È dE rs su! FEES *HISTOIRE MACADÉMIE RO MhATE, E DES SCIENCES. | Avec les Mémoires de Mathématique & de Phyfique, pour la même Année, Trés des Regifires de cette Académie. | MPa R | 6 DE L'IMPRIMERITE ROYALE : 4 M: D C\CL IX. Ni n ] : “ » os 7 f 74 | { 4 c [Mg . Œ L * . H - ET "R- 4 F-$ LA | La ‘ Lignes unie se RUE 7" \ 1 } 3 70% L 1 ; Ÿ- 114 1 + ‘ 78 “ 4 n—————— oem RER bise nn POUR LH LS OMR E, PHYSIQUE GÉNÉRALE. UR la direction qu'affedlent les Fils-à- Fes Page : sy les Staladiites. 10 … Sur TOfféccolle des environs d'Étampes. HUU2 2 Obfervations de Phyfique générale. 28 tes ANATOMIE. " © Sur la Rate. 44 Sur la Strulure du Caur. 55. …. Sur la formation de l'Émail des Dents, à fur celle des Gencives. s9 — Olférvations Anatomiques. 62 4 GEY MIT E: qe la furabondance d'acide qu'on obferve en quelques Sels | Heufres. 79 Obférvation Chymique. ê 86 17 5 4 * i TABLE. ot B:O:T-A N' I QUE Obfervation Botanique. 87 ARITHMÉTIQUE. 88 GÉOMÉTRIE. Sur la Manœuvre des Vaiffeaux. gt AS: T'R:O N'OLMUINE: Sur la Mefure de la bafe de Villéjuive qui a fervi aux Triangles de la Méridienne. 103 Sur les Oppofitions de Jupiter &r de Saturne avec le Soleil. 107 Sur plufieurs Obfervations faites par M. l'Abbé de la Caille dans fon voyage au Cap de Bonne-efpérance. 110 Sur la préceffion des Équinoxes 7 la nutation de l'axe de la Terre dans l'hypothèfe de la diffimilitude des Méridiens. 116 Sur l'Orbire apparente du Soleil, ayant égard aux perturbations qui peuvent produire les aélions des autres Planétes. 120 GÉOGRAPHIE 1:33 MÉCHANIQUE. Sur le plus grand Effort de l'eau fur les roues. 134: Machines on Inventions approuvées par Acad, en 1 7 ; 4. 139 Eloge de M. d'Onfenbray. 143 Eloge de M. Wolf. 155 Eloge de M. Folkes. 163 Eloge de M. Moivre, 170 LOT 10:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:00:0:0 2 RE ONE AE POUR LES MÉMOIRES. M oIRE fur les différentes idées qu'on a eues de la traverfée de la mer Glaciale ardique, 7 fur les communi- cations ou joncions qu'on a fuppofées entre diverfes rivières. Par M. BuACHE. Page tr Mémoire fur les Staladites. Pax M. GUETTARD. 19 Obfervations affronomiques faites à l'fle de France pendant l'année 1753. Par M. YAbbé DE LA CAILLE. 44 Mémoire fur les Sialadites. Seconde Partie. Des Sralaliites calcaires. Par M. GUETTARD. : (74 Diverfes Obfervations faites pendant le cours de trois différentes traverfees pour un. Voyage au cap de Bonne-cfpérance à aux Îfles de France à de Bourbon. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE. PE Memoire fur les Staladlites. Troïfième Partie. Suite de la defcription des Staladlites calcaires. Par M. GUETTARD. 131 Opérations faites par ordre de l'Académie, pour mefurer l'in- tervalle entre les centres des pyramides de Villejuive 7 de Juvify, en conclurre la diffance de la tour de Montlhéri au clocher de Brie-Comte-Robert, & di iffinguer entre les diffe- rentes déterminations que nous avons du degré du Méridien aux environs de Paris, celle qui doit être preférée. Par M.° BoucuEr, Camus, Cassini DE T'HURY & PINGRÉ, 172 “1 £ T AB L'E | Hiflire anatomique de la Rate. Premier Mémoire. Par M. DE LASÔNE. 187 Sur la longitude de l'Abbaye Saint- Matthieu. Par M. DE Tauryr. 232 Mémoire fur l'Albâtre. Pa M. DAUBENTON. 237 Sur la diredtion qu'affedlent les Fils-à-plomb. Px M. Bou- GUER. 250 Mémoire fur l'Ofléocolle- des environs d'Etampes. Par M. GUETTARD. 269 Table des Oppolitions de Jupiter à de Saturne avec le Sokil, obfervées à l'Obfervatoire royal, depuis l'année 1 73 3 jufqu'à l'année 175$ inclufivement; avec un Mémoire fur les Oë- fervations dont on s'eff fervi pour calculer ces Tables. Pax M. Le GENTIL AUE Diverfes Obfervations économiques fur les Abeilles. Par M. bu HAMEL. 331 Solutions des principaux Problèmes de la manœuvre des Vaif- feaux. Par M. BOUGUER. 342 Obfervations anatomiques fur le Cœur. Troïfième Mémoire, contenant la defcription particulière des Oreillettes, du Trou ovale à du Canal ariériel. Par M. LiEuTAuD». 369 Occultation de l'Étoile p du Verfeau, à conjondion de l'Étoile 8 avec la Lune, le 21 Novembre 1754 au foir, à Paris, dans l'hôtel de Clugny. Par M. DE LIsLe. 382 Obfervations Botanieo-météorologiques faites au château de Denainvilliers proche Pluviers en Gätinois, pendant l'année 1753. Par M. pu HAMEL. 383 Recherches fur la préceffion des Équinoxes, & fur la nutation de l'axe de la Terre, dans l'hypothèfe de la - diffimilitude des Méridiens. Pax M. D'ALEMBERT. 413 Mémoire fur la formation de l'émail des Dents & fur celle des Gencives. Par M. HÉRISSANT. 429 TABLE, . Mémoire contenant la defcription du terrein, des pierres & des foffiles de la Champagne, dr des Provinces qui l'avoi- finent. Par M. GUETTARD. 435 Hifloire des maladies épidémiques de 1 7 5 4, obfervées à Paris, en même temps que les différentes températures de l'air. Par M. MaALouUIN. 495 Mémoire fur l'orbite apparente du Soleil autour de la Terre, en ayant égard aux perturbations produites par les attions de la Lune 7 des Planètes principales. Pax M. CLAIRAUT. s2I Détermination de la longitude de l'ifle. de Madère, par les Éclipfes des fatellites de Jupiter, obfervées par M. Bory, Lieutenant des Vaiffeaux du Roi, comparées avec celles de M. l'Abbé de la Caille à l'Îfle de France. Par M. DE L'ISLE. 565 Mémoire fur les Sels neutres, dans lequel on fair connoître deux nouvelles claffes de Sels neutres, & l'on développe le phénomène fingulier de l'excès d'acide dans ces fels. Par M. RoOUELLE. $72 Obfervation du palage de Mercure fur le Sokil, dans le Neœud defcendant, faite au château de Meudon le 6 Mai 1753; avec une méthode pour en déduire les élémens de l'orbite. Par M. LE FRANÇOIS DE LA LANDE. 589 Mémoire dans lequel on démontre que l'eau d'une châte def. tinée à faire mouvoir quelque machine, moulin ou autre, peut toëjours produire beaucoup plus d'effet en agiffant par fon poids qu'en agiffant par fon choc, à que les roues à pots qui tournent lentement, produifent plus d'effet que celles qui tournent vite, relativement aux chûtes © aux dépenfes. Par M. DE PARCIEUX. 603 Mémoire fur l'Inoculation de la petite vérole. Pa M. DE LA CONDAMINE. 6ts Mémoire fur une Expérience qui montre qu'à dépenfe égake, TAB L'E D une roue à augets tourne lentement, plus elle fait d'effet. Par M. DE PARCIEUX. 671 Réflexions. fur les Machines hydrauliques. Pax M, le Che- valier D'ARCY. 679 Obfervations météorologiques faites à l'Olfervatoire royal pen- dant l'année 1754. Par M. DE Foucur. 685 Mémoire fur les Chiffons ou Drapeaux qu'on prépare au Grand- Galargues, village du diocèfe de Nimes, à cing lieues de Montpellier, à dont on fait en Hollande le Tournefol. Par M. MonTET, de la Société Royale de Montpellier. 687 1 HISTOIRE HISTOIRE L’ACADÉMIE ROYALE D'E SAME ENCRES. Année M. DCCLIV. PHYSIQUE GÉNÉRALE. SORAEACDARE C TTON. QU'AFFECTENT LES FILS-A-PLOME. 1 QUELQUE caufe qu'on veuille rapporter le Voy. Mém. Ÿ = déplacement des eaux de l'Océan, qu'on obferve Pa€ 250. Al de fix heures en fix heures, on fera toüjours 4|| obligé de convenir que ce déplacement doit, à = parler géométriquement, en occafionner un dans Ja pofition du centre de gravité conunun de tout le globe, & que A Hifl. 1754: > Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE les fils-à-plomb qui tendent à ce centre doivent éprouver des efpèces d’ofcillations, relatives à ce mouvement. Mais ces ofcillations des fils-à-plomb font-elles affez grandes pour être fenfibles, ou doivent-elles, par leur petitefle, échapper à nos recherches? c’eft fur ce point que roule la queftion: elle n’eft pas même bornée à la fimple curiofité, car fi les fis-à-plomb ont un mouvement particulier fenfible, cette feule caufe rendra défectueufes toutes les obfervations aftro- nomiques, à moins qu'on n'y fafle une correction qui foit égale à l'altération que le mouvement propre du plomb y aura caufée, ce qui exige la connoiffance la plus complète de ce mouvement. À ne confulter que la théorie & le calcul, on décideroit bien-tôt que le mouvement en queftion ne peut être fenfible. La maffe des eaux, tranfportée par le flux & le reflux, peut à peine caufer une variation de quelques pouces dans la pofition du centre de gravité commun. Mais une queftion de cette nature doit être décidée par des expériences & des obfervations, & c'eft aufli la route qu'a tenue M. Bouguer dans l'examen qu'il s’eft propolé d’en faire. Les premières obfervations fur cette matière furent faites avec un pendule de trente pieds, par un gentilhomme de Dauphiné, nommé Calignon de Peyrins, & publiées par Gañendi. L'Obfervateur avoit cru remarquer que la pointe qui terminoit en deflous le poids de fon pendule avançoit, pendant fix heures, d'une petite quantité vers le Nord, & employoit enfuite fix autres heures à reprendre fa première fituation. Ce fait fut extrémement contefté: Gaflendi lui- même, qui lavoit annoncé, reconnut qu'il n'étoit pas affez conftaté. D'un autre côté, Morin, alors Profeffeur au Collége royal, prétendit avoir des expériences convaincantes qui prononçoient en faveur du mouvement du pendule. En un mot, malgré toutes les expériences, 1a queftion refta indécife: & ce qui doit paroître affez fingulier, c'eft que malgré l'im- portance de cet objet, perfonne ‘n'ait jugé à propos de s’en occuper jufqu'en 1742, que M. de Mairan tenta de réveiller DES SCIENCES. fur ce point la curiofité des Phyfciens, par un Mémoire * qu'il lut à l'Académie, & qu'elle a publié dans le volume de cetteannée, où il fait voir combien ce fait eft encore incertain, . & combien il mériteroit d'être pleinement écairci. En eflet, rien n'étoit peut-être plus intéreffant que l'éclair: ciflement de ce point, non feulement pour le progrès de {a Phyfique, mais encore pour celui de l’Aftronomie, de 1a- quelle, comme nous venons de le dire, toutes les obfervations les plus exactes devenoient ou inutiles, ou fujettes à correc- tion, fi le mouvement journalier du fil à plomb avoit lieu, & qui fe feroit vüe obligée d'en defavouer les plus légitimes conféquences comme autant d'erreurs. L'invitation que M. de Mairan avoit faite aux Phyficiens ne fut pas inutile, plufeurs s'emprefsèrent de vérifier le fait propolé; M. le Cat Secrétaire de l Académie Royale des Sciences & Belles-Lettres de Rouen, & Correfpondant de Y’Académie, fut un des premiers. Il profita pour cela d'une coupole ou lanterne qui fe trouve au milieu de la Cathédrale de Rouen; il fit percer, avec l'agrément du Chapitre, plu- fieurs corniches qui féparent les différens étages de cet édi- fice, & pratiqua entre les petites colonnes qui, dans l’Archi- teéture gothique, ornent la mafle des gros piliers, un tuyau de cent vingt-fept pieds de long, parfaitement à l'abri de l'action du vent, comme M. le Cat s’en eft afuré plufieurs fois, en fe fafant Aiffer dans un panier tout 1e long de ce tuyau, pour examiner avec foin s’il étoit bien clos. Ce tuyau * Vo. Hif. 1742»P:1I 04: renfermoit un pendule de même longueur, formé d'un cor- donnet de foie imbibé de cire, pour être à l'abri de lation de l'humidité & du jeu d'hygromètre. A l'extrémité inférieure de ce long fil il y avoit un petit cylindre de cuivre, tourné & terminé par une pointe d'acier très-fine : ce pendule étoit parfai- tement libre dans le tuyau, & à l'abri de toute ation de l'air ; au deflous del pointe étoit une plaque d'argent horizontale, fur laquelle étoit marqué un point, & autour de ce point plufieurs cercles concentriques à une diftance déterminée les uns des autres, & cette plaque étoit poféefuruneefpèce de chandelier A ij HisToire DE L'ACADÉMIE ROYALE de fer qui lui permettoit de fe haufler ou de fe baïffer ; c'eft-à-dire, de s'approcher ou de s'éloigner de la pointe du plomb. Muni de cet appareil, M. le Cat a obfervé pendant un an fa marche de cette pointe, à midi, le foir & à diflé- rentes heures du jour, & il réfulte de ces obfervations que pendant tout ce temps il ny a eu auçun balancement réou- lier du pendule en queflion. M. le Cat va même jufqu'à foupçonner la caule qui a pu produire le balancement appa- rent, & en impofer aux Oblervateurs: le pendule, qu'on peut défendre de l'humidité, eft toûjours fujet.à l'alongement & au raccourciffement caufés par le chaüd & par le froid, & par conféquent dans le chaud du jour il eft plus proche du point fiduciel que le foir ou la nuit; il doit donc arriver néceflairement que l'œil de FObfervateur qui ne voit la pointe que de côté, la rapporte à des points plus ou moins éloignés du point fiduciel; & felon que l'Obfervateur fera tourné dans la direétion du méridien ou du premier vertical, la prétendue variation paroîtra aufli fe faire dans le même fens. C'eft-là ce qui, felon M. le Cat, a pü faire illufion à quelques- uns des Obfervateurs qui ont reconnu le balancement. D'autres Phyficiens ont encore tenté les mêmes expériences, mais les réfultats de leurs opérations ont été fi différens, que bien loin de jeter aucune lumière fur la queftion, ils ne pouvoient au contraire qu'y répandre une nouvelle obfcurité. M. Bouguer ne rapporte pour exemple que les expériences faites par M. le Baron de Grante, Colonel d'Infanterie: malgré l'habileté reconnue de l'Obfervateur & les foins qu'il avoit pris pour aflurer le fuccès des opérations, elles donnèrent des différences fi énormes & fi peu régulières, qu'elies femblent ne pouvoir dépendre d’une même théorie, Dans les premières, faites à Paris en 1743, la pointe d'un plomb tourné en toupie, fufpendu à un fil de 30 pieds de long, parut d’abord décrire chaque jour une petite ellip{e, dont le grand axe, dirigé de l'eft à l'oueft, avoit 2 lignes & demie, & le petit feu- Jement une ligne ; mais ayant voulu répéter l'expérience avec d'autres pendules femblables, placés dans la même falle, leurs DE. STUS dci 3 /E 1 N°(C ENS mouvemens fe trouvèrent très-différens, fouvent même ab{o- lument contraires, & il ne fut pas poffible de les réduire à aucune règle conftante. | M. de Grante en inféra, avec raifon, que le lieu de Fob- feïvation pouvoit être fujet lui-même à quelque mouvement; &: pour fe délivrer de cette inquiétude; il entreprit de répétér fes expériences dans un lieu qui vrai-femblablement ne devoit pas être fujet à ces mouvemens alternatifs: c’étoit une cave taillée dans le roc au château de Saint- Pierre-de-Vauvraï, proche Louviers; un banc de pierre à fufil fervoit de ciel. à cette cave, & ce banc étoit furmonté! alternativement de plufieurs bancs de pierre femblable & de pierre tendre. Le pendule avoit 11 pieds de long, & les obfervations furent faites dans les mois de Novembre & de Décembre, la terre étant couverte de neige. Il demeura conftant, par une fuite d’obfervations faites avec le plus grand foin, que le plomb fuivoit encore le cours du Soleil fans aucun rapport à celui de la Lune, & qu'il décrivoit une petite ellipfe, dont le grand axe, perpendiculaire au méridien, avoit une demi-ligne, & le petit un quart de ligne. Cette obfervation femble mettre hors de doute le mou- vement diurne du pendule; mais les variétés obfervées par M. de Grante même, dans fes expériences de Paris, & celles que bien d’autres Obfervateurs avoient précédemment remar- quées, ne permettoient pas de placer fr légèrement ce phé- nomène au rang de ceux dont la caufe tient au fyfème gé- néral du monde, & qu'on nomme, pour cetteraifon, cofmiques*, . M; Bouguer a penfé au contraire, que cette caufe étoit beau- coup plus prochaine, & qu'au moins il étoit néceflaire de recourir à des expériences plus décifives. sétoit aperçû dans fes premières opérations qu'il fit au Pérou, que des lunettes attachées à des murs bâtis, füivant: Yufage du pays, de grofles briques, étoient fujettes à des. mouvemens strès-irréguliers, caufés par le jeu d’hygromètre, que le plus ou moins d'humidité donnoit à ces murs : il fivoit duffi que la chaleur du Soleil étoit capable de faire alonger À ii hors #06, AAGF 7 mundus, 6 HisToiRE DE L'ACADÉMIE Royaze d'un tiers de ligne un pavé de briques mifes fur champ, de 12 pieds de longueur ; il ne lui en fallut pas davantage pour établir fur ce fujet une petite théorie, de laquelle nous allons effayer de donner une idée, Qu'on fuppofe une table de pierre ronde, placée horizon- talement & expolée aux rayons du Solei!, il arrivera nécef- fairement que l'action de cet aftre augmentera la grandeur de cette pierre; & comme elle l'augmentera uniformément, sil yaun fil-à-plomb attaché au centre & plufieurs autres attachés à différens endroits de la pierre, le premier demeu- rera immobile, & les autres s'en écarteront néceflairement, fuivant des rayons partans du centre de la pierre. Après le coucher du Soleil, la pierre fe refroidiflant, perdra cette augmentation que la chaleur lui avoit donnée, & les plombs fe retrouveront à la même diftance à laquelle ils étoient le matin, ayant décrit, par leur mouvement, chacun une petite ligne droite, faifant partie du rayon de la pierre où ils fe feront trouvés. Il eft inutile d'ajoûter que fuivant qu'ils feront” polés d'un côté ou de l'autre du centre de la pierre, leurs mouvemens fe feront du même fens ou en fens contraire, mais toûjours en ligne droite. Les variations des points de fufpenfion ne feront plus les mêmes, fr au lieu d’une pierre ronde ifolée, on fuppofe les plombs attachés à la voûte d'une tour ou d'un pavillon: les murs qui la foûtiennent ne feront que fucceflivement expolés à l'action du Soleil; de là il fuit qu'excepté un feul point, qui ne fera que rarement le centre de figure, tous les autres, pouflés fucceflivement vers différens côtés, décriront des ef- pèces d'ova!es plus ou moins irrégulières, fuivant la différente dilatation des murs & des diverles parties de la voûte, & füivant que le bâtiment fera plus ou moins libre de s’y prêter par fa forme & par la manière dont il fera fitué à l'égard des bâtimens voifins. F ll eft aifé de déduire de cette théorie comment les fils: à-plomb, dans l'expérience de 1743, avoient eu des varia- tions en différens fens; ils étoient probablement fufpendus à DE-S SCIENCES. des points placés de part & d'autre de celui qui devoit ref ter immobile : mais il ne femble pas aufi facile d'expliquer, par fon moyen, les variations obfervées à Saint-Pierre-de- Vauvrai; cependant M. Bouguer les y ramène aifément, La chaleur du Soleil n'aura pas immédiatement agi fur la voûte du foûterrain, mais en produifant, par la fonte de la neige, une quantité d'eau qui s'infiltiant dans les bancs de pierre, y aura caufé une efpèce de jeu d’hygromètre, qui aura imprimé au fil-à-plomb un mouvement femblable à celui qu'il tenoit, dans les expériences précédentes, de l'action immédiate de la chaleur. H ne fera pas difficile de concilier, par ce moyen, les faits qui fmblent les plus oppofés fur le fujet dont il eft ici queftion : le degré de chaleur & fa durée diverfement com- binés, doivent produire une infinité de différences; la chaleur doit fe communiquer bien plus également lorfque le ciel eft couvert que lorfque le Soleil agit immédiatement ; il réfultera encore d’autres différences du jeu d’hygromètre, caufé par la fonte des neiges ou de la glace; en un mot, Faction de Ia chaleur doit être, & eft en cette occafion , un véritable Protée : qui prend toutes fortés de formes. Il n'eft donc pas éton- nant que Gaffendi ait trouvé d'abord que le pendule avoit un mouvement, & qu'enfuite le même Obfervateur l'ait trouvé immobile; que le P. Merfenne n’y ait obfervé aucune variation, & que Morin y en ait trouvé. Tout cela ne vient que des différentes circonftances dans lefquelles les expériences ont été faites, & ces faits, qui paroiflent au premier coup d'œil contradiétoires & incompatibles, ne le font nullement. . Quelque naturelle que paroïffe la théorie de M. Bouguer, elle avoit,befoin d'être appuyée de l'expérience, & il n’a pas négligé de lui donner ce genre de certitude: il a commencé par placer un quart-de-cercle de deux pieds & demi de rayon à un raiz de chauflée, de manière que le plan de cet infrument concouroit avec celui du premier vertical ; la lunette étoit pointée fur un objet éloigné, en forte que la plus petite variation du bâtiment auroit été fenfible par la différence de pofition du 8 H1STOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE fi de la lunette à l'égard de cet objet, & que le mouvement de $ fecondes de la part du filet ne pouvoit manquer d'être aperçû. Un mois & plus d'obfervations n’ont fait remarquer aucune: variation fenfible, ni dans le quart-de-cercle, ni dans le plomb. Cette expérience étoit d'autant plus concluante , que fi le filà-plomb du quart-de-cercle étoit plus court que ceux dont on s'étoit fervi dans celles que nous avons rapportées, les divifions du limbe rendoient fes moindres changemens fenfibles, ce qui, pour le dire en paflant, eft infiniment préférable à la pointe de ces longs fils-à-plomb ; l'avantage u'a cette dernière, de marquer les variations en tout fens, eft, felon M. Bouguer, plus que compenfé par l'efpèce de parallaxe qui fe forme toüjours en le regardant; & il croiroit bien plus avantageux de placer à angles droits deux 1imbes divifés & deux fils-à-plomb fufpendus à deux points voifins l'un de l'autre, que de n’en mettre qu'un feul qui marquât fes variations au moyen d’une pointe. Quoique l’obfervation de laquelle nous venons de rendre compte füt extrèmement fûre, M. Bouguer imagina un moyen de décider encore plus authentiquement la queftion, en em- ployant un inftrument dont les variations étoient égales à : celles qu'auroit pü produire un pendule de 3 $000 toifes ou de 14à 15 lieues de long. Pour cela, il fit conftruire au milieu du dôme de l'hôtel royal des Invalides une loge de charpente, à un des bouts de laquelle on avoit pratiqué une fenêtre, dont la vûe, lorf qu'on ouvroit la porte du dôme qui donne fur la campagne, s'étendoit jufqu'à une maïfon de la rue de Sève, éloignée de 5 5 6 toiles du milieu du dôme. Sur le mur de cetie maifon étoient tracées des mires exaétement mefurées en pieds & fubdivifées par des tranfverfales, de façon qu'on y pouvoit aifément diftinguer jufqu'aux fractions de pouce, au moyen de la lunette dont nous allons parler. Du haut de la coupole du dôme pendoit une chaîne, dont on avoit rendu les parties extrémement mobiles: ceite chaîne avoit 187 pieds & demi de longueur; elle entroit dans la loge D'E,S4$S C l'E N°C.E,s. | doge, par un trou pratiqué au deflus ; & foûtenoit, par fon extrémité inférieure, une’ lunette de 15 pieds de longueur, fituée horizontalement. Le point par lequel a chaîne foûtenoit Ia lunette, n’étoit pas fon centre de gravité; la partie de l1 lunette du côté de objectif étoit un peu plus pefante; elle ne fe foûtenoit hori- zontale qu'au moyen d'un pivot d'acier, placé à 3 pieds de fa chaîne, qui entroit dans une chape d'igate femblable à celle des bouffoles & fixée à la lunette. On voit bien, par cette defcription, ‘que le pivot étant abfolument immobile, la chaîne & la lunette qui y étoient attachées, ne pouvoient changer de fituation fans que l'on sen aperçût, puifqu'en ce cas la funette devoit changer de direction, & répondre à un point différent du mur fur lequel on avoit tracé les mires: & comme ce mur étoit éloigné du milieu du dôme de 5 56 toifes, ces variations étoient aug- mentées dans la raifon de 3 pieds de diftance de la chaîne au pivot à 5 56 toiles, c'efl-à-dire 1112 fois; elles étoient les mêmes que fi la chaîne avoit été 1 1 12 fois plus longue, ou d'environ 3 5000 toiles. La même augmentation devoit aufii avoir lieu dans le fens vertical, pour peu que la chaîne changeñt de longueur : & en effet, un rayon de Soleil qui s’'échappa un jour au travers des nuages, dirigea dans l'inftant la lunette fur un point des mires plus élevé d'environ 2 pouces, M. Bouguer eut la curiofité de calculer à quel alongement de la chaîne répondoïent ces 2 pouces, & il trouva que cet alongement n'alloit pas à plus de deux centièmes de ligne; ce qui donne, par toife de Ja lon- gueur de Ja chaîne, un peu moins des 2 d’un millième deligne, - quantité indéterminable avec tout autre inftrument, Les plus grandes altérations n'ont eu lieu qu’à l'égard de la longueur de la chaîne; apparemment que 1a folidité de édifice & l'appui que toutes fes parties fe prétent récipro- quement, ont mis le point du milieu de 11 voûte à F'abri des effets de a chaleur, du moins quant au mouvement latéral, qui n'a été que très-peu fenfible. Un efpace “Es pied fur He 1754. 10 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE les mires du chemin de Séve répondoit à un balancement d’une feule feconde, & jamais les balancemens n’ont été jufque- à: bien plus, ils n'ont prefque jamais répondu au mouve- Voy. Mém, page 19. * Ad Co y flillo, ment régulier que les expériences de Saint-Pierre-de-Vauvrai fembloient indiquer; & il réfulte de celles de M. Bouguer, que la variation du pendule, lorfqu'il ÿ en a, tient à une caufe prochaine & irrégulière, & ne peut être mile au rang des phénomènes cofmiques. Elles auront au moins l'avantage d'avoir diffipé l'incertitude où l'on étoit, & d'avoir terminé probablement pour jamais les difputes qui s'étoient élevées fur cette matière. D'OR °L'E S'"S TTA LANCE T FENE ORSQUE l'eau, chargée de quelque matière qu'elle a difloute ou entraînée, fe fait jour dans l'intérieur de quelque caverne où elle diftille lentement, il arrive fouvent que ces matières s'en féparent, & forment en fe durciflant des corps de différente figure, auxquels cette manière de fe former à fait donner le nom de flalactite *. Les Anciens en diftinguoient de plufieurs efpèces, qu'ils caraétérifoient par leurs figures, & auxquelles ils donnoient des noms différens; ils appeloïent ftalactites, celles qui étoient formées en colonnes ou en pyramides; ils nommoient /a/ag- mites celles qui étoient globuleufes, & donnoient le nom latin de ffria à celles qui étoient tubulaires ou en forme de tuyau. M. Guettard, qui a eu beaucoup d’occafions d'examiner cette matière, rejette avec raïfon cette multiplicité’de noms; il range fous le nom général de ftalaéite toutes les concré- tions formées par les matières que l'eau entraîne avec elle; il penfe même qu'on doit comprendre dans leur nombre les dépôts pierreux, dont l'eau diftillante, ftagnante où courante, enduit & incrufte quelquefois les corps qu'elle mouille, & il ne les diflingue que par la nature des matières que l'eau charie. Iy a, {lon lui, des flalatites de fable, des ftalaétites calcaires , \YDÉE SNS CIE NC ES Tr fpatheules, cuivreufes, pyriteules, &c. mais il seft borné cette année à en examiner deux efpèces, les flalactites de fable & les flalactites calcaires. Les flalactites de fable ont peu excité la curiofité des Naturdliftes: M. Guettard décrit celles qu'il a vües près d'Étampes, dans le voifinage d'Ecouen, & enfin à l'Abbaye du Val, près de l'Ifle- Adam: elles font, pour la plufpart, pendantes & attachées à Ia face inférieure d'un banc de grès qui fe trouve aflez profondément fous terre, & qui elt précédé par plufeurs bancs de terres, de fables & de cailloux de différente nature, mais prefque toù- jours par un banc de coquilles fofliles, dont une partie eft quelquefois enchäffée dans le grès : les ftaladites affectent affez ordinairement la forme fphérique ou ovale ; elles en ont’auff quelquefois une différente, | d Les ftaliétites globulaires, qui, comme nous venons de le dire, femblent étre les plus ordinaires, font auffile plus fouvent réunies; elles forment des. grouppes plus ou moins gros , quelquefois auffi elles font féparées: on en trouve même qui ne repréfentent pas mal une tête de choux-fleur , par {a quantité de mamelons dont les blocs font compolés. Les boules ifolées pendent fouvent à la face inférieure d'un banc de grès plus -ou moins épais; d'autres blocs en font hériflés de tous côtés : enfin, on trouve des boules, où parfaitement ifolées, ou jointes deux, trois, quatre enfemble, &c. | Ces flilactites font communément dures, unies & fins félures:-on. en rencontre cependant quelquefois qui font comme gerfées, & celles-ci font fouvent friables, mais elles . fe durciffent à la longue. Celles que M. Guettard a placées dans le Cabinet de S. A. S. ME le Duc d'Orléans, ont acquis, par le temps, une bien plus grande dureté que celle qu'elles avoient lorfqu'il les y a mifes. 7 “Les ftalactites de :cette efpèce doivent leur origine à des cavités que quelques premiers filets d’eau ont produites dans le fable. Ces mêmes cavités remplies peu à peu. d'autre {ble charié par les eaux, & abreuvées du fuc lapidifique, ont fervi dewnoule pour former des pièces degrès de différente figure, Bi 12 HisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE L'eau méme doit d'autant plus aifément concourir à la réunion des grains de fable contenus dans ces cavités, qu'en paffant au travers de la mafle qui fe trouve au deffus dés flalactites, il eft comme impoffible qu'elle ne fe charge des parties du bol de la glaile, & quelquefois même de la difflolution des coquilles qui s'y trouvent: nous difons quelquefois, car M. Guettard a oblérvé auprès de Bâville des ftalactites placées peu profondément & au deflus defquelles on ne rencontre point de coquilles. Nous avons dit que les flalattites de faible étoient affez communément globuleufes , maïs que cependant elles avoient quelquefois des figures différentes: on en trouve d’alongées & qui reflemblent à des os, d'autres à des têtes d'homme ou même de différens animaux. M. Guettard en a vû une qui repréfentoit aflez paflablement un bufte vétu d'une efpèce de draperie. Il n'en a pas fallu davantage pour perfuader à quelques Phyficiens que l'homme étant l'ouvrage le plus parfait de la Nature, ces pierres étoient des efpèces d'effais informes, & comme des ouvrages qu'elle avoit ébauchés: ïl n'eft pas même impoflible, felon M. Guettard, que cette bizarre imagination ait pü fervir de fondement à quelques points de la Mythologie; il penfe, par exemple, avec 'affez de vrai-femblance, que la vüe de quelque champ femé de ces pierres auroit bien pü donner naifflance à la fable de Deucalion & de Pyrrha. On juge bien qu'il n'adopte pas cette bizarre façon de penfer, dans laquelle on ne reconnoît - rien de Phyfique, fr ce n’eft peut-être le dérangement des organes de ceux qui l'ont imaginée. Les flalaétités calcaires font encore plus variées que celles de fable: elles doivent toutes leur exiftence aux parties de pierre dont l'eau s'eft chargée, & qu'elle dépofe enfuite dans les endroits où ces corps fe forment, On voit par-là quelle variété doivent jeter dans ces ftalactites les différentes fub£ tances pierreufes que l'eau entraîne, & les différentes façons dont fe fait le dépôt. Si l'eau qui vient, par exemple, de fe charger des particules ñ DES S'CTENCE Ss L: d'une piérré calcaire fe répand fur le penchant d'une colline, elle ne manquera pas d'enduire d’une couche pierreufe les branches: des plantes qu'elle rencontrera en fon chemin: bientôt les dépôts qu'elle fera fur le terrein le haufleront, &'y formeront des bancs de piérre inclinés qui auront V'air "de cafcades pétrifiées, &'dans la mafle defquels fe trouveront < enfermées les plantes incruftées dont nous avons parlé, foit dans la fubftance même dela pierre, foit dans des cavités ‘qu'elles occafionnent, en retenant ou'en retardant le cours de eau. C'eft précifément ce qui’eft arrivé à Crégy dans le voifinage de Meaux: les eaux d'une fource qui fort du haut d'une colline, ont chaïié tant de particules pierreufes, qu'elles ont formé par leur dépôt une mafle de rochers très-confidé- rable, dans laquelle s'eft trouvée une grotte, au fond de 1a- quelle eft l'ouverture d’où fort aujourd'hui Féau de la fource “par un canal pratiqué! dans lé corps de fa montagne; elle ‘continue de hauflér le fol dela grotte, & d’incrufter les plantes qui s'y trouvent, donnant également lieu d'expliquer comment fe font formés les rochers & les ftalaétites ramifiées qu'ils contiennent, & de craindre qu’un jour la! grotte ne fe comble ‘entièrement! par ces nouveaux dépôts. Le rocher & la grotte de Crégÿ ne font pas, au refte, les feuls exemples de dépôts femblables: on voit à Clermont en Auvergne un pont entier, nommé Île pont de Saint-Allire, entièrement formé. par le ‘dépôt d'une fontaine. Il eft vrai que ‘cette fontaine ne paroît charier aucuns débris de pierre, mais aufft la mafle de ce pont eft-elle fr petite à l'égard de celle du rocher de Crégy, qu'en fuppolant que l'eau ne -contienne qu'une quantité infenfible de’ matière pierreufe, on ‘peut encore expliquer aïfément la formation de ce pont. “Maïs, foit débris de pierre déjà formée, foit parties pierreufes *.exaétement difloutes, ileft toüjours-vrai que le rocher de Crégy 1&'le pont dé Saint: Allire font dûs aux dépôts de l'eau qui des a formés: il ne agit que du plus où moins de temps “employé à leur formation, & M. Guettard croit qu'on peut “admettre l'une ou l'autre hypothèle. B iij * Voy. Hif, 1747»P. 69, 14 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYALr Une autre flalaclite, peut-être encore plus fingulière que celle dont nous venons de parler, eft celle que M. Guettard a obfervée dans les carrières à plâtre de Montmartre ; elle étoit phicée dans une fente de rocher qui {e trouve dans une.carrière ouverte, tournée au noïrd-ouefl. Cette fente eft remplie d’une efpèce de glaife blancheätre; & à l'endroit où finit cette glaile, commencent les flalaétites : elles forment des grouppes compo- fés de lames de différentes couleurs & de différentes figures, toutes très-minces & d'une grande lévèreté. M. Guettard a obfervé que les pierres à plâtre, voifines de cette fente, tombent en efHorefcence, & font recouvertes extérieurement de plaques rougeûtres , parfémées, comme les ftalaélites , de petits mame- lons hériffés, qu'il regarde comme les refles, & en quelque forte comme les fquelettes de la pierre à plâtre que l'eau a détruite. Cette dernière circonftance lui fournit une explication bien naturelle, de la manière dont cette flalaétite a pû fe former. L'eau, chargée -dé la pouffière occafionnée par l'efforefcence des pierres, l'a chariée dans l'endroit de la fente où fe trouvent les ftalaétites, & l'y ayant comme accumulée, leur a donné, en s'évaporant, la facilité de fe former. * Cette explication fr naturelle offre cependant une difficulté confidérable. Les ftalaétites dont il eft ici queltion font dif- folubles par l'elprit de nitre, & les pierres à plâtre, defquelles on veut qu'elles foient compolées, ne le font pas; ce qui paroît conftituer un genre de pierre abfolument diférent, mais M. Guettard ne croit pas cette objection fans réponfe. Suivant les obfervations de M: Macquer *, le plâtre eft compolé de parties calcinables & d'autres qui ne le font pas, & dans cet état il eft opaque. Si on lui enlève, parle moyen d'un acide, fes parties incalcinables, il, devient tran{parent; & c’eft probablement ce que la Nature opère dans la formä- tion de ces pierres tranfparentes, nommées par les Naturalifles, Jpeculum afininum, & qu'on appelle improprement a. D'un autre côté, une matière calcinable à laquelle on à joint, par le moyen du feu, un fel aikali ou un fel neutre, cefle d'être diffo- luble par les acides comme elle l'étoit avant cette addition. Di MMS CAE Ni GE Sr 11] 15 Cela fuppofé, il n'eft pas étonnant que la pierre à plâtre foit opaque & refufe de fe laiffer entamer par les acides : Ja caufe de Fopacité fe trouve dans les parties-non calcinables qui entrent dans fà compofition, &celle.de l'indiffolubilité par les acides ; dans le fel alkali que la Nature y a probablement joint. Mais fi feau qui entraîne la pouflière produite par l'efflorefcence de ces pierres, fe trouve chargée d'un acide, cet acide d'une part s'emparera des parties incalcinables qui rendoient le plâtre opaque, & formera de l'autre un {el moyen en suniflant avec f'alkali qu'il lui enleveras II n'eft donc-plus fürprenant que ce qui refte, & qui en { dépofant forme les flalaétites, foit en quelque forte tranfparent & fe laiffe diffoudre par les acides : les exemples de femblables départs ne font ni rares ni nouveaux dans la Chymie. Il eft vrai que pour rendre cette explication inconteflable, il auroit fallu trouver l'eau en: queftion chargée d'acide; & M. Guettard na pü encore, malgré tous fes foins, trouver l'occafion d’en avoir afléz pour en faire l'analyfe; mais il ne perd pas cet objet de vüe, & il efpère être quelque jour plus heureux en'ce point qu'il ne larété jufqu'à préfent. -- Quelque naturelle que puiffe paroître cette explication, ä en préfente encore unie feconde. La montagne de Montmartre n'eft pas uniquement compofée de pierres à plâtre, elle con- tient quelques bancs de pierres calcaires diffolubles à l'efprit de nitre en tout ou en «Partie: on peut donc auffi fuppofer -que le dépôt qui a donné naïflance aux ftalactites. n’eft com- pofé que du débris de ces pierres ; & iquoiqu'à l'infpection du lieu M. Guettard n'ait pas jugé UNS “SRE plaufible que la première, il ne la rejette pas abfolument. «Cette dernière manière d'expliquer la formation des fla- Taétites de Montmartre, rentreroit affez dans Mens de M: Poit, qui exclut du nombre des ftlaétites toutes les . concrétions formées de toutes les matières qui ne font point calcaires. Mais, comme nous l'avons déjà dit au commen- cement de cet article, M. Guettard n'adopte pas ce fentiment; il met, avec M. Linnæus &: Wallerius, au nombre des kgs 56 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE flalactites tous les dépôts faits par l'eau, foit qu'elle diftille goutte à goutte, foit qu'elle coure, foit enfin qu'elle foit fta- gnante; & elles ne doivent tirer leur nom qui les diftingue dans la clafle commune des flalactites, que de fa matière dont elles font formées, & qui en effet n'a fait que changer de forme fans changer de nature. De là il fuit que les ftalactites prenant leur dénomination des matières dont elles font formées, fi l'eau entraîne avec elle des particules de fpath ou de quelqu'autre matière tranf- parente, mêlée avec des terres de différentes couleurs, il fe for- mera des ftalaétites à demi-tranfparentes, aflez dures pour étre fufceptibles d'un beau poli, quoique moins vif que n’eft celui du marbre, & qui, felon que les matières entraïnées par l'eau feront de diver{es natures, offriront aux yeux différentes couleurs diftribuées de différentes manières. IL eft ail, à cette defcription, de reconnoiître les albâtres, qui en effet peuvent être, dans bien des cas, moins des pierres naturelles qu'un compolé formé par les débris d’autres pierres de différentes natures, & qu'on ne peut par conféquent pas ramener, par leurs caractères extérieurs, à un degré d'uniformité néceflaire pour conftituer un genre de pierre. bien décidé. IL eft du moins certain que ces flalactites en,pyramidés & en colonnes, qui fe wouvent dans plufieurs grottes, foit qu'elles n'aient qu'un blanc un peu tranfparent, foit qu'on y obferve des veines colorées, bizarrement contournées, font de véritable albâtre: on peut même y remarquer des différences plus effentielles; car, fuivant la nature des pierres dont elles font les débris, il s'en trouvera de fufibles & de calcinables. Ce que nous venons d'avancer eft prouvé par les defcriptions que rapporte M. Guettard, de plufieurs grottes de cette efpèce, & nommément par celle des fameufes groties d’Arcy; mais il eft encore bien plus inconteftablement afluré par les obferva- .… tions que M. Daubeutan y a faites lui-même, & qu'il rapporte ve Mém. dans un Mémoire 1ü à l’Académie quelques mois avant celui 8237 de M. Guettard. Les épreuves auxquelles il a foûmis les flalaclites qu'il en a tifées, lui ont fait voir qu'elles étoient de DES SCIENCES. y de véritable albâtre, dont elles avoient la demi-tranfparence, le poli & toutes les autres qualités qui peuvent faire diftinguer cette efpèce de pierre. La delcription qu'il fait de cette grotte, ou pluflôt de ces grottes, car il y en a plufreurs les unes au bout des autres, & du terrein qui les environne, ne permet guère de douter qu'elles ne foient de véritables fdactites, for- mées comme toutes les autres par le débris des matériaux fupérieurs à la grotte, que les eaux ont entrainés & enfuite dépolés peu à peu autour de chaque goutte, au haut de fa voûte de laquelle les gouttes tomboient, ou fur fe fond qui les recevoit. M. Daubenton à obfervé la même ftrudture & prefque la même texture dans les flalaétites tirées des grottes d'Ofelle en Frariche - comté, & dans celles que M. de Tournefort avoit rapportées de la grotte d’Antiparos, dans l'Archipel, fi ce n'eft que cette dernière eft d'un grain plus fm que celles des flalactites de France, & qu'elles prennent un poli plus beau, quoique moins vif cependant que celui des albâtres orientaux, ce qui vient probablement de 1a différente nature des pierres dont elles font les débris. Puifque les ftalaétites formées par les gouttes d'eau qui diftillent de {a voûte d’une grotte, ou fuintent de fes murs, font de véri- table albâtre, il peut & il doit arriver que dans une Jongne fuite d'années, des grottes dans lefquelles on n'entre pas, & defquelles par conféquent on n’enlève rien, fe remplifient abfolument de cette matière, les colonnes & les autres blocs suniffant enfemble : ce fera dans ce cas une carrière d'albâtre, où il y aura de groffes mafles de cette matière, mais fans aucuns veftiges de lits ; tout y fera comme mêlé & confondu, effet qui doit naturellement réfulter de fa formation que nous venons de décrire; & on ne peut nier qu'il ne fe trouve plufieurs carrières d'albâtre de cette efpèce. Mais ces carrières font-elles les feules ? & n'y en at-il point où l'albâtre foit divifé par bancs comme les autres jerres , & paroifle être une production plus immédiate de Ja Nature’ C'eft en ce point que difièrent les deux Acadé- miciens ; M: Daubenton penfe que tout albâtre eft formé à Hi 1754. 18 Hisroire DE L'ACADÉMIE RoYALE la manièrë& des ftalaétites, & M. Guettard penfe au contraire qu'en admettant les carrières de cette efpèce on. ne doit pas en conclurre qu'il n'y en a pas d'autres ; il paroît. même par quelques defcriptions qu'il rapporte ; qu'on en a efleétivement obfervé, dans lefquelles certe pierre étoit par lits horizontaux} faciles à diftinguer par leur différente couleur, On doit encore ranger au nombre des flalatites une concrétion fpätheufe, blanche & très-fouvent ramifiée, que plufieurs Phyficiens ont regardée comme une efHorefcence de fi mine de fer, & à laquelle ils 6nt donné, pour cette raifonr, Je nom de flos férri.! On la trouve affez abondamment dans les mines de {er de Sürie ; où elle tient communément à une « y. ; 3 plaque de cette mine; elle eft compote d’un fpath filamen- tenx.. La mine de fer de Stirie, de laquelle M. Guettard donne une defcription d'autant plus précieufe, que cette mine eft fermée, &: qu'on n'y entre point fans un ordre ex- près de lImpératrice Reine, n'eft ‘peut-être pas la feule de cetie efpèce où fe rencontre le fos férri; H n'eft pas même bien affuré qu'il ne s’en trouve pas dans les mines d’une autre métal, lorfqu'elles feront abondantes en fpath. Un morceiu de cette matière envoyé à M. Je Duc d'Orléans par M: le Comte de Treflan, paroît avoir été tiré d'une mine d'argent. & peut-être l'idée que l'on avoit que le flos ferri étoit ‘une production de la mine de fer, l'aura fait méconnoître on appeler d'un autre nom dans les mines d’autres métaux où LES, en l'aura trouvé, ? * Uneautre fliactite très-fingulière ft celle’ qui fe voit dans le Cabinet de M. le Duc de Chaulnes, & qu'on prendroit volontiers, à la première infpe&tion, pour des motr- cœaux de raie dont on äuroit enlevé a peau & Tes chäirs!, & delquels il'ne refleroit que les arêtes ; le Tuifant particulièr à cetté elpèce de poiflon, fa couleur, fes nœuds quüi inter- xompent d'élpace en elpace ‘la longueur dé’ces arêtes } rien n'y eft omis de ce qui peut contribuer à une parfaite reflem- blance. Malgré toutes ces apparences, ces morceaux font de vraies flakiélites, formées par une! eau qui a coulé ‘d'abord DIE srA SIC IAE NC ES | re uniformément, & enfuite par filets & de temps eh temps ; de-là les arètes & les nœuds qui ne font que la terminailon deychique crûe fucceflive , & cet exemple feul fufiroit pour faire voir combien on doit être attentif, dans l'étude de FHiftoire Naturelle, pour n'être pas la-dupe des reflem- blances qui fe trouvent fouvent entre des corps. organifés & des pierres qui les repréfentent fingulièrement , quoiqu'elles aïent une toute autre origine. Si cette réflexion avoit befoin de preuve, on fa trouveroit dans une autre efpèce de ftalaétites dont parle M. Guettard, & qui fe forme par les dépôts de l'eau dans les augés de bois ui la conduifent fur la roue de certains moulins , fitués près de Befançon. Ces efpèces de flalaétites fe moulent fi parfai- tement fur les planches de fapin qui forment ces auges, elles prennent fi parfaitement l'empreinte des fibres & des nœuds du bois, que ceux quine favent pas comment elles fe forment ont peine à s'empêcher de les prendre pour de vraies planches de fapin pétrifiées. 11 eft cependant aifé de fe convaincre du contraire; il ne faut qu'ufer la furface de la prétendue pétri- fication, pour voir que cette apparence de fibres & de nœuds n'eft qu'apparente & qu'elle ne fe continue point dans Yintérieur, comme il arriveroit ft elle avoit été autrefois de véritable bois. * D'autres moulins, fitués à l Abbaye du Val, ont offert à M: Guettard des ftalactites d'une efpèce encore plus fingulière ; elles paroiffent , au premier coup d'œil, être des éponges pétii- fiées ; on y remarque l'efpèce de texture réticulaire de cette produétion marine: cependant cette ftruure, fi reffemblante à l'éponge, 'eft qu'une pure reffemblance; elle n’eft dûe, felon M. Guüettard, qu'à l’uniformité avec laquelle la roue du moulin répand les filets d'eau chargés du fuc qui forme les flaladtites, & qui forme auffi les filets qui {e croifent à peu-près comme ceux des éponges. 1 “A ” * On peut encore mettre dans la même claffe une concrétion d'albâtre , formée dans un ancien aqueduc que les Romains avoient conftruit pour porter à Aix en Provence les eaux Ci 20 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYaALE d'une foûrce qui en eft éloignée d'une demi-lieue: en creu- fant la terre pour former un nouvel aqueduc , On a découvert’ Vancien, ignoré depuis plus de douze cens ans. Il étoit pref- qu'entièrement comblé par le dépôt en queftion, qui formoit une mafle de fept à huit pouces en quarré, fur plufieurs centaines de toifes de long. I auroit été bien à fouhaiter qu'un morceau fi précieux eût été confervé avec plus de foin; mais les ouvriers qui le regardoient plufiôt comme un obflacle à leur travail que comme un objet de curiofité, l'ont prefqu'entièrement brilé. On en a pourtant confervé quelques morceaux qui ont pû donner une idée de cette efpèce de ftaliGtite, & qui fufffent pour en reconnoître {a formation: le poli qu'elle prend eft beau , & peu d'albâtres en prennent un auffi éclatant ; on y diftingue les couches, qui ont environ une ligne d’épaiffeur, & qui, vües à la loupe, paroiïfient être compofces d'autres petites couches très- minces; toutes font ondées, & repréfentent par-là le mouvement de l'eau courante qui leur a donné naiflance ; en un mot, on ne peut méconnoître dans cette concrétion un long morceau d'albatre moulé dans cet aqueduc. Les épreuves chymiques même concourent à confirmer dans cette opinion; cette matière eft, comme l'albâtre, caleinable & difloluble par les acides, & le brillant des écailles ne permet pas. de douter qu'elle ne foit compolée d'une matière fpatheufe, difloute & entraînée par l'eau, qui l'a enfuite dépofée dans eette conduite. ° Sr IL étoit curieux de favoir en combien de temps une maffe de flaaétite auffr confidérable que celle-là avoit pû fe former: Les remarques de M. l'Abbé Belley de l'Académie des Belles-Lettres, fur ce point, ont faisait la curiofité de M. Guettard ; il en réfulte que ce morceau d'albâtre fi fin- gulier a été environ douze cegs ans à fe former. Combien de temps exigera donc la formation des mafles d’albâtre f confidérables que l'on trouve en quelques endroits, fi elles ne font formées, comme le penfe M. Daubenton, qu'à la. manière des flalaétites ou par les dépôts de l'eau! H AB SON EM AaES 21 Les flalactites en dragées, qu'on nomme ordinairement pylolites ; doivent encore être rangées dans la clafle des flalaétites fpatheufes; elles fe peuvent former dans de petites cavités qui leur fervent de moules, & en ce cas elles feront abfolument homogènes; d'autres, de la mêmeefpèce, pourront auffi avoir pour bafe de petits cailloux incruftés feulement de matière fpatheufe , & elles n’en reffembleront que mieux ‘ à ces dragées qui renferment une amande ou une noifette; & il neft peut-être pas inutile d’ajoûter ici que les unes & les autres feront compofées de couches plus ou moins épaiffes, & en plus grand ou moindre nombre, fuivant que l'écoulement d’eau chargée de fpath, fe fera fait à plus ou moins de repriles, & que ces reprifes auront été plus ou moins longues. . La dernière efpèce de flalactites dont nous ayons à parler ici, d'après M. Guettard, eft celle qui à été obfervée dans les baflins de la maifoni de Madame la Princeffe de Conti, à Iffy ; celles-ci reffemblent beaucoup par leur figure à ces plantes marines que les Naturalifles ont nommées corallines.. Elles doivent cette figure aux rameaux d’une plante aquatique qui ‘n'eft que trop. commune dans les eaux dormantes, & qu'on nomme Aydroceratophyllon , où girandolfe d’eau ; les branches des différens pieds de cette plante s'entrelacent les unes dans les autres, ce qui fait que lorfqu’elles fe font revêtues du fue pierreux que l'eau dépofe, & qu'on les a fait sècher, on a des grouppes affez jolis, qu'on pourroit prendre aifément pour des plantes pierreufes ou des corallines. M. Guettard doit la connoiffance de cette ftalactite à M. l'Abbé Moirou., Bibliothécaire du Séminaire de Saint-Sulpice, qui eft pro-. _ bablement le premier qui l'ait remarquée. 4 On lui doit encore une remarque bien importante pour ceux qui voudront s'en procurér-des morceaux confidérables ; _c'eft la précaution avec laquelle il faut les tirer de l'eau, fi . on ne veut avoir le déplaifr de les voir fe détruire: l'eau, après avoir revêtu d’une écorce pierreufe les branches de la ‘plante, forme au deffus une efpèce de plaque de mémeñature, qui les écraferoit infailiblement par fon pe fi on fe D'oe ï . Voy. Mém. P-435° 22 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE contentoit de mettre les bafins à fec : c'eft ce que M. Moirou a eu une fois le defagrément de voir arriver; il faut donc les couper par parties dans le baffin même, & les mettre sècher dans une fituation renverfce, en forte que cette plaque pier- reufe leur ferve de bafe; elles n'en imiteront que mieux les corallines. { La pierre dont cette efpèce de flaladite eft compofée, eft de la nature de la pierre calcaire; elle fe calcine comme elle & eft fujette à l'aétion des acides minéraux , ce qui eft plus que fuffifint pour en établir le caractère. Les réflexions de M. Guettard étendent, comme on voit, beaucoup le genre des ftalaétites, mais il s'en faut bien qu'il n'ait encore épuifé cette matière ; il lui refte encore beaucoup d'obfervations curieufes à donner fur cette matière; ce qu'il en a dit fait feulement entrevoir combien il a reculé les limites dans lefquelles on croyoit que cette produétion de la Nature étoit renfermée. ? SUR L'OSTÉOCOLLE ; DES ENVIRONS D'ÉTAMPES. R: EN n'eft peut-être plus fingulier. que de voir avec combien de facilité les hommes, plus intéreflés qu'on ne le peut dire à ne reconnoître pour remèdes que ce qui peut effectivement contribuer à réparer leur fanté, accordent leur confiance à une infinité de drogues inutiles, & qui n'ont aucun rapport à l'effet qu'on veut leur faire produire. 3 De ce nombre eft l'Oftéocolle, à laquelle on attribuoit la vertu de contribuer merveilleufement à da réunion des os frafurés : il ne tenoit cependant qu'aux Phyficiens de fe convaincre que les tuyaux foffiles dont elle eft compofée, & dont la matière n'eft qu'une terre extrêmement fine, ne pouvoient être tout au plus regardés que comme un abforbant propre à détruire les acides & à pomper humidité fuperflue, & nullement capable, de quelque manière qu'on lemploie, d'accélérer | D'ÉIS SCIE N CE Se; 2 la formation du cal & la réunion des os. Mais fi l'ofléocolle a perdu la propriété qu'on lui attribuoit de contribuer à la réunion des os fraéturés, la nature & fa formation de cette fingulière produétion de la Näture eft toûjours un point très- intéreffant . & qui n'avoit point été fufifamment ‘examiné juqu'à préfent. Des obfervations que M: Guettarda éu occafion de faire ou de recevoir, lui ont appris que cette “matière n'étoit point étrangère au Royaume, qu'il s'en trous voit en plufieurs endroits, & l’ont-mis à portée d'expliquer, avec la plus grande vrai-{émblance, l'origine de l'oftéocolle, - & la manière dont elle ‘a été formée: C’eft dommage que cette recherche n'ait pas précédé le temps où elle a celté d'être regardée comme un remède; mais elle n'en fera pas certainement moins intéeflahte aux yeux de ceux qui s'intéreffent aux progrès de lu Phyfiqué &' dé l'Hifloire Naturelle. ; L'oftéocolle eft ordinairement compolte d'une terre ex- trémement fine, moulée en. forme de tuyaux plus on moins longs. Ces tuyaux ont pourla plus grande partie la forme cylin- drique ; on en voit cependant d'aplatis, de prifmatiques , & quelques-uns paroiflent compolés de plufieurs portions de cylindre, qui les font reflembler à des colonnes cannelces: leur furface interne eff life, polie, & ordinairement flriée füivant leur longueur: l'extérieure eft ondée & comme rabo- teufe; elle eft à l'extérieur d'un aflez beau blanc de marne ou de craie, mais la fürface intérieure eft ordinairement d’un Jaune rouveâtre, où au moins d'un blanc un peu fale On trouve des malles entières de ces tuyaux confufément mêlés près d'Etampes, le long des bords de la rivière de-Louette, . & M: l'abbé Jacquin en à fait connoitre un autre amas près de la ville d'Albert en Picardie. On eft étonné, Ya première inf pection du nombré, de là forme & de l'arrangement bizarre de Ces tuyaux: mais lorfqu'on veut en chercher les caufés, on ;: "2 plus emburraffé. Qui peut avoir produit ces efpècés du tuyaux? quilleur à donné leur forme & 1e poli qu'on, ‘oblërve au dedans’ tandis que le‘dehors eftündé & raboteux? toratriot » 24 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE La première idée de M. Guettard fut que ces tuyaux avoient été percés par des filets d'eau qui s'étoient fait jour dans la mafle.de terre : il expliquoit affez bien par-là l'efpèce de poli qu'on remarque au dedans de ces tuyaux ; mais cette formation ne pouvoit expliquer les flries qui fe voyoient danse même intérieur, la figure prifmatique de quelques-uns de ces tuyaux, & l'inégalité de leur furface exierne ; il fallut donc l'abandonner. Un os long que le hafard fit rencontrer dans cet endroit à M. Guettard, lui perfuada prefque que tous ces tuyaux avoient eu des noyaux pareils, fur lefquels ils s'étoient moulés ; mais cette nouvelle hypothefe ne pouvoit pas plus que la première expliquer 1 plus grande partie des phénomènes, & fur-tout la forme contournée qu'aflectent quelques-uns de ces tuyaux. Enfin , "à force de réfléchir, l'infpection du lieu lui fuggéra que cette mafle où fe trouve Yofléocolle, pouvoit fort bier n'être formée que des dépôts : de la rivière, & que ce terrein avoit été probablement un marais rempli de plantes aquatiques, qui avoient fervi de noyau pour former les tuyaux, par les dépôts que l'eau de la rivière y avoit amenés dans les grandes crûes. Au moyen de cette fuppofition, tout ce que M. Guettard avoit obfervé s’expliquoit avec la plus grande facilité: s'il y avoit des tuyaux prifmatiques, de cylindriques, d'aplatis, de cannelés, de contournés bizarrement, on devoit s'en prendre aux tiges des différentes plantes qui avoient, pour ainfi dire, fervi de moule ou pluftôt de noyau à ces tuyaux. Les diffé- rentes couches qu'on remarquoit dans leur épaiffeur, étoient des vefliges des différentes reprifes des dépôts qui les avoient formées. Le poli de leur intérieur étoit dû à celui de l'exté- rieur des tiges, & les flries qu'on y remarque n’étoient que les veftiges des fibres longitudinales. Cette explication étoit fi naturelle, qu'on ne pouvoit prefque s'y refufer ; il falloit néanmoins examiner fi le focal du terrein pouvoit s'y prêter. Les recherches de M. Guettard ne lui offrirent rien qui ne fût conforme à ce qu'il avoit penfé: la rivière de Louette eft farmontée de montagnes, dont Ie fommet - . DES S°CLE NC.E,S6. 25 . fommet eft chargé d’un lit de marne plus ou moins épais, & le fol de Ia vallée eft compolé de fable fin de différentes couleurs ; il eft donc vrai-femblable que dans des crûes d'eau grandes & fubies, les parties les plus fubtiles de la terre mar- neufe, entraînées par les eaux & méêlées avec le fable le plus fin de la vallée, fe font dépofées fur les tiges des plantes aquatiques qu'elles ont trouvées, & les ont enduites à diverfes reprifes de plufieurs couches de cette matière; qu'enfuite ces plantes s'étant détruites, l'enduit qui les recouvroit eft demeuré fous la forme de tuyaux creux différemment contournés; & u'enfin de nouveaux dépôts fucceffivement formés ont joint enfemble tout cet aflemblage, pour n'en former plus qu’une feule & même mafle, dans laquelle l’amas de tuyaux fe trouve comme engagé : il n’eft ps Mme hors de vrai-femblance ue de nouvelles plantes ayant crû fur ce premier dépôt, il. fe {oit fait deux ou plufieurs lits de cetie efpèce de mañe tubulaire. La même difpofition de terrein s’obferve. auprès d'Albert, & dans tous les autres lieux où l’on obferve de l’oftéocolle ; nouvelle preuve de l’hypothèfe de M. Guettard. De cette formation de l'oftéocolle, il fuit néceffairement que la nature de fes tuyaux doit varier fuivant la différence du terrein duquel l'eau qui la forme à entraîné des particules; & que leur forme auffi doit être différente, fuivant les corps qui lui ont fervi de noyau. Ceci fe trouve encore confirmé par l'expérience; on voit dans quelques endroits des morceaux ’oftéocolle qui ont eu vifiblement pour noyau un tronc d'arbre, ou quelque grofle branche avec fes rameaux. Ce que M. Gueitard croit sêtre opéré en grand pour la formation de l'oftéocolle, fe voit en petit dans quelques fentes qui fe trouvent dans des efcarpemens furmontés de plaines compolées de terres marneufes : M. Guettard y a vû des tuyaux branchus qui avoient été vifiblement moulés fur des plantes, ou fur leurs racines; on y trouve en même temps des portions de la même terre qui, ayant été chariée par l’eau dans des creux, s’y eft moulée & y a pris différentes figures. Bi. 1754. | 26 HistToire DE L'ACADÉMIE ROYALE Pour peu qu'on veuille fe rappeler ce que nous avons dit des flalactites dans l’article précédent , on fe perfuadera aifément que l'oftéocolle eft de ce genre, & qu'elle doit être regardée comme une véritable falactite marneufe; & ceft effecti- vement le fentiment de M. Guettard. En eflet, l’oftéocolle, qui n'eft qu'un dépôt de terre marneufe, entrainée & enfuite dépolée par les eaux, eft précifément dans le cas de toutes les autres flalaites, & on ne peut guère fe difpenfer de la ranger avec elles. Lorfque dans l'étude de fa Phyfique on a fatisfait à leffentiel, en découvrant la formation & la nature des objets que l'on examine, il eft toûjours extrêmement curieux , & fouvent même utile, de fuivre les pyegrès de l'efprit humain fur la matière que l'on a eu en vüe : c'eft aufii ce qu'a fait M. Guettard : il donne à la fin de fon Mémoire un extrait abrégé des fentimens qu'ont eu fur ce fujet les différens Auteurs qui en ont écrit. Il réfulte deceite recherche, qu'avant 1 $72onne connoiffoit que très - imparfaitement ce fofile, & que même il n'étoit connu que comme une drogue qu'on croyoit utile, mais dont on ignoroit abfolument la nature. Gefner fut le premier qui, rebuté de l'oblcurité des idées qu'on avoit fur lof- “téocolle, engagea Eraflus à l'examiner avec foin dans les lieux même d'où on la tiroit: celui-ci, bon obfervateur, reconnut les tuyaux plus ou moins gros & ramifiés; il obferva qu'ils étoient tous polés fur un lit de terre argilleufe qu'ils ne pénétroient point, & que ces tuyaux étoient compolés de fable pur & fin ; mais il écarte toute idée de plantes qui aient fervi de noyau, & la regarde comme une matière qui a végété par elle-même. Ce qu'il fit de mieux ce fut d'être le premier à defabufer le Public des vertus imaginaires de ce prétendu médicament, qu'il ne regarde, avec raïfon, que comme un abforbant. Depuis Eraftus, & malgré tout ce qu'il avoit dit fur cette matière, les fentimens des Phyficiens ont encore été partagés, tant fur la nature de oftéocolle, que fur fes vertus, DES SCIENCES. 27 Schwenckfeld, Médecin de Siléfie, qui écrivoit en 1601, vingt-neuf ans après Eraflus , adopte fon idée für la formation . de F'ofléocolle, mais il admet auffi la prétendue vertu de ce foflile. Boëtius de Boct, quoique dilciple d'Eraftus, adopte le fentiment de Schwenckfeld fur les vertus de l'oftéocolle ; mais il en admet de trois fortes différentes , l’une qu'il nomme “flelechite *, à caufe de fa reffemblance avec des branches d'arbre ; une feconde qui pouvoit , felon lui, devoir fon origine à des os, à caufe de l'odeur animale qu'elle jette en brûlant, & parce qu'elle eft fpongieufe comme les os; & une troifième qu'il nomme enofleum, qui a l'odeur & le goût de la corne de Rhinocéros. Il prétend que l'oftéocolle pouffe d'elle-même au printemps , & répand fes branches en terre comme une plante Hoûterraine. Hildanus, qui en parle feulement comme Médecin dans fes Obfervations chirurgicales, nie ouvertement la pré- tendue vertu de l’oftéocolle, & ne dit rien de fa formation. Aldrovande prétend que loftéocolle doit fon origine à une marne qui, en coulant dans les cavités de la terre, prend la figure de ces cavités où elle fe moule, & il a été fuivi par plufieurs Phyficiens. Feu M. Duhamel, premier Secrétaire de cette Académie, penchoit affez à croire que l'oftéocolle étoit une-plante, du moins il le donne à penfer ; il paroît auffr avoir ajoûté foi aux vertus qu'on attribuoit alors à ce foffile. Beckman avoit une idée bien plus approchante de a vérité _ fur la nature de l'oftéocolle: en adoptant l'idée de ceux qui la repardoient comme de la marne, il ajoûte que fes ramifications ne dépendent que de celles des racines fur lefquelles elle seft moulée; ce que cet exact obfervateur avoit reconnu par une matière ligneufe & pourrie qu’il avoit trouvée dans quelques tuyaux d'oftéocolle, & fon fentiment avoit été adopté par Charleton. Imperati rejette toutes les opinions dont nous venons de parler, & prétend que l'oftéocolle n’eft qu'une pétrification de racines pénétrées par une matière de la nature du fable; & il a été fuivi en ce point par Lancifi, .par Woltersdorff & par Vallerius : ce dernier ème va jufqu’à 3 léterminer que ce font les racines du tremble Sn AUTRE ij * Srac)0c) truncus, 28 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE ordinairement ce changement. Konig, Médecin Suifle, Ja fait végéter à la manière du cryflal, où même comme les plantes, Enfin, M. Linnæus, fans entrer dans la méchanique de fa formation, la reconnoît pour une efpèce de tuf calcaire, qu'il défigne par fa propriété de former des efpèces de tuyaux cylindriques. Il réfulie de toute cette variété de fentimens, que tout ce qui avoit été jufqu'à préfent écrit fur l'oftéocolle étoit béaucoup plus propre à jeter dans l'embarras, qu’à déterminer la nature de ce fofile. Le travail de M. Guettard, fondé fur les feules obfervations,. donne des idées plus claires & plus naturelles, puifqu'il fait voir que l'oftéocolle n'eft qu'un dépôt de particules. entraînées par les eaux & dépolfées fur les tiges ou les racines des plantes : il eft vrai qu'il en réfulte que l'oftéocolle marneufe n'eft probablement pas la feule, & que fuivant là: nature des matières que fes eaux auront entraînées, il y en aura de mar- neufes, de pierreufes, de pyriteules ; & c’eftaufi le fentiment de M. Guettard, en cela conforme à celui de M. Gleditfch. En effet, fi l'oftéocolle eff une efpëce deftalactite, comme on ne fauroit guère en douter, pourquoi s’écarteroit-elle des règles auxquelles celies’- ci font foumifes ? Cette variété d'effets dé- pendans de la même caufe, rentre affez dans le fyftème général & ordinaire de la Nature. DUBÔSSE R PA T0 NS DE PHXSIQUE GÉNÉRALE; E A commencement du printemps , la Marche-Trévifane, & particulièrement le bourg.de Loria, ont commencé à être inquiétés par des feux.d’une efpèce fingulière, Ces feux aaifloient de la füurfaee même des corps: qu'ils attaquoient , & fin-tout de celle des toits de paille, & des haies de rofeau ; ils x'avoient point d'heure marquée, paroiflant tantôt le jour & tantôt la nuit; l'humidité ni le vent ne paroiffent point DES SGIENCES. 29 leur avoir été contraires ; les grandes pluies même qu'il a fait pendant le printemps & pendant l'été ne les ont en aucune façon interrompus: On ne les a jamais obfervés dans les lieux clos, mais toujours au dehors, & ils ont paru affecter certains endroits par préférence : un feul hameau en a été attaqué une trentaine de fois, & une feule maifon feize. On a remarqué pendant ce temps plufieurs fois des étincelles voltigeantes dans la campagne, mais elles avoient fr pe de confiftance, que l'approche du fpectateur les faifoit évanouir. Les feux ont prefque toûjours été précédés par une affez forte odeur de foufre , dont le pays abonde, & parle chant des coqs & le hurlement des chiens, caufés vrai-femblablement par cette odeur. Ce n'eft pas, au refte, la première fois que de fem- b'ables phénomènes aient été obfervés dans ce pays; Gottigne, Roffan, Rainou & Galliére, lieux fitués un peu au fud de Loria, ont été autrefois infeftés de feux de cette efpèce, dont le célèbre M. Riva 2 confervé fhiftoire. On remarque cependant quelques différences entre les feux obfervés par M. Riva & ceux de cette année; les premiers ne paroifloient que pendant la sèchereffe, au lieu que les dérniers ont paru malgré l'humidité, les vents & les pluies : on obfervoit du temps de M. Riva des flammes volantes ; cette année on n'a vû que quelques étincelles, & les flammes ont toûjours paru naître des corps mêmes qu’elles attaquoient : un feul des feux de M. Riva a paru le jour , & aucuir n'a paru attaquer les haies de rofeau ; les derniers au contraire n’ont point affecté d'heure particulière, & femblent avoir attaqué par préférence les haies. de rofeau. Il n’eft pas inutile d’ajoûter ici que le terrein de k Marche-Trévifane eft'en général aflez fertile, quoique coupé en quelques endroïts par des amas de gravier & de “quelques autres parties hétérogènes qu'y dépofent les débor- “demens d’un torrent appelé le Afwjon. Touie cette relation eft tirée d'une lettre du P. Frifi, Profefieur dans l'Univerfité de Pile, & Correfpondant de l Académie. CRE TA F4 Les Naruraliftes favent combien on doit apporter d'attention: D ii o HisToirre DE L'AÇADÉMIE ROYALE pour difcerner les véritables corps pétrifiés de certains mor- “ceaux de pierre qui n'en ont que l'apparence , Imais qui leur reffemblent afez parfaitement pour qu'il foit aifé de s'y tromper. M. de Reaumur a fait voir à l’Académie une pétrification trouvée en Saxe, & exempte de tout foupçon : c'eft un nid d'oifeau parfaitement pétrifié, fans avoir rien perdu de fa figure ni de celle des parties qui le compolent. On ne peut guère foupçonner qu'une pierre eût affeété cette fingulière forme. | FN PE Le même M. de Reaumur a fait voir un ruban affez long, développé d'une coque de ver à foie : on fait que cet animal arrange la foie qui compofe fa coque , par plans qui fe re- couvrent les uns les autres ; mais il doit être énormement difficile de déméler ces différens plans, & de les féparer les uns des autres. On ne conçoit qu'à peine combien il a fallu d'adreffe & de patience pour cette opération. Il n'eft pas rare de trouver dans les animaux terreftres des monftres formés par la jonétion de deux individus ; mais il 'eft beaucoup d'en rencontrer parmi les poiffons. M. de Juffieu le cadet en a fait voir un de cette efpèce, tiré du Cabinet de M. de Villeflix, qui a bien voulu le lui confier pour le faire voir à l Académie. IL eft compofé de deux petits poiflons bien conformés, & joints par le ventre : ils font affez grands pour qu'on foit afluré que ce poiflon double a vécu. V. M. Fourcroy de Ramecour, Ingénieur du Roi à Saint- Omer, a mandé à M. l'Abbé Nollet, qu'au mois de Décembre 1751, il s’étoit aperçu qu'un baromètre fimple, placé depuis plus de deux ans fur une cheminée, avoit dans fa partie vuide plufieurs globules de mercure. Il ne fit pas d’abord une grande atiention à cet accident, & il fe €ontenta d'en- lever ces globules en faifant balancer le mercure dans le tuyau. Quelques mois après, les globules reparurent encore dans le vuide du tube : il y fit alors plus d'attention , & voulant-voir Dar is SLCUMME NÜc Elise ! 2 31 eombien de temps ils méttroient à {e former, ïl les fit dif paroître, comme il avoit déjà fait, en faifant balancer le mercure. Au bout de deux jours on en apercevoit déjà une trentaine, mais fr petits, que M. Fourcroy foupçonna qu'ils pouvoient avoir été retenus par quelque inégalité du verre, la dernière fois qu'il avoit fait balancer le mercure; & pour lever cette incertitude, il les enleva par 1e même moyen, & s’aflura par l'examen le plus fcrupuleux que le tübe ne con- tenoit aucun globule de mercure. Deux jours s'étoient à peine écoulés que les globules feparürent fi petits, qu'on en diflinguoit à peine dix ou douze à fa vüe fimple:; mais la loupe il en paroïfloit plus de trente, dont les plus gros étoient près dü fommet du tube. Cinq jours après, ils étoient confi- dérablement groffis : il y en avoit alors plus de quarante, & ce qui eft digne de remarque, tous étoient à la partie antérieure du tube, fans qu'il en parût aucun à fa partie poftérieure. Au bout de neuf jours la plufpart de ces globulés avoient pris un accroiffement très-fenfible ; mais de plus M. Fourcroy obferva que la partie antérieure du vuide avoit perdu fa tranfparence en deux endroits. I] crut d'abord que c'étoit de 11 poudre attachée à l'extérieur du tuyau; mais l'ayant inutilement effi uyé, il fit faire au mercure üne ICgère ‘ofcillation, qui enleva une partie de cetté tache; & l'ayant examinée’ attentivement à Ja Joupe ; il xeconnut qu'elle étoit produite par-des globules de mercure innombrables & prefque contious , plus ferrés vers le bas, où la tache étoit auffi fa plus forte, & plus écartés vers le haut, où elle étoit plus claire : l'autre tache placée un demi-pouce plus haut étoit précifément de même nature, fi ce n'elt que-fes points étoient moins ferrés. "5 lu ‘ On ne peut guère attribuerceute fingulière fublimation à la chaleur du cabinet où 1e baromètre étoit renfermé, dans Jequel un thermomètre de M. de Reaumur, placé à côté du Baromètre ;‘ n'a jämais varié que depuis fix jufqu'à quatorze degrés de chaleur, beaucoup ‘au deflous de’celle qui eft nécefaire pour enlever le-mércure. D'ailleurs M. Fourcroÿ Sétant abfénté pendant tout un hiver, après avoir nettoyé î j + Voy. Hif. 4724 pe Ë. # A'AUÇ, area. 32 (HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE le tuyau par le balancement du mercure, trouva qu'à fon retour la partie vuide de fon baromètre avoit plus de foixante globules, qui ne pouvoient être attribués à la chaleur du cabinet dans lequel on avoit très-rarement fait du feu pendant fon abfence. Ce n'eft pas non plus un phénomène abfolument unique : on lui a mandé de Lille qu'un baromètre très-lumineux , qu'il y avoit conftruit lui-même, produifoit un femblable effet, Peut-être cette fublimation eft -elle commune à beaucoup d’autres. ETS, : Y auroit-il donc du mercure aflez volatil pour s'élever à un degré de chaleur fi peu confidérable? ou doit-on attribuer ce fingulier efiet à l'attraction du tuyau rendu électrique par Yair ambiant, qui, comme nous l'avons dit en 1752 *, donne fouvent des marques d’une très-forte électricité ? F | Vo Le 26 Avril 1754, le P. Barthélemi Bofcowich, Jéfuite frère du P. Bofcowich, Correlpondant de l’Académie, obferva à Monte-Pulciano un phénomène fingulier. Il fut averti vers les deux heures après midi, qu'il paroifloit autour du foleil un cercle très-vif, & colorécomme l'iris : il y courut & aperçut effectivement un très-beau 4a/o *, ou cercle lu- mineux, dont il eftima, à la vüe fimple, le diamètre d'environ quarante degrés. Le ciel étoit de toutes parts entièrement exempt de nuages, & il n’y paroifloit aucune vapeur fenfible, I falloit cependant qu'il y en eût, & même d'aflez épaiffes ; car le foleil paroifloit à peine, & comme obfcurci par une efpèce de fumée noirâtre & d’une couleur defagréable, qui alloit en s'éclairciffant vers la circonférence du cercle. Celle-ci avoit les couleurs de l'iris, & même aflez éclatantes, mais fur-tout vers lorient & vers l'occident, où elles paroïfloient prefque aufli vives que celles d'un véritable arc-en-ciel, Ce détail eft tiré d'une lettre du P. Bofcowich, Correfpondant de l'Académie, à M. de Mairan. ee 4 if M. de la Sône a fait voir à l'Académie un bézoart oriental ; fingulier DES SCIENCES. 33 fingulier pour fa grofleur , qui égaloit prefque celle d'un œuf d'autruche. Ceux de qui M. de la Sône le tenoit, f'avoient afluré que cette énorme concrétion avoit été tirée d’une chèvre fauvage. Mur Nous avons rapporté en 1750 *, d'après M. de Parcieux, * 7: if. le phénomène fingulier d’une conduite par laquelle l'eau arrive 777155. au réfervoir pendant l'automne, fhiver & le printemps, & cefle d'y arriver en été; & nous avons donné {a raifon très- phufible qu'en apportoit cet Académicien. M. du Tour, Correfpondant de f Académie, a obfervé une variété pareille dans l'écoulement de l’eau qui vient chez les PP. de l'Oratoire d'Effat: celle-ci même eft encore plus fingulière, en ce qu'elle ne vient point du tuyau , mais de la fource même, qui donne vers la fin de l'été fenfiblement plus d’eau a nuit que le jour. Il eft très-vrai-femblable que le canal foûterrain qui fournit à cette fource, eft dans le même cas que le tuyau de Ja conduite dont parloit‘°M. de Parcieux. Ce n'eft pas le feul exemple qu'on ait de pareilles reffemblances entre les ouvrages de l'art & ceux de {a Nature. N OUS renvoyons entièrement aux Mémoires : L'écrit intitulé diverfes Obfervations économiques fur V.Ies Mém, les Abeilles ; par M. du Hamel. L P-331: Les Obfervations Botanico - météorologiques, faites au : p: 383. château de Dénainvilliers, proche Pluviers, en Gâtinois; par le même. ik #4 La Defcription du terrein , des pierres & des foffiles de Id p.435. Champagne, & des Provinces qui favoifinent; par M. Guettard, | A .3 L'Hiftoire des maladies épidémiques de 1754; obfervées p.495. à Paris en même temps que les différentes températures dé. Fair; par M. Malouin. Et les Obfervations météorologiques faites en 1754 à p.685. - FObfervatoire royal, | | x 43 4) ’ Ff 1754: E 34 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE AL ANR RU Le SR NS £TT E année parut un Livre intitulé, Expériences phyfico- C méchaniques fur différens fujets, 7 principalement fur la Lumière à l'Eledtricité, produites par le frottement des corps , traduites de l'anglois de M, Haukfbée, par feu M. de Brémond ; revies 7 mifes au jour, avec un difcours préliminaire, des remarques à des notes ; par M. Defmarcfl. La Phyfique expérimentale eft le fondement de toutes les connoiflances phyfiques; c'eft par elle que le Philofophe peut, en fuivant pas à pas la Nature, parvenir à lui arracher fon fecret: marche plus timide, plus longue, mais auffr bien plus füre que celle de la Phyfique fyftématique. La régien des choles poffibles eft immenfe & d’un accès facile, mais auf les édifices qu'on y élève ont. peu de folidité: les faits feuls, obfervés avec art & fous toutes les faces poffibles, peuvent aflurer les idées du véritable Phyficien. C'eft en fuivant cette méthode que la Phyfique a fait, depuis environ un fiècle, plus de progrès qu'elle n’en avoit fait jufque-là. M. Haukfbée doit certainement être mis au nombre de ceux qui ont le plus contribué à fon avancement : né avec un talent fingulier pour la Phyfique expérimentale, douze années de travail lui avoient fourni aflez de faits pour en former un volume; mais il étoit écrit en fa langue, & par conféquent inutile à tous ceux qui ne l’entendoient point. Feu M. de Brémond l'avoit traduit en françois : fa mort préma- turée l'empêcha de donner la dernière main à cet ouvrage & de le publier, & ïl feroit peut-être demeuré inutile fans les fins que M. Defmareft s’eft donnés pour le mettre en état de paroître, | 14 Ce n'étoit pas affez que de revoir la traduttion de M. de Brémond ; il falloit encore donner’ à louvrage de M. Haukfbée ce qui lui manquoit dans l'original anglois, cet ordre ë&x cet arrangement qui feuls peuvent donner aux matières que l'on traite la clarté & l'agrément dont elles font fufceptibles, C'eft ce qui a engagé M. Definareft à changer abfolument l'ordre du livre d'Haukfbée ; il a fait plus, il a joint par-tout D'ÉISMSAGMIEUN CE SCIE 86 aux expériences de cet Auteur lhifloire de ce qui s'eft tait depuis fur les mêmes matières ; par ce moyen l'ouvrage eft devenu une hiftoire intéreffante de toutes les découvertes phyfiques auxquelles M. Haukfbée à eu quelque part: il y a réuni plufieurs morceaux du même Auteur, répandus dans les Tranfaétions philofophiques & aïlleurs, & a mis à la tête un ample difcours préliminaire, dans lequel, à une differiation fur l'étude de la Phyfique , il joint une analyfe de tout l'ouvrage, & rend compte des changemens & des addi- tions qu'il y a faits. | Le premier article du livre offre au le6teur la defcription de la machine pneumatique de M. Haukfbée, à l’occafion de laquelle M. Defmareft fait l'hiftoire de cet inflrument, depuis Otho de Guericke, qui en a été l'inventeur, & des différens changemens qui .y ont été faits, jufqu'à M. Abbé Nollet, auquel on doit d'avoir facilité, afluré & multiplié confidé- rablement les ufages de cette ingénieufe machine qui, en préfentant les corps dépouillés de l'air qui les environne, les a tranfportés, pour ainfi dire, dans un nouveau monde, & a donné lieu à la découverte de mille phénomènes phyfiques intéreffans. Tout le monde connoît l'effet de Ia pefanteur, mais on ne fait pas toûjours attention qu'aucun des corps foumis à Jaction de cette puiflance ne nous montre tout f'eflet qu'il en éprouve. L'air dans lequel ils font tous plongés, diminue Teur poids de tout celui d’un volume de ce fluide égal au leur ; & fi après avoir mis en équilibre dans l'air deux poids de volume inégal, on vient à les plonger Fun & l'autre dans l'eau, on verra que l'équilibre ceflera, & que le corps qui a le moins de volume deviendra le plus pefant. Sur ce principe, il étoit naturel de chercher fr la multiplication des furfaces ne pourroit pas aller jufqu’à mettre un corps fpécifiquement plus pefant que l'eau, en état d'y être foûtenu en le divifant en très-petites parties, & fi ce ne feroit pas la caufe de Ja fuf- penfion des corps folides, diflous dans Îes liqueurs acides. M. Haukfbée examine ce point par une expérience aflezfimple ; E ïj 6 Hisroire DE L'ACADÉMIE ROYALE mais effrayé du peu de différence qu'il trouva entre le poids de deux corps de même matière, dont les furfaces font comme 1 à 225,il ne peut fe prêter à l'extrême ténuité de parties qu'exigeroit cette hypothèfe, & aime mieux recourir à fat- traction qu'exercent les parties de la liqueur fur celles du corps diflous. 11 donne la proportion du poids de différentes matières avec celui de l'eau. Vient enfuite le récit de 1a fameufe expérience faite à la Coupole de Saint-Paul de Londres, pour connoître Ja réfiftince que l'air, fuivant fa différente denfité, oppofe à la chûte de corps de différens volumes & de différens poids. Puifque l'air s'oppofe à la defcente des graves, il doit auffr s'oppofer à leur réflexion, &, fuivant fa denfité, empêcher qu'un corps élaflique ne rebondiffe auffi haut qu'il feroit fans cela. C’eft encore le fujet de plu- fieurs expériences faites fous un récipient vuidé d'air, puis rempli d'air dans Fétat ordinaire, & enfuite d'une quantité d'air double, triple de la première , & qu'on y introduit par force : il en rélulte que, comme on avoit lieu de le prélumer, l'air le plus denfe diminue le plus la réflexion des corps. M. Defmareft y joint, dans une note, J'hiftoire d’une expérience plus exacte faite par M. Derham, fur un pendule enfermé dans un récipient, & qui, par l'étendue de fes vibrations dans le vuide & dans un air plus où moins condenfé, peut faire connoître la même chofe. La nature de l'air eft l'objet des expériences qui fuivent: les premières fervent à examiner la quantité qu'en produit la udre à canon dans fon inflammation ; quantité très-confi- dérable par elle-mème, puifqu’elie occupe un volume deux cens vingt-deux fois plus grand que la poudre qui la produit, mais plus fingulière encore par un autre phénomène qu’elle offre, puifqu'elle diminue d'elle - même avec le temps, au point qu'il n'en refle qu'environ une dix-neuvième ou ving- tième partie. Les expériences fuivantes tendent à déterminer Je rapport du poids de l'air au poids de l'eau , par le moyen d’un vaïfleau de cryflal mis en équilibre avec un poids dans Ja balance hydroflatique, d'abord plein d'air, enfuite vuide A m/s: x S1CT ENN @ Æ 18: 7 d'air, & enfin rempli d'eau, qu'il trouve être de 1 à 885, bien entendu qu'il faut fuppofer ces deux fluides, qui tous deux varient très-fenfiblement en gravité fpécifique, dans un état moyen. Tout le monde connoît la fameufe expérience d'Oiho de Guericke, dans laquelle deux hémifphères creux, qui, fimplement ajuftés lun fur l'autre, & vuidés d'air, réfiftent _ à l'effort de plufieurs chevaux qui tendent à les féparer. On avoit mis avec. raifon cette expérience au nombre de celles qui prouvent la pefanteur de l'air; mais perfonne n'avoit encore imaginé le moyen de rendre ces vaifleaux adhérens fans ôter l'air qu'ils contiennent. M. Haukfbée fa fait avec fuccès, en les enfermant dans un fort vaifleau de cryftal, où il faifoit entrer 2, 3,5, &c. fois plus d'air qu'il n’y en avoit naturellement. L'équilibre rompu par cet air furabondant entre l'intérieur & l'extérieur de ces vaifleaux, comme il Fétoit dans l'expérience de Guericke par la fouftraétion de l'air intérieur, a aufhi produit le même eflet, & les vaiffeaux ont foûtenu jufqu'à 140 livres fans fe féparer ; nouvelle preuve d'une vérité aujourd’hui inconteftable, mais qui avoit alors befoin d'être défendue des attaques de quelques Phyficiens qui sy refufoient obftinément. On fait, & nous venons de le dire, que la denfité de l'air eft variable, ou que la même quantité de ce fluide a tantôt un plus grand &c tantôt un moindre volume. I étoit curieux de favoir quelles étoient les bornes de cette variation dans un climat donné, comme l'Angleterre. M. Haukfbée la déter- mine au moyen d'une quantité d'air toûjours la même, qui, renfermée dans un tuyau de cryftal par une petite colonne de mercure, obéit à l'aétion du chaud & du froid, en fai- fant avancer le mercure, ou lui permettant de reculer. Le reffort de Y'air, augmenté & diminué, eft la caufe de cette différence : mais ce reflort, toute caufe extérieure à part, eft-il toûjours le même? M. Haukfbée propole à ce fujet quelques expériences qui tendroient à en faire douter ; mais ‘iles ne paroiflent pas fufhfantes pour en tirer cette conclufion E iij 383 « HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYyaLe contre le réfultat de plufieurs autres qui ont été faites par différens Phyficiens, que M. Defnareit cite dans une note fur cet article, & qui femblent prouver inconteftablement que le reflort de l'air eft phyfiquement inaltérable. L'expérience fuivante n’eft pas moins curieufe : il introduit dans une boite qui communique à deux baromètres, un foufHle d'air violent & horizontal, & rend fenfble par ce moyen Ja diminution que des vents forcés occafionnent au poids de l'atmofphère & à la hauteur du baromètre, dans des étendues de pays très-confidérables. L'air que nous refpirons n'eft jamais ce qu’on appelle abfo- lument pur; il eft toûjours plus ou moins mélé de différentes vapeurs qui peuvent le rendre falutaire ou nuifible. Rien ne menoit plus directement à connoître l’eflet qu'elles peuvent produire, que d'expofer des animaux ou des lumières à un air plus ou moins rempli de vapeurs connues. C’eft auffr ce qu'a fait M. Haukfbée en introduifant dans des vaiffeaux de l'air impregné de fa vapeur des métaux rougis au feu, d'autre air qui avoit fouflert un degré de chaleur égal à celui de l'eau bouillante, d'autre enfin qui avoit traverfé la vapeur du charbon allumé. If en réfulta que les vapeurs métalliques & celles du charbon auroient été funeftes aux animaux qui y avoient été plongés, fi M. Haukfbée les y eût laiffés plus long-temps ; mais if ne les laifla fouflrir que ce qu'exigeoit abfolument l'expérience, & leur rendit la vie en les faifint pañler à un air plus pur. La chaleur de l'eau bouillante ne paroiît imprimer à fair aucune qualité mortelle, ou même confidérablement nui{ible. Les dernières expériences fur l'air ont pour objet fa qualité réfractive, ou la propriété qu'il a de rompre, pour ainfï dire, les rayons qui y paflent d'un milieu plus ou moins denfe, M. Defmareft y joint dans une note tout l’hiftorique de ce qui a été fait fur cette matière, tant à Londres qu'à Paris; d’où il réfulte que la lumière fouffre une inflexion très-fenfible en paflant par un tuyau bien vuide d'air, & fermé à l'un de fes bouts par un verre plan, incliné de 4 Le changement DES SCIENCES. 2 de direction du rayon eft très-fenfible , lorfqu'ayant regardé Yobjet à travers ce tuyau vuide d'air, on le regarde enfuite après y avoir laiffé rentrer l'air ; preuve inconteftable de la réfraction qu'éprouvent les rayons des Aflres en paflant du vuide ou de l'éther dans notre atmofphère. Après les expériences faites fur la nature & les propriétés de l'air, viennent naturellement celles par lefquelles on examine le fluide qui refte dans un vaifleau dont on a té l'air groffier, c'eft-à-dire la matière de la lumière. Cette matière préfente par-tout , n'eft pas toûjours dans l'état néceffaire pour exciter en nous Îa fenfation de lumière ni de chaleur : différens corps peuvent, par leur frottement ou leur collifion mutuelle, lui donner cetie propriété. C'eft ce que M. Haukfbée examine par plufieurs expériences de différens corps frottés tant à air libre que dans le vuide : la laine, lambre, les vaiffeaux de verre pleins & vuides d'air, y font tournés & retournés de toutes les manières poffibles , & il en réfulte prefque toûjours une lumière plus ou moins vive; fpeétacle toûjours furprenant, même à préfent qu'on connoît l'électricité à laquelle il tient, mais qui devoit l'être bien davantage lorfque cette clef de la Phyfique n'étoit encore qu'imparfaitement entre les mains des Philofophes. M. Delmarett fupplée à ce qui manquoit aux expériences de M. Haukfbée, en donnant dans plufieurs notes l'hiftoire de ce qui s'eft paflé depuis. Les expériences fur Ja lumière produite par le frottement des corps, devoient naturellement être fuivies de celles qui ont pour objet l'éleétricité produite par le mème frottement :. c'eft effectivement l'ordre dans lequel elles font rangées dans cette édition. On y voit les premières expériences qui ont été faites fur cette intéreflante matière, depuis queles Phyficiens fe font avifés de la tirer de l'oubli où elle étoit tombée depuis Otho de Guericke, le premier qui en avoit eu quelque foible idée. Nous ne pouvons difconvenir que les expériences de M. Haukfbte ne foient en cette partie infiniment au deffous de ce qui a &é fait depuis; mais cela même ne diminue rien de leur prix. Il eft fouvent plus glorieux dans la Phyfique 4o HisroiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE d'avoir vaincu les premières difficultés d'une matière, qué de l'avoir portée à fa perfection en s'aidant des découvertes de ceux qui nous ont précédés ; & le lecteur trouvera d'ailleurs dans les notes de M. Defmureft, tout ce qui a été fait jufqu'ici fur la mème matière. De l'électricité M. Haukfbée paffe aux phofphores ; il exa- mine d’abord le fameux phofphore de Kunkel, & fes différens effets dans fair & dans le vuide. De ce phofphore il pañfe à celui que forme le mercure agité dans un vaifleau de verre tantôt plein, tantôt vuide d'air ; phénomène qui, après avoir exercé pendant près d'un fiècle Ja fagacité des Phyficiens, s'eft enfin trouvé n'être qu'une dépendance de l'électricité. L'hifloire de ce qui a été fait fur cette matière n'eft pas cer- tainement le morceau le moins intéreffant que M. Defmareft ait ajoûté à a traduétion. Les expériences qui fuivent ont pour objet l'afcenfion des liqueurs dans les tuyaux capillaires, & la recherche de la caufe qui produit ce fingulier effet. Ces expériences font variées de toutes les manières poflbles , tant {ur l'afcenfion des différentes liqueurs dans les tubes, que fur les phénomènes qu'offre cette même afcenfion entre deux verres plans, diffé- remment inclinés. Elles font fuivies par un abrégé méthodique des différentes hypothèles que les Phyficiens ont imaginées pour rendre raifon de cet admirable phénomène. On peut en général les réduire à trois clafles. Les premières emploient l'aétion de fair ou de Ia matière fubtile différemment modifiée; les fecondes mettent en jeu principalement l'adhérence des particules d'eau au verre ;; les troifièmes enfin rapportent abfolument le phénomène à l'attraction du verre. Mais quoique les explications de cette dernière claffe répondent mieux que les autres aux phéno- mènes obfervés, on peut être für que cette matière n’eft pas épuifée, & qu'elle exercera problablement encore Iong- temps la fagacité des Phyficiens, Dans les expériences fuivantes, M. Haukfbée examine la propagation du fon dans l'air raréfié, dans Fair & dans l'eau, & DE :5 1 SACAE: NC En AT & la loi fuivant laquelle croît ou diminue fon intenfité dans les différens milieux plus ou moins raréfiés. Il en réfulte qu'en général le fon ne fe tranfmet point dans le vuide, & que plus V'air eft condenfé, plus il fe tranfmet avec force; en forte que fi une cloche enfermée fous un récipient contenant de l'air dans l'état ordinaire, fe fait entendre à dix toiles , elle fe fera entendre à vingt en y introduifant une quantité d'air double, à trente fi on y en fait entrer une triple; avec cette différence cependant, que lorfque l'air eft extrêmement condenfé, l'in- tenfité du fon ne paroît plus croître dans la même raifon que la denfité du milieu. La tranfmiffion du fon dans l'eau y eft examinée de toutes les manières, & M. Defmareft n'a pas oublié d'y joindre les expériences qui ont. été faites depuis far cette matière, & fur-tout celles de M. l'Abbé Nollet, qui décident que l'eau eft perméable aux fons, & qu'elle fert même de véhicule d’une manière très-forte & très-fingulière à ceux qu'on peut y produire, lorfque l'organe & le corps fonore y font plongés *. Les expériences fur le peu d’intenfité du fon dans l'air extrémement raréfié, renverferoient de fond en comble la chimère de l'harmonie des corps céleftes, adoptée par plufieurs Philofophes , fi elle avoit encore quelque crédit dans le monde lettré, puifqu’elles prouvent qu'un pouce d'air pris à la furface de la terre, porté à cinq cens milles de hau- teur, occuperoit un efpace égal à la fphère de Saturne ; efpèce de raréfaction qui ne laifferoit aucun lieu d’efpérer que lhar- monie, s'il en exifloit une, pût s’y faire entendre, le fon difpa- roiffant totalement dans un air beaucoup moins raréfié. Les différens phénomènes de l’eau confidérée par rapport à fes diverfes températures, depuis l'eau bouillante jufqu'à la glace, font objet du chapitre fuivant, L’Auteur y examine combien l'eau acquiert ou perd de denfité par le froid & par le chaud, & combien elle varie de poids dans les diflérens états où elle peut fe trouver ; dlépuis l'ébullition jufqu’à la con- gélation. Les phénomènes qui accompagnent la congélation de l'eau commune, pure ou mêlée avec d'autres liqueurs, y font examinés. Enfin les dernières expériences fur l'eau ont HM. 1754 E * Voy. Hif. 17431 P: 26 42 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE pour objet l'état des poiflons dans l'eau ordinaire, dans l’eau purgée d'air & dans l'eau à laquelle on a Ôté toute commu- nication avec l'air extérieur : il en réfulte que quoique les poiflons puiffent vivre quelque temps dans l'eau purgée d'air, & dans celle qui eft privée de communication avec l'air exté- rieur, cependant ils ny pourrojent réfifter long-temps, & moins encore dans l'eau mile fous le récipient vuidé d'air; d'où il fait que lorfque la glace intercepte à l'eau des étangs toute communication avec l'air, on court rifque de perdre le poif fon, fi on ne rétablit cette communication en caffant la glace en quelques endroits, fur-tout fr l'eau eff abfolument dor- mante, & qu'enfin l'air eft prefque auf néceflaire aux poiflons u'aux animaux terreftres. M. Haukfbée examine dans les dernières expériences de fon recueil, plufieurs points de phyfique intéreffans. Le premier eft la force réfringente de différentes liqueurs, eu égard à leur nature & à leur denfité : il en donne une table affez étendue, tirée de fes propres obfervations, à laquelle M. Defmareft a joint, dans une note, celle que M. Newton avoit déduite des fiennes, & l'hifloire de ce qui a été fait jufqu’ici fur cette matière. Ces expériences font füuivies de celles qui ont été faites fur le fingulier phénomène de deux liqueurs qui, mêlées enfemble, occupent moins d'efpace que lorfqu’elles étoient féparées, ou mème contigués fans être mêlées. L'Editeur y a joint, dans une note, ce qui a depuis été fait fur cette matière, & fur-tout les obfervations de M. de Reaumur , defquelles il réfulte que dans cetteexpérienceïl s'opère une véritable diflolution de l’une des deux liqueurs, dans les pores de laquelle l’autre s'infinue, Viennent enfüite les expériences faites par M. Haukfbée, pour. mefurér la force avec laquelle l'aimant exerce fon attrac- tion à différentes diflances, où la oi fuivant laquelle cètre attraction eft exercée. Le moyen qu'emploie M. Haukfbée pour sen aflurer, eft d'obferver lés déviations ‘d’une aiguille aimantée, de laquelle on approche un aïmant à’différentes diflances. Cette méthode eft prefque la même que cëlle que M. du Fay avoit mife depuis en ufage, à peu près pour le DE :$ , SC A)E- NC Es 3 même. deffein : elle eft de beaucoup préférable à celle que M. Mufchenbroek & quelques autres Phyficiens avoient em- ployée, de mefurer la force de 'aimant par des poids mis dans le baffin d'une balance, à l'autre bras de laquelle l'aimant eft fufpendu, & attiré par un autre aimant qu'on lui préfente à différentes diflances. Tout ce qui a été fait fur cette matière eft rapporté dans une note de M. Definareft. Les expériences fur l'aimant font les dernières de l'ouvrage de M. Haukfbée: il letermine par la defcription des différentes couches du terrein dans léquel eft percée la mine de charbon ui fe trouve dans le Comté de Stafford, avec la pefanteur {pécifique de chaque couche, I eft aifé de voir combien une pareille anatomie du terrein, s'il m'eft permis d’ufer dé ce terme, peut être utile, & combien il feroit à fouhaiter qu'on en.eût de pareilles en beaucoup d’endroits. C'eft par cette defcription que finit l’ouvrage de M. Haukfbée. On y reconnoît le génie & la fagacité d'un vrai Phyficien; mais comme les Sciences en général ; & fur-tout la Phyfique expérimentale, ont fait bien du chemin depuis M. Hauk{bée, fon divre auroit infiniment perdu fi M. Defmareft n'avoit fuivi le deflein que probablement avoit eu M. de Brémond ‘en le traduifant, & qu'il n'y eût pas joint ce qui a été publié depuis fur chaque matière. Ces additions ont, pour ainfi dire, rajeuni l'ouvrage de f Auteur anglois, & en ont fait un livre de Phyfique intéreflant & utile. Un Auteur eft heureux, quand il peut avoir un Éditeur de cette efpèce. Fi Voy. Mém, p-187- ANATOMIE. SUR: L'ANMPEAMINE ES connoiflances anatomiques ont prefque toüjours fuivi la progreflion des moyens propres à les procurer. Les Anciens, dénués d’une infinité de reffources que la fagacité des Phyficiens modernes leur a fournies pour obliger fa Nature a révéler fes fecrets, ne voyoïent que ce qui soffroit, pour ainfi dire, de foi-même aux regards : au-delà de ce petit nombre d'objets, ce n'étoit plus que conjectures plus ou moins vrai-femblables, & fouvent très-éloignées de fa réalité. La texture délicate de la plufpart des vifcères a été long-temps un de ces objets qui ont plus conftamment exercé l'imagination des Anatomiftes que leurs yeux : la Rate fur- tout a été un de ceux fur lefquels les fentimens ont le plus varié, tant pour ce qui regarde fa flruéture intérieure que pour ce qui concerne fon ufage. Les uns l'ont regardée comme un organe prefque fuperflu ; d’autres en ont fait un des plus effentiels à la vie : on lui a fouvent attribué la formation de la bile noire & de la mélancolie; d’autres au contraire en ont fait la fource du ris & de la gaieté, A l'égard de la ftruéture de ce vifcère, ce n’eft guère que depuis Malpighi qu'on a pu en avoir quelque idée. Ce célèbre Anatomifte eft, à proprement parler, le premier qui ait donné quelques lumières fur lorganifation intérieure des vi£ cères, & fur-tout de {a rate. 1 imagina de donner plus de folidité aux parties en les plongeant dans l'eau bouillante, & d'introduire dans les vaiffeaux, ou de l'air pour les diftendre, ou quelque fluide coloré, comme, par exemple, l'encre, -qui püt faire difcerner par fa couleur le trajet des plus petites branches de ces vaifleaux. Ruyfch, qui vint après, perfuadé qu'après la mort les DES IST CT E NEC -E & parties vafculeufes s’affaiflent, a voulu , par le moyen d’une injection qui s’y pût figer après y avoir été introduite, leur rendre leur premier diamètre ; mais quelqu'aflurance qu'il donnit que dans cette opération il ne forçoit point le dia- mètre des vaifleaux , la plufpart des Anatomiftes n'ont pû être de fon avis, & nous aurons peut - être occafion dans un moment de faire voir qu'ils pouvoient être fondés à n’y pas foufcrire. De la différente manière d'examiner le tiffu de la rate, _eft venue une différence de fentiment entre ces deux célèbres Anatomiftes, & entre ceux qui les ont fuivis. Malpighi a prétendu qu'indépendamment des vaiffeaux il y avoit encore dans ce vifcère des parties glanduleufes & folliculaires; Ruyfch au contraire a foûtenu que tout y étoit vafculeux : & comme dans une difpute de cette nature les feuls faits, es feules obfervations ont droit de décider, ç'a été auffi la route que M. de la Sône a cru devoir prendre pour jeter quelques lumières fur une femblable queftion. Le volume de la rate eft fi variable, qu'on ne la trouve prefque jamais de la même grofleur. M. Lieutaud a obfervé * que celle qu'elle a, dépend de f'eftomac plein ou vuide ; sil eft plein, ia refferre ; s'il eft vuide, il lui faifle la liberté de s'éendre; & M. de la Sône s'eft afluré par plufieurs expériences faites fur des animaux vivans, que la rate paroifloit très-fujette à fe gonfler, en recevant avec plus de facilité que les autres vifcères une portion du fang que le torrent de la circulation auroit porté à quelqu'autre partie du corps, fans les obflacles qu'il y a trouvés. Le premier objet qui s'offre aux regards lorfqu’on examine une rate, eft la tunique dont elle eft revêtue: cette tunique dans l'homme eftaffez mince, quoique paffablement élaltique: Dans d'autres animaux, cette enveloppe eft plus épaifle, & on y diftingue fans peine deux lames unies par un tiflu cellulaire. On peut défigner ces deux lames par les noms de lame externe & de tunique propre : cette dernière paroît être compolée de diflérens plans, dont l'affemblage forme des F ii * V. Hifl. de l’Acad. 1738, P.39° 46 HisroiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE elpèces de lozanges. Ces plans ne sobfervent pas de même fur l'enveloppe de la rate humaine; ce n'eft que lorfqu'elle fe trouve épaillie par quelque circonftance particulière, qu'on y diftingue quelques plans analogues à ceux dont nous venons de parler. Si l'on entreprend de féparer l'enveloppe de la rate humaine du corps de ce vifcère, on s'apercevra aïfément qu'elle y adhère, tant par un contact immédiat, que par plufieurs points d’adhérence; & on verra bien-1ôt que de ces points partent des filets blancheîtres aufli fins que des cheveux, qui fe plongent dans la fubftance même du vifcère. M. de la Sône en a fouvent pourfuivi quelques-uns jufqu'à trois ou quatre lignes de pro- fondeur, & il a vü qu'ils communiquoient avec d'autres filets tout pareils, & qu'ils paroifloient enfemble former une efpèce de réfeau qui fe répand entre les ramifications des vaiffeaux, & parmi la fubftance pulpeufe. Ces fibrilles ont exercé depuis long temps la fagacité des Anatomifles ; les uns en ont fait des vaifleaux capillaires, d'autres les ont regardées comme des fibres mufculaires. Mais premièrement ces fibrilles ne font point des vaiffeaux, elles fe terminent à la tunique fans s'y étendre au delà de leur point d'adhérence, ce que ne font aucuns vaifleaux du corps animal. Les vaifleaux lymphatiques paroiflent avoir un tout autre afpect, un caractère tout différent. De plus, Malpighi a fait voir que ces vaifleaux pouvoïient fe fendre & fe divifer felon leur longueur, en fibrilles plus petites, ce qui eur ôte abfolument toute apparence de vaifleau. M. de la Sône ne leur trouve non plus aucun caractère des fibres mufculeufes, il y obferve au contraire les marques & la texture des vé- ritables ligamens. En effet, peut - on refufer ce nom à une fubftance blanche, fibreufe, ferrée, difficile à rompre, qui ne prête que difhcilement quand on la tire, & qui eft ce- pendant très-élaftique? Tels font cependant les filets de [a rate, & la tunique même inierne de laquelle ils {emblent partir. On doit donc, felon M. de Ja Sône, les regarder comme formant un réfeau ligamenteux, adhérant d'une part DAENSWONCUR'E NICxR1S à la tunique interne, & de l'autre aux vaiffeaux répandus dans ce vifcère. Ce réfeau eft pénétré en tous fens par les ramifications des vaifleaux fanguins, qui par leurs anaftomofes ou jonétions forment un autre réfeau vafculaire qui entre dans les mailles du premier, & y eft comme enfermé ou impliqué. Dans plufieurs animaux, les vaifleaux ne pénètrent dans la fubftance de la rate que par un feul tronc ; dans l'homme au contraire & dans quantité d’autres animaux , ils fe plongent dans se vifcère par plufieurs troncs. Cette différence a paru à M. de la Sône digne d'être remarquée , à caufe des variétés qu'il a‘toüjours vü l'accompagner. Dans les fujets où les vaifieaux fpléniques pénètrent dans la rate par un feul tronc, l'artère eft conume revêtue d’une elpèce de caplule ou gaine particulière ; la veine perd fon caractère de vaifleau, & devient une efpèce de canal fingulier qui, après avoir fuivi longtemps le trajet des branches artérielles, fe divife en une infinité de finuofités plus petites, & dégénère “enfin en cavités prefqu'imperceptibles; la tunique ou enveloppe de la rate eft plus épaifie, & on y diftingue plus aifément les deux lames ; enfin on y trouve les filets blancs dont nous avons parlé, beaucoup plus gros & plus fenfibles. Rien