HIST OIRE LACADEMIE RO YA EE DES DORE NCES, ANNÉE M DCCLI. re les Mémoires de Mathématique & de Phyfique, pour la même Année. Tirés des Repifires de certe Académie. DE L'IMPRIMERIE ROYALE. Mæ# D C. CL V. | 9 a DTA PE je LE | 1 h PRO: U'R MELLE SFA OR E. PHYSIQUE GENERALE. S. UR les effets de la Poudre à fur l'Artillerie. Page x " 3 À Sur les Granits de France comparés à ceux d'Egypte. 10- LA ’ L4 . LA 4 Sur la Réfine élaflique nommée Caoutchouc. 17 1 Sur quelques faits finguliers concernant les Baromètres. 36 De Sur quelques corps Joffles peu connus. 29 Obfervations de Phyfique générale. 36 ANATOMIE. Sur la formation à l'accroiffement des cornes des animaux. 57 Sur l'Hippomanes. 59 Sur l'organifation des Os. 63 O bfervations Anatomiques. 72 CE AX: MISE: Sur le fondant de Rotrou & l'Antimoine diaphorétique mi- uéral, 82 # i TA BL E. BOL AN: I QUE. Sur la formation des couches ligneufes dans les Arbres. 147 GEOMETRIE. 151 À SLR ON'OMMEE. Sur les obfervations de la parallaxe de la Lune, faites en même : temps en plufieurs endroits. LS? Sur plujieurs Obfervations affronomiques, géographiques à phy- Jiques, faites au cap de Bonne-efpérance. 158 GEO GR ‘Ac: PRE: 170 M FE C HAN .QU:E. Machines ou Inventions approuvées par l'Académie en 175 1. Eloge de M. Dagueffeau. 178 Eloge de M. le Marquis d'Albert. 195 1 10:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0: TABLE POUR LES MEMOIRES. 01 7 Birth fur la forme des corps les plus propres à tourner fur eux-mêmes, lorfqu'ils font poullés par une de leurs extrémités, ou Par tout autre point. Par M. . BoucuerRr. Page 1 Recherches fur la formation des couches ligneufes dans les Arbres. Par M. pu HAMEL. 23 Mémoire fur la longitude de Louifbourg , dans 1 ifle Royale. Par M. DE LIsLE. 36 Obfervation de la dernière oppolition de Mars avec le Sokeil, Par M. DE Taurr. 40 Mémoire fur la théorie de l'Artillerie, ou fur les effets de la Poudre, & fur les conféquences qui en réfultent par rapport aux armes à feu. Par M. le Chevalier D'AR c x. 45 Remarques fur les obférvations de la parallaxe de la Lune, qu'on pourroit faire en méme temps en plujieurs endroits, avec la méthode d'évaluer les changemens que caufe à ces paral- laxes la Figure de la Terre. Par M. BouGuER. 64 Obfervations de deux conjontions de Jupiter à la Lune, faites à Paris le 9 Odtobre & le 29 Décembre 1 7 $ 1, Par M. LE Monnier le Fils. 87 Obfervation pour la conjonéion de Jupiter avec la Lune, du 29 Décembre 1 7 S1 au foir, faite à Paris dans T'hôtel de Clugny. Pax M. DE LISLE. 90 Ofervations qui ont rapport à l'accroiflement des cornes des jrs uJ T''AMBOE RE: Animaux, dr qui peuvent fervir à expliquer pourquoi dans cer- taines circonflances elles tombent er fe renouvellent par d'autres qui remplacent les anciennes. Par M. Du HAMEL. 93 + Premier Mémoire fur l'organifation des Os. Par M. DE LASÔNE. 98 Conftrutlion de nouveaux moulins à organfiner les foies. Par M. DE VAUCANSON. 27 Hifloire des maladies Epidémiques de 175 1, obfervées à Paris, en même temps que les différentes températures de l'air. Pax M. MaALOUIN. 37 Mémoire [ur les Granits de France, comparés à ceux d'Egypte. Par M. GUETTARD. 1 64 Obfervations Botanico- Météorologiques faites au château de Denainvilliers proche Pluviers en Gätinois, pendant l'année 1750. Par M. pu HAMEL. 211 Mémoire Jur quelques corps foffiles peu comus. Par M. . GUETTARD. 239 Obfervation de l'échipfe de Lune du 2 Décembre 17 $ 1, au Joir. Par M. BouGuER. 2638 E"clip{e partiale de Lune , obfervée à Paris le 2 Décembre 175 r, au Joir. Par M. LE MoNNien le Fils. 270 Immerfion de l'étoile u de l'Arc du Sagittaire fous Le difque obfcur de la Lune, obfervée par M. d'Après à l'Île de France, fituée a 204 09" de latitude auftrale, àr que l'on pourra comparer au paflage de la Lune au Méridien , qui a été obfervé le même jour a Paris par M. le Monnier. ibid. Obfervation«de l'éclipfe de Lune du 2 Décembre 1 7 $ 1, au foir, faite à Paris dans l'hôtel de Clugny. Par M. DE L'IsLE. 273 Examen d'un Mémoire envoyé à l'Académie, dans lequel il s'agit de plufieurs faits concernant les Barometres. Par M. l'Abbé NoLLET. as Obfervation de l'éclipfe partiale de Lune du 2 Décembre 1 75 1, TABLE. Jaite à l'Obfervatoire royal de Paris. Px M. DE Foucurx. 291 .… Mémoire fur 1 Hippomanes,, Pa: M. D'AUBENTON. 2 93 Obfervation de l'éclipfe de Jupiter par la Lune, arrivée le 9 Oéobre, au matin. Par M. DE THurr. 301 Oëfervations fur les préparations du fondant de Rotrou, & de l'Antimoine diaphorétique. Pa M. GEOFFROY. 304 Suite des Obfervations faites au cap de Bonne-efpérance , pour la parallaxe de la Lune; avec un Jextant de fix pieds de rayon. Par M. Abbé DE LA CAILLE. 310 Mémoire fur une Réfine élaflique , nouvellement découverte à Cayenne par M. Frelneau : Er fur l'ufage de divers fucs laiteux d'arbres de la Guiane ou France équinoctiale. Par M. DE LA CONDAMINE. 319 Neuvième Mémoire fur les glandes des Plantes. Pax M. GUETTARD. 334 Diverfes Obfervations affronomiques & phyfiques, faites au cap de Bonne-efpérance pendant les années 1 7 Sr 071752; ©. partie de 1753. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE. 398 Obfervations faites par ordre du Roi, pour la diflance de la Lune à la Terre, à l'Obfervatoire royal de Berlin, en 1 AS © 1752. Par M. Le FRANÇOIS BE LA LANDE. 457 Oëfervations météorologiques, faites à l'Obfervatoire royal pen- dant l'année 1751. Par M. DE Foucur. 479 Mémoire fur l'élévation & la Jufpenfion de l'eau dans l'air, € Jur la Rofée. Pax M. LE Roy, Docteur en Méde- cine, de la Société Royale de Montpellier. 481 Relation abrégée du Voyage fait par ordre du Roi au cap de Bonne-efpérance. Pax M. Abbé DE LA CAILLE. s19 LAÛRe Fautes à corriger dans l'Hifloire de 175 1. Page 8, ligne 22, fix Tongs canons, Zifez fi longs canons. Page 28, ligne 6, la moindre, liféz quelque. Page 45, ligne 18, fuppofition; de plus, lifez fuppofition de plus; Page 59, ligne 2, le fera rompre, lifez la fera rompre. Page 67, ligne 24, M. du Hamel: fur le premier, lifez M. du Hamel fur le premier: Page 87, ligne pénultième, refte deflous, lifez refte diflous. Page 111, ligne antépénultième. On fait alors évaporer ce fuc, lifez On le fait alors évaporer. Page 112, ligne 20, on la verfe enfuite par inclination, ôtez enfuite. Page 149, ligne 22, afolument, Afez abfolument. Page 166, ligne 2, de dix étoiles, lifez de feize étoiles. Page 168, ligne 26, Vifle de Bourbon, /fez l'ile de France. HISTOIRE HISTOIRE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. Année M. DCCLI. FOOD OO OO OMOOHOMOO OO CHOCO PHYSIQUE GENERALE. SUR LES EFFETS DE LA POUDRE ET SUR L'ARTILLERIE. AIN peut en général confidérer l'art de l'Artillerie V. les Mérm. S comme compolé de deux parties : fa première P23€ 45- | 2 pour objet toutes les connoiffances que peu- QT vent fournir la Phyfique & les Mathématiques EL fur la compofition & les effets de la Poudre, où fur la figure & les dimenfions des bouches à fu. La feconde ,‘ plus vafte encore & plus étendue, embrafle a Hif. 1751: . À 2 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE manière d'employer ces armes à la guerre, d'établir les batte- ries, les parcs; & de plus, tout ce qui peut concerner les montures de ces mêmes armes, relativement à la prompti- tude du fervice & à la facilité du tranfport. La perfection de l'art confifte donc à accorder, autant qu'il fe peut, toutes ces différentes parties: nous difons autant qu'il fe peut, parce qu'il doit arriver, & qu'il arrive en efet, que ce qui feroit le plus avantageux à la force des armes en rendit le manie- ment moins für, plus ent ou plus dificile, ou enfin causât quelque inconvénient dans le tranfport. IL eft arrivé dans l’Artillerie ce qui arrive ordinairement dans prefque tous les arts. La néceflité du fervice a porté très-loin la partie qui concerne la manière d'employer les bouches à feu ; mais la connoiflance des véritables principes fur lefquels doit être fondée leur conftruction, la théorie des eflets de la poudre & de la manière dont elle agit, en un mot tout ce qui étoit plus du reflort de la Phyfique que de la Guerre, na pas fait, à beaucoup près le même chemin : on ne doit pas en être furpris, les peuples ont été de tout temps expofés à foütenir de longues guerres, & ne fe font avifés qu'affez tard de cultiver les Mathématiques & la Phyfique ; encore n'at-on pris d'abord de ces Sciences que ce qui avoit le rapport le plus immédiat aux opérations militaires que l'on connoifloit : en un mot, on a conimencé par agir, parce qu'il le falloit, & on a cherché enfuite fi les principes de la théorie donneroient quelque chofe de meilleur. C'’eft de cette partie théorique de l’Artillérie, moins perfec- tionnée que la pratique, parce qu'on n'a été que depuis aflez peu de temps à portée de travailler à fa perfection , qu'il eft ici uniquement queftion : M. le Chevalier d'Arcy a entre- pris de la foûmettre à des règles plus précifes que celles qu'on a fuivies jufqu'ici. Les points qu’il s’eft principalement propofé d'éclaircir dans ce Mémoire, font la manière dont la poudre enflammée exerce fon action, la longueur la plus avantageufe que puifient DIEU SMS LCI EUN, @ ES. avoir les armes à feu, l'endroit où on doit percer {eur fumière, & enfin quelle eft la charge propre à faire produire le plus grand effet à une arme dont la longueur eft donnée. Ce qui concerne l'inflammation de la poudre fe peut réduire à trois queftions principales ; 1.° Quels font les temps de linflammation de différentes mafles de poudre expolées à l'air libre; 2.° Si cette inflammation eft plus prompte lorfque la poudre eft enfermée; 3.° Enfin, fi l'in- flammation de la poudre enfermée dans un lieu très-clos peut être regardée comme inftantanée. Si M. d’Arcy n'avoit eu en vüe que de difcuter ces points par la feule théorie, fon entreprife auroit été bien plus facile, mais il s'étoit im- polé la loi de ne rien admettre qui ne lui eût été bien préci- fément donné par l'expérience : par-là fes folutions devenoient infiniment plus fûres, mais auffi le travail fe multiplioit; & tant pour cette raifon que pour être plus afluré des réfultats, il Jugea à propos de partager ce travail avec M. le Roy, de cette Académie, déjà au fait de cette matière par la traduc- tion quil.a faite des nouveaux Principes d’Artillerie de M. Robins. Les expériences fur la promptitude de inflammation de différentes maffes de poudre à fair libre, furent faites de la manière fuivante. On avoit pratiqué dans des pièces de bois bien dreffées, des rainures ou coulifles : ces pièces de bois, miles bout à bout, formoient ainfi de longues gouttières : les rainures des unes avoient huit lignes de largeur, les autres en avoient quatre, & toutes avoient quatre lignes de profondeur ; c'étoit ces rainures qu'on remplifioit de poudre pour en former des traînées. Il eft facile de voir que l’une de ces trainées étant deux fois auffi large que fautre, contenoit auf le double de poudre. Si donc la différence des mafles de poudre n'en produifoit aucune dans la promp- titude de. fon inflammition, les deux trainées égales en lon- gueur & en profondeur, & diférant feulèment en largeur, devoient brüler dans un efpace de temps égal ; fr au contraire. la différence des maffes pouvoit y changer quelque chole, À ij 4 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYaLe on devoit s'en apercevoir. Ce fut effectivement ce qui arriva, les deux Oblervateurs, munis de montres à fecondes, oblervoient exactement le temps que le feu mettoit à par- courir les deux traînées; ils trouvèrent toûjours que la traînée qui avoit 8 lignes de large s'enflammoit plus pronptement que celle qui n'en avoit que 4, & toutes les expériences concoururent à donner la proportion entre la durée de Fin- flammation de ces deux traînées, de $ à 7; réfultat bien diffé- rent de celui que quelques Auteurs avoient donné en partant de la feule théorie, puifque, felon eux, la vitefle de l'inflam- mation auroit dû être la même dans les deux traînées, Le fecond point que M." d'Arcy & le Roy s'étoient propofé d'examiner, étoit de favoir fi la poudre renferm dement général des vaiffeaux de la Compagnie : au retour de la dernière de ces campaghes, il fut nommé Lieutenant de vaifleau. De retour en France, il reprit le fil de fon fervice. Le Roi ayant réfolu en 1728 de punir les fréquentes infrac- tions des traités & les hoftilités commiles par les corfaires de Tripoli, arma une efcadre fous les ordres de M. de Grand- pré, pour bombarder cette ville : M. d'Albert eut part à cette expédition, non feulement en agiflant dans l'occafion en brave Officier, mais encore par les fages avis qu’il donna dans les différens Confeils de guerre, & qui contribuèrent beaucoup à faire refpeéter les armes du Roï par ces barbares, Deux ans après il fut employé fur l'efcadre avec laquelle M. du Guay-Troüin alloit faire la vifite des échelles du Levant, & y fervit avec la même valeur & la même prudence: la récompenfe de ces deux campagnes fut la place de Capitaine de vaifleau, que le Roi lui accorda pendant qu'il étoit en mer, & dont il trouva la commiffion expédiée à {on retour. La guerre qui s’alluma en 1733 entre la France & l’Em- pire, lui fournit de nouvelles occafions de fignaler fon zèle: il fut nommé pour commander l’Aguilon , vaifleau de 44 canons, fous les ordres de M. de Caylus, qui en montoit un autre de pareille force. Le but de cet armement étoit de vifr- ter les Echelles du Levant, de protéger le Commerce, & de donner la chaffe aux Corfaires impériaux; mais la deftina- tion particulière de M. d'Albert étoit de parcourir les ifles appartenantes aux Vénitiens, & d'obliger les fujets de cette République à obferver la neutralité à laquelle le Sénat s’étoit engagé, & que mille intérêts particuliers les pouvoient porter à rompre en faveur des Impériaux. La délicatefle de cette commiflion {e préfente d'elle-même ; on voit à combien de ménagemens il fe trouvoit engagé pour ne manquer ni au fervice du Roi, ni aux égards düs à la République, & dans combien de circonftances, que fes inftructions n'avoient pü prévoir, il étoit obligé de fe charger de l'évènement : cependant DES SCIENCES, 19 il fut éviter tous ces écueils , les plus dangereux peut-être qu'il eût encore rencontrés, & goûta à fon retour la fatisfaction de voir que la Cour avoit approuvé toutes fes démarches. Ce fut à la fin de cette campagne que l’Académie acquit M. le Chevalier d'Albert ; il fut nommé à Ja place d'Affo- ciélibre, vacante par la mort de M. de Rézay; mais le titre d’Aflociéibre-ne fut que pour s’accommoder avec.les occu- pations & les abfences que fa profeflion exigeoit de lui, il avoit depuis long temps fait fes preuves d’Académicien tra- vaillant. Les vuides du fervice militaire étoient remplis chez lui par des commiflions également importantes & laborieufes ; il avoit été nommé dès l'année 1733 pour l'examen d’un canal & d'un port projeté à Gravelines, pour fuppléer à celui de Dunkerque; examen dont il fe tira à la fatisfaétion de la Cour, & qui fuppoloit en lui un grand fonds de ma- thématiques & de phyfique, étrangère même à un grand nombre d'habiles marins, une activité, une exactitude & un détail qui ne peuvent être bien connus que de ceux qui ont exécuté de pareïlles commiflions. Peu de temps après, il avoit été nommé à là direction du dépôt des journaux, cartes & plans de la Marine. Ce dépôt, qu'on peut à jufte titre nommer le tréfor public de toutes les nations, puifqu'il n’en eft aucune, du moins de celles qui fréquentent la mer , qui ne participe à l'utilité qui en réluke, renferme tous les journaux, plans, vües, profils, fondes, reconnoïfances, oblervations que les Officiers françois y dé- pofent au retour de leurs campagnes. Tous ces morceaux déta- chés doivent fe réunir pour former des Cartes marines exattes : fi tous éioient d’une égale précifion, les Cartes n’auroient d'autres erreurs à redouter que celles qu'on y pourroit intro- dure en des réduifant à la même échelle, défaut dont certai- nement on ne peut foupçonner les Cartes du dépôt; mais il s'en faut bien que toutes les pièces qui doivent concourir pour compofer les Cartes ne s'accordent entr'elles, alors le Mathématicien n'a fouvent rien qui puifle le déterminer à préférer l'une à l'autre. Le local & les différentes circonftances 200 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE doivent entrer dans ce choix, & par conféquent on a befoin d'un Officier qui ait long temps navigé, qui ait vû & exa- miné prefque toutes les mers, qui fache par qui & dans quelles occafions les Mémoires ont été dreflés, en un mot qui Joigne à une grande connoiffance de la mer celle du degré de con- fiance qu'on doit accorder à chaque obfervation & à chaque Obfervateur. Telles étoient les qualités qui avoient déter- miné la Cour au choix de M. d'Albert; il a eu le plaifir de voir avant fa mort le Public recueillir le fruit de fa peine, par les Cartes que M. Buache, jufqu'en 1737, & enfuite M: Belin, Ingénieur de la Marine, ont publiées fous fes ordres, - elles font accompagnées _d'analyfes qui expofent fes vûes & les raifons des changemens qu'il a cru néceffaires de faire quelquefois aux Cartes même les plus eftimées. Tout ce travail ne prenoit rien fur le fervice militaire de M. d'Albert, il n'avoit même accepté la direction du Dépôt. qu'à condition d'être employé à la mer comme sil eût été inutile à terre. Nous fupprimons le détail d'une infinité de courfes & de campagnes qui auroïent pù faire la réputation d'un autre Officier, & qui ne peuvent tenir place dans fon Eloge; nous dirons feulement qu'il fe trouva commandant V£'ol, de 64 canons, aux deux combats que M. de Court donna aux Anglois dans la Méditerranée; le premier fervit à dégager les Efpagnols, que les ennemis tenoient bloqués dans leurs ports; & le fecond fut le fameux combat de Tou- . Jon, des circonftances duquel le Public a été informé, & dont nous ne dirons par conféquent rien ici. L'année fuivante, M. d'Albert commandant alors le Suint- ÆEfprit, vaifleau de 70 canons, fe trouva, en pourfuivant un navire, au milieu d'une flotte ennemie de 30 vaiffeaux de guerre; il eut l'adrefle de fe tirer de ce mauvais pas, & le bonheur de faire, en retournant à Cadiz, une prife qu'il y ramena, après avoir obligé plufieurs vaiffeaux ennemis à ren- trer dans leurs ports, la plufpart très-incommodés. Nous avons dit au commencement de cet Eloge qu'il étoit entré dans l'Ordre de Malte; mais la mort d’un frère & d'un Dies) LISMCANENNLC'E 6 2ot & d'un neveu l'ayant rendu l'ainé & l'héritier de fa maifon, if crut devoir penfér à un établiffement : il époufa en 1746 Mie d’Arville, fille de M. Boiflet d'Arville, mort à la fleur de fon âge Brigadier des Armées du Roi, d'une très- ancienne Maifon, & du nombre de celles que Henri LV. amena avec lui en France. À peine M. le Marquis d'Albert (à qui nous donnerons dorénavant ce titre, qu'il avoit repris en fe mariant) jouiffoit- il depuis un an de fon nouvel établiffement, qu'il reçut en même temps le brevet de Chef-d’efcadre & l'ordre de s'em- barquer fur le Afagnanime, pour commander celle qu'on armoit à Breft. Une tempête continuelle de plus de huit jours écarta fon vaifieau du refte de l'efcadre, & le defempara de fes mâts de hune & de prefque toutes fes manœuvres : il fit route avec ce qui lui reftoit de voiles de rechange pour regagner le port de Breft, mais une feconde tempête, qui le maltraïta encore plus que la première, l'ayant porté à plus de cent lieues au large, il fe trouva au milieu de neuf vaifleaux de guerre anglois, defquels il n'y en avoit qu'un qui portât les marques de la tempête. Un des vaifleaux ennemis fut détaché pour l'attaquer; mais après lavoir bien confidéré, äl n'ofa l'entreprendre, la feule contenance du Marquis d'Albert dans un vaifleau fans voiles & fans manœuvres, intimida tellement le Capitaine qui venoit l'attaquer, que malgré l'a- vantage d'un vaiffeau bien en état fur un autre qui ne pouvoit fe mouvoir, il ne fe crut affez fort que quand le Comman- dant en eut envoyé un fecond à fon fecours. H faut pourtant avouer que l'Offcier anglois avoit raïfon ; la défenfe du Mar- quis d'Albert fut fr vive, qu'après un combat de fix heures des deux vaiffeaux ennemis furent obligés de s'écarter pour raccommoder leurs manœuvres, foin dont M. d'Albert n'étoit malheureufement que trop exempt. On prit ce temps pour Jui repréfenter qu'il avoit perdu plus de la moitié de fon équipage, qu'aucun de fes canons n'étoit en état de fervir, & ce ne fut qu'après avoir bien reconnu l'impoffibilité abfolue de continuer le combat, qu'il confentit à fe rendre, & pañla Hifl. 175 1e AE 202 HiIst. DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES. {ur le bord du Commandant Anglois, vaincu par la tempêté plus que par l'ennemi, & prifonnier de ceux auxquels il eût pour le moins échappé, fi l'état de fon vaitleau avoit pü ré- pondre à {on habileté & à fon courage. Ce fut par cette aventure fi glorieufe & fi malheureufe pour lui que M. le Marquis d'Albert termina fa carrière mili- taire: la Paix ayant fini fa prifon, nous le vimes pendant quelque temps reparoître à nos affemblées; mais des affaires indifpenfables l'ayant appelé en Provence, on le trouva, peu de temps après fon retour, frappé d’apoplexie dans un cabinet où il fe retiroit ordinairement : on tenta inutilement tous les remèdes, on ne put même lui faire revenir la connoiffance, & il mourut dans cet état le 10 Février 175 1, âgé de foi- xante-quatre ans & dix mois. I étoit grand & bien fait de fa perfonne, d'une vivacité extrême , mais tempérée par la raifon & l'expérience, & qui ne rendoit fon commerce que plus agréable ; d’une grande fermeté dans fes réfolutions, toûjours prête cependant à céder à la raifon, & qui ne produiloit chez lui que de la conftance fans opiniätreté ; du refte, orné de la politeffe puifée dans ‘le commerce du grand monde & dans le fervice, refpeétant les droits de l'amitié, & ne fervant même quelquelois {es amis qu'avec trop de chaleur, aimant avec paflion la véritable gloire , q''un heureux inftinét lui faifoit difcerner du faux brillant dont tant d’autres fe lient éblouir; en un mot, on peut dire que fes défauts, sil en avoit, étoient fr parfaite- ment en équilibre les uns avec les autres, que le dangereux pouvoir qu'ils ont ordinairement fur les hommes ne l'a jamais porté qu'à la vertu. Sa place d'Aflocié-libre a été remplie par M. Quefnay, Médecin-Confultant du Roi. MEMOIRES 4 1) EL LT ANA D pe << MEMOIRES MATHEMATIQUE DE PHYSIQUE, TRES DES RÉCISTRES de l’Acadëmie Royale des Sciences, De l'Année M. DCCLI. MCE TM 'ONIRE Sur la forme des corps les plus propres à tourner Jur eux-mêmes, lorfqu'ils font pouffés par une de leurs extrémités, ou par tout autre point. Pa M BouGuER. 1° olution de ce Problème peut avoir fon application en 8 Mai Méchanique; mais il fuffroit qu'elle répandit de la lu- 7757- mière fur un point important d'Architeéture navale, pour dem, 1751. PYA 2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE que je crufle en devoir faire un fujet de recherche. If eft abfolument néceffaire que les Vaifleaux puiflent tourner avec facilité, & pafler avec promptitude d’une route à l'autre : cette propriété n'eft pas moins eflentielle que celle de mar- cher avec viteffe. Il eft vrai qu'il n’eft pas permis d’en faire un #aximum abfolu ; le problème ne feroit pas difficile, il ne fuppoleroit que les feuls principes de Méchanique que nous établirons : mais fi lon s’y conformoit fans reftriétion, on cefleroit de donner à la carène une forme convenable, & on renonceroit à toutes les autres vües qu'on doit avoir dans la Marine. On ne peut en effet faire jouir le Vaifleau, que jufqu'à un certain degré, des avantages qu'on doit lui procurer, parce qu'ils s'excluent prefque tous réciproquement, ou qu'ils ont entr'eux quelque elpèce d’incompatibilité : ainff le fens dans lequel il faut entendre la queflion que nous nous propofons d'examiner, a d’étroites limites On eft obligé de donner une certaine forme au navire : des raifons indifpenfables mettent dans la néceflité d'en rendre la carène beaucoup plus longue que large; la proue & la pouppe font comme deux conoïdes qui fe joignent par leur bafe dans l'endroit le plus gros, & on peut changer de place cet en- droit, en alongeant un des conoïdes, & en raccourciflant Yautre. Le problème qui intérefle la Marine, confifte donc à profiter de la liberté qu'on a de faire ce changement, pour que le navire obéiffe aifément à l'action du gouvernaïl, ou à limpulfion des voiles, dont on fe fert fouvent pour le: faire tourner. J'avois déjà difcuté cette matière dans le Traité du na-. vire, & j'en avois même fait le fujet d’une Section entière: je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit fur la manière de choifir à cet égard entre divers devis ou différens plans. On peut, par les moyens que j'ai expliqués, prévoir fürement. fi un vaifleau qui n'eft encore que projeté, recevra. avec aflez de facilité, lorfqu'il fera conftruit, tous les mouvemens de: rotation quon voudra lui imprimer; mais lorfqu'il étoit queftion, non pas de choifir entre plufieurs plans, mais qu'il TEE Æ Dei DIELS "TS ET E NICE S. Sagifloit d'en former un qui fût parfait, je me permis une fuppofition qui ne me fatisfaifoit pas entièrement, & qui me paroifloit forcée dans le temps même que je l'employois. Je fubftituois au navire une longue règle ou verge inflexible, & pour repréfenter la plus grande groffeur de la carène, Jimaginois un globe dont {a mafle avoit un rapport déter- miné avec celle de la verge: ce globe étoit traverfé par la règle, & en le faifant glifier, je cherchois en quel point il falloit qu'on l'arrétât, pour que le mouvement angulaire de rotation devint un maximum, la règle étant pouflée par un point déterminé. Je fentois, & je l'ai même dit expref- fément, qu'on ne devoit pas trop preffer la comparaifon entre le navire & l'affemblage des deux corps que je lui fubftituois : cependant une chofe contribuoit à me raffurer contre la fuppofition trop limitée que je faifois; je trouvois que le plus ou le moins de maffe du globe par rapport à la règle, ne faifoit changer que très-peu dans divers cas, le point le plus avantageux où on devoit le placer. J'ai remarqué depuis, qu'on pouvoit réfoudre le problème d'une manière incomparablement plus générale, plus naturelle & plus füre, en fuppofant le navire formé de deux conoïdes quelconques. Cette nouvelle folution, que je vais donner, eft fondée far une propriété très-fimple, mais à laquelle if eft très- facile de ne pas faire attention, qu'a le centre d’ofcillation ou de percuffion ; propriété qui donne lieu d'exprimer {a fituation de ce centre d'une manière générale, & en termes finis: je continuerai au furplus à me fervir de la même méthode ou des principes dont j'ai déjà fait ufage dans le Traité que j'ai cité, & qui me paroifient répandre le plus grand jour fur toute cette matière, Remarques générales , à préparations. Soit ACBD le folide formé de deux efpèces de co: noïdes CAD, CBD qui £ joignent par leur bafe CD), ïl nimporte en quel endroit de fa longueur AZ: notre figure eft corame le folide projeté fur le plan de l'horizon: le genre A ij MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE des deux concides eft donné, mais nous pouvons, en alon- geant l'axe de l’un, & en accourciffant axe de l'autre, tranf- porter leur bafe commune CD, plus vers le point À ou vers le point 2, plus vers la pouppe ou vers la proue. Nous conferverons au folide entier fa même longueur, & nous ne changerons que la longueur particulière des conoïdes, fans toucher à leurs autres dimenfions : chacun de ces conoïdes eft une certaine partie du cylindre circonfcrit, ou du cylindre qui ayant CD pour diamètre de fa bafe, auroit la même hauteur que le conoïde. Si la pauppe CAD étoit un co- noïde parabolique, formé par la parabole conique, elle feroit. la moitié du cylindre circonfcrit : ainfi fa folidité auroit un rapport déterminé avec l'axe A£; & fi le mème rapport fubfiftoit entre la folidité de la proue & la longueur de fon axe, foit que le conoïde qui la formät, füt parabolique où non parabolique , il eft évident que la folidité du vaifleau ne changeroit pas, quoiqu'on tranfportât l'endroit le plus gros CD, vers l'avant ou vers l'arrière. Nous nommerons M, cette folidité totale du navire, laquelle fera donc conf tante ou variable, felon que la proue & la pouppe feront les mêmes parties ou des parties différentes des cylindres ou “des parallélépipèdes qui ont la même bafe & la même hauteur. Nous confidérerons de plus la puïffance qui travaille à faire tourner le vaiffeau dans le fens de l'horizon, & qui s'exerce felon la direction horizontale PF perpendiculaire à AB, comme fi cétoit un corps dont p füt la mañle, & qui venant choquer le navire avec la vitefle F, parviendroit immédiatement à laxe, & nous fuppofons que le choc fe faffe à la manière des corps fans reflort. La diflance de l'ex- trémité À au point Æ, où fe fait le choc, eft donnée, & c'eft ce qui contribue avec les autres. circonftances, à fixer le point À fur lequel le navire doit tourner: ce point À eft fur l'axe 42, ou fur fon prolongement, comme on le verra dans un inflant; tous les points du navire décrivent dans le fens horizontal, de petits arcs qui ont le point À DE sr Soeur Nrcre rs S pour centre; & le centre de gravité G du vaifleau, décrit le petit arc Gg, qui murque fa vitefle, & que nous défi-. gnerons par # Le centre À de converfion ou de rotation doit être tel- lement fitué, qu'il y ait un parfait équilibre dans tout le mouvement que reçoit le corps AC B D, de part & d'autre du point _Æ par lequel il eft pouffé : il n’y a que: cet équi- libre parfait qui puiffe déterminer le navire à tourner fur le point À, pluftôt que: fur tout autre point; car le point R {e rapprocheroit, par exemple, de 2, pour peu: que la partie ÆFB du vaifleau dût prendre trop de mouvement , & que ce mouvement l'emportit fur celui que reçoit la partie À Æ. 1 faut remarquer que nous négligeons la réfiftance que fait. Veau au mouvement de rotation, parce qu'il ne s'agit toû-- jours ici que du premier inftant du mouvement, & qu'alors- la vitefle avec laquelle le navire déplace l'eau, eft infiniment petite. Mais puifqu'il y a un parfait équilibre entre le mou- vement que reçoivent toutes les parties du navire, de part &. d'autre du point Æ, la diretion compofte de tout ce. mouvement pafle par le point Æ, ou, fi on peut s'exprimer de la forte, le centre de gravité de tout ce mouvement doit répondre au point Æ, & fa direction. compofée doit être perpendiculaire à la ligne R À qui pafñle par le centre de rota- tion À, & par le centre de gravité G du folide. Il n'importe- en effet que les parties qui font de part & d'autre de f'axe BA, contraétent un mouvement oblique par rapport à cet axe, lorfque le corps AC B D tourne fur le point R: car f on confidère ces paties deux à deux de part & d'autre de axe, de manière. que leur centre de gravité commun foit fur cette ligne, & qu'on décompofe leur mouvement en deux mouv:mens relatifs, dont l'un: foit perpendiculaire à A2, & l'autre s'exerce dans le fens de l'axe, on verra aifément. que ces derniers mouvemens fe détruiront toûjours, & qu'il ue reflera que les mouvemens perpendiculaires qui formeront. ce mouvement gyratoire que nous examinons, & dont la direc:- tion compolée doit néceffairement pañler par le point Æ.. À ii 6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Il fuit de là, en y joignant les notions que les Mécha- niciens nous fourniflent fur les centres de percuffion & d'of cillation, que le point Æ fur lequel s'exerce la puiffance p contre le corps AC BD, n'eft autre chofe que le centre de percuffion de ce corps qui tourne autour du point À, & que le point Æ feroit le centre d'ofcillation, fi le corps étoit fufpendu par le point À. Les Méchaniciens favent encore, depuis que M. Hughens Fa démontré, que le centre d’ofcil- lation & le point de fufpenfion peuvent toûjours fe prendre réciproquement fun pour fautre: ainft le corps ACB D étant frappé par le point #, tourne fur le point À, & ce dernier point feroit fon centre d’ofcillation, fi le corps étoit fufpendu par le point Æ: Cette remarque, à laquelle nous nous trouvons conduits naturellement, & fur laquelle nous avions infifté dans le Traité du navire, a aufii été faite dans le 1x° volume des Mémoires de Péterfbourg par M. Da- niel Bernoulli; & elle eft d'autant plus importante, qu'elle nous met en état de déterminer fort aifément le centre de converfion À, aufli-tôt que la figure du corps eft donnée, de même que le point À par lequel il eft pouflé. Nous revenons à la première remarque que nous avons faite, que la direétion compofée de tout le mouvement que recoit le vaifleau qui tourne fur le point À, pafle exacte- ment par le point #: il en réfulte une parfaite égalité entre Yaction de la puiffance p, & la réfiftance que forme le mou- vement du vaifleau à caufe de fon inertie. En effet, elles font lune & l'autre appliquées au même bras de levier, en sexerçant fur la même direction Pf, mais en fens directe- ment contraires : ainfi le mouvement que perd dans le choc le corps p qui repréfente la puiffance, & celui que reçoit le vailleau en commençant à tourner, doivent être parfai- tement égaux. Cette égalité ne dépend pas de la fituation particulière du point Æ° par rapport au centre de gravité G du folide AC BD: on peut toüjours confidérer tout le mour- vemént que reçoit ce folide, comme réuni dans le point Æ'; fa direction compofée pafle néceffairement par ce point. Le DES SCIENCES. 7 moment de ce mouvement doit donc être égal à celui de la force ou du mouvement employé ou perdu par le corps p; mais ces momens par rapport au centre de rotation À, ne peuvent être égaux que parce qu'il y a égalité entre les forces mêmes. C’eft ce qui eft digne d'attention, & ce qu'on peut regarder comme un fecond principe, dont Fufage doit être fort étendu. Le corps p vient frapper le point F'avec la viteñle F; mais après le choc, il n'a plus que la vitefle Ff, que nous déduirons de la vitefle Gg — u du centre de gravité du navire, par l'analogie fuivante; GR: Gg—=u:: FR FR . a x LUXE Ainfr le mouvement du corps p après le choc, FR 3 eft pu x —; & le mouvement perdu de ce corps eft , FR donc pF — pu x. Il eft encore plus facile de trouver lexprefion du mou- vement acquis du vaiffeau : toutes fes parties reçoivent diffé- rentes vitefles, felon qu'elles font plus ou moins éloignées du centre de rotation À ; mais #, qui marque h viteffe Gg du centre de gravité, eft leur vitefle commune où moyenne. IL eft vrai que les parties voifmes du point Æ, par lequel le folide 4 C B D eft frappé, reçoivent beaucoup plus de mou- vement; mais en récompenfe les parties fituées de l'autre côté du centre de gravité G, en reçoivent beaucoup moins, ce qui forme une exaéle compenfation, & ce qui fait que Gg repréfente ce mouvement, eu égard à fa quantité. En effet, le produit de la viteffe du centre G, par la maffe totale 47 du corps ACB D, eft égal à la fomme de tous les mouve- mens ou des produits de tous les points, par leur viteffe particulière, & on peut donc mettre une de ces quantités à la place de l'autre. Or ce mouvement total acquis A7 étant précifément égal à la perte foufferte par le corps p, parce que nous fuppofons qu'il n'y a dans les deux corps aucune vertu: éliftique qui donne au choc d'autres fuites, nous aurons: 8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE l'équation p F — pu x LP pVxGR Ÿ RÉ MaGR Lun RENE la vitefle Gg du centre de gravité G du folide. Ce n'eft pas précifément cette vitefle que nous deman- D M u, dont on tire dons & que nous voulons rendre en plus grand , nous, devons chercher la vitefle de rotation, la vitefle angulaire, qui eft repréfentée par l'angle G Rg. Cette dernière viteffe eft d'autant plus grande, que le petit efpace Gg qui foû- tient l'angle G Rg eft plus grand, & que la diftance GR qui fert de côtés à ce même angle, eft plus petite. Plus le vaifleau prendra de mouvement, & plus le point À fur lequet il tournera, fera voifin en même temps de fon centre de gravité, plus le changement de fituation fera confidérable. Ainfi il nous faut divifer Gg par GR, & nous aurons G£g 14 GR — MxGRE px ER pour fa vitefle angulaire ; & c'eft x x cette quantité que nous devons travailler à augmenter, e changeant de place la plus grande largeur € D. Dans l'expreffion de cette quantité, le numérateur p F eft conftant, puifque la puiflance motrice eft fuppofée inva- riable ; nous réuflirons donc à faire de SE ou de l'angle GRg, un maximum , en rendant le dénominateur M x GR + px FR de fa valeur, un minimum. Je le différentie ; & en égalant fa différentielle à zéro, jai M x dGR+ dMxGCR+ px aFR = 0; équation ou formule qui renferme d'une manière abfolument générale la folution du problème, & qui nous indique le chemin qu'il faut que nous fuivions pour achever cette recherche. Quoique cette formule foit très-fimple, elle le deviendra encore davantage toutes les fois qu'on voudra en borner Yutilité à l’Architetture navale. On pourra confidérer dans ce cas les corps qui agiffent fur le folide 4 CB D felon la direction ds 11: DES SCIENCES. 9 direction PF, comme infiniment petite par rapport à fa mafle M. Ce font en effet ou des molécules d’eau, ou des particules d'air dont l'action ne devient fenfible que parce qu'elle eft répétée une infinité de fois ou fur le gouvernail, ou fur les voiles. Nous pouvons par conféquent, dans la valeur de F'angle G Rg, effacer le fecond terme du dénomi- nateur, en le regardant comme nul par rapport au premier: nous aurons Es ht Lis AI our 1a quantité qu'on doit M er Hi criE q q rendre un plus grand, & notre formule générale ou équa- tion différencielle fera A1 x dGR + dM x GR — 0: ceft-à-dire que pour que le corps 4 CB D tourne le plus aifément qu'il eft poffible, lorfqu'il eft poufé par le point F par un fluide, il faut que le produit de fa mafle A7, par l'intervalle compris entre fon centre de gravité G & le centre de rotation À, foit un moindre. La mafle #7 du vaifleau peut augmenter ou diminuer, lorfqu'on change de place la plus grande groffeur C D; mais il eft aufli une infinité de cas dans lefquels cette mafle eft conftante, conformément à ce que nous avons vû plus haut. On n'aura alors qu'à rendre fimplement l'intervalle G À com- pris entre le centre de gravité G & le centre de rotation R, le plus petit qu'il fera poffible. Dans ce cas particulier, fe mouvement de rotation ou l'angle GR g fera d'autant plus grand, que GR fera plus petite, & üls feront fun & l'autre en raïfon réciproque; car la viteffe du corps p qui repré- fente la force motrice, étant comme infinie par rapport à celle » que prend le folide AC BD, le mouvement que cette force imprime au navire doit être toûjours le même, auffi-tôt que le navire a toûjours la même mafle, fans qu'il importe par quel point Fil foit pouffé. Ainfi le petit efpace Gg eft conftant, & l'angle GAZ ne dépend alors que de la feule diftance G R du centre de gravité au centre de conver- fion ou de rotation; ce qui s'accorde avec notre équation différentielle , réduite dans ce cas à M x dGR — 0. L'intervalle GR, pris fous un autre afpett, comme on dMém, 175 1° + B ao MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE s’en fouvient , eft la diftance du centre de gravité G au point R, où fe trouveroit le centre d’ofcillation f1 on fufpendoit le corps AC BD par le point F. Or il fuit de là, & des autres remarques faites ci-devant, que dans le même navire Yangle de rotation GRg doit toûjours être proportionnel au moment de la force motrice, par rapport au centre de gra- vité G; car plus Ha puiffance eft grande, plus l'efpace Gg parcouru par le centre de gravité devient grand, fans qu'il importe en quel point Æ° foit appliquée la puiflance; & d'un autre côté, plus le point F'eft éloigné du centre G, plus le point R eft voifin de ce même centre ; les deux dif- tances FG & GR, felon la théorie des centres d’ofcillation, étant toûjours en raifon réciproque l'une de l'autre, ce qui fait augmenter l'angle GR g dans le même rapport. Mais puifqu'il ne s’agit pas actuellement de navires déjà confhuits, & que, remontant plus haut, nous voulons .que leurs figures contribuent à faire croître le mouvement de rotation, il faudra qu'en faifant avancer ou reculer la plus grande lar- geur C D, nous rendions le centre d'ofcillation À le plus voifin du centre de gravité qu’il fera poflible, dans un corps dont la maffe eft donnée, de même que la forme, à certains égards, avec le point F, qui tient lieu de point de fufpenfion. Solution du Probleme. If faut en général que nous rempliffions les conditions que renferme la formule M x dGR + dMxGR + p x dFR — o. Nous nommerons & la Jongueur AB du folide ACBD, & x celle AE du conoïde CAD qui forme la pouppe : nous défignerons par # la fraction qui marque le rapport qu'il y a entre la folidité de ce conoïde & le cylindre ou parallélépipède circonfcrit. Cette fraction nous fera fournie par la nature du conoïde, & elle ne changera pas, quoiqu'on alonge où qu'on raccourciffe ce corps, en éloignant ou en rapprochant les unes des autres proportionnellement toutes les ordonnées de la ligne courbe qui le forme. Ce fera la même chofe à l'égard de l'autre ni Et 51 NS ACNA LE ENT mt 86 n | YE fa&tion p, qui marque le rapport pour l'autre partie de Ia carène, ou pour le conoïde CB D, que nous fuppofons d'abord abfolument différent du premier. Nous aurons, en défignant par l'unité l'étendue de la bafe commune C2, mx pour la folidité du premier conoïde, & le produit ua — wx dep par EB — a — x pour la folidité . + "1 du fecond; ce qui nous donnera È x + pa pour la folidité entière ou pour la valeur de #7, dans laquelle il n'y a que x de variable, Quoiqu'on change la longueur du conoïde CAD, fon centre de gravité particulier T', partagera toûjours la longueur AE de laxe, dans le même rapport. Je prends e pour défigner ce rapport conftant, de forte que j'ai ex pour l'ex- preflion de AT, & je prends fx pour celle de TE. Ce ne feront pas les mêmes rapports, mais d'autres qui auront lieu dans autre conoïde CB D, dont le centre particulier eft en y, & dont la longueur de l'axe eft a— x. Je dé- figne généralement By par ea —€ x, & Ey par a — x. Les centres de gravité particuliers D & y étant ainfr fixés, nous trouverons le centre de gravité commun G de tout le folide, en partageant l'intervalle y, en raïfon réciproque des folidités des deux conoïdes. Nous n'avons qu'à faire cette analogie: la folidité totale ou mafle A7 — RE He + pa eft à l'intervalle L y = Ÿ nr g a, comme la folidité — ? #* jé al fa pa px du conoïde CRD, eft à —ÈE—8E —# pour la valeur de TG; & fi on y ajoûte AT — ex, & que de la fomme AG on en ôte AF, que nous défignerons par c, il nous viendra la diftance FG du centre de gra- vité G du folide entier au point F, par lequel le folide eft pouffé. Quelques termes, dans la valeur qu'on trouvera, { Bi de+ Qu a* be na 12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE réduiront, parce que e & f défignent deux fractions dont la fomme eft égale à l'unité, & c’eft la même chofe des deux eme) Ÿ'ke pa —Pha(,+ena +ea\ me — pac fractions € & @. On a enfin RS —=#FG m » +pa — &, comme on le voit, cette expreflion de FG ne contient que x de variable. IL nous faut maintenant pafler à la confidération de GR & de FR. Nous prendrons d’abord gx — Se pour expri- mer d’une manière abfolument générale l'intervalle T O com- pris entre le centre de gravité L' & le centre d'ofcillation O du conoïde C AD, lorfqu'il eft fufpendu par le fommet A. Cette expreflion eft applicable à tous les corps imaginables, comme il eft facile de s’en affurer : à défigne le femi -dia- mètre Æ£ C de la bafe du conoïde, ou quelqu'autre para- mètre de cette bafe; & g & 4 font deux fractions qui dépen- dent de la nature du conoïde, & dont il faut chercher la valeur, en fe conformant aux règles que les Méchaniciens nous ont données pour découvrir les centres d’ofcillation. ou . À Vs de percuffion. La formule gx + —— nous: apprend. que lorfqu’on augmente ou diminue la longueur de tout corps fans toucher à fes autres dimenfions, l'intervalle entre fon centre d'ofcillation & fon centre de gravité eft toüjours formé de deux parties, dont Fune croît ou diminue proportionnelle- ment à Ja longueur de l'axe, & l'autre change encore dans le même rapport, mais en raifon renverlée. La plus légère attention fuffit pour {e convaincre de Funi- verfalité de cette expreflion. Lorfqu'on veut déterminer le centre d’ofcillation d'un folide € AD, on multiplie chacune de fes plus petites parcelles, par le quarré de fa diftance au point de fufpenfion À, & on divife la fomme de tous ces. Dies. SRE Nice s 13 produits par le moment de fa pefanteur totale dû corps ou par le produit de fa maffe totale multipliée par a diftance de fon centre de gravité au point de fufpenfion. Or le quarré de la diftance du fommet À à chaque parcelle élémentaire du conoïde, eft égal au quarré de l'abfciffe ou partie cor- refpondante de l'axe, plus au quarré de Ia diftance perpen- diculaire de cette même parcelle à l'axe; mais il fuit de 1à que lorfqu'on divife la fomme de tous ces produits par Ia fomme des momens, dans lefquels il n'entre que les fimples parties de l'axe, ïl doit venir au quotient pour la diftance du fommet À au centre d'ofcillation ©, une quantité formée néceflairement de deux termes, fun qui eft proportionnel aux ab{cifles & qui peut s'exprimer par une certaine fraction 2 , : : : cr] de x ou de AE, & Yautre qui doit avoir la forme ÿ Li & qui, en réfultant du quarré des ordonnées ou de leurs païties, ne contient x que dans le dénominateur. Telle eft l'expreffion générale de la diftance AO du centre d'ofcillation au fommet À du conoïde; & fr on en retranche AT qui 11 ) | LE eft auffi une certaine frattion de x, il reftera gx + —— ‘pour l'intervalle TO. Cette explication faffit pour montrer que les fractions g & } ne doivent point changer, fi l'on ne fait qu’alonger ou raccourcir l'axe du conoïde; FO ne recevra alors d'autre changement que celui que lui caufera l'augmentation ou la diminution de x ou de AÆ. Pour trouver g de la manière qui me paroît la plus fimple, il n'y a qu'à fuppofer que le Plide perde toute fa groffeur, en confervant fa nature de conoïde, ou que toutes fes ordonnées deviennent infmiment petites : cette fuppofition fera difparoître le fecond terme de notre expreflion, fans altérer le premier. Le rapport qu'il y a entre le poids de toutes les tranches perpendiculaires à axe, fubfftera également dans ce cas métaphyfique; on aura &x pour l'intervalle compris entre le centre de gravité & le centre d'ofcillation, & il n’y aura qu'à reftituer au conoïde- B ii 34 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE « | . h1* fa première groffeur, pour voir l'autre terme — : c'eft x ce même terme qui exprime l'intervalle qu'il y a entre les centres d'ofcillation de la même furface plane, lorfqu'on la meut fucceffivement de côté & en plan. Quoique l'autre partie CB D de notre folide total foit abfolument différente de la première, & qu'elle foit formée, fi on le veut, par une ligne courbe d'un autre genre, l'ex- preffion de la diftance +0 du centre de gravité + au centre d'ofcillation o, doit cependant avoir toûjours la même forme, Les fractions g & A n'étant plus chacune les mêmes, nous les marquerons par + & ,; ainfi nous aurons a — "x 5 + =—— pour l'intervalle yo: cela fuppofé, il fe préfente deux différentes voies pour déterminer le centre d’ofcillation du corps entier ACB D, & qui nous conduiroient au même but. Nous pouvons chercher ce centre, en fuppofant que le {olide eft fufpendu par le point F, & nous trouverons par les règles ordinaires le point R ; ou bien nous pouvons prendre le point À pour le point de fufpenfion, en regardant la diffance AR comme une indéterminée: nous chercherons le centre d'ofcillation ou de percuflion, en traitant AR comme connue, & nous ferons cefler l’indétermination de AR, en faifant concourir le centre d’ofcillation avec le point Æ: Nous préférons la première voie, parce qu'elle eft un peu plus courte, quoiqu'elle foit peut-être un peu moins naturelle. Les centres d’ofcillation des deux conoïdes ne font plus dans les mêmes places, auffi-tôt que le point Feft pris pour point de fufpenfion; l'intervalle FO doit augmenter dans le même rapport que le point de fufpenfion eft plus voifin du centre de gravité T, ceft-à-dire quil faut augmenter kb TO — gx+ ——, dans le même rapport que FT — ex — c eft plus petite que AT — ex: on trouvera que la diftance du centre d'ofcillation du conoïde au point F, + a dus + à : x —"ecx À ef + cg + «Ab È cu —G a mes fe 5 DES SCIENCES. 