HSE Fe Na ST O1 RE EL ACA DÉ MIE RO Ÿ À LE DS DU LT NUCE.S. ANNÉE M DCCLVIIT ‘Avec les Mémoires de Mathématique & de Phyfique, pour la même Année, Tirés des Repi iftres de cette Académie. PU A RUES, DE L'IMPRIJMERIE ROYALE. NU CCL XIXL 10:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0,0,0:0:0,0:0,0:0:0/0:0/0/0:0,0:2:0//0:0:0 VAS BULLE POUR LES MÉMOIRES. 1 HÉORÈMES de Dynamique Par M. le Chevalier D'ARCY. Page 1 Mémoire fur la diffolution du Soufre dans l'efprit de vin. Pax M. le Comte de LAURAGUAIS. 9 Mémoire fur les lnégalités de Mars, pro: duites par l'aélion de Jupiter, en rai on inverfe du carré de la di iffance. Par M. DE LA LANDE. 12 Expériences fur. les. mélanges qui doment l'éher fur l'éher lui-même, 7 fur fa mifcibilité dans l'eau. Px M. le Comte de LAURAGUAIS. 29 Recherches fur la pofition des principaux points de la théorie des Plantes fupérieures. Second Mémoire. Par M. LE - GENTIL. 34 Recherches fur la pojition des principaux points de l'orbite des Planétes fupérieures. Vroïlième Mémoire. Par M. LE GENTIL. 50 Mémoire fur les Courbes dont la rectification. dépend d'une quantité donnée. Par M. BEZoOUT. 65 Mémoire fur le mouvement des Nœuds du quatrième Satellite de Jupiter. Pa M. MaRALDI. 81 Défcriprion des Saknes de l'Avranchin en baffle Normandie. 2: Par M. GUETTARD. 99 Mémoire fur un nouveau métal connu Jous le nom, d'Or blanc ou de Platine. Par M. MacQuER. 119 Obfervations du pafage de Mercure fur le difque du Sokil, LA BALE; le 6 Novembre 1756; avec des réflexions qui peuvent Jervir à perjedtionner les calculs de ces paflages 7 les élémens de la vheorie de Mercure, déduits des obfervations. Pa: M. DE L'ISLE. 134 Mémoire fur les Argiles, à fur la fufibilité de cette efpèce de terre avec les terres cakaires. Par M. MACQUER. 155 Obfervations Botanico - météorologiques , faites au château de Denainviliers, proche Pivhiviers en Gätinois , pendant l'année 1757. Par M. pu HAMEL. 17 à Mémoire fur la Pierre meulière. Pax M. GUETTARD. 203 Memoire fur la vraie longueur des Degrés du Meridien en France. Pax M. l'Abbé DE LA CAILLE. 237 Conffruétion d'un nouveau Métier pour les ouvrages de Tapifferie. Par M. VAUCANSON. 245 Premier Mémoire, dans lequel on détermine le mouvement des Nœuds de chacune des fix.planétes principales par l'adtion de toutes les autres; l'inégalité de la préceffion moyenne des Equinoxes , © de changement de latitude des Etoiles fixes, dans le principe de la gravitation univerfelle. Pa M. DE LA LANDE. 252 Mémoire fur plufieurs Rivières de Normandie, qui entrent en terre © qui reparoiffent enfuite, © fur quelques autres de la France. Pa M. GuETTARD. 271 Mémoire fur les Degrés de l'ellipticité des Spheroïdes, par rapport à l'intenfité de l'attraélion. Par M. le Chevalier D'ARCY. 318 Manière de décrire les Ovales de Defcartes par un mouvement contine. Par M. le Chevalier D'ARCY. 321 Eclaircifemens fur l'Offfication. Pa M. HÉRISSANT. 322 Obfervaiion de l'Éclip e de Lune du 23 Janvier 17 58. Par M. Pince. SEE Mémoire fur quelques phénomènes qui réfutent de l'auraéfion + de us -: PRE PP OS fe pepe TE... POUR L'HISTOIRE. PHYSIQUE GÉNÉRALE. Re les Pierres meuhéres. Page r Sur les Salines de l'Avranchin. S. Sur plufieurs Rivières de Normandie, d de quelques autres jarties de la France, qui fe perdent à reparoiffent enfuite. 13. Obfervations de Phyfique générale. 19 ANATOMIE. Sur / ‘Offificarion. 31 Sur l'Exfoliation des Os. 36 Objérvarions Anatomiques. 41 CHYMIE. Sur la Difolution du Soufre dans l’efprit de vin. 47, Sur la Mifibilié de l'éher avec l'eau, 49 Sur l'Or blanc ou la Platine. 55 Sur les Argiles à fur la fufibilié de certe efpéce de terre ae: les terres calcaires. 57: BOTANI Q U E. 63 * jj TABLE. EEE G'É'O'ME T'R'RE Sur une nouvelle manière de décrire les Ovales de Defcartes. 67. Sur les Courbes dont la rehification dépend d'une quantité donnée. 68 A%S-T:R-O'N:0O.MA“E. Sur les Inégalités de Mars , produites par l'action de Jupiter. 7 x Sur le mouvement des Nœuds, 7 fur ! “luclinaifon de l'orbite de Jupiter. 73 Sur la durée des Échpfes du quatrième Satellite de Jupiter. 77 Du dougième Paffage de Mercure fur le Sokil, obferé en 175 6 82 Sur le mouvement des Nœuds des orbites planétaires. 84 Effets de l'auradlion des Planètes fur la Terre. 87 MÉCANIQUE. Sur quelques Théorèmes de Dynamique. 95 Sur un nouveau Métier à faire des Tapifferies. 96 Machines ou nventions approuvées par l'Académie en 175 8. 100 Éloge de M. Nicole. 107 Éloge de M. de Juffieu. 115: Eloge de M. Bouguer. ya CHA UIBÉLAE que les Planètes exercent fur la Terre, à" en particulier fur le changement de latitude des Etoiles fixes. Par M. DE LA LANDE. : 339 Mémoire fur l’exfoliation des Os. Px M. TENON. 372. Second Mémoire [ur l'exfoliation des Os. Par M. TENON. 40 3 Éclairciffemens fur les maladies des Os. Pax M. HÉRISSANT. 419 Second Mémoire fur l’Inoculation de la petite vérole, contenant la fuire de l'Hifloire de ceue méthode à de fes progres, de 1754 à 1758. Par M. DE LA CONDAMINE. 439 Mémoire théorique à pratique fur les Syflèmes tempérés de Mufique. Pa M. RomiEu, de la Société Royale de Montpellier. 483 ERRATA pour LES MÉMOIRES DE 1757: Page 446, ligne dernière, au lieu de la Lyre, lifez Y'Aïgle. Pour LEs MÉMOIRES DE 1758. Page 151, ligne 2, au lieu de M. Hort, Afez M. Short. Page 152, ligne pénultième, qui rendent, Afez ce qui rend. Page 452, note (a) ligne 2, quæ falfa efle fciret, &c. lifez quæ falfa effe fire potuit ac debuit. Pour Les MÉMOIRES DE 1761. Page 408, à la fin, au lieu de 1759, lifez 1758 , page 252. _. Lin CRE * DE ds ap NE À | LEE LE 7 k « Ca £ D die Suar hi AUS Ce © RES y rer UE à 4 4 DMGNIT Mu AG tra sn Meennis RE 2905 TO na at a. ‘re Farc No ts a a RUN is d, FAST sado k. | 1 L ae. Un wi Vous Rte) sb TEE A L'SESS eaxi ci er ES res £ we ne 1: f M & pa Cr (fe R' HISTOIRE L'ACADÉMIE ROYAËE DES SICILENCES. Armée M. DCCLVIII, RÉ OS ERXPEN PHYSIQUE GÉNÉRALE. SUR LES PIERRES MEULIÉRES Y TS f a EXC TARMI les divers objets que la Nature nous y, jes Mém. Ne préfente, il faut l'avouer , ce ne font pas toujours p+ 203. CU ceux qui font les plus importans à nos befoins, QUAÆ | qui excitent le plus notre attention : fouvent , ==1 nous ne nous en occupons , nous n'y revenons qu'après nous être trop occupés des autres, On a beaucoup écrit if. 1758. . . À 2 HiSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE fur les pierres précieufes qui fervent uniquement à notre luxe; & fur les pierres meulières fi néceflaires pour la préparation du pain, notre nourriture journalière , on trouve fi peu de détails dans les livres, & des notions fi confufes , que leur nature cft encore une efpèce de problème. En effet, il eft impoflible de décider par ce qu’en difent les Auteurs qui en ont parlé, fi la pierre meulière a un caractere particulier comme le marbre, Je granit, le porphyre, &c, ou fi elle eft de la mème nature dans les différens pays. Si l'on confulte Agricola & d'autres Naturaliftes, on trouvera qu'ils donnent le nom de pierres meulières à des pierres de genres très-différens ; ce qui montre qu'ils ne leur fuppofoient pas de caraétère diflinétif : cependant les Auteurs fyfléma- tiques , comme M." Linnæus, Cartheufer, &c. femblent les rapporter à un genre particulier , en les décrivant comme un compofé de fable, de gravier & de cailloux de‘différentes efpèces, les uns fpatheux , les autres quartzeux ; mais comme M. Guettard le plôuve , ceue définition ne peut établir un genre ou une claffe à part : en effet, fi elle convient aux pierres meulières de l'Allemagne & du Nord, elle ne convient en aucune façon à la pierre meulière de France, & particulièrement à celle des environs de Paris ; car elle n’eft dans ces endroits qu'une pierre remplie de trous plus ou moins grands, dont les parois font d'une fübflance de pierre à fufil, & aflez dure pour réfifter aux chocs & aux efforts qu'elle éprouve en moulant le grain : ces pierres ne fe reflemblent donc , qu'en ce qu'elles ont toutes une certaine dureté, & que leur fürface eft aflez inégale pour pouvoir moudre le grain ; ainfi n'étant point de la même nature dans les différens pays, & n'ayant de commun que les pro- priétés dont nous venons de parler , il n’eft pas poffible d'en faire une efpèce particulière. Nous ne pouvons faire un pas fans trouver de nouvelles raifons d'être circonfpeéts dans nos géné- ralifations ; & la Nature étant fujette à mille variétés , le Na- turalifle qui écrit & celui qui lit, ne doivent jamais oublier que les objets ne fe préfentent peut - être pas fous les mêmes faces dans leur pays que dans les autres, DE SLSICITIE NC ES Après avoir montré qu'on ne peut faire de la pierre meu- lière une claffe de pierre particulière, M. Guettard paile à un objet plus important , à la defcription des lieux où elle fe trouve aux environs de Paris; il décrit la nature & le nombre des différentes couches de matière qu'on rencontre au-deflus dans les carrières d’où on la tire , & il rend compte de la manière dont ce travail fe fait; mais comme il ne veut parler que de ce qu'il a vu, il fe borne à la defcription des carrières d'Houlbec” près de Pacy en Normandie, & de celles qui font auprès de la Ferté - fous -Jouarre. Ce n’eft qu'improprement qu'on peut appeler carrières , les endroits auprès d’Houlbec d'où fon tire les pierres meulières ; car ces pierres fe trouvant ifolées çà & là , ne forment point de banc entre elles, ce qui oblige à faire un trou ou un puits pour chaque pierre que lon veut tirer ; & quoique les meules qui f font à Houlbec ne foient jamais d’une pièce , rarement trouve-t-on affez de ces pierres dans un même trou pour en faire deux meules. Pour parvenir jufqu'à ces pierres, les ouvriers font obligés de creufer des puits de plus de 40 pieds de profondeur, & uelquefois même de 60 ; la terre franche enlevée, ils trouvent d'abord un fable rouge, gros & mêlé de petits graviers blancs de différentes grofeurs , qui a communément 20 pieds d'épaif- feur, & quelquefois jufqu'à 30 ou 40 :; ils rencontrent enfuite un banc de gravier de 1 $ à 20 pieds d'épaifleur , mélé de cailloux roulés, que les ouvriers appellent 4izards ou bigers ; ils font quelquefois fi gros, qu'ils forment des pierres de 10 pieds de farge , qui obligent les ouvriers d'abandonner leurs travaux par la difficulté ou l'impoffibilité de creufer au travers ; après ce banc ils trouvent un fable jaune , dans lequel fe forme la pierre appelée le rochard, & qu'ils regardent comme un indice qu'ils trouveront de la pierre meulière au-deflous , indice cependant qui les trompe quelquefois : enfin au - deffous du rochard on découvre la pierre meulière qui repofe fur un lit de glaife. Les morceaux qu'on en trouve font, comme nous Favons dit, rarement affez grands pour faire une meule ; aufli : A ij 4 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE les ouvriers les forment-ils d’une pierre principale qu’ils en- vironnent d'autres pierres. M. Guettard explique dns fon Mémoire comment tout cela fe fait , & F'induftrie que les ouvriers emploient pour l'affemblage de ces pierres.. Les endroits d’où l'on tire les pierres meulières près de la Ferté - fous - Jouarre , font de véritables carrières où la pierre eft fituce beaucoup plus avantageufement que dans celles de Houlbec, étant bien plus proches de la fuperficie ; mais fi ces carrières ont cet avantage, elles ont aufir l'inconvénient d'être fort fujettes à fe remplir d'eau ; inconvénient qui devient une efpèce de fléau pour les ouvriers , par la peine qu'ils ont à les épuifer , encore fouvent n’y parviennent-ils pas, & font-ils obligés de travailler les pieds dans l'eau. Dans ces carrières , les différentes couches de matières qui fe trouvent au-deffus de la pierre meulière, ne font pas tout- à-fait les mêmes qu'à Houlbec : li première couche après la terre franche, eft formée d'un fable jaunâtre de 10 à 12 pieds d’'épaiffeur ; après ce fable on rencontre un banc de 6 à 7 pieds d'épais, d’une glaife très- fableufe, veinée de couleurs, tirant fur le jaune & le rouge , & au-deflous de ce banc fe trouvent les pierres meulières ; le maflif de ces pierres eft fi épais dans quelques endroits, qu'il a jufqu'à 20 pieds ; & on tire quel- quefois du même morceau jufqu’à fix meules de 2 pieds d’épais, qui ont près de 7 pieds de diamètre : car ces meules ont cet avantage fur celles d'Houlbec, qu'elles font toutes d’une pièce; mais il eft encore compenfé par la difficulté qu'il y a à les détacher. À Houlbec , pour avoir les pierres meulières on eft uniquement obligé de les débarrafler des terres qui les envi- ronnent ; auprès de la Ferté il faut cerner la pierre ou la meule qu'on veut avoir , ce qui exige un grand travail , car pour cette opération il faut faire dans le rocher une entaille circulaire de 2 pouces de largeur & de 3 de profondeur, qui embraffe un efpace de plus de 6 pieds 2, diamètre de la meule ; enfüite enfoncer dans cette entaille des coins de fer, garnis fur chacune de leurs faces de morceaux de bois , & frapper fur ces coins jufqu'à ce que la meule f détache, PMDMENSRISCCULIE NC ES. 4 … Cette pratique, comme on le voit & comme le remarque 4 M. Guettard, n'eft pas la même que celle qui eft rapportée par ee M. de la Hire dans les anciens Mémoires de l'Académie ; car | felon ce favant Académicien , au lieu de coins de fer ce font des coins de bois qu'on fait fécher au four & qu'on enfonce’enfuite à coups de maillet dans la rainure qui cerne la meule, lefquels venant à { renfler par la pluie & l'humidité, produifent un fi grand effort que la meule fe détache. Peut-être cette pratique eft-elle mife en ufage dans d’autres carrières : l'effet en paroît d'autant plus poflible , qu'on fait la force extraordinaire des cordes & des bois mouillés. Si le Naturalifle s'attache à la defcription exacte & précife des propriétés & des qualités qui caractérifent & qui diverfifient les objets, le Phyficien tâche de déméler d'après ces qualités les effets qui en doivent réfulter, M. Guettard , fuivant cette double route, après avoir décrit les fubftances qu’on trouve dans les carrières des pierres meulières , forme des conjectures fur la manière dont il conçoit , d’après la nature de ces fubftances, que les pierres meulières doivent fe former. Cette matière eft d'autant plus intéreffante, que la Nature paroït fuivre dans la formation des pierres à peu près le même mécanifine ; mais limpoffbilité d'entrer dans des détails fuffifans pour donner des notions juftes de fes idées fur cette formation , nous oblige de renvoyer au Mémoire de M. Guettard,, dans lequel on prendra des notions plus juftes de ce qu'il penfe fur cette formation. SUR LES SALINES DE L'AVRANCHIN. E talent de bien obferver & de fair, fur-tout en voyageant, y. 1e Me, ce que l'Hiftoire naturelle offre de curieux , ou ce qui p- 299: tend à un objet d'utilité, eft plus rare qu’on ne le croit com- munément , & ne jouit peut-être pas de toute Îa diftinction . qu'il mérite. Il fuppofe en effet une pente naturelle à méditer & un fonds de connoiffances , fans lequel ce talent n'a qu'une { A iij 6 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE application fuperficielle , & ne fauroit jamais parvenir à la liaifont des faits ; ce n'eft cependant que par la confidération affidue des rapports que ces faits ont entre eux , & en dévoilant la caufe des différences accidentelles qui s'y trouvent , que nous pouvons efpérer de connoître la marche fecrette de li Nature, & de faire entrer nos obférvations dans fordre de celles qui concourent à bien expliquer fon travail. Si le talent de l'obfervation eft fur-tout précieux lorfqu'il s'agit d'objets purement utiles, on remarque aufli que celui qui en eft doué , ne devient que plus aétif dans ces circonflances , & n'en a que plus de fagacité : rien ne lui échappe alors de tout ce qu'il ef effentiel de favoir : ilrend intéreffans les moindres détails ; il y infifte principalement lorfqu’ils ont rapport à des travaux qui tournent entièrement à l'avantage du public ; il ne néglige rien pour que ces travaux foient expolés avec exacti- tude, & puifient fervir de modèle dans les pays où il y auroit lieu de les entreprendre avec fruit. Le grand ulage que font prefque tous les peuples du fel commun ou marin, la différente fituation des lieux où l'on eft à portée de le recueillir, le plus où moins d’induflrie dans les hommes qui s'occupent de ce travail, ont donné occafion à différentes manières d'extraire le fel des eaux de la mer, & de le rendre propre à nos befoins. M. Guettard, en voyageant dans la baffle Normandie , a eu la’ facilité d'examiner les falines de l’Avranchin , & d’ fuivre toutes les opérations des ouvriers : elles lui ont paru mériter d’être décrites, afin qu’on püt les rapprocher de celles qui, fans être les mêmes , tendent néanmoins au même but. Avant que d'entrer dans le détail de ces opérations , M. Guettard fait quelques réflexions préliminaires {ur le fel com- mun, foit comme ayant été l'objet fimple de la Chimie & de plufieurs recherches curieufes , foit en le confidérant comme une matière infiniment utile, & devenue un objet de la plus grande attention dans l'économie publique. Le fel commun étant d'un emploi journalier & entrant dans prefque tous nos alimens, il eft devenu naturellement un fujet PONEMSMIS CURE NC E + d'expériences pour les Chimiftes ä ls ont regardé commeeffentiel de f'analyfer ; ils nous ont donné la connoiflance des matières qui entrent dans fa compofition, & de fufage qu'on pouvoit faire de ces parties ainfi féparées. Le plus grand nombre des Chimiftes, tels que Vanhelmont, Sthal, Lémeri, Boërhave , Pott, &c. qui ont travaillé fur le fel marin, ont eu en vue d'en découvrir la compofition , &c de former des combinaifons nouvelles avec les parties qu'ils avoient extraites de ce mixte. D'autres Savans du même ordre fe font bornés à développer Ja forme que prend ce fel en fe criftallifant : leur travail femble plus appartenir à l'Hifloire naturelle qu'à la Chimie ; mais il falloit des hommes très-verlés dans cette dernière fcience , pour que tous les phénomènes de ceite criftallifation fuffent bien déve- loppés ; & peut-être en eût-il échappé quelqu'un au plus habile: Naturalifte que la Chimie n'eût pas guidé. Le céleébre Sthal avoit entrevu le mécanifme de la criftal- lifation du fet marin: M. Hatfoëker a fait des recherches curieufes fur cette matière; mais il étoit réfervé à M. Rouelle de la traiter à fond, & d'établir fur ce point une théorie dans laquelle il n’y eût rien d’intéreffant à defirer. On lit avec éton- nement dans fes Mémoires, que la crifallifation de ce fel demande des précautions infinies, que le moindre mouvement la dérange & occafionne une irrégularité dans les criflaux. La grande confommation qu'on devoit faire du fel commun, exigeoit que l'induftrie & toutes les reflources de la mécanique fourniffent des moyens fimples & peu difpendieux d'extraire ce fel de là terre ou des eaux qui en font chargées. L’Alle- magne a eu plufieurs Savans qui fe font occupés de ce travail, & Frédéric Hoffman eft un des plus diftingués ; on lui doit un Traité curieux fur les falines de cet empire. Le Mémoire de M. de Montalembert, de cette Académie, fur celles de Durkeim. dans le Palatinat, tient aux Ouvrages intéreffans que les falines d'Ailemagne ont fait naître, & mérite d'être confulté. Les falines de France ont été auffi la matière de quelques: recherches & de plufieurs defcriptions : on remonte d'abord à. 8 HisToiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE Paliffi, qui nous a fait connoitre, avec beaucoup de precifion ; les falines de Saintonge. M. Lémery a parlé fuccintement de celles d'Aunis. Le P. Laval, Jéfuie, a écrit fur ces mêmes falines, mais d’une manière très-détaillée, &c en y joignant des vues philofophiques {ur la nature & la formation du fel marin. C'eft par la voie fimple de la criflallifation qu'on obtient le fel dans les falines de la France, dont il s’agit ; elles font connues fous le nom de marais falans; & Von fait que l'eau s'y évaporant dans le repos, à la faveur feule de à chaleur du: Soleil, elle y dépofe le fe, fans altérer.la forme cubique qu'il affecte, Les falines de la Lorraine préfentent une méthode différente de recueillir le fel, fur-tout quant aux premières opérations : on y met en ufage un mécanifme ingénieux. Il confifte prin- cipalement dans des bâtimens de graduation, qui font garnis d'un grand nombre de fagots d'épines, & fur lefquels , par le moyen des pompes, on fait tomber l'eau falée comme une efpèce de pluie : cette eau ainfi fubdivifée en gouttelettes & expofe à l'air qui circule dans ces bâtimens , s'y évapore avec facilité; il commence à { faire un dépôt fucceffif de fel fur les fagots; l'eau, qui en difille fans cefle, va fe rendre dans des réfervoirs, d’où elle eft portée enfuite dans des vaifleaux fur le feu où s'achève l'opération. Le même mécanifme a lieu pour Ka faline de Durkeim dans le Palatinat, & M. le Marquis de Montalembert a pro- pofé les moyens de le perfectionner : c'eft en ralentiffant la chute de l'eau dans le bâtiment de graduation & en la rédui- fant à de plus petits filets, lorfqu'elle parcourt les fagots, que M. de Montalembert prouve qu'il feroit poffible de rendre la première évaporation plus confidérable, & d’avoir conféquem- ment, pour la dernière, une mafle d'eau plus chargée de fel. Cet expolé fommaire montre déjà que dans les falines, de quelque efpèce qu'elles foient, c’eft toujours par la voie de lévaporation qu'on obtient le fel, & que tout l'art confifte à la rendre la plus prompte qu'il eft poñlible, Quoique le {el que fourniflent les marais falans foit défigné comme ayant été produit DES SCIENCES. produit par voie de criftallifation, le travail par lequel on fe le procure part néanmoins du même principe; l’évaporation y eft feulement plus lente que dans les autres Salines; elle permet aux grains de fel d'y conferver leur forme cubique en fe précipitant. Les Salines, qui font l’objet du Mémoire inftruétif de M. Guettard, n'appartiennent point à la claffe de celles où la criftallifation a lieu, & diffèrent en quelques points des Salines de Lorraine & de Durkeim; l'évaporation n'y commence point, comme dans ces'dernières, dans des bâtimens de gra- duation; l'eau n’y eft falée, à proprement parler, que d’une manière accidentelle, & parce qu’en filtrant à travers des monceaux de fable chargés de fel, elle le diffout & l’entraîne dans des réfervoirs. Ce fel, dit M. Guettard, pourroit être appelé fel de Zavage, comme on défigne les autres fous le nom de fel de criftallifation , ou d'évaporation. Gabriel Dumoulin, curé de Maneval, a parlé de ces ef pèces de Salines, & en a dit ce qu'on pouvoit defirer d’un fimple Hiftorien ; la defcription qu'il en a donnée fuffit à cet égard ; mais elle ne renferme point affez de détails pour qu'elle puïfle fervir d'inftruétion dans de pareils établifiemens: c'eft ce qui a engagé M. Guettard à ne rien négliger, afin que ces Salines fuflent mieux connues & mifes fous les yeux du Lecteur avec la même précifion qu’il les a confidérées. La côte de la mer de Normandie, qui s'étend le long de PAvranchin, & une partie de la baffe Bretagne, forment par leur courbure une anfe ou baie confidérable dans laquelle les rochers de Saint-Michel & de Tomblaine fe trouvent placés. La plage y eft plate & le fible très-fin; on n’y voit point de cailloux, & les coquilles y font rares ; celles que rapporteñt les Pélerins, à leur retour de Saint - Michel, ne fe trouvent guère qu'à l'entrée de cette baie & à une ou deux lieues des rochers : c’eft dans cette anfe favorable que fe forme le dépôt continuel qui entretient les Salines dont il s'agit. Lor£ que la mer eft calme, elle entre dans cette baie par un mouvement très-lent, & n'y apporte prefque aucuns corps Hif!. 1758 + B € 10 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE étrangers ; quelques débris de granite jaune & rouge y bordent feulement les rochers auxquels ils appartiennent. Ce que la mer dépofe de plus confidérable fur la plage, d'ailleurs très-nette, eft une terre glaife bleuâtre, fine & bien lavée; il réfulte de ce dépôt des amas de limon connus fous le nom de Affes, & dangereux pour les voyageurs qui les traverfent peu de temps après qu'ils ont été formés: ces lifles en effet ont alors fi peu de confiflance, qu'on court rifque d'y être prefqu’enfeveli, foit à pied, foit à cheval, fi l'on n'ufe pas de quelques précau- tions; outre celle de prendre un guide, il eft eflentiel de franchir ces liffes en courant, ou au galop, afin que la glaife ait moins le temps de fe délayer; & il eft prudent par la même raifon, qu'un voyageur s'écarte un peu de la route u’un autre a tenue. L'eau de la mer, en entrant dans cette baie, s’y étend avec tranquillité, & y forme une efpèce d’étang où le dépôt du fel fe fait facilement. On ramafñle pendant toute l'année le fable qui en eft chargé, à l'exception de deux ou trois mois d'hiver; & l’on profite avec raifon d'un temps fec pour ce travail: les pluies laveroient le fable, & le dépouilleroient du {el qu'il s'agit de recueillir. Lorfque le temps eft favorable, deux hommes, à aide d’une efpèce de rateau qui a beaucoup de reffemblance avec celui qu'on emploie dans les vaftes jardins pour ratiffer les allées, & qui eft conduit de la même façon, deux hommes, dis-je, raclent la fuperficie du fable & en forment peu à peu de petits monceaux : on les tranfporte enfuite dans les endroits où ils doivent être réfervés fous la forme de meules, que les ouvriers nomment /foies. Ces monceaux de fable font élevés de manière que la petite charrette de tranfport peut monter jufqu'à leur fommet, au moyen d'un chemin pratiqué en ligne fpirale autour de ces moies, & pris fur le fable même dont elles font compolées. On couvre ces meules avec des bourrées légères, & on a foin d'enduire ce menu bois d’une terre argilleufe afin que les moies foient à l'abri des pluies. Le faible ainfi mis en réferve, n'eft découvert qu'à melure B'EHts) SCIE N'cE & Ir qu'on le lave; & voici comment on parvient à le dépouiller du fel dont il eft chargé. On conftruit d'abord le lavoir que les ouvriers nomment la foffe ; elle confifte dans un maflif de terre commune qui a neuf pieds de hauteur ou environ, qui eft à peu près carré, & fert de bafe à une caitfe que les Saulniers appellent aufii la foffe; cette caïfle eft compolte de quatre planches qui ont neuf pieds de longueur fur quatorze pouces de hauteur, & dont Faflemblage eft fait à tenons & à mortaifes : le fond de cette caifle eft formé de petites fo- lives équarries avec foin, & qui laiffent entre elles un peu de jour ; leurs extrémités portent fur des pierres qui les élèvent de quelques pouces au-deflus du maflif. On nomme aflez improprement rouers, ces pièces de bois ainfi équarries; on les couvre de paille où de gleux, füivant l'expreffion des Saulniers, & la paille elle-même eft couverte de planches qu'ils appellent guimpes ; ces planches ne font pas exactement rapprochées les unes des autres, elles laiffent un paffage libre à l'eau qui doit laver le fable, & qui filtrant à travers la paille, s'écoulera entre les rouets & le maflif enduit .de glaife fur lequel ils font appuyés. La fofie étant ainfi difpofée, on y met cinquante ou foixante boiïfleaux de fable, & on verfe deflus trente ou trente-cinq feaux d'eau qui eft communément faumätre: les ouvriers fe la procurent facilement par voie de filtration, en faifant des trous en terre auprès des cabanes qu'ils habitent: au défaut de cette eau déjà chargée de parties falines, on emploie celle qui eft douce: ilfaut deux heures pour que l'eau, de quelque nature qu'elle foit, pañle à travers le fable que contient Îa fofie. On a foin de pratiquer une ouverture à l'un des côtés de la fofle & au-deflous des rouets: deux gouttières adaptées à cette ouverture, fervent à conduire l’eau à mefure qu'elle fe raffemble fur le lit de la foffe; l’une de ces gouttières qui a un pied ou environ de longueur, aboutit à un tonneau placé au-deflous de Ja foffe, & dans lequel s'écoule l'eau qui r'enfile pas la féconde gouttière; celle-ci qui eft la principale, a B ij 12 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE quelquefois quarante ou cinquante pieds de longueur ; elle aboutit à la maifon où l'on extrait le fel, & y conduit l'eau dans des cuves : lorfqu'elle y eft raflemblée, on examine fi elle eft affez chargée de fel; les ouvriers jugent de la quantité qu'elle en contient, au moyen d'un petit vaifleau nommé éprouvette, qu'ils rempliffent de cette eau: la forme de cet inftrument eft un carré long d’un pied ou à peu près, large de deux pouces, & qui n'en a qu'un de profondeur ; deux fils foiblement tendus dans toute la longueur de l'éprouvette, y tiennent fufpendues deux petites boules de cire, dont le poids eft augmenté à un certain point par un morceau de plomb qu'elles renferment ; lorfque ces boules furnagent l'eau, on juge qu'elle eft bonne, c'eft-à-dire, qu'elle a difout fufh- fimment de fel; fi elle eft trop légère, on ôte de la fofle le fable lavé qu'elle contient, & on y en remet d'autre aflez chargé de {el pour que l'eau en prenne la quantité qu'il convient. Le moment de lévaporation étant venu, on établit trois vaifleaux de plomb fur un fourneau compolé de terre glaife, & qui eft divifé en trois parties ou trois fourneaux particu- liers : ces vaifleaux qu'on nomme plombs, ne font à pro- prement parler, que des plaques dont les bords font relevés: ils ont vingt-fix pouces de longueur fur vingt-deux de largeur, & environ deux pouces de profondeur. Cette forme eft prelcrite par les Ordonnances ; & chaque Saulnier ne peut avoir que trois de ces plombs en opération : par-à on connoît la quantité de fel qu'il extrait, & l’on f rend à peu près certain des droits auxquels il eft aflujéti. On fait un bouillon, fuivant lexpreffion des ouvriers, lorfqu'après avoir rempli les trois plombs d’eau falée, on la fait évaporer, en donnant d’abord un feu aflez vif & en le ralentiflant enfuite, lorfque l’eau a été écumée ; cette opération particulière dure deux heures, & on la répète neuf fois par jour. Le produit total du travail d’une journée eft de cent livres de fel ou de deux rackes ; c'eft le nom d’une mefure qui contient cinquante livres de fel ; il en revient la moitié au Roi ee M man Et ln à à à DE, S+ USRC ILE» NYC: E LS. 13 pour fes droits, & 1e Saulnier les paye en argent fur les billets de vente qu'il produit. L'évaporation de l'eau étant à peu près complète , on remue le fel dans les plombs afin qu'il s’y defsèche mieux, & Ton le verfe enfuite dans un panier conique où le peu d'eau qu'il peut encore contenir s'ésoutte pendant qu'il fe fait un autre bouillon. Il faut retirer promptement le fel des plombs lorf. qu'il eft à peu près fec, & ne pas différer à les remplir de nouvelle eau falée, Sans cette activité de la part des ouvriers, les plombs font expolés. à fe fondre; & cet accident arrive affez fouvent, quoiqu’on foit attentif à le prévenir. Le fel produit par l'opération qui vient d'être décrite, fe vend communément fur le pied de 3 livres 10 fous les cinquante livres; il eft d’un prix inférieur, ou monte plus. haut, fuivant la récolte de fable plus où moins abondante qu'il a été poffible de faire; elle dépend toujours du temps {ec ou pluvieux qui règne dans les mois où elle a lieu. M. Guettard obferve que dans l'Avranchin on fe fert uti- lement de ce fable ainfi chargé de fel, pour fertilifer les terres, qu'on vient l'y chercher d'affez loin, & qu'il eft un petit objet de commerce par la vente qui en eft faite aux Laboureurs. SUR PLUSIEURS RIVIÉRES DE NORMANDIE, Et de quelques autres parties de la France, qui fe perdent à reparoiffent enfuite. P LUS nous étudions fa Nature, plus nous avons d’occafions d'idmirer fes effets: maïs auffi plus nous remarquons que le merveilleux n'eft fouvent pour nous que ce que nos yeux font peu accoutumés à voir, & non ce que notre raifon a de la peine à comprendre. Il eft fort furprenant , fi l'on y réflé- chit, qu'uné rivière ne rencontre pas ,dans un cours fouvent B ii 54 HisToiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE très-étendu, des terrains fpongieux qui abforbent fes eaux, ou des gouffres où elles fe perdent ; cependant comme on na connu jufqu'ici qu'un petit nombre de rivières dont les eaux difparoiflent ainfr, ce phénomène a été regardé comme fort extraordinaire, & par les Anciens & par les Modernes. Pline en parle avec cette emphafe qui lui étoit fr familière, & Sénèque en fait mention dans /es queffions narurelles ; il divife même ces rivières en deux fortes, celles qui fe perdent peu à peu, & celles qui font abforbées tout d’un coup ou dans un gouffre, ce qui feroit penfer que les Anciens avoient recueilli plufieurs obfervations fur ces rivières. Mais laiflant à part ce qu’elles peuvent avoir de merveilleux, on demandera comment elles fe perdent, par quelles qualités particulières du terrain fur lequel elles coulent, & par quelles difpofitions des lieux où elles paffent, ce phénomène a-t-il lieu? c'eft fur quoi on ne trouve que peu de lumières dans les Auteurs, & ce dont nous ferions peut-être plus inftruits, f les obfervations des Anciens nous étoient parvenues. M. Guettard a entrepris de diffiper une partie de cette obfcurité, en décrivant ce qu'il a obfervé dans plufieurs ri- vières de la Normandie, qui fe perdent & reparoiffent enfuite; ces rivières font au nombre de cinq, la Rille, lion, l'Aure, la rivière du Sap-André & la Drôme. | Les trois premières fe perdent peu à peu, & reparoiffent enfuite ; la quatrième fe perd peu à peu aufli, enfin totalement, mais reparoît après; la cinquième perd un peu de fes eaux dans fon cours, & finit par fe précipiter dans un gouffre d’où on ne la voit plus reparoître, Ce qui fmble donner lieu à la perte de la Rille, de Fthon & de l’Aure, c’eft la nature du terrain des lieux par où elles paflent. M. Guettard a obfervé qu'il eft en général poreux, & compofé d'un gros fable dont les grains font peu liés entre eux ; quelquefois il s’aflaifle tout d’un coup dans certains en- droits & y forme des grands trous; & fouvent lorfque l'eau s'épanche dans les prairies , elle y fait des cavités dans certaines parties, Si l'on fuppofe donc que dans le lit de ces rivières D'Ee s:S\elt'E IN CES. 1$ il fe rencontre des inégalités, des endroits où l'eau féjourne plus que dans d’autres, elle y doit délayer le terrain, pour ainfi dire; & ayant enlevé les parties qui unifloient les grains de fable entre eux , ces grains ne formeront plus qu'une efpèce de crible, à travers lequel les eaux fe filtreront, pourvu ce- pendant qu’elles trouvent fous terre des paffages par lefquels elles puiflent couler. Cette conjecture paroïît f1 bien fondée, que ces rivières fe perdent toutes les trois à peu près de la même façon, c’eft-à-dire, par des ouvertures que les gens du pays appellent bétoirs, & qui abforbent plus ou moins d'eau, felon qu'ils font plus où moins grands. M. Guettard qui les a foigneufement obfervés, remarque que ces bétoirs font des. trous formés en entonnoir, dont le diamètre & l'ouverture eft au moins de deux pieds, & va quelquefois jufqu'à dix & quinze pieds, & dont la profondeur varie également depuis un & deux pieds jufqu'à cinq, fix, & même quinze & vingt. L'eau entre dans ces bétoirs pour l'ordinaire, & lorfque la rivière n’eft pas bien groffe , en faifant un bruit & une efpèce de gargouillement, & en tournant en rond comme dans les remoux qu'on voit aux piles des ponts, ou autour du gouvernail d'un vaifieau. La preuve que l'eau s’y filtre & s'y abforbe entre les grains de ce gros fable délayé, c’eft que fouvent dans un bé- ‘toir qui a deux ou trois pieds de profondeur, & par lequel il fe perd beaucoup d'eau, on ne peut enfoncer un bâton plus loin que la furface de fon fond: le lit & les bords de la Rille, de l’Iton & de l Aure étant ainfr parfemés de bétoirs, il n’eft pas étonnant que ces rivières fe perdent. La Rille perd en été prefque toute fon eau dans lefpace de deux petites lieues, la même chofe arrive à peu près à llton; mais M. Guettard obferve au fujet de cet rivière une .chofe curieufe, c’eft qu'autrefois elle ne fe perdoit pas & avoit un cours continu, comme il le paroït par l'hifloire du pays: peut-être que la vale qui f fera amaffée dans certaines parties de fon lit, aura occafionné le féjour de l'eau dans d'autres, &c:par-là aura donné lieu à la naïffance de plufieurs bétoirs. Cela eft d'autant plus vraifemblable, que k vafe s'étant amaffée dans le lit de la rivière de l'Aure, ik 767 HisToiIREe DE L'ACADÉMIE ROYALE paroït qu'en conféquence les bétoirs s'étoient beaucoup multi- pliés, ce qui failoit qu'elle fe perdoit beaucoup plus tôt qu'au- trefois; au moins a-t-on pris le parti de nétoyer fon lit pour obvier à cet inconvénient. I fe pourroit faire encore que quelque tremblement de terre arrivé dansle pays, eut produit quelques canaux foûterrains par lefquels leau de Flton (qui aupara- vant ne pouvoit peut-être pas paflér par le terrain qui étoit au-deffous de fon lit) a trouvé le moyen de s'écouler. En effet, il paroît qu'il ne fuffit pas qu'un terrain foit poreux, pour qu'une rivière fe perde; car fi elle fe perdoit alors, elle formeroit des marais dans les environs, & ne reprendroit pas fon cours après avoir difparu un certain temps; il faut encore, comme nous l'avons dit, qu'elle trouve fous terre des pañages par lefquels elle puifle avoir fon cours. Aufli M. Guettard pa- roit fort porté à croire qu'il fe trouve dans ces cantons des cavités fouterraines par lefquelles les eaux peuvent couler, & il rapporte en conféquence nombre de faits qui tendent tous à en établir l'exiftence, ou au moins à prouver qu'il doit y avoir des foffés pierriers qui fervent de couloir à ces eaux. I examine à ce fujet cette queftion fi intéreflante, y a-t-il des rivières fouterraines ? & le préjugé de quelques perfonnes en faveur de leur exiftence eft-il réellement fondé ? il fait voir par plufieurs faits qu'il cite, & par plufieurs raifons qu'il allègue, qu'il y a au moins de très-grandes préfomptions en faveur de cette opinion. Nous fommes trop portés à ne pas regarder au de-là de l'extérieur des chofes, nous fentons à la furface de la terre de la réfiflance: lorfque nous la creufons, nous la trouvons fouvent continue; en conféquence nous avons de la peine à imaginer qu'elle renferme des fouterrains capables de former des lits pour des rivières cachées, pour des amas d’eau confidérables, enfin de vaftes cavités: cependant tout paroît l'indiquer. Un fait que l'on obferve dans les bétoirs des rivières dont nous avons parlé, & particulièrement de la Rille, prouve en quelque façon qu'il y a dans les montagnes qui bor- dent fon cours, des étangs d'eau confidérables; ce fait eft que ces bétoirs deviennent en hiver, pour la plupart, des fontaines qui DÉE SIMSAGHIE NC ES. 17 qui refourniffent autant d’eau dans le lit de la rivière, qu'ils en avoient abforbé pendant l'été: or d'où cette eau peut-elle venir, fr ce n'eft des réfervoirs ou étangs qui font renfermés dans les montagnes, lefquels étant plus bas en été que la rivière, en reçoivent l’eau ; & étant plus hauts en hiver par les eaux de pluies qu'ils ont reçues, la lui rendent à leur tour, M. Guettard appuie cette conjeéture de plufieurs faits qui la rendent très-vraifemblable ; il remarque en même-temps que cet effet alternatif des bétoirs d’abforber l'eau & d'en redonner enfuite, forme un obftacle peut-être infurmontable à la confer- vation de l'eau dans le lit de ces rivières. En effet ,on a effayé plufieurs fois de boucher ces bétoiis ; mais la force avec laquelle l'eau revient en hiver, emporte prefque toujours les matières dont on les avoit bouchés. La rivière du Sap- André fe perd en partie, comme nous l'avons dit, de même que celle de l’lton & de la Rille; mais elle a cette particularité de plus que ces rivières, qu’à l'extrémité de fon cours , & fans qu’on remarque de cavité fenfible dans cet endroit, elle s'engouffre, pour ainfi dire, mais fans chute , l'eau pafle entre des caïlloux, & il n'eft pas plus poffible de faire entrer un bäton dans cet endroit que dans les autres bétoirs dont nous avons parlé. Ce qui fait prendre à cette rivière cette direiéton fouterraine, eft un obflacle que fon cours rencontre en cet endroit ; elle y trouve une éminence de fix à fept pieds de haut, dont elle à apparemment miné le deflous pour y pafler, n'ayant pu da franchir. A quelque diflance de cet en- droit elle reparoït; mais en hiver, comme l'eau eft plus abon- dante elle paffe par - deflus cette élévation & fon cours devient continu. . Enfin la Drôme , après avoir perdu une partie de {on eau dans fon cours, fe perd entièrement à la foffe du Soucy ; dans cet endroit elle rencontre une efpèce de gouffre qui a près de vingt-cinq pieds de large, & plus de quinze de profondeur, où la rivière eft comme arrêtée, & dans lequel elle entre fans cependant aucun mouvement fenfible, pour ne plus reparoître. ‘On voit par ces obfervations de M. Guettard, que les rivières Hifl 1758. . C 18 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYyaLe qui fe perdent ne font pas auffi rares qu'on le croit ordinai- rement, puifque dans une auffi petite étendue qu'eft cette partie de la Normandie, on en trouve cinq. On pourroit croire que cela tiendroit à la nature du terrain, cependant M. Guettard obferve que dans un canton de la Lorraine , qui n'eft pas fort étendu , on remarque encore cinq autres rivières qui fe perdent de même, & fans doute que de nouvelles obfervations nous apprendront encore qu'elles font beaucoup plus communes ; car comme nous l'avons remarqué, il n'eft peut-être pas plus extraordinaire qu'une rivière fe perde, qu'il n'eft fingulier qu'elle ne fe perde pas. M. Guettard termine ce Mémoire par des obfervations fur Flerre; cette rivière fe perd comme la Rille; & quoiqu'elle foit très près de Paris, cette fingularité y eft prefqu'inconnue À tout le monde, auffi fans le Mémoire de M. l'abbé le Bœuf, elle l’auroit été de même à M. Guettard. Et comme il regarde que le premier objet des obfervations d'un Naturalifte doit toujours être le bien public, il examine les moyens qu'on pourroit employer pour conferver les eaux de flerre: le même objet lui a fait ajouter une Defcription de la manière dont le Rhône fe perd , ou plutôt dont fon cours eft troublé ; car il eft bien certain à préfent qu’il ne { perd point, il fe trouve feulement extrémement referré (dans l'endroit où l’on pré- tendoit qu'il fe perdoit) par deux montagnes, & pafie à leur pied entre des rochers. M. Guettard fait voir qu'il ne feroit peut-être pas impoñlible d'élargir cet endroit, & de donner un lit fufffant à cette rivière , ce qui pourroit la rendre navigable, & feroit d'une utilité immenfe à tout le pays. Appliquons- nous toujours à oblerver, à examiner, à étudier la Nature, & nous verrons fe multiplier fans ceffe les avantages de toute efpèce que nous retirerons de ce travail. + DES SCIENCES. 19 OUBISE RV AT TIO NS DE PHYSIQUE GÉNÉRALE. L. M DE CHABERT, Lieutenant des vaiffeaux du Roï,a envoyé e à l'Académie la Relation de deux violens ouragans arrivés à Malte l’année dernière, Le 19 Octobre de l'année 1757, vers les trois heures du matin, un tourbillon furieux vint du fud du port de Malte avec un très-grand bruit; fa direction étant prefque du midi au nord , il traverfa le port, paffa enfuite fur la baraque de Caftille, fur l'extrémité de Ja Cité-Valette, & fur de fort Saint- Elme, & emporta pendant une minute & demie qu'il dura, -prefque tout ce qui fe trouva fur fon paflage. Des vaiffeaux furent démâtés; la barque du Roi l'Æirondelle , perdit fon mât d'artimon, avec cette circonflance remarquable, que ni fon grand mât, ni même le bâton d’enfeigne ne furent endommagés : ce ui feroit croire que le diamètre de ce tourbillon ou lefpace qu'il embrafloit , n'étoit pas fort confidérable. Plufieurs de ces murailles qui font élevées fur les terraffes des maifons pour les féparer les unes des autres , furent renverfées & tuèrent plufieurs perfonnes en tombant; {e haut du dôme d’une églife fut.enlevé, ainfi que les cimés de plufieurs guérites d’une grande folidité ; des parapets de maçonnerie de plus de trois pieds ’épaiffeur , furent abattus, quoiqu'à peine élevés de trois pieds; enfin ce tourbillon arracha dans deux endroits les pierres qui formoient le pavé d’un baftion du fort Saint-Elme, & laifla deux efpaces découverts qui avoient l'un une toile en carré, & l'autre trois toifes de long fur deux de large; cependant ces pierres avoient huit à neuf pouces d'épais, un pied & demi en carré , & étoient d'autant mieux cimentées qu'elles cou- vroient un magafin à blé, fitué dans l'intérieur de ce baftion. Mais un effet encore plus fingulier & vraiment extraordinaire, Ci 20 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE c'eft le déplacement de plufieurs pièces de canon & de mor- tiers, fitués fur une plate-forme du même fort ; deux canons entrautres, de plus de quarante livres de balle, montés fur leurs affüts & placés à côté l'un de l'autre dans la même direction, furent trouvés retournés dans deux fens oppolés, & rappro- chés par le côté des culafles ; l'extrémité de l'affüt d'un de ces canons fe trouva à treize pieds de diftance.de fa place ordinaire ; les mortiers furent emportés au moins auffi loin, & tournés pareillement dans des fens oppofés. Quelle doit être la vitefle de Fair pour produire des effets fr prodigieux ? ils nous paroîtroient incroyables , fi ceux de la fimple poudre à canon ne nous avoient appris avec quelle violence ce fluide agit, lorfque fa condenfation ou fa vitefle font portées à un certain degré. Pendant ce tourbillon , on entendit des tonnerres , mais ils étoient éloignés ; cependant le Capitaine & l'Équipage d'un Bâtiment Anglois qui fut démâté , dirent que dans l'inftant où cela arriva , on y fentit beaucoup le foufre, quoiqu'il ne parût aucune marque de feu aux tronçons des mâts. L Le calme fuccéda tout à coup à ce moment affreux , mais les éclairs ne difcontinuèrent pas de toute la nuit, & il plut beaucoup. L’Hifloire de Malte parle d'un femblable ouragan , arrivé le 23 Oétobre 1 55 5 à fept heures du foir; il dura une demi- heure , & renverfa & fubmergea dans le port quatre galères de la Religion qui étoient armées. Malte efluya le fecond ouragan fept jours après le premier, ceft-à-dire, le $ Novembre 1757, à huit heures & demie du matin , ïl vint du fud-oueft & fut fi terrible que tandis que le vent foufiloit avec une impétuofité inoute , ke tonnerre tomboit de toutes parts, & la pluie étoit fr conf dérable , que l'on ne voyoit aucun objet à la diftance de cinq à fix toifes. Cette tempête dura environ un demi-quart d'heure, & fut fuivie, inflant d'après, d'un calme parfait : alors on vit dans le port une multitude d'objets effrayans ; la plupart des vaiffeaux hors de leur place , les uns avoient chaflé {ax DES MSNC IE N C ES sx leurs ancres, les autres avoient leur amare rompue, d’autres étoient échoués ; on vit des chaloupes & des barquettes fub- mergées , & plufieurs Matelots noyés ou fur le point de l'être. Ces deux ouragans arrivés , à la fin d'Oétobre & au commen- cement de Novembre, font de nouveaux faits à ajouter à ceux qui prouvent que les grands coups de vent ne fe font fentir que quelques femaines après les équinoxes , & ce temps paroît être tellement l'époque des tempêtes , qu'il femble qu'on devroit alors redoubler de précautions , pour éviter à fa mer & dans les ports, autant qu'il eft poffible , leurs funeftes effets, I I. La queftion , fi les métaux fe régénèrent dans les mines, eft une des plus importantes de la Phyfique : quelques Métal- lurgiftes font pour l'afhirmative , d’autres pour la négative. On trouve dans la mine de cuivre de Cheïfy , près S.° Bel dans le Lyonnois, une végétation métallique qui paroït fort favo- rable à l'opinion des premiers ; il y a dans cette mine une caverne ou gallerie de plus de deux cents pieds de long , qui eft un ouvrage des Romains ; les pièces de bois qui fervent à en foutenir de ciel, font encore en aflez bon état. Le cuivre de cette mine, apparemment diffous par quelque acide vitrio- lique , a monté & végété le long de ces pièces de bois de chêne, (ce bois ayant fervi de précipitant), & y a formé des arbriffeaux : ce qu'il y a de fingulier , c’eft que tous ces arbrifféaux ont repris avec le temps la forme méullique. M. Héllot, à qui nous devons cette obfervation , préfenta à l Académie un morceau détaché d'une de ces pièces de bois, qu’on lui avoit envoyé de Cheïfy , fur lequel on voyoit en effet cette végétation métal- lique : ce morceau très-curieux d'Hiftoire naturelle , eft actuelle- ment au Cabinet du Jardin du Roi. Combien de queftions de Phyfique , fur lefquelles nous fommes partagés aujourd’hui, feroient réfolues, fi nos obfer- vations étoient plus anciennes. Tâchons de mieux fervir notre poñlérité que nous ne l'avons été par les Anciens ; & fi nous ne lui laifions pas un tableau vrai de cet Univers , faifons tous nos efforts pour lui laiffler au moins ls matériaux néceffaires pour {€ former, C iü 22 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE RETT On a déjà fait plufieurs tentatives pour garder les fruits & les légumes pendant l'hiver , fans qu'ils perdent de leur goût & de leur fraicheur ; mais il paroït que jufqu'ici elles n'ont pas été fort heureufes. Cependant Fart de conferver les fruits d'une année à l'autre feroit non-feulement un art agréable , mais encore fort utile dans beaucoup d'occafions. C'eft dans cette vue que le P. Bertier de l'Oratoire, Correfpondant de l'Act- démie , a fait pendant long-temps des expériences fur ce fujet. Comme les fruits non-feulement müriffent par la chaleur, mais encore fe gâtent , lorfqu'ils font expofés trop long-temps à fon action, fur-tout lorfqu'elle eft accompagnée d'humidité; le P. Beïtier a penfé que fi on les plaçoit dans un lieu où la température füt très-froide, & fe confervât toujours à peu près Ja même , comme au fond d’une glacière ; on parviendroit à les conferver, mieux qu'on ne l'a fait jufqu'ici ; car alors ces fruits froient exempts de cette alternative de froid & de chaud, & de ce mouvement inteflin que la chaleur excite dans leurs parties, qui font fi contraires à leur confervation. Pour placer ces fruits dans une glacière , fans qu'ils foient endommagés , le P. Bertier les arrange par couches fur des lits de moufle, dans ces pots de grès où l’on apporte le beurre de Gournay à Paris ; leur ouverture eft fermée par un pareil lit de moufle, & ïl les place dans une fituation ren- verfée, pour que l'eau ne puifle pas y entrer. Afin d'avoir un efpace convenable dans la glace, pour mettre tous ces pots, il fait placer debout & au milieu de la glacière, avant qu'on la remplifie , un faifceau de longues perches , lévèrement ferré par les deux bouts, & de la grofleur de la pile des pots qu'on veut mettre à fa place ; lorfque la glacière eft remplie, on retire ces perches facilement , lune après l'autre , n'étant liées que foïblement enfemble, & elles laiflent enfuite dans la glace , le vide dont on avoit befoin. Par les expériences dont le P. Bertier a rendu compte à l'Académie, & qui ont été continuées pendant l’efpace de quatre années dans une glacière fituée dans le parc du château de M. le DEUSMSACULE NC E, s. 23 Maréchal de Luxembourg à Montmorency , il paroît que les melons font les fruits, qui fe font le mieux confervés , après les melons , les fruits aigres , telles que les ceriles & les grofeilles, enfuite les fraifes & les pois ; les prunes de reine-claude ont un peu perdu de leur goût, Il eft bon de remarquer que lorfque les pots refloient quelque temps fans être couverts de glace, les fruits fe pourrifloient ou étoient fort gâtés, excepté cepen- dant les melons. Quand on faifoit dégeler ces fruits promptement auprès du feu , ils noircifloient & perdoient toute leur fraîcheur, lorfqu'au contraire on les faifoit dégeler lentement cela n'ar- rivoit pas ; il feroit peut-être mieux de les fervir tout fortant de la glace ; enfm la mouffe a donné un peu de fon goût à quel- ques-uns de ces fruits. Il y auroit eu un nombre infini d'ex- périences à faire fur la nature des fubftances qu’on employoit pour couches dans les pots., fur les différentes températures de l'hiver & les variations des faifons , fur la nature & la différente maturité des fruits qu'on veut conferver; mais le P. Bertier a été obligé d'y renoncer , ne fe trouvant plus dans la même proximité de la glacière de Montmorency , où M. le Maréchal de Luxembourg qui aime les Sciences & qui encourage les Savans , lui avoit fait trouver toutes fortes de facilités pour faire fes expériences. Cet eflai pourra peut - être encourager quelqu'un à le fuivre, & à en tirer avantage ; ce qui paroît tès-vraifemblable , c’eft que l'égalité de température & le froid du lieu où on gardera les fruits , paroifient être les moyens les plus propres à leur confervation. I V. | Le 14 Mars 1758 à 9 heures £ du matin, on aperçut vers le méridien un phénomène affez extraordinaire ; c'étoit une efpèce d'Iris dont les couleurs étoient très -diftinctes ; le ciel étoit couvert , mais inégalement & très- peu dans l'endroit où l’on voyoit cet Iris; il paroifloit courbé en arc de cercle de cinq ou fix degrés d'amplitude ; mais fa courbure étoit plus inégale que celle des arcs-en-ciel ordinaires ; fa partie rouge & convexe étoit tournée du côté du Soleil ; de manière cependant qu'une ligne tirée de cet aftre à l'arc auroit été fenfiblement per- 24 HisToiRe DE L'ACADÉMIE RoYyareE pendieulaire à la tangente , la partie inférieure pouvoit être élevée de dix degrés au-deflus de l'horizon : ce phénomène étoit du côté du midi, en déclinant peut-être de trois ou quatre degrés vers l'oueft ; felon M. Pingré , qui Fa obfervé, il ne fembloit avoir aucun mouvement fenfible; les nuages paroïfloient pareillement prefqu'immobiles : fr cet [ris a eu quelque mou- vement , c'eft plutôt vers l'oueft que dans toute autre direction : une circonftance fingulière, & qu'il eft effentiel de ne pas oublier, c'eftque M. Pingré voyoit ce phénomène plus vif à la vue fimple, qu'avec le monocle dont il fe fert ordinairement pour regarder les objets éloignés ; & qu'en ouvrant les fenêtres , il ne le dif tinguoit pas fr bien qu'au travers des vitres ; enfin, que fes couleurs paroifloient d'autant plus vives, que les vitres de fa fenêtre étoient plus ternes. M. Pingré qui a répété plufieurs fois cette expérience , auroit bien voulu en tenter d'autres, en terniflant les verres à l’aide de la fumée, mais le phénomène difparut vers dix heures, un quart d'heure après qu'il avoit commencé de l'obferver, LA Voici une nouvelle manière de tirer le fel des eaux des fources falées, qui a été imaginée par M. Haller , & dont if paroît qu'on doit attendre de grandsavantages. La Suifle manque de fl, & fi elle a quelques fources falées, elles font foibles, & fexploitation en emporte à peu près tout le profit ; cet in- convénient a engagé M. Haller à examiner la façon dont elle fe fait, pour découvrir fr on ne pourroit pas lui en fubflituer une autre plus fimple & moins difpendieufe. On fait que pour extraire le fel de ces eaux falées, on les fait bouillir, afin que leurs parties falines fe trouvant plus rapprochées par l'évapo- ration d'une partie du liquide, la criflallifation puifle avoir lieu ; mais fi, dans cette opération , ce liquide en s’'élevant em- porte avec lui une partie de facide, le fel qui reftera, con- tiendra plus d'eau, aura moins de goût, & enfin ne fera pas en fi grande quantité, parce qu'il y aura une partie de la bafe alkaline de ce fel, qui aura été privée de fon acide, Or qu'une partie de l'acide du {el monte avec l'eau , lorfqu'on la fait ainfi évaporer , 2 ur dll x hotte le ds and 0 2 til Laits LA MDP PSNN SC 7 E N° CES 25 évaporer , c'eft un fait qui eft prouvé par les expériences de M. Haller & Appleby , qui ont montré que le fl marin s'élève à fa même chaleur qui fait pafler l'eau par l'alambic. M. Haller l'a encore confirmé par fes expériences ; en effet, ayant fufpendu du papier au deflus des chaudières où l'on faifôit bouillir l'eau des fources , il a trouvé qu'il fe remplifloit d’une liqueur cor- rofive. Cet Académicien conclut donc que par cette manière de traiter l'eau des fources falées, on perdoit non - feulement beaucoup de fel , mais encore qu'on confommoit beaïcoup de bois inutilement. Il réfuhoit de à nécefairement qu'on devoit employer une chaleur plus douce dans lévaporation de ces eaux , ce qui fit penfer à M. Haller , qu'il falloit encore ici, comme dans les marais falans , avoir recours à l'action du foleil, dans laquelle ( lorfqu'elle feroit appliquée convenablement } on trou- veroit vraifemblablement une chaleur fufifante pour remplir l'objet defiré. 11 imagina en conféquence que fi on avoit des auges d'une grandeur fufffante , bien expofées au foleil , & dans lefquelles on répandroit l'eau des fources falées , il s'en évapo- . eroit affez pour donner lieu à la criflallifation; ce moyen fut tenté , deux auges de dix-huit pieds de long, furent faites avec un toit placé au-deflus , fort commode pour garantir les eaux -qu'elles contenoïent de la pluie & du brouillard, & l'expé- rience ayant été commencée en 17 58, fut fi heureufe qu'elle réuffit beaucoup au-delà des efpérances de: M. Haller : il fe forma un {el d'une blancheur parfaite , au lieu du fl ordinaire, qui étant trop chargé d'eau, eft à demi-tranfparent ; ce {el con- ferva mieux les viandes , fon goût étoit plus fort ; il donna un quart moins d'efprits que l'autre , par la raifon qu'ayant moins d’eau , il en étoit moins monté dans la diftillation ; car par la faturation il s’eft trouvé d'un tiers plus fort que le ff qu'on a fait jufqu'ici. M. Haller a évalué à fix exhalations la quantité moyenne de fel qu'on feroit dans un été, & il penfe que les falines de Bérieux pourroient bien étre exploitées fans bois, en réfervant l’eau de la fource pour être mife en éva- ‘poration au retour du printemps: enfin, il fe promettoit, lorfu'il Hife 1758. | 12 D 26 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE écrivoit ceci, que fesexpériences, répétées encore pendant unan, fuffiroient pour introduire cette méthode en grand. M. Haller a fait des tables des quantités d’eau exhalées par jour , qu'il compte communiquer un Jour à l'Académie ; en attendant il lui marque qu'il y a des jours où ces quantités ont été jufqu'à fix lignes , & fouvent à cinq, quatre & trois lignes, Si cette manière d’ex- traire le fl des eaux des fources falées, réuflit, comme il y a tout lieu de le préfumer , elle fera infiniment utile, & par- ticulièrement dans les endroits où le bois eft cher. L'ignorance des caufes multiplie de toutes les façons nos travaux ; ne ceflons donc d'étudier la Nature , car plus nous la connoitrons , plus nous verrons ces travaux diminuer. Vs Nous découvrons chaque jour de nouveaux fujets d'admirer l'induftrie des Infectes & la variété infinie de la Nature ; les abeilles nous étonnent par le travail de leurs ruches, les araignées par la fabrique régulière de leurs toiles. Voici une autre mer- veille dans ce genre , un infecte dont le travail n'eft pas moins extraordinaire ; c’eft une araignée qui ne fait point de toiles comme les autres, qui ne tend aucune efpèce de filets, mais qui fe fait une efpèce de terrier, comme un lapin, & qui plus induftrieufe encore, y fait une porte mobile & qui ferme {1 bien , qu'à peine peut-on introduire une pointe dans fes joints. M. l'Abbé Sauvages, de la Société Royale de Montpellier , à qui nous devons la connoiffance de cette fingulière araignée, qui avoit échappée jufqu'ici aux Naturaliftes , en a fait la dé- couverte il y a déjà plufieurs années. Selon la defcription qu'il en a donnée à l'Académie , elle reflemble prefqu'entièrement à celle des caves, elle en a la forme, la couleur & le velouté ; fa tête eft de même armée de deux fortes pinces , qui paroiffent être les feuls inftrumens dont elle puifle {e fervir pour creufer fon terrier ou fon habi- tation , & pour en fabriquer la porte. Elle choifit ordinaire- ment pour établir cette habitation , un endroit où il ne fe rencontre aucune herbe , un terrain en pente ou à pic, pour que l'eau de Ja pluie ne puiffe pas s’y arrêter, & une terre forte, : D'AMIENS TCNIMENN GE 5 27 exempté de rochers & de petites pierres : c’eft 1à qu'elle fe creufe un terrier ou boyau , d’un ou de deux pieds de profondeur, du même diamètre par-tout, & aflez large pour qu'elle puifle s'y mouvoir en liberté ; elle le tapifle d’une toile adhérente à la terre, foit pour éviter les éboulemens, ou pour avoir des prifes pour grimper plus facilement, foit peut-être encore pour fentir du fond de fon trou , comme on le verra dans la fuite, ce qui fe pafie à l'entrée. Mais où l'induftrie de cette araignée brille particulièrement, c'eft dans la fermeture qu'elle conftruit à l'entrée de fon terrier, & auquel elle {ert tout à la fois de porte & de couverture ; cette porte ou trappe eft peut-être unique chez les infectes, & l'on n'en trouve d'exemple, felon M. l Abbé Sauvages, que dans Je nid d'un oifeau étranger, repréfenté dans le Tiejor d'Albers Seba: elle eft formée de différentes couches de terre, dé- trempées & liées entre elles par des fils, pour empècher vrai- femblablement qu'elle ne fe gerce, & que fes parties ne fe féparent ; fon contour eft parfaitement rond ; le defius, qui eft à fleur de terre, eft plat & raboteux, le deflous convexe & uni; de plus il eft recouvert d’une toile, dont les fils font très-forts & le tiflu ferré; ce font ces fils qui prolongés d’un côté du trou, y attachent fortement la porte, & forment une efpèce de penture, au moyen de laquelle elle s'ouvre & {e ferme. Ce qu'il y a d'admirable , c'eft que cette penture où charnière _€ft toujours fixée au bord le plus élevé de l'entrée , afin que la porte retombe & fe ferme par fa propre pelanteur , effet qui eft encore facilité par linclinaifon du terrain qu'elle choifit. Une pareille difpofition ne montre-t-elle pas que cette araignée a une connoiflance de la gravité? telle eft encore l'adreffe avec _ quelle tout ceci eft fabriqué, que l'entrée forme par fon éva-_ fement une efpèce de feuillure, contre laquelle la porte vient battre, n'ayant que le jeu néceflaire pour y entrer & s'y ap- pliquer exaétement ; enfin le contour de la feuillure & la partie intérieure de la porte font fi bien formés, qu'on diroit qu'ils _ont été arrondis au compas, 1 Tant de précaution pour fermer l'entrée de fon habitation, D ÿ 28 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE paroît indiquer que cetie araignée craint la furprife de quelque ennemi ; il femble encore qu'elle ait voulu cacher fa demeure, car fa porte n'a rien qui puifle la faire diftinguer des environs ; elle eft couverte d’un enduit de terre d'une couleur femblable , & que l'infeéte a laiflé raboteux à dellein fans doute, car il auroit pu l'unir comme l'intérieur ; le contour de la porte ne déborde dans aucun endroit , & les joints en font fi ferrés, qu'ils ne donnent point de prife pour la faifir & pour la fouléver, A tant de foins & de travaux pour-cacher fon habitation & pour en fermer l'entrée , cette araignée joint encore une adrefle & une force fingulières pour empêcher qu'on n'en ouvre la porte. Au premier inflant où M. l'Abbé Sauvages la découvrit, il n'eut rien de plus preffé que d'enfoncer une épingle fous la porte de fon habitation pour la foulever, mais il y trouva une réfiflance qui l'étonna , c'étoit l'araignée qui retenoit cette porte avec une force qui le furprit extrêmement dans un fr petit animal ; il ne fit qu'entrouvrir la porte, il la vit le corps renverfé , accrochée par les jambes , d’un côté aux parois de l'entrée du trou, de l'autre à la toile qui recouvre le derrière de la porte; dans cette attitude qui augmentoit fa force, araignée tiroit la porte à elle le plus qu'elle pouvoit , pendant que M. PAbbé Sauvages tiroit aufli de fon côté, de façon que dans cette efpèce de combat , la porte s’ouvroit & fe refermoit al- ternativement ; l’araignée bien déterminée à ne pas céder, ne licha prife qu'à la dernière extrémité, & lorfque M. Sauvages eut entièrement foulevé la trappe; alors elle {e précipita au fond de fon trou. Il a fouvent répété ce jeu , & il a toujours obfervé que l'araïgnée accouroit fur le champ pour tenir tout fermé, Cette promptitude à arriver à cette porte, ne montre-t-elle pas, comme nous l'avons dit, que par le moyen de la toile qui tapiffe fon habitation , elle fent ou connoît du fond de fa deineure , tout ce qui fe pafle vers l'entrée, comme l'araignée ordinaire qui, par le moyen de fa toile, prolonge, fi cela fe peut dire, fon fentiment à une grande diftance d'elle? Quoi qu'il en foit, elle ne celle de faire la garde à. cétte porte, dès qu'elle y entend ou {ent la moindre chofe, & ce qui eft DES I CI EN CHE: SU 29 vraiment fngulier , c'eft que , pourvu qu'elle fût fermée, M. YAbbé Sauvages pouvoit travailler aux environs , cerner la terre pour enlever une partie du trou , fans que araignée frap- pée de cet ébranlement ou du fracas qu'elle entendoit , & qui la menaçoit d'une ruine prochaine , fongeñt à abandonner fon pofte; elle fe tenoit toujours collée fur le derrière de la porte, & M. Sauvages l'enlevoit avec, fans prendre aucune précau- tion pour l'empêcher de fuir. Mais fi cette araignée montre tant de force & d’adreffe pour défendre fes foyers , il n’en eft plus de même quand on l'en a tirée, elle ne paroïît plus que languiflante , engourdie, & fi elle fait quelques pas , ce n’eft qu'en chancelant. Cette circonftance & quelques autres ont fait penfer à M. l'Abbé Sauvages qu'elle pourroit bien être un infecte nocturne que la clarté du jour bleffe, au moins ne fa-t-il jamais vu fortir de fon trou d’elle- même, & lorfqu'on l'expofe au jour , elle paroît être dans un élément étranger. S La manière fingulière dont cet infecte, fi différent des autres araignées , fe loge , infpire naturellement la curiofité d'en favoir davantage fur fes autres actions , comment il vit, comment il . vient à bout de {e fabriquer cette demeure, &c. mais il faut attendre de nouvelles oblervations : jufqu'ici quelques efforts qu'ait faits M. Abbé Sauvages pour conférver ces araignées vivantes , il n'a pu y réuffir , elles font toutes mortes malgré fes foins, ce qui la empêché de poufer plus loin fes décou- vertes fur leur manière de vivre: il faudroit peut - être pour parvenir à les mieux connoître, enlever une portion confidé- rable de la terre qu’elles habitent , qu'on placeroit dans un jardin, alors comme on les auroit fous les yeux , on pourroit plutôt découvrir leurs différentes manœuvres : au refte on trouve cette araignée fur les bords des chemins aux environs de Montpellier, & ceft-là où M. l'Abbé Sauvages Fa vue pour la première fois ; on fa trouve auffi fur les berges de la petite rivière du Lez qui pale auprès de la même ville, mais nous n'avons Juqu'à préfent - aucune connoiflance qu'on l'ait découverte ailleurs , peut - être cet infeéte n'habite-t-il que les pays chauds; en ce cas il faudroit D üy. 30 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYyaLeE le chercher en Jialie, en Efpagne, &c. M. l'Abbé Sauvages Va appelée araignée nraçomme , & ce nom lui convient afiez , maçonnant en quelque façon fa porte : on pourroit encore Jappeler araignée mineufe, à caufe du terrier ou boyau qu'elle fait & creufer. On n'eût jamais penfé que parmi les araignées il y en eût qui fe fabriquaffent de pareilles demeures ; cependant on voit encore dans tout ce travail qu'il tient de la nature de laraignée, ce font des fils qui attachent fa porte, qui Ja re- couvrent , qui en lient les parties, qui tapiflent l'intérieur de fon habitation, & qui lui fervent peut-être, comme nous Vavons dit, à découvrir ce qui arrive à l'entrée, Il fembleroit qu'il y auroit dans les infeétes une efpèce d’inftinct , une façon particulière d'agir, toujours attachés à une certaine forme, + L TA es rate, sas onPtir DIE. SA MSIE É) NC. Errs: SSSsesesesesse ANATOMIE. MERE LEO SNS -L CAT TIOUN D ËS qu'on a réfléchi fur Ja folidité de Ja charpente du corps humain , on a été étonné de voir les os dont elle €ft formée, qui font fi mous dans le fœtus » acquérir enfuite tant de fermeté. On a voulu favoir comment la Nature s'y prend pour produire cette métamorphole, par quelles voies elle transforme d'une manière fi furprenante une membrane en un cartilage, & un cartilage en un os ; enfin comment elle opère Toffification : mais quelqu'important qu'il füt d'en développer le myflère, quelques efforts que d'habiles gens euflent faits pour y parvenir , on n’en étoit pas Peucoup plus inftruit : cependant M. Hériffänt , qui fentoit combien il étoit intéreffant & pour la Médecine & pour la Phyfique , de favoir comment la Nature procède dans cette opération mervéilleufe , entreprit de lexaminer par une fuite d'expériences , mais avec le ferme defféin de fuivre exaétement le fl & Ja chaîne des faits qu'elles lui préfenteroient, Réfolu de répéter la plupart des expériences qu'on avoit déjà faites à ce füjet, il crut devoir commencer par celle où l'on fait ramollir des os dans des liqueurs acides , penfant qu'elle méritoit d'autant mieux la préférence, qu'elle feule pouvoit peut-être répandre beauconp de jour fur cette matière. Ayant donc fait {cier plufieurs morceaux d'os humains , de cheval, de poulain, &c. il en forma des lames de différentes épaifleurs , qu'il mit tremper dans une liqueur acide | compof&e d'une partie de bon efprit de nitre famant , & de quatre parties d'eau. commune, préférant cet efprit de nitre à tout autre , afin d'avoir un moyen de s'affurer que fa liqueur étoit toujours de la même force, V. les Mém. page 322. 32 Histoire DE L'ACADÉMIE ROTALE Après que ces lames eurent trempé dans cette liqueur environ une heure & demie ou deux heures, il les retira ; les plus minces avoient pris par cette macération la forme de membranes , & les plus épaifles reflembloient à des cartilages frais : toutes ces pièces féchées , les premières devinrent fem- blables à des lambeaux de veflie defléchée : les fecondes re- préfentoient affez bien des morceaux de corne de lanternes, ou des cartilages fecs. Frappé de ce changement de lames offeufes en membranes & en cartilages, M. Hériflant penfa qu'on n'y avoit point fait affez d'attention lorfqu'on avoit fait cette expérience, & il comprit que cette métamorphofe pouvoit lui donner de grandes lumières fur l'objet de fes recherches: en effet ces lames d'os étant non- feulement ramollies , mais ayant encore pris la forme de mem- branes & de cartilages , on pouvoit fuppofer qu'elles {e retrou- voient à peu près dans le même état où elies étoient avant de s'être offifiées : fi l'on favoit donc ce qui s'étoit paffé dans ces lames, dans leur ramolliffement, enfin la nature du changement qu'elles avoient éprouvé, on auroit tout lieu de penfer que l'inverfe devoit arriver lorfque les os fe durcifloient dans l'offification. M. Hériffant crut donc qu'il ne pouvoit mieux faire que de continuer fes expériences avec fa liqueur acide , pour par- venir à reconnoître comment fe faifoit le ramolliffement des os. Plein de l'idée qu'il pouvoit venir de ce qu'ils avoient perdu quelque chofe de leur fubftance dans cette liqueur , if fit ramollir de nouvelles lames d'os , en obfervant de faire tremper les unes entièrement dans a liqueur , pendant que les autres n’y tremperoient qu'en partie , afin de pouvoir mieux comparer la portion de l'os ramollie, avec celle qui m'avoit fubi aucun changement ; il eut foin encore de pefer toutes ces lames avant de les mettre dans fa liqueur , & après les en avoir retirées , le réfultat fut que celles qui y wrempèrent en entier, perdirent près de la moitié de leur poids ; quant à celles qui n'y trempèrent qu'en partie, quoiqu'elles perdiflent aufli de leur fubflance, ce ne fut qu'en moindre quantité, leur perte n'ayant DES ScrENCESs. n'ayant été que dans la proportion de la partie plongée. Cette expérience prouvoit clairement la conjecture de M. Hériffant, qu'en même temps que los fe ramollifloit , il perdoit de fa fubftance , & elle lui donna lieu de penfer que ce qu'on prenoit pour un ramolliffiement des os dans les liqueurs acides, - n'en étoit peut-être pas un, à proprement parler, mais que c'étoit plutôt l'effet d'une décompofition des os mêmes, pro- duite par la liqueur acide. Il étoit bien important de s'aflurer de la vérité de cette nouvelle conjecture , car fi elle fe vérifioit, elle mettoit dans tout fon jour la caufe du ramolliffement des os dans certe liqueur. Pour parvenir donc à reconnoître fr cette conjecture étoit bien fondée, M. Hériffant mit de nouveau tremper dans fa liqueur acide des os fains & des os malades , en obfervant que chaque pièce d'os fût dans un bocal à part, bien bouché, & qu'elle füt abfolument recouverte par la liqueur ; après qu'elles y eurent trempé pendant plufieurs jours , il les en retira, en y replongeant cependant celles qui n’avoient pas été aflez ra- -mollies, pour qu'elles reftaffent dans la liqueur, jufqu’à ce qu'elles le fuffent autant que les autres. Toutes ces pièces, quoique molles "& flexibles, après cette macération, comme des cartilages , avoient conférvé leur forme extérieure de même que dans les expériences précédentes ; il les fit enfuite bien fécher, elles devinrent tranfparentes comme des morceaux de corne, & ayant été pefées , ainfr qu’elles l'avoient été avant leur immerfion dans Ja liqueur , il trouva , comme auparavant, qu'elles avoient perdu beaucoup de leur poids : une calotte offeufe qui pefoit avant l'ex- périence deux onces fix gros, fut réduite après à une once quatre gros; elle avoit ainfi perdu une once deux gros de {on poids. M. Hériflant avoit par-là une nouvelle preuve que le ramollifement de l'os étoit accompagné de la perte de fa fubftance; mais fon objet étoit de favoir qu'étoit devenue cette fubftance perdue, fa nature, & en quoi elle différoit de celle qui reftoit & qui avoit l'air de cartilage. Pour s'éclaircir des. deux premiers points , il penfa quil devoit faire l’analyfe de toute la liqueur dans laquelle il avoit mis ces os ramollir : en conféquence il la Hif, 1758, . E 34 Histoire DE L'ACADÉMIE Rovar fit évaporer par une chaleur douce jufqu'à pellicule , & Fayant laiflée refroidir , il ne refla dans le vale dont il sétoit fervi, qu'une matière coagulée en criflaux jaunâtres , ayant la forme de lames aplaties , comme beaucoup de fels neutres vitrioliques à bafe terreufe; ces criflaux d’ailleurs étoient extrémement tendres & friables, avoient l'air un peu gras & retenoïient beaucoup d'eau dans leur criftallifttion , ce qui faifoit qu'ils fe liquéfioient au moindre degré de chaleur. Ce fel, car c'en étoit un , avoit une faveur très-piquante, s’humedloit à l'air & perdoit faci- lement fon acide par l'aétion du feu ; enfin il fe décompofoit par les fels alkalis qui en détachoient la terre, & détonnoit , mais très-peu, fur les charbons ardens : il reffembloit donc très-fort aux fels nitreux formés par la combinaifon de l'acide du nitre avec la plupart des terres abforbantes, excepté feulement en ce qu'il détonnoit un peu , ce qu'ils ne font pas, & qu'il étoit beaucoup plus fufceptible de criflallifation. La formation de ce fel ne pouvoit réfulter que de la fubftance que les os avoient perdue, & qui s'étoit réunie à Facide ; & fa nature prouvoit évidemment , que cette fubflance devoit être une terre abforbante, une matière crétacée qui s'étoit détachée de l'os; mais expérience par laquelle M. Hériflant pouvoit s'en convaincre entièrement , étoit trop facile à faire pour qu’il ne l'exécutät pas ; il plaça ainfi fur des cendres chaudes & dans un grand creufet toute cette maffe faline que fa liqueur venoit de lui fournir , & la fit entièrement calciner ; dès qu'elle fut refroidie , il'en prit entre fes deux doigts , elle fe réduifit en une poudre impalpable très - blanche, & l'ayant mile fur la langue , il y reconnut toutes les qualités d'une vraie térre abforbante ; enfin cette matière calcinée ayant été pefée, fe trouva de deux livres deux onces quatre gros trente - quatre grains, prefque le poids que les os avoient perdu , car cette quantité n'en différoit que de vingt-quatre grains. I! réfultoit donc clairement de toutes ces expériences, que la fubflance perdue par les os dans cette macération , & d'où pro- venoit leur ramolliffement, étoit une fubflance crétacée , terieufe: le troifième point à décider étoit la nature de celle qui reftoit, Le 0 ONTS D'ES:SCI'ENCES. 35 & fi elle devoit être regardée comme une matière animale & cartilagineufe , fi elle en avoit les caractères ; une expérience bien fimple ôta à M. Hériflant tous les doutes qui auroient pu lui refter. IL prit plufieurs morceaux de ces lames d'os qui avoient été ramollis , en mit quelques-uns dans le feu , en expofa d’autres à la amme d’une bougie, tous s'enflammèrent auffi-tôt, comme fi c'eût été des morceaux de cuir , de cartilage defféché ou de corne ; Fodeur qu'ils répandoïient en brülant étoit la même, & le charbon qui en provenoit étoit noir, luifant, fpongieux , friable , &c. & en très-petite quantité, M. Hériflant étoit ainfi parvenu à prouver fuffifamment fon fentiment fur la caufe du ramolliffement des os ; cependant, pour ne rien laifler à defirer fur cette importante matière, il voulut faire encore une expérience fur les deux fubflancesedont ils font compolés , c'étoit d'enlever à un os par l’action du feu tout fon parenchyme cartilagineux , pour voir fi alors il féroit entièrement diffous par fa liqueur , & quel fel en réfulteroit : il fit donc calciner à blancheur, dans un creulet , un morceau de la partie moyenne d’un fémur humain , du poids de trois onces vingt grains ; la calcination étant parfaite il s'aperçut que le volume de cet os étoit bien diminué , ainfi que fon poids qui n'étoit plus que d’une once douze grains ; il le jeta enfuite dans fa liqueur , il y fut diflout fur le champ, fans qu'il en reftät le moindre veflige, & la liqueur évaporée à une chaleur douce , ne donna plus qu'un fel entièrement déliquefcent & de la même nature que tous les {els nitreux , à bafe purement ter- reufe , au lieu du fel que la première liqueur avoit donné. Les os, par ce que nous venons de rappoïter , font donc compolés de deux fubftances , l’une qui eft animale , & c’eft elle qui forme le parenchyme cartilagineux ; & fautre qui eft purement terreufe ou crétacée: c’eft donc à l'introduétion de celle-ci dans celle-là, à leur union , que les os doivent {eur dureté ; ainfr offification ne fera que l'infertion fucceflive des parties terreufes dans la partie cartilagineufe de l'os : on conçoit en effet facilement que par ce mélange & cette réunion un corps doit acquérir de la dureté, & il y a toute apparence E ïÿ V. les Mém. page 372. 36 HisToirEe DE L'ACADÈMIE RoYALE que la plupart des métamorphofes que nous voyons dans ce genre font de la même nature ; ainft le bois pétrifié, agatifié ne fera qu'un bois dans lequel une fubftance pierreufe ou d'agate fe fera introduite entre {es parties ligneules ; auffi eft-il beaucoup de bois pétrifiés, dans lefquels on trouve des parties qui brülent. M. Hriflant prétend, & il paroït que c’eft avec juite raifon que les pores, les madrépores, &c. {ont encore dans le même cas que les os, ceftà-dire que ces corps ne doivent leur folidité qu'à l'introduétion d’une matière terreufe ou pierreufe dans un réfeau ou parenchyme de matière animale : combien n'a-t-on pas écrit? que d'explications n'a-t-on pas hafardées fur ce phé- nomène de l’offification ! lorfqu’une étude plus approfondie des faits, nous auroit fait connoître bien plus tôt les moyens que la Nature emploie pour l'exécuter. JURL ER FOLIATION DES JO : pa) os eft dépouillé des chaïrs qui le recouvrent à l'occafion d'une maladie interne , il ne peut fe revêtir d'une cicatrice folide & durable , fans qu'il s'en foit détaché une lame offeufe plus ou moins épaifle ; c'eft ce qu'on appelle exfoliation ; mais la même chofe arrive-t-elle quand l'os a été dépouillé accidentellement, par un coup, une bleflure, &c? c'eft fur quoi l'on n’eft point d'accord. Les anciens Auteurs prétendent que l'exfoliation fe fait toujours , dès que le dépouillement de los ou fa dénudation a eu lieu, foit qu'elle provienne d’une caufe interne ou externe : les Modernes foutiennent au contraire que dans ce dernier cas il y a plufieurs occafions où cette ex- foliation n'arrive pas ; ce qu'il y a de fingulier, c'eft que les uns & les autres prefcrivent toujours le même traitement , c'eft- à-dire de panfer ces plaies avec les fpiritueux & les defléchans, & d'éviter fur-tout les remèdes gras & les humectans. Un feul d’entre les Modernes, & c’eft M. Monro , dont l'autorité eft refpectable , recommande l'ufage de ces derniers comme ab- folument préférable: cette diverfité d'opinions ne peut que D'EÏSNS GUTPE! NE ENS. jeter beaucoup d'incertitude dans la pratique ; car fi l'exfoliation n'a lieu que dans quelques cas, lorfque la dénudation de l'os eft l'effet d’une caufe externe, on ne faura pas s'il faudra la favorifer ou l'empêcher pour’accélérer la guérifon de la plaie ; de plus, fr les humectans font favorables à la cure, comme le prétend M. Monro , on a donc fuivi une pratique fort contraire à la guérifon des plaies où l'os eft découvert, quand on a employé les defléchans ; on ne pouvoit que rendre fervice à l'art en tâchant de difliper l’obfcurité qui régnoit dans une matière de cette importance, c'eft ce que M. Tenon a entrepris ; fon but a été d’abord d'examiner & de déterminer par des expériences bien faites & décifives , s'il y a des cas dans la dénudation de los , produite par une caufe externe, où il n'y ait point d’exfoliation ; enfuite, ce qui étoit lié avec ces mêmes recherches, par quel traitement l'exfoliation fe faifoit-elle plus tôt, & la cure de fes plaies étoit-elle plus prompte ? mais comme les cas dans la pratique où lon peut faire des obfervations & des expériences de ce genre fur le corps humain , font très-rares, il a penfé qu'il valoit mieux avoir recours aux animaux , {ur lefquels on eft le maitre de varier les expériences de toutes les manières poffibles. Toutes les fiennes ont été faites fur des chiens, auxquels il faifoit à peu prèsta même plaie ; c'étoit une incifion cruciale fur la tête, dont il emportoit les quatre angles , de marière à former une plaie de l'étendue d’un écu de trois livres ; enfuite iltraitoit cette plaie felon les règles de l'art , en appliquant deffus, tantôt des defféchans , tantôt des humeétans , & quelquefois en n'y mettant rien du tout & la laïfant expofée à l'air. I feroit trop long de le fuivre dans le détail de toutes fes expériences & des circonflances qui ont accompagné les différens traitemens de ces plaies : on pourra s'en inftruire dans fon Mémoire ; nous nous contenterons de parler des principales expériences & des conféquences qui en réfultent. De tout ce que M. Tenon appliqua fur ces plaies , l'eau mer- curielle, formée par le vif-argent diffout dans l'efprit de nitre, eut le plus mauvais fuccès , & la cure de la plaie fut la plus longue ; E iij 8 MisToiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE cu l'exfoliation fut quatre-vingt-neuf jours à fe faire , tandis que dans tous les autres traitemens elle ne pafla pas trente jours , & cette exfoliation fut plus confidérable en grandeur & en épaifieur qu'aucune des autres; ainfi l'ufage de cette eau qu'on pourroit imaginer avantageux pour favorier l'exfoliation , ne pourroit être qu'infiniment nuilible. Le plâtre réduit en poudre très-finé & appliqué fur la plaie , loin de lentretenir dans F'état de fe- chérefle qu'on auroit pu imaginer , y occafionnoit un épan- chement extraordinaire de liqueur qui avoit une odeur très- ftide; cependant cette liqueur ne parut pas nuire abfolument à l'exfoliation, car elle fe fit au bout de vingt jours; mais la lame d'os qui fe détacha , fut plus épaifle que celle qui furvint de la plaie qui fut traitée avec l'efprit de vin ; enfin dans la phie qui fut laiffée découverte & expofée à l'impreflion de l'air, l'exfoliation fut trente jours à fe faire, & fut plus épaifle ue dans les autres traitemens où M. Tenon avot employé le bafilicum & l'efprit de vin, &c. il fembla que fair, par fon contact, empéchoit les fihres de s'étendre, & leur caufoit une efpèce de conflriétion. Mais ce qui parut avoir le plus grand fuccès, ce fut l'ufage de l’eau tiède; en effet, en lavant de temps en temps la plaie avec cette eau, les chairs furent toujours belles, la couleur de l'os telle qu'elle devoit être, & la plaie fe referma vers le treize fans aucune apparence d'exfoliation ; un cataplafme parut encore mieux réuflir , car au bout de dix jours la phie fe recouvrit d'une légère péllicule & fans aucune apparence d’exfoliation. Enfin, quoique l'eau froide employée à laver la plaie n’eût pas autant de fuccès que le cataplafme & l'eau tiède, elle en eut davantage que lefprit de vin & les autres defléchans. De toutes ces expériences il réfultoit chirement que les humeétans produifoient plus promptement la guérifon de la plaie que les défféchans, & qu'ils la produifoient avec. cet avantage , que dens la cure il ne paroiffoit pas y avoir d’exfoliation. Les confeils & lopinion de M. Monro paroifloient donc bien jufités par ces expériences ; & il fembloit de même qu'il y avoit des cas où la dénudation de l'os par une caule externe PE PO TT, D. FMOIENSMPS UC TLE Ni CE 39 n'étoit pas accompagnée d'exfoliation : un Obfervateur moins attentif, moins circonfpeét que M. T'enon , eût pu fe contenter de ces preuves contre l'exfoliation dans tous les cas ; mais comme les Auteurs anciens foutenoient formellement qu'il n'y en avoit aucun où elle n'eût pas lieu, il penfa que fes expériences pourroient n'être pas aflez décifives, & qu'où il n'avoit pas vu d’exfoliation, il s’en étoit fait peut-être une qui lui étoit échappée : il imagina en conféquence quelemeilleur moyen de s'enaflurer étoitd'examiner les têtes des animaux fur lefquels il avoit fait ces expériences. Pour cet eflet il les fit macérer , afin que les tégumens puffent s'en détacher facilement, & fans qu'on füt obligé d'avoir recours à aucun inftrument pour les enlever , ce qui auroit pu rayer ou altérer les os ; mais quel fut fon étonnement, Jorfqu'il vit que tous ces os s'étoient exfoliés dans tout l'efpace qui avoit été découvert par la plaie, même ceux qui avoient été traités avec de l'eau tiède, & où il fembloit qu'il n’y avoit point eu d'exfoliation : la différence qu'il y avoit entre ces os, c’eft que ceux où lexfoliation avoit été fenfible dans le traitement , étoient plus profondément attaqués , & avoient des inégalités plus marquées, mais dans tous, cette exfoliation fe reconnoifloit, Ïl fuit ainfi évidemment de ce nouveau fait, que l'opinion des Anciens étoit bien fondée, & que l'exfoliation a toujours lieu ; & ce qui a pu donner occafion à Fopinion des Mo- dernes, c’eft que comme dans les plaies qui ont pour origine des caufes externes , la guérifon éf ordinairement plus prompte, on ne fe fera pas aperçu de cétte exfoliation, qui, dans ce cas, étoit infenfible , & il y à même grande apparence que l'opinion des anciens Auteurs étoit plutôt un foupçon que l'effet d'une fuite d'expériences qui leur avoit appris que jamais l'os n'étoit dépouillé fans s’'exfolier. C’eft ainfi que par fes diverfes expériences, M. Tenon eft parvenu à éclaircir une queftion de fait fi importante dans Ja pratique : les os s’exfolient donc toujours , mais lorfque la gué- rifon eft plus prompte, cette exfoliation ne fe fait pas fenfi- blement , ou par parties affez grandes pour être aperçue ; ainfi l'on _ne doit pas fe propofer de la favorifer ou de Fempêcher , mais V. les Mém. pag. 419 à 493: 40 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE feulement tendre à la plus prompte & la plus parfaite guérifon de la plaie ; car dans ce cas l'exfoliation fera toujours la moindre poflible. De ces nouveaux faits M. T'enon tire plufieurs con- féquences de pratique , & plufieurs raifons d'examiner cette matière encore fous d’autres points de vue ; c'eft ce qu'il fe propofe de faire dans d’autres Mémoires qui doivent fuivre celui-ci. Nous apprenons tous les jours à être plus circonfpects , & à nous défendre de l'autorité. De grands hommes, dans l'art de guérir, avoient avancé, malgré les anciens Auteurs , qu'il étoit des cas où les os ne s’exfolioient pas ; cependant ils s'exfolient toujours plus ou moins, comme ces derniers l'ont prétendu : ceux-ci recommandoient les defféchans dans le trai- tement des plaies où les os font découverts , & c’étoit l'opinion la plus accréditée ; cependant voici plufieurs expériences qui prouvent que les humecltans doivent leur être préférés. Après un ceitain nombre d'années, on refait dans quelques pays un nouvel examen des Loix , pour voir s'il n'y a rien à y ré- former ; on devroit de même dans la Phyfique repaffer de temps en temps les opinions au creufet de l'expérience , pour recon- noître fi elles font aufii fondées qu'on l'avoit cru. OUSs renvoyons entièrement aux Mémoires, celui de M. Hérifiant, contenant des éclairciffiemens fur les maladies des os; & celui de M. Tenon, fur l'exfoliation des os, qui fervent, chacun en particulier, de fuite aux Mémoires dont nous venons de rendre compte, La OBSERVATIONS DES SCIENCES. 41) OBSERVATIONS ANATOMIQUES. I. É MoRAND a montré cette année à l Académie une raté . qui étoit abfolument offifiée dans fa partie convexe & - dans les deux tiers de fon épaiffeur ; le refte, du côté des vaifleaux fpléniques , étoit formé par une fubfiance fpongieule , qui con- férvoit avec la partie offeufe une telle adhérence, qu'il fallut employer l'ébullition pour l'en féparer : cette rate n'étoit guère plus grofle que dans l'état naturel, & ne pefoit que quinze onces. M. Morand l'avoit trouvée dans le cadavre d’un homme mort à un certain âge, mais qui m'avoit jamais paru reffentir aucun mal dans cette partie. On trouve dans les Mémoires de f Académie de 1700 *, * Hif 1706; un autre exemple d’un homme dont la rate n’étoit pas offifiée , 2*# 32: mais pétrifiée , qui ne s'étoit jamais plaint d'aucun mal qui y eût rapport , il étoit même très-gai : il femble que fa rate, par la pétrification , avoit acquis une grande légèreté, car elle ne peloit qu’une once & demie. {1 eft fait mention , dans le même volume , d'une rate humaine , dont une partie de la membrane étoit devenue offeufe. On ne connoït pas encore bien l'ufage de la rate; mais ces faits & d'autres encore , prouvent de plus en plus que fes fonctions peuvent étre fpprimées, fans que Yindividu en fouffre fenfiblement. IT: Un Officier , âgé de quarante-cinq ans, danfant le 22 de Janvier 1758 , fit quelques pas’en chancelant , perdit con- noiflance & mourut dans f'efpace de cinq à fix minutes , fans avoir eu aucune indifpofition qui pt faire craindre une mort f1 prompte. M. de la Rochetière, Médecin de l'Hôpital royal & mili- taire de l'Ifle de Ré, de qui nous tenons ce fait, étant curieux de connoitre la caufe d’une mort fi extraordinaire , demanda Hifl. 1758, ( , F 42 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE u'on fit l'ouverture du corps : elle fut faite en fa préfence par M. Guillemain & Beaupré, fun Chirurgien-major de PH6- pital, & l'autre Chirurgien-major du régiment de Languedoc ; lin'pection du bas- ventre offrit rien de particulier ; mais voici ce que l’on obferva à l'ouverture de la poitrine , & qui parût expliquer la caufe de cette mort précipitée. Les poumons étoient fort gorgés de fang , le péricarde étoit fr fortement adhérent au cœur , qu'en faifant quelques tentatives pour le détacher , le cœur fut déchiré en plufieurs endroits : on aperçut vers la bafe du cœur deux corps ofleux dans l'épaifieur des fibres charnues. On coupa le cœur à l'endroit des gros vaiffeaux , en tâchant de leur conferver le plus de longueur poflible ; & en faifant cette fection , on trouva une grande quantité de fang coagulé en partie dans la veine pulmonaire : après cette féparation on aperçut un troifième corps offeux , plus petit que les deux autres ; mais fans faire de plus grandes recherches, M. de la Rochetière crut devoir envoyer à FAcadémie le cœur même, que M. Morand fut chargé d'examiner. Il trouva que des deux concrétions offeufes placées vers fa bafe, l'une étoit près de l'ouverture auriculaire du ventricule droit , & l'autre près de celle du ventricule gauche; la concrétion qui étoit à droiteavoit la figure d’une petite rotule humaine, elle étoit longue d’un pouce dix lignes , & large d'un pouce & demi ; elle étoit pofée de façon , que fa face convexe étoit en dehors, & fa face concave en dedans; cette pièce n’avoit prefque pas d’épaifleur, & ne peloit que trois gros ; elle étoit creufe, & fa cavité étoit pleine de quelque chofe femblable à de la chair mollafle, La concrétion du côté gauche étoit d’une figure ovale, convexe d'un côté, & légèrement concave de l’autre; elle étoit longue de deux pouces cinq lignes , large d’un pouce neuf lignes, & épaifle d’un pouce ; elle environnoit prefque la bale du ven- tricule gauche; fa fubflance ne paroïfloit offeufe que du côté de la furface convexe & extérieure ; mais là elle étoit extré- mement dure & compacte; du côté concave cette concrétion D'ES'SCIENCES 43 étoit friable comme du grès; il y avoit de ce côté de petits amas de matière ftéomateule , attachés à différentes portions de 1x fubftance offeufe ; le tout pefoit une once fept gros: cette pièce foutenoit en forme d'appendice , une troifième concrction offeufe qui s'étendoit un peu für l'oreillette gauche , & qui paroifloit comprife dans fon épaiffeur ; elle peloit un demi-gros, étoit prefque plate & d’une figure irrégulière, ayant un pouce quatre lignes de Jong & onze lignes de large. Une circonftance vraiment remarquable , c'eft que cet Officier , malgré cette adhérence du péricarde au cœur, & ces os implantés dans fa fubftance, n'étoit point fujet aux palpitations de cœur. Tout ce que M. de la Rochetière a appris par les recherches différentes qu'il a faites à ce fujet, c'eft qu'il f fentoit quelquéfois des chaleurs dans la région du cœur, & qu'il éprouvoit de la gène dans l refpiration , quand ül fe livroit à quelques mouvemens de colère: du refte il paroifloit bien conftitué, d’un tempérament fort & robufte, & il n'avoit pas même efluyé de maladie férieufe depuis l'âge de quinze ans : il avoit été bleffé en plufieurs oc- cafions. L'Hiftoire de 1726, parle du cœur d'un Jéfüite, dans la fubftance duquel on trouva un os qui avoit quatre pouces & demi de long, & qui enveloppoit comme en écharpe les deux ventricules ; cependant ce Jéfuite avoit vécu foixante-douze ans. Si la mort de certains individus eft un phénomène pour nous , la vie de quelques autres en eft un auffi: on ne conçoit pas pourquoi ceux-là font morts, on n'imagine pas plus comment _cœux-ci ont pu vivre; le principe & les caufes de la vie font encore bien cachés. LEE Le développément ou faccroiffléèment a fes phénomènes , comme toutes les autres opérations de la Nature , tantôt il fe fait avec beaucoup de lenteur , quelquefois il eff fi rapide qu'il devance d’une mahière furprenante le temps où il a coutume de fe faire. M. l'Abbé Sauvages , dont nous avons parlé au füjet de l'araignée maçonne , a envoyé à l'Académie l'hiftoire d’un jeune payfan des Sévennes , qui n'eft pas moins fingulière que celle de Noël Fichet , rapportée dans l'Hiftoire de 736. | LE Fi 44 HisTOiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Jacques Viala, né au hameau de Bouzanquet , dans Îe diocèfe d’Alais, quoique d'un tempérament robufle , parut être noué juiqu'à quatre ans & demi ou environ ; durant tout ce temps-là, on ne remarqua en lui autre chofe qu'un appétit extraordinaire , qu'on ne fatisfaifoit qu'en lui donnant en abondance des alimens ordinaires aux Habitans du pays, c'eft-à-dire du pain de feigle, des châtaignes, du lard & de l'eau ; mais bientôt fes membres fe dénouèrent , fon corps fe développa , & il crût d’une telle manière qu'à cinq ans if avoit déjà quatre pieds trois pouces ; qu'à cinq ans & quel- ques mois il avoit quatre pieds onze pouces ; enfin, qu'à fix il avoit cinq pieds & étoit gros à proportion : fa croiffance étoit fi rapide , qu'il fembloit qu'on le voyoit croître à vue d'œil ; il falloit ralonger & relargir fes habits tous les mois. Ce qu'il y eut encore d'extraordinaire dans cette croiflance, c'eft que, comme elle n'avoit été précédée d'aucune maladie , elle ne fut accompagnée d'aucune douleur aux aines ni ailleurs ; cet_ enfant n'eut d'autre incommodité que celle que la faim lui faifoit éprouver d'un repas à l'autre. 5 Dès l'âge de cinq ans, fa voix mua, a barbe commença à lui venir ; & à fix il en avoit autant qu'un homme de trente ans ; enfin on reconnut en lui toutes les autres marques de puberté les moins équivoques : on ne doutoit point dans le pays que cet enfant ne fût déjà en état à cinq ans où à cinq ans & demi d'en faire d'autres ; ce qui fit que fon Curé , de qui M. l'Abbé Sauvages tient la plupart de ces particularités, recommanda très férieufément à fa mère d'empêcher qu'il ne fréquentät trop fanilièrement des enfans d’un autre fexe, Quoique fon efprit füt plus formé qu'il ne l'eft communé- ment à cinq ou fix ans : cependant fes progrès n'avoient pas été proportionnés à ceux de fon corps; fon air & fes manières avoient encore quelque chofe d’enfantin, bien qu'il reflemblât par fa taille & fa grandeur à un homme fait , ce qui produifoit au premier coup-d'œil un contrafte très-fingulier : d’ailleurs tout éioit aflorti dans ce jeune homme, car on peut le traiter comme sil avoit été dans l'adolefcence , “quoiqu'il en fût encore bien DIFSIMONCITIE NC ES $ éloigné : fa voix étoit une baffe-taille pleine & des plus fortes, on ne f'entendoit parler qu'avec une forte d'émotion & de furprife; fa force extraordinaire le rendoit déjà propre aux travaux de la campagne, fi pénibles dans fon pays ; à cinq ans il portoit affez loin trois mefures de feigle, pefant quatre - vingt-quatre livres ; à fix ans & quelques mois , il mettoit facilement fur fes épaules des fardeaux de cent cinquante livres qu'il portoit fort loin , & il réitéroït ces exercices aufli fouvent que les curieux l'y engageoient par quelque libéralité. De pareils commencemens firent penfer que le jeune Viala deviendroit un géant. Un Charlatan follicitoit déjà fes parens de le lui confier, pour courir le monde avec lui, fondant fur cette fociété l'efpoir d’une grande fortune; mais ces efpérances s'évanouirent tout d’un coup, fes jambes fe courbèrent , fon corps fe rapetifla, fes forces diminuèrent , fa voix s'affoiblit fenfiblement : on attribua un changement fi fâcheux aux épreuves peu ménagées qu'il avoit faites de fes forces ; peut-être aufli ne fut-il produit que par ce que la Nature avoit fouffert dans une extenfion fi rapide, Au refte if eft encore aujourd'hui tel qu'il étoit à fix ou fept ans, & dans une efpèce d’imbécillité ; fes parens étoient d’ailleurs d’une taille au deflous de 11 médiocre, & leur croifflance n'avoit eu rien de particulier. Noël Fichet commença à croître plus tôt, mais ne crût pas fi rapidement , car il ne parvint qu’à douze ans à la taille de cinq pieds ; il eut des fignes de puberté bien plus tôt que lui , puifqu'il en avoit dès l’âge de deux ans , ce qui met entr’eux une différence très-remarquable : les progrès plus lents de fa croiffance furent peut-être la caufe qu'il n'en éprouva pas d’auffi fâcheufes fuites que Viala. On eft étonné que des enfans fi grands de bonne heure , ne deviennent pas enfuite des géants, mais s'ils ont en même temps les fignes de la puberté , cela n'eft peut-être pas fi fin- gulier. Elle annonce dans tous les animaux , qu'ils approchent de leur état de perfection ; ainfi lorfqu'elle fe montre dans les enfans en même temps qu'ils croiflent fi extraordiairement , cel ne prouve peut-être qu'un développement plus rapide , M} 46 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE comme dans les pays chauds , mais non pas que l'individu fera d'une taille gigantelque; il faidroit pour cela que la puberté, au lieu d'accompagner ce grand accroiflement, ne fe manifeftät que dans le temps ordinaire, ou peut-être après. V. On fait que les chevaux font füjets à la pierre comme les hommes & beaucoup d'animaux. M. Hériflant a fait voir cette année à l'Académie une pierre pefant une livre trois onces, tirée de la veflie d'un cheval entier, & qui renfermoit un corps étranger : ce corps, qui étoit de dix lignes de long & de la groffeur du petit doigt à peu près, sallumoit à la flamme d’une bougie , & en brûlant répandoit une odeur de bois brûlé ; enfin c'étoit du bois véritable ; on obfervoit tout autour une affez grande quantité de couches d’une matière femblable à celle des befoards : quelqu'un aura par mégarde enfoncé ce morceau de bois dans l’urètre du cheval, il aura pañié jufque dans la veffie, & là en attirant les parties pierreufes qui nagent dans l'urine, par laps de temps, il fe fera formé une incruftation. Ces pierres formées autour d'un corps étranger ne font pas rares ; nos Mémoires & les Recueils de Médecine renferment plufieurs exemples de pierres femblables, tirées d'hommes & de femmes. H y a certaines loix de la Nature qui paroiffent s’obferver géné- ralement dans tous les individus : l'urine des animaux charie une efpèce de fubflance pierreufe, cette fubftance s’attire fortement , de même qu'elle attire les autres corps & ven eft attirée : la liqueur qui enduit les parois de la veflie, empêche en général que ces particules pierreufes n'aillent s'y attacher ; mais préfentez- leur un corps qui les attire fonement, elles iront s'y joindre, elles s’y attacheront par couches, & voilà une pierre formée. SE DES SCIENCES. 47 CHIMIE. SUR LA DISSOLUTION DU SOUFRE DANS L'ESPRIT DE VIN. [: arrive quelquefois que des faits curieux nous reftent in- connus dans la Chimie, & que nous adoptons même une opinion qui leur eft totalement contraire, parce qu'un point délicat nous a échappé dans la manipulation, fans qu'il ait été facile d'apercevoir ce que nos expériences avoient de défectueux. Telle eft en effet l'erreur où lon tombe après des épreuves -qu'on avoit annoncées trop légèrement comme décifives. Juf- qu'ici, par exemple, on avoit regardé le foufre comme infoluble dans Fefprit de vin, & peut-être avoit-on cru que la nature de Tun & de l'autre bien examinée, conduifoit à ce fentiment. M. le Comte de Lauraguais, à qui nous devons plufieurs re- cherches intéreffantes dans la Chimie, a douté que ce fentiment fût établi fur des faits bien vus, & il a eu recours aux expé- riences. La première qu'il a tentée, & celle fans doute à laquelle on s’en étoit d'abord tenu, a confirmé l'opinion reçue: loin encore de l'adopter, il a fait d’autres expériences, en employant un procédé ingénieux ; le foufre s’eft diffout dans l’efprit de vin, & l'ancienne opinion ne fubffte plus. Voici quel a été fon travail ; très-fimple en lui-même, il ne demande qu'à être expolé. M. le Comte de Lauraguais commença par faire bouillir dans un pélican une livre ou environ d’efprit de vin fur deux onces de fleurs de foufre fublimées deux fois: il ne réfulta aucune combinaifon de ce mélange, quoiqu'il eût été tenu près de quatre heures fur le feu; l'efprit de vin plus mobile que le V. les Mém. P- 9° 48 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE foufre, diftilloit feul; & dès-lors il n'étoit pas poflible que cés deux fubflances fuffent unies: le point effentiel fut donc d’é- tablir une évaporation commune & formée dans le même inftant, M. le Comte de Lauraguais y parvint, en employant un appareil dont l'invention eft dûe à M. Rouelle; il mit fépa- rément dans deux petites cornues, des fleurs de foufre & de l'efprit de vin;il ajufta leurs becs dans un récipient commun, & donna à chacune le feu capable de produire 'évaporation ; les deux fubftances s’unirent dans l'état de vapeurs, & for- mèrent une liqueur ambrée. M. le Comte de Lauraguais en précipita une partie en y verfant de l'eau; le mélange fe trou- bla, l'eau s'unit à l'efprit de vin, le foufre s’en dégagea, & forma un faux précipité dans le fond du vafe. M. le Comte de Lauraguais perfectionna bientôt cette opération, en employant une grande cucurbite & le bain de fable ; il mit d’abord des fleurs de foufre dans cette cucurbite, & fur ces fleurs un bocal qui contenoit de l'efprit de vin. Le foufre eft plus lent à fe réduire en vapeurs que l’efprit de vin; mais ayant dans cet appareil le contaét du feu, il reçut un degré de chaleur fupérieur à celui que le bocal éprouvoit; auffi l’é- vaporation de ces deux matieres fe fit-elle en même-temps, & il en réfulta Funion d'une plus grande quantité de leurs molécules. : L'efprit de vin rectifié fe charge d’une moindre quantité de foufre dans cette expérienee que l'efprit de vin ordinaire; mais la combinaifon a toujours lieu, fi l'on emploie le procédé qui vient d'être décrit. Les cohobations répétées ne produifent point l'union d'une plus grande quantité de foufre avec l'efprit de vin, qu'il n'en réfulte de l'opération fimple : cette quantité de foufie diflout, fuivant les expériences de M. le Comte de Lauraguais, eft d'un peu plus de dix grains fur une once fix gros de liqueur, c'eft-à-dire, que le foufre ainfi combiné, eft la centième partie où environ du mélange, | SUR D'ÉSUS CINE N° CE 6 49 SUR LA MISCIBILITÉ DE L'ÉTHER APE: CG LEE. AU. JL principe que l'on fe fait aujourd'hui de ne penfer à établir les fondemens d’une théorie qu'après avoir recueilli un grand nombre de faits, & les avoir confidérés fous leurs différens rapports, eft peut-être ce qui cara“térifera le plus avantageufement notre fiècle, & aflurera mieux le progrès des Sciences. Quelque multipliées que foient les expériences fur une matière, il eft quelquefois effentiel & toujours prudent de n’en négliger aucune, pour peu qu'elle rentre dans l'ordre des connoiïffances que les premières ont procurées ; une vérité ifolée en apparence, & à laquelle on ne sétoit pas rendu attentif, peut donner tout d’un coup l’enchaînement de beau- coup d'autres, dont l’enfemble ne s’annonçoit pas. Les anciens Chimiftes ont fait des découvertes fur l'éther: de nouvelles recherches ont perfectionné leur travail; & l'on feroit difpoté à croire que nous avons aflez de faits réunis fur cette matière, pour qu'on puiffe en montrer la fuite éthiologique. M. le Comte de Lauraguais, plus réfervé au contraire, à mefure que les phénomènes de l'éther lui ont été mieux connus, fe borne aujourd’hui à faire part de fes Jumières dans l'ordre où il les a acquifes ; fon Mémoire n’eft proprement qu'une fuite d'expériences; il attend , pour lier les faits qu’il a obfervés, que la loi phyfique dont ils dépendent lui foit connue, fi par des recherches multipliées il eft poflible de la découvrir. Les expériences dont il s’agit ici ont été faites avec foin, & font préfentées avec précifion; par-là elles font peu fufcep- tibles d'extrait : nous renvoyons donc au Mémoire même de M. le Conite de Lauraguais pour qu'on juge mieux de leur exactitude , & nous nous contenterons d'indiquer les faits principaux qu'elles tendent à établir. Parties égales d’efprit de vin & d'acide vitriolique concen- té, laiflent un dépôt huileux d’un rouge vif, & au-deflous Hip 1758 » G V. les Méne, P. 29. 50 HisSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE de ce dépôt un fel irrégulier: on n'obtient pas ce fel avec F'acide vitriolique ordinaire. Le mélange d'efprit de vin & d'acide vitriolique qui fur- nage le dépôt, étant diflillé, il donne de Yéther; le dépôt en donne fort peu, & fournit beaucoup d'huile du vin. L'acide nitreux concentré, uni à l'efprit de vin, ne donne ni dépôt ni fel. Une partie de l'éther produit par l'union de l'acide vitrio- Jique & de l'efprit de vin , mélée avec deux parties du dépôt réfultant de cette combinaifon , donne à la fin de la diftil- lation: une efpèce de bitume charbonneux, fans avoir produit de gonflement dans l'opération. Si l'on verfe lentement , & à parties égales, de l'acide vitrio- Fique concentré fur de l'éther vitriolique, la liqueur devient verdâtre après leffervefcence, & il fe forme un {el au fond du vale; fr au contraire on met rapidement trois parties de ce même acide concentré fur deux parties d’éther, le mélange devient cramoifi & ne donne point de fel. Lacide nitreux uni à l'éther nitreux, donne aufli un fel rès l’efférvefcence. Si l'on mêle parties égales d'acide nitreux & d'éther vitrio- lique, il en réfulte une effervefcence confidérable & la perte de plus des trois quarts du mélange; cette liqueur digérée ne donne point de fel. | Si fur de l'éther nitreux l'on met de Facide vitriolique, il fe fait auffi une eflervefcence aflez confidérable, & il y a décompofition de l'éther nitreux. En confidérant que l'éther verfé fur de l'eau, la furnage évidemment, on a cru qu'il n'étoit pas mifcible avec elle; mais en goûtant cette eau on reconnoît qu'elle a pris fortement la faveur de l'éther ; il y a un point de faturation au delà duquel l'eau ne fe charge plus de ce fluide, & ce point de faturation a lieu tant pour léther vitriolique que pour l'éther nitreux. C'eft dans le Mémoire même de M. le Comte de Lauraguais qu'il faut voir toutes les précautions qu'il a prifes , afin que fes expériences fuffent décifives, & qu'il ne reflât aucun doute) DES SCIENCES. 2: fur cette dernière vérité. En effet, il réfulte bien conftimment de ces expériences intéreffantes, que léther eft foluble dans d'eau ; que cette mifcibilité eft évidente par le point de fatu- ration, après lequel toute combinaïfon cefle ; & que l'eau em- ployée comme intermède pour féparer l'éther , en abforbe une quantité confidérable , dont la perte avoit été jufqu'ici ignorée, Ces expériences curieufes prouvent encore que l'eau eft un moyen excellent pour rectifier l'éther ; qu'il n'en eft que plus mifcible avec elle quand if a été ainfi rectifié, quoiqu'il y ait toujours un point de faturation, & qu'il n'en devient que plus propre aux ufages que la Médecine peut autorifer. SUR L'OR BLANC ou LA PLATINE. | piste du métal dont il s'agit ici, ne remonte pas 3 plus loin que le fiècle préfent. Quoique ce ne foit pas une raifon de croire qu'il ait été abfolument inconnu dans les fiècles précédens , ce filence donne néanmoins lieu de penfer qu'on n'en faifoit aucun ufage ; & la difficulté qu'on éprouve encore actuellement à le fondre, rend cette opinion très-pro- bable. Quoi qu'il en foit du temps de la découverte de ce métal , fes propriétés au moins font encore des. vérités neuves, dont probablement une grande partie eft encore ignorée, & dont celle qui eft connue, ne peut que gagner à être examinée de nouveau , & confmmée par de nouvelles expériences. Le premier qui ait examiné la platine eft M. Wood , Métal- urgifte Anglois ; & fon uavail fur cette matière {e trouve dans es Tranfaétions philofophiques pour l'année 17 50 : depuis ce temps M.° Scheffer & Lewis ont dirigé leurs recherches vers Le même objet. Les réfultats de leurs tentatives imprimés, pour le premier , dans les Mémoires de l'Académie de Suède pour l'année + 7.5 1 ; & pour le fecond , dans les T'ranfactions philofophiques pour l'année 1754, ont été depuis raflèmbiés dans un Recueil intitulé l'Or blanc, la Plarine ou le uirieme méial : ce font-Rà les principaux Ouvrages qui ont précédé G V. les Mém, P- 1 19: 52 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE le Mémoire que M. Macquer donne aujourd'hui fur le même fujet. Il faut cependant ajouter que M. Marggraaf a lu aufft fur cette matière un Mémoire à l’Académie de Berlin : mais fes recherches n'étoient point encore publiées lors du travail de M. Macquer. La platine fur laquelle M. Macquer a fait fes expériences, a, comme celles qui ont été examinées par les autres Chimifés, les caraétères fuivans ; elle eft en petits grains aflez lifles, la plupart femblables par leur figure à des piramides triangulaires, dont les angles auroient été émoufés ; leur couleur fort ap- prochante de celle de la groffe limaille de fer non rouillée, devient cependant beaucoup plus blanche & plus argentine, quand ils ont été décapés par un acide, ou chauffés jufqu’au blanc. M. Macquer foupçonne, & avec beaucoup de vraifem- blance , que c'eft à cette dernière propriété que ce métal doit ce nom de platine, nom qui paroît dériver fort naturellement du mot plata , qui, en Langue efpagnole , fignifie argent. Le nom d'or blanc qu'on a donné auffi à ce métal, vient de quelques propriétés qui lui font communes avec l'or : ces propriétés font d’être à peu près de même pefanteur fpécifique que ce dernier métal ; de réfifter comme lui à l’action du foufre, du plomb, de l'antimoine, du cément royal, & de tous les acides purs; & de n'avoir , ainfi que l'or, d'autre diflolvant que l'eau régale & le foie de foufre. La platine qu'on a examinée jufqu'ici, n'eft pas parfaitement homogène ; on y trouve quelquefois de l'or, & c'eft ce qui eft arrivé dans celle que M. Macquer a examinée. La fubflance qui sy trouve mélée en plus grande quantité, eft un petit fable noir, brillant , fort anguleux , & dont les grains font auffi attirables par l'aimant , que le meilleur fer. Pour examiner la duétilité & les autres propriétés de Ia platine , il étoit néceffaire d'en avoir un lingot d’une certaine groffeur ; mais les tentatives infructueufes qu'on avoit faites juiqu'alors pour fondre ce métal , laiffoient peu d'efpoir d'y parvenir. Il eft vrai qu'on pouvoit penfer que les Chimiftes. n'avoient pas épuifé tous les moyens imaginables d'augmentez DES SctiENCESs. (a l'activité du feu; d'un autre côté rien n’empéchoit de croire que la platine que lon employoit , ne fût moins difficile à fondre que celles qu'on avoit examinées jufque-là ; ces ré- flexions déterminèrent M. Macquer à tenter divers moyens : ceux des fourneaux à vent & de la forge ont été inutiles, uoïque le feu ait été foutenu pendant cinquante heures ; un feu capable de fondre parfaitement les mélanges que M. Pott, dans fa Lithogéognofie , dit {ui avoir donné les verres Îes plus durs & les moins friables ; un pareil feu , dis-je, n’a point fondu la platine, les grains fe font feulement aglutinés : cette expé- rience préfente encore d'autres phénomènes , dont on peut voir le détail dans le Mémoire même ; mais il en eft un qui mérite plus particulièrement que nous en faflions mention, & qui ne paroît pas avoir été oblervé jufqu’ici, ceft l'augmentation du poids de la platine qu'on avoit mife en expérience , augmen- tation qui a été de quatorze grains fur une once, & qui, d'après le détail que donne M. Macquer , ne paroït pas devoir être attribuée ni aux charbons , ni à la cendre, que l’on pourroit d’abord foupçonner s'être introduits dans le creufet. De plus, cette même platine, ainfi augmentée de poids , a été foumife à une feconde épreuve qui a encore donné une augmentation, moins forte à la vérité, mais fenfible cependant. M. Macquer attribue cette augmentation de poids à la calcination de quelque fubf- tance étrangère à la platine , mais mêlée avec elle : on fait , en effet, qu'il y a quelques fubftances, qui par la calcination aug- mentent de poids. ; On expofé la platine au feu de la verrerie de Sèvres, pendant einq jours & cinq nuits, & il n’en eft pas réfulté d’autres chan * gemens que ceux que nous venons de rapporter. Après des tentatives de cette nature , on ne devoit pas s'at- tendre à tirer de plus grands éclairciflemens de celles qu'on auroit faites à l'aide des fourneaux qui fevent aux opérations ordinaires de Chimie ; mais le defir de connoître anime l'ima- gination & fournit des expédiens. M. Macquer vint à bout de produire, à la forge de fon laboratoire, une chaleur beaucoup plus forte que celle qu'on y excite communément. Pour ceë Hi1sSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE effet il ajouta deux gros foufflets à double vent, au foufflet de la forge, & il en réunit l'action en un foyer , en faifant venir le vent de ce dernier foufflet par deux tuyaux oppofés Jun à f'autre, pendant que ceux des deux autres foufflets les croifoient à angles droits. Cette difpofition augmenta confidérablement la chaleur : en «moins de cinq quarts d'heure , l'intérieur du fourneau coula de tous côtés vers le bas, & forma des mafles de verre qui bou- chèrent des tuyaux des foufflets ; le creufet fe vitrifia auffr, la platine opiniâtre donna feulement quelques grains parfaitement ronds , d’un blanc d'argent , & qui paroifloient avoir eu une bonne fufion ; mais un petit coup de marteau les réduifoit en poudre. Après avoir inutilement employé les moyens dont nous venons de rendre compte, il en reftoit un qui permettoit encore quelque efpoir, & qu'il étoit d'autant plus à propos de tenter qu'il n'avoit point encore été mis en ufage dans l'examen que les Chimiftes avoient fait de la platine; c'étoit d'expoler la platine au foyer d'un bon miroir ardent, Le miroir que M. Macquer employa étoit de glace, & avoit vingt-deux pouces de diamètre, & vingt-huit pouces de foyer ; il fondoit en une demi-minute, & changeoïit en un verre tranfparent, un caillou’ ou pierre à fufil noire, Les creu- fets de Hefle & ceux des verreries expolés au foyer de ce miroir font vitrifiés en trois ou quatre fecondes ; le fer forgé fume, fe fond, bouillonne, & fe change en une fcorie vitrefcente dans un inflant : les pierres gypfeufes même, que M. Pott paroït regarder comme infufibles, s'y font fondues. Ces eflets & plufieurs autres dont on peut voir le détail dans le Mémoire même, invitoient aflez à foumettre la platine à un pareil agent ; on le fit, & voici quel en fut le fuccès. La platine qu'om employa eft celle que nous avons dit ci-deffus avoir été expolée au feu de verrerie, & dont les grains s'étoient aglutinés les uns aux autres; comme ils for- moient une male folide, il étoit d'autant plus facile de les préfenter ‘commodément au foyer, en tenant cette mafle au DRE EM ISNCHLLE NA CBS TT TS bout: d'une pince; d'ailleurs la furface de cette male ternie & brunie n'en étoit que plus propre à abforber les rayons du foleil, au lieu que le brillant métallique qu'ont naturellement des grains détachés les’ uns. des autres , annonçant une plus grande force de réflexion, promettoit un moindre fuccès. La platine ainfr expofée au foyer du miroir, a paru d'abord d'un blanc éblouiffant , lançant de temps en temps des étin- celles.très-vives, & répandant d'ailleurs une fumée très-fenfible ; au bout d'une minute enfin, elle entra:en une véritable fufori; mais avec.ce caractère que les parties fondues ne coulèrent poirit à terre, & fe rafiemblèrent au contraire fur celles qui avoifi- nojent les limites du champ du-foyer où elles fe figèrent. Ces parties, fondues avoient le brillant de l'argent, & leur furface étoit arrondie, luifante & polie; frappées fur lé tas d'acier, elles fe font aplaties &c réduites en.une lame mince & fans fe gercer;en un mot elles ont donné des fighes d’une malléa; bilité, non-feulement de beaucoup fupérieure à celle qu'elles ont avant la fufion, mais même qui donnent lieu de penfer qu'elles pourroient s'étendre en feuilles aufi minces que l'or & J'argent. M. Macquer , après avoir examiné les propriétés que l'action du feu développe dans la platine, a foumis enfuite ce métal à Faétion d’autres diflolvans. De. tous les diflolvans acides, l'eau répale eft le feul qui ait prife fur la platine au moins lorfqu'elle eft dans fon état naturel. RAT Cette diflolution préfente un grand nombre de phénomènes intéreffans, dont le détail appartient au Mémoire feul; nous ‘oblerverons feulement qu'elle exige une grande quantité d’eau régale, qu'elle fe fait! beaucoup plus aifément à la chaleur du bain de fable qu'à froid. M: Macquer a remarqué que les pré: cipités, de platine faits par les alkalis fixes & volatils, n'ont la couleur rouge que M. Lewis leur attribue généralement; que lorfqu'on ne met de ces alkalis que la quantité néceffaire pour’ la faturation de! l'acide, &: cette: 1obfervation la conduit une explication fort naturelle de da couleur rouge: que prend Le précipité dans Ie icas dont mous veñons: de parler, : 56 HisTorRE DE L'ACADÉMIE RoYALE On fait depuis long-temps en Chimie, que les précipités emportent toujours avec eux une partie du diflolvant & du précipitant : cette vérité qui eft encore plus fenfible dans le précipité de la platine, a donné lieu à M. Macquer d'expliquer plufieurs phénomènes que M. Lewis avoit remarqués dans {a précipitation de la platine, mais que ce favant Chimifle n'avoit point expliqués. | Le précipité rouge de la platine, mêlé avec un flux compofé de borax calciné , de crême de tartre & de verre blanc, a donné, après avoir été expolé au feu de forge, un culot bien raflemblé de platine qui avoit toute l'apparence d’un métal qui a eu une très-bonne fonte ; quoique ce culot n'ait pas donné des fignes de malléabilité bien fausfaifans, il y a lieu de croire qu'on ne doit F'attribuer qu'a ce que la fufion n'a point été aflez parfaite: c'eft un point que M. Macquer fe propofe d'examiner par la fuite, ainfi que la matière vitrefcente en laquelle ie précipité de platine s’eft changé dans l'examen qu'il en a fait à l'aide du miroir ardent. + La coupellation de la platine par le plomb, eft encore un des objets qui ont été examinés par M. Lewis , & où M. Macquer s’eft propoié de furmonter les difficultés que ce favant Chimifte paroït avoir éprouvées : cette opération a fourni à M. Macquer un réfultat qui parut d'abord n'être pas plus heureux que ceux qui fe font offerts à M. Lewis ; mais un examen plus fuivi a découvert des propriétés fort différentes ; la platine ,‘au lieu d'augmenter de poids, comme avoit obfervé M. Lewis, avoit au contraire éprouvé une diminution d’un feizième ; elle étoit d’ailleurs très -extenfible fous le marteau : cette même platine coupellée , après avoir été difloute dans l'eau régale, n’a laiflé apercevoir aucun veftige de plomb. Toutes les obfervations que renferme le Mémoire de M. Macquer, jointes à ce que les autres Chimiftes nous apprennent {ur le métal qui en fait le fujet , paroiffent devoir établir comme conftans les faits fuivans ; la platine eft un troifième métal parfait, aufli fixe , auffi indeftruétible, aufft inaltérable que de font l'or & l'argent ; elle n'eft point effentiellement infufible ; lya BESSON CITE NICE Ss D il y a même lieu de croire, qu'en la mêlant avec des métaux deftruétibles, & en employant un feu d'une durée & d'une intenfité convenables, on parviendra à la fondre dans de grands fourneaux. L'on ne peut trop applaudir aux tentatives qui ont été & qui feront faites dans cette vue ; on doit voir aifé- ment de quelle utilité peut être dans plufieurs Arts un métal qui réfifle à l'action de l'air , de l'eau , du feu, du foufre, des acides & des métaux voraces, & qui réunit avec ces qualités, la force & la dureté du fer. Des raïfons très-fages ont déterminé le Miniftère d'Efpagne à interdire l'exploitation des mines de platine, & à en défendre le commerce : mais les connoiffances que la Chimie nous donne aétuellement fur ce métal, ne per- mettent plus de craindre les abus qu'on en pouvoit faire, & donnent lieu d’efpérer qu’il fera dorénavant plus facile de fe pro- curer ce métal, & par-là de tenter de nouvelles expériences. SR ELES ARGILE'S TE SU ER LA FUSIBILITÉ DE CETTE ESPÉCE DE TERRE AVEC LES TERRES CALCAIRES, ES terres argileufes & les terres calcaires qui, expofées féparément à l'action du feu, ne fe fondent point, ont cette propriété fingulière, que mélées enfemble dans certains rapports , elles fe fervent mutuellement de fondant. Cette remarque qu'on doit au célèbre Chimifte M. Pott, ne paroït avoir éprouvé jufqu'ici aucune contradiétion , & le nouveau travail de M, Macquer fur ce même objet, ne tend point à en infirmer la vérité, au contraire c'en eft une confirmation ; mais une confirmation qui, en fixant le véritable fens dans lequel on doit prendre la propofition de M. Pott, refférre l'étendue des conféquences , que ce favant Chimifte a tirées de fes expériences, & généralife celles-ci. Quoique M. Pott ait énoncé d’une manière générale fa’ propofition dont nous venons de parler, il ne paroïît pas Hifl 1758, .KH V. les Mém. PSS 58 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE cependant qu'il ait examiné plus d'une efpèce d'argile. M: Macquer a cru devoir compléter cette partie des recherches de M. Pott, tant pour connoître jufqu'où s'étend cette pro- pricté, que pour déterminer le nombre des terres argileufes abfolument réfractaires. IL paroït que le nombre de ces dernières eft aflez petit en comparaifon du nombre total des différentes efpèces d'argile : de plus de huit cents échantillons de ces fortes de terres , il ne s'en eft trouvé dans l'examen qu’en a fait M. Macquer , qu'en- viron cinquante qui aient réfifté à F'aétion du feu ; toutes les autres fe font fondues , ou ont donné des fignes d’une difpofition très-prochaine à la fufion. Comme les argiles réfractaires font d'une grande utilité dans la Chimie & dans les Arts, M. Macquer a cru devoir donner une defcription détaillée des caraétères de celles qu'il a examinées; cette partie de fon Mémoire eft d'autant plus utile, qu'à T'hifloire des différens phénomènes que ces argiles préfentent par l'action continuée du feu, M. Macquer ajoute une indi- cation de leurs ufages & de plufieurs de leurs propriétés , dont les Artifles, dans la plus grande partie des Manufactures , font un très-grand miflère, ; Toutes ces argiles ont réfiflé à la plus violente aétion du feu qu'on ait pu leur appliquer : quelques - unes d'entrelles exigent un feu confidérable pour être cuites, c’eft - à - dire pour acquérir la dureté du caillou ; d'autres avec plus de facilité à être cuites, quoique fans donner figne de fufion , fe changent en une efpèce de porcelaine, dont la caflure eft life , com- pacte & luifante, mais fans blancheur, Parmi les argiles réfraétaires , ainfi que parmi celles qui font fufbles, il n’en eft aucune abfolument pure : toutes font mêlées d'une quantité plus ou moins grande de fable, de mica & d’autres matières étrangères ; maison parvient à féparer aflez exaétèment ces matières, ou du moins leurs parties les plus groffières, par le lavage. 11 n’en eft pas de même d’une terre jaune ferrugineule, dont elles font toutes tachées ; le lavage ne fait que la mêler plus intimement avec Ja partie argileufe, il faut l'enlever grain à grain, dE sie SlenrE Nic 'E!s. Pour s'affurer que la fufion des terres argileufes par les terres calcaires n'étoit point l'effet des matières étrangères , il con- venoit avant tout de les purger de ces matières, ou au moins de ce qu'il y en avoit de plus fenfible. Après avoir pris cette précaution, M. Macquer expofa au feu de fon fourneau diffé- rens mélanges d'argiles & de terres calcaires : tous font entrés en fufion, les uns d’une manière plus complète que les autres, mais tous de manière à ne laiflér aucun doute fur ce que la propofition que M. Pott avoit avancée d'après l'examen d'une feule efpèce d'argile réfractaire, ne füt applicable à toute efpèce. Au refle, les terres calcaires ne font pas les feules terres réfrac- taires , qui, combinées avec les argiles réfraéaires, communi- quent à ces dernières la propriété qu'elles n'ont ni une ni Faure, la fufibilité. Les gypfes, les différentes pierres à plâtre ou albâtres gypfeux, les {élénites, plufieurs fpaths, ont encore donné à M. Macquer les mêmes réfultats, Mais comment deux matières qui ne font fufibles ni l'une ni l'autre, deviennent-elles fufibles l'une par l'autre? c'eft ce que M. Pott n'a point expliqué. If ef difficile, dit M. Macquer, d’être le témoin continuel d'un phénomène auffi fingulier, fans être tenté d'en rechercher la caufe. Les premiers foupçons de M. Macquer tombèrent fur l'acide vitriolique , que l’on fait être contenu en aflez grande quantité dans les argiles ; & cette idée étoit en effet affez fpécieufe. L'acide vitriolique eft une fubftance faline, & toute fubftance faline eft fufible ; ce raifonnement fembloit encore confirmé par l'expérience : les mélanges d'argile avec les gyples & les félénites qui contiennent acide vitriolique, avoient donné des fignes d’une plus grande fufibilité, que les mélanges d'argile avec les terres calcaires. * Quelle que vraifemblablé que fût cette idée, M. Macquer fut obligé de l'abandonner peu de temps après l'avoir conçue : elle fe trouvoit contraire à une expérience de M. Pott, par laquelle il paroït conflant que les argiles qui ont été expolées à l'action d’un feu violent, fe fondent avec la craie auffi fa- clement que les argiles crues ; ce qui, dans la premire H ji 60 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE opinion de M. Macquer , n'auroit pas dû avoir lieu , puifque Jaction du feu a dû enlever aux argiles une bonne partie de leur acide vitriolique. M. Macquer répéta néanmoins cette ex- périence, & y en ajouta une autre, non moins concluante contre fa première idée : il fit bouillir plufieurs argiles dans une forte leffive d'alkali fixe ; cette opération qui tendoit à leur en- lever l'acide vitriolique , n'a point empêché que par leur mé- lange avec la craie, elles n'aient fondu avec la même facilité que fans cette préparation. Quoique ces expériences ne prouvent pas rigoureufement que l'acide vitriolique ne contribue en rien à la fafion des argiles par les terres calcaires, elles ne permettent pas néan- moins de regarder cet acide comme la caufe principale de la fufion. M. Macquer convaincu par fes expériences , qu'il failoit rapporter ce phénomène à une autre caufe , tenta de nouvelles recherches ; elles ne l'ont pas conduit , il eft vrai , à cette caufe qu'il cherchoit, mais indépendamment des faits curieux & utiles qu'elles lui ont offerts, il en a recueilli une vérité qu'il n'étoit pas facile de foupçonner ; c’eft que la queftion n'eft pas d'expliquer comment les argiles réfractaires font fufibles avec les terres calcaires, mais comment l'argile pure, les fables ré: fraétaires & les terres calcaires, toutes matières qui non-feu- lement font réfractaires , prifes féparément , mais qui le font encore, prifes deux à deux ; comment, dis-je, ces trois ma- tières mélées en certaines dofes deviennent néanmoins fufibles. Voici un précis des obfervations qui ont conduit M. Macquer à cette découverte fingulière. 1.” Nous avons obfervé ci-deflus que les argiles, telles qu'on les trouve dans les fouilles, con- tiennent beaucoup de matières hétérogènes , principalement du fable; il eft vrai qu'on parvient à les en dégager par le lavage, mais ce moyen ne fufht que pour purger les argiles du fable le plus groflier , les parties les plus fines reftent, & elles y font en tès- grande quantité. 2.° Si on met digérer dans un acide, principalement dans l'acide vitriolique, une mafle d'argile, cet acide ne diflout que la partie argileufe proprement dite, & non le fable; c'eft donc un moyen de dépouiller les argiles DES SCIENCES. Y 61 des fables qui leur font unis, & d'avoir par conféquent l'argile pure. 3° La diffolution de la terre argileufe proprement dite, par Yacide vitriolique, donne un fl criftallifable , qui n'eft autre chofe que l'alun ; d’où il réfulte que a bafe de l'alun eft l'argile pure elle-même , & exempte de mélange avec le fable. Cette dernière propofition qui eft très-importante, eft encore affez récemment connue ; ce n'eft que depuis fort peu de temps qu'on connoît la nature de la terre de l’alun, & cette décou- verte qu'on doit principalement à M. Hellot & Geoffroy ; & plus particulièrement au premier, a été confirmée depuis par les expériences des plus habiles Chimiftes.. | À D'après les notions que nous venons d’expoler , M. Macquer a repris en entier les expériences qu'il avoit faites fur les ar- giles purgées feulement par les moyens dont nous avons parlé plus haut, & les a faites de nouveau fur la terre de Falun , c’eft-à-dire, fur l'argile pure : cette terre expolée au feu a ma- nifefté plufieurs propriétés femblables à celles qu'on avoit déjà obfervées dans des argiles moins pures; elle efl naturellement d’un blanc affez beau , mais elle conferve difficilement cette cou- leur; elle fe charge avidement des parties graffes , & par con- féquent colorantes, des corps auxquels elle touche : expofce au feu, elle noircit d'abord, redevient blanche enfuite ; & par lation d’un feu. plus violent elle prend fucceflivement diffé- rentes couleurs : cette propriété qui. indique une difpofition à fe combiner avec le principe de l’inflammabilité , donne lieu , comme l'oblerve M. Macquer , de foupçonner un rapport afiez prochain entre les terres argileufes & les terres des métaux. .… Toutes les argiles, par quelques différences qu'elles fe faflent connoître dans l'éat où on les trouve en terre, ont toutes pour bafe, pour matière propre, cette terre de l'alun dont nous venons de parler, & lorfqu'elles font purgées de toute matière étrangère, elles font toutes réfractaires ; mais ce qui mérite attention & caractérife le travail de M. Macquer, & le dif férencie de celui de M. Pott, c’eft qu'elles ne font plus fufibles avec les terres calcaires. Le mélange de ces deux terres a réfifté à toutes les épreuves auxquelles M. Macquer fa foumis, foit Hi 62 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE en variant les terres argileules & les terres calcaires, foit en variant les rapports des doles qui entroient dans le mélange. On voit par-là qu'il refloit dans la propofition de M. Pott une obfeurité qu'il étoit important de diffiper : les terres ar- gileufes réfractaires devenoient fufibles par l'intermède des terres calcaires ; mais ce n’étoit point comme terres argileufes , c'étoit uniquement parce que ces dernières ne fe trouvent dans les fouilles qu'avec une matière à qui elles doivent cette propriété, & cette matière eft le fable, comme nous allons le voir. M. Macquer expofa à l'action du feu différens mélanges de la terre d’alun avec des terres calcaires; ces mélanges toujours infufbles , donnoient par l'addition d’une quantité médiocre de fable avec fequel on les broyoit, des fignes d’une difpofition prochaine à la fufion, & fi on augmentoit la dofe de fable, ils entroient en une fufion complète. Mais ce qui n'eft pas moins fingulier , c'eft que cette dofe a un maximum : y a un point de faturation, un point paffé lequel là fufion devient de plus en plus difficile, & enfin elle ceffe d'avoir lieu , lorfque la quantité de fable ajoutée au mélange devient quintuple de celle de la totalité des deux autres terres. Ces propriétés du fable à l'égard du mélange d'argile pure & de terre calcaire, fe font foutenues conflamment dans les différentes combinaifons que M. Macquer a faites de toutes ces matières. Le fable groffier qu'on tire par le lavage d’une terre des environs de Nevers, s'eft particulièrement diftingué des autres, par une fufibilité très-grande qu'il procure au mélange. Le grand nombre de faits que nous venons de rapporter , nous force d'en paffèr fous filence beaucoup d’autres non moins curieux, non moins utiles. Si Ra découverte de la caufe du fait principal n'a point été le fruit des recherches de M. Macquer, il a eu en cela un fort fort commun parmi les Savans ; mais les vérités qu'il a faifies fur là route , le dédommagent fans doute de n'avoir pas vu ce que peut-être bien d’autres après lui ne verront pas non plus. Be D! Ex en SI CU 'E NoC ES 63 PSN RSS ESS ESS ES CSSS ESS SES BOTANIQUE. C ETTE année M. du Hamel publia un Livre qui a pour titre: La Phyfique des Arbres, cet Ouvrage qui doit fervir d'introduétion au Traité complet des bois & des forêts que M. du Hamel {e propofe de publier, & dont il a même déjà donné une partie, fous le titre de Traité des Arbres & Arbufles, eft précédé d’une differtation fur l'utilité des méthodes de Botanique, & terminé par une explication des termes propres à cette Science, & principalement de ceux qui font en ufage dans l'exploitation des bois & des forêts. La nomenclature confidérée uniquement comme la fcience des mots, n'a, à proprement parler , aucun objet utile dans les Sciences; mais f1 en affignant à chaque chofe le nom qui lui appartient , elle a pour objet de préfenter Le caractère principal de chacune , c’eft une fcience d’une utilité générale, & qui, pour la Botanique particulièrement, eft abfolument indifpenfable. La connoiffance des plantes eft d'une trop vafte étendue, pour qu'on puiffe fe flatter de les foumettre à fa mémoire, & encore moins de tranfmettre fes connoiflances en ce genre , fans le fecours de quelque méthode : c'eft cette méthode qu'on nomme somenclature en Botanique, & qui, comme on peut aifément imaginer, ne pouvant être le fruit que d'un grand nombre d'obfervations & de beaucoup de méditations, à dû, fans doute, varier beaucoup , fuivant les différentes vues des Botaniftes. J1 faut donc non-feulement une nomenclature ; mais if eft encore important aujourd'hui de faire un bon choix parmi celles qui ont été propofces. C'eft pour remplir ces deux objets, que M. du Hamel expofe dans la differtation fur les méthodes de Botanique , & qui eft à latéte de la première partie , les raifons qui doivent éclairer ce choix ; il y fait la comparaifon des méthodes de différens Botaniftes, décrit les principales , & rend raifon des différences qu’on remarque entre ces méthodes : au refle dans cette diflertation 64 HistToine DE L'ACADÉMIE RoYaLE M. du Hamel n'a point eu en vue de comparer ces méthodes dans toutes leurs parties, mais principalement dans ce qu'elles ont de relatif à fon objet, c'eft-à-dire dans ce qui regarde les arbres. Le corps de l'Ouvrage eff divifé en cinq Livres ; dans le premier M. du Hamel donne l'expofition anatomique du tronc, des branches & des racines des arbres, connoiflance abfolument néceflaire pour nous faire juger de l'ufage de leurs parties organiques : ces trois parties de l'arbre ont en général la même organifation, mais leurs développemens ont des diffé: rences fenfibles ; les vaiffeaux qui par leur entrelacement forment le tiffu de l'écorce & du bois , & les différentes liqueurs qui les parcourent , font la matière de ce Livre, & donnent lieu à des recherches intéreffantes fur la limphe, le fc propre, l'air contenu dans les plantes , & plufieurs autres objets de cette nature. Le fecond livre renferme lexpofition des parties dont les branches font chargées , telles que les boutons à bois, les feuilles, les poils, les épines, &c. On examine les différences qui fe trouvent entre les boutons, tant pour la forme que pour là pofition à l'égard des branches dans les arbres d'efpèce différente: On en examine enfuite l'intérieur, & on y fait apercevoir l'em- bryon & les feuilles qui doivent s'y développer; ces dernières offrent un grand nombre de variétés dans leur développement, M. du Hamel les fuit depuis leur état dans le bouton , jufqu'au développement parfait , ce qui le conduit naturellement à parler de l'ufage de leurs organes par rapport à l'économie vévétale, & delà à examiner la tranfpiration des plantes. Il s’agit dans le troifième livre des organes de la frudification, ka direction des boutons qui donnent naifiance aux fleurs, découvre la génération de celles-ci, & les parties dont elles font compolfées, les pétales, les étamines, les piftils, & dans certains fruits même, les noyaux & les pepins ; les organes néceffaires à la frudification font en grand nombre, les étamines & les piflils font particulièrement néceflaires à la formation des fe- mences, c’eft un fait dont M. du Hamel expofe la vérité d'une manière fenfible ; mais quelle eft la deftination de ces organes? M. du Hamel regarde les étamines comme les parties mâles; | DES SCIENCES, 6$ & les piftils comme les parties femelles ; cette queftion lui donne lieu d'examiner les caufes qui produifent les monftruo- fités de certaines plantes. En examinant dans le livre précédent les organes de Ja fruétification , on a fait apercevoir que leur ufage étoit de former les femences propres à la multiplication des efpèces ; dans Xe quatrième dont il s’agit à préfent , on confidère les plantes naïlfantes ; outre les principes de la tige & de là racine qu’on trouve dans les femences, on remarque encore d'autres organes qu'on appelle Dbes, & qu'on peut regarder comme les ma- melles : lorfque la femence eft en terre, les lobes fe rempliffent d'humidité, fe gonflent, s'ouvrent enfin, & donnent iflue à la Jeune racine qui produit elle-même des racines latérales qui pompent la sève & la tranfmettent à la jeune tige ; cette plante eft alors tendre & herbacée , & devient enfin par la deflruétion du corps ligneux, un petit arbre recouvert d’une écorce bien formée à la fin de l'automne. Tant que le jeune arbre eft herbacé, il s'étend dans toutes fes dimenfions: mais dès que le corps ligneux s’eft endurci & converti en bois, il n'y a plus d'extenfion, l'accroiffement fe fait alors par l'addition de couches ligneufes & corticales entre l'écorce & le bois: ce principe que M. du Hamel établit d'après un grand nombre d'obfer- vations, le conduit à une difcuffion étendue fur la formation des couches ligneufes. De l'examen de f'accroiffement des arbres, M. du Hamel pañle à celui de la réunion de leurs plaies & de la réunion des greffes avec leurs füjets. Dans cet examen, entre l'expofition des différentes façons de greffer & d'écuflonner, on y parcoure les différentes efpèces d'arbres qui peuvent être greffés Les uns fur les autres avec fuccès. Les racines dont il avoit déjà été queftion dans le -1.7 livre, reviennent dans celui-ci pour y être confidérées relativement aux ufages qu'elles peuvent avoir pour la multi- plication par bouture & marcotte. On indique les moyens de faire réuflir ces pratiques utiles ; ce même livre contient encore diverfes obfervations importantes fur f'analogie des plantes & des corps vivans ; fur la propriété qu'ont certaines plantes, de Hf. 1758. Gi 66 HisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE s'incliner vers le foleil, & d'autres qui étant renfermées dans une chambre , fe portent vers les croifces , & de celles enfin qui étant privées de la lumière, croiflent d’une façon monftrueufe, Ce quatrième livre eft terminé par des réflexions fur les diff{rentes couleurs que prennent les fleurs & les fruits, &c fur la fécondité des végétaux. Aux détails anatomiques expofés dans les livres précédens, fuccèdent dans le cinquième les queflions qui appartiennent à l'économie végétale. Ici M. du Hamel propole fes explications & fes doutes avec cette modeflie qui a d'autant moins d’imi- tateurs, qu'elle n'appartient communément qu'à des perfonnes profondément inflruites. Nous laiflons au Lecteur à décider fi M. du Hamel ne s'eft pas prefcrit une réferve trop févère dans l'examen qu’il fait de la préparation de la sève, des fubftances qui fervent à fa formation , des difiérens fucs que les diverfes efpèces de plantes tirent de la terre, & de ceux qui conviennent aux plantes parafites & aux greffes. Ces objets conduifent na- turellement à cette grande queftion , long-temps agitée : la sève circule-t-elle ou ne circule-t-elle pas dans le corps des plantes? M. du Hamel expole ce qu'il en penfe , & conclut que la queftion eft encore indécife. Tous les différens objets examinés dans ce cinquième livre donnent lieu de regarder, avec M. du. Hamel, les plantes comme des êtres vivans; mais nous renvoyons le Lecteur à la comparaifon intéreffante qu’en fait M. du Hamel, tant dans le livre même que dans la préface qui eft à la tête de cet Ouvrage. C'eft à la fuite de ce cinquième livre que M. du Hamel a placée l'explication des termes de Botanique & d’Agri- culture , qui font en ufage dans l'exploitation des bois & des forê:s. Pour la rendre plus utile M. du Hamel l'a diftribuée felon l'ordre alphabétique ; ajoutons que pour faciliter l'intel- ligence de ia defcription de plufieurs plantes & de leurs parties, M. du Hamel a enrichi fon Ouvrage d'un grand nombre de planches deflinées & gravées avec beaucoup de foin. réét H'ESNS TON E NTCHE 8 ne ÉRESESÉISSÉSSSS 2 QT UE MS RE Me eo 6 ee À À ee GÉOMÉTRIE. SUR UNE NOUVELLE MANIÉËÉRE D E DÉCRIRE LES OVALES DE DESCARTES. N fait, & il y a long-temps, que des rayons parallèles qui HRbent fur une lentille de verre, dont là furface eft une portion de fphère , ne fe réuniffent point au même point de l'axe ; cet obftacle à la perfeétion des lunettes , occupa long- temps Décret & lui fit imaginer ces verres hyper bo- liques & elliptiques, qu’il fe donna tant de peine pour faire exé- cuter, Ses réflexions fur ce fujet le menèrent à des confidérations plus générales fur les courbes de réfraction , & lui firent ima- giner ces ovales devenues fi célèbres fous fon nom : on fait que la propriété effentielle de la première de ces courbes et que le finus de l'angle formé par Finterfetion d’une ligne , partant d'un point pris {ur l'axe prolongé, & la perpendiculaire à l’ellipfe dans le point où cette ligne la coupe, doit être au finus de l'angle formé par cette même ligne & celle qui va au foyer , toujours dans une raifon conflante, exprimée par celle du finus d’inci- dence au finus de réfraction, dans la fubftance dont eft formée la lentille. Defcartes a donné une manière de décrire cette ovale par un mouvement continu ; ici M. d’Arcy en donne une autre pour décrire toutes celles de cette efpèce par un mouvement femblable ; cette manière ouvrira peut-être une nouvelle route pour décrire d’autres courbes , car on m'avoit point encore penfé au moyen qu'il a imaginé. - I ü 68 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYALE CORPS ENS C0 UFR EI LES dont la rectification dépend d'une quantité donnée. E problème où il s’agit de trouver les courbes dont fa rectification dépend d’une quantité donnée, renferme comme un cas particulier, celui où on demande des courbes rectifiables, & , comme ce dernier, eft du nombre de ceux qu'on n'eft point encore en état de réfoudre par une analyfe directe, c’eft-à-dire, par l'intégration immédiate de l'équation entre l'élément de la rectification de toute courbe & la fonction donnée dont cette rectification doit dépendre; mais ce qu'on ne peut faire par le fecours des méthodes du Calcul intégraf feul, on le fait avec fuccès dans plufieurs cas par la réunion des calculs différentiel & intégral, aidés de quelques artifices de calcul applicables à ces cas, c'eft ce qui arrive dans le problème qui fait l'objet principal du Mémoire de M. Bezout, & dont nous allons tâcher de donner une idée. Au lieu de chercher immédiatement la relation des co-or- données de chacune des courbes qui font l’objet du problème, il eft fouvent plus avantageux de chercher la relation de chacune de ces co-ordonnées avec une troifième indéterminée, ou avec plufieurs autres indéterminées; c'eft de cette manière que M. Bezout s'y ef pris, il fuppofe la formule de l'élément de la rectification de chaque courbe égale à la fomme des deux quantités dont l'une eft l'élément de l'une des co-ordonnées, Tautre eff l'élément de la feconde multi plié par une indéterminée; de cette équation, il eft aifé de tirer une valeur rationelle de l'élément de l’une des co-ordonnées, laquelle valeur eft exprimée par une fonction de la nouvelle variable qu'on a introduite, multipliée par l'élément de la feconde co-ordonnée : cette valeur fubftituée dans la quantité qui repréfénte l'élément de la courbe, réduit aufli cet élément à une quantité qui eft une fonction de la nouvelle variable, multipliée par l'élément d'une DES SCrENCES. 69 des co-ordonnées. H sagit donc de préparer cette dernière quantité de manière qu'elle dépende de la quantité propofée, ce que M. Bezout exécute par l'addition & la fouflraction d’une quantité qui eft le complément néceffaire pour que la quantité dont il s'agit faffe une différentielle exacte; il prépare de même l'équation qui lui a donné la valeur de l'élément d'une des co-ordonnées; par cet artifice, il ne refte dans chaque équation, il ne refle, dis-je , de différentielles incomplètes que des quantités affectées de Ja différentielle de la woifième va- riable, c'eft pourquoi on fuppofe dans l'équation qui donne 11 valeur de la différentielle de une des co-ordonnées, on fuppofe, dis-je , la différentielle incomplète égale à une fontion différentielle intégrable d'une quatrième variable, on fuppole de même la partie différentielle incomplète de l'élément de la rectification égale à une fonétion différentielle de cette même quatrième variable, laquelle fonétion renferme des quantités de la nature de celle dont la rectification doit dépendre ; par ces deux fuppofitions, on parvient à déterminer en quantités fans différences les co-ordonnées des courbes propofces , & telle eft. la première méthode que M. Bezout a employée. . La feconde méthode qu'il applique au même problème, eft fondée à peu près fur les mêmes artifices; mais au lieu de fuppofer l'élément de la rectification compolé de deux parties comme ci-deflus , il fuppofe l'élément d’une des co-ordonnées égal à une troifième variable multiplié: par l'élément de la feconde co-ordonnée. D'après cette fuppofition, le procédé pour fatisfaire aux conditions du problème, eft prefque entiè- rement le même que dans la première folution. L'ufage de cette méthode ne fe borne pas à ce feul problème, auf M. Bezout ne fe contente pas de cette feule application; les courbes dont la rectification dépend de leur quadrature , les courbes à double courbure rectihables, & qui ont une de leurs projections rectifiable, font encore dés objets auxquels M. Bezout. applique la même idée. F La folution du premier problème dont nous avons parlé, conduit à une expreflion de chacune des co-ordonnées, qui: li 70 HisToiRE DE L’ACADÉMIE ROYALE eft une fonction d’une feule & même variable, & dans laquelle les différences première & feconde de cette variable fe trou- vent; mais comme cette variable’ peut , par la nature de [a queflion , être repréfentée par une fonction arbitraire d'une autre variable, dont la différence feconde foit nulle, il en réfulte toujours une expreflion finie pour chacune des co-ordonnées, Dans le fecond problème, celui des courbes algébriques dont la rectification dépend de leur quadrature, la fonétion dont les deux co-ordonnées dépendent , n'eft pas aufli arbitraire que dans le premier problème, elle eft aflujétie à une condition, mais à une éondition que M. Bezout démontre pouvoir être remplie d’une infinité de manières qu'il indique. Le troifième problème, celui des courbes algébriques à double courbure reétifiables , avec la condiion qu'une des pro- jections foit algébrique & rectifiable, ce troifième problème eft, ainfi que le premier, réfoluble pour toute valeur de la fonétion qui détermine les co-ordonnées. M. Bezout a joint à chacune de ces folutions générales , des applications à des cas particuliers. Parmi les courbes dont la rectification dépend de leur quadrature, il remarque qu'il en eft un très-grand nombre dont la quadrature & la rectification dépendent de celle du cercle qui eft la première & la plus fimple des courbes qui fatisfont à ce problème, & qui fe prélente auffi une des premières dans la folution. Dans l'examen de la figure de quelques-unes de ces courbes par leur équation, il f prélente des fingularités qui ont donné lieu à M. Bezout de faire quelques remarques utiles fur les termes qu'on doit ou qu'on ne doit pas négliger quand on confidère l'une des co-ordonnées comme infinie, ou comme infiniment petite. De stiS CLE NCIE So 7I RER MERE RENE RE AE MERE MA RENE SERA ASTRONOMIE. SUR LES INÉGALITÉS DE MARS PRODUITES PAR L'ACTION DE JUPITER, * E principe de l’Attraction employé par les mains les plus W. es Méms habiles, a fervi depuis plufieurs années à la théorie de p- 12. la Lune; on a trouvé enfin, prefque d’un commun accord, que les inégalités caufées par l'attraction du Soleil fur le mou- vement de la Lune, pouvoient fe calculer à un centième près, avec les méthodes employées jufqu'ici. Les inégalités de Sa- turne, fur lefquelles M. Euler compof la pièce que l'Académie a couronnée en 1748 , font les plus confidérables qu'il y ait dans notre fyflème planétaire après celles de la Lune *, & elles exigent encore une grande partie de Ja précifion que l'on met dans les calculs de la Lune, parce qu'elles font fort con- fidérables, Jupiter étant fort gros & fort près de Saturne; enfin les inégalités de Mars produites par l'action de Jupiter, ont paru à M. de la Lande devoir être les plus fortes de toutes celles qui reftoient à déterminer , & il ya appliqué les calculs de l'attraction. Toutes les équations qu’il s’agifloit de déterminer , font ren- fermées dans un théorème , donné par M. Clairaut dans les Mémoires de l'Académie pour 1748 , que M. de la Lande entreprend de développer pour en faire l'application ; mais ce développement , dont le détail eft immenfe , exigeoit une multitude de calculs , dont il ne peut préfenter que les réfultats, & dont nous ne pouvons donner ici qu'une légère idée. L’ex- preffion générale des forces attractives eft la première chofe 1 * On n'entend pas parler ici. des Coniètes, dont les inégalités peuvent être incomparablement plus grandes dans certains ças. 72 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE u'on eft obligé de chercher : cette force dépend de la mañle ; de la diflance & de la fituation de Jupiter , par rapport à la Planète troublée ; elle fe décompol plufieurs fois , & fe réduit enfin à deux forces principales, dont l'une fe dirigeant vers le Soleil, ne fert qu'à augmenter ou diminuer de quelque chofe la force centrale, par laquelle Mars étoit attiré vers le Soleif, tandis que l'autre force, perpendiculaire à la première, ne change ni la force centrale, ni la diflance de Mars au Soleil, mais tend à accélérer ou à retarder fa vitefle, Les expreffions de ces deux forces renferment nécefairement la diflance des deux Planètes, & comme cette diflance dépend du mouvement elliptique de chacune , on eft obligé d'y faire entrer les inégalités de Jupiter & de Mars dans leur orbite, & le changement de leur diflance au Soleil, ce qui jette dans le calcul une extrême complication. Pour développer d'une manière plus méthodique & plus intelligible tous les termes du calcul & toutes les inégalités qui en doivent réfulter , M. de la Lande partage fes formules en deux parties; lune renferme les inégalités qui auroient lieu , fi l'orbite de Jupiter étoit circulaire & concentrique au Soleil ; la feconde eft deftinée aux équations qui proviennent de l'ex- centricité de l'orbite de Jupiter, c'eft-à-dire des inégalités de fa vitefle, & de celles de fa diflance au Soleil ; celles -ci font beaucoup moindres que les premières. Les quantités qui réfultent des calculs de M. de la Lande, vont à plus de quarante-cinq fecondes dans certains cas, en forte que par l'attraction feule de Jupiter on peut trouver die plufieurs calculs une minute & demie de différence, tandis que les hypothèfes ordinaires n'en donneroient aucune ; il en peut réfulter neuf minutes d'erreur fur le lieu de fes abfides, & ce feroit renoncer à toute la précifion de l’Aftronomie moderne, que de négliger aujourd’hui des équations aufii confidérables que celles dont la détermination fe trouve dans ce Mémoire. C'eft l'extrême difficulté de femblables calculs qui a détourné jufqu'ici les Aftronomes de ces recherches. SUR I ATDIE S SCIENCES. | 73 » SUR LE MOUVEMENT DES NŒUDS, ÊT fur l'Inclinaifon de l'orbite de Jupiter. TE projet de M. le Gentil, dont nous rendimes compte dans l'Hiftoire de 1757 , étoit de vérifier les élémens des orbites planétaires, en employant fes propres obfervations comparées avec celles de Bouillaud, & quand il feroit nécef- fire, celles des autres Aftronomes. Le premier Mémoire qu'il donna en annonçant fon entreprife , eut pour objet l'inclinaifon de l'orbite de Mas ; le fecond roule fur l'inclinaifon de l’orbe de Jupiter, que M. le Gentil trouve de 14 19° 2"; au lieu que ; fuivant M. Picard, elle étoit de 14 1 8° 2 2"; le troifième fur le mouvement du nœud , que M. le Gentil trouve de 66 ou 67" dans ce fiècle-ci, tandis qu'il femble n'avoir eu autrefois prefqu'aucun mouvement: à | HETR M. le Gentil commence par une remarque générale {ur l'exactitude que l'on peut attendre du genre d’obfervations dont il s'agit dans fon travail, c’eft-à-dire des pofitions des planètes déterminées par les étoiles fixes. Les pofitions des étoiles fixes en longitude & en latitude , font parfaitement connues pour Je temps où nous fommes, fur-tout après le travail fcrupuleux & inmenfe par lequel M. l'abbé de la Caiïlle en a dreffé un catalogue pour l'année 17 5 ©; mais lorfqu'il s’agit de remonter à des temps plus reculés, on trouve une incertitude qui pour le dernier fiècle, monte à une ou deux minutes, & pour le temps de Ptolémée & d'Hipparque à 20, & quelquefois à o minutes. : L'obliquité de lécliptique diminue inconteftablement, & les latitudes des étoiles fixes doivent changer , par cette feule caufe plus ou moins ; fuivant leur pofition à l'égard de éclip- tique; le mouvement des étoiles en longitude, ou l'effet de la préceflion des équinoxes fur les longitudes des étoiles , doit auf varier par la même caufe; & quoique à théorie, aufi- Hf. 1758. . K V: les Mém. pp. 34 & $ 9. 74 HisTOoiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE bien que le témoignage des Anciens, paroiflent d'accord aujour- d'hui, pour prouver que KR diminution de Fobliquité de Té- cliptique eft de trois quarts de feconde par année, cependant on peut craindre encore dans ces anciennes déterminations quelques minutes d'erreur. Et quand même l'on fuppoferoit que la diminution de fobliquité de l'écliptique eft parfaitement déterminée, c'eft-à- dire, que l'on connoîtroit bien les mouvemens dés cercles céleftes, l'équateur & lécliptique, auxquels nous rapportons toutes lés pofitions des aftres comme à des termes fixes, nous ne ferions pas affurés que les étoiles elles-mêmes , par quelque déplacement propre & particulier à quelques-unes, diffèrent pour différentes étoiles, n'auroïent pas éprouvé des variations irrégulières en longitude & en latitude; on à lieu de le croire de quelques étoiles, qui ayant été obfervées dans le dernier fiècle avéc précifion, ont évidemment changé de latitude d’une ma- nière fort différente de ce qu'auroit exigé la loi générale de la diminution de l'obliquité de l'écliptique: M. le Gentil a donc eu raifon d'annoncer qu'il n'employoït ces anciennes pofitions des étoiles fixes qu'avec une efpèce de défiance, & qu'il ne prétendoit pas fe décider d'une manière abfolue fur les réfultats qui en dépendent; mais il viendra peut-être un temps où Ja lupart de ces queftions pourront être mifes hors de doute, k connoiïflance des caufes nous: fera remonter alors d’une manière füre au delà même du temps de nos obfervations, & décidera les queftions que fancienne Aftronomie a laiffé indécifes. Pour déterminer l'inclinaïfon de l'orbite de Jupiter, foit dans le dernier fiècle, foit dans celui-ci, M. le Gentil emploie une conjonction de Jupiter à l'étoile n de la Vierge, qui eft fituée vers la limite boréale de fon orbite, c’eft-à-dire, à l’endroit où Jupiter Séloigne le plus de l'écliptique, & où fa latitude étant la plus grande éft écale à V'inclinaifon même que l’on cherche; c'étoit la ftuation la plus favorable ; les Aftronomes ont coutume de ne déterminer un élémént que lorfqu'il eft non-feulement au degré le plus fort où il puifle arriver, mais au plus grand | uno mis) ÀE. NiCLE Sr 7 effet qu'il.puife produire, afin. que les. conclufions qu'on en _péut tirer enfuite,, &les quantités qu'on eft obligé d'en dé- duire puiflent avoir la mêine précifion que celles qu'on a .… déterminées par oblervation ; mais à l'égard de Jupiter, {a latitude vué de la Terre ne diffère jamais beaucoup de celle qui eft vue du:Soleil,-ainfi Jupiter peut être ou en oppoñition ou en quadrature, fans qu'il en réfute, une différence fenfible pour l'exactitude des déterminations. S'il s'agifloit de Vénus, il ne fufhroit pas de prendre les temps où elle eft dans fes limites, fi en même-temps elle n étoit dans fa conjonétion inférieure, parce que fa latitude pourroit être fort grande vue du Soleil, & fort petite vue de ki Terre; mais cette différence na pas lieu pour les planètes fort éloignées, telles que Jupiter & Saturne. Dans cette obfervation de Bouillaud:, Jupiter ne parut éloigné de Tétoile que d'une minute & un quart, ce qui forme une des circonflances les plus fivorables qu'il puifle y avoir pour une femblable détermination, & d'ailleurs cette conjonétion_fut obfervée à Bologne, par de P. Grimaldi, Jéfüite; & fon obfer- wation , d'accord avec celle de Bouilliud , forme une preuve de l'exactitude de celle-ci. À La feconde obfervation ‘employée par. M. le Gentil, eft une conjonction de Jupiter à l'étoile 4 de la Vierge, obfervée en 1673 par M. Picard, l'un.des premiers Aflronomes de | l'Académie des Sciences ; dans le dernier fiècle, qui obferva la différence d’afcenfion droite &:de déclinaifon pendant deux jours de fuite entre Jupiter & W'étoile; la troifième eft une oppofition de Jupiter au Soleil, obfervée en 1750 par M. de Gentil, elle fait partie du catalogue des oppofitions dé cette planèe , dont il prit la peine‘de calculer des obfervations , pour fervir de füite à celles de: M. Halley , & qui font rap- portées dans les Mémoires de l'Académie pour 1754 L'obfervation de M. Picard , d'accord avec celle de M. Flamfteed ; donne une inclinaifon plus petite de 42 fecondes, que M. Gentil ne Ja trouve par fon obfervation & par celle de Bouillaud; Le réfuhtat pour lequel il fe détermine enfin , après avoir difcuté le mérite de chaqueobfervation,eft de 14 18° 28" tdi K ji 76 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE pour 1673, plus petite d'une minute que celle des Tables de M. Caflini, plus petite de 34 fecondes que celle qui réfulte de l'obfervation de M. le Gentil en 1750. Il ne paroït pas qu'on puifle, quant à préfent, s'aflurer mieux de cette quantité, & c'eft avoir déjà beaucoup fait ; cette incertitude vient fans doute de la diflérence des inflrumens & des erreurs imper- ceptibles de chaque obfervation ; on pourroit croire peut-être qu'elle vient dé la nature de la chofe, & du changement qui arrive dans l'inclinaifon de Jupiter par l'action de Saturne, ce- pendant il nous paroït que cet angle doit plutôt diminuer , mais que la quantité ne va pas à 10 fecondes par fiècle ; ainfi-la théorie de l'attraction ne fauroit expliquer les différences dont nous venons de rendre compte, Il en eft de même des inégalités dans le mouvement da nœud de Jupiter, que M. le Gentil trouve lorfqu'il compare entr’elles les anciennes obfervations, & enfuite celles du dernier fiècle , avec les obfervations qu'il a été à portée de faire lui- même depuis quelques années: Képler, qui pour la conftruction de fes fimeufes Tables Rudolphines avoit difcuté avec le plus grand foin les oblervations anciennes , ne donnoit par année que 4 fecondes de mouvement au nœud de Jupiter : M. Halley. comparant les obfervations de Gafendi avec les fiennes, trouvoit 50 fecondes ; & M. le Gentil qui a déterminé lui- même en 1753 le lien du nœud, trouve par la comparaifon avec lobfervation de M. Halley , faiteen 1716, 66 {econdes par année ; l'obfervation de Gafiendi faite en 1633 , donne encore le même rélultat, comparée avec celle de M. le Gentil. D'un autre côté la théorie de l'attraction * nous a appris que ce mouvement devoit être d'environ 58 fecondes , ce qui approche beaucoup de la détermination de M. ie Gentil ; mais l'embarras devient extrême, lorfqu'on veut concilier les anciennes obfervations avec les modernes : le 3 Septembre de l'an 240 avant J. C. l'étoile appelée l'Afue auftral , & que nous défignons aujourd’hui par le noin de 9 du Cancer’, fut cachée par Jupiter, au rapport de Ptolémée, Cette obfervation calculée par M, * Mém, de l'Acad. 1761, page 399» PANMDE IS BCE 0 NC mi 163 2 1 H 7 Caffini donne 2 $ fecondes par année-pour le mouvement du nœud , & calculée par M. le Gentil, elle donne 10 fecondes feulement ; mais de quelque manière qu'on s'y prenne, on né peut aflujétir. cette: ancienne .obfervation à donner le mêmé réfultat que les nôtres, fans faire violence au texte : if fudroit fuppofer une diflancé de plus d'un degré entre Jupiter & l'étoile, dans le temps où Jupiter cachoit entièrement l'étoile , au rapport des Chaldéens , ce qui n’eft pas vraifemblable : auffi M. le Gentil fe borne à expoler ce paradoxe hiflorique fans entreprendre d'en, donner le dénouement ; il dui fuffit d'avoir donné:une détermination exacte du liewaétuel de ce nœud, les obfervations futures , comparées à celle-là, feront connoître un jour: d'urie manière plus füre, quel fond: on doit fare fur l'obfervation Chaldéenne qui produit actuellement l'incertitude, RO SUR LA DURÉE DES ÉCLIPSES … DU QUATRIÉME SATELLITE DE JUPITER. I: ya plufieurs années que M. Maraldi, à l'exemple de feu bien faire; elle, demandoit donc fur-tout les recherches &des galeuls de M Maaldi; mais: le fugcès a, pal lés efpérances qu'il auroit pu en concevoir, puiiqu'il efh parvenu à repréfenter -puifent avoir y qulfignpd degré de précilions 2 |: ,qurées dé ces écliplés eoient la partie principale de fa UF V. les Mémy p: 8 Le. 78 Histoire Dr wAcaD£MrE RoYALE où il étoit néceflaire de commencer , parce qu'en connoiffant mal les durées des éclipfés, on eft éxpolé à fe tromper fur le temps de la conjonétion qu'on tire prefque toujours d'uné iminerfion outd'une émerfon!, car il eft extémement rare de les obférver toutes deux, onn'eit compte pas trente depuis plus déiquatre-vingts'ans qu'on obferve des Satellites de Jupiter. Lorfque 1e quatrième Satellite s'éclipfe & traverfe le cône d'ombré que Jupiter répand, le Satellite peut traverfer ce cône par fon centre même, c'et-à-dire, en parcourir le diamètre, & alors la durée dé fes éclipfes eft toujours de 2h 2 3" ,c'eft de temps pendant lequel on le perd de vue avec des lunettes d'environ 18 pieds. Muis comme le Satellite a une orbite qui n’eft pas couchée dans le plan mème de celle de Jupiter, mais inclinée de 24 36, il arrive très -fouvent que par cette inclinaifon le Satellite, lorqu'il eff à la partie la plus relevée de fon orbite où il) fembloit pouvoir #éclipfer, paffe au-deflus de l'ombre & ne sécliple point, ou qu'il ra feulement le cône d'ombre & ne fait que dininuer de furnière fins qu'on le perde totalement de vue, ou qu'enfin il n'entre dans le cône d'ombre que pour quelques minutes, & en décrive, au lieu du diamètre , une corde très petité; cela dépend de deux chofes, 1.” de la diflance où e Satellite an temps de l'éclipfe fe trouve par rapport aa nœud, c'eft-à-dire, au point où il traverfe l'orbite même de Jupiter, & dans lequel il faudroit qu'il fe trouva pour traverfer Taxe & le centre même du cone d'ombre; 2.° de l'inélinaifon & de la quantité dont l'orbite du Satellite s'élève au - deffus de celle de Jupiter; ces deux caufes influent préfque toujours enfemble dans la durée des éclipfes que lon oblèrve, & font très difficilés à déméler. : ? AUS HE NOUS Ep Lorfqu'on trouve une durée d'éclipfe beaucoup plus grande qu'elle n'auroit dû l'être, fuivant les Tables qu'on a formées pour les'calculer, comme il arriva en 1749, on ignoré fi cela vient de Vangle d’inclinaifon plus petit que dans'les Tables , ou d'une plus grande proximité au nœud, où enfin de l'un "&c dé l'altre, cat ces deux circonflantes doivent faire OS MATOS ICONE Nici£is Tell po chacune que le Satellite fe rapprochant de Torbite de Jupiter & du centre de l'ombre, y: parcoure une plus RER corde, & foit éclipf plus long temps: #1 Cette inclinaifon & ce nœud ; qui influent à fn fois fur les durées des écliplés ,'nè doivent: pstdtre toujours !les mêmes, car ‘on füit par l'exemple! -de”la) Lune, &c par da théorie de J'attration univerfelle prouvée de:tant de façons différentes, que les Satellites agiflant des uns'für les autres, &-le Soleil fx chacun d'eux, il doit en réfulter um mouvement & des iné- alités foit darisde nœud} foit dans l'inclinaifonde leurs orbites, états ‘dont-dà Iméfure m’eft-point connue, parce que les ‘maffés ou les forces attractives des Satellites qui ne des uns für des autres: nee: fontipoint.0' ASF) j 25 Le mouvement imêmé du-nœud d'un fècle à à fines qui fembloit devoir (être de plus! facile à détérminer, ne favoit oint été d’une manière füre, & sal le principal objet du Mémoire le M. Maraldi qui: prouve | sautant qu'il eft poffible de le faire pr ün petit nombre d'obférvations , que d'inclinaifon da quatrième Satéllite eft iconflimment de 24 36,18 que de ne a lun mouvement direét de 5’ 33" par année. - Suivant la théorie de attraction , le Soleil agiffant fur le qua- Hé Satellite, doit ÿ produire un! mouvement rétrograde, &c M.'Bradleÿ, prévenu d'avancelen faveur décette thédri ie; >dvoit “cr la‘troüver d'accord avec Fobfervatioh , &'admettoit un mouvement dé! s' miriütes par année, contre l'ordre des fiÿnes, ‘dans Le nœud du quatrième Satellite. M. Wargentin, moinspré- ‘venu‘par la théorie, avoit fait ce mouvement direct de 3 minutes par année, & -céla ‘pour cé fiècle” feulemént aflürantiqu'ibmn n'y avoit éu aucun mouvémeit fenfible dans les dérnièrés| années dé l'autre ‘fiècle; M, Maaldi-fiit voit que’ éétte ‘dérnièré! ky- ‘pothèfe, ‘quoiqué Moîns défectueufe, n'étoit! pas admiffible; & “qu'on peut repréfenter affez bien même les anciennes obler- “tions en admettant ‘un mouvenént : du nœud contrairetà “celui dé M. Bradieÿ; 8 plus grand que éeluidé MP Wargentin, ‘ee à-dire,. un mouvérhent( “dire & Selon Foie des Jens, de 1533" par ETUIS OU 16 X£ ibleulyi MR: LE 8e HisToiRE:DE L'ACADÉMIE RoYALE : Jnefaut pas éroire malgré ce qu'ont dit à ce fujet Newton & Bradley, que le fentiment de M. Maraldi foit contraire à la théorie de Fattraclion, nous croyons même qu'il lui eft beaucoup plus favorable que l'autre ; les premiers ne parloient que d'un’ mouvèment du: nœud produit par Fattraétion du Soleil, & celui-là devoit être rétrograde il eft vrai, mais perfonne n'a encore éxaminé ce qui doit réfulter de l'attraction des Sateliites les uns fur les autres, il nous paroït que cette attrac- tion eft la plus forte , puifqu'on aperçoit dans l'inclinaifon du fecond &, du troifième Satellite un changement extrêmement , cft l'élévation du métier vu par-devant lorfqu’il eft. placé horizontalement. V0 font les montans que l’on voyoit en FG dans la figure première. R R eft le rouleau antérieur, avec fes vis & fes moutons. La fig. 4, eft l'élévation du métier vu par-devant, lorfqu’on a fait bafculer les rouleaux pour placer la chaîne verticalement & du haut en bas. S eft le rouleau de devant, qui fe trouve alors vers les pieds de l’ouvrier. T° eft le rouleau de la chaîne qui fe trouve alors au deffus. oO US renvoyons entièrement aux Mémoires, Le problème de M. d'Arcy, fur les devrés d'éllipricité des fphéroïdes , relativement à l'intenfité de l' Attraction. MACHINES ou INVENTIONS: APPROUVÉES PAR L'ACADÈMIE. NOMADE IC CIENT I RTE I. [ FN E machine du fieur Meffier, pour hacher à écrafer la: / paille deflinée à la nourriture des chevaux ; -dle confifte - en deux cylindres horizontaux dont lun ; mu par une manivelle ou par une lanterne, fait tourner en fens contraire, par le frot- tement qu'il occafionne, l'autre cylindre, qui porte un grand . nombre de James d'acier, circulaires, percées au centre, & tranchantes à leur circonférence. Ces lames font : portées fur un même axe de fer, & féparées les unes des autres par des rondèles de plomb qui les afujétifient & les tiennent à égale diflance ,. étant toutes fondues dans le même moule ; la paille - eft hachée plus ou moins menue, fuivant l'épaiffeur qu'on leur donne, Le premier cylindre, fitué parallèlement au fecond , eft de: cuivre &.entaillé dans toute la circonférence: de façon que: DES SYCTEN CE s TdY Tes lames tranchantes de celui-ci s’avancent dans les entailles de “celui-R; il porte de plus fur fa furface plufieurs rangées de dents qui entrent dans les intervalles des lames d'acier, & qui accrochent les pailles pour les faire porter fur ces lames, & les faire couper par la révolution des deux cylindres, On peut les “preffer plus ou moins l'un contre l'autre, au moyen de deux -vis horizontales; quatre autres vis verticales fervent à {errer de même leurs axes dans les collets où ils tournent, pour éviter le jeu. Les bottes de paille fe mettent dans une efpèce de tré- mie de la même longueur, qui eft placée au-deflus des deux cylindres, & le poids de ces bottes fufht pour les faire defcendre, ‘à mefure que la paille eft coupée, & que fes brins tombent dans une auge établie fous la machine. Le cylindre de cuivre étant mis en mouvement, le frottement qui en réfülte fait tourner en fens contraire l'autre cylindre qui porte les James; la machine entre en jeu & hache la paille. Cette machine a paru plus commode, plus expéditive que celles qu'on a employées jufqu’ici au même ufige; & comme elle eft fimple, elle: pourra être avantageufe au public, en mettant à bas prix la paille hachée , que l'on fait être une très- bonne nourriture pour les chevaux, lorfqu'elle eft mélée avec lavoine, dont elle diminue la confommation. DE Ui inflrument propofé par M1. Boufèrs pour réfoudre fans calcul les problèmes ordinaires de la Trisonométrie. À cet égard , ‘il mauroit rien de fimgulier, on en a déjà imaginé pour cet ufage; mais ce qu'il'a de nouveau & de plus: que les autrés, c'eft qu'il peut fervir encore à réfoudre fans calcul le problème - où trois points étant-donnés , il en faut trouver un quatrième - où vont coïncider fous des angles:connus,, les lignes qui partent ‘de cs trois points, Pour cet effet, il eft compolé de cinq. règles divifées en parties égales, dont quatre forment ou plutôr . repréfentent les côtés d’un quadrilatère, & la cinquième deftinée à en être la diagonale, porte les centres de deux cercles divifés en dégrés ; chaque cercle porte deux des quatre règles: dont: nous. venons de parler, & fon centre eft auffi, celui-du mou Noir, ro2 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE vement de ces règles; le premier eft mobile le long de 4a diagonale avec les règles qu'il porte, &c peut en même temps tourner far fon centre avec elles ; le fecond eff attaché fixement à l'extrémité de cette diagonale. Par cette conftruétion , on voit fans peine comment cet inftrument peut fervir pour les problèmes ordinaires de wri- gonométrie ; mais pour réfoudre par fon moyen celui dont nous venons de faire mention, & qui le rend fupérieur aux autres inftrumens ; voici comme on s'y prend. On forme au centre du cercle mobile, en ouvrant les deux règles, un angle égal à lun des angles donnés à lun des trois points connus , & fur ces mêmes côtés, on prend deux parties qui foient dans le rapport des diflances de ce point, aux deux autres points connus ; au centre du cercle immobile on forme avec la dia: gonale & les deux autres côtés, deux angles égaux aux angles formés au point inconnu ; & ayant aflujéti les règles de manière que ces angles ne puiflent varier, on fait mouvoir le cercle mobile, tant par la diagonale que fur fon centre, jufqu'à ce que les divifions qu'on a marquées fur les règles qu'il porte, concourent avec les côtés de Fangle immobile ; alors , comme on le voit évidemment , les diftances du centre du cercle mobile & des deux interfeétions au centre du cercle immobile; donneront les diflances cherchées du point inconnu aux trois points connus. L’Auteur compte donner à cet infrument deux pieds de longueur, c'eft-à-dire aux côtés & à la diagonale; par - là fon ufage ne pourra pas s'étendre à toutes fortes de diflances, comme il eft facile de le voir; mais lorfque les dif- tances obfervées & les difances cherchées n’excéderont pas la portée de l'inftrament on pourra s'en fervir utilement , partieu- lièrement ceux qui ne font pas familiers avec les calculs trigono- métriques : on a peut-être trop négligé de perfectionner ces {ortes d'inftrumens; il y a mille cas où il feroit utile de réfoudre fans calcul des problèmes de trigonométrie, & où ces inftru- mens pourroient donner une précifion fufhfante. IITL Une efpèce de modérateur préfeuté par M. de la Chambre, DE s: US C)1/E. Nic ES 107 pour Jervir à raleniir le mouvement dans des machines. Dans un tambour creux, mobile {ur fon axe , font fixés de petits tuyaux cylindriques, égaux, inclinés alternativement vers chacun des plans qui ferment le tambour; tous les orifices de ces petits tuyaux fe répondent de façon, que fi l'on y place une balle de métal , elle tombe du premier tuyau fur l’orifice du fecond, incliné du fens oppofé, qui la tranfporte, comme ñ elledefcendoit fur un plan incliné, de l'autre côté du tambour, où elle rencontre lorifice d'un troifième tuyau, & ainfi de fuite dans toute la furface du tambour, où cette balle parcourt un efpace égal à la fomme de tous les tuyaux , pendant que le tambour fait une révolution fur fon axe. Ce modérateur a paru ingénieux, mais d’une application peu utile. [left vrai que la balle par fa forcé centrifuge modérera la vitefle du tambour; mais fes frottemens dans les tuyaux, & les chocs qu'elle imprimera au tambour en pafant d'un tuyau dans unautre, rendront fon aétion fort inégale, & beaucoup plus que celle de l'eau dans les clepfidres formées par un tambour à plufieurs cellules, d'où l'idée de ce modérateur a pu être empruntée. EVE Une nouvelle cadrarure de fonnerie pour les pendules à quatre parties, préfentée par le fieur Ridrot, Horloger. Cette-cadra- ture, qui eft placée fur la platine du côté du balancier, a paru ingénieufe & nouvelle à plufieurs égards : elle corrige les in- convéniens des détentes à fouet , des détentes à reflort, & . particulièrement de celles qu'on emploie dans.les pendules où il n'y a qu'un rouage pour Îes trois fonneries, que l'on dérange infailliblement lorfqu'on tire Ha répétition au moment où le pied de biche commence à lever. On a obfervé auffi que dans la pendule , les effets de la fonnerie étoient aflurés par des moyens aflez fimples. On ne peut trop recommander aux Mécaniciens & aux Artifles qui entendent bien la théorie des effets, de s'appliquer à perfectionner ces pendules, ainft que les montres à quatre parties ; car jufqu'ici leursonftruétions ont. été fort compliquées ; ce qui les a rendues très-chères & fujettes à plufieurs dérangemens. og HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE V. Des corps & des bottines , pour redreffer les parties du corps Bumain qui ont fouffert dans leur forme € dans leur figure , préfentés par le fieur d'Offemont, maître Tailleur. Ces corps font plus mous & plus flexibles que les autres; ils ont quatre plaques de fer, fi bien cachées dans leur épaiffeur, qu'elles ne paroiflent pas, & fituées de manière qu'elles recouvrent les omoplates & les contiennent : de plus, ces corps font faits de facon, qu'au lieu de prendre là forme du corps, ils doivent l'aflujétir à celle qu'on leur a donnée : enfin, ils peuvent fe retourner, ce qui eft une propriété abfolument néceffaire; mais en cela ils n'ont aucune nouveauté. Comme ces corps font afiez fermes pour ne pouvoir être portés commodément la nuit, l'Auteur en a imaginé d'autres plus flexibles, qu'il appelle corps de nuit, qui fervent à foutenir {a taille, & à entre- tenir les parties dans la fituation à laquelle les corps de jour les difpofent : ceux-ci fe laffent par-derrière; au fieu que ceux de nuit fe laffent par-devant. Une troifième efpèce de corps, préfentés par le fieur d'Of- femont , font ceux qu'il appelle corps de fanté, qui.ne fervent qu'à foutenir la taille, & dont plufieurs n'en ont même que les deux tiers ; des bottines de jour , deftinées pour les enfans rachitiques , font faites de baleine recouverte de toile, fe hflent par-devant, & ont un mouvement au genou & au coude-pied ; celles de nuit n'ont pas ce mouvement. Ces corps & ces bottines ont paru bien répondre aux différentes vues que le fieur.d'Offémont s'eft prapofées en les imaginant ; & on a cru qu'on pouvoit dans plufieurs cas, lorfque les parties du bas-ventre, de l’eflomac , &c. demandent à être foutenues, fe fervir avantageufement des corps de fanté. En général, ces objets font trop négligés, au lieu de les abandonner à des perfonnes qui par leur état ne peuvent avoir, ni une aflez grande connoiffance de la ftruéture du corps humain , ni aflez de reflources dans l'efprit pour imaginer: ce qu'il faudroit; il froit fort à fouhaiter qu'un favant Anatomifte & un habile Mécanicien vouluffent joindre leurs trayaux, pour inventer des PDP IMASICUTE N° CE 8 os des machines ou des moyens convenables pour rémédier aux différentes difformités du corps humain ; ils feroïent bien dé- dommagés de leur peine, par le fervice important qu'ils rendroient à la fociété, Ajoutons à ces réflexions , qu'on ne fait peut-être pas affez d'ufage des corps qui peuvent foutenir la taille; il femble qu'il _ f@roit très-utile d’en porter dans la vieillefle, ce qu'on ne fait pas. En eflet, il paroît qu'on fuit en cela une pratique toute contraire à celle que la Nature prefcrit: on porte des corps dans la jeuneffe, où la Nature a toute fa vigueur; & il y a _ déjà long - temps qu'on n'en porte plus dans un âge où les forces diminuent, & où les mufcles qui fervent à tenir l’épine droite, s'affoiblifant, le corps fe courbe par le poids des parties fupérieures. Sans parler de la diflormité qui en rélulte, il en … arrive plufieurs défordres dans l'économie animale , qu’on pré- ‘ viendroit vraifemblablement , en portant dans la vieilleffe des 10 corps prôpres à cet âge; on peut {e rappeler à ce füjet l'hifloire _ decette Dame, rapportée par M. Winflow dans nos Mémoires*; _ elle avoit été grande & bien faite, & par la négligence de tenir & de s'habiller, fon épine fe contourna au point qu'elle À devint toute LOT : M. Winflow lui confeilla dans le | commencement de cette indifpofition , de porter un petit corfet fait exprès, elle n égligea fon confeil , & depuis fon mal n'alla | qu'enaugmentant; maisC “eft la vanité & la mode qui font porter des corps dans la jeuneffe, & les ufages qu'elles favorifent font f ei fuivis que ceux que la raifon prefcrit, on is de Dr HO ce AE qui refemble en éral à à ceux qui font te ici pour être portés dans les en diffère cependant à plufieurs égards ; fa boîte eft une feule pièce, d'ün bois dur & folide, tel que le buis, qu'on E 1 de choifir fans défaut ; Dove ture par laquelle le e oit ans la boîte, a extérieurement la figure d'un enveré , & cette ouverture eft affez grande, pour que 15 1758. M0 * Mén 1 7473 1: 59: ic qu ‘ele reçoit, & qui communique avec une grande . 106 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE quantité de cette matière, qu'on verfe dans la boîte, fafle ur volume fufffant pour y aflujétir folidement le tube, Cette boite, cylindrique intérieurement, eft ouverte par fon fond, de façon: que le diamètre de fon ouverture fe trouve un peu plus grand: que celui de l'intérieur de l boîte, afin qu'il y ait une portée contre laquelle une dame, garnie de chamois, qu'on y fait entrer, puifle y repofer; une partie de cette même entrée eft formée en écrou fur le tour, pour recevoir un bouchon à vis, qui comprimant la dame contre le rebord de la boîte, la ferme: avec toute l'exactitude qu’on peut defirer. Au moyen de l'ou- verture qui eft à fon fond, on peut remplir commodément & exactement le baromètre, & même y mettre plus de mer- cure qu'il ne faut pour cela , car la dame pouffée par le bouchon: à vis, fera fortir par le trou de communication de l'air, tout le mercure fuperflu; le refle de cette boîte eft à peu près fem- blable à ce qu'on a coutume de pratiquer dans les autres, pou: | recevoir le mercure fuperflu & donner paffage à l'air lorfque: le baromètre eft en expérience. Cette conflruétion de baromètre l’exempte de deux. défauts: qui font dans les autres dont nous avons parlé ; dans ceux - ci: la boîte étant ordinairement de deux pièces, jointes enfemble: par du maflic, elles laiflent fouvent échapper le mercure ; le tube n'étant pas aflez folidement maftiqué à la boite, s'en: détache fouvent par les fecouffes violentes qu'il éprouve dans les voyages, & ainfi laifle encore échapper ce liquide ; enfin, comme le petit urou par fequel l'air extérieur doit communiquer: avec la boîte pour agir de tout fon poids, ou avec toute fon: élafticité fur la furface du mercure , eft l'ouverture unique par: quelle on peut remplir le baromètre totalement ; il n'eft guère poflible d'y parvenir facilement : c’eft travailler utilement pour: la Phyfique, que de chercher à perfectionner un inftrument: auffi important que le baromètre portatif, pour connoître la: pefanteur de l'air à différentes hauteurs. DES SciENcEs To7 ressens É LOGE DEL PLREN AT C'O'NNLUE. F RANGO1IS NICOLE naquit à Paris le 23 Décembre 1683, de Jean Nicole & de Marie Jollimois, tous deux d’honnéte famille. I fit fes premières études au Collége des Jéfuites de Paris : fon père qui étoit homme de Lettres, & qui avoit même préfidé à l'éducation de quelques jeunes gens, lui fervit de répétiteur avec une attention d'autant plus fcrupuleufe, qu'il le deftinoit à l'état eccléfiaftique ; mais il n'avoit pas compté que les talens du jeune homme viendroient traverfer fes vues: ceux _ qu'avoit le jeune Nicole pour les Mathématiques, fe montrèrent _ de-fi bonne heure, que M. l'Abbé de Gamaches fut étonné de lui en trouver tant & de fi bien marqués dans une f grande jeunefe, & plus étonné encore du chemin qu'il avoit eul & fans guide dans cette épineufe carrière ; il crut . devoir lui procurer les moyens de fuivre avec avantage un travail ns lequel il avoit eu déjà des fuccès fi marqués, & dans ette vue il en parla à M: de Montmort, de cette Académie; elui-ci n’héfita pas un moment à s'emparer du jeune Nicole, sé pour lors d'environ quinze ou feize ans ; il le prit chez & lui ouvrit les routes de la haute Gén ie ; les progrès pides qu'il y fit, furent dignes du maître & du difciple ; _ bientôt M. de Montnbit trouva en lui un compagnon d'étude _ enéat de le füivre, _ & même de l'aider dans fes plus pro- x _ fondes recherches , & bientôt aufli M. Nicole eut acquis malgré ; fie nefle i réputation d’un des plus favans Mathématiciens Le premier ouvrage par equel il fe fit connoître à l'Académie, … füt un effài de la théorie des Roulettes, qu'il lui préfenta en |_ 1706: cèt ouvrage donna une fi grande idée de fa capacité, . quel'Académie crut devoir saflure” d’un tel fujet ; il fut nommé Of %o8 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE RoyaLe le 12 Mars 1707 à la place d'Élève de M. Carré, vacante par Ja vétérance de M. de Beauvilliers ; & feu M. Saurin, bon juge en pareille matière, prédit hautement que ce jeune homme , à peine alors âgé de vingt-trois ans, poufleroit l'Algèbre au plus haut point où elle püt ètre portée. H juflifia bientôt le choix de l'Académie, en donnant Fouvrage entier dont il n'avoit donné l’année précédente qu'une légère idée ; dans cet ouvrage il examine toutes les courbes qui peuvent être décrites par un point, pris fur le rayon d'une courbe quelconque qui roule fur une autre courbe femblable ou différente, ou même fur une ligne droite ; foit que ce point foit pris au dedans de la courbe, foit qu'on le prenne fur le rayon prolongé, il détermine celles qui peuvent être géomé- triques, c’eft-à-dire, dans lefquelles les abfcifies & les ordonnées. ont un rapport conflant, & celles qui ne font que méca- niques, ou qui n'ont pas cette propriété ; celles qui peuvent être rectifiées , celles qui n’en font pas fufceptibles : il a même pouffé dans la fuite fon travail fur cette matière jufqu'aux roulettes formées fur la fuperficie convexe d'une fphère ; en un mot, il a traité ce fujet avec tant d'exactitude, & l'a élevé à une fi grande généralité, que la cycloïde , de quelques propriétés de laquelle la découverte a fait tant d'honneur à lilluftre M. Hughens, fe trouve confondue dans la foule de ces courbes, & devient , s’il m'eft permis de parler aïinfi, une partie infiniment petite du travail de M. Nicole. Son goût étoit entièrement tourné du côté des théories: générales ; c’eft aflez ordinairement celui des Géomètres , qu'un ufage continuel du Calcul infmitéfimal, accoutume à regarder les objets qu'ils traitent fous toutes les faces poflibles ,. & à les confidérer toujours d’un point de vue aflez élevé, pour en embrafler toute l'étendue. On a de lui en ce genre une méthode générale pour dé- terminer la nature des courbes qui en coupent fous le même angle une infinité d'autres données de pofition. Il commença en 1717,un Traité du calcul des différences. finies, qu'il continua depuis en 1723, 1724 & 1727. On DES SCtENCEs. 109 fait aflez combien l'application du calcul à l'infini a procuré d'avantages , mais on ne s'étoit pas encore aperçu que les règles du Calcul infinitéfimal, pouvoient dans de certaines circonftances être appliquées avec fuccès à des quantités finies : M. Taylor, Géomètre anglois, en donna la première ouverture dans fon Ouvrage de Methodo incrementorum ; c'en fut aflez pour engager M. Nicole, qui fentit toute l'utilité de cette théorie, à la traiter avec l'étendue dont elle étoit fufceptible. Il donne dans fon ouvrage la manière de calculer toutes les fuites de nombres, foit entiers , foit fraétionnaires, compoltes de termes formés par un produit , dans lequel il n'entre qu'une feule grandeur indéterminée, qui croît toujours d'une même quantité : toute cette théorie eft pouflée dans fon ouvrage au plus haut degré de généralité, fans rien perdre du côté du détail, ni du côté de la précifion ; quelqu'abflraites que foient ces . matières, le génie, aidé du travail, viendra toujours à bout d'y .… répandre une lumière & un: ordre qui va jufqu'à leur donner, u" du moins aux yeux des Géomètres, une efpèce d'agrément. . H reprit encore en 1737 la matière des Suites, pour … donner un exemple de Ia facilité avec faquelle fes méthodes pouvoient être employées, en réfolvant fans peine, par leur oyen, plufieurs problèmes très - difficiles à réfoudre par les éthodes ordinaires. Un autre corps d'ouvrage auffi étendu que ce dernier eft fon Traité des Lignes du Line ordre, qu'il lut à l'Aca- démie en 1729: on fait que les différentes courbes tirent leur de la puiffance à laquelle lordonnée eft élevée dans uation qui exprime leur nature; la ligne droite compole e le premier ordre, parce que l'ordonnée à toujours un apport confiant avec Îa partie de l'axe qu'elle coupe; dans les feétions coniques qui conftituent le fecond ordre, ce n'eft plus entre les parties de l'axe & les ordonnées que fe ren- tre ce rapport conftant qui en conftitue la nature, mais re ces mêmes parties de l'axe multipliées par une quantité onftante, & les ordonnées élevées au quarré ou à la feconde ance ; les lignes du troifième ordre ont leurs ordonnées à. O ii tro Histoire DE L'ACADÉMIE RoyALE élevées à la troifième puiffance; mais il s'en faut bien qu'elles foient aufli fimples, ni en auflt petite quantité que celles du fecond ordre; leur nombre eft très-confidérable, & la bizarrerie de leur cours déjà fi grande, que le calcul feul peut les fuivre dans tous leurs détours, & que le Géo- mètre eft, pour ainfi dire, continuellement obligé d'appeler le jugement au fecours de l'imagination. M. Newton avoit déjà travaillé fur ce fujet dans fon excellent Ouvrage, intitulé Ænumeratio lincarum terti ordinis, mais il n'avoit pas à beaucoup près épuifé la matière ; M. Nicole s'en faifit après lui; ce travail même le conduifit à quelques réflexions nou- velles fur les feétions coniques, & il le termina par l'ingénieufe conftruétion d'un folide, dont les différentes fections en- gendrent les lignes du troifième ordre, comme celles du cône produifent les lignes du fecond. On juge bien que ce folide n'eft pas fi fimple que le cône , & qu'il étoit plus difficile à trouver que ce dernier; cependant M. Nicole y a été conduit de démonftration en démonfiration , & le hafard n'a pas eu la moindre part à cette découverte. On peut rapporter au même temps un évènement fin- gulier, & qui a fait trop d'honneur à M. Nicole, pour que nous puiflions nous difpenfer d'en parler dans cet éloge. Un Lyonnois, nommé M. Mathulon, crut fi bien avoir trouvé la quadrature exacte du cercle, qu'en La publiant il n'héfita point à dépofer à Lyon chez un Notaire une fomme de trois mille livres, payable à celui qui, au jugement de TAcadémie des Sciences, démontreroit la faufieté de fa fo- lution : M. Nicole fut piqué de l'efpèce d'infulte que le déf de M. Mathulon faifoit aux Géomètres, & peut-être plus encore à la Géométrie ; il fit voir le paralogifme dans un Mémoire qu'il lut le 23 Août 1727 ; & l'Académie juges le 1.” Septembre füuivant, qu'il avoit très-bien démontré que la figure reciligne que M. Mathulon donnoit pour égale au cercle, non-feulement ne lui étoit point égale, mais que mème elle étoit plus grande que le polygone de trente-deux côtés, circonfcrit au cercle. Par les conditions énoncées dans y g Es PORTE SNS CG LE NC Es, 11 4 Facle même du dépôt, les trois. mille livres étoient bien À Fégitimement acquifes à M. Nicole ; il n'étoit pas riche, ce- 4 pendant malgré ces raifons il fe contenta d'avoir vaincu fans à vouloir s'enrichir des dépouilles de fon ennemi: il tran{porta généreufement fon droit à l'Hôtel-Dieu de Lyon, qui retira effectivement cette fomme : s'il eft glorieux pour lui d'avoir eu affez de favoir en Mathématique pour deméler le paralogifme en queftion, il doit l'être encore plus d'avoir eu le cœur aflez généreux pour abandonner aux pauvres. le. fruit de fa | victoire; les qualités du cœur doivent toujours avoir le pas …_ fr celles de l'efprit, Non-feulement le. Mémoire que M. Nicole lut alors, dé- montroit évidemment la fauffeté de la prétendue quadrature de M, Mathulon , mais encore il donnoit une méthode: générale pour découvrir celle de prefque toutes les folutions peu exaétes qu'on pourroit vouloir: donner de ce problème ; la. pierre de touche de. M. Nicole eft la comparaifon qu'il en … fait à des polygones d'un: très-grand nombre de côtés infcrits | ou circonfcrits au cercle, entre lefquels la véritable valeur de: da circonférence doit néceflairement f trouver : il en a depuis _ donné en 1747 des Tables toutes calculées pour. divers pos Iygones, & les a pouffées jufqu'à celui de trois cents quatre vingt-treize mille deux cents feize côtés; il pouvoit fe difpenfen _ deles porter filoin,, à plupart des-quadratures qu'on préfente l'Académie {ont bien. en deçà de ces limites; quoi qu'il en it,, On peut au moyen de ces Tables découvrir d'un coup il l'erreur d’une quadrature propolte , étant évident qu'elle: uffe, fi la circonférence qu'elle donne au cercle excède: e du polygone de même rayon qui lui eft circonfcrit, ow: moindre que celle du polygone de même rayonr qui lui Einfcrit; aucune ma pu jufqu'ici foutenir cet examen, & Nicole fera toujours, pour ainf dire, au moyen de fes: ables, l'examinateur & le juge de toutes les quadratures qui ourront être préfentées dans la fuite. Il a donné encore à: adémie un travail afez füivi, {ur le Cas irréduétible dus fième degré , qui l'occupa depuis 173 8 jufqu'en x Z 44e Li t12 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Tous les Géomètres favent qu'une équation a autant dé racines, c'eft-à- dire de quantités auxquelles l'inconnue peut être égale, que la puitfance à laquelle l'inconnue y eft élevée a de degrés : ainfi les équations du fecond degré, dans lefquelles l'inconnue eft élevée feulement au quarré où à la feconde puillance, ont deux racines, & celles du troifième en ont trois; mais fi ces racines fe trouvent toutes trois réelles, iné- gales & incommenfurables, elles ne peuvent être réduites ar les règles ordinaires en d’autres quantités, & c'eft ce qu'on appelle le Cas irréductible du troifième degré. Cardan, vrai- femblablement le premier Géomètre qui ait ofé tenter la folution des équations du troifième degré , fut arrêté par cet obftacle, & tout ce qu'il put faire , fut de trouver une formule propre à exprimer la plus grande de ces trois racines ; & ce qui eft de plus fingulier, c'eft que cette formule qui exprime une quantité réelle, contient elle-même des imaginaires. M. Nicole voulut lever cette difficulté , il trouva moyen de convertir cette formule en une fuite où les termes qui contiennent les imaginaires , font alternativement affectés des fignes plus & moins, & par conféquent fe détruifent mu- tuellement ; mais cette fuite avoit un autre inconvénient , elle étoit du genre de celles qu'on ne peut fommer par les méthodes connues : ce nouvel obflacle le piqua, & à force de travail il parvint à demêler des circonftances, dans lefquelles cette fuite f1 rébelle fe laiffe fommer & même affez facilement ; ce fut la matière d'un ouvrage qu'il donna en 1741, en faifant l'application de cette méthode à la fameufe trifection de l'angle, qu'il trouve par ce moyen avec fa plus grande facilité ; de nouvelles tentatives faites en 1743 & en 1744, augmentèrent encore l'étendue des limites dans lefquelles le cas irréductible cefle de l'être, & lui indiquèrent une grande quantité de cas où l'on peut approcher fr près qu'on voudra de la réduction , lors même qu'on ne peut l'obtenir. Si M. Nicole na pu épuifer abfolument cette matière, au moins aura-t-il toujours la gloire d'avoir attaqué avec fuccès un problème fr redoutable, de lavoir réfolu dans plufieurs cas ml finite bte nil sn eées 222 = c— is. | DES SCIENCES v1ÿ & d'en avoir, beaucoup diminué {a difficulté, dans ceux mêmes où on ne peut le réfoudre, M. Nicole n'étoit pas cependant fi fort attaché à {es théories générales , qu'il ne tournât quelquefois fes vues vers des objets particuliers; il s’eft prêté plus d'une fois à des folutions de problèmes propofés, foit par les Géomètres de l'Académie, oit par les Etrangers: il a même donné quelques propofitions nouvelles de Géométrie élémentaire, objet en apparence bien inférieur à ceux qui loccupoient ordinairement ; mais c'étoit pour l'intérêt même de la Géométrie, qu'il defcendoit, pour ainfi dire, de la haute région qu'il y occupoit ; c'étoit d’ailleurs des vérités nouvelles qu'il enfeignoit ; les hommes en *pourront - ils jamais trop connoître ! Il avoit donné én 173 0 un travail aflez fuivi {ur les Jeux; il étoit bien difficile que la familiarité qu'il avoit eue avec M. de Montmort, ne lui eût donné quelques idées fur cette . matière ; les Mémoires qu'il lut à ce fujet étoient deftinés à déterminer le fort de plufeurs Joueurs de force inégale, qui joueroïent enfemble un certain nombre de parties ; on fait en général qu'il y a à parier en faveur du plus fort, mais on ne devineroit pas aifément combien le plus grand ou le moindre nombre de parties change la probabilité & la fomme qu'on pourroit raifonnablement parier, le calcul algébrique peut feul fixer les idées fur une pareille matière , & donner, pour ainfi dire, des loix au hafard & à la fortune. L'efprit géométrique que M. Nicole poffédoit au plus haut “degré, ne communiquoit au fien aucune féchereffe ; il n’étoit Mathématicien qu’à l’Académie ou dans fon cabinet, hors de-là c’étoit un homme aimable &c très-propre à vivre dans la meilleure compagnie ; il avoit aufli toujours aimée ; fes liaifons étoient prefque toutes avec les perfonnes de la plus haute confidération ; il avoit été admis de bonne heure dans la fociété de l'illuftre Comtefle de Caylus , de feu M. le Duc de Villeroy & de M. le Duc de Villeroy d'aujourd'hui ; il a toujours été lié avec toute la Maifon de Pontchartrain, &c avec celles de Ségur & de Mortemart; nous n'avons garde Hill, 1758. " E 114 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE d'oublier d'y joindre l'attachement qu'il a toujours confervé pour M. de Montmort , aujourd'hui Major des Gardes-dlu- corps; il étoit fondé fur la reconnoiflance qu'il avoit des fervices que feu M. de Montmort lui avoit autrefois rendus ; il avoit auffi été lié d’une très-étroite amitié avec feu M, le Comte de Nocé: bien d’autres auroient cru voir dans ce favori du Prince Régent une porte ouverte à la fortune, le Mathémati- cien-philofophe n'y vit qu'un homme digne de fon attachement, & n'employa jamais pour lui-même le crédit de fon ami. Ïl avoit toujours joui d’une aflez bonne lanté ; l'été dernier fes jambes commencèrent à senfler ; il pafla tout l'automne à la campagne avec M. ie Duc de Villeroy fans aucune autre incommodité, Ce Seigneur vouloit même l'engager à y pafle l'hiver, mais M. Nicole lui témoigna ‘une fi forte envie d'affifter à Affemblée publique de la Saint - Martin, qu'il fallut lui permettre de venir à Paris, en exigeant de lui de retourner à Villeroy peu de jours après; il ne fut pas en fon pouvoir de tenir cette parole : il fe forma fur fes jambes une éréfipèle, qui d'abord ne parut exiger que du régime ; le mal devint plus confidérable ; mais on ne croyoit pas le danger fi preflant qu'il l'étoit; je le vis encore le famedi 7 Janvier de cette année, n'étant pas en apparence plus mal qu'à l'or- dinaire, & caufant fort gaiement avec plufieurs de fes amis ; mais dès le lendemain les accidens parurent menaçans ; il n'héfita pas à demander les fecours fpirituels & à mettre ordre à fes affaires, car fa tête fut toujours épargnée par la maladie, & peu d’heures après il mourut, âgé d'un peu plus de foixante-quinze ans. 1 n'avoit point été marié, & il a inflitué pour fes Iégataires univerfels M. de Billy, gentilhomme du Lyonnois, fon ami particulier depuis quarame ans , & M. de Monthazin, Avocat au Parlement. La place de Penfionnaire- Mécanicien de M. Nicole a été remplie par M. de Montigny, déjà Penfionnaire furnuméraire dans la même clafe, et If TL et ve ect D. onde t7 « DES SCIENCES. 115 COODOOO0O0000 0000000000! D 20 er LE DES MNDE : JodiS SE UV: NTOINE DE JUSsSIEU, Écuyer, Confeiller, Secrétaire du Roi, Maïfon, Couronne de France & de fes Finances: Docteur en Médecine des Facultés de Paris & de Montpellier, Profefleur & Démonfirateur au Jardin royal, de Ja Société royale de Londres & de l'Académie royale des Sciences de Berlin, naquit à Lyon le 8 Juillet 1686 , de Laurent de Juffieu, Docteur en Médecine, puis Maître Apothicaire en la même ville, & de Lucie Coufin. Il étoit le fecond de feize enfans, defquels il ne refte au- jourd'hui que les deux M.° de Juffieu, Membres de cette Académie, & un autre quine s’eft point adonné aux Sciences. La quantité d'enfans dont étoit chargé Laurent de Juffieu, ne l'empêcha pas de veiller en père attentif à leur éducation, & de leur procurer tous les fecours qui pouvoient contribuer à développer leurs talens : on peut dire que ceux de M: de Juflieu , de même que fon amour pour les Plantes & da Bo tanique , avoient prefque fa naiflance pour époque, ‘ff”méme ils ne tenoient pas à une caufe antérieure. Sa mère eut pendant tout le temps de fa groffeffe une forte envie de connoitre les Plantes , & travailla même avec l'afliduité la plus laborieufe à fe compofer un herbier; préfage , fi l'on veut , de ce que dévoit être un jour enfant qu'elle portoit. En adoptant l'opinion vulgaire, c’eft dommage que les enviés de’ cette elpèce ne foient pas plus communes, on'ne prendroit probablement pas demérandes précautions pour empêcher les enfans d'en être marqués. Il fit fes premières études au grand Collége des Jéfüites de Lyon. Les principes de religion dont il-a toute fxivie été pénétré , & la régularité de ‘mœurs ; qui dui ‘toit eomme Pi 116 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE naturelle, lui firent croire qu’il étoit appelé à l'état eccléfiaftique , & il fut tonfuré à l'âge de quatorze ans ; il fe trompoit ce- pendant ; l'amour de fa Botanique né avec lui avoit prévenu cet âge, & ce fut le feu facrifice qu'il ne put faire à l'état qu'il vouloit embrafler ; il pafloit à la recherche des plantes tout le temps que fes devoirs lui laifloient libres, & peut-être auffi quelquefois un peu de celui qu'ils auroient pu réclamer; la découverte d'une plante qu'il ne connoifloit pas encore, étoit pour lui un plaifir plus vif que tout ce qu'à fon âge on appelle ordinairement des plaifirs ; auffi ne négligeoit-il rien pour fe le procurer. Ces herborifations f1 fouvent répétées produifient l'effet qu'on en devoit attendre; elles mirent M. de Juffieu à portée de fatisfaire fon goût par les connoiffances qu'elles lui donnèrent, mais elles en produifirent encore un autre qu'on n'eût peut-être pas fi facilement deviné : les peines & les fatigues qu'il effuya dans ces favantes courfes , le gué- rirent fans retour de plufieurs infirmités auxquelles il étoit fujet; jamais les plantes prifes comme remède n'ont été aufir utiles qu'elles le furent à celui qui ne faifoit que les obferver ; on eût prefque cru qu'elles fentoient l'amour qu’il avoit pour elles, & qu'elles s'eflorçoient d'y répondre. Ce fuccès inopiné fit que fes parens le retinrent moins fur une paflion louable par elle-même, & dont ils efpéroient que les devoirs attachés à d'état qu'il avoit embrafié, modéreroïent bientôt la violence ; ils ne favoient pas combien la Nature eft jaloufe de fes droits : bientôt les environs de Lyon ne purent plus fufhre à la curiofité du jeune Botanifie, il y fallut joindre les Provinces voifines; la Breffe, le Bugey , le Valromey , le Forez, le Beaujolois & même une partie du Dauphiné, furent parcourues avec autant d'avidité que l'avoit été le Lyonnois ; & il en revint avec une nombreufe collection de plantes , maïs il s’aperçut aifément que fans le fecours d’une méthocesqui püt mettre dans cette immenfe récolte un ordre propre à foulager fa mémoire , elle fuccomberoit bientôt fous le poids d'un pareil cahos : ce fut dans cette vue qu'il crut devoir s'attacher à M. Goiffon , Médecin célèbre aggrégé au Collége DRENST IIS NOLTAEL NNCr ElLS. 117 de Lyon, fous lequel il étudia les élémens de Botanique , & fur-tout ceux que venoit de publier M. de Tournefort : M. Goiflon ne fut pas long-temps à connoître les talens & le mérite de fon difciple, & fe livra fans réferve à feconder fon ardeur ; il fe rencontra même par une circonftance heureufe, que l'aétivité de M. de Juffieu lui devint comme nécefäire : il travailloit alors à fa defcription des plantes qui croiffent aux environs de Lyon, & les courfes du jeune Botanifte lui en fournirent un grand nombre ; pendant que M. de Juffieu fe livroit à fon inclination pour la Botanique, il faifoit par devoir fon cours de Philofophie: cette étude convenoit également à fon goût pour la Phyfique nL8ci a da Théologie néceffaire à l'état qu'il avoit embrafié ; mais quand le cours de Philofophie fut fini & qu'il fe vit dans lé cas d'opter, il commença à fe défier de fa vocation, & après bien des incertitudes il fit part de fon état à un Prêtre éclairé , auquel il avoit accordé fa confiance, & à fon Profeffeur de Botanique ; tous deux comme sils s’étoient concertés, lui confeillèrent de renoncer à l'état eccléfiaftique , dans lequel fon inclination pour la Botanique feroit toujours un obftacle à vaincre, & de fe livrer à la Médecine , dans laquelle cette même inclination lui feroit ex- trèmement utile; il n’eut pas de peine à fe rendre à leurs raifons ; ni à faire approuver par {es parens le changement d'état qu'on lui propooit : c'étoit obéir à la voix de la Nature, & lorfque ce qu'elle demande n'intéreffe ni la religion ni les mœurs, il vaut toujours mieux avoir à la fuivre qu'à la dompter. Dès que le changement d'état de M.de Juffieu fut arrété, on l'envoya faire fes études de Médecine à Montpellier ; il partit de Lyon dans les derniers mois de 1704, & malgré la rigueur de la failon , il fit le voyage à pied en herborifant ; une place qu'on avoit arrêtée pour lui dans la voiture publique, ne lui férvit _quà mettre la collection de plantes qu'il trouva moyen de recueillir dans fà route, & il arriva à Montpellier fans {e ref fentir ni du froid ni de la fatigue qu'il avoit efluyés : les paflions qui favent faire difparoître les difficultés ,auroient-elles donc aufft le pouvoir d'écarier les inconvéniens auxquels elles expofent, ÿ P i 118 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE L'Univertité de Montpellier comptoit alors au nombre de fes Profefleurs M. Chirac & M. Chicoyneau, tous deux depuis fucceffivement premiers Médecins du Roi, & M. Magnol , célèbre Botanifle : l'honneur de cette Académie ne me permet pas même d’omettre ici qu'elle les a vus tous trois au nombre de fes Membres : de tels Profefleurs ne devoient certainement pas négliger un difciple femblable à M. de Juffieu ; aufli fe livrèrent-ils fans réferve à feconder fes heureufes difpofitions, & lui de fon côté n'omit rien de ce qui pouvoit contribuer à aflurer le fuccès de leurs foins ; non content d'affifler avec la plus grande affiduité à leurs leçons, fon unique délaffement étoit de parcourir les environs de Montpellier & d'y chercher des plantes qui lui fuffent inconnues ; il eft vrai que ce feconrs lui manquoit l'hiver, mais if avoit trouvé moyen de fe procurer d'autres amufemens : l'Anatomie & la Chimie remplifioient le vuide que laifloit alors la Botanique. M. de la Peyronnie leut bientôt diflingué de tous ceux qui fréquentoient fon amphithéâtre, & lui accorda pleine liberté chez lui ; il fuivoit en même temps les cours de Chimie de M. Didier & la Faveur; mais pour mieux s'inftruire il entreprit avec quelques amis aufft zélés que lui, d'établir un petit laboratoire, dans lequel ils répétoient les principales opérations du cours de Chimie de M. Lémery, feul guide qu’on püt avoir en ce temps-là ; & pour donner une idée de ceux avec lefquels il s'étoit lié, il nous fuffra de dire que le célèbre M: Fizes fut de ce nombre, & que le temps ni l'éloignement n'ont jamais altéré cette liaifon. Ce fut de cette manière que M. de Juffieu pañà le temps de fes études à Montpellier ; il les termina par une thèfe fur la nature & le traitement des plaies : cette thèle étoit, felon Pufage, compolée par M. Chirac, fon préfident ; mais celui-ci touché de la reconnoiïflance que M. de Juffieu fit paroitre pour M. Goiïflon, fon premier maître, lorfqu'à fon retour d'Efpagne il pafla par Montpellier, n'héfita pas à permettre à fon candidat de Jui en faire hommage , & de la lui dédier; ce trait qui peint parfaitement le bon cœur de M.'de Juflieu, PES AS MGRENE ANGES. 119 ne pouvoit être fupprimé dans fon éloge ; les autres exercices néceffaires fuivirent fans interruption celui-ci, & il prit avec applaudiffement le bonne de Doéteur le 1 $ Décembre 1707. Dans les fréquentes herborifations que faifoit M. de Juffieu, il étoit impoffible qu'il ne s'offrit à {es yeux plufieurs faits & plufieurs morceaux d'hiftoire naturelle , capables de piquer fa curiofité ;: il ne leur refufa pas fon attention , il en fit diffé rentes collections , il s'attacha für-tout aux foffiles, dont quel- ques-uns peuvent être regardés comme des preuves fubfiflantes du déluge, & les autres comme les monumens d'étranges révolutions que plufieurs parties de notre globe doivent avoir éprouvées. Malgré le charme de toutes ces occupations, M. de Juffieu ne perdoit pas de vue les devoirs qu'il s'étoit impofés ; il favoit que fi la théorie de la Médecine fe peut acquérir par des études fédentaires , ce n'eft qu'auprès des malades qu'on peut prendre ce coup- d'œil fi néceffaire à leur guérifon,, apprendre à re- connoître fürement la marche de la Nature, & à la débarrafter des obftacles qui la gênent , fans troubler mal-à-propos fes opérations ; en un mot, if favoit que la pratique feule pouvoit faire d'un favant Phyficien un bon Médecin. Dans cette vue, non-feulement il fe rendit extrémement aflidu aux Hôpitaux pour. y examiner les fymptômes , les aceidens & les traitemens des maladies, mais de plus il fe mit en penfion chez un Médecin , que l'on appeloit fréquem- ment pour vifiter des malades à la campagne, & le füivit conflamment dans toutes fes vifites ; l'envie de s’inftruire dans la pratique étoit fans doute le motif qui l'avoit déterminé à fe loger chez ce Médecin, & à l'accompagner ; mais il en avoit encore un autré qu'il ne difoit pas, & dont peut-être il ne s'apercevoit pas lui-même : les vifites des autres Médecins ne lui avoient fait voir que les rues de Mentpellier , celles-ci lui offroient fur la route mille occafions d’herborifer , dont il prolitoit ; c’étoit fatisfaire à la fois fon goût & fon devoir. H ne refloit plus à M. de Juffieu que de confacrer à l'utilité de {es concitoyens des talens qui lui avoient tant coûté à 120 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE cultiver, mais pour être aggrégé au Collége des Médecins de Lyon, il falloit avoir pratiqué la Médecine dans quelqu'une des villes voifines ; il choifit celle de Trévoux, capitale de l'État de Dombes; fon féjour cependant n’y fut pas long; la mé- thode de M. de Tournefort qu'il avoit foigneufement étudiée , Vavoit fait paffer de l'admiration qu'elle lui avoit donnée pour fon auteur, au defir le plus vif de le connoître perfonnellement , le temps de fes études l'avoit empêché jufque-là de le fatif- faire; maître de lui-même il réfolut de le venir joindre à Paris, & partit dans ce deffein en 1708 ; il s’étoit fr bien arrangé, qu'il dévoit arriver aflez tôt pour profiter du cours que ce favant Botanifte faifoit tous les ans au Jardin du Roï; mais les mefures les mieux concertées ne font pas toujours fuivies du fuccès : il trouva en arrivant celui qu'il étoit venu chercher avec tant de peine, attaqué de la maladie dont il mourut. Ne pouvant tirer de fon voyage le fruit qu'il en attendoit, il réfolut de fe le rendre utile d’une autre manière: il partit pour aller herborifer dans la Normandie & la Bretagne, & für-tout fur les côtes maritimes de ces Provinces. - Ce fut au retour de ce voyage que M. Fagon lui donna Ja place de Profefleur au Jardin Royal , qu'avoit poffédé M. de Tournefort, & qui étoit devenue une feconde fois vacante par la retraite de M. d'Ifnard, depuis Membre de cette Aca- démie , qui lui avoit fuccédé. M. de Juffieu en fut extrémement furpris ; fà modeftie ne lui permettoit pas de connoître fa fupériorité, que lhabile Sur-Intendant du Jardin avoit bien reconnue dans quelques converfations qu'il avoit eues avec le jeune Médecin : c'en fut affez pour lui faire donner fans qu’il la demandit , ni qu'il osât même y penfer, une place que plufieurs follicitoient vivement. Valoir beaucoup & fe faire beaucoup valoir , font deux chofes très-différentes, & lorfque les perfonnes en place veulent fa- vorifer le mérite, ee n'eft pas toujours parmi ceux qui font les plus affidus à leur faire la cour, qu'ils doivent le chercher. Dès que M. de Juffieu { vit fixé à Paris par cette place, 14 nes lot et are CSC El L : DES SCIENCES. 21 äl n'héfita pas à fe lier à la Faculté de Médecine de cette Ca- pitale, & y entraen1710: nous fommes obligés de rapporter cette date, car on auroit peine à croire que cet homme à qui fon feul mérite avoit fait remporter la préférence la plus marquée fur les follicitations de fes rivaux , avoit à peine vingt-quatre ans lorfqu'il devint le fuccefleur de celui dont il avoit voulu être le difciple. La même année il commença les démonftrations des plantes avec une f1 grande ardeur & une fr grande facilité, qu'il étonna tous fes Auditeurs, au nombre defquels il eut le plaifir de compter M." fa mère, que l'amour maternel avoit conduite à lamphitéatre, pour y être témoin des fuccès, &c fi je l'ofe dire, du triomphe de fon fils. Aufli-tôt après fon Cours, l'envie de procurer au Jardin du Roi plufieurs plantes qui lui manquoient, lui fit entreprendre un nouveau voyage ; il parcourut le Languedoc , la Provence, le mont Ventoux & la Sainte-Baume, la vallée de Nice & les Ifles d'Hières, & en rapporta une nombreufe collection de plantes, dont ïf enrichit le Jardin du Roi. If étoit déjà Membre de cette Académie, où il avoit obtenu le 3 Août 1712, la place d'Élève de M. Marchant, vacante par la retraite de M. de Vieuffens, fils. Au retour de cette favante expédition, il entreprit un Ou- vrage d’un autre genre : le P. Barellier ; religieux Dominicain & Bachelier de la Faculté de Médecine de Paris, avoit ramaffé dans les voyages qu'il avoit faits en France, en Italie & en ÆEfpagne un grand nombre de plantes, dont Ja plupart n'avoient encore été ni décrites, ni figurées : le Public defiroit depuis long-temps cet Ouvrage, M. de Juflieu entreprit de le fatif faire ; il rangea avec un travail immenfe , fous la méthode de M. de Tournefort, environ quatorze cents plantes que con- tenoit l'Ouvrage de ce Religieux , ayant eu à lutter dans cet Ouvrage , non - feulement contre le nombre de ces plantes, mais éncore contre la confufion & l’obfcurité qui naïfloient de la différente façon de les décrire ; il profita de cette occafion pour donner à M. Fagon une marque publique de fa re- connoiflance , en lui dédiant cet Ouvrage; ce favant Médecin Hif, 1758, + Q 122 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE lavoit déjà honoré d’une approbation d'autant plus fatteufe pour l'Éditeur, que perfonne n'étoit plus en état d'en bien juger. Il étoit bien difficile que a defcription de tant de plantes étrangères n'infpirât pas à un Botanifle aufli zélé que M. de Juffieu , le plaifir de les voir & de les naturalifer, pour ainff dire, dans fa patrie ; il n’y put réfifler & forma dès-lors le projet d’un voyage en Efpagne & en Portugal, pour y voir les plantes fingulières, mentionnées dans FOuvrage du P. Ba- relier, & celles que M. de Tournefort défigne par l'épithète d'Hifpanica & de Lufitanica ; W communiqua fes idées à feu M. Vabbé Bignon , qui frappé de l'utilité qui en pouvoit réfulter, fit agréer ce projet à M. le Duc d'Orléans, Régent ; les fonds néceffaires furent aflignés, & on nomma pour accompagner M. de Juffieu, M. fon frère , aujourd'hui Membre de cette Académie, & M. Simonneau, Deflmateur & Graveur de FAcadémie , auxquels fe joignit D. Juan Salvador , Médecin à Barcelone, intime ami de M.” de Juflieu; ïls prirent leur route par Lyon, vifitèrent la mine de cuivre de Saint- Bel, où M. de Juffieu fit fur la nature du gyps des obfervations qu'il communiqua depuis à Académie ; de-là ils allèrent à Saint - Chaumont, où indépendamment des plantes qu'ils y wouvèrent, & que M. de Juffieu envoya au Jardin du Roi, découvrit un autre herbier bien plus fingulier, des empreintes de plantes étrangères , & la plupart naïflant dans des pays très-éloignés, s’y trouvant fur les lames ou feuillets d’une efpèce de terre qui couvre les lits de charbon. On pourroit dire à la lettre, & fans attaquer le moins du monde la certitude de fon obfervation, que fon amour pour les Plantes les lui faifoit voir, finon où elles n’étoient pas, du moins où elles n'étoient plus depuis long-temps. De-à M. de Juflieu traverfa le Languedoc , paffa en Catalogne | & ayant vifité les principales montagnes du voifimage , if parcourut, toujours herborifant , toute { Efpagne & tout le Portugal, & reprit la route de France, après avoix eu l'honneur de fluer le Prince des Afluries, qui le retint DES SCIENCES. 123 phifieurs jours à Madrid & à l'Efcurial, & voulut qu'il lui rendit compte de fon voyage ; trait également à la gloire du Prince & du Philofophe voyageur. A voir la quantité de pays parcourus par M. de Juflieu dans ce voyage, on feroit tenté de croire qu'il y avoit em- ployé plufieurs années ; on en auroit encore été bien plus per- fuadé, en voyant la quantité immenfe de plantes , de pièces d'Hifloire naturelle & d'Obfervations qu'il en rapportoit : ce- pendant il n’y avoit employé qu'environ dix mois , il & fut de retour aflez tôt pour reprendre au Jardin du Roï fes leçons de Botanique, dont M. Vaillant n'avoit prefque fait que l'ouverture quand il arriva. Ce devoir étoit à peine rempli, qu'il repartit précipitam- ment pour retourner à Lyon joindre M. fon frère , avec lequel il alla herborifer dans les endroits les plus impraticables des montagnes de la grände Chartreufe & de l'Os-du-Pont; ce fut près de cette dernière qu'ils trouvèrent une mine de fer fingulière, dont ils examinèrent avec foin la nature & l'exploitation , & revinrent enfin à Paris chargés de plufieurs pièces curieufes d'Hiftoire naturelle, & d'une grande quantité de Plantes qui manquoient au Jardin du Roi. . Ce voyage fut le dernier auquel amour des Plantes & de la Botanique engagea M. de Juflieu , & il eft temps de le confidérer fous une autre forme, relativement aux exercices académiques & aux Ouvrages dont il a enrichi nos Mémoires. Indépendamment de plufieurs defcriptions de plantes que nous fupprimons , on a de lui une hiftoire du Café, dans laquelle il fait voir que cette graine eft le fruit d'un arbre dont il donne la defcription la plus détaillée, & non, comme on le croyoit alors , celui d’une plante ; celle du kali d’Alicante, qu'il avoit eu lieu d’obferver dans fon voyage d’Efpagne ; celle du Cachou , qu’il démontre être purement l'extrait de l'arec, & ne contenir aucune autre drogue, & fur-tout aucune chaux ni aucune terre, comme quelques Phyficiens le penfoient; la recherche d'un fpécifique contre la dyflenterie, connu des Anciens fous le nom de acer, & qu'il retrouve dans l'écorce d'un arbre Qi 124 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE de Cayenne, nommé Smarouba; des expériences fur une efpèce de Chryfantemum , fort commun aux environs de Paris , & dont la fleur peut fournir plufieurs teintures folides de différentes couleurs ; lexamen des caufes qui avoient altéré l'eau de la Seine en 1731 , qu'il trouve dans la multiplication extraordinaire d’une plante aquatique, à laquelle la féchereffe & le peu de hauteur de l'eau, avoient donné lieu; la defcription des mines d'Almaden, & la manière d’en tirer le mercure ; l’hifloire de ce qui a occafionné la naïflance & a perfection du magnifique Recueil de Plantes & d'Animaux peints fur vélin , que l’on conferve à la Bibliothèque du Roï; l'obfervation qu'il eut lieu de faire dans fon voyage d'Efpagne , d'une fille à qui la langue manquoit abfolument , quoiqu'elle s'acquittât très-bien des fonétions auxquelles cet organe femble le plus néceflaire , & fur-tout de la parole ; une differtation fur diverfes parties de plantes & d'animaux pétrifiés qui fe trouvent en France; uneautre fur l'origine des pierres figurées , qu'on nomme corne d'Ammon ; une fur celle des prétendues pierres de Ton- nerre, qu'il fait voir n'être que les haches de pierre à fufil, toutes femblables à celles dont fe fervoient les Américains, avant que les Européens leur euffent appris l'ufage du fer, & qui étoient probablement les armes ou les outils des premiers habitans de nos contrées. Ces Ouvrages & quantité d’autres , que les bornes qui nous font prefcrites nous forcent à fup- primer , font également voir le choix judicieux qu'il favoit faire de matières intéreffantes , & la manière dont il les traitoit. Malgré la pratique de la Médecine, dans laquelle il étoit très- employé, perfonne n’étoit plus aflidu à nos Aflemblées , ni ne s'intérefloit plus vivement à la gloire de l'Académie; fes occupations multipliées ne lempêchoïent pas même de produire quelquefois des Ouvrages détachés : nous avons rapporté le travail qu'il avoit fait fur les obfervations du P. Barellier; on y peut joindre une addition qu’il fit aux Inflitutions botaniques de M. de Tournefort , dans l'édition de 171 9 ; un écrit fur les propriétés & l'ufage du Simarouba ; un difcours fur les progrès de la Botanique, prononcé à l'ouverture de fon Cours ns dr dti en ni nr ri 2 De DES SCTENCES. 125 en 1718, & füivi d'une introduction à la connoiffance des Plantes, & plufieurs thèfes de Médecine foutenues fous fà préfidence, & qui doivent moins être regardées comme des thèfes, que comme de favantes diflértations. On fera peut-être furpris de ne pas-trouver dans l’énumé- ration de fes écrits, la relation de fon voyage en Efpagne; mais fes occupations trop multipliées ne lui ont pas permis de Ja publier. L'Académie, le Jardin Royal & la pratique de la Médecine, partagèrent entièrement M. de Juffieu depuis fon retour d'Ef pagne : mais je croirois manquer à ce que je dois à fi mémoire, fi je négligeois de dire ici que dans l'exercice de la Médecine, c'étoit les pauvres qu'il voyoit de préférence, qu'il les aidoit de fes foins & fouvent même d’autres fecours , avec l'affiduité l plus exacte & la générofité la plus grande, & que fa mort a été honorée de leurs larmes & de leurs regrets: fi la charité chrétienne eft au-deflus de nos éloges, au moins font-ils dûs au bon cœur & à l’humanité. Ce fut de cette manière qu'il vécut depuis fon retour ; uné vie toujours uniforme & toujours réglée lavoit préfervé d'in- firmités, & rien-ne paroïfloit menacer chez lui d’une fin prochaine; il aflifla, comme à l'ordinaire , à fa dernière Af femblée publique, mais il s'y trouva mal & fut obligé de fe retirer ; il fit peu de cas de cet accident, que fon zèle lui fit regarder comme une foibleffle peu dangereufe , & n’en fut s moins aflidu auprès de fes malades ; cependant la prétendue foibleffe étoit l'avant-coureur d’une apoplexie ; il en reflentit encore plufieurs , qui lui firent connoître quelle en étoit a nature, mais il n'étoit plus temps d'y remédier , & après avoir mis ordre aux affaires de fa confcience , il mourut païfiblement le 22 Avril de cette année, âgé de foixante-douze ans. Ce que nous avons dit dans cet éloge fufhroit feul pour peindre le caratère de M. de Juffieu ; nous n'y ajouterons plus que deux traits qui le développent encore mieux. Dès qu'il fut établi à Paris, il fe crut chargé de l'éducation de fes frères, qu'il fit venir auprès de lui , & auxquels il donna Qÿ 126 Hisrommr DE L'ACADÉMIE ROYALE les foins les plus tendres & les plus affidus: c'eft à ces foins que l'Académie doit deux d'entr'eux, qu'elle fe fait honneur de compter au nombre de fes plus dignes Membres, Il avoit perdu M. fon père de bonne heure, mais if conferva long-temps M." fa mère; à la moindre maladie dont elle étoit, je ne dis pas attaquée, mais même menacée, ce fils que tant d’occupations retenoient attaché dans la Capitale, aban- donnoit tout pour voler à fon fecours; nous n'ajoutons prefque rien à la vérité, en difant qu'il y voloit; car, quoiqu'il ne fût nullement accoutumé à l'exercice du cheval , il aimoit fouvent mieux s'expofer aux fatigues & aux inconvéniens d’un voyage de cent lieues fait en pofte & à franc-étrier, que d’être quelques heures plus tard à portée de la fecourir ; une fenfibilité fi honorable pour lui, devoit certainement faire partie de fon éloge. La place de Penfionnaire-Botanifte de M. de Juffieu a été remplie par M. Guettard, Aflocié dans la même Claffe, DUAL, BIO "UC ONELR IERRE BOUGUER, ancien Profeffeur Royal d'Hydro: P graphie, Membre de la Société Royale de Londres, de V Académie Royale des Sciences & Belles-Lettres de Bordeaux, Honoraire de l'Académie Royale de Marine, naquit au Croifie en baffle Bretagne le 10 Février 1698 , de Jean Bouguer, Profefleur Royal d'Hydrographie, & de Françoile Jofleau. Jean Bouguer étoit un des meilleurs Hydrographes de {on temps, & plus habile même en Mathématiques , que ne l'étoient alors la plupart de fes collègues ; un Ouvrage qu'il publia fur la Navigation fut extrémement bien reçu du Public; & quoique ce livre ne fût qu'un médiocre in-quarto , on trouva qu'il fou- tenoit très- bien alors le titre de Zraité complet de Navigaion, qu'il lui avoit donné. Les premiers mots que le jeune Bouguer éntendit prononcer, furent des termes de Mathématiques ; les premiers objets qui s'offrirent à fes regards , furent des inftrumens d’Aftronomie & d'Hydrographie ; la langue de ces Sciences devint prefque fa langue maternelle, & les premiers amufemens de fon enfance furent des inftructions, circonftance qui ne contribua pas peu à développer de bonne heure les talens qu'il avoit pour les hautes Sciences. Un emploi fi peu ordinaire des premières années de la vie, devoit produire & produifit des effcts peu communs, & le jeune Bouguer étoit bon Mathématicien long-temps avant que d’être forti de l'enfance : il ne fut pas long-temps fans en donner des preuves ; il étoit entré fort jeune au collége des Jéfuites de Vannes, où il fit fes études ; pendant qu'il étoit en Cinquième, fon Régent qui avoit entendu parler de fa capacité en Mathé+ matiques, fut curieux d'en faire l'eflai; & le trouvant en effet 128 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYaLe très-favant en cette partie, il fouhaita que le jeune écolier lui enfeignât les Mathématiques ; M. Bouguer y confentit, & if s'établit entr’eux un commerce de Science & de Littérature, qui n'avoit jamais probablement eu lieu entre un écolier de Cin- quième & fon Profefieur. Deux ans après il fe préfenta une autre occafion de donner des preuves de fa capacité: un Profefleur de Mathématiques ayant avancé une propofition peu exacte, le jeune Bouguer, alors écolier de Troifième, ofa la lui contefter ; le Mathématicien fe trouva offenté, & fe croyant für de l'avantage fur un enfant de treize ans, le traita avec mépris & lui propofa le défi, comptant bien qu'il ne Faccepteroit pas ; mais le jeune Géo- mètre ne s’étoit pas engagé dans la difpute fans être bien für de ce qu'il avançoit , il terraflà publiquement fon adverfaire & le réduifit au fence. Ce triomphe, glorieux au vainqueur, fut fi fenfible au vaincu, qu'il ne put en foutenir la honte & difparut du pays. M. Bouguer n'avoit pas encore fini fes études, lorfque fon père mourut , ne laiffant à lui & à un frère qu'il avoit, qu'un bien très-médiocre : les Mathématiques & la fortune fe trouvent rarement enfemble , & fi quelquefois elles fe rencontrent, on peut prefque affurer que les premières n'ont pas fait les avances ; heureufement les talens prématurés de M. Bouguer le mettoient à portée de pofféder la place de fon père; jamais perfonne n'avoit eu plus de titres pour y prétendre , & cependant il penfa la manquer: le P, Aubert, Profeffeur Royal d'Hydrographie, qui avoit été chargé par le Miniftre de lexaminer , fut effrayé de fa grande jeunefle, & refufa prefque de l'entendre : quelle apparence en effet, de confier un pareil miniflère à un enfant de quinze ans? M. Bouguer lui repréfenta qu'il n’y avoit point d'âge prefcrit pour le favoir, & le pria de vouloir bien l’exa- miner à la rigueur, & comme s'il eût été majeur ; il le fit &c le jeune Candidat fatisfit fr pleinement à toutes fes queftions, & fit voir dans fes réponfes tant de capacité, qu'il fortit de cet examen comblé des éloges de fon Examinateur, & fut bientot en poffeflion de fa place, Malgré DES IS ICURE N°CiE S., !: 129 Malgré tous les talens de M. Bouguer, rien n’étoit cependant plus difficile pour lui que de la bien exercer: {à Jeuneffe qui navoit pas été un obflacle à les acquérir, en étoit un très-rcel à l'ufage qu'il en devoit faire : cependant , quoiqu'il eût affaire à des difciples prefque tous plus âgés que lui, il fut mettre dans fes leçons tant de douceur , tant de dignité & tant de clarté, qu’il trouva bientôt le moyen de fe concilier leur eflime, leur refpect & leur amitié; le bien du fervice en fut une fuite néceffaire ; rien n’y contribue peut - être davantage que l'art précieux de faire aimer les devoirs & d'en rendre l'ob- fervation comme volontaire. Avec quelque fuccès que M. Bouguer s'acquittât des devoirs de fa place, ïil étoit trop à l'étroit fur un fi petit théatre: fon génie s'y trouvoit comme reflerré: il connoifloit l'Académie des Sciences de réputation , & il defiroit ardemment de mériter fon eflime, fans prefque ofer fe flatter que des circonftances plus favorables lui permiffent un jour d’afpirer à en être Membre. Il en étoit cependant plus près qu'il ne penfoit ; fon mérite, fans qu'il le fût, lui avoit fait des protecteurs : le célèbre P. Reyneau, de l'Oratoire & Membre de cette Académie , avoit eu occafion de le voir & de le connoître à Augers, où M. Bouguer avoit fait un voyage, & avoit pris pour lui la plus tendre eftime ; il avoit fouvent parlé à M. de Mairan du jeune Mathématicien & des ouvrages auxquels il s'occupoit dans les momens que fes fonctions lui laifloient libres ; il lui avoit entrautres cité des recherches fur la mâture des Vaiffeaux , qu'ilavoit lûes avec étonnement ; M. de Mairan fouhaita de voir cette pièce, & après en avoir fait la lecture il engagea ceux qui devoient indiquer avec lui Le fujet du Prix de 1 727, à propofer la meilleure manière de mâter les Vaifleaux , {ürs d'avoir au moins fur ce fujet une pièce excellente. I ne s'étoit point trompé dans fon Jugement : la pièce de M. Bouguer, âgé pour lors de vingt-neuf ans , obtint Le Prix de l’Académie, & mérita les éloges de tout le monde Ma- thématicien ; on y reconnut ce génie inventeur , qui peut feul Hf 1758. . R 130 HISTOIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE procurer l'avancement des Sciences & le bien de la Société, M. de Mairan n’oublia pas de rendre le compte le plus avan- tageux de cette Pièce à M. l'Abbé Bignon, dans une lettre où il lui en fit un extrait détaillé ; & cette lettre a depuis été inférée dans le Journal des Savans de 1728. Ce premier triomphe de M. Bouguer fut fuivi de deux autres de même efpèce ; il remporta fucceflivement le Prix de 1729, dont le fujet étoit la meilleure manière d'obferver en mer la hauteur des Aflres; & celui de 1731 , fur la méthode la plus avantageufe d’obferver en mer la déclinaifon de l'aiguille aimantée, ou, comme le difent les Marins, la variation du compas. Havoit donnéen 1729 un Ouvrage intitulé Æfai d'Optique fur la gradation de la lumière ; ce Traité eft d'un genre abfo- lument neuf ; on avoit bien examiné tout ce qui concerne la direction , la réflexion ou la réfraction de fes rayons; mais prefque perfonne ne s’étoit avilé d'examiner fon intenfité, & de melurer combien elle s’afloiblifioit en traverfant les différens milieux diaphanes. Un Mémoire de M. de Mairan , 1ü à l’Académie en 1721, fut, comme M. Bouguer le dit lui-même dans fa Préface, loccafion de cet ouvrage : un des objets de ce Mémoire étoit de déterminer ce que à lumière du Soleil perdoit de fon in- tenfité, en traverfant l'atmofphère ; & M. de Mairan propofoit un moyen pour réfoudre ce problème, en mefurant la lumière de cet aflre au folflice d'hiver & au folfice d'été; M. Bouguer n’entreprit d’abord que de faire avec foin l’obfervation demandée par M. de Mairan, mais frappé de l'utilité dont une pareille recher- che pouvoit être fufceptible , il généralifa fes idées & entreprit de faire des obfervations fuivies {ur la gradation de la lumière ; il prit pour terme de comparaifon une ou plufieurs bougies toujours conflimment de même grofleur, dont il égaloit la lumière à celle, par exemple , de la Lune à différentes hauteurs, en les approchant plus ou moins du plan deftiné à les recevoir; il compara de même la lumière du Soleil , affoiblie par des verres concaves ou par diférens milieux , dont l'épaiffeur lui DES SCIENCES. 131 étoit connue, à la lumière de ces mêmes bougies. Ce font ces expériences & les réfultats qu'il en tire, qui compofent l'Ou- vrage dont nous parlons, auquel il donne le nom modefte d'Eflai, parce que ce n'étoit en effet que le commencement d'un travail fuivi fur cette matière, qu'il a continué pendant toute fa vie, & qu'il a donné à l'impreflion peu de jours avant fa mort. M. de Mairan donna encore l'extrait de ce premier Ouvrage en 1730, dans le Journal des Savans. Après tant de preuves qu'il avoit données de fa capacité, M. Bouguer avoit certainement droit à l'eftime de l'Académie : il avoit été en 1730 transféré du Port du Croific à celui du Havre ; cette nouvelle réfidence qui le mettoit plus à portée de Paris, fournit à l'Académie le moyen de fe l'acquérir ; & il y obtint le $ Septembre 1731 , la place d’Aflocié-Géo- mètre, vacante par la promotion de M. de Maupertuis à celle de Penfionnaire. Il ne refta pas long-temps Aflocié, & quoique fa réfidence hors de Paris parût devoir faire, fuivant nos règlemens , un obflacle invincible à fon avancement, une circonftance im- prévue leva cette difficulté, & l’engagea dans une entreprife qui a fait une des plus confidérables époques de fa vie. Perfonne n'ignore les Voyages que l’Académie a entrepris à l'Équateur & au Cercle polaire, pour déterminer la mefure des Degrés & la véritable figure de la Terre: un des Acadé- miciens deftinés au voyage d'Amérique , s'étant trouvé attaqué d'une maladie longue & dangereule , il fallut fonger à le rem- placer ; le choix de M. le Comte de Maurepas & celui de l'Académie, tombèrent fur M. Bouguer, & tant pour le lier plus étroitement à l'Académie, que pour le dédommager de la place d'Hydrographe qu'il abandonnoit ; il eut celle de Penfionnaire - Aftronome , qui venoit de vaquer par là mort de M. Lieutaud ; il avoit déjà donné des preuves de fa capacité en Aftronomie, auffi-bien qu'en Géométrie, par plufieurs excellens Mémoires , dont il avoit fait part à l’Académie depuis qu'il en étoit Membre; car fon éloignement de Paris n'avoit influé que fur fon affiduité aux Affemblées, & jamais R j 132 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Académicien n'a été plus exaét à s'acquitter du tribut que nous nous faifons honneur de devoir tous à l'Académie & au Public. M. Bouguer s'embarqua à la Rochelle le 16 Mai 1735, avec M.* Godin, de la Condamine & de Juffieu le cadet, de cette Académie, fur un vaiffleau du Roï deftiné pour Saint- Domingue , & arriva à Quito environ un an après. Queïqu'intéreffant qu'ait été ce voyage, & quelque part que M. Bouguer ait eue à fa réuflite, nous ne répéterons : point ici ce que nous en avons déjà dit, en rendant compte dans l’hiftoire de l'Académie, de la relation qu’ilen a donnée ; & nous laïffons au Public à apprécier ce que dix ans de voyages, de fatigues & de dangers, employés par M. Bouguer & par fes Collègues pour l'avancement des Sciences & le bien général des hommes , leur donnent de droit à fa reconnoïffance. Nous nous contenterons d'expofer ici ce qu'il avoit plus particuliè- rement obfervé pendant fon voyage, & qui jui appartient plus que le refte, On peut mettre de ce nombre fes épreuves fur l'alon- gement & le raccourciflement des métaux & des autres corps, caufés par l'alternative du chaud & du froid, & qu'il avoit eu la facilité de faire aifément dans les montagnes de la Cor- delière , où ces deux extrêmes fe touchent, pour ainfi dire, immédiatement ; fes obfervations fur les réfractions que l’ex- trême hauteur des montagnes où il étoit, lui a permis de dé- duire de l'obfervation même, & le fingulier phénomène de l'augmentation fubite de la réfraction, lorfque Faftre fe peut obferver au - deflous de la ligne de niveau; les loix de la denfiié de l'air à différentes hauteurs , tirées de même des obfervations faites en différens points de ces énormes montagnes ; fi méthode pour évaluer les erreurs que peuvent commettre les Pilotes dans l'eflime de la route, par le moyen de laquelle le plus ou le moins de probabilité fe trouve exprimé par un folide donné & déterminé par la feétion de-ce folide; une nouvelle conftruction de Lock pour mefurer le fillage ou le chemin des Vaifleaux , & qui eft exempte de prefque tous les DES SCIENCES. 133 défauts qu'on reprochoit à cet inftrument : tous ces objets & bien d’autres, defquels le temps ne nous permet pas même de faire mention, furent comme des fruits furnuméraires de fon voyage, & pour tout dire aufli, de fon travail & de fon génie. Nous ne pouvons cependant nous difpenfer de parler encore de quelques autres objets de fes recherches : nous mettrons à la tête l'invention de lhéliomètre ; cette lunette à deux objectifs, ui donne la facilité de mefurer le diamètre des grandes Pla- nètes avec tant de facilité & d’exactitude; fes recherches für la figure que paroïffent prendre deux lignes ou deux longues rangées d'arbres parallèles ; fes expériences fur la fameufe réci- procation du pendule, faites en conféquence de l'invitation que M. de Maïran en avoit publiée en 1741, & qu'il renvoie dans le néant duquel les variations accidentelles favoient tirée depuis environ un fiècle; des expériences enfin fur la manière de mefurer la force de la lumière; nous ne finirions point, f: nous voulions faire une exacte énumération de tout ce dont ‘il a enrichi les Mémoires de l’Académie; nous avons même fupprimé à deflein plufieurs de ces pièces qui fe retrouvent dans fes ouvrages particuliers ; car malgré le nombre de fes Mémoires répandus dans nos Recueils , il avoit publié depuis fon retour plufieurs volumes, la plupart dans la vue de s'ac- quitter d’un devoir particulier qui lui avoit été impolé ; il avoit été fpécialement chargé de tourner fes vues du côté de la Marine, à laquelle le Roi avoit comme attaché: pour fatisfaire à cet engagement , il publia en 175 6 fon Traité du navire, de fa conitruétion & de fes mouvemens ; ouvrage rempli d'une profonde théorie & de la mécanique la plus fublime, toujours appliquées à une pratique éclairée, I donna en 1752 fon Traité de Navigation , dans lequel il a refondu celui de M. {on père, & y a joint une infinité de remarques & de difcuffions intérefantes. Cet ouvrage con- tient toutes les inftructions néceffaires aux Pilotes, mais M. Bouguer en a foigneufement retranché tout ce qui n'auroit fervi qu'à faire valoir f Auteur, fans éclairer le Lecteur ; fi R iij 134 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE cependant cette généreufe fuppreffion ne mérite pas plus d'éloges qu'un faftueux étalage de favoir inutile; enfin il donna l'année dernière un Traité de la manœuvre des Vaifleaux, où après avoir fait dans une préface raifonnée un parallèle de la Marine des Anciens avec la nôtre; il donne les principes de Mécanique néceffaires à l'intelligence de fon Ouvrage, & les applique enfuite dans le plus grand détail à ce qui concerne la manière d'employer le plus utilement qu'il eft poflible les voiles, & tout ce qui peut y avoir rapport: mais ce qui diftingue le plus cet Ouvrage de tous ceux qui l'ont précédé, c’eft l'extrême clarté avec laquelle il préfente tous les objets qu'il y traite, qualité fi néceffaire dans un pareil ouvrage, que fans elle il court rifque d'être entièrement inutile, ou au moins de n'étre entendu que de ceux auxquels il n’eft pas deftiné. On ne peut fans injuflice faire un pareil reproche aux Ou- vrages de M. Bouguer ; il les travailloit avec un foin extrême; il excelloit fur-tout dans l'art heureux de manier le calcul avec la plus grande adrefle, & de préfenter toujours les objets qu'il traitoit fous la forme la plus fimple & la plus {umineufe dont ils fuffent fufceptibles ; fouvent il trouvoit moyen detransformer une queftion diflicile en une autre plus facile à réfoudre ; quel- quefois if favoit faifir des rapports néceflaires entre des quantités ‘ purement intellectuelles, & qui auroïent échappé au calcul , & d’autres quantités fenfibles qui y donnoient prife: on en peut voir un exemple dans un de fes Mémoires dont nous avons déjà parlé, où il transforme la recherche des erreurs qu'on peut commettre dans l'eftime de la route en un fimple problème de Stéréométrie ; il ornoit le tout d’un ftyle fimple, net, précis & fans aucune affectation ; en un mot on peut dire qu’il ne lui a rien manqué de ce qui peut faire un excellent Auteur de Mathématiques, & qu'il na de fon côté rien négligé de ce qui pouvoit rendre fes talens utiles à fa patrie. Ces Ouvrages & le Journal des Savans, auquel il travailloit depuis 1752, occupèrent M. Bouguer depuis fon retour d'Amérique ; l Académie, fon cabinet , fes obfervations , quel- quefois un peu de promenade , ou la converfation de quelques DÉS SCtrENCES. 13 amis partageoient abfolument fon temps ; il étoit cependant toujours prêt à quitter cette vie fédentaire & ce cabinet qu’il aimoit tant, dès qu'il s'agiffoit de quelque chofe où il pouvoit être utile: nous le vimes l’année dernière reprendre Ja même activité avec laquelle il avoit efcaladé les montagnes de la Cordelière, dans la difpute qui s'étoit élevée au fujet de la bafe de Villejuive, mefurée par feu M. l'Abbé Picard, & fe prêter à la vérification que l’Académie en fit faire, & qu'elle a publiée; mais hors de ces occafions rien n'étoit plus réglé, ni plus uniforme que fa vie; malheureufement ce régime , très- propre à avancer le travail, ne le fut pas à beaucoup près autant à conferver la fanté de l’Auteur ; la vie trop appliquée qu'il menoit, & le chagrin qu'il reffentit l’année dernière de la mort de fon frère , avec lequel il étoit lié de la plus tendre amitié, ruinèrent entièrement fon tempérament ; on commença au printemps dernier à y apercevoir du dérangement, & on reconnut qu'il étoit attaqué d’une obftruétion confidérable dans le foie; on tenta de s’oppofer au mal, mais ce fut inutilement, il fit des progrès rapides, & bientôt ne permit plus d’efpérer qu'on le püt vaincre ; ce ne fut cependant qu'au mois de Juin que M. Bouguer fut obligé de garder la chambre, & qu’il cefla de venir à l'Académie ; il y reparut même dans quelques intervalles que lui laiffa fon mal; mais {on état devenoit tous les jours plus ficheux , & il s'anéantifloit vifiblement ; il tra- vailloit cependant encore, & mettoit la dérnière main à fon Traité d'Optique fur la gradation de la lumière; peu de jours avant {à mort il rappela ce qui lui reftoit de forces pour monter en carroffe & le porter à fon Imprimeur, auquel il recommanda d'en accélérer l'impreffion , .s'il ne vouloit pas que l'Ouvrage fût pofthume , car il voyoit bien qu'il n'en pouvoit pas revenir ; & il attendoït la mort avec la tranquillité ka plus grande, n'ayant même prefque rien perdu de cette gaieté douce & tranquille qui lui étoit naturelle, il fallut à la fin fuccomber au dépériffèment continuel, & il mourut ke 15 Août 1758 , âgé de foixante ans & fix mois. Le fond de fon caractère étoit la douceur & la modération , ï 136 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE, &c. & fi on l'en a vu fortir quelques momens, ce n'a jamais été que des momens, & il reprenoit bientôt laffiète qui lui étoit propre ; jamais fujet n'a été plus véritablement dé- voué à fon Prince & à fa patrie, il avoit pour l'Académie cet attachement qu'elle ne manque guère d'infpier ; rien de tout ce qui pouvoit la concerner, ne lui étoit indifférent, & il ne connoifloit plus de ménagemens quand il s'agitloit de la gloire ou de l'intérêt de ce Corps qui lui étoit fi cher; ferme dans fes principes, il ne fe rendoit qu'à la vérité, & n'auroit jamais confenti à feindre feulement de s'en éloigner, auffi n'a-t-on remarqué aucun écart dans fa vie: les vérités de la Religion qui étoient chez lui de mème date que celles de la Géométrie, avoient fait fur fon efprit & fur fon cœur une telle impreffion, que fa jeunefle avoit été même exempte du moindre dérangement ; elles avoient fait plus, elles avoient prefqu'anéanti chez lui ce fonds d'amour propre, auquel les gens illuftres par leurs talens ont communément tant de peine à renoncer , & elles lui avoient donné cette fimplicité modefte qui pare le mérite & caractérife la vertu ; ces fentimens qu'il avoit eus toute fa vie, l'ont accompagné à fa mort, & fes derniers momens dont j'ai eu la douleur d’être témoin , ont été remplis de la confiance, de la piété & de la réfignation les plus chrétiennes, & de la fermeté la plus philofophique. Ïl avoit perdu par la mort de fon frère le feul prochain héritier qu'il eût , il a difpofé de la médiocre fortune qu'il avoit acquife, en faveur de quelques amis & de fes domefliques ; mais il s'en eft fagement réfervé à lui-même une païtie con- fidérable, qu'il a verfée dans le {ein des pauvres par des legs faits en leur faveur. La place de Penfonnaire - Aflronome de M. Bouguer a été remplie par M. Mardi, Aflocié dans la même Claffe, bee MÉMOIRES | MÉMOIRES MATHÉMATIQUE BP ST OU PE; BURE.SN DE SoReE-G. I ST RES de l’Académie Royale des Sciences, De: LAnnée AM D. C:CdiŸ I LE THÉORÈMES DE DYNAMIQUE. Par M. le Chevalier D'AR CY. E donne ici ces Théorèmes, uniquernent pour prendre 21 Février date & fans les démontrer, quoique la plufpart l'aient 1759- IS déjà été dans l'Académie; d'autant plus que ïe me propole, dès que j'en aurai le loifr, de les donner par ordre &'avec les démonftrations : au refte, les Lecteurs intelligens Mem. 1758. A Fig, 1. Fig. 2. ) id di 2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE verront bien leur dépendance mutuelle, & ils ne peuvent être utiles aux autres. : | DÉFINITION. J'appelle Yaétion d'un corps autour d'un point, faire que décrit ce corps autour de ce point par la mafle du corps. THÉORÉME L Un nombre de corps quelconques 4, B, C, dc, agiffant les uns fur les autres d'une manière quelconque, je dis que ‘ + / Ex Y'action de ces corps (fi leur centre de gravité refte en repos)" autour d’un point quelconque ©, eft toûjours la même autour de ce point. 2 : TH HOUR EM E INT. Je dis que faction des corps À, B, C, (fig. 1) autour du point G pris à volonté, eft la même qu'autour du point ©. THÉORÉME IIL Si on füppole le centre de gravité du fyflème en mouve- ment, alors l'action autour du point ©, ne fera plus la même qu'autour du point G; mais l'action autour de ©, moins l'aire décrite par le centre de gravité du fyflème autour du point ©, multiplié par fa fomme des mafles 4 + B + C + &rc. ft égale à l'action du fyftème autour de G, moins l'aire décrite par le centre de gravité autour du point G, multiplié par la fomme des mafles À + B + C + dre. & cette quantité fera égale à l'action apparente du fyftème autour du centre de gravité, THÉORÉME I v. Si trois corps À, B, C en repos, commencent à fe mou- voir par leur action mutuelle les uns fur les autres, je dis 1 que ces corps tendront par cette action, à chaque inflant, vers un même point; & que fi des points quelconques /a) (b) (c) où les corps arrivent dans le même inflant, on tire les tangentes (a 7) (bT) (cT) aux courbes que ces corps décrivent refpeétivement , ces tangentes coïncideront dans le même point 7: 4 ee DESNSCIENCE S 3 THÉORÉME VV. Soient fuppolés trois corps À, 2, C, agiflant les uns {ur les autres, auxquels on a donné des impulfions quelconques, de façon cependant que leur centre de gravité refle en repos, & que À, B, C, foient les trois points où ils arrivent dans le même inflant; TR, RS, ST; les trois tangentes dans ces points aux trois courbes que décrivent ces corps; enfin que V loit la vitefle du corps À, v la vitefle du corps 2, & u 4 By Cx ( a Sr celle du corps €, lon aura que es ns 4 CRONR OLA LANTUR (E: Si on tire /rt) (rs) (rm) parallèles à RAT, ST, RS, chacune à chacune, que 71, rs, rm, exprime (T7) {u) (v), & que les corps À, B, C foïent placés dans les points 7, m,5, le point r fera le centre de gravité des trois corps placés en ces points, THÉORÉME VI* Soit un fyflème de corps À, B, C, comme dans Ie théo- rème premier, agiflans les uns fur les autres d’une manière quelconque, que le centre de gravité foit en repos, & qu'un Obfervateur marche dans la courbe © o avec une viteffe quel- conque; je dis que l'action apparente du fyflème autour de TObfervateur, moins la fomme des mañles 4 +. B 4 C4 dre. multipliées par l'aire apparente décrite par le centre de gravité du fyflème autour de l'Obfervateur, eft proportionnelle au temps, & que cette quantité eft égale à faction réelle du f£ tème autour du centre de gravité. THÉORÉME VIL Tout étant fuppofé comme ci-deflus, mais qu'au lieu d'un Obfervateur ce foit un centre ou un corps qui marche dans une courbe quelconque, felon des. loix quelconques, & vers lequel les ‘corps du fyfième tendent aufli, fuivant des loix * Ce Théorème a été I & démontré dans l’Académie dès 1756. A ij Fig. 3, Fig. 4 Fig. s. Fig. 6. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE quelconques femblables ou différentes pour chaque corps; enfin que ces corps agiffent les uns fur les autres, fuivant des loix quelconques, femblables ou différentes auffi pour chaque corps; je dis que l'action apparente du fyflème autour du centre ou corps 0, moins la fomme des maffes multipliées par le fecteur apparent décrit par le centre de gravité du fyflème, autour de ce même corps ou centre a*en mouvement, fera égale à Fac- tion apparente de ce même fyflème autour de fon centre de gravité, qui fe meut alors. G'O'R OL L 'AMPR IE (UE Si S, T, L font le Soleil, la Terre & fa Lune, & que H foit le centre de gravité de la Terre & de la Lune, Jaction apparente de la Lune autour de la Terre, multi- , Ti ss PC pliée par DE plus Faire apparente décrite par H autour RT.4 ATEN ; , de {S) multiplié par CE, fera proportionnelle au temps, ou en mettant fap) pour aire apparente , & (au) pour aire autour, on aura (LauT) x fe hi ) + (HauS) x cu proportionnelle au temps ; ou enfin en nommant À cette quantité proportionnelle au temps, on aura (LauT) ou faire apparente de la Lune autour de la Terre, RATE NL) (En SJ US x TIAL)e TRE FE TE D) ie El égale à CToNR ONLOLVANTIRI EL INT Si le feteur apparent de la Lune autour de la Terre dans une fituation donnée & pour un temps donné, eft /a), que le feéteur apparent de /H) autour de /S) dans le même temps, foit (b), & que l'on fuppofe que le {eteur /a) décrit dans le même temps, mais dans une autre fituation, foit augmenté de la quantité a, je dis que le feéteur apparent décrit par æx(S+T+L)xTx>xL Hau S) fera diminué de la quantité (HauS) ué dé la quantité FAT EN ! Li 1580 SRB 4 4 8 D'ElSMOICH EN GES; s Corto LiLAIRE II L De là on conclud aifément que les aires que décrit le centre de gravité de la Terre & de la Lune autour du Soleil, ne font pas proportionnelles au temps. C'ORLO NL TANT ER EN I LV: Si on fuppofe le Soleil fixe, l'aire décrite par la Lune au- tour du Soleil, multipliée par la mafle de la Lune, plus l'aire décrite par la Terre autour du Soleil, multipliée par la maffe de la Terre, feront proportionnelles au temps; d'où il fuit que la Terre décrit des aires moindres pour le même temps dans la pleine Lune que dans la nouvelle Lune ; & fi l'on fuppole (r) le rayon de l'orbite de la Terre, /4) le rayon de l'orbite de la Lune, {u) la vitefle angulaire dans l'orbite de la Terre, /v) la viteffe angulaire dans l'orbite de la Lune, & que dans la nou- velle Lune les vitefles angulaires foient refpectivement /7) (v'), je dis que Tru + L x [u — v) x r + a — Tru + Lx fé + v) . (fr — a); d'où on peut tirer les rapports des viteffes de la Terre & de la Lune dans leurs orbites dans ces points. C'o'R'oLLAMRE ‘V. e Si L/ eft l'orbite de fa Lune, que SZ, S7 foient des tan- Fig. 7. gentes tirées du Soleil à l'orbite, on voit que Jorfque la Lune ft dans ces points, les mouvemens de la Terre, ceft-à- dire, l'aire que décrit la Terre dans ces deux momens, eft [a même; & de là que R vitefle de la Terre perpendiculaire au rayon tiré du Soleil à fa Terre, eft en raïfon inverfe de la diflance de fa Terre au Soleil, par conféquent que l'aire que la Lune décrit en partant de L & allant vers AV, étant di- minuée d’une quantité donnée, elle fera augmentée de fa même quantité en allant de V vers //), & l'action de la Terre fule, lorque la Lune eft dans ces deux points, eft égale à lation de là Terre jointe ou foufiraite de celle de fa Lune dans toute : A i Fig. 9. Fig. 10. 6 Mémosntes pe L'AcADÉmiEe Rorare autre fituation ; d'où l'on pourra encore tirer des conclufions {ur les changemens du mouvement de la Terre dans fon orbite, AVERTISSEMENT. Je n'ai confidéré jufqu’à préfent les corps que fur un même plan; les mêmes propriétés fubfiftent encore lorfqu'ils {ont dans des plans différens, c'eft-à-dire, que fi on projette tous les corps & leurs mouvemens fur un plan donné de pofition, ces théorèmes feront encore vrais par rapport à ce plan. THÉORÉME VIl Deux corps égaux À & B, circulant dans le plan Aa B 6 autour du centre ©, fi on prend le point S'hors de ce plan, fur le plan SD qui coupe le plan 4 a BB dans la ligne DA, je dis que l'action du fyflème 4, PB, autour du point © fur le plan SD 4, fera à l'action du fyflème autour du point €’, dans le plan Aa Bb, comme la ligne CP eft à BC, le plan pañlant par S'B À, étant perpendiculaire à Dd, & BP per- pendiculaire à CS. CoRoOLLAIRE L Si BDAd ef la projection de la courbe BD A4 du théo- rème précédent fur le plan SD d, je dis que l'action autour de S, eft la même qu'autour d’un point pris à volonté dans le même plan. COR IOILIT A TRES CITE Soient S, 7, L, le Soleil, la Terre & la Lune, & STL un plan pris tel que faction de 7 & de L dans ce plan autour de /S) foit zéro; ce feroit dans un plan perpendiculaire à ce plan, que le fyflème auroit la plus grande action autour de S, & où par conféquent on trouveroit le moins de variation, &c un tel plan pris pour tout le fyfème folaire, feroit le véritable_ Ecliptique. Co R'OE L'ArRE LITE Le centre de gravité Æ'ne marche pas dans ce plan ni dans a OT VONT Lu di DES SCrENCESs. 7 un même plañ, À étant le point autour duquel 7 & L font vilibre par leur tendance vers (S); il s'enfuit que 474 para!- léle à SR, eft la direétion du centre de gravité; donc ce centre ne marche pas dans aucun plan fixe, paflant par S & fi on cherche la force de L pour tourner autour de #7 dans le plan STL, cette force fe trouvera en décompofant la force de L en deux, June tendante vers 7, l'autre parallèle à 14, & la différence des vitefles du centre de gravité A & du point L dans la direétion parallèle à Æ14, fera la œaufe de la vitefe de rotation: de plus, lation apparente de T° & L autour-du point /1, centre de gravité, eft égale à la fomme des mafles T + L multiplie par la petite aire AS4. C'oNRIo LL'A TRE TV: Si par l'action du Soleil, le plan de lorbite de la Lune _ diminue d’inclinaifon fur l'Écliptique , plus cette inclinaifon diminuera, plus les aires décrites par le centre de gravité au- tour de S dans les circonftancés femblables, feront petites, de forte que fi le plan de l'orbite de la Lune coïncidoit avec FÉcliptique, alors le mouvement de ZZ, ou les aires feroient les plus petites, & fi au contraire ce plan étoit perpendiculaire à l'Écliptique, les aires feroient les plus grandes. CAROL À LTRE , V Si AFBD eft ha Terre, fuppoée un folide de circonvolution autour de l'axe À 2, & décrivant fon orbite autour de (S}, Je dis que comme ci-deflus, le centre C'de la Terre ne marchera pas dans fe même plan, mais que la projection de ce centre dé- crira des aires proportionnelles au temps, fi l'inclinaifon de l'axe refte la même; & que fi cette inclinaifon change par l’action du Soleil, de forte que l'axe de la Terre devienne perpendiculaire à l'Ecliptique, alors les aires décrites par fon centre dans le même temps, feront les plus petites, & celles décrites, dans le cas où l'axe feroit dans l'Ecliptique , feront les plus grandes; d’où je conclus que s'il eft vrai, comme on le prétend, que la durée des années foit diminuée, l'axe de la Terre doit ‘être élevé; Fig. 11, Fig. 12. Fig. 13. " 8 Mémoires DE L'ACADÉMIE RoYALE car le mouvement de rotation d'un folide de circonvolution qui n'eft pas fluide, né fauroit être varié par les tendances vers des points quelconques : l'inclinaifon de l'orbite de la Lune y influeroit de Ja même manière. Criomto LL 'ALNRIER VAT De Rà on doit conclurre que la Terre étant confidérée comme un noyau folide couvert d'une couche mince de fluide, les changemens dans fes vitefles doivent néceffairement caufer des marées, & leurs directions dépendront du lieu de la Terre dans lorbite & de la pofition de fes continens. Par exemple, dans les folftices, ces marées doivent paroître courir dans le fens de lÉquateur, & dans les équinoxes les eaux doivent paroître quitter l'un des poles & fe porter vers l'autre, & ce feroit-à une des caufes des marées ; ces phénomènes arriveront dans les nouvelles & pleines Lunes. C.o80 LL A RE : VE Si EPQ eft la Terre, PQ l'axe, G le centre, S le Soleil ou la Lune, je dis que le centre /C) tendra à décrire une petite ligne Ce, dont la fituation fera entre CQ &°CS; con- féquemment la force d'une particule quelconque Z, pour faire tourner la Terre autour du point €, fera trouvée en décom- pofant la force de cette particule en deux, l'une parallèle à Ce, & l'autre dans la direction CZ, & la différence entre la vitefle de ce point dans la direétion parallèle à Ce, avec la vitefle du centre €, produira la viteffe de rotation autour de €’, d'où l'on conclura la force. On à fuppofé dans le calcul de la préceflion des Équinoxes, que € marcheroit vers S', cette fuppofition n'eft pas exacte ; de plus, la Terre étant fuppofée en repos, fon action autour d’un diamètre de l'Équateur perpendiculaire au plan SEPQ fera égal à la maffe de la Ferre, par la petite aire CS, d'où on pourra conclurre que la direction & la vitefle du centre C étant données, on aura tout de fuite la vitefle & la direction de l'axe PQ. Mis MEMOIRE 4 CT ce mn ou à Mem. de L'Ac.R. des Se 2768. p.8. Phr. —— am: de VAc.R. der Wer$8. p8, Plz 1 ne déle ee de Mom. de ÿ4e.R. dar Sc-1768.p.8. PL 2. T'pe del. ot Je wi} DES SCIENCES. 9 MÉMOIRE SUR LA DISSOLUTION DU SOUFRE ANS NUL E SP RIT DE. VIN Par M. le Comte DE LAURAGUA IS. … és les Chymifies avoient dit que le Soufre étoit in- | foluble dans l'efprit de vin. Après avoir réfléchi fur la nature de ces deux êtres, après avoir fenti qu'ils devoient s'unir par le Zaus du phlogiflique, dans le foufre un des démens qui compofent ce mixte, dans l'efprit de vin un de ceux qui forment lhuile de fa compofition; je cherchai à unir ces deux corps pour généralifer le principe des folutions des menftrues huileux, ou pour découvrir les loix qui les empêchent d'agir dans certaines circonftances. Je commençai mon travail dans le mois de Novembre 1757; je pris de l'efbrit de vin or- dinaire, & jen fis bouillir environ une livre far deux onces de fleur de foufre refublimé: je mis le tout dans un pélican, - je choifis ce vaifieau à caufe de lefpèce de cohobation à 1a- quelle il eft propre; je tins ce mélange près de quatre heures fur le feu, fans qu'il £& fit aucune combinaifon. Mais ayant remarqué qu'il étoit impoñible que ces corps suniflent, parce que l'efprit de vin étant plus mobile diftifloit feul, & que cette efpèce de digeftion ne pouvoit pas me donner » une union entre ces deux êtres à caufe de la maffe aggrépative du foufre, l'aggrégation étant fouvent le feul obftacle qui em- pêche deux corps de s'unir, je me fervis d’un appareil que . M: Rouelle inventa pour faire le füblimé corrofif immédia- # tement par l'acide du fel marin, & par lequel les COrps que Fon travaille font réduits dans l'état d'unité. Je pris deux petites cornues, dans l’une je mis des fleurs de foufre, dans l'autre de l'efprit de vin: J'ajuflai leurs becs dans un récipient commun, & je donnai le feu qu'il falloit Mem. 1758. ° B 27 Mai 1758, 10 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE pour que ces deux corps évaporaflent (c'eft dans l'état de va- peurs que leurs molécules f combinent), & j'eus une liqueur légèrement ambrée, d’une odeur vive, pénétrante & affez femblable à celle du baume de foufre: je filtrai ma liqueur, j'en précipitai une partie avