourrait à la rigueur que l’agriculture eût envahi la totalité des endroits d’où une espèce est originaire, et alors on ne trouverait la plante nulle part dans des conditions bien probantes. Les espèces de terrains cultivés originaires de pays plus ou moins dis- tants de celui dans lequel on observe, sont ordinairement les plus nom- breuses. J’ai examiné l’origine de plusieurs d’entre elles, répandues parmi nos cultures européennes, lorsque j'ai énuméré les plantes naturalisées en Angleterre ou soupçonnées de naturalisation dans ce pays (p. 64 à 697). Il y aurait de l'intérêt à faire des recherches semblables pour les autres parties de l'Europe et pour les États-Unis d'Amérique. On pourrait peut- ESPÈCES DISJOINTES. 993 être en déduire des lois sur la constitution des plantes qui s’introduisent ainsi dans les cultures, sur leurs origines, leur mode d'extension, etc. Ne voulant pas aborder tous les détails, Je me contente de ces indications générales; je renvoie aux pages 645 et 746, et m'estimerai heureux si un autre étudie le sujet d’une manière plus complète. CHAPITRE X. DES ESPÈCES DISJOINTES. ARTICLE PREMIER. DÉFINITION; IMPORTANCE DU SUJET. L’épithète de disjeintes me paraît convenir à certaines espèces dont les individus se trouvent divisés entre deux ou plusieurs pays séparés, et qui cependant ne peuvent être envisagées comme ayant été transportées de l’un à l’autre, à cause de quelque circonstance tenant, ou à la structure des graines, ou à la manière de vivre des plantes, ou à l'éloignement considé- rable des pays d'habitation. Comment des espèces peuvent-elles se trouver ainsi séparées, sans trans- port probable, ni même possible? Ce doit être par l’effet de canses anté- rieures à l’ordre de choses actuel: Voilà ce qui me fait attacher une grande importance à de pareils faits. Je n'aurais pas voulu en parler avant d’avoir examiné à fond les moyens de transport et les naturalisations de notre époque. C’est après avoir mesuré par une foule de détails la portée des moyens actuels de transport, et après avoir vérifié quelles sont les catégo- ries de plantes qui se naturalisent et quels sont les pays où cela arrive le plus, qu’il n’a fallu reconnaître la réalité d'espèces disjoinies sans commu- nication possible entre les deux habitations depuis des milliers d'années. Elles appartiennent surtout à trois catégories : les plantes ligneuses à grosses graines, qui n'habitent pas sur le littoral; les plantes aquatiques, et celles des hautes montagnes. On en remarque aussi, mais en petit nombre, parmi d’autres plantes et dans différentes régions de la terre. Chaque espèce disjointe et chaque groupe d'espèces de cette catégorie fait naître des conjectures relativement aux causes antérieures qui ont pu transporter les graines, ou détruire l'espèce dans les points intermédianres. On ne peut se défendre aussi de remonter à la distribution primitive des espèces, comme ayant produit peut-être ce singulier mode d'habitation. 99/7 DES ESPÈCES DISJOINTES, ARTICLE IL. ESPÈCES LIGNEUSES A GROSSES GRAINES OU A GROS NOYAUX. De toutes les plantes phanérogames, celles qui sont le plus rarement trans- portées et naturalisées, sont les espèces ligneuses dont les graines ou les noyaux ont un volume considérable. L'homme, qui est l’agent principal et souvent involontaire des transports, ne peut pas emmener avec lui, sans s’en douter, des fruits ou des graines d’un certain volume ; les quadrupèdes ne peuvent pas les emporter sur leur pelage ou sur leur toison; les oiseaux ne peuvent pas les avaler, sans les briser. Bref, le seul moyen de transport possible, d’une terre à l’autre, est celui des courants. Il est certain que des fruits de Cocotier, de grosses graines de Conifères ou de Légumineuses peuvent être jetés par le vent ou entraînés par les fleuves dans la mer, et de là être transportés à de grandes distances. Le coco des Maïldives est apporté par un courant des îles Seychelles, et les graines d’Entada scandens le sont par le courant de FAtlantique jusqu’en Europe. Mais si ce genre de transports existe, la chance de naturalisation après le transport est infi- niment petite. Les grosses graines germent quelquefois difficilement ; le climat du pays où elles arrivent et le sable du littoral leur sont souvent contraires; surtout les arbres ont de la peine à s’établir sur un terrain déjà occupé par d’autres plantes et dans des pays où une foule d'animaux peu- vent les détruire dès leur jeunesse. En fait, il m’a été impossible de con- stater un seul cas d’un arbre à grosse graine ou à gros noyau, qui se soit naturalisé, soit en Europe, soit ailleurs, excepté lorsque l'homme avait un intérêt positif à l'obtenir, et avait apporté les graines de pays lointains, ou dans le cas du cocotier et autres arbres du littoral. Si donc nous voyons des arbres de la catégorie de ceux à grosses graines ou gros noyaux, se trouver à la fois sur un continent et dans l’intérieur d’une île, ou de plusieurs iles, même peu éloignées les unes des autres, ce sera une chose digne de remarque. Les causes actuelles de transport ne peuvent pas en rendre compte. Il faudra recourir à des hypothèses, plus ou moins probables, savoir ou des causes antérieures de transport très différentes des causes actuelles, ou une jonction antérieure de terres aujourd'hui séparées, ou une communication par des îles intermédiaires disparues, ou enfin une multiplicité d'individus de la même espèce dès l'origine, et, ce qui paraît plus improbable, une dispersion très grande de ces individus multiples originels. Voici quelques exemples bien constatés. Je les trouve parmi les Cupu- lifères, les Conifères et les Palmiers. Le nombre en est peu élevé, mais je ESPÈCES LIGNEUSES A GROSSES GRAINES OÙ À GROS NOYAUX. 999 prie de remarquer combien les arbres à grosses graines sont rares, et com- bien ceux qui existent dans les pays équatoriaux sont encore mal connus. Cupulifères. Le Quereus peduneulata, Wilid, (4. Robur «x, L.), n'existe pas seule- ment sur le continent européen, où le vent, les rivières, les animaux, ont pu en répandre les graines; il se trouve dans la Grande-Bretagne et en Irlande (Mackay, Æ{.); en Sardaigne (Moris, £lench., HI, p. 11), proba- blement aussi en Corse. Le Quereus sessiliflora, Sm. (@. Robur £, 1), est aussi sur le continent d'Europe, dansles îles Britanniques, en Sardaigne (Moris, £lench., U, p. 9). Vers le midi du continent ces deux espèces deviennent rares. Comme elles manquent au midi de l'Espagne (Boiss., Voy.; Webb, ter Hisp., p. 10), il n’est pas surprenant qu'elles manquent également à plusieurs iles de la mer Méditerranée et à l'Algérie (le Q. Robur, Desf., est le Q. bætica selon Bory, Webb, ete.). Le Quereus pubescens, Willd., à été peut-être moins bien observé, et le silence des auteurs est peu significatif. Je vois cependant qu’il est men- tionné positivement en Sicile, sur les montagnes et collines (Guss., Syn., I, p. 607); selon Philippi, sur l'Etna, de 3,200 à 5,100 pieds(Linn., VI). Si ses glands ont été portés par les courants actuels sur la côte de Sicile, ils n’ont pas pu naturaliser l’espèce dans l'ile, puisqu'elle vit à une cer- faine élévation. Le Quereus Toza, Bose, est d’un côté et de l’autre du détroit de Gibraltar, sur les hauteurs, à 4,500 pieds en Espagne (Boiss., Voy., IF, p. 9795), par conséquent plus haut dans le Maroc. Les Querens humilis, Lam., @. lusitanica, Lam., @. Suber, L., @. Hex, L , @. Ballota, L., @. coccifera, L. et @. pseudococcifera, Desf., sont également partagés entre les deux côtés du détroit, d’après MM. Webb (ter Hisp.) et Bois- sier (Voy. bot. Æsp., I, p. 575). M. Moris (Ælench., 1, p. A2) cite en Sardaigne, les Q. [lex, pseudococcifera et Suber. M. Gussone cite (Syn. FT. Sic.) en Sicile, les Q. Ilex, coccifera, pseudococcifera et Suber. Le Quereus Suber n’est pas seulement dans les îles de la mer Médi- terrannée et sur les deux continents voisins, il est encore à Madère (Lemann, liste manusc.), mais je ne vois aucun Quercus indiqué ni aux Canaries (Webb. Can.), ni aux Açores (Wats., Lond. journ. Bot., HT et VI). Le noisetier, Corylus Avellana, L., est sur le continent européen et dans les îles Britanniques. Il a existé dans les îles Sthetland, à une époque récente, géologiquement parlant, mais on ne ly trouve plus que dans la tourbe (Edmonst., Ann, and mag. of nat, hist., NIT, p. 295). Il est 996 DES ESPÈCES DISJOINTES. en Corse (Salis, Flora, 1834, Beibl., p. 3), dans les montagnes de l'ile de Sardaigne (Moris, Elench., 1, p. AL), en Sicile (Guss., Syn., IT, p. 610). Je ne sais s’il est originaire dans les ravins frais du Boujareah, près d'Alger, où il en existe quelques pieds, selon M. Munby (F1. Alg., ‘ p. 105). L’espèce manque à l'ile de Madère (Lemann, liste manusc.), et même aux Acores (Wats., dans Hook., Lond. journ. Bot., HE et VD), où elle pourrait probablement réussir. Il n’est pas certain que le Châtaignier (Castanea vesea) soit de toute ancienneté dans les îles Britanniques (voy. p. 687), mais il existe dans les iles de la mer Méditerrannée, en abondance, à une certaine élévation au- dessus de la mer. On ne le connaît pas dans l'Atlas, jusqu'à présent (Cosson, verbalement en 1853). Je doute qu’il soit spontané aux iles Cana- ries (Buch, Can., p. 178), car Webb ne l’indiquait pas (Phytogr.Can.), et j'ignore ce qu'il en est à Madère où ma liste communiquée par Lemann l'indique. Il manque aux Acores (Wats., Lond. journ. Bot., HT et VI). Le Fagus sylvatiea (Hètre), existe sur le continent d'Europe et dans les îles Britanniques, où il n’est pas sûr qu'il soit ancien (vey. p. 689). Il est en Corse (Salis, Flora, 1834), et en Sicile (Guss., Syn.) évidem- ment indigène, mais à une certaine élévation au-dessus de la mer, ce qui rend le transport par les courants presque impossible à supposer. Il manque au midi de l'Espagne (Boiss., Voy.; Webb, Lter), à la Sardaigne (Moris, Elench., IH), à Algérie (Munbv, F1. Alqg.), aux Canaries (Webb, Phyt. Can.), à Madère (Lemann, liste manusc.), aux Acores (Wats., Lond. journ. Bot., ITet VI); ce qui s'explique de reste par le peu d’élé- vation ou par une position trop méridionale. Conifères. La plupart des Conifères ont des graines ailées, ou très plates, ou petites et entourées d’une chair qui peut tenter des oiseaux. Leur transport dans ces différents cas peut se comprendre. Mais il y a des espèces à graines pesantes, assez grosses, et dépourvues d'ailes. Les naturalisations sont à leur égard d'autant moins probables que ces graines germent lentement et sont souvent détruites par les insectes où par les rongeurs. Quelques- unes cependant ont des habitations séparées par la mer. Le Pinus Cembra, L., existe aux iles Kuriles, comme dans l'Asie sep- tentrionale où il est si commun (Endl., Conif., p. 143). Le Pinus parviflora. Sieb. et Zuce., qui en est très voisin LE Cembra, Thunb.), est au Japon et aux îles Kuriles (Endl., £. e.). Le Pinus koraiensis, Sieb. et Zuee., également à graine non ailée, se trouve au Japon et au Kamtschatka (Endl., /. «.). ESPÈCES LIGNEUSES À GROSSES GRAINES OÙ À GROS NOYAUX. 997 Je ne citerai pas le Pinus Pinea, assez répandu dans les îles de la Méditerranée, parce qu’il peut avoir été semé de main d'homme dans plusieurs localités, comme il la été à Madère (Lemann, liste manusc.), à cause du bon goût de ses amandes. Palmiers. Plusieurs Palmiers ont de grosses graines; mais les espèces de cette famille étant presque toujours limitées à une petite étendue de pays, même sur chaque continent, il est assez naturel que, dans les îles éloignées, elles se trouvent souvent propres à ces iles. Lorsque deux pays, sans être extrêmement séparés, le sont assez pour que le transport de gros fruits et de grosses graines soit difficile à admettre, on voit quelquefois des Palmiers s’y trouver simultanément. Ainsi, d’après l'Hortus Mauritianus de M. Bojer, il y a quelques espèces commu- nes à Bourbon et à Maurice, quoique les courants ne portent pas directement de l’une de ces îles à l’autre, et que la distance soit de trente lieues. Per- sonne ne doute que certaines espèces de Palmiers ne soient communes, par exemple à Ceylan et à la péninsule indienne, à diverses îles de l'archipel malai, à plusieurs îles de l’archipel des Antilles, et probablement à telle ou telle de ces îles et au continent américain. Néanmoins, d’après Îles ouvrages actuels, même d’après la splendide Monographie de M. de Mar- tius, les cas de cette dispersion sont peu communs. Je ne les indiquerai pas ici, car, probablement, leur rareté tient à l'absence de bons échantil- lons dans les collections, et à l'ignorance où l’on est sur la végétation de plusieurs de ces îles. Je remarque cependant que la Flore des îles du Cap Vert, par M. Schmidt, le Mémoire du docteur Hooker sur les îles Gala- pagos (Trans. soc. Linn., v. XX), les petites Flores des îles Sandwich et des îles de la Société dans le Voyage de Beechey (Hook. et Arn., Voy. Beech.) ne contiennent aucune espèce de Palmiers spontanée, d’où lon peut croire que l'isolement des terres a empêché les graines d’y parvenir. L'existence fort ancienne, déjà mentionnée par Pline, du Dattier sauvage aux îles Canaries, n’est pas très probante; car, de toutes les espèces de la famille, c’est peut-être celle que l’homme transporte le plus volontiers, et dont les graines peuvent se trouver le plus souvent dans l’estomac des oiseaux. Si la rareté des Palmiers dans les îles un peu séparées se con- firme, on pourra l’attribuer à l'isolement géographique plutôt qu'à un obstacle venant des climats insulaires en général, attendu que les îles de la Sonde et les îles Mascareinhes semblent pourvues d’une assez notable proportion de ces belles plantes. La difficulté, non de transport, mais de naturalisation, pour les Palmiers à gros fruits, est démontrée par le fait du 998 DES ESPÈCES DISJOINTES. Lodoicea Sechellarum, Labill. (Coco dit des Maldives), qui est porté en quantité, depuis des siècles, de l’île Prälin et de l’île Ronde, des Seychelles, aux îles Maldives, sans jamais s’être établi sur ces dernières. D’après cela, les exemples de Palmiers communs à Bourbon, Maurice et Madagascar, à diverses îles Antilles, etc., ont de l'importance comme tenant, ou à des causes antérieures de diffusion et de communications qui n’existent plus, ou à la multiplicité originelle des individus de chaque espèce. On voit par ce qui précède que les arbres à grosses graines ou à gros noyaux, de familles différentes et de pays différents, offrent quelquefois, malgré leur aire habituellement restreinte, malgré l'impossibilité presque complète de moyens actuels de transports, ou la difficulté de naturalisation après un transport accidentel, offrent, dis-je, des espèces disjointes, c’est- à-dire divisées entre des terres isolées les unes des autres. L'hypothèse la plus probable à leur égard est celle de communications antérieures entre les îles, soit par des isthmes, soit par des îles ou continents qui auraient disparu depuis l’existence des espèces. Les îles où nous voyons des Pal- miers, des Chênes ou des Conifères communes avec d’autres pays, sont toujours peu éloignées des continents, ou sont de grandes îles. Ce n’est pas être bien hardi de supposer, par exemple, un état différent de l'archipel des îles Mascaremhes, dans lequel les trois îles auraient eu des intermé- diaires, des points peut-être de jonction ou de rapprochement. De même pour les îles de l'archipel indien, pour Ceylan et la péninsule indienne, pour les Antilles, pour les îles Kuriles; enfin, pour les îles et péninsules de la mer Méditerranée, et pour les îles Britanniques. Les géologues ont souvent admis la possibilité de jonctions antérieures ou de configurations différentes des terres dans ces parages, et plutôt que d'adopter les hypo- thèses plus hardies d'individus et même de centres multiples dès l’origine pour chaque espèce, on inclinera, je crois, dans le cas actuel, à la suppo- sition dont je viens de parler. Il n’en sera pas de même pour d’autres catégories de plantes. Je vais les considérer successivement, et pour chacune, je donnerai d’abord les faits, puis les réflexions. ARTICLE TH. ESPÈCES AQUATIQUES. $ 1, EXPOSITION DES FAITS, Renonculacées. Le Ranuneulus aquatilis, L., est une plante essentiellement aquatique, et en même temps dispersée dans des pays très vastes, quelquefois très séparés les uns des autres par des chaines de montagnes ou des étendues | , ESPECES AQUATIQUES. 999 de mer, qui n’admettent guère la supposition d’un transport. Ainsi, on trouve cette plante, avec la plupart de ses variétés, en deçà et au delà des Alpes, aux Canaries (Webb, Phyt., 1, p. 6), dans les îles de la mer Médi- -erranée (Sardaigne, Moris, F1.; Sicile, Gussone, Syn., etc.), en Europe, en Islande (Hook., Tour, Il, p. 327), et dans l'Amérique septentrionale. Sur ce dernier continent, elle est assez isolée, car elle manque aux lati- tudes les plus boréales, par exemple, au Labrador (Schlecht., Linn., 1835, p. 104). Elle manque aussi aux îles Feroë (Ch. Martins, Veg. Fer.) et Shetland (Edmonston, Ann. of Bot., VID, c’est-à-dire aux pays par les- quels une communication avec l'Islande et le Canada aurait pu s’opérer le moins difficilement. Il est vrai qu’elle existe en Sibérie et jusque dans l’île d'Unalaschka (Ledeb., F1. Ross., D, et qu’elle existe peut-être dans la partie voisine de l'Amérique, attendu qu’elle a été trouvée dans l’Orégon (Torr. et Gray, F1.). Elle manque aux îles Açores (Wats., Lond. Journ. of Bot., Het VI) et Madère (Lemann, liste manusc.), quoique vivant dans des pays analogues, par exemple, en Algérie et en Abyssinie (Rich., Tent. Fl. Abyss., I, p. 4), où, par parenthèse, elle se trouve bien isolée. Du reste, la variabilité de cette espèce, les divergences d'opinion qui exis- tent sur la manière de la définir, et la circonstance que ses carpelles rugueux, flottants à la surface de l’eau (Vaucher, Hist. phys. pl. d'Eur., I, p. 36), se prêtent peut-être dans l'opinion de quelques personnes, à des transports par les oiseaux aquatiques, m’engagent à ne pas insister sur les faits qui la concernent. Nymphéacées. Les plantes de cette famille sont intéressantes à étudier, parce que leur distinction, comme espèces, est assez claire, et que, dans les pays où elles existent, personne n’a pu les négliger. Leurs grâines sont trop grosses et trop lisses pour se prêter à des transports accidentels. Elles mûrissent au fond de l’eau, et ne flottent que pendant la germination, d’après les observations de Vaucher (Hist. physiol. pl. d'Europe, X, p.114). Le Nymphsea alba, L., Se trouve en decà et au delà des Alpes ; en deçà et au delà des Pyrénées, qui sont une chaîne bien plus continue, aboutissant de chaque côté à une mer. Il existe dans les îles de la mer Méditerranée, comme la Sardaigne (Moris, FL.), la Sicile (Guss., Syn.), et en Algérie (Munby, FE. Alq., p. 52). On le trouve dans les îles Britanniques, jusqu’à l'extrémité de l'Écosse (Wats., Cybele) et aux îles Shetland (Wats., tbid.), quoique Edmondston n’en parle pas (Ann. of nat. hist., VI) et qu'il manque aux Orcades (Wats., liste msc.), aux Feroë (Ch. Martins, Vég. Fér.) et à l'Islande (Hook., Tour, Il; Bab, Trans, Ed, soc., WE, p. 17). 1000 DES ESPÈCES DISJOINTES. L'absence, dans ces divers archipels, est d'autant plus remarquable que l'espèce avance sur le continent jusqu’en Laponie (Fries, Suwmma ; Ledeb., El. Ross.). L'isolement aux îles Shetland et aux Hébrides (Wats., Cyb.) est vraiment singulier, vu l’absence aux Orcades. Probablement, les Nym- phæa alba qu’on a cités dans le nord de l'Amérique, sont tous le Nymphæa odorata; du moins, MM. Torrey et Gray n’ont jamais vu le Nymphæa alba dans le domaine de leur Flore. Le Nymphæa stellata, Wild, croit dans la péninsule indienne, et aussi à l’île Maurice (Bojer, H. Maur., p. 8, qui le distingue bien du Nymphæa madagascariensis). Le Nymphzæa pubescens, Willd., n’est pas seulement dans diverses parties de l’Inde, aujourd’hui séparées par des montagnes et par la mer, mais aussi à Java (DC., Syst.; Zoll., Verz.) et aux Moluques (Rumph.). De même le Nymphaæa ampla, DC., se trouve non seulement à la Jamaï- que, mais aussi à Saint-Domingue, à Vera-Cruz et à la Guyane (DC., Syst., If, p. 54). Le Nuphar lutea, Sm..croîten Europe dechaquecôtédes grandes chaînes de montagnes, dans chaque bassin, et dans les îles telles que la Grande- Bretagne, la Sardaigne, la Sicile. Comme il supporte, moins que le Nym- phæa alba, les climats septentrionaux et méridionaux du continent européen, son absence dans les archipels an nord de l'Écosse et en Algérie, est une conséquence du climat. D'un autre côté, sa présence en Amérique, notam- ment à l’île de Sitcha (Bongard, Ledeb., F1. Ross., 1) et au Canada (Torr. et Gray, FL, D), est un fait d'isolement, car l’espèce manque à l'Islande, au Labrador, et au nord-est de l'Asie (Ledeb., F1. Ross.). D'après Thunberg, il croît dans les îles du Japon (FL., p. 223) ; mais je ne sais si l’assertion de l’auteur a été vérifiée. Je ne dis rien du Nelumbium speciosum, parce que la beauté de sa fleur, la facilité avec laquelle il se naturalise de la main de l'homme, et surtout sa liaison avec les cultes de l'antiquité, sont des causes auxquelles on peut attribuer sa dispersion dans l'Asie méridionale. Le Nelumbium qui existe à l'embouchure du Volga doit être indigène, mais on peut le regarder, ou comme une espèce distincte (Nel. caspium, Eichw.), ou comme une variété du speciosum (DC.; Ledeb., F7. Ross.), de sorte que les conséquences géographiques en sont obscures. Droséracées. L'Aldrovanda vesieulosa estune espèce peu répandue pour une plante aquatique. Cependant, elle offre des phénomènes de disjonction, inexpli- cables par l'état actuel des choses, si l'on suppose l’origine des espèces ESPÈCES AQUATIQUES. 1001 par un seul individu, ou par plusieurs individus et un seul centre. Elle à trois patries, séparées par de grands espaces, par les Alpes et parla mer. — La plus septentrionale est dans les marais de Pinsk, en Lithuanie (Besser, en 1828, dans h. DC.! Eichw., dans Ledeb., F7. Ross., I, p. 262). L'espèce n’est point indiquée en Galicie (Zawadski, F{.), en Hongrie, ni en Allemagne. — La seconde habitation est dans le nord et le centre de lltalie, du Piémont à Bologne (Bertol., FT. It., IE, p. 561), aux marais Pontins (Maratti, #7. Rom., 1, p. 239) et au lac de Bientina, près de Pise (Bertol., tbid.). Elle manque au royaume de Naples (Ten., Syll.), à la Sicile (Guss., Syn.), à la côte de Gênes (De Not., Prosp. F1. Lig.),à la Corse et à la Sardaigne (Moris, #{.). Elle manque aussi à Venise (Moric., FT.; Nacari, F1), à Côme (Comolli (Prodr.), à Turin (Balbis, Re, F1. T'aur.) ; de sorte qu’en Italie, son habitation est limitée, mais se trouve partagée par l’Apennin, chose assez remarquable. Du côté de la France, l'espèce devient rare. Les localités de Piémont indiquées par Allioni (FE. Ped., I, p. 87) sont Candia et Viverone, situées loin de la frontière des Alpes. — La troisième patrie est en France, vers le delta du Rhône, par exemple à Arles et à Orange, à Montpellier et aux bains de Molight, dans les Pyrénées-Orientales (Pourret, dans Gren., et Godr., FT. Fr.,1, p.193). M. Dunal la trouvée dans les étangs après La Canau, dans le Médoc (DC., F1. Fr., suppl., p. 599 et herb.!) ; mais je vois qu’elle n’est indiquée ni par M. Laterrade, dans sa 4e édition de la Flore Borde- laïse, ni par M. Noulet dans sa Flore du bassin sous-Pyrénéen, ni par M. Lagrèze-Fossat dans sa Flore de Tarn-et-Garonne. Ainsi, à l'occident de la région méditerranéenne de la France, elle est d’une rareté extrême. Assurément, entre la Lithuanie, le centre de l'Italie et le sud-est de la France, il y a aujourd’hui des distances et des obstacles tels, que personne ne supposera un transport de graines, surtout quand il s’agit d’une plante inutile et peu apparente, qui n'offre d'intérêt qu'aux botanistes. Onagrariées. Je n’insisterai pas sur l’isnardia palustris, plante qui peut supporter d’être hors de l’eau, et qui fleurit et fructifie de préférence dans cette posi- tion (Koch, Syn.). Sa dispersion géographique est cependant remarquable. Elle habite : 40 dans l'Europe centrale et méridionale, jusqu’au midi du Caucase (Ledeb., F1. Ross., I, p. 113), jusqu'en Corse (Soleirol, dans Bertol., FT. LE, IE, p. 200); mais non en Sardaigne (Moris, FL.), ni en Sicile (Guss., Syn.), ni aux Canaries (Webb, Phyt.), ni à Madère (Lemann, liste msc.), ni aux Acores (Wats., dans Lond. Journ. Bot., Wet VD); 2e en Algérie, près de La Calle (Desf., FL. Atl., p. 442); mais M. Munby 1002 DES ESPÈCES DISJOINTES, ne l’a pas trouvée près d'Alger ; 5° au cap de Bonne-Espérance (Drège et Mey., Zwei Pflanz. geogr. Docum., p. 195); 4° dans toute l'Amérique septentrionale, des Florides à l'Orégon et au Canada (Torr. et Gray, FL., I, p.525), quoique manquant aux parties boréales de l'Europe et de l'Améri- que, aux îles Shetland (Edmonst., Ann. nat. hist., VIT) et Féroë (Ch. Mar- tins, Veg. Fér.). Mon père regardait l'Isnardia palustris d'Amérique comme une variété ; mais la plupart des auteurs, entre autres MM. Torrey et Gray, qui ont vu la plante plus récemment et vivante, ne font pas cette distinction. Le Trapa natans, L. existe dans l’Europe tempérée, la Sibérie et la région caucasienne, souvent des deux côtés de chaines telles que les Alpes. Il manque aux îles de la mer Méditerranée, du moins à la Sardaigne (Moris, Æ1.), à la Sicile (Guss., Syn.) et la Corse (d’après le silence des ET. Franc.), mais cela s'explique par la température trop élevée. II manque aussi aux îles Britanniques, ce qui m'étonne, car on Île trouve en Hollande (Miq., Disq. de pl. Bat.) et même en Danemark (Fries, Summa veg. Scand.). À moins qu'on ne vienne à le découvrir dans les tourbes et les terrains quaternaires, où ses fruits ont dû se conserver si l'espèce existait autrefois, je le regarderai comme s’étant répandu dans l’Europe occidentale depuis la séparation des îles Britanniques (voy. chap. XXVI, ce genre de considérations). À Haloragées. Le MyriophyHlum spicatum, L., se trouve : 1° sur le continent euro- péen jusqu’en Suède (Fries, Summa veg.) et dans l'Asie septentrionale jusqu’au Baikal (Ledeb., FT. Ross., IT, p. 118); 2° dans les îles Britan- niques, jusqu'aux Orcades (Wats., Cyb.,[, p. 378) et Hébrides (id.); 3° dans les îles de la mer Méditerranée, comme la Sardaigne (Moris, FL), la Corse(de Salis) la Sicile (Guss., Syn.); 4° en Algérie (Munby, #1. Alg.); 5° aux Canaries (Webb, Phyt., sect. 11, p. 4); 6° dans l'Amérique septen- trionale du Canada à l’Arkansas (Torr. et Gr., F1., I, p. 528). Le Myriophyllum verticillatum, EL, est aussi en Europe et en Amé- rique; mais je n’insiste pas sur les détails qui le concernent, de même que pour le Myriophyllum alterniflorum, parce que les délerminations des auteurs de Flores sont quelquefois douteuses. Le Myriophylinm alterni- florum, DC., est le seul indiqué dans l'archipel des Açores, par M. Watson (Lond. Journ. of Bot., NI, p. 382), localité assurément bien isolée pour une plante d'eau douce. M. Moris l'indique en Sardaigne et M. Gussone en Sicile. J'ai parlé ailleurs (p. 567) de l'extension géographique du €Cahti- triche verna. [l ne faut pas oublier qu'il est répandu, non-seulement sur ESPÈCES AQUATIQUES. 1003 de vastes continents, mais aussi dans des îles comme les Açores, les Ma- louines, la Nouvelle-Zélande, et même Kerguelen, dont l'isolement est complet au milieu des mers les plus vastes. L’Hippuris vulgaris, L., s'étend moins au midi (voy. p. 568), de sorte qu'il manque aux îles de la mer Méditerranée ; mais le climat des îles Bri- tanniques lui est favorable, et il existe même aux îles Hébrides, Orcades et Shetland (Wats., Cyb., I. p. 377), sans avoir été arrêté par la mer qui les sépare depuis une époque géologique récente. fl est au détroit de Ma- gellan et à Port-Famine, à l'extrémité australe de l'Amérique (Hook. f., FI Ant If: 272); Cératophyllées. Le Ceratophyllum demersum, L., s’étend du continent européen vers l’ouest aux îles Féroë (Ch. Mart., Vég. Fér.), à la Grande-Bretagne, lIr- lande (Mackay, F1.) et les Acores (Wats., Lond. journ. Bot., WI, p. 591); vers le midi, à l’île de Sardaigne (Moris, F1.), la Sicile (Guss., Syn.) et l'Algérie (Desf., FT.). Peut-être existe-t-il en Amérique ? Mais le D' Asa Gray paraît en douter (Han. bot. N. St., p. 402). Lentibularices. L'Utricularia stellaris, L. f. dont j’ai indiqué avec soin l'habitation dans le Prodromus (VIE, p. A), se trouve non-seulement dans l’Inde, en Égypte, dans la Sénégambie et au Cap, c’est-à-dire dans des bassins diffé- rents, mais aussi dans les îles de Madagascar et Maurice. L’Utricularia vulgaris, L., qui occupe toute une zone de l'hémisphère boréal, se trouve dans quelques îles intermédiaires, entre les continents où elle croît, par exemple, en Sicile (Guss., Syn.), dans la Grande-Bretagne et l'Irlande. Les Utricularia minor € U. intermedia, s'étendent du continent jusque dans les îles Britanniques. Ces trois dernières espèces ont un mode de reproduction qui exclut l'hypothèse de transports par des oiseaux. Les graines sont ordinairement stériles ; mais 1l y a de gros bourgeons reproducteurs qui descendent au fond de l’eau pendant lhiver. Gentianacées. Le Eimnanthemum nymphoides, Link (Villarsia nymphoides, Vent.), s'étend en Europe des deux côtés des Alpes et des Pyrénées, et dansle midi de l'Angleterre. Il est aussi dans l'Asie Mineure (h. DC.!) Le Eimnanthemnm ceristatum, Griseb. (Prodr., IX, p. 139) est dans l’Inde, à Madagascar (Bojer! h. DC.) et à Pile Maurice (Griseb.). Le Limnanthemum Forbesianum, Griseb., Est à Ceylan et à Mozam- 4004 DES ESPÈCES DISJOINTES. bique (Griseb., L. c.). Du reste, d’après quelques localités indiquées dans mon herbier, les Limnanthemum peuvent vivre dans une eau à demi salée, ce qui fait entrevoir la possibilité de transports par mer. Je n'insiste pas à cause de cela sur leurs habitations insulaires, quelque peu vraisemblable que soit une naturalisation par les courants. Lemnacées. Le Lemna minor et le Lemna trisulea, dont j'ai donné ci-dessus (p. 578) la distribution géographique, se trouvent dans plusieurs îles et pays, où maintenant aucun moyen de transport naturel ne pourrait les introduire. Je ne parle pas seulement d’iles voisines des continents; mais, par exemple, des Canaries, de Madère, des Acores, de la Nouvelle-Hollande, de Van Diémen, des plateaux de la Nouvelle-Grenade, etc. Le Telmatosphace gibba, Scheid. (Lemna gibba, LA présente le même phénomène. Il ne croît pas seulement sur les continents de l’Europe, l'Asie, l'Afrique septentrionale et l'Amérique septentrionale, mais aussi dans les îles Canaries (Webb, Phyt., sect. in, p. 297) et les iles Philippines (Blanco, F1., p. 672). Le Spirodela polyrhiza, Schieid. (Lemna polyrhiza, L.), est à Madère (Lemann, liste msc.). Araces. Après examen attentif, sir W.-J. Hooker (Bot. Mag., t. A64)ne peut découvrir aucune différence entre les Pistia Stratiotes., reçus des régions intertropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. D’autres, il est vrai, enten- dant l'espèce d’une manière différente, ont une opinion opposée (Klotzsch, Bot. Zeit. 1854, p. 516). Hydrocharidées. La Vallisneria spiralis, L. , se trouve dans les eaux du midi de la France, et de l’autre côté des Alpes en Jialie. De ce point jusqu’à la mer Noire, je ne la vois plus indiquée, mais elle se retrouve dans le Volga (Ledeb., F1. Ross., IV, p. A6), dont les eaux tombent dans une mer fermée. Dans ce cas, on ne peut pas supposer un transport des tiges par des vaisseaux, et comme la graine mürit au fond de l’eau, d'autres moyens de transportsont également impossibles. Gardner (Hook., Journ., 1845, p. 398) prétend qu’elle existe dans la péninsule indienne, ce qui demande confirmation. N'aiadées. Le Naïas major, AI, se trouve aux iles Sandwich (Kunth, En., IH, . 113), comme sur notre continent. ESPÈCES AQUATIQUES. 1005 Le Naïas indiea, Cham , est dans l'Inde et à l’île Maurice (Bory, dans Kunth, Enum., I, p. 114). Le Zannichellia palustris, L. (p. 975), est en Europe et en Asie, de côté et d'autre des grandes chaînes de montagnes; en Égypte (Kunth, En., II, p. 1238), en Algérie (Munby, F1. Alq.), en Sicile (Guss., Syn.) et dans les îles Britanniques, au midi. Il est aussi dans l'Amérique septentrionale de la Nouvelle-Angleterre à l'Orégon (As. Gray, Bot. N. St, p. 452; Hook., F1. bor. Am., If, p. 170). Comme il manque aux régions arc- tiques et aux îles Féroé, Shetland, Orcades, les habitations de l’ancien et du nouveau monde sont bien séparées. L'espèce se retrouve à la Nouvelle- Lélande. La plupart des Potamogeton sont répandus dans les eaux douces de l'hémisphère boréal, même des deux hémisphères, sans que les distances, les mers, les déserts actuels aient fait obstacle. J'en ai parlé plus haut (p.579). Je rappelle seulement que le P. natans d'Europe et d'Amérique est au Cap, à la Nouvelle-Hollande et à la Nouvelle-Zélande; que les P. perfeliatus et crispus d'Europe sont aussi à la Nouvelle-Hollande, Le P. pusillus, L., eSt dans les régions intertropicales les plus séparées les unes des autres, en Guinée (F1. Nigr.), au Chili (Gay, FL), aux iles Canaries (Kunth, En.). L'ile de Madère compte les P. natans, fluitans et compressus (Lemann, liste msc.), toutes trois d'Europe et d’autres pays. Les îles Açores en comptent deux P. natans ei Incens (Wats., dans Lond. Journ. of Bot., II et VD, également connus ailleurs. Les îles Ma- riannes, Sandwich, Mascareinhes, et bien d’autres, plus ou moins éloignées des continents, présentent des espèces connues ailleurs (Voy. Kunth, Enum., Ul, p. 127; Bojer, H. Maurit.). $ IT. RÉFLEXIONS. » Après des exemples aussi nombreux, dans une catégorie de plantes abso- lument parlant peu nombreuse, on ne peut douter que la distribution des espèces habitant les eaux douces ne tienne ordinairement à des causes anté- rieures ou géologiques, et rarement aux causes actuelles. Ce sont des plantes que le vent, les courants marins et la plupart des animaux ne peuvent pas transporter; des plantes que l’homme se soucie bien peu de naturaliser, et qui ne sont presque jamais mélangées avec les graines destinées aux jardins et à l’agriculture, ou avec les marchandises que l’on transporte; plusieurs mürissent leurs graines au fond de l'eau ; d’autres en donnent rarement; le cours des rivières ne peut pas les transporter d’un bassin à l’autre; il tend vers la mer où ces plantes périssent; néanmoins ce sont les espèces qui se trouvent le plus fréquem- 1006 DES ESPÈCES DISJOINTES. ment semblables dans les îles et sur les continents, ou sur des terres éloi- gnées, ou encore d’un côté et de l’autre des grandes chaînes de monta- gnes ! Si la température leur permet d'exister dans une île, où dans un bassin séparé par des montagnes et par la mer des autres bassins du même continent, on est presque sûr de les y trouver. Donc, ou elles ont été créées sur place, avec similitude de formes, d’un endroit à l’autre, ou elles ont eu jadis des aires plus vastes et ont été transportées d’un point à Pautre, lorsque la forme des terres était différente, lorsque certains continents étaient contigus, n’offraient pas les chaînes de montagnes actuelles, ou étaient ravagés par d'immenses inondations, qui pouvaient porter les graines à de grandes distances. J'avoue que cette dernière hypothèse me parait peu probable, à cause de la présence des mers et du mélange inévitable des eaux douces avec l’eau salée, qui doit, ce me semble, faire périr la plupart des plantes aquatiques. Nous ne voyons pas qu’elles vivent dans les eaux salées ou même saumâtres du bord de la mer. Les Nymphéacées, par exemple, en sont certainement exclues. Or, la quantité d’eau douce a dû être infiniment moindre que celle des mers, dans le cas d’une submersion soit générale, soit très étendue des continents. Des submersions partielles d’eau douce, avec de grands courants, seraient plus plausibles, ou des submersions momen- tanées. Celles-là du moins n'auraient pas détruit les germes des plantes aquatiques. D’un autre côté, le phénomène de disjonction est général pour ces espèces. On l’observe sur tous les continents, à l'égard de toutes les îles, pourvu qu'elles contiennent aujourd’hui des lacs ou des marais. Il faudrait donc supposer qu’il y a eu partout des déluges d’eau douce, ou des déluges, très courts, d’eau salée, ou enfin que ces déluges n’ont jamais été simultanés. La première hypothèse, celle des origines multiples pour chaque espèce, paraîtra peut-être moins compliquée (a). Il serait à désirer, que, dans le but de résoudre ces grandes questions, on fit des expériences exactes sur la durée des graines de plantes aquati- ques et sur la possibilité de vivre de ces plantes, lorsqu'elles sont immer- gées dans de l’eau salée ou dans un mélange d'eau douce et d’eau salée. Il est possible qu’une couche de vase protége la vie des graines et des tubercules ou racines, contre l’eau de mer. Cependant si là submersion se prolongeait, et si les jeunes plantes devaient lever dans de l’eau salée, pour- raient-elles vivre ? J'en doute infiniment d’après ce qui se passe dans les régions maritimes, notamment à l'embouchure des fleuves où l’eau est un peu salée. =. (a) Le chapitre suivant et le chap. XXVI sont consacrés à ce genre de questions. PLANTES DE MONTAGNES. 1007 ARTICLE EV. PLANTES DE MONTAGNES DIVISÉES ENTRE DES SOMMITÉS ÉLOIGNÉES, OU ENTRE DES PLAINES ET LES MONTAGNES DE RÉGIONS ÉLOIGNÉES PLUS CHAUDES. La présence des mêmes espèces sur des montagnes très éloignées, ou à la fois sur des montagnes et dans des plaines situées à quelque distance, est un de ces phénomènes si souvent remarqués, je dirai même si communs, que l’on me dispensera sans doute d'en énumérer beaucoup d'exemples. Je n'irai donc pas rechercher toutes les espèces qui sont partagées entre les régions polaires et les montagnes de l'Écosse, les Pyrénées, les Alpes, le Caucase, ou enfin, les montagnes de l'Amérique septentrionale. Il suffit d'ouvrir les Flores et de consulter les ouvrages généraux, pour se con- vaincre qu'il en existe un grand nombre. Dernièrement encore, un auteur qui s’occupe des plantes de Laponie, M. Andersson (Conspectus Floræ Lapponicæ, dans Hornschuch, Archir. Skandin. Beitr., Theil 1, Heft 11, p. 597) récapitule combien il y a d'espèces de cette catégorie parmi les plantes de sa Flore. Il trouve 108 phanérogames communes avec les Alpes suisses, et 18 communes spécialement avec les montagnes d'Écosse, sans exister dans les Alpes. Je retranche du nombre le Salix glauca, L., qui est représenté dans les Alpes par une variété, tandis que pour la question actuelle nous demandons lidentité complète, et j'ajoute J'Arenaria ciliata, omise dans la liste. Le nombre de 108 balance, à peu près, celui des plantes purement arctiques, dont M. Andersson compte 412% dans la Flore de Laponie. Il est remarquable sur un total de 685 phanérogames seulement, qui existent dans le pays. Plusieurs des plantes arctico-alpines se retrouvent, il est vrai, sur les monts Carpates, ou sur les montagnes de la Saxe et de la Silésie, c’est-à- dire à une distance de 2 à 300 lieues des montagnes de Scandinavie, dis- tance qui peut avoir été franchie par des oiseaux. Cette cause de transport est plus difficile à admettre des montagnes d'Écosse aux Pyrénées, ou de la Scandinavie aux Alpes directement. D'ailleurs une infinité de ces plantes n’ont pas de baies que les oiseaux recherchent; elles n’ont pas non plus des graines à aigrettes, à poils crochus, etc., favorables aux transports. Voici les espèces de la liste de M. Andersson, qui manqueut aux pays intermédiaires du continent, tels que le nord de l'Allemagne et les monts Carpates. 1008 DES ESPÈCES DISJOINTES. ESPÈCES DE LAPONIE QUI SE RETROUVENT, A DISTANCE, SUR DES MONTAGNES DE LA ZONE TEMPÉRÉE. Thalictrum alpinum, L. — 2% — I] se trouve : 1° Autour du pôle arctique dans l’ancien et le nouveau monde, savoir, en Europe, jusqu'au comté de Sligo en Irlande (Mackay, F1. Hib.), au comté de Caernavon, dans la Grande-Bretagne (Wats., Cyb., 1), à la Suède (Fries, Summa veg. Scand.), la Finlande (Ledeb., Fi. Ross., L, p. 6), mais non à Viatka(C.-A. Mey., Beitr., V), Moscou et Casan ; en Asie, il existe jusqu'aux monts Altaï (Ledeb., L. c.); en Amérique jusqu'à Terre-Neuve et le Canada (Torr. et Gray, FE. N.-Am., 1, p. 39) ; — 2° dans les Pyrénées : — 3° dans les Alpes, sur toule leur étendue ; — 4° au Caucase (Ledeb., 1. c.). — L'espèce manque aux montagnes du nord de l'Allemagne (Koch, Syn.; Wimm., FL. Schles.; Reich., FI. Sax.), aux monts Carpates (Wabhlenb., Carp.; Zawadski, F1. Galic.), à la Transylvanie (Baumg., F1.) et à la Turquie d'Europe (Griseb., Spicil.); ainsi, les Pyrénées, les Alpes et le Cau- case sont à 250 lieues en minimum, à 300 lieues le plus souvent de son habita- tion boréale. Braya alpina, Hoppe — 2% — 1° Sur de hautes montagnes en Carinthie (Koch, Syn.); 2° en Laponie (Fries, Summa veg. Scand., p. 29), mais non en Suède ou en Norwége ; 3° une variété dans les montagnes Rocheuses d'Amérique (Torr. et Gray, F1. N.-Am., 1, p.114). La plante de Sibérie qu'on lui avait rap- portée est le Braya ænea (Ledeb., Pl Ross., Jp: 763). Laissant de côté la variété d'Amérique, les deux habitations de Carinthie et de Laponie se trouvent à plus de 500 lieues de distance, etil y a entre eux deux et dans leur voisinage des localités fort unalogues. L'espèce tendrait-elle à se perdre? Sa rareté dans les deux pays ouvre la porte aux conjectures. Lychnis aipina, L. — 2% — 1° Dans le nord de l'Europe et de l'Asie, jus- qu'aux montagnes d'Écosse et du pays de Galles, mais rare (Wats., Cyb., I, p. 205), en Norwége, Suède et Finlande (Fries, Summ., p. 36), dans l'Ural septentrional, autour du lac Baikal et en Daourie(Ledeb., F1. Ross., 1, p. 329); en Islande (Hook., Tour, p. 324), au Labrador (Torr. et Gray, FL N.-Amer., I, p. 194; Hook., F1. bor. Am., [, p. 191), quoique manquant aux îles Féroë (Martins, Vég. Fér.) et Shetland (Edmondst., Ann. of nat. hist, VIT); 3° Pyré- nées; 4° Alpes. L'espèce manque aux montagnes du nord de l'Allemagne, aux Carpates, à la Turquie d'Europe (Griseb., Spic.) et au Caucase (Ledeb., 1. e.). Alsine stricta, Wahi (Arenaria uliginosa, Schl. Spergula stricta. Sw.).— 2% — 1° Europe boréale et Sibérie : en un seul point dansles iles Britan- niques, dans le comté de Durham (Bab., Man., 2° édit., p. 50; Wats., Cyb., I, p. 218):en Norwége, Laponie et Suède (Fries, Summa, p. 38) ; dans la Russie arctique, la Sibérie, au delà du Baikal (Ledeb., F1. Ross., TI, p. 356); 2° dans les Alpes orientales et le Jura {Koch, Syn., 2° édit, p. 122; Gren. et Godr., FI. Fr., 1,p. 254). L'espèce manque aux Pyrénées, aux montagnes du nord de l'Allemagne, aux Carpates, au Caucase, à la Turquie d'Europe. Elle demande des terrains tourbeux. Alsine biflora, Wahl. (Stellaria biflora, L.). — 2% — 1° Laponie, mon- tagnes de Suède ét Norwége, Oural septentrional, Sibérie, monts Altaï centraux (Fries, Summa ; Ledeb., F1. Ross., 1, p. 355); 2° près de la neige perpétuelle, PLANTES DE MONTAGNES. 1009 dans un seul district des Alpes, près de Bex et à Fouly (Koch, Syn., 2° édit, p. 122). La rareté comparative de cette plante dans les Alpes peut faire croire qu'elle à diminué. Aucun transport fortuit n'est vraisemblable entre les deux habitations, car celle des Alpes est cachée en dedans de la chaine et par le Jura. Arenaria ciliata, EL. — % — 1° Sommités des Pyrénées, par exemple, à Llaurenti (h. DC. !); 2° sommités et graviers des Alpes et du Jura ; 3° Finlande et Laponie (Fries, Summa veg. Scand., p. 38; Ledeb., FI. Ross., I, p. 370); 4° montagnes du comté de Sligo, nord-ouest de l'Irlande (Mackay, F1. Hib, ; Babingt., Man., 2° édit., p. 51; Wats., Cyb., I, p. 216) Ces divers points sont fort isolés, surtout les derniers. L'espèce manque aux montagnes du centre de la France, car l'Arenaria ligericina, Lecoq et Lamotte (Cat. pl. centr., p.404), est une espèce distincte. Elle manque aux montagnes de l'Allemagne centrale et sep- tentrionale. Enfin, M. Watson remarque, avec raison, combien il est rare de voir une espèce des montagnes du continent exister en Irlande et non dans la Grande- Bretagne. Saxifraga Cotyledon, EL. — %Z — 1° Norwége, Suède et Laponie (Fries, Summa, p. 39); 2’ Pyrénées (S. pyramidalis, La Peyr.) : 3° Alpes suisses (Koch, etc.), mais non dans les Alpes françaises (Gren. et Godr., F1, I, p. 654). Un botaniste a cru l'avoir rencontrée dans un point du Westmoreland, mais on n'a pas pu le vérifier (Wats., Cyb , 1, p. 405), et M. Babington n'en parle pas dans sa Flore récente (Man., 2° édit.). Les trois habitations se trouvent donc bien séparées. Saxifraga stellaris, L. — % — Divisé en deux groupes principaux d'ha- bitations, savoir : 1° autour du pôle arctique, d'où il avance dans l'ouest de I Eu- r ope jusqu'au midi de 1 Irlande (Mackay, Al. Hib.), au pays de Galles (Wats., Cyb., 1) et jusqu'en Suède (Fries, Summa), tandis qu'en Russie, il n'avance pas même en Finlande {id ), ni à Viatka (C. A. Mey., Beitr., V): en Asie, il avance jusqu'au Baikal (Ledeb., F1. Ross., 11, p.214): en Amérique, il est dans le nord- ouest et dans le nord-est, en Labrador, Groënland (Torr. et Gray, F1.) et en Islande (Hook., Tour, p. 322}; —2° sommités de l'Europe tempérée et méridio- nale, savoir : Pyrénées (indépendamment du S. Clusii, qui en est peut-être une variété), Sierra-Nevada, à 7000 pieds au moins (Boiss., Voy., Il, p. 230) ; Corse, au monte Rotundo (Gren, et Godr., F1, Fr., 1, p.638),sAlpes, Vosges, montagnes de la forêt Noire (Koch, Syn.), Transylvanie (Baumg., FL, I, p. 372), monta- gnes de Macédoine et de Thrace (Griseb., Spic., I, p. 336). L'espèce manquant au Jura (Thurm., Phyt., Il, p. 102), on pourrait croire que le calcaire lui est défavo- rable et le granite très favorable; mais le granite ne manque pas dans le nord de l'Allemagne, et méme dans les Carpates. Comme l'espèce n'exige pas une grande élévation et la proximité des neiges, son absence, dans toute la région, entre les Vosges et la Suède, la Transylvanie et l'extrême nord de la Russie ou la Sibérie centrale, est un fait digne de remarque. Plusieurs des sommités du groupe méri- dional sont aujourd'hui sans communications probables. Saxifraga cernua, E. — % — 1° Péninsule scandinave, Laponie russe, Sibérie jusqu'en Daourie et au Kamtschatka (Ledeb., F. Ross, H, p. 219), Amérique arctique (id.; Torr. et Gray, FE N.-Am., [, p. 573); 2° sommets des monts Breadalbane en Écosse (Bab., Man., 2e édit., p. 129 ; Waits. Cyb.), mais non aux Shetland (Edmondst., Ann. of nat. hist., v. VIT), ni aux Féroë (Mart., Vég. Fér.) ; 3° quelques points isolés des Alpes suisses et de Siyrie (Koch, Syn., 4010 DES ESFÈCES DISJOINTES. 2e édit., p. 505) ; 4° sommels en Transylvanie (Baumg., ÆEnum., 1, p. 382). Manque aux Carpates (Wahl. ; Zawadski, F1. Gal), aux montagnes du nord de l'Allemagne (Koch, Syn. ; Wimm.. Fl. Schl.), et aux Pyrénées. Saxifraga adsecndens, L (Fries, Mant., HT, p. 29: Saxifraga controversa, Sternb.) — (1 ? — 1° Scandinavie (Fries, {. c.: Summa, p. 40), Esthonie (Ledeb., Fl. Ross., II, p. 222); 2° Pyrénées; 3° Alpes méridionales, Alpes de la Suisse, où elle est moins fréquente (Koch, Syn., 2° édit.. p. 304), montagnes de la Tur- quie d'Europe, à 7000 pieds au moins (Griseb., Spic., 1, p. 335). L'identité du Saxifraga adscendens, L., avec le Saxifraga controversa, Sternb., soupçonnéepar Koch, a été vérifiée par M. Fries, sur les échantillons authentiques de Linné. Potentilla nivea, L,— 2 — 1° Norwége et Laponie (Fries, Summa, p. 45), Sibérie jusqu'au Baikal, Amérique arctique (Ledeb., FI, Ross., I, p. 241: Torr. et Gray, F1. N.-Amer., I), jusqu'au Labrador : 2° Alpes, du Dauphiné au Tyrol (Gren. et Godr., Fl. Fr.; Koch. Syn.): 3° Caucase (Ledeb., L. c.). L'espèce manque à l'Islande (Hook., Tour; Bab., Trans. bot. Soc. Ed., HI, p. 48), aux îles Féroë (Martins, Vég. Fér.), aux îles Britanniques, aux Pyrénées, aux mon- tagnes d'Allemagne, à la Russie centrale, à l'Ural, aux Carpates, à la Turquie d'Europe (Griseb , Spic.): ainsi, l'habitation dans les Alpes est bien détachée des autres. Sibbaldia procumbens, L. — 2% — 1° Montagnes d'Écosse, îles Féroë, Scandinavie, Laponie, Finlande (Ledeb., F1. Ross., IT, p. 33), Sibérie jusqu'à Y'Altaï (id ), Unalaschka {id.), Amérique arctique de l'ouest à l’est (Torr. et Gray, FI. N.-Am., I, p. 433), même aux montagnes Blanches du nord des Etats-Unis (Gray, Bot. n. St., p. 119); 2° Pyrénées ; 3 Sierra-Nevada, à 9500 pieds au moins (Boiss., Voy., 11, p. 200): 4° Alpes, d'une extrémité à l'autre; Vosges (Moug., dans Koch, Syn.); 5° Caucase {Ledeb., {. « ).— Manque au nord de l'AI- lemagne, à la Transylvanie, la Turquie d'Furope (Griseb., Spic.), les Carpates (Wahl ; Zawadski, F1. Gal.); par conséquent, les habitations méridionales sont à 300 lieues au moins de l'habitation polaire. Oxytropis lappenica, Gaud — 2% — 1° Péninsule scandinave et Laponie (Fries : Ledeb , F1. Ross., I, p. 587); 2° Alpes du Valais, en Suisse (Koch, Syn., 2° édit., p. 202), et du canton des Grisons à l'Albula (Moritzi, FI. Schw., p.16). La rareté de cette plante, soit vers le nord, soit dans les Alpes, est remarquable. ITest vrai qu'on peut l'avoir confondue quelquefois avec le Phaca astragalina. L'échantillon de Sibérie, cité dans le Prodromus (IT, p. 274), devrait être exa- miné en rapport avec de bons échantillons de Laponie. Il me paraît différent, mais je ne résous pas la question, qui importe peu ici. Ledebour n’a pas vu d'échan- _ tillon de Sibérie. Aretostaphylos alpina. Spreng. (Arbutus alpina,E.). — 2 — 1° Autour du pôle arctique dans les deux mondes, jusque dans le nord de la Grande-Bre- tagne (Bab., Man., 2° édit, p. 205), la Suède, la Finlande (Fries, Summa, p. 49), la Russie arctique : dans toute la Sibérie (Ledeb., F4, Ross., IL, p. 909), l'Amérique pre + de l’ouest à l'est et jusqu'aux montagnes du New-Hampshire (Gray, Bot.n St., p. 263); 2 Pyrénées ; 3° Alpes : #° montagnes de Transyl- vanie mit , Enum .,1, p. 365). Quoique l'espèce existe dans la aies altaique et ouralienne et en Transylvanie, elle manque au Caucase Ledeb., !. ec), aux Carpates (Wahl.; Zawadski, F1. Gal.) comme aux montagnes du it de l'Alle- mragnc. PLANTES DE MONTAGNES. 1011 Loiseleuria procumbens. Desv. (Azalea procumbens, &.). — 2 — 41° Montagnes d'Écosse, îles Féroë (Martins, Vég. Fér.), Scandinavie, Finlande (Fries, Summa, p. 49), Laponie russe (Ledeb., F1. Ross., II, p. 918) ; 2° Sibérie orientale, Kamtschatka, Unalaschka, nord-ouest de l'Amérique (Ledeb., £. cç.), centre et nord-est de l'Amérique, jusqu'aux montagnes du New-Hampshire et Terre-Neuve (Hook., F1. bor. Am., Il, p. #4): 3° Pyrénées ; 4° Alpes occiden- tales et centrales. Salix myrsinites, D. — % — 1° Montagnes d'Écosse (Bab., Han., 2° édit., p 297), mais non aux iles Shetland (Edmondston, Ann of nat. hist., VII), ni aux îles Féroë (Martins, Vég. Fér.): 2° Scandinavie (Fries, Summa, p. 58), et probablement le reste de la région arctique, car il est indiqué dans l'Altaï (Ledeb., EL. Al., IV, p. 284), dans les montagnes Rocheuses et le centre de l'Amérique arctique (Hook., F1. bor. Am., 1, p. 451) et au Labrador (Schlecht., Linn., 1835, p.86) ; 3° Pyrénées (Benth., Cat., p. 117) ; #° Alpes occidentales, centrales etorientales Manque au nord de l'Allemagne, aux Carpates, à la Turquie d'Europe (Griseb., Spic.). Juneus arctieus, Wild. (non Hook., d'après Ledeb., F1. Ross., IV, p. 235). — % — 1° Scandinavie (Fries, Summa, p. 65), Russie septentrionale et Sibérie, près du Baikal (Ledeb., FL. Ross., IV, p. 223); 2° peut-être à Sitcha, (Ledeb., L. c.); 3° Pyrénées (Benth., p. 93); 4° Alpes (Koch, Syn., 2° édit., p. 839). La difficulté de distinguer les espèces de joncs peut faire penser que celle-ci se trouvera ailleurs. Cependant il n'est pas probable qu'elle ait échappé à l'attention des botanistes aux îles Féroë, dans les îles Britanniques et dans le nord de l'Allemagne. Juneus triglumis, EL. — 2% — 1° Autour du pôle arctique, jusque sur les hauteurs des montagnes Rocheuses (Hook., F1. bor. Am., IE, p. 192), l'Islande (Bab., Trans. bot. Soc. Ed., I, p. 19), la Grande-Bretagne, dans les marais des montagnes (Bab., Man., 2° édit., p. 331), la Suède (Fries, Suruma, p. 66), la Finlande (Ledeb., FI. Ross., IV, p. 233), l'Altaï (Ledeb., L. c.); 2° Caucase (Ledeb., L. c.); 3° Pyrénées (Gay dans Mut., F1. Fr., IL, p. 327); 4° Alpes (Koch, Syn., 2° édit., p. 840). Il n'est pas probable que cette espèce ait échappé dans les pays entre la Scandinavie et les Alpes. RREeE patate, pen ; \ Ne sont pas indiqués par Koch, a Pen (C. alpina, Wahl ). Syn.; «2° édit, : etl par-Zawadski, Re TE Enum. Fl. Gal., comme croissant dans le nord de l'Allemagne ou dans les Carpates, quoique existant en Scandinavie et dans les Alpes ; mais ces espèces sont difficiles à trouver et à déterminer, d'où il résulte que Île fait n'est pas encore assez sûr. €. Persoonii, Sieh. (C. vitilis, Fries). . heleonastes, Ehr. C.lagopina, WWahil. C. ineurva, Lightf. €. capitata, H. Kobresia caricina, WVilld. Elyna spicata, Schrad. j Trisetum spicatum, Beauv. (Avena subspicata, Clairv.), — % — J'indiquerai (p. 1052) ses habitations disséminées dans les deux hémisphères. Je note ici qu'il manque aux montagnes d Ecosse, aux îles Féroë, aux montagnes du nord de l'Allemagne et aux Carpates, tandis qu'on le connaît en Laponie, sur les Pyrénées et les Alpes. 1012 DES ESPÈCES DISJOINTES. Le nombre total de ces espèces partagées entre la Laponie et les Alpes, sans exister dans le nord de l'Allemagne ou dans les monts Carpates, est de 29. Il y avait, par conséquent, sur les 108 espèces arctico-alpines de la Flore de Laponie, 79 espèces, communes aux régions polaires, aux mon- tagnes d'Allemagne ou de Hongrie et aux Alpes. Un aussi grand nombre rend peut-être plus extraordinaire l’absence des 29 espèces dans les régions montueuses intermédiaires. Il est évident que les montagnes de Silésie et les Carpates, malgré une faible élévation (a), qui ne leur permet pas d’avoir de véritables neiges perpétuelles, sont cependant, par leur posi- tion géographique, très favorables aux plantes alpines. Les espèces des zones les plus élevées y sont abondantes (Saussurea alpina, Gentiana nivalis, Bartsia alpima, Saxifraga oppositifolia, Alchemilla alpina, Dryas octope- tala, etc.). Je ne chercherai pas s’il existe des causes qui peuvent exclure les 29 espèces, car peu m'importe dans ce moment. Le fait capital est que ces espèces manquent dans les 3 ou 400 lieues qui séparent leurs habita- tons alpines et polaire. Si le climat les empêche d’y vivre, comment s’ar- rangent-elles de climats plus septentrionaux et plus méridionaux? Com- ment se trouvent-elles à des distances qui excluent l’hypothèse d’un transport de graines par les causes actuelles, du moins pour toutes les espèces qui n’ont pas des baies de nature à tenter les oiseaux? Si elles peuvent supporter le climat des montagnes intermédiaires, pourquoi n°y sont-elles pas? Dans toutes les hypothèses, le fait mérite la plus sérieuse attention. Parmi les 29 espèces arctico-alpines de la Flore de Laponie qui manquent aux montagnes du nord de l'Allemagne et de la Hongrie, plus de la moitié se trouvent dans l'Amérique septentrionale, et ont, par conséquent, une aire très vaste dans leur région polaire. La grande majorité existe simulta- nément sur d’autres montagnes que les Alpes, en particulier, aux Pyrénées et en Écosse. Les Braya alpina, Alsine biflora, Saxifraga adscendens, Oxytropis lapponica et Luzula glabrata, sont les seules qui soient uni- quement arctiques et alpines, c’est-à-dire communes seulementaux régions circumpolaires et à la chaîne des Alpes. Les Monocotylédones forment presque la moitié des espèces (43 sur 29). Dans la liste totale des 108 espèces arctico-alpines, elles formaient environ le tiers (33 sur 108). Les Monocotylédones ont, en général, une aire plus vaste que les Dicotylédones. Il semble que le phénomène de disjonc- (a) Le Schneekoppe a 4930 pieds, et le Babia Gora 3080, d’après la Flore de Silésie de Wimmer (Il, p. 5). Le Lomnitzer des Carpates a 7942 pieds (Wabl., Carp., P. LIN). PLANTES DE MONTAGNES. 1045 tion est lié à celui d’une grande aire. Tous les deux paraissent remonter à des causes semblables, ou connexes (a). La disjonction de plusieurs espèces entre des montagnes et des plaines fort éloignées, n’est pas un phénomène particulier à l'Europe. Il se retrouve, par exemple, entre les montagnes Blanches (White moun- tains) du New-Hampshire, aux États-Unis, et les régions arctiques de l'Amérique, à une distance, il est vrai, qui ne dépasse pas 200 lieues. L’incertitude où l’on est sur les limites méridionales des plantes du Groën- land et du Labrador, m'empêche de donner à ce fait le degré de précision qui serait désirable. M. Cosson a été surpris de trouver sur des plateaux élevés de l’Algérie, quelques espèces des régions centrales de l’Europe, par exemple, des environs de Paris. Le même botaniste (fase. m1, p. 107) a découvert au sommet de la Serra de Segura, en Espagne, le Potentilla pensylvaniea, L., espèce de Sibérie et de l'Amérique septentrionale, naturalisée autour de Paris (voy. ci-dessus, p. 724). Les montagnes d’Abyssinie ont de l'intérêt sous ce point de vue. Elles sont séparées du Sinaï et de l'Atlas par 890 et 500 lieues de plaines arides, exposées à une chaleur qui exclut les plantes de régions tempérées ; elles sont plus distantes encore de notre région européenne. Cependant, il n’est pas sans exemple de trouver en Abyssinie des espèces d'Europe, dont l'introduction par l’homme n’est pas probable, et dont le transport, par des moyens naturels, n’est guère possible. Je note les suivantes, d'après le premier volume de l'ouvrage d'Achille Richard (T'entamen Floræ Abys- sin.), qui renferme une moitié à peu près des familles phanérogamues, et au plus le quart du nombre probable des espèces du pays. + INDICATION DE QUELQUES ESPÈCES D'EUROPE OU D'ALGÉRIE QUI SE TROUVENT DANS LES MONTAGNES DE L’ABYSSINIE ET QUI MANQUENT AUX PAYS INTER- MÉDIAIRES (b). Ranuneculus aquatilis, L. — Se trouve en Algérie (Munby, F1.) Nasturtium officinale, Br. — En Algérie (Munby, F1); dans les iles du Cap Vert (Webb, dans F1. Nigr.). Arabis albida, Stev. — 2% — Voy.p. 1016. (a) Je n’ai pas voulu affirmer ici au delà de ce qui résulte des faits de disjonction, mais dans le chap. XXVI, on verra un ensemble d'idées et de faits propre à expliquer ces phénomènes. (b) J'ai consulté pour Egypte et l'Arabie, Forskal et Delile ; pour le Sénégal, Guille- min, Perrottet et Richard, Tent, FI. Seneg. j'ai eu sous les veux les ouvrages de Hooker, Ft. Nigrit.; Munby, Fl. Alg.; Boissier, Voy. Esp.; Decaisne, Ft. Sina; Moris, FL. Sard.; Guss., Syn. Sic., afin d'indiquer les habitations les plus voisines de lAbyssinie. 1014 DES ESPÈCES DISJOINTES. Arabis thaliana, L. — (à) — Europe méridionale. Cardamine hirsuta, EL. — Z — Algérie, Europe méridionale. Crambe hispanica, L. — (1) — Lieux maritimes en Espagne (DC., Syst.), en Sardaigne (Moris, F1, 1, p. 110), en Sicile (Guss., Syn., 1, p. 443), en Morée (Chaub., Expéd. fr.). M. Richard l'a reçu de Gabdia, dans le pays de Tigré, au nord-est de l'Abyssinie. Il affirme que le Crambe juncea, Hochst. (non Bieb.), est le même. L'espèce existerait-elle en Arabie, en Égypte? Je ne la vois cependant ni dans Forskal, ni dans Delile. Elle n'est pas indiquée non plus en Algérie, jusqu à présent (Munby, F1. Alg.). Anthyllis vulneraria, var. hirsutissima, DC,, Prodr., — 2% — Cette variété est commune en Europe. L'Anthyllis vulneraria croît en Algérie (Munby, FI. Alg.). Colutea haleppica, Lam. — — Il est connu : 1° près d'Halep et au mont Sinaï (Decaisne, (F1. Sin ); 2° dans les montagnes de l'Abyssinie, où il se trouve assez abondamment , soit à l’état ordinaire, soit sous forme d'une variété. La distance est de 350 lieues entre les deux habitations. Potentilla reptans, L. — 2% — En Algérie (Munby, FI. Alg.). Epilobium hirsutum, L. — 2% — En Algérie (Boiss., Voy. Esp., Il, p-211): Tiliæa Vaïillantii, Wild. — (4) — Les échantillons pris à côté d'un étang sur une montagne près d'Adoua, sont identiques avec ceux de Paris, dit M. Ri- chard. L'espèce est en Sardaigne (Moris, FL., IT, p. 109), en Sicile et à Lampe- duza (Guss., Syn., [, p. 210). D'après cela, je soupçonne qu'on la trouvera aussi en Algérie, et peut-être en Égypte, auquel cas on devra l'effacer de la liste. Anthriscus sylvestris, Hoffm. — 2 — M.Gay rapporte à une variété de cette espèce les échantillons de Schimper, sect. 11, n. 1129, envoyés des mon- tagnes d'Abyssinie (Rich., !. c., p.333). La seule différence d'avec l'état ordi- naire est que les poils à la base du fruit sont: « Longiusculi non brevissimi sub- nulli. » L'espèce croît dans les montagnes d'Espagne, d'Italie et de Grèce(Boiss., Voy. Esp., IL, p. 267). Scabiosa columbaria. EL, — 2% — Ses différentes variétés se retrouvent en Abyssinie (Rich., {. c.). Elle croit en Algérie (Munby, F1. Alg.). Voilà 13 espèces sur 83/4, qui sont énumérées dans le premier volume de Richard. On peut donc s’attendre à 50 ou 60 espèces de cette catégorie sur la totalité, encore inconnue, des espèces d’Abyssinie; mais je regarde ce chiffre comme un minimum, parce que : 1° A. Rüchard inclinait à réunir les espèces plutôt qu'à les diviser; 2° il est possible que les Arabis tha- liana, Anthyllis vulneraria, Scabiosa columbaria, et même FAnthriscus sylvestris, aient été apportés par l'homme avec des marchandises, des semences de céréales, etc., et J'aurais dù peut-être les éliminer, comme je lai fait pour les Lotus corniculatus, Trifolium fragiferum et procum- bens. D'après ces conjectures, la répétition de quelques espèces de la région tempérée dans les montagnes d’Abyssinie est un phénomène plus rare et moins caractérisé que la répétition de plantes polaires sur les mon- PLANTES DE MONTAGNES. 1015 tagnes du midi de l'Europe. Il est vrai que les montagnes d’'Abyssinie, sur- tout celles dont À. Richard paraît avoir examiné les plantes, sont peu éle- vées pour un pays aussi chaud. Peut-être trouverait-on parmi les plantes recueillies sur quelques sommités par M. Schimper, une proportion moins faible d'espèces d'Algérie et d'Europe? Ces collections, malheureusement, ne sont pas publiées en un corps d'ouvrage, et la détermination des espèces distribuées aurait besoin d’une révision. Toutes les fois que j'ai été appelé à examiner des plantes d’Abyssinie, j'ai trouvé bien plus d'espèces com- munes avec l’Inde ou le Sénégal, qu'avec l'Europe ou l'Algérie. Dans les 13 espèces mentionnées ci-dessus, je n’en vois que 3 (Arabis albida, Crambe hispanica et Colutea haleppica) qui soient vraiment carac- téristiques d’une Flore; les autres étant des plantes très répandues, à titre de plantes aquatiques, ou de plantes des lieux humides, du bord des che- mins et des prés ordinaires. La proportion de 15 espèces sur 83/4 est peu de chose, en comparaison des 30 espèces de Laponie, sur 685, qui se retrouvaient sur les Alpes, sans exister dans les points intermédiaires. Le phénomène existe donc en Abyssinie, mais à un degré beaucoup plus faible. Quant à la cause qui a pu produire iei la disjonction, il est utile de remarquer la prédominance parmi les espèces disjointes en Abyssinie, comme dans les Alpes, de plantes très répandues. Les plantes aquatiques ou hygrophiles forment près de la moitié, et si les Carex, les Juncus et autres Monocotylédones, du deuxième volume de Richard, avaient été con- sidérées, la proportion aurait été bien plus forte (a). Les montagnes de l'Australie méridionale présentent un certain nombre d'espèces communes avec Pile de Van-Diemen (Ferd. Müller, dans Hook., Journ., 1854, p. 12/4), et, à leur tour, les montagnes de Van-Diemen ont des espèces communes avec la Nouvelle-Zélande (Hook. f., F1, N.-Z., p. XXXIHI). x On ne peut rien dire des Flores de quelques chaines qui se prolongent du nord au sud, et qui continuent ainsi l'habitation de plusieurs espèces par une extension du climat qui leur convient. Ainsi, des plantes boréales se prolongent sur les montagnes Rocheuses et sur les monts Alleghanies; des plantes australes, sur la chaîne des Andes. L'état actuel de la science ne permet pas encore de savoir combien il y a d'espèces partagées entre les montagnes de la pénmsule indienne et les plaines ou les collines du nord de Pinde, avec interruption dans linter- (a) Dans les familles de Dicotylédones, je citerai encore le Teucrium scordium, L., plante vivace de marais, qui existe : 1° en Europe, mais seulement dans les districts élevés au midi, et qui manque même à la Sicile (Guss., Syn.), comme à l'Algérie (Munby, Fl. Alg.); 2° en Abyssinie (Schimp.; Benth., Prodr., XIL, p. 586). 1016 DES ESPÈCES DISJOINTES. valle, On ignore davantage encore les relations qui peuvent exister entre les espèces des montagnes de Bornéo et celles de la Chine, entre les espèces des montagnes de l'Afrique équatoriale et celles du Cap. Il y a done fort peu de régions qu’on puisse comparer, sous ce point de vue, avec l’Europe. On croit généralement que partout ilexiste des phénomènes analogues de disjonction, mais les preuves en sont rares, et ne forment pas, pour chaque région, un ensemble qu’on puisse étudier. . Voici d’autres faits recueillis dans les Monographies, les Flores et les ou- vrages généraux. Îls se rapportent à des espèces partagées le plus souvent entre des montagnes fort éloignées, quelquelois entre des montagnes et des collines ou des plaines également très éloignées. Je ne donne que des faits bien contrôlés. s F INDICATION DE QUELQUES ESPÈCES DIVISÉES ENTRE DES MONTAGNES ÉLOIGNÉES. « Arabis albida, Stev. — 2 — Elle est certainement : 1° Dans la Crimée, le Caucase et les monts Talush (Ledeb., FI. Ross., I, p. 117); 2° en Sicile (Guss., Syn., Il, p. 171) ; 3° à Madère {Lemann, liste msc. , Webb, Can. Phyt., sect. 1, p. 62), 4° aux Canaries, entre 7,000 et 9,000 pieds d'élévation (Webb, L. c.). M. Boissier n'a trouvé que l'Arabis alpina dans les montagnes du midi de l'Es- pagne (Voy. bot. Esp., IL, p. 25), et M. Moris n'a trouvé ni l'une ni l'autre en Sardaigne, quoique l'Arabis albida soit partout en Sicile, d'après M. Gussone. Les localités de Madère et des Canaries sont donc fort isolées. Toutefois, si le Turritis verna, Desf.; est la même espèce, comme le dit M. Boïssier, d'après un échantillon authentique, la plante serait aussi dans l'Atlas. Les opinions sont partagées sur des échantillons de Grèce, du Liban et de l'Asie Mineure, que MM. Webb et Boissier rapportent à cette espèce, et non DC., Grisebach, ete. ; enfin, A. Richard (Tent. F1. Abyss., 1, p.16) dit que l'Arabis albida est en Abys- sinie, à 10,000 pieds, et il affirme son identité avec la fig. 71 de Jacquin f., Ecloge, qui est bien l’albida. L'Arabis alpina, L., plante circompolaire, se trouve aussi sur les sommités méridionales de l'Europe, en Espagne (Boiss.) et en Corse (Grenier et Godron, FI. Fr.). 7 Silene alpestris, Jaeqg. — On connait un seul échantillon recueilli en Écosse, sur une montagne à l'est de Cloya (Babington, Man., 2° édit., p. #5). Il s'y trouvait bien isolé, car l'espèce n'existe ni dans les îles au nord de la Grande- Bretagne, ni dans la péninsule scandinave, ni dans l'ouest du continent européen, et seulement en Autriche et dans le Tyrol (Koch, Syn., 2° édit., p. 445). Ptarmica alpina, DC. — Z — 1° Sibérie arctique, orientale et altaïque (Ledeb., Ft. Ross., 11, p. 528 ; DC., Prodr., VI, p. 22: Koch, Syn., 2e édit., p. 408); 2° Alpes centrales, au Saint-Gothard, au-dessus de Aïrolo, seule loca- lié connue (DC., 1. c. ; Koch, L. ec. ; Moritzi, FL. der Schw.). Acacia heterophylia, Wild. — » — M. Gaudichaud (Voy. Freye., part. bot., p. 31, 97 et 104) insiste sur l'identité d'espèce de cette plante : 1° aux îles Maurice el Bourbon ; 2° aux iles Sandwich, sur les hauteurs. M. Bentham (Bot. PLANTES DE MONTAGNES. 1017 Beechey's Voy., p. 81) la mentionne aux îles Sandwich et ne contredit pas l’asser- tion. La distance est de 3,000 lieues, d'après M. Gaudichaud. Je ne vois pas l'espèce indiquée à la Nouvelle-Hollarde, malgré l’analogie avec plusieurs acacias de ce pays. Helichrysum frigidum, Wild. — 2% — Sommités : 1° du Liban; 2° de l'île de Corse, d'après DC., Prodr., VE, p. 177. Il manque à la Sardaigne (Moris, F1.) et à la Sicile {Guss., Syn ). On ne le connaît pas en Grèce. Piddingtonia nummularia, Alph. DC. (Prodr., VIL, p. 1, p. 341). — % — Népaul et Java. Clethra tinifolia, Sw. — à — D'après M. Dunal (Prodr , VIT, p. 589), qui a vu des échantillons, il croît dans les montagnes de la Jamaïque, et au Brésil, près de Rio-de- Janeiro. Phyllodoce taxifolia, Salisb. (Menziesia cœrulea, L.).— 3 — C'est une chose remarquable de voir cette plante très répandue autour du pôle arctique, de la Laponie au Kamtschatka (Ledeb., F1. Ross , IT, p. 416), se trouver aussi au Groënland, au Labrador et aux White mountains du New-Hamsphire (Benth., Prodr., VIE, p. 713), et, en outre, dans deux points très éloignés des précédents, savoir : 1° une localité en Écosse, dans le comté de Perth, où elle est très limitée, à tel point qu'un jardinier d'Édimbourg l'a presque détruite (Bab , Man., 2° édit., p. 207) ; 2° aux Pyrénées, près de Bagnères de Luchon (Munby, dans DC., Prodr., 1: e., confirmé pour l'identité spécifique dans Ann. sc. nal., 2° sér., VII, p.381). Elle manque aux îles Féroë (Martins, Vég. Fér.), Shetland (Edmonst.), aux Alpes et au Caucase, quoiqu'elle existe dans l'Altaï. Myrsine dependens, Spr. — 4 — 1° Montagnes du Pérou; 2° Silla de Caracas (Alph. DC., Prodr., VIII, p. 102). Si l'espèce se découvre dans les mon- tagnes de la Nouvelle-Grenade, elle devra cesser de figurer dans la liste; mais jusqu'à présent, elle n’est connue que dans ces deux points, éloignés de 4 à 500 lieues. Gentiana prostrata. Hsænke (non Wahlenb.). — (1) — Son habitation est des plus remarquables. Elle a été constatée par le monographe des Gentia- nacées, M. Grisebach {Prodr., IX, p. 106), et par le docteur Hooker (FL. an- tarct., À, p. 56: Il, p. 328). Elle est éparse comme suit: 1° Sommets des Alpes, Autriche(Koch, Syn., 2° édit., p. 564; Griseb., L. c.);.2° montagnes de la Som- chétie, vers le Caucase {C. Koch, Linnæa, XVIT, p. 281 ; Ledeb., F1. Ross., I, p. 62); 3° Altaï et Sibérie orientale (Ledeb., /. c.), Unalaschka (id ), Amérique russe (Cham. ! h DC.; Griseb., L.c )et sommets des montagnes Rocheuses (Hook., Fl. bor. Am., Il, p. 60), de 15,000 à 16,000 p d'élévation, sous le 52° degré latitude nord {Hook. f., Ft. ant., 1. p. 56); £’ Andes méridionales, sous le 35° degré latitude sud, du côté oriental (Hook. f., {. c.), et au bord de la mer, au cap Negro du Chili méridional et au détroit de Magellan (Hook. f., L. c.; Griseb., l. c.). Elle manque à l'Amérique orientale et à l'Europe occidentale, quoique l'ex- tension, d'ailleurs, soit très considérable. Gentiana pyremaica, L. — 2% — M. Grisebach, en 1845 (Prodr., IX, p. 105) ne connaissait que trois habitations : 1° les Pyrénées, au-dessus de 4800 pieds: 2° le mont Berzsowa, en Hongrie : 3° le Caucase oriental. M. Bois- sier ne l'indique pas dans les montagnes du midi de l'Espagne (Voy. bot. Esp.). M. Ledebour (F1. Ross., LIT p. 61), en 1847, ne l'indiquait pas hors des provinces caucasiennes de la Russie. Ilest remarquable que cette Gentiane manque à toute 1018 DES ESPÈCES DISJOINTES. la chaîne des Alpes et aux montagnes de Grèce et d'Italie, tandis qu'elle existe aux Pyrénées et en Hongrie. Gentiana montana Forst. — (1) — Comme les plantes de montagnes ont peu de chances d'être transportées par mer, je note que celle-ci habite : 4° les sommités de Van Diémen ; 2° de la Nouvelle-Zélande; 3° (les variétés B et y) les montagnes de la Nouvelle-Galles du sud (voy. Griseb., dans DC., Prour., IX, p.99). Pedicularis äsplenifolia, Floerke. — 2% — 1? Alpes autrichiennes; 2° Himalaya (voy. Benth., Prodr., X, p. 579) L'identité d'espèces entre ces deux chaînes est extrêmement rare, quoique les genres soient souvent les mêmes. Elle est d'autant plus remarquable dans le cas actuel que l'espèce manque à l'Asie Mineure, au Liban, au Caucase et à la Sibérie, d'après les col- lections d'Aucher et le 3° volume du Flora Rossicu, de Ledebour. Pleurogyne €arinthiaca. Griseb, — D'après M. Grisebach (Prodr.. IX, p. 122),elle existe : 1° dans l'Altaï ; 2° dans la Carniole et la Carinthie ; 3° dans la vallée de Saas, en Valais, L'article suivant contient quelques exemples qu'on aurait pu classer ici (voy. p. 1021). Il ya peu de conclusions à tirer des faits de cet article, parce qu’ils ne sont pas nombreux et qu’ils concernent des pays très différents. Si on les groupe, dans son esprit, avec ceux de nos plantes arctiques communes avec les Alpes, les Pyrénées, le Caucase, etc., on reconnait que les phénomènes de disjonction sont assez fréquents parmi les espèces de montagnes. Is le sont bien plus si l’on remarque l'existence de plantes alpines sur des som- mités moins éloignées que celles prises pour exemples, mais encore assez distantes pour que des transports de graines soient difliciles à admettre. On arrive ainsi à croire que la présence des espèces sur telle ou telle montagne est ordinairement un fait antérieur à l'état actuel de globe, un fait géologique, en mème temps que botanique. Cette opinion m'est suggérée par de longues recherches dans les livres et les herbiers. Elle m'a semblé aussi la plus probable dans des circon- stances bien différentes, lorsque, parvenu au sommet d’une de nos mon- tagnes, je réfléchissais aux lois de la nature, sous l'impression du silence majestueux de ces hautes régions. Les touffes de Graminées, de Saxifrages, de Silene acaulis, qui recouvrent ces sommités, existent à depuis des siècles, car elles sont vivaces, robustes et ramifiées, D’où sont venues leurs graines? Quelques rares oiseaux, des coups de vent, auraient-ils pu les transporter d’une immense distance sur ces hauteurs si longtemps couvertes de neige, où les plantes fructifient rarement, et où l'atmosphère, par leflet de sa légèreté, ne dépose pas même les particules impalpables de poussière dont elle est chargée dans les plaines? Je l’avoue, en considérant ce gazon ESPÈCES PARTAGÉES DANS L'HÉMISPHÈRE PBORÉAL. 1018 serré des hautes montagnes où une plante étrangère aurait tant de peine à parvenir et à s'établir, j'ai toujours été conduit à le considérer comme une végétation primitive, pure de tout mélange, et alors je remontais de généra- tion en génération, de siècle en siècle, aux grandes questions de la distribu- tion première des êtres organisés. Dans un temps, je ne connaissais que la théorie de Schouw, sur la multiplicité des individus de chaque espèce à l'origine, qui pût expliquer ces faits. Maintenant, les opiniens des géo- logues sur l’ancienne étendue des glaciers et sur des transports par des glaces flottantes, à une époque moins reculée que l’origine de nos espèces, mais antérieure à l’état actuel de l'Europe, jettent un jour tout nouveau sur la question. Lorsque les vallées entre les Alpes et le Jura étaient couvertes d'immenses glaciers, il est évident que les mêmes espèces devaient se répandre sur les moraines et sur les hauteurs qui les entouraient ou qui formaient des îles analogues au Jardin de la mer de glace: et quand les blocs erratiques se déposaient par l'effet des glaces flottantes sur la Russie el l'Allemagne, des graines pouvaient bien être portées aussi à de grandes distances sur les rivages de la mer qui a disparu, comme aujourd’hui du Groënland au Labrador, ou d’un côté à l’autre de la baie de Baflin. En tout cas il devait y avoir une température froide, humide et uniforme, autour de cette mer, par conséquent une végétation assez semblable sur ses rivages et ses îles. La disjonction actuelle des plantes alpines, comme celle des plantes aquatiques, devient done un phénomène important à considérer en géologie. Elle cesse de confondre notre imagination, elle n’oblige plus à remonter à l’origine même des êtres; mais elle devient un genre de preuve essentiel à recueillir pour arriver à comprendre un état de choses antérieur au nôtre. Je reviendrai, du reste, sur ces questions dans le chapitre sui- vant, et surtout dans le chapitre xxvr. ARTICEE Ve ESPÈCES ORDINAIRES PARTAGÉES ENTRE DES POINTS ÉLOIGNÉS DE L'HÉMISPHÈRE BORÉAL. Les plantes non aquatiques, habitant les plaines ou les collines, pré- sentent quelquefois le phénomène de disjonction. Je ne citerai que des cas dans lesquels il me paraît impossible de supposer un transport de graines par les causes actuellement existantes. Il y a quelques espèces, comme l’observait déjà M. Boissier (Voy. bot. en Esp., 1, p. 23/4), qui sont partagées entre les deux extrémités, occiden- tale et orientale, de la région méditerranéo-caucasienne, sans exister dans les îles et pays intermédiaires, dont le climat paraît extrêmement sem- blable. Un petit nombre d’entre elles ont été observées récemment en 1020 DES ESPÈCES DISJOINTES. Algérie. Je les indiquerai également, car si l'Atlas n’est pas fort éloigné de l'Espagne, il l’est beaucoup de la Syrie et du Caucase, et la disjonction dans ce cas est encore très remarquable. Garidella Nigellastrum, L. — ‘) — 1° En Espagne, pres de Malaga (Boiss., Voy. Esp., H,p. 11), en Catalogne (Colm. , Cat., p. 4): dans le sud-est de la France, à l'orient du Rhône (Mutel, Gren. et Godr., FL. Fr.), car il manque aux Flores de Bordeaux, de Tarn-et-Garonne, du bassin sous-pyrénéen, de Montpellier. On ne l'indique ni aux Canaries (Webb, Can.), ni aux Baléares (Cambess., Énum.), ni en Corse (FI. Fr., div.), ni en Sardaigne (Moris, FL), n en Italie et en Sicile (Bertol. ; Guss., Syn.), ni en Alvérie (Desf.; Munby, F1. Alg ), ni en Grèce (Sibth. et Sm., Expéd. de Morée ; Frieder., Reise), ni près de Constantinople (Castagne, cat. msc.); 2° dans les ‘îles de Crète et de Chypre (Sibth et Sm., Prour., 1, p. 307), Ru la Terre sainte (Clarke), les environs du Caucase (Ledeb., F1. Ross., I, p. 54; Hohen., d'apr. Boiss., L. c.), la Crimée (Ledeb., {. c.). Geum heterocarpum, Boiss. — ©) ? — Entre 5000 et 6000 p. dans la région alpine des montagnes du midi de l'Espagne, et sur le mont Taurus (Boiss., Voy. bot. Esp., I, p. 201). Queria hispaniea, L. — (à) — L'habitation principale est en Crimée, en Arménie et au midi du Caucase (Ledeh., F1. Ross., 1, p 340, 779) jusqu'en Svrie {b. Webb, d'apres Boiss., Voy. Esp., If, p.221). Une seconde habitation est en Algérie (Cosson, Ann. sc. nat., 3° sér., XIX, p. 431). Une troisième habitation dans le centre et le midi de l'Espagne (Boiss., L. c ). Minuartia montana, Lœff — (4) — Selon M. Boissier (Foy. Esp., I, p. 223) : 1° dans le midi de l'Espagne, le royaume de Maroc et l'Algérie ; 2° en Crimée et autour du Caucase Le Minuartia dichotoma. Læf.. selon le même auteur, est aussi partagé entre : 4° l'Espagne centrale : 2° la Syrie et la Géorgie caucasienne. Sans doute, ces deux espèces sont difficiles à distinguer, et la première surtout a été confondue avec le Minuartia campestris ; mais il parait certain que l'une et l’autre manquent aux pays intermédiaires. Hohenackeria bupleuvrifolia, Fish. et Mey. — (1) — Espèce de la région caucasienne qui se trouve aussi en Algérie et en Espagne (Cosson, Not. PI. nouv., p. 164). Callipeltis cucullaria, DC, — @ — Asie Mineure, Syrie, Perse, Arabie Pétrée (Prodr., IV; Boiss , Voy. Esp.), et en Espagne dans diverses localités (Boiss., i0.: Willk., Linn., XXV, p 32). Si on la découvre en Algérie, l'habita- tion ne sera, pour ainsi dire, plus disjointe. Viscum éruciatum, Sieb. — 2 — Cette plante, parasite sur l'olivier, se trouve en Palestine et dans le midi de l'Espagne (Boiss., Voy., II, p. 274). Solanum persieum, Willd. — à -— Caucase et Espagne (Dun., dans Prodr., XIE, p. 1, p. 79). -, Veronica digitata, Vahl. — (D — 1° Asie Mineure, dans les montagnes (Boiss, Auch., Prodr., X, p. 483), Thrace méridionale (Griseb.); 2° Madrid (h. DC.; Benth., dans Prodr., 1. e.). La localité de Montpellier, indiquée par Vahl (Symb., 1, p. n), est douteuse, ESPÈCES PARTAGÉES DANS L'HÉMISPHÈRE BORÉAL. 1021 Rochelia stellulata, Reich. — (4) 2 — Cette Borraginée présente, ainsi que je l'ai fait remarquer dans le Prodromus (X, p. 176). une grande habitation dans lorient, de la Songorie et de la Mésopotamie, jusqu à l'Anatolie, et même la Podolie et la Hongrie; de plus, elle existe en Espagne, dans l'Aragon et la Cas- tille : enfin M. Cosson l'a retrouvée en Algérie (Ann sc. nat ,3° sér., XXI, p. 131) Lycopsis orientalis, L.—0Odessa et province de Carie.—Espagne, royaume de Murcie, d'après M. Cosson, PL nouv., fasc. m1, p. 422. Myosotis refracta, Boiss. — (1) — En Espagne, sur le mont Pilar de Tolox, à 6500 p.; dans l'Asie Mineure, près de Maglak {Voy. Alph. DC., Prodr., X, p. 110). Campanula fastigiata, Dufour (dans Alph. DC., Mon. Camp. et Prodr., VIL, p. 483). — G) — 1° En Espagne, à Aranjuez ! et en Aragon! 2° au midi du Caucase, en Géorgie, dans les champs incultes (Hohen.!). M. Grisebach ne l'in- dique pas dans son Spicilegium FI. Rumel. Rhododendron ponticum. EL. 3 — Espagne méridionale et Anatolie. Voy. ci-dessus, p. 462, et carte IH, fig. 47). Juniperus thurifera, L.— 5; Royaume de Murcie et Anatolie (Cosson, PI. nouv. , fase. ur, p.129). L'espèce manque à l'Italie (Schouw, Distr. Conif. d'It.). Ces exemples ont été recueillis d’après les ouvrages et les herbiers, sans aucune idée préconçue. Îl s’est trouvé que les deux tiers sont des plantes monocarpiennes, habitant principalement les endroits sablonneux. IT y a sans doute de l’analogie entre les climats de l'Orient et de l'Espagne; mais de quelle manière ces espèces, que l’homme n'avait aucun intérêt à transpor- ter, ont-elles pu arriver d’un pays à l’autre? Et pourquoi plusieurs d’entre elles n’ont-elles pas occupé successivement les côtes et les îles de la mer Méditerranée ? Impossible de répondre à ces questions par l’ensemble des faits actuels. Évidemment, il faut recourir à des causes plus anciennes. Deux hypothèses s'offrent à l'esprit. L'une, que la Méditerranée aurait fait irruption sur des pays intermédiaires dans lesquels lespèce existait et aurait coupé l'habitation en deux ou trois parties ; l’âutre est l'hypothèse de l'origine primitivement multiple des espèces. La première est d'accord avec beaucoup de faits géologiques et même historiques; la seconde est plus éloignée et repose sur des considérations d’un autre ordre, dont je parlerai plus tard (chap. x1). Iiy a des plantes de la région méditerranéenne qui se retrouvent aux iles Canaries, Madère et Açores. J'ai déja mentionné des plantes aqua- tiques (p. £S5), des plantes ligneuses à grosses graines (p. 993) et des plantes alpines (p. 1006) qui sont dans ce cas. Je pourrais ajouter maintenant les Eriea arhorea €t Erica secparia, dont on ne peut expli- quer la présence par des transports du fait de l’homme, par des courants ou par les oiseaux. Je laisse cependant ces exemples et plusieurs autres de côté, parce que nous ignorons encore si ces espèces ne se trouvent pas 1022 DES ESPÈCES DISJOINTES. sur les montagnes de Maroc, formant une sorte de transition entre les îles Canaries et la région de la mer Méditerranée. Tout le monde sait qu'il existe une douzaine d'espèces partagées entre l'Irlande et les Açores ou l'Espagne, comme le Babæeia polifolia (voy. p. 450, 170, et carte [, fig. 12). Ce sont principalement des Éricacées et Saxifragacées. Leur transport me paraît impossible par les causes actuelles, car ces plantes se trouvent en Irlande sur des montagnes. J'en parlerai de nouveau dans le chapitre xxvI. Voici encore quelques exemples de disjonction bien remarquables. Scutellaria minor, L. — 2% — {1° Dans les marais de l'Europe occidentale, de | Allemagne et jusqu'en Lithuanie {Ledeb., F{. Ross., HE, p. 401); 2° dans la région du lac Baikal, près d'Irkutsk {Benth., Prodr., XIE, p. 427 ; Ledeb , L. c.). Cette interruption, dans un espace de 80 degrés longitude, est remarquable, les pays intermédiaires ayant été assez explorés par les botanistes russes. Une variété se trouve dans les montagnes de l'Inde (Benth., L. c.). Cireæa lutetiana. L. — % — 1° En Europe, jusqu'au nord de l'Écosse (Wats., Cyb , I, p. 276), et en Finlande (Ledeb., FL. Ross., IT, p. 113), Sibérie, jusqu à l'Altaï (1b.); 2° Amérique nord-est, du Canada aux parties élevées des états méridionaux (Torr et Gray, F1, 1, p. 527) Quelques auteurs en font une variété, canadensis, mais ellerepose sur des poils de la tige un peu plus fréquents, différence insignifiante. L'absence dans les régions polaires, même aux îles Féroë, etc., établit une solution de continuité très grande entre les deux patries. Stachys aspera, 5 glabrata. Benth. (DC, Prodr., XII, p. 471). — % — Cette variété d'une espèce commune aux Etats-Unis, se trouve, selon M. Ben- tham : 1° en Caroline; 2° dans la province de Fokien en Chine. Phryma leptostachya, L — (1) — Rien nest plus singulier que la double patrie de cette petite plante, qui forme à elle seule un genre et une famille, à côté des Verbénacées. Je m'en suis occupé, de même que Schauer, à l'occasion du Prodromus (XI, p. 520). II nous a été impossible de trouver une différence entre les échantillons des Etats-Unis et ceux du Népaul, si ce n'est que les derniers ont la fleur légèrement plus grande. De pareilles diversités existent entre des échan- tillons de plusieurs espèces, et ne méritent pas d'être élevées au rang de carac- tères spécifiques. Saururus cernuas, L.— %— MM. Hookeret Arnott (Bot. Beechey's Voy., p. 216) disent qu'ils n'ont pu découvrir aucune différence entre les échantillons de la Chine méridionale et ceux de l'Amérique septentrionale. L'espèce est indi- quée dans celte dernière région au Canada (Hook., FL. bor. Am., I, p. 143) et dans les États du nord-est de la confédération (A. Gray, Bot. north. St.), au bord des étangs. Il ne paraît pas qu'on la connaisse dans le nord-ouest de l'Amérique. Dans ces derniers cas, de répartition entre les États-Unis et Ja Chine ou le Népaul, d'espèces non cultivées, il est bien impossible de supposer un transport. On ne peut guère imaginer une communication antérieure à Vétat actuel du globe, par des îles ou un continent qui auraient disparu, ESPÈCES ORDINAIRES PARTAGÉES DANS L'HÉMISPHÈRE BORÉAL. 1023 car toutes les autres espèces sont différentes, excepté certaines plantes cosmopolites. On pourrait peut-être supposer que ces espèces auraient eu, pendant une période, une habitation immense, laquelle se serait réduite subséquemment, par des causes géologiques. Il serait cependant singulier qu'elles ne fussent pas restées çà et là dans les pays intermédiaires ou dans certaines contrées adjacentes. L'hypothèse la plus probable paraît être celle d’un développement de mêmes formes spécifiques à de grandes distances, an moins pour ces rares espèces. Eriocaulon septangulare, With. (E. pellucidum, Michx). — LL — 4° Découvert, en 1764, dans les lacs tourbeux de l'ile de Skye en Écosse 'Hook., FI. Scot., p. 270), ensuite dans les lacs de l’île de Coll et des Hébrides voisines (Hook., Brit. FI., p. 405), ce qui ne parait pourtant pas très bien démontré à M. H.-C. Watson (Cyb., II, p. 37), et en abondance dans l'ouest de l'Ir- lande (Hock., !. c.), en particulier dans les lacs de Cunnamara (Mackay, FL. Hib, p. 289). — 2° L'identité spécifique a été prouvée avec l'Eriocaulon pellucidum, Michx, qui existe dans l'Amérique septentrionale, savoir : à Terre-Neuve, dans le Canada, jusqu'au Saskatchawan (Hook., F1. bor. Am., Il, p. 187), et dans quel- ques parties septentrionales de l'Union (A. Gray, Bot. n. St., p. 514), sans avancer cependant jusqu'à la région du Mississipi et de l'Ohio (Ridd., FI. west. St. ; Lea, Cincinn ). Une distribution géographique aussi extraordinaire provoque bien des réflexions, d'autant plus que cette plante est la seule Restiacée existant en Europe. M. H.-C. Watson, en 1847 (Phytol., p. 765), inclinait à l’idée d’un transport d'Amérique en Europe par une cause inconnue, En 1852, il désigne l'espèce comme native en Écosse, et il ne parle pas de la loca- lité d'Irlande (Cyb., 1. c.). J'ai beaucoup hésité sur cette espèce, et n'ai pu me décider qu'à la fin de mon travail, après avoir résolu un grand nombre de questions analogues, moins difficiles. En définitive, je regarde l’es- pèce plutôt comme disjointe, c’est-à-dire comme séparée antérieurement à l'état présent du globe, et non comme transportée par les causes actuelles. me semble très improbable qu'une graine ait été transportée du Canada ou de Terre-Neuve en Irlande ou en Écosse, puisque le courant des Florides (Gulf stream) vient du Mexique et se trouve séparé de la côte des États-Unis par un autre courant, qui marche du nord au sud (1ov. la carte des cou- rants dans Herschell, Manual of scientific enquiry). L'espèce actuelle manquant à la vallée du Mississipi, n'aurait pu étre transportée que par le cou- rant du Canada, qui longe la côte des Etats-Unis. On connaît bien quelque liaison, vers le nord-est de Terre-Neuve, entre ces deux courants, tantôt superposés et tantôt juxtaposés, et il n’est pas impossible qu'un corps flot- tant passe de l’un à l’autre ; mais comment admettre que le Gulf stream, ayant reçu des graines d'Eriocaulon par cette voie accidentelle, fût venu 65 4024 DES ESPÈCES DISJOINTES. les déposer, non sur la côte d'Irlande et d'Écosse, mais dans de petits lacs dont les eaux s’écoulent vers la mer? On peut, à la rigueur, présumer que le Sisyrinchium anceps, Lam. , plante des terrains ordinaires, vivant près du littoral, serait arrivé en un point de la côte occidentale d'Irlande par le courant américain. Mais quand il s’agit d’une espèce lacustre, c’est bien plus diflicile. Les seuls arguments en faveur d’une origine étrangère sont la rareté de l’Eriocaulon en Europe, et l'absence de toute antre espèce de cette famille. Ce sont des arguments indirects et assez faibles. D’autres Resliacées ont pu exister en Europe avant l'état actuel des choses, et avoir disparu partout, excepté de ces points occidentaux. Enfin, l'espèce pourrait avoir été transportée antérieurement, à une époque où son habitation était peut-être plus étendue en Amérique, etles courants peut-être plus intenses ou plus directs du Canada en Écosse. Spiranthes cernua. Rich. (Neottia gemmipara, Sm.). — Z — Orchi- dée, dont l'habitation américaine s'étend de Terre Neuve et des États seplentrio- naux de l'Union à Fort Vancouver, sur la côte occidentale {Asa Gray, Bot. N.-St., p. 475 ; Bab., Trans. Linn. Soc., XIX, p. 262), et qui a été trouvée sur un seul point de l'Irlande méridionale, dans le comté de Cork, d'abord en 1810, puis en 1843, mais toujours en petite quantité (Bab., L. c. ; Power, Bot. of Cork, p. 62). M. H.-C. Watson (Phytol., 18A7, p. 765) semblait pencher, pouf cette espèce, vers l’idée d’un transport accidentel; mais, en 1852 (Cyb., I, p. 414), il se contente de dire qu’elle est hibernienne, sans discuter son origine. On connaît la difficulté de faire lever des graines d’Orchidées. Quoique ces graines soient d’une légèreté extrême, et que les plantes des terrains humides aient ordinairement de très vastes habitations, les Orchi- dées ont des habilations peu étendues en moyenne. Un transport par le cou- rant des Florides (Gulf stream), de graines aussi délicates, est inadmissible. Je croirais donc volontiers à une habitalion du Spiranthes cernua autrefois moins restreinte en Europe, qui se serait réduite depuis l’état actuel des choses dans notre hémisphère. En termes différents et moins hypothéti- ques, ce serait une espèce disjointe, dont la double habitation proviendrait, comme celle des autres espèces dans ce cas, de circonstances antérieures encore mal connues et non des causes actuelles. Ces idées peuvent sembler bizarres lorsqu'on envisage une ou deux espèces seulement et sous un certain point de vue, mais elles deviennent plus probables quand on s'occupe de l'origine d’un nombre d'espèces communes aux régions arctiques et aux îles Britanniques, et de la ques- tion des origines de nos végétations européennes. Je renvoie sur ce point au chapitre XxXvr. ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES, 1095 ARTICLE 0VY ESPÊCES NON AQUATIQUES, PARTAGÉES ENTRE DES PAYS INTERTROPICAUX TRÈS ÉLOIGNÉS, OU ENTRE UN PAYS INTERTROPICAL ET UN PAYS HORS DES TRO- PIQUES ÉGALEMENT ÉLOIGNÉ, SANS POSSIBILITÉ OU AVEC UNE PROBABILITÉ EXTRÉMEMENT FAIBLE DE TRANSPORT PAR LES CAUSES ACTUELLES. $ 1. ÉNUMÉRATION. J'ai recueilli avec soin et énuméré précédemment (p. 766) les espèces qui ont été transportées et naturalisées d’un pays à l’autre, entre les tro- piques, et celles qu’on peut fortement soupçonner d’avoir été transportées. Voici maintenant des espèces, divisées également entre pays intertropi- caux, mais pour lesquelles un transport déterminé par les causes de l’époque actuelle est très improbable, je dirai presque, dans la plupart des cas, impossible. Tantôt, ces espèces existent dans des régions qui n’ont pas été modifiées par l’homme, tantôt elles appartiennent à des catégories de plantes dont les graines se transportent difficilement par les causes natu- relles, et que l’homme n’a aucun intérêt à recueillir ou à propager. Ces espèces n’ont pas des crochets, poils laineux, matières visqueuses, où autres particularités, qui rendent les transports faciles. Aucune n’habite de préfé- rence les terrains cultivés, ni le voisinage des habitations, ni le bord de la mer. Plusieurs, J'en conviens, ont des graines petites ou coriaces, qui ont pu se trouver accidentellement mélangées avec des marchandises ou dans le lest des vaisseaux, et conserver longtemps leur vitalité. L’impossibilité de transport ne peut jamais être démontrée d’une façon absolue ; mais il ya des degrés de probabilité extrèmement faibles, qui en approchent suffisam- ment. Dans le but de faire apprécier ces degrés de probabilité très faibles, j'ai marqué du signe T? les espèces pour lesquelles le transport est le moins improbable. Celles qui n’ont pas de signe ne présentent rien dans la structure, dans la station ou l'habitation, qui indique une possibilité de ce genre. Ainsi, les espèces marquées T? mérileraient peut-être de passer dans la liste des espèces naturalisées entre les pays tropicaux (p.766); et l’ensemble de cette liste et de la liste suivante réunit la totalité des espèces à moi connues, qui sont divisées entre les régions équa- toriales, soit par transports à l’époque actuelle, soit par une cause anté- rieure. On remarquera, à la fin de l’énuméralion dont je vais m’occu- per, un certain nombre d'espèces, à l'égard desquelles je n’ai pu arriver à 1026 DES ESPÈCES DISJOINTES. aucune notion précise, ou qui ont été indiquées à tort comme partagées entre les régions tropicales. 40 Espèces partagées entre l'Amérique et l'ancien monde, qui se trouvent en Afrique et en Asie. Sauvagesia ereeta, L. — > — 1° Pérou, Brésil, Guyane, Antilles, Mexique (Saint-Hil., PI. rem., p. 26) ; 2° Guinée (Willd.: Hook., FL. Nigr., p. 221), Sénégal (Hook., {. c c.), Madagascar (Saint-Hil., L. c.); 3° Java (Saint-Hil., ! d’après un échantillon de Perrottet). Les neuf autres Sauvagesia connus en 18 4 (Steud., Nom.) élaient tous d'Amérique, excepté le Sauvagesia nutans, Pet - Th., qui est de Madagascar. M. de Saint-Hilaire n'a pu découvrir dans l'organi- sation de la plante aucune cause favorable au transport. C'est une espèce employée dans quelques maladies, en Amérique, mais peu connue et peu utile. Elle habite dans les endroits humides, les marais. T? Corchorus acutangulus, Lam. (C. æstuans, Gzærtn.: €. alatus, &. Don). — > (à) — Espèce également assez commune dans les Indes occi- dentales et orientales (Wight et ni Prodr., p. 73), trouvée aussi en Guinée (Hook. f. et Benth,, F1. Nigr., p. 2 34). Ces divers auteurs ont comparé les échan- tillons des deux mondes. Les eee existent dans les trois continents tropi- caux. Celui-ci ne présente rien de particulièrement favorable au transport. Les capsules allongées se terminent par trois ou quatre dents ou pointes, qui ne sont pas crochues, ni très pointues, de sorte que l’adhérence à des corps étrangers paraît peu probable. Les Nègres le mangent en salade ou légume (Papau Ockroe, aux Barbades, Hughes, p. 197), ce qui a peut-être pu engazer à le transporter de l'ancien monde. 11 me parait un peu plus souvent indiqué dans les Flores asiatiques ou africaines que dans celles d Amérique. Le nom bengali Titta- pat (C. fuscus, Roxb., F1., 2° édit., IL, p. 582) semble dérivé de Puita, nom san- scrit du Corchorus olitorius. T? Waltheria indica, L. (W. amerieana, L.) — ) — Celle Bytinériacée est une desplantesligneuses les plus répandues dans les pays chauds. MM. Brown (Bot. Congo, p. 58 et 64), Wight et Arnott (Prodr. FI. pen. Ind., p.67), Webb (dans FI. Nigr., p.1 10), Hooker et Bentham (b., p. 233), Schlec htendal (Linn., 1828, p. 274), lui rapportent une foule de synonymes et ont comparé des échan- tillons de tant de pays différents, qu'on ne peut douter de la diffusion en Asie, Afrique et Amérique. Quoique la plupart des Waltheria soient d'Amérique, on en indique un au Sénégal (F1. Nigr., p. 233), et le Waltheria Lophanthus, Forst., est aux îles Marquises. Les calices et les carpelles du Waltheria indica sont his- pides, d'où il peut résulter quelquefois l'adhérence à des corps étrangers, mais les poils ne sont pas crochus. Quoique ligneuse, l'espèce croît dans les prairies (Mac- fad,, F1. Jam.). Elle est commune en Afrique (Boj , 4. Maur : Flora Nigr.) et en Amérique, mais beaucoup moins en Asie. Je ne la vois indiquée pour cette partie du monde que dans la péninsule indienne {(Wight et Arn., Prodr,, sans localités), à Ceylan (Burmann; Moon, Cat }, puis aux îles de la Societé et Sand- wich (Foy. Beechey). Roxburgh (2° édit } n'en parle pas. Le docteur Wallich en a distribué des échantillons du pays des Birmans (W. elliptica, que Wight et Arn réunissent). On ne cite aucun synonyme de Rheede où Rumphius. D'après cela, je regarde l'espèce comme d'une origine douteuse en Asie. ESPÈCES DISJUINTES NON AQUATIQUES TROPICALES. 1027 T?Ximenia amerieana. L. (K. multiflora. Jacq.), var. spinosa. — >; —- Chr. Smith avait déjà soupçonné que le Ximenia, vu par lui au Congo, était le même que celui d'Amérique (Br., Congo, p. 50). Roxburgh (F1. Ind., 2° édit., 11, p. 252) admettait aussi l'identité dans l'Inde et en Amérique. M. Decaisne (Herb. Timor, p. im), après avoir comparé de nombreux échantillons, confirme l'identité. Les auteurs du Flora Nigritiana (p. 114, 261), à limitation de ceux du Tentamen Florw Senegambiæ (p.102), admettent le Ximenia americana sur la côte occidentale d'Afrique. Ainsi, les auteurs les plus estimables, après examen réitéré, ont constaté la présence dans les trois parties du monde entre les tro- piques. Cet arbuste épineux se trouve dans des endroits non cultivés, dans des taill:s, souvent sur la côte, quelquefois dans les montagnes; ainsi, au Brésil, dans les petites forêts appe'ées Catingas, dans la province de Minas Geraes (Saint-Hil., El. Bres., 1,p 341), à Cayenne, dans les terrains sablonneux du littoral (Aubl.); au Sénégal, dans les sables (Tent. FL. Seneg.); dans l'Inde, selon Roxburgh, dans les forêts et sur les montagnes. Le caractère de plante spontanée n’est donc pas douteux. Est-elle ancienne dans tous les pays ? Voilà ce qui est moins certain. Le fruit est mangeable, à peu près aussi bon qu'une prune, d'après quelques auteurs ; il est plus ou moins recherché par les nègres et les Indiens. Sa grosseur et son noyau étant comparables à la prune, on peut croire que l'espèce n’a pas dû échapper aux divers peuples et aux voyageurs. D'après cela, je trouve suspect de ne voir dans Roxburgh aucun nom sanscrit; Piddington (/ndex), également, ne cite que des noms de langues modernes de l'Inde. Moon (Cat. Ceylan) ne parle pas de l'espèce. Le docteur Wallich n'a pas trouvé lui-même son Ximenia russel- liana. que Wight et Arn. rapportent au Ximenia americana. L'absence de syno- nymes de Rheede et de Rumpbhius est singulière. Tout cela me fait croire que l’es- pèce n'est pas ancienne en Asie. Elle a peut-être été apportée par des Européens et répandue par les courants dans les îles orientales du grand Océan ; et, dans le midi de l'Inde, elle est peut-être venue d'Afrique. On trouve en Abyssinie la variété sans épines (Rich., Tent. FI, Abyss., 1, p. 92), que plusieurs regardent comme très peu différente. En Afrique, l'espèce n’est peut-être pas répandue de l'est à l'ouest, carelle n'est pas indiquée aux îles Mascareinhes (Boj., H. Maur.). Sur la côte occidentale, elle pourrait, à la rigueur, avoir été apportée par les cou- rants qui viennent d'Amérique. Jacquin (Amer.) la cite à Saint-Domingue. Cependant, elle est rarement indiquée dans les Antilles, du moins la variété épi- neuse. Au contraire, elle abonde sur le continent américain, de Cumana (Jacq.) au Brésil (Saint-Hil.) et à la côte occidentale tropicale (Benth., Sulph., p. 160). Les autres Ximenia sont douteux ou tombent dans celui-ci. En résumé, il se pourrait que l'espèce füt sortie d'Amérique; mais les indices sont légers et la diffusion serait ancienne. Neptunia oleracea, Lour. (Besmanthus natans, Willd.). — (1) — Les Légumineuses ont ordinairement une habitation restreinte et ne sont pas aqua- tiques. Celle-ci, étant aquatique, se trouve avoir une extension très grande, comme la plupart des plantes de cette catégorie. M. Bentham, qui a beau- coup étudié les Légumineuses depuis quelques années, réunit à l'espèce de Loureiro ie Neptunia stolonifera, Guill. et Perr., et le Desmanthus lacustris, Willd. La plante se trouve alors commune à l'Asie méridionale (Lour., Roxb., Wall., ete.), l'Afrique tropicale occidentale (Rich., Tent. F1. Seneg.) et l'Amérique tropicale à Magdalena (H. et Bonpl.)