1 Il { fera à l'égard du centre d’ofcillation o du fecond conoïde un changement femblable, mais plus confidérable : ce point paflera de l'autre côté du centre de gravité parti. culier y, à caufe de la fituation du point de fufpenfion Æ. Ce dernier point eft éloigné du centre de gravité + de {a diflance F4 (= FE + Ey) = x —c+ ga — 9x ex — € + a, parce que les deux fractions € & @ font le complément lune de l'autre à l'unité Nous ferons après cela cette analogie; Æy — 6x — © + @a, eft à By— ca — x, comme l'intervalle oy — ya — yx hr \ ZX — 2eyax + ea + 1eb + eft À ———— |, & n a —+ EX — cC+9a 7 oi aurons la diftance du nouveau centre d’ofcillation au centre de gravité +; laquelle diftance if faut ajoûter à Fy — çx — £ + @a, pour avoir a diflance du centre d’ofcillation + pa x —2tya + LE (es “H2fpa) x — 2@ac + €} age + 47 0° 2 au point F. Cette diftance eft Fac La £ 4 rs Enfin fi on multiplie, conformément à la théorie des centres d'ofcillation, ces diftances par celles des centres de gravité particuliers L &c + au même point F, & outre cela par la folidité mx & pa — x de chaque conoïde, ül n'y aura qu'à divifer la fomme des produits par le moment de tout le folide par rapport au point F; ou par le produit de M — TURx + pa par ile — qua + qua * Li ! — mc — par PO TR PL viol ed tyiéndra la di TM + na 8 tance du point F'au centre d'ofcillation, commun À de tout 7176 MÉMoIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE le folide AC BD, Nous aurons + mc — 3typa À — 2e6mc _— "pb + 7h a PRE + 34744 — 2thac + qimab* mit #5 + epa px Hehmb x + qua Ce + 24u0c — qua — 2@pa'c — {}7A — 26ç9pa — pvc: + mac + 1PhHac { + 26ppa° id —° — FR. NS , — pal + opa* 2 + + em Due sr Ainfi toutes les quantités qui entrent dans la formule géné- rale M x dGR + dMxGR + p x dFR = 0 que nos recherches préliminaires nous ont fournie , font maintenant données en x pour toutes les figures imaginables : nous pouvons donc regarder le problème comme réfolu, & comme réfolu dans toute fa généralité, puifqu'il ne s'agit plus que de faire des fubftitutions. Ayant l'expreffion de FR, nous avons aufli celle de GR en x; il fuffit de retrancher FG de FR. L'introduction des valeurs de A, de GR, de FR & de leur différentielle dans notre formule géné- rale, la changera en une équation dans laquelle il n’y aura d'inconnue que x, qui montera au cinquième degré. On dé- gagera x, & on faura à quelle diftance de l'extrémité À il faut porter la plus grande largeur du folide AC BD, pour qu'il cède le plus aïfément qu'il eft poflible à l'aétion du corps p qui le frappe en 7° Nous poufferons le détail plus Join pour le problème par- ticulier où il ne s’agit que de navires, & où on veut leur donner la propriété de bien gouverner. Nous avons déjà remarqué qu’on peut alors traiter p comme infiniment petite, ce qui fait difparoître le dernier terme de notre formule générale, & ce qui la réduit à A1 x dGR + dMxGR— 0: Nous fuppoferons outre cela, pour nous épargner un trop long DES SCIENCES.. 17 r fong calcul, que la proue & la pouppe ne different l'une de Tautre que par leur longueur, fans qu'il importe qu'elles foient formées par des lignes courbes, géométriques ou méchaniques. Cette fuppofition rendant d'abord m = pu, la mafle M - deviendra conftante; & il ne fera plus queftion, comme nous l'avons vû, que de rendre égale à zéro la différentielle de la diftance GR du centre de gravité G au centre de rota- tion À. Mais cette diftance même fe trouvera exprimée d’une manière beaucoup plus fimple; car non feulement #1 fera égale -&u, nous auronse — e, ® —= f, y —= g, &i = > … ce qui détruira quelques-uns des termes de la valeur de FR trouvée plus haut, & en réndra d’autres moins complexes. — 3tga + ega* + —2ec f eh FU 4 — 3eghze — fa }3 ff à : 11% —2efY : +zfc - —afac. is : > + 2cfa + > +, : Nous aurons alors Jr nef De sd Re + cts + fa ; À & fi de cette valeur nous ôtons celle.de:7G qui eft alors égale à += ex — fx + fa — c, il nous viendra + AA +fa }« Een à sn 2 AB 4 De —/f. DA Di 4 rue — GR pour la quantité { —+ € te En fa . 1468 : = — cc À qu'il faut rendre un #inimum. FF Ve 4 . % La différentielle de GR eft à mire ré à + ffa° LOMME LOT, Le. : — 2efga k +38) {f ee fac D - re s'dx x sds + 3egac dx 5 TA = &c, LL eg a° f + AB GR, LL pong {2 ' His, à de + 'efhbt CREUSE - . ; elle eft négative A be AE + af]: À Ki TANT …_ dans le commencement de laccroiffement de + : fi on l'égale k MM 1751: + C 18 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE à zéro, on aura l'équation fuivante,! qui eft du fecond degré, : + Pa \ ; : — 2efga + 3g + éefga — fac dE, — Pa, + sega} = 0, & il fuffit done + f — Gegc — ge —f +afc 7. + efhE d'en extraire la racine : on faura la grandeur qu’il faut donner à AE, pour que la diftance GR foit un moindre, & que l'angle GR g foit un plus grand. Suppofé que le folide ACBD repréfente un navire qui foit fans charge, la folution fera Îa même, il n’y aura qu'à chercher les valeurs des fraétions e, f. g & h, qui doivent être introduites dans la formule, non pas pour un conoïde felide, mais pour un corps creux, ou même pour une fimple furface conoïdale. Une remarque qui {e préfente ici, & qui pouvoit s'offrir à nous beaucoup plus tôt, c'eft que le point Æ, où il faut mettre l'endroit le plus gros de la carène, eft différent, felon qu'on fait changer À F — 6, ou qu'on applique en diffé- rens points À la puiflance qui tend à faire tourner le folide ACB D. Ainfi la propriété que doit avoir le vaifleau de bien gouvérner avec fes voiles, n'eft pas parfaitement com- patible avec celle qu'il doit avoir d'obéir à l'aétion du gou- vernail. Si la puiflance qui travaille à faire tourner le navire, pouvoit être appliquée à une diftance infinie, nous fuppofe- sions AF — c infinie; & foit que nous fiffons cette diftance pofitive ou négative, prefque tous les termes de notre équa- tion du fecond degré difparoîtroient : il ne refleroit que 2ffcx — Cegex — fac + 3egac — o, dont on tireroit x — +4; ce qui nous apprend que dans ce cas extraordinaire il faudroit mettre la plus grande large CD précifément au milieu de la longueur AB du bolide, ou rendre les deux conoïdes parfaitement égaux. La force motrice étant infiniment éloignée du centre de gravité G, le centre de rotation À qui s'approche continuellement du centre G DES ICE MCE Sn 0 à 19. à mefure que la force motrice s'en éloigne, tomberoit alors exactement dans le point G. Application de la Jolution précédente aux Solides formés par des conoides paraboliques de tous les digrés. - Nous nous contenterons d'appliquer notre folution à deux exemples particuliers ; mais le premier de ces exemples con- tiendra lui feul une infinité de différens cas. Si la proue & la pouppe font des conoïdes paraboliques dont l'équation foit y" — x, nous n'avons qu'à chercher par les méthodes ordinaires les valeurs de e, f, g & k, & les fubftituer dans notre équation générale du fecond degré; nous trouverons Tr + 2 r Ca 3 == as 'Η= ER LR Pie Ve dur noi 4 Le . « & h — rt L'introduction de toutes ces valeurs nous 2T L 2+ ra 3714 — 23 — 107 —4 y + 48 + 167 donnera x : —(2r—2)xe + (r+i)xac _— sa 4 extrait x, ON aura * —= — 0; & fi, de cette équation, l'on en x a — ra + (r+ijxc : r D+23r 16r Ne « SE A xX(— ai) + (ir + Ir +2) x a°] qui fatis- fait au problème pour les conoïdes paraboliques de tous {es degrés. - . Suppofé que les conoïdes ne foient que de fimples cones, l'expofant r des paraboles fera égal à l'unité, & a valeur de x ou de À Æ deviendra beaucoup plus fimple ; X—= 20— Fa Va — 446 46 + 3 b!),. On f fouvient toûjours que 4 défigne la longueur 4 B du navire, à fa plus grande largeur CD, & c la diftance À F de fextrémité À au point F, auquel elt appliquée la force motrice qui travaille à faire tourner le folide. Mais fi la Ci 1 20 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE force motrice eft appliquée en À, comme elle l'eft à peu près lorfqu'il s’agit de l'action du gouvernail, il n'y a qu'à faire « — o, en négligeant la petite quantité dont il fau- droit, parce que le gouvernail eft effectivement appliqué un peu en dehors du point À, rendre c négative: on aura alors x — — ja + V{ia + 3°), qui eft encore fujète à changer, felon qu'on augmente ou qu'on diminue la demi- largeur 2 de la carène. Suppolé sb le navire foit infiniment étroit, A E doit être d'environ Z£ de la longueur totale AB; mais fi la plus grande largeur C D eft la cinquième partie de la longueur À 2, on trouvera x encore un peu plus grande ; il faudra faire À £ d'environ <— 73e = de AB. En ren- dant la plus grande largeur CD Bet à la moitié de la longueur À B, la pouppe deviendroit encore plus longue, car il faudroit lui donner toute la longueur du folide, en faifant difparoître la proue; c'eft-à-dire que le folide fe réduiroit à n'être qu'un fimple cone, dont le fommet feroit en À, & le centre de Ja bafe en B. Si, au lieu de fe fervir de cones, on fe fert de conoïdes formés par la parabole d’Apollonius, pour en faire la proue & la pouppe, lexpofant r deviendra égal à 2; & fi nous continuons à faire AF = c— 0, nous aurons x = — 4 + V (3 a° + 3 6°): ce qui nous apprend que pour le navire infiniment étroit, : longueur À E de la pouppe doit être un peu plus de 2 de la longueur totale AB; mais on doit tranfporter encore plus vers l'avant, l'endroit le plus gros CD, pour peu qu'on élargifle le navire. La moindre augmentation à cet égard obligera de rendre la pouppe environ les £ de la longueur totale, & de ne donner à la proue que autre quart : il faudroit même fupprimer tout le fecond conoïde, fi on vouloit rendre la plus grande largeur égale à la longueur 4 B multipliée par ÿ+, ou faire la largeur d'envivon 574 parties, pendant que la longueur en a 100, DME «Si Cu E N'C:-E:5 21 Application du problème aux folides formés par des demi-fphéroides elliptiques. Lorfque la carène eft compofée de deux conoïdes para- boliques, l'endroit le plus gros eft marqué fur la furface de la carène par une arête qui fépare fenfiblement la proue & la pouppe l'une de fautre; mais fi nous voulons faire dif- paroître cette efpèce d’angle, nous n'avons qu'à nous fervir de lignes courbes qui deviennent, en € & en D, parallèles à leur axe, & nous verrons qu'il faudra tranfporter alors la plus grande groffeur encore plus vers avant. Nous prendrons pour exemple un vaiffeau formé d’une pouppe & d’une proue ellipfoïdales, c'eft-à-dire que la proue & la pouppe font des hémifphères alongés; CAD eft une demi-elipfe, & CBD la moitié d’une autre ellipfe. On trouvera pour les valeurs de e, f, g & h, les quatre fraétions +, +, 5 & LE; &fi on les fubftitue dans notre équation générale du fecond degré, en fuppofant AFF — c — 0, on aura #* + 3ax = 27 a + b*, dont on tirera x = — + a V (ee “+ b) E Si le navire eft comme infiniment étroit, & que fa lon- gueur totale foit de 100 parties, on verra qu'il faut porter la plus grande groffeur encore plus vers l'avant que pour les cones ou les conoïdes paraboliques: il faudra faire la pouppe d'environ quatre-vingt-une parties, & la proue feulement de dix-neuf; mais cette détermination ne changera guère, quoi- qu'on donne une largeur confidérable au vaifleau: il n'y auroit que les largeurs exceflives qui y cauferoient de la dif- férence, & qui mettroient dans la néceflité de tranfporter le point £ jufqu'en 2, ou de le porter même en dehors, fi on vouloit que le folide AC B D cédât le plus aifément qu'il eft poffble à l’action de la force qui poufféroit le point À. Les conoïdes paraboliques reprélentent mieux la figure qu'il feroit à propos de donner aux navires ou aux frégates, au lieu que Faflemblage de deux demi-fphéroïdes elliptiques imite mieux nos vaifleaux dans l'état actuel des chofes. On Ci 22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE doit remarquer outre cela que lorfqu'on tranfporte l'endroit le plus gros, plus vers l'avant, pour fe conformer à notre folution, l'on donne non feulement plus de force relative au Bouvernail, mais qu'on augmente encore un peu fa force abfolue, parce qu'on donne plus de facilité à l'eau de le venir frapper, en gliffant contre les flancs de la carène, Il eft vrai que cette dernière confidération n'eft d'aucune conféquence fenfible dans les recherches préfentes : auffi n’en faifons-nous mention que pour montrer que tout invite à porter l'endroit de la plus grande largeur, plus vers la proue qu'on ne l'a en- core fait, {1 on a des raifons particulières de faire prévaloir dans un vaifleau la propriété de bien gouverner. Pa. 22. PLZ. mn / 22 J'e,1 ds de LAc.R. em. Hem. de Lt: R. des “Zhyrum Sur - nu DE:S SCAN E NC: 23 ROULE ROUE ENS SUR LA FORMATION DES COUCHES LIGNEUSES tu dans Les Arbres. Par M. pu HAMEL. {, Kiys le monde convient que les arbres augmentent, en grofieur par des couches ligneufes qui s’engendrent : fous l'écorce, & qui s'ajoutent au bois précédemment formé; mais on n’eft point d'accord fur Forigine de ces nouvelles. couches. Malpighi prétend que ce font les couches les plus inté- rieures de l'écorce, celles qu'on nomme le fiber, qui fe con- vertiflent en bois, & qui s'attachant au bois déjà formé, produifent l'augmentation de groffeur du corps ligneux. Grew, dans une grande partie de fon ouvrage, paroit être d'un fentiment peu différent de celui de Malpighi; mais dans fes Additions, il femble ne point admettre la converfion du liber en bois, il fait feulement émaner les couches ligneufes de l'écorce qu'il regarde comme l'organe deltiné à les pro- duire. . M. Hales, ce célèbre Naturalifle à qui on eft redevable 14 de tant d'excellentes expériences, croit que les couches Ii- Danone émanent du corps ligneux même, ou du bois RÉ gédemment formé. . Enfin plufieurs ont cru que les couches ligneufes tiroient Le origine d'un fuc gélatineux qui samañle entre le bois & l'écorce: ce fentiment n'eft pas nouveau, puifque Grew de combat; ce qui me difpenfera dans la fuite d'en parler, quoique j'aie plufieurs bonnes raifons pour prouver qu'il n’eft pas foûtenable. Les obfervations que j'avois cheri l'accroiflèment des 24 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE arbres, me paroifloient favoriler tantôt un fentiment, & tantôt un autre: néanmoins, trop prévenu peut-être en faveur de Malpighi, j'ai adopté, dans mes Mémoires fur les os, la converfion du liber en'bois. Je ne traitois alors de la formation des couches ligneules, qu'incidemment & pour faire mieux comprendre ma penfée au fujet des couches offeufes; mais à l’occafion de mes Mé- moires (fur la réunion des plaies des arbres, & l'union de la greffe) ayant été obligé de prêter une nouvelle attention à la formation des couches ligneufes, je m'aperçus que je m'étois trop preflé de prendre un parti, & que ce point de Phyfique méritoit d'être examiné avec plus d'attention. Les converfations que j'avois avec M. de Juffieu le cadet, achevèrent de me déterminer à faire plufieurs expériences qui me paroifloient propres à éclaircir la queftion qui par- tage les trois grands Naturaliftes que je viens de nommer. Ce travail avançoit, & j'étois prêt à faire part à l’Aca- démie de mes tentatives, quand un incident dont je vais rendre compte, augmenta mes doutes, & me détermina à garder le filence. M. de Juffieu reçut un Mémoire accompagné d'une lettre, Yun & l'autre fignés d'un nom qui nous eft inconnu. Le Mémoire combattoit le fentiment de Malpighi, & me blà- moit de lavoir adopté : la lettre invitoit M. de Juffieu à me faire part du Mémoire, en n'aflurant que l'intention de lAuteur n'étoit point de faire une critique amère de mes ouvrages, & qu'il ne s’engageoit dans une difcuffion détaillée, que pour parvenir à mieux connoître la vérité. Après avoir pris letture du Mémoire, j'écrivis à M. de Juffieu, pour le prier d'informer l'Auteur, par les voies in- diquées, que j'avois fait plufieurs expériences pour éclaircir la queftion dont il s’agifloit, & l'aflurer que s'il vouloit bien fe faire connoître, je lui en enverrois le détail, ne defirant rien tant que de fuivre, de concert avec lui, une recherche qui me paroifloit être une des plus intéreffantes de l'éco- nomie végétale. ‘ L'Auteur, 2 UE DFE 51 SNOMMENR CI ETS) L 2$ L'Auteur, fans fe faire connoître, répondit obligeamment à mes invitations, & après plufieurs inftances de ma part il me déclara par une lettre, que la délicatefle de fon tem- pérament & fes occupations ne lui permettoient pas de fuivre aflidument aucune recherche de Phyfique, & il m'exhortoit à faire part au public de mes expériences fur {a formation des couches ligneufes. Je cède à fon invitation, quoique mes doutes ne foient point diffipés, elpérant que la lecture de mes expériences engagera ce Phyficien à fuivre une recherche qu'il a déjà jugée digne de fon attention : Je n'interromprai cependant pas des expériences qui font commencées, & J'ef- père donner dans peu un Mémoire où je me propole de détailler toutes les obfervations que j'ai faites fur l'écorce & fur le bois, & d'expoler plus au long ce que Malpighi & Grew ont dit à ce fujet. Quand à la sève du mois d'Août, on écuffonne des pé- chers fur prunier, on pofe fous l'écorce du prunier un bouton & un morceau d'écorce du pêcher: ces deux écorces s’unif fent, & au bout d'un temps on trouve dans l'intérieur de l'arbre, que les deux bois, qui fe diftinguent à caufe de leur différente couleur, ne font plus qu'un corps continu : j'ima- ginaï qu'en examinant ces écuflons peu de temps après l'in fertion , on pourroit découvrir la première formation des couches Jiÿneufes. Dans le mois de Janvier, quatre ou cinq mois après l'application de plufieurs de ces écuffons, j'en coupai quelques-uns; & pour les dépouiller de leur écorce, qui, dans cette failon, eft fort adhérénte au bois, je les fis bouillir dans de l'eau; alors l'écorce fe détache très-aifément du bois, fi on l’enlève avant que les morceaux de bois foient refroidis: par ce moyen fort fimple j'aperçus fous l'écorce de l'écuflon, une lame très-mince de bois de pêcher, qui m'étoit unie au bois de prunier que par les bords, & qui n'avoit ordinairement contra£té aucune adhérence par fa fur- face intérieure, qu'on applique néanmoins immédiatement & Je plus exactement qu'il eft poffible fur le bois du prunier. On à grande attention de ne point laifler de bois À Mém, 1757. “D 1.re Expérience. Fig. 1. 2.° Expérience. Expérience. Fig. 2 26 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Y'écuflon, qui ne doit être qu'un bouton avec un morceau d'écorce ; il faut donc que la couche de bois de pêcher foit formée par l'écorce de cet arbre, & on eft porté à croire, comme Malpighi, qu’elle left par le liber de l’écuflon, qui s'eft converti en bois : néanmoins il pourroit bien fe faire, comme le penfe Grew, que cette lame de bois mince ne feroit pas une couche corticale endurcie, mais une production de l'é- corce du pécher, quoiqu'il foit difhcile d'imaginer qu'un auffi petit morceau d'écorce, qui n'a contraété aucune adhérence avec le prunier, foit capable de former une telle production; mais il eft certain que le feuillet ligneux n’a point été produit par le prunier, puilqu'il eft de bois de pècher, & qu'il n'a contracté d’adhérence avec le prunier, que par fes bords : ceci eft encore mieux prouvé par l'expérience fuivante, J'ai quelquefois laiflé à deffein du bois de pêcher fous: l'écorce de l'écuffon: quelques-uns de ces écuflons ayant repris, je trouvai le bois que j'avois laïflé mort ou mourant ; il W'avoit contracté aucune union avec le bois du prunier, mais il y avoit une nouvelle couche ligneufe de pêcher in- terpofée entre l'écorce du pêcher & le bois mort du même arbre. Si on fe repréfente la pofition de cette nouvelle couche ligneufe, on fera très-perfuadé qu'elle émane de l'écorce de Pécuflon. Pour être encore plus certain de ce que j'avois aperçû en examinant les écuflons, je me propofai d'en faire qui, ayant plus d'étendue, feroient plus favorables à mes obfer- vations. J'enlevai donc tout autour du tronc de plufieurs jeunes ormes, un anneau d'écorce de trois ou quatre pouces de lar- geur : comme je faifois cette opération à la sève du prin- temps, l'écorce fe détachoit aifément, & le bois reftoit par- faitement découvert. Je pris avec un compas d’épaiffeur, le diamètre du cylindre ligneux, & fur le champ je remis à fa place naturelle l'écorce que j'avois enlevée; elle fe grefla,. l'arbre groffit, & pendant trois ou quatre ans je fciois chaque: année quelques -uns de: ces arbres à l'eudroit où j'avois ap- pliqué la lanière d'écorce. Le cylindre ligneux formé avant - DES SCIENCES. 27 l'expérience, n'avoit point augmenté de groffeur, mais il étoit recouvert par une couche ligneufe d'autant plus épaifle, que l'arbre avoit fubfifté plus Iong-temps depuis le commen- cement de l'expérience. Ce bois nouveau n'avoit contracté aucune adhérence avec l'ancien, il en étoit féparé par une roulure qui s'étendoit tout autour de l'arbre: le nouveau bois n'étoit donc point formé, comme le penfe M. Hales, par l'ancien ; il l'étoit néceffairement par l'écorce, foit que ce fuffent des couches du liber qui fe fuflent endurcies, ou qu'il ait été produit par toute l'épaifleur de l'écorce. Pour être encore plus certain que l'écorce feule peut pro- duire les couches ligneufes, je répétai l'expérience précédente, mais d’une autre façon; car, au lieu d'enlever l'écorce tout autour de l'arbre, je la coupai par lanières, fuivant la lon- gueur du tronc, j'en détachai une de bas en haut, une autre de haut en bas, & ainfi alternativement tout autour de l'arbre. Quand le bois fut découvert, j'en grattai la fuperficie avec un grefloir, pour détruire l'organifation & empêcher qu'il fit aucune produétion, & fur le champ je remis l'écorce à fa place naturelle, où je l'affujétis avec une bandelette chargée d'un mélange de cire & de térébenthine : l'écorce fe grefla, & il fe forma d'épaifles couches ligneufes, dont la fuper- ficie n'étoit point unie, comme dans l'expérience précédente, à caufe des feétions longitudinales que j'avois faites à l'écorce; mais ces couches nouvelles n'étoient point adhérentes à l'an- cien bois, ainfi elles avoient été formées par l'écorce. Je fis encore plus, car ayant détaché du bois & foulevé un Jambeau d'écorce, j'enlevai un copeau du bois qu'elle re- couvroit, & en remettant l'écorce à fa place, j’eus attention de faire en forte qu'elle ne touchit point au bois, & même qu'elle ne répondit point exaétement à la partie de l'écorce d'où je l’avois féparée. Ce lambeau ne pouvoit donc fe greffer, & quoiqu'il ne tint à l'écorce que par un de fes côtés, il ne mourut pas entièrement, & ül produifit une appendice ligneufe qui étoit extérieurement recouverte par l'écorce ancienne, & intérieurement par une nouvelle. D ij e Expériences Fig. 3. $* Expérience. Fig. 4 6. Expérience, Fig. 5. 7° Expérience. Fig. 6. 28 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE I n’eft plus douteux que l'écorce toute feule puiffe produire -du bois: cependant, comme il m'étoit effentiel de ne laiffer aucun doute fur ce point, je crus devoir encore tenter quel- ques autres expériences qui me paroifloient plus décifives. J'enlevai des anneaux d'écorce, à peu près comme j'avois fait pour la feconde expérience; mais avant de remettre l'écorce, je couvris le cylindre ligneux d’une lame de cet étain battu qu'on emploie pour les glaces : je remis l'écorce à fa place naturelle, elle sy greffa, & malgré l’'interpofition de la lime d’étain il fe forma entre l’étain & l'écorce, des couches ligneufes aufli épaifles que dans la troifième expé- rience, fans qu'il y ait eu la moindre apparence de produc- tion nouvelle entre la lame d’étain & le bois. Dans le même temps, au lieu d'enlever entièrement des anneaux d'écorce, je me contentois quelquefois d'en détacher latéralement un lambeau; je paflois entre ce lambeau d’écorce & le bois, une grande lame d'étain que je repliois fur l'é- corce après l'avoir remife à fa place. Mon deffein étoit d’exa- miner fi ce morceau d'écorce qui étoit enveloppé en deffus & en deflous par une lame d’étain, formeroit des couches ligneufes : il en forma en effet, & malgré l'interpofition de la lame d’étain, le nouveau bois qui s'étoit formé fous le lambeau d’écorce, fe trouva enveloppé d’écorce de toutes parts. Je répétai ces expériences de bien des façons; quelquefois même je difléquai de ces fortes de greffes, trois ou quatre mois après qu'elles avoient été faites : alors la lame ligneufe n'étant pas endurcie dans toute fon étendue, une partie reftoit adhérente à l'écorce, & létain paroifloit en ces endroits ; dans d’autres, la lame d’étain étoit couverte d’une couche ligneufe fort mince. Je fuis obligé de fupprimer ici (dans la vüe d'abréger) plufieurs circonftances intéreffantes, mais elles trouveront leur place dans l'ouvrage plus étendu que j'ai annoncé. . Après les expériences que je viens de rapporter, il n'eft guère permis de douter que les couches ligneufes ne puiffent DITE: Sn 1SL CEE NoC Es. 29 être produites par l'écorce; il me vint néanmoins une idée qui mengagea encore à faire quelques expériences : je foup- çonnai que les couches ligneufes qui paroïfloient fous les morceaux d’écorce que j'avois détachés, pouvoient être un alongement de celles qui fe formoient aux autres parties des mêmes arbres, auxquelles je n'avois point touché. L'obfer- vation que j'ai faite bien des fois, qu'il fe forme un gros bourrelet ligneux au deflus des ligatures qu'on fait aux bran- ches des arbres, fembloit indiquer que les couches ligneufes font produites par une sève qui defcend des branches: ces réflexions m'engagèrent à faire les expériences que je vais rapporter. J'enlevai une lanière d’écorce à un jeune orme de bas en haut, à un autre de haut en bas, & enfin à un troifième J'enlevai l'écorce de travers: je plaçai fous ces lanières d’é- corce, de grandes lames d'étain qui débordoient de toutes parts; ainfi l'écorce que j'avois enlevée, ne pouvoit fe grefler, & elle ne devoit recevoir de nourriture que par la portion qui étoit reftée continue avec l'écorce. S'il ne s'étoit formé de couches ligneufes que fous le lambeau d’écorce que j'avois détaché de bas en haut, il auroit été probable que ce bois étoit formé par la sève defcendante; mais comme il s'en eft formé fous tous les lambeaux, il s'enfuit qu'aufli-tôt que Técorce reçoit de la sève de bas en haut ou de haut en bas, elle peut faire des productions ligneufes. Etant bien afluré que les couches corticales en peuvent produire de ligneufes, il me reftoit à favoir fi ces couches ligneufes font, comme le penfe Malpighi, des couches du . diber endurcies, ou fi, comme le croit Grew, elles font pro- duites par l'écorce, fans en avoir jamais fait partie. Dans cette vüe, j'enlevai quelques lanières d’écorce, & les ayant divifées en deux, fuivant leur épaifleur, je plaçai entre les couches corticales, & entre le bois & l'écorce, de petites lames d'étain qui n’avoient que deux lignes de lar- geur : la lame d’étain qui étoit entre le liber & le bois, fe trouva, après quelques années, engagée dans FPE: ce qui ii 8.e Expérience. 9 < Expérience. | lol Expérience. 30 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE n'offre rien de fingulier, après les expériences que je viens de rapporter; mais les couches corticales qui étoient au deffus de la feconde lame, moururent & fe defléchèrent. Les cou- ches corticales intérieures confervèrent leur verdeur, & firent non feulement des productions ligneufes, comme je l'ai dit, mais elles produifirent auffr des couches corticales qui étoient fous l'écorce morte & fous la lame d’étain: ainfi on peut conclurre de cette expérience, que l'écorce peut faire des productions ligneufes & des productions corticales. Mais la queftion que je me propolois de décider reftant irréfolue, j'efpérai un meilleur fuccès, en paffant des fils d'argent trait dans l'épaifleur de l'écorce de plufieurs or- meaux ; car je difois, fi, comme le penfe Malpighi, les couches corticales deviennent ligneules, le fil fe trouvera, au bout de quelques années, engagé dans le bois; au contraire, fi, comme le croit Grew, les couches corticales reftent conftamment corticales, les fils d'argent fe trouveront toù- jours dans l'écorce. J'exécutai ces expériences, & je fus furpris de trouver une partie des fils d'argent qui n’avoient aucune adhérence avec le bois, pendant que d'autres étoient recouverts d’une épaifle couche ligneufe. En réfléchiffant fur cette variété, je crus apercevoir qu'elle dépendoit de ce que les fils avoient été placés plus avant les uns que les autres dans l'écorce; car il eft évident que fi quelques-uns de mes fils avoient été introduits entre le liber & le bois, ils devoient fe trouver engagés dans les couches ligneufes, puifque, fuivant mes obfervations, c'eft en cet endroit qu’elles fe forment : au contraire, les fils qui avoient été placés plus près de la fuperficie, devoient toûjours refter dans les couches corticales, puifque, fuivant tous les Auteurs, les couches extérieures de l'écorce ne doivent jamais fe con- vertir en bois. Pour m'aflurer de la jufteffe de ce raifonnement , je répétai les mêmes expériences avec des précautions que je n'avois pas prifes en premier lieu ; car au lieu de pafier mes fils au hafard dans les écorces, je commençai par enlever une DES SCIENCES. 37 Jinière d'écorce; & voyant clairement toute fon épaiffeur, je plaçai mon fil trait précifément à l'endroit que je voulois, tantôt dans les couches les plus intérieures du liber, tantôt au milieu de l’épaiffeur de l'écorce, & quelquefois immédia- tement fous l’épiderme; enfuite je rabattois la lanière d'é- corce, pour la laifler fe grefler & profiter comme le refte de arbre. Deux ou trois ans après, j'examinai tous ces arbres, & je trouvai les fils que j'avois pañlés dans les cou- ches corticales les plus extérieures, feulement recouverts d'une pellicule morte qui fe rompoit très-aifément. Les fils que j'avois introduits vers le milieu de lépaiffeur de l'écorce, étoient encore dans les couches corticales, & point du tout dans le bois. Enfin, les fils que j'avois placés dans les dernières couches du liber, étoient recouverts d'une épaiffe couche de bois. Ces expériences prouvent que les couches extérieures de Fécorce reftent toûjours corticales, fans jamais {e convertir en bois; elles prouveroient encore inconteftablement que les couches intérieures du liber fe convertiffent en bois, fi j’étois. bien certain de n'avoir fait aucune rupture au liber en y introduifant le fl trait; mais comment n'avoir pas des foup- çons, quand on fe propofe d'introduire des fils dans des: couches qui font très-minces & très-aifées à rompre? N'im- porte, la probabilité eft pour le fentiment de Malpighi ceft-à-dire, pour la converfion des couches intérieures du. liber en bois; & cette probabilité eft augmentée par une: obfervation que j'ai faite, en difléquant avec attention, vers. la mi-Septembre, les branches dont je viens de parler, car: j'apercevois quelquefois une couche qui fe diftinguoit des: autres par fa couleur & fa confiftance : cette couche reftoit en partie attachée au bois, & en partie à l'écorce que j'enle- vois : on voyoit clairement que la direction de fes fibres étoit la mème que celle de l'écorce; &, autant que j'en pus juger, elle étoit plus tendre que le bois qu'elle recouvroit, & plus dure que les couches du liber. Ces obfervations font très-favorables au: fentiment. de: 11.° Expérience. Fig. 7° 12.° Expérience. nee Expérience. 32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Malpighi , mais elles ne font point oppofées à celui de Grew ; car puifqu'il eft inconteflable que les couches li- gneufes font produites par l'écorce, elles ne peuvent pas tout d'un coup acquerir toute leur dureté, ni devenir, dès leur pre- mière formation , fort adhérentes au corps ligneux: fans doute que dans les difleétions que je viens de rapporter, je les ai faifies dans un état moyen entre leur molleffe primitive & l'endurciffement auquel elles devoient parvenir, & dans le temps qu'elles n'avoient pas plus d’adhérence avec le bois qu'avec l'écorce; la queftion fe réduit donc à favoir fi alors on les doit regarder conne faifant partie du bois, ou comme une dépendance de l'écorce, & c'eft en quelque façon une difpute de mots qui peut refter indécife. Mais nous n'avons point encore vü que le bois ait fait aucune production, ni corticale, ni ligneufe, comme le penfe M. Hales ; il convient de faire voir que le bois peut produire de l'écorce aufft aïfé- ment que l'écorce produit du bois. J'ai enlevé de grands morceaux d'écorce à des ormeaux & à de jeunes tilleuls vigoureux, j'ai enveloppé l'endroit dépouillé d’écorce avec un linge enduit de cire & de téré- benthine; les plaies fe font trouvées en très-peu de temps cou- vertes d'une nouvelle écorce : il eft vraï qu'une partie de cette écorce étoit fortie de deffous l’ancienne aux bords de la plaie mais fi on fait attention à la grandeur de la plaie, & à Ja promptitude avec laquelle elle a été recouverte d'écorce, on fera porté à croire que le corps ligneux a contribué à fa formation. De plus, on peut fe rappeler que dans le dernier Mé- moire que j'ai donné fur la greffe, j'ai dit que J'avois enlevé des anneaux d'écorce à plufieurs jeunes arbres ; que j'avois renfermé fa plaie dans un tuyau de criftal qui étoit foudé haut & bas à la tige avec du maftic & de la veflie; enfin, ue j'avois mis du côté du Soleil un paillaflon qui l'empé- choit de deflécher la plaie; & que j'avois vü fortir, non feulement du haut de la plaie, mais encore d’entre les fibres ligneufes, une fubftance molle qui étoit devenue une vraie écorce, DES SCIENCES. 33 écorcé , fous laquelle il s'étoit formé des couches ligneufes. Enfin, une expérience que j'ai rapportée dans le Mé- moire déjà cité, ne laifle aucun doute fur la propriété que le bois a de produire de l'écorce. J'ai dit que j'avois écorcé dans le temps de la sève, des cerifiers depuis les branches jufqu'aux racines; que les ayant défendus des injures de l'air par des enveloppes de paille, il s’étoit régénéré une nou- velle écorce, & que l'arbre avoit continué de groflir comme les autres. Le bois dépouillé de fon écorce, peut donc en produire une nouvelle fous laquelle il fe forme des couches ligneufes; ce qui eft aflez conforme au fentiment de M. Hales. RÉCAPITULATION AVEC DES REMARQUES fur les Expériences que j'ai rapportées. J'ai prouvé, 1.° que l'écorce qui eft entamée dans fon épaifleur, peut, après s'être exfoliée, ou fans exfoliation, reproduire une nouvelle écorce. 2.° Que l'écorce peut, indé- pendamment du bois, faire des productions ligneufes. 3.° Que quand on tient un lambeau d’écorce féparé du bois par un de fes côtés, il fe forme une appendice ou lèvre ligneufe qui fe recouvre en deffous d’une écorce nouvelle. 4.” Que les couches corticales qui ne font point partie du liber , reftent toüjours corticales, fans jamais fe convertir en bois. $.” Que les couches les plus intérieures du liber fe convertiflent en bois, fuppofé toutefois qu'il ne fe foit gliffé aucune erreur dans ma onzième Expérience. 6.° Que le bois peut produire une écorce nouvelle, fous laquelle il paroït tout de fuite des couches ligneufes. Par mes premières expériences, on fe croiroit autorifé à regarder l'écorce comme l'organe deftiné & à la formation du bois & à celle de l'écorce : par les dernières, on voit que le bois n'eft point dénué de cette propriété, puifqu'if e couvre d’une écorce nouvelle. Ces faits font maintenant inconteftables ; néanmoins pourquoi ne seft-il formé ni Mém. 175 1. te r4.° Expérience. 34 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE écorce ni couche ligneufe fous les lames d’étain, ni même fous les écorces que j'avois remifes à leur place naturelle? c’eft un fait dont la raifon nr'eft inconnue. On a vü que l'écorce eft capable de produire des couches corticales & des couches ligneules : fi ces deux productions font dans leur origine eflentiellement les mêmes, fi la diffé- rence des couches corticales avec les ligneufes ne confifte qu’en ce que les fibres longitudinales du liber, qui font deftinées à former les couches ligneules, reftent dans leur pofition en s'endurciflant en bois, au lieu que dans les couches du liber, qui font deftinées à devenir corticales , il faut que les fibres longitudinales s’'écartent à proportion que le bois qui aug- mente de groffeur force les couches qui le recouvrent à s'étendre en largeur par une féparation des fibres longitudi- nales, qui forment un réfeau dont les mailles font remplies par le tiflu cellulaire; en un mot, fi l'identité des couches ligneufes & des couches corticales étoit prouvée, comme je le penfois quand j'ai fait mon Mémoire fur les os, la difficulté que je vais expofer s’évanouiroit ; mais cette identité n’eft point prouvée, au contraire on eft porté à regarder dès leur origine les couches corticales comme très-différentes des 1i- gneufes , fur-tout {1 on examine avec attention la pouffe tendre & herbacée d'un arbre; car on voit que le filet tendre, & auffi tendre que l'écorce qui le recouvre, que ce filet, dis-je, qui doit devenir ligneux, eft d'une texture fort différente de l'écorce dont il eft enveloppé; d’ailleurs il contient beau- coup de trachées qu'on ne peut découvrir dans l'écorce. Néanmoins fi lhétérogénéité des couches deftinées à devenir ligneufes ou corticales étoit démontrée, comment concevoir que le même organe, qui eft l'écorce, puifle former dans le même lieu, entre l'écorce & le bois, des produétions fi différentes? c'eft une difficulté qui mérite d’être éclaircie. Enfin, il n'eft point étonnant de voir l'écorce fe réparer lorfqu'elle a été entamée, mais il eft fingulier que le bois, qui ne fe répare point lorfqu'il eft couvert par l'écorce, puifle produire une nouvelle écorce quand il a été dépouillé em. de LA: R. des Se.178, Pag. 34, PL 2, si Hem de Ce R- des se.1751. Pay. 34. Pl2 Ze higrum Souÿr Men, de L'Ac.R. des Se. 1781. Pag. 34.21, 3, em de L'Ae Re des Se 175 Pay PI | | | L 2 PRET SERRE = z » agrandir Aer, de LAc.R. des Se.1781. Pag. 34. PLl4, ee mp — Aem de LA:R. dar Se 193 Par 3. PL4 burn Jeu DES SCIENCES EL de l’ancienne; & fi-tôt que cette écorce nouvelle eft formée, on voit paroître deflous des produétions ligneules. J'avoue que mes recherches & mes expériences ne m'ont point conduit à la folution complète du problème qui failoit l'objet de mon travail, puifque je ne puis point encore décider fi le fentiment de Malpighi doit être préféré à celui de Grew, & que je ne faurois expliquer plufieurs faits finguliers qui font conftatés par mes expériences : j'efpère néanmoins qu'on ne me blämera pas d'avoir rapporté à l'Aca- démie les tentatives que j'ai faites, puifque c’eft travailler au progrès des Sciences que d’expoler les difficultés qu'il feroit avantageux de furmonter, & d'inviter les Phyficiens à y donner toute leur attention : je me reproche feu'ement de n'avoir fait qu'efHeurer une matière qui mérite d'être traitée à fond, les bornes que je m'étois prefcrites pour ce Mé- moire en font la caufe; mais je compte dans peu être en état de mettre fous les yeux de la Compagnie un Ouvrage plus étendu, &, à ce que j'elpère, plus fatisfaifant, dans lequel je rapporterai quelques expériences du Correfpondant dont Je nom m'eft toijours inconnu ; elles s'accordent à merveille avec celles que j'ai rapportées. Mais comme elles ne me font parve- . nues qu'après la leGlure de mon Mémoire, j'ai été obligé de réferver à en faire ufage dans une autre occafion. 30 Avril K7S 36 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ME. M OR E SUR LA LONGITUDE DE LOUISBOURG, DANS AL'ISIL'E PRIONMAILIE Par M. DE L'ISLE. le Comte de la Galiflonniere, chargé du dépôt des . Cartes marines, n'ayant communiqué les Obferva- tions de M. de Chabert faites dans lIfle Royale, près de l'A- cadie, & aux environs, je les ai comparées avec celles que. j'ai faites à Paris, & que j'ai reçües de mes Correfpondans. M. de Chabert a obfervé les fatellites de Jupiter dans deux endroits différens, favoir, à Louifbourg fitué dans fIfle Royale, & au détroit ou pañlage de Fronfac, qui fépare lIfle Royale de Acadie. Dans le paffage de Fronfac, il a obfervé les immerfions des deux premiers fatellites de Jupiter, qui font arrivées la puit du 1 au 2 Octobre 1750, deux heures un quart lune après fautre; & il a obfervé à Louifbourg l'émerfion du premier fatellite, qui eft arrivée le 20 Décembre au foir : Von fait d'ailleurs par les Cartes marines, la fituation de Louifbourg à l'égard du détroit de Fronfac; ce qui peut fervir à reconnoitre jufqu'à quelle précifion s'accordent les obfervations des fatellites, faites dans ces deux lieux diffé- rens. Les cartes particulières qui font au dépôt de la Ma- rine, dont s’eft fervi M. Bellin dans la compofition de fes cartes détaillées de l'Amérique feptentrionale, font Louif- bourg oriental au détroit de Fronfac, d'environ 1+ degré; ce qui répond à 6 minutes de temps. Des trois obfervations faites en Amérique, il n’y a eu que limmerfion du deuxième fatellite qui ait été vüe à Paris : cette obfervation a auffi été faite à Thury, qui n'eft . DLEL S ASNICUR EN CIE. S 37 occidental à Paris que de 6 fecondes de temps. M. Maraldi a obfervé à Thury cette immerfion à 16h 12° $1", avec une lunette de quatorze pieds, ou réduit à Paris, à 1 6h 12° 7": cette même immerfion a été obfervée à Paris dans l'hôtel de Clugny, à 16b 13° 30", mais ceft avec une bonne lunette catadioptrique, de cinq pieds, avec laquelle on a pü apercevoir le fatellite plufieurs fecondes après qu'if à difparu à Thury avec la lunette de quatorze pieds. M. de- Chabert a obfervé cette immerfion au détroit de Fronfac, à 11h58" 23", avec une lunette de quinze pieds; & M. de Diziers, qui obfervoit à côté de lui, a encore vü le fatellite pendant $ fecondes, avec une lunette de dix-huit pieds. En comparant lobfervation de Thury, réduite à Paris, avec celle de M. de Chabert, comme étant faites avec des lu-- nettes de même longueur, la différence des méridiens en réluite de 4h 14° 34", au lieu que cette différence fe trou- veroit de 15 ou 20 fecondes plus grande, en employant loblervation de Paris, même après avoir eu égard à la dif- férente efpèce de lunette. L'émerfion du premier fatellite du 20 Décembre 1750: au foir, que M. Chabert a obfervée à Louifbourg avec une: lunette de 15 pieds à 7h 48" 41", na pü être vüe à Paris. à caufe des nuées; mais elle la été à Madrid par ie R. P. Vendlingen, Jéfuite, Cofmographe des Indes, qui m'en à envoyé l’obfervation qu'il croit exacte: il y a employé un. télefcope à réflexion de 3 pieds, avec lequel il a commencé: à apercevoir le fatellite fortant de ombre, à 116 32° 46". Si Yon fuppofe que ce télefcope faffe le même effet que la. lunette de quinze pieds dont s'eft fervi M. de Chabert, on: en conclud la diftance de Louifbourg à Madrid, de 3P 44% 7"; & comme je fuis affuré que {a différence des méridiens: de Paris & de Madrid approche fort de 24° 20", il en réfulte la longitude de Louifbourg à l'égard de Paris, de: AA e27 Si lon compare cette longitude avec celle du détroit dé: Fronfac à l'égard de Paris, rapportée ci-devant, de 4h 14° if, 38 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE 34", on voit que le détroit de Fronfac eft de 6° 7" de temps à l'occident de Louifbourg; ce qui approche fort de ce que donnent les cartes du dépôt de li Marine, & de ce que M. de Chabert rapporte à la fin de fon Mémoire, où il dit avoir trouvé la différence de Louifbourg au détroit de Fronfac, de 14 27, conformément à la diftance réelle qu'il y a entre ces deux lieux. Cet accord des obfervations de M. de Chabert avec la dif tance des deux lieux où elles ont été faites, prouve l'exac- titude des moyens dont on s'eft fervi pour déterminer la longitude d’un point fr eflentiel à là Géographie. On n'avoit point encore d'oblervations exaétes de lon- gitude dans la partie de l'Amérique feptentrionale la plus voifine de la France, où fe fait le principal abord de nos vaiffeaux. Le lieu le plus proche où lon avoit fait des ob- fervations, étoit Québec dont on a déterminé la longitude par l'écliple totale de Lune du ro Décembre 168$, dont M. Deshayes obferva la feule phafe de la fin de limmerfion totale ou du recouvrement de lumière: cette phafe fut auffr obfervée exactement à Paris par M.'s Caffini & de la Hire, comme il eft rapporté dans le Journal des Savans de l’année fuivante, & ailleurs: c'eft cette unique obfervation qui a fervi jufqu'ici à fixer la longitude du Canada par fa capitale. Il y a encore eu d'autres obfervations d'éclipfes faites à Québec avant & après celle de M. Deshayes, dont il refte à faire ufage, de même que de toutes celles qui ont été faites dans les Colonies angloifes de la nouvelle Angleterre, comme à Bofton, à la nouvelle Cambridge, à la nouvelle York, &c. Les longitudes de tous ces lieux étant exactement déter- minces par les obfervations les plus propres, pourront fervir à mieux conflater la fituation de toute cette partie occidentale de l'Amérique feptentrionale, & à mieux régler l'intérieur du pays; mais les obfervations aftronomiques ne fuffifent pas pour cela, il les faut concilier avec les autres connoïflances géographiques que l’on peut avoir, comme font les itinéraires, DEN SO ISNOQMENNTCLE S les routes de Navigation & les defcriptions particulières du pays, &c. c'eft ce que feu mon frère le Géographe a toûjours pratiqué, & dont il a fait voir la néceflité dans plufieurs occafions. C'eft ce que je me propofe auffi d'exécuter particulièrement pour l'Amérique feptentrionale, en joignant aux connoiflances tirées des Mémoires manufcrits de feu mon frère, toutes les obfervations aftronomiques que j'ai pü recueillir jufqu'à pré- fent; mais la difhculté de faire ufage de quelques-unes de ces obfervations, qui font des éclipfes de Soleil dont on n’a pû faire les correfpondantes en Europe, cette difficulté, dis-je, ma empêché d'achever tout le travail que j'ai déjà commencé fur cela. J'ai dit ci-devant que j'étois afluré de la longitude de Madrid à l'égard de Paris; ca été principalement par un grand nombre d'éclipfes des fatellites de Jupiter, obfervées par M. le Duc de Solferino, que j'ai comparées avec celles que j'avois faites de concert à Péterfbourg. La longitude qui en a réfulté, s’eft trouvée d'accord avec celle que l'on à déduite plus immédiatement des obfervations de Paris, aux- quelles fe font encore accordées les nouvelles obfervations faites par D. George Juan, en Juillet, Août & Septembre 1748. x9 Février 1752. 