HARENGVE 1*5 Ï4

PRONONCEE

DEVANT LE ROY,

SEANT EN SES ESTATS

gencraulx à Bloys , par Rluercnd père en Die^Meflîre P i e;:r r e d' e p i n a c , Archeucfque, Comte de Lyo^Primat des Gau- les, au nom de l'Eftat Ecclcfïafti- que de France,

A PARIS, Chez P.I,Huillicr,rue S. laques, à l'Oliuier.

1 5 7 7-

VEC P 1^1 ri LE G E D V HjûT.

pcc 'W

HARENGVE PRO-

NONCEE DEVANT LE

Roy 3 feant en les.. Eflats generaulx a Bloys , par Reuerend père en Dieu* JMeJjire Pierre d 'Epinac > Ànheuef- que j Comte de Lyon , Primat des Gaules, au nom de ï Efiat Ecclefiafti^ que de France.

iRE,encoresquela Frâce, quiaeftéiuf- ques iey agitée par les plus grandes & perilleufes tépcftes, qui ayent iamais tra- uaillé autre Republique, ne foitpas

Aij

4 » encorcs du tout hors des vagues &

orages : eft-cc qu'elle penfe défia voir de loin le port, & fe perfuade darriuerbientoft en lieu defeureté, puifque toutes chofes luy tendent aydc & promettent fccours. Car pre- mièrement Dieu qui auoit eftendu fur nous la main de fon iufte cour- roux3nous oftant le fentiment de nos maux,& le (èns pour y pourueoir, femble maintenant nous regarder de fon œil de pitié > puis qu'il nous pré- pare de grands confeils , & vnefî parfaidte vnio , pour arrefterle cours commun denosmiferes. Et après ce- tte afleurance que nous auons eu de Dieuylaprudécequi eft en vous plus grande que voftre aage ne permet,Ia dextérité de voftre efprit,qui fe reco- gnoift en toutes vos actions, & a efté remarquée en cefte éloquente pro-

s

pofition, qui a raui tout le m onde en admiration, & voftre fainéte & bon- ne volonté & piçté enuers voftre peuple,nous donnent efperance d'v- ne félicité prochaine. Etceftc expé- dition eft grandement confirmée, quand nous confiderons que voftre fain£t defîr eft fi affe&ucufemcnt fé- condé par le confeil de la Royne vo- ftre mcre, qui ayant fi bien mérité de tout le Royaume de France , tant pour le foin qu'elle a eu de faire fi ïàin&ement & religieufementinfti- tuer les ans de voftre première ieu- nefTe,que parla fage conduite, par la- quelle elle a manié le gouuernail de cefte Monarchie, pendant le temps âcs plus dâgeureufes tëpeftes, conti- nue encores maintenât à vouloir par fa prudence s'ay derà remettre voftre Royaume en fon ancien honneur. Et

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nous promet encorcs beaucoup de bien l'adfiftance & valeur de Moiv feigneur voftre frère, que nous e{pe- rons debuoir eftre le bras dextrede voftreauthorité &puiffance.Et auec toutes ces chofes vos treshumbles fubieds, qui parles caîamitez fout fertes par le paflé,fcmbloyent auoir perdu le courage,recognoifTans la fa- ueur que le ciel leur prefente maint e- nant,reueilletleursefprits ja comme endormis &rafToupis,&apportét vn bon zèle & affe&ion à la reftauration de ceft eftat : de forte qu'il femble que toutes ces chofes ioinétes en- iemblc^nous facent défia veoir le ciel plus ferain, & nous promettent vne heureufe tranquillité.

Et comment eft-ce que nous. ne ferions tous encefte expédition de bonheur , puis qu'il pîailt a voftre

7 Majeftéjiio comme Roy5mais com- me père trefbenin, traitter fi gratieu- fementauec vosfubie£ts3 leur don- ner cefte honnefte liberté de vous dire leurs plaintes & dolcances/& fai- re vne fi amiable communication & conférence auec eulx, pour trouuer les moyens de leur donner quelque aflfeuré repos après tant de malheurs! En quoy certes ils cognoifTent com- bien eft grande voftre fagefTe & pro- uidence, qui a feeu tresbien reco- gnoiftre , que vous ne pouuiez rabil- 1er lesdefordres qui eftoient en vo- ftre Royaume , que premièrement vousncleseufïiez bien &amplemec entendus ; & ne les pouuiez mieux entendre que par la bouche de vo- ftre peuple y qui luy-mefmcs enfent les pertes & les douleurs. Car à la vé- rité Tvne des plus grades incommo*

8 dicez quiaccopagnent l'eftat Royal, cft que le Prince ne peuk entendre les deffaults qui font en fon eftat, que parla bouche de ceux qui font au- tour de leurs oreilles. Et iceulx luy e- ftans bien fouuent diiïtmulez il ne peuk , bien qu'il en euft bonne vo- lonté, les reparer , pour contenter fon peuple. Chofe qui defpleut tel- lement à l'Empereur Diocletian, que voyant que fes Confeillers luy cachoient la vérité des fautes qui e- ftoient en fon Empire , luy oftant par tout moyen de les rciglcr, * comme il en auoit bonne volonté : il defpita tellement , que pour cefte raifon principale il remit & refina fon Empire entre les mains de Con-*- ftantius Chorus : & aima mieux vi- ure en perfonne priuée , & dreffer fon iardin à Solone, que de garder

l'Empire

9 l'Empire du monde auec cefte in- commodité, de ne pouuoir fidèle* vùmt recogn'oiftre les maulx au£ quels il appartient à vn Empereur & Prince fouuerain de pourueoir.

Mais voftre Majefté , S i r e , a bien prins vn confeil beaucoup plus honorable, vtil & falutaire: car ap- pelant tout fon peuple, quiafenty toutes ces calamitez & ruines , & leur donnant toute liberté de dire ce qui le greue , rien ne luy pourra eftre ca- ché. Et cognoiffant particulière- ment quelles font toutes les mala- dies qui affligent tous les membres de cefte Republique, il pourra auffi auec eux y trouuerdes conuenables remèdes. Et tout ainfî commeils recognoiffent que vous exercez ea leur endroiâ: l'office , non feule- ment dVn iufte & équitable Prin-

B

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ce , mais cncorcs d'vn bon &c pitoya- toyable père ; aind ils ne doiuentde- fîrer rien plus que de donner paref- fe6t tefmoignage del'obeifTancc, à laquelle les oblige, & la nature qui les afaïtnaiftre vos fubie&s , & l'amitié paternelle qu'il vo9p!aift leur porter. Et parce, S i RE,vostreshumbles 8>c trel-obreiflans feruiteurs &c fub- ie£ts, les gens Ecclefiaftiquesdevo- ftreRoyaume,recognoiflans quece- fte vnion de l'obeiffancedu fubied-, auec le commandement du Prince, eftvneliaifonqui entretient eneftre & en grandeur ce grand corps com- mun de la Republique, qui vientfî toft à decheoir , que ce lien eft diflo- lu & ïompu,voiiSpïoteftent deuant voftre Majefté, qu'ils n'ont rien de plus cher, ny n'ont apporté , après l'honneur de Dieu, ^autre but & fin à

II

leurs a&ios & difcours en cefte com- mune & publique aflembIcc,.(înon que tenter tous les moyens qui pourront cftre pour rendre voftre Majefté auffi aimée & obeye defes fubje&s, crainte & redoubtée defes ennemis , comme ont efté les Roys vos predeceffeurs , & comme vos vertus le méritent. Car nous fçauons affez, & l'expérience flous ena(mal- heureux que nous fommes) trop fait fentir le dommage, que la defobeif- fanec eft Faffoibliflement de toute puiffance,la ruine des maifbns &fà- millesjla perte des villes, feigneuries, & Royaumes. Etfiiamais la terre a porté des Geans , qui^comme a creu l'ancienneté fabuleufe , ont aiMliles deux y & confpiré contre la Maje- fté diuine : il icmblc bieii que ce ayentefté ceux, qui rompans le lient

12 commun des loix par leur defobeïf- fànce & impieté , ontconfondu,de£ ordonné, &renuerfé {ans deffusdet foubs toutes chofes.

Voftre Majefté donques,S ire, acceptera maintenant , s'il luy plaift, ce public tcfmoignage que nous vous donnons d'vne tres-humble obeïflancc & fidèle feruitude, delà- quelle nous prétendons ne nous dé- partir iamais. Et puis qu'il vo9 plaift, pour ouurir le chemin àvnebonne reftauration de voftre eftat , nous donner la liberté de remonftrer les chofes qui nous greuent : nous efti- merions faire grand tort au debuoir que nous auons à Dieu , à voftre fer- uice,au biê & vtilité de noftre patrie, àlexpe&ation de ceux qui nous ont cnuoyez,& à cefte finguliere & bon- ne volonté que vous auez enuers

13 .

nous,fî palliant les aiïàires nous vous diffimulionsnosmaulx, nos pertes, & nos calamitez.Car puis que parles loixciuiles celuyeft tenu coulpable de crime de lezeMajefté , qui ayant entendu quelque entreprinfeoucô- fpiration au dommage du Prince,ne la reuele , ne ferions nous pas iufte- mentreputez pourtraiftres , fïeftans appeliez foubs l'auétoritéde voftre Majefté pour luy deçlaker les eau- fès du mal commun > nous vom cachions ou diflimulions la vérité des chofes qui méritent règlement? Et encores que le vieil Prouerbe nousfoitafTezcogneu, que le com- plaire acquiert des amis, &Ia vérité apporte haine:fi eft-ce que nous efti^ mons au contraire , que la vérité foubftenue par lauârorité de voftre Majefté, aura tant d'efficace, quelle

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fera prinfe en bonne part de chacun,

puis qu'elle fera approuuée de vous. Aufïi , S i R E , feroit-ce chofe quife- roit mal-feantc à nous, & contraire à noftre vacation, fi nous attachions (comme dit le Prophète) des oreil- liers foubs les coudes de ceux qui faillent, & mettions des couffins & cheucts foubs latefte des pécheurs, pour feduire les âmes &les entretenir en leur vice. Et puis que le patient ne peut eftre bien guary s'il ne declaire bien apertemét les caufes de fon mal, nous vous defcouurirons nos play es, nous dirons les fymptomes qui nous arriuent, &ne cèlerons les douleurs que nous (entons, attendant en no- ftre mal,fecours de vous , comme de noftre médecin fouuerain. Et obfer- vierons toutesfois en cefte noftre li- berté tout le refpeâ: que nous de-

l5 \ uons à voftre Majefté, & la modeftie

que fe doit attendre & elperer de tel- les gens que nous fommes.