}, Guayaquil (Benth., dans Hook., Lond. 1028 DES ESPÈCES DISJOINTES. Journ., V, p. 83). Voyez Bentham, dans Hook., Journ. of Bot., 1841, p. 354 ; FI. Nigr., p.330. Rien dans la plante ne parait faciliter les transports. Malgré le nom d'oleracea, il ne paraît pas qu'on la cultive. On ne lui connaît pas de nom sanscrit, mais seulement des noms indiens modernes (Roxb ): il est vrai qu'elle est plutôt du midi des régions dans lesqueiles le sanscrit se parlait. Le point le plus septentrional où le docteur Wallich l'indique est Sillet. Je ne l'ai pas vue indiquée dans l'archipel indien et la Polynésie (Decsne, Timor ; Zoll., Verz. Java ; Hassk., PL Juvæ rar.; Endl., FI. Sudsee Ins.) ; ainsi, les habita- tions sont bien séparées, dans l'ancien et le nouveau monde. Hydrocotyle asiatica,L. — 2% — Lieux humides : 1° Inde et archipel indien; 2° Nouvelle-Hollande, à Swan-River (Bunge, dans Lehm., PL. Preiss., I, p. 283) et Nouvelle-Galles (Sieber! 531, dans h. DC.), Van Diemen et Nou- velle-Zélande (Hook. f., F1. N.-Zel., p. 83); 3° Afrique, en Abyssinie (A. Rich., Tent., 1, p. 318), au Sénégal (Lepr. et Perr., dans h. DC. !), en Guinée (Hook., FL Nigr., p. 375), au Cap (h. DC. !), à l'île Maurice (Sieber! 219): 4° au Chili (Schlecht., Linn., 1826, p 365), au Brésil méridional et à Rio (Schlecht. , ibid.). Le fruit a des côtes, mais rien qui favorise particulièrement le transport. L'Hydrocotyle natans, Cyr., que l'on dit se trouver en Californie, n'est pas la plante d'Italie, selon M. Bertoloni (FL. Z4., TH). T? @ldeniandia corymbosa, EL. — (4) — 1° Moluques (h. DC. !); 2°Séné- gal (h. DC.!)et Guinée (Hook., F1. Nigr., p. 404):3° Jamaïque(h. DC. !), Cayenne (id. !). Mexique (Berland. ! n. 151, voy. DC., Prodr., IV., p. 426). Le genre Oldenlandia est en Asie, Afrique et Amérique. Les graines en sont excessivement petites et nombreuses. L'espèce actuelle paraît venir dans les terrains légers, quelquefois peut-être dans les cultures. La capsule est glabre. T°? Olenlandia herbazea, DC. (Prodr , IV, p. 425). Lieux humides : — @— 1° Inde; 2" Madagascar, Sénégal : 3° Saint-Domingue. J'ai vu des échantil- lons de toutes ces localités, dans mon herbier : mais je n'ai pas découvert d'après quelle autorité mon père a ajouté dans le Prodromus : « Mexique, etc. » Dans les quatre premiers volumes du Prodrome, les localités et les herbiers n'étaient pas cités avec le même soin que dans les suivants. Capsule glabre Graines petites. T? Eelipta erecta, L. — (D — Voyez ci-dessus, p. 569. Les neuf autres espèces d'Eclipta connues en 1836 (Prodr., V), étaient ou d'Amérique ou d'Asie, aucune d'Afrique. Le Flora Nigritiana et le Tentamen Fl. Abyss., n'en ont pas indiqué de nouvelles. L'Eclipta erecta préfère les endroits humides, les bords de rivières ; mais il vient un peu dans toutes les conditions. L'aigrelte manque. Les akènes sont chagrinées (muricato-tuberculata) : c'est la seule circonstance favo- rable aux transports: mais elle existe dans bien d’autres Composées, qui n'ont pas une grande extension. Quoique cette plante soit extrêmement répandue en Amé- rique, et dans l’ancien monde, de la Palestine au Cap de Bonne-Fspéranee, elle paraît être peu commune et récente dans l'Inde. Roxburgh (2° édit.) n'en parle pas Waillich, n. 3211, indique peu de localités. Torenia parviflora, Him. — (1) — D'après M. Bentham (DC., Prodr., X, p. #10), il croit : 4° dans l'Inde méridionale ; 2° à Madagascar et Maurice (Nor- tenia Thouarsii, Cham. et Schlecht., dans Lian., LE, p. 48, dont M. Bentham a vu des échantillons, sans dire cependant s'il a vu précisément ceux de ces loca- lités africaines); 3° Brésil, Guyane. J'ai dans mon herbier des échantillons du pays des Birmans et d'Amérique. Ils me paraissent bien semblables, mais ils ne ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1029 sont qu'en fruits. Sur vingt Torenia du Prodrome, connus en 1846, aucun n'est propre à l'Amérique ; ils sont d'Afrique, ou plus souvent d'Asie, Celui-ci était inconnu à Roxburgh. Les graines sont petites. Il est des stations humides. Herpestis Monnieria, Hunth. — 2% — Une des espèces les plus répandues dans tous les pays interiropicaux (ci-dessus, p. 574). Elle croît dans les lieux humides. La grande majorité des Hespestis sont américains : mais il y en a aussi en Afrique eten Asie. L'espèce actuelle porte un nom en sanscrit (Piddington, Index, sous Gratiola); ainsi, elle est fort ancienne dans l'Inde. Je ne lui connais aucun moyen spécial de transport, mais seulement les graines sont petites. Vandellia erustacea, Benth.— (1) — Lieux humides D'après M. Ben- tham (Prodr., X, p. #13): 1° de la Chine, des Moluques et de l'Australie tropi- cale, à Maurice, Madagascar et la mer Rouge: 2° au Brésil et à la Guyane. Mes échantillons de l'Inde ou de l'archipel indien concordent avec un échantillon de la Guyane. Je n’en possède pas de la Nouvelle-Hollande ni des îles Mascareinhes. Des 32 espèces de Vandellia du Prodrome, aucune n'est propre à l'Amérique. Elles sont surtout d'Asie ou d'Australie. Celle-ci n'a pas de nom sanserit dans Piddington, Jndex; maisil est vrai que c'est une plante insignifiante. Scoparia duleis, L. — (), et quelquefois Z — Dans les trois parties du monde, entre les tropiques (Br., Congo, p. #8; Benth., Prodr., X, p. 431). M. Brown l'a trouvé dans la Nouvelle-Hollande, à une époque où il y avait peu de plantes naturalisées. Les 5 autres espèces de Scoparia du Prodrome sont améri- caines, et une espèce douteuse est de Chine. —Le Scoparia dulcis n'a pas de nom sanscrit (Piddingt., Index). On ne l'a trouvé encore, il est vrai, que dans l’inde méridionale et dans l'archipel indien. Étant aux îles Galapagos {Hook f., Trans. Soc. Linn., XX, part. n), aux îles de la Société (Voy. Beechey), se trouvant plus répandu en Amérique que partout ailleurs, ayant été naturalisé dans l'île Mau- rice (Bojer, H. Maur.), on peut soupconner une origine américaine. Nelsonia eanescens, Nees (dans DC , Prodr., XE, p. 67). — (1) — D'après M. Nees, la variété « croît aux Antilles, en Colombie et en Afrique, dans le pays de Fazohkel ; la variété £, plus répandue en Afrique, se trouve aussi dans la Nouvelle- Hollande. C'est une espèce des terrains humides, du bord des fleuves, etc. Des quatre autres espèces du genre, une est asiatique, une de la Nouvelle-Hollande, et deux sont américaines. T? Lippia nodiflora, Rich. (Verhena nodiffora, L.: FZapania nodi- flora, Lam.) — @) — Dans les lieux humides et sur les côtes de tous les pays intertropicaux, et même quelquefois voisins des tropiques (Schauer, Prodr., XT, p. #85). Des 85 espèces certaines du genre, contenues dans le Prodrome, aucune n'est particulière à l'Asie, une (n. 28) est d'Abyssinie :les autres sont d'Amérique. Le Lippia asperifolia, Rich., est américano-africain. D'après mon herbier, je ne doute pas de l'identité spécifique admise dans le Prodrome; mais je ne vois rien dans la plante qui favorise les transports. La station fait comprendre que si les graines arrivent sur une côte, elles doivent y réussir, voilà tout. L'espèce me paraît un peu moins commune en Amérique. Elle à deux noms sanscrits. Dans îes familles où le Prodromus n'a pas paru, je n'ai pas les mêmes facilités pour constater les faits an moyen de mon herbier. Je me bornerai donc à citer les espèces disjointes sur l'affirmation des auteurs, mais seulement dans les cas où deux botanistes modernes où un plus grand nombre admettent l'identité. 4030 DES ESPÈCES DISJOINTES. Peperomia reflexa, 4. Dietr. — Z — M. Miquel regarde comme appar- tenant à la même espèce des échantillons du Cap, des îles Mascareinhes, des montagnes de l'Inde, du Népaul et de Java, des îles Norfolk et de la Société, des montagnes de l'Amérique intertropicale (Miq., Piper., p. 169). 11 ne les distingue pas comme variétés, mais comme des formes, très analogues, qui prédominent dans chaque région. Le fruit est une baie peu succulente. Je ne vois rien qui puisse favoriser la dispersion. Cypcrus polystachyus, Rotth. — % — 1° Asie méridionale, îles Philip- pines, Mariannes, Sandwich, Nouvelle-Hollande (Kunth, Enum., IE, p. 13); 2 Afrique, du Cap (E. Mevy. et Drège, Zwei Pflans. geogr. Doc.), de Maurice (Kunth, !.c.) et Madagascar (Adr de Juss., msc.), à la Guinée (Benth., F1. Nigr., p. 549), l'Algérie (Desf.), et même dans l'île d'Ischia, près de petits vol- cans. dans un sol à 20° R. {Ten., Essai géogr. bot., Napl., p. 87 ; Hook., Journ., 1854, p. 349), où l'espèce existe avec le Pteris longifolia, fougère du Mexique et des Antilles (a) ; 3° Amérique méridionale et Mexique (Kuntb, !. c.; Benth., 1. c.), où il semble moins commun que dans l'ancien monde. Les graines des Cypéracées sont dures et doivent résister à l'immersion. Cyperus elegans,£L.—Kunth{£num., 11, p.28) ne le mentionne qu'en Amé- rique ; mais M. Bentham (F1. Nigr., p. 549) le décrit aussi de l'Afrique tropicale occidentale, et ajoute qu'il habile également en Asie. Cyperus Haspan, L. — Kunth (Enum., I, p.35) le dit en Amérique et dans l'Inde, peut-être aussi au Cap. Adr. de Jussieu en avait vu un échantillon de Madagascar (comm. inéd.). M. Bentham (1. Nigr., p. 550) l'indique en Guinée et le dit commun dans les deux mondes entre les tropiques. N Cyptrus rotundus, L. — 2 — Une des espèces les plus répandues entre les tropiques et près des tropiques, dans les deux mondes (Kunth, Enum., IT, p. 58; Benth., L. c.). Cyperus compressus, L, — 2 — Dans les parties tropicales et subtro- picales de l'Amérique, l'Afrique et l'Asie (Kunth, Enum., IT, p. 23 ; Benth., F1. Nigr., p. 551). I est à Madagascar {Ad. Juss., comm. inéd.) ! Communs aux trois parties du monde, Cyperus articulatus, L. rs les tropiques, d'après M. Brown (Bot. Lipocarpha argentea, Br. | Congo, p. 58), Kunth (Enum., 11), Benth. AS Elcocharis capitata, Br. (F1 Nigr., pour plusieurs). Ad. de Jussieu les Fuirena umbellata, EL. f. admeltait tous, excepté le troisième, dans sa 4 ni . 12 . Flore inédite de Madagascar. Abilgaardia monostachya, Vahl. — 2 — 1° Indes, Philippines, Nou- velle-Hollande (Kunth, Enum., I,p. 247); 2° Cap (Kunth, L. c ), Guinée (Benth., Fi. Nigr., p. 554); 3° Amérique méridionale, Antilles (Kunth, !, c.; Benth., I. c.). Les autres espèces sont de l’ancien ou du nouveau monde. Rhynchospora aurea, Vahl. — 2 — Entre les tropiques dans l'ancien et le nouveau monde (Kunth, Enum., 11, p. 293; Benth., F1. Nigr., p. 555). I est à Madagascar (Ad. de Juss., comm. inéd.). Le genre est des deux mondes. La pointe de l'akène et les soies scabres qui accompagnent le fruit, sont peut- être favorables au transport. (a) M. Tenore, à l'occasion de ces deux espèces, émettait, en 1827, l'hypothèse qu’elles auraient traversé plusieurs révolutions du globe. Il a donc été un des premiers, ou le premier, à suivre cette voie, en s'appuyant sur des faits, ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1031 Manusiris granularis, Suw. — (1) — Lieux secs, calcaires (Sw. Je taillis (Roxb.), entre les tropiques dans les trois continents (Kunth, Enum., , p. 469 ; Benth.. EL. Nigr., p. 569}. Swartz admettait déjà l'identité dans l'Tidé et à la Jamaïque (F1. Ind. occ., 1, p. 186). Ad. de Jussieu le connaissait de Madagascar (comm. inéd.). Les graines sont petites, mais n'offrent rien de favorable au trans- port. Piddington {/ndeæ) lui attribue un nom sanscrit, dont Roxburgh et Wallich ne font pas mention. Cela supposerait une grande antiquité en Asie. En Amérique, l'espèce est déjà dans Sloane, comme bien spontanée. Oplismenus Burmanni, Beauv. — (1) — Asie, Afrique et Amérique (Kunth, Enum.. 1, p. 139; Benth., F1. Nigr., p. 563). Les autres espèces sont principalement d'Amérique, mais aussi d'Asie ou d'Afrique. Celle-ci croît dans les A et les forêts (Kunth, dans H. et B., 1, p.106 ; Roxb., F1. Ind., édit. Wall, 1, p. 298). Roxburgh ne donne pas de noms vulgaires, anoens ou modernes ° Espèces partagées entre l'Amérique et l'Afrique intertropicales, mais qui ne sont pas en Asie ou en Australie, T? Sida limifolia, Cav. (S. linearifolia, Schum. et Thon). — ; — 1° Pérou, Cayenne, Saint-Domingue {DC., Prodr., 1, p. 459); 2° Sénégal, Guinée (Hook. f. et Benth., F1. Nigr., p. 230 ; Guill. Perr. et Rich., Tent. FI. Seneg., p. 72). Il croit au Sénégal dans les terrains sablonneux, secs. Ses car- pelles sont unis, sans pointes. Rien dans l'organisation ne paraît favorable aux transports, mais les Malvacées sont assez souvent naturalisées dans les pays chauds. L'extension est plus grande en Amérique. C’est le seul indice d'un trans- port depuis l'époque géologique actuelle. T? Malachra radiata, EL. -— (1)? — M. Brown (Congo, p. 59) l'énumère comme d'Afrique et d'Amérique, et il a toujours (p. 63) vérifié ce genre de faits sur des échantillons certains. Il y a un Malachra du Sénégal (M. his- pida, Guill. et Perr.); mais les 22 autres, contenus dans Steudel, sont d'Asie ou d'Amérique. Celui-ci, d'après l'échantillon de mon herbier {qui est de jardin), a des carpelles rugueux, sans pointes ni poils; mais le calice hispide peut favoriser, jusqu à un certain degré, le transport par adhérence. Le M. radiata a été trouvé à Saint-Domingue (non à la Dominique) par Plumier (Linn., Sp. ; Cav., Diss.), et à la Guyane par Aublet. Cependant Macfadyen (F1. Jam.), Schlecht. (Saint-Thomas), Maycock (F1. Barb.) n'en parlent pas. Le Flora Nigri- tiana n'en fait pas mention, ni Bojer (Hort. Maur.). Dodonæa viscosa, L — 7} — Terrains sablonneux : 1° en Amérique, notamment aux Antilles {h. DC. !), au Mexique, à la Nouvelle-Grenade, où il y a plusieurs variétés (Kunth, in H. et B., Nov. gen., V, p. 133); 2° sur la côte d'Afrique, à Oware (h. DC. !), de Gambie et du Sénégal (Hook. f. et Benth., F1. Nigr., p. 252). Après examen de deux échantillons en fruits des Antilles et d'Oware, j'admets l'identité, comme les auteurs du Flora Nigritiana. D'un autre côté, je doute d'un échantillon de l'ile Maurice (Bory) que mon père avait rapporté à l'espèce, et j'en doute d'autant plus que M. Bojer (Hort. Maur.) ne mentionne pas le D. viscosa dans cette île. J'ai des échantillons de la Nouvelle-Zélande (Cunn.) qui me paraissent différents, quoique plusieurs les réunissent. D'après cela, je doute des D. viscosa des îles Sandwich et Mariannes, Le genre appar- 1032 DES ESPÈCES DISJOINTES. tient aux trois continents. L'espèce a des samares fort légères. Je ne vois pas néanmoins ce qui aurait pu lui faire franchir l'Atlantique, T? Crotalaria axillaris, h. Kew. et Wild. — (4) — M. Brown a comparé des échantillons venant d'Afrique et d'Amérique (Congo, p. 59 et 63). Cependant les auteurs du Flora Nigritiana n'en parlent pas, non plus que Bojer (Hort. Maur.). Il existe des espèces de Crotalaria en Asie, Afrique et Amérique. Leurs légumes ne paraissent pas plus favorables que d'autres au transport, mais les graines de légumineuses le sont en général. Je ne possède pas d'échan- tillons bien certains, ni en fruits de cette espèce. Les auteurs de Flores améri- caines sont peut-être aussi mal renseignés à son égard, ou bien elle manque aux Antilles: mais je ne la vois ni dans Schlechtendal (Saint-Thomas), ni dans Macfadyen (Jam.), ni dans Maycock (FL Barbad.). @ — Dans les prairies humides (Sw.). Commune à l'Afrique et l'Amérique, d'après M. R. Brown, qui a comparé des échantillons (Congo, p. 59 et 63). La Flore de Sénégambie de Guillemin, Perrottet et Richard, et le Flora Nigritiana de Hooker f. et Bentham, n'en parlent pas. La plupart des Jussiæa sont d'Amérique: mais il y en a quelques-uns en Asie, et deux ou trois seulement de propres à l'Afrique (voy. F1. Nigr.). Celui-ci a des graines exces- sivement petites ; la capsule glabre. Jussisæa acuminata, Sw — (4) — !° Antilles; 2° Guinée, Saint-Thomas (Benth., F1, Nigr., p. 343). Dans les lieux humides (Sw.). Les graines sont très petites; la capsule est glabre. Osbeckia princeps. BC. — 5 M. Naudin (F1. Nigr., p. 130) affirme, d'apres une comparaison d'échantillons authentiques, l'identité de la plante trouvée aux îles du cap Vert, avec celle du Brésil, figurée par Bonpland. Il dit : « Nous avons des raisons de supposer qu'elle est originaire d'Afrique, et que les nègres l’au- raient portée en Amérique ; » mais il ne donne pas, malheureusement, les raisons dont il parle. Probablement il se fonde sur ce que les espèces de la même section (ou genre selon M. Bentham, F1. Nigr., p. 345) appartiennent à l'ancien monde, et sur ce que les Mélastomacées sont toutes extrêmement locales. D'un autre côté, le genre Osbeckia (dans le sens le plus large) est répandu en Asie, Afrique et Amérique, et rien dans le fruit ou les graines ne paraît favorable au transport de celte espèce. Epaltes brasiliensis, DC. — (1) Dans les endroits humides : 4° près de Bahia (DC., Prodr., V, p. 461), commune dans le Brésil (Benth., FL Nigr., p #32); 2° Afrique occidentale, au midi de l'équateur, Saint-Thomas (Benth.., l. c.). Cette Composée n'a pas d'aigrette, Des sept autres espèces du genre, six sont, ou d'Asie ou Australie, et une du nouveau monde. T? Schultesia stenophylla, Mart. — (D — 1° Dans les prés humides du Mexique, des Antilles, de la Guyane et du Brésil : 2° au Sénégal, près de Fel da Terra (Bacle! h. DC.). M. Grisebach, qui comprenait mieux que personne l'importance de constater l'identité spécifique, dit {Prodr., IX, p. 68), en parlant des échantillons d'Afrique : « Quam formam ab Antillensi nu‘lo modo distinguere queo. » J'ai regardé depuis dans mon herbier et je n'ai pas vu de différence, sans toutefois analyser, car mes échantillons du Sénégal sont en fruits, La localité Fet da Terra n'a d'abord fait craindre que la plante ne fût de Montevideo ou Bue- nos-Ayres, où Bacle à été aussi: mais les échantillons remontent à 1821, époque à laquelle il n'avait été qu'au Sénégal. La Flore du Niger, de sir W.-J. Hooker Jussiæa erecta, L. ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1033 n'en parle pas. Les huit autres espèces de Schullesia sont d'Amérique. Cette circonstance et la rarelé comparative en Afrique, me font regarder un transport comme peu improbable. Vandellia difusa,L. — (Gi) Lieux humides : 1° Guyaquil, Antilles, Guyane, Brésil (Benth. in Prodr., X, p.416): 2’ Guinée (Hook., FE. Nigr., p.- 474), Madagascar (Benth., 1. ec). Des 32 espèces de Vandellia du Prodrome, aucune n'est propre à l'Amérique, ce qui peut faire soupçonner une naturalisation de l'ancien dans le nouveau monde. D'un autre côté, l'espèce est peut-être plus commune en Amérique, car, dans mon herbier, je n'ai que des échantillons améri- cains. Les graines sont petites : mais rien en elles, ou dansles capsules, ne paraît favoriser les transports. Dicliptera ciliaris. Juss, — 2 — D'après M. Nees (Prodr., XI, p. 475), qui avait comparé des échantillons, il se trouve : 1° A la Guyane, à Per- namboug et à Bahia : 2° à Madagascar Les espèces du genre Dicliptera sont des trois parties du monde intertropical. Celle-ci croît à Madagascar dans les endroits secs. Lippia asperifolia, Rich. — > — Bord des forêts, lieux secs: 1° En Amé- rique, du Venezuela jusqu'à la Plata: 2° en Afrique, au Cap, dans la partie orien- tale, jusqu'à présent peu habitée, et dans l'île de Zanzibar (in campis nudis, Bojer). M. Schauer a étudié les échantillons originaux et n'a trouvé que des diffé- rences non spécifiques, savoir, dans les pieds africains, les bractées plus acumi- nées et les fleurs un peu plus grandes {Prodr., XT, p. 583). Je ne possède que des échantillons cultivés et celui de Zanzibar On connaît déjà un Lippia en Abys- sinie (n. 28, dans le Prodr.), les 82 autres sont d'Amérique seulement. Celui-ci et le Lippia nodiflora sont partagés entre différents pays. Je n'ai rien vu dans le fruit de favorable au transport. T? Coleus? africanus, Benth. dans Hook., Fl. Nigr, p. 488 (C. africa- nus et Plectranthus? Palisoti, Benth., dans DC., Prodr , XI, p.74 et 69). — 2%? — Commun sur la côte de Guinée et à l'ile Saint-Thom2s. MM. Gardner et Blanchet l'ont trouvé aussi à Bahia, où M. Bentham (F1. Nigr.), soupçonne qu'il est introduit, mais sans en donner de preuves. L'indice principal est peut-être que les 42 autres espèces connues du genre Coleus et les 65 du genre Plectran- thus sont d'Afrique ou d'Asie. Je n'ai rien vu dans le calice qui favorise particu- lièrement le transport. Il y a des glandes qui doivent suinter quelque matière odo- rante, et quoique les auteurs n'en parlent pas, je suis disposé à croire que la plante a une odeur analogue aux autres Coleus, Ocymum, etc., ce qui engagerait à la transporter. Xyris Iaxifolia, Mart. — M. Bentham (F1. Nigr., p. 548) dit : « Je ne puis trouver la plus petite différence entre les échantillons de la Guinée méridionale et ceux du Brésil, décrits par Martius. » Le fruit des Xyris est une capsule à trois loges. Les graines sont coriaces. Kyllingia aphylla, Wilä. — Z — Amérique et Afrique occidentale entre les tropiques (Kunih, Enum., 1, p. 127 : Benth., F1. Nigr., p. 552). — Les graines des Cypéracées doivent résister à l'immersion par l'effet de leur dureté. En général, les plantes de lieux très humides n'existeraient pas sans cette cir- constance, qui se trouve favorable aux transports par les courants. D'un autre côté, ce sont des plantes d'eau douce. Cyperus aurantiaeus, Kunth. — (1) — 1" Guyane, Colombie: 2° Guinée, TT 1034 DES ESPÉCES DISJOINTES. re - Nubie (Benth., FL. Nigr., p. 549). M. Bentham dit que les échantillons des deux régions concordent exactement. d: Cyperus sphacelatus, Rotob. — Kunth (Enum., 1, p. 63) et M. Ben- tham (F1. Nigr., p.550) s'accordent à l'indiquer : 1° dans l'Amérique intertro- picale : 2 en Guinée. Cypcrusligularis, L. — % — 1° Antilles, Mexique, Brésil (Kunth, Enum., IT, p. 79); 2° Guinée (Hook. f. et Benth., F1. Nigr., p. 551). M. Brown l'indi- quait déjà dans sa liste. Fimbristyles hispidula, Hunth.— 2 — 1° Afrique, du Sénégal au Cap (auteurs), et à Madagascar (Adr. de Juss., inéd.); 2° Cumana (Kunth, Enum., LE, p. 227; Benth., F1. Nigr., p. 554). L'espèce paraît plus répandue en Afrique. Le genre est des deux mondes. Olyra latifolia, L.—(@) ?—M. Bentham (F1. Nigr., p. 558) rapporte à cette espèce, de Cuba, des échantillons venant de Guinée. Les autres espèces du genre sont toutes d'Amérique{Kunth, Enum., 1, p.69). Je ne connais pas assez la manière de vivre de celle-ci pour apprécier la chance d'un transport. 3° Espèces intertropicales partagées entre l’ Amérique et l'Asie ou l'Australie, sans exister en Afrique, Cette répartition est extrèmement rare; si rare que peut-être l'Afrique, une fois bien connue, il n’en restera plus aucun exemple. Les seules espèces que je puisse indiquer sont au nombre de huit; et sur ce nombre, 5 appar- tiennent aux Acanthacées, ce qui m'inspire du doute. N'ayant pas sous les veux tous les herbiers dont disposait M. Nees, dans son travail sur cette famille, je ne puis vérifier l’exactitude des déterminations. T? fbutilon graveolens, Wight et Arn. — 4 — 1° Dans l'Inde et le pays des Birmans (Roxb., FI. Ind., édit. 1832, IT, p. 480 ; Wight et Arn., Prodr. Fi pen. ; Wall, List, 1856), archipel indien, à Java et Baleya, dans les endroits humides ; cependant, cultivé à Amboine (Rumph., IV, p 29); 2° Guayaquil et Panama (Benth., Bot. Sulph., p. 69, où il affirme l'identité avec les échantillons indiens). L'espèce n'est pas indiquée dans les ouvrages sur Timor {Decsne, Spanoghe, dans Linn, 1841), ni dans ceux sur les îles orientales du grand Océan (Beechey's voy.; Guillem., Zeph. Tait.; Endl., FI. Sudseeins. ; Hook. f., FE. Galapagos). Wight et Arnott jetient des doutes sur son existence comme espèce distincte des Abutilon hirtum, asiaticum et indicum, qui babitent généralement l'Asie méridionale el les îles du grand Océan. Si l'on réunit de ces plantes, on S'étonnera moins de la distribution géographique. D'après la description de Roxburgh, l'Abutilon graveolens a des poils visqueux, qui favo- risent peut-être le transport. Les carpelles sont velus. Roxburgh n'indique pas de nom sanscrit, mais seulement un nom indien moderne. Neptunia triquetra, Benth. (Desmanthus triquetrus, Willd.) — % —D'après M. Bentham {Hook , Journ. of Bot., IV, 1841, p. 355), cette Légumi- neuse, commune dans l'Inde, se retrouve au Brésil (Sellow). I ne paraît pas qu'elle soit aqualique, comme le Neptunia oleracea (ci-dessus, p, 1022), malgré le LA ? Qi + Ha ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1035 À synonyme de Mimosa natans, L_f., qui lui est attribué (Wight et Arn., Prodr. _ FI pen., p 270): mais elle est couchée, et probablement radicante dans les endroits humides. Il y a des Neptunia en Afrique; je serais étonné que celui-ci ne s y trouvât pas, si véritablement il est déjà en Asie eten Amérique. Micropyxis pumila, Duby (Centuneulus pentandrus, Br.), — (1) — Swartz (FL. Ind. occid., T1, p. 345) l'a trouvé d’abord dans les endroits maréca- geux des montagnes de la Jamaïque. 11 a été trouvé depuis au Brésil (Duby in DC., Prodr., VII, p. 72). Mais, ce qui est plus extraordinaire, M. R. Brown dit (Prodr.., p. ! 27) qu ile existe à la Nouvelle-Galles du Sud, et il l'affirme après avoir comparé avec un échantillon authentique de Swartz. Les graines sont fort petites. Rien d'ailleurs ne paraît favorable à des transports. " Mitreola panieulata, Wall — (4) — Comme je l'ai dit (Prodr., IX, p. 9), cette Loganiacée annuelle se trouve : 1° en Asie, dans le pays des Birmans ; 2° au Brésil, dans la province de Goyaz. L'espèce est bien caractérisée, et sur de bons échantillons des deux pays, il m'a été impossible de découvrir une diffé- rence. Des trois autres espèces du genre, deux sont aux États-Unis, et une dans l'Inde. Blechum Brownei, Juss. — Z — D'après M. Nees (Prodr., XI, p. 466), qui a vu des échantillons authentiques, cetle espèce, commune dans les Antilles, au Mexique et à Guayaquil, se trouve aussi aux Philippines et aux îles Ma- riannes («). Elythraria fascicuiata, Kanth im HE. et Br. — 2% — Cette Acanthacée habite principalement dans le Venezuela, à Caracas et Carthagène. M. Nees, qui a vu des échantillons authentiques de ce pays, rapporte à la même espèce une plante de Manille, de l'herbier de Berlin (Prodr., XI, p. 64) Andrographis paniculata, Nees. — ‘i) — 1° Dans le Bengale, la Pénin- sule indienne et à Ceylan (Nees in DC., Prodr., XF, p. 515); 2° aux Antilles, à la Jamaïque, Cuba et Saint-Vincent (id). M. Nees a eu sous les yeux tous les échantillons. L'espèce ne croit pas dans les lieux cultivés, mais pour l'Inde «in locis siccis sub umbra arborum et fruticum; » pour la Jamaïque « in montosis prope Port-Royal (a). » Felanthera brasiliana, Moq. in DC. (Prodr., XTIT, part. 11, p. 382). — 2% — 1° Brésil, Mexique : 2° Java (Zoll. ! et Kollmann gx Moq.). Des 5 4 espèces du genre, 4 est de la Nouvelle-follande, 51 sont propres à l'Amérique, 2 sont partagées entre l'Amérique et l'Afrique, ef celle-ci le serait entre l'Amérique et l'Asie. Voilà, il faut en convenir, une forte présomption que 3 des espèces ont été transportées hors d'Amérique. Cependant, comment celle-ci aurait-elle passé de la mer Atlantique à Java ? Et si l'on suppose qu'elle existe, encore inconnue, sur la côte occidentale d'Amérique, comment aurait-elle passé de la côte orientale à la côte occidentale ou réciproquement? J'admets l'identité, principalement sur l'autorité de M. Moquin ; mes échanüllons concordent, mais sont imparfaits. 4° Espèces inlertropicales de l'ancien monde, partagées entre l'Afrique et l'Asie ou l'Australie, sans étre en Abyssinie. ÎLest inutile de mentionner les espèces d’Abyssinie ou de Nubie qui se (a) ) Sur la vue de mon herbier je n’ai pas d'objection à l'identité dans les pays indiqués, mais il ne m'a pas été possible d'étudier ces espèces autant que M. Nees l’a fait. Elles ne sont pas de nature à être cultivées comme plantes d'ornement. 1036 DES ESPÈCES DISJOINTES. retrouvent dans l'Inde, car ces régions ne sont pas fort éloignées, et la péninsule arabique ou les courants de la côte de Zanguebar ont pu étabhir une communication de proche en proche. Le nombre des espèces de Madagascar, Bourbon et Maurice, communes avec l'Inde, Ceylan ou Java, est si considérable, que je n’essaierai pas de les énumérer. J'ai été frappé de leur fréquence dans les familles que jai étudiées d’une manière particulière et dans celles des volumes VIT à XITdu Prodromus, dont j'ai revu les épreuves. L'examen des plantes d'Abys- sinie, qui commencent à être connues, diminue de beaucoup la singularité du phénomène, car on retrouve dans celte région intermédiaire, de même qu'en Arabie, plusieurs des espèces partagées entre les îles africaines et l'Asie méridionale. Évidemment, les habitations se sont souvent prolongées par les côtes ou par les montagnes de ce continent voisin. Voici cependant des cas où les espèces semblent disjointes, attendu qu’elles n’ont pas été trouvées dans les collections abyssiniennes, ou qu’elles paraissent avoir une aire restreinte, soit en Afrique, soit en Asie, ou enfin qu'elles se trouvent, indépendamment de l'Afrique, dans la Nouvelle-Hollande, pays dont les espèces sont ordinairement différentes de celles d'Asie. Lubinia spathulata, Vent. — 2 — Selon M. Duby (Prodr., VIII, ,p. 60) cette espèce croit, non-seulement à Bourbon, mais encore aux îles Mariannes (Gaudich., h. Mus. Paris, selon M. Duby). Elle vient à Bourbon dans les sables (Bojer, Hort. Maur.). M. Bojer ne l'a pas encore trouvée à Maurice (1b.). On ne connaît aucune autre espèce de Lubinia. Msæsa indica, Alph. BC. — ; — 1° Dans ] Inde, aux Philippines, à Java: 2° à Madagascar (Prodr., VIEIL, p. 80) Les Myrsinéacées ont ordinairement une aire restreinte. Celle-ci fait exception Je ne serais pas étonné qu on la découvrit en Arabie et dans le Zanguebar, ce qui lui ôterait une partie du caractère d'espèce disjointe : cependant elle n'est pas en Abyssinie (Rich., Fent.). Les autres Mæsa habitent ou l'Asie méridionale ou l'Afrique. Les graines sont petites. La baie, quoique peu charnue, pourrait tenter des oiseaux, qui sèmeraient ensuite Îles graines après les avoir avalées. Mais y a-t-il des oiseaux voyageurs allant de l'Inde à Madagascar ? Je l'ignore. Colea ramiflora, Decsn. (Nouv. Ann, Mus, IN, p. 241). — 3 — A Madagascar et à Timor. Les échantillons sont parfaitement semblables d'après M. Decaisne. Les 12 especes de Colea qui étaient connues en 4845 (Prodr., IX, p. 241) sont des îles Mascareinhes. Celle-ci se trouve partagée avec Timor! Les fruits de Colea sont gros et charnus. Les graines ne paraissent pas de nature à être transportées sans s'altérer, soit par les courants, soit par les oiseaux. T°? Premna divarieata, Wall. — 5 —Cette liane croîl : 1° dans la presqu'ile de Malacca ; 2° à Madagascar et à Maurice, d'après des échantillons comparés par Schauer (Prodr., X1, p. 631). Les autres Premna sont d'Afrique ou d'Asie et Australasie, La baie semble pouvoir atlirer les oiseaux, et la graine, unique, dure, doit se conserver dans leur estomac. Elle pourrait aussi être transportée ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES,. 1937 par les courants. L'espèce étant commune sur les côtes, la naturalisation, après le transport, serait facile. Toutefois, aucun courant ne va de Malacca à Mada- gascar, ou vice versà (Berghaus, Atlas). T.? Arthroenemum fruticosum, Mog. — > — Bord de la mer: 1° Europe méridionale et pourtour de la mer Méditerranée, jusqu'au Sénégal (Moq. in DC., Prodr., XIE, part. 11, p. 451); 2° Timor {Decaisne, Moquin, /. c.). — Une va- riété, selon M. Moquin (/. c.). est en Californie. Liparis foliosa, Lindi — Selon M. Lindley (Gen. and sp. Orchid., p. 30) cette Orchidée se trouve à l'île Maurice et dans la Nouvelle-Galles du Sud, près de Port-Jackson. Dans la première localité, les échantillons, dit-il, ont le clinan- drium entier, dans l'autre (Cymbidium reflexum, Br ), il est denté, mais d'ailleurs aucune différence. 11 ne faut pas oublier que les Orchidées sont, en général, très locales, et d'une naturalisation excessivement diffici’e, je crois même sans exemple. Les Liparis sont de diverses régions. Cirrhopetalum Thouarsii, Lindi. — D'après M. Lindley {Gen. and sp. Orch., p. 58, et Bot. reg., XI) celte Orchidée habite : 4° aux Philippines, à Java et O-Taïti; 2° à Maurice et Madagascar. Les cinq autres espèces contenues dans Lindley (Gen. and sp. Orch.) sont de l'Inde. Polystachya zeylaniea, Lindi. (Dendrobium polystachyum. Pet -Fh.). — M. Lindley, après avoir dit que le Pol. luteola d'Amérique ne croît probable-. ment pas dans l'Inde, comme on le croyait, ajoute (Bot. reg., 1838, app. n. 144) que le Polvstachya zeylanica, de Ceylan, est le même que le Dendrobium polys- tachyum Pet.-Th. (non Sw.) des îles Maurice et Bourbon (Pet.-Th., Orch. Afr.). On sait combien les Orchidées sont ordinairement limitées dans leur habi- tation. Les autres Polystachya sont d'Afrique principalement, et d'Amérique ; aucun d'Asie, mais le genre n'a qu'une dizaine d'espèces. 5° Espèces exclues par quelque motif des listes précédentes et des listes d'espèces transportées (p. 766). On comprend que pour dresser les listes qui précèdent, j'ai dû consulter beaucoup d'ouvrages et vérifier dans les herbiers. Je me garderai d’énu- mérer toutes les espèces mentionnées par les auteurs comme partagées entre pays équatoriaux, que j'ai dû éliminer; ce serait trop long. Voici cependant quelques plantes dont il n’est pas inutile de parler (a). T? Cleome triphylla, Linn. (Gynandropsis triphylla, DC.. Cleome Gymnogonia triphylla, Br ). — @) — Hermann (Lugd., p. 1, tab. 565) qui l’a décrit le premier a dit : « Crescit in utraque India, » et Linné l’a répété, Récem- ment Webb (F1. Nigr., p. 102) a dit: « Planta circa tropicos sparsa, » Je ne connais cependant aucune preuve que l'espèce existe dans l'Asie méridionale. Roxburgh {F1., 2° édit), Wight et Arn. (Prodr. FT. penin.), Wallich (List) n'en parlent pas, non plus que Hasskarl et Zollinger pour Java, ni Moon (Cut.) pour Ceylan. Je doute aussi qu'elle existe en Amérique. Mon père l’a citée dans le (a) Je marque de la lettre T? comme auparavant les espèces dont les transports sont faciles ou probables. 1038 DES ESPÈCES DISJOINTES. Prodomus, d'après un échantillon de son herbier venant de l'Héritier qui porte sur l'étiquette Saint-Domingue, mais sans nom de voyageur. Aublet, Swartz, Schlechtendal (F1. Saint-Thomas), Maycock (F1. Barb.), Macfadyen (F1. Jam.) n'en parlent pas. Or, il est difficile de croire qu'une plante si analogue au Cleome pentaphylla, ne fût pas répandue dans toutes les Antilles et à la Guyane, si elle était originaire de l'une d'elles, ou même si elle y avait été introduite depuis le siècle dernier. L'espèce appartient à la section Gymnogonia, de Brown (Plants Oudney, p. 17), qui est africaine. M. Brown (1. c.) n’en parle pas, ce qui me fait croire qu'il ne pensait pas qu'elle füt réellement en Afrique, malgré le Prodromus qu'il avait sous les yeux. J'en ai vu plusieurs échantillons d'Afrique. Les siliques sont munies de poils courts, qui peuvent favoriser un transport. Paullinia pinnata, L. — — Liane que les auteurs du Flora Nigritiana, p. 248, disent commune à l'Amérique et à l'Afrique occidentale, admettant ainsi l'opinion de mon père (Prodr., 1, p. 604). En examinant les échantillons de mon herbier, j'ai vu que les fruits de ceux d'Amérique ont une protubérance terminale, d'où part le style, tandis que ceux d'Afrique {venant de Beauvais) ont au sommet une dépression, de laquelle s'élève le style. Je soupçonne deux espèces confondues, Les Paullinia sont d'Amérique, cependant le P. sphærocarpa, Rich., € frique, ainsi que deux ou trois autres de la Flore du Sénégal, réunis au P. pinnata par les auteurs du Flora Nigritiana. La structure du fruit n'a ps à aux transports. ERA re. T? Cardiospermum Halicacabum, EL. — 4 — Dans les terriins cul- tivés, les haies, etc., 1° dans l'Asie méridionale où il est commun et porte divers noms vulgaires, même sanscrits (Roxb., F1. Ind., 2° édit., IT, p. 292: Pidd., Index), dans l'archipel indien et les iles de la mer Pacifique {Rumph.; Hook. et Arn., Bot. Beechey, etc.) , 2° en Afrique, aux îles Mascareinhes (Bojer, 4. Maur..), au cap Vert (F1. Nigr., p. 114), sur la côte de Guinée {id., p. 247): 3° en Amé- rique, vers le Missouri et le Texas (Torr. et Gray, F!, I, p. 254), aux Bar- bades (Maycock, Æ1., p. 158). D'après Murray (FE. Jam., I, p.154), les Cardios- permum de Sloane et Browne seraient d'autres espèces, et en général, excepté Torrey et Gray, les synonymes américains sont douteux. Je n'ose donc afürmer que l'espèce soit en Amérique, et si elle y est, on peut soupconner une naturali- sation, comme nouûs en avons l'exemple en Europe. Abutilon asiaticum, Don, Cl Abutilon indieum, Bon.—Les auteurs du Flora Nigritiana les regardent comme communs à l'Asie, l'Afrique et l'Amérique: mais je ne puis m assurer des limites à donner à ces espèces et des synonymes quon leur rapporte. Je doute de leur existence en Amérique. La Flore de la Jamaïque, de M. Macfadyen, très développée pour cette famille, n'en parle pas. Hibiscus Sabdariffa, L. — 1] n'est que cultivé en Amérique (Sw., Obs. ; Macfad., FI. Jam.). Sa patrie est l'Inde. T? Sida periplocifolia, L. (Abutilon periplocifolium, Don). — 1 — M. Brown (Congo, p 58) le comprend dans sa liste de plantes communes aux trois continents, mais je vois que MM. Wight et Arnott (Prodr. F1. penin., p. 58) ne le citent, pour l Inde, que dans les jardins des missionnaires. La synonymie et les varialions de l'espèce auraient besoin d'une étude approfondie, avant d'affirmer l'existence dans les trois parties du monde. La nature du fruit ne pré- sente rien de favorable aux transports. Les carpelles sont unis et à peine pointus. T ? Sida humilis, Wild, — 2% —- Au milieu | ms: les variétés et de ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1039 tous les synonymes attribués à cette espèce, il est difficile de connaître son habitation, ou celle d'une variété bien définie. On la croyait d'abord de l'Inde. Les échantillons de mon herbier, à l'époque du Prodromus, étaient de l'île Maurice, où la plante est commune, surtout dans les montagnes, selon M. Bojer (Hort. Maur., p. 33). M. de Scblechtendal (Linn., 1828, p. 270) a cru avoir constaté cette espèce dans une plante de Saint-Thomas, comparée aux échan- tllons d'origine inconnue, dont un de Roxburgh (probablement indien ? ), qui se trouvent dans l'herbier de Willdenow. L'espèce vient souvent dans les décombres, au bord des chemins, etc. Elle n'aurait pas de nom sanscrit, d'après Roxburgh, Sida juncea, Banks et Soland, manuse,—Selon M. R. Brown (Congo, p. 59), cette espèce est identique au Brésil et en Afrique, mais il ne la décrit pas, et elle est restée inconnue. Riedleia coneatenata, BC. — Ne croit que dans l'Inde. C'est par l'effet d'un synonyme erroné de Plukenet qu'on l’a citée aussi en Amérique (Wight et Arnott, Prodr. FI. penins.). T? Corchorus olitorius, L. — (1) — Spontané et cultivé dans l'Inde, où il a des noms vulgaires anciens (Roxb., F1., 2° édit., II, p. 581), aussi dans l'Afrique occidentale (F1. Nigr., p. 112, 234); cultivé seulement à l'ile Maurice (Bojer, Hort. Maur.), et en Amérique (Macfadyen, F1. Jam., p.108). La plupart des autres auteurs américains ne mentionnent l'espèce ni comme spontanée ni comme cultivée. Gouania domingensis, L — Rhamnée grimpante qui se trouve : 4° aux Antilles (Jacq., Am., etc.) ; 2° aux îles de la Société (Lay et Collie cités dans Endl., Ann. Wien. Mus., 1, p. 184; Guill., Zephyr. Tait.; Hook. et Arn., Beechey's voy., p. 61, mais sans dire qu'on ait vérifié attentivement l'espèce). Le fruit a des ailes, comme ceux des Sapindacées; mais nous avons vu (p. 535) que cette organisation n'a pas d'influence sur l'extension géographique. T? Biophytum sensitivum, DC. — à) — Herbe commune dans les cul- tures de l'Inde et de l'archipel indien, qui existe aussi dans l'Afrique intertropicale (Bojer, H. Maur., p. 64; Hook. f. et Benth., FI. Nigr., p. 269). D'après les auteurs du Flora Nigritiana, elle existerait aussi dans les Indes occidentales; mais je ne la vois mentionnée ni dans Maycock, Fl. Barbad., ni dans Macfadyen, F1. Jamaic., ni dans Swartz, F1. Ind. occ. Si cette plante annuelle et des terrains cul- tivés était originaire des deux mondes ou y existait depuis longtemps, elle serait aussi répandue en Amérique qu'en Asie et en Afrique. Je crois donc pro- bable, ou qu'elle n'existe pas en Amérique, ou plutôt (car les auteurs du Flora Nigritiana en ont probablement vu des échantillons) qu'elle y est récente et intro- duite par l'homme. Alysicarpus nummulariæfolius, BC. (Hedysarum nummularisæfo- lium, Linn.). — À — M. de Schlechtendal (Linn., 1830, p. 186) dit que ses nombreux échantillons de Saint-Thomas ne diffèrent en aucune manière de ceux de l'Inde. Je n'ose pourtant pas affirmer l'identité, parce que MM. Wight et Arnott (F1. pen.) ont signalé des caractères fondés sur les calices qui n'avaient peut-être pas été examinés auparavant. Les échantillons de mon herbier me laissent dans le doute. J'en ai de Ceylan et de l'ile Maurice, qui concordent asséz bien. D'autres, de Saint-Domingue (Hedys. vaginale, Bert.) et de Sainte- Croix (Hed. vaginale, West), sont moins semblables, surtout le premier, dont le 66 1040 DES ESPÈCES DISJOINTES. légume est moins réticulé. Mon père avait classé ces deux échantillons avec les aatres, mais sans les mentionner dans le Prodrome. Besmanthus virgatus. Wild. ? (Benth., dans Hook., Journ., IV,p. 357; Bot. Sulph., p. 14; London Journ. of Bot., V, p. 84 ; D. virgatus, strictus et lep- tophyllus, DC., Prodr., ex Benth.—3.— 1° Amérique, de la Californie méridio- nale, du Texas et des Antülles à Buénos-Ayres (Jacq., H. Vind., t. 80 ; Schlecht., in Linn., 1830, p. 490; Benth., LL. cc.); 2° Inde (Schlecht., L. c. ; Benth., L. c.). Ces deux auteurs affirment l'identité d'après une comparaison d'échantillons des deux régions. M. Bentham (Sulph., p. 14) doute que l'espèce soit originaire de l'ancien monde. Je n'ai pu voir aucun échantillon asiatique. Les synonymes de Willdenow, Plukenet et Rheede sont exclus, les autres ne sont plus cités par M. Bentham, de sorte que je n ose admettre aucun auteur indien. Wight et Arnott (Prodr., p. 270), en citant Willd. (exel. syn.), paraissent admettre l'identité de leur plante indienne avec celle d'Amérique. Le transport est probable, d'après la rareté en Asie; mais rien dans la plante ne l'indique. Mucuna pruriens, DC. (Dolichos pruriens, L.}.— Sir W.-J. Hooker (Bot. misc., Il, p. 348), après avoir comparé les échantillons d'Asie et d'Amérique, est d'avis que ce sont deux espèces. Il nomme celle d'Asie, Mucuna prurita. T? Moringa pterygosperma, Gærtn. — On sait positivement que cet arbre a été introduit d'Asie en Amérique, par exemple, à la Jamaïque, en 1784 (Macfa- dyen, F1. Jam., I, p.323), à Saint-Thomas (Schlecht., in Linn., 1830, p. 492). Adenanthera pavonina, L.— Il n'est que cultivé en Amérique (Benth.., in Lond. Journ. of Bot. ; Schlecht., in Linn., 1830, p. 490). Sa patrie est l'Inde. T? Canavalia ensiformis, DC.— Cette Légumineuse à gros fruits se trouve entre les tropiques, dans les trois continents, sur le littoral et dans les jardins. M. Bentham, qui réunit le Canavalia gladiata (Bot. Sulph., p. 85), doute qu'elle soit indigène partout, et, en effet, on la cultive trop souvent pour qu'on puisse rien affirmer. T? Cassia mimusoides, L. — (1)? — D'après Vogel (Syn. gen. Cassie, p. 68), qui réunit, il est vrai, plusieurs espèces, l'habitation serait dansles régions intertropicales d'Amérique, d'Afrique et de l'Inde. A. Richard (Tent. FI. Seneg., Ï, p. 252) confirme ce fait. Il est possible que chaque continent possède certaines variétés, considérées par quelques auteurs comme espèces, Par ce moûf, je m'abstiens. D'ailleurs, les Cassia sont des plantes qui se transportent et se natu- ralisent souvent. T°? Rhizophora racemosa, Mey. — ; — Embouchure des fleuves, marais maritimes : 4° sur la côte occidentale d'Amérique à Realejo (Benth., Bot. Sulph., p. 92); 2° sur la côte orientale à la Guyane (Mey., Esseq.) ; 3° sur la côte de Guinée (Benth., F1. Nigr., p. 341). La double habitation dans la mer Pacifique et l'Atlantique serait un fait analogue a celui du Rhizophora Mangle (ci-dessus p. 772). Avant de l'admettre, il faudrait des vérifications d'échantillons faites par plusieurs auteurs, et malheureusement l'espèce est rare. M. K. Brown (Bot. Congo, p. 59) mentionne le Struchium, PF. Browne (Sparganophorus, Vaill.) comme une des espèces communes à l'Amérique et à l'Afrique. Beauvois a distingué la plante africaine sous le nom de Struchium africanum, que mon père a admis dans le Prodromus (V, p. 12). M. Bentham (EL Nigr., p. 425) revient à l'opinion de l'identité spécifique. Il dit que les échantillons d'Afrique et d'Amérique varient semblablement pour la dentelure des ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1041 feuilles et la pubescence. Dans mon herbier, les échantillons d'Afrique ont rare- ment les dents des feuilles mucronulées comme ceux d'Amérique ; mais pourtant une des feuilles du Sénégal en présente. Je vois là une variété plutôt qu'une espèce. Quamoclit coceinea, Moœneh. — (1) — J'ai beaucoup d'échantillons d'Amérique, aucun de l'Inde. Cette circonstance, et le fait que Roxburgh et Wallich ne mentionnent pas l'espèce, me font croire que les échantillons de Bombay etde Java, cités par M. Choisy (Prodr., IX, p. 335), étaient, ou cultivés, ou échappés de cultures. T? Batatas littoralis, Choisy (Convolvulus littoralis, L.). — % — Je ne suis pas très convaincu de l'identité spécifique du Convolvulus littoralis, L., des Antilles et de Géorgie, avec le Convolvulus Imperati, Vahl (C. marinus, ete., Imperati) des bords de la Méditerranée, des îles Canaries et Açores. M. Watson (Lond. Journ. of Bot., HN, p. 596) assure que celui des Açores est le même que la plante de Naples, mais il n'ose pas affirmer l'identité avec celle d'Amérique. La forme des feuilles varie beaucoup. Du reste, comme l'espèce vit essentiellement dans les sables maritimes, il n'y aurait rien d'improbable à ce que le courant des Florides (Gulf-stream) eût naturalisé ses graines des Antilles aux Açores, au détroit de Gibraltar, et que de là elle eût été portée sur le littoral d'Afrique, puis à Naples. L'Ipomæa sagittata des États-Unis et de la région méditerranéenne est probablement dans ce cas. T°? Rivea tiliæfolia, Choisy (Convolvulus tilisfolius, Desr.). — Z — D'après M. Choisy (Prodr., IX, p. 325), cette même espèce existerait : 4° dans l'Asie méridionale et l'archipel indien ; 2° aux îles Mascareinhes et au Cap; 3° en Amérique, aux Antilles et au Pérou. Ni M. Choisy, ni le Flora Nigritiana, ne l'indiquent sur la côte occidentale d'Afrique. Les échantillons de mon her- bier ne permettent pas de vérifier l'identité en Amérique. Je ne possède de ce pays qu'un échantillon médiocre de l'île de Sainte-Croix. À coup sûr, l’es- pèce y est bien rare, comparativement à l'Inde et aux îles Mascareinhes, car de ces derniers pays, j'en ai beaucoup. La diffusion dans les régions maritimes indo- africaines, peut s'expliquer par les courants, les capsules étant grosses, les graines de Convoivulacées vivaces, et la plante en question commune au bord de la mer et des fleuves (Bojer, Æ. Maur.; Roxb.). » Fpomæa fastigiata, Sweet (Convolvalus fasiigiatus, Roxh.)., — Z — D'après M. Choisy (Prodr., IX, p. 380), cette espèce est également répandue en Amérique, aux Antilles, à la Guyane, à Bahia, Mon échantillon de Wallich, n. 2258, n'est accompagné d'aucun autre. Il vient de Roxburgh, et je crois que le docteur Wallich n’a pas trouvé l'espèce. qui existe dans l'intérieur du Ben- gale, d’après Roxburgh (F1. Ind., 47° et 2° édit.). Cet échantillon de mon her- bier, d’après le calice, l'inflorescence assez particulière de l'espèce et les feuilles, concorde avec mes nombreux échantillons des Antilles et de Demerari, Comment la même espèce est-elle abondante en Amérique et rare en Asie? Comment se trouve-t-elle dans ces deux régions et point en Afrique? Tout cela me semble suspect. Je crains que Roxburgh n ait pris une plante cultivée pour spontanée. T? ipomæa filicaulis, Blume. — (1) — Dans les régions intertropicales des deux mondes (Choisy, Prodr., IX, p.353; Benth., F4 Migr., I, p. 466). La fleur est trop insignifiante pour que l'on ait cherché à naturaliser l'espèce, Les graines sont probablement transportées par les courants sans perdre leur vita- 1042 DES ESPÈCES DISJOINTES. lité, et la plante vient aisément sur les côtes. Au milieu d'une quantité d'échantil- lons de mon herbier, que M. Choisy a rapportés à cette espèce, je n'en vois qu'un seu] d'Amérique {de Cayenne), el il ne ressemble pas à la moyenne de ceux de l'ancien monde. Si l'espèce existe vraiment en Amérique, elle paraît y être nota- blement moins répandue, moins commune; cela seul est une probabilité d'in- troduction. ipomæa tuberosa, L. — % — M. Choisy (Prodr., IX, p. 362) admet comme patrie : 1° les Antilles et la Guyane; 2° l'Abyssinie et l'île Maurice ; 3° Ceylan etl'Inde. Les échantillons de mon herbier, pour la plupart incomplets, ne me permettent pas d'affirmer l'identité. Je doute infiniment des localités asia- tiques. Les échantillons que m'a donnés M. le docteur Wallich sont seulement cultivés, et l'espèce n’est pas dans Roxburgh, ni dans Moon, Cat. Ceylan. Or, la racine étant grosse comme la tête (Sloane, /am.), et la fleur très apparente, il n'est pas probable que les botanistes indiens eussent omis une pareille espèce. Je possède, il est vrai, un mauvais échantillon recueilli à Bombay par P. Roux, mais était-il spontané ? D'après Bojer (H. Maur., p. 226), l'espèce serait cultivée et spontanée à Maurice, mais pas généralement spontanée, et je n'ai que des échan- tillons cultivés. Elle manque au Flora Nigritiana. Le Convolvulus kentrocaulos d'Abyssinie pourrait bien être le même, comme le dit M. Choisy. Sans voir tous les organes, racines, fruits, etc., je n'ose affirmer. T? Ipomœa umbellata, Mey. — 2% — 1] croit en Guinée (Benth., F1. Nigr., p. 467); mais commeil est infiniment plus commun en Amérique, aux Antilles, au Brésil (Choisy, Prodr., IX, p. 377), je soupçonne quelque naturali- sation ou quelque erreur. T°? Ipomæa sinuata, Ort. — 2% — Cette espèce offre les mêmes circon- stances. Répandue du midi des États-Unis au Brésil, elle n’a été trouvée qu'une foisen Afrique, à Fernando Po(F1. Nigr., p. 468). En outre, elle varie de formes. Ipomæa sessiliflora, Roth. — (1) — M. Choisy (Prodr., IX, p.366) admet pour cette espèce des échantillons d'Asie, d'Afrique et d'Amérique: mais il a signalé lui-même dans mon herbier différentes modifications, dont il hésitait à faire des espèces distinctes. Le point essentiel pour moi est de constater l'identité absolue dans l’ancien et le nouveau monde. Or, je n'ai qu'un seul échantillon, assez médiocre, d'Amérique. Sa vue ne me suffit pas pour affirmer s'il appartient à la même espèce et à la même variété. D'ailleurs, il serait surprenant qu'une espèce commune en Afrique et en Asie, fût aussi rare en Amérique. Je crains que l'échantillon ne vienne d’un jardin. L'espèce n'est pas mentionnée en Amérique par les auteurs de Flores. Ipomæa sidæfolia, Choisy (Prodr., IX, p. 372). — Cette espèce d'Amé- rique a été cultivée au jardin de Calcutta, comme venant de Ceylan. Ce n'est pas sur une opinion de jardiniers qu'on peut admettre un fait aussi rare, que l'identité d'une espèce phanérogame dans les deux mondes. Le catalogue de Moon, des plantes de Ceylan, ne parle pas de celle-ci. Ipomæa palmata, Forsk, — % — M. Choisy (Prodr., IX, p. 386) l'in- dique d'abord en Afrique, et de plus à l'ile de Sainte-Croix. Je me suis assuré que c'est à cause du Convolvulus quinquelobus, Vahl, fondé sur une plante de West, recueillie à Sainte-Croix. Sans voir la plante, je n'ose affirmer l'identité, car l'espèce diffère à peine de l'Ipomœæa tubereulata, selon M. Choisy. T? Pharbitis Nil, Choisy (Convolsalus Nil. L.), — (1 — Souvent ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES, 1043 cultivé dans les régions intertropicales. Il est difficile de savoir jusqu’à quel point il est spontané dans chaque pays. T? Pharbitis hederacea, Choisy ({pomæa hederacea, L.). — (1) — Réuni au précédent par M. Brown. Également cultivé. I doit s'être naturalisé en divers pays. M. Choisy (Prodr., IX, p. 344) l'indique en Amérique, dans l'Asie méridionale et la Nouvelle - Hollande. Le précédent se trouve aussi en Afrique (F1. Nigr., p. 445). IL est difficile maintenant de reconnaître leur ori- gine. La plupart des espèces étant d'Amérique, et le Pharbitis Nil n'ayant pas de noms vulgaires sanscrits, je les crois du nouveau monde. T? Calonyction speciosum, Choisy (Ipomoæa bona nox, HE. ?). — Les nombreuses variétés de cette plante, la difficulté de s'entendre sur sa synonymie, la beauté de ses fleurs qui a pu engager à la répandre, m'ont empêché de la men- tionner dans les listes qui précèdent. Il paraît qu'on la trouve aujourd'hui dans les trois continents intertropicaux (Choisy, in Prodr., IX, p. 345 ; Benth., FI. Nigr., p. 465). Le Convolvulus dissectus, Cav., du Chili, se trouverait, selon M. Choisy (Prodr., IX, p. 411), au Cap: mais d’après l'échantillon de Drège, dans mon herbier, les pédoncules sont plus courts. Je n'ose affirmer l'identité. Evolvulus linifolius, L. — (1) — Je n'ai pu me convaincre suffisamment de l'identité en Amérique, Afrique et Australie, admise par M. Choisy (Prodr., IX, p. 449). L'espèce a été constituée par Linné sur une plante de la Jamaïque (Browne, Jam. , t. 10), à laquelle ressemble bien un échantillon du Mexique, de mon herbier. J'ai en outre plusieurs échantillons d'Afrique (Sénégal, Abyssinie) où les feuilles sont plus larges et la plante plus velue. Ce serait une variété. Enfin, la plante de la Nouvelle-Hollande serait une autre variété, d'après son nom (Evolvulus decumbens, Br.), car l'espèce est droite. Stachytarpha indiea, Valhl. — (1) où 3 — M. Bentham (F1. Nigr., p. 484) croit quele Stachytarpha jamaicensis, Vahl, n’en diffèrepas, que par conséquent l'espèce est en Amérique, Afrique et Asie entre les tropiques. J'ai regardé à cette occasion les échantillons de mon herbier, classés par M. Schauer lui-même, et je suis assez de l'opinion de M. Bentham. Je possède des échantillons d'Asie et d'Amérique. Ces derniers ont plus souvent la tige carrée, mais pas toujours. Je suis persuadé que si ces plantes avaient été du même pays, on n'aurait pas pensé à en faire deux espèces, peut-être pas deux variétés. Je reconnais pourtant qu'il y a d'ordinaire quelque petite différence. Les échantillons de Guinée paraissent plus près de ceux d'Amérique, d'après M. Bentham. T? Amblogyna polygonoides, Baf. — (1) — M. Moquin (Prodr., XIIT, part. 1, p. 270) cite cette espèce en Asie, Afrique et Amérique, dans les décom- bres, etc.). Je ne la possède que d'Amérique et de jardins. Il y a eu confusion dans les auteurs avec d’autres espèces. Si l'on en croit Piddington (/ndex), elle aurait un nom sanscrit, mais les Amarantacées se ressemblent beaucoup. Par sa station, et ses graines petites et dures, elle est propre à se répandre au loin, de colonie en colonie, comme beaucoup de plantes des décombres. T ? Amarantus caudatus, L. — (1) —Aujourd'hui cultivé en Asie, Afrique et Amérique, et plus ou moins spontané dans ces diverses régions, J'en ai de beaux échantillons, venus sur des décombres, en Abyssinie, d’autres du Népaul ; mais aucun d'Amérique, et il ne parait pas que M. Moquin en ait vu, quoiqu'il cite bien l'Amérique tropicale (Prodr., XHIT, part. n, p. 255). L'absence de 1044 DES ESPÈCES DISJOINTES. synonymes anciens, et de nom vulgaire sanscrit (Roxb., FI., 2° édit., III: Pidd., Index), choses remarquables pour une fleur aussi apparente me font soupçonner un état monstrueux, une formation moderne, que les jardiniers auraient pro- pagée et qui se serait naturalisée d'abord dans l’ancien monde. T? Amarantus paniculatus, L. — (4) — M. Moquin (Prodr., XI, part. u, p. 257) l'indique dans l'Asie méridionale et l'Amérique septentrionale, mais il ne dit pas en avoir vu des échantillons spontanés. Les miens ne sont que cultivés. L'espèce ne doit pas être asiatique, car Roxburgh (F1. 1nd., 2° édit., IH, p. 610) parle de l'Amarantus cruentus (variété de celui-ci, d'après Moquin), et il le donne pour cultivé. Moon (Cat. Ceylan) ne cite également que l'Amarantus cruentus, et comme cultivé. L'Amarantus sanguineus (autre variété du panicu- latus, d'après Moquin), était inconnu à Roxburgh et Moon, et se trouve indiqué au contraire dans quelques Flores américaines (Maycock, Barb.), sans que je puisse en garantir l'exactitude. T? Amarantus tristis, EL. — (1) — Une des plantes qu'on cultive entre les tropiques sous le nom de Brède de Malabar, qui s'applique plus exactement à l'Amarantus spinosus. M. Moquin (Prodr., XIIT, part. n, p. 260) en a vu des échantillons des Antilles et de l’île Maurice, mais il cite un synonyme de Rum- phius. L'espèce n’a pas de nom sanscrit dans l'Inde (Roxb., FL, 2° édit., II, p. 604; Pidd., /ndex), et Roxburgh ne l'avait vue que cultivée. Rumpbius en parle aussi comme d'une plante cultivée. Je la crois plutôt américaine. T? Amarantus flavus, L. — (1) — Donné par les auteurs (Moq., Prodr., XIII, part. n, p. 258) comme indien et peut-être aussi brésilien. N'est pas mentionné par Roxburgh (F1., 2° édit., LIL), ni Moon (Cat. Ceylan), ni Piddington (Index). Je ne puis croire qu'il soit d'origine asiatique. La variété 9 Mogq. est fondée sur un échantillon du Népaul, échappé peut-être d'un jardin, car il est dans un état monstreux. T? Amarantus melancholieus, L. — (1) — M. Moquin (Prodr., XIII, part. n, p. 262) l'indique : 4° dans l'Asie méridionale et aux îles de la Société (Forst.); 2° à la Guyane et au Brésil. Il ne paraît pas avoir vu des échantillons spontanés. Je n’en possède point dans mon herbier. D'après Roxburgh (F1. Ind., 2e édit., II, p. 608) et Piddington (/ndex) l'espèce n'existe dans l'Inde que cul- tivée et sans noms vulgaires, même modernes. On peut en dire autant de la variété tricolor (Amarantus tricolor, Willd.). En Amérique, la plante est indi- quée par Aublet, Maycock, mais on ne sait s'ils l'ont vue spontanée, hors des cultures. T? Euxolus lividus, Mog. (Amarantus lividus, L.). — (1) — D'après M. Moquin (Prodr., XILX, part. n, p. 273) il serait à Bahia, en abondance, en Virginie (Linné), et aurait élé trouvé à Hong-kong par Hinds. Si on doit lui rap- porter l'Amarantus lividus, Roxb. (F1. Jnd., 2e édit, IE, p. 605), il aurait été seulement cultivé dans l'Inde. Ainsi l'origine américaine est peu douteuse, et en Asie l'espèce n'est peut-être pas seulement naturalisée. T? Euxolus oleraceus, Moqg. (Amarantus oleraceus, EL). — (0) — Légume cultivé en Asie, Afrique et Amérique. La synonymie est diflicile. Per- sonne n'en à peut-être vu d'échantillon qu'on puisse aflirmer spontané. La eulture en paraît plus répandue en Asie qu'en Amérique; cependant il n'y a pas de nom sanscrit (Roxb., F1., 2° édit., IE: Pidd., Index). A l'ile Maurice on la eultive sous le nom de Zrède de Malabar grande espèce, eb on la dit d’origine indienne, et ESPÈCES DISJOINTES NON AQUATIQUES, TROPICALES. 1049 naturalisée (Bojer, Hort. Maur.). La probabilité est pour une origine asiatique. T? Euxolus polygamus, Moqg. (4marantus polygamus, L.). — (1) — M. Moquin et moi n'avons pu voir que des échantillons d'Afrique. L'assertion de Willdenow que la plante croît à la Guyane repose sur celle d'Aublet, qui est loin d'être prouvée. Du reste, la plante croît dans les sables et les décombres. Chamissona nodiflora, Mart. — (1) — Cette Amarantacée est commune dans l'Inde, à Ceylan et Java (Moq. in DC., Prodr., XII, part. n, p. 249); M. de Martius l'indique aussi dans l'ile de Wacanama à la Guyane (Mart., Amar., p. 79). M. Moquin a eu sous les yeux l’herbier de M. de Martius, mais il ne dit pas dans le Prodromus qu'il ait vu ce synonyme important. Un fait aussi extraor- dinaire aurait besoin d'être vérifié. T? Boerhaavia mutabilis, Br. — % — M. R. Brown (Congo, p. 58) l'énumère parmi les espèces communes aux divers continents intertropicaux, mais M. Choisy (Prodr., XIIL, part. 1, p. #55) divise autrement les espèces et indi- que le Boerhaavia mutabilis seulement à la Nouvelle-Hollande. Les fruits sont echinati, d'où l'on comprend la facilité des transports, si l’on revient à l'opinion de M. Brown. Hernandia sonora, L. — ; — Les auteurs, depuis Linné (Hort. Cuff., p. 485, tabl. 33, fig. sans fl. ni fr.) jusqu'à nos jours (Hassk., PI. Jav. rar, p. 217; Hook. et Arn., Voy. Beechey, p. 69; Decsne, Timor, p. #1: Maycock, FI, Barb., p. 348), ont admis tacitement ou expressément l'identité de la plante des Moluques et de celle des Antilles, mais je vois nulle part la preuve d’une com- paraison faite régulièrement sur des échantillons convenables. Euphorbia pilulifera, EL. — » — 1° Abondante en Amérique entre les tropiques ; 2° Afrique occidentale (Euphorbia purpurascens, Schum. et Thonn., d'après Benth., #1. Nigr., p. 499); 3° Chine méridionale (Hook. et Arn., Bot. Beechey, p. 213). L'espèce nest pas dans Roxburgh (Fl. Ind., édit. 1832, IT), ni dans Bojer (Hort. Maur.). En général, sa rareté hors d'Amérique me fait pré- sumer quelque erreur de détermination que je ne puis coptrôler dans ce moment, ou un transport de graines par l'homme. La capsule est pubescente, mais sans poils crochus ou épines. L'espèce paraît de nature à se trouver fréquemment dans les jardins, endroits cultivés, etc. Euphorbia hyperieifolia, L. — Elle paraît répandue entre les tropiques, comme l'Euphorbia pilulifera, dit M, Bentham (F1. Nigr., p. 500). L'absence de monographie des espèces exotiques d'Euphorbiacées et l’état de mon herbier, jus- qu'à ce que le Prodromus ait atteint cette famille, m'empéchent de donner une assertion. Euphorbia prostrata, Ait. — (1) — 1° Antilles et Amérique méridionale; 2° Guinée (Benth., F1. Nigr., p. 498, où il affirme l'identité spécifique). Elle n est pas dans Swartz, ni dans Maycock (F1. Barb.). Je n'ai pas vu la plante, et ne puis dire, d'après les descriptions, si elle présente quelque moyen dc transport. Astræa Iobata, Kilotzseh. (Croton Iobatum, L.). — Autre Euphorbiacée qu'on dit américaine et africaine (Benth , F4. Nigr., p. 509). M. Lindiey (Gen. and. sp. Orchid., p. 237) mentionne une Orchidée, Œeeo- clades maculata (fngræeum macuiatum, Eindi.: A ngræcum mono- phylium, Hich.}, comme étant à la fois de l'ile Maurice et du Brésil, Avant d'admettre un fait aussi extraordinaire pour une plante de cette famille, il faudrait 1046 DES ESPÈCES DISJOINTES. que M. Lindley fût bien certain de l'origine des pieds qu'il a comparés. Or, d’après les synonymes qu'il cite, je ne vois pour l'origine américaine absolument que le dire d’un horticulteur (Bot. Reg., tab. 618), et l'on sait combien d'erreurs se propagent dans les jardins sur l'origine des plantes. M. Lindley (Gen. and sp. Orchid., p. 73) indiquait le Polystachya luteola, Hook., comme existant en Amérique, en Afrique et en Asie; mais un fait pareil n'était pas croyable pour une Orchidée. Un examen nouveau a montré, et M. Lind- ley en a le mérite (Bot. Reg., 1838, app. n. 443, 144), que la plante de l'île Maurice et de Ceylan est différente (Pol. zeylanica, Lindl.), et que le Pol. luteola a été indiqué dans l'Inde, probablement par une erreur de jardinier. Kyllingia monocephala, L. — 2 — I] y a trop de doutes sur les limites botaniques de cette espèce (Kunth, Ænum., I, p. 130; Flora Nigr., p. 552) pour que j'ose affirmer l'identité dans l'Asie méridionale et l'Amérique, admise par M. de Schlechtendal {Linn., 1831, p. 770), M. Decaisne (Timor, p. 14) et autres. Seleria reflexa, Kunth, et Scleria flagellum, Sw. — Ces deux Cypéra- cées sont communes à l'Afrique et à l'Amérique, d'après M. Bentham (F1. Nigr., p. 555), mais leur détermination n'est pas facile. M. Kunth (Enum., p. 340) donne la première comme purement américaine, et la seconde comme des deux mondes. Cyperus distans, L. — M. Bentham (F1. Nigr., p. 551) l'indique dans les trois continents tropicaux; mais M. Kunth {ÆEnum., II, p. 93) seulement en Asie, Australie et Afrique. M. Bentham n'ayant donné aucun détail, je ne sais s'il a comparé des échantillons certains des deux mondes. \ Panicum. — Il est probable que les espèces indiquées par les auteurs doivent être considérablement réduites (Benth., FL. Nigr., p. 562). Dans ce cas, la même espèce serait souvent dans des régions différentes. Comme ces plantes sont fréquemment cultivées, et que leur détermination est incertaine, je les omels à dessein. Andropogon brevifolius, Sw. — (1) — En Amérique, et aussi suivant M. Kunth (Ænum., 1, p. 488),en Afrique, peut-être même au Bengale. Je n'ai pu m'en assurer. Sporolobus littoralis, Kunth. — Commun au Sénégal et à l'Amérique méridionale, d'après M. Bentham (F1. Nigr., p. 565). M. Kunth (Enum., I, p. 213) fait des échantillons du Sénégal une variété. Sporolobus minutiflorus, Link. — % — Brésil (Kunth, Enum., 1, p. 214); Afrique occidentale tropicale (Benth., F1. Nigr., p. 565); Inde (Benth., l. c.). Kunth l'indiquait seulement au Brésil. Je ne le vois pas dans les Flores de l'Inde. $ IL, RÉFLEXIONS. Après avoir recherché, dans les livres et dans les herbiers, d’une manière toute particulière, les espèces qui existent sur les divers continents, entre les tropiques, principalement dans l'ancien et le nouveau monde, la grande majorité de ces espèces a dù être classée dans la catégorie des plantes naturalisées par suite d’un transport (p. 766). Plusieurs de celles qui précèdent (p. 1026 à 1046) mériteraient peut-être d'y figurer aussi; ce ESPÈCES PARTAGÉES ENTRE LES DEUX HÉMISPHÉRES. 1047 sont les espèces accompagnées du signe T ? (transport ?). En définitive, il reste une cinquantaine d'espèces, pour lesquelles un transport, par les causes actuelles, est, sinon impossible, du moins très improbable. Dans ce nombre, il y a beaucoup de Monocotylédones, dont l'identité spécifique n’a pas été, ce me semble, assez sévèrement examinée, et d’autres espèces qui présentent de petites diversités entre les échantillons des deux pays éloignés. En revanche, il y a des espèces parfaitement claires, étudiées récemment et comparativement. Je note surtout les Sauvagesia erecta, Neptunia oleracea, Hydrocotyle asiatica, les quatre Scrophularia- cées (p. 1029), Peperomia reflexa, Manisuris granularis, Oplismenus Bur- manni, qui se trouvent en Asie, Afrique et Amérique; les Dodonæa viscosa, Jussiæa erecta, Osbeckia princeps, Epaltes brasiliensis, Vandellia diffusa, Lippia asperifolia, Xyris laxifolia, qui sont en Afrique et en Amé- rique; les Neptunia triquetra, Micropyxis pumila, Mitreola paniculata, en Asie et en Amérique; enfin, le Lubinia spathulata à Bourbon et aux îles Mariannes; le Colea ramiflora à Madagascar et à Timor; le Cirrhopetalum Thouarsii aux îles Mascareinhes et dans diverses îles du grand Océan. En général, ces plantes, sans être précisément aquatiques, sont hygro- philes. Je remarque cependant une espèce des lieux secs (xérophile), le Manisuris granularis, et il faut peut-être ajouter l’Osbeckia princeps; mais je ne puis l’affirmer. Les espèces disjointes sont évidemment beaucoup moins nombreuses dans les régions intertropicales que dans l'hémisphère boréal hors des tro- piques. Il semble que plus les aires spécifiques sont petites, plus il est rare de trouver la même espèce répétée en deux points éloignés. Et si, par hasard, des espèces intertropicales se répètent à distance, ce sont ordinai- rement des plantes à aire plus étendue que la moyenne, parmi les plantes intertropicales, par exemple, des plantes aquatiques (p. 1003, 1005) ou hygrophiles. On aperçoit dans ce rapprochement une liaison entre les deux ordres de faits; mais la cause commune qui a influé, se dérobe dans une antiquité très reculée. Les faits du chapitre actuel ne permettent pas d’en dire davantage ; la suite, et en particulier le chapitre XXVI, jetteront quelque lumière de plus. ARTICLE VIT. ESPÈCES NON AQUATIQUES PARTAGÉES ENTRE LES RÉGIONS FROIDES OU TEMPÉRÉES DES DEUX HÉMISPHÈRES, SANS EXISTER DANS LA ZONE INTERTROPICALE® Plusieurs espèces se partagent entre le Chili, et la Californie ou l’Oré- gon, par exemple : Fragaria chilensis, Ehr. — (Voy. Cham. et Schlecht., Linnœæa, 1, p. 20; 1048 DES ESPÈCES DISJOINTES. Torr. et Gray, FI. N.-Amer., 1, p. 448). L'espèce existe sur les hauteurs des îles Sandwich (A. Gray, Un. St. expl. exped., I, p. 500). Baccharis Douglasii, DC. — Z — ;—(Voy. Hook. et Arn., Bot. Beechey's voy., Suppl., p. 352; Torr. et Gray, FI. N.-Amer., II, p. 259). Madia sativa, Mol. — (1) — Cultivée généralement au Chili, et indigène, selon les auteurs. Certainement indigène en Californie et dans l'Orégon, d'après MM. Torrey et Gray (FL. N.-Amer., I, p. 404). Eritrichium fulvum, Alph. DC. -— (1) — Lieux humides et ombragés. Voy. Mvyosotis fulva, Hook. et Arn., Voy. Beechey, p. 38 et 369; Alph. DC. Prodr., X, p. 132. Mimulus luteus, L. — 2% — Lieux ombragés et bord des ruisseaux. Voy. Benth., dans Prodr., X, p. 370, et ci-dessus, p. 709. Les espèces suivantes se retrouvent dans divers points des deux hémis- phères (a) : Lathyrus maritimus, Big. (Pisum maritimum, L.). — @) — 1° Très répandu sur les côtes et quelquefois à l'intérieur dans notre hémisphère ; cepen- dant M. le docteur Hooker (F1. antarct., I, p. 261) observe qu'il est abondant par places seulement, et qu'il fait défaut à toute la Sibérie centrale, malgré sa présence à Arkhangel et à Okhotsk. Les points les plus méridionaux sont du 50° au 51° degré de latitude dans l'ouest de l'Europe, du 40° (New-York) au 46° degré (Orégon) en Amérique; 2° Il existe aussi, selon le docteur Hooker (£. c.), en un seul point de l'hémisphère austral, savoir au cap Tres-Montes, entre le Chili et la Terre-de-Feu, sous le 47° degré de latitude sud. Cette localité n’a jamais été colonisée, elle est tout à fait inhospitalière, car les Indiens eux- mêmes n y séjournent pas. La rareté comparative dans cet hémisphère peut faire croire à une introduction récente, mais comment ? Potentilla Anserina, L. — Voy. p. 567. Erigeron alpinum, Lam. — 2 — Le docteur Hooker (F1. antarct., I, p. 306) regarde les échantillons de l'extrémité antarctique du nouveau monde, comme identiques avec ceux de l'Amérique septentrionale, d'Europe et de Sibérie. Il à aussi trouvé dans ces régions australes de l'Amérique, l'Erigeron uniflo- rum, L., semblable à celui de l'Amérique arctique et d'Europe, mais il le regarde comme une simple variété de l'Erigeron alpinum, suivant en cela l'opinion de plusieurs auteurs, en particulier de DC., Prodr., V. Le docteur Hooker fait remarquer la facilité avec laquelle les graines d'Erigeron se dispersent, témoin l'Erigeron canadense ; l'Erigeron alpinum est cependant le seul commun aux deux hémisphères. Myrsine africana, L. -— » — D'après une comparaison attentive des échan- tillons, le vrai Myrsine africana croît au Cap et en Abyssinie (Alph. DC., Prodr., VIII, p. 93). Ces points sont déjà bien éloignés, et l'absence à Madagascar peut faire penser que l'espèce manque aux régions intermédiaires, car il ne pourrail alors se trouver que sur des montagnes extrêmement élevées, telles que l'Afrique équatoriale en offre assez peu. La variété des Açores (Myrsine relusa, Ait.) m'avait paru dans un premier travail (Trans. Linn. Soc., XVI, p. 105) une variété, non (a) Je ne cherche pas à énumérer toutes les espèces de cette catégorie comme Je l'ai fait ci-dessus pour les espèces intertropicales. On en verra d’autres exemples dans Hooker fils, FI, N.-Zealand. et ailleurs. ESPÉCES PARTAGÉES ENTRE LES DEUX HÉMISPHÈRES. 1049 une espèce. J'ai été confirmé dans cette opinion en voyant, plus tard, les mêmes formes de feuilles dans les échantillons du Cap et d’Abyssinie (Prodr., 1. €.). Ainsi la variété G est éparse entre trois points fort éloignés : Açores, Abyssinie, Cap. L'espèce manque à Madère, aux Canaries et aux îles du Cap Vert. Primula farinosa, L. — 2% — Cette espèce ayant donné lieu à des opinions contradictoires, je m'en suis occupé avec toute l'attention possible, ainsi que M. le docteur Hooker (F1. antarct., I, p. 337, 552, tab. 420). Je ferai remar- quer d'abord qu'elle à une extension très grande autour du pôle arctique. Elle existe, en effet: 1° dans l’ancien monde, de l'Écosse (Bab., Man., 2° édit., p. 258, sans parler du Primula scotica, Hook., que plusieurs réunissent au farinosa) et de la Suède à la Sibérie orientale (Ledeb., F1. Ross., III, p. 13), au midi jus- qu'aux Alpes et au Caucase (Ledeb.. L. c.); 2° en Amérique, du Labrador (E. Mey., FL, p. 37), et de Terre-Neuve (Duby, in Prodr., VIT, p. £4) aux montagnes Rocheuses {(Hook., F1. bor. Am., II, p. 120). La question controversée est de savoir si le Primula magellanica, Lebm., Prim.,n.2#%,tab. 6, Duby, in DC., Prodr., IX, p. 45, et le Primula decipiens, Duby, L. c., p. #4, qui croissent au détroit de Magellan et aux îles Malouines, sont ou ne sont pas le Primula farinosa. Pour le Primula magellanica, je n'ai pas de doute, car dans mes échantillons d’Alle- magne de Hoppe, les lobes de la corolle sont également cunéiformes et le tube est presque aussi allongé que dans la planche de Lehmann, enfin la couleur carnée se trouve aussi en Europe. Pour le Primula decipiens, dont j'ai deux échantillons des Malouines, et dont M. Hooker fils a publié une bonne figure (tab. 420), je trouve que par la brièveté de ses pédicelles, il concorde avec des échantillons d'Irkutsk, de mon herbier, échantillons que M. Duby n'a pas hésité à réunir au Primula farinosa. La fleur n’est pas plus grande que dans plusieurs échantillons d'Europe : elle est d'un blanc sale (d'après la planche et les descriptions), mais on sait qu'en Europe le Primula farinosa est quelquefois blanc. J'ai vérifié, comme le docteur Hooker, que notre Primula farinosa de l'hémisphère boréal varie quant à la dentelure des feuilles, la longueur des pédicelles, la forme des lobes du calice, la longueur du tube de la corolle et la position des étamines qui en dépend, j'ajouterai, enfin, la couleur et le nombre des fleurs (Gaudin, F1. Helv., HE, p. 88). Si donc, je veux rendre ma pensée sous la forme précise des descriptions, je distinguerai les variétés et variations suivantes dams une seule espèce, le Primula farinosa, L. : a, Mmagellanica, pedicellis elongatis, tubo corollæ elongato. Ad fretum Magel- lanicum. Primula magellanica, Lehm., Prim., tab. 6; Duby, in Prodr., VIH, p. 45. Primula farinosa G (ex parte), Hook. f., FI. antarct., 11, p. 337, 552 et tab. 120. Corolla semper carnea, lobis cuneatis ut interdum in var. seq. G, vulgaris, pedicellis elongatis, tubo corollæ calycem superante. In hemis- phærio boreali frequens. Variat foliis plus minus dentatis, farina paginæ inf. nanc evanescente , floribus majusculis vel minoribus, sæpius roseis, nunc albidis, calyce obtuso vel acuto. Engl. Bot., tab. 6; FL. Dan., tab. 125. y; decipiens, pedicellis abbreviatis, tubo corollæ calycem subæquante. In ins. Maclovianis. Primula farinosa, Gaudich. ! Voy. Duperey, p. 133: Durv.! FI. Mal., p. 37. Primula decipiens , Duby ! L. c. Pr. farinosa f (ex parte), Hook. f., L. e. Corolla albida. 2, scotica, pedicellis abbreviatis, tubo corollæ calycem superante lobis calycinis obtusissimis. In sept. parte Scotiæ (Graham !) et Laponia (Fries Summa). Pri- 1050 DES ESPÈCES DISJOINTES. mula scotica, Hook., Engl. Bot., tab. 2608. Calyx ventricosus. Corolla purpurea, Forma subsimilis ad lac. Baïkal (h. DC. !) et ad cap. Horn (Hook. f.). Centunculus minimus, L. — (4) — Lieux humides et inondés : 4° en Sibérie, depuis le lac Baïkal (Ledeb., F1. Ross., IIT, p. 30), en Europe tempérée et aux îles Açores (Wats., Lond. journ. Boi., IT, p. 599), mais non à Madère (Lemann, liste msc.), ni aux Canaries (Webb, Phyt. Can.); 2° Brésil méri- dional, sur les confins de la république Argentine, près d'un poste appelé Angos- tura (Saint-Hil. et de Girard, Mon. des Primul. et Lenlib. du Brésil, p. 4). Lithospermum incrassatum, Guss. — (1) — 1° Région de la mer Médi- terranée, d'Alger à la Dalmatie et à Alep (Alph. DC., Prodr., X, p. 74); 2 au cap de Bonne-Espérance (id.). Dans l’une et l’autre région il habite les terrains rocailleux, non les cultures. Il n'y a point de Lithospermum dans le Flora Nigritiana. Lycium afrum, L. — > — 1° Dans la région de la mer Méditerranée et aux Canaries (Dun., dans Prodr,, XIII, part. 1, p. 521; Reichb. f., dans Webb, Phyt. Can., sect. 111, p. 285), mais non indiqué en Abyssinie (Rich., Tent.}, aux îles du cap Vert (Schm., F1.) et en Guinée (F1. Nigr.); 2° au Cap (Dun. ; Reichb., L. c.), où il existe même loin des villes (Drège et Mey., Zwei Pfl. geog. Docum., p. 200). T? Calystegia Soldanella, Br. — 2% — Sables maritimes : 1° du midi de l'Europe et de Madère (Lemann, mss.) ; 2° du Chili (h. DC. !); 3° de la Californie (id.!); 4° de la Nouvelle-Zélande (id!) et la Nouvelle-Hollande ! (C. reniformis, Br.). Dans mon herbier, les échantillons du Chili et de la Nouvelle-Zélande res- semblent bien à ceux d'Europe. Le docteur Hooker (F1. Nov. Zeal., p. 184) est du même avis. En admettant, si l'on veut, que les courants transportent cette espèce maritime, comment se trouve-t-elle dans la mer Pacifique et en Europe, sans être sur les côtes orientales de l'Amérique, ni sur les côtes occidentales et orientales d'Afrique ? Linaria canadensis, Dum. Cours. — (1) — 1° Dans l'Amérique septen- trionale du Canada au Texas et à l'Orégon; 2° dans l'Amérique méridionale des régions hautes du Pérou au Chili et à Buénos-Ayres (Benth., dans DC., Prodr., X, p. 278). Scrophularia arguta, Soland. — (1) — 1° Iles Canaries: 2° Mascate. M. Bentham (Prodr., X, p. 305) dit : « Specimina arabica nequaquam a cana- riensibus distinguenda. » Il y a 70 degrés de longitude entre les deux localités. Webb (Phyt. Can., sect. ir, p. 134) admettait aussi l'identité. M. Bentham, en 1846, avait à sa disposition les grandes collections d'Abyssinie de Schimper, et l'espèce n'y était pas. Elle n'est pas dans Richard, Tent. FI. Abyss. Dichondra repens, Forst. — Z — Lieux humides : 1° Asie méridionale, dans le pays des Birmans (Wall. ! n. 1339); 2° Manille des Philippines (h. DC. !)}; 3° Nouvelle-Hollande, côte méridionale, Van Diémen et Nouvelle-Galles (Br., Prodr, p. 491 ; Sieb. ! 509) ; 4° Nouvelle-Zélande (Foster ! etc.) : 5° montagnes des îles Maurice et Bourbon (Bojer, Hort. Maur., p. 231: h. DC, !); 6° Cap (Burch. ! 3417, etc.) ; 7° Buénos-Ayres (h. DC. !), Chili (Pœpp ! Gaudich., n. 125 !), montagnes du Pérou (Dombey ! 379); 8° Jamaïque (Sw. ! in h. DC.); 9° Louisiane (Dichondra repens, Nutt. !)} et la Caroline (Dichondra carolinensis, Mich., d'après un échantillon de mon herbier qui parait authentique). La variéte sericea est à peine une variété à cause des transitions. Les Convolvulacées mari- ESPÈCES PARTAGÉES ENTRE LES DEUX HÉMISPHÈRES. 4051 ümes arrivent quelquefois par les courants, mais celle-ci est dans les montagnes. Mimulus gracilis, Br. — % — Lieux humides : 1° Inde: 2° Nouvelle- Galles du Sud, Van-Diémen ; 3° Cap de Bonne-Espérance, à lorient de la colonie. Voy. Benth., in DC., Prodr., X, p. 369. L'espèce n’est pas indiquée dans Leh- mann (Plant. Preiss.), ni dans Bojer (4. Maurit.). Adhatoda hyssopifolia. Nees(DC., Prodr., XI, p. 392). —3 — Le Cap et l'ile de Ténériffe. M. Nees avait sous les yeux de riches collections d’Abyssinie et du Sénégal, où l'espèce manque. Je ne la vois pas non plus dans les Flores du Niger et des îles du Cap Vert (Schmidt) et d'Abyssinie (Rich.). Lippia lycioides, Steud. — » — Schauer (Prodr., XI, p. 574) en avait vu des échantillons : 4° de la république Argentine, de l'Uruguay et du Brésil méridional; 2° du Mexique. Ces derniers ont les feuilles un peu plus petites, mais sont semblables d’ailleurs. L'espèce est au Chili (Gay, F1, V, p. 29) mais elle n'est indiquée ni dans la Botanique du Voyage de Bcechey, ni dans celle du Sul- phur, où il y a beaucoup de plantes du Pérou, ni dans Seeman, Bot. Herald, pour l'isthme de Panama. L'espèce est apparente, d'une odeur agréable, et ne pourrait guère avoir échappé aux collecteurs qui ont parcouru la Colombie, la Guyaneet la chaine des Andes. Plantago juncoides, Lam. — 2% — 1° Dans l'Amérique septentrionale, sur l’une et l’autre mer ; 2° à la Terre de Feu (Decsne, dans Prodr., XIX, part. 1, p. 731). Hooker fils (F1. ant., IX, p. 339) le rapportait au Plantago maritima, et dit qu'il existe aussi au Cap. Dans l’une et l’autre manière de voir, ce serait éga- lement une espèce disjointe. T? Atriplex Halimus, L. — 4 — Bord de la mer : 4° dans la région de la Méditerranée ; 2° au Cap (Moq., in DC., Prodr., XIII, part. 1, p. 100); 3° au Chili (id.); 4°? dans l'Amérique septentrionale, d'après quelques auteurs ; mais M. Moquin et M. Asa Gray (Man. of Bot. N.-St., 1848) n'en ont pas vu d'échan- tillons certains. D'après la station et la famille, je crains que ce ne soit une plante naturalisée au Cap et au Chili. Polygonum maritimum,L. — % — {1° Sud-ouest de l'Europe et bords de la Méditerranée; 2° Canaries (Webb, Phyt. Can., sect. nr, p. 220), Madère (Lemann, liste msc.) et Açores (Wats. in Lond. Journ. Bot., HE, p. 60%): 3° États- Unis ; 4° Chili méridional et Patagonie (Hook. f.. F1. ant., II, p. 340); 5° peut- être au Cap ? Cependant, je crois qu'on le cite seulement sur l'autorité de Thun- berg. M. Meisner n'en avait pas vu d'échantillons, en 4826. MM. Mever et Drège (Zwei Pflanz. geogr. Docum.) ne l'indiquent pas. Glyceria fluitans, Br. (Festuca fluitans, L.). — 2% — Dans les eaux et les fossés humides: 1° de la Suède {Fries, Summa) à Madère (Lemann, liste msc.), l'Algérie (Munby, Ft. Alg.), le Caucase (Kunth, £num., 1, p. 367) et l'Oural (Ledeb., #4 Ross., IV, p. 390);2° aux États-Unis (As. Gray, Bot. N.-St., p. 584); 3° au Chili (Brongn., Premier voy. Astrol., p. 39); 4° à la Nouvelle- Galles du Sud (Br., Prodr., 1, p.179, Gen. rem., p. 69), non cependant à la N.-Zélande (Hook. f., F1.). Aira flexuosa, L. — % — 1° Hémisphère boréal, en Europe, au Caucase Enum., 1, p. 290), dans l'Altaï (Ledeb., FL. Ross., IV, p. 420), dans les États- Unis (A. Gray, Bot. N.-St., p. 605). Elle manque dans les plaines au midi de l'Europe, aux Acores(Wats., dans Lond. Journ. Bot., LIT et VI) et à Madère Lemann, liste msc.) ce qui me fait penser que, malgré l'habitation de la Virginie 1052 DES ESPÈCES DISJOINTES. et de la Caroline, admise par les auteurs, on ne la trouvera jamais sur les monta- gnes de l'Amérique méridionale ; 2° Hémisphère austral, aux îles Malouines, en abondance (Gaudich ), et en Patagonie (Hook. f., F1. ant., IX, p. 375), mais non au Chili (C. Gay, F1. Chil.), ni à la N.-Zélande ou la N.-Hollande. Eriticum repens, L. — Z — l° Hémisphère boréal, en Europe, Sibérie et Amérique septentrionale (Kunth, Enum., I, p. 410), où il offre beaucoup de variations (Hook., FE. bor. Am., Il, p. 254). Je le vois indiqué vers le midi à l’île de Palma (Webb, Phyt. Can., sect. mn, p 420), à Alger (Manby, #1.) ; 2° hémisphère austral, aux îles Malouines (A. Brongn., Premier voy. Astrol., p. 56; Hook. f., Æl. ant., I, p. 389), Patagonie (Hook. f., 4b.). Il varie dans cet hémisphère, comme dans l’autre; mais MM. A. Brongniart et Hooker fils, apres avoir éludié séparément la question, n'hésitent pas à dire l'espèce sem- blable. Je ne la vois pas indiquée à la Nouvelle-Hollande, à Maurice, ni au Cap. La plante de la Nouvelle-Zélande est différente (Hook., F1.). Hordeum jubatum, E. — (©) — 1° Amérique septentrionale dans les marais, de Boston à l'Orégon (Hook. f., FI. ant., Il, p. 388 ; Beck, Bot. N.-St.), mais non vers les régions arctiques, ni dans les États méridionaux de l'Union ; 2° détroit de Magellan, Port-Famine (Hook. f., {. c.). M. Hooker fils soupçonne que l'Hordeum carnosum, Presl (je suppose Hordeum comosum, Presl, par erreur typ.) originaire du Chili (Hænke) est la même espèce. Helopus ape Nees (Eriochloa? annulata, Kunth}.— D'après Kunth (Enum., 1, p. 73), cette Graminée croît : 4° dans l'Inde et à Manille ; 2° à Montevideo. Je ne la vois pas indiquée ailleurs dans quelques ouvrages plus ré- cents (Lehm., PI. Preiss. ; Hook. f., FI. ant. ; Desv., FI. Chil. ; Benth., Sulph.), si ce n'est dans le Voyage de Beechey, à Macao, localité voisine de la première. Frisetum spicatum, Beauv. (Avena subspicata, Clairv.) — 2% — Dans le vieux monde : 1° Péninsule scandinave (Fries, Summa, p. 78), Sibérie (Hook., F1. ant., 1, p. 97), Kamtschatka et Unalaschka (Ledeb., F1. Ross., IV, p- 418); 2° Alpes ; 3° Pyrénées, sur les plus hauts sommets (Ram., Veg. Pic du Midi, p. 60). Dans le nouveau monde : 4° Amérique septentrionale, du Labrador aux montagnes Rocheuses Fos f., . ce.) et aux montagnes du Mexique (Hook. f., Ft. ant., IT, p. 378) ; 2° montagnes de la Colombie (Hook. f., L. e.), du Pérou (Hook. f., FL. ant., 1 p. 97, où il affirme l'identité) : 3° Patagonie, îles Malouines, en abondance (id., H, p. 378) ; 4° iles Campbell, sur les montagnes (id., 1, p. 97). M. Hooker fils croît que l'espèce s’est transmise d'un hémisphère à l'autre par les Andes. Cependant, il remarque le fait que les vents habituels de l'hémisphère austral l'auraient éloignée de l'ile Campbell. Si les graines se trans- portent si facilement, pourquoi l'espèce manque-t-elle aux îles Britanniques, Féroë et au nord de l'Allemagne ? M. J. Gay s'est occupé d'une Monographie, encore inédite, du genre Spartina. Voici la communication intéressante que ce botaniste, d'une exactitude si scrupu- leuse, a bien voulu me faire en 4846 : « Le Spartina strieta croît : 1° au fond du golfe de Venise; 2° sur les côtes occidentales de l'Océan, de l'Angleterre à Mogador ; 3° au Cap de Bonne-Espé- rance; 4° sur toute la côte orientale des États-Unis ; 5° dans le port de Cayenne. » w Spartina alterniflora, Lois (Frachynotia alterniflora, DC.) croit : 1° à l'embouchure de l'Adour, et là seulement en France ; 2° à Southamp- ton, el là seulement en Angleterre (Bab., Man., 2° édit., 4847, le confirme) : ESPÈCES PARTAGÉES ENTRE LES DEUX HÉMISPHÈRES. 1953 3 sur la côte orientale des États-Unis ; 4° dans le port de Cayenne, à côté de l'espèce précédente. » » Le Spartina juneea, Willd., croit : 4° dans les États méridionaux de l'Union, notamment en Géorgie (et aussi dans les États du nord-est, d'après A. Gray, Bot. N.-St., 1848, p. 586) ; 2° à Fréjus, département du Var, seule localité connue pour l'ancien monde! Il est très abondant sur un certain coin de la plage, et je l'y crois tout à fait spontané : 1° parce qu'il n'y a là aucun port où le lest des navires américains ait pu être déposé ; 2° parce que les Spar- üna, semblables à d'autres Graminées puissantes par leurs racines (Arundo Phragmites, Donax, etc.), ne mürissent que rarement, ou partiellement, ou peut- être jamais leurs fruits: 3° parce qu'il est certain que plusieurs autres espèces du genre sont sporadiques, et ont eu, dès l'origine, plusieurs centres de création, très différents, très éloignés les uns des autres. » Aucun Spartina n'est indiqué aux Açores (Wats , dans Hook., Lond. Journ. of Bot., II et VI), à Madère (Lemann, cat. msc.), ou dans les Canaries (Webb, Phyt.). Ces faits sont assurément remarquables. Une circonstance, toutefois, en diminue un peu la valeur, c'est que les Spartina sont des piantes qui habitent dans la vase et dans les sables humides au bord de la mer, ou près de l'embouchure des fleuves, de sorte qu'un courant marin venant à transporter leurs graines, elles peuvent germer là précisément où elles sont déposées. Le docteur Bromfeld {PAytol., 4850, p. 1095) qui avait vu la plante aux États-Unis et près de Southampton, suppose une introduction en Angleterre. D'abord plusieurs personnes lui ont dit qu'elle n'existait pas dans leur jeunesse à Southampton, et un seul individu lui a affirmé l'avoir vue et employée comme roseau vingt ans avant que les botanistes l'eussent découverte. Il ajoute : « Quelques racines rampantes de cette espèce em- portées accidentellement par un vaisseau avec du lest ou des marchandises, con- serveraient leur vitalité d Amérique en Europe, et jetées dans la vase de l'Ichen (petite rivière où elle se trouve près de Southampton), propageraient la plante. » On peut dire d'un autre côté que la rareté de ces deux espèces sur les côtes d'Europe, rend peu probable qu'elles se répandent par le moyen des courants et des vaisseaux. Sans cela, de Venise, de Fréjus, du fond du golfe de Gascogne, où elles sont isolées, elles auraient gagné les côtes adjacentes. En, particulier, en Provence et en Gascogne, des courants longent le littoral, et le cabotage est très actif. Le transport de Cayenne à ces localités peu commercçantes de l'Europe ou vice versd, est infiniment peu probable. Je doute que jamais un vaisseau ait chargé directe- ment du petit port de Saint-Raphaël, près de Fréjus, que je connais bien, pour Cayenne ou pour les États-Unis. De Bayonne, il part assez peu de vaisseaux pour l'Amérique, et d’ailleurs l'espèce n'est pas commune près de Bayonne. D'après la carte des courants de l'Atlantique (Berghaus, Phys. Atlas), il n'en existe aucun venant de Cayenne en Europe, et le Gulf-stream porte sur les îles Açores où les Spartina manquent, plutôt que sur la Gascogne. La position d’une des espèces au Cap, et d'une autre à Fréjus et à Venise, est en dehors de toute influence de cette nature. Le seul transport qui n'est pas tout à fait impossible, est celui de vaisseaux partant des États-Unis, où habitent les trois espèces indi- quées, et allant jeter du lest ou des marchandises à Cayenne, à Southampton, à Bayonne, à Fréjus, à Venise, au cap de Bonne-Espérance, mais c'est bien impro- blable pour plusieurs de ces localités. D'ailleurs, si les Spartina se transportent et 1054 DES ESPÈCES DISJOINTES. se naturalisent ainsi par les vaisseaux, pourquoi n'ont-ils pas rayonné sur toutes les côtes d'Europe et d'Amérique à la suite du cabotage, pourquoi seraient-ls restés cantonnés dans quatre localités seulement de l'Europe, dont deux sont en dehors du grand mouvement commercial ? ARTICLE VII. ESPÈCES NON AQUATIQUES, PARTAGÉES ENTRE PAYS DE L'HÉMISPHÈRE AUSTRAL TROP ÉLOIGNÉS POUR QUE DES TRANSPORTS DE GRAINES SOIENT ADMISSIBLES,. Myosurus aristatus, Benth. — Nouvelle-Zélande, hauteurs du Chili et Californie, d'après Hooker fils (FI. N. Zeal., p. 8). Coriaria ruscifolia. L., et Coriaria thymifolia, Thunb. — Ces deux arbustes sont à la fois dans la Nouvelle-Zélande et en Amérique, savoir le pre- mier au Chili, le second du Mexique au Pérou, à une grande élévation, d'après le docteur Hooker (F1. N. Zeal., p. 44). Edwardsia grandiflora, Salisb. — 5; —- Identique à la Nouvelle-Zélande et au Chili, d'après M. Bentham (Hook. f., F1. N. Zeal., p. 52). Haloragis alata, Jaeq. — à — Nouvelle-Zélande et Juan Fernandez (Hook. f., N.-Z., p. 62). Nertera depressa, Banks. — Z — 1° Ile de Tristan d'Acunha (Dup.-Th.; Carmich., Trans. Linn. Soc., XIL); 2° îles Auckland (Hook. f., FI. antarct., I, p. 23) et Nouvelle-Zélande (Hook. f., F1., p. 112); 3° iles Malouines (Gaudich., Hook. f., etc.) ; Chili méridional (Hook. f., F1. antarct., IT, p. 303), chaîne des Andes (Ruiz. et Pav.), jusqu'en Colombie ? (Jameson ex Hook. f., L. c.), et même jusqu'à la Silla de Caracas, à 800 toises seulement (Kunth, H. et B., Nov. gen., IN, p 379). On l'indique encore à Madagascar (A. Rich., Mém. Soc. h. nat. Par., V, p. 220), et à Java (DC., Prodr., IV, p. 454, je ne sais sur quelle autorité), mais ce sont peut-être des plantes ŒHérentés. Cryptostemma calendulaceum, Br. — (1) — Cap (tous les auteurs), et sud-ouest de la Nouvelle-Hollande {Steetz, dans Lehm., PI. Preiss., E, p. 387). 11 faut remarquer combien les établissements sur cette côte sont récents. Lobelia anceps. Thunb. (L. alata, Br). — 2% — Lieux humides et lit- toral, entre le tropique et les 40° à 42° degré de latitude sud environ : 1° au Cap (Prège , etc.); 2° à Van-Diémen et sur les côtes méridionale et orientale de la Nouvelle-Hollande (Br., Prodr. N.-H.; Alph. DC., Prodr., VIT, p. 2, 375); 3° à l'ile de Norfolk (Endl., FI. Norf.) et à la Nouvelle-Zélande (Alph. DC. L. c.); 4° à Juan-Fernandez (Alph. DC., 1. c.); 5° au Chili méridional (ibid.). M. Hooker fils ne l’a pas trouvé en Patagonie, aux îles Auckland, etc. Veronica elliptica, Forst. (var. y decussata, Soland.) — 3 — 1° Iles Malouines, détroit de Magellan; 2° îles Auckland, Campbell et la Nouvelle- Zélande (Benth., in DC., Prodr., X, p. 461 ; Hook. f., F1. antarct., I, p. 58; IL, p. 334, et FI. N. Ze. }. L'espèce croît an bord de la mer; cependant un trans- port de graines est difficile à supposer lorsque la distance est deux fois et demie plus grande que celle entre l'Afrique et l'Amérique méridionale. T? Kochia pubescens, Mog. — à — Plante maritime qui existe d'après des échantillons comparés par M. Moquin (Prodr., XIII, part. nu, p. 431): 4° au Cap; 2° à la Nouvelle-Hollande. D'autres Kochia sont propres 4 chacune de ces deux régions. ESPÈCES NON AQUATIQUES. 1055 T? Chenopodium graveolens, Wild, — (1) — En Patagonie et au Cap, d'après des échantillons comparés par M. Moquin (Prodr., XIIT, part. 11, p. 74). D'autres localités, citées d’après des jardins, sont douteuses. Carex trifida, Cav. (C. aristata, Durv.) — 2 — Selon le docteur Hooker, qui à constaté avec beaucoup de soin l'identité spécifique (F1. antarct., 1,p. 89;11,p. 368), ce Carex habite : 1° à la Nouvelle-Zélande et aux îles Auckland et Campbell: 2° au cap Tres-Montes, côte occidentale de Ja Pata- gonie, sous le 46° degré de latitude sud (mais non à la Terre-de-Feu, ni au détroit de Magellan); 3° aux îles Malouines, et là il est abondant, car tous les voyageurs l'en ont rapporté. Aira antarctica, Hook. — (1) — Dispersée dans les terres antarctiques les plus reculées du côté du pôle, jusqu'au point où les espèces phanérogames ne peu- vent plus vivre, et quel que soit l'isolement des localités. Ainsi, d'après M. Hooker fils (F1. antarct., Il, p. 377), elle existe : 1° aux îles Malouines ; 2° au cap Horn et à l'ile Hermite; 3° aux îles Shetland du sud, qui sont au midi de l'ile Hermite, à une distance égale à la largeur de la mer Méditerranée ; 4° à l'île de Kerguelen, qui est à une distance immense des autres terres où existe l'espèce. J'aurais pu grossir cette liste, car M. Hooker fils (N. Zeal., p. xxxn) compte environ 47 phanérogames qui existent en Australie, à la Nouvelle- Zélande et à l’extrémité australe de l'Amérique, sans être des plantes européennes, et il en mentionne d’autres qui sont partagées entre les montagnes de Van-Diémen et de la Nouvelle-Zélande. ARTICLE IX. CONCLUSIONS. À l’occasion de chacune des catégories de plantes indiquées ci-dessus, j'ai énoncé quelques réflexions qui se présentaient plus particulièrement à l'esprit. Elles sont assez uniformes et assez simples ; je puis donc me borner à les résumer en peu de mots. * Les exemples de disjonction, suffisamment constatés, sont infiniment rares (a). (a) Pour réunir les exemples cités dans ce chapitre, il m’a fallu examiner une infinité d'espèces, d’après les Flores et les ouvrages généraux, et éliminer un grand nombre de cas admis par les auteurs. Tantôt il s'agissait d'espèces encore mal connues, que l’on a cru reconnaitre à de grandes distances, comme, par exemple, le Typha Shuttleworthii (Sonder, Plantæ Preiss., 11); tantôt la similitude entre les échantillons de pays éloignés ne me paraissait pas avoir été suffisamment étudiée, comme dans les Solanum Leyces- terianum (Dun., Prodr., XII, part. 1, p. 367), Polycarpon alsinefolium (DC., Prodr., III, p. 376), ete. Souvent l'inspection de mon herbier m'a fait naître des doutes sur l'identité. C’est le cas le plus ordinaire des espèces mentionnées à la fin de l’article 6. Je citerai aussi lIpomæa sagittata, Desf., dont l'identité avec le Convolvulus sagit- tæfolius, Michx., me parait douteuse, les lobes de la feuille étant plus divariqués dans mon échantillon de la Caroline que dans ceux de la région méditerranéenne. L’Apium graveolens découvert dans l'hémisphère austral (Hook. f., Fl. ant.), en Californie (Nutt., Journ. Acad, Philad., n. sér., 1, p. 183), et en Europe, n’a pas été compté, parce qu'il 67 1056 oRIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. Quant au point de vue philosophique, la circonstance principale est que la disjonction de certaines espèces, entre des pays plus ou moins éloi- gnés, ne peut pas s’expliquer au moyen des causes actuelles de transport. Ce phénomène présente de l’analogie avec ceux de Paire des espèces (chap. VIT), en ce que les catégories de plantes à habitation continue très vaste sont souvent celles qui offrent des disjonctions, et que les espèces à habitation très vaste (p. 964) offrent toujours des faits de disjonctions, à cause de leur présence dans des îles ou sur des continents distincts. L’ex- tension de l’aire dépend en partie de causes antérieures; mais la sépa- ration en dépend d’une manière complète, au même degré que la présence des espèces dans une des régions de la terre plutôt que dans une autre. On est conduit par ces deux questions aux grands problèmes concernant l’état antérieur et l’origine probable des espèces de notre époque. Je vais m'en occuper dans le chapitre qui suit. J’y reviendrai encore, dans le chap. XXVI, en considérant non plus les espèces, mais les diverses con- trées de la terre, dans leurs rapports antérieurs probables. CHAPITRE XL. ÉTAT ANTÉRIEUR ET ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. ARTICLE PREMIER. NÉCESSITÉ DE CONSIDÉRER L'ÉTAT ANTÉRIEUR DES ESPÈCES, ET MARCHE A SUIVRE DANS CE GENRE DE RECHERCHES. $ I. IMPOSSIBILITÉ D'EXPLIQUER PLUSIEURS FAITS AU MOYEN DE L'ÉTAT ACTUEL DES ESPÈCES ET DE L'ÉTAT ACTUEL DU GLOBE. Dans tout ce qui précède, j'ai exposé la distribution des végétaux telle que nous la voyons maintenant. Jai cherché à rendre compte de chaque fait par un examen attentif de la nature des espèces et des causes exté- rieures, physiques ou géographiques, pouvant exercer sur elles une influence quelconque. Il m'a été impossible de ne pas reconnaître que sou- vent, et pour des phénomènes d’une grande importance, les causes actuelles n’expliquent pas les faits; qu'au contraire des causes antérieures, c’est-à- peut avoir été répandu par les cultures. L'Arceuthobium Oxycedri, qu'on croyait commun à l’Europe et à l'Amérique septentrionale, a été reconnu différent dans chaque pays (Gray, Plant. Lindh., Il, p. 214), et ce cas s'est présenté pour beaucoup d'espèces. Je laisse de côté bien d’autres exemples, ear il serait plus long de citer les espèces éliminées que celles reconnues véritablement pour disjointes. NÉCESSITÉ DE CONSIDÉRER L'ÉTAT ANTÉRIEUR DES ESPÈCES. 1057 dire la position primitive sur tel ou tel point du globe, un état différent des espèces, ou enfin une autre distribution des terres, d’autres conditions de climat, d’autres moyens de transport, sont les véritables causes qui ont influé sur la répartition actuelle. Je récapitulerai simplement ces faits sans entrer dans les détails, car pour plusieurs, ce que je viens d'avancer est évident, et pour d’autres, les preuves ont été accumulées dans les pages qui précèdent. 1. Certaines espèces existent dans une région, et manquent à telle autre région où elles pourraient parfaitement vivre, sous l’empire des condi- tions actuelles. Je veux dire que si on les y transporte, elles y réussissent, non-seulement dans les jardins, mais même en rase campagne, où elles deviennent spontanées (chap. VIT, p. 607). Il parait que beaucoup de plantes seraient dans ce cas, et se naturaliseraient aisément si les espèces préexistantes dans chaque pays n’opposaient un obstacle très grand à Ja diffusion d'espèces nouvelles, par leurs racines, leur ombre et la multitude de leurs graines qui se trouvent en réserve dans le terrain (p. 623, 798). Sans doute, la séparation actuelle des continents et l'absence de moyens de transport, ont empêché souvent l'extension; mais il est clair aussi que la position primitive, du moins la position ancienne des espèces, est une condition dominante, étrangère aux conditions actuelles de climat et de séparation ou de contiguité des continents. En d’autres termes, la seule cause apparente de l'absence d’une espèce dans un pays, est quelquefois qu’elle ne S'y trouvait pas à une époque, si ce n’est primilive, du moins antérieure à la nôtre. 2. Les plantes ligneuses se trouvent souvent établies par grandes masses, dans des pays où maintenant ces mêmes espèces ne peuvent plus s'établir lorsque le terrain est dénudé. IT faut que, jadis, les conditions du sol et de Patmosphère aient été plus favorables ; et cela doit remonter le plus sou- vent à une époque antérieure à l’homme, car depuis les temps historiques, les climats sur lesquels on a des données n’ont presque pas changé. 3. Des espèces à grosses graines, et d’autres qui se naturalisent diffici- lement, existent cependant aujourd’hui, à la fois, sur des terres qui sont séparées les unes des autres par des obstacles insurmontables à ces espèces, par exemple, dans certaines îles et sur les continents voisins. Il faut qu’à une époque reculée, des moyens différents de communication aient existé, ou que la répartition antérieure, peut-être primitive, des espèces, ait déter- miné ce phénomène (p. 994, 998). h. Plusieurs espèces sont communes à des sommités de montagnes fort éloignées, ou à des chaînes de montagnes et des pays situés vers le nord à une grande distance (p. 1007). Aujourd’hui, tout moyen de transport 1058 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. entre ces régions est presque impossible à supposer; et de plus, la natura- lisation de nouvelles espèces est, pour ainsi dire, sans exemple dans ces régions polaires ou alpines (p. 705, 799). La cause doit donc être anté- rieure. 5. Les plantes aquatiques mürissent souvent leurs graines au fond de l’eau, et quelquefois ces graines sont pesantes (Nymphéacées). Les plantes de marais et de lieux humides ont souvent des graines lisses, passablement grosses, dont le vent ne peut pas s’emparer (Cypéracées, Alismacées, etc.). L'homme n’a guère d'intérêt à les transporter, et le mélange accidentel de graines de ces espèces avec les graines de céréales n’est point probable. La plupart de ces plantes aquatiques ou de lieux humides ne vivent pas dans l’eau salée. Malgré cela, rien n’est plus commun que de les trouver distri- buées dans des bassins hydrographiques différents, séparés par de hautes chaînes de montagnes, ou dans des îles et sur des continents plus ou moins éloignés. Ce sont même, parmi les espèces phanérogames, celles qu’on trouve le plus fréquemment dans des régions très distantes (998, 564 et 583). 6. Certaines régions que la mer sépare aujourd'hui présentent plus d'espèces communes entre elles que la distance et la nature des climats ne l’auraient fait supposer. Ainsi, le Chili et la Californie, l'Espagne et les vallées chaudes du Caucase ou la Perse, la péninsule indienne et les îles de l'Afrique australe ont assez d'espèces communes, en dépit de la distance. Inversement, la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Hollande, le Congo et le Brésil, le Cap et les îles Mascareinhes, le Cap et la Nouvelle-Hollande, paraissent avoir moins d'espèces communes que la distance et les différences de climat ne pouvaient le faire présumer. D'un autre côté, on voit des terres extrêmement rapprochées, dont le climat est analogue, présenter quelque- fois des espèces distinctes en assez forte proportion. Tel est le cas des quatre îles de l'archipel des Galapagos (Hook. f., Trans. soc. Linn., v. XX). des diverses iles du groupe des Canaries, et les îles Canaries com- parées à Madère. 7. Quelques pays sont remarquables par un nombre extraordinaire d'espèces et de genres pour une surface donnée (le Cap, le Brésil, ete.); d’autres sont d’une pauvreté singulière (région arctique, Sahara, plaines de l’Inde, etc.) Il est difficile de ne pas attribuer ces différences, en partie du moins, à des causes antérieures. 8. Les espèces d’une organisation simple ont ordinairement une aire très étendue, quoique leurs graines ne soient pas toujours plus faciles à transporter que d’autres, et que leur faculté de résister à différents ch- mats ne soit pas constamment bien grande (Graminées, Cypéracées, Jon- PREUVES DE L’'ANCIENNETÉ DES ESPÈCES. 1059 cées, Polygonées, Papavéracées, Renonculacées, etc., p. 519, 604). D’un autre côté, certaines espèces plus parfaites, douées quelquefois de moyens assez évidents de diffusion et pouvant résister assez bien à des conditions extérieures de diverses natures (Composées, Rubiacées, Iridées, etc.), ont une aire restreinte. En d’autres termes, pour plusieurs catégories d’es- pêces, l'extension géographique n’est pas telle que les moyens de transport et la manière de vivre l’auraient fait supposer (p. 499, 519, 605). Ainsi, la présence de chaque espèce dans une région plutôt que dans une autre ; leur abondance dans certaines localités; l'extension, et surtout la disjonction d'espèces privées de moyens actifs de transport; la non- extension d'espèces douées, au contraire, de graines faciles à transporter; certaines analogies et certaines différences entre les flores de plusieurs pays; et leur richesse relative en formes distinctes, tous ces phénomènes, si importants, ne s'expliquent pas au moyen de l’état actuel des choses. Ils nous obligent à remonter à un état antérieur, c’est-à-dire aux différentes phases de l’époque dite quaternaire par quelques géologues, peut-être même plus haut. Un savant ingénieux, dont la mort prématurée excite de sincères regrets, Édouard Forbes (a), était entré résolument dans cette voie. Les opinions qu'il a émises, quelque ingénieuses qu’elles soient, ne sont cependant que des hypothèses, concernant une seule région du globe, et applicables à une partie seulement des phénomènes dont je viens de parler. Je dois donc me proposer ici un but plus général, celui de sonder les bases mêmes de ces hypothèses, d’en discuter le degré de probabilité et de les comparer avec d’autres théories plus ou moins répandues. En d’autres termes, je dois rechercher quelles hypothèses concordent le mieux avec les faits, et jusqu’à quel point elles s'appliquent aux différentes catégories de végétaux, aux différentes régions (b) et aux phénomènes dont l’état actuel du globe ne rend pas compte. $ IL. PREUVES DE L'ANCIENNETÉ HISTORIQUE ET INDICES DE L’ANCIENNETÉ GÉOLOGIQUE DE LA PLUPART DES ESPÈCES ACTUELLES, Les espèces qui composent actuellement le règne végétal, ou du moins la majorité d’entre elles, paraissent remonter à un temps reculé, antérieur à plusieurs des faits actuels géographiques et physiques. On peut le démon trer soit à priori, soit d’après quelques observations des géologues. (a) Dans un mémoire lu à l'Association britanniqne des sciences, en 1845, et surtout dans l’opuseule intitulé : On the connexion between the distribution of the existing Fauna and Flora of the British Isles and the geological changes which have affected their area especially during the epoch of the northern drift (dans Mem, of geol. survey, 1846; Annals of nat. hist., et tiré à part). (b) Voyez chap. XxYI. 1060 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. ‘ A priori: En effet, les formes spécifiques sont généralement hérédi- taires ; les déviations se présentent plutôt comme des exceptions ; les espèces figurées ou conservées dans les plus anciens monuments de l'Égypte, se retrouvent identiques aujourd’hui ; et, par tous ces motifs, la stabilité des formes doit être l'hypothèse qui s’offre la première à un esprit non pré- venu, tandis que c’est aux partisans des rénovations fréquentes de formes à la surface du globe, de prouver leur opinion. Ils ne manquent pas de l’es- sayer en disant que les époques géologiques bien caractérisées ont eu chacune leurs végétaux comme leurs animaux; mais sans vouloir dis- cuter en détail cette assertion, je dirai en peu de mots pourquoi elle me paraît trop absolue. | L'état simultané du globe à chaque époque, et surtout dans chaque siècle d’une époque géologique, est ordinairement douteux et le sera peut-être toujours. Ainsi, quand on prouve qu’en Europe telle espèce a disparu à une certaine époque, il est très possible qu’elle ait subsisté dans quelque pays adjacent ou même éloigné, aujourd’hui inconnu, peut-être dans un point recouvert maintenant par la mer. Pendant la durée, proba- blement fort longue, de certaines époques géologiques, une espèce a pu cesser d'exister dans une région, s'étendre et se prolonger dans une autre. D'ailleurs, les géologues reconnaissent ordinairement les formations par les corps organisés qu’elles contiennent ; ils regardent comme contempo- raines celles qui présentent les mêmes espèces, et pour les naturalistes, c'est précisément la chose douteuse de savoir combien de temps chaque espèce à duré. Ils seraient tentés de juger de l’époque des espèces par les formations, tandis que les géologues présument l’époque des formations par les espèces. On roule ainsi dans un cercle vicieux. Or, ce serait nous lancer dans des questions insolubles, pour nous botanistes, que de cher- cher si toutes les plantes de l’époque de la houille, par exemple, ont vécu simultanément, ont disparu ensemble dans tout le globe et ont été rem- placées par des espèces nouvelles. Les géologues ont des doutes (a), et les botanistes ne peuvent, à plus forte raison, éviter d'en avoir sur cette ques- tion très générale. Il doit nous suflire, pour rendre probable une ancienneté assez grande des espèces actuelles, de considérer seulement notre époque, ses commencements et sa jonction avec une époque antérieure différente. Dans ce but, je suivrai la méthode vraiment scientifique où l’on passe du connu à l'inconnu, c'est-à-dire je remonterai la chaine des temps. De nos jours, les inondations qui surviennent laissent subsister beau- (a) La localité de Petit-Cœur, par exemple, contient des houilles dont les espèces ne peuvent pas se distinguer de celle de la vraie houille, et cependant la formation en est ‘au-dessus, PREUVES DE L'ANCIENNETÉ DES ESPÈCES. 1061 coup d'espèces. On à vu les hords de la Loire submergés pendant quelques semaines, se montrer ensuite couverts de gazon, dans tous les points où un dépôt de sable n’avait pas enfoui les plantes herbacées. Beaucoup d’arbres avaient survécu, et quelques années après, un voyageur ne s’apercevait de rien en traversant cette belle contrée. Certaines plantes délicates ont peut-être péri; mais elles ont été remplacées par des graines venues de localités voisines. Si l’inondation avait été d’eau salée, on aurait sans doute observé plus de changement. Le terrain imprégné de sel aurait été pendant quelques années impropre à la végétation de beaucoup d’espèces. Lavé ensuite par les pluies, il serait revenu à son état primitif, et les graines de localités voisines auraient rétabli la végétation première. Le sol contient toujours une infinité de graines, enfouies dans les fentes causées par la sécheresse à l’époque de la maturité, ou par des animaux rongeurs et des accidents divers. Ces graines, à l'abri des variations de température, se conservent longtemps. Elles reparaissent, en partie, dans certains cas, lorsque la végétation de la surface a été détruite, surtout quand le terrain a été profondément sillonné par les eaux. Par tous ces motifs, les inonda- tions dont nous sommes témoins ne détruisent guère les espèces, à moins qu'elles ne soient très prolongées, qu’elles n’occupent une étendue plus grande que l'habitation des espèces, ou enfin, qu’elles ne soient d’eau salée. De telles conditions sont rares, d'autant plus que les espèces à aire restreinte sont généralement sur des montagnes ou dans les iles mon- tueuses à l’abri de submersions prolongées. Cette cause de destruction des espèces est donc à peu près sans influence, depuis deux ou trois mille ans que les circonstances paraissent avoir été semblables à celles d’aujour- d'hui. Le déluge de l’époque historique, celui de No, a sans doute été plus grave. Îl ne paraît pas cependant qu'il ait pu anéantir beaucoup d'espèces de végétaux. Si l’on veut prendre le récit de la Genèse dans le sens le plus littéral et le plus absolu, la surface totale du monde terrestre aurait été submergée, et cependant il se trouva une branche d’olivier après cette sub- mersion ; la vigne aussi avait résisté, et implicitement, la plupart des végé- taux, car l'historien sacré ne parle pas d’une création nouvelle après le déluge. La conservation des espèces serait encore plus certaine en prenant le mot de la Genèse, traduit par universel, dans le sens d’un phénomène comprenant toutes les régions alors connues des Hébreux; de même qu'avant la découverte de l'Amérique, on aurait appelé universel un événe- ment qui aurait enveloppé la majeure partie de l’ancien monde. Dans ce cas, 1l est clair que les milliers d'espèces habitant la Nouvelle-Hollande, le Cap, l'Amérique, etc., n'auraient pas été atteintes. Il y aurait eu seulement 1062 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. quelques espèces délicates des plaines de l'Asie occidentale ou des pays voisins qui auraient été fortement exposées. L’aridité extrême de la Perse, de lArabie, du Sahara, est assez d'accord avec une destruction locale d'espèces dans ces régions. La nature du sol y fait présumer souvent une submersion peu ancienne par de l’eau salée; mais il faut convenir aussi que l’absence de pluie et l’action desséchante du soleil suffisent pour expli- quer l’état du pays et la pauvreté de la flore. De quelque manière qu’on envisage l’étendue et la gravité du déluge de l’époque historique, il est évident qu'il à laissé subsister la grande majorité des espèces du règne égétal, Pius anciennement, depuis l’existence de l’homme ou avant, d’autres déluges ont pu avoir lieu dans telle ou telle partie du globe. Nous ne pou- vons que leur appliquer les mèmes considérations, comme étant les plus naturelles et les plus probables. Ainsi, pendant les époques de Diluvium, qui ont duré peut-être bien des milliers d'années, et qui, dans certaines régions de la terre, peuvent avoir commencé avant les premiers dépôts de ce genre en Europe, nous ne voyons pas de causes pour une destruction générale des espèces. On en dira probablement autant de plusieurs des époques antérieures, lorsque l’on connaîtra mieux l’état simultané des divers continents à chaque époque et dans chaque subdivision d'époque. L'extension probable des glaciers, en plusieurs points de l'hémisphère boréal, à des époques géologiques peu anciennes, est un phénomène d’une action analogue sur les espèces. Il a détruit, sans doute, complétement la végétation des localités recouvertes par la glace; mais l’étendue occupée simultanément par les glaciers peut n’avoir jamais été bien considérable. D'ailleurs les régions boréales sont précisément celles où les espèces pré- sentent l'aire la plus vaste, et sont, par conséquent, le moins détruites par des causes locales. Nous voyons, au milieu de nos glaciers actuels, des oasis de verdure comme le Jardin de la mer de Glace, et des anfractuosités de rochers, où les espèces peuvent subsister, et d’où leurs graines se répandent toutes les fois que les glaciers diminuent, I y a des pays qui sont au-dessus du niveau de la mer depuis un certain nombre des dernières révolutions du globe, et sur lesquels il n’a pu passer que des inondations d’une courte durée, ne laissant pas de dépôt consi- dérable. Tels sont, en Europe seulement, l'Auvergne, la Bretagne, une partie de l'Angleterre, la Scandinavie. Une invasion des glaciers à pu détruire en partie ou modifier leur végétation, mais d’une manière locale, et les autres causes géologiques n’ont pas influé pendant une période qui doit avoir été prolongée. Des changements de climat, provenant de l'étendue relative des eaux et de la terre dans les environs, peuvent avoir altéré PREUVES DE L'ANCIENNETÉ DES ESPÈCES, 1063 davantage la composition des végétaux ; cependant ils doivent avoir laissé subsister plusieurs espèces. Aujourd’hui, si un exhaussement des parties sous-marines qui entourent l'Angleterre venait à lui donner un climat continental analogue à celui de la Bohême, la moitié peut-être des pha- nérogames résisterait, puisque, maintenant, il y a un grand nombre d’es- pèces communes à ces deux pays. En résumé, sans adopter telle ou telle opinion sur la succession, la durée et l'étendue des phénomènes géologiques qui ont précédé notre épo- que, on entrevoit la possibilité, et même la probabilité, d’une existence fort ancienne de nos végétaux actuels. En particulier, les espèces marines et aquatiques, les espèces qui ne craignent pas les terrains inondés, celles dont les graines conservent longtemps la faculté de germer, enfin celles qui peuvent affronter différents climats et qui se trouvent actuellement, et en apparence, depuis longtemps, dans des pays éloignés les uns des autres; toutes ces espèces peuvent avoir traversé, et doivent, selon les probabilités, avoir traversé plusieurs milliers, peut-être des centaines de milliers d'années, en dépit des révolutions locales et successives de la surface terrestre. Ce sont des réflexions fondées sur des faits, qui nous ont conduit à ces probabilités importantes en théorie. L'observation directe de certains végétaux et de certaines contrées n’est pas moins concluante. Je ne reviens pas ici sur les espèces actuelles qu’on retrouve, soit en nature, soit figurées, dans les catacombes -les plus anciennes de l'Égypte (p. 833, 929). Je ne cite pas les arbres du Sénégal, du Mexique et d’au- tres pays qui, d’après leurs dimensions énormes, remontent à plusieurs milliers d'années. Quelques doutes se sont élevés dans mon esprit sur la valeur des calculs que j'ai contribué moi-même à répandre à ce sujet (a), mais ils n’altèrent nullement le résultat général de l'antiquité extraordi- naire de plusieurs arbres. Un millier d'années de plus ou de moins, quand il s’agit de quatre à six mille ans, ne change pas les conclusions à tirer pour la géologie et la botanique. D'ailleurs, en pensant à ces arbres si vieux, une réflexion me frappe dans ce moment, et me confirme dans l’idée de l'ancienneté des espèces sous leurs formes actuelles. Nous ne doutons pas, en vertu de notre expérience de tous les jours, de la conservation habituelle des formes spécifiques pendant quelques générations successives. Appliquez ceci aux espèces ligneuses, telles que les Taxodium distichum, les Adansonia Baobab, VIF, etc., vous vous représenterez aussitôt ces espèces pendant l’époque antérieure à l’homme. Si le Taxodium de Santa-Maria (a) Je veux parler des calculs d’Adanson, sur les Baobabs, tels qu'il les donne dans la préface, page 217, de son ouvrage sur les Familles des plantes, 1064 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. del Ulé, au Mexique (a), a, disons, trois mille ans, et c’est peut-être le minimum qu’on puisse lui supposer, ce Taxodium est né de la graine d’un arbre qui était probablement d’une certaine vétusté. Quelques géné- rations font ainsi remonter bien haut. Plusieurs espèces annuelles de l'Égypte se sont conservées semblables pendant trois mille générations au moins. Supposez un nombre égal de générations d’une espèce ligneuse, et une durée moyenne de chaque génération d'arbre de cent ans seulement, c’est une durée totale de trois cent mille ans; supposez seulement cent générations d'arbres de cent ans, cela produit une durée de dix mille ans. Ainsi l'ancienneté des espèces, et l'ancienneté sous les formes actuelles, sont choses extrêmement probables pour la majorité des plantes de notre époque. Voici encore quelques faits tendant à la même conclusion. Les géologues ont découvert dans des dépôts de tourbe très anciens, des ossements de mammifères qui ônt cessé d’exister avant l’époque historique. L'exemple le plus remarquable est celui du cerf (Cervus hibernicus) des tourbières d'Irlande et de l'ile de Man. Dans ces mêmes tourbières, on trouve des troncs d'arbres, des fruits et des graines ; mais il ne parait pas qu'on ait jamais hésité à les rapporter à des espèces actuellement exis- tantes, du pays même ou de pays voisins. Ge sont, dans les tourbières. d'Écosse et d'Irlande, des chênes et des pins, qui paraissent de même nature à toutes les profondeurs, et qu'on dit appartenir aux espèces européennes actuelles (p. 807, et plus loin, chap. XXVD). Sir Charles Lyell a compté sur un de ces chênes 800 couches annuelles (b). Les mêmes faits se pré- sentent dans tout le nord-ouest de l'Europe. Is ont de l'importance toutes les fois que les couches de tourbe sont très anciennes, par exemple, anté- rieures à la présence de l’homme dans nos régions. Les forêts sous-marines, observées en plusieurs points des côtes de France et d'Angleterre, remontent à une époque récente au point de vue géologique, mais ancienne au point de vue des années, car aucune tradi- tion, aucun document historique n’en ont fait mention. Cependant elles se composent de bouleaux, de noisetiers, de chênes, de sapins, etc., appar- tenant souvent aux espèces actuelles (c). Dans la Nouvelle-Angleterre, les phénomènes de ce genre se montrent sur une plus grande échelle. Entre Boston et Portsmouth, il existe des marais, submergés même pendant les basses eaux de la mer. On y trouve des troncs encore verticaux du (a) A. de Candolle, Pibliothèque universelle de Genève, avril 1831 ; Hartweg, Trans. Hortic. Soc., 2° série, v. II, p. 434 ; A. Gray, American journ. of se., juillet 4844. (b) Le fait est cité dans son second voyage aux États-Unis, vol. 1, p. 36. L'auteur ne dit pas si la tourbière était une des plus anciennes. (ce) Beudant, Cours élém. d'hist. nat., Géologie, p. 123; Austen, Quart. journ. of the geol. Soc., 1850-1852. PREUVES DE L'ANCIENNETÉ DES ESPÈCES. 1065 Cupressus thuyoides, qui croit sur terre ferme, dans le voisinage. L'époque de la submersion est inconnue. « Elle est géologiquement de la date la plus moderne, dit sir Charles Lyell (Second visit to the Un.-St., 1849, I, p. 31), mais elle peut être d’une grande antiquité, relativement à l’histoire de l’homme. » A l’extrémité méridionale de l'État de New-Jersey, à l'est de la baie de Delaware, des marais submergés de même nature sont rem- plis d'arbres jusqu'à une profondeur inconnue (Lyell, 1bid.), et Von a l'habitude d’en sonder la vase pour y découvrir les pièces de bois. Quand on les trouve, la vase est enlevée et le bois scié pour des poutres, etc. Les troncs de 4 à 5 pieds, même 6 pieds de diamètre, sont en place sur leurs racines, et les plus âgés se trouvent dans toutes les positions possibles, quelquefois horizontalement sous les racines des arbres verticaux. Le doc- teur Bresley, de Dennis-Creek, a compté 1080 couches de croissance annuelle du centre à la circonférence d’un tronc de 6 pieds de diamètre, et sous celui-ci se trouvait un arbre couché, qui était tombé et avait été enseveli, avant que l’autre eût poussé. Ce tronc inférieur avait cinq cents ans, de sorte que plus de quinze cents ans était évidemment l’âge d’une partie du marais, dont la profondeur est inconnue (a). Le même géologue, dont l'esprit d'observation est si remarquable, décrit et figure (Second visit to the Un.-St., IE, p. 24) d’immenses ravins qui se sont formés en Géorgie, près de Milledgeville, depuis l’époque toute récente de la destruction des forêts par l’homme. Le desséchement pro- duit par l’exposition au soleil, et l’action des eaux sur un terrain argileux ainsi exposé, ont produit dans un endroit une fissure, d’abord de 3 pieds de profondeur, puis de 55 pieds sur 300 yards de longueur et sur 20 à 180 pieds de largeur. « Cette rapidité montre, dit sir Charles Lyell, que précédemment les forêts avaient toujours couvert, le sol, depuis qu’il s’était élevé au-dessus des eaux salées. » Or, depuis quand ce terrain marin est-il hors de l’eau ? C’est ce qu’on ne peut pas dire, même approximative- ment; mais il est clair que l’époque en est ancienne, quand on la mesure par des années et non par des phénomènes géologiques (b). (a) L'auteur désigne les arbres de cette forêt sous le nom vulgaire de Cedar, qui s’ap- plique dans le pays au Cupressus thuyoides et au Thuya occidentalis (Gray, Bot. of N.-St.). Il ne paraît pas douter que l'espèce submergée n’appartienne à l’une des espèces actuelles. Cependant on aimerait en avoir la preuve, par les cônes, qui doivent se retrouver quel- quefois dans la vase. (b) M. Agassiz (Lake superior, p. 150) fait observer que les espèces actuelles de la partie orientale de l'Amérique du Nord sont analogues à celles de l’époque tertiaire en Europe (par exemple d'Œningen); ainsi cette végétation a un caractère, dit-il, d'ancienneté, de mème que celle du Japon. « Particularité qui s'accorde avec l'aspect général du nord de l'Amérique, pays qui, d’après sa structure géologique, a dû être un grand continent long- temps avant l’époque où de vastes étendues de terrains ont été soulevées au-dessus de la mer dans d’autres régions du globe. » [1 ajoute (p. 152) : « Ce qui est vrai des plantes l'est aussi des animaux. » Je reviendrai sur ce genre de raisonnement dans le chap. XXVT. « 1066 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. Depuis l’époque où existaient les mastodontes (a) le climat des États- Unis n’a pas changé notablement, car alors existaient aussi les coquilles terrestres et fluviatiles actuellement dans le pays (b). Ainsi, la forêt en ques- tion devait remonter à l’époque où vivaient les mastodontes. On peut dou- ter, cependant, qu'elle ait toujours été composée de la même essence ou des mêmes espèces, car nous connaissons en Europe quelques faits d’après lesquels une rotation séculaire et naturelle d'espèces s'établit, dans une forêt, en vertu de la loi d’alternance (c). Sir Charles Lyell aurait donc prouvé l’ancienneté des forêts de Géorgie, non l’ancienneté de leurs espèces actuelles. Cependant il est très possible que les rotations dans l’essence des forêts soient rares, plutôt que constantes, et, d’ailleurs, les espèces qui reviennent sont ordinairement celles dont les graines étaient enfouies dans le sol par l'effet d’une longue existence antérieure dans la même localité ou dans une localité voisine. Les dépôts du Mississipi contiennent, à différentes profondeurs, des bois que tout le monde rapporte au cyprès (Taxodium distichum) du pays. Or, d’après l'épaisseur du limon et la quantité de matière solide charriée actuellement par le fleuve, le dépôt a pu se former près de la Nouvelle- Orléans, depuis cent mille ans (Lyell, Second visit to the Un.-St., I, p. 250, 179 et ailleurs), et en supposant une alluvion dans certain temps plus rapide, il remonterait toujours à plusieurs milliers d'années. En creu- sant des puits artésiens sur le littoral de la Guyane, près de l'embouchure des grands fleuves de ce pays, on trouve également des morceaux de bois et des troncs d’arbres fort analogues aux espèces actuelles des mêmes loca- lités (d). Leur identité spécifique et l’âge des couches d’alluvion n’ont pas été étudiées jusqu'à présent. Je ne connais rien de plus intéressant que ces recherches. Elles offrent ce grand avantage, que l'identité des espèces peut se prouver sans le secours des fleurs et des fruits, organes rarement conservés ; mais par le moyen seulement des couches successives d’alluvion, qui contiennent des bois semblables. Il n’en est pas de même des lignites, dans lesquelles on trouve souvent des bois analogues à ceux de nos espèces actuelles, sans que l’iden- tité puisse être démontrée, faute de transitions. D'ailleurs, la date des (a) On sait que les Mastodontes, si répandus en Europe et en Amérique, caractérisent l'époque quaternaire. Ils peuvent avoir continué jusqu'aux premiers temps de l'espèce humaine, mais le fait n'est pas admis par tous les géologues. Voyez Ansted, (he ancient world, édit, 1848, p. 279, (b) Lyell, Premier voyage, I, p. 51, 55; I, p. 65 ; Second voyage, II, p. 365. (c) Page 472. J'aurais dù citer les faits curieux que le docteur Unger a publiés dans le Botanische Zeitung du 27 avril 1849, sur les alternances séculaires des arbres forestiers en Allemagne et dans le nord-ouest de l'Europe. Je regrette de les avoir omis. (d) Article du Bolanische Zeitung, 1849, p. 473, 485, sur le voyage de Schomburgk, PREUVES DE L’'ANCIENNETÉ DES ESPÈCES. 1067 lignites est souvent douteuse, surtout à l'égard de l’époque historique et quand on cherche à la mesurer en années. Lorsqu'on remonte à des terrains plus anciens, par exemple aux terrains dits pliocènes d'Œningen, près de Schaffouse, de Parschlug en Styrie, de quelques localités d'Auvergne, ete., les espèces végétales sont autres que les espèces actuelles de l’Europe, ou si, dans des cas rares, on trouve des fruits semblables à ceux de quelque espèce vivante, l'identité est encore incertaine, car deux espèces peuvent avoir un fruit parfaitement semblable et différer dans les feuilles ou les fleurs (a). Les genres et les espèces qui, dans ces terrains pliocènes de l'Europe tempérée, se rapprochent le plus des espèces actuelles, ont leurs analogues aujourd'hui en Europe, ou dans l'Amérique septentrionale et l'Asie tempérée. Quelques espèces de Juglans et d'Acer, par exemple, sont identiques avec les espèces des États-Unis ou en sont extrêmement voisines. Peut-être ces fruits et bois des terrains pliocènes d'Europe sont-ils le produit d’un courant qui les aurait trans- portés d'Amérique, de même qu'aujourd'hui il se dépose des productions américaines sur les côtes d'Irlande et de Norwége ? La végétation euro- péenne de cette époque ne se serait pas conservée à l’état fossile parce qu’elle n'aurait pas été enfouie, et, dans ce cas, il se pourrait qu'elle eût été composée en partie de nos espèces actuelles. Quoi qu'il en soit, nous devons reconnaître la probabilité que certaines espèces sont très anciennes, qu'elles ont traversé plusieurs révolutions géologiques, et que tout au moins elles remontent à un temps qui a pré- cédé l’apparition de l’homme en Europe. L'observation et le raisonnement conduisent à ce résultat, et aucune des hypothèses sur le mode de forma- tion des fossiles, par transport ou autrement, ne lui est contraire (b). D'un autre côté, nous ignorons si toutes les eSpèces actuelles ont paru en même temps. Peut-être elles se sont succédé, soit qu’elles aient dérivé d'anciennes espèces à des époques successives, soit qu’elles aient été créées successivement par une cause surnaturelle, soit enfin que les unes aient (a) M. Ad. Brongniart m'a fait voir dans la collection du Muséum de Paris un fruit de Juglans, qu'il ne peut distinguer d’avec une espèce actuelle, américaine. Il fait allusion à ces identités apparentes à la fin de son article remarquable, intitulé : Tableau des genres de végétaux fossiles, dans le Dict. univ. d'hist. nat. de d’Orbigny. (b) On commence à se familiariser avec ces idées, principalement en Angleterre. Le Phytologist de mai 1851, p. 132, contient une note de M. E. Lees, d’après laquelle le révérend M. Crump, ayant fait forer près de Shipston, comté de Worcester, c’est-à-dire loin des côtes de la mer, un puits de 24 pieds, il était venu l’année suivante dans les terres qu'on en avait extraites une quantité de Glaucium luteum, plante dont il n'existe aucun individu dans le voisinage. Shipston est sur le lias, terrain déposé dans une mer peu profonde, abondante en coquilles, et les auteurs de l'observation émettent l'hypothèse que les graines de Glaucium dateraient de cette époque. Une durée de la vitalité des graines - pendant des milliers d’années, n’est pas absolument impossible. Si je doute dans le cas actuel, c’est que le lias est une formation tertiaire, non quaternaire. 1068 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. été créées à certaines époques et d’autres dérivées, car toutes ces hypo- thèses peuvent se présenter à l'esprit, et la science ne donne que des aperçus pour parvenir à leur solution. Je reviendrai plus tard sur ces questions. Il me suffit dans ce moment d’avoir montré à quel point l’état antérieur du globe et celui de nos espèces, probablement anciennes, ont influé sur leur distribution géographique actuelle. Les causes de cette nature, qui peuvent avoir joué un rôle, sont nombreuses. Ce sont évidemment : 1° L’âge relatif des espèces; 2 Leur premier mode de formation et de répartition ; 3° Les modifications qu’elles ont pu subir dans leur forme et leur nature; h° Les changements qui ont eu lieu, avant notre époque, dans la forme des surfaces terrestres et aussi dans les climats qui en sont plus ou moins la conséquence. Quant à ce dernier point, malheureusement, les géologues attendent la lumière des naturalistes. Ils ne peuvent guère juger des climats et de l'isolement ou de la contiguité des anciennes régions, que par la nature des espèces animales ou végétales qui s’y retrouvent à l’état fossile. Mais sur les autres questions, sur l’âge, l’origine et le développement des espèces, nous devons nous efforcer tous, géologues et naturalistes, d'ar- river à une solution. On dirait en quelque sorte le siége d’une forteresse que nous faisons ensemble par des côtés différents. Il faut nous entendre, nous pénétrer du rôle de chacun dans cette attaque. Nous occupons, nous autres naturalistes, la ligne la plus importante, car c’est à nous de bien étudier l'espèce et ses rapports avec les climats, avant que les géologues tirent des conclusions du mode de distribution des êtres organisés dans diverses époques. À nous donc d'envisager en face la question si ardue de l’espèce, de sa nature, de ses modifications, de son origine. C’est à quoi je vais consacrer les articles qui suivent, avant de traiter de nou- veau des hypothèses géologiques. ARTICLE IT. DES CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES ELLES-MÈMES. $ I. DÉFINITION DE L'ESPÈCE. Énoncer clairement ses opinions sur la nature de l’espêce est pour un naturaliste l'épreuve la plus redoutable de toutes. Il sait que chaque mot sera pesé, que toute idée nouvelle pourra être taxée d’hérésie, et que des notions fausses sur cette base des sciences naturelles jettent ses travaux de descriptions dans un discrédit mérité. Plus il avance dans sa carrière, CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1069 plus il sent la gravité de la question. Il ne peut essayer de la résoudre qu’en se recueillant, après avoir éloigné de son esprit toutes les idées qui ne reposent pas sur l'observation même de la nature. L'espèce, définie d’une manière abrégée, conforme aux habitudes de la plupart des naturalistes, mais insuffisante, comme nous le verrons bientôt, est « une collection de tous les individus qui se ressemblent assez pour » qu'on puisse croire qu'ils sont sortis ou qu'ils auraient pu sortir » d’un seul couple ou d’un seul individu. » Cette définition a ses avantages et ses inconvénients (a). Les avantages sont de ne pas s'attacher à certains caractères de l'espèce qui la font reconnaître souvent, mais qui n’existent pas toujours. Ainsi il est très vrai que les individus d’une même espèce se fécondent ordinai- rement avec facilité, et que les individus de deux espèces différentes se croisent rarement et donnent des produits presque toujours inféconds. Néanmoins, il y a des espèces dans lesquelles la fécondation manque, par exemple, dans beaucoup de familles de Cryptogames ; d’autres, où elle est dificile, par exemple les Orchidées, dont les graines sont si fréquemment stériles. Il y a, au contraire, des plantes où les fécondations croisées ne sont pas très rares, même dans le cours naturel des choses, et où les pro- duits hybrides ne sont pas toujours inféconds. On pourrait dire, sous un autre point de vue, que les individus de la même espèce diffèrent seulement par des nuances de peu de valeur, et que les individus appartenant à deux espèces diffèrent par des points plus importants. Cela est vrai, en général, mais qu'appellera-t-on important et non important? D'ailleurs, 1l existe des earactères peu importants en général qui, dans certaines familles, prennent plus de fixité, par consé- quent plus d'importance, et qui alors distinguent fort bien les espèces. Telles sont la couleur des fleurs dans les Orchidées, la pubescence dans les Myosotis, la forme exacte des feuilles dans une autre plante, ete. Celui qui a étudié la distribution géographique et topographique des espèces, pourra dire, avec autant de raison, que les individus de la même espèce sont réunis dans la même région, ont les mêmes limites et se trouvent dans les mêmes stations. Cela serait vrai pour les 99/100 des espèces, mais quel- quefois les espèces sont disjointes, comme si elles avaient eu plusieurs centres d’origine, quelquefois leurs limites ou leurs stations diffèrent selon des variétés, dont personne ne pense à faire des espèces, ou selon certaines modifications de climats et de localités. Plusieurs naturalistes ont soutenu (a) Elle est tirée presque mot à mot de la Physiologie végétale de mon père (II, p. 688), lequel a donné ailleurs une définition plus scientifique, dont je parlerai à la fin du S L Celle-ci doit être envisagée comme exprimant ce que les naturalistes entendent et prati- quent d’ordinaire. 1070 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. que l'espèce se compose d'individus dont les traits distinctifs se conservent dans la domesticité ou la culture, de génération en génération. Je ne doute pas que les espèces ne présentent.communément ce caractère; mais alors, dans le règne animal, on fera, du cheval arabe et du peuple juif, des espèces, attendu que leurs caractères distinctifs se conservent sous tous les climats et pendant un nombre infini de générations. La vigne à raisins blancs, le pavot à graines blanches, le froment dépourvu de barbes, se conservent également par les graines, avec tous les modes de culture, et personne ne songe à les regarder autrement que comme des modifications d'espèces. La succession des générations, en détruisant quelquefois certains caractères distinctifs, nous montre le néant de prétendues espèces. Mais l'inverse n’est pas vrai: la transmission des caractères n’est pas une preuve qu'ils sont spécifiques. Ainsi tous les attributs qu’on voudrait considérer comme essentiels de l'espèce et qu'on introduirait à ce titre dans la définition, se trouvent des signes plus ou moins constants de l'espèce et rien de plus. On aurait grand tort de les négliger, mais aucun d’eux n’est absolu. De cette manière, on est rejeté vers une définition courte et générale, comme celle que j’énonçais il y à un instant. Les inconvénients, toutefois, d’une définition de cette nature, sont de laisser les limites de l’espèce dans un grand vague, et aussi de faire croire, sans cependant l’affirmer, que tous les individus actuels d’une espèce sont réellement sortis d’un seul individu ou d’un seul couple, ce qui n’est pas démontré, surtout à l'égard des végétaux. Cette dernière objection me touche peu. Quelle que soit la solution à donner à la question des origines uniques ou multiples des espèces, il y aura toujours entre certains individus une ressemblance telle, que lon pourra les considérer comme issus d’une origine commune. La définition ne dit rien de plus. Malheureusement, les naturalistes ne seront jamais d'accord sur le degré de ressemblance qui permet de croire à une origine commune. En d’autres termes, ils ne seront jamais d'accord sur l'étendue des variations possibles entre les individus sortis d’une souche commune, L'observation apprend quelque chose à cet égard. Elle pourra, sans doute, avancer vers une solution de la question, mais elle ne conclura jamais, car en prouvant la fixité de certaines formes pendant quelques milliers d'an- nées el sous l'empire des causes physiques actuelles, on restera dans l'ignorance de ce qui a pu arriver à la suite d’un temps plus long encore ou de circonstances extérieures d'une nature différente. Si, comme je le pense, la plupart des espèces végétales ont traversé certaines révolutions du globe (les dernières au moins), la fixité de quelques caractères pendant trois on CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1071 quatre mille ans n’est peut-être pas un fait d’une grande valeur. Il permet- trait de croire, par analogie, que les caractères actuels existaient déjà depuis six mille ans ou dix mille ans, par exemple ; mais plus le terme d’origine est supposé éloigné, plus on retombe dans lincertain. On pourrait donner de l’espèce une définition détaillée, dans laquelle ! on aurait égard aux objections dont je viens de parler et aux caractères qui font ordinairement reconnaitre les espèces. On dirait alors : L'espèce est une collection de tous les individus qui se ressemblent assez pour offrir les conditions suivantes : 1° se féconder presque toujours mutuellement avec facilité et donner des produits ordinairement féconds {quand il s’agit de Phanérogames) ; 2° conserver leurs caractères communs, actuels, de génération en génération sous des circonstances extérieures variées; 3° ne présenter d’un individu à l’autre que des différences de forme et de nature physiologiques semblables à celles qui s’observent en comparant plusieurs individus que l’on sait positivement être sortis d’une souche commune dans l'espèce, ou même, si l’on veut, dans des espèces assez voisines pour qu’une comparaison ne soit pas forcée. Avec une pareille définition, les espèces seraient reconnues exister, même en admettant les hypothèses les plus extrèmes sur la transmutation des formes, par l’effet d’un temps excessivement long et de causes aujour- d’hui inconnues, ou avec l'hypothèse de l'existence dès l’origine de plusieurs individus semblables. Ainsi, qu’il y ait eu primitivement un ou plusieurs individus de même forme, que ces individus primitifs aient commencé d'exister il y a six mille, dix mille ou cent mille ans, sous la forme actuelle de leurs descendants ou sous une autre, il n’en est pas moins vrai qu'il existe aujourd’hui des collections d'individus qui présentent les trois caractères de ressemblance dont je viens de parler, et qui méritent, par conséquent, de recevoir un nom, comme toute chose collective réelle. Je me plais à offrir une définition de l'espèce qui s'adapte à toutes les théo- ries, parce que la science peut incliner successivement vers des opinions diverses, que certaines hypothèses, aujourd’hui peu probables, peuvent devenir des vérités, et que, cependant, l'observation de tous les jours, le sens commun, et même le langage de tous les peuples, nous disent l'exis- tence des espèces, comme celle des genres, comme celle des familles, comme celle de toutes les associations d'objets qui se ressemblent. Que si lon critique le vague dans lequel je présente les limites de l'espèce et la difficulté qu’on aurait à les reconnaitre avec une pareille définition, je répondrai qu’il en est de même dans une foule de cas lors- qu’on veut définir des choses collectives. Ainsi, tout le monde emploie les mots ville, village, tout le monde reconnait qu'il existe des aggluméra- 68 1072 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. tions d'habitations qui entraînent ces noms, et cependant, il serait impos- sible de définir mieux que nous ne lavons fait pour l’espèce, une ville et un village. On ne peut pas dire qu’une ville est une agglomération ayant une certaine population, car il y a des villes moins peuplées que certains villages; ni qu'une ville est une agglomération entourée de murs, car il y a des villes ouvertes ; ni qu’elle est le centre d’une administration, qu’elle a une église, un marché, car 1l y a des villages pourvus d’administrations, ou d'église ou de marché (a). Bien plus, il y a des villes qui se touchent, qui se confondent; il y a des maisons dont on ne peut dire si elles appar- tiennent à une ville ou si elles sont en dehors, comme il y a des espèces qui se louchent, et des individus à côté ou sur les confins des espèces. Tout cela n'empêche pas que les villes ne soient des réalités, que le sens du mot ville ne soit clair, même pour les plus ignorants. Voici pourquoi il est clair. C’est que chacun a dans sa pensée les cas les plus faciles à comprendre, qui sont aussi les plus nombreux, et des- quels ressort l’existence de certains attributs habituellement combinés, qui distinguent une ville. De même pour la notion d'espèce, elle repose sur la combinaison de caractères habituellement réunis. Sachons ne pas nous écarter du gros bon sens de tous les temps et de tous les peuples, qui reconnaît l'espèce d’après un nombre incalculable d'espèces fort claires, et n’envisageons pas trop les exceptions, qui nous feraient tomber dans de véritables subtilités. Je vais done admettre les espèces du règne végétal comme elles se pré- sentent à nous à l’époque actuelle, et avec les seules données d’une obser- valion de quelques siècles, savoir comme des collections d'individus qui se ressemblent assez pour 1° avoir en commun des caractères nom- breux et importants, qui se continuent pendant plusieurs générations, sous l'empire de circonstances variées; 2% s'ils ont des fleurs, se fécon- der avec facilité les uns les autres et donner des graines presque tou- jours fertiles ; 3° se comporter à l'égard de la température et des autres agents extérieurs d'une manière semblable ou presque semblable ; he en un mot, se ressembler comme les plantes analogues de structure, que nous savons positivement être sorties d'une souche commune, depuis un nombre considérable de générations. En résumant ainsi mes idées, je suis arrivé à une définition de l'espèce (a) Telle est la difficulté de définir ce mot si clair une ville, que d'après le Dietion- nairé de l’Académie française, on ne peut pas savoir si Londres est une ville ou un vil- | lage. Le Dictionnaire dit au mot ville: « Assemblage d'un grand nombre de maisons disposées par rues, et souvent entourées d’une clôture commune, qui est ordinairement - de murs et de fossés. » Edit. de 1835. — Or, il y a des rues dans plusieurs villages, et comme Je dit la définition, il existe des villes sans clôture ; Londres est dans ce cas. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1073 qui diffère peu de celle donnée par de Candolle dans la Théorie élémentaire (édit. 1819, p. 193) : «On désigne sous le nom d'espèce la collection de tous les individus qui se ressemblent plus entre eux qu'ils ne res- semblent à d'autres ; qui peuvent, par une fécondation réciproque, produire des individus fertiles, et qui se reproduisent par la qénéra- hon, de telle sorte qu'on peut, par analogie, les supposer tous sortis originairement d'un seul individu. » Adrien de Jussieu (Cours élém. de bot., édit. 1843, p. 505) avait adopté cette définition en modifiant les caractères relatifs à la reproduction, sans doute à cause des Cryptogames dans lesquels on ne connaît pas de véritable fécondation, surtout de fécon- dation réciproque. I dit : « L'espèce est la collection de tous les indi- vidus qui se ressemblent entre eux plus qu'ils ne ressemblent à d'au- tres, et qui, par la génération, en reproduisent de semblables ; de telle sorte qu'on peut, par analogie, les supposer tous issus originairement d’un méme individu.» Les botanistes se rangent pour le plus grand nombre, tacitement ou expressément, autour de définitions semblables de espèce. Quelques-uns s’en éloignent plus dans la forme que dans le fond. Ainsi, Endlicher et Unger (a) disent : « Les individus qui concordent dans tous les caractères invariables appartiennent à la méme espèce. » On voit ensuite, par la manière dont ils définissent les variétés et les sous-espèces (races), qu’ils entendent par caractères invariables ceux qui ne changent pas pendant une succession indéfinie de générations. D’autres donnent des définitions métaphysiques, plutôt que basées sur la logique des sciences d'observation. M. Schleiden (b) commence par établir que la notion d'espèce est essen- tiellement subjective ; ensuite il arrive à la définition suivante : € Tous les individus qui, indépendamment du lieu et du temps, présentent des caractères identiques dans des circonstances identiques, appartiennent à une espèce (c). » M. Jordan (d) considère aussi la notion d'espèce comme une abstraction de notre esprit, ce qu’on peut dire assurément de toute notion d’un objet collectif, sans diminuer pour cela la réalité de cet objet. Ïl raisonne sur l’espèce comme on raisonne ordinairement sur ce qu'on appelle le type d’une espèce, le type d’un genre, le type d’une famille, etc. Il arrive ainsi à dire (p. 5): « Le fond commun, identique chez tous ceux qui représentent une méme forme spécifique, c'est l'espèce. » (a) Grundzüge der Botanik, 1825, p. 405. (b) Grundzüge der wissenschaftigen Botanik, 1850, vol. LE, p. 516. (C) « Zu einer Art gehüren alle Individuen, die Abgeschen von Ort und Zeit, unter vüllich gleichen Verhältnissen auch vüllich gleiche Merkmahlen Zeigen. » (d) De l'origine des diverses variétés ou espèces d'arbres fruitiers, ete., br. in-$, Paris, 1853. 1074 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. Les horticulteurs qui s’élèvent au-dessus de la simple pratique de leur art, sont disposés presque toujours à donner une grande importance au fait de fécondation possible entre végétaux de formes différentes. Les ouvrages de Galesio (a) et du révérend M. Herbert (b) sont curieux sous ce rapport. Le dernier de ces auteurs ayant constaté des hybrides fertiles entre des Crinum ou des Amarvyllis réputés ordinairement des genres, arrive à l'opinion que les groupes appelés genres par les botanistes devraient plutôt être considérés comme espèces, et les espèces comme des modifications d'origines diverses. Il est ainsi dans l’extrême opposé à M. Jordan, qui appelle espèces toutes les formes réputées par lui hérédi- taires; qui regarde même la plupart des modifications des plantes cultivées comme permanentes et comme représentant des espèces, et qui arrive ainsi à augmenter énormément le nombre des vraies espèces, tant sponta- nées que cultivées. Entre M. Herbert, dont le système réduirait les espèces à 1/10°, et M. Jordan, dont les principes, et surtout la pratique, les augmenteraient dans une proportion inconnue, se trouve la grande masse des botanistes. On remarque encore, dans cette masse, des apprécia- tions très diverses des espèces, mais il faut s’en prendre au talent d’ob- servation, aux matériaux dont chacun dispose et au degré de jugement sur chaque cas individuel, bien plus qu’à des théories sur l'espèce en général. Les géologues s’appuient, d'ordinaire, sur les définitions proposées par les naturalistes. Quelques-uns se sont occupés spécialement de la détermina- tion des fossiles végétaux ou animaux, de même que certains naturalistes se sont occupés, avec raison, des résultats de la paléontologie. Il arrive alors à ceux-ci de laisser paraître dans la définition de l’espèce un pot de vue géologique. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (ec), par exemple, s'exprime de la manière suivante : « L'espèce est une collection ou une suite d'individus caractérisés par un ensemble de traits distinctifs dont la transmission est naturelle, régulière et indéfinie dans l'ordre actuel des choses. » M. Lecoq (d) définit l'espèce «une succession d'indi- vidus offrant des caractères semblables et constants pendant la même période géologique. » Dans l'application, il est impossible de savoir si la constance des caractères a dépassé un cerlain nombre de générations, et remonte à ce qu’on appelle un commencement de l’ordre actuel des choses, un commencement de période géologique. Ce fait mème d'ordres antérieurs (a) Galesio, Traité du Citrus, 1 vol. in-8, Paris, 1814. (b) Herbert (Hon. and Rev. William), Amaryllidaceæ, 4 vol. in-8, Londres, 1837. (c) Revue et Mag. de zoologie, janv. 4851, (d) Études sur la géographie botanique de l'Europe, en particulier sur la végétation du plateau central de la France, vol. 1, p. 199, CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1075 des choses et d'ordre actuel, ou si l’on veut de périodes géologiques, devient de plus en plus douteux, puisque les progrès de la géologie nous montrent des successions d'événements locaux et partiels. Chaque région du globe a eu ses périodes géologiques ; mais il est fort possible qu’il n’y ait pas eu pour l’ensemble wne période du terrain houiller, une période du lias, ete. Beaucoup d’espèces actuelles ont dû se trouver les unes à côté, les autres au milieu de certains événements géologiques. Elles les ont traversés comme elles ont pu, et la grande question est précisément de savoir ce qui leur est arrivé, au double point de vue de leurs habitations successives et de leurs formes, réputées plus ou moins fixes, plus ou moins variables, selon les idées de chacun. Les zoologistes ont donné, en général, de l’espèce, des définitions un peu différentes de celles des botanistes. TIs mettent ordinairement en pre- mière ligne le caractère de äescendance commune ou de fécondité habi- tuelle et continue entre les individus, et en seconde ligne, le caractère de ressemblance, Quelles que soient leurs opinions sur l’origine et la variabi- - lité des espèces, ils s'accordent à donner plus d'importance aux faits de succession qu’à ceux de ressemblance. Ainsi, les idées de Cuvier, basées sur celles de Buffon, se résument dans la définition suivante : L'espèce est la réunion des individus descendus l’un de l'autre ou de parents communs, et de ceux qui leur ressemblent autant qu'ils se ressemblent entre eux. Nrépète ailleurs ce quedit Buffon, que la différence apparente de deux races de chiens est plus grande que celle de la plupart des espèces sauvages, d’où l’on voit qu’il mettait en première ligne le caractère de descendance. M. Flourens (Analyse rai- sonnée des travaux de &. Cuvier, p. 262; De la longévité humaine, 1 vol. in-12, 1554, p. 148) adopte cette définitiôn ; mais ayant constaté mieux que personne, par de longues et curieuses expériences, la produc- tion de certains hybrides doués d’une fécondité bornée, il ajoute au carac- tère de la succession des individus celui de la fécondité continue. On lit dans l’ouvrage récent que je viens de citer les expressions suivantes : « La ressemblance n’est qu’une condition secondaire; la condition essentielle est la descendance: ce n’est pas la ressemblance, c'est la succession des individus qui fait l'espèce. » Et quelques lignes plus haut : « Le caractère profond, celui qui fait la réalité et l'unité de l'espèce, savoir, la fécondité continue, etc. » Buffon, Cuvier, Flourens, sont partisans d’une fixité plus ou moins grande de l'espèce. De Lamarck a exagéré l’opinion contraire. Cependant, il définit l'espèce d’une manière moins différente qu'on ne pourrait le supposer. 1076 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES M “ué On a appelé espèce, ditil ( Philos. zool., 1, p. 54 et suiv.) toute collection d'individus semblables qui furent produits par d’autres indi- vidus pareils à eux. Cette définition, continue de Lamarck, est exacte, car tout individu jouissant de la vie ressemble toujours, à très peu près, à celui ou à ceux dont il provient. Mais on ajoute à cette définition la suppo- sition que les individus qui composent une espèce ne varient jamais dans leur caractère spécifique, et que, conséquemment, l'espèce a une constance absolue dans la nature. C’est uniquement cette supposition que je me pro- pose de combattre, etc. Ainsi, de Lamarck admettait deux caractères pour espèce : la ressemblance et une descendance commune. En employant l’expression bien affirmative qui furent produits, il adoptait implicitement l'opinion de Linné, d’un auteur commun ou d’au- teurs communs à tous les individus de la même espèce, opinion contestée déjà du temps de Linné, et qu'il vaut mieux laisser en dehors de la notion d'espèce comme inutile et incertaine (a). La tendance des zoologistes purs, comme Buffon, Cuvier et Flourens, d’attacher plus d'importance à la reproduction; celle de Lamarck, zoolo- giste et botaniste, de mettre sur le même niveau les caractères de repro- duction et de ressemblance; enfin, celle des botanistes purs, de parler de la ressemblance plus que des caractères de reproduction et surtout de fécondité, s'expliquent aisément par la nature particulière de chaque règne. Dans les animaux, la reproduction au moyen d'individus de deux sexes est l'ordinaire ; celle par division et par individus hermaphrodites est l'ex- ception. Dans les végétaux, c’est précisément le contraire. Il est impossible de ne pas reconnaître des espèces dans la grande classe des Cryptogames. On dira peut-être qu'avec le progrès de la science on découvre tous les jours dans celte catégorie de végétaux des organes variés, tendant à la formation de corps reproducteurs; mais, la diversité même des moyens de reproduction dans les Cryptogames, aura peut-être pour résultat de faire considérer tous ces moyens comme des extensions, des divisions du tissu de la même plante, attendu que lés appareils sortent généralement des eel- lules d'un seul individu. Dans les Phanérogames elles-mêmes, la fécondation réciproque est assez rare. Un très grand nombre de fleurs émettent leur pollen dans le bouton, d’autres sont fécondées ordinairement par les fleurs (a) La définition de l'espèce par Linné (Philos. bot., S 157) est : Species tot numera- mus, quod diverse formæ in principio sunt creatæ. Ainsi par une étrange manière de raisonner, il faisait dépendre la distinetion des espèces de ce qui avait pu arriver «xu mo- ment de la création, de sorte qu'on aurait pu, son livre à la main, lui dénier le droit de constituer des espèces, à iui qui en faisait tous les jours et mieux que personne ! CHANGEMENTS QUI ONT PU S’OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1077 qui se trouvent sur le même pied, de sorte qu’en réalité la plupart des individus végétaux se propagent par eux-mêmes, par une extension et une division plus ou moins compliquées de leurs propres tissus. Pour hybrider les plantes, on est obligé d’enlever les étamines dans le bouton, et la fécondation avant l'ouverture des fleurs est si normale dans certaines espèces, qu'on peut supposer à deux plantes évidemment de la même espèce, vivant l’une à côté de l’autre, une provenance d'individus dis- tincts depuis plusieurs siècles, depuis plusieurs milliers d'années, peut- être depuis l’origine. Par ce motif, et par d’autres bien plus puissants (art. 3), l'hypothèse de plusieurs individus originels pour chaque espèce est plus probable dans le règne végétal que dans le règne animal. En même temps beaucoup de végétaux paraissent avoir traversé des époques géologiques antérieures à la nôtre. On est ainsi amené à ne pas trop insister sur les circonstances toujours obseures et peut-être fort reculées de Fhistoire des espèces, et à les caractériser plutôt d’après ce qu’elles sont, c’est-à-dire d’après leurs ressemblances et différences actuelles. Quant à moi, j'ai été conduit dans ma définition de lespèce à mettre décidément la ressemblance au-dessus des caractères de succession. Ce n’est pas seulement à cause des circonstances propres au règne végétal, dont je m'occupe exclusivement ; ce n’est pas non plus afin de sortir ma défini- tion des théories et de la rendre le plus possible utile aux naturalistes descripteurs et nomenclateurs, c’est aussi par un motif philosophique. En toute chose il faut aller au fond des questions, quand on le peut. Or, pour- quoi la reproduction est-elle possible, habituelle, féconde indéfiniment , entre des êtres organisés que nous disons de la même espèce? Parce qu'ils se ressemblent et uniquement à cause de cela. Lérsque deux espèces ne peuvent, ou, s’il s’agit d'animaux supérieurs, ne peuvent et ne veulent se croiser, c’est qu’elles sont très différentes. Si l’on obtient des croisements, c’est que les individus sont anaiogues; si ces croisements donnent des produits féconds, c’est que les individus étaient plus analogues ; si ces pro- duits eux-mêmes sont féconds, c’est que la ressemblance était plus grande ; s'ils sont féconds habituellement et indéfiniment, c’est que la ressemblance intérieure et extérieure était très grande. Ainsi le degré de ressemblance est le fond; la reproduction en est seulement la manifestation et la me- sure, et il est logique de placer la cause au-dessus de l'effet. L'espèce ayant été définie, il nous faut examiner plusieurs questions relatives à ses attributs, à son développement et à son origine; questions très difliciles, où l’on est obligé de discuter souvent des hypothèses plutôt ue des faits. 107S ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. $ II. CHANGEMENTS QUI S'OPÈRENT DANS LES ESPÈCES A L'ÉPOQUE ACTUELLE, PENDANT LA DURÉE DE NOS OBSERVATIONS. Les modifications qui s’observent dans les espèces, pendant l’époque actuelle, doivent être envisagées au point de vue de leur nature et au point de vue de leurs causes. __ Quant à leur nature, elle est très variée, car ce sont tous les organes et toutes les propriétés physiologiques d’une espèce, qui sont susceptibles de dévier. Heureusement, on peut grouper toutes les modifications, d’après la manière dont elles se conservent et se propagent. On les désigne alors par les termes de variations, monstruosités, variétés, races, qui ont dans le langage scientifique moderne des sens bien établis (a). Je vais les rap- peler, en indiquant les causes, autant qu’on peut les apprécier, et en insis- tant sur les races, dont l'importance est très grande au point de vue qui nous occupe. 1° Variations. — On remarque sur un même individu, selon les années, des différences, quelquefois assez frappantes, ordinairement fort légères. Ainsi, la grandeur des feuilles, le nombre des fleurs et des fruits, dans certaines espèces la couleur des fleurs, ou au moins l'intensité de la couleur, l'abondance des poils ou des épines, voilà des caractères , qui varient souvent sur le même pied à des épaques successives. Les mêmes différences s’observent entre des individus de la même espèce; il est im- possible, dans ce cas, de leur attribuer plus de gravité. Les causes des variations sont ordinairement très claires. Les unes sont externes, les autres internes. Que, par exemple, un printemps soit humide, les feuilles seront plus grandes, plus vertes, moins velues, parce que les poils se seront répartis sur une plus grande surface ; les fleurs seront moins nombreuses et les fruits s’en ressentiront peut-être. Dans une année chaude, les fleurs seront plus abondantes, les fruits meilleurs, etc. Si la plante à bien élaboré ses sucs pendant une année et que la production des fruits ne les ait pas absorbés en automne, la végétation de l’année suivante sera plus abondante ; alors la cause est devenue interne. On sait comment varie un arbre transplanté d’un bon dans un mauvais terrain, ou vice versd. Il y a des plantes vivaces dans leur pays natal, qui deviennent annuelles quand on les cultive dans un pays moins chaud (b). Cela s'explique par une action fréquente des froids de l’automne, qui change la durée des indi- vidus, mais non leur état intime. Des espèces annuelles chez nous, devien- nent vivaces à Bourhon (c). Le cerisier cultivé sous un climat égal et tem- (a) De Candolle, Phys. végét., p. 688. (b) Le ricin en est un exemple frappant. (e) M, Lapervenche ; treizième rapport de la Soc. hist. nat. de Maurice, p. 39. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1079 péré, comme celui des hauteurs de Ceylan, ne perd plus ses feuilles (a). Il est probable que si lon transportait un de ces cerisiers toujours verts, de Ceylan en Europe, il reprendrait le mode de végétation de nos cerisiers ; mais plus on tarderait à faire l’expérience, moins cela serait probable, ainsi que nous le verrons bientôt en parlant de l'effet du temps. 2° Monstruosités. — Ce sont des formes exceptionnelles, ordinaire- ment plus graves que les variations, qui se présentent sur des individus, et qui disparaissent quelquefois, comme les variations, ou se renouvellent plusieurs années. Ainsi un arbuste peut offrir une branche fasciée, des feuilles crispées, des fleurs doubles, et ces déviations peuvent se repro- duire ou ne pas se reproduire d'année en année. Je ne m'attacherai pas à chercher les causes, qui sont externes ou internes. Je passe rapide- ment, car les variations et les monstruosités sont des états particuliers d'individus, plutôt que des espèces. Toutefois, il est nécessaire de les mentionner, comme servant de base, de point de départ, pour les modifi- cations qui affectent plusieurs individus, pendant une durée beaucoup plus grande, et qui alors sont véritablement des modifications de l'espèce. 3° Variétés. — Ce sont des formes ou des dispositions physiologiques particulières, qui se propagent et se conservent longtemps, par tous les moyens de division, c’est-à-dire par boutures, greffes, séparation des tubercules, etc., mais qui se perdent presque toujours dans la reproduc- tion par les graines. L'agriculture et lhorticulture en offrent des exemples nombreux. On pourrait m'arrêter ici et dire : ces exemples importent peu en géographie botanique, car ils ne concernent que des plantes cultivées, et la multiplication par division est infiniment rare dans le cours naturel des choses; d’ailleurs, la subdivision ne fait qu'étendre en quelque sorte un individu, elle ne crée pas des êtres distincts au point de vue théorique. Ces objections ne me touchent pas. Que les variétés proprement dites soient rares dans la nature, faute de reproduction par division; que la séparation d’une partie de végétal ne crée pas, dans ‘un certain sens, un nouvel individu, il n’en est pas moins nécessaire d'examiner des modifica- tions qui altèrent profondément certaines plantes, et qui les disposent à modifier leurs graines elles-mêmes, comme nous le verrons tout à l'heure. Les variétés ont différentes origines. Certaines monstruosités, qui dis- paraîtraient peut-être d’une année à l’autre, ou qui demeureraient propres à un seul individu, dans le cours naturel des choses, peuvent être conser- vées et propagées par la greffe, les boutures, etc. Ainsi le marronnier à fleur double n’est mentionné ni par Duhamel, ni par Dumont-Courset, et il est rare encore dans plusieurs pays. Son origine est constatée par le {a) Gardner, dans Hooker, Bot. mag., 1848, comp,, p. 13, 1080 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. témoignage de mon père (a) et par mes propres souvenirs. Un propriétaire des environs de Genève, M. Saladin de Budé, amateur d’horticulture, avait remarqué dans sa propriété de Frontenex, une branche unique d’un mar- ronnier où les fleurs étaient doubles. On prit des greffes sur cette branche, et ces greffes propagées, depuis 1824, par les pépiniéristes, ont répandu en Europe le marronnier double. J’ajouterai, comme information, que la même branche existe toujours et fleurit encore, chaque année, avec des fleurs doubles, le reste de l'arbre étant à fleurs simples. L’acacia tortu, l’acacia en parasol, le frêne pleureur, le saule à feuilles recourbées (Salix annularis}, le sophora pleureur, le saule pleureur (Salix babylonica) qu’on ne trouve pas sauvage et dont on ne connaît qu’un seul sexe, doivent pro- bablement leur origine à des accidents du même genre, mais souvent on a négligé de les constater, ou le temps en a fait perdre les preuves. Plusieurs de ces variétés monstrueuses ne donnent pas de graines. On ignore jusqu'à quel point elles conserveraient l’état monstrueux si elles en donnaient. J'ai oui parler de graines obtenues dans une année chaude, sur un acacia en parasol, qui n’ont pas reproduit la variété ; mais malheureu- sement je n’ai pas suivi moi-même l'expérience. Dans le jardin de Genève, un Cytise Aubour (Cytisus Laburnum) à folioles multiples, a donné des graines qui ont produit des eytises ordinaires. 3 Les semis sont une autre origine bien» connue des variétés. On sème des pelargonium , des tulipes, des calcéolaires, ete.; puis on remarque des pieds qui offrent quelque circonstance particulière plus ou moins nouvelle. IL est aisé de propager cet état de la plante au moyen de boutures, mar- cottes, etc., mais le semis des graines donnerait souvent d’autres formes. Enfin, des variations prolongées paraissent pouvoir se changer en va- riétés. En d’autres termes, une influence constante, qui amène chaque année un état particulier d’une espèce, communique à la longue aux indi- vidus ainsi affectés, une disposition à rester dans cet état. La vigne en donne la preuve. ASsurément les ceps qu'on fait venir de Madère ou du Cap, pour les cultiver en Europe, se distinguent de toutes nos variétés européennes, et conservent longtemps des caractères distincts; cependant personne n'ignore que les vignobles de Madère et du Cap ont été plantés avec des vignes tirées d'Europe. Il est clair que l’action de climats nou- veaux et d’une culture peut-être différente, prolongée pendant deux siècles, ont produit un état particulier de la plante. L'expérience a montré combien les semis de pepins de raisins conservent rarement les qualités complètes et propres du fruit dont on les a tirés. Les variétés de Madère (a) Mém. soc. phys. et d'hist, nat. de Genève, vol. IF, part. n, p. 129 ; Plantes rares du jardin de Genève, p. 91. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1081 où du Cap sont de vraies variétés, dont la propagation par graines serait nulle ou mal assurée. D'ailleurs, comme la vigne a été propagée, depuis le temps des Romains, par des boutures et non par des graines, les innom- brables variétés qu’elle offre aujourd’hui sont des effets de variations locales où de monstruosités, jamais de semis. D’après cet exemple, il est probable que le cerisier d'Europe, devenu un arbre toujours vert à Ceylan, prendra cette manière d’être au bout d’un temps plus ou moins long, de telle sorte que des greffes transportées en Europe ne perdraient pas leurs feuilles et donneraient des cerisiers incapables de supporter nos hivers. Cette expérience méritera d’être faite dans un quart de siècle, un demi- siècle et plus tard. Elle fera probablement toucher au doigt la cause pour läquelle beaucoup de variétés méridionales ne réussissent pas dans les pays du Nord. Une chose est bien digne d'attention dans l’histoire des variétés de la vigne. Je veux parler de leur durée, de leur ténacité, sous des influences différentes de celles qui les ont produites. Un enclos du jardin botanique de Genève renfermait, depuis 1818, environ 400 variétés de vigne de différents pays. On a pris des notes, à des époques successives, sur la date de la maturité, l'abondance, la grosseur des raisins, leur goût, leur forme, leur couleur. Je puis certifier qu'après un quart de siècle, les observations sur chaque pied étaient les mêmes, c’est-à-dire que les va- riétés précoces restaient précoces, que les tardives restaient tardives, etc. Rien ne changeait, si ce n’est la quantité de produit annuel, qui dépend du climat de l’année. Un plant de Bordeaux, introduit dans le village de Dardagny, près de Genève, en 1782, par les officiers d’un régiment fran- çais qui occupait alors le pays, a donné des vignes dont le vin de 1848, dégusté dans une séance de la Classe d'agriculture le Genève, a été trouvé différent des autres et très supérieur aux vins ordinaires des vignes de la même localité, obtenus par les mêmes procédés de culture et de fabrica- tion. M. le comte Odart a fait des observations semblables sur une collection de vignes très nombreuse. Il affirme que trente ans n’ont pas altéré les variétés (a). Pour détruire, comme pour produire une variété de vigne, il faut l’action de plus d’un siècle. Ne faudrait-il pas un temps beaucoup plus long pour d’autres espèces ? Oui, probablement, car la flexibilité des espèces est différente. En général, quelle que soit l’origine d’une variété, on ne peut pas en prévoir la fin. On cite quelques variétés comme ayant disparu: par exemple, le Fragaria monophylla (issu jadis du Fragaria vesca, par semis), qui aurait duré trente ans, d’après Duchêne. Mais en admettant que cer- (a) Ampélographie, 1 vol, in-8, p. 14 et 27. 1082 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. taines variétés aient cessé d'exister, par d’autres causes que des intempé- ries extraordinaires qui tuent la plante, ou la négligence des cultivateurs, qui oublient de la multiplier, il est impossible de rien conclure de quelques faits. Pour une variété qu'on dit étemte, on peut en citer beaucoup d'autres qui durent depuis des siècles, nonobstant leur transport dans des localités différentes et l'effet de cultures variées : par exemple, beaucoup de variétés de pommier, de poirier, de mürier. Je croirais volontiers qu’une variété change leniement, très lentement, lorsqu'on la soumet à un climat nouveau ; la vigne en est une preuve. Mais rien ne peut faire supposer que les circonstances restant semblables, elle ne dure pas indéfiniment, ou que trans- portée ailleurs, elle doive changer dans un laps de temps déterminé. Encore moins a-t-on la preuve qu'elle doive s’éteindre de vieillesse et périr, sans des intempéries extraordinaires, comme certains agriculteurs l’ont supposé. Races. — On donne ce nom à des états particuliers de l'espèce qui se maintiennent presque toujours de génération en génération, par les graines, et qui, à plus forte raison, se propagent par les procédés de division (a). Les meilleurs exemples de races, dans le règne végétal, peuvent être tirés des Graminées annuelles cultivées. Assurément personne ne doute qu’en semant un certain blé, un certain maïs, on obtient un blé, un maïs, dont les caractères principaux et distinctifs sont les mêmes de génération en génération. Plus ces traits sont prononcés, plus on est frappé de leur ténacité héréditaire, car alors les différences légères qui s'offrent parmi les individus d’un même semis ou de plusieurs semis successifs, se cachent à nos veux sous les caractères essentiels de la race. L'expérience a fait connaître des races dans toutes les catégories de plantes phanérogames. En semant des pepins de raisin blanc, on obtient des vignes à raisin blanc, Les pavots à graines blanches ou à graines noires, conservent ces couleurs par les semis. De même pour les anagallis à fleurs rouges ou bleues (b). Les graines de pêcher à fleur semi-double donnent invariablement des fleurs semi-doubles (e). Les asperges de Hollande se conservent bien de graines (d). Les jacinthes blanches donnent presque toujours des jacinthes blanches (e). Une modification à feuilles rouges du (a) Le mot race a l'inconvénient d’être uniquement francais et de se baser seulement sur une notion physiologique. Il y a longtemps que Link avait proposé le nom de subspecies, sous-espèce, qui aurait pu se traduire dans toutes les langues et qui est en rapport avec les expressions usitées dans l'histoire naturelle descriptive. La définition donnée par Link (Philos. bot., p. 187), en 1798, est tout à fait conforme aux idées actuelles, (b) Thwaites, dans Phytologist, 1, p. 167. (c) Camuset, cité dans London gard. mag., août 1841, p. 398. (d) D'après le témoignage de plusieurs horticulteurs, par exemple de MM. Jamin, près de Paris, qui en sèment une grande quantité chaque année. (e) De Candolle, Phys. vég., p. 692. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1083 Berberis vulgaris a donné uniquement, par les graines, des feuilles rouges; mais l’expérience n’est pas encore assez ancienne pour que la race soit bien constatée (a). On pourrait multiplier ces exemples. Ils sont exacte- ment semblables à ceux que l’on connaît dans le règne animal. Ils offrent les mêmes conditions, les mêmes circonstances, les mêmes bizarreries ; et ce n'est pas là un des rapports les moins. remarquables entre les deux règnes. Ainsi, dans les végétaux, comme dans les animaux, il est difficile de deviner à priori les qualités qui se conserveront d’une génération à l’autre. L'expérience seule peut démontrer ce qui est vraiment héréditaire. Je citais, il y à un instant, les couleurs de certains fruits qui constituent des races. Dans d’autres espèces, le même genre de caractères n’est pas héréditaire. On a semé 100 merisiers (Cerasus padus) à fruit jaune, dont aucun n’a donné des fruits jaunes ; 100 cerisiers de Sainte-Lucie (Cerasus Mahaleb) à fruit jaune, qui tous ont donné des fruits rouge-brun ou noirs; enfin, 100 cornouillers (Cornus mas) à fruit jaune, qui ont donné 1/12c seulement Ge pieds à fruit jaune (b). Les semis de hêtre, variété pourpre, ne donnent ordinairement qu'un tiers ou à peu près de pieds à feuilles pourpres (ec). Les Celtis australis, Clypeola maritima, Érysimum Barbarea, Cheiranthus Cheiri, à feuilles panachées, se maintiennent de graines; mais en général les variétés de cette nature ne se propagent pas uniformé- ment et sûrement par les semis (ec). Les variétés de mürier dites mulli- caulis, moreltiana, retournent au Morus alba, dès la première ou la seconde génération, d’après des expériences dont Moretti m'avait parlé. Quelquefois, une race parait fixée, et plus tard, elle retourne au type primitif. Ainsi, le noyer précoce (Juglans regia præadulia ou præpartu- riens) découvert par hasard dans le Poitou, à paru se conserver régulière- ment de graines (c); mais on m'a montré dans Pétablissement de M. Ja- min, à Bourg-la-Reine, près de Paris, des pieds qui reprenaient la taille et le mode de vivre du noyer commun, quoique provenant de semis de la variété. Dans lun et l’autre règne on peut faire des races, en employant cer- tains méyens semblables. On profite d’une disposition des êtres organisés à ressembler, jusque dans les détails les plus secondaires, aux générations antérieures, spécialement à la précédente. Pour donner à cette disposition tout son effet, on isole les individus qui ont telle ou telle qualité dont on (a) Pepin, Ann. soc. hortic. de Paris, et Flore des serres el jardins, NII, p. 279. (b) Prevost, Ann. Flore et Pomone, 1840-1841, p. 55. * (c) Pepin, Ann. Flore et Pomone, 1840, p. 169, et Journ. des serres et jard., 1848, Miscell,, n. 126. 1084 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. désire tirer parti. Ces individus donnent des produits qui ont déjà, plus complétement ou plus habituellement, la qualité recherchée. On sépare de nouveau dans cette génération les individus qui offrent au plus haut degré ce qu'on désire. Leurs produits ont encore plus souvent ou plus complé- tement, la qualité recherchée. On continue ainsi, et il est rare qu’au bout de quelques générations, une race ne soit pas établie (a). Ce procédé, si connu des éleveurs et des horticulteurs, a permis de reconnaitre deux lois, dont la cause intime est inconnue, mais qui résument clairement les faits observés. La plus importante est que les êtres organisés ressemblent habituelle- ment à ceux qui les ont produits (ressemblance au premier degré). La seconde loi est que les êtres organisés ressemblent quelquefois à leurs ancêtres de générations antérieures (atavisme, du mot atavi, ancêtres). Dans nos familles de l’espèce humaine, il n’est pas rare qu’un individu ressemble à son aïeul ou à son bisaïeul, même à son trisaïeul, de la ligne paternelle ou de la ligne maternelle, quoique sans doute on ressemble plus ordinairement à son père ou à sa mère. Les mêmes circonstances ont été remarquées dans tous les êtres, animaux et végé- taux. Ces deux lois compliquées expliquert un grand nombre de faits concer- nant l’histoire des races. Ainsi, au commencement de leur existence, les races sont peu établies, peu sûres; les individus retournent trop fréquem- ment (par atavisme) aux formes des générations qui n'avaient pas les caractères de la race. Inversement, lorsque les races sont anciennes, leur fixité est très grande, témoin une des plus belles races humaines, celle des juifs. La cause en est simple. Qu'un juif ressemble, par exception, à son aïeul, ou à son bisaïeul, ou à son ancêtre le plus reculé, plutôt qu'à son père, ses traits offrent, précisément par cette cause, le type remarquable de sa race. La même loi tend d’abord à détruire les races, plus tard, au contraire, à les consolider. Toutes les modifications des individus sont susceptibles de devenir héré- ditaires. Ainsi, les variations, les monstruosités et les variétés peuvent passer à l’état de races. Elles ont toutes une certaine tendance à le devenir; mais elles rencontrent dans la nature une foule d'obstacles qui rendent la constitution de races indépendantes de l’homme extrêmement rare. Tantôt, les déviations appelées variations, monstruosités, ou variétés, sont telle- (a) Les horticulteurs ont imaginé certaines précautions, certains procédés qui dirigent dans la formation d'une race ou qui l’accélérent. Je rappellerai à ce sujet les observations de M. Louis Vilmorin, dont j'ai donné un extrait dans la Bibliothèque universelle de Genève, en 1852. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1085 ment graves; elles attaquent si profondément les moyens de reproduction de la plante, que les graines ne peuvent plus se former, ou du moins ne se forment plus en quantité suffisante. Évidemment, les races à fleurs com- plétement doubles ne peuvent pas exister, par défaut absolu de graines. Les races à fleurs semi-doubles sont même sans exemple dans la nature, quoique l’homme sache bien les propager autour de lui, en prenant soin du petit nombre de graines qu’elles peuvent donner. La monstruosité si curieuse dite Peloria ne donne des graines fertiles que rarement, et Will- denow paraît avoir été le seul qui soit parvenu à la conserver autrement que par des boutures (a). Souvent aussi, le transport du pollen par le vent ou les insectes, a lieu entre les pieds dissemblables de la même espèce, et produit des états intermédiaires qui empêchent létablissement de races. Enfin, si une variation, une monstruosité ou une variété a été produite par des circonstances internes ou externes qui viennentà changer, ces modifications de l'espèce n’ont pas le temps de s'établir sous la forme héréditaire. Les conditions pour qu’une race s’étahlisse dans lPétat naturel des choses, hors de l’action de l’homme, sont donc : 1° une organisation qui ne nuise pas à la reproduction par graines; 2° l’isolement d’avec toutes les formes différentes de la même espèce, dont le pollen pourrait influer ; 8° la durée des circonstances qui ont amené une forme particulière ; 4° enfin, un certain laps de temps, qui permette à la loi d’atavisme d'arriver au point de consolider la race, tandis que, dans l’origine, elle a pour effet de le détruire. La réunion de toutes ces conditions est extrèmement rare dans la nature, tandis que l’habileté de l’horticulteur sait très bien l'obtenir dans un jardin. Il faut ajouter encore que les espèces cultivées sont souvent les plus flexibles, et que les conditions auxquelles on les soumet ont une inten- sité et une durée qui se trouvent rarement dans l’état ordinaire des choses. Par tous ces motifs, les modifications héréditaires de l’espèce doivent être infiniment rares dans les plantes spontanées, et il n’est pas surprenant qu’elles échappent à nos moyens imparfaits d'observation, qui ne com- prennent qu'un temps borné. Les difficultés ne sont pas dans la production de formes nouvelles, Il s’en crée tous les jours (les variations) et de très extraordinaires (les (a) Chavannes, Mon. des Antirrh., p. 57; Moquin, Térat., p. 186. Willdenow dit (Sp. pl., HE, p. 254) : « Semina Peloriæ solo pingui sata faciem plantæ conservant. » Il n’ajoute aucun renseignement. M. Chavannes n’a jamais trouvé de graines fertiles. Avant lui, Linné, Ventenat et plusieurs autres parlent des Peloria comme de plantes stériles. Assurément on ne les conserve pas de graines dans les jardins, car elles y sont rares et accidentelles. 1086 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. monstruosités). C’est la propagation et la durée de ces formes nouvelles qui est difficile. Le défaut de temps, l'absence d'isolement, la production de graines imparfailes ou en quantité trop petite, arrêtent ces formes déri- vées et maintiennent de préférence les anciennes. Voici une preuve bien claire de la difficulté avec laquelle se constituent des races, parmi les plantes spontanées. Les espèces européennes qui se sont naturalisées en Amérique se reconnaissent parfaitement. Elles sont rarement indiquées comme variétés dans les ouvrages de botanique des- criptive, et il est à présumer que les variétés mentionnées quelquefois ne seraient pas héréditaires si on les cultivait. Il y a près de 200 espèces qu’on sait positivement introduitesaux États-Unis ; je n’en pourrais pas citer une seule qui soit indiquée comme variété bien tranchée et surtout comme race. On voit que, pour la plupart des espèces, un siècle, deux siècles, même trois siècles d'exposition à un elimat nouveau, ne suffisent pas pour produire un état particulier, ni surtout un état héréditaire, qui puisse res- sembler à une espèce distincte, tandis que ce temps aurait suffi peut-être pour des plantes cultivées, qui sont plus flexibles, et que l’homme soumet à des traitements exceptionnels. Dans les espèces spontanées, lorsque des conditions nouvelles de climat tendent à les modifier, ce n’est pas par centaines d'années, mais par milliers, qu'il faut compter, pour qué des races aient pu se produire et se confondre à nos veux avec les véritables espèces. Un autre exemple s’observe sur la limite géographique de chaque espèce. Ordinairement, cette limite est la même depuis plusieurs siècles. Rien ne peut faire croire, dans la plupart des cas, qu’elle ait changé depuis un temps très long. Cependant, on ne trouve pas sur ces limites des races distinctes ; on n’aperçoit aucun indice de cette chimère (a) que les agri- culteurs poursuivent sous le nom d’acclimatation. Les espèces ne se plient nullement aux conditions de climat qui leur sont hostiles. Elles périssent plutôt que de changer. S'il se produit des formes accidentelles (et l'on en trouve toujours en cherchant bien), ces formes ne sont pas mieux adap- tées au climat que les autres; ce sont des monstruosités ou demi-monstruo- sités qui se manifestent une fois et disparaissent le plus souvent, là comme ailleurs, Dans les plantes cultivées, homme peut obtenir, sur la limite des espèces, des variétés et des races nouvelles qui se plient aux conditions d'un climat nouveau. Ainsi, on a des Maïs précoces qui se cultivent dans des pays où le Maïs ne pouvait pas mürir il y a cinquante ans. L'industrie (a) Un homme ingénieux et bon observateur, Du Petit-Thouars, a dit : « L'acclimata- tion, cette douce chimère de la culture » (Mém. sur les effets de la gelée, p. 11, 28). L'expression me paraîl aussi heurense que vraie. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 14087 humaine sait découvrir et conserver des races hâtives ; mais rien de pareil n'a été observé dans la nature, quoique la plupart des espèces soient arré- tées sur certaines limites depuis plusieurs siècles. Du moins, s’il se produit quelque chose d’analogue, c’est à la suite d’un temps si long qu’il dépasse le terme des plus anciens documents historiques, et encore faudrait-il un isolement des pieds modifiés, isolement qui ne peut arriver que rarement et par hasard dans le cours naturel des choses. Toutes ces considérations s'appliquent aux hybrides, si on veut les regarder comme une source de modification des espèces. Ils sont fréquents dans les jardins; ils donnent quelquefois, mais bien rarement, des graines fertiles; ces graines peuvent ne pas retourner aux formes des espèces pri- mitives, ce qui, pourtant, est une disposition manifeste à la première, ou à la deuxième, à la troisième génération. Je ne nie pas cela; mais la géogra- phie botanique traite des plantes spontanées, et, dans le cours naturel des choses, la fécondation entre espèces différentes est extrèmement rare (a); les graines (quand elles ne sont pas stériles), sont si peu nombreuses que la forme hybride, en elle même peu stable, ne résiste pas à l'immense quantité de plantes des formes primitives qui pullulent à côté d’elle. Les structures de fleurs qui ont permis la fécondation croisée, permettent aussi la fécondation entre les hybrides et les individus des deux espèces pri- mitives, ce qui ramène promptement vers les deux formes anciennes, au lieu de propager un état intermédiaire. En résumé, je reconnais la possibilité de formes nouvelles, héréditaires, qui dériveraient des formes spécifiques actuelles, ou qui auraient dérivé depuis quelques milliers d'années de certaines espèces ; mais je constate aussi la difficulté de ces modifications pour la majorité des espèces, surtout hors de l’influence de l’homme, la très faible probabilité que ces modifica- tions se propagent dans le cours naturel des choses ; en un mot, les causes nombreuses qui doivent produire un état durable des espèces et arrêter l’augmentation de formes nouvelles. En a-t-ilété de même à une époque antérieure, à la suite d’un temps plus long et de conditions peut-être différentes? C’est ce que je vais essayer de conjecturer, au moyen des données de l’époque actuelle. $ LIT, CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES A LA SUITE D'UN TEMPS TRÈS LONG, COMPRENANT PLUSIEURS SIÈCLES ANTÉRIEURS À L'ÉPOQUE ACTUELLE OU PLUSIEURS MILLIERS D'ANNÉES. ,’ , Toutes les fois qu'il a été question de l'influence du climat sur les végé- C2 (a) De Candolie, Phystol, vég., p. 707. 1088: ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES: taux, je me suis efforcé de combattre l'opinion d’une acclimalation, c’est-à-dire d’un changement dans la nature des espèces qui les rende, après quelques générations, plus aptes à résister aux influences défavo- rables d'un climat. J'ai applaudi au mot spirituel de du Petit-Thouars : « L'acclimatation, cette douce chimère de la culture. » J'ai montré pour preuve les espèces spontanées luttant depuis des siècles sur les limites polaires, équatoriales, supérieures ou inférieures de leurs habitations, sans pouvoir avancer, par conséquent, sans se modifier conformément aux conditions locales extérieures. Chaque année, elles sortent de leurs limites; quand elles s’éloignent beaucoup, elles se trouvent dans la position de plantes qui passent brusquement d’une époque géologique à une autre; quand elles s’éloignent seulement de quelques lieues en plaine, ou de quelques mètres sur la pente d’une montagne, elles éprouvent les conditions d'un changement graduel de climat; dans l’un et l’autre cas, elles périssent plutôt que de varier. Dans les plantes cultivées elles-mêmes, que des soins minutieux protégent contre les intempéries, et dans lesquelles une légère modification peut s’isoler et se propager au moyen des boutures et des greffes, nous remarquons des effets bien légers et très contestables des causes extérieures. Presque toujours, les effets observés semblent venir d’une culture particulière plutôt que du climat, ou bien, une fois produits par une cause quelconque, ils semblent sur le point de disparaître, à moins que l’homme ne s’en empare et ne les fasse durer par le moyen d'une pro- pagation isolée. J'ai noté cependant que la vigne, exposée forcément par la culture à des climats nouveaux, se modifie à la longue, non pas au bout d’une géné- ration d'homme, ni même de deux, mais après un siècle au moins, comme on l’a vu à Madère, au Cap, ete. (p. 1080). J’admets que dans les espèces cultivées les variations prolongées peuvent devenir héréditaires. C’est un acheminement à supposer que des influences plus prolongées encore ont pu modifier les espèces spontanées, ou plutôt ont déterminé certaines qualités actuelles. Il reste à savoir quelles sont les qualités qui peuvent se modifier ainsi. J'en connais une, mais une seule, si je veux rester dans la limite des faits constatés. Cette qualité, variable dans les espèces spontanées par une action très lente du climat, est la faculté de résister au froid. ; Lorsqu'on sème des graines de pins de l'Himalaya prises à 10,000 pieds d'élévation, les produits résistent mieux que ceux, tout semblables d’ail- leurs, provenant de graines récoltées à une élévation moindre (Hook. f., New Zealand Flora, introd., p. xn). La même remarque a été faite sur des semis de Rhododendron rouge ordinaire de l'Himalaya (tbid.). Depuis CHANGEMENTS QUI ONT PU S’OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 4089 combien de siècles ou de milliers d'années les individus de ces deux éléva- tions différentes étaient-ils, eux et leurs auteurs, influencés par des climats différents? C’est ce qu’on ignore. Aussi mettrai-je plus d'importance à une considération basée sur d’autres faits. ' Quand nous mettons en pleine terre, dans nos jardins d'Europe, une espèce des États-Unis ou du Japon, il y a une grande chance pour qu’elle supporte notre climat. Nous voyons même, de temps en temps, ces espèces se répandre hors des cultures et se naturaliser dans la campagne. D’après ce seul fait, qui se représente dans d’autres pays, on ne peut pas prétendre d’une manière générale que les espèces soient adaptées ou appropriées aux climats actuels. D’un autre côté, toutes les espèces des pays chauds se montrent incapables de supporter les climats froids. Jamais on n'aura l’idée, dans le nord de l’Europe, de laisser en pleine terre une espèce des Canaries, du Cap, de la Nouvelle-Hollande, ou dans le midi de l'Europe, une espèce de la Guyane ou du Congo. L'expérience a montré qu’elles ne supportent jamais le froid. Ne peut-on pas en déduire cette conséquence que, par un séjour de plusieurs milliers d'années dans leurs habitations, les espèces ont éprouvé une influence particulière, au point de vue des dispo- silions physiologiques? Elles se sont moulées, pour ainsi dire, sur les con- ditions de température ; mais il a fallu pour cela un temps incalculable. L’argument serait faible si cette observation s’appliquait seulement aux espèces de régions continentales, comme le Mexique, le Venezuela, l'Inde, etc., qui ont pu, de tout temps, se répandre vers lenord. Pour elles, on peut dire qu'à leur formation primitive, une cause physiologique les empêchait de supporter le froid, car sans cela leurs limites se seraient étendues. Il n’en est pas de même des espèces de Sainte-Hélène, de Madère et autres îles. [l leur manquait des moyens de transport pour s'es- sayer dans d’autres pays; on les leur a donnés. On les à mises pour la pre- mière fois à l'épreuve dans nos jardins, et elles se trouvent toutes hors d'état de supporter le froid; donc elles ont reçu par une longue de- meure dans une ile à climat égal et chaud, une constitution particulière. Cest, du reste, je le répète, le seul fait à ma connaissance, et il suppose un temps beaucoup plus long que celui des cultures les plus prolongées. II faut done, si l’on veut étudier linfluence du temps, revenir à l'examen de la formation des races, et conjecturer, d’après cela, jusqu'à quel point des espèces ont puse former, ou plutôt des races ont pu revêtir l'apparence de véritables espèces à la suite d’un temps très long. d De nos jours, avec l'observation la plus attentive, nous ne voyons pas se manifester des espèces nouvelles, ni même s'établir des races qu’on puisse prendre pour des espèces distinctes, excepté dans les végétaux cultivés, qui 1090 ORIGINE PROPABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. sont particulièrement flexibles et soumis à des influences artificielles, en particulier à l'isolement (p. 1053). IL existe pourtant des races parmi les plantes spontanées. D'où pro- viennent-elles? Comment se sont-elles formées et maintenues? Voilà ce qu'il est essentiel d'examiner, et il vaut la peine d'y procéder lentement, logiquement, car les races anciennes et bien établies sont regardées, ou par erreur, ou volontairement par quelques botanistes, comme des espèces. Je dis d’abord qu’il existe réellement des races dans les espèces spon- tanées. On ne peut en douter en voyant ces milliers de formes énumérées dans les livres de botanique sous le nom de variétés. Une partie se compose, il est vrai, de modifications peu distinctes, passagères, qui ne sont que des variations, ou au plus des variétés qu’on pourrait propager par division. D’autres sont certainement héréditaires. L'opinion des botanistes est una- nime sur ce point. Ils diffèrent dans l'appréciation de cas particuliers ; mais ils admettent tous que certains états des espèces spontanées sont transmis- sibles par graines, avec plus on moins de régularité et de durée. Ainsi, nous avons dans les Alpes des pieds de Rhododendron ferrugimeum à fleurs blanches. Lorsque j’en ai fait recueillir des graines et que j'en aï offert aux directeurs de jardins botaniques, tous m'en ont demandé. Aucun d'eux, certainement, ne pensait que ce Rhododendron blanc fût une espèce ; rais chacun se flattait d'obtenir par les semis des pieds à fleurs blanches (a). Cet empressement général des botanistes montrait une opinion admise de tous, opinion fondée sur l'observation habituelle des faits et sur l’analogie entre les plantes spontanées et les plantes cultivées. Il n’est pas un forestier qui, voulant semer des arbres, ne recherche les graines de chêne, ou de pin, ou de hêtre, provenant de la variété qu'il estime le plus dans chaque espèce. À défaut de variété, il cherchera les graines de pieds d'une belle venue, tant il est persuadé que la plupart des qualités sont héréditaires, dans les plantes spontanées comme dans les plantes cultivées. Il existe aux îles Açores beaucoup d'espèces communes avec les îles Bri- tanniques ou le continent européen; mais souvent la forme en est un peu différente, au point de former ce qu'on appelle des variétés, non des espèces. Or, quand on a semé certaines de ces variétés, en Angleterre, elles se sont conservées de génération en génération (b). Lorsqu'on sème dans les jardins botaniques des graines d’une espèce commune, venant de localités éloignées, on remarque souvent des formes un peu différentes dans les produits, souvent aussi une disposition à fleurir plus tôt ou plus (a) IH est si rare qu'on élève dés Rhododendrons des Alpes au point de fleurir, que j'ignore si mes correspondants ont obtenu des fleurs blanches. (b) Watson, dans le Phytologist, I, p. 938, CHANGEMENTS QUI GNT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1091 tard, On l’attribue, non sans raison, à des différences héréditaires, Mal- heureusement, les expériences de semis se font presque toujours sur des espèces cultivées, ou sur ces variétés douteuses de plantes spontanées, qui sont regardées par quelques botanistes comme des espèces particulières (a). C’est ce qui m’empêche de citer des exemples plus positifs et plus nom- breux. Néanmoins, je présume n'être démenti par personne, en disant que beaucoup de ces états des plantes spontanées, que l’on désigne d’une opi- nion unanime comme des variétés, sont héréditaires. De plus, il n’y a aucune raison de croire que les races spontanées seient moins durables que les races de plantes cultivées, Au contraire, car les espèces cultivées étant flexibles (c’est une des causes pour lesquelles on les cultive), leurs modifications doivent, en général , être moins stables. Si donc, il y a des races de blé, de maïs, etc., qui se conservent depuis des siècles, même depuis le temps des anciens Égyptiens, je croirai volontiers que parmi les plantes spontanées, il existe des races extrêmement anciennes, remontant peut-être à un état antérieur de notre globe. Envisageons cette possibilité. Reconnaissons de plus combien de formes sont indiquées dans les livres tantôt comme variétés, tantôt comme espèces, suivant l’opinion des auteurs; combien on découvre en explorant mieux un pays, de ces prétendues espèces admises par les uns, rejetées par les autres. Nous serons conduits ainsi à chercher si, dans le laps prolongé des siècles, il n'existe pas des causes qui ont dû amener la formation de races auxquelles, maintenant, on trouve plusieurs des attributs de l'espèce, et que lon désigne ordinairement comme telles. En d’autres termes, il se pourrait que les espèces spontanées ne fussent pas de nature à créer des races, comme les plantes cultivées, sous nos veux, dans la durée de quelques années ; mais que, par l'effet du temps et'de conditions géogra- phiques différentes, elles aient pu en former depuis une époque très reculée. Si les choses se sont passées ainsi, à côté d’un état peut-être primitif de telle espèce, il se serait formé des modifications anciennes, durables parce qu’elles sont anciennes (loi d’atavisme), et aujourd'hui ces modifi- cations sembleraient à tous les botanistes, ou à quelques-uns, des espèces particulières. L'espèce primitive aurait pu, ou s’éteindre, ou durer, au travers de changements de climat et de configuration géographique des continents. Les formes dérivées héréditaires que nous appelons espèces, (a) L’Anagallis phœænicea et cœrulea; les espèces ou variétés de nos primevères com- muns. Souvent leurs formes ou leurs couleurs sont trouvées héréditaires , par expérience : mais ce ne sont pas des modifications d'espèces dans l'opinion de toutle monde; ce sont, pour quelques botanistes, des espèces. 