40 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE OBSERVATION DYE CL\A DERNIERE OPPOSITION DE MARS APEICU L'ENSIONNENNE, Par M VIDE PAURE fe temps le plus favorable pour déterminer les élémens À_ide la théorie des Planètes fupérieures, eft celui de leurs oppofitions avec le Soleil; & parmi ces obfervations, celles qui arrivent lorfque ces Planètes font en même temps dans leur périhélie, font encore les plus propres pour déterminer la grandeur de leur diamètre, pour reconnoître la figure de leur globe, & pour diflinguer les taches que l'on remarque fur leur furface. Depuis l'année 1666 que mon grand-père a découvert des taches dans Mars, prefqu'auffi grandes à proportion que celles de la Lune, les Aftronomes ont toùjours été très- attentifs à les obferver lorfque Mars fe trouvoit dans une fituation aflez avantageufe pour qu'on püt les remarquer. Ces taches, que mon grand-père revit à Paris en 1 670, & qu'il jugea être les mêmes que celles qu'il avoit vües à Bologne, quatre années auparavant, parurent fous différentes figures dans les oppofitions fuivantes, & feu M. Maraldi ui les obferva plufieurs jours de fuite en 1706, remarqua que non feulement elles changeoient de figure d’une oppo- fition à l'autre, mais même dans l'efpace d'un mois: on en a vû depuis ce temps-là jufqu'à prélent, un grand nombre fous différentes figures, dont je n'entreprendrai point ici de donner le détail. Les circonftances de Ia dernière oppofition de Mars, les plus favorables pour diftinguer les taches de cette Planète, nous engagèrent à faire rétablir la grande lunette de la terraffe de de Di es. S CME Nic Er -5. AT de lObfervatoire , pour faire ufage de l'excellent verre de Campani, de 34 lignes de foyer, celui dont feu M. Ma- raldi s’eft fervi dans les obfervations de 1706, pour vérifier la révolution de Mars autour de fon axe, déjà déterminée par mon grand-père. Les inconvéniens qu'on avoit remarqués dans la conftruc- tion de l'ancienne lunette, & principalement la difhculté d'en faire ufage, lorfque l'aftre que l'on veut obferver eft fort élevé fur l'horizon, nous déterminèrent à fupprimer le fupport de bois, & à n'employer qu'une fimple lunette AC, formée par trois tuyaux AB, BD & DC à peu près de même longueur, le tuyau du milieu BD eft de bois, & les deux RTE autres de fer blanc; au tuyau BD eft attaché un chaffis de bois OM, lequel porte quatre poulies percées par un écrou qui fert à alonger ou à raccourcir les fils d'archal 0 A, OC, pour entretenir a lunette dans le même état & empêcher qu'elle ne fe courbe. On ne croiroit point, fr l'expérience ne l'avoit confirmé, que cette lunette fufpendue à l'ordinaire, & foûtenue par un poids proportionnel à celui de la lunette, eft beaucoup plus facile à manier que nos lunettes ordinaires, & elle a l'avantage que l'on peut obferver à une très-grande hauteur, fans que l'Obfervateur foit obligé d'être dans une fituation incommode. Nous devons partie de l'avantage de cette conftruction à M. de Fouchy, qui l'avoit déjà employée pour une lunette moins longue à la vérité, & il nous a aidé de fes confeils dans celle dont nous venons de donner Îa defcription. Le 1.7 Septembre, Ja lunette étoit en état, & le 3 du même mois, fur les dix heures du foir, nous obfervames Mars, qui nous parut avoir dans fa partie fupérieure une tache ou facule ronde, très-claire, qui paroifloit déborder un peu fon difque Le 4 Septembre, vers les dix heures du foir, on voyoit Mars, de même que le jour précédent, avec une tache ou facule très-claire, ronde, & un peu aplatie vers les poles; Mém, 1751: 42 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoYALr elle nous paroifloit déborder fon difque, elle étoit à la même place que le 3, dans la direétion du cercle horaire qui pafle par le centre de Jupiter : toute la partie du difque qui étoit près du bord, paroïfloit beaucoup plus claire que le centre, mais cependant moins lumineufe que la facule ronde; on diftinguoit de côté & d'autre du centre, deux taches oblon- gues, mais mal terminées. Le 5 Septembre, Mars nous parut de même que le jour précédent. Le 7 Septembre, j'obfervai Mars à une heure après mi- nuit; jy remarquai, comme à l'ordinaire, la facule blanche, mais elle ne me parut pas à la même place, elle étoit un peu avancée vers l'orient: j'obfervai dans la même nuit avec la même lunette, une immerfion du premier fatellite , que M. Gentil perdit de vûe à 2h 16° 20”, tandis qu'avec la lunette de 34 pieds je l'aperçus jufqu'à 2h 16" 55", c'eft- à-dire 35 fecondes plus tard. Une autre obfervation très-importante que nous avions projetée, étoit celle de la grandeur du diamètre de Mars, lorfqu’il eft le plus près de la Terre. Ayant mefuré pour cet effet avec M. de l'Ifle, la longueur du tuyau de la lunette, je plaçai au foyer de l'oculaire un carton qui portoit deux fils que j'avois difpofés de façon qu'ils compriflent exaéte- ment le diamètre de Mars; & ayant mefuré la diftance de ces fils, je trouvai que le diamètre de Mars qui en réfultoit, étoit de près de 40 fecondes. Il eft vrai que cette obfervation pourroit être fufpeéte en ce que j'ai remarqué plufieurs fois après f'obfervation, qu'un des fils n'étoit pas aflez tendu : cette détermination convenoïit cependant avec celle que j'a- vois déduite des obfervations faites avec le quart de cercle de fix pieds, qui m'avoient donné le diamètre de Mars de 40 fecondes, beaucoup plus grand que celui que l'on avoit déterminé autrefois de 30 fecondes dans les mêmes circonf£ tances, c'eft-à-dire lorfque Mars eft le plus près de la Terre. Le temps de loppofition de cette Planète approchoit, de forte que nous ne nous occupames plus que des obfervations DE S! SCA FUN: CE S 4 qui nous avoient été indiquées par M. de la Caille. Je ne parlerai point ici de celles qui ont rapport à la parallaxe de cette Planète, mais feulement de celles qui peuvent fervir à déterminer le temps de fon oppofition. Mars paroifloit alors avec deux étoiles des Poiffons qui en étoient fort proches, dont June, la précédente des auf- trales, a été obfervée prefque! toutes les fois que le temps a été favorable pour Fapercevoir. Comparaifon de Mars avec la même étoile des Poiffons, la précédente des aufirales, dont nous avons détermine l'afcenfion droite de 3574 18' 14", dr la déclinaifon de 7° 23° 10°. Différence d’afcenfion droite entre Mars & l'Etoile. Hauteur appar. du bord Jp. de Mars au mural, Paffage de Mars an Méridien. En temps. qui hauffe de 5! 0". Sept. 4à..12h ÿ4 55"... 0 ÉrRNENE EUTE TIC R Sc. 12Mpoumos. del dés 33 30 55 6...12 4$ 33+-+. 2 465... 33 26 25 7ucs 12140 Gr. 3 A7irer. 33 21 55 Nr: Rutim oz nés. 8 | 6 Jam. 3 5 ra bise huge 19h34 732158 40 13:+++12,12 $3-+-+.e10 2lkesss 32 S4 35 14 T2 Nigel pe 27,4 eile,327 59 . 35 16.:.11 $8 A4Shese 13 42:-.++ 32 42 40 II fera facile de déduire de ces obfervations, lafcenfion droite & la déclinaifon de Mars, & par conféquent la fon- gitude & la latitude de cette Planète. Lena: da différence d'afcenfion droite entre Mars & étoile ayant été déterminée de 10° 21"+, & fon bord fupé- rieur de 324 54 3 5", on trouve F'afcenfion droite de Mars, de 3544 42" 33", & fa déclinaifon, de 84 22° 5”. Le 14, la différence d'afcenfion droite entre Mars & ’étoile fut trouvée de od 11° 27"+, & la hauteur appa- rente du bord fupérieur de la Planète, de 324 $0' 35°: F ïÿ 4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE d’où l'on déduit fon afcenfion droite de 3544 25° 54”, & fa déclinaifon de 84 26° 16". Ayant calculé felon ces deux obfervations, dont une précédoit, & l'autre fuivoit le temps de l'oppofition, la lon- gitude de Mars, on la trouve le 14, à 12 8° 9", de 2 14 33° 5”, avec une latitude de $4 31° 2": le lieu du Soleil étoit alors de 21443" 5", plus avancé de 10’ o", qui, dans la proportion de la fomme du mouvement horaire du Soleil & de celui de Mars que nous avons fuppofés de 3' 8”, donnent le temps de l’oppofition en longitude, le 14 à 8h 7140", dans 111 274 35/19" La longitude de Mars calculée felon les Tables de mon père, étoit alors de 114 21° 33° 28°”, & felon les Tables de M. Häalley, de 119 21° 34" 25°. Dé E, SUNS CIE IN.C ES: 45 M EMOIÏITRE SUR LA HPEORIE DE CL'ARTILÉEFERIE, ou SUR LES EFFETS DE LA POUDRE, Et fur les conféquences qui en réfultent par rapport _ aux armes à feu. Par M. le Chevalier D'AR c y. AE le peu de fuccès de la plufpart des épreuves & des tentatives que l’on a faites pour ajoûter à la per- fection où lArtillerie fe trouve aujourd'hui, on me taxera peut-être de témérité de travailler fur cette matière; mais j'efpère que lorfque j'aurai rendu compte de l'objet & des vüûes que je me fuis propofés, cette prévention ceflera, & que Jon ne me condamnera pas d'avoir tenté de répandre quelque lumière fur la théorie d'un art auffr important. L’Artillerie peut fe divifer en deux parties ; l'une a pour objet la théorie de l'art, ou les recherches qui peuvent éta- blir les principes phyfiques d'où réfulteroient théoriquement les meilleures bouches à feu; l'autre, plus vafte & plus im- portante, embrafle non feulement ce qui concerne la manière d'employer ces armes à la guerre, d'établir des batteries, &c. mais encore toutes les connoiffances que l'expérience donne, fur les dimenfions des pièces par rapport à leur fervice, la facilité de leur tranfport, &c. Il fuit de là, que la plus grande perfection de Vart réfulte de la jufte combinaïfon de ces deux parties : ainfr c’'eft à la première à déterminer quelles feroient les bouches à feu, leur charge, &c. qui réuni- roient, felon la théorie, les plus grands avantages; & à la feconde à y faire les changemens & les corrections néceffaires,, F iij. 46 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RorALE diétées par l'expérience, pour les rendre les meilleures qui foit poflible dans la pratique ; mais ces deux parties exigent des connoiffances fi variées & fi étendues, qu'il eft fort difh- cile, pour ne pas dire impoñfhble, qu'un feul homme puife les réunir. Nous voyons en effet que la plufpart des grands hommes que nous avons eus dans f’Artillerie, ont rarement poflédé ces deux parties au même degré; & que préférant la feconde, comme la plus importante, ils s'y font plus appli- qués qu'à la première: de là, celle-ci n'a pas fait tout les progrès qu'on auroit pù defrrer; ce qui, comme on vient de voir, a dû retarder ceux de art en général. Pour s'aflurer de ce que j'avance, qu'on ouvre les meil- leurs Traités fur l’Artillerie, on verra combien jufqu'ici il y a eu peu de principes folidement établis. Ce n'eft pas, comme je l'ai déjà dit, qu'on n'ait fait beaucoup de tentatives pour la perfectionner ; maïs, qu'il me foit permis de le dire, on en a retiré peu de fruit: ce qu'il faut attribuer à plufieurs caufes, & particulièrement à la méthode que l’on employoit pour en juger, je veux dire à celle d'eftimer la grandeur des effets par celle des portées des boulets; méthode fujète à caufer beaucoup d'erreurs. En eflet , fi celle qu'on em- ploie’ pour juger de différentes épreuves, peut feule pro- duire des différences plus grandes que celles qui en doivent réfulter, il arrivera que tantôt ces différences feront pour une épreuve, tantôt pour l'autre: que fi elles font confidérables, comme elles le font dans celle des portées, ainfi que nous le prouverons plus bas, elles produiront de fi grandes variétés, qu'on n'en pourra tirer aucune conclufron certaine, & qu'on attribuera à chaque inflant à la poudre des écarts qui ne naiffent que de la méthode de juger de fes effets. C’eft auffi ce qui eft arrivé, plufieurs Officiers d'artillerie des plus expérimentés ayant avancé qu'ils font fi variables , qu'il eft impoflible d'en rien conclurre de certain. Je ne fais fi je me flatte, j'efpère cependant faire voir bien-tôt que lorfqu'on prend les précautions requifes, & que l'on emploie des méthodes plus précifes que celle des portées, on peut DES SCIENCES. 47 parvenir à des réfultats aflez exaéts pour en déduire des principes fürs. La matière, il eft vrai, comporte de grandes diffcultés, mais elles ne font peut-être pas infurmontables; au moins eft-il important de fixer fur quel degré d'incertitude il faut compter. Enfin quoiqu'en Phyfique, comme en Métaphyfique, il y ait fans doute mille chofes que nous ignorerons toüjours , dans celle-ci par la foiblefle & les bornes de notre efprit, dans l'autre par la même caufe jointe à fimperfection de nos organes & au défaut de moyens, faut-il pour cela re- noncer aux obfervations & aux recherches qui peuvent nous aider à reconnoître & à fixer l'étendue de nos connoïffances ? J'en ai dit affez pour que l’on conçoive maintenant le but de mon travail, & faire -voir qu’il confifte à rechercher, à laide des expériences, les principes qui doivent fervir de bafe à 1 théorie de l'Artillerie; mais cette entreprife comportant, comme je l'ai déjà dit, tant de difficultés, & le fardeau étant trop pefant pour un feul, j'ai prié M. le Roy, mon confrère & mon ami, de vouloir bien le partager avec moi. La matière n'étoit pas nouvelle pour lui, cet Académicien ayant traduit les nouveaux Principes d’Artillerie de M. Robins, qu'il doit publier incefflamment. Avant que d'entrer dans le détail de nos expériences, il ne fera pas hors de propos de dire deux mots de celles que nous avons faites pour reconnoître quelles loix Ja poudre ob- ferve dans fon inflammation; favoir, 1.° dans quel rapport font les temps de l'inflammation de différentes mafles de poudre; 2.° fi elle fe fait plus promptement dans celle qui eft renfermée; enfin fr, dans ce dernier cas, elle eft fi prompte qu'on puiffe la regarder comme inftantanée. La première queftion a déjà été examinée. On trouve dans la plufpart des Auteurs modernes fur FArtillerie, que les temps des inflammations des différens globes de poudre font comme les racines cubes de ces globes : il paroït qu’ils ne font partis que de la théorie pour établir ce principe, qui feroit 48 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE vrai fans doute, fi linflammation {e failoit uniformément; mais comme fa chaleur des différentes maffes de poudre enflammées eft d'autant plus grande que ces mafles font confidérables , il s'enfuit que les temps des inflammations des globes ne doivent pas être en proportion de leurs rayons, mais dans une moindre raifon. Pour nous en aflurer, nous fimes les expériences fuivantes. Nous mimes fucceflivement le feu à deux traînées, l'une de 576 pieds de long, & l'autre de 384, la première ayant huit lignes de large fur quatre lignes de haut, & la feconde quatre lignes de large feulement, avec la même hauteur; &c nous trouvames que le feu avoit été 75 fecondes & demie de temps à parcourir la première, & 70 fecondes & demie la deuxième: or fi celle-ci avoit été de 576 pieds, comme la première, ce temps auroit été de 105 2; ce qui donne le rapport des temps des inflammations de ces deux traïnées comme 7$+ à 105+, ou comme $ à 7. Pour mieux conftater ce rapport, nous répétames l'ex- périence le lendemain, fur deux trainées de 1364, ayant les mêmes dimenfions que les précédentes, & nous trou- vames que le feu avoit été 18 fecondes de temps à par- courir celle de huit lignes de large, & 25 fecondes & demie l'autre de quatre lignes, ce qui donne encore le même rap- port de $ à 7; réfultat bien différent, comme on le voit, de ce qu'il auroit dû être felon les Auteurs dont nous avons paré, puifque, felon leur opinion, les temps auroient dû être les mêmes. Les traînées dont nous venons de parler ; étoient formées par des fablières de douze pieds de long, qui avoient chacune deux rainures des dimenfions que nous avons dit qu'avoient les traînées, c'eft-à-dire, lune de huit lignes de large fur quatre de profondeur, & l'autre de quatre lignes de large fur la même profondeur. Ces fablières fe plaçoient au bout une de l'autre, de façon que les mêmes rainures fe répondoient parfaitement : on les remplifloit de poudre bien exactement, & M. le Roy étant à un bout, & moi à l'autre, avec des montres à fecondes, nous obfervions avec dote LT " Diers ISERE NICE IS 49 avec la plus grande attention inftant du commencement de l'inflammation & celui de fa fin. Pour reconnoître le rapport des vitefles de Ia poudre ren- fermée, à celle qui ne left pas, nous fimes une traînée toute femblable à Ja dernière dont nous venons de parler, c’eft- à-dire de 1 36 + pieds de long, & de quatre lignes de largeur {ur quatre lignes de hauteur; nous la couvrimes enfuite en pofant fimplement de ces fablières deffus: nous trouvames que malgré que la flamme s'échappât en affez grande quantité entre ces deux fablières, le feu n'avoit été à la parcourir que 7 fecondes un quart, au lieu de 2$ fecondes & demie qu'il auroit dû être, comme on vient de le voir, fr elle avoit été découverte; ce qui donne une vitefle prefque quadruple. IL feroit naturel de croire d'après cette expérience, que fa poudre étant beaucoup mieux renfermée dans les armes à feu, fon inflammation devroit ètre fi prompte qu'on pour- roit la regarder comme inftantanée; cependant il n’en eft pas ainfr, comme on le verra par l'expérience fuivante. Un petit canon ou pluftôt un tuyau de fept pouces de Iong & d'un pouce & demi de diamètre, parfaitement cylindrique, & ouvert par les deux bouts, avoit au lieu de boulet un cylindre de deux pouces de long, & précifément du même calibre: ce cylindre étoit percé au centre de part en part, d'un trou de quatre ou cinq lignes de diamètre; une lumière percée fur fa circonférence, au milieu de fon épaiffeur, alloit rendre dans ce gros trou. Le canon avoit, au milieu de fa longueur , une lumière toute femblable, & de plus deux autres lumières également éloignées de celle-ci, & diftantes Tune de l'autre d’un efpace précifément égal à l’épaiffeur du boulet. Pour faire l'expérience, on chargeoit le canon de la manière fuivante; on remplifioit de poudre le trou du boulet, après quoi on le faifoit entrer dans le canon, jufqu'à ce que fa lumière & celle du canon fituée au milieu fe ré- pondiflent parfaitement: on chargeoït enfuite le canon des deux côtés avec des charges de poudre de même pefanteur, en les bourrant bien également avec des bourres de feutre Mém, 175 1: ° G 50 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ou de papier faites avec un emporte-pièce. On amorçoit & on mettoit le feu par la lumière du milieu du canon; de cette façon il fe communiquoit en même temps aux deux charges par la poudre contenue dans le trou du boulet, leurs diftances de l'endroit où l’on portoit le feu étant les mêmes: de là le boulet follicité de part & d'autre par des forces égales, devoit refter dans la même place, & ne pas s’écarter de la première pofition, c'eft auffi ce qui arrivoit. Mais lor£ ue le tout étant parfaitement de même, au lieu de mettre le feu par la lumière du milieu, on le mettoit par l'une ou l'autre de celles qui répondoient à à l'extrémité du boulet, if étoit chaflé avec violence du côté oppoté à à celui où on l'avoit mis ; expérience qui prouve d’une manière inconteflable, que la poudre emploie un temps à s’enflammer, & que ce temps eft fufhfant pour qu'elle produife des effets comparables ou {enfibles ; car on voit que celui pendant lequel le feu peut fe communiquer à travers le boulet à l'autre charge, eft aflez long pour que la poudre ait le temps d'agir & de le chafler au dehors. Cette conclufion eft a même que celle du Comité de fa Société Royale, chargé d'examiner la propofition fuivante, ui fe trouve dans le Traité des nouveaux principes d’Ar- tillerie de M. Robins, favoir, f toute la poudre s'enflamme avant que le boulet fe foit mé fenfiblemenr. Ces Meffieurs ( d'après des expériences faites avec des canons de fufl) ayant remarqué que plus ils étoient longs, moins il y avoit de poudre crachée, en conclurrent que toute la charge ne s’en- flammoit pas dans un inftant; mais comme cette conclufion ne fe déduifoit pas immédiatement de leurs expériences, je crus qu'il étoit à propos d’en vérifier la juftefle par une expé- rience plus directe. Inftruits des loix que a poudre obferve dans les temps: de fon inflammation, nous paflames à des recherches qui avoient un rapport plus immédiat à l’Artillerie. Or tout le but théorique de cet art ne confiftant qu'à communiquer à un boulet quelconque la plus grande viteffe poflible, il nous w DES SICTE Nc Es sr parut que les queftions fuivantes devoient faire le premier objet de nos recherches: favoir, r.° quelle eft la charge la plus avantageufe pour un canon donné: 2.° quel eft le canon le plus avantageux pour une charge donnée; & enfin, quel eft le point d'une charge où fon doit porter le feu, pour que l'inflammation foit a plus prompte. M. Robins, dans le Traité dont nous avons déjà parlé, a tenté de déterminer théoriquement la première queftion par un calcul afîez fimple, en partant de cette hypothèle, que la force de la poudre n'eft caufée que par un fluide qui fe développe dans l’ex- plofion, & il trouve que la charge la plus avantageufe d’un canon donné, eft celle qui y occuperoit un efpace qui feroit à la Jongueur totale du canon comme 1 à 2 Pr LB Bernoulli , dans fon Difcours fur le mouvement, en par- tant de la même hypothèfe, examine la feconde queftion, & il trouve que le point où il faut couper le canon, eft celui où la force élaftique du fluide produit par la poudre, {e trouve en équilibre avec l'air extérieur; & en fuppofant que la force d'expanfion de la poudre foit au premier inflant cent fois plus grande que celle de l'atmofphère, il s'enfuit qu'il faudroit que le canon eût cent fois 1a longueur de la charge. Quoique ces deux déterminations foient établies fur des principes folides, comme nos vüûes étoient de ne nous rendre qu'aux faits, nous eumes recours aux expériences , pour voir fi elles donneroient les mêmes réfultats que la théorie. Mais on imagine bien qu'avant de les entreprendre, notre premier foin fut de chercher une méthode plus fûre que celle des portées. Après y avoir mürement réfléchi, il nous parut qu'il n'y en avoit point qui promit plus de jufteffe que celle dont M. Robins nous a donné Ja defcription dans le Traité dont nous avons déjà parlé plufieurs fois: cette méthode confifte à tirer contre un pendule, ayant une efpèce de palette en place de lentille: en forte qu'au moyen des arcs qu'il décrit en conféquence du choc des balles, on eft en état de déter- miner non feulement leurs vitefles relatives , Mais encore leurs vitefles abfolues. G ïj 52 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE Comme cette machine eft fort fimple, nous n’en donné- rons point d'explication détaillée, un coup d'œil fur la figure première de la Planche, & le modèle, fufhront pour donner une idée de la manière dont cette palette eft fufpendue. Pour melurer les excurfions de la palette, nous nous y prenions de la manière fuivante. Un ruban gradué ou divifé en pouces, étoit porté, comme en À, fur le côté de la branche de la palette par un petit arbre ou cylindre C': ce ruban pañloit à travers une elpèce de pince P, fixée fur la planche #, immédiatement au deflous de ce cylindre; par fa conftruétion, elle preffoit le ruban affez pour le tenir ferme dans fa pofition, mais non pas pour lempécher de céder à la plus petite impulfion de la palette. Cette pince, comme on la voit dans la figure, étoit com- pofée de deux James de reffort de montre LL, courbées fur leur largeur, & appliquées très-près l'une de Fautre du côté de leur convexité; les deux parties Æ & D, dans lef- quelles ces lames étoient encaftrées, avoient chacune un pivot porté par la pièce G : la pince pouvant par ce moyen tourner fur fon axe, fe préfentoit toùjours de la même façon au ruban, dans quelque fituation qu’il fe trouvât. Par cette difpoñition, lon voit que la palette, par fon recul, tirant le ruban, les degrés de celui-ci, contenus entre Ia pince & le fufeau, exprimoient la quantité du recul, puif- qu'ils exprimoient les cordes des arcs que la palette avoit décrits; de plus, que ces cordes donnoïient les rapports des vitefles réelles du boulet ou de la palette, ces vitefles étant comme ces cordes. Nous avons dit que la méthode des portées étoit fort impar- faite; pour le prouver, & faire voir en même temps combien elle eft inférieure à celle que nous avons employée, examinons les objections que l'on peut faire contre chacune de ces deux méthodes. Celle des portées eft fujète aux difficultés fui- vantes : 1.° il eft fort difficile de reconnoître à quelle diftance du canon le boulet tombe: 2.° le boulet perdant beaucoup de fa vitefle par la réfiftance de l'air, il eft par-à impoflible be. 4 ; DES SCIENCES. s de reconnoitre fa vitefle réelle; enfin, le boulet étant réflé- chi dans lame du canon, il en réfulte de grandes variétés dans la diftance des portées, défaut qui eft un des plus con- fidérables de cette méthode. Pour rendre ceci plus clair, que l’on fuppofe un canon pointé fous un angle de 4 degrés, comme on fa fait dans les expériences de M. Belidor à Metz, & que les plus grands écarts produits par la réflexion du boulet dans l'ame ne foient que de 42 minutes, c'eft-à- dire, de 21 minutes au deflus ou au deffous de la direction de lame, il eft facile de faire voir par le calcul, que les rapports de ces portées feront comme 25 à 21, ce qui fait une erreur de £. Cette dernière difficulté eft la feule effen- tielle que l'on puifle faire contre la méthode que nous avons employée, c'eft-à-dire que le boulet, en s’écartant de la di- rection de lame, choquer: la palette fous différens angles, & par-là lui communiquera différentes viteffes. Mais en fuppofant, comme dans la méthode des portées, que ces plus grands écarts foient de 42 minutes, c'eft-à-dire, de 21 minutes au deflus ou au deffous de Îa direction de lame, on trouvera (le canon étant pointé horizontalement & per- pendiculairement au centre de la palette) on trouvera, dis-je, que les rapports des viteffes communiquées dans la direction perpendiculaire à cette palette, feront dans la raifon de $1200 à $1201,ce qui ne produira qu'une erreur de —}; erreur fi petite, qu'on peut la négliger, tandis que celle des portées, par la même caufe, fe trouve de £. IL eft vrai que le boulet frappant, par ces écarts, à des dif£ tances plus ou moins grandes de l'axe du mouvement de la palette, lui communiquera diférentes viteffes; mais on pourra toûjours les comparer entr'elles, puifqu'en fuppofant celle du boulet conftante, ces vitefles feront , toutes choes égales d’ailleurs, comme ces diftances, en fuppofant cependant que les mafles des boulets foient très-petites par rapport à la pa- lette. Quant aux erreurs du recul qui pourroient naître du choc à droite ou à gauche de la verticale du centre de la G ii s4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE palette, elles font fi petites, qu'on peut, fans conféquencé, les négliger. On pourroit avoir quelque fcrupule fur la mobilité de fa palette, mais on fent qu'on peut toüjours la rendre auffi libre qu'on le veut : ceci fufht pour montrer clairement les avan- tages de la méthode du choc fur celle des portées, & com- bien on en doit attendre plus de précifion. A chaque expérience, nous prenions les précautions fui- vantes: on examinoit fi la palette revenoit bien dans la même verticale: on ne tiroit point de coups que le canon ne fût bien lavé avec de l'efprit de vin, & enfuite bien féché; que les balles & les charges ne fuffent peles avec le plus grand foin, au moins à un quart de grain près : les boulets étoient fondus dans un moule fait exprès, & n’avoient que le vent néceflaire pour entrer fans frottement : on ne bourroit le canon qu'avec des bourres d’une feuille de papier, faites avec un emporte-pièce, afin que leur réfiftance füt plus égale, & cela ne fe faifoit que par la fimple pefanteur du refouloir. Toutes ces précautions pourront paroitre winutières , {1 cela fe peut dire, aux yeux de quelques perfonnes; mais ceux qui connoiflent la Phyfique expérimentale, favent bien de quelle conféquence il eft de ne pas négliger la moindre cir- conftance, afin de diminuer le nombre des erreurs. Les canons dont nous nous fervions, étoient des canons de fufil du calibre d'ordonnance, beaucoup plus épais qu'à l'ordinaire, ayant 3 lignes à la bouche & 5 lignes & demie à la culaïle; il y en avoit de 14 pouces, de 19, de 23 pouc. 11 lignes +, de 28 pouces 7 lignes & demie, de 34 pouces & demi -ligne, de 38 pouces 7 lignes & demie. Ces canons fe plaçoient fur une efpèce de tréteau, où ils étoient folidement arrêtés; de façon que je pouvois tirer toûjours à très-peu près dans le même endroit de la palette: la diftance où ils en étoient, fufhfoit pour que la flamme ne püt aller jufqu'à la toucher, & elle étoit à peu près la même dans toutes les expériences. ue lé à DE SSH E NI CE 8 Lorfque nous étions obligés de la changer & de la dimi- nuer, nous en tenions compte, & nous tendions à quelques pouces au devant de la palette, une toile, afin d’être aflurés que la flamme ne püût lébranier par fon mouvement: les charges que nous employames, pefoient depuis deux gros jufqu'à douze. Il feroit trop long de rapporter en détail les rélultats de chacune de nos expériences, en ayant fait un très- grand nombre; il fufhira de dire qu'ils nous montrèrent clai- rement, 1. que les charges étant les mêmes, plus les ca- nons étoient longs, plus ils communiquoient de vitefle aux balles ; 2.° que plus les charges étoient grandes, plus les balles acquéroient de vitefle dans tous les canons, excepté dans celui de 14 pouces & demi, qui nous donna une diminution de vitefie, avec la charge de douze gros; mais ayant voulu répéter l'épreuve, il creva, malgré l'épaiffeur que nous avons dit qu'il avoit. Il en arriva autant à prefque tous les autres, lorfque nous les tirames avec des charges auffr fortes: j'appris par cette dernière épreuve, qu'il y avoit donc un point où, en augmentant les charges, on diminuoit a viteffe des balles ; ce qui me confirma dans l’idée que j'avois, qu'il devoit s'en trouver un autre où cette charge {eur com- muniquoit la plus grande vitefle. L'impoflibiité de recon- noître ce point avec des canons de cette efpèce, m’obligea d'en employer deux autres beaucoup plus courts, fun de 3 pouces 6 lignes & demie de long, l'autre de $ pouces 2 lignes & demie, & tous les deux de $ lignes & demie de calibre: craignant que des canons fi courts ne commu- niquaffent une trop petite vitefle à la palette, j'en fis faire une autre beaucoup plus légère & plus courte, qui ne dif- féroit de cellelà que par fes pivots qui étoient formés. en couteau, pour la rendre encore plus mobile. Comme ces canons étoient fort courts, nous tirions de plus près, leur bouche n'étant diftante de la palette que de 4 pieds 1 pouces & demi, & nous mettions une toile devant, pour les raifons que nous avons dites : trente coups tirés du canon de 3 pouces 6 lignes & demie avec cinq charges 56 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE différentes , c'eft-à-dire, fix avec chaque différente charge; nous donnèrent le terme moyen du recul pour une charge . 7 lignes de so grains ... . . «+. 29-77" 19 COPY PE VE ele LA DES D NRA AE EUR NME MS + eee cree N alle DOZ Sete eee. 2e Dix coups tirés de l'autre canon de $ pouces 42 lignes avec cinq différentes charges, en tirant deux avec chaque charge, me donna le terme moyen du recul pour une charge de 76 grains. . .. . . . «. 462 LOU et MANN SRE HS ahe ee MS RAMEE OZ 204... 7e DÉOROEREMAMMIONONENT CAS 382 On voit-par ces réfultats, que la charge du canon de 3 pouces 6 lignes & demie, qui a donné le plus grand recul de tous, eft celle de 122 grains, & que celle qui a donné le plus grand recul après, eft celle de 67 grains, puifque ces reculs font 34 lignes & demie, & 31 lignes 24; mais la première charge occupoit dans le canon une longueur de 22 lignes & demie, & la feconde, 14 lignes & demie. La première longueur diffère peu de la moitié de la longueur du canon, & la feconde diffère peu du tiers de cette lon- gueur; & comme les reculs font moindres au deffus & au deflous de ces deux charges, il s'enfuit clairement que la charge la plus avantageufe ou celle qui donne le plus de vitefle à la balle, eft entre ces deux charges: de même dans le canon de $ pouces 4 lignes & demie, la charge de 153 grains y occupoit 25 Z lignes de longueur entre le tiers & la moitié de la longueur totale du canon, & c'eft la charge, comme on le voit, qui a donné 102 lignes de recul le plus fort de tous. Une remarque qu'il eft important de faire ici, c'eft que les plus forts coups des charges de 67, D'E'S)SNEÎRE NC E"S. S7 67 & 162 grains, étoient plus petits que les plus foibles de la charge 122, tanis que dans les expériences faites à Metz, une charge de neuf livres de poudre dans une pièce de 24, a donné dans une expérience, 71 $ toiles de portée, & dans une autre, 10r0. Ainfi on peut conclurre de ces épreuves, que la charge la plus avantageufe pour un canon donné, doit être plus longue que le tiers & pas tout-à-fait [a moitié de la longueur du canon; ce qui approche fort près de la théorie, les rapports des longueurs des charges par rap- port à celles des canons, devant être comme 100 à 271. Cette queftion décidée, je pañlai à la feconde qui con- fifloit à trouver le canon le plus avantageux pour une charge donnée: j'avois vü, comme je l'ai déjà dit, que les mêmes charges dans les canons les plus longs, communiquoient toû- jours plus de vitefe aux boulets. Pour m'en aflurer pleinement, je continuai de tirer avec les plus longs canons contre la première palette, en diminuant les charges, pour voir enfin f1 de très-petites ne donneroïent pas une perte de viteffe avec ces canons: car il paroifloit très-probable qu'étant fort longs par rapport à leur charge, les boulets y perdroient plus de vitefle par leur frottement, qu'ils n'en acquerroient en reftant plus long-temps expofés à faction du fluide. Cepen- dant je ne pus parvenir jufqu'à ce point, & les charges de- venant fi petites que les balles acquéroient à peine aflez de vitefle pour ébranler cette palette fenfiblement, j'eus recours à l'autre, je fis faire auffi des canons de fufil plus longs que les proportions ordinaires, un de 4, un de $ & un de 6 pieds de long. Ces canons étant folidement établis, & eur bouche fe trouvant à 7 pieds de diflance de fa palette, nous commen- çames une fuite d'expériences avec une charge de dix-huit grains des balles pefant une once un gros : voici quels furent nos réfultats. Canon de 4 pieds. . . recul de Ja palette, coup moyen. . 83 2fewer. Canonidelspieds ee RE EMM ee et SRPNT on Ganonide Gpic dE MEME MERE 06 Mén. 1751. NE 58 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE On remarquera encore ici, comme dans les épreuves pour décider de la première queftion, que les coups les plus foibles du canon de 6 pi ds furpañloient les plus forts du canon de 4, J'avouerai que nous fumes furpris, lorfqu'après les pre- miers coups nous nous aperçumes que le plus long canon donnoit toüjours plus de vitefle que les deux autres; mais enfin il fallut nous rendre quand nous vimes que ce fait fe confirmoit de plus en plus. On pourroit imaginer que nous aurions pü diminuer encore la charge; mais f1 l'on fait attention qu'à peine celle que nous employions étoit fuffi- fante pour couvrir le fond de la culaffe, on verra qu'une charge plus petite n'auroit pü que nous induire en erreur par la difhculté où nous aurions été de l'enflammer fans in- troduire de nouvel'e poudre par la lumière, qui auroit pù déranger les proportions de ces charges. On voit par ces expériences, l'exceflive longueur qu'un canon devroit avoir par rapport à fa charge, pour que celle-ci communique au boulet la plus grande vitefle poflhble : ainfr en fuppofant une pièce de vingt-quatre livres dûement pro- portionnée par rapport à fa charge de huit livres, elle auroit 343 pieds de long; ce qui paroîtra prodigieux, & qui left en eflet & en même temps impraticable, mais qui nous montre clairement que dans li pratique on doit tenir les pièces les plus longues qu'il eft poñlible, afin qu'elles com- muniquent le plus de vitefle au boulet. Comme nous ne négligions aucune des circonftances qui pouvoient nous éclairer dans nos recherches, nous exami- nions l’épaiffeur des balles après le choc; ce qui étoit facile dans ces dernières épreuves, leurs viteffes étant trop petites pour qu'elles fe difperfaflent en éclats comme dans les grandes. Nous eumes la fatisfattion de voir que leur degré d’aplatif fement fuivoit précifément celui de leurs vitefles, & que celles qui nous avoient donné plus de recul, étoient toüjours plus plates que les autres. ‘ Après l'examen de ces deux queflions, nous paflames à la troifième, c'elt-à-dire, à trouver le point d'une charge où DES SUEÂT:EUN (CE: Se s9 il faut porter le feu, pour que Finflammation foit la plus prompte. Nos expériences nous ayant prouvé incontefta- blement, comme nous l'avons dit plus haut, que l'inflam- mation de la poudre eft fucceflive, il s'enfuit clairement que ce point neft pas celui où lon place actuellement la lumière des armes à feu: ce feroit fans doute au milieu, fr la poudre étoit contenue entre deux corps qui cédaflent avec une égale vitefle; mais le boulet cédant infiniment plus vite que le canon ne recule, le point du milieu n'eft plus celui que l'on cherche. Pour reconnoître par l'expérience ce qui en étoit, je m'y pris de la manière fuivante. Au canon AB dont nous avons déjà parlé, fufpendu comme un pendule, de 2 pieds 9 pouces 7 lignes dans lame, & de 13 lignes de calibre, je fis percer fix lumières, à 9 lignes de diftance les unes des autres: par cette fufpenfion du canon, j'avois à chaque coup deux moyens de mefurer 1.° les effets & fon recul, & 2.° celui de fa palette. Nous avons fait trop d'épreuves pour pouvoir en rap- porter ici le détail; nous dirons feulement qu'elles nous montrèrent pour la plufpart, que la troifième lumière, en partant du fond, donnoit la plus prompte inflammation, puifque nous avons trouvé que cette lumière communiquoit plus de vitefle au boulet. Or comme les charges étoient de 12 gros, qu'elles occupoient dans le canon un efpace de 34 lignes un cinquième, & que la diflance de cette troifième lumière au fond étoit de 19 lignes qui font un peu plus de la moitié de la charge, il s'enfuivroit que la fituation la plus avantageufe de la lumière feroit un peu au delà de la moitié en partant du fond; mais plufieurs de nos palettes ayant caflé par la violence des coups, malgré qu'elles euflent plus de 3 pouces d’épaiffeur, nous ne pumes faire toutes les expériences néceflaires pour bien conftater la vérité de cette détermination. Je compte au printemps prochain décider abfolument ce qui en eft, ayant fait faire des palettes beau- coup plus épaifles, pour qu'elles puiflent réfifter au choc des boulets. Quelques expériences que j'eus occafion de faire avec . H ij 60 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE le canon fufpendu, me fournirent plufieurs réflexions fur Ja caufe du recul des armes à feu, produite par la poudre feule. On avoit imaginé jufqu'ici que la réfiflance de Fair étoit la feule caufe de ce recul & du mouvement des fufées; mais ces expériences me firent croire que fi cette caufe y entroit, il y en avoit une autre qui y concouroit avec elle, c'eit la mafle de la poudre: car il eft clair 1.” que cette mafle, avant d'être enflammée, réfifte comme male, de forte qu'à la vé- rité, à mefure que la poudre s'enflamme, elle diminue, mais pendant toute l'inflammation elle n'en agit pas moins comme mafle ou comme poids. De plus, cette maffe, quoique ré- duite en fluide, n'eft pas pour cela détruite; elle doit donc réfifter par fon inertie, comme auparavant: ainfi on peut comparer fon action pour faire reculer le canon, à celle d'un reflort pefant qui, appuyé par une extrémité contre un corps, ne manqueroit pas, en fe débandant, de le faire reculer, quoique l'autre extrémité füt libre, le centre de gravité de ‘ces deux corps ne pouvant, comme on fait, prendre de mouvement. L'air ne peut, par fa réfiftance, caufer le recul du canon, fans qu'il éprouve auffi une réaétion : or comme cet effet ne peut avoir lieu fans qu'il n'éprouve une preflion, il eft vrai-femblable qu'un baromètre expofé dans la direttion de la flamme d'un canon, doit haufler dans l'inftant qu'on le tire. Nous penfames donc que par ce moyen nous pour- rions nous aflurer de la part qu'avoit dans le recul, la réfif tance de fair; en conféquence je plaçai à une diftance de fix pieds au plus de la bouche du canon À, & dans fa di- rection, un baromètre ordinaire, femblable à ceux de M. YAbbé Nollet; & M. le Roy étant placé tout près du ba- romètre avec les précautions néceflaires pour n'être point offenfé par la poudre, & pour bien obferver, je tirai le canon: malgré la violence de la commotion que tous les corps des environs éprouvèrent, il remarqua que le baromètre refta parfaitement tranquille fans éprouver la plus petite agitation. El faut avouer que ce canon étoit fort petit, la balle n'étant DES SCIENCES. ét: que de quatre onces: cependant fi lon confidère que fon coup ébranloit les chaflis d’un petit pavillon qui eft à côté, affez fortement pour renverfer tout ce que l’on poloit deffus, & pour y caufer une fecoufle confidérable, on fera tenté de croire que fi Fair avoit par fa réfiftance une auffi grande part dans le recul qu'on fe l'imagine, il auroit dû produire quelqu'’effet fur le baromètre. Au refle, je fuis bien éloigné de vouloir décider une quef- tion qui comporte tant de difficultés; ce n'eft qu'après un grand nombre d'expériences qu'on pourra y parvenir: j'ai cru cependant qu'elle méritoit d’être propofée aux Phyficiens, la plufpart, dans leur explication du recul des armes à feu & du mouvement des fufées, ayant fait peu d'attention à la part que pouvoit y avoir la mafle de la poudre devenue fluide. Avant de finir, il eft à propos de prévenir une objection qu'on pourra faire contre ces épreuves, c’eft qu'elles n'ont pas été exécutées aflez en grand pour en tirer des conclufions certaines par rapport à l’Artillerie. Il eft facile d'y répondre par ce que nous avons dit plus haut des loix de l'mflam- mation de la poudre : car il paroît par ces loix que les temps des inflammations étant, dans des traînées de même grandeur, comme leur longueur, il s'enfuit que le rapport des temps des inflammations de charges doubles dans de gros canons, fera le même que celui des inflammations de charges doubles aufl dans de petits, malgré que l'intenfité de a chaleur dans les premiers foit beaucoup plus confidérable que dans les feconds, & qu'ainfi tout ce que nous avons décidé pour les petits canons peut s'appliquer aux grands. II y a plus : les eflets de la poudre font dans le cas de plufeurs autres, où, lorfqu'ils font trop grands, on ne peut les me- furer qu'imparfaitement; ce qu’il feroit facile de démontrer, sil étoit permis d'entrer dans quelque détail là-deffus. J'en ai dit affez pour faire voir quel étoit mon objet & mes vües, & quel a été le fuccès d’une partie de mes épreuves. Pour réfumer ce qui a été dit là-deflus, voici ce qu'elles m'ont appris; que {a poudre prend un temps à s'enflammer, 62 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & que ce temps, dans des traïnées de même longueur, eft beaucoup plus court dans les grofles que dans les petites; que ce temps elt beaucoup plus court Jorfque la poudre ef renfermée, que lorfqu'elle eft expofée à l'air libre; que mal- gré cela inflammation eft toüjours fucceflive, puilque fa durée eft affez longue pour produire des effets fenfibles ; que c'eft une queftion qui mérite bien d’être éclaircie, favoir, fr le recul d'un canon tiré fans boulet vient de la réfiftance de l'air toute feule, ou s'il eft produit par cette caufe com- binée avec celle de la mafle de la poudre; qu'il eft impor- tant de déterminer le point d'une charge où il faut porter le feu, pour que linflammation foit la plus prompte; que la charge d'un çanon la plus avantageule fe trouve toujours être entre le tiers & la moitié de fa longueur depuis la culafle; enfin, que pour qu'un canon ait la longueur Ja plus avantageule pour communiquer au boulet la plus grande viteffe avec une charge donnée, il faudroit que cette longueur fût à celle de la charge comme le volume que le fluide occupe après l'explofion , eft au volume de la charge mème. Je ne m'étendrai pas fur les avantages que Infanterie peut tirer de la folution de ces deux dernières queflions, il eft facile de les fentir; car cette dernière nous fait bien voir qu'il faut lier les armes à feu de lInfanterie le plus long qu'il eft poffible à tous égards, puifqu'à mefure qu'elles font plus longues, elles communiquent plus de viteñle à la balle. I en eft de même de fa première, qui nous montre qu'en augmentant la charge on augmente toüjours la vitefle du boulet, & que c'eft à la pratique à décider les circonftances qui doivent déterminer la longueur de la charge la plus avan- tageufe. N'y at-il pas lieu de croire que fi le Régiment qui voulut, il y a quelques années, favoir s'il pouvoit raccourcir fes armes pour la facilité du maniement, avoit été inftruit de ces propriétés des armes à feu, il n'auroit pas été obligé, pour s'aflurer de ce qui en étoit, de recourir à des moyens fi imparfaits qu'is pouvoient favorifer toutes fortes d’hypo- thèfes de longueur, puifqu'ils ne donnoient rien de précis? er. de Lac Res Se.1781. Pag 62. PL 5. “s RS, CE CSS Mem. de lAc LR dis Se TENTE gran auf D'EISNSAGINLIENN CES 63 On voit donc qu'un certain nombre de faits ainfi folide- ment établis & bien reconnus, meitroient bien plus à portée de juger des divers changemens que l'on fe propoleroit dans les armes, que lorfque l'on n'a là-defus que des connoif fances incertaines ; ce qui faifoit dire à un grand Miniftre, qu'il Jeroit bien à fouhaiter qu'au lieu de cette foule de projets qui rempliffent les Bureaux, il y eût des regiftres de Jaits auxquels ils päffent avoir recours pour décider de l'utilité &r des avantages de ceux dont ils font accablés. Cette réflexion eft d'autant plus jufte, que l'on voit qu'à mefure que les principes d’un art ou d'une fcience font mieux conftatés, ces découvertes étonnantes, dont auparavant on entendoit parler à chaque inflant, diminuent de plus en plus, parce que l’on reconnoït bien-tôt, en les examinant par ces principes, qu'elles fe réduifent à rien, ou à très-peu de cho. Mon intention étoit de poufler mes recherches beaucoup plus loin avant de les communiquer au Public; mais plu- fieurs des accidens dont j'ai parlé, arrivés pendant le cours de nos expériences, en ayant ralenti le progrès, j'ai cru qu'il étoit toûjours à propos de donner ceci, quoique ce ne fût qu'une foible ébauche du travail que je me füis propofé, efpérant par-là encourager des perfonnes plus expérimentées que moi, fur-tout Mrs du corps d’Artillerie, à poufer les chofes plus loin, & les engager à n''aider de leurs confeils & de leurs lumières, dans une entreprife dont je fens plus que perfonne toutes les difficultés. Au refte, l'Artillerie étant une partie fi importante de Ia guerre , on ne peut trop s'attacher & semprefier à en établir les principes phyfiques, & à en donner une théorie complète; théorie, qui par fa nature ne pourra manquer de répandre beaucoup de lumière fur plufieurs queftions impor- tantes à la perfection de la Phyfique. AGE sACON x 64 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoYALE REMARQUES Sur les Obfervations de la parallaxe de la Lune, qu’on pourroit faire en même temps en plufieurs endroits, avec la méthode d'évaluer les change- mens que caufe à ces parallaxes, la Figure de la Terre *. Par M BouGuERr. Lie Obfervations fur la parallaxe de la Lune demandent à être extrêmement multipliées : on ne fauroit en avoir un trop grand nombre d’exactes, pour pouvoir, en les com- parant entr'elles & en les combinant, pefer les différens ré- fultats qu'elles fourniffent. Comme on s'occupe actuellement beaucoup de ces fortes d’obfervations, il peut venir en penfée qu'en même temps que nous avons des Obfervateurs dans des endroits auffi éloignés que le cap de” Bonne-efpérance & Berlin, il feroit à propos que nous en euffions dans un lieu intermédiaire. Ce que l'Académie fouhaiteroit fur cela, auroit vrai-femblablement fon eflet; la Compagnie n’auroit qu'a le vouloir, & toutes les difficultés fe trouveroient appla- nies, les Sciences fe trouvant protégées d’une manière éclairée & toute puiflante, qui fait même qu'on nous prévient en leur faveur. C'eft ce qui m'a porté à difcuter dans cet Ecrit, quelle feroit utilité qu'on pourroit retirer à cet égard, d'un voyage fait à Malte ou à la côte d'Afrique, dans la Méditerranée. Je faifirai cette même occafion pour expliquer une méthode aufi générale que facile, d'évaluer les changemens que caufe à la parallaxe de la Lune, la figure de la Terre, différente de la fphérique, felon toutes les obfer- vations récentes. * L'Académie ayant été confultée fur l'utilité que pourroit avoir un voyage à Malte, pour la détermination des parallaxes lunaires, ce Mé- moire fut [à dans quelqu’une des aflemblées fuivantes. A D ES ONCÉPEUN C E S 65 I. Si l'on fe propofe fimplement de déterminer a parallaxe de la Lune, on ne fauroit rendre trop grand Farc du Mé- ridien terreftre aux extrémités duquel on fait les obfervations correfpondantes, pourvû qu'on évite l'inconvénient de voir la Lune trop près de l'horizon, ou qu'on ne s'expofe pas aux irrégularités de la réfraction aftronomique. Plus les Ob- fervateurs feront écartés l'un de l'autre, ou plus Farc terreftre qui fervira de bafe, aura de longueur, plus cet arc ou fa corde foûtiendra un grand angle de parallaxe, & les erreurs qu'on eft toüjours fujet à commettre deviendront relati- vement moindres. Aïnfr les raifons qui ont déterminé M. Y Abbé de la Caïlle à aller jufqu'à l'extrémité de l'Afrique, font les mêmes pour tout autre Aftronome qui ne fe con- tenteroit pas d'oblerver en Europe avec la foule des autres : plus il iroit loin, plus if contribueroit au fuccès de l'ouvrage; mais il ne faudroit pas qu'il s’arrètât au milieu de l'intervalle. Lorfque plufieurs Géomètres ou Ingénieurs travaillent dans une vafle plaine, à déterminer pu la Trigonométrie une diftance inaccefible, aucun d’entr'eux ne s'avife d'aller avec fes inftrumens fe placer au milieu de la ligne de flation, il feroit cenfé n'avoir rien fait; il auroit renoncé, comme il eft évident, au droit de donner fon fuffrage, & de balancer fa détermination avec celle de fes confrères : c’eft la méme chofe dans le cas préfent. Les déterminations qu'on obtiendfoit, deviendroient deux fois moins exactes, & elles ne pourroient pas être miles en ligne de compte avec celles que fourni- roient les autres obfervations, qui les eflaceroient par leur plus grande exactitude. Plufieurs perfonnes obfervent en deçà de F'Equateur, au lieu que nous ne connoiflons que M. l'Abbé de la Caille qui obferve dans autre hémifphère. Si cet Aflronome tom- boit malade, ou ff, par un hafard très-fâcheux, le ciel fe trouvoit, au cap de Bonne-efpérance, contraire aux ob{erva- tions pendant une grande partie de 1751, plufieurs des mouvemens qu'on fe donne ici au fujet de la Lune, & Mém 1751. $ Les Obferva- tions intermé- diaires font peu utiles pour dé- terminer exac- tement la paral- laxe dela Lune. Les Obferva- tions Intermé- diaires font ab- folument inu- tiles pour dé- couvrir quel eft le degré précis de Yaplatifle- ment du fphé- 66 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE peut-être tous, fe trouveroient perdus. L'entreprife ne peut pas manquer du côté de l'Europe, où plufieurs Obfervateurs s'en occupent, en beaucoup de diférens endroits; les accidens ne font à craindre que de l'autre côté: tout dépend de M. Abbé de la Caille. Ainfi il feroit peut-être bon que quel- qu'un fe mit à portée de fuppléer à fon défaut; mais il ne fuffroit pas, je le répète, de fe fixer à Malte ou à la côte d'Afrique: car que gagneroit-on en s'éloignant de Paris ou de Berlin, de 17 à 18 degrés! ce feroit réellement la corde de cet arc qui ferviroit de bafe ou de ligne de flations, & cette ligne ne feroit pas le tiers du rayon de la Terre. Il fuit de là que les erreurs qu'on commettroit dans les ob- fervations, fe tripleroient lorfqu'on déduiroit la parallaxe ho- rizontale, ou même qu'elles fe quadrupleroient, à caufe de la fituation oblique de la corde par rapport à la Lune, qui n'avance pas aflez vers notre zénith. Si on ne veut donc pas fe borner à une détermination imparfaite de la parallaxe, il faut que l'Obfervateur fafle beaucoup plus de chemin vers le fud, & qu'il pafle même au delà de l'Equateur: ce n'eft que par cette démarche qu'on pourroit remplir l'attente du public, aflurer le fuccès de l'entreprife, & rendre un fervice particulier à l’Aftronomie. Les obfervations faites dans l’hé- mifphère auftral, par ce fecond Aftronome, tiendroient lieu, en cas de befoin, de celles de M. l'Abbé de Ia Caille : comparées avec celles d'Europe, elles donneroïent Ja paral- laxe de la Lune avec l'exactitude qu'on demande, & elles contribueroient avec celles du cap de Bonne-efpérance, à former un réfultat commun ou moyen. IL On peut fe propofer un autre objet en faifant des obfer- vaions intermédiaires ; on peut avoir en vüe de déterminer la Figure de la Terre, en employant la méthode propofée par M. Manfredi dans nos Mémoires de 1734, ou quel- qu'autre moyen femblable. Lorfque trois Obfervateurs fitués en différens endroits d'un méridien, comparent la Lune à gode terre, une même étoile, il fe forme deux angles de parallaxe dont DES SCIENCES. 