de tout cela ne s'oblerve dans les fujets où les vaif- feaux entrent dans la rate par plufieurs troncs; les tuniques de l'artère y reftent telles qu'elles étoient, & on n’y obferve point d'enveloppe; la veine conferve fon caractère de veine; a tunique de la rate eft plus mince, & on n’y obferve point de feuillets, fi ce n'eft dans quelques circonftances particulières ; enfin on n'y découvre point les gros filets blancs. Malpighi prétendoit que dans homme, comme dans tous les animaux, les vaifleaux fpléniques étoient revêtus d’une capfule affez forte; mais M. de la Sône n'en a oblervé aucun …veftige dans l'homme ; les vaifleaux entrent dans la rate fans ‘aucune capfule, ïls n'y font accompagnés que d’une lame “de l'épiploon. Dans le bœuf, le mouton &c. il a trouvé une portion de cette capfule : nous difons une portion ; car 48 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE au lieu d’embraffer tout le tronc des vaiffeaux , elle n'embraffe qu'environ la moitié de celui de l'artère, formant feulement une efpèce de gouttière qui la revêt à l'extérieur. L'autre moitié n'eft féparée du canal veineux que par une membrane très-fine, qui n'a rien de commun avec la demi-capfule dont nous venons de parler, & paroït être un prolongement de l'épiploon , qui fe plonge enfuite dans la rate avec les vaifleaux, comme dans l'homme, & les accompagne dans leur trajet pour leur fervir probablement de lien. Tout ceci contredit à bien des égards le fentiment du célèbre Boerhaave, qui foûtenoit que l'artère & la veine fplénique fe dépouilloient, en entrant dans la rate, de leurs principales tuniques, & que la tunique ou enveloppe de ce vifcère m'étoit que l'expanfion des fibres que ces vaifleaux n'avoient plus. Nous venons de voir que l'artère conferve conftamment toutes fes tuniques, dans les fujets même où la veine perd fon caractère; & ce qui paroît lui avoir fait illufion , eft que dans l’homme l'artère n'ayant point de caplule, & étant encore dépouillée de ce tiflu cellulaire qui accompagne ordi- nairement les artères, fes tuniques lui ont paru plus minces, & que ladhérence de ce tuyau à la tunique de la rate peut faire croire, au premier coup d'œil, que celle-ci n'eft que comme une expanfion de l'autre, Quoi qu'il en foit, puifque dans les fujets où la veine perd, en entrant dans la rate, fon caraétère de veine, on obferve conflamment fur Fartère la demi-capfule dont nous avons parlé, les deux lames diftinétes à a tunique de la rate, & les gros filets blancs dans fa fubflance, il paroît affez naturel de penfer que tous ces phénomènes font düs, au moins en grande partie, à la décompofition de la veine : c'eft aufli ce que penfe M. de la Sône. Quelques Anatomiftes célèbres avoient prétendu que la rate mavoit point de vaifleaux lymphatiques ; ils y exiflent ce- pendant , quoiqu’en petite quantité : on les avoit découverts avant Malphigi, il en confuma l'exiftence. Ruyfch enfeigna un moyen certain de les découvrir, non feulement fur Ja tunique, DES SCIENCES tanique, mais encore dans l'intérieur de la rate. Nuck & ceux qui l'ont fuivi ont démontré ces vaiffeaux dans l’homme; & quoique le procédé en foit délicat & difhcile, le fait n'en eft pas moins certain. Il n'y a pas plus de conteftation pour ce qui regarde les nerfs de la rate, qui font aflez nombreux; ils embraffent en forme de lacis ou de réfeau les artères fpléniques, & Les füivent jufque dans leurs dernières divifions. | Nous voici enfin arrivés au point le plus intérefant de l'a- natomie de la rate. En fuivant fartère fplénique jufque dans fes dernières divifions, on parvient de ramifications en ra- mifications à en perdre entièrement Ja trace; elles femblent dévénérer en une fubftance différente, dont la confiftance eft prefqu'auffi délicate que celle du cerveau. Les Anciens, trompés par les apparences, l'appeloient parenchyme * ou fang épaifhi, parce qu'ils croyoient que c'étoit en eflet un fang extravafé & converti en une chair fongueufe & fans organifation; mais cette idée des Anciens, peu exaéte par elle-même, n’a pu être admife par les Modernes, & prefque tous l'ont entièrement rejetée : nous difons prefque tous, car quelques Anatomiftes modernes, à la tête defquels on fera peut-être étonné de trouver le célèbre Malpighi, l'ont admife en partie, trompés par l'effet de l’eau bouillante für la fubftance de la rate. En effet, l'efpèce de fermeté que eau bouillante femble communiquer à la rate, n'eft qu'ap- parente; elle n'exifte que dans le réfeau ligamenteux, dans la tunique & dans les vaiffeaux de ce vifcère; mais les parties pulpeufes, bien loin de fe durcir par ce moyen, perdent le u de confiftance qu'elles peuvent avoir, & deviennent pref- que femblables à du fang coagulé; & c'eft cette reffemblance qui en avoit impofé à Malpighi. Il eft cependant aifé de fe convaincre du contraire; car fi par des injections d’eau tiède ufieurs fois réitérées on enlève tout le fang de la rate, & qu'on la fafle enfuite bouillir dans l'eau, on apercevra toû- jours les mêmes parties femblables à du fang coagulé, qui cependant en doivent être très-différentes, puilque tout le fang G fe 1754 # Hapéyyuuas épanchement ‘de fuc, so HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE en avoit été enlevé; on y diftingue même alors une efpèce de coton pulpeux, & quelquefois des globules rougeätres : ce m'étoit donc point un fang épaifli, mais une partie vraiment organique, à | Mais cet organe efl-il glanduleux ? contient-il, indépen- damment des vaifleaux , une fubftance pulpeufe & folliculaire deftinée à quelque fécrétion ? ou bien ces parties mêmes pulpeufes me font -elles que l'aflemblage des dernières ra- mifications des vaifleaux, & l'organe eft-il purement vafculaire ? Le premier fentiment eft adopté par Malpighi, qui à tavers le prétendu parenchyme avoit aperçû des grains pulpeux, qu'il nomme glandes fimples. Le fecond eft celui de Ruyfch, qui prétend que ce qu'on prend pour glandes n'eft qu'un amas immenfe des dernières ramifications artérielles, & que par conféquent tout cet organe n'eft que vafculaire. Les grains obfervés par Malpighi lui paroïfloient adhérer aux dernières ramifications des artères, comme des grains de #ifin à leur pédicule; ils étoient de figure à peu près ovale, blancheîtres , tranfparens, & contenoient une liqueur aflez chaire, qu'ils laïfloient échapper dès qu'on les piquoit avec une lancette ; & il aflure les avoir conflamment trouvés toutes les fois que des fragmens de rate avoient été préparés par une longue macération. M. de la Sône n'a effectivement trouvé que ce feul moyen de découvrir conflamment les grains glanduleux : toute autre méthode n’a pu lui donner des réfultats aflez conftans ; & on ne peut pas objeéter que la macération. puiffe altérer les parties au point de les, faire paroïtre fous une autre forme, puifqu'au contraire ce n'eft. qu'une injection extrêmement lente, feule capable de rendre vifibles une infinité de petits organes abfolument invifbles fans ce fecours. Mais que répondre à l'objettion de Ruyfch, dont le cri de guerre étoit, venez € voyez, & qui préfentoit en eflet des rates injeélées fuivant fa méthode, dans lefquelles on DES SCIENCE S £ n'apercevoit qu'un admirable tiflu de vaifleaux rarnifiés d'une façon prodigieufe? La vûe peut-elle être un guide infidèle en pareille matière, & peut-on jeter des doutes fur dés faits qui paroiflent auffi palpables que ceux que préfentoit Ruyfch pour appuyer fon opinion? Malgré toutes ces raifons, M. de la Sône croit que ce célèbre Anatomifte s'eft trompé; il entrevoit même ce qui peut lui avoir fait illufion. Avec quel- qu'attention que l'injection foit pouflée dans les vaifleaux pour ne les point forcer, il eft plus que probable que le diamètré de ces vaifieaux en eft fenfiblement augmenté : cette injection d'ailleurs ne pénètre point dans la partie pulpeufe; cette dernière fe détruit en entier fi on fait pañler plufieurs fois dans l'eau un morceau de raté injecté, ce qué Ruyfch appeloit la nettoyer, Il n’eft donc pas étonnant que lés vaifleaux rendus folides par l'injection , mafquent, pour ainfi dire, & faffent difparoïtre la partie pulpeufe qu'ils embraflent & compriment de tous côtés : auffi le célèbre Boerhaave difoit-il qu'une rate injectée ne reflembloit en aucune façon à celle qui né l'étoit pas. Eh comment f'injection ne feroit-elle pas difparoître fa partie pulpeufe de la rate, puifqu'elle fait difparoïtre dans de certains cas les fibres des mufcles injectés, bien plus folides que les globules en queftion , & dont on ne s’eft pas encore avifé de nier l’exiftence ? M. de la Sône s'eft convaincu par une expérience décifive, que l'injection ne pénétroit nullement la partie pulpeufe de Ja rate. Après en avoir dégorgé une du fang qu’elle contenoit, il l'injecta avec de l'encre: cette liqueur, plus fluide que Finjeétion de Ruyfch, devoit pénétrer au moins aufli avant que cette dernière, & marquer de plus fon trajet par la couleur noire dont elle teignoit les vaifleaux ; il l'y Haïffa quelque temps, & l'ayant enfuite exprimée, il examina {a rate ainfi njectée, & ne trouva dans la partie pulpeufe aucune marque que l'injection y eût pénétré. Une feconde expérience de M. de a Sône peut encore frvir à confirmer cette première. I a fait enlever {a rate à un mouton vivant, après avoir lié exactement les vaiffeaux Gi 52 HisTorre DE L'ACADÉMIE ROYALE pour empêcher le fang d'en fortir, & il Fa fait pañler enfuite par l'eau bouillante pour coaguler les liqueurs arrêtées , puis il l'a difléquée avec attention. Il eft bien für que cette rate avoit fes vaifleaux dans l'état naturel ; aufi tout ce que M. de la Sône y a remarqué a été une couleur un peu plus foncée, mais les vaifleaux n'y paroifloient , ni auflr marqués, ni en même quantité que dans celles qui ont été injeétées à la ma- nière de Ruyfch, & les mêmes organes pulpeux sy font fait voir. Il fuit de tout ce que nous venons de dire, que l'injection de Ruyfch, fi admirable pour fuivre jufque dans fes extrémités le fyflème des vaifleaux de la rate, devient un moyen très- infidèle pour découvrir fa partie pulpeufe, parce qu'elle rem- plit les vaifleaux d'une façon bien plus complète que le fang ne le fait pendant la vie, & qu'en forçant le diamètre des vaifleaux où elle pafie, elle fait dilparoître la partie pulpeufe où elle ne pénètre point. Il fuit encore qu'indépendamment des vaifleaux & de leurs ramifications, il exifte des grains folliculaires & glan- duleux, qui conftituent fa partie pulpeufe de la rate: c'eft ce que les obfervations de M. de la Sône mettent hors de doute. Une autre queftion fouvent traitée fans avoir jamais été bien entendue, & fur laquelle par conféquent les Anatomiftes ont été bien partagés , eft celle des cellules de la rate, admifes par les uns & nices par les autres. Les Anciens, qui ne regardoient a rate que comme un organe fpongieux , n’y admettoient d'autres cellules que les intervalles des vaifleaux, qu'ils fuppofoient occupés par eur prétendu parenchyme, Malpighi en donna des idées plus diftinétes & plus précifes. Selon lui, les dernières ramifications des artères forment un réfeau, dont les brides font unies par des membranes, & forment des cellules qui communiquent entrelles, & qui contiennent les globules pulpeux : une partie des petits ra- meaux artériels paroit {e joindre à ces globules, pour y dépofer DES SCIENCES apparemment un fluide différent du fang, & les autres verfent leur fang dans les cellules qui communiquent avec les extré- mités des veines, dont elles font de véritables finus. M. Winflow admet encore un tiflu cotonneux qui occupe une partie de l'intervalle entre les vaifleaux , qui s'imbibe de fans & le porte dans les cellules, où il fe termine. Ces deux fentimens peuvent aifément {e concilier, & tous deux font également oppofés à l'opinion de Ruyfch, qui n'admet pas plus de cellules que de follicules glanduleux dans la rate, & prétend que tout y eft abfolument & purement vafculeux. Mais, malgré l'autorité d'un fi grand Anatomifte, M: de la Sône croit que les cellules exiftent dans la rate, & voici en peu de mots les raïfons fur lefquelles il fonde fon opinion. En examinant f'intérieur d’une rate foufilée, & qui com- mence à fe deffécher, on en trouve l'intérieur abfolument rempli de cellules, qui paroïffent formées par des membranes très-minces & tranfparentes, fur lefquelles on voit ramper des vaiffeaux extrêmement déliés, parmi lefquels on obferve en quelques endroits des points ou petits grains faillans, & plus opaques que le refte; en un mot, on revoit à peu près ce que Malpighi donne dans fa defcription de ce vifcère, preuve bien forte & bien décifive d'une conformation glan- duleufe dans la rate, | * En quelqu'endroit d'une rate bien conftituée qu'on faffe une ouverture qui pénètre tant foit peu dans fa fubftance, en foufflant avec un chalumeau par cette ouverture; on fera änfailliblement gonfler toute fa rate, & cela fans pouffer le Youffle avec un trop grand effort; & on n’y parviendra pas, 1 on fe contente d'ouvrir la tunique fans entamer le corps … même de la rate. IL y a donc dans le corps de la rate un tiflu “ellulaire, dont les cellules communiquent enfemble : il y a plus, ces cellules communiquent avec les veines fpléniques ; car en faifant cette expérience, M. de la Sône n'a jamais manqué “de voir l'air s'échapper par le tronc de la veine fplénique; & €n foufflant fans effort par ce tronc, il a toûjours gonflé tout G ij $4 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Je corps de la rate, au lieu qu'en foufflant par le tronc artériel ; la rate ne fe diftend qu'avec peine & imparfaitement; preuve indubitable que Pair parvenu au bout des artères, y rencontre des filières fi petites, qu'il n’y pañle qu'avec peine, ce qui re- vient aflez aux organes pulpeux & à l'organifation décrite par Malpighi. Il y a même bien de l'apparence que dans Vanimal vivant, Fair pénètre par les veines dans le corps de la rate mais cette dernière queftion, qui rentre dans celle de la manière dont fe fait la circulation dans cette partie, eft renvoyée par M. de ka Sône à un autre Mémoire. Tout ceci ne peut s’accorder avec les idées de Ruyfch, qui regarde la rate comme abfolument vafculaire, ou uniquement compofée des ramifications de fes vaifleaux. L'autorité d'un auffi grand Anatomifte mérite bien qu’en s'éloignant de fon fentiment, on tâche de découvrir ce qui a pü l'induire en erreur. M. de la Sône croit que la même caufe qui lui avoit dérobé les organes pulpeux , lui a encore dérobé les cellules de la rate. L’injection ne pouvoit aller jufque-là, qu'en pañfant par des canaux fi petits, qu'ils ne lui permettent pas ce pañlage ; & en nettoyant la rate injectée, par le moyen de l’eau, toute la partie pulpeufe fe détruit, & les extrémités injeétées des vailleaux paroiflent comme coupées ; preuve évidente que Linjeétion n'a pas été jufqu’au bout, où les artérioles fe joignent avec les dernières ramifications des veines. Mais cette def- truction de tout ce qui n’eft pas injecté dans la rate, a fait apercevoir à M. de la Sône une erreur dans le fentiment même de Malpighi, qu'il adopte pour la plus grande partie, Les parois des cellules fpléniques ne font point membraneufes ; comme le croyoit ce célèbre Anatomifte : fi elles l'étoient , elles ne difparoïtroient pas abfolument par les lotions & par la macération ; on en trouveroit quelques vefiges : elles font donc abfolument pulpeufes; & f1 dans la rate foufflée & def féchée on les aperçoit fous la forme de membranes, c’eft fa feule diftenfion de l'air qui la leur à fait prendre. Telle eft en général la ftruéture de Ja rate, obfervée par M. de là Sône. Un grand nombre de détails, qui n'ont pà DES SCIENCES. 55 trouver place dans ce Mémoire, feront la matière d’un fecond ; & ce ne fera qu'après un examen fi exact, qu'il donnera fes idées fur les ufages de ce vilcère, jufqu'à préfent aflez peu commus. On. ne lui reprochera fürement pas de forger fur ce fujet des fyfèmes hafardés. SUR LA STRUCTURE DU CŒUR. ous avonsremlu.compte en 17 5 2 *, ducommencement | du travail de M. Lieutaud fur le cœur ; nous allons avoir à parler de la continuation de fes recherches fur le même objet. Il s'agit ici des oreillettes, de ces facs membraneux qui reçoivent, pendant le reflerrement ou fyftole du cœur, le fang de la veine cave & de la veine pulmonaire, pour le verfer dans les ventricules pendant fa dilatation. Nous ne répéterons point ici ce que nous avons dit en 1752, fur la figure & fur la potion de ces parties *, que nous prions le lecteur de vouloir bien fe rappeler. l I n'eft pas aifé de s’aflurer de l'exacte capacité des oreillettes, mi même de celle des ventricules : ces parties font affaiffées après la moit, elles font fufceptibles d'extenfion & de reffort ; & par conféquent il faudroit, pour juger fainement de leur volume, favoir la force avec laquelle le fang y eft pouñé dans l'animal vivant, & celle qu'y oppole le reflort de ces paties, qui eft, où détruit, ou infiniment diminué après la, mort. Tout ce qu'on peut aflurer, eft que le premier ven- tüicule eft plus grand que le fecond, & que la capacité de chaque oreillette eft moindre que celle du ventricule auquel elle correfpond: Nous. allons eflayer d'en préfenter une . La première oreillette a la forme d'un quarré long & très- irrégulier ; elle paroït compofée. de colonnes charnues, dont le parallélifme la fait paroître toute fionnée. Ces colonnes font unies. par une couche de fibres. mufculaires, fr mince en. quelques endroits, qu'on feroit tenté de croire que les V. les Mém. p- 269. *V Hif. 172,726, *Hfe 1752, Pr33: 56 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE colonnes n’y font liées que par l'enveloppe caplulaire & Ta membrane interne, On y obferve quatre ouvertures ; les deux qui appartiennent aux veines caves, fupérieure & inférieure, ont été regardées comme une feule par plufieurs Anatomiftes. Cependant la ftruéture de l'oreillette paroït fe refufer à ce fentiment; & le demi-canal qui unit les deux embouchüres, qui a quelquefois dans fon fond plus de deux lignes d'é- paifleur, & qui eft prefqu'entièrement compolé de fibres charnues, contigues à l'oreillette qu'on y rencontre, ne paroît pas à M. Lieutaud porter le caractère des veines, ni de rien qui leur appartienne. La troifième ouverture eft celle de Ja veine qui rapporte le fang de la fubftance même du cœur, & qu'on nomme veine coronaire. La quatrième enfin, & la plus grande de toutes, eft celle du ventricule ; elle occupe prefque tout le côté oppolé à celui où fe fait l'infertion des deux veines caves. Toutes ces parties fe trouvent dans tous les fujets, on les obferve également dans le fœtus & dans fadulte; mais il y en a d'autres qu'on obferve conftamment dans le fœtus, & dont on ne trouve dans l'adulte que quelques débris, & fouvent même aucun veftige. Pour bien entendre Îa raifon de cette différence, il eft bon de fe rappeler que la circulation du fang ne fe fait pas de Ia même manière dans le foetus & dans l'adulte. Dans l'adulte, le fang rapporté par les veines dans la pré: mière oreillette, pafle, lorfque le cœur fe dilate, dans le pre: mier ventricule, qui à la contraétion fuivante fe chaffe par les artères pulmonaires dans le poumon : après s'y être im- pregné d'air, il retourne par les veines pulmonaires dans fa féconde oreillette, & delà dans le fecond ventricule du cœur, qui par fa contraction le chaffe dans l'aorte, & defà dans tout le corps. Dans le fœtus qui ne refpire point, les véficules du poumon affaiffées les unes fur les autres ne permettent le paffage dans les vaiffeaux qui les accompagnent, qu'äune très-petite quantité du fang que la première oreillette reçoit des veines. I faut donc MAND'E S'SECUIVE N CES donc qu'il y ait un aûtre pañlage par lequel le fang rapporté au cœur puifle pafler du premier ventricule, qui le reçoit, dans le fecond, qui doit {e diftribuer. L’Auteur de la Nature y a pourvû, par une ouverture obliquement percée dans a cloifon qui fépare les deux oreilleties , & à laquelle fa figure oblongue à fait donner le nom de trou ovale. De plus, il y a deux valvules, dont l’une placée à l'embouchure de la veine coronaire , reçoit l'effort du fang qui revient par cette veine, & l'empêche de fe jeter avec impétuofité dans l'ouverture du premier ventricule, qui en eft voifine, & l'autre, qu'on nomme valvule d'Euflachi, occupe une portion de la moitié antérieure de la veine cave inférieure, & dirige la plus grande partie du fang qu'elle rapporte, vers le trou ovale, pour em- pêcher le premier ventricule d'en être furchargé. - Toutes ces parties n'étant deftinées qu'à faciliter le pañlage du fang par le trou ovale, pendant le temps où le fœtus ne refpire point, deviennent abfolument inutiles après la naiffance ; auffi leur texture & leur pofition font telles, que naturellement _ & fans effort elles s’oblitèrent & fe détruifent. La fituation oblique du trou ovale dans l'épaifieur de Ia cloifon qui fépare les deux oreillette , fait que tant qu'il vient plus de fang par les veines dans la première que dans la feconde, ce qui arrive néceffairement dans le fœtus, dont les veines pulmonaires ne rapportent que très-peu de fang au fécond ventricule, la force du fang, aidée par les valvules dont-nous venons de parler, repoufle les parois de cette ou- verture, & le paffage du trou ovale s'entretient ouvert. Maïs après la naiflance, le fang des deux ventricules étant à peu près en équilibre, les parois du trou ovale s'appliquent l'une - contre l'autre, & fe foudent comme toutes les parties molles qui fe trouvent long-temps appliquées l'une contre l'autre. D'un autre côté, les deux valvules dont nous avons parlé, dont la texture n'a que ce qu'il faut de force pour réfifter au cours du fang du fœtus, pendant qu'il eft enfermé dans le fin de fa mère, fe détruifent peu à peu après fa naiffance. Les parties les plus foibles cèdent les premières à la force du Hife 1754 58 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE. fang, qui alors prend fon cours vers le ventricule; & il ne refle qu'un réfeau formé des fibres les plus dures, fouvent que quelques-unes de ces fibres féparées des autres. IL arrive même quelquefois que ces fibres flottantes s’attachent par leur extrémité à d’autres parties, où elles fe foudent , & que leur attache au vaifleau venant à fe détruire, elles paroiïffent avoir une autre origine. Cette variété, bien capable de faire illufion, n'a pu fe dérober aux regards & aux nombreufes obfervations de M. Lieutaud: il enfeigne même les précautions avec lefquelles on doit enlever le cœur & fes oreillettes , pour n'être point trompé par des plis, formés par l'affaiffement des veines. Dans lAnatomie, plus que dans toute autre Science, il y a un art de bien voir, & on ne doit jamais fe fier aux apparences, qu'après avoir pris toutes les précau- tions néceflaires, pour n'être pas trompé par des confor- mations accidentelles, qui ne fe trouvent point dans l'animal vivant. Il eft encore une partie deftinée dans le foetus à fa commu- nication du fang d'un ventricule à Fautre, fans patler par fe poumon, alors affaiflé, & dont lufage doit ceffer après Ia naiflance. Cette partie eff un canal qui, partant de f'artère pulmonaire, va joindre l'aorte defcendante, & auquel on donne pour cette raifon le nom de canal artériel. Ce candl, uniquement defliné à faire paffer dans l'aorte une partie du fang du fœtus, qui a enfilé la route de artère pulmonaire, devient inutile dans l'adulte ; auffi le trouve-t-on toûjours bouché & fous la forme d’un fimpleligament. Mais comment ceflet-il d’être tuyau ? c'eft ce que M. Lieutaud ‘explique de la manière la plus naturelle, par la pofition même du canal artériel. 11 eft placé devant la croffe de l'aorte, & prefque parallèle à ce vaifleau. T'ant que le fœtus ne refpire point, les bronches du poumon affaiflées permettent à l'aorte de fe jeter vers les vertèbres ; à quoi elle eft encore follicitée par le gonflement d'une glande, appelée le zhymus , beaucoup plus confidérable dans le fœtus que dans l'adulte: mais auffi-tôt que enfant a refpiré, le volume du poumon & de fes $ DES SLCAEM CES s bronches oblige la croffe de f'aorte à changer de fituation, en fe rapprochant du flernum, ce qu'elle ne peut faire fans comprimer le canal artériel, & fans y anéantir ou au moins y diminuer beaucoup le cours du fang ; d'où il füit que fes parois, moins diftendues & plus rapprochées, fe foudent à la longue les unes aux autres, & que de canal il devient enfin fimple ligament. Nous winfifterons point fur la feconde oreillette, qui ne diffère prefque de la première que par la grandeur & l’infertion de fes vaifleaux, & qui ne préfente d'ailleurs aucune fingu- larité remarquable. Plus on examine le corps animal, plus on eft frappé des moyens qui y font préparés pour opérer dans la fuite des changemens nécefaires, ou pour remédier aux accidens for- -_ tuits dont il peut être menacé, £ SUR LA FORMATION DE L'ÉMAIL DES DENTS ET SUR CELLE DES GENCIVES, S : pi avoir vû Ja bouche d’un enfant nouveau Voy. Mém. né garnie de gencives, on aperçoit enfuite le tour de P-429° fes mächoires rempli de dents qui en font forties & qui y font adhérentes, il eft aflez naturel de croire que ces gencives qui entourent les dents, font les mêmes que celles qui les | recouvroient, & qu'après avoir été percées par ces os, lorfqu'ils - ont pris leur accroiflement, elles fe font foudées & attachées 1 _ au collet de la dent, quand elle a ceflé de croître; & c'eft _ en eflet l'idée qu'en ont eue jufqu’ici tous les Anatomiftes _ qui ont traité cette matière. … Cefÿflème, fi naturel en apparence, n’eft cependant pas le _ véritable. Des obfervations fréquentes & fuivies, ont fait voir à M. Hériffant que les gencives qui {@rtiffent, pour ainf dire, & accompagnent les dents, ne font point les mêmes que celles qui les recouvroient avant leur cit Fat que 5 6o HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE ces dernières périflent & fe détruifent auffi-t1ôt après qu'elles ont été percées, & qu'on doit diflinguer dans le jeune animal deux fortes de gencives ; lune coriacée & fpongieufe, uni- quement deflinée à couvrir & à fermer les alvéoles pendant l'accroiffement de la dent, & qui doit être détruite par Ja dént même qui la déchire en fe faïfant jour, fans y contracter aucune adhérence ; l'autre qui eft une prolongation du périofte & de la lame interne de la première, qui en prend. la place lorfque la dent eft totalement fortie, & qui lui eft fortement adhérente. M. Hériflant nomme la première geu- cive paffagère, & la feconde gencive permanente. Cette dernière n'eft ni percée ni déchirée par fa dent; elle croît avec elle, lui eft adhérente dès les premiers momens de fa formation, & a encore d'autres ufages à fon égard, qui avoient été jufqu'ici totalement ignorés. Pour fe former une idée de l'opération de la Nature dans le développement des dents, qu'on fe figure la lame interne de la gencive pañlagère, unie à une autre lame du périofte, qui recouvre l'os de la mâchoire, fe prolongeant jufqu'au fond des alvéoles, & y formant des efpèces de facs ou bourfes, dont l'ouverture eft tournée du côté de l'embouchüre ‘de Falvéole , & dans lefquels le germe de la dent eft contenu. Tant que la dent eft molle & petite, elle a befoin d'être exactement renfermée ; auffi l'ouverture de lalvéole & du fac eft-elle fermée par la gencive paffagère, fous laquelle la dent doit prendre fon accroiflement & fa folidité. Dans cet état, toute la partie de cet os qui doit fortir de la gencive, eft adhérente à la partie du fac qui lui correfpond; mais cette adhérence eft encore bien plus forte vers l'endroit de la dent où fe termine fa couronne & commence fa racine, qu'on nomme ordinairement le collet. IL fuit de cette difpofition, qu'à mefure que la couronne de Ja dent fort de fon alvéole , elle fait néceffairement deux opérations ; la première eft de diftendre & enfin de déchirer cette gencive paflagère qui jufque - à Favoit couverte, & de fe détacher petit à petit de la partie du fac où elle étoit NPA TT + ©. CPP ETS SE DES SCIENCES 6x adhérente, jufqu'à ce qu'enfin elle foit parvenue à cet endroit que nous avons nommé collet, & dont l'adhérence eft in- furmontable à la force qui chaffe la dent. \ Par cette méchanique, ileft aifé de voir que Ia partie du fac qui enveloppoit la couronne de la dent, eft forcée de fe renverfer, & que la partie qui lui étoit appliquée paroit en dehors, & prend la place de la gencive paflagère, qui tombe en morceaux. | On voit de même, qu’il ne fe forme point de nouvelle adhérence entre a dent & fa gencive, puifque la partie du fac qui tient au collet de la dent, lorfqu'il n’en exifte encore que le germe, eft la même qui en forme la fertiflure, quand elle eft tout à fait développée. , Mais ce renverfement dont nous venons de parler, a bien encore un autre ufage; c’eft par fon moyen que la dent s'enduit de cet émail blanc & fi dur dont elle eft revêtue, & voici ce que les obfervations de M. Hériffant lui ont appris fur ce fujet, qui avoit échappé jufqu’ici aux recherches des Anatomiftes. Si lorfque l'extérieur de la couronne de 11 dent eft offifié, on en fépare la partie du fac qui y eft adhérente, on verra, en Vexaminant avec une forte loupe, toute fa partie intérieure couverte de très-petites véficules, qui contiennent une li- queur claire dans les premiers temps, mais qui à mefure que Yaccroiflement de la dent s'avance, devient laiteufe & s'épaiflit. _ C'eft cette liqueur qui eft deftinée à recouvrir fa dent de fon émail : il eft effectivement impoflble qu'elle puifie fortix de ce fac, qui lui eft adhérent, fans brifer toutes ces petites véficules qui, en s’ouvrant, répandent fur la couronne la liqueur qu'elles contenoient, qui bien-1ôt sendurcit & Yenduit de Yémail qui la doit défendre. . C'eft par cet admirable arrangement que la dent, d’abord molle & gélatineufe , croît à l'abri du contact de l'air & des - autres corps qui lui pourroient nuire , enfermée par une partie qui difparoïtra dès qu'elle n'en aura plus que faire; qu'à H ij 62 HisToiIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE mefure qu'elle paroît au jour, elle fe trouve revêtue d'un émaif capable de réfifler aux efforts qu’elle doit faire contre es alimens ; & qu'enfin elle fe trouve arrêtée & comme fertie dans la gencive, d’une manière bien plus füre qu'elle ne l'auroit été par une fimple adhérence aux lèvres de l'ouverture qu'elle a faite à la gencive paflagère. La manière fimple avec laquelle s'exécutent toutes ces opérations dans le {yftème de M. Hé riffant, donne tout lieu de prélumer qu'il a découvert en cette partie le véritable fecret de la Nature. OBSERVATIONS ANATOMIQUES, ' EL NE femme âgée de trente-deux ans, groffe de fon huitième enfant, accoucha à terme le 28 Décembre 175 3, d'une fille ayant une tumeur ronde deux fois groffe comme la tête même de cet enfant, & adhérente à fon col, La Sage-femme qui l'accoucha, fut extrêmement furprife lorf- qu'elle fentit la réfiftance qui arrêtoit l'enfant au paffage. Les efforts qu'elle fit pour achever l'opération, crevèrent a tu- meur ; il en fortit beaucoup de fang, & quelques morceaux d'une matière cartilagineufe dans les uns & offeufe dans les autres ; & la tumeur étant alors affaiflée, l'enfant fortit avec ficilité, & mourut environ une heure & demie après, épuifé probablement par la perte du fang que l'ouverture de la tu- meur avoit occafionnée. M. Joube, à qui ce petit cadavre fut remis, examina a tumeur, & pour en connoître mieux l'étendue, il la remplit de crin; elle étoit en cet état longue de 9 pouces d'un bout à l'autre, & en avoit vingt-fept de circonférence. Les parois en étoient formées par un prolongement de la peau, ayant à un endroit de fa furface des poils auffi longs que les cheveux de l'enfant; le fond, qui étoit auffi la partie la plus large de la tumeur, paroïfloit avoir été rempli du fang qui s'en étoit écoulé. Vers le milieu de cette poche VRP TS SN OS US TT , DES SCIENCE,S. 63 étoient des os formés, dont l'affemblage, quoiqu'irréculier, préfentoit la figure d’une bafe de crâne mal conformée: enfin, dans l'endroit où la tumeur fe rétrécifloit pour former le pé- dicule qui lattachoit au col, il y avoit des corps ronds, membraneux, différemment contournés, ondoyans & ref- femblans tout-à-fait à de petits inteflins grêles ; ils étoient réellement creux, admettoient Fair que lon y fouffoit, & leur cavité étoit remplie d'un fuc gélatineux. Cette groffe * tumeur étoit nourrie par des vaifleaux très-diflinéts, les artères partant de la carotide gauche, & les vemes fe rendant à Ja foûclavière du même côté. ‘Toutes ces particularités ont été vérifiées fur le fujet même, que M. Joube a fait voir à l'A- cadémie. | ” EE Une fille âgée d'environ dix-neuf ans, mourut en 1754 d'une fièvre putride, dans lhôpital de Villefranche. Cette fièvre, outre les accidens ordinaires à cette maladie, en avoit offert un particulier; c'étoit un écoulement de pus par l'oreille droite, accompagné de douleurs de tête très- violentes, ce que les affiftans attribuoïent à un abfcès dans le cerveau. M. Gontard, Médecin de cet hôpital, auquel l Académie doit la relation de ce fait, regardoit les douleurs comme l’accom- pignement ordinaire des fièvres putrides, & comme la fuite de écoulement de pus, dont il plaçoit l'origine dans le con- duit externe de l'oreille, ou tout au plus dans la caiffe du tambour, comme il arrive fouvent dans ces fortes de maladies. L'ouverture de la tête éclaircit tous les doutes : la calotte du crâne étant enlevée, on aperçut vis-à-vis los temporal droit où la dure-mère avoit été déchirée par la fcie, la fubf tance du cerveau très- jaune; & en examinant le cerveau même, dont la confiftance étoit altérée, on découvrit une tumeur enkiflée ou contenue dans un fac, de la figure & _ de la groffeur d’un œuf de poule, exaétement enfermée par la fubflance même du cerveau, dans laquelle elle étoit logée comme dans une poche. Cette tumeur avoit fa mollefle d’une veflie qui ne feroit pas entièrement remplie d'eau; humeur 64 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE qui y étoit renfermée étoit fluide comme du pus ordinairé; & fa couleur d'un jaune foncé : il ne paroifloit au refte aucune iffue par laquelle ce fluide püt pafler du dedans au dehors de la tumeur. Elle étoit logée dans l'hémifphère droit du cerveau, appuyée par une de fes extrémités fur la tente du cervelet, & par l'autre fur l'apophyfe pierreufe de los temporal, n'étant féparée de ces deux appuis, ainfi que de la dure-mère, que.par une lame fort mince du cerveau, à laquelle, ainfi qu'à tout ce qui touchoit le kifle, on remar- quoit une couleur d’un jaune orangé & une confiftance plus fondue que ne left ordinairement celle du cerveau, fans cependant être fluide; ce qu'on peut regarder avec vrai-fem- blance comme une efpèce de fuppuration occafronnée par la preflion du kifte fur la partie du cerveau qui l'environ- noit. Le kifle ou fac étoit compofé de deux membranes, l'extérieure étoit mince & polie comme celle qui enveloppe le foie; l'intérieure au contraire étoit inégale, raboteufe, plus épaifle, fpongieufe & de couleur noirâtre comme du fang caillé. L'os temporal étoit carié en dedans vers fa partie infé- rieure, & la carie avoit même attaqué le commencement de la face fupérieure du rocher ou os pierreux, dans l'angle qu'if forme avec los temporal: c'étoit-là qu'étoit le centre de la carie qui, en rongeant ces os, y avoit creufé une rigole large de trois lignes & profonde de deux, qui communiquoit avec les cellules de l'apophyfe maftoïde, au deflus de laquelle elle étoit perpendiculairement placée. C'étoit par-là que Ja ma- tière purulente couloit dans ces cellules, d'où elle pafloit dans la caifle du tambour, & fortoit enfin par le conduit auditif externe par où elle a coulé pendant toute la maladie: il eft vrai que les deux derniers jours il en vint auffi par le nez, ce que M. Gontard attribue à la grande abondance de pus qui, ne pouvant pafler toute entière par la route que nous venons de décrire, refluoit en partie par la trompe d’Euf tachi, & relortoit par le nez. Quoiqu'une maladie de cette efpèce foit très-difhcile à reconnoitre, & plus difficile encore à guérir, D'E Sa CAI.EUN C ES 6$ à guérir; cependant ce fait, duquel on na point jufqu'à préfent d'exemple, a paru à l'Académie digne d'être publié avec toutes {es circonftances. CT M. le Bailli d'Inguelmen a envoyé à l'Académie Tobfer- vation fuivante. Une jument nouvellement arrivée de Hol- lande dans le territoire de Gand, tomba dans une forte de langueur ; elle rendit un grand nombre de vers vivans, & ayant été traitée conformément aux vües que cet accident avoit fait naître, on la crut guérie: mais bien-tôt après’les vers reparurent ; ils étoient accompagnés cette fois de petites pierres. On en caffa quelques-unes, dans toutes lefquelles on trouva un grain de plomb qui leur fervoit de noyau. Les remèdes ne firent que fufpendre par intervalles la fortie des vers & des pierres; on remarqua même que celles-ci alloïent toûjours en groffiflant. La maladie dura environ trois ans, en y comprenant les intervalles des rémiffions, & elle ne s'eft terminée que par la fortie de plufieurs pierres beaucoup plus groffes que les précédentes. Vers la fin de ce dernier accident, Ja jument étoit fort enflée, battoit des flancs, & ne prenoit . point de nourriture ; elle a depuis repris de Ja vigueur & eft bien rétablie. … Il n'eft pas rare de voir rendre aux chevaux des vers fem- blables à ceux dont il eft ici queftion, & cet accident n'a rien de fingulier ; il left bien plus de voir rendre à un de ces animaux la grande quantité de pierres que celle-ci a jetées, & qui toutes avoiént un grain de plomb pour noyau. Il ne faut cependant pas regarder ce fait comme trop merveilleux; on fait qu'il fe forme des bézoards dans l'eftomac de plufieurs animaux ; ceux des chevaux ont même un nom particulier, les Naturaliftes les appellent /ippolithi de ventriculo , où pierres de l’eftomac du cheval. Refte à favoir pourquoi ces pierres avoient toutes un grain de plomb pour noyau, & c'eft ce qu'il n'eft pas difficile d'expliquer. On trouve dans plufieurs bézoards , tantôt un brin de paille, tantôt un petit caillou, &c. autour duquel la matière qui a formé la pierre s'eft incruftée: Hifl, 1754: 66 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE or une infinité de circonftances ont pü introduire dans lavoine ou le foin de f1 jument, une certaine quantité de grains de plomb; ces grains fe feront introduits par leur peu de volume & leur pefanteur dans les plis de l'eflomac, & y auront féjourné affez pour être incruftés ; d'où il fuit que les dernières pierres ont dû être les plus grofles, comme il eft effedivement arrivé: elles nauront été déterminées à fortir que lorfque leur groffeur ne leur permettoit plus de refter dans les plis de l'eflomac fans gêner fes fonétions, & les der- nières, comme plus grofles, auront plus caufé d’incommodité. Cette explication eft même d'autant plus vrai-femblable, que quelques-unes de ces pierres que M. fe Baïlli d'Inguelmen avoit envoyées, ont été trouvées, en les caflant, toutes fem- blables aux bézoards, tant par les couches concentriques dont elles étoient compofées, que par la furface chagrinée ordinaire à ces pierres, & par l'odeur d'alkali volatil très - pénétrante qu'ont rendue quelques-uns de leurs fragmens qu'on a mis brûler fur les charbons ardens. I V. M. l'Abbé Nollet ayant parlé au retour de fon voyage d'I- talie, d'un Éléphant appartenant à Sa Majefté Sicilienne, qu'il avoit vû à Naples, l'Académie le chargea de faire à ce fujet plufieurs queftions : ce font les réponfes faites à ces quef- tions par M. T'aitbout de Marigny , Conful de France, & par M. d'Arthenay, Secrétaire d'Ambaffade à Naples, qui ont fourni le détail fuivant : Académie a penfé que le Public” le vérroit avec plaifir. Cet animal avoit été envoyé par le Grand-Seigneur à S. M. Sicilienne, & étoit arrivé à Naples le 18 Octobre 1740 : ceux qui le conduifoient lui donnoient alors cinquante- trois ans ; ils ignoroient où il avoit été pris, & favoient feu- lement qu'il étoit venu à Conflantinople avec plufieurs autres que le Roi de Perfe envoyoit au Grand-Seioneur. La longueur de Fanimal étoit de dix pieds & environ cinq pouces, la hauteur de huit pieds neuf pouces trois quarts, & ïl avoit quinze pieds & près de deux pouces de tour; fe deffous de fon DES 0 DUC AE NC EiSa (2 véntre, lorfqu’il étoit debout, étoit élevé de terre de trois pieds & environ cinq pouces ; la Jongueur de fes défenfes étoit de quatre pieds, & elles avoient à leur bafe treize pouces huit lignes de tour; Fanimal ne paroifloit s’en fervir que pour repofer fa trompe: cette trompe, qui, comme on fait, fert prefque de main à d'animal, avoit fept pieds deux pouces & demi de long, & trois pieds fept pouces un quart de circon- férence. On n'a jamais eu lieu d’éprouver quelle pouvoit être fa force en général, mais on Y'a vû plufieurs fois enlever avec fa trompe une chaîne de fer du poids de foixante à quatre-vingts livres, avec laquelle if jouoit en l'air avec autant de facilité que d'adrefle; il jetoit en l'air affez haut & fans paroître faire d'effort, des poids de cent foixante-dix livres & plus, des boulets de canon & des bombes; il paroït même que la groffeur de celles-ci ne l'embartafloit que par la difficulté de les bien faifir avec fa trompe ; äl paroïffoit auf avoir beaucoup de force dans la queue. Les premiers gouverneurs qu'a eus Téléphant étoient Mogols, & lui parloïient la langue de leur pays; depuis il a été gouverné par des efclaves barbarefques, qui lui par- loient leur langue & quelquefois l'italien ; malgré ces chan- gemens de langage, il paroïfloit comprendre ce qu'ils lui difoient. Pour affujétir l'animal dans l'écurie où on le gardoit, on lui mettoit à une jambe de devant & à une jambe de der- rière, des efpèces de jarretières compo&es d’un bout de corde enveloppée de jonc, & couverte enfuite de cuir: cette jarretière, placée au bas de la jambe, foûtenoit les chaînes qui la tenoient, que fa figure trop cylindrique auroit né- ceffairement fait glifler ; & pour ne pas fatiguer l'animal, on Jes changeoit de jambe tous des jours, & même quelquefois plus fouvent, Lorfqu'il {ortoit, on avoit grand foin, pour obvier à tous accidens , d'empêcher que perfonne ne lapprochât de trop près: un des efclaves chargés de le gouverner, montoit alors fur fon col, sy tenant comme fur un cheval, & le li 68 HisToitre DE L'ACADÉMIE ROYALE conduifoit à la voix & avec le mouvement de fes jambes & de fes pieds qui étoient près des oreilles de l'éléphant ; mais s'il refufoit d'obéir, il employoit deux petits inftrumens, avec Fun defquels, femblable à un croc de bätelier, on lui piquoit ou ratifloit les oreilles , au lieu qu'avec l’autre, qui reflembloit [us à un marteau d'armes, on le frappoit fur le fommet de la tête, ou on le bourroit avec la pointe. L'éléphant fe couchoit tous les jours deux, trois ou même quatre heures après le coucher du foleil ; pour cela if plioit d'abord les genoux de derrière & enfuite les cuifles, puis en. avant fait autant des jambes de devant, il s'étendoit tout d’un côté fur le foin deftiné à lui fervir de litière; après trois ow quatre heures de fommeil, il fe levoit & demandoit à manger, foit en foufflant, foit en agitant fa chaîne de devant fi {on foufle ne fufhfoit pas pour éveiller celui qui en avoit foin; après ce repas il fe recouchoit & dormoit jufqu'au foleil levant, excepté vers le printemps, faïfon où il dormoit environ une heure de plus. On juge bien qu'un animal de cette taille devoit manger berucoup ; on lui donnoit par jour deux cens vingt livres pelant de paille sèche de miller, excepté dans les vingt-un: premiers Jours d'Avril où on lui donnoit , au lieu de paille, de l'orge verd, duquel il mangeoit par jour environ huit cens. ou mille livres ; on Joignoit à la paille ou au fourrage, environ trente-trois livres de pain frais, vingt-huit onces de fucre &-autant de beurre, qu'on méloit enfemble & qu'on en- fermoit dans deux pains de deux livres, qu'on lui mettoit entiers dans la bouche. Tous les foirs on lui faifoit prendre de la même manière deux bols de la groffeur d’une noix mufcade, compofés de trente -trois Giférentes drogues fr échaufantes, qu'un feul auroit fufh pour faire périr l'homme le plus robufte: ce fe- cours cependant étoit fr néceffaire à l'animal, que lorfqu'il manquoit à les prendre il étoit inquiet & ne dormoit pas de toute la nuit. Peut- être fervoient-ils à fuppléer, du moins quant à la digeflion, à la différence du elimat de Naples & DNENS HIS: COTE NACYEÏS. 6 de celui où il étoit né; cela même eft d'autant plus probable, qu'en arrivant à Naples on lui donnoit par jour environ deux pintes d'eau de vie, qu'il ne prenoit plus depuis qu'il s'étoit accoûtumé à la température de l'air de ce canton. Sa boiflon étoit de l’eau commune, il en buvoit ordinai- xement quatre cens pintes par jour, mais en été il en prenoit jufqu'à neuf cens pintes; il la prenoit à trois différentes heures, & chaque fois en cinq, fix, dix ou douze reprifes ; il la tiroit avec fa trompe, puis la portoit à fa bouche, & Favaloit en deux ou trois gorgées. L'éléphant dont il eft ici queftion, étoit mâle; la partie qui le caraétériloit étoit ordinairement rentrée de façon qu'on avoit peine à l'apercevoir, feulement lorfqu'il vouloit uriner il fa faifoit fortir d'environ deux pieds, alors elle fe courboit en arrière, dirigeant ainfi le cours de l'urine entre fes jambes de derrière. Tous les ans au printemps il entroit en chaleur, alors il négligeoit le manger & devenoit beaucoup plus dif- ficile à gouverner ; il lui fortoit de la trompe une liqueur chaude, il s’ouvroit aux temples, à côté de fes oreilles, deux plaies qui jetoient une matière couleur de cendre, grafle & épaifle comme le vieux-oing ; on aflure même qu’il déoouttoit alors -du pénis une matière femblable ; mais le temps de la chaleur pañé, les plaies des temples { refer- moient & les écoulemens difparoïfloient : on ignore s'ils auroient eu lieu en cas que l'animal eût été à portée de fe fatisfaie. Cet éléphant paroifloit fufceptible de toutes les paffions : nous venons d'en rapporter une qui l'aflectoit jufqu'à perdre le defir de manger. On le voyoit quelquefois tomber dans: la trifteffe: il marquoit de la reconnoiflance & de l'affection à ceux qui le foignoient ; ils les laifloit approcher de lui fans leur faire de mal & fans qu'ils fuffent obligés de prendre aucune précaution ; bien loin de-là, il fembloit les carefler avec fa trompe & leur obéifloit avec docilité. Il marquoit même de l'attachement pour de certains animaux, & fur-tout pour un mouton auquel il permettoit de HE donner , 70 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE comme font ces animaux, de la tête contre fes défenfes; & Jorfque celui-ci abufoit de la complaifance de l'éléphant, toute ha punition qu'il efluyoit étoit d'être enlevé avec la trompe & jeté fur un tas de fumier, au lieu que les autres animaux qui fincommodoient étoient fürement jetés contre la mu- raille avec une telle violence, qu'ils étoient écrafés & mou- roient fur le champ. IL paroïfloit fenfible à fa douleur ; ïl tächoit d'éviter les coups, & f1 on lui en donnoit, il témoignoit en reffentir Y'impreffion par les contorfions qu'il failoit ; il fembloit même appréhender de fe faire mal , ou feulement de sincommoder, à en juger par les précautions qu'il prenoit pour paffer dans les endroits dont la folidité lui étoit fufpecte. On s'imagineroit peut-être qu'un animal auffi confidérable devoit avoir ‘une voix forie & éclatante ; on fe tromperoit cependant, çar on ne lui a jamais entendu poufler qu'un fouffle plus ou moins fort, qu'il modifioit de façon qu'on pouvoit juger de ce qu'il vouloit exprimer. On n'a point remarqué que l'éléphant füt fujet à d’autres maladies qu'à des efpèces de coliques, & plus fouvent encore à des maux de jambes : on reconnoifloit les uns & les autres aux mêmes fignes qui caractérifent ces maladies dans les autres animaux, & on les guérifloit par les mêmes remèdes, f ce n'eft qu'il falloit ufer d'adrefle pour les lui faire prendre, n'étant pas malade docile, & ne pouvant être forcé, comme les autres animaux, à rien prendre malgré lui. Il a vécu à Naples quatorze ans & quelques mois, n'étant mort qu'au commencement de 1755. Après fa mort on lui a enlevé la peau, qui peloit elle feule deux mille trois cens quatre- vingt-quatre livres, poids de marc ; ce qui peut donner une idée de fon épaifleur. Ce que nous venons de dire dans cet article, fuffit pour éclaircir bien des points de l'hiftoire natu- relle de cet animal. ne Une jeune fille de dix-huit ans fe rencontra dans une chambre où le tonnerre tomba avec grand fracas; elle n’en __— DES SCIENCES, 7I fut pas touchée, mais la frayeur dont elle fut faifie fupprima ’évacuation ordinaire à fon fexe, dans le temps de laquelle elle étoit, & donna lieu à bien des incommodités, que le temps, les remèdes, & peut-être plus encore le retour des règles diflipèrent. Elle s'aperçut cependant quelques mois après d'une groffeur au cou , à laquelle elle ne fit pas une fort grande attention, & qu'elle porta fans beaucoup d'incom- modité pendant dix années; mais au bout de ce terme Ja tumeur , dont les accroïffemens avoient été lents, commença à en prendre de rapides; & après en avoir fouffert pendant fix mois des incommodités très-confidérables, & effayé tous les topiques & tous les remèdes, la malade fe détermina à venir chercher du fecours à l'hôpital de Verfailles, où M. Lieutaud la vit. La fituation de Ia tumeur ne lui permit pas de douter que la glande thyroïde n’en fût le fiége : cette glande, en effet, failoit beaucoup de faillie, mais étoit peu douloureufe. La refpiration étoit extrèmement gênée, & a poitrine ren- doit un fon femblable à celui qu'on obferve dans quelques afthmatiques. La malade ne pouvoit refpirer librement qu'en _ portant la tête fort en avant, & n'ofoit depuis quelques jours fe coucher horizontalement , de peur d’être fuffoquée, Quoique la tumeur eût la liberté de s'étendre à l'extérieur, & qu'elle parût y être toute entière, cependant M. Lieutaud ne put fe perfuader que tout le mal vint de La preflion qu'elle caufoit à la trachée-artère, & foupçonna un vice dans ce canal mème : mais comme la malade avoit été extrêmement f:- tiguée par les remèdes qu'elle avoit pris, il fe détermina aïfément à lui accorder quelques jours de repos qu'elle de- mandoit, & qui ne furent pas prolongés bien long-temps, | puifque le fixième jour après fon entrée à Fhôpital elle mourut tout d'un coup en caufant avec fes compagnes. _ La diffe&tion du cadavre juflifia les foupçons de M. Lieu- taud ; il enleva la glande thyroïde qui étoit d'une extrème grofieur , avec le larynx & la trachée-artère, & ayant dégagé ces parties de celles qui les recouvroient, il remarqua que les cartilages de la trachée- artère avoient fouflert une 2 HisToiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE compreffion confidérable : mais perfuadé que la vraie caufe du mal étoit dans l'intérieur de ce canal, il l'ouvrit dans toute fa longueur jufqu'au cartilage annulaire, &. trouva en effet au deffous du larynx un corps membraneux de cinq ou fix lignes de fallie, blancheâtre & très-irrégulier, tenant par une bafe afez large à la face interne de la trachée-artère, qui étoit percce pour le recevoir : cette mafie flottoit dans le canal, & pouvoit par conféquent y prendre différentes fituations. Il reftoit à favoir fi la tumeur de la glande thyroïde avoit donné naiffance à ce corps flottant, & fi en effet elle avoit percé le canal. Pour s’en aflurer, M. Lieutaud ouvrit cette glande avec la plus grande attention, & y trouva un fac capable de contenir une orange, rempli d’une eau claire, qui lui rejaillit avec force au vifage, à la première ouverture que lui donna le fcalpel, & qu'il reconnut, peut-être même un peu malgré lui, pour très -infipide. Il contenoit un grand nombre d'autres kifles parfaitement fphériques, de groffeur fr inégale, qu'il y en avoit depuis celle de la tête d'une épingle jufqu'à celle d’une groffe noïifette: ces fücs, qui étoient de véritables hydatides remplies d’eau, n’avoient que de très-lésères adhérences ; lorfqu'on en détachoit un, il en rouloit à 'inftant plufieurs fur la table, & bien-1ôt il ne refta dans le grand fac que celles qui étoient percées. L'ayant ainfi defempli, M. Lieutaud vit fans peine la communication qu'il avoit avec la tumeur mollafie de la trachée-artère, & reconnut avec furprife que les cartilages de ce canal avoient été détruits dans un efpace exactement cir- culaire de cinq lignes de diamètre, fans qu'on pât remarquer fur les bords de cette large ouverture aucun refle de Ia portion qui manquoit. Ce trou étoit rempli par plufeurs hydatides vuides, qui sy étant engagées devenoient un véritable bouchon, pañlant dans l'intérieur de la trachée- artère & y formant ce corps mollaffe & flottant dont nous avons parlé. Il a paru par lexamen de ces lambeaux, que les hydatides avoient vrai - femblablement verf& leur liqueur dans _—— mat DES SCIENCES. dans Ja trachée-artère, ce qui auroit pû étre la caufe de fa mort de cette fille. Il fe peut aufli que cette tumeur flottante, pouflée par la voix ou par quelque fâcheufe attitude, fe foit engagée dans le larynx & ait étouflé la malade; ce que M. Lieutaud juge très-vrai-femblable. La glande thyroïde qu'enveloppoit ce fac en manière d'é- corce, étoit fi énormement dilatée, qu'elle avoit dans fa partie antérieure moins de deux lignes d'épaiffeur. Le corps membraneux qui occupoit prefque toute la cavité de Ia trachée- artère, n'avoit contracté aucune adhérence avec les parois de Touverture qui lui en avoit permis l'entrée, & on peut le regarder comme une véritable hernie, qui ne paroïfioit pas même fort ancienne. M. Lieutaud fait fur cet accident fm- gulier, deux remarques importantes ; lune fur la deftruction des cartilages qui ont été expolés à l'action des vaifleaux lymphatiques dilatés. On fait que dans les anevrifmes, les vaif- feaux fanguins produifent le même effet fur les cartilages & même fur les os voifins; mais on m'avoit point d'exemple pareil de 'aétion des vaiffeaux Iymphatiques. La feconde remarque de M. Lieutaud eft fur la poffbilité de la guérifon de cette maladie : il eft en effet probable que fi on avoit fait l'ouverture de la tumeur dans fon temps, on auroït pü prévenir le mal & fauver la vie à la malade; mais il n'eft que trop de maux qui deviennent incurables, parce qu'on ignore eur caufe & la façon de les traiter, — Cette obfervation a rappelé à M. Lieutaud deux autres faits qui peuvent sy rapporter, quoiqu'ils aient une caufe différente. Un enfant de douze ans, depuis quelque temps pulmo- nique, mourut fubitement lorfqu'on s'y attendoit le. moins. Le Médecin qui Favoit traité foupçonnoit un vice dans le canal de la refpiration: il ne fe trompoit pas; à l'ouverture _ du cadavre, à laquelle M. Lieutaud affifla, on trouva immé- djatement au deffous du larynx un vrai polype affez folide, -& reffemblant à une petite grappe, dont la queue tenoit à là partie antérieure du canal. On jugea, avec aflez de if 1754 s 74 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE fondement, que la toux pouvoit avoir poufté cette maffe fongueufe dans le farynx, & que l'enfant en avoit été fuf- foqué ; mais on ne s'avifa pas alors de faire d’autres recherches qui auroient pà donner quelques lumières fur la caufe de cet accident. La feconde obfervation de M. Lieutaud eut pour objet un homme de vingt-huit à trente ans, afthmatique depuis long temps, auquel il étoit, depuis quelques mois, furvenu un râlement qu'on entendoit de bien loin, quelque fituation qu'il prit. Il difoit lui-même qu'il fentoit que le canal de Îa refpiration étoit occupé par quelque chofe de folide, qu'il avoit efpéré de jeter en touffant, mais que tous fes efforts avoient été inutiles. M. Lieutaud, inftruit par l'obfervation précédente & par le récit du malade, n'eut pas de peine à reconnoître la nature du mal, mais il n’en étoit pas plus aifé d'y remédier : en effet, après plufieurs tentatives inutiles, le malade mourut en voulant ramaffer un livre qu'il avoit laiflé tomber de fon lit. L'ouverture du cadavre découvrit dans le larynx un polype plus confidérable que le précédent, & qui paroifloit formé de deux portions réunies ; il tenoit par plu- fieurs bafes à la membrane qui revêt intérieurement le car- tilage annulaire, dans lequel il étoit fi bien engagé, que pour l'en faire fortir M. Lieutaud fut obligé de le pouffer par le côté de la glotte. Il n'eft pas étonnant que dans cette fituation il ait pà étouffer le malade, ni que l'attitude où celui-ci s'étoit mis en ramaffant fon livre, ait aidé le polype à prendre cette fatale pofition. VrE M. Hériflant ayant eu occafion de difféquer une Autruche; fit fur les inteflins de cet animal les obfervations fuivantes, H trouva que depuis le pylore ou la fortie de f'eflomac jufqu’aux deux cæcum qu'on trouve dans cet animal, il y avoit quinze pieds d'inteftins; que le colon avoit feul trente- cinq pieds de longueur, que l'entrée de ce dernier étoit fort étroite & failoit un coude, ce qui doit obliger l'air & les matières qui y font renfermées à refluer & à pañer DES SC LE NC E& 7$ plus aifément dans les deux cœcum, dont l'entrée eft fort large, que dans le colon même. C'étoit dans 1a partie pofté- rieure de l'entrée du colon, que l'ileon s’ouvroit paflage vers Jendroit où commence le premier tour de la fpirale. Les pre- miers neuf pieds du colon étoient garnis de feuillets à peu près femblables aux valvules conniventes qu'on remarque dans les gros inteftins de l'homme ; tout le refte de ce tuyau, qui comprenoit vingt-fix pieds de longueur, étoit fans feuillets & aboutifloit à un rectum fort court, qui s'ouvroit dans la partie poftérieure d’une efpèce de veffie ou de poche qui alloit fe rendre à l'anus. Cette embouchüre du reétum étoit très- oblique, & repréfentoit affez bien l’'infertion du bec d’un cha- piteau d’alembic: mais M. Hériflant croit devoir avertir les Anatomiftes qui fe trouveroient dans le cas de faire une areille diffection , que pour bien voir la figure de l'embou- chüre du reétum , il faut laïffer deflécher la poche dans laquelle il fe rend. Le colon étoit pliffé dans toute fon étendue par des plis fort menus, qui occupoient toute la région des lombes & de lhypogaftre. Plufieurs des circonvolutions de 1a partie du colon qui a des feuillets, étoient placées dans la partie moyenne du ventre, & les autres au bas. M. Hériffant remarqua qu’il y avoit trois pieds de diftance du premier conduit hépatique au conduit pancréatique. À l'ouverture du bas-ventre on voyoit les finuofités des inteftins grêles, qui couvroient toutes les circonvolutions des gros inteftins. Le commencement des cœcum. étoit placé au côté droit du géfier, à quatre grands travers de doigt au deffous du pylore. Le géfier de cet animal contenoit dans fa cavité une livre neuf onces de cailloux très-liffes & très-polis; les uns étoient de la groffeur d'une groffe aveline, & les moindres égaloient {a groffeur d'une fève ou d’un gros pois. À ces remarques fur les inteftins M. Hériffant en a joint une fur les mufcles petoraux; ils étoient très-petits & le fternum fort large, ce qui détruit abfo- lument l'idée de M. Perrault, que le flernum ne defcend pas dans ces oifeaux jufqu'au bas du ventre, parce que les mufcles qui remuent les ailes & qui font nue au fternum 1} Voy. Mém, p- 615. 76 Hisroire DE L'ACADÉMIE ROYALE n’ont pas befoin d'être fi grands. Les mufcles grands peétoraux de l'autruche font petits, parce que les ailes font pertes ; mais il n'eft pas vrai que le flernum foit petit, parce que les mufcles des aîles font petits, puifque fi ces mufcles cou- yroient tout le fternum, comme ïls font dans la plufpart des oifeaux , ils feroient très - grands. | ous renvoyons entièrement aux Mémoires, L'écrit de M. de la Condamine {ur l’Inoculation de la petite vérole. ETTÉ année M. la Fofle, Maréchal de Ka petite Écurie du Roï, publia un volume contenant difiérentes ob- fervations d'hippiatrique ou médecine des chevaux ; il en avoit communiqué la plus grande partie à l'Académie, qui avoit jugé les remarques de l'auteur, & plus encore fon zèle pour le bien public & Ja perfection de fon art, dignes de fes éloges. | Les premières obfervations de M. de Ia Fofe roulent fur fix maladies du pied du cheval, jufqu’à préfent inconnues. Celles entrautres qu'il a faites fur la fracture d’un os du pied” de cet animal, nommé Jos coronaire, font d'autant plus importantes qu'on cherchoit ordinairement en ce cas Ia ‘eaufe qui faifoit boiter le cheval dans un prétendu effort à Yépaule ou dans les reins, & qu'on fatiguoit inutilement Fanimal par des opérations douloureufes pour lui, difpen- dieufes pour le maître, & auffi inutiles pour lun que pour Fautre, puifque cette maladie eft abfolument incurable. M: la Foffe donne les moyens de connoître lorfque cet accident ; plus commun qu'on ne penfe aux chevaux de trait, eft arrivé, & il épargne par ce moyen aux propriétaires les frais inutiles d'un panfement qui ne pourroit avoir de fuccès. Le fecond objet des recherches de M. la Foffé à été un remède très-prompt & très-für pour arrèter fans ligature le: fang des plus grofles artères coupées. Ce remède, connu depuis: long-temps dans la Chirurgie, eft la poudre d'une efpèce dé # DOES OC" re NC ES! champignon fauvage, connu vulgairement fous le ñom de vefle-de- loup où hycoperdon. H réfulte des expériences que l'auteur en a faites en préfence des Comimiflairés nommés par l'Académie, que l'application de cette poudre, fans au- cune ligature, a arrêté dans peu de minutes le fang des plus grofles artères d’un cheval , qui avoient été coupées à deffein ; & les animaux. qui avoient fervi de fujet à ces expériences ayant été tués peu de jours après, la difleétion a fait voir qu'il s'étoit formé au bout de chaque artère coupée un bou- chon adhérant à la fubftance même de Partère, & capable de réfifter aux eflorts du fang, quand même ils auroient été plus confidérables qu'ils ne font d'ordinaire. L'application de ce remède fera une reflource heureufé dans les cas où des artères ouvertes donneroient lieu à une hémorragie dangereufe. Le troifième & dérnier article de louvrage de M. la Foffe dont nous ayons à rendre compte, eft celui qui contient le travail qu'il a fait fur la morve des chevaux. Perfonne n'i- gnore que cette maladie, jufqu'à préfent incurable, a encore la funefte propriété de fe communiquer, & qu'un feul cheval qui en eft attaqué peut à ‘donner à tous ceux qui : Fapprocheront ; aufli oblige-t-on en pareil cas les pro- priétaires des chevaux malades de les faire tuer auffi-tôt qu'on en a connoiffance, É Tous les Auteurs qui ont écrit fur l'Hippiatrique ont conftamment attribué l'écoulement qui fort dans cette maladie par les nafeaux du cheval, & lengorgement des glandes fublinguales qui accompagne toüjours , à une maladie d'un ou de plufieurs des vifcères, & ont prefcrit en conféquence différens remèdes auffi inutiles les uns que les autres, pui qu'au lieu d'attaquer la caufe réelle du mal, ils n'avoient pour objet que de remédier à une maladie des vifcères qui n'exif- toit pas. | Des obfervations extrémement multipliées ont fait voir à M. la Fofle, que dans prefque tous les chevaux morveux, les vifcères étoient en très-bon état, & que la morve étoit une maladie locale qui avoit fon fiége dans les foffes nafales K üj 7$ HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE & dans les finus frontaux & maxillaires, c'eft-à-dire dans cés boîtes ofleufes qui fe wouvent dans les os de la fice, au deflus & au deflous des yeux. La membrane pituitaire qui les tapifle, eft, dans ceue maladie, enflammée, très-épaifle & plus où moins pleine d'ulcères fanieux , qui rongent quel- quefois fa fubflance jufqu'aux os, le même vice fe com- munique bien-tôt aux glandes fublinguales, dont le canal excrétoire fe jette dans les fofles nafales. Pour remédier à ce vice local, M. la Foffe a imaginé de faire, à l'aide du trépan, une ouverture & une contr'ou- verture à chacun des finus attaqués ; par-là il s’eft donné le moyen d'injecter dans ces cavités des liqueurs propres d'a- bord à entrainer le pus qui a croupi & féjourné, & enfuite d'autres capables de déterger & de cicatrifer les ulcères, Les défenfes de conferver long-temps les chevaux mor- veux lont empêché de poufler fes expériences aflez loin pour tenter la guérifon de cette maladie; mais il en a fait affez pour être pleinement afluré que l'opération du trépan, appliqué fur les finus tant frontaux que maxillaires , n’étoit pas dangereufe pour ces animaux , puifque vingt-fix jours après leur fanté n'en paroifloit aucunement dérangée, & que les plaies promettoient une cicatrice fort prompte. Ce plan de curation a paru très-bien conçu, l'Aca- démie a trouvé que ces différentes vües que M. la Foffe expofe dans cet ouvrage, fuppoloient en lui beaucoup de favoir & de capacité, qu'il feroit fur -tout fort à fouhaiter qu'on lui procurât les moyens & la liberté de fuivre dans toute fon étendue un projet auffi utile & auflr intéreflant que celui qui fait le fujet de la dernière partie de fon ou- vrage, & que perfonne ne paroït plus en état que lui de conduire à fon entière exécution. RARE DES SCIENCES. 79 LRRRRRRRRERRR SUN CHYMIE. SUR LA SURABONDANCE D'ACIDE | qu'on obferve en quelques fels neutres. LL: Chyimiftes ont extrêmement varié fur la définition des fels neutres ou fels falés; quelques-uns ne vouloient reconnoître pour tels que ceux qui étoient formés par l'union des acides avec les alkalis, qui étoient folubles dans l'eau ‘& imprimoient fur la langue une faveur falée; on ne peut pas même dire qu'ils euffent fur ce point abfolument tort. On ne connoifloit guère alors de fels neutres que le nitre & le fl marin, tous deux conformes à cette définition, & tous deux ouvrages de la Nature. Les travaux du célèbre Glauber augmentèrent beaucoup le nombre des fels neutres. L'art parvint à imiter da Nature, forma de nouveaux fels dont on: avoit point de con- noiffance, & obligea de reculer les étroites limites que leur donnoit la définition. On y a depuis ajoûté ceux dont les bafes font un alkali volatil ou une terre abforbante, & enfin ceux qui ont pour bafe une matière métallique. M. Rouelle pénfe même qu'on doit encore rendre cette définition plus ‘générale, & admettre au rang des fels neutres tous ceux qui font formés par l'union d'un acide avec une fubftance quel- conque, qui lui fert de bafe & lui donne une forme concrète & folide. ns v: à Quelques Chymiftes ajoûtoient encore, comme un! ca- ractère efentiel aux fels neutres, que l'acide y fût tellement retenu par la bafe, & l'alkali, sil y en avoit, tellement bridé par facide, que ni fun ni l'autre n'agiflent fur la couleur bleue dû fyrop de violette, que l'acide change, comme l'on fait, en rouge, & l'alkali en verd. Mais il sen faut bien que M. Rouelle n'adopte cette Voy. Méme PA572 So HisToiIRE DE L'ACADÉMIE-ROYALE dernière condition; bien loin de-là, il entreprend de fairé voir qu'il ya des fels neutres qui contiennent beaucoup plus d'acide que leur bafe n'en peut abforber ; que cet acide eft cependant uni & coimbiné avec les autrès parties; que ces fels font beaucoup plus aifément folubles dans l'eau que ceux qui étant compolés du même acide & de la même bafe, n'ont précifément que la jufle mefure d'acide; & qu'enfin, pour achever a gradation ; il s'en trouve qui n'ont que très- péu d'acide & qui font auffi, ou très-peu folubles, où même abfolument infolubles. Ceux que M. Rouelle fe propofe prin- cipalement d'examiner dans ce Mémoire font les fels neutres qui ont une furabondance d'acide , matière depuis long temps dous les yeux-des Chymiftes qui ont examiné la nature des fels, &:qu'on peut avec jufle raifon, être furpris de trouver -préfqu’entièrement neuve. Le détail de ces fels neutres feroit immenfe, mais M. Rouelle ne s’eft propofé d’examiñer ici que ceux qui naiflent de Ja combinaifon de l'acide du fel marin & de l'acide vi- triolique avec :lé mercure, de l'acide marin avec le régule d'antimoine, de: acide nitreux avec le bifmuth, &: de Yacide vitriolique avec l'alkali fixe. Ces fels choifis avec foin pour raflembler les principaux phénomènes , ferviront d'exemples pour tous les autres. Le premier fel neutre de, cette efpèce qu'examine M. Rouelle eft le fublimé corrofif : on fait qu’il eft formé par Tunion de l'acide du fe marin au mercure, & qu'il a une telle abondance d'acide, que quatre parties de fublimé cor- rofif peuvent encore en difloudre. jufqu'à trois de nouveau mercure ; alors il change totalement de nature, de poifon qu'il'étoit;, par l'action de l'acide trop libre qu'il contenoit, il devient un remède connu fous le nom de fublimé doux où d'aguila alba; & au lieu d’être très - facile à diffoudre, comme il étoit fous la forme de fublimé corrofif, äl devient au contraire fi difhcile à fondre dans l'eau, qu'il faut une très- grande quantité de ce fluide ,& une ébullition long -temps foûtenue pour en difloudre une très-petite partie. M. Rouelle a trouvé DES SCrENCcCESs 8r trouvé par expérience qu'une partie de fublimé doux exigeoit onze cens parties d'eau bouillante pour être difloute. Voilà donc deux fels compolés tous deux de l'acide du fel marin & du mercure, dont les effets & les propriétés font abfolument différentes, & qui ne diflèrent cependant que parce que lun ne contient d'acide que ce qui lui eft abfolument néceflaire, au lieu que l'autre en a plus que la quantité de mercure qui lui fert de bafe n'en a pù arrêter. I y a cependant des bornes à cette furabondance d'acide, & M. Rouelle a inutilement tenté de faire prendre à du fu- blimé corrofif plus d'acide qu'il n'en contenoïit ; il a toûjours refufé obflinément d'en admettre de nouveau, foit que cet acide fût celui du fel marin, foit qu’on ait eflayé de lui en joindre un autre; & il eft certain que l'acide furabondant n'eft pas feulement mêlé avec le mercure, mais qu'il y eft uni, puifqu'il prend avec lui une forme concrète, & qu'ils fe fu- bliment enfemble. } La folution du fublimé corrofif ou qui a furabondance d'acide, change la couleur bleue du fyrop de violettes en verd ; exception bien marquée à la règle ordinaire, par laquelle les acides qui agiffent fur ce fyrop lui donnent ordinairement la teinture rouge, & leçon propre à mettre les Chymiftes en _ garde contre l'envie d'établir légèrement des règles générales. L'alkali fixe & le volatil précipitent la diflolution de ce fel, mais fans eflervefcence : elle en fait une plus marquée lorf qu'on a joint à quelques fubftances métalliques avec lefquelles -_ Tacide du fel marin a plus d'affinité qu'avec le mercure, comme l'arfenic, le régule d’antimoine, l’étain. La folution du fublimé doux qui n'a point d'acide fura- _ bondant, change en verd-bleu la couleur de la teinture de … … violettes. L'alkali fixe & l'alkali volatil la troublent lun & autre, le volatil plus que le fixe, maïs ni l'un ni l'autre n’en | précipitent prefque rien. … Les mémes phénomènes que nous vient d'offrir le mercure ni à l'acide du fel marin, fe retrouvent encore dans une com- binaïfon de 11 même matière unie à Facide vitriolique, & frr75s4 L D + 82 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE ue l'on connoît fous le nom de précipité jaune où turbitk minéral, Pour faire le turbith minéral, on méle le mercure dans une retorte avec parties égales d'huile de vitriol bien con- centrée, ou même davantage sil eft néceflaire : cet acide n'attaque le mercure que lorfqu'il eft prefque bouillant ; l'ef- fervefcence pafée, on cefe le feu, & on trouve dans le vaifleau une mafle faline blanche; on la met dans un lieu frais & humide où elle tombe en deliquium , ou on la broie dans un mortier de verre & on y verfe de l’eau bouillante ; il fe pré- cipite dans l'inftant une poudre jaune, qu'on nomme turbith minéral où le mercure précipité jaune. ‘Cette poudre cependant n'’eft point un précipité véritable ; c’eft la partie du mercure unie avec fa jufte quantité d'acide qui forme un {el neutre parfait, & par conféquent très-dif- ficile à difloudre; l'autre partie du mercure unie à une quantité furabondante d'acide, refte dans la liqueur & fe peut cryftal- lier ; il tombe en deliquium à Yair humide, & fe difout avec facilité dans l'eau. La folution de ce dernier change en rouge la couleur bleue de la teinture de violettes : elle fait une forte effer- vefcence, tant avec Talkali volatil qu'avec l'alkali fixe; le premier en précipite une poudre rouge, & le fecond une blanche. La folution de zurbith minéral qui, comme nous venons de le dire, na précifément que ce qu'il lui faut d'acide, change aufli en rouge la teinture de violettes; mais un inftant après ce rouge fe-change en un bleu célefte, très-différent du bleu de la teinture de violettes. L’alkali fixe ni le volatil ne font effervefcence avec cette folution ; cependant ils en précipitent, le premier une poudre d’un jaune fale, qui devient enfuite d'un brun obfcur, puis enfin noïrâtre, & le fecond une poudre d'un brun obfcur & qui devient auffr par la fuite noirâtre. Cette différence de couleurs entre les précipités de deux fels qui ne diffèrent que par la quantité d'acide, a paru à M. Rouelle, & eft en effet bien digne DES SciENCESs. 83 'êtré rémarquée ; elle fait voir combien on doit être exact à fuivre les procédés à la lettre, puifqu'un changement auffi indifférent en apparence que celui-ci, peut apporter dans le réfultat une différence aufit peu attendue. Une troifième combinaifon d'acide avec cette fubftance métallique , qui produit encore deux fels neutres, lun avec furabondance d'acide, & l'autre qui n'en a que fa jufte quan- tité, eft celle de l'acide du fel marin avec le régule d’an- timoine. Posr former cette combinaifon , lon joint enfémble dans une cornue le fublimé corrofif & le régule d’antimoine, bien pulvérifés lun & l'autre : le mélange s'agite, s’'échaufle, fe gonfle & répand des vapeurs ; alors le vaifleau étant mis dans un fourneau , au bain de fable ou au feu de réverbère, on voit couler par le bec de la cornue une matière femblable à du beurre fondu, que l'on nomme, pour cette raifon, beurre d'antimoine, Elle n'eft que la combinaïfon de l'acide du fef marin qui a quitté le mercure auquel if tenoit, pour fe jeter fur le régule. Le beurre d’antimoine, comme Îe turbith minéral, attire l'humidité de l'air & tombe en de/quium : ce qu’il a de plus fin- gulier, c’eft qu'une certaine quantité d'eau bouillante paroît le diffoudre entièrement ; mais fr on en ajoûte une plus grande quantité, alors il fe précipite au fond du vaiffleau une ma- tière qu'on nomme ercure de vie, & qu'on avoit regardée jufqu'ici comme un précipité. Ce n'en eft cependant pas un, c'eft la partie du fel neutre qui n'a que la jufte quantité d’a- cide, & qui par conféquent eft très- difficile à difloudre : Yautre partie, qui contient une furabondance d'acide, de- meure difloute dans Îa liqueur , mais il faut pour cela qu'elle foit très-chaude; car fr à a liqueur qui contient ce fel on ajoûte de l'eau bouillante, il ne fe fera aucun changement; au lieu que la même quantité d'eau, fr elle ef froide, trou- …. bléra la folution & opéréra une efpèce de précipité, qui n'eft A PO eh : A D » at }| roi autre chofe que le {el même cryftallifé par Fad- dition de feau froide, & qui sy difloudra aifément dès qu'on Y'aura fait chauffer, Li 84 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE La folution de ce fel avec furabondance d'acide rougit Ja teinture de violettes, il fermente avec les deux efpèces d'alkalis ; le fixe en précipite une matière brune & noirâtre, & le volatil une blanche. Le mercure de vie ou le feL parfaitement neutre eft très- peu foluble, on n'en peut obtenir la folution qu'en le faifant long-temps bouillir, alors cette folution change 1a couleur de la teinture de violettes en un rouge tirant fur le violet: aucun des deux alkalis ne fait effervefcence avec elle, ils troublent feulement l'un & l'autre la limpidité de la liqueur, lui donnent enfuite une couleur d'opale, & en précipitent une poudre blanche. Nous venons de voir l'effet de l'union de l'acide vitrio- lique & de celui du fel marin aux fubftances métalliques dans la formation des fels neutres, nous allons retrouver encore les mèmes phénomènes en employant l'acide nitreux. On fait que pour faire cette poudre blanche qu'on nomme magiflère de bifmuth , on fait difloudre le bifmuth dans l'acide du nitre, & qu'enfuite on le précipite en verfant fur la dif- folution une autre diflolution de {el marin, de tartre vitriolé; de fel de Glauber, &c. Les Chymiftes ont été extrêmement partagés fur l'aétion de ces fels, qu'ils croyoient néceffaires à la précipitation du magiflère de bifmuth. Le {eul M. Pott a ofé avancer qu'aucune de ces diflolutions ne précipitoit le bifmuth par l'aétion de fon fel, mais feulement à caufe de Jeau qu'il contenoit. Ï avoit raifon, mais il n'avoit pas la clef néceffaire pour pénétrer dans ce jeu de la Nature: les obfervations de M. Rouelle la lui ont donnée. Lorfque l'acide nitreux s’unit au bifmuth , il forme, comme les autres acides dont nous venons de parler, deux fels neutres, dont lun, qui eft le magiflere , n'a que la jufte quantité d'a- cide qui lui eft néceffaire , & eft très-diffcile à difloudre; & Yautre, qui demeure fufpendu dans l'eau & qui sy diflout très-facilement, a une furabondance d'acide. Ce dernier fe cryftallife par l'évaporation; fa folution change la couleur bleue de-la teinture de violettes en un rouge violet, qui bien-tôt DES SCIENCES. 8< après eft totalement déuuit, ce qui arrive aufli lorfqu'on emploie l'acide nitreux feul. Le magiflère de bifmuth , qui n'a que fa jufte mefure d'a- cide, eft très-peu foluble; & lorfqu'on la diflous dans l'eau par une longue ébullition , cette folution donne à la teinture de violettes une couleur rouge tirant fur le violet. L’alkali fixe ni l'alkali volatil ne fermentént avec elle, ils en troublent feulement la limpidité & en précipitent une poudre blanche, Ce n'eft pas cependant qu'on ne puiffe unir le bifmuth diflous par lefprit de nitre à un autre acide plus puiflant ; comme celui du vitriol ou du fel marin; M. Rouelle en donne les moyens & les réfultats, qui font voir l'aétion de ces fels bien diftinéte & bien féparée de l'action de l'eau , qui opère feule la précipitation du mwagiflére qu'on avoit toûjours pris pour un fimple précipité, & qui eft un véri- table fel neutre. Tous les différens précipités de bifmuth, prefque info- lubles par eux - mêmes, deviendront très - aifément folubles f: on leur fait prendre une plus grande quantité du même acide; phénomène furprenant jufqu'ici, &: qui devient une fuite naturelle de ce que nous avons dit de la furabondance d'acide, & de la facilité qu'elle donne aux fels neutres qui Tont , de fe diffoudre. Les fels qui ont pour bafe dés fubflances métalliques, ne font pas les feuls qui foient fufceptibles de 1a furabondance d'acide. Le tartre vitriolé, formé par l'union de f'acide vi- triolique & de l'alkali fixe, eft fufceptible de l'excès d'acide : M. Rouelle eft parvenu à lui en faire prendre beaucoup plus qu'il n'en a ordinairement, en le mêlant dans une cornue avec la moitié de fon poids d'huile de vitriol, & diftillant après leflervefcence qui s'excite dans ce mélange, tout l'acide que … Je tartre vitriolé n'avoit pas retenu ; la mafle du fel fe trouva __ augmentée d'un cinquième. Alors ce fel fi difficile à fondre … quand il n’a que l'acide nécefaire, devient fi foluble qu'il attire - humidité de l'air & tombe en de/iquium ; diflous dans l'eau, il cryftallif ; il change en rouge la teinture de violettes & . j ! | L ü 96 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE fermente vivement avec les alkalis fixes & les volatils ; toutes propriétés qu'il n'avoit point, ou qu'il n'avoil au moins qu'à un foible degré, lorfqu'il n'avoit pas cet acide furabondant que lui donne l'opération. De toutes les recherches de M. Rouelle fur ce fujet, ik réfulte donc qu'on a pris fouvent pour précipités de véri- tables fels neutres, peu folubles à raifon de la petite quantité d'acide qu'ils contenoient : qu'il faut de néceffné diftinguer les fels neutres en trois clafles; en fels neutres avec excès d'acide, & ceux-là font très-aifés à diffoudre ; en fels neutres parfaits ou falés, qui ont une certaine quantité d'acide, & qui font encore très - {olubles, quoique moins que les pre- miers ; & enfin en fels neutres qui ont très-peu d'acjde &c qui fe diflolvent très-difficilement, où même ne fe diffolvent point du tout, en forte que la folubilité de ces feis eft prefque toûjours proportionnelle à la quantité d’acide qu'ils contiennent : qu'enfin prefque toutes les fubflances métalliques unies aux trois acides, donnent à la fois des fels neutres avec excès d'acide, qui fe diffolvent très-facilement, & d’autres qui font prefqu'infolubles ; & que mème quelques-uns des métaux unis à l'eau régale ou au vinaigre, donnent les mêmes fels. Cette théorie donne la clef d’une infinité de phénomènes embarraffans : elle jette un nouveau jour fur la nature des fels neutres ; & on peut dire que les vües de M. Rouelle l'ont conduit à un de ces phénomènes primordiaux, qui fervent en quelque forte de principe, pour en expliquer une infinité d’autres qui en dépendent. Il ne fera peut-être jamais donné aux Phyficiens de remonter plus haut. OBSERVATION. CHYMIQUE. Malouin a fait voir à l Académie un morceau de . papier qui avoit fervi à couvrir un vaiffeau qui con- tenoit du cobolt, & fur lequel il y avoit une dendrite très- bien marquée, Ce qui paroîtra peut-être encore plus fingulier, bé state tout ins dé DE + à FA GE SMS CÉE NICE :S 87 ; 8 He Lg c'eft que la carte qui couvroit lorifice du vaifleau, & qui par conféquent fe trouvoit entre la matière qui y étoit con- tenue, & le papier, n'en avoit prefque point reçû d’empreinte, Ce vaiffeau étoit refté dans le laboratoire de M. Malouin une vingtaine d'années fans être ouvert. Le fait a paru à l’'A- cadémie aflez fingulier pour mériter qu'elle en fit part au Public. BOUT ANT QU E: OBSERVATION BOTANIQUE Guettard a communiqué à l'Académie l'obfervation . fuivante. M. Delifle, Apothicaire à Etampes , ayant dépecé un oignon de fcille qui fe gâtoit, jeta les écailles qui, comme on fait, recouvrent les oignons de cette plante, dans une petite armoire pratiquée dans Fépaifleur du mur qui féparoit fon laboratoire d’un four de boulanger. Ces écailles fe confervèrent tout l'hiver dans cette armoire, & au prin- temps fuivant elles donnèrent fur leur furface intérieure, & fu-tout vers l'onglet, c'eft-à-dire vers l'endroit par où ces écailles tiennent à oignon, des bulbes ou oignons , qui ayant été mis en terre pouflèrent & produifirent leur plante. M, Delifle voulant voir sil n’y avoit point quelque circonftance fingulière qui eût pà occafionner cette reproduction , répéta Texpérience l’année fuivante, & le fuccès en fut exaétement le même. Ces écailles, qu'on ne regardoit que comme une enveloppe de l'oignon , contiennent donc de véritables germes deftinés à le multiplier. 11 sen faut bien qu'on connoiffe ‘Encore en ce point toutes les richefles de la Nature. kel À : + \ LD ET 88 HrsToire DE L'ACADÉMIE ROYALE PEPPPPRR RP ND NON NN ET ARITHMÉTIQUE. ETTE année M. du Tour, Correfpondant de l’Aca- démie, lui communiqua un ouvrage intitulé : Ol/er- vations fur la conflruttion , les propriétés à l'ufage d'une table, qui contient tous les nombres impairs compofés , depuis 1 jufqu'à 10000. Tout nombre impair, compofé où multiple, qui fe trouve dans la fuite naturelle des nombres depuis 1 jufqu'à 10000, eft néceflairement le produit d’un terme dela fuite 3, 5,7,9; &c. des nombres impairs, prolongée jufqu'à 3333, par un termé d’une portion plus courte de fa même fuite, prolongée feulement jufqu'à 99. De la multiplication des termes de ces deux fuites les uns par les autres naîtront tous les nombres impairs compolés ; depuis 1 jufqu'à 10000 , fans compter une bien plus grande quantité d’autres nombres femblables, qui font au deffus; mais M. du Tour na pouffé la table qu'il en a dreflée que jufqu'à 10000. On peut confidérer les rangées que forment les cafes dont la table eft compolée, de deux façons différentes, ou dans le fens vertical, & l'auteur les nomme colonnes , ou dans le fens horizontal, & il leur conferve le nom de rangées. Chaque colonne a en tête un des 49 nombres de la fuite des impairs, depuis 3 jufquà 99, & le premier chiflre à gauche de chaque rangée eft toûjours un des 1666 termes de la même fuite, prolongée jufqu'à 3 3 33- Chaque cafe eft commune à une colonne & à une rangée ; & le nombre qu'elle contient eft toûjours le produit de celui qui eft à la tête de fa colonne par celui qui eft le premier de la rangée où elle fe trouve: 249 , par exemple, qui fe trouve dans la colonne qui a en tête le nombre 13, & dans … la rangée dont le premier nombre eft 23 , eft le produit de ces ! f DES SCIENCES. 89 ces deux nombres, ce qui donne à la fois une table de multiplication très-commode, & un moyen bien facile de divifer ces nombres, puifque lorfqu'on a trouvé à la tête d'une des colonnes le divifeur, on rencontre infailliblement le quotient à la première cafe de a rangée où fe trouve le nombre à divifer. Les colonnes ne font point égales ; leurs premiers nombres n'étant pas fur une même rangée, chacune des colonnes excède d’une cafe celle qui la fuit. Elles font d'autant plus grandes qu'elles font plus proches de l'origine des fuites, en forte que la plus longue de toutes eft la première ou celle qui a en tête le nombre 3 ; les autres ont toutes, à compter depuis la première rangée, plufieurs cales vuides, ce qui doit être néceffairement , ces cafes ne pouvant être remplies que de produits, déjà dans la table; & comme elles commencent toutes dans la rangée qui a pour premier nombre celui qui eft en haut à a tête de la colonne, les premiers produits de chaque colonne offrent la fuite de tous les quarrés impairs depuis 9 jufqu'à 9801, quarré de 99, & le plus grand au deffous de 10,000. Chaque colonne de la table contient Îes multiples du nombre qu'elle a en tête jufqu'à 10,000; mais la première qui a en tête le nombre 3, eft Ia feule qui les contienne tous ; il en manque plus ou moins à toutes les autres. Ces termes ne manquent pas pour cela à la table, puifqu'ils fe trouvent dans les colonnes précédentes : on ne trouve, par exemple, dans a colonne de 9 aucuns des multiples de ce nombre au deflous de 8r, fon quarré; mais dans la même _ rangée on trouvera 27, 45, 63, qui le précèdent. Tous les produits contenus dans une même colonne ont entr'eux une différence conftante, toûjours égale au double -du nombre qui eft à la tête de la colonne; ainft, dans la co- lonne 3, tous les nombres fe furpaffent les uns les autres de 6, comme 9, 15, 21, &c. ce qui fournit une manière bien abrégée de conftruire la table : la même chofe fe rencontre Hifl. 1754 M 90 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE en confidérant les nombres dont la fuite forme les bandes horizontales ou rangées, Nous ne pouvons fuivre M. du Tour dans les nombreufes applications qu'il fait de fa table aux différentes opérations d'arithmétique, non plus que dans les remarques curieufes qu'elle lui a donné occalion de faire fur la fuite & Varran- gement des nombres qui li compolent ; mais il a paru qu'il avoit approfondi cette matière plus que ceux qui l'avoient précédé, & que les tables qu'il a calculées pourroient être, en bien des occalions, très-utiles & d'une très-grande commodité. DES SCIENCE s GÉOMÉTRIE. SUR LA MANŒUVRE DES VAISSE AUX. R IEN ne fait peut-être plus d'honneur à l'efprit de l’homme que l'art ingénieux par lequel il a trouvé le moyen de franchir , pour ainfi dire, les bornes que la Nature fembloit avoir mifes à nos voyages, & d'employer les vents & les eaux à nous porter dans les régions les plus éloignées. Cet art fi utile & fi merveilleux n'a été inventé que peu à peu, & fuivant les différentes réflexions qu'une longue pratique & les circonftances où fe font trouvés les Navi- gateurs, leur ont fuggérées. Ce n'eft que depuis environ un fiècle qu'on a penfé à profiter du haut degré auquel les Sciences mathématiques ont été portées, pour donner à l'art de naviger toute la perfection dont il eft fufceptible. Nous avons déjà rendu compte d'un grand nombre de travaux de plufieurs Académiciens, qui avoient la recherche de cette perfection pour objet. I eft ici queftion de la ma- nœuvre, c'eft-à-dire, de la difpofition des voiles relativement au vaifleau , au vent dont on reçoit limpulfion, &. à la route qu'on veut tenir. C’eft à trouver cette difpofition la plus avantageufe que M. Bouguer s'eft attaché dans ce Mémoire, dont nous allons effayer de donner une idée. Un navire qui fait route eft expolé à la fois à Ia force du vent qui le poufle, & à la réfiftance de l'eau qu'il doit di- vifer. S'il étoit exactement cylindrique comme une cuve, il fuivroit exactement la route que lui donneroit l'action du vent fur fes voiles; mais fa forme lui permettant de fendre l'eau affez facilement par fa proue, tandis qu'il éprouve une très-grande réfiftance à la divifer par le côté, il eft clair que toutes les fois que l'action du vent fera inclinée à fa lon- gueur, le navire fuivra une direction moyenne entre celle M ÿ Voy. Mérrs P: 342. 92 HISTOIRE DE L’'ACADÉMIE ROYALE que lui auroit donnée le vent & celle de la quille du vaifleau, & que la route du navire, au lieu d'être parallèle à fa quille, fera avec elle un angle qu'on nomme rive, & qui fera dautant plus grand, que la direction du vent fera plus oblique à celle de la quille. D'un autre côté l'effort du vent fur les voiles d’un navire dépend du plus ou moins de furfice qu'elles lui oppolent, & de l'obliquité avec laquelle elles lui font expolces. De ce double principe, il fuit qu'on peut fe propofer différens problèmes fur ce fujet: on peut, par exemple, chercher la manière de difpofer, ou, comme on le dit, d'orienter les voiles d'un navire pour fuivre avec la plus grande vitefle poffible une route donnée, avec un vent dont la direction eft connue ; ou bien chercher la manière de di- riger le navire & d'orienter fes voiles, pour s'éloigner d'un point quelconque le plus vite qu'il eft poflible, fans re- chercher aucune route déterminée; ou bien enfin l'angle des voiles avec la quille étant donné, reconnoître fi l'obliquité avec laquelle on prend le vent, rend la vitefle du navire la plus grande dont il foit fufceptible. Ce font ces trois principaux problèmes de Ia manœuvre des vaiffleaux que M. Bouguer s’eft propolé de réfoudre dans ce Mémoire. Quelque compliqués que foient par eux -mêmes ces pro- blèmes , ils le font cependant moins qu'ils ne le paroiffent être au premier coup d'œil : tout l'embarras qu'y répandent la grandeur des voiles & leur fituation , relativement au centre de gravité du vaifleau, peut en être banni; l'eflort abfolu du vent fur toutes les voiles, peut toûjours être réduit à celui qu'il opéreroit sil n’y en avoit que deux d'une certaine grandeur & dans une certaine pofition que M. Bouguer enfeigne à déterminer; par ce moyen il évite tout l'embarras qu'in- troduiroient dans fa recherche la pofition des voiles & la grandeur de la partie de chacune qui eft expofée au vent. Car on voit bien que dès que le vent fait avec la quille un angle un peu aigu, les voiles de l'arrière dérobent en DES SCIENCES. 92 partie le vent à celles de l'avant, & que cette diminution varie toutes les fois que l'angle de la direction du vent & de celle du vaiffeau peut changer. Il étoit donc eflentiel de fe défaire d’un élément fi incommode, & c'eft auffi le premier objet qu'a rempli M. Bouguer. La vitefle & la direction du vent entrent néceffairement dans la folution des problèmes que M. Bouguer s'eft propolé de réfoudre, Mais il faut bien diflinguer la vitetfe & la direétion abfolues du vent, de la vitefle & de la direction quil paroît avoir en l’obfervant de deflus un vaifleau en mouvement ; la direction n’eft la mème que lorfque la route du vaiffeau, fa quille & la direction du vent concourent enfemble, & dans ce cas-là même, la viteffe du vent doit être diminuée de toute celle avec laquelle marche le vaiffeau ; mais hors ce feul cas, & dans tous les autres où le vaiffeau ne va pas vent arrière, la vitefle du navire introduit néceflairement une variation , non feulement dans la vitefle du vent, mais encore dans fà direction. Pour s’en convaincre, qu'on imagine une plume emportée par le vent de deflus un vaifleau qui part du rivage, dans le moment même où il part, & que deux Obfervateurs , l'un für la terre & l'autre fur le navire, obfervent au bout de quel- ques fecondes, chacun fur fa bouflole, l'air de vent ou Îa direétion de la plume, il eft clair qu’ils auront l’un & autre un réfultat différent; celui qui eft demeuré immobile voit la plume aller fuivant la véritable direction du vent, & celui qui lobferve de deflus le navire, la voit fûrement dans une autre direction, & fuivant l’autre côté d’un triangle dont Ja plume eft le fommet , & dont le mouvement de fon vaiffeau lui a fait parcourir la bafe ; & comme ce côté qui repréfente au navigateur ce dont une certaine partie de fair s’eft éloignée de lui, eft aufli pour lui la mefure de la vitefle du vent, cette vitefe fera différente comme les deux côtés du triangle, & celle-ci fera celle avec laquelle le vent doit agir fur les voiles du navire. Le premier problème confifte à déterminer fi l'angle des M ii 94 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE voiles avec la quille étant donné, celui de ces mêmes voiles avec la direction du vent rend la vitefle du navire la plus grande qu'il eft pofñble; ou, pour réduire le problème à des termes encore plus fimples, Pangle des voiles avec la quille étant donné, trouver l'angle qu'on doit leur faire prendre avec la direction du vent, pour que fon impulfion fur les voiles foit égale à la réfiftance de l'eau fur la proue; car il eft bien évident que paffé ce point d'égalité, la vitefle n'augmentera plus, le vaifleau fe trouvant alors entre deux puiflances égales & oppolées. Après bien du calcul très-adroitement manié, M. Bouguer parvient à une conftruétion géométrique, dans laquelle il fe trouve deux lignes , dont l'égalité eft exaétement requife pour que le problème foit réfolu; & lors même qu'on ne voudra pas s'aflujétir à exécuter fur le papier, on pourra la fuivre groffièrement à vüe d'œil fur les voiles mêmes. Mais on doit obferver que cette conftruétion n'eft utile que tant que les deux voiles fuppoftes font à une certaine diftance : fi on les approche trop l'une de Fautre, l'exactitude diminue; & fr on les joignoit enfemble, ou, ce qui revient au même, quele navire n’en eût qu'une , les deux lignes dont l'égalité réfout le problème, deviendroient une feule & même ligne, & la conftruction n’indiqueroit plus rien. Alors il faut chercher une autre ligne qui puiffe fuppléer au défaut de la première, & M. Bouguer parvient par ce moyen à déterminer la tangente du complément de l'angle que le vent doit faire avec la voile; angle qui, comme on peut bien juger, fe trouve droit fi le navire n'a qu'une voile, d’où il fuit que les bâtimens de cette efpèce ne vont jamais plus vite que vent arrière, ce qui, comme on fait, n'arrive pas aux vaifleaux qui en ont plufieurs, dont la viteffe eft plus grande de vent largue ou un peu de côté, que de vent arrière ou abfolument en pouppe. Muis ce qu'on doit bien obferver, eft que l'angle d’'in- cidence du vent fur la voile, déterminé par M. Bouguer , eft l'angle de la direction réelle du vent avec a voile, & non DES SCIENCES. $ celui de fa direction apparente qu’on obferve dans Îe vaiffeau : ces deux directions diffèrent quelquefois de 18 degrés, & . il faut, fi on veut obtenir quelqu'exactitude dans la folution du problème, connoître cette différence en réfolvant le triangle dont nous avons parlé. Si la route étoit donnée avec la direction du vent, on voit bien que le problème deviendroit beaucoup plus com- pliqué, puifqu'il faudroit trouver à la fois la difpofition fa plus favorable des voiles à l'égard de fa quille du navire & à l'égard du vent, & que de plus le chemin que fait le navire de côté, ou fuivant une direétion différente de celle de fa longueur , ou, pour le nommer comme les Marins, la dérive qui écarte continuellement le vaïfleau de la route qu'il femble fuivré, doit entrer dans le calcul; auffi la formule à laquelle arrive M. Bouguer devient-elle f1 compliquée, qu'elle feroit comme inutile. Mais comme il s’eft bien aperçü de ces in- convéniens, il a penfé qu'on pourroit compofer par fon moyen des tables qu'on donneroit toutes calculées aux Navi- gateurs, & qui exprimeroient pour tous les cas poflibles la valeur dés angles qu'on cherche. En fe permettant de négliger quelques-unes des condi- tions du problème, fa folution devient infiniment plus facile. Si, par exemple, le navire n'a qu'une voile, tous les termes qui naïffent de la diftance entre les deux voilés s'évanouiflent, & l'équation devient fort fimple; elle l'eft encore, lorfqu’on peut négliger la dérive. On voit bien que ces quantités qui compliquent tous les termes de équation étant évanouies, non feulement l'équation eft plus fimple en ce qu'elle ne con- tient plus les fymboles qui les exprimoient, mais encore parce que tous les autres termes qu'elles afleétoient en de- viennent plus fimples & plus aifés à réduire. En fuppofant Même les deux conditions dont nous venons de parler, réunies, c'eft-à-dire un navire ayant une feule voile, & dont la dérive puifle être négligée fans erreur: la folution du problème fe réduit à faire la tangente de l'angle de F'incidence [1 6 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE du vent fur les voiles, double de la tangente de l'angle des voiles avec la quille. Si au lieu d’avoir une route déterminée à fuivre, il falloit feulement chercher la manière d'orienter les voiles & de prendre le vent pour s'éloigner d'un point quelconque avec la plus grande vitefle dont le navire eft fufceptible, les deux problèmes dont M. Bouguer a donné la folution feront, en les employant enfemble, fuffifans pour réfoudre celui-ci beau- coup plus facilement que fr on lattaquoit nommément. Dans le cas, par exemple, que nous venons de propofer, où le navire n'auroit qu'une voile & où la dérive feroit in- {enfible , il ne faudroit ajoûter qu'une feule condition à ce que nous avons dit; c'eft que la direction ablolue du vent fût perpendiculaire à la voile. Si le navire a plufieurs voiles & qu'il foit excellent voilier, il faudra donner beaucoup d'obliquité aux voiles par rapport à la quille: fi au contraire il eft pefant & va mal, il faut les rendre moins obliques, ce qui peut aller dans quelques bâtimens jufqu'à rendre les voiles perpendiculaires & faire vent abfolument arrière ; en un mot, en combinant ce qui a été dit fur les deux pro- blèmes précédens , on pourra toûjours réfoudre celui-ci. On voit aifément quel jour doit jeter cette théorie fur une matière auffi intéreffante que la manœuvre des vaifleaux ; mais ceci n'eft encore, à proprement parler, qu'une idée de la manière dont M. Bouguer fe propole de Ia traiter, & il promet d'y revenir dans un autre Mémoire. ETTE année, M. de Bougainville le jeune préfenta à l Académie un ouvrage intitulé: 7raitédu Calcul intégral, pour fervir de fuite à l'analyfe des Infinimens petits de M..le Marquis de l'Hôpital. Ce n’eft point ici le lieu de faire voir les avantages que fe calcul de Finfini a procurés aux Sciences mathématiques. On fait qu'en général le calcul infinitéfnmal a deux branches prin- cipales, l'une par laquelle on trouve les grandeurs infiniment petites, D'ES "SCIE NC Es 97 _petites, qui font comme les élémens des grandeurs finies ; & l'autre par laquelle on retrouve, au moyen des grandeurs infiniment petites, les grandeurs finies auxquelles elles ap- partiennent. Le premier calcul qui defcend, comme on voit, du fini à l'infiniment petit, fe nomme calcul différentiel, & les principes en font expolés dans le livre de l'Arahfe des Anfinimens petits de M. le Marquis de Hôpital : le fecond qui remonte de f'infiniment petit au fini, fe nomme calcul imégral; & les principes de ce calcul, fruit des travaux des plus grands Géomètres répandus dans une infité d'endroits de leurs écrits, n’avoient jamais été jufqu'ici raffemblés en un feul & unique corps. C'eft ce qu'a entrepris M. de . Bougainville dans l'ouvrage qu'il a préfenté à l'Académie, & duquel nous avons à rendre compte. La Métaphyfique eft l'ame de tout le calcul géométrique ; c'eft auffi à expliquer celle fur laquelle le calcul infinitéfimal .eft fondé, & à donner l'hiftoire abrégée de cette admirable invention, que M. de Bougainville seft principalement at- taché dans la préface qu'il a mife à la tête de fon Ouvrage. I eft bien fingulier qu’il ait eu à relever une erreur de Léibnitz en ce genre, erreur qui a jeté cet illuftre Mathématicien dans les plus grands embarras. Ce n'eft qu'après ces notions effen- tielles qu'il entre, à proprement parler, en matière par une courte introduétion, qui contient différentes recherches né- ceffaires à l'intelligence du calcul intégral. . On doit fe fouvenir que le but de M. dé Bougainville à été de donner une fuite à l'ouvrage de M. de FHôpital; c'eft pour cette raïfon qu'il commence par expliquer le calcul différentiel des quantités logarithmiques, dans lefquelles une fuite de termes en proportion géométrique répond toûjours à à une fuite d’autres termes en proportion arithmétiquè, comme … feroient, par exemple, les ordonnées d’une courbe qui croi- | troient entrelles , comme 2, 4, 8, 16, &c. tandis que les abfciflés correfpondantes feroient o, 1, 2, 3, 4 Du calcul différentiel des quantités logarithmiques il pañle à celui des quantités exponentielles, c'eft-à-dire, de celles Hi 1754 N 8 HisToiRE DE L’'ACADÉMIE ROYALE. qui font élevées à une puiffance variable, fimple ou compotée, comme a* ou 47"; car les expofans peuvent y recevoir toutes fortes de formes, même admettre les racines imaginaires. Les propofitions fur les finus, cofinus, tangentes & fécantes des arcs de cercle, fuivent les quantités exponentielles ; lau- * teur s’en fert pour démontrer le fameux théorème de M. Côtes, & pour donner une théorie très : étendue des racines ima- ginaires des équations , morceau d'autant plus intéréflant, qu'il manquoit ablolument , même dans les meilleurs livres d’Algèbre, & qu'il eft abfolument & effentiellement néceffaire au calcul intégral. 