1092 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES, ou espèces douteuses, ou races, suivant notre manière de voir et l’état de nos connaissances, seraient aussi d’une durée indéfinie, comme la race du cheval arabe parmi les chevaux, ou la race juive parmi les hommes; car la durée indéfinie, que nous appelons permanence, n’exclut pas une addi- tion de formes nouvelles permanentes également. Il en serait alors des espèces comme d’un arbre qui peut vivre indéfiniment et qui jouit de la faculté d'émettre des rejetons, lesquels peuvent aussi avoir une durée indéfinie. Je montrerai bientôt comment cette hypothèse, admissible dans certains cas, ne peut pas être considérée comme valable pour la grande majorité des espèces. Toutefois, nous cherchons la vérité, ou au moins la probabilité, en dehors de tout système et d’après l'observation; il me sera donc permis de montrer que la théorie d’une subdivision d'espèces en races prises maintenant pour espèces, est d'accord avec les faits géologiques, avec le mode de formation des races, et enfin avec les doutes qui divisent les naturalistes sur la limite d’un grand nombre d'espèces et sur la définition même du mot espèce. La géologie, en effet, nous montre le règne végétal comme plus varié, plus nombreux en genres et espèces aux époques récentes qu'aux époques très anciennes. Les nombres relatifs Yespèces trouvées à l’état fossile’ ont, j'en conviens, peu de valeur; mais l'augmentation des espèces en général, depuis les formations siluriennes ou du grès rouge, même depuis la for- mation carbonifère, jusqu’à notre époque, me paraît un fait incontestable. Elle peut venir ou de créations successives, ou de ramifications, pour ainsi dire, d'anciennes espèces, ou de ces deux moyens à la fois. Plus on admettra l'augmentation du nombre des formes, plus on sera disposé à chercher des hypothèses multiples et actives pour expliquer. Le mode de formation des races ne nous est connu que dans les plantes cultivées où il est aisé, rapide, à cause de la nature de ces plantes et de l'action énergique de l’homme pour isoler les formes distinctes. Jai montré (p. 1086) pourquoi nous ne connaissons pas de races parmi les plantes spontanées, qui se soient établies de nos jours et même depuis deux ou trois siècles. Non-seulement notre observation est imparfaite, insufli- sante, pour un phénomène aussi délicat ; mais il manque le temps et l'iso- lement qui sont indispensables, surtout pour des espèces moins flexibles que les plantes cultivées. S'il en est ainsi à notre époque, il n’en est pas de même lorsqu'on envisage une série d’époques antérieures. Le temps ne manque pas, quand on se place à ce point de vue. Les espèces actuelles sont beaucoup plus anciennes que les observations des CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 4093 naturalistes. Elles sont même, pour la plupart, et selon toutes les proba- bilités, plus anciennes que l’homme (p. 4059). Les géologues accordent à la durée de l’époque quaternaire, jointe à la nôtre, plus de temps qu'il n’en faut pour que les espèces les plus récalcitrantes aient pu produire des variations ou des monstruosités, passées à l’état de races. Voilà pour élément du temps. La seconde condition, et la plus rare, est l'isolement. Elle a dû se pré- senter aussi, dans le cours naturel des choses, en supposant une longue série de siècles, et voici de quelle manière : 1° Des portions de continents ont pu se changer en îles, et des conti- nents, tout entiers, en archipels. Alors des espèces dont les mdividus pou- vaient se féconder mutuellement, et dont les graines étaient transportées facilement au milieu des formes nouvelles et locales qui se développaient parfois, se sont trouvées cantonnées, isolées peut-être pendant plusieurs milliers d'années. De là, une cause, non de changement dans ces espèces, mais de durée et de consolidation des changements qui ont pu survenir dans chaque localité. 2 Des variétés extrêmes ont eu le temps de se former, et des variétés intermédiaires ont eu le temps de disparaître, ce qui a produit un isole- ment d'une autre nature, favorable à la production des races, et surtout de races qu'on peut croire des espèces. Je suppose qu’il existe aujourd'hui une espèce À , offrant des variétés æ, G, y, d, #, 6, n, 0. Ces variétés élant énumérées selon leurs aflinités, & et 0 sont très disparates, et sans les variétés intermédiaires qui les relient, on les prendrait probablement pour deux espèces. Elles ne peuvent point se féconder mutuellement, soit parce qu’elles habitent des pays éloignés ou des îles distinctes, soit parce que l’une fleurit avant l’autre. Comme « peut se croiser avec B et y, que 0 peut se croiser avec », 3, et peut-être «, ces variétés extrêmes sont altérées fréquemment et ont de la peine à passer à l'état de race. Si leurs qualités étaient héréditaires, nous ne serions pas tentés de dire qu’elles constituent des espèces, vu les formes intermédiaires et la faculté de fécondation mu- tuelle. Mais si, dans la suite des siècles, un ou plusieurs des chainons viennent à périr, il n’en sera plus de même. Les variétés y, 9, e habitent peut-être des régions qui viennent à s’abaisser au-dessous de la mer; ou dont le climat change par la destruction des forêts, la submersion ou l’émersion de pays voisins ; ou encore dans lesquelles il se répand un insecte, une espèce d’oi- seau ou de rongeur, qui attaque leurs graines d’une manière destructive ; cela suflit pour qu’elles cessent d'exister. Les deux fragments de l’ancienne espèce tomberont alors dans ces formes douteuses que les uns regardent comme espèces, et les autres comme variétés. De plus, elles pourront beau- 1094 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES, coup mieux acquérir avec le temps la faculté héréditaire qui caractérise les races, et qui est aussi un des attributs de l'espèce. Si l’on suppose # et 9 restés seuls, et ne pouvant pas se féconder parce qu'ils fleurissent à des époques successives, ou qu'ils habitent des pays séparés, ils auront tout le degré d'isolement nécessaire pour constituer Îles races les plus intenses, Comment les distinguer alors des espèces proprement dites ? Ce que je viens de présenter sous la forme d’une hypothèse, pour l'avenir, a dû arriver dans le passé. Nous ignorons dans quel cas, pour combien de plantes; mais nous ne pouvons nier cette cause lente et ancienne de multiplication des formes spécifiques ou quasi spécifiques, selon la manière de définir l'espèce. Nous ne pouvons pas la nier, parce que nous admet- tons que beaucoup de nos espèces ont survécu à des révolutions géologi- ques, et que certains changements dans l’étendue et la forme des terres habitables par les végétaux ont eu lieu à des époques géologiquement peu anciennes. Qui nous dit que certaines espèces de Madère, si voisines d’es- pèces des Canaries, ne doivent pas leur origine à la destruction ancienne et souvent supposée d’un grand continent? Pourquoi une espèce croissant sur les Alpes, très analogue à une espèce de Laponie, ne serait-elle pas le résultat de modifications locales causées à l’époque glaciaire, puis con- solidées par le temps et par l'isolement”? Et ces modifications ne seraient- elles point devenues plus distinctes par la disparition de formes intermé- diaires qui existaient peut-être autour de glaciers maintenant disparus? Si plusieurs plantes des deux côtés de la mer Méditerranée, ou des dif- férentes îles Antilles, ou de plusieurs îles de la mer Pacifique, nous semblent aujourd’hui pouvoir remonter à des souches communes, malgré quelques diversités, n'est-il pas probable que dans des milliers d'années ces races paraitront souvent plus tranchées, plus fixes, et que l'origine commune semblera plus douteuse ? Le temps et les changements géo- logiques opèrent alors ce que l’homme fait quand il veut créer des races de végétaux. Qu'on n’exagère cependant pas. Si quelquefois les variétés intermédiaires d'une espèce sont détruites, dans d’autres cas ce peuvent être les variétés extrêmes. Îl à pu arriver aussi que les espèces, avec toutes leurs variétés, ou sans modifications aucune, aient traversé une longue série de siècles. La durée n’exelut point les variations, ni les variations la durée. C’est ce qu'il ne faut jamais perdre de vue, quoique souvent on l'ait méconnu. Enfin, il est évident que ces hypothèses concordent avec les doutes si habituels des naturalistes à l'égard des espèces, surtout lorsqu'elles pro- viennent de pays différents. Ne s'est-il point glissé quelquefois des formes intermédiaires entre les formes anciennes? Lorsque ces formes sont rares, CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1095 peu accusées, nous pouvons les négliger et les reléguer parmi les varia- tions accidentelles, passagères, parmi les variétés que la semence ne repro- duit pas. Mais quand elles sont plus nombreuses en individus, quand sur- tout elles sont héréditaires dans la culture, et qu’elles proviennent de pays différents, les doutes s'élèvent avec force. Ces doutes ne font-ils pas pré- sumer quelquefois une séparation ancienne, des races anciennes, juxta- posées à plusieurs espèces primitives ? Comment les reconnaître? Comment estimer leur nombre? À quelle époque remontent-elles? D’autres espèces ne sont-elles pas des races anciennes d'espèces primitives qui auraient disparu? Toutes ces questions sont aujourd’hui insolubles. Plus on suppose un temps prolongé, depuis la première apparition des végétaux, plus elles sont graves, car alors la proportion des espèces dérivées serait plus con- sidérable. Je n’insiste pas. Il me suffit d’avoir prouvé que la stabilité de forme dans les espèces spontanées, pendant le court espace de temps de nos observa- tions, et le grand fait que plusieurs des espèces actuelles n’ont pas changé depuis l’époque des anciens Égyptiens ou depuis des dépôts de tourbe et de limon bien plus anciens encore, n’empêchent pas qu’à la suite de plu- sieurs milliers d’années el de changements géographiques, il n’ait pu se former des races permanentes, ayant la plupart des caractères de l’espèce. En pratique on aurait infiniment de peine à les distinguer, et même on ne le pourrait plus si les formes voisines ont péri dans la succession des siècles. En théorie on pourrait les appeler, ou des races, ou des espèces; car pour appliquer ce dernier terme, il faudrait seulement définir l’espèce « une réunion des individus qui, depuis telle époque, ont des caractères communs héréditaires. » J'indique cette définition sans la défendre. Elle me parait inadmissible en pratique, à cause de l'impossibilité de vérifier l’état des espèces il y a quelques milliers d'années, de lincertitude de l’époque à laquelle on devrait remonter, et aussi parce que les formes dérivées sont probable- ment moins nombreuses que les formes spécifiques primitives. Ce der- nier point mérite de fixer particulièrement notre attention. Les races que l’on obtient dans les végétaux cultivés ne s’éloignent jamais de l’espèce primitive, ou des autres races de l'espèce, d’une manière si grave qu'on puisse les prendre pour un autre genre. Ainsi les Brassica oleracea, B. campestris, B. Napus, ont produit des modifications hérédi- taires d’une grande diversité, quant aux racines, aux feuilles, à l’inflores- cence, mais les caractères plus importants de la fleur, du fruit et de la graine ne font sortir aucune de ces races du genre Brassica, et même de lune des subdivisions naturelles du genre où la silique est sessile, à pointe 1096 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. dépourvue de graines. De même les races de Triticum diffèrent quant aux arêtes, au nombre de graines, à leur forme, etc. ; mais aucune de ces races ne prend les caractères de l’un des genres voisins, et personne n’a eu l’idée de constituer sur l’une d’elles un genre nouveau (a). Les plantes cultivées étant les plus flexibles, on doit penser que les races, dans les plantes spontanées, s’éloignent moins les unes des autres, et que les carac- tères génériques ne sont jamais perdus. La subdivision des espèces ne peut donc avoir produit que des espèces voisines, même très voisines, et il resterait une infinité de types distincts, primitifs, qu’on ne peut attribuer à cette cause. Bien plus, Pisolement, ai-je dit, est une des conditions qui auraient pu amener la subdivision d'espèces ou la formation de quasi-espèces, car c’est le terme qui rend le mieux l’idée. Or, la grande majorité des espèces ana- lognes se trouvent aujourd’hui rapprochées et quelquefois accumulées dans le même pays! Ce simple fait oblige à renoncer, pour presque toutes les espèces, à l’hypothèse, qui peut s’être réalisée quelques fois, d’une produc- ton naturelle de formes par l'isolement et le temps. Les centaines d’Erica qui sont au Cap, ne peuvent avoir été engendrées par isolement géogra- phique, car on ne comprend guère ce qui aurait pu les réunir toutes, après l'isolement, dans ce seul point du raonde, et les faire disparaitre ailleurs. Si Pon prétendait qu’une terre adjacente a pu être submergée après avoir communiqué ces Erica, on ne ferait que reculer la difficulté, car pourquoi cette terre préexistante aurait-elle eu tant d'espèces d’Erica? D'ailleurs le même fait se présente dans d’autres pays. Les Stylidium de la Nouvelle- Hollande, les Solanum du Brésil, les Aster des États-Unis, les Astragalus de l’Orient, les Cistus ou les Linaria de l'Europe méridionale, ete., ete., sont rapprochés aujourd’hui de telle facon, qu'ils ne peuvent pas provenir de races créées et consolidées par isolement. Je comprends que peut-être le Castanea d'Amérique et celui d'Europe fussent les descendances isolées d’une espèce unique ancienne; que le Platane d'Orient et celui d'Occident, qu'une espèce des Canaries et une forme voisine de Madère, fussent des modifications devenues permanentes par le temps et l'isolement. Je ne l’aflirme pas; je dis: ce serait possible et quelquefois probable. Mais la très grande majorité des espèces est groupée de telle facon que toutes les espèces analogues, formant un genre, ont dû prendre naissance dans la même région, sous des influences depuis longtemps semblables. Cela res- sort du nombre immense d'espèces de certains genres dans certains pays, (a) Lors même qu'un cas pareil se présenterait, le genre nouveau serait certainement un genre très voisin, et cet exemple ne changerait pas la conclusion du raisonnement. II faudrait seulement en modifier un peu la portée et les expressions. CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1097 et du fait que plus on étudie à fond les familles, plus les genres qui les composent étant mieux connus ou mieux constitués deviennent géogra- phiques. La concentration de formes spécifiques voisines dans des lieux voisins est la règle: la dispersion de formes analogues est l'exception. Or, ce qui a été prouvé possible, en fait de dérivation d’une espèce dans une autre forme spécifique ou quasi spécifique, ne peut s'appliquer qu’au cas de dis- persion depuis un temps considérable. S'il s’agit des espèces congénères accumulées dans une même région, c’est-à-dire de la majorité immense des espèces, il nous est impossible de comprendre comment elles auraient pu dériver de formes antérieures différentes et en petit nombre, à moins d’une cause absolument inconnue, d’une cause qu’on peut bien appeler extra-naturelle, puisque les phénomènes observés n’en donnent aucune idée. On ne peut pas s'appuyer sur un changement de climat, car toutes les espèces d’une même région ont passé par les mêmes influences. Aïnsi, pour reprendre mon exemple, toutes les Erica du Cap sont propres à cette partie du monde, et ont éprouvé les mêmes influences depuis des milliers d'années. Plusieurs vivent, au Cap, dans une même localité, et se main- tiennent distinctes. Comment seraient-elles dérivées d’une ou de quelques espèces primitives? Les mêmes causes ne peuvent pas produire des effets différents sur une même forme. En exagérant beaucoup l'action des causes extérieures , en oubliant qu’elles ne produisent rien d’hérédi- taire si elles ne sont accompagnées de l'isolement des pieds modifiés, on ne peut point s'expliquer la production de tant de formes voisines et diffé- rentes sous des conditions semblables. Une hypothèse sur ce qui pourrait arriver dans l'avenir fait mieux comprendre la marche présumée du passé. ; Je reconnais que le Senecio vulgaris, répandu depuis trois siècles de pays en pays, et encore semblable partout, pourrait, dans quelques milliers d'années, avoir éprouvé, dans certaines régions, dans certaines îles, par exemple , des modifications devenues héréditaires. Je comprends que la destruction de formes servant de transition, et une certaine intensité dans les modifications locales, pourraient alors faire considérer les formes nou- velles comme autant d'espèces. Mais je ne puis admettre en aucune ma- nière que sur un même continent, ou dans une même ile, au travers de variations quelconques du climat, le Senecio vulgaris actuel püt produire, par exemple, une cinquantaine de formes différentes, pouvant rarement se _féconder les unes les autres, donnant des graines presque toujours stériles quand elles se croisent, en un mot offrant les conditions de diversité externe et interne qui caractérisent des espèces. Qu'on applique le même raison- 1098 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES, nement aux temps anciens, et l’on sentira combien la production de la grande majorité des espèces par dérivation est incompatible avec leur grou- pement actuel près les unes des autres. Je résume cet article et je dis : Les espèces sont susceptibles de modifications par l'effet de causes inté- rieures inconnues, et même de causes extérieures peu intenses. Les formes produites ne deviennent héréditaires que par l’effet de l’iso- lement et du temps. Ainsi les formes nouvelles qu’on pourrait considérer comme des espèces distinctes (et qui le sont en définissant l’espèce d’une certaine manière), ne peuvent être que des formes réparties dans des pays séparés les uns des autres. Or, l'immense majorité des espèces de chaque genre étant groupées sur le même continent, quelquefois dans une même île, on ne peut pas leur appliquer ce mode de formation. J’admets ainsi les deux modes d'introduction de nouvelles formes spéci- fiques soutenus par deux écoles de naturalistes; mais le mode par dériva- lion, comme possible dans le cas très rare d'espèces aujourd’hui ana- logues, géographiquement séparées, et le mode par une formation propre à chaque espèce comme certain pour l'immense majorité des espèces, Le premier mode ne formerait même pas de véritables espèces, mais plutôt des races, que nous confondons nécessairement avec les espèces, vu lim- possibilité de remonter par l'observation jusqu'à des temps très anciens. L'autre mode serait le seul réel. Ceci me conduit à étudier les hypothèses qui ont été émises sur la créa- tion des espèces proprement dites et sur leur mode primitif de distribution; mais auparavant je dirai quelques mots d’une théorie, présentée aussi comme hypothèse, dans laquelle on cherche à expliquer la progression géologique des êtres organisés par une variabilité plus grande des espèces à certaines époques, ou du monde, ou de chaque espèce en particulier. $ IV. HYPOTHÈSES D’UNE VARIABILITÉ PLUS GRANDE DES ESPÈCES DANS CERTAINES ÉPOQUES GÉOLOGIQUES OU A CERTAINS AGES DE L'ESPÈCE. On croit échapper aux difficultés des grandes questions de paléontologie en supposant une variabilité des espèces plus grande, tantôt dans certains moments de transitions géologiques, tantôt à certaines périodes de la vie des espèces elles-mêmes. La première de ces hypothèses ne repose sur aueune base d'histoire naturelle, sur aucun indice physiologique ou historique, même léger. Ce serait dans les années qui suivent de grandes révolutions du globe que CHANGEMENTS QUI ONT PU S’OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1099 les espèces, éprouvant de nouvelles influences, se mettraient tout d’un coup à varier ; elles seraient saisies d’une sorte de fièvre et se changeraient en d'autres formes, considérées par nous comme des espèces distinctes. Mais, de quelle nature sont ces révolutions du globe qui détermineraient des phénomènes aussi extraordinaires ? De la même nature que les circonstances dont nous sommes témoins, qui ne produisent nullement des faits sem- biables. Ce sont des éruptions de volcans, des exhaussements du sol, des terres qui s'élèvent au-dessus de la mer, d’autres qui disparaissent, des glaciers qui avancent ou reculent. Tout cela se voit de nos jours et ne change pas le degré de variabilité des espèces. Il est vrai que les phéno- mènes sont locaux, d’une faible importance; mais ils sont de même nature, et c’est l'essentiel. On peut, d’ailleurs, se représenter des changements plus importants. Supposons qu'un immense continent vint à s’élever au midi de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-Hollande. Ce serait une des plus grandes révolutions qui püût arriver; cependant, elle n’aurait aucune influence sur l’hémisphère boréal, et, en outre, rien ne peut faire supposer que les espèces des îles Auckland, Kerguelen, etc., qui se trou- veralent sur ce nouveau continent, fussent saisies tout à coup d’une faculté nouvelle de transformation. L’analogie de faits connus nous fait comprendre que les unes périraient, tandis que d’autres se répandraient peu à peu. Elles ne seraient point isolées ; les individus, en devenant plus nombreux, pourraient toujours se féconder mutuellement, par conséquent, les carac- tères communs de l’espèce se conserveraient. Si, au lieu de cela, on sup- pose une révolution qui isole, par exemple, la rupture de l'Amérique sep- tentrionale en trois ou quatre îles, on comprend que certaines espèces pourraient, à la longue, se modifier en deux, trois ou quatre races, dont l'isolement favoriserait la formation ; mais ce serait la faculté de conser- vation des formes nouvelles qui aurait changé, ce ne serait pas la faculté de varier. Du reste, il n’est pas possible de supposer aux dernières révolutions géologiques des effets plus intenses que ceux observés aujourd’hui entre certaines localités rapprochées. Considérez la Sicile, par exemple. Entre les sommités de l’Etna et les plaines brûlantes du littoral, la différence est aussi grande qu’on peut la supposer entre deux époques géologiques très différentes. Ainsi, quand les graines tombent de la montagne de l’Etna dans la plaine, ce qui arrive tous les jours, c’est bien comme si elles passaient d’une époque à une autre. Lorsqu’elles tombent directement sur le littoral, c’est une transition brusque; lorsqu'elles descendent de place en place, et de £ mération en génération, c’est l'équivalent d’une transition graduée. Dans l’un et l’autre cas, les espèces soumises à de nouvelles conditions 1400 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. ne se montrent nullement animées d’une force nouvelle de variabilité. Ainsi, je le répète, l'hypothèse d’une variabilité plus grande à certaines époques, n’est basée sur aucun indice. Elle peut, comme hypothèse, satis- faire à l’état des connaissances en géologie sous tel ou tel point de vue; mais elle est purement, et dans toute lacception du mot, une hypothèse. Je n’en dirai pas autant de la supposition que les espèces varieraient plus à certaines époques de leur existence qu’à d’autres; qu'elles varieraient plus, en particulier, dans leur jeunesse. Cette opinion, soutenue récem- ment par M. Lecoq (a), présente au moms en sa faveur quelques faits, quelques indices qu’on peut étendre par voie d’analogie. Elle à ainsi en elle-même un point d'appui, un degré quelconque de probabilité, et par ce motif, elle doit fixer davantage notre attention. Je ne suis point touché, il faut en convenir, d’une argumentation qui revient assez souvent dans l’ouvrage de M. Lecoq. Il compare l’espèce à l'individu, et de ce que l'individu passe par une suite d’états successifs, il en conclut que l'espèce doit aussi avoir probablement une époque de déve- loppement rapide et varié, puis une époque de stabilité, et enfin de mort (p. 218, 219, 220, 222, 202). À mon avis, c’est abuser du raisonne- ment par analogie de comparer une chose complexe avec une chose simple, ou du moins avec une chose formée d'éléments d’une autre nature. Prenons un exemple dans un ordre de faits tout différent. J’ad- mets qu'on puisse comparer un village avec un bourg, un bourg avec une ville, parce que ce sont des agglomérations d’une nature analogue ; elles sont toutes composées de maisons et de rues, par conséquent, ce qui se remarque dans l’une peut, avec un certain degré de probabilité, exister dans les autres. Si l’on venait ensuite à conclure d’un village à une maison, où d’une maison à un village, on risquerait de se tromper singulièrement, attendu qu’une maison se compose de chambres, ele., qui sont d’autres éléments. De même en histoire naturelle, on peut com- parer les familles aux genres, les genres aux espèces, ou inversement, puisque ces groupes sont tous composés de végétaux; mais quand on com pare l'espèce avec un individu, on compare une association composée de plantes avec un ohjet composé d'organes. Il peut y avoir des lois communes à toutes les agglomérations d'organes, et des lois différentes communes aux agglomérations d'individus. Ainsi, les organes varient plus dans leur jeunesse qu'à une époque subséquente, je l'accorde ; mais je n’en conelus rien relativement aux espèces. Je craindrais trop de faire un raisonnement dans le genre de celui-ci : Les villes d'Europe tendent à s’agrandir, done (a) Études sur la yéographie botanique de l'Europe et en particulier sur la végéta- tion du plateau central de la France, in-8, vol. 1, 1854, p. 210 et suivantes, CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. A101 les maisons doivent devenir plus vastes ; ou bien : Les maisons qu’on bâtit à Londres sont toujours à peu près de la même étendue, donc la ville de Londres a cessé de s’agrandir. Laissons de côté cette manière de raisonner et voyons les motifs qu’on peut alléguer en faveur de la théorie de M. Lecoq. | À son point de vue, qui est celui de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et d’autres naturalistes, les espèces de chaque époque seraient dérivées d’autres formes spécifiques antérieures, moins nombreuses. Pour employer une expression plus juste, les formes nouvelles seraient uniquement des races, provenant d'espèces primitives, ou au moins d'espèces d’une époque précédente. Or, fes premières générations d’une race cultivée ont effecti- vement une grande disposition à varier. Si les espèces actuelles sont des races, elles ont dû avoir plus de variabilité à l’origine qu’elles n’en ont à présent. Si elles ont été formées d’une autre manière, c’est-à-dire par une création spéciale, l’analogie entre des groupes (races, espèces), composés de végétaux, permet encore de considérer comme probable une varia- bilité plus grande de l'espèce à son origine, puisque cette variabilité plus grande s’observe dans les races. Ici, le raisonnement par analogie me paraît, je ne dirai pas direct et concluant, mais plausible et de nature à indiquer une certaine probabilité. Le point de départ, le fait que les races commencent par être variables, est bien constaté dans les plantes cultivées. J'en ai déjà parlé (p. 1084). Qu'il me soit permis de citer encore l'opinion d'un agriculteur qui a créé des races, qui a observé avec beaucoup de sagacité, et qui a raisonné sur les faits avec un jugement incontestable, M. Louis Vilmorin. Selon lui, pour obtenir des modifications d'espèces nouvellement cultivées, il faut commencer par obtenir, d’une manière ou d’une autre, une modification quelconque ; ensuite, lorsque l'espèce a été ébranlée, affolée, c’est son expression, elle devient plus maniable et l’on en tire plus aisément les modifications qu’on cherche à en obtenir. Ces modifications une fois obtenues et isolées par des semis à part, deviennent des races permanentes (a). Dans les plantes spontanées, nous voyons fort peu le commencement des races. L'observation des espèces qui se répandent dans des pays éloi- gnés semblerait pouvoir apprendre quelque chose à cet égard; mais elle n'apprend rien, parce que ces espèces, soumises à des conditions nou- velles, ne produisent guère des races, ni même des variétés ou des mon- struosités. Deux cents espèces européennes se sont répandues depuis plus d’un siècle aux États-Unis, et elles n’ont point changé. L’Erigeron cana- (a) Revue horticole, 1852 ; extrait dans Bibl. univ, de Genève, 1852, Archives sc., p. 327. 1102 ORIGINE PROPABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. dense, l'Œnothera biennis et autres espèces, transportées d'Amérique en Europe depuis longtemps (p. 710, 725), n’ont pas produit des variétés, encore moins des races. Nous ne savons si, dans le cas où elles en produiraient, ces races deviendraient tout à coup variables, nombreuses, comme cela arrive dans les espèces soumises à la culture. D’après M. Lecoq, 1l y a des genres de plantes dont les espèces sont encore dans cet état bizarre d’avoir des formes variables, et d’après lui, ce sont des genres d'une date moins ancienne que les autres. Ainsi, les formes du genre Rosa, des genres Salix, Polygonum, Viola, Thalictrum, Rubus, etc., toutes ces formes, qui font le désespoir des botanistes, parce qu’elle sont, pour les uns, des espèces, et pour les autres, des variétés ou même de simples variations passagères, seraient l’état de jeunesse de nombreuses espèces. Dans d’autres genres plus anciens, les formes seraient distinctes, parce qu'elles seraient arrivées à un certain degré de maturité. Cette théorie est ingénieuse ; elle repose sur des faits positifs en ce qui concerne les races ; mais est-elle d'accord avec l’ensemble des faits ? Voilà ce qui me paraît plus que douteux. Remarquons d’abord que cette variabilité extrème de certains genres serait envisagée tout autrement, par des botanistes qui pencheraïent vers des idées différentes de celles de M. Lecoq. Loin de voir dans les Rabus, par exemple, des espèces multiples ou qui vont se multiplier, ces botamistes diraient qu'il existe en Europe 5 ou 6 espèces de Rubus, et plus on insis- terait sur la variété des formes, plus ils en concluraient, en s'appuyant sur les transitions, qu'il faut réduire le nombre des espèces. Passons sur ce point et mettons-nous en entier dans l'esprit du système de M. Lecoq. Dans ce système, les espèces ayant varié et s'étant multipliées par divi- sion, surtout dans leur jeunesse, les genres de plantes les plus anciens doivent avoir : 1° des espèces plus arrêlées, plus admises par tout le monde; 2° un nombre d'espèces relativement plus considérable. En est-il ainsi ? M. Lecoq le croit; mais il me semble qu’on peut bien en douter. Les végétaux les plus anciens, selon M. Lecoq, et en cela, je suis entièrement de son avis, sont les Cryptogames plutôt que les Phanéro- games, les Monocotylédones plutôt que les Dicotylédones. Les Fougères, en particulier, sont très anciennes (Lecoq, I, p. 498); les Conifères et les Cycadées sont venues ensuite, et enfin les Dicotylédones. Je l'admets aussi; mais M. Lecoq regarde ces anciennes classes de plantes comme ayant des espèces mieux définies, et ici je ne partage plus son opinion. Les espèces de Conifères ont des variétés ou races très réelles, très embarras- santes (Gedrus Deodara, libanica et atlantica; Pinus sylvestris et scotica ; Pinus uncinata el variétés, ete.). Les Fougères sont difficiles à déterminer ; CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS DES ESPÈCES. 1103 les espèces exotiques en sont très variables. Parmi les Monocotylédones, les Liliacées, les Amaryllidées, les Graminées, offrent des genres très confus (Allium, Tulipa, Narcissus, Lolium, Panicum, etc.). On peut bien les comparer aux Salix, Rubus, Viola, Thalictrum, des Dicotylédones. En thèse générale, il est difficile de soutenir que les espèces soient mieux caractérisées dans l’une de ces classes que dans l’autre, et assurément, les Lichens, les Algues, ces dernières en particulier, qui doivent être d’une grande ancienneté, présentent la confusion des espèces et la variabilité des formes au maximum. Si j'hésite dans la comparaison des Monocotylé- dones et des Dicotylédones, sous ce point de vue, j’affirmerai volontiers une variabilité plus grande dans les Cryptogames, considérées en masse, que dans les Phanérogames. Parmi ces dernières, quelques familles d’une orga- nisation compliquée, d’une aire restreinte, malgré des moyens actifs de diffusion, par conséquent, d’une date probablement récente, comme les Orchidées, les Apocynées, Asclépiadées, Composées, Campanulacées, Sty- lidiées, etc., ne présentent pas des espèces très variables, n1 très difficiles à définir. Ainsi, à ce point de vue, les espèces n'auraient pas été plus variables dans leur jeunesse qu’à un àge subséquent. Le nombre des formes spécifiques, par genre, est-il plus considérable dans les catégories de végétaux d’une date probablement ancienne? Je n’en vois pas la preuve dans l’état actuel de la science. Le docteur Lindley résume à la fin de son Vegetable Kingdom (édit. de 1853), le nombre des genres et des espèces connues dans le règne végétal. Je prends son tableau, en réduisant les sept classes à quatre, pour me con- former aux habitudes, et à cause des chiffres tout à fait insignifiants des Rhizogènes, Dictyogènes et Gymnogènes, sur lesquels on ne pourrait fonder aucun calcul ayant un sens. J’ajoute la proportion des espèces par genre. On trouve : Espèces Genres, Espèces. par genre. Amphigames ou Thallogènes...,.,..,... 936 8,394 Æthéogames ou Acrogènes. ..,s...... 310 4,086 43 Monocotyledones ee CRe ose... (1,497 42,005 9 Dicotylédones 25-20 esse. 110,228 66,435 10 Soit : Cryptogames... ...se.ssososereseres 1,246 12,480 10,0 Phanérogames . ......seseosvvosuooe 71,685 80,440 10,2 Il est remarquable combien les botanistes, sans s’en douter, ont suivi la même marche dans la classification des Phanérogames et des Crypto- vames. L’uniformité des chiffres proportionnels ne donne pas à penser que l’ancienneté d'existence des classes, d’où l’on peut présumer celle des 70 1104 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. espèces (a), ait influé sur la proportion des formes spécifiques par genre. Si nous descendons à des groupes moins élevés, il en est de même. Les Fougères ont beaucoup d’espèces par genre (13, dans Lindley); mais nous ne savons pas si elles sont plus anciennes que les vraies Cryptogames, dont la trace dans les terrains géologiques est bien dificile à constater. Les Algues semblent extrêmement anciennes dans le monde, et à peu près indestructibles à cause de leur station dans les eaux. Elles n’ont que 7 espèces par genre, dans le résumé de Lindley. Les Monocotylédones, supposées plus anciennes que les Dicotylédones, ont à peu près le même chiffre. Dans ces deux classes, les groupes les plus compliqués, et proba- blement les plus récents, sont ceux des Orchidées et des Composées; ils ont 7 4/2 et 9 espèces par genre, ce qui s’éloigne peu des moyennes générales. Il n’est donc pas prouvé que les formes anciennes soient plus variées, et je ne saurais voir dans les Dicotylédones, dont la date est plus récente, des genres où « les espèces seraient encore confondues, attendant de l’ac- tion du temps et de l'habitude une stabilité qu'elies n’ont pas encore acquise. » (Lecoq, I, p. 198). On dira peut-être, il est vrai, que les genres anciens ont perdu des espèces dans la succession des accidents géo- logiques ou par une extinction naturelle. Je ne puis prouver le contraire. C’est une hypothèse pour expliquer une hypothèse, et si l’on s’en tient aux faits connus, on reste forcément dans le doute. Les genres Viola, Thalictrum, Rosa, Rubus, etc., dans lesquels M. Lecoy voit des genres non finis, des genres qui se préparent par des variations à former des races qui deviennent peu à peu des espèces, peuvent, avec tout autant de motifs, être considérés comme des genres dont les espèces sont naturellement variables et très voisines, de sorte qu’elles tendent à une confusion, à une réunion, comme les Pelargonium et les Calceolaria, plus nombreux aujourd’hui dans nos jardins que dans leurs pays d’origine. Je ne veux rien affirmer ,car l’une et l’autre de ces hypothèses semblent s'appuyer sur certaines inductions et sur certaines analogies. (a) Dans les classes ou familles récentes toutes les espèces sont récentes, mais dans les classes ou familles anciennes il peut y avoir des espèces récentes. Cependant les espèces de ces catégories anciennes ayant eu beaucoup de temps pour se répandre, et offrant sou- vent des conditions favorables à la durée (spores des Cryptogames, stations aquatiques ou marines, etc.), on peut regarder l'ancienneté des espèces comme étant en rapport avec celle der classes. ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 14105 ARTICLE IT. CONSIDÉRATIONS SUR L'ORIGINE MÊME DES ESPÈCES ET SUR LEUR PREMIÈRE RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE. $ [. LA CRÉATION DES ÊTRES ORGANISÉS PROVIENT D'UNE CAUSE EXTRA-NATURELLE. Le nombre des formes dérivées de modifications héréditaires d'anciennes espèces est probablement peu considérable, et s’il en existe, on les con- fond avec les espèces plutôt que ce ne sont de véritables espèces (p. 1087 à 1098). La majorité des espèces remonte, sous les formes actuelles, à des épo- ques très anciennes, antérieures à [a configuration géographique des terres à notre époque (p. 1059) Cependant on n’a pas pu constater la présence de végétaux dans des couches plus anciennes que les premiers terrains dits de transition, et quoique peut-être 1l en ait existé précédemment, soit hors des localités observées, soit dans des circonstances telles qu'une combustion ou une action chimique les aurait détruits, le règne végétal parait moins ancien que la matière inorganique du globe. Son existence, en effet, est incom- patible avec une température très élevée, avec l’absence d’un liquide, et l'absence d’oxydes formant une couche terrestre, c’est-à-dire avec les diverses conditions qui existaient à une époque très reculée. Il devient done nécessaire d'examiner comment les espèces actuelles ont pu être formées et se trouver réparties à leur grigine. Geci est pour le naturaliste (a), dans le domaine des hypothèses, mais parmi celles que l’on a faites, on peut en éliminer plusieurs, incompatibles avec les faits connus, et en indiquer qui offrent un certain degré de vraisemblance. Ces hypothèses se rapportent soit au mode mème de formation des êtres organisés, soit à leur nombre et à leur répartition au moment de leur origine. (a) Dans les sciences d'observation on doit appeler hypothèse toute opinion qui n’est pas démontrée par des faits susceptibles d’être observés. Il se peut que ces opinions pa- raissent complétement démontrées par les moyens de conviction sur lesquels reposent les sciences philosophiques et théologiques. Dans ces divers ordres d'idées on n'arrive pas toujours au même degré de conviction sur les mêmes questions. Ainsi un philosophe peut croire que l’existence des corps extérieurs est une hypothèse ; un naturaliste en doute si peu qu’il ne pense seulement pas à la question. Inversement, sur tel mode de création, sur tel but attribué à un être organisé, le philosophe peut avoir des moyens de conviction, et le naturaliste des moyens de probabilité, des indices, conduisant à des hypo- thèses et pas au delà. > … J106 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. La création ou première formation des êtres organisés échappe, par sa nature el par son ancienneté, à nos moyens d'observation. C’est donc en s'adressant à un autre ordre d'idées, ou en imaginant de pures hypothèses, qu'un naturaliste peut aborder ce grand problème. Il reconnaîtra bientôt alors les deux opinions qui ont été admises ou énoncées depuis que l’homme réfléchit. Dans l’une de ces opinions, le premier ou les premiers êtres organisés sont sortis de la matière inorganique par quelque loi physique à nous inconnue; dans l’autre, ils ont été créés ou du néant, ou de la matière inorganique préexistante, par une cause supérieure étrangère à la matière. Chacune de ces opinions admet quelque chose que nous ne pouvons ni voir, ni toucher, ni même comprendre. Dans lun des systèmes, c’est la force, la cause qui donne à des molécules soumises aux lois de la physique et de la chimie seulement, des propriétés toutes nouvelles; dans l'autre, c’est une cause plus élevée, plus générale dont l'essence est au-dessus de la sphère de notre intelligence. Dans la première opinion, la matière serait douée d’une faculté spéciale, la génération, qui transformerait les corps inorganiques en corps organisés. Ce serait une force, dont nous verrions les effets, sans en comprendre la nature intime, comme dans le cas de l’affinité ou de l’attraction; mais’ il y a une différence qui rend l’hypothèse de la génération spontanée suspecte. Cette différence est que l’affinité, l'attraction, agissent continuellement sous nos yeux, tandis que la force créatrice des êtres organisés n’a agi que dans certains moments. Le développement successif des êtres organisés, en vertu de leur organisation, en est quelque chose de très différent, et les expé- riences dans lesquelles on a cru voir de la matière inorganique se changer en matière organisée, se sont toujours évanouies devant des moyens plus puissants ou plus précis d'observation. Elles deviennent plus douteuses encore aujourd’hui que l’on a montré la présence de corps organisés infi- niment petits, et par conséquent de germes dans des milieux où autrefois on ne les soupçonnait en aucune manière. Quelques naturalistes croient échapper à ces questions de création en supposant que les êtres organisés se sont développés les uns des autres, au travers de périodes géologiques très longues et d’influences variées. Ge genre d'hypothèse ne dispense pas d’une autre hypothèse sur l'origine primitive, en dehors du cours naturel des phénomènes. Lamarck faisait remonter toutes les espèces à une monade, mais entre cette monade, douée d'une pareille faculté de développement et un corps inorganique, il y a une différence immense. Plus on suppose à la monade une faculté exagérée de modifications, plus la différence intrinsèque est grande. J'ajouterai qu'entre a ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 1107 une monade ayant la vie végétative et une monade ayant, à un degré aussi faible qu’on voudra, la faculté de sensation et la spontanéité qui caracté- risent les animaux, il y a aussi une différence théorique immense, car le degré de perception ou de sensation et le degré de spontanéité sont peu de chose, en comparaison du fait d’avoir ou de ne pas avoir des qualités pareilles (a). D'ailleurs, l'opinion de Lamarck est aujourd’hui abandonnée par tous les naturalistes qui ont étudié sagement les modifications possi- bles des êtres organisés. Elle reviendrait, si on voulait la soutenir, à une hypothèse, fondée aussi sur une cause surnaturelle, savoir que des espèces pourraient se transformer, au delà de ce que nous voyons, en des espèces totalement différentes, les espèces d’un genre en espèces d’un autre genre, celles d’une classe en espèces d’autres classes. Ainsi en voulant diminuer les faits attribués à une cause extra-naturelle, ils reviennent par milliers. Et si l’on s’écarte des exagérations de Lamarck, si l’on suppose un premier type de chaque genre, de chaque famille tout au moins, on se trouve encore à l’égard de l’origine de ces types en présence de la grande question de la création. De toute manière, le naturaliste doit admettre que le mode de formation des premiers êtres organisés est un phénomène qui échappe aux moyens d'investigation dont il dispose. Chaque opinion part d’une action extra- naturelle, c’est-à-dire d’une action dont le principe et la manière de faire ne tombent pas dans le domaine de l’observation. Le seul parti à prendre est donc d'envisager les êtres organisés comme existant depuis certaines époques, avec leurs qualités particulières. Il nous faut raisonner sur les rapports des êtres organisés, sur leur histoire et sur leurs attributs, comme les minéralogistes ou les chimistes raisonnent sur le fer, l'hydrogène ou le carbone, sans examiner comment ils ont été créés. On pourra constater que certaines espèces dérivent d’autres espèces, comme on a découvert que la potasse et la soude résultent de combinaisons, mais on arrivera toujours à certaines formes primitives, plus ou moins nombreuses, qui seront pour les naturalistes comme des corps simples pour les chimistes. À ce point, le domaine des sciences d'observation s'arrête, et celui des sciences philosophiques commence. La limite étant ainsi tracée, nous remarquons en deçà, de notre côté, (a) Deux êtres pourraient se ressembler infiniment sous le microscope, et l’un d’eux seulement avoir la faculté de sensation, ou cette qualité interne de spontanéité, soit force propre, qui caractérise les animaux, et dont nous avons une idée parce que nous appartenons au règne animal. Entre une telle qualité et l'absence de cette qualité, je ne conçois pas de milieu possible, comme entre la iumière et l'absence de lumière, entre le mouvement et l'équilibre. Les passages prétendus entre les deux règnes sont des cas dans lesquels nous ne savons pas distinguer si une condition très afténuée existe. 1108 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. trois questions, que nous devons examiner. Ces questions sont : 1° de savoir si les espèces actuelles sont parties de un ou plusieurs pays diffé- rents; 2° si elles ont été créées à des époques successives; 3° si elles ont eu, dès leur origine, un seul représentant ou plusieurs. La situation des espèces actuelles, leur disposition à se propager et à se naturaliser dans des pays nouveaux, et, d’une manière générale, l'observation des faits peu- vent donner des indices plus ou moins positifs sur ces trois grands pro- blèmes. $ IT. DES CENTRES PRIMITIFS DE VÉGÉTATION. Il est assez inutile de s’arrêter aujourd’hui sur l’hypothèse de Linné (a), que toutes les espèces végétales et animales seraient sorties d’un seul point de la terre, berceau en même temps du genre humain. Cette opinion ne pouvait se soutenir, même avant les découvertes modernes de la géologie, que par de grands efforts d’imagination, et en acceptant, comme base du raisonnement, une interprétation très superficielle et très contestable des termes de la Genèse. On l’a réfutée mainte et mainte fois (b). Chaque progrès dans les connaissances d'histoire naturelle et de géographie en démontre l'impossibilité. Elle est en opposition flagrante avec les faits les plus certains. Aucune région, même un peu vaste, même offrant des hau- teurs diverses, ne présente seulement la dixième partie des espèces qur existent à la surface de la terre. Les espèces végétales n’auraient pu se trouver toutes rapprochées sans être immédiatement détruites en grande partie, soit par les animaux, soit par le climat quelque varié et favorable qu'on le suppose dans une seule localité. Enfin, le transport de tant d’es- pèces dans les divers pays où elles se trouvent maintenant cantonnées, d’une manière souvent étroite, rend une pareille théorie complétement impossible à soutenir. Elle n’a plus qu’un intérêt philosophique, celui de montrer qu'un grand naturaliste peut tomber dans de singulières erreurs, quand il s’écarte de la base des sciences naturelles, l'observation directe des faits et les probabilités qui en découlent. Buffon s’était montré bien supérieur à Linné, lorsque s'appuyant sur le phénomène d’une température autrefois très élevée du globe, il en dédui- sait que la végétation a dû s'établir d'abord dans les régions polaires et se propager, à mesure du refroidissement, vers les régions équatoriales. Ce point de vue d’un homme de génie reste vrai dans une certaine sphère (a) De telluris incremento, dans Amænilales academicæ, 3° édit, vol. IH. (b) La réfutation la plus forte peut-être a été donnée par M. Agassiz, dans un arliele sur la distribution des animaux, inséré dans le Christian examiner de mars 1850. ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 1109 très élevée, en embrassant de longues périodes géologiques, et en admettant un refroidissement qui ne peut avoir été que d’une lenteur extrême. Lors- qu'on descend ensuite aux applications à chaque période, on trouve dans les découvertes modernes la preuve de variations successives et en sens divers de la température sous chaque zone. Ainsi dans plusieurs points de l'hémisphère boréal, après des végétations qui supposent beaucoup de chaleur, il ÿ a eu de grandes accumulations de glaces, qui ont elles-mêmes cédé le terrain à des végétaux de climats tempérés. Il n’est pas prouvé, d'ailleurs, qu'à l’époque où les régions polaires étaient très chaudes, il exisiäl entre ces régions et celles de l'équateur la différence qui existe aujourd’hui. Si la température élevée tenait à une chaleur centrale du globe plus importante que la chaleur venant du soleil, des espèces analogues auraient pu vivre à la fois près de l'équateur et près des pôles. Une autre opinion, soutenue par Willdenow (a), et avant lui, avec plus d’habileté peut-être, par Zinn (b), fait commencer les espèces sur les mon- tagnes et chaînes de montagnes, qui auraient été, suivant les anciens sys- tèmes géologiques, les premières surfaces abandonnées par les eaux. Aujour- d'hui, on a prouvé que les montagnes se sont presque toujours élevées après les plaines, et se sont élevées souvent par des actions successives. I ne vaut donc plus la peine de discuter cette hypothèse, à laquelle on pou- vait d’ailleurs présenter de fortes objections, entre autres l'existence de plusieurs milliers d’éspèces dans les régions basses intertropicales, sous une température plus chaude que celle d’aucune montagne. Le défaut de toutes les théories de cette nature est d’avoir voulu em- brasser des questions multiples et immenses dans un seul système. C’est aussi de n'avoir pas marché du connu à l'inconnu, en se résignant à attendre, lorsque l'état de la géologie le rendait encore nécessaire. Je désire éviter ces causes d'erreur, et, pour cela, je me bornerai à énoncer quelques idées incomplètes, timides peut-être, mais fondées uni- quement sur des faits et sur les opinions les moins contestées de la géologie actuelle. Un des progrès les plus importants de cette science à été de montrer les phénomènes d’émersion et de submersion des terres comme successifs et locaux. Ainsi, pendant que le terrain subapennin se déposait sur la mo- lasse en Bresse, la molasse restait à découvert, avec toutes ses productions, dans telle autre localité. I y a donc eu dans chaque siècle des surfaces élevées au-dessus de la mer, qui ont pu servir de centres pour la végéta- tion de l’époque. Les géologues sont encore loin de pouvoir se représenter (a) Grundriss der Kraulerkunde. {(b) Dans un ouvrage danois, cité par Schouw, De sedibus plant. orig., p. 4 et 9. 4110 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. quelles parties de la terre étaient émergées dans chaque époque et surtout dans chaque siècle d’une même époque. À peine peuvent-ils le dire pour les régions les mieux connues, telles que l'Europe et les États-Unis. Voilà cependant un point de gagné, qu'il y a eu, probablement sans interruption, depuis des époques géologiques très anciennes, des centres de végé- tation; mais que ces centres ont varié plus ou moins de nombre, de forme, de position, et par conséquent de climat. Voyons maintenant les espèces. Elles sont aujourd’hui dispersées et cantonnées, pour la plupart, dans des limites assez restreintes. C’est déjà une preuve qu’elles sont nées dans plusieurs centres différents de végétation, mais où sont-ils ces cen- tres? Voilà la question. Lorsqu'on envisage une espèce en particulier, habitant un certain pays, on peut toujours se dire : ou elle a été formée dans ce pays même, ou elle y est arrivée jadis, avant l’époque actuelle, par l’effet d’une communica- tion qui existait avec une autre terre. De cette facon, en supposant un temps immense et des changements successifs et variés de configuration géographique, on pourrait admettre la possibilité d’un petit nombre de centres vraiment primitifs des espèces, et d’une dispersion par des dépla- cements nombreux, suivis de destruction des espèces dans leur patrie antérieure. Il faudrait bien admettre cependant plusieurs centres primitifs, car les espèces des régions polaires, des régions tempérées et des régions équatoriales, n’ont certainement jamais vécu ensemble dans un même pays d’origine, quelque favorable qu’on le suppose aux végétaux. Il y a même eu plusieurs centres sous chaque zone. Si telle espèce du Cap a eu son point de départ sur une terre voisine, maintenant submergée; si telle espèce de Buenos-Ayres est venue primitivement de quelque région voi- sine, existant ou n’existant pas aujourd’hui, il est bien certain que la masse des espèces du Cap et la masse des espèces de Buenos-Ayres ne peuvent pas avoir eu la même origine, car elles sont toutes différentes et appar- uennent ordinairement à des genres ou à des familles différentes, On pourra faire le même raisonnement sur la Nouvelle-Hollande, sur Madagascar, sur la Guyane, et en général sur tous les pays contenant beaucoup d’es- pèces propres. J'arrive ainsi à trois conclusions, qui expriment à la fois ce que nous ignorons et ce que nous savons : 1° la région où chaque espèce a existé primitivement, je veux dire à son origine même, ne peut pas être connue exactement ; 2° les espèces sont cependant originaires de régions nom- breuses, différentes; 3° quelques-uns des centres primitifs peuvent être indiqués avec une certaine probabilité, mais il est impossible de les con- ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 1111 naître tous et d'en préciser complétement la position, à cause des points de contact qui ont fait communiquer les espèces entre plusieurs de ces centres et de la disparition probable d’autres contrées sous les eaux de la mer (a). $ IIL. LA NAISSANCE DES ESPÈCES À ÉTÉ PROBABLEMENT SUCCESSIVE. Il y a plusieurs motifs géologiques et botaniques pour croire à une appa- rition successive des espèces. Le seul fait que les surfaces terrestres se sont élevées successivement et quelquefois isolément au-dessus de la mer, rend la chose probable. En y réfléchissant, on trouve des raisons plus fortes. Une terre ne peut pas être devenue tout d’un coup favorable à des végé- taux de différentes classes. Qu’on la suppose sortie d’un état de fusion et par conséquent rocheuse, ou imprégnée de matières salines après un long séjour dans les eaux de la mer, il est évident que beaucoup d’espèces n’ont pas pu s’y établir pendant les premières années. Des lichens, des mousses, ont pu adhérer aux rochers, des plantes marines ont pu croître sur le sable ; mais il à fallu du temps, et beaucoup de temps, pour que le sol propre à la grande masse des végétaux fût formé, notamment dans les lieux secs où existent aujourd’hui plusieurs espèces. Ainsi, à l’origine du règne végétal, et même pour chaque terre, du moment de sa formation ignée, ou de son émersion, si elle provient de sédiments, les espèces ont été nécessairement peu nombreuses. Depuis ces époques, bien lointaines pour la plupart des pays, il semble, d’après ce que l’on connaît des végétaux fossiles, que le nombre des espèces aurait augmenté. L’état actuel des connaissances sur,chaque formation est évidemment imparfait: certaines régions, maintenant couvertes par les eaux, ont recelé peut-être des végétations plus riches que celles dont nous examinons les fossiles; certaines conditions physiques et chimiques ont pu détruire les traces de beaucoup d'espèces dans telle ou telle nature de roche ; cependant, il n’est pas douteux que les formations les plus anciennes sont loin de présenter la variété de formes, entre autres la quantité de fruits et de graines qu’on retrouve actuellement dans les terrains de for- mation tertiaire ou quaternaire. Il est évident aussi que les végétaux de l’époque de la houille, par exemple, offrent une grande similitude, pour ne pas dire une identité complète entre des localités très éloignées, tandis que, dans les époques plus récentes, il y a des espèces propres à chaque région et fort peu d'espèces communes. (a) Je reviendrai sur ces questions dans le chapitre XxVI, en considérant, non plus les espèces, mais les pays. 1112 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. On objectera que la houille était formée peut-être de dépôts flottés (car c’est une des opinions les plus plausibles), et que, dans cette hypothèse, elle ne pouvait contenir que certains végétaux ligneux habitant le littoral de la mer et le bord des fleuves. Mais si ces espèces flottées se trouvent semblables dans des dépôts fort éloignés, c’est très différent de ce qui existe aujourd'hui par l'effet des transports. Le Gulf-stream ne charrie pas les mêmes bois que les courants de la mer arctique ou la rivière de la Plata. Ainsi, l’uniformité de composition des houilles, dans des pays éloignés, montre bien une certaine uniformité de végétation dans le monde à cette époque, par conséquent, un nombre absolu d'espèces plus petit qu'à l’époque actuelle, et cela indépendamment de toute hypothèse sur la for- mation des dépôts de houille. Depuis cette époque, il a done paru plus d'espèces végétales qu’il n’en a disparu. Cela est certain pour les plantes ligneuses, et, par conséquent, très probable pour les autres, car les plantes ligneuses appartiennent à plusieurs familles de végétaux. Nous ignorons si la progression a été régulière; mais on ne peut guère se refuser à admettre une progression. Ceci est d'autant plussimportant pour nous que les espèces actuelles de végétaux datent, pour la plupart du moins, d’époques antérieures à la nôtre, et peuvent provenir d’époques très variées, selon les pays et selon les familles ou genres auxquels elles appartiennent. D’après la formation même du sol de végétation, ce sont des Crypto- games, des plantes marines et des espèces vivant dans les lieux inondés ou humides, qui ont dû se manifester les premières. D'après lobservation des végétaux fossiles, ce sont des espèces appartenant à des Cryptogames ou à des Phanérogames peu compliquées qui prédominent, ou peut-être qui vivaient exclusivement dans les formations les plus anciennes, où au moins dans ce qu’on a retrouvé des êtres organisés de cette époque ; ainsi, les deux ordres de faits concordent assez bien. A une époque subséquente (époque tertiaire), les Dicotylédones deviennent abondantes ; mais on remarque lab sence ou la rareté extrême des Dicotylédones gamopétales, entre autres de celles à ovaire infère, comme les Composées et familles voisines, dont l’organisation est la plus compliquée. M. Ad. Brongniart insiste avec raison sur ce point (a), et assurément, la découverte récente de quelques Rubiacées (b), et celle plus curieuse encore de cinq espèces de Composées (c), ne change pas la vérité et la gravité du fait, car à l'époque actuelle, les Composées constituent 1/10* (a) Tabl. des vég. foss., dans Dict. sc. nal. de d'Orbigny, 1849. (b) Unger, Genera et spec. plant. foss., 1850. (e) M. Héer les a trouvées dans les terrains de molasse supérieure, de l'époque ter- taire, en Suisse (Flora tertiaria Helvetiæ, in-4, Zurich, 1854, Einleitung, p. 10). ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES, 4113 des plantes phanérogames, et les familles gamopétales, en général, sont nombreuses et répandues sur toute la terre. L'apparition d'espèces de plus en plus organisées parait donc un fait certain pour les végétaux, quoique, pour le règne animal, d’habiles paléon- tologistes ne pensent pas pouvoir ladmettre. Je ne vois qu'une seule objection, mais elle n’est pas forte. On pourrait dire que certaines espèces compliquées, des Composées, par exemple, peuvent avoir existé dans les époques anciennes, chaque espèce limitée à un petit district, et, par conséquent, rare dans les fossiles. Je ne crois pas à cette objection, car les êtres compliqués d'organisation sont souvent doués de moyens actifs de diffusion, et il n’est guère probable qu’ils restent pen- dant longtemps sans se disperser. On la remarqué pour l'homme. La rapidité de son extension depuis quelques milliers d'années prouve qu’il est moderne ; 1l n'aurait pas pu exister dans un pays sans s’efforcer de se répandre ailleurs et lon en trouverait des traces géologiques. On peut faire le même raisonnement sur les plantes de la famille des Composées. Leurs akènes donnent une certaine facilité de dispersion, très grande sur les continents, faible, j'en conviens, pour traverser les mers. À l’époque ter- tiaire, le sol était assez desséché pour des plantes de cette famille, puisque les arbres étaient des Juglans, des Acer, etc., et qu'aujourd'hui, il y a aux États-Unis une multitude de Juglans et d’Acer, vivant avec des Composées. Si donc il avait existé conjointement avec les Acer et les Juglans des ter- rains tertiaires, plusieurs espèces de Composées, elles auraient occupé une partie notable des régions de cette époque, chaque espèce se serait multipliée sur son propre continent, et l’on en trouverait nécessairement des empreintes assez nombreuses, d'autant plus que Ja nature coriace de leurs graines les conserve dans les dépôts (a). L'extension relative de nos espèces actuelles, comme je lai déjà fait remarquer, confirme très directement l’apparition successive d’espèces de plus en plus parfaites. En effet, si nous avons toutes les raisons possibles de croire que les Cypéracées, Graminées, Renonculacées, Polygonées et autres Phanéro- games actuelles, d’une structure simple, datent d’un temps où la configu- (a) L’argument serait moins fort, si lon parvenait à prouver que tous les fossiles ont été flottés et ballottés par les eaux, avant d’être enfouis par les sédiments là où ils se retrouvent aujourd'hui, car dans ce genre de formation, les petites graines, celles même qui sont coriaces, risquent bien d’avoir été détruites. Heureusement on retrouve certaines graines fort petites, celles de Chara, par exemple, même dans des dépôts longtemps sub- mergés. D'ailleurs certains fossiles, ceux des diluvium en particulier, ne semblent pas avoir été broyés par un long transport sous l’eau, et des couches ont sans doute été recouvertes par de simples éboulements, ou par des boues, des limons accumulés promptement dans quelques localités. 1114 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. ration des terres était autre qu'aujourd'hui, il y à des raisons semblables pour penser que les espèces actuelles de Composées et autres familles éga- lement compliquées, sont d’une apparition plus récente que l’état géogra- phique actuel. Les premières de ces familles ne sont douées d’aucun moyen particulier de transport, et se trouvent répandues dans des régions entre lesquelles, aujourd’hui, aucun transport de graines aussi pesantes n’est possible. Les secondes, au contraire, savoir : Les Composées, Asclépia- dées, Apocynées, etc., d’une structure très compliquée, ont des moyens de transport réels, très efficaces, quand une communication par terre se pré- sente, et maintenant, elles sont limitées d’une manière remarquable à chaque continent. Il faut que les espèces de la première catégorie aient été plus nombreuses et plus dispersées dès leur origine, ou qu’elles remontent à une époque antérieure aux formes géographiques actuelles ; tandis que les secondes ont été moins nombreuses et moins dispersées dès leur origine, ou datent d’une époque plus récente que certains chan- gements géographiques. Ceci me conduit à une dernière question, celle des origines uniques ou multiples de chaque: espèce. $ IV. HYPOTHÈSES SUR L'ORIGINE DE CHAQUE ESPÈCE PAR DES INDIVIDUS UNIQUES OU MULTIPLES. j Chaque espèce at-elle commencé toujours par un seul individu, ou, s’il s’agit d'espèces dont les sexes sont séparés, par un seul couple d'indi- vidus ? Ou bien, a-t-elle commencé toujours par plusieurs individus? Ou, enfin, certaines espèces ont-elles commencé par un seul couple ou individu, et d’autres par plusieurs ? Ces trois hypothèses ont été soutenues, ou admises tacitement, par divers botanistes. Linné adoptait la première (a), et avec lui une foule d’écri- vains, naturalistes ou autres. J.-G. Gmelin (b), Murray (c), Schouw (d), et plus récemment Agassiz (e), ont adopté la seconde. Jai soutenu moi- même jadis (f) la troisième. Si l’on veut apprécier la probabilité de ces diverses opinions, le seul (a) De telluris incremento, 1743, Amœæn. acad., \ol. If. (b) Flora Sibirica, præf., p. Cx, en 1757. (c) Comm. Gœtting., IX, p. 18, en 1789. (d) De sedibus plantarum originariis, br. in-8, Hauniæ, 1816; Sur l'origine des ve- gétaux, mémoire publié en danois en 1847, traduit en anglais dans Hooker, Journ. of Bot., 1850, p. 321. (e) Geographical distribution of animals, dans le journal The christian examiner, mars 1850. s (f) Fragment d'un discours sur la géogr. bot., dans la Biblioth. univ., mai 1854. ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 4145 moyen est de voir quelle hypothèse s'accorde le mieux avec les faits de géographie botanique, en particulier avec ceux dont l’état actuel du globe ne peut pas rendre comple, et qui remontent évidemment à des causes antérieures. Les mêmes recherches peuvent être faites en zoologie, car les questions sont exactement semblables. Heureusement, la distribution des espèces végétales actuelles est mieux connue que celle des animaux, et il est permis aux botanistes de marcher ici en avant, quoique, sans doute, les exemples tirés de la zoologie aient aussi beaucoup de valeur. L'hypothèse d’une origine unique offre un degré apparent de simplicité qui séduit. Nous aimons à croire aux moyens simples, peut-être unique- ment à cause du peu de portée de notre esprit. Je ferai remarquer d’abord que l'hypothèse elle-même suppose deux individus pour la grande majorité des êtres organisés, car il y a bien plus d'êtres à sexes séparés qu’à sexes réunis. Ensuite, la simplicité du moyen est plus apparente que réelle. Est-ce des graines et des œufs que l’on suppose jetés isolément à l’origine des espèces dans des localités favorables? Mais ces graines, ces œufs, ont une organisation excessivement compliquée. Est-ce une première plante, un premier animal, tout formés ? Mais leur structure est alors plus variée, plus compliquée encore. Ge qu'il y a de prodigieux, ce n’est pas la créa- tion de mille ou de dix mille individus organisés semblablement, c’est la création d’un seul. La cause toute puissante qui a produit un individu à pu aussi bien en produire plusieurs. L’immensité nécessaire de sa puissance fait que le nombre des individus créés est une chose très accessoire, et à ce point de vue, un mode est presque aussi simple que l’autre. Cette théorie a une conséquence à laquelle on n’a pas toujours pensé, et qui met plusieurs auteurs dans une contradiction palpable avec eux- mêmes. Presque tous les partisans d’une origine unique ont admis une création simultanée, si ce n’est du monde entier, au moins de tous les végétaux à la fois, de tous les animaux (non compris l'espèce humaine). Cependant, certains végétaux ont besoin de l'ombre des autres espèces; les parasites ont besoin du développement préalable de leur support ; les ani- maux carnivores exigent l'apparition préalable des autres animaux, en grande quantité ; les herbivores ont besoin de trouver des végétaux nom- breux et pourvus de feuilles ; les frugivores demandent des fruits, les grani- vores des graines. On ne peut donc pas admettre la création simultanée de toutes les espèces d’un seul règne, surtout du règne animal, et en même temps un seul individu ou couple primitif de chaque espèce. La création successive, au moyen d'individus ou couples uniques, pré- sente d’autres difficultés, mais elles ne sont pas absolues. Une plante seule de son espèce, au milieu d’une infinité d'espèces préexistantes sur le ter- 1116 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. rain, a toujours de la peine à s’établir. On peut en juger par les essais de naturalisation. Quand une seule graine est introduite dans un pays où l'espèce n'existe pas, il y a mille, peut-être un million à parier contre un, qu’elle sera dominée, étouffée par les autres espèces, ou détruite par les accidents de toute nature, même si cette graine tombe sur un terrain favo- rable et avec les conditions de climat qui lui conviennent. Un seul couple d’une espèce dioïque, aventuré au milieu d’espèces préexistantes, risque fort de ne pas pouvoir se reproduire, par suite d'isolement des deux pieds ou d’accident. Les introductions d'espèces nouvelles dans un pays sont toujours difliciles (p. 798), et personne ne les tente, à moins de pou- voir, ou exposer une grande quantité d'individus à la fois aux causes de destruction, ou les protéger au moyen d’un isolement artificiel, Ces difli- cultés se présentent dans les deux règnes et sont très graves. On ne peut cependant pas dire que l'introduction d’une espèce, par un seul couple ou un seul individu, au milieu d'espèces préexistantes, soit absolument impossible. Une objection qui me paraissait jadis très forte, contre l’origine unique, se tire des espècés disjointes, c’est-à-dire séparées à l’époque actuelle par d'immenses étendues de mer, sans qu’on puisse croire à la possibilité d’un transport (a). J’ai pensé longtemps que l’origine unique était inadmissible pour ces espèces, peu nombreuses, il est vrai. Et comme ce sont principa- lement des Cryptogames ou des Phanérogames à organisation simple ; comme, d’un autre côté, dans les animaux, les espèces supérieures sont celles où l'origine unique parait le plus probable, j'avais été conduit à l'hypothèse d’un nombre originel d'autant plus grand que l’organisation de l'espèce est plus simple, d'autant plus petit qu’elle est plus compliquée (a). Maintenant, les progrès de la géologie ont fait entrevoir d’autres causes pour la disjonction des espèces. Il est certain que les continents ont éprouvé des modifications de forme et de climat très nombreuses, pendant les dernières époques géo- logiques; en même temps, plusieurs espèces végétales actuelles remontent à une grande ancienneté, surtout celles d’une organisation simple. On peut donc supposer, en se basant sur des faits, que certaines espèces auraient été très répandues et continues dans leur habitation à une époque, puis isolées par la destruction d’un continent ou par un changement de climat dans le centre de chaque habitation. L'origine primitive pourrait avoir été, ou unique, où multiple, sans que la distribution actuelle en fût le moins du monde la conséquence, Ainsi, il y a maintenant des espèces phanérogames (a) Voyez chap. X, p. 993. (b) Fragment d'un discours sur la géogr. bol., dans la Bibl, univ., mai 1834, p. 26. ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 11417 qui se trouvent en Patagonie ou aux îles Malouines et dans l'Amérique sep- tentrionale (p. 1047), sans intermédiaires. D’autres existent dans ces deux régions, plus dans la chaîne des Andes(p. 1050). Ne peut-on pas supposer que les premières ont eu aussi une époque où elles existaient sur les Andes, et qu'un changement de climat, causé par l’éruption de nouveaux volcans, par le soulèvement de plaines voisines, etc., ou que l’arrivée dans le pays d'animaux tels que le cheval, la chèvre, etc., auraient déterminé leur absence à notre époque dans la région intermédiaire? La disjonction des espèces alpines (p. 1007), celle des arbres à grosses graines (p. 994), peuvent s'expliquer aussi par ce genre de cause, sans recourir à des ori- gines multiples. Les espèces communes aux îles Britanniques et au conti- nent se seraient répandues à une époque où le bras de mer intermédiaire n'existait pas; les espèces communes aux îles et aux côtes diverses de la Méditerranée seraient antérieures à l’existence ou à la forme actuelle de ce bassin. De pareilles hypothèses n’ont rien que de très plausible, car les espèces maintenant contemporaines de l’homme sont probablement beau- coup plus anciennes que lui (p. 1059). L'hypothèse des origines multiples ne peut donc plus se baser sur le fait important des espèces disjointes, ou plutôt les espèces disjointes ne rendent plus cette hypothèse nécessaire, comme on devait le croire avant les der- niers progrès de la géologie. Ce n’en est pas moins une hypothèse admis- sible, tout aussi bien que celle des origines uniques. Elle offre même quel- que chose de plus clair. Dans l’hypothèse des origines uniques, on a de Ia peine à se représenter le début des espèces : ou elles se seraient glissées au milieu d'espèces antérieures, et alors le fait d’être formées d’un seul individu rend la chance de s'établir infiniment petite; ou (ce qui est peu probable) elles auraient été créées simultanément, 150,000 ou 200,000 in- dividus représentant les 150,000 ou 200,000 espèces actuelles du règne végétal, 10,000 individus représentant les 10,000 espèces qui ont existé peut-être à l’époque de la houille, etc., et alors pendant un an au com- mencement de notre époque, il y aurait eu à peine une plante par lieue carrée, les espèces parasites n'auraient pas pu vivre, et les espèces qui demandent de l'ombre auraient péri. Dans l'hypothèse des origines mul- tiples, rien d’extraordinaire, rien qui ne soit analogue aux faits dont nous sommes aujourd'hui témoins, si ce n’est le fait mème de la création. Il y aurait eu, dès le premier moment de l’apparition des végétaux, ce que nous voyons aujourd'hui, ce qu’on voyait à l’époque tertiaire, et plus ancienne- ment à l’époque de la houille ou du grès rouge, savoir une multitude d’in- dividus plus ou moins semblables, couvrant la terre d’un tapis de verdure, et se propageant soit par division, soit par reproduction sexuelle en raison de 1118 ORIGINE PROPABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. leur organisation, de leur degré de ressemblance et de leur degré de rap- prochement matériel. Graduellement la végétation se serait accrue d’indi- vidus nombreux ayant des formes spécifiques nouvelles, pendant que des formes anciennes duraient ou disparaissaient, se répandaient davantage ou diminuaient à la surface de la terre; mais un botaniste, à chaque époque, même à la première apparition des végétaux, n’aurait vu que des pieds individuels plus ou moins analogues, les uns pouvant se féconder avec d’autres et formant amsi une espèce, malgré quelques légères diversités, les autres ayant une ressemblance moins grande et formant entre eux des genres ou des familles. On dirait que Moïse exprime cette opinion en disant : Germinet terra herbam viventem el facientem semen, et lignum pomiferum faciens fructumjuæxta qgenus suum, etc. (a). N'est-ce pas en quelque sorte l’équi- valent d’une phrase comme celle-ci : Que la terre se couvre de verdure, où chaque herbe produise sa graine, etc.? On voit que l’idée n’est pas nouvelle, et cependant elle à paru extrêmement hardie dans la bouche de quelques naturalistes modernes, tant il est vrai que des définitions hasar- dées de l’espèce ont fait regarder comme étranges, et, à certains points de vue, comme hérétiques, des opinions qui, d’après le simple bon sens, auraient paru peut-être les plus naturelles. Au lieu de dire que les individus de la même espèce pouvaient descendre d’un seul couple ou individu, ce dont nous ne savons véritablement rien, on a dit descendent d’un même couple où individu. Le public a pris lassertion pour un fait. Il lui faudra peut-être cent ans pour comprendre à quel point la notion d'espèce est difficile à préciser, et à quel degré l’origine des espèces est nécessaire- ment dans la région des hypothèses. En supposant des individus multiples pour la même espèce, on peut (a) La traduction de la Genèse, appelée la Vulgate, s'exprime ainsi, cap. I, v. 41 : « Et ait: germinet terra herbam viventem et facientem semen, et lignum pomiferum faciens fructum juxta genus suum, cujus semen in semetipso sit super terram. Et factum est ita, » — V. 12: « Et protulit terra herbam viventem et facientem semen juxta genus suum, lignumque faciens fructum et habens unumquodque sementem secundum speciem suam. » La traduction des pasteurs de Genève, édition de 14388, faite sur le texte hébreu, dit, v. 41 : « Que la terre pousse son ject (assavoir) herbe portant semence et arbres fruic- tiers portant fruicts selon leur espèce, qui aient leur semence en eux-mêmes, sur la terre : et ainsi fut. » — V. 12 : « La terre donc produisit (son) ject, (assavoir) l’herbe portant semence selon son espèce, et arbres portans fruict, ayant leur semence en eux- mêmes, selon leur espèce. » La première traduction a une petite supériorité par l'emploi des mots genre et espèce comme synonymes. Il est impossible, en effet, que la langue hébraïque possédât le mot espèce dans le sens limité des modernes, puisque ce mot est encore aujourd'hui très dif- ficile à définir. Pour les Hébreux, ce qu'on traduit par espèce, ne pouvait signifier que catégorie, sorle, nature de plante ou d'animal. Mieux vaut alors employer tantôt le mot genre, tantôt le mot espèce, et mieux vaudrait encore un mot plus général. ORIGINE ET RÉPARTITION PREMIÈRE DES ESPÈCES. 1119 admettre un nombre très inégal et une distribution diverse selon l'espèce. Ainsi, les plantes d’une organisation simple pourraient avoir eu dès lori- gine des représentants plus nombreux et plus dispersés, que les plantes d’une organisation compliquée. Ce serait une manière d'expliquer pour- quoi les premières ont aujourd’hui une aire plus vaste, en dépit de moyens de transport quelquefois imparfaits, tandis que les Composées, au contraire, ont une aire restreinte, avec des graines pourvues d’aigrette, Cependant l’époque de l'apparition, supposée ancienne pour les unes et récente pour les autres, expliquerait cette circonstance tout aussi bien, et concorde avec cet autre fait de la rareté des Composées et familles voisines dans les cou- ches géologiques les plus récentes et de leur absence dans les anciennes. De même, l'hypothèse des origines très nombreuses pour les êtres simples, tels que les végétaux et une partie des animaux, moins nombreuses pour les animaux supérieurs compliqués, s’accorde avec l'habitation restreinte de l’homme au commencement de son histoire; mais celle-ci peut s’ex- pliquer également par une apparition plus récente, J’insiste sur ces doubles explications, pour montrer que les progrès mo- dernes de la géologie et de la géographie botanique rendent les hypothèses sur le mode primitif d'existence des espèces tous les jours moins nécessaires. Que les espèces aient paru sous la forme d'individus multiples ou d'individus uniques, la circonstance d’avoir paru probablement à des époques succes- sives, et celle d’avoir pu traverser une ou plusieurs époques géologiques, ayant des configurations des terres, des climats et des moyens de transport diffé- rents, auront toujours influé énormément sur la distribution actuelle. Ces causes certaines et considérables d'action se présentent aujourd’hui à notre esprit comme prépondérantes. On devra concentrer sur elles toute son attention. Plus tard, si une connaissance plus avancée des formes succes- sives des continents et des époques d'apparition des espèces ne suffit pas pour expliquer les phénomènes, on devra revenir aux hypothèses tou- chant l’origine même et voir laquelle s’accorde le mieux avec les faits. Le mérite des sciences d'observation est de marcher sûrement. Elles avancent comme une armée bien organisée, et, si l’on me permet de poursuivre la comparaison, je dirai que les faits sont comme le gros de l’armée et les hypothèses comme les éclaireurs. On perd quelquefois ceux-ci, ou bien on les fait rentrer dans le sein de l’armée; mais il n’est jamais nécessaire de les avancer au delà des besoins du moment, 71 r” 1190 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES, ARTICLE IV. DURÉE DES ESPÈCES ET DES RACES. Qu'on étudie l'espèce au point de vue théorique ou d’après lobservation pure et simple des faits, elle se présente à nous comme une agrégation qui n'a pas, dans sa nature même, des causes d'extinction nécessaire. Il en est à cet égard de l’espèce comme des plantes vivaces et des arbres, dont la durée est illimitée, c’est-à-dire qui meurent à des époques irrégulières, par des causes accidentelles. Rien ne peut faire présumer une diminution dans la faculté de produire des graines de génération en génération, ni dans la vitalité de ces graines; par conséquent il faut des circonstances extérieures pour rendre une espèce plus rare et pour l’éteindre, et ces circonstances arrivent d’une manière souvent imprévue. Les espèces les plus exposées sont celles des petites îles, comme Sainte- Hélène, Tristan-d'Acunha, Juan-Fernandez, etc. Ce sont elles qui ont l'aire la plus limitée (p. 586), et il suffit d’une éruption de volcan, de la des- truction d’une forêt, ou @e l'invasion d’un animal, comme la chèvre, pour- les faire disparaître. € Plusieurs causes, dit le docteur Hooker (FT. ant., I, part. ur, p. 216) ont réduit ïa Flore de Sainte-Hélène, de mémoire d'homme, à une ombre pour ainsi dire de ce qu’elle était lorsque l'ile était couverte de bois (a). Ceux-ci ayant été presque tous détruits par les chè- vres et les pores, et par lusage d'enlever les écorces pour les tanneries, Jes espèces et le nombre des individus ont diminué. Dans l'intervalle de mes deux séjours à Sainte-Hélène, une plante très particulière, l'Acalypha rubra, avait disparu, et deux belles espèces ligneuses du genre Melhania, à fleurs très apparentes, venaient de s’éteindre, pendant que l'existence de plusieurs Wahlenbergias, d'un Physalis et de quelques Composées arbores- centes, très particulières, devenait de plus en plus précaire. » Ces observations sont curieuses, surtout quand on les rapproche de celles sur la multiplication rapide des espèces naturalisées à Sainte-Hélène et dans les îles analogues (p. 719). Il ne faut cependant pas regarder comme éteintes les espèces qu'un voyageur ne retrouve plus, même lorsque ces espèces sont de nature à frapper les yeux. Les plantes ne sont pas comme les animaux de grande taille dont la disparition est aisée à con- stater. Elles ont par le moyen de leurs graines des réserves dans le terrain (a) H-y avait 2,000 acres de forêts, dont il ne restait que des arbres isolés en 1724. Les chèvres et les pores introduits en 1502 avaient multiplié très vite dès l’origine, et quand on ordonna, en 1731, de détruire les animaux errants, le mal était déjà fait. Il s’est naturalisé 746 espèces étrangères de plantes, et il ne reste que 32 espèces indigènes. (Ch. Darwin, Journal, édit. 1852, p. 487.) DURÉE DES ESPÈCES ET DES RACES. 4121 (p. 624), et ces réserves sont d'autant plus nombreuses, d'autant plus profondes et à l'abri des accidents que les espèces sont plus anciennes. A Sainte-Hélène, il doit y avoir, au fond des fissures de rochers et dans le sable accumulé par les pluies, une quantité de graines soustraites aux causes d’altération et de germination. Si les circonstances extérieures actuelles venaient à changer, si la surface du terrain n’était plus livrée aux hommes, aux animaux domestiques et à certaines plantes envahissantes naturalisées, on pourrait voir reparaître et reprendre possession de l'ile, à la suite d’éboulements ou de ravage des eaux, quelques-unes des espèces qui semblent anéanties dans ce moment. Ilest plus difficile d'apprécier la disparition d'espèces continentales. Elles ont, comme les espèces insulaires, leurs réserves dans le sol, et en outre leurs habitations sont étendues et les stations qui leur conviennent ne peuvent guère changer partout à la fois. Il y a quelques espèces à aires très limitées (p. 557) qui semblent près de disparaître. On remarque aussi le retrait des limites de certaines plantes sur de vastes étendues (p. 807); enfin, il y a des habitations disjointes (p. 993), qui souvent paraissent avoir été continues à une époque antérieure historique ou géologique. De ces faits, on est conduit à regarder comme probable l'extinction graduelle de quelques espèces, indépendamment de la destruction accidentelle causée par des révolutions géologiques. Sur 157 espèces cultivées, 32 n’ont pas encore été retrouvées à l’état sauvage (p. 954) ; elles le seront peut-être quand on connaîtra mieux la Perse, la Tartarie, la Chine, etc.; cependant on ne peut s'empêcher de voir dans ce fait un indice de la disparition d’un nombre assez considérable d'espèces depuis l’époque historique. Il m'aurait disparu qu’une seule espèce sur 100, parmi les plantes cultivées, qu’on pourrait en augurer l'extinction de 1,000 à 2:000 espèces phané- rogames, car, après tout, les espèces cultivées sont comparables aux autres, puisqu'elles appartiennent à plusieurs familles, à diverses régions du globe et aux catégories les plus variées sous le point de vue physiologique. L’en- vahissement des cultures dans leurs habitations et stations primitives a bien été pour elles une cause particulière de destruction, ou du moins à la suite de cet envahissement nous ne distinguons plus les pieds des- cendus de pieds aborigènes de ceux descendus de pieds cultivés ; mais, en compensation, les espèces cultivées sont ordinairement robustes et avaient bonne chance de résister dans des habitations étendues et dans des stations moyennes ou diverses. Une extinction irrégulière, tantôt lente, tantôt brusque des espèces actuelles, est donc probable. Le meilleur moyen de la démontrer serait une étude complète des tourbes, en passant de là aux diluvium el terrains 4192 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES. slaciaires de l’époque quaternaire. Jusqu'à ce qu’on ait avancé cette étude, on en est réduit aux conjectures. Le phénomène de l'extinction des espèces paraît lentet borné à quelques catégories seulement. On peut le comparer à la formation rare et lente de nouvelles races, à la suite d’une grande diffu- sion et d’un long isolement (p. 1087, 1091), et si une proportion insigni- fiante de ce que nous appelons espèces est provenue de ces races nou- velles, une sorte de compensation existerait dans ces deux phénomènes ; seulement ils ne concerneraient pas la grande majorité des véritables espèces, lesquelles durent jusqu’au moment où des catastrophes en détrui- sent à la fois un nombre considérable, et où de nouvelles créations par des causes impossibles à comprendre modifient profondément l’ensemble du règne végétal. Les mêmes considérations s'appliquent aux races ou sous-espèces. Rien ne prouve qu’elles aient une durée définie. Elles peuvent s’éteimdre par des causes extérieures, à des époques irrégulières, lentement ou brusquement. Elles ont de plus que les espèces, une cause d'extinction : c’est la facilité de se cro'ser avec les races de la même espèce. Dans ce cas, la race la plus robuste et la plus abondante finit par absorber l'autre, comme on le voit fort bien dans les animaux domestiques (a). ARTICLE Y. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Dans ce qui précède, j'ai cherché à analyser les questions si difficiles de l'origine des espèces, en considérant ces questions une à une, dans l’ordre qui semblait le plus favorable à leur examen. Je vais les reprendre dans l'ordre de leur importance et de leur succession chronologique. Les plus anciens phénomènes sont les plus obscurs; mais heureusement, ce ne sont pas les plus nécessaires pour l'explication des faits actuels. Voici les propositions qui résument la série de mes recherches et de mes réflexions sur l'espèce. 1. Les sciences d'observation ne peuvent pas faire comprendre un phé- nomène extra-naturel, comme la formation première d'un ou plusieurs (a) Les races humaines présentent quelque chose d'analogue, mais pour arriver, au moyen de leur étude, à des résultats probants, il faut éliminer toutes les formes qui sont considérées tantôt comme races, tantôt comme espèces, selon les idées ou les préjugés de chacun. A ce point de vue je ne saurais trop engager à réfléchir sur les faits concernant le peuple juif. J'y reviens souvent parce que c’est le phénomène le plus clair de tous. Personne n’a prétendu que ce peuple formât une espèce, mais ses formes se conservent depuis des milliers d'années, sous tous les climats, avec tous les régimes et toutes les influences les plus diverses. Voilà une vraie race. Elle peut durer indéfiniment, à une seule condition, que les individus continuent à s'unir entre eux exclusivement. Pour les races humaines, comme pour les autres, l'isolement est la condition la plus importante et la plus rare, RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 1123 êtres organisés, tirant leur origine, ou de la matière inorganique, ou du néant. L'étude des faits peut conduire seulement à indiquer certaines cir- constances qui caractérisaient les êtres organisés à leur origine. 2. Nous ignorons dans quelles parties du globe et à quelle époque géolo- gique les premiers végétaux ont paru. Il est possible que ce soit dans des contrées que l'Océan recouvre aujourd’hui, et dans des terrains où les traces de végétaux d'un tissu délicat ne se sont pas conservées. Néan- moins, la température probablement très élevée des anciennes époques permet de croire que les végétaux sont d’une date moins ancienne que les couches les plus inférieures de la surface du globe. 3. Les surfaces terrestres s'étant successivement élevées au-dessus de la mer, ou abaissées au-dessous, il y a eu des centres successifs et variables de végétation. [Il a pu exister quelquefois des contacts ou des moyens de communication entre plusieurs centres, de telle sorte que les espèces ont pu se propager de l’un à l’autre, et périr dans leur contrée d’origine tout en se conservant ailleurs. h. À chaque époque, et probablement dès origine, il y a eu un grand nombre d'individus végétaux qui se ressemblaient assez pour qu’un natu- raliste püt les croire sortis d’une souche commune, en raison surtout de ce qu'ils se fécondaient facilement les uns les autres. Si, contrairement à certaines probabilités, ces individus étaient uniques ou réduits à des couples uniques dès Porigine, ils sont devenus promptement multiples, et toutes les conséquences à légard de la distribution actuelle sont les mêmes, vu l'ancienneté du point de départ et les variations des terres émergées. 5. Les espèces ont paru successivement pendantes diverses époques géologiques et ont duré plus ou moins longtemps. 6. Nos espèces actuelles, en particulier, datent pour la plupart d'époques antérieures à la configuration présente des continents. 7. Elles ont pu se répandre beaucoup dans les temps anciens, et leur habitation peut avoir été ensuite coupée par des obstacles aujourd’hui insurmontables. Elles peuvent aussi avoir été transportées, dans ces temps reculés, par des causes qui n'existent plus. Ainsi, la disjonction de cer- taines espèces sur de hautes montagnes et dans le nord, celle de plantes aquatiques ou hygrophiles dans des pays très éloignés, celle d'espèces à grosses graines sur des îles et sur un continent éloigné ou même rappro- ché; enfin, la séparation de quelques espèces à des distances immenses, peuvent s'expliquer par l’ancienneté et par une diffusion jadis très grande, aussi bien que par des origines multiples. 8. Les espèces qui ont aujourd’hui une aire étroite, malgré des moyens 412h ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES, de transport assez faciles (au moins par terre), paraissent être des espèces peu anciennes, je veux dire postérieures à la configuration actuelle de la plupart de nos continents. Les espèces qui ont une aire très vaste, malgré des moyens actuels de transport difficiles, sont probablement plus anciennes. 9. En comparant les formations géologiques successives, il semble que les premiers végétaux ont été surtout des espèces d’une organisation simple, et en petit nombre; que, graduellement, des espèces plus compli- quées sont venues s'ajouter et remplacer en plus grand nombre les espèces qui périssaient. Parmi nos espèces actuelles, ce sont également les plus simples qui paraissent les plus anciennes, d’après leur diffusion, et ce sont les plus compliquées qui paraissent les plus récentes, d’après leur aire restreinte. Cette concordance, par deux voies différentes, appuie lhypo- thèse d’une progression dans les êtres organisés successifs, hypothèse que la géologie n’a pas encore démontrée suflisamment. 10. Les espèces ligneuses se sont établies par grandes masses dans les pays septentrionaux et tempérés, à une époque où le climat devait être plus humide ou plus nuageux qu’à présent. Aujourd’hui, en eflet, dans le midi de l’Europe, le nord de l'Afrique, les îles Canaries, les portions méri- dionales des États-Unis, et ailleurs, un terrain dénudé, exposé aux effets du soleil, ne se couvre plus de végétation arborescente, comme cela est arrivé jadis. Or, les Conifères et les Amentacées, qui constituent la plupart des forêts, sont des Phanérogames peu développées. Leur ancienneté probable, d’après leur existence par masses dans certains pays, confirme donc liné- valité d'âge de nos espèces et le fait que les espèces anciennes n'étaient pas les plus compliquées. 14. Les faits de géographie botanique actuelle sont, en général, clairs et concordants si l’on suppose que les espèces les plus anciennes, parmi les Phanérogames, sont, d’abord, la majorité des plantes aquatiques et des lieux humides, puis beaucoup de plantes septentrionales et alpines et la plupart des arbres de nos régions tempérées, et si l'on suppose en même temps que les espèces les plus récentes se trouvent principalement parmi les plantes des régions chaudes, parmi les Dicotylédones à ovaire infère et corolle gamopétale, telles que les Composées, Dipsacées, Campanula- cées, etc., el parmi les autres Phanérogames à organisation compliquée sous certains rapports, comme les Orchidées, les Palmiers, les Apocynées, Asclépiadées, Cucurbitacétes, Passiflorées, Bégoniacées, etc. 12. Depuis l'existence déjà ancienne de la plupart de nos espèces, 1l a pu arriver que certaines races se soient formées et propagces, el que, maintenant, nous les prenions pour des espèces, en particulier si elles habitent des contrées distinctes, et si les modifications voisines dans l'es- RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 1125 pèce ont disparu, par l'effet d'événements géologiques ou d'accidents natu- rels quelconques. Cependant, cette considération ne peut pas s'appliquer aux espèces très distinctes de leurs congénères, ni aux espèces si nom- breuses de certains genres qui se trouvent accumulées dans le même pays, et qui ont dû, par conséquent, éprouver des influences semblables pendant un temps très long. 13. Les espèces cultivées offrent, en général, plus de modifications que les autres, parce qu’elles sont plus flexibles et que la culture isole les imdi- vidus modifiés ; mais on retrouve peu à peu ces espèces à l’état spontané, souvent d’une manière incontestable, et il est possible qu’on les retrouve toutes à mesure que certaines régions seront mieux connues. Ainsi, elles rentrent dans les lois des autres espèces. 14. Les faits connus autorisent à penser qu’une plante peut se déve- lopper accidentellement sous une forme nouvelle que nous appellerions une espèce distincte, même un genre ou une famille, mais que nous appelons une monstruosité lorsque nous en savons l’origine. La plupart de ces formes ne peuvent pas durer, ni surtout donner des graines, et bien plus rarement des graines fertiles. Dans ce dernier cas encore, 1l faut que l’atavisme ne ramène pas la forme primitive et que la fécondation avec les autres individus de forme ancienne soit impossible, c’est-à-dire qu'il y ait isolement, pour que la forme nouvelle se conserve de génération en géné- ration. L’ensemble de pareilles conditions n’est guère possible dans la nature. Évidemment, ces conditions n'ont pas pu exister à l’origine d'espèces agglomérées sur un même continent ou dans une île, et cette ag- glomération est précisément le cas le plus fréquent pour les espèces analo- gues. On est donc obligé de reconnaitre pour l’origine &e la grande majorité des espèces, genres et familles, une cause extra-naturelle, ayant agi dans certains moments, cause supérieure, dont l’action échappe aux sciences d'observation. En d’autres termes, la cause qui a fait exister les formes héréditaires de la plupart des espèces, de tous les genres, de toutes les familles de plantes, est une cause analogue à celle qui à fait exister les corps simples reconnus dans la nature inorganique. 15. Les races, les espèces, les genres, les familles, ont une durée mdé- finie, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas en elles-mêmes une raison de cesser à une époque précise. Elles continuent jusqu'au moment où des causes exté- rieures, fréquentes pour les races, moins fréquentes et même rares pour les espèces, très rares pour les genres, et surtout pour les familles, viennent à influer lentement ou brusquement. Dans le chapitre Xxv1, je reviendrai sur plusieurs de ces faits et de ces principes, envisagés au point de vue de régions particulières. 1126 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES. CHAPITRE XII. SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES ; LIMITES ET FORME DE LEURS HABITATIONS, ARTICLE PREMIER. DEFINITION ET CONSTITUTION DES GENRES. Un genre est une réunion d'espèces ou, si l’on veut, d'individus qui se ressemblent par des caractères importants et apparents, au point qu'on leur donne vulgairement des noms collectifs, tels que chêne, peuplier, violette, orge, ete. Tous les genres constitués, ou plutôt reconnus par les botanistes, ne sont en réalité qu’une extension et une imitation des genres admis par le public. S'ils sont valables, ils se voient par les caractères apparènts des feuilles, fleurs, fruits ou autres organes, et en même temps une analyse minutieuse fait découvrir en eux des caractères moins visi- bles, d'importance analogue à ceux qui existent dans les genres admis au premier coup d’œil par tout le monde. Telle est la nature du groupe appelé genre. L'observation et l'expérience apprennent plus tard qu’il existe une certaine ressemblance intime, phy- siologique entre les espèces qu’on réunit. Elles peuvent se greffer les unes sur les autres, et même assez ordinairement se féconder; mais les produits sont presque toujours stériles, et quand ils ne sont pas stériles, ils n’ont qu’une fécondité bornée, qui transmet les formes primitives avec peu de fidélité et peu de régularité. J’ai appelé le genre une réunion d'espèces ou d'individus. La première désignation est fréquente chez les naturalistes; la seconde est plus con- forme à la pratique et aux faits. Tout le monde reconnaît une gentiane ou un chêne sans savoir combien il existe d'espèces de chacun de ces genres. Il y en aurait une seule, ou plusieurs centaines, que chaque genre n’en serait pas moins réel. D'ailleurs, il est évident, par la nature même et l'origine des noms de genres et des noms d'espèces, que ceux de genres ont été inventés les premiers dans chaque langue. Ce sont des substantifs, exprimant des associations évidentes; puis, en regardant de plus près, et en comparant des individus de diverses localités, de divers pays, de diverses qualités, on a reconnu les espèces et on leur a donné des noms accessoires, sous forme d’adjectifs. D'après celte marche historique, les genres sont ordinairement plus naturels que les espèces, SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES 149 L’assertion peut surprendre, parce qu'on a entouré l’idée d'espèce de notions hypothétiques, souvent hasardées, comme de supposer une origme unique, l'impossibilité absolue de produire des hybrides féconds, une fixité de formes complète, etc. ; mais il faut savoir se dépouiller des idées préconçues, et ne pas prendre des hypothèses pour des réalités démon- trées. Le fait est qu'un homme dont les yeux et l’intelligence s’ouvriraient subitement, remarquerait, dans le règne végétal, d’abord certains groupes supérieurs que nous appelons genres, et même ceux que nous appelons familles, avant de discerner des espèces, Donc, ce sont des groupes plus clairs, plus vrais, plus naturels. Sans doute, il y a des portions du règne dans lesquelles les espèces sont plus faciles à distinguer que les genres, comme il v a des cas où les genres se distinguent mieux que les familles, mais ce sont des exceptions. Ordi- nairement, plus il s’agit de groupes élevés, plus ils sont aisés à reconnaître. La preuve en est dans les discussions qui occupent les botanistes. Ils ne s'accordent presque jamais sur les limites des espèces, encore moins sur celles des variétés. Dans ces divisions inférieures, une foule d'individus leur paraissent intermédiaires. Au contraire, le nombre des espèces qu’on ne sait à quel genre rapporter est une petite proportion du nombre total des es- pèces ; le nombre des genres ballottés d’une famille à l’autre est une pro- portion encore bien plus faible du nombre total des genres, et enfin, les familles incertaines entre les Dicotylédones er les Monocotylédones, entre les Phanérogames et les Cryptogames, sont infiniment peu nombreuses. Plus on s'élève, plus la somme et la valeur des caractères qui lient les êtres est évidente et incontestable, plus leurs caractères différentiels sont tranchés, plus, par conséquent, les groupes sont naturels, c’est-à-dire vrais (a). Puisque les genres sont des agglomérations réelles, plus évidentes même que les espèces, leur répartition géographique mérite d’être étudiée. Elle offrira moins de questions que n’en a présenté l’étude des espèces, mais quelques-unes ont un véritable intérêt. ARTICLE Il. SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES. Tel genre, que nous supposons bien caractérisé, bien étudié, se trouve dans l'Asie méridionale, ou en Amérique, ou au Cap, ou dans la zone tempérée de l’ancien monde, etc. Ce sont des cas si nombreux qu'il ? (a) J'ai développé cette idée il v a longtemps dans mon /ntroduction à la botanique (1, p. 486 à 331, et surtout p. 524). La forme arithmétique donnée au raisonnement est exagérée de précision, mais elle a l'avantage de faire comprendre nettement des prin- cipes qui opt leur importance dans la philosophie des sciences naturelles. 