67 Je rapport eft réglé par les deux différens intervalles qui féparent les obfervatoires. Ces intervalles font comme connus, ou, ce qui revient au même, il n'y a aucune incertitude touchant leur rapport, ft la Terre eft parfaitement fphérique : fuppofé que les deux arcs foient égaux , leurs cordes feront égales, & elles foûtiendront des angles de parallaxe exacte- ment égaux, pourvû qu'on obferve la Planète lorfqu'elle répond au zénith de l'endroit intermédiaire. Que la Lune foit dans un autre point du ciel, les deux parallaxes partiales cefferont d’être égales; mais leur rapport fera toûjours déter- miné aflez exaétement par la réfolution de quelques triangles, & il le fera encore, quoique les deux intervalles qui féparent les Obfervateurs foïent d’un différent nombre de degrés. Une feule circonftance peut troubler l'exactitude de ce rap- port; c'eft le défaut de fphéricité de la Terre : il eft vrai que la diflance des Obfervateurs les uns aux autres, fera toüjours donnée en degrés, par la différence de leurs latitudes ; mais les degrés étant inégaux, les arcs ne feront plus de même longueur, les cordes feront différentes, & le rapport entre les parallaxes partiales fera donc auffi changé. Ainfi il fuffit d’exafniner f1 les parallaxes données par les obfervations, fuivent le même rappoit que celles qu'on trouveroit fur un corps parfaitement rond; & s'il vient quelque différence, elle fera connoître combien la Figure de la Terre eft éloignée de celle du Globe. H y a eu un temps où cette méthode auroit jeté un grand jour fur la queftion dont il s’agit, parce qu'on igneroit alors fi 11 Terre étoit un fphéroïde alongé ou aplati. Ces diffé- rentes figures qui s’'écartent du globe en des fens oppolés, doivent produire des effets tout contraires fur la parallaxe de la Lume; & ces effets pourroient être afféz grands pour fe manifefter d'une manière fenfible: ainft, dans l'incertitude où l'on étoit alors, on eût pû employer les parallaxes lunaires; on eût réfolu la queftion à certain égard, on eût fü fr le défaut de fphéricité étoit dans un fens ou dans l'autre. Si trois Obfrvateurs font fitués, l'un à l'Equateur, le fecond Li 68 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE par 28 degrés de latitude feptentrionale, & le troifième vers Copenhague, par 56 degrés, M. de Maupertuis a trouvé ‘que les deux parallaxes partiales qui feroient égales entr'elles dans l'hypothèle d'une terre exactement fphérique , difiére- roient d'environ 10 fecondes, fi la Terre eft aplatie vers les poles, d'une 178.me partie. La parallaxe partiale découverte par les Obfervateurs feptentrionaux, feroit plus petite de ces 10 fecondes, au lieu qu'elle feroit plus grande de cette même quantité, fi la Terre avoit la forme de fphéroïde alongé d'une 178.me partie: ce font 20 fecondes de différence, & cette quantité eft trop confidérable pour qu'il eût été permis aux Obfervateurs, même peu exaéts, de fe méprendre fur le fens dans lequel la Terre s'éloigne de la figure fphérique. M. de l'Ifle vient de donner dans les Journaux de Trévoux, d'autres calculs qui confirmeroient celui de M. de Mauper- tuis, sil étoit néceffaire. Il n'eft donc pas douteux que la méthode que fourniflent les parallaxes de la Lune, n'eût été très-propre à terminer la difpute, lorfqu'il s'agifloit de favoir dans quel fens fe trouve le défaut de fphéricité de la Terre. Mais le cas eft maintenant tout diflérent; il n’y a aétuelle- ment qu'un feul avis fur la queftion confidérée d'une ma- nière générale : on ne fe partage que lorfqu'il s’agit du decré précis de l'aplatiflement. Comme les rapports entre lefquels on doit choïlir, ne diffèrent que très-peu les uns des autres, le choix devient difficile, & il n'eft pas certain que les ob- fervations fur la Lune puiffent faire diftinguer d'auffi petites quantités que celles qui font aétuellement en difpute. Les 10 fecondes dont je viens de parler, font l'effet (qu'on me permette ce mot) de toute la non-fphéricité de la Terre, lorfque l'aplatiflement eft d'une 178.me partie, Suppofé maintenant que les deux axes de la Terre approchent davantage d’être égaux, que l'aplatiffement foit moindre d'un quart ou d’un cinquième, ou qu'il ne foit réellement que d’une 230.e partie. de l'axe, comme le prétendoit M. Newton, la différence entre les parallaxes partiales de la Lune ne fera plus que de 8 fecondes. La décifion de la queftion D ES LSNGANE NcENs; 69 dépend donc de 2 fecondes dans Fobfervation faite par 56 degrés de latitude feptentrionale: il fuffit qu'on fe trompe feulement de cette petite quantité à Copenhague, pour qu'on embraffe mal à propos une des deux opinions au lieu de l'autre, ou bien on en adoptera une troifième tout auffr éloignée de la verité. Si on ne convient pas qu'on puifle fe tromper de ces 2 fecondes, on ne conteftera pas au moins qu'on ne foit fujet à commettre une erreur d’une feconde : or cette erieur peut fe trouver aufl-bien dans un fens que dans l'autre; il y aura donc deux fecondes d'incertitude, & il n'en faut pas davantage pour que la difpute ne puiffe pas fe terminer. Nous devons ajoûter qu'une demi-feconde d'er- reur dans l'endroit intermédiaire, produira précifément le même effet, parce qu'elle augmentera une des parallaxes par: tiales, en même temps quelle diminuera l'autre, Ainft il paroît que la méthode des parallaxes, qui eût été bonne if y a quinze ou feize ans, n'eft pas aflez délicate pour nous donner le degré précis d'aplatiffement qu'on veut découvrir, maintenant que perfonne ne doute que la Terre ne foit effectivement aplatie vers les poles. J'ai eu foin, pour ne rien condurre avec précipitation, de fuppofer qu'on faifoit des obfervations en quatre endroits fur le même méridien, deux du côté du nord & deux du côté du fud , fur des parallèles correfpondans ; & j'ai cherché par quelle latitude il falloit que fuffent fitués ces Obferva- teurs, pour que la méthode fournie par les parallixes de- venues beaucoup plus grandes, jouit du plus grand avantage poflible. Lorfqu'on à lieu de croire que les accroiffemens des degrés par rapport au premier, font proportionnels aux quarrés des finus des latitudes, comme cela arrive à peu près dans des méridiens elliptiques, les deux Obfervateurs les plus éloignés doivent fe placer aux deux potes oppolés, & les deux autres par environ 35 degrés 16 minutes de latitude, tant feptentrionale qu'auftrale. Les Obfervateurs fitués aux poles, pourroient trouver une parallaxe double de horizontale, au lieu que la parallaxe partiale découverte par Ti 70 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe les deux Obfervateurs intermédiaires, feroit foûtenue par un arc terreftre d'environ 70 degrés 32 minutes: la grandeur de ces diftances & la fituation avantageule des obfervatoires porteroient jufqu'à environ 1 1 fecondes & demie, l'effet de la non-fphéricité de la Terre fur la parallaxe partiule de la Lune obfervée dans les lieux intermédiaires. Ces 1 r fecondes & demie répondroïient à un aplatiffement de la Terre, d'une 230.m€ partie; mais, comme nous l'avons déjà dit plufieurs fois, il s'agit d'opter entre des degrés d'aplatiflement qui ne diffèrent entreux que de 40 où so parties fur 230, & qui ne doivent produire que deux ou trois fecondes de différence : ce qui rend la méthode employée dans le cas mème le plus avantageux, abfolument inutile pour nous dé- cider. M. l'Abbé de la Caille, par un hafard heureux, fe trouve parfaitement bien placé, de même que le feroit un Obfervateur qui iroit à Malte: car quelques degrés de Jati- tude de plus ou de moins dans la fituation des obfervatoires, né font ici d'aucune conféquence ; mais il faudroit pouvoir aller jufqu'à l'un & l'autre pole, ou avancer confidérablement dans les Zones froides, & malgré cela il feroit néceflaire de pouvoir répondre d'une feconde ou d’une feconde & demie dans les deux obfervatoires intermédiaires , en fuppofant même que les Aflronomes placés aux poles ne fe trom- paflent abfolument point. Nous n'avons pas encore infifté fur tout ce qui rend in- fufifante la méthode des parallaxes: nous fommes indécis non feulement fur le rapport exact des deux axes de la Terre, nous difputons für la nature ou fur le genre des lighes courbes qu'imitent les méridiens; il n’eft point du tout démontré que ces courbes foient elliptiques. Plufieurs expériences, entrautres celles du pendule, montrent d'une manière aflez certaine, que l'intérieur de la Terre eft beaucoup plus com- pacte ou denfe que les parties du {ol fur lefquelles nous mar- chons: il n'eft pas vrai-femblable que la mafle dés eaux foit très-grande dans Je globe terreftre, & que les parties folides aient pü être délayées & rendues affez molles dans l'intérieur, DE! SU SCAIR'E N:cC'E15 7% pour fe trouver foumifes aux loix de l'Hydroftatique qu’ob- fervent les fluides qui font à la furface. La difpofition des couches fupérieures dépend de la forme prünitive du noyau qui influe fur les directions de la pelanteur, & fur les diffé- rens degrés de cette force; mais comme nous ignorons quelle eft la figure de la partie le plus denfe de la Terre, nous n'avons nul droit d'affirmer que la furface foit elliptique, & nous devons confentir à ne l'apprendre que par les obfer- vations multipliées: c'eft ce qui rend le problème plus diff: cile, en portant fon indétermination encore plus loin. En effet, fi nous nous bornons à la méthode dont il eft ici queftion, la différente nature des méridiens terreftres peut rendre les parallaxes partiales de la Lune, obfervées en trois ou quatre endroits, exactement les mêmes, quoique l'apla- tiffement de la Terre foit très-différent ; & elle peut au contraire rendre ces parallaxes très - différentes, quoique le degré d'aplatiffement foit précilément le même. Je me fuis occupé beaucoup, dans le livre de la Figure -de la Terre, d'une hypothèfe particulière, dans laquelle les accroiflemens des degrés , par rapport au premier, font pro- portionnels aux quatrièmes puiflances des finus des latitudes. H faut encore, fi l'on veut examiner cette hypothèfe par la méthode des parallaxes, que deux des Obfervateurs fe placent aux poles ; & à l'égard des deux autres, il faudra qu'ils fe mettent par environ 414 $ 8’ de latitudes, comme je le ferai voir dans un inftant. Mais quoiqu'on rende de cette forte la nature du méridien très-différente, & qu'on fuppofe que Japlatiffement de la Terre foit d'une 178. partie, laltéra- tion que foufirira le rapport des parallaxes fera néanmoins toûjours fenfiblement la mème; elle fera de 12"ou 12"4, tout comme fi la Terre étoit elliptique, & qu'elle fût aplatie d'une 2 3 0.m€ partie. Lorfque j'ai fuppofé des Obfervateurs feulement en trois endroits, favoir, au Cap de Bonne-efpérance, à Tunis & à Berlin, j'ai trouvé que la différence des parallaxes étoit d'en- viron 4 fecondes pour Berlin, dans la première hypothèfe, 72. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE en füppofant que 223 & 222 exprimoient le rapport entre les deux axes; au lieu que l'autre hypothèfe ne n'a guère donné que 2 fecondes, quoique je fuppolaffe que l'aplatiffe- ment de la Terre étoit beaucoup plus grand, & que je le fiffe d'une 178.me partie. Il s'agiroit donc d'apercevoir 2 fecondes à Berlin, d'en être für, ou de pouvoir répondre d'environ une feconde à Tunis. Mais, fuppofé que nos Ob- fervateurs fuffent munis d’inftrumens conftruits avec une per- fection au deflus de tout ce que nous connoiflons, & qu'ils donnaffent à leurs obfervations une précifion dont nous na- vons point d'exemple, il refteroit toûjours à favoir s'il faut adopter une des deux hypothèles, en rendant l'aplatiflement de la Terre plus grand, ou s'il faut au contraire embraffer Vautre, mais en fuppofant une moindre différence entre les deux axes. En effet, fi l’on trouvoit 2 fecondes de diffé- rence à Berlin, on pourroit regarder ce réfultat comme une confirmation de la feconde hypothèle, & de ce que les deux axes de la Terre diffèrent l'un de l'autre d’une 1 7 8. partie; ou bien on refteroit attaché à la première hypothèfe, en s'imaginant qu'il faut changer feulement l'aplatiffement de la Terre, & qu'au lieu de le faire d’une 22 3.me partie, il faut le rendre deux fois moindre. Ces deux prétentions fr éloi- gnées lune de l'autre, feroient également autorifées, ou, pour mieux dire, elles refteroient abfolument indécifes, & le pro- blème feroit toûjours indéterminé. L'inconvénient feroit à peu près le même, quelque différence qu'on trouvât par les obfervations, en fuppofant qu’elles fuffent entièrement exemp- tes d'erreur. Or nous devons conclurre de tout cela, que la méthode des parallaxes, vû l'état a@tuel de nos connoif- fances, ne peut nous apporter aucune lumière fur la figure de notre globe. Les parallaxes horaires ou en afcenfions droites, font encore moins propres dans cette rencontre pour difliper nos doutes; ear elles font non feulement moins confidérables, elles fouffrent de plus petites altérations par les diverfes figures de la Terre, & outre cela elles dépendent de la mefure du temps, dans lequel chris ES CR DES SCIENCES. 73 lequel il fuffit de fe tromper d’une feule féconde pour qu'on puifie commettre une erreur de 15 fecondes dans les petits angles qu'on veut découvrir. Si les excès des degrés de lati- tude fur le premier font comme les quatrièmes puiflances des finus des latitudes, & que la différence entre les deux axes foit d'une 179. partie, les parallaxes en afcenfions droites ne feront pas les mêmes que fur une terre. fphérique; mais da plus grande différence pour un Obfervateur fiiué par environ $ 84 43”, qui eft la latitude la plus avantageule pour cet effet, ne fera que d'environ 9 fecondes. Ces 9 fecondes feront produites par toute la non-fphéricité de la Terre; mais la différence des hypothèles fur lefquelles on contefte, ne donnera tout au plus que 3 fecondes, & il eft certain que cette petite quantité neft pas déterminable dans l'état où font les chofes, puifqu'elle ne répond qu'à un cinquième de feconde de temps. Suppofé d'ailleurs qu'on püt apercevoir ces 3 fecondes dans la parallaxe en afcenfion droite, on ne fauroit toûjours quel parti prendre; s'il faudroit s'attacher inviolablement à une certaine hypothèfe, ou s'il faudroit en embrafler quelqu'autre, en faifant changer le rapport entre les axes de la T'erre. HE Il ne me refte plus qu'à rendre compte du calcul fur lequel j'ai fondé tout ce que je viens de dire. Le détail. dans lequel j'entrerai, pourra avoir fon utilité; car s'il n'y a pas fa moindre apparence qu'on puifle fe fervir des parallaxes de la Lune pour déterminer la figure de la Terre, nous croyons qu'il eft très-à propos au contraire, en regardant cette figure comme connue, de faire attention, dans les occafions délicates, aux changemens qu'elle apporte aux parallaxes. Nous emprun- terons pour cela celles des remarques que nous avons déjà faites dans le livre de la Figure de la Terre, qui ont quelque rapport à ce fujet. La ligne 4 B /fg. 1) eft axe de la Terre, EC eft le rayon de l'Equateur; la courbe AZ B eft la moitié d'un méridien qui diffère du demi-cercle a E 6, parce que la Terre n'eft pas fphérique. J'ai confidéré la ligne Mem. 175 1: . K Manière de cal- culer les chan- gemens que la figure de la Terre apporte à la parallaxe de la Lune. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE courbe D G F' que forment dans l'intérieur de la Terre les centres D, G, P de toutes les parties fucceflives du méri- dien ; j'ai donné le nom de gravicentrique à cette ligne courbé DGF, & jai expliqué la manière de fa conftruire, aufli-tôt qu'on fait la loi que faivent les degrés de latitude dans leur accroiflement. Æ£ D eft le rayon du premier degré, & les arcs, comme D G, expriment la quantité dont les autres rayons font plus longs ; ou, fi à la place des rayons nous mettons la longueur mème des degrés, Æ D fera l'étendue du premier degré de latitude, & les arcs DG de la gravi- centrique marqueront les excès des autres degrés par rapport au premier. Si on veut avoir le point Z du méridien où le degré eft de même grandeur que celui de longitude pris fur l'Equateur, on n'a qu'à faire l'arc DP égal à DC, & conduifant une tangente à la gravicentrique par le point P, elle viendra marquer le point requis L; on aura P L égal à PGD + DE, ou égal à CE qui repréfente la gran- deur des degrés même de l'Equateur. I! eft comme inutile de faire remarquer que les tangentes de la gravicentrique font avec le rayon de l'Equateur des angles qui expriment la latitude de chaque point du méri- dien. La latitude du point 7 eft égale à l'angle ENA, & il eft clair que fi on tire par le centre C, une parallèle C4 à GH, elle viendra marquer, pour la Terre fuppofte fphé- rique, le point Z correlpondant de AH: ainfi, pour favoir l'effet que produit la non-fphéricité de la Terre fur la pa- rallaxe de la Lune, il s’agit de découvrir le petit angle qui eft foûtenu ici bas par le petit intervalle 4, & qui a fon fommet à la Lune. Sachant combien la Planète a de décli- naïlon, & à peu près fa diftance au centre de la Terre, on peut toüjours la placer affez exactement par rapport au rayon CE de l'Equateur, & par rapport à tous les points 4, /, a, de la Terre fuppofte fphérique : il ne reftera plus après cela qu'à connoître 4 & fa fituation; la fimple réfolution d'un triangle rectiligne donnera enfuite angle à la Lune que foûtient Æ/4. Au lieu de trouver cet angle par une feule DES SCIENCES. $ opération, il fera prefque toujours plus fimple de le chercher en deux fois; de tirer 4 X parallèlement à l'axe de la Terre, & HK perpendiculairement, puis de chercher l'angle que foûtient Â4, qui altère principalement la parallaxe en dé- clinaifon, & d'y ajoûter l'angle que foûtient AK qui altère la parallaxe horaire, ou en afcenfion droite lorfque laftre n'eft pas au méridien. Ces deux angles ajoûtés enfemble, donneront, lorfque la Lune paffera par le méridien, l'angle total appuyé fur Æ/4, lequel conftitue fa différence de paral- laxes pour l'Oblervateur fitué en Æ, fur la terre aplatie, & pour celui qui feroit fitué par la mème latitude en 4, fur une terre parfaitement ronde. Toute la difficulté fe réduit, comme on le voit, à trouver KH & Kh, ou à trouver la longueur & la fituation des petits intervalles #7} qui féparent Îes lieux correfpondans HA & k fur la Terre aplatie & la Terre fphérique. Nous pouvons donner d'abord une expreflion géométrique fort naturelle & fort fimple de ces lignes, qu'il fera aifé de réduire à une opération graphique: nous développerons la gravicen- trique DGF, en commençant au point P, qui eft l'extrémité de Farc DP, de même longueur que DC, excès de EC fur ED, ou du degré de l'Equateur fur le premier degré de latitude. On aura les deux lignes d'évolution PRC & PQ, qui formeront un point de rebrouflement en P: a courbe CPQ, eft du nombre infini de celles qui font pa- rallèles à fa courbe £ HA, qui forme le méridien. Si l'on prend à volonté un point fur la ligne droite £C, en defus ou en deflous de Æ, & qu'on fafle mouvoir cette ligne en appliquant fucceflivement tous fes points à ceux de la gravi- centrique DGF, de manière que la ligne droite foit con- tinuellement tangente à la ligne courbe, le point qu'on aura choiïfi décrira une ligne courbe, parallèle à EH A, que décrit en mème temps le point Æ. Pendant ce mouvement, le point C tracera la courbe CPQ: ainfi cette dernière ligne eft du nombre des courbes parallèles, & tout ce qui la dif- tingue, c'eft fon cours particulier & qu’elle paffe par le centre K ï 76 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE C. Tous fes points font également éloignés de leurs. corref- pondans dans le méridien, ils en font éloignés de CE, RH, PL, QA, &c: ‘Cela fuppofé, pour favoir combien un lieu propofé A, fur le fphéroïde aplati, eft éloigné de 4, qui eft par la même latitude fur la fphère, il fufht de confidérer le point À, qui eft à l'extrémité de ÆZR, fur la ligne d'évolution CPQ. La corde RC de cette courbe fera toüjours égale & fituée pa- rallèlement à 4: car la ligne RH eft égale à PD + DE, elle eft égale à CE ou à CA; ce qui rend la figure com- prife entre les parallèles RAA & C4, un parallélogramme exat, & ce qui fait CR continuellement égal à HA. I fuit de là que l'effet de la non-fphéricité de la Terre, ou que l'intervalle qui fe trouve entre les lieux correfpondans H & kh fur le fphéroïde aplati & fur le globe, va conti- nuellement en augmentant à mefure qu'on prend de plus grandes latitudes, jufqu'au point Z où le degré du méridien eft exactement égal aux degrés de la fphère ou au degré pris fur l'Equateur & dans le fens de l'Equateur. Cette remarque mérite d'autant plus d'attention, que la propriété dont il sagit, eft commune à toutes les figures : le calcul l'avoit déjà fait apercevoir à d'autres perfonnes pour l'ellip{e; mais on voit ici de la manière la plus fimple, que le plus grand intervalle entre toute ligne courbe, comme £ HA, & un cercle £a, en tant que fun & l'autre font gradués, fe trouve précifément dans l'endroit où les degrés marqués fur la ligne courbe font égaux à ceux du cercle. Ce maximum CP eff terminé par un point de rebrouflement; ce qui montre que l'eflet produit par {a non-fphéricité de la Terre diminue d'une manière fubite, de part & d'autre de P, ou de part & d'autre du point ZL fur le méridien. Les effets relatifs HK & Kh, ou ceux qui influent plus particulièrement fur la déclinaifon & fur l'afcenfion droite, font aufli des maxi- mum au point P: nous avons AT égale à 44, & RF égale à HK; & on voit que les lignes RT & RY augmentent jufqu'au point ?, DIE sh 97 GhIN'E Noc+E,s On découvre aufli, fans recourir au calcul, en quel en- droit du ciel la Lune doit être fituée pour que les petites lignes que nous venons de confidérer, foûtiennent les plus grands, angles poflibles. Si l'inclinaifon de Æ/4 par rapport à Yaxe de la Terre, eft trop grand, fi elle furpañfe 28 où 29 degrés, la Lune ne pourra pas venir fe placer perpendicu- lairement au deflus de ce petit intervalle: mais il eft évident que l'angle à la Lune qui aura Æ/4 pour foûtendante, fera le plus grand qu'il fera pofñble, lorfque la Planète fera le plus avancée qu'il fe pourra vers le pole A. Au furplus, nous nous contentons de confidérer ici le cas le plus fimple; car fi les degrés du méridien, après avoir aug- menté jufqu'à un certain point, diminuoient enfüite, & croil- foient de rechef après cela jufqu'au pole, la gravicentrique, au lieu d’avoir un cours fuivi dans un certain fens, auroit des points de rebrouffement , comme dans la figure 2, & il y auroit autant de ces points qu'il fe trouveroit de différens paffages entre l'augmentation & la diminution des degrés. La ligne d'évolution CPpx pourroit avoir auffi plufieurs points de rebrouflement (il faut en fuppofer trois ici, favoir, deux en P & en p, outre celui qu'on voit en æ) alors les altérations caufées aux parallaxes lunaires par Îa non-fphéricité de fa Terre, auroient plufieurs #aximum qui feroient féparés par des minimum, & Yes uns & les autres répondroient à autant de différens points du méridien où fes degrés feroient égaux à ceux de l'Equateur. Lorfque fa gravicentrique a un cours régulier, comme dans la figure première, il n'y a qu'un feuf point du méridien où le degré foit de même Jongueur que celui de l'Equateur, au lieu que dans la figure 2 cette Éga- lité fe trouve en trois endroits différens, & dans chacun, l'intervalle entre le fphéroïde & le globe, Jorfqu'on mefure cet intervalle entre les points qui font par la même latitude, eft un plus grand ou un moindre. Il appartient à là Géo- métrie de prélenter les chofes d'une manière fi générale : cette fcience étend prefque toûjours trop loin les limites du poffble, lorfqu'il s’agit de Phyfique; mais revenons à notre première fioure. 78 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE Nous n'avons, pour trouver AK, qui eft égale à RF, qu'à chercher combien AZ, qui repréfente le degré pris perpendiculairement au méridien & confidéré comme degré de grand cercle, eft plus long que le degré de Equateur repréfenté par £C ou fon égale AR. Nous avons donné dans le livre de la Figure de la Terre, la manière de déter- miner cet excès À Z ; nous avons même marqué la loi qu'il fuit dans certaines figures : il ne reflera donc qu'à le dimi- nuer dans le rapport du finus total au finus complément de la latitude, & on aura À Ÿ qui eft égal à A X. HU ne coû- tera guère plus de peine à trouver À ou fon égale RAT, & nous la déduirons de RN, avec laquelle elle a le même rapport que le finus de la latitude comparé au finus total. Nous avons prouvé que fr les excès des degrés de latitude fur le premier font exprimés par les fmus des latitudes élevées à la puiflance m, GN fera la partie —"— de l'arc GD; MH 1 d'où il fuit que NO, excès de GD ou de GO fr GA, eff la partie —— de Farc G D; & fi on dte NO MHI — —— GD de RO où de PGD — CD, on aa RN= CD — == GD, dont on conclurra RAT. 1 Een Il doit étre permis fans doute , dans ces fortes de recherches, d’avoir recours aux méthodes d'approximations , lorfque les expreffions exactes ne fe préfenteront pas aifément. On peut, fans que l'erreur tire à conféquence, en déterminant des lignes dont la longueur produit à peine des effets fen- fibles, négliger toutes les quantités qui font incomparable- ment plus petites. Soit qu'on ait obtenu les valeurs algébriques des petites lignes A X & K'h, où qu'on ait feulement leurs valeurs en toifes ou en quelqu'autre mefure, on aura l'eflet qu'elles pro- duifent fur la parallaxe de la Lune, en le rendant propor- tionnel à la parallaxe horizontale, Si la Lune n'a point de pi E.:94 4 SUGUTNE Ni © 1er re 9 déclinaifon , & fi elle eft au méridien, il eft évident que H K n'apportera aucun changement à fa parallaxe : toute l'altération, au moins celle qui demande qu'on y faffe atten- tion, fera alors caufée par À A, & il n'y aura que cette fimple analogie à faire, l'étendue du degré de l'Equateur, repréfenté par £C, eft à la parallaxe horizontale comme #4 fera au changement que la figure de la Terre caufe à a pa- rallaxe en déclinaifon. Lorfque la planète fera éloignée de l'Equateur , il faudra faire une petite réduction à Æ4 avant que d'employer l'analogie précédente; il faudra diminuer X4, à caufe de fon expofition oblique, dans le même rapport que le cofinus de la déclinaifon de la Lune eft plus petit que le finus total. Dans ce cas, AK produira auffi fon eflet, qui fera à ajoûter ou à fouftraire, felon que la Lune fera d'un côté de l'Equateur ou de l'autre; & avant que de le calculer par la comparaifon de la parallaxe horizontale avec EC, il faudra réduire la petite ligne Æ K, en la raccour- ciffant dans le même rapport que le finus de la déclinaifon de la Lune eft plus petit que le finus total. J'ai fait abftraction de la dédclinaïfon de la Lune dans les deux petites Tables qu'on trouvera à a fin de ce Mémoire; elles contiennent les valeurs de À À & de KA en dixièmes de fecondes, ou les petits angles parallaétiques que ces lignes foûtiennent lorfqu'elles fe trouvent expofées perpendiculaire- ment à la Lune. Je les ai calculées pour les deux différentes hypothèfes fur lefquelles j'ai plus particulièrement infifté : jai fuppofé dans l'une que les excès des degrés de latitude fur le premier font comme les quarrés des finus des lati- tudes, & que le rapport entre les deux axes terreftres étoit exprimé par 223 & 222: dans l'autre hypothèfe, j'ai fait les excès des degrés proportionnels aux quatrièmes puiflances des fnus des latitudes, & j'ai exprimé par 179 & 178 le rapport entre les deux axes. Pour le dire encore en d'autres termes, nos deux petites ‘Tables marquent les grandeurs appa- rentes des petites lignes AX & Kh, en fuppofant qu'elles fuflent vües de la Lune, & que la fituation de cette planète Détermination des endroits de la Terre les plusavantageux pour la compa- raifon des paral- laxes lunaires. 80 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ne leur fitrien perdre de leur grandeur apparente ; ce qui arrive à l'égard de 47 K,, lorfque la Lune eft dans le cercle “horaire de fix heures, & à l'égard de KA toutes les fois ue la Lune eft dans l'Equateur. Indépendamment des changemens que ces petites quantités fubiffent néceflairement dans les autres cas, elles doivent aug- menter ou diminuer en même raifon que la parallaxe hori- zontale; elles doivent aufii changer felon le rapport qu'on mettra entre les axes, fuppofé qu'on le rende différent de celui que jai employé dans mon calcul. Si au lieu, par exemple, de faire dans la première hypothèfe l'aplatiflement de la Terre d’une 223.m€ partie de l'axe, on le diminue de moitié, en ne le faifant que d’une 446.m€ partie, toutes les valeurs de A À & de KA deviendront aufli deux fois plus etites. La Terre confervera, fr on le veut, f1 même grof- {eur dans le milieu de la Zone torride; mais comme on aura donné de moindres dimenfions à la gravicentrique DG F, toutes les lignes RN, ZR, RT, RF, &c. fe trouveront plus petites proportionnellement ; & ce fera la même chole de AK, Kh, MS, Sm, Aa, &c. L'Aftronomie eft devenue fi fcrupuleufe depuis un certain temps, que je fuis perfuadé qu'on ne négligera pas, au moins dans certaines circonftances, d'appliquer aux parallaxes lu- maires les petites équations que nous propofons. L'ufage que nous avons fait de nos petites Tables pour nous décider plus fûrement fur la queftion qui a donné occafion à ce Mémoïre, eft un des moindres de ceux qu'elles puifient avoir ; cepen- dant nous y revenons, afin de ne laïfler aucun doute fur ce fujet. I V. Nous ferons remarquer d'abord que quelque grandes que fuflent les altérations que caufe aux parallaxes de la Lune la non fphéricité de la Terre, le problème dont il s'agit feroit toûjours indéterminé, fr le rapport entre les parallaxes alté- rées étoit le même qu'entre les parallaxes qui conviennent au globe. En effet, la grandeur des intervalles qui féparent les Obfervateurs, DES SCIENCES. 81 Obfervateurs, règle le rapport qu'auroient les parallaxes fur une Terre parfaitement fphérique; mais fi la figure aplatie du fphéroïde diminuoit exaétement ces parallaxes proportion nellement, on ne pourroit en tirer que cette feule confé- quence, que notre globe eft moins gros par rapport à la diftance d'ici à la Lune ; & rien n'obligeroit d'altérer fa figure. On feroit les intervalles Æ, 4 & Am entre les Obfer- vateurs, du même nombre de degrés, mais en fuppofant la Terre plus-petite & toûjours fphérique. Pour obtenir quelque chofe de plus, il faut donc néceffairement que la loi que fuivent les parallaxes fur le globe, foit effectivement troublée; faut que les petits angles parallactiques qui altèrent les grandes parallaxes , foient dans un autre rapport que ces pa- rallaxes. C'eft ce qui arrive réellement; mais comme le rap- port n'eft que très-peu changé , vü la grandeur des parallaxes & la petitefle des altérations, le problème eft prefque indé- terminé; & s'il ne l’eft pas abfolument, les moindres erreurs dans les obfervations apportent toüjours autant de différence dans le rapport des parallaxes, que peut y en apporter le défaut de fphéricité de la Terre; ce qui empéche la mé- thode de réuffir. Si fon nomme + & f7 les deux angles de parallaxe que produiroient fur le globe deux grands intervalles, comine Æ#4 & El, où 47 & hm, & qu'on cherche par le moyen d'une de nos petites Tables, ou par quelqu'autre voie, le rapport qu'a la différence À a des axes avec les altérations caufées aux parallaxes par e défaut de fphéricité ; fi on divife, par: exemple, ces altérations par 2 dans la première Table, il viendra des quotiens 4 & ; qui ne feront pas fujets à changer, quoïiqu'on augmente ou qu'on diminue f'aplatiffement Aa de la Terre. En effet, pour faire changer l'aplatiffement de Ja Terre, il fuffit, comme nous l'avons déjà dit, d'augmenter ou de diminuer la grandeur de la gravicentrique, fans en changer la nature ; ou fi on laïffe à cette courbe fes mêmes dimenfions, on n'a qu'à augmenter ou diminuer, D £ : toutes les lignes HK, Kh, SM, Sm, Aa, &c quoique portées Meém, 1751. * . L 82 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE à une diftance plus grande ou plus petite du centre ©, feront toûjours les mêmes, elles changeront feulement de rapport « LME LI Ë avec le rayon de la T'erre ; mais —— = #, où —— — j, &c. Aa Aa feront toûjours des quantités invariables. Ainft nommant x ja petite quantité Aa, ou Ja fraction qui exprime le rapport de laplatiflement comparé à axe, nous aurons 4x & x pour lexpreffion générale des altérations A4 ou L/ que fouffrent les parallaxes pour les intervalles terreftres propo- {és : nous aurons donc 7 — #x & fm — ix pour les parallaxes fur le fphéroïde aplati ; & fr on a trouvé les quan- tités p & gp, par obfervations pour ces mêmes parallaxes, nous aurons 7 — x = p, & fr — ix = gp, dont on tire la petite formule x — PRE i—fh blème, mais qui le laifle prefque dans fe même état que s'il étoit réellement indéterminé, parce que le numérateur & le dénominateur de la valeur de x approchent trop de zéro. On voit outre cela qu'on tomberoit abfolument dans le cas de l'indétermination, fi on ne fuppofoit pas donnée la nature du méridien; car on cefferoit alors de pouvoir trouver les quantiés À & i qui marquent le rapport qu'ont les petites altérations ou les petits angles parallactiques avec l'aplatifie- ment du fphéroïde, Nous avons dit dans le fecond article, que fi quatre OB- fervateurs travailloient en même temps à la détermination des parallaxes, dans le deffein d'en conclurre la Figure de la Terre, & que ces Oblervateurs fe plaçafient de part & d'autre de l'Equateur par des latitudes correfpondantes , il faudroit que les deux Obfervateurs les plus éloignés allaffent jufqu'aux poles, & que les Obfervateurs intermédiaires fe miffent par des latitudes qui dépendent de la nature ou du genre des méridiens. C'eft ce qui eft très-facile à prouver, & en général que fr les excès des degrés de latitude fur le premier font comme les finus s des latitudes, élevés à fa puiffance m, il faut que les Oblervateurs intermédiaires fe qui réfout le pro- DAEWS :S'IC:1'E NC: E:s. 83 mettent à une diflance de l'Equateur dont le finus foit moindre que le finus de la latitude des deux autres Obfer- L vateurs, dans le rapport de unité à /m + 1)", Si nous prenons a pour le finus total, pendant que s dé- figne le finus de la latitude des deux obfervatoires intermé- de 5” 3 : diaires 7, nous aurons —— pour Farc GD de la gravi- centrique, qui eft égal à l'excès de grandeur du degré du mé- ridien en À fur le degré en Æ: fr nous nommons de plus 4; excès DC du degré de l'Equateur fur le premier degré du méridien, & que nous introduifions ces expreflions dans la valeur CD — en GD de RN, que nous avons rap- 4 DC Î . 1 0/ portée vers le milieu de Farticle précédent , nous aurons RN = b — —— x —— ; & fi nous faifons cette ana- M + 1 a FA logie, le finus total à eft au fmus s de Ia latitude, comme RN—= Bb — => eft à RAT, nous aurons RAT (m+ 3)a b s s7 + 1 — — ———, & ce fera aufir la valeur de KA. a (n+1)a Cette quantité doit être doublée pour avoir l'effet de Ja non- fphéricité de la Terre fur la parallaxe de la Lune, parce que les deux petites lignes Æ4, diminuent par rapport au globe pour les deux Obfervateurs correfpondans 4° & H, la corde de larc dont ils font féparés. Quant aux petites lignes HX, on peut regarder leur effet comme infenfible, lorfque la Lune eft dans l'Equateur: ainfr nous avons fim- NET de parallaxe qui eft foûtenu par l'arc terreftre Z} ou par fa corde 25. Par les mêmes raifons, fi les deux Obfervateurs les plus éloignés font placés dans les deux points 47, dont le fmus de la latitude eft tr, Ja parallaxe qu'ils obferveront, aura pour bafe la corde 2, & f'effet de la non-fphéricité Li ; b PAU Po CE D : plement — — pour altération faite à l'angle 84 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ere On convient enfin que fi les altérations étoient propor- tionnelles aux parallaxes, rien n’indiqueroit la non-fphéricité de la Terre: les Obfervateurs fe trouveroient placés préci- fément les uns par rapport aux autres, fur le fphéroïde comme fur le globe. Dans ce cas, laltération faite à la parallaxe donnée par les obfervations intermédiaires, fe trouveroit par b de la Terre fur cette parallaxe fera de a bo 26 . x 2 cette analogie, 2 œ eft à — — -——— comme 25 eff a (m+1)a \ 285 205 È . PRE — — ———— ; mais comme, au lieu de cette quantité, a (m+3)a EE a pour altération que foufire {m+1)a la parallaxe foûtenue par #4 ou le double de X#, il eft évident que c'eft l'excès d’une de ces quantités fur l'autre, qui marque l'altération reçüe, non pas par les parallaxes, mais par leur rapport, & qui indique la non-fphéricité de +2 2bs nous avons — a la Terre, à laquelle il eft proportionnel. Cet excès ===" (m+3)4 eft donc la petite quantité qu'il s'agit d’apercevoir par les inftrumens; & il faudroit qu'elle füt la plus grande qu'il eft poffible, fi on vouloit que les Obfervateurs fe trouvaflent dans la pofition la plus avantageufe pour décider la queftion P P 8 P q de la Figure de la Terre. \ . 2 Il y a deux manières de faire augmenter ——— : la (m+3)a première confifte à rendre plus grand le finus & de la Jati- tude des Obfervateurs les plus éloignés A1 & A, & il fau- droit que ces Obfervateurs avançaffent jufqu'aux deux poles oppolés. Le fecond moyen de faire augmenter la quantité 26"s—25"* Tnia On trouvera, en rendant fimplement s variable, que la quantité dont il s'agit, eft un plus grand, lorfque /m+- 1) , C'eft de régler la grandeur de s fur celle de 9. ele ou que 1e | V : ainfi on voit fa mm + x DE SUIS @NE N:cC E:s 85 démonftration de ce que nous avons avancé fur la fituation la plus avantageufe des Obfervateurs les moins éloignés de l'Equateur. Cette fituation dépend de Ha nature du fphéroïde; outre cela, fi après avoir fait fes obfervations dans des endroits un peu pris au hafard, on vouloit en déduire la figure de la Terre, il faudroit encore, comme nous l'avons auffi dit plufieurs fois, regarder cette même nature du fphé. roïde comme connue. Il pourroit venir en penfée, pour faire cefler l'indétermination du problème, de travailler à obtenir d’autres données par d’autres obfervations, & on les joindroit aux parallaxes. La chofe feroit très-poflible dans {a fpéculation; mais fi les parallaxes avoient beaucoup de part à la folution du problème, la méthode feroit toûjours inutile pour la pratique, à caufe du vice qu'on y laïfféroit, & auquel on ne remédieroit pas. On ne peut pas éviter que les plus petites erreurs dans les parallaxes de la Lune, ne tirent toûjours trop à conféquence fur le rapport des deux axes terreftres. Ainfi il faut pluftôt faire tout le contraire : quoique le rap- port des axes ne {oit pas déterminé avec autant d’exactitude qu'il le fera dans la fuite, nous devons le traiter comme connu, & nous en fervir pour perfeétionner la Théorie des parallaxes. L ii 86 MÉMOIRES DE L'ACADÈMIE ROYALE TABLES des changemens que caufe aux parallaxes de la Lune le défaut de Jphéricité de la Terre, dans deux hypothèfes différentes. Les excès des degrés de latitude} | Les excès des degrés de latitude fur le premier {ont comme les fur le premier font comme les quarrés des finus des latitudes, & quarrés-quarrés des finus des lati- les deux axes font entr’eux comme tudes, & les deux axes font entr’eux 22314222: comme 179 à 178. ANGLE ANGLE ANGLES ANGLES DRE paeants Poe A SR AURET pe PO RE foûtenu foûtenu foûtenus foûtenus Lo os du QU 5 + : rue Le ds | Degrés, Dixièmes de feconde. | Dixièmes de feconde. Degrés. Dixièmes de feconde. 0,0 o”,o o 0,0 5 Oo, 1 2,7 5 0,1 0,5 53 10 0,5 757 15 1,0 10,0 20 1,9 11,8 25 2,8 13,6 30 4,0 I 4 8 3 5 5 9 15,8 40 6,4 16,4 45 715 19:7 16,7 50 8,4 20,5 17,0 58143 91 16,7 | 60 9,0 16,2 70 77 1557 80 45 1535 0,0 La parallaxe horizontale, ou l'angle parallactique foûtenu par le rayon CE de l'Equateur , a été fuppofé de 57 30”. er = Mem, de LA: R des Se.1781. Pag. 86. PL. 6, TT ———_—— Mende LA R des Ser781. Pag. 86. PL.6 DES SCHENCES. 87 OBSERVATIONS DE DEUX CONJONCTIONS DE JUPITER À LA LUNF, Faites à Paris le 9 OGobre à le 29 Déc. 175 1. Par M. LE MoNNIER le Fils. 2 L: première de ces deux conjonétions a été vüe forfque _ Li jétois en voyage, dans mon obfervatoire par M. de l'Olbinière , Officier d'Infanterie en Canada, qui sy étoit déjà préparé; mais il n’a pû obferver qu'à l'inftrument des paflages la différence d'afcenfion droite : car limmerfion & lémerfion lui ont échappé, à caufe de la trop grande erreur du calcul de la Connoiflance des Temps, comme M. de FOlbinière l'a reconnu en s'éveillant avant 3 heures du matin, puifqu'à 3P 39° ou 39'+ Jupiter étoit déjà forti de deffous le difque lunaire, au lieu qu'il n'en dévoit {ortir, felon ce calcul, qu'à 4h 33", c'eft-à-dire, oh 54’ plus tard. A 3h 45° 58"? de temps vrai, le fecond bord de Ia Lune a pañlé au méridien, favoir, oP 02" 1 6" après Jupiter. : M. de l'Olbinière avoit trouvé à 3% 40°+ la différence en hauteur où de déclinaifon entre le centre de Jupiter & le bord fupérieur de la Lune, de o4 6° $8"1 dont Jupiter étoit plus auftral; ce qui a été mefuré pour Îers avec le mi- cromètre de mon quart-de-cerclé mobile, Préfentement, pour connoïître les afcenfions droites, tant » de Jupiter que de la Lune, voici l'extrait du Journal des “ obfervations faites à l'inftrument des paffages, dans un temps HY Nr: où 23h55" 55"+ de la pendule répondoient à 3 6o degrés. k Témps vrai, 56” Jupiter pañle au fl. ..... 3h 43° 42"1 1751 )3. 37. 22 Ie bord dentelé de la Lune, 3. 44. CLÉ ie 3- 39- 12% le fecond bord de Ja Lune. 3. 45. 582 O2 ER RIEElR al SET lea. 44006: \12 mn [a] \o © à ww C] Us ES 88 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Or fuppofant l'afcenfion droite apparente de Rigel de 754 39° 39"+, lon aura celle du fecond bord de la Lune de 7od 35° 30", & celle de Jupiter, de 7od o1’ 17". En comparant le paffage du fecond bord de la Lune à celui de la luifante de l’Aigle, qui a précédé au méridien de 9h 22° 3124 de temps moyen, on trouve f'afcenfion droite, tant de ce bord de a Lune que celle de Jupiter, un peu plus rande; mais il y a apparence que la direction de la lunette de F'inftrument des paffages a été changée pendant ce long intervalle de temps. Au refte, il y a trois filets verticaux au foyer de cette lunette, & M. de lOlbinière y a obfervé les paffages, tant de Jupiter que du bord dentelé de la Lune, comme il fuit, à 3h 35° $5"+ de la pendule; le premier bord de la Lune a fuivi Jupiter de oh 00” 23" au fil ver- tical qui précède celui qui eft au centre de la lunette. Enfin, au dernier filet vertical, le même bord de la Lune y a fuivi Jupiter à 3h 38" 49”, de oh 00" 29". Mon grand quart- de-cercle mural étant alors en route pour Berlin, M. de lOlbinière n'a pû déterminer aflez promptement la décli- naifon de Jupiter, mais feulement fa différence au quart-de- cercle mobile. Or, pour mieux connoiître la pofition de Jupiter, voici quelques autres obfervations que j'ai faites du lieu de cette planète au temps de fon oppofition. Le 30 Novembre, à 11h 50° $ 8” de temps vrai, Jupiter a précédé à la lunette de Finftrument des pañages l'étoile & de l'œil du Taureau ou A/débaran, de oh 03° 42"+. La hauteur méridienne de cette planète étoit alors 614 41° 05"; & fuppofant la hauteur de Equateur de 414 07” 55"; On trouve fa déclinaifon boréale 204 32° 39". Mais l'afcenfion droite apparente d’A/débaran étoit alors 651 26" 05", c'eft pourquoi f'afcenfion droite apparente de Jupiter a dû être de 644 30° 19"; & prenant pour Yobliquité apparente de l'écliptique 234 28° 26”, l'on aura la latitude auftrale de Jupiter od 50° 51”, & fa longitude géocentrique H 64 13° 32"+, en Otant 1 1” pour fon aber- ration en longitude qui étoit orientale. Le DES SCIE NcEs 89 Le 29 Décembre 175 r, le ciel s'étant découvert, je me fuis préparé à obferver la feconde conjonétion, & J'ai d’abord remarqué qu'à 8h 33" 12"2+ Jupiter paroifloit prelque arrivé dans la ligne des cornes, c'eft-à-dire, que peu de temps avant fa conjonction apparente il étoit fenfiblement éloigné du bord auftral de la Lune: ainfi Jupiter ne s’eft point éclip{é comme f'avoit prédit le calcul de la Connoiffance des Temps. Cette planète paroifloit à cet inftant dans le prolongement du rayon lunaire qui pafloit par le mont Sinaï. Au moment de fa conjonction apparente, vers 8h 34 ou 347, le centre de Jupiter me paroifloit affez exaétement diflant du bord le plus proche de la Lune, de deux fois fon diamètre : à 8h 39° +, Jupiter m'a paru dans le prolonge- ment du rayon ou demi-diamètre lunaire qui pañoit par Lacus niger major. Les temps vrais qui fuivent ne font défi- gnés qu'à 5” près, à caufe qu'on voyoit trop rarement fe Soleil à midi. Sa haut. au quart- de-cerclemob... 