Il y a trois chofes qui maintien- nent Peftat de toutes les Republi- ques , & de 1 exadte obferuation des- quelles dépend leur heur &c félicité: comme au contraire leur corruption eft vn prefage euident & manifefte de leur prochaine ruine. La première eft la religion, la féconde la police, tant ciuile que militaire: & la troifîef- meles finances publiques. Etpar ce ayant traitté les poin£ts généraux qui appartiennent à ces trois, & remettât cequiferade particulier au cayer de nos remonftrances, il fembleraquc nous aurons jette vn ferme fonde- mét-pour ce quimerite reformation enl'eftat de cefte Monarchie , qui a cfté defreigléeen tous ces ordres^par

16 la licence que le malheur du temps a apporté, foubs la longueur des inte- ftines guerres & partialitez ciuiles.

laymis la Religion en premier lieu, pour ce que le premier accord des peuples laiflfans la vie barbare & ruftique pour s'affembler en la fo- cictéciuile, aefté d'auoir vn lieu de religion,pour les contenir enfemble. De forte que , comme dit Plutarque> fi nous recherchons curieufement toutes les contrées du monde, & la mémoire de toutes les anciennes ôc modernes Republiques, nous trou- uerrons bien que quelques vnes fe fontpaflées de Roy s, les autres de loix,les autres de lettres,de murailles, de maifons & richeffes , & ainfi de toutes autres chofes , qui femblent cftre neceflaires àvne communauté politiquermaisilnes'entrouuerraia-

mais

17 mais aucune qui naye eu vue certai- ne religion pour honnorcr Dieu. Et feroit, dit-il, plus aiféde baftir vne ville (ans fons ou fans terre , que d'at fembler vn peuple fans religion. Et pource voyons nous, que tous les an- ciens legiflateurs , encores qu'ils fut fent Idolâtres , ont commencé leurs inftitutions & ordonnances par vn tel quel hôneur de Dieu , & cérémo- nie extérieure de la religion : comme Deucalion aux Grecs ,Lycurgue aux Lacedemoniens , Yon & Solonaux Athéniens, Romulus & Numa , aux Romains . Et brief en toutes les Sei- gneuries du monde , le premier fon- dement del'cftat delà focieté ciuile, a efté vne religion inuiolablement obferuée. Et de viét que tous ceux qui fe font meflez du maniement des affaires publics, n'ont iamais rien tant

G

ï8 craint, qu vn defordre en leur religio, ou quelque nouueauté en icelle.Co- gnoiflfant bien que la religion(qui eft celle qui retient la focieté publique, & eft le fondement de toutes les loix ) ne pouuoit eftre troublée ou changée, que par vue finiftrecon- fequence, ellen'apportaft vn grand changement & redoutable pertur- bation en toutPeftat. Et non {ans caiife ce grand Orateur Romain di- foit, queftantla religion altérée , il s'en enfuy uoit neceflairement la per- te de la fidélité entre les hommes, &c vne confufion defordonnée de la vie ciuile. Dequoynoustrouuer- rons affez d'exemples en toutes les Republiques bien inftituées . Et fi nous voulons rechercher combien les Athéniens , qui ont cfté célè- bres entre tous les autres Grecs,

*9

pour leur fage gouucrnement > ont eu chère la conferuation de leur reli- gion , le feul exemple de Socrates nous fera veoir en quel horreur ils auoient l'introduâion d'vne nou- uelle religion . Car fes ennemis , qui ne cherchaient finon que calom- nieufement le faire mourir , ne peu- rent trouuer vn crime plus detefta- ble y ny par lequel ils le peuflfent ren- dre plus odieux , que laccufànt qu'il introduisit vne autre religion, que celle que les Athéniens auoient de tout temps obferuée. Comme auffi nous voyons queXenophon & Pla- ton, defendans caufe , fe font plus arreftez à le purger de cefte accu- fation, que de nulle aultre, qui luy fut impofée. Etïfocrates, Orateur renommé entre les Grecs , efcriuant

Ci)

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lniftitation d' vn Prince,lvexhorte de ne changer la religion de fes prede- cefTeurs,pourles troubles & remuc- mens qui en peuuent aduenir. Et dés le premier eftabliflement de la Répu- blique Pvomaine^entrc les premières loixde Romulus, celle icy eneftok vne, Deos peregrinos ne colunto. Et Nu- ma fécond Roy, voulant reigler la re- ligion des Romains, créa des Ponti- fes,affin,comme dit Tite Liue , qu'ils euflent l'œil , qu'il ne fe troublait quelque choie en leur droiét diuin, par introduction de nouuclles &e- ftrâgieres ceremonies,au mefpris de la religion ancienne. Et après que k*— les Cscfa-fcfut demeuré vainqueur de tout l'Empire Romains,voulant cô- fulter auec fes particuliers amys,des moyens delà reformation delà Re- publique/utconieillé parMecœnas

ZI

célèbre Sénateur , de ne permettre iamais aucun changement -en la reli- gion , comme eftant cela vn moyen fort propre pour introduire chofes nouuelles& troubler vneftat. Aflez d'autres pareils exéples le pourroient trouuer en l'anciéneté , lefquels Tob- in ettray, pour ne perdre dauantage de temps en chofe fl claire.Mais fi les anciens idolâtres incertains de ce que ils debuoient croire y & n'ay ans autre cognoiflance de Dieu , que celle que la nature parmy les ténèbres & ob- feuritez de la raifon humaine,leur fai- foit veoir5fans aucune {cintille ou lu- mière de la diuine grâce, ont efté fi foigneux & opiniâtrement curieux de maintenir leur religion abfurde & ridicule : combien à plus forte raifon nous Chreftiés , qui auons la certitu- de dcnoftre créance parrinfpiration

C iij

22, du fainct Efprk , parla propre bou- che de Dieu, parlaprefence humai- ne de fon cher Fils, par la doârinc de fa parolle , par les miracles de (a vie , par fa mort & paillon , par le iang de tant de martyrs, par le fça-^ uoirde tant dedodtes perfonnages, & par la fuccefïton continuelle de l'Eglife , combien dif je , debuons nous eftre affedtionnez à fouftenir cefte noftre religion , de laquelle nous auons tant d'afleurez &c fuffi- {ans tefmoignages } Combien deb- uons nous défendre ardemment ce- fte foy que nous auos approuuéede fi long temps : & combien debuons nous auoir en horreur de veoir vn autrecroyicedeDieu,quecelle5par kquelle nous fommes appeliez à I e- sv s Christ, régénérez par fon Baptefme , & nourris & alliez auec-

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qucs luy par fes fain&s Sacremens? Car fîceftc refolution de conferuer inuiolablela religion^ efté commu- ne à toutes les nations du monde, combien eft elle plus propre & plus particulière à nousChreftiens,qui ne retenons pas noftre religion feule- ment pour la conferuation de cefte fôcieté ciuile, mais en attêdons félon nos œuures & a&ions vne certaine & éternelle après cefte vie ? Et auons tât d afleurâce de noftre foy y & fom- mes enfeignez par icclle, que fi vn Ange du ciel ven oit pour nousinfî- nuervne aultre do&rine, que celle que nous receuons par la tradition Apoftolique^que nous ne luy pre- ftions aucune foy ou audience. Qiul nous vienne en mémoire ce qui eft commandé fi exactement en la loy de Dieu 3 que noftre frcre3 noftre

fils,noftreami, &celuy que nous ay- mons comme nous me(mes, voire noftre propre femme,nous veult at- tirer à vne religion aultre que celle du Dieu viuant , que nous ne Tefcoutios point, mais (oyons feueres & rigou- reux aies chaftier. Comme dohques aflemblez en la focieté ciuile nous debuos maintenir premieremet no- ftre religion : mais comme Chreftiës nousyauons vndebuoir plus parti- culier, tant pourlafTeurâce que nous enauons , que parle commadement exprés forty de la bouche de Dieu, Mais auec tout cela , comme bons &. naturels François, nous y auons vn autre debuoir qui nous y aftraint oui tre ces précédentes obligations.

La France a efté celle, qui depuis a- uoirreceupubliquemétlafoy chre- ftienne foubs Clouis, la toufiours

'ardée

gardée immuable & inuiolable d'vn mefme cours. La France n a iamais admis dedans fon fein, les peruerfes opinions de la foy. La France , tandis que tout le reftc de la Chreftienté eftoitagkée, parles pernicieufès di- uifions detâtdc diuerfes fortes d'he- refies , qui ont régné iufques à main- tenant, a toufiours demeuré vnic & conftante,fàns fe laitier aller à aucune fàulfedo&rine. LaFranceaeftélefè- cours & la defence de la foy Chreftié- ne, & la terreur des ennemis dlcelle. LaFrance enfomme atoufîoursefté corne vn rocher ou fort inexpugna- ble de la Chreftienté. Et combien fè- roitelle defcheuë maintenant defoa ancien honneur5combien auroit elle perdu de reputatio , combien mâ- queroit elle de fa première fidélité cnuers Dieu, fi changeant fàfermetc

D

%6 & confiance au faicSt de la foy ,elle vi- uoit longuement ainfï diuifée, & cn- duroit deuant fes yeux iadis fi jaloux de l'vnion de la croyance Chreftien- ne, vne liberté , mais pluftoft licence intolérable de viure fouz diuerfes re- ligions?Et pource,S i r E,vostreshû- bles & tresobeïfTans fubicits , les gés de Tordre Ecclefiaftiquc , eftiment que voftreMajefté prendra en bon- ne part 5fuyuant le zèle & affection finguliere qu'elle a toufiours mon- ftiré enuers la foy Catholique, cefte treshumble requefte qu'ils vous fot, de vouloir maintenir vn feul exercice de religion cnvoftre Royaume, en chafTant promptemét tous Miniftres qui en enfeignent vn autre, que celle que vous fçauez eftrela vraye, Ca- tlioliqne5Apoftolique,& Romaine. Enquoy ils ne doubtent point que

17

voftre Majefté ne foitdifpoféed'vn fàinâ: & trefehreftien defir , veu que Thonneur de Dieu, qui vous eft cher,&quia efté fi licentieufement par le paiTé foulé aux pieds en ce Royaume,v o9 y incite: & que la cha- rité que vous auez entiers ce peuple comisfoubs voftre Empire, & que vo9aymeztât, vous y appelle, &que la réputation & eftime de vous & de voftre couronciadis fifloriflâte,vo9 y pouffe affezardemmét. Car voftre Majefté recherchant la mémoire des chofes paffées , recognoiftra affez, que tant que la France a efté vnie foubs vne mefme religion Chre- ftienne , elle a faidt voler fa gloire & renommée par toutes les contrées dumonde:elleafaid fentirla valeur de fes armes par tous les coins de la terre: elleatoufioursefté victorieu-

Dij

fe far tous les ennemys de la religion catholiquc,&afàittât dades héroï- ques &cTheureufes conqueftes con- tre les infidelles, quelle s'eit aquife vne telle gloire entre les Afiens, Afri- cains ,Indiés,Per{es,Tartares, Mores, Sarazins & autres, que tous les Chre- ftiens qui font en l'Europe, font par eux nommez François. Car pour n'a- uoir ces nations eftrangicres fenty les armes d'autres Chreftiens que des François,ils ont aufïi comprins foubs le nom honnorable de France & des François , toute la Chreftienté La- tine.

Mais depuis que laFranceaeftédi- uifée & defehirée en deux diuerfes religions, voyons combien elle a per- du de fon ancienne renommée.Cellc qui commandoit à vne grande par- tie de l'Europe, qui conqueftoit les

Royaumes loingtains , & quifaifoit defonfeulnom trembler les nations les plus belliqueufes , s'eft veuë de- puis ceftemalheureufe & infortunée diuifion reduitte à telle extrémité, qu'au milieu de fon fein elle areceu les armes eftrangieresrelle à quafi pris la loy de fes voifins & de fes ennemis: &cruelle,tournantfon glaiue contre Ces propres entrailles , bien qu'elle fut inuincible à toutes les autres nations, s'eft abatue, vaincue, & ruinée elle mefme. Et cela eft le frui&qu a pro- duit ceftevenimeuie plante denou- uelie opinion , qui femble bien eftre proche de pouffer cncoresdesreiet- tons plus dangereux , fuy uant Tex- eftation que voftre peuple obeï£ ant conçoit de voftre prudence & pietéjiLnevous plaift d'y pourueoir promptement.