4% Telles font les matières dont M. de Bougainville a com- poié fon introduétion ; muni de ces principes, il vient enfin au calcul intégral proprement dit, & qui fait fon véritable objet. . PES Puifque les différentielles font les élémens infiniment petits des quantités, il y en a d'autant d'efpèces différentes qu'il y a de différentes quantités: quelquefois les quantités fe com- binent entr'elles ; il faut auffi, dans ce cas, que les difléren- tielles fuivent la même forme: quelquefois aufli cette com- plication n'eft qu'apparente, & n'eft düe qu'à la tournure du calcul ; & dans ce cas, un calcul mieux conduit peut les rap- peler à une forme plus fimple & plus aifée à intégrer. M. de Bougainville commence donc fon ouvrage par Ja manière d'intégrer les différentielles de la forme la plus fimple; if en donne les règles & en fait l'application à différens cas, rélolvant par-tout les difficultés qui s’y rencontrent, & pañle enfuite aux méthodes de transformer, lorfqu'il eft pofible, les équations différentielles trop rébelles & trop compliquées, en d'autres plus fimples & plus aifées à foûmettre au calcul. Les équations différentielles ne s'obtiennent qu'en fuppo- fant qu'une quantité qui va en croiflant ou en décroillant, & qui Par conféquent eft variable, fe trouve dans deux fr- tuations infiniment proches. Il fuit de-fà, que toute quantité conflante, c'eft-à-dire qui ne croît ni ne décroit, ne peut avoir de diflérence, & que par conféquent elle peut bien fl. ©, DES SUCRE NUCyELs, entrer dans une équation diférentielle, mais fans y introduire de nouvelles différences. On n'eft donc-pas für, quand on a une équation différentielle à intégrer, qu'elle foit exacte, . fouvent il faut y ajoüter ou en retrancher une conftante, M. de Bougainville enfeigne à reconnoître ce cas, & donne la manière de trouver la quantité dont l'addition ou la fouf- traction peut rendre l'intégrale complète. : Puifqu'il y a des quantités algébriques binomes, trinomes, il y a auffi des différentielles de même nature. Le P. Reyneau ‘avoit traité de ces dernières ; mais dans cette partie de fon ouvrage il étoit tombé dans quelques erreurs, .que M. de Bougainville expofe avec toute la clarté néceffaire. C'eft rendre un fervice effentiel en cette matière, que d’avertir les commençans qu'une route dans laquelle ils pourroient s'engager fur la foï d’un auteur célèbre, les égareroit. . Les fractions s’intègrent comme toutes les autres quantités différentielles, mais cette matière n'avoit encore été traitée qu'imparfaitement ; ce qu'en avoit dit M. Bernoulli dans les Mémoires de Ÿ Académie , n’étoit pas à beaucoup près fuffifant : M. de Bougainville y fupplée en donnant, non feulement le moyen d'intégrer les fractions rationnelles, mais encore celui de donner cette forme à plufieurs différentielles qui ne l'ont pas, en fe fervant des transformations dont nous venons de parler. | On trouve fouvent des. difiérentielles dont l'intégration dépend de la quadrature du cercle, de l'ellipfe & de fhy- perbole, ou mème de Ja quadrature de quelqu'une des courbes du troifième ordre. On juge bien que M. de Bougainville ne donne pas la manière d'intégrer ces quantités, mais il donne les moyens dé fe tirer de cet embarras, & cet endroit na ni moins de clarté ni moins d'exactitude que le refte de l'ouvrage. M. Newton, dans fon Traité de la quadrature _ des courbes, avoit dit quelque chofe de celles dont les équa- tions ont trois ou quatre termes; mais cet endroit avoit un extrême befoim d’être étendu & d'être éclairci, & M. de Bougainville a rendu ce fervice dans fon ouvrage, Viennent ÿ | Ni 00 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE enfuite les différentielles afiectées de quantités exponentielles & logarithmiques, & celles qui font aflectées de plufieurs fignes d'intégration. Enfin il termine la première partie de fon ouvrage par ces quantités compolées de plufieurs termes qui vont toûjours en diminuant, & qui font affectées alter- nativement des fignes + & —. Ces quantités fe nomment fuites où feries ; il donne tous les principes néceflaires pour fe mettre au fait de leur ufage; il enfeigne la manière de les former, de reconnoître leur convergence où. leur divergence, c'eft-à-dire la promptitude avec laquelle leurs termes croiffent ou diminuent , & donne leur ufage dans le calcul intégral, &c fur-tout dans la quadrature du cercle & dans la conftruétion des logarithmes, La feconde partie de cet ouvrage devoit naturellement appartenir au volume de 1756, année dans laquelle elle a paru; mais elle a trop de liaifon avec ce qui précède, pour l'en féparer, & l'accueil favorable que lui a fait le Public nous a fait croire qu'il nous pardonneroït aifément cette efpèce d'anticipation. L'auteur y traite de l'intégration des quantités différentielles” qui ont deux ou plufieurs variables. Ces- différentielles font de plufeurs ordres différens ; celles du premier ordre font la matière du premier livre de cette feconde partie. Dans le nombre des quantités ou équations différentielles qui conflituent le premier ordre, il s'en trouve*qui peuvent aifément s'intégrer fans préparation. M. de Bougainville donne le moyen de les connoïître & de les intégrer ; les autres ont befoin d’être préparées, & comme pour l'ordinaire cette préparation confifte à féparer les indéterminées, M. de Bou- gainville commence par enfeigner à conftruire une équation différentielle dans laquelle les indéterminées foient féparées; mais comme il arrive fouvent que dans les équations diflé- rentielles qu'on fe propole d'intégrer elles ne le font pas, il donne différens moyens d'opérer cette féparation, foit par les multiplications ou les divifions, foit en transformant lé- quation, Celles qu'on nomme omogènes , font les premières Le «5 tre dolls ‘conditions données de la différentielle. D'Ess LU SCT ELN- CES. 101 _ auxquelles il applique fa méthode; il enfeigne comment on peut les conflruire dans tous les cas, & comment on peut réduire plufieurs autres qui én paroiffent différentes , au cas de lhomogénéité. | Feu M. Bernoulli avoit donné en 1 697, dans les Journaux de Leipfik, la manière d'intégrer une efpèce d’équation qu'on -rencontre fouvent dans la folution des problèmes ; mais ce germe, précieux en lui-même, avoit befoin d’être développé; L , . . . î LA - c'eft ce qu'a fait M. de Bougainville par une méthode parti- culière qu'il donne, non feulement d'intégrer ces équations lorfqu’elles fe préfentent fous leur forme naturelle, mais encore de rappeler à cette forme un grand nombre d'autres équations : . Ë . L' @) LA LI qui en paroiffent très-différentes. ’ 7 . Plus les équations différentielles ont de termes, & plus elles - font quelquefois rébelles au calcul. Cette difficulté n'a pas arrêté M. de Bougainville ; il donne la manière de recon- noître dans celles qui ont trois & quatre termes, celles qui. fe peuvent intégrer ; dans ce nombre fe retrouve {a fameufe équation de Ricati, mais elle ne s’y retrouve que comme un cas particulier de beaucoup d'autres plus compliquées. II arrive fouvent, même en Mathématique, que les cas les plus remarquables par leur fingularité rentrent dans des théories générales , dont ïls ne font plus qu'une très-petite partie. : Lorfque les deux différentielles font élevées à des puiflances différentes , leur intégration devient plus difficile : on retrouve encore ici les équations homogènes, mais fous une forme beaucoup plus générale. M. de Bougainville fait voir com- ment on peut intégrer dans beaucoup d'autres cas les équations dans lefquelles les deux différentielles fe trouvent mélées en- femble, ou élevées à des puiffances plus grandes que l'unité, Une autre méthode que préfente M. de Bougainville dans fon ouvrage, eft celle d'employer les coëfficiens indéterminés pour intégrer en même temps plufieurs équations qui con- - tiennent un certain nombre de variables. La même méthode peut encore fervir pour déterminer une intégrale par certaines . N iÿ 102 HisToiRE DE L'ACADÉMIE Royarr L'intégration des équations de quantités différentielles à plufieurs variables du fecond ordre & au delà, fait l'objet du fecond livre de cette dernière partie. La théorie générale, qui en eft comme Ja clef, eft d'y luppofer comme conftante, telle différentielle qu'on juge à propos. En employant cette méthode & fe fervant des règles que l'auteur a données pré- cédemment, dont il ne fait prefque dans cette partie que d'heureufes applications, on vient à bout de ces équations, même des plus compliquées. Cet ouvrage a paru très-propre à remplir le defir que les Géomètres reflentoient depuis long temps, d'avoir un traité für le calcul intégral, quirenfermät & qui expliquät clairement tout ce qui a été fait für cette matière. Il avoit fallu jufqu'ici le rechercher avec beaucoup de peine dans plufieurs morceaux répandus dans un grand nombre d'ouvrages, & fouvent très- difficiles à entendre. M. de Bougainville les a raflemblés dans un même corps, a fuppléé à ce qui pouvoit avoir été omis par les Auteurs, & préfente fous un même point de vüe tous les principes & toutes les méthodes du calcul intégral, dont il fait par-tout fentir l'art & l'efprit, & qu'il détaille avec tout lordre, toute l'intelligence & toute la clarté poffibles. Un ouvrage de cette elpèce mérite de la part des Mathéma- ticiens d'autant plus de reconnoiflance, qué pour me fervir . des termes mêmes de l’auteur , il a fallu facrifier prefque par- tout la gloire de l'invention à la fatisfaétion d'être utile. L L: DES " S CcTE N'C'E S 103 BA ASTRONOMIE. SUR LA MESURE DE LA BASE DE VIL LEJUIVE qui a férvi aux Triangles de la Méridienrie. UELQU'ATTENTION qu'eût apporté M. Picard à {a mefure qu'il fit en 1670, entre Villejuive & Juvifr, : d'une bafe qui devoit fervir de fondement à tout l'aflemblage de fes triangles, il n’avoit cependant pas pe fe mettre à l'abri de toute erreur. Nous avons dit en 1 744 que l'accord que M. de Thury avoit trouvé entre les côtés de quelques-uns de fes triangles & les bafes qu’il avoit mefurées lui-même, tandis que ces mêmes bafes ne pouvoient cadrer avec les côtés des triangles qui partoient de la bafe de M. Picard, lui avoit fait foupçonner une erreur dans la mefure de cette. bafe. En eflet, M." les Académiciens qui ont fait le voyage _ du Nord ayant voulu répéter les obfervations aftronomiques ‘qui fervoient à déterminer Îe degré du Méridien aux environs -de Paris, én retenant la melure géodéfique de M. Picard , avoient trouvé ce degré de 57183 toiles, au lieu que lé mêmé degré déduit des mêmes obfervations aflronomiques , mais en employant la mefure géodéfique de M.” de Thury & l'Abbé de la Caille, ne {e trouvoit plus que de 57074 -toifes, plus petit que le premier de 109 toiles, différence trop fenfible pour pouvoir être rejetée fur les erreurs inévi- S dans les opérations. - Une pareille incertitude méritoit bien qu'on ft de nou- -veaux efforts pour s'en délivrer; mais, pour rendre la décifion plus authentique, il falloit non feulement une vérification faite par un Académicien, en prélence de plufieurs autres, mais il falloit encore que ceux qui aflifteroient à Fopération , y °V. les Mém P: 172. * Voy. Hife 17445 PIS" 45: 104 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE travaillaffent eux-mêmes & en fuffent chargés par l Académie. -Ce fut la raifon qui empècha l’Académie d'accepter la pro- pofition que fit un Académicien de miefurer cetté bafe, en invitant ceux de la Compagnie qui le voudroient, à y être préfens. L'Académie jugea, avec raïfon, que l'attention des fpectateurs feroit beaucoup plus grande en les rendant aéteurs, & que d'ailleurs une mefure faite par fes ordres & par des Commiflaires nommés de fa part, auroit un degré de cer- titude bien différent de celui que pouvoit donner la même mefüre faite par un feul Académicien. RS Dans cette vûe l’Académie. nomma, pour cette importante vérification, huit Commiflaires, choifis prefque tous dans ‘le nombre des Académiciens qui avoient déjà exécuté én grand des ouvrages de cette efpèce. On les partagea en deux bandes, qui devoient chacune de leur côté faire féparément les imémes opérations ; ce qui devoit donner encore un nouveau degré de certitude aux réfultats, qui par-là deve- noient, pour ainfi dire, un jugement contradictoire. La première bande qui a rendu compte de fon travail, étoit compofe de M.° Bouguer, Camus, Caffini de Thury & Pingré. Nous allons tâcher de donner une idée des précau- tions qu'ils ont prifes pour fe mettre, autant qu'il étoit poñlible, à l'abri de toute erreur. js Unedifficulté au premier coup d'œil, très-difficilé à vaincre; fe préfentoit. d'abord ; les termes de la bafe mefurée par M. Y Abbé Picard n’exiftoient plus, ou du moins ils pouvoient être méconnus. Comment donc vérifier une mefure dont il ne . reftoit plus de veftiges certains ? | La réponfe à cette objection n'eft cependant pas difficile à trouver. M. Picard a mefuré trigonométriquement les diftances entre différens objets, & il les a conclues d'après la mefure de fa bafe, en mefurant avec toute l'attention pof- fible une nouvelle bafe, & la liant aux mêmes triangles: il eft clair que fi la bafe de M. Picard étoit exaéte, on devoit retrouver le même nombre de toiles entre les mêmes objets. . Il n'étoif donc plus néceffaire de s'aflreindre à déméler avec peine 2, DES SCIENCES". 10$ les vefliges incertains des termes de l'ancienne bafe; & ce fut efleélivenent le parti que prirent les Académiciens chargés de ceite vérification. Pour ne rien négliger de ce qui pouvoit contribuer à l'exac- titude de l'opération , l'on avoit préparé quatre perches bien drefées , de cinq toifes chacune; elles étoient armées de fer à leurs extrémités, & fe terminoient d'un côté par une furface ablolument plane , & de f'autre par une efpèce de convexité, On les avoit fait peindre à l'huile, pour les garantir de l'hu- midité; & pour les remettre toûjours dans le même ordre, deux étoient peintes en rouges, & les deux autres en blanc. On les portoit par deux anfes placées à environ fépt pieds de leurs extrémités; on leur donna d'abord un peu trop de lon- » gueur, remettant à les étalonner fur le lieu même. | Pour cela, on avoit préparé un étalon de même mefure, ayant à ies extrémités deux poupées de cuivre, entre lefquelles devoient entrer les perches ; & comme les inégalités du terrein fur lequel on devoit les poler en auroient pü altérer un peu la longueur, une des poupées avoit une vis qui la traverfoit, & dont l'extrémité devoit fervir de terme; par ce moyen on pouvoit toûjours remédier aux changemens que l'étalon auroit foufferts. On avoit de plus un gros étalon de fer, de la mefure précife d’une toife, & cinq autres toifes compolées d'une règle de fer encaftrée dans du bois, & qui débordoit un peu par fes extrémités: on avoit tenu ces dernières, comme les perches, un peu plus longues, pour les étalonner fur Le lieu même. "- La toife qui fervit de mefure, étoit la même qui avoit fervi aux opérations faites fous le Cercle polaire ; elle diffère de _celle qui a fervi aux opérations faites fous l'Équateur , d'environ un vingtième de ligne, différence très-petite en elle même, - mais de laquelle cependant les Commiffaires ont cru devoir A _ avertir. L’attention qui leur a fait découvrir une fi légère différence, eft un gage de la certitude de leurs déterminations. Non feulement on doit-être en garde dans de fémblables opérations contre finexactitude réelle des melures, mais if if 17 54 Q rer 106 HiSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE faut encore fe garantir de l'inexactitude accidentelle qu'y peut apporter la variation de la température de l'air. Des expériences fans nombre ont appris que les métaux s'alongeoient par la chaleur, mais on auroit peine à fe figurer combien cette va- riation elt prompte : une toife de fer qu'on vient d'étalonner & qui entroit librement dans l'étalon, cetle d'y pouvoir entier fi on la manie pendant quelque temps; la feule chaleur de mains fuffit pour la fire alonger fenfiblement ; c'eft pour cette raïfon que M.” les Commilaires ont eu grand foin dé: talonner fouvent leurs mefures & de marquer exactement le decré du thermomètre. Les précautions qu'ils prirent pour affurer la rectitude de ha ligne, pour obvier au déplacement des perches, & pour échapper aux inégalités du terrein, ne furent pas moins grandes que celles qu'ils avoient prifes pour s'affurer de l'exactitude des mefures; & enfin la diflance entre les centres des deux pyramides élevées lune à Villejuive & l'autre à Juvifi, fut trouvée de $7 1 6 toiles $ pieds ro pouces & quelques lignes, le thermomètre de M. de Reaumur étant à 1 1 où 1 2 degrés au deflus de la congélation. Cette bafe, mefurée avec tant de foin & de précautions; fut liée à trois triangles de la melure de M. Picard ; le premier avoit pour fes pointes les deux extrémités de la bafe & le moulin de Fontenay ; le fecond, la pyramide de Juvifr, le moulin de Fontenay & la tour de Montihéry ; le troifième enfin avoit fes trois angles, lun au moulin de Fontenay; Vautre à Monilhéry, & le troifième au clocher de Brie- Comte-Robeïrt. I eft évident que par cet enchaînement, ce dernier donnoit la diftance entre Montihéry & le clocher de Brie-Comte-Robert en parties de la bafe : fi donc celle de M. Picard avoit été exaétement mefurée, la même dif- tance entre Montlhéry & Brie - Comte - Robeit devoit fe déduire du triangle qu'il avoit formé aux trois mêmes objets; fi au contraire fa bafe étoit fautive, il devoit fe trouver aufft une différence dans cette mefure. Ce fut effectivement ce qui arriva; la diftance entre ces deux endroits avoit été Re - DES SCIENCES 107 conclué par M. Picard de 13121 toifes 3 pieds, & par M. de Thury de 13108, & les Commiffaires la trouvèrent de 13108 toifes- feulement, avec une différence de 1 3 toiles ; d’où il fuit que M. Picard s'étant trompé d'environ une toile fur mille, il a dû errer de 6o toiles fur la mefure du Degré. Cette erreur néanmoins ne rendroit pas raifon, fi elle étoit feule, de la différence d'environ 1 00 toifes qui fe trouve entre les deux déterminations tirées, l’une de la mefure géodéfique de M. Picard, & l'autre de celle de M. de Thury. Mais fi on fait attention que M. Picard, gêné par la faifon qui s’avançoit, n'a pas apporté toute la précaution néceflaire dans la mefure de la partie feptentrionale de fa méridienne ; qu'on y trouve des triangles dont les angles font très-aigus, & d’autres dont il n'a oblervé que deux angles; on ne fra pas furpris qu'il ait pà s'y glifler quelqu'erreur, & en effet on trouve fur le feul côté qui mefüre la diftance de Sourdon à Amiens, 34 ou 3 5 toiles de différence entre la détermination de M. Picard & celle qui en a été faite depuis par M." de Thury & l'Abbé de la Caille. En voilà affez pour remplir prefque toute la différence des deux mefures de degré, & pour faire voir que M. Picard s'étoit trompé dans fa mefure géodéfique, quoiqu'on trouve le contraire dans quelques ouvrages d’Aftronomie. On ne doit pas, au refte, s’en étonner ; on n'avoit pas alors des idées bien nettes de plufieurs variations phyfiques que nous connoiflons ; les inftrumens n’étoient ni auffi parfaits ni auffr commodes qu'ils le font, & privé de ces fecours, il Hoit peut-être qu'il füt aufii habile qu'il l'étoit pour ne s'être pas trompé davantage. | MEARULE.S : OPPOSITIONS DE JUPITER ET DE SATURNE : AVEC LE SOLEIL, Es obfervations des oppofitions des Planètes fupérieures, 21 font d'autant plus précieufes aux Aftronomes, que dans Voy. Mém, P-3114 ces points la même ligne droite joint les centres du Soleil, : O à 108 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE de la Terre & la Planète, & que par conféquent l'Obfervateur Ja voit dans le même point du ciel où la verroit un Spectateur placé dans le Soleil; ce qui n'arrive pas dans toute autre fituation, le mouvement de la Terre dans fon orbe altérant toüjours plus ou moins à nos yeux le mouvement propre de la Planète. C'eft donc rendre un fervice réel aux Aftronomes que de leur donner un grand nombre de ces oppofitions, déterminées d'après des obfervations exactes. M. Caffini avoit donné, dans fes Elé- mens d'Aftronomie , celles de Jupiter depuis 1672, & celles de Saturne depuis 1685 juiqu'en 1733, les unes & les autres déduites des obfervations faites à l'Obfervatoire royal. M. le Gentil a continué le mème travail & donné les op- pofitions de ces deux Planètes depuis 173 3 jufqu'en 1755, déduites des obfervations faites au même lieu; ce qui fait pour Jupiter une fuite de quatre-vingt-trois ans, & pour Sa- turne une de foixante-dix, avantage bien grand pour déter- miner la théorie aftronomique de ces Planètes. Pour donner à ces obfervations tout le degré d'authenticité dont elles font fufceptibles, M. le Gentil ne s'eft pas con- tenté de les calculer, mais il les a foûmifes à un févèreexamen ; feul moyen afluré d'éviter les fuites des erreurs qui auroient pü s’y glifler. | Les oppofitions des Planètes ne s’obférvent pas immédia- tement; on les déduit des oblervations de l'afcenfion droite & de la déclinaifon de la Planète, faites plufieurs jours de- vant & plufieurs jours après l'oppofition. De-là il fuit que fr l'obfervation du paflage de la Planète par le Méridien, ou celle de fa hauteur, eft affectée de quelqu'erreur, cette même erreur influera auffi fur la détermination du point du ciel & de l'inflant auquel s'eft faite l'oppofition. Or la précifion de ces obfervations dépend abfolument de la juftefle avec laquelle le plan de Finftrument mural eft placé dans le Mé- ridien, & de la précifion avec laquelle il donne les hauteurs. Le défaut de la première condition jettera néceflairement de Verreur dans l'afcenfion droite, & le défaut de la fconde altérera les déclinaifons. LEUTT DES" SCT EN! CES. 10 M. le Gentil s'eft donc foigneufement appliqué à vérifier, : par des hauteurs correfpondantes du Soleil & de différentes étoiles , la pofition à l'égard du Méridien de plufieurs points du limbe; il en a conftruit une table, & l'ayant comparée avec une autre table faite par M. Caffini dix-fept ans aupa- ravant, il n’y a prefque trouvé aucune différence. Il a fait plus, il a répété quelques années après les mêmes vérifr- cations, & il a toûjours eu conflamiment les mêmes réfultats. Pour s'aflurer mème fi le chaud & le froïd ne pouvoient pas y influer pour quelque chofe, il a fait les mêmes ob- fervations avec des températures d'air tout-à-fait différentes, fans que jamais il ait pû trouver d’autres différences que celles qu'on peut raïfonnablement attribuer aux petites er- reurs inévitables dans les obfervations. La mème conftance ne s'eft pas trouvée dans les hauteurs obfervées par la comparaifon des hauteurs de Saturne & de Jupiter avec celles du Soleil & des principales étoiles, lorf- qu'elles avoient à peu près fa même hauteur méridienne : M: le Gentil y a reconnu une légère variation, c'eft ce qui Ya déterminé à ne rien conclurre que d’après deux ou trois réfultats, entre lefquels il prenoit un milieu; & ceft par ce moyen qu'il a pü parvenir à dreffer une table des erreurs de l'inftrument fur les hauteurs, & à corriger les hauteurs apparentes de Jupiter & de Saturne. On peut s’aflurer que fi ces hauteurs corrigées ne font pas les véritables, elles n'en différent que de peu de fecondes, qui peuvent être lé- gitimément regardées comme un véritable infiniment petit en cette occafion. M. le Gentil a de mêmé pris les milieux entre les afcenfions droites de Saturne & de Jupiter, conclus de la différence entre le paffage de ces aftres & celui du Soleil, & celle qu'il tiroit de la comparaïfon de ce même pafñlage au Méridien avec celui des étoiles. Leserreurs de l’inflrument & leurs limites étant bien établies, M. le Gentil difcute avec le même foin & la même exactitude les obfervations dans lefquelles il pouvoit foupçonner quelque légère incertitude, & rend compte des moyens qu'il a em- ployés pour s'en délivrer. Voy. Mém. P- 44 & 94 110 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE C'eft en apportant une attention fr fcrupuleufe qu'il eft parvenu à dépouiller fes réfultats de tout ce qui pouvoit en altérer la précifion, & qu'il en a dreflé deux tables, lune pour Jupiter & l'autre pour Saturne , dans lefquelles on trouve pour chaque année, depuis 1733 jufques & compris 1755, le temps de loppofition de la Planète avec le Scleil, la longitude & la latitude obfervées de la même Planète, Ia longitude calculée par les tables de M. Caffini, & celle qu'on déduit des tables de M. Halley, avec la différence entre ces calculs & l'obfervation ; feul moyen de déterminer avec certitude les erreurs des tables & la correction que l'on doit y faire. Mais comme M. le Gentil n’a pas voulu exiger des Af- tronomes de sen rapporter aveuglément à fon travail, & que d'ailleurs il a cru que les obfervations fur lefquelles il eft fondé pourroient être utiles à d’autres ufages, il les a jointes à fon Mémoire avec toutes les circonftances qui les ont accompagnées. Des réfultats travaillés avec tant de foin, font les véritables fondemens des théories aftronomiques, Plus ce travail eft fec, pénible & rebutant, plus on doit de reconnoiflance à ceux qui veulent bien s'en charger & lé- pargner aux autres. SUR PLUSIEURS OBSERVATIONS faies par M. l'Abbé de la Caille dans fon voyage au Cap de Bonne -efpérance. U N Voyage entrepris par un Aftronome aufit exact & aufii laborieux que M. l'Abbé de la Caiïlle, devoit produire néceflairement un grand nombre d’obfervations utiles. I a communiqué cette année celles qu'il avoit faites dans flfle de France & dans fes différentes traverfées, Nous n'entreprenons pas ici de parler de toutes, nous nous contenterons d'en préfenter quelques réfultats. DES SCIENCES. III On fait que l'aiguille de la bouffole d'indlinaifon, quoique mife exactement en équilibre fur fes pivots avant que d'être aimantée, ne s'y trouve plus dès qu'elle a reçü la vertu magné- tique, mais qu'elle prend alors une fituation plus ou moins in- clinée, felon qu'on eft plus près ou plus loin du pole magnétique: nous difons du pole magnétique, parce que ce pole eft très- différent de celui auquel aboutiffent tous les Méridiens terreftres. Une luiie d'oblervations de ces inclinaifons étoit donc extré- mentent utile; M. l'Abbé de da Caille les-a faites, non feu- lement dans tous les endroits où il a reläché, mais même très -fouvent en mer; & la table qu'il en donne, avec les longitudes & les latitudes des endroits où il a obfervé, peut très-utilement férvir à la détermination de tout le lyltème fingulier de l'équateur des poles & des lignes courbes qui y tiennent lieu de Méridiens. C’eft dans cette même vüe qu'il y a Joint les oblervations des variations ou déclinaifons de . d'aiguille aimantce, faies avec le plus grand foin. Les unes & les autres peuvent être non feulement utiles à la Phyfique, mais on en peut éaicore tirer un avantage plus prochain : des Cartes marines où les Méridiens & les parallèles magnétiques, ou, pour parler plus jufte, les courbes irrégulières qui en tiennent lieu, fe trouveroient, feroient très - propres à faire connoître à tout inflant de nuit & de jour la pofition du vaifleau, n'y ayant peut-être aucun point fur notre giobe qui ait à la fois la même latiude, la même indlinaifon & da même déclinailon de l'aiguille aimantée. On pourroit peut être objeéter que l'expérience 1 montré que toutes ces lignes magnétiques n'avoient pas une pofition conftante, & qu'elles paroifloient affectées d’une efpèce de mouvement progieflif; & que d'un autre côté des obfer- vations de cette efpèce ne pourroïent que très-difhcilement être faites en mer avec un degré de précition fufifant. Ni l'une ni l'autre de ces objections ne font fins replique ; on pareroit de premier inconvénient en donnant à peu près tous les dix ans des cartes où le changement de pofition des lignes magnétiques feroit exaétement marqué, & les obfervations de M, l'Abbé x12 HisToire DE L'ACADÉMIE ROYALE de la Caille font elles-mêmes la meilleure réponfe à la fecondé objection. I} s'eft bien affuré par un grand nombre d'opéra- tions, que fur un vaifleau percé pour foixante-quatorze canons, tel que l' Achille où il étoit, on peut, dans Îes temps ordinaires, Saflurer de l'inclinaifon & de la déclinaifon où variation de l'aiguille, à moins d'un demi-degré près. Une des principales relâches de M. l'Abbé de la Caille a'été à Rio Janeiro ; il en a déterminé la latitude par des obfervations des hauteurs méridiennes du Soleil, de 2 24 54 ©" auftrale. A l'égard de Ja longitude, elle a été déterminée de deux façons ; la première par des écliples des fatellites, que M. Godin communiqua à M. l'Abbé de Ia Caille & Daprès, le mauvais temps ne leur ayant pas permis d'en faire eux- mêmes; & la féconde par des diftances obfervées de la Lune à différentes étoiles. Par un milieu pris entre onze de ces déterminations , ils trouvèrent la longitude de Rio Janeiro de 444 57° 1 à l'occident de Paris; ce qui s'accorde affez bien avec celle que donnèrent les obfervations des fatellites. Mais M. l'Abbé de la Caille remarque que cet accord n’a lieu que parce qu'on a pris le milieu entre un grand nombre d'obfervations; & qu'avec les meilleurs inftrumens qui font à préfent en ufage fur la mer, on ne peut guère s'affurer de la longitude par les diftances de la Lune aux étoiles , qu'à un degré ou un degré & demi près. Un féjour aflez long que M. Abbé de la Caille fut obligé de faire à l'Ifle de France, lui infpira le defir d'en lever la carte, où du moins d'en dreffer le chaflis par quel- ques fuites de triangles, & lui donna lieu d'en faire une ‘defcription affez détaillée. Ce n'eft que depuis 1712 que les François font en pof. feffion de cette ifle, qui avoit d'abord été découverte par les Portugais, & enfuite poflédée par les Hollandois, qui Fabandonnèrent ; elle n'eft qu'à environ trente-cinq où qua- rante lieues de l'Ifle de Bourbon. L'Ifle de France eft ovale ; fa plus grande longueur, qui eft DES" S "Ce TE N'C'E'S. 113 eft du nord au fud , eft d'environ quinze lieues, & fa plus grande largeur de onze. ro ul Cette Ifle a deux très-beaux ports, l’un à l'oueft & l’autre à left; mais les vents qui foufHent prefque conftamment du fud-eft, font qu'on ne peut entrer que difficilement dans le premier, quoiqu'on en forte avec la dernière facilité, & que le contraire arrive au port de left, dans lequel on entre très-aifément, mais dont il eft très-difficile de fortir. L'Ile eft prefqu'entièrement bordée de rochers & de récifs, ou roches couvertes par la mer; on y trouve très-abondamment des coraux, des madrépores & des co- quillages. La plus grande partie eft couverte de montagnes, dont Ia plus élevée n'excède pas 400 toiles. Ces montagnes font principalement au fud-oueft , & la partie de l'Ifle qui s'étend au nord-oueft eft fenfiblement unie. Le terrein y eft en général aflez bon, quoique parfemé. de pierres noires, toutes criblées de trous, & qui contiennent du fer. On y voit auffi de la pierre ponce & des morceaux de laves, qui font des veftiges manifeftes de volcan éteint. I y a, fur-tout dans la partie du fud-eft, beaucoup de bois affez beaux , compofés de différens arbres, pour la plufpart propres à ce climat. On compte dans FIfle de France plus de foixante ruifleaux, _ parmi lefquels il y en a de fort confidérables. Ces ruiffeaux tirent prefque tous leur fource de plufieurs étangs qui font ‘au milieu de l'Ifle; mais la côte du nord-eft & du noïd- oueft font fèches, & on n’y trouve que quelques mares d'eau falée. On pêche dans ces ruifleaux de très- bons poiflons’, . & entrautres des lubies & des anguilles, qui fe tiennent dans les mares & dans les fofles des ruifleaux. Celles - ci font d'une grandeur fmgulière; on en voit qui ont jufqu'à : fix pouces de diamètre & cinq à fix pieds de long : il eft même dangereux de fe baigner dans ces endroits; ces poiflons, très-voraces, entrainent fouvent au fond de l'eau ceux qui sy expofent. | HP 1754. F 114 HIisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYALE£ On y trouve différentes efpèces d'oifeaux , & des chauve- fouris grofles & petites: ces dernières ne diffèrent point de celles d'Europe, mais les autres font à peu près de la taille- d'un chat de deux mois; elles font bonnes à manger, & donnent un très-bon goût au bouillon dans lequel on les fait cuire. Il n'eft pas étonnant que dans un pays chaud & humide il fe trouve un grand nombre d’infeétes, auffr en trouve- ton à F'Ifle de France une infnité, qui y caufent beaucoup d'incommodité. On n'y voit point de ferpens, on prétend même qu'ils n'y peuvent vivie; mais ce dernier article n'a pas paru à M. l'abbé de la Caiïlle afez inconteftablement prouvé pour qu'il ait voulu laffurer. La plufpart des légumes d'Europe viennent dans les jar- dins de lIfle de France, mais il n'en eft pas de même de nos fruits; il ne sy en trouve prefqu'aucun , & ils font bien imparfaitement fuppléés par ceux qui viennent dans 'Ifle. H y a très-peu de troupeaux, & les feuls animaux qui sy nourriflent facilement font les chèvres & les cochons d'Europe & des Indes. Le mouton y efl très-rare, & on n'y voit que peu de vaches & de bœufs. C'eft pour fuppléer à ce défaut de viande de boucherie que l'on envoie tous les ans deux ou trois bateaux à Flfle Rodrigue, pour en rap- porter des tortues de mer & de terre pour le Gouvernement & l'Hôpital; le peuple vit de cabrit, de volaille, de gibier & de poiflon. - L'air eft très-fain, & méme affez tempéré dans cette Ile; il pleut prefque tous les jours vers le milieu de lIfle, mais plus rarement vers les côtes. Les vents y viennent ordinai- rement du fud-eft, mais on en obferve de variables depuis le mois d'Octobre jufqu'au mois d'Avril. Le mercure eft comme flitionnaire dans le baromètre, fi ce n'eft qu'il eft toüjours un peu plus haut à midi que le foir. . M. l'abbé de la Caille a profité des opérations géomé- tiques qu'il a faites à lIfle de France, pour déterminer la po- fition géographique des principaux points de cette Ifle, & la: DES SCTENCES. 115 hauteur de fes montagnes au deflus du niveau de fa mer, & il en a dreffé une table qu'il a jointe à à relation. De ffle de France il pafla à celle de Bourbon, dont il détermina par plufieurs obfervations fa latitude, au quartier Saint-Denys, de 204 51° 48", & la longitude de $ 34 _7 ou 8° à lorient du méridien de Paris. Le peu de féjour de M. l'abbé de la Caille à FIfle de Bour- bon ne lui a pas permis d'y faire un grand nombre d'obfer- vations, ni par conféquent d'en donner une defcription dé- taillée; il remarque feulement que la plus grande partie en eft inculte & couverte des laves d'un volcan qui brûle len- tement & fans bruit. Le haut des montagnes qui compofent prefque toute fe, eft couvert de bois. IL n'y a point de port; on y trouve feulement deux rades où les vaiffeaux peuvent mouiller, mais ils n'ofent y refter à l'ancre, fur- tout dans la faifon des pluies, où cette Ifle eft fujette à des ouragans ou coups de vent finguliers, qui les mettroient en grand danger ; & c'eft malheureufement dans cette faifon que: les vaiffeaux qui reviennent des Indes font obligés d'y toucher, tant pour y faire des vivres, que pour y charger du café, Ces terribles coups de vent n'arrivent ordinairement que depuis le mois de Décembre jufqu'à la fin d'Avril, & prefque toûjours aux environs de la pleine ou de fa nouvelle Lune ; auffi les vaiffeaux dans cette faifon ne s'approchent- ils de l'Ifle que quelques jours après lune ou l'autre de ces dangereufes phafes, & s'en éloignent-ils foigneufement avant fa fuivante. Mais quoique cette fage précaution leur réuffifle ordinairement, elle n’eft cependant pas infaillible; & quelque- fois les coups de vent fortent des limites dans lefquelles ils femblent renfermés, comme on le peut voir par une table de tous ceux que l'Ile a éprouvés depuis quinze ans, avec es circonftances des temps & des phafes de la Lune où ils font arrivés, que M. l'abbé de la Caille a jointe à fa relation : elle eft tirée des obfervations de M. Brénier, Confeiller, Commandant à l'Îfle de Bourbon, qui les a examinés avec Pi * To. Fi. T7$S1, page 169. Voy. Mém. pPA405; 116 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE foin, & qui a bien voulu commun quer fon travail à M. abbé de la Caille. Sa dernière relâche fut à l'Tfle de l'Afcenfion, de laquelle nous ne difons rien ici, en ayant parlé, d'après M. l'abbé de la Caille, dans l'Hifloire de 175 1 *. Nous nous conten- irons d’ajoûter ici qu'il en détermina la latitude de 74 57’ auflrile, & la longitude, à loccident de Paris, de 1° s 13", ou de 164 17". On ne lui reprochera fürement pas de m'avoir pas rendu fon voyage utile à l’Aftronomie & à la Géographie; les moindres inftans & les plus petites circonftances ont été trop fcrupuleufement mifes à profit. SUR LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES | RIT LEA NUTATION DE L'AXE DE LATERRE dans l'hyporhèfe de la diffimilitude des Méridiens. S Ï la Terre étoit abfolument fphérique, fon axe, dans Phy- pothèfe Newtonienne, feroit auffi conflamment parallèle à lui-même, & l'interfection de l'Équateur & de l'Écliptique fe feroit toûjours au mème point; l'attraétion du Soleil agiffant toujours par des rayons précifément égaux de part & d'autre, ne pourroit jamais caufer à fon axe aucune dé- viation. Mais fi on fuppofe la fphéricité altérée, alors l’équi- libre dont nous venons de parler, ne fubfiftera plus, &, fuivant la différente pofition de la Terre, une de fés parties fera plus ou moins attirée que l'autre ; d’où il réfultera un dérangement dans fa pofition, & par conféquent un dépla- cement de fon axe & de l'interfeétion du plan de PÉquateur & de celui de lÉcliptique. C’eft ce changement de pofition que l'on nomme préceffion de l'équinoxe , parce qu'en faifant reculer ces interfections contre la fuite des fignes, les équi- noxes qui s'y font néceffairement ont paru avancer, le Soleil PES US Cr LE NLCNELS 117 rencontrant pluflôt fes points équinoétiaux , dont le mou- vement fe fait en {ens contraire du fien, & tout le fyftème des Étoiles fixes a paru s'éloigner, fuivant la fuite des fignes, de ces mêmes points. D'un autre côté, l'axe de la Terre éprouve une efpèce de balancement qu'on nomme ation, & qui dépend principalement du mouvement des nœuds de ka Lune, ou des interfections de fon orbe avec l'Écliptique. L'un & l'autre de ces mouvemens s'explique aifément dans le fyftème Newtonien ; mais l'explication fondée fur la non- - fphéricité de fa Terre fuppofe aufli que la Terre foit un véritable fphéroïde, que tous fes Méridiens aient des figures égales & femblables, & que l'Équateur & fes parallèles foient de véritables cercles. La figure aplatie de la Terre n’eft plus une hypothèf, elle eft déduite d'obfervations trop exaétes & trop authentiques pour pouvoir ètre révoquée en doute ; mais l'uniformité des Méridiens ne jouit pas du même avantage , elle a feulement été admife comme une idée très-vrai-femblable, & contre laquelle perfonne avoit lieu de reclamer. Quelque naturelle cependant que paroïffe cette fuppoñition, il seft élevé contr'elle des doutes qui paroïffent aflez bien fondés. On fait qu'un des principaux ouvrages de M. f'abbé de la Caille dans fon voyage au Cap de Bonne-efpérance, a été la mefure d'un degré aux environs de ce Cap; & que d'un autre côté le P. Maire, Jéfuite, vient de melurer une étendue confidérable du Méridien qui paffe à Rome. Dans l’hypothèle recûe de l'uniformité des Méridiens, il eft aifé de calculer, d'après les obfervations faites en France, à l'Equateur & au Cercle polaire, quelle doit étre l'étendue d'un degré du Méridien à Rome & au Cap de Bonne-efpé- rance, & les réfultats de ce calcul devroient s’'accorder avec les obfervations. C’eft cependant ce qui n’eft point arrivé; le degré du Méridien mefuré au Cap de Bonne-elpérance, à 3 34 18" de latitude auftrale, s'eft trouvé prefqu'ésal au degré mefuré en France au 49." degré, & par conféquent beaucoup plus grand que ne le donnoit la théorie; & ne qui a été P ii 418 HisTorRe DE L'ACADÉMIE ROYALÉ mefuré à Rome fe refufe également, & à l'uniformité des Méridiens, & à la figure elliptique qu'on leur donne. Ce doute, jeté fur un point auffi effentiel que celui-ci de {a théorie Newtonienne, a fait naître à M. d'Alembert l'envie d'examiner quel changement la difimilitude des Méridiens introduiroit dans la détermination de la préceflion des équi- noxes & de la nutation de l'axe terreftre, La première fuppoñition qu'il fait, eft celle d’un fphéroïde entièrement homogène, dont les Méridiens, quoique diffem- blables entr'eux, font cependant tous elliptiques, & dont l'Équateur a {a même figure. M Quoique l'uniformité de figure des Méridiens & de l'E- quateur de ce fphéroïde femble propre à écarter du problème un grand nombre de difficultés, il en reftoit néanmoins aflez pour effrayer même un bon Géomètre : les formules con- tenoient néceffairement certains termes rebelles à toutes les manières connues d'intégrer des équations. Cependant M. d'Alembert a trouvé que dans cette occafion, comme dans bien d’autres, une heureufe hardieffe étoit une efpèce de gage de la viétoire ; ces incommodes quantités fe font mu- tuellement détruites, & ce qui en eft reflé na plus mis d'obftacle à la folution complète du problème. En effet, M. d’Alembert trouve que dans un fphéroïde elliptique homogène, dont les Méridiens font diffemblables, les loix de la préceffion des équinoxes feroient fenfiblement les mêmes que dans un fphéroïde elliptique dont les Méri- diens feroient abfolument femblables, & dont l'aplatiflement feroit égal à l'aplatiflement du méridien qui pañle par le petit axe de l’Équateur du premier fphéroïde, plus à la moitié de l'aplatiffement de cet Équateur. ART La même chofe arriveroit encore quand bien même le fphéroïde ne feroit pas homogène, pourvû que la denfité de fes couches füt dans un certain rapport que M. d’Alembert détermine. Enfin fi le fphéroïde étoit tel, que fon axe devint moyen proportionnel, géométrique ou arithmétique, entre Les deux axes de fon Équateur, il n’y auroit plus aucun mouvement (}, 3 DES SCIENCES. 119 fenfible dans fon axe, & à cet égard il produiroit à très-peu près l'effet d'un globe parfaitement fphérique; réfultat au- quel on ne fe feroit probablement pas attendu, & duquel M. d'Alembert condlut, avec raifon, qu'on ne peut fuppofer au globe terreftre, ni cette forme, ni quelques autres figures qui produiroient un eflet prefque femblable. La füuppofition d'un fphéroïde elliptique, à Méridiens dif- femblables, pouvoit être forcée; réduifons-la donc aux feules . conditions que l’obfervation nous donne, c'eft-à-dire à une figure quelconque qui puiffe f mouvoir fur fon axe. Ce fera augmenter la difficulté du problème : mais ce fera auffi chercher une folution qui puiffe s'appliquer aux phénomènes. Dans cette fupofition on admettra feulement, comme les phénomènes femblent le prouver, que la rotation de la Terre autour de fon axe foit uniforme, que les mouvemens de rotation & de nutation de axe foient très-petits, que la figure quelconque qu'on voudra donner à la Terre foit peu diffé- rente de la fphérique, & enfin que l'arrangement qu’on fup- pofera -exifter dans fon intérieur ne foppole pas à l'uni- formité de la rotation ; toutes conditions qui ne s'écartent, ni des obfervations, ni de la poffibilité. Les faifant toutes entrer dans le calcul, M: d’Alembert en tire la loi de Ja nutation & celle de la préceffion des équi- noxes ; & comme Îes élémens de ce dernier calcul ne con- tiennent rien d'arbitraire, M. d'Alembert en conclut que fi les réfultats qu'on en déduit ne saccordoient pas avec les . obfervations, il faudroit abandonner abfolument l’hypothèfe qu'on auroit faite fur la figure de la Terre ou fur l'arran- gement de fes parties intérieures, ne pouvant fe trouver en ce point d’autres fources d'erreur dans le fyftème de F'attraction, 120 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE SUR L'ORBITE APPARENTE DU SOLEIL; ayant égard aux perturbations qui peuvent produire les ations des autres Planètes. Voy. Mém. OUS avons rendu compte en 1752 * du travail de p- S21. M. Clairaut pour la folution du problème des trois * Vo. Hif. corps, & de l'heureufe application qu'il en avoit faite à la 4732" 2% théorie de la Lune. Voici encore le même problème appliqué à un nouvel objet, à la détermination de Forbite du Soleil, ou, pour parler plus jufte, de la Terre, en y faifant entrer les va- riations caufées par l'aétion de la Lune & des autres Pla- nètes. ; Pour bien entendre l'état de la queftion , il eft bon de re- marquer que M. Newton, & la plus grande partie de ceux qui l'avoient fuivi, n'avoient déduit la forme de l'orbite terreftre que de la combinaifon d'un mouvement reéiligne qu'ils fuppofoient primitivement imprimé à la Planète, & de l'at- traction du Soleil en raifon renverfée du quarré des diftances, ui la détournoit de ce mouvement reétiligne à chaque inftant; & ils étoient parvenus à déterminer par ce moyen, que cette orbite devoit être une ellipfe à l'un des foyers duquel fe trouvoit le Soleil. L'attraétion, dans ce fyflème, n'eft cependant pas une propriété particulière au Soleil, mais une qualité inhérente à toute la matière, il eft donc clair que les corps céleftes doivent tous exercer les uns fur les autres une action diffé- rente de celle du Soleil, & qui doit en déranger les effets. On sétoit déjà bien aperçu que Jupiter & Saturne éprouvoient une altération fenfible de leurs mouvemens lorfqu'ils fe trouvoient dans la même partie du ciel; on étoit même venu à bout d'y faire affez exaétement quadrer la théorie. Il auroit été aflez naturel de chercher fi un pareil dérangement ne pouvoit pas avoir lieu à l'égard de la Terre, & quelles BE} DES S CTENC:ES. T2i & quelles en pouvoient être les limites. C’étoit cependant ce que l'on n'avoit pas encore fait jufqu’à préfent : M. Euler avoit bien tenté de déterminer l'aétion des Planètes princi- pales fur l'orbite terreftre, dans la Pièce qui avoit mérité le Prix de cette année; mais comme la route qu'il avoit fuivie paroïfloit épineufe, M. Clairaut a cru devoir fe fervir de fa propre folution du problème des trois corps. C’eft en effet d’après cette folution , ‘ou du moins en appliquant à la queflion . prélente les principes qui l'y avoient conduit, qu'il a entrepris la recherche dont nous parlons. La première Planète dont M. Clairaut cherche F'aétion fur l'orbite terreflre, eft 12 Lune: pour obtenir la quantité de cette action, la feule connoiffance des diftances n'étoit pas fuffifante , il falloit encore connoître la mafle de cette Pla- nète, & c'étoit un élément très-difficile à déterminer; mais M. Clairaut s’eft tiré de cette difficulté d'une manière bien ingénieufe & bien fimple ; il a fuppolé cette maffe déterminée, & a calculé en conféquence la quantité du dérangement que a Lune pouvoit occafionner dans la marche de la Terre, eu égard à {es différentes fituations; il a enfuite comparé fes ré- fultats aux obfervations, & comme tous les autres élémens étoient certains, les différences lui ont indiqué ce qu'il falloit ôter de la maffe qu'il avoit d'abord fuppofée à la Lune, ce “qui l'a conduit à donner à cette Planète une maffe fenfible- ment moindre que celle que M. Newton lui avoit affignée, “mais qui revient afflez à la détermination que M. Bernoulli, Euler & d’Alembert avoient établie par d’autres voies. Quant aux autres Planètes, un coup d'œil jeté fur le fyflème du monde ne permet pas de faire entrer Saturne dans cette recherche; il eft vifiblement trop éloigné pour que fon action puifle êwre fenfible. - On doit pareillement rejeter Mars & Mercure, dont les mafles font trop petites pour pouvoir déranger fenfiblement ‘le mouvement de la Terre. Reftent donc Jupiter & Vénus: M. Newton a conclu la maffe de Jupiter de la révolution de fes fatellites, & Hi 1754 Q 122 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE celle de Vénus peut aïfément être déterminée par la méihodg de M. Clairaut, dont nous venons de parler. Le premier article du Mémoire de M. Clairaut contient plufieurs propofitions qu'il avoit données dans fes Ouvrages précédens, & qui fervent comme de principes à celui-ci ; de-là il pañle à l'action de la Lune, qu'il détermine en quan- tités algébriques, puis en quantités numériques , ayant égard non feulement à l’excentricité de l'orbite lunaire, mais même à celle de l'orbite terreftre, & au moyen mouvement des deux Planètes, & il déduit de ce calcul les dérangemens que la Lune peut apporter au mouvement de la Terre, fuivant fes différentes phafes & la différente pofition de la Terre fux fon orbite, de laquelle il donne les tables d’équation. Le dérangement caufé par laétion de Jupiter eft objet du fecond article: on voit aifément que cette Planète, par fon attraction, tantôt éloigne la Terre du Soleil, tantôt en approche, tantôt accélère & tantôt retarde fon mouvement ; c'eft l'effet naturel de tout corps attirant, placé hors de l'orbite terreftre, & cette ation, plus on moins forte fui- vant les diftances, varie encore par la pofition de Jupiter à l'égard de la ligne des apfides terreftres. Ce n’eft qu’en ayant égard à toutes ces circonflances, qu'il eft poffible de déter- miner de combien l'action de Jupiter peut altérer le mouve- ment de la Terre. C’eft aufli en employant tous ces élémens que M. Clairaut parvient à déterminer cette action de Ju- piter fur la Terre, & à drefler des Tables qui en expriment la valeur. Vénus eft la dernière Planète dont fa mafle fit afez confidérable pour agir fur la Terre & pour déranger fon cours. Les feules quantités que les obfervations fourniffent pour cette détermination, dépendent, lune du rapport des moyennes diflances de Vénus & de la Terre au Soleil, & Yautre du rapport des temps périodiques. Il eft cependant néceflaire que la mafle de Vénus, qui nous eft inconnue, entre dans ce calcul. Pour l'obtenir, M. Clairaut emploie Ja mème méthode qui lui a fervi à déterminer celle de Ia DES SCIENCES. 723 Lune: il fuppofe d'abord cette mafie d’une certaine quantité, & L'introduifant dans le calcul avec les deux élémens dont nous venons de parler, il en conclut le dérangement que cette Planète doit caufer au mouvement de la Terre : ïl compare enfuite ce dérangement à celui que donnent les obfervations ; & comme la différence ne peut venir que de la valeur de cette mafle, les deux autres élémens étant déter- minés par obfervation, il l'augmente ou la diminue jufqu'à ce que le calcul & Tobfervation s'accordent exactement. Il eft bon de remarquer que pour opérer cette déter- mination, il faut choifir des oblervations faites dans les ” circonftances les plus favorables, & fur-tout dans le temps où l'action de la Lune eft abfolument nulle, c'eft-à-dire, dans les fyzygies. En comparant de cette manière Je calcul à un affez grand nombre d'obfervations choïfies de M. l'abbé de la Caille, M. Claïraut détermine la mafle de Vénus aux deux tiers | de celle de la Terre, & trouve les quantités dont cette Planète doit accélérer ou retarder le mouvement de la Terre, fuivant fes diverfes pofitions à fon égard. En combinant enfemble les trois actions de la Lune, de Jupiter & de Vénus, lorfqu'elles fe trouvent toutes du même fens, M. Clairaut trouve qu’elles peuvent produire une altération à peu près d’une demi-minute, tantôt en plus, & tamôt en moins, d’où il fuit que fi on n’y avoit aucun égard, on pourroit trouver une diflérence d'une minute “entre les meilleures tables & l'obfervation ; différence trop fenfible pour être négligée, & qui ne pourroit cependant être corrigée par aucun changement dans les élémens or- dinaires des Tables. ; _ Mais quoique cette différence d'une minute ne fe puiffe : rouver que dans certaines circonftances, il arrivera ce- ndant affez fouvent qu'il sen trouvera de moindres, qui ront pas pour cela tout-à-fait à négliger. On peut ai- | t prévoir le temps où elles arriveront, en employant nu éthodes de M. Clairaut & les Lis des moyens À C1 Voy. Mém. p.232. P. 382. 24 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE mouvemens, qui donnent les argumens de fes équations. On juge bien que des déterminations auffi délicates que celles dont nous venons de parler, n'ont pü fe faire qu'en maniant le calcul géométrique avec une adreffe extrême, foit pour vaincre, foit pour éluder les difficultés. L'artifice fur-tout avec lequel M. Clairaut rend, pour ainfi dire, con- vergens les termes des féries qui ne vont pas affez rapidement, cft digne de toute l'attention des Géomètres. Mais ce que nous devons encore moins pañler fous filence, ceft que dans les occafions où l'élégance géométrique fe trouve in- compatible avec la fimplicité du calcul , il abandonne fans peine & embrafle les méthodes qui vont plus facilement au but. On trouve aflez de calcul iKceffaire dans l Aflronomie pour que le vain avantage d'une élégance inutile n’y en doive pas introduire de fuperflu. Pour peu qu'on veuille faire réflexion fur tout ce que nous venons de dire, on comprendra aifément que puifque l'action des Planètes peut déranger le mouvement de la Terre dans le fens de la longitude, ces corps étant fouvent hors du plan de lécliptique peuvent aufli en écarter la Terre, Mais l'examen de cet objet eft renvoyé par M. Clairaut à un autre Mémoire, & il s'eft borné dans celui-ci à examiner les dérangemens que l'action des Planètes pouvoit caufer à fes mouvemens, dans le fens de la longitude. Combien d’é- lémens différens delquels les anciens Aftronomes n’avoient pas la moindre idée! il femble qu'à mefure que les Sciences avancent vers leur perfection, il naifle, pour ainfi dire, de nouvelles difficultés qui compenfent le devré de facilité qu'elles avoient acquis. N OUS renvoyons entièrement aux Mémoires, L'Écrit dé M. de Thury, fur la longitude de l Abbaye Saint - Matthieu. L'Obfervation de l'occultation de l'étoile » du Verfeau par la Lune, & de la conjonétion de l'étoile 8 avec la même Planète, arrivées le 21 Novembre 1754, au foir, par M. deflfle DIEMSIMNSL- CARE NAC, ES 125 Et l'Obfervation du pañlage de Mercure fur le Soleil, du p. 589. 6 Mai 1753, faite à Meudon par M. de la Lande. KR année parut un ouvrage de M. d'Alembert , intitulé, Recherches fur différens points importans du Jyflème du monde. à L'Aftronomie proprement dite a pour unique but de déterminer par fes obfervations les loix du mouvement des aftres, & les inégalités auxquelles il peut être aflujéti, & l'on ne peut trop admirer la fagacité avec laquelle les Aftronomes font parvenus de nos jours à remplir des vües fi utiles, & qui font tant d'honneur à l'humanité. Mais l'Aftronomie ne va pas jufqu'aux caufes; c'eft l'objet de la Phyfique, & c’eft pour cette raïfon qu'on a donné le nom d'Aftronomie- phyfique à la partie de la Philofophie naturelle qui s'occupe à rechercher les caufes des phénomènes céleftes. Nous avons fait voir en plufieurs endroits combien le fyftème Newtonien donnoit de facilité pour ramener tous ces phénomènes à un feul principe, & avec combien d'exaétitude on parvenoit, en partant de ce principe, à calculer & à prévoir jufqu'à des variétés qui auroient peut-être encore échappé long- temps à l'obfervation fans ce fecours ; & il faut avouer que quelle que puifle être la caufe de [a gravitation univerfelle, fuppofée par M. Newton, plus on approfondit cette ma- tière, & plus on trouve de conformité entre les réfültats du calcul & ceux de l'obfervation. M. Newton n'avoit pas pü calculer avec une égale pré- cifion tous Îes phénomènes céleftes fuivant fes principes; & quelqu'étendue qu'il eût donnée à fon ouvrage, il avoit fait fur bien des points qu'ouviir, pour ainfi dire, la route aux Géomètres. _ If étoit cependant très-important de fuivre ces détails : Thypothèfe Newtonienne ne pouvant être prouvée à priori, tire toute fa certitude de la conformité des réfultats de fon calcul avec les phénomènes ; & comme ce calcul eft abfo- dument géométrique, une feule de fes Or qui | Q i 726 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE feroit defavouée par la Nature, retomberoit entièrement fur le principe, & détruiroit fans retour l'hypothèfe. Ce font plufieurs points de cette efpèce que M. d'A: lembert a entrepris d'examiner dans cet ouvrage, & qu'il a fuivis jufque dans les plus petits détails ; & il a eu par-tout la fatisfaétion de voir que plus il approchoit de l'exactitude géométrique, plus aufr fes réfultats quadroient avec les ob- {ervations. Le premier & le plus important objet qu'il ait traité, à été la théorie de Ja Lune. Nous avons déjà eu occafion de pauler plus d'une fois des eflorts que les plus célèbres Géo- mètres avoient faits, pour déduire de lhypothèfe Newto- nienne toutes les irrégularités qu'on obferve dans le cours de cette Planète; mais il ne fera peut-être pas inutile de re- tracer ici une lévère idée des principes fur lefquels eft établie la théorie Newtonienne de cette Planète. Si fa Lune n'avoit fon mouvement compolé, comme les Planètes principales, que d'un mouvement reétiligne, com- biné avec l'effet de la gravitation vers la Terre, elle décriroit comme elle une ellipfe à l'un des foyers de laquelle fe trou- veroit la Terre, fon axe auroit une pofition conftante, & fa théorie deviendroit extrêmement fimple. Muis cette extrême fimplicité n’exifte pas dans la Nature: la Lune eft non-feulement attirée par la Terre, mais elle left aufli par le Soleil; & pour rendre encore le calcul plus compliqué, ces deux attraétions n'agiflent prefque jamais dans le mème plan ni dans la même direction. Cette dernière force par laquelle la Lune eft portée vers le Soleil, peut, fuivant les Joix connues de la Méchanique; être décompofée en deux autres, dont lune agira parallè- lement à l'action du Soleil fur la Terre, & par conféquent napportera aucun dérangement au mouvement de la Lune, puifqu'attirant à la fois l'une & l'autre, elle les fait approcher également du Soleil, fans que leur mouvement relatif en foit dérangé. Il n'en eft pas de même de l'autre partie de la forcé DE S5.:9 C l'E NC.E.s. 127 décompolée, fon action doit néceffairement déranger 1e mouvement de la Lune, qui ne fe fera plus dans une ellip{e fimple, mais dans une courbe irrégulière, variable à chaque inftant ; & comme les dérangemens ne feront pas égaux de chaque côté de l'axe, cet axe aura lui-même un mouvement qui, comme on juge bien, ne fera pas égal, & la ligne des apfides de la Lune changera continuellement de poñition. Il s'en falloit beaucoup que M. Newton eût déduit de fà théorie toutes les inégalités de la Lune: dans quelques-unes qu'il a données, il a caché Ia route qu'il a tenue pour par- venir à les connoitre: il y en avoit même qu'il avoit uni- quement déduites des obfervations, telles que le mouvement de l'apogée, l'équation de ce mouvement, la variation de l'excentricité, & quelques autres, foit qu'il préfumit que le calcul, qui jufque-là s'étoit accordé avec tous les phé- nomènes qu'il avoit examinés, feroit de même conforme aux autres, foit que ceux-ci fe refufaffent à la fynthèfe qu'il avoit employée de préférence dans fes ouvrages. C’eft au contraire en fe {ervant du calcul analytique, & de toute la perfection qu'il a acquife, que M. d'Alembert a entrepris de déduire l'orbite réelle de la Lune des actions que le Soleil & la Terre exercent fur elle. IL examine avec foin le mouvement des nœuds de cette orbite, & fon in- clinaifon telle qu'elle réfuite de 11 théorie. Dans une recherche de cette nature, il fe préfente des difficultés de deux efpèces; les unes font des fuites de B manière dont on attaque, pour ainfi dire, le problème, & les autres viennent uniquement du calcul plus où moins bien conduit ; kes unes & les autres peuvent être confidéra- - blement diminuées par l'adreffe avec laquelle un habile Géo- mètre fait les éluder : il importe {üur-tout infiniment de bien choifir la route qu'on doit prendre pour éviter des compli- cations accidentelles qui rendroient les problèmes infiniment plus difficiles à réfoudre, & cela fans aucune utilité, & abfolument en pure perte. Ceft dans cette partie que brille principalement l'efprit 128 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE & l'intelligence du Géomètre, & où il eft infiniment plus beau d'éviter les difficultés que de les vaincre. En employant avec le plus grand foin cet art fi pré- cieux, M. d'Alembert eft parvenu à obtenir une formule qui exprime toûjours le lieu de la Lune pour un temps donné, & d'après laquelle il a conftruit de nouvelles Tables des mou- vemens de cet aftre. Pour fe conduire avec plus de facilité dans ce travail, il a réduit en formules les nombres des Tables déjà conftruites, & les ayant comparées fous cette forme avec le réfultat de fà théorie, il a vü les changemens qu'il y avoit à faire aux nembres pour les y rappeler. Ce n’eft pas, au refte, que M. d'Alembert regarde ces Tables ‘comme parfaitement exactes, mais au moins font-elles exac- “tement conformes à la théorie; & if croit que s'il y a des changemens à y faire, ils ne feront que dans les nombres, & jamais dans les élémens dont elles font compofées. Le calcul s'eft fouvent accordé avec celui de M. Newton, mais quelquefois aufir il s’en eft écarté, & l'on n’en fera pas fürpris après ce que nous avons dit fur ce fujet. Il s'eft trouvé dans quelques endroits des inégalités qui s'entre-déwuifoient , & M. d'Alembert n'a pas oublié de fe faifir, pour ainfi dire, de cet avantage, pour fimplifier fon calcul. Un point important de {a théorie de Ia Lune avoit trop exercé les premiers Géomètres de l'Europe, pour que M. d'Alembert ait pû le pafler fous filence dans.cet ouvrage : ce point eft le mouvement de l'apogée de la Lune. I femble d'abord que dans la folution de ce problème on puifle né- gliger, conne dans bien d'autres cas, de petites quantités; cependant on fe tromperoit aflez confidérablement , on peut même fe tromper encore d’une autre façon dans cette re- cherche, & une erreur dans laquelle trois des plus célèbres Géomètres de l'Europe ont pù tomber, mérite bien d’être indiquée. Le mouvement de Fapogée fe trouve déterminé dans le calcul analytique par une férie ; il eft affez ordinaire que dinñs'ces fortes de déterminatiogs on s'en tienne au premier Dir S:C.r E N'cikS, 129 prémier terme, qui a coûtume d'être plus grand que tous les autres pris enfemble. Ce fut précilément ce qui arriva à M. Euler, Clairaut & d’'Alembert, qui tous trois fépa- ‘rément travailloient fur fa même matière. Ils fe trompoient cependant ; le premier terme ne donne qu'à peu près la moitié de ce mouvement, & pour l'avoir fenfiblement exact, il faut aller jufqu'au quatrième. M. Clairaut fut le premier qui reconnut cette illufion, & qui en fit part au public. Cet exemple a paru trop important à M. d'Alembert pour : qu'il ait pà le pañler fous filence, & c'eft par-là qu'il termine {à théorie de la Lune. Le fecond livre commence par la théorie des inéoalités du mouvement de la Terre, caufées par l'action de la Lune & celle des autres Planètes. Si la Terre étoit feule & fans Lune, elle décriroit certainement, abftraction faite de l'action des autres Planètes, une ellipfe autour du Soleil; mais {a Lune qui lui eft unie change un peu cette route, ce n'eft plus le centre de gravité de la Terre qui décrit cette ellip{e, mais le centre de gravité commun de la Terre & de la Lune; d'où il fuit que cette dernière étant à chaque inftant dans une fituation différente à l'écard de la Terre, le centre de celle-ci eft continuellement auffi déplacé d'une quantité, à la vérité aflez petite, mais cependant fenfible. Nous n'infifte- rons pas davantage fur cette théorie, de laquelle nous venons de parler affez amplement d'après M. Chiraut, qui a auf traité la même matière dans un de fes Mémoires. Le troifième livre eft rempli par la difcuffion de différens points du fyftème du Monde, Le premier eft la préceffion des équinoxes, duquel nous avons déjà parlé d'après M. d'Alembert, en 1750 *, & dans * Voyez Hif. ce volume *. M. d'Alembert fait plufieurs réflexions fur les 2750.13 4 - deux folutions qu'il avoit données de ce problème; fur les ” Port éidri … méthodes fautives qu'on pourroit employer dans cette re-? "7" * cherche: für les conféquences qu'on peut tirer de fa théorie pour la figure de la Terre & pour la maffe de la Lune; fur l'action que les autres planètes peuvent exercer fur cette fl 1754 * R 130 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE préceffion, & enfin fur la manière de calculer les variations apparentes qui réfultent dans la pofition des étoiles du mou- vement de l'axe de la Terre, & de les rappeler aux chan- gemens en afcenfion droite & en déclinaifon qu'elles leur font éprouver, Un autre objet, qui neft pas moins intéreffant, eft l'examen du mouvement que lation du Soleil peut pro- duire dans Vaxe de la Lune, confidérée comme fphéroïde; ce qui, comme on voit, mène à repréfenter cette elpèce de balancement qu'on nomme fbration, par lequel la Lune nous découvre, tantôt d’un côté, tantôt de l'autre, une petite partie de fon hémifphère invifible. Cette recheïche exige né- ceflairement celle de la figure de cette Planète; car la non- fphéricité de la Lune produifant ce balancement, il eft clair que plus elle s’éloignera de la fphéricité parfaite, plus ce mou- vement fera grand. La rotation des Planètes fur leur axe, & en particulier celle de la Lune, entrent auffi dans la théorie de M. d'Alembert, & il les déduit de fes principes. Vient enfin la recherche de la figure de la Terre ; ce point, déjà tant de fois & fi favamment examiné par les plus cé- lèbres Géomètres, eft ici envifagé fous un nouveau point de vüe, infiniment plus étendu. La parallaxe de la Lune, en fuppofant que la Terre foit un fphéroïde; 11 manière de. déterminer la figure de ce fphéroïde par la mefure de plufieurs degrés du Méridien, & fans saflujétir d'ailleurs à aucune hypothèle, y font exaétement difcutées ; mais M. d'Alembert va plus loin, & par une méthode abfolument nouvelle il détermine l'attraction d’un fphéroïde quelconque, même non elliptique, pourvû qu'il ne s'éloigne pas beaucoup de la fphère, & il applique cette théorie à la recherche de la figure de la Terre, qui devient certainement par-là plus füre & moins hypothétique qu’elle n'étoit. Cet ouvrage de M. d'Alembert a eu une fuite qui, à la vérité, n'a paru qu'en 1756, mais qui eft trop étroitement liée avec ce que nous venons de dire pour en pouvoir être iéparée, t: L 00 DYE'S OIL E NE UE S 131 Les principaux objets qu'il s’'eft propolé d'y traiter, font la correction des Tables de la Lune, lé dérangement caufé au mouvement de la Terre par l'action de la Lune, & enfin la figure de la Terre, ou pluftôt la difcuffion des doutes que les mefures des degrés du Méridien, faites en différens endroits, ont pû jeter fur l'uniformité de cette figure. La meilleure manière de corriger les Tables de la Lune eft de les comparer, auffi fouvent qu'il eft poffible, à l'ob- fervation, & d'examiner fcrupuleufement fr dans les correc- tions dont elles femblent fufceptibles, il ne fe gliffe rien de contraire à la théorie: faute de cette dernière condition, il deviendroit peut-être impoffible de fe reconnoître dans les différentes équations que peuvent exiger les obfervations; & fi on n’avoit qu'un petit nombre de ces dernières, on courroit rifque de ne jamais s'affurer des nombres ni de la vérité de Thypothèle. Les obfervations fournifent pour la correétion dès Tables, des fecours de deux efpèces; on peut les employer immé- diatement en déterminant par leur moyen les coëfficiens des équations lunaires , ou fe fervir de la période de M. Halley, & “chercher par le moyen de cette période l'erreur des Tables. La première de ces méthodes femble au premier coup d'œil abfolument impraticable ; il paroît d'un travail immenfe de déterminer d'après les obfervations les coëfficiens des équations lunaires, eu égard au grand nombre d'équations algébriques qu'il faudroit réduire, & de celui des quantités différentes qui y doivent entrer. Mais cette extrême diff- culté diminue bien-tôt dès qu'on remarque d’une part que les coëfliciens de ces équations n'influent nullement fur le lieu de la Lune, lorfque les argumens correfpondans font nuls, & que même ces coëfficiens étant pour la plufpart à très-peu près connus, il fufhra que les argumens foient à peu près nuls, pour que l'erreur qu'ils pourroient caufer puifle être légiti- mement négligée; car en choififlant adroitement les circonf- tances où plufieurs de ces argumens foient nuls, ou à peu près nuls , tandis que d’autres ne le font pas, on “es affez peu 1] 132 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE d'équations à réfoudre, & aflez peu d'inconnues à déterminer à la fois, ce qui rend la méthode beaucoup plus praticable, &c même aflez fimple. Le fecond moyen de perfectionner les Tables de fa Lune eft d'employer la période de M. Halley ; elle eft, comme on fait, de 223 lunaifons, après lefquelles les inégalités de la Lune reviennent, felon lui, les mêmes ; d’où il fuit que fi on a obfervé pendant ce temps les lieux de la Lune, les er- reurs qu'on a remarquées dans les tables doivent fe retrouver les mêmes & dans le même ordre dans la feconde période; ce qui rendroit les tables équivalentes a des tables parfaites. Mais pour que la méthode füt abfolument exacte, il faudroit qu'à la fin de la période tous les argumens des inégalités de ka Lune fe trouvaflent précifément les mêmes qu'ils étoient au commencement, & c'efl ce qui ne fe trouve pas. On peut néanmoins, au moyen de quelques remarques de M. d’'A- Jembert , ramener cette méthode à une plus grande précifion; cependant, quoïqu'elle puifle être utilement employée pour dé- couvrir en partie l'erreur des tables, il ne la croit pas fuf- fifante pour la déterminer rigoureufement; d’ailleurs, les inégalités ne fe trouvant pas abfolument les mêmes à chaque période, il faudroit obferver fans ceffe ; l'erreur obfervée ne pouvant guère s'appliquer qu'à la période immédiatement fuivante, {1 on veut obtenir quelqu'exaétitude. H nous refleroit préfentement à parler des deux derniers objets de ouvrage de M. d'Alembert, c'eft-à-dire, de Faction de la Lune par laquelle elle dérange le mouvement de la Terre dans fon orbite, & de la figure de la Terre, ou plufiôt de la difcuffion des doutes fur a révularité de Ja figure de cette Planète; mais comme nous avons eu déjà ® Vy. cidw. occafion d'expliquer dans ce volume même * prefque toute 785 174 Ja théorie de fun & de l'autre point, & que nous ne pour- rions en parler ici fans tomber dans des redites, ous prierons le lecteur de vouloir bien y recourir. Nous ajoûterons feulement ici qu'on reconnoît dans tout cet ouvrage la manière précife & lumineufe avec laquelle HE Sn NSCULUB NC ES 133 M. d'Alembert fait traiter les matières qu'il prend pour objets de fes recherches, & de laquelle celles-ci paroiffent au premier coup d'œil fi peu fufceptibles. L'ÉÉÉÉÉÉSÉÉÉ ÈS GÉOGRAPHIE. N OUS renvoyons entièrement aux Mémoires, L’Ecrit de M. Buache fur les différentes idées qu’on a eues de la traverfée de la Mer glaciale arétique, & fur les communications qu'on a fuppofées entre diverfes rivières. Et celui de M. de Ffle fur la détermination de Ja longitude de fIfle de Madère par les éclipfes des fatellites de Jupiter, obfervées par M. de Bory, Lieutenant des Vaifleaux du Roi, & comparées avec celles de M. l'abbé de la Caille à l'Ifle de France. R ii Voy. Mém, P:le ) Voy. Mém, P: 565: 134 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoyaLer ernrerererrererereS SIN MÉCHANIQUE. SUR LE PLUS GRAND EFFORT DE L'EAU SURLTIE SURIOFUNE"S. Voy. Mém- O N eft aflez communément perfuadé que de quelque pages 603 & 611. manière qu'on emploie l'eau d'une chûte , foit par fon poids, foit par fon choc, on n'en doit attendre que le même effet, en fuppofant que dans lun & l'autre cas toute l'eau foit employée. Rien n’eft cependant moins vrai que cette propofition ; & toutes les fois qu'on fera obligé de ménager la quantité d'eau, on trouvera un avantage réel à la faire agir par fon poids pluftôt que par fon choc. Comme ce cas eft celui qui arrive le plus ordinairement, c'eft aufli celui qu'il eft le plus intéreffant d'examiner; car Veau ne pouvant, lorfqu’elle agit par fon choc, produire un effort plus grand que les # de l'impulfion qu’elle donne, il eft clair que la plus grande partie des petits courans d’eau deviendroient abfolument inutiles, f: on ne pouvoit les em- ployer d'une autre manière. Ce fut précifément ce qui arriva à M. de Parcieux lorf- qu'il voulut faire exécuter à Crécy, chez Madame la Marquife de Pompadour, la machine qui y élève les eaux de la petite rivière de Blaife jufqu'à 1 63 pieds de hauteur: cette rivière fournit à peine dans le temps des bafles eaux, 4 ou $ pieds cubes d'eau par feconde; ce qui, fuivant la règle ordinaire, n’auroit pü élever à la hauteur propofée qu'une fr petite quantité d'eau, qu'elle wauroit pas mérité qu'on employât beaucoup d'art, de peines & de dépenfes à l'y faire parvenir. Cette circonflance engagea_ M. de Parcieux à examiner foigneufement s’il ne feroit pas poffible de tirer un meilleur -parti de l'eau qui pafloit par cette chüte, en la confidérant comme une fuite de poids qui fe fuccèdent les uns aux autres. DNENSH NN CUVE NUE S. 135 Le premier pas qu'il fit fut de s’aflurer par expérience des efpaces parcourus par un corps qui, au lieu de tomber Jibre- ment, feroit obligé de faire monter autant qu'il faudroit , un autre poids qui feroit fon quart, fon tiers, fa moitié, &c. L'expérience ayant été foigneufement faite avec des corps fufpendus aux extrémités d'un ruban qui pafloit fur une poulie très-mobile, & qui n'étoient abandonnés qu'au même inflant qu'un pendule à fecondes, fixé près de là, fe mettoit en mouvement, il s’eft toüjours trouvé que plus le poids enlevoit un contre-poids approchant de fa pefanteur, plus il alloit dou- cement ; d'où il fuit que pour faire produire un plus grand effet à un poids, il faut ralentir la vitefle de fa defcente. Regardant à préfent l'eau d’une chiite comme une infiité de poids qui fe fuccèdent , il fuit du principe que nous ve- nons de pofer, qu'on pourra lui faire enlever d'autant plus d'eau, que la roue dans les pots de laquelle elle tombera, tournera plus lentement; avantage qu'on ne peut procurer aux roues à aubes, qui ne vont prefque que par limpulfion de l'eau. Cette augmentation d'effort a cependant des bornes; il faut toûjours que l'eau qui tombe dans les pots de la roue foit en plus grande quantité que celle que la machine élève; que la roue, malgré fa lenteur, prenne toute l'eau de la chûte, fans cela, la partie de l’eau qui ne pourroit pas y être reçüe, feroit en pure perte, & ne contribueroit en rien à l'eflet de la ma- chine ; & qu'enfin on évite avec foin de rendre Ia roue trop lourde, car faute de ces conditions on perdroit fürement au lieu de gagner ; mais en les rempliffant exaétement, ce qui fera toûjours poffble à un Méchanicien intelligent, il eft certain qu’on parviendra à faire produire à l'eau, en fe fervant de fon poids & d’une roue à augets, un effet de beaucoup fupérieur à celui qu'on pouvoit attendre de fon choc, & que cet effet fera jufqu'à un certain point d'autant plus grand, que la roue tournera plus lentement. Veut-on fe former une idée de cette augmentation de force? » qu'on imagine deux roues à augets égales en diamètre, fixées 136 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYyALE fur lé même arbre, mais dont les augets foient tournés à contre-fens, & qu'un ruifleau porte fon eau dans les augets de l'une des deux; il eft clair que la machine tournera, & que l'autre puifera en bas de l'eau dans fes augets pour la porter en haut, comme la première reçoit l'eau du ruifleau fupérieur pour la porter en bas. Si les quantités contenues dans les augets de lune & de l'autre étoient égales, l'équi- libre feroit bien-tôt établi, & les roues demeureroiïent en repos ; mais f1 la roue qui monte l'eau n'en prend que la moitié, par exemple, de celle qu’en reçoit l'autre, celle-ci agira par cet excédant de poids, & il s'établira un ruifleau à fa même hauteur que celui qui donne le mouvement à la machine, & qui en fera feulement la moitié. Si la roue qui enlève l'eau prend les £ de ce que reçoit la première, celle- ci magira que par un quart du poids, & tournera plus len- tement, mais auffi le ruiffeau formé par leau élevée, fera plus fort. En un mot, à mefure que ce ruiffeau groflira, fa prémière roue tournera moins vite, ou, ce qui revient au même, elle produira d'autant plus d'effet qu'elle tournera plus lentement. On aura donc toûjours plus d'avantage, lorfqu'on voudra ménager l'eau, à fe fervir de roues à augets, en les faifant tourner lentement, qu'à employer des roues à aubes. Ce n'eft pas cependant que dans celles-ci l'eau n'agifle en partie par fon poids, puifque les parois & le fond de fa cour- cière dans laquelle elle paffe, forment une efpèce de vaiffeau dont l'aube eft le fond; mais outre que la courcière porte en grande partie le poids de l’eau qui y coule, l'aube fuit ordinairement trop vite pour recevoir une impreflion confi- dérable de Ja portion du poids de l’eau qui agit fur elle, & on ne peut augmenter un peu cette action du poids de l'eau, qu'en plaçant les aubes, non en continuation du rayon de la roue, comme on fait ordinairement, mais inclinées à ce rayon; on parviendra par ce moyen à augmenter l'effort de l'eau fur ces roues. Mais cet article nous écarteroit trop de notre fujet, & M. de Parcieux le renvoie à un autre Mémoire. | Ce ; DES SCIENCES 137 Ce que nous venons de dire des roues à pots ou à augets, & de la manière d'augmenter l'effort de l'eau fur elles, en ralentiffant la vitefle de leur mouvement, eft déduit uni- quemerit du raifonnement : M. de Parcieux a voulu le rendre encore plus fenfible par une expérience qui fait voir évi- demment ce qu'il n'avoit fait que prouver ; efpèce de dé- monftration fouvent néceffaire dans la Méchanique, où äl femble que le phyfique prenne prefque par-tout plaifir à dé- mentir les théories les plus ingénieufes. Il a pour cela fait conftruire une machine dans laquelle: une roue à augets, très-légère & très-mobile fur fes pivots, eft mife en mouvement par l’eau d’une grofle bouteille renverlée, qu'elle reçoit toûjours dans la même quantité & avec la même inclinaifon: L’axe de cette roue peut recevoir huit cylindres ou poulies de différens diamètres autour de chacun defquels on peut faire devider un cordon qui, après avoir paflé fur * une poulie, foûtient un poids que le mouvement de la roue doit élever, & dont l'élévation eft mefurée par un ruban ou échelle divifée en pouces, le long de laquelle il monte. On peut donc ofirir plus de réfiftance au mouvement de la roue de deux manières différentes, ou en augmentant le poids fufpendu par le cordon, ou en le faifant devider fur un tambour de plus grand diamètre; & dans lun & l'autre cas, on diminuera certainement fa vitefle. S'il n’y avoit rien à gagner en rendant Je mouvement de h roue plus lent, il eft certain qu'en lui faifant enlever un poids double, on ne devroit élever le poids, avec la même quantité d'eau, qu'à la moitié de la hauteur à laquelle monteroit un poids de moitié moindre; cependant l'expé- rience faite en préfence de l’Académie a toûjours montré de contraire. Un poids de 12 onces, par exemple, a été _ élevé à 69 pouces 9 lignes, avec un cylindre d'un pouce de diamètre. Un poids de 24 onces n'auroit dû l'être qu'à “ 34 pouces 10 lignes +, il eft cependant parvenu à 40 pouces. Le même poids de 12 onces, & enluite celui de 24 ont été fucceflivement clevés avec des cylindres de plus A. 1754 Voy. Mém. p- 679: 138 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE gros en plus gros, & toûjours il eft arrivé que les plus gros cylindres, qui retardoient le plus le mouvement de la roue, ont fait monter le poids plus haut que les moindres. L'expé- rience a donc confirmé le raifonnement de M. de Parcieux, & on peut regarder comme un principe, que l'eau d'une même chüûte agit par fon poids beaucoup plus avantageufement que par fon choc, & que plus les roues à pots tourneront lentement, plus, à dépenfe d’eau égale, elles feront d'effet. On pourroit peut-être imaginer que cette diflérence d'eflet viendroit de ce que les augets de la roue fe vuident moins bien quand la roue tourne vite que lorfqu'’elle tourne lente- ment, & que cette eau qui y refte comme fufpendue forme un contre-poids qui diminue fa force. Cela peut bien y entrer pour quelque chofe; mais, pour peu qu'on y faffe réflexion, il fera aifé de voir que cette différence ne peut produire , à beaucoup près, toute celle qu'on obferve dans l'effet de la machine. : Dans le même temps que M. de Parcieux travailloit fur cette matière, M. Jean Albert Euler en avoit aufli fait l'objet de fes recherches, & étoit arrivé précifément aux mêmes conclufions dans une Pièce qui a remporté en 17 $4 le Prix de fa Société Royale de Goettingue. Cet accord entre les deux Mathématiciens feroit feul un préjugé capable de fervir de preuve, fi les Mathématiques en admettoient de cette efpèce. Nous ne diflimulerons cependant pas que le principe de M. de Parcieux, qu'à dépenfe d’eau égale, une roue à augets produira d'autant plus d'effet qu'elle ira plus lentement, a été attaqué par M. le Chevalier d'Arcy, qui a trouvé que cette augmentation de force avoit un maximum au delà duquel la force devoit diminuer. Ce n'eft pas qu'il ait voulu révoquer en doute l'expérience dont nous venons de parler; il a feule- ment prétendu que dans cette expérience on n'étoit pas arrivé au point du maximum. Maïs tout ceci ne porteroit prefque que fur fa trop grande généralité du principe, & il y a bien de l'apparence que les caufes Phyfiques dont nous avons parlé, borneroïent l'augmentation de force dé la machine bien en deçà du point où fe wouve placé le maximum géométrique, ! DES SCIENCES 139 MACHINES ov INVENTIONS APPROUVÉES PAR L'ACADÉMIE EN M. DCCLIV. I. N nouvel Échappement à repos, préfenté par M. Caron fils. La roue de rencontre, qui ef platte & garnie de chevilles, placées alternativement des deux côtés de fon plan & perpéndiculairement à ce plan, pañfe entre deux palettes en forme de croiflant, qui font unies enfemble & au refte de la verge du balancier par un pédicule femblable au coude d'une manivelle de pompe. On diftingue dans chaque palette deux parties, lune creufée en gouttière cylindrique fuivant Jaxe du balancier ; l'autre droite ou courbe fuivant le goût de l'Horloger. Les chevilles, placées des deux côtés du plan de la roue, fe repofent alternativement dans les gouttières cylindriques des deux palettes, & s’échappent enfuite de ces gouttières en pouffant le refle des palettes, ce qui entre- tient les vibrations du balancier. Enfin la roue de rencontre eft fendue, comme les autres, entre fes chevilles, afin que le pédicule ou coude de manivelle puifle fe loger dans fes fentes, & que les excurfions du balancier foient plus grandes. Cet échappement a été regardé comme le plus parfait qui ait été jufqu'ici adapté aux montres, mais en même temps comme le plus difficile à exécuter. LE Deux inftrumens fervant à introduire, par la voie de F'inf- piration, différentes vapeurs dans l'intérieur du’ poumon. Le -premier eft compofé d’un tuyau flexible plus où moins long, adapté au couvercle d’une boîte à laquelle on a ménagé une ouverture qu'on peut augmenter, diminuer & fupprimer même à volonté. C'eft par cette ouverture qu'entre l'air ex- térieur, qui rencontrant en fon chemin les vapeurs de Ja liqueur ou autre matière échauffée qu'on a mife dans la boîte, s'en charge & les entraîne avec lui dans les poumons du Si] 140 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE malade, qui afpire par l'extrémité du tuyau. Le fecond n'eft qu'un tuyau de verre tourné en ferpentin : on place dans fes circonvolutions les matières dont on veut introduire les va- peurs dans la poitrine, & l'air que le malade, en fuçant par le bout du tuyau, force à paffer dans toute fa longueur, fe charge des particules de ces matières & les porte dans la poitrine. Quoiqu'il y ait déjà plufieurs inflrumens connus deflinés au même ufage, on a cru cependant que ceux-ci étoient plus propres à produire l'effet que l’Auteur en attend , & d'un ufage plus commode que ceux que l'on eonnoïfloit jufqu'ici. QUE Une montre à deux balanciers, préfentée par M. Jodin, Horloger à S.° Germain-en-Laye. L'idée d'appliquer aux monires deux balanciers engrénans l'un dans l'autre, pour les mettre à l'abri du dérangement occafionné par les fecoufes aux- quelles elles font expofées, n'eft pas nouvelle, feu M. Dutertre en avoit fait voir une à l'Académie dès l'année 1724; mais M. Jodin a cherché à diminuer les eflets du frottement inévitable dans cette conftruétion, en faifant communiquer le mouvement d’un balancier à l'autre par deux petits pignons très-chargés d'ailes. Comme il y a dans cette conftruétion moins de parties frottantes que dans la montre de M. Dutertre, elle fera moins fujette à la pouflière, & par-là moins expofée à s'arrêter, mais auffi les frottemens y feront plus durs. M. Jodin a joint à cette montre un remontoir qui la fait aller pendant qu'on la remonte : elle a paru ne rien laifler à de: firer du côté de exécution. I V. Une montre & une pendule, préfentées par M. Ferdinand Berthoud, Horloger. La montre marque les fecondes par le centre, les heures & minutes du temps vrai & du temps moyen, les mois de l'année & leur quantième ; le mouve- ment annuel y eft abfolument indépendant du mouvement de la montre, il n'eft mis en jeu que par la petite pièce qui fenomme garde de corde, qui s'élève versa platine fupérieure, lorfqu’en remontant la montre, la chaîne a atteint le haut de mr DPERSANN CHI E N°CHE'S 141 la fufée. C'eft cette pièce, & par conféquent la main de celui qui remonte, qui donne le mouvement à la roue annuelle, fans que celui de la montre en foit aucunement chargé. Il a paru qu'on n'avoit point encore imaginé de ma- nière plus commode ni moins fujette à inconvéniens, d'appliquer un mouvement annuel à une montre. La pendule marque précifément les mêmes chofes & va pendant treize mois fans être remontée. L’Auteur n'a donc pas pù employer chaque jour le remontoir pour donner le mouvement au rouage, il fe reçoit d’un pignon placé für le Parillet. La manière de faire paffer le 28 février, deux dents de a roue annuelle, & une feulement dans l'année biflextile, a paru ingénieufe; mais ce qui l'a paru encore davantage, a été l'idée de partager le poids en deux moitiés, dont l'une ne commence à agir fur Ja fufée que lorfque l'autre eft abfolument au bas de fa chûte; ce qui procure à cette pen: dule le moyen d'aller plus d’un an, quoique naturellement, à la hauteur où elle eft placée, elle ne dût aller qu'environ fix mois. Cette manière de difpofer les poids a paru abfolument nouvelle, & on a cru qu'elle pourroit être utile dans bien des circonftances, V. Une pendule à fecondes du fieur Pierre Charmy, Horloger à Lyon. L'auteur s’y eft propolé de diminuer le nombre des roues, & de placer les trois aiguilles au centre, de façon que celle des fecondes conduife les deux autres, en faifant le tour du cadran ; au lieu de marquer les fecondes fur un limbe par un mouvement alternatif. On a trouvé la conftruétion de cette pièce ingénieufe, mais d'une exécution plus difficile que celle des pendules ordinaires; ce qui n'empêche pas qu'elle ne prouve le talent & le génie de fon inventeur. D ANS le nombre des Pièces qui ont été préfentées cette année à l'Académie, elle a jugé les neuf fuivantes dignes d'avoir place dans le recueil de ces Ouvrages qu'elle fait imprimer, S üij 142 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Nouveau Mémoire de Cavalerie & de Manége. Par M. Bourgelat, Ecuyer du Roi, Chef de fon Académie à Lyon, Correfpondant de l’Académie. Sur les maladies des Blés. Par M. Aymen, Docteur en Médecine de la Faculté de Montpellier, Correfpondant de l Académie. Sur la correction des Tables de M. Hälley. Par M. de Vauffenville, Correfpondant de l'Académie, Obfervation fur la température de l'air, relativement aux produétions de la terre & aux maladies. Par M. Boucher, Docteur en Médecine. Sur Îa filtration de l'eau à travers le verre. Par M. de Coffigny, Ingénieur du Roï, Chevalier de l'Ordre militaire de Saint-Louis, Correfpondant de l'Académie, . Problème analytique. Par M. Fabbé Boflut, Profefleur de YÉcole royale de Mathématique & du Génie à Mézières, Correfpondant de l Académie. Oblervations aftronomiques, faites dans l’ifle de Gorée. Par M. Daprès de Mannevillette, Capitaine des vaiffeaux de la Compagnie des Indes, Correfpondant de l Académie. Sur la cire blanche d’Arbre & fur la Peinture des Pékins. Par le P. d'Incarville, Jéfuite, Miffionnaire à Pékin, Cor- refpondant de l’Académie. Sur le Tripoli qui fe tire près de Pontpeant en Bretagne. Par M. de Gardeil, Docteur en Médecine, Correfpondant de l'Académie. pres avoit propofé pour le fujet du Prix de 1754, la Théorie des inégalités que les Planètes peuvent caufer au mouvement de la Terre. N'ayant point été fatisfaite des recherches qu'elle a reçües fur cette queftion, elle a propofé de nouveau le même fujet avec un Prix double pour 1756. CRE DE M, D'ONSENBR À Y L° uIS-LÉON PA3oT, Chevalier, Comte d'Onfenbray, naquit à Paris le 25 Mars 1678, de Léon Pajot, Comte d'Onfenbray, l'un des Direéteurs généraux des Poftes & Relais de France, & de Marie-Anne Rouillé, tante de M. Rouillé, aujourd'hui Miniftre & Secrétaire d'État. Son Aïeul, auffr nommé Léon Pajot, Gentilhomme fervant chez le Roi, fut retenu quatre ans prifonnier en Éfpagne, où il avoit été envoyé par Ja Réine, mère de Louis XIV, pour le fervice du Roi. Si les peines attachées au crime desho- norent la poftérité de ceux qui les éprouvent, pourquoi celles qui font occafionnées par le zèle & la fidélité avec lefquels on fert fon Roi & fa patrie, ne feroient-elles pas regardées comme des titres d'honneur ? | Le jeune d'Onfenbray fit fes humanités au collése des Jéfuites de Paris; mais pendant fa réthorique il fat attaqué d'un mal d’yeux fi confidérable, qu'on craignit pour fa vûe, & qu'on fut obligé de le rappeler à fa maifon patemelle pour être plus à portée de le fecourir. Cette circonflance fembloit devoir interrompre abfolument le cours de fes études ; elle leur fut néanmoins peut-être plus utile que ne l'eût été la plus parfaite fanté. Au lieu de fa phi- lofophie de l'École qu'il auroit étudiée dans les colléges, où on n'en enfeignoit point encore d'autre, M. Quem, homme habile & éclairé qu'on avoit mis auprès de lui, imagina d'oc- cuper le loifir forcé de fon Élève à écouter la lecture de 1a philofophie de Defcartes, & des bons ouvrages qu'elle avoit déjà produits : il lui en faifoit remarquer avec foin les prin- cipes & la méthode, & le tout s'imprimoit d'autant mieux dans fefprit du jeune homme, que l'inaction prefque totale de fes yeux lui Otoit jufqu'à la moindre occafion de fe diftraire: 144 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE la Nature l'avoit mis dans le même état auquel on aflure qu'un Sage de l'antiquité fe réduifit lui-même, pour n'être pas diftrait dans fes méditations. Ce fut de cette manière que M. d'Onfenbray s’occupa de la Philofophie pendant tout le temps que dura fon mal; & la preuve la moins équivoque qu'il l'avoit bien employé, fut la reconnoiffance qu'il eut des foins de cet habile maître, duquel il n'a jamais voulu fe fé- parer. La véritable Philofophie tend encore plus à orner le cœur de toutes les vertus, qu'à remplir l'efprit de nouvelles connoiflances. La vûe de M. d'Onfenbray s'étant totalement rétiblie, il alla voyager en Hollande: aucun voyage n'étoit peut-être plus propre à développer les idées & les principes qu’il venoit d’'acquerir. La Hollande poffédoit alors M.° Hughens, Ruyfch, Bocrhaave, & plufieurs autres grands hommes. Quelle forme plus avantageufe pouvoit prendre la Philofophie pour plaire à quelqu'un qui y étoit déjà fr bien difpofé? Le Cabinet de M. Ruyfch fit fur-tout une vive impreflion fur lui; il conçut dès-lors le deffein de former une pareille colleétion, non pas précifément de pièces anatomiques, mais de morceaux d'Hifloire Naturelle, & particulièrement d'ouvrages de Mé- chanique, fcience à laquelle il étoit naturellement plus porté qu'à aucune autre, & qui devenoit encore plus intéreffante pour lui par les ingénieufes applications qu'il en voyoit faire à chaque inflant en Hollande, tant pour la pratique des arts & de la navigation, que pour défendre le pays des inondations continuelles qui le menacent. Le jeune voyageur revint de Hollande en 1698, plus Philofophe & plus Méchanicien que jamais : quelque léoi- time que füt cette paflion, elle trouva cependant des obftacles à vaincre. Nous avons dit que M. fon pire étoit un des Directeurs Généraux des Pofles, il deftinoit M. d'Onfenbray à être fon fuccefleur dans cette place, & aufli-tôt après fon retour de Hollande il commença à l'inftruire de la manière d'introduire dans cette importante partie l'ordre & Fexactitude qui la rendent fi avantageufe au Public & à l'État, & qu'une adminiftration CLÉ je sé CR DES SCIENCES T4$ adminiflration éclairée & fuivie peut feule y entretenir. M. d'Onfenbray étoit trop bon fils & trop bon citoyen pour fe refufer à un travail auquel le bien public & les ordres de fon père l'appeloient également ; il en fit donc fa principale oc- cupation :. mais au milieu même de ce travail il trouvoit moyen de fe ménager quelques momens pour donner à fes plaïfs, c'eft-à-dire, aux recherches d'Hiftoire Naturelle & de Méchanique; & il commença à travailler à ce Cabinet, duquel il avoit conçu le deflein pendant fon voyage de Hol- lande, & qu'il a rendu depuis fi abondant & fi célèbre. Jufque-là il n'avoit exercé la place de Directeur général des Poftes que fous le nom & fous les yeux de fon père, mais l'ayant perdu en 1708, il commença à l'exercer par lui-même. Nous ne parlerons point ici de l'exactitude avec laquelle il s’en acquitta ; nous n'en pourrions rien dire dont le Public ne foit déjà parfaitement informé: mais ce que nous devons ajoüter, c'eft que malgré la jeunefle de M. d'Onfenbray, qui n’avoit alors que vingt-huit ou trente ans, Louis XIV, ce Monarque éclairé & qui fe connoifloit fr bien en hommes, lhonora de fon eftime, le chargea de plufieurs affaires {e- crètes & délicates, defquelles il lui rendoit compte en par- ticulier, & indépendamment des Miniftres; & qu’enfin ce Prince lui donna une marque certaine de fa confiance en le faifant appeler dans fa dernière maladie pour cacheter fon teflament avant de l'envoyer dépofer au Parlement. La mort de Louis XIV ne changea rien à fon état, & lorfque M. Ie Duc d'Orléans, Régent, créa les charges de . Surintendant & d’Intendant des Poftes, if donna la première à M. de Torcy, & une de celles d’Intendant à M. d'Onfenbray, qui la poflédée jufqu'à la fuppreffion de cette charge. Ce m'étoit pas la première fois qu'il fe trouvoit en liaifon avec M. de Torcy, il lavoit accompagné en Hollande lorfqu'il y alla pour les négociations qui précédèrent la paix de Ryfwick, & il y avoit mérité fon eftime & fon amitié. . Nous ne fuivrons pas plus loin M. d'Onfenbray dans cette carrière étrangère à J Académie, fi cependant rien de ce qui Hi. 1754 146 H1iSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE intérefle le bien public lui eft étranger, & nous nous hâterons de le confidérer fous le point de vüe qui nous touche da- vanrage, comme Philofophe, Naturalifte & Méchanicien. Dès qu'il s'étoit vü maître de lui-même & d’une fortune confidérable, il avoit penfé à réalifer les projets qu'il avoit formés dans fon premier voyage de Hollande, à l'exécution defquels il n'avoit encore, pour ainfi dire, que préludé; mais comme d'un côté les occupations de fa charge, aux- quelles il ne pouvoit ni ne vouloit fe dérober, & d'autre part les vifites auxquelles il étoit continuellement expofé à Paris, y mettoient un obfhicle prefqu'invincible, il prit le parti de renoncer généreufement à tout ce qui fait chez le commun des hommes les agrémens de la fociété. Il eft vrai que ce n'étoit pas pour lui un grand facrifice; le jeu, les fpeétacles, &toutes ces liaifons que l'oifiveté & la crainte de l'ennui for- ment, fans que le cœur ni l'efprit y aient fouvent la moindre part, ne préfentoient au jeune Philofophe que des diftraétions incommodes & d'infipides amufemens. Il réfolut donc de les retrancher févèrement, & de partager deformais fon temps entre les occupations de fa charge & l'étude de la Phyfique & de la Méchanique. Dans cette vûe, il choifit la belle maïfon que M. le Duc de Chaulnes avoit fait bâtir à Bercy au retour de fon am- balade à Rome, que M. fon père avoit achetée, & dont il avoit hérité. Cet endroit, aflez près de la Capitale pour lui permettre d'y pafler tous les momens que fes fonctions lui laifloient libres, en étoit cependant aflez éloïgné pour écarter ceux qui n’auroient pü que le difiraire dans fes occu- pations. Ï deftina la plus grande partie de cette maifon aux Cabinets qu'il avoit deflein de former, & aux Laboratoires qui y étoient néceffaires. Il s’y ménagea un jardin de plantes & une magnifique orangerie; le refte, difpofé avec tout l'art & tout le goût poffibles, formoit, graces à l’heureufe fituation du lieu, une des plus agréables retraites que la Philofophie ait jamais habitées. On n'y déméloit aucune trace de cette févé- rité de faquelle on lui reproche tant de s'envelopper. DES SCIENCES 147 ‘étoit-là que M. d'Onfenbray venoit pañler tous les momens qu'il pouvoit dérober à fes devoirs. IL. y entretenoit toûjours un Secrétaire, un Chymifle, un Deffinateur, & tous les ouvriers dont il pouvoit avoir beloin pour l'exécution des machines qui venoient à fa connoiflance, ou qu'il in- ventoit lui-même. Il y attiroit, autant qu'il lui étoit poffible, ceux des Académiciens qu'il j jugeoit les plus propres à remplir fes vües : il y a eu pendant dix années le célèbre P. Sébaftien, & feu M. Geoffroy a conduit pendant près de quatre ans fon . Laboratoire Chymique. On peut juger fi avec fon inclination | & de pareils fecours, il étoit à portée d'enrichir fon recueil de pièces rares & intéreflantes. La route que fuivoit M. d'Onfenbray le. conduifoit né:° ceffairement à la connoiflance de J1 Phyfique & de la Mé- | chanique, & en même temps elle lapprochoit auffi de f Académie ; il y obtint en 1716 une des deux places d'Honoraires que le Roi venoit y établir par le nouveau règlement. Cette place fat pour lui un nouveau motif de {& livrer avec plus d ardeur à à fon goût pour les Sciences, & un nouveau moyen de sy livrer avec plus de fuccès; il prenoit part à prefque toutes les matières qui fe traitent dans les Affemblées, &. ceux qui favent combien les Sciences qui paroiflent les plus diflérentes fe prétent mutuellement de fecours, feront feuls en état de juger combien il tiroit d'utilité de fon affi- _duité à l’Académie. _ Un avantage encore plus direct étoit l'examen des diffé- Ta ee qui font préfentées à à l'Académie, ou foù- mifes à fon jugement: il fe prétoit volontiers à ce travail; . fouvent ces machines lui faifoient naître des idées neuves _& utiles ; plus fouvent encore il en fournifloit aux Auteurs, &c leur faifoit quelquefois remarquer dans Îeurs propres ouvrages hr, des avantages qu'ils n’y avoient pas aperçûs, ou des défauts ‘4 AE leur donnoit ordinairement le moyen de corriger. I arrive fouvent aux Méchaniciens d'être tompés par les HA dans lefquels on ne conferve pas afféz aux parties TS 148 Hisroire DE L'ACADÉMIE RoyaLe de la machine la même proportion qu'elles doivent avoir er grand. Pour éviter cette illufion, M. d'Onfenbray fe fervoit dans fes recherches & dans fes épreuves de bois équarris, .qui avoient entr'eux exactement en petit la même proportion que les bois de charpente ont ordinairement en grand. Il s'étoit fait un chantier fiif, sil m'eft permis d'ufer de ce terme, comme ceux qui travaillent aux effais des métaux fe font un quintal fidtif ; À évitoit encore par-là de tomber dans l'inconvénient d'employer des bois de mefures différentes de la mefure ordinaire. La même chofe avoit lieu pour les pièces de fer ou de cuivre, & il difoit que par ce moyen il lui _arrivoit rarement d’être trompé, du moins de ce chef, dans l'effet qu'il attendoit de fes machines. Quoique la place qu'il occupoit à l’Académie ne len- gageñt à aucun travail, il donnoiït cependant de temps en temps des Mémoires. On a de lui une machine pour battre la mefure des différens airs de mufique d’une manière toù- jours fixe & indépendante du caprice des Muficiens ; une conftruétion de mefures pour les Liquides, qui lui avoit été demandée par le Corps de Ville de Paris, & qui prévient, autant qu'il eft poflible, tous les abus en cette partie. Mais ce qu'il a donné de plus fingulier & de plus ingénieux, eft un inftrument propre à obferver la direction & la forcé du vent. Les inftrumens ordinaires font purement pañlifs, & comme des outils dans la main de l'Obfervateur. L’Anémomerre, ou mefure-vent , eft d'une efpèce bien plus fingulière; l'inf- trument fait, pour ainfi dire, obferver lui-même & écrire fes obfervations. Une girouette fait, par le mouvement de {a tige à laquelle elle eft attachée, préfenter différentes pointes ou crayons fixés à différentes hauteurs fur le contour d'un cylindre ; ces hauteurs repréfentent donc les différentes direc- tions de la girouette ou les différens airs de vent. Un papier roulé fur un tambour vertical eft forcé, par le mouvement d'un pareil tambour mené par une horloge, de pafer devant ces crayons & de recevoir la trace de celui qui eft tourné vers lui: fi c'étoit toujours le même, cette trace feroit une os DES SCIENCES. 14 ligne horizontale; mais fi le mouvement de la girouette fait changer le crayon, alors le papier fe trouve chargé de différens traits dont la hauteur indique le point de l'horizon d'où le vent a foufflé, & la longueur, le temps pendant lequel il y .€ft demeuré. Au moyen d'un petit moulin à la Polonoife, & d'un poids dont le cordon eft dévidé fur une fufée, le mème inftrument écrit encore quelles ont été pendant ce temps les différentes forces du vent. Les flatues immortelles de Vulcain fi bien décrites par Homère, n’en favoient peut- être pas davaniage. M. d'Onfenbray n'étoit cependant pas tellement borné à Tétude de la Méchanique & de l'Hiftoire Naturelle, qu'il ne fe permit quelquefois des écarts vers d’autres objets. Le volume de l'Académie qui vient de paroître *, contient un Mémoire de lui fur les carrés magiques, dans lequel il donne une manière très-fimple de les conftruire. Rendre la folution d'un problème plus facile, en laïffant fubfifter les conditions dont il eft chargé, eft imiter en quelque forte Ja Nature, qui met toûjours {a magnificence dans fe plan de fes ouvrages, & la fimplicité dans Fexécution. Au milieu cependant de toutes ces occupations, Île prin- cipal objet de M. d'Onfenbray étoit la perfection de fon Cabinet; il y travailloit fans relâche , & il favoit déjà rendu fi riche & fi complet dès 1717, que peu de Seioneurs étrangers venoient en France fans le vifiter. Nous pouvons mettre dans cette lifte le Czar Pierre I, qui de retour dans fes États envoya à M. d'Onfenbray des ouvrages de tour, travaillés de fa propre main, & le tour fur lequel il les avoit travaillés. L'Empereur à préfent régnant & le Prince Charles de Lorraine y vinrent plufieurs fois pendant leur féjour à Paris; l'Empereur fur-tout y prit un plaïifir infini, & en auroit volontiers fait l'acquifition, s’il eût été pofñible. Le feu | Életeur de Bavière, le Roi de Pologne, Duc de Lorraine, * Ceci étoit vrai. Le 13 No- | dans lequel fe trouve fe Mémoire vembre 1754, lorfque cet Éloge | dont nous venons de parler , venoit fut prononcé, Le volume de 1750, | de paroître, # T üj 150 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE les Princes de Saxe-Cobourg & de Saxe-Gotha, & en général tous les Princes d'Allemagne & de Pologne qui font venus en France, ont été voir les Cabinets de M. d'Onfenbray, & quelques-uns y font revenus plufieurs fois. Les deux Am- bafladeurs du Grand- Seigneur, Mehemet & Saïd Eflendi, y font venus tous deux, & en font fortis pleins d'une admi- ration d'autant plus fatteufe pour M. d'Onfenbray, que ces deux Seigneurs, & fur-tout Saïd Pacha, avoient l'efprit aflez cultivé pour en connoître tout le prix. Dans ces occafions, M. d'Onfenbray favoit parfaitement faire les honneurs de fa mailon, non feulement par les ma- gnifiques repas qu'il donnoit, mais encore par les fêtes élégantes & ingénieufes dont il les accompagnoit. Ces fêtes prenoient un peu fur ces occupations dont il faifoit tant de cas, mais c'étoit pour l'hormeur des Sciences & de la Philofophie qu'il les donnoit, & il fe trouvoit bien payé de ce qu'elles lui coûtoient, quand il croyoit pouvoir leur procurer des pro- tecteurs ou des profélites. I n'avoit rien épargné pour remplir ce Cabinet de pièces curieufes & intéreflantes, mines, fingularités d'Hiftoire Na- turelle, préparations anatomiques, rien ne lui coûtoit pour remplir cet objet; une feule pépire où morceau d'or trouvé tout formé dans une mine, lui avoit coûté quatorze mille livres. IL avoit profité d’une liqueur inventée par le fieur Guyot, pour former une colleétion de Plantes confervées entières dans cette liqueur; & il en avoit été fi content, qu'en mourant il pria le Roi de recevoir ce fecret & d'en récom- penfer l’auteur ; prière qui a été fuivie d'un plein effet, S. M. ayant bien voulu lui accorder une penfion confidérable. Mais ce qui rendoit le Cabinet de M. d'Onfenbray pluftôt unique que le premier en fon genre, c'étoit limmenfe col- lection de Pièces de Méchanique qu'il y avoit formée. II n'y avoit aucune machine fingulière, aucune pièce nouvelle d'horlogerie, d'hydraulique, &c. de laquelle il n'eût au moins un modèle, & il sy en trouvoit un grand nombre de fa compolition. LÉ É mY'É SIMSNQUISÉ NC Es, 151 Nous ne pouvons pafler fous filence une partie fingulière de ce Cabinet, c'eft une efpèce de Géométrie élémentaire, toute en machines. Au lieu des raifonnemens par lefquels on conclut l'égalité de certaines quantités, ou la génération de certaines lignes, des machines ingénieufement imaginées préfentent aux yeux, par des mouvemens continus, la preuve de ces vérités; & cette invention, très-ingénieufe par elle- même, eft encore plus eftimable par le motif qui l'a produite. Le Roi dans fa jeuneffe lui avoit fouvent fait l'honneur de venir à Bercy; feu M. le Maréchal de Villeroi demanda à M. d'Onfenbray s’il ne feroit pas poffible de faciliter à ce jeune Pr nce l'étude des Mathématiques, par le moyen de quelques machines qui repréfentaffent aux yeux ce qui n’eft ordinairement préfenté qu'à l'efprit; aufliôt il inventa cette manière de dé- montrer, jufqu'alors inconnue. Les élémens de Géométrie les plus parfaits, donnés en toute occafion, n’auroient fait voir que fa capacité en ce genre; ceux-ci font une preuve fubfftante de fon attachement pour fon Roi. Nous laiflons aux cœurs françois à décider lequel des deux mérite la préférence. H avoit auffi reçû beaucoup de vifites de feu M. le Duc d'Orléans, Régent: ce Prince, dont le vafte génie embrafoit toutes les Sciences, ne pouvoit manquer de fe plaire dans un lieu où celles qui font les plus utiles aux hommes fe trouvoient raflemblées; & pour payer en quelque forte à M. d'Onfenbray les plaifrs qu'il y avoit goûtés, il lui donna le fameux verre ardent conftruit par M. de Tfchirmhaus, & connu fous le nom de iroir ardent du Palais-royal. Ce Prince auroit eu de la peine à imaginer un préfent qui lui eût été plus agréable. La colleétion qu'avoit formée M. d'Onfenbray lui étoit extrêmement utile. On ne pouvoit lui montrer une machine, qu'il ne vit fur le champ ce qu'elle avoit de commun avec celles qui exiftoient déjà, & ce qu’elle pouvoit avoir de plus parfait ou de moins avantageux. Un feul coup d'œil & une comparaifon toûjours facile à faire, lui donnoient fans peine ce qu'un autre Méchanicien n'eût pü trouver qu'avec un long circuit de raifonnemens. ÿ 152 HisToiREe DE L'ACADÉMIE ROYALE Dans ce même lieu où il recevoit les vifites des plus grands Princes, il recevoit, & peut-être avec plus de plaifir, celles des Philofophes, & fur-tout des Académiciens {es confrères. C'étoit dans les entretiens qu'il avoit avec eux, qu'il fe délafoit de fes travaux & qu'il puiloit des idées pour en entreprendre de nouveaux. Il étoit toüjours prêt à faire exécuter ce qu'ils lui propofoient, dès qu'il le croyoit utile; en un mot, il étoit toüjours & en tout temps difpofé à con- courir au bien public & à la gloire de l'Académie, ou, pour le dire en moins de mots, vrai citoyen & Académicien zélé. C'eft de cette manière qu'il a paflé, fans aucune inégalité, tout le temps de fa vie. Dès le mois d'Octobre 1753, il fe fentit attaqué d'une maladie qu'il ne regarda d'abord que comme une éréfipelle ordinaire, mais qui devint dans peu une éruption violente ; il jugea lui-même fon état dangereux, & après avoir pris les précautions que la Religion, de laquelle il avoit toüjours été pénétré, exigeoit de lui, il voulut donner au Public, aux Sciences & à l'Académie une dernière marque de fon atta- chement ; dans cette vûe, il pria M. Rouillé de faire agréer au Roi le don qu'il vouloit faire à l Académie de fes Ca- binets, avec des conditions qui les rendiflent utiles au Public & aux Sciences: car, malgré tout fon attachement pour cette Compagnie, l'intérêt du Public & des Sciences lui étoit encore plus cher; & cette façon de penfer ne diminuera en rien la reconnoiflance de l’Académie, qui fe pique des mêmes. fentimens. Le Roi fentit toute la générofité de M. d'Onf- enbray, & non feulement lui accorda fon agrément, mais . voulut bien encore fe charger de loger au Louvre & à portée de f Académie, ce riche dépôt, & de pourvoir à tout ce qui feroit néceffaire pour l'entretenir & pour mettre le Public en état d'en profiter. Dès que M. d'Onfenbray eut reçû cette nouvelle, il fit pat à l'Académie de fes intentions, & fit le premier Décembre 1753, un codicile par lequel il légue à l'Aca- démie fes Cabinets. Par le même a@e il prefcrit les conditions auxquelles DR PE DESMNSICIENCES (TE) * äuxquelles il fait ce don, qui tendent toutes à l'aflurer à l'Académie & à le rendre utile au Public. Plus tranquille après cet arrangement, il ne cefla de s'occuper des moyens d'augmenter le préfent qu'il venoit de nous faire; il donna même plufieurs commiffions à ce füjet, &c fi fa mort les a rendues fans eflet, elle ne doit pas du moins diminuer notre jufte reconnoiflance, Ce fut R Funique occupation de M. d'Onfenbray pendant | tout le refte de f1 maladie. Quoique fon mal lui caufât des douleurs infupportables, cette longue épreuve n'ébranta pas un moment fa conflance & fa réfignation ; elle n’altéra pas même un fond de gayeté qui lui étoit naturel. Il fut mettre £s maux à profit, par la patience avec laquelle il les endura, & finit fa carrière le 22 Février de cette année, âgé de près de foixante-feize ans. Tout le cours de fa vie a été une conftante & exacte pratique de l'équité naturelle. Pendant tout le temps qu'il a été à la tête des Poftes, aucun Commis n'a pû fe plaindre d'avoir été révoqué par caprice & fans raifon légitime; bien loin de-là, il avoit foin de placer les-enfans de ceux qui avoient bien fervi: une commiffion fous lui, étoit prefque pour d'honnêtes gens un véritable héritage. Dans fon domef tique, il étoit bon maître, mais févère, ne fouffrant pas qu’on lui manquit; du refte, extrêmement attentif à pourvoir ceux qui étoient à {on fervice de tout ce dont ils pouvoient avoir befoin, tant en fanté qu'en maladie. Il n’étoit pas même néceffaire de lui appartenir pour éprouver la fenfibilité de fon cœur; tout honnête homme malheureux y avoit droit. Outre les fommes confidérables dont il confioit la diftribution aux Curés de Saint-Germain Auxerrois & de Sainte-Marguerite, fes paroifles de Paris & de Bercy, il s'en étoit réfervé d'autres qu'il diftribuoit par lui-même & fecrètement , voulant éviter cette cruelle manière de foulager les malheureux, en bleffant des fentimens qui furvivent fouvent dans les cœurs bien placés, aux dignités & à la fortune. JA faifoit difhribuer aux malades de Bercy, par l'Aïtifte qu'il y entretenoit, tous les Hifl. 1754. M a 154 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE remèdes dont ils avoient befoin, & fouvent méme d’autrés . fecours. M. d'Onfenbray avoit eu fept frères ou fœurs, defquels il y en avoit eu plufieurs de mariés; il s’'eft cru permis de fe choifir un héritier entre tous fes neveux. Son choix a été en faveur de M. le Gendre, Lieutenant général des Armées du Roi, frère de feu M. le Préfident le Gendre, & fils de M. le Gendre, fucceffivement Intendant de Montauban, de Pau & de Tours. Il lui avoit donné de fon vivant la Terre d'Onfenbray, & il l’a fait par teflament fon légataire univerfel, affignant à fes autres héritiers des legs particuliers confidérables. Sa place d'Académicien-Honoraire a été remplie par M, le Maréchal de Lowendal. D'ECMW OLF'F, 44 HRESTIEN WoLrFF, libre Baron du Saint-Empire, Seigneur de Dobzig, Confeiller de Cour du Roi de Pruffe, Chancelier, Profefleur de Mathématique & du Droit de la Nature & des Gens dans l'Univerfité de Hall, Profeffeur honoraire à Péterfbourg, & Membre des Académies des. Sciences de France, d'Angleterre, de Prufle & de f'Infitut . de Bologne, naquit à Breflau en Siléfie, le 24 Janvier 1679. Son père ayant été obligé d'abandonner la Littérature, dans laquelle il avoit fait des progrès confidérables, avoit promis à Dieu de confacrer à l'étude de la Théologie le pre- mier enfant mâle qu'il auroit; vœu téméraire à la vérité, puifqu'il fuppofoit dans un enfant encore à naître, des dif- pofitions qu'il pouvoit fort bien ne pas avoir, mais que les talens de {on fils le mirent cependant à portée d'accomplir. Ils fe déclarèrent de fi bonne heure, qu'on peut prefque dire que les études du jeune Wolff commencèrent avec fa vie. A peine pouvoit-il former quelques mots, qu'ayant reçu de fes parens le livre qui contient lés premiers élémens - de {a Langue allemande, il fit fi bien qu'en moins de quatre femaines, à force d'étude & de leçons qu'il arrachoit avec importunité de tous ceux qu'il rencontroit, il parvint à lire fans difliculté tout ce qui étoit écrit en cette iangue. Le refte de fon enfance, fi cependant on peut appeler de ce nom les premières années d’un homme dont fefprit s’étoit développé de fi bonne heure, foûtint parfaitement ce début. Sans autre » =fécours que celui de fon père, il apprit es premiers principes de la langue latine, & fe trouva de très-bonne heure en état d'être mis au collége de la Magdeleine. On ne voit que trop de gens qui font enfans à l'âge où ils devroient être hommes faits; pourquoi ne s’en rencontreroit-il pas quelques-uns qui nn 156 H1sSTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYyALE fuffent, pour ainfi dire, homme faits à celui auquel if feu feroit permis d’être enfans ? M. Wolff ne fut pas long-temps au collége fans laiffer biert loin derrière lui tous ceux qui couroient la même carrière. Son efprit avide de toutes fortes de connoiflances embrafloit ; outre fes exercices ordinaires, la Philofophie, les Mathéma- tiques, même la Théologie Scholaftique, quoique fes maîtres euflent grand foin de lui interdire ces études étrangères, les uns dans la crainte qu'elles ne le détournaffent de celles aux- quelles il devoit principalement s'appliquer, & les autres appréhendant, peut-être avec plus de raifon, de n'être pas long-temps fes maitres en ce genre, & que leur fcience ne fe trouvât trop bornée pour fatisfaire au vafte defir de favoir, dont il étoit dévoré. If fut donc réduit à s'inftruire comme en fecret & à la dérobée, par la leéture des livres, qu'il ne fe procuroit pas même fans difficulté; peut-être ces obftacles augmentoient-ils l’ardeur qu'il avoit pour ces connoiflances qu'on lui interdifoit fi févèrement. L'amour des Sciences même gagne à être affaifonné de myftère & de difficulté. Une étude fi fuivie, jointe à un jugement excellent & à une mémoire admirable, eurent bien-tôt fait du jeune Wolff un prodige de favoir, & perfonne dès-lors ne douta qu'il ne dût être un jour un des principaux ornemens de la répu- blique des Lettres. Il obtint à vingt-deux ans dans l'Univerfité de Jene, la qualité de Maitre & la faculté d’enfeigner, & Yobtint avec les diflinétions les plus flatteufes. M. Erneft, Yun des Profefleurs, compofa à fa louange une efpèce de panégyrique en vers latins, qui fait bien voir le cas que lui & tous fes confrères faifoient de leur Candidat, Plus ces honneurs étoient dûs à M. Wolff, moins il s’en hifoit éblouir. La modeftie eft une partie néceffaire du ca- ractère de grand homme; & les louanges qu'on lui donnoit fi juftement, ne firent fur lui d'autre eflet que de l’exciter à faire de nouveaux efforts pour les mériter de plus en plus. Dès qu'il eut commencé à enfeigner, fa maiïfon ne cefa plus d'être remplie de ceux qui s'emprefloient de devenir TT, D'ENS MST E N'cIE)S I les difciples de ce jeune maître; & malgré cette laborieufe occupation, ce fut pendant ce même temps qu'il commença à fe faire connoître par un grand nombre d'ouvrages inté- reflans, dont plufieurs ont paru dans les Aëes de Léipfick. On peut mettre de ce nombre une diflertation fur les roues _ dentées, une fur l’analyfe des Infinimens petits, une fur les Suites infinies. On doit y joindre encore une Philofophie pratique, traitée fuivant la méthode mathématique, & qui parut à Léipfick en 1703; tous ouvrages d'un auteur de vingt-quatre ans. H étoit impofñlible que fon nom fi fouvent répété dans les Aftes de Léipfick, ne fût bien-tôt connu dans toute l'Europe favante, & plus impoffible encore qu'il ne fût porté aux oreilles de ceux qui avoient la direction de ce Journal. I le fut effedivement; M. Mencken, qui en étoit le premier auteur, & lilluftre Léibnitz, prirent bien-tôt pour lui l'eftime qu'il méritoit, & lui en donnèrent des marques par le com- merce de lettres dans lequel ils voulurent entrer avec lui. Telles furent les occupations de M. Wolff depuis qu'il eut commencé à paroitre, jufqu’en 1706. La célébrité de fon nom lui fit offrir plufieurs chaires dans différentes Uni- verfités d'Allemagne; il s'arrêta enfin à celle qui lui avoit été propolée à Gieflen, & fe mit en chemin pour s'y rendre. La ville de Hall étoit fur fa route, & M. Süick & Hoffman qui y étoient Profefleurs, reconnurent bien-tôt , par {es dif cours & par fa converfation, combien il étoit fupérieur à lopinion même que fes ouvrages déjà publiés en avoient fait prendre. Ils l'arrêtèrent pendant quelques jours, & pro- fièrent de ce temps pour fupplier Frédéric I, père du Roi de Prufle aétuellement régnant, de leur accorder M. Wolff . pour remplir {a chare de Mathématique établie dans leur Univefité, & qui étoit vacante depuis douze ans. Non feulement ce Prince leur accorda leur demande, mais con- noiflant les avantages que M. Wolff pouvoit procurer à fes États, il lui afligna des appointemens extraordinañes. Le nouveau Profeffeur ne fut pas pluflôt établi à Hall, Vi 158 HIisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'il renouvela fon ardeur & fon attention à inftruire ceux qui accouroient de toutes parts à fes leçons. Non content de ce travail, if publioit encore plufieurs Differtations fur différens fujets, comme fur la manière de démontrer {a vérité de la Religion chrétienne, fur l'origine des idées, {ur différens phénomènes & différentes expériences de Phyfique. I publia dans ce mème temps fes Elémens d'Aërométrie, dans lefquels tes forces & les propriétés de l'air font examinées mathéma- tiquement; une Logique écrite d'abord en Allemand, traduite depuis en Italien & en François, puis publiée par l'auteur mème en Latin. Enfin il travailloit à fon Cours de Mathé- matique, celui de tous fes ouvrages qui intérefle le plus Académie, duquel il publia la première partie en 1713, & la feconde en 1715. Ce Cours de Mathématique publié par un homme de trente-quatre ans, fut alors le meilleur livre de cette efpèce, & malgré le progrès des Sciences, left encore aujourd'hui. Une courte expofition de la méthode qu'on doit em- ployer dans l'étude de ces Sciences, eft comme le guide defliné à conduire le leéteur dans tout le cours de l'ouvrage. Un Mathématicien, même aflez favant, peut être furpris en lifant ce morceau pour la première fois, de voir combien il ignoroit de chofes utiles à la Science dont il s'étoit occupé. Les Élémens d'Arithmétique, de Géométrie & d'Algèbre fuivent cette expofition; viennent enfuite ceux de toutes les parties de Mathématique mixtes, comme Optique, Af- tronomie, Géographie, Architecture civile & militaire, &c. enfin Je tout eft terminé par une hiftoire abrégée des Auteurs qui ont écrit fur chacune de ces Sciences. On imaginera fans peine que tous ces traités ne font pas des traités complets; mais les matériaux font choifis avec tant de foin, & préfentés avec tant de netteté, qu’ils donnent de chaque Science une idée aflez diftinéte pour mettre le leéteur à portée de l'étudier enfuite par lui-même & dans les fources. On doit peut-être une partie de cet avantage à des réflexions que M. Wolff y répand par-tout, fous le titre de evrr DES SCIENCES. 159 Scholies, & qui contribuent également à éclaircir les propo- fitions & à difliper l'ennui que pourroit caufer une longue fuite de démonftrations préfentées fans aucun intermède, Cet ouvrage a été depuis imprimé une feconde fois à Genève en 1732, & cette dernière édition, plus belle & plus ample que la première, a été très-promptement enlevée; preuve évidenté du cas que le Public Mathématicien a fait de cet ouvrage, dans lequel on reconnoît effectivement par-tout Tordre & la main d’un Philofophe. M. Wolff auroit été trop heureux s'il fe fût contenté de porter dans les Mathématiques ordre & Farrangement fyfté- matiques, & qu'il n'eût pas entrepris d'introduire dans la Philofophie la méthode & la clarté qui manquoient à celle qu'on enfeignoit alors en Allemagne. Dans le temps que les plus grands Princes de Europe fe le difputoient, que Empereur le defiroit pour diriger une Académie des Sciences que ce Prince defroit établir à Vienne, que le Czar Pierre le Grand l'appeloit en Ruffie pour être le fecond Préfident de celle qu'il venoit d'y former, que le Prince de Heffe-Cafel le failoit folliciter de venir fe fixer à Marbourg, que Léipfick & Wirtemberg faifoient leurs efforts pour { l’acquerir; dans ce _ temps-là, dis-je, ce même mérite qui lui faifoit tam d'illuftres protecteurs , lui attiroit des enneinis & des envieux. Quelques Profeffeurs jaloux de voir que la plus grande partie de leurs auditeurs quittoïent leurs leçons pour les fiennes, & prévoyant bien que dans peu de temps il ne _refteroit plus aucun veflige de la Philofophie obfcure qu'ils enfeignoient, conçurent la haine la plus envenimée contre lui ; mais ne pouvant attaquer, ni fur la Philofophie, ni fur les Mathématiques, un homme qui marchoit toûjours le flambeau de l'évidence & la démonftration à la main, ils attendirent Yoccafion de l'engager dans une difpute d'un autre genre, où l'artifice & la calomnie, armes ordinaires des ames baïles pufient leur être de quelque ufge. Cette occafion ne tarda pas à fe préfenter: M. Wolff f paroïtre en 1720 a première paüe de fa Métaphytique \ 160 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'il regardoit, avec raifon, comme la bafe commune dé toutes les Sciences, & qui par-à même tient auffi à [a T'héo- logie. C'étoit-là que fes ennemis l'attendoient : une difpute philofophique n’eût pas duré long-temps entre les mains de M. Wolff, c'eût été un combat fingulier où fon adverfaire auroit eu trop de defavantage; mais une querelle théolo- gique devient bien-tôt une guerre dans laquelle on fe peut fortifier de troupes auxiliaires, qui fouvent n’entendent rien à Ja queftion, & n'en font pas moins animées fans favoir pourquoi. , Dans un combat de cette efpèce, la cabale & l'artifice dûrent avoir beaucoup d'avantages : on tira des Ecrits de M. Wolff quelques propofitions erronées, ou du moins on dit qu’elles en avoient été tirées. Rien n'étoit plus facile que de vérifier les citations, les livres de M. Wolff étoient entre les mains de tout le monde, perfonne ne s’en avifa; on dif puta beaucoup de part & d'autre fans s’éclaircir du fait; on interpréta malignement plufieurs paflages de fes livres; d’autres furent tronqués. Ï{ avoit dit, par exemple, que les démonftrations qu'on apportoit ordinairement de l'exiflence de Dieu ne lui paroifloient pas fufhfantes, & il en avoit propofé de nouvelles qu'il croyoit plus fortes &: plus con- cluantes, En ne citant que la première propofition, l'on ofa accufer d'athéifme celui qui peu d'années auparavant avoit publié un ouvrage contre les athées, & qui dans tous fes Écrits a toûjours marqué le plus grand refpeét pour la Di- vinité, & même pour la Religion. Le mérite & la réputation de M. Wolff tinrent bon pen- dant quelque temps contre ces calomnieufes accufations : le Roi même impofa filence à fes ennemis, & leur ordonna, s'ils avoient quelque chofe à dire contre lui, de fe préfenter à fa Cour, où eux & lui feroient écoutés. Ce n'étoit pas R ce qu'ils defiroient ; on auroit examiné leurs raifons, & ils n'en avoient point; des Juges équitables auroïient bien-tôt reconnu linnocence de M. Wolff, fes ennemis en étoient bien perluadés, mais ils vouloient le perdre, & prirent 24 D'ENSUNSUCLI, E N'CimIS 161 prirent pour cela une voie plus füre ; fous le prétexte de la Religion, ils répandirent contre lui dans Îe Public les bruits les plus affreux , effayèrent les pères & les Magiftrats par rapport à la jeuneffe confiée à fes foins, féduifirent même jufqu’aux prédicateurs, dont ils trouvèrent moyen d'intérefler le zèle. Bien-tôt il s'éleva contre lui un cri d'indignation fi général, que le Roi prenant cette clameur pour une décifion du Public, & fans confulter la prudence de ceux qui, con- noiffant à fond ce qui fe pafloit à Hall, auroient pü le tirer d'erreur, fit fignifier à M. Wolff un ordre de fortir de Half en deux fois vingt-quatre heures, & en quatre jours de tous fes Etats. : L'innocence de M. Wolff & le témoignage que lui rendoit fa confcience , furent les premières reffources qu'il trouva dans fa difgrace. Il fortit de Hall refpeétant les ordres de fon Sou- verain, toûjours refpectables en eflet, lors même qu'ils ont été furpris, & déplorant l'aveuglement des hommes & toutes les foibleffes dont ils font fufceptibles. Le malheur de M. Wolff ne dura qu'autant de temps qu'il en fallut pour le rendre public. A peine cet événement faut-il répandu, qu’il reçüt de toutes parts les mêmes invitations qu'il avoit reçües lorfqu'il vint s'établir à Hall. H choifit Marbourg pour le lieu de fa retraite, & y accepta la chaire de Philofophie.& de Mathématique, & la qualité de .Con- feiller de Cour, que le Prince de Hefle-Caffel lui offrit avec des appointemens confidérables. I] reçût en même temps le titre & la penfon de Profeffeur-Honoraire à Péterfbourg, que FImpératrice Catherine lui fit offrir. Cette Princeffe ne pouvant le déterminer à venir s'établir dans fes États, voulut au moins que le nom de M. Wolff ornât la lifte de fon Aca- démie Impériale ; preuve évidénte que fa difgrace n'avoit pas altéré la réputation dont il jouiffoit. Tant d'invitations _ de Ja part de prefque tous les Souverains de l'Allemagne & du Nord, le couvrirent au contraire d’une nouvelle gloire. Si fes ennemis avoient pû prévoir ce fuccès de leur malice, ils fe feroient probablement bien gardés de l'attaquer. Hiff. 1754 J 162 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Auffi-tôt qu'il fut établi à Marbourg, il commença par témoigner fa reconnoiffance aux Souverains qui lui avoient bien voult offir une retraite, & fe mit à remplir avec la plus grande exactitude les fonctions dont il étoit chargé. Non content d'enfeigner, comme il le devoit, Ia Philofophie & les Mathématiques , il donnoit encore des leçons de Ju- rifpradence. Il travailloit à mettre au jour plufieurs ouvrages uil méditoit depuis long temps, tels que fes Expériences phyfiques & fa Phyfique théorique, fon Difcours fur la Phi- lofophie Chinoife, fes Principes de Dynamique qui fe trouvent dans les Mémoires de l'Académie de Péterfbourg, fa Logique, fa Métaphyfique, fa Cofmologie, fa Pfychclogie ou Science de lame, fa Théologie naturelle, & ce qu'if appeloit fes Heures perdues, Æoræe fubfecivæ , titre que cét ouvrage rempli de fujets intéreflans, traités à fa manière, mérite certainement beaucoup moins que bien d'autres livres auxquels leurs Auteurs n'ont garde de le donner. Nous ne parlerons point ici de ce qu'on peut, avec plus de juftice, nommer les Heures perdues de M. Wolff, c'eft-à-dire, des réponfes qu'il fut obligé de faire à une infnité d'Écrits que fes ennemis, demeurés maîtres du terrein à Hall, ne cefloient de lancer contre lui. On voit dans tous fes ouvrages combien il avoit de peine à écrire dans ce genre polémique, &‘com- bien if en coûtoit à fon cœur doux & modéré pour prendre, même en fe défendant, le caraétère d'ennemi. Mais, pour le confoler du chagrin que fes ennemis lui caufoient par leurs attaques, le Prince fon protecteur, & toute fon illuftre Maifon, ne cefloient de l'accabler d’honneurs & de bienfaits. On ne fut pas long-temps à s'apercevoir dans l'Univerfité de Hall que M. Wolff n'y étoit plus. Le feu de la difpute & de la haine étant éteint, on commença à fentir le vuide qu'il y avoit laiffé. Le Roi de Prufle, moins obfédé par lés ennemis de l’illuftre exilé, réfléchit fur l'efpèce de jugement que toute l’Europe avoit porté de fa rigueur à l'égard de M. Wolff. Car, indépendamment de toutes les offres qui lui furent üites dans le temps de fa difgrace, ce fut encore NS DUELS. SCIE N C ES, 163 pendant fon exil qu'il fut nommé Membre de a Société. Royale de Londres, & qu'il remplit dans l’Académie des. Sciences la place d'Aflocié-Etranger, vacante par la mort de Mylord Comte de Pembrock. Ce Prince jufte & équi- table fit examiner l'affaire par des Commiffaires intelligens &c non fufpeéts; M. Wolff fut écouté, & fon innocence ayant été pleinement reconnue, le Roi defavoua généreufement lui- mème la conduite qu'il avoit tenue à fon égard, le rappela à Hall en 1733, & lui propofa les conditions les plus ho- norables, les plus avantageufes, & les plus propres à faire oublier tout le paflé; triomphe bien grand pour M. Wolff, mais peut-être plus grand.encore pour le Monarque , du moins aux yeux de ceux qui favent penfer. M. Wolff reçût avec reconnoiffance l'invitation du Roi, il refufa cependant de quitter fi-tôt l'afyie où il avoit été reçû pendant fa difgrace, & il y dermeura encore fept ans, malgré une feconde invitation du Roi de Prufle; mais ce Prince. étant mort, Frédéric IT, aétuellement régnant, ne fut pas pluftôt {ur le Trône qu'il fit demander par fes Ambaffadeurs, qu'il fût permis à M. Wolff de quitter Marbourg & de re- tourner à Hall. Ce Prince, dont toute l'Europe connoît le le difcernement, regarda comme une affaire de la plus grande importance de vaincre la réfiftance de. M. Wolff & de le rendre à fes États. et J1 retourna donc à Hall, où il fut nommé Vice-Chancelier Profeffeur de Mathématique & du Droit de la nature & des gens. I reprit l'exercice de fes fonétions en préfence de la plufpart de ceux qui lavoient tant perfécuté; & la feule vengeance qu'il en tira, fut de les continuer avec encore plus d'attention, & par. conféquent avec plus d'éclat. Pour fatisfaire pleinement à l'engagement qu'il avoit pris “ d'enfeigner le Droit de la nature & des gens, il en donna + un Traité en neuf volumes in-4.”, & enfuite un, abrégé en 164 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE de république fœædérative, compofée de Souverains, de Villes libres, &c foûmis à certains égards à un Chef éle&if, qui eft l'Empereur ; que ces Souverains ont fous eux des vaflaux qui ne leur font non plus foûmis qu'avec de certaines réferves, & ceux-ci des arrière - vaflaux. Il eft comme impoflible qu'il ne s'élève de temps en temps des conteftations entre les Membres de l'Empire, & il eft très-rare qu’ils agiffent entre eux par la voie des armes. Il fe préfente donc fréquemment des queftions qui fe doivent décider, non fuivant le droit civil d'un État, mais fuivant le droit des gens; & c'eft ce qui rend cette Jurifprudence fi confidérable en Allemagne. La manière dont M. Wolff l'a traitée, a quelque chofe de bien fingulier ; au lieu de prendre pour principe les Loix, qui font ordinairement la bafe de cette étude, il cherche les principes mêmes des Loix, & il les trouve. De la morale la plus claire & par les conféquences les plus lévitimes, on eft amené, non feulement à la plus grande partie des Loix Romaines, mais encore à celles des Fiefs, & au devoir ref pectif des Sociétés les unes à l'égard des autres ; accord qui fait en même temps l'éloge des anciens Légiflateurs & de celui qui a fu rappeler leurs Loix à des principes fr lu- mineux. Cet ouvrage fut fuivi d’une Morale complète, en cinq volumes in-4.° Pendant le temps que mit M. Wolff à compofer ces ou- vrages, c'eftà-dire, dans l'efpace de dix années, il fut nommé Chancelier de l'Univerfité. Peu après il fut chargé, avec M." Cocceij & Marshal, de l'infpection de toutes les Uni- verfités de Prufle. Enfin FÉlecteur de Bavière profita du temps pendant lequel il fut Vicaire de l'Empire, pour le créer libre Baron; qualité que S. M. Pruflienne lui confirma dans fes États. Ï avoit entrepris de joindre à fes autres ouvrages un Traité de Politique, un de Phyfique, un de la Logique des probabilités, un de la recherche de la Vérité, & un de Médecine ; il avoit même commencé la Politique par l'éco- nomique, qui regarde le gouvernement domeftique ou des DES SCIENCES. + r65 focictés les plus fimples, mais il en eft demeuré à la première partie de ce Traité. Il étoit depuis long temps fujet à des attaques de goutte & à quelques affections fcorbutiques ; les fymptômes de l'une & de fautre difparurent l'année dernière *: à force de remèdes on rappela au dehors la goutte & les nrarques fcorbutiques, mais les forces & l'appétit dimi- nuant toûjours , il tomba dans un dépériffement qui indiquoit une fin prochaine. H fpporta fon état avec la plus grande conftance & la plus entière réfignation, reprenant même des momens de gayeté dès que fon abbatement le lui permettoit. If mourut paifiblement le 9 Avril 1754, âgé d'un peu plus de foixante-quinze ans. Tout ce que nous avons dit de lui jufqu’ici, a pà faire voir quels étoient la force de fon génie, l'étendue de fes connoif- fances, & l'immenfe travail avec lequel il avoit cultivé les. dons qu'il avoit reçüs de la Nature. Indépendamment des Difcours & des autres pièces fugitives, on a de lui plus de trente volumes in-4.°, fans compter plufieurs autres de moindre forme; travail incroyable, fur-tout fi on fait attention aux autres occupations auxquelles il étoit obligé de donner une grande partie de fon temps, ayant prefque toüjours été chargé de remplir deux chaires importantes. Si on retranchoit de la vie des hommes le temps perdu où mal employé, il en refleroit communément bien peu : l'exemple de M. Wolff” peut faire voir quel parti peuvent tirer du temps ceux qui ont Fart & la volonté d'en faire ufage. On imaginera afément qu'une vie auffi occupée que la fienne, ne lui avoit pas permis de grands écarts. Le feu de fa jeuneffe n'avoit fervi qu'à lui donner le moyen de tra- vailler davantage: Nourri dès fon enfance dans la recherche & dans l'amour de la vérité, une conduite vicieufe eût été une inconféquence perpétuelle, fârement defagréable à un efprit auffi jufte que le fien. Religieux adorateur de la Di- vinité, il na jamais manqué, quoiqu'on ait ofé laccufer du: contraire, de donner dans fes Écrits & dans fa conduite, les marques les moius équivoques de fon ie pour l'Eftre UE * 1753: 166 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE fuprême, & de fon attachement pour la Religion chrétienne, Sa conduite étoit parfaitement conforme à fes principes; auffi Philofophe dans fes actions que dans fes Ecrits, il vivoit avec une fi grande tempérance, qu'il s’étoit même interdit lufage du vin. La fimplicité de fes mœurs le rendoit toüjours content de fon état, & fi éloigné de s'épuifer en defirs, que le Roi de Suède & plufieurs autres Princes l'ayant fouvent preffé de leur demander des graces, lui promettant de les lui accorder, il répondit toüjours, avec un definté- reffement qui furprit tous les afliflans, qu’ Æs remercioir trés-humblement , mais qu'il n'avoit befoin de rien. SasPhilo- fophie lui avoit fait perdre entièrement l'habitude de fou- huiter, ft naturelle aux hommes, & fouvent fi contraire à leur bonheur. Il a été dans tout le cours de fa vie de l'égalité la plus parfaite; les honneurs & les difgraces, la fanté & Ja maladie, lont toûjours laiflé dans la même afliette. Exact obfervateur de la loi que la Nature ne prefcrit pas moins que la Religion, de pardonner à fes ennemis, on l'a toüjours vû agir avec ceux defquels il avoit le plus lieu de fe plaindre, non feulement avec douceur & aflabilité, mais encore dans de certaines occafions avec la générofité & la libéralité les plus grandes. Il eft prefqu'inutile d'ajoûter que la pratique de la probité étoit portée chez lui au plus haut point. Nous n'en rapporterons à la vérité d'autres témoignages que le fien ; mais tout le cours de fa vie, & la circonftance dans laquelle il fe l'eft rendu , doivent le rendre légitime. Dans une lettre qu'il écrivit immédiatement avant fa mort à fon fils abfent, il lui marque qu'il implore pour lui la bénédiétion Divine, & qu'il ofe a lui promettre avec d'autant plus de confiance, qu'il ne lui laiffoit ( ce font fes propres paroles ) pas une feule obole de bien mal acquis. M. Wolff avoit époufé en 1716, Catherine-Marie Bran- difin, avec laquelle il a vécu jufqu’à fa mort dans la plus parfaite union. Il en à eu trois enfans, les deux derniers font morts en bas âge. L'ainé, M. Ferdinand Wolff, fait efpérer qu'il héritera des vertus comme du nom de {on illuftre père. nm U -J- -Ldige em. MARNE DES SCIENCES. 167 I faudroit peut-être remonter bien avant dans Fantiquiié pour trouver un Philofophe qui ait été aufli honoré que lui. Nous mavons pas cependant encore parlé de tous les hon- neurs qui lui ont été déférés pendant fa vie, & même après fa mort. Le Roi de Prufle a daigné témoigner à fa veuve par une lettre de fa main, combien- il étoit touché de la perte qu'elle, la République des Lettres, & l'Univerfité de Hail en particulier, venoïent de faire en la perfonne de fon époux. ‘On a fait pour lui ce qu'on n'a que bien rarement fait pour un particulier; il a vü deux fois des médailles frappées en fon ‘honneur, la première à Genève, & la feconde à Nuremberg. ‘Celles qui nous reftent de quelques Souverains ne prouvent fouvent que la fatterie de ceux qui les environnoient ; celles- ci font une preuve bien évidente du mérite de M. Wolff & du cas qu'on en faifoit par toute l’Europe. Il a vû une partie de fon Hiftoire imprimée de fon vivant, immédiatement après fon retour à Hall. Cette Hifloire, & la plufpart des Mémoires qui ont fervi à cet Eloge, nous ont été commu- niqués par M. Maday, Confeiller de Cour du Roi de Prufle, connu dans la République dés Lettres, tant par fon profond favoir en Médecine, ‘que par fes grandes connoiffances dans l'Hifloire & dans d'antiquité. N'ayant pû exempter par fes foins fon illuftre ami de fubir de fort commun à tous les hommes, il a cru que le nom & les actions de M. Wolff une fois inférées dans les faftes de l'Académie, y feroient à couveit de l'oubli & de l'injure des temps, & il a voulu procurer au moins cette efpèce d’immortalité à fon malade, La place d'Affocié-Etranger de M. Wolffa été remplie par M. Moivre, de la Société Royale de Londres. 0e 163 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE NN EN NE NAN NN EN NN NN NN NP NT NN EU É LOGE D'ECCMANE OL IRCE"S M ARTIN FOLKES, Écuyer, Préfident de la Société Royale de Londres, & de la Société des Antiquaires de la même ville, naquit à Weftminfter le 29 Octobre 1690, vieux ftyle, de Martin Folkes, Ecuyer, & de Do- rothée Hovell, fille du Chevalier de ce nom, duquel elle avoit hérité le château d'Hillington, dans la province de Norfolk, que M. Folkes a poflédé toute fa vie. A l'âge de neuf ans il fut mis fous la conduite du favant M. Cappel, fils du Profeffeur en langue Hébraïque à Saumur. Il profita fi bien de fes leçons, qu'au bout de huit ans M. Cappel parlant de Jui à M. le Clerc, dans une lettre qui a été publiée dans la Bibliothèque choifie, le donne à fon ami comme un jeune homme capable, non feulement d'entendre les meiïlleurs Auteurs Grecs & Latins, mais encore d'en connoître & d’en fentir toutes les beautés. Des mains de M. Cappel il paffa dans celles du Doéteur Laugton, l’un des plus habiles maîtres qu'eût alors l'Univerfité de Cambridge; & les progrès qu'il y fit dans les hautes Sciences furent fr rapides, qu’étant encore dans fa vingt-qua- trième année la Société Royale le jugea digne d’être du nombre de fes Membres, & ladmit le 11 Novembre 1714. Il y donna bien-tôt une fi grande idée de fes talens & de fa capacité, qu'il fut mis deux ans après dans le Confeil de cette Compagnie ; marque de confiance toûjours honorable par elle-même, mais à laquelle la jeunefle de M. Folkes ajoûtoit un nouveau prix. La Société Royale n’eût pas admis parmi ceux qu'elle charge du foin & de la décifron de toutes {es affaires, un jeune homme de vingt-fix ans, fi elle n'avoit été bien füre que ce jeune homme poffédoit déjà la prudence & la fagefle d'un vieillard; & elle crut fr peu sètre DES SCIENCES. 169 s'être trompée dans fon choix, qu'elle le renouvela toûjours d'année en année fans interruption jufqu'a ce que M. Folkes ait été appelé à la Préfidence, que l'illuftre M. Newton le nomma en 1723 pour un de {es Vice-Préfidens, & qu'à la mort de ce grand homme les voix furent partagées entre M. Sloane & M. Folkes lorfqu'i fallut élire un nouveau Pré- fident ; toutes marques non équivoques de l'eftime qu'avoit pour lui la Société Royale. Il en reçut encore une preuve dans la dédicace que lui fit M. Jurin , alors Secrétaire, du trente-quatrième volume des Tranfaétions Philofophiques, dans laquelle il dit expref- fément que le motif qui le porte à rendre cet hommage à M. Folkes, eft le même qui avoit porté M. Newton à le choifir en quelque forte pour fon Lieutenant, la forte & intime perfuañon que perfonne n'aimoit plus véritablement que lui les Sciences, qui font l’objet des travaux: de la Société Royale, ni ne les poflédoit plus généralement que lui. M. Folkes n’avoit encore cultivé les Sciences que dans fa tranquillité du Cabinet & fans fortir de fa Patrie; il réfolut en 1733 de faire le voyage d'Italie, partie de l'Europe dans laquelle il trouvoit également de quoi fatisfaire l'incli- nation qu'il avoit pour la Phyfique & fon goût pour la “belle Antiquité. Il prit fa route par l'Allemagne, arriva à Venife, d'où il pourfuivit fon voyage à Rome & à Flo- rence; & ayant reçü par-tout les marques de la plus haute eftime , il s'embarqua à Livourne & revint par mer en An- gleterre, ayant employé deux ans & demi à fon voyage. On peut étre bien für qu'il avoit mis ce temps à profit; fl n’étoit pas accoûtumé à en perdre. La facilité qu'il avoit eue de pénétrer dans les Cabinets les plus curieux & les mieux remplis de l'Italie, & d'examiner avec attention les reftes de 4 magnificence Romaine, l'avoient enrichi d’une infinité de ‘connoiffances, dont il ne tarda pas à faire ufage. En effet, cinq mois sétoient à peine écoulés depuis fon retour, dorfqu'il lut à la Société des Antiquaires de Londres dont il étoit Membre, une favante Diflertation fur le poids & {a Hi. 1754 Y 170 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE valeur des anciennes Monnoïies Romaines. Un mois après, il y lut une femblable pièce fur les melures des Colonnes de Trajan & d’Antonin, puis il communiqua à la même Compagnie un morceau qui mavoit pas, à la vérité, de rapport avec fon voyage, mais qui n'en étoit pas pour cela moins intérefflant, une Table des Monnoies d’or d’An- gleterre depuis le règne d'Édouard I, fous lequel on a commencé à en fabriquer de cette efpèce, avec leurs poids & leurs valeurs intrinsèques. Dans le temps méme qu'il étoit dans le fort de ces ou- vrages, bien capables d'occuper. même un Savant du premier ordre, il lifoit à la Société Royale des Oblervations fur les étalons des mefures gardés au Capitole, & lui expliquoit les particularités d’une ancienne Sphère, confervée à Rome au Palais Farnèfe, dont il croit devoir rapporter la conftruétion à Van 1 1 2 de J. C. Ilen avoit un modele fait fous fes yeux avec a plus grande exactitude, qu'il communiqua au Docteur Bentley, qui préparoit alors l'édition de Manilius, qu'il a donnée en 1739, dans laquelle on en trouve le deffein. Dans lé même temps M. Folkes fut encore un Mémoire fur des Parhélies ou faux Soleils qu'il avoit obfervés lui- même, & les Tranfaétions Philofophiques font foi que cette obfervation n'étoit, ni la feule, ni la première de cette efpèce qu'il eût publiée. Il fe préfenta bientôt une nouvelle occafion de-donner une marque de fa capacité & de fon attachement pour les Sciences. M. Smith travailloit alors à fon favant Traité d'Optique; il communiqua fon projet à M. Folkes, & celui-ci lui fournit plufieurs remarques importantes fur les méprifes de la vifion, fur la diftance apparente des aftres, fur la figure que femble affecter la voûte du ciel, fur la courbure que paroiffent prendre Jes côtés des longues allées & les fillons des terres labourées, & fur le changement de cette courbure occafionné par le mouvement dé J'Obfervateur; tous morceaux intéreflans qui ont fait honneur à l'ouvrage, & dont Auteur n’a pas oublié de témoigner fa reconnoifflance à M. Folkes dans la préface qu'il y a jointe. PCR" RON EN TT PP FE DES SCIENCES. 174 Quoiqu'il facrifrät une partie de {es travaux aux recherches de l'Antiquité, il n'en étoit cependant pas moins zélé pour celles de Phyfique. Les polypes d'eau douce découverts par M. Tremblay, les bouteilles de Florence qui réfiftent au choc d'une balle de plomb & ne peuvent foûtenir celui d'un petit gravier fans { rompre, des os humains revêtus d’une couche pierreufe, qu'il avoit vüs près de Rome, à Vila Ludovifia, trouvèrent en lui un Obfervateur exact & vigilant, & Îa Société Royale a fait paroître les obfervations & les réflexions qu'il lui a communiquées fur ces diflérens fujets. Dans le voyage qu'avoit fait M. Folkes en 1733, n'avoit point vû la France; il réfolut de réparer cette efpèce d'omiflion , & y pafla au mois de Mai 17 39- Je ne dois pas diffimuler ici qu'un des principaux motifs de fon voyage étoit de connoître perfonnellement les Savans de notre Nation, & fur-tout de lier amitié avec les principaux Membres de cette Académie. If réuflit parfaitement à l'un & à l'autre; & après un féjour de plufieurs mois, pendant lequel nous eumes prefque toûjours le plaifir de le voir aflifter à nos “ Affemblées, il retourna en Angleterre, emportant, comme il Yavoit fouhaité, l'eftime & l'amitié de tous ceux qui l'avoient connu , & laiffant ici la plus haute idée de fon mérite. Auffi-tôt après le retour de M. Folkes en Angleterre, le grand âge & les infirmités continuelles de M. Sloane obli- gèrent ce dernier à fe démettre de la place de Préfident de la Société Royale. Tous les yeux fe tournèrent alors vers M. Folkes, & il fut unanimement nommé à cette place, pour laquelle il avoit déjà partagé les fuffrages de la Société Royale plus de quatorze ans auparavant. _ Nous voici enfin arrivés à la partie de l'hiftoire de M. . Folkes qui nous intérefe le plus. La mort du célèbre M. Hälley ayant fait vaquer parmi nous en 1742 une place d'Aflocié-Étranger, l'Académié crut ne pouvoir mieux réparer à re qu'elle venoit de faire, qu'en nommant M. Foikes à _ cette place, & il fut élû le 5 Septembre de la même année. | _ À peine en avoit-il reçû la nouvelle, que voulant appa- , - LAS ET de mm 172 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE remment faire voir qu'il fe croyoit attaché deformais à fa France, fans ceffer cependant de l'être à fa Patrie, il lut un Mémoire également intéreflant pour les deux Nations: ce fut la comparaifon des mefures & des poids de l'une & de Yautre, qu'il donna à la Société Royale, avec tout le détail de ce qu'il avoit fait pour s'en affurer. La Société Royale Ya publié dans le quarante-deuxième volume des T'ranfaétions Philofophiques. L'année 1745 fut marquée par fa publication du plus. confidérable ouvrage qu'ait donné M. Folkes, par fon Traité des Monnoies d'argent d'Angleterre, depuis la conquête de cette ifle par les Normands, jufqu'au temps où il écrivoit. Cet ouvrage, avec la feconde édition de celui qu'il avoit déjà donné fur les Monnoies d'or, étoit certainement le morceau de ce genre le plus parfait & le plus intéreffant qu'on eût encore vû; il eft même plus intéreflant qu'il ne ke paroît au premier coup d'œil. Les Monnoies font les fignes des valeurs de tout ce qui peut faire l'objet du com- merce & des befoins de la Société; ces fignes doivent donc changer eux-mêmes de valeur fuivant que la quantité du métal qui fert de figne, ou celle des chofes repréfentées, vient à changer, & encore fuivant la facilité qu'une Nation trouve à fe les procurer par fon commerce ; d'où il fuit qu'un tableau fidèle de la variation des Monnoies d'une Nation, préfente à ceux qui font en état de connoître cette efpèce d’hiéroglyphe, non les événemens qui appartiennent aux Hiftoires ordinaires, maisl'effet de ces mêmes événemens fur le corps politique, & les avantages ou les maux intérieurs qu'ils y ont pù caufer. M. Folkes étoit depuis long temps l'un des Vice-Préfidens de la Société des Antiquaires de Londres. La place de Pré- fident de cette Compagnie vint à vaquer en 1750 par la mort du Duc de Sommerfet, M. Folkes y fut nommé tout d’une voix, & la Charte Royale accordée le 2 Novembre 3751 à cette Compagnie lui confirma ce titre. Ce fut le dernier honneur qui lui fut déféré, & duauel Et D pe BÉEMSANSACUILE NC ES 173 mème il ne put jouir perfonnellement. 1 avoit été attaqué au mois de Septembre de la même année d'une paralyfie de tout le côté gauche; ce trifte accident l’obligea à fe démettre de la Préfidence de la Société Royale en 1753, & une fe- conde attaque qu'il eut le 25 Juin 17$4 mit fin à fa vie le 28 du même mois. M. Folkes nétoit pas de la plus grande taille, mais il étoit bien fait. H reflembloit, dit-on, de vifage à feu M. de Peyrefc, & avoit auffi beaucoup du caractère de cet illuftre Savant. H poflédoit, comme Socrate, l'art de rendre fenfibles les raifonnemens les plus abitraits de la Philofophie; il portoit cette même clarté & cette même exaclitude dans fes re- cherches fur l'antiquité, où il trouvoit fouvent, par la pré- cifion de fon: raifonnement ,. des preuves démonftratives dans des chofes qui avoient jufqu'alors échappé aux yeux les plus accoûtumés à de pareils objets. La même jufteffe & 11 même xécifion paroïffoient dans les difcours qu'il prononçoit tous les ans à la tête de la Société Royale, en donnant les Mé- dailles deftinées à fexvir de Prix aux nouvelles découvertes, dans lefquels il avoit toüjours fain de tracer l'origine & les progrès de ces découvertes. : Il étoit Docteur de l'Univerfité d'Oxford & de celle de Cambridge, où il avoit été élevé; ces deux favantes Com- pagnies n'avoient pas négligé de s’acquerir un fujet de ce mérite, & elles ne manquèrent ni lune ni l’autre de s'en faire honneur dans les occafions qui fe préfentèrent. M. Folkes. s'étoit. fait une Bibliothèque ample & bien choifie, & un Cabinet enrichi d’une colleélion de Monnoies Angloifes, fupérieure à tout ce qu'on connoifloit en ce genre, mème dans es dépôts publics tes plus complets. IL avoit pour la Société Royale l'attachement le plus vif,. ‘& non content de le témoigner par fon afliduité & par fes . travaux, il en a donné des marques à cette Compagnie par un préfent de cent livres flerlings qu'il lui fit lorfqu'il fut . nommé Préfident ; par le portrait du Chancelier Bacon qu'il : YX üj 174 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Jui donna; par un cachet aux armes de la Société, qu'il fit faire pour fervir deformais à ceux qui feront appelés à la Préfidence ; & enfin par un legs de cent livres flerlings qu'if lui a fait par fon teflament. JL étoit très-févère cenfeur de fes propres ouvrages, & il a fait fupprimer à fa mort plufieurs manufcrits qui traitoient de fujets curieux & intéreffans, mais auxquels il n'avoit pas mis la dernière main. Peut-être eût-il mieux fait de les laiffer paroître tels qu'ils étoient, le Public en eût profité. Heureu- fement cette faute, fi c'en eft une, tire peu à conféquence, & il n'y a pas lieu de craindre que beaucoup d'Auteurs fuivent fon exemple. L'amour de M. Folkes pour l'étude & pour la retraite Ta toüjours tenu concentré dans un petit nombre d'amis, & l'a éloigné des honneurs publies, qu'il n'auroit pû acheter que par la perte d'un loifir qu'il voit fi dignement employer; f1 feule ambition étoit de fe difimiguer par fon zèle pour Vavancement des Lettres & des Sciences, & on ne lui re- prochera certainement pas d'y avoir manqué. Il avoit été marié, & n'a laïflé à fa mort que deux filles ; un fils unique qu'il avoit eu étoit mort dès l’année 1740, malheur qu'il fupporta avec la plus grande fermeté. La place d'Aflocié-Étranger de M. Folkes a été remplie par M. Haller, Amman de Berne, Préfident de la Société Royale de Goettingue, & Membre des Académies des Sciences de Londres, de Péterfbourg & de Berlin. Ge an à LA IN e fe me D DES SCIENCES. 175 PRRRRRERERREE NAN E LOGE PE, M, M O0 E'PORRE 2 vs HAM Moivre naquit à Vitry en Champagne le J\ 26 Mai 1667: fon père, qui y exerçoit la Chirurgie, n'étoit pas riche; mais, malgré la médiocrité de fon état, il ne néoligeoit rien pour léducation de fa famille, regardant cette éducation comme le plus riche héritage qu'il püt laiffer à fes enfans. Le jeune Moivre commença fes études à Vitry même, d'abord fous la conduite d'un niaître particulier, & enfuite fous celle des Prêtres de la Doctrine Chrétienne, auxquels fon père, quoique Proteftant, l'avoit confié. H y refla jufqu'à l'âge de onze ans, fon père jugea alors à propos de l'envoyer achever fes études dans l'Univerfité proteftante de Sedan. II fut d'abord mis en penfion chez le Profeffeur en Grec, dont il eut bien-tôt gagné l'amitié par fon affiduité au travail & par fes progrès; toute cette afliduité n’avoit cependant pas em- pêché M. Moivre d'entrevoir les charmes des Mathématiques, & quoiqu'il n'eût alors entre les mains que le Traité d'A- rithmétique de le Gendre, c'en étoit aflez pour lui caufer d'éanges diftraélions & pour chagriner beaueoup le Pro- fefeur, qui regretioit le temps que l'Arithmétique déroboit au Grec; mais maloré fa mauvaife humeur il fallut laiffer M. Moivre s'occuper de cette étude favorite, & il n’en devint pas moins un des meilleurs Humaniftes de cette Univafiié, dans laquelle il continua fes études jufqu'aw temps où elle fut fupprimée. . Les progrès de M. Moivre dans l'Arithmétique avoient fait aflez de bruit pour parvenir aux oreilles du père, celui-ci fe fa allez far Ja capacité de fon fils pour lui mettre entre les mains les Élémens d'Aloèbre du P. Preftet ; mais comme: il y avoit à la tête de ce livre un. difcours préliminaire fi 176 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYALE la nature des idées, & que le jeune homme, qui n'avoit point encore fait de Philofophie, n'avoit pas la moindre notion de ce qu'on entend par ce mot, il referma le livre fans le lire & partit pour Saumur , où on l'envoyoit achever le cours de fes études. Il n'y fut pas beaucoup plus heureux qu'à Sedan , le Pro- fefleur de Philofophie étoit un homme très-entêté de l'ancienne Doctrine, & par conféquent aflez mauvais Phyficien, méprifant ouvertement la méthode de Defcartes, fans qu'il pût donner de raifon de fon mépris, finon que Defcartes étoit fon cadet. On peut juger fi un tel maître pouvoit convenir à M. Moivre, auffi demanda-t-il bien-tôt à le quitter & à venir à Paris; mais pendant fon féjour à Saumur ayant enfin appris ce qu'on entendoit par idée, # ut tout feul & fans peine, non feule- ment le livre du P. Preftet, mais encore celui de M. Hughens fur les jeux de hafard. II étoit bien éloigné de pouvoir entendre alors tout ce qui étoit contenu dans ce dernier, mais le peu qu'il en tira devint comme le premier germe & le prin- cipe de ce qu'il a fait de plus beau dans la fuite. La moindre ouverture fuffit pour éclairer des génies de la trempe dont étoit celui de M. Moivre. Arrivé enfin à Paris, il y fit un cours de Phyfique, & parüt avec un de fes parens pour aller en Bourgogne. II fembloit que les Mathématiques le pourfuiviffent par-tout ; il y avoit dans la maifon où ïä fe trouvoit un Euclide du P. Fournier , il s’en faïlit; mais s'étant trouvé arrêté dès la cin- quième propofition, il fe mit à pleurer, & fon parent ne put le confoler qu'en lui expliquant cette propofition , après quoi il entendit le refte des fix livres avec la plus grande facilité. Il y joignit la Géométrie-pratique d'Henrion, fa T'rigonométrie, la conftruction des Tables des Sinus, & les Traités de Mé- chanique, de Perfpedive & de Trigonométrie fphérique de Rohault. Après une campagne auffi bien employée, il vint rejoindre fon père à Paris, & profita de ce féjour pour achever, avec le fecours d'un maître, les 11° & x31.° livres d'Euclide, qui lui \ DES SCIENCES. 177) lui avoient paru trop difficiles pour les entreprendre ful. Ce maître fut le célèbre Ozanam, avec lequel il lut, non feulement ces deux livres, mais encore les Sphériques de Théodofe. l … La révocation de l'Édit de Nantes obligea M. Moivre à changer de Religion ou de pays ; il opta, fans balancer, pour ce dernier parti, & pafla en Angleterre, qu'il avoit choifie pour le lieu de fa retraite, comptant, avec raifon, fur {es talens, mais croyant, peut-être un peu trop légèrement, avoir atteint le fommet des Mathématiques : il ignoroit encore que ce fommet, s’il eft acceffible aux Mathématiciens du pre- mier ordre, ne left pas au moins à fi bon marché. Il en fut bien-tôt & bien fingulièrement defabufé. Le hafard le conduifit chez Mylord Devonshire dans le moment où M. Newton venoit de laïfler chez ce Seigneur un exem- plaire de fes Principes. Le jeune Mathématicien ouvrit le livre, &, féduit par la fimplicité apparente de l'ouvrage, perfuada qu'il alloit l'entendre fans difficulté; mais il fut bien furpris de Le trouver hors de la portée de fes connoiflances, & de fe voir obligé de convenir que ce qu'il avoit pris pour le fañe des Mathématiques n’étoit que l'entrée d'une longue & pénible carrière qui lui refloit à parcourir. Il fe procura cependant le livre, & comme les leçons qu'il étoit obligé de donner l'engageoient à des courfes prefque continuelles , if en déchira les feuillets pour les porter dans fa poche & les - étudier dans les intervalles de fes travaux. De quelque façon qu'il sy fût pris, il n’auroit jamais pù offrir à ce grand Mathé- maticien un hommage plus digne ni plus flatteur que celui qu'il lui rendoit en déchirant ainfr fes ouvrages, . M. Moivre parcourut toute la Géométrie de lInfini avec la même facilité & la même rapidité qu'il avoit parcouru la Géométrie Elémentaire, & fut bien+ôt en état de figurer avec les plus illuftres Mathématiciens de l'Europe. IL fut connu de M. Halley en 1692, & lia une étroite amitié avec cet illuftre Aftronome: peu de temps après il fut ami de Newton même, puis du célèbre M. Facio ; enfin il fe Hif. 17 S4 L 178 HisToiRE DM L'ACADÉMIE RoyaLe trouva lié avec tout ce que l'Europe comptoit alors de Mathématiciens célèbres. É à Le premier ouvrage de M. Moivre eut pour objet une extenfion de la méthode des fluxions ou différences, de M. Newton. Cet Écrit fut préfenté à la Société Royale en 169$ par M. Halley, & imprimé dans les Tranfactions Philolophiques de cette mème année. Deux ans après il communiqua à la même Compagnie üne méthode pour élever ou pour abaïfler un multinome infini à quelque puiflance que ce foit, d'où il tira depuis une méthode de retourner les fuites, c’eft-à-dire, d'exprimer la valeur d'une des inconnues par une nouvelle fuite, com- polée des puiflances de la première. Ces ouvrages parurent fi beaux à la Société Royale, qu'elle réfolut de s'en acquerir l'Auteur, & lui donna place au nombre de fes Membres en 1697. Nous omettons ici deux ou trois petits Écrits de M. Moivre publiés auffi dans les Tranfaétions Philofophiques, comme les Révolutions des différentes parties de la Lunule d'Hippocrate, la manière de quarrer certaines courbes en les réduifant à d’autres courbes plus fimples, enfin fes Re- cherches fur une courbe fingulière. Ces morceaux, capables d'illuftrer un Mathématicien ordinaire, s'évanouifient & deviennent, pour ainfi dire, infiniment petits dès qu'on les rapproche de fes autres ouvrages. Le mérite, fur-tout lorfqu'il eft éclatant, demeure ra- rement fans attaques : M. Moivre ne manqua pas d'en efluyer. M. Cheyne, Médecin Écoflois, qui s'eft depuis rendu fa- meux par des ouvrages d'un autre genre, publia en 1703 un Traité de la méthode inverfe des fluxions, dans lequel il maltraitoit plufieurs illuftres Mathématiciens, dont il s'at- tribuoit cependant les découvertes. M. Moivre étoit du nombre, & il répondit vivement. La replique de M. Cheyne fut encore plus vive; mais comme celle-ci ne touchoit plus aux Mathématiques & devenoit abfolument perfonnelle, M, Moivre abandonna le champ de bataille à fon adverfaire, qui fut, dit-on, le premier à avoir honte de fon procédé & à » que du temps de Benjamin on eût déjà quelque connoiffance » de l'Océan feptentrional ou de fa mer glaciale, & de fa com- » munication avec l'Océan oriental où la mer de la Chine: & du Japon.» À quoi Je erois pouvoir ajoûtér que cetie cons. noiffance a dû venir de quelques Vaiffeaux chinois, qui em allant au Fou-fang ou en Amérique, fe feront engagés, dans Enfdrains. le canal & le détroit du nord , le long: des ;côtes orientales, pl 1e 478 du Kamtchatka; où j'ai rapporté (d'après M. de Guignes} #>.0"0%, 1 À ; DIEUSUNS C,L'E N-C E & $ qu'ils naviguoient au moins dans le cinquième & fe fixième fiècle. Les Chinois favoient aufli dans le même temps, moyennant leurs voyages par terre, que la mer glaciale étoit au nord du fac Pai-kal, & ils pouvoient conjecturer avec plus de fondement que les Anciens ne l'ont fait, que la mer environnoit notre continent. | Maïs revenons aux connoiflances modernes qui ont afluré les anciennes. On étoit encore en 1725 dans l'ignorance ou l'incertitude à ce fujet en Ruffie, & l'on y avoit oublié quantité de choles dont j'ai eu occafion de parler, entre autres ce voyage des Rufes, qui étant partis du Lena en 1648, doublérent la pointe du nord-eft de l'Afie, & vinrent jufqu’à Anadir & au Kamtchatka. Cet oubli étoit tel, que le voyage en queftion n'a été conflaté qu'en 1741, & que le Capitaine Beering reçut ordre en 1725 d'examiner dans fon voyage au Kamtchatka; fi [a Sibérie orientale ne tenoit point à l'A- mérique; mais, comme je l'ai rapporté ailleurs, ce Capitaine ayant cru s'être acquitté de fa commiflion en montant juf- qu'au 674+, trouva que les côtes de lAfie continuoient Carfidérationss p- 105 Ÿ fur. Ÿd 170% d'aller à l'oueft depuis la pointe du nord-eft qu'il avoit dou-. blée; ainfr comme il n'alla point jufqu'au cap Chalaginskoi, près duquel les côtes retournent à left, il refla encore in< certain fr par cet endroit l’Afie ne tenoit pas à l'Amérique, juiqu'à ce que les Rufles euflent découvert par terre l'extré- mité de ce cap glacé. + Si en confidérant cette féparation des deux eontinens, Ja navigation à travers la mer glaciale ne paroît plus impoffible du côté de l'eft, combien de perfonnes ont penfé qu'elle ne pouvoit fe faire du côté de loueft, à caufe des glaces, ow parce que la Tartarie étoit jointe à la nouvelle Zemle, celle-ci au Spitzherg, & celui-ci au Groenland, en forte que tout cela m'étoit qu'un même continent! Ce fut le Capitaine Wood , . anglois, qui en 1 676 donna cours à cette dernière opinion, pace qu'il avoit trouvé une continuité de glaces entre le Spitzherg & la nouvelle Zemle à laquelle elles paroifoient fermement attachées; en conféquence if ne fit pu difliculté | Aiÿ Foy. an Nora; # [1,p. 34€ & Juiv. deuxiènt éditions V. les Mém. de l'Acad annee 4720, pages 3720387. Vey. au Nord, f. Il, p. 286, deuxième édition, 6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de traiter de faufles & de fables inventées, les relations publiées par les Hollandois & les Anglois au fujet dés navigations faites au nord & au nord-eft de la nouvelle Zemle. Feu Guillaume de l'Ifle s'élevant au deflus des préjugés de cette efpèce, par un travail très-confidérable qu'il a fait pour réduire en diverfes cartes manufcrites tout ce qui eft contenu dans les trois voyages que les Hollandois firent près de fa nouvelle Zemle, laifla la mer glaciale ouverte de ce côté, quoiqu'il fit mention de la côte de glaces du Capi- taine Wood, & il termina l’Afie au nord-eft par des traits légers, avertiflant que l'on étoit dans l'incertitude fur la fitua- tion de fes côtes; mais comme on les avoit cru terminées au 160€ degré, c'eft-à-dire, beaucoüp plus à l'oueft que les nouvelles découvertes ne les montrent, les Rufles s’avançant au-delà par terre fans en trouver le bout, retombèrent dans Topinion que lAfie pouvoit bien tenir à F Amérique, & ils y reflèrent jufqu’à la découverte du cap Chalaginskoiï. Examinons maintenant ce qui concerne les trois paffages ou détroits que l'on trouve à loueft dans la mer glaciale, c'eft-à-dire, en y entrant du côté de l'Europe, & après avoir doublé les pointes de Stade & l'Iflande, où fe trouve la chaine de montagnes marines qui fépare la mer glaciale de l'Océan, & que j'ai indiquée dans mon Mémoire du 1 5 No: vembre 1752, fur la Géographie phyfique. Le détroit de Waigats & fa continuation, dont j'ai ci- devant parlé, fépare la nouvelle Zemie du continent; mais lon a cru long-temps en Ruffie qu'elle tenoit à la Tartarie, & que la mer du Waigats n'étoit qu'un golfe: on a même preuve que des hommes ont paflé à pied par l'ifthme de glaces qui unit ordinairement les terres; ainft il n’eft pas étonnant que feu Guillaume de lfle & M. Hañus aient repréfenté la Zemle comme une prefqu'ifle. Ce n'eft qu'avec beaucoup de peine que les Ruffes ont, depuis peu d'années feulement, découvert de ce côté le gifément des côtes de la Sibérie, & il y en a mème une partie qu'ils n'ont pù dé- couvrir que par terre, les barques qu'ils avoient envoyées DE EU OC: L'E Ni: CH Eu 56 74 du lenifea & du Lena (comme le dit l'Officier de fa Ma- rine ruflienne) n'ayant pü fe rencontrer, à caufe des glaces où elles fe perdoient aux environs de la Tamura & du nord-eft de la Zemle. Ce fut vers ce lieu-là même que vint en 1664 un Capitaine hollandois qui nomma cette terre Jelmer-land*; après avoir doublé [a Zemle par le nord, il * Carte de la pafla devant ie déroit fans sen apercevoir, apparemment à Dre ir caute des brouillards épais qui font fréquens dans ces contrées /'Jk. du nord, comme nous fapprend M. Witfen dans fon rare Par, 1 p. 54e ouvrage fu b Tartarie, ou parce que ce détroit étoit alors garni de glaces. On me permettra de témoigner ici mon étonnement dé ce qu'on n'a pas publié le journal de ce Capitaine, non plus que celui de ces Hollandois, qui ayant aufli paffé au nord de la Zemie en 1670, s'avancèrent plus de cent lieues à l'eft, comme il eft rapporté dans un Journal d'Angleterre dont Particle eft inféré dans notre Journal des Savans de 1 676. L'Officier fuédois qui a fait les notes de l'Hifloire gé- néalogique des Tatars, nous dit que les glaces qui {e trouvent entre la Zemle & la Sibérie, & qui viennent principa- lement de 1Obi & du lenifea, ne fondent j jamais, à moins que quelque violente tempête du nord-eft, qui eft le traverfier de ce détroit, ne les rompe. L'on voit auffi par les relations hollandoifes, que le temps doux n’y dure qu'environ trois fe- maines ; ainfi l'on doit conclure que ce palige eft comme impraticable, Le fecond, qui eftentre la Zemle & le Spitzherg, « n’eft pas toûjours facile à traverfer, quoiqu'il foit fpacieux; car « les glaces y font très- abondantes, & il y a même des années « qu ‘elies n'y déprennent pas : quand elles fondent, eela m'arrive « qu'à la fin de Juillet, & ainfr ée paflage eft incertain & « dangereux ». Nous fommes redevables de ces obfervations, en propres termes, à un de nos Officiers de marine, nommé M. de la Madelène, dont on voit la lettre intéreflante, page —._ 138 de mes dernières Confidérations que j'ai honneur de _ prélemeri SR prpIées à l'Académie, Cet Officier avoit fait ds Yoy. au Nord, px Il Gid page sé, 8 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE informations détaillées auprès des Hollandois qui vont tous les ans en grand nombre, comme lon fait, à la péche des baleines aux environs du Spitzherg. L'elpèce de continent de glaces que le Capitaine Wood trouva dans ce paffage au mois de Juin 1676, peut donc être admis, fans qu'on en doive néceflairement conclurre, comme il a fait, la faufleté des navigations hollandoïles par le nord de la Zemle, telles que celle de Barents & d'Hemf- kerk, qui eurent le malheur de paffer hiver dans cette ifle en 1596 & 1597, & les autres navigations dont j'ai parlé iln'y a qu'un moment. Les glaces de Wood feront venues ænfuite de ces grands fleuves de la Sibérie, qui eft inclinée vers la mer glaciale par une pente dont l'étendue eft de plus de vingt degrés en latitude, depuis la grande chaîne de mon- tagnes qui fait le partage des terreins & des eaux de PAfie. Ces glaces fe feront attachées aux bas-fonds qui forment une chaîne marine entre la Zemle & le Spitzberg. D'ailleurs, les tempêtes du nord-eft, qui rompent les glaces du détroit de la Zemle, peuvent d'autant mieux produire le même effet dans ce fecond pañage, qu'il eft beaucoup plus fpacieux que Vautre. Au refle, c'eft par ces glaces que font venus Lu doute les rennes, les ours & les renards que l’on trouve au Spitzherg comme dans la nouvelle Zemile. A l'égard du troifième paflage, qui eft entre le Groenland & le Spitzberg, c'eft le plus commode, felon les informations données de Hollande par des perfonnes afhdées , à lOfficier de notre marine que je viens de citer, & qui ajoûte que c'eft auffi le plus für, parce qu'il y a moins de glaces qu'aux autres, & que l'on y peut paffer dès le mois de Mai. Fréderic Martens de Hambourg, dont le journal & les remarques font dans le fecond volume des voyages au Nord, avoit déjà obfervé que dans les mois d'Avril & de Mai les glaces à Voueft du Spitzberg fe rompent & fe difperfent vers l'ifle de Mayen, c'eftà-dire au fud, étant pouflées apparemment par les vents du nord. Quand on a doublé le Spitzberg de trois ou quatre degrés au nord, continuent les Hollandois dont je viens DES SCIENCES. 8 de parler, on ne trouve plus de glaces, muis feulement des vents impétueux & une grofle lame qui ne brife point. H y a apparence que ce paflage a moins de glaces pour deux ou trois raifons: la première, parce qu'il ef plus éloigné des côtes de Sibérie, d'où elles viennent en fi grande quantité; la feconde, parce que le Groenland feptentrional étant bean- coup plus tempéré que le méridional, comme je le ferai voir dans un moment, doit être moins garni de glaces; car c'eft leur voifinage qui rend le froid fi âpre dans les pays qu’on a défignés jufqu'à préfent fous lenom de Terres Ardliques, nom quil femble. qu'on ne doit au plus conferver qu'aux terres qui font dans cette mer glaciale. On me permettra ‘d’ajoûter ici, qu'il me paroît que les pays en deça du Cercle polaire arétique n’éprouvent de grands froids qu'en conféquence des vents qui balaient, pour ainff dire, l'air des glaces qui font au deflus de ce Cercle & dans la mer glaciale. Ainfi je penfe que deformais la confidération du local & dela difpofition générale des chaînes de montagnes de notre globe, doit entrer dans l'hifloire du froid. Mais fans m'étendre ici fur le fujet du Groenland , la preuve que fa partie feptentrionale eft moins garnie de glaces que la méridionale, c’eft que le Capitaine Baffin trouva fa baie, au-delà du 74me degré, libre de glaces, & que plus il avança au nord, plus il reffentit un air doux & très-différent de celui qu'il venoit d'éprouver au milieu des glaces du détroit de Davis, où elles : ne fondent jamais entièrement, non plus que dans fe Groen- land méridional &{ur fes côtes qui regardent FIflande. Les Anglois, qui font en état de nous procurer fur le Groenland bien des connoiffances, en réuniffant les obferva- tions de leurs navigateurs, nous parlent de l'iffhme du Groen- land au nord & près de la baie de Smith, qui eft la partie la plus feptentrionale de la grande baie de Bafhin. Cet ifthme donne lieu de fuppofer en cet endroit une chaîne de montagnes qui en foûtient les terres, & qui eft la continuation de celles que on :connoît au milieu du Groenland méridional ; mais, à Ja différence de celles-là, la chaîne dont il eft ici queftion, Mém, 1754. B Remarques à Cartes de l’A- mérique de M. Green. 10 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE doit être voiline de la partie de la mer glaciale où eft ce paffage le plus für & le plus commode: en conféquence de ce voifinage, elles n'ont pas plus de rivières confidérables que les cordelières du Chili & du Pérou, & ceft la raïfon pour laquelle je penfe qu'il y a moins de glaces qu'ailleurs, En continuant le circuit de la mer glaciale felon le plan des nouvelles découvertes, que j'ai prélenté à l'Académie le 9 Août 1752, dont j'ai publié les fondemens, & qui a été confumé en 1753, fe trouve une efpèce de langue de terre ou de longue prefqu'ifle étroite, qui s'étend depuis l'ifthme au nord de fa baie de Baffin, jufqu'au détroit qui fépare l'Amérique de l'Afie. Elle doit être garnie dans toute fa longueur (comme le font toutes les prelqu'ifles) par une chaîne de montagnes liées d'une part à celles du Groenland, & de autre à celles qui font voifines du détroit du nord. Ces montagnes étant près de la mer, comme les précédentes, il n'en peut fortir que de petites rivières dont les glaces ne doivent pas être confidérables, & voilà pourquoi le Capitaine Bering trouva la mer glaciale libre au nord & à left lorf- qu'il eut pafié le détroit du nord en venant du Kamitchatka. Je ne répète point ici ce que j'ai déjà dit de ce détroit, fur-tout dans mes dernières Confidérations; mais je crois de- voir obferver que quoique les glaces y forment en hiver comme un pont par où les hommes & les bêtes féroces peuvent paffler (d'où eft venue l’ancienne idée d'un golfe au nord dela grande mer); cependant on peut ordinairement naviguer l'été au travers de ce détroit, comme il paroït an moins par l'exemple de Beering & des Rufles de 1648. Nous devons efpérer que l’Académie de Péterfbourg nous apprendra les particularités de ce paflage, aufli-bien que ce qui concerne en détail les glaces des côtes de Ia Sibérie, & les vents qui y règnent. On peut maintenant fentir de quelle conféquence font ces fortes d'oblervations pour la Phyfique. En attendant, je dois encore dire un mot d’un cinquième & dernier paffageide la mer glaciale, qui £ trouve à l'oueft du détroit du nord, & du cap Chalaginskoï, que j'ai repréfenté 0. DES SCIENCES. it ci-devant, d'après les plus nouvelles relations Rufles, comme toûjours garni de glaces. Ce paflage eft entre le nord de 1a Sibérie orientale & la Bolchaia Zemla où la Grande terre découverte en 1723, & dont j'ai rapporté ailleurs les parti- cularités phyfiques. Quoiqu'il foit communément embarraffé nhirains de glaces, cependant les Ruffes y viennent faire la pêche pages 12, 54, en été, & quelques-uns l'ont entièrement traverfé en paflant #7 aù deflus du cap Chalaginskoi & fans le reconnoître, comme j'en ai donné des exemples dans mes dernières Confidérations y, AT en parlant d’un voyage des Rufles en 1648, & d'un autre & 15. où ils montèrent fur {a pointe du nord-eft vers 1680, & virent la mer au fud dégagée de glaces, pendant que celle | au nord en étoit encore prife. } Enfin fon eft maintenant en état de juger quelle applica- tion l'on doit faire de ce que dit l'Officier de la Marine Ruf fienne contre la poflibilité de traverfer la mer glaciale. I ne confidère que les routes pareilles à celles de fi Nation, qui fe font avec des barques le long des côtes glacées de Ruffie & de Sibérie, & il ajoute que quand la traverfée de cette mer feroit pofüble, il faudroit hiverner trois ou quatre fois en chemin. C'eft qu'il ne penfoit qu'à la route de la Zemle & de la Sibérie feptentrionale, n'ayant nulle idée de celle du Groenland & de l Amérique. Voilà ce que j'ai cru devoir raflembler fur Ia mer glaciale arctique , confidérée en elle-même : je ne doute point que cela n'excite de nouveau attention des Savans & des Phyficiens à ce fujet, & n'engage ceux qui ont plus de connoïffances, à en faire part au Public, & à rectifier ainfi ou à confirmer les vües que j'ai propofées, & que je crois être avantageules à la Géographie, à la Phyfique & à la Navigation. Mais après avoir traité en général & par parties, de fa tra- verfée de la mer glaciale arctique, comme poflble, parlons de quelque navigation faite tout au travers de cette mer. Les Hollandois n'ayant pas jufqu'à préfent laïffé voir le jour à celles dont on affure qu'ils ont des relations, je parlerai ici du voyage d'un Capitaine portugais, dont M. de la Madelène | B i Ibid, p.137. Confidérations, 3 page 130. s Ÿ y Ÿ y M y Ÿ y Ÿ P. 90 fui, P. Sr d' 99. 12 MÉMorREs DE L'ACADÉMIE ROYALE donna connoiffance en 1701 à M. le Comte de Pont- chartrain, & que j'ai rapporté dans mes dernières Confidé- rations, fans faire de réflexion à ce fujet. « David Melguer, portugais (dit notre Officier de Marine) partit du Japon le 14 Mars 1 660, dans le vaifieau / Pére éternel ; &. faifant route le long de la côte de Tartarie, il courut au nord jufque vers le 84me degré de latitude, d'où il reprit fa route entre le Spitzberg & le Groenland, & paffant par loueft de l'Ecoffe & de l'Irlande, il fit fon retour à Porto en Portugal. » Après tout ce que j'ai dit, je pourrois me difpenfer de faire quelques réflexions pour montrer que cette relation ne contient rien qui doive paroître maintenant difficile à croire: faivons cependant le Capitaine portugais, & rélumons ce que on vient de voir, en nous mettant avec lui près des côtes du Japon. II dût fuivre depuis fa partie orientale, à peu près la route des Hollandois du Kaftrikum , dont j'ai donné ailleurs le détail, & celle du Capitaine Spangenberg, jufqu'à la pointe du Kamtchatka, regardant comme Tartarie toutes les terres qu'il rencontra à fa gauche. I! y a lieu de croire qu'il fe dirigea par ce développement de la carte originale de fon compatriote T'exeira, dont j'ai parlé dans mes der- nières Confidérations; & en conféquence, il dût la trouver jufte pour les diflances, mais non pour les giffemens. Quoi u'il en foit, depuis la pointe méridionale du Kamichatka, il a pü fuiver la route qu'a tenue en 1728 le Capitaine Beering, jufqu'à la pointe du nord-eft de l'Afie : le Capitaine portugais laura, comme les Rufles, trouvé libre de glaces, auffi-bien que la mer au nord & à l'eft; ainfr il a pü fuivre fans peine au nord-eft les côtes d'Amérique, ou il s'en fera peu éloigné. Enfin ayant gagné le 84me degré & le Groenland, il aura fait fa route commodément par le paflage qui en eft voifin, & enfuite par l'oueft de 'Ecofe jufqu'en Portugal. Au refte, ce que je viens de dire de la partie de la mer glaciale au deflus du Spitzherg, & voifine de l'Amérique, me rappelle encore deux ou trois faits dont il eft parlé dans le 4 p'E:Sr S Ci E Nic Es. 13 Recueil des Voyages au nord, & que je crois devoir remettre fous les yeux de 11 Compagnie, d'autant plus que les vües que j'ai propolées peuvent aider à faire voir que ces faits {ont encore dans l'ordre des cholfes poflibles. Le premier concerne les baleines dont parlent les Hollandois du vaifleau l'Æpervier, qui furent treize ans prifonniers en Corée, après avoir fait naufrage en 1653. dans l’ifle de Quelpaert, voiline de celles du Japon, fur lefquelles je me propofe.de lire incefflamment quelques remarques dans nos Affemblées particulières, pour fixer par diverfes obfervations la longitude & Ia fituation de ces ifles, en y joignant plufieurs efpèces d’obfervations Phyfiques. Or, parmi les baleines que l'on trouve en quantité dans {a mer qui eft entre la Corée & le Japon, il y en a uné partie (difent les Hollandois) qui portent les crocs & les harpons des François & des Hollandois, qui vont ordinairement à cette pêche aux extrémités de l'Europe, c'eft-à-dire, au Spitzherg. Ces baleines, comme on l'a obfervé dans le Journal d'Angleterre de 1676, que je citois il n'y a wun moment, ont dû traverfer librement la mer glaciale, pluftôt que de paffer par les mers d’Afrique qui font fi fort éloi- gnées; & un Savant auteur Hollandois cité par M. Witfen, ayant calculé le chemin que peut faire une baleine, les fait venir du Spitzherg à la Corée en 10 ou 12 jours. Secondement, le Capitaine Wood, dans un Ecrit qu'il fit avant fon voyage, rapporte que deux Vaifleaux hollandois font allés jufqu'au 8omce degré de latitude, c'eft-à-dire, à un degré du pole, & y ont trouvé une mer libre & ouverte, fort profonde ; ce qu'ils prouvoient par quatre de leurs jour- maux qui atteftoient Je fait, en s'accordant à fort peu de chofe près. Wood dit encore qu'un autre Hollandois digne defoi, afluroit qu'il avoit été jufqu'au Pole, & qu'il y faifoit en été auffi chaud qu'à Amfterdam. Sur cela, je crois pouvoir remarquer que sil n'y a pas de glaces, par les raifons que j'ai expofées, le long féjour que le foleil y fait, doit aifément échauffer l'air. Martens de Ham- bourg rapporte aufli divers eflets confidérables de la chaleur B iij Voy. au Nord, t, IV, p, 308, deuxième édition, Part. II, p. C3. Voy. au Nord, tome 11, pages 289 Ÿ 290. Voy. an Nord. tome T1:P.73: I MÉMOIRES DE L'ACADÉMIÉ ROYALE du foleil, au milieu même des glaces du Spitzberg méridional, entre autres que le goudron des jointures de fon vaifleau fe fondoit du côté qui étoit à Fabri du vent. H y vit d'ailleurs cet aftre pendant trois mois, fans qu'il fe couchât, & il obferva que la nuit paroït comme un beau clair de lune, que lon peut contempler facilement; c'eft parà, ajoüte-t-if, qu'on diflingue le jour d'avec la nuit. H me femble qu'en parlant de la traverfée de la mer gla- ciale, en tout ou en partie, j'ai rapporté aflez d'exemples & de faits qui prouvent que ce qu'on a cru pendant un temps être impofhble, eft néanmoins wrai, ou n'a rien qui ne s'ac- corde avec ce qu'on fait d’ailleurs ; ainfi la communication active & paflive de cette mer avec les autres mers peut être regardée comme un fait conftant. H s'agit maintenant de faire voir par quelques exemples, qu'on ne doit pas confidérer du même œil, de pareilles com- munications qu'on a fuppofes entre les terres, jufqu’à nos jours, par le moyen de plufieurs rivières ; &. l’on conclurra avec moi que l'on a mal entendu à ce fujet le langage de ceux qui ont indiqué ces efpèces de communications où jonétions qui fe font par les Voyageurs, fans que ces rivières foient réellement jointes. Jufqu'à préfent, bien des perfonnes ont regardé l'ufage des canots & les portages conime un caractère fpécifique des Américains, & fur-tout des Canadiens, relatif à la difpofition du pays qu'ils habitent. On fait aflez que ces peuples font dans l'ufage de faire la plufpart de leurs voyages avec leurs canots par les rivières, & que pour pafler de l'une à l'autre ils tirent leurs canots à terre, & les tran{portent dans le trajet qu'ils font entre les deux rivières dont le cours eft oppolé. Ce qui concerne les communications entre certaines rivières dont je vais parler ici d'une manière générale, fera voir que les portages ne font pas feulemrent propres aux Américains, & qu'ils ont donné occalion à fuppoler que ces rivières fe communi- quoient ; ainfi il ne falloit pas prendre cette idée de communi- cations à la rigueur des termes , mais l'expliquer, pour parvenir à faire des Cartes géographiques parfaites à cet égard, D'ES NS CAEN CES: À Plus les peuples font fimples, ou, comme nous les appelons, Sauvages, plus, en partant de navigation dans {es rivières , ils nous en repréfentent la continuité, malgré quelque portage qu'ils font à travers les hauteurs qui divifent naturellement toutes les terres en deux pentes, d'où s'écoulent les fleuves & les rivières par un cours oppolfé. J'ai parlé dans mes dernières Confidérations, de ces fortes Confidérations ; de communications par rapport à l'Amérique feptentrionale 7: #5 Ÿ fur. & à la partie orientale de l'Afie, dont les habitans regardent comme bonne navigation pour plufieurs centaines de” lieues, dés voyages qui fe font par eau dans leur plus grandé partie, ne comptant pour rien les portages auxquels le fommet des terres, ou le point de partage naturel des terreins, les oblige pour. communiquer d'une rivière à l'autre ; & j'ai obfervé qu'à mefure que nous avons connu le Canada, nous avons retranché de ces communications de rivières. La même chofe nous eft arrivée par rapport à la Géographie des autres pays, & l'on ne doit pas être étonné après cela, que les Chinois & les Japonois aient divifé, dans les Cartes de leur façon, les continens en quantité d'ifés, comme on a vü dans la Map- pemonde japonoife que jai expofée Fannée dernière aux yeux de la Compagnie. Je vais ici indiquer rapidement les principales communi- cations que lon fuppoloit ci-devant dans nos Cartes, & celles qui s'y trouvent encore. Je ne n'arrête pas à la jonction prétendue du Gange & de Finde, que quelqu'une des pre- Jbid, p.27: mières Cartes repréfentoit Ares pi aux communications - des rivières de la prefqu'ifle au delà du Gange par le lac Kia ou Chiamay, d’où les Chinois faifoient fortir ce fleuve *. I] n'y à pas un fiècle qu'on voyoit encore l'Afrique diva: en plufieurs ifles, parce qu'on faifoit {ortir d’un même lac le Nil, le Zaire, le Cuama; & d’un autre côté le Niger étoit joint au Sénégal, &c. ‘ce qui venoit fans doute de Fidée générale des voyages par eau des Afii ricains ; & lon peut, ce me fémble, appliquer à ce fujet la remarque faite par Pline, que les Ethiopiens plioient leurs bateaux ou canots, & les * Atlas fin, de Martini, article Sifan. Lib, X, c. 293 Sobn, cap. 22, Hiff. du Japon, dv. v,c re. 16 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE portoient avec leur bagage, lorfqu'ils arrivoient aux cataractes du Nil, comme les Américains le font à certains fauts. J'obferverai ici que ces Peuples du nouveau monde font une autre efpèce de portage, lorfque les eaux ne le communiquent pas, mais ont un cours oppofé, peu éloigné l'un de l'autre : c'eft ce qu'on appelle véritablement un portage, femblable à celui que nous devons fuppoler dans ces Africains, fur le rapport defquels on a dreflé les premières Cartes d'Afrique que je viens de citer. Varron a parlé d'une route des anciens Indiens, qui nous rend la même chofe fenfible pour les premiers temps. Ces Indiens ayant defcendu l'Oxus ou le Gihon, traver- foient la mer Cafpienne, montoient le Cyrus ou le Kour, & tranfportoient enfuite leurs bateaux dans fe Phafe, pour venir commercer {ur la mer noire; mais les circonftances de cette navigation étant bien connues, les anciens Géographes n'ont point fuppolé une communication réelle entre la mer Cafpienne & la mer noire, comme ils ont fait entre la mer Calpienne & la mer -glaciale, de l'intervalle defquelles ils mavoient qu'une idée très-vague. - Paffons maintenant en Europe. La Ruffie nous préfente plufieurs efpèces de prétendues communications naturelles , {oit dans les anciennes, foit dans les nouvelles cartes: Dans les premières, le Wolga & le Don fe communiquoient uni- quement parce qu'on pouvoit aller de Fun à l'autre par un portage, qu'on appelle en Ruflie vobock, & 1el que celui dont parle Kœmpfer, qui nous apprend, qu'à limitation des an- ciens Argonautes qui pourfuivoient (dit-il) leur navigation par terre, les Cofaques tirent leurs bateaux du Don jufqu'au Wolga près de Zarich (ou Çariçyn); & que huit cens hommes de cette nation, la veille du jour qu'il arriva dans cette ville, en 1683, avoient fait ce portage pour pourfuivre les Tar- tares Calmuques qui étoient venus piller leurs habitations. J'ai parlé ailleurs d’une autre communication de la même efpèce, entre le Petzora & la. Kama qui tombe dans le Wolga: cet celte communication fuppolée qui a donné lieu aux Anciens de croire que Ja mer glaciale communiquoit à Ja mer Cafpienne, DES. .S © I E N° C:E:$: 17 Cafpienne. Enfin on repréfentoit autrefois le Dwina comme uni au Jac Ilmen, aufli-bien que le Wolga d'un autre côté. Dans le vrai, tout cela ne défignoit que des routes qui fe failoient par eau, mais avec un vo/ock ou portage; & il eft à remarquer que dans les cartes nouvelles de l'Atlas ruffien, lon voit encore le Wolga communiquant en apparence na- turellement avec le lac Ilmen, & par conféquent avec li mer Baltique, parce qu'on a omis de marquer d’une manière par- ticulière le canal artificiel qui a été fait avec des éclufes à la : place de f'ancien volock, & qui joint le Wolga au lac lmen par le moyen des rivières de la Tiverfa & de la Mfta, qui ont leurs fources oppolées près des monts de Waldai, lefquels font partie de cette grande chaîne de montagnes, qui, traver- fant l'Europe du fud -oueft au nord - eff, la partage en deux pentes, ainfi que l’Afie, jufqu'au détroit du nord, où fe fait, comme je l'ai expliqué ailleurs, la jonétion de l'Afie avec l'Amérique par une chaîne marine. Je ne m'arrête point à la Pologne, qui ne préfente des communications dont il eft ici queftion, que dans les anciennes cartes. En Allemagne, les plus récentes nous. montrent encore des jonclions de rivières, qui, fi elles font véritables, ne {e font que par des canaux artificiels, & moyénnant des éclufes qui élèvent les eaux au deflus de leur niveau à travers fe point de partage naturel des terres. T'elle eft en Allemagne Ja communication de l'Elbe & de la Trave, dont l’un fe jette dans l'Océan, & autre dans la mer Baltique. On ne voit plus dans nos cartes de France de jonctions fuppofées naturelles, telles qu'on en mettoit autrefois entre {a Loire & la Saône vers Bourbon & Challon : on n’en trouve plus auffi en Efpagne, qui joignent, comme anciennement, le Tage & le Douro, Ebre & le Douro. Il y a apparence que toutes ces prétendues communications ou jonétions de Confidérations, Page 147. rivières, n'avoient été mifes que d’après les relations vagues des voyageurs ou des marchands qui faifoient leurs routes par eau le plus qu'il leur étoit poffible. Aujourd'hui, il eft _ contre tous les principes de faire pareille chofe. Mém. 1754: E 19 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Enfin, pour abréger & finir, fifle de Corfe & l'Irlande nous préfentent plufieurs conimunications prétendues, & cela, dans des cartes les plus nouvelles, que l'on donne comme dreflées fur les relations les plus exactes & les plus récentes. Le terrein le plus élevé de la Corfe cit le mont Gradachio, au milieu de cette ifle: en cet endroit eft le lac Creno, d'où lon fait forir les deux ou trois principales rivières de Corfe, qui ainfi fe communiqueroient entr'elles naturellement, & diviferoient cette ifle en trois. Ces rivières font le Tavignano, ui a fon cours à lorient, le Liamone qui va vers l'occident, &, felon quelques-uns, le Golo qui coule au nord. En Irlande, felon les mêmes cartes nouvelles, on nous fait voir entre autres le Barrow qui fe décharge au midi, joint avec le Boyne qui coule au nord, & en même temps il eft repré- femé (le tout à double trait) communiquant auf avec le Life, qui {e décharge à lorient près de Dublin. De cette maniere, l'Irlande occidentale feroït partagée naturellement en deux ifles: cependant les plus anciennes cartes & les defcrip- tions de ce Royaume nous apprennent que dans les contrées où les fleuves en queftion prennent leurs fources & font plus voifins les uns des autres, lon trouve les terreins les plus élevés, & des montagnes dont on connoït les noms. Ainfi ces communications ne font point naturelles; elles ne s'accordent pas avec les monumens hifloriques & les re- lations les plus exactes; enfin elles font contraires aux prin- cipes de cette Phyfique de notre globe qui montre les points de partage naturels des terreins , par la continuité des hauteurs ou montagnes indiquées par les fources des fleuves, & d'où s'enfuivent les pentes ou baffins terreftres qui correfpondent à chaque mer & à fes parties. Tout cela me femble fire voir clairement l'utilité de cette manière de préfenter la Géo- graphie phyfiquement, ou dans fon naturel. e+ ex, eLBas in , : Mem. de Le. Rte des Setences 27 64. qui ne se f €1 2/ont Jüe Page 18. PL. qarit HET ! 2 er prose de su 4 de cette Mer, ediBass; Rivieres qui ne se font Li st 2 Uüe d'a % Tea Te (j pe Mem. de Le. RE des Sciences 1764. €: 3 y +- { etage A] portage DES SctrENCESs 19 , MEMOIRE ATP DE NUCT AT A CTITE"S ue: Par M GUETTAR D. po ce diflolvant univerfel & répandu dans toute fa 3 Nature, l'agent auquel eft foûümis prefque tout ce qui fe détruit, fe charge fouvent des parties dont étoient formés les corps qu'il a décompofés. Lorfque ces corps ont avec Yeau un rapport immédiat, ou pluftôt qu'ils contiennent effen- tiellement beaucoup d'eau, elle les retient en diffolution, & cette union neft ordinairement rompue que lorfque leau vient à attaquer un nouveau corps avec lequel elle a plus d'analogie, & dépole ainfi le premier, Si le corps fur lequel l'eau à agi eft fec, c'eft-à-dire qu'il en admette peu dans fi compofition, ce corps détruit ne refte pas long-temps fuf pendu dans le diflolvant; il tombe peu à peu, fi ce diflol- vant perd fon mouvement, & fouvent même la diflolution eft fi peu intime, que le dépôt fe fait lorfque l’eau coule en- core où diftille goutte à goutte. L'une ou l'autre façon fui- vant laquelle ce dépôt fe fait, donne naiflance à des concré- tions différentes en figure, auxquelles on a donné le nom de ffalacite, de ffalagmite, & de ffria en latin, qu'on pourroit traduire en françois par le nom de dépôt pierreux tubulaire. ‘ Les deux premiers noms ont la même fignification; ils vien- nent d'un mot grec qui veut dire difliller goutte à goutte: le troifième en eft un latin qui fignifie à peu près la même chofe, comme je l'expliquerai plus bas d'après Pline. Grand nombre d’Auteurs, 1:s plus modernes fur-tout & es plus méthodiftes, ont réuni fous le nom de flalactites, toutes les autres concrétions qu'on avoit appelées flaligmites ou dépôt pierreux tubulaire. On ne peut pas, à ce que je crois, s'empêcher d'adhérer à ce fentiment; il paroît ridicule dé Vouloir défigner par des noms différens un dépôt fouvent Ci 24 Décemb. D7 54} 20 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de la même matière, & cela feulement parce qu'il aura pris une figure ramifiée ou globulaire, conique, pyramidale ou cylindrique. C'eft particulièrement à cette dernière forte qu'on a appliqué le nom de flalaétite; celui de flalagmite a été donné aux concrétions globulaires, & celui de ffria à celles qui font en tube. Il ne s'agit fouvent que d’en- trer dans une cave gouttière, pour fentir combien il eft peu fage de multiplier ainfr fans néceflité des noms qui ne peuvent, par leur nombre, qu'obfcurcir nos idées & nos connoiflances. Une eau diftille goutte à goutte de la voûte d'une grotte ou cave gouttière; elle dépofe fur le plancher de cette grotte la matière qu'elle retenoit fufpendue: cette ma- tière fe rapproche à proportion que l'eau s’'évapore; &c fi les gouttes fe fuccèdent promptement, il s'élève du plancher une colonne, une pyramide, un cone, felon que la quantité des gouites eft grande, ou felon que leur cours eft continu ou interrompu. Si les gouttes font peu fréquentes, où qu'en tombant elles foient portées dans des endroits différens, le dépôt formera de petites boules plus où moins rondes, felon que le plan fera plus ou moins horizontal ou incliné. Le plan étant dans cette dernière pofition , la goutte d’eau s’alon- gera & s'aplatira par la furface qui touchera le plan, beaucoup plus que fi ce plan étoit horizontal, & dès-lors il fe formera de petites fphères alongées, au lieu de globes parfaitement ronds que l'on auroit eus f le dépôt fe füt fait horizonta- lement & dans une petite cavité. Ce ne feront plus des boules alongées ou parfaitement rondes, des cones, des cy- lindres ou des pyramides, maïs des ramifications, des elpèces de plantes pierreufes, qui naîtront par l’évaporation de l'eau chargée de ia matière des ftaladites, fi l'eau, en s’'évaporant, coule en ferpentant fur le plancher de la grotte, fur les murs ou le long de la vote, & ces ramifications feront d'autant plus multipliées que les filets d'eau feront plus fréquens, & qu'ils fe réuniront moins dans leur cours. Si au lieu de filets ainfr féparés, c'eft une efpèce de petite nappe, le dépôt formera de grandes plaques unies ou boflelées, canelées ou flriées, felon 7-2 © DÉENS LUS UCILE N° GES 2: que le vent & fair auront agi fur la petite nappe d’eau dans le temps qu'elle s'évaporoit, & qu'ils auront ainfi donné dif. férentes direétions aux ondes qu'ils-occafionnoient. Les corps qui naïîtront de ces dépôts diflérens devront-ils être appelés différemment, & ne doivent-ils pas être tous pluflôt connus fous un même nom générique, & fpécifiés par l'une ou l'autre figure qu'ils pourront avoir recûe dans leur formation ? Je dis même plus, & je prétends qu'on doit réunir fous le même nom ces dépôts qui fe font fur des corps étrangers dont ils empruntent la figure, comme fur des plantes, des branches d'arbres, des parties d'animaux, & autres femblables. Qu'on réunifle en eflet l’eau qui coule ou diftille des caves gouttières , qu'on fafle pafler cette eau dans un canal, qu'on la faffe tomber fur des corps de figures différentes, on mul- tipliera à l'infini celles des ftalaétites auxquelles on donnera ainfr naïffance; on en aura même qui prendront celle du vaifleau où leu coulera, & felon que ce vaifleau fera cy- lindrique ou parallélogramme, on aura des ftalaétites cylindri- + ques où qui feront des parallélogrammes elles-mêmes, qui approcheront de la figure de vraies planches de bois, fi le vaifleau où l'eau couloit en étoit réellement fait. Tous ces corps de figures différentes, qui ont une méme caufe, de- vront-ils donc être appelés différemment? & ne feroit-il pas plus fage de leur donner lun ou l'autre des noms fous 1ef quels on les connoît, & de les caraétérifer par leur figure & par la matière dont ils font compofés? Car il ne faut pas croire que le nom de fliadtite, de fllagmite ou de fHria , ait été appliqué à une concrétion for- mée d'une matière pluflôt que d’une autre. Les Auteurs parlent de concrétions qui font pierreufes, falines ou compo- fées de parties minérales. ou métalliques, qui ont porté le mom de flalaétites ; c'eft même, à ce que je crois, à des _concrétions de cette dernière forte, que les noms de ftalac- tites & dé ftahgmites ont d'abord été donnés, & je penfe que c'eft à Diofcoride & à Pline qu'il faut remonter pour avoir l'origine de ces noms. C ij 22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Diafror. ep. Diofcoride parlant du calcanthum, rapporte plufieurs noms 113: li. Ve {ous lefquels on connoifloit cette matière, & au nombre de Plin cap, 2, Ces noms on lit celui de ftalaclite, en grec ffaladticon, Pline, bb. xXXIV. qui copie prefque entièrement ce que Diofcoride a dit du calcanthum , prétend que les Grecs l'appeloient flalagmite, en grec ffalagmia. Je ne trouve point ce nom dans Diofcoride; il dit bien, il eft vrai, qu'une forte de calcanthum fe forme d'une humeur qui diftille goutte à goutte, £ata ffalagmon, mais je ne vois point quil donne le nom de ffalagmia au calcanthum, & Pline pourroit bien être lui-même le père de ce nom, qui revient, au refte, à celui de ftalactite, Fun & l'autre ayant la même racine. Quant au nom de ffria, il n'eft que celui qu'on donnoit à ces congélations d'eau commune, qui,en hiver, pendent aux toits des maifons, & auxquelles Pline compare les flalagmites de calcanthum. Quelque Auteur poftérieur à Pline aura fans doute par la fuite appliqué ce nom de fhria aux flalaétites: cet Auteur pourroit bien même Agric. de Na. être plus moderne qu'Agricola, puifque ce grand Naturalifte Pr y 111, de l'Allemagne n'a d'autre fentiment fur Je calcanthum que Bafa,r ;$8. celui de Diofcoride & de Pline, & qu'il n'ajoûte guère à DORE l'hiftoire que ces deux Auteurs ont donnée de ce minéral, que ce qu'on pratiquoit dans les mines d'Allemagne pour le ramaffer, pratiques qui reviennent à peu près à ce qui eft rapporté dans les deux Naturaliftes anciens. Je ne poufleraï pas plus loin cette recherche de nomen- clature; je n'y ferois pas même entré, fi je n'y eufle été en quelque forte forcé pour faire voir qu'on ne doit pas fixer le nom de ftilactite, de ftaligmite ou de ffria, à une efpèce de concrétion pierreufe pluftôt qu'à une autre; & que cette concréion foit de fpath ou de gyple, ou d'autre matière de pierre, elle ne mérite pas le nom de ftactite préféra- blement à une autre qui feroit formée de l'une ou dé l'autre de ces foffiles. Ce ne feroit même à aucune de ces concré- tions qu'il faudroit le donner, fi on vouloit s'en tenir à l’origine de ce nom: il féroit nécefaire que cette concrétion fût dûe au dépôt d'une matière pyriteule, puifqu'il paroît bien RS SE DME SAS GOT EF NICE ls 23 que le calcanthum n'eft que quelqu'efpèce de pyrite, peut-être de la nature des pyrites cuivreules: c'eft ce qu'on peut déduire de ce qui en eft rapporté par les Auteurs cités ci-deffus. Lorfque ces Auteurs parlent des flalactites pierreufes, ils ne les défignent point par aucun des trois noms en queftion, Pline, du moins, & Agricola, car je ne crois pas que Diof- coride ait dit quelque chofe fur les dépôts pierreux. Le pre- mier de ces Auteurs, Pline, traitant de la qualité des eaux, 75 x Diofcor. Plin, Agric, loc, cite lat.c.2, dit que celles d'une fontaine d’Arcadie, nommée Monacris, lv. xxxvir. fe durcit même en coulant. A Perpérna, village d'Afie, il y a, continue Pline, une fontaine qui change en pierre la terre fur laquelle elle coule, ce que font aufli les eaux chaudes de Delium dans lEubée; l’eau s'écoule de cette fon- taine, dit-il, & les rochers croiffent en hauteur. Les cou- ronnes qu'on jette dans une fontaine d’Eurymenis deviennent des pierres, ce qui arrive aufll aux tuiles quon tire du fleuve du pays des Coloffiens, après qu'elles y ont refté quelque temps. Les arbres qui font recouverts par l'eau qui coule dans les mines de Scyros, fe pétrifient tout entiers avec leurs branches. Mais, ce qui convient encore plus à la matière que je traite, Pline n’emploie pas le nom de ftalac- tite pour ces concrétions formées par l’eau qui tombe goutte à goutte. On lit encore dans le même endroit de l'ouvrage de cet Auteur, que les eaux qui diftillent dans les antres de Corycum fe durciflent en pierres: on voit la méme chofe, felon lui, dans celle de Aieza en Macédoine; toute la différence qu'on y obferve, c'eft qu'à Mieza elles fe dur- ciflent avant que de tomber, au lieu qu'elles ne le font dans les antres de Corycum que lorfqu'elles ont touché la terre. Il fe forme de l'une & de l'autre façon des colonnes dans cer- taines grottes, comme dans un grand antre dela Cherfonèfe, où ces colonnes font de différentes couleurs, On voit, par cs exemples, que Pline ne donne point le nom de ftalac- tite ou de ftilagrite à aucun des dépôts dont il parle, dé- pôts qui reviennent aux différentes fortes de concrétions que nous regardons maintenant comme des flalaétites, nf 24 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Ce nom ne fe trouve pas plus dans Agricola, lorfqu'il s'agit des concrétions pierreules, comme on le peut voir aux pages 49, 89 & 103 de fon Ouvrage fur la natuie des {ofliles. Le filence de ces Auteurs par rapport au nom de flalac- tite, lorfqu'il s'agit des concrétions pierreufes, concoure donc à prouver que le nom de flalaétiie ou de flalagmite n'étoit donné, du temps de ces Naturaliftes, qu'aux concrétions py- riteufes ; mais ce feroit trop fortir de mon fujet, que de m'étendre ici fur cette matière: je reviens donc à ce qui regarde la matière même des ftalactites, & je crois pouvoir avancer qu'on doit regarder comme telle toute matière qui, fufpendue ou difloute dans l'eau, forme en {e dépofant un nouveau corps qui prend quelque figure régulière, même quand cette figure feroit celle qu'il a lorfqu'abandonné à lui- même il s'eft formé fans être gêné dans l'arrangement qu'il a pris, Les flalactites étant confidérées fous ce point de vüe, il y en aura donc qui feront différentes non feulement par la figure qu'elles prendront, mais encore par la matière dont elles feront compofées; & l'on pourra dire avec M.'s Wal lerius & Linnæus, qu'il y a des ftalactites calcaires, de falines, de fpatheufes, de quartzeufes; on pourra même, en admettant l'opinion de Diofcoride & de Pline, dire qu'il y en a de pyriteufes, en un mot qu'il y en a ou qu'il peut.y en avoir de la nature de tous les corps que l’eau peut difloudre; & comme l'eau eft un diflolvant univerfel, & qu'il ne demande qu'un temps aflez long pour détruire les corps les plus durs, on pourra admettre des ftalactites d’une infinité de fortes. C'eft ce que je vais tâcher de prouver en partie par quelques exemples de quelques - unes de ces flalactites. Je m'atta- cherai principalement aux flalaétites de fable & à celles de parties calcaires ou qui fe calcinent. Je diviferai ce Mémoire en trois parties : Je parlerai dans la première, des flalaétites de fable, dans la feconde & la troifième, des ftalactites calcaires, PREMIÈRE = vi’ lt métmr DUIMEES Se LENÇGES 25 PREMIERE PARTIE. Des Sralalires de fable. J E commencerai par une qui fe trouve dans les montagnes. des environs d'Etampes; elle mérite d'autant plus d’être conne, “qu'aucun auteur, que je fache, n'a parlé, du moins dans un certain détail, de cette forte de ftilaétite, J'en ai và beaucoup dans une montagne qu’on coupa, il ya uelques années, pour redrefler & élargir la partie du grand chemin d'Etampes à Orléans, qui s'étend depuis la première ville jufqu'à un haméau appelé Vil/e-fauvage , qui en eft diftant d'environ un quart de lieue. Cette‘montagné eft principale- ment compolée de fable, il en fait prefque toute la mafle: cette mafle n'eft fürmontée ou coupée que de quelques petits ‘bancs de matières différentes, qu'il eft bon de faire connoître; Texplication de li formation de la fhilactite pourra en re- ‘œvoir quelque lumière. ‘ ‘: j | ; La première couche de cette montagne eft de terre franche, ‘elle a d'épaiffeur environ un pied ou deux au plus für le haut de là montagne, & trois à quatre au moins dans le bas : “cétte couche eft fuivie d'un lit de marne dans laquelle it ‘croit des pierres à fufil dé différentes groffeurs, lardées fouvent ‘de plufieurs efpèces de turbinites, dont quelques-unes font “quelquefois agatifiées, d'un jaune de fuccin, & à demi-tranf£ parentes. Le lit qui fuit la terre franche n'eft pas toûjours de ‘marne, il _eft quelquefois de pierres à chaux qui font plates, ‘d'un pied ou environ de longueur fur un peu’ plusiou un peu moins de largeur. Ces pierres font ordinairement-d'un jaune roufleitre , très-fouvent couvertes en deffous d'une matière blanche qui y fait des ondes ou des efpèces de réfeaux, quel- ‘quefois très-dures, & qui ne font autre chofe que des parties ‘de marne, qui fe font ainfi répandues fur cette furface, ou qui “ont pluftôt été chariées par de l'eau qui s’eft infinuée entre ces “pierres, & y a ainfi formé des efpèces de flalactites horizontales “qui fe font ramifiées, l'eau ayant été obligée de ferpenter entre “les lits de ces pierres: ces lits ne font qu'une couche d'un w'A. “Mém:. DST 1 j Î 26 Mémoires DE L'ACADÉMIE Royare pied ou deux dans la plus grande étendue de li montagne, Sur la droite dn grand'chemin, vers le haut de la montagne, & fur fa pente, ces pierres compolent les preners lits d'une carrière de grofles pierres de taille de la mênie matière. Cette carrière a peu de profondeur, elle n'a que quelques lits; ‘elle peut êue de neuf à dix pieds de haut, où un peu plus. | Après cette couche, il sen prélente une de groffes maffes de cailloux bruns, qui quelquefois ont plus de trois pieds de longueur fur un denii-pied d'épaifleur : il n'y a guère que deux ou trois de ces cailloux au deflus l'un de l'autre, ce qui ne donne à ce lit que trois à quatre pieds de haut, fans compter cependant un lit d'environ un pied, qui précède celui-ci, & qui pourroit en faire partie, n'étant compolé que de pierres plates de la nature de fa pierre à fufil, comme les cailloux; mais un peu plus blanches, couleur qui leur viendroit peut-être de quelques parties marneufes qui feroient entrées dans leur com- pofition. Ces piérres, comme les gros quartiers de cailloux, Voy. le Mén. fin Yenfermént de ces petits corps en femence de lu‘erne, & de ceux 2 PRES qui font coniques & en fpirale, dont on a parié ailleurs. page 1 ef Ces cailloux font fuivis d'une couche de coquilles turbinites, entières ou fruftes, qu'on appelle communément à Etampes, petits rochers. Cette couche eft quelquefois d'un pied & plus d'épaifleur ; les coquilles ne la compolent pas cependant en- tièrement, elles font mélées avec une terre marneufe, dont une partie eft plus blanche. que l'autre : dans la partie blanche, qui eft la première, les coquiiles font ordinairementjaunâtres, & blanches dans la brune. pr Au deffôus de cette bande, il y en a une autre d’une matière brune ou noire, qui a depuis quatre travers de doigt d’épaifleur jufqu'à près d'un pied: ceite matière eft, à cequ'il me paroit, d'une nature 'bolaire, elle fe manie, fe paîtrit aflez facilement lorfqu'elle eft mouillée; en fe féchant, elle devient très-friable, {& met alors aifément:en poudre, & ne reflemble pas mal à de la tourbe; fa couleur eft quel- quefois moins noire, nuance qui n'a pour caufe qu'une plus grande quantité de fable blanc, qui même y domine, Au de soma detris DES SCIENCES. ay — haut de la montagne, il n’y a qu'une bande de cette matière : vers le bas, ïl femble qu'elle fe coupe en deux, & méme en trois, oubien, fi on veut, il y en a trois, une eft au deflus des. pierres à chaux , une autre dans h place que nous venons de marquer, c'efl-à-dire, au deffous de la couche des coquilles, & une woifieme qui n'eft féparée de la feconde que par un petit lit de fable ou de fllactites dont il s'agit ici princi- palement. Ainfr, lorfque la première bande { trouve à une certaine diflance du, fommet de I: montagne, elle fémble Y. remonter en continuant fon cours; la feconde & a troifième avancent vers le bas, où elles ne font féparées que par quel ques pouces où un pied d'épaiffeur de fable, qui n'eft qu'une portion de celui qui eft au deffous, lequel fait la principale partie de Ja montagne, & a une profondeur indéterminée. I! eft inutile fans doute de pouffer plus loin cette defcrip- tion, puifque J'on eft parvenu au banc des ftalaétites, & que cette A n'a été faite que par rapport à ces flalactites : Je dirai cependant que dans leur alignement, ou un peu plus _bas, on rencontre des rochers de grès difperfés çà & 1à, parmi lefquels, ou encore plus profondément, on trouve des lits de cailloux roulés, de trois à quatre travers de doigt d'épaifleur, ou au plus d'un pied; les cailloux font blanes, bruns, noirâtres, opaques pour la plufpart, & quelques-uns plus ou moins tranf- parens; les lits qui en font formés ne confervent pas toûjours une même épaifleur dans tout leur cours, de plus épais s'amineit fouvent, tandis qu'un autre s'élargit, & ces différens lits for- ment un banc au milieu du fable le plus fin, étant eux-mêmes compolés de ces cailloux & de gros fable ou de gravier. Ce font-R les derniers bancs que Ja ; coupe, faite. à la montagne Jaifle voir, fans doute que cette, montagne eft traverfée de. plufieurs autres :; les puits que lon a creufés dans la villeau deflous du niveau du pied de cette montagne, femblent l'indiquer; mais je n'en dirai rien, ayant eu occafion den parler autre part. Je reviens donc aux flahétites, qui font Je principal objet de cet article. et Ces flaaétites font des boules de grès qui fe trouvent | ‘ D i Mém. cit ci - deffus. * Voyez PI. I 28 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE réunies, & forment ainfi des grouppes qui ont depuis un pied d épailleur jufqu'à à deux, trois, & même quatre, ou bien les boules font féparcés les ünes des’autres : lorfqu' elles font grouppe *, elles pendent d'une plaque de grès, quelquefois! d’un pouce, quelquefois d’un pied & mée plus d’épaiffeur ;' dans ce cas, les boules ne forment qu'un côté de la mafle totale, mais on trouve d'autres blocs qui font hériffés de tous côtés de ces boules où mamelons. Ces blocs ont une elpèce d'irrégularité qui emporte avec elle quelque chofe de fingulier qui les doit encore, en quelque forte, rendre plus dignes de notre attention, à caufe de l'ufge qu'on en peut faire dans les grottes en rocaille que l'on conftruit fouvent dans les jardins d'ornement. Il y à de ces blocs qui, de même que plufieurs autres fialaétites, pourroiént ire comparés à des choux-fleurs, vü la quantité des mamélons de différentes grofleurs & figures dont ils font compolcs. Cette reffemblance eft d'autant plus grande, que les blocs font moins confidé- rab'es, & j'ai vû plufieurs perfonnes donner à de petites mafles ce nom, qu'elles fembloient refufer aux plus groffes;’ di-' verfiié de fentimens qui déperic fans doute de cé que noùs fomimes accoütumés à ne voir des têtes de cho: x-fleurs que” d une grofleur médiocre. Ets Hot de fdaétites fe rencontrent véhé au deffous de Ja couche bolaire dont il a'cté quéftion plus haut, ceux fur - tout qui n'ont de mameélons que d'un côté; ils y font attachés par” [a partie qui n eft point chargée de ces mame-' Jons, & on pourroit en quelque manière dire qu'ils y font fpendus par cette partie. D'autres de ces blocs me paroiffent, de. mèrne que les boules qui font féparces lés unes des autres, préndie naifläncé dans dés cavités formées dans Ja maffe du fible qui fait la PAROEATE partie de ces montagnes. ‘ Les boules ifolces *, & qui ne font pas attachés Mine! Bale 7 communes varient, ce femble, encore plus de groffeur que _ceMlès: qui font réunies: il yen a, parmi les premières, de- puis la ‘uroffeur d'un grain de' pléme où d’une bale de fufil, juitqu'à “ele dun petit’ boulet de’ trois à quatre travers . MMM BS Sir E NC ES) 29 de doigt de diamètre. Ces dernières font parfaitement rondes; mais lorfqu'il y en a deux *, trois ou quatre atta- * Voy. PI. I, chées enfémble, eu qu'elles forment des grouppes, elles ne: fig. 2, 3 &4- font plus fphériques lorfqu'on les détache, ou. pluflôt elles repféfentent une fphère tronquée, & dont on: a emporté une calotté: c'eft par cette partie tronquée qu'elles étoient attachées les unes aux autres. Il doit fans doute réfulter différentes figures, de la façon dont elles font unies & du nombre de celles : qui le font. Lorfqü'il n'y en a que deux, trois ou quatre, & qu'elles font au deflus l'uné de l'autre, elles forment alors une efpèce de chapelet dont les grains font égaux où inégaux : frelles ne font pas ainff fur la même ligne, mais qu'autour d'une il y en ait trois ou quatre de jointes, la mafle a alors afléz la figure de ces petits pains mollets que l'on appelle pains’ à cornes*. La figure de ces boules approche ordinaire. * PI. Ii, ment d'unéfphère parfaite, quelquefois ce font des fphéroïdes f8: 4- alongés *: cette dernière figure fe remarque communément. x pj I dans Îes grouppes formés de ces boules, Quelquefois ces boules fig. 7. 3 font irrégulières ; & par conféquent les grouppes qui en font compofés; ceux-ci ont quelquefois plufieurs couches, dif- férence qui peut venir de la pofition horizontale ou verticale que ces mafles ont prife en fe formant. De quelque figure que foient les boules, elles font commu- nément unies, fans flurés ; mais «on en trouve fouvent qui” enr font pleines *, qui font gercées, & qui ne reffemblent pas mal ,* dbid. fig. $. à.ces petits pains mal cuits, dont la croûte s'eft entr'ouverte dans plufieurs endroits.’ Ces boules ne font point ordinairement compolées de plufieurs couches, du moins qui foient fenfibles ; une cependant qué je caflai me fit voir une autre boule qu'elle contenoit, comme le blanc de l'œuf renferme le jaune *, me * PI II, Quant à lu dureté de ces boules, il:y en a, & c'eft de” Fa plus grand nombre, qui font très-dures & qu'il n'eft pas facile de cafler ; d'autres font-friables , il eft aifé de les broyer, celles für-tout qui font gercées, mais elles fe durciflent à la longue: celles que j'ai ramaffées., & qui font maintenant dans le cabinet. deS. A, 5: M, le: Duc d'Orléans, font beaucoup plus dures D ii a o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'elles ne létoient alors, l'eau fuperflue s'eft évaporée, les parties fe font plus intimement liées, & il n'y a pas de doute ue ces boules n'acquièrent de plus en plus de la folidité. Après la delcription de cette flaactite, & principalement de la montagne où elle fe trouve, il ne fera pas difficile dima. giner comment elle fe forme. Il eft plus que probable que quelques filets d'eau ayant trouvé des iflues pour pénétrer dans l'intérieur de cette montagne, y ont occafionné des ca- vités, qui, fe rempliflant enfuite par des grains de fable que l'eau pouvoit y charier, y ont pris la figure que la cavité avoit. Les grains de fable fe font d'autant plus ailément réunis, que l'eau, en paflant fur ce lit de matière glaifeufe ou bolaire au deflous duquel Ia flalactite eft placée, peut fe charger de parties de cette glaife ou de ce bol, peut-être même de quelque peu de celles qui réfultent de la diffolution qui peut fe faire des coquilles turbinites qui font répandues dans ce lit. Au moyen de ceue glu, de cette elpèce- de fuc lapidifique, les grains fableux peuvent fe lier plus facilement & plus intimement. On en a, ce femble, encore une preuve dans une petite gref ferie qui fe trouve entre Méñnil-Aubril & Attainville, à environ une demi-liene d'Ecouen, & le long du chemin qui conduit du premier au fecond de ces villages. Après la couche de terre végétale, qui eft d'environ un pied, fe voit un banc de fable affez blanc, mêlé d'une grande quantité de vis femblables à celles de la montagne des environs d'Etampes , que j'ai décrite; parmi ces vis, il fe trouve des pointes de hériflons fr petites , qu'il eft néceffaire de fe fervir de la loupe pour les voir : deflous ce banc, qui peut avoir deux pieds, en eft un de grès que l'on cafe pour faire des pavés. Des morceaux de ces grès font quelquefois avec des mamelons dans le goût des flilactites d'Etampes ; plufieurs font auffi lardés de plus ou moins des coquilles dont je viens de parler. C'eft à peu près dans le même ordre que l'on rencontre; de ces grès fur les hauteurs de Abbaye du Val près l'Ifle-: Adam, qui appartient aux Feuillans. On voit, dans les, grefferies qui y font ouvertes, un banc de grès, fouvent tte ss gui ch: GEO te nb EE id NC 31 “confidérable par fon étendue horizontale, & qui par'conféquent ne forme pas des roches arrondies. Ce banc a pris naiflance dans une maffe de fable qui éft précédée d'un banc de coquilles, compolé non feulement des vis qu’on trouve dans a grefferie qui eft entre Méñnil - Aübril & Attainville, mais de plufieurs autres univalvés & bivalves très-bien confervées, quelquefois d'une quantité prodigieufe de lentilles f1 petites, qu'elles ne ont vilibles qu'a fa loupe, & de différentes efpèces de ces coraux qu'on appelle madrépores ou aftroïtes. ‘Les unes ou les autres de ces coquilles, & fouvént même toutes, fe trouvent prifes & enclavées dans ces sis, où elles forment quelquefois plufieurs lits, & fouvent fimplement une couche qui recouvre la furface fupérieure & inférieure des morceaux qui ont de ces coquilles. On rencontre des mafles femblables dans toutes les carrièrés de ces ‘hauteurs, ‘mais on ne les voit jamais mieux que dans la fblière d'où Jon ‘tire le fable qui eft employé pour les bâtimens de l'Ab- baye: on y en trouve dans différens états de dureté, on les “voit en quelque forte fe condenfer fous les yeux: & comme ‘ceîte fablière renferme des bancs de coquilles de toutes efpèces, les mafles de grès qui sy voient font les plus garnies de ces coquilles, mais elles font les moins confidérables, élles n'ont guère que trois ou quatre travers de doigt d’épaiffeur, au lieu que celles des grefferies ont un pied où deux. Dans les unes & les autres, les coquilles font très - bien “confervées ; elles y font'en fubftance, quelquefois même elles ont gardé un peu de leur couleur, ce qui fe voit dans de petites cames & dans des huitres à talons, la plufpart des autres y font fruftes & comme calcinées: il faut apporter ‘beaucoup de précaution pour lés conferver entières, à moins qu'elles ne fe foient reffuyces à Fair; elles prennent alors dela He 1 ai . C 2 à confiflance, & fe broient moins aifément entre les doigts. Comme parmi ces coquilles il fe rencontre des cailloux roulés, ces cailloux font quelquefois pris dans les mafles de grès, & Torment ainfi des éfpèces de poudingues : enfin quelques mor- ceaux de ces grès ont plus oumoins de mamelons, & peuvent 32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE conféquemment être placés avec les flalactites de grès, d'autant plus que leur formation paroît fe pafier à peu près de la même façon que celle des fhilaétites d'Étampes; elles font placées _au déflous ou dedans un banc de coquilles, qui peut fournir la _glu ou le fuc lapidifique néceffaire à leur formation. Je ne fais cependant fi cette glu feroit effentiellement né- . . ” 1 ceffaire pour ka liaifon des grains fableux. J'ai trouvé des fta- la@ites femblables dans des endroits où les montagnes ne m'ont pas paru compofées comme celles des environs d'E- tampes, & où les flalkiclites étoient formées prefque à la fur- face de la terre. Un de ces endroits eft peu éloigné de Baville, château fameux par les vers d'un de”nos grands Poëtes, & encore plus par le maitre à qui il a appartenu *, Ces ftalactites y forment ordinairement des boules qui font beaucoup plus grofles que celles des environs d'Etampes : j'en ai vû qui avoient plus d'un pied de diamètre, au lieu que celles d'É- tampes, n’étoient au plus que d'un pouce ou deux. Les premières fouffrent quelquefois , dans leur circonférence , un _étranglement ; & la partie qui eft au deflous de cet étran- glement fe trouvant moins grofle que celle qui eft au deffus, le total a affez la figure d'un de ces gros. champignons ap- pelés par les Botaniftes du nom de pores, à çaufe du grand nombre de trous dont le deffous de leur chapeau eft en quelque forte percé, au lieu des feuillets qui garnifient cette partie dans une infinité d’autres champignons. Quoique cette ftalaétite en champignon foit affez fingulière ar fa figure, il sen voit dans cet endroit qui le font éncore plus les unes que les autres, par les coûtours & les formes u'elles prennent: une de celles qui font des plus frappantes, reflemble beaucoup à certaines pagodes de la Chine ou à un bufle, groflier à la vérité, mais déjà affez achevé pour _repréfenter quelque chofe d'une figure humaine, & jai vû plus d’une perfonne frappée de cette reffemblance, __ Cette flalactite peut avoir environ un pied de haut for un . peu moins d'un pied à fa bafe: on peut la divifer en trois #' :* M. le premier Préfident de Lamoignon, DT à ; parties, Aron BiN ASE CITE NT GaB :S 33 parties, en partie fupérieure qui fera la tête, moyenne qui era le corps, & inférieure qui fera la bafe du bufte: la tête eft alongée poflérieurement, plus grofle par ce côté qu'en devant, un peu aplatie en deflus, par le devant elle s'alonge un peu, & cette partie proéminenteelt divifée en deux par un fillon qui marque la fciflure de deux lèvres réunies & appli- quées l’une contre l'autre. La groffeur de la tête eft d’en-. viron quinze pouces en circonférence , fon plus grand dia- mètre, c'efl-à-dire, celui de devant en arrière, étant d'environ cinq pouces fur quatre & demi en largeur, & trois pouces de hauteur. Le corps, qui:a cinq pouces de haut fur fix de large dans fa plus grande dimenfion, eft à peu près conique; la pointe du cone porte la tête, & à la jonction de ces deux parties il y a un étranglement pour, en quelque forte, former le col: le corps eft marqué d'un gros filon qui s'étend depuis le haut jufqu'en bas obliquement, & en formant quelques finuofités ; au moyen de ce fillon, une partie du corps s'élève . en boffe, & femble former un bras enveloppé dans quelque draperie : c'eft l’idée que j'en ai eue d'abord, & que prit une perfonne en voyant cette ftalactite qu’elle aperçut par hafard - où je l'avois placée. La bafe du bufte eft fillonnée de même, - & commeil y a quatre de ces fillons, on diroit que les cane- lures qu'ils occafionnent feroient les plis de la draperie où Le bras eft enveloppé, qui auroijent été repliés, ramaffés par le - bas, & fourrés pour les retenir fous le corps par un des côtés où ils femblent fe confondre; enfin tout femble concourir dans cette flalactite à faire reconnoître une figure humaine, Malgré cette reflemblance cependant, dirons-nous, avee certains Naturalifles, que la Nature paroît toûjours travailler - à fe rapprocher dans toutes fes productions de ce qu'elle a fait de plus parfait, c’efl-ä-dire, de l'homme! cette idée, qui a fa fource dans l'amour propre, eft trop folle pour qu'elle . mérite qu'on s'y arrête beaucoup; cependant, comme il y a encore trop de géns capables de prendre de femblables idées, il ne fera pas, à ce que je crois, inutile de dire ici quelque chofe de plus fur ces prétendues reflemblances, Mém. 1754: E + Uhff. AI drovand muf. met. p.476. Bon, 1648, än-folio. 34 MÉMOIRES DE L'ACAPÉMIE ROYALE On peut ranger fous deux’ genres ces morceaux fi fingu- liers en apparence, les uns font des efpèces de tableaux, les autres des morceaux de fculpture : je ne parlerai pas main- tenant des premiers, je m'en tiendrai aux feconds. Peu d'Auteurs n’ont tant parlé de ces reflemblances, & avec plus d'enthoufiafme, qu'Aldrovande, & il n'yen a pas qui en ait fait plus gravéde figures *,« Jufqu’à préfent, dit cet Auteur, » nous avons parlé des pierres qui repréfentent des animaux » entiers, traitons maintenant de celles que la Nature a pro- » duites pour être la repréfentation de quelques parties de ces » animaux : commençant donc par la tête, nous pouvons aflurer » qu'on trouve dans une certaine rivière du canton de Rimini, » des pierres qui ont fa forme du haut de la tête. De plus, j'ai » vû une pierre de la nature du grès, qui reflembloit à un crâne » dont on auroit emporté {a peau, d'où l'on pourroit donner » à cette pierre le nom de cranites : de plus, & ce qui mérite » encore plus notre admiration, on trouve des pierres qui ont » la figure du cerveau; ces pierres font réunies entr'elles, elles » font folides, dures, de différentes groffeurs, brunes, & quel- » ques-unes reffemblent à des clochettes prifes féparément ; dans » leur enfemble, elles donnent l'idée d'un cerveau, comme je J'ai dit, & comme on peut le voir par la figure. » Si Aldrovande ne nous eût pas donné cette figure, on auroit pû en croire fur fa parole; mais je ne penfe pas que jamais perfonne prenne idée d'un cerveau fur la figure qu'Al- drovande nous a laifée de ces pierres réunies. J'ai và beau- coup de femblables amas de petites boules aux environs d’E- tampes, dans le même ‘endroit où fe font formées celles que j'ai décrites, mais je ai jamais cru qu'on püt tes comparer au cerveau d'aucun animal; & je penfe que quiconque ne fera pas infatué & curieux detrouver de femblables rapports, n'y en verra pas plus que moi, quand même elles feroiententiè- rement femblables à celle qu'Aldrovande prétend approcher beaucoup plus de cette partie, & qu'il appelle ercéphalites. Je ne dirai rien de celle qu'il nomme #rhophtalmites ; parce qu'elle approche, fuivant lui, des yeux par figure: rien er — DES SciIENCESs. 35 ne me paroït moins reflemblant, & comme il l'a fait graver fur l'idée que Gefner en donne dans fes ouvrages, je crois ‘il Fa mal conçue, & que les pierres décrites par Gefner, font pluftôt des agates. Les taches & les lignes dont elles font nurbrées, font quelquefois arrangées de façon qu'elles réfentent, fr l'on veut, des yeux de différentes formes. Les bucardites d’Aldrovande ne font , comme tout le monde fait, que des pierres figurées dans l'intérieur de certaines co- quilles fofliles , qu'on appelle communément cœur de bœuf: les chirites où pierres qui repréfentent des mains, peuvent être de la nature de ces fofliles dont j'ai parlé autre part *, & que je crois être de la clafle des coraux; ainfi je n'infifterai pas davantage fur ces efpèces de pierres rapportées & figurées dans cet auteur. Les fuivantes, dont il fait encore mention, demandent que je m'y arrête un peu plus. I compare ces pierres à quelques parties animales, ou à quelques fruits: il n’y en a point dont il ait donné plus de figures que de celles dans lefquelles il a vû la reflemblance de ces parties où fe prépare, dans les animaux, la liqueur qui fert à les reproduire. Aldrovande appelle ces pierres orchites, diorchites , triorchites, fuivant qu'il y a deux ou trois boules attachées les unes aux autres: fi ces boules font rondes, élles repréfenrent par leur réunionles parties qui diftinguent l'homme de la femme; fr les boules font oblongues, ce font celles aux- uelles on reconnoiît les chevaux d'avec les jumens. J'ai trouvé à Etampes beaucoup de ces boules ainfi attachées; mais je n'ai jamais été frappé de cette reffemblance, & il faut plus qu'une imagination ordinaire , & être affecté de certaines idées, pour voir dans ces pierres les parties auxquelles on veut qu'elles reflemblent. Ces boules ainfi jointes n'approchent pas'plus de la figure de ces parties auxquelles on les compare, que deux prunes, deux noifettes, deux cerifes jumelles ne repréfentent ces mêmes parties, auxquelles on n'a pas imaginé de les comparer. Il eft difficile de dire da raifon de préférence que les pierres & les autres foffiles ont eue en cela fur les fruits: ce n’eft fans doute qu'un pur effet de caprice: ce n'eft-guère que dans les E i * Mém. Acad, 1751, llanche XVII, fgrre 304. 36 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE racines des plantes qu'on a cru apercevoir ces reflemblances ; comme dans celles des mandragores, des orchis, & de quelques autres à racines longues ou oblongues & charnues: on n’a pas moins dit de ridiculités fur ces racines que fur les pierres. Quant à ce qui regarde ces fortes de pierres, Aldrovande veut que la Nature ait pris autent de plailir à former des ef- pèces de champignons pierreux, quelle en a eu à produire des champignons ordinaires: cet Auteur met au nombre de ces fongites, ces efpèces de coraux qu'on appelle commu- nément champignons de mer, & qui fe trouvent quelquefois renfesmés dans la terre avec des coquilles & d'autres corps marins. Ces produétions {ont dües, comme l'on fait, à des animaux de mer, ainfi on ne peut les rapporter à celles qui fe forment dans la terre. Ces autres préiendus champignons pierreux qu'Aldrovande appelle fuugires, fpongivlires ; dio- fpougiolites , boletites , telon qu'ils approchent des champignons ordinaires; des morilles, des truffles, ou qu'ils ont deux 1êtes, ne font que des ftihélites de grès. Aldrovande veut qu'il {oit arrivé à celui qu'il appelle diofpongiolites , ce que foufrent certains fétus humains, qui, réunis & confondus par le corps, ont leurs têtes oppoftes & dans le même alignement, Ï} faut certainement aimer à donner eflor à toute fon ima- gination, pour vouloir ainfi trouver des rapports entre des êtres fi éloignés ; il fufffoit bien d'établir une reflemblance entre cés corps & les champignons, on auroit même encore dû avertir que c'eft une reflembiance bien groflière, comme je l'ai dit de cette flalaitite fungiforme que j'ai décrite. Je ai point parlé de celles qu'on a comparées aux morilles & aux trufiles: je n'en ai point vü qui.euflent.des figures approchantes de ces plantes, des morilles fur-tout; carles truffes n'étant que, des corps ronds fans être, percés à. jour conume les morilles, je ne doute point que dans la quantité des ftalactites slobulaires que j'ai trouvées; il n'y en.eût qu'un amuteur-de ces frivolités-n’eût.cru reffembler entièrement à des morilles: j'ai même vû une perfonne qui examinoitune, de ces, boules gercées dont.il a été fait mention pius hau, a, réa | D'ESYSCTENCE Ss comparer à des trufiles, comme je ne doute point qu'il n'en trouvât dont la figure fût celle des gourdes, des citrouilles, des pêches, & qui puflent auffi-bien être appelées cucurbites, smelopeponites , imonftrueux ou non monftrueux, perficites , que ces corps auxquels Aldrovande à donné ces différens noms; & je crois que qui voudroit faire une collection de ces pierres, pourroit s'enrichir en ce genre aux environs de Baville ou de Fontainebleau ; on en rencontre même dans -_ cæ dernier endroit qui font canelées & à côtes, de même que certains melons, comme je l'ai appris de M. Meunier, Médecin des Invalides, qui en conferve deux de cette figure dans la collection curieule des foffiles finguliers & rares qu'il s'eft formée. On pourroit augmenter celle des pierres comparées à des parties humaines, dans les grefleries de Herblay. En effet, plufieurs cantons de ces grefries font couverts de pierres de la nature du grès, & que je crois pouvoir metire au nombre des ffalactites de ceite nature, qui, par leurs contours & leurs formes, peuvent fournir à l'imagination bien des idées & des refiemblances, pour peu qu'elle penche mnt ll de ce côté: on y trouvera des bras, dés cuifles, des jambes d'hommes ou d'animaux , auxquelles on pourra donner avec Aldrovande le nom de Jceltes, fi elles approchent de a cuifle, où autre nom femblable, | On y pourra auilr rencontrer de ces pierres qui, par leur | aplatiflement, pourront approcher des beionets, & de ces petits pains de feigle que bien des perfonnes, même les plus délicates, mangent le matin, dans l'idée où elles font, qu'un tel déjeüné les rafraichit & leur tient le teint frais: on ne manquera pas d'en remarquer, qui reffembleront à certains - fromages ; ainfi les unes ou les autres de ces pierres mérite- ront le nom de paris fimilagites ; de tyromorphites, de laganites, auffi- bien que les pierres à qui Aldrovande a impofé ces | noms. Si je-ne craignois pas même de paroître auffi ridicule “ que œux:qui fe laiffent affecter jufqu'à un certain point par … cesreffemblances ; je dirois que j'ai vü dans ces mêmes cam- pagnes des roches aflez grandes, mais plates , qui, par leur E ïj : * Voy, PI I, fig. 6, * Voy. PI, IT, fg. 4 38 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE contour, avoient aflez ces différentes formes. Enfin, on y verra des épiphites *, des pyrites, des phialites, qui ne {ont ainfr appelées que parce qu'elles reflemblent à des felles de cheval, à des poires ou à des bouteilles. Quoique j'aie tâché de ne donner ces pierres figurées que pour ce qu'elles font, on pourra peut-être me taxer de m'être en- core trop attaché à les faire connoître, & l'on penfera peut-être qu'il falloit paffer plus promptement fur de femblables images, dans un temps fur-toutoù l'on eft perfuadé queces corps ne font pas ceux auxquels ils reffemblent, qui foient pétrifiés. Je fais que ces erreurs fe font évanouies à proportion qu'on a fait de nouvelles recherches; mais je fais auffi qu'il y a encore non feulement de fimples curieuxen Hifloire Naturelle, mais des Naturaliftes même, qui mettent trop de prix à de fembl:- bles productions : les livres fournifient encore des defcriptions recherchées de ces pierres, & l'on veut toûjours que la Nature fe joue à les former; il femble qu'on lui prête un deffein en les produifant, pendant que ce n'eft que le pur hafard, c'eft-à-dire une fuite des loix générales, lefquelles, en détruifant certains corps, donnent fouvent naiflance à d'autres, qui, fuivant que les cavités, où ils fe forment, ont telle ou telle figure. Si la cavité eft fimple, & que la boule renferme une autre boule, ce fera un monorchite; f1 la cavité eft faite de façon qu'elle foit par fes deux extrémités plus creufe & plus pro- fonde, il en réfultera un dorchite, lorfque ces cavités & les efpaces qui les féparent feront remplis ; & fi la cavité totale étoit telle qu'elle eût trois parties plus creufes que le refte, il en naîtroit un #riorchite ; il fe formera de ces pierres en petit pain à cornes * lorfqu'il y aura quatre trous, joints entr'eux par une cavité commune à tous, & plus étroite que les autres. Lorfque les cavités font petites, il s’y forme de ces fortes de pierres, car c'eft à celles-ci ordinairement qu'on donne les noms dont je viens de parler: fr les cavités font grandes, & fur-tout fi elles font remplies de petits trous, ou qu'elles foient fillonnées, alors la matière qui remplit ces trous & ces fillons donne naïflance aux pierres en forme de cerveau, ou DES SCIENCES 39 pluftôt à ces pierres dans lefquelles on a cru apercevoir {es contours & les finuofiés de ceute partie, reffemblance qu'on n'y remarque très fouvent que parce qu'on eft prévenu pour ces fortes d'accidens. Un bras, une jambe, une cuiffe, fe font formés dans des cavités luges par un bout, rétrécies dans leur milieu, & éter- dues par l'autre extrémité beaucoup moins que la première. Un bufle {e moule dans une cavité dont le fond eft plus large que le refle, dont le milieu eft cylindrique, conique ou en fufeau, & qui, s'étant rétrécie par le haut, S'élargit enfuite en une cavité ronde ou oblongue, & moins grande que le fond de Îa cavité totale. Enfin, l'explication de la formation de ces diférens corps emporte ceile des corps qu'on a comparés à différens fruits ; il eft même encore plus aifé d'imaginer leur formation. Un trou rond, un peu fillonné, fera le moule d'une orange, d'une citrouille, d'un melon, felon la groffeur de la pierre qui y fera formée, & qui en prendra une proportionnée au trou. Îf haîtra une poire, une calebaffe, fi la cavité eft rétrécie par le haut, une fiole fi cette cavité fouffre un étranglement confidérable, de -là une felle fi Ja cavité a été creufée par fes extrémités, non en rond comme celles où fe forment les monorchites, diorchites, triorchites, &c. mais en forme oblongue & aplatie, & fi dans fon milieu il s'eft trouvé fupérieurement quelque corps qui l'a empêchée de fe remplir entièrement ; en un mot, la forme des cavités fera celle que prendront ‘les dépôts de la matière qui les remplira Il me paroït que ceft dans les montagnes de fable qu'on trouve plus communément de ces fortes de produétions, c’eft du-moins dans de femblables montagnes que je les aitoûjours vûes, ou dans des parties fableufes des montagnes. C’éft dans yn.de ces endroits de celles des environs de Thuri en Picardie, & principalement dans celles qui regardent le Couvent dela Garde, que j'en ai vü qui repréfenioient, fi fon j's pains à ‘cornes irréguliers, d'autres-diroient peut-être dés #rior- chites monflueux; jyen ai trouvé qui fe rapprochoïent des 4o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE poires & autres fruits femblables. On m'a envoyé de Saint- Didier, près Trévoux, de ces flahélites qui avoient proba- blement été lornxes dans du fable; elles font du moins de grès, qui n'eft lui-même qu'un amas de fable. Parmi celles-ci, il y en ayoit une que je ne doute pas qu'un amateur de ces accidens ne comparât à un enfant emmaillotté, ou à une de ces petites. poupées avec iefquelles on fait jouer les plus petits enfans ; une autre auroit peut-être été une épaule où un petit jambon, ou toute autre chofe qui feroit étendue en largeur par un bout & en longueur par l'autre *. Les différens corps dont j'ai parlé d’après Aldrovande, font aufli de grès; cet Auteur le dit du moins de plufieurs, entre autres de Ja pierre qu'il compare à la morilie, & qu'il appelle boletites. L’ Auteur de 1 Lithologie, qui paroît avoir pris d'Al- drovande ce qu'il rapporte fur un grand nombre de pierres figures, veut que ce foit une pierre argilleufe, de couleur cendrée. L'argille peut fans doute prendre cette forme, mais je ne voudrois pas déterminer aïinfr en général la nature de ces fortes de pierres, qui peuvent être certainement de dif- férentes matières: je penfe par conféquent qu'il eft tombé dans {a même faute touchant les pierres qui reffemblent à une pêche ou à une coloquinte; il veut aufir qu'elles foient argilleufes, Aldrovande les dit de fable. If peut y en avoir de fune & de l’autre forte, de mème qu'il peut y avoir de ces pierres en forme de concombre , telles que celle que l'Auteur de la Lithologie appelle cucurbites, & d'autres qui reffemblent à des coloquintes, comme le veut Aldrovande, & je ne comprends * IL en, pourroit être de même pour les autres grefleries: j'ai du moins vüdes {talactites de cette nature dans les bois que l’on pañle entre Maifle & Milli, en allant d’Etampes à Fon- tainebleau. Jai remarqué à Nanteuil, & peu après cet endroit, qui et fur Ja route de Paris à Dormans; des boules de grès femblables à celles d'Etampes. La bale des roches eft quelquetois fingulièrement fillonnée ; plus d'un Amateur y verroit des figures humaines. Les bois de l’abbaye du Val pres l’Ifle- Adam, & la ga- renne de Méry qui tient à ces bois, renferment des grès ainfi fillonnés à leur bafe, & on rencontre dans ces mêmes cantons des mafles de fta- lactites de cette nature affez diver- fement variées, C’elt ce que j'ai en- core remarqué à Vanrau dans les énvirons de Soiflons, & à E‘chancu, à deux'ou trois lieues de Meaux; on en voit aufli à Mécringes en Brie.) . pas : DES SCIENCE S.. 4t pas pourquoi le premier Auteur affure que ces deux pierres ne font qu'une feule & même forte. Il eft encore plus fingulier de lire dans la Lithologie, que les pierres qui repréfentent des pains ronds, & qu'on appelle artolithos, font creules, & de la nature de l'éponge. Cette définition n’eft qu'une traduétion peu exacte d'un pañlage d’Aldrovande, qui dit qu'on trouve aux environs de Bologne en Italie, des pierres qui reffemblent très-bien à ce pain rempli de trous , commeune éponge, qui e& fait de la plus fine farine. Aucun des Auteurs que j'ai lüs, & qui ont parlé de ces pierres, n'a prétendu qu'elles fuffent dela nature . de l'éponge; il paroït au contraire qu'elles font de celle du grès ou de la pierre à fufil, comme on peut le voir dans {a foixante-fixième lettre de la première Centurie de Bruckman, où il a ramaflé tout ce qu'on avoit dit fur ces fortes de pierres, appelées communément pains du Diable. Je ne fais s'il ne faudroit pas aufli entendre avec reftriction ce qu'Helwing dit de la nature de trois pierres qui ont une figure humaine, & qui {e trouvent aux environs d'Angerbourg en Allemagne: il prétend qu'elles tiennent du corail; mais comme il veut enfuite qu'une de ces figures foit rapportée aux flalagmites, je ferois porté à croire que ce n’eft que par com- paraïfon qu’il les dit être de la nature du corail. Les deux autres dont il eft parlé dans cet Auteur, font, à ce qu'il paroit, de, quelques efpèces de pierre calcaire. Au refte ‘on peut trou- ver dans tous les genres de pierres, mème dans le corail, des | morceaux qui affectent quelque figure; mais Helwing n’eft pas excufable d'avoir, commeil dit, aidéla Nature, en donnant à une de ces pierres mal conformées, des yeux, une bouche, un nez; & Helwing a beau aflurer que les autres pierres qu’il a fait graver ainfr ornées, ne font pas autant dûes au cifeau de quelque Artifte qu'à la Nature même, on n'eft pas, après Vaveu qu'il vient de faire, trop porté à croire que l'Art ne l'ait pas encore aidé pour celles-ci comme pour la première. Mais liflons ces différentes pierres , abandonnons-les à ces Curieux trop recherchés, pour qui le fimple & le naturel mont pas d'agrément, & qui n'efliment ces morceaux qu'au- Q Men, 17 S 4 F 42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE tant qu'ils peuvent flatter les écarts de leur imagination; écarts qui pourroient bien avoir été l'origine d'une fable célèbre & des plus anciennes , celle de Deucalion & de Pyriha. I n'aura peut-être fallu à quelque femblable Naturalifle que fe trouver dans un champ pareil à celui des environs d'Herblay, dont j'ai parlé, ou de Breuillepont, dont il eft fait mention , d’après M. de Mairan, dans le Volume de l'Académie pour l'année 1721, pour imaginer la fable des hommes nés des pierres jetées par deflus les épaules de ces deux anciens perfonnages ; fable qui aura peu à peu acquis de la réputation, qui fe fera accrûe, & qui aura paffé en culte, comme celle qui a donné ie naiflance au culte de Vefti, qui n'eft dû, felon M. Falconet, tome X XIII qu'à la pierre hyflérolithe. En eflet, une quantité de pierres p.222, femblables à celles qui font répandues dans ce canton, auroit bien pû, pendant le règne des fables, pañler pour un refle des corps qui n’auroient pas été animés. De l'enthoufiafme à lidolätrie, le paflage n'eft fouvent pas bien grand. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE IL LL Figure première repréfente une boule de grès de la groffeur d'une cerife, qui naît ainfi féparée & ifolée. La figure 2, fait voir deux de ces boules réunies dans Ieur for- mation, & égales ou prefqu'égales, & à peu près de la groffeur de Ia précédente, La figure 3, repréfente deux autres de ces boules également réunies, mais dont l'une eft plus groffe que l’autre, & qui ne différent pas beaucoup de celles des figures 1 & 2. La figure 4, défigne trois de ces boules d’une groffeur peu diffé- rentes entrelles, & de celles des figures 1, 2 à 3. La figure $, repréfente une boule plus groffe que les précé- dentes 7, 2, 3 à 4, qui approche de la groffeur d’une baleà jouer à la paume, qui eft gercée fur fa furface de fêlures qui même pénè- trent fon épaileur, & qui ne viennent que de ce que cette boule a été expofée à l'air avant que d’avoir pris toute la dureté qu'ont celles qu'on vient de décrire, & celles qui fuivent. La figure 6, démontre trois boules de différentes groffeurs, réunies de façon que la plus groffe eft au deflus des deux autres, & que celles-ci D'ENS4S C 1 E N_C.E:s. laiffent entrelles une finuofté, & qu’elles forment ainfi une efpèce de felle, d'où cette pierre pourroit être appelée épiphites, du nom qu'on a donné anciennement à une pierre qu'on a prétendu avoir la forme d'une felle à cheval. On a rcpréfenté celle-ci vüe en deflous, afin qu'on pût diftinguer la féparation qui eft entre les deux boules latérales, & voir d’autres petites boules Z, B, femées çà & là fur les autres, & qui font proffes comme des grains'de coriandre; ; La figure 7, repréfente un amas de plufeurs boules de figures & de groffeurs différentes. - PÉHANCHÉ Il La figure 1, fait voir une boule de grès de la groffeur du poing, alongée par un de fes poles, & étranglée vers l’origine de cet alon- gemént, de forte qu'on pourroit dire que cé font deux boules iné- galès en groffeur intimement unies & confonducs: la furface extérieure eft parfemée de quelques autres boules 8, 8, B, B, groffes comme de petits pois. La foure 2, repréfente la boule de la foure 1, ouverte dans fa plus groffe partie. On voit paï ce moyen qu’elle en renferme une autre Gi de même nature, & qui en eft comme le noyau; ce qu'on ne remar- que point dans les précédentes des planches 1 & II, lorfqu'on les brife pour s’affurer de ce qui en eft. La portion de celle-ci qui a cté enlevée, eft repréfentée au deflous d'elle, de manière que fi on ima- ginoit cette portion relevée fur la boule, elle s’y appliqueroit & bou- cheroit exactement la caffure, de plus on y voit la cavité &, qui couvroit le noyau c. La figure 3, offre à la vûe une maffe de grés qui finit par plufieurs boules inégales & de figures différentes; cette maffe eft de plus garnie de petites boules £, E, E, E, E, de la groffeur des pois ou des grains de poivre. Le total de cette mafle' pourroit être comparé au pied de quelque animal. ; La figure 4, démontre une maffe de grès, contpofée de quatre boules de groffeur à peu près égale, & de celle d'une pomme d’api. réunies par une maffe informe qui occupe le milieu; ce qui, par la liaifon qu'elle fait de ces boules , donne au total la figure d’un petit pain cornu & mal cuit, à caufe des gerçures dont cette maffe cft parfemée, PIS ANNIC He] I L Cetté Planche repréfente une maffe de grès, compofée d’une grande quantité de boules 4, 4, À, À, À, de différentes figures, parfemées de petites B, B, B, B, qui pendent d’une couche de même nature €, C, C, C, & qui, par leur arrangement & Îeur difpofition, donnent à = cette maffc la forme aflez ordinaire aux ftalactites les plus communes. LATE Fÿ tr Mai 3754 44 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES FAITES A L'ISLE DE FRANCE Pendant l’année 1753. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE. (= obfervations ont été faites avec les inftrumens dont je me füuis fervi au cap de Bonne-efpérance: le lieu où je les ai placés, a été accommodé exprès. Quoique le ciel foit ordinairement aflez beau dans cette ifle, cependant il s'eft trouvé couvert dans les momens de la plufpart des ob- férvations les plus importantes; ce qui vient en partie de ce que le port où eft le principal établiflement de cette ile, eft entouré de montagnes prefque toüjours couvertes de nuages, d’où le vent les détache continuellement, & en chafle des pelotons qui couvrent fucceflivement les différentes parties du ciel. PART D C DE E'clipfe de Soleil. Le 3 Mai 1753, ayant régléla pendule par des hauteurs correfpondantes du Soleil, J'ai obfervé avec la lunette de mon fextant, laquelle a près de 7 pieds de longueur, les phales fuivantes de cette écliple. Le commencement à ...... 9h 26° 14” matin, temps vrai MMICOIDEMDS rielele lalelale TO HAN 2 Eu BR MORALE 9: 40. 33 SPAS [A RME E PP EEE 9: 49. 39 4 OS NET ÈS 9. 58. 24 6. CPE ICO RED ID PEE 10. 17. 20 rein atelier a mulitelsft die 10. 27. 20 CRAN ENORME 10. 40. 35 La plus grande phale a été de 8 doigts 36 minutes. Mem de LAe R. der Se 1764 Tage 44 PL 2, roc Ri - Un. = ; | ; edf bo ch Sud D RE RE RE E A Mem de LAeR dar d'e178g Tage #4 PL 2 hgram de et Se de l'AcR. der Se.178g. Page 44. P1.3, Lm. de lAo.R. des Je. 1754 Page 44 PL. 4. Pla IT. # Am dde LA dar So.spg Page #4 Pl. 4 DES SCIENCES. 45 Adoints 22 00 ee ee 11h 13" 6° matin, temps vrai. Palaissa ns eee o ee eo ne « 11. 26. 11 Da eee inle oo » » 2e 0 Bi l)7 RE El RIRE 11. 47. 49 20 OL OPNERRIRER TRES TOUS UE RE lee state Bee 0.) 2150 0 La fin à ...... I RO NET os ANT 5 4 Pour melurer ces doiots, j'avois attaché à ma lunette une .) So . J VA] . . planchette fur laquelle j'avois décrit cinq cercles concentriques & à égale diftance. Ayant calé l'inftrument, lebord précédent du Soleil paffa au fil vertical de Îa lunette à . . . . . . . .. 11h 58° 37/2 temps vraf Le bord précédent de la Lune, à... o. oo. 11 La corne auftrale, à . . ,. . . . . .« ©. 0. 29 Dalcorne boréale, 264.121... 0. O0. 313 L'inftrument étant un peu tourné, Le bord précédent du Soleil paffaa... ©. 1. 3 Le bord précédent de la Lune, à.... 0. 2. 382 Ja corne auftrale | à . . . 4. : + O2. 55. Halcorne boréale, a). 1140177. 10110, 2.,, 5 8 L Il fuit de là que le centre de la Lune a pañfé au méridien à oh 1° 35"! de temps vrai, & que fon afcenfion droite vraie étoit alors 4od 54 44". MORT CE LT E'chpfes des fatellites de Jupiter, obfervées avec une lunette de quatorze pieds de longueur. 1753 Avril 25 à 64 58° 38” du foir, émerfon du premier fatellites 27 à 6. 29. 6 dufoir, émerfion dufecond. O&. 16 à 3. 36. 12 du matin Nov. 1à1. 54 4 Déc ALT. 122% 9à 0. 9.37 | 16 à 1. 59. 55 1754 Janv. 2à 0. 7. 48 \ a 0. 32. 46 du matin, immerfion du troifième. Immerfon du premier. ! D 46 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Arr Cr Et IE E: Paflage de Mercure fur le Soleil.’ Le temps fut fort variable les $ & 6 de Mai: la nuit d’entre deux fut pluvieufe, & il tonna, ce qui eft aflez rare dans cetie ifle. * Le 6 au matin, Mercure fortit des nuages qui bordoïient les montagnes; il avoitenviron 7 d' grés + de hauteur: alors je vis, avec une lunette de 3 pieds de longueur, que Mercure n'étoit entré dans le Soleil que depuis très-peu de temps; il étoit auprès d'une tache. Le ciel fe couvrit auffi-tôt; il plut co- pieufement jufqu'à 8h 40 Lorfque le temps fe fut éclairci, je fis les obfervations füivantes avec le fil horizontal & le fil vertical qui font, au foyer de la lunette de mon quart-de-cercle de trois pieds de rayon. J'avois auparavant vérifié leur pofition à l'horizon de la mer, auffi-bien que celle de la ligne de collimation. Les temps qu'on donne ici font les temps vrais, & les hauteurs font feulement corrigées de la quantité dont le quart-de-cercle les failoit paroitre trop grandes. és D | | | PASSAGE PASSAGE PASSAGE | PASSAGE Le quart - de- ét 4 rte du PASSAGE | PASSAGE ee pointé | bord fupérieur | bord inférieur [bord précédent] bord fuivant ä =: 201 du Soleil du Soleil :| du Soleil | OH Solet Aides TRE bauteur appar. | fi horizontal. [au fil horizontal.| au fil vertical. |au fil vertical. au fil horizontal. | au fil verticale D. Me SU ME Jan] Bou Sa |A MS | MN SNA. OS ES PTE En Ce ARC TEIN MB T SRE ns TE 29. 46. 20| 8.44 5 1] 8.43. 46 8.45.54:| 8.46. 4 31.56. 20|M8%55.20 8: 55e 2021 8. $ 9102110. 57-7000 BE 32-50.120|10- 0:50 DANONE 4 Min AO De 122 RER 59:50. 20) DS PS RUE 9+ 5.43 | 9+ 9-15 | 9. 7-432| 9. 7-49 34. 56. 20| 9011-2419 14 8e No te NM er 42 07) o NUS MO ROULE NICE 1556. 20|N9a6t 22) Nos ro 246 né No to 2 CRI 0 6 SI NO UE AE 40. 16. 20| 9.41.49 | 9-45+ 13] 9-41. 553| 9.45. O | 9.43.31 | 9.43. 44 41. 16. 20| 9.47. 55 | 9.51. 11 | 9. 4730 | 9. sa.31 | 9. 49/352| 9.49.u6 48. 26. 20/10. 38.337 10.38: 37 |10.41. 6:|10. 40.26 |10.39-53> 45156, 20|, 1.40. s12 fr. 3 6.0 TB 08 Pr 20-150h|000 381552" Rne DES SCIENCES. M4 k Les obfervations fuivantes ont été faites avec un réticule à p Jozange, qui termine le champ du foyer de la même lunette; il eft pareil à ceux dont je me fuis fervi pour les étoiles auftrales. CRE PE D A ES EE EI EE PEUR CERRDERCTREZP ET 79 PASSAGE PASSAGE PASSAGE | PASSAGE PASSAGE Le quart-de-cercle du du du du du pointé à la bord précédent | bord précédent | bord précédent bord fuivant bord fuivant haut. apparente. du Soleil du Soleil du Soleil du Soleil du Soleil au 16 fil oblique.| au fil vertical. |au 2difil oblique. |'au 1° fil oblique.| au fil vertical. PASSAGE PASSAGE PASSAGE PASSAGE du de %e A SITUATION Le quart-de cercle des traces pointé à la bord fuivant Mercure Mercure Mercure te haut. apparente. du Soleil au au au à l'egar Fi, ER“ au 24 fil oblique.| 1er fil oblique. fil vertical. 24 fil oblique. Les AM utile PAF réticule. PO SU EMNNS SO, SE * (54-084 10. 51. 2 |10. 51. 472 10. 52. 2+| partie fupér. 7e 33120 4 a1Ëlur., 4. 44 |11. 5. 32 | partie fupér. 14. 19 |11. 11. 1oZf11: 11. S12/r1. 12. So | partie infér. 2002-23 40 lu 240m)2 He PSS partie infér. 35+ 281|11.133. 112 ri. 33. 36 |r1. 33. 562| partie infér. 44. 81| o. 40. 18:| o. 40. 531] o. 41. 41 | partie infér. 0. $0. 2+:| 0. 46. 231] o. 46. 492| 0. 47. 25 0: 56: 39 | o. 52/49 |.0.1 53.!li5.|f 6.53. 54 AL 3106 MAO 28 Ar lo. 2166 MES 3 9 partie partie partie 48 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Plufieurs autres obfervations ont été interrompues par des intervalles de pluie, Lorfque le Soleil approchoit du méridien, j'ai obfervé le paflage du centre du Soleil au fil vertical de la lunette, à tih 56’ 3", la hauteur apparente du bord fupérieur étant de 534 29° 56", & le paflage de Mercure à r1h $5' 42", fa hauteur apparente étant de 534 18° 55”; le temps fe couvrit auffi-tôt. Le temps étoit pareillement couvert au moment de Ja fortie de Mercure: j'eflimai, avec une lunette de 14 pieds, que le bord de Mercure, le plus prêt à fortir, étoit éloigné du bord du Soleil d'un de fes diamètres, à 1h $7' o”. Par le calcul de la feconde & de la dernière des obfer- vations rapportées dans la première table ci-deflus, /page 46) en fuppofant la parallaxe horizontale de Mercure de 23 {e- condes, celle du Soleil de 12 fecondes & demie, l’obliquité de l'édliptique de 234 28’ 12", la réfraction telle que je Yai déduite des obfervations faites au cap de Bonne-efpérance, & les diftances du Soleil à la Terre & à Mercure comme 10100 à 4555 ; fuppofant enfin la longitude du Soleil dans 15445" 1"% à 8h 57° 16” du matin, à l'ifle de France, je trouve qu'à 8h 57° 16" la longitude géocentrique de Mercure étoit de 154 50’ 12" %, fa latitude de 1° 23" auftrale; & à 1P 37" 48" du foir, la longitude de Mercure dans 154 42’ 58" Y, & fa latitude 4’ $ 4" auftrale, D'où il fuit, 1.” que la conjonétion de Mercure au Soleil eft arrivée le 6 Mai à roh 15° 40" du matin, dans 154 48’ 11" %, la latitude de Mercure étant 2° 22" auftrale; 2.° que Mercure a paflé par fon nœud defcendant le 6 Mai à 7h 6 $$" du matin, fa longitude héliocentrique étant fa sas ART Ct LUE IE Ve Oppofition de Saturne au Soleil. Le 23 Juin 175 3, j'ai trouvé, par plufieurs hauteurs corref- pondantes, que le cœur du Scorpion avoit pañfé au méridien à k 10 DES SCIENCES. 49 j xoh 4 28",7, temps vrai, & Saturne à 12h 2{ 20,1. " *, La diftancede Saturne au zénith, au moment de fon paflage + au méridien, fut trouvée, avec le fextant de fix pieds de rayon, de 24 23° 2",2 du côté du fud. Hi fuit de-là, qu'en fuppofant l'afcenfion droite du Cœur du Scorpion, de 243435 34", 6, telle qu'elle réfute de mon catalogue des Etoiles auftrales , ayant égard à tous les petits mouvemens apparens des étoiles ; qu'en fuppofant ee La hauteur du Pole de 204 9° 40", l'obliquité de lEcliptique de 234 28° 12", la longitude de Saturne, le 23 Juin à 12h 2° 20", étoit dans % 2d 56 23", & fa la- titude $ 3" 31" boréale. Suppofant de plus que le vrai lieu du Soleil étoit alors dans 24 20° 42° S, que le mouve- . ment diurne apparent de Saturne en longitude foit de 4° 26”, & en latitude décroiffante, de 4”, le moment de l'oppoñition a dû arriver le 24 Juin à 1° $6' s” du foir, la longi- tude de Saturne étant 24 53" 49" %, & fa latitude 53 28" boréale. à NT a % AARÔTE CL, Es V. 2e Pafage de Mars par fon nœud. - Le 3 Novembre à 13h 12° 18" de temps vrai, la dif- _ férence en afcenfion droite entre Sirius & Mars, déduite d’un grand nombre de hauteurs correfpondantes, étoit de 414 17°138",4, & fa diflance apparente au zénith, obfervée avec le fextant, de 4od 12° 44",5. Le 4 Novembre à 13" 6’ 58" + de temps vrai, Mars retourna au méridien, fa diflance au zénith fut trouvée de ADO, 32 10e \ . : + Suppofant donc l'afcenfion droite apparente de Sirius ‘de 984 34 53", 3,la parallaxe de Mars à 40 degrés de diftance au zénith, de 1 6 fecondes, la réfraction de 54 fecondes +, & l'obliquité de l'Ecliptique de 234 28° 12", je trouve la longitude de, Mars.le 3 Novembre à 13h 12°-18". dans "294 29° 37° Y, & fa latitude auftrale: de 2,5, fecondes; & le 4 Novembre à 138 6° 58" +, la longitude dans 294 … Mén 1754 k G so MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 9" 48" V, & la latitude boréale de 2’ 45”; d'où il fuit que Mars a paffé par fon nœud le 3 Novembre à 16h 21, temps vrai, étant alors dans 294 27° 1" %. Si donc on fuppofe le vrai lieu du Soleil dans 114 46" 48"m, & fes diftances à la Terre & à Mars comme 9 906 à 14773, l'angle au Soleil, entre la Terre & Murs, étoit de 54 55 17", & par conféquent le nœud de Mars dans 174 42° S” LA ABRAUT ENG" LE 2:V4E Oppofition de Mars au Soleil. Le 16 Novembre à 11h 59° 55” + de temps vrai, la différence en afcenfion droite entre Mars & LB Y, étoit de 274 0° 47", ce qui fut obfervé par la différence de leurs pañlages au fil vertical de la lunette du fextant arrêté dans le plan du méridien : la différence des déclinaïfons étoit de 3° 39";4; car la diftance de l'étoile au zénith parut de 394 44 29",8, & celle du centre de Mars de 394 48’ 9",2. Le 17 Novembre, je trouvai de même à 11h 54 144, la différence des afcenfions droites de 264 37° 22", la dif- tance de l'étoile au zénith de 394 44" 337, & celle de Mars de 39% 45° 35"5- | Or, en fuppofant lafcenfion droite apparente de l'étoile de 254 16’ 42”,5, & fa déclinaifon apparente de 194 35° s1”,5, boréale ; fuppofant encore la parallaxe horizontale de Mars de 24 fecondes, & en employant les autres élémens comme dans article précédent, la longitude de Mars, le 16 Novembre à 11P 59° 55"+, étoit dans 244 49° 36", & fa latitude 40" 27" boréale; &le 17 à 11h 5414" #, la longitude étoit 244 27° 35" #, & la latitude 43” 21": d'où il fuit qu'en fuppofant la longitude du Soleil le 16 Novembre à 118 $9° 55", dans 244 41° 29" m, le mo- ment de l'oppofition eft arrivé le r 6 Novembre 1753, à 14h 21° 12", temps vrai, Mars étant dans 244 47’ 26" % avec 40’ 48” de latitude boréale. | N: re DES SCIENCES. si AUR Tir © L'Ev VIE Obfervations pour là hauteur du Pole à l'obliquité de l'E clprique. J'ai déterminé la hauteur du Pole de l'endroit où j'ai ob- fervé, par le moyen de quatre étoiles qui pañfent près du zénith, & qui ont fervi en même temps à vérifier la pofi- tion de l'axe de la lunette du fextant, à l'égard du premier point de la divifion, & par le moyen des diftances des deux Tropiques au zénith. En Juin 1753, par cinq obfervations de + de l'Hydre femelle, réduites au premier Janvier 175 0, j'ai trouvé fa dif- tance au zénith de 14 39° 38", 8 d'un côté, & par cinq autres, réduites de même, de 14 42° 22",0 de l'autre côté du premier point de la divifion; d'où il fuit que l'erreur de la pofition de l'axe de la lunette étoit de 1° 21,6, que la diftance au zénith, véritable & corrigée de 1”,2 de ré- fraction, étoit de 14 41° 1,6; qu'enfin, en fuppofñant la déclinaifon de cette étoile, le 1°" Janvier 1750, de 214 50° 43",8 auftrale, comme dans mon catalogue, la hauteur du Pole étoit de 204 9° 42",2. Dans le même mois de Juin, {a diftance réduite de € du Corbeau au zénith étoit, par quatre oblervations d’un côté, de 14 5° 22",0, & par quatre de l'autre, de 14 2° 42",7: l'erreur du fextant étoit donc de 1° 19",7; & fuppofant o”,8 de réfraétion, & 2144 3° 44”,6 pour la déclinaifon de l'étoile, la hauteur du Pole réfulte de 204 9° 42",4« J'ai encore trouvé dans le même mois la diftance de 8 du -Corbeauau zénith, par quatre obfervations d'un côté, de 19 52’ 16,9, & par trois de l'autre, de 14 49° 37",5, le tout réduit au premier Janvier 17 50. L'erreur de la lunette étoit donc 1° 19",7: en prenant 1,3 pour fa réfraction, & _ a déclinaifon.de 224 0° 40,0, on a pour hauteur du Pole 2049'41",5% En Décembre 1753, j'ai trouvé, par cinq oblervations réduites au premier Janvier 1750, la diftance de RB dela Gi. s2 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE Baleine au zénith, de od 46’ 27”,9 d'un côté, & par quatre autres, 04 40" 1 5",7 de l'autre côté : donc l'erreur de F'inftru- ment eft 1° 23",9 ; & fuppofant la réfraction de 0”,6, & la déclinaifon de l'étoile de 19421" 5 1",1, la hauteur du Pole eft de 2049" 43"s. En prenant un milieu entre les quatre erreurs trouvées, on voit que le fextant faifoit paroître les diftances au zénith trop petites de 1° 21",2, & c'eft à cette erreur que j'ai eu égard dans toutes les diftances au zénith que j'ai rapportées dans les articles précédens; j'en ferai de même pour toutes celles que jé rapporterai dans la fuite, J'ai encore obfervé au même fextant , & réduit au premier Janvier 1750, cinq diftances de « d'Orion au zénith; elles m'ont donné, par un milieu, 184 46’ 1 5",5 : j'y ai ajoûté 21",5 de réfraction, & la déclinaifon 14 23° 3";3, comme elle fe trouve dans le catalogue que j'ai cité ; d'où j'ai conclu l hauteur du Pole de 204 9° 40”,3. A l'égard des diftances des Tropiques au zénith, voici le détail des obfervations & des calculs que j'ai faits. Diflance du génitn Diflances du borë boréal] Difl. du Soleil| au bord boréal du Soleil du Soleil au génith. | au Tropique. dans le Tropique. 1753. Juin 20| 43262 34,6 | 0° 13,4 | 434 52° 4840 211 43. 52. 46 1000: Mec 42 SH NA4IOS IE 22| 43. 52. 28,7 | o. 11,2 | 43 52.130;9 23 "43-0600 55,60 027,6 43: 52. 43,2 24] 43. 50. 57,5 | 1. 48,6 | 43. 52. 46,7 DIN EME SOI RO EE 7 26| 43. 47. 38,2 | 5. 4,7 | 43. 52. 42,9 MATCUS eue Mes oem ene ee RU A INR AA Parallaxe du Soleil . ‘. : SAN 7,2 Demi-diamèetre 4% 0 RE TF8 z Réfacten ra ere € De ge ere IN eZ Nutation de l'axe de la Terre . . . . . + 70 Diftance du Tropique du Cancer au zénith, . . 43. 37. 58,8 4 | D ES SCIENCES. s3 ? : 4 | Diflance du zérith au Hit die MU, Ame ie É 1253: Déc. hs | 24552 4639 agor | 3h 2,24 16 | 2:55. 26,7 |. 6. 31,5 | 3. 1. 58,2 # 17 | 2.57: 41,7 | 4. 16,8 CMAO CMSRCES D)148 000 46:6 [ma 2S 23 2277, - D du LR SM To DAMON SE 20 { 22 NP ENS. | Où MEN 2 O7 | MIE er ANNE Re ie à sea 2 0. À me Parallaxe dusSoleile, 9. 41% 1.1. — 0,5 À s Demi diameteen. fee 20e lol ‘ + 16. 20,1 ; RÉRACHONN TRS EN QU lellenetrelie Malte + NE 1-25 0h Nutation deil'axe TH IG FEU TE ? jépb 8,3 jn “Diflance du Tropique du Capricorne au Zénith . . 3. 18. 30,7 Ajoûtant Îa diflance du Tropique du Cancer . . . 43. 37. 58,8 On a la diftance des Tropiques ... . . . . . « 46. 56. 29,6 _ Moiïtié ou obliquité de l'Ecliptique. . . .. 23. 28. 14,8 Donc hauteur du Pole. . .... Le) te ape Et 20. 9: 44,1 Baleine: les voici. La quantité précife de l’obliquité de l'Ecliptique étant d'une : extrême importance dans ’Aftronomie, j'ai obfervé les mêmes diflances folfticiales avec un fecteur de fix pieds de rayon, vérifié par le moyen des étoiles 8 du Corbeau & de la 434/i5 2" 46",;7 1753: Juin 20| 43% 52° 33°,3 | o° ol # 211 43. 152.144,1 o: oÿot |043.575 24 /445t il 22043 20,3 55% | tot 11152, | 1432. 5124146, 1 FRE 23|i43. 51,584 | 0. 47,6 43.182: 46,0 Hh 9 1241495 2,8 1. 48,6: | 43-152.152,4 ; -oid 21 :200mls 43.0 49€ 3400 3 1242 | 143.152. 48,2 + RC $ 2 3026 | 432 47 4068 | 5. 4,7 | 43» 52. 4535 AdouS Milieë .!. LUE: 450.07 47. 5sar146,9 s' ELLE RE PEER Nota. Les obfervations du mois de Décemb. ont été faites dans la partie négative du limbe de chaque inftru- ment, afin d'a- zoir l'intervalle des tropiques, in» dépendamment de lavérification des axes des anettes. 54 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royaze L Nr 4 «| Diflance du zénith am Diflances du bord boréal| Difl. du Soleil Palm bl à Soleil du Sokil au génith. | au Tropique. dois L'Tratie 1753. Déc. 27] 9% Puf 17 | 00433] 31721988 24] 3..: 0. 105,4 1.240,07 | 13-02 270 25 | 2. 158,439,5 15341860. 3-68, 20254 60, CNI7-473 20 NE Milieu. n TT INT ONG Faifant à ces deux diftances les mêmes réduétions que pour les précédentes, on trouve l'obliquité de l'Ecliptique de 23428'15",6, & la hauteur du Pole de 204 9° 45,8. On peut donc établir la latitude du lieu où j'ai obfervé, de 204 9° 42" +; & en la rapportant au portail de la paroifle neuve, de 204 9° 45" ARTICLE VIIL. Obfervations pour la longueur du pendule fimple à fecondes à l'Ifle de France. Le 9 Juin 1753, j'ai déterminé, par plufieurs hauteurs correfpondantes du Soleil, le midi à ma pendule à 1 1P $o° 2" 16", & le 10 à 11h $2° 19" 23"; d'où il ef aifé de conclurre que la durée d'un jour moyen à cette pendule étoit dŒ 24h27 5107 J'ai fait l'expérience pour le pendule fimple , de la même manière & avec les mêmes inftrumens qu'au cap de Bonne- efpérance, J'ai fufpendu un double cone de cuivre de 1 0 lignes d'axe à un fil de pite fort mince, & tendu dès la veille: j'ai mefuré, avec une règle de fer faite exprès, la diftance du point de fufpenfion au cone, de 3 pieds: 3 lignes; le baro- mètre n'a eu que fa petite variation journalière de 28 pouces 3 lignes à 28 pouces 2 lignes +: voici les obfervations. = h DES SCIENCES. s5 Temps perdant le- Etat du chennomitre de Commencement | Fin de |quelle pendule fimple plus à Gé Thvge de l'expérience, | l'expérience. fete ir É 1753 Le 9 Juin... 204 | où 20° M.li1ob 34 Up 14% 205 |10. 35 11. 47 1. 12 212 | 2 3418] 3. 48 1HNx3x 217 | 3. 49 SEE 1 La 2 21 see 6. 1531 1. 132 203% | 6. 18 PAL He, 13 Le ro Juin... 195 | 8. 24 M.| 9. 36 11,12 20 | 9. 59 11. II I. 12 Somme "#2" 1Nod 42 La longueur du fil a été vérifiée & trouvée la même le 9 Juin à 9h + du matin & à 7h + du foir,leroà: 1h du matin; mais le 9 à 2h + du foir, elle a paru tant foit peu plus courte, fans doute par lalongement de la verge qui fert de mefure. ; I! eft facile de calculer que le pendule fimple retardant de 64 vibrations en 9h 42’, auroit dû retarder de 1 58,6 vi- brations en 24h 2° $", & par conféquent que le jour moyen mefuré au pendule fimple eût été de 23h 59° 27", ce qui fat voir que ce pendule étoit trop long de 24; donc fi vraie 100 longueur doit être de 3 pieds 7 lignes 67, le baromètre étant 100 à 28 pouces 2 lignes £, & le thermomètre à 20 degrés 1, J'ai recommencé la même expérience au mois d'Oétobre fuivant. Le r7 O&tobre, midi à ma pendule à 116 54 40" 51°”, & le 18 à 1h 57° 59" 45"; d'où ül fuit que la durée d'un jour moyen étoit alors , felon la pendule, de 24h 2’ 8" 2. Le 17, ayant aflujéti le pendule fimple à 3 pieds 8 lignes juftes, y compris le demi-axe du double cone, le baromètre n'ayant varié que de 28 pouces 3 lignes + à 28 pouces 2 lignes À, j'ai fait les obfervations qui fuivent, 56 MÉMOIRES DE É'ÂCADÉMIE ROYALE Témps perdant les Etat du thermomètre de Commencement Fin de - | quelle pendule fimple M. de Reaumur de l'expérience. | l'expérience, |a perdu dix vibra- tions fur l'horloge, 1753. Le 12H Oétobe 2145) où 30 Mr. gel un 28 2022 | 00251) le gen SNA Sr 3. 58 Ss 29 4| 1° Tr 22 [ASE 295 6. ÿ95| 1° 30 Le 18 Oûob. 212 | 5. 595 M. 7. 27 | 1. 274 RE < 7. 28+ 8.57 | + 282 22+:| 9. 30+ 10e 572] 027 224] 2 41 S| 4 8] 1 27 4 97 $+ 392] 1. 30 225 | 5.40 st L6 + TAN 6 Somme. «.,.. 5. ..114 | 487 ee TE | * La Jongueur du fil a été vérifiée & trouvée jufte le 17 à oh + du matin & à 7 heures du foir,le 18 à sh 2 du matin & à 7h + du foir. , sb Selon ces expériences, le pendule fimple a dû perdre 162 * vibrations + en 24h 2° 8" 2 de l'horloge; ainfi da durée d'un . jour moyen eût été de 23h 59° 26"+ à ce pendule : donc il retarde de 33" +, & par conféquent il eft trop long ‘de 2%. de ligne: donc fa vraie longueur doit être de 3 pieds 7 dignes 6. 4 sr -P ANota. Depuis mon retour én France, j'ai fait d'expérience du pendule fimiple, de la même maniere & avec lesimêmes inftrumens, lé 9 Mai 755 Ce jour, le thermomètre étant à 124, & le baromètre à 27 pouces 8 lion, £, Ja révolution des Fixes fe faifant à la pendule en 24* o' 0,7, & ‘par con- féquent’ le jour moyen étant de 24h 3° 67",2, je trouvai 10h: 30/+ de temps à l'horloge pour la fomme de huit intervalles, pendant chacun defquels le pendule fimple de 36 pouces: 8 dignes de longueur retardoit de dix vibrations; d’où il eft aïfé deconclurre que la vraie longueur du pendule fimple à fecondes devoit être de 36 pouces 8,55 lignes, L + MEMOIRE és mms et DES SCIENCES. 57 ME MOIRE | SUR LES STALACTITES Par M. GUETTARD. SECONDE PARTIE. Des Stalaéfites calcaires. Iles Stalactites de fable, dont il a été parlé dans la premièré partie de ce Mémoire, font fingulières du côté des figures différentes qu'elles prennent dans leur formation, les flalac- tites calcaires, dont il fera queftion dans la feconde, quoique dignes de notre attention de ce côté, la méritent cependant encore plus par d'autres attributs que je fpécifiérai en par- ant de chacune d'elles. Pour commencer par uné qui eft remarquable à plufieurs égards, je traiterai d'abord de celle de Cregi, village peu éloigné de Meaux, ville capitale de la Brie. Ce n'eft pas tant cependant par ces efpèces de petites plantes, ces efpèces de petits arbriffeaux pierreux, qui ont mille & mille branches & ramifications plus fines les unes que les autres; ce n'eft pas tant à caufe des petites grottes , des petites FS ONEN & des différens dépôts plus variés les uns que les autres, formés par l'eau de la fontaine de cet endroit, que par le lieu même où cette fontaine coule, que les ftilactites qu on y trouve, méritent l'attention‘ des Naturaliftes. La première idée qui vient à l'elprit, lorfqu' on voit les rochers dont ceite montagne eft chargée, fait croire qu'ils ne fe font élevés qu'à proportion que Feau a dépofé la matière dont ils font com- pofés. Ces rochers font, inclinés à lhorizon; ils reprélentent, _dépuis le ‘haut jufqu' en bas, des efpèces de cafcades, qui femblent n'être dûes qu'à un dépôt fucceffif. Quand on réfléchit néanmoins fur cette mafle énorme dé matière quil auroit fallu que cette fontaine déposät pour donner naïffancé à cette roche, on ne peut s'empêcher d'avoir Mn. 1754 53 Mémoires DE L'ACADÉMIE RoyaALeE recours à une autre explicaton. Pour faire comprendre celle que j'ai imagince, je crois devoir détailler un peu plus l'état actuel de cette montagne. Sa partie qui regarde le levant & le midi, eft couverte de cette roche inclinée, qu'on prendroit pour un dépôt fait par la fontaine. Cette roche s'étend à peu près depuis la moitié de la montagne jufquà fa bale; elle peut avoir environ cinquante à foixante pieds «en hauteur, fur plus de cent cin- quante ou foixante en largeur, & plus de dix ou douze d’épaiffeur. Elle eft à l'extérieur de Ja montagne , c'eft-à-dire qu'elle femble être appliquée fur cette montagne, & ne pas faire corps avec elle; il paroît cependant qu'il n'y a pas d'elpace entr'elle & le corps de la montagne. A l'extrémité de cette roche qui tourne vers lorient, eft une grotte de quinze à vingt pieds de long, fur prefqu'autant de large, & quia cinq, fix, fept & huit pieds de haut, felon qu'on eft plus éloigné ou plus près de fon entrée, qui eft plus vafte que fon fond. Cette grotte eft percée dans un maflif d'une pierre tendre, molle, blancheître, de la nature de celle des environs de Paris, ou d’une qui en approche beaucoup. Dans le fond de cette grotte, fort d’un trou un filet d'eau incliné, gros à peu près comme la cuifle d'un homme: ce filet n'eft pas, à proprement parler, la vraie fource de la fontaine; cette fource eft au haut de la montagne, où on l'a renfermée dans un regard, & on a pratiqué dans le corps de la montagne un canal où l'eau coule jufqu’à l'ou- verture qui eft dans la grotte; de-là l’eau eft reçüe dans une rigole pratiquée fur le fond de cette grotte, elle va fe perdre fous terre & fe jeter enfuite, après en être fortie, dans une auge de pierre qui en eft toûjours pleine, & le fuperflu s'écoule dans des foflés voifins de cet endroit. Quoique cette quantité d’eau foit confidérable, elle étoit cependant encore plus grande avant que les propriétaires de cette fontaine, qui font des Carmes déchauffés, dont le cou- vent eft bâti fur le haut de la montagne, euffent partagé cette gau avec l'Evêque de Meaux, qui a fait faire un anal pareil + DE Ss'SIerE NCES 59 à celui que les Carmes ont fait conftruire, mais moins grand, le filet d'eau qu'il devoit renfermer étant moins gros. Le total de ces eaux trouvant à s'échapper facilement, & fon eours étant précipité par le rétréciflement qu'il fouffre & par l'in- clinaifon de fa chûte, qui eft celle de la pente de la mon- tagne, cette eau ne forme maintenant des dépôts qu'à la longue, & fur des corps qu'on y plonge qui font capables de recevoir les parties qu'elle charie, & de les obliger à s’y accrocher en ralentiffant le cours de l'eau, ou fur des plantes, telles que du creflon, des moufles, & autres femblables, qui ont crû fur les bords de la rigole qui eft dans la grotte. L'humidité que l'eau occafionne dans cetie grotte, celle que air y apporte, & les pleurs de la terre qui eft au deflus de la grotte, font que fa voûte eft continuellement humide, que les moufles & les autres plantes qui font attachées à cette voûte, font incruflées de la matière pierreufe que les pleurs de la montagne détachent en les traverfant, & qu'elles dépofent fur ces plantes: de plus, ces pleurs & l'humidité que l'air & l'eau occafionnent, concourent à la deftruétion de la pierre dont la grotte eft formée. Cette pierre fe détache aifément, sexfolie, fe diflout, en quelque forte, peu à peu, & tombe fur le plancher de la grotte, qui sélève ainfi fuc- ceflivement. Ceci connu, j'explique de la manière fuivante la forma- tion de Ja mafle de pierre qui eft appuyée fur la montagne, & dont il a été queftion plus haut. Avant qu'on eût bâti far cette montagne & qu'on l'eût cultivée, l'eau de {a fontaine devoit s'y répandre ; elle devoit ainfi en dégrader peu à peu les pierres qui font, comme:on l’a dit, très - tendres : elle les réduifoit probablement en une efpèce de glaife ou de boue, femblable à celle qui couvre maintenant le plancher de Ja grotte. Cette boue s'amañloit au bas de la montagne, & élevoit infenfiblement cette maffe, qui efl maintenant telle, qu'on en a tiré toute la pierre dont le couvent des Religieux eft bâti : au milieu de cette boue devoient fe trouver renfermées les mouffes, les chiendents & les autres plantes attachées aux H à 6éo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE pierres qui, en fe détruifant, les devoient entrainer avec elles & les y enfevelir. La plufpart de ces plantes devoient déjà être incruftées de matière pierreufe, ou elles ont dû s'en charger pendant le temps qu'elles ont encore pû refter à l'air. I arrivoit probablement alors ce qui fe pafle aujourd'hui fous nos yeux dans cette grotte : les parois font tapifites de moufles & de plufieurs autres plantes , le fol en eft également garni: ces plantes s'incruftent peu à peu du dépôt que l'eau qui fe filtre au travers du rocher, y laiffe en s'évaporant, ou de celui que le filet d'eau y forme: ces plantes, ainfiincruftées, font entrainées avec les éclats de pierres qui tombent des parois : lorfque ces pierres font à moitié difloutes, cette efpèce de boue enfevelit les plantes du fol, qui font recouvertes de matière pierreufe, & il s'élève ainfi une mafle, au milieu de laquelle if fe trouve des milliers de petites ramifications, dont les branches font ordinairement creufes, & qui ne le font que parce que les plames {e font, à la longue, pourries & entièrement détruites. Des pierres qui fe forment par des dépôts aufii irrégu- lièrement faits, ne peuvent pas elles-mêmes ètre bien ré- gulières, cefl-à-dire que leurs, lits ne peuvent pas être bien uniformes, ils doivent être même remplis debeaucoup de cavités. C’eft en effet ce qu'on oberve dans ces pierres : la mafle du rocher eft irrégulière, elle n'a pas de lit, & elle eft parfemée dans toute fon étendue de petites grottes plus ou moins garnies de ces ramifications dont je viens de parler. Ces petites grottes ne font, le plus fouvent, que des trous ou des cavités de quelques pouces de hauteur & de largeur : quelquefois ces cavités ont dans ces dimenfions un pied ou deux. J'en ai vû dans la mafle du rocher, plus jolies les unes! que les autres; mais je n'y en ai point remarqué qui l'emportât de ce côté fur une qu'on-en avoit détachée, que lon confervoit dans la Bibliothèque du Couvent de eet endroit, lors de mon voyage à Crégi,; & que j'ai acquife depuis avec une autre de ce même rocher, pour le cabinet de M. le duc d'Orléans. térur dd-tn TRE RE 7. D'E 5 :S:G'1 É: Nit ærs. | 6x :1La première de ces deux petites grottes-eft. une: des-plus jolies qu'on y ait trouvées : elle eft remplie non feulement de ces ramifications qui reflemblent à des plantes, mais de co- lonnes prefque cylindriques, qui font féparées les unes des autres, & arrangées de façon qu'on diroit que l'art auroit tra- vaillé à former quelque petit. modèle d’Architeéture ruftique, Outre ces ramifications & ces colonnes, certains pêtits enfon-, cemens ont leurs parois couvertes de ces mamielons différem- ment figurés, qu'on a comparés à des choux-fleurs lorfqu'ils font ramañflés en mafle confidérable : les parois de quelques autres enfoncemens ont une efpèce de placage, de James perpendi- culaires où horizontales, relevées de mamelons femblables aux précédens; en un mot, cette grotte renferme en petit prefque tout ce que ceux qui ont donné la defcription de ces ca- vernes foûterraines ou de ces grottes immenfes que les mon- tagnes renferment dans leur fein, nous ont décrit avec tant d'art, &en n'en parlant qu'avec une elpèce d’admiration. Quant au morceau tiré du rocher de Crégi, ä a environ un pied & demi, de hauteur, fur un pied de largeur & un peu moins de profondeur: on J'a découvert en :fifant fiuter du rocher les quartiers de pierre dont on ;avoit”be{oin pour quelques ouvrages que les Religieux faifoient faire; car ce rocher eft actuellement encore la carrière d’où l'on tire, & d’où l'on tirera long-temps, la pierre néceffaire aux réparations où aux augmentations qu'on voudra faire à leur maifon, Quoique l'autre morceau de ce rocher, qui eft maintenant dans le cabinet de M: le-duc d'Orléans ,.ne foit pas à compa- rer au premier, qu'il ne foit pas auffi varié par les formes des accidens qui sy voient, il ne laiffe pas. cependant, d'avoir fes beautés. C'elt une. mafle de Pierre toute percée d'une Quantité de cavités traverlées en. tout fens de petites branches qui, par leur entrelaffement , repréfentent mille petites plantes plus varices les unes que les autres: cette male eft à peu près des mêmes dimenfions que la précédente. J'en ai remar- qué, dans le rocher plufieurs, qui en difléroient: peu, & qu'il froït, en y. apportant quelque foin, aifé de détacher de ce j H iij | 62 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rocher, les coupes qu'on y a faites anciennement les ayant mifes à découvert. Ce n’eit en effet qu’au moyen de fembla- bles coupes qu'on peut fe procurer de ces morceaux curieux, puifqu'ils font toûjours renfermés dans Ja mafle du rocher : ce n'eft même que fur cette obfervation, & fur ce que j'ai remarqué de l'efpèce de diflolution qui fe fait de la partie du rocher fous laquelle eft creufée la caverne où coule maintenant le filet d'eau qui fort de la fontaine, que j'ai imaginé f'explica= tion que j'ai donnée plus haut de la formation de tout le rocher dans lequel ces efpèces de flalaéites fe trouvent enclavées. Si au contraire elles étoient à l'extérieur de ce rocher & qu'il en fût incrufté, on pourroit avoir recours à une mé- chanique beaucoup plus fimple, pour expliquer leur formation. Ï! ne sagiroit alors que de faire couler l'eau de la fontaine par filets , ou goutte à goutte, dans les finuofités & les fentes que le rocher pourroit avoir, & de faire dépofer la matière dont l'eau eft chargée, fur des racines, ou fur des plantes entières, ou fimplement fur les parois nues de ces fentes & de ces finuofités, pour avoir toutes les variétés de forme qu'on voit dans ces ftalaétites, Mais comme ce n'eft pas l'extérieur du rocher, mais l'intérieur, qui en eft garni, il faut, à ce qu'il me femble, avoir recours à l'explication que j'en ai donnée plus haut. On pourroit, pour affermir cette explication, faire le raïfon- ment qui fuit. En fuppofant donc, comme on fait d’après ce qui fe paffe de nos jours dans la caverne voifine du rocher où font les flalaétites, que les pierres de la montagne s'étant détruites peu à peu, & ayant formé une efpèce de limon, ce limon a dû, par le defléchement, s'entr'ouvrir dans plu- fieurs endroits, fe remplir ainfi de cavités proportionnelles au degré de mollefle qu'il avoit, ou à la quantité d'eau qu'il contenoit ; ces cavités ont pû, dans des temps de féchereffe, pendant lefquels la fontaine ne fournifloit pas autant d'eau qu’à l'ordinaire, {e garnir de moufles & d'autres plantes femblables, qui fe feront incruftées lorfque l'eau aura recommencé à couler plus abondamment, & y charier des parties piérreufes qu'elle DES SCIENCES. 6; y aura dépofées ; peu à peu les cavités fe feront remplies par les dépôts fucceflifs de cette eau , elles auront enfuite été entière- ment recouvertes par un limon pareil au premier, qui aura fouflert les mêmes viciflitudes ; Ja maffe totale du rocher fe fera ainf fucceffivement accrüe & élevée au point où nous Ja voyons de nos jours, On objeétera peut-être contre l'explication que je donne de l'élévation du rocher de Crégï, la formation du fameux pont de Saint-Allire qu'on voit à Clermont en Auvergne: on dira peut-être qu'il n'eft pas plus néceffaire d’avoir recours à une deftruétion par grofles mafles du rocher de Crégi, pour former le rocher qu'on y voit, qu'on n'a befoin d'un pareil fecours pour expliquer la formation du prétendu pont de Saint- Allire. H fufñt, pourra-t-on dire, que l'eau de la fontaine de Crégi fe foit chargée de petites particules de ce rocher, & qu'elle les ait dépofées, comme fait la fontaine de Saint- Allire, qui, quoique claïre & limpide, ne laïffe pas de con- tinuer à faire des augmentations promptes & confidérables à ce pont. La mafle de ce pont eft certainement grande; mais, comparée à.celle de la montagne de Crégi elle paroït fi petite, qu'il eft difficile de n’avoir pas recours à une autre caufe pour -expliquer la formation de la maffe énorme du rocher de Crégi, qu'à celle qu'on eft néceffité d'admettre pour la formation du pont de Saint - Allire. Suivant les mefures que M. Barin, beau-frère de M. Je Marquis de la Galiffonière, à qui je fuis redevable de ces mefures, comme.de beaucoup d’autres obfer- vations.dont le Public eft déjà en partie en poffeffion ; fuivant ces mefures, dis-je, prifes depuis peu, ce pont a cent pas de longueur , fa bafe ft de huit à neuf pieds d'épaiffeur, fon ex- tréinité fupérieure de vingt à vingt-quatre pouces ; dimenfions qui font beaucoup:au defflous de «elles que jai données ci- devant du rocher de Crégi. I faut cependant avouer quels mmefiues précédentes: dir pont aëtuel de Saint-:Aïlire, ne font que cëlles de la mañle qui «eftl en: vüe; peut-éire y en a-til quelque puitie confidérable qui ft recouverte de terre, I y a:du moins, 64 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fuivant encore une remarque de M. Barin, un moulin qui eft fondé fur un maffif de pierre formé par les eaux de Ja même fontaine: ainfi il pourroit fe faire que cette fontaine eût parcouru un efpace de 1errein confidérable en furfice, qu'elle l'eût élevé fucceflivement, & qu'elleeüt conféquemment donné naiflance à un rocher peu différent, par fon volume, de celui de Créoï. J'ai vü lun & l'autre de ces dépôts, mais je nai pas été frappé de celui qui a été fait par la fontaine de Saint - Allire comme de celui qui la été par la fontaine de Créoi, & ce n'eft que cette elpèce de furprife qui, m'ayant rendu plus attentit à examiner ce qui fe pafloit aétuellement dans la caverne où coule l’eau de la dernière fontaine, m'a fait imaginer l'ex« plication que j'ai donnée de la manière dont le rocher de cet endroit peut s'être élevé. Au refte, il peut très-bien fe faire que le pont de Saint- Allire foit dû au feul dépôt de l'eau de la fontaine de cet endroit, & que le rocher de Crégi ait pour caufe celle que je lui ai affignée: une & l'autre caufe peuvent avoir lieu. Je n'adhéreroïis pas même à l'explication que j'ai donnée de la formation du rocher de Crégi, jufqu'à vouloir qu'on li pré- férât à celle que fourniroit un dépôt fucceffif d'une matière chariée par l'eau de la fontaine. H ne s'agiroit que de multi- plier les fiècles, pour avoir le produit qui a donné naiflance à ce rocher: il ne faudroit peut-être que faire couler à plufieurs reprifés l'eau dé la fontainé fur la matière qui éleveroit ce rocher, pour trouver le dénouement de tout ce qu'on y obferve de plus difficile à expliquer; le dépôt fe deffécheroit, les fentes sentr'ouvriroient, les flalaétites fe formeroient enfuite lorfque eau viendroit à baigner de nouveau la partie du rocher déjà formée, cette eau en rempliroit les fentes, les fermeroit même, Je rocher s’éleveroit,:&-les flalactites fe trouveroient renfer- mées dans foniintérieur. ! | | : L'explication que j'ai d'abord donnée, auroit cependant cela d'avantageux pour-elle ; qu'elle ne féroit pas beaucoup diffé- rene; d'une qui a été imaginée par un très-grand homme de celte DAEAS HSI COR E NICE NS. 6 cétte Académie, & rapportée dans un Ouvrage fur origine des fontaines *. M. Perrault, auteur de cet Ouvrage, y rapporte ce qui fuit. « Auprès de la ville de Meaux, dit M. Perrault , il ÿ a une groffe roche, de laquelle fort un ruifleau d'eau fort claire & extrémement fraîche. Cette roche étoit autrefois toute folide, & il n’en fortoit point d’eau : il arriva qu'en l'année 1618 ou 1619, cette roche fut caffée par le moyen d'un fourneau où mine, avec de Ja poudre à canon, pour avoir de la pierre pour en bâtir un monaftère auprès de Crégi: cette roche étant caflée , il en fortit un fort ruif- feau qui coule encore, & parut en cet endroit une caverne remplie de pierres congelées d'une grande beauté, & c'eft de ces pierres congelées qu'eft faite une grande niche en ruf- tique au jardin de Ruel, au bout de l'allée de la cafcade & à Toppofite. Ces pierres font fort dureë, & femblables à des agates : brutes; l'on trouve auffi dans cette caverne des fruits pétrifiés, comme poires, pommes, raifins & autres chofes femblables. Cette caverne, où l’on ne peut entrer à caufe de l'eau qui en fort, eft probablement da fin d'un canal pierreux fous terre, qui prend de l'eau plus haut à la rivière de Marne, ur la conduire en ce lieu-là; & peut-être que ce même suifleau couloit il y a long-temps comme il fait à préfent, mais que par fucceflion de temps & par la difpofition de l'eau & de la terre du lieu, il s’eft fait tant de pierre à la {ortie de ce * canal, qu'enfin il en a été bouché tout-àfait; & peut-être auffr qu'il e refermera encore quelque jour par la même raifon ; & fi lon venoit à l'ouvrir, de même qu'on 1 fait, je crois qu'on y trouveroit de femblables pétrifications de fruits & - autres chofes, pour ce que la beauté de cette grotte & la fraîcheur de fon eau y attirent aflez de gens pour s’y divertir, qui peuvent y jeter de femblables chofes dedans, » On peut faire plufieurs remarques fur ce paffage, mais au- une ne mérite plus d'être rapportée ici, que celle qui concerne ce que M. Perrault dit de l'accroiflement du rocher. Il femble que ce grand homme imaginoit que l'eau feule re donnoit pas aiflance aux pierres qui a ugmentoient le rocher, puifqu'il Mém. 1754: * De l'origine des fontaines. Paris, 167%, «7-12. fans nom d'Auteur. « Pag.287& «frire L<4 L<4 L<4 66 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fait entrer dans cette formation la terre même du lieu, qui n'eft probablement que celle de la grotte, ou cette efpèce de Jimon dont j'ai parlé, occafionné par le détriment de la pierre dans laquelle cette grotte eft percée. Une autre remarque, qui n'eft guère moins intéreffante, eft celle qu'on peut faire fur la dureté de la pierre qui fe formoit au moyen des attériffemens, fi on peut parler ainfr, auxquels l'eau de fa fontaine, & la réfiftance qu'elle pouvoit trouver à fa fortie du côté de la grotte, donnoient occafion : cette pierre eft, fuivant M. Perrault, très-dure & femblable à une agate brute. La dureté de cette pierre eft grande, on ne peut en difconvenir; les morceaux qui font entrés dans la conflruétion du couvent des Carmes de Crégi, & qui font expofés aux frottemens occafionnés par ceux qui vont & viennent dans ce couvent, prennent une efpèce de poli qu'on ne peut guère manquer d'apercevoir lorfqu'on paffe par les endroits de ce couvent qui ont de cette pierre; mais la comparer à une agate brute, je crois que c’eft en donner une idée un peu trop grande. Le poli que les agates prennent, eft bien au deflus de celui de cette pierre; la demi-tranfpa- rence qui eft propre aux agates, ne s'y trouve en aucune façon; elle eft des plus opaques. Ainfi je crois qu'il faut un peu rabattre de la comparaïfon que M. Perrault fait des pierres de Crégi avec les agates, Je pourrois paffer fous filence quelques autres obfervations que ce paflage m'a encore fuggérées; mais comme toute autre perfonne pourroit également les faire & les tourner en objec- tions contre moi, j'ai cru devoir les rapporter & prévenir ainfi ces objections. M. Perrault paroît n’admettre pour dépôt occa- fionné par la fontaine, que la grofle roche qu'on fit fauter lorfqu'on voulut ouvrir une carrière pour en tirer la pierre deftinée à la conftruétion du couvent. Il y auroit lieu de penfer que M. Perrault, en s'énonçant comme il fait, n'a parlé de la CNE if grotte de Crégi que fur cesqu'il en avoit appris de quelqu'un, de France, pag. Où que fur ce qui en eff rapporté dans les annales des Carmes É Sn #: déchauflés de France, à l'article qui concerne la conftruction Dris LS,c t' EN cs 67 du couvent de Crégi, & dans une aflez belle pièce de vers De ripe Cre: ‘datins inférée dans ces annales, On occupe principalement 2% réra. dans ces deux Ouvrages, à relever les formes {ingulières que les pierres avoient lorfqu'on ouvrit la grotte où elles étoient renfermées ; on prétend même, dans ces deux pièces, qu'on rencontra parmi ces pierres des médailles qui repréfentoient le tyran Maxence, anecdote dont M. Perrault ne parle pas, & qu'il a tüe, éclairé fans doute par une critique jufte & rai- fonnable. Frappés de ces accidens, les Auteurs des annales des -Carmes & du poëme qui y eft inféré, n'ont pas fait autant d'attention à la groffeur & à l'étendue du rocher qu'elles en méritoient; & dès-à M. Perrault aura pû fimpleinent regarder ce rocher comme une feule roche, affez confidérable pour avoir fourni la pierre dont on avoit bâti le couvent. Quoiqu'une feni- “blable roche dût être très-grofle, cependant l'idée qu'on peut prendre de fa groffeur par la quantité des pierres qui doivent -entrer dans un couvent tel que celui de Crési, eft infuffi- fante pour repréfenter la mafle totale du rocher, que j'ai lieu de croire que M. Perrault auroit mieux décrite, s’il l'eût vue. Suivant cet Auteur, on ne peut pénétrer dans la caverne où ef cette fontaine: pour moi, en décrivant cette caverne, je lui ai donné plufieurs pieds en toutes dimenfions:; & elle eft telle, que plufieurs perfonnes peuvent s'y tenir -droites fans fe gêner, fur-tout à fon entrée. La différence qui fe trouve entre là defcription que j'ai donnée de cette grotte, -& celle qu'on lit dans l'ouvrage de M. Perrault, ne vient que de celle que les befoins qu'on a eus pendant f'efpace d'environ quatre-vingts ans, depuis que M. Perrault a écrit, des pierres de ce rocher, ont pü y occafionner. Je crois de plus que les Religieux ont fait travailler dans la grotte même, pour la rendre plus praticable qu'elle n'étoit; & il y a lieu de penfer qu'ils feront obligés de le faire de temps en temps, s'ils veulent qu'elle ne fe bouche pas, à caufe des amas qui s'y font des éclats de la pierre dont elle eft formée, & qui peu à peu fe diffout, comme je l'ai dit plufieurs fois, & empêcher par-là que la conjecture de M. Perrault ne fe EE ig + 63 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE ROYALE confirme touchant la perte qu'ils pourroient faire du filet d’eau, fi la grotte venoit à fe fermer, & obligeoit ainfi cette eau à refluer & à prendre un cours bien éloigné de celui qu'elle a, & peut-être hors du terrein qui eft de leur dé- pendance. Enfin je ne m'arréterai pas à faire remarquer qu'il pour- roit y avoir quelqu'erreur dans la date que M. Perrault donne à la découverte de la fontaine, & dans la façon dont elle s'eft faite : il femble, par les annales que j'ai citées, que cette découverte foit poftérieure au temps que marque M. Per rault, & il ne paroit pas, par cet ouvrage, que la fontaine fût inconnue lorfqu'on commença à ouvrir une carrière pour en tirer de la pierre. M. Perrault a fans doute tiré cette anecdote du poëme iatin qui a été fait fur cette fontaine, dans lequel le Poëte ne manque pas de fe fervir avec avan- tage de cette idée *. Mais je.laifle cet examen pour parler d'une forte de fta- lactite qui peut être fingulière, confidérée fous un autre point de vüe, & d’une façon plus rapprochée de ce qui peut nous faire connoître fa nature. Cette fllactite fe trouve entre les fentes des rochers des plâtrières de Montmartre près Paris; elle paroît être compolée de parties que l'eau extrait des pierres à plâtre au travers defquelles elle fe filtre, ou qu'elle dégrade en coulant fur leurs furfaces: elle eft de différente couleur, c'eft-à-dire qu'il y en a des morceaux d'un jaune clair, d'autres d'un brun rougeître, d'autres d'un blanc terne. Les premiers, ceux dont la couleur eft d'un jaune clair, font pour la plufpart en lames d’une ligne d'épaiffeur ou environ: plufieurs de ces lames fe tiennent ordinairement par les côtés; l'efpace qui fe trouve entr'elles eft rempli par de petites mañles * Claris dives aquis, flillantia vifcera celat , Mulriplicefque lacus fècretis fontibus. implet. Jafcius haud fumptu , multoque labore redemptor , Per latus incidit nuper, remplifque fruendis Materien quærens, cunlis incognita terris Æxcifo primus reperit miracula fax, El SU AS AC 1ENCES. 63 arrondies ou demi-fphériques, qui ont la figure de boutons, de choux-fleurs, ou elles font hériflées de petites pointes qui pourroient les frire comparer à de petits marrons d'Inde, ou à de petites châtaignes renfermées dans leurs coques, à des fraifes ou à des framboifes *. La feconde forte des mor- ceaux de cette ftalaétite c'eft-à-dire, ceux qui ont une cou- leur rougeître, eft en plaques épaifles, ondées ou boflelées *. La troifième, celle qui eft d’un blanc terne, forme des males qui, par leur réunion, compofent des ftalactites femblables à celles que l'on compare ordinairement à des choux-fleurs *, Toutes ces différentes fortes de flalactites ne font, à ce qu'il paroït, que l'extrait des pierres à plâtre: pour le prouver, il faut que je décrive, mais en fe trouvent, Cet endroit eft dans une carrière ouverte en plein air; qui regarde le nord-oueft: ce n'eft, à proprement parler, peu de mots, l'endroit où elles qu'une grande fente par laquele le rocher de pierre à plâtre eft entrouvert : cette fente eft remplie d'une efpèce de glaife blancheître, dont la mafle finit où l'on commence à aper- cevoir des ftalactites : ces ftalactites forment un grouppe de ces lames que j'ai décrites ci-deflus; fur les côtés de ce grouppe il y a d'autres lames d’un brun fale, couvertes d'éminences qui les rendent très-irrégulières; leur épaifleur r'eft guère que d'une ligne ou environ; elles font d'une grande légèreté, fe -tiennent, de même que les lames des flalaétites, les unes aux autres par leurs côtés, & elles font, ainfi que les premitres, ordinairement polées horizontalement : les parois des bancs _de pierre à plâtre qui, à cette hauteur, compolfent la montagne, - font recouvertes extérieurement de plaques rougeîtres, parfe- mées de petits mamelons hériflés ; enfin la furface des Quartiers de pierres à plâtre, différens de ceux-ci, tombent en une efpèce d’efflorefcence. Cette dernière obfervation me paroît donner {a folution du problème qu'on pourroit propoler fur la façon dont ces flalaétites fe forment, & il fufhroit de dire que l'eau em- porte la pouflière occafionnée par l'efHlorefcence des pierres à ï ii * Voy. fie. * Ibid, Gg. * Ibid. fig. o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE plâtre, qu'elle la dépofe dans quelqu'endroit de la fente ‘où ces ftalactites fe trouvent, y accumule la pouflière en s'éva- porant, & y donne naiflance aux flalaétites dont on a là fa defcription plus haut. Cette explication, quoique fimple en elle-même, emporte avec elle une difficulté très-grande, lorf qu'on fait que ces ftalactites {ent diflolubles à l'eau forte, & que cet acide en fait promptemnent & avec eflervelcence la dif- folution, au lieu qu'il magit en aucune façon fur la pierre à plâtre dont je prétends que ces flalaétites font extraites. C'eft cette fingularité qui mia fait dire, en commençant l'article des ftalaélites dont il s'agit, que ces concrétions préfentoient quelques phénomènes finguliers & qui regardoient leur nature. En effet, n'efl-ce pas queique chofe digne de remarque, que des parties puillent, en changeant feulement en apparence de forme, perdre une propriété qui conflitue, à ce qu'il femble, leur efTnce, & en acquièrent une qui les fait ce qu'elles n'é- toient pas auparavant ? Comment pouvoir découvrir cette opé- ration délicate, dûe à la Nature mème, & qui, quoiqu'elle fe paffe fous nos yeux, demande beaucoup d'attention & de réflexion, pour pouvoir être faifie, ou même devinée? Je ne fais fi j'ai été aflez heureux, & fi j'ai eu affez de fagacité & d’adrefle pour atteindre le but & pénétrer ce fecret; mais voici comme j'imagine que la chofe peut fe pafler, ou pluftôt je tire cette explication des expériences que M. Macquer a faites fur Ja chaux & fur le plâtre, & qui font inférées dans le volume . Hifoe & des Mémoires de l’Académie pour l'année 1748. l'Acad. : 748. n 4 . p. 6; & fur. Suivant M. Macquer, le plâtre eft un compolé de prties &Mém décere calcinables, telles que celles des pierres à chaux ordinaires, Acad, même an- 4 3 à 7 née, pag. 678 & de parties incalcinables, comme peuvent-être différens fa- Fr. bles. Le plâtre ainfi compolé eft opaque; mais fi par quelque opération on enlève au plâtre les parties qui ne fe calcinent point, & qu'elles foient réunies à un acide vitriolique , alors ce plätre devient tranfparent, & il a d'autant plus ‘de tranf- parence, que les parties calcinables font dégagées des incalci- nables; c'eft ce que la Nature fait probablement dans la com- pofition de cette efpèce de plâtre qu'on appelle communément S DES SCIENCES. 71 2pfe ou pierre Jpéculaire. En troifième lieu , lorfqu'on expofe à un feu violent une matière calcinable qu'on a imprégnée de fels alkalis ou de {els neutres, cette matière, qui avant cette combinaïifon & cette torréfidtion étoit diffoluble dans l'acide nitreux, y refte plongée fans aucune altération. Ceci fuppofé, on peut dire que fi les flalactites font diffo- lubles à l'eau forte, quoiqu'elles Proviennent des rochers de Pierres à plâtre qui ne fe difolvent pas dans cet acide, cette différence ne vient que de ce que les parties qui ont été détachées de ces rochers, ont perdu l'alkali qui les rendoit propres à éluder l'action de l'acide nitreux. Pour comprendre comment cet alkali a pû leur être enlevé, il fuffit de rappeler ce qui fe paffe dans l'endroit où les flalaétites fe font. J'ai dit plus haut que la furface extérieure des rochers de pierre à plâtre tomboit en eforefcence, & que l'efpèce de farine ou de pouffière formée par cette efflorefcence étoit emportée par l'eau à laquelle les ftalaéites étoient dües. I[ ne s’agit donc que de fuppofer que cette eau foit chargée de quelque acide qui, dans l'efpèce de difolution qui fe fait de l'eMlorefcence pltreufe, s’unifle au fel alkali, & que cette combinaifon nou- velle, occafonne un départ de la matière faline du plâtre d'avec celle qui eft calcinable : dès-lors, les ftajadtites étant foûmifes à l'aélion de l'acide nitreux, en feront attaquées comme toute matière qui fe calcine. LE On admettra peut-être difficilement un femblable départ, & on n'embraffera pas volontiers une explication qui fuppofe une opération fi délicate; on aimera mieux penfer que l'eau qui détruit les pierres à plâtre, retient plus long-temps la partie calcinable que la partie vitrefcible, où que le fable fe fépare & tombe promptement par fa pefanteur, & que le {el qui pourroit être dans le premier combiné, s'évapore facilement avec l'eau, Cette explication ne feroit pas fans difficultés: on compren- droit facilement la féparation de la partie calcinable d'avec Je fable ; la différente pefanteur fpécifique de ces deux matières fuffroit pour éclairer fur ce Point; mais on ne voit pas aifément Pourquoi le fel ne fe retrouveroit pas dans Ja partie calcinable, Voy. le Journal économig. Mars 1752, page 41 Ÿ Jui. Ibid. Novemb. I7$4, page 143 © Juiv, 2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE le fel devant refter plus long-temps en difolution que fa partie calcinable, & devant par conféquent fe dépofer, du moins en grande partie, avec cette matière, ces fels n'étant pas ordinai- rement aflez volatils pour s'enlever avec l'eau qui s'évapore, & fe dépolant pluflôt dans le temps de l'évaporation de l'eau qui les tenoit en diflolution. On fera donc toûjours néceflité d'avoir recours au départ dont j'ai parlé. De tels départs ne font pas, au refle, fans exemple dans la Nature: tout le monde connoît celui qui fe fait de la partie cuivreufe qui eft chariée par des eaux qui, en paflant deflus des mines de cuivre, en diflolvent des parties qu'elles dé- pofent lorfqu'on leur préfente des matières ferrugineufes à attaquer. I fufht de parler des fameufes mines de Newfol en Hongrie, de celle de Chéfi près Saint-Bel, & de la fontaine de Wisklou en Irlande, pour qu'on fe rappelle ce que j'en- tends par ce départ cuivreux, & qu'on puifle en faire le parallèle avec celui que j'admets dans la formation des ftalac- tites dont il s'agit. Je fens, il eff vrai, tout ce qu'on peut objeéter contre ce parallèle: on retrouve facilement, dans fa première opération, les parties cuivreufes & ferrugineufes, & un travail peu embarraffant redonne les fels qui avoient d’abord diflous & emporté les premières, au lieu que ce n'eft pas d'après de femblables opérations que j'avance fa théorie de Ia formation des ftalaétites en queftion, & que je ne fais voir que da partie calcinable dégagée des autres avec lefquelles elle étoit unie. Je n'ai point douté de la néceflité qu'il y avoit, pour une entière conviétion, de montrer, non feule- ment la partie calcinable, mais celle qui ne left pas, & les fels fur-tout auxquels je fais jouer un rôle fi confidérable dans cette opération. Perfuadé de cette néceflité, je fuis retourné plus d'une fois à Montmartre pour avoir de cette eau que jy avois trouvée une fois, & an milieu de laquelle on voyoit, pour ainfi dire, à chaque moment, s'élever des grouppes de ftalac- tites ; mais je nai jamais été aflez heureux pour me rencon- ter dans une circonftance pareille à la précédente, & qui füt précifément celle où je me trouvai la première fois que je DES SCIENCES. 73 je vis ces flalaétites, c'efl-à-dire, il y a plus de quinze ans. Je ne penfois guère alors au beloin que je pourrois avoir de faire un examen particulier de ces eaux; examen au refte que je ne perds pas de vüe de façon à l'abandonner entièremient, & qui me paroït d'autant plus néceflaire, que qui connoîtroit exactement la compofition de la montagne de Montmartre, pourroit faire l'objection fuivante, qui mériteroit certainement beaucoup d'attention. On objecteroit peut-être que les ftalactites de cette mon- fagne ne font dües qu'aux parties d'une ou deux pierres calcaires & diflolubles à l’eau forte, du moins en très-grande partie, qui entrent dans fa compofition des bancs de Ja mon- tagne où font les flalactites. Ces pierres font de deux fortes; lune eft d'un blanc tirant fur le gris, l'autre eft veinée ou tachetée de blanc & de bleu: celle-ci laifle dans l'eau forte une aflez bonne quantité de parties indiflolubles; il en refte très-peu de la première, & la diflolution en eft longue à faire, ou du moins elle eft moins vive & moins prompte que. celle des parties diffolubles de 11 feconde pierre. Il y a encore dans les montagnes à plâtre une autre pierre blanche, parfemée de taches jaunes, qui fe diffout un peu à Veau forte, mais les trois quarts & plus de fes parties font indiffolubles. Une quatrième forte de pierre, qui eft d’un gris bleuätre, & qui approche beaucoup de celle qui eft veinée, s'y diffout auffr très-peu, & elle n'y donne même que quelques légères marques de diflolution; elle jette quelques bulles qui pafient promptement. Toutes ces pierres font légères, excepté celle qui eft gris-blanc, & qui fe diffout prefqu'entièrement dans l'acide nitreux.: les autres fe lèvent par feuillets horizontaux, font très-tendres dans la carrière, y paroiflent être, lorfqu’elles font mouillées, pluflôt des terres ou des glaifes un peu dures & folides, que des pierres, & elles doivent être très-facilement délayées lorfque l'eau les pénètre. On pourroit. donc dire que les flalaétites ne font dûes qu'aux parties de ces pierres qui ont été difloutes par l'eau qui, en coulant le long de la montagne, diftille dans la fente Mém. 1754 * Voy. fig. v. Pot, continvat, de la Lithogéo- gvfe, p.234, édli'ion françoife. Paris, 1753. "3-12, 74 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE PROYALE du rocher où fe voient ces ftalaclites. J'avouerai que cette explication eft plus fimple; mais l'endroit même où la forma- tion des flalaétites fe fait, les fquelettes de la pierre à plâtre qui a été ronge, femblent s'y oppofer. Je donne le nom de fquelettes * à ces lames Jégères, d'un brun-roufleître, qui font couvertes de tubérofités & placées fur les côtés de la mafle des flalaétites. Le corps, l'enfemble de ces lames, a bien l'air d'une pierre à laquelle l'eau a en- levé une quantité confidérable de fes parties, à moins qu'en ne voulût que ces lames ne fufent elles-mêmes des efpèces de flahéires, puifqu'elles fe diffolvent auffi à l'eau forte, au lieu qu'elles devroient y être indiflolubles, fi elles étoient le refte de la pierre à plâtre à laquelle l'eau auroit enlevé les parties calcinables qui entrent dans fa compofition. On pour- roit répondre à cette efpèce d’objettion, que quoique ces lames {oient difolubles à l’eau forte, elles ne font cependant que le refle des pierres à plâtre que l'eau a pénétrées & détruites en partie; elle leur a enlèvé ce qui les rendoit plâue, telles que les {els & les fables qu'elles pouvoient contenir, & ces lames ne font que le réfidu groffier de ces pierres. Enfin, le lieu où les ftalactites fe voient, femble concourir à cette idée ; c’eft précifément unie longue ouverture faite dans le milieu d'un bloc de pierre à plâtre. Je dirai cependant encore que les bancs diffolubles à l'eau forte ne font pas cloignés du banc de pierre à plâtre; celui de la pierre veince eft même précifément polfé au deflus de cette pierre: ainfi les perfonnes auxquelles la première explication ne plairoit pas, peuvent avoir recours à la feconde, qui, je l'avouerai, a de quoi perfuader par fa fimplicité, Ce fentiment rentreroit ainfr dans celui des Auteurs qui, comme M. Pott, penfent que toute ftalaétite doit fon origine à une tere calcaire divifée & entraînée par l'eau. Comme ce fentiment eft contraire à ce que j'ai dit au commencement de fa première partie de mon Mémoire, je ne puis pafler à la delcription d'autres ftalactites fans faire quelques re- marques fur la généralité & l'étendue de ce fentiment, DES SCIENCES. 