1198 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES. est inutile d’en mentionner des exemples. On peut même dire que les genres ont presque toujours une habitation déterminée, et plus on les compare, plus on étudie leur structure et leur composition, plus aussi les formes qui les caractérisent se trouvent véritablement propres à une cer- laine partie du globe. Il en est de ce phénomène comme de la situation géographique des espèces : rien dans l'apparence et la structure des végétaux ne peut en rendre raison. On devine quelquefois la cause qui exelut certaines formes de certaines régions; ainsi les plantes grasses ne peuvent guère subsister dans des pays froids et humides, les plantes dont les folioles changent de position de douze en douze heures ne peuvent pas vivre dans des pays où la neige et l’obscurité d’un long hiver empêcheraient cette fonction; mais pourquoi tel genre de plante grasse existe-t-il au Cap et non en Amérique, pourquoi tel genre commun dans les Andes n'est-il pas représenté aussi dans les hautes régions de l’Asie, pourquoi chaque genre de Mélastomacée est-il spécial à l'ancien ou au nouveau monde (Naudin, Ann. sc. nat., 3° série, XIE, p. 300); en général, pourquoi une forme existe-t-elle dans une des régions du globe et non dans les autres, surtout dans les régions dont le climat est analogue? Ce sont des problèmes que l’observation des faits et la connaissance des formes de végétaux ne peuvent nullement résoudre avec les moyens imparfaits dont la science dispose de nos jours. La solution ne pourra venir que de l'étude des circonstances antérieures à l’état actuel du globe et aux êtres organisés de notre époque. Pour les genres comme pour les espèces, la répartition géographique observée maintenant à ses causes dans le passé. Ceci est même plus important et plus certain à l'égard des genres qu’à l'égard des espèces, puisqu'il faut des révolutions bien plus graves et bien plus étendues pour détruire un genre que pour détruire une espèce. ARTICLE : HA. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES ET FORME GENERALE DE LEURS HABITATIONS. Un genre est borné géographiquement par la mer ou par les limites de certaines espèces, lesquelles diffèrent d’un point du pourtour à l'autre. La faculté des espèces de la circonférence de s'étendre plus ou moins dans chaque direction, et la diversité de nature, quelquefois assez grande, de ces espèces, ne peut amener pour la circonscription du genre qu'une ligne irrégulière, assez indépendante de toute loi générale. De même quant aux lnutes sur les montagnes. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES GENRES. 1129 Cependant, l’analogie intime qui existe toujours entre les espèces d’un même genre est un obstacle à l’irrégularité complète de la limite. On voit donc beaucoup de genres, ceux surtout qui sont bien naturels, s'arrêter d’une manière à peu près uniforme sous tel ou tel degré de latitude, et, sur les montagnes, à telle ou telle hauteur cont les climats correspondent. D’après une soixantaine d'espèces du genre Wyrsine, par exemple, aucune ne dépasse le 32° degré dans l'hémisphère boréal, ou le 40° dans l’hémi- sphère austral; aucun T'abernæmontana ne dépasse le 30° degré de lati- tude méridionale, et il serait aisé de multiplier ces exemples. D'un autre côté, les exceptions sont nombreuses. Les Androsace sont certainement un genre des régions fraiches ou froides de l’hémisphère boréal, cependant lAndrosace maxima s’avance jusque dans la Perse et près d'Alep (Duby, dans Prodr., VII, p. 43); les Conyza ont pour limite, dans l'Amérique septentrionale, le 33° degré environ (Gonyza sinuata, d’après Torrey et Gray, FE, If, p. 257), et dans l’ancien monde la limite est aux plaines du pied de lPAltaï, sous le 55° degré environ (Conyza altaica, d’après DC., Prodr., et Ledeb., FE. Ross., IE, p. 498); le genre Salvia s’avance en Europe jusqu’en Suède, vers le 60° degré de latitude (Salvia pratensis, voy. Wahl., FT. Suec., 1, p. 16) et en Amérique, jusque dans l'Ohio seulement, sous le AL° degré (Salvia lyrata, L., voy. Gray, Bot. N.-$St., p. 520), etc. Chaque botaniste peut citer des exemples analogues. Ils ont de l’importance pour mettre en garde contre certaines conclusions précipitées, dans lesquelles on juge du climat d’une localité ou d’une époque géologique, par la présence d’un certain genre. La non-extension d’un genre dans telle ou telle direction, ou sa présence en dehors des limites ordinaires, sur tel ou tel point, ont presque toujours pour cause l'absence ou l’existence dans telle partie du monde d'espèces ayant plus ou moins la faculté de se répandre. Aucune raison botanique ne peut faire deviner pourquoi il n’existe pas en Amérique une espèce de Salvia, par exemple, qui supporte le froid aussi bien que le Salvia pratensis en Europe. En d’autres termes, la cause principale de la limite actuelle des genres est une cause antérieure, une cause tenant à la création et à la distribution des formes végétales avant l’époque actuelle. Ces considé- rations nous dispensent d'examiner de plus près un phénomène qui échappe aux moyens d'observation dont les botanistes disposent. . Nous pouvons aussi ne pas fixer notre attention sur la forme générale de la circonscription géographique des genres. Cette forme se moule en grande partie sur la forme des continents. Quand cela n'arrive pas, elle est limitée par une ligne dont les contours irréguliers présentent peu d'intérêt. 1130 DISTRIBUTION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. Les habitations génériques sont quelquefois interrompues par des espaces considérables. IT n’est pas très rare de voir dans l'hémisphère austral les mêmes genres que dans l'hémisphère boréal, avec interruption dans presque toute la zone intertropicale. D’autres genres sont séparés par l’océan Atlantique, ou par le grand Océan. Ce phénomène de disjonc- tion est très rare pour les espèces, et nous avons vu qu'il fait naître des réflexions extrêmement importantes, à cause des hypothèses sur l’origine unique ou multiple des espèces et de l’idée qu’on peut se faire des moyens de transport actuels ou antérieurs. Il n’en est pas de même dans le cas des genres disjoints. La répétition à de grandes distances de quelques formes génériques ne conduit à aucune conséquence qui ne soit pour ainsi dire évidente. Elle indique une certaine analogie de climat. Elle prouve que Ja cause quelconque de la formation des genres a agi dans différentes contrées d’une manière semblable. On peut croire aussi que les genres maintenant disjoints ont eu jadis une habitation très vaste, et que cer- taines révolutions du globe ont causé l'interruption actuelle. Ces réflexions se présentent souvent à l'esprit des géologues. J'y reviendrai dans les chapitres qui suivent, mais pour constater des faits, plutôt que pour n’étendre sur des considérations qui sont ordinairement étrangères à la botanique et dont je parlerai seulement dans le chap. xxvr. . CHAPITRE XIII. DISTRIBUTION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. ARTICLE PREMIER. RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES, Le sujet dont je vais m'occuper est assez obscur au premier aperçu. Cela vient de ce qu’un genre est une chose complexe et de ce qu'on peut d'ailleurs l’envisager sous des points de vue différents. Ainsi, un genre se compose d'espèces et d'individus. On pourra donc appeler un genre commun dans telle ou telle localité ou région, parce que ses espèces y sont nombreuses, ou parce que plusieurs d’entre elles y sont représentées par de nombreux individus. En outre, à l'occasion de la répartition des individus dans l'habitation de l'espèce (p. 457, 463), nous avons vu qu'on peut envisager tantôt l'association ou Fisolement dans des localités restreintes, tantôt la diffusion ou la rareté dans un pays d’une certaine étendue et dans l'habitation tout entière. DIFFUSION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. 1131 En d’autres termes, il y a dans Pétude de la distribution des plantes d’un genre des faits topographiques et des faits géographiques, des faits concernant les individus et des faits concernant les espèces envisagées comme unités. Ces notions se confondent plus où moins dans l'esprit et dans le langage des botanistes. Il faut cependant s’efforcer de les distin- guer, car dans toutes les parties de la science, la clarté conduit à de bons résultats, et l’obscurité engendre souvent des erreurs. ARTICLE . Il. DE L'ASSOCIATION ET DE L'ISOLEMENT DANS LES LOCALITÉS OU STATIONS. Les espèces d’un même genre, comme les individus d’une même espèce, se présentent fréquemment groupées dans une même localité. L’analogie de structure et de dispositions physiologiques entre les espèces conduit à ce résultat. Quand le groupement est un cas fortuit, on y fait peu d’at- tention, mais quelquefois c’est un cas habituel pour un genre et alors il vaut la peine de le constater. Ainsi, les espèces de Saxifraga de nos mon- tagnes, les Arabis de certaines localités rocailleuses , les Hedicago des prairies sèches, les Erica de certaines plaines à sol léger, les Carex des prairies marécageuses ont évidemment une disposition à se réunir dans les mêmes localités. Ce ne sont pas toujours les individus qui se groupent en quantité pour former des espèces sociales; ce sont quelquelois des espèces nombreuses du même genre, qui constituent une agglomération, uniforme en apparence. Il y a donc des genres sociaux, c’est-à-dire dont les éléments vivent d'ordinaire en société, comme il y a des espèces sociales. ü Le phénomène se produit dans les mêmes circonstances et par les mêmes causes. Je puis donc me dispenser d'entrer dans plus de détails et ren- voyer le lecteur au chapitre VI, article 1v, p, 457. ARTICLE If. DE LA DIFFUSION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. $ [. EN CONSIDÉRANT LES ESPÈCES. Chaque espèce d’un genre à une habitation d'une certaine étendue, d’une certaine situation géographique. Elle est séparée des autres espèces ou elle est réunie plus ou moins avec elles. À ce point de vue, les éléments d’un genre sont plus ou moins diffus, plus on moins condensés, et surtout 1132 DISTRIBUTION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. ils peuvent offrir des alternatives de diffusion et de condensation dans l'étendue quelquefois considérable de leur habitation. Beaucoup de genres offrent en certains endroits une véritable accumu- lation d'espèces, et ailleurs une rareté comparative. Ordinairement les espèces sont rapprochées dans une seule région du globe; quelquefois dans deux ou plusieurs, et tout cela remonte à des causes qui ont précédé l’état actuel du monde. Ainsi le genre Oxalis a une habitation très vaste, mais la grande majo- rité des espèces est groupée au Cap et au Brésil. Le genre Quercus, très répandu dans toutes les régions tempérées de notre hémisphère, présente aux États-Unis, dans les montagnes de Java et du nord de l'Inde, des con- centrations d'espèces bien évidentes. Quelques genres ont une grande masse d'espèces groupées dans une seule région, puis un petit nombre disséminées ailleurs. Ainsi les Styhi- dium ne sont pas tous sans exception à la Nouvelle-Hollande ; on en con- naît un à Ceylan (DC., Prodr., NII, p. 336), un dans les montagnes de Sillet, dans l'Inde (26.), un à Hong-kong, sur les côtes de Chine(St. sinicum, Hance). Les Pelargonium ne sont pas tous au Cap ; le Pelargonium Endli- cherianum croit dans le Taurus occidental (Fenzl, Pug. pl. nov. Syr., p. 6). Les Zria, les Gladiolus, les Psoralea, très nombreux au Cap, ont quelques espèces autour de la mer Méditerranée. Les Stapelia, Cyphia, Lightfootia, sont également nombreux au Cap, et l'on en voit quelques espèces en Abyssinie (Rich., T'ent. FE. Abyss., I). Sur 27 Bartsia déjà connus, 22 se trouvent dans les Andes, un au Groënland et en Europe, un aux Pyrénées et trois en Abyssinie. Sur une centame de W ahlenberqia, les trois quarts sont du Cap, le reste est épars dans les régions tempérées ou équatoriales du monde entier. On ne connait encore qu'un Paullinia hors d'Amérique; il est en Guinée (Hook. £., FE. Nigr., p. 248). Sur 82 espèces du genre Heteropterys, 80 sont d'Amérique, et deux de la côte occidentale d'Afrique (4b., p. 247). Les genres uniformément dispersés, quant aux espèces, sont peut-être les plus rares; cependant, on en parle beaucoup moins. Parmi les genres très nombreux, je citerai comme étant dans ce cas les genres Senecio, Sola- num; parmi les genres moins considérables, les Salsola, Ranunculus, Malva, Cassia, Mimosa, Teucrium, Ipomæa, etc.; sans parler de genres moins nombreux encore en espèces, où l'habitation est d'ordinaire trop limitée pour que la dispersion dans cette habitation restreinte mérite d’être remarquée. Un cas assez singulier est celui de genres ayant un très petit nombre d'espèces, loutes dans des pays différents. Ce sont, suivant là manière dont DIFFUSION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. 1133 on veut les considérer, ou des genres à plusieurs centres d'habitation, chaque centre réduit à une espèce, par l'effet peut-être d'événements géolo- giques, ou des genres analogues aux genres dispersés, mais réduits à des chiffres minimes. Je citerai les suivants. On connaît trois espèces de Cen- tunculus (Duby, dans Prodr., NII, p. 72), dont une dans l'Inde, une dans l'Amérique septentrionale, et une qui existe à [a fois en Europe et au Brésil; on connait deux Punica, lun à l’est de la mer Méditerranée, autre aux Antilles ; deux Zsopleæts, lun à Madère, l'autre aux Canaries ; deux Argyroxiphium (Composées remarquables), Pun sur les montagnes élevées de l'ile d'Hawaïi des Sandwich, Fautre sur les montagnes de Maui, autre île de cet archipel (A. Gray, Proceed. of Amer. acad., I, p. 160). Du reste, il est un peu prématuré de citer des faits de cette nature. A tout moment, on découvre des espèces nouvelles de genres qu’on croyait com- posés de deux ou de trois espèces dans des pays différents, et presque tou- jours les nouvelles espèces viennent de l’un des pays où le genre était connu. La plupart des exemples qu’on citait en 1820 (a) se trouvent aujourd’hui inexacts. Ilen sera probablement de même dans trente ans de plusieurs des genres qu'on serait tenté de mentionner aujourd’hui. Au fait, les genres uniformément dispersés, nombreux ou peu nom- breux en espèces, et les genres à plusieurs agglomérations distinctes, sont plutôt des exceptions. La grande loi est la réunion de beaucoup d'espèces dans une seule région. À ce point de vue, les espèces d’un genre semblent plus ordinai- rement agglomérées dans une partie de l'habitation du genre, que les indi- vidus d’une même espèce dans une partie de l'habitation de espèce. D’après cette disposition, l’agglomération de formes analogues ne tiendrait pas autant qu'on le suppose à la propagation des êtres organisés autour de certains centres d'abord limités, en particulier, autour d'individus primitifs isolés, mais plutôt à une multiplicité ancienne et une distribution primi- tive, ou au moins fort ancienne, des espèces et des individus. Les espèces d'un genre ne se multiplient pas à la manière des individus qui composent une espèce, et cependant les genres et les espèces ont aujourd'hui des lois de distribution semblables. $ IL. EN CONSIDÉRANT LES INDIVIDUS. Il est diflicile de savoir si les espèces d’un genre sont plus nombreuses en individus là où les espèces du genre abondent, que dans les contrées où les espèces diminuent. Sur des questions pareilles on manque complétement (a) DC., Art. géogr. bot., dans Dict. sc. nat., vol. XVIII. 1334 DISTRIBUTION DES PLANTES D'UN GENRE DANS SON HABITATION. d'observations. Nous savons, d’ailleurs, combien il est difficile d'estimer le degré de fréquence d’une espèce. Il semble probable, à priori, que les espèces excentriques d’un genre sont les plus communes, car ce sont en général les espèces les plus robustes, ayant lhabitation la plus étendue. Or, la faculté de résister aux mtempéries et une aire géographique très vaste, concordent avec une fréquence plus grande (chap. vret vi). Ainsi, il y aurait compensation du nombre des espèces par celui des individus. Là où le genre abonde en espèces, le nombre moyen des individus par espèces serait inférieur; là où les espèces deviennent rares, elles seraient plus communes. Je ne veux pas dire que la compensation soit exacte, mais il y a deux tendances opposées. Ceci me conduit à parler du degré de fréquence des genres, les uns rela- tivement aux autres, et non plus dans la distribution interne de leurs éléments. ARTICLE. IN. DE LA FRÉQUENCE RELATIVE DES GENRES. La fréquence relative des genres dans un pays de quelque étendue dépend de plusieurs circonstances : 1° du nombre des espèces ; 2° de leur diffusion dans les diverses localités ; 3° du nombre des individus de chaque espèce, ou si l’on veut, de la proportion des espèces communes relativement aux autres, Ces trois circonstances varient tellement qu'il est difficile d'attribuer un sens précis à l'indication de certains voyageurs, lorsqu'ils disent qu’un venre est commun , qu'un genre abonde dans telle ou telle région qu'ils ont parcourue. On peut conclure de semblables expressions, ou que le genre a beaucoup d'espèces différentes, ou que ces espèces sont souvent communes ; que plusieurs d’entre elles, au moins, sont très communes, ou croissent dans diverses localités et stations, de manière à se ré- péter fréquemment aux yeux de l'observateur, sans être nulle part pré- dominantes. Ainsi, le genre Carex est commun en Europe, à cause du nombre de ces espèces; le genre T'rifolium, moins nombreux en espèces, est peut-être plus commun, à cause de la fréquence extraordinaire des Trifolium pra- tense, repens, etc. ; le genre Veronica, dont le nombre d'espèces est assez semblable, est commun par la circonstance que certaines espèces se voient dans les prairies, d'autres dans les marais, et quelques-unes dans les forêts et les terrains desséchés ou rocailleux des montagnes. Le genre AIRE RELATIVE DE DIVERS GENRES. 1135 Allium à beaucoup d'espèces dans le midi de l'Europe, sans être commun, car les espèces ne sont guère abondantes. Le cenre Berberis et le genre Calluna, avec leurs espèces uniques, sont peut-être plus communs. Le genre Pinus présente beaucoup d'espèces différentes en Italie; mais il est moins fréquent dans ce pays que dans d’autres parties de l'Europe où le Pinus sylvestris est si commun. Dans le nord de l'Amérique, le genre Pinus est commun à tous égards, comme ayant beaucoup d'espèces, des espèces croissant dans des stations différentes, et des espèces extrêmement communes. CHAPITRE XIV. AIRE OÙ SURFACE DE L'HABITATION DES GENRES. ARTICLE PREMIER. AIRE RELATIVE DE DIVERS GENRES ET DES GENRES COMPARÉS AUX ESPÈCES. La surface moyenne cceupée par les genres pourrait se calculer en sui- vant les diverses méthodes qui nous ont servi à calculer l'aire des espèces (p. 476). Malheureusement, l’état actuel de la science rendrait ces calculs assez illusoires, puisque, dans plusieurs familles, Ta division générale n’a pas été revue et établie d’une manière satisfaisante. Je me bornerai à comparer l'aire des genres avec celle des espèces dans quelques familles où de bonnes Monographies et mes calculs antérieurs facilitent la recherche. Dans le tableau qui suit, l'aire est exprimée en parties aliquotes de la surface terrestre, soit régions, énumérées plus haut (p. 478). Cette subdi- vision est mauvaise sous bien des rapports, mais étant la même pour toutes les familles comparées et ayant servi dans des relevés de chiffres très longs à établir, je n’essayerai pas de faire le travail sur d’autres bases. Il est évi- dent que pour la comparaison entre l'aire des genres et celle des espèces, une autre subdivision changerait les chiffres absolus sans modifier sensi- blement les rapports. L’uniformité assez’grande des résultats dans diverses familles, pourvu que le nombre des genres et espèces y soit un peu consi- dérable, montre que les rapports moyens ne sont pas difficiles à atteindre. Dans le tableau qui suit, les genres sont groupés ensemble suivant la famille à laquelle ils appartiennent. Il en résulte que l'étendue moyenne de leur habitation ne présente pas beaucoup de diversité; mais on comprend que sous cette apparence uniforme, il v a de grandes disparates. Ainsi, gr) 4 1136 AIRE OU SURFACE DE L'HABITATION DES GENRES. dans les Papavéracées, le genre Papaver occupe douze régions, le genre Argemone onze, et le genre Sanguinaria seulement une; dans les Mélas- tomacées, le genre Osbeckia s'étend sur (reize régions et une foule de genres sur une seule; dans les Myrsinéacées, le genre Myrsine s'étend sur vingt-cinq régions, et le genre Oncéstemum est concentré à Mada- gascar, elc., etc. ST PEER VAR PRE EEE AE RENE EE TE 1 SEE + IGN LE 3 I A D RE | DANS L | xowgre | xomgre | NOMBRE NOMBRE NOMBRE | RAPPOBT; DÉSIGNATION | des espèces de régions | de régions | l'arre | des des Æ où se Lrouve|où se lrouve moy. de l'esp. DES FAMILLES. | oonres. | espèces. Pi en moy. en moy. prise g | genre. un genre. |une espèce.| pour unité. 4. Papavéracées (a). . | 9 50 5,3 6,1 1,9 1:42 9. Crucifères (a) . . . .! 95 919 9,6 4,3 4,4 1 : 3,1 3. Companulacées (b) . .| 21 311 14,8 3,4 4,2 1-7 4. Anonacées (c) . . . .| 18 20% 12,0 GAY 1,1 1 : 3,3 5. Myrsinéacées (d) . . .| 21 314 14,9 4,1 1,1 4: 49 6. Mélastomacées (d). . . 68 7130 10,7 2,6 1,04 1:25 7. Myrtacées (ec). . . . 471 696 14,8 2,9 1,03 1 : 2,8 Totaux et moyennes (e).| 219 3224 44,5 3,6 1,14 4 : 3,2 Familles 4 et 2 . . . .. 10% 969 9,3 4,5 1,42 4 : 3,2 Familles 3, 4et 9. . . . 60 829 13,8 3,9 1,14 4 : 3,4 Familles 6 et 1. . . . . TOR S 1496 41,6 2,7 1,04 1 ::9,6 Totaux et moyennes. . 219 3224 11,5 3,6 4,14 1 : 3,9 PE EE SEE SE ED PE Je me suis demandé d’abord si le nombre des espèces ne serait point la cause ordinaire et principale de l’extension géographique des genres. Au premier aperçu, on est tenté de le croire, car plus il y a d'espèces dans un genre, plus il doit se trouver de conditions diverses qui permettent aux éléments du genre de supporter divers climats, de se répandre dans diverses directions. En parcourant les livres, on voit cependant assez vite des exemples contraires. Ainsi, le genre Argemone, dont l'habitation est si vaste, n’a qu'une espèce, le genre Capsella, des Crucifères, également (/); dans les Campanulacées, le genre Specularia, un des plus répandus, ne compte que sept espèces ; dans les Myrtacées, le genre Eugenia, qui est (a) D’après DC., Systema, 181S-1821. (b) D’après ma Monographie des Campanulées, 1830. (c) D'après ma Revue des Anonacées, en 1832 (Mém. soc. phys. de Genève). (d) D’après le Prodromus. (e) IL'est presque superflu de dire que les moyennes sont calculées sur les sommes totales, qui ne sont pas reproduites jet, et non sur les moyennes par familles. (f) Du moins dans l'ouvrage où mes relevés ont été faits. Si l'on a découvert depuis quelques espèces d'un de ces genres, leur nombre n’est jamais considérable, et le raison- nement ne change pas. AIRE RELATIVE DES GENRES. 1437 le plus répandu, est un des plus nombreux ; mais après lui vient le genre Myrtus, très répandu, qui est loin d’avoir beaucoup d'espèces, et le genre Eucalyptus, un des plus considérables de la famille, est borné à la Nou- velle-Hollande. Au milieu de cas particuliers si divers, on est obligé de recourir à quelques comparaisons numériques entre des genres nombreux et des genres composés de quelques espèces, ou même d’une seule, appar- tenant aux mêmes familles. Placés ainsi en contraste, ayant une structure presque semblable et une position géographique analogue, dans des régions chaudes, tempérées ou froides, le nombre seul des espèces à pu influer sur leur extension relative. NOMBRE MOYEN | RÉG. OCCUPÉES GENRES. des esp. | en moy. | par genre. par un genre. Papavéracées. | | Les 4 genres les plus nombreux en espèces . ... . . . . . . . . .. 9,7 15 MES IV DENTES TES IOIMSINOMDTEUXS. en se se ee à » ie le » Ne HA 5,0 Crucifères. | | | Les 10 genres qui ont le plus d POS SES NE JOUR CAPES CIGRE | 48,4 | 12,2 | Les 10 genres au-dessous (28 à 16 espèces) . . . . . . . . . . . .. | 91 ,1 | ar Les 9 genres au-dessous (14 à G espèces) . . . . . . . . . . . .. | 10,2 5,3 | l'Oigennessayant debat dlesDÈCES Re. 20 Me Tee dc | 4,5 3,8 | OPEN DECES RE PET EE LÉ 2 3,0 2,8 APRES HE IESDE CUS PT 12 S AGE AMEN 01. 2,0 2,9 DÉC ONTESIUE AICSDECPE. DU EE de Que che UD Us ‘ce 1,0 2,0 Campanulacées. 5 « [l Les 9 genres les plus nombreux (137 à 7 espèces). . , . . . . . . . 31,5 6,1 | Les 9fgenres au-dessous eur LE CARRE RIT Lt RO 2 2,6 1,6 HestSfsenresid'une seule espèce. 2 che Must. 2u-henlients ù | 1,0 1,0 Anonacées. | | L 1 SNvONTES ayantide AS ALAD ESPÈCES M. EN. 43,7 9,0 Les 15 autres genres, ayant de 10 à 1 espèce . . . . . . . . . . . . L Gi 2,6 Myrsinéacées. | A enres ayant de 22 1a 4 15/espèces "#6. 2.0. © 11 MAUR 62,0 4,0 DRPÉURÉBAAN AND TNA D ENDÉCES Re e 2-0. Mentetes me © ee - 0:02 | 11 SA DPFentES Ayant espece tente Con. Sicile L Flac | 1,0 1,0 | Mélastomacées. Les 40 genres qui ont le plus d'espèces (82 à 19) . . . . . . . : 114,8 6,8 JD LENS AYAND UE LD AADIESHÉLES em eme te le à ce e de à Le. où « ee 6,2 2,4 20 lseures ayant iesnecete tante tele etats pile mains 1,0 4,0 Myrtacées. rentes ayant 419%/et f08/espèces 4-0... : SUN MNT 151,0 12,5 LOPPENTES AVANTIAE 0 A ALLO IESNCRES. 2%. se pele + +1. - ae 29,1 5,4 24-genres ayuntide A9 :à D'espètes. & 17 2% sus ne ef 0% | 4,9 1,8 AAPrenTeSTeMSESDÉCC ENCRES 1,0 19 A la vue de ces chiffres, il est bien évident que, toutes choses d’ailleurs égales, plus un genre est nombreux en espèces, plus il occupe unectendue 1138 AIRE OU SURFACE DE L'HABITATION DES GENRES. géographique considérable, mais cette loi n’est pas la seule qui régisse le phénomène. Si l’on pouvait comparer facilement les genres très homogènes avec ceux dont les espèces se groupent en plusieurs sections ou sous-genres distincts, on verrait probablement que ces derniers ont une habitation plus étendue. L’état de la science ne permet pas de donner des chiffres rigou- reux à l'appui de cette opinion. Je me borne à en appeler au sentiment de tous ceux qui ont publié des Monographies ou qui ont travaillé au Pro- dromus. Ils savent que dans bien des cas, les sous-genres sont propres à un seul continent, à une seule région, et que les espèces les plus analogues sont souvent agglomérées dans un même pays. Le nombre absolu des espèces doit, selon toute probabilité, contribuer à l’extension du genre, non pas précisément à cause du nombre, mais à cause de la diversité de nature physiologique des éléments qui constituent le genre. En d’autres termes, le norybre est l’indice le plus commode, mais non le plus exact, de ce qui détermine probablement l'extension d’un genre. La multiplicité et la diversité des éléments du genre ne sont pas encore les seules causes qui déterminent son extension; la nature propre des espèces y contribue aussi notablement. La preuve en est que si l’aire des genres augmente avec le nombre des espèces, ce n’est pas dans la même pro- portion. Ainsi, les dix genres les plus nombreux dans les Crucifères ont quarante-huit fois plus d'espèces que les genres de cette famille réduits à une seule espèce, mais leur aire est seulement six fois plus grande. D’ail- leurs, les genres d’une famille qui ont, par exemple, une dizaine d’es- pèces en moyenne, n’ont pas la même extension que les genres d’une autre famille avant aussi dix espèces. Le tableau (p. 1136) semble montrer que l'aire moyenne des genres dépend en partie de l'aire moyenne des espèces qui les composent. En effet, les groupes dans lesquels l'aire moyenne des genres estla plus vaste (Papa- véracées, Crucifères), sont ceux où les espèces ont aussi l'aire moyenne la plus étendue; et ceux dans lesquels l'aire des genres est la plus restreinte (Mélastom., Myrtac.), sont ceux où l'aire des espèces est également la plus petite; enfin, les Campanulacées, Anonacées et Myrsinéacées, offrent quel- ques anomalies, tenant peut-être au petit nombre de leurs genres, mais con- sidérées en masse, on voit cependant qu’elles sont intermédiaires entre les autres familles quant à l'étendue, soit des genres, soit des espèces. En réu- nissant les sept familles en trois groupes de 60 à 115 genres chacun, comme Je l'ai fait au bas du tableau, la relation entre l'aire des genres et des espèces devient régulière, et l’on a la preuve que les anomalies tenaient au petit nombre de genres et d'espèces de quelques-unes des familles prises pour exemples. AIRE RELATIVE DES GENRES. 1139 D'après les chiffres des deux tableaux, il paraît que la cause la plus importante de la diffusion des genres est le nombre, ou plutôt la diversité de leurs espèces, et que l’aire plus ou moins vaste des espèces est une cir- constance accessoire. La première catégorie de causes fait varier les aires génériques, dans les familles choisies pour exemples, de 2 à 4, à 6, à 12, suivant les familles, tandis que la seconde les fait varier de 2,6 à 6,1, ou si l’on néglige les Papavéracées, à cause du petit nombre de leurs genres et de leurs espèces, de 2,6 à 4,5. Pour savoir mieux à quoi m’en tenir, j’ai considéré dans mes tableaux manuscrits plus détaillés, les vingt genres de Crucifères qui ont le plus d'espèces, et qui forment une masse considérable de 693 espèces, soit plus des 3/4 de Ia famille. J'ai groupé d'un côté les dix genres où l'aire moyenne des espèces est la plus vaste, et de l’autre les dix genres où elle est la moins vaste. Les premiers ont 70 p. 100 de leurs espèces limitées à une seule région ; les seconds en présentent 85. De part et d’autre, le nombre des espèces par genre est assez semblable, ear il est dans le pre- mier groupe de 36,1, et dans le second de 33,2. En calculant l’aire moyenne des genres, elle s’est trouvée dans le premier groupe de 11,8 ré- sions, et dans le second groupe de 9,4. Cette différence, assez légère, peut tenir au nombre plus grand d'espèces par genre dans le premier groupe. Elle prouve que l'extension des espèces dans une famille très naturelle, assez bien connue et habitant des pays assez explorés, aurait peu ou point d'influence sur l'extension des genres, au moins de ceux qui con- tiennent beaucoup d'espèces. Lorsque lon descend à des genres peu nom- breux en espèces, l'influence de l’aire spécifique se fait sentir. Les espèces ne peuvent étendre la surface de leur genre que si elles se trouvent sur le périmètre, et plus le genre est petit, plus ce cas est fréquent. En poussant Jusqu’aux genres composés d’une seule espèce, l'aire générique se confond avec l'aire spécifique; ainsi, elle est rigoureusement selon son étendue. Dans la même famille des Crucifères, où l'influence des aires spécifiques ne se fait pas sentir pour les genres de 33 à 36 espèces en moyenne, il n’en est pas de même pour les genres de 3 à 6 espèces par exemple. Ils sont au nombre de 21 dans mes tableaux. Huit d’entre eux ont des espèces à aire vaste (53 à 60 p. 100 seulement d'espèces bornées à une seule région); l'aire moyenne de ces genres est de 4 régions. Sept genres ont des espèces plus locales (75 à 100 p. 000 dans une seule région); l'aire moyenne de ces genres est de 3,1 régions seulement. De part et d'autre, le nombre moyen d'espèces est semblable, 3,9, ce qui rend la comparaison plus probante. Six genres sont intermédiaires quant à l’extension des espèces (67 p. 100 bornées à une seule région) ; leur aire est plus faible, 2,8: mais ils ont 4140 AIRE OU SURFACE DE L'HABITATION DES GENRES. seulement 3,3 espèces par genre, ce qui explique le peu d’extension géné- rique. Peut-être si l’on considérait d’autres familles et un nombre beaucoup plus grand d'espèces et de genres, trouverdit-on là preuve numérique de l'influence que doit exercer l'aire des espèces sur l’aire des genres même quand ceux-ci sont nombreux. Je süis disposé à le croire; mais les bases de notre statistique ne sont pas assez étendues et assez solides pour démon- trer des effets aussi secondaires. Il nous suffit de constater que l'action est très accessoire pour les genres nombreux en espèces. D’un autre côté il existe, avons-nous dit, une corrélation incontestable entre l'aire des genres dans une famille, et l'aire des espèces (tableau, p. 1136). J'en conclus qu’il y a des causes générales de structure, et d'origine ou de développement géologique, par l'effet desquelles chaque catégorie de plantes offre une certaine extension moyenne de ses genres et une extension correspondante de ses espèces. En définitive : 4° la diversité des éléments du genre (accusée ordinaire- ment par le nombre des espèces) est la cause principale et très évidente de l'extension des genres ; 2° les phases par lesquelles ont passé les genres depuis leur origine, c’est-à-dire leur répartition première et toutes les modifications successives causées par les événements géologiques, influent sur leur extension actuelle; 3" enfin, la circonstance que chaque espèce d’un genre à une aire actuelle plus ou moins grande, produit ün effet insignifiant sur l'aire des genres un peu nombreux en espèces, et n'a d'importance que sur les petits genres, dans lesquels plusieurs espèces, quelquefois toutes les espèces, se trouvent sur le périmètre de Fhabitation du genre. L’aire des genres ayant une corrélation avec celle des espèces, on peut remarquer chez elles les mêmes différences selon les classes ou familles et selon les pays. Ainsi, les genres de Cryptogames doivent avoir une exten- sion plus grande que ceux des Phanérogames:; les genres de Monocotylé- dones, une extension plus grande que ceux des Dicotylédones, ete. De même les genres de la Flore du Cap, ou de la Nouvelle-Hollande doivent offrir une aire moindre que ceux de la Flore d'Europe ; ceux de la Flore boréale, une aire plus vaste que ceux des régions tempérées de notre hémisphère, etc. On pourrait le prouver par des chiffres; mais lobserva- tion de tous les botanistes, et une comparaison même superficielle des ouvrages publiés, ne laissent aucun doute sur ces faits. Les mêmes causes ont pesé sur les espèces et sur les genres. Ce ne sont pas les causes pré- sentes qui ont agi le plus, mais des causes antérieures aux derniers événe- ments géologiques. AIRE MOYENNE ABSOLUE DES GENRES. ill ARTICLE I. AÏRES GÉNÉRIQUES TRÈS VASTES OU TRÈS RESTREINTES. Les surfaces occupées par les genres diffèrent plus, quant aux extrêmes, que les surfaces occupées par les espèces. Il n’est pas diflicile de trouver des genres de Phanérogames, tels que Ranunculus, Cerastium, Carer, Juncus, elc., qui sont répandus sur la presque totalité des surfaces ter- restres; d’autres occupent au moins les trois quarts de la surface des conti- nents, comme Senecio, Euphorbia, Solanum, etc.; mais ilest plus aisé de citer des exemples précisément contraires, de genres qui sont propres à de très pelites localités, comme les îles de Sainte-Hélène, Madère, Juan Fer- nandez, etc. Le nombre des espèces d’un genre est une circonstance telle- ment décisive pour son extension que ces disparates ne surprennent pas. Les genres très nombreux en espèces sont ordinairement les plus vastes, et il ne manque pas de genres bornés à une espèce, qui se trouvent limités à quelque petite île ou quelque petit archipel. Toutefois, l’élément du nombre, avons-nous dit, n’est pas le seul, et pour les aires extrêmes comme pour les aires moyennes, il y a d’autres causes, des causes antérieures à notre temps, par lesquelles certains genres, de même que cerlaines espèces, ont une aire ou très vaste ou très étroite. C’est en comparant quelques genres ayant un nombre moyen d'espèces que l’on peut s’en convaincre. Ainsi, il y a une dizaine de Samolus (a) qui se trouvent dans toutes les régions tempérées de l’ancien et du nouveau monde ; il y a 8 espèces de Coriaria qui occupent cinq régions différentes fort éloignées ; 1 espèce de Calluna qui occupe une multitude de régions ; 1 espèce de Sphænoclea non moins répandue. Au contraire, on peut citer les genres de Composées Robinsonia et Rea, l'un de 7 et l’autre de h espèces, toutes dans l’île de Juan Fernandez; le genre Phyllosteqia, des Labiées, dont les 12 espèces connues sont aux îles Sandwich; les 7 Oncostemum, genre de Myrsinéacées, tous de Madagascar; les 30 ou A0 Epacris, tous de la Nouvelle-Hollande ou dela Nouvelle-Zélande ; les 75 Selago, tous du Cap de Bonne-Espérance, etc. ARHICEE LH AIRE MOYENNE ABSOLUE DES GENRES. Le rapport entre l’aire moyenne des espèces et celle des genres, d’après (a) Brown, Obs. on plants of centr. Afric., p. 35 ; Duby, dans Prodr., vol, VIIL. 41142 AIRE OU SURFACE DE L'HABITATION DES GENRES, 3224 espèces et 279 genres de tous pays, appartenant à sept familles différentes de Dicotylédones (p. 1136), est de 1 à 3, 2, soit de 10 à 32. I semble qu’on pourrait en conclure l’étendue moyenne absolue de l’ha- bitation d’un genre, d'autant mieux que le rapport varie peu d’une famille à l’autre. L’aire moyenne absolue d’une espèce étant, pour les Phanéro- games, de + environ, Soit 0,0067, de la surface terrestre du globe, celle d’un genre serait de 0,02 environ. Toutefois, le calcul n’est pas fondé, et il doit accuser un chiffre trop bas. En effet, dans le tableau p. 1136, les espèces et les genres sont indiqués comme habitant chacun dans toute l'étendue des régions où ils ont été signalés, ou au moins dans une aliquate semblable de ces régions; cela suflit pour calculer des valeurs relatives. Mais en étudiant l'aire des espèces (p. 559), nous avons vu que chaque espèce occupe seulement 1/3 de la région où elle est indiquée; donc, le rapport de l’habitation des espèces aux genres devrait être de 1/3 à 3,2, plutôt que À à 3,2. Il y aurait, en outre, une correction analogue à faire aux genres, car il y a des régions dans lesquelles on trouve un genre et qui ne sont pas occupées en entier par lui. fei, cependant, l'erreur est moins grande à cause de la grandeur des habitations génériques. Elle ne porte pas sur les régions du centre de lhabitation, mais seulement sur les régions de la périphérie. Elle n’a d'importance réelle que dans le cäs de genres trouvés dans une seule région, mais c’est le petit nombre. On ferait peut-être la part de cette cause d'erreur en réduisant le chiffre à 2, au lieu de 3,2. Les rapports de l’aire des espèces et des genres deviendraient alors de 1/3 à 2, soit 1 à 6. L’aire moyenne absolue d’un genre étant six fois plus grande que celle des espèces, qui est de 0,0067 de la surface terrestre, l’aire moyenne absolue d’un genre serait de 0,04. On peut faire un autre caleul, qui est cependant fondé sur les mêmes 279 genres de nos tableaux. Ils ont été trouvés, en moyenne, dans 3,6 des 90 subdivisions admises pour la surface terrestre. Supposons que chaque genre occupe la totalité d’une subdivision centrale et la moitié seu- lement de chaque subdivision excentrique, l'aire serait réduite à 2 1/2 ré- gions sur 90, soit à régions sur 100, soit 0,05 de la surface terrestre du globe. Comme les Monocotylédones n’entrent pas dans nos 279 genres pris pour exemples, et doivent avoir une aire plus vaste, la surfäce occupée par un genre de Phanérogames est probablement plus près de cinq centièmes de la surface terrestre que de quatre. ORIGINE ET DURÉE DES GENRES. 1143 CHAPITRE XV. ORIGINE ET DURÉE DES GENRES; CHANGEMENTS QUI S'OPÈRENT DANS LEURS HABITATIONS A L'ÉPOQUE ACTUELLE. Une révolution géologique devrait avoir une étendue bien grande pour faire disparaître une proportion un peu considérable des formes généri- ques. [l'est vrai que l'aire des genres est fort inégale suivant les pays, de sorte que la submersion du cap de Bonne-Espérance, par exemple, entrai- nerait une perte bien plus importante que celle des régions arctiques, malgré l'étendue de celle-ci infiniment plus grande. En compensation de la faible chance de voir des genres disparaitre, il faut rappeler que l'apparition de nouveaux genres est un fait impossible à prévoir et à comprendre dans le cours naturel des choses. On pourrait, en exagérant beaucoup la variabilité des formes spécifiques, et en méconnais- sant une des conditions nécessaires pour la formation de races analogues à des espèces, l'isolement, on pourrait, dis-je, supposer une formation fré- quente d'espèces par dérivation des espèces antérieures. Cette supposition est inadmissible pour les genres, car on ne peut pas citer dans le règne végétal un seul exemple d’une forme générique dérivée d’une autre et devenue héréditaire par les semis, au moins dans l’état de nature (a). A peine peut-on en trouver quelques exemples parmi les plantes cultivées, où l’homme s’eflorce de produire des accidents et de les conserver par l'isolement et par des propagations artificielles (b). La naissance ou plu- tôt la continuation d’un genre nouveau, hors de l'influence de l’homme, est un phénomène qui ne peut pas s'expliquer par les causes ordinaires, c’est-à-dire un phénomène dont on ne connait aucun exemple dans les lois et les faits observés jusqu’à présent. (a) Le Campanula rotundifolia polypétale, découvert il y a quelques années dans les montagnes du canton de Neuchâtel (Actes soc. helvét. sc. nat , 1845, p. T5), et désigné comme un genre nouveau par un naturaliste du pays, ne semble pas avoir été retrouvé S'il s’estreproduit de graines, ce qui est bien douteux, le croisement avec la plante ordinaire ou la loi d’atavisme l’auront détruit, après une ou deux générations. Les Peloria, qui sont un état monstrueux ayant la valeur d’une forme générique, ne se conservent pas réguliè- rement par les graines (p. 1085), malgré les soins de l’homme. Le Papaver officinale à éta- mines transformées en carpelles, trouvé en abondance dans un champ près de Breslau, s’est conservé deux ans de suite par les graines, mais j'ignore s’il s’est maintenu indéfini- ment, et en tout cas c’est une plante cultivée (voy. Gæppert, traduct. dans Ann. des serres et jard., N1,p. 241 et 245). (b) Les Lolium, les Trilicum, les Avena, avec et sans arêtes, et quelques formes à fleurs demi-stériles ou semi-doubles de nos plantes d'ornement, offrent des diversités qu’on pourrait regarder dans des plantes spontanées comme génériques. Cependant on pourrait aussi le contester, et il est certain que l’homme a exercé une influence, si ce n'est pour produire, au moins pour propager ces formes, 1144 ORIGINE ET DURÉE DES GENRES. Si la formation des genres, et par conséquent leur première distribution sont impossibles à comprendre, si en même temps leur destruction est un événement rare et difficile, on ne doit pas en dire autant de modifications diverses que peuvent éprouver leurs habitations. Évidemment les trans- ports d'espèces étendent quelquefois d’une manière très notable:la région occupée par un genre. Aujourd'hui, que l’homme transporte des espèces à de grandes distances d’un continent à un autre, ce sont souvent des formes génériques absolument nouvelles pour une terre, qui se répandent. Ainsi, nous n’avions pas d'Opuntia et même aucune plante de cette famille dans l’ancien monde, avant l'introduction de l'Opuntia Ficus-indica. L’Agave americana, le Jussiæa grandiflora, le Mimulus luteus, intro- duits en Europe, sont autant de genres nouveaux. Si l’on examine à ce point de vue la liste des espèces naturalisées en Europe et dans les États- Unis (p. 723, 746) et les exemples de naturalisation dans les pays inter- tropicaux (p. 792), on verra que les mélanges de végétaux de pays éloignés, aujourd’hui fréquents par le fait de l’homme, changent plus l’as- semblage des genres de chaque région que celui des espèces. Il y a cependant une chose que les naturalisations ne détruisent pas, c'est le nombre considérable d'espèces du même genre dans la patrie pri- mitive du genre. Les espèces naturalisées dans un pays y demeurent:pres- que toujours uniques ou peu nombreuses. Pour qu’elles y deviennent plus nombreuses qu'ailleurs, il faut qu'après une série de naturalisations qui suppose un temps prolongé ou un contact intime entre deux régions, la patrie primitive du genre disparaisse ou change de climat. Cette double modification, nécessaire pour la transposition de la patrie principale d’un genre n'a pas dû arriver souvent dans la série des événements géologiques. Ainsi la fréquence d’un genre, surtout la fréquence de ses espèces et non de ses individus, sera toujours un bon indice de sa distribution antérieure et même de son origine primitive. DÉFINITION ET CONSTITUTION DES FAMILLES. 41145 CHAPITRE XVI. SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES FAMILLES ; LIMITES ET ENSEMBLE DE LEURS HABITATIONS. ARTICLE PREMIER. DÉFINITION ET CONSTITUTION DES FAMILLES. La difficulté de reconnaître certaines familles et de fixer leurs caractères a fait douter quelquefois de l'existence même de ces groupes supérieurs aux genres, comme on a douté de l'existence des espèces. À toute époque cependant les botanistes et même le vulgaire ont reconnu des aggloméra- tions naturelles comprenant plusieurs genres, par exemple, les Ombelli- fères, les Composées, les Crucifères, les Labiées. En constituant des groupes sur des caractères de même valeur que ceux qui distinguent ces familles si évidentes. on a établi peu à peu les trois ou quatre cents familles qui sont admises par la plupart des botanistes. On a même pu vérifier que ces groupes ont des caractères intimes et physiologiques, comme les groupes inférieurs ; ainsi, les plantes de familles différentes ne se greffent jamais les unes sur les autres, et peuvent encore bien moins donner lieu à des croisements. Il y a aujourd’hui peu de plantes que l’on ne sache à quelle famille rapporter, car il ne faut pas compter comme douteux les genres que l’on ne sait où classer, uniquement parce qu'on ignore leur structure ou qu’ils ont été mal décrits. Les botanistes sont moins d'accord sur le rang et le nom à donner à des groupes naturels bien reconnus, qui sont suivant les uns des tribus, suivant d’autres des familles ou même des classes supérieures aux familles et inférieures aux Dicotylédoues et Monocotylédones; mais ici, comme pour les genres, certaines directions, basées sur l'observation de tout.le monde et sur le sens commun, empêcheront les botanistes de s’éloi- gner beaucoup de l’opinion ancienne et moyenne, qui constitue les familles sur quelque chose d’analogue aux familles vraiment naturelles, évidentes pour tout homme qui observe, antérieures, par conséquent, à Jussieu. Au surplus, en botanique géographique les considérations applicables aux fa- milles s'appliquent aussi aux tribus et aux réunions de familles voisines. Ces considérations sont analogues à celles qui m'ont occupé en parlant des genres; aussi serai-je plus bref, malgré importance supérieure des familles. 1146 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES FAMILLES, ARTICLE IT. SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES FAMILLES. J'ai souvent répété, à l’occasion des espèces et des genres, que la chose la plus mystérieuse pour nous est la situation d’une forme végétale dans une certaine contrée plutôt que dans une autre. Je n’ai pas besoin de dire que les mêmes considérations s'appliquent aux familles. Rien dans Ja structure connue des Aurantiacées, par exemple, ne peut faire soupconner pourquoi elles existent dans l'Asie méridionale, et pourquoi elles man- quaient à l'Amérique, avant que l’homme les y eût naturalisées. Il est également impossible de comprendre par létude des plantes et des climats actuels, pourquoi la famille des Cactus, famille nombreuse en genres et en espèces, et celle des Vochysiacées, sont propres à l'Amérique; celle des Stylidiées, à la Nouvelle-Hollande et à quelques régions voisines; celle des Bruniacées, au cap de Bonne-Espérance; pourquoi plusieurs familles occupent les régions intertropicales, et d’autres les régions extratropicales des deux mondes; pourquoi les Épacridées, si communes à la Nouvelle- Hollande, manquent au Cap et à tout l'hémisphère septentrional, tandis que les Tamariscinées manquent à l'hémisphère austral et au nouveau monde; pourquoi les Équisétacées manquent absolument à la Nouvelle- Hollande (Lindl., Zntrod. to nat. syst., p. 311; Lehm., P/ant. Preiss.) et îles voisines. Ce sont des faits, remontant à des causes antérieures, peut-être fort anciennes et très variées, telles que l'existence et la sépa- ration des continents à l’époque de la création de certaines formes végé- tales, et les changements successifs des terres et des climats, pendant la série des événements géologiques. Bornons-nous ici à considérer la situation de chaque famille comme un fait actuel, qui offre des lois et se prête à certaines modifications intéressantes à constater. ARTICLE III. LIMITES GÉOGRAPBIQUES DES FAMILLES. La limite extrème d’une famille s'établit par diverses espèces de diffé- rents genres qui se trouvent sur chaque ile ou continent. Ainsi, pour s’as- surer de cette limite et des causes qui la déterminent, on doit parcourir le périmètre tout entier et étudier les circonstances variées qui arrêtent les espèces dans leur expansion sur cette ligne. Cependant, comme les plantes d'une même famille ont une ressemblance LIMITES GÉOGRAPHIQUES DES FAMILLES. 1447 assez grande et assez intime, et qu'en général une famille comprend un nombre considérable de genres et d'espèces jetés depuis des milliers d'années sur divers continents, il arrive que la limite s’est établie d’une manière quelquefois assez uniforme en raison de la circonstance prédo- minante de tous les climats, la température. On jugera par les exemples suivants, qui ont été recueillis au hasard, du degré d’uniformité des limites de familles, autant qu’on peut les connaître à l’époque actuelle. Anonacées. — En 1832 (Alph. DC., Mém. sur les Anon. A°) on en connaissait 48 genres et 204 espèces; aujourd’hui, environ 19 genres et 2h0 espèces. La limite dans l'hémisphère boréal est constituée aux États- Unis d'Amérique par l’Asimina triloba, Dun. (Uvaria triloba, Torr. et Gray), qui s’avance jusqu'au 42-A3e degré de latitude, dans l’ouest de l’état de New-York (A. Gray, Man. bot. N.-$t.). On pourrait s’attendre à trouver des Anonacées dans le midi de l'Europe, ou au moins à Madère, dans le nord de l’Afrique, en Syrie, en Perse ; mais dans toutes ces régions la famille n’est pas représentée. L’Anona senegalensis est spontané jus- qu'aux îles du cap Vert, sous le 17° degré (Webb, F1. Nigr., p. 97). et l’Anona Forskalii, espèce fort douteuse, est en Égypte, mais cultivée. Dans le nord de l’Inde, les Anonacées s’avancent jusqu’au pied de a grande chaine et dans les vallées chaudes de l'Himalaya, où lélévation détermine évidemment leur limite. Dans l’Asie orientale, dont le climat ressemble beaucoup à celui des États-Unis, on ne connait pas d’Anonacée au delà des 28 à 30° degrés de latitude, car l'Üvaria japonica, Thunb., est un Kadsura (Magnoliacée), et M. Bunge n’a pas vu d’Anonacée dans le nord de la Chine (£num. pl. Chine bor.). I en est de même dans l'hémi- sphère austral, car le cap de Bonne-Espérance et la xégion du Rio de la Plata ne présentent aucune Anonacée. — Ainsi la famille est généralement comprise entre 0 et 30° de latitude, mais la présence de quelques espèces un peu exceptionnelles aux États-Unis, et l'absence de la partie occiden- tale de notre hémisphère européen, déterminent des exceptions graves au delà et en deçà du 30° degré. Évidemment le climat n’en est pas la cause, puisque des Anonacées supportent le froid excessif des États-Unis ; mais c’est le fait de la position des espèces, fait qui remonte à des causes antérieures de création et d'expansion géographique. Myrtacées. — On doit en connaitre aujourd’hui environ 1300 espèces, appartenant à 4h genres. — Dans l'Amérique septentrionale, quelques espèces mal connues avancent jusqu’en Floride sous les 28 à 30° degrés (Torr. et Gray, F1. N.-Am., I, p. 476). Le Mvyrtus communis, qui dé- passe toutes les autres Myrtacées dans notre hémisphère, est indiqué à Madère (Lemann, cat. mse.), mais non aux Acores (Wats., dans Hook., 1118 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES FAMILLES. Journ., 1844, p. 591); il avance dans le midi de l’Europe jusqu’au pied des Alpes, sons les 45-16° degrés (Comol., Prodr., FT. Com., p. 9), grâce à l'abri de cette chaine de montagnes, et vers l’est, jusqu’en Macé- doine, Al‘ degré (Griseb., Spicil., [, p. 109). Quelques espèces remon- tent jusqu’au pied de l'Himalaya, et l’on trouve des Myrtus au Japon, sous le 35° degré (DC., Prodr., HE, p. 242), mais on n'en connaît pas dans le nord de la Chine (Bunge, £num.). Dans l'hémisphère austral, il y a des Myrtacées au Cap, et même dans l'Amérique méridionale jusqu'aux îles Malouines et à la Terre de Feu, sous le 55° degré (Hcoï. f., LT. ant., I, part. 11, p. 276), où c’est encore un Myrtus (M. nummularia) qui fixe le point extrême.—Dans cette famille. évidemment, c’est existence et la multiplicité d’espèces d’un genre, le Mvrtus, qui recule les limites géné- rales jusqu’à AG et 55° de latitude, car la grande majorité demeure en decà des 35 à 45° degrés. Il est vrai que le continent australien, son centre principal, ne se prolonge pas actuellement plus au midi. Malpighiacées. — D’après la monographie de M. Adrien de Jussieu, elles s’avancent au nord de l'équateur, jusqu'au 28° degré en Amérique, jusqu’au 30° dans l'Inde; au midi de l'équateur, jusqu’au 55° degré en Amérique, et jusqu’au 30€ en Afrique. Campanulacées. — Îl existe aujourd’hui dans les livres 24 genres et environ A60 espèces. Dans la région arctique se trouve le Campanula algida et plus particulièrement le Campanula uniflora, qui avancent jusque sous les latitudes les plus élevées. Le Campanula uniflora à été trouvé aux îles Aleutiennes, à l’île Melville, au Groënland, en Laponie (Alph. DC., Mon. Camp.), de sorte qu’on peut regarder la famille comme dépourvue de limite du côté du pôle arctique. I n’en est pas de même dans l’hémi- sphère austral, car le Walhenbergia linarioides, qui s’avance en Amé- rique le plus au midi, ne dépasse pas le Chili et Buenos-Ayres, et aucune Campanulacée n’a été découverte en Patagonie et aux iles Malouines (Hook. f., FT. ant.). La limite australe est donc entre les 38 et 40° de- grés. Il est vrai que cette famille est rare dans l'Amérique méridionale. Elle abonde au cap de Bonne-Espérance; mais la présence de l'Océan, vers le midi, s'oppose à une extension qu'elle aurait prise peut-être dans celte direction s’il y avait eu des surfaces terrestres. Elle n’est pas repré- sentée dans quelques régions purement équatoriales, dépourvues de mon- tagnes, savoir la Guyane, les bords du fleuve des Amazones, le Congo, la Guinée; mais diverses espèces du genre Wahlenbergia forment la limite équatoriale en Afrique et en Amérique. Labiées. —- On en connaissait en 184$, 2401 espèces, réparties en 131 genres (Benth., in DC., Prodr.. XiD). — Les Mentha canadensis et LIMITES GÉOGRAPHIQUES DES FAMILLES. 1149 Scutellaria galericulata s’avancent dans le nord du continent américain jusque vers le 66° degré de latitude, sur les bords du fleuve Mackensie (Hook. f., F1. bor. Am., I, p. 111 et 114), et jusque dans l’île de Terre - Neuve, A7-50° de latitude (/bid.); mais l’île de Melville (Br., Chloris) et le Labrador (E. Mey., Plant. Lab.), ne présentent plus aucune Labiée. En Laponie, le Galeopsis Tetrahit s’avance jusqu’à l'extrémité du continent, à l’île de Mageroë, sous le 71€ degré (Martins, Voy. bot. en Norwége, p. 131). C'est une plante qui suit l'homme et qui, évidemment, a été naturalisée, ainsi que le Galeopsis versicolor et le Lamium purpureum, à Altenfiord (#hid., p. 96). À Loffoden, sous le 67e degré, on trouve les Ajuga pyramidalis et Prunella vulgaris (#bid., p. 30) qui sont un indice plus réel de la limite, car ils croissent au bord de la mer, hors des cul- tures. — Dans l'hémisphère austral, les Labiées manquent à des latitudes beaucoup moins avancées, par exemple aux îles Auckland et Campbell (20 1/2 à 52 degrés 1/2 de latitude sud), et aux îles Malouines (Durv., Fl.; Hook. f., F1. antarct.). M. Bentham (DC., Prodr., XI, p. 222) indique le Micromeria Darwini, à Santa-Cruz, en Patagonie, sous le 50° degré, et le Mentha Cunninghamii est la seule Labiée de la Nou- velle-Zélande, sous le 40° degré. Je doute qu'aucune espèce de Labiée dépasse dans cet hémisphère le 50° degré, et l’on peut s’en étonner quand on voit l’île de Van-Diémen, le Chili et le Cap en offrir un assez grand nombre. Il est inutile de citer un plus grand nombre d'exemples, mais il ne l’est pas de réfléchir à la nature des causes qui influent sur la délimitation des familles. Les climats divers ne sont pas la cause unique et principale. I y a en outre une cause première, supérieure, savoir la position de chaque famille, son ancienneté et son développement sous diverses fermes, dans telle partie du monde plutôt que dans telle autre. Ce n’est pas l'océan, ce ne sont pas les climats, qui s'opposent depuis des siècles à la présence des Vochysiacées ou des Cactacées hors de l'Amérique ; c’est un fait de dis- tibution primitive ou de destruction antérieure sur la plupart des conti- nents. Si les Labiées s'étendent moins vers le pôle austral que vers le pôle boréal, la constitution propre des espèces-limites et la nature des climats n’expliquent pas le fait, car il est bien aisé de concevoir l'existence d’une Labiée qui supporterait le climat de l’extrémité australe de l’'Amé- rique. S'il existait une seule espèce de cetle famille dans ces parages, la limite serait reculée; or, l'existence d’une forme spécifique, en un point de la terre, est un fait géologique ou de création. Partout, dans la distri- bution des êtres organisés, les causes antérieures dominent les questions touchant l’état actuel. 1150 DISTRIBUTION D'UNE FAMILLE DANS SON HABITATION. CHAPITRE XVII. DISTRIBUTION DES PLANTES D'UNE FAMILLE DANS L'INTÉRIEUR DE SON HABITATION , ET COMPARAISON DES FAMILLES SOUS CE POINT DE VUE. ARTICLE PREMIER. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES Les réflexions présentées en tête du chap. xr1, p. 1130, concernant les genres, s'appliquent également aux familles. On peut envisager aussi le groupement de leurs éléments constitutifs, soit sous le rapport topogra- phique, dans chaque localité, soit sous le rapport géographique, de la diffusion dans les diverses parties de l'habitation en général. Les ques- tions seront seulement plus compliquées, parce que les groupes appelés familles sont plus composés d’un degré. ARTICLE Il. 0 DE L'ASSOCIATION ET DE L'ISOLEMENT DANS LES LOCALITÉS OU STATIONS. Quoique les familles soient des groupes bien vastes, il y a cependant assez d'analogie entre leurs éléments constitutifs pour que les causes locales agissent sur elles d’une manière quelquefois semblable. Aussi voyons- nous les genres et les espèces de Cypéracées, par exemple, vivre pêle- mêle et en grande quantité dans les marais; les genres et les espèces de Nalsolacées, dans les stations imprégnées de sel; les Conifères, ensemble dans les mêmes forêts; les Amentacées, de mème; les Orchidées de divers genres ou espèces, à l'ombre des grands arbres; les Éricacées, les Cista- cées, les Épacridées, dans des localités sablonneuses ou rocailleuses, des- séchées, etc. En d’autres termes, il y a des familles dont les éléments vivent ordinai- rement ensemble, des familles sociales, comme il y a des genres et des espèces ayant celte tendance. Les causes physiques et physiologiques en sont les mêmes : aussi on me permettra sans doute de ne rien dire de plus et de passer à d’autres questions. DIFFUSION D’'UNE FAMILLE DANS L'ÉTENDUE DE SON HABITATION. 11451 ARTICLE IIT. DE LA DIFFUSION DES PLANTES D'UNE FAMILLE DANS L'ÉTENDUE DE SON HABITATION. $ I. EN CONSIDÉRANT LES GENRES, Les genres d’une famille ont chacun leur habitation propre dans telle ou telle partie de l'habitation générale de l’ensemble. Ces habitations des genres sont éloignées ou rapprochées, contiguës ou séparées, ce qui déter- mine des modes particuliers de diffusion pour chaque famille. Quelques familles ont la majorité de leurs genres groupés sur un seul continent ou sur deux, et quelques genres épars sur les autres. Ainsi plu- sieurs genres de Myrsinéacées (Prodr., VII) sont propres à l'Asie méri- dionale, à l'Amérique méridionale, aux îles Canaries ou aux îles Masca- reinhes; mais on n’en connaît aucun Jusqu'à présent qui soit spécial au continent africain, ou à la Nouvelle-Hollande, quoique des espèces appar- tenant à la famille s’y trouvent çà et là, et même quelquelois avec une certaine fréquence. Dans les Malpighiacées (Adr. Jussieu, Monogr.) où les genres sont plus spéciaux à chaque continent, il y en a 36 du nouveau monde (principalement du Brésil) et seulement 4 de l’ancien monde, Australie comprise. Les Lobéliacées ont 5 genres sur 19 propres aux îles Sandwich, où cependant le nombre des espèces est loin d'offrir une proportion aussi grande à l'égard des Phanérogames, Les Campanu - lacées ont 24 genres dans le Prodromus (vol. VIT, part. n), dont 3 seu- lement existent en Amérique, tout en offrant la majorité de leurs espèces ailleurs, 1 seul est représenté à la Nouvelle-Hollande, 8 existent au Cap ou auxiles Mascareinhes (dont 7 propres à cette région), 11 sont dans le midi de l’Europe, aux Canaries ou dans le pourtour de la mer Méditerranée (dont 7 propres à cette région), les aütres sont épars; ainsi il y a trois régions où les genres de cette famille sont groupés, sans cependant faire défaut ailleurs. Dans l’immense famille des Composées, l'Amérique méri- dionale, la Nouvelle-Hollande, le Cap, offrent évidemment des agglomé- rations considérables de genres, relativement à lAsie et à l'Europe. Quelques familles ont la grande majorité de leurs genres dans un conti- nent et quelques genres épars ailleurs. Un des cas les plus curieux est celui des Loasées, famille essentiellement américaine, ayant 11 genres propres à l'Amérique, et qui aurait un genre au Cap, si le genre Fissenia, Br. (Cni- done, E. Mey.) doit bien lui être rapporté (Walp., Rep., IE, p. 228). On 13 1452 DISTRIBUTION D’UNE FAMILLE DANS SON HABITATION. peut mentionner aussi les Épacridées, qui ont une multitude de genres à la Nouvelle-Hollande et un seul (Lebetanthus, Endl., ou Prionotes, Hook.) à l'extrémité australe de l'Amérique (CL. Gay, F1. Chal., IV, p. 361); les Myoporacées (Alph. DC., Prodr., XD), qui offrent 11 genres à la Nou- velle-Hollande (dont quelques espèces excentriques dans les îles du grand Océan, entre Maurice et les Sandwich), puis un seul genre, le Bontia, en Amérique. À peine oserai-je citer les Sélaginées, dont les genres certains sont tous au Cap, et auxquelles on rapporte le genre Gymnandra, de Sibérie. Les caractères connus amènent à cette conclusion; mais le port est si différent que je doute encore de laflinité. En général, les cas de cette nature sont rares, ou ils concernent des genres dont la place dans l’ordre naturel est douteuse. Les familles dont les genres sont dispersés uniformément ne sont pas très communes peut-être; mais dans l’état actuel de la science, on ne peut guère s’en assurer convenablement. Parmi les grandes familles, les Mélas- tomacées, les Orchidées, les Labiées, les Apocynées, paraissent être dans ce cas. On est plus frappé de la diffusion quand une famille offre deux genres seulement, situés à de grandes distances, et surtout quand ces genres ont à peu près le même nombre d'espèces, comme les Calycan- thées, dont un genre est dans le nord de l'Amérique et l’autre au Japon; les Napoléonées, qui ont un genre sur la côte de Guinée et un au Brésil. $ IL. EN CONSIDÉRANT LES ESPÈCES. La majorité des genres d’une famille est ordinairement groupée dans une, deux ou trois régions faisant partie de habitation totale de la famille ; la majorité des genres offre une concentration analogue sous le point de vue des espèces; par conséquent, les espèces d’une famille, en général, doivent se trouver plus rapprochées dans une ou plusieurs régions et plus rares dans le reste de l'habitation. Les espèces les plus robustes, ayant lhabi- tation la plus vaste, sont ordimairement les plus voisines de la limite de la famille. Vers le centre, ou vers les centres, s'il y en a plusieurs, se trouvent les espèces à habitation restreinte, qui sont les plus nombreuses. Quelques chiffres dont je parlerai bientôt confirment cette manière de voir. S IL. EN CONSIDÉRANT LES INDIVIDUS. Les espèces de la circonférence étant, comme je viens de le dire, les plus robustes, celles qui affrontent le mieux les conditions de divers climats, de diverses localités et les circonstances contraires à la famille, doivent ètre ordinairement les plus communes. De là une sorte de com- DE LA FRÉQUENCE RELATIVE DES FAMILLES. 1153 pensation; le nombre des individus augmente là où celui des espèces et des genres diminue. Ainsi, en voyant la fréquence du Calluna vulgaris, du Berberis vulgaris, du Verbena oflicinalis, en Europe, on peut bien se demander si ces espèces ne font pas l’équivalent du grand nombre d’Éricacées, de Berbéridées et de Verbénacées, qu’on énumère au Cap et au Chili. La proportion des espèces, que l’on prend souvent pour une mesure de la fréquence des familles, n’est done pas un signe exact. Il s'accorde assez bien avec la proportion des genres, mais il doit être modifié par la considé- ration de la fréquence des individus. Ceci s'applique, soit à la comparaison de la fréquence des plantes d’une famille dans diverses parties de son habitation, soit à la comparaison de la fréquence de diverses familles d’un pays à un autre, dont je vais m'occuper. ARTICLE. IV. DE LA FRÉQUENCE RELATIVE DES FAMILLES. La fréquence relative des familles dans un pays dépend : 4° du nombre des genres ; 2° du nombre des espèces; 3° de leur extension dans les diverses parties du territoire ; 4° de la fréquence des individus de chaque espèce, ou si l’on veut, par mesure approximative, de la proportion des espèces communes relativement aux autres dans chaque famille. De ces quatre conditions, une seule est ordinairement indiquée dans les livres, et semble à la plupart des botanistes une mesure exacte de l’impor- tance relative des familles dans une région. Je veux parler de la proportion des espèces. Les autres conditions doivent cependant la modifier notable- ment dans certains cas. Le nombre des genres suit à peu près le nombre des espèces, mais pas toujours. Il influe directement sur la fréquence des espèces. En effet, plus une famille a de formes génériques différentes dans un pays, plus il est probable qu’elle se trouve dans diverses localités, chaque genre ayant une préférence pour certaines stations. Une comparaison tirée des faits mili- taires explique ce que j'entends. Lorsqu'un pays est occupé par un corps d'armée complet, ayant son imfanterie, son artillerie, sa cavalerie, l’occupa- tion paraît bien plus complète, et elle est véritablement plus durable que s’il y a le même nombre d'hommes uniquement d'infanterie. L'extension des espèces dans les diverses parties du territoire est impor- tante s’il s’agit d’une région un peu vaste. Que peut-on déduire de la pro- portion des Légumineuses et des Graminées en France, je suppose, puisque les premières ont une foule d'espèces cantonnées dans la partie méridio- 115 DISTRIBUTION D'UNE FAMILLE DANS SON HABITATION. nale du pays, et les secondes des espèces plutôt répandues dans toute la France? De même si l’on compare les Légumineuses de la France et de l'Allemagne, car les premières sont probablement plus limitées en moyenne dans leur pays. Enfin, le degré de fréquence de chaque espèce dans l’ensemble du terri- toire où elle existe est d’une importance majeure. C’est une compensation souvent au petit nombre des espèces (a). Nous avons vu combien ce fait est difficile à connaître et à préciser. I! manque presque toujours dans les renseignements ; aussi, ne doit-on pas attacher une grande valeur aux proportions d'espèces par familles mdiquées dans la plupart des ouvrages comme mesure de la fréquence des familles. Évidemment, ce n’est qu’un des côtés de la question. Ainsi, comme le fait remarquer M. de Schlech- tendal (FT. Berol.), il y a autour de Berlin 3 espèces de Conifères, 14 espèces d'Éricacées et 60 de Légumineuses; cependant, les Légumi- neuses y jouent le plus petit rôle. J'ai encore une observation essentielle à faire pour pouvoir estimer par des chiffres la fréquence relative dés familles : Z! faut comparer des pays de surface à peu près égale. Sans cela on tombe dans une cause d'erreur bien certaine. L'extension moyenne des espèces de dif- férentes familles étant très diverse, il en résulte que les mêmes unités sont répétées d'autant plus souvent dans les calculs que la surface dont on part est plus petite. Ainsi, en considérant l'Allemagne comme composée de vingt pays différents, on trouvera pour chaque pays une proportion d’es- pèces de Légumineuses, disons de :£, et une proportion de Polygonées de 5, je suppose; mais les premières étant plus locales, et les secondes se trouvant répétées partout, sil’on vient à établir les proportions sur la Flore de l'Allemagne tout entière, on trouvera des chiffres très différents. De même pour la proportion des genres aux espèces, car les genres ont une aire bien plus vaste. Il faut donc se garder de comparaisons numériques entre une province de France, par exemple, et l'Allemagne, entre une petite île et un continent. Toutes les proportions sont viciées quand les surfaces sont notablement différentes. Je citerai quelques exemples comme application de ce qui précède (b). La Flore des départements du centre de la France, de M. Boreau, est (a) La compensation est ordinairement exacte lorsqu'on envisage l’ensemble des végé- taux de deux pays d’égale étendue, car la surface du sol est presque toujours couverte de plantes d’une manière semblable. Je suppose deux pays de mille lieues carrées, l'un ayant 1,500 espèces et l'autre 3,000. Il est clair que si l’un des pays n'a pas une plus grande proportion de lacs, de sables, ou de rochers, les espèces seront deux fois plus abondantes en individus dans le premier que dans le second. (b) Pour ce qui concerne particulièrement l'influence des surfaces, voy. le chap. XX, DE LA FRÉQUENCE RELATIVE DES FAMILLES. 1159 assez comparable avec celle de Hollande de M, Miquel (Disquis. Geogr. Bot., br. in-8°, Lugd. Bat., 1837). Les deux pays sont également bien explorés. Les principes de classification sont les mêmes. La surface com- prise par l’auteur français est plus grande, dans le rapport, de 3 à 5 (a); mais cette différence n’est pas immense, et d’ailleurs, en supposant que le domaine de la Flore de Hollande füt agrandi de ? du côté de l’'Alle- ou [ magne, 1l est certain que le nombre total des espèces, et leurs proportions par familles ne seraient pas changées d’une manière sensible. Voici les chiffres des Légumineuses et des Graminées dans ces deux Flores. Les Légumineuses ont dans la Flore du centre de la France 26 genres sur 934 genres de Phanérogames spontanées; soit, 4,8 pour 100. En Hollande, elles offrent 18 genres sur 440; soit 4,1 pour 100. Le rapport de fréquence, d’après les genres, est donc approximativement, comme 10 : 8 5. Quant aux espèces de Légumineuses, il y en a 109 sur 1530 Phanéro- games spontanées, dans la première Flore, soit 7,1 pour 100. Il s’en trouve 97 sur 1210 Phanérogames spontanées, dans la seconde Flore, soit 4,7 pour 100. Le rapport de fréquence, d’après les espèces, est done, à peu près, comme 10 : 6 +. Les Graminées ont dans la Flore du centre de la France 49 genres, soit 9,1 pour 100 du total des genres; dans la Flore de Hollande 47 genres, soit 10,7 pour 100. Le rapport est approximativement, comme 10 : 11 À, Elles ont dans la première Flore 119 espèces sur 1530, soit 7,7 pour 100; dans la seconde Flore, 119 espèces sur 1210, soit 9,9 pour 100. Le rapport est, comme 10 : 13. ñ On voit que les proportions de genres et d’espèces indiquent en Hol- lande une diminution comparative des Légumineuses et une augmentation de Graminées. Mais voyons la fréquence des individus. Dans la Flore du centre de la France, l’auteur désigne 298 Phanéro- games comme très communes. Sur ce nombre, il y a 18 Légumineuses, soit 6 pour 100. Dans la Flore de Hollande, M. Miquel marque 227 espèces comme très communes. Sur ce nombre, il y a 6 Légumineuses, soit 2,5 pour 100. Dans la première Flore, il y a 23 Graminées très com- munes, soit 7 ; pour 100, et dans la seconde Flore 29, soit 12 À pour 100. Aïnsi, les rapports de fréquence pour les individus sont tout autres. Il y a beaucoup plus de Graminées en Hollande qui figurent parmi _(a) La Flore de M. Boreau comprend un pays de 5,136,000 hectares (vol. I, imtrod., p. 1), celle de M. Miquel, 3,045,000 hectares (introd., p. 4). 1156 DISTRIBUTION D’UNE FAMILLE DANS SON HABITATION. les espèces très communes. Donc la différence de fréquence des plantes de ces deux familles est bien plus forte, dans la réalité de l’ensemble des faits, que selon les rapports d’espèces qu’on indique ordinairement dans les livres. Il y a sur le terrain une proportion de plantes de la famille des Gra- minées, relativement aux Légumineuses, bien plus grande en Hollande, et une proportion de Légumineuses beaucoup plus faible. La proportion des Labiées dans la Flore du centre de la France, est de 5 pour 100 pour les genres, et 4,2 pour 100 pour les espèces. Dans la Flore de Hollande, elle est, en admettant les mêmes genres, de 5,2 pour 100 quant aux genres, et de 4,1 pour 100 quant aux espèces. On pourrait croire que dans ces deux Flores, les Labiées sont vraiment dans des pro- portions semblables de 4 à 5 pour 100, de l'ensemble des Phanérogames ; Mais en consultant les tableaux du degré de fréquence des individus, on voit que les Labiées comptent dans le centre de la France À#, soit 7,4 pour 100 d’espèces parmi les plus communes, et en Hollande, 2, soit 2279 h, 4 pour 100. Donc les Labiées sont véritablement plus fréquentes dans le centre de la France qu’en Hollande. L'influence du degré de vulgarité des espèces serait bien plus grande si lon comparait des pays éloignés et de climats très opposés, au lieu de comparer deux Flores européennes. Il est probable que la fréquence des espèces de Graminées, par exemple, est tout autre en Europe, au Cap et aux Antilles. Ainsi, la proportion des espèces, abstraction faite de leur fréquence, donnerait une mesure de bien peu de valeur, quant à la fré- quence réelle des familles et à l’aspect de la végétation dans ces pays. Si l’on connaissait mieux pour chaque Flore le degré de fréquence des individus de chaque espèce, et si l’on avait les moyens uniformes de lex- primer par des chiffres, il serait facile de calculer pour des surfaces égales le degré relatif réel de fréquence des familles. Il faudrait avoir pour les espèces de chacune, dans chaque pays, un facteur fondé sur des observations et des calculs semblables, par lequel on multipherait le nombre des espèces, afin d'exprimer l'abondance réelle de toute la fanulle sur le terrain. Malheureusement, la fréquence des espèces est difficile à estimer; elle n’est pas représentée par les auteurs d’une manière uniforme, et surtout elle est inconnue, même approximativement, dans limmense majorité des pays. AIRE DES FAMILLES, 141497 CHAPITRE XVII. AIRE DES FAMILLES. $ |. AIRE RELATIVE DE DIVERSES FAMILLES ET AIRE DE CES MÊMES FAMILLES COMPARÉE À CELLE DES GENRES ET DES ESPÈCES. En dressant le tableau de la répartition des espèces de quelques fa- milles, pour calculer l'aire moyenne des espèces, il a été facile de con- stater le nombre des régions dans lesquelles chaque famille se trouvait représentée. Ainsi les Papavéracées occupaient 24 des 50 subdivisions de la surface terrestre du globe; les Crucifères, 32; les Campanulacées, 27; les Anonacées, 19; les Myrsinéacées, 26; les Mélastomacées, 17; les Myrtacées, 24. La moyenne est de 24, mais il faudrait un nombre beau- coup plus grand de familles, pour baser un chiffre certain. Jaurais fait des recherches dans ce but, si le travail avait pu offrir une utilité propor- tionnée au temps qu'il exigerait. D'ailleurs, on peut prévoir quel serait le résultat. Les familles sont des groupes plus étendus que les genres. On trouverait donc vraisemhlablement au sujet de leur aire moyenne et rela- tive, ce qu’on a trouvé pour les genres. On constaterait par des chiffres deux lois dont il est difficile de douter ; savoir, 4° que plus une famille est nombreuse en espèces et en genres différents, plus en général son habita- tion est vaste; 20 que parmi les familles ayant à peu près le même nombre de genres et d'espèces, il y a des différences quant à l'aire des habitations, différences dont les causes remontent en grande partie à un ordre de choses qui a précédé Pétat actuel des climats et des éontinents. Les familles énumérées ci-dessus ne sont peut-être pas propres à donner une idée de Paire moyenne des familles, parce qu’elles sont trop considé- rables. Chacune comprend en moyenne A0 genres et A62 espèces, tandis que dans l’ensemble des Phanérogames les familles ont 25 à 27 genres et 280 à 300 espèces (a). Si l’on excluait de la liste les Crucifères, qui ont un nombre de genres et d'espèces fort au-dessus de la moyenne, on trouve- rait que les six autres familles, ayant en moyenne 29 genres et 367 espèces, (a) Le Genera de Endlicher, sans les suppléments, renferme 240 familles de Phané- rogames, divisées en 6,135 genres; soit 25 genres par famille. L'auteur a coupé quel- ques familles très naturelles en plusieurs (les Légumineuses, par exemple), mais d’un autre côté il a joint, sans numéros, à quelques familles, des groupes qui sont regardés ordinairement comme des familles. Dans les volumes I à XIII du Prodromus, qui ont déjà paru, il y a 161 familles (en ajoutant les Léoniacées mises en note), 4,382 genres et 47,975 espèces ; soit 27 genres et 298 espèces par famille. 4198 AIRE DES FAMILLES. ont été indiquées en moyenne dans 22,8 soit environ 23 régions. Avec les Crucifères, le chiffre est de 24, ainsi la différence est insignifiante, cependant on ne peut guère douter que des familles de 4, 2 ou 3 genres, par exemple, n'aient une habitation ordinairement restreinte, d’où il résulte que l’absence de quelques-unes de ces familles dans celles prises pour exemples, rend l'aire moyenne trop élevée. $ IL. FAMILLES A HABITATION TRÈS VASTE OU TRÈS RESTREINTE. Quelques familles occupent la totalité ou la presque totalité de la surface terrestre. On peut en juger par celles qui ont des représentants dans le voisinage des deux pôles, par exemple à l'ile Melville (Brown, Chloris) et dans les régions antarctiques (Hook. f., FT. ant.), tout en existant aussi dans les régions équatoriales. Il y à quelques points de ces terres extrêmes antaretiques où l’on n’a pas vu de Phanérogames et de même sur quel- ques sommités fort élevées des montagnes, mais sous le rapport de l’éten- due ce sont des exceptions Insignifiantes. Les familles de Phanérogames qui habitent la surface totale de la terre, ou à peu près, sont les suivantes : Crucifères, Caryophyllées, Légumi- neuses, Composées, Scrophulariacées, Joncées, Cypéracées, Graminées. Quelques familles ont une aire presque aussi vaste, c’est-à-dire au moins des + de la surface terrestre ; ce sont les Renonculacées, Rosacées, Ombel- lifètes; et après elles viennent les Saxifragacées, Polygonacées, Primula - cées, Salsolacées, Amentacées, Orchidées, Alismacées, dont l'habitation dépasse probablement les $ ou les + de la surface terrestre. À l'extrême opposé se trouvent les familles qui occupent + au plus des continents, soit À ou 2, quelquefois 3 régions d’étendue médiocre, sur les 50 admises précédemment (p. 478). Je les indique en les classant suivant le nombre de leurs genres et espèces, car il est clair que cette con- dition à beaucoup d'influence sur l'étendue de l'habitation. Un seul genre; une seule espèce (a). Rousséacées. . . . « .« « « » . . . . Ile Maurice. Un seul genre; deux ou trois espèces. BURICBES AE Et 2 + 4 - 2 esp. Sud-ouest de l'Asie, Antilles et Guyane. Columelliacées . . . . . . . 1848) Pérou, Quito. Brunoniacées. . . . , LATE 29 Nouvelle-Hollande. Léoniacées ets il pe PIRE Sid: Brésil , Pérou. (a) Parmi les familles d'une seule espèce , les Sphénocléacées offrent ceci de singulier, que l'espèce habite dans un grand nombre de régions du globe, AIRE DES FAMILLES. 1199 Un genre; plusieurs espèces. Cyphiacées . . . . . 0 LG esp Cape Deux à quatre genres ; trois à quinze espèces. Alangiées. . . . . . 2 genres. 3 esp. Inde, Népaul, Chine. Rrancoacées . & . . 2 IS A ONIIe Calycanthées . . . . 2 id. 5 id, États-Unis, Californie, Japon, Chine. Rhizobolées. . . . . 2 id. 9-id Amérique méridionale tropicale. Aquilarinées . . . . 3 GE EE Chine, Moluques, Ceylan. Centrolépidées NS Merde ENT Nouvelle-Hollande. Trémandrées . . . . 3 id. 21 id. Nouvelle-Hollande. SHIDACERSE. 0 AS SRITeS LCAp: Dix à onze genres; quarante à cinquante espèces. Vochysiacées. . . 10 genres. 51 esp. Amérique méridionale tropicale. Bruniacées . . . 11 id. 46 id. Cap, Madagascar. Trente genres ; plus de trois cents espèces. Éaondéess ns cnrs Shtorats Nouvelle-Hollande et îles voisines ; une espèce à la presqu'ile de Malacca ; une dans l’Amérique australe extra- tropicale. On pourrait citer encore les Tropæolées et les Calycérées, qui s'étendent en Amérique dans les régions intertropicales; les Monotropées, qui se trou- vent en Europe et dans l'Amérique septentrionale ; les Aurantiacées, dont le centre est l'Asie méridionale, et dont aucune probablement n’est origi- naire d'Amérique, de l’Australie, ni de plusieurs régions africaines ; les Stylidiées, qui n'existent qu'en Australie, dans les îles voisines, en quel- ques points de l'Asie méridionale et à la Terre de Feu; les Napoléonées, qui sont seulement au Brésil et dans l’Afrique occidentale. Toutes ces familles ont une aire assez restreinte, mais qui parait cependant plus grande que la limite prise ci-dessus de = de la surface terrestre. : Toutes les familles du tableau ci-dessus, excepté les Épacridées, ont un nombre de genres et d'espèces inférieur à la moyenne. Cette circonstance fait ressortir davantage à quel point les Vochysiacées, Bruniacées, et sur- tout les Épacridées sont des formes locales. Les deux premières caracté- risent l'Amérique méridionale et le Cap; la dernière abonde surtout à la Nouvelle-Hollande, mais ne lui est pas absolument propre. Aucune famille de Monocotylédones n’est aussi limitée dans son habi- tation, et, à plus forte raison, aucune des familles de Cryptogames. En général, ce sont les catégories de plantes où les espèces ont l'aire la plus vaste (Cryptogames, Monocotylédones, plantes des régions arctiques, des régions tempérées de notre hémisphère) qui offrent des familles à aire 1160 AIRE DES FAMILLES. très vaste; inversement, les catégories de plantes où les espèces sont le plus locales (Dicotylédones, plantes du Cap, de la Nouvelle-Hollande, des régions équatoriales et australes) sont celles qui présentent des familles à aire très limitée. Il y a donc une certaine analogie entre l’aire des espèces et l’aire des familles auxquelles ces espèces appartiennent; mais cette ana- logie est si fréquente, si étrangère aux communications actuelles entre les pays, qu’elle doit provenir des causes anciennes qui ont déterminé la dis- tribution de toutes les formes végétales, indépendamment des moyens actuels de diffusion des espèces. $ IIT. AIRE MOYENNE ABSOLUE DES FAMILLES, Je vais estimer l'étendue moyenne de lhabitation des familles d’après trois procédés, dont aucun sans doute n’est rigoureux, mais qui suflisent pour le but qu’on se propose dans de semblables recherches. Dans les sept familles qui ont été données comme exemples, aire des espèces s’est trouvée être à celle des familles comme 1 : 23 (voy. p. 1157). Mais ce rapport n’a qu'une apparence de réalité. Il faut se rappeler que les espèces trouvées dans une région n’occupent dans le fait qu'un tiers de la région (p. 590); alors les chiffres deviennent ; : 23. D'un autre côté, une famille indiquée dans une région n’occupe pas toujours l’ensemble de cette région, mais l’immensité de lhabitation des familles rend cette cause d'erreur peu importante. Ce n’est pas dans le centre de lhabi- tation qu'elle se manifeste, c’est dans la périphérie, à peu près dans 3 ou À régions sur 23. L’étendue réelle est peut-être de 20 ou 21 régions. au lieu de 23. Supposons 20, le rapport se trouve ainsi de 4 à 20, soit = 1 : 60. Or, l’aire moyenne absolue d’une espèce de Phanérogames étant d'environ +, soit 0,0067 de la surface terrestre, l'aire des genres serait 60 fois plus grande, c’est-à-dire de 0,40 de la surface terrestre. On peut aussi considérer directement le chiffre de 24 régions sur 50, dans lesquelles on connaît les familles énumérées, ou de 23, en négligeant les Crucifères comme trop nombreuses. Il faudrait réduire à 20, à cause de l'erreur mentionnée il y a un instant. 20 régions sur 50 équivalent à A0 sur 100. On arrive ainsi au même chiffre de 0,40 de la surface ter- restre. Enfin, comme les six ou sept familles étudiées sous ce point de vue ne sont pas un nombre suflisant pour baser des caleuls, qu’en particulier elles ne renferment pas de Monocotylédones, ni de familles très peu nombreuses en genres et espèces, on peut essayer de jeter un coup d'œil sur Pen- semble des familles, Les 167 familles de Dicotvlédones pubhées actuelle- AIRE DES FAMILLES. 1161 ment dans le Prodromus, se décomposent de la manière suivante : 19 tout à fait bornées, occupent environ 0,04 de la surface terrestre; 57, habitent les régions intertropicales ou subtropicales, comprises entre O et 30° de latitude nord et sud, qui constituent à peu près la moitié de la surface des continents; et 55 familles se trouvent dans les régions tempérées, avec une extension ordinairement assez grande dans les régions polaires et tropi- cales. D’après cela, il paraîtrait que l'aire moyenne des familles de Dicotylé- dones, et à plus forte raison des familles de Phanérogames, dépasse un peu la moitié de la surface terrestre. Les premiers calculs conduisaient à une valeur moindre. Celui-ci mérite tout autant de confiance. En estimant que l’aire des familles de Phanéro- games est d'environ la moitié de la surface terrestre, on doit se trouver assez près de la vérité. Si l’on veut rapprocher les valeurs qui expriment les aires moyennes absolues de l’espèce, du genre et de la famille, on verra que la progres- sion est comme ceci : FC CCE MIAA 4 dé 0,500 ou si l’on veut : 7 son islané 300 ou encore : NA rate h es 71 Tandis que les genres comptent TT espèces en moyenne, d’après les volu- mes F à XIIT du Prodromus (a), et les familles 298 espèces, ce qui établit la progression : Poe ce Iildone ro state 298 On voit par là combien les espèces d’un même genre et surtout celles d’une même famille sont accumulées dans les mêmes régions, au lieu d’être éparpillées et d’avoir une habitation proportionnelle au nombre de leurs espèces. (a) Voy. p. 1157. 1162 CHANGEMENTS QUI S'OPÉRENT DANS L'HABITATION DES FAMILLES. CHAPITRE XIX. CHANGEMENTS QUI S'OPÈRENT DANS L'HABITATION DES FAMILLES; ORIGINE ET DURÉE DE CES GROUPES. Les naturalisations d'espèces ont quelquefois pour effet d’étendre l’ha- bitation d’une famille, mais nous avons prouvé combien les naturalisations étaient rares avant que l’homme intervint. Il faut donc remonter par l’ima- gination à des époques géologiques antérieures, pour comprendre pour- quoi certaines familles sont limitées à certains continents. Leur distribution actuelle, qui n’a guère changé depuis plusieurs milliers d'années, tient à des causes impossibles à vérifier ou qu’on entrevoit seulement, savoir leur mode de formation première, la séparation ou la réunion des conti- nents à diverses époques, et les climats successifs de ces continents. Je rappellerai enfin, pour terminer, que dans les phénomènes de la vie végétale rien ne peut faire comprendre la création et la durée d’une forme nouvelle, héréditaire, assez distincte pour constituer une famille. Ainsi les hypothèses, forcées à mon avis, qui expliquent selon quelques naturalistes la formation des espèces par des modifications successives d’an- ciennes espèces, ne peuvent s'appliquer ici en aucune manière. Je ne puis m'empêcher d'ajouter que si à l’époque actuelle, certaines causes, l’action de l’homme principalement, contribuent à étendre l’habi- tation des familles, il y a bien peu de chances pour qu’une famille diminue et disparaisse. L’habitation de la plupart de ces groupes est si vaste, le nombre de leurs genres et espèces est tellement considérable, qu'il faut supposer ou des révolutions géologiques d’une étendue prodigieuse, ou une succession de grandes révolutions pendant une série de siècles très étendue, pour croire à une disparition totale. Les géologues ne sauraient trop se pénétrer de cette idée. Quand ils ne retrouvent pas dans les couches terres- tres des vestiges de certaines familles de plantes qui ont existé, ils n’ont guère que deux hypothèses à considérer : ou de croire que les fossiles végétaux sont bien mal connus et représentent bien incomplétement les formes de chaque époque; ou d'augmenter de plus en plus là durée du temps supposé, ce qui, déjà, est une tendance habituelle dans leur science. LIVRE TROISIÈME. GÉOGRAPHIE BOTANIQUE, OU CONSIDÉRATIONS SUR LES DIVERSES CONTRÉES DE LA TERRE, AU POINT DE VUE DE LA VÉGÉTATION QUI LES RECOUVRE, CHAPITRE XX. DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION. ARTICLE PREMIER. NATURE DE CES CARACTÈRES CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT. La végétation d’un pays ou d’un district quelconque offre toujours des caractères plus ou moins importants, plus ou moins distincts. Ils sont nom- breux, et peu d'auteurs, en écrivant des Flores ou des descriptions de géographie botanique pensent à les énumérer tous, encore moins à les envisager selon leur degré réel d'importance. Ces caractères se rapportent aux conditions des classes ou grandes caté- gories du règne végétal, des familles, des genres et des espèces dans le pays dont on s'occupe ; aux analogies et aux différences qui”en résultent relati- vement à d’autres régions; enfin, à l’origine probable des espèces. L’énu- mération suivante fera comprendre la multiplicité de ces points de vue. 4° Caractères relatifs aux classes Proportion des Phanérogames et Cryptogames., — Dans l’état actuel des connaissances, 11 est fort inutile de rechercher cette proportion; d’ailleurs, si on la connaissait autre part qu’en Europe, il est douteux qu’elle présentät un véritable intérêt. L'espèce étant mal définie et mal connue dans les Cryptogames ; la structure, l'apparence et la station des plantes de cette classe étant d’une diversité extrême, et ordinairement sans analogie avec celles des Phanérogames, on ne voit pas bien quel serait l’objet ni le résultat de la comparaison. Proportion des Dicotylédones et Monocotylédones. — Îl y à peu de 1164 DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION. chiffres que l’on donne aussi souvent en géographie botanique ; cepen- dant cette proportion n’est ordinairement ni exacte, ni bien importante à connaître en elle-même. Elle n’est pas toujours exacte, attendu que les Cypéracées et les Grami- nées, qui constituent la majeure partie des Monocotylédones dans la plu- part des pays, et les Orchidées dans quelques régions chaudes et humides, sont les dernières familles dont on connaisse le nombre précis. Il y a une grande quantité de Flores, même pour l’Europe, où le nombre des Cypéra- cées est très incomplet. En général, plus une Flore de ville ou de province est près d’être complète, plus la proportion des Monocotylédones augmente, ce qui n’est probablement pas vrai pour les Flores de pays très étendus, par suite d’une autre cause dont je vais parler, cause à laquelle des auteurs ordinairement très judicieux n’ont pas fait attention. Les chiffres ne doi- vent pas être comparés entre pays d’inégale grandeur, puisque Paire moyenne des espèces de Monocotylédones est plus vaste que celle des Dicotylédones, au moins pour nos régions tempérées et boréales. Dans la Flore d’une province, on trouve la plupart des Graminées, Cypéracées et Joncées qui existent dans une grande région autour de cette même pro- vince. Plus on étend l’espace, plus aussi on ajoute à la Flore des espèces locales, et ce sont le plus souvent des Dicotylédones qui ont ce caractère. Les faits indiqués plus haut (chap. VIE, p. 499) ne permettent pas d’en douter. Voici quelques exemples qui le confirment. La Flore du département de Maine-et-Loire, de M. Guépin (3e édit.), offre un rapport des Monocotylédones aux Dicotylédones comme 1 : 3,2. La Flore du même département, avec plusieurs autres du centre de la France, par M. Boreau, donne, le rapport = 1 : 5, 5; celle de toute la France, d’après le Botanicon de M. Duby, = 1 : 4,3. Pour donner des fractions plus complètes et sous une forme plus logique, je dirai qu’il y a sur 100 Phanérogames, dans le département de Maine-et-Loire, 23,7 Mo- nocotylédones ; dans les départements du centre (compris le précédent), 22,2; dans la France entière, 18,8 (a). Mèmes différences en prenant des parties distinctes, et l’ensemble des Flores de l'Allemagne, entre lAdriatique et la Baltique. Ainsi, en Dal- matie, le rapport est = 1 :3,5, d’après la Flore de M. de Visiani (v, HH, p. 390); dans l'Autriche inférieure = 14 : 3,7 (Neilr., F1. Wien, p. xxx); en Wurtemberg = 1 : 3,1 (Schübler et Martens, p. xv); dans le royaume de Saxe = 1 : 5,9 (Reichb., F1. Sax., édit. 1844); dans la Silésie (Wimm. et Grab., FT, IH, p. 95) = 1 : 3,2; dans la province de (a) Dans mes relevés de chiffres, les espèces volontairement cultivées ont été exelues, NATURE DE CES CARACTÈRES CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT. 1165 Prusse (E. Mey., FL.) = 1 : 3,2. Pour l’Allemagne entière, le rapport est, d’après Fürnrohr (F4. de Ratisb., p. xxx), = 1 : 3,7, et en com- prenant les possessions de l’Autriche sur les bords de lAdriatique (Koch, Sue il p.1x);: = 1< 3,8: Si l’on pouvait s'étendre à toute l’Europe, on trouverait probablement une proportion plus forte d'espèces Dicotylédones, car, sans parler de familles secondaires, il y a bien plus de Graminées et de Cypéracées com- munes aux deux extrémités de cette vaste région que de Composées ou de Légumineuses. Il est vrai qu'en prenant la proportion sur les Flores tout à fait locales, autour d’une ville, par exemple, on trouve quelquefois une quantité de Dicotylédones presque aussi forte, ou même plus forte, que dans la province entière où est située cette ville (a); mais les environs d’une ville ne présentent pas ordinairement toutes les variétés de stations qui sont indispensables aux espèces, et de là des causes accidentelles qui empêchent la loi de se vérifier. Une ville entourée de collines ou de mon- tagnes aura plus de Dicotylédones, une ville entourée de prairies humides plus de Monocotylédones que l’ensemble des conditions de la région ne le ferait supposer. De ces deux causes d’inexactitude dont je viens de parler, la première, la connaissance imparfaite des Monocotylédones dans les pays peu explorés, est ordinairement la plus grave. La seconde, l’inégale extension des espèces, est moins importante ; elle peut, d’ailleurs, être éludée, en ayant soin de comparer seulement des pays détendue à peu près semblable. Mais il y a des objections plus sérieuses aux calculs dont il s’agit. Les Monocotylédones sont loin d’être homogènes. Quelles conclusions tirer d’un chiffre qui englobe des Orchidées ou Iridées, des Palmiers, des Graminées, Cypéracées ou Joncées, en quantités très différentes suivant les pays, pour ensuite les comparer aux Dicotylédones? Les milliers d’Or- chidées ou les centaines de Palmiers du Brésil, sont-ils analogues aux Cypéracées et Liliacées de nos régions? Et cependant, c’est à cela que, sous le nom commun de Monocotylédones, on compare les Dicotylédones de divers pays. L’illusion est augmentée encore par l'usage de prendre le chiffre des Monocotylédones pour unité relativement à celui des Dicotylé- dones, car cette unité apparente varie, et les éléments qui la composent ont, dans certaines régions, la valeur de plantes à organisation simple, ailleurs, de plantes à organisation compliquée; ici, de plantes herbacées insignifiantes, là, de plantes ligneuses, et même de grands arbres. (a) Autour de Ratisbonne le rapport est = 1 : 3,5 (Fürnrohr, F1, p. XXXI); autour de Vienne, = 1 : 3,6 (Neilreich, FL, p. XxxX1) ; autour de Strasbourg, —1 : 3,4 (Kirseh]., dans Flora, 1843, v. I, p. 196) ; de Wurzburg, — 1 : 3,3 (Schenk, Flora, 1849, p. 61) 1166 DES CAPACTÈRES DE VÉGÉTATION. Je rappellerai, de plus, que la fréquence des individus et leur effet dans la végétation d’un pays, n’est pas en rapport avec le nombre des espèces de chaque groupe (p. 1454, 457). La proportion des espèces monocotylédones et dicotylédones est donc, par tous ces motifs, une chose abstraite, qui se calcule d’après les Flores, mais qui ne se voit pas. Je défie le botaniste le plus exercé de devi- ner au premier coup d'œil quelle est la proportion des deux classes, même dans un district de peu détendue. Il est aisé, au contraire, de dire à la simple vue si les Composées, si les Légumineuses, ou les plantes à feuilles persistantes, prédominent dans une région, parce que ces groupes sont plus homogènes, plus faciles à saisir dans leur ensemble et à comparer entre eux. [1 faudrait au moins pour qu’on püût attacher de l'importance à la proportion des deux grandes classes, avoir toujours le soin d’ajouter de quoi se compose chacune d’elles, en particulier la classe des Monocotylé- dones, dont les formes sont si disparates entre elles. Froportion des groupes naturels supérieurs aux familles et infé- rieurs aux classes. — Les botanistes s’évertuent à associer les familles en groupes inférieurs aux grandes divisions du règne, et cependant fondés sur des caractères posilifs ; mais ces tentatives sont encore trop récentes, trop imparfaites, pour pouvoir être utilisées en géographie botanique. Il serait prématuré de calculer les proportions d'espèces de ces groupes qui ne sont que provisoires, ou du moins mal définis. D’autres associations d’une valeur botanique plutôt faible, mais qui répondent à des caractères très apparents, méritent de fixer davantage l'attention dun botaniste géographe. La proportion des espèces ligneuses et herbacées; celle des espèces annuelles, bisannuelles, vivaces et ligneuses, soit Monocarpiennes et Polycarpiennes ; la proportion des espèces à feuilles ou tiges charnues, soit plantes grasses ; celle des espèces à feuilles composées, des espèces à feuilles persistantes ou caduques, voilà des éléments à constater dans tout assemblage de végétaux. Chacun de ces groupes renferme des plantes de diverses familles ou classes, mais leur importance dans la nature est évi- dente. Le nombre des espèces ligneuses, des arbres surtout, a une valeur bien réelle, à cause de l'aspect des forêts et de leur action positive sur les plantes non ligneuses. Sous ce point de vue, les informations de statistique sur l'étendue des forêts dans un pays ne sont point à dédaigner. Je dirai même qu'un tableau statistique montrant la proportion des forêts, terres cultivées, prairies, marais, ete., en apprend plus à l'égard de la végétation générale d’un pays que certaines Flores extrêmement savantes, dont les botanistes font le plus grand cas. NATURE DE CES CARACTÈRES CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT. 1167 On a essayé quelquefois de classer les formes des plantes en certaines catégories répondant à l’aspect, au port, qu’elles présentent dans la nature. M. de Humboldt (a), et ensuite Meyen (b), ont distingué de cette manière 15 à 20 groupes, on peut dire physiognomiques, des végétaux. C’est un moyen de faciliter les descriptions des voyageurs. Toutefois, un grand nombre de formes ne sont pas assez tranchées pour rentrer dans une de ces catégories, ou plutôt il y a des formes tellement abondantes et vulgaires qu’elles renferment la grande majorité des espèces dans la plupart des Flores, De là peut-être le peu d'emploi de ces subdivisions. 29 Caractères relatifs aux familles. Proportion des espèces de différentes familles relativement aux Phanérogames. — Le calcul qu'on fait ordinairement pour exprimer la proportion des familles dans un pays, suppose implicitement, ce qui n’est pas exact, que les espèces de différentes familles sont également abondantes en individus dans le même pays. On aurait une idée plus juste, peut-être, en cherchant quelles sont les espèces les plus communes et en calculant la proportion des familles sur ces espèces. Malheureusement, les données sur le degré de fréquence sont difficiles à recueillir, assez vagues en elles- mêmes ; et pour la plupart des pays, elles manquent totalement. En outre, l'aire moyenne des espèces varie suivant les familles et suivant les régions (p. 500, 544). Ainsi, toutes choses d’ailleurs semblables, plus on considère un espace étendu, plus par cela même on additionne d'espèces différentes dans certaines familles où les aires spécifiques sont limitées, comparativement à d’autres familles où les aires sont vastes. Dans une région centrale de l'Europe, par exemple, on trouvera une petite partie des Légumineuses, Labiées ou Composées qui existent dans toute lEu- rope, mais une forte proportion des Cypéracées, Joncées ou Graminées ; par conséquent, la proportion de ces familles ressortira différente suivant qu'on envisagera, ou la région centrale supposée, ou l’ensemble de lEu- rope. Les premières de ces familles auront un chiffre plus fort dans l’en- semble de l’Europe; cependant, sur le terrain, elles ne seront pas plus im- portantes qu'il ne semble d’après les Flores locales. Voyons jusqu'à quel point cette cause d'erreur peut devenir grave. Nous ne pouvons guère l’ap- précier qu'en Europe , les énumérations d'espèces pour des pays compris les uns dans les autres, étant ailleurs nulles ou défectueuses. | (a) Essai sur la géogr. des plantes, in-4, p. 31; Tableaux de la nature, édit, 1851, Il, p. 22. | (b) Grundriss der Pflanzen Geogr., part. m1, p. 417. 