D iij

i

30 Souuiennc vous^S i r E,que vous portez en main le fceptre de ce grand Roy Clouis, qui premier régla cefte Monarchie foubs la profcfïion pu- blique de cefte religion , laquelle eft maintenant remife en doubte en ce Royaume. Souuiéne vous que vous éftesfuccefleur de ce grand Childc- berg,qui ne pouuant patir à Fentour defoy ceux qui fentoient mal de la religion Chreftienne y entreprit la guerre contre les Vifigots 5 qui se- ftoient laiflez infedter de Fherefie Ar- rienne,& en fin les contraignit de re- uenir en F vnion de FEglife Gtinéte & Catholique. Souuienne vous que vous portez fur la jtefte la couronne de ce Charles, qui p our la grâdeur &c valeur de fes fai£ts a meritéle furnom de Grand , & par la vertu de fes ar- mes auança la religion Chreftienne^

31 & défendit l'autorité du {àin&fîe-

ge Apoftolic contre ceulx qui le perfecutoient. Souuiennevous que 1 vous tenez la place de ce célèbre Phi- lippe Augufte, qui auec tant de zèle & affe£tion , employa fes armes con- tre les Albigeois hérétiques > qui s'e- ftoient fequeftrez de l'vnion catho- lique.Souuienne vous que vous feez aufîege de ce tant renommé fainéfc Loys, lequel n'efpargna fes moyens, fes forces, & propre perfonne,pour la defenfe & propagation de la.foy de Iefus Chrift > & par fes Chreftien- nes aétions, mérita la courone & fur- nom de Sainét.Etfins m'amuferda- uantage aies racompter tous,fouuié- ne vous que vous eftes petit fils de ce grand Roy François , lumière de la pieté de France , fils de ce victorieux Hery,la mémoire duquel viura eter-

3*

nellemet, & frère de ces deux catho- liques Princes , François fécond , & Charles neufiefme, à qui Dieu face ux. Mais encores qui vous touche ( : plus prés, fouuienne vous,S i r e, fouuienne vous que vous eftes ce rep- lie mmé Henry, qui eftant encores Duc d'Anjou, &frcre de Roy, auez euîadefenfe dcrEglife,faitdefi va- leureux a£tes, gaigné tant de grande.* batailles, &tant de fois dompté les ennemis de la foy catholique , que vous auez remply toute la Chreftien- des merueilles de voftre nomvi- ûorieux.Et nous pefons bié , S i r e, que voftre Majefté n a point fi toft mis en oubly, ce grand &folemnel ferment qu'elle a faiefc â fon Sacre , no feulement de maintenir la Religion Chreftienne & Catholique, mais en- cores de lauancer à fon pouuoir,fans

en

33 en tolérer aucune autre . Et fi iamais

aucun ferment a peu obliger vn Prin- ce à maintenir & garder fa foy,ceftuy cy vous aftraint fi eftroittemerit à la defenfe de cefte religion,que vous ne pouuez en endurer aucune autre,fans Faire force à voftre cofeience, & met- tre par aduenture en doubtele droi£fc que vous auez à laCourone.Car vous fçauezbien que vous auez ftipulé &c contracté auec Iefus Chrift,qucvous acceptiez le feeptre à cefte condition, d'eftre defenfèur de fa religion Catho lique : voire qu'en ce folemnel iure- mét vous auez prins pour erre& pour gage fon précieux corps & fon pré- cieux fang . Et manquant maintenant à cefte foy fi religieufement iuree, ne penfez vous point qu'il doiue s'irriter a Fencontre de vous ? ne cognoiflez vous point, que tous les maulx que nous auons enduré , prennes leur ori-

E

34 gine de fon iufte courroux ?Etnc

Voyez vous pas 3 que vous ayant don- né ce feeptre auecques teites condi- tions , il vous menace de vous arra- cher des mains, fi vous ne luy tenez cefte promette que vous \vy aucz fai- âefi folemnellement? Et roue ainfi corne Dieu vous (emôd à Tob^erua- tion de la foy que vous luy auez don- nee:vos flibie&s par icelle mefme vo9 coniurent à leur garder les coditions, auec lefquelles vo'; eftes fait leur Roy: & que vous ne pouuez enfraindre, rompantvoftreiuremétjquevousne perdiez aufli le tiltre que vous portez de trefehreftien . Et nous ne faifons point de doubte , que remettant ces chofes deuant vos yeux, que reueil- lant la mémoire de vos predecefleurs, & continuant voftfe première pru- deace & vertu , vous n'ayez ce bon heurde veoirenvosiours toutvoftrc

35

peuple réduit àla bergerie de FEglife faincle & catholique, de laquelle vo* elles comme père & protecteur.

Par ce moyen ces grans Roy s de IerufaIemDauid>Salomon>Abia,ïo~. fa phaCjEzechiasJoiîaSjfe font acquis la bénédiction de Dieu , & vn fuccés fauorable entons leurs affaires, pour auoira.uecques tant de diligence re- mis la pureté de la religion, & reftau- réleieruicediuinqui eftoit depraué. Et nous efperons auiïi, quefuyuant leurs t races & y eftiges, vous réunirez toute LtFrance en la religion Catholi- que. Et pour la recompenfe de voftre, fain£t defîr , aurez cefte bénédiction deDieu,deveoiren vosioursvoftre Royaume aufïï floriflant qu'il fut on- ques i Et comme cela fera fort agréa- ble deuant Dieu ^aufli fera-il grande- ment honnorableà vous 6c à voftre Couronne.Ce que vous cognoiftrez ; - E ij

3* affez, fi vous côfidereZjquil n'y a au-

iourd'huy Roy , Prince, Potentat ou

Republique ( i'en excepte quelques

peuples Barbares & le Turc, les dete-

ftables mœurs 8c couiiumes duquel

nous doiuent eftre fi odieufes > que le

feul nom nous en doit faire horreur )

qui permette à fes fubie&s de viùrc

en autre religion,que celle que le Ma-

giftratparladecifion de l'Eglife, tiét

pourfeule,bone&vnique. Et ne font

certes dignes d'eftre entendus ceux

qui veulent tellement reftraindre la

puiflance du Princeou du Magiftrat,

qu'il ne puifle côtraindrefèsfubie£fcs

à la foy , mais les doiuent laiffer viurc

en liberté ( comme ils difent) de con-

fcience.Car cefte opinion a toufiours

efté condemnee & reprouuee gene-

ralemét de tous les fhreftiens, iînon

par les Manichéens & Donatiftes,qui

defendoient , qu il ne falloit preffer

37 pcrfonne pour fa religion,mais laifler

chacun en fa liberté & fatafîe.Et ceux làmefmesauiourd'huy qui arrachent de vous comme par force cefte liber- té de leur religion , ne la permettent aux autres. Car es lieux de la Chreftié- Dieu a permis qu'ils {oient les maiftres , &: ayent la puiflance en la main, tant s'en fault qu'ils accordent à ceux qui font Catholiques de viure librement en leur religiomqu au con- traire lesfe&es diuerfes qui fonten- tr'eux (car défia ils fontbendez,& diuifez , figne euident de leur pro- chaine ruine) ne fe peuuent compatir l'vne l'autre. Et le Caluinifte eft le maiftre , le Luthérien n ofe viure li- brement: voire mefme que quand ils changent de Magiftrats de diuerfes opinions ,1a religion change fuy liant volonté : comme Ion a veu allez de ces mutations en Angleterre & en

Euj

38 beaucoup de lieux en Aîemaigne . Et

quoy, feroit-cepasvne honte &c ver- goigne trop grande au bon Chreftien & fidèle Catholique, s'il eftoit moins affe&iôné à fa religion, qui efi; aprou- uéeparvne fi longue &c continuelle fïicceffion,que ces nouueaux Chre- ftiens à leurs opinions fi récentes, qui font nées comme en vnenuid? Cefl donc vne maxime généralement cer- taine & aprouuée de l'Eglife par tou- tes les Republiques , que le Magiftrat doit & peut côtenir fon peuple foubs vnemefmefoy: comme il fe monftre aflez par tant de belles loix &confK- tutions desChreftiens & catholiques Empereurs,come Conffcantin/Theo- doze, Valentinian ^Martian, &c d au- tres, & tât de belles ordônances efta- blies par les Roys vos predecefleurs.

Mais parce que non feulement ceux qui fe font fequeftrez ôi defunis de la

39

bergerie de l'Eghfe, ont abufé & duit beaucoup dépeuples , foubsic prétexte de la corruption qui eftoic entre les Ecclefiaftiques, & des abus qui font couliez parmy euxrmais en- cores ceux qui font demeurez foubs lobeiiTance de la foy catholique, dé- plorent infîniemet le defordre qu'ils ycognoiflent .Nous dirons & con- feflerons librement auec eulx, que nous n'en portons point moins de regret , voire en (entons vn defpîaifîr incroyable: niais nous adioufterons bien aufïi, que la licence de nos mal- heurs paffez a beaucoup détérioré le mal, &c empefché iufques icy le faindt defirqueles gens de bien onteu,de reilaurerla difeipline Ecclefïaftique, & faire vne reformation générale de tout ce quieftoit corrompu en icel- le. Etaueccefte commodité que les Ecclefïafiiques ont eue en celle af-

femblee de conférer enfemble , ils et

perent foubs voftre audtorité exécu- ter vne reformation fi canoniquc,quc Dieu en demeurera loué, voftre Ma- jefté contente , & voftre peuple fà- tisfaid . Et pour leur en donner le moyen , ils vous {upplient treshum- blement vouloir faire publier &au- dorifer en voftre Royaume, fuy Liant la prière qu'ils vous en font plus par- ticulière par leurs remonftrancesje fàinét & facré Concile de Trente , lequel par laduis de tant de do&es perfonnages,a exactement recherché tout ce qui eft neceflaire pour remet- tre TEglifeen fa première fplendeur. En quoy, Sir E,ils efperent & atten- dent de vous, comme d'vn Roy tref- chreftieh & trefaffedionné à l'Eglife de Dieu , lafliftance de voftre au dto- rité, pour l'exécution de cefte refor- mation . Et pource que le premier

4* f poin&cn cil:, quel'Eglife foit pour-

ueuëde bons & diligcns Pafteurs , & qui par la vertu de leur doctrine & exemple de leur pieté & intégrité, puiflcnt redrefler ce qui eft tombé, r'affeurer ce qui eft efbranlé,& efclai- rercequi eft obfcurcy. ceux de Tor- dre Ecclefiaftique vous fuppliët tre£ humblemét , qu'il vous plaifè remet- tre l'ancienne forme 6c manière de l'ele&ion aux Prelaturesde fEglife, fuyuât les {àin£ts Canons & Décrets. Qui fera le moyen pour faire, que la porte pour entrer aux Prelatures Ec- clefiaftiques, ne foit plus comme elle a efté iufques icy,(î apertemët ouuer- teà la faueur, ambition, & fymonie, que Ion aveu y régner, auecvne licé- ce fi effrenee,que le commerce & tra- fic en eftoit pareil , & pire paraduen- ture , que des biens temporels met- mes. Ce qui a procédé de ce que la

F

plufpart des biens deftinez pour le ièruice de Dieu , font tenus & princi- palement occupez ou manifeftemét parperfonneslaiz &non Ecclefîafti- ques,ouindire£temétpar certains co- fidestà\# ne font gueres différés d'eux, au quand icandale &preiudice de la religion & Eglife catholique. Nous lifonsaux liiftoires Françoifes , que du temps de Loys fîxiefme , furnom- ïïié ie Gros, les gentils-hommes s'e- ftoient donnez telle liberté, qu'ils oc- çupoienc non feulement partie des biés Ecclefîaftiques>comme le Com- te de Clermont les biés de ceft Euef- ché ,1e Seigneur de Roufly les ter- res de FEglife deRheims & deLaon, le Seigneur dc.Mcung , celles de l'E- uefché d'Orléans . Mais encores s'at- tribuoient le tiltre des Prelatures, co- rne le Seigneur de Beaujeu, l'Abbaye deSauigny en Lyonnois,& d'autres

43 l'Abbaye de faind Denys en Fran- ce . Mais ce bon Roy ne pouuant en- durer ce defordre en TEglife^print les armes contr'eux , & vertueufement les contraignit de remettre les Egli- fes en leurs biens, libertez & franchi- fes , cognoiflant bien que ceftecon- fufiontraineroit après fby vne infini- té d'autres defbordemens en l'Eglifc. Ainfi efperon$-nous5 S i r E3que fuy- uant l'exemple de ce bon Roy voftre predecefTeur, voftre Majefté laifTera les Prelatures de l'Egllfe , & leur éle- ction entre les mains des perfonnes de cefte vacation : & empefchera que les laiz ne les poffedent &c détiennent en tout ou en partie, directement ou indirectement. EtpourcefteifeCtre- uoquera dés à prefent tous dons^pro- méfies, &: referues, vraye corruption de toute la difcipline de l'Eglife.

Fi;

44 Et fî*hous auonscebon heur, le- quel tout voftre peuple attend de vo- ftre pieté , que les dignitez Ecclefîa- ftiques foientdiftribuees félon l'inte- grité de la vie, & la (încerité de la do- ctrine: nous ne faifons point de dou- te de veoir en bref leffecSt d'vne falu- taire reformation . Corne au contrai- re fans cela il feroit impoffible de fai- re aucun bon fondement pourrefta- blir la difeipline Ecclefiaftique . Et fçauons toutesfois , que de la feuLde- péd le principal moyen de la reunion de tous vos fubie&s/oubs l'ôbeiflan ce de la religiô catholique . Car quâd les Prélats refîdansen leur charge ,'& vueiilans fur leurs troupeaux (& tels feront-ils quand parla vertu ils aurot efté appeliez &efleus ) auront l'œil à fairecathechiferlaieune{Te5&inftrui- re les ignoras , & leur declaireront les approbations & raifbnsdes fain&es

45 ordonnances de l'Eglife:ilny a point

de doubte , qu'en bien peu de temps nous n'en voyons vn tel frui£t, que lesCatholiques les embraflerot beau- coup plus deuotieufement:& les def- uoyez admiransla fagefle & prudent cedel'Eglifefaind:erguidée en tout & par tout par le (àin6t Efprit,fere- duirot peu a peu fbubs fon obeiflan- ce . Et par tels moyens les plus gran- des & dangereufes herefîes ont efté plus que par les armes, extirpées ôc eftaintes. Etparl'effedtdeceftefain- <Sté reformation, foubs voftre audio- rite, nous efperons de veoir en brief cefte pernitieufe erreur, quia troublé tout ce Royaume, s'en aller & s'eua- noiiir en vapeur & fumée.