61408/ 42" À 9" 29° 04" pañfage de Jupiter au mérid.Î # er ; a oh +, le bord 9- 29. 182+pafl. dur. bord de Ia Lune fa 9h 30/2, 1 FAUNE 9. 47. 11 pañage d'Aldébaran. J'ai mefuréle diamètre de Ja Lune un peu après fon paffage par le méridien, & j'ai trouvé avec la lunette de 9 pieds le diamètre vertical & apparent de 33’ 50 ou s2"+, ou bien de 41° 02" dont celui du Soleil répondoit le 5 Janvier fuivant à 39%" 181 Mém. 1751, . M 90 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE O,B: SE. RFA T'ON POUR LA CONJONCTION DE JUPITER AVEC LA LUNE, Du 29 Décembre 1751 au foir, | FAITE À PARIS DANS L'HOSTEL DE CLUGNF. PAUMDE LISE ETTE conjonction, qui avoit été marquée écliptique dans la Connoifflance des Temps & dans les Ephé- mérides de M. Abbé de la Caille, ne l'ayant pas été à Paris, j'ai obfervé le plus exactement que j'ai pü, la plus proche diflance apparente des bords les plus voifins de Jupiter & de la Lune dans le temps de leur conjonction. J'y ai employé une lunette catadioptrique de quatre pieds de longueur, de conftruétion Newtonienne, à laquelle eft appliqué un micromètre dont je me fers pour mefurer les diamètres apparens du Soleil & de la Lune, &c. Ayant difpofé les fils de ce micromètre fuivant le parallèle de Ju- piter vers le temps de fa conjonétion apparente avec la Lune, Je n'ai trouvé que $$ fecondes de diftance entre fe bord feptentrional de Jupiter & le bord auftral de la Lure; & comme le diamètre apparent de Jupiter, mefuré peu après avec le mème micromètre, a été de $o fecondes, il fuit que le centre de Jupiter a paflé à 1° 20" de diftance du bord auftral de la Lune : il étoit 8h 44’ 40” de temps vrai, lorfque j'ai mefuré cette diftance, J'ai encore mefuré deux autres fois après la conjonction, la différence de déclinaifon entre le centre apparent de Ju- piter & le bord méridional de la Lune, & je fai trouvé 2,9b,40437 temps vrai, de 2°, 56"; & à 9h12 56 d'a Lu. J'ai déterminé la différence d'afcenfion droite entre la Lune < DÉS ISICHENCES ot & Jupiter vers les mêmes temps, en obfervant leurs diffé- rences de paflage par un fil perpendiculaire au parallèle appa- rent de Jupiter. Voici les temps vrais de ces paflages & leurs différences. Le bord précédent ou occid. dela Lune... 8h58" 35“ |59° 41° [oh 3° 39" [6 7" Le centre de Jupiter à lhoraire. . ..... + 59 17È| o 222] 4 13:16 40% Différ. d'afcenf. droite entemps. 422 41 À 34 1] 32% Le bord précédent de Ha /Eune Ve .).le 9 17 362 Le centre de Jupiter à Thoraire. . ...... 17 $S4i19 92 15 14% 20 15 La pendule dont je me fuis fervi dans ces obfervations, eft réglée fur le mouvement des étoiles fixes, avançant par jour de 3° 56" fur le moyen mouvement du Soleil. J'ai auf obfervé le paffage du bord précédent de la Lune au méridien, qui eft arrivé à 9h 28° 58"2 de temps vrai. Je l'avois obfervé la veille à 8h 28° 42"2, & le 31 ce mème paflage eft arrivé à 11P 34 $9"+; comme ce der- nier paflage n’eft arrivé que quelques heures avant la pleine . Lune, j'ai pü obferver le temps que le diamètre de la Lune a employé à pafler par le méridien, que j'ai trouvé d’un peu plus de 2° 28" du temps du premier mobile: l'on en peut conclurre le paffage du centre de la Lune au méridien, le 31 Décembre au foir, à 118 36° 13”+ environ de temps vrai. Enfm jai mefuré fort exactement le diamètre apparent de la Lune avec le micromètre dont je viens de parler, & je l'ai trouvé de 33° 35" le 29 Décembre à 8h $7' du foir, temps vrai. Les parties de ce micromètre ont été ré- glées fur le diamètre apparent du Soleil, que j'ai fuppofé de $ fecondes plus petit qu'il n'eft marqué dans {a A LR 1] 92 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE des Temps, & cela pour des raifons que je rapporterai dans une autre occafion. La Lune étant alors élevée d'environ 61 degrés, l'aug- mentation de fon diamètre par-deflus l'horizontal, eft de 32 fecondes; d’où fe conclud le diamètre horizontal de la Lune de 33° 3”, un quart d'heure environ après fa conjonction apparente avec Jupiter. La Lune étoit alors vers fon périgée, ce qui rend cette obfervation plus importante, & elle avoit été recommandée aux Aftronomes dans lavertifflement de M. l'Abbé de la Caille; c'eft ce qui n'a engagé à la faire avec toute l'exactitude poflible. Le diamètre apparent de la Lune a été le 31 Décembre, de $ fecondes plus grand que le 29 ; car je l'ai trouvé le 31, deux ou trois minutes avant minuit, de 33’ 40", à la hauteur de 6od+: ce qui donne le diamètre horizontal, de 33 gi DE S SNCIDE NICE ss: 93 Re ei de | (seen ENS EEE ee OBSERVATIONS Qui ont rapport à l'accroifflement des cornes des Animaux, © qui peuvent férvir à expliquer Pourquoi dans certaines circonflances elles tombent à Je renouvellent par d'autres qui remplacent les anciennes. Par M. pu HAMEL. T après avoir coupé l'extrémité de l'ergot d'un jeune coq, on lui coupe la crète pour mettre le petit ergot, qui neft pas alors plus gros qu'un grain de chenevis, dans une duplicature que a crête fait à fa bafe ou auprès du crâne, le petit ergot fe grefle en cet endroit aflez parfaitement pour former fur la tête du coq une vraie corne, qui acquiert quel- quefois avec le temps plus de cinq pouces de longueur. Ce fait eft connu de tout le monde; mais la difléction de plufieurs de ces ergots n'a fait connoître qu'ils reflemblent parfaitement aux cornes des bœufs : car on trouve dans les unes & dans les autres un noyau offeux qui eft recouvert par un nombre infini de feuillets cornés, que j'ai féparés les uns des autres en les faifant macérer dans l'efprit de vin. Quelquefois le noyau offeux des ergots eft adhérent au crâne, comme celui des bœufs; mais d’autres fois il ne tient à la tête des coqs que par une forte d’articulation très - fin- gulière, dont j'ai parlé en 1746, dans un Mémoire que j'ai donné fur les greffes animales & végétales. Pour les obfervations rapportées dans le Mémoire cité, on avoit fait beaucoup plus de ces infertions d'ergots qu'il ne m'en falloit, de forte que plufieurs de ces coqs cornus étoient reftés dans la bafie-cour pluftôt comme une curiofité, que dans la vüe de faire fur eux de nouvelles obfervations. Ayant néanmoins remarqué que quelques-uns perdoient leur grande M ii 24 Mars 17$1. 94 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE corne, à la place de laquelle il en paroïfloit une nouvelle beaucoup plus petite, qui croiflant comme avoit fait lan- cienne, devenoit peu à peu aufft grande que celle qui étoit tombée, ce fait réveilla mon attention, & je crois avoir aperçû comment s'opère la déperdition des anciennes cornes, & la reproduétion des nouvelles. Pour comprendre mon idée, il faut favoir comment les cornes croiffent : j'efpère l'expliquer clairement au moyen de la figure première, qui repréfente une corne de cinq ans. J'ai beaucoup augmenté l'épaifleur des couches , tant offeufes que cornées, afm de les rendre plus fenfibles ; & Île noyau offeux eft ombré, pour le diftinguer de la partie cornée, qui eft feulement marquée par des traits. Il faut donc imaginer que le noyau offeux, de même que la partie cornée, font formés par des couches qui ref- femblent à des godets coniques qui fe recouvrent les uns les autres. Il eft eflentiel de remarquer à l'égard du noyau offeux, que le godet le premier formé eft le plus intérieur, marqué dans la figure par le chiffre /7): celui-là eft recouvert par un autre formé, fi l'on veut, la deuxième année, & qui eft défigné par le chiffre /2). Ce godet eft recouvert la troifième année par celui mar- qué (3): celui-ci eft recouvert la quatrième année par le godet /4), de forte que le godet offeux /5), le dernier formé, eft le plus extérieur. Il en eft tout autrement de [a partie cornée, la formation de fes couches eft dans un ordre renverfé de celle des couches offeufes ; car la couche cornée la première formée, & qui eft défignée par le chiffre romain /2), eft la plus proche de l'extérieure, elle recouvre la couche ///) qui a été formée Ja deuxième année: ainfi toutes les couches ont été formées fuivant l'ordre des chiffres romains; ce qui fait voir que la dernière formée eft la plus intérieure, au lieu que celle-ci, dans le noyau ofleux, eft la plus extérieure. Enfin, pour prendre une idée jufte de la figure, il faut DES SCIENCES. concevoir que les couches offeufes ou cornces » ContenpPo- raines ou formées {1 même année, font défignées par les mèmes chifires, romains pour les couches cornces, & italiques pour les offeufes. Il réfulte de 1à que toutes les couches, tant offeufes que cornées, font formées entre le noyau ofleux & l'enveloppe g cornée, Ainfi il faut qu'entre ces deux fubftances il exifte un organe capable de produire des lames cornces & des James offeufes, comme entre le bois & l'écorce il doit y avoir un organe propre à produire des couches corticales & des couches ligneufes. Je n'infifterai pas davantage fur ce point, quoiqu'il foit très-digne d'attention, parce que je préfenterai inceflam- ment à l’Académie un Mémoire qui contiendra toutes les expériences que j'ai faites pour eflayer d'acquerir quelques connoiflances fur ce fingulier organe: Je m'en tiens aux faits que je viens de rapporter, parce qu'ils fufhfent pour l'intelligence de ce que j'ai à dire au fujet des cornes. L'Académie fe rappellera que j'ai prouvé dans les Mé- moires que j'ai donnés fur les os, qu’ils ceffent de s'étendre fitôt qu'ils ont acquis un endurciffement parfait, & qu'alors leur accroiffement {e fait par des couches nouvelles qui s’ajoû- tent aux anciennes. Les couches comées ne paroiffent pas plus extenfibles, quand elles ont pris un certain degré d’endurcifiément : on peut s'en aflurer en remarquant que deux taches naturelles, ou qu'on à faites à defléin , reftent toûjours également éloi- gnées l'une de l'autre, quoique la corne augmente beaucoup de longueur, & que les deux taches s'éloignent de plus en plus de la tête à mefure que la corne croît. Pour rendre ceci plus chair, je fuppofe qu'on faffe une marque À (fg. 2) au milieu d'une corne qui ait deux pouces de longueur; cette marque fera à un pouce de fon origine, & à une égale diftance de fon extrémité. Quand la corne fe fera alongée d'un pouce / fig. 3) & qu'elle aura 3 pouces de longueur, Ia marque fera toûjours 96 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE à peu près à un pouce de fextrémité de la corne, mais elle fera éloignée de fon origine ou de la tête de l'animal, de deux pouces; ainfi, au lieu que d'abord elle étoit placée au milieu de la longueur de la corne, elle répondra aux deux tiers de la corne alongée : de même, quand /fg. 4) la corne aura acquis quatre pouces de longueur, la marque reftant toûjours à peu près à la même diflance de l'extrémité de la corne, elle fera à trois pouces de fa bafe, & aux trois quarts de la longueur totale. Ceci prouve que les cornes ne s'étendent que par leur partie inférieure; mais il convient d'indiquer plus exaétement à quel endroit fe fait cet accroif- fement. I eft évident que fes couches offeufes du noyau peuvent, fans aucun inconvénient , refter de la grandeur qu'elles avoient dans le temps de leur formation ; car comme les couches, tant offeufes que cornées, fe forment fur les anciennes, rien n'empêche que celles-ci ne confervent dans l'intérieur de 1a corne leurs dimenfions primitives. Mais il n’en eft pas de même de la partie cornée; car comme il fe forme dans fon intérieur des couches offeufes & des couches cornées, il faut que les anciennes couches, celles qui font les plus extérieures, fe prétent à l'addition des nouvelles par un accroiffement proportionnel : or il nva paru que cet accroïflement fe faifoit uniquement par les bords inférieurs des feuillets cornés, ou par la partie qui tient à la tête; cet endroit, plus tendre &, pour ainfr dire, plus dudile que le refte, conferve la pro- priété de s'étendre proportionnellement aux accroiffemens intérieurs. Mais cette extenfion a des bornes, car l'augmentation de groffeur du noyau offleux, & peut-être plufieurs autres caufes, font que de temps en temps les couches extérieures fe fépa- rent de la tête de l'animal, & alors ces couches ne prenant plus d’accroiffement , leur marge inférieure s'éloigne de la tête du coq précifément comme les marques fuperficielles dont j'ai parlé plus haut. On conçoit qu'alors ces couches, détachées de Ja tête, ne er. de L'Ac.R . des Se.174. Pag. 96. PL 7 em. de l'Ae 2 das Se 17%. Pay. 96. Pl 7 JHgram Sup D ES SIGNE NC Es ne tiennent à celles qui ont confervé leur union avec la téte, que par ladhérence que les couches ont les unes avec les autres : or il arrive quelquefois aux couches cornées, comme aux couches ligneufes, que cette adhérence eft peu confidé- rable, & on pourroit dire que les cornes font fujètes, comme les bois, à être roulies ou roulées ; en ce cas le poids de a corne ou quelque accident rompant cette foible adhérence, la partie de la corne comprife depuis la roulure jufqu'à l’ex- trémité, fe détache & tombe (fig. 5) : fi la roulure eft près de l'extrémité 4, la corne eft feulement raccourcie d’un ou deux pouces; mais fi la roulure eft près de la bafe 4, prefque toute la corne tombe, & il ne refte fur 12 tête du coq qu'un petit cornichon €, qui, contenant le noyau offeux & quelques cou- chés cornées, eft en état de produire une corne femblable à la première. J'ai và l'un & l'autre cas arriver; mais fi, par une opération fort douloureufe ou par un coup violent, le noyau offeux étoit emporté jufqu'au crâne, la corne ne re- : poufléroit plus. Une portion de Ja partie cornée du bec des oifeaux fe déiache quelquefois comme les cornes dont je viens de parler, & il me fuffira d’avertir que ce que j'ai dit des cornes, convient parfaitement aux becs : ils ont, comme les cornes, un noyaux offeux avec des enveloppes cornées ; & pour peu qu'on examine eur accroiflement, on reconnoîtra qu'il eft fort femblable à celui des cornes. 6 Février 1751. 98 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE PREMIER MEMOIRE SUR L'O'R GANTS AT TION D'ESN OM Par M. DE LASÔNE. ] E Méchanifme de l'offification , long-temps livré aux hypothèfes & aux conjectures, eft devenu un point anatomique des plus lumineux, par le travail que M. du Hamel à fait fur cette matière, pour en éclaircir les phé- nomènes , en fuivant pas à pas la Nature dans une fuite d'expériences très - ingénieufes. H feroit bien à fouhaiter que, fachant ainfi la manière dont les os fe forment & croiïffent dans toutes leurs dimen- fions, nous euffions des connoïffances aufi pofitives & auffi complètes fur leur ftruéture & fur leur organifation lorf- qu'ils font formés. Quoique M. du Hamel, dans fes recherches, n’eût pas en vüe cet objet de l'anatomie des os, il n'a pas laïffé de s'y arrêter & de l'éclairer fur bien des points intéreffans, quand Foccafion s'en eft préfentée; mais du refte il renvoie à Clopton-Havers, à Gagliardi, à Malpighi, qui ont traité eflentiellement cette matière. On ne fauroit defavouer que ces Ouvrages n'aient un vrai mérite; cependant quand on veut les lire, en vérifiant en mème temps les defcriptions & les détails fur les pièces mêmes préparées & examinées par tous les moyens convenables, on eft arrêté de bien des façons. Il fe préfente quelques def- criptions incomplètes, quelques-unes même que lon ne fau- roit vérifier: on trouve au lieu de faits, des hypothèfes qui ne s'accordent pas avec les obfervations, des inductions fu- jètes à erreur, des ufages oubliés ou mal déterminés; on fait des obfervations & des remarques nouvelles. D''ETSTISNENMIE INTCUENS. Ce font ces différentes recherches dont je me propofe de rendre compte dans différens Mémoires. Dans celui-ci, j'expolerai l'organifation des os en général, telle que je lai obfervée à la vüe fimple & avec le fecours de la loupe & du microfcope, en employant des os préparés convenablement. 4 On diftingue deux fubftances dans les os, lune compacte ou folide, l'autre fpongieufe ou cellulaire. On convient gé- néralement que la partie compacte eft faite de lames difpofées par couches & appliquées les unes fur les autres, & que la partie fpongieufe eft faite de femblables lames disjointes, dé- rangées & liées entr'elles par des plaques ofleufes & par des filets intermédiaires. Pour aller du fimple au compolé, je rechercherai d’abord la ftruéture de la lame offeufe en particulier; enfuite je dé- crirai l'efpèce d’organifation qui réfulte de lunion réciproque des lames dans la fubftance compacte; enfin j'examinerai ce qui a rapport à la partie cellulaire & réticulaire des os, & à la moëlle. On fait bien pofitivement par les obfervations de Mal- pighi & de M. du Hamel, que les lames offeufes des fœtus paroiffent organifées à peu près comme un réfeau, c'eft-à- dire, que les principaux filets offeux, en fe ramifiant & en Sanaftomofant de différentes manières, laiffent entr’eux des intervalles ou des aréoles. M. du Hamel a donné la figure de ce réfeau d’après nature, & plus exactement que Mal- pighi qui, pour le repréfenter, a défigné toutes les nervures apparentes fur les feuilles des végétaux. Ce dernier Anatomifte prétend, & fon fentiment a pris le plus de faveur depuis qu'il Fa propolé, que ces aréoles font remplies d’un fuc offeux, qui sy étant infiltré, & s'y oflifiant peu à peu, concourt à lier tous les filets, & à achever lorganifation de chaque feuillet offeux dans l'adulte. Guidé par des obfervations & des remarques dont je vais rendre compte, je penfe au contraire que la lame offeuie n'eft qu'un aflemblage de fibres ou de filets endurcis, qui N ï 100 MÉMOIRES DE L'ACADEMIE KOYALE s'étendent plus où moins directement, qui font immédiate- ment adhérens par leurs anaftomofes & par leur*contaét ré- ciproque, fans l'interpofition des aréoles ou des véficules offeufes, & par conféquent que tout y eft organifé d’une manière uniforme, ou, ce qui eft le même, que l'organi- fation n’en eft abfolument que fibreule; & voici quelles font mes raïfons en prenant la chofe d’auffi loin que Malpighi, c'eft-à-dire, en commençant par l'examen des lames offeufes des petits fœtus. 1.° Il eft vrai qu'en examinant au microfcope les os du crâne des petits fœtus, j'ai vü que les fibres offeufes s’éloi- gnant un peu de leur contact réciproque, fe rapprochent enfuite en ferpentant & en fe ramifiant, pour ainti dire, les unes à côté des autres, & laïffent entr'elles des intervalles qui font occupés par une fubftance non offifiée, & que l'on fuppole être la place du tifiu véficulaire. Mais en examinant ces mêmes os, lorfque loffification eft plus avancée & lorfqu'elle eft complète, a loupe & le microfcope ne m'ont plus fait apercevoir que des filets of- feux qui occupent la place des aréoles, & qui reffemblent en tout aux premiers. 2.° Ayant fait calcirier les os du crâne d’un petit fœtus, alors j'ai pü diftinguer avec la loupe, & encore mieux avec le microfcope, des fibres ou des filets dans les intervalles que laiffent entr'elles les premières lignes offeufes, c’eft-à-dire, que j'ai vü une vraie organifation fibreufe dans fes mailles : peut-être ces filets rendus apparens font-ils de petits vaif feaux capillaires remplis d’une limphe ou d’un mucilage épaïffr, & qui en s'étendant & peut-être en fe ramifiant avant leur offification, font deftinés à concourir à la végétation & à Yaccroiflement de la lame offeufe. Ce moyen que j'ai employé pour rendre apparente l'or- ganifation entière de ces os des petits fœtus, eft extrème- ment commode. Le feu fait paffer les vaifleaux encore tendres à une efpèce d'offification prématurée, & les fait paroïtre diftinétement. D ES DNCVINE IN CES 101. La macération des mêmes os dans l'efprit de vin, & en- fuite leur deffication, m'ont encore fait voir un tiffu fibreux, au lieu d'un tiflu véficulaire; mais ce moyen eft bien infé- rieur au précédent. 3. Je ne vois pas quel pourroit être lufage de ce fuc offifié dans les prétendues cellules de Malpighi; ferviroit-il à encroûter, à oflifier les fibres longitudinales, à les lier & à les unir davantage? mais il eft certain qu'indépendamment du fuc offeux des véficules, ces fibres s'offifient, & qu'elles font liées & aflujéties par des filets collatéraux qui s’'offifient à leur tour. D'ailleurs, le contaét réciproque & immédiat que j'ai toûjours obfervé entre tous les filets, me paroiît {ul capable de donner une grande folidité au tiffu de la lame ofieufe : car c'eft un fait, que dans les animaux vivans, deux membranes, par exemple, d'une denfité & d’une fhucture à peu près femblables, acquièrent peu à peu par leur contact immédiat, & par leur endurcifiement réciproque, une union intime & d'autant plus grande, que les parties qui fe tou- chent, font capables de s’endurcir davantage. Si lon com- prime pendant quelque temps un vaifeau coupé, pour arrêter une hémorragie, les parois intérieures de ce vaiffeau { collent dans toute l'étendue de la compreflion : il en doit être de méme pour l'union des filets, à mefure qu'ils s'offifient. Si lon examine les fibres dont les ongles font compolés, affu- rément on n'y découvre aucun tifflu véficulaire; tous les filets font exactement parallèles: leur contact immédiat & leur endurciffement réciproque femblent être la caufe principale de la force de leur union, & cela paroït encore mieux fur les filets qui compofent la fubftance émaillée des dents. 4" Pour m'aflurer de la ftructure de la lame offeufe dans Yadulte, d'une manière encore plus füre & plus aifée, j'ai imaginé un moyen par lequel j'ai pû développer le 1iffu de cette lame avec prefque autant de facilité que celui du périofte. J'ai pris plufieurs feuillets fimples, féparés d'un os fémur; les ayant fait tremper dans une liqueur dont je parlerai, je les ai ramollis au point qu'ils reffembloient à une membrane. N iij 102 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE On conçoit combien ce moyen eft favorable aux obfervations que je me propolois de faire: en difléquant cetie efpèce de membrane fuivant la direction des fibres, je féparois les filets avec aflez de facilité; je n'apercevois pourtant que j'en coupois fans cefle d'obliques ou de tranfverfes, qui fervoient de liens & qui formoient un tiflu. Quelque atiention & quelque patience que j'aie apportées à cette diffection faite au foyer d’une bonne loupe, je n'ai jamais féparé que des fibres, que fouvent je fuis venu à bout de divifer encore en d’autres fibres plus petites : j'ai obfervé par-tout des anaftomoles & une contiguité parfaite entre tous ces filets, dont la direction eft prefque la même; & je me fuis bien affuré que les aréoles ou les mailles de Malpighi, remplies d’un fac ofleux qui s'y feroit extravafé, ne font que fuppofées, & qu'elles n'e- xiftent pas. En déchirant fuivant la direétion des fibres cette lame offeufe ramollie, je féparois les filets avec affez de facilité, parce qu'ils font tous, comme je l'ai dit, à peu près dirigés de même. À mefure que le déchirement fe faïfoit, je voyois des fibrilles qui, par l'effort du tiraillement, s’éloignoient un peu les unes des autres , s'entr'ouvroient, & enfin {e cafloient ou fe defunifloient tout-à-fait. Je vois donc dans cette diffection à peu près les mêmes phénomènes que dans celle d'un feuillet fimple du périofte: il y a pourtant une différence, c'eft que la lame ofleufe, quoiqu'au moins aufli épaifle que le périofle, ne nra point paru fufceptible de fübdivifion en plufieurs couches fibreufes ou feuillets, du moins n'ai-je pü réuflir à la divifer. Et fi c'étoit ici une lame fimple, d’où pourroit donc dépendre cette épaiffeur égale à celle du périofte compofé de plufieurs feuil- lets? c’eft fur quoi l'on ne peut propofer que des conjedures. Un point plus certain, c’eft qu'il ne me paroït pas qu'on foit plus autorilé par les obfervations, à admettre dans le tiflu : d’une lame offeufe, des véficules ou des aréoles remplies d'un fluide extravalé, que dans le tiflu d’une lame du périofte, où certainement il n'en exifte aucune. D) Est: SIREN CES. 10 Je paffe donc à l'examen de lorganifation qui réfulte de l'union réciproque des lames offeufes , pour former la fub- ftance compacte des os. J'ai déjà dit que l'aggrégation de ces lames, difpofées par couches les unes fur les autres, conftitue ce que les Anato- miftes appellent la partie compacte des os. I y a divers fentimens fur la manière dont les feuillets font unis & liés entr'eux. Clopton-Havers prétend que cette union dépend du fuc offeux qui f répand entre toutes les lames & qui les colle. Gagliardi admettant aufi l'interpofition du fuc offeux ; dit avoir encore découvert de petites chevilles offeufes de différente figure, de différente longueur, qui, pafant plus ou moins tranfverfalement d'un feuillet à l'autre, & faifant entreux l'office de tenons, les fixent & les clouent, pour ainfi dire, enfemble : tout pareils en cela à ces petites che- villes qui, felon le témoignage de quelques Phyficiens, tra- verfent les lames du corps ligneux des arbres. Malpighi penfe que le fuc offeux qu'il fuppole s'extravafer dans les mailles du tiflu réticulaire de chaque lime pour mieux lier tous les filets, s’extravafe aufi dans de pareilles véficules du mème tiflu réticulaire, qui fe prolonge & qui communique d'une lame à autre en formant des efpèces d'anaftomoles; & qu'ainfr les feuillets font unis par le fuc ofleux & par le tiflu réticulaire. | 1." L’interpofition du fuc offeux extravafé, dans le fenti- ment de Clopton-Havers, ne me paroït pas pouvoir s'ac- corder avec les obfervations. En effet, de quelque manière que j'aie féparé les lames, j'ai toüjours diftingué fur les parois qui fe touchent immédiatement, la direction longitudinale des filets offeux ; j'ai toûjours aperç diftinétement les petits fillons qui font entre les fibres offeufes. Or il me paroît évident que le gluten offeux formant une lame uniforme femblable à celles qui font dans les bézoards, dans les pierres de la veflie & dans celles de la véficule du fie, feroit difparoître abfolument, ou du moins en plus grande (l 104 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE partie, toutes les fibres organifées, en les encroûtant indif tinctement. On peut dire fans doute, en faveur de l'interpofition du fuc offeux entre les lames, que quoique le bois & les os mêmes foient pénétrés & enduits d'un fuc qui les pétrifie, cependant lapparence de leur organifation n'eft point dé- truite; mais un moment de réflexion fait fentir l'erreur du parallèle, & détruit objection. Le bois, les os foumis à la pétrification , font des corps dont l'organifation eft complète : les fibres, les James dont ils font compolés, font déjà adhérentes, & ont entr'elles un contact réciproque ; mais ils ont une prodigieule quantité de canaux & de pores, qui étoient deftinés à donner paflage à des vaiffeaux, ou à laifler fuinter quelque fluide, & qui fervent encore à donner pañlage aux atomes pétrifians dans toute la fubftance de ces corps: ainfi l'organifation apparente des premières parties folides, végétales ou animales, n'en eft point détruite. Les corpulcules pierreux ne dérangent pas le contact mutuel des fibres & des lames, ne les écartent point les unes des autres; car on ne remarque pas que le volume des corps pétrifiés foit plus grand qu'avant leur pétrification, ce qui ne manqueroit pas d'arriver dans le cas de l'interpo- fition générale du principe pétrifiant : au contraire, dans lof fification fucceflive des lames du cartilage primitif, le gluten offeux épanché entre les fibres, entre les James, s'interpo- feroit entr'elles, & formeroit des couches féparées & non organifées. Ou bien, felon le fentiment de Malpighi, le fuc offeux épanché dans le tiflu véficulaire, formeroit un corps dont on pourroit repréfenter l'organifation en fuppofant une éponge fine qui auroit été plongée dans la cire fondue, pour en remplir & en enduire les mailles, les filets & tout le tiflu véficulaire. La comparaïifon eft d'autant plus exaéte, qu'elle rend avec la dernière précifion l'idée que donne Malpighi de forganifation de 1a fubftance compacte des os, & fur laquelle il infifle beaucoup ; idée aflez généralement reçüe, & qui DES )ONEMRIE MICHEL. 105$ & qui cependant ne paroît être qu'une pure fuppofition, puifqu'elle ne s'accorde point avec les obfervations. On voit par-là que l’'interpofition ou l'extravafation du fuc offeux, de quelque manière qu'on la fuppole, ne concourt pas à l'organifation des os, en unifflant les lames entr'elles : il faut donc rechercher les autres moyens de cette union. Gagliardi a beaucoup parlé de fes clous offeux; mais après lui aucun Anatomifle n’a pù les découvrir dans la partie compacte des os: on foupçonneroit même qu'il ne les décrit que d'après ce qu'il a obfervé dans la fubftance fpongieufe; car c'eft-à qu'il renvoie pour vérifier {es defcriptions, fes détails & les figures qu'il a fait graver. Cependant l'exa- men le plus détaillé & le plus exact n'y fait apercevoir que des filets ifolés, qui, traverfant de différentes manières les cavités du tiflu cellulaire, s'étendent d'une plaque offeufe à autre. Mais enfin, en rapprochant tout ce que Gagliardi a écrit de ces chevilles offeufes, on voit que cet Anatomifle, après avoir pris plufieurs tournures, après avoir employé des comparaifons pour fe rendre plus intelligible, finit par s'ex- pliquer en peu de mots, & d'une manière plus fimple & plus pofitive, en déclarant que les petits clous pourroient bien n'être que des productions ou des appendices des prin- cipales fibres offeufes. Ainfi prefque tout le myftère s’éva- nouit, & ces clous de Gagliardi font réduits à n'être que de petits filets collatéraux en forme d'apophyfes, ou de fimples ramifications des fibres principales. C’eft l'idée qu'en donne Malpighi, & il ne les croit pas différens de fon tifiu réti- culaire, qui pale, à ce qu'il prétend, d'une lame à l'autre pour en faire d'union, de la même manière qu'il unit les filets offeux de chaque lame en particulier. Dans cette diverfité de fentimens, voulant m'aflurer de la vérité, j'ai eu recours aux obfervations : voici ce que j'ai vû, aidé de la Joupe & du microfcope, & en employant des os préparés avec les précautions requifes que j'indiquerai. La fubftance compaéte, à la partie moyenne des grands os longs, paroit, même à la vûe fimple, compofée de lames Mém. 1751. . O 106 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE plus ferrées, ou appliquées plus exaétement les unes fur les autres, qui s'étendent plus directement, & qui forment des couches plus régulières. Par le moyen de différentes coupes longitudinales & plus ou moins obliques fur les os longs, je n'ai jamais aperçû qu'une fuite de filets offeux immédiatement contigus, tous dirigés de la même manière, & toüjours à peu près paral- lèles entr'eux, foit que l’aggrégation de ces fibres fafle des lames ou des plans circulaires, foit qu’elle conflitue l’épaiffeur de la fubflance compacte, en formant des plans qui s'étendent tranf- verfalement du dehors au dedans de l'os. Cependant, quoique par une coupe longitudinale faité felon la direction des fibres, ces fibres paroiïffent d’abord difpofées parallèlement les unes à côté des autres pour for- mer l'épaifleur de l'os, j'ai remarqué que fouvent les filets d'une lame fe confondent, sanaflomofent avec ceux des James qui lui font contigues; de manière que la difpofition, V'aggrégation & Vunion réciproque des lames m'ont paru être précilément les mèmes que celles des principales fibres entrelles dans le plan particulier de chaque feuillet. Au deflus de la partie moyenne des grands os longs (car c'eft toüjours ceux-là que j'examine, comme renfermant tout ce qui peut fe remarquer en détail fur les autres os) on reconnoît que la fubftance compacte eft compofée de James un peu moins ferrées, moins preflées les unes contre les autres : j'ai obfervé que les inflexions, les anaftomofes des filets y font en plus grande quantité, ou du moins je les y ai vües plus diftinétement ; ainfi l'extenfion & Ja direc- tion des lames en long & en large y font-un peu moins régulières. J'ai trouvé dans cette même partie compacte quel- ques cellules difperfées entre les lames, & toüjours affez éloignées les unes des autres, & fans communication entre elles, ni avec celles du tiffu fpongieux. Enfin, vers l'extrémité des mêmes os, la fubftance com- paéte devenant plus mince, on trouve les feuillets qui fa compofent, moins preflés, plus difpofés à s'entrouvrir, & D ESSOR ELNMCIELS 107 j'ai diftingué avec plus de netteté de petits fileis ou de petites plaques ofleules, qui, paflant d'une lame à l'autre & s'y anaftomofant, conftituent de petites cavités celluleufes defti- nées pour le fuc médullaire, & qui, en général, font fort oblongues. Entre les lames les plus internes, ces cellules commencent à s'ouvrir d'une manière plus marquée, & à former véritablement la fubftance fpongieufe des os. Les obfervations précédentes me firent penfer que l'or- ganifation de la fubftance compaéte eft femblyble à celle de chaque lame en particulier, c'eft-à-dire, que les lames s'anaftomofent & fe lient entr'elles par des fibres & des plaques collatérales & intermédiaires ; & de plus, que ces filets & ces feuillets étant appliqués & collés immédiate- ment les uns fur les autres, & fuivant tous la même direction, fans aucune interpofition de fuc ofleux extravalé, forment par leur aggrégation générale un tiffu aflez femblable à celui de chaque lame en particulier, tei que je l'ai déterminé par le développement & la diflection de ces lames. Cherchant les moyens de m'en aflurer mieux, je fis ra- mollir divers fragmens d'os, & j'entrepris de difféquer les feuillets de la fubftance compacte; ce qui me fit voir plus précifément que cette fubftance n'eft compolte que de feuillets fibreux, contigus & liés entreux par des ramifications ou des anaftomofes des principales fibres. Aïnfi la fubftance com- pacte des os me paroît être entièrement fibreufe dans toutes fes parties. Voici par quelle voie j'achevai de n'en convaincre. Je féparai, fuivant la direction longitudinale des fibres, quelques lanières offeufes très-minces fur les parois tranfverfales de la partie compacte d'un gros os divifé verticalement. Ces la- nières ou plans offeux étoient donc compolés d’une fuite tranf- verfale des filets de toutes les lames réunies : je les fis ramollir pour leur donner la fouplefle d’une membrane ; la diffeétion & le déchirement me firent voir bien nettement un tiflu abfotument fibreux, c'eft-à-dire, une aggrégation de filets ofleux, longitudinaux, immédiatement contigus, également O ïi 108 Mémoires DE L'ACADÉMIE RoYALE dirigés , liés entreux par des anaftomofes , & où il n'y a rien abfolument qui reffemble à un tiffu véficulaire rempli de fuc ofleux qui sy foit extravalé, comme Malpighi le prétend. Voilà donc véritablement l'idée qu'il faut avoir de lor- ganifation de la fubftance compacte des os, & l'on voit que le périofte qui compofe cette fubftance, fe retrouve encore le même dans la décompofition anatomique que l'on peut faire des lames offeufes. Les membranes qui forment les os, ne changent point d'organifation ; elles ne changent que de confiftance. À la fuite de ces obfervations je ne dois point négliger de rapporter certains faits qu'on pourroit m'objecter, & qui d’abord ne paroiflent favorables qu'au fentiment de Clopton- Havers. Dans les fujets vivans, les os dépouillés de leur périofle, foumis quelque temps aux impreflions de Fair, altérés par quelque contufion, par la carie, s’exfolient, c'eft-à-dire, fe divifent en lames très-diftinétes, qui paroiflent avoir fimple- ment été collées fur les autres lames. Ces feuillets fimples fe voient encore mieux dans les os qui ont été expolés aux injures de l'air pendant un grand nombre d'années: parmi ces os déjà obervés par les Auteurs, j'en aï trouvé dont j'ai féparé plufieurs feuillets avec aflez de facilité; & de-là on fe: croiroit autorilé à conclurre que la fubftance compacte n'eft qu'un aflemblage de ces lames collées les unes aux autres, & qui s’enveloppent comme les couches des bézoards: voilà du moins les principales preuves que Clopton-Havers & plufieurs Anatomifles qui Font fuivi, rapportent pour établir: une pareille ftruéture de la partie compacte. Mais, fans m'ar- rêter ici à expliquer en détail pourquoi ces phénomènes arrivent, & pourquoi les induétions tirées de ces faits pour déterminer la ftruéture des os, font fujètes à erreur, je me contenterai de le faire comprendre, en rapportant quelques phénomènes à peu près pareils aux précédens, & fur lefquels il eft bien évident qu'on ne fauroit compter pour déterminer p'risu SCANS) NuCE.S 10 exactement & avec précifion la ftru@ure véritable des or- ganes qui les préfentent. La gangrène, le cautère actuel font détacher des feuillets ou des lames très-diftinétes de la peau, des fubftances glanduleufes & de quelques autres parties femblables, qui ne font pour la plufpart qu'un amas, un peloton ou un lacis de fibres & de vaiffeaux repliés & en- tre-mêlés J'ai vü un morceau de peau humaine tirée des caves très-profondes d’une églife, & où les cadavres fe con- fervoient fans fe ‘corrompre : cette peau paroïfloit comme tannée par la vétufté; elle n'étoit compofée que de plaques en forme de lames d’une finefle extrême, affaiflées les unes fur les autres, mais fans être adhérentes par leurs furfaces, de manière qu'en les entrouvrant, l'épaifleur de la peau fe divifoit en un grand nombre de feuillets : cependant lon fait bien pofitivement, par les préparations anatomiques & par les diffeétions les mieux entendues, que la peau humaine n'efl qu'un tiflu, en tout fens, de fibres & de vaifleaux. I me paroït que la feule induction non équivoque qu'on puifle tirer de ces faits, c’eft qu'on ne fauroit les rapporter avec quelque juftefle à l'anatomie des organes où on les obferve: ils dépendent de certaines altérations & de certaines circonf tances qu'il ne feroit pas impoffible de déterminer, fi cette difcuflion ne nvécartoit pas de mon objet principal, ou pluftôt fi le fimple expofé que je viens de faire, ne fuffloit pas pour donner à connoître l'inutilité de ces prétendues preuves, rapportées en faveur du fentiment de Clopton-Havers fur l'extravafation du fuc offeux, & fur l'union des lames par ce moyen, & pour combattre celui que j'ai tâché d'établir dans ce Mémoire par des obfervations plus direétes. Jufqu'ici j'ai développé l'organifation des os; il me refte à rechercher pourquoi les os n'étant d'abord qu'un carti- - Jage d'une ftruéture homogène & uniforme, ce cartilage en Le] fe] soffifiant prend trois différentes formes, devenant fubflance réticulaire au centre des grands os longs, fubftance fpongieufe ou cellulaire vers les extrémités, & fubftance compacte de diflérens degrés d'épaifleur à la circonférence ou à la partie externe de ces mêmes os. 110 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Expliquer d'une manière finiple & conforme aux obfer- vations, la manière dont fe forment ces trois différentes fubftances, c'eft un point de la Phyfique du corps humain, des plus curieux & des plus intéreflans, & qui entre natu- rellement dans le plan que je me fuis prépolé dans ce Mé- moire, fur le développement de lorganifation des os, d'au- tant plus que cette explication établira le méchanifme même par lequel {e fait cette organifation que j'ai décrite d'après les oblervations. M. du Hamel a expliqué ce qui regarde la formation de Ja fubftance cellulaire vers les extrémités des os, en prenant pour élément un fait dont il s'eft affuré par fes expériences, mais dont il ne croit pas qu'on puifle fe fervir également pour expliquer la formation de la fubftance réticulaire au centre des grands os, tels que le fémur & le tibia. Je vais donc eflayer de donner une explication complète & générale, en employant pour principe le même fait obfervé par M. du Hamel, mais en y ajoûtant de nouveaux détails & quel- ques remarques qui me paroiflent néceflaires pour pouvoir l'étendre à toutes les circonftances. Je choifis encore les os les plus grands & les plus Tongs pour y rechercher ce méchanifme, parce qu'on ly aperçoit d’une manière plus fenfible, & qu'on peut enfuite l'appliquer aux autres os. 1. I eft conflant que les os ne font d’abord qu'une fubftance cartilagineufe dans laquelle il ne fe forme de cavités fnfibles, que lorfque la Nature commence à oflifier. 2. M. du Hamel prouve que le canal médullaire aug- mente de diamètre, jufqu'à ce que l'animal ait un certain âge, & par conféquent que les lames offeufes qui ne font point encore parfaitement endurcies, font capables de s'étendre & de croître en s'éloignant de la ligne centrale; que l'offi- fication fe faifant fucceflivement & par nuances différentes, du centre à la circonférence, de la partie moyenne des os vers leurs extrémités, ce font les premières parties offifiées qui commencent à perdre peu à peu la propriété de s'étendre en tout fens, & ainfi de fuite. DES SCIENCES. TI I eft donc certain que dans les progrès de loffification & en des temps égaux, les parties moins endurcies s'étendent plus en largeur & en longueur que les parties plus endurcies. Voilà le principe, en voici l'application détaillée & gé- nérale. Puifque l'on obferve que l'offification commence toûjours par les parties centrales & les plus internes des os, & qu'il ne fe forme d'abord que quelques filets offeux, & qui pa- roïflent ifolés dans la matière cartilagineufe, on reconnoit d'une manière, ce femble, bien évidente, que tandis que les lames adjacentes moins endurcies prendront en tout fens une extenfion plus confidérable, elles s’écarteront des premiers filets offeux, en s'éloignant de axe de l'os proportionnel- lement à leur plus grand degré d’extenfion: & comme elles adhèrent à la première lame qui s’offifie, par des filets ou des fibres, ce qui eft certain par la ftruéture des cartilages, ces premiers filets offeux qui confervent encore de la fou- plefle, feront peu à peu tiraillés, écartés, pliés de différente façon, en un mot dérangés de leur première direction. Plufieurs filets encore tendres & cartilagineux de cette première lame qui commence à s'offifier, obéiffant davan- tage au tiraillement des lames adjacentes, qui s'éloignent de Taxe de Fos à melure qu'elles s'étendent, & prenant auffi eux-mêmes un peu plus d’extenfion que les fibres offifiées, font encore abfolument dérangés de leur première difpofition. Or comme f'extenfion fucceflive de tous les feuillets adjacens exerce un tiraillement, ou, fi l’on veut, un effort continuel fur ces premières parties offifiées, qui ont fucceflivement différens degrés d’endurciffement & de fouplefle, il s'enfuit que, jufqu'à ce que ces premières lames aient acquis un parfait endurciffement & que leur extenfion cefle, leurs filets feront fans cefle dérangés, inégalement entrouverts, en un mot quil en réfuitera un vrai tiflu réticulaire ou un tiffa de filets offeux, placés dans les parties centrales & moyennes de los. ' Ce tiflu réticulaire eft beaucoup plus apparent à Ia partie 112 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE moyenne des os longs, parce que, eu égard à leur volume, l'extenfion générale, & par conféquent l'effet du tiraillement, étant plus confidérable, les premiers filets offifiés n'ont pas le temps de s'unir réciproquement les uns aux autres, ni de former des plaques & des feuillets offeux. F D'ailleurs, l'extenfion générale de toutes les parties du corps humain étant beaucoup plus rapide pendant que le fœtus eft dans le fein de la mère, qu'après qu'il en ef forti, on voit que les premières fibres offifiées doivent par cette nouvelle raifon foufhir un plus grand dérangement, confor- mément aux principes déjà expofés. On trouve des marques fenfibles de ce tiraillement ou de cet eflort qui s'exerce entre les premiers filets offeux & les lames adjacentes; car la paroi intérieure qui forme la cavité des os longs, eft, à fa partie moyenne, pleine de rugofités ou de petites éminences en forme de plis faillans, précifément aux endroits où les filets du tiflu réticulaire s’attachent. Ga- gliardi a défigné ces plis & ces rugofités par ces mots, /a- mine. duplicate , corrugatæ : les Auteurs n'en ont indiqué aucune caufe probable, ils ont attribué au hafard ce qui eft un effet conftant du méchanifme que la Nature obferve toûjours dans la formation des os. On peut demander pourquoi, à la fuite de l'extenfion & de l'endurciffement inégal des feuillets cartilagineux, le tirail- lement étant réciproque entre la première lame qui s'offifie & la lame cartilagineufe la plus proche & qui a plus de foupleffe, les fibres de celle-ci ne font pas dérangées, in- clinées, pliées beaucoup plus que les fibres plus endurcies de la lame qui soflifie, & qui paroït moins fufceptible de ce dérangement, à caufe de la plus grande réfiftance dont elle eft capable. Quelques obfervations vont fervir de réponfe à cette objection, & établir encore mieux le méchanifme que je viens d’expoler. Quand on veut difléquer un cartilage, on reconnoît que lès fibres & les feuillets qui le compofent, font fort adhérens les uns aux autres ; on a de la peine à les defunir. Que ce méme D EISMSNGAMENN! CAES: 2 17 11% même cartilage commence à s’offifier en quelques endroits, on trouve que les filets offifiés n'ont plus qu'une très-foible adhérence avec les filets adjacens, encore cartilagineux, & qu'ils s'en détachent avec beaucoup de facilité. Bien plus, une fibre oflifiée en différens endroits de fon étendue, paroît compofée d'autant de fragmens qu'il y a de parties inégalement endurcies, parce que ces fragmens fe détachent ailément les uns des autres, comme autant de pièces féparées, quoique cette même fibre, étant entièrement cartilagineufe, ne fût qu'un feul filet dont tous les points étoient gg1lement adhérens & plus intimement liés entr'eux. En appliquant ces remarques à ce qui a été dit précé- demment, on fent la raifon pour laquelle le dérangement principal doit arriver aux premiers filets offeux, pluftôt qu'aux filets encore cartilagineux de a lame adjacente, lefquels, par leur plus forte union entreux, & avec ceux des autres lames cartilagineufes, oppofent une plus grande réfiflance à l'effort qui tend à les déranger. ‘Tandis que les premiers filets offeux continuent ainfi à fe développer, les feuillets eartilagineux prennent en tout fens une extenffon confidérable & égale; mais cette extenfion diminuant de plus en plus, les fibres qui s’'ofhifient alors, ont plus de temps pour s'unir & fe coller entr'elles, & pour former des plaques & des feuillets : l'écartement des lames & leur tendance réciproque à fe defunir, diminuent ; il fe forme un tiflu fpongieux ou un compofé de feuillets de filets & de plaques offeufes, où l'on peut diftinguer encore 'ar- rangement primitif des lames principales. Tant que le canal médullaire augmente, ou pluftôt tant que les lames ont une propriété extenfible en tout fens, le tiflu réticulaire & cellulaire doit fe former : ainfi le tiffu fpongieux continue toûjours à fe développer vers les extré- mités des os, parce que l'exienfion générale des limes con- tinue à s'y faire, jufqu'à ce que l'accroiffement de toutes les parties du corps s'arrête; mais le tiffu réticulaire cefle bien-tôt de fe former à la partie moyenne des os longs, parce que c'eft-Rà Mém. 1751. : 114 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE que les lames perdent le pluflôt leur propriété extenfible en largeur. 11 ne s'y fait que des additions de nouvelles couches cartilagineufes, fournies par le périofte, & qui par leur offi- fication conftituent dans la fuite la partie compacte des os; car l'extenfion inégale n'ayant plus lieu dans ces parties, lorf- que l'oflification continue à s'y faire, il ne doit plus s'y former de fubftance fpongieufe ni réticulaire. On voit donc pourquoi il y a beaucoup de fubftance compacte à la partie moyenne des os longs, & pourquoi les filets & les lames fe dérangent, s'écartent, s’entrouvrent peu à peu & forment les fubftances réticulaire & fppngieule: on peut même reconnoître les nuances que chaque os en particulier préfente dans l'extenfibilité générale de toutes fes parties, par la quantité de fubftance fpongieufe & compacte qu'on y obferve. Après avoir recherché quelle eft Forganifation des os, & par quel méchanifme elle eft produite, il me refle à ajoûter quelques remarques fur la moëlle. Les Anatomiftes conviennent que le fluide médullaire mis en dépôt dans les cellules de la partie fpongieule & de la partie réticulaire, fe répand comme a mouvement de circulation perpétuelle, entre toutes les lames de la fubf- tance compacte pour entretenir la fouplefle des fibres ofleufes, & non pour leur fervir de nourriture, comme l'ont imaginé les Anciens, & même quelques Auteurs modernes. Mais par quelles voies le fluide médullaire s'infinue-t-il entre les lames & les fibres? eft-ce par des vaifleaux mem- braneux particuliers, qui étant des produétions ou des con- tinuations de la membrane propre de la moëlle, vont fe ramifier & s'ouvrir entre tous les feuillets, ou paflent même jufqu'au périofte? ou bien le fuc médullaire fort-il de fes rélervoirs cellulaires pour aller baigner immédiatement la fubf- tance ofleufe, au moyen de petits canaux particuliers prati- qués & creufés entre tous les feuillets? C'eft le fentiment de Clopton - Havers : comme il eft le plus généralement adopté, je me fuis attaché principalement à lexaminer; car D/# Is She rnlEr Nic te: 1s: 115 cet un des points eflentiels de l'organifation des os. Clopton - Havers admet dans les lames de la fubftance * compacte, de petits trous qui les percent tranfverfalement, & des conduits longitudinaux en forme de petites gouttières ou tuyaux capillaires, qui fuivent la direction des fibres offeules, & qui font prelque aufli nombreux que ces fibres. Le fluide médullaire ayant paflé de {es cellules membraneufes dans les ouvertures tranfverfales de la première lame de la fubftance compacte, coule entre cette lame & la fuivante, dans les canaux longitudinaux, pafle après aux lames voifines par d’autres iflues & d'autres canaux femblables, & ainfi de fuite d'une lame à l’autre, du dedans au dehors de l'os. Clopton-Havers prétend avoir oblervé ces deux efpèces de conduits ofleux deftinés au paflage de la moëlle; & pour bien les voir, fur-tout les longitudinaux, il renvoie princi- palement à l'examen des côtes. I eft bien certain que lon aperçoit les feuillets de la partie compacte criblés d'une grande quantité de petits trous de différent diamètre; mais il n'eft pas moins vrai que le pé- riofte & la membrane de la moëlle jettent dans la fubftance compacte, une très-grande quantité de fibres & de vaifleaux. Ces vaiffeaux paffent d'un feuillet à l'autre, & fe ramifient entre leurs furfaces, en y formant des lacis ou des réfeaux; c'eft ce qui paroït dans les jeunes fujets par les injections, & encore mieux dans tous les âges par la reproduétion de la fubftance offeufe, quand les os. étant dépouillés de leur périofte, on les rugine, ou on les perce avec la pointe d'un foret triangulaire de trépan, en différens endroits & à différentes profondeurs, à la manière de Belofte, célèbre Chirurgien, fans pénétrer jufqu'à la fubftance fpongieufe ou diploïque. Or fi lon fait attention à cette prodigieufe quantité de petits vaifleaux artériels & veineux, de filets nerveux & de fibrilles membraneufes, que le périofle jette dans les os, on ne voit pas qu'il refte fur les lames des iffues tranfverfales Pi 116 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE pour le paffage du fluide médullaire, du moins de ces iflues qu'il foit poffible d’apercevoir avec le microfcope; & telles font celles dont parle Clopton-Havers. A l'égard des canaux ou des conduits longitudinaux , tels que cet Auteur les décrit, & qui font terminés par les iflues tranfverfales, quelque recherche que j'aie faite, tant fur les os des jeunes fujets & des adultes humains, fur ceux des bœufs & des veaux, foit qu'ils aient été frais calcinés ou ramollis, le microfcope ne m'a jamais rien fait voir qui fût conforme à cette defcription : je n'ai jamais aperçu que de petits fillons, qui ne font que les places tracées & entière- ment occupées par les filets offeux de la lame externe qui étoit contigue avant qu'elle füt détachée pour faire les obfer- vations : je n'ai jamais découvert que quelques empreintes, faites entre les lames de la partie compacte, par le trajet de quelques vaiffeaux, & qui m'ont paru très-rarement fenfibles, & dans des directions aflez irrégulières. Enfin, ne pouvant trouver les conduits Jongitudinaux de Clopton-Havers par les obfervations immédiates, j'ai recher- ché fi du moins ils pouvoient exifter, en confidérant feule- ment les phénomènes de la formation & de l'accroifiement des os; & voici de nouveaux doutes qui fe font préfentés. Toutes les lames offeufes de la fubflance compaéte tendent à fe rapprocher, à fe preffer l'une l’autre de plus en plus à me- fure qu'elles s’endurciffent davantage ; ce qui le prouve eflen- tiellement, ce font les empreintes des petits vailleaux, faites fur les lames où ces vaifleaux fe ramifient. D’après ce feul fait, fans parler de plufieurs autres, tout femble s'oppoler, & rien ne me paroît concourir à la formation des conduits longitudinaux pour le paffage de la moëlle dans la fubftance compacte. En eflet, plus j'ai développé le tiffu des os, & plus il m'a paru qu'il ne fe forme de petites cavités ou de petits. enfoncemens entre les lames de la fubftance compaéte, qu’au- tant que des follicules membraneufes, ou que des vaifleaux PP PR RE A, NS DES ScrENCESs. To remplis d'un fluide & qui ont une figure déterminée, fe moulent, pour ainfi dire, dans l'épaiffeur de ces lames, par la réfiftance qu'ils oppofent peu à peu à l'effort qui tend à affaifler & à rapprocher les feuillets qui s'offifient ; ou fi, dans les premiers temps du progrès de l’offification, les lames ofleufes s'écartent & s'ouvrent, par les caufes qui ont été rapportées, nulle cellule alors qui ne foit en même temps tapiflée d'une membrane, & exactement remplie du fluide médullaire ; nulle cavité, nul pore fenfible qui refle vuide, exactement dépouillé de tout enduit membraneux, & uni- quement defliné à fervir de canal offeux ou de pañfage au fuc médullaire forti de fes réfervoirs. Je crois donc être affez autorifé pour exclure les iflues & les conduits particu- liers que Clopton-Havers donne à la moëlle: mais ce fluide médullaire ne fauroit-il pénétrer par un autre moyen la fubftance compacte des os, pour y entretenir la foupleffe des fibres & des lames, & fans doute pour y maintenir auffi celle des vaifleaux qui s'y ramifient; car Je crois qu'à ce premier ufage de la moëlle il faut encore ajoûter celui-ci, comme étant pour le moins auffi eflentiel? Je penfe qu'il peut y pénétrer de deux manières, & aflez abondamment pour fatisfaire à ces ufages. 1. Les vaifleaux fanguins , deflinés particulièrement à Yentretien de la moëlle, en paflant à travers a fubftance compacte par les conduits obliques qui font connus de tous les Anatomiftes, jettent des rameaux entre les lames de cette fubflance, où ils fe perdent, & où fon peut foupçonner ‘qu'ils épanchent une portion du fluide médullaire qui fuinte de leurs extrémités capillaires ; car il eft très-probable que la moëlle qui fe trouve dans ces petites cellules offeufes que jai remarquées entre les lames mêmes les plus externes de a fubflance compacte, eft fournie immédiatement par ces ra- meaux, puifque lon n'obferve aucune communication de ces cellules avec celles de la fubftance fpongieule, qui en eft fouvent fort éloignée. P iÿ 118 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 2. La membrane, ou les réfervoirs immédiats du fuc médullaire, étant d’une fineffe extrême, l'huile médullaire, naturellement très-Auide & très-fubtile, peut fuinter ou fe filtrer à travers les pores de cette membrane ; ou fi elle commence à fortir de ces rélervoirs par de petites iffues par- ticulières, comme le prétendent quelques Anatomifles, on eft bien autorifé à croire qu'elle s'infmue enfuüite entre toutes les James par le moyen des pores infenfibles communs aux os comme à tous les corps de la Nature, ou en fuivant le trajet des vaifleaux de toute efpèce, & des fibrilles membra- neufes qui pénètrent dans toute la fubftance offeufe. L'examen anatomique que j'ai fait des lames offeufes, confidérées féparément , ou réunies dans la fubftance com- pacte, de la fubftance fpongieufe & réticulaire, & enfin de la moëlle, renferme ce que j'avois à dire, dans cette première partie, fur l'organifation des os en général; mais comme les obfervations & les remarques que j'ai rapportées, préfentent une idée de cette organifation des os, différente de celle qui eft prefque généralement adoptée par les Anatomifles, je ne dois point finir ce Mémoire fans expofer les moyens que J'ai employés, & qui m'ont paru préférables pour la plufpart de ces recherches. Les os les plus propres aux obfervations, font, 1.° ceux qui ont été expolés aux injures de l'air, mais pas aflez de temps pour que les lames foient tout-à-fait calcinées & pa- roiflent filées, ent'ouvertes & comme féparées les unes des autres en différens endroits; car j'en ai trouvé plufieurs dans cet état, & la ftruéture qu'on y obferve n'eft pas tout-à-fait la mème que dans des os moins altérés : ils font capables d'induire en quelques erreurs fur la véritable organifation des os. C’eft ce qui me fait rejeter aufli les os qui, après avoir bouilli dans des leflives ou dans l’eau de chaux, ont enfuite refté long-temps expolés à l'air : j'en ai fait fentir les raifons ; ils ne doivent être employés, comme les précé- dens, qu'à quelques obfervations particulières. ne ; + Di ES) SGEN © € &. fi 2. On doit préférer encore les os qui ont été préparés par le feu, mais le degré de leur calcination eft bien effen- tiel à obferver; calcinés à blancheur, ou tout-à-fait réduits en chaux, leur ftruture n’eft plus qu'imparfaitement appa- rente ; la trace fenfible des filets offeux, leur difpofition, les variétés dans leurs direétions, dans {eur arrangement, font prefque effacées : noircis feulement par le premier degré de la calcination, leur ftruéture véritable n'en eft point altérée; mais la loupe & le microfcope ne découvrent prefque rien dans ces ténèbres. Le degré de là calcination par lequel les os, après avoir noirci, deviennent d’un brun un peu clair, eft le feul qui doive fervir aux obfervations : c’eft au moins celui que j'ai cru devoir préférer, par comparaifon avec les autres, & qui ma été le plus utile; non feulement il laiffe entière la contexture & la fait apercevoir plus nettement & plus diftinétement, il rend encore les os fragiles, en leur con- fervant pourtant affez de folidité pour que toutes les fibres, les lames & les plaques reftent bien adhérentes. Par ce double avantage , j'ai caflé les os en tout fens; & les caflures , Joit longitudinales, foit en bifeau, foit directement tranfverfales , reftant très-nettes, ce qui n'arrive point für les os entière- ment calcinés: j'ai diftingué parfaitement fur les parois defunies de ces fragmens, l’organifation complète, telle qu'elle étoit dans l'intégrité des os. Ces elpèces de caflures différentes mont paru abfolument néceflaires pour rechercher & pour bien voir la ftruéture exacte des os dans leur intérieur & dans leur épaiffeur : toute autre efpèce de coupe des os, faite avec la fcie ou quelqu’autre inftrument tranchant avant leur calcina- tion, produit des altérations confidérables fur les furfaces qu'on fépare & qu'on veut examiner. 3+_ On doit employer les os ramollis par plufieurs moyens ; l'efprit de vin, l'eau & le vinaigre fufäfent pour les os des enfans ; pour ceux des adultes, il faut un acide minéral , mais afloibli dans une grande quantité d'eau, & encore mieux, dans J'elprit de vin, felon la méthode de M. Mono, 120 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & peut-être de M. Ruyfch. Il m'a paru en général qué les os frais des adultes ne fe ramolliflent pas fi bien que ies os plus fecs ou plus anciens. Si l'on employoit trop d'acide, on feroit une diflolution des os au lieu d'un fimpie ramol- liflement. Tous ces moyens font aufli commodes qu'ils font fimples, & je fuis étonné qu'on en ait fait fi peu d'ufage pour déve- lopper & pour reconnoître d'une manière plus füre la vraie ftruéture des os. CONSTRUCTION DES SCIENCES, Lau CONSTRUCTION DE NOUVEAUX MOULINS A ORGANSINER LES SOIES. Par M. DE VAUCANSON. ES Fabriques du royaume en étoffes de foie, doivent leur plus grande réputation à la beauté, à la variété & au goût de leurs deffeins; & fi les fabriquans trouvoient toù- jours une matière première à y employer, qui eût toutes les qualités requifes, il n'eft pas douteux qu'ils ne portaffent leur fabrication à un bien plus haut degré de perfection: ils éviteroient par-Rà le reproche qu'on fait quelquefois à leurs étofies, & fur-tout aux étoffes unies, de n'être pas aufit bonnes & auffi belles qu'elles pourroient être. Je donnai l'année dernière, la conftruétion d’un nouveau tour ou devidoir pour tirer la foie des cocons ; mais indé- pendamment de cette première fabrication , la foie a encore befoin de plufieurs autres préparations pour pouvoir être employée à la confection des étoffes. Les défauts qui fe trouvent toûjours dans ces fecondes préparations, & les nou- veux moyens que j'ai trouvés pour y remédier, feront le fujet de ce Mémoire. Lorfque la foie a été tirée des cocons fur le devidoir, elle forme différens écheveaux & eft appelée foie grège, c'eft- à-dire, foie fimple & fans apprèt. On devide la foie de ces écheveaux fur des bobines; ces bobines remplies de foie font portées fur un moulin dont Yeflet eft de tordre chaque brin de foie à mefure qu'il fe devide d'une bobine fur une autre: cette première opération eft appelée premier apprét, parce qu'effettivement la foie y reçoit urf premier tord, La foie tordue à un bout fur le premier moulin, eft Mém. 1751. 21 Avril 1751: : 122 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE redevidée à la main fur de nouvelles bobines, à deux, trois & quelquefois quatre bouts, fuivant la nature de l'étoffe à laquelle cette foie eft deftince. Ces dernières bobines garnies de foie à plufieurs bouts font portées fur un moulin différent, dont l'effet eft de re- tordre à contre-fens du premier, chaque fil de foie double ou triple, à mefure qu'il monte fur une efpèce de devidoir qu'on nomme guindre, & fur lequel chaque fil de foie vient former un écheveau particulier. Cette feconde opération s'ap- pelle donner le fecond apprét, parce que la foie ÿ reçoit un fecond tord : c'eft après cette feconde opération que la foie change de nom; on la nomme organfin. On voit par tout ce que je viens de dire, que l'organfin n'eft autre chofe que de la foie qui, après avoir été tirée du cocon, a reçû deux apprêts différens; le premier, qui con- fifte à tordre fur le moulin chaque brin de foie en particulier, & le fecond à joindre plufieurs de ces brins féparément tordus, & à les retordre enfemble pour en former une efpèce de petite corde de foie cablée. On a été obligé de travailler ainfi la foie pour la mettre en état de réfifter aux différens eflorts qu'elle doit efluyer à la teinture & fur le métier, lors de la fabrication de l'étofle. Elle reçoit à la teinture plufieurs fois 'aétion du chevil- lage, où elle foufre une extenfion confidérable, parce que les écheveaux y font fortement tordus par deux groffes che- villes, foit pour en exprimer l'humidité, foit pour ouvrir la foie & lui donner du luftre. Mais quand elle a reçû un mauvais apprèt, c'eft-à-dire, qu'elle a été inégalement tordue fur le moulin, les fils qui font le moins tordus ne peuvent obéir à la cheville comme ceux qui le font davantage ; auquel cas ces derniers ne re- çoivent point l'efiet du chevillage, d'autant que fi l'on veut | forcer la cheville pour faire ouvrir ceux-ci, les premiers alors s'énervent, s’écorchent & le plus fouvent {e rompænt; d'où il réfulte toüjours des écheveaux maltraités à la teinture, ou | DES SCIENCES. 123 des écheveaux qui ne préfentent point à l'œil une nuance de couleur parfaitement égale, parce que la foie n'a pü être également ouverte dans toutes fes parties. L’inégalité d’apprêt dans les foies occafionne encore plu- fieurs inconvéniens dans la fabrication de l'étofie, & plufieurs défauts dans l’étoffe fabriquée. L'organfin fert toûjours à faire la chaîne de l'étofle, & cette chaine eft ordinairement compofée de trois, de quatre, de cinq, & quelquefois de fix mille fils tous également tendus fur le métier & contenus entre deux rouleaux : chaque fil eft obligé de fe préter également au jeu des liffes qui forcent alternativement une partie de la chaîne à s'ouvrir pour le paffage de la navette. Cette ouverture qui eft par-tout égale, force par conféquent chaque fil à s'étendre également; mais comme ils n'ont pas tous la même élafticité, parce qu'ils n’ont pas été tous également tordus, les uns perdent plus tôt leur reflort, & deviennent plus lâches que les autres: ces fils plus lâches s’écorchent dans les liffes & dans le peigne; ils occa- fionnent de faufles paffées, & quand ils arrivent fur l'étofle, ils en Ôtent tout l'uni, tout le brillant & toute la bonté. I eft donc bien eflentiel, fi on veut parvenir à une fa- brication parfaite d'étofle, que la foie ait non feulement été tirée du cocon bien nette & bien égale, mais il faut encore qu'elle ait reçû dans fes fecondes préparations, un tord bien égal & bien fuivi; fans quoi, on ne pourroit jamais fe flatter d'arriver à ce point de perfection que l’on defire, & que lon doit toûjours avoir en vüe dans nos fabriques, f: on veut qu'elles méritent la préférence fur les fabriques étran- gères, qui peuvent avoir des avantages fur elles à d'autres égards. L'inégalité du tord eft cependant un défaut abfolument général dans tous les organäns, foit de France, foit étran- gers, parce que tous les moulins à organfiner font par-tout les mêmes, & qu'il n'eft pas pofhble, de la façon dont ils font conftruits, que la foie puifle y recevoir un apprèt égal dans toutes fes parties; c'eft ce que je vais faire voir en Q ij # 124 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE examinant Ja conftruction de ces moulins, & en confidérant Yeflet qui doit en réfulter. Je commenceraï par le moulin du premier apprêt, c'eft-à-dire, par celui qui donne le premier tord à la foie. Tout le monde connoît ces moulins faits en forme de cage ronde, dont le diamètre eft ordinairement de vingt à vingt-quatre pieds, fur une hauteur de dix, de quinze, & quelquefois de trente pieds, fuivant que le permet l'empla- cement. Cette cage eft compofée de plufieurs montans droits & de plufieurs traverfes cintrées: C'eft fur ces traverfes qui for- ment la circonférence du moulin, que font placés perpen- diculairement tous les fufeaux, à fix pouces de diftance les uns des autres. Ces fufeaux ne font autre chofe que des tiges de fer d'un pied environ de hauteur, fur cinq à fix lignes de diamètre dans leur partie inférieure qui eft ronde, & qu'on nomme le ventre du fufeau: la partie fupérieure forme un quarré fur lequel on place une bobine remplie de la foie qu'on veut tordre ; cette tige garnie de fa bobine, eft fim- plement appelée fifeau. L’extrémité inférieure de la tige forme une pointe qui entre dans une petite crapaudine de verre, & près du milieu de cette tige il y a une gorge ou collet qui eft contenu par une petite bride de bois qui entretient ce fufeau perpendicu- lairement fur fa pointe, avec la facilité de pouvoir tourner ‘librement. À On garnit de fufeaux toute la circonférence du moulin, on en met fur les traverfes cintrées; ce qui forme par étage autant de rangées de fufeaux qu'il y a de traverles fur la hauteur du moulin. A un pied & demi au deflus de chaque rangée de fufeaux, il y a des baguettes de bois qui portent de bobine defti- nées à recevoir la foie des fufeaux. Au centre de la cage eft un gros arbre en bois, mobile far fon pivot d'embas, & retenu perpendiculairement par fon tourillon d'en haut: on nonune cet arbre /a tige du moulin, pue L DES SCIENCES. 125 À la hauteur de chaque rangée de fufeaux , cette groffe tige porte fix rayons foûtenus dans une fituation horizontale, c'eft-à-dire, perpendiculaire à la tige. L’extrémité de chacun de ces rayons porte une portion de cercle à peu près de la même courbure que celle des tra- verfes cintrées de la cage. Ces portions de cercle font atta- chées dans leur milieu fur le bout du rayon, par une chèville qui leur permet un petit jeu horizontal; elles font appelées par les ouvriers ffrafins. A une extrémité de chaque ftrafin eft appliquée fur le bord extérieur une bande de cuir; à l'autre extrémité eft une corde tirée par un petit poids, qui fait appuyer la bande de cuir fur le ventre des fufeaux, avec une force propor- tionnelle à la pefanteur de ce poids. Quand on fait tourner la tige du moulin, foit par le moyen de l'eau, foit par des chevaux ou à bras d'hommes, tous les rayons tournent auffr, & par conféquent les ftrafins, dont les côtés garnis de cuir appuient & gliflent par inter- valle fur le ventre des fufeaux, & les font tourner comme on feroit tourner un toton fur fon pivot qu'on agiteroit de temps en temps avec la main. Les bobines qui font au deflus fur les baguettes, reçoivent leur mouvement par des rouages correfpondans avec la tige du moulin. On attache chaque fil de foie provenant des fufeaux , fur la bobine qui lui répond : cette bobine, en tournant, tire à elle le fil de foie du fufeau, & ce fil de foie en montant fur la bobine fe-tord fur lui-même autant de fois que le fufeau fait de révolutions. Pour que le tord füt égal dans tous les fils de foie qui montent des fufeaux fur les bobines, il faudroit qu'il y eût une proportion conftante & invariable entre le nombre des révolutions de ces bobines qui tirent la foie, & celui des révolutions des fufeaux qui la tordent. I faudroit, par exemple, que pendant le temps que les bobines qui ont deux pouces de diemètre, ont fait une révolution, & qu'elles ont par conféquent tiré fix pouces de foie, tous les fufeaux euflent Q ij 126 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fait cent révolutions, pour qu'il y eût dans chaque longueur de foie de fix pouces, cent points de tord. Mais fi les révo- Jutions des fufeaux varient, fi elles augmentent ou fi elles diminuent, tandis que les révolutions des bobines feront conflantes, la foie qui montera fur ces bobines, fera tordue inégalement, & c'eft ce qui ne manque jamais d'arriver dans ce moulin, ce que je vais tâcher de rendre fenfible. Les bobines qui tirent & qui fe couvrent de la foie qui vient de deffus les fufeaux, reçoivent leur mouvement par différens rouages menés par la tige du moulin, de forte que quand cette tige fait une révolution, lon eft bien für que toutes les bobines en font un nombre déterminé; mais il n'en eft pas de même des révolutions des fufeaux, ils ne font pas müûs par des rouages, comme les bagueïtes qui portent les bobines, ils le font feulement par le frottement des ftrafins qui viennent par intervalle glifer fur leur ventre. Il eft bien aifé de fentir qu'un mouvement communiqué par une telle puiffance ne fauroit jamais avoir une vitefle uniforme; car fi le fufeau fe trouve bien à plomb, s'il eft bien libre fur fa pointe & dans fon collet, il tournera avec une extrême facilité, mais la vitefle en fera très-irréculitre, parce qu'elle augmentera toutes les fois que le fufeau aura été touché par le ftrafin, & qu'elle diminuera infenfiblement jufqu'à ce que le ftrafin fuivant ait repañlé & fait agité de nouveau, en forte que dans le cas même le plus favorable, c'eft-à-dire, de la plus grande liberté du fufeau, il y aura toûjours un mouvement fort inégal. Apparemment que les premiers inventeurs de cette mé- chanique (qui eft d’ailleurs très-ingénieufe) fe font imaginés que comme l'accélération & le retardement de ce mouve- ment arrivoient dans des périodes de temps très-courtes & affez régulières, il en rélulteroit toüjours un mouvement à peu près égal, pendant l'elpace de temps que la foie emploie à monter de defius le fufeau fur la bobine, & voilà pour- quoi ils ont recommandé que la diflance qui eftentre deux, & qu'ils appellent La #raite, foit la plus grande que faire fe D'E SI" SUGPE NC ES; 127 peit, afin que le tord ait tout le temps de s'ésalifer fur a foie, pendant qu'elle monte fur la bobine, Mais l'expérience a dû faire voir que quoique le pañage des ftrafins arrive dans des intervalles de temps réglés, le mouvement qu'ils impriment au fufeau n'en eft pas plus ré- gulier; car pour peu que les fufeanx ne foient pas bien d'à-plomb, qu'il y ait trop ou trop peu de jeu dans leur collet, que la tige quarrée ne fe trouve pas direélement au centre de pefanteur de fa bobine, faction des ftrafins ne produit plus le même eflet. H eft bien difficile, fuivant la conftruétion dé ces mou- lins, que la chofe puifle arriver autrement. La ligne des centres des fufeaux placés fur la circonférence du moulin, devroit toujours former un cercle parfait, pour que les ftra- fins, dont le mouvement eft circulaire , puffent toûjours gliffer fur le ventre des fufeaux avec la même preffion ; mais il n'eft pas poflible que les traverfes cintrées qui portent la pointe des fufeaux, puifient conferver long-temps une forme bien circulaire, Ces traverfes font de bois, & par conféquent très-fujettes à fe tourmenter; les brides qui tiennent les fu: feaux par leur collet, font attachées fur de femblables tra- verfes, à fix pouces de diftance des premières: or il eft aïfé de concevoir que pour peu que ces deux traverfes fe tour- mentent dans un fens différent, il arrive que la pointe du fufeau fuit le côté vers lequel fa traverfe fe trouve déjetée , tandis que le collet fe porte du côté oppofé avec la traverfe fur laquelle eft attachée fa bride ; dès-lors plus d'à-plomb dans le fufeau, & par conféquent nulle liberté pour le mou- vement. Je ne finirois pas fi je voulois ici rendre compte de toutes les raifons qui empéchent les fufeaux de tourner librement & régulièrement: je me contenterai de dire qu'il n'y a pas un moulin où ces fufeaux tournent & puiflent tourner d'une vitefle uniforme; que fur quatre cens fufeaux dont un moulin eft ordinairement garni, il n'y en à pas deux qui tournent également, & que fouvent un fufeau fait cent révolutiens, 128 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ndant que tel autre n’en fait quelquefois pas dix. Indépendamment d'un défaut aufli grand que l'eft celuiHà, il s'en trouve encore un très-confidérable qui vient de l'uni- formité de mouvement des bobines; car en fuppofant même que les révolutions des fufeaux fuffent toutes régulières, il s'enfuivroit toûjours une grande inégalité d’apprèt ou de tord dans la foie, Les bobines qui, comme je l'ai déjà dit, fe couvrent de la foie qu'elles tirent de deflus les fufeaux, ont toutes un diamètre à peu près égal, qui eft ordinairement de deux uces : elles reçoivent par conféquent à chaque révolution qu'elles font, une longueur de foie qui eft d'environ fix pouces, & qui fait le tour entier de la bobine. Or en fup- pofant, comme je le viens de dire, que le mouvement des fufeaux fût très-uniforme, c'eft-à-dire, que chaque fufeau fit toûjours le même nombre de révolutions pendant le temps que chaque bobine en fait une, il eft certain que chaque longueur de foie qui feroit le tour de la bobine, recevroit une même quantité de tord. Si le nombre de ré- volutions des fufeaux étoit de cent, par exemple, chaque tour de foie fait fur la bobine auroit cent points de tord; mais comme le pourtour de la bobine devient plus grand à me- fure qu'elle fe remplit, & qu’il eft augmenté d'un cinquième quand elle eft tout-à-fait pleine, la quantité d’apprèt diminue dans Ja même proportion, & cette diminution va jufqu'à un cinquième dans les derniers tours, parce qu'il faut alors une longueur de foie d'un cinquième plus grande pour en faire le pourtour, & que dans cette plus grande longueur de foie il ne s'y trouve que cent points de tord, comme dans la plus petite longueur qui fait les premiers tours. I eft donc bien démontré que les meilleurs moulins & les mieux conftruits, en y fuppofant même des perfections qu'ils n'ont pas, ne fauroient jamais donner un tord égal, ni par conféquent un bon apprêt aux foies qu'on y tra- vaille; & que cette inégalité d'apprêt eft d'autant plus grande, qu'on laiffe monter plus de foie fur les bobines; ce qui arrive prefque DES SNCGUREN C E S. 129 < prefque toûjours, parce que le temps qu'on emploie à chan- ger plus fouvent de bobines, eft un temps perdu pour le Moulinier. Si l'on veut entrer dans un plus grand examen fur fa conftruétion de ces moulins, on verra encore bien d’autres inconvéniens qui empêchent que la foie n'y reçoive toute l'égalité d’apprêt qu'elle devroit avoir. Par exemple, les fils de foie qui viennent des fufeaux placés près des montans de la cage, ne montent point perpendiculairement fur leurs bobines ; il arrive de-là que la petite règle de bois qui dif tribue chaque fil de foie en allant & venant fur toute fa longueur de la bobine, & qu'on nomme le va é vient, tire le fil dans fon mouvement progreffif, & qu'elle le liche dans fon mouvement de retour : ce fil, tiré par le mouve- ment progreflif du va & vient, l'eft aufli par le mouvement de la bobine , qui tourne continuellement ; il monte donc alors beaucoup plus vite, & reçoit par corféquent moins de tord que dans fe temps du retour du va & vient, parce que dans ce temps la bobine fe charge du fil que lâche le va & vient avant que d'en tirer de nouveau de deflus le fufeau, ce qui produit un apprét alternativement fort & alternativement foible dans une bonne partie de la foie qu'on travaille fur le moulin. Le mouvement du va & vient qui diftribue le fi de foie fur toute la longueur de la bobine, contribue encore à rendre le tord inégal, en ce que ce mouvement eft produit par Ja révolution d'une manivelle; car quoique les révolutions de la manivelle foient conftantes & fe faffent en temps égaux, les corps qui en reçoivent leur mouvement n'ont point une vitefle uniforme , c'eft-à-dire que les efpaces qu'ils parcou- rent fur une ligne droite, dans des temps égaux, font iné- gaux : fr la longueur de cet efpace parcouru qui a pour me- fure deux fois celle du rayon de la manivelle, eft, par exemple, de quatre pouces dans trois fecondes de temps, il faudra le tiers du temps ou une feconde pour parcourir un quart de lefpace ou le premier pouce , les deux pouces Mém, 1751, .R 130 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE fuivans ou la moitié de l'efpace feront parcourus dans le fecond tiers du temps ou dans la deuxième feconde, & le dernier quart de l'efpace , qui eft le dernier pouce, fera parcouru comme le premier dans la troifième ou dernière feconde. JL fuit de-là que là bobine faifant plufieurs révolutions dans le temps que le va & vient parcourt toute fa longueur, & ces révolutions fe faifant en temps égaux, le fil de foie décrit fur la bobine une hélice dont les pas font comme les efpaces parcourus par le va & vierit, c'eft-à-dire, plus alongés les uns que les autres: les pas les plus alongés contiennent une plus grande longueur de foie dans leur révolution que ceux qui le font moins; les bobines par conféquent ne tirent pas une même longueur de foie à chaque révolution qu'elles font, ee qui occafionne un apprêt inégal. Cette multiplicité de défauts étoit trop effentielle, & for- moit un trop grand obftacle à la perfection des étoffes, pour ne pas mengager à chercher tous les moyens poflbles d’ remédier : la chofe m'a paru long-temps difficile; la folu- tion du problème étoit de trouver la conftruétion d’un moulin où tous les fufeaux fiffent conftamment le même nombre de révolutions, où toutes les bobines, quoique mües par un premier mobile toûjours conftant, diminuaffent cependant leur viteffe dans la même proportion que leur diamètre fe trouveroit augmenté par la foie qui arriveroit continuelle- ment deflus, où tous les fils de foie montaffent perpendicu- lirement des fufeaux fur les bobines, & où le va & vient eût une vitefle toûjours uniforme. C'eft à quoi je fuis parvenu dans la conftruétion nouvelle d'un moulin, dont je, ne puis donner ici la defcription, mais dont je rapporterai exactement tous les effets. Les fufeaux dans ce moulin nouveau font placés fur deux lignes droites & parallèles, qui peuvent avoir dix, vingt ou tente pieds de longueur, fuivant la grandeur du lieu : on peut mettre plufieurs rangs de fufeaux fur la hauteur du moulin, fuivant que le bâtiment eft plus ou moins élevé. D ESV' S MCMLE Nic B $ 131 Tous les fufeaux de chaque rang font mis en mouvement par une chaîne fans fin, dont les maillons engrènent avec un petit pignon que porte la tige de chaque fufeau, de façon que dans le temps que le premier mobile qui conduit les chaînes, a fait une révolution, tous les fufeaux du moulin en ont fait un nombre déterminé, & ce nombre eft auf invariable que le feroit celui des révolutions d'un pignon qui engrèneroit avec une roue dentée à l'ordinaire. Les bobines y reçoivent leur mouvement par le même mobile que les fufeaux, mais avec cette différence, que leur vitefle diminue à mefure qu'elles fe rempliffent de foie: toutes les fois que le va & vient, par fon mouvement progreffif ou par fon mouvement de retour, a diftribué le fil de foie fur toute la bobine, fa circonférence ou fon volume fe trouve augmenté de {a groffeur de ce même fil; c'eft aufli à chaque mouvement du va & vient que s'opère la diminution de vitefle des bobines, & cela dans la même raifon de la groffeur du fil. S'il faut que le fil de foie foit diftribué cent mille fois par le va & vient fur toute la longueur de la bobine pour la remplir entièrement, chaque mouvement du va & vient fait diminuer la vîtefle de la bobine d’un cent millième:; Si la foie eft d'un quart plus grofle, la vitefle en eft dimi- nuée d'un foixante & quinze millième; fi elle eft plus grofle de moitié, la vitefle en eft diminuée d’un cinquante millième; enfin toutes les différences de diminution peuvent s’opérer par degré à chaque mouvement du va & vient, & toûjours proportionnellement aux différentes groffeurs de foie. Le va & vient n'y reçoit point fon mouvement par une manivelle, mais il eft produit par la révolution d’une portion de cercle denté qui engrène alternativement avec des crémaillères, ce qui rend fa viteffe très-uniforme; au moyen de quoi tous les pas de l'hélice formée par le fil de foie fur la bobine, fe trouvent parfaitement égaux entreux : & dans tous les temps, foit que les bobines foient vuides ou pleines, au quart ou à la moitié, elles tirent toujours à chaque tour qu'elles font, une même longueur de foie, Des que les ij 132 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fufeaux ont tous fait un même nombre de révolutions; d’où il réfulte une foie toûjours également apprêtée, c'eft-à-dire, toûjours également tordue dans toutes fes parties. Ï arrive quelquefois, & cela n'eft que trop ordinaire; qu'en perfeétionnant une machine à ceriains égards, on-la complique à beaucoup d'autres, & que c'eft fouvent aux dépens de fa fimplicité qu'on multiplie fes effets. On ne pourra pas reprocher cet inconvénient au moulin nouveau que Je préfente aujourd'hui; on verra au contraire que je lai pour le moins autant fimplifié que perfectionné. Je ne lui ai point donné une forme ronde, comme cellé des moulins ordinaires; fon plan forme un parallélogramme de feize pieds de long fur quinze pouces de large: outre que cette forme eft beaucoup plus avantageufe pour le fervice du moulin qui fe trouve par-tout éclairé, elle épargne la moitié du terrein. Sa conftruétion eft beaucoup plus légère, elle eft entiè- rement dégagée de toutes ces grofles mafles & longues pièces de bois qui fe déjettent confidérablement, & qui dérangent toûjours la forme des moulins. Tous les mouvemens y font fort libres; il n’y a pas la moitié des frottemens qui fe trouvent dans les moulins ordinaires: auffi ne faut-il qu'une très-petite force pour le faire mouvoir. Le travail du moulin s'y fait beaucoup plus facilement & beaucoup plus commodément. Quand il faut augmenter ou diminuer l'apprêt, on eft obligé, dans un moulin ordinaire, de changer foixante & douze pignons : un feul fufft dans le moulin nouveau pour augmenter ou diminuer la vitefle de toutes les bobines, & par conféquent pour changer tout Japprèt. Je n’entrerai point ici dans le détail de plufieurs autres avantages qu'on trouvera dans ce moulin, l'ufage les fera mieux connoître que tout ce que j'en pourrois dire; ce n'eft même qu'après l'avoir vü travailler pendant neuf mois confécutifs, que j'ai pris fur moi d'annoncer tous ceux que, je viens de décrire. I ne me refle plus qu'un mot à dire fur es moulins du D élstiSiciENN cris 137 fecond apprèt. J'ai dit plus haut que lorfque la foie avoit été tordue à un bout fur le premier moulin, on joignoit plufieurs de ces bouts enfemble qu'on devidoit à la main fur de nouvelles bobines qui étoient enfuite portées fur un autre moulin, pour tordre chaque fil double ou triple à contre-fens du premier, & le faire monter en écheveau fur un guindre: ce font ces moulins qu'on appelle moulins de torfe où de fecond apprét. Is font ordinairement conftruits comme ceux du premier apprèt, avec cette différence qu'on les fait mouvoir plus communément avec une courroie fans fin qui embrafle tous les fufeaux: on eft dans lufage de croire que la courroie fait tourner les fufeaux avec moins d'irégularité que les ftrafins, parce que la courroie appuie continuellement fur eux & ne les abandonne jamais, au lieu que les ftrafims ne viennent les toucher que par intervalles. Mais quand on obferve ce mouvement avec quelque attention, lon voit que pour peu que la courroie foit plus ou moins tendue, la vitefle des fufeaux eft plus ou moins grande, & que f1 la ligne de leur centre ne forme pas un cercle parfait, ceux qui font plus en dedans font moins preffés par la courroie, & tournent par conféquent plus len- tement que ceux qui font plus en dehors: ainfi on peut, fans fe tromper de beaucoup, regarder les révolutions des fufeaux dans ce moulin , comme étant tout aufli inégales que celles des fufeaux dans le moulin du premier apprèt. La foie, au lieu de monter de deflus les fufeaux fur des bobines, comme dans le moulin du premier apprêt, monte ici fur des guindres: ces guindres font des efpèces de devi- doirs ou chevalets compolés de quatre lames de bois de trois pieds environ de longueur , attachées vers leurs extrémités fur deux croifillons montés fur un même arbre. Le pourtour de ces chevalets ou guindres a environ vingt-fix pouces, Chaque fil de foie, qui fe trouve double ou triple dans ce moulin, eft conduit fur ces guindres par une petite boucle: de fer immuable, & s'y devide en écheveaux. Quand, l'ou- vrier juge que lécheveau eft aflez gros, il en fait la capieure,. R üij, 134 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE c'eft-à-dire qu'il cafle le fil montant pour le lier autour de l'écheveau qui vient d'être achevé; il fait enfuite glifler cet écheveau de côté pour donner place à un autre qui ne peut fe former que vis-à-vis la petite boucle de fer qui conduit le fil de foie: & comme tous les écheveaux fe trouvent faits à peu près dans le même temps, l'ouvrier répète la même opération fur tous les autres en faifant le tour du moulin. Il réfulte trois grands inconvéniens de cette méthode. Pre- mièrement, le fil de foie qui eft conduit fur le guindre par une boucle immobile, s'y devide toüjours au même endroit, & forme un écheveau en talus fort étroit & fort épais, parce que les fils de foie montant toüjours l'un fur l'autre, font des tours qui augmentent continuellement de grandeur, au point que les derniers ont dix-huit ou vingt-quatre lignes de plus que les premiers. Or, quand ces écheveaux fe trouvent entre les deux chevilles du Teinturier ou du luftrage, il faut que la foie des plus petits tours s'écorche ou fe cafle pour que l'action de la cheville arrive jufqu'aux plus grands, cela occafionne un déchet très-confidérable dans le devidage de ces foies, beaucoup de perte de temps à l'ouvrier, parce qu'il en em- ploie prefque toûjours autant à rechanger les fils cafés ou écorchés, qu'à fabriquer l'étofle ; ce qui l'engage fouvent à favonner ou à droguer fa foie pour la faire couler plus aifé- ment; & caufe enfin beaucoup de perte au fabriquant, qui, après avoir fupporté tous ces premiers déchets, fe trouve avoir une étoffe beaucoup moins bonne & beaucoup moins belle. Le fecond inconvénient qui réfulte de la méthode ci-defus; eft que la groffeur de tous les écheveaux n'eft jamais la même, puifqu'elle dépend toüjours du plus ou moins d'attention d'un ouvrier : ces écheveaux devroient tous être petits & bien égaux ; mais comme le moulin va ordinairement jour & nuit, il arrive que ceux qui fe font pendant la nuit font du double plus gros que ceux qui fe font faits pendant le jour, ce qui dépend de l'heure à laquelle on a capié le foir. Le troifième inconvénient vient de ce que l'écheveau fe DES SCIENCES. 135 faifant toüjours à la même place fur le guindre, à caufe de Vimmobilité de la boucle qui y conduit le fil de foie, on eft obligé, quand l'écheveau eft fini, de le glifler à droite ou à gauche fur le guindre, pour fire place à un autre éche- veau. Quand le temps eft humide ou pluvieux, les lames en bois du guindre fe trouvent confidérablement enflées, & on a toutes fes peines du monde à faire gliler lécheveau, & ce n'eft ordinairement qu'aux dépens de quantité de fils caffés ou écorchés qu'on en vient à bout. Ces inconvéniens ont été prévüs & ont tous été évités dans mon fecond moulin pour le dernier apprèt. Les révo- lutions des fufeaux y font tout auffi régulières & tout auf conftantes que dans mon premier moulin, puifque le mé- chanifme eft abfolument le même à cet égard : la foie y monte en écheveaux fur des guindres, mais tous les fils y font conduits par des boucles ou guides attachés fur des tringles qui ont un petit mouvement d'allée & de venue, & qui promènent infenfiblement chaque fil de foie fur le guindre, & lui font former un écheveau de dix lignes de large fur un quart de ligne d’épaifleur. Quand les guindres ont fait 2400 révolutions, & que chaque écheveau fe trouve avoir 2400 tours, une détente alors, fans qu'on touche au moulin , fait fubitement reculer les tringles où font attachés les guides, ce qui fait changer de place à tous les fils de foie qui viennent former un nouvel écheveau à côté du premier; après 2400 autres révolutions, la détente part de nouveau, & tous les fils fe trouvent encore dans une nou- velle place pour former un troifième écheveau , ce qui fe répète conflamment jufqu'à ce que tous les guindres fe trou- vent couverts d’écheveaux ; incontinent après le dernier tour du dernier écheveau, le moulin s’arrète de lui-même, & avertit louvrier par une fonnette, de lever les guindres qui font pleins & d'en remettre de vuides. On fent aifément que moyennant cette nouvelle manière; les écheveaux faits fur ce moulin font tous de la même grof- feur, puifqu'ils ont tous exaétement 2400 tours; que les 136 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoÿaLe premiers & les derniers tours de chaque écheveau font, à très-peu de chofe près, de la même longueur, puifque tous les écheveaux n'ont qu'un quart de ligne d’épaifieur ; qu'il n'eft plus befoin de faire glifler chaque écheveau fur le guindre pour faire place au fuivant, puifque fans toucher au moulin les fils de foie changent eux-mêmes de place, & viennent former des écheveaux les uns à côté des autres jufqu'à ce que les guindres foient entièrement couverts. Il eft bien vrai qu'on eft obligé de changer plus fouvent de guindres, parce que la largeur des écheveaux & la petite diftance qui les fépare, ne permettent pas qu'il y en entre autant que par la manière ordinaire; mais le temps qu'on emploie à changer plus fouvent de guindres, fe trouve bien regagné par celui qu'on emploie ordinairement aux capieures : elles ne fe font point ici fur le moulin, on a bien plus de facilité lorfque le guindre en eft Ôté; on les fait beaucoup mieux, & on perd moins de foie; on trouve d'ailleurs un avantage bien confidérable fur la main-d'œuvre, puifqu'une femme peut fort à fon aife fervir quatre de ces moulins, tandis qu'il faut un homme très-agile & très-adroit pour en fervir un à l'ordinaire. Enfin, il eft bien aifé de concevoir que les foies qui; après avoir été tirées de la coque avec foin, feront montées fur ces nouveaux moulins, y recevront un tord parfaitement égal dans toutes leurs parties, {oit dans le premier, foit dans je fecond apprèt; que ces foies ne feront plus fi maltraitées à fa teinture & au luftrage; qu'elles feront plus aifées à tra- vailler fur le métier; & qu'il en réfultera des étoffes beau- coup meilleures , beaucoup plus belles & fabriquées en beau- coup moins de temps. I ne dépend plus que du Miniftère de rendre ces décou- vertes utiles, en les faifant connoître par quelques premiers établiffemens dans les provinces du Royaume où il fe recueille le plus de foie: il n’y a que le Gouvernement qui puiffe fupporter le furplus de dépenfe qu'exigent ordinairement les nouvelles conftructions, pour lefquelles il ne fe trouve pas d'abord É ned annt )0s D' EP SN NSNCMMENNTE ENS 137 d'abord aflez d'ouvriers tout formés & outillés pour les exé- cuter à un prix médiocre; mais l'Etat {e trouvera grandement dédommagé des avances qu'il pourroit faire, par l'avantage qu'il aura d'avoir des organfins plus beaux & plus parfaits que dans aucun lieu du monde, par l'avantage de conferver dans fon intérieur une main d'œuvre qu'il eft obligé de payer bien cher à {es voifins, & par celui de perfectionner la partie de fon Commerce la plus floriflante, qui fe trouve aujour- d'hui attaquée de tous côtés par les Etrangers. A T'S "I OFFRE DES MALADIES EPIDEMIQUES DErz7sr, Obfervées a Paris, en même temps que lés différentes températures de l'air. Pa M MALouIn. ES maladies épidémiques ne dépendent pas toüjours de la température de l'air : ïl eft certaines épidémies, du nombre defquelles font les maladies peflilentielles, qui font caufées par un venin caché, ou par une altération de Fair qui eft différente de fa température rélultante du poids de J'atmofphère, de la chaleur ou du froid, & de la fécherefle ou de l'humidité. Ce venin dans l'air eft ordinairement diflemblable dans lesidifférentes années où il arrive: il n'eft pas le même une année que l'autre, & par conféquent les maladies qu'il caufe font auffi différentes; de forte qu'il eft impoflible de déter- miner parfaitement la nature de leur caufe, quelque atten- tion qu'y apportent les Médecins les plus Phyficiens & les plus expérimentés. Ï n’y a aucun reproche à {eur faire fur cela, ni même à leur art, parce qu'il en eft de même des autres connoiffances. Hé, 175$ 1 À 138 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE humaines, lorfqu'il s’agit des premières caufes. D'ailleurs lob- fervation, la tradition & l'expérience apprennent aux Méde- cins habiles, les moyens de réuflir dans le traitement de ces maladies: c'eft ce qui conflitue particulièrement Ja Mé- decine, & ce qui eft aufli certain que ce qu'elle tient de la Phyfique théorique eft incertain ; de 1à vient que l’art de guérir, c'eft-à-dire, la doctrine d'Hippocrate fubfifte encore aujourd’hui dans fon entier, au lieu que celles des autres Savans fes contemporains font oubliées ou décriées depuis long-temps. C'eft cette caufe cachée des épidémies qu'Hippocrate, en parlant de ces maladies, traite de divine, c'eft-à-dire, incom- préhenfible, 7 Si. Cette caufe fecrette des maladies populaires part quelque- fois de la terre & des corps qui en dépendent. La terre peut fur l'air plus qu'on ne le croit communément : les qualités des difiérens airs, comme celles des différentes eaux, viennent fur-tout de la terre. I nous eft auffi néceflaire que l'air foit pur, qu'il left aux poiflons d’avoir de l'eau pure. H ne faut pas entendre une pureté abfolue, par laquelle on fuppofe que l'eau & l'air ne contiennent rien qui ne foit air ou eau. L'eau eft cenfée pure lorfqu'elle eft fans mélange groffier ou extraordinaire, car elle contient toûjours plus ou moins d'air; & quoiqu'elle renferme imperceptiblement quel- que terre ou des fels naturels, elle eft réputée pure: de même, il n'y a point d'air qui, rigoureufement parlant, foit pur ou féparé de toute autre chofe. | Comme l’eau contient toûjours de l'air qui la rend moins , pefante, l'air eft toûjours mêlé d’un autre fluide qui le rend plus efficace: outre ce fluide, que plufieurs expériences & fur-tout celles de l'éleétricité font apercevoir , l'air contient différens corpufcules qui émanent de la terre. La terre tranfpire plus ou moins, fur-tout dans les chan- gemens de temps: elle paroît cefler de tranfpirer lorfqu'il doit faire de l'orage. Pendant l'orage, elle recommence à DES SCIENCES. 153 tranfpirer fenfiblement, & forage fini, elle tranfpire plus qu'à l'ordinaire pendant quelques heures ; c'eft ce que l'ex- périence apprendra à ceux qui voudront s'en aflurer: cette recherche fur la tranfpiration de la terre eft négligée, quoi- qu'elle foit très-digne des Phyficiens. : L'air peut être eftimé pur, fi ce qui émane de la terre en l'air eft imperceptible & naturel : fi au contraire ces exhalaifons font en trop grande quantité & qu’elles foient mauvaifes, elles rendent l'air impur & mal-fain. On peut attribuer la corruption dans les plaies, à la mauvaife qualité de l'air, lorfque dans une même année, dans un même temps & dans différens fujets, la pourriture ou la gangrène fe met dans toutes les bleflures ; ce qui arrive extraordinairement certaines années, fur-tout à l'égard des plaies contufes. L'air contracte différentes qualités, felon les différens corps par lefquels il pañle : il prend une qualité pernicieufe à la fanté en paflant par des tuyaux de cuivre, & même par ceux de fer lorfqu'ils font bien chauds ; il ne fe gâte point en paflant de même par des tuyaux de verre auffi chauds. L'air eft différent felon les différentes parties de la terre où on le prend, comme les eaux font différentes felon les différentes terres que les fources traverfent. Les émanations d'un terrein qui eft de pure terre, de pierre & de fable, ne corrompent point fair; & au con- traire l'air n’eft point pur dans un pays rempli de mines ou de feux foûterrains. H fort auffi des exhalaifons particulières de certains endroits de la terre, qu'on nomme pouffes ou moufettes ou meplites, comme font celles de la grotte du chien dans le royaume de Naples, celles de Pérols dans fa province de Languedoc: il y avoit un trou fur le mont Parnafle d’où il fortoit des exhalaïfons qui portoient à la tête, & qui enivroient. H y a de ces vapeurs qui font nuifibles à tous les ani- maux; il y en a d'autres qui le font à quelques animaux & ne le font pas à d'autres. Ces vapeurs s'élèvent & agiflent à des hauteurs différentes. M. de la Condamine rapporte S i 140 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dans fa relation du Voyage du Pérou, que dans la provincé de Quito il y a un foffé où les lapins & les oifeaux meurent, & que s'ils y font expolés à une certaine hauteur, ils n'en font point incommodés. Il y a, au rapport de Bergerus, d'Agricola & de Strabon, un endroit de la terre d’où ïl fort des vapeurs mortelles pour les bêtes à corne, & qui n’incommodent point les poulets: ce qui nuit à la tempé- rature d'une efpèce d'animal, n’efl pas toùjours contraire à celle d’une autre efpèce, comme on voit que les animaux, même les animaux domeftiques , tels que les chiens, ne gagnent point les maladies peftilentielles des hommes, ni les hommes celles des animaux. Il y a des régions de la Terre d'où il fort tous les ans, en certaines faifons, des caufes de maladies particulières; c'eft ce qui produit certaines maladies endémiques, c'eft-à-dire, propres à certains pays, comme eft la pefte en Turquie, particulièrement à Conftantinople. Il y a aufi des caufes accidentelles de la corruption de Vair, telles que font celles qui viennent des eaux croupif- fantes , ce qui eft commun en Egypte & en Italie : les eaux croupiffantes du château Saint-Ange caufèrent, fous Inno- cent III, une fièvre maligne qui tenoit de la pefte. Les habitans des pays marécageux où humides ont, en général, le teint mauvais; ils font comme bouffis, mous, foibles & mal-fains. | L'air corrompu eff fort nuifible lorfqu'on le refpire, il ya eu des perfonnes attaquées de coliques, de vomifiemens & de langueurs pour avoir été dans des cimetières ; il eft arrivé la même chofe à d’autres pour avoir paffé à travers des voyeries. Les exhalaifons qui s'élèvent des lieux habités, fur-tout des villes, gâtent plus ou moins fair, & le rendent moins fain en général que l'air de la campagne. Il y a fouvent dans les villes des maladies épidémiques qui ne font point dans les campagnes; au contraire , il y a certaines années , à la campagne, des maladies caufées par les vapeurs de Ja terre, qui quelquefois n'entrent point dans les villes, parce que D'HISUSNEMMENN CES. T4T quoique les exhalaifons des lieux habités gâtent Vair naturel, elles peuvent dans certaines rencontres corriger en quelque façon l'air corrompu par les émanations de la terre, qui peu- vent être quelquefois plus préjudiciables encore que celles qui viennent des immondices des maifons ; c'eft ce qui eft arrivé pendant la pefte de Lyon & pendant celle de Mar- {eille : on remarqua que les quartiers de ces villes les plus chargés de maifons, ou dont les rues étoient plus étroites & plus malpropres, fe trouvoient moins attaqués de la pefte que les lieux plus libres. C’eft vrai-femblablement fuivant ce principe que les Médecins de Londres confeillèrent, pen- dant la pefle qui ravagea cette ville fous le règne de Charles II, de faire ouvrir les fofles des privés de toute la ville : la mauvaife odeur que cela répandit dans Londres, y fit ceffer la pefte. L'air peut auffi fe corrompre feul, orfqu'il eft long-temps enfermé : les corpufcules dont il eft toûjours chargé plus où moins, agiflent les uns fur les autres, & fe corrompent lorfqu'ils font long-temps retenus enfemble; c’'eft ce qui fait le rivolin * des vaitleaux. En Béarn, une cuve deftinée à garder de l'eau falée, fut abandonnée pendant vingt-neuf ans; il fe forma deflus en dedans une croûte faline, & fous cette croûte une vapeur qui fut funefte à ceux qui la cafsèrent. Les exhalaifons qui altèrent Fair, ne viennent pas toüjours feulement de la terre, du moins immédiatement; il en vient aufli du ciel: les météores, comme le tonnerre & les éclairs, répandent des vapeurs qui corrompent l'air; on obferve que dans ces temps d'orage, les viandes fe gâtent promptement, & que les malades deviennent plus mal : la viande de bou- cherie fe gâte moins que ne le fait dans certaines circonftances la chair des animaux vivans, mais malades, parce que les mouveinens même vitaux contribuent à cette putréfaétions c'eft ce qui caufe une pourriture fubite dans les animaux qu'on fait mourir en Îles tenant dans un air chaud & enfermé. * ÆRivolin, terme de marine qui veut dire un air corrompu qui fort. lorfqu’on vient à ouvrir un lieu fermé, : | S ii 142 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE J'AUN VD ER. Le froid a été moindre qu'il ne left ordinairement dans ce temps : la liqueur du thermomètre y a rarement été au deffous de zéro, même les jours les plus froids ; & elle a quelquefois été dans l'après-midi jufqu'à 1 1 degrés & demi au deflus de ce terme. La pefanteur de l'atmofphère, ou du moins le baromètre, a fort varié, le mercure y a prefque toüjours été au deflous de 28 pouces; il n'eft monté à 28 pouces que le matin du 2 de ce mois, le vent étant nord-eft: il eft defcendu jufqu'à 26 pouces 1 1 lignes le 14, le vent étant fud & l'air fort humide. En général, l'air a été fort humide en Janvier; la hauteur de la pluie qui eft tombée pendant ce mois, eft d'un pouce neuf lignes & quatre cinquièmes de ligne. Le vent a le plus fouvent été fud, même lorfqu'il a fait le plus froid, ce qui eft extraordinaire : c’eft vrai-femblable- ment ce qui a caufé des langueurs, des affaiffemens & des palpitations de cœur, qui venoient fur-tout du mauvais état des nerfs. Baïllou, favant Médecin de Paris, dit dans fes Obfervations fur la température de l'air & fur les maladies épidémiques , que les vents du fud font contraires à la tête & aux nerfs; j'ai fait auffi cette remarque fouvent depuis que je fais les mêmes oblervations. Les maladies populaires de ce mois ont été des fluxions à la tête, fur un côté, à la partie inférieure, fe terminant le plus fouvent à une des oreilles, où elles caufoient intérieure- ment une douleur très-vive; ces fluxions ont été éréfipéla- teufes dans quelques perfonnes. Il y a auffi eu dans ce mois des fluxions de poitrine & beaucoup de rhumes, dont la guérifon s’eft faite ou terminée fur-tout par des urines abondantes & troubles. On a vû dans ce temps des fièvres irrégulières & des continues, dont la plufpart étoient putrides, & même quel- ques-unes devenoient malignes lorfqu'on ne les gouvernoit pas bien dans leur commencement. DES SCIENCES. 149 H y a auffi eu des dévoiemens dyfenteriques : M. Dejean, Médecin de la Faculté, a obfervé que les favemens émol- liens y ont fingulièrement bien fait. Les petites véroles ont continué d'avoir cours ce mois-ci, & elles n'ont point été mauvaifes. Le ciel, qui a fouvent été couvert cette année, peut avoir donné lieu à ces petites véroles, fuivant l'obfervation de Sydenham, qui eft reçüe de prelque tous les Médecins, & qui n’eft conteftée par aucun. Il eft entré à l'Hôtel-dieu, en Janvier, 16$2 malades: ï y en avoit le premier de ce mois, 3459. JLeft mort 1 3 9 2 perfonnes; 7 37 hommes & 6 5 $ femmes. I eftné 2196 enfans; 1122 garçons & 1074 filles: de ces 2196 enfans, on en a porté 338 aux Enfans-trouvés; 471 garçons & 167 filles. H s'eit fait à Paris pendant ce mois, 412 mariages. FEVRIER. Ce mois a été affez tempéré par rapport au froid : Ia liqueur du thermomètre a prefque toùjours été près du terme de la glace, plus fouvent au deffus qu’au deffous; il a fouvent varié, & il y a eu continuellement des alternatives de gelées & de dégels, mais ces alternatives étoient lentes & foibles. La pefanteur de l’atmofphère a été un peu moindre qu’elle ne l'eft ordinairement à Paris : le baromètre a le plus fouvent été aux environs de 27 pouces & demi; il n’eft monté à 28 pouces que le 21; l'air étoit fec ce jour-là, quoiqu'il dégelât, le vent étant fud-oueft; & il eft defcendu le 7 Fé- vrier à 26 pouces 11 lignes, le vent étant oueft & fair humide, ÿ Le vent a foufflé de toutes parts pendant ce mois. Il y a eu une aurore boréale le 19. L'air n'a été ni fec ni humide en Février; il a été comme il eft ordinairement en ce pays dans ce temps; cependant il eft tombé 1 pouce 8 lignes + de pluie, x44 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Les maladies épidémiques de ce mois ont été des fluxions à Ja tête, & particulièrement fur l'oreille droite, d'où il fortoit alors des eaux rouffes; il y a auffi eu des fluxions fur les yeux. J'ai obfervé que l'humeur catarreufe qui occafionnoit ces fluxions à la tête & des rhumes à la poitrine, caufoit des dyfenteries lorfqu'elle fe portoit fur les inteftins. IH y a eu dans le même temps des morts fubites, des : apoplexies & des paralyfies, qui vrai-femblablement venoient de la même caufe, & ne différoient que par la diverfité des parties fur lefquelles l'humeur tomboit. Cette humeur a auffi caufé quelquefois la fièvre, & elle étoit accompagnée de rhume, On a reçû à l'Hôtel-dieu, en Février, 1612 malades: il y en avoit le premier de ce mois, 3521. I eft né dans le cours de ce mois, 1991 enfans; 1006 garçons & 985 filles : de ces 199 1 enfans, on en a porté 294 aux Enfans-trouvés; 148 garçons & 146 filles. I eft mort à Paris, en Février, 1493 perfonnes; 764 hommes & 729 femmes. I seft fait 808 mariages dans ce mois. M ARS. La température de l'air, pendant le mois de Mars, a été fort douce; le plus bas où ait été la liqueur du thermomètre, c'eft à 3 degrés au deflus de la congélation. Pour ce qui eft de la pefanteur de l'atmofphère, elle a fouvent varié ; le mercure eft defcendu dans le baromètre jufqu'à 26 pouces 9 lignes, & il n’efl pas monté plus haut que 27 pouces 9 lignes. Le venta le plus fouvent été fud-oueft, & quelquefois oueft. Il y a eu pendant ce mois beaucoup de giboulées fortes; l'air a été très-humide, & les rivières ont grofii. Il eft tombé en Mars 3 pouces une ligne + de pluie. I! y a eu beaucoup de malades ce mois-ci: j'ai obfervé que les cacochymes fe font trouvés plus incommodés qu'à l'ordinaire, Beaucoup de véroles invétérées & cachées fe font manifeftées dans EL: k À ‘! DNENS A Se ENICUE"Ss. 145 dans le commencement de Mars & dès la fin de Février; elles fe déclaroient d’abord par des fontes catarreules, qui ont été fort communes dans ce temps. Les catarres dans la tête, les yeux, le nez & la gorge, avec courbature, ont étéen grand nombre ce mois-ci. M. Ver- nage, Médecin de la Faculté, a obfervé que ces douleurs dans les membres étoient avec picotement dans les chairs : il n'a dit avoir eu auffi à traiter des fièvres herpaires & éréfipélateufes qui commençoient comme la rougeole, par une toux & par une fièvre ardente. Les catarres ont quelquefois été fuivis de fièvres putrides; ces fièvres ont fouvent accompagné les fauffes pleuréfies, dont il y a eu beaucoup ce mois-ci: ces pleuréfies ont eu ceci de particulier, que les douleurs qui es accompagnoient, quoiqu'elles fuffent vives, intérefloient moins les poumons qu'à l'ordinaire; il y avoit même de ces malades qui ne toufloient point du tout. On a vû en même temps quelques vraies pleuréfies & des fluxions de poitrine. J'ai obfervé que lorfque la douleur de côté étoit plus décidée, & que les malades avoient plus de fièvre, ils avoient moins de douleur de tête que lorfque la fièvre & la douleur de côté étoient plus fenfibles. M. le Monnier, Médecin de la Faculté, a dit qu'il y avoit eu pendant le mois de Mars, à Saint Germain-en- Laye, des catarres avec mal de gorge, & des fauffes pleuréfies avec crachement de fang, mêlé de férofité: ce crachement de fang féreux eft dangereux dans les maladies inflammatoires de la poitrine. M. le Monnier a obfervé que la faignée n'y réuflifloit pas, qu'en général les purgatifs & quelquefois les vomitifs y produifoient de bons effets. M. de la Sourdière a obfervé la même chofe à Paris, & il a regardé le cra- chement de fang comme le moindre fymptome de cette maladie. Les catarres font dangereux lorfqu'ils traînent-en longueur ; quand même ils feroient fans crachement de fang. L'humeur du catarre dépofée dans les poumons, en afloiblit le tiflu, Mém. 175 1. y Ÿ y Ÿ M y ÿ y Ÿ 2 > Ÿ > C2 > tm 22 = 22 ÿ > ÿ 5 DES SCIENCES. 17$ chargé de gros rochers noirs, & dont le flanc eft d’une terre « grifätre affez molle. Lorfqu’on a paflé la mer, on rencontre « à deux journées de là, des montagnes pleines de cailloux gravés « en dehors comme des cerveaux. Le jour fuivant on marche « parmi des cailloux tranfparens & de différentes couleurs, on « defcend enfuite dans des plaines où il y a des pierres noires, « des granits, dont quelques-uns font marquetés comme le « porphyre & la ferpentine : lon continue à voir le lende- « main des pierres noires & des granits; il y a peu de chemin « de ce dernier endroit au mont Oreb, où l’on trouve de grofiés « pièces de criftal ». Le P. Sicard défigne bien, comme je l'ai rapporté plus haut, un endroit rempli de talc; mais fuivant la route que ce Miffionnaire tenoit alors, ce lieu doit fe trouver entre le port de Tour & Suez, puifqu'il dit que c’eft en allant du premier au fecond endroit, qu'il pañla cette vallée remplie de paillettes talqueufes, que j'ai citée d'après lui. Je ne fais fi l'on ne devroit pas aufñli regarder comme des parties de talc ou des pierres talqueufes, ce que Shaw ap- pelle du nom de félénite, & fi les pierres qu'il nomme pfeudo-fluor ne feroient pas quelque chofe d'approchant de la craie de Briançon. Si Shaw eût défigné plus exatement les lieux où il a trouvé ces fofliles, il auroit peut-être été facile de déterminer ce fait. « Parnni les foffiles, dit cet Au- VorII, p. 8. teur, que l'on trouve toüjours en nature, il y en a plufieurs « qui ne font point communs en d’autres endroits; de ce « nombre font les pierres félénites de toutes fortes de figures « & de couleurs, dont on trouve quelquefois dans ces quartiers « (c'eftà-dire, du chemin du Caire au mont Sinaï) des ter- « reins de trente ou quarante verges détendue, tout couverts; « - une belle efpèce de craie, connue chez les Naturaliftes fous « le nom de pleudo- fluor, qui donne aux rochers un éclat « éblouiïffant, & qui couvre fouvent, comme les félénites, « des morceaux de terrein confidérables ». . Aiïdé de ces obfervations & de celles que j'ai rappor- tées au commencement de ce Mémoire, on pourra affez. a n P. jp, vol. II. Page 73. Rerum Egypt, dib. IL, c. 114, IV,p. 142€ feg- Lugduni- Batav. 1735» in - quarto, 176 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE facilement déterminer la nature du terrein qui s'étend depuis le mont Oreb jufqu'au grand Caire. Par les fuivantes, on ne trouvera pas beaucoup de difhcultés à conflater la nature de celui qui eft de l'autre côté de la mer Rouge. Outre les carrières de granits des environs de Syene & des ifles qui font proche les cataraétes, outre celles de marbre voifines du monaftère de Saint-Antoine ,-du mont Golzim, de la plaine d'Araba, dont j'ai déjà parlé d’après le P. Sicard , il y a une montagne qui renferme la pierre bafanite , qui eft un marbre noir; elle eft peu éloignée des carrières de granits des envi- rons de Syene. Enfüite on trouve celle qui eft d'une pierre noire, peut-être femblable à la bafanite; du côté de la mer, eft placée celle des émeraudes ; plus bas, celle de porphyre; encore plus bas & au couchant de la mer Rouge, celle d'al- bâtre: toutes ces montagnes fe trouvent déjà ainfi caraété- rifées dans une Carte ancienne faite pour un Ptolémée, & dont j'ignore l'Auteur. On pourroit , il eft vrai, faire fur fa pofition de ces carrières, quelques difficultés tirées de Maillet, de Profper Alpin & du P. Sicard. Le premier prétend que les carrières d'émeraudes fi eftimées , qui pafloient pour les plus belles du monde, comme elles étoient auffi les plus dures, font entièrement inconnues; mais outre que Maillet eft de beau- coup poftérieur à l'auteur de la Carte dont je viens de parler, il aflure pofitivement qu'il fe rencontre encore aujourd'hui beaucoup de mines d'émeraudes en Egypte, dont celles qui s'en tirent n'égalent pas en beauté & en dureté les émeraudes de l'ancienne mine. Il pourroit fe faire que la mine dont il s'agit dans Muillet, füt différente de celle qui eft marquée dans cette Carte. Quoi qu'il en foit, c'eft de ce côté de Ia mer Rouge que l’on doit rencontrer ces émeraudes, puifque Profper Alpin rapporte que cetie mine fe trouve dans la province de l'Egypte appelée Gait, & maintenant Saïd : if paroît même que cet Auteur penfe que c’eft dans cette pro- vince que viennent aufli la topaze, l’aiguemarine, la fanguine, le jafpe & le lapis laguli ou pierre d'azur, il l'aflure du moins des topazes & de l’héliotrope. Profper ES ss re on RS ne ÉD DE SN S'CME N:C'E:s. 177 Profper Alpin, fur {es obfervations duquel je viens de tâcher d'éclaircir la première difficulté, pourroit au contraire fervir à former la feconde, Suivant cet Auteur, lalbâtre fe tiroit proche de Thèbes, d'un endroit qui tenoit fon nom «/a- Baflrum , de celui que cette pierre porte: la ville à laquelle nos Géographes modernes donnent ce nom, eft bien éloignée de Thèbes. Profper Alpin fe trompe peut-être, peut-être que ce font les Géographes. Je fuis bien éloigné de croire que je puifle réfoudre un point de Géographie fi délicat : il me fufht de favoir que cette carrière étoit placée de ce côté de la mer rouge. Je dirai la même chofe du mont de por- phyre, que l'on pourroit penfer être un de ceux que le P, Sicard dit être maintenant inconnus. Toutes ces obfervations concourent donc à prouver que la partie de l'Egypte renfermée entre la mer Rouge & le Nil, eft femblable à celle qui eft de l'autre côté de cette même mer. On peut encore rapporter à l'appui de ces ob- fervations, ce que Millet dit du puits d'eau faumache du monaftère de Saint-Antoine, & Monconys de la montagne d'où fort une fontaine d'huile de pétrole, que cet Auteur place de ce côté de la mer Rouge & vis-à-vis de Tor. L'on apprend par la carte que M. de fIfle a donnée de l'Egypte, qu'il y a une montagne de falpètre proche une car- rière de granit qui eft éloignée d'environ foixante lieues de la grande cataracte. Cette même carte nous fait connoître une mine de fer à une vingtaine de lieues de Dongon & d’Alfaha, la fontaine alumineufe de Cheb, & celle de Mour qui eft amère. Que l'on compare maintenant ce détail avec la carte de France dont j'ai parlé plus haut, lon verra aifément qu'il y a peu de différence, & que ce n'eft probablement que faute d'un plus grand nombre d'oblervations fur l'Egypte, que la reffemblance n’eft pas encore plus grande. En effet, les pays où il fe trouve des granits en France, avoilinent affez fouvent des endroits où il y a du marbre, des pierres talqueufes , des amas de talc, des fontaines bitumineufes, Mém. 1751. Ps Hbid. cap. 114, P. 142- Vol. 11, p.774 * Part:1,p.246: Vol 1L,P.147: 178 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE des mines de jayet, des eaux chaudes, des mines de diffé- rens métaux: c'eft ce que l’on remarque en parcourant cette carte depuis Ja bafle Bretagne jufque dans la Flandre, en pañlant par le bas Poitou, l'Anjou, le Limofin, l'Auvergne, le Forès, le Bourbonnois & la Lorraine. Je pourrois étendre ce parallèle de l'Egypte avec la France, & faire voir que fi la haute Egypte convient avec une partie de ce dernier royaume , la bafle pourroit convenir avec celle de la France où l'on ne trouve plus les foffiles dont je viens de faire l'énumération, mais feulement des pierres de taille d'un blanc plus ou moins beau, de la craie ou de la marne, des eaux minérales froides, & de tous les métaux le fer feulement. Je pourrois même, au moyen des obfer- vations rapportées par les Auteurs qui m'ont fervi de guides jufqu'à préfent, & fur-tout par Shaw, aflez bien déterminer le cours de ces pays: il me paroît qu'ils s'étendent depuis Alexandrie, le grand Caire, jufque dans fa Judée, la Syrie & la Phénicie. Je ne penfe ainfi que fur ce que Shaw dit qu'il y a aux environs d'Alexandrie, des cryptes ou catacombes qui different peu de celles de Laodicée qui font creufées dans de la craie où dans une pierre blanche; que fur ce que Thévenot rapporte en réfutant ceux qui penfoient que le Caire n'avoit pas de murailles: elles font, fuivant cet Au- teur, de belle pierre encore fi blanche, qu'on diroit qu'elles feroient bâties tout nouvellement, fi on ne connoïfloit par les grandes crevafles qu'il y a en plufieurs endroits, qu'elles font fort anciennes. Les pyramides, au rapport de Shaw, font bâties de pierres qui fe tiroient dans les environs de l'endroit où elles fe voient encore; lon remarque même . que leurs fondemens font placés fur le roc, que le puits ‘de Jofeph, les carrières de Moccat près du Caire, les cata- combes de Sakara, le Sphinx & les chambres taillées dans le roc à left & à l’oueft de ces pyramides, portent toutes les marques cara@ériftiques qui font connoître que c'eft la même efpèce de pierre dont les pyramides font bâties. Or ces pierres, felon cet Auteur, reflemblent à des amas de DES SCIENCES. 179 coquillages foffiles, de fubitances coralines & d’autres corps marins : il eft encore beaucoup plus clair & plus pofitif lorfqu'il décrit plufieurs cantons de la Judée & de la Phénicie. La plus grande partie des montagnes des environs du Carmel, fuivant lui, & de celles qui font dans le voifinage de Jérufalem & de Béthléem, ont des couches de craie blanche: la pierre vive qui fert de bafe aux rochers du voifinage de Laodicée, eft furmontée d’une craie blanche, d'où peut-être cette ville a pris fon nom de promontoire blanc. La Nakoura nommée anciennement fcala* Tyrorum ou Yéchelle des Tyriens, eft à peu près de la même nature, & l’on y trouve encore en y creufant, quantité de toutes fortes de coraux & de coquilles. Je croirois que l'on en devroit dire autant des environs de Joppé, dont fe rivage eft, fuivant lhiftorien Josèphe, extré- mement pierreux , fort élevé, & dont les deux côtés, qui font des rochers naturellement creux, s'étendent en forme de croiflant aflez avant dans a mer: je reconnoîtrois volon- tiers dans ces rochers une pierre tendre & molle, que a mer ronge aifément. Le chemin que l'on traverfe entre le Promontoire blanc, autre que Laodicée, & la plaine d’Acra, eft auffi rempli de pierres fuivant Maundrell, de même que, felon Shaw, celui qui eft entre Laodicée & Jébilée. Je penferois que ces pierres font de la nature de celles des montagnes voifmes, & qu'ainfi elles font femblables entre elles, ou qu'elles font peut-être des caïlloux formés dans la marne ou la craie, dont ils ont été détachés par les pluies & les torrens d'eau, & dès-lors ces cailloux pourroient ref- fembler à ceux du mont Carmel ; fi connus fous Îe nom de melons du mont Carmel, & qui ne font réellement que des cailloux qui ne different de ceux que nous rencontrons fou- vent en France dans a craie & la marne, que parce qu'ils font beaucoup plus gros, quoique peut-être lon en püût trouver en France qui les égalaflent en groffeur, comme if y en a fur le Carmel d'auff petits que les nôtres, & qui ne furpañlent pas celle des pêches auxquelles Shaw les com- pare. Les uns & les autres, du moins la FRE de ceux 1] Vol. IL, p. 764 Vol. 11,p. 6p Maundr. Voy. d'Alep à Jéruf. page 198. Shaw, vol, 11, P- 69. 180 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de ce royaume, & ceux que l'on nous apporte du Carmel, ont dans leur intérieur une cavité dont les parois font cou- vertes de petits criflaux à facettes. Les chambres fépulcrales qui font, au rapport de Shaw, près de Jébilée, de Tortofe, de la fontaine du Serpent, fontaine que Maundrell place à une lieue de Tortofe, un peu vers le midi d’Aradus, & environ à un quart de lieue de la mer, les chambres fépulcrales, dis-je, de ces différens endroits, celles de Sidon décrites par Maundrell, & celles de Jaffa dont Monconys parle, me paroiflent prouver auffr que les pierres de ces lieux font d'une fubftance facile à pénétrer, & quelles font de la marne ou de Îa craie, ou tout au plus une pierre blanche femblable. à celle de Lao- dicée & de Nakoura. Il en eft, à ce qu'il me femble, de ces chambres comme de celles que lon voit dans plufieurs en- droits des bords de la Loire, où quelquefois par leur nombre elles forment de petits villages foûterrains. Les montagnes que cette rivière cotoie, font compofées dans ces cantons, de pierres blanches tendres & faciles à percer. Les Phéniciens & les habitans des bords de la Loire ont été fans doute engagés à faire ainfi des foûterrains plus ou moins grands, par la facilité qu'ils ont trouvée à les creufer. Cette propriété dans cette pierre fut probablement encore une des raifons qui engagèrent les premiers & les peuples de la côte de Syrie à tailler dans beaucoup d'endroits, les rochers qui bordoient leurs mers, en forme d'auges, de deux ou trois aunes de longueur, & larges à proportion, pour y recevoir Veau de la mer & en faire du {el par lévaporation. Malgré la dureté que cette pierre ne laïffe pas d'avoir, ces auges font maintenant prefque entièrement ufées & applanies par le battement continuel des vagues. Shaw en vit quelques-unes à Laodicée, à Antaradus ou Tortofe, à Tripoli & ailleurs. Si l'on jette maintenant un coup d'œil fur la carte qui a été faite d’après ces obfervations, on fe convaincra aifé- ment que toute la côte de la Phénicie, de la Syrie & de la Judée, qui s'étend depuis Laodicée jufqu'à Gaza, eft formée pe SS'ICLRE Nic ES 18: par des montagnes qui contiennent des pierres de même nature, Îl ne m'a pas été aufli facile de déterminer ce que les montagnes de l'intérieur des terres renfermoient, excepté celles des environs de Jérufalem & de Béthléem, comme on l'a vû plus haut. Les Voyageurs qui ont parcouru ces pays, occupés d'objets qui leur paroifloient plus dignes de leur attention, & pour lefquels fouvent ils entreprenoient ces voyages, ont été trop fuperficiels touchant ceux qui pouvoient intéreffer l'Hiftoire Naturelle: ils ont tout au plus marqué quelques fontaines ordinaires d'eau froide, quelques endroits où ils ont traverfé des montagnes chargées de pierres de taille, des bâtimens publics qui en étoient faits. Shaw, par exemple, parle des fources qui font au deflous de Bell- mont fur le bord de la mer, de celles du Kishon, de Ia fontaine fcellée de Salomon. Maundrell a décrit les citernes de Salomon qui font proche Rofelayn, dont l'eau vient d'une fontaine des montagnes voifmes, & eft conduite à ces réfervoirs au moyen d'un aqueduc dont les arcades font incruftées de ftalactites formées par le dépôt de l'eau qui fuinte entre les joints des pierres. Ce même Auteur en a marqué une à une lieue de Zyb dans Ia plaine d’Acra; une autre à une bonne lieue de Boteshelhh ; celle qui eft nom- mée Ambus-Lée, qui eft à quatre lieues de Sidon dans le Liban; celle de Beer qui donne fon nom à cet endroit. Quant à ce qui regarde les pierres, les environs de Ra- mala, du mont Tabor, de Nazareth, font remplis de grottes au rapport de Monconys. Toutes les maifons de Rama, fuivant le même Auteur, font de pierres de taille; il y a lieu de penfer que Monconys entend par ce nom, des pierres blanches, puifqu'il s’en fert pour défigner celles dont les murs & les maifons de Jérufilem font bâtis, & que Shaw, & bien des fiècles avant lui l'hiftorien Josèphe, nous ont dit être des pierres blanches. Josèphe rapporte que les pierres que lon employa depuis les fondemens jufqu’à la couverture du temple de Jérufaiem , étoient fi blanches, que cette fuperbe mafie paroïfloit de loin aux étrangers qui ne l'avoient jamais vüe, Zi Vol. II, p. 714 Page 83: Antig. Jadaïg, traduct. de M. de Sacy, ». 11, PAZ-1 j ,in-1 2% Bruxelles. Vol.v,p 126, 182 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE être une montagne couverte de neige; expreffion un peu _exagérée, mais qui prouve que ces pierres étoient d'un blanc qui fe foûtenoit très-long-temps, femblables en cela à celles dont les murs du Caire font bâtis, & à celles qui fe trouvent en France dans les montagnes des bords de la Loire dont jai déjà parlé, & dans beaucoup d’autres endroits de cette fuite de pays que j'ai défignée dans la Carte minéralogique de la France fous le nom de bande marneufe. Maundrell ne fe fert auffi que du nom de pierre de taille, lorfqu'il parle de plufieurs ponts qu'il vit entiers ou ruinés, fur des rivières qu'il fut obligé de pañfer depuis Laodicée jufqu'à Jérufalem ; il fixe a pofition de celle de Jobar, qui eft entre Jébilée & Aradus, de celle qui eft à un quart d'heure de marche de Tortofe à Tripoli, d'une qui eft dans la plaine Jia, c'eft- à-dire, plaine par excellence, d'une qui coule dans une baie du même nom, d’une que l'on trouve après une heure de marche depuis Jébilée, enfin de la Damer ou Tamyras & de la Cafiméer. Shaw ne nous inftruit pas davantage, quoiqu'il ait donné par tribus une defcription de la Judée. Je ne fais fi l'on ne pourroit pas tirer pour mon fentiment une preuve du filence mème de ces Voyageurs; frappés d'abord des pierres qu'ils avoient vües fur les bords de Ia mer, & que quelques traits hiftoriques ou géographiques les obligeoient d'examiner, comme à Laodicée, au Promontoire blanc, ils n’ont point oublié de nous les faire connoître, & ils n'ont enfuite défigné que par le nom commun celles qu'ils remarquoient dans les ouvrages publics, & qui n'avoient rien qui püt piquer leur curiofité de ce côté. Ce qui me feroit encore pencher davantage vers ce fen- timent, c'eft que dès que le contraire eft arrivé, ils n'ont pas manqué, les uns ou les autres, de le faire connoitre; ils nous ont appris que certains édifices d'Apamée & de Damas, font bâtis de pierres blanches & de pierres noires, pofées alternativement par lits; qu'à moitié chemin de Coneitra à Saxa, fur la route de Nazareth à Damas, & proche cette ville, on trouve un han ou auberge appelé Raïmbe, bäti ms-cl - n — S n É S DE SES 4€ HAE UN) CE, S 183 de pierres noires, après avoir paflé un chemin dont Le terroir eft fi pierreux qu'il ne fe peut cultiver ; que le marbre eft employé très-communément dans l'intérieur des bâtimens de Damas; que les carrières d’où on à tiré les colonnes & le pavé du fameux temple de Balbec, font aux environs de cette ville. If y a des fontaines d’eau chaude à Callirohé, Ti- bériade, Ammaüs, proche ce dernier endroit & le lac du même nom. La fontaine Siloë eft un peu falée; le lac Alphaltique eft entouré de montagnes remplies de bitume folide & liquide; les environs de Jéricho font pleins de fel foffile ; le long du lac Afphaltique , il y a une ville qui porte le nom de ville de fel, comme un autre endroit celui de vallée des falines ; à l'embouchüre du Jourdain dans le lc Afphaltique, il y a une fontaine qui eft auffi falée. Traçons maintenant encore plus exactement que nous n'avons fait, les bornes & l'étendue de ces efpaces de pays qui. font diftingués par {es foffiles qui s'y trouvent; l'un peut être, comme en France, défigné par le nom de 4ande mar- neufe, autre par celui de bande fchiteufe. La première s’étendra d'un côté depuis Alexandrie jufqu'à Laodicée ; je dirai ci- après qu'elle peut être même prolongée de part & d'autre; elle aura pour borne à lorient, Apamée; elle paffera proche Balbec , l'anti-Liban & Damas, s’étendra vers Nazareth & Tibériade, embraffera les environs de Jérufalem & de Bé- thléem, entrera dans l'Ecypte, où elle fe continuera vers Suez & le Caire, vers la plaine de Sakara, & fe dirigera alors du côté du défert de Saint Macaire & des montagnes de Lybie qui font au couchant. L'on s'apercevroit bien, quand je ne le dirois pas, pourquoi je lui donne cette direction & cette étendue. On fe rappelle fans doute ce que j'ai dit dés pierres blanches & noires des bâtimens d'Apamée & de Damas : il ne faut pas douter que ces pierres ne fe trouvent aux environs de ces villes; la noire me paroît un marbre, & doit ainfi fixer les bornes de Ia bande marneufe; la blanche indique que cette bande fe prolonge jufque-là. C’eft encore au moyen de ces deux efpèces de pierres que je peux en étendre Îes bornes V. les Voy. d'Otter, vol, 4, page 87. 184 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de ce côté. Je tire cette obfervation des Voyages de Mrs Thé- venot & Otter: « Hims, dit le premier, eft une jolie ville » de moyenne grandeur, dont les murailles font de pierres » noires & blanches. Au nord du lac Hims, dit le fecond, if » y a une jetée de pierre, au milieu de laquelle l'on voit deux » tours de pierre noire: lOronte, qui pañle à Hims, a plu- fieurs ponts de pierre blanche ». La reflemblance de ces pierres avec celles d'Apamée & de Damas, eft entière; & fi ma conjecture eft vraie pour les pierres de ces dernières villes, elle pourroit bien l'être pour celles de ces derniers endroits. L'on penfera peut-être que les pierres noires ne font que des pierres à fufñl, qui fouvent approchent beaucoup de cette couleur. Je ne crois pas que ff elles en euffent été, ces Voyageurs ne nous en euflent pas avertis, Thévenot fur-tout, qui dit avoir paflé par un endroit où il en avoit vü; mais quand effectivement elles en feroient, & qu'ainfr elles ne prouveroient pas que la bande marneufe fe bornât aux en- virons d'Hims, puifque ces pierres viennent fouvent affez abondamment dans les pays à pierres blanches, cette bande ne sétendroit-pas cependant beaucoup au delà, puifque le lac de fel qui eft à vingt lieues environ d'Alep & proche Famie, n'eft auffi qu'environ vingt-quatre lieues au nord d'Hims, & elle ne me paroît pas occuper non plus beaucoup de terrein à lorient de cette ville, comme on le verra ci- après. On fera conduit dans le refte du cours que j'ai affigné à cette bande, par les obfervations que j'ai rapportées. On pourroit cependant être arrêté par ce que j'ai dit des fon- taines chaudes de Suez qui, dans les principes que j'ai polés, ne doivent pas fe rencontrer dans cette bande, Ce point demande quelques éclairciffemens : Shaw me les fournira en- core, & me fervira à établir que les deux bandes confinent Vol. 11, p. 84: vers le cap de Suez. « Cet Auteur rapporte que les ruines » du petit village d’Ain-elmoufa, & plufieurs canaux qui fer- » voient à y conduire de l'eau, fourmillent de coquillages foffiles. 2 D ee ON Sd à D DR RÉ dd D'ESs” SclnE Nic Es 185 foffiles. Les vieux murs de Suez, & ce qui nous refte en- core de fon ancien port, ont été conflruits des mêmes ma- tériaux, qui femblent tous avoir été tirés des mêmes endroits. Entre Suez & le Caire, ainfr que fur toutes les montagnes, hauteurs & collines de la Lybie qui ne font pas couvertes de fable, on trouve grande quantité d’hériflons de mer, comme auffi des coquilles bivalves & de celles qui fe termi- nent en pointe». Cette grande quantité de coquilles foffiles me paroit montrer la continuité de la bande marneufe: ces foffiles ne fe trouvent ordinairement en fi grande abondance, que dans des pays femblables; auffi Shaw dit-il dans le même endroit, qu'il avoit trouvé peu de foffiles dans l'Egypte & la Syrie, fi ce n’eft dans ces cantons & vers Corondel, où il paroît même par ce qu'il en rapporte, qu'ils n'y font pas fi communs. Cet Auteur en indique encore aux environs des pyramides, dont une partie des pierres mêmes en renferment beaucoup : on y remarque des lentilles, ce qui n'étoit pas inconnu à Strabon, qui rapporte que «l’on trouve devant les pyramides, certains monceaux de pierres taillées par le cifeau de l'ouvrier, & que parmi ces pierres on voit des rognures Oo qui ont la figure & Îa groffeur des {entilles: quelques-unes même reflemblent à des grains d'orge à moitié pelés. On prétend que ce font des reftes de ce que les ouvriers man- geoient, qui fe font pétrifiés; ce qui ne me paroît pas vrai- Geographie ; Gb. XVII, p. LC h SS6, edir. « Cafaub. Euf- tat. Vignon. 1587, én-fol. « « « femblable, dit Strabon». Les recherches de Shaw dans ce . même lieu lui ont fait remarquer des pointes de hériffons, - des hériffons entiers, des crabes, des crapaudines, des glof- fopètres, des madrépores & plufieurs efpèces de coquilles bivalves: il en marque de femblables fur les rochers de Laodicée & de l'échelle de Tyr. C’eft auffi dans des endroits renfermés dans cette mème étendue de terrein qui pafle en Judée, que ce même Auteur, Maundrell & Monconys ont trouvé des corps marins. Ils ont vû des pointes de hériflon, connues fous le nom de pierre Judaïque, fur le mont Carmel, dans les montagnes de Caftravan qui font devant Barut, où l'on trouve auffi, à ce que lon rapporta Mén. 1751: . Aa Vol, II, p. 69. Page 239. 186 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE à Monconys, beaucoup d’autres pierres qui repréfentent par- faitement au dedans des natures d'hommes & de femmes. C'eft apparemment dans ces montagnes que Shaw vit au deffus de Barut, un lit de pierre blancheätre, qui eft comme une efpèce d'ardoife, dont chaque feuille contient un grand nombre & une grande diveifité de poiflons. Ces pierres feuilletées pourroient bien être de lardoife : Maundrell les a regardées comme telles lorfqu'il pafla par des montagnes du Liban, qui font peut-être les mêmes, où qui en font feulement voifines; il les place entre le lac Limone & Ia fontaine nommée Ayu 5] hadede, du nom d'un village voifin. J'ai fuivi en cela ce dernier Auteur, & cette obfervation m'a déterminé à fixer dans ces endroits les bornes d’un côté de Ia bande marneufe, qui, quoique plus abondante en foffiles, n'eft pas la feule qui en renferme: j'en ai déjà averti dans ce Mémoire & dans celui que j'ai fait fur la Carte minéralo- gique de la France. Je n'ai donné à cette étendue de terrein marneux un prolongement jufque dans la Lybie, que fur ce que jai rapporté de Shaw; je crois cependant qu'on ne doit pas entendre à la rigueur ce que cet Auteur dit de toutes les montagnes de ce pays, fans doute que ce n'eft que d'un certain nombre & de celles qui font au nord-oueft de ces py- ramides. Si ma conjecture eft vraie, cette bande en renfermera peut-être, comme en France, une qu'on pourra auffi appeler fablonneufe, & peut-être encore à plus jufte titre que celle de France, puifqu'elle ne fera formée que par ces délerts im- menfes de la Lybie, remplis feulement d'un fable aride, & dans iefquels, de même qu'en France, on rencontre quelque- fois des corps marins foffiles, comme on le fait déjà des environs du Temple de Jupiter Ammon, autour duquel on trouve de ces corps finguliers & encore peu connus, qui portent le nom de cornes d’Ammon. Je ne chercherai pas ici à fixer l'étendue de un & de l'autre pays du côté de la Lybie, ces recherches m'éloigne- roient encore plus de mon but principal, qui ne confiftoit d'abord qu'à faire voir que les endroits de l'Egypte où DES SCIr£ANtCE s. 187 Jon fouille les granits, font à peu près de même nature que ceux de la France qui produifent ces pierres que je penfe être aufli des granits. Je reviens donc à ce point intéreflant pour mon opinion, & je vais, en finiflant cet articie, rapporter quelques obfervations qui peuvent fervir à déterminer, s’il eft pofhible, les extrémités de ce terrein, du moins du côté de l'Egypte & de la Phénicie; je dis s'il eft pofñible, car excepté toute fa partie de l'Egypte qui renferme des pierres blanches, tout le refte de ce pays, depuis les cataractes du Nil, y ef compris. En fortant de l'Egypte, cette bande paroït s'approcher beaucoup de Béthléem, courir enfuite dans la Syrie & la Phénicie, vers le Liban, Damas, Apamée, Hims, & comprendre peut-être l'Arménie & Îa Grèce *. Je lui aï afligné un cours fi près de Béthléem, fur ce que Monconys dit qu'on tire tout Je marbre qui a été em- ployé dans l'églife de cet endroit, des montagnes qui bordent un vallon étroit que l'on pafle en allant de Béthléem à Jéru- falem. L'on a déjà vû les raifons pour lefquelles elle me paroît avoifmer le Liban, Damas, Balbec, Apamée, Hims: les obfervations de M. Otter me font voir qu'elle peut com- prendre toute l'Arménie; & celles que nous devons aux plus * Les obfervations que M. Thé- | roche; la Sibylle ou fontaine qui eft venot à faites dans la route qu’il a tenue depuis le Caire jufqu à Gaza, forment, il faut l’avouer, quelques difficultés: je ne puis pas trop les lever , c’eft un point que des Voya- geurs initruits pourront peut-être éclaircir. Il a trouvé dans cet efpace de chemin plufieurs endroits où il y a des eaux falées : il indique les füivans ; le puits falé de Elbir De- vedar, qui eft à cinq heures de mar- che du Jac Sirbonite; celui de Bir, qui eft à quatre heures de ce der- nier; l’endroit qui eft également à quatre heures de Birlab , fur le che- min de Riche, dont les maïfons & le château font bâtis de pierre de à une heure de Riche; celle qui eft auffi à une heure de Cauniones, & qui eft amère. C’eit encore à caufe de ce fel foffile que l’on pour- roit faire pañler cette bande fchr- teufe à lorient du lac de Natron & proche d’Alexandrie : il {uffit de nommer ce lac, pour qu’on foit inftruit de ce que je veux dire. Thé-' venot, en parlant de l’endroit qui: eft fur le chemin de Birlab, dit qu'il y a du fel de même qu'à Alexan- drie; il entend fans doute les envi- rons de cette dernière ville, & dès- là cette obfervation doit en faire approcher la bande fchiteufe, Aa 188 MÉMoIRESs DE L’'ACADÉMIE ROYALE anciens des Obfervateurs, qu'elle peut renfermer les ifles de la Grèce, fur-tout depuis qu'elles ont été confirmées par M. de Tournefort, qui les a même pouflées beaucoup plus loin que les Anciens n'avoient fait. Nous connoiffons par ces premiers Naturaliftes, le cuivre, la cadmie, le vitriol bleu, le /apis lazuli de l'ile de Chypre, Yalun & le foufre de Milo, le marbre de Paros, celui de Lefbos, aujourd'hui Mytilène, la pierre de Samos & fon talc, les eaux chaudes de Thermie, la terre Cimole, de l’ifle qui en tient fon nom, comme Thermie, de fes eaux chaudes, & Chypre, de fon euivre. Pour s’aflurer de ces obfervations, on peut confulter Diofcoride, Théophrafte, Pline, Saint-Ifi- dore : on trouvera, il eft vrai, des recherches encore plus exactes & plus curieufes dans le voyage du Levant par M. de Tournefort. Cet habile Naturalifte avoit parcouru avec foin prefque toutes les ifles de l'Archipel, dans l'intention de s'affurer de tout ce que les Anciens nous avoient dit fur l'Hiftoire Naturelle. H a vû, lorfqu'il lui a été pof- fible, tout ce qu'ils nous en avoient laiflé par écrit; mais en nous confirmant ce que ces Auteurs avoient obfervé, il nous à appris quantité d'autres chofes qu'ils avoient laiflées inconnues: il parle du marbre de Candie ou Crète, dont la plufpart des villages font bâtis, de l'argent de l'ifle Ci- molée, maintenant Argentière, des bains chauds de Milo, de l'argent & du plomb de Siphanto, du fer & de Faimant de Seripho, de l'or, de l'argent, de l'émeril, du granit, du ferpentin & d’autres marbres de Naxie, du marbre de Fine, du granit dont le mont Cynthe dans l'ifle de Délos n'eft pro- prement qu'un bloc, du jafpe de Scio, qui n'eft à la vérité qu'une mauvaile brèche rouge, du marbre dont toutes les mon- tagnes de Samos font compofées, du fer, du bol rouge, de l'émeril , de locre, du nitre, des terres vitrioliques de cette même ifle, du granit qui eft cependant affez mauvais & qui s'égraine facilement, de Thermie, d’une pierre grifâtre qui fe fend auffi facilement que f'ardoife, de Ceos, & dont on couvre les maifons de la plufpart de ces ifles, où apparem- RE DE s:1:Slc-ElE Nic € s 189 ment elle fe trouve aufli, & qui eft, à ce que je crois, un fchite, du plomb & d'une craie femblable à celle de Briançon, & qui probablement eft un talc de Ceos; enfin, ce qui eft une obfervation des plus importantes pour ce que j'avance, M. de Tournefort dit en général que prefque toutes les ifles de l’Archipel font remplies de granit. M. de la Condamine rapporte la même chofe du marbre de ces ifles. « Le fol de la plufpart des ifles de Archipel eft de marbre; on y en voit, ainfi que fur les côtes de Na- tolie, de très-richement & très-fingulièrement veinés, que nous ne connoiflons point en France, & qui mériteroient fort d’être mis en œuvre. Dans le voifinage des ruines de Troie, il y a encore, fuivant le même Auteur, une mine d'argent que les Turcs font travailler depuis quelques années; on voit aufli dans le même canton, une carrière d’une efpèce de granit plus gris & beaucoup moins beau que celui d'Egypte: c’eft de cette matière que font ces fameux boulets des châteaux des Dar- danelles, célèbres par leur prodigieufe grofieur ». Je ne fais fi l'obfervation que l'on doit encore à M. de la Condamine, fur Finclinaifon de beaucoup de rochers de l'Archipel, ne feroit pas naturelle à ces pierres, pluftôt qu'elle ne dépendroit des tremblemens de terre, & fr elles ne fe- roient pas des fchites. Ces pierres font toûjours inclinées à l'horizon, de même que les ardoifes ; toutes les obfervations que je connois fur ces pierres, leur donnent du moins cette inclinaifon. Si ma conjecture étoit vraie, l'Archipel {e rap- procheroit ainfi encore plus des pays à fchites. Ce pays fe continue en Macédoine, puifque, felon M. de 11 Condamine, « les côtes de Macédoine du côté de la Ca- valle, abondent en métaux & minéraux, d’une de ces côtes on a tiré depuis quelques années des émeraudes qui ont été bien vendues à Conftantinople ». Si Fon joint à ces obfervations celles que M. de Tour- nefort a encore faites dans quelques autres endroits du Levant, ce que l'on fait des environs d'Alep, & ce que Aa ii] Mémoires de l’Ac. des Sr. année 1732, « pages3 19 € 720. Îid, pages r T 320. de « Le © Voyage en Tur- quie en 1 Ærfe, 2 vol. in-12, Paris. 190 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE M. Otter nous a rapporté de l'Arménie, & même de fa Perle, lon verra que la bande fchiteufe fe prolonge dans ces pays. Elija, qui eft à fix milles d'Erzeron, a un bain d'une eau qui eft douce & d’une chaleur fupportable, plus chaude cependant que celle d'Affancalé & que celles des environs du grand monaftère d'Erzeron. M. de Tournefort ne doute pas que l'on ne trouvât de la houille, fi l'on vou- loit fe donner la peine de fouiller les terres qui avoifinent cette dernière ville : ceft, dit-il, un pays où les minéraux ne manquent pas, & les montagnes voifines renferment des mines de cuivre; on lui aflura qu'il y avoit des mines d'argent autour d’Erzeron, aufli-bien que fur le chemin ordinaire de cette ville à Trébifonde ; & que parmi celles de cuivre, on voyoit du /apis lazuli, maïs en petite quantité, & qu'il étoit trop mêlé de marbre, dont les environs d'Er- zeron font auffi remplis M. de Tournefort ne découvrit, pendant plus de fix heures de chemin, que des roches fort efcarpées, toutes de marbre blanc, ou de jafpe rouge & blanc, parmi lefquelles coule avec rapidité du levant au couchant, la rivière de Carmili, ces roches font à un jour d’un village appelé Curtanos, fur la route d'Erzeron à Tocat, & peu éloigné de Chonac ou Couleifar. Tocat eft en partie bâti fur deux roches de marbre; les ouvriers de cette ville tirent leur cuivre des mines de Gumifcana, qui font à trois journées de Trébifonde, & de celles de Caftamboule, qui font en- core plus abondantes, à dix journées de Tocat, du côté d'Angora. Cette dernière ville eft remplie d’une fi grande quantité de marbre, dont les murs même du château font faits, que quoique M. de Tournefort ne le dife pas, je penfe qu'il doit y en avoir des carrières autour de cette ville. Ï y a fur une colline qui fe perd dans la grande plaine de Prufe ou Burfe, des bains d’eau chaude, deux autres fur la même croupe, entre le chemin de Montania & de Smyrne, à deux milles de Prufe. Sur le chemin de Smyrne à la ville de Cechirgé, font les anciens bains de Capliza, dont l'eau eft fort chaude. Les bains qui font au fud-eft de Smyrne, font v_ D ES "SNCUTEUN C'E!s 191 moins chauds que ceux de Milo. Un endroit des environs de Smyrne donne une terre remplie de fel fixe naturel, dont on fe fert, au lieu de foude, pour faire du favon. L'on connoit depuis long-temps le marbre appelé brèche d'Alep. Suivons maintenant M. Otter dans une partie de la route qu'il a tenue : il rapporte qu'après neuf heures ou environ de chemin d’Alexandrette, il y a une montagne nommée Arfiz-dagui, d'où il fort du feu depuis quelques années : il marque un grand nombre d'endroits où il vit du naphte, ou bitume liquide ou folide, dont les principaux font les envi- rons de Moful, Tikril, Chehrezour, un endroit qui eft entre Mendeli & Bagdag. II y a des bains chauds à Eski-chehre, à Ilguin, à une journée de Moful, près du Tigre, dans le défert, à Teflis, Gueredè, Boli: des fontaines ou des lacs falés à Ifpahan, à deux heures de Mendeli ; les eaux de la rivière d'Adgi, qui fe joint à celle de Kara & fe jette dans celle de Kizil-irmak, celles du Surkhab, qui paffent à côté de Tauris, font amères. M. Otter indique d’autres endroits où il y a des mines d’or ou d'argent, dès rubis, du marbre, dont je ne parlerai pas, ce que j'ai cité fuffifant, à ce qu'il me paroit, pour faire fentir qu'il y a apparence que la nature du terrein de tous cés pays eft à peu près la même. Si lon m'accorde ceci, & on ne peut guère s'y refufer, la bande fchiteufe embraflera, comme en France, les deux autres, c'eft-à-dire, la marneufe & la fablonneufe, & elle fera également d’une étendue immen{e: on vient de le voir dans une partie de fon cours ; je Ppourrois, dans les prin- cipes que j'ai polés, le prouver pour l'autre, me fuffroit de rapprocher toutes les obfervations que je fais qui ont été faites dans les pays où je penfe qu'elle pafle; je me conten- ierai de parler de l'ifle d'Ormus, qui eft couverte de fe!: Je citerai feulement les différentes fontaines d'eaux falées ou amères de l’Arabie déferte, déjà déterminées dans la carte de M. de Plfle fur l'Egypte, la Médie, l'Abyflinie, &c. dans laquelle on voit auffi le volcan de Delbeierre, celui qui eft vis-à-vis de Moca, dans la mer Rouge, les mines de Vol. I, p. 79. Vol. 1, pages 140, 145, 153: 1543 154. Vol. 11, pages 28,43:233e Vol 1, pages Sr,52, 58, 280. Vol. 11,p:352à Vol. 1, pages 205, 226. Vol, 11, pages 20, 347 Voyage du Lev. some 1, Lettre VI, pp.3 66 Ÿ 367: » > > x L Ÿ M ” > 2 > 2 » L2 LA 192 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fel qui font vis-à-vis & de l'autre côté de cette même mer*. Si je pouflois ici ces recherches plus loin , ce feroit entière- ment {ortir de mon objet: j'y reviens donc, & je vais tâcher de faire voir que les granits de France font femblables à ceux d'Egypte, par les delcriptions que les Auteurs nous ont laïflées de ces derniers. I ne sagiroit peut-être que de rapporter ce que M. de Tournefort a dit de ceux de France, dans fon Voyage du Levant, pour que cette opinion dût être regardée comme vraie ; mais le peu d'impreflion que le fentiment de cet habile homme a fait fur les Naturaliftes, me paroït demander une preuve plus entière & plus étendue, quoique ce qu'il dit foit des plus pofitifs & d'une telle conviction pour moi, que j'ai prefque été déterminé à ne point traiter cette matière, que Javois fuivie, fans me rappeler ces endroits de l'ouvrage de M. de Tourmefort que j'avois lüs autrefois, & que j'ai retrouvés en cherchant à lier les obfervations de ce grand Na- turalifte fur les ifles de l'Archipel. En effet, rien n'étoit plus capable de m'y engager que le paflage fuivant, tiré de a Lettre feptième du premier volume. « La baffle Normandie; dit M. de Tournefort, a des carrières de granit ordinaire, du côté de Granville, & M. Simon, de l’Académie Royale des Sciences, qui m'en apporta quelques pièces en 1704, m'a affuré qu'on l’employoit communément dans ce pays-là fous le nom de carreau de Saint-Sever, pour les chambranles des portes & des cheminées: ces carrières s'étendent bien loin, puifque M. Gaudron, habile Apoticaire de Saint-Malo, m'a envoyé plufieurs plantes marines attachées naturellement fur des morceaux de granit. Le R. P. Sébaftien Truchet, Reli- gieux Carme, fi diftingué par fon mérite, faifant travailler par ordre de Sa Majefté pour rendre la Dordogne navigable, a découvert le plus beau granit du monde dans les fources de cette rivière : les colonnes qui paffent pour être de pierre * Les environs de Moca, à en | apporte de ce pays, font remplis de juger par les petites pierres que l’on | fchites de couleur différente, de trouve méêlées avec le café que l’on | pierres talqueules & de granit. fondue, DES SC TAN CG € 193 fondue, font de ce granit ordinaire : celles du baptiftère de Saint Sauveur à Aix en Provence, à Orange dans a halle, à Lyon dans l'abbaye d’Ainay, font de la même matière ». Qui peut donc avoir empêché que lon embraflat le fen- timent de M. de Tournefort, & d’où vient que les Naturaliftes ; même les plus modernes, ont de la peine à croire que ces pierres foient des granits femblables à ceux d'Egypte? M. de Tour- nefort lui-même pourroit bien y avoir contribué par la façon dont il s'exprime fur la qualité de cette pierre qu'il ne taxe que d'être un granit ordinaire, & qu'il met au nombre des marbres: il s'eft fervi du premier terme dans le paflage que je viens de citer, & de l'un & l'autre dans le fuivant, qui eft tiré du même endroit. « Le mont Cynthe, felon M. de Tournefort, 'eft qu'un bloc de granit ordinaire & commun en Europe, c'eft-à-dire, d’une efpèce de marbre blanc ou grifâtre, pêtri naturellement avec de petits morceaux de tale noïrâtres & luifans comme du verre. J'en ai, dit-il; des pièces où il y a des morceaux de tale gros comme le pouce: prefque toutes les ifles de lArchipel font couvertes de ce granit, & les Romains en tiroient beaucoup de F'ifle d'Elbe fur la côte de Tofcane. M. Félibien affure que les colonnes du Panthéon en font; mais e P. Dom Bernard de Mont- faucon qui a fait de fr belles obfervations en Italie, remarque que de feize colonnes du portique de cette églife, une partie eft de granit d'Egypte, qui fe tiroit, dit Suétone, des carrières de 1a T'hébaïde, & ce granit eft incomparablement plus beau que celui d'Europe ». Ces derniers termes étoient fuffifans pour fufpendre nos recherches, quand ils auroïent été les feuls dans ce paflaue; mais plufieurs autres viennent à l'appui de ceux-ci. Les gra- nits font des efpèces de marbre, felon M. de Tournefort; ceux d'Europe ne font pas à comparer à ceux d'Egypte: ce peu de lignes renferme tous les motifs que j'ai cru pou- voir regarder comme les caufes du petit nombre de con- noiflances que nous avons fur les granits de France. Pour moi je penfe que, comme il y a en France des granits d'une Min, 1751: , Bb «c « id. p. 3 65: « Principes de l’Architect. CT. p. SF S Diar. tal. « Cap, XII, L<<4 L4 Page 147. Page 39 © fév, 194 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qualité auffi médiocre qu'en Grèce, & même qu'en Egypte, comme on va le voir, il peut y en avoir aufli qui égalent en tout point ceux d'Egypte. Je crois que fi je fais voir que les granits de France font compofés des mêmes parties que ceux d'Egypte, que dans les uns & les autres ces par- ties varient pour la couleur, qu'elles font plus ou’moins liées intimement entr'elles dans différentes fortes, on ne pourra guère fe refufer au fentiment que je propole, qui fera encore appuyé de la reflemblance des terreins qui produifent ces granits. Cette dernière preuve ne doit pas, je le fens bien, emporter notre conviction cornme les premières; celles-ci font, à proprement parler, les feules qui peuvent le faire, & prouver la parité qu'il y a entre ces pierres. Je tire ces preuves des oblervations de Monconys & de Maillet. Nous vimes, dit le premier, plufieurs colonnes qui font reflées debout fur des bales quarrées de marbre blanc. La matière de ces colonnes & des aiguilles, eft d’une pierre que plufieurs perfonnes difent être fondue , parce qu'elle eft compofée de petites pièces rouges ou blanches, réunies avec une matière noire qui fe froifie aux doigts, & femble être un lien des autres pierres qui font plus fortes & petites, comme fr on les avoit caflées: de plus, elles ne reçoivent pas un poli parfait, le noir varie tout en forme de jafpe. A la page 2 1 3, où il décrit le mont Sinaï, il dit qu'au fond du vallon il y a quantité de groffes pierres de la même efpèce que celles qu'on dit être fondues, & de diverfes cou- leurs fort agréables, mais f1 tendres qu’on les caffe aifément: il y a des montagnes de pierre de cette nature. Maillet eft encore plus décifif: ïl eft certain, dit cet Auteur, que du côté du mont Sinaï il y a des carrières de ce marbre granit qui pafle pour avoir été fondu....."I n'en faudroit pas davantage fans doute pour détruire opinion de ceux qui foûtiennent que ce marbre granit qui a fervi à élever en Egypte tant de coloffes, tant de fphinx, tant de colonnes, tant de monumens fuperbes qui feront à jamais l'admiration de la poftérité, n'étoit autre chofe qu'une pierre fondue & Le... DES SCIENCES. 195 compofce de cailloutages de différentes couleurs. Leur opinion eft fondée fur ce que cette pierre fe trouve plus fine dans certains ouvrages que dans d'autres, fur ce qu'elle fe broie aifément dans fa main & fe fépare en petits morceaux rouges & blancs, entre lefquels on découvre une matière brillante comme le diamant , mêlée d’un peu de noir; ce qu'ils regardent comme le maftic qui fervoit à lier ces cailloutages. Ils ajoûtent que ces cailloux étant plus où moins gros, font la caufe de la finefle ou de la groffièreté du grain qu'on remarque dans cette pierre; & que quand les anciens Egyptiens vouloient des colonnes ou des obélifques de cette compofition, ils broyoient plus ou moins les cailloux qu'ils y faifoient en- trer, felon qu'ils avoient réfolu de faire l'ouvrage plus ou moins beau. Müillet, après avoir plus amplement réfuté cette opinion, qu'il avoit d'abord embraffée, continue ainfi: J'avoue que le marbre granit n'a pas toûjours le méme grain; il fe broie aifément entre les mains, il eft vrai, & fe réduit en cailloutages de plufieurs couleurs différentes: mais cette circonftance, en démontrant que ce marbre eft un ou- vrage, ce qui n'étoit déjà nullément douteux, eft-elle capable de démontrer qu'il foit pluftôt forti des mains de l'art que de celles de la Nature? Je n’entrerai point dans les preuves que Maillet donne pour établir que c'eft à la Nature feule que lon doit ces fortes de pierres: lon ne doute plus: de cette vérité, & ce que j'ai rapporté de cet Auteur & de Monconys me fuffit pour prouver la reffemblance de ces pierres avec celles de France que je penfe être des granits.” On peut joindre à ces obfervations la remarque de M. de la Condamine fur lobélifque d'Alexandrie, appelé com- munément l'aiguille de Cléopatre, qui démontre que ces pierres, malgré leur dureté, fe détruifent cependant à l'air. « La face expofée au nord-oueft, du côté de la mer, dit M. dela Con- damine, & celle du fud-oueft qui regarde la nouvelle ville, font les mieux confervées, & on y diftingue très-bien les figures hiéroglyphiques qui y font gravées. Mais quoique cette pierre foit plus dure que le marbre, les deux faces : Bb à Mém, de l'A: cad. des Science, année 1732; P. 313% L<4 L<4 LCA « 196 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE oppolées au nord-eft & au fud-eft, fur-tout la dernière, font fort maltraitées; elles fe calcinent à l'air, & s'enlèvent par lames, en forte qu'on ne peut prefque plus rien diftinguer à leurs caractères ». Les granits de France, comme ceux d'Egypte, font un compolé de petites pierres liées entre elles par une matière dont la quantité & la couleur varient fouvent. Cette liaifon eft plus ou moins forte, de forte qu’il y a de ces pierres qui, comme plufieurs de celles d'Egypte, fe réduifent facilement en petites parties; d’autres au contraire ne s’y mettent pref que pas, ou très-difficilement. Les petites parties qui forment cet aflemblage, font de différentes couleurs ; les unes font blanches ou noires, d’autres font rouges, gris de lin, jaunes ou brunes, les unes & les autres dominent tantôt plus, tantôt moins; ce qui fait varier les mafles qui en font compofées: les unes font prefque toutes blanches, d'autres prefque rouges, d’autres prefque jaunes, & de diflérentes couleurs lorfque toutes ces petites pierres fe trouvent réunies enfemble dans un même bloc. La variété de ces couleurs eft encore aug- mentée par celle de la matière qui lie ces petites pierres: cette matière eft le plus fouvent blanche, & fouvent auff elle eft jaunâtre ou tirant fur le rouge ou fur le verd: il eft vrai cependant qu'elle ne contribue pas tant à varier la cou- leur de ces blocs que leur dureté. Lorfqu'elle eft abondante, la décompofition de ces pierres eft plus facile: les petits grains qui par leur réunion en forment les mafles, ne fe touchent pas par autant de furfaces que s'il y avoit moins de la matière intermédiaire, ainfi ils font moins accrochés les uns avec les autres ; & comme l’interméde eft une ma- tière beaucoup moins dure, & qui n'eft peut- être fouvent qu'une terre, il arrive de là que ces pierres {e détachent bien plus facilement que lorfqu'il n'y a entrelles de ce ciment naturel, que ce qui eft néceffaire pour les lier enfemble. Si le ciment eft d’une matière quartzeufe, la liaifon eft alors encore plus forte & plus intime: le plus ou le moins de . groffeur dans les petites pierres, contribue encore à rendre DES SCIENCES T les maffes entières d’une différente dureté; celles où elles font les plus petites, font les plus dures, fur-tout fi la quantité de la matière qui les lie, n’eft pas excédente. Lorfqu'on exa- mine à la loupe ces petites pierres, elles paroiflent être autant de criftaux à facettes à qui il ne manque que la régularité pour ètre femblables à ceux qui portent communément le nom de criftaux d'Alençon : ceux-ci fe forment même dans des cavités qui font reftées dans l'intérieur des blocs de granit, lorfque ces blocs fe font faits, ou ils fe ramaffent fur la furface de la terre, comme à Chambeïrtaut en bas Poitou, & dans un endroit près de l'Orient, lors apparemment que les blocs qui les renfermoient ont été détruits. Outre ces petits criflaux & la terre ou la matière quartzeufe qui les réunit, on remarque encore dans les granits de France de petites paillettes talqueufes entièrement femblables à celles qui font connues fous le nom de #ica ; leur couleur eft com- munément d’un blanc argenté & aflez brillant, fouvent aufli elle eft jaune, ou d’un brun plus ou moins foncé : leur quan- tité eft aflez grande, dans celles fur-tout qui font les plus friables ; il eft quelquefois aflez difficile d'en obferver dans celles qui font plus dures & plus compactes que le commun de ces pierres. Si lon rapproche maintenant les différentes qualités des granits d'Egypte, difperfées dans les defcriptions que les Au- teurs dont j'ai parlé ont données, il ne fera pas difhcile de retrouver dans les paillettes talqueufes la couleur des points dorés dont Pline fait mention, les nuances de fa gorge de pigeon qui ont frappé Bélon dans les couleurs changeantes de ces paillettes & des petits criftaux, le brillant de diamant remarqué par Maillet dans ces mêmes criftaux, qui font aufft particulièrement la caufe de la variété des couleurs qui font attribuées aux granits d'Egypte par Ia plufpart des Auteurs; la différente dureté que Shaw, Monconys & Maillet ont attribuée à ceux d'Egypte, dans le plus ou le moins de _groffeur des criftaux , & dans la différente quantité de ciment qui les unit dans ceux de France, Bb ii 198 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Cette efpèce d'analyfe n'eft pas feulement d’après l'examen que j'ai pu faire de ces pierres, même à a loupe, & d'après ce que J'ai obfervé dans les carrières & les autres endroits où j'en ai trouvé (les frottemens & les chocs occafionnés par les travaux & l'action des machines leur faifant fouffrir fou- vent, en tout ou en partie, une décompofition qui laïfle voir féparément toutes les parties dont elles font formées) mais ceft encore d'après l'examen chymique que j'en ai fait avec tous les foins & l'attention dont je fuis capable. L'examen de cette pierre entroit néceflairement dans le projet que j'avois de travailler fur toutes les terres & les pierres les plus communes que je pourrois me procurer. J'ai donc fait battre avec précaution un morceau de quelques-unes de ces pierres, & aflez légèrement pour que les petits criftaux fe détachaffent feulement {es uns des autres fans {e broyer: on lava enfuite le tout à différentes reprifes, de forte que les criftaux furent entiè- rement nets de toute matière étrangère. On garda les eaux qui étoient forties de ces lavages; ces eaux dépofèrent la terre dont j'ai parlé, & que je regarde comme le ciment qui lie les petits criflaux : enfuite je paflai au feu de forge la terre & les criftaux féparément, la terre refta fans fe vitri- fier, tous les petits criftaux fe fondirent & formèrent un verre groffier; propriété qui eft encore commune avec le granit d'Egypte. Les paillettes talqueufes reftèrent fans fe calciner & fans fouffrir d’autres changemens que celui qui étoit occafionné par la perte de leur brillant , à moins qu'elles ne fuffent jointes avec les criftaux ; pour lors elles fe trou- voient abforbées & fondues dans la mafle qu'ils forment lorfqu'ils fe mettent en fufion. On aimeroit fans doute encore mieux que j'eufle vû des grar nits d'Egypte, & que je n’eufle parlé que d’après un examen femblable que j'aurois fait moi-même de ces pierres: je Yaurois fouhaité, mais la difficulté qu'il y a à trouver dans Paris même du granit d'Egypte, & fur-tout du granit brut, a été caufe que j'ai été contraint de me contenter de ce que les Auteurs nous en ont rapporté. Les deux belles urnes DE SNS: CUINE MCE ;s. 199 antiques qui fervent maintenant de benitiers dans l'églife de Saint Sulpice de Paris, peuvent cependant entrer en preuve de ce que j'avance : tout le monde eff en état de les examiner comme moi, & de saflurer que ces vales font d'un granit gris noir, avec des paillettes talqueufes d'un brun d'argent ; que le poli que ce granit a pris, n'eft que médiocrement beau ; que fa dureté n'eft pas au deflus de celle qu'ont un grand nombre de granits de France, & qu'il a beaucoup de rapport par fa couleur, à quantité de ces derniers, qui font pour le moins aufir beaux. J'ai eu de plus en ma poffeffion un morceau de cette pierre aflez poli, qu'un habile Archi- tecte m'a afluré être du vrai granit d'Egypte. Le bloc dont ce morceau a été tiré, étoit un granit des plus durs, & de ceux qui ne renferment que peu ou point de paillettes talqueules; il eft compolé de grains blancs, jaunes, gris, & d’une groffeur moyenne: ces grains font non feulement ailés à diftinguer par leur couleur, mais encore par de petites ftries, qui font des efpaces vuides de la matière qui les unit, ou des paillettes talqueufes qui fe détachent, & qui ont été emportées lorfqu'on a poli cette pierre : les ouvriers appellent ces firies des zerraffes. Cette propriété, ou pluftôt ce défaut, fe trouve auffi dans ceux de France, & fi compactes qu'ils foient, il y en a qui ne le cèdent point à ce morceau; on y remarque toüjours ces terrafles, qui font, à ce que je crois, caufe du poli impar- fait que les uns & les autres prennent; ce qui avoit déjà été remarqué de ceux d'Egypte par Monconys, comme on l'a vû dans ce que j'ai cité ci-deflus de cet Auteur. Ce poli cependant eft aflez vif, & quoiqu'il ne le foit pas autant que celui que les beaux marbres prennent, il eft au deffus de celui que l'on peut donner avec tout l'art poflible à beaucoup d'autres; &, ce qui eft eflentiel ici, les granits de France fe poliffent auffi parfaitement que le granit d'Egypte que j'ai vû, étant travaillés tous les deux de la même façon. J'ai, à peu de chofe près, fuivi celle que l'on emploie pour polir le marbre ; je les ai fait dégroffir fur un plateau de fer avec du grès: on s'eft enfuite fervi de différens émerils, 200 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE c'eft-à-dire, d’une finefle plus où moins grande, & l'on a fini par la potée & la lifière d'étofle. Avant que de faire connoître les différentes fortes de gra- nits de France que j'ai ramaffées, je crois devoir répondre à une difficulté qu'on pourroit s'être faite, ou la prévenir fr on n'y a pas encore penfé. Comment efl-ce, dira-t-on, que des pierres qui font compolées de petits grains dont l'union eft telle qu'il eft affez facile de les féparer, peuvent prendre un poli aflez beau ? & les Auteurs qui ont prétendu que ceux d'Egypte étoient dans le même cas, n'ont-ils pas été trompés par l'envie qu'ils avoient de détruire le fentiment de ceux qui croyoïent que les monumens égyptiens qui nous reftent font de pierre fondue? J'ai déjà répondu à cette pré- tendue difficulté, lorfque j'ai dit qu'il y avoit en France, comme en Egypte, des granits dont les parties étoient plus ou moins réunies : ainfi il peut s’en trouver où elles le foient à un point qui les rende capables de foùtenir les frottemens qu'ils fouffrent lorfqu'on les polit. Cette raïon fufhit pour lever tous les doutes ; j'ajoüterai cependant que quoiqu'il fe rencontre peut-être des granits dont les parties font fr peu unies qu'il eft impoffible d'en faire aucun ufage, & que j'aie vu réellement de petits morceaux qui, pour cette raifon, n'ont pü fe polir, il y en a cependant beaucoup d'autres que l'on rejetteroit au premier coup d'œil, qui prennent un très-beau poli. Lorfquon voit ces pierres dans les carrières ou le long des chemins fe décompofer par les chocs des inftrumens ou des voitures, on eft très-éloigné de penfer que de pareilles pierres puiffent fe polir: fr lon faifoit attention que cela ne vient que de ce que ces pierres font alors froifées irrégulièrement, & que ces machines agiflent fur des angles faillans, on fe perfuaderoit qu'il n'eft guère poffible que cela n'arrive pas. Lorfqu'on a emporté avec foin ces angles faillans, que l'on a arrondi les blocs que l’on travaille pour faire des colonnes ou d'autres ouvrages qui demandent cette préparation, ou qu’on les a équarris de façon que les côtés préfentent des furfaces grandes & larges, alors tous D'EPS. SIC ReN c £ < 207 tous Îes petits grains fe foûtiennent les uns les autres, & il ne s’en détache, lorfqu'on les polit, que ceux que les pre- mières préparations n’avoient pas mis de niveau avec les autres. C'eft du moins ce qui meft arrivé dans les petits morceaux que j'ai fait polir, & ce qui arriveroit à plus forte raifon dans des blocs auffi gros que doivent être ceux dont on veut tirer des colonnes ou des obélifques. Qui voudroit maintenant ranger les granits de France; pourroit fuivre l'ordre que leurs couleurs fournifient, & prendre pour le caractère primitif, celle qui domine. I ÿ a des granits où le blanc fait le fond: c'eft le rouge dans d'autres, ou le jaune, le gris de lin, le verdâtre, ou bien ils font variés aflez pour qu'on ne puifle pas trop bien décider laquelle des couleurs eft la dominante. Cet ordre ferait plus commode que celui que l'on tireroit de la grof. feur des grains dont ils font compofés : ces grains n’en ont pas d'affez bien déterminée pour fervir de règle à quelque arrangement, & quoique les couleurs varient peut-être autant que la groffeur des grains, les unes ou les autres de ces couleurs lemportent pourtant affez fur les autres pour que Von choififfe ce moyen préférablement au premier, qui pour- roit tout au plus fervir à fubdivifer ceux qui conviendroient enfemble par les couleurs, & qui différeroient par la grof- feur de leurs parties compofantes. On pourroit auffi ne pas négliger Ja quantité des paillettes talqueufes dont ces pierres font parfemées, & qui eft quelquefois telle, qu’elle met une grande différence entre deux granits de même couleur, & dont les grains font de même grofleur, du moins fenfible, Ï me paroït que les granits blancs font les plus com- muns: j'en ai trouvé dans beaucoup d’endroits. J'ai apporté d’Alençon-ceux que j'ai fait polir ; ils y font connus fous le nom de pierre d’Artray & de Pont-percé. Les grains de la première efpèce font beaucoup plus gros & beaucoup moins liés entreux que ceux de la feconde. Une autre que j'ai reçüe de Limoges, & qui eft commune non feulement aux environs de cette ville, mais dans plufieurs autres endroits Mém. 1751. CR 07 202 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de la Province, tient le milieu entre ces deux. Ses grains font plus gros que ceux du granit de Pont-percé, mais moins que ceux du granit d'Artray: aufli fon poli a-t-il quelque chofe de plus beau que celui du premier, & de moins éclatant que celui du fecond. Les grains blancs de ces granits ne font pas les feuls qui les compofent; ils y font mêlés à des grains bruns, & à quelques-uns qui font jaunâtres. Les paillettes talqueufes fe remarquent dans tous, mais elles font beaucoup moins abondantes que dans un des environs de Nantes, f1 les veines larges qu'elles forment dans ce der- nier, fe trouvent dans le total de la maffe, ce qui n'eft pas à préfumer. Le bloc dont le morceau que je pofsède a été tiré, pourroit même n'avoir eu de ces veines talqueules que dans ce:taines parties: ces paillettes, au refte, me paroïflent ne pas faire un mauvais eflet, lors fur-tout qu'elles font liées aflez intimement par une matière qui puifle fe polir, comme dans le morceau du granit des environs de Nantes. Le brillant argenté ou doré de ces paillettes donne même quelque éclat au blanc & au brun. De ces granits, trois autres efpèces, que je crois devoir diftinguer par le brun qui y domine & qui y eft joint à un aflez beau blanc, ont peu de ces pail- lettes: deux de ces granits font des plus compactes, & je leur crois même plus de denfité qu'au granit d'Egypte, qu'à Tefpèce du moins dont le morceau que j'ai décrit a fait partie, & qu'aux vafes dont j'ai parlé. Un de ces granits eft de la Rochelle, un autre de Saint-Lo, & le troifième de Nantes; les grains du premier font petits & liés apparemment par une plus grande abondance de ciment naturel que ceux des deux autres, puifque ceux-ci ont beaucoup moins de ftries ou de terraffes que le premier, qui convient en cela avec ceux d’Artray & de Limoges, comme les deux autres avec celui de Pont-percé. Le poli de ces trois granits diffère auffr très-peu; ils en prennent un également beau, & qui left à un point, que je ne crois pas que celui des granits d'Egypte puile le furpañler: je puis même dire que ceux-ci ne le fur+ paflent pas, filon peut en juger par le poli des granits que D'ENS IS NIGUMEUNT Cris 203 jai vûs. J'en dirai autant du poli d'un granit jaune qui eft encore des environs de Nantes, de Rennes & de Saint-Lo: les grains en font petits dans les morceaux qui n'ont été envoyés de Saint-Lo & de Nantes, l'autre en a de beaucoup plus gros; mais cette différence ne doit être regardée que comme un accident qui peut arriver, & qui arrive réelle- ment, dans le mème bloc. Deux autres granits qui n'ont été envoyés de la Rochelle, & un d'un endroit à quelques lieues d'Alençon, appelé la Bermondière, font affez femblables à ce dernier: leur poli eft feulement un peu gras ; les grains font plus petits & d'un jaune plus pâle dans un des deux qui font des environs de la Rochelle; le brun domine moins dans le fecond que dans celui de la Bermondière, & ce der- nier en a plus que celui qui l'emporte par le brillant de fon poli. Le granit rouge que j'ai trouvé au même lieu de la Ber- mondière, & qui eft le feul que j'aie vû de cette couleur, eft dans le cas du jaune de cet endroit; il fe polit à peu près de mème, fes grains rouges font mêlés avec des bruns & à quelques blancs, ils font d’une moyenne groffeur. Ceux d’une efpèce gris de Jin clair, qui eft de Rennes, font beaucoup plus gros, ils font même des plus gros, du moins une partie: fon poli cependant eft aflez beau, & la couleur fingulière de ce granit en fera toûjours une efpèce remarquable : il y a peu de grains qui ne foient pas de la couleur qui en fait le fond, il ne faut qu'en excepter quelques-uns d'un blanc file, ou d'un brun affez foncé. Je n'ai point vû de granit où cette dernière efpèce de grains füt auffr abondante que dans - un de la Bermondière; ces grains en font tellement le principal de la mafle, & ils font d'un brun fr terne, que la plufpart de ceux à qui je l'ai fait voir, ont trouvé qu'il feroit très- propre à entrer dans les ouvrages qui devroient annoncer quelque chofe de lugubre, comme pourroient être les tom- beaux. Ce granit, il faut l'avouer, eft d'une couleur trifte, fon brun eft très-foncé, il approche même du noir; les grains blancs & les jaunes qui font femés parmi les bruns, font d’une couleur pâle: le poli en eft affez beau, mais bien Cci 204 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE moins vif que celui de plufieurs des précédens. Tel brun que foit ce granit, il ne l'eft pas cependant encore autant qu'un des environs de Nantes : celui-ci en eft prefque noir, & on pourroit lui affigner cette couleur, s’il n'étoit pas pointillé de très-petites taches blanches, peu vives, parmi lefquelles on voit quelques points d'une matière jaune & pyriteufe, que je n'ai encore trouvés que dans celui-ci, & qui probablement ne s'y trouvent que très-rarement. Les grains bruns font fr petits & tellement unis enfemble, qu'ils ne peuvent S'y diftinguer qu'avec difhculté: on pourroit peut-être dire que ces grains ont fouflert une efpèce de fufion, ce qui leur eft commun avec ceux de quelques autres granits, qu'ils n'ont plus fait enfuite qu'une mafle uniforme, & que le peu qui fe remarque encore, a échappé à cette fufion : peut- être aimeroit-on mieux regarder cette mafle entière comme une matière quartzeule, qui eft parfemée de quelques petits criftaux qui s’y font trouvés enchäflés lors de Ja formation des blocs de cette matière: ainfi ces petits grains feroient comme accidentels à ces mafles, au lieu que dans les autres, où ils en font la plus grande partie, ils y feroient eflentiels. Trois des granits qui font dans le cas de celui-ci, ont un fond blanc: un quatrième en a un d'un jaune pâle, celui-ci eft de l'ifle d’Aran près l'Orient : il a de très-petits points bruns avec des paillettes argentées de tale. Un des blancs, qui vient de Nantes, eft pointillé de jaune & de brun; le fecond eft fouetté de brun plus ou moins foncé, & le troifième, qui eft le plus beau, n'a que peu de brun, le blanc de fon fond efl même plus vif que celui des deux autres: ce der- nier eft des environs de la Rochelle, l'autre eft du nouveau Briffac. Ils prennent un poli aflez égal, & qui n'eft pas laid; ils lemportent par cet endroit fur le jaune & fur celui de Nantes qui eft fi brun & d'une matière fi uniforme & fr compacte. Quoique le poli de ces deux derniers granits foit f1 médiocre, le peu de brillant qu'on lui remarque, manque à un des environs de Breft, qui eft d'un brun moins foncé que le brun de celui de Nantes, qui n'a pas de blanc, qui DES SCcirENCES. 205 eft parfemé de paillettes talqueufes qui ne fe voient pas dans le premier. Les grains dont les efpèces fuivantes font formées, me paroiffent être en une quantité fi égale, qu'il feroit difficile de dire ceux qui font en plus grand nombre; une vient encore de Breft, je la dois, comme celle dont j'ai parlé, à M. du Hamel qui voulut bien, dans un de ces voyages qu'il fait dans les différens ports de ce royaume, fe charger de me faire connoître les pierres des cantons par lefquels il pourroit paffer, & où je n'avois pas été. Ce granit de Breft eft compolé de parties blanches & de parties brunes dont la nuance varie, & de quelques-unes, mais très-rares, qui font d'un jaune pâle. Si cette dernière efpèce de grains étoit plus abondante, & que ces grains fuffent d'un jaune plus vif, ce granit reffembleroit beaucoup au morceau de granit d'Egypte dont j'ai fait la defcription: celui-ci, à la vérité, a des grains affez confidérables & aflez gros pour former des efpèces de plaques ou de tables pareilles à celles de certaines brèches. Ces tables fe feroient trouvées dans celui de Breft, s'il eût été poli dans un autre fens que celui où il l'a été; lon en voit du moins dans la mafle totale de ce morceau: ces tables, au refle, ne peuvent être qu'un accident aufli-bien dans ceux d'Egypte que dans ceux de France. Les defcriptions que nous avons des premiers, conduifent à le faire penfer: les grains de celui de Breft font un peu plus gros que ceux du granit d'Egypte, mais ils font un peu moins liés; ce qui rend, il faut l'avouer, celui de Breft inférieur à l'autre, à caufe des ftries ou terrafies dont il eft fillonné. Ce petit défaut ne fe trouve prefque pas dans le carreau de Saint-Sever & dans un de la Rochelle, dont les grains font très-petits, d’un blanc & d'un jaune pâle, mélés avec des bruns qui font prefque noirs. La petiteffe de ces grains & leur liaifon intime font que le poli de ce granit eft prefque auffi beau que celui de quelques efpèces dont j'ai parlé plus haut. Le carreau de Saint-Sever eft gris-blanc, il fe polit très-bien, & fa dureté eft telle, que je ne doute prelque pas que M. de Tournefort n'eût CE Cciij 206 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE à cette pierre, s’il eût vüe polie, & qu'il eût, comme moi, fait polir fous fes yeux. Aucun des granits dont il a été queftion jufqu'ici, & de ceux qui fuivront, même le granit d'Egypte que j'ai, ne font pas à comparer pour la beauté à deux qui n'ont été envoyés du mont Dauphin: les grains de un font d'un beau blanc, d'un verd d'olive & d'un brun foncé : ceux du fecond font blancs, rouge de cerife, verds & d'un brun foncé; ces granits ne le cèdent à pas un pour le poli. Il efl vrai que ceux des Naturaliftes qui mettent les granits au nombre des marbres, ne verroient pas volontiers ranger ces deux-ci, le fecond particulièrement, au nombre des granits. Je penfe cependant qu'ils ne peuvent être placés avec les premiers: ils font, comme les granits, compofés de petites parties réunies enfemble, au lieu que les marbres ne font que des mafles d'une matière unie, & qui ne fe diftingue, lors même qu'elle eft la plus variée, que par les différentes nuances qu'elle a prifes dans plufieurs de ces parties, & qui ne font pas diftinguées les unes des autres par des ftries ou terrafles, comme dans les granits. Je fens bien que l'on fe rappelle dans ce moment les brèches, qui ne paroiflent qu'un amas de corps diftinéts les uns des autres, & que lon met cependant au nombre des marbres, mais es brèches fe calcinent : fi quelques efpèces fe vitri- fioient, je les joindrois fans héfiter avec les granits. Quel- ques Auteurs, il eft vrai, ont dit que les brèches fembloient être un affemblage de cailloux de diférentes groffeur & couleur : dès-là elles feroient bien éloignées des granits, dont les grains font pluftôt de petits criftaux que des cailloux. Le rapport ne feroit pas fans doute parfait entre ces deux efpèces de pierre, mais il feroit, à ce qu'il me paroïît, plus grand avec les granits qu'avec les marbres. Quel que foit le genre que l’on affignera aux brèches, je crois que lon ne peut ranger fous un autre genre que fous celui de granits, une efpèce de pierre qui prend un poli brillant, qui eft brune & qui renferme des grains blancs, noirâtres ou jaunes. J'ai vü des rochers de cette pierre, que RL DNENSMISIC AE N-C:E;S …: ; 207 Jon cafe par quartiers à peu près cubes, dont la ville d'Alençon & les chemins des environs font en partie pavés, comme on pavoit celle de Rennes avec ces pierres connues fous le nom de cailloux de Rennes. Si celles-ci font, comme je le pente, du genre des granits, ou pourra fans beaucoup craindre d'être contredit, avancer que nous avons en France des granits aufi beaux & aufli durs que ceux d'Egypte. Les ouvriers que j'ai employés pour polir les différentes ef- pèces dont j'ai parlé, ne {e font jamais récriés fur la dureté de ces pierres comme fur celle de ces derniers, & fi la cou- leur de celui d'Alençon n'eft pas auffi variée que celle de plu- fieurs des granits précédens, ceux de Rennes ne le céderoient qu'à un petit nombre. Je fais qu'il y en a de beaucoup plus variés que ceux dont j'ai quelques morceaux; cependant ceux-ci doivent être regardés comme deux belles efpèces, June eft d'un rouge de rouille de fer, avec des grains d'un beau blanc, & quelques-uns d’un brun qui approche beau- coup du noir ; l'autre eft pris-clair avec des grains d’un blanc encore plus grand que celui des grains du précédent : ils font beaucoup plus gros, & ils ont quelquefois une légère teinte de couleur de chair. En cherchant à faire connoïtre un affez grand nombre des granits qui fe trouvent en France, nombre que j'aurois pû encore augmenter fr j'eufle voulu chercher dans ma col- lection toutes les variétés de ces pierres qui peuvent y être*, ne travaillai-je pas à laifler ces pierres dans l'oubli dont je voudrois les tirer: elles auroient peut-être bien plus excité Penvie de les connoître, & fur-tout de les employer à des ouvrages plus recherchés que ceux où on les fait entrer, fi elles avoient été moins communes. Nous avons dans ie royaume & dans ceux qui font limitrophes , des marbres dont le poli eft beaucoup plus beau que celui des granits, * J’aurois pû de plus parler d’un | eleterre, de l’Irlande , de la Suède, qui eft gris-blanc & qui me vient | s’il ne fe füt pas feulement agi ici d’Efpagne, dont on bâtit à Madrid; | des granits de France. j'aurois pù indiquer ceux de l’An- 208 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & qui font bien plus aifés à travailler: ne feroit-ce pas là encore une raifon des plus fortes pour abandonner les gra- nits? J'ai fait ce que l'on pouvoit exiger de moi comme Naturalifle, pour qui le plus ou le moins de rareté d'une pierre ne peut être que d'une très-petite confidération. Si un motif de religion nous faifoit voir dans ces pierres ce que la fuperftition y fit trouver aux Egyptiens, fuivant le P. Kircher, elles pourroient être en peu de temps très-re- cherchées. Le P. Kircher prétend que la dureté des granits d'Egypte n'a été que la feconde railon qui a déterminé les Egyptiens à s’en fervir, & que la première de toutes venoit de ce qu'ils croyoient que cette pierre repréfentoit les quatre élémens, le feu par fes parties qui en ont la couleur, l'air par celles d'amétiftes & qui font tranfparentes, l'eau par les bleues, & la terre par les noires; ce qui les engagea à employer ces pierres à faire les colonnes & les obélifques qu'ils confacroïent au Soleil qu'ils adoroient comme le Dieu qui anime toute la Nature, qui n'eft compofée que des quatre élémens. Si nous ne fommes pas excités par des raifons auffr fortes à employer ces pierres, je doute qu'il y en ait qui puiflent nous en détourner: l'on ne feroit pas, comme les rois d'Egypte, obligé d'employer un grand nombre d'hommes pendant plufieurs années, pour tailler & polir une feule co- lonne, fi grande qu'elle füt. Les méchaniques font fans con- tredit portées à un degré où elles m’étoient pas fous ces Princes : elles nous ont fait connoître les moulins à fcier & à polir les pierres, & nous ont par-là appris à abréger beau- coup le temps & à diminuer les difficultés dans ces fortes de travaux ; l'on a même vü, prefque de nos jours, une de ces colonnes d'une mafle énorme être remife fur fon afiète, avec une facilité des plus grandes. L'on ne pourroit guère être ralenti par la peine qu'il y auroit à tranfporter, des car- rières, les ouvrages qu'on y auroit taillés, dans les endroits ® Vos. la Carte Pour lefquels ils feroient deftinés, Plufeurs des ifles voifines sinéral. Mem. de l'Académie, année 1746. de la France, plufieurs des villes maritimes, les bords de la mer même en plufieurs endroits *, font remplis de ces pierres, les DES MO /CIDEN CEE 20 les rivières des grandes villes ont, pour la plufpart, leur embouchüre dans la mer & font navigables: ainfi l'on ne feroit point obligé de faire, comme en Egypte, des canaux qui allaffent jufque dans les carrières; & fi le travail l'exi- geoit quelquefois, ces canaux ne pourroient être que de peu de longueur. Tout concourt donc à faire valoir les granits de France; leur dureté, leur poli, & une propriété dont je nai pas encore fait mention, mais dont il faut que je parle en finiflant ce Mémoire ; je veux dire la longueur que quel- ques morceaux peuvent avoir. Ceux que les carrières d’'E- gypte ont quelquefois fournis, en avoient une fi prodigieufe- ment grande, qu'elle a fouvent elle feule enlevé l'admiration de ceux qui les voyoient: il femble même que les Voyageurs aient oublié les autfes beautés des ouvrages qui en avoient été faits, pour ne nous parler que de leur hauteur: ils ont porté l'exactitude jufqu’à la mefurer en pouces & lignes, ils n'ont pas même oublié de calculer la folidité de ces mafñles énormes. Je ne fais pas encore fi on pourroit tirer de tels blocs des carrières de la France; mais ce que j'ai vû don neroit lieu de penfer que fi jamais l'on travailloit ces pierres comme on fait en Egypte, dans le grand nombre de carrières que l’on feroit obligé d'ouvrir, il sen préfen- teroit quelques-unes dont les bancs feroient affez vaftes pour en procurer de femblables. Cette propriété des granits de France, & toutes les autres dont j'ai parlé, feront -elles oublier le préjugé où lon eft fur les premiers, & engage- ront-elles à employer les nôtres? je n'ofe l'efpérer. Un pré- jugé que des temps reculés ont vû naître, n'eft pas facile à détruire; mais, quelle que foit la deftinée des granits de France, je continuerai toüjours à faire en forte d’en découvrir de nou- veaux qui puiffent encore, s’il eft poflible, mériter davantage notre attention, & je le ferai avec d'autant plus de zèle, que mon travail a été agréable à un des plus grands Princes qui ait jamais aimé & cultivé les Sciences. C’eft à la pro- tection que M. le duc d'Orléans a bien voulu accorder à Men. 1751: . Dd 210 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE mes recherches, que l’on fera redevable de la découverte d'un grand nombre des granits de France; découverte qui ne fera pas la feule qui ait la même origine. Je puis même dire que j'ai tout lieu d'efpérer que c'eft à elle que l’Europe devra à jamais d'avoir {à qu’elle renfermoit des matières * qui ont fait le fujet des méditations d'un grand nombre de Savans, des travaux de beaucoup d'artiftes, qui ont été la caufe de dépenfes immenfes, & qui ont rendu depuis nombre de fiècles un peuple auffi célèbre que l'Egypte l'a pü être par fes granits, par fes colonnes & fes obélifques qui en font conftruits. * Ces matières font celles qui font | les expériences de comparaifon que propres à faire une porcelaine pa- j'ai fait exécuter fous les yeux de ce reille à Ja porcelaine de la Chine: | grand Prince, ne m'ont laïffé aucun j'ai reconnu qu’elles étoient fem- | doute fur la bonté des matières que blables à celles que M. le duc d’Or- | j'avois trouvées en France. Téans avoit reçûes de la Chine, & £ } cApamee fps ; E lama ë ë Mem. de LAc-R er Se.1981. Pay. 21 LUE 5a DECO ARE OMUSTE SE “ Partie de la NATOLIE dans Schiteuse Diarbelkur (n] aie $ Pre ë ee 2 ho È : c ArcHI? ET? : 2 D Le — Dé =: Va Alexandrette CES COURDISTAN À Mie + Meg ISLE de CYPRE, EMÉEDIPERRANEE ET RutneselLac dE Palmyre p Ras) : ns: - - Le Desert Ÿ de Diarbec DS RE = gage dela Bande 2 Suppose traverser SR À $ e | FH pes UE AT E S K < Rahema Se 3 120 AT | Ex ù Ÿp CARTE AE: MINERALO GIQUE TB AY DE A DE 7 md 7e Sur laNature du Terrein d'une Partie de YOrient et particulierement deXE gypte, de la Palestine eéde la Syrie 30 À rater Pays de Thab LS, À Dressce en 178 par Phi Buach > Ü > É : essee f, ppe Buache SABLONEUSE QT 5 Er de l'Académie des Saiences Jur les recherches et pour un Mémoire de M° Guettard de la même Académue de] Le Expheation des Caracteres Desert de Sable rs {> Aimart 4 Fortune Sufphureuse D Colein © | N à. & Albatre C2 Glaise ouTèrre rouge £ 1 o Alun © Grant VS cY y - 7 D Ad) D Argent Hwulle de Pretol: Alabastrnes : É ANS ST LOUE 0 > .". Bitume Solide come leJaye Marbre ? Said MALI C er °c Gullou transparent © or >+ Gquilles ou @rps Martins os] À Purre Blanche 6 Cristal ou Diamant te Pierre Bleue ne S où : e—< Gaillou ou Pierre à Fusil *o Mtre ou Sa/petre 3 4 g Guvre * Plomb ri Emerte © Sete d' Fer e Sel commun L À Fer dissous ouOcre w el Gemume ei æ FontaineAlumtheuse à Jogre mm) | TS piton md RS NS PE der fulpeire ;, LE 72 7 = 2% y \ Don Z£, MonéBas arte on ra Eee Æ# Fontune Amere x Zude VW Fe Minerale chaude œ+ Mriol bleu £ Fontaine ou Puit Sale A Folean ° E FoutuneSaleé ctNitreuse ne Marne Grue. Sara ed = Fe Cette Carte est evetutée selon le systéme de Celles qu com 4. é 0 &. fal de Raphidm.o rennent une Portion de lEurope et de la France, t que PET A RSR dans les Mémoires de l'Acad* de 1746 À Ale C res Ty (A a N HE) VAssoueog —— Gurieres Granit H Hoss IAE Dust HAS