74 1168 DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION. Je me bornerai à comparer les Légumineuses, Composées et Graminées, car les Cypéracées sont souvent incomplètes dans les Flores, et les autres familles n’ont pas assez d’espèces pour que les proportions soient indépen- dantes des erreurs et des circonstances de localités, Quant aux pays, je prendrai mes exemples sur le continent et sous des latitudes moyennes. Je comparerai d’abord le département de Maine-et-Loire, d’après Ja Flore de M. Guépin (3° édit., 1845, sans le suppl. de 1850); les départe- ments du centre de la France, compris le précédent, d’après la Flore de M. Boreau, et la France entière, d’après le Botanicon de M. Duby. Pai exclu partout les espèces cultivées (a). MAINE-ET-LOIRE. CENTRE DE LA FRANCE. FRANCE. 1304 Phan. 53 . 3615 Phan. FAMILLES. ( an.) (1530 Phan.) (3615 Phan.) RL, / De ce Proport. : | Proport. Sp. Proport. | ‘Légumineuses . . . . . . . . . 92 0,070 0,071 325 0,089 Composées 0,094 0,102 478 0,132 Graminées 0,084 0,077 249 0,069 On voit combien il serait vicieux de comparer la proportion des familles entre un département de la France et un pays grand comme l'Allemagne, et plus encore avec un pays immense, comme les États-Unis ou la Nouvelle- Hollande. En prenant les proportions des Composées, Graminées ou Légumi- neuses, à l’égard des Phanérogames, successivement dans tous les dépar- tements de la France, et en faisant les moyennes, ces proportions ne seraient pas celles qu’on trouve sur la Flore de toute la France, et l'erreur serait tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, suivant l’étendue relative des aires spécifiques des trois familles. Voici un autre exemple pris en Alsace et en Allemagne. Je vais com- parer : 1° la Flore de Strasbourg, par Kirschleger (Flora, 183, p.197); 2° celle du grand-duché de Baden, de l'Alsace, de la Bavière rhénane et de Schaffouse, par M. Grisselich (Kleine Schrift., 1, p. 8) ; 3° celle d’Alle- magne, avec l’Istrie et la Suisse, d’après Koch (Syn., 1°* édit., p. Lu) en défalquant les espèces cultivées volontairement. (b) Pour ne pas n'éloigner des usages dans une circonstance où c'était indifférent, j'ai laissé les espèces cultivées involontairement, c'est-à-dire les mauvaises herbes des terrains cultivés, qui ne sont pas à proprement parler des espèces spontanées et encore moins des espèces aborigènes. (Voy. p. 609, 642.) NATURE DE CES CARACTÈRES CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT. 1169 BADEN, ALSACE, ETC. | STRASBOURG. | ALLEMAGNE. (960 Phan.) (1352 esp.) | (3131 esp.) FAMILLES. | \ D te SI Esp. | Proport. Esp | Proport, | Esp. Proport, L'AEUN LL —_—_—— | | — Légumineuses. .*. « ./: .. 51 0,053 70 | 0,052 | 219 0,067 IAIDOSCOS eee ia æicle 105 6,109 154 | OA1%X || 404 0,129 framinees . . 4.2 ue. 80 0,083 107 | 0,079 | 215 0,069 Les variations sont les mêmes que dans le cas précédent, je veux dire dans le même sens et avec une intensité qui n’en diffère pas beaucoup. On pourrait objecter que l’addition à l'Allemagne de pays très différents, comme l’Istrie, jette un poids trop fort dans le chiffre des Légumineuses et des Composées. Il y aura toujours quelque circonstance analogue en com- prenant un pays très étendu, mais les proportions suivantes montrent que sans sortir de l'Allemagne on trouve les mêmes faits. M. Furnrobhr (Naturh. T'opogr. Regensb. Flora, p. XXx1) compare les proportions üe familles autour de la ville de Ratishbonne et dans l'Allemagne proprement dite, c'est-à-dire la Suisse, l'Istrie et la province de Prusse non comprises. En présentant les proportions sous la forme adoptée ici, elles se trouvent : RATISBONNE. ALLEMAGNE. (1063 Phan.) (2906 Phan.) a = Ô— (| REA, Esp. | Proport. FAMILLES. | : Esp. Proport. = IS qu Sox 2 PÉDAUNEUSES Se de RL ee Ste ee Lines Sartir NO LT code GANG UE TANT aan D - el EE ey por 0,061 0,121 0,070 © = Les auteurs mentionnent souvent les proportions de familles dans des pays aussi vastes que l’Europe entière et même plus vastes. Si par hasard ils comparent une de ces immenses régions avec les alentours d’une ville, ou avec une petite île, l’erreur résultant de l’aire relative des espèces peut s'élever à 3 ou 4 pour 100, et même plus haut, probablement, dans des régions exceptionnelles et pour certaines familles. L'influence de cette cause doit être grande surtout dans les pays où les espèces changent rapidement d’un district à l’autre, par exemple au Cap, au Brésil, au Mexique, etc. On le voit plus loin, p. 1228, 1229. Malgré cette cause d'erreur, et celle venant du degré inégal de fréquence des espèces, 1l est certain que pour des pays d’étendue à peu près sem- blable et pour des familles où l'aire moyenne des espèces n’est pas trop 4170 DES CAPRACTÈRES DE VÉGÉTATION. différente, ces proportions ont de l'intérêt et méritent d’être comparées d’une région à l’autre. On peut aussi constater que certaines familles ont le plus grand nombre de leurs espèces agglomérées dans telle ou telle région du globe, sans exa- miner la proportion qui en résulte à l’égard des autres Phanérogames. C’est un point de vue qui conduit quelquefois à des conséquences diffé- rentes. En général, de l'étude des familles on peut tirer deux caractères essen- liels à connaître : 1° Dans tout pays certaines familles sont dominantes, sous le point de vue de la proportion de leurs espèces. Tel est le cas des Graminées et Com- posées en Europe, des Légumineuses aux Antilles et dans la plupart des pays équatoriaux, des Protéacées ou Myrtacées à la Nouvelle-Hollande, etc. 2° Certaines familles sont caractéristiques, dans ce sens qu’elles sont propres à la région que l’on considère, ou que du moins elles y présentent une proportion plus forte que dans les autres régions, tantôt à l’égard des Phanérogames de la même région, tantôt à l’égard des espèces de chaque famille. Ainsi les Berbéridées sont caractéristiques du Chili, les Stylidiées de la Nouvelle-Hollande, les Résédacées de la région méditerranéenne et adjacente, les Cactacées du Mexique, les Oxalidées du Brésil et du Cap, elc., etc. L'absence Lotale ou presque totale d’une famille dans une région , sur- tout lorsque les conditions du climat feraient croire qu’elle s’y trouve, est aussi un caractère qui ne doit pas être négligé. Enfin, la combinaison des familles mérite d’être remarquée, aussi bien que les caractères tenant à chacune en particulier. Ainsi la végétation de l'ile Juan-Fernandez, formée essentiellement de Composées et de Fougères, doit présenter un aspect très différent de telle végétation où les Composées s'associent aux Légumineuses, de telle autre où les Fougères sont mêlées avec des Aroïdes ou des Orchidées; et comme les principales familles se combinent par trois, par quatre, elc., il en résulte des Flores excessive- ment variées. 3° Caractères relatifs aux genres. L'indication des genres les plus nombreux en espèces, ou les plus appa- rents par le nombre des individus, est bièn une manière de dépeindre l'ensemble des végétaux d’un pays, Les voyageurs, même superficiels, y font attention. Malheureusement ce caractère n’est pas susceptible d’une grande précision (p. 1134) et se prète dificilement à la comparaison d'un pays à l’autre, à cause de la multitude des genres, de l'absence pour plu- NATURE DE CES CARACTÈRES CONSIDÉRÉES ISOLÉMENT. TETE sieurs régions d’énumération complète des espèces, et du grand nombre des genres qui occupent deux ou plusieurs régions adjacentes ou même éloignées. Ici, comme pour les familles, on peut remarquer les genres dominants par le nombre des espèces ou des individus, et les genres caractéris- tiques. 4° Caractères relatifs aux espèces. La présence d’une espèce dans un pays est toujours en elle-même un caractère; mais le nombre des espèces est si considérable, qu'on ne peut s'attacher à tous les faits de cette nature. Il suflit, en général, de constater : Les espèces spontanées les plus communes, en insistant sur les arbres et sur les espèces qui dominent dans les stations principales de la région dont on s'occupe ; Les espèces un peu remarquables et caractéristiques, C'est-à-dire plus ou moins abondantes dans le pays, mais de nature à frapper un bota- niste et qui n'existent pas dans les pays voisins; Les espèces cultivées, surtout celles de la grande culture. On peut rechercher encore le nombre des espèces relativement à la surface , et en particulier celui des espèces propres au pays que l’on envisage. Ces éléments numériques sont bons à constater, mais leur emploi exige de l’attention et des réflexions préalables, dont je vais m'occuper, 5° Variété ou uniformité de végétation. « Les formes végétales peuvent être variées dans un pays, soit par la diversité qu’elles présentent d’un district à l’autre, soit par la richesse de formes différentes dans chaque district. Si le premier cas se présente, il convient de distinguer des régions ou zones différentes et de les considérer à part. C’est ce qu’on fait, par exemple, dans les pays montueux, où plusieurs degrés d’élévation offrent des végétaux en grande partie différents. Lorsqu'il y a mélange intime des formes végétales dans l’étendue de pays que l’on considère, on est obligé d'employer des procédés statistiques. On calcule le nombre des espèces différentes, puis leur proportion par genre et par famille. Pour que ces chiffres aient une valeur comparable d’un pays à l’autre, et même, Je dirai, une valeur absolue, il faut se faire une idée de la ma- nière dont l'étendue de surface modifie les proportions. Au premier aperçu 1172 DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION. on devine que, suivant la grandeur du pays les chiffres changent, et chan- gent dans des proportions différentes, puisque les espèces, les genres et les familles occupent des surfaces moyennes de grandeur très diverse. La théorie et l’observation s'accordent pour montrer qu’en effet il serait inexact de comparer des proportions numériques basées sur des régions trop inégales entre elles (a). Si autour d’une ville, dans une surface de 100 lieues carrées, je sup- pose, on trouve 1,000 espèces de Phanérogames appartenant à 400 genres et à 100 familles naturelles, ce qui fait 10 espèces, A genres et une famille par lieue carrée, ou 2 espèces 1/2 par genre et 10 par famille, les proportions seront tout autres en étendant le cercle, même en admet- tant que la végétation ne change pas de caractère. On arrivera bien plus vite à la limite de quelques espèces qu’à celle des genres et surtout à cellé des familles. En d’autres termes, les espèces qui auront cessé de se mon- trer seront remplacées par d’autres, plus vite que l’on ne verra des genres nouveaux, ou des familles nouvelles, à cause de Paire relative de ces groupes. Ainsi, en prenant une grande province dans laquelle se trouve la ville supposée, par exemple une étendue de 4,000 lieues carrées, on devra peut-être ajouter à la Flore 200 espèces, 2 ou 3 genres seulement et à peine une famille, ce qui donnerait par lieue carrée, pour la province 1,2 espèce, 0,4 genre et 0,1 famille, ou 2,9 espèces par genre et 14,8 par famille. Étendons encore la surface: supposons, par exemple, un vaste pays comprenant cette province et plusieurs autres, en tout 20,000 lieues carrées, on aura dans la Flore environ 2,000 espèces, 500 genres et 105 ou 404 familles. Les rapports seront 0,1 espèce, 0,02 genre, 0,005 fa- mille par lieue carrée, ou A espèces par genre, 19 par famille. Ainsi plus on suppose la surface de pays étendue, plus (la végétation restant d’ail- leurs homogène) le nombre des espèces, genres et familles par lieue carrée diminue, et cela dans une proportion d’autant plus rapide qu’il s’agit d’un groupe d'ordre plus élevé, plus aussi le nombre des espèces par genre et par famille augmente. On pourrait donner à ces relations arithmétiques la forme de lois géné- rales plus précises en employant les valeurs moyennes de laire des espèces, des genres et des familles (p. 1161), telles que l'observation les a données, mais ce serait peu utile, parce que les différents pays et les diffé- rents groupes de Phanérogames s’éloignent toujours plus ou moins des valeurs moyennes fondées sur l’ensemble, Un calculateur y verrait avec (a) Un grand nombre de botanistes, peu habitués aux méthodes numériques, sont tombés dans cette erreur. NATURE DE CES CARACTÈRES CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT. 1173 plaisir, peut-être, la démonstration des changements que les aires com- binées avec les surfaces introduisent dans les rapports; un naturaliste aimera mieux une démonstration fondée sur des cas particuliers. Dans ce but, je vais comparer les trois Flores, comprises les unes dans les autres, dont je me suis servi tout à l’heure : celle du département de Maine-et-Loire (ancien Anjou), par M. Guépin (3° édit., 1845), celle du centre de la France où se trouve ce département ainsi que plusieurs autres, par M. Boreau, et celle de toute la France, d’après le Botanicon gallicum de M. Duby. Après avoir retranché dans chaque ouvrage les espèces volontairement cultivées et avoir réduit les familles uniformément à celles du Botanicon, je trouve les chiffres qui suivent : SURFAGES (a). | ESPÈCES. GENRES FAMILLES. lieues. 1304 1530 3615 On voit que si lon prend pour unités les chiffres de la Flore de Maine- et-Loire, les accroissements sont : Maine- Centre et-Loire. de la France, Érances Poumles sur acer. e0 RER eee NONTe 12 ETS ÉGUTTE ESPÈCES ae com eee 2 —-h1: Are: DIET PAURAIESISETRES = eliaetete -te esse leias see TE 1519: 1,56 POUR Ie ARMES ee semis ses e te 4,02: 4 Da 7 Calculant ensuite par lieue carrée, on trouve pour une lieue : PAYS. ESPÈCES. GENRES. FAMILLES. Matteo ee 500 Re ROC GNU el 3,6 0,24 Censredelhirance. 10 MERE ue à aus 0,58 0,03 EANE CREME etes LUE PR ROME ET, 0,13 0,004 (a) Les surfaces de Maine-et-Loire et des départements compris dans la Flore de M. Boreau, sont données par les auteurs eux-mêmes. La surface de la France, en lieues, est tirée du Nouveau dictionnaire géographique de Langlois. 1174 DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION. Enfin, la proportion des espèces par genre et par famille est ; ESPÈCES ESPÈCES PAR GENRE. | PAR FAMILLE. | Re RS Maine-et-Loire 9, 44 Centre de la France 47 France 39 Pour chacun des quatorze districts de la Silésie, le nombre des espèces par genre varie entre 2,1 et 2,3 ; le nombre des espèces par famille varie entre 8,2 et 10,1; mais pour l’ensemble de la Silésie ces chiffres sont de 2,8 espèces par genre et 14,4 par famille (Schneider, Dre Verth, etc., p. 210), et pour l'Allemagne entière ils sont de 4,2 et 19 (Koch, Syn., 4° édit., p. LVII-Lx). Je pourrais multiplier ces exemples, mais un fait plus général suffit pour la démonstration la plus complète. Le globe terrestre est évidemment la région la plus vaste qu'on puisse considérer; sa surface, abstraction faite des parties couvertes d’eau, est de 6,825,000 lieues, et si l’on sup- pose 200,000 Phanérogames, ce qui est un des chiffres les plus élevés qu’on ait supposés, il ÿ aurait par lieue carrée 0,029 espèces, disons:0,03. Or, les localités trés restreintes et même les plus pauvres ont infiniment plus d'espèces dans une lieue carrée. Ainsi, au sommet du pic du Midi de Bagnères on compte 71 Phanérogames sur 200 mètres de surface (Ramond); en Écosse, dans les plaines tourbeuses les plus monotones, il y a 50 à 100 Phanérogames par mille anglais carré, et dans les environs de Lon- dres, qui ne sont pas d’une abondance excessive en plantes spontanées, on a compté 400 espèces dans un mille carré (Wats., Phytol., 1858, p. 267). Dans le règne végétal tout entier, c’est-à-dire pour l’ensemble de la surface terrestre, on compte environ 42 espèces par genre et 300 par famille (p. 1157), tandis que toutes les Flores particulières, même celles de grands pays, sont loin d'offrir des chiffres aussi élevés. On voit combien il est fâcheux de comparer les proportions d'espèces par genre ou par famille, et aussi le nombre des espèces relativement aux surfaces, entre pays d’étendue très différente ; par exemple, entre une petite ile et un continent, ou bien entre un sommet isolé ou une petite zone alpine et une région subalpine plus vaste ou de grandes contrées vers le nord. Ces comparaisons ont cependant été faites, même par des auteurs estimés ; mais en toute chose, il faudrait étudier les méthodes avant de les employer. est vrai surtout en statistique. VALEUR RELATIVE DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION, 1175 6° Analogies avec d'autres flores. Ce sont des faits à constater que les ressemblances et les dissemblances entre la végétation dont on s’occupe et celle de pays analogues par le cli- mat ou de pays adjacents, quelquefois même de pays éloignés. Il peut y avoir similitude d'espèces, de genres et de familles. Les rapports et les différences peuvent exister dans tous les caractères. Naturellement on doit chercher à insister sur les principaux, et dans ce but nous devons fixer nos idées sur la valeur relative des caractères de végétation, ARTICLE TE. VALEUR RELATIVE DES CARACTÈRES DE VÉGÉTATION, © Certains botanistes - géographes paraissent mettre en première ligne les relevés numériques, probablement à cause de la forme précise de cette nature de documents. Je ne saurais partager leur opinion, et cela Justement parce que les méthodes exactes me plaisent et que l’exac- titude ne consiste pas à préférer toujours les chiffres aux paroles, mais à donner à chaque chose et à chaque point de vue son importance véri- table. Quand il s’agit de comprendre et de dépeindre l’ensemble de la végéta- tion d’un pays, je m'attacherai d’abord aux caractères qui frappent tout le monde et qui forment les grands traits du tableau. Ces caractères peuvent s'exprimer quelquefois par des chiffres : alors on fait très bien d’en profiter ; mais ce n’est pas toujours le cas. Les formes ordinaires du langage, si elles expriment des circonstances très importantes, me paraissent préfé- rables à des caractères numériques de second ou de troisième ordre. La division générale du sol en marais, prairies, forêts, terrains salés, terrains cultivés, etc., me semble la chose qui, d’entrée, donne l'aperçu le plus juste de la végétation d’un pays. Ce n’est pas seulement un carac- tère physique , c’est aussi pour les forêts et les prairies un caractère bota- nique, et des plus importants. Si le degré de civilisation du pays permet de connaître exactement la proportion de ces grandes stations , on fera très bien de la donner sous forme numérique. Dans ce cas, les chiffres expriment d’une manière exacte et abrégée ce qu'il est essentiel de savoir. Après cela, je regarderai comme important de connaître les espèces les plus communes, dans les stations qui occupent le plus de place, et en par- ticulier les espèces ligneuses sociales, c'est-à-dire celles qui constituent 1176 cOMPARAISON DES ESPÈCES DICOTYLÉDONES ET MONOCOTYLÉDONES. exclusivement des forêts. Dans les pays très cultivés, l'indication des prin- cipales espèces agricoles est d’une importance à peu près égale. Au troisième degré, je placerai l’énumération des principaux genres, l'indication des familles dominantes et des familles caractéristiques, la fréquence ou la rareté de certaines grandes catégories physiognomi- ques, telles que plantes grasses, plantes à feuilles persistantes, plantes annuelles, etc. Enfin, je mettrai en dernière ligne les caractères qu’un botaniste seul peut découvrir, ou qui résultent seulement d’une investigation complète et de calculs faits sur des livres, comme l'indication d'espèces rares. la proportion des Dicotylédones et Monocotylédones, le nombre total des espèces, genres et familles, celui des espèces propres au pays, et le nombre moyen des espèces par genre et par famille. Les analogies et les dissemblances, relativement à d’autres pays, ont plus ou moins de valeur, suivant qu’elles portent sur l’un ou sur l’autre des caractères , d'importance très diverse, dont je viens de parler. Les si- militudes d'espèces, même celles de genres et de familles, sont quelque- fois très importantes parce qu’elles font présumer des communications à une époque antérieure ou au moins une ressemblance d’origine et d'his- toire géologique entre les pays (chap. xxvr). Ces réflexions me paraissent propres à diriger dans leurs travaux les auteurs de Flores et les voyageurs qui décrivent les végétations. Elles montrent aux premiers qu'il y a des chiffres bons à calculer et d’autres parfaitement inutiles ou même trompeurs, et aux seconds, que certains faits essentiels ne se voient pas sur le terrain et avec les yeux. CHAPITRE XXI. COMPARAISON DE DIVERS PAYS AU POINT DE VUE DE LA PROPORTION DES ESPÈCES DICOTYLÉDONES ET MONOCOTYLÉDONES. Pai expliqué (p. 116%) par quels motifs il ne faut pas attacher à cette proportion l’importance qu'on lui attribue communément. J'ai fait remar- quer aussi combien on doit se défier des chiffres calculés sur des Flores incomplètes, et éviter de comparer entre eux des pays de surface trop différentes. Jai dit, enfin, que les Monocotylédones sont une mauvaise unité de comparaison, à cause de la diversité considérable de leur structure et de leur apparence, selon les familles dont elles se composent dans chaque région. Je me dispenserai donc de citer un très grand nombre de Flores: COMPARAISON DES ESPÈCES DICOTYLÉDONES ET MONOCOTYLÉDONES. 1177 je comparerai entre eux des pays de grandeur analogue ; enfin, je donnerai les proportions de Dicotylédones et Monocotylédones relativement à cent Phanérogames, soit en centièmes des espèces phanérogames. Cette forme commode pour les calculs, éloigne de l’esprit l’idée fausse que l’une des classes du règne végétal serait constante et l’autre variable, toutes les deux étant variables, soit à l'égard l’une de l’autre, soit dans leurs élé- ments de composition. Le docteur Lindley (Veget. Kingd., 1816, p. 800, corrigé par lui-même dans Phytologist , 1846, p. 59/4) estime le nombre des espèces actuelle- ment connues à 66,435 Dicotylédones et 13,952 Monocotylédones. En nombres ronds, ces chiffres de 67,000 Dicotylédones et 14,000 Monocoty- lédones, sur 81,000 Phanérogames, donnent pour 100 Phanérogames : Dicotylédones. ..............s...e 83 Monocotylédones.... ss... diègi 100 Il n’est pas probable que cette proportion soit modifiée sensiblement par les découvertes ultérieures. Sans doute, dans chaque pays, considéré isolement, il reste bien plus de Cypéracées, Graminées ou Orchidées à découvrir que de plantes Dicotylédones ; mais les espèces de Cypéracées et Graminées sont plus ordinairement communes à divers pays; par consé- quent, dans Pensemble du monde, elles sont plus près d’être connues. L'une de ces causes d'erreur compense l’autre, et ce qui le prouve, c’est que, à l’époque où Persoon écrivait son Synopsis, il y avait sur 27000 espèces connues, 4560 Monocotylédones, soit environ 17 pour 100, comme aujourd'hui (a). F Ces proportions de 83 et 17, sur 100 Phanérogames, sont relatives à l'étendue de pays la plus vaste de toutes, savoir, l’ensemble des surfaces terrestres du globe. Le rapport doit changer à mesure que l’on considère des espaces moins étendus. Évidemment aussi, plus les pays que l’on con- sidère sont limités, plus il devient nécessaire de calculer les chiffres sur des documents près d’être complets. J'ai dressé dans cet esprit le tableau suivant où les pays sont groupés d’après leur étendue et arrangés dans chaque subdivision d’après leur position géographique (b). (a) Les chiffres sont tirés de De Candolle, Essai géogr. bot., dans Dicl. sc. nat., v. XVIII. (b) Le premier tableau du chapitre xxIV indique les Flores consultées pour chaque pays. 4178 COMPARAISON DES ESPÈCES DICOTYLÉDONES ET MONOCOTYLÉDONES. TABLEAU DU NOMBRE ET DE LA PROPORTION DES DICOTYLÉDONES ET MONOCOTYLÉDONES DANS DIVERS PAYS DE GRANDEUR ANALOGUE, SUFFISAMMENT EXPLORÉS. ESPÈCES INDIQUÉES. suR 400 PHANÉR. PAYS, TS, Pt Phanér. | Dicotyl. |Monocot.| Dicot. Monoc. De 51500 à 59500 lieues carrées d'étendue. Scandinavie, Finlande, Danemark, . . . . . 1677 1247 460 72,5 97,5 Allemagne , Alsace et Suisse . , . . . . . . 2840 2949 598 18,9 24,1 De 19000 à 35000 lieues carrées. Suède et Laponie suédoise . . . . . . . . . . 1165 850 315 72,9 27,1 Gouvernem. J'Astrakan, Saratow, Orenburg.| 1011 849 162. ||. 84,0 46,0 France {Corse comprise) . . . . . . . . . . 3615 2938 677 | 81,2 48,8 Turquie d'Europe et Bithynie. . . . . . . . 2298 1931 367 || 84,0 16,0 De 1000 à 12000 lieues carrées d'étendue. | Lipomel(a) ét: ur pes ce 496 340 156(a)| 68,6 31,4 Grande-Bretagne (b). . . . . . . . . . . . 1517 1158 359 || 76,4 23,6 Podolie, Volhynie, Kiew, Bessarabie. . . . .| 1599 1322 971 82,7 17,3 Géorgie et Caroline du Sud. . . . . . . . . 2158 1628 530 15,5 24,5 DANONE MR ANT ÉRESE 845 671 174 19,4 20,6 | Province de Bahia (ce). = . . . . . . . . 2804 2455 349 || s8° 199 | || Cap (partie explorée). . . . . . . . . . . . 6595 5009 1586 | 75,9 24,1 Nouvelle-Zélande (d). . . . . . . . . . . . 130 527 203 12,2 27,8 De 4000 à 4500 lieues carrées d'étendue. | ASTARTO EU CRETE, TRS OUEN. RE AE RE 385 262 193 68,1 31,9 SHÉDEDIOprEA eee Er ele chier 4114 198 316 71,6 28,4 Province de Gothie, ou Suède méridionale, .| 1261 929 339 13,1 26,3 || Naples (sans la Sicile) . . . . . . . . . . . 3132 2543 589 ||. 84,2 18,8 Ava (EE Re CM ICRA 2605 2160 445 || 82,99 47,1° De 2000 à 2900 lieues carrées détendue. Spitzberos.. Me POMPES 74 56 48 | 75,1 24,3 province de Prusse PE. pe'ettee 1066 813 253 || 76,3 | 23,1 Silésie prussienne et autrichienne . . . . . 1988 987 304 | 76,7 93,3 Départements du centre de la France . . . .| 1530 1191 339 | 171,8 22,2 De 1100 à 1700 lieues carrées d'étendue. | | Finmark occidental - . . . « . © À..." } 402 288 114 | 1154 28,3 Holanderere tee LME POLE 1210 905 305 | 74,8 25,2 Baden, Schaflouse, Alsace, Bavière rhénane 1362 1037 325 || 76,1 23,9, | SI rune. 'meie Ne ee M Rens 9 2550 2043 507 || 80,1 | 19,9 Presqu'ile du mont Sinai. . , . . . . . .. 259 912 47 | 81,9? 18,19 | De 700 à 950 lieues carrées d'étendue. | | NVurtemDErE re Cha RCE. = 1287 98 304 || 76: 23,1 OMbAT DU PS UE MMS ARS ED ECM 2507 2002 505 | 19,$ 20,2 | l (a) M. Miquel (Disq. regni Batav., p. 143) compte 166 Monocotylédones dans la Flore de Wahlenberg, tandis que j'en avais compté 156 (/ntrod. Bot.); ayant compté de nou- veau , je trouve encore 156. (b) Les chiffres sont tirés de Watson, Remarks, 1835, p. 42, où le total est estimé plus haut que dans Comp. to the bot. mag., v. 1, par le même auteur. Ces diversités d’esti- mation tiennent aux espèces douteuses, etc. (c) On ne connait guère que les deux tiers des espèces de la prov. de Bahia, ce qui rend les proportions douteuses. En particulier , il manque beaucoup d'Orchidées aux collections de M. Blanchet. (d) D'après la Flore du docteur Hooker, 1852-1833. (e) L'omission dans les Bijdr. de Blume, des Légumineuses parmi les Dicotylédones et des Graminées, Cypéracées et Joncées parmi les Monocotylédones , sans mentionner d’autres familles, rend les chiffres douteux. Peut-être les omissions se compensent-elles ? COMPARAISON DES ESPÈCES DICOTYLÉDONES ET MONOCOTYLÉDONES. 1179 ESPÈCES INDIQUÉES. | sUR 400 PHAXÉ?. ES Phanér. | Dicotyl. Monocot.|| Dicot. Monoc, | De 190 à 570 lieues carrées d'étendue. | le Melville 67 mm © Labrador (partie de la côte orientale) 294 Iles Feroë 271 1090 Département du Calvados 1203 Département de Maine-et-Loire 1304 Département de la Gironde 1300 MES RABAT AN PRE PME 600 MESA COTE 2 chien mel line 396 LES CEE RE ER LES 974 Iles du Cap Vert 423 Ile Maurice 125 Mes Malouities pue. PME EUR 119 D 19 Qt E © © © LO Ot = O0 O0 © CO 0 CO À = 19 Q [2e] © © © 00 ©1 O0 1 = = m1 OS el = 1 «9 19 De 17 à 124 lieues carrées d'étendue Ile de Mageroë 194 Environs de Quickjock 314 Environs de Gefle 679 849 560 1063 | Province de Padoue 4362 Environs de Marseille, . . . . 4939 Ile de Zante 626 653 506 972 39 STE EU ENTREE CRE 16(a) 1 © © OO #n £O à 11 He 66 Viennentensuite : Renonculacées et Rosacées, chacune 4 espèces; Jon- cées, Amentacées, Polygonacées, Composées, chacune 3 espèces ; Cypé- racées, 2 où 3, recueillies jusqu’à présent. " EXPOSÉ DES FAITS. 1191 Remarque : aucune Légumineuse, Ombellifère, Primulacée. Laponie occidentale, soit province de Wesi-Finmark (69° 40° — 71° 10° lat. N.). D’après Lund, extrait par Beïlschmied, Flora, 1845, p. 37. Snr 402 Phan. Sur 100 Phan. GVDErACRES EME AEUS rene 51 13 GLainnaées, 2 2"67 MA Nime, : -. 42 10 COMPOSER EN ET ES 33 8 Caryophyllées. . . . . 27 7 rs (nUCIfétess PASS EE 19 5 AAMIORMGC OS ie rates ere «1 à 19 5 Rüsacées- 00e Er ce OS 18 4 52 Suivent : Joncées, 47 espèces ; Renonculacées, 16; Saxifragacées, 16; Éricacées, 45 ; Orchidées, 12 ; Légumineuses, 12; etc. Nord-est de la Russie d'Europe , soit pays des Samojèdes, entre Arkhangel et l’Oural (environ 64 à 70° lat. N.). D’après Ruprecht, Symbole et Beitræge, 1846. Sur 342 Phan, Sur 109 Phaun. COMPOSER EN PSE 36 A1 Graminées (incomplètes?) . . . . 37 11 Garyophylléess", 4 : 524 . . + 126 RE AIMentACOeS ER e de ss ele 21 6 ROS AGE EPA AR ETS Ne mr e 19 TE RE oicubcen VREETIr ES 19 De CRUGHÉTESR ENS, ne a de ae 18 5h 52 Suivent : Cypéracées, 16 espèces ; Scrophulariacées, 11 ; Légumineuses, 10; Joncées, 11; etc. Il doit rester des Graminées et Cypéracées à recueillir. Iles Feroë (61° 25' — 62° 25' lat. N.). D’après Trevelyan, Veget. Fer., 2e édit., in-4°, Florence, 1837. Sur 271 Phan, Sur 100 Phan, Graminées 68 40 + à on M à > à 27 10 CYpÉTACÉRS AIR AE ANR 24 9 COMPOSER PES 21 à tie à dr 20 7 Caryophyllées®.. à: :, à 5 à … ». az 6 PTUCHELES Re cs 2e 16 EE Joncéess., 11: ; (RRRTRS 13 5 Scrophulariacées ; 2 à + à + à à 11 4 NPA ner Le 10 4 FRénonculaèges. , à... .. 10 4 54 < , Suivent : Saxifragacées, 7 espèces; Orchidées, 6; Amentacées, 6; Plan- taginacées ; 6 ; Labiées, 6. —— Il v a 4 Légumineuses seulement. 1192 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS, B. Nouveau monde. Ile Melville (74° + — 75° lat. N.), D’après Brown, Chloris Melvill., in-4°, 1823. Sur 67 Phan, Sur 100 Phan, CEHAUMÉER SE = à 2e a rie ce 14 21 SAXITACACÉRST ete tete RE - 10 15 CPHCIÉLES EE TC TRE 9 1 49 = Suivent : Composées, 5; Renonculacées, 5; Caryophyllées, 5 ; Rosacées, L; Cypéracées, A; Légumineuses, 2; Cypéracées, 2 ; Joncées, 2; Papavé- racées, 1 ; Campanulacées, 1; Éricacées, 1 ; Scrophulariacées, 1,et Amen- tacées, 1. Total : 67 espèces.— On a trouvé en outre : Mousses, 30 espèces; Hépatiques, 2; Lichens , 15 ; Champignons, 2. — Total : 49 Cryptogames. Nord-ouest de l'Amérique, entre 67° et 71° lat. N., principalement à Kotzebue Sound. D’après Hooker et Arnott, Bot. Beechey, in-4°, p. 121 (a). Sur 190 Phan. Sur 100 Phan, DOMPOSÉESS eee enclin 11 GTA EMEUMERR En LUN 16 8 — SAXITATACÉESEE. 10 LUN ; 12 6 Rôsacées. .: D" een se EN 42 6 Renonculacées . . . . . , . . . 11 6 | Grucifères. . 2. 4 NS 4 2 11 6 Caryophylléessh. 1 F0. 10 5 49 Suivent : Cypéracées, 8; Amentacées, 8; Scrophulariacées, 8; Légu- mineuses, 7 ; Primulacées, 6; Polygonées, 5 ; Éricacées, 3; etc. Islande (63° 7 — 66° 44/ lat. N.). D’après Vahl, dans le Voyage en Islande et au Groënland de la Re- cherche, partie minéralogique et géologique, chap. xvI (sans date, mais plus récent que Hooker, Tour in Icel.); complété par Babington, dans Ann. of nat. hist., {re sér., vol. XX, p. 32. Sur 402 Phan, Sur 400 Phan. Gfpemicééselt MINE ei be 47 11 tuaminbes.. © Ju das 45 11 Composées... #4 le ion 24 6 Garyophylléesh 2. 4 à rer 23 6 ŒuCHÈreS. FR Se era 21 ÿ Amentacées. MA + à 4 « à à «0 20 5 MAXLTADACÉESE M, À à à 8 SA « 15 É : ROSACÉBSS 2 PRE AUS UT: 15 S =: 52 (a) Les proportions sont presque identiques dans la Flore du pays des Esquimaux, sur la côte occidentale, entre 65" et 71° 28'lat. N. par M. Seemann (Bot. of Herald, 1852, V. 1, p. 19). Sur 242 Phanér. il y a 26 Composées, 20 Graminées, 19 Saxifragacées, 18 Rosacées, 17 Crucifères, 13 Renonculacées, 15 Caryophyllées, 11 Cypéracées , 10 Amentacées, 9 Légunineuses, 8 Scrophulariacées, 7 Ericacées;, etc. EXPOSÉ DES FAITS. 1193 Suivent : Éricacées, 12; Joncées, 12; Renonculacées, 11; Polygo- nées, 11; Alismacées, 11, etc. — Il ya 43 Fougères. 20 Régions tempérées de l'hémisphère boréal (du 60° degré au tropique). A. Ancien monde. EUROPE, Aberdeen (15 mill, angl. autour de) (57°9' lat. N.). D’après Dickie, Flora Abredon., in-8°, 1838. Sur 560 Phan, Sur 106 Phan, Graines PRE RME RE 58 10 + UOMpOSÉes ET etete 50 9 (BORNE LE ARRETE 40 7 ROSACÉESE EN CHERS RSR. 2097 5 Légümineuses. : . . . +: . . . . 25 4 CrOCHOTES RE le D ee 24 4 Garyophyllées. . à: : 2: à : : : 23 4 Umbelliéres AG Ce 7 23 4 LADiGeS tn Ne one su Due 20 3 + DA Suivent : Scrophulariacées, 19; Polygonées, 17; Amentacées, 17, etc. Yorkshire (53° £ — 54°! lat. N. Élévation maximum 2500 pieds). D’après Baines, Flora, in-8°, 1840. Sur 1002 Phan, Sur 100 Phan. DOMPOSEES A rte ones ue 90 9 Gramineess VAE Men Le Docs 83 8 : PNDÉTACEES TS SE US Re cer 63 6 RDSACÉéeSS AQU ES. A RC 61 6 Bégumineusesip: 2 + 4-2, ……, 0 45 41 = ( Crucifères. Pie À'ÉRLS UE TAE AEN 43 4 fimbellifères 24.2, 2424 ae, à 45 4 Lbices L ta Foot D Bo ME. 010 Foie 43 4 Gryophyllées: … 2... x. 1 36 BA Ë Amentacées.:. : 5 .f fratins 35 EN 53 À Suivent : Scrophulariacées, 31; Renonculacées, 27; Borraginées, 19 ; Rubiacées, 17; etc. Comté de Cambridge (52° — 52° + lat. N.). D’après Henslow, Catalogue of brit. plants, in-8° 1829. Sur 866 Phan. Sur 100 Phan, CÉMPOSÉES A 2, 8 Ne 88 10 DÉAIRINÉES LRU sr Use» 73 8 À Unpéracées Mas 2 Jr à à 20 6 RECENT VENT TETE 45 > Omhellifeness 227 4 0. 41 > légumineuses. nn. + à. 43 5 MAIS AU er -ade So UO 4 CRUCHERES AE ENS CN 34 4 CATNOPhyIIÉES ME 6 30 - RIRENTACÉCS M Meteo ee ee 30 3.+ (4 Æ ml 1194 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÉCES DANS DIVERS PAYS. Suivent : Scrophulariacées, 26; Renonculacées, 24; Orchidées, 22 ; Polygonées, 19; Salsolacées, 18; etc. Devonshire et Cornouailles (50° — 1° 30/ lat. N.). D’après Kingston, Edinb. journ. nat. se., 1831; Arch. Bot., I, p. 256. Sor 780 Phan, Sur 100 Phan, Graninéesre }. (4, sasite. Jon 75 10 Composéese AE me - JEITE 9 Gypéracées EMMA EE 6 Gnucires Atlas: AE 6 LÉGUMINÉUSESRE : +. «+ > 39 e) Ombellifères ..… . . . ES NES 5) ROSACÉES 2 RE Pt en pe 36 6) Labiées. . ES Re ne pue 33 4 50 Suivent : Scrophulariacées (avec Orobanch.), 31; Caryophyllées (avec Linées), 31; etc. — Cette Flore parait incomplète. Irlande (51° ! — 55° 1 lat. N.). D’après Mackay, Flora, 1836. Sur 960 Phan. Sur 100 Phaw. COMPOSCEES EUR MEN RENE 87 9 Cramitées at JO, M, _ _, . 80 8 ; ONNÉrACEES- ME ee 0e + 66 T AMOéRIACÉES. ME LE Nr ot dote 47 > Ombellferes ee. es e 44 5 truciiéres. SIREN EMA ME 44 ) Haiées. 5 SRE 58 din Tee 42 £ égumineusEs En -2-.#n.2. 1.7. 41 4 Caryophyllées. . . . . .. Her 087 4 51 Suivent : Rosacées, 34; Scrophulariacées, 32; Renonculacées, 24; Orchidées, 22 ; etc. Dans la Flore du comté de Cork, par Power, ily a 78 Composées et 80 Graminées. Suède propre (59° — 62° © lat. N.). D’après Fries, Summa veq. Scand., 1816. Sur 1114Phan, Sur 100 Phau, Graminées , PANLLLELEE 97 8 - DYnéraCeeS. Me LE GR UE 97 8 : DORPDSÉES 08e 2 A de ER RS 96 8 = CNUGIIETES SPA SE RRRRRX 59 5 HOSACÉERL LAURE KR D4 ù CRyophyebs re AA ANA A 51 4 : LÉpüMInENSES LAN LIEN ED i Strophulariacées . :. . . "1." 44 4 Amentatebsir. " 21 LR LS 45 k EXPOSÉ DES FAITS. 1195 Suivent: Renonculacées, 41; Labiées, 35; Ombellifères, 29; Orchi- dées, 28; Polygonactes, 26; Joncées, 25; Naïades, 23, etc. Gothie ou Suède méridionale {55° — 59° lat, N.). D'après Fries, Summa veg. Scand., 1846. Sur 1261 Phan, Sur 100 Phan. COMPOSÉES CAL OM à TE. 110 Sue Graminées MMM 0. à. 108 8: ONRÉTACÉES MR Sr le 89 7 Légumineuses . . . . . D oi e. D ROSACECS. AR A ET 2 69 se COCITÉTES PR ane Ce 60 4] Caryophyllées-23 25020 OMS 59 ) gas Lt de D fR à À 47 22 SÉTOPRUIATIACÉE Rene ne 2 « 47 Je Suivent : Ombellifères, 43 espèces, Renonculacées, 88; Amentacées, 35; Orchidées, 32; Polygonées, 28; Naïades, 26 ; Salsolacées, 24 ; etc. Saint-Pétersbourg (60° lat. N.). D'après Fischer-Ooster, dans itth. Nat. Ges. Bern, 184h, p. 95, sans indication des sources au calcul et du total de chaque famille. Sur 100 Phan, Sur 100 Phau. Composées . . . . 10,0 | Amentacées. . . . 4,1 Graminées.. . 2% 9,3 Rosacées . 4 . : . 4,1 Gyperacées à à 1,9 Renonculacées . . 3,5 Caryophyllées. . . 4,8 Fabiées tr 035 Crucifères. . . 4,4 51,6 2 Suivent : Légumineuses, 3,2 ; Scrophulariacées, 3,2; etc. Province de Kazan (55° 12 — 56° 17 lat. N.). D’après Claus, dans Beitræge zur Pflansenkunde des russ. Reiches, 41851, Lief., 8, p. 90, 51 et 68. Sur 792 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSER ME : ne D, 98 12 GrAMINÉES PRE AR se IT, 67 8 < CUDÉTAGÉCS EE er rer. 53 Œ GarYOphYÉeS ER mr, 40 de Serophulariacées . . . . . . , . 38 5 MARIÉES. 2 Mie der rit: 36 4 = Lésüumineuses. à © 5. +. 36 4 à ROSdOÉES M ELU Le à 35 4 = 51 Viennent ensuite: Crucifères, 32; Ombellifères, 30 ; Renonculacées, 26; Borraginées, 18; etc. 1196 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Lithuanie (52° — 56° lat. N.). D’après Gorski, Cataloque, calculé par Fischer-Ooster, dans Mitth. naturf. Ges. Bern, 1844, p. 95. Sur 100 Phan. Sur 100 Phan. Composées . . …., 9 Rosdcéeste le, 4 Graminées. . 8 Crucifères. . . . . 4 Gypéracées . .-. . 7 Scrophulariacées. . 4 Légumineuses. . 7 Renonculacées. . 3 Labiées:.. .: AY 4 Ombellifères. . . . 3 Il y a dans ce Catalogue 1130 Phanérogames, mais l’auteur n’indique pas les chiffres absolus par familles. Suivent : Amentacées, 3 pour 400 ; Orchidées 2 { ; Polygonacées, 2 :. Grand-duché de Posen (51° = — 53° ‘ lat. N.). D’après Ritschl, Flora des Grossherz. Posen, in-8°, 1850. Sur 1051 Phan, Sur 100 Phan, COMpPOSÉES SA sn re miles 114 11 Gran Me. pure 85 8 Légumineuses. . ... . . : …. . 57 EE PASOPRNNÉES Se Re ee 46 4 = Scrophulariacées . . . . . . . . 44 4 * À ROSACÉES. ralee, Aie tee o (a/2 44 4 © RaRIÉPS-=- A0 + > + ete 42 4 Renoncularées #3. .!. ft 42 4 ÉTUPUÈRES OMR. .… cu 42 4 50 Suivent : Ombellifères, 40 ; Cypéracées, 39; Amentacées, 31; Orchi- dées, 24 ; Borraginées, 19; etc. Mont Brocken, dans le Harz (51° 48' lat. N.). Sommité granitique presque nue, de 4 à 500 pieds au-dessus des mon- tagnes voisines, 3,000 pieds d’élévation sur la mer. D’après Hampe, dans Linnœæa, 1839, p. 367. Sur 142 Pban. Sur 400 Phan ROSES, Us sous 20 14 ÉRRTINÉES 5 be. + 2 2-2 19 13 PRDÉTMEEE D 2 sn es 0 sl 17 12 TP TN RM re LE 10 7 Scrophulariacées . . . . . . . . 9 fr: 52 - Suivent : Caryophyllées, 6; Renonculacées, 4; Rosacées, 4; Ombelli- fères, À ; Vacciniées, A ; Amentacées, 4 ; Polygonées, 4 ; etc. Il y a aussi 4 Fougères et 6 Lycopodiacées. EXPOSÉ DES FAITS. 1197 Silésie (pruss. et autr.) (49° ! — 52° lat. Maximum d’élévation 5080 pieds). D’après Wimmer, Flora, 2e édit., 1844, I, p. 96. Sur 1288 Phan. Sur 100 Phan. Composées 8 5 07 |, 141 41 LARMES 2 a a er ane CE De 95 7 CAMÉTACCES RE ea, 78 6 lécumnenses lente 67 > SErOphulariacées :. 7. "à 2 2 : 66 5 RDSACÉES SE nt PP 61 Hi) Ombelitieres 2e Me TE, 51 4 ÉRUCHÈTES A CE, HS Me se, 50 4 DADIÉCS Se tel en otre ae er le 49 4 HenonculaCées er E 49 4 55 Suivent : Caryophyllées (et Alsin.) A8; Amentacées, 40 ; Orchidées, 35 ; Borraginées, 24; Joncées, 22 ; etc. District de Hirschberger, en Silésie (surface, 6 m. g. c.; élévation, 1000 à 2000 p.; lat, 50° 2). D’après Schneider, Die Verth. Schles. Pflanz., 1538. Sur 699 Phan. Sur 100 Phan, Éompasées NES QE fe 80 11 CRAMIDÉES AMEN E Le re ss oinsde 60 8 < RESACÉES ACER 2-5 ce de de 53 4:+ Légumineusesi 4. ie le ,e 3 5 Éypéracé es RE à son eu ge rie 32 > Cniciienes ee eu 31 4 © Scrophulariacées. , . . : ... . . 29 4 LDC PSN EN 29 4 49 À Suivent : Caryophyllées, 28; Ombellifères, 27; Renonculacées, 25; Amentacées, 23, Orchidées, 17; etc. É District de Beuthen, en Silésie (surface, 6 m. g. c.; élévation, 190 à 250 p.; lat., 50° >). D’après Schneider, Die Verth. Schles. Pflanz., 1838. Sur 711 Phan. Sur 100 Phan. CRAMINÉES Re 202: 1 55 Fe ÉÉcumineusesr ti . à 1. 44 6 COMPOSÉ MEET V0 0%. 4 an. + 42 6 TRANS SMALL OUTRR 37 pi) TS AGÉES RS Le eue celte re TRE 5 Serophulariacees . ‘. . . . . + 30 4 PARIS ENS Unit 2 œne ie 30 4 rvophylléesssr. + . 2. 29 4 MAIDEN et se eee à ee 28 4 Crucifères. . . . . NUE A 5 1096 3. < 49 : Suivent : Renonculacées, 25 ; Amentacées, 24 ; Polygonées, 18; etc. 1198 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Hollande (51° 15 — 53° 28! lat. N.). D'après Miquel, Disquisitio geogr. bot., 1837, p. 3. Sur 1210 Phan. Sur 100 Phan, Composées . . . . . D D de 10 : GTAMITÉÉS-% Se Sie) lee 0 0 ee 119 10 GYPÉFACÉES ME RL 0 OZ 6 CEUCIÉEFES Se De sal pee de 62 5 Légümineuses./s . . + + : . . 57 5 Garyophylées en. 14 Gene 51 4 Habiées M0 EC TT ee TE 50 4 Scrophulariacées . . . . . . . . 45 3 À ROSACÉS, 00 Messe re + 45 3 = 51 5 Suivent : Ombellifères, A3 ; Amentacées, 33; Renonculacées, 31 ; Sal- solacées, 31 ; Polygonées, 26; etc. — À remarquer : Naïades, 23 espèces. Wurtemberg (47° { — 49° ‘lat. N. Maximum d’élévation, 3000 p.). D’après H. v. Mohl, dans Wur{. Jahreshefte, 1, p. 93. Sur 1287 Phan, Sur 100 Phan. Comppsées : se . 2e nef ue ne 15 ne de 145 11 Graminées.. #4 € « RE 7 ° Cypéracées . 54 4. n14 « 512% x 82 6 < Légumineuses. . . . . . . . . . 63 5 Crucifères: . 2% - es te 102 5 Rosacées, % AN en sc 5 à 1 nc 4 © Ombellifères :1. . . . . +. 54 4 MaDéBss De pee CRISE 51 4 Scrophulariacées… . . . « . . . 51 4 Suivent : Caryophyllées, 48 ; Renonculacées, 45; Orchidées, 42 ; Amen- tacées, 31 ; Borraginées, 24; etc. Environs de Pesth, dans un diamètre de 1° lat. (48° 3/ lat. N,), Sur 4006 Phan. Sur 400 Phan. Composées . : + . + . . + ,. 132 12 CHANCES = 8 Le ee Lo 86 8 ADIGENE rs SL 0 lie 6-7 ane 67 6 Légumineuses. . . . . . + + . « 65 6 OOCIIORESS re 1 te + en rcle e 54 ÿ Ombellifères: 3% 2.7." 2 «1 51 5 ROSACÉORL Te ME tale re 46 4 Cypéracées . « « « + « + . : . 46 4 50 Suivent : Carvophyllées, 43 ; Serophulariacées, 39 ; Renonculacées, 37; Amentacées, 28 ; Euphorbiacées, 28; Borraginées, 22; etc. EXPOSÉ DES FAITS. 1499 Bessarabie (4:59 — 20% ]at. N.). D’après Tardent, Essai hist. nat. Bessar., im-12, Lausänne, 1SAT. Sur 705 Phan Sur 100 Phan, CDRMINOSÉES EE TC RO 15 DÉFUMINEUSESE CR CL AOÛ 8 ‘ CrAMIDÉES EEE CAO 1 CRUCITERES RER CN 10 D, à PADIÉES RAR HT due ee AO 6 GarVOPINIee SE RE LC 00 D ROSACÉES ER 00 ÿ Di Suivent : Borraginées, 24: Salsolacées, 21: Cypéracées, 18; Ainen- tacées, 18; etc. Gouvernements de Saratow, Orenbourg et Astrakan, soit Steppes entre la Caspienne et l’Oural (46° —50° lat. N.). D’après Claus, dans Gæbel, Reise, 1838, IT, p. 247. Sar 4011 Phan, Sur 160 Phan. COMORES 14 Légumineuses 86 8 : Crucifères 73 Hb = Graminées . . . 67 Où Salsolacées . 57 D Labiées. . Mort 0 loi béor os 7 5 < (Umbellifer ess MA MU 42 4 t Caryophyllées. . 42 n 55 - Suivent : Renonculacées, 36; Rosacées, 35: Borraginacées, 34 ; Liliacées, 27; Cypéracées, 27 ; Scrophulariacées, 27; etc. Montagnes du canton de Glaris, région alpine de 5500 à 7000 p. (46°75' lat. N.), D’après Heer, dans Mitth. d. Erdkunde, p. 350, 351, 423, AG. Sur 317 Phan. Sur 100 Phan. CNGRREE OR 56 17. GrAMINÉESE RE. SUN AU 6 CVDÉLACÉES MR 20 20.0 ee «ne à cn Id 6 SOHOPRUIATACEESE es ne AI 6 Renonculacées . . . . . . . 1 5.1 Rosacées . . . 15 5 Légumineuses, , 15 4 50 Suivent : Caryophyllées, 12; Primulacées, 10; Ombelliféres, 10: Cru- cifères, 10; Saxifragacées, 10: Campanulacées, 9: etc. SA 16 4900 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Montagnes du canton de Glaris, région subnivale et nivale de 7 à 10000 p. d’élévation (46° 75). D’après Heer, dans Mitth. d. Erdkunde, p. 350, 123, 161. à Sur 219 Phan. Sur 100 Phan, Composées do 4 2 18 Graminées 00000 re A9 8 ROSACÉPSE RC CCE 13 LÉSDMINEUSES ECC 12 5 : DOUCHE EE ET ECTS 42 D Gayophyllées CET ET CR 12 5 + Scrophulariacées . . . . . . . . 12 5 ; PrimMIACÉES 2 = ee. 1e 42 5 ; 60 Suivent : Saxifragacées, 41; Renonculacées, 11; Campanulacées, 9 ; Gentianacées, 8; etc. L'auteur (p. 351) compte 228 espèces et non 219, dans cette région, mais peut-être admet-il les variétés. | Calvados (49° lat. N.). D’après Hardouin, Renou et Leclerc, Catal. dép. du Calvados, in-8°, Caen, 1848; 1171 espèces spontanées et 29 dans les Addenda. Snr 1200 Phan. Sur 100 Phan. Éraminées Se - -E -- 114 3h = HOMDPOSÉES LS OR: - -: - ee 110 9 ONDÉTACÉES EE 67 5 < DÉCUMNEUSESE SC 65 EME | (imbelllières #1" - 1. 55 4 = H'ERGLOREMNONET a NO 53 4 = HANIÉPS EEE 52 4 + SCLOPRUIATIACÉES 0 - 50 4 (aryophyiléess ER On 47 4 51 Suivent : Renonculacées, 39; Rosacées, 38; Orchidées, 34 ; Amenta- cées, 25 ; Salsolacées, 22; Polygonées, 22; etc. Hædic et Houat, îles du département du Morbihan (47° 20/— 47° 24/ Jat., super- ficie, 803 hectares). D’après Delalande, Hæœdic et Houat, 1850, p. 108. Sur 447 Phan. Sur 100 Phau, GramMEES AM MEME RER 9 Comnpsees RES EE 0 41 9 A TMÉPUMINEUSES 0. 36 8 ABYONDYLÉRS 6 RO 22 5 CNDPLLIÈRES AR cc lene ce te 241 4 = CPHÉLETES. Heu oncle 13 3 SÉTOPRUIATIACRES "2.1... 12 3 RenonCulaCées "TR. 9 2 j'te See PM ra Bt 8 2 LOUER En 8 2 { BOTAgINÉRE te ts ne D 8 2 49 : Suivent : Papavéracées, 6; Géraniacées, 6; Salsolacées, 6; Rubia- cées, 6; elc. EXPOSÉ DES FAITS. 1201 Centre de la France (46° — 48° lat. N.; 5 millions d'hectares). D’après Boreau, Flore du centre, 2 vol. in-8°, 1840. w Sur 4550 Phan. Sur 100 Phan, BAMNOSÉES. «mi h- 2 0n + ce Me 156 10 RENE es DE ic MEET 119 8 HÉSUMINEUSES RSR 109 7 DEUCHÈLES ES CE Ce 2e 82 5 - VVDOTACÉESE Er ee 79 5 Ombellteres a RE. 2.7. 13 5 AIDER 0 CON ETENENT 65 4 GarvOPOVNERS RE 64 4 48 < Suivent : Rosacées, 62; Scrophulariacées, 54; Renonculacées, 48; Orchidées, 38; Amentacées, 29; etc. Département de la Gironde (44° © — 45° ‘ lat. N.). D’après Laterrade, Flore bordel. et de la Gironde, édit. 1846, en tenant compte des additions finales. Sur 1500 Phan. Sur 100 Phan. COMPOSCES 2 PER QU RONDE 151 145 STAHIHOES ee = Ce 121 SE - MÉSHAIDENSESSER ST - - - Le 95 ve GMICHÈLES. RES - + : à 0e 70 5 ÉYPÉTACÉCSL ER 2 + à 56 4 © LANGER ES à FRERE 55 4 SCKOPRUIATIAGÉES - + - 50 4 Harvophyllées gs. 48 à = fimbellferesiEms 7: - 46 ae Suivent : Amentacées, 35; Rosacées, 34; Orchidées, 34; Renoncula- cées, 84 ; Liliacées, 32 ; Borraginées, 26; etc. É Environs de Montpellier (43° < Jat. N.). D’après De Candolle, Catal. hort. Monsp., m-8°, 1813, où les espèces spontanées des environs de Montpellier, dans le champ ordinaire, assez étendu, des herborisations, sont marquées M. Sur 1308 Phan. Sur 100 Fhan. DOMPOSES EE 2 1 Lo GI 13 $ PéCUMEMEUSESSE CC 144 11 (ÉRNNÉES © + PR EMEMORP MEN 126 9 - PRUCHCECS ERA NS ce 68 5 IMTQITERS CRM CCE 54 4 MARIÉES RER cn ee 52 4 SCTOPRUIATIAGÉES + … à . | 42 3 CaryOPRyIICES RC ne 41 3 12 0 Suivent : Cypéracées, 31 ; Rosacées, 31; Renonculacées, 30; Euphor- biacées, 29; Borraginées, 27; Orchidées, 26; ete. 1202 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Sommet du pic du Midi de Bagnères (42° 56 lat. N. Élévation, 2924 m.). D’après Ramond, Mém. Mus., XII, p. 278. Sur 71 Phan, Sur 100 Phan. VUMDUSÉeS ER ce re 13 48 < Grantinees PÈRE ANNE 7 10 CEUCIIÈRES. CR NS SARA AN 6 8 - LRO RER EE 6 se ÉÉCOMMENSES PEN EE EEE 4\ ROSACÉES een: 2 ECC ELEeE 4 DASUFALACÉESAE EEE ee | CTASSUIACEeS es: +16 LE 4 | A : Ë : D4 ÉRAMUIACÉES En. - - = .12Le 4 Scrophulariacées . . . . . nn 4 CVPÉFACERS. 4020 IMPR 538 Onze autres familles. :- -At4-161€ 42) TOR". CA 100 y a À Fougères, 0 Lycopodiacées. Les deux Castilles (42° = — 43° : lat. N D’après Colmeiro, Apuntes para la Flora de las dos Castillas, in-8°, Madrid, 1849. Sur 1946 Phan, Sur :00 Phan. Gomposées PE CHINA nr. 248 13 PÉCUMINEUSESSE.- 1. 0 172 9 - Graminées . . . . . RUES 163 8 Érueifères . Pt +18 "4." EE (E Ombelliféres Me .0. 1... 106 5 < babiées. 08 +... 101 5 «Éaryophyllées. =". : 81 : t Scrophulariacées. . . . . . . . . 81 i ». Suivent : Renonculacées, 51 ; Rosacées, 47 ; Borraginées, A2; Liliacées, A1; Rubiacées, 34 ; Cistinées, 31: etc. Région inférieure du royaume de Grenade (2000 p.) | 36° lat.). D’après Boissier, Voy. bot. Esp., I, p. 187. Sur 1070 Phan. Sur 100 Phan. Légumineuses… . . . . . . . . 147 13 : VOMIDUSCES = Es Le c'e trie ME \1 : ÉTARIMEES Me A SR 106 10 ENIDNETES. LES CU LR Cas 47 4 : Dmpbelliéresss os 2 © à AESTRORNT 4 BaDIÉES. tr: LL RAT ‘© 4 - VArVOPRYIPESS: 2-2 de 2e à 3 : DAIROIAGOES SEL LT 2 ee ee M: : 3 ») Suivent : Scrophulariacées, 26 espèces; Cistacées, 21; Borraginées, 20; Renonculacées, 19; Rubiacées, 19 : Liliacées, 19: Euphorbiacées, LA Cypéracées, 17: ete. LAVOSÉ DES FAITS, 1203 Région alpine du royaume de Grenade (4500 à 8000 p. ). D’après Boissier, Voy. bot. Esp., I, p. 214. Sur 412 Phan. Sur 100 Phan. / COMPOSENT - 7 Ses 413 < MÉDUMINEUSCSE EME LLC 0029 7 GATINEC ST ES DE - 29 fi CRUGCUELRES PR Un 0 20 7 PADIÉES SE RE LL UT (E CAN OULÉES AM ELNTE 6 JCFOPRUIATIACÉES 1.00 .1.0.0.0.1 DE 6 53 Suivent : Ombellifères, 20; Rosacées, 16; Borraginées, 12; Renoncula- cées, LT ; Crassulacées, 10 ; Rubiacées, 10; ete. Région nivale de la Sierra Nevada ( 8 à 11000 p }). D'après Boissier, Voy. Esp., [, p. 223. Sur 115 Phan, Sur 100 Phau, Composées . TS 16 1% Graminées 08 5.214 à Apt Me Mrucifères. RS © 52 44 3 + 2 9 < (BALNODRYIIÉES SR + 5. 07 8 ï' | Scrophulariacées : : . . . . . . 8 7 POELE NE & < URORÉANACEES RE © à à & à + + + . D % : 56 Suivent : Rosacées, 4 espèces; Légumineuses, 4; Ombellifères, Labiées, 4; etc. & Iles Baléares (38° : — 40° lat. N.). D'après Cambessèdes, £num., 1827. Sur 600 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSSCS EE MT PRET een 0 14 LÉSUMINEUSES SE Le TURC 11 CrAMIRÉS ee D il DU Labiées eee ES EE D n° TE D (DONERANS € REP 30 5 Ombellifères . . . . . SSL en 2 Carvophyilées een 2220 27 49 (IRENONCUIACÉES ER Pda en de nt AABOHASINÉES RE Re de à 19 D O5 à Suivent : Euphorbiacées, 14; Liliacées, 142 Serophulariacées, 13; Cistacées, 12: Rubiacées, 12: ete. .….. , 1204 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Sardaigne (39° — 41° lat. N.). D’après Moris, Flora Sardoa, in-4°, vol. I et IT, etlettre du 15 mai1855. Les chiffres ne sont pas encore parfaitement certains pour l'auteur. Sur 1440 Phan, Sur 100 Phan. Léguminmeusesse 161 11 COIMPDSÉES UE ce. 159 11 CRMINOES CR CE 132 9 Ombellferes me. nn 69 5 CENCIICrES CR 0-0 66 4 IADICES ED lee le ee de 52 3 + Scrophulariacées . . . . . . . . 51 3 ; CYPÉTACEES =... 0. 35 22 ONCIAEES RE RE MS NE 35 2 + 52 Viennent ensuite : Borraginées, 33 ; Liliacées, 32, etc. Royaume de Naples (38° — 420 * lat. N.). D’après Tenore, Sylloge, 1831,p. 493. Sur 5132Phan. Sur 100 Phan. COMPOSCES MEME RCE... ET EE, 12 Légumineuses: . . . . . . . . . 299 9 CranNnées EE 0-01 2.10... 257 8 Ombellières.20.. 2.004166 5 + : MADIGESS ne Rent et ml eN 159 5] GTUGHETES- LS. 0-1 0-0 156 oi) Garyophylées ten nn. 125 4 ROSACÉES - M. Ur 0 O7 3 51 Suivent : Renonculacées, 85; Scrophulariées, 85; Liliacées, 73 ; Cypé- racées, 73 ; Orchidées, 64; etc. Turquie d'Europe et Bithynie (39° — 450 Jai, N.). D’après Grisebach, Spicil. FT, Rumel. et Bithyn., 2 vol. in-8°, 1843. Sur 2298 Phan. Sur 100 Phan. DOMPOSCES. EL + © : - MT MU) 11 = HEUREUSE EE Ce - 200 9 ÉTAIRINEES ER. ce ee 156 7 PARIBOSN 2 EAR ST carie ue 15 6 OEM EIRE 121 à DADVOPHYLÉRS. LE C0 LUCE 122 à) Dmhellières es ses. + à 115 5 SCTOPhUIANIAGÉES 0 A 90 1 59 -Suivent : Renonculacées, 78 espèces; Rosacées, 69; Liliacées, 32; Borraginées, 363 Rubiacées, AS ; Cypéracées, 41; Campanulacées, 41; Orchidées, 41; Euphorbiacées, 39; Amentacées, 33: ete. EXPOSÉ DES FAITS. LÀ 1205 \ Péloponèse et Cyclades (36° : — 38°: lat. N.). Chaubard, Bory, ete., Expéd. de Morée, in-4°, 1852. Sur 4505 Phan, Sur 100 Phan. Lévumineuses 22-1220: . «+ 440 10 VOMNOSCeS EE RL 0-1 135 41017 Gramnées "SRE MN. 7: . 89 6 = LEADER EN MG ES RAM E 68 > Garyophyllées? 0. 21... 1. 66 5'- CTUCUCrES Lee tete. te 66 5 + Renonculacées ts Un .122-107 0. 36 2 + ÉVDÉTACE ES EE le 34 2 = II Bt CREER 33 2. + 51 Suivent : Borraginées, 32 ; Scrophulariacées, 31; Liliacées, 30 ; Rosa- cées, 28; etc. ASIE. Caucase et côte voisine de la mer Caspienne (39° — 43° lai. N. Élévation jusqu'aux neiges perpétuelles, mais la collection a été faite plutôt dans la région inférieure). D’après G.-A. Meyer, Verzeichniss, in-4o, 1831. Sur 1941 Phan. Sur 100 Phan, Gomposées "45... . 256 13 < LÉSUMINEUSES ER Re 161 8 ; GRATOS ER Pr ee eee 134 7 CTUCHELESM Ne ae ee eee 120 6 RADICES TA Ed tent 108 Le Caryophyllées. . . . . LUS 5 OHIDCIIHÈNES. . 2. ce ne 101 5 50 < Suivent : Rosacées, 77 ; Scrophulariacées, 65 ; Cypéraeées, 58; Salso- lacées, 91; Borraginées, 45; Renonculacées, A2; ete. Environs du lac Baïkal et Daourie (Environ 50° — 57° lat, N.). D’après Ledebour, Denkschr. Regensb. Ges., 1841, v. IT, p.136. Sur 1336 Phan, Sur 100 Phan. Gomposées TE, M PU 151 11 HÉCUMINEUSESR ET 93 d RenonculACéeEME 2... 84 6 CTUCCLES EEE CSN UE 82 6 nn SE APE Cypéracées. Po 00 Gb © © ol 16 D; GAMMES AE ES 0 2 74 5e ROSACÉEST PRAPAN EE SUN 69 5 CAEYODRYHÉES ME 7 29 5) 54 = Suivent : Amentacées, 54 espèces ; Ombellifères, 50; Scrophulariacées, h6; Labiées, 53; Polygonées, 28; Gentianacées, 25 ; Salsolacées, 24 ; ete, 1205 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Monts Altaï (48° — 52° environ lat. N.), D'après Ledebour, Denkschrift. Regensb. Ges., WI, p. 136 (1841). Sur 1673 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSÉ EE CC DE 15 Légumineuses tps. : 2 . -0. |. : MA = CauciéreS Me Ce CE EDIT 6 CENTS PIN MONO ON on à GE 5 = Renonculacées . . . . . . . . . 88 » HOSACées MC Cr T TT. 2 D Canyophyilées ae Cr Si D SAISOIAGÉRS EE CCC 0 4 - 52 = Suivent : Labiées, 64 espèces; Ombellifères, 63; Cypéracées, 56; Scrophulariacées, 56 ; Borraginées, A1; Liliacées, 39; etc. Kamtschatka (51° — 60° lat, N., principalement à Saint-Pierre et Saint-Paul, sous le 53°). D'après Hooker et Arnott, Beechey voy.,p. 110 ; en ajoutant 73 espèces indiquées dans Ermann, Reise, Atlas, p. 53. Sur 461 Phan. Sur 100 Phau, (ROSACERST—. ee CCC cr 10 = UVOPDOSEES MES SCC CIN 10 = NTentacés nee à UD ONE TASSE 8 É Mhenonculacéees Et SRE en 7 UÉrANMINeES ER ARE EL SCESS AN 7h NETORÉS RAR T DEN AE D = HONUCIIÈLES Fr Er MAC MES q 5 : 54 Suivent : Légumineuses, 5; Polygonacées, 5; Ombellifères, 4 ; ete. Le nombre des espèces est petit; mais les collections proviennent de voyageurs différents, à des époques et dans des localités diverses. Chine septentrionale (40° — 45° lat. N. environ). D'après Bunge, £num. plant. Chin. bor., in-4°, 1851. Sur 555 Phan, Sur 100 Phaw. LéHuMineUSES PRE 090 9 Graminées . LEE ES € RER Se c'e S Composées: Me 4ACRE CC < 025 ; HDSACÉES M CLR +005 7’: Diucières SRE. EURE € ER EURE - Renonculacéest? . & 0.4.6 L & 4 6132 - LE CNnERAGÉeS EME SL ER KR UMRO 3 ANOCYNEES MM. 68 PUR em ne 9 2 = Labiées 9 2 : Suivent : Salsolacées, 7; Amentacées, 7; Polygonées, 7; Solanacées, 6 : Euphorbiacées, 6: Urticacées, 6: etc, EXPOSÉ DES FAITS. 1207 Japon (30° — 42° lat. N.). D’après Zuccarini, Notiz., extrait dans Grisebach, Ber., 1844, p. 40. Sur 1650 Phan, Sur 100 Phan. COMPASÉES on Lire cn à à 124 7 < (Graminées EN. Lis FETE OÙ Dh lRosacées tour De tiron: 90 5 FÉgUnneuses CS 2 72 4 CMBÉTACÉES SE 0 ne 48 3 DAHICES EN ENTER ARE HT: 3 RenanculaCées ee ne 12 DE (DH TSITRERES NO 10 2 À AMÉNLACÉESM EN RAA ANNEUT 38 2 Bricacées RPC rl de 36 2 OLCHIOÉES EEE MES 2 | Liliacées T'ON 26 oo Er D AR 2 (Condéres 24 0 0, à. 30 2 Urlicacées ARE Re 30 2 CAES EM RC 30 2 48 Iles de Loo-Choo et Bonin (25° — 28° lat. N.). D'après Hooker et Arnott, Bot. Beechey, p. 258. Sur 157 Phan. Sur 100 Phan, CHATUNÉES PER NN NE 19 12 Composées se 2 0 EuSnan 15 9'< MARUDIACÉES EEE oo 0 5 UMVerbénacéesss 14 220 19 Rÿ 0S > DÉSUMINCUSES, Mers co 0e fl 4 = CNDÉLACÉCSERE EE Re 6 % Urticacéest ANDRE." Dr: > 3 AOMHCINIELES AR A 2 À MHUBhNOrDIACEES 0 choco LE QU Lébnitéées. +. 4 2 + ©z : Suivent : Caryophyllées, 3; Malvacées, 3; Scrophulariacées , 3 ; Labiées, 3; Liliacées, 3; etc. x Inde anglaise de Singapore au Thibet, de Bombay à Ava (de 1° à 35° lat, N. — De l'Océan à la neige éternelle). Cette immense étendue de pays n’est point comparable aux petites régions dont les chiffres ont de lintérêt et de la précision. Cepen- dant, comme ïil v a peu de Flores locales dans cette partie du monde (a), malgré toutes les publications des botanistes anglais, il n’est pas inutile de relever la proportion des familles contenues dans les listes de distribution du docteur Wallich. Déjà, M. de Martius à fait ce calcul pour les 7683 premiers numéros. Je Pai complété approximative- (a) Le Prodromus F1. Nepal. de Don est très incomplet, car il ne contient pas une seule graminée. Le Prodr. Fl. penins. n’est pas achevé. On peut espérer prochainement une Flore par MM. Hooker fils et Thompson, pour l'Inde anglaise, et une de la péninsule, par le docteur Wight, servant de résumé et de complément à ses importantes publi- cations 1208 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. ment au moyen des numéros additionnels, qui vont jusqu'à 9148. Les Phanérogames sont au nombre de 9059, et à cause des répétitions d’es- pèces, on peut admettre le nombre de 9,000. Voici les chiffres ; mais il est évident qu’ils ne s’appliquent ni au Ben- gale, ni au Népaul, ni à aucune localité ou province de l’Asie méridionale. On peut en inférer jusqu’à un certain point ‘les familles prédominantes, en particulier, au Bengale, qui occupe le centre; mais les proportions doivent être inexactes partout. Les Fougères, d’abord, sont au nombre de 483, ce qui établit la pro- portion de 0,05 relativement aux Phanérogames. Sur 9009 Phan. Sur 100 Phan, Sur 9000 Phan, Sur 100 Phan. Légumineuses . . 759 S + RépOrk: -2- mue 42 © Rubiacées . . . . 485 5 Myrtacées : . . . 157 = Composées. . . . 491 4 < Apocynéés. . . . 146 4 < Graminées. : : . 412 4 Scrophulariacées . 134 4 + Euphorbiacées . . 345 4 Convolvulacées, . 126 4 < Acanthacées . : : 297 3 + Asclépiadées. . . 122 4 < Cypéracées. . 924 2 < ROSACÉES eee AA 4 = Orchidées, 72291 21 Scitaminées . . . 96 1 Hapiées +2, -.109 2 Urticacées . . . . 90 1 Ampélidées. . . . 168 2 Sapindacées . . . 87 1 Verbénacées . . . 166 2 Laurinées . . . . 85 1 Malvacées . . . . 158 4 < Anonacées. . . . 81 1 ATepoMer ete. - 42 © 565 Pays des Sikh (28° — 32° lat. N.). D’après Edgeworth, dans Hooker, Journ. bot., Il, p. 280. L'auteur exclut les espèces propres aux monts Sewalik. Sur 557 Phan. Sur 100 Phan. Légumineuses: :. . . . .... . 88 16 CIMMINÉES TS Ce CL tota 15 COMDOSÉES . @: ua 2 ILE … à 51 9 UYPÉTACÉES Aus Mes ete + Lust 35 6 Euphorbiacées . . . . . . . . . 22 4 50 Suivent : Acanthacées, 18 ; Gucurbitacées, 17; Scrophulariacées, 15; Convolvulacées, 13; etc. District de Banda (25° lat. N.). D’après Edgeworth, Catal. of plants in distr. Banda, 1847-49, p. 40. Sur 605 Phan, Sur 100 Phan. Graminees ? 2. CS MMM 1 103 17 héguminbuses: sy epeltusssress 2 87 14 : (RIRONSCUER Mer ONCE ER 42 7 ACANTHACEES LE 5. SMART, & 30 5 Euphorbiacées . . 4 . . . . . s +21 3 = MEIVAUEES Re es RER 19 3 Convolvilaeées:...,... tits « 19 3 53 Suivent : Tiliacées, 13; Scrophulariacées, 13; Labiées, 13; Asclépia- dées, 13; Cypéracées, 12; Urticacées, 11; Borraginées, 11; ete, EXPOSÉ DES FAITS. 1209 Assam supérieur, monts Mishmee (28° lat. N.). D’après Griffith, Journ. of trav., 1847, p. 57. Le nombre des Fougères dans cette collection incomplète dépasse celui d'aucune famille de Phanérogames. Il s'élève à 216. On compte : Sur 912 Phah. Sur 100 Phan. COMPOSEeS APCE PEN APTE 80 G; CLAMIMÉ EE Ce 73 8 PABICES RE MN MNT PERME PEUR À 50 5 + OICHIUCES ER PE + 43 6) RUPIACC ESSENCE . : 42 5 ACANENACÉES EEE CR. - . — - 38 % LÉDUMINEUSESER Ce 31 3 GNDÉrACÉES ER ED + ee 22 2 = Gesnériacées Ame + 2 à à 22 2 < BUPhOTDIACÉRR RS CN ee 21 2 Scrophulariacées . . . . . . om ti, 2 MINTSINÉAGÉE SE ET ne ne 19 2 50 > Suivent : Rosacées, 16 ; Balsaminées, 15; etc. Arabie pétrée, mont Sinaï (28° — 29° lat. N. Élévation 6000 pieds). Selon Decaisne, d’après les plantes de Bové, Ann. sc. nat., 2° sér., v. Il et II], en remarquant que deux numéros sont répétés. Sur 259 Phan. Sur 100 Phan. Composées . . . + . . 2e OP oc 435 GRAIDIMÉES RS Se 28 11 MÉSUMANEUSES EC Ce 16 6 Brucifères:: 091 mn" Moon cl) 6 MaDIéese…, TM 2e ee 52 cer à: 1% 5 + AYEOPRYLIÉeS ER SR nn 1 12 > Borraginées, 20-01 "0 + + A6 LME 50 + Suivent : Scrophulariacées, 9; Caryophyllées, 7; Rubiacées, 7; Paro- nychiées, 6; Cypéracées, 6; Capparidées, 6. , L’herbier de Rüppel, recueilli principalement au mont Sinaï, décrit par Fresenius, Beitr., p. 67, donne sur 143 Phanérogames : Composées, 25 ; Légumineuses, 13 ; Crucifères, 41; Labiées, 10; Borraginées, 10; Gra- minées, 8 ; Zygophyllées, 5; etc. AFRIQUE. Égypte (24° —31°{ lat. N.). * D’après Delile, Flora Ægypt., 1813. Sur 845 Phan, Sur 100 Phan,. CENTER 60.0 D ACTE 117 14 GramiInées "4 + » . Dre i0S 12 HÉSUMITEUSESt, + D leu 81 EME CTUCHELESE Re on Lt 43 5 SAISOlACÉES A RTS EI ER à à 41 5 Gypéracéess PEUT. Ve see 30 CRE Ombellieres RE. » ee 5. 29 8 - 1910 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS, Suivent : Labiées, 28 espèces; Borraginées, 26; Cucurbitacées, 25; Solanacées , 48; Malvacées, 16; Polygonées, 16 ; Euphorbiacées, 16; Caryophyllées, 14; Liliacées, 12; Zygophyllées, 11; Géraniacées, 42 ; Rosacées, 9; Uriicacées, 9; etc. A remarquer : Résédacées, 8, soit presque 0,04. Algérie (35° — 37° at. N.). D'après Desfontaines, Flora Atlant., 1798-1800 (ouvrage fort incom- plet). Sur 1438 Phan. Sur 400 Phan. PéCIIMINEUSCS ME. -0-0-2 0-0 -04102 11 DOMPOSÉES ERA ECTS TE 161 11 Graminées RTE. 139 5e OmMDbelHEreS FREE CE. 76 5 Habiébs te ENS... PE 70 > Gruciferes. . FREE 65 4 = Scrophulariacées . .- . . . . . "051 3 < Garyophyllées CEE CE 47 3 53 < Suivent : Liliacées, 44 espèces; Cistacées, 31; Cypéracées, 80; Renon- culacées, 29; Borraginées, 29; Salsolacées, 23: Géraniacées, 25; Euphorbiacées, 22; etc. Iles Açores (37° — 40° lat. N.). D'après Watson, dans Hooker, Lond. Journ., 1844, p. 555; 1847, p. 380. Sur 596 Phau, Sur 100 Phan. Graminées . . . . . APT ET 47 42 Composees CRC 45 AA, = lésumineusSE er cr 0 = LMDARBLES area et soda one 21 5 OMAEIUERRS EE EEE RE D > riBabiées. © Le IIIIQUERE. LU 246 4 Scrophulariacées , . . . . . . . 16 # 50 Suivent : Crucifères, 44 espèces ; Caryophyllées, T1; Polygonacées, 14; Rosacées, 10; Borraginées, 9: ete. I ya 30 Fougères, 6 Lycopodiacées. Les espèces dites par lauteur aliena, où aliena*? sont exclues. Iles de Madère, Porto-Santo et Desertas (32° = lat. N.). D'après Lemann, liste manuscrite complétée par la liste publiée dans Hooker, FT. Nigr.. p. 78. Sur 655 Flan. Sur 100 Phan. damposéesk hi. cm sccec ETS 15 légumineuses it... 0 11 GraminÉes nes ee seau te cie 1 2066 10 DADIbEs. L LER din cu née 37 5 Crucières. What 08 D s'Ombelliières CMOS 2 3 !Serophulariacéos . ‘ LE 21 3 EXPOSÉ DES FAITS. 1211 Suivent : Euphorbiacées, 17 espèces; Polygonacées, 15; Cypéracées, 14; Liliacées, 14 ; Caryophyllées, 14 ; ete. On compte 38 Fougères. Il y a quelques espèces cultivées ou naturalisées qu'on ne peut retran- cher avec sûreté, mais qui ne changent pas l'ordre des neuf premières familles. Iles Canaries (28° — 29° lat, N.). D’après Webb, Phytographia Canar., sect. 1 à 111, 1836 à 1840. Sur 974 Phan. Sur 109 Phan. COMPOSER EC 145 14: ° Légumineuses . . . . . . . . . . 104 10 : Graminées 46 C2... 1 A+ 1 Sal RADIÉeS eee ee ee DO 6 Crassulacéesi Mes raw tar: 31 3 CEuCHÉTES ES ARS + + 7. 3 3 GanyOphyIÉ ES 028 3 Ombelliéres An 04270. 2. 21 3 51 Suivent : Liliacées , 25; Scrophulariacées, 2h; Borraginées, 29; Salsolacées, 21; Euphorbiacées, 21; Convolvulacées, 17 ; Cypéracées, 47; etc. Il y a 39 Fougères. B. Nouveau monde. Ile de Sitcha (57° lat. N. —- Elévation, 3000 pieds). e D’après Bongard, Mém. Saint-Pétersb., 1831. Sur 209 Phan, Sur 100 Phan. (Cypéracées . . - . . . . - . - - 22 10 : UGTATMEES EN NI 29 10 © Rosacées- fat -n. 0e D Deus Me El F (CAE YOPRYLIÉES RCE LR LE SALE 1 5 MBRICACEES RAR I 4 7 201 11 5 SCTOPRUlATIACÉES 20.2 RACE. Ne 10 5 COMPOSÉ ER SN 9 4 = NACCOIEeS ES PL 9 8 4 018 Suivent : Renonculacées, 7; Onagrariées, 7; Conifères, 6; Saxifraga- cées, 6; Joncées, 6 ; Crucifères, 5 ; Polygonacées, 5 ; Ombelliféres, 5: ete. Il y a 8 Fougères et 4 Lycopodiacées. 1919 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS, Labrador , entre 56° et 58° lat. N. D’après la fusion des travaux de E. Meyer, PI. Labrad., 1830, v. Schlecht., Linnæa, 1835, p. 104, et Hooker, FT. bor. Am., vol. I et I. Sur 224 Phan. Sur 400 Phan. RosAcéeS ee EC CET 20 9 AMENTACÉES SAC TC 19 8 + CHAMINÉES EP EE CCE a 7 + COMpOSÉES EEE OL (7 1 < Cypéracées EPA 14 6 CAnNOPNYIÉES ECC CRT 6 RenonclaCées EEE 9 4 48 + Suivent : Éricacées, 8; Scrophulariacées, 8; Joncées, 8 ; Saxifragacées, 7; Crucifères, 7 ; Pyrolacées, 6 ; Onagrariées, 6 ; Violacées, 6; etc. États-Unis au nord de la Virginie (39° — 46° lat. N.). D’après Beck, Bot. of the North and niddl. Stat., in-8°, 1833. Sur 2125 Phan. Sur 100 Phan, Composées . . . . . Han... 265 12 = (TAMINEES EEE ECC * 169 8 CNPérACÉeS CR RICE 457 7 < ROSACÉES ET EC EE - - 97 4 + AmenfaPées NET te eue 94 4 + LÉSUMINEUNSES EN EE Ce 80 3 = PADICES EC CE Den cie D9 2 + s Renonculacées. . . . . . . . . . 50 2 = Scrophulariacées . - « . . . . . . 48 2 OYCHIÉES RES OR RE 2 CTUCHÈLES EC en 44 2 ee 31 © Suivent : Caryophyllées, 42 espèces; Ombellifères, 38; Smilaca- cées, 37; etc. Centre de l'Amérique septentrionale (Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Kentucky, ouest du Tennessée) (35° à 42° lat. N.). D’après Riddell, Syn. of Flora of West. States, 8°, Cincinnati, 1835. Sur 1724 Phan, Sur 100 Phan. Gpmposées . : . + « . + + « « . 259 15 Graminées. . . . . . . . + + + 128 7 < Légumineuses. . . « + . + + - 104 6 labiées... 9h «1.1. sh pr 4 Rosacées . . @ - = + cl. 65 3, ; Dypéracées 4. 0. - she 64 3 < Abntacées. . - .. 0055 3 % Scrophulariacées . . . . . . . . 47 2 = Renonculacées . . . + . . + . . 46 2 < Caryophyllées . + . . : : . . . . 36 2 50 Suivent : Crucifères, 35; Polygonées, 34; Smilacacées, 31 ; Ombelli- fères, 30; Orchidées, 26; Borraginées, 21; Solanacées, 21 ; Onagrariées, 21 ; Euphorbiacées, 21 ; Violacées, 21 ; Salsolacées, 20 ; etc. EXPOSÉ DES FAITS. 1243 Nouvelle Californie (San-Francisco , Monterey et San-Blas ) (36° — 38° lat. N.). D’après Hooker et Arnott, Bot. Beechey voy., p. 134 et 316 (Énu- mération fort incomplète). Sur 671 Phan, Sur 100 Phan., Composéestret "65. 124 4182 Légumineuses.. : . « . . . + . 70 40% < Serophulariacées. 20, Lu. Lu 42 6 Bolémoniacées ee -. 06 - 33 4 À Ompellifères Ace Ce 25 4 ROSACÉES EN CU Te 23 3 ; Hydrophylacées” "Lu. 23 3 < CTUCHÉRES RE ER CN EU 23 3 < 54 Suivent : Labiées, 22; Onagrariées, 20; Polygonacées, 20; Conifères, 16; Renonculacées, 13 ; Borraginées, 12; etc. Dans les collections réunies de l'expédition de Beechey et de Douglas, qui ont servi à ce travail, on compte seulement 14 Graminées, mais sans doute elles avaient été négligées. Géorgie et Caroline du Sud (31° — 35° lat. N.). D’après Elliott, Sketch, etc., 2 vol. in-8°, 1821. Sur 2158 Phan, Sur 100 Phan., Chmposées . "53. TR 354 46,7 Ghaminées . 20 PRE 183 8 < CHPÉTACÉES ER R R 145 (RE HÉSUMMEUSES SE ET NNCRNNE 115 EE MRBSACÉES Pet Me de ao en 67 3 ÉaDIÉeS 0e Éicioinioan 3 INTER one do 0 RTE 53 2 HENONCHACÉES RS Re 52 2 © Scrophulariacées . . . . . 049 2 HRICACES Ce LT NAN UN 4% 2 Suivent : Ombellifères, 38; Orchidées, 38; Onagrariées, 31; Euphor- biacées, 29; Polygonacées, 28 ; Hypéricacées, 25; Asclépiadées, 25; etc. Texas oriental , environs d’Austin (30° lat. N.). Une collection de Ch. Wright, faite au printemps de 1849, présentait approximativement : Sur 550 Phan, Sur 100 Phan, (DIRDOS ES EE ce cle 85 400 CANNES EE LE 65 42 MÉGURINEUSCS ECS DD 10 ONDÉTACÉES ET EL LU ER 8 HUDhOrDiACéeS. RE -.2.- 1-0 18 3 FABIÉCS EE CR An 18 3 Dr Suivent : Ombellifères, 16; Onagrariées, 15 ; Polémoniacées, 14; Cru- cifères, 11; Asclépiadées, 8; Liliacées, 8; Rubiacées, 8; Scrophularia- cées, 8 ; Verbénacées, 5; etc. 191h FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. 30 Régions intertropicales. A. Ancien monde. ASIE. Canton et Macao (22° — 23° lat. N.). D'après Hooker et Arnott, Bot. of Beecheys voy., m-A°. Sur 452 Phan. Sur 100 Phan, Craminges : fe... LAN 56 12 = Légumineuses:« . . + . . . . . 43 20e OMNPÉTACEES CR CC CE 38 8 = COMPOSÉ EC CE 27 6 Rubiaéces D LE EL 7 20 & À Euphorbiacées:" :14". . che 19 k Verchénacécs ee FR CET 16 3 + 48 © Le nombre des espèces est trop petit pour qu'on puisse attacher de l'importance aux proportions et citer les autres familles. Iles Sandwich (19° — 22° lat. N.). La petite collection décrite par Hooker et Arnott, Beechey's voyage, contient : Fougères, 47 espèces, et Sur 160 Phan, Sur 100 Phan. Cypéractes EE 0. 07 10 : GraminéEs Se APS TER 6% 5° 1 46 10 Compos es EEE EN. |. 10 6 légumineuses Een. LUE 9 ù ROMACÉRS ER CE cie ETS > MaIvactes ME Cet EU 4 Convolvulacées. . . . .". . . . . 6 4 Fnphorbiacées, 2" 2-10 2- 6 4 PIDÉTACCES ES ES M ES 6 4 52 < Suivent ; Cyrtandracées, 5 ; Labiées, 5; Urticacées, 9; ete. Java (avec addition de quelques espèces des autres îles hollandaises de l'archipel indien , environ 0° à 9° lat. S.). D’après Blume, Bijdragen, 1825. Sur 100 Phan. (en supposant Sur 2605 Phan. 3000 Phan.dans les coll. de énumérees l’auteur), Légumineuses et Graminées (manquent). Orchidées. « 5% - «4. 4 < 20095 10 RuDiacées. 4 SR cer sh sex 174 6 UPheaCEes: +. AE ES Lanta x 173 6 EUPhOr)IaCÉBSE LE 5. 0 & © 0.22 3 COMEOSGESE ME z LS 244 79 2 SOUHADINÉBSEN EN 0 8 < 0008 2 TADONDPEE en Pol ee Y 2 ACANINECÉES . Jp nn = s #4, 000 15 33 : L'auteur énumère 494 Fougères, soit 0,16 relativement aux Phané- rogames. EXPOSÉ DES FAITS. 1215 Timor (8°— 10° lat. S.). D'après Decaisne, Herb. Timor., p. 9. La liste de Spanoghe, Linn., 1841, contient près de 1,000 espèces; mais les Graminées et les Cypé- racées manquent. Sur 528 Phan, Sur 100 Phan, égumineuses 2/44... 6 12 Graminées #1: SE FER AL 33 6 Euphorbiagées®#e) 2 + « . « : 28 LE UNÉCACÉES RARE CRE 26 5 COMPOSCES MEN Mer ere e - 24 4 + Cypéracées + ..: « : Ds EN 20 4 MAIVACÉES RP RE Ne 18 3, + ACANINACE CS RE EN 17 3 Convolvulacées . . . . . GORE QU LE 3 RUPIACÉ ES RE ENT EE- .- 1£ 3 MyRLACÉCS EE EN ERCRES 2 2 MerhÉNACEeS em ee 12 2 3 ; Suivent : Solanacées, 11 ; Labiées, 11 ; etc. — Il y a 22 Fougères. Nouvelle-Guinée (0° — 9° lat. S.). Les documents recueillis dans divers ouvrages par Endlicher, Ann. Mus. Wien, I, p. 133, indiquent 9 Fougères, plus : Sur 505 Phan, Sur 100 Phan. OrCRILÉES MEN RENTE PEL A6 Urficacées!. - 60, MAR 18 6 Légumineuses. . . . « . . N. 00416 G) Palmiers). 06.2 + FC 14 4 < Huphorbiacées #51 .:.1.7. 1812 4 Grammeées A rc 12 À RUDECEES MR Cr ne 44 SE Poranthacées ec. 10 3 SGTLAMINÉESS. RM cle ce C 9 3 Miyrtacées M CREME AN 9 3 ACANNACÉCSIES NS CR. 9 % 55) = Suivent : Sapotacées, 8; Verbénacées, 8 ; Aroïdées, 7; etc. Iles de la Société (18° lat. S.). D’après Guillemin, Zephyritis T'ait. (Ann. sc. nat., 1836, 2° sér. VI, p. 310), contenant les plantes de Forster, Beechey, etc. On remarque 57 Fougères et 9 Lycopodiacées. Sur 272 Phan, Sur 100 Phan. GRADINÉES EEE 25 9 PÉPUMITEUSCS ES MN Er ne 19 1! RUMIACCES RAR Re ce 18 CYDÉLACÉ SE ER nr ee 14 5 ps Dior, botelodio 15 > ONE EEE 0 13 4 À MANAGÉES PE RE ER 12 4 SUCER Le Déc 2 ob De Se fe Cucurbitacées, . . .. Hdens 69 30 MYNÉACECS RE CE 9 GIE [212 2 por! 1216 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Suivent : Convolvulacées, 8; Amarantacées, 7; Euphorbiacées, 6 ; Com- posées, D; Pipéracées, d; Nyctaginées, 5 ; Apocynées, 5 ; etc. AFRIQUE. Iles du cap Vert (15° — 18° lat. N.). D’après Schmidt, Beitr. z. Fl. Cap V. Ins., in-8°, 1852, p. 94. Sur 420 Phan, Sur 100 Phban. MÉSININeUSEs EEE TT 61 14 UNE NN Me 54 13 Composées . . . . . See 39 9 Convolvulacées . . . . . se 0 4 JabicesL eco. SAP RE 15 3 =: RURALE ERNEST Er 15 3 = Eupbhorbiacées- MR CU QUE 3 - MalyacÉes ete Ce A 3 =: D4 Suivent : Cypéracées, 13 ; Scrophulariacées, 10; Tiliacées, 9 ; Solana- cées, 9; Amarantacées, 9; etc. Nubie et Cordofan (10° — 26° lat. N.). r D’après Kotschy, collection de 1839, selon Schnilein, dans Flora, FA 1842, Boabl., p.132. Sur 592 Phan, Sur 400 Pban, « Légumineuses#® . . : . …. . . 60 15 Le Graminées CORNE ER 2 0... 48 12 à Scrophulariacées . ... :. . . . . 30 ve Composées + #3. se CD 28 74 RDIACÉES Toile rec. 24 6 MÉUVACPES RC ce 20 6 52 > Suivent : Convolvulacées, 18 ; Cypéracées, 15; Crassulacées, 14; Bor- raginées, 12 ; Portulacées, 12; etc. Le petit nombre des Rubiacées (8) dans cette collection vient probable- ment de ce qu’elle est très incomplète. Abyssinie (10° — 15° lat. N. Elévation. . . ?). Collections de Schimper, d’après A. Braun, Flora, 1843, p. 730, Sur 1155 Phan, Sur 100 Phun. GramMÉES A ln EC 141 12 Composées . . . . . .*. “ . .. . 140 12 PÉSUNDNEUSC RS Phase ee = TO 10 UVPÉTACOES. Se en etre tete 60 5 ADAUUACÉES UT en Rte, 46 L MADIGESSe 2 Pub ia s sise ler 40 3 ; Scrophulariacées . . : . . . . . 33 3 RUDIACEES" Le "6 hou 26 2, : \DDOGLMOPES ES + de ste ea 26 2, : sé : Suivent : Urticacées, 25; Euphorbiacées, 24; Malvacées, 20; Cruci- {ères, 10; Borraginées, 18; etc. EXPOSÉ DES FAITS. 1247 Ile Maurice (20° — 21° lat. S.). D’après Bojer, Hort. Maur., in-4r, 1837, en excluant les espèces cultivées et naturalisées. On remarque 492 Fougères, 18 Lycopodiacées. Sur 725 Phan. Sur 100 Phan. ORCH 2 7 0 82 a GAMMES ES Re eee 58 S CypéraréBs nt ACIER € 19, 11b3 M RODIACORS ENS ET AT 6 : LÉSUMINEUSES 1-00. NOT 5 Composées , .:, ,,. , +. . , + 34 4 < Euphorbiacées. + , . . . . . . . 31 4 + Malvacées ee: 2 3 amer) 50 + , Suivent : Myrtacées, 22; Byttnériacées , 18; Loganiacées, 16; Sapin- dacées, 13 ; etc. (L'ouvrage énumère 19 Loganiacées; mais 3 des Gœrt- nera sont des Chazalia, d’après DC., Prodr., IX, et ont été attribués ici aux Rubiacées .) Sierra-Leone , Guinée, Congo (10° lat. N. à 10° lat. S ), Hooker, F1. Nigrit., p. 576, résume les espèces recueillies par l’ex- pédition au Niger, par Don et autres, et 1l paraît dans ce calcul ne pas ren- fermer le Sénégal, malgré la désignation d’Afrique occidentale intertropi- cale. Il compte : Sur 974 Phan, Sur 400 Phan. Légumineuses. . . , . . , + . , 113 12: RMPIACÉE SRE LS TE db nu 10 GEAMMEÉCS ER SMS : T9 8 COMPOSÉ SR NN ECC NETE 40 4 Cypéracées 0. Ne 1-11. 39 4 ( Aranthacées. @#7 0-00 37 4 tEuphorbiacées; :-. . . . . . . . 37 4 2 { Convolvulacées. . . . : . . : . à 27 DE Unies z 46 Es Pordaus 27 2 À Suivent : Malvacées, 23 ; Mélastomacées, 23 ; Commélynées, 16; etc, Congo (4° — 6° lat. S.). D'après Brown, Obs. Tuckey's voy. Congo, br. in-Ao, 1818. Sur 575 Phan. Sur 100 Phan. DÉSUMINEUSES En - - .s. -.- 96 17 ETATS. nr 2 À Gore oo 45 8 RNDIACÉES EME ee ce 43 1 + CNDÉTACÉES RES ee 32 IE COMPOSÉ RE 24 4 Convolvulacées,, . + . . . . . « 22 4 Euphorbiacéest : ..… ... . .. .« 20 3 < NAIVACEESE RER ERIC De MoN He 3 NE n Suivent : Acanthacées, 16 espèces; Scrophulariacées, 10; Tilia= cées, 9; elc. — Il y avait dans la collection 22 Fougères. 1218 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Ile de Sainte-Hélène (15° 55° lat, S.). Les Flores publiées sont à la fois incomplètes pour les plantes sponta- nées, douteuses quant à la détermination des espèces :et mélangées de plantes naturalisées et même cultivées, à tel point que les proportions vraies des familles sont impossibles à connaître. Il est certain que les Fougères sont de beaucoup la famille la plus nom- breuse. La Flore d’Antomarchi (a) en indique 43 espèces. Parmi les Pha- nérogames, la famille des Composées est la principale : 15 ou 16 espèces spontanées, dont quelques-unes ligneuses très remarquables. Il y a 42 ou 13 Graminées, parmi lesquelles plusieurs naturalisées, 9 Géraniacées, 6 Cypéracées, 4 Liliacées, 3 Protéacées, etc.; mais je le répète, ces proportions ont très peu de valeur. Ile de l’Ascension (6° lat. S.). Lesson et Richard, Voy. Astrolabe, texte in-8, part. xLIx, sans exclure les espèces naturalisées, qui sont de beaucoup les plus nombreuses (voy. chap. xXxIV, art. 1). Sur 59 Phan. Sur 100 Phan. COMPOSÉESE RE CEE CE HAUTE 15 SDIANALELS re D) 13 PHONE 1 ol MANN ET ON LLE 5 13 Légumineuses. . . . . . . . . . 3 s MOYDÉTACÉES RE CE 3 8 ; LIÉLS ES à SRE do DU 2 5 GÉFANIACÉES ENT ET 2 5 Salsolacées , Polygonacées , Bor- raginées, Primulacées, Apocy- 67 nacées, Rubiacées, Fumariacées, Caryophyllées, Portulacées, Pa- ronychiacées, Rosacées, Coni- fères, Joncées, une chacune. . 13 33 39 100 On remarque, en outre, 3 Fougères et 2 Lycopodiacées. B. Nouveau monde. Ile de Saint-Barthélemi (18° lat. N.). D’après Wikstrom, Overs. of Flora, in-8. Sur 287 Phan. Sur 400 Phan. Légumineuses. . . . « « . . : . 29 10 MA ITACÉRS RUE PEER ET US 22 1% GRAMINERS ES Us MT. et 21 1 > COMPOSÉ SA CREER RES 17 6 Euphorbiacées . . ! "=. 1.1.2. 12 4 RUDIACÉRS 24 0. Es RU RER 12 4 DBnhanitdées. 2e She nt 6 OR sr Térébinthacées : . . . ... . 10 3 Borraginées.."" . .. 51% 8 3 49 Suivent : Cypéracées, 7; Verbénacées, 7; etc. (a) Antomarchi, Derniers moments de Napoléon, Paris, 1825, vol. IE. C'est la moins pitoyable des quatre Flores publiées jusqu'à présent. © EXPOSÉ DES FAITS. 1219 Ile de Saint-Thomas (18°lat. N.). D’après de Schlechtendal, Linn., 1828-21, 1834, p. 3/6. Sur 3550 Phan. Sur 100 Phan, LÉSUMIREUSES RE: 2 56 16 GrAMINÉES EE, 0 1,0, 31 9 COMPOSÉES PER 26 1 < ConvolNulACéES ee. 1-21... 22 6 Euphorhiaceesne +. 0.0. 19 5 + LAINE S O0 Te ML RLE 17 5 RUDIACÉRS SANS NE. 2. 45 4 53 Suivent : Cypéracées, 12 espèces ; Borraginées, 11 espèces; Verhénacées, 9; Solanacées, 8 ; Apocynacées, 7; Labiées, 7; etc. J'ai supposé 850 espèces au lieu de 360, à cause de quelques espèces cultivées. Barbades (12° : lat. N.). D’après Maycock, Flora; les calculs par Schlecht., Linnæa, 1834, p. 340. Sur 506 Phan, Sur 100 Phan,. LÉHNTEORELS ERet eue 51 10 (CHERE CELLES 30 6 HUpHOrDIACÉeS EL RU Ne 24 + DOMPUSÉES ME MU Ne 19 4 RUDIACÉESS gp 25e eo se « » 17 3 SOIATACÉESS A cle 20e 17 3 MANAGER IC nt le 15 3 CYPÉTACÉES A NE CU 14 3 AGANNAGEES ERP CE TP: 14 3 COnVONUIACÉeS I. NN Nr, 14 3 VERDÉNACÉCSR AN Te tr à ds 12 DE Borraginées, 4.121. Be re ŒU 2 UÜTICACÉC SRE RC 10 2 49% Suivent : Myrtacées, 9; Labiées, 8; Malpighiacées, 8; etc. Il y a 11 Fougères. Mexique, principalement la partie centrale et tempérée (17° — 21° Jat. N.). D’après de Humboldt, Bonpl. et Kunth, Nov. gen., listes du dernier volume. Sur 908 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSCES EE ee 169 18 + GEAMINEES er - 91 10 Légumineuses. . . . . . -- - 66 7 SCTOPRUIAFIACÉES 43 4 + LATE © c16 LOM OERESNONE 3 4 HUPHOTDIAGEESSE 30 4 AMENTACEESA EE ee - Le 27 3 51 Suivent : Verbénacées, 20 ; Rubiacées, 19; Solanacées, 17 ; Ombelli- fères, 14 ; Rosacées, 14 ; Cypéracées, 13; etc. Evidemment, les Cactées et les Orchidées avaient été peu recueillies. 1990 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Côtes occidentales de l'Amérique intertropicale, du Mexique à Guayaquil (21° 32' lat. N. — 2° 30 lat. S.). D'après Bentham, Bot. of Sulphur's voy., p. 58. Snr 885 Phan. Sur 100 Phan, Légumineusess « . . » » . + . - 1252 A4 Mélastomacées}et . L . : : « . 103 11 à Gémposées ME SEL ENS 95 10 © Convolvulacéess . . . . . . . + 39 447 RODIACEeS RTC EMENTRE 39 4 < MalVacées x dir Er GITE ml 3 + Ellphorbiacées . . . 2... - … - 30 3 à 52 Suivent : Solanacées, 26; Acanthacées, 24; Verbénacées, 24; Apocy- nées, 23 ; Borraginées, 23; Labiées, 21; Scrophulariacées, 20; Ama- rantacées, 18; Bignoniacées, 17 ; etc. Mexique et Guatemala (11° — 25° lat, N.), La petite collection de Hartweg, décrite par Bentham, PL. Hartw., p. 1 à 412, donne : Sur 650 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSÉES ETES LC 104 16 Orchidées ner SE EUR 10 LÉPUMINEUSESR PETER F7 je = SÉFOPRUlAAL ES EL RES. . 40 6 AIRERÉACEES EEE 34 9 n LMBIGES EE AT io en 5 48 = Suivent : Rubiacées, 21 ; Euphorbiacées, 17; Conifères, 16; Gentiana- cées, 15 ; Lobeliacées, 13 ; etc. Il n’y a que 14 Graminées dans la collection. Les Cactées aussi ne sont pas représentées. Nouvelle-Andalousie, Venezuela ,; Nouvelle-Barcelone (8° — 0° : lat. N. Élévation supérieure 900 toises). Collections de MM. de Humboldt et Bonpl., d’après Kunth, Syn., IV, 2/9. Sar 676 Phan, Sur 100 Phan. LEBUMINEUSES 1-0 ND Lure CPAMANEES ER PU, ME. . . . . » 51 7 5 Ellphorbiacées "el *, », .1,n 1.2. 34 5 Compostes. UN RER 32 ÿ PIDÉTACCES. . PE AE 0 tue sen 30 4 À RUDIACEES . LU 5 1.14 mn it t 22 3 CYDÉTALÉRS AN it Me fe 5 5 à 20 3 SUIANACEES. UE. & ni SERCR 3 Vérhénacées..l4 . 4 4 4 mn 1e rs 229 3 DAMADINOOS 5". 4, 0. «us OUT 2 : Convolvulacées . . . ... .. .« «.. 16 2 = 50 : Suivent : Urticacées, 12; Malvacées, 12 ; ete. IH y a 73 Fougères. EXPOSÉ DES FAITS. 1991 Surinam (6°lat, N.). Dans un herbier d'environ 1,000 Phanérogames, Splitgerber, d’après une lettre de lui en 1839, comptait les proportions suivantes : Sur 100 Phan, Sur 100 Phan, Légumineuses. . . 11 Euphorbiacées. . . . 2 2 Graminéess. #4. |, 6 Malvacées. … . , + «2 À Orchidées 4 Solanacées . . . . . 2 CYPÉTACÉESERS EN. Drimyrrhizées. . , . 2 Mélastomacées ., , . 4 MYACÉCE NRC S Rubiacées . . . » . 4 Verbhénacées. ., . , 2 46 Je cite les 12 familles les plus nombreuses, Il y avait 65 Fougères. Les Pipéracées n’entraient que pour 4 % sur 100; mais il doit y en avoir une proportion plus forte. Guyane anglaise (lat. N. 3° 40! à 7° 40’), D’après Schomburgk, Reise, extr. dans Griseb., Bericht für 1848, p.66. Sur 5254 Phan. Sur 100 Phan, Fégumineuses Peer 1 469 14 : Grehidées, « Ph sers. 214 gl: Rubracées at che . 176 5 MÉlastomacées#. 1.21." .2.1.2 2.5. 126 4 GypÉraCé er AMENER. : 120 3 = GHAMINÉES Re 1 3e 105 3 Gomnoséess -2. "06 4e na. IN 104 3 Buphorbiacées. 214.2 87 2 © Apocynacéessiunate &ù Allulen: 77 2 2 MANDISRIACÉES. 2 20: 2 de 10 2 Myriacées. MAUR RING 2 Pipéracées hi Su à 2 à 2.2 61 2 50 : Suivent : Palmiers, 58 espèces; Convolvulacées, A7; Rosacées, A9; Sapindacées, 46; Malvacées , 43; Passiflorées, 43 ; Bignoniacées, AN: Aroïdées, AO ; etc. Il y a 228 Fougères. Bords de l’Orénoque et du Rio Negro (2° — 8° lat. N.). La petite collection rapportée par MM. de Humboldt et Bonpland, pré- sente, d’après Kunth, Syn., IV, p. 318 : Sur 590 Phan. Sur 100 Phan. Légumineuses Zn es eu né 12 RUMACÉER RER. see 32 8 GrAMINÉESAN EE SO Tr, CRE 8 Gypéracées. 22. .: + sn. Art 20 5 = Euphorbiacées . . . . .. ter PTE 3 + (NIV LACCES EE RER 11 3 { Bignontacées® 2 0,72 2. 11 3 Fun a ST te US SE A TD 2 + DUIanacéest, Mere dus NA: 10 2 + ES (e L] 4929 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS, Suivent : Malpighiacées, 9 ; Convolvulacées, 9; Polygalées, 9; Mélasto- macées, 9; etc. Les Orchidées se trouvent à peine De sans collection. LOC t Nouvelle-Grenade (0° 45° — 11° 5’ lat. N N. Élévation j jusqu rs x perpétuelles). Collections de MM. de Humboldt et Bonpland, d'après Kunth Syn., IV, p. 341. Sur 4041 Phan. Sur 100 Phan. Composéessismehéwmte s Eu Se OS 8 lépuminenses- 2,7 nn me 65 6 RUDIAcÉes re CCE RE Dre ET 4 2 Graminées EEE = 42 4 ONCRIdéRS AE EE . - 41 4 PIDÉRACERS ENT. PERL CE 34 3 © SOMRACERSS = : 30 3 EUPHOrDIACÉES EE EE 29 5 Urticacées kdl Ma tps Eu. 0825 2 Mélastomacées” . . -. . 7 23 2 habiées4. BR EMA ER CMS A Passiflorées., _.. . . . CE 17 4 © ADDCYDACEES SEE - - - à 16 1 = TAUrAaCÉeS CES. - cc. ..-- ul: 4 = SCTOPRUAFIACÉESES =. . +: ..- 145 41= Gentianacées ee. EUR CAS 4 = + Le) Région de Quito (0° 45 — 5° 48’ lat. S. 1000-1800 toises). La collection de MM. de Humboldt et Bonpland, d’après Kunth, Syn., IV, p. 397. Les espèces du littoral exclues. Sur 605 Phan. Sur 100 Phan. Composées 2. 5. R-e 133 22 CLAMIREES Se ce ue ee 62 10 Légumineuses . . . . . . . . .. 39 6 + Scrophulariacées. . , . . . É17%235 6 SDIANALOBR ELLE code. URL 27 4 = Euphorbiacées. . a ER So k Labiees RER 23 4 57 Suivent : Orchidées, 20; Rubiacées, 20; Mélastomacées, 16; Caryo- phyllées, 13; Pipéracées, 12; etc. Iles Galapagos (0° lat. ). D’après Hooker fils, Trans. Linn. Soc., XX, p. 164 et 261. Sur 226 Phan Sur 100 Phan, COMNNORÉES ER =: Lh 55 5 2 28 12 : Légumineuses. . . . . . . . . : 194 10 = HrAmMÈS LE ea dec "19 8 Éuphorbiacées … . . . . . . . . 18 S RUDIACOBE., She vu ns 2 0010 6 - Borraginôes. éissx« 24. de 14 6 = EXPOSÉ DES FAITS. 1223 Suivent : Solanacées, 13; Amarantacées, 11; Verbénacées, 9; Malva- cées, 6; Convolvulacées, 6; Urlicacées, 5; Labiées, 5 ; Nyctaginées, D; etc. On remarque, en outre, 27 Fougères. Le nombre des Phanérogames de cet archipel est probablement double. Pérou septentrional (4° 37! — 12° 3° lat. S. — De 0 à 2000 toises d’élévation). La petite collection rapportée par MM. de Humboldt et Bonpland, d’après Kunth, Syn., IV, p. 447, présente : Sur 248 Phan. Sur 248 Phan, Composées An "243 Graminées. . .. 9 Légumineuses. . . 19 DAMES ae 8 SDIANÉESR LR 16 Verhénacées. ps Scrophulariacées. . 13. Pipéracées. . 7 123 Les chiffres sont trop faibles pour attacher de l'importance aux propor- tions. Les Orchidées, Fougères, Cactées, Amaryllidées, etc., ne sont point représentées en proportion de leur vrai nombre. Chimborazo, autour du village de Salinas (12-14000 pieds d’élévation, 1° { lat. S.). D’après Jameson, dans Hooker, Lond. Journ., 1815, p. 384. Sur 193 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSÉ SR PR 29 15 Scrophulariacées . . . . . . . HZ 6 Granunées eh ls ne 11 6 Lécumineuses 1 net 8 4 ROSACEES ER ci. de C 8 4 Ombellières eme 7 4 CLUCIÉÈT EST MAT RSS ER EL E 7 4 fentianacées sen ar nr ï 4 HODIARACÉES seat Monet te 5 2 = Fabiées PSE PA MN LEE Hi) 2 ? Oxchidées.- AMP REA £ 5 2 À Renonculacéest #0 500 5 2 © 27 Bords du fleuve des Amazones, du Rio Negro et du Rio Madeira (0° — 6° lat. S.). D’après M. de Martius (Reise, IT, p. 1374), les familles prédominantes par le nombre des espèces et des individus, sont : Les Légumineuses, Mé- lastomacées, Myrtacées, Bombacées, Tiliacées, Bixacées, Vochysiacées, Ternstræmiacées, Guttifères, Hypéricacées, Méliacées, Sapindacées, Mal- pighiacées, Hippocratéacées, Loranthacées, Rubiacées, Myrsinéacées, Apo- cynacées, Bignoniacées, Solanacées, Acanthacées, Laurinées, Myristicées, Euphorbiacées, Urticacées, Pipéracées, Broméliacées, Aroïdes, Palmiers, Lycopodiacées. Avec ces familles, l’auteur indique, mais en employant un caractère plus 192 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. petit, d’autres familles, probablement moins importantes, parmi les- quelles je remarque cependant les Fougères et les Orchidées. Rio Yupura (affluent des Amazones , 2° lat, S.). D’après M. de Martius (Reise, HT, p. 1285), les familles les plus importantes sont les Rubiacées, Sapotacées, Apocynacées, Malpighiacées, Urticacées, Euphorbiacées, Laurinées, Myrtacées. La suite de l’article rap- pelle aussi la fréquence des Légumineuses, Orchidées, Aroïdes, Scitami- nées, mais l’auteur n'indique aucun chiffre. Brésil, province de Goyaz, entre Meiaponte etle Rio Claro (16° — 14° 50/ lat. S.). D’après A. de Saint-Hilaire, Ann. sc. nat., 3° sér., v. XIV, p. 43, sur environ 132 espèces recueillies dans cette région du Brésil, la famille des Composées est la plus importante; après elle, viennent les Myrtacées, Labiées, Acanthacées et Mélastomacées. L’auteur n'indique pas de chiffres et ne dit rien des autres familles, si ce n’est que les Papilionacées (partie des Légumineuses) sont moins nom- breuses que les Composées, et sans doute d’après sa phrase, moins que les familles énumérées ci-dessus, : Province de Bahia (11° — 15° lat. S.). Collections de Blanchet, d’après les notes de Moricand. Sur 2804 Phan, Sur 100 Phan, HÉPUMINEUSESRS 4... 1. TOUS 11 RUDIACÉES ER CRETE 294 8 LMNOBÉES RC 146 5 MYCLACÉRS 2, de CS Es 131 k : Huphorbiacéesh. 7 130 4 = MÉlASIOMACÉES. ce 111 4 YDPIACÉRS RS CR ER re s1 3 CAMINEES TR ec ee ER 72 2 + VNerhénacées...28 tft cle sou 63 2 & Malpiehiacoes = SN PE 7 Si 2 Banramnées FR nn 55 2 49 Suivent : Apocynées, 54; Bignoniacées, 54; Orchidées, 53; Convolvu- lacées, 50 ; Sapindacées, 48; Lythrariées, 48 ; Polygalées, 41 ; ete. I y à 127 Fougères. Le nombre des Orchidées devrait dépasser 53 ; mais la difficulté de les sécher à arrêté. Kio de Janeiro (22° — 23° lat. S.), Quoique la province de Rio soit la plus connue sous le rapport botanique, ilm'a été impossible de trouver une liste de plantes déterminées, un cata- EXPOSÉ DES FAITS. va 19720 logue, et encore moins une Flore, pouvant servir à calculer, même approxi- mativement, le nombre des espèces par famille. Comme chacun sait, les Légumineuses, Composées, Graminées, Myr- tacées, Mélastomacées, Solanacées, Orchidées, Euphorbiacées, Aroïdes, Fougères, Scitaminées, Rubiacées, doivent être au nombre des familles dominantes. Les Bignoniacées, Sapindacées, Convolvulacées, Apocynacées, paraissent aussi très nombreuses. Brésil, province des Mines , autour de Villa Rica , Marianna et San Miguel (20° — 21° lat. S. Région boisée ). D’après A. de Saint-Hilaire, Ann, sc. nat., 3° sér., v. XIV, p. A6, sur 325 espèces recueillies dans cette localité, les Mélastomacées sont la famille qui domine ; elles forment un dixième des espèces. Viennent ensuite les Fougères, puis les Graminées. Les Corymbifères (partie des Composées) sont en quatrième ligne, d’où l’on peut admettre que les Com- posées, en général, sont plus nombreuses que les Graminées. L'auteur ne cite pas de chiffres et ne parle pas des autres familles. h° Hémisphère austral extra-tropical, jusqu'au 600 lat. A. Australasie. Nouvelle-Hollande orientale (11°--— 446 lat. S.). Le Prodromus F1. N.-H., de M. R. Brown, pour certaines familles publiées, etles General Remarks, du même auteur pour quelques autres, indiquent certaines familles prédominantes dans cette région, principale- ment à la Nouvelle-Galles. Ce sont les suivantes : Espèces. Espèces. Composées. . . . 300 DrCHIAEESN FAIT Graminées, . . « 224 Restracéess rt 087 UyYDéragées re 2112 Goodénoviées. . . 81 Protéacées. . . . 204 LINacéES MEME. 10867 Epacridées, . . . 138 Les Légumineuses ne sont pas indiquées. I'ya dans le Prodromus 108 Fougères et 10 Lycopodiacées. En parlant de la terre australe (compris Van-Diémen). M. R. Brown dit dans ses Gen.. Remarks, que sur 4200 espèces connues, 11 familles forment la moitié. Ce sont : 1° les Légumineuses, Euphorbiacées, Com- posées, Orchidées, Cypéracées, Graminées et Fougères, qui ne sont pas plus nombreuses dans cette région que dans certaines parties du globe; 2 les Myrtacées, Protéacées, Restiacées et Épacridées, qui sont, au con- traire, plus abondantes que partout ailleurs. 1996 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Pour la Nouvelle-Galles du Sud, en particulier, les ouvrages de M. Brown n’indiquent pas le nombre des espèces par familles, ni le nombre total. Pour l’ensemble de la Terre australe, où, dit-il, on connaissait 4200 espèces, le chiffre de plusieurs familles qui ne sont pas dans le Prodromus F1. N.-H. n’est pas indiqué. Swan-River, soit partie austro-occidentale de la Nouvelle-Hollande (30° — 35° lat. S.). D’après Lehmann, Plant. Preiss., in-8°, 2 vol. 1844-18; pour le premier volume, d’après les calculs de Griseb., Bericht, 1844, p. 85; pour le second volume, d’après le texte, sans les notes et les additions. Sur 1805 Phan. Sur 100 Phan. Lésgumineuses ee Er. - 247 14 ÉCOIERCÉESE CE cm Ce 208 11 MYTIACÉRSE MR NENIETER 161 9 Compesées TE -- 101 5 = ÉPACHUÉE SEE Re 0e 99 D > SINITIÉES MR IE FPE 69 4 CYDÉTACÉRSER CRE CES 59 3 CODHÉNOVIÉe RE 59 3 she Suivent : Orchidées, 50; Hæmodoracées, 46; Dilléniacées, 44; :Grami- nées, 37; L'estiacées, 44 ; Liliacées, 33 ; Byttnériacées, 52 ; etc. En négligeant les notes et additions, la comparaison des familles est plus exacte, car on comprend les espèces de Preiss seulement. Nouvelle-Hollande méridionale (35° — 39° lat. S$,). Le docteur Ferdinand Müller (Hoëek. Journ., 1854, p. 152), sans citer les chiffres, dit que les familles les plus nombreuses en espèces dans l'Australie méridionale, près de Adélaïde, ete., sont, d’après 916 Phané- rogames, et selon l’ordre des chiffres, les Légumineuses, Composées, Myr- tacées, Fougères, Graminées, Protéacées, Orchidées, Épacridées, Ombel- lifères, Diosmées, Liliacées, Labiées, Goodénoviées, Scrophulariacées et Salsolacées. Les Composées et Légumineuses réunies forment (1bid., 1853, p. 66) presque le tiers des Dicotylédones, et dans les districts subtropicaux, presque le quart des Phanérogames. Ile de Norfolk {29° lat. S.). D'après Endlicher, Prodr. F1. Norf., 1833, et Cunningham, dans Hook. Lond. journ. Bot., 1, p. 121, avec réduction d'espèces dans les Convolvulacées. EXPOSÉ DES FAITS. 1227 On remarque 34 Fougères et 1 Lycopodiacée. Sur 115 Phan. Sur 100 Phan, (ÉRÉCOITÉEN ES, o D Mb color 8 7 MaÏVACCES EMA EEE 6 5 ‘Légumineuses. . . + 2: « SALE 4 1 \ CAMPOSCESR ES Re b) 4 = ] Orchidées:". 200,05 4 an, 5 4e VASphodéléeS. CPC RUE do & 5 4 T DNDÉRAGEES RER ER + DEL 3 = RIDÉRACÉS EN 4 3 À Convolvulacees em NN 4 3 1 MUPROEDIACÉES ES 0 . 4 3 + 44 Suivent : Urticacées, 3; Solanacées, 8 ; Apocynacées, 3; Cucurbitacées, 3; Rutacées, 3; etc. Nouvelle-Zélande (35° — 47°: lat. S,). D’après Hooker f., Flora of N.-Z., L°, 1852-54. Sur 750 Phan, Sur 100 Phan. Composées. . . . . . 5 © © cb ae 12 Z CYPÉNACÉESS CNE ON Oe 66 9 PRE Ee RUES, RIRE ce © 53 7 Scrophulariacées . . . . . . . . 40 5 à Oncle > Nha c 499 5 + ÉD RE ENT Nt 28 4 BPAGPIUEES RER echec 24 3 Ombellifères. 1h. 2-2. - 23 S 49 ? Suivent : Renonculacées, 18 espèces ; Onagraires, 16; Myrtacées, 15; Liliacées, 14; Conifères, 12; Salsolacées, 12; Araliacées, 11; Pittos- porées, 10; Joncées, 40; ete. Il y a 114 Fougères et 13 Lycopodiacées. ° Remarque : seulement 7 Légumineuses. Iles Auckland et Campbell (51° lat. S.). © D’après Hooker f., Antarct. Flora, T, et supplément, p. 547; en excluant une Caryophyllée et une Graminée introduites. Sur 94 Phan, Sur 100 Phan, pren Re MANS NA Te 13 14 COMPOSCE PRENOM 13 14 (DS CAES PR PR PERERES EEE R 8 8 RUDIACÉES RAM ne : 7 7 CYRÉTACÉBS EMA 2 5 le 204 60 6 6 = JONCÉES ET. D ME à 2113 9,3 6 6 = 56 © Suivent : Crucifères, 4 espèces; Portulacacées, 4; Scrophulariacées, 4 ; Rosacées, A; Onagrariées, à ; Epacridées, 3; Renonculacées, 3 ; Ombelli- fères, à ; etc. 1228 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. A remarquer : Légumineuses, 0; Fougères, 17, soit 0,18 relativement aux Phanérogames. B. Afrique. Afrique australe extra-tropicale , soit Cap de Bonne-Espérance, dans le sens le plus étendu (28° — 34° + lat, S.). D’après Drège et E. Meyer, Zwei Pflanz. yeog. Docum., p. 17. Sur 6595 Phan. Sur 100 Phan, COMPOSÉES ER CRE 1110 17 Légumineuses. . . . . . . à 4 25 AD ré GramMees EAN ER gi on) 17 4 ? idées MEL Lt ef Protéacées . . . . . Graminées . , . . Sur 1197 Phan. Sur 100 Phan: ct É 181 15 LOLELET 87 7 > sé TT ONE 7 RE TE Ne 71 6 ; LE LRICE 68 D 13 Fait ve D8 » rs s'shl 3: 50 Suivent: Ofchidées, 35: Cypéracées, 334 Rutacées, 33: Ombellifères, 30; Géraniacées, 29 espèces ; Liliacées, 29 ; Rosacées, 29: Polygalées, 24 ; etc. EXPOSÉ DES FAITS. 12299 Cap de B.-E. Grahamstown et montagnes voisines, partie désignée par V, a, dans Drège (maximum d’élévation , 400 pieds). D’après Drège et E. Meyer, Zwei Pflanz. geog. Docum., p. 38. Sur 816 Phan. Sur 100 Phan. Composées . . . . . : . : AAS 426 15 < FÉCHMINENSES RE 156 7 CRAN EEE ue DE 6 IACEER UN CU SRI CTI 4 © ASCIEDRAdEeSERE EC 029 3 = (Npéracées Ne SAS POS. LT 3 : Scrophulariacées . .. . « . . . 22 GES HHPRORMACÉES RS ES 2 Al 2 = MADIÉeS REC E He LIN LS Fe RUDIACECS NE LR : Ut 2 + 20 Suivent : Crassulacées, 18; Iridées, 17; Orchidées, 17; Géraniacées, 17; Ombellifères, 16; Byttnériacées, 14; etc. Partie orientale du Cap, port Natal, etc., désignée par V, c, dans Drège (lat. S. 29° = — 31°+, — Élévation maximum 800 p.). D’après Drège et E. Meyer, Zwei Pflanz. geog. Docum., p. 38. Sur 615 Phan. Sur 100 Phan. Composéastsieo chpatsisns - Hi 12 PERUMIMEUSCS PEN EE A. TEE 12 CAEN ÉE SE MN TE 02 10 RUDIACÉES RE Te NS 4 © (péracées tes e6Eb 697 4 + RAGE En LP ae … 11 4 = ACANINACEES Me Pa ae 22 3 Ÿ 51 £ Suivent : Labiées, 17; Euphorbiacées, 17; Convolvulacées, 13 ; Scro- phulacées, 12 ; Iridées, 41 ; Asclépiadées, 11; Amarantacées, 40; etc. Tles de Tristan d'Acunha et Aivarès (37° lat. S.). D'après Du Petit-Thouars, Relation, et Carmichael, Trans. Linn. soc., XII, p. ASS, combinés ensemble, en excluant 4 espèces introduites (Gonvolvulus, Sonchus, Lactuca et Raphanus). Sur 55 Phan. Sur 100 Phan. CYDÉTACÉES ER Ce 33,8 EN EPS tete 5 15,1 48,4 En Au EU PTE 3 9,1 POPVEONEE SE 3 9,1 RUBACÉES HER CUrI! ÉOTE € 2 6,1 Ombellifères . . . . . . 2 6,1 MOASOIAGÉES EE cho le 1 | Empétrées . 1 Géraniacées, … . miss « : 1 OS ACER ne ne à 1 2182 Rhamnées , . . . 1 Renunculacées . . EU DE 4} \ Crucifères. CRE PT Ut 1 / Total." 163 100,0 Il y a 23 Fougères et 3 Lycopodiacées. 19230 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Ile de Kerguelen (49° lat. S. — 2000 pieds d'élévation). D’après Hooker f., dans Hook., Lond. Journ., 1843, p. 263. Le séjour de deux mois et demi du docteur Hooker dans cette île fait présumer une Flore à peu près complète. Elle est très remarquable par le petit nombre des plantes phanérogames. : Sur 18 Phan. Sur 100 Phan, CrammMess rs eee le 5 PET joncées, Amarantacées? Cruci- fères, Renonculacées, Composées, Portulacées, Rubiacées, Halora- giées, Ombellifères, Rosacées, Caryophyllées , chacune 1 esp. 11} Espèces douteuses. . . . . . . . 2{ Total des Phanérog. 18 100,0 72,3 Il y a À Fougère, 23 Mousses, 30 Lichens, 38 Algues, 10 Conferves, 10 Jungermannes. C. Amérique. Brésil, province de Saint-Paul, environs de Sorocaba (23° 20° — 24° lat. S.). D’après A. de Saint-Hilaire, Ann. sc. nat., 3° sér., XIV, p. 45. Sur 132 espèces recueillies dans cette partie du Brésil, la famille la plus nombreuse était celle des Composées; venait ensuite et avec un nombre presque égal, la famille des Papilionacées. L'auteur paraît distinguer les Mimosées des Papilionacées, de sorte que les Légumineuses, dans leur ensemble, sont probablement les plus nombreuses. Les Mélastomacées et les Malpighiacées, si communes sous les tropiques, deviennent rares. Il y a seulement 3 Labiées dans la collection. Les autres familles ne sont pas indiquées. Brésil, Campos Geraes (24° — 25° lat. S.). D'après À. de Saint-Hilaire, Ann. sc. nat., 3° sér., XIV, p. 44, 46, sur 919 espèces recueillies dans cette portion du Brésil, assez dé- pourvue de forêts, la famille ou plutôt tribu des Corymbifères est la plus nombreuse. Il y a 10 Mimosées, 5 Cassiées, 6 Mélastomacées, 6 Hype- ricum. L'auteur n'indique pas l’ordre et les chiffres des diverses familles. Chili central et septentrional (35° — 24° lat. S.), principalement autour de Santiago ( 33° — 34°) et dans les montagnes voisines. Adrien de Jussieu, dans Guillemin, Arch. bot., Il, p. 176, donne le EXPOSÉ DES FAITS. 1231 tableau, par familles, d’un herbier de 900 espèces environ, envoyé par M. CI. Gay au Muséum. Sur 760 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSC ES MORT NS 160 21 Bégumineusese 4.0.4... 52 7 Craminées the te ere 45 6 Ombellifères . .". . . ... . . 28 3 + Scrophulariacées . .:. . . . . . 28 3 < CNDÉTACEES ER Re 21 3 + CTUCHETES ED UMR tr 20 2 < SO MACÉ ESS ANS At: 0 nt 19 2 2 OnADIATIÉE SEE EN 15 2 ROSACÉES Me 2.0 me = LTD 2 53 Suivent : Caryophyllées, 14; Portulacacées, 13; Loasées, 13; Valé- rianées, 12; Géraniacées, 12; ete. — Il y a 2S Fougères. Chili central (37° — 30° lat. S.), de Conception à Coquimbo. D’après Hooker et Arnott, Bot. Beechey's voy., p. 1 et 54. Sur 290 Phan. Sur 100 Phan, Gomposées.» >. . + . . ul 14 LÉSURINEUSES LAINE NON 29 10 Scrophulariacées . . . .:. . . . 11 4 SOIANACÉES Re 1e ie cn 10 3 CramMInées te: br oc - 9 3 TEE ER MONO EN REE 3 Ombellifères’ . .. + .. . . . . 7 217 GrncÜeres "te +2- 00" 6 2 UNASTALÉES Ne Re 0-0 6 2 Horraninees Nr Uri 6 2 LÉAGEDSE MO MEN ET ONE EME VO 1 rie 6 2 48 Cette collection est trop petite pour que les proportions soient justes, mais elle a l'avantage de ne pas renfermer les espèces des régions élevées. Chili, région élevée des Andes, Dans les parties élevées, les Composées forment un tiers de toute la végé tation (Bridges, dans Hook., Lond. journ. bot., 1, p. 260). Ile de Juan Fernandez (33° = lat. S.). Adrien de Jussieu, dans Guillemin, Arch. bot., IE, p. 184, résume ainsi les espèces recueillies par Bertero et Cl. Gay, qui doivent former la presque totalité de la flore phanérogame, en ajoutant 4 espèces (voy. la note, p. 1248, et FT. Chil., IV): Sur 48 Phan, Sur 100 Phan, COMPOSER CL. CU 12 25,0 Grammbess tenue uit. Lui ous 3 6,2 MYIEACÉeS ei : ei. 7. 3 6,2 ANOIADACER ERNST ET Eee 2 4,2 BerDénidéBSs te 24e = fe 0 2 4,2 CaLVOphy ESA ait Save 2 4,2 Urticacéests- fr sat dé 2 4,2 MPIRÉTAUTÉCS, Le Le aus + 0 Air 2 4,2 58,4 78 1239 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Les autres familles de Phanérogames qui ont chacune une espèce sont : Palmiers, Cypéracées, Joncées, Iridées, Bignoniacées, Vacciniacées, Saxi- fragacées, Campanulacées, Lobéliacées, Loranthacées, Rubiacées, Ombel- lifères, Crucifères, Magnoliacées, Zanthoxylées, Portulacacées, Haloragées, Rosacées, Euphorbiacées. Il y a 16 Fougères. La Flore du Chili de M. CI. Gay, indique peut-être quelques espèces de plus, mais cela ne peut pas changer les familles dominantes. Confins de Buenos-Ayres et de la Patagonie, vers l'embouchure de Rio Negro (39° — 40° lat. S.). Les collections de M. d’Orbigny, faites en ce point, sont remarquables par l’absence complète d'arbres et par la prédominance de deux familles : les Composées formant ; des Phanérogames, et les Graminées + (Brong., Nouc. Ann. Mus., I, p. 101). Terres Magellaniques (52° — 56° lat. S. — Maximum d’élévation, le mont Sarmiento, 7000 pieds). Reinwardt (Mémoire traduit en allemand, dans Berghaus, Geog. Jahrb., 1850, p. 95) calcule le nombre des espèces connues dans cette région d’après Hooker fils, Darwin, etc. Il compte 316 Phanérogames, dont Com- posées, 28, soit 18 pour 100 ; Graminées, 87, soit 11 pour 100. Il n'indique pas les autres familles, qui sont au nombre de 56, dont 19 d’une seule espèce. Iles Malouines ou Falkland (51° — 59° lat. S.). D’Urville, Flore des Îles Mal., 1825, Mém. Soc. Linn. Paris, IV. Sur 419 Phan. Sur 100 Phan. Composées.s ..:14 .n 12061. RER 19 GramiNÉes sons leon -E sÉ 2S 15 Cypéracées. . . . . ME ES ee FEU 8 = Gargophylées.t. [.: 32,5 - af T 6 48 © Suivent: Ombellifères, 6 ; Joncées, 3 ; Renonculacées, 3 ; Polygonées, 3 ; Crucifères, 3 ; Haloragées, 3; Rosacées, 3; ete. [I n’y a qu'une Légumineuse. On compte dans cette Flore, qui doit être presque complète : 6 Fougères, 2 Lycopodiacées, 12 Mousses, 39 Lichens, 33 Algues, etc. Ile Hermite, à l’ouest du cap Horn (56° lat. S.). Le docteur Hooker, dans Hook., Lond, Journ. Bot., 1843, p. 806, RÉSULTATS PRINCIPAUX. 