25 auquel on n’a ainfr donné autant d’extenfion que parce qu'on a trop reftreint le nom de ftalactite. Je m'explique: j'ai déjà dit * que ce nom avoit été précifément donné à des matières pyrieufes qui, diffloutes par l'eau, fe dépofoient enfuite & prenoient différentes formes, fuivant que le dépôt fe failoit. Dès-B, toute matière diffoluble à l'eau, ou dont l'eau fe chargera, peut donner naiflance à des fllaétites, fuivant l'idée que les Anciens avoient de la formation de ces corps: ainf, en prétendant que toute fHilactite eft calcaire, il faut aupa- ravant avertir quon n€ regarde pas comme flalaétite tout corps qui ne fe calcine pas, & dèslors c'eft un fentiment particulier qui peut ètre admis avec reftriction. Mais il s'en faut bien, à ce qu'il paroït, que M. Pott penfe ainfr; car, dans l'endroit cité ci-deffus, après avoir avancé la propolfition générale que je viens de rapporter d'après lui, il continue de la manière fuivante. «II n'eft point décidé, & l'on n'a aucune preuve, que du quartz il fe puifle former une ftalaite: c'eft par la ftillation d'une matière calcaire, dont eft formée la ftalaétite, que fe produifent les pierres qui refflemblent à dés pois, pifohiti, à -du fenouil, à des cubes, à des dragées, au confetti-di-Tivol, à des raves, à des flatues, à des cloches. M. de Buflon croit que la flalactite ne parvient jamais à la dureté du marbre; cependant il eft certain qu'il fe forme dans les bains de Carlfbad une pierre blancheître & jaunâtre qui fe laifle tra- vailler, & qui prend le poli comme du marbre. Il feroit bon qu'on examinât avec exactitude jufqu'à quel point sac- corde avec l'expérience le fentiment de Henckel, qui dit que la flaladite, les fleurs de Mars (los Martis) l fpath, le takc, la félénite, le glaces Mariæ, le mica "appartiennent à la claffle des pierres qui participent à la nature de la chaux _ ér à celle du caillou, lapides calcareo-filicofos; gu'on peut les calciner commet une pierre à chaux; que quand on les humele” LA , « . A . . avec de l'eau, il cn part une odeur de pourriture, mais qu'ils ne peuvent étre jamais employés aux mêmes ufages que la chaux on le gypfe. J'abandonne ces recherches à d'autres, + K ij * Voy. la pre- mière Partie de ce Mérwire, fñ À ce c » Voy. Mém. de l’Acad, année 1732 ; page 193e 76 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & je me contente d'obferver que dans quelques-unes de ces pierres je n'ai pas trouvé les propriéiés que Henckel leur attribue, » M. Pottexclut donc du nombre des ftalactites toute matière qui neft pas calcaire; mais peut-on condlurre avec juftefle, de ce qu'un grand nombre de corps qui portent, principale- ment parmi les modernes, le nom de ftalactites, font calcinables, que toute flalaétite donne de la chaux? On ne voit pas qu'il foit eflentiel à ce corps d'être de cette nature, & l'idée que nous avons en {général de la ftalaétite, ne renferme en elie que celle d'un corps formé de parties qui ont été chariées par une eau qui les a dépofces 'en diflillant goutte à goutte. M. Pott a beau dire qu'il n’a aucune preuve qu'il fe foit jamais trouvé des ftalactites de quartz, il ne s'enfuit point qu'il m'y en ait pas, & que des recherches exactes ne puifent en faire trouver. Les ftlaétites de grès, dont j'ai donné la defcription dans la première partie de mon Mémoire, ne font-elles pas déjà une efpèce de préfomption pour l'exiflence, ou du moins pour la poffbilité de celles de quartz? En effet, que faut-il pour donner naïflance à des ftalactites quartzeufes? qu'une eau pale fur quelques monceaux de petits grains de quartz, qu'elle s'en charge & les dépofe enfuite, ne pourra-t-il pas en naître des ftalaétites ? Toute la difficulté ne confiftera qu'à faire trouver de ces amas de grains quartzeux, comme nous en connoiffons de fableux : la difficulté n’eft pas infurmen- table; ne fait-on pas que les rochers de quartz fe détruifent comme les autres par la fucceflion des tgmps? & ne con- noiflons-nous pas des fleuves & des rivières qui roulent une efpèce de fable qui n'eft qu'un amas de petits grains de quartz - où de cryflaux de différentes couleurs? fans en nommer plufieurs, il fuffra delciter le Rhin en Allemagne & le Rufa en Suitle, dont j'ai parlé dans mon Mémoire fur le parallèle de la Suiffe avec le Canada , & dans lequel il n'a été queftion de ce fable qu'à caufe d’un qui lui eft femblable, & dont il y a au Canada des monceaux, & même des montagnes entières. D Seroit-il donc étonnant qu'il fe formät dans ces montaynes han nc a cr mé né | Di E S.,9 C1 E N°C.E.Ss. 77 des flalaétites compofées de ces grains, & qui par conféquent feroient de la nature du quartz! ne peut-on pas même dire dans les principes de M. Pott, que les flalactites de grès dont il a été queftion , font quartzeules, puifque M. Pott range fous le genre des terres vitrifiables, routes fortes de fable fin & gros, blanc & différemment coloré, le fable des fources , les pierres fablonneufes, le quarts, le cryffal, l'agate, érc? Puis donc que le fable & le quartz ne font différens, felon M. Pott, que fpécifiquement, on peut regarder les ftalaétires de fable comme une efpèce de ftalactites quartzeufes, les propriétés premières de ces corps étant les mêmes, & l’étant même toûjours, fui- vant M. Pott, à un point, qu'on doit regarder tous ces corps comme formés par des terres vitrifiables fimples, & qui n'ont point fouffert de mélange avec d’autres terres, comme il eft arrivé au limon, à l'ardoife, &c. -Concluons donc de tout ceci, qu'il peut y avoir, & qu'il y a réellement des flalactites autres que celles qui font calcaires : revenons à fancien fentiment, ou pluflôt adhérons à celui qu'on a toüjours eu, & qu'on retrouve principalement dans M.rs Linnœæus & Wallerius, Le premier donne le nom de fta- lactites de marbre à trois fortes de ces concrétions, celui de flalatites fpatheufes à celles qui fe font dans ces grottes pro- fondes où elles élèvent des colonnes confidérables par eur hau- teur & leur largeur, & où elles prennent tant d’autres formes plus fingulières les unes que les autres; il met au nombre des flalactites crétacées, ces dépôts qui fe font fur des moufles, des branches d'arbres & les autres parties des plantes ; enfin, _c qui eft eflentiel ici, il appelle flalaétite quartzeufe & en grain, une ftalaétite qui étoit compolée de grains blancs, tranf- arens , très-petits, & qui, vüs à la loupe, paroifloient cryf- tallins, & tenir de la nature du nitre & du quartz. M. Wallerius étend encore davantage que M. Linnæus le nom de ftalaétite: il y en a, fuivant lui, qui {ont falines, d’autres de la nature de lochre, indépendamment de celles qui font vitrifiables ou calcaires, qu'il admet auffi. En fuivant le fentiment de M.rs Linnæus & Wallerius, K iÿ Port , examen chymique des pierres, p. 144: Pañs, 1753. in- 12, Lin. fyflema naiur. P. 191. Lif. 1748 in - 8 il Wall. Mine. ral. tomell,p.#, traduction fran- soie, 1753: 1-0,° * Mém, de cette arxce 1754: 78 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE RoYALe faudra-t-il donc, comme eux, faire un genre particulier de ftihétites, fous lequel on range les différens corps qui portent ce nom, de quelque matière qu'ils foient formés! Je me fuis déjà expliqué là-deffus à la fin demon Mémoire fur lOftéo- colle des environs d'Etampes *, & j'y ai avancé que jene pen- {ois pas que des corps qui n'étoient différens de ceux dont ils tiroient les parties qui entrent dans leur compofition, que parce qu'ils avoient été différemment configurés par les noyaux fur lefquels ils fe mouloient ou par lefquels ils étoient reçüs, duffent être placés fous des genres différens de ceux où font rangés les corps qui fourniflent à la compolfition de ces derniers. , En effet, des corps qui ne perdent, en prenant une nou- velle forme, aucune de leurs propriétés effentielles, doivent- ils fortir du genre auquel ils appartenoient dans eur premier état? Si une ftalaétite fablonneufe eft également vitrefcible, également indifloluble dans Îes différens acides, également in- difatable que fe fable ou le grès dont elle tient fon être, cette flalactite doit-elle être regardée autrement que comme du fable ou du grès qui a pris accidentellement une figure différente de celle qu'il avoit primitivement? n'en doit-il pas être de même d’une ftalactite faline, fr elle affète également le goût, fi elle précipite les mêmes alkalis ou les mêmes acides, fi elle préfente les mêmes phénomènes combinés avec les mêmes terres, les mêmes fables ou avec telle autre ma- tière qui aura pû fervir à {a docimafie du fel primitif? Ne fera-ce pas encore la même chofe pour des ftalhaétites pyri- teules, {1 elles préfentent , dans l'examen chymique, les mêmes réfultats qu'on a en travaillant les pyrites, dont leurs parties ont étéextraites? Enfin, les ftalactites calcaires fe calcinant, donnant de la chaux, fe diflolvant dans les différens acides, occafion- nant les mêmes précipités que les pierres dont elles ont fait partie, doivent-elles être féparées du genre de ces pierres, parce qu'elles auront pris une nouvelle forme? Qu'on broie ces différentes ftala@ites, qu’on en fafle une pâte, qu'on donne à cette pâte la forme d'une boule, d'un cube ou de tout autre corps régulier ou jrrégulier, & qui ne puifle pas être pris et nn “À ! DES SCIENCES. 79 pour une fllactite, ces corps, ainfi configurés, ne feront-ils pas reconnus pour ce qu'ils font réellement, & ne les fpéci- fiera-t-on pas par les propriétés qui conviennent à ceux dont ils font primitivement tirés? Le bronze, pour avoir été coulé & être devenu une ftatue, une monnoie, un inftrument, eft-il autre chofe que du bronze’ Le fel & le fucre, pour avoir été fondus & avoir reçu la figure d'une fleur, d'un animal, d'un fruit, en font-ils moins du fel ou du fucre? & ne fufhra-t-il pas de fondre ou de mettre en fufion ces corps, pour leur faire reprendre leur première forme? Le mercure broyé pendant plufieurs années, fublimé pendant des mois entiers, devient bien noir ou rouge, il perd fa fluidité, mais il eft toûjours du mercure, auquel il ne faut qu'un rien pour le faire repa- roître fous fa première forme & le rendre aufi coulant & aufli brillant qu'auparavant. Ï en eft de même des matières qui donnent naïffance aux flalaétites; il fufht de parcourir les Ouvrages des meilleurs Chymiftes pour s'en convaincre: ainft il feroit, à ce qu'il me paroït, inutile de charger l'hifloire des Minéraux d’une va- riété de noms aufli grande que celle dont cette partie de THiftoire Naturelle eft embarraffée, & il conviendroit, autant que je puis le croire, de ranger les ftalactites fous le genre des pierres ou des autres foffiles defquels elles tirent leur ori- gine, & en leur donnant le nom de ces corps, deles fpécifier par la forme qu'elles auroient prife. C'eft même ce qu'ont déjà fait, pour quelques flladites, certains Auteurs; Imperati, par exemple, donne le nom d'al- bâtre congelé à ces mafles de flalactites qu'on trouve dans les caves gouttières & dans les antres du fein des mon- tagnes: il appuie fon fentiment fur ce que ces ftalaétites prennent le poli comme l'albâtre, qu'elles font veinées de même, que ces veines varient lorfqu'on travaille ces ftalac- tites; comme les veines d'albâtre, elles deviennent circulaires, paraboliques , elliptiques, fuivant la coupe qu'on donne aux blocs qu'on veut tailler & polir, ce qu'on obferve fe pafler Imperat. delle, Hf. Natu… Libr. 24. cap: 13 Ü 14.pagi S 69. Vener. 1672. in- fol Imperati, page S97: 8o MÉMOIRES DE L'AÂACADÉMIE ROYALE dans les veines de l'albâtre qui fouffre les mêmes opérations, En un mot, Imperati ne paroît mettre d'autre différence entre ces ftalaétites & l’albâtre, que celle d'avoir été formées par une efpèce de congélation. Cette grande reflemblance de l'albâtre & des flalactites de cetté forte devoit, à ce qu'il femble, faire conclurre à Imperati que l'albâtre n'étoit autre chofe que des blocs de falaétite formées dans les antres de la terre qui en avoient été remplis & bouchés, & que ces flalaclites avoient, à la longue, pris la dureté que nous leur trouvons, & qui égale fouvent celle de Falbâtre. Imperati a probablement fenti qu'une pareille con- clufion feroit précipitée, & il admet d’autres albâtres que l'al- bâtre congelé; il en parle avec les marbres, leur donne le nom de marbre-albâtre, & en fait quatre elpèces, favoir, l'albâtre brocatelle, le tacheté, le blanc veiné & le jaune pointillé, H ne feroit pas en effet plus jufte de conclurre pour faf- firmative dans ce cas que dans les fuivans: nous trouvons en terre des congélations falines qui préfentent les mêmes phé- nomènes que le fel, lorfqu'on les traite de la même façon; donc toutes les mines de fel que nous connoiffons ne fe font pas faites autrement que par congélation , toute maffe de fel eft une ftalaétite : on connoît des flalactites de fa nature du marbre; donc tout marbre eff foriné de la même manière que ces ftalaétites. On s'aperçoit facilement du faux de ce raifon- nement : il vaut fans doute beaucoup mieux croire, avec quan- tité de Naturaliftes, qu'il y a des albâtres diflérens de ceux qui font congelés, & dont les carrières font probablement femblables à celles des marbres & de la plupart des pierres à chaux, & qui ont eu une caule formatrice femblable à celle qui a élevé les carrières de ces autres pierres. Pour démontrer le faux de l'ancien fentiment ; il faudroit réellement faire voir qu’on né rencontre point d’albâtre dans d'autres carrières que dans celles qui annoncent une forma- tion düe à une eau qui diftille goutte à goutte, ou qui en coulant autrement, n’a pü donner que des formes irrégulières aux | DEL SION GMIEIN CAES 81 aux corps qu'elle a produits : c'eft ce qu'on n'a pas encore fait, & ce que toute perfonne qui eft d'un fentiment contraire eft en droit d'exiger ; & feroit-il bien aifé de répondre à qui feroit le raifonnement fuivant ? J'admets volontiers que toute flahlite calcaire qui prend le poli, qui a les veines, la couleur, la tranfparence & les autrés qualités de l'albâtre , en eft réellement une efpèce: j'id- mets dé plus, que ces. parties d'albètre font répandues dans toutes les pierres d'où l'eau les extrait, & qu'il ne s'en fait pas une nouvelle formation ; mais je dis sufh qu'indépendam- ment de cette maière d'albâtre ainfi difperlée &:répandue / dans les autres corps, il peut y avoir des carrières d'albätre qui ont eu une origine pareille à celles qui renferment des pierres communes en grofles mafles & placées par lits con- fidérables. F Il ne manqueroit à cette affertion que d'être foûtenue par une defcription exacte d’une femblable carrière: les recherches que j'ai faites, tant dans les anciens Naturaliftes que dans les modernes, ne mont, je l'avoue, rien fourni de bien fitisfaifant fur ce point. Ce que ji trouvé eft néanmoins Bruck Epifl lus favorable que defavantageux au dernier fntiment: il pan HA eft tiré de la leitre xxv1 de la première Centurie de, Bruck- $. Wolff ibutel, man: cet Auteur y dit que la carrière d'albâtre qui fe voit.à ‘73344? Steyerthal,. a fes lits placés de la façon fuivante. On ren- contre d'abord un lit d'albâtre blanc, enfuite un qui eft d'un albâtre, cendré, le troifième eft d'un qui porte le nom de cyper-ratzenflein , le quatrième enfin eft d'un albâtre noir. Quoiqu'il manque beaucoup à cette défcription, & qu'il ne foit réellement guère poffible de bien déterminer, par fon moyen, la jufle pofition de ces bancs & leur inclinaïifon , il ya lieu cependant, de préfumer que l'intention de lAuteur n'étoit autre que de nous donner Fidée d'une carrière dont les, lits font placés les uns au. deflus des autres, à la façon des lits.de marbre & des autres carrières de pierres calcaires. Le {lence que Bruckman garde encore fur Fétendue, & Ja hau- | aeur.de ceslits, eft une. omiffion qui augmente le doute qu'on | Mém. 1754: Page 11. 32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE peut avoir, & qui eft d'autant plus légitime, qu'il femble que les Auteurs ne parlent ordinairement que de blocs d'albätre peu confidérables : Bruckman dit cependant encore dans la même Lettre, qu'on trouve dans le village de Stempel, du comté de Stolberg, fur les confins du Holftein, de très- grands rochers d'un albâtre noir & très-bon. Il femble donc qu'il fuive de ces oblervations qu'il y a des carrières d'albâtre aufli régulières, quant à la pofition des bancs, que peuvent Fêtre celles de marbre, & qu'elles ont eu probablement la même caufe & la même origine. | J'aurois certainement été en état de donner quelque chofe de plus précis fur certe queftion, s'il eût été poffible d'avoir la defcription de la carrière d’albâtre de Solutré, à deux lieues de Mâcon en Bourgogne. Cet albâtre eft très-beau & veiné de lignes longitudinales, circulaires & de plufieurs autres efpèces, qui font toutes d'un jaune rougeître : il fe polit très- bien. Sa beauté ayant excité plufieurs prétendans à la pofleffion de fa carrière, il s’eft élevé un procès entre ces perfonnes, qui a obligé les Juges de faire fermer la carrière & d'interdire la permiflion d'en tirer, jufqu'à ce qu'il fût décidé à qui elle appartenoïit : fans cet inconvénient, je ne doute nullement que je n'eufle eu une defcription exacte de cette carrière, M. le Marquis de Courtivron, Membre de cette Académie, voulant bien concourir à mes recherches fur les pierres, & m'ayant aidé dans ce travail à un point, que le rélultat de celui que j'ai fur la Bourgogne, & que j'efpère donner-bien-tôt à Académie, ne fera prefque que l'expolé de fes recherches & de fes obfervations. : S'il étoit vrai que l'albâtre dût toûjours fon origine à des ftalactites, & que, comme M. Linnæus le prétend, ces ftalac- tites fuffent du fpath, il s’'enfuivroit que l'albâtre ne feroit lui- même que des mafles confidérables de fpath; queftion qui mérite quelques réflexions, au moins autant que celle que Yorigine de cette pierre a occafionnées, Cette queftion, bien fimplé en apparence, eft aflez compliquée, & cette compli- cation vient de l'obfcurité qui fe trouve dans les Auteurs far Sun cms cs DE As MSICONE NOCeErSoMAl 83 la nature de albâtre & du fpath. Plufieurs admettent des albâtres gypfeux & d’autres qui ne le font pas, & Fon regar- doit affez communément, jufqu'à M. Pott, ce fentiment comme certain & bien établi; cet Auteur veut que tout al: bâtre foit gypfeux : avant lui, on croyoit que le {path étoit une pierre qui {e calcinoit; M. Pott prétend qu'il y'en a qui fait de la chaux & un autre qui fe vitrifie, & ce fentiment femble prendre faveur. Il réfuite donc de-là qu'il eft.équi- voque de dire que l'albätre eft de la nature du fpath, comme il l'eft de dire qu'il eftgypfeux. Quel parti prendre donë dans ‘cette incertitude? les réflexions füivantes pourront peut-être fervir à jeter quelque jour fur cette équivoque. - ü Toute cette difficulté ne me paroït ; au refte, qu'être une difpute de mots, & n'avoir pour origine que les défini- tions vagues qu'on a données de ces corps, & des idées peu fixes qu'oniéa conféquemment eues. On appelle communé- ment du normœualbâtre une ‘pierre un peu moins ‘dure que le marbre, qui fe polit, mais dont le poli n'eft pas fi beau que celui que le marbre peut prendre, & qui eft gras, comme difent les marbriers. En sen tenant à cette définition, äl eft certain qu'on pourroit admettre des albâtres gypfeux & d’autres qui fe changeañlent en chaux : toutes ces propriétés pourroient certainement fe trouver dans des pierres de l'une ou de l'autre elpèce;: & l’on a penfé ainfr tant qu'én n'a eu égard, dans les définitions qu'on donnoit des pierres, qu'aux propriétés ex- térieures ; mais dès’ que la: Chymie a eu fait voir qu'elles ne fuffifoient pas «elles feuless& qu'on a eu recours à la doci- mafe des pierres 'dès-lorsceft née cette diffinétion d'albâtre gypfeux. & d'albâtre calcaire, -& l'on à, jufqu'à un certain point, ewraifonde la faire: Une ‘pierre qui fe diflout dans les acides minéraux , quieft calcaire, doit être diftinguée de celle qui n'eft pas diffoluble par ces acides, & qui, calcinée, devient plâtre ; &elle le doit être} non feulement éomme n'étant pas 1 | même efpèce!de’piérre, mais même comme n'étant pas du "mémegenre: des pierres auffi différentes’ par des propriétés bonftantes & qui sy trouvent toûjours lorfqu'elles font pures & , L ji 84 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fans mélange de parties étrangères, ne peuvent être regardées que comme étant de genres bien éloignés ; autrement ce féroit confondre les idées, n'avoir aucune règle fûre pour les fixer fur la connoiflance dés pierres, & ne s'en rapporter ‘en cela qu'à des qualités très-variables & très-infufhfantes, telles que la tranfparence, qui me paroît être a feule qui peut avoir fait mettre l'albâtre gypfeux au nombre des albâtres. Mais une propriété qui varie, même dans un_feul mor- ceau, peut-eHe fervir à établir le caralère d'une pierre quet- conque? Ne feroit-il pas mieux dé plicer avec les gypfes ou les plâtres, une pierre qui convient avec eux par plufieurs autres qualités qui font toûjours les mêmes, & de la caraétérifer, fi l'on veut, par cette efpèce de tranfparence? N'y a-t-if pas en eflet des plâtres, & que tout le monde fpécifie tels, qui préfentent ainfi des nuances de tranfparence? le beau plâtre blanc qu'on emploie à Lyon, acquéreroit centainement de cette tranfparence, fi on 1e travailloit dans icesiwes : il en pourroit être de même des plätres blancs, biuns & couleur gris de lin ou de lie de vin rouge, des environs de Béziers; on leur donneroitau moinsun poli qui approcheroiït beaucoup de celui de l'albâtre gypfeux. Sans avoir recours à l'art, la Nature ne l'a-t-elle pas donnée à la pierre fpéculaire, qui n'eft, de l'aveu des Minéralogiftes les plus exaëts, qu'un plâtre plus parfait, plus pur & plus dénué de parties étrangères? Ce plâtre, comme tout le monde fait, a naturellement un beau poli & unetranfparenceconfidérable. Le eryftal d'Iflande, qu'on pourroit peut-être placer avec les plâtres les plus parfaits, n'eft-il pas tranfparent & poli fans que l'art y'ait eu part? & la roue n'augmente-t-elle pas ce poli & cette tranfparence? On peut donc, à ce que je crois, conclurre de toutés ces réflexions, que l'albâtre gypfeux n'eft autre chofe qu'un vrai plâtre qui pourra fe diftinguer par fon poli, fa demi-tranfpa: rence, fa couleur, les taches, les lignes & les autres acéidens femblables qu'il préfentera. Ainfi tout Naturalifte exact, sil veut donner un arrangement aux pierres , exelura du genre. des albâtres cette pierre qui en a porté le nom; &. si LODÉ ES SM SL CD LE NUCLLAS. 8 le rappelle, ce ne féra que ‘pour faire reflouvenir de Yer- reur que les Naturaliftes qu'on pourroit appeler fuperficiels, en ce qu'ils ne s'en tiennent qu'à la fuperficie des chofes, auront commife. * On pourroit en ufer de même pour ce qui regarde l'al- bâtre calcaire. Cet albâtre n'elt qu'une efpèce de marbre, il en a toutes les propriétés effentielles; & faudra-t-il, parce que fon poli ne fera pas auffi franc que celui du marbre, & qu'il aura quelque tranfparence, l’ôter du genre des marbres? toutes les efpèces de cette dernière pierre ont-elles le même degré de beauté dans le poli? ne fait-on ‘pas au contraire qu'il varie à l'infini? & n'eft-ce pas même cette propriété qui diftin- gue fr bien les marbres antiques & ceux d'Italie des marbres. que nous découvrons tous les jours en France, en Flandre & dans plufieurs autres pays? Quant à la tranfparence des albâtres, eft-elle fi propre à cette pierre, qu'il ne fe puiffé trouver des marbres qui en aient quelque decré? ‘ne fuffit:ill pas même, pour fe convaincrede cette vérité, de fe rappeler! les trois Graces dûes aucifeau de Germain Pilon, que tot le: monde ‘va admirer aux Céleftinsi de cette ville? l'Artifle n'a-t-il pas fü amincir, dans une de ces ftatues, le marbre à un tel point, qu'un pan de fa draperie dont elle eft en partié couvérte, en eft à demi-tranfparent! Refufera-t-on donc de: placer avec les marbres une pierre qui en a toutes les! pro- priétés & tous les accidens? car enfin, quoique communément Yalbâtre ait quelque tranfparence, n'y en at-il pas beaucoup de fortes entièrement opaques, & ne faut-il pas même toû- jours réduire cette pierre à une épaifleur peu confidérable, pour qu'elle aït cette tranfparence? & fi naturellement ï em a quelquefois une, n'eft-elle pas dûe à des parties cryftallines ou.à celles qu'on regarde communément comme: étant de la nature du fpath, qui reffemblent tant à ces ftalactites dont les coupés font-en rayons cryftallifés, & qui ont fervi à Im- ati à établir la reflemblance qu'il admet entre les ftalactites’ êt Y'albâtre: qu'il appelle albâtre congelé ! pie ÆCette réflexion me conduit naturellement à difcuter ce L iïïÿ Agricel, de ortu à caufis fubter- raneorum. Libr. 4 pag: 59: Bafl. 1558. in fol. Agricol. Ber- MANUUS PL S 9 « 86 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIEY ROYALE dernier point de. l'hiftoire de l'albâtre & des: flalaétites auxquelles M. Linnæus donne le nom de flalactites fpa- theufes. Si l'on eft obligé de reconnoitre avec M. Pott un fpath calcaire & un vitrefcible, il s'enfuivra déjà que le nom de ftalactites fpatheules eft trop. généralement pris, & qu'on ne peut pas par conféquent également dire ‘qu'en général lalbâtre eft de la nature :du fpath: il feroit cependant con féquent de le penfer, fi les flalactites fpatheufes étoient un albâtre congelé, comme Imperati le prétend; & fi fon veut leur conferver ce nom, il faudra les fpécifier en ajoû- tant de mot de calcaires ou de vitrifiablés à la dénomination de ftalacites fpatheufes qu'on donnera à ces pierres ; dès-loré celles dont il-s’agit feront réellement de la nature du fpath calcaire. | : En effet, on ne peut guère difconvenir que la matière dont ces ftalaétites font compolées ne foit du fpath, vû lé: téndue que ‘les Naturaliftes donnent maintenant àce nom. L'Auteur -le- plus ancien où j'aie trouvé le nom de fpath, eft Agricola, qui prétend que ce nom étoit impofé- par les Mineurs à une pierre qui fe rencontre ordinairement dans les mines. Au quatrième livre de l'origine & des caufes des Minéraux, Agricola dit que le fpath pétille & :faute quel- quefois, par éclats, lorfqu'on le met au feu : il le caractérile dans: fon Dialogue ‘intitulé. Berman, où Dialogue fur la Mi- néralogie;: par la propriété d'être plus life & plus denfe que le quartz. | Il feroit affez difhcile de déterminer par ce peu de mots ce qu'Agricola regarde comme du fpath, fi, par une tradition! qui s'eft confervée parmi les Minéralogiftes d'Allemagne ;:om ne fävoit pas que le fpath eft cette pierre qui accompagne fou: vent les: flons des mines, qui eft d’un blanc mat comme argenté ou foyeux, qui a quelque chofe de gras au tou- cheï, à peu près femblable à celui de da craie de! Briançon. Ce fpath eft ordinairement en lames de figure quadrilatère; où parallélogramme : ilseft plus denfe que le quartz, c'eft-à: dire; plus opaque; il æftiplus difle que:cetre: même >pierre, - D. ES (à Ch EUN Cas À Sen à :87 :c'eft-ä-dire, plis: brillant; c'eft du moins.là le fens que. je crois pouvoir donner aux paflages tirés d'Agricola. Ce fpath pétille & faute par éclats lorfqu'on le calcine, de même que. celui dont Agricola parle; ce qui ne vient que de ce qu'il eft compofé de lames appliquées les unes, fux les autres, squi s'écartent lorfque Vair qui efk renfermé entre-elles. vient «à étre dilaté par les parties, de fèu qui s'introduifent entre ces lames. | . Cette dernière propriété eft une de celles que M. Wallerius demande pour caraétérifer le fpath: il y ajoûte:la calcination, 'effervefcence dans l'eau forte & les autres-acides, & non, dans d’eau. commune, la: figure | pyramidale ou parallélépipède, non feulement dans les mafles confidérables ; mais. dans chaque partie de ces males. M. Linniæus diffère peu de M. Walle- rius: fuivant lui, fe fpath eft une pierre dont iles, parties font des rhomboïdes, qui ont de l'éclat, & qui, calcinées, n’ex- icient pas dans l'eau commune lébullition que laïchaux y ‘occafionne. L'un & l'autre Auteu admettent des-fpaths d'une dureté affez grande pour:qu'on puifle en:tirer du. fèu.en les frappant avec l'acier, quoiqu'en générales fpaths foient tendres, & que leurs feuñlets puiffent laffez. aifément fe féparer. & fe mettre en une efpèce de pouffière entre les doigts. : Ces Auteurs: nefont, pas cependant. encore {a diftinétion de fpath fufible & de fpath calcinable : cette: diftinétion paroît être: dûe à M.-Pott. M::Wolterfdorff, qui avoue avoir tiré W'aller. minérat. tome À, page 3. traducf, Franc. Paris, 1753. in-8,° Wolterfdorff, beaucoup de lumières des Ouvrages de M. Pott, & qui réel. fer. Minéral Tement en a fait grand ufage, diftingue; des fpaths vitrifiables,, pag. 15, 18, à 19. Berlin, des/fpaths gypfeux & dés fpaths calcaires; il en forme-trois 27#£- #-4.° genres, auxquels äl 'conferve le nom de fpxh; il: y ajoûte, pour les diftinguer, Y'épithète de vitrifiable, de gypleux: & d'alkalin » il place, ces genres. fous|les clafles des. pierres qui ont fune ou l'autre de ces propriétés. M. Linnæus.avoit déjà rangé fous. legenre des cryftallifations, cubiques, un fpath de M. Wallerius, & un autrefous celui.des bitumes. Ces corrections me paroiffent néceffaires,.:&c peut-être ly en a-talericore! quélques-unes à fairè pour réduire: Le grand i \ form. long. 88 MÉMÔIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE nombre dé fpats dont M. Wallerius parles à celui où ils doivent être réellement portés. Je crois en eflet qu'il eft plus jufte de ne pas ranger fous un même genre une pierre vitrifiable, une caltitable : une - qui fera auflr efléntiellement différente que le fpath gybleux & celui qui jeteune odeur defagréable & bitamineufe, Cette odeur approche celui-ci ‘des bitumes: la propriété de ne fe pas diffoudre dans les acides, confirme l’autre pour un gyple ; les qualités qui font plus cachées que celles-ci, & qui ne fe ma- nifeftent guère que par les mélanges faits avec plufieurs fortes de pierres’, ne peuvent au plus que faire connoïtre que cés fpaths ont d'autres propriétés, peut-être accidentelles, &:qui ne leur viennent que de ce quil eft très - difficile, &! peut- étre impoflhble , que deux pierres dé la même elpèce foient également pures dé parties hétérogènes, & faflent ainfi voir les mèmes phénomènes, étant traités chymiquement. : Lorfqu'on! aura donc bien conftaté que ces pierres auront -effentiellemént Fune-ob l'autre des propriétés premières, on les devra placer fous les clafies des pierres qui ont ces pro- priétés ; &' fr on!'veut garder Je: nom de fpath pour toutes les pierres qui l'ont porté, il faudra, comme M. Wolterf- dorfF, les fpécifier par la qualité efentielle qu'on leur connoît, lou, ce que j'aimerois encore mieux, conferver, avec M. 2. nœus, le nom de fpath à toutes les efpèces de cette pierr ré qui fonticalcaires, : &: porter fous! d'autres genres celles qui ne le font pas, ôu, fr on en forme de nouveaux genres, leur donner -de nouveaux noms: par-à, on éclaircira de plus en plus ice point de Lithologie; on déterminera plus conftamment Jes idées à un: objet fimple ; elles ne feront pas coupées & .obf- curcies par un objet compliqué, comme elles le font-par ces dénominätions de fpath PER de. la sypleux &! de fpath alkalin. J'aimerois, par ir beaucoup mieux placer avec les fluor \tous les fpaths vitrifiables, & les appeler de ce nom. Il femble que M..Woodward sitibenché vers ce fentiment: il veut du moins quelle fpar, ouscomme M; Fott traduit, que le fpah ni ei Sn ST EDIT E NtcRRNS: 69 le fpath foit la pierre que Lazare Erkeren, & les autres Mi- néralogiftes qui ont écrit en allemand , ont nommée ff, & qu'Agricola, aufli-bien que ceux qui ont écrit en latin, ont appelée ffuor. Ces pierres font, fuivant Acricola, femblables aux pierres précieufes, mais moins dures; elles fe fondent au feu comme {a glace au foleil; elles varient par la couleur. » La fufbiité de ces pierres eft même l'origine du nom alle- mand qu'on feur a donné, & dont le nom latin n'eft qu’une expreflion littérale, comme en avertit Agricola, qui eft le prémier qui paroît avoir formé ce nom. - La fuñbiité du fpath vitrifiable n'étant pas, {lon M. Pott, aufr grande que celle qu'Agricola attribue aux for, on pourroit: peut-être penfer que ce fpath & les fluor font des pierres eflentiellement différentes. Les fpaths vitrifiables , dit M: Pott, ne deviennent verre que lorfqu'on les joint à une matière calcaire; autrement, ils ne forment qu'une maffe caflante, facile à broyer. IL eft démontré, par cette expérience, que la fufbilité du fpath vitrifiable n'eft pas auffi grande que célle des fluor dont Agricofàa parle, & dès-lors on pourroit croire que M. Woodward rapporte mal le fpath aux for d'Agricola. M. Pott veut cependant que le nom de fuff ait été adopté pour le fpath vitrifiable, & qu'on ait appelé auffi fluor de fpath; dès-lors il ne s'agit peut-être que de modifier un peu le fentiment de M. Pott, qui reviendroit confé- quemment à ceci, favoir , que: les fpaths vitrifiables ne font pas un auflr beau verre que les for: je penferois même que æ feroit ainfr qu'il faudroit entendre M. Pott, puifqu'il dit que la mafle formée par les fpaths vitrifiables pouflés au feu le plus violent, & qui fe décompofoient en une maffe tendre: & friable, étoient tranfparens réduits dans cet état. Cette tran£: parénce fembleroit annoncer une vitrification; ainfi on pourroit: bien donner le nom de fuor au fpath vitrifiable. L'application: de M. Woodward feroit conféquemment jufte, & la façon: dont Agricola s'exprime, feroit peut-être un peu exagérée. : Je condurois ainfr de cette difcuffion, qu'on devroit ne regarder comme fpaths, que ceux qui font calcaires, &: qui: Mém. 1754 Li « Wocdward, Diffribution = méthodique « des fofféles, p. 320,710, € trad. Franc, Paris, 173$: in- 4 Agricol. pag. 45 #4, Bermar, Pott, Coritinuats de la Litholog. pag-1 1 8. tradi Franc. Paris j 1753: © MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE paroiflent bien être ceux dont il eft parlé dans Agricola, qui a défigné le premier ces pierres par le nom de {path Je conclurois fecondemient que les fpaths vitrifiables font des fluor, les gypfeux des efpèces de gyps, & les odorans des bitumes : je ne ferois pas même arrêté par les figures que ces pierres prennent; la figure cubique d’un fpath ne me le feroit pas plus ranger avec Îles {els cubiques , que la pyramidale avec les {els pyramidaux. On fait, par les expériences fur La cryftallifa- Voy. Mén. de tion des fels, dûes à M. Rouelle, Membre de cette Académie, Ps a qu'il faut peu de chofe pour faire varier da figure des: fels 353 Ÿ Juv. pendant qu'ils fe cryftalliient; & fi on sen rapportoit feule- 57 jar ment à leur figure pour les ranger méthodiquement, on pour- roit très-fouvent placer le même fous différens genres. H feroit très-poflible qu'il en fût ainfi des fpaths, & de tout corps qui £ cryftallife; je penfe même que cela arrive fouvent. J'ai vû du fpath calcinable qui étoit à pans, tandis que des morceaux de ce même fpath, formé dans fe même endroit, n'avoient point de figure déterminée; & fi les ftalactites cal- cinables & cryftallilées font du fpath, comme il y a lieu de le penfer, la cryftallifation de ce fpath varie beaucoup, ‘ou pluftôt cette cryftllifation fe fait bien rarement avec régula- rit: les ftalactites ne font, le plus fouvent, que des maffes informes qui n’annoncent aucun commencement de eryftal- lifation ; & fr quelques morceaux renferment dans leur inté- rieur des cryftaux de fpath, ces cryflaux n'ont pas toute Ja , régularité qu'on trouve dans bien d'autres cryftallifations ; la Nature a été gênée dans fon opération, oupar le lieu dans lequel cette opération s'eft faite, ou par la pofition où la ma- tière s'eft trouvée en fe congelant. Ces cryftallifations ne font donc que des grouppes d'aiguilles à \plufieurs pans, qui f- niflent par une pyramide à cinq faces qui font rangées, dans plufieurs de ces grouppes, en forme de rayons, & qui, le plus fouvent, font entaflées les unes fur les autres fans ordre ni régularité. Malgré cette efpèce de confufron, Von aperçoit cependant que ces aiguilles tendent toûjours à prendre. la même figure, que la figure pyramidale leur eft la plus coni- Éd 7 DES SCIENCES. |. ge mune, & qu'elle eft ceile que les aiguilles Le plus réguliè- reinent formées, ont toûjours prife, En admettant que cés aiguilles font fpatheufes, & qu'elles ont, lorlquelles font régulièrement faites, la figure que je viens de leur afligner, on. eft obligé de convenir en même temps qué le fpath varie beaucoup dans fa cryftallifition, mème régulière; car outre ce fpath en aiguille qui finit par upe pyramide à quatre faces, figure qui eft commune aux falactites dés carrières à pierres à chaux, je.connois encoré un fpath cryftallifé en pyramide quin'en a que trois, & qui fe ren- contre communément auffi dans les fentes des pierres calcaires. Un troifième fpath eft, celui qui prend affez la forme d’une crète de coq, pour être ainfr. caraétérifé; il eft aflez ordinaire qu'il fe prélente dans les mines des différens métaux, & fouventil ef mêlé avec des cryflaux, du quartz & des pyrites; je dirois prefque qu'il -eft: propre à ces mines: on rencontre cependant de temps en. temps dans les carrières de pierre des environs; de Paris, des grouppes.de lames qui ont cette figure, &. qui, étant appliquées deux à: deux de façon qu'elles ne fe touchent queipar leurs bords, forment des cavités qui font remplies d'aiguilles fpatheules cryftallifées, &. qui, ainfi que ces mafles de fpath, réuniflent en même temps deux manières de fe cryftallifers) 28 adoiashr 2 Ces {grouppes m'empéchent donc de dire que le :fpath enforme de créte eft:{pécialement affigné:aux minières:: sil ny €ft pas cependant propre, on peut direiqu'il yeft plus commun que dans les carrières. Dans célles de plâtre, la forme: des:cryftaux ne my a pas paru fixée, ou pluftôt je n’y ai jamais trouvé)de fpath :cryflallifé:; celui qui fembleroit affecter: da- wantagé une figuiei régulière, :eft :celui qui fe ramaffe en pêtite maflearrondie. &hérifiée;»mais les pointes qui hériffent céi «mafles ne. font que: de petites lames : plates, approchant délxtigure triangulaire, ; & implantées fans ordre fur le corps del ichaque mafle‘ fphérique. ‘Peut -être pourroit-on dire que ces lames ‘font les:parties qui dans une: cryftallifation: régulière; formeroient des pyramides à facettes. H:y a deplus Mi 92 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE un fpath qui eft cubique, compofé de parallélogrammes appli: qués les uns fur les autres, qu'on ne trouve guère que dans des minès, & qui eft celui qui a principalement été d'abord appelé de ce nom. Enfin on voit encore des fpaths qui font en filets foyeux blancs, rangés parallèlement & dans une direction perpendiculaire ou inclinée. Dans ce dernier cas, ‘ils prennent affez Ja figure d'une plume. Ces différens fpaths ; qui font tous également calcinables, qui fe diffolvent dans les mêmes acides, qui ne bouillonnent point dans l'eau commune après leur cryftallifation , comme la chaux, qui ne fe durcifient pas comme le plâtre, qui font voir tous les phénomènes des pierres calcaires, excepté lébul- Aition dans l'eau commune, ces fpaths, dis-je, paroïffent ne dif- férer que par leur figure; fmgularité d'autant plus grande, que chaque figure paroït être le plus fouvent affignée aux fpaths, fuivant qu'ils fe font cryftallifés dans des carrières de différentes fortes de pierre ou dans des minières. Si la bafe de ces fpaths eft une terre qui leur eft propre, & que Facide qui donne la cryflalifation à cette terre foit toûjours le même, il faut apparemment que les carrières ou les minières fournifient, dans le temps de la cryftallifation, des parties qui faffent que le fpath prenne une ou l'autre figure. Ù Au moyen de toutes ces réflexions & de ces reftrictions, on peut dire que les ftalactites appelées du nom de falaétites fpatheufes ; font réellement compofées ! de: fpath, mais d'un {path qui fe calcine, & dont la cryftallifation, lorfqu'elle eft régulière, eft en aiguille pyrämidale. En accordant ce principe, accorderons- nous à Imperati que ces: flalaétites foient de la nature de l'albâtre calcaire? Cet albâtre n’eft qu'une pierre fufceptible de calcination, qui approche de l’hoMmogénéité dans fes parties, plus que les pierres communes qui donnent égale- ment de la chaux; ainfi on peut, à la rigueur, dire que ces fta- létites font de la nature de l'albâtre, & on peut d'autant iplus adopter ce fentiment, qu'ellés ontune efpèce de demi-tranfpa- rence de même que l'albâtre, lors fur-tout qu'on lespclit.> 219 Mais devroit-on également accorder. qu'il n'y a pas d'autres DES SCIENCES _ albâtres que ces ftalactites, à quiconque avanceroit ce fenti- ment? Pour moi, comme je fai déjà dit plus haut, cette opinion me paroîtroit devoir être mife au nombre de celles qui font hafardées fans en avoir trop de preuves; & il y a même déjà lieu de penfer que l'albâtre fe trouve dans des carrières régulières comme celles de marbre & des autres pierres à chaux, & qu'ainfi ces flalactites ne feroient formées que de parties d'albätre, extraites de rochers d'albâtre même, ou de rochers de pierres calcaires communes dans lefquels ces par- ties étoient réunies à plufieurs autres hétérogènes, qui font peut-être que ces rochers ne font pas eux-mêmes entièrement d'albâtre: on en verra encore plufieurs exemples dans la troi- fième partie de ce Mémoire, EXPLICATION DES FIGURES. La Figure première repréfente une pierre rongée & réduite en efpèces de feuillets À, 4, 4, A, par de l'eau qui a pénétrée, & qui en a détaché la matière dont les ftalactites, foures 2, 3 à 4, font compofées. La Figure 2 fait voir une plaque rouffeätre de flalaétites en mame- ons de groffeurs différentes. Cette mafle eft comme féparée en deux ‘parties inégales par une ligne horizontale B, B, B, B. La partie inférieure cft moins épaifle & plus foncée en couleur que Ia fupérieure. La Figure 3 démontre une plaque de flalaétites très-minces D, D, -D, D, chargée de grouppes £, £, E, E, de même nature, & qui ont en quelque forte la figure de jeunes choux - fleurs, _ La Figure 4 offre à la vûe une maffe de fialactites compofées de trois plaques F, G, H, recouvertes de petites pointes fpatheufes 1, K: ces pointes font réunies en petits pelotons L; Z, L, qu'on pourroit ee -être compärér à de petites châtaignes dans leur enveloppe épi- mæmeœuiIc, 94 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DIVERSES OBSERVATIONS Faites pendant le cours de trois différentes traverfées pour un Voyage au cap de Bonne - Ffpérance 7 aux Îfles de France à’ de Bourbon. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE. 26 Février on deffein eft de. rendre compte dans ce Mémoire LEE de différentes obfervations que j'ai faites en mer, prin- cipalement fur la déclinaifon & T'inclinaifon de l'Aiguille ai- mantée, fur la méthode des Longitudes , &c. & dy joindre les obfervations & les remarques que j'ai faites fur les lieux où j'ai refté quelque temps. AR Tire DUPUPR Obférvarions de l'inclinaifon de l' Aiguille aimantée. J'avois, pour faire ces obfervations, une bouffole faite pour Académie en 1744 par M. Magny, & dont la conflruc- tion parut alors la plus parfaite & la mieux exécutée qu'on eût encore vüe, C'eft une aiguille de 6 pouces de longueur, fufpendue au centre d'un anneau de cuivre, dont Les! côtés font exaétement fermés par deux glaces: on peut tenir cet anneau, fufpendu à la façon des Aftrolabes, pour faire les ob- fervations fur mer, ou le pofer fur terre fur un pied de bois qui fert à-le caler, à l'aide d’une vis & d'un aplomb, A côté du fufpenfoir & fur la circonférence extérieure de la bouffole, on a gravé une fleur de lis, pour être sûr de prélenter l'ai- guille du même côté ou d'un côté différent, & pouvoir dif tinguer ces deux côtés l'un de l'autre” Par un grand nombre d'expériences faites avant mon départ & depuis mon retour, en préfentant cette fleur de lis du côté du nord, on trouve à très-peu près la même inclinaifon Men. de l'A R. des Se .1784 Page g4Pl. CA Min. de LA R dar de 178. Page 18 PL S DES SCIENCES. 95 qu'en la préfentant du côté du fud. Cet accord s’eft toüjours foûtenu par-tout; mais ce qui m'a paru fingulier, & que je ne fais encore à quoi attribuer, c'eft qu'après que l'inclinaifon eût diminué, depuis mon départ de France, jufqu'à ce que je fuffe vers 12 degrés de latitude auftrale & à 34 degrés de longitude occidentale, à l'égard du méridien de Paris, auquel endroit l'aiguille étoit devenue horizontale , auffi -1ôt qu'ayant un peu plus gagné dans le fud linclinaifon s’eft faite dans l'autre fens, il n’y a plus eu d'accord entre l'inclinaifon que j'obfervois en tournant la fleur delis vers le fud du monde, & celle que je trouvois en la tournant vers le nord : celle-ci étoit conftamment plus petite, & la diflérence montoit quel- quefois à 3 degrés. Cette différence ne pouvoit s'attribuer à aucune excentri- cité fenfible dans les pivots fur efquels l'axe de l'aiguille tour- noit, ni à aucun accident arrivé à la bouffole, qui a toüjours été confervée foigneufement & renfermée dans une boîte garnie de coton, ni à la difficulté d’obferver exactement en mer ; puifqu'outre qu'on l'a trouvée toûjours dans le même fens ;nelle s'eft encore foûtenue dans toutes les expériences faites 'à terre, à Rio-Janeiro, au cap de'Bonne-efpérance , aux Ifles de France & de Bourbon. Pendant ma traverfée pour retourner en France, le 1 2 Avril 17 $ 4, étant par II degrés + de latitude auftrale & 10 degrés + de longitude occidentale, l'aiguille étoit redevenue horizontale: depuis ce moment & dans tout le refte du voyage, où l'inclinaifon fe failoit dans lelmême fens qu'on lobferve en Europe, elle s'eft trouvée fenfiblement la même dans les deux différentes pofitions de la fleur de lis. C'eft ce que je pus vérifier à loifi peu de jours après, étant fur l'ifle de lAfcenfion, qui n'eft qu'à 150 lieues du pointoù j'avois trouvé l'aiguille horizontale, & qui n'eft pas à Sodieues marines du parallèle de 11 + à 12 deprés , où je n’aipas trouvé d’inclinaifon. Voici comme j'oblervois dans {es vaifleaux : je faifois pla- eer à midi un compas de route dans la chambre du Conteil, bien fermée à caufe du vent; je le mettois fur le parquet 6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaALr entre deux chaifes ordinaires de paille, mifes dos à dos, écartées d'environ un pied; fur la traverfe fupérieure du doffier de chaque chaïfe, je pofois une canne de rottin, à laquelle la bouflole d'inclinaifon étoit fufpendue par une boucle de ficelle qui pañloit par le fufpenfoir de la bouflole, afin qu'elle pût fe foûtenir plus librement contre le roulis du vaifleau ; je di- rigeois le plan de ma bouflole dans le méridien magnétique, indiqué par le compas de route qui étoit à plus de trois pieds au deflous ; je tournois la fleur de lis vers le nord; j'attendois que l'aiguille aimantée eût achevé fes grandes ofcillations & qu'elle fût tout-à- fait arrêtée, ce qui arrivoit dans les inter- valles où le roulis du vaiffeau cefloit entièrement; ou bien, f& le roulis continuoit toüjours, mais foiblement &. uniformé- ment , j'attendois que l'aiguille ne fit plus que de très-petites ofcillations égales, & je prenois un milieu entrée leurs limites ; alors je retournois ma bouffole pour faire la même opération; la fleur de lis étant vers le fud. | Par les obfervations que j'ai faites, je me fuis afuré que fur un gros vaifleau , tel qu'étoit l'Achille, fur lequel je fuis revenu, & qui étoit percé pour foixante-quatorze canons ;on peut, dans les temps ordinaires, s'aflurer de l'inclinaifon à. moins d'un demi-degré. Je donne ici la fuite de toutes les inclinaifons que j'ai trou: vées tant fur mer que fur terre, en aflignant les latitudes à trois où quatre minutes près, telles qu'on les a fur les vaif: feaux, & en corrigeant les longitudes, eftimées fur les plus proches oblervations qui en ont été faites: je n'ai pû les donner pour chaque jour, tant à caufe de la grofle mer qui nuit trop à leur précifion, que parce qu'il m'a paru fuffifant de ne les faire que de deux en deux jours, pour connoître la progreffion de la variation en inclinaifon , & pour la com: parer avec celle de la route que nous faifions, | D I Se ee SR : n + DES SCIENCES. a LA es 2 RL SCT TETE EDR PCR PEER À ESSEERENES | Lonsitude occidentale 1750, « . «+ » «+ Décembre 3 É7Gt|e re à 07e 16 17 19 21 Rio-Janeiro. . . . Février 4 Mars 7 16 18 20 22 25 Mém. 175 4 27 Latitude 97 Incli- feptentrion, |naifon. in | Deg Min "UT o 1130. 35 22. 20 {28 o 24», 0 | 23. 44 29;. 12.1 14. 44, 26, 40 Su28 27% © 7er 16 25:-$$ + env. 27.7 50 de, 2 30. o 2.049) 31:%20 ©. 54 Lat. mérid. 312 S5 ©. 12 322050 2025 33: 20 3- 30 34 oO 6. 10 33: 40 | 8. 55 33: 50 | 10. 13 La fleur de Lis au fud. SION rase 35: 30 | 14 32 37° 39 18, 19 40: © | 20. 55 4$. O |22. 54 32: 20 |33- 39 11: 40 135. 35 7: 59 | 34: 39 6:.4$ | 35. so SRÉON ECC 4 Long.orient. 24010 | 36. 32 6. 55 | 36. 26 fn once ee es Re |] 8 MÉMOIRES. DE L'ACADÉMIE ROYALE 7 Inclinaifon. Longitude Latitude La fleur de Lis orientale, |méridionale. LP MN, au fud. |au nord. Deg. Min. Deg, Deg. 17 STaiete tele .... Mas3o 33e. 5 0 NAS Au cap de Bonne-efpér. Avril 26 33e 55 | 4481 41Ë 17822 sp +. Avril r3 33 55 | 445] 41+ RU dE 1754Janvier 11, 55 8 | 20. 10 | 53 | s1Z Alter , Féier2ol 53. 10 | 20. 52 | 552] 534 17548 4e. ct 8 PMarst 21nS0E 0 | 230127 |MS 6 sl4t 40 | 28. 38 | 57 | 54 7139: 50 | 30..56. | 58 | 54 9/36: 15 | 32. 35 | 552| 533 12/29. 30 | 35. 8 | ss | 52 171820-23 001834 MIT OI MCE NI 19/22: 30 | 34 51 | 52 | 49% 29] 10. ,0 | 30. 41 | 40 | 38 Avile11236: LS UN27- so NS INSEE S 1. 20 | 23, 47 255| 24 Long. occid, I 18. 29 À la vüe de l’ifle S.te Hélène. ro] 8. 17 Le 6 12l Tir TI "0 LS A l'ifle de PAfcenfion. 17| T6: 19 7. 56 22|20. 13 4. s2 2 s2 ©. PACE LE FQAERX feptent, 2. 53 6. 39 sidi”: a" RP RE 7 DES'SCrENCESs 99 Longitude Latitude | Incli- occidentale. | feptentrion. |naifon. Deg. Min. Deg. Min. 1754 muse eo Mai 22| 42. O | 34 41 24/37. 50 | 38. 34 27, 30. 40 | 43: 39 NIGER AU NE OUT) 36) r6./30 145460 A l'Orient, Juin 14| 5: 43 | 47. 4s A Paris. Septembre 22| o. _o | 49. 51 2% ADDITION à cer article, faite le 30 Avril 17ÿ7: Sur ce que j'ai dit de [a bouflole précédente, dans les Mémoires de l'Académie année 1751, page 4 55), M. Bernoulli a conclu que les différences que j'ai trouvées entre les inclinaifons dans la partie auftrale de la Terre, venoient d'un défaut d’équilibration dans la conftruétion primitive de cét inftrument. Voyez un Mémoire fur ces fortes de bouffoles, inféré dans le Journal des Savans, pour Janvier 1757, M. Bernoulli y donne une règle fort commode pour éprouver la bonté des bouffoles d'inclinaifon ; il fouhaite {avoir fi celle dont je me fuis fervi, foûtient cet examen. J'ai donc cru devoir le fatisfaire fur cet article, afin qu'on juge jufqu'à quel point on peütcompter fur les obfervations des inclinaifons que j'ai données dans ce Mémoire, & de quelle utilité elles peuvent être. L’aiguille de cette bouffole eft ronde dans toute fa longueur, d'environ trois quarts de ligne de diamètre vers fon milieu, & terminée en pointe: elle porte à fon milieu, de part & d'autre perpendiculairement à fa longueur & à l'axe des pivots, deux fléaux d'acier, en forme à peu près cylindrique, d’en- viron une demi-ligne de diamètre & d'un demi-pouce de longueur : je ne trouve pas aujourd’hui cette aiguille auffi vive que pendant mon voyage. Voici les expériences que j'ai faites pour l’éprouver, felon la méthode de M. Bernoulli. Le 30 Avril 1757, j'ai pofé fur un plan Fe niveau, dans 1] roo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE un lieu éloigné de tout fer, une planche de cuivre de plus de deux pieds en quarré, divifée exactement de dix en dix degrés, par des diamètres tirés dans un cercle, tracé fur cette planche. Sur un petit pivot d'acier, dreflé au centre, j'ai mis une aiguille aimantée de quatre pouces de longueur, très-vive, &. j'ai tourné horizontalernent ma planche jufqu'à ce que je me fuffe bien afluré que cette aiguille étoit exactement diri- gée le long d'un de ces diamètres, qui m'a fervi de méridien magnétique: j'ai enfuite difpofé ma bouffole d'inclinaifon fur tous les autres diamètres, fucceflivement & en mettant d’abord la fleur de lis versie Nord, puis en allant du Nord vers lOueñ, & j'ai trouvé les indlinaifons que j'ai décrites dans la Table fuivante. J'ai appelé azimut magnétique ce que M. Bernoulli appelle dchnaifon magnétique, & ÿ'aï calculé la fixième colonne felon cette analogie donnée par M. Bernoulli : le rayon eft à la cotangente de l'inclinaifon obfervée dans le méridien magnétique, comme le cofinus de l'azimut magnétique, felon lequel on a dirigé la bouffole d'inclinaifon , eft à la cotangente de Findlinaifon qu'on doit trouver dans cet azimut. Si j'avois eu cormoiflance de cette règle, je n'aurois pas manqué de faire des expériences femblables à celles qu'on va voir, lorfque j'étois à l'ifle de l'Afcenfion, qui eft de tous les lieux où j'ai féjourné, le plus favorable pour cette forte d'examen. CRE TEEN ETEMEER EME UOTE Inclinaifon| Inclinaifon | Inclinaifon | Inclinaifon | Inclinaifon Degrés | obfervée. obfervée. obfervée. obfervée: calculée. Agamur. Agimut. Agimut, Agimut, N. ©. SO: SOLE NY esse acc | maman] cemmencasmn| comen |ceneeenecees Deg. Min Deg. Min Deg. Min. À Des. Min Der. Min 71. 45 72: o 24 (e] 72 © 2 (9) MNT OR TE EURO EEE FETES ADAM SN AN SPA) BIO QLI7#: : ON RIZ 7 2011170: MOUE70. ALON] 75. 23104125 -F 0 77. 30178 o|77. 45 | 77. 45 | 78. 12 ù ri BYE S :S,CLE N° CE. S 101 ARTICLE IL De la déclinaifon de l' Aiguille aimantée. On obferve avec foin fur les vaiffeaux la variation ortive ou occafe toutes les fois qu'il eft poffible, tant pour corriger les routes, que pour redrefler la longitude dans un très-grand nombre de cas. On fait qu'il y a plufieurs atterrages dont on eft très-für par la variation de la bouffole: tels font entre autres celui du cap de Bonne-efpérance, celui des ifles Rodrigue , de France & de Bourbon. Il feroit même à fouhaiter que les variations obfervées dans tous les vaiffeaux qui font des voyages de long cours, & fur-tout aux Indes, fuflent recueillies & enregiftrées avec foin : par ce moyen, on pour- roit de temps en temps, par exemple, de dix en dix ans, donner une nouvelle édition de cartesmarines, où les courbes des variations feroient marquées à la manière de M. Halley, tant pour lannée de l'édition des cartes, que pour une époque mile dix années auparavant. Ces cartes feroient d’un fort grand ufage pour réduire les routes, & dans bien des cas elles donneroient la longitude aux atterrages beaucoup plus fürement que par aucune obfervation de la Lune, faite fur mer, pour peu que les Armateurs euffent foin de pour- voir leurs vaifleaux de bons compas, & que les Navigateurs fe défaflent un peu plus de leur eftime, quand ils voient qu'elle ne s'accorde pas avec fa variation. Latitude | Variat. feptent. | AN. O. Los ss nr + Deg. Min.| Des. Min HENINSTIES Latitude | Variat. feptent. | AW. O. re ECS COUT RL 7 + -] Deg. Min.| Deg. Min.| Deg. Min. Lonpit. 1750. Déc. 1024. 30]17. 30] 8. 451751. Janvier occident. Deg. Min. 30. oO 12]26..10|1$. 10| 7. 30 30. 5 13129. o|14 30 I 3 Se VIRE 15128. ofrr. 20 S- 45 17/26. 551 8. 8! 6. 30 6. 30 $- 40 18/27. o| 6. 50 22/26. 30| 5. o 102 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Longit. | Latitude Variat. occident. | mérid. orientale, | mérid. } Æ. ©, RAD ANA | HENELES NE | DRE | EURE ZE Deg. Min. | Deg. Min. | Des. Min. Drg, Longit. | Latitude £ g Min. | Des. Min | Deg. Min. 1751. Janvier 9|33-+ 151 3. 15| o. 1751. Avril 10/14. 40]33. 35|17. 45 . 9133-2510 3-48 |ho: 12116. t\0|33: 20/1084 lo NE 16}15. 033. 48l17. 30 1134100 2)|MTMerO LADA 1837 265 YEUUS 12133. 45l 7 ssl 1. o 19/16. 10/33. 55/19. 15 13133. 40| 9. 20] 1. 30oll1752. O:/13 16.185.183 21/08 14133- 55[10. 45! 2 o 1753. Janv. 18116. 10133. s5|19. rs leo) LT 21e ro Marsa tan san 16/35. 5l13. 28| 2. 30 10/13. 50]35. 16116. 15 17135: 20|14. 10| 2 o el D ON 0 ECG NET 18136. or$t s4l 3. o 12113. 15/36. 45115. 40 19137. 1017. 40] 3. $o 15/20. 0137. 5118. 21/39. sol2o. 39| 4. 30 19/29. 20/36. 40|21. Vo 22/40. 35/22. 14| 7. oo 22133: 10137. 52/23. 30 Février 9|45- o|22. 54] 9. 22 26/45: 0136. 30126. 48 1751. Mars 6132: 425|85 6/70 82 56. 30/32. 18/22. o 7131 50/33. 55] 6. 30 Avil 4 ét 0 ts 0" 8/30. 40/34. 22| 5. 30 8169. 029. 55/15. 20 8,29. 55/34 51} 5. 30! 9 “ Fe NE Ju d x) . 20. . APIQL 12169. 20|19. $2|10. 15 rés 25135-33|#4430 13167. ol19. 52] 7. 40 18| 7. 50/34 40! $. 30 14164 olr9. 53l 8 o FE]. ROIS RENNES 15162. 30/19. sslrr. o 21] $: 20/36. 10| 8. 3°! 16159. ol19. 55l1o. 30 ep) Met à Er gu 3) au Opupie 17158. ol19. soli2. o Orient | 1754 Févr. 28|51. 4021. 40/16. 25 25| 2, 40136. 30o|11. 25 Mas 2|50. 20/23: 10[19. 10 27| 6. 30136. 24/12. 45 2149. 35/23. 55118 o 271.7: 30136. 14113. $s2 3149. O!24. sol2r. o 29|11. 35134. 46115. 30 4147. 10/26. 55/20. 30 29|12. 15|34 17116. 30 S|4æ5- 20128. 16/23. o Avril 114. 10/33. 35/17. 30 s 44 30128. 53122. 35 sir2teole2e rs ré to 6|43. .nol29. 55123. 15 9,13. 0|34- 10/16. 30 8138. 30131. 38/24. 15 V9 LY U9 UJ UJ UJ VU) VU U35 U9 Us V3 A U A b 30 Avril 2 3 Ni LL D D bb bb US BB A a 4 “5 5 6 8 9 10 14. 12 10. 13 9- 13 8. AVAfcenfion. 1 $ 7e 21 Latitude mérid. à 3 202 Ù ND NN Rr'R & b © D D D D UJ Us U9y Li D D +R + 4 BR NB + Lo Lo + à HE à Us WOOD | (M UD LU) A A . V9 LA . + Uy LV soin 1754. Avril 25 25 26 27 Æ + ww ua D D D D D RD Ya a un . VO SA + 09 Vo ND = = Nm CSS OL RCT MRC: 2 co N] not UI 9 U9 UV) UJ U D Variat. N, 0. ne = :'] Deg. Min. 4 40 SO 4 50 3-1s 0 Ba aN nu IPR EUR n D 0 D 9.9 © NW WW @ rR eR Le D A La 104 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE A RITUT CL BMLIIT. Obfervations faites à Rio-Janciro. Les obfervations fuivantes ont été faites à peu près au milieu de la rue dy Rofaire, dans un lieu un peu plus {ep- tentrional que la grande place de la Ville, qui fait face aw port, & où eft le palais du Gouverneur général. Obfervations pour la hauteur du Pole. Nous avions un oétans de cuivre de 22 pouces de rayon; garni de deux lunettes & monté fur un pied de quart-de- cercle: nous nous en fervimes, M. Daprès & moi, pour obferver des hauteurs correfpondantes du Soleil, pour régler une horloge, & pour prendre des hauteurs méridiennes. Pour vérifier la pofition de la principale lunette à l'égard du premier point de la divifion, nous obfervames le 10 Fé- vrier 1751, la hauteur méridienne d’A/debaran de $ 14 10° 10", & celle de Canopus de 6od 22° $o", qui fut encore trouvée la même le 11 : Ôtant pour la réfraction $ 2" de fa première & 37" de la féconde, le fupplément de ka fomme des hauteurs ainfi corrigées eft 684 28’ 19". Or, felon les pofitions des étoiles établies dans le dernier volume des Ephé- mérides, la déclinaifon apparente d'Aldebaran étoit de 1 54 59’ 12" boréale, & celle de Canopus de 524 34° 27" auf trale: la fomme 684 33' 39" fait voir que la lunette de Joctans faifoit paroître les hauteurs trop grandes de 2° 40”, & par conféquent que la vraie hauteur du pole qui réfulte de ces obfervations, eft de 224 54" 10". Le même jour 10 Février, nous avions trouvé la hauteur méridienne du Soleil de 814 44 10", & le 12 nous la trouvames de 8 14 4' 20": Ôtant 2’ 40”, puis 7” de réfrac- tion, 16° 16" de demi-diamètre, 144 19° 14" de décli- maïfon pour le 10 Février, & 134 39° 25“ pour le 12; on à les hauteurs du pole 224 54° 7", & 224 541". On peut donc, en réduifant le tout à la place de fa Ville, qui | répond DES SCIENCES. 105 répond au milieu du port, établir la latitude de Rio-Janeiro de 22d 54 o" auftrale. | Obfervations pour la Longitude. Quoique notre féjour dans la ville de Rio-Janeiro ait été de trois femaines, & que dans cet intervalle nous euflions pû voir plufieurs émerfions des fatellites de Jupiter, le temps fut prefque toûjours ft peu favorable aux obfervations, que je ne pus réuflir à en avoir aucune. Le ciel fut prefque toûjours couvert & pluvieux: il faifoit ordinairement pañla- blement beau le matin; vers dix heures, le temps commen- çoit à fe charger & la chaleur à devenir infupportable, quoi. que le thermomètre placé dans ma chambre ne pañlät guère 25 degrés; le foir, il tonnoit à grands coups redoublés & pendant plufieurs heures: cet orage étoit accompagné & fuivi de fortes pluies qui duroient une bonne partie de la nuit, La ville & le port font.entourés de montagnes très- hautes & toutes couvertes de bois, qui ne permettent pas au vent de rafraichir l'air, de forte que la chaleur étouflante qui, étoit continuelle, & la multitude des mouftiques, ne nous laiffoient prendre aucun repos pendant le jour ni pendant la nuit. M. Godin nous communiqua deux obfervations qu'il avoit faites avec une lunette de 1 2 pieds; la première étoit une émerfion du premier fatellite. de Jupiter, le. 28 Janvier 2751, à 7° 20° 27" du foir. Il faifoit beau, & nous étions dans le port depuis trois jours; mais les formalités auxquelles les Portugais affujétiflent les Etrangers qui arrivent dans leurs principaux établiffemens, ne nous avoient ‘pas encore peñmis dé defcendre à terre. 16 A ie F4 La feconde obfervation de M. Godin fut aufir celle d'uné émerfion du mème fatellite le 4 Février à oh 12° 14"°du foir. Le ciel étoit prefque entièrement couvert de nuages , _&:la potion incommode où je me trouvois, par la fituation de La maïfon où|je demeurois, ne me, permit pas de profr: ter, gomme fit M. Godin, des inftans auxquels Jupiter pa roïfoit de temps çn temps dans les intervalles des: nuages, Mém. 1754 AT A0 O 306 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE Pendant notre féjour dans cette ville, & lorfque le ciel étoit un peu découvert le foir, nous obfervions, M. Daprès & moi, la diftance du bord éclairé de la Lune à quelque étoile voifine du Zodiaque, pour en condlurre la longitude de Rio-Janeiro par la même méthode que nous avions pra- tiquée fur mer pendant notre traverfée. Notre deffein étoit principalement de voir quelle efpèce d’exactitude on pouvoit clpérer fur terre, en fe fervant des inftrumens qu'on emploie fur mer. M. Daprès avoit un fort bon quartier de réflexion de 18 pouces de rayon; j'en avois un de 16 pouces, j'y avois ajufté une lunette de $ pouces, & je l'avois monté fur un pied, par le moyen d'un genou, afin de le tenir fixé dans telle fituation que je voudrois. Voici les obfervations que nous fimes, l'heure vraie étant marquée par des hauteurs correfpondantes du Soleil. 1751. Le 4 Février à 7" 49° 2° du foir, M. Daprès obferva Ia diflance de & 1 au bord éclairé de la Lune , de 404 32°, A 7h 55"51", il obferva celle de & % de 124 28°. 8. 29. 5, Jobfervai celle de & x de 42. 46. ” Le s Février à 7h 25° 44" du foir, j'obfervai la diftance d'A/de- baran au bord éclairé de la Lune, de 1 54 47'£. A 8: 18° 28" je la trouvai de 164 9". 8. 23. 5 je la trouvai de 16. 11£. ler. 58% 25 M. Daprès Ia trouva de 154 $7=. ; | : " Le 10 Février à ro* 40° 5 6”, M. Daprès trouva la diftancé de l’épi de la Vierge au bord Ie plus proche de la Lune, de 494 47’; & au même inflant je trouvai la diftance au bord le plus éloigné de la Lune, dé59 23: ir: | ME foie étyol Le 13 Février à 1oh 52’ 35”, j'obfervai Ia diftance dé, la même étoile au bord éclairé de la Lune; de 124,6. PC jt Aro ss"#s"s de12tf 42 b'aoiôtns Lis 12. 0, detre, 58 à + ; 015 : 193 Sri Ce même jour, j'ébférvai encore avec l'oétans les hauteurs fuivantes, pour faciliter le calcul des’ parallaxes dé Hi! Eure, flon la méthode ‘que j'ai décrite dans l'introduction aux Ephémérides depuis-1#755 jufqués à°x PONS TE LA \ ne te dom ll. {4 ‘+ (Éd SE k ; : DES SCIENCES. 107 Hauteurs orien- räles apparentes Hauteurs orien- tales de l'épi de Temps vrai du fair. | Mie À Temps vrai du fr. | la Vierge. A uit oo 55” | 364 19° A ain 9" 2"| 284'r9° mine 3. 8.36. 49. 11. 14. 47. | 29. 39. 11. 4. 40. 37: 9. 11. 21, 20. 31. 9° AN NZ- 17e | 139» : 59e 1 11.18. 46. | 40. 19. Par un calcul fait férupuleufement fur les Tables de M. Halley, rectifié par les obfervations faites dix-huit ans aupa- avant par le même M. Hailey, j'ai trouvé les longitudes fuivantes de Rio-Janeiro. , par 6y 444 $ 8" 5 464 22°" Le 4 Fév Pa 8 à 43: 59. Le 10 Fév. par « mp Dit gs. | LE pile 44157 Le 5 Fév. par « Y an HE Le 13 Fév. peer dar Le 46. 34. 45: 2% Le milieu entre ces onze déterminations, donne la lon- gitude de Rio-Janeiro occidentale, par rapport au méridien de Paris, de 444 577 : il s'accorde affez bien avec ce qui réfulte des obfervations des fatellites de Jupiter; mais cet ac- cord, qui vient principalement de ce que cæ milieu a été pris entre un grand nombre de déterminations différentes; fait voir avec aflez d’évidence, qu'avec les meilleurs inftrumens qui font à préfent en ufage fur mer, on ne peut s’aflurer qu'à 17 depré près, de Ja longitude déterminée par une bonne obfervation faite à térre, de Ja diftance de la Lune: à sune étoile zodiacale: à plus forte raifon. fur mer, où lon n'a ni la commodité d'une pendule réglée pouravoir les temps avec “x SR de De précifion, ni celle de voir à loifir ft une étoile touche exac- tement le bord de la Lune, & f Ja rectification des miroirs, di! bien füre, on mé doit pas mettre moins de deux degrés pour les limites dela confiance qu'un Navigateur doit donnér < ÉANARGUE ST D A Li SA Aie he è à 28002 J LL LIFE à fa longitude obfervée de la mêîne manière, O ï 1068 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE Obfervarions pour la longueur du Pendule, Je m'étois muni, en partant de France, d'un pendule in- variable, conftruit par M. Rivas, & ifochrone à celui dont M. de la Condamine a fait ufage dans fon voyage au Pérou; on y avoit adapté un mouvement femblable à celui d'une montre; il étoit entretenu par le poids d’une balle de mouf- quet ordinaire, & il faifoit aller deux index qui marquoient fur un cadran le nombre des vibrations de ce pendule. En arrivant à Rio-Janeiro, j'avois fait nettoyer ce mou- vement, mais il étoit fujet à un défaut qui failoit échapper de temps en temps une dent de Ja roue de champ, ce qui caufoit une erreur dans fe nombre des vibrations marqué par l'index. Cet accident arrivoit principalement lorfque le pendule étoit en mouvement depuis quelques heurés; c'eft pourquoi je pris le parti de ne mefurer que le temps que ce pendule emploieroit à faire 10000 vibrations. J'avois foin * de veiller s'il n'échappoit pas de dent à l'endroit du cadran où cet accident arrivoit quelquefois, & de marquer à chaque expérience l'état d'un thermomètre de M. de Reaumur, lacé à côté de ce pendule. Je comparois ces vibrations à celles de l'horloge que nous avions, & qui étoit exaétement réglée au temps vrai par des hauteurs correfpondantes du Soleil: À « J'ai donc trouvé la durée de 10000 vibrations de ce pendule en temps moyen, en prenant un milieu entre le nombre des expériences qui fera énoncé ci-deflous. 3751. Le Fév. par 4 expériences 2h 25° $o"+ thermom. 234, Le 6 Fév. par 1 2 expériences 2. 25. $2. thermom. 232. Le 7 Fév. par 25 expériences 2. 25. 51. thermom. 23. De forte qu'en fuppofant que la durée de 10000 vibrations fût de 2h 25" s1" + de temps moyen, on auroit obfervé / . . 4 , . 98728 vibrations pendant la durée d'un jour moyen, 1e thermomètre étant à 23% + au deflus de [a congélation, 2) msi DES SCci1EnNCEs 10ÿ Obfervations fur l'Aiguille aimantée. J'ai rapporté dans l'article F, que le 4 Février 1751 j'a- vois trouvé f'inclinaifon de Faiguille aïmantée de 194 1 5’, ayant dirigé Le nord de la bouflole vers fe nord du monde, marqué par une méridienne magnétique, & de 204 45 lorf que le nord marqué fur la bouffole étoit dirigé vers le fud du monde fur la même méridienne. J'ai dit auf, article IT, que le o Février j'avois trouvé la variation de l'aiguille aimantée de 94 22° + du nord vers - Feft, ce que j'obfervai enr traçant une méridienne fur la pierre d’un grand balcon qui failloit dans la rue, & en y appliquant plufieurs fois les quatre faces du meilleur compas de route que nous euflions, puis en prenant un milieu entre huit diffé- rentés variations que j'avois eftimées, & dont les plus écartées ne l'étoient que de 14 10". A RIT LEE EE! :1-V: Defcriprion abrégée de lifle de France. Un féjour de neuf mois dans l'ifle de France, & Læ diffé rens voyages que j'ai faits pour dreffer le chaïlis de la carte de cette ifle, m'ont mis en état d'en faire une defcription affez exacte, dans laquelle cependant on ne doit pas s'attendre à trouver un détail circonftancié de ce qui peut regarder FHiftoire Naturelle. Cette ïfle, découverte d’abord par les Portugais, qui y ont vrai-femblablement porté les cerfs, les cabrits & les finges, qui ne font pas pour eux un gibier indifférent, a depuis été poflédée par les Hollandois fous le nom de l'ifle Maurice. Le grand nombre d'établiffemens que cette Nation avoit à en- tretenir dans les Indes, leur fit abandonner celui-ci en 1742 ; & les François, qui depuis long temps occupoient Fifle de Bourbon, qui n'en eft qu'à 3 $ ou 40 lieues, ne manquèrent pas de s’en emparer. Selon mon calcul, fondé fur les melures géométriques Te sro MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE RoYALE que j'ai faites dans cette ile, fon contour eft de 90668 toiles; je l'ai déterminé par la fomme des côtés d’un polygone circonfcrit à cette ifle, de façon que le terrein qui fe trou- voit hors de ce polygone füt à trés-peu près compenfé par l'étendue des petites baies ou anfes qui rentroient en dedans de ce même polygone; fon plus grand diamètre eft à peu près nord & fud, & de 31890 toiles, & fa plus grande largeur, prife à peu près eft & ouell, eft de 221 24 toiles; fa figure eft ovale, ayant le fommet du nord plus alongé & celui du fud plus aplati; fa funface eft de 432680 ar- pens à 100 perches de 20 pieds de longueur: c'eft l'aire du polygone dont je viens de parler. Cette ifle a deux très-beaux ports, Fun plus petit & fitué vers le milieu de [a côte de l'oueft de l'ifle: c'eft-à qu'eft le principal établifiement de la Compagnie des Indes, fous le nom du Port-Louis, On n'entre dans ce port qu’en fe touant, mais on en fort vent arrière. L'autre port, appelé le Port Bourbon, eft vers le milieu de la côte Et de l'ifle; ïl eft très-vafte & fort für; on y entre vent arrière ou vent largue, mais la fortie en eft difficile à caufe des vents, qui foufHant prefque toüjours de la partie du fud-eft, donnent prefque directement dans les deux pafles qui forment les débouchés du port. C'étoit 1à que les Hollandois s'étoient établis, & qu'ils avoient conftruit une efpèce de fort, nommé le fort Frédéric- Heuri: es fondemens & une partie des mu- railles fubfiftoient encore en 1753, mais on les démolifloit pour y élever un fort beau bâtiment, deftiné à loger le Commandant du Port avec la garnifon, & à contenir les magafins néceffaires. | Le contour de l'ifle eft en général tout de roche; le fond de la mer aux environs de la côte eft couvert de coraux, de madrépores & de coquillages. Il y a peu de fable véri- table; ce qu'on en trouve fur le bord de la mer n’eft guère que des débris de coquillages : la côte eft bordée de récifs, fur lefquels les vagues viennent fe brifer; ces récifs s'étendent, quelquefois à plus d'une lieue de la terre, en forte qu'on ne A Te a me re dt DES SCIENCES. 1YE peut faire en füreté une bonne partie du tour de l'ifle dans une fimple pirogue: il n’y a que la partie du {ad de l'ifle où la mer brife prefque par-tout fur fa côte même, ce qui ja rend inabordable, excepté dans quelques endroits, où uu canot peut fe mettre à l'abri de la grofié mer. - La plus grande partie de l'ifle eft couverte de montagnes, dont les plus élevées ne fürpatfent guère 400 toiles; le Port-Louis en eft entouré à demi, & du lieu du mouillage des vaifleaux on voit les bâtimens de terre comme dans un ‘amphithéâtre. Parmi les montagnes qui le forment, on en remarque deux, connues fous le nom Hollandois de Piéter- both & de fa femme: la première eft élevée de 420 toiles au deffus du niveau de la mer; elle eft terminée par un obé- lifque de roche nue, furmonté d'un gros rocher cubique à peu près, mais plus gros que la pointe fur laquelle il porte, ce qui fait un eflet fingulier à la vûe; auffi a-ton donné à ce rochér le nom de chapeau de Pieterboth : Yautre montagne eft plus à l’oueft, elle eft élevée de 416 toiles, & terminée par un gros rocher, qui a la figure d'un pouce élevé für une main fermée: aufli, pour cette raïfon , l'appelle t-on le pouce. Le port Bourbon eft de même au pied d'une chaîne dé montagnes, dont la plus remarquable, appelée le Bambou, a 322 toifes de hauteur. Toute la partie du nord-oueft de File eft fenfiblemert unie, & celle du fud-ouelt toute! cou- verte de chaînes de montagnes de 300 à 350 toifes de hauteur : la plus haute de toutes en a 424: lle et à Fembouchüre d'un ruifleau appelé la petite rivière noire. Le terrein de l'ifle eft en général aflez bon, mais il eft Yécouvert d'une quantité prodigieufe de pierres de’toutes foites de groffeur , dont la couleur eft cendrée noire: une’ grande partie eft criblée de trous , elles contiennent la plulpart beiu- coup de fer, & Ja furface de la terre eft couveïte de mines de ce métal: on y trouve aufli beaucoup de pierre pouce, fur-tout fur la côte ford dé’l'ifle, des lives ou elpèces de Hitier de fer, des grôttes profondes, & d’autres velliges mani- féfles de volcan éteint, | rs | (Ke 14 (ER 312 MÉMOIRES DE L'AGADÉMIE ROYALE L'ifle de France eft prefque toute couverte de bois; ces bois font aflez beaux, fur-tout du côté du fud-eft de l'ifle; ils font fort embarraflés de fouges & de lianes. Les princi- paux arbres que j'y aie connus fous les noms que les habitans leur donnent, font le palmifle, le latanier, le vacoa, le mapou, le bois de natte à grande & à petite feuille; ces deux efpèces font les plus beaux bois rouges de l'ifle; le Lois de canelle, ce nom ne fignifie pas une efpèce de cannelier où approchant, Ceft un grand arbre d’un bois affez liant & léger, le plus propre & le plus employé à la menuiferie; le bois d'olive, ce n'eft pas une efpèce d'olivier, mais fa feuille a quelque rapport de - figure avec celle de l'olivier; le bois de lait, ainfi appelé | d'une liqueur blanche & gluante qui en fort lorfqu'on le cafle fur pied; le colophone , ainfi appelé d'une raïfine qui en diflille, mais qui n'eft pas celle qu'on appelle proprement co- Jophone; c'eft au refte un des plus gros & des plus hauts arbres de l'ifle ; le Zenjoin, gros arbre qui n'a aucun rapport avec le benjoin des ifles de la Sonde & des Moluques, mais ainfi appelé au lieu de bienjoint, parce que c'eft le bois le plus liant du. pays; il ne s'éclate jamais, il eft excellent pour le charronnage; le faux tacamaca, Ve Lois de Ronde, Vébene, qui eft de trois fortes, favoir, l'ébène blanc, l'ébène noir & Jébène veiné de noir & de blanc: le bois puant , qui eft très-propre pour la charpente; le citronnier aigre, Yarbre de fougêre, le manglier & le veloutier. L'ile de France elt arrofée de plus de foixante ruifleaux; ils font fort près les uns des autres dans Ja partie méridio- nale de l'ile; il y en a même de fort confidérables, que leur lygeur & leur profondeur rendent difficiles à paffer. Le mi- lieu de lifle eft rempli d'étangs d'eau douce, qui font la fource de la plufpart de ces ruifleaux. La côte du nord-eft & du nord-oueft de l'ifle efl fans eau, on n’y rencontre guère que des mares d'eau falée. Dans les ruiffeaux de l'ifle de France, on pêche des che: wrettes , toutes femblables à celles qui nous viennent des côtes de Normandie; des anguilles, des cabots, des poiflons qu'on appelle ee mt tr rt EEE en ad DIE0S) SEE NC SO MAM 1 appelle carpes de riviére, quoiqu'elles ne reflemblent guère à nos carpes que par le goût, & des mulets d'eau douce, Dans les mares & dans les grands trous remplis d’eau, qui fe trouvent dans les lits des rivières, on pêche des /ubines & des anguilles, qui ont quelquefois cinq à fix pouces d'épaifleur & quatre À cinq pieds de long; elles font fort voraces; elles entraînent même aflez fouvent au fond de l'eau ceux qui ont l'imprudence de fe baigner dans ces trous ou dans ces mares. Je ne puis entrer dans quelque détail fur les poiffons de mer que l'on prend fur la côte, parce que la plufpart ne font connus des habitans que fous des noms qu'ils leur ont donnés; je diraï- feulement que le requin, la grofle raie, le Diable de mer, font ceux des poiflons connus qui fréquentent le plus la côte: on y trouve fouvent de groffes tortues de mer & du lamentin, poiffon qui fe prend ordinairement de la même manière que da baleine, en le harponnant. Il y a beaucoup d'huîtres à l'ile de France, mais les coquilles en font fi baroques, qu'on ne peut les ouvrir qu'en les caflant à coups de marteau. Le poiflon le plus délicat que j'y aie mangé, eft une efpèce de turbotin, appelé poule d'eau; Ï a du moins la figure & le goût du turbotin, mais la couleur de fa chair eft verte; fa graiffe eft auffi verte, légère & d’une délicatefle admirable. Les animaux qu'on trouve dans l'ifle de France font des cerfs , femblables en tout aux nôtres, mais dont {a chair eft excellente pendant les mois d'Avril, Mai, Juin, Juillet & Aôut ; des cabrits & des cochons fauvages : ces derniers font rarement bons à manger. On y trouve des lièvres, une grande _ quantité de finges qui font beaucoup de dégât dans les champs de maïs’& dans les autres plantations, des rats & des fouris qui font tant de ravage dans les blés, qu'il faut quelquefois renoncer à les moiflonner. Auffi, dans la plufpart des habita- tions bien tenues, les champs de blé font entourés de piéges tendus de fix en fix pas: le foin de les vifiter & de les: redreffer tous les jours, donne aflez d'occupation pour la: joumée d'un Noir. : Lés oïfeaux les plus ordinaires font les frégates, les fous ; Mém, 175 4 L 114 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ou fouquets, les corbigeaux, es goilans, es flamans, Les alonettes de mer, les pailles-en-cul de deux fortes, l'une dont le bec, les pattes & les pailles font rouges, & l'autre dont le bec, les pattes & les pailles font blancs; des perroquets de quatre fortes, favoir, les amazones, qui font la plus groffe & la plus belle efpèce, les perroquets gris, & les perruches vertes, grandes & petites. On mange de toutes ces elpèces de perroquets. On trouve dans les bois, des pintades, une efpèce de merle, des ramiers de deux fortes, dont lune eft un manger très- délicat, mais fort pernicieux; une elpèce d'épervier qu'on appelle mangeur de poule, après lequel les petits oifeaux s'at- troupent. H y a peu de ces petits oifeaux, ils font femblables à nos linottes & à nos méfanges : on y trouve encore quelques bengalis, qui font de petits oifeaux qui ont des plumes d'un rouge vif à la tête & aux environs du cou, & les aîles, le ventre & la queue couverts de plumes d’un beau gris de perle un peu foncé & moucheté. Dans les plaines, on trouve trois fortes de perdrix, dont le goût eft afez femblable à celui des perdrix grifes d'Europe, mais le chant n'y a aucun rapport; le cri du mâle d'une efpèce, reflemble à celui d'un coq un peu enroué. On trouve enfin deux efpèces de chauve-fouris, lune plus petite & la même que celle qu'on a en France, & l'autre beaucoup plus grofle & de la taille d'un chat de deux mois, fort grafles dans les mois d'Avril, Mai, Juin, Juillet & Août, & qu'on metau pot, comme on y met une volaille, pour donner de la graifle & du goût au bouillon. Les infectes les plus incommodes & les plus communs font des nuées de fautereHes, les chenilles; les carias, qui dé- truifent les plus gros arbres dans les bois, les poutres & les {olives des bâtimens; les fourmis, dont les maifons font pleines, les cancrelas de trois efpèces, les grillons, les coufins ou ma- ringouins qui font un peu plus gros que les nôtres, & dont les jambes font nuancées de gris & de blanc; ils font extré- mement incommodes, fur-tout pendant la nuit; les fcorpions & les millepieds, les maifons en font remplies, fur-tout dans les bas qui font maçonnés & un peu humides ; les mouches D MEET: de dé Le ges ae dt till D'EUS SCIE N' CES 115 communes, les grofles guêpes, dont la piqûre eft très-dou- Joureufe & plus difficile à guérir que celle du fcorpion ; les araignées, &c. on trouve aufli beaucoup de formica-leo dans les bois. J'ai vü dans les jardins l'efpèce de demoifgll&æ connue au Cap fous le nom du Dieu des Hottentots, fx le compte duquel les voyageurs ont débité bien des fables. * H n'y a pas de ferpens dans l’ifle de France, on prétend qu'ils ne peuvent y vivre, & que dans les iflots voifins, appelés Tifle Ronde , Vifle Longue, le coin de Mire, on trouve beau- coup de couleuvres & de ferpens. Je n'affurerai pas le fait; ce que je fais, c'eft que fur l'iflot appelé le coin de Mire, j'ai vû des lézards longs d'un pied, & gros d'un bon pouce, & qu'à l'ifle de France je n’en ai vû que de très-petits courir fur les murailles & fur les pierres, de même qu'on les voit ici. . Je ne dirai rien des plantes de l'ifle de France, n'ayant pas affez de connoïflance dans la Botanique; je ferai remarquer feulement qu'on y a apporté, pour former des pâturages dans les défrichés, une plante qu'on appelle dans le pays la fquine : elle croît d'elle-même auffi dru & aufii haut que nos plus beaux feigles; elle vient dans les bois un peu éclaircis & dans les défrichés incultes ; elle étouffe toutes les autres plantes, qu'elle furpañle par fa hauteur; elle fèche fur la fin d'Août & dans le mois de Septembre, alors les Noirs y mettent le feu, qui fe répand en un inftant fort loin à la ronde, en forte que les montagnes font, de jour, couvertes de fumée, & la nuit tout en feu, ce qui fait périr les arbres qui ont été chauffés deux … ou trois fois de la forte; aufli les bois font-ils tout dégradés dans la partie du fud-oueft de cette ifle, où cette plante fe trouve établie: elle gagne tous les jours du terrein, & elle menace de ruiner entièrement les bois de cette ifle avant la fin de ce fiècle. La dixième partie de l'ifle, ou à peu près, eft défrichée & cultivée; on y fème du froment, de l'orge, de l'avoine, du riz, du maïs & du millet. Une partie des terres eft en manioc pour nourrir les Noirs: on fait en quelques endroits du fücre & du fort beau coton : on ne peut labourer les terres à P ij 116 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoïYALE caufe des pierres; on les façonne à coups de pioche, & Yon jette quelques grains dans chaque trou formé par la pioche: Dès qu'un champ eft moiflonné, on y plante fouvent un utre grain; les nouveaux défrichés font aflez fertiles, mais \n les fait trop travailler; les grands abatis de bois, qu'on a faits pour établir certains quartiers, les ont rendus fujets à des féchereffes qui changent les terres en pouffière, entretiennent les infectes & les fouris. On cultive dans les jardins, avec affez de fuccès, Ia pluf- part de nos légumes d'Europe, dont on fait venir les graines de France, du Cap & de l'ifle de Bourbon. On y a peu de fruits; les plus communs font les pêches, qui ne font pas fon- dantes, les banahes, les ananas, les papayes, les athes, les gouyaves; il n'y a prefque pas d'oranges douces, ni de citrons doux, ni de mangues, ni de cocos: les pommiers, poiriers, noyers, pruniers n'y peuvent réuflir; on y mange peu de bons melons, mais beaucoup de melons d'eau. Peu d'habitans ont des troupeaux; il n'y a guère que le cabrit & le cochon d'Europe & de l'Inde qu'on nourrifle ficilement ; fes moutons y font fort rares & d'une mauvaife venue; on y trouve quelques troupeaux de bœufs & de vaches venus de Madagafcar. Les vaches amenées, ou originaires de Madagafcar, rendent très-peu de lait; celles qui viennent de France s'y vendent trois fois plus cher, parce qu'elles en ren- dent plus abondamment. Cette difette de befliaux eft caufe qu'il n'y a pas de bou- cherie dans l'ifle: on envoie tous les ans deux ou trois ba- teaux à l'ile Rodrigue, qui eft à cent lieues à left de l'ifle de France, pour en rapporter fept où huit milliers de tortues de terre & cinq ou fix cens tortues de mer. Ea chair & la graïlie de la tortue de terre font excellentes &-très-faines: celles des. tortues de mer font bien moins délicates. Toutes ces provi- fions font deftinées à fuppléer à li boucherie pour le gouver- uement &. pour l'hôpital. Les habitans vivent de chair de cabrit, de vohilles, de gibier & de poiflons: en général, la vie y eft fort chère, mais ce n'eft pas tant la faute du pays MiEtSl SLCIRE NüGREus. 117 que celle de l'ufage, & de la nature de l’établiflement formé dans cette ifle; car à 'ifle de Bourbonles vivres font bexicoup plus abondans & à meilleur marché: tous les vaiffeaux de a Compagnie vont s'y approvifionner. L'air de l'ifle de France eft fain, il eft tempéré & même froid, fur-tout le foir & le matin, dans les habitations un peu élevées: les chaleurs font plus grandes au Port-Louis que par-tout ailleurs, parce que les montagnes voifines le mettent- {ouvent à l'abri du vent de fud-eft,, qui règne ordinairement toute l'année. Le ciel n'eft pas également ferein par toute l'ile; il pleut prefque tous les jours de l'année vers le milieu de l'ifle, & cet ce qui entretient {es étangs & les ruifleuux, dont peu tariffent dans la faifon sèche: aux environs du Port- Louis, & dans la partie du nord-oueft de l'ifle, il ne pleut que dans les mois de Janvier, Février, Mars & Avril; les grains de pluie font cependant fréquens dans les mois de Mai, de Juin, & quelquefois de Juillet. La féchereffe dure pendant le refte dé l'année; elle rend la vüe des environs de ce port fort defagréable, à fie des herbes defféchées & brülées, & des montagnes voifines, nues, dépouillées d'arbres & hériffées de pierres. Malgré la féchereffe, le ciel eft rarement bien clair, on y voit prelque continuellement rouler de petits pelotons de nuages, qui viennent du milieu de l'ifle, où il pleut prefque tous les j jours, comme je fai dit. Les vents viennent ordinairement de Ja partie du fud-eft, ils font bien moins violens qu'au cap de Bonne-efpérance ; on trouve cependant des vents variables depuis le mois d'Oc- tobre jufqu'au mois d'Avril. Le baronrètre a varié de fix lignes pendant-mon féjour dans cette ifle: dans mon obfervatoire, qui n'étoit élevé que de 4 à $ toiles au deflus du niveau de la mer, je l'ai vü au plus haut, le 1 3 Juillet 17 53» à 28 pouces 5 lignes; &c au plus bas, à 27 pouces 1 1 lignes+, les ro & 11 lv 1754, jours d'une grofle pluie & d'un ouragarr qui seft fait fntir à l'ile de Bourbon. Dans le courant de f'année, le mouvement du mercure eft prefque infenfible, fi cé ! jeft qu'il eft toüjours un peu plus haut à midi que le Loir. Pi A 118 MÉMOIRES DE LACADÉMIE ROYALE TABLE des pofitions géographiques des points les plus remarquables de ifle de France, avec la hauteur des mroniagnes au deffus du niveau de la mer, déduites des opérations géométriques faites en 15.3 Le Hauteur au deflus de laimer. LONGITUDE | LATITUDE orientale. méridionale" Des Min Se Le fommet de l’ifle, appelée le Parafol.| 5 5: 26. 10 roifes. 83 Le fommet de l’ifle Ronde. ........ SSL ZE MG 165 Le fommet du coin de Mire. ....... 55+ 14 37 81 La pointe des Canonniers. . . . . ....[55+ 10. 49 La pointe d’eft de la grande ifle d'Ambre.| 5 5+ 20. 25 9 La pointe aux Roches RASE TS 55-019: 73 20.2, 2.239 Le pied du mât de pavillon du piton a la première découverte des vaifleaux. . Le pied du mât de pavillon de la Mon- 55: 15- 1420. 6. 44| 134 : 485$ [55 = 7. 56| 89 tagne longue. . ... Bt es : Le portail de la nouvelle Edlife, au (Poul Louise er entEts Materlerete 5 SmaS2MN0)2 0210-45 La pointe dla ieteRe he [55 24. 520. 9. 49 Le pied du mât de pavillon de la Don verte du Port-Louis . . . .. ne se 155- 0 7e1L0|20: 10-00) MIDC Le fommet de la montagne appelée Pie- ter Both: rec lle iene Le fommet du Rocher appelé le Pouce. La pointe fud, à l'entrée de la petite rivière. Le fommet du piton de la Fayance. . . Le fommer de la montagne du Corps-de- EU NME MODE EE Mir raie Le piton du milieu de l’ifle.....,.. L'ilot de roches à fleur d’eau, à l'entrée de Ja pañle de left du port de Bourbon. Le fommet de la montagne du Rempart. La plus haute pointe des trois Mamelles. Le fommet de la montagne du Bambou. . Le fommet du morne de la petite rivière AOC RE sein cotes e Éd Le fommet du morne du Port-Bourbon.... 20. 17. 26 20. 18. 2| 396 SOIT Ee 20. 20. 40| 283 20, 21. 29] 249 AN St A SA g D OS ue CES 55: 21+ 14 Ars “ 14 Féyrier. SCIENCES. DES T19 LonGiTupe | LarTirupe | Hauteur oricntale. méridionale. |de là mer. | Des. Ain. Sec.|Dg Min Jeel toje. Le mât de pavillon du Port-Bourbon.…..|$5. 21. 9|20. 22. 20 Le milieu de l’ifle Marie-Anne. .... 55: 25. 3|20. 22. 34 Le milieu de l'ile de la Pafle. . . +155. 23. 51/20. 23. 44 Le piton de la montagne de la petite ri- MÉTRO EE Me ame 55: 2. 7120. 24. 18| 424 Le fommet de la montagne de I Porte.| 54. 50. 27/20. 26. so] 309 Le fommet du morne Brabant. . .... $4+ 57 11120. 27. 1| 283 Le fommet de la montagne de la Savane.|$$. 7. 30/20. 27. 2 355 La pointe fud-oueft de l'ifle. ...... +154 56. 8|20. 27. so AR TT@DE NV Obfervarions faires à l’ifle de Bourbon. Ces obfervations ont été faites à Saint- Denys, où eft le principal établiffement de la Compagnie des Indes, dans une mailon un peu à left nord-eft du Gouvernement; jy ai em- ployé mon quart-de-cercle de trois pieds de rayon, une lunette de 14 pieds & une bonne pendule Obfervations pour la à fecondes. Latitude. Comme le Soleil pañloit à midi trop près du zénith, j'ai déterminé la latitude par les hauteurs méridiennes de fix Etoiles, dont trois étoient du côté côté du fud. du nord, & trois du ; Hautéur méridieme apparente . Déclinaifon Haut } 1754 du côté du nr Réfrattion, | 4 del 'Ei al 11 Février. Aldebaran... 53% 9° 15" |— 0° 49” | 153 59 30” | 691 7 56” La Chèvre... 23. 27. 20 |— 2. 26 |+ 45.43. 3 |69. 7. 57 24 B H....... 40. 46.43 Aldebaran.., 53. 09. 11 B RSS se 40° 46: 43 | 1.15 [+ 28, 22, 20 |69. 7. 48 0. 49 | 15. 59. 30 |69. 7. 52 1. 15 [+ 28. 22. 20 |60. 7. 48 Par un milieu, ..,,...., 6947" 52° 1754 19 Février. 20 Février. 120 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaLr ee 0 Lin Réfrafion. y du Navire. 644 14° 7° |— « du Navire. 52. 8.12 |— $ durNavire, 57. 2. 52 |— y du Navire. 64. 14. 12 |— e du Navire. 52. 8. 9 |— JS du Navire. 57. 2. 48 |— Dé ar Hariteur auflrale. de l'E quatcur. 31"| 46137 37 69847" S1 58. 43. 56 |69. 8. 43 42 53: 49. 11 |69. 8 DE 46. 37. 37 |69. 8. PHSEL 58. 43. 56 169. 8. 46 8 8 0 © © O©O © © © . 42 53: 49. 11 |69. Par un! milieu 6 4.002169 On voit donc que la vraie hauteur de l'équateur eft 694 8’ 17", & par conféquent la hauteur du pole 204 $ 1° 43". On voit aufli que le quart-de-cercle faifoit paroître les hau- teurs trop petites de 26 fecondes. Le quartier de Saint-Denys étant au pied du cap Bernard, qui eft le point le plus boréal de l'ifle de Bourbon, on peut établir la latitude de ce cap, qui étoit précifément dans l'oueft du lieu où je demeurois, à la diflance de $ à 600 pas, de 20d $1°43". Obfervations pour la Longitude. Le 9 Février 1754, à 12h 34'7" temps vrai, le premier fatellite de Jupiter. me parut fortir de l'ombre: il paroïfloit un peu adhérant au corps de la planète, qui étoit en oppofition avec le Soleil le 1.‘ de ce mois. Le 11 Février à 7h 2' 45" du foir, émerfion du même fatellite. Le 13 Février à 15P 43° 10”, émerfion du troifième faellite. Jupiter eft plongé dans une brume un peu épaifle. Le 16 à 14h28" 12", émerfon du premier fatellite, par un beau temps. Le 25 à oh 52° 16”, émerfion du même. ; N'ayant pas encore la connoïffance de toutes les obferva- tions qui ont pû être faites en même temps dans les différens endroits du monde, je ne difcuterai pas ici la longitude qui en doit réfulter. En attendant qu'on joigne à ces obfervations celles LT DES SCIENCES. 127 celles que M. Daprès a faites en 175 1, je crois qu'on peut fuppofer, fans erreur fenfible, que la différence des méridiens de Paris & de Saint-Denys de l'ifle de Bourbon, ou, fi l'on veut, du cap Bernard, eft de 3" 32'+, & par conféquent la longitude orientale de $ 34 7 ou 8°. RELATION abrégée des ouragans ou coups de venr arrivés à l'ifle de Bourbon, depuis l'année 1733 juf qu'à l'année 1754. Etant arrivé à l'ile de Bourbon pendant {a faifon des pluies, & n'y ayant féjourné que quarante jours, je n'ai pû prendre uné connoiflance détaillée de cette ifle. Quoiqu'elle foit plus grande que l'ifle de_France, elle n'eft cependant qu'une groffe montagne qui eft comme fendue dans toute fa hauteur en trois endroits différens. Son fommet eft couvert de bois & inhabité, & fa pente, qui s'étend à {a mer, eft défrichée & cultivée dans les deux tiers de fon contour : le refte eft recouvert de laves d’un volcan qui brüle fen- tement & fans bruit; il ne paroït même un peu ardent que dans {a faifon des pluies. L'ile de Bourbon n'a pas de port; elle na que deux rades, lune fort peu füre & fort proche de terre, elle eft au quartier de Saint-Denys; & autre dans une grande anfe de fable où la mer eft aflez tranquille, mais abord des terres eft difficile: l'endroit s'appelle le quartier de Saint-Paul. Faute de port afluré, les vaiffeaux n’ofent guère refter 4 ancre à lifle de Bourbon, fur-tout pendant la faifon des pluies, où cette ifle eft fujette à de terribles ouragans, qui les mettent dans un grand danger. C’eft néanmoins dans cetté faïfon qu'ils font obligés d'y aller à eur retour en France, tant pour faire des vivres, que pour charger du café, qui fait le principal commerce de cette ifle. Ces ouragans, que nos Marins appellent coups de vent, fe font fentir auffi à l'ile de France, mais communément avec moins de furie & de dommage, foit que le volcan de l'ifle Mém. 17 S4 122 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de Bourbon contribue à en augmenter fa violence, foit que: cette ifle étant plus élevée & formée d’une feule montagne, qui n'a que trois crevafles, & qui n'eft pas compofée de: plufieurs chaînes comme à l’ifle de France, les torrens formés par les pluies qu’amènent les ouragans, faflent de plus grands ravages, parce qu'ils ne font pas partagés par un grand nombre de vallées, & qu'ils font plus rapides par une plus grande hauteur dans leur chüte. Les ouragans n'ont coûtume d'arriver que depuis Je mois de Décembre jufqu'à la fin d’Aviil: on les craint fur-tout dans les nouvelles ou pleines Lunes. Dans cette faifon, les vailleaux ne vont guère mouiller à lifle de Bourbon que quatre ou cinq jours après la nouvelle ou la pleine Lune, ils n'y reflent que cinq ou fix jours, ou même moins, dans la crainte de s'y trouver aux environs de.ces deux terribles phafes. Cette précaution, quoique prudente à Tégard du moindre féjour poflible, n'eft pas toüjours infaillible pour éviter les coups de vent ou les ouragans, comme on le verra par ha lifle de tous ceux qui y font arrivés depuis vingt ans: elle m'a été donnée par M. Brénier, Confeiller-Commandant à l'ile de Bourbon, qui en a tenu un regiftre exact depuis qu'il demeure dans cette ifle. J'ai cru faire plaifnr à l'Aca- démie de le lui communiquer : j'ai ajoüté aux dates de ces ouragans le jour & l’heure de la phafe de la Lune la plus proche , aufli-bien que celui où elle a paffé par fon apogée ou par fon périgée. 2733. La nuit du 10 au 11 Décembre 1733, il y eut un grand coup de vent du nord: les vaifleaux qui étoient dans fa rade de Saint- Paul appareillèrent &. revinrent quelques jours après fans dommage ; un feul a tenu bon au mouil- Rhge. Un vaiffleau & un bateau qui étoient à Saint-Denys ont été jetés à la côte; il y périt neuf hommes. La nou- velle Lune fut le 6 à 3"5 du foir; le premier Quartier le 14 à 11"+ du matin; la Lune apogée le 4. é 32 Décembre, il y eut un coup de vent du füd: Ia -) pleine Lune le2r à 35 du matin; la Lune périgée le 20. DES SCIENCES. 123 1734. Le 9 Janvier 1734, il y eut un coup de vent de l’eft qui a duré, avec peu d'heures d'intervalle, jufqu'au 15; le vent à tourné jufqu'à l’oueft. Un vaifleau qui étoit à Saint- Denys appareilla. Nouvelle Lune le ÿ à 11° du matin; premier Quartier le 12 à 10" du foir; Lune pé- rigée le 14. La nuit du 25 au 26 Janvier de la même année, coup de vent violent qui dure avec la pluie jufqu'au 29, Dernier Quartier de la Lune le 27 à 1°£ du matin; Lune apogée le 20. / Le 13 Mas 1734, coup de vent au large affez fort à l'ile de France: un vaifleau qui étoit à Saint-Paul a appareillé. Premier Quartier le 12 à 1"2 du foir; Lune périgce le 11. 1735. Le 26 Janvier 1735, il y eut un coup de vent qui com mença par l’oueft fur les 4 heures du foir; il tourm à left, & il venta tout le 27. Nouvelle Lune le 24 à 6° du matin; Lune apogée le 22. 1736. Le 22 Janvier 1736, il y eut un coup de vent qui dura jufqu'au 25; a pluie ne difcontinua que le 30. Premier + Quartier le 21 à 9"5 du matin; Lune apogée le 15, périgée le 209. oc Le $ Février, pluie continuelle jufques &! compris le 10; coup de vent le 7. Dernier Quartier le 4 à o!+ mat. Eune apogée le 12. 2737. Le 28 Janvier 1737, violent coup de vent depuis midi jufqu'au lendemain à $ heures du matin: il venoit du fud-oueft. Nouvelle Lune le 31 à o"£ du matin; Lune périgée lé 20. Le 4 Avril, coup de vent à Saint-Paul depuis 3 heures du matin jufqu’au lendemain à midi; il s’étoit fait fentir à l'eft de l'ifle dès le premier du mois. Nouvelle Lune le 31 Mars à midi; premiér Quartier le 8 Avril à 1 1° du matin; Lune apogée le 31 Mars. 2738. Le 13 Février 1738, coup de vent qui commence au fud-eft à 11 heures du matin; il a paflé au fud & au Æüud-oueft jufqu’au nord le 14 au matin. Dernier Quar- ter le 11 à $ heures du foir; Lune périgée k 10. Q i 124 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 1739. Le 12 Janvier 1739, il y eut un coup de vent mé- diocre depuis 8 heures du foir jufqu’à minuit; il venoit de l’oueft. Nouvelle Lune le 9 Janvier à 9 heures du foir; Lune périgée le 7. Le 22 Murs, coup de vent du nord: les pluies conti- nuelles jufqu'au 26. Pleine Lune le 25 à 82 du maün; Lune périgée le 30. 1740. Le 21 Janvier 1740, coup de vent du fud jufqu’au nord- eft ; il commence à 3 heures du matin & dure jufqu’au lendemain à midi. Dernier Quartier le 22 à 4"£ du matin; Lune apogée le 15. Le 28 Février, coup de vent à Saint-Denys, dont on ne s'aperçoit à Saint-Paul que par à groffe mer. Nouvelle Lune le 27 à 10" du matin; Lune périgée le 25. Le 13 Mars, coup de vent du fud qui commence à 8" du matin, & dure tout le jour & toute la nuit. Pleine Lune le 13 à 4 heures du foir; Lune apogée le 9. 1742. Le 10 Janvier 1742, coup de vent du nord depuis 7" du foir jufqu'au 11 dans la matinée. Nouvelle Lune le 7 à 1°2 du matin; Lune périgée le 12. 1743. Le 8 Mars 1743, coup de vent du fud qui commence à 8 heures du foir jufqu’au lendemain à 4 heures du foir; il a fait plus de tortà lille de France qu’à l’ifle de Bourbon. Pleine Lune le 10 à 2 heures du foir; Lune périgée le 3, apogée le 17. 3744. La nuit du 9 au 10 Janvier 1744, coup de vent du nord ; le 10 à midi, le vent pafle heureufement au fud, à la faveur duquel un vaiffeau qui alloit à la côte s’eft relevé & a appareillé, Dernier Quartier le 6 à 10" du foir; Lune apogée le 13. 1745. Le 12 Février 174$, coup de vent du nord depuis 3* après midi jufqu’au lendemain tout le jour; la pluie a duré jufqu'au 19. Premier Quartier le 9 à 10 heures du foir; Lune périgée & pleine le 16. 1746. Le 19 Janvier 1746, coup de vent violent qui com- mence le matin par left, pafle au nord & dure jufqu’à la nuit; après un peu de calme, il pañle à l’oueft, à l’eft & au fud : il ne finit que le 22 au foir, Nouvelle Lune DES SCIENCES. 125 le 21 à 8 heures du foir; Lune apogée le 27. La nuit du 16 au 17 Février, coup de vent qui dure peu, mais qui endommage fort les maïs. Nouvelle Lune le 20 à o heure 2 du foir; la Lune dans fes diftances moyennes. Le 6 Avril, terrible coup de vent du nord, dont Ia vio- Jence a duré depuis 6 heures du matin jufqu’à 6 heures du foir. Un vaiffeau Portugais fans gouvernail & réduit à un mât, vient échouer fur le fable; il y périt douze perfonnes. Le vent ayant paflé au fud fur le foir, la mer devint belle tout-à-coup,, le vaifleau refta à fec für le fable où il avoit fait fon lit: ceux qui étoient reflés de- dans furent fauvés. Pleine Lune le 6 à.4"2 du matin; elle eft dans fon périgée. 1747. Le 11 Janvier à 7 heures du foir, coup de vent qui commence par le nord-eft & dure toute la nuit en paffant jufqu'au fud. Nouvelle Lune le 11 à 5"5 du matin; : Lune périgée le 6. 1748. Le 21 Janvier, coup de vent depuis 4 heures du foir jufqu’à la nuit. Dernier Quartier le 23 à 3°£ du foir; Lune périgée le 27. Le 28 Mars 1748, violent coup de vent du fud; il com- mence à 1 heure du foir, & cefle après le folcil couché après un calme d'une heure vers les 5 heures: beaucoup de pluie ce jour & le fuivant, pendant lequel on {ent quelques fortes bouffées de vent. Nouvelle Lune le 29 à 6" du matin; Lune périgée le 22. 3750. Le 31 Janvier, coup de vent pendant Ja nuit qui précède le premier Février; il étoit du nord & violent à Saint- Denys; à Saint-Paul if étoit moins fort & du- fud-oueft. Dernier Quart. le 30 à 8"? du foir; Lune apogée le 26. Le 4 Mars 1750, coup de vent médiocre. Nouvelle Lune le 8 à 11" du matin; elle étoit périgée le 8 au foir. Le 18 Mars 1750, coup de vent plus violent que le précédent ; il dure jufqu’au 30 à 9 heures du matin. La Pleine Lune le 23 à 44 du matin, étant apogée. 1751. La nuit du 26 au 27 Mars 175 1, il y eut le plus terrible ouragan qu'aucune perfonne vivante dans l'ile eût vû: if fit des ravages épouvantbles depuis let, d’où venoit le Q ii 126 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE vent, jufqu'à Saint-Paul. Nouvelle Lune le 27 à midi; Lune périgée le 29. 1752. Le 4 Février, coup de vent de l’eft nord-eft, qui n’eft pas général dans l'ifle. Dernier quartier le 7 à 9"£ du matin ; Lune apogée le 0. Le 21 Décembre 1752, coup de vent du nord & grande pluie ; deux bateaux font échoués. Pleine Lune le 21 à 4 heures du main; Lune périgée le 22. 1753. Le 12 Mars 1753, coup de vent du nord qui met en danger un des vaifleaux de la Compagnie. Premier Quar- tier le 12 à 7 heures du foir; Lune périgée le 14. Le 26 Mars 1753, efpèce de coup de vent qui oblige un vaifleau d’appareiller. Dernier Quartier Je 26 à 10" du foir; Lune apogée le 28. 1754. Le 10 Janvier, efpèce de coup de vent qui commence par le nord-eft, refte au nord-nord-oueft & pafle juf- qu'au fud-oueft. Pleine Lune le 9 à 6 heures du matin; Lune périgée le 11. Les 19, 20 & 21 Avril 1754, coup de vent & ouragan qui fait de grands ravages dans l’ifle; je n’eh aï eu que Pavis fans aucun détail. Nouvelle Lune le 22 à 6"+ du foir; Lune apogée Le 18. ALERTE: GR E M L Obfervarions Jaites à l'ifle de l'Afcenfion. L'ifle de l’Afcenfion eft une relâche ordinaire aux vaifleaux françois qui reviennent de l'Inde. Cette ifle eft petite & n'a uère plus de trois lieues du nord au fud, ni plus de deux de l'eft à l’oueft: elle eft vifiblement formée ou brülée par un volcan; elle eft couverte d'une terre rouge, femblable à de la brique pilée ou à de la glaife brülée. I y a dans quelques endroits une terre jaune comme de l'ochre, & dans quelques autres, & fur-tout dans les fonds, une terre noire & fine. L'ifle eft . compofée de plufieurs montagnes d’élévation moyenne, comme de 100 à 150 toiles: il y en a une plus groffe, qui cft au fud-eft de l'ifle, haute d'environ 400 toiles; on f'appelle 4 . DES SCIENCES. 127 F4 . 4 montagne verte: fon fommet eft double & alongé, mais toutes les autres font terminées en cone aflez parfait. & couvertes : L de terre rouge. La terre & une partie des montaones font . ; ; 5 Ce Eva P . D » jonchées d'une quantité prodigieufe de roches criblées d'une infinité de trous, de pierres calcinées & fort légères, dont un grand nombre reffemble à du laitier: quelques-unes font re- couvertes d’un vernis blanc-fale tirant fur le verd : il y a auffi . beaucoup de pierres ponces. Les roches font pofées les unes fur les autres fort irrégulièrement, & la plufpart fur le pen- chant des montagnes, de forte qu'elles laiffent d’affez grands vuides dans leurs intervalles ; & comme elles font très-léoères & de peu de confiftance, elles manquent fouvent fous les pieds & mettent les voyageurs peu attentifs dans le danger d'être entraînés ou même enfevelis dans leurs écroulemens. La vüe de ces montagnes, & en général de toute l'ile, préfente aux yeux un fpectacle affreux & capable d'infpirer de l'horreur, Vers le milieu de l'ifle & entre les montagnes, il y a de petites plaines qui font divifées en petits efpaces fi finguliè- rement diftribués, qu'on diroit que c'étoient autrefois de petits champs couverts de pierres; qu'on auroit enfuite accumulé ces pierres par tas pyramidaux & par longues rangées en façon de murailles sèches, pour avoir de petits terreins féparés les uns des autres & nettoyés de toutes pierres. Il n'y a aucune rivière ni fource coulante dans cette ile; on:y voit des lits de torrens & des ravins formés par les pluies: on trouve cependant au pied de la montagne verte de l’eau amaflée dans quelques fonds, mais elle s'évapore ou fe perd en peu de mois. La furfice de l'ifle paroît abfolument nue & inculte, je ny ai vü aucun veftige d'arbres ni d’arbriffeaux:; J y ai trouvé quatre fortes de plantes qui font clair-femées çà: & à: la première eft un pourpier d'une fort bonne efpèce; la feconde eft un: tithymale, dont la tige, en féchant, devient affez dure; da troi- fième eft une efpèce de gramen, dont la feuille eft fort étroite,. longue & un peu crénelée comme la prèle ;: da quatrième. qui ne croît que fur les fables du bord de {a mer, eit une: t LI 128 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE efpèce de convolulus, connu aux ifles de France & de Bour- bon fous le nom de patate à Durand. On ne voit guère fur cette ifle que trois efpèces d'Oifeaux, mais qui y font en grand nombre; ce font les fregares, les fous, qui fe liflent prendre à la main où tuer à coups de bâton, & les pailles-en-cul, M y a quelques cabrits fauvages, des rats & des fouris, quelques mouches, favoir, les communes, &: celles qu'on trouve en France fous la queue des chevaux, dont le ventre eft gros & rond, & le corps jaune & écailleux: icielles font de couleur noire, mais du refte de la même nature que celles d'Europe. Il y a peu d'autres infectes : on y voit de petites fourmies noires, & quelques {carabées. Le bord de la mer eft formé par des roches noires & fort dures, qui ne paroiflent pas avoir été calcinées, ou par des plages de fable qui n'eft qu'un débris de coquillages: ce font de petits grains arrondis & de diférentes couleurs, felon qu'étoit celle du coquillage dont le grain faifoit partie; les couleurs principales font le blanc, le jaune & le cramoilr. Ces grains font plus ou moins fins dans les différens endroits de la côte: on trouve des anfes où ils reffemblent à des anis de Verdun, & d'autres où ils reflemblent aux plus fines nom- pareilles de cette ville. Il y a quelques endroits de la côte où ces gros grains de coquillage forment des lits de pierre extrêmement dure, de cinq à fix pouces d’épaifleur. L'ifle de l'Afcenfion, déferte & fans bois ni eau, n’eft fréquentée que pour la pêche de la tortue de mer; nous y en primes plus de cent trente en quatre nuits: la pêche s'en fait de la forte. Quatre ou fix hommes vont enfemble pendant la nuit Le long de fa mer fur les plages de fable: forfqu'ils ren- contrent une tortue qui pond dans un trou qu'elle a fait dans le fable à cinq. ou fix pas du terme où la mer vient battre la plage, ils fe jettent defius & la tournent fur le dos; fituation qu'elle ne peut plus changer, & qui donne le loifir d'en aller retourner d'autres, afin de revenir pendant le jour les embarquer dans une chaloupe pour les mener à bord. Qn pêche encore à l'Afcenfion une grande quantité de poiflons ; DI6E 5,19 ÊG TE, NC Æ, 5 129- poiflons ;-on y voit des carangues, des vieilles, des requins, . des murènes, qui font une efpèce de ferpent de mer ou d’hydre, des bourfes, des huitres & des poiffons volans. Le lieu du mouillage ordinaire eft vis-à-vis d’une anfe dans le nord-oueft de l'ifle; le fond en eft de fable, coquillage brifé & corail; la tenue eft bonne, & il n’y a äucun danger, parce que le vent poule toüjours au large : d’ailleurs, il n'y a pas de coups dé vent à craindre, il ne s’y en fait jamais fentir non plus qu'à l'ifle de Sainte-Hélène, qui en eft à 22 s ou 230 lieues dans le fud-eft. La mer brife beaucoup fur da côte; il eft difficile de sembarquer & de fe débarquer. OBSERVATIONS pour la longitude à pour la larirude de l'fle de l'Afcenjfion. Le 17 Avril 1754, je vérifrai, par le renverfement, {a pofition de la lunette d'un quart-de-cercle qui avoit quatorze pouces de rayon; elle étoit garnie d'un micromètre: le foir, Jobfervai la hauteur méridienne apparente de 8 de la grande Ourfe, de 294 20’. Le 1 8, je trouvai la hauteur méridienne apparente de @ de la grande Ourfe, de 244 25',8, En em- ployant la réfraction de fa Connoiffance des Temps, & les po- fitions de ces Etoiles telles que je les ai données dans mes dernières Ephémérides, j'ai conclu la latitude du lieu où j'ai obfervé, de 74 5 5',r par 8 de {a prande Ourfe, & de 74 54,8 par & de la même conftellation : on doit donc fup- pofer la latitude du lieu où lon campe ordinairement, un peu dans le fud de l'anfe aux François, de 74 $ 5’ méridionale; & parce que nous étions dans la partie nord-oueft de la côte, on peut fuppofer, fans erreur fenfible, que le milieu de l'ifle eft par 74 57° de latitude auftrale. Le 19 au foir, je fufpendis ma montre à fecondes à un des montans de ma tente, & j'obfervai à 7h 53 29", mar- quées à cette montre, la hauteur occidentale apparente de Syrius, de 394 3',7, celle de Rigel, de 134 33,7 à 8h 5‘ 33", & celle de x d'Orion, de 144 3',7 à 8h 37' 25". Ayant enfuite placé une lunette de 14 pieds fur la croifée de deux Mén. 1754 R 130 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE mâts de perroquets de notre vaifléau, plantés obliquement en terre & fortement amarrés enfemble par leur extrémité fupérieure, j'obfervai lémerfion du premier fatellite de Jupiter à 8h 32° 48" à ma montre. Je trouvai par le calcul que cette émerfion s'étoit faite à 8h 49° 18" de temps vrai. À Paris, cette même émerfion fut obfervée à 9h 54 41" par M. Maraldi à l'Obfervatoire royal, & à oh 54 21" à l'Hôtel de Clugny. Prenant un milieu, on a oh 54° 31", & par conféquent 14 $’ r 3" pour la différence des méridiens, dont l'ifle de l'Afcenfion eft plus occidentale; donc fa longi- tude eft de 164 18’ 3, oud'environ 1 6d 17’, en la réduifant au milieu de ifle, & en la rapportant au méridien de Paris. LES où h) RE dt mt nm ei SIC EN CES. 131 MEMOIRE DORE EST NPA RAC TNT E"S: TROISIEME PARTIE. Suite de la defcription des Sralactites calcaires. Par M. GuEzTTAR D. I À longue difcuflion où j'ai été obligé d'entrer à Ia fin de la feconde partie de mon Mémoire, m'ayant empêché de parler de plufieurs fortes de Stalactites, j'ai cru devoir réunir dans une troifième partie la defcription de ces corps, & y ajouter mème celle de quelques autres que J'ai connus depuis la lecture de ce Mémoire, comme les ftalaétites qui font en éponge ou en cerveau *, un dépôt fingulier d'albâtre, le fos * Voy. PL.I, ferri ou fleur de fer, une jolie incrufation de ces pierres rondes “°° *Voy. PI.II, qu'on appelle communément dragées où pois pierreux*, 120 Toutes ces ftalaétites, de même que les autres dont il fera "3-4 5° 6- queftion dans cette troifième partie, font calcaires, & la plufpart doivent être regardées comme étant de la nature du fpath. Ce fpath même eft, en quelque forte, cryftallifé dans plufieurs; il y forme du moins des rayons qui femblent partir d'un centre commun, & finir par le bout qui eft à la cir- conférence en efpèces de facettes: c'eft ce qu'on remarque dans des morceaux de celles qui fe tirent des grottes de Cau- mont près de Rouen, de Villecroze à queiques lieues de Draguignan, de Barjols. à trois lieues de Villecroze, d'Arci en Bourgogne, & des carrières de Saint-Germain, village peu éloigné de Lyon. Dans ce dernier endroit, les ftalactites forment de grandes plaques jaunes ou d'un brun rougeître, ou bien elles fe rami- fient; elles font ordinairement placées le long des coupes faites dans le maflif des pierres & vers le haut des carrières, R ïi 132 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qui font d'une pierre calcaire qu'on emploie principalement dans les bâtimens de Lyon. M. le Cat a fait connoître, par Ja voie du Mercure de France, les grottes de Caumont. Les morceaux de ftalaétites de ces grottes que j'ai eus, font en cones, percés d'un trou faivant leur longueur, rayonnés & d'un blanc brillant dans leurs caflures. La grotte de Villecroze eft fituée prefque au haut d’une colline où l'on n'aborde que difficilement en grimpant : toutes les parties de cette colline font fournies de fources très- claires, tapiflées d’une quantité de capillaires. L'entrée de la grotte eft aflez étroite, mais le dedans eft vafte & fpacieux: il y a une vingtaine de colonnes de différentes figures, formées par l'eau; elles pendent du haut de la voûte jufqu’à terre, d'autres en defcendent, mais ne touchent pas le fol; elles en font plus ou moins éloignées de quelques pieds. Ces flalaétites font brunes ; dans quelques parties elles font noirâtres, apparemment à caufe du fable que les eaux entraïnent : la grotte renferme une très-belle fource. À trois lieues de Villecroze, la petite ville de Barjols pof- sède plufieurs de ces grottes gouttières; elles font chez les R. P. Carmes, & toutes contigues les unes aux autres, moins élevées que celles de Villecroze, & les flalactites en font plus fingulières; on y voit des formes bizarres de toutes fortes de fruits, légumes, animaux, &c. On prétend qu'un Religieux, amateur d'Hiftoire Naturelle, s'étoit amufé à récevoir a fil- tration de ces grottes dans des creux qui étoient empreints de ces figures ou d’autres objets femblables, & que l'eau fe condenfant dans ces moules, prenoit la forme qu'il avoit de- firée. Quoi qu'il en foit, les ftalactites de Barjols font d'un beau blanc; il ÿ en a des morceaux dans la Bibliothèque du Couvent, qui font d’une délicatefle & d'un travañl furpre- nans. Je dois ces obfervations à M. l'Abbé Nolin, Chanoïne de Saint Marcel, connu par fon goût pour la culture des fleurs & des jardins fruitiers; & les morceaux de ces der- nières flalactites que je tiens de lui, m'ont mis en état de décider de leur nature, . DES) SCT EIN CEISMIM 133 Si j'ai parlé des ftalactites des grottes d’Arcy , ce w'eft non plus que fur les morceaux que j'en aï reçûs de M. Liger, Mé- decin de la Faculté de Paris, & de M. Jobineau, Prêtre de la Doétrine chrétienne, qui avoit joint à fon envoi, une def- cription de ces grottes, laquelle ne fera pas, à ce que je crois, déplacée ici, quoique nous en ayons déjà quelques-unes. Ces grottes font ainfi nommées d’un village qui fe trouve entre Auxerre & Avalon, à une demi-lieue de Vermanton, au fud-eft de Paris: le village eff fitué fur une hauteur, au bas de laquelle coule une petite rivière appelée la Cure, & c'eft dans l'intérieur de cette montagne que font ces merveilleufés grottes: l'entrée préfente la figure d'un dôme ‘taillé dans le roc, qui peut avoir environ cinq pièds de haut für douze de diamètre. A l'extrémité de ce dôme fe trouve une porte qui n’eft commode que pour les pêtites tailles; deux pieds & demi de haut & autant de large font fes dimenfions. Cette porte eft celle d'une grotte affez vafte, concave comme la première, mais dont la hauteur n'eft pas la même par-tout, & à Jentrée il n'y a qu'environ quatre pieds du fol à 11 voûte; peu à peu la hauteur devient plus confidérable, parce que le terréin va en pente: on n’y voit de remarquable qu'un “étang fur la droite, dont je n'ai pas mefuré l'étendue, dit M. Jobineau; l'eau en eft extréèmement claire & agréable au goût. On n'aperçoit pas de pétrification dans cette grotte; elle peut être regardée comme anti-chambre des magnifiques appar- temens qu'on rencontre enfuite, | IL eft vrai qu'il n'eft pas facile d'y parvenir; le paffage qui y conduit s'appelle le #rou-madame. Cet une allée d'environ douze pieds de long, deux de large & autant de hauteur: il faut ramper en y pañlant; & ce qui eft plus in- commode, c'eft que cette voute eft garnie d'une infinité de flalactites en cul-de-lampe, qui ne permettent pas qu’on lève a tête: pour fe tirér de cette fituation incommode. C'eft là, à proprement parler, que commencent ces ad- #irables ouvrages de la Nature, En fortant de ce dangereux R ii 134 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE défilé on fe trouve dans ce que les gens du pays appellent la lairérie: c'eft un petit filon entouré de pétrifications; il eft nommé la Jaiterie, parce que de la voûte, à laquelle on peut atteindre avec la main, pend une multitude de ftalaétites, en forme des pis de vache parfaitement bien configurés, elles laiflent couler de leurs extrémités quelques gouttes d'eau, qui dans la fuite forment des corps folides. De la literie on paffe dans une autre grotte, qui n'a de curieux que de petites pétrifications qui paroiflent attachées à la voûte comme des diamans: ce font probablement des commeuncemens de cul-de-lampe qui, avec le temps, devien- dront plus confidérables. : La marche dans toutes ces falles n'eft ni commode ni aifée, parce que le terrein eft couvert de pierres, ou qui fe font détachées de la voûte, ou qui fe font formées fur le fol par l'eau qui y tombe continuellement. Cette dernière grotte conduit à un falon entouré de colonnes, qu'on appelle le jeu d'orgues, probablement à caufe de leur dilpofition en forme de tuyaux d'orgue; car pour le fon, j'ai éprouvé, dit M. Jobineau, qu'elles ne rendoient que celui qu'on peut tirer des pierres ordinaires en les frappant. De ce falon on entre dans un autre où l'on admire une magnifique coquille de cinq pieds de diamètre au moins, foû- tenue en l'air par un pilier aflez mince qui tient à [a voûte. Le pilier s'eft formé d'abord; peu à peu l'eau, en s'étendant, a donné naïflance à la coquille, qui augmente tous les jours, & qui pourra bien dans la füite fe détacher de fon pilier, lorfqu'il fe trouvera trop foible pour la foûtenir: les payfans Yappellent le chapeau de Saint-Jacques. La falle qui fuit eft remarquable, & par fa grandeur, & par deux belles colonnes contigues qui la foûtiennent au mi- lieu ; elles font fort délicates, n'ayant au plus qu'un pied de diamètre fur vingt ou vingt-cinq de hauteur. Cette falle com- munique à une autre qu'on appelle la falle du bal, foit à caufe de fa grandeur, foit parce que le plancher eft fort uni, au lieu que dans les autres il eft femé de cailloux: elle peut DES SCIENCES. 135 avoir cent pieds, ou même davantage, de longueur, fur qua- rante ou cinquante de hauteur : elle eft terminée à l'extré- mité par une magnifique décoration qui, à vingt pieds. de diftance, paroît comme un bel amphithéatre formé par dif- férens arrangemens de ftalaétites. Derrière cette falle eft une petite grotte qui n'eft curieufe que par un cul de lampe auquel eft fufpendu un cœur de bœuf parfaitement conformé. De là un pafñfage long & fort étroit, mais où la tête ne court pas le même rifque que dans le premier dont on a parlé, conduit dans un affez beau falon de quinze. ou vingt pieds, fort fimple, prefque fans aucune congélation, excepté dans le fond. où l'on remarque un beau cone ou pain de fucre: de dix ou douze pieds de haut. On entre enfuite dans une falle oblongue, au milieu de laquelle fe voit une colonne torfe d'un pied de diamètre à fa naïflance, & finiflant en pointe: elle eft environnée d’au- tres petites colonnes qui font comme autant de fatellites qui la défendent, & qui partent du bas fans monter jufqu’à a voûte, où elles pourront cependant parvenir un jour, fi l'eau, en tombant, continue de les augmenter. Enfin le tout eft terminé par une grotte qu'on appelle les Berceaux. Ce qui m'y a frappé, dit M. Jobineau, ce font des efpèces de ramifications pétrifiées, qui paroiffent comme les racines des colonnes qui environnent cette falle : elles refflemblent parfaitement aux racines de ces gros axbres, qu'on aperçoit dans certains endroits où elles ne font pas couvertes de terre. Quelques perfonnes aflurent qu'il y a encore au delà une petite grotte peu confidérable; mais il faut prefque fe plier pour y entrer, & on n'y voit rien qui puifle dédommager: de cette peine. On remarque dans toutes ces grottes que Fair eft extré- mement tempéré: M. Jobineau y a été par un temps fort chaud & à neuf heures du matin ; il comptoit, en y entrant, , éprouver un air extrémement frais, d'autant plus qu'il y a: * Mém. 1753» page 106. 136: MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE de l'eau de tous les côtés ; il l'a trouvé au contraire fort doux: 1 moins profonde de nos caves eft plus froide que ces grottes. Ces grottes fervent de retraite à une prodigieufe quantité de chauve - fouris: on les voit attachées aux voûtes. Les Curieux n'ont garde de les troubler, car alors elles viendroient en foule voltiger. autour des flambeaux qu'on eft obligé de porter pour s'éclairer dans ces foûterrains, & elles les étei- gnent ainfi quelquefois: on prend. par conféquent la précau- tion d'avoir avec : foi quelque chofe qui puiffe. fubvenir à cet inconvénient. Dans une des falles on voit un monceau de cinq à fix pieds de haut, formé par les excrémens de ces animaux. Les ftalaétites font toutes percées par le milieu ;,c’eft par ce trou que l'eau fe filtre & prend, en s'étendant, différentes formes. Les ftalaétites reflemblent, en commençant, à un marbre d’une blancheur parfaite, mais peu à peu elles fe ter- nifient. | L'extenfion que j'ai donnée au nom de fhilaite femble- roit exiger de moi que je parlafle ici, de .ces dépôts, qui fe font fur les bords de plufieurs eaux minérales, & qui-pren- nent des figures analogues à celles des corps fur lefquels ils fe font: j'en connois plufieurs, tels que font ceux des fon- taines minérales du Mont-d’or, de Bourbon-l'Archämbaud & de Vichy. M. de la Sône, de cette Académie, a. fait connoître la nature des dépôts de cette dernière fontaine, dans un Mémoire * fur l'analyfe de fes eaux : ils {ont d'une matière calcaire, & ils contiennent quelques parties ferru- gineufes &c falines. Je ne crois pas que ceux des deux autres fontaines foient bien différens ; je n'ai mème pas cru devoir en faire autrement l’analyfe, qu'en les jetant dans les acides, où ils fe diflolvent, & dans le feu, où ils fe calcinent: la couleur jaune rouille de fer qu'ils ont fouvent, y annonce des parties ferrugineufes. Je m'étendrai un peu davantage fur deux dépôts finguliers peu connus jufqu'à préfent, & qui cependant ‘méritent de ‘ètre DRE S :S-CAfE N» trifié par la fuite des temps, dans >» un intervalle de douze à treize cens ans au plus. » Cette remarque eft de M. l’abbé Belley, de l'Académie des Inferip- tions, qui à ma prière a bien voulu éclaircir ce point intéreffant & qui pouvoit jeter quelque lumière fur la queftion quiregarde la durée du temps néceffaire pour que les pierres ac- quièrent la dureté que nous leur trou- vons. Douze ou treize cens ans que M. l'abbé Belley affigne pour la du- xée de ce temps, n’elt rien en com- paraifon de ce que quelques Auteurs demandent pour que ces pierres puif- fent être d’une certaine dureté ; peut: être même qu'il en faut encore beau- coup moins. Les dépôts qui fe: fonr | dans les canaux des eaux d’Areueil , ne font pas à la vérité auffi durs que l’albâtre de Paquéduc trouvé à Aix; mais il y a des pierres qui n’ont cer- tainement pas une dureté qui foit fupérieure à celle de ces dépôts, & beaucoup d’autres en ont une bien. inféricure: il n’eft par conféquent | pas néceflaire de remonter, comme font encore beaucoup d'Auteurs, & L des:fiècles reculés, & même jufqu’à læ formation première de la Terre, pour expliquer celle des pierres. T üj 150 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE amas de quelques autres petites couches très-minces, Ces couches font ondées, & rentrant aïnfi les unes dans Îles au- tres, elles font un tout uni, ferré & compact. Quoique ces ondes foient fenfibles fur le tranchant de cette tablette, on les voit encore beaucoup mieux & beaucoup plus diftinéle- ment en deflus: elles y forment dans toute la longueur deux bandes de deux pouces en largeur, qui font d'un brun & d'un blanc plus clairs que le refte; on les prendroit d'abord pour deux pièces de rapport, & on penferoit volontiers qu'on auroit voulu encadrer cette tablette. Une pareille fimgularité auroit été bien avantageule, fi la malle totale de cette pierre neût pas été caflée fans pré- caution : il auroit été facile d'en couper des tables aflez lon- gues pour qu'on en püt faire des trumeaux, des delius de commodes & autres pièces femblables, qui au moyen de quel- que fupplément auroient paru être encadrées avec beaucoup d'art & d'adrefle, On auroit ainfi imité ces tapilieries que nous encadrons, & que de plus nous bordons de grands galons d'or ou d'argent, & ces deflus de commodes anciennes en marqueteries, qui avoient des quadres, & pour lefquels on ‘femble vouloir de nos jours reprendre quelque goût, Si les arts ont fait une efpèce de perte par le peu de foin qu'on a eu de la mufle totale de cet albâtre, cette perte au reile ne s'elt point étendue jufque fur l'Hiftoire Naturelle : ce qu'il en refle, eft plus que fufhfant pour nous mettre en état d'en bien expliquer la formation & d'en bien connoître Rh nature. On ne peut, au premier coup d'œil, s'empêcher de reconnoiïtre dans cette pierre une elpèce d'albâtre : fon poli, quoique beau, eft un peu gras comme celui de toutes les autres efpèces de cette pierre ; de plus, laétiën des acides minéraux fur elle & fa calcination dans le feu en conftatent entièrement la nature, & le brillant des écailles, qui eft fem- blable à celui du fpath, prouve que cette matière calcaire eft de la nature du fpath qui fe calcine. Les caflures font voir encore que fi ce fpath eût pü fe cryftallifer, il auroit pris la figure de colonnes, qui eft ordinaire au fpath des flalaélites les plus communes. a ts “ DES SCIENCES 1$1 Quant à fa formation, on ne peut pas s'empêcher de re- connoître qu'elle eft la fuite de dépôts fucceffifs d'une matière qui a été chariée par un fluide. Les ondes de ces deux larges bandes des côtés le démontrent invinciblement : elles fem- blent même prouver que la pierre a dû fe former dans un endroit où l'eau étoit reflerrée & contrainte. En efet, cette eau devoit fouff'ir quelque retardement fur les côtés du canal, & accélérer fon mouvement dans le milieu: ainfi l'eau de ce milieu devoit agir & preffer l'eau des côtés, qui en ré- fiflant ne pouvoit par conféquent que fouffrir différentes cour- bures & occafionner, par une fuite néceflaire, des finuofités que le dépôt a confervées. La rapidité ou Le plus grand mouvement du milieu de l'eau a encore dû être caufe qu'il ne s'eft fait dans le milieu du canal que le dépôt de la matière }a plus fine & la plus pure: les parties les plus groffières & les plus lourdes ont dû être rejetées fur les bords & s'y dépofer aif- ment, vü la tranquillité du mouvement de l'eau dans ces endroits. * Quand les loix du mouvement par rapport aux corps qui font emportés dans un fluide, ne le prouveroient pas, la différente dureté de eet albâtre fembleroit demander cette’ explication. Le marbrier qui a poli la tablette dont j'ai parlé, Ja trouvée beaucoup plus dure dans fon milieu que fur les bords, & cette dureté étoit d'autant plus grande, que là partie qu'il polifloit approchoit plus du milieu: cet endroit étant compofé de parties plus fines & plus homogènes, l'union en a dû être plus parfaite & plus entière, & par conféquent a dureté plus grande & le poli plus beau. Le mouvement de la matière qui a charié celle qui s'eft dépofée , eff prouvé non feulement par les ondes & les couches du dépôt, mais encore par fes taches truitées & écailleufes. On remarque aifément à la loupe qu'elles fem- blent anticiper un peu les unes fur les autres ; ce qui ne peut venir que de ce que la matière qui a donné naiffance à cette piérre, étoit portée par un fluide qui ne dépoloit pas exac- tément les parties les unes au deflus des autres, mais de façon 152 MÉMOIRES #DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'elles glifloient un peu les unes fur les autres: ce qui prouve que ce.fluide ctoit en mouvement lors de la formation de cette pierre. Après ce que j'ai dit dans ce Mémoire fur Jes couleurs des ftalactites dont il a été parlé, il feroit fans doute inutile de faire remarquer que celles de cet albâtre ne peuvent venir que de ce que les parties de fpath qui font naturellement blanches, ont plus-ou moins de parties colorantes, qui peu- vent être des parties de fer ou de quelqu'autre métal. Ces parties, quelles qu'elles foient, ont été apparemment plus abondantes dans le milieu de la pierre que fur fes côtés, & mème que dans fa partie inférieure, puifque ces endroits font moins colorés. Je n'ai encore fait cette remarque que par rapport aux côtés : je ne dois pas cependant finir cet article fans dire que la tablette de cette pierre qui eft dans le ca- binet de S. A. S. M. le Duc d'Orléans, peut en quelque forte être diflinguée en deux portions, en portion fupérieure qui eft la plus brune, & en portion inférieure qui eft plus blanche. Les taches ne font pas mélangées dans celle-ci, mais plus diflinétes; elles ont quelque rondeur, au lieu qu'on ne peut afligner de figure à celles de la portion fupérieure : cette différence dépend apparemment du retardement que l'eau a fouflert des frottemens occafionnés par le fond du canal & par les efpèces de tournoiemens & de tourbillons que ces frottemens ont dû produire, La pefanteur des parties métalliques que j'ai admifes comme caufe de fa couleur de cet albâtre, femble s’oppoler à ce‘te explication: ces parties étant plus pefantes que les parties propres à l'albâtre, auroient dû pluflôt tomber au fond du canal que refter fufpendues, & colorer ainfi davantage la partie inférieure de la mafle totale. On peut, afin de lever cette difficulté, fuppofer que les parties métalliques étoient, pour le plus orand nombre, fines de façon à refter fuf- pendues dans le milieu, & qu'il n’y avoit que les plus grof- fières qui étoient rejetées fur les bords ou qui tomboient dans le fond; on pourroit peut-être encore n'attribuer cette couleur P.. PSE DES SGLENCES 153 couleur qu'à des parties végétales ou de tout autre corps plus léger que les métaux, comme peuvent être certaines terres, on réfoudroit ainfi l'objection , ou elle n’auroit plus lieu. Quoi- que l'eau de ce canal contint apparemment quelquefois des poiflons, puifqu'on en a trouvé une empreinte dans le bloc d'albâtre formé par le dépôt de cette eau, je ne voudrois pas cependant qu'on penfät que je fufle dans l'idée que des parties animales euflent donné la couleur à cet albâtre, & que je penchafle ainfi vers le fentiment d’un certain Auteur qui attribuoit la couleur de tous les corps aux parties colorantes des animaux, & principalement des coquilles. Ce fyflème ridicule fe réfute de lui-même, & l’énoncer c’eft le détruire. Une autre flalhaétite remarquable non feulement par f beauté, mais encore plus par une efpèce d'erreur qu'elle a anciennement occafionnée, & qui n'eft pas encore entière- ment détruite, mérite que j'en fafle ici mention. Cette fta- laétite porte communément le nom de fos ferri ou fleur de fer: bien des perfonnes, malgré ce qu'en difent plufieurs Naturalifles, la regardent comme une végétation de fer. Ce corps n'eft autre chofe qu'une ftalactite d’un fpath à filets, très-beau & très-blanc. Ce fpath, comme tous les fpaths calcaires, fe calcine & fe difiout dans les acides minéraux : peut-être contient-il quelques particules de fer, mais ce n’eft fans doute que parce que prefque tous les corps en ont plus ou moins; & quelque quantité que cette flalaétite en donnât, on ne pourroit jamais la placer avec les végétations de fer. . Ce qui a fait tomber dans l'erreur dont tout le monde n'eft pas encore revenu, eft, à ce qu'il paroit, le lieu d'où Von tire en plus grande quantité cette efpèce de flaladite : elle fe forme abondamment dans les mines de fer de Stirie, & eïle tient aflez communément à une plaque de cette mine qui lui fert de bale. C'eft fans doute cette plaque qui fait que M. Gronovius parle de cette flalactite à l'article des mines de fer, & qu'il défigne celle qui porte de la fleur par le Joan. Frederici Gronovit Index fupelledtilis lap. , ÿ4r 48. nom de mine de fer avec de la faactite, Quoique M. Le Barions Mem. 1754 i-5.° 175 Lin. fl. Nat. Pra1, n.9 7% Lipfæ, 1748, in-8. 154 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE Gronoviusne place point pofitivement le fs ferri fous le senre des ftalaéites, on ne peut raïfonnablement douter qu'il ne regarde ce corps comme une vraie ftalactite, & que ce ne foit de a plaque ferrugineufe qui en fait la bafe, dont il s'agit dans cet endroit. H y a d'autant moins lieu d'en douter, que plufieurs Na- turalifles avoient déjà combattu le fentiment contraire, & en particulier M. Linnæus, dont le fyftème fur les minéraux eft , généralement parlant, adopté par M: Gronovius. Le premier caraétérife le los ferri en difant que c'eft une flalac- tite rameufe & de la nature du marbre. On ne peut dif convenir que ce ne foit une flalactite; mais qu'elle foit de la nature du marbre, c'eft ce qu'on ne peut admettre qu'autant qu'on étendroit le nom de marbre au fpath & à toutes les ef- pèces de ce genre. Les vrais marbres ne font pas compolés de parties filamenteufes, comme le fs ferri. Il eft vrai que M. Linnæus place le plâtre ou le gypfe avec les marbres, & qu'il le caraétérife par Ra propriété d'être formé par des filamens perpendiculaires & parallèles; mais le gypfe ne fe diflolvant pas à l'eau forte, ce que fait le flos férri, ce ne peuvent être des parties femblables à celles du plâtre qui entrent dans là compofition du os ferri, & je penle qu'il meft guère poffible de rapporter cette flalaétite qu'à celles qui font de fpath, & d'un fpath filamenteux. En effet, les caflures de cette flalic- tite font voir que fes parties font autant de petits rayons qui partent d'un centre & qui vont, en fe divergeant , aboutir à une circonférence, que ces rayons font très-fins & très-mul-- üpliés, qu'ils font d’un blanc brillant qui a quelque chofe de gras comme le brillant de tous les fpaths. C'eft ce que j'ai remarqué dans les morceaux de flos ferri que j'ai examinés, tels que peuvent être ceux du Cabinet de S. À, S. M. le Duc d'Orléans, ceux qui fe voient dans les Cabinets de M." de Boisjourdain, Davila & Moirou. Ces morceaux ne diffèrent point du côté de leur fubftance & de leur compofition, ce n'eft que par la grandeur dont ils font & par le plus ou le moins de ramifications qu'ils jettent: tn SL. de ‘a Joe est Came mes à pen EL DES SCIE N:CcE:6. 155 ainfr je n'héfiterois point, fi je voulois caraétérifer le flos ferri, à l'appeler flalatite fpatheufe, dont les parties compoñantes font filamenteufes, fines & délices. Quoique le fentiment de Henckel ne foit pas déterminé fur J. F. Henctel la nature du os Jerri, il n'y a pas de doute que cet Auteur ae ve penfoit qu'il étoit pluflôt de celle du fpath que de celle du 1,». 66, trad, marbre, puifqu'il lé range avec les pierres qui ne peuvent, nu. aB dit-il, fervir ni de chaux ni de plâtre, & qui participent f de la nature calcaire & de celle du caillou, & que fous ce genre il réunit le {path & le #os ferri. Qu'il penfit au refle que le flos ferri {ti de fpath ou de quelqu'autie matière, il ne croyoit certainement pas qu'on dût le revarder comme une végétation de fer; il paroîtroit même qu'il le regardoit comme une flahétite, par la façon dont il en parle, & par la place qu'il lui donne à Ja fuite des flaliétites dans l'énumé- ration qu'il fait des pierres qu'il met fous le genre dont il s'agit dans un endroit de fon Ouvrage. IL fémbleroit fuivre de ce que Bruckman dit dins une Far. Em. de fes Lettres, que le fs ferri eft de la nature du for fee. 7 %Amer cnile niteux. Cet Auteur rapporte du moins que le for blanc, de Gnr2 p.497, la nature de la félénite, qui fe tire des mines de fer qui font "7" dans une montagne proche Ahlen, du Duché de Wirtemberg, eft femblable à celui dont eft formé le ffos ferri. M y a lieu de penfer que Bruckman appeloit félénite une elpèce de fpath, ce nom ayant été donné par plufieurs Auteurs à quelques efpèces de cette dernière pierre. Quoi qu'il en foit, il n'y a pas lieu de douter que Bruckman n'ait été bien éloigné de penfer que le flos ferri fût réellement de fa mine de fer qui eût vé- gété; il dit même dans un autre endroit que c'eft une ftalactite, . Zyÿf. x21, äl la compare au corail blanc ou à des cornes de cerf, if a """?#3" diftingue encore autre part des couches de mine de fer, aux- quelles elle étoit attachée: il y avoit deux de ces couches, lune Ep.cvxxrrr. étoit rouge, & l'autre jaune & d'une couleur de fer. CRE à” Un des premiers Auteurs qui ait parlé du fos ferri, & le Carol. Ohmb premier fans contredit qui en ait donné une hifloire fuivie Cr Bebe & détaillée, eft Ohmb; il veut que cette matière foit une am.v1p.29 5. Vi 6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fubftance calcaire, dépofée à l'air fibre par l'eau qui la charioit. I n'a été conduit à embraffer cette opinion que conféquem- ment à l'analyfe chymique qu'il en avoit faite. Ohmb au refte ne détermine point fi cette fubflance calcaire eft un fpath ou tel autre corps de cette nature. Il femble qu'il s'étoit pro- pofé de prouver que le fos ferri w'étoit point dû à de la mine de fer, mais à des matières calcaires qui font entraînées par l'eau qui {e filtre au travers des montagnes d'où l'on tire cette flalaétite, & qui va former ce dépôt dans les cavernes de ces montagnes. Il faut avouer que cet Auteur a très-bien réufi, & que la Diflertation qu'il a donnée fur cette matière ef très-curieufe & très-intéreffante. Non feulement il donne une analyfe de cette flaladite, mais il en explique la formation, il en décrit toutes les variétés & les a, pour la plufpart, fait graver. Il y enaqui, fans prendre de forme déterminée, jettent des branches en tout fens, d’autres repréfentent quelque corps naturel, comme du corail blanc, des feuilles découpées, les finuofités de la partie fupérieure de Vémail des dents molaires de certains quadrupèdes, ou bien ce font autant de réfeaux très-fins. Bien loin de jeter ainft des branches en grand nombre, fouvent cette matière ne fe réunit qu'en des mafles femblables à de l’albâtre, ftriées tantôt comme de la pierre hématite, tantôt comme de l'antimoine+ d'autres fois elle multiplie à l'infini les branches qu'ellejette, 8 repréfente ces efpèces de plantes qui couvrent dans un temps froid les vitres des fenêtres expolées à l'air. La dureté, la couleur & la tranfparence de ce corps varient auffi-bien que la forme qu'il prend; fon intérieur eft fouvent d'un blanc de lait, fouvent ce blanc tire fur celui de l'argent: fa dureté eft quelquefois affez grande, quelquefois elle eft f peu confidérable, que pour peu qu'on touche ce corps, il fe: brile très-aifément: fon opacité eft ordinairement grande: : l ; quelquefois il eft tranfparent & compolé de petits cryflaux. Toutes ces variétés font voir combien il eft difficile de: caractérifer le os ferri, & que quiconque le détermineroit par Fune‘ou par l'autre de ces propriétés, n’en feroit au plus DES SCIENCES. 157 connoitre qu'une variété. De dire, par exemple en général, qu'il fe ramifie, de le comparer au corail ou aux cornes de cerf, ce n'eft pas fpécifier celui qui eft découpé en feuilles, celui qui ne forme que des mufles informes, celui qui repré- fente les finuofités d'une dent molaire: le fpécifier même par fes fibres parallèles, comme je l'ai fait, ce n’eft probablement non plus qu'en dénoter la variété à plus commune, puifque, felon Ohmb, il s'en trouve qui ne font qu'un amas de petits cryftaux réunis & qui forment un corps tranfparent. De quelque façon qu'on le caraétérife, il faut fans doute éviter de le rapprocher, comme Aldrovande a fait, des mines de fer: cet Auteur le place avec les varictés de mine de fer, & paroït bien ne le pas reconnoïtre pour autre chofe. Dans Fénumération qu'il fait de ces variétés, il rapporte qu'il vient quelquefois de Stirie du flos ferri qui eft très-blanc, léger, qui fe ramifie comme le corail, & qui eft quelquefois aufi fin qu'un fil. Je ne fais fr c'eft dans Fopinion fauffe d’Aldrovande qu'a -pris naiflance l’idée où il paroït qu'on eft en Allemagne, même parmi certaines perfonnes, que le fos Jerri eft une végétation de fer: cette idée n'eft pas en France fans partifans, & je connois une perfonne, infhuite de la Minéralogie, qui pré- tend qu'il faut fe précautionner contre l'idée contraire. I feroit certainement ridicule de le faire, après ce qu'ont dit de ce corps les meilleurs Naturaliftes & les Chymiftes les plus habiles, dont j'ai rapporté ci-deflus le fentiment. On voit donc le cas qu'on doit faire de l'opinion de ceux qui prétendent que « le fs ferri eft proprement une efpèce de métal qui continue à croître & à devenir plus grande & plus parfaite pendant le temps qu'elle refte dans la mine, & que e’eft effectivement une évaporation ou une exhalaifon du métal de fer ». J'ai tiré ce paflage d’un Mémoïre inftrudtif, envoyé à M. de Boisjourdain avec un magnifique morceau de flos ferri qui avoit été pris dans la mine même par la perfonne qui failoit cet envoi, & qui avoit fait entrer dans fon Mémoire ne defcription des grottes. où l'on trouve le os ferri. Je V ü Aldrorarà Mu. Metal Lib. I,p. 135% a a 4 æ o 158 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE tranfcrirai ici d'autant plus volontiers cette delcription, qu'aucun des Auteurs dont j'ai parlé plus haut, pas même Ohmb, n'a fait connoître ces grottes. « Cette mine où montagne, qui produit une quantité infinie de fer & d'acier, eft, fuivant l'auteur de la defcription, fituée dans le duché de Sürie ou Sreyer - miarck, appartenant à l'Im- pératrice Reine de Hongrie & de Bohème. Il y a plus de douze cens ans que cette mine a été découverte, mais il n'y cena que deux cens ou environ qu'on a trouvé la fleur de fer. C’étoit peut-être alors dans l'efpérance d'y découvrir des veines d'or ou d'argent, qu'on avoit fait un chemin afiez commode jufau’au milieu de la montagne; mais au lieu de ces riches métaux, on ne rencontra que de la fleur de fer en queftion. En 1747, l'auteur de cette defcription vifitant des fibri- ques de faulx, limes, aciers, &c. qui font difperfées dans ce pays, fe trouva proche de cet endroit. Malgré la défenfe exprefñe qu'il y a de ne faire voir à qui que ce foit les grottes où croit le fs ferri, ilobtint enfin de l'Impératrice Reine, fur fa recommandation de quelques perfonnes en place, la permif- fion d'y entrer. Hi me fallut, dit l'auteur, premièrement monter la mon- tagne par dehors de plufieurs milles jufques environ la moitié de la hauteur, où j'arrivai à l'entrée du chemin avec les Direc- teurs de la mine qui n'accompagnoient; nous y entrames chacun une lumière à la main. Après avoir été une heure ou à peu près à faire le chemin, qu'on a exprès & avec beaucoup de peine creufé dans l'intérieur de cette montagne, & qui s'étend jufques environ fa moitié, nous arrivames à deux chambres que la Nature mème a préparées d'une manière étonnante ; elles font en quelques endroits d'une grande étendue, & dans d’autres fi étroites qu'on a de la peine à y pañler. Ces chambres ne font foûtenues ni de piliers ni d'autres fupports qui puiffent empêcher l'écroulement de leurs voûtes. C'étoit le plus beau fpectacle du monde de voir ces chambres de haut en bas, garnies par-tout & couvertes de cette fleur blanche comme la neige, & femblable à une tapifierie qui forme HDiE-Ss S'CN'E N'c/ElMs ï ur nombre infini de figures; elle eft d’ailleurs fi adhérente au métal de fer, qu'on a de la peine à l’en détacher, Ces mines, continue l'auteur, font les feules qui fourniffent le fos ferri, quoiqu'il y ait en Europe, comme on le fait, un nombre infini de mines de fer. » JL paroît bien que la Stirie eft le pays où cette belle ftalac- tite fe trouve le plus abondamment, mais il pourroit bien fe faire que l'auteur du Mémoire eût été mal informé: on peut même dire, d'après M. Linnæus, qu'il en eft autrement. En eflet, M. Linnæus après avoir, dans fon fyfème de la Nature, affigné la Stirie pour l'endroit où cette ftalaétite fe trouvoit, ” dit, dans le catalogue du cabinet de M. le Comte de Teffin, qu'il sen voit aufir en Alface. M. Gronovius, dans l'Ouvrage dont il a été queftion plus haut, rapporte qu'on en a trouvé dans la mine qui eft proche le village de Grunde, peu éloigné de Claufthal. Les mines de fer ne font probablement pas non plusles feules où il puifle fe rencontrer de cette ftalaétite: par-tout où il y aura de la matière fpatheufe, il pourra fans doute sy en former. Un morceau de cette congélation, qui eft dans le Cabinet de S. A. S. M. le Duc d'Orléans, avec une note de M. de Treffan, paroît avoir été tiré d’une mine d'argent : il eft du moins dit dans cette note que ce corps eft un fluor nommé fntor par les Mineurs, & qu’il fe trouve fur la fuperficie & dans les côtés du filon, des mines d'argent. Rien fans doute n'empèche que cela ne foit: fon fait que les mines d'argent font très-fouvent réunies à une matière fpatheufe, & que les montagnes qui ont de femblables mines font, pour Fordinaire, remplies de cette forte de pierre; ainfi il eft peut-être plus commun d'y obferver du fos ferri que de n’y en pas rencontrer; & lopinion qui porte à penfer autrement n'a pris peut-être de la vogue que parce que cette flalatite étoit connue fous un autre nom, & par conféquent méconnue pour être du fls ferri. H faut cependant avouer que s'il peut fe former, & s'il fe forme réellement, de cette congélation dans d’autres A € Mufeum Teffin: p. 76 n° 3 in-fol, Holmiæ,;. 17537 endroits que dans les mines de fer de Stirie, on n’en connoit . 160 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE pas encore d'autres d'où l'on puifle tirer d'auffi beaux grouppes que ceux qu'on nous envoie de temps en temps de ce pays. J'en connois trois * dans Paris qui font plus beaux les uns que les autres; Fun eft du riche cabinet de M. Davila, qui, par fon zèle & fon ardeur à fe procurer ce qu'il y a de plus recherché en Hiftoire Naturelle, a fû fe former une colleétion des plus intéreflantes & des plus brillantes. Ce morceau eft d'un pied ou environ de longueur fur un peu moins de largeur ; les branches qu'il jette s'élèvent peu, elles n'ont qu'un peu plus ou un peu moins de hauteur & elles fe ramifient peu ; elles fe contournent fouvent par le haut, & refflemblent ainfi à de petits vermifitaux. C'eft auffi la figure que prennent celles du morceau qui fe voit dans le cabinet du Séminaire de Saint-Sulpice, que les Curieux doivent au goût de M. Moirou, Bibliothécaire de cette maifon. Ce morceau a les dimenfions, ou à très-peu près, de celui du cabinet de M. Davila, mais les branches font un peu plus élevées, elles peuvent avoir un pouce ou deux; elles font plus abondantes, ce qui donne en général à ce morceau quelque chofe qui flatte plus Ja vüe. Mais lorfqu'on vient à comparer ces deux grouppes à celui qui eft dans le Cabinet de M. de Boisjourdain, ils perdent, fans contredit, beaucoup de leur beauté; la comparaifon ne leur eft point favorable. En effet, ce grouppe eft plus grand * Depuis la compofition de ce Mémoire, S. A. S. M. le Duc d'Or- Jéans en poflède plufieurs morceaux dans fon Cabinet; ils ont été apportés de Stirie par Dom Eugène Dobler, Religieux Bénédictin de Cremfmunf- ter & Correfpondant de l’Académie. Un de ces morceaux peut figurer avec ceux qui ont quelque beauté : Dom Dobler, accoûtumé à en voir de beaux morceaux, en faifoit cas, il le comparoit à un joli bouquet. En effet, fa forme, fes ramifications, & l’arran- gement de ces ramifications, font qu’il gn approche beaucoup: il eft d'environ un demi-picd de haut fur trois pouces de large dans fon plus grand diametre. Sa bafe eft une mafle de mille petites branches; elle eft furmontée de quan- tité d’autres qui s'élèvent fuccefli- vement, & dont les plus grandes peu- vent avoir deux ou trois pouces de lon- gueur. Les autres morceaux font de petites plaques sarniesde branches fim- plesou ramifrées; on les prendroit pour de ces plantes fi communes dans nos bois, que les Botaniftes appellent cora- loides, & dont ils ont quelquefois comparé les ramifications à celles des cornes de cerf ou de daim, : & plus D EIS S CIE Nic'Ers. 161! & plus large ; il eft d'environ un pied & demi de longueur, fur plus d'un pied à fa bafe: cette bale eft couverte de ces petites branches contournées, de différentes hauteurs, qui font la mafñle des deux autres. Au déflus de la bafe s'élèvent quatre ou cinq efpèces de troncs de plus d'un démi-pied de longueur; dont le plus gros, qui eft dans le milieu, peut avoir un demi-pouce dans fon plus grand diamètre horizontal: il fort de ces troncs, des branches qui s'anaftomofent non feulement entr'elles, mais celles d'un tronc le font fouvent avec celles d'un autre: il ÿ ena même une qui embrafle-prefque ces troncs, -& qui: s'étend depuis le premier jufqu’au dernier. La grofleur des troncs des fait, comme on le penfe, faillir en dehors de la mañle totale: ils: ” faillent même d'autant plus, que dans l'endroit où ils commen; cent à s'élever, la bafe femble être plus épaifle: ces élévations, occafionnent par conféquent des: énfoncemens différens qui: relèvent encore la beauté du morceau par les accidens qu'ils multiplient; ils font remplis de ces petites branches vermiculaires, plus variées les unes que les autres. Enfin-on peut dire que ce morceau renferme toutes les fingularités des deux autres, qu'ileft beaucoup plus beau, plus recherché, & qu'il étoit digne d'entrer dans le Cabinet élégant & choifi dont il fait partie. Quoique cette belle ftalaétite foit, à beaucoup d'égards, un- morceau digne de l'attention des Naturaliftes, il faut cependant avouer qu'elle approche plus des ftalaétites ordinaires que celle dont je vais parler. J'ai vü, pour la première fois, cette forte de congélation dans le cabinet où M. le Duc de Chaulnes à fà réunir les Ouvrages de la Nature & des Arts; & ce que es autres cabinets pofsèdent de cette flalactite , font, à ce que: je crois, fortis de celui de M. 1e Duc de Chaulnes. On ne peut mieux Ja: comparer qu’à des morceaux de raie dont on: a-enlevé la peau & les chairs, &-auxquels il ne refte plus que les arètes *. Cefont en effet de grands morceaux plats + Voy.PLII, qui font un compolé d'efpèces de côtes longitudinales, de deux lignes d’épaiffeur , fur une longueur indéterminée, & réunies: eu collées les unes aux autres par une matière femblable à celle gont elles font formées: leur réunion.eft telle cependant; Mém, 17 54 fe Se 3° 162 MÉMOIRES DE LV'ACADÉMIE ROYALE quoique forte, que la figure de ces côtes eft bien fenfible & bien déterminée, & elle l'eft de façon qu'on ne peut guère fe refufer à la comparaifon qu'on peut faire de ces ftalactites à des morceaux de raie. Cette reflemblance eft en quelque manière augmentée par le luifant & l'efpèce de: vernis qui eft répandu fur cette flalatite. On fait que les raies font enduites d'une matière onueufe qui les fait reluire: le brillant des flalaétites en queftion peut aflez naturellement s'y rapporterz Qu'on fe rappelle encore que les arêtes de ces poiflons font de: diftance en diftince coupées tranfverfalement par: des: nœuds: qui divifent ces parties en plufieurs portions; il en: eft à peu près de même des flalaétites dont il s'agit: ces côtes font divifées tran{verfalement par; des lignes d’un jaune: plus foncé que le refte de la maffe, & qu'on prendroit pour une fuite de nœuds, les côtes étant un peu plus épaifles dans ces endroits. Enfin le jaune-clair de ces flalaétites n'ap- proche pas mal de la couleur jaunâtre de certains morceaux de raie paflés: on ne peut donc, à ce que je crois, mieux fpécifier cette congélation qu'en l'appelant ffalacite plate fpa- theufe, à côtes longitudinales. Je dis fpatheufe, parce que la matière dont elle eft com- pofée eft réellement de cette nature; fon brillant onélueux & gras, l'action des acides minéraux fur elle, fa calcination, le décident inconteftablement. Cette flilactite fingulière fe forme dans une grotte des environs de Véfoul, à fept lieues de Befançon fur le chemin: de Strafbourg. Il auroit été intéreflint pour moï d’avoir quelques détails fur la façon dont l'eau qui charie la matière de cette congélation fe répand dans cette grotte; j'aurois pû expliquer fa formation d’une façon peut-être fatisfaifante; Je fuis réduit à ne donner que des conjectures, je ferai très- content fi elles paroiffent. vrai-femblables. Ce que cette filétite offre de plus difhcile à expliquer, font les côtes dont elle eft compolée. J'imagine deux ma- nières dont elles peuvent fe former: je fuppofe dans la première que les murs que cette flalactite incrufte font fil= Dies : 84 N'E MŒœærsomuiM 168 Jonnés Jongitudinalement que ces fillons: fe remplifient dé la matière de ftalactite, que lorfqu' ils font pleins la matière le répand fur les côtés des dépôts faits dans ces fillons,:& qu'elle lie ainfi les dépôts en laiflant entr'eux une matière {emblable à celle dont ils font compolés; les efpèces de nœuds tranfverfaux feront dûs à une matière plus abondante & plus colorée: les: plis que les grands:morceaux de cette congélation fouffrent quelquefois, &. qui: les: coniournent alors comme certains morceaux de cette pâte mince & fu- crée dont on fait des grufres, ces plis, dis-je, ne viendront que de ce que les murs auront- eu dans plufieurs endroits de! leur furface des éminences :qui: auront, fait prendre dif- férèns contours à l'eau qui couloit defüs. Des’ quartiers de ces ftalactites font comme :dentés par un’ de ‘leurs bouts: cette propriété ne viendra que de ce que ce bout eft la marque d'une crûe de ces ftalaétites, fi l'on peut parler ainfr, & les différentes fuites, de nœuds ne feront que les marques du nombre des crües de ces plaques. La matière qui colore ces nœuds d'une manière plus foncée que le refte, n'eft peut-être ainfi plus colorée que parce qu'elle eft:moins pure, fes par ties les plus pefantes & les moins homogènes fe portant toüjours vers le bas & l'extrémité des fillons. » On fait qu'il y a des 'grottès gôuttières où les flalactites ne fe forment que par intervalles: de: temps: lorfqu'il fait fc, la formation des ftalactites ceffe, elle ne fubfifte: que dans les faifons pluvieufes & humides: il peut en être de même de celle de Véfoul. Si cela eft, on voit aifément que les nœuds decette flalaétite ne font que les endroits où elle a ceflé de croître, & où-elle a recommencéenfuite dorfqué eau a coulé de nouveau dans les fillons.. Cette explication, quoique bien fimple; peut avoir des difficultés: pourquoi, par exemple; es murs de cette grotte feroient-ils naturellement fiHonnés d’une manière fr régulière? Cette difficulté eft grande, & m'’a-obligé d'imaginer € que ces dépôts peuvent s'êtré faits-de la façon-fuivante ! : 1° On peut dire qu'une efpèce de nappe d'eau, en aflez 1] 164 MËmoiRes DE L'ACADÉMIE ROYALE abondante, "s'eft répandue fur ces murs, qu'elle y a dépolé un mañle de flalaétites uniforme & fans élévations, que cette nappe a diminué peu à peu, qu'elle a dégénéré en petits filets qui ont coulé fur la mafle des ftalaétites lorf- qu'elle étoit encore molle, qu'ils Font fillonnée longitudina- lement, & qu'ils ont par conféquent occafionné des côtes. Les nœuds tranfverfaux & plus hauts en couleur que le refte, feront dûs aux petites ondes que la nappe d'eau aura pü fouffrir dans ces endroits d'une façon plus marquée que dans les auties par quelque irrégularité des murs, & leur couleur ne viendra que de quelque matière colorante empruntée de Jendroit mème de ces murs où les nœuds touchoient. Les dentelures de certains morceaux de cette ftalaétite ne vien- dront que de ce qu'elles ne font que les extrémités des côtes, qui ne fe touchent pas par leurs bouts qui font terminés en pointes de diamans, &, comme leur intérieur, un peu cryf- talliféss On pourroit fans doute faire des objeétions contre cette explication, & peut-être ces objeétions ne feroient-elles pas à méprifer: je ne m'appliquerai pas à les imaginer, ni par -conféquent à y répondre; j'aime mieux faire encore connoître ane autre forte de flalactite qui préfente une fingularité d’un genre diférent. Cette flalactite, qui eft auffi fpatheufe & d’un jaune foncé ou roufleâtre, fe trouve dans les cavernes gouttières des monte tagnes noires ou des Sévennes. C’eft encore à M. Moirou que je dois loccafion d'avoir pû examiner cette flalactite: äl en conferve une fuite intéreffante & curieufe par les formes variées à l'infini. Des morceaux qu'on voit dans fon cabinet, les uns forment des cones plus ou moins longs, d’un beau blanc cryftallifé en dedans: la cryftallifation des autres s'eft faïe à l'extérieur, & alors ces grouppes repréfentent, grof- fièrement ïl eft vrai, des fleurs, des choux-fleurs & auties figures femblables, qu'on nommera fuivant que l'imagination fera différemment affectée: x fier cal Ce ne font pas ces figures, quoique fingulières, qui m'ont o le plus touché dans ces faladtites, elles leur font communes piers. Sci E -N: GES. 165 avec des flalactites de plufieurs autres endroits; mais ce font les incruflations qu'elles forment fur certaines petites pierres blanches calcaires, & de différentes figures, que l’on compare communément à des dragées ou à des pois *, Ces incruftations leur donnent affez la figure de ces dragées qu'on appelle des pralines : leur couleur augmente cette refflemblance; elle eit d'un jaune foncé, tirant fur le gris, & qui a quelque chofe du brillant que le fücre cuit donne aux pralines. Lorfque les incruftations font un peu moins foncées ou qu'elles ont quelque blancheur, & qu'elles fe font faites fur de très-pe- ties pierres, elles reflemblent à des anis à la reine, Quoique la figure des pierres, avant leur incruftation, foit différente, qu'il y en ait autant d'aplaties que de rondes ou d'irrégulières, il eft pourtant ordinaire que la figure ronde foit celle des pierres incruftées. Cela ne vient, je crois, que de ce que la furface fupérieure de ces petites pierres étant couverte de la matière incruftante, & l'eau qui tombe fuc- ceflivement fur cette croûte l'ayant élevée beaucoup, doit de nécefité couler fur les bords & faire ainfi peu à peu le tour de la petite pierre, qui fe trouvera infenfiblement re- couverte, & qui par fon épaifleur en tout fens fera ainfi difparoître la figure de la pierre: ou bien, fi l'on veut, on peut immginer que ces petites pierres font nichées dans de petits trous creufés dans le fol des grottes où elles fe trou- -vent, que ces trous fe rempliflent de l’eau qui diftille dans certains temps du ciel de la grotte; alors les pierres nageront, pour ainfi dire, au milieu de cette eau qui dépolera peu à peu fur toute la furface de ces pierres la matière fpatheufe qu'elle charie, & fuivant le temps qu'il y aura que ces pierres - auront été recouvertes d'eau, l'on aura des incruftations plus ou moins formées & plus ou moins arrondies. Lorfque 1a couche fera épaifle, quelle que foit la figure de la pierre ren- fermée fous cette croûte, le corps incrufté fera arrondi, vû le peu de volume: de la pierre comparé à la couche qui la recouvre alors. J'ai dit au. commencement de ce Mémoire, que ces petites X i * Voy.PLIE, figg. 4, S & 6. 1566 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE pierres que l'on comparoit à des pois, étoient de vraies flalac- tites, & qu'elles fe formoient dans de petites cavités creu- fées dans le fol des caves gouttières. L'incruflation dont il s'agit me paroit le prouver: il me femble qu'elle n'eft différente que parce qu'elle eft d'une matière plus pure de fpath, au lieu que celle des pifolites eft plus de li nature de là pierre à chaux proprement dite; que la matière de fpaih qu'elles peuvent renfermer efl mélée à plus de matière de pierre à chaux, dont l'eau s’eft chargée en faifant par fa chûte les petits trous où ces pierres fe trouvent. Ce qui femble le prouver, c'eft que ces petites pierres renferment dans leur milieu un noyau de matière blancheâtre & crayeufe, autour duquel fe font formées deux ou trois couches d’une matière plus fine & plus blanche. Les premières gouttes d'eau qui ont commencé les trous où ces pierres fe font moulées, ont dû diffoudre d'abord la partie du fol de la grotte qui étoit à l'air, & qui pouvoit être ainfi moins ure. Cette matière fufpendue dans toutes les gouttes s'eft dépolte, lorfqu'elle n'a plus été agitée par des gouttes qui tomboient du ciel de la grotte. Lorfque cette efpèce de pluie a recommencé, les gouttes qui font tombées ont agi fur les parois des trous formés antécédemment fur le fol, & ont trouvé une matière plus homogène & plus pure, qui s'eft dépofée peu à peu fur le noyau déjà fait, & y a formé des couches dont le nombre eft proportionné aux interruptions qu'il y a eues pendant la formation de ces petites pierres. Peut-être aimeroit-on mieux dire que la matière dont ces pierres font compofces a d'abord été entièrement difloute, & que lorfque l'eau n'a plus tombé, le dépôt de la matière difloute seft fait fuivant la pefanteur de fes parties, & a occafionné ainfi différentes couches qui peuvent être d'une matière plus ou moins fine & homogène. Cette explication me plairoit autant que l'autre; mais, quelle que foit celle qu'on embrafle, je crois qu'il eft inutile d'avoir recours au roulement de ces petites pierres pour expliquer la figure ronde de plufieurs d'entr'elles. Il me ferble DES SCIENCES. 167 que celles-ci fe forment dans des cavités de cette figure, & faites fur un plan bien horizontal, que celles qui font oblon- gues ne le font que parce que leurs cavités étoient fur un plan incliné, qui obligeant les gouttes d'eau qui y tomboient à s'alonger, ont dü peu à peu donner la figure alongée à la cavité qu'elles creuloient, & conféquemment à la pierre qui s’y eft formée enfuite; & plus cette cavité aura été alongée, plus la pierse aura pris cette figure, comme elle fe fera aplatie & aura pris peu d’épaiffeur, fi la cavité a été - trop large & trop grande pour la quantité de matière que Jeau tenoit fufpendue. Cette explication me paroît plus fimple & plus conforme : à ce qui sobferve dans les caves goutiières, que celle fui- vant laquelle on voudroit que ces pierres fufient balottées dans ces grottes, à peu près comme les galets le font par les rivières ou par la mer. Tout fe pafle dans les grottes avec tranquillité, & l'on n'y voit le plus fouvent d'autre eau que celle qui diflille goutte à goutte du ciel de ces grottes, dont le fol eft recouvert des petites pierres en queftion. Ces petites pierres étant ainfr formées, fi elles viennent à recevoir des gouttes d'eau chargée de fpath, elles doivent sincrufter de ce fpath, & elles le feront felon qu'il a été rapporté plus haut. Ce fpath ne fera chargé que de parties homogènes, ou sil en a d'hétérogènes, ces parties feront dûes aux pierres que l'eau a traverfées, & où elle a pris le fpath. Les petites pierres fur lefquelles elle tombe font commu- nément trop dures pour être difloutes par cette eau; par conféquent le fpath doit être tel qu'il eft apporté par l’eau, ou il ne doit au plus fe mêler qu'avec ce qui pourroit s'être arrêté fur ces pierres expolées à l'air depuis leur formation, comme un peu de pouffière ou quelqu'autre matière fem- blable, qui colorera ce fpath, & qui en empèchera plus ou moins la cryftallifation parfaite. Lorfqu'elle s'eft bien paffée, Fincruftuion des pierres n'eft, à proprement parler, qu'un amas de petits cryflaux à facettes, de différentes groffeurs , & grouppés par ts réunis les uns aux autres. * Voy.PI. II, fig. 1. 168 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Le Cabinet de S. A. $S. M. le Duc d'Orléans renferme de ces peties pierres envoyées de différens cantons, mais aucunes ne font incruflées comme les précédentes : peut-être qu'on en trouveroit dans les endroits où elles fe forment, f on y faifoit des recherches exaéles : c'eft de ceux qui pourront les voir qu'il faut attendre ces obfervations. Ces pierres font d’'Arbant, proche Nantua en Bugey, de la ‘carrière abimée d'Aufley près de Beaune, & de Franche-Comté: celles- ci ont été trouvées à une grande profondeur en terre. Une de ces pierres paroit avoir été enduite, en partie, d'une matière de craie: ces petites pierres pourroient cependant n'avoir été détachées que des rochers des carrières où elles fe trouvent. Je connois beaucoup de pierres qui ne font qu'un amas de femblables pifolites, ce qui pourroit faire penfer que les pierres des caves gouttières ne font peut-être que celles qui fe font dé- tachées des rochers dans lefquels ces caves font creufées; opinion qui pourroit être vraie, & que j'examinerai plus en détail dans un autre Mémoire où il s'agira des pierres pifolites. Je mettrai fin à celui-ci, en difant que l'eau du puits de fa Grange-des-Nones près Ecouen, qui appartient aux Feuil- lans, forme des ftalactites en fuintant à travers les joints des pierres ;' elles s’y étendent en longs filets, qui les ont fait com- parer à de grandes & longues barbes par ceux qui habitent la ferme où eft ce puits. Je dirai de plus qu'on voit dans le Cabinet de S. A. S. des ftalactites en canon, ou femblables: à ces glaces qui en hiver, pendent aux toits des maifons; elles fe font formées dans les montagnes de Courtagnon près de Reims *, dans les caves du couvent des Feuillantines de la rue Saint-Jacques à Paris, ou dans celles qui font deflous un des baftions de Bourg en Brefle, où l'on en trouve auffr de petits grouppes qui font en choux -fleurs, & qui fe voient auffi dans le même Cabinet: on y conferve encore des in- cruflations d’une fource près de Piperno en Jtalie, elles font d'un très-beau blanc; une autre qui vient de Courtagnon près de Reims, reflemble à un petit faifce:u de paille incrufté, dont les: tuyaux font reftés creux & devenus b'ancs; une troifième, qui = DES SCIENCES. 169 qui approche affez de celle-ci, ou pluftôt d'un amas de plumes jaunâuies, s'eft formée dans un tuyau de conduite du parc de M. Bouret, Fermier général, qui eft à Croix-Fontaine entre Melun & Corbeil ; ce tuyau s'eft rempli en quatre ans; une quatrième, qui eft des environs de Soiflons, s’eft faite fur des moufles & des brins de paille; une cinquième eft une in- cruffation, à très-peu de chofe près, femblable à cette dernière & à celle de l'Abbaye du Val; elle vient du village d’Ar- manches, fitué entre Bayeux & Courfeules, & eft formée dans les filaifes des bords de la mer de cet endroit par les eaux qui tombent du haut de ces montagnes, qui arrofent les mouffes, les chiendents & autres plantes femblables qui y font atta- chées, & les incruftent. On garde encore dans le Cabinet de S..A. S.une ftalaétite conique, fpatheufe, d'un blanc jaunâtre, femblable à_ celles des grottes d’Arcy, & qui eft des montagnes qui font aux environs de Cremfmunfter, une congélation de la mine de Baumanshole en Allemagne, & différens dépôts de la fontaine minérale de Carlfbad en Bohème. La congélation eft en filets & du blanc foyeux qu'a le fos ferri, de forte que je n'héfiterois pas beaucoup à la regarder comme une plaque de cette flalactite. Les dépôts font ou des plaques d'un pouce ou de près de deux pouces d'épaiffeur, ou une incruftation de branches d'arbres: une des plaques eft d'un gris clair, brillante dans fes caflures; l'autre eft gris de lin, veinée d’un blanc jaunâtre, & relevée, par une de fes fur- faces, de gros mamelons compolés de plufieurs couches, & qui approchent ainfi des pifolites qu'on trouve encore dans cette fontaine: j'en parlerai lorfque je traiterai de ces fortes de pierres. L’incruflation des branches d'arbres eft pourpre à l'extérieur & jaunâtre intérieurement: l’arrangement qu'on 2 donné à ces feuilles en fait, en quelque forte, une efpèce de bouquet & donne une forme gracieufe à cette incruftationt. Tous ces dépôts & incruftations fe diflolvent à l'eau forte avec vivacité, excepté la première plaque de la fontaine de Carlfbad; elle paroït par conféquezt être de Ja nature da Mén. 1754 Y azo Mémorres D£ L'ACADÉMIE RoTÂL# pue: le brillant de fes caflures, qui eft femblabie à celui du plâtre, l'indique ; fa calcination & la dureté que la partie calcinée prend dans l'eau, en font une preuve entière. II dojt paroiître fingulier qu'il fe fafle ainfr deux dépôts fi différens dans les mêmes fontaines ; mais comme ces deux plaques ont été achetées , on n’eft pas für s'il n’y a pas eu erreur de la part de celui qui avoit étiqueté ces différens dépôts *. Au refle, les uns pourroient venir d’une fontaine & les autres d’une autre, & y être ainfr formés par des eaux chargées de matières très-différentes. Je ne fais ft on a fait mention de cette dif: férence dans les Traités qu'on a donnés fur les eaux minérales de Carlfbad: comme j'aurai encore lieu de parler de ces dépôts à l'occafion des pifolites de ces fontaines, je pourrai alors examiner cette difficulté; je ne le fais pas ici, pour mettre fin à ce Mémoire. Membres de cette Académie; ceux * Les autres flalactites, dépôts d’Armanches en Normandie, à M. ôu incruftations dont je viens de par- ler, font dûs à des perfonnes fur l'exactitude defquelles on peut füre- ment compter. Les morceaux qui font des environs de Reïms, y! ont été trouvés par M: Allard, dont il a été frfouvent parlé dans mon, Mé- moire fur la Champagne; ceux de la gave des Feuillantines font dûs au RP Dom Arouaire, de l'Ordre des Feuillans, ceux de Boure en Brefle: à M. de Lalande, ceux de la fource de Piperno à M. l'Abbé Nollet, ceux de Croix: Fontaine: à M. de Parcieux : ces trois Meffieurs font, comme tout le monde fait, Fouquet, Apothicaire à Caen, & qui eft amateur d’Hiftoire Naturelle ; ceux des environs de Soiflons à M. Petit, Confeiller au Préfidial de cette- ville, & quis’eft formé un Cabiner curieux des foffiles qui fe rencontrent dans fes environs. L’incruftation de Carlfbad, faite fur des branches, a pme à l'Académie par M, de Lafône, qui en eft Membre; celle de: * Cremfmunfter eft de Dom Dobler:; les autres ;comme je lai dit , ont été achetées, ainfi que celle de la mine de Baumanshole. EXPLICATION DES FIGURES. es PLANÇGHE L La Figure première repréfente une ftalactite en forme de cerveau, ou, fi l’on aime mieux, d’inteltins: en eflet elle a des circonvo- lutions qui reflemblent à celles que prennent dans les animaux Yunç ou l'autre ide ces parties, : UT, DES SCIENCES. 5:71 La figure 2 fait voir une autre flaladite avec de ces circonvo- lions, mais qui font moins grofles & moins élevées; circonf- tance qui la fait reflembler beaucoup: plus que la précédente au cerveau des animaux: j'aimerois mieux auffi fa comparer à cette partie, & la première à la mafle des inteftins. La figure 3 eft celle d’une flalactite en, éponge. P'r AMNIG H €) IE La figure première donne celle d’un de ces tuyaux de ftahctite qui pendent aux voûtes gouttières & à celles des autres foûterrains femblables : on lesa communément comparés aux glaçons qui, dans l'hiver, font fufpendus aux toits des maifons. La figure 2 offre celle d’une ftahdtite qui approche par fà figure de quelque fruit ou de quelque vaifleau dont le cou feroit droit. La figure 7 eft celle d’une ftalaétite qui tient, par la figure, d’un morceau de raie écorché; a, a, a, font les côtes; b, b, b, les bouts de ces côtes, qui font arrondis, féparés les uns des autres, &. qui forment ainft une dentelure; c eft une ligne ou nervure tran{verfile; 4 eft un pli ou courbure qu'a ce morceau dans cet endroit. Les figures 4, 5 7 € font celles de ces pierres ou petits cail- loux qu’on appelle dragées, & qui font incruftées ou non d’une matière de ftajadite, Dans la figure 4, la pierre eft repréfentée fans incruftation ; dans la cinquième, elle l’eft à demi-incruftée ; ce que l’on diftingue aifément, la pierre étant gravée de côté, & Vincruftation montrée de champ en e. Dans la figure 6, Vincruf tation entoure entièrement le caillou, & le fait ainfr reflembler ces dragées appelées communément pralines. ä P HAN Cu 2h JNE Li “ Cette figure repréfente les girandoles d’eau incrüftées & def- finées dans la poftion où elles étoient dans l'eau; 4, a, à, a, défignent h croûte à laquelle les girandoles font comme fufpendues; 4, 4, b, b, les verücillés de la plante; ç, c, ceux des verticilles dont les feuilles font ramaflées en paquets; 4, une feuille d’une autre plante qui s'eft trouvée embarraffée entre les branches des girandoles. x x72 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE OPERATIONS FAITES PAR ORDRE DE L'ACADEMIE, Pour m-frer l'inrervalle entre les centres des Pyramides de Villejuive à de Juvify, en conclurre la diffance de La our de Monilhéri au clocher de Brie-Comre- Roberr, à diffinguer entre les différentes dérermi- nalions que nous avons du Degré du Méridien aux environs de Paris, celle qui doir être préférée *. Pa Mers BoucuEr, Camus, CAssiNI DE Taurr & PINGRÉ. D EPUIS qu'on a dit dans un Difcours qui eft à fa tête des Inftitutions Aftronomiques, publiées en 1746, que M. Picard, en travaillant à 1x mefure du Deuré du Méridien aux environs de Paris, en avoit exécuté fort exactement Îa partie géodéfique, plufieurs Savans fe font trouvés très-indécis entre le réfultat que forme cette ancienne mefure, combinée avec les obfervations aftronomiques faites à Amiens & à Paris en 1739 par Mrs les Académiciens qui ont été au Cercle olaire, & entre la détermination plus récente de M.rs Caffini de Thury & de la Caille, qui parut en 1744. Cette incerti- tude, dont on voit des marques dans un grand nombre de livres qui ont été comme les. échos du premier, pouvoit rendre inutiles toutes les opérations que l'Académie a entre- prifes en France, pour déterminer la grandeur & la figure de la Terre. I eft vrai que la différence entre les deux réfultats eft trop confidérable pour qu’on puiffe la tolérer, ou la regarder comme une fuite des petites erreurs inévitables auxquelles nos fns font fujets. Le degré du: méridien aux environs de Paris, * Lû à FJAcadémie le 23 Mars 1757+ Hem. de l'A. R. des Se 2764 Lage 372 PI. 6. Pla.I. die dit RE RS S En om de l'A R der Se 3584. Page 273 PI. 6. Mem. de l'A: R. des Se 1764. Lage 172 D 7. gr de eé de Hem. de UAc.R. des Se. 1554. Page 172.P1.8, Hem de le, R. des Se 1754 Payes72 PL8 DES SCIENCES. 173 eft, felon Mr: les Académiciens qui ont fait le voyage de Laponie, de 57183 toifes*; mais c'eft en fe fondant fur la mefure géodéfique de M. Picard, dont ils navoient alors au- cune raifon de révoquer en doute l'exactitude. D'un autre côté, Mrs Caflini de Thury & de la Caille, dans le Livre de /a Méridieune de l'Obfervatoire de Paris vérifie, donnent au même degré 57074 toiles, & cela en combinant leurs nouvelles mefures géodéfiques avec les mêmes obfervations aftronomiques employées dans l'autre réfuliat. Ces deux di- verfes longueurs, attribuées au même degré du méridien, différent, comme on le voit, d'environ 100 toiles, & cette différence vient néceffairement de la mefure géodéfique, quoi- qu'on ne fe trompe jamais de $0 toiles fur la fongueur de 20 ou 25 lieues, lorfqu'on travaille en prenant toutes les précautions néceffaires. Il faut donc que M. Picard ou M.rs Cafini & de la Caiïlle aient mal mefuré fa diftance de Vil- lejuive à Juvifi, qu'ils ont prife pour bafe, ou qu'ils aient formé d'une manière trop imparfaite quelqses-uns de leurs triangles. Ils font tous cenfés s'être fervis de la même toile, puifque M. Picard aflure avoir employé celle du grand Châtelet de Paris, dont le rétabliffement fe fit deux ans auparavant, favoir, en 1668, & qu'il ajoûte que la longueur du pendule à fe- condes, comparée à cette toife, eft de 36 pouces 8+ lignes, Cependant leurs mefures ne s'accordent pas, élles fe trouvent différentes entr'elles en fortant, pour ainfi dire, de Paris, M. Picard fixe à 13121 toiles 3 pieds la diftance de la Tour de Montlhéri au clocher de Brie-Comte-Robert, au lieu que M. Caflini & de la Caille font cette même diftance de 23108-22 toifes: les 1 3 toiles de différence, fur cet inter- valle, doivent fubüfter proportionnellement fur tous les autres gôtés des triangles fubféquens, & fe multiplier dans le même rapport fur toute la longueur de la méridienne. Ainfi, pour nous conformer aux ordres de l'Académie, & favoir ce qu'il faut penfer de cette diverfité de réfultats, nous avons dû vé- rifier les p'emiers triangles. * Ou puflôr de 57167 toifes, à caufe de la réfraction aflronomique qu'il faut Corriger, Ÿ 1756 174 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Cette vérification fut réfolue dans les féances des 16 8 19 Juin de l'année dernière *, M. le Monnier apprit à {à Compagnie qu'il alloit melurer li diflance entre Villejuive & Juvifi, qui eft marquée par deux pyramides, &:il invita à fe trouver à cette opération, ceux de Mrs les Académiciens qui voudroient y affifter. Cette propolition d'une nouvelle mefure ne pouvoit manquer d'être approuvée: l'Académie favoit parfaitement que c'étoit en répétant les opérations qu'on réuffiroit, s'il étoit poffible, à difliper les doutes qu'on a ré« pandus fur la queftion de la figure de la Terre; mais il ne fufhfoit pas dans cette rencontre, que le travail füt fait avec la plus grande exactitude, il falloit en même temps le rendre le plus authentique, afin d'éviter l'inconvénient dont on avoit déjà l'exemple fous lés yeux ; exemple qui fe répétera toutes les fois qu'on voudra que les fimples Speétiteurs d'une opé- ration longue, pénible & ennuyeule, en atteftent l'exactitude d'une manière auffi affrmative que s'ils avoient opéré eux+ mêmes. Feu M: Caffini melura plufieurs fois en 1740, la diftance de Villejuive à Juvifr, qu'il regardoit comme la bafè de M. Picard. Les termes de cette dernière bafe n'étoient pas bien apparens, mais trois où quatre points fubfiftoient encore & étoient reconnoiflables. M. Caffini trouva toüjours, pour les mêmes intervalles, un moindre nombre de toiles que M: Picard, & les différences fuivoient aflez exaétement le mêmé rapport d’une toife fur mille: L'opération entière fut répétée cinq fois, outre cela plufieurs Académiciens y affiflèrent de la part de la Compagnie la cinquième & dernière fois ; mais cette fimple préfence de divers Oblfervateurs, quoique très- éclairés & parfaitement bien inténtionnés ,‘ne les mit pas en état de répondre de toutes les parties du travail ; ils ne purent en parler que d’une manière générale, fans certifier rien de précis, ce qui produifit le plus mauvais efiet: plufieurs per: fonnes en conclurent que l'exaétitude de opération étoit fuf pete. Elles ne failoient pas réflexion que la mefure d'uné bafe, dans les grandes opérations ‘géodéfiques , demande des foins fi pénibles ou fi fuperflitieux, qu'on n’en eft réellement DES ScrENCESs. 17 témoin qu'autant qu'on travaille foi-même, qu'on prend un grand intérêt au fuccès de l'ouvrage, & qu'on foûtient fans ceffe fon attention par une action continuelle, L'Académie a donc voulu en dernier lieu, afin de terminer la chofe une fois, pour toüjours, que ceux de fes Membres qu'elle a nom més au nombre de huit pour Commiflaires , priflent toute la part poffible à l'Ouvrage, & qu'ils en fuflent chargés per- fonnellement. Elle a fait encore un autre arrangement. que nous ne devons pas oublier, elle a réglé que.les huit Aca- démiciens {e partageroient en deux bandes qui travailleroient féparément : il leur devenoit beaucoup plus: ficile à chacun d'entreux de fe fatisfaire, en examinant tout avec plus de loifir & en fe génant moins. Outre cela, la dernière décifion, fondée fur le rapport de deux Troupes différentes entre lef- quelles il naîtroit une louable émulation, prendroit l1 forme dun Jugement rendu, pour ain{i dire, contradictoirement, Comme il n'eft pas néanmoins toûjours facile à quatre per- fonnes de fe réunir en certains temps & en certain lieu, lorfqu'elles ont des occupations particulières, l Académie dé- cida que, pour la promptitude de l'expédition, l'avis ou le témoignage de chaque Bande fur les diflérentes parties de {on travail feroit réputé authentique, pourvû qu'il füt formé par trois des Comimiflaires. j : Nous ne pouvons ici rendre compte que des attentions que nous avons apportées de notre côté, en exécutant la com- giffion dont nous nous, fommes, trouvés, chargés. Nous ne doutons, pas que lorfque autre Troupe, qui eft compolée de M": Godin, Clairaut, le Monnier. & de {a Caille, fera fon rapport il ne fe trouve une conformité parfaite entre nos rélultats, ces M,rs n'ayant pas.pris moins de précautions que mous pour montrer leur exactitude {crupuleufe. De notre cÔtÉ, nous.étions, M.15, Bouguer, Camus, Caffini, de Thury, & Pinaré, & perfonne de nous n'a voulu. jouir de f’efpèce de diberté que nous avoit laiflé l Académie: nous avons oublié toutes, nos autres occupations lorfqu'il a été queftion de l'Ou- Mage commun, chacun de nous. ya contribué de {es lurières 176 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & y a donné tous fes foins. Nous allons expofer d'abord Îes diverfes attentions que nous avons eues en mefurant la bafe, De la mefure de la bafe. Nous avons employé quatre perches de trente pieds ou de cinq toifes chacune; nous les avions fait peindre à l'huile, pour les mieux garantir de l'action de l'humidité & de la fé- chereffe : elles étoient garnies de fer par leurs deux extrémités, & elles fe terminoient par des boutons de mème métal, l'un éroit plat & l'autre un peu convexe. Deux de ces perches étoient peintes en rouge & deux en blanc, afin qu'on püût les mieux diftinguer & les pofer plus aifément toûjours dans le même ordre: elles avoient chacune deux mains ou anfes, pla- cées à environ fept pieds de leurs bouts. On fit d'abord ces perches un peu trop longues, parce que nous voulions les éta . lonner avec la dernière précifion fur les lieux mêmes, lorfque nous commencerions notre mefure. Nous fimes faire auffr, avant que de fortir de Paris, un grand étalon de trente pieds de longueur, qui avoit à fes extrémités, comme à l'ordinaire, deux faillies ou talons: ces parties étoient de cuivre, garnies de fer & fituées verticalement ou perpendiculairement à Ja longueur des trente pieds; & comme il pouvoit arriver que les inégalités du terrein fur lequel on poferoit l'étalon en fiflent changer la longueur, nous avions fait pratiquer dans un des talons, un écrou qui recevoit une vis dont l'extré- mité ferviroit de terme. Cette vis, en avançant parallèlement à la longueur de l'étalon, la diminuoit ; & fi au contraire l'intervalle étoit trop court, il nous fufhfoit de retirer a vis, en la faifant tourner dans un fens contraire. Nous devions réuflir de cette forte à donner avec facilité à l'étalon fa jufte longueur, en nous fervant de'cinq toifes de bois très-légères, que nous couchions deffus en les étendant bout à bout en ligne droite: chacune de ces cinq toiles de bois étoit fortifiée par une règle de fer qui s'inféroit dans une rainure faite dans le bois, depuis une extrémité jufqu'à l'autre, & la longueur de chaque toife étoit conftituée par celle de la règle de fer, qui DES SCIENCES. 177 qui étoit un peu plus longue par chaque bout que celle de bois. La règle de bois ne fervoit donc que de garniture à l'autre: elle la garantifloit de divers accidens, & «lle en augmentoit le volume & la force, fans en augmenter beaucoup le poids. Ces cinq toifes, que nous nommions petites à caufe de leur peu de pefanteur, en comparaifon des toifes de fer qui ont fervi à la mefure de la Terre au Cercle polaire & fous l'Equa- teur, avoient auffi été faites d'abord un peu trop longues. Nous ne voulions leur donner leur longueur précile que für le terrein: nous avions pour cela un gros étalon de fer exac- tement de même longueur qu'une des groflés toiles originales dont nous venons de parler. On doit remarquer que ce fecond étalon d'une toife ne nous étoit pas moins néceffaire que l'autre qui avoit trente pieds de longueur, & qu'on eft obligé de füuivre à peu près les mêmes procédés toutes les fois qu'on veut, par le moyen d’une règle ou d’une mefure d’une certaine lon- gueur, en former d'autres beaucoup plus longues, & que ces melures font terminées par les arêtes de leurs extrémités. Si les longueurs étoient conftatées par des points, il feroit na- turel de fe fervir d’un compas à verge ou à couliffe; mais dans l'autre cas, on ne peut pas fe pafler d'étalon, fi on veut porter la précifion aufli loin qu'il eft poffible. Nous avions ‘donc deux étalons, l’un de fer & d'une toife, pour donner à nos cinq petites toifes de bois, garnies de fer, la longueur exacte qu'a la toife de l'Académie: nous tranfportions en- fuite fur le grand étalon de trente pieds de Iongueur,, les cinq toifes mifes bout à bout en ligne droite, & nous n'avions plus qu'à régler avec ce grand étalon, la longueur des quatre grandes perches dont nous devions nous fervir en dernier lieu. Il faut remarquer que nous fufpendions verticalement fe premier étalon, celui d'une toile, afin d'éviter toutes les dif- ficultés que nous euflions trouvées en tâchant de le fituer “horizontalement & de le faire porter également fur deux ou trois points: d'un autre côté, nous étions bien fürs que nos petites toifes de bois garnies de fer ne fe courboient pas dans cette fituation, lorfque nous examinions leur longueur, Mém. 1754: 378 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE À l'égard du grand étalon, fa pofition naturelle étoit Fhori- zontale, mais on a vü que nous ne craignions pas que les inégalités du terrein en altéraffent {a longueur, nous pouvions la rectifier par la vis d'un des talons. Lorfque nous mimes à Villejuive la dernière main à toutes ces melures le 3 1 Août de l'année pañlée (17 5 6) vers $ heures un quart ou $ heures & demie du matin, le thermomètre de M. de Reaumur étoit aux environs de 1 2 degrés au deflus de la congélation : cette médiocrité de la chaleur avoit fait perdre à notre toi originale un peu de la longueur qu'elle avoit à Paris lorfqu'on l'avoit examinée vers 3 à 4 heures du foir; mais le gros étalon de fer s'étoit raccourci fenfiblement de la même quantité, & ces deux longueurs nous parurent parfaitement égales. Nous nous fommes fervis de la toife des Académiciens du Cercle polaire, & nous avons regardé les arêtes de fes extrémités comme les vrais termes de fa longueur, La toife du Pérou, marquée par deux points aflez gros, n'eft pas abfolument la mème; mais la différence eft très-peu confi- dérable: nous avons évaluée à un vingtième de ligne, ou cru à très-peu près égale à la moitié du diamètre d’un des points. Nous penfons que cette évaluation eft fufceptible d’une plus grande exactitude, quoiqu'il foit très-permis de ne pas fe trouver parfaitement d'accord en éflimant de fi petites quan- tités, qui s’'altèrent toùjours lorfqu'on cherche à les déterminer par des moyens qui ne font pas immédiats. Si on s'arrétoit à un vingtième de ligne, comme on le pourroit fans incon- vénient , il faudroit appliquer environ 3 toifes d'équation à la grandeur du degré du Méridien, mefuré aux environs du Cercle polaire ou de l'Equateur, pour aflujétir l'un ou l'autre à l'une ou l'autre toile. Mais il vaudroit beaucoup mieux, ce femble, prendre un milieu, & regarder comme vraie toife la longueur qui ne différeroit en excès & en défaut de cha- cune des deux toiles originales de l’Académie, que d’un qua- rantième de ligne: on donneroit de cette forte à la toife une mefure incomparablement plus certaine que celle que peut fournir Fétalon groflier du Châtelet; d’ailleurs on ne feroit DCE $,:S:C 1,E. NC. ES. 179 aucun tort aux déterminations que nous avons déjà de la lon- gueur du pendule à fecondes, puifque le changement ne feroit que d'un peu plus d'un centième de ligne, ce qui eft abfolu- ment infenfble. Dans cette dernière fuppoñition, il ne faudroit altérer que d'environ 1 + toile, mais en deux diférens {ens, les longueurs des deux divers degrés du Méridien qui cou- pent l'Equateur & le Cercle polaire. Nous ne nous fommes pas bornés au feul examen que nous fimes de nos perches, avant que de commencer notre grand ouvrage. Le même jour à 4 heures du foir, le Ther- momètre lailié à l'ombre à côté de notre toile originale & du gros étalon de fer, étoit à 1 84 degrés: la toife & l'étalon étoient encore parfaitement conformes, quoiqu'ils euflent reçû une certaine extenfion par l’action de la chaleur; mais lorfque nous comparames nos cinq petites toifes de bois, garnies de fer, à nos grandes perches, par le moyen du grand étalon, elles nous parurent plus longues fur les 30 pieds, d'environ une demi-ligne. Nos quatre perches fe trouvèrent parfaitement de même longueur, & nous avons tout lieu de croire qu'elles n'avoient fouflert aucune altération, parce que, comme on le fait de diverfes expériences, le bois ne change fenfiblement de longueur que par la féchereffe ou l'humidité, & que le jour que nous avions choifi pour opérer fe trouva parfaite- ment beau. Le lendemain, entre s & 6 heures du matin, le Thermomètre qui étoit d’abord à 1 1 degrés, defcendit à ro, & enfuite à 9; alors généralement toutes nos melures fe trou- vèrent parfaitement conformes entr'elles. Lorfque nous commençames à mefurer notre bafe, nous laiflames à Villejuive une petite partie en arrière d'un peu plus de 85 toiles; le terrein y étoit incliné & très-irréaulier. En partant du terme que nous avions choifi & marqué avec foin, le pavé étoit aflez parfaitement aligné jufqu’à Juvify; il nous règla dans notre marche, & Ia longueur de 20 toiles .que formoit l'aflemblage de nos quatre perches, nous aidoit aufli à fuivre conftamment la même direction. II y avoit toüjours quelqu'un de nous en avant, pour voir fi elles for- Z jj 180 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE moient une ligne parfaitement droite, & fi elles n'étoient pas fujettes à quelque petit ferpeniement. Une obliquité d'un pouce d'une perche par rapport à l'autre, auroit formé un angle fenfible; & cependant, en fuppofant cette déviation répétée de perche en perche, elle n'eüt pas produit une erreur de 2 pouces fur toute la longueur de la bafe. l'rois perches reftoient toûjours couchées fur le terrein, pendant qu'on tranfportoit la dernière pour la mettre à la première place: un de nous examinoit fi on là poloit avec aflez de précaution, & la faifoit caler avec des coins. Le fieur Canivet *, qui étoit venu avec nous pour étalonner nos mefures, & qui nous a rendu de très-grands fervices, fe faififoit ordinairement de l'extrémité de cette nouvelle perche, & l'approchoit légère- ment de l’autre, en évitant un choc qui eût fait reculer celle- ci, ou pluftôt l'affemblage des trois; car nous étions attentifs à faire en forte, en les calant, qu'elles fe touchaflent parfai- tement toutes pendant tout le temps qu'elles étoient couchées fur le terrein. Pour n'avoir point à craindre d'accidens, on fe plaçoit aux féparations poftérieures des perches, & on les retenoit par précaution. Nous n'étions pas trop de perfonnes pour avoir l'œil à tout ; mais nous profitames avec plaifir de 1a préfence de M. de la Lande, que la feule curiofité nous avoit amené, & dont les fecours obligeans nous furent très-utiles, Nous arrivames à côté de la pyramide de Javifi en continuant notre alignement, & nous n'eumes qu'une perpendiculaire à abaifler de fon centre fur la direction que nous fuivions. Nous ne terminames cette partie de notre mefure que fe mercredi matin premier Septembre, & il nous fallut enfuite revenir à Villejuive, pour déterminer la longüeur de la petite portion irrégulière du terrein. Au lieu de la mefurer immé- diatement, nous primes à côté fur le pavé, dans le chemin de Paris, une longueur qui lui étoit à peu près égale, & par la Trigonométrie nous en conclumes celle que nous vou- lions avoir: il nous fallut pour cela réfoudre deux triangles, un qui nous donnoit la diftance du haut de la pyramide *# Ingénieur pour la conftruction des inftrumens de Mathématiques, DES SCIENCES. 18r de Villejuive jufqu'au terme où nous avions commencé notre grande melure; l’autre triangle, qui’étoit dans une fituation verticale & dans l'alignement de notre grande melure, nous fervoit à réduire à l'horizon {a diflance inclinée fournie par le premier triangle. Nous avons repréfenté ces deux triangles dans la figure ci-jointe. Le point Welt le fommiet de Ja pyra- mide de Villejuive; le point 7° marque le commencement de notre grande melure, en allant felon TZ, vers Juvif. On voit en FT'D, notre premier. triangle qui étoit incliné, & VAT eft notre fecond triangle qui étoit vertical & dans l'alignement de 7'Z. La bafe du premier, c'eft-à-dire, le côté TD, aétuellement mefuré dans le chemin de Paris, étoit de 85 toiles 3 pieds 2? pouces, & les angles à la bafe étoient de 6 degrés $1 minutes au point 7°, que nous avions pris pour premier terme, & de 83 degrés 10 minutes à l'autre point D. L'autre triangle, qui étoit cenfé rectangle, avoit pour un de fes côtés la hauteur de la pyramide jointe à celle du terrein, & nous venions de trouver fon hypoténule FT, par le premier triangle. L'angle d'en bas en 7’, de ce fecond triangle, étoit de 2 degrés 24 minutes; cétoit la hauteur apparente de R pyramide obfervée du point où nous avions commencé notre grande mefure, de même que la petite de 8 5 toiles quelques pieds. Le calcuf nous à appris qu'il falloit Ôter, à très-peu près, 4 pieds 1 pouce des 8 toiles 3 pieds 27 pouces de T° D, pour avoir 7 A; & ajoûtant le refte à 5632 toifes o pied 8 + pouces, que nous avions trouvé jufqu'au centre de la pyramide de Juvifi, ä vient, pour la diflance totale du centre d’une pyramide à celui de l'autre, 5716 toifes $ pieds 10 pouces & quelques lignes. Tel eft le rapport qu'a, lon notre melure, là bafe de Vülléjuive à 182 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Juvifi, comparée à la toife originale qui a fervi en Laponie, loriqu'on faifit la longueur de cette toile pendant que le Ther- momètre de M. de Reaumur eft à environ 1 1 où 1 2 degrés au deffus de la congélation. On fent affez que fi nous euffions étalonné nos perches pendant la plus grande chaleur du jour, nous les euflions rendues un peu plus longues, & nous euf- fions enfuite trouvé un moindre nombre de toifes pour a longueur de la bafe. De la formation de trois grands Triangles. NoTRe commiffion eût été vrai-femblablement remplie, & la queftion entièrement décidée, f1 la bafe dont nous ve- nions de déterminer la longueur eût été déjà mefurée par M. Picard, ou par Mrs Caflini & de la Caille; mais tous les Obfervateurs ont pris jufqu'à préfent des bafes différentes, quoique dans le mème chemin de Villejuive à Juvifi. M. Picard n'a point vû élever la pyramide de Villejuive, qui n'eft pas placée dans l'endroit où il commença fa melure; & quant à l'autre pyramide, celle de Juvifr, qui n'a été conf truite que depuis peu, elle n'a encore fervi de terme qu'à nos opérations & à celles des Commiffaires qui forment l'autre troupe. Ii eft vrai que pour la fatisfaction particulière de M. Cafini de Thury, l'un de nous, nous continuames notre me- fure, lorfque nous fumes arrivés à la pyramide de Juvif, juf- qu'au premier arbre qui eft au delà, à gauche, dans le che- min de Fontainebleau. Il nous défigna cet arbre comme le dernier terme de la bafe qui a fervi à {es triangles : nous trou- vames que fa diflance au centre de la pyramide de Villejuive étoit de 5748 toiles o pied 7+ pouces: mais il sagifloit toüjours pour nous de comparer un travail à l'autre, en trouvant des termes parfaitement conflatés & reconnus pour communs ; ainfi nous avons été obligés de les aller chercher plus loin, & nous avons pour cela formé trois triangles très- peu différens de ceux qui font décrits dans le Livre de la vérification de Ja Méridienne de Paris. Le premier, appuyé fur la bafe comprile entre les centres des deux pyramides de Villejuive & de Juvifi, & termine au Moulin de Fontenai- DES SCIENCES. 18 aux-rofes; le fecond, ayant pour premier côté fa diftance dé la pyramide de Juvifi au moulin de Fontenai, fe termine à {a tour de Montihéri; & le troifièine, ayant fes deux premiers angles au moulin de Fontenai & à la tour de Montihéri, a fon troifième angle au clocher de Brie-Comte-Robert, Ce troïfième triangle nous donnera la diflance de Montihéri à Brie - Comte- Robert; ce qui. nous fera découvrir de quel côté eft l'erreur dans la queftion qu'il s’agit de décider. On fe fouvient de cé que nous avons remarqué plus haut, que M. Picard & M.rs Caflini & de la Caille n’étoient pas d'accord fur cette diftance, & que la différence qu'il y avoit entr'eux devoit fe multiplier fur la grandeur du degré. Nous nous fommes fervis dans la mefure des angles, du quart-de-cercle légué à l'Académie par feu M. d'Ons-en-Bray. Cet inftrument a deux pieds de rayon; fa lunette fixe eft munie d'un micromètre, dont nous n'avons pas fait ufage; mais nous avons eu grand foin d'examiner chacune des tranfverfales fur lefquelles les mefures de nos angles. font tombées, & nous avons tenu compte des petites erreurs de. fituation auxquelles nous avons rémarqué que plufieurs étoient fujettes. Les petites corrections ontété de 3, 4 ou $ fecondes, les erreurs fur les différentes tranfverfales n'étant pas les mêmes, & étant pour l'ordinaire plus grandes en haut qu'en bas, mais toüjours dans le même fens, & diminuant la grandeur des angles. Nous avons fait auffr plufiurs fois le tour de l'horizon avec ce quart- de-cercle, c'éft-à-dire que nous avons vérifié fi la fomme des angles horizontaux, pris d’un même point, formoit exac- tement 3 6o degrés. Nous ne comptons pas une de ces vé- rifications qué nous entreprimes à Villejuive : nous étions montés fur un échafaud qui n'étoit pas aflez flide, & nous ne pumes réuflir aflez parfaitement à-vérifier le! parallélifime des lnnettes, ou à reconnoitre [x petite équation qu'il falloit appliquer aux angles, pour rapporter les deux lunettes l'une à l’autre. Nous dvons reconnu depuis, que linftrument don- poit au moins une minute de trop fur le tour de l'horizon; ce qui fait une erreur en excès d'un peu plus de 30 fecondes dur les trois angles de chaque triangle. Voici nos trois triangles 184 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE tels que nous les a fournis l'obfervation, après que nous avons eu réduit les angles au centre de chaque flation, & corrigé les petites erreurs dont nous venons de faire mention. La fomme des trois angles ne s'eft pas trouvée de 1 80 degrés dans chaque triangle; mais la différence eft peu confidérable, & nous avons cru pouvoir la diftribuer également, Nous joi- gnons les angles corrigés à côté des obfervés. PREMIER TRIANGLE. Angles obfervés à réduits, | Angles corrigés. Vie iVe re ete ete Lane» she 07 1 20N12 04) AIS 7 ER ARTIS IE JV RTE 6 Er Ge Ro 3 0 se + 30: 39e 35: | 30. 39-139. Moulin de Fontenare., 1, . , . .t 61.28.) 0, | 61. 28.0 4 1794 59° 47. SECOND 'TRIANGLE. ; Angles corrigés. Angles obferrés. Juve CEE 10043 40” | 1004 43’ 33° Moulin de Fontenai. . . . . . . . . . 34: 29. 11. | 34. 29. 5. Montlhéri . ,.....,..,.4... 44 47: 29. | 44 47. 22 1804 00° 20” TROISIÉME TRIANGLE. Angles obférvés. | Angles corrigés: Moulin de Fontenai.......... 664 17° 42" | 664 17° 47 Montlhéri. , . . .. .. + + + « « « + 74 23: 36. | 74 23: 4r. Brie-Comte-Robert. . . . . . . . . . 39. 18. 27. | 30. 18, 32. 1794 59° 4$" Enfin ces triangles nous donnent 13108 toifes quelques pouces, pour la diftance entre les centres de la tour de Mont- Ihéri & du clocher de Brie-Comte-Robert; diftance que M. Picard avoit crue de 13121 toifes 3 pieds, au lieu que M: Caflini & de fa Caiïlle Font trouvée de 13108 3Æ toiles. Ainfi on voit que toute l'erreur eft du côté de M. Picard, & que cet Académicien s'eft trompé. Nous n’entre- prendrons point ici de découvrir ce qui Fa pà faire tomber dans cette DiErsu Sc hE.NOC 2H 18$ cette faute. T1 n'importe pas qu'il ait employé par méprife une règle où une toife au lieu d’une autre, ou qu'il n'ait pas apporté aflez de précautions dans la mefure de fa bafe: cette faute n'eft pas de l'efpèce de celles qui, fuppofant un vice dans l'art même, ne fauroient être trop approfondies. IL nous fuffit de pouvoir aflurer, malgré les égards que nous avons pour la mé. moire de cet habile Aftronome, que comme il a commis une erreur d'environ une toife fur mille, il a dû fe tromper de près de 6o'toiles en excès fur la longueur du degré, & c'étoit fans fondement qu'on avoit avancé que fa melure étoit exacte. IL eft vrai que cette faute ne fuffit pas pour tout expliquer, puifque les deux déterminations du même degré font éloignées l'une de l'autre d'environ 100 toifes; mais ayant eu occafion d'examiner avec attention cette matière, nous avons cru aper- cevoir que M. Picard, qui fe plaint d'avoir été gêné par la faifon déjà trop avancée, a encore apporté moins de précau- tions dans la partie feptentrionale de fon Ouvrage que dans la partie la plus voifme de Paris. Nous ÿ avons remarqué plu- fieurs angles très-aigus, & divers triangles dans lefquels il n’a obfervé que deux angles; auffi fe trouve-t-il une différence de plus de 34 où 35 toiles fur un feul côté, favoir, fur la di£ tance de Sourdon à Amiens. M. Picard la porte à plus de 11161 toiles, & dans le livre de la Vérification de la mé- ridienne on ne la fait que d'environ 11 126+ toifes. En voilà aflez pour produire fa grande différence des deux réful- tats; car les deux erreurs, fi la feconde différence en eft réel- Jement une, font dans le même fens; elles s'ajoûtent en- femble, au lieu de fe détruire réciproquement, comme cela arrive quelquefois : M. Picard s'eft toüjours trompé en excès. Nous ne pouvons pas néanmoins parler afhirmativement de ces 34 ou 35 dernières toiles, comme des 60 autres; il fau- droit pour cela nous tranfporter jufqu'aux environs d'Amiens, & y melurer une feconde bafe, ou examiner la füuite entière des triangles depuis le premier. On fait combien des Obfer- vateurs qui vérifient des opérations déjà faités, ont d'avantage pour ne pas fe tromper, Mrs Caffini de Thury & de la Mém 1754 À a 186 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Caille, quand ils travailloient, avoient fous les yeux l'Ou- vrage de M. Picard; ils ont dù redoubler d'attention en voyant qu'ils ne s'accordoient pas avec lui : la préfomption eft donc toute en leur faveur; & pour fe tromper, il auroit prefque fallu qu'ils le vouluffent. Enfin nous avons trouvé M. Picard en faute aux environs de Paris; nous l'avons vû tomber dans une erreur dont les fuites font très-grandes; nous fommes bien fürs, outre cela, qu'on ne peut, comme il la fait, fe dif- penfer, dans les grandes opérations géodéfiques, de mefurer les trois angles de chaque triangle, foit pour les corriger les uns par les autres, foit pour s'aflurer qu'on n'a commis au- cune méprife en vilant des deux extrémités du même côté à deux objets différens, pris mal-à-propos pour le même. Nous avons éprouvé dans notre dernier Travail, la néceffité de cette précaution effentielle: la première fois que nous al- lames à Montlhéri, un Obfervateur qui s'y trouva en même temps que nous, nous aflura qu'un objet que nous voyions étoit la pyramide de Juvifi: nous mefurames fangle’ que formoit cet ob;et avec le moulin de Fontenai, -& nous ne nous fommes aperçüs de l'erreur dans laquelle on nous avoit fait tomber, que par la mefure du troifième angle du même triangle, ce qui nous a obligés d'aller à Montlhéri une feconde fois, après avoir fait abattre dans le chemin de Juvifi un arbre qui en offufquoit la pyramide. En général, soute la par- tie de la méridienne de M. Picard, qui fe termine à Amiens, n'eft pas d’une difpofition affez parfaite: cet Aftronome n'eut pas le temps de faire mieux, à caufe de l'approche de l'hiver, au lieu que le fyflème des triangles employés dans lelivre de la Vérification de la méridienne, nous paroït beaucoup mieux difpolé, tous les angles en ont été oblervés, & il a été confirmé par la mefure d'une feconde bafe, d'une longueur confidérable. Nous terminons ici le détail de nos remarques & de nos opérations, que nous fomumes prêts à figner. Signé dans l'Original, BOUGUER, CAMUS, CASSINI DE THURY; PINGRÉ, Es €: + DES: SCHENCES 187 HISTOIRE ANATOMIQUE HO AU) E A HAT E PREMIER MEMOIRE. Par M. DE LASÔNE. Ï L n'y a point de vifcère dans le corps humain fur lequel les Anatomiftes aient plus varié que fur la Rate, foit en décrivant fes parties organiques, foit en recherchant fa fonction dans l'économie animale. On ne voit pas fans furprife dans l'hiftoire de l’Anatomie, cet organe tantôt avili & dégradé jufqu'à être regardé comme un poids inutile, comme une erreur de la Nature, ou du moins comme très-peu important &, pour ainfi diré, ifolé dans le concours harmonieux de toutes les parties qui entretiennent la vie, tantôt exalté au point d'être mis au rang des organes les plus effentiels & qui influent fur tous les autres. Ici il eft préfenté comme le laboratoire de la bile noire & de la mé- lancolie qui doivent flétrir le cœur de l'homme; ici au con- traire on y établit le fiége du ris & de la gaieté. En un mot, dans les Ouvrages des Aatothiftess la rate, foit qu'on l'ait décrite, foit qu'on en ait tracé des figur es, paroït fous bien des formes & n’en préfente aucune bien déterminée, fur laquelle on ait établi fon caractère diftinctif: on pent bien dire qu'à cet égard c’eft un des plus finguliers organes du corps humain, & des plus capables de piquer la curiofité d'un Phyficien. Je’ vais donc effayer de donner Fhiftoire anatomique de ce vifcère dans tous fes détails: je l’examinerai d’abord fans qu'il ait fouffert aucune réparation, ou tel qu'on le trouve après la mort, enfuite préparé par l'eau bouillante, fimplement macéré dans l'eau commune, injecté par {a méthode de Ruyfch, foufé & defléché, comparé dans l'homme & dans it animaux, Aa ij 14 Novemb, 1753: 183 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE C’eft par ces moyens réunis où rapprochés que je tâcherai de déterminer plus pofitivement quelles font les parties orga- niques qui conftituent effentiellement la rate, fur-tout s’il faut y admettre les grains ou globules pulpeux, que Malpighi re- garde comme des follicules ou des glandes fimples, ou fr Ruyfch & ceux qui ont füivi fa doétrine font bien fondés à nier abfolument leur exiflence; fr le fang s’extravafe dans des cellules ou cavités particulières, reconnues par les uns & rejetées par les autres; s’il arrive quelque changement, quelque alté- ration à ce fang qui circule dans la rate; s'il fe fait quelque fecrétion : en un mot, mon plan eft d'examiner, de la manière que je l'ai dit, tout ce qui entre dans la compofition organique de ce vifcère, & de tirer enfuite de toutes ces connoiflances rapprochées & comparées, des inductions plus lumineules, s'il eft poffible, fur les fonctions principales d’une partie aaffi effentielle dans économie du corps des animaux. Mais j’efpère que fi je ne parviens pas à fatisfaire aufli parfaitement que je le defirerois fur tous les points que je dois traiter, on voudra bien faire attention qu'il fe préfente ici dés difficultés de plus d'une efpèce; 1.” d'abord celles qui dépendent de la délicateffe même de l'organe, & que connoiflent bien les Anatomifles qui fe font particulièrement attachés à l'analyfe de ces vifcères, dont la trame & la contexture font auffi fines qu'elles font compliquées; 2.° celles qui rélultent de l'incertitude, des va- riations, ou pluftôt des contradictions des plus célèbres Auteurs, & qui ne font pas moins embarraffantes que les premières. En eflet, on a beaucoup travaillé, beaucoup écrit fur cette matière, cependant on l'a peu éclaircie. Pour tàcher de recon- noître les caufes prinçipales qui ont pà contribuer à retarder les progrès, & pour apercevoir en même temps les moyens de faire des recherches moins infructueufes, il eft néceflaire de remonter, par un court détail hiftorique, jufqu’à la fource des opinions qui font varier encore aujourd'hui les Anatomiftes & qui maintiennent dans l'indécifron. | Après bien des hypothèles imaginées fans confulter a Na- ture, on comprit que le moyen de parvenir à quelque con: PR TR UE DÆ,S, 9 C1 EN CES. pr 180 noiflance pofitive fur ce vifcère, n'étoit pas fimplement de chercher à deviner, mais qu'il falloit commencer par bien -conflater la flruéture avant que de prononcer fur les ufages. Les Anatomifles qui firent les premières tentatives, peu accoûtumés à examiner le tiflu délicat des vifeères du Corps des animaux, ne virent la rate que comme une maffe informe, une fubftance fpongieule, un amas de fang épaiffi, & leurs travaux à cet égard. furent tout - à;- fait infruétueux. Dans {a fuite on apporta quelques perfeétions au manuel ou aux pro- cédés anatomiques, &-les nouvelles obfervations qui en furent le fruit, démontrèrent la néceflité de pourfuivre ces travaux. Malpighi parut enfin: plein d'ardeur & de fagacité, il en- 4reprit de déméler l'organifation fecrète des vifcères : il entrevit Je fyfème méchanique de prelque toutes les parties, qui jufqu'à lui avoient été regardées comme une efpèce de cahos impéné- table. Ses obfervations publiées préfentèrent un tableau du corps humain prefque entièrement nouveau, & qui fit changer de face à Anatomie: On travailla fur le plan, fur les Mémoires qu'il publia, & la plufpart des Anatomiltes devinrent fes par- tifans & comme fes élèves. Les premiers eflais de Ruy{ch furent pour foûtenir ou pour confirmer certains faits avancés par Malpighi au fujet de la ftruéture glanduleufe du foie, de 11 rate & de plufeurs autres vifcères ; mais enfin Ruyfch ayant perfetionné la méthode des préparations ou du manuel anatomique, & fur-tout celle des injections, aflez imparfaitement connues de Malpighi, fe fraya, pour ainfr dire, des routes nouvelles, qui lui firent entrevoir une organifation abfolument différente de celle que Mapighi avoit tracée: fes injections, en donnant plus de corps à une infinité de tuyaux capillaires auparavant imperceptibles, mirent le fyflème vafculeux du corps humain dans le plus grand jour, & firent difparoître à fes yeux les glandes du foie, de la rate, de la fubflance corticale du cerveau & de la plufpart des autres vifcères où Malpighi en avoit établi. Aflérmi, par un nombre prodigieux de préparations anato- miques qui lui donnoient toüjours les mêmes réfultats, Ruyfch A a ii F. Rayfch Ot- ferv. anatomico- chirurgic. centu- ria, Objerv. LL. In Thefauris Anatvmicis, 190 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fe crut fondé & autorifé à réformer uhe feconde fois le tableai du corps humain, en préfentant un méchanifme plus uniforme. En üh mot, il ne vit & n'admit pour toute organifition que des vaifléaux ramifiés, épanouis, contournés, arrangés de dif rentes manières, & fupprima prefque entièrement tout le refle. Il paroît que la rate eft une des parties qui piquèrent le plus fa curiofité & fur lefquelles il exerca le plus fes nouvelles mé- thodes; car on éft étonné de voir, dans fes tréfors anatomiques, la quantité de rates humaines & d'animaux qu'il avoit injec- tées & confervées par des moyens qui n'étoient connus que de lui & de fon fils, & qu'il na jamais révélés d'une maniere exacte & détaillée. Dans les defcriptions de ces rates préparées, il s'attache toûjours, avec une forte d'affectation, à faire fentir les diffé- rencés que préfente organifation de ce vifcère, en la compa- rant à celle que Malpighi a décrite. Les obfervations de Ruyfch publiées & expofées dans fon cabinet en fpectacle aux yeux des Curieux, ont partagé les Anatomiftes. Les uns ont été perfuadés par ces préparations comme par autant de démontftrations inconteftables: les autres, peut-être trop prévenus, les ont rejetées comme des efpèces de fophifines anatomiques, où comme quelque chofe de monf- trueux qui n'exifloit pas dans l'état de a conformation na- turelle; d’autres rendant juftice à l'art admirable de Ruyfch, ont voulu concilier fes nouvelles découvertes avec celles de Malpighi; mais les difficultés qui s’y font préfentées ont laiffé la difpute indécife entre ces deux grands Anatomiftes. On a donc beaucoup varié, & l'on varie encore aujour- d'hui, fur la véritable ftruéture de la rate. Plufieurs ferme- ment attachés à Ruyfch & ne voulant connoître pour bons que les procédés & les réfultats de fes adminiftrations ana- tomiques, excluent les glandes, les fibres ou filets, les cel- lules, l'extravañtion du fang, & ne reconnoiflent que des vaifleaux divifés, ramifiés d’une manière prodigieufe, & qui, par leurs divifions füccefives,! prennent enfin un caractère pulpeux fans cellier d'être des canaux. Plufieurs, en admettant DES). SACLIME N CLELS 191 ces vaiffeaux pulpeux de Ruyfch, reconnoiffent auffi des fol- licules glanduleux, un tiffu filamenteux, des cellules & l'ex- travafation du fang, tels que Malpighi les décrit. Sur la plufpart des autres vifcères, on peut raflembler une fuite de faits & d'obfervations anatomiques inconteftables, avouées & reçües généralement : c’eft au moins une voie füre & ouverte pour aller plus loin, ou pour éclaircir les difi- cultés qui reftent encore; mais les faits énoncés fur la rate par certains Anatomiftes, & donnés comme conftans & po- fitifs, font détruits par des obfervations tout-à-fait oppolées ou contraires, & que l'on foûtient avoir le même degré de certitude & d'invariabilité; de manière qu'après avoir {à & comparé ce qui a été fait ou écrit fur cette matière, on refle dans une indécifion d'autant plus grande, que les autorités de part & d'autre ont un grand poids & méritent la plus grande confidération. On eft donc réduit, pour prendre un parti, à examiner foi-même les faits avec une nouvelle attention, à rechercher quelles peuvent être les caufes qui font paroître le tiflu de la rate fous des afpects fi différens, & à déméler parmi ces formes celle qui appartient uniquement à Forga- nifation établie par la Nature. Pour peu qu'on ait pris l'habitude de comparer les phéno- mènes qu'offre l'anatomie des vifcères tels qu'ils font après la mort, & fans être difpofés par aucune préparation, avec ceux que préfente le développement de ces mêmes parties préparées par différens moyens qui ont été imaginés, on n'a pas de peine à reconnoitre les grandes différences que don- nent les réfultats des obfervations, & l’on y aperçoit l'origine de la plufpart'des contradictions fur l'anatomie de ces vifcères. Malpighi procédoit aflez fimplement dans fes recherches: d'abord il travailloit à développer le tiflu des parties telles qu'il les trouvoit après la mort; & fi cette méthode, fa plus naturelle & la moins fufpecte, ne l'éclairoit point affez à caufe de la délicateffe & du peu de confiftance des organes foûmis à fon examen, il donnoit à ces parties un peu plus de corps & de fermeté en les plongeant quelque temps dans des liqueurs 102 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE bouillantes. Vouloit-il fuivre plus loin la trace des petits Yaifleaux, il y introduifoit tantôt de Fair, tantôt quelque fluide coloré en noir, tel que l'encre, ou bien il fe con- tentoit ffmplement d'une longue mactration dans l'eau com- mune, Ruyféh, perfaadé qu'après la mort toutes les parties s’af- füllent, & par conféquent que la plufpart des plus petits vaifleaux soblitèrent, pour ainfr dire, & que d'autres ne pa- roiflent plus que comme des fibres ou des filamens, foûtenoit que pour bien juger de la flruéture véritable, il falloit re- mettre les organes dans le même état où ils étoient pendant la vie, & qu'il y pirvenoit par le moyen de fes injections, en rendant aux vaifleaux leurs diamètres & leurs faillies na= turels qu'ils ne perdoient plus, parce qué la liqueur qui les rempliffoit & les embaumoïit en même temps ne pouvoit plus s'échapper. Quelque aflurance que donnât Ruyfch qu'il ne forçoit point le diamètre des vaifleaux, il ne put en convaincre le plus grand nombre des Anatomiftes, qui d'ail- leurs lui rendoient le plus de juftice: à fon tour Ruyfch ne fût jamais ébranlé par les plus fortes objections que lon oppofa plus d'une fois à fon affertion conftante fur cet article! Mais je laifle cette difcuffion; il fuffit, pour me rendre plus intelligible dans mes détails, & pour juftifier en même temps le plan que j'ai choifi, d'avoir fait entrevoir le prin- cipe de la plüfpart des difficultés qui fe préfentent dans ces recherches dont ‘je vais rendre compte. Le volume de Îa rate eft très-variable, on ne la trouve prefque jamais de la mème grofleur; tantôt très-petite, elle eft abfolument cachée dans lhypocondre gauche, & n’occupe qu'un efpace moitié moindre que celui qu'elle doit naturel- lement occuper; tantôt énormément grande, elle s'étend de: puis le diaphragme jufque dans le baffin. Je l'ai obfervée ent cet état plus d'une fois, & en dernier lieu ivec M. Lieu- tiud à l'Infirmerie royale de Verfailles, fur un fujet mort d'uné maladie de poitrine. Il eft à remarquer que ce malade ne s'étoit point plaint de douleur à la-région de la rate ni à celle DE: S: SC 1 EN, UE, 193 à celle du foie, quoique le foie eût auffi un volume pro- digieux & quil s'étendit pareillement jufqu'au baflin. IL eff fingulier que la rate, dans ces divers états contre na- ture, ne foit “prelque j jamais fquirreufe ni detféchée; pas même plus dure ni plus tendue que Joriqu' on la trouve, dans l'état le plus naturel. Ayant examiné cette grande rate dont je viens de parler, par différentes {dions & par: le déchire- ment, elle ne me parut pas fenfiblement altérée dans {es parties organiques, du moins autant qu'il eft poffible d'en juger par cette infpeétion fuperficielle. Ce que j'oblerve le plus communément dans ces grofles rates, c’eft que la fubf tance en .eft plus. molle & qu'elle a moins de confiflance, comme fi toutes les parties, par l'effet de la maladie; avoient perdu leur reffort & n’avoient plus entr'elles le même foûtien. D'un autre côté, il paroït certain que cette variation du volume ne dé pas toüjours de l'état de maladie. 47. Lioutaud a obfer vé * que la rate n'a point de groffeur détermisée ex toijours à peu prés la même: il a trouvé, & [ur l'homme, à fur plufieurs animaux vivans , que le volume de. la rate dépend de l'eflomac plein où vuide ; s'il efl plein , il la preffe & la reffer res s'il eff vuide , il lui permet de s'étendre. Ce fait eft avéré par quelques Modernes célèbres qui ont écrit fur cette maticre, & d'ailleurs je: fais: par des expériences que j'ai faites autre- fois fur des animaux vivans, que la rate paroit:très- fujctte, à fe gonfler en recevant plus ARABE & d’une manière plus marquée que les autres vifcères, une portion d’une certaine «quantité de fang fouftrait à quelque partie du COrps où il - auroit lé lancé par l'impulfion du cœur, fans lés obftacles qui lui étoient oppofés. La tunique qui revêt le corps de la rate varie encore beau- coup; tantôt on la trouve extrêmement mince, tantôt, fort paille ; quelquefois très-lche &c fans reffort, ai à déchirer & à détacher de la fubftance de la rate: quelquefois. plus claftique & plus adhérente aux parties qu'elle couvre: mais ces variations ne. mont paru dépendre. que. de Teflet des maladies qui affectent diverfemént ce, vifcère. Mém. 1754: Bb * Hif. Acad. année 73 Pr 04 Haller. primæ liuæ Phyfolog. * de Fa Expo. anatom. Traité du bas- ventre, 194 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE Ordinairement cette tunique dans l'homme eft fort mince, & cependant aflez élaftique; dans plufieurs quadrupèdes, tels que le bœuf, le veau, le mouton, elle eft plus épaiffe, on la trouve fans peine formée de deux lames unies par un tiffu celluleux très-fenfible: on ne fauroit les démontrer dans l'homme, excepté au voifinage des gros vaifleaux qui pénè- trent dans la fubftance de la rate, parce qu'en cet endroit la lame inférieure fe détache un peu de la fupérieure; c’eft la remarque de M. Winflow. Mais quoique cette tunique ne paroifle pas ici fenfiblement double, l'on feroit, je penfe, autoriflé à la regarder comme telle, ou du moins comme formée de plufieurs lames ou feuillets, 1.° parce que ces lames paroiflent réellement un peu disjointes ou féparées de l'entrée des vaifleaux fpléniques, 2.° parce qu'il m'eft arrivé plus d’une fois de dédoubler prefqu'entièrement cette enve- loppe dans des fujets où elle avoit acquis un peu plus d'é- paifleur. Ces lames confidérées féparément font défignées par ces deux dénominations, lame externe & tunique propre. La ftruc- ture de cette tunique proprement dite paroît différente dans homme & dans plufieurs quadrupèdes : dans le bœuf, le veau, le mouton, jy ai obfervé fort diftinétement des plans de fibres diverfement dirigés en forme de bandes irrégulières, ou comme des efpèces de lofanges. On ne les trouve pas de même dans l'homme; cependant ayant quelquefois rencontré des rates dont la tunique étoit beaucoup plus épaifle, j'y ai remarqué des plans de fibres fort analogues à ceux dont je, viens de parler, & ces fibres refflembloient parfaitement à des fibres charnues. Pour bien faire ces obfervations, il faut préparer la rate par l'eau bouillante, enlever enfuite la lame externe & exa- miner avec la loupe la furface de la tunique propre après l'avoir bien efluyée ou après avoir laïfié diffiper naturelle- ment l'humidité qui la couvre; car cette humidité forme une efpèce de glacis qui efface prefque l'apparence des plans fi- breux: mais ces plans fibreux ne font bien fenfibles dans ‘ DeErs SCIENCES 195$ Jhomme, que lorfque cette tunique eft devenue plus épaifle par l'effet de quelque maladie. En difléquant l'enveloppe de la rate humaine bien conftituée (je la fuppole telle, à moins que je n'en avertifle) je trouve conftamment qu'elle adhère aux parties qu'elle couvre, c'eft-à-dire, à la fubftance même du vifcère, par un contact immédiat & par des adhérences particulières qui femblent établir une continuité réelle éntre ces deux parties, en une infiité de points difiérens. En eflet, lorfque la tunique eft difléquée, je trouve & paroi interne, fur-tout quand elle commence à fe deflécher, iné- gale, c'eft-à-dire, parfemée de petits points faillans prefque imperceptibles : ce font les fragmens des parties qui formoient les adhérences, & qui paroïfient être comme des produétions ou des prolongemens de cette paroi interne, ou du moins ils femblent s’y confondre & ne faire qu'un avec elle. Lorfque j'examine de plus près ces points d'adhérence, en tiraillant & en foulevant un peu la tunique pendant la diffec- tion, j'obferve des filets auffi fins que les cheveux, & qui par- tant de ces points d'adhérence, fe plongent dans le corps de {a rate : je les y ai fuivis très-fouvent jufqu'àtrois ou quatre lignes de profondeur, &c j'ai vû leurs communications réciproques avec d’autres filets tout pareils, qui {e joignent à ceux-ci & paroiflent former une efpèce de réfeau. J'ai obfervé plufieurs fois les mêmes fibrilles dans la fubflance même de la rate hu- maine, fur des fragmens de ce vifcère macérés pendant long temps : lorfque j'en ai pourfuivi quelques-unes avec beaucoup de patience, en commerçant par l'intérieur du vifcère où je les trouvois, je les aï conduites jufqu'à la tunique, où elles s'implantoient & où elles paroifloient fe perdre ; elles fe di- vilent, fe répandent & fe confondent parmi les ramifications vafculaires & la fubftance pulpeule. Ces fibrilles ont un caractère particulier qu'il n’eft pas facile de déterminer : d'abord je les diftingue des vaiffeaux capillaires, en ce que ceux-ci étant raclés légèrement avec le tranchant d'un fcalpel, pour les dépouiller de fa fubftance pulpeufe & du fang extravafé, paroïffent blancs, jettent des rameaux plus Bb ij 196 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE petits & de même elpèce, ils réfiflent davantage au tirailfe- ment & fe caflent plus dificilement ; au lieu que les fibrilles raclées, lavées, macérées, n'ont toüjours paru diaphanés, d'une couleur plus terne, & comme rougeâtres ; de plus, je ne les vois pas fe divifer en fibrilles plus petites, elles me paroiffent affez uniformes. En fecond lieu, fi ces fibrilles étoient des vaifieaux, fans doute ce ne pourroient être que des vaifleaux dégénérés, ou pulpeux, ou d'un caractère à peu près analogue, Mais deux confidérations principales doivent arrêter fur cela: 1 première, c'eft qu'affurément des vaifleaux pulpeux, fur- tout ceux de la rate, réfifteroient moins au tiraillement; j'en juge par la nature de la fubftance pulpeufe de ce vifcère : la feconde & la principale, c'eft la multitude de ces fibrilles qui vont s'implanter & fe terminer à la paroi interne de la tunique, fans qu'elles paroiflent rebrouffer ou fe réfléchir dans le corps de la rate, ou même s'étendre fur cette paroï au delà de leurs points d’adhérence. Or il eft conftant que des vaifleaux, de quelque nature qu'on les fuppole, ne fe terminent nulle part de cette manière; les vaifleaux lymphatiques ont tout un autre afpect, tout un autre caractère. Enfin, ayant confidéré bien atten- tivement ces filets, je me déterminerois à les regarder purement & fimplement comme des fibres capillaires, qui, par feur expanfion dans la rate, forment une efpèce de réfeau filamen- teux, que je crois deftiné à maintenir, à aflujétir & à foùtenir toutes les ramifications vafculaires & l'organe pulpeux ; mais je me garderai bien de décider, avec Malpighi, que ce réfeau foit fait de fibres vraiment charnues. Malpighi, dans fes derniers Ouvrages, prétend avoir obfervé ces fibres charnues; il les décrit d'une manière qui n'eft pas bien claire, principalement à l'égard de la méthode qu'il employoit pour s'aflurer de leur exiflence. Mais quoique puiffe dire cet Anatomifte en faveur de cette opinion, à laquelle il paroît s'attacher avec une forte de fatisfaction , quoique puiffent ajoûter quelques Anatomiftes qui, ayant travaillé d'après Malpighi, prétendent avoir égale- ment obfervé ce même réfeau mufculeux, je crois, je fait étant , bien examiré, que lon ne fauroit même donne: ceci pour ÉD CRETE D 18: 940 TE AN CMS 197 une probabilité. Nous n'avons point d'objet de comparaifon dans l'Anatomie: il eft évident qu’il n’eft pas poffible d'admettre en parallèle le réfeau mufculeuxde la paroi internedes ventricules & des oreillettes du cœur, que Malpighi produit dans cette cir- conftance comme tout-à-fait analogue: de plus, il ne paroît pas que Malpighi, en parlant de fon réleau mufculeux, ait d'abord eu directement en vüe ces filamens capillaires que je viens de décrire, mais pluflôt ceux que je vais examiner. En détachant, par la diflection, la tunique propre de fa rate de certains quadrupèdes, tels que le bœuf, le veau, le mouton, l'on trouve des filets bien différens des, précédens. Cette diffeétion ne peut fe faire qu’en coupant à chaque coup de fcalpel des-filets blancs beaucoup plus gros, élaftiques & folitaires, qui partant de la paroï interne de la tunique, fe plongent dans le corps du vifcère. En füuivant leur trajet depuis leurs points d'adhérence à fa tunique, j'ai vü que les uns fe prolongent ïlolés plus ou moins profondément, & que les autres, rencontrant d'abord d'autres filets femblables, s'y ana£ tomofent , forment par leur réunion, tantôt un feul cordon; tantôt de petits fragmens de toile membraneufe, d'où il fort encore, felon diverfes direétions , une nouvelle expanfion de filets femblables aux premiers, ou plus petits, ou prefque im- perceptibles, lefquels formant entr'eux & avec d'autres filets de nouvelles anaftomofes ou de nouvelles unions, fe divifent encore, & ainfi de fuite, jufqu'à ce qu'ils fe terminent à la furface des vaifleaux fpléniques, où ils paroiffent auffi intime- ment adhérens qu'à la paroi interne de la tunique d'où l'onles a pourfuivis. Ayant fait différentes coupes à la rate, en fuivant le tronc des vaifleaux & les principales ramifications pour les mettre à découvert, & pour obferver, d'une manière oppofée à la précédente, le développement des filets, j'ai vû que de la furface des vaifleaux il part tantôt des filets, tantôt de petites por- tions membraneufes qui s'épanouiflent en fibres plus ou moins déliées , & dont on fuit les progrès & les entrelacemens jufqu'à la tunique propre; de manière que les Anatomifles, depuis B b ii 198 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE Malpighi , font indécis & ne favent sil faut confidérer fes filets comme prenant leur origine de la furface des vaifleaux & fe terminant à la paroi interne de la tunique propre, ou bien s'ils partent de cette tunique pour aller fe terminer à la furface des vaiffeaux. Quelques remarques que je ferai, en traitant des vaiffeaux fpléniques , me mettront à portée de dire mon avis fur cette queftion. Ces gros filets blancs jettent, en fe divifant, des filets plus petits, lefquels, étant fuivis & débarraffés de la fubftance pu- peuR, paroiffent fe fubdivifer encore; & après les avoir exa- minés bien des fois, ils m'ont femblé dégénérer enfin en fibrilles tout-à-fait femblables à celles que j'ai décrites dans la rate humaine, & qui fe perdent également dans la fubf tance pulpeufe. H fuit de là, que le réfeau filamenteux, épanoui de la manière que je l'ai détaillé dans Ja rate de certains quadru-- pèdes, doit être confidéré comme compofé d'abord de gros filets, enfuite de ces fibrilles qui conftituent l'autre partie du réfeau; partie vraiment commune à la rate humaine & à celle des quadrupèdes en général. Malpighi, parlant des filets tels qu’il les a obfervés dans le bœuf, dans le mouton, &c. applique cette defcription à la rate humaine, fans fpécifier les différences eflentielles dont je viens de rendre compte. Je ne vois pas que les autres Anatomiftes aient été beaucoup plus exacts fur cet articlé; les uns ont admis en général des filets indiftinétement dans la rate humaine & dans celle des animaux, à la manière de Malpighi; d'autres, fe conformant à Ruyfch, ont pofitivement nié qu'il y en eût d'aucune elpèce ; plufieurs ont pris le parti de n'en point parler. Les obfervations précédentes donnent à connoître ce qu'il faut rectifier dans la defcription de Malpighi & de ceux qui l'ont fuivi. A l'écard de Ruyfch & de {es difciples, il faut convenir qu'ils ont raifon d’exclurre abfolument de la rate humaine les filets tels que Malpighi les décrit, il eft très- certain qu'ils n'y exiftent pas ainfr; mais ils ne font pas fr bien fondés à nier auffi toute autre efpèce de filamens; car en nn D ES, S:C IE N,C-E S 199 rapprochant de d'examen que je ferai de la rate injefée, ce, que je viens d'obferver fur ces fibrilles , il. fera comme démon- tré que fi l'on ne les découvre jamais, dans la rate ainft pré- parée, c’eft moins par le défaut de la Nature que par l'effet de l'injection. Malpighi ayant d'abord parlé des filets d'une manière gé= nérique, ne déclara pas alors fon fentiment {ur leur caractère. A la vérité, en démontrant, ainfi que l'avoit fait Highmore, par d'examen anatomique, qu'ils ne font point creux, puifque chaque fibre apparente peut être divifée dans fa longueur en plufieurs autres plus petites, il acheva de détruire l'opinion des Anciens, qui prenoient ces filets pour des vaiffeaux remplis d'un fluide ,:& fhypothète de Glifion,, qui les avoit d'abord confidérés * comme autant, de canaux particuliers, portant aux nerfs une liqueur préparée & féparée dans la rate. Il parla enfuite plus poftivement fur cet article dans fes Ouvrages pofthumes ; il. y regarde en général ces filets comme vraiment charnus où mufculeux. Quelques Auteurs habiles, fans adopter ce réfeau mufculeux, ne paroiïflant pas même le reconnoître , mais au lieu de cela, regardant comme mufculeufe la tunique, de même que.la capfule des vaifleaux, laquelle ils, admettent dans l'homme & dans les animaux, foûtiennent que; la rate eft un organe charnu ou mufculeux : #t adeo lienem-machinam vocare. liceat vafculo: Jam aæquè ac mufculofam ; ce font les expreffions de Berger ; qui a eu plufeurs partifans fur cet article. Mais ce que j'ai déjà dit de la tunique & ce qu'il me refte à en dire, ainfi que de la capfule des vaiffeaux fpléniques, ne fe rapportent pas fur bien des points avec ce qui conftitue les fondemens de cette opinion. Ce fentiment fur lé caraétèremufculeux de la rate en général, auroit, ce me femble, un degré) plus marqué de probabilité, fi l'on fe fondoit fur l'obfervation fuivante; car en développant ce vifcère d’une certaine manière, j'y, remarque en. beaucoup d'endroits des plans de fibres, qui, par leur difpoftion, leur arrangement, & même par leur couleur, ont un afpect tout-à- X II f rétraéla en quelque manière dans la fuite fur cette hypothefe, Giiffen », hepate, Berger, de narur& humaua, Winflow,expofir. anatom, Traité des os frais, bide, 200 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE fait charnu où mufeuleux , & préfentent une organilation très- fingulière, que je ne trouve décrite nulle part: cependant, par le détail de cette adminiflration anatomique, que je donnerai ailleurs, je prouverai que ce n'eft encore ici qu'une apparence trompeufe, comme l'eft à peu près celle du réfeau mufculeux des. fibrilles de la rate humaine. En effet, je me fuis expliqué déjà fur le caraétère très-équivoque de ces fibrilles : quant aux filets plus fenfibles, qui n'appartiennent qu'à la rate de certains quadrupèdes, bien loin de leur trouver la moindre analogie avec des fibres charnues, jy obferve les marques &c la contexture des fubftances ligamenteufes proprement dites. Le ligament eft une fubflance blanche, fibreufe, ferrée, compacte, difhcile à rompre ou à déchirer, qui ne préte que difficilement: quand on la tire, & qui eft cependant très-élaf- tique, ayant un caractère particulier d'élafticité, qui ne peut être déterminé que par l'examen & la comparaifon de certains organes du corps des animaux. Or_je trouve ces propriétés réunies dans les filets que j'ai décrits dans latrate de certains quadrupèdes ; ils font conftamment blancs, difficiles à rompre, réfiftent beaucoup au tiraillement proportionnellement à {eur groffeurs ils font compofés de plufieurs fibrilles étroitement unies & ferrées entr'elles; en un mot, les cordons & les petites toiles qu'ils forment par leur jonction ou par leur expanfion réciproque, comme! je lai-expofé, font de vrais ligamens. 143 . Ce caradère que j'attribue aux filets, je pourrois, je penfe, le donner de mênie à li tunique propre de la rate, fur-tout à celle de plufieurs quadrupèdes. Etant enlevée & bien Javée, elle paroît blanche, elle eft d’un tifiu ferré & compact, elle eft difficile à déchirer: comparée à quelques ligamens capfu- faires des articulations ‘offeufes, ou à des toiles ligamenteufes qüi couvrent certains mufcles, ou qui les féparent, ou qui leur fervent d'attache, on trouve une grande reflemblance. En effet, ces toiles paroiffent être compolces de deux foxtes de ligamens fortement unis ou collés enfemble, favoir, du ligament capfu- laire qui environne tout-à-fait l'article, & de plufieurs vrais Jigamens Mudanes D ES :Sic DE Nic ENS: 20F ligamens qui d'élpace en efpace s'étendent für Le capluliñe, & s'y uniflent fort étroitement par des plans de fibres diver fement dirigés: or, fi l'on veut bien fe rappeler la defcription que j'ai faire de la tunique de la rate obfervée dans lhomime & dans quelques animaux, on reconnoit fans peine l’analogie, En travaillant à dégager es filets & les fibrilles, on rencontre par-tout des ramifications vafculaires qui croilent & travérfent le réfeau fllamenteux dans toutes les direétions , & qui, par leurs anaftomofes prodigieulement multipliées, forment entre eux une autre efpèce de réfeau vafculeux qui pénètre le premier dans toute fon étendue ou fà profondeur, & qui y eft comme enfermé ou impliqué. Dans l'homme & dans plufieurs animaux, es vaifleaux: fpléniques fe plongent dans le vifcère par plufieurs troncs; ils. ne pénètrent que par un feul tronc dans un grand nombre d’autres quadrupèdes. Cette différence me paroît d'autant plus remarquable, que je l'obferve conftamment liée à d’autres différences eflenielles fur la nature des vaifleaux fpléniques: voici le fait. Dans le bœuf, le veau, le mouton; c'eft-à-dire, dans ces animaux où Jes vaifleaux fpléniques pénètrent dans le vifcère par un fut tronc, 1." l'artère, en entrant & dans toutes fes divifions, eft revêiue d'une efpèce de gaine ou capfüule particulière, qui rend fes parois ou tuniques plus épaifles; 2.° la veine perd d’abord fon caraétère de vaifleau, fe décompole & fe dépouille, pour: ainfi dire, de toutes fes enveloppes; on ne trouve plus qu'une efpèce de canal fingulier qui fuit en partie le trajet des branches artérielles, & qui fe divife dans le corps de la rate en une infinité d’autres canaux ou finuofités plus petites, qui. femblent dégé- nérer enfin en cavités prefque imperceptibles ; 3 {a tunique de la rate eft plus épaifle, plus élaftique, plus’ fenfiblement formée de deux lames par l'interpofition d'un tiffu celluleux ; 44° on trouve ces gros filets que j'ai décrits. Au contraire, dans les fujets où les vaifleaux fpléniques pénètrent dans le vifcère par plufieurs troncs, x les tuniqués de l'artère reftent telles qu'elles étoient, je n'y trouve point Mém. 1754 C c Malpigli, PA dene, 202 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE enveloppe capfulaire marquée comme dans le cas précédent ; 2. la veine conferve davantage fon caraétère de veine; 3.l& tunique du vifcère eft plus mince, on n'y découvre plufieurs feuillets que dans quelques cas particuliers dont j'ai parlé; 4. on ne trouve point ces gros filets blancs élaftiques qui ont le caractère ligamenteux. Ce ne font point ici de ces variétés qui s’obfervent indif- féremment, tantôt dans un fujet, tantôt dans un autre; elles font. conftantes dans les divers fujets doni je parle. Pour découvrir, s'ileft poffible, les caufes de ces fingularités remarquables, il faut reprendre en détail quelques faits que je viens fimplement d’énoncer & qui méritent une attention par- ticulière, parce que fur cela je trouve, dans les Ouvrages des Anatomifkes, plufieurs chofes conteftées & peu éclaircies. Malpighi prétend que dans l’homme, comme dans le bœuf & le mouton, les vaiffeaux fpléniques font revêtus d'une cap- fule ou gaine affez forte: ce fait, ainfi expofé & adopté par un grand nombre d'Anatomiftés, ne me paroît pas conforme aux obfervations que j'ai faites & répétées avec beaucoup de foin, & je crois remarquer que l'inexactitude porte fur deux points principaux. J'avoue d'abord que dans le bœuf, le veau, le mouton, le cerf, on reconnoît très-diftinétement une portion de la capfule que Malpighi décrit, mais je n'en trouve qu'une portion : je m'explique. Confidérant le tronc de fartère & le canal veineux comme deux tuyaux adoflés & contigus parallèlement à leur axe, je dis que la fubftance caplulaire ne forme réellement qu'une efpèce de souttière qui embrafle & revêt en partie le tronc artériel, & dont les deux bords ou limbes viennent fe terminer au canal veineux fans s’in- finuer entre ce canal & l'artère, de manière qu'il n'y a pro= prement qu'une moitié du tronc artériel qui foit revêtue de la capfule; l'autre moitié n’eft féparée du canal veineux que par une toile membraneufe très-fine & tranfparente, qui m'a paru être une produétion ou un alongement de l'épiploon, parce qu’efléctivement l'épiploon paroït fournir une efpèce ie tes DES SCIENCES. 203 de Janguette cellulaire qui fe plonge dans le corps de Ja rate avec les vaifleaux & les y fuit dans leur trajet. & dans leurs divifions, fans doute pour leur fervir de liens. J'ajoûte, pour donner un plus grand degré d'exaétitude à cette defcription, que le canal veineux, le tronc artériel & Ja gouttière cap- fulaire formant par leur réunion & leur jonction réciproque une elpèce de cylindre un peu aplati ou de figure ovale, fr l'on fuppole une feétion faite tranfverflement à ce tuyau, le plan ovale qui en réfulte fera d'abord compofé d'une petite portion vraiment circulaire, qui eft l'aire ou l'ouverture-du tronc artériel, enfuite d'une efpèce de lunule qui fera le com- plément du plan ovale, & qui repréfentera dans la dernière exactitude la figure ou le contour de l'embouchüre du canal veineux. Voilà de quelle manière font difpofés & conformés les vaiffeaux fpléniques qui ne pénètrent dans le vifcère que par un feul tronc dans plufieurs quadrupèdes; mais il n'en eft pas de rnêmé dans l'homme & dans plufieurs autres fujets. Les troncs artériel & veineux fe divifant ordinairement en trois branches avant que de fe plonger dans la rate, y ' entrent fans être revêtus d’une pareille capfüle; ils ne font accom- pagnés que par une languette ou prolongement de l'épiploon, qui f{ert à les unir ou à les retenir dans leurs divifions ou ramifications, & la veine conferve davantage fon caraétère & fa figure ordinairés. Je trouve donc, 1.° que [la caplule des vaifleaux fpléniques, telle que Malpighi la décrit, n'exifte rééllement que dans certains fujets; 2.* que dans les füjets ème où elle exifle, eile ne formelqu'une efpèce de gout- tière,!& par conféquent qu'elle n'entoure ‘qu'à moitié des Vaifleaux artériels. bi ch | * Maïs quelle peut être l'origine de cette capfule qui fe trouve dans des fujets & manque dans d'autres? voici, je penfe, da vraie caufe de cette variété, Dans les fujets où la veine fplénique perd, en entrant däns la rate, fon caractère de veine & devient un canal vei- heux! dont les parois ne font plus formées par les ituniqués Cci 204 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de la veine, parce que ces. tuniques femblent fe décompofer & s'oblitérer, pour ainfr dire, en entrant dans la rate; dans ces fujets, je trouve la gouttière caplulaire, les gros filets blancs élaftiques & deux lames bien marquées à la tunique de la rate: je vois de plus, le canal veineux étant ouvert dans fa longueur, des fragmens membraneux qui communiquent avec la gouttière capfulaire, qui donnent naïiflance à quelques-uns des gros filamens, & qui étant bien examinés me paroiffent être les débris des tuniques de la veine. Le contraire arrive dans des fujets où la veine fplénique n'eft pas tout-à-fait conftituée de même , & la rate de l'homme eft dans ce cas. Il eft donc très-probable que la formation. de la caplule, des gros filets & de la multiplicité des feuillets ou lames, plus marquée fur la tunique qui revèt la rate, eft dûe en partie à la décompofition de la veine, telle qu'elle arrive dans certains fujets: on eft du moins fondé à le penfer, en rapprochant les remarques précédentes. Boerhaave foûtenoit en général que les vaifleaux fpléniques, l'artère &-la veine, font dépourvüs dans le vifcère de. leurs principales tuniques; que k tunique propre de la rate n'eft que le produit de la décompofition & de l'expanfion des fibres charnues de ces vaiffeaux, & que la capfule fournie fimplement par un alongement de 'épiploon fupplée au défaut de ces enveloppes décompofées & employées ailleurs: mais il eft évident que cette opinion, propofée d'une manière auffi générale, eft incompatible, à bien des égards, avec les obfervations précédentes, & de plus je me fuis afluré que les enveloppes ou tuniques de l'artère fplénique ne fouffrent aucune altération, aucune décompofition, même dans les fujets où la veine paroït fouffrir un pareil changement ; car j'ai toûjours trouvé dans le mouton, dans le bœuf, dans le veau, dartère fplénique qui s'eft plongée dans le vifcère, conftamment munie de toutes fes tuniques de manière à ne pas les méconnoître, Ce qui induit peut-être en erreur à cet égard, c'eft que dans la rate humaine l'artère étant réellement dépouryüe de DiEr5 à SuCALIE AN GE Si 20 Fenveloppe caplulaire, &, même en grande partie de ce tif celluleux qui enveloppe ordinairement les canaux artériels, fes parois ou fes tuniques font plus minces; & l'étroite ad- hérence que lon trouve entre la tunique de la rate & la paroi externe de l'artère à l'endroit où cette artère entre dans le vifcère, peut faire croire que cette adhcrence dépend de la continuation & de fidentité de ces deux tuniques, dont l'une fe décompoleroit & fe développeroit en quelque façon pour former l'autre. La rate n'eft pas dépourvüe de vaifleaux lymphatiques, comme favoient écrit quelques Anatomifles célèbres; elle n'en a pas non plus, une aufli grande quantité que d’antres l'ont penfé. On avoit déjà découvert ces vaiffeaux fur la rate avant Malpighi, il en confrma l'exiflence; & comme il n'admet point d'exception fur cet article à l'égard de {a rate humaine & de. celle des animaux, on ne fauroit douter qu'il n'entende parler de la première: cependant il paroît très-clairement, par le détail de fon obfervation, qu'il ne les avoit vûs que fur la rate de quelques quadrupèdes. Ruyfch fit plus; un article principal du premier ouvrage par lequel il commença fa carrière anatomique, eft employé à détailler un procédé certain pour découvrir ces vaifieaux non. fule- ment, fur la tunique, mais dans le corps même de la rate de quelques animaux, &c il avertit {pécialement que la rate humaine en a aufli, quoiqu'en moindre quantité. I] revint à ce dernier fait dans d'autres ouvrages poflérieurs, & il fit graver ces vaifleaux, qui dans da rate humaine, comme dans celle de plufieurs quadrupèdes, fe plongent dans le vifcère, en fuivant le tronc des vaifieaux fanguins. Nuck & d’autres Anato- miftes ont enfuite également démontré fur le fujet humain ces vaifleaux, & l'on convient généralement que cette ob- fervation, de quelque manière qu'on s'y prenne, eft très- difficile à faire; mais le fait n'en eft pas moins certain & regardé comme conflant: car il me-paroît évident que,ces difficultés dépendent. de la difpofition, peu, favorable, dans daquelle, on trouve ordinairement la rate humaine, employée Ceci Glifon,dehepare. Warihon, de £landulis, Ruyfch. dilucidat, val- valar, Epifl problemat. 1V, Et in Thefauris, Adenograph, 206 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE À cet examen, & du plus petit nombre de ces vaifleaux dont ce vifcère fe trouve chargé. Les nerfs de fa rate, qui font affez nombreux, qui em- braffent en forme de plexus où de réfeau les artères fplé- niques, & qui, en fe ramifrant avec elles, les fuivent jufqu’à feurs dernières divifions, font envifagés fous ce point de vûe par les Anatomiftes, fans qu'il y ait à cet égard ni variété ni contradiction. Les principaux troncs artériels, en commençant à fe rami- fier , ne jettent pas, par une progreffion fuivie & régulière, des rameaux de plus en plus petits: j'obferve ici le même phénomène ie dans les divifions de l'aorte & des autres principales artères, c'eft-à-dire que lestroncs de artère fplénique donnent indif- tinétement, tantôt des branches proportionnées au tronc qui les produit, tantôt des tuyaux capillaires. Si l'on veut pour- fuivre ces divifions artérielles, on fe trouve à tout moment arrêté par leurs nouvelles divifions, que lon voit fe multiplier d'une manière furprenante ; bientôt on en perd la trace, elles échappent à la vüe & femblent dégénérer en uneautre fubftance très-remarquable, ou fe confondre avec elle: c'eft là partie ulpeufe de la rate, partie dont la confiftance eft prefque auffi délicate que’ celle du cerveau. À C'eft elle que les Anciens, d'après Érafiftrate, ont appelée parencyhme, parce que ce Philofophe grec, trompé par les apparences, croyoit qu'elle n'étoit autre chofe qu'un fang extravalé, épaifli & devenu une efpèce de chair fongueufe & informe; mais quoique l'ufage ait en partie confacré ce terme des Anciens pour défigner, dans la rate & dans quelques autres vifcères, la fubftance pulpeufe, il n'efl nullement exaé, & l'on ne pourroit le conferver qu'en lui donnant une figni- fication abfolument différente de celle qui lui eft propre. Cependant quelques Anatomiftes plus modernes femblent avoir admis en-partie dans la rate le vrai parenchyme des Anciens, & à leur tête fe trouve le célèbre Malpighi. Je re- monterai dans un moment à la fource de cette erreur, en examinant la rate préparée par l'eau bouillante; mais pour la DES SicTENCESs 207 mieux faire fentir, cette «erreur, il faut d’abord examiner le caractère de la fubftance parenchymateufe dans la rate qui n’a fouffert encore aucune préparation. Je vois conftamment, dans homme & dans les animaux, les intervalles que laiflent entr’elles les divifions immenfes de vaifleaux fanguins, remplis par une fubftance rougeâtre, dia- phane & pulpeufe. En développant la rate par le déchirement, Je vois cette pulpe foûtenue, liée, traverlée par les filets & par les ramifications vafculaires dans toutes les directions ; tantôt elle m'a paru compolfée d'un tiflu de fibrilles d’une finefle & d'une délicatefle infinies, & qui adhèrent réciproquement entrelles; tantôt j'ai trouvé ces fibrilles combinées avec des globules ou grains pulpeux & diaphanes, & tantôt ces globules m'ont paru compoler entièrement toute la fubftance pulpeufe. En un mot, à cette première infpection, toute fimple & toute fuperficielle qu'elle eft, on commence à reconnoître que cette pulpe ne fauroit être aflurément, ni en tout, ni en partie, le produit d’un fang extravalé, épaifli & transformé de cette manière. Voyons ce que peut apprendre de plus le développement de la rate préparée par l'eau bouillante; car c'eft dans de pareilles circonftances que l'Anatomifte eft obligé d'avoir recours à différens procédés, à diflérens artifices, pour rendre plus fen- fibles certains organes que la Nature femble nous dérober. La rate ayant naturellement peu de confiftance & de foûtien dans fes parties organiques, on lui communique plus de fer- meté en la plongeant quelque temps dans l’eau bouillante, Cette préparation fait des effets qu’il eft effentiel de remarquer avant toutes chofes: la tunique, les filets & les vaiffeaux de toute efpèce fe contraétent & s'étréciffent, par conféquent l'étendue & le volume de la rate diminuent, parce que toutes les parties - plus rapprochées, plus preflées & moins lâches, donnent au vifcère plus de fermeté; mais cette fermeté plus grande n’exifte réellement que dans lenfemble des parties, car lorfqu'on veut les développer & les examiner féparément, on trouve que la confiftance & la réfiftance élaftique de chacune en particulier Malpighi, de liene, 5 208 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE nt diminué dans la proportion de ce qu'elles étoient dans Yétat naturel où avant la préparation. En effet, tout ce qui a dans la rate le caractère ligamenteux que j'y ai fait remarquer, conferve encore aflez de fermeté quand on veut le divifer, le déchirer ou le rompre; mais les parties pulpeufes perdent ablolument le peu qu'elles en avoient, & n'offrent pas plus de réfiflance à leur divifion ou à leur développement que les molécules d'un fluide épaifi ou coa- gulé, tel que pourroit être le fang. On voit donc évidemment que ceux qui fe font effen- tiellement attachés à examiner la rate préparée par l'eau bouillante, & qui ont préféré ce procédé dans leurs obler- vations par l'apparence de fermeté qu'il donne aux parties, ont dû être trompés à bien des égards; ils n'ont pà prendre qu'une notion imparfaite de l'organe pulpeux, tel que j'ai commencé à le décrire dans la rate non préparée, ou tel qu'il exifte dans la Nature. En quelque endroit que l'on fafle des coupes où un déchirement du vifcère préparé, par-tout on trouve les mêmes apparences d'une matière fans con- fiflance, à peu près femblable au fang coagulé, laquelle eft traverfée dans toutes les directions par les ramifications vafculaires. Malpighi ne fichant ce que c'étoit que cette matière qu'il obfervoit dans la rate préparée par l'eau bouillante, fe trouva enfin convaincu en examinant au microfcope le fang coagulé par la coction; il crut y’apercevoir la même matière rou= geatre, compofée des mêmes globules: en un mot, cette infpection lui offrit les mêmes apparences que celles qu'il trouvoit dans la rate, & il fe détermina à penfer que cette fubflance femblable qu'il voyoit dans le vifcère n'étoit en plus grande partie qu'un fang extravalé & épaifft. Muis plufieurs motifs auroient pü l'arrêter, ce me femble. 1." Si j'injecte à diverfes reprifes de l’eau tiède dans la rate pour la décharner, comme difoient les Anciens, j'entraîne peu à peu tout le fang; cependant fi la rate ainfi difpofée eft préparée par l'eau bouillante, J'y trouve par-tout encore la DES SCIENCES. 209 fa même fubftance que Malpighi croit être en grande partie un fang épaïfli, & cette remarque pourroit feule détruire l'opinion de Malpighi, à moins qu'on ne fuppofit que le fang extravalé dans la rate & déjà coagulé n'a pü être diflous ni emporté par l'injeétion de l'eau chaude; mais il faut ob- ferver que le fang fplénique refte parfaitement fluide après la mort, tandis que celui qui fe diftribue-dans les autres or- ganes fe coagule promptement; propriété très-fingulière, dont je ferai ufage dans la fuite. 2.° Si l'on compare la confiftance, da couleur &c l'efpèce d'organifation qu'ofire le fang préparé par la coétion, à celles du prétendu parenchyme de Ia rate plongée dans l'eau bouillante, on y voit une différence trop marquée pour qu'on puifle les confidérer comme les produits d'une même fubftance. J'ai obfervé cette partie parenchy- mateufe dahs plufieurs de ces rates développées par le déchi- rement, comme une efpèce de duvet ou de coton pulpeux très-fin; dans d’autres, comme un amas de globules rougeä- tres fort petits, & que l'on diftingue parfaitement avec une fimple loupe. Sa couleur varie également dans les divers fujets, & par l'effet des maladies. I eft donc évident que le fentiment de Malpighi, qui femble admettre en partie le parenchyme des Anciens, eft infoûtenable, puifque les phénomènes que nous offre le fang épaiffi, coagulé, de quelque manière qu’il le foit, ne fauroient {e rapporter à ceux dont je viens de parler: ce prétendu parenchyme n'eft donc qu'une partie vraiment organique de la fubftance pulpeufe, ou pluftôt ce n'eft qu'une feule & même fubftance. Mais cet organe eft-il olanduleux? Malpighi déclare qué parmi ce qu'il regarde avec Érafiftrate & les Anciens comme le produit d'un fang extravalé, épaiffi & qui en impole fous l'apparence d’une chair fongueufe , il a découvert encore des grains pulpeux, des globules ou follicules qu'il appelle glandes fimples. Ettil vafculeux? Ruyfch foûtient que ce n'eft ici qu'un amas immenfe des dernières divifions artérielles qui ont Mém. 1754 D d 210 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dégénéré & pris un caractère pulpeux fans cefler d’être des vaifleaux. d Voilà deux opinions diamétralement oppolées, toutes deux fondées fur dés obfervations, & qui partagent encore aujour- d'hui les Anatomifles, & voilà fans contredit un des points les plus critiques & les plus épineux de Panatomie de la rate. Ce que je viens de dire précédemment fur le caraétère de cette fubflance pulpeufe, n’apprend rien ‘fans doute de conftant ni de pofitif fur l'exiftence de ces fameux follicules pulpeux ou glandes fimples en forme de véficules, que Mat- pighi a découverts & décrits; mais ce n'eft pas un motif fufhfant pour les nier ou’ pour en douter. Ce célèbre Ana- tomifte en a parlé comme d'un fait conftant, non feulement dans la première Difiertation qu'il publia fur la rate & dans plufieurs Lettres particulièrés écrites à différens Sävans, mais encore dans fon Œuvre pofthume adreffée à la Société royale de Londres, où il fait une révifion & un fecond examen authentique de tous fes travaux anatomiques. I! n'y a donc pas de moyen plus für ni plus équitable dans ces circonf tances, que de confulter Malpighi lui-même fur cet article que je vais examiner le premier. I nous dit dans fa Diflertation fur la flructure de la rate, qu'aux extrémités des ramifications artérielles il trouve de petits corps de figure à peu près ovalé, qui y adhèrent plu- fleurs eïfemble, comme chaque grain de raifin tient à fon pédicule; que ces grains font pulpeux, blancs & diaphanes; que ce font de vrais follicules fur lefquels les dernières di- vifions artérielles rampent & fe ramifient; que dans ces fol- licules eft dépofée une liqueur particulière, limpide, qui fuinte par les artères; qu'en piquant ces follicules avec la pointe d’une lancette, ils s'affaiflent d'abord & laiffent échapper la petite quantité de liqueur qui y étoit renfermée, & par-là démontrent fenfiblement leur cavité; en un mot, que ces grains pulpeux font des véficules ou des glandes fimples, telles qu'il les établit & les décrit dans un grand nombre d’autres parties du corps humain. HIATDÉE 58: Sac 4 Ar Ni € Æ 6. { 211 - Cette obfervation de Malpighi regarde, fans diftinétion, Ja rate humaine & celle, de la plufpart des quadrupèdes: il avoue pourtant qu'on ne découvre pas toüjours fi facilement ces follicules glanduleux, mais que les efpèces de maladies capables d'engorger en général &, de faire gonfler le fyflème glanduleux dans les différentes parties du corps, les rendent très-apparens ; & que quand on ne .les découvre pas au premier afpect, cet état de maladie n'ayant pas précédé, on en vient à bout en raclant lévèrement avec un {calpel & en lavant long- temps & à différentes reprifes les fragmens de la rate déve- loppée par le déchirement ::$0/4, dit:l, lienis laceratione inno- tefcunt {glandulæ) in bave, ové, caprä)e7 &; levi fadlä cultra abrafio- ue; vel longa communis aque ablutione patent, M ajoûte qu'il eft plus difficile en général dé les découvrir dans la rate humaine; cependant, dans fon Œuvre pofthume, il affure qu'on les y découvre également bien, pourvû que les fragmens de la rate lacérée foient expofés à une longue macération dans l'eau com- mune: c'eft ce dernier moyen, comme le plus für, qu'il indi- qua à Gafpard'Bartholin ; dans une lettre qu'il Jui, écrivit à ce fujét, & für le füccès duquel Bartholin s'applaudit dans fà réponfe, en ces termes: AMaximé mihi fatisfeci, cum non ita pridem in liene glandulas manifefliffimas deprehenderim methodo &te mihi tradit&.., #5 ' Or, en développant la rate humaine, ou celle du bœuf, du mouton, ou du veau; fans préparation antérieure, ou telle qu'on lastrouve après la mort, il m'eft arrivé quelquefois, de trouver fix, huit, dix rates de fuite.où je n'ai point découvert de grains ou: follicules glanduleux:; foit à la vüe fimple, foit avec une loupe; je n'yvoyois qu'urie fubftance pulpeufe, diaphane & prélque uniforme: quelquefois j'ai eu.des rates où je décou- vrois quelques follicules pulpeux, difperfésen différens endroits: quelquelois j'en ai développé deux & trois.de fuite dont toute la fubflance pulpeule ne paroiffoit compofte, même à la. vüe fimple ,:que.de ces grains ou follicules dedifiérente groffeur. . > Aie m'a point paru que ces variétés dépendifient toüjours de l'état de maladie: j'äi obfervé les follicules dans, certaines D di Malpighit > exercitat,de lienes Maipighii, opus pofthum. ad reg. foctat, Lon- dinens, Vide ejufdem Malpighii opus poflhum. Wide Morgagni, epiflol. anatomie. III, pag. 23. 212 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rates qui ne paroifoient nullement affectées; d'autres, où je ne pouvois les apercevoir, avoient des caractères de maladie, car leur enveloppe ou tunique étoit ou plus épaifle, ou fe déchiroit & fe détachoit très-aiféiment du corps de la rate, ou bien fa fubflance du vifcère en général étoit fans confiftance & comme flétrie. Les recherches des folliculés glanduleux dans Ja rate humaine & dans celle des animaux, préparées pur l'eau bouillante m'ont offert les mêmes variétés : tantôt en coupant & en lacérant de différente manière, pour faire le développement, je n'ai trouvé la fubftance pulpeufe que comme: une efpèce de velouté, où de duvet très-fin, formant un tiflu où un entrelacement très- ferré, fans apparence du momdre globule, ni à la vüe fimple, ni avec la loupe: tantôt elle ne nva paru compolée que de ces grains ou follicules plus où moins fenfibles, répandus par toute la rate dans les mailles du réfeau vafculeux & filamen- teux. Enfin, le réfultat de mes obfervations'aflez multipiiées me fait penfer que d'une quantité donnée de rates, la plus grande partie fera celle où lon ne découvre point de ces glo- bules ou grains folliculeux, que Malpighi appelle glandes. Si je me bornois donc à ces feules obfervations; qui: éta- bliffent une variété bien réelle dans ce fait, j'y trouverois au moins autant de raifon pour exclurre que pour admettre les follicules’ glanduleux, & je crois apercevoir ici l'origine du doute & de Findécifron de plufieurs Anatomiftes : ceux qui n'ayant employé qu'un petit nombre de rates, n’en ont point rencontré où les follicules fuffent apparens, ou même ceux qui ayant quelquefois aperçu ‘ces globules pulpeux, ne les ont revardés, avec les adverfaires de Malpighi, que comme un produit de quelque maladie, comme des altérations & des efpèces d'accidens qui ne devoient ni ne pouvoient faire tirer aucune conféquence fur une femblable organifation dans l’état naturel du vifeère; ceux enfin qui ont préféré la méthode de l'injection, fans tenir compte des autres procédés anato- miqués , f croient tous autorifés à nier pofitivement l'exiftence des follicules glanduleux de Malpighi DES SciENCESs. 213 Mais ni ceux qui en doutent, ni ceux qui les nient, ne me paroiflent point aflez fondés ; quelques raifons qu’ils donnent, ils ne vont point au fait contre Malpichi, car ils ne fe con- forment point à fa doétrine dans leurs recherches, & ils perdent de vüe le point eflentiel d'où dépend l'échairciflement du fait ; -ceft-à-dire que Malpighi avouant que fouvent les follicules pulpeux ne peuvent être obfervés à la première infpection dans la rate non préparée, on n'en fauroit tirer aucune induc- tion contre lui, puifqu'il affure en même temps qu'on les y découvrira le plus fouvent indépendamment de l'état de maladie, pourvû qu'on laiffe macérer long-temps la rate. Or, s'il eft vrai que la macération opère conftlimment cet effet, il me femble que les follicules pulpeux doivent être admis comme appartenans inconteftablement à l’organifation naturelle, puifque lon ne fait ici que rendre fenfible un or- gane qui ne laïfloit pas d'exifter, quoique par fa petiteffe ou par fon affaiffement il échappât à la vûe. Examinons donc avant toutes chofes fi la macération, fans altérer l'état naturel de certains organes, peut fimplement les rendre plus apparens, Nous favons que de tous les fluides l'eau eft la plus capable de s'infinuer & de pénétrer dans le tiflu & dans la porofité des parties molles du corps des animaux : d’un autre côté, fi nous confidérons la partie pulpeufe de la rate, nous trouvons une fubflance homogène, lâche, flafque, & par conféquent très-difpofée à simbiber d'eau uniformément & à fe gonfler dans toutes fes parties, de manière à rendre fon organifation fenfible aux yeux de l'Obfervateur fous une forme tout-à-fait femblable à celle qu’elle a reçûe de la Nature, & qui, avant la macération, n’échappoit le plus fouvent à la vûe qu'à caufe de {on degré de petitefle ou du plus grand aflaiflement où elle étoit. Il faut donc regarder l'effet de la macération comme une forte d'injection lente, beaucoup plus pénétrante que les autres injections les plus fubtiles & les plus recherchées, & qui feule, du moins jufqu'à préfent, eft capable de rendre vifibles un grand nombre de petits organes très-effentiels dans l'économie Dd iij 214 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE du corps des animaux. Ce moyen anatomique, dont nous devons l'emploi bien entendu à fa figacité de Malpighi, eft d'autant plus commode qu'il eft très-fimple & qu'il n'eft guère poffible de le regarder comme fufpeét dans les réfultats qu'il donne: en voici les détails. Quand j'ai hiffé macérer affez long-temps diférens frag- mens lacérés de ces rates, où la vüe fimple ni la vüe armée ne découvroient point de f6llicules pulpeux, & que je les ai foûmis enfuite à un nouvel examen, j'y ai découvert conf- tamment ces follicules de Malpighi; & s'il arrivoit quelque- fois qu'ils ne fuffent pas apparens, ils le deveneient par une plus longue macération; où même fi malgré ce dernier moyen je ne découvrois pas ces globules, ce qui arrive très- rarement & ne doit par conféquent faire aucune exception efflentielle, ils devenoient enfin vifibies, moins diftinétement à la vérité, lorfque la rate ayant été tirée de l'eau, commençoit à paroître moins humeétce ou pénétrée du fluide, à caufe de l’évaporation infenfible qui s'en faifoit. Apparemment dans ces circonftances les globules pulpeux fe trouvant plus rappro- chés dans la rate d’un tiffu plus ferré ou plus denfe, car il ÿ en a de cette efpèce, perdent abfolument leur forme arrondie en fe comprimant réciproquement de tous côtés par l'eflet de leur gonflément, & ils ne deviennent apparens fous leur forme naturellement arrondie , que lorfque leur gonflement diminue un peu après l'extenfion de la rate. Cependant j'avoue que je n'ai pas trouvé ce moyen abfolument infaillible; mais comme cette obfervation peut manquer dans quelques cas particuliers par des accidens qu'il n'eft pas poflible, je crois, de déterminer, & qu'en matière de Phyfique on doit juger d'un fait par le plus grand nombre de réfultats femblables dans les mêmes obfervations répétées & comparées, on ne fauroit, je le dis encore, en rien conclurre contre l'exiftence réelle des folli- cules pulpeux de Malpighi. Malgré tout cela, on pourra toûjours oppofer le fentiment contraire de Ruyich, qui nie abfolument ces follicules, en produifant les rélultats de fes injections. H faut donc examine Dæis 4S CUL EN ler: six 215$ préfentement fi: Finjection, par la méthode de Ruyfch, eft une voie plus ou moins füre pour développer & pour faire connoître la fubftance pulpeufe de a rate. Müiïs, pour aller par degrés dans cette recherche, ou pluftôt pour aller directement au fait & prendre la difficulté à fon principe, je crois qu'il eft effentiel d'examiner d’abord fi da matière de l'injeétion peut être portée jufque dans cette fub£ tance pulpeule & la remplir comme le peuvent être les produc- tions où ramifications vafculaires, qui, dans le fentiment de Ruyfch, font moins fubtiles & plus perméables. Pour obtenir quelque éclairciflement fur cela, rien ne m'a paru d’abord plus favorable que l'inje‘tion même employée par Malpighi. Ayant laiflé tremper quelques heures de füite la rate dans l'eau chaude, pour rendre plus fluides les liqueurs qui s'y arrêtent après la mort & pour donner plus de fouplefie aux parties folides, j'ai injecté de l'eau tiède par les vaiffeaux fpléniques, & j'ai retiré cette injection jufqu'à ce que l'eau foit fortie fans être teinte: cela fait, je laifle égoutter l'eau, & j'en facilite Ja fortie par de très-lévères compreflions. Le vifcère étant pré- paré par cette efpèce de lotion, les ramifications vafculaires & la fubftance pulpeufe paroiffent d'un blanc fale ou jaunâtre. Il eft poflible de mettre la rate à peu près dans le même état, par un moyen encore plus fimple; il ne s'agit que de ka laifler tremper dans l'eau pendant plus long temps, en obfervant de renouveler l'eau très-fouvent jufqu'à ce qu'on sa- perçoive qu'elle ne prend prefque plus de teinture. La rate étant ainfi difpofée, j'injecte de l'encre dans l'artère fplénique, fans forcer l'injection ; je fais une ligature aux vaiffeaux pour empêcher ce fluide de s'échapper, & pour lui laiffer le temps de colorer les parties où il s’'eft infinué; je détruis la ligature & je laifle échapper l'encre injettée, en employant même une légère compreffion; je fais enfuite différentes fections dans le corps de la rate, & je ne remarque pas que la fubf tance pulpeufe ait été pénétrée par l'injection noire. Cependant elle auroit dû l'être, fi, confidérée dans le fen- timent de Ruylch comme compolée de vaifleaux pulpeux- F. Rayfch. thef. anat,lT, p.30 Paffim in alis thef. in epiflol. p'eblerr. 17. 216 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE ou des dernières ramifications vafculaires, elle eût été égale: ment injectée; car dans ce cas elle auroit paru intimement colorée en noir, parce que la trame en eft très-déliée, très: fine & tranfparente, Je fais d’ailleurs, par un grand nombre d'obfervations dont je ferai ufage ailleurs, que cet organe pulpeux fe colore de différentes manières, felon que la liqueur qui y pénètre ou qui la mouille pendant la vie eft plus ou moins colorée, Je ne reconnois donc l'impreflion & la trace noire de d'injection de Malpighi que fur des vaifleaux capillaires très- fins, qui fe ramifient en grand nombre fur Ja fubftance pul- peufe, mais qui n'y tranfmetient pas le fluide noir dont ils portent l'empreinte. Malpighi avoit déjà vû les mêmes vaiffeaux par le moyen de fon injection, qui me paroît préférable en bien des cir- conftances aux injeétions folides, & il avoit jugé que la matière colorante dont ils font noircis ne s’infinuoit pas dans les parties fur lefquelles ils paroiflent fe ramifier. | Ce fait autorife d’abord à penfer que fa matière de l'injection de Rayfch n’eft pas capable non plus de s'infinuer dans la fubf tance vraiment pulpeufe de la rate, & qu'elle n'eft portée que danses dernières ramifications artérielles, qui, quoique très-fines & devenues comme pui peufes, ne conftituent pourtant pas elles- mêmes l'organe vraiment pulpeux, comme le penfoit Ruyfch, & ne paroiffent pas même en être l'origine ou le principe. En efet, fi j'injeéte {a rate par la méthode de Ruyfch, & fi j'en fépare tout de fuite une partie pour la faire macérer dans l'eau pendant plufieurs jours de fuite, je vois qu'en.la faifant Hlotter dans la liqueur à différentes reprifes, il s’en fépare toûjours une affez grande quantité de flocons qui rendent l'eau louche & d'un blanc fale: la même chole arrive à la partie corticale d’un cerveau injecté, laquelle reflemble beaucoup; par fa confiftance, à organe pulpeux de la rate, & qui lui eft affez fouvent comparée. Ruyfch fe fervoit de ce moyen pour développer, difoit-il, la coagulation des vaiffeaux pulpeux injeétés; il prétendoit : détruire DES SCIENCE S# 217 détruire ainfi la conglutination , les petites adhérences ou con- nexions qui unifloient & retenoient ces vaiffeaux réciproque- ment entr'eux : il appliquoit fur-tout cette méthode à la pré- paration de la fubftance corticale du cerveau la plus fuperficielle, qu'il regardoit comme entièrement injeétée ; mais il eft comme évident que l'injection n'avoit pas pénétré la fubftance vrai- ment pulpeule, puifqu’elle fe diffolvoit, pour ainfi dire, dans l'eau fous la forme de flocons blancheîtres. Or, puifque j'ob- ferve que ces flocons fournis en grande quantité par la fubf- tance corticale d'un cerveau injeété, & par la rate également injeétée, ne font pas différens de ceux que fourniffent ces mêmes organes non injectés & développés dans l'eau de la même manière, on en peut conclurre, ce me femble, qu'au lieu de les regarder fimplement comme des liens ou mem- branes très-fines qui foûtiennent & uniffent tous ces vaiffeaux pulpeux, il faut pluftôt les regarder comme l'organe vraiment pulpeux non injecté, qui par fon caractère de pulpe eft feul difpofé à fe décompoler & à fe diffoudre, pour ainfi dire, de la manière dont je viens de le détailler, & qui étant comme une appendice particulière de ces mêmes divifions artérielles injeékées, qui commencent feulement à paroître comme pul- peufes à leurs extrémités où fe borne l'injeétion, eft renfermé & retenu dans les mailles de ce réfeau artériel, comme ce réfeau artériel lui-même eft foûtenu par l'organe pulpeux, Voilà ce que: les faits précédens & les obfervations an- térieures nous apprennent fur cet article, & c'en eft aflez, ce me femble, pour montrer que Finjeétion de Ruyfch reft pas un moyen plus convenable pour éclairer fur les diffé- rentes parties organiques de da rate: les réfultats plus dé- taillés d'une pareille injection confirment au contraire qu'elle ef pluftôt un -obftacle. «En effet, fi je compare la rate humaine ou celle d’un qua- _ drupède, injeétée, avec une autre qui ne l'eft pas, je ne vois rien de femblable dans l'une & dans l’autre: je ne crois plus voir Je même vifcère. :C’eft ce que l'illuftre Boerhaave, dans fon épître {ur les glandes, difoit à Ruyfch en ces termes : ” Mém. 1754: Ee FH. Borrhaav. epifl. arat, ad F. Ruyfch. p.35. 218 MÉMOtRESs DE L’'ACADÉMIE RoyaALr Partem (corporis) præparatam ope injeélæ ceræ compara cum illä priore (non praparatd) profeélo ne fimilitudinem quidem ullam invenies, fed judicabis alia omnino effe corpora. La preuve Ja plus frappante de ceci eft la defcription que Ruyfch nous donne lui-même de plufieurs mufcles où l'injection avoit parfaitement bien donné: il nous les repréfente comme ne paroiflant plus formés & tiflus que par une infinité de vaif- feaux impliqués les uns avec les autres. Or fi les trouffeaux des fibres charnues f1 nombreufes , fi fenfibles, difparoiffent fous la multitude innombrable de ces ramifications vafculaires injeétées qui les couvrent & les mafquent, faut-il ne pas regarder comme fufpeéts les réfultats de ces injections, fur- tout dans les vifcères tels que la rate’, qui font en grande partie formés par une fubftance extrémement pulpeufe, facile à s'affaifler, à céder à l'expanfion ou gonflement des vaifleaux injectés, & par conféquent à difparoître ? Il me paroît donc évident que ce feroit fe tromper que de confidérer avec Ruyfch la rate injeétée comme repréfen- tant fidèlement ce qu'elle étoit pendant la vie, de borner lorganifation de ce vifcère à la multitude infinie de vaiffeaux injectés qui paroiflent en compoler tout le volume, parce que ce font ici les feules parties vifibles, & d'exclurre en- tièrement l’expanfion filamenteufe, les grains ou follicules de Malpighi, & tout ce qui paroïît dans une rate qui n'eft pas encore injeétée: car il eft conftant, par les remarques précédentes, que les parties qui font, pour ainfi dire, hors de la portée du fyftème vafculaire où l'injeétion peut s'in- finüer, doivent difparoïtre & comme soblitérer. Quoique Ruyfch eût de fa méthode & de fes réfultats une idée bien différente, il étoit trop exaét & trop fidèle dans fes defcriptions, pour diffimuler dans ce qu’il obfervoit rien de ce qui pouvoit même paroitre contraire à fon opi- nion: il nous fournit donc dans plufieurs endroits de fes Ouvrages des motifs de foupçon contre fa méthode employée our l'anatomie exacte & entière d’un vifcère, en déclarant à l'égard de Ja rate & de quelques autres parties, que parmi DES SCIENCE Ss. 219 les dernières ramifications vafeulaires injectées & comme à leurs extrémités, il découvroit encore certains organes d’une ftrudure, dit-il , inconnue, & qui demandoiïent de nouvelles recherches. Or fi nous confultons fà-deflus l'illuftre Boer- haave qui connoïfloit beaucoup {a plufpart de ces pièces injectées, & qui, felon l'aveu méme de Ruy{ch, avoit une vüe excellente & comme privilégiée pour bien difcerner les plus petits objets, il nous fait entendre que ce phénomène métoit apparent que lorfque l'injedion. avoit moins bien donné qu'à l'ordinaire, & qu'elle ne mafquoit pas fi com- plètement les parties où elle n'avoit point été portée. Mäis Fobfervation fuivante achève de me prévenir contre la méthode de l'injection pour les recheïches dont il s'agit. J'ai voulu avoir une rate de mouton, gorgée de fang autant qu'elle left pendant la vie de l'animal: c'eft précilément l'état dans lequel Ruyfch foûtenoit qu'il remettoit les parties par le moyen de l'injection, en y introduifant une liqueur à la vérité différente du fang, mais qui y fappléoit & n'en occupoit que la place. J'ai donc fait faire à un mouton vi vant l'extraction de Îa rate, après avoir lié les vaifleaux pour qu'il n'en fortit point de fang ; j'ai foûmis cette rate à l'im- preffion de Feau bouillante pour coaguler les liqueurs arré- tées, & Jai eu ce vifcère injecté naturellement, pour ainff dire, & précifément dans Fétat où Ruyfch prétend de re- mettre par fon injection artificielle: car, felon lui, après Ja mort les parties organiques s'aflaiflent, les artères fe contrac- tent & chafient une bonne quantité des liqueurs qui y cir- culoient pendant la vie; par conféquent le fyftème vafculeux difparoit en grande partie, & nous ne pouvons juger qu'im- parfaitement de l'organifation. J'ai procédé à l'anatomie de cette rate injeétée de fang dans l'opinion de Ruyfch, mais il sen faut bien que cette injection ait produit les mêmes phénomènes que la précé- dente. L'effet de celle de Ruyfch eft de ne repréfenter Ja rate que comme un tiflu immenfe de vaifleaux : par l'effet de l'autre-je vois en général toute la ee de la rate eij Herm. Docr- Raav. epifl. anar. ad FE, Ruyfcg, 220 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE d'une couleur un peu plus foncée, les vaifleaux y font ur peu plus apparens, mais je n'en trouve à peu près que fa même quantité que l'on remarque dans une rate ordinaire, & j'obferve d’ailleurs des mêmes parties organiques dont j'ai déjà donné la defcription. De ces diverfes obfervations il paroît réfulter, 1.° que l'injection de Ruyfch mafque la vraie organifation de la rate, ou la fait paroître différente de ce qu'elle eft réellement ; 2.° que pendant la vie le fang ne remplit pas aufi com- plètement les vaiffeaux que les remplit la matière de l'injec- tion artificielle, qui par conféquent force le diamètre des vaiffeaux; 3.° que fr l'injeétion n'eft pas le meilleur moyen pour éclairer fur lorganifaion de Ja rate, il faut au moins avouer que c'eft le feul capable de bien faire connoître le fyflème vafculeux de ce vifcère, & de rendre fenfibles les divifions prodigieufes qu'y fouffrent les ramifications arté- rielles, & dont il eft impoflible de prendre une jufte idée en travaillant fur fa rate qui n'eft pas injectée. Je reviens donc aux follicules pulpeux de Malpighi, & je foûtiens qu'indépendimment de l'autorité de ce célèbre Anatomifte & de plufieurs autres qui l'ont fuivi; que malgré les preuves très-fortes alléguées en différens temps en fa faveur, & tirées de Fétat de maladie ou de la difpofition contre nature des organes; que d'un autre côté néoligeant abfolument les preuves contraires que Ruyfch & fes partifans tirent du réfultat des injections, preuves dont on vient de voir le défaut par l'analyfe exacte qui en a été faite; je foûtiens, dis-je, fondé fimplement fur mes propres obfervations plus directes, moins détournées, ce me femble, de l’état eflentiel de la queftion, qu’ exifte des follicules pulpeux dans la rate humaine & dans celle des animaux, de ceux du moins que j'ai examinés; qu'ils y exiflent d’une manière aflez uniforme, c'eft-à-dire, qu'on ne doit pas fe flatter de les mieux ob- ferver dans la rate d’un adulte que dans celle d'un enfant, mieux dans le bœuf ou dans le veau que dans le mouton, quoique la différence du volume refpectif de ces vifcères foit mi x DES S'crenN cr 22f très-confidérable*; que a fubftance pulpeufe de 14 rate ne paroît prefque compofée que de ces globules pulpeux; que parmi leur plus grand nombre il! y en a ordinairement quel: ques-uns un peu plus gros & plus apparens, femés & dif perlés parmi les autres; que c'eft ici un ‘organe trés'étendu & conftant dans la rate, quoique l'injeétion le fafle pref qu'entièrement difparoïître & loblitère, pour aïinfi dire; qu'il eft fans dôute le plus efléntiel, & que Ha fonétion principale de cé vifcèré paroit plus païticulièrement en dépendre: Au refle, ces follicules ne font peut-être pas des glandes fimples , ifolées ou folitaires, comme Malpighi le prétend, mais pluftôt un organe fingulier d'une efpèce différente: c’eft fur quoi je tâcherai de donner plus d'échirciflmens ; en comparant avec ce que je viens de dire précédeminent, les détails que je fuis obligé de fupprimer aujourd'hui, & les obfervations que je rapporterai dans la fuite. Jé ne confidère ici que d’une manière générale les follicules pulpeux & teur en fans ‘chercher à: déterminer actuellement l'efpèce d'organe qu'ils conftituent. | 250 Un autre article dont il me refle à parler, & fur léquel il n’y a pas moins de variation, moins de conteftation parmi les Anatomiftes que fur le précédent, eft celui qui regarde les cellules de a rate, admifes par les uns, niées par les autrés. C'eft encore une fameufe queftion qui a été plufieurs fois traitée fans être toûjours bien entendue: il eft donc impor: tant de conftater d’abord ce que l'on entend, ‘ou pluftét ce que lon doit entendre par cellules de la rate, d'après ce qu'en difent quelques Auteurs célèbres qui font chefs d'opi nion, qui font capables de faire loi. dans cé genre & (de partager les fentimens des Anatomifles, etoieo int * Ruvfch ayant injecté la rate fott : grande d’une fille de taille: gigantef que, & n’y ayant pas mieux dé.ou- vert les follicules glanduleux , produit ce fait contre Mälpighi; mais cetté! | preuve pêche par deux endroits eflen: tiels; 1? par la méthode de l'injection employée fur cette rate; 2,° par la fûppoñition tout-4- fair gratuite que Vorganifation doit être plus marquée dans. la rare-plus volumineufe d’un: grand füjer ; fuppofition détruite déjà de fon témps pr un grand nbmbre d’obfervations mès-analogries- publiées par, Beeuwenhock. &: par. plufeurs faits que fournit l'Anatoniié comparées Eeïj \ 222 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Les, Anciens jufqu'à Malpighi s'accordent à nous repré: fenter la rate comme un compolé de ramifications vafculaires entre lefquelles le. fang s'épanche, s'épaiflit .& prend une confiftance femblable à celle d'une efpèce de, chair fongueule & informe: ils confidèrent donc ce vifcère comme une vé: ritable.éponge dont le tiflu n'elt dû qu'à l'entrelacement des vaifleaux, &:tout le refle, c'elt-à-dire, les intervalles cellu- Jeux ou.des. mailles que laiffent entrelles les ramifications, eft occupé ou rempli. par le fang épanché, Voilà, précifément les cellules que les Anciens adméttoient dans la rate, en a regardant comme un corps rare & fpongieux : ce font leurs tern)es. | .… Des Auteurs modernes femblent avoir en partie confondu ces efpèces de cellules avec celles de Malpighi: voici l'idée qu'il faut en avoir fuivant la doctrine de cet Anatomifte, dont je vais faire le précis le plus clairement qu'il me fera poflible. Les canaux artériels & veineux s'étant ramifiés conjointe< ment & uniformément dans toute l'étendue de la rate, il.en réfulte un‘tiffu réticulaire vafculeux, dont les mailles font liées entr'elles par des cloifons particulières que produit le nouveaü développement d'une fubftance membraneufe : ces cloifons multipliées à l'infini forment, entre toutes les ramifications, un nouveau tiflu vraiment celluleux, dont les cellules com- muniquent entrelles; leurs parois membraneufes foûtiennent une partie des dernières ramifications vafculaires, & dans l'in= térieur de ces cellules font placés les follicules pulpeux, qui, plufieurs enfemble, tiennent à chaque extrémité des dernières ramifications artérielles , coname à leur pédicule. Ces dernières ramifications, confidérées ici, comme pédicules, fourniffent enfin deux rameaux, dont lun fe répand, s'étend & rampe fur plufieurs follicules pulpeux, pour flltrer & dépoler dans leurs cavités une liqueur particulière qui y doit recevoir une nouvelle élaboration ; l'autre rameau détourne le fang fuperflu à la fécrétion, & le laiffe épancher immédiatement dans les cellules : ce fang épanché £ répand fur tous les folficules, fouffie DÉS SCIENCES. 223 en ces endroits détournés une forte de ftagnation, ou pluftôt un ralentifiement dans fon cours, & rentre enfuite dans les voies de la circulation par les bouches ouvertes des canaux veineux, dont les extrémités aboutifient. &:fe terminent à toutes les cellules comme à leurs finus ou à des efpèces de cul-de-facs dilatés: a ut (he cellulæ) videantur tot appendices venarum vel earumdent diverticula. Voilà la repréfentation fidèle des cellules fpléniques. de Malpighi. Un autre Anatomifte, dont le nom n’eft pas moinsilluftre, paroïffant admettre de pareilles cellules dans quelques animaux, tels que le mouton, les repréfente un peu différemment dans Thomme. « La fubftance de la rate, dit-il, eft dans l'homme prefque toute vafculaire, c‘eft-à-dire, compofée de toute forte de vaiffeaux ramifiés: on trouve, dans toute fon étendue, des ramifications veineufes très-nombreules ; on y voit par-tout éntre ces ramifications, comme un épanchement univerfel de fang extravafé & imbibé ou arrêté dans une efpèce de tif cotonneux, tranfparent & d’une finefle extrême, que l’on trouve épanoui par tout le volume de la rate. Ce tiffu'cotonneux ayant entouré toutes les ramifications; fe termine enfin en cellules prefque imperceptibles qui communiquentenfemble Ainfi cet Anatomifte penfe premièrement que le tiflu coton- neux, épanoui entre toutes les ramifications des canaux artériels & veineux, forme une fubftance comme fpongieufe & vé: loutée, où une partie du fang s'épanche ; fecondement, que le même tiffu cotonneux forme de plus de‘petites cellules particulières, qui communiquent toutes entr'elles & avec le premier tiflu fpongieux, ‘dont elles ne font ; pour ainfi dire, que la fuite & la continuation, puifque dans le:fens dutexte qui vient d'être cité, le tiflu cotonneux & les cellules coton: neufes peuvent être confidérés comme les mêmes: réfervoirs du fang épanché, quoique, à la rigueur, ce foit deux chofes diftinétes, -Onvoit fenfiblement en quoi différent ces deux fentimens : le premier n'admet que des cellules membraneufes, formées & Malpighi, opus pofthum. Wnflow. expo, anat. Traité du bas-ventre, 224 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE entre toutes les ramifications des canaux artériels & veineux? c'eit un tiflu celluleux aflez femblable à ceux que l'on trouve fi communément dans prefque toutes les partiés du corps des animaux, & qui n'en diffère que par les autres organes de Ja rate avec lelquels il fe trouve combiné: dans l'autre fenti- ment on établit une fubftance cotonneufe très-fine, femblable à un velouté, formant un tiflu fpongieux très-délié entre les ramifications vafculaires, & fe terminant en cellules veloutées extrémement petites, du mème caraélère. D'un autre côté Ruyfch aflure qu'il n'y a dans a rate des cellules d'aucune efpèce, rien que l'on puifle regarder comme celluleux. Ces opinions diverfes & oppofées ne font pas deflituées de certaines preuves qui en font comme les fondemens; mais quelles que puiflent être les obfervations dont les réfultats font tirer des conféquences f. différentes pour & contre les cellules fpléniques, elles pèchent fürement par quelque endroit, & c'eft ce défaut qu'il faut chercher à reconnoitre. Quand on ouvre une rate foufflée & qui commence à fe deflécher, dans cet état de gonflement on en trouve l'intérieur entièrement celluleux ; on diftingue les communications réci- proques des cellules; on voit les cloifons tranfparentes, fines; meimbraneufes, chargées de ramifications vafculaires très-déliées, & l’on remarque quelquefois fur ces parois des corpufcules ou petits grains un peu faillans, en forme de points plus opaques: Je les aï obfervés prefque toujours, & d’une manière plus mar: quée, lorfque; avant de fouffler la rate, j'ai employé une pré: paration où un procédé dont je parlerai ailleurs. En un mot, cette adminiftration anatomique nous préfente aflez exactement Ja fubftance celluleufe conftituée comme Malpighi la décrit. J'avoue d'abord que ce moyen d’obferver li rate après l'avoir foufHlée ou diftendue par {injection de l'air, prouve aflez {+ lidement une éonformation celluleufe en général dans le corps de la rate; & quand on manqueroit de toute autre preuve, celle-à pourroit peut-être fufhre, & je ne vois pas d'obiec- tion capable de la bien détruire; mais il y a une expérience qui me paroît encore plus concluantes 4h 4 2 En * D'E CS : SC 1 EINCRE/S 225$ En quelque endroit de Ja furface de la rate que l'on fatie une petite ouverture avec la pointe d'un fcalpel, on fait gon- fler tout le volume de la rate, en foufflant avec un chalumeau plongé fans ménagement par fon extrémité dans cette ouverture. Cette expérience ne manque jamais, en fuppofant toûjours la rate faine & bien conftituée : or, quel que foit l'endroit par où le courant d'air s'infinue & pénètre , il faut certainement que cet endroit ait une communication très-librement établie dans toute l'étendue de la rate, car ïl ne faut pas fouffler bien fort pour faire gonfler tout le volume du vifcère, On ne fauroit foupçonner, quand on fait foi-même avec foin cette expérience, qu'un courant d'air, qui n'a qu'une impul- fion bien foible, & qui, en s’infinuant, fe divife en une in- finité de petits courans, lefquels s’'affoibliffent encore en prenant toutes les directions poffbles, foit capable, en écartant & en Jacérant différentes parties liées & adhérentes entre elles, de s'ouvrir des routes nouvelles ou qui n'exiftoient pas auparavant, comme Ruyfch le prétend, en voulant jeter des doutes fax cette expérience fr contraire à fon opinion: ce qui détruit encore plus ce foupçon, c'eft que jamais je n'ai pà gonfler la rate, lorfque m'étant contenté de faire fimplement une petite incifion à la tunique, fans entamer {a fubftance du vifcère qu'elle couvre, j'ai foufflé avec bexucoup plus de force que dans l'expérience précédente, pour brifer & lacérer la furface découverte de la rate & y faire pénétrer ainft le courant d'air dirigé plus rapidement fur cette furface. Il eft donc certain que l'expérience ne peut réuflir que lorfque le corps même de a rate ayant été entamé en perçant en même temps {a tunique, lon a ouvert à fair quelque cellule fuperficielle, par où il puifle pañler librement dans toutes les autres qui com- muniquent avec celle-ci. .. On ne fauroitauñir foupçonner que ces voies, qui donnent une fr libre entrée à fair dans toute la rate, ne foient que les bouches ouvertes de quelques vaifleaux proprement dits qui ont été coupés par la petite incifion faite à la furface du corps de la rate, car ces: vaifieaux ne pourroient être que Mém. 1 754 226 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE quelques branches capillaires; if n'y en a que de cette efpèce à Ja fuperficie fur laquelle on fait la petite incifion; & il eft évident que Fair ne pourroit y pénétrer librement par bien des raifons, dont une feule me paroit fufhr, c'eft qu'il eft impoflible de gonfler, par le même moyen, un autre vifcère où il n’y a point de cellules ou cavités particulières formées par la Nature. L’exiftence des cellules de la rate me paroît donc très-bien établie par toutes ces remarques; j'y trouve auffi les preuves inconteftables d'une communication générale & très-libre entre ces petites cavités, & une autre oblervation que je vais ajoûter femble démontrer que ces cellules ont, avec les veines fplé- niques, une communication tout auffi libre que celle qui exifte entre elles. Toutes les fois que rai répété l'expérience précédente, j'ai : vû que l'air qui gonfloit toute la rate, s'échappoit en partie par la veine fplénique, ce qui étoit marqué par une ondu- lation continuelle dans la portion de cette veine qui fort de la rate ; & cette ondulation dépendoit de l'effet du courant d'air, qui étant obligé de traverfer une partie du fang refté dans le trajet de cette veine, formoit différentes bulles qui fe fuccédoient & s'échappoient continuellement; par conféquent la veine {plé- pique & toutes {es ramifications communiquent auffi très-libre- ment avec les cellules : on n'en fauroit dire autant de l'artère fplénique; il ne paroît pas que l'air s'y infinue librement en faifant l'expérience précédente. ; Ce qui prouveencore les deux points dont ileft ici queftion, c'eft que fi je fouffle par la veine fplénique, je fais gonfler la rate & les cellules avec beaucoup de facilité, & fans être obligé de forcer le courant d'air. Si je fouffle par l'artère, le volume de la rate ne fe diflend que plus imparfaïement, plus lentement; & par la réfiflance plus grande que j'éprouve en foufflant, je m'aperçois bien que l'air, parvenu aux dernières divifions des rameaux artériels, ne s'infinue dans les canaux veineux & dans les cellules, qu'après avoir paffé par des filières infiniment petites Ces filières font fans doute les dernières DES SCIENCES. 227 ramifications artérielles que nous découvrons dans la rate par l'injection, même fans ce moyen, & qui vont fe confondre avec la fubftance pulpeufe. Apparemment l'air eft tranfinis par ces artérioles directement & immédiatement dans les veines qui accompagnent par-tout les artères & leurs ramifications. Mais il eft très-probable que cet air ne pafle pas fi direéte- ment dans les cellules par les mêmes voies, Je veux dire qu'il n'y pénètre qu'après avoir d'abord enfilé la route des veines, d'où il s'infinue enfaite dans les cellules qui n'en font que des ‘ efpèces d'appendices d'un caractère tout-à-fait particulier, comme on Ja déjà vû, & qui ont avec elles des communications libres & ouvertes; de manière que ces cellules ne me paroifent être que les dernières finuofités veineufes infiniment divilées & multipliées, & qui, dans la rate de l'homme & dans celle des animaux indiftinétement, forment une organifation fem- blable. J'ai bien des raifons qui m'autorifent à penfer ainfi ; j'en dirai quelque chofe plus bas: mais cette difcuffion entière qui a trait directement à l'examen de la circulation du fang dans la rate, & à Ja queftion de l'extravaftion du fang dans les cellules fpléniques, feroit déplacée ici, où il ne s'agit que de rechercher en général sil y a des cellules dans la rate. Cet article fera: traité dans le fécond Mémoire. Jufqu'ici, tout ce que j'ai fait obferver me paroïît concourir à bien établir leur exiftence, en les confidérant pourtant fous le point de vüe qui vient d'être indiqué: cependant f'auto- rité de Ruyfch contre ce fentiment fubfifte encore dans toute fa force; & fans doute elle mérite La plus grande attention, puifque les réfultats des expériences de ce grand Anatomifle femblent directement oppolés à ceux des obfervations précé- dentes, :& conféquemment à Fopinion dont ils conftituent les fondemens. GER En comparant dans les Œuvres de Ruyfch les defcriptions & les figures qu'il nous donne des rates injeéttes, je vois en général que les plus petites artères ont reçû a matière de l'injection; mais cette-injeétion étant parvenue à un certain térme; vrai-femblablement à ces endroits, où le diamètre des Ffij 228 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE vaifleaux commence à avoir le plus grand degré de diminu- tion, elle ne peut aller au-delà & s'arrête: car par l'effet de la macération & de l'agitation dans l'eau, les vaifleaux injectés de la rate font développés, les parties organiques pulpeufes, où l'injection n'a pà atteindre, fe diflolvent & fe fondent comme on la déjà vû, & les extrémités injectées des arté- rioles, lefquelles réfiflent à là macération, à caufe de la matière folide & huileufe qui les remplit, qui les embaume & qui leux donne plus de corps, ne paroiffent alors que des canaux tron- qués, ou dont le fil & la continuation manquent & ont étéretran- chés. Les figures, les delcriptions, les notes de Ruyfch, & les expériences faites en conféquence, tout tend à établir cette vérité, I paroit donc en général que les artères fpléniques ne fu- roient être complètement injeékées, par la méthode de Ruyfch, jufqu'aux extrémités de leurs dernières divifions, ou du moins que, fi cette injection pénètre jufqu'à ce terme, elle ne peut être portce plus loin, c'eft-ä-dire, s'infinuér jufque dans ces organes, qui paroiffent également deflinés dans l'opinion de Malpighi & de Ruyfch à recevoir des extrémités des artères, avec lefquelles ils font abouchés, une liqueur particulière, que ces artères y laiffent fuinter. C’eft ici, en partie, la railon pour- quoi l'injection ne rend pas fenfibles' les follicules pulpeux, ou pluftôt les fait difparoïtre; & fi, dans la rate injeétée par la même méthode, nous ne découvrons pas auffi les cellules, il eft évident, par la fuite des détails précédens, que ce fait ne fauroit être admis en preuve contre leur exiflence: ce que lon peut en conclurre de plus pofitif ou de plus réel, eft que la matière de l'injection ne pafle pas mieux dans les cellules qu'elle ne pénètre dans les follicules pulpeux, & qu'ainfi la trace des cellules doit être pareillement déwuite, & leurs petites cavités entièrement effacées. Mais je me réftrve à éclaircir encore plus tout ceci, par de nouveaux détails & par de nouvelles obfervations, fur-tout en traitant de la circulation du fang dans le corps de la rate. Il s’agit maintenant de déterminer quelle ett à peu près h figure & la capacité de ces cellules; fi leurs parois font minces DÉE-S » SICOILE NC Si 22 & membraneufes felon l'opinion de Malpighi, ou fi elles font formées par un tiflu cotonneux très-fin ou une efpèce de velouté. . L'examen de la rate foufflée & defléchée nous fait voir ces cellules fous la figure de polygones irréguliers ; nous trou- vons leurs parois minces, membraneufes, & leur cavité paroît plus grande que celle des véficules pulmonaires, le poumon ayant été pareillement fouflé & defféché. Une pareille obfervation a fait conclurre à Mäalpighi & à fes difciples, que les cellules font formées par une expanfion véritablement membraneufe, mais je penfe que cette affertion n'eft pas exactement bien fondée; elle porte fur.une apparence qui ne me paroît pas repréfenter la Nature telle qu'elle eft avant la préparation de la rate par le gonflement & le defféchement. En eflet, fr, par une fection tranfverfile, je divife la rate, en deux parties, & que j'en laifle macérer une dans l’eau en la preflant, en la comprimant, fouvent & fans trop d'effort, entre les doigts, après un certain temps cette portion! de rate diminue des trois quarts: je n'y obferve plus que les princi- pales ramifications des vaiffeaux formant un réfeau merveilleux ; tout ce qui avoit le caractère pulpeux seft fondu, pour ainfi dire, dans l'eau & y a paflé, à peu près, comme un fluide épaifft ou coagulé qui auroit été rediflous, & je ne trouve point les débris de ces toiles membraneufes de Malpighi, qui for- moient les cellules. Or, il eft certain que filexpanfion membraneufe & celluleufe exifloit réellement, on a retrouveroit par ce procédé anato- mique, ou pluftôt on en obferveroit les refles ou les fragmens d'une manière trop marquée pour les méconnoître ; car les membranes, quelque degré de fineffe qu'on leur fuppole, ne font pas capables de fe fondre dans l'eau froide & de fouffrir une forte de diflolution en parcelles fubtiles & prefque imper- ceptibles, comme il arrive, ici. Nous ne connoiffons que les fubftances pulpeufes de la rate, du cerveau, & quelques autres qui foient fufceptibles d'une femblable décompofition. On peut préparer à peu près de même une rate entière Ff ii Vinflow. expofir, Anat, Traité du bas-ventre. Monro, actes de la Société d'Edimb. tome III, page 1 $4s édit, Franç, Paffim in operibus. Vinflow. expofit. Anat. Traité du bas-vensre, 230 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE en faifant fimplement une petite incifion fur fa furface avec Ja pointe d'un fcalpel: tout ce qui eft pulpeux fort peu à Peu ÿ par le moyen de légères compreflions répétées; il ne refte que les vaifleaux plus folides ramifiés d'une manière prodigieule, oint de veftigés, point de fragmens de cellules membraneules. Il femble que ce fait pourroit feul nous montrer que les cellules fpléniques ne font pas membraneufes, & qu'il faut pluftôt les confidérer comme de petites cavités particulières, dont les parois ne font formées que par la fubflance même pulpeufe de fa rate. Mais cette opinion, aflez bien fondée comme on voit, rece- vra un nouveau degré de certitude, par une expérience dont je donnerai aïlleurs le détail; elle me met à portée d’obferver le caractère vraiment pulpeux de ces cellules, fans être obligé de les détruire, comme dañs la préparation précédente. Or, files parois qui forment ces cellules & les féparent les unes des autres, font pulpeufes, elles doivent, conformé= ment à leur caractère, être beaucoup plus épaifles que les mem- branés oïdinaires, car c'eft-là le propre des vaifleaux & des fubftances pulpeufes en général, que Ruylfch, guidé par l'obfer- vation, caractérife toûjours par ces expreffions, #0/les, fuccofæ, craffiores. é IH s'enfuit que les cellules étant gonflées par l'injection de Vair, leur capacité augmente beaucoup par 11 defliccation de : leurs parois pulpeufes, qui s'émineent & deviennent tout-à-fait fernblables à des membranes fines & tranfparentes. On juge donc mal du caractère, de la forme & de la capacité des cellules fpléniques, en fe contentant de les obferver dans la rate fouf- flée & defiéchée. 2: Ceux-là font donc beaucoup plus exaéts, qui foûtiennent que dans l'état naturel des parties, les cellules fpléniques font très- petites & préfqu'imperceptibles; & fi l'on ajoûte enfuite que ces cellules font formées par une efpèce de duvet très-fin, épanoui dans tout le vifcère, c'eft qu'on y eft conduit par l'infpection de la rate non préparée, ou fimplement plongée dans l'eau bouillante, & qui réellementiétant développée par Ï 1 4 DES SCIE NC.E:s 237 Je déchirement, offre le plus fouvent cette apparence, comme je l'aidéjà fait obferver; mais ceci n'eft que le produit du dé- chirement ou de la décompofition de la fübftance pulpeufe, laquelle paroït d'ailleurs défignée par ce tiflu cotonneux très- fin ou cette efpèce de velouté. = Voilà les points généraux de l'hifloire Anatomique de la rate que je m'étois propolé de traiter dans ce premier Mémoire; j'ai tâché de remplir mon objet, en recherchant d’abord quelles font les parties organiques qui conffituent ce vifcère, en éclairciffant, autant qu'il n'a été poffible, les doutes & les difficultés, en remontant à leurs fources, en démélant les variations, les contradiétions des Auteurs fur ces divers articles, en examinant, en comparant, en imaginant différens procédés anatomiques qui peuvent être employés dans ces recherches; en rapportant tout aux faits & aux obfervations. Les nouveaux détails deftinés à l'éclairciflement, au déve- loppement & à l’analyfe de plufieurs faits intéreffans, que je n'ai pü encore préfenter que d’une manière trop générale, feront expofés dans un fecond Mémoire avec les autres articles énoncés ; & ce n'eft qu'après toutes ces recherches que j'oferai peut-être hafarder mon fentiment fur le principal ufage de {a rate dans l'économie animale. 16 Mars 1754 . 232 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE MÉMOIRE SUR INA LONGITUDE DE L'ABBAYE S MATTHIEU. Par M. DE THURY. Li peines & les précautions que nous avons prifes pour porter la Géographie de la France au plus haut point de fa perfection, fembloient devoir nous mettre à l'abri de tous les foupçons qu'on pourroit avoir de l'éxaétitude d'un Ouvrage que nous avons commencé depuis vingt années, & que nous continuons avec le même zèle & la même exactitude : il femble cependant que l'on cherche à répandre des nuages fur les chofes les plus claires & les plus connues; & ce n’eft qu'avec peine que je me vois forcé à relever des erreurs prétendues, qui, bien loin de faire tort à notre Ouvrage, contribueront pluftôt à en prouver l'utilité & la perfection. L'on vient de publier, dans la traduction des Tables de la Lune de M. Halley, une nouvelle détermination de la longi- tude de l Abbaye Saint-Matthieu, fondée fur une obfervation que nous avons faite dans cette Abbaye; d'où il réfulte que la longitude de ce lieu eft o! 2 5" 2 5"; enfin dans la dernière aflemblée l'on a rendu compte d’un calcul de M. Kerenftréet, qui donne la longitude de cette abbaye la même, de oh 2 5" 2 5". Or, dans la Carte de nos triangles que j'ai publiée, j'ai fixé la longitude de cette Abbaye, à o" 28" 23", ou de74 7" 25": ainfi voilà 3 minutes de temps, ou 45 minutes de degré entre ces différentes déterminations. Si l'erreur eft de notre côté, il s'enfuit que toutes les obfervations, faites par M." de P'Aca- démie fur les côtes de France, font fautives, que nous nous fommes trompés de 28000 toiles, ou de près de 14 lieues für la diflance de Saint-Matthieu à Paris ; que M." Picard & de la Hire, qui ont déterminé la longitude de Breft, de oh LA 27 : s À RES 1 SLC ALIEN CES" LA 2 27" 34", par deux obfervations qui diffèrent entre elles de 3 fécondes de temps, fe font trompés de 3 minutes de temps dans leurs obfervations, puifqu'ils trouvent la longitude de Breft plus grande de 2 minutes que celle de Saint-Matthieu, tandis que l'on fait que cette Abbaye eft à l'occident de Breft, de 4 ou 5 lieues; enfin, fi nos déterminations & celles de M." de l'Académie font vraies, l’on pourra juger quel fonde- ment on peut faire fur les obfervations des éclipfes de Soleil ou de Lune; en employant l'erreur des Tables pour fu ppléer à des obfervations correfpondantes. Je profite avec plaifir de cette occafion, pour mettre l'Académie en état de juger de Ha per- fection de notre Ouvrage & de la précifion qu’elle peutattendre des obfervations de la Lune pour les longitudes: je vais lui ex- pofer en peu de mots les moyens qui ont été mis en ufage pour déterminer Ja pofition de Breft & de l Abbaye S.' Matthieu. .La diftance de Saint-Matthieu à la méridienne, réfulte de deux fuites de triangles, qui, partant de la méridienne de. Paris, vont fe réunir à Breft. Par la première fuite, nous avons trouvé la diftance de Breft à la méridienne, de 259277: & par la feconde, de 259337, avec une différence de 60 toiles entre les deux réfultats. Ayant prolongé les triangles jufqu'à Saint - Matthieu, nous avons calculé Ja diftance de cette Abbaye à la méridienne, de 270000 toiles. Pour vérifier nos opérations, nous avons mefuré quatre bafes, la première à Granville, la feconde à Breft, la troifième à Saint-Pol-de-Léon, & la quatrième à Guérande: nous avons remarqué quelque légère différence dans lé réfultat de ces bafes avec les mefures aétuelles. J'expolai alors à l’Académie les foupçons que j'avois fur Ja bafe de M. Picard; ils fe font trouvés fondés dans la fuite, & l’on peut juger de Ia préci- fion avec laquelle nous avons opéré, puifque nos opérations ont fervi à reconnoître l'erreur d’une bafe qui, elle-même, devoit fervir à les vérifier, La diftance de Breft à la méridienne de Paris, conftatée par-trois mefures différentes, jointe à la détermination de la dongitude de cette ville, par M.* Picard & dela Hire, pouvoit Mém, 1754 Gg 234 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE être employée très-utilement pour reconnoître la grandeur des degrés fur le parallèle de Paris; & en effet, ayant calculé la diftance de Breft à la méridienne, réfultant de lobfervation de ces Aftronomes, dans l'hypothèfe de la Terre fphérique, de 261364, la différence à celle que nous avions trouvée par les triangles de 259277, en prenant un milieu, étoit de 2087 toiles, qui répondent environ à 12 fecondes d'heure, ainfi l'alongement de la ‘Ferre qui en réfultoit n'étoit fondé que fur une quantité de 1 2 fecondes, que l'on pou- voit attribuer à l'erreur de l’obfervation, comme nous l'avons fait remarquer, & nous n'en naurions tenu aucun compte fans l'eftime que nous avons pour les Aftronomes qui en étoient les auteurs. Nous avons encore trouvé une preuve de l'exac- titude de nos opérations dans la latitude de Breft, que nous avons déduite de nos triangles, de 474 1 3° 2", plus petite feulement de 8 fecondes que celle que les mêmes Aftronomes avoient déterminée de 47% 13° 10". Après tous ces détails je laifle. à l'Académie à juger fi la détermination de Saint- Matthieu, confirmée par les obfervations des plus grands Af- tronomes, peut foufirir quelque difficulté. L'obfervation dont on a fait ufage pour combattre cette détermination, eft une éclipfe de Soleil que nous avonsobfervée à Saint-Matthieu : l'on fent que j'en aurois fait ufage fi je l'avois crue d'une précifion fufhifante pour vérifier un point auffi bien connu que celui de l'Abbaye Saint-Matthieu. Je ne pouvois efpérer qu'une feule obfervation, faite à la hâte, pût entrer en comparaifon avec celles de M." Picard & de fa Hire, qui ont obfervé à Breft depuis le 10 Septembre 1 679 jufqu'au 28 du même mois; qui, par une fuite d'obfervations de hau- teurs correfpondantes des Etoiles & du Soleil, faites pendant dix-huit jours, s’étoient aflurés de la marche de leurs pendules ; enfin qui n'avoient rien négligé pour remplir objet de leur voyage; avec des melures trigonométriques qui avoient été exécutées avec les meilleurs inftrumens & par les Aftronomes les plus exercés : d’ailleurs perfuadé comme je le fuis qu'on ne connoîtra jamais l'erreur des Tables avec une plus grande DES SCrTENCESs- 23 Précifion-que celle que l'on remarque entre les obfervations des plus grands Aflronomes, je n'ai Point voulu entreprendre un calcul dont je. n'attendois point une Précifion fufhfame pour confirmer les autres voies que j'avois prifes pour Parvenir au même but, Je rendrai compte inceffimment à l'Académie d'un Ouvrage que j'ai fait, où Je rapporte toutes les obfervations dé la Lune, faites à l'Obfervatoire depuis fon établiflement , & comparées à celles de M. Halley & des autres Aftronomes, & je ferai voir, par expérience, que les réluhats des obfer- vations faites le même Jour, diflèrent fouvent entrelles de plufieurs minutes : or, . je demande quelle fera l'erreur des Tables qu'il faudra fuppofer? J'invite M." les Marins, & prin- cipalement M. de Kerenftreet, à vérifier la polition, de Breft & de Saint-Matthieu, par telle méthode qu'il jugera à propos ; il la trouvera un peu plus petite que celle que je publie aujour- d'hui, à caufe de l'aplatiflement de la Terre; mais la différence n'ira jamais qu'à un tiers de minute, & il lui fera glorieux de découvrir une erreur auffi importante pour Ja Géographie, faite par M.” Picard & de la Hire, les plus exats Aftronomes de l'Académie, & je lui aurai en mon particulier, une véritable obligation, n'ayant jamais eu d'autre objet dansle Travail que j'ai entrepris que de chercher le vrai fans aucune partialité & de contribuer au bien du Conimerce & de la Navigation, en procurant au Public une Carte dont tous jés -points feront déterminés géométriquement. | En attendant que je publie mes obfervations, je rapporterai ici quatre obfervations correfpondantes de Ja Lune, faites par M." Halley & le Monnier, & rapportées dans les Tables nouvellement imprimées. 1. Août 1736. Erreur des Tables felon M. Halley. — FAPEL 4 Selon M. le Monnier} RAM @ sers — 4 50 Différence ete AR M à 1 UT 0° 44” Ce EE re 18 Cobre. MaHalleve ee 1 — 0° 22" FA RARE AR OR SEES SC SSERE E 2 IRCIONCON PNR MES aus LOU CLEA ZE Ggi Voy. pages 2670 279 es PL. 236 MÉMOIRES DE L'ACADENTE RoYALE . 8 Février 1737. MeHalley.s dv. sepe os 4m 0 36 M. de: Monnier, ie MMIL: Ha den = 2e 2 où 40 Diférénce dits BUG EU L'se L'IUMATSS EME NFATIENNER AR NT ONE 105 SROTTON RER M. le Monnier... ..... sors or esse 2 10 340 Dilférehée 29 201 PIQUE CLAIR EE TS O2 Il eft bon de remarquer que ces obfervations ont été faites au méridien; circonftance la plus favorable pour déterminer le lieu de la Lune : cependant l'on remarque une différence de 2° $$” entre l'erreur des Tables en 1736. Selon ces deux Aftronomes, une pareille erreur eft fufhfante pour pro- duire toute la différence que l'on trouve dans {a longitude de Saint - Matthieu. « ; r À Û A [) y» " à + # * « RE *. L ; AA à - More 4 18 w _ # f h d : ee ke, "| : F À ne" f è« - *i