. Mais nous auons iufques icy aflez amplementparlédece qui apartient à la généralité du faid de la Religion, quieft le premier fondement de Te-

F iij

4* ftat . Remettant donques les poin£te

particuliers à ce qui eft porté par le cayer de nos remonftraces , nous dis- courrons vn peu delapolice^quieft le fécond pointtque nous auos pro- mis & propofé de traitter . Ce que nous ferons le plusbriefuementquil nous fera poflîble , & d'autant plus hardiment que nous voyons,qu'auec tant d'attention, il plaift à voftre Ma - jefté nous entendre.

Tous ceux qui ont efcrit de TinfU- tution politique, ont eftimé que la tranquillité commune & le repos pu- blic,eftoit l'vn des buts & fins princi- paux de lafocietéciuile. Comme à la vérité les Seigneuries vnies ont pro- fperé & fleury : & difcordantes , elles ont efté malheureufemét defchirees. Et pource difent les Philofophes,que le premier office d'vn Roy , eft de maintenir fesfubie&s en cocorde. Et

47 en cela, Sire, auec tât d'autres ver- tus qui reluifent en vous , nous co- gnoiflfoiiscobien vous exercez l'offi- ce dVn bon & équitable Roy ayant faitveoir cy deuant à chacun, cnco- res que vous foyez de voftre nature belliqueux, combien vous elles defi- reux de la paix , que vous auez fi che- remet acheptee. Et recherchât main- tenant auec vos fidèles fubieits les plus fèurs moyens pour conferuer en repos voftre Royaume, qui femble enauoirbonbefoin.

Il y a tantoft quatorze ou quinze ans que nous auons veu faire la guer- re inhumaine & cruelle les vus aux autres, gés de mefme nation,de mcf- mes prouittees , de mefmes citez , pè- re contre fils , frère contre frère, pa- rent contre parent: tous fubie&s dvn mefme Roy , honnorans mefmes ar- mes de enfeignes de fleurs de lis . Et

48 toutcsfois nous fommes fi aueuglez, que nous ne recognoiffons point que Iefus Chrift , qui eft la vérité mefme, &quiiamaisne peult mentir, nous a a(Teuré,que tout Royaume diuifé en foyferaxîcfolé. Etquieft-ce qui ne voit & ne fent defiale fléau de cefte defblation? Nos champs au parauant fertiles font laifTez en fâcheries fuper- bes & riches maifons demeurent de- fertes & abandonnées , les villes iadis célèbres &opulétcsreftent defolées, parla perte de tous leurs anciés orne- mens des édifices tant priuez que pu- blics : & qui pis eft,les prouinces font diftraittes & corne cantonées par vne difeorde trefpernicieufe.Salufte hifto rien trefrenomé, predidt long téps au parauant, que la ruine dcRome nad- uiendroit iamais , que par vne diui- fion erutreles citoyens d'icelle. Puis qu'il eft ainfi,dit-il,que toutes chofes

qui

49 qui ont commencement prendront

auffi fin y lors que la ruine delà Repu- que Romaine approchera, les citoy es combattront contre les citoyens. Car autrement tout le môdeenfenvble ne pourroit efbrâler ceft Empire. Et cer- tes fa preuoyance ne fut point vaine, car cefte Seigneurie qui auoit fleury parlabonneintelligéce qui eftoit en- tre les citoyens £ fe perdit & ruina par lesdiuifions d'viiSylIa,Marius,C#fàr, Pompée, Antonius,Lepidus &Augu- fte:lefquels,au danger de leur patrie, fuy noient la vengeance de leurs fa- isions & haines particulières. Et non feulement l'Empire Romain^par fem- blables partialitez s'eft veu defeheoir de première grandeur,mais encores toutes les plus fortes Republiques du monde3par femblables diuifions ont efté miferablemêt ruinées. L'Empire d'Alexandre , le plus grand qui euft

G

point eftéj s'euanoiiit comme vn feu d'eftoupe par la diuifion & defordre qui fut entre fes fucceiïeurs. Les villes de la Grèce , qui aut remet eft oient in- uinciblcs, par leur mauuaife intèllige- ce vindrëc foubs le pouuoir,partie des Macédoniens, & partie des Perfes. La Gaule tant de fois alïàillie par les Ro- mains, ne peuft eftre fubiuguée , que par le moyen de la diuifion que Csefar y trouua,de la commodité de laquel- le il fe feruit pour fa côquefte.L'Empi- redeConftantinople par les partiali- tez des Princes eft venu foubs lepou- uoir ty ranic &miferabledVn Ethnie & barbareTurc.Ces exemples ioin&s aucc cefte belle preuoyace de Salufte* ne nous font ils pas veoir à l'oeil,que fi nous n v remédions, ce beau & florif- fànt Royaume > autresfois agrandy parla concorde & obeïfTance de nos anceftres , eftpreft de tomber en vue 'grande defolat ion & mifère par nos

fa&ions &partialitez?Etquipis efl:^ nous ne nous contentons pas de dei- mefler nos querelles nous-mefmes, mais encoreslon vaiufques en Angle- terre & Alemaigne chercher les armes eftrangieres , voulant,ce {èmble , leur, drefTer vn chemin pour nous mettre foubs leur miferable feruitude.Etne confiderons pas que la calamité la plus notable que foit iamais aduenuc aux Republiques diuifées,a efté quand les citoy es partiaux ont appelle les eftra- giers à leur ayde , qui fouuent ayons retenu ce chemin, s'en font puis après fai&slesmaiftres.

Lors que la Gaule eftoit encores di- uifée en diuerfes Seigneuries, lesSc- quanoisappellerétlcs Germains a leur fecours, & parleur ayde deftruifirent quafi cefte belle ville des Autunnois. Mais la vidoire fut plus pemicioufe aux vainqueurs qu aux vaincus. Car ils furet cotraints de bailler quafi la moi-

G i)

■5*

tiède leurs terres aux Germains, qui

les auoiét {ècourus; lefquels àlalôgue chalTeréttous les originaires du pays, &fe firent feigneursquafide toute la Gaule. L'Empire Romain ne receut iamais tant de dommage, que parles Lombards, qui furent premièrement attirez par NarfespourchafferlesGots hors d'Italie. Et depuis ayans efté rap- peliez par luymefme^pour le melcon- çentement qu'il auoit des iniures qu'il auoit receuës dellmperatriceSophie, mirent en proye & pillage toute llta- lie.-fibié qu'il fallut derechef faire ve- nir les François, lefquels ayans retenu le chemin, y ont fait depuis corne les autres, de grandes & heureufès con- queftes.

Mais pourquoy cherchons nous des exemples eftrâgiers,veu que nous en auons de domëftiques?Les feditios & guerres d'Orléans & de fourgon-

55 gne nous appellcrent les Anglois en

France,quipar ce moyen y prindrenc grand pied,qu ils en poflederent 16- guement après vne grande partie.Lcs François donques , quipourfortifîer leur part, in uitent les eftrangiers, ne fcmble^il pas qu ils cherchent le che- min le plus court , pour perdre leur pays, parles mefmes moyens qui ont ruiné les eftats des plus florifTantesRe- publiques ? Tels font donques nos maulx,telles font nos miferes.

Mais voyons maintenant s4l y au- roit point de moyen pour àïrefter ce cours continuel de nos malheurs. Plu- tarque,enfonIîuredes maniemés des affaires publiques, amené à ce propos vne belle fentence , & quiftmble do- ner vn fort bon enfeignement. Quad, dit-il Je feu fe met en vne ville , le plus fouuent il ne commence pas par vn temple , par vn palais , ou par autre

Giij

54 lieupublic , mais fe couue & fe recèle

dans le recoin de quelque maifbn pri- uée,& de fe gliflant & coulant bien auantdâsla ville, lagafte & difforme, auec vn dommage irréparable. Aufli, dit-il,iladuient fouuent, que les fedi- tions ne prénent pas leur commence- ment des négoces publiques,mais par les offenfes particulières de quelques perfonnes notables , qui fe fortifias de quelques fa£H6s & pars en la Republi- ques,efbrâlent bié fouuét tout l'cftat. Et il confirme cela par l'exemple de deux grandes feditions aduenues en Delphes & en Siracuze, pour de bien legieres contentions entre quelques particuliers: &toutesfois de fi petite caufe,fortit vne grande ruine en ces deux villes. Et fi nous recherchons les exeples modernes de cela , nous trou* lions que du temps de l'Empereur lu- ftiniâ,pour maintenir des couleurs de

55 bleu & dcvcrd feulement > il s'efmcut

vnc telle feditio en la ville de Confia- tinople entre quelques gens partiaux, qu'il y mourut en vn iour plus de trente mil hommes. Et l'Empereur mefme fut en grand danger de perdre & fon Empire & fa vie. Et cefte gran- de faction ai blanchi^ ai #m,qui a te- nu la Republique de Florence envne grande fedition , & qui s'efpandit de- puis par toute l'Italie > commençapar vnebienlegiereoccafîo entre les per- -fonnes priuées. Etpartâtfembleeftrc fortbonleconfeil dePlutarque, qui entre les plus grands préceptes qu'il donne àceluy qui gouucrne vn eftat, ladmonnefte principalement de ne laiffcr croiftre les contentions entre les grands , mais de chercher tous les moyens pour les eftaindre dés le com- mencement^ euiter queparlacon- fequence elles ne mènent après foy

J6

quelque finiftre euenement.

Nous ne voulons pas dire que les querelles particulières ay et efté la eau- fedenosmauIx,& origine de nos ca- lamitezrmais voyons nous bien que les inimitiez &fa£tions particulières, ont longuemét entretenu noftre mal- heur.Et s'il n'y eut point eu de pars en ce Royaume, les tumultueux n eufïet filong temps entretenu les troubles qui nous affligent.

Le plus grand bien donques que voftreMajefté fçauroit faire à voftre Royaume pour tenir la paix en fon pays,& fon peuple en repos,fera de re- cognoiftre toutes les inimitiez,fa£tiôs & mefeontentemens qui y font , & chercher les moyens de les compofer, non en apparéce feulement , mais par quelque bon effe£t,contentant ceux, fi iuftement il fe peut,qui fe difent mal contens-.donnantaffeurâce à ceux qui

fe

57

fe difent auoir caufe de défiance, & ré- conciliant ceux quife tiennent pour ennemys.Etfemblera eftre fort à pro- pos de prendre l'exemple des anciens Athéniens 5 qui après leurs logues ini- mitiez & feditions, pour chercher vn repos,firêt vneloy , qu'ils appellerent damneftie, ceftà dire, d'oubliancc: par laquelle ils abolifloiét entieremet la mémoire de toutes les pertes , cala- mités, & iniures paffées. Laquelle en- cores voulurent imiter les Romains, parle confeil de Cicero,apres les guer- res ciuiles. Et fembieroit maintenant fort à propos de la pratiquer , effaçant le fouuenir de tout ce qui s'eft paffé contentieufement entre nous , auec vne abolition générale de toutes les chofes qui font forties de nos guerres ciuiles,pour n'en élire iamais rien re- cherché , non plus que fi iamais elles n'eftoîent aduenues. Et cela cofkmer

H .

encefteprefenteaflemblée,poujreftre chofeàiamais inuiolablc. Et puis ayâc ainfî doucemét ordonné pour le paf- fé, voftrc Majefté fera treshumblemcc fuppliée défaire pour laduenir, vne loy générale du confentement dese- ftats,& qui aura mefme authorité que la Salique : par laquelle fera défendu treC expreffémét à toutes fortes & ma- nières de gés , de dreflcr aucunes pars^ aflbciations, ou ligues , de traitter des affaires du Royaume auec les eftran- giers,les folliciter de venir enFrâce,ou faire leuée de gens, foient eftrangiers, foient François , (ans le confentement & exprés commandement de voftre Majefté. Et que toutes perfonnesqui directement ouindire&emcnt auroç contreuenu à ladite ordonnance, Soient tenus pour rebelles, ennemys du pays , & perturbateurs de l'eftat: que leurs biens foient infeparable-

59 M

mcntioints & vnis à la couronne, & eux incapables de toutes dignkez &c honneurs. Car puifque&le mal que nous auons fenty iufques à mainte- nant, nous monftre combien de do- mage ont apporté telles ligues & fa- nions, & que l'exemple de tât de Re- publiques ruinées par ikhblables par- tialiccz , &par l'introdu&ion des ar- mes eltrangieres^nous menacent dV- ne pareille & prochaine ruine: vos treshumbles,trcfobeïffâs,&tres-fide- les fubie&s, s'ayderont de tout leur pouuoir pour vous faire obeïr,tànt en cepoind, qu'en tout ce qui aura dfté parvous arrefté en celle tant belle & notable affemblée. Et s'il y a quelques gens fi téméraires qui s'oient opp olèr à vos ordonances, Dieu premieremét combattra pour vousenfîiufte que- relle , & vos trcshumbles fubie&s vous y affilieront.

Hij

La tranquillité donques publique, l'vnion de vos fubie£ts y la reconcilia- tion de toutes inimitiez , Foubly de toutesles chofes paflees, l'aboliA-emec de toutes fa6tios tant ciuiles qu eftrâ- gieres, foientle premier fondement delapolice,(àns lequel nous neftimos rien pouuoireftrc ferme &ftable. Le refteconfiftera en bonnes & fain&es loix,8duftes,& feuéresMagiftrats.Et de F vn & de l'autre nous parlerons en termes generaux^remettât les poinéts & articles particuliers à ces cayers de noftre remonftrance.

Et pour dire des loix première- ment: fiiamais Royaume Chreftien s'eft peu donner louange d'eftre heu- reux en bonnes inftitutions &c ordon- nances , la France plufque nul autre peut eftre glorieufe de cette belle louage. Car fi nous regardos &lapre- mierc & ancienne inilitution de fon

^r

eftat,&fonfuccez& progrez, nous trouucrrons quelle ne cède en cela à quelque autre Monarchie. Ce que nous pouuonsiugertant parce que il ny a poind aucun qui puifle apparte- nir à la conferuation commune, ou aux fai&s particuliers concernans cha- cun , à quoy il ne fe trouue que les Roys par leur {âge confeil, n ay et pru- demment ordonné : comme d'autant que quafî toutes les nations nos voi- fînes ont emprunté & delrobé de nousjta pluipart de leurs loix Se meil- leures ordonnances.Et eft bien à con- fidererla forte &la manière de laquel- le font compofées nos loix , qui eft beaucoup meilleure 5 plus douce & gratieufe que cçlle de laquelle ont vfé tous les Roys,Princes, & Potentats de la terre. Car il femble que le peuple François aye feul fuyui le précepte ci- uil &politique de ce grâd Philofophe

H jij

Platon , qui vouloic que les loix par vue douce perfuafio incitaflent plut toft les fubie&s , que de les cotraindre par (impies &feueres comandemens. Et lifons toutes les loix anciennes des Perfes, Athéniens, Lacedemoniens, Romains, & autres, & fueilletons les modernes encores,& nous verros que tous leurs legiflateurs fc font feulemec contentez d'ordonner telles & telles ehofes abfolucment, & fans aucune raifon,ou perfuafion de leurs ordon- nances. Mais les Roys de France , qui commandent àleursfubiedts comme les pères à leurs enfàns,cn leurs inftitu- tions femblent pluftoft vouloir in- ftruireparviues raifbns & douces re- monft rances leurs peuples , que de les cotraindre parlaforce dePobeïflance. Carparlesexordes & préambules , ils eclarent les caufes & les raifons qui les ont eimeus d'ordonner ainfi s affin

63 que leurs fubie£ts rendent plus o-

beïflàns pour l'amour de la vertu , & delarailon^quieftle fondemét prin- cipal delaloy. Et fi en toutes les plus grades louangcs,dont les anciens ont célébré Antoninus Pius , Prince bon entre Jes bons > cefte cy en eft vne, qu'il na iamais rien ordonne , qu'il nayetafché défaire trouuer bon par lettres particulières , par lefquelles il rendoit raifon de fes ordonnances. Cobien doibt eftre pour cefte mefme caufè honnorée entre nous la mémoi- re de nos bons , iuftes , & gratieux Roys,quitous d'vn commun accord ontobferué cefte cou ftume5qui a efté commefinguliereàcefculPrincetant recomandé par l'antiquité ?. Or puis- que auec vne fi belle manière nous trouuons que les ordonnances &Ioix de FrâcejontfufEIàmmentpourueuà toutes les chofes neceflàires à la ton-

fcruation d'vn eftat-, l'obferuation de ces anciennes loix , à laquelle nous ra- menons toutes chofes , femble eftrc beaucoup plus profitable & vtile,que d'en chercher ou compofer de nou- uelles . Car nous fommes enfeignez qu'il n'y a rie de plus pernicieux à vne Republique, quvnetrop grade mul- titude de loix. Et tout ainfi comme quand vne perfonneeft griefuement malade, ileftreduitàvn trefmauuais party , s'il a affaire à vn médecin indo- <Ste & imperit, qui redoublât médeci- nes fur medecinesjcorropt & altère les humeurs par cefte imprudéce variété. Ainfi debuonsnous croire qu'en vn eftat troublé , la multitude de loix fur loix, neftguieres moins dangereufe, que la multiplicité de medicamêsdâs vn eftomac débilité, Et puis que la re- formation n'eft rien autre chofe , que leuant les nouuelles introdu&ions &

abus^

6y

abus 5 réduire les chofcsen leur pre- mière &ancienefbrrne:auecbo droit & iuPcc occafio nous auons par nos re- nvniilrâces pluftoftrapellé Yv&gcSc F tcruatiodes vieilles Ioix,que nous n ions efté curieux d'en chercher de :d!es. Mais parce quelles ne fer- n kêè rieiijfi elles ne font feueremec & rigoureusement obferuées> l'vne des principales requeftes , que nous a- uons à faire à voitre Majefté fur ce poinâ:, fera qu il luy plaife fe redre fe- uere en l'ôbferuation & entretenemec dételles ordônances. Choie que nous nous promettes de iuftice3pourra& fèurance qu il luy a pieu nous en don- ner en cefte eloquéte propofîti5,qu il luy a pieu nous faire en Pouuerture de fes eftats > foubs la parolle & ferment de Princerlequel nous vous fupp lions treshumblement auoir toufiours de- uât Iesyeux,pour enfaire vnc defenfe

6%

cotre ceux, qui par importunité vou- draient vous forcer de les tranfgreflèr & enfreindre.- Car il -n'y a rien quiaye iamais tac fait fleurir les Républiques, que la confiante obferuation desloix du pays. Et le premier figue que Ion peult auoir de la perte d'vn ettat, efl: quand Ion voit vue licence effrénée & facilité dedifpenferdes bonesordon- nâces^Enquoy certes eft digne d'eftre notée vne belle fentence de Ciceron apartenant à ce propos , laquelle pour y eftre fort propre ie rcciteray,tradui- te de mot à mot. Les Republiques, dit-il, qui font preftes de fe perdre , e- ftant toutes chofes déplorées , tom- bent en celle fin malheureufe, que ceux que les loix condamnent font re- ftituez , & les iugemens donnez fe voyent re(cindez:& quand telles cho- fes aduiennentjperfonne n'ignore que leur ruine ne foit proche, &c aucun ne

69 fe peult donner efperance de fàlut.

Voftre Mâjefté donques y S i r e, euiterala ruine de voftre eftat , quand elle fe rendra non feulement difficile mais eneores inexorable enl'ûbferua- tion des ordonnances fi folemneile- mentfaid:es3& gardera vne égalité en robferuation d'icelles, (ans acception deperfonnes,puis qu elles font faites pour les grands & pour les petits, pour les riches& pour les pauures.Car ceft vne chofe de trefmauuais &c tref. pernkieux exemple quâdles loixfont rendues, comme difoit ce fage Grec, femblables aux tifîus ou toilles d'irai- gnée,àttauers defquelles les oifeaux paffent aifémét,& les feules moufches foibles 6c imbecilles y demeuretprin- fes & retenues . Soient donques vos loix inuiolablesjfeuereméc obferuées, nonfubiedxs à difpenfe,non fauora- bles aux grands > mais communes &

égales à chacun. Celas'obferuera bien heureufement quand voftre peuple ferapourueu de bons Magiftracs , q m iugeâs fans faueur^fans corriiptio3(àns différence du grand auec le petit, tien- nent la balance iuftement fulpendue. Car les bonnes loix ne font pas feule- ment inutiles,s'iln'y a de iuftes Magi- ftrats pour les faire obferuer : mais en- cores adujent-il quelquesfois , que les meilleures ordonnances du mon- de par le vice des officiers , tournent au dommage de la Republique. Et pourcele premier foin que doitauoir vnprince,quicomevousdefireFheur &c la félicité de la focieté publique , eft quelle foitaornée degrâds & prudes officiers , qui rigoureufement entre- tiennent le lien de la Republique par lafeueritéde leurs iugemens. Et c eft certes vne chofe admirable de veoir combien laFrancea eftépar toute la

7* Chreftiecé célébrée & ren6mée,pour

cefte infigne équité qui eftoit obfer- uée par fes anciens Magiftrats.

Il fetrouuerrapeu de Republiques, ouancienes ou modernes,quifepui£- fent donner cefte louange , comme la France, que les Princes eftrangiers fc foient volontairement foubmis pour leurs diffères à fes luges & Magiftrats. Car nouslifons que l'Empereur Fede- ric fubmit au iugcment du Roy de France & de fon Parlement, la deci- fion de plufieurs differens& contro- uerfes qu'il auoit auec le Pape Inno- centquatriefme. Et du temps de Phi- lippe le Bel, le Comte de Namurfu- bit volontairement iugement foubs le Roy & ion Parlement , encores quileuft pour partie Charles de Va- lois frère du Roy , tant il auoit de con- fience en l'équité de tels iuges.Etdc meftnePhilippePriacede Taréte, biê

liij

71

qu cftrangicr j accepta volotierspour iuge le Roy de France feant en Ton Parlement,furle différend qu'il auoit auec le Duc de Bourgongne > pour certains fraiz qu'il couerioit faire pour le recouuremenr de l'Em pire deCon- ftantinople. DemefmefiftleDuc de Lorrainejfur le procès qu'il auoit con- tre Guy de Chaftillon (on beau frère, pour leurs partages/De mefme enco- res firent le Dauphin de Viennois ,& le Comte de Sauoye, fur le différend de la foy & hommage du Marquilàt de Saluce. Et en Tan mil quatre cens &c deux,les Roys de Caftille & de Portu- gal,enuoyerétpar aucuns Cheualiers Efpagnols > vn traitté & accord fait &c palîé enneux, pour le faire publier & emologuer en la Cour de Parlement de Paris , pour auoir plus d'authorité. Facent donc tât de compte qu'ils vou- dront les anciens Grecs & Romains

73 deleuifs iuftes iugemens,de la réputa- tion de leurs loix , de la renommée de leurs Magiftrats , fi ne trouuerront-ils pourtant aucun tefmoignagne fi célè- bre pour leur gloire x corne font ceux icy 3 par lefquels la Iuftice Françoife a efté généralement , & par le confente- meiu de toutes les nations du monde grandement honnorée.

Màisjbon Dieu^confiderons com- bien elle eftdecheue de celle ancien- lie opinion & reputatio , veu que no- ftre pratique de procès généralement odieufe à chacun , eft maintenant te- nue pluspour chiquanerie que pour équité , plus pour corruption que pour intégrité 3 plus pour vendition que pour iuftice,pluspourfaueur que pour droi£ture. le ne veux pas dire q il ne fe trouue auiourd'huy vn bo nom- bre de iuftes &c équitables Magiftrats, qui ennemis de tels defordres fqu-

74' haitcciit & défirent cefte mefmc re- formation de la Iuftice , laquelle tous les gens de bié vous demandent & re- quièrent fi inftammétjS ire. Maisie ne fçay fi nous oferons dire que la plus grand part la meilleure furmonte , au moins diros nous bic que la forme de laquelle les officiers ont depuis quel- que temps en çà efté appeliez à leur charge, eftfi pernicieufe, quelonla peult dire la mère de toute corruption & iniuftice. Car c'eft chofe toute ma- nifefte & aperte^que pour créer vn iu- ge 15 n'examine pas la capacité de fon fçauoir,lonne iuge pas l'intégrité de fa vie,lon ne met point en auât fa lon- gue experiéce,lon n'a point de refpeéfc àl'aage & à la vertu, mais feulemét on regarde fi les cicus sot de poids. Et de- puis que telles gens ont vne fois fina- cé,encores qu'ils foient trouuez inca- pables^fi eft-ce qu'ils impetrét tant de

lettres

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lettres de iufïîons , tant de commâdc- mens itératifs, que Ton eft contraint de les reçeuoir tels qu'ils font , aupre- iudice de toute la Republique.

Les Philofophes ont eftimé,que cc- luy qui ambitieufement rechefehoit d'auoir quelque charge en la Repu- blique par cefte feule pratique, fe ren- doit indigne d'obtenir iamaisMagi- ftrat,eftant par làiufpeâ:,que pluftoft vn prouffit particulier & auarice Py poulfoi^quvndefirdebien faire àla patrie. Et la mefme opinio auoit Ale- xandre Seuere , Empereur trefiufte, qui tenoit telles gens dangereux en vn eftat.Etl'vnedes plus grandes louan- ges que Ion donne à ce iufte Prince, c eft qu'il ne voulut iamais tirer argét de la vente des offices ou Magiftrats, difât qu'il faut queceluy quiachepte en gros, reuende puis après en deftail, & qu'on ne pourroit honneftement

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punir celuy qui reucnd ce qu'il a ache- pté. Et les anciens Romains n'ont ia- mais rieli tant crainr^fïno que d'intro- duire aux charges publiques desper- fonnes par ambitio ou cerruptio d'ar- gét.Et iufques ont efté curieux d'o- iter toutes telles occa(i6sdemal,que parlaloyrDe ambitu on coupoit che- min à toutes fortes de fraudes &pra- tiques,quis'y pouuôient commettre. Et peuk-onrecognoiftre combien ils eftimoient que cela eftoit important, en ce queiamais autre loy n'a efté fi fouuétrepetée,comme celle de) am- bition, que nous trou uons en Thiftoi- re Romaine auoir efté par quinze ou feizefois diuerfes augmentée 8c refret ehie. Mais entre toutes les plus mau- uaifes pratiques3le moy é d'y venir par argent a toufiours efté tenu pour le plus vilain & deshonnefte: voire mef- me que celuy qui en eftoit couaincu,

77 feceuoic grade honte d'infamie, &de

cinq ans après iVeflôkreceuable pour eftrefinct officier public.

Et entre tous les plus grands prefà- ges que leiage Catô eftimoitfignifier la perte prochaine de la Republique Romain^ceftuy-cyen eftoitvn, que non par la vertu , mais par menées &c pratiques & argéc on obtenoitles ho- neuFs.Et fi celacftoit vray , il femble- roit certes que nous aurions de grands indices delà diminutio & ruine de no- ftrcMonarchie,puis que nous voyos apertement qu'il n y a autre moyen en France de paruenir aux eftats & di- gnitez publiques, quaueç le pris de l'argent. Chofe qui eft certes .grande- ment preiudiciable , &r d'où il ad uîent de grâds malheurs en France.D'autant que plufieurs gens de bien demeurent oifeux & (ans eftre employez?encore$ qu'ils peuffeiit eîlre vtiles à da chofë

Kij

78 publique,qui par leur pauuretéeftpri uée de leurs vtilcs feruicesroù au con- traire la Iuftice eft maniée en partie parquelquesperfonnesincapables,& qui n ot autre vertu > (înon qu'ils font riches,&ontdequoy payer contant. Voftre Majefté fera doc treshumble- rnent fuppliée,que quaflant & annul- lant toutes taxes & venditions d'offi- ces^oire mefme oftant tous moyens defàueur & ambition, lors que les of- fices vaquerôt par cy apresjil luy plai- fe faire recherche en chacune prouin- ce de quelques gens , le fçauoir & la preud'homie defquels foit cogneiie & approuuée pour les enpourueoir gratuitemét . Et parce que nous âuos dit,que nous recherchions pluftoft le reftabliffemét dçs anciennes Ioix,que d'en introduire de nouuelles . voftre Majefté entendra, s'il vous p!aift,que le Roy fain£t Loys voftre predecef-

79 feuir. Prince amateur delà pieté Mm*

itice,fift vne ordonnancerai- laquelle il ftatua, que tous offices publics fut fait conférée par ele<5H6 de troisper- fonnts , quiferoit faitte par les autres officiers & citoyens des lieux : & qu'à l'vn des trois ainfi efleus5le Roy con- fereroit gratuitement & fans argent ledit office vaquant. Et cefte belle or- donnance a depuis fouuent efté re- nouuellée par les Roys Philippes le Bel, Charles le S âge, Charles fèptief- me,Loys onziefine , & par le feu Roy Charles neufie(me,de bonne memoi- re,en fes eftats tenus à Orleâs. De for- te que telles inftitutions ne font cho- fes nouuelles, mais de log temps pra- tiquées & ordonnées en France. Et de làaduiendra, oultre Theureufè admi- niftratio de la iuftice,encores vn autre bié àlaFrâcerceftque corne l'honeur & la gloire font les vrais m oy eus p ou r

K iij

inciter & efueiller les courages gène- reux,chacû s'eftudiera devaloir quel- que chole,lors que le feul mérite & la vertu, & non [argent , feront départir les honneurs. Chofe qui a fait croiftre l'Empire Romain en grandeur. Et nousefperosencores que nous pour- rons veoirnoftreFrâcefloriflante,lors que le feul mérite, & non le. pris & la faueur feront le chcmin,pour trouuer auancement.

L'ordre des çhofes femberoit re- quérir que nous parliffions en gênerai de la difeipline & police militaire: mais pource que cela eft aliéné de no- ftremeftier, & que Ton pourroitdire àiufteraifon, que nous en parlerions commeclercs d'armes, nous n en di- rons autre chofe , finoaque l'Europe, l'Àfi e, l'Afrique, & en gênerai toute la terre, aprifé plus que nul autre la va- leur des armes de la NobleiTe Fran-

8i f

çoife3quia toufîours efléen tel hon- neur entre tous les gens deguerre par toutlemcnde,qu vn bien petit nom- bre de genfdannes François,afai£l re- doubter les plus grandes & puiiïantes armées. Et qu'il n y a point de double quelle ne fe puifle veoir encores en ce poinâ: aufïi florifiante & vidlorieufe, quelle fut onques, fi Ion veut remet- tre fus l'ancienne discipline militaire deFrance. Carceferoit malà propos d'en chercher vue meilleure,ayantpar cefte efté fai£l anciennement tant de belles entreprinfes & heureufès conqueftes.

A uant que pafler plus auât au troî- iîefme poin£t de noftre propofitio, ie fuis contraint de toucher vne com- plain&e publique de to9les ordres de ce Royaume , qui eft de ce qui eft au reculemét de plufieurs bons &- natu- rels François y Ion voit les eftrangiers

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(quand nous parlerons des ePcrâgiers, nous n'entendons d'y comprendre les Princes J appeliez aux plus grandes charges & honneurs du Royaume, foie en l'eftat Ecclefiaitique , Politi- que, ou Militaire. Choie qui a efté trouuée fortiniufte , & reprouuée en toutes les feigneuries bien ordonées, lefquelles ont toufioursfaid différen- ce entre le citoyen & l'eftrangier. Et ' la principale marque de recognoiftre l'vn d'auecque l'autre, a efté, que le citoyen feul & non l'eftrangicr, eftpit capable des honneurs & dignitez. L'exemple de cela (e pourroit recher- cher en toutes les Republiques , & en pîufieurs trouuerrok enco - res que l'eftrangier a efté générale- ment chafle , {ans pouuoir aucune- ment eftre receu: comme en Lacede- mone, & àRomemefme par la loy Petroniajôc la loy Papilles eftrangiers

furent

2} furent du tout bannis hors de la ville, Toutcsfois cefte loy , comme dit Ci- ceron , fut toufiours tenue pour trop dure ôefeuere, &neferoit receuable en France , qui plus que nulle autre a cfté humaine à careflèr, & receuoir toutes fortes de gens , & ne voudroit encores perdre cefte louange de dou- ce hofpitalité. Mais elle ne doit pour- tant non plus que les autres, commu- niquer fes Magiftrats à au tre,qu à fes propres enfans.

En Athènes parla première inftitu- tioiijreftrangier ne pouuoit eftr-e fait citoy en^que par le fuffrage de fix mil perfonnesj&pourde grandes & im- portantes caufès & ferluces fîgnalez; Et Demofthenes defbntéps fc plài- gnoit, comme d Vnc choie trefperni- tieufè, quelonbailloitle droiâ: de ci- toyen àperfbnnes de bienpeude va- leur, veu qu en l'ancienne inftitutioa

°4 cela n'eftoit pas accordé à ceux mefc

mesjqui auoiét bien mérité de la Ré- publique . Et quant aux Romains , ils ont toufiours maintenu, tât qu'ils ont demeuré en leur entier jcefte loy in- uiolable , qu ils ne voulurét iamais ac- corder le droid de citoyen mefmes aux peuples Latins,qui leur eftoiét au alliez ,ou en leur obeiffance, quoy qu'ils iay ent auecques inftâce, & iu£ ques à {édition quelquesfois deman- dé. Et eft certes mémorable l'hiftoire racomptee par Tité Liue à ce propos. Apres la bataille des Cannes , les Romains furent deffai£ts,& perdirét la plus grande partie de leur noblefle, & principalement quatre vingts Se- nateurs,fur la délibération quifutfai- ûc d'en créer de nouueaux en leur place , Sp. Garuillus , opina qu il fal- loit introduire dans le Sénat quel-., quenobre de gés de bien des peuples

Latins , qui eftoient en leur obeiflan- ce.Maiscefte opinion fut trouueefi ablurde & pernicieufe parce grand Capitaine & Sénateur Quint. Fabius Maximus, qu'il fut d'aduis delà tenir perpétuellement cachée, & quelques autres Sénateurs opinèrent encores plus feuerement & rudement.Et tout ainfi comme les anciênes feisneuries ônteftimé queceftoitchofeindigne de faire part de leurs honneurs aux eftrangiersjles modernes encores fe font beaucoup maintenus auec celle mefme opinion . Voire que Patrice SiennoisjEuefque de Gayette,qui vi- uoit du reps de Ferdinâd le vieil & Al- phonfeRoys deNaples^il y a près cet ans,maintiet en fes Hures de la Re- publique , que cefte loy de ne cornu- niquer leurs dignitezaux eftangiers, eft vne des principales qui aconferué

Lij

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Venize en fa grâdeur. le Iaiflc les exé- pies des autres peuples , pour ne me rédre ennuyeux:mais ie ne puis pafler {pubs filence, que les loix de France, qui ont fi bien pourueu à toutes cho- ies neceflaires à l'eflat , n'ont encores obmisdebien & vtilcmét ordonner encepoind. Carenlan i43i.dutéps du Roy Charles feptiefme, fut faitte vne ordonnance, par laquelle il eftoic declairé, que tous eftrangiersou au- beins,eftoient incapables de tenir of- fices ou bénéfices en France . Et cefte ordonnance fut pour feruir de loyir- reuocable, publiée en la mefrne an- née au Parlement de Paris, feant lors à Poytiers,pour la neceffité d^s trou- bles qui eftoiét en France. Et ne puis laifler pafler ce beau côfeilque don- ne Philipp.es de Cômines en (on hi- ftoire tât renommée , difànt que c'eft ehofe odieufe de donner offices , be-

nefices & grands maniemens aux c- ftrangiers , qui ne peuuenc eftre Ja- mais fi propres ne fi agréables > que çpuxdu pays . Et puis que ccft vn co- incement commun de toutes les na- tions, & comme vne loy de gens : vo- ftre Majefté fera treshumblemét fup- pliee,depourueoirdorefènauantaux charges publiques de ce Royaume, tant Ecclefiaftiques , politiques, que militaires , les bons , légitimes & na- turels François , qui ont & notable intercft,& affe&ion naturelle à la co- feruation de la France.Ce que ne peu-» uent auoir les cftrangiers,foubs leC quels ie ne comprens les Princes. Et nous croyons que cela fera Pvn des plus grans moyens pour reconcilier les efprits aliénez & mal contens , de plufieurs gens d'honneur François., qui s'eftiment eftre mefprifez, voyant que Ion préfère àeulx les eftrangiers

Liij

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pàraducnture moins dignes . La tran- quillité donques publique cftâtbien eftablie,toutes factions oftees, les an- ciennes loîx remifes fus, & inuiola- blemét obferuees5les Magiftrats non vénaux, mais conférez par la vertu & mérite aux bons & naturels François: nous tenons pour tout afleuré , qu'en brief nous verrons reuiure l'ancien honneur &fplendeurdelaFrance,&: voftre règne aufli floriffant par cefte belle reformation,comme il a efté in- fortuné parles malheurs & defordres paflez.

R^fteletroifîefme Se dernier poinâ: quen^usauons propoféjquieftlVn desprincipauxfondemés & corne le nerf de la Republique : c'eftàfçauoir les finances. En quoy certes il s'offre tant de difficulté , que ie pènfe que tous les meilleurs & les plus fubtils prits de la France s y trouuerrot con-

8? fus & empefcheZjprincipalemét pour deux contrarierez qui s'y trouuent fi grandes, que malaifémet elles fe peu- uent compatir enfemble> Car d'vne part,ceftvnechofe fort effrange & fore dure à voftre peuple,qui ayme &c honnore font Prince , d'entendre que voftre Maj elle ait efté contrainte, pour la necefïïté des affaires de ce Royaume, de vendre ion domaine, engager bonne partie de tousfesre- uenus , & foit encores grandemét en- debtee.Et de l'autre auflï no9 croy os, que vous comme Roy trefpiteux & débonnaire, ne pourrez entédre fans eftre efmeu de grande compafïîon,tâc demprumpts, d'impofitions & fub- fides , dont voftre peuple eft af- fligé .Et penfe véritablement , que s il eftoit fidèlement repfefenté de- uantles yeux de Voftre Majeftéjtout ce qui a efté leué depuis quelque

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temps en çà par toutes les prouincesr devoftre Royaume, tant parvoftre commandement, que pour les fràiz qu'il a conuenu faire ^n chafquc pays pour fe deffendre & coferuerrla fom- me fe trouuerroit fi grade & exceffi- ue,quc vous auriez horreur de Pente- dre,& feroit difficile à nôbrer. Et qui vouldroiteftrôittemét remédiera ce mal,ilfembleroitcftre neceflaire d'é- tendre &r fonder iufques au plus pro- fod la caufe & origine dot il procède. Nous croyons bien & fçauons cer- tainemétque les cfefbrdres& grands debtes ne font pas venus de voftrc Règne, veu que le feu Roy Charles ix.trouua défia l'eftatendebté quad il vint à la Couronne,de bien grandes fommes,àl acquittemét defquelles la Royne voftre mère auoit proietté de bos & louables deffeins, qui ont efté, augrâd preiudice de la Frâce interro-

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pus parles troubles furuenus du règne du Roy voftre frère , & du voftre,qui peuuent auoir donné grand accroif- fement à ce mal , tant par les fraiz ex- traordinaires qu il aconuenufeireen la guerre, que pour auoir la plufpart desfinaces&reccptes générales efte occupées par ceux du party cotraire* Mais aufli fçauos nous bien que beau coup de grands Royaumes, eftâs ou- tre mefure endebtez,par boiunefiiai- gefontfortisdecefte mifere,auecle foulagemenc du peuple.

L'Empire Romain ne fut iamais tant apauury , qu'il fe trouua après la mort de ce monftre defbordé en tous vices Heliogabale , & toutesfois Ale- xandre Seuere5doux&gratieux Prin- ce, incontinent après fa mort rabaifla les impofitions de plus de la moitié* & en quatorze ans qu'il regna,acquit- ta les debtes immenfes de ion predç-

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5)1 ee(Teur,& fit la guerre aux Parthes)& peuples Sep tenrrionaulx. Eclvn des plus grands moyens de la bonne ad- miniftration de Tes deniers cftoit,que ceux qui mânioient Tes finances ,e- ftoiét curieufeméc obferuez, qu'ils nepouuoientle tromper, & la peine leurdemeuroit certaine, fi tort qu'ils eftoiét dcfcouuerts . Et le Roy Char- les v. pourfes vertus furnommé le Sa- ge,en iy.ans qu'il régna, acquitta tou tes les débtes faittes par Ces predecef- feurs:paya grande partie de la rançon de fbri père le Roy Iean, rachepta (on domaine qui eftoit engagé, & ne laif- pourtant défaire la guerre aux An- glois, & fecourut encores plufieurs Princes fes alliez,comme les Roy s de Caftille & d'Efcofle. Et mourât,laiffa vneaufïi grade fommede deniers en fes coffres, qu'il s'en fut encores point veu en France . Et eftoient toutesfois.

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lesfubfîdesquilleuoit fur fon peuple fort petits & modérez de fon temps. Etencores ce bon Prince enmourât, faifoit confcience de quelques aydes & fubfides , dont fes fubiedts auoient efté foulez, pour kneçeflïté des affai- res de la France . Et pria en (es derniè- res parolîes fon fils , de foukger fon peuple le piuftoft qu'il pourrok , pat l'abolition des tailles. Et le principal fons de fes finances, eftait i'efpargne, & bonne adminiftration.

Et à laverké il femble qu'il y a deux chofes quiefpuifent les deniers com- muns, fans aucun proffit ou aduâtage delà Republique. Le premier eft les dons immenfes &noaconfiderez:& l'autre eft la mauuaife adminiftration & mefnage des finâces. VoftreMaje- ? ft é confiderera, s'il luy plaift^ fi Tvn & l'autre ont point cofommé inutilemét partie des deniers qui ont efté leuez.

Mij

94 fur le peuple. Nous ne voulons pas

tellement reftraindre la libéralité des Princes , qu'il ne leur foit permis de donner à qui il leur plaift : cftant cela Pvnc des premières excelléces de leur grandeur & Majefté . Mais nous vou- lons bien dire que telles chofes fe dôi- t faire auec modération , & en for- te que le public n'en fouffre point. Car ii telles defpenfes font faittesen temps que Peftateft troublé vque les finances y font courtes,&que le peu* pleeft trauaiiléde fubfides :1a chofe eft -d'autant plus dangereufe &odie-u* fe5pourcequ'ilfautaccroiftreles im-

f)ofitions pour enrichir les partial-' iers . Etlefifcyoules finances publi- ques, corne difoit l'Empereur Adria, eft comme la râtelle en noftre corps, laquelle plus elle eft grofle & enflée, & plus le reftedu corps deuient fec & ethic : ainfi quand le fife s'augmente

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pour enrichir les particuliers , ilfault que le comun s'en refente & s'apau- u rifle. Et certes en cela on ne pourroit nier , que depuis quelque temps les dons immenfes nayent pafTé toutes les bornes & limites , eu efgatd aux fi- nances de France.Et nous r ecognoi£ fons toutesfois cela eftre aduenupar la mi(ère du teps , il fembloit eftre dangereux de refufer aux importuns qui euflentpeu, prenant autre party, faire beaucoup de mal & de domma- ge . Et fouuentesfois ,pour obuierà telles çhofes,a efté ordôné aux Répu- bliques , que tels dons immenfes fe- . roiet reuoquez,ou pour le moins mo- Galba. derez . Ces chofes ne feroient pas dk ares pour donner loy à voftre Iibera- lité,pour rafleurance que voftre peu* pie fedone de voftre fàgefle, pruden- ce & diferetion, qui fçaura mefurer fa beneficençe félon fes moyens &

M jij

9*

neceflîtcz, & clorre par cy après plus libremét la bouche à tels importuns & indifcrets demandeurs . Comme nous efperons encores qu'elle fçaura trefbien remédier au mauuais mefna- gc , que la calamité & rieceflité a in- troduit en l'adminiftration de fes fi- nances y que nous penfons procéder de deux caufes principalement.

La première eft la multitude des: officiers des finances 3 le nombre des- quels eft creu 11 definefurémét & ex- traordinairement , que leurs gages^ defpcnfeSjfraiz & vacations, abfor- bent & confomment prés de la moi- tié des finâces de Franceide forte qu'il fetrouue telles prouince% d'oùFefcu apporté en voftre efpargne , ne reuiëc pas àtiécefols.Du téps du Roy Char- les v i. les eftats firent vne grande re- monftrance & doleance, de ce qu'il y atioit cinq treforiers , & qu'ancien--

97 îiemeht il n y en fouloit auoir que

deux. Et que diroient maintenant ces bonnes gens de ce tempslàjdecefte formïlicre de tant de financiers inuti- les, fî en lieu qu'il n'y fouloit auoir q'u vn rècepueur gênerai ils en veoyet plus de quarante , comme ils font au- iourd'huy ? Et pour vn treforier de France , Prefident de la chambre des Comptes de Paris, auec quatre mai- ftres qui eftoient prins des anciens maiftres d'hofteiduRoy,& fix clercs, que Ion a depuis appeliez Auditeurs, ils voyent près de deux cens officiers en cefte chambre , oultre fîx autres qui font érigez aux autres Parlemens* De forte que Ion peult dire afleu- rément que les gages des officiers de finance de France y fe montent plus que ne faifoient anciennement tous les reuenus , fubfides , & im- pofîtions qui fe leuoient ordinaire-

ment en tout le Royaume. Et pour- ce fembleroit bien que la fupreflion de tous ces eftatsfai&s nouuellement en fi grand nombre , & qui font vn fardeau inutile au peuple, après que les comptables auroient rendu com- pte, feroitvne des plus neceflaires or- donnances quepourroit attendre ce Royaume , & qui apporterait autant de foulagement à voftre peuple , & d'acquittement à vos debtes . Et ne fontreceuables en leurs remonftran- cesceulx,quidifentque ceftefupref- fionferoitvne diminutiodes parties cafiielles: car cefte comodité de tou- cher quelque peu de deniers côptans par hazard,sachepte auec de grans & dommageables interefts, tant pour la France que pour vos finances.

L'autre caufe du mauuais mefnage, vient encores de la neceflîté : ayant efté voftre Majefté côtrainte de pren- dre

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dre & emprunter les deniers^ grans & exceflîfs interefts , & faire âes par- ties defraifonnables auec quelques e- ftrangiers & autres de voftre Roy au- me,qui fe feruans de l'extrémité en la- quelle vous eftes réduit, on fait entrer en leurs contrats plufieursdons,ga- ges,penfîons,&autres parties non va- lables, que bien fouuét ils acheptoiét à grand marché, & les mettent en co- pte de leur iufte valeur. De façon que le gain qu'ils y ont faitauec les inte- refts^emporte &mâge plus de la moi- tié des impofïtions nouuelles , qui fe leuent fur vos fubieâs . Et s'il adue- noit, ce que Dieu ne vueille, que tel- le manière de gens enflent intelligen- ce auec aucuns de ceulx qui fe meflét de vos affaires: la chofe feroit réduit- te à trefmalheureux & mauuais ter- mes . Car ils ne vouldroient iamais veoir voftre eftatdefengagé,puis que

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voftrc pauureté feroit leur richefle. De cela i e ne diray autre chofej fînon que pour femblables v fores manife- stes du téps du Roy Loys x i. & Phi- lippes le Belles biés de telles perfon- nes furent publiquement confifquez* Et depuis en Tan 1347. ^cuv faifànc leurs procésjil fut verifié,q pour deux cens quarante milliures de principal, iIsauoienttirédeprouffic& interefts plus de vingt milliôs en bien peu d an nées. Et no9 ne faifons point de do ub- te,que fi telles chofes eftoient recher- chées auiourd'huy auflî curieufemét qu'elles furent lors, qu'il ne fe trou- uaflent des fommes d'vfures bien im- moderées,qui font d'autant plus dan- gereufes & dignes de punition, qu'en ces vfu res les particuliers y eftoient feulemér endommagez , & icy le pu- blic y eft: interefle . Cela nous a fem- blé digne d'eftre di6t généralement

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pour les finances de France , qui me- riteroient vne recherche plus curieu- fe,& qui fera plus comodémét appo* fee au cay er de nos remonftrances.

Pour Élire fin,nous toucherons vn mot de ce qui appartient à Tordre & eitatEcclefiaftique . En toutes les Ré- publiques bieinftituees,ceux qui ont eu la charge des chofes faillites &fa- crees,ont efté tenus toufiours immu- nes de toutes charges publiques, tant réelles q perfonnelles . Et (lie voulois comencer par l'auâorité que les an- ciens Gaulois attribuent aux Druides, & cotinuer la recherche de toutes les autres Republiques anciennes, qui ont honoré corne Roy s leurs Sacrifi- cateurs &rmaiftresde leur religion &c ceremoniesjonme pourrait accufer d'eftre trop curieux , ôc paraduentu- re trop affe&ionné en ma caufe. Mais ramenant les chofes qui apartiennent

Nii \

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à noftre religion feulement , ie diray que dés le commenctmét que l'Em- pire aefté publiquement Chreftien, îbubs la faueur de ce catholique Prin- ce Conftatin,les biens qui eftoientja fequeftrezpour le feruicedeDieytf& entretenement de fa religion , furent declairez exempts de toutes charges &priuees & publiques. Etcefteloy commencée dés le reftabliflement a toufiours duré ferme & inuiolable, corne il fepeultveoir par les loix Im- périales. Et fi les Empereurs Chre- ftiens ont acquis vne grande louange par telles immunitez données à l'E- glife de Dieu: les RoysdeFrâce pour les auoir maintenues , font rendus héréditaires du nom&tiître de tref- chreftien , qui leur fut concédé du temps de Chariemaigne, qui défen- dit fi courageufement l'Eglife contre les Lombards , qui occupoient Us

103 biens qui auoient efté confacrcz à Dieu & àfon Eglife. Et fi nous recher chons toutes les hiftoires chreftien- nes, nous trouuerrons que , plus que nuls autres^les Roys de Frâce ont efté fcrupuleux, & du tout religieux en la coferuationdes priuileges & au£tori- tez de i'Eglife: & ont toufiours craint plus que nuls autres, de fe feruir à leur vfage des chofes facrees & vouées à Dieu. Comme certainement par di- uers exemples il a toufiours monftré, combien il auoit en horreur & dete- ftation ceux qui ont mis les mains aux chofes, qui par la pieté auoient efté referuees pour le feruicediuin:& a toufiours vfé à Tencontre d'eux dV- neiufte,manifefte & feuere vengean- ce. Dcquoy les exemples font raflez vulgaires en Pefcripture fain&e, les- quels ie ne veulx reciter tous pour ne me rendre ennuyeux , Mais entre tels

io4 iueemens de Dieu, eft mémorable

la defenfe miraculeufe qu'il fift contre Heliodorus qui auoit efté enuoy é par SeleucusRoy d'Afie^ourenleuerles chofes plus precieufes contactées à EHeu en fon temple. Car eftant p reft pour exécuter le commandemët qui luy auoit efté comis, il luy apparut vn homme plein demajefté , armé d'v- nés armes dorées y & moté fur vn che- uai bien enharnaché , lequel donna des deux pieds de deuantdeflur Iate- fte de Heliodorus fîgrâd coup, que- ftant jette par terre^il fut faifi par deux ieunes hommes pleins dVne vénéra- ble majefté , qui le foiieteret de forte, qu'ils le mirét tout en pbyes fànglan- te8,&lelaiflerent demy mort &c cf- uanoûy . Nous fommes contrains de ramener tels exemples pour refpon- dre à quelques petits liurets 6c mé- moires imprimez, que quelques per-

105 formes mal affe&cz à PEglife, publiée & femet parcelle Counyparlefquels ilstafchentdercjertcr toute la foulle de vos affjires>&: du defengaigemenc de vos dcbies fur l'eftat Ecclefîafti- que,conleiliâs de vendre leur domai- ne& reuenu teporel.Mais voftrcMa- jefté fera, s'il luyplaift aduertie, que telsconfeils procedéc dvne maligne intetion,&font femblabîes auxdçli- beratiôs delulian l'Apoftat,cruel en- nemy du nom de I e s v s christ, qui ne trouuoit moyen plus propre pour ruiner la foy Chreftienne, que d'ofter & rauir les biens qui eftoienc donnez à ion Eglife . Mais la iufte pu- nition que Dieu fift de luy , mon- ftreaflfez combien fon confeil eftoit pernicieux.Et les exemples de la ven- geance de Dieu furies vfurpateurs des biens de TEglife ne manquent point encores en la loy de TEuangile.

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Car chacun fçait,queparla fentence du fainét Efprit pronocee par la bou- che de faind Pierre, Ananras & Saphi ra moururent foubdainement, pour auoir retenu vne partie des deniers prouenans de la vente de leur hérita- ge, qu'ils auoient donné à l'Eglife . Et s'il ne leur eftoit loifîble de retenir ce

qui eftoit procédé de leur bien: ilfem ble bien qu'il ne foit pas iufte de pre- drecequeparautruy auoitefté don- nés^ voué au feruice de Dieu & en- tretenement de fon Eglife.

Celce Conneftable duRoyGon- trand de Bourgongne, ayant fait fon prouffit des biens des Ecclefiaftiques foubs lauthorité de fon maiftre, ien- titauant que mourir en faconfcience vn iufte fléau qui l'affligeoit intérieu- rement. Car eftât vn iour en l'Eglife, il entendit lire ces mots du Prophète Efaie,Malheur fur ceux qui adiouftet

mai-

io7 maifon auecques maifon^pofleffio» furpoffeflion. Et comme fîceftefen- tence luyeuft donné vn coup de ba- fton , il s'efcria , malheureux que ie fuis , cefte maledi6tion tobe fur moy & fur toute ma race : & iamais depuis ne prouffita,ny ne fift bie,mais mou- rut malheureufemét. Ienameneray point les exemples de Clouisx. Roy deFrance, & du Comte de Mafcon, recitez par nos hiftoires : mais ie ne puis pafler foubs fîléce celuy de Loys fîxiefme, furnommé le Gros, lequel ayant efté, pendant le cours de fa vie, grand protedteur des priuileges de l'Eglife, pour certaine necefïîté fur Ces vieux iours}fe voulut ay der des biens des Ecclefïaftiques , defquels il leur ofta la poffefïion. Mais ce grand per- fonnage fainâ: Bernard, lumière de fonfiecle,radmonnefta pardiuerfes lettres de la faute qu'il faifoft , & puk

io8 le vint luy-mefme "trouuer. Et voyat que pour ces remonftrances ilnes'en vouloi t defifter: le menaça fort rude- mer,quebientoftil (endroit furluy le tclmoignagc de la vengeance de Dieu. Cequi aduint foudain après, par la mort inopinée de fon fils aifné. Et û ce bon perfonnage viuoit au- iourdliuy > de quels anathemes con- demneroit & tels liures & leurs au- theurs & moyens , quiconfeillentde dilapider &védretout le patrimoine de l'EglifePEt pource que leur princi- pale raifon èc argument de leurper- iuafion eft la neceiTué de vos affaires & de i'eftat: nous leur dirons que le Royaume de France s'eft âutresfois veu en plus grande neceflité,mefmes pour les guerres inteftines, eftantla plus gmnd part de laFrance occupée par les rebelles &c Anglois , qui te- noient entre autres la bonne ville de

ÏÔ9

Paris. Et toutcsfois on ne parla iamais de difliper & mettre en vente le bien & patrimoine del'Eglife . Et iamais la neceflité ne fat plus grande en autre Royaume qu'en Egypte en celte grade famine,qui dura fept ans foubs le Patriarche lofeph 4pourfubuenirà laquelle il fallut vend re la cinquiefme partie de tous les biés d^gypce , fàuf toutesfois Theritage des Preftres, auf- quels Iofeph ne permit de toucher, mais les Jaifla immunes,comme nous lifonsauGenefe.

Nous ne voulons pas dire que PEglife en telles neceffitez ne doib- ue ayder au public, mais cela doibt eftre modérément & par les voyes légitimes : comme auffi on a veu en France, les Ecclefiafiiques plus que nuls autres , prompts àfubueniraux neceflîcez publiques . Et encores que l'Eglife fente foubs voftre Règne,

IIO

cette faueur de ne veoir plus fon bien aliéné, ce quelle fe promet de voftre irilîgne pieté,fï ne demeurera elle pas pourtant exempte de beaucoup de grâd es charges &miferes. Car fi nous voulons reprefenter au villes oppre£- fions que par importions extraordi- naires & excefïîues fïibfides elle a en- duré, que la defolation quia efté en icelle , & qui continue encores en di- uers lieux de ce Royaume, d'où les Ecclefiaftiques font bannis & exilez, leurs biens occupez, leurs Eglifes &c maifons ruinées & démolies , & eulx expofez à la cruauté & rage des enne- mis de Dieu & de voftre Majefté. Nous craindrions de rafrefchir en ce- tte fin la mémoire desmaulx paflez, & trop efmouuoir le cueur pitoyable de voftre Majefté , laquelle ne voulâs attrifter en celle conclufîon,nous di- rons feulement, quoultre toutes les

ni calamités que voftre Majefté fçait que l'Eglife fupporte, elle n'eft exem- pte d'autres grandes charges , com- me de dix hui£t ces mille liures qu el- le paye pour l'acquit de vos debtes, & pour les neceflîtez publiques ea Fhoftel de ville de Paris, oultre cin- quante millions dont elle a fubuenu en la Republique en ces plus grands affaires . Et encores après fon naufra- ge ou elle a perdu grande partie de les biens , tout ce qu'elle pourra , qui fera certes bien petit , ne fera épar- gné au bien & vtilité publique, par moyés légitimes, raifonnables & ap- prouuez.

L'Eglife donques,S i r E,fanglan- te de (es playes, malheureufemét def- chiree , perfecutee de toutes parts , fe jettepour fon refuge entre vos bras, vous demande ayde & confort, vous

Oiij

ut coniureparle nom de Trefchreftien que vous portez pour celle caiife, par le Baptefme que vousauez receu en icelle , par le ferment que vous auez fait en voftre Sacre,de luy garder fes priuileges, & par cefte infîgne pieté, de laquelle vous fautes profefïion & eftes admirable à tout le monde, que vo9 foyez fon fuport & fa defenfe.Et auec toute lobeiflace que vous pou- uez attédre de vos treshûbles & tref- obeiflans lubjeds , ils ne cefferont ia- maisde vous fecourir des armes qui leur font les plus propres, qui font les prières & oraifons : lefquelles ils fe- ront inceflamment à Dieu, qui béni- ra &c fauorifera , s'il luy plaift , toutes vos adtions, pour vous rendre heu- reux, aimé, craint Scredoubté en ce monde, & vous préparera cefte troif- iefme&plus heureufe couronne que

113 ,

vous attendez en l'autre fîecle, après ces deux qui enuironnent mainte- nant voftre telle.

Prononcée le leudy 1 7. lourde lanuier ij77*

Extrait du priuileg

e.

PA r grâce & priuilege du Roy , il eft permis à Pierre l'Huillier Libraire iuré en l'Vniuer- fité de Paris, d'imprimer ou faire imprimer,ven- dre & diftribuer vn liure intitulé Harengue pro- noncée aBloysdeuantle!{oyyp4rMeJirpierre d'Epinac, i/trchwefqHe^ Comte de Ljon,&*c3Lt defFenfes à tous autres de quelque eftat& qualité qu'ils foient, d'imprimer ou faire imprimer, vendre ne diftri- buer ledicl: liure iufques à deux ans , fur peine de confifeation defdicls iiures & d'amende arbitrai- re,comme apert plus araplemct es lettres de pri- uilege'.données àParis le viij. iour de Feurier, 1 5 7 7. & de noftre règne le troifiefme.

ParleConfeil.,

Signe Danes?