1933 indiquait 84 espèces recueillies en ce point, le dernier vers le pôle sud où il existe des arbres. On compte dans la liste : Sur 84 Phan, Sur 100 Phan, GLATHNGES EP REUT Dead dec alle 15 Composées . MST rs 10 8 Me CO 9 < Renonculacées « . .', … . . j'att 18 6 BrÉACées SA de is, 0.2 4 4 < Ombellifères . . PRES: 4 © HOLÉES A AIG LUE AUD. 13 3 3 À Amentacées, . . 3 3 % 47 Suivent : Cypéracées, 2; Gunnéracées, 2; Rosacées, 2; Berbérida- cées, 2; Saxifragacées, 2; Misodendron, 2; etc. Ces mêmes plantes, examinées de plus près par le docteur Hooker, se trouvent mieux déterminées dans le Flora antarctica, mais une diffé- rence de À ou 2 dans les principaux chiffres ne change pas les résultats essentiels. - $ LIL, RÉGIONS POLAIRES ANTARCTIQUES AU DELA DE 60 DEGRÉS DF LATITUDE. Terre australe, par 64° lat. $. et 55° 54’ long. ©. de Gr. Le docteur Hooker (Hook., Lond. Journ. of Bot., 18h43, p. 316) des- cendit sur un point de la côte au milieu de la saison chaude, le 1° janvier, et ne trouva aucune trace de Phanérogames. I recueillit 18 Cryptogames, savoir : 4 Mousses, 8 Lichens et des Algues. ARTICLE Ef. RÉSULTATS PRINCIPAUX. $ [. ERREURS A ÉVITER. Avant tout, il ne faut pas s’exagérer l'importance des chiffres qui pré- cèdent. Leur seule signification est d'indiquer le nombre des espèces dans cértaines familles, mais la valeur de ces familles sur le terrain dépend de bien d’autres circonstances, en particulier de la taille des individus, de leur durée, de leur nombre pour chaque espèce, de leur distribution égale ou inégale dans toutes les parties du territoire, en un mot de toutes les condi- tions qui se rapportent aux plantes elles-mêmes et non à leur espèce (p. 1454, 1167). On ne saurait trop le répéter, ces chiffres ne montrent la question des diversités de végétation que sous un seul point de vue. Cependant, on évite une grande partie de ces causes d'erreur, en com- 123% FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÉCES DANS DIVERS PAYS. parant de préférence les familles de nature analogue dans divers pays. Ainsi, on se tromperait si lon se figurait que dans deux Flores 3 pour 100 d'espèces de Conifères et 3 pour 100 de Cypéracées ou de Caryophyllées sont des valeurs équivalentes; mais 3 pour 100 de Coni- fères peuvent balancer dans notre esprit 3 pour 100 de la famille des Amentacées, et 4 pour 100 de Crucifères sont analogues à 4 pour 400 de Caryophyllées. Il faut surtout, dans ce genre de comparaisons, tenir compte de la grandeur moyenne des espèces et de la fréquence commune, laquelle se lie heureusement à une condition plus facile à apprécier, l'aire moyenne des espèces par famille (p. 547). L'erreur provenant de la comparaison entre pays d’inégale étendue res- sort de quelques-uns de nos tableaux. Ainsi la proportion des principales familles en France indiquerait une végétation presque semblable à celle des environs de Montpellier, et s'éloigne à plusieurs égards des chiffres concernant les départements du centre de la France. Le bon sens indique cependant que la Flore des départements du centre doit être à peu près celle de la moyenne de toute la France. Il ressort de nos tableaux que si l’on faisait la proportion de chaque famille d’après une moyenne des quatre-vingt-six départements, les résultats seraient autres que par le caleul fondé sur la Flore de toute la France. La cause en est bien simple et je l’ai déjà indiquée (p. 1167) : les espèces méridionales, entre autres celles de la Corse, du Var, des Pyrénées, qui sont extrêmement locales et assez nombreuses, pèsent d'un poids disproportionné dans la Flore de la France entière, tandis que les espèces plus répandues, abondantes même dans le nord, se trouvent diminuées en proportion. Par analogie, nous devons admettre que dans la Flore des États-Unis septentrionaux, dans celle du Mexique, de la Nouvelle-Grenade, surtout de l'Inde anglaise, en un mot dans toutes les Flores de pays très vastes, la proportion des familles à aire spécifique restreinte (Orchidées, Légumineuses , Mélasto- macées, Myrtacées, etc.) est exagérée, tandis que celle des familles à espèces communes et répandues (Graminées, Cypéracées, Joncées, Poly- sonées, etc.) est trop faible. L’inverse a lieu quand on considère des dis- tricts peu étendus, comme j'ai été obligé de le faire quelquefois, faute de documents convenables. L'erreur provenant du défaut de connaissance à l'égard de certains pays n’est pas aussi grande qu'on pourrait le croire. Sans doute les Orchi- dées, les Cypéracées et les pläntes grasses sont mal représentées dans un grand nombre de collections et de Flores; mais pour les autres familles, on récolte à peu près uniformément et les omissions portent sur tous les chiftres. RÉSULTATS PRINCIPAUX. 1935 $ II. DU NOMBRE DES FAMILLES QUI CONSTITUENT ENSEMBLE, DANS CHAQUE PAYS, LA MOITIÉ DES ESPÈCES PHANÉROGAMES. Lorsqu'il s’agit d'un pays dont la flore est bien connue et qui se trouve dans la zone tempérée, en Europe, par exemple, jusque vers le 60° degré, il faut énumérer les huit ou neuf familles les plus nombreuses en espèces pour comprendre la moitié du nombre total des Phanérogames. Sous des latitudes extrêmes, vers les deux pôles, il suffit d’énumérer les trois ou quatre familles les plus nombreuses (voy. Spitzherg, Melville, Malouines). Cela tient moins, probablement, au degré de latitude qu’à la pauvreté de ces Flores; ou plutôt, une certaine position boréale influe seu- lement lorsqu'elle est assez extrême pour réduire beaucoup le nombre des espèces, des genres et des familles. En effet, pour quatre Flores d'Europe et trois d'Amérique, comprises entre 610 et 710 lat. N., la moyenne des familles prédominantes, dont l’énumération est nécessaire pour comprendre la moitié des espèces, est de 6,0; pour vingt Flores d'Europe, d'Asie et d'Amérique, comprises entre les 51° et 60° lat. N., cette moyenne est de 8,3; pour seize Flores des mêmes parties du monde, comprises entre 1° et 50°, elle est de 8,0; pour seize Flores, entre 31° et 40° lat. N., de 8,1; pour huit Flores, entre 21° et 30° lat. N., de 7,4; pour vingt-sept Flores intertropicales, de 8,9; pour onze Flores extratropicales de l'hémis- phère austral, comprises entre le tropique et le 37° lat. S., elle est de 7,8; enfin pour quatre Flores de cet hémisphère, situées entre 49° et 52°, elle est de 5,6. Cette moyenne, pour un ensemble de plusieurs Flores, varie donc assez peu, à moins qu'il ne s'agisse de régions très froides, comme le Spitzberg et l'ile Melville où elle se réduit à trois, ou comme les îles Malouines où elle est de quatre. Si l’on en juge par les localités dont la flore est complétement connue, le nombre de ces familles prédominantes, dont la somme fait la moitié des espèces du pays, dépend de la richesse totale des espèces. Ainsi, dans le centre de l’Europe, où les flores sont ordinairement de 1000 à 1200 es- pèces et où le nombre des familles comprenant la moitié est ordinaire- ment de 9, quelquefois de 8, il arrive que pour les sommités des mon- tagnes (Brocken, Alpes de Glaris, sommet du Pic du Midi de Bagnères) où le total des espèces est seulement de 70 à 320, le nombre des familles à énumérer tombe entre » et 8. De même dans certaines îles bien situées, dont la végétation sufisam- ment connue présente un nombre d'espèces faible (Sitka, Açores, Madère, Fernandez, îles du cap Vert), ou même un nombre d'espèces réduit à 39 1236 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. (Ascension), et à 33 (Tristan d’Acunha), le nombre des familles dont je parle est rarement de 8, souvent de 7, et parfois de À, de 2. Enfin pour l'Égypte, dont la flore, très connue, n’a pas 1000 espèces, les six à sept premières familles font la moitié, tandis que pour Java, dont on connaît 3000 espèces, et qui en renferme peut-être 5000, pour la Géorgie et la Caroline qui en ont plus de 2200, ce sont les dix premières familles qui comprennent la moilié. Pour les Flores des pays entre 21° et 30° lat. N. et celles des régions extratropicales australes, 11 faut énumérer seulement 7 familles 1/2 pour la moitié des espèces; mais plusieurs de ces Flores appartiennent à des pays très desséchés (Égypte, Arabie, certaines parties du Cap) ou à de petites îles, dans des conditions qui réduisent beaucoup le nombre des espèces. Enfin la grande inégalité des chiffres montre que ces Flores exotiques ne sont pas assez connues pour que nous devions attacher de limpertance aux anomalies apparentes. La loi générale est celle-ci : Plus une flore est riche en especes, d'une manière absolue, plus il faut énumérer de familles, en commençant par les plus nombreuses, pour comprendre une moitié du nombre total des Phanérogames. Cette relation, à laquelle on ne peut pourtant pas donner une précision arithmétique, n’est pas sans utilité si l’on cherche à apprécier le nombre probable des espèces dans des pays que l’on connaît imparfaitement. Par exemple, les 16 familles qui doivent être comptées au Japon pour former la moitié, les 12 familles au pays d'Assam, les 1 à Timor, les 17 à la Nouvelle-Grenade, les 10 de la Chine septentrionale, font présumer que ces régions renferment un nombre total d'espèces bien supérieur à celui que l’on connaît actuellement. Par la raison inverse, les flores du Congo, de la Nubie, du Texas, de la Nouvelle-Hollande, paraissent devoir être moins riches que la position géographique ne pourrait le faire présumer. La grandeur relative des pays n’est pas sans influence sur ces rapports. Évidemment les pays très étendus (le Cap comparé à ses districts, les États- Unis septentrionaux, la Nouvelle-Grenade, l'Inde anglaise dans son en- semble) présentent un nombre considérable de familles prédominantes, et, inversement, les sommités de montagnes et les petites îles en ont un nombre réduit (a). Toutefois, les premières sont en même temps des régions où la variété des espèces est grande, et quand les petites iles ont beaucoup d'espèces, comme aux Antilles, on voit quelquefois le nombre des familles (a) Les deux petites îles de Hœdie et Houat (p. 1200) font exceplion , mais je soup- conne , d'après le nombre des familles précisément, que le nonre des espèces est loin d'être complet, RÉSULTATS PRINCIPAUX, 12937 prédominantes se relever. L’étendue paraît done avoir moins d'influence que le nombre absolu des espèces. En serutant ces relations numériques, il n’est pas facile de remonter à leurs causes, parce que probablement celles-ci sont nombreuses et agissent en sens divers. L’aire relative des espèces et des familles dans chaque zone de la surface terrestre exerce une influence; mais cette action, en elle- même assez variée et compliquée, n’est pas la seule. La question n’a pas assez d'importance pour m'entrainer à plus de recherches. Je prends les faits en eux-mêmes, et ils me semblent de quelque intérêt indépendam- ment de leurs causes. Ces faits reviennent à dire que les végétations de l’extrème nord, des sommités alpines, des pays très arides et des îles éloignées des continents, perdent surtont par les familles les moins nombreuses en espèces dans la région du monde où elles se trouvent, et même par leur disparition totale. Il suffit alors d’énumérer six ou sept familles prédominantes, quelquefois seulement deux ou trois pour compter la moitié des espèces. Au contraire, les végétations riches quant au nombre des espèces, gagnent surtout par l'addition dans des familles ordinairement peu nombreuses, et aussi par l'addition de nouvelles familles, qui atténuent l'importance des principales et oblige à étendre leur nombre pour comprendre la moitié des espèces. Ceci me conduit à parler des familles qui constituent dans la plupart des Flores une proportion un peu notable des espèces. $ II. DES PROPORTIONS DE DIVERSES FAMILLES PRÉDOMINANTES. Dans les tableaux qui précèdent, le nombre des familles offrant dans un pays quelconque ou dans plusieurs, au moins 5 pour 100 du nombre des Phanérogames, s'élève à 35. Peut-être le ferait-on monter à une quaran- taine en obtenant des chiffres sur les flores, mal connues jusqu’à présent, des pays tropicaux. Je trouve cependant le nombre de 35 à 40 assez élevé, car il y à peu de familles, dans l’ensemble du règne végétal et du monde qui présentent la proportion de 5 pour 100, Si le nombre total des espèces phanérogames est, par exemple, de 150,000, ce sont les familles de 7500 espèces ou plus qui ont cette proportion ; or, après les Composées et les Légumineuses, il est douteux qu'il y ait d’autres familles ayant ce nombre total d'espèces. La proportion de 5 pour 100 ou plus, dans tel ou tel pays, vient de l’agglomération des espèces d’une mème famille dans cer- taines régions et aussi de la diffusion extrême des plantes de quelques autres familles, causes qui multiplient le nombre apparent des espèces, en multi- pliant le nombre des individus. On comprend aussitôt la distinction néces- saire des familles prédominantes, en familles caractéristiques de certains 4938 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. pays (Protéacées, Myrtacées, etc.), et familles très répandues, abon- dantes partout (Graminées, Cypéracées, etc.). Les familles qui offrent dans un ou plusieurs des tableaux ci-dessus de 10 à 19 pour 100 sont les suivantes : Caryophyllées (Spitzhberg), Crucifères (Spitzherg, île Melville), Légumineuses (dans presque tous les pays intertropicaux ou voisins des tropiques), Rubiacées (Sierra-Leone), Protéacées (Nouvelle-Hollande), Mélastomacées (Côtes occidentales de l'Amérique tropicale, Brésil ?), Saxifragacées (Spitzherg, île Melville), Solanacées (Ascension, où elles sont toutes d’origine étrangère), Myrtacées (Brésil ?), Cypéracées (Laponie, Islande, Brocken), Orchidées (Nouvelle-Guinée, Java, Maurice, Mexique mérid.). La famille des Graminées atteint jusqu’à 48 pour 100 au Spitzherg, 21 dans l’île de Melville, et 27 dans l’île de Kerguelen; celle des Com- posées jusqu'à 18 + pour 100 en Californie et au Mexique, 19 aux iles Malouines , 21 au Chili, 22 à Quito, 25 au midi de Buenos-Ayres, 27 à l'ile de Juan-Fernandez. Enfin, les familles qui dépassent 30 pour 100 sont seulement (et dans des localités exceptionnelles), les Composées (dans les régions hautes du Chili), et les Cypéracées (à Tristan d’Acunha). &£ IV. COMPARAISON DES ZONES ÉQUATORIALES TEMPÉRÉES ET POLAIRES SOUS LE POINT DE VUE DES FAMILLES DOMINANTES. 1° Régions équatoriales. Entre les deux tropiques, la famille véritablement dominante est celle des Légumineuses, qui présente ordinairement la proportion de 40 à 42 pour 100, et cela dans l’ancien monde et dans le nouveau. On voit le chiffre s'élever jusqu’à 16 pour 100 dans l’île Saint-Thomas des Antilles, 47 au Congo, et tomber à 4 pour 400 dans une localité élevée des Andes (Chimborazo); mais ce sont des exceptions qui viennent de conditions par- ticulières ou de calculs fondés sur des collections trop peu étendues. Sur les confins de la région équatoriale et dans les parties élevées dont le climat est tempéré, la proportion s’abaisse à 5 ou 6 pour 100, par exemple à l'ile Maurice, aux îles Sandwich, à la Nouvelle-Grenade , à Quito. La proportion de 12 pour 100 fréquente dans les régions chaudes et humides, telles que RÉSULTATS PRINCIPAUX. 1239 Timor, le Congo, les bords de l’Orénoque,est d'autant plus remarquable que la plupart des Légumineuses de ces pays sont des arbres ou de grandes lianes. Les Graminées offrent des proportions généralement un peu inférieures. Les maxima sont aux iles du cap Vert et de l’Ascension, 13 pour 100; en Nubie, en Abyssinie et dans la Chine méridionale, 12 à 13 pour 100; aux iles Sandwich, 11 pour 100 ; au Mexique et à Quito, 10 pour 100. Les minima sont à la Nouvelle-Guinée et à la Nouvelle-Grenade, 4 pour 100. Les Composées varient davantage d’un point à l’autre, entre les tropi- ques. Elles constituent jusqu’à 16 et 18 pour 100 des espèces Phanéro- games au Mexique, jusqu’à 19 et même 22 pour 100 dans certaines col- lections de la chaine des Andes, et de l'Amérique australe. Sur les confins de la zone équatoriale, à Canton, aux îles Sandwich, aux îles du cap Vert, à l’île Maurice, la proportion est encore un peu forte, 5 à 6 pour 100. Au contraire, dans les pays à climat véritablement équatorial, toujours humides, comme Java, Timor , la Nouvelle-Guinée, les iles de la Société, les bords de l’Orénoque et de lAmazone, Surinam, la proportion tombe au-dessous de 5 pour 100 et quelquefois au-dessous de 2 pour 100. Quel- ques îles font exception, ainsi aux Galapagos il y a 12 À pour 100 de Com- posées, dans l’île de l’Ascension 15 pour 100, et à Sainte-Hélène une pro- portion très forte également, mais qu’on ne peut préciser. Doit-on attribuer ceci aux aigrettes qui semblent favorables aux transports ? Je ne veux pas nier que cette cause n’y soit pour quelque chose, cependant nous avons vu (p. 539) que l’aire moyenne des Composées sans aigrette n’est pas infé- rieure à celle des Composées munies d’aigrettes. D'ailleurs ce sont les îles d'Amérique et d'Afrique seulement où la proportion des Composées est forte, tandis que dans la mer Pacifique et jusqu’à Java, elle est remarqua- blement faible, et enfin dans les îles de régions boréales, on n’a pas ob- servé une plus grande proportion de Composées que sur les continents voisins. Îl y a une cause d’origine, une cause tenant à une époque reculée, qui a fait prédominer cette famille surtout en Amérique et en Afrique, dans les îles comme sur les continents, d'autant plus que les espèces insulaires y sont souvent très distinctes et forment quelquefois des genres particuliers. Les Orchidées forment jusqu’à 16 pour 100 à la Nouvelle-Guinée, 11 pour 100 à Maurice, 10 pour 100 à Java et au Mexique. Elles doivent être pour le moins aussi nombreuses dans les parties chaudes et humides du Brésil et de la Guyane, mais la proportion en est fort mal indiquée par les herbiers et par des Flores incomplètes. Elle paraît inférieure sur le continent africain. Les Cypéracées sont aussi une famille dont les proportions se trouvent souvent réduites par l’ignorance ou la négligence des collecteurs. Il est 1240 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÉCES DANS DIVERS PAYS, probable qu’elle est de 5 à 6 pour 100 dans la majorité des pays inter- tropicaux. La proportion de 10 à 11 pour 100 auxiles Sandwich mérite peu d'attention parce qu’elle repose sur une collection de 160 Phanéro- games seulement. Les Rubiacées présentent jusqu’à 10 pour 100 sur la vaste étendue de la côte occidentale d'Afrique, mais dans le Congo, d’une grandeur plus comparable aux autres régions, 7 à 8 pour 100 seulement; sur les bords de l’Orénoque et probablement du fleuve des Amazones, environ 8 pour 100. En général, leur proportion ne dépasse pas 3 à 6 pour 100 (a). Les Mélastomacées ont offert 11 à 42 pour 100 dans une collection de la côte occidentale de l'Amérique, du Mexique à Guayaquil. Dans quelques parties du Brésil et de la Guyane, la proportion doit être de 4 à 6 pour 100, je suppose ; mais elle n’est pas connue exactement. En Afrique et en Asie, la proportion est certainement inférieure. Les Euphorbiacées sont répandues, assez uniformément, dans la pro- portion de 3 à 5 pour 100. Les Urticacées (Urticées, Artocarpées) présentent jusqu'à 6 pour 100 à Java et à la Nouvelle-Guinée, 9 pour 100 à Timor et aux îles de la Société ; mais en Afrique et en Amérique, elles tombent à 3 ou au-dessous. Les Scrophulariacées atteignent 7 À pour 100 dans une petite collec- tion de Nubie, 4 à 6 pour 100 au Mexique. Enfin, on voit figurer dans nos tableaux assez fréquemment, mais pour des chiffres inférieurs à 5 pour 100, les Convolvulacées, Malvacées, Pipé- racées, Scitaminées, Solanacées (b), et, plus rarement, les Acanthacées, Amentacées, Apocynées, Bignoniacées, Borraginées, Capparidées, Cucur- bitacées, Gentianacées, Labiées, Lauracées, Loranthacées, Malpighiacées, Myrtacées, Ombellifères, Palmiers, Passifloracées, Rosacées, Rutacées, Térébinthacées et Verbénacées. Nous retrouverons plusieurs de ces familles dans les régions tem- pérées. Jai cru devoir les citer, comme preuve que les familles domi- nantes entre les tropiques, par le nombre de leurs espèces, par exemple celles qui approchent de à pour 100 du chiffre des Phanérogames, ou qui dépassent cette proportion, sont rarement des familles propres aux régions chaudes, ou, pour mieux dire, ne sont jamais des familles de cette nature, excepté dans quelques pays les Mélastomacées, Malpi- ghiacées, Palmiers et Scitaminées. Les familles dominantes dans ces (a) Les Rubiacées d'Amérique sont plus remarquables par l'abondance de leurs indi- vidus que par le nombre des espèces à l'égard des phanérogames.Voyez Œrsted, Centrala- mericas Rubiaceæ, traduit en anglais dans Hooker, Journ. 1832, p. 48. (b) Les Solanacées sont plus nombreuses dans l'île de l'Ascension, mais elles y sont na- luralisées, RÉSULTATS PRINCIPAUX. 4241 régions, qu'on se représente volontiers comme peuplées de Lauracées, Ménispermacées, Anonacées, Myrsiméacées, Bombacées, ete., sont au con- traire : 4° nos grandes familles des pays tempérés, savoir les Légumi- neuses, les Graminées et les Composées; 2° quelques familles, comme les Rubiacées et les Orchidées, plus communes entre les tropiques, mais bien connues ailleurs, avec nos Cypéracées, qui sont répandues partout; enfin, les Euphorbiacées, Urticacées, Mélastomacées et Scrophulariacées, dont une seule est exclusivement des régions chaudes. Pour compléter le sujet, il faut noter l’abondance des Fougères. Elle est remarquable dans les régions chaudes et humides, surtout dans les iles. Ainsi, à Java, les espèces de cette famille sont égales en nombre à 0,16 du chiffre des Phanérogames; dans les îles de la Société, le rapport est de 0,21 ; à l'ile Maurice, 0,26 ; aux îles Galapagos, 0,12 ; dans Pile de l’'Ascension, 0,08. Évidemment dans ces iles, les Fougères usurpent la place d’une des familles principales des Phanérogames, et cela aussi bien par la grandeur des individus que par le nombre des espèces. 2° Régions lempérées de l'hémisphère boréal (du tropique au 60° lat. N.). Cette vaste étendue de la surface terrestre présente des climats extrê- mement variés, et, par conséquent, une grande diversité dans la propor- tion des principales familles. Vers le nord, le froid de l'hiver et le peu de durée de la saison chaude deviennent des conditions graduellément de plus en plus importantes, qui exeluent beaucoup de végétaux. Du côté du midi, c’est la sécheresse qui produit un effet analogue sur d’autres espèces. Elle se fait sentir en été, déjà sous le 45° degré de latitude dans l’ancien monde, et vers le 40° degré dans l'Amérique septentrionale ; puis la durée de la sécheresse augmente en marchant vers le tropique, les pluies se concen- trent sur l'hiver, et la végétation souffre, à moins que la présence de hautes montagnes ne modifie ces conditions; enfin, sous le tropique, il existe des régions (nord-ouest du Mexique , Sahara, Arabie) d’une sécheresse com- plète, qui déterminent une séparation tranchée entre les régions équato- riales et celles de la zone tempérée (a). D’après cet ensemble de conditions climatologiques, il nous faut consi- dérer les familles dominantes d’abord au centre de la zone tempérée, dans les régions qui ne présentent ni grands froids, ni grandes sécheresses, puis comparer avec les parties méridionales et septentrionales. C’est ce que je vais faire en commençant par les familles les plus importantes. (a) Voir dans l'ouvrage de Schouw, Sur le climat de l'Italie, la carte 5° représentant par des ombres plus ou moins intenses la quantité de pluie en Europe et en Afrique. 1942 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Les Composées sont, ordinairement, la famille la plus nombreuse en espèces sous les degrés moyens de latitude. Ainsi leur proportion est de 8 à 12 pour 100 des Phanérogames dans les îles Britanniques, en France, dans presque toutes les Flores d'Italie, d'Allemagne, de Russie jusqu’au 60° degré, de la Sibérie méridionale, au Kamtschatka et aux Etats-Unis, et il est assez rare de trouver dans ces régions aucune des autres familles qui soit plus nombreuse. Le chiffre proportionnel des Composées ne diminue pas sensiblement vers le nord, si ce n’est sous des latitudes très avan- cées, dont nous parlerons plus tard. Au midi, les régions sèches ont une proportion encore plus grande de Composées, du moins en Europe et en Amérique. Ainsi en Bessarabie, dans les steppes entre l’Oural et la mer Caspienne et en Égypte, on en compte 14 pour 100; dans le Languedoc, les deux Castilles, 15 pour 100. En Amérique, le maximum est aussi, vers le midi de la région tempérée, par exemple dans la Géorgie et la Caroline méridionale, 16 pour 100; en Californie, 18 pour 100; au Texas, et (grâce à l'élévation) sur toute la région supérieure du Mexique, de même que dans la chaîne des Andes, 45 à 16 pour 100. La proportion faiblit cependant vers la Chine et le Japon, car elle tombe dans ces régions à 7 pour 100 malgré une analogie frappante de climat avec le midi des États-Unis. Enfin les montagnes et, par conséquent, les régions montueuses offrent une augmentation notable de Composées, relativement aux plaines voisines (mont Brocken, Hirschberger comparé à Beuthen, Glaris, Pic du Midi de Bagnères, régions élevées de Grenade, Altaï). Plus on considère des som- mités nues et rocailleuses, plus on est frappé de ce fait. Il explique la forte proportion de Composées dans toute la chaîne des Andes, aux Canaries et ailleurs. Les Graminées suivent de près les Composées et finissent par être les plus nombreuses dans les régions tout à fait boréales de la zone tempérée (Aberdeen, Suède propre). Leur proportion se maintient assez uniformé- ment entre 7 et 9 pour 100. Elle faiblit vers l'Asie orientale, mais peut- être dans nos catalogues incomplets plus qu'en réalité. La proportion augmente dans les pays desséchés et méridionaux, comme certains districts de l'Inde (15 à 17 pour 100), l'Arabie Pétrée (11 pour 100), l'Égypte (12 pour 100), le Texas (12 pour 100); elle est forte aussi à Madère et aux Açores (10 et 11 pour 100), ce qui ne s'observe pas aux Canaries (8 pour 100). Quelques sommités (Brocken) et pays élevés (Hirschberger) offrent une proportion plus grande que dans les plaines adjacentes, mais ce n'est point une loi qui se vérifie ailleurs. Le caractère général est plutôt une proportion uniforme dans toutes les régions et à toutes les hauteurs. RÉSULTATS PRINCIPAUX. 12h13 Les C\péracées, grâce à des répétitions fréquentes de la même espèce dans plusieurs flores, présentent une proportion de 6 à 8 pour 100 dans les pays tempérés plus ou moins humides. Le chiffre diminue sensiblement vers le midi, par l'effet de la sécheresse, à tel point que la famille ne compte plus dans les principales. Les Légumineuses, qui abondent dans la zone équatoriale, diminuent de taille et de nombre en avançant vers le nord. Leur proportion change dans une progression assez régulière. Ainsi en Afrique et en Europe, si nous suivons deux lignes, l’une occidentale, l’autre orientale, nous trou- vons sur 100 Phanérogames : Côlé ouest. Côté est. HestdieapiVert. eue 14 NUPIE EI UNE Mer 15 Gananiess, un. 11 EeNDieen Ut: 9 + Made nee 11 MMOG RER 10 © ANECTESO ND 66 Net Etc 8 RENE L'AILE LME CECI IE 9 Irlande. 0... 4 BessaraDie.. . Fe. 8 + 1 AENRO Eee A lin 1,6 KASAN sera agir 3 = lande hit. Fes 0,8 Russie N.-E. 3 En Amérique, nous voyons de même CAROLHIER SN MN Ne 10 Géorgie et Caroline du Sud. . 5 OLÉRUD ai 2 AN E as ? États au N. de la Virginie. . 32 SUIS RER TENTE 4 PADrATON RC RER TENUE 2 Dans l'Asie orientale, on peut croire qu’il y a plus d’uniformité et une proportion de Légumineuses généralement plus faible : Canton et Macao RM Ten tre 9 Mou-ChouetiBonin. mu 4,5 Chine septentrionale . . . . . . 9 JAPON Le CIC 4 Kamischatka 0 -mnmNCe 2 Il ne faut pas oublier cependant que les chiffres sont déduits de collec- tions très incomplètes, excepté pour Lou-Chou et le Kamtschatka. Je ne puis mettre en doute que la Chine méridionale n’ait plus de Légumineuses que la Chine septentrionale. Pour l’Europe, où les chiffres sont certains, la progression est plus régulière : Côté ouest. Côté est. Grenade (région inférieure) . . . 13 NaDIEBEER ER ë Ees: deux Castilles. .. : 1. à. 9 Province de Pavie (a) . . . . . . 6 Centre dela France... 3. … . 7 Wurtemberss 100 5 LES TOME EEE 5 > SHÉO ET vec OEM D nee ù VOTE LUE 08 METTRE RON Cou Pr + 5 + Aberdeen nues NET % Sue prODIe PR Re 4 RECETTE RE TE 1 : Laponie occidentale. . . . . . . 3 La température parait la cause essentielle pour cette famille, car nous P ’ voyons les proportions diminuer en s’élevant sur les montagnes, et cela aussi bien en Silésie qu’en Suisse, aux Pyrénées, dans le royaume de Grenade. (a) D’après Rota, Prospetto, ete., dans Giorn, bol. il., ann, 2, 1852, 124 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. Les Crucifères atteignent assez ordinairement la proportion de 5 pour 100 dans les régions tempérées de l'Europe et de l'Asie. Les variations sont comprises entre À et 6 pour 100. Le chiffre tombe quelquefois à 5 ou 2 pour 100 vers le midi (Japon, îles Madère et Canaries) et même plus bas (îles Lou-Chou). Elle est plus faible dans l'Amérique septentrionale qu'en Europe. Elle n’augmente pas sensiblement vers le nord, du moins jusque vers le 60° degré. Il y a une augmentation assez remarquable sur les hauteurs des Pyrénées et de la Sierra Nevada, mais on ne voit pas le mème fait se reproduire en Suisse, en Silésie et sur le Harz (Broc- ken). Les Ombellifères qui présentent 5 pour 100 ou à peu près dans plu- sieurs pays de l'Europe centrale ou méridionale, en Algérie et vers le Caucase, tombent à un chiffre mférieur dans les autres régions tempérées et dans les Flores de montagnes. " Les Carvophyllées atteignent 5 pour 100 dans les Flores de Suède, de Russie et de Sibérie; elles dépassent ce chiffre au Labrador, mais ce pays, malgré sa latitude, n’est plus dans la zone témpérée. Ailleurs, la proportion tombe à 4 pour 100 et au-dessous. Elle est de 7 pour 100 dans la région nivale du royaume de Grenade, et de 8 = pour 100 au Pic du Midi de Bagnères; mais en Suisse et en Allemagne, on n’observe pas un accrois- sement analogue sur les hauteurs. Les Scrophulariacées atteignent 6 à 7 pour 100 sur les hauteurs des Alpes suisses, du royaume de Grenade, et en Californie. Les Rosacées atteignent 3 pour 100 dans plusieurs parties de la Grande- Bretagne, en Suède, en Russie, en Sibérie, et ce chiffre est dépassé sur les Alpes de Glaris, dans la Chine septentrionale (7 ©), dans les régions froides, telles que Labrador (9), Sitcha et le Kamtschatka. La propor- tion faiblit ailleurs. Les Labiées comptent 6 pour 100 aux Canaries et dans la Turquie d'Eu- rope, 5 + à Madère, aux Baléares, dans la zone alpine de Grenade, au Sinaï et dans l’Assam. Elles offrent encore 6 pour 100 dans quelques régions moins méridionales, mais sèches, comme la Bessarabie, la Hongrie, les steppes de l'Oural, mais elles faiblissent vers le centre et le nord, en Europe et en Asie, et ne dépassent pas à + pour {00 en Amérique. Les Salsolacées offrent une proportion de 5 ! dans la région des steppes entre la mer Caspienne et FOural, de 5 pour 100 dans la région de l’Altaï, de 5 pour 100 aussi en Égypte; mais ailleurs, une proportion loujours moindre. L'étendue des terrains salés détermine l'augmentation dans les pays indiqués, et sans doute on remarquerait une proportion aussi forte si l’on possédait une Flore distincte du pays des Mormons en Amérique, et, XÉSULTATS PRINCIPAUX. 1245 en général, si l’on considérait le voisinage de la mer et des lacs salés dans l’ancien et le nouveau monde. : En Californie, on remarque une proportion de 4 + pour 100 de Polé- moniacées, et de 3 ! pour 100 d'Hydrophyllacées; dans Arabie Pétrée, 5 pour 100 de Zygophyllacées. Les îles Lou-Chou offrent à pour 100 de Rubiacées et autant de Verbé- nacées, de sorte qu’elles ont du rapport avec les îles intertropicales de l'océan Pacifique, bien plus qu'avec les régions tempérées, et de fait, elles se trouvent sur leur limite. La Flore d’Assam, d’après les chiffres douteux que l’on connait, présente aussi des caractères tropicaux : 5 pour 100 de Rubiacées, 3 pour 100 d'Orchidées. A l’autre extrème, les 5 pour 100 d’Ericacées et 4 de Vacciniacées dans l'île de Sitcha, les 5 + pour 100 de Renonculacées dans la région alpine de Glaris, les 7 pour 100 de Joncées sur le sommet du Brocken , montrent que ces localités froides échappent aux conditions ordinaires de la zone tempérée. En définitive, les familles prédominantes dans la plupart des pays tem- pérés de notre hémisphère sont, au 1° degré : les COMPOSÉES, GRAMINÉES, CYPÉRACÉES, LÉGUMINEUSES ; ensuite les Crucifères,Ombellifères, Caryo- phyllées ; enfin, d’une manière moins constante et moins importante, les Labiées, Rosacées et Scrophulariacées. Les autres familles n’attei- gnent jamais 9 pour 400, ou ne présentent ce chiffre que dans un seul pays ou dans des conditions locales exceptionnelles, par exemple les Sal- solacées dans les terrains salés. 3° Zone boréale (au delà du 60° degré lat.). Les régions polaires ne sont pas détachées nettement de la zone tem- pérée, comme celle-ci l’est de la zone équatoriale, par l’interposition des régions desséchées. Vers le nord, la température diminue plus ou moins brusquement, mais sans démareation bien claire. Il faut donc se transporter sous des latitudes très avancées pour constater dans la proportion des familles dominantes un caractère particulier. Les Flores du Spitzberg et de l'ile Melville en sont expression la plus pure. Trois familles principales suflisent pour comprendre la moitié au moins des espèces phanérogames. Ces familles sont d’abord les Graminées, qui forment le quart des espèces à l’île Melville, et qui ne sont peut-être pas moins nombreuses au Spitzherg, dont la flore est moins complétement connue. Les Crucifères, puis les Saxifragacées en approchent; viennent ensuite les Caryophyllées, Renonculacées , Rosacées, Cypéracées, dont le chiffre proportionnel est de 5 à 7 pour 100. Les Composées dépassent 1246 FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. 7 pour 100 à l'ile Melville, mais au Spitzberg, elles ne forment que À à 5 pour 100 des espèces phanérogames. Sous des latitudes un peu moins élevées, on remarque plus de variélé dans les familles prédominantes et une transition vers les régions tempé- rées. Les Composées prennent un rang élevé, 11 pour 100, au nord-ouest de l'Amérique, entre 67° et 71° latitude, et dans le nord-ouest de la Russie, par 64° à 70°; mais comme en Laponie, sous 69° à 71°, et aux iles Feroë, 61° à 62°, elles offrent 8 et 7 pour 100, je présume que, dans les deux premières localités, leur chiffre apparent est augmenté par l'étendue des régions et le fait de l’omission de plusieurs Graminées et Cypéracées dans le nombre total des espèces. Les Amentacées et les Joncées offrent quelquefois 5 pour 100; enfin, les Polygonées, Éricacées, Scophulariacées, approchent du même chiffre, en restant le plus souvent au-dessous. Le La- brador et l'ile de Sitcha, qui méritent bien, par leur température, d’être envisagées comme régions polaires, malgré une latitude inférieure au cercle arctique, et même au 60° degré, confirment l'importance des Rosacées, Éri- cacées, Amentacées et Scrophulariacées dans les pays froids et humides. Lo 1° Zone extratropicale australe. Les terres australes se rattachent plus ou moins à trois continents, qui doivent offrir des diversités dans les familles dominantes. En même temps, la distinction des régions sèches, situées près du tropique, surtout dans l'intérieur des terres, et des régions humides, insulaires, ou éloignées du tropique, est plus tranchée peut-être que dans l'hémisphère boréal. Le Cap, la Nouvelle-Hollande, le Chili et la Plata, sont des pays très secs; mais le voisinage de la mer et une latitude un peu plus australe produisent sur leurs confins ou dans leur voisinage des régions plus ou moins humides. Certains points de l'Afrique australe reçoivent assez souvent des pluies venant de la mer; l’île de Van-Diémen, la Nouvelle-Zélande, lesiles de Chiloë, ete., sont des régions essentiellement humides. De là sans doute la diversité remar- quable de végétation dans quelques régions australes, et la nécessité pour nous de distinguer, autant que possible, la zone sèche de la zone humide. Malheureusement, les Flores ne sont pas rédigées dans ce but et les propor- tions de famille ne peuvent pas toujours être indiquées suivant cette dis- tinction. Régions sèches (continentales). Les Composées dominent toutes les familles au Cap et en Amérique, dans les régions extra-tropicales dessé- chées. Leur proportion devient énorme sur les montagnes du Chili, où elles forment le quart ou le tiers des espèces phanérogames. À la Nouvelle- Hollande, elles sont moins importantes. Leur proportion n’est pas bien RÉSULTATS PRINCIPAUX. 1217 connue à la Nouvelle-Galles, mais elle paraît s'éloigner peu de 7 pour 100. Je la crois plus forte dans l’intérieur du pays et dans l'Australie méridio- nale. À Swan-River, elle est de 5 à 6 pour 100 seulement. Les Légumineuses constituent 7 à 12 pour 100 des Phanérogames au Cap, au Chili et dans le Brésil extratropical, de sorte qu’elles y sont moins nombreuses que les Composées. En Australie, leur proportion est, au contraire, plus forte dans la plupart des provinces. Elle est de 1/4 pour 100 à Swan-River, et ne semble pas inférieure à ce chiffre sur la côte crientale ; mais, dans l’Australie méridionale, les Composées dépassent les Légu- mineuses. Les Graminées jouent un rôle insignifiant de 3 à 6 pour 100 dans toutes ces régions, et les Cypéracées leur sont inférieures. En revanche, on voit figurer au Cap et à la Nouvelle-Hollande certaines familles spéciales, ou tout au moins peu communes ailleurs, qui parvien- nent à devenir dominantes. Les Protéacées, au Cap, constituent de 2 à 6 pour 100, suivant les districts; à la Nouvelle-Hollande, de 8 à 42 pour 100. Les Restiacées constituent dans le premier de ces pays de 4 (et peut-être moins) à 7 pour 400 (a); à la Nouvelle-Hollande, environ 2 à 3 pour 400. Les Myrtacées s'élèvent jusqu'à 9 pour 100 dans la Nouvelle- Hollande, par exemple à Swan-River; les Épacridées, plus spéciales à cette partie du monde, constituent 4 à » pour 100; les Stylidiées et les Goodé- noviées, 3 à à pour 100. Au Cap, les fridées s'élèvent à A et 6 pour 100 selon les districts ; les Liliacées parviennent quelquefois à 4 ou 5 pour 100; les Éricacées varient de 2 à 6 pour 100. Régions australes humides (îles ou promontoires étroits). Ces pays se rattachent de près ou de loin à l'Australie, à l'Afrique ou à l'Amérique. Du côté de l'Australie, il serait intéressant de connaître la proportion des familles à Van-Diémen, relativement à la Nouvelle-Galles, à Swan-River, et l'Australie méridionale ; mais il n’existe encore aucune énumération des familles qui soit achevée pour ces divers pays, excepté pour Swan-River. Les Graminées, Cypéracées, Orchidées, Restiacées, paraissent augmenter à Van-Diémen, tandis que les Protéacées, Myrtacées, Légumineuses, Sty- lidiacées, Goodénoviacées, Myoporacées, Composées diminuent, mais je ne puis citer des chiffres (b). Norfolk présente encore 4 à 5 pour 100 de Légumineuses (autant que de Composées); mais déjà la Nouvelle-Zélande, plus australe, n’a pas assez de Légumineuses pour qu’elles figurent dans les familles dominantes, et les (a) Ci-dessus p. 1228, et E. Meyer et Drège, Zwei Documente, etc., p. 38. (b) Ceci est tiré en partie de Ferd. Müller, dans Hook,, Journ., 1853, p. 66. 79 19AS FAMILLES LES PLUS NOMBREUSES EN ESPÈCES DANS DIVERS PAYS. iles Auckland et Campbell n’en ont pas même une. Cette rareté des Légu- mineuses ne peut pas s'expliquer uniquement par le climat humide. Elie tient en partie aux antécédents de la division dont il s’agit, qui s’étend jus- qu’à l'ile de Juan Fernandez, mais non jusqu'au Chili. Les Composées et les Graminées grandissent en s’éloignant du tropique, tellement que de A £et 7 pour 100 à Norfolk, elles montent toutes les deux à 44 pour 400 dans les îles Auckland et Campbell. Les Cypéracées s'élèvent également de 3 5 à 64. Les Orchidées consti- tuent de 4 4 à 8 À pour 100. Les Malvacées à Norfolk, les Rubiacées et les Joncées aux îles Auckland et Campbell, atteignent ou dépassent 5 pour 100. Les familles caractéristiques de la Nouvelle-Hollande ne figurent plus dans les familles principales, si ce n’est les Epacridées à la Nouvelle-Zélande; quelques-unes (Stylidiacées, Goodénoviacées, Protéa- cées, Restiacées) sont à peine représentées. Mais ce qu’il y a de plus impor- tant, c’est la prépondérance des Fougères qui, dans ces îles, dépassent en nombre les familles de Phanérogames les plus considérables. Les îles qu’on pourrait rattacher à l'Afrique en sont tellement éloignées qu’en vérité il faut les considérer comme indépendantes de tous les conti- nents actuels. Tristan d’Acunha est remarquable par l'abondance des Cypé- racées : le tiers des Phanérogames. Les Graminées et les Composées offrent des nombres analogues à ceux d’autres pays sous des températures de même degré. I y a plus de Fougères que d'aucune famille de Phanérogames. Kerguelen, située à 12° de latitude plus au sud, avec un climat également très humide, mais dans une direction géographique très différente, offre un grand contraste : une seule Fougère, aucune Cypéracée et 27 + pour 100 de Graminées. Près du continent américain, Juan Fernandez présente un caractère commun avec le Chili, sous une latitude correspondante, savoir la prépon- dérance des Composées; mais, d’un autre côté, on ne connaît encore qu’une seule Légumineuse dans cette île (a), tandis que les Flores du Chili en ont de 7 à 10 pour 400. Juan Fernandez doit à son climat insu- laire, doux et humide, et probablement à des causes antérieures, que les Fougères dépassent en nombre aucune des familles de Phanérogames. Sa végétation est constituée principalement de Fougères et de Comyposées, (a) Edwardsia microphylla Hook., indiquée dans la Flore du Chili, de M. CI. Gay. J'ai ajouté ci-dessus, p. 1231 , aux espèces mentionnées par A. de Jussieu cette Légumi- neuse, et tro1; Graminées mentionnées par E. Desvaux, dans Gay, Flora Chilena, VE, p. 240,248, 298, comme ayant été trouvées à Juan Fernandez par divers voyageurs. Cela porte le nombre des Phanérogames à 4$S. On pourrait faire un compte plus exact d'après la Flora Chilena, mais les voyageurs à Juan-Fernandez ont négligé certaines familles. RÉSULTATS PRINCIPAUX. 12419 dont quelques-unes très caractéristiques, circonstance bien étrange d’après les hypothèses de la géologie actuelle. En effet, les Fougères sont anciennes sur le globe, et il peut y avoir dans leurs espèces actuelles des espèces très anciennes; les Composées, au contraire, paraissent récentes, du moins dans notre hémisphère , puisqu'on n’en a trouvé de traces que rarement et dans des formations récentes. Les Composées seraient-elles plus an- ciennes dans la végétation de l'hémisphère austral que dans la nôtre ? Leur abondance au Cap, en Australie et dans l'Amérique australe, même dans les îles humides comme Auckland, Juan Fernandez et Tristan d’Acunha, appuie cette hypothèse, que les paléontologistes auront à exa- miner. Je reviendrai du reste sur ces questions curieuses dans le cha- pitre XXVI. | Sur la prolongation méridionale de l'Amérique et jusqu'aux îles Ma- louines, les Composées sont de beaucoup les plus nombreuses vers le tro- pique; les Graminées les surpassent ensuite plus au midi. Les Cypéracées, les Renonculacées, les CGaryophyllées, les Ombellifères, les Joncées se joignent aux Graminées, mais dans des proportions de 2 à 8 pour 100 seulement. En définitive, l'extrémité australe de l'Amérique ressemble beaucoup plus aux régions tempérées et humides de notre hémisphère, que les îles de Kerguelen, Tristan d’Acunha et celles du groupe australien. 5o Comparaison des Léqumineuses, Composées et Graminées dans les régions boréales et australes. Le tableau qui suit montre la proportion dans les deux hémisphères des trois familles principales de Phanérogames. Il peut se résumer en quel- ques mots : A0 Les Légumineuses craignent surtout l’absence de chaleur, les Com- posées craignent le froid et l'humidité; les Graminées, la sécheresse. 2 Des causes antérieures à l’ordre de choses actuel ont amené dans chacune des grandes divisions du globe et dans quelques localités, par exemple dans certaines îles, une augmentation ou une diminution remar- quables du chiffre proportionnel des espèces de chaque famille, dont il est impossible de se rendre compte uniquement par les climats de notre époque. S NOMBREUSES EN ESPECES DANS DIVERS PAYS. U 4250 FAMILLES LES PL 85 * Soqzidé .08-91|" * * * "++: * [8 * * * * oupg on € 0 “200 "Uodu'T,FL-69 RAP LE SR RD on492)0" , WE “OP ‘SSOU °OL-YO9)FE ‘ * ‘opueys] ‘09-69; YF ANDMEpUNHON pal 0 et tt EG" OJUNOT ON 09 G] D" mu + an + + «+ |Eg + + euvsuy 9C-60{0p * ‘20404 801] “8070 ) Gr LrYL L"L9 L ‘euro Jopesqe"] .S0-00 L O‘"'9ZN oLY-GE)T LE ‘UNE ,GY|SE * *SOUMORN .SC-FCÎL ‘omepsuey ,09-76lL ‘oisons 80 - 2 Gylg * * * opueu .ce-je ; 4 , Le “ap ‘bang 0gg-6gl" * * * "+ + |g ‘uiSuiA op °N sa .ov-ce | SHOP IDE URISNT To OIL RENE LE EUES Ts Ml VAS is uodef ,3y-0€ fe) " * 'ONON 08£ -9£ 3 ALLAN S9109Y o0Y-L£ lé * * * * ‘aruioyipe 8E-9E 6 ‘AU urMS °G£-0€ MAD tan bus 20 ti] * Zap RON uenf 60 M an DONC OS SE à « à WIN 2/7 « nan dr es Dre . £ L O* CHIOJUON 0 6654 * * de) +,ye-88/9 * * * * nu) 9 OONNEN OI lE-QE | Ar» "SOPULULU.I) 0 °G6-VG|IGE D-N0T 86-6610 * * OSSE .F6-#518 * ‘ ‘SoMeUL) 63-888 m : GP ‘ "UOIUU) ,65-5G|GF * * ‘ON 698-0p|8+ ‘A de) np sol .8p-CF|6 ‘SYJUTUICA*) y “"Swqzids ,08-9Ll" * * * * - g ‘“oo‘uoder,.pp-6gl" * * * » : ° * (na op VE CAN 'SSNU 0L-Y9|9 * QUOI) AUMOHOIL QG] * ? * à» + sn» «+. . 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COMPARAISON DE PIFFÉRENTS PAYS SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. ARTICLE PREMIER. DES DEUX SENS DU MOT CARACTÉRISTIQUE. Une famille est caractéristique de la végétation d’un pays dans deux cas très différents : 1° Lorsque cette famille présente un nombre d’espèces plus considérable dans le pays dont on parle que dans les autres ; 2° Lorsque la proportion des espèces de cette famille dans le pays, rela- tivement à l’ensemble des Phanérogames, est plus considérable qu'ailleurs. Ce sont deux points de vue différents. Dans le premier, on compare les espèces d’une famille à l’ensemble de toutes les espèces analogues en divers pays; dans le second, on les compare à l’ensemble des Phanéro- games du pays lui-même. Quand une famille est propre à une région, elle en est caractéristique sous les deux points de vue à la fois. Ainsi, les Trémandrées, qui sont toutes de la Nouvelle-Hollande ; les Bruniacées, toutes du Cap; les Cacta- cées, toutes du nouveau monde, offrent dans chacune de ces régions le maximum possible à égard, soit d’elles-mêmes, soit de la végétation de ces contrées. Les exemples en sont rares. Presque toujours, une famille offre une, deux ou plusieurs agglomérations principales d'espèces dans diverses régions ; mais il n’en résulte pas nécessairement que la proportion relativement aux Phanérogames soit remarquable dans chacune de ces ré- sions. Il se peut bien, au contraire, qu'une famille constitue une proportion considérable des Phanérogames, sans avoir dans le même pays un nombre d'espèces aussi important qu'ailleurs. Ainsi, 1l y a plus de Myrtacées dans l'Amérique intertropicale, surtout au Brésil, que dans la Nouvelle-Hol- lande ; mais relativement aux Phanérogames, la proportion est deux fois plus forte dans ce dernier pays. Il y a infiniment plus de Crucifères dans l'Europe méridionale que dans les régions polaires ; cépendant, à voir l’as- pect du pays et à compter les espèces relativement aux Phanérogames, la proportion est bien plus élevée au Spitzherg ou à l’île Melville que dans nos Flores du midi de l’Europe. Le pays du monde où il y a, dans un sens, le plus de Composées, c’est l’île de Juan Fernandez (27 pour 100 des Phanérogames), et quelques-unes en sont bien remarquables ; cepen- 1252 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. dant, eu égard à la masse des Composées, cette famille caractérise bien davantage l'Afrique australe, le Mexique, la chaîne des Andes ou même l’Europe méridionale. Il serait aisé de multiplier ces exemples. À vrai dire, les deux points de vue ont leur valeur. C’est bien un trait caractéristique pour une végétation, de présenter la totalité ou une grande proportion des espèces d’une certaine famille; c’est aussi un caractère distinctif de présenter une proportion inusitée d'espèces d’une famille, relativement aux Phanérogames du pays. Dans le premier cas, l'habitation principale de la famille constitue le caractère; dans le second, c’est la grandeur de la proportion. Le premier point de vue touchera principale- ment les botanistes auteurs de Monographies, le second frappera surtout les auteurs de Flores et les voyageurs. ARTICLE IT. EXPOSÉ DES FAITS. Le tableau qui suit (p. 1258) est destiné à faire ressortir les deux points de vue dont je viens de parler. ; La surface du globe a été divisée en 15 grandes régions géographiques et naturelles : la zone autour du pôle arctique, les pays tempérés de lan- cien et du nouveau monde dans l'hémisphère boréal, les quatre régions intertropicales de l'Amérique, l'Afrique, l'Asie et la Polynésie; enfin, les terres australes, qu'il à fallu répartir en six groupes distincts, vu leur éloignement les unes des autres. Cette division très large convient dans le cas actuel, à cause de l’immensité de l'habitation des familles, et parce que les familles caractéristiques de l'Asie méridionale, je suppose, se trouvent d'ordinaire sur le continent et dans l'archipel de la Sonde ou des Moluques, de même qu’une famille américaine se trouve communément au Brésil et à la Guyane, à Guyaquil et à Cuba, etc. Pour chacune de ces grandes divisions du globe, le tableau indique : 4° dans la colonne de gauche, les familles caractéristiques sous le premier point de vue, c’est-à-dire ayant dans cette région leur habitation princi- pale, ou l’une des principales s’il y en a plusieurs; 2° dans la colonne de droite, les proportions remarquables, relativement aux Phanéro- games du pays. Comme premier résultat, il saute aux yeux que les régions pauvres en espèces (arctique et antarctique, À et 13) ne sont le centre d'aucune famille, et que, inversement, certaines familles y règnent à l'ex- clusion des autres et avec des proportions énormes relativement aux Pha- EXPOSÉ DES FAITS. 1953 nérogames. C’est une conséquence directe du nombre très faible des espèces phanérogames et de la disette de formes particulières. Qu'on me permette en passant une réflexion de pure philosophie natu- relle. Si les conditions physiques les plus spéciales avaient produit des êtres organisés spéciaux, les climats polaires étant très distincts et offrant des conditions extrêmes, auraient produit des formes bizarres, peu nom- breuses peut-être, mais distinctes. C’est précisément le contraire qui existe, et à mon avis, ce fait n’est pas une des moindres objections aux théories dans lesquelles on considère les êtres organisés comme la consé- quence des conditions physiques extérieures. On ne saurait trop le répéter : les formes sont le plus variées, le plus caractéristiques dans les zones où les conditions de climat sont le plus uniformes. Ceci est très connu, très élénientaire, mais on oublie trop les conclusions graves qui en découlent. Je reviens au tableau. Dans la colonne de gauche, les chiffres mis entre parenthèses, à la suite des noms de familles, résument les grandes divisions du globe où elles sont indiquées comme caractéristiques. Ainsi, les Renonculacées ont un maxi- mum de leurs espèces dans les régions tempérées de l’ancien monde (3), et un second maximum moins important dans les régions tempérées de l'Amérique septentrionale (2), ce qui est indiqué par (3,2). Lorsque l’état de la science ne permet pas d'affirmer que le nombre des espèces d’une famille soit plus élevé dans une région que dans une autre, ou lorsque les espèces sont véritablement groupées dans deux ou plusieurs régions d’une manière égale, j'ai employé la désignation +. Ainsi, les Malvacées ont la formule (4 + 5 + 6), qui veut dire : Elles sont réparties à peu près également dans la division 4, la division 5 et la division 6; ail- leurs, elles sont moins nombreuses. Le signe * indique les régions supérieures ; ainsi, Onagrariées (2, 4°,3) signifie que les points principaux de l’habitation de cette famille sont l'Amérique septentrionale tempérée (2), ensuite les parties élevées de l'Amérique méridionale (4°); enfin, les pays tempérés de lancien monde (3). On comprend qu’il existe aussi des Onagraires ailleurs, mais elles y sont éparses et dans une proportion insignifiante relativement à l’en- semble des espèces de la famille. Les indications or. occ. signifient orient et occident. Ainsi, les Berbéri- dées (3,2, 12°%), existent principalement dans la partie orientale des régions tempérées de l’ancien monde, ensuite dans l'Amérique septentrio- nale tempérée ; enfin, dans l'Amérique australe occidentale, au Chili. Ce travail, du reste, n’est pas susceptible de précision, car on découvre chaque année de nouvelles espèces et l’on pénètre dans des pays dont la 1254 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. flore est à peine connue. Les chiffres calculés sur les ouvrages généraux ne sont que provisoires ; aussi, ai-je préféré ne pas les citer (a). J’estime cependant que les faits essentiels sur la distribution des familles sont déjà connus. Plus tard, on les complétera et précisera. Je n’ai pas tenu compte des familles dont on connaît moins de 10 espèces. Elles m'ont paru devoir être envisagées, dans la question actuelle, plutôt comme des genres. Quelques familles de Dicotylédones sont dispersées d’une manière si générale ou si égale, qu’elles ne sont caractéristiques d’aucune région. Je les ai omises volontairement, du moins dans la première colonne, car elles figurent quelquefois dans la seconde, sous un autre point de vue. Ces . familles omises sont les Nymphéacées, Fumariacées, Ampélidées, Ilicinées, Célastracées, Rhamnées, Flacourtianées, Homaliacées, Térébinthacées, Légumineuses, Cucurbitacées, Paronychiées , Portulacacées, Rubiacées, Loganiacées, Sésamées, Convolvulacées, Scrophulariacées, Solanacées, Plantaginacées, Phytolaccacées, Salsolacées, Amarantacées, Thymélées, Euphorbiacées, Monimiées, Urticacées. Par les mêmes motifs, et à cause de la confusion où se trouvent plusieurs familles de Monocotylédones depuis louvrage de Kunth, j'ai omis dans la première colonne un nombre assez considérable de familles de cette classe, savoir : les Hydrocharidées, Alis- macées, Lemnacées, Naïades, Orchidées, Cannacées, Musacées, Diosco- rées, Asparagées, Commélynacées, Pontédériacées, Joncées, Typhacées, Aroïdées. Les familles qui sont au plus haut degré caractéristiques d’une région sont celles dont le nom est accompagné d’un seul chiffre, dans la pre- mière colonne, car alors elles ont un seul centre d'habitation. Voici leur énuméralion par grandes régions : 1. Régions arctiques. — Aucune. 2. Amérique seplentrionale tempérée. — Podophyllacées, Hippocas- tanées, Hydrophyllées. Chacune de ces familles a quelques espèces dans d’autres régions, 3. Régions tempérées de l'ancien monde. —En général: Crucifères, Tamariscinées, Ombellifères, Dipsacacées, Orobanchacées, Plumbaginées. Dans la partie occidentale principalement : Cistacées, Résédacées, Franké- niacées, Caryophyllées, Globulariacées. Dans la partie orientale : aucune. La région sud-ouest formée par les îles Canaries et Madère, le pourtour de la mer Méditerranée, l'Anatolie et la Perse, présente comme on voit (a) M. Hinds a donné dans les Annals and mag. of nat. hist., 1842, p. 415, le nombre des espèces contenues dans les quatre premiers volumes du Prodromus, par familles et selon les parties du monde. J'ai consulté ce tableau, en me servant aussi de Walpers ct de diverses monographies, EXPOSÉ DES FAITS. 4955 un assez grand nombre de familles particulières. Les Cistacées, Réséda- cées, Frankéniacées et Globulariacées y sont presque complétement renfer- mées. La partie septentrionale de nos régions tempérées ne présente rien d’analogue, et la partie orientale (Japon, Chine) se distingue moins par des familles propres, que par des familles communes avec l'Amérique septentrionale, comme les Magnoliacées, Philadelphées, Berbéridées. h. Amérique intertropicale. — Marcgraviacées, Érythroxylées, Malpi- ghiacées, Sapindacées, Tropæolées, Simarubées, Samydées, Vochysiacées, Passiflorées, Loasées, Gessnériacées, Théophrastacées, Hydroléacées, Aris- tolochiacées, Bégoniacées, Broméliacées. De ces seize familles, quatre, les Maregraviacées, Vochysiacées, Loasées, sont essentiellement de l'Amérique intertropicale. Il ne faut cependant pas se hâter de dire qu’elles man- quent ailleurs, car Île progrès des découvertes infirme très souvent des assertions aussi tranchées, 5. Afrique intertropicale. — Aucune. La pauvreté de cette vaste région en formes caractéristiques est remar- quable. Elle s’observe pour les espèces et les genres, comme pour les familles. Les théories qui expliquent la variété des formes par des condi- tions favorables de chaleur et d'humidité sont ici complétement en défaut. On est obligé de recourir à des causes antérieures à l'état actuel des choses, c’est-à-dire tenant à la création des êtres et à des conditions diffé- rentes des pays sous des époques géologiques précédentes ; elles seules peuvent expliquer ce fait, de même que l’absence de formes caractéristiques dans les régions polaires (voy. chap. xxvi). 6. Asie intertropicale. — Aurantiacées, Balsaminées, Jasminées, Cyr- tandracées. La première de ces familles est ia plus spéciale. Du reste, elle s'étend un peu hors du tropique, vers le Japon, la Chine et l'Himalaya, de même que les Balsaminées et Cyrtandracées, la limite du tropique étant plus arbitraire que naturelle, surtout en Asie. 7. Polynésie intertropicale. — Aucune. 8. Nouvelle-Hollande et Van-Diémen. — Trémandrées, Stylidiacées, Goodénoviacées, Épacridacées, Myoporacées. La première de ces familles, qui est la moins nombreuse, est bornée exclusivement à l'Australie. Les autres y sont dans une majorité immense. 9. Nouvelle-Zélande, Norfolk, Broughton, Auckland et Campbell. — Aucune. 10. Afrique australe extratropicale, soit cap de Bonne-Espérance. — Bruniacées, Cyphiacées, Stilbacées, Sélaginacées (a), Pénéacées. Ces (a) J'ose à peine considérer le genre Gymnandra, qui croît en Sibérie, comme apparte- nant aux Sélaginées, tant le port est différent, 1256 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. familles ne sont ni en grand nombre, ni importantes par la quantité de leurs espèces, ni généralement confinées au Cap. La végétation de lAfri- que australe est donc moins remarquable par la spécialité des familles que par celle des genres et des espèces, et par une combinaison particulière des familles. 11. Lles de Kerquelen, Amsterdam et Saint-Paul, Prince-Édouard, Tristan d’Acunha. — Aucune. 12. Chili, Buenos- Ayres, Brésil extratropical. — Calycérées, famille dont on ne connaît que dix espèces, dont neuf de cette région et une (douteuse) du Mexique. 15. Patagonie, îles Malouines. — Aucune. Tels sont les principaux faits, au point de vue de l'habitation des familles. Le tableau est moins détaillé en ce qui concerne les proportions d'espèces à l'égard des Phanérogames de chaque Flore. J'ai déjà indiqué les familles prédominantes (chap. xx). Lei je me borne à quelques infor- mations sur diverses familles, souvent moins importantes, mais choisies d’une manière particulière. Il ne pouvait pas être question de donner les proportions de familles autrement que par flores locales, puisque nous ne possédons aucun ou- vrage dans lequel les Phanérogames soient énumérées pour l’enseñble de régions immenses, telles que l'Amérique intertropicale, la Nouvelle-Hol- lande, les régions polaires, etc. D’ailleurs, pour obtenir des proportions dignes d’être comparées, il faut envisager des pays dont l'étendue ne soit pas trop disparate. Jai donc repris et étudié de nouveau les documents qui avaient été choisis à l'occasion du chapitre précédent, et j'ai reporté dans la seconde colonne du tableau les proportions de familles qui caracté- risent certaines flores. Ainsi pour la famille des Zygophyllées, je n’ai trouvé nulle part une proportion aussi grande à l'égard des Phanérogames, que dans la Flore du mont Sinaï (5 pour 100); ce que j’ai indiqué dans la division 3, colonne à droite. Pour les Apocynacées, je n’ai découvert aucune proportion plus forte que celle de Bahia, 2 pour 100 des Phanérogames, aussi cette famille est-elle indiquée seulement à la division 4. Souvent une famille présente des proportions remarquables dans plusieurs des grandes divisions géographiques ou dans plusieurs des flores locales d’une même division. Jai cherché à l'indiquer en répétant le nom de la famille dans diverses parties du tableau et en signalant les répétitions par des renvois mis entre parenthèses. Ainsi la famille des Renonculacées se trouve dans la division 1, colonne à droite, pour des proportions remarquables à Pile Melville, au Spitzherg, ete. ; à la division 3, pour des proportions analo- ques en Europe et en Sibérie, à la division 41, et à la division 43, où les EXPOSÉ DES FAITS. 1207 proportions sont également assez fortes. Aïlleurs, elles le sont moins. Pour les Composées, j'ai signalé les Flores où la proportion atteint 14 pour 100 des Phanérogames (voy. divisions 2, 3, 4, 5, 10, 12), les proportions de 8 à 13 pour 100 étant trop fréquentes pour être caractéris- tiques. La limite où une proportion devient remarquable est arbitraire. Je l'ai établie pour chaque famille d’après la gradation des chiffres des’ diffé- rentes flores. Mon attention s’est fixée spécialement sur les familles qui pré- sentent çà et là une proportion de 2 pour 100 au moins. Les autres m'ont paru, dans la plupart des cas, n'avoir pas assez d'importance pour figurer dans le tableau. Si j’ai mentionné quelquefois des proportions de 4 + ou 1°, ce n’est que pour des familles très distinctes ou très remarquables en elles-mêmes, comme les Sapindacées, les Lauracées, les Conifères, ete. D’après la marche suivie dans ce travail, toutes les fois qu’une famille portée à la colonne de gauche pour une des divisions du globe, n’est pas indiquée dans la colonne de droite, on peut être sûr que sa proportion est inférieure à 2 pour 100 dans les flores locales, ou qu’elle est inférieure aux pro- portions indiquées pour cette famille dans d’autres divisions du tableau. Par exemple, la famille des Guttifères est portée dans les divisions 4 et 6, colonne de gauche, mais elle n’est indiquée nulle part dans la colonne de droite, donc aucune flore ne m'a présenté pour cette famille une propor- tion de 2 pour 100 au moins; la famille des Rutacées se trouve dans les divi- sions 10, 8 et 4, colonne de gauche, mais elle est portée dans la colonne de droite aux divisions 5 et 10 seulement et pour À À en minimum; donc les autres flores n’ont pas offert même cette proportion de À L. En étudiant le tableau, on verra une foule de familles qui présentent les proportions les plus remarquables à légard des Phanérogames, dans des régions où elles sont moins nombreuses qu'ailleurs. Ainsi les Pittosporées forment 2 pour 100 dans la flore de la Nouvelle-Zélande; mais elles offrent une proportion inférieure dans les flores de la Nouvelle-Hollande, qui est pourtant le siége principal de la famille. Il y a plus de Cypéracées dans la vaste région tempérée de l’ancien monde qu’autour du pôle, mais dans nos flores la proportion à l'égard des Phanérogames n’approche jamais des 9 à 13 pour 100 observés dans les flores polaires. La fré- quence de ces exemples prouve combien il était nécessaire de distinguer les deux points de vue sous lesquels se présentent les familles caracté- ristiques. 195S COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES, HABITATIONS PRINCIPALES PROPORTIONS REMARQUABLES, DES FAMILLES. EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES DE CHAQUE PAYS. 1. RÉGIONS ARCTIQUES ET SUBARCTIQUES (61-90° LAT. N.). Renonculacées: Ile Melville, 7 3 pour 100 ;Spitzberg, 5 à 6 p. 100; N.—E. de la Russie ne , 5 à 6 p. 400. (Voyez 3, 11, 13.) Crucifères : Spitzherg, 19 ; île Melville, 13 ? tar 3,9, 11, 43.) Caryophyllées : Spitzberg, 14: 1; ile Melville, 7; N.-E. de la Russie europ., 7 +. (Voy. 3.) Rosacées : Kotzebue sound, 6 ; île Melville, 6; Spitzherg, 5 1; Laponie occ., 4. (Voy. 2, 3, 4°.) Saxifragacées : Spitzherg, 14 Z; ne Melville, 45; Kotzebue sound} 6, Islande, 3 ? ; Laponie occid., 4. (Voy. 3°.) | Ericacées : Laponie occid., 3 ?;1I Énde, 3. (Voy. 2, 10,13.) Primulacées : Kotzebue sound , 3. (Voy. 3.) | Amentacées : Kotzebue sound, 4; a 5; Laponie oce., 5; N.-E. de la Russie europ., 6. (v 0y. 2, 3.) | Cypéracées : Laponie occ., 13 ; Islande, "11: ; îles Feroë, 9. (Voy. 2, 1, 11.) | Graminées : Spitzberg, 18 ; île Melville, 21. (Voy. 11, 43.) | 2. , 3 ÉRIQUE SEPTENTRIONALE {MOINS LES RÉGIONS SUBARCTIQUES ET LES TERRES CHAUDES | 4 re/71 DU MEXIQUE ). Reno (3, À): Magnoliacées (3or , 2). Berbéridées (3vr., 2 Adocc.), Podophyllacées (2). Papavéracées (3, 2). Violacées (3, 4, 2). Violacées : Labrador, 2 =. Droséracées (8, 4, 10, 2, 3). Linées (3, 2). Hypéricacées (3, 2, 4). Acéracées (3, 2). Hippocastanées (2). Posacées (3, 2). Rosacées : Sitcha, 7 ; Labrador or., DENTS 4, 3,4" Onagrariées (2, 4°, 3). Onagrariées : Labrador, 2 22; Sitcha, 32 2; Californie, 3. (Voy. 9, Haloragées (2 3 L 8). 12.) Philadelphées (2, + «). Turnéracées (4, 2 Cactacées (2°, . Grossulariacées (2, 3, 420cc). Saxifragacées (3°, 4°, 9). Araliacées (3, 2, 4). Cornées (2, 3). Caprifoliacées (3, 2). Composées (10, 4*,2, 3). Composées : Géorgie et Caroline du Sud, 46 ©; Californie, 48 ? ; Texas or., 45 2 ; centre de l'Amwér. sept., 15 ; terres élevées du Mexique, 48 !.(Voy. 3, 4, 5, 10, 42.) Lobéliacées (4, 10, 9, 7). Vacciniacées (2, 4°). Ericacées (10, 2, 3). Ericacées : Ile de Sitcha, 5 ; Labrador or., 3 =. (Voy. 1, 10, 43.) Pyrolacées (2, 3). | Lentibulariées (4, 2, 8). | Primulacées (3°, 2). | Oléacées (6, 10, 3, 9, 8), | | | Asclépiadées (10, 4, 6, 2, 5r). Gentianacées (4", 3*,9, 4, 10). Hydrophyllacées (2). | Hydrophyllacées : Californie, 3 Z. Polémoniacées (2, 4*). | Polémoniacées : Californie, 4 ! ; Texas or., 2 EXPOSÉ DES FAITS. 1259 HABITATIONS PRINCIPALES PROPORTIONS REMARQUABLES, DES FAMILLES. EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES DE CHAQUE PAYS. AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE. (Suile.) Labiées (3occ., 9, 4). Mexique tempéré, centre des États-Unis, 4. (Voy. 3.) Scrophulariacées : Californie, 6 ; Mexique temp., 4 +. (Voy. 3, 4, 5.) Nyctaginées (2, 4). Salsolacées : Californie infér., 3 à 4? (Voy. 3.) Polygonacées (3, 2). Elæagnées (2 + 3). Amentacées (3 2, 6°). Amentacées : Labrador or., 8 ?; Etats-Unis au nord de la Virgi- nie, #2; centre des États-U., 3 7; Mexique temp. 3. (Voy. 1, 3.) Juglandées (2, 3). Conifères (2, 3, &). Conifères : Ile Sitka 2 =; Californie, 2 ? ; Etats-Unis au nord d la Virginie, 1. (Voy, 3, 9.) Iridées (10, 3 + 2). Amaryllidées (4, 19, 2, 140, 3). Colchicacées (2, 3, 10). Uvulariées (2, 3). Xyridées (8, 4, 2, 6). Eriocaulées (4, 6, 2). Cypéracées : Ile de Sitka, 10 1. (Voy. 1, 7, 11.) 3. RÉGIONS TEMPÉRÉES DE L'ANCIEN MONDE ENTRE LE 61° DEGRÉ ET LE TROPIQUE. Renonculacées (3, 2). Renonculacées : Flores des plaines de l’Europe, 2 à 4 ; région al- pine suisse, # à G ; Sibérie centr., 6 ; Kamtschatka, 7. (Voy. 1, A4 AS) Magnoliacées (30r., 2). Berbéridées (391, 2, 199cc.). Papavéracées (3, 2). Crucifères (3). Crucifères : Flores des plaines de l'Europe, 3 à 5; steppes de 1 Russie mér., 6 2 à 7 !; montag. d'Europe, 5 à 9 . {Voy. 1, 943) Capparidées : Presqu'ile du mont Sinaï, 2 1. Cistacées (3Cc), Cistacées : Roy. de Grenade, rég. infér., 2 ; Algérie, rég. infér., 2. (Voy. 4.) Droséracées (8, 4, 10,2, 3). Violacées (3, 4, 2). Résédacées (3occ.), Frankéniacées (30cc.), Caryophyllées (30cc.), Caryophyllées : Flores des plaines europ., 3 à 5; des rég. alpines, 5 à 8 1. (Voy. 1.) Linées (3, 2). Hypéricacées (3, 2, 4). Acéracées (3, 2). Géraniacées (10, 3). Géraniacées : Egypte, 1 T. (Voy. 10, 12.) Zygophyllées (3occ-, 10). Zygophyllées : Presqu'ile du Sinaï, 5. Rosacées (3, 2). Rosacées : Yorkshire, 6 2; Suède mérid., 5 z ; Kasan, 5; Silési sup., T =; Rég. alpine de Glaris, 5 à 6; Sibérie centr., 5 ; Chine sept., 7 2; Kamtschatka, 10 7. (Voy. 1, 2, 4°.) Onagrariées (2, 4*, 3). Haloragées (2 + 3H 8). Tamariscinées (3). Philadelphées (2, 3"1-). Crassulacées (10, 3). Crassulacées : Pic du midi de Bagnères, 4; rég. alpine du roy. de Grenade, 2 T; îles Canaries, 3. (Voy. 5, 10.) Ficoïdes (10, 3). Grossulariées (2, 3, 120cc.), Saxifragacées (3*, 4*, 9). Saxifragacées : Rég. nivale et subniv. de Glaris, 5 ; Pic du midi de Bagnères, 4 ; rég. nivale de la Sierra Nevada, 2 4. (Voy. 1.) 1960 cOMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. HABITATIONS PRINCIPALES ‘ PROPORTIONS REMARQUABLES , DES FAMILLES. EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES DE CHAQUE PAYS. RÉGIONS TEMPÉRÉES DE L'ANCIEN MONDE. (Suile.) Ombellifères (3). Ombellifères : Flores des régions inférieures de l'Europe moy. € mérid., 3 à 5 +. (Voy. 11, 13.) Araliacées (3, 2, 4). Cornées (2, 3). Caprifoliacées (3, 2). Valérianacées (3, 4°). Dipsacacées (3). Composées (10, 4”, 2, 3). Composées : Rég. sup. des Alpes de Glaris, 17 à 48; Pic du mid de Bagnères, 18 2; îles des Canaries, A4 2; steppes de ] Russie mér., 13 à 14; Egypte, 14. (Voy. 2, #4, 5, 10, 12.) Campanulacées : Turquie d'Eur. et Bithynie, 2. ; Campanulacées (3, 10). | Ericacées (10, 2, 3). Pyrolacées (2, 3). | Primulacées (3° 2). ‘Primulacées : Rég. nivale et subnivale des Alpes de Glaris, 5 +; Pi | du midi de Bagnères, 4. (Voy. 1.) Oléacées (6, 10, 3, 2, 8). | Gentianacées (4*, 3°, 2, 4, 10). ‘Gentianacées : Rég. nivale de la Sierra Névada, 42 ; rég. subniv et nivale de Glaris, 3 2; flore des env. du lac Baïkal, 2 ; Hima- laya ? (Voy. 4.) Borraginées: Presqu'ile du Sinaï, 3 +; Egypte, 3 ; Morée, 2 ?; il Baléares, 2 ? ; îles Açores, Madère, Canaries, de 2 à 2 Z. (Voy 4, 5.) Borraginées (3, 4, 10). Orobanchacées (3). Scrophulariacées : Flores des plaines d'Europe , 3 à 5 ; sommet d Brocken, 6 2 ; rég. alpine et niv. de Glaris, 5 © à 6; rég. niv de la Sierra Nevada, 7. (Voy. 2, 4, 5.) s Labiées (3occ., 9, 4). [eue : Flores de la Méditerranée, 3 à 6 ; îles Canaries, 6} Madère, 5 © ; environs de Pesth, 6; Bessarabie, 6; Assam, 5 + (Voy. 2.) Globulariacées (30cc.), Plumbaginées (3). (Salsolacées : Flore de l’Altaï et pläines voisines , 4 = ; de Saratow, Astrakhan et Orembourg, 5 : ; Egypte, 5. (Voy. 2.) Polygonacées (3, 2). Santalacées (3, 8, 1). Elæagnées (2 + 3). ‘ dés Amentacées (3 + 2, 6°). Amentacées : Flores du nord de l'Europe et de la Sibérie centr. 3 à 4 ; Kamtschatka, 8. (Voy. 1, 2). Juglandées (2, 3). Conifères (2, 3, 8). Genifres Japon, 2; îles Leo-Choo et Bonin, 2 +; Himalaya (Voy. 2, 9.) Iridées (10, 3 + 2). Amaryllidées (4, 12, 2, 10, 3). Liliacées et Asphodélées (10, 3). [Liliacées : Algérie, 3; îles Baléares, 21; Naples, 2; Japon, 2 (Voy. 10, 9.) Colchicacées (2, 3, 10). Uvulariées (2, 2). 4. AMÉRIQUE INTERTROPICALE. Dilléniacées (6, 8, 4). Anonacées (4, 6, 5). Ménispermacées (6, #). Capparidées (4 + 5 + 6). Bixacées (4, 50r ). Cistacées : Nouvelle-Grenade, rég. infér., 2. (Voy. 3.) Violacées (3, 4, 2). Droséracées (8, 4, 10, 9, 3). Polygalées (4, 10). Polygalées : Bords de l'Orénoque, 2 ; Bahia, 4 +. (Voy. 10.) Malvacées (4 + 5 + G). EXPOSÉ DES FAITS. 1961 HABITATIONS PRINCIPALES PROPORTIONS REMARQUABLES, DES FAMILLES, EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES DE CHAQUE PAYS. — — AMÉRIQUE INTERTROPICALE. ( Suite.) Bombacées (4, 5). Byttnériacées (4, 10, 8). Tiliacées (6, 5, 4). Elæocarpées (6, 4). Ternstræmiacées (6, 4). Olacacées (4, 6, 50r.), Hypéricacées (3, 2, 4). Guttifères (4, 6). Maregraviacées (4). Hippocratéacées (4, 6). Erythroxylées (4). Malpighiacées (4). Malpighiacées : Bords de l'Orénoque, 2 ; Bahia, 2. Sapivdacées (4). Sapindacées : Bahia, 4 *. Méliacées (4,6). Tropæolées (4°). Oxalidées (10, 4). Rutacées (10, 8, 4). Simarubées (4). Ochnacées (4, 5, 6). Légumineuses : Ile St-Thomas, 46; Guyane angl., 14 ? ; littoral de Guayaquil au Mexique, 14. (Voy. 5, 6, 8.) : Samydées (4). Rosacées : Chimborazo, à 12-14000 pieds, 4, (Voy. 1, 2, 3.) Mémécylées (6, 4). Combrétacées (6, 4, 5). Vochysiacées (4). Rhizophorées (6, 4). Onagrariées (2, 4°, 3). Lythrariées (4, 6). Lythrariées : Bahia, 1 ?. Mélastomacées (4, 6, 5). Mélastomacées : Littoral de Guayaquil au Mexique, 11 ? Quito, 2 Z, Guyanes, #; Bahia, 4 ; prov. de Goyaz? prov. des Mines? (Voy. 5.) Myrtacées (4, 8). Myrtacées : Bahia, 4 L; prov. de Goyaz et autres du Brésil, (Voy. 8, 9, 6,1, 5, 42) Passifloracées (4). Loasacées (4). Turnéracées (4, 2). Cactacées (2*, 4°). Cactacées : Mexique tempéré. Saxifragacées (3°, 4*, 2). Araliacées (3, 2, 4). Loranthacées (4, 6, 5). Rubiacées : Bahia, 8 ; bords de l'Orénoque, 8. (Voy. 5, 6, 7, 9, 14.) Valérianacées (3, 4°). Composées (10, 4”, 2, 3). Composées : Quito, 22 ; rég. sup. du Chimborazo, 15; littoral du Mexique et Guatimala, 16 ; partie tempérée du Mexique, 18 ©. (Voy. 2, 5, 5, 140. 42) Lobéliacées (4, 10, 2, 7). Gessnériacées (4). Vacciniacées (2, 4°). Lentibulariacées (4, 2, 8). Myrsinéacées (6, #4, 501). Théophrastacées (4). Sapotacées (4, 6, 5or.), Styracacées (4, 6). Apocynacées (4, 6, 591). Apocynacées : Bahia, 2. Asclépiadées (10, 4, 6, 2, 5or.), Gentianacées (4°, 3°, 2, 4, 10). | Gentianacées : Chimborazo, entre 12 et 14000 pieds, 4. (Voy. 3.) Bignoniacées (4, 5°"). Bignoniacées : Bords de l'Orénoque, 3; prov. de Bahia, 2, É Polémoniacées (2, 4°). 1262 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES rm ep HABITATIONS PRINCIPALES DES FAMILLES. Borraginées (3, #4, 10). Hydroléacées (4). Acanthacées (4, 6, 10, 5). Verhénacées (4, 6, 10). Labiées (3orc-, 9, Basellacées (4, 6). à. Nyctaginées (2, 4). Lauracées (4, 6). Myristicées (6, 4). Aristolochiacées (4). Bégoniacées (4). Pipéracées (4, 6, 5). Cycadées (4 + 10 + 6 — 8) : Podostémonées (4, 6, 5). Scitaminées (6, 5, 4). Broméliacées (4). Hzæmoldéracées (4 10 He: 8). ). Amaryllidées (4, 19, 2, Xyridées 18, 4, 2, 6). Hoeailées (4,-6, 9). Restiacées (10, 8, 4). Palmiers (6 4). 10,3 Anonacées (4, 6, 5). Ménispermacées (6, 4). Capparidacées (4 + 5 + 6). Bixacées (4, see Malvacées (4 + 5 E 6). Bombacées (4, 5). Tiliacées (6, 5, 4). Chlénacées (597, 6). Olacacées (4, 6, 59r.). Ochnacées (4, 5, G). Combrétacées (6, 4, 5). Mélastomacées (4, 6, 5). Loranthacées (4, 6, 5). AMÉRIQUE INTERTROPICALE. (Suile.) PROPORTIONS REMARQUABLES, EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES DE CHAQUE px. Le ets Borraginées :Galapagos, 6 2 ; Nouv.-Andalousie, 2 2. (Voy. 3, 5 Solanacées : Iles Galapagos, 6 ; Quito, #2 ; Pérou ? bords de l'Ama zone ? (Voy. 5.) Mexique mérid. et Guatimala, 6; Quito, 6; 3,5.) | Verbénacées : Iles a 3 2; Pérou? No Andalousie, 3, bords de l'Orénoque, 2 +; prov. de Bahia, 2. (Voy. 6.) Scrophulariacées : Chimborazo, 6, (Voy. 2, Amarantacées : îles Galapagos, 4 ; littoral du Mexique à Guayaquil, 2. (Voy. 5, 1.) Nyctaginées : Iles Galapagos, 2. (Voy. 1) Lauracées : Nouv.-Grenade, 1 : 1; rég. du fl. des Amazones, 1 à 24 Euphorbiacées : Iles Galapagos, 8 ; partout ailleurs entre les tropi- ques, 2 à 5, mais la flore des Galapagos n’est connue qu moitié. 1 ; Guyanes, 2: Pipéracées : N.-Andalousie, 4 ! ; Nouv.-Grenade, 3 | bord des Amazones ? (Voy. 1, 92) Orchidées : Prov. de Rio-Janeiro? Guyanes, 62 ; Mexique” mér, et Guatimala, 10? (Voy. 5, 6, 9.) Scitaminées : Surinam, 2 ; Brésil équatorial? (Voy. 6.) 5. AFRIQUE INTERTROPICALE. Tiliacées : Iles du Cap Vert, 2 ; Congo, 1 ! Byttnériacées : Ile Maurice, 2 +. (Voy. S.) Rutacées : Nubie et Cordofan, 6. (Voy. 10.) Légumineuses : Nubie et Cordofan, 15; îles du cap Vert, 44; Congo, 17. (Voy. #4, G, 8.) |Myrtacées : Île Maurice, 3. (Voy. 4, , 6, 1,49) Paronychiées : Presqu'ile du Sina, ? A Mélastomacées : Sierra-Leone et Congo, 3. (Ress 4.) k trassulacées : Nubie et Cordofan, 3 !. (Voy. 3, 10.) EXPOSÉ DES FAITS. 1263 HABITATIONS PRINCIPALES DES FAMILLES. PROPORTIONS REMARQUABLES (EXPRINÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES). AFRIQUE INTERTROPICALE. (Suite.) Rubiacées : Sierra Le ne et Congo, 10 ile Maurice, 6 ?. (Voy. 4, 6, 7,.9, 44) Myrsinéacées (6, 4, Dor.), Composées : Ste-Hélène et l'Ascension ont de 14 à 18. (Voy-2, 3, 4, 10,12.) Sapotacées (4, 6, 5or.), Ebénacées (6,10, 50r.), Apocynacées (4, 6, 5or.), Asclépiadées (10, 4, 6, 2,5 r.), Bignoniacées (4, 5or.) Borraginées : Nubie et Cordofan, 3. (Voy. 3, 4.) Solanacées : Ile de l’Ascension, 13, cn partie introd.? (Voy. 4.) Acanthacées (4,6, 40,,5). Acanthacées : Abyssinie, 4 ; Sierra-Leone et Congo, 4. (Voy. 6.) Scrophulariacées : Nubie et Cordofan, 7 +. (Voy. 2, 3, 4.) Pipéracées (4,6, 5). Amarantacées : îles du cap Vérl, 2. (Voy. 4, 7.) Urticacées : Sierra-Leone et Congo, 3. (Voy. 6.) Podostémacées (4, 6, 5). Orchidées : [le Maurice, 41 +. (Voy. 4, 6, 9:) Scitaminées (6, 5, 4). Pandanées (6, 5). 6. ASIE INTERTROPICALE (COMPRIS L'ARCHIPEL INDIEN ET LES PHILIPPINES), Dilléniacées (6, 8, 4). Anonacées (4, G, 5). Ménispermacées (6, 4). Capparidées (4 5 6). Malvacées (4 AE a Tiliacées (6, 5, 4). Elæocarpées (6, 4). Chlénacées (5or., 6). Ternstræmiacées (6, 4). Olacacées (4, 6, 5or.), Aurantiacées (6). Guttifères (4, 6). Hippocratéacées (4, 6). Méliacées (4, 6). Balsaminées (6). Ochnacées (4, 5, 6). Légumineuses : Pays des Sikhs (collec lion incomplète), 46. (Voy. 4 5, 8.) » Célastrinées (6, 10). Mémécylées (6, 4). Combrétacées (6, 4, 5). Rhizophorées (6, 4). Lythracées (4, 6). Mélastomacées (4, 6, 5). e , 4,7, 12, 5.) Myrtacées : Timor, 2 ; Nouv.-Guinée, 3. (Voy. 8, 9 Loranthacées (4, 6, 5). Rubiacées : Java, 6. (Voy. #4, 5, 1,9, 14.) Myssinéacées (6, 4, 5occ ), Sapotacées (4, G, 5or ). Ebénacées (6, 10, 5or.). Styracacées (4, G). Oléacées (6, 10, 32 &). Jasminacées (6) 80 4964 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. HABITATIONS PRINCIPALES PROPORTIONS REMARQUABLES DES FAMILLES, (EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES). ASIE INTERTROPICALE. ( Suite.) Apocynacées (4, 6, RL Asclépiadées (10, 4, 6, 2, 50°), Cyrtandracées (6). Acanthacées (4, 6, 10, 5). Acanthacées : Assam supérieur, 4 ; Timor, 3 (voy. 5) ; Canton, 3 + Timor, 2. (Voy. 4.) ’ Era Le 6, 10). Basellacées 5). Lauracées “6. Lauracées : Java, 2. (Voy. 4.) Myristicées (6, 4). Urticacées : Java, 6 ; Nouv.-Guinée, 6. (Voy. 5.) Pipéracées (4, 6, 5). Amentacées (3 + 2, 6°). Cycadées (4 L 10 cu 68). Podostémnacées (4, 6, 5). Orchidées : Java, 10 ; Nouv.-Guinée, 16 ? (Voy. 4, 5,9.) Scitaminées (6, 5, 4). Scitaminées : Java, 2. (Voy. 4.) Xyridées (8, 4, 2, 6). Eriocaulées (4, 6, 2). Palniers (6 + 4). Palmiers : Nouv.-Guinée, 4? Pandanées (6, 5). VIT. POLYNÉSIE INTERTRQPICALE (SANDWICH , ÎLES DE LA SOCIÉTÉ, NOUV.-CALÉDONIE). Myrtacées : Iles de la Société, 3 Z. (Voy. 8, 9, 4, 6, 42, 5.) Pittosporées (8, 7). ù Rubiacées : Iles de la Société, 7. (Voy. 4, 5, 6, 9, 11.) Lobéliacées (4, 10, 2, 7). Amarantacées : Iles de la Société, 2 1. (Voy, #4, 5.) Santalacées (3, 8, 7). Nyctaginées : Iles de la Société, 2. Eu 4.) Pipéracées : Iles Sandwich, 4. (V s 9.) Cypéracées : Iles Sandwich, 11 ? es 1, 2,4%) 7. NOUVELLE-HOLLANDE ET VAN-DIEMEN. Dilléniacées (6, 8, 4). Dilléniacées : Swan River, 2 1. (Voy. 13.) Droseracées (8, 4, 10, 2, 3). Tremandrees (8). Pittosporées (8, 7). Byltneriacées (4, 10, 8). Bytinériacées : Swan River, 1 X. (Voy. 5.) iutacées (10, 8, 4). Haloragées (2H 3 + 8) Légumineuses : Swan River, 14, (Voy. 4, 5, _6.) Myrlacées (4, 8). Myrtacées : Swan River, 9. (Voy. 9, 4, 5. 6, 17 Stylidiacees (S). Stylidiacées : Swan River, 4. Goodénoviées (8). Goodénovicées : Swan River, à. Oléacées (6, 10, 3, 2, 8). | Epacridacées (8). Epacridacées : Swan River, 5. (Voy. 9.) Myoporacées (8). Lentibulariées (4, 2, 8). Protéacées (8, 10). Protéacées ; Swan River 44 +, (Voy. 10.) Santalacées (3, 8, 7). Conifères (2, 3, 8). Cycadées (4 Æ 10 Æ G +8). + Hæmodoracées (4 + 10 + 8). | Hæmodoracées : Swan River, 3. Xyridées (5, 4,9, 6). Restiacées (10 + 8 + 4). Restiacées : Swan River, 2. (Voy. 10.) | } < EXPOSÉ DES FAITS. 1265 à _—_—————— HABITATIONS PRINCIPALES PROPORTIONS REMARQUABLES DES FAMILLES. (EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES). 0e NOUVELLE-ZÉLANDE , NORFOLK , BROUGHTON, AUCKLAND ET CAMPBELL, Crucifères : Auckland et Campbell, 4 +. (Voy. 1, 3, 41, 13.) Pittosporées : Nouvelle-Zélande, 4 +, Onagrariées : Nouv.-Zélande, 2, Auckland et Campbell, 3 +. (Voy. 2, 42.) Myrtacées : Nouv.-Zélande , 2. (Voy. 8, 4, 7, 6, 19, 5.) Araliacées : Nouv.-Zélande, 1 2. Rubiacées : Auckland et Campbell, 7. (Voy. 5, 4,6, 7, 41.) Epacridées : Nouv.-Zélande, 3. (Voy. 8.) Pipéracées : Ile de Norfolk, 3 . (Voy. 4, 7.) Conifères : Nouv.-Zélande. 1 +. (Voy. 2, 3.) Orchidées : Iles Auckland et Campbell, 8 Z. (Voy. 4, 5, G.) Liliacées et Asphodélées : Ile de Norfolk, £2. (Voy. 3, 10) 40. CAP, SOIT AFRIQUE AUSTRALE EXTRATROPICALE. Droséracées (8, 4, 10, 9, 3). Polygalées (4, 10). Polygalées : Ensemble de l'Afrique australe, 2 pour 100. (Voy. 4.) Bytinériacées (4, 16, 8). Géraniacées (10, 3). Géraniacées : Ensemble de l'Afrique australe, 2 +, (Voy. 12, 3.) Oxalidées (10, 4). Zygoplhyllees (3°cc., 40). Rutacées (10, 8, 4). Rutacées : Ensemble de l'Afrique australe, 4 ?. (Voy. 5.) Célastracées (6, 10). Bruniacées (10). Crassulacées (10, 3). Crassulacées : Cap, région élevée orientale, 2. (Voy. 5, 3.) Ficoïdes (10, 3). Composées (10, 4*, 9, 3). Composées : Ensemble de l’Afr. austr., 17. (Voy. 2, 3, 4, 5,19.) Lobéliacées (4, 40, 2, 7). Campanulacées (3, 10). Cyphiacées (10). Ericacées (10, 2, 3). Ericacées : Ensemble de l'Afr. Austr., 2 ?; mont. de la Table, Nieuwekloof, etc., 6 +. (Voy. 1, 2, 13.) | Ebénacées (6, 10, 50r.). Oléacées (6, 10, 3, 2,8). Asclépiadées (10, 4, 6, 2, 50r.). |Asclépiadées : Ensemble de l'Afr. austr., 4 2; partie or. élevée, 3 + Gentianacées (4°, 3°, 2, 4, 10). Borraginées (3, 4, 10). Acanthacées (4, 6, 10, 5). Verbénacées (4, 6, 10). Sélaginacées (10). Stilbacées (10). Pénæacées (10). Protéacées (8, 10). Protéacées : Ensemble de l’Afr. austr., 2 =; mont. de la Table, Paarlberg, etc., 5 ; mais à Port-Natal, une espèce sur 615 Phan., soit moins de + pour 100. (Voy. 8.) Cycadées (4 + 10 +6 +8). Iridées (10, 3 + 2). Iridées : Ensemble de l'Afr. austr., 4. Hæmodoracées (4 + 10 + 8). Amaryllidées (4, 12, 2, 10, 3). Liliacées et Asphodélées (10, 3). [Liliacées : Ensemble de l'Afr. aust., 4. (Voy. 3, 9.) Colchicacées (2, 3, 10). Restiacées (10 + 8 + 4) Restiacées : Ensemble de l'Afr. austr., 3. (Voy. $) + | l 1266 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. HABITATIONS PRINCIPALES PROPORTIONS REMARQUABLES DES FAMILLES. (EXPRIMÉES EN CENTIÈMES DES PHANÉROGAMES). | 11. ÎLES DE KERGUELEN, AMSTERDAM ET ST-PAUL, PRINCE ÉDOUARD , TRISTAN D'ACUNHA, Renonculacées : 3 à 5 1. (Voy. 1, 3, 13.) Crucifères : 3 à 5 Z. (Voy. 1,3, 9, 13.) Ombellifères : 3 2 à 6. (Voy. 3, 13.) Rubiacées : 5 + à 6. (Voy. 5, 4, 6,7, 9.) Polygonacées : Tristan d’Acunbha, 9, Cypéracées : Tristan d'Acunha, 33. (Voy. 1, 2, 1.) Graminées : Kerguelen, 25 ; Tristan d'Acunha, 15. (Voy. 1, 13.) 12. CHILI, BUENOS-AYRES , BRÉSIL EXTRATROPICAL. Berbéridées (3, 2, 120cc.), Berbéridées : Juan Fernandez, 4 ©. (Voy. 13.) Géraniacées : Chili centr. et septr., 4 2. (Voy. 40, 3.) Grossulariées (2, 3, 420cc.), Onagrariées : 2. (Voy. 2, 9.) Myrtacées : 7. (Voy. 8, 9, 4, 7, 6, 5.) Loasées : Chili centr. et sept., 4 =. Portulacacées : Chili centr. et sept., 4 =. Valérianées : Chili centr. et sept., 4 Z. Calycérées (12). Composées : Chili centr. et sept., 21 ; rég. sup. des Andes, 25; Juan Fernandez, 27; Buenos-Ayres? Brésil mérid.? (Voy. 2, 3, 4, 5, 10.) Amaryllidées (4, 42, 9, 10, 3). 13. PATAGONIE, ÎLES MALOUINES ET AUTRES AU MIDI DE L'AFRIQUE. Renonculacées : Ile Hermite, Terre de feu, 6 pour 100 ; louines, 4. (Voy. 1, 3,11.) Dilléniacées : Ile Hermite, 2 +..(Voy. 8.) Berbéridées : Ile Hermite, 2 +. (Voy. 12.) Haloragées : Malouines, 2 +. Ombellifères : Malouines, 5 ; île Hermite, Terre de feu, # 3, 44.) Ericacées : Ile Hermite, 4 +. (Voy. 1, 2, 10.) Graminées : Iles Malouines, 15 ; île Hermite, 45 2. (Voy. 1, 11.) ARTICLE III. ANALOGIES RÉSULTANT DE FAMILLES CARACTÉRISTIQUES COMMUNES A DIVERSES RÉGIONS. Quand il s’agit de pays limités et rapprochés, les analogies de végéta- lion se montrent par une infinité de circonstances : espèces communes, genres communs, familles dans des proportions assez semblables, ete. Si les régions que l’on envisage sont très vastes, si elles ont un climat très différent, et surtout si elles sont séparées par une immense étendue de mers, l’analogie ne peut plus se manifester par des espèces semblables, car elles sont infiniment rares; elle existe à peine dans quelques genres communs, et ne peut véritablement être cherchée que dans les propor- 4 # + … vi "% + % < Tr FAMILLES COMMUNES A DIVERSES RÉGIONS. 1267 üons de familles et dans les familles caractéristiques. Celles-ei se trouvent de temps en temps partagées entre deux pays ou trois pays assez éloignés. Les tableaux précédents les indiquent, et il est assez curieux de résumer ces exemples comme une mesure des analogies de cette sorte entre végé- tations. d’ailleurs fort différentes. Je laisse de côté pour le moment les divisions du globe qui ne sont le siège principal d’aucune famille. Les autres peuvent être comparées de la manière suivante. Amérique septentrionale temperée. Familles ayant deux centres principaux, l'un dans cette région, l’autre : Dans les régions tempérées de l’ancien monde.............. 15 (Dont principalement dans l’orientde l’ancien monde, au moins 2) (Dont principalement dans loccident..,................ 0) Dans Amérique néeritopicale 22-22 -Rec-ccuc.e dm... > (Dont principalement dans les Andes. ........:......... 3) Dans les autres divisions du globe..................... 0 Familles ayant trois centres principaux, l’un dans l'Amérique septen- trionale tempérée, les autres : Dans les régions tempérées de l’ancien monde et dans l’Amé- rique intertropicale...,.... dre: ecet 16 Au Cap et dans les régions tempérées de l’ancien monde.... 3 Dans les régions tempérées de l’ancien monde et au Chili... 2 Dans les régions tempérées de l’ancien monde et à la Nouvelle- È NETTETÉ OCT LEr ne sois see eee se, 2 Dans l'Amérique intertropicale et à la Nouvelle-Hollande.... 1 Dans l'Amérique intertropicale et l'Asie intertropicale...... 1 Les analogies les plus nombreuses et les plus directes sont avec les régions de même climat dans l’ancien monde, principalement avec la Chine et le Japon, ensuite avec les parties élevées de l'Amérique méridionale. Les autres analogies sont rares et indirectes, spécialement celles avec les parties tempérées de l'hémisphère austral. On connaît cependant des ana- logies, et même des identités d'espèces entre la Californie et le Chili (a) ; mais aucune famille n’est partagée entre ces deux pays, comme centres principaux d'habitation. Régions tempérées de l'ancien monde. Familles avant deux centres principaux, l’un dans ces régions, l'autre : Dans l'Amérique septentrionale tempérée ............... 15 ADR UAPDE ee ohne FCtroeec et doimooses sens. (À Dans l’Amérique intertropicale (régions élevées).......... 1 Dans les autres divisions du tableau......... Eee De ce Ml, (a) Voyez p. 1047. 1268 COMPARAISON SOUS LE RAPPORT DES FAMILLES CARACTÉRISTIQUES. Familles ayant trois centres principaux, l’un dans ces régions tempérées de l’ancien monde, les autres : Dans l'Amérique septentrionale tempérée et l'Amérique inter- tropiealeres foie ess eee sernisetebte Se ER ORSE Au Cap et dans l'Amérique septentrionale, ..........:.... Dans l'Amérique septentrionale tempérée et au Chili. ....... Au Cap et dans l'Amérique intertropicale ....,.........,.. Dans l'Amérique septentrionale et l'Asie intertropicale...... A la Nouvelle-Hollande et en Polynésie. ........,........ en pis es (Q C9 QE Le plus grand nombre des analogies est avec l'Amérique septentrio- nale tempérée ; ensuite (chose remarquable) avec le Cap; troisièmement avec l'Amérique intertropicale ; enfin, dans quelques cas rares, il y a ana- logie avec d’autres divisions du globe ; mais avec deux divisions, ce qui est moins direct et suppose une distribution plus vague des familles. Amérique intertropicale. Familles ayant deux centres, l’un dans cette division du monde, l’autre : Dans l'Asie intertropicale........... dos oodoms onda 14 Dans l'Amérique septentrionale tempérée..... AoepCo ob 00 s] Dans l’Afrique intertropicale....... D P'oidlation Setaokora cre ulc 3 (Dont, dans l’Afrique intertropicale orientale .,.....,,... 2) Dans les régions tempérées de l’ancien monde....,.....,.. 1 A la Nouvelle-Hollande. .,,,....... HD DE oO O0 NC 1 AUICAD.e--2- sine usessetsadsres-sHeetir-teuer 1 Dans les autres divisions,.:...... sb secte restes 0 Familles ayant trois centres, Pun ici, les autres : Dans l’Asie et l'Afrique intertropicales......... ou dar dt aq ES Dans l'Amérique septentrionale tempérée et les régions tem- pérées de l’ancien monde............... Hdotierore > Au:Gap'et à la Nouyelle-Hollande..-...:.-....,1n.-.-..-. 4 Dans l’Amérique septentrionale tempérée et la Nouvelle-Hol- IANTE RACE EIRE EME ENT HAE EL CIE E ESS EE sensor Dans l’Asie intertropicale et la Nouvelle-Hollande.....,.., Au Cap et dans les régions tempérées de l’ancien monde. .... Au Cap et dans l'Asie intertropicale. .....::..::1....::. Dans l'Asie intertropicale et l'Amérique septentrionale. .... un jen nn La grande majorité est celle des familles partagées entre les trois régions intertropicales. Les familles divisées entre l'Amérique et l'Asie intertropi- cales seulement sont presque aussi nombreuses. Viennent ensuite les analo- gies avec l'Amérique septentrionale tempérée et généralement avec les régions tempérées de l'hémisphère boréal. Les autres rapports sont rares et ordi- nairement communs à trois des régions, c’est-à-dire moins caractéristiques. Afrique intertropicale. Familles à deux centres, l’un dans cette division, l’autre : Dans Amérique intertropicale.............. SE LES SO IE Dans ASIE INteRITOPICAIE Ress. se... 2 Dans d’autres divisions, ,.,,,.... he vue ve sscsoess 0 FAMILLES COMMUNES À DIVERSES RÉGIONS. 1269 Familles à trois centres, l’un dans la division actuelle, les autres : Dans l'Amérique et l'Asie intertropicale.........,......... 45 Au Cap et dans PAsie intertropicale.. ::.4...:.:..:.:.... 4 J’ai déjà fait remarquer la pauvreté de l'Afrique équatoriale en familles caractéristiques. Le relevé ci-dessus le montre plus clairement encore. Les familles ayant des centres dans les trois régions intertropicales sont de beaucoup les plus nombreuses. Les analogies avec le Cap sont réduites à une, et avec les autres régions extralropicales, à zéro. Asie intertropicale. Familles ayant deux centres, l’un ici, l’autre : Dans Amérique intertropicale. ......... Dodobedtdooteoi sl Däns l’Afriqueunterfropicale site eme. nee ele 2 INR Ces Tres oPare ae Ébibbcoscantiboucnannnl Dans d’autres divisions. ..,...... 00 c'en too Familles de trois centres, l’un ici, l’autre : Dans l'Amérique et l'Afrique intertropicales.............. 15 Au Cap et dans l’Afrique intertropicale. ..,...,....... JA pe: PE | Dans l'Amérique intertropicale et la Nouvelle-Hollande, . ... nt Dans les régions tempérées de l’ancien monde et de l'Améri- que septentrionale ......, AO 0 DE ÉDoovdo mono one er, 4 Dans l'Amérique septentrionale et Het intertropicale. 1 Au Cap et dans l'Amérique intertropicale. . .., soso teste D Mêmes analogies fréquentes avec les régions intertropicales, rares avec d’autres régions. Nouvelle- Hollande. Familles ayant deux centres, l’un dans cette région, l’autre : AuCap ere eee: tee ere Donopéope, Hi Dans la Polynésie itertropicale: eee DboocccdbcoDo cocon dl Dans PAmériquemnlientrapicales + eLesties-cceecees D Dans d’autres divisions......... Sneroecs te doc JÉ0e Dn a Familles ayant trois centres, l’un ici, les autres : Au Cap et dans l'Amérique intertropicale. ....,....,..., se. 4 Dans l’Amérique septentrionale et nee Stobdg: Ml Dans la Polynésie et les régions tempérées de ner onde 1 Dans l'Amérique et l'Asie intertropicales, .... ooboccob: > F1 Dans l’Amérique septentrionale tempérée et les régions tem- pérées de l’ancien monde........ D.09 0 02008 0000 ONE Les analogies sont principalement avec l'Amérique intertropicale et le Cap; mais elles sont peu nombreuses et peu spéciales. Cap, soit Afrique australe extratropicale. Familles ayant deux centres, l’un au Cap, l'autre : Dans les régions tempérées de l’ancien monde.......,.... Dans l’Amériquéintertropicale:. 44.222.225... Dans irASIeMNLenTOPICAleR- en seat: TRE APT Nouvelle HONande Re ere «ete delete are ee = >= © Oo 1270 vARIËÈTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. Familles ayant trois centres, l’un au Cap, les autres : Dans l Amérique intertropicale et la Nouvelle-Hollande...... 4 Dans les régions tempérées de l’ancien monde et de Amérique septentrionale. Lio sise sabre o ele peieeie ste sieste cesse rieole + © Dans l'Afrique et l’Asie intertropicales.................. 1 Dans les régions tempérées de l’ancien monde et l'Amérique interfropicale. ect ere RTE ; Dans l'Amérique et l'Asie intertropicales. . ............ 1 Les plus grandes analogies sont avec les régions tempérées de l’ancien monde. Chili, Buénos-Ayres, Brésil méridional. Aucune famille ne présente deux centres, lun dans cette région, l’autre ailleurs; je veux dire deux centres principaux, car on sait que beaucoup de familles du nord de l'Amérique ou de la chaîne des Andes ont des repré- sentants au Chili. Deux familles sont groupées principalement dans l'Amérique septentrio- nale, dans les régions tempérées de l’ancien monde et au Chili. CHAPITRE XXIV. DE LA VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS DIVERS PAYS ET DANS LE MONDE ENTIER. ARTICLE PREMIER NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 6 L. EXPOSÉ DES FAITS. J'ai montré (p. 1172) à quel degré il serait absurde de comparer, au point de vue du nombre total des éspèces, des régions qui ne seraient pas sensiblement égales en surface. Cette circonstance rend les comparaisons difficiles, car, pour les pays hors d'Europe, on possède peu de Flores com- plètes concernant une étendue bien déterminée. Il ne s’agit pas dans cette question de réunir beaucoup de chiffres, mais de choisir le petit nombre de ceux qui offrent les conditions voulues pour arriver à une conclusion. Je vais donc énumérer divers pays, en les classant d'après leur étendue, et dans chaque subdivision d’après leur latitude, NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 4271 TABLEAU DU NOMBRE CONNU ET DU NOMBRE PROBABLE DES ESPÈCES PAYS. du (es Maximum d'étendue. Empire russe, d'après Ledebour, F1. ROSE Te UT Deuxième degré détendue. N.-Hollande et Van-Diémen , d'après R. Brown, Gen.rem., p. 5 ; App. to Sturt, p.27 (en supp. 700 Crypt.). Troisième degré. Etats-Unis au N. de la Virginie et jus- qu'à Michigan et Missouri, d’apr.Beck, Bot. N. and D. St., 1833... . . . Quatrième degré. Scandinavie , Finlande, Danemarck , d'apr. Fries, Summa , cale. par Hartm., F1. Geval., p. 56 ….. . .. Allemagne, Alsace, Suisse, Istrie, d’apr. Koch, Syn. 2° édit.; calculs par Send. || Flora, 1841, p. 49 . . . . . . .. Allemagne, Alsace et Suisse, d'apr. KO Re 0 ES a: Cinquième degré. Suède (et Laponie Suédoise), d'apr. Wabhlenberg, FL. Suec., 1824. . . Gouv. d’Astrakan, Saratow et Oren- bourg , d'apr. Gœbel, Reise, 1838, Jo PETER EE RME ME Re France (Corse comprise), d’apr. Duby, BAG ASS MANN Cap de Bonne-Espérance jusqu'à Ga- riep river et Port-Natal. . . Sitième degré. Iles Britanniques, d'apr. Watson, Comp. ll othe bot. mag., 1, p. 196. . . . . Turquie d'Europe et Bithynie, d'apr. Griseb., Spicil., 1843, p. 518 et 541. Septième degré. Laponie, d'apr. Wahlenb., FI. Lap., AA RSA EAENE D LEONE Gr.-Bretagne (Angl., Galles, Ecosse), d'apr. Watson, dans Hooker, Comp. 1000 MAT, Ip AIG Podolie, Volhynie, Kiew et Bessarabie, d’'apr. Besser, Enum., 1822. 3 Géorgie et Caroline du Sud, d'apr. Hotte Sketch AS DRE TE: Egypte, d'apr. Delile, FI. Ægypt., ARTE EE SPA NNNE JRIEMANS LATITUDE. 38° - 71° N. 11° - 448, 54e 1 - 74 N, 45° - 55° N. 46°9 - 55° N. 59° — 71° N. 46° - 50° N. 4° £ - 51°N, 28° - 34°2S, DANS DIVERS PAYS. SURFACE NOMBRE DES PHANÉROG. en lieues de 25 |. au degré. |Connues. 387 000 6 300 L 2125 100 6: F 57 500 1 677 60 000? 3 368 59 500 ? 2 840 29 000 1465 30 à 35 000 1011 26 300 3 614 34 000 env. 3 i5 270 4 520 19 000 env. 2 298 7 à 8 000 496 11 400 1 480 10 à 42000 | 4 599 10,800 | 2158 9 900 | S45 LT, Existant probablement. 8 000? 10 000? 2 800? 1 200 1 500? 3 800 16 à 20 000 (a) 1 520 2 800? (a) Drège, Zwei Pflansen geogr. Docum., dans Flora, 1843 ; Beitr., p. 6. 14972 vaRIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. SURFACE NOMBRE DES PHANÉROG. PAYS. LATITUDE. enlienes de 25) me au degré. Connues | EHSENt ‘| probablement, Province de Bahfa, d'après les coll. de Blanchet, récapit. par Moricand. . .| 10° -15°18, 12 000 env. 2 804 | 3 800 Cap (la partie explorée), d'apr. Drège, ! E. Meyer, Zwei PfL. geo. Docum. .| 28°1-34°2S. | 11 à 12000 | 6595 ; 7500? Nouvelle-Zélande, d'apr. Hooker, Flora NÉE ASRNENS, OP DER REC 35° -41°2S, 11 200 130 | 4 000 } Huitième degré d'étendue. | Islande, d'apr. Vahl, Voy. de la Pe- cherche, part. minér., ch. XV.; Bab. Ann.ofnat. hist. 1847, p.32 . . .| 63° 7’ - 66° 44’ 4 500 402 410 Suède propre, d'apr. Fries, Summa veg. Scand. MUST CENTS Cr ne 59° - 62° 1N, 4 000 env. 1 114 1150 Gothie ou Suède méridionale. d'apr. 4 Fries , Summa veg. Scand. . . . . ü5°7+— 59° N. 4000 env. 1261 1 300 Écosse, d’apr. Watson, Rem., 1835, à DD Se INR le « SO MUR 95° — 60° N. 4 058 1155 4 200 Naples (roy. de) non compris e Sicile, d’apr. Tenore, Syll., 1831, p. 493. 38°- 423 N. 4109 3 132 3150 Java, d'apr. Blume, Bijdr., 1895, con- tenait 2605 Phan. sans les Légum. : et les Graminées : : . . !.. . .. 0-95. 6660 » 5 000° Neuvième degré. Spitzberg, d'apr. Lindbl. et Beilsch., dans Flora, 1842, p. 481. . .... 16° 46'- 80° 30 2 870 14 : 90 Danemarck, Horn., d'apr. Beïlsch., FL, % 4888, ab, D. 548: : EVE EE 54° -57°1N. 2 870 1197 1250 Province de Prusse, d'apr. Patze, Mey. TN pe MTS EN 53° — 55°1 N. 2 240 1 066 1 090 Silésie prussienne et autrich., d'apr. Wimmer, F1. Schl., I, p. 96... .| 49°1- 52% N,. 2 200 env. 1 288 1 300 Suisse (a), d'apr. Koch, Syn., 1r° éd.| 45° 50’ - 47° 50’ 2 000 2 299 2 400 Départements du centre de la France, d’apr. Boreau, Flor. centr. Fr. . .| 46° - 48° N, 2 600 1 530 1 600 Dixième degré. Finmark occid., d'apr. Lund, Beilsch., Flora, 1845, p. 31. ... . . 69° 40’ - 71° 10" 1 700 ? 402 450 Grand-duché de Posen, d'apr. Ritse bl, Flora Posen, 1850-05... o1°1-53° + 1 400 1031 1 080 ollande, d'apr. Miq., Disquis., 1837 CRE SON M 0 à - 91°15°- 53° 28" 1 697 1 210 1250 Baden, Schaffouse , Alsace et Bavière | rhénane, d'apr. Grisselich, Klein. | SCATIN LE ge us URL île 2- 49° 5 N. 1 500 env. 1 362 1 400 Styrie , d'apr. Maly, sn Styr., 1638: LE: La: 45° 54°- 47° 50” 1110 1762 | 1 809 Sicile, d'apr.Ziccardi, dans De ; Syn. | fl: Sic., Il, p. 699, 4844. 452. 7. 36° — 38° N. 1 427 2 590 2650 Presqu'ilé du mont Sinai, d'apr. Bové, | Decsne., Ann. sc. nat., 2° sér., II | CE NN EN ENT CET. 28° = 99e N. 1 S00 env. 259 500? (a) ) Il y a peu de pays dont les Flores soient plus disparates, quant au nombre des espèces. Les tableaux de Koch, autant qué j'ai pu les comprendre, indiquent 2.173 espèces communes à l'Allemagne et la Suisse, plus 126 propres à la Suisse, total 2,299 ; Gaudin indique 2,313 espèces, et Hegetschwyler 2,889, mais en y comprenant beaucoup d’es- pèces cultivées où mauvaises. NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 1973 SURFACE NOMBRE DES PHANÉROG. PAYS. LATITUDE. en lieues de 25 | 2 Existant EE SOC probablement. Onzième degré. Partie de la province de Kasan, d'apr. Wirtzen, Géo., prov. Kus., 1839 . .| 55° 192°- 56° 17" 672 658 700 Yorkshire, d'apr. Baines, Flora, 8° LENCO 1 PO RENE 53° 1- 541 7118 1 002 4050 Wurtemberg, d'apr. Mohl, Wurt. JANENHETE. A, p=0 3. MC MU € =: 47° 2-49 1 938 4 287 1 300 Lombardie, d'apr. Cesati, Notiz. sul LR DST. À Poe 45° 4691 942 2 507 2 550 Dalmalie, d'apr. Visiani, FL. Dalm., I, EP OTANICE PER PTE 4901 44e 1 160 1852 2 200 Jamaïque, d'apr. Lunan, Hortus Jam.| 17° 40°-18° 34/ 7112 1600 | 3 à 3 500 (a) Douxième degré. Ile Melville, d'apr. Brown, Chloris MED re ae 141-1750 300 env. 67 80 Labrador ( partie de la côte orientale), d'apr. E. Meyer, Schlecht., Linn., 1835 et Hook., FL.bor.Amer.réunis. 56° — 58° 300 env. 2924 250 Ile Feroë, d’apr. Trevelyan, Veg. Fer, ÉMIS T7 UE Ain. 2 2. 58 à - 61° 26’ -62° 95 200 env. 271 280 Environs de Pesth, d'apr. Endlicher, Flpræ Pos., 1830.41. ! . . . 1.1: . 48° 480 1 090 1 800 Département du Calvados, d'apr. Har- douin, Renou, Leclerc, Flore, 1848, pheAet.339 420.820 Sue de à 48° — 499 285 1 200 1 220 Départ. de la Marne , d'apr. De Lam- bertye, Cat. Marne , 1846, p. vur.| 48° 31 — 490 26 416 1 040 1 080 Département de Maine-et-Loire, d’apr. Guépin, Flore, éd. 1845. . . . .. 47e - 48° 369 1 304 1 320 Département de la Gironde, d'apr. La- terrade, Flore Bordel. etde G.,1846.| 44° 9" - 45° 35! 571 1300 1 320 Environs de New-York, d'apr. Torrey, Colis QU MCE LEE 40° 40’ 300 4 067 1100 les Baléares , d'apr. Cambessèdes , Enume, 189 aus 2. nc ta | 39e 5’ -44°5 200 env. 500 700 Iles Açores, d'apr. Watson, Hooker JourT., ASE ,MALBAT. ! . . .. ot. 37° - 40° 550 396 450 Iles Canaries, d'apr. Webb, Phytogr. Ganar., Sect. Eur. . : - . 5 . » 28° - 29° 420 964 4 050? Iles du cap Vert, d'apr. Schmidt, Beitr., in-8, 1859, p. 343, 344. .| 24°55'- 97° 30”. 500 env, 493 650 Ie Maurice, d'apr. Bojer, Hortus MA SET ERNEST 20°—94°S. 190 env. 125 800 Iles Malouines ou Falkland, d'apr. Dur- Mile liore, 4825". MR 51°:-529S. 410 119 130 Treizième degré. Ile de Mageroë, d’apr. Ch. Martins, Voy. de la Recherche, p. 130. . . . Te 0’ 20 env. 194 200 Env. de Quickjock,prov.de Lulea, d'apr. Andersson, dans Flora, 1847, p.453. 67° ? 314 320 Environs de Gefle, d'apr. Hartman, Flora Geval., 18417. . . . ; 60° 39° 91 675 680 Environs de Stockholm, d'apr. Thede- nius, Stockh. Traktens, 1850 . . . 59° 90! 9 849 850 (a) Cette estimation pour la Jamaïque est donnée par M. Alexander, dans Hooker, Journ., 1850, p. 284, à la suite de nombreuses excursions dans l’île et d’après les recher- ches de botanistes modernes, 497h VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. SURFAGE | NOMBRE DES PHANÉROG. enlienes de 25 Existant probablement. PAYS. LATITUDE, au degré. Connues. Environs d'Aberdeen, d'apr. Dickie, Flor."Abred.;|p BEEN 51° 59! 960 580 Moyenne des Flores de Glasgow , La- mark et Edimbourg, d'apr. Watson, RE pMAEMASSD LEUR 55° = 669 7100 Moyenne des Floresde Bath, Tonbridge, Oxford, Bedford, Cambridge, d'apr, Watson, Rem., 1835, p. 41 . . . .| 51°1-5901 728 760 Comté de Hertford, d'apr. Webb et Coleman, Flore, p. 816. . . . . . . 51° 2 - 52e 933 950 Collines de Malvern (Anglet.), d'apr. E. Lees, Phytologist, janv. 1853. . D2° 802 805 District de Beuthen, Silésie (190 à 200 p. d'élév.), d'apr. Schneïder , Verth. Schles., 1838, p. 210.. . . 50° 2 711 120 District de Hischberger, Silésie (1000 à 2000 p. d'élév.), d'apr. Schneider, Verth. Schles., 1838, p. 210. . . . 50° = 699 710 Moyenne des Flores de Wurtzbourg, Erlangen (et Nuremberg), Ratisbonne, Ingolstadt, en Bavière, d’apr. Schenk, dans Flora , 1849 , p. 61. . . .. 48° = - 50° 995 1 000 Province de Padoue, d'apr. Trevisan, F1. Eugan., dans Flora, 1843,p. 464. 45° © 1 362 1 380 Province de Venise, d'apr. Naccari, M AVEn. ASD6E0 7 EEE. 45°? 110 env. 932 950 Moyenne de ces deux provinces . . . .| - 457 417 env. 4 147 1165 Moyenne des Flores de Fréjus, Toulon et Marseille, d’apr. Perreymond, Ro- bert, Castagne, Catalogues . . . . . 43° = ? 1 404 1 460 Ile de Zante, d'apr. Reuter et Margot, Ion AD. 237 eee EEE patte 37° 18 626 765 (a) Iles de Madère etS.-Porto, d'apr.Lem., Liste mss. et Hook., FL.Nigr., p. 78. 32° 75 en. 653 100 Iles de Saint-Thomas, Antilles, d’apr. De Schlechtendal , Linn., 1828-31, | JS DIS ABEM MEET = =. 18° 18 env. 350 450? Iles Barbades, Antilles, d'apr. Maycock, Flore, cale. par Schlecht., L. €... . 19°= 30 env. 506 600? Jles de la Société, d'apr. Guillem., Ann. se. nat., 1836, VI, p. 310. . 185. 80 979 350 ? le de Tristan d'Acunha, d’apr. Du Pet.-Thouars et Carmichael réunis . 378$. 45 en. 33 39 lle de Kerguelen, d'apr. Hooker f., | Hook., Lond. journ., 1843, p. 254, | ACER TORRENT + : ei 49° S. 100? 18 25 Quatorzième degré. District de Hertford, Angleterre, d'apr. Webb et Coleman, F1. Hertf., p.276. 51° 47! 10 s02 S10 District de Royston, comté de Hert- ford, d'apr. Webb et Coleman, F1. HONLTS De DUO EL TER 2 Lcd 52 0° > 459 470 Env. immédiats de Strasbourg, d'apr. Kirschleger, Flore, 1843 , p. 196. 48° 35 7': 960 | 970 Ie de Capraia, d'apr. Moris et Not., F1. Capr. et Parlat., Giorn. bot. Ital., AOL p. 116, 2 PC nr 43° 0 ii 498 510 a) Estimation de M. Margot, tb. NOMBRE TOTAL DES ESPÉCES DANS CHAQUE PAYS. 1975 SURFACE NOMBRE DES PHANÉROG. LATITUDE. en licues de 25 |, — - D Existant au degré. Connues. $ De probablement. S Ile de l'Ascension, d'apr. Lesson et Rich., Voy. Astrolabe, p. XLIX. . . Îles Keeling (vingtaine d'îles madrépo- riques), d'apr. Henslow, Ann. of sc. nat. hist. 1, p. 337 Ile Norfolk, d'apr. Endlicher, complété par Cunn. dans Hook., Lond. journ., PB AM: DONNER M |. + 29°S. #'enx. lle de Juan Fernandez, d'apr. Bertero et Gay, selon A. de Juss., dans Arch. bot., VHI, p. 184 4 env. Iles Auckland et Campbell, d’'apr. Hooker f., F1. antarct., I, et 40 env. Quinxième degré. Ile de Norderney, N.-0. de l'AIL., d’apr. Senden, Bley, Nees, Flora, 1834, I, Un mille anglais carré à Thames Dit- ton, comté de Surrey, d'apr. Watson, Phytologist , 4848, p. 267... . . Je Hœdic et Houat, îles du Morbihan, d'apr. Delalande, Hædic et Houat, 1850, p. 108 #1° 20" et 21” Seixième degré (moins de 0,01 lieue). Sonmité du Brocken , d’apr. Hampe, Linn., 1839, p. 367 51° 48 Le Jardin du glacier du Talèfre, près] Chamounix, d'apr. diverses collec- HONSTÉNNIES SL 2 | 46° Sommité du pie du Midi de Bagncres, 2924, d'ap. Ramond, Mém. Mus., 490 56' S IL. VARIATION DU NOMBRE DES ESPÈCES SUIVANT LA DISTANCE DE L'ÉQUATEUR. Comme le nombre des espèces d’un pays est un résultat combiné de la présence des espèces et de leur extension géographique, la richesse de certaines régions semble d'autant plus grande qu’on envisage des étendues plus considérables. Ainsi, la France et la Suède ont à peu près la même surface, et il y a trois fois plus d'espèces en France ; mais si lon considère de plus petits espaces, dans les deux pays la proportion devient différente, Dans les environs des villes de France où la végétation est le plus variée, comme Fréjus, Toulon, Marseille, on trouve seulement deux fois plus d’espèces que dans les environs des villes de Suède, comme Upsal, Stockholm (a) Plusieurs de ces espèces sont d’origine élrangère, mais spontanées. Â276 VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. ou Gefle; et autour des villes du nord de la France, on ne trouvera pas même deux fois le nombre des espèces croissant autour des villes sué- doises. Le Cap, dans son ensemble, est d'une richesse extraordinaire. La partie explorée, dont l'étendue est à peu près celle de l’île de la Grande-Bre- tagne, aurait quatre à cinq fois plus d'espèces, d’après ce qu’on peut au- gurer des faits actuellement connus. Cependant, chacune des vingt subdivi- sions tracées par MM. Drége et E. Meyer, dans leur opuscule sur l'Afrique australe, ne paraît pas avoir plus de 1000 à 1500 espèces phanéro- games (a), quoique leur surface soit à peu près égale à celle du Yorkshire, comté qui renferme un millier d'espèces. Évidemment, la richesse des régions telles que l'Afrique australe, le Brésil et quelques autres, tient surtout à ce que les espèces ont une aire étroite, de sorte qu’en passant d’un district à l’autre, la végétation change presque en entier. Au con- traire, la pauvreté des pays du nord et des grands déserts d'Afrique tient surtout à ce que, sur d’immenses étendues, les espèces varient peu. Plus les régions considérées sont petites, plus le nombre des espèces est sem- blable sous toutes les latitudes, du moins en théorie. [l est vrai qu’en fait, les conditions locales du sol deviennent plus importantes à mesure que l’on considère un espace plus restreint, d’où il résulte communément de grandes différences dans le nombre des espèces quand on envisage, par exemple, une lieue carrée, et surtout une fraction de lieue carrée, ‘un hec- tare, Je suppose. Laissant de côté ces diversités qui affectent les petites localités et qui tiennent aux stations, il est impossible de méconnaître l’augmenta- lion générale du nombre des espèces, pour une étendue semblable, en marchant des pôles à l'équateur. Plusieurs des divisions de notre tableau en fournissent la preuve, notamment la comparaison de Java avec Naples et le nord de l’Europe (8° degré de grandeur), et celle de la Jamaïque avec la Lombardie, le Wurtemberg et Kasan (11° grandeur). Dans d’autres parties du tableau, les termes de comparaison manquent, ou bien ils accu- sent des circonstances exceptionnelles dont je parlerai tout à l'heure ; mais la loi générale d'augmentation ne peut être contestée. Cette progression est cependant irrégulière. Du pôle arctique jusqu’au midi de l'Europe et jusqu’au midi des États-Unis, elle est évidente. Dans les régions plus voisines du tropique, la sécheresse, quelquefois déplo- (a) Chacune des 20 subdivisions présente dans les collections de Drège une moyenne de 519 espèces, mais il faut doubler ce nombre, parce que plusieurs n'ont pas été sufii- samment explorées. Les subdivisions IL 4e, HI D, HITE, où le voyageur a recueilli la grande majorité des espèces existantes (voy. Zivei Pflans. geog. Docum., p. 6 et 43), paraissent avoir 1,100 espèces en moyenne. NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 1277 rable, ou d’autres causes, produisent une diminution. Ainsi, la Flore du Sinaï et celle d'Égypte, sont d’une pauvreté singulière quand on les com- pare avec les Flores de régions d’une étendue semblable au nord ou au midi. Sans aucun doute, la Flore du Sahara, celles du Sénégal, de la Perse, du Caboul, de la Californie inférieure, offriraient un caractère semblable de pauvreté si l’état de la science permettait de le constater avec des chiffres. La présence des chaînes de montagnes en Algérie, dans l’Inde et au nord du Mexique, détruit en partie l'effet de la sécheresse et ramène, par excep- tion, sous ces latitudes des flores plus ou moins riches; mais 1l faut lin- fluence des pluies intertropicales pour déterminer près de l’équateur l'abondance extraordinaire d’espèces, qui est un des caractères de la végé- tation des pays chauds. L’hémisphère austral présente les mêmes faits : Rareté d'espèces dans quelques régions sèches près du tropique, par exemple, au nord du Chili et dans l’intérieur du Cap et de la Nouvelle-Hollande; augmentation relative au Chili, et sur le littoral du Cap et de la Nouvelle-Hollande méridionale ; enfin, diminution rapide vers les régions froides et humides situées plus au midi. S III, COMPARAISON DES GRANDES DIVISIONS DU GLOBE. Dans l’état actuel des connaissances, il est impossible de comparer le nombre des espèces dans l'Amérique septentrionale et dans une étendue égale de l’ancien monde, dans l'Amérique méridionale et en Afrique, etc. ; mais le sentiment général des botanistes descripteurs peut fournir une sorte d'appréciation. L'Amérique paraît avoir plus d'espèces qu’une étendue correspondante de l’ancien monde. Cela s'explique par la direction générale des chaînes de montagnes du nord au sud, direction qui produit sous chaque latitude des conditions de climat différentes. Évidemment, les Alpes, les Pyrénées, l'Atlas, le Caucase, l'Himalaya, qui s’étendent de l’est à l’ouest, ne peuvent pas offrir l'immense diversité de conditions physiques de la chaine des Andes, qui passe du 58° degré de latitude nord au 54e degré de latitude sud, en offrant sous la plupart de ces degrés toutes les hauteurs possibles entre la mer et les neiges perpétuelles. La chaîne des Alleghanies et les côtières de la Guyane et du Brésil, présentent un peu des mêmes avantages dans la partie orientale du continent américain. On peut dire qu’en Amé- rique, sous chaque latitude, se trouvent toutes les hauteurs, ce qui est bien loin d'exister dans les autres parties du monde. A ce point de vue très 1978 VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. général, il n’est pas surprenant que l'Amérique soit plus riche en espèces différentes, pour une surface égale. L'Afrique est pauvre en espèces dans toute son étendue, excepté à son extrémité méridionale. L'absence de hautes montagnes couvertes de neiges en été, la sécheresse dans les plaines du nord, luniformité de conditions physiques dans la région équatoriale, expliquent le nombre assez faible des espèces dans la plus grande partie de ce vaste continent. À l’extrémité australe c’est autre chose. L’abondance extraordinaire des espèces du Cap ne coïncide pas avec des diversités bien grandes de climats. Les montagnes de cette région ne portent pas des neiges perpétuelles; il y a de vastes étendues desséchées, et sur le littoral, il ne semble pas que l'humidité et la température varient d’une manière sensible. La Nouvelle-Hollande, qui est, sous ce point de vue, dans des circonstances analogues, ne présente pas une variété d'espèces aussi grande. Je croirais donc à une influence anté- rieure, c’est-à-dire à des causes géologiques, en vertu desquelles cette végétation du Cap serait la continuation d’une flore très riche, d’une flore liée autrefois à une diversité de climats plus grande qu “aujourd’hui ou à quelque végétation d'îles et de continents voisins qui auraient disparu, après avoir exercé longtemps une influence. Peut-être le nombre de milliers d'années depuis lequel certaines régions se trouvent hors de la mer:et pré- sentent des conditions de climat favorables aux végétaux, est-1l la cause qui explique leur richesse actuelle quand les conditions de notre époque ne suf- fisent pas ? Je laisse aux géologues de discerner laquelle de ces hypothèses est la plus vraisemblable. 1 me suflit de leur indiquer les phénomènes de géographie botanique dont les circonstances actuelles du globe ne peuvent pas rendre suffisamment compte (a). Ÿ $ IV. LES ÎLES ONT-ELLES MOINS D'ESPÈCES QUE LES CONTINENTS A SURFACE ÉGALE ? C’est une question controversée de savoir si les îles, et en particulier les îles éloignées des autres terres, ont, ou n’ont pas une quantité d'espèces inférieure à celle des continents de même étendue et situation. M. de Buch (b) avait avancé qu’elles ont moins d'espèces; Schouw (ce) s’empressa de contredire. Je repris la même opinion sur de nouveaux faits (d), et Meyen (e) m'en a blàämé. (a) Voir le chap, XXvI. (b) Allgemeine Uebersicht, p. 21, et Physic. Beschr. Canarisch. Inseln, 1825, p.130, (c) Grundzuge, 1823, p. 493. (d) Fragment d'un discours sur la géogr. bot., dans Bibl. univ., mai 1834. (e) Grundriss der Pflans. Geog., 1836, p. 304. NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 1279 Ces variations viennent peut-être de ce qu’on n'avait pas distingué suflisamment les îles selon leur étendue et selon leur distance des autres terres. La comparaison est à refaire. Les documents de notre tableau, rapprochés et discutés, conduiront à un résultat plus sûr que les appré- ciations vagues, reposant sur des faits isolés, dont on s’est servi jusqu’à présent. Parlons d’abord des îles rapprochées soit des continents, soit de grandes îles, jouant le rôle de continent. Si elles ont une certaine étendue, comme la Sicile, la Corse, la Sar- daigne, la Grande-Bretagne, Cuba, Ceylan, Terre - Neuve, etc., le nombre des espèces, et, en général, les caractères de végétation ne diffèrent pas de ce qu’on voit sur les continents voisins, dans un espace semblable et avec des conditions de hauteur analogues. Je dirai même que l'identité est surprenante. L’Angleterre ne présente pas plus de différence d’avee le nord-ouest de la France que celui-ci d’avec la Hollande. On dirait que la mer n’a produit aucun effet. Pour des îles plus méridionales, à Cuba, par exemple, on trouverait un nombre plus considérable d'espèces différentes de celles du continent voisin; mais il s’agit d’une partie du monde où les espèces sont plus locales. D'ailleurs, nous parlons surtout du nombre total des espèces, et l’île de Cuba ne semble pas moins riche que les régions continentales voisines. Ces faits sont curieux sous le rapport de l’origine des espèces actuelles. Nous savons (p. 701, 707) combien il est rare qu’une espèce franchisse un bras de mer, à moins d’une intervention de l’homme. Ainsi, il ne reste que deux hypothèses : ou les bras de mer se sont interposés entre les îles et les continents voisins, depuis lexistence et la diffusion des espèces actuelles; ou les espèces ont eu dès l’origine une multitude d'individus, répandus dans des pays plus ou moins vastes, et même dans des pays sé- parés par de grands obstacles, comme des bras de mer ou des montagnes. J'ai déjà parlé de ces hypothèses (p. 1114, 1059, 1057, etc.); je reviens aux îles voisines des continents. Lorsqu’elles sont très petites, leur végétation est assez pauvre en espèces. Il suffit de penser aux îlots voisins de diverses côtes, même aux îles du nord-ouest de l'Écosse, aux petites îles de l'archipel grec, à plusieurs des petites Antilles, etc. Souvent la proximité d’une grande terre n'empêche pas une végélation très réduite quant aux espèces, qui s'explique par des circonstances locales plus ou moins fächeuses. Tantôt le vent de mer souffle avec une intensité et une continuité qui empêchent les arbres de s'établir et beaucoup de plantes de subsister; tantôt le terrain est imprégné d’eau de mer, ou les rochers sont trop escarpés et trop exposés s1 A2S80 vaARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. aux vagues et au soleil. Quelquefois ces très petites îles sont des volcans, comme les îles Lipari. Dans le ncrd, elles sont souvent couvertes de glaces, ou en été de neige fondante. En un mot, les causes locales déterminent une immense diversité dans le nombre des espèces, d’une petite île à une autre, et ordmairement ces mêmes causes tendent à diminuer le nombre des espèces plutôt qu’à l’augmenter. Dans les grandes îles, certains vallons, certaines montagnes conservent les espèces, qui de là peuvent repeupler le littoral; mais dans beaucoup de petites îles, les causes de destruction agissent toutes seules. Voyons maintenant les îles très éloignées des autres terres. Au nord, le Spitzberg, l'Islande, les îles Feroë, ne sont pas plus pau- vres en espèces que des étendues semblables sur les continents voisins, sous les mêmes degrés de latitude. Il suffit de comparer dans notre tableau le Spitzberg avec l'ile Melville, qui est entourée de terres; les îles Feroë avec le Labrador, qui est plus froid, et avec l’île Mageroë, sur la côte de Laponie, qui est plus petite. On dira peut-être que les glaces et les oiseaux de mer ont transporté les espèces des continents sur ces îles. Je ne veux pas nier cette possibilité, mais si la végétation des îles dont je parle était due à des colonisations végétales, selon l'expression heureuse de MM. E. Forbes et Charles Martins, il serait bien singulier qu’on x trouvât le même nombre d'espèces que sur une étendue égale des continents. Dans cette égalité de nombre, je découvre une preuve d’une égalité d’origine. Comme toutes ces régions arctiques ont été recouvertes, plus ou moins complétement par des glaciers ou des mers, à une époque géologique récente, je suis disposé à expliquer l’uniformité et la pauvreté de leur végétation par cette cause. À mesure que les glaciers et la mer diminuaient, les espèces ont pu sortir de quelques anfractuosités de rochers qui les recé- laient, ou venir des pays voisins. Les iles ont pu en fournir, comme Îles continents ; mais en tout cas, les circonstances n'étaient pas favorables à une riche végétation. Les îles éloignées des terres, situées dans d’autres parages, présentent elles des faits différents ? Oui, dans certains cas; mais il semblerait sans beaucoup d’uniformité, et selon des circonstances propres à chaque île. Il existe, par exemple, des îles éloignées des terres, fort petites et où des causes particulières sont un obstacle invincible au développement de la végétation. Les îles Keeling et beaucoup d'autres îles de la mer des Indes et du grand Océan, ne sont que des madrépores, émergés à une épo- que récente, battus par les vagues et inondés par l'eau de mer, qui forme des lagunes intérieures. Ces îles ne présentent guère que des espèces répandues sur le littoral des pays voisins, souvent en petit nombre, et bien NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 1981 évidemment ce petit nombre s'explique par la nature physique, non par la seule circonstance de l'éloignement. Des îles semblables, près d’une grande terre, seraient quelquefois tout aussi pauvres. On peut en dire autant des petites îles battues par un vent de mer continu, sans abri pour les espèces ligneuses ou les espèces délicates, et des récifs ou rochers isolés à une grande distance des terres. Les îles Malouines, quelques rocs isolés dans la mer Atlantique sont pauvres en espèces ou presque dénudés de végé- tation, à peu près comme le sont des îles ou rochers analogues voisins des continents. L'île de Ascension n’est qu'un volcan à peine éteint, dont les cendres et les scories se dessèchent sous un ardent soleil. Elle serait à quelques lieues d’un continent que sa végétation serait nécessairement très peu variée. Si quelque chose doit surprendre, c’est qu'une île dans des condi- tions pareilles présente deux ou trois espèces qui lui sont propres, et l’on se demande si plus tard on ne les découvrira pas ailleurs (a). Le volcan de l’Ascension a été peut-être en repos pendant une série de siècles. Une végétation plus ou moins riche, plus ou moins dérivée de terres voi- sines, aurait pu alors s'établir, puis de nouvelles éruptions, en détruisant des forêts et couvrant le terrain de cendres, auraient tout détruit, excepté quelques espèces. Enfin, à notre époque, une nouvelle végétation est en voie de s’introduire, principalement sous l'influence de l'homme ; mais elle ne pourra durer et devenir plus variée que par l'absence de causes destruc- trices, comme des éruptions violentes. L'ile d'Amsterdam, qui renferme seulement trois espèces phanérogames (Hook. f., FT. ant., 1, part. 11, p. 221) d’après les recherches du lieutenant Smith, est un volcan si actif que les racines ne peuvent supporter la chaleur du sol à une profondeur de quelques pouces. Kerguelen, Saint-Paul, Tristan d’Acunba, Sainte- Hélène, Juan-Fernandez, Auckland et Campbell, Taïti, et la plupart des petites îles non madréporiques dans le grand Océan, sont aussi des vol- cans qui ont été tantôt en activité, tantôt en repos pendant de longues séries de siècles. L'île de Norfolk a des basaltes (b) qui attestent aussi une origine ignée. Plusieurs de ces îles ont une végétation très pauvre. Cela s’explique par des destructions antérieures, combinées avec l’éloignement, (a) Ce sont les espèces suivantes: Euphorbia origanoides, Sherardia fruticosa, trou- vées déjà par Osbeck (Reise, p. 390), Hedyotis Adscensionis DC., Prodr., IV. Les trois autres phanérogames signalées par Osbeck, ont été retrouvées ailleurs ; deux d’entre elles sont de ces espèces très répandues qui se naturalisent aisément sur le littoral. On peut consulter sur cette singulière végétation, toute ou presque toute d’origine étrangère : Lesson et Richard, Voy. de l’Astrolabe, part. 11, p. XLIX; d'Urville, Ann. se. nat., NI, p. 65 ; Seemann, dans Hooker’s Journ., 1852, p. 241, et l'extrait que j’en ai donné dans la Bibl. univ. de Genève, 1853, v. XXIIT, Archiv. sc., p. 93. (b) Backhouse, dans The Phytologist, 1843, p. 573. 4989 vaRiÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. lequel empêche ou retarde l'introduction fortuite d'espèces des autres régions. Les îles volcaniques rapprochées des continents n’ont pas une végétation aussi pauvre. Capraia comparée avec Norfolk, Juan-Fernandez, Auck- land et Campbell, îles de même étendue, mais isolées, en sont bien la preuve. On remarque cependant que Sainte-Hélène, Kerguelen, Juan- Fernandez, Taïti, etc., présentent dans les ravins de leurs mornes des espèces très distinctes, très caractéristiques, dont l’existence est un phé- nomène d’une grande valeur au point de vue géologique. Assurément, la date de l’apparition de ces plantes, ou la date de leur arrivée, si elles sont venues d’autres pays alors existants, est un des problèmes les plus curieux de la philosophie des sciences naturelles, mais je ne veux pas traiter ici ces questions. Il me suflit de constater et d'expliquer le nombre très faible des espèces dans plusieurs petites îles éloignées des continents et même dans d’autres îles. Le fait me parait évident, mais les causes en sont variées, et souvent géologiques plutôt que physiques. Maintenant, envisageons certaines grandes îles et archipels qui se trou- vent éloignés de toutes les terres, comme les îles Sandwich, les Açores, la Nouvelle-Zélande et autres plus ou moins analogues. Les Açores sont situées à peu près sous les mêmes degrés de latitude que les Baléares; elles ont une surface plus grande et souffrent moins de la sécheresse ; cependant, il s’en faut de peu qu’elles n’aient moins d’es- pèces. En général, les archipels du cap Vert, des Canaries, de Madère et des Açores ont 3 à 500 espèces de moins qu’on n’en trouverait sur une élendue semblable et surtout avec des montagnes aussi élevées, par exemple dans le Maroc ou la péninsule espagnole. Est-ce un effet de liso- lement ou de la nature volcanique de toutes ces îles? Probablement les deux causes y ont concouru. De même pour les îles Maurice et Bourbon, qui sont assez isolées, volcaniques et dont la végétation, malgré un climat bien favorable, ne présente pas autant d'espèces différentes que l’un des départements de la France ayant une surface analogue. Le nombre total des espèces dans les archipels volcaniques et isolés des Galapagos et des Sandwich est encore très incertain (a), mais il semble inférieur aussi à ce qu’on trouverait sur les continents d'Amérique ou d'Asie dans un espace et avec des hauteurs analogues. Les îles de la Société ont un bien petit nombre d'espèces ; elles ont, il est vrai, trois causes d’affaiblissement : l'éloi- gnement des grandes Îles et des continents, l’origine ignée des montagnes (a) Les matériaux dont le docteur Hooker s'est servi peur son travail, remarquable à bien des égards, étaient, comme il le dit lui-même, assez loin d'être complets, NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 1283 et la formation récente, souvent madréporique, des terres basses. Enfin, la Nouvelle-Zélande, comparée je ne dis pas à un espace égal de la Nou- velle-Hollande et de l'Afrique australe, mais même à l'ile de la Grande- Bretagne, qui est sous une latitude moins favorable, atteste un apauvris- sement causé par l'éloignement (a). Selon le docteur Hooker (F7. N.-7., préface, p. vu) l’île de Van-Diémen, avec un tiers de la surface de la Nouvelle-Zélande, aurait sensiblement plus d'espèces phanérogames. Elle est sous le même degré de latitude, mais plus rapprochée d’une grande terre. La Nouvelle-Hollande paraît cependant, malgré sa vaste étendue, lors- qu’on la compare avec l'Afrique et l'Amérique sous des latitudes analogues, avoir moins d'espèces. C’est peut-être un effet de l’isolement ; cependant il ne faut pas oublier combien la sécheresse du centre de lile est défavo- rable aux végétaux. Il n’y a que le grand archipel, comprenant Sumatra, les Philippines et la Nouvelle-Guinée, qui semble ne pas éprouver de dimi- nution provenant de la position insulaire, mais le rapprochement des iles, l’élévation et l'étendue de plusieurs d’entre elles, la proximité de l'Asie et un climat très favorable compensent amplement l’action de l'isolement. En résumé, les îles éloignées des terres, excepté celles de la région boréale, ont moins d'espèces qu'une surface égale, dans des conditions analogues, sur les continents ou près des continents. L’appauvrissement extraordinaire de quelques petites îles s'explique en outre, soit par une formation ignée ou madréporique, soit par l'absence d’abri contre les vents le mer ou contre un soleil trop ardent. Dans tout cela, les faits s’ac- cordent avec les prévisions du simple bon sens, car on peut exagérer la facilité de transport des graines au travers de l'Océan, mais il faut bien admettre une difficulté quelconque à la diffusion des espèces par cette voie. Il en résulte que les îles sont exposées à perdre des espèces, comme les pays continentaux, miais qu'elles ont moins de chances de les voir se remplacer ou se rétablir par une influence extérieure. $ V. SUR LES CAUSES QUI DÉTERMINENT LE NOMBRE DES ESPÈCES DANS UN PAYS. I nest impossible de ne pas faire ressortir ici, comme dans tous les chapi- tres de cet ouvrage, la double influence des causes actuelles et des causes antérieures. Ce que j'ai dit des îles et surtout des iles volcaniques. le fait la) La différence est beaucoup moins forte qu'on ne le croyait avant les découvertes publiées par le docteur Hooker. La Grande-Bretagne, avec une surface un peu plus grande, mais un climat plus froid, se trouve avoir 4 à 500 espèces de plus. Si l’on rétranche une centaine d'espèces des terrains cultivés ou d’origine étrangère bien prouvée, si d’un autre côté on ajoute à la Nouvelle-Zélande une centaine de Fougères de plus, qui prennent la place des Phanérogames, on arrive à une différence bien légère, je dirai presque à une sorte d'égalité. 128h VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. toucher aux doigts. Je suis disposé à appliquer ce genre de considérations à des faits analogues. Ainsi le petit nombre d’espèces dans le nord et sur le sommet des montagnes pourrait venir d’un mélange de conditions présentes et de conditions antérieures. Au premier aperçu, on voit beaucoup d’espèces craindre le froid, et lon attribue le petit nombre des plantes boréales à cette cause unique. Cependant, puisque plusieurs milliers d'espèces, de familles différentes, vivent dans les régions froides, il n’y a pas, dans la structure même des végétaux, des causes qui empêchent l'existence d’un plus grand nombre de ces espèces boréales. La géologie moderne nous apprend que de vastes étendues des régions polaires, aujourd’hui couvertes de végéta- tion, ont été sous les glaces ou sous la mer, à une époque peu ancienne dans l’histoire du globe. Plusieurs grandes chaînes de montagnes aussi ont été entourées de glaciers, ou sont d’une date géologique récente. Sur ces terrains, les espèces sont donc moins anciennes que dans d’autres pays. Leur petit nombre semble découler de cette cause, car qu’on adopte l’idée de créations successives, ou celle d’un développement graduel des espèces et d’une augmentalion lente par modifications, ou encore celle de translations successives, peu importe, l'ancienneté sera toujours une cause de variété. Ainsi, soit pour les îles, soit pour les continents, j’admets volontiers des causes multiples pour expliquer le nombre des espèces. Les unes sont tirées de l’ordre de choses actuel, les autres d’un état antérieur du globe, et ces dernières ne sont peut-être ni les moins nombreuses, ni les moins importantes. $ VI. CONJECTURES SUR LE NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES PHANÉROGAMES. Plusieurs botanistes ont tenté d'estimer le nombre absolu des espèces de la surface du globe. Ils ont suivi deux marches différentes. Les uns sont partis du nombre des espèces décrites dans les ouvrages généraux à diverses époques ; ils ont estimé le nombre probable des omissions et ont ajouté le nombre bien plus douteux des espèces à découvrir. D’autres ont considéré les régions une à une, et conjecturant d’après les Flores, les collections et le dire des voyageurs, ils ont admis un nombre probable pour l’ensemble de toutes les régions. Dans l’un et l’autre système, il a fallu continuellement augmenter les chiffres, à mesure que la science faisait des progrès. Ainsi, on aurait con- fondu les botanistes de l’époque de Linné, en supposant l'existence pro- bable de 110 à 120,000 espèces, comme le fit de Candolle en 1820 (a), (a) Essai élémentaire de géogr. Lot., dans le dix-huitième volume du Dictionn. des sc. nal. NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CHAQUE PAYS. 1285 et cependant, dès 1836, Meyen, sans être taxé d’exagération, estimait le chiffre supérieur à 200,000 (a). Quant à moi, je ne suis nullement surpris de cette évaluation. Jai déjà fait remarquer dans un article de journal (b), que chacun des volumes du Prodromus ajoute de 25 à 38 pour 100 aux espèces connues. Depuis trente ans que l'ouvrage a com- mencé, et en dépit de la multitude des espèces qui se publient dans les autres ouvrages, la proportion des plantes nouvelles de chaque volume demeure à peu près la même. Il me semble toujours que nous marchons vers des familles du règne végétal mieux connues, grâce aux travaux im- menses qui se sont faits, et toujours je remarque un nombre additionnel d'espèces nouvelles jusqu'alors confondues avec d’autres ou enfouies dans les herbiers. Ceci ne fait pas présumer assurément que nous approchions de connaître le nombre total des espèces. De leur côté, les auteurs de Flores et les voyageurs remarquent combien on découvre d'espèces dans des pays que lon regardait comme passablement explorés, ou qui passaient pour pauvres. Personne n'aurait cru, il y a quelques années, qu'on découvrirait dans l'Orient, en Algérie, en Espagne, au Texas, etc., la multitude d’espèces qu'on y a trouvées. Évidemment, dans beaucoup de pays, dont la majeure partie offre une végétation peu variée, il y a des localités, comme des montagnes, ou dans les mon- tagnes, certaines vallées, certaines sommités, qui présentent des espèces locales assez nombreuses. On objecte que beaucoup d'espèces ont été décrites sous plusieurs noms, parce qu’elles existent à la fois dans plusieurs flores; mais leur nombre est bien compensé par celui des espèces confon- dues avec d’autres. Par tous ces motifs, estimation de Meyen ne me paraît point exagérée. Voici même un calcul d’un genre tout nouveau, qui indiquerait un total d'espèces plus élevé. Il ne concerne que les Phanérogames, et, à vrai dire, ce sont les seules plantes sur lesquelles on puisse, dans l’état actuel de la science, hasarder des évaluations numériques. Nous avons vu (p. 593) que la surface moyenne occupée par une espèce phanérogame est d’environ + de la surface terrestre du globe, soit de h5,500 lieues carrées. L'Allemagne se trouve sous une latitude moyenne, ou du moins sous les degrés de latitude qui correspondent le mieux à la moyenne des terres, car l'Europe et l'Asie s'étendent sous ces degrés, qui traversent aussi l'Amérique du nord dans un point où elle est très large. L'Allemagne (sans Pstrie), avec l'Alsace et la Suisse, renferme 2850 Pha- nérogames spontanées. L’étendue est d'environ 59,500 lieues carrées, si j’ai (a) Grundriss der Pflanzengeogr., p.5. (b) Bibliothèque universelle de Genève, juillet 1852, article sur le Prodromus. 1986 VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. bien compris le sens du mot Allemagne dans les ouvrages de Koch et dans les dictionnaires de géographie, où le point de vue moral et politique de chaque auteur influe sur le sens attribué au nom de cette partie de l'Eu- rope. Retranchons pour la Suisse et l'Alsace 2900 lieues carrées et 150 espèces (a) : restent 56,600 lienes et 2700 espèces. Réduisons les espèces d’une centaine, à cause de l'influence prolongée de l’homme qui a dû introduire en Allemagne des plantes confondues maintenant avec les espèces aborigènes. Enfin, la surface étant plus grande que 45,500 lieues (aire moyenne d’une espèce dans le monde), je réduirai encore les espèces à 2500, comme si l’on retranchait, par exemple, les Alpes autrichiennes, qui sont une continuation de la Suisse, et qui forment une région excep- tionnelle dans l'ensemble de l'Allemagne. On pourra estimer en définitive que, dans une étendue de pays semblable à l'aire moyenne d’une espèce, et dans une position géographique moyenne, représentée par l'Allemagne, le nombre des Phanérogames est de 2500. Or, la surface terrestre étant de 6,825,000 lieues carrées, se trouve composée de 116 à 117 régions semblables, et 116 régions à 2500 espèces donneraient un nombre total de 290,000 espèces. Si l’on ahaissait le chiffre moyen des espèces par région à 2000, le total serait encore de 232,000. Ainsi, 1l est possible que le nombre des Phanérogames seules approche de 250,000, tout en con- servant à l’espèce la valeur donnée par Linné. Que serait-ce si l’on voulait estimer le nombre total des espèces dans le sens de quelques botanistes modernes, qui appellent de ce nom-toute forme différente héréditaire! Je ne crains pas de dire qu’alors le nombre s’élèverait à 400,000 ou 500,000, ou plutôt le nombre en serait impossible à calculer, car toutes les modifi- cations de forme et de tempérament sont, jusqu’à un certain point, héré- ditaires, et la distinction entre les races et les variétés est plus tranchée en théorie que dans la réalité des faits. À BTNON EP ARE + NOMBRE DES GENRES DANS CHAQUE PAYS ET RAPPORT DE CE NOMBRE A CELUI DES ESPÈCES. Je vais reprendre dans le tableau du nombre des espèces (p. 1271), les pays pour lesquels on peut, d’après les Flores publiées, calculer sans trop de dificultés ou de chances d'erreur le nombre des genres. (a) L'édition première du Synopsis de Koch, p. Lx, indique 126 espèces propres à la Suisse, qui manquent à l'Allemagne. L Nouvelle-Zélande (c). . . . . . . . . > do t'a Huitième degré. Royaume de Naples. . . . . . . . . Tadhoec lb Neuvième degré. Sion ELLE LR OCDE EL OU De PronCedé PAUSE RL EL. - Silésie prussienne et autrichienne. . . . . . .,. . . SCT Ne 6 6 CORAN Te CRIE EE C'ERAERTE Départements du centre de la France. , . . . . . . Dixième degré. , Finmark occidental . . . . . . . .. s EEE: Hollande SRE tt NS. À Baden, Schaffouse, Alsace, Bavière rhénane. . . . . NOMBRE DES GENRES DANS CHAQUE PAYS, 1287 TABLEAU DU NOMBRE DES GENRES DANS DES PAYS DE GRANDEUR SEMBLABLE, ET COMPARAISON AVEC LE NOMBRE DES ESPÈCES, ( Voir le tableau précédent pour la classification des pays, leur étendue et les auteurs consultés.) NOMBRE A probable ESPÈCES TS, di Indiqué. | Probable, | espèces, NOMBRE DES GENRES (a). par genre. Premier degré détendue. EMPITE FUSSE EME CT RU ee ro Deuxième et troisième degré. Etats-Unis au N. de la Virginie . . . , . . . .. . . Quatrième degré. Scandinavie, Finlande, Danemarck . . . . , . . .. Allemagne, Alsace, Suisse, Istrie (b) . . , . . . . : Cinquième degré. Suède et Laponie suédoise. . . . . . . . . . . . . Erancel(Cerselcomprise) PE 1 Sivième et septième degré. PAPOME TETE S Pt 'p D c'e tie nie 212 215 550 2,5 Érande-Bretavners 2 hi. dl 0 903 (b) 205 1480 9,9 Podolie, Volhynie, Kiew, Bessarabie . . , . . . . . 528 530 1700 3,2 Géorgie et Caroline du Sud . . . . . . . . . . , . 114 125 2800 BE BENIN EL NES ARR TARN LEE ARE 370 375 1000 2,6 Cap. (la partie explorée). . …. . . . à + . . . ..…1.. 1008 1100? 71500? 6,8? 285 340? 1000? 2,99 171 1717 450 9,5 440 440 1250 2,8 460 4400 3,0 SENIOR 2 1 Hu. L LE A AR 524 525 1800 3,4 Sicues - . PRE à à MEL LEE MES 627 630 2650 4,2 Presqu'ile du Sinaï 0e 5... 0. Ste : 189 200? 500 ? 2,59 Onzième degré. Kasan (partie de la province de) . , . . . . .. VOS EME EEE TE ne so ee OEIL SERRE OO NOR rie Dalmatie . . . . .. DRM IEC SEL ER sur A (a) Le nombre des genres indiqués ne comprend pas ceux formés d’espèces cultivées. Le nombre corrigé a été calculé en modifiant un peu celui des genres indiqués, d’après les omissions probables et la disposition des auteurs à trop réduire ou trop diviser les genres. (b) D’après Koch, Syn., 1"€ édit. À (c) Voyez la note, p. 1291. 1288 VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER, : NOMBRE NOMBRE DES GENRES. LT NE probable | ESPÈCES S: M, des s We £ par genre. Indiqué. | Probable. | espèces, Douzième degré. He Me EEE NA MEME le à lerstebete re 44 44 80 1,8 Fabralorionendle 4 PRET CI CE 90 90 250 9,7 TPS TO du ele “De -CE-D- 129 43 280 2,1 Environs de Pesih ECM S-EC LS TS 451 450 1100 9,4 Département du Calvados. . . . . . . . . . . . . . 494 490 1220 2,5 Département de Maine-et-Loire. . . . . . . . . . . 473 475 1320 9,1 Département de la Gironde, . . . . . . . . . . ., 492 495 1320 2,6 Environs dé NEW=VOIk.. « cts ske 0e = - els © - 430 430 1100 2,5 HESBaleares ever SUIS CI CRE ORErE CIE 310 310 7100 2,2 MESA COrESE nes CE IC 0e 244 245 450 1,8 MES DUNCAN ER EME RECENT ECC 262 215 650? 2,39 dies Malonies. : CU. CEWLENE CE 78 18 130 4,6 Treisième degré. Ile de Mageroë, Laponie. . . . . . . . . . obus de 10% 104 200 4,9 Moyenne de Gefle, Upsal, SÉOCKROÏM EN ER ES € 3925 325 135 92,9 Environs dAberdeen: 2. - . 4 7.7. 2 24 40 289 290 580 2,0 District de Benthen, Silésie. . . . . . . . . . . . . 340 340 720 21 District de Hirschberger, Silésie . . . . . . , . . . 333 333 710 2,1 Env. de Ratisbonne (d’apr.Furn., Top., 1,195,260). 430 495 1063 2,5 Province de Padoue QE - cc CE CCE -C 546 546 1380 2,5 Province de Vemise.. ? . #0. - EL =. 389 390 950 2,4 Moyenne des deux provinces . . . . . . . . . . . . 467 168 1165 92,5 Moyenne de Fréjus, Toulon, Marseille 85%. 4e Te 481 490 1460 3,0 ete Zante: 2eme AL JR. ME CERR EME S À 332 335 165 2,1 { Iles de Madère et de Porto-Santo. . .. . . . . . . 253 260 700 QE | Ïle des Barbades (Antilles). . . . . . . . . . . . . 350 310% 600? 4,6? | Iles de la Société . . . . . . Eee EULMAE Shots ‘ 200 205 350? 4,59 Ne de ustantd'Aeunhtt LEE ce 24 24 35 1,4 TAG TIOTELRARS LAS 26,2 x Pi 47 47 25 4,4 Quatorzième degré. | Hedelana ee CEE CC CCE CE CRT 274 270 510 hi lletied'Astengion..:-? . Éh. . C4 ZEN, = S. == 38 38 50 4,3 NesiKeëling: JU GRR PMR ETC TE 23 23 30 1,3 eortolki.-gmer. EL: e :& ME. 1e, S9 s9 120 1,3 nee duul Fomumfez L Ms - 20. MM PE DS 27 à 29 30 ? 60 | 20° | Jles Auckland et Campbell . . . . . . . . … . . . . 59 60 1410 1,8 Quinzième degré. Ile de Norderney (Allemagne occidentale). . . . . . 143 145 250 er Iles d'Hoedic et Houat (Bretagne méridionale). . . . 298 2359 500 ? 214? Seixième degré. Sommité du Bragken: 5. UMR. .. AS . .L: . 86 86 150 17 Le Jardin du Talèfre, près Chamounix . . . . . , . 59 55 90 1,6 Sommité du Pic du midi de Bagnères. . . . . . . . 49 49 75 4,5 Le nombre des genres pour une surface semblable augmente ou diminue, un peu comme celui des espèces. Il y a cependant beaucoup d'irrégula- rités dans les progressions de cette nature, ce qui est naturel d'après la (a) D'après Henslow, Catal. of brit. plants, 1829, p. 35. NOMBRE DES GENRES DANS CHAQUE PAYS. 1289 diversité des causes locales et la valeur non mathématique des chiffres dont il s’agit. Par exemple, entre la Scandinavie et l'Allemagne, le rap- port des espèces est — 1 : 2,0, celui des genres = 1 : 1,4 ; entre la Suède et la France, les espèces sont = 1 : 3,1, les genres — 1:1,8; entre le Labrador, la Gironde et les Açores, les espèces sont = 1 : 5,3 : 4,8, tandis que les genres sont = 1 : 5,4 : 2,6. On se rendra peut-être mieux compte des faits en calculant la propor- tion des espèces par genre. La colonne à droite dans le dernier tableau donne cette proportion. Et d’abord il saute aux yeux que le nombre des espèces par genre est plus grand à mesure que l’on considère des pays plus étendus. J'en ai dit ailleurs la raison (p. 1178). C’est une conséquence de l’aire moyenne des genres comparée à celle des espèces. Mäintenant, pour des pays de même étendue, la proportion des espèces par genre augmente et diminue avec le nombre total des espèces. M. Ernest Meyer (a) l'avait déjà constaté, au moyen d’une soixantaine de Flores ; mais il avait confondu dans ses moyennes des pays de toutes les grandeurs, ce qui Ôtait au résultat la clarté et la précision désirables. En comparant le nombre des espèces par genre avec le nombre total des espèces, dans divers pays de même étendue, on remarque un accroissement du premier des chiffres en s’éloignant des pôles ; une diminution sensible dans les pays tels que l'Égypte, le Sinaï, où le nombre des espèces diminue ; enfin, une diminution analogue dans les îles, Au milieu d’une foule d'irrégularités, les variations sont donc analogues à celles du nombre des espèces. Dans les pays les plus pauvres en espèces, 1l se trouve moins d'espèces par genre, ou si l’on veut, il y a relativement aux espèces plus de genres. Dans les pays riches en espèces, il y a plus d'espèces dans chaque genre, ou, en d’autres termes, moins de genres à l'égard des espèces. La végétation des pays pauvres se compose de quelques formes très différentes (génériques), chacune représentée par moins de modifications secondaires (espèces) et par un nombre plus grand d'individus semblables; au contraire, dans un pays riche comme le Cap, il y a un nombre plus grand de formes géné- riques; mais la différence est surtout que les formes principales sont représentées par une multitude de modifications secondaires (espèces) et par un nombre inférieur d'individus semblables. D’après l’étude faite dans le livre premier des circonstances relatives au genre et à l’espèce, en particulier de leur aire géographique (p. 589, 1141), tout cela est une conséquence de la nature de ces groupes. Les (a) Zwei Pflanzsen geogr. Documente (Flora, 1843, Beigabe, p. 13). 14990 VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. genres ont une aire plus vaste; ils se répandent souvent jusque dans des pays peu favorisés, où ils sont alors représentés par peu d’espèces. Ainsi, dans un désert, sur les montagnes, dans les régions glacées du Nord, on rencontre souvent une ou deux espèces de tel genre qui abonde en espèces autour du désert, dans les vallées, dans les régions moins avancées vers le nord. Inversement, les localités favorisées présentent quelquefois une abondance extraordinaire d'espèces de tel ou tel genre (a). La richesse vient surtout de l'accumulation des espèces à aire limitée; mais celte cause influe moins sur les genres, naturellement plus vastes, et pour ainsi dire, plus élastiques. Au Cap de Bonne-Espérance , les espèces changent considérablement d’un district à l’autre, mais non les genres ; d’où résulte que la différence d’avec l’Europe git surtout dans le nombre des espèces, et que la proportion des espèces par genres se trouve moins différente entre ces deux régions que d'avance on ne pourrait le croire. Le Cap, dans une étendue comme la Grande-Bretagne, renferme cinq fois plus d'espèces, et seulement deux fois plus de genres ; d’où il résulte que la proportion des espèces par genre n’est guère que double. Ainsi, il ne faut pas se figurer que le nombre des genres dépende directement de celui des espèces; mais en serutant la question, on trouve que tous deux séparément sont réglés par des lois qui produisent des relations numéri- ques plus ou moins régulières. Les îles se présentent-elles à l'égard des genres autrement que les terres continentales de même grandeur? Les considérations qui précèdent aide- ront beaucoup à la solution de cette question. Le baron de Buch (Phys. Beschr. Canar., p. 132), voyant que d’après les documents alors connus, le rapport des genres aux espèces était aux îles Canaries = 1 : 1,4, dans l’île de Sainte-Hélène = 1 : 1,5, et dans la régence d'Alger — 1 : A,2, avait eru découvrir là une diffé- rence essentielle entre les îles et les continents. [l en tirait même des inductions théoriques sur la formation des espèces. Malheureusement la comparaison reposait sur des pays détendue fort inégale, et il était tout simple qu'un pays aussi vaste que l'Algérie, eût, toutes choses d'ailleurs égales, trois ou quatre fois plus d'espèces par genre, que des iles fort petites. D'ailleurs, on ne connaissait alors que la moitié des espèces des Canaries et de l'Algérie, et les Flores de Sainte-Hélène publiées jusqu’à (a) M. de Humboldt, en 1815, avait déjà constaté que l’affaiblissement du nombre des espèces par genre dépend, 1° de la petitesse du territoire, 2° de conditions défavorables à la végétation, comme le froid, la stérilité. Les auteurs subséquents, qui avaient des matériaux plus riches à leur disposition, n'ont pas traité le sujet d'une manière aussi logique. NOMBRE DES GENRES DANS CHAQUE PAYS. 1991 présent sont des ouvrages détestables, à cause du mélange des espèces cultivées, des erreurs, etc. Il faut étudier la question sur d’autres bases. Les îles un peu considérables, voisines des continents, comme la Sicile, la Grande-Bretagne, etc., ne présentent rien d’exceptionnel sous le rapport des genres. Le nombre absolu et le nombre des espèces par genre, s’y pré- sentent comme sur les terres continentales voisines. Les petites îles, rapprochées soit des continents, soit des grandes îles, ont peu d'espèces, peu de genres et une faible proportion d'espèces par genre, comme C’est le cas de toutes les localités restreintes, défavorables à la croissance des végétaux. Ici, de même que dans les pays très froids, sur le sommet des montagnes et dans les déserts, l’affaiblissement imposé par des conditions défavorables porte principalement sur les espèces. On le comprend. Il y a souvent dans les genres nombreux des pays voisins une espèce ou deux espèces, qui supportent de vivre dans une petite île très battue par les vents, inondée par les vagues, etc. Il doit donc manquer dans ces îles, à proportion, moins de genres que d’espèces. Du reste, les circonstances locales ont tant d'effet sur une île très petite, que des exem- ples auraient peu de valeur et pourraient se trouver aisément contredits par d’autres. La Nouvelle-Zélande, qui est le plus considérable des archipels isolés, ne parait pas avoir un nombre de genres et un nombre d'espèces par genre sensiblement différents des pays continentaux analogues. Le chiffre fondé sur la Flore récente du docteur Hooker donne 2,5 espèces par genre ; il s’élèvera probablement à 2,8 ou 2,9, lorsque l’on connaîtra toutes les espèces (a). Or, sous des climats correspondants et avec une surface analogue, les provinces de Podolie, Volhynie, etc., offrent 3,2 espèces par genre, et la Grande-Bretagne, 2,9. S'il existe une différence, elle est donc insignifiante. Aux îles Açores, la proportion est un peu plus faible qu'aux Baléares, dont l'étendue et le climat sont comparables, mais qui sont rapprochées des continents. Les îles Malouines ont une faible proportion. Elles se trouvent dans des conditions défavorables de climat, comme les pays du nord, où la proportion est toujours faible; cependant, il semble que par (a) On arrive plus vite à connaître le nombre total des genres d’un pays que celui des espèces, vu que les dernières espèces découvertes sont des espèces locales, ayant une aire beaucoup plus limitée que les genres. Les Flores de la Nouvelle-Zélande, publiées de 1832 à 1854 le montrent bien. Celle d'Achille Richard contenait 210 espèces et présen- tait 4,5 espèce par genre ; la Flore de Cunningham avait 394 espèces et 1,9 par genre ; celle de Raoul, 507 espèces et 2,1 par genre ; enfin, celle de Hooker fils a 730 espèces et 2,5 par genre. 1999 vaRIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. cette cause seule, leur proportion ne devrait pas tomber au-dessous de l'ile Melville et du Labrador. Tristan d’Acunha, Kerguelen, les îles de la Société, ont des proportions bien faibles, comparées à celles de Zante et de Madère, dont l'étendue est analogue. Dans un degré inférieur d’étendue , les îles de l’Ascension, Keeling, Norfolk ont des propor- tions faibles; tandis que Juan-Fernandez, Auckland et Campbell offrent des proportions ordinaires. Je ne dis rien des îles Galapagos et Sandwich, parce que la moitié des espèces en est encore inconnue; ni de Sainte- Hélène, à cause de l’imperfection des Flores publiées, et de la quantité d'espèces d’origine étrangère qui s’y trouvent mélangées. Les chiffres cer- tains, concernant les îles ou groupes d’îles contenus dans notre tableau, ne sont pas, j'en conviens, très probants; ils semblent toutefois indi- quer un affaiblissement plus grand du nombre des espèces que du nombre des genres, dans la plupart des îles. Assurément, aucune île ou réunion d'îles ne présente une proportion d'espèces par genre plus grande que des étendues semblables prises sur des continents, sous des conditions analo- gues de climat. D’après cela, une moyenne des iles, si le calcul pouvait en être fait régulièrement, donnerait une proportion d'espèces par genre inférieure. Il y a au reste deux causes, bien certaines, qui tendent à diminuer Île nombre des espèces, relativement à celui des genres dans les îles éloignées, et surtout d’une faible étendue. L'une, que les volcans, l’incendie des forêts, l'introduction des cultures, des chèvres, et, en général, les causes de destruction peuvent bien mieux anéantir une espèce qu’un genre. L'autre cause est dans l’introduction fortuite d'espèces nouvelles, qui, venant de loin dans le cas d'îles très distantes des autres terres, se trouvent généra- lement appartenir chacune à un genre nouveau. Le docteur Hooker (a) remarque avec raison combien la proportion des genres, relativement aux espèces, est considérable dans les îles madréporiques (Keeling, Malden), dont la végétation tout entière est venue de l'extérieur; tandis que les îles Galapagos, Juan Fernandez, Sainte-Hélène ont un fond propre, dans lequel certains genres ont plusieurs espèces. Jai aussi fait remarquer (p. 745, 759, 1144) que le transport accidentel des espèces d’un con- tinent à l’autre introduit souvent des genres nouveaux pour le pays. Dans les petites îles, où les nombres sont naturellement faibles, cette addi- tion, plus ou moins difficile à reconnaître, doit jouer un grand rôle. Malgré ces deux causes, dont l’une diminue les espèces, et l’autre aug- mente les genres, c’est-à-dire qui concourent à affaiblir la proportion des (a) Veget. of Galapagos (Trans. Linn. Soc., XX, p. 246). NOMBRE DES FAMILLES, DES GENRES ET DES ESPÈCES. 1293 espèces par genre dans les petites îles éloignées, il est difficile de ne pas sentir dans la distribution des genres quelque chose de plus élevé, quelque chose d’antérieur à l’état actuel du monde. Si l’on pouvait tracer sur un globe terrestre l'habitation de chaque genre, on verrait toutes les surfaces insulaires et continentales, comme enlacées dans un réseau, dont les mailles seraient croisées et inégales, plus serrées sur les continents, près de l’équateur et dans quelques régions tempérées, que dans les îles, ou dans les pays stériles, ou encore vers les pôles. Les espèces, par leur nature plus locales que les genres, se trouveraient accumulées en suivant à peu près les mêmes lois, mais un peu autrement. En particulier, dans les îles, le réseau des genres serait fourni moins abondamment d'espèces. Dans cet ensemble, on peut chercher la part des influences locales et du mouve- ment actuel des espèces, mais les faits n’étaient-ils pas analogues il y a 500 ans, il y a 1000 ans, 10,000 ans? Cela semble probable. Alors nous remontons ici, comme dans toute la géographie botanique, à des causes antérieures, plus ou moins obscures. Ce qui nous montre encore l'existence de causes antérieures dans la distribution actuelle des genres, c’est que pour les îles éloignées, les genres ayant une seule espèce sont assez fréquemment des genres monotypes, c’est-à-dire composés réellement et absolument de cette espèce unique. J'en ai rencontré plusieurs exemples dans les familles dont je me suis occupé spécialement, comme les Campanulacées et les Myrsinéacées. On en voit aussi dans les Composées, les Apocynées et autres familles. Quand les espèces insulaires ne forment pas de genres, elles forment souvent des sections constituées d’une seule espèce. Ainsi, on ne peut pas dire que les formes génériques à espèce unique, si communes dans les îles, s'expliquent toujours par des transports probables de pays éloignés et par des modifications qui auraient changé les espèces analogues du même genre. Il y a une foule de genres monotypes dans les îles, et ceux-là ne peuvent provenir que d’une création dans l’île sur laquelle ils se trouvent, ou de la végétation d’une époque géologique antérieure, disparue des autres surfaces terrestres. ARTICLE III. NOMBRE DES FAMILLES ET COMPARAISON AVEC LE NOMBRE DES GENRES ET CELUI DES ESPÈCES. Dans les Flores qui approchent d’être complètes, les familles peuvent être regardées comme toutes connues. Cependant, 1l n’est pas aussi aisé 190% VARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. qu’on croirait d’en indiquer le nombre exact. Les auteurs réunissent ou séparent certaines familles, et dans la partie du règne végétal où le Pro- dromus n’a pas paru, il est assez difficile d'adopter un ouvrage qui puisse servir de règle à cet égard. Dans le fond, 1l y a moins de doutes sur les familles que sur les genres, et sur les genres que sur les espèces; mais au point de vue numérique, les doutes ont plus d'importance à mesure qu’ils portent sur des chiffres moins élevés. Heureusement, ce n’est pas d’ad- mettre deux ou trois familles de plus ou de moins sur une centaine, qui change les résultats statistiques concernant le nombre des familles en divers pays. Je me suis borné, par ce motif, à modifier, d’après les volu- mes I à XII du Prodromus, les familles données par les auteurs; ensuite, j'ai admis les Amentacées et les Urticacées dans le sens le plus large; enfin, j'ai adopté les familles de Monocotylédones, telles que les auteurs les donnaient eux-mêmes, et pour les Flores selon lordre linnéen, j'ai calculé conformément aux familles admises dans le Botanicon gallicum. De cette manière, les chiffres ne sont pas rigoureux ; mais ils sont d’ac- cord avec l’état moyen des ouvrages modernes, et leur exactitude est suflisante pour le but proposé. Les familles représentées dans un pays seulement par des espèces eul- tivées, n’ont pas été comptées, et pour le dire en passant, une des plus grandes causes d'incertitude dans un relevé de ce genre, est l’admis- sion ou le rejet de quelques familles représentées par une seule espèce cultivée et à moitié spontanée. Ainsi, tel auteur d’une Flore européenne admettra le Punica Granatum, le Vitis vinifera, l'Opuntia, le Capparis, le Laurus comme spontanés, ce qui fait autant de familles, tel autre les dira seulement cultivés. Dans ces cas douteux jai suivi l’opinion des auteurs. Par tous ces motifs, cependant, les nombres ne sont exacts qu'à cinq ou six centièmes près, tandis que ceux des genres et des espèces le sont peut- être à deux ou trois centièmes près, dans la plupart des exemples que 2 j'ai cités. NOMBRE DES FAMILLES, DES GENRES ET DES ESPÈCES. 1295 TABLEAU DU NOMBRE DES FAMILLES , DANS DES PAYS DE GRANDEUR SEMBLABLE , ET COMPARAISON AVEC LE NOMBRE DES ESPÈCES ET CELUI DES GENRES. {Voir la position géographique et les ouvrages consultés, p. 1274, et pour les genres, p. 1287.) Premier degré d'étendue. Enipire russe . . Deutième et troisième degré. États-Unis au N. de la Virginie Quatrième degré. Scandinavie, Finlande, Danemarck Allemagne , Alsace, Suisse, Istrie Cinquième degré. France (Corse comprise) Sitième et septième degré. Grande-Bretagne Podolie, Volhynie, Kiew, Bessarabie Géorgie et Caroline du Sud Egypte ÉrevineedeiBalia 0e t 6 NA. 2 MEL Cap (la partie explorée) Nouvelle-Zélande ? . . . . |. . ... … ! . . Huitième degré. SEILAN ORPI Unie SA UE 2e Me a EE Province dePrusse”. 2 40156 SURSSE ES ASUS ne Une He ue Dixième et onzième degré. Kasan (partie de la province de) : . . . YANN LA SEEN AE MELON Ile Melville Labrador (partie de la côte oriental). : . . . . EG GE NON. LORÉRENCEN MERE Environs de Pesth. :#... : >... NOTE Département du Calvados. . . . . . . . , .. Département de Maine-et-Loire. . . . . . . . Département de la Gironde (e) NOMBRE NOMBRE GENRES probable NOMBRE ESPÈCES probable des par par des des familles. famille. famille. espèces. genres. 66,6 8000 ? 2800 ? 4579 96 1700 AT, 7 133 2800 94,0 89 1000 44F9 135(a)| 3800? 28,1 ? 137 7500 4,7 94 1000 10,6 49 410 8,3 106 3150 297 620 5,8 18 (b) 90 5,0 41 9,9 93 1690 11,7 480 5,1 108 2400 | 22,2 600 5,5 94 41600 47:0 535 | | 13 700 9,5 240 3,3 93 1300 13,9 490 54 110 2550 23,2 690 6,2 16 80 5,0 4% 9,7 40 250 6,2 90 2,2 49 280 9,1 130 2,6 ss 1100 12,5 450 5,1 95 14220 19,8 430 5,2 92 1320 14,3 475 9,4 95 1320 13,9 495 5,2 | (a) Les listes de M. Moricand indiquent 119 familles, mais j'en compte 16 de plus, qui doivent avoir aussi des espèces dans cette partie du Brésil. (b) L’énumération en indique 16, et j'en suppose 2 à découvrir. (c) Un chiffre différent a été donné ci-dessus p. 1173, pour les familles de la Flore de Maine-et-Loire, mais dans le premier cas on les avait réduites au Botanicon gallicum et ici au Prodromus. 89 1996 vARIÉTÉ DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER. é NOMBRE j NOMBRE NOMBRE ESPECES GENRE S bab PAYS. Feu probable be probable familles. | %°. | famille. | %S | famille. PE genres. Iles BalédFes ti © «2 . . À OU EL ; 18 100 8,9 310 3,9 Nes PEUT . È >. MN mn E ce 73 450 6,2 245 3,3 NestGanuies.: à 20, L'ÉRIERE UNS 90 1050 41,6 ? les Malouines. © © . . . . CE: 35 130 3,1 18 2,2 Treizième degré. He de MagerogÆ © . PR. ANSE - à “ES 38 200 5,2 104 2,1 Environs ide Celles fret ru f NE © 15 680 9,0 305(a)| 4,0 Environs de Stockholm (b). . . : . . . . .. 8i 850 10,6 370 4,5 Environs de Ratisbonne . . : . . . . . . .. 96 1063 41,1 425 4,4 Environs de Marseille. . . - 2. 4 96 1239 42,9 461 4,8 Pile /de Zantese SRPENRNIEn RTE M s1 165 9,2 335 4,1 | Ile de Madère et Porto-Santo. . . . . . . . . 90 100 1,1 265 2,9 Tléde Barhañess & -{ pue d. le - Le 97 600 ? 6,2? | 370? | 3,8? Nés del Societé ns AE NRS | 02 APCE 70 350? 5,0 ? 205 9,9 Hle.de Tristan d'Acunha.. . ©? . ... . . + . . 14 35 2,5 24 4,7 Héde Kérguelen EME 25-00 JAN À 12-14 25 2,0 17 1,3 Quatorzième degré. Environs iramédiats de Strasbourg . . . . . . 90 (c) 970 10,7 ? ? TENTE RERO PES or: 13 510 6,9 270 3,7 EN ÉTEND LES ES 91 50 2,3 38 1,8 HestKeehnes ss PU te 4 LL 15 30 9,0 23 4,5 HEANOTIOIR EN EP AS RAT Me Re Er 56 120 2,1 s9 1,6 Ile de Juan-Fernandez . . . . . : . . . . . . 97 60 ? 2,29 30 1 Iles Auckland et Campbell . . . . . . . . . . 31 110 3,5 59 1,9 Quinsième degré. Nede Nordarney: &% ,. ne Je. ere E 46 45 3,1 les Hœïic et Hour F2. 0 7- .Ê 64 935? 3,6 Seizième degré. Sommitedin Broken. .-: caucasieum Bieb., #39. 1356 | Doronicum Pardalianches L., 673. plantagineum L., 673. scorpioides Willd., 439, Doryenium suffruticosum Vill., 438. Draba pyrenaica L. Voyez Petrocallis. Dracæna terminalis L., 827. Dracocephalum Ruyschiana L., 440. Dracontium polyphyllum L. 827. Drepanocarpus lunatus Mey., 181, 792. Drosera longifolia L., 566. rotundifolia L., 565. A Dryas octopetala L., 429, 14012. Ecastaphyllum Brownei Pers., 182, 192. Echinochloa Crus-galli Beauv. Voyez Panicum. Echinospermum deflexum Lehm., 618. Lappula Lehm., 409, 677, 100, 751. Echites biflora Jacq., 414. Echium maritimum Willd., 120. pyramidatum DCG., 409. vulgare L., 117, 751, 758. Eclipta erecta L., 520, 569, 584, 4098. Edwardsia grandiflora Salisb., 1054. microphylla Hook., 1248. Ehrharta panicea Sm., 140. Elæocharis alropurpirea minor, 741. capitata Br., 4030. palustris, Br., 580. Eleusine indica Gærtn., 754, 180, 796 Elsholtzia cristata Wilid., 640. Elyna spicata Schrad., 4011. Elythraria fasciculala Kunth, 1035. Empetrum nigrum, L., 327. Epaltes brasiliensis DG., 1032 Epilobium hirsutum L., 1044, Eranthis hyemalis Sal., 646. Erica arborea L., 1021. carnea L., 440. mackayana, 14317. mediterranea, 4317. scoparia L., 4021. Erigeron alpinum Lam., 1048. eanadense L., 569, 669, 703, 143, 144, 1101. uniflorum L. Voyez E. alpinum. Eriobotrya japonica Lindl., 983, 987. Eriocaulon pellucidum Michx. Voyez E. gulare. septangulare With., 1093, 14314. Eriochloa? annulata Kunth. Voyez Helopus. Erithrichium fulvum DC., 415, 4048. nanum Schrad., 434, Ervum hirsutum L., 748. Lens L., 957, 9892, 986. Eryngium campestre L., 665. spina alba Vill., 20. Erysimum Barbarea picta, 1083. cheiranthoiïdes L., 565, 653. orientale Br., 653. virgatum Roth, 653, Erythræa Centaurium L., 752, latifolia Sm., 414. maritima Pers., 408. spicata Pers., 408. Erythroxylon Coca Lam., 854, 981, 988. F Escholtzia californica Cham., 723. Eugenia Jambos L. Voyez Jambosa vulgaris. Malaccensis. Voyez Jambosa. , 4047. 104, 726, septan- TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Euphorbia Characias L., 328, Cyparissias L., 685, 701. ” dulcis L., 685. ‘ esula L., 685, 753. + exigua L., 686. M b belioscopia L. 685, 753. hypericifolia L., 1045. Lathyris L., 685, 700, 153. origanoides, 1281, Peplus L., 753. pilulifera L., 1045. platyphyllos L, 685, 753. prostrata Ait., 4045. ns salicifolia Host, 685. à Euphrasia officinalis L., 412. salisburgensis Funk, 430, Euxolus caudatus Moq., 719, 193. lividus Moq., 1044. oleraceus Moq., 1044. polygamus Moq., 1045. « viridis Moq., 118, 194, 796... Evolvulus decumbens Br., 1043. _ linifoliusL., 1043. un ” Evonymus En à mn 166, 200, 247, 396. + LE Faba vulgaris Mœnch, 30, 956, Fagopyrum esculentum Mœnch, num. R Fagus sylvatica L., 19, 20, 21,47, 454, 14171, 200, 234,237, 247, 2714, 286, 311,316, 321, 327, 398, 329, 396, 398, 403, 472, 413, 689, 996. sylvatica purpurea, 1083. sylvestris Michx., 530. Fedia olitoria Vahl, 749. 0 Festuca duriuseula L., 753. elatior L., 153, 756, fluitans L. Voyez Glyceria. ligustica Bertol., 707. ovina L., 153. pilosa Gaud., 436. pratensis Huds., 753. Ficaria ranunculoides Mœnch, 520. Ficus sp. div., 21, 619, 918, 982. Filago gallica L., 670, 750. Fimbristylis sp., 141, 1034. Fitchia Hook. f., 4331. Fœniculum vulgare Gærtn., 667, 720. Forsteronia brasiliensis A. DC., 414. corymbosa Mey., 414. Fragaria chilensis Ebr., 1047. elatior Ehr., 661. monophylla Duch., 1084, vesca L., 327, 619, 718, 887, 981, 986. Fraxinus excelsior L., 156, 183, 200, 203, 274, 291, 314, 329, 396, 403. excelsior pendula, 14080. rostrata Guss., 408. Fritillaria Meleagris L., 693. Fuirena umbellata L. f., 4030. Fumaria officinalis L., 630, 747. 82, 986. 8. Voyez Polygo- Galanthus nivalis L., 694. Galeopsis Ladanum L., 751, 992 ochroleuca Lam., 443. Tetrahit L., 751, 1149. versicolor Curt., 1149. Galinsoga parviflora Cav., 725, Le are u% TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Galium Aparine L. 569, 749. pumilum Lam., 20. saccharatum All., 668. spurium L., 668. tricorne With., 668. Vaillantii DC., 668. verum L., 749. Garcinia Mangostana L., 871, 981, 987. Garidella Nigellastrum L., 4020. Genista tinctoria L., 629, 630, 749. Genliana acaulis L., 429, detonsa Fries, 408. frigida Frœl., 429. Frœlichii Jan, 440. glacialis Vill., 429, lutea L., 443. montana Forst.,, 4018. nivalis L., 429, 1012. prostrata Hænke, 1017, pumila L., 440. pyrenaica L., 4017. verna L., 429, Geranium aconitifolium Lher., 433. molle L., 759. phæum L., 659. pratense L., 159. pusillum L., 748. pyrenaicum L., 659, 704 Robertianum L., 327, 720, Geum heterocarpum Boiss., 4020, reptans L., 429. Gilia gracilis Dougl., 414. Glaucium flavum Crantz, 747. luteum Scop., 106, 1067. violaceum Juss., 650. Glaux maritima L., 521. Glinus lotoides L., 520, Globularia nudicaulis L., 441. vulgaris L., 635, 636. Glyceria aquatica Sm., 520, 581. fluitans Br., 581, 1051. trinervata Trin., 739. Gnaphalium luteo-album L., 504. 570, margaritaceum. Voyez Antennaria. uliginosum L., 570. undulatum L., 128. Gomphrena globosa L., 163, 189. Gossypium, sp. div., 971, 976, 982, 983, 987, 988. Gouania domingensis L., 1039. Gratiola aurea Muhl., 415. latifolia Br., 415. officinalis L., 410. Guatteria rufa Dun. (par err. typ. Unona), 480. Guilandina Bonduc L., 529, 583, 771, 794. Bonducella L. Voyez G. Bonduc, Gynandropsis pentaphylla DC. Voyez Cleome. triphylla DC. Voyez Cleome, Gypsophila repens L., 430. Haloragis alata Jacq., 1054, Hebenstreitia dentata L., 1329. Hedyotis Adscensionis DG,, 1281. Hedysarum alpinum Jacq., 430. nummulariæfolium L. Voyez Alysicarpus. triflorum L. Voyez Desmodium. Helianthemum œlandicum Pers., 430. Helianthus annuus L, 741. e 1357 Helianthus tuberosus L. 741, 824, 983, 988. Helleborus fœtidus L., 420, 1439, 147, 247, G41. viridis L., 647, 746, 659. Helichrysum fœtidum Cass., 728. frigidum Willd., 1017. Heliophytum indicum DC., 716, 794. Heliotropium curassavicum L., 736. europæum L., 542. indicum L. Voyez Heliophytum. ramosissimum Sieb., 409, 542. Helmia bulbifera Kunth. Voyez Dioscorea. Helopus annulatus Nees, 1052, Helosciadum leptophyllum DG,, 520. nodiflorum Koch, 749. Hemerocallis fulva L., 753. Heracleum alpioum L., 438. Herminium Monorchis Br., 456. Hernandia sonora L., 1045. Herniaria alpina Vill., 433. Herpestis micrantha Pursh, 415. Monnieria Kunth, 574, 584, 10929. Hesperis malronalis L., 655, 747. Hibiscus esculentus L., 768, 193. Manihot L., 154. Sabdariffa L., 1038. tiliacens L., 583, 768, 793. Trionum L., 748. Hieracium albidum Vill., 434. amplexicaule L., 670. aurantiacum L., 610, 699. chondrilloides Jacq., 430, 439. granduliferum Hoppe, 434. Jacquini Vill., 438. picroides Vill., 434. Hippophae rhamnoides L., 456. Hippuris vulgaris L., 568, 1003. Hohenackeria bupleuvrifolia Fisch. et Mey., 4020. Holcus lanatus L., 753. Sorghum L., 943. Hordeum carnosum (comosum ?) Presl. Voyez H. ju- batum. distichon L., 935, 982, 986, 990. hexastichon L., 334, 341, 316, 389, 935, 983, 986, 990. jubatum L., 4052. vulgare L., 52, 334, 347, 3716, 382, 393, 396, 403, 935, 982, 986, 990. zeocriton L., 936. Hottonia palustris L., 634. Hoya africana Decsne, 408. Hugueninia tenacetifolia Reichb., 432. Humulus Lupulus L., 687, 857, 981, 986. Hutchinsia alpina Br., 436. petræa Br., 83, 118, 396. Hyacinthus var. div., 1082. Hydrocharis morsus ranæ L., 633. Hydrocotyle asialica L., 520, 14028, 10417. interrupta Muhl., 520. natans Cyr., 520, 1098. Hyoscyamus niger L., 573, 152. Hypericum calycinum L., 659. crispum L., 800. perforatum L., 747. quinquenervium Walt., 124. Richeri Vill., 437. Hyptis atrorubens Poit., 184, 799. brevipes Poit., 776, 793. capitata Jacq., 7189, 793. 1358 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Hyptis oblusifolia, Br., 7185, 199, $ | Juncus communis E. Mey., 99. s pectinata Poit., 711, 793. PAR. À maritimus L., 580 . spicata Poit., 189. triglumis L., 401. spicigera Lam, 1717, 193. Juniperus communis, L., 20, 807. suaveolens Poit., 189. sabina L,, 530. Hyssopus officinalis L., 681, 751. thurifera L., 4024. r Jussiæa acuminata Sw., 1032. Iberis amara L., 25, 26, 27, 652. . erecta L., 1032, 4047. umbellata L., 25, 26. grandiflora Michx., 714, 725, 143, 144, Jlex Aquifolium L., 448, 162, 200, 203, 247, 4114. s 270, 283, 311, 312, 328, 396. A4 paraguariensis St.-Hil., 853, 981, 988. Kalstræmia cistoides Endi. Voyez Tribulus. Ilecebrum paniculatum L. Voyez lresine vermicu- | Kernera saxatilis Peich., 437. fl larïs. Kobresia calycina Willd., 4014. à Impatiens Balsamina L., 541. Kochia pubescens Moq., 1054. ve biflora Willd. Voyez I. fulva. Kyllingia aphylla Willd., 1033. fulva Nutt., 629, 659, 710, 724. monocephala L., 1046. | noli-tangere L., 520. J parviflora Led., 194. Lachnopylis oppositifolia Hochst., 414. Imperatoria Ostruthium L., 664. Lactuca sativa L., 492. TA Indigofera Anil L., 855, 983. Scariola L., 6792. argentea L., "854, 981, 986. Scariola sativa, 843, 982, 986. cœrulea Roxb., 987. Lagenaria vulgaris, Ser., 897, 982, 987. tinctoria L., 854, 982, 987. Lamium amplexicaule L., 576, 751. Inula Helenium L., 630, 749. flexuosum Ten., 701. Pulicaria L., 549. maculatum L., 6GS0, 704. Ipomœa bona nox L. Voyez Calonyction speciosum. purpureum L., 751, 1149. coptica Roth, 408. Lampsana communis L., 750. fastigiata Sweet, 823, 1041. Lappa major L., 750. filicaulis Blume, 1041. Larix sibirica hort., 529. hederacea L. Voyez Pharbitis. Laserpitium latifolium Mobl, 438. insignis Andr. Voyez Batatas paniculata. Lathyrus Cicera L., 960, 982, 986. involucrata Beauv., 408. Jatifolius L., 661. mammosa Choisy, 824, 981, 987. maritimus Big., 521, 4048. muricata Cav., 414. sativus L., 960, 982, 986. oligantha Chois., 415. Laurus Persea L. Voyez Persea gratissima. palmata Forsk., 1042. Lavandula vera DC., 20. pentaphylla Jacq. Voyez Batatas. Lecanora esculenta Spr., 615. pes capræ Br., 573, 114, 195. Ledum palustre L., 524. pes trigidis L., 788, 194. Leersia oryzoides Sw., 740. purpurea Lam., 741. Lemna gibba L. Voyez Telmatosphace. Quamoclit L. Voyez Quamoclit vulgaris. minor L., 578, 1004. sagittata Desf., 1055. polyrhiza, L. Voyez Spirodela, sessiliflora Roth, 4042. trisulca L., 578, 4004. setifera Poir., 414. Leonotis nepetifolia Br., 117, 194, sidæfolia Choisy, 1042. Leontodon incanum DC., 430. sinuata Ort., 414, 40492. crispum Vill., 434. tamnifolia L., 414. Leonurus Cardiaca L., 679, 720, 751. tuberculata Rœm. et Sch., 7175, 196. sibiricus L., 720. tuberosa L., 823, 1042. Lepidium campestre Br., 741. umbellata Mey., 415, 1049. Draba Br., 652. Iresine aggregata Moq., 786, 792. Jatifolium L., 652, vermicularis, Moq., 7186, 792. petræum L. Voyez Hutchinsia Iris tuberosa L., 690, 699. sativum L., 24, 25, 26. xyphioides Ehr., 690, 699. virginicum L., 724. Isatis tinctoria L., 651, 699, 704. Lepigonum rubrum Fisch. et Mey., 566, Isnardia palustris L., 520, 4001. Leptadenia pyrotechnica Decsne, 408. Leucanthemum vulgare Lam., 7149, 758. Jambosa malaccensis Wight et Arn., 893, 989, 987. | Leucas martinicensis Br., 171, 194, vulgaris DC., 899, 983, 987. Leucoium æstivum L., 695. Janipha Manihot, Kunth. Voyez Jatropha. Libanotis montana Al, 438. Jasminum fruticans L., 460,494, 200. Lichen esculentus Pall. Voyez Lecanora. officinale L., 741. Ligustrum vulgare L., 619,759, 759. Jatropha Manihot L., 816, 982, 988. Lilium Martagon L., 692, 699, 703, 704. Juglans regia L., 393, 968, 982, 986. pyrenaicum Gouan, 695. regia præadulta, 4083. Limnanthemum sp. div., 1003. Juncus aretieus Willd., 435, 1041. nymphoides Link. Voyez Villarsia. bufonius L., 579, Limnophila gratioloides R. et Sch., 524. TABLE ALPHABÉTIQUE (DES ESPÈCES. Limhophila serrata Gaudich., 410. Limosella aquatica L., 520, 574. Linaria alpina DC., 329, 409. canadensis nd 1050. Candollei Chav. 588. Cymbalaria Mill., 675, 700, 704, Elatine Mill., 676, 150. micrantha Spr., 409. minor Desf., 676. purpurea Mill., 676, 699. simplex DC., 409. spuria, Mill., 676. supina Desf., 675, 101 thymifolia DC., 588. vulgaris L., 716, 750, 758. Lindernia pyxidaria AIL., 410. Linnæa borealis L., 433. Linum humile Mill., 835. perenne L., 7122. Radiola L. Voyez Radiola. usitatissimum Mill., 833, 982, 986. Liparis foliosa Lindl., 1037. Lippia asperifolia Rich., 4033, 1047. lycioides Steud., 4051. nodiflora Rich., 521, 575, 584, 10929. Lipocarpha argentea Br., 1030. Liriodendron tulipifera L., 47. Lithospermum arvense L., 619, 751. Gastoni A. DC., 587. incrassatum Guss., 1050. officinale L., 446, 456, 151. prostratum Lois., 415. Lobelia alata Br. Voy. L. anceps. anceps Thunb., 521, 1054. Dortmanna L., 521. Lodoicea Seychellarum Labill., 616, 998. Loiseleuria procumbens Desv., 4011. Lolium perenne L., 153, 756. temulentum L., 697, 121, 753 Lomatogonium carinthiacum Reich, 434, Lonicera Caprifolium L., 667, 698. Xylosteum L., 667, 699. Lotus corniculatus L., 122. Lubinia spathulata Vent, 1036, 1047. Lucuma Caïmito A. DC., 914, 989, 988. mammosa Gærtn., 914, 982, 988. Lunaria rediviva L., 421. Lupinus albus L., 959, 982, 986. hirsutus L., 959, 982, 986. Termis Forsk., 959,982, 986. Luzula campestris DC., 579. glabrata Desv., 442, 1012. nivea DC., 693. pilosa Willd., 519. vernalis DG., 579. Lychnis alpina L., 224, 228, 1008. Githago lu, 461, 657, 148. Lycium afrum L., 1050. barbarum pe 152: Lycopersicum cerasiforme, 916. esculentum Mill, 915, 983, 988. Lycopsis arvensis L., 679, 751. orientalis L., 1021. variegata L., 82, 118. Lycopus europæus L., 521. . Lysimachia ciliata L., 674, 130, Lythrum Salicaria L., 542, 925,1 26, 27, 2 | Madia sativa Mol., 1048. Mæsa indica A. DC. 1036. Maianthemum Hfoiun DC., 696. Malachra radiata L., 1031. Malva caroliniana L., 724. 1359 moschata, L., 196, 144, 147, 396, 456. nicæensis L., 658. rotundifolia L., 748. verticillata L., 658, 793. Mammea americana Jacq., 872, 981, 988. Mangifera indica L., 875, 982, 987. Manihot Aipi Pohl. Voyez Jatropha. utilissima Pohl. Voyez Jatropha. Manisuris granularis Sw., 4031, 4047. Marrubium vulgare L., 576, 720, 751. Marsilea Fabri Dun., 520. Maruta Cotula DC., 570,674, 749. Mathiola incana L., 651. Matricaria Chamomilla L., 1292, Medicago falcata L. 472, 664. intertexta Willd., 749, 759, lupulina L., 749. maculata W illd., 129, 749. nigra Willd., 149, 159. sativa L., 472, 981, 986. sylvestris Fries, 661. Melampyrum -arvense L., 677. Melia Azedarach L., 754. Melilôtus alba Desr., 661. leucantha Koch, 749. officinalis L., 661, 79292, 749. parviflora Desf., 661, 749. Melissa officinalis L., 684, 1240154; Mentha aquatica L., 521. arvensis L., 754. canadensis L., 1148. Cunninghamii Benth., 1149. piperita L., 751. sylvestris L., 521. viridis L., 681, 754. Menyanthes nymphoïdes L. Voyez Villarsia. trifoliata L., 519, 572. 508, 661, 749, 756 ,838, Menziesia cœrulea L. Voyez Phyllodoce taxifolia. Mercurialis annua L. 542, 686, 100, 704, 759, perennis L., 707. Mertensia maritima G. Don, 409, 521. Mesembryanthemum crystallinum L., 521. nodiflorum L., 84, 117, 396. Mespilus Cotoneaster L. Voyez Cotoneaster vulgaris, germanica L., 664. Micranthemum orbiculatum Mich., 415. Micromeria Darwin Benth., 4149. Micropyxis pumila Duby, 1035, 1047. Milium (sp. div.), 983. Mimosa asperata L., 182, 195. pudica L., 122, 783. Mimulus gracilis Br., 1051. guttatus DC. Voyez M. luteus. luteus L., 415, 629, 630, 677, 709, 730, 143, 1048, 1144. rivularis Nutt. Voyez M. luteus. Minuartia dichotoma Lœæfl., 1020. montana Lœfl., 4020. Mirabilis dichotoma L., 794, 793, Jalapa L., 7914, 193. Mitrasacme pilosa Labill., 414. Mitreola paniculata Wall., 4035, 4047. 86 1360 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Moghania glabrata Saint-Hil., 462. Nigella sativa L., 25, 26. R Mollugo nudicaulis Lam., 167, 195. Nigritella suaveolens Koch, 441. ” Momordica senegalensis Lam., 719. Nonnea ventricosa Griseb., 409. Montia fontana L., 520, 568. Nuphar Juteum Sm., 632, 1000, 1321. Moringa pterigosperma Gaertn., 1040: Nymph:æa alba L., 632, 999, 1321. Morus alba, 30, 856, 981, 986, 1083. ampla DC., 1000. indica Willd., 856, 982, 987, pubescens Willd., 4000. nigra L., 856, 981, 986. stellata Willd., 1000. Mucuna pruriens DC., 4040. urens DC., 182, 792. Œceoclades maculata Lindi., 1045. Musa paradisiaca L., 920. Œnantbe Phellandrium Lam., 520. sapientum Br., 920, 982, 987. Œnotheræ sp. div., 662, 710, 725, 1102. Troglodytarum L., 924. Oldenlandia corymbosa L., 1028. Muscari racemosum Mill, 695. herbacea DC., 1028. Myosotis palustris Witb., 521. Olea europæa L., 21, 393, 919, 982, 986. refracta Boiss., 1021. laurifolia Lam., 4399. Myosurus aristatus Benth., 1054. Olyra latifolia L., 1034. Myrica Gale L., 530. Omphalodes littoralis Lehm., 587. Myricaria germanica Desv., 520. Onagra europæa Spach. Voyez (Enothera, Myriophyllum alterniflorum DC., 4002, Onobrychis sativa Lam., 838, 839, 981, 986. spicatum L., 1002. Ononis reclinata L., 660, 700, 701, 704. verlicillatum L., 568, 1002. Onopordon Acanthium L., 750, Myrrhis odorata Scop., 666, 698. virens DC., S00. Myrsine africana L., 1048, 1329. Oplismenus Burmanni Beauv., 1034, 4047. dependens Spr., 1017. Opuntia Ficus-indica Webb, 125, 143, 144, 1144. Fapanea Rœm. et Sch., 413. vulgaris Mill., 630. 1 retusa Ait. Voyez M. africana. Orchis globosa L., 44. Myrtus communis L., 626, 1147. mascula L., 449, 445. nummularia Poir., 4148. militaris L., 456. Origanum vulgare L., 751: Naias indica Cham., 4005. Ornithogalum nutans L., 692, 700. major All., 400%. umbellatum L., 692, 753. Narcissus biflorus L,, 691, 100, 704. Orobus luteus L., 437. incomparabilis L:, 694, 700, 704. Oryza sativa L., 941, 989, 987. : poeticus L., 691, 700. Osbeckia princeps DC.;, 1032, 1047. ? Nardosmia fragrans Peich., 669, 699. Oxalis cernua Thunb., 124. Nasturtium officinale Br., 519, 565, 746, 1013, corniculala L., 567, 660. palustre DC, 480, 519, 565. stricta L., 659, 724. pyrenaicum Br., 432, Oxycoccos palustris Pers., 521. sylvestre Br., 141. Oxycoccus macrocarpus Pers. Voyez Vaceinium Nauenburgia thyrsiflora Mœnch, 407. Imacrocarpum. ” Nelsonia canescens Nees, 1029. Oxytropis cyanea Bieb., 433. Nelumbium speciosum Willd., 542, 1000. fœtida DC., 433. Neottia gemmipara Sm. Voyez Spiranthes. lapponica Gaud., 433, 1010, 1042, Nepeta cataria L., 754. uralensis DG., 430. Glechoma Benth., 751. graveolens Vill., 20. Pæonia corallina Retz, 646, 699, Nepetella L., 435. Panicum (sp. div.), 1046. Neptunia oleracea Lour.; 4027, 1047. crus-galli L., 508, 580, 693, 697. stolonifera Guill, et Perr, Voyez N, ole- Digitaria Laterr., 139, 713, 144, 751. racea. italicum L., 941. triquetra Benth., 4034, 1047. miliaceum I., 941. Nerine sarniensis Herb., 741. sanguinale L., 154. Nerium Oleander L., 408. Papaver alpinum L., 436. Nertera depressa Banks, 529, 1054. Argemone L., 649. Nicandraphysaloïdes Gærtn., 7122, 736, 754. aürantiacum Loïs., 20. Nicolsonia replans Meisn. Voyez Desmodium (ri- dübium L., 649, 7417. florum. hybridain L.; 649. Nicoliana auriculata Bert., 735. oflicinale Gme}., 1143. Australasiæ Br., 850. Rhœas L., 455, 461, G49, 759. chinensis Fisch., 849, 850, 953, 988. setigerum DC., 966. fruticosa Lour. Voyez N. chinensis. somniferunt L., 649, 966, 982, 987. longiflora Cav., 853. Papaya vulgaris DG., 917, 982, 988. persica Dun., 849, 850, 851, 983, 988. Paritium Gliaceum Saint-Hil. Voyez Hibiseus lilia- rusticu L., 735, 849, 983, 987. ceus. suaveolens Lehm. Voyez N. Australasiæ. Parkinsonia aculeata L., 719, 770, 793. Tabacum, L., S48, 983, 988. Passiflora fœlida Cav., 729, undulata Vent. Voyez N, Australusiæ, Pastinaca sativa L., 749, 827, 981; 986. ? TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES, Paullinia pinnata L., 4038, Pedicularis aspleniifolia Flærke, 4018. capilata Adams, 413. cuphrasioides Steph., 413. flammea L., 413, hirsuta L,, 413. Jacquini Koch, 440, Langsdorflii Fisch., 413, lapponica L., 413. palustris L., 419, recutita L., 413, rostrata L., 434. sudetica Willd., 413. versicolor Wahl.,, 413, verticillata L,, 419, Peganum Harmala L., 429, 135, 147, 247. Pelargonium (sp. div.), 1104. Endlicherianum Fenzl, 1139, Peloria, 4085. Peperomia reflexa Dietr., 4030, 1047, Periploca angustifolia Labill., 707, græca L., 152. Persea gratissima Gærtn., 916, 982, 988. Persica lævis DC., S85, 983, 987. vulgaris fl, dupl., 4082. vulgaris Mill,,881,982. Petasites albus Gærtn., 670, 699. niveus Cass., 440, Petrocallis pyrenaica Br., 430, 437, Petroselinum sativum Hoffm., 463, 700. Phaca (sp. div.), 430. Phacelia cireinata Jacq., 41%. Phalaris aquatica Ait., 7121. canariensis L., 697, 754. Pharbitis acuminata Choisy, #14. hederacea, Choisy, 1043, Nil Choisy, 513, 1043. Phaseolus (sp. div.), 961, 962, 983, 986. Phleum pratense L., 580, 753, 756. Phlomis tuberosa L., 154, Phœnix dactylifera L., 343, 370, 396, 920, 989, 986, 997. Phragmites communis Trin., 521, 580. Phryma leptostachya L,, 1022, 4398. Phyllanthus Niruri L , 744, 780, 79%. Phyllodoce taxifolia Salisb., 1017. Physalis angulata L., 176, peruviana L., 121, 735. Phyteuma pauciflorum L., 434. Scheuchzeri AL, 434, Phytolacca decandra L., 736, 744, 757, Piddingtonia nummularia A, DC., 1017, 1328, Pinguicula grandiflora Lam., 435. lusitanica L., 413. villosa L,, 407. Pinus canariensis Sw., 19. Cembra L., 996. koraiensis Sieb. et Zuce., 996. maritima DC., 443, 690, 700. Mughus Jacq., 807, 1320, parviflora Sieb. et Zuce., 996. Picea L. Voyez Abies pectinata. pinça L., 997. scotica Willd., 4102. sylvestris L., 49, 21, 398, 399,479, 4064, 4109, 4315. uneinata DC., 20, 21, 4409, Pisonia aculeata L., 790, 794, Pistia Stratiotes L., 100%, Pisum arvense L., 959, 989, 986. maritinum L. Voyez Lathyrus, sativum L. 959, 961, 982, 986. Placodium Jussuflii Link, 645, Plantago juncoides Lam., 4051, lanceolata L., 511, 152. major L., 629, 752, 571, 718. montana Lam., 441, Psyllium L., 542. Pleurogyne earinthiaca Griseb,, 4048. Poa annuñ L., 490, 581, 720. ciliaris L., 787, 195. compressa L., 753, Eragrostis L., 581. nemoralis L , 581, pratensis L., 754, trivialis L., 581, 753. Poinciana pulcherrima L., 626, 787, 194. Polemonium cœruleum L.. 521, Polycarpon alsinefoliun DC., 1055, tetraphyllum L. f., 747. Polygonum alpinum All, 435. amphibium L., 577. aviculare L., 480, 571. Convolvulus L., 577, 683, 1752, dumetorum L., 683. emarginatum Roth, 955, 9892, 986. fagopyrum L., 542, G83, 741, 953, 982, 986. maritimum L., 1051, orientale L., 752, Persicaria L.,, 542, 729, 752, tataricum L., 741, 955, 989, 986. Polypogon monspeliense Desf., 624, Polystachya luteola Hook., 1046, zeylanica Lindl., 1037, Populus alba L., 530. nigra L., 530. ‘ tremula L., 327, 473, 530. Portulaca oleracea L. 525, 568, 584, Potamogeton (sp. div.), 579, 1005. : Potentilla Anserina L., 567, 4048. frigida Vill., 433. uivea L., 433, 14010. pensylvanica L., 724, 1013, reptans L., 101%, subacaulis L,, 430, Premna divaricata Wall., 4036. Primula (sp. div.), 1094. cortusoides L., 407. decipiens Duby. Voyez P, farinosa, farinosa L., 407, 4049. longiflora AIl,, 430. magellanica Lehm. Voyez P, farinosa. scotica Hook. Voyez P, farinosa, Pringlea Hook, f,, 586. Prunella vulgaris L., 1149. Prunus armeniaca L., 879, 989, 986, avium L,, 661, 877, 981, 986. Cerasus L., 661, 877, 982, 98(. domestica L., 878, 982, 986, insilitja L,, 878, 982, 986. Mume Sieb. et Zuce., 883. Psidium (sp. div.), 620, 893 à S98. Ptarmica alpina DC., 4016. Pteris aquilina L., 427. Pulmonaria mollis Wolf”, 409. ofMicinalis L., 679. 1361 1362 Pulmonaria virginica L., 141. Punica Granatum L., 891, 982, 986. Pyrethruræ Parthenium Sm., 671, 701, 70%, 749. Pyrus communis L., 393, 889, 982, 986. Aria L., 321, 328. Malus L., 393, S89, 982, 986, Quamoclit coccinea Mœnch, 1041. vulgaris Choisy, 188, 194. Quereus Ballota L., 995. Catesbæi Michx., 139, 743. coccifera L., 995. humilis Lam., 995. Ilex L., 20, 21, 328, 995. lusitanica Lam., 995. pedunculata Willd. Voyez Q. Robur. pseudococcifera Desf., 995. pubescens Willd., 995. Robur L., 21, 47, 328, 398, 471, 473, 995, 1064. sessiliflora Sm. Voyez Q. Robur. suber L., 995. Toza Bosc, 995. Queria hispanica L., 1020. Padiola linoides Gmel., 75, 90, 117, 203, 209, 917, 247, 396, A03. Ramphicarpa fistulosa Benth., 412. Ranuneulus arvensis L., 647, 759, aquatilis L., 461, 564, 998, 4013. bulbosus L., 146. flammula L., 520, 564. glacialis L., 283, 4929. hybridus Biria, 436, lingua L., 520. muricatus L., 146. Philonotis Retz., 520. Phthora Crantz, 436. pyrenæus L., 329. repens L., 564. reptans L., 564. rutæfolius, L., 432. Seguieri Willd., 436. Thora L., 430, 436. - Villars DC., 436. Raphanistrum arvense Gay, 826. Gayanum Fisch. et Mey., 826. maritimum Sm., 826. Raphanus Landra Moretti, 826. Raphanistrum L. 653, 741. rostratus DC, 896. sativus L., 499, 895, 967, Remirea maritima Aubl., 786, 7 Reseda luteola, L., 747. Rhamnus catharticus L., 748. 981, 987. 99. Frangula L., 1455, 179, 200, 203, 396, 403. saxatilis L., 437. Rhinanthus minor Ehr., 412. Rhizophora Mangle, 519, 772, 793. racemosa Mey., 173, 1040. Rhododendron arboreum Sm., 1088. ferrugineum L., 317, 323, 445, 14090. pontieum L., 162, 1499, 200, 4021. Rhus Toxicodendron L., 724. Rhynchospora aurea Vabl, 1030. Ribes Grossularia L., 663, 910, 989, 986. rubrum L., 914, 989, 986. uva crispa L., 982. TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Picinus communis L., 739, 4078. Piedleia concatenata DC., 1039. Rivea tiliæfolia Choisy, 1041. Rochelia stellulata Reich., 1024. Pogeria adenophylla Gay, 408. Posa cinnamomea L., 661. lævigata Michx., 754, 159. rubiginosa L., 149. Rottbollia dimidiata Thunb. Voyez Stenotaphrum. Roubieva multifida Moq., 737, 154. Fubia tinctorum L., 832, 981, 986. Rubus (sp. div.), 1102. Idæus L., 542, 619, 877, 981, 986. Fumex acetosella L. 427, 511. acetosus L., 847, 981, 986. alpinus L., 683, 699, 703. conglomeratus Murr., 753. crispus L., 152. obtusifolius L,, 752. Patientia L., 847, 981, 986. pulcher L., 684, 700, 7104, 720. seutatus L., 683, 700. Sabbatia gracilis Salisb., 414. Saccharum officinarum L., 836, 983, 987. sinense Roxb., 836, 983, 987. violaceum Tuss., 826, 983, 987. Sagina apetala L., 748. decurbens El. Voyez Spergula saginoïides. erecta L., 748. Linnæi Presl. Voyez Spergula saginoides. Sagittaria sagittifolia L., 579, 633. Salicornia fruticosa L., 529. Salix alba L., 753. annularis hort., 4080. babylonica L., 4080. cæsia Willd., 441 fragilis L., 753. glauca L., 435, 584, Jacquiniana Willd., 430. myrsinites L., 4014. : viminalis L., 153. Salvia lyrata L., 4129. pratensis L., 681, 1129. Sambucus Ebulus L., 456, 667. nigra L., 456. Samolus Valerandi L., 456, 572, Saponaria officinalis L., 629, G56, 700, 7 148. vaccaria L., 76, 93, 118, 396, 656, 748. Sapota Achras Mill., 914, 982, 988. Saururus cernuus L., 1022. Saussurea alpina, DC., 4042. Sauvagesia erecta L., 4026, 4047. Saxifraga adscendens L., 4010, 1042. affinis, 1317. ajugæfolia L., 430. Aizoon, 443, 446, bryoides L., 283. cernua L., 4009. controversa Sternb., 433. Cotyledon L., 14009. elegans, 1317, Geum L., 663, 14317.. hirtusa, 1317. hirta, 14317 oppositifolia L., 270, 283, 315, 318, 9329, 1042, 04, TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Saxifraga stellaris L., 4009. umbrosa, 14317. Scabiosa atropurpurea L., 741. columbaria L,, 707, 1014. Columnæ Ten., 707. succisa L., 520. Scævola Kœænigii Vahl, 521. Lobelia L., 714, 195. Plumieri L., 521. Seandix Pecten Veneris L., 666. Schranckia leptophylla DG., 782. leptocarpa DC., 792. Schultesia brachyptera Cham., 414. stenophylla Mart., 1032. Schwalbea americana L., 416. Schwenckia americana L. 416, 184, 799, Scirpus lacustris L., 580. maritimus L., 580. Scleria Flagellum Sw., 1046. reflexa Kunth, 1046. Scoparia dulcis L., 1029. Scorpiurus subvillosus L., 664. Scrophularia arguta Sol., 4050. nodosa L., 410, 521. pyrenaica Benth., 588. variegata Bieb., 410. vernalis L., 675, 101. Scutellaria galericulata L., 1449. minor L., 4022. Sebæa ovata Br., 414. Secale cereale, 20, 21, 316, 393, 936, 989, 986. Sedum album L., 662, 704, 704. Cepæa L., 80, 117, 396. dasyphyllum L., 662, 701, 704. galioides Latour. Voyez S. Cepæa. reflexum L., 662, repeus Scheich., 433. sexangulare, 662. spathulatum W. et K. Voyez S. Cepæa. Selinum Chabræi Jacq., 635. Orcoselinum Scop., 635. Sempervivum tectorum L., 662, 700, 704. Senebiera Coronopus Poir., 741. pinnatifida, DG,., 524, 629, 653, 702, 723, 7143. Senecio chrysanthemifolius DC., 669. incanus L., 429, 434. palustris DC., 5241. sarracenicus L., 670, squalidus L., 669, 699. vulgaris L., 493, 570, 150, 1097. Serratula nudicaulis DC., 439. Sesamum indicum DC., 965, 982, 987. orientale L. Voyez S. indicum. Seseli glaucum L., 635. montanum DC., 635. Sesleria sphærocephala Ard., 442. Sesuvium Portulacastrum L., 521. Setaria (sp. div.), 580, 696, 754. Sherardia fruticosa, 14281. Sibbaldia procumbens L., 4010. Sida Abutilon L. Voyez Abutilon Avicennæ. africana Beauv. Voyez S. cordifolia. altheifolia Sw. Voyez S. cordifolia. carpinifolia L. f., 780, 792. cordifolia L., 168, 194. bumilis Willd., 1038. Sida juncea Banks, 1039. 1363 linearifolia Schum. et Thon. Voyez S. lini- folia. linifolia Cav., 1031. periplocifolia L., 1038. prostrata G. Don. Voyez S. stipulata. rhombifolia, 181. , spinosa L., 167, 193. spinosa Wall. Voyez S. slipulata, stipulata Cav., 767, 194. Silene acaulis L., 283. alpestris Jacq., 1016. Armeria L., 148, 159. inflata L., 327, 748. italica Pers., 657, 698. noctiflora L., 656, 748. nocturna L., 748. pumilio Wulf., 433. quinquevulnera L., 748. vallesia L., 439. Silybum marianum Gærtn., 672, 100, 704, 720. Sinapis (sp. div.), 616. arvensis L., 456, 741. dissecta Lag., 25, 26. nigra L., 747. Sisymbrium Irio L., 652. officinale Scop., 147. polyceratium L., 651, 699. Thaliana Gay et Monn. Voyez Arabis. Sisyrinchium anceps Lam., 741. Sium angustifolium L., 520. latifolium L., 520. Smyrnium Olusatrum L., 665. Solanum capense L., 721. cardiophyllum Lindl., 815. Commersonii Poir., 814. demissum Lindl., 815. Dulcamara L., 752. esculentum Dun., 915, 983, 987. Hermanni Dun., 136. immite Dun., 813. Leycesterianum Dun., 1055. Maglia Dun., 812. Melongena L. VoyezS. esculentum. nigrum L., 513, 586, 192. « persieum Willd., 4020. pseudo-capsicum L., 135. sodomæum L. Voyez S. Hermanni. tuberosum L., 376, 390, 393, S10, 981, 988. verrucosum. Schlecht., 815. Solidago canadensis L., 727. lithospermifolia Willd., 727. procera Ait., 128. é serotina Ait., 128. Soliva nasturtifolia DC., 154, 759. Sonchus arvensis L., 750. asper Fuchs., 974, 750. ciliatus Lam. Voy. S. oleraceus. fallax Wallr. Voy. S. asper. lævis Vill. Voy. S. oleraceus. oleraceus L., 492, 493, 504, 571, | 750. palustris L., 5921. “ Sophora var, pendula, 4080. 124" | Sorbus aucuparia L., 235, 241, 978, 304, 314, | | 319, 321, 928. \ Sorghum (div. sp.), 983. 1364 Sparganophorus Vaill. Voyez Struchium. Spartina alterniflora Lois., 696, 7139, 4052, juncea Willd., 1053. stricta Roth, 1052. Specularia hybrida A. DC., 673, 159, pentagonia À. DC., 730. perfoliata A. DC., 480, 594. Speculum A. DC. 523, 759. Spergula arvensis L., 566, 747. rubra Pers. Voyez Arenaria. saginoides L., 566. stricta. Voyez Alsine stricta. Sphenoclea Pongatium DC., 773, 195, Spigelia Humboldtiana Cham, et Sch., 414. petiolata Torr. et Gray, 414. & Spinacia glabra Mill, 847. . oleracea L., 846, 989, 4 ’ Spiræa filipendula L., 635. Le Spiranthes cernua Rich., 1024, 4314. Spirodela polyrhiza Schleid., 14004. Sporolobus littoralis Kunth, 1046. minutiflorus Link, 14046. virginicus Kunth, 786, 795. Stachys annua L., 680. arvensis L., 521, 751. aspera var., 1022. germanica L., 680. palustris L., 521. Stachytarpha indiea Vahl, 1043. jamaicensis Vahl, Voyez $. indica. Statice plantaginea All., 435. Stellaria biflora L. Voyez Alsine. graminea, 722. media Vill., #90 (par erreur St, annua), T4S. Stemodia maritima L,, 415. Stenactis annua Nees, 727. Stenotaphrum americanum Schranck, 787, 195. glabrum Trin. Voyez S. americanum. Stratiotes aloides L., 633, 714, Striga Forbesii Benth., 412, senegalensis Benth., 412. Struchium, 4040. Stylidinm sinieum Hance, 4132, Styrax officinale L., 640, Suæda fruticosa. Voyez Chenopodium. Suecowia balearica Medik, , 77, 94,417, 247, 396, Suriana maritima, 521. Symphytum asperrimum Desf,, 678. officinale L., 151, 759. Syringa persica L., 744. 566, Tacca pinnatifida L., 827. Tamus communis L., 693. Tanacetum vulgare L., 749, Taraxacum dens-leonis Desf., 974. officinale Willd., 456. palustre DC., 521. Taxodium distichum Rich,, 4063, 4066. Taxus baccata L., 530, 14063, Telanthera brasiliana Moq., 1035. frutescens Moq., 785, 795, maritima Moq., 185, 792. Telmatosphace gibba Schleid., 4004. Tephrosia piscatoria Pers., 787, 792. Teucrium Botrys L., 681, Chamædrys L., 681. montanum Mill, 440, TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Thelictrum alpinum L., 4008, angustifolium L., 635. galioides Nestl., 635, minus L., 635. Thea Bohea. Voyez Th. chinensis. chinensis Sims, 332, 853, 981, 987. viridis. Voyez Th. chinensis. Theobroma Cacao L . 968, 982, 988. Thlaspi alliaceum L., 747, alpestre L., 747, " arvense L., 652, M # montanum L., 436. Thuya occidentalis L., 4065, Thymus angustifolius Pers., 20. Serpyllum L., 516, 582, 583, 584, 751, Tilia europæa L., 658. grandifolia Ehr., 658. Tillæa Vaillantii Willd., 4044, Tordylium maximum L., 665. parviflora Ham., 1028, Tournefortia laurifolia Vent., #15. Trachelium cœruleum L., 125, 1441, 447. Trachynotia alterniflora DC. Voyez Spartina. Tragopogon porrifolius L., 671, 700, 704. Trapa natans L., 520, 634, 1002. Tribulus cistoides L,, 7192, 187. terrestris L., 567, 584, Trientalis europæa L., 435. Trifolium agrarium L., 749, arvense L., 748. elegans, 664. incarnatum L., 664. medium L., 748. pratense L., 748, 156, 839, 981, 986, procumbens L,, 508, 749, repens L., 461, 472, 508, 567. resupinatum L., 661. saxatile AIl., 433. stellatum L., 661. ” Tripolium subulatum Nees, 520. Trisetum subspicatum Beauv., 584, 4044, 4052. Tristegis glutinosa Nees, 641. Triticum gæstivum L,, 52. caninum Schreb., 153, compositum L. Voyez T. turgidum, monococcum L., 934, 989, 986, repens L,, 581, 4059, Spelta L., 21, 933, 982, 986. turgidum, 929, 933, 983, 987. vulgare Vill., 390, 393, 929, 930, 982, 986. Triumfetta Lappula L., 781, 795, rhomboidea Jacq., 781, 792, Trollius europæus, 443, Tulipa oculus solis Sain(-Amans, 640, 800, sylvestris L,, 695, 700, Turgenia latifolia Hofim., 666, Tussilago alba L. Voyez Petasites, Farfara L., 497, 749, fragrans L., 669. Typha angustifolia L., 578. latifolia L., 5178. Shuttleworthii, 4055. Ulex europæus L., 749. Ulmus major Sm., 690, Unona uncinata, 480. Urena americana L , 781, 792 lobata L 194. . * he s 10 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ESPÈCES. Urena retieulata Cav. Voyez U. americana. Urtica dioica L., 577, 120, 753. pilulifera L., 687, 700, 704. urens L., 5717, 153. Utricularia intermedia Hayne, 1003. minor L., 4003. stellaris L, f., 4003. vulgaris L., 464, 4003. Uvaria japonica Thunb., 1147. triloba Torr. Voyez Asimina. Vaccinium macrocarpum Ait., 674, 130. Myrtillus L., 327. uliginosum L., 524. Valeriana officinalis, 520. pyrenaica L., 6GS, 699. Saliunca All., 434. Valerianella carinata Lois., 669 oliloria Dufr., 456. Vallisneria spiralis L., 450, 641, 1004. Vandellia crustacea Benth., 4029. diffusa L., 1033, 1047. Veratrum nigrum L., 4492. Verbascum Blattaria L., 720, 750. Lychnitis L., 750. sinuatum L., 409. Thapsus L., 574, 750, 158. Verbena nodiflora L. Voyez Lippia. Verbena officinalis L., 525, 575, 120. 759, 1153. L LU Li Veronica agrestis L.; 750: alpina L., 419. Anagallis L., 411, 508, 644, 590, 5 arvensis L., 750, Beccabunga L., 4114. Buxbaumii Ten., 677, 101. digitata Vahl, 1020. elliptica Forst., 1054, hederæfolia L., 751. longifolia L., 410. maritima L. Voyez V. longifolia. paniculata L., 410. peregrina L., 415, 705. seutellata L., 411, 520, 574. Veronica serpylifolia L., 574. spuria L. Voyez V. paniculata. Teucrium L.s 414. Vicia Ervilla Willd., 661, Faba L. Voyez Faba vulgaris. sativa L., 748, 961, 982, 986. sylvatica L.. 397. 1569 Villarsia nymphoides Vent., 519, 633, 1003. Vinca major L., 674, 700, 70%. minor L., 674, rosea L., 160, 774, 193. Vincetoxicum canescens Decsne, 408. Viola odorata L., 650. Viscum album L., 619. cruciatum Sicb., 1020. Vitis Labrusca L., 343. | vinifera L., 17, 21, 47, 338, 357, 380, 385, 3992, 393, 396, 398, 619, 872, 981, 986, 1080, 1082. Voyria uniflora Lam., 41%. Vallenbergia linarioides A. DC., 1148; | nutabunda A, DC., 707. | Waldsteinia geoides Willd., 425, 442, 147. | Waltheria americana L. Voyez W. indica. | indica L., 1096. . Wulfenia carinthiaca Jacq., 588. | | Xanthium indicum Roxb., 130. macrocarpum DG., 129. spinosum L., 715, 129, 154, S00. strumarium L,, 671, 730. Ximenia americana L., 1027. multifiora Jacq., Voyez X. americaua. Xyris laxifolia Mart., 1033, 1047. Zannichellia palustris L., 578, 1005. Zapania nodiflora. Voyez Lippia. Zea cryptosperma Bonaf., 951, Maïs L., 59, 337, 355, 392, 396, 949, 989, 988, 1086. Zornia diphylla Pers , 769, 795. » Sd 4 è L 4 24 nd : e. J : 2 à + : d LT REZ &. * . + . | Le - 1 LA “ % r 4” s LL + in. :Æ 9 4.14 — F 4 . £ NA 4 > 24 c'e, PR «êe Pag. 67, ligne 4, en remont nt: 2516; lisez : 448. © he on 24 è . Tr l 5 “ . . 4 86, tableau. La moyen ’été à oi doit être 145,2, conformément à l'indication | 1e ra . de la page 163. PME P L 150, dans le titre : Dabœcia polyfolia ; lisez: polifolia. L 203, ligne 6, en remontant : Corse; lisez : Ecosse. 4 - 299, dans le tableau : Cap Nord, mai, 00,14; lisez : — 0°,14. 347, ligne 2 : Orges (voy. p. 234); lisez : p. 334. 480, dans le tableau : Unona rufa ; lisez : Guatteria rufa. 190, dans la note : Stellaria annua ; lisez : Stellaria media, With. 693, au milieu : Tamnus ? communis ; lisez : Tamus communis. 794, ligne 3 : Euxolus viridis ; à effacer. 1024, ligne 4, en remontant : l’origine d’un nombre d'espèces ; lisez : nombre d’espèces. 1047, ligne 13 : Xyris latifolia ; lisez : laxifolia. 1200, ligne 8: Crucifères, 66 ; lisez : 60. . * à d'un grand . L : 1233, au milieu : S IT. Régions polaires; lisez : 5° Régions polaires. 1238, dans le titre du milieu: Zones équatoriales tempérées ; lisez : Zones équato- riale , tempérées. DANS LES CARTES. Pl. I. Effacer le nom et la localité de Salzbourg. Effacer le mot Hagionores, en Grèce. Fig. 1, voir les corrections indiquées page T4, en note. Fig. 4, prolonger la ligne jusqu’à Nice. Fig. 11, voir les corrections indiquées page 150, en note. PI, 11. Dans l’Adriatique, Blagosa ; lisez : Pelagosa. , PRE, d ‘ = e L CNT Ÿ | | LE PEL : - 3 = ; L Je \ e CE « à » « = rod be y> 10e » > | | | # É $ LÉ + » L L AJ VE ” (1 at L 2 - “ ‘ ï CE” | res * ANTT & ? è % à | Y : PAT “ ra “7? , L ë : AN TMS. a n “ 1-x 2 —. He -E k E = 1 a | Ta ‘ « (4 - ' = Æ. k * Le La à ee QK Candolle, Alphonse Louis 107 Pierre Pyramus de C3 Géograhie botanique +2 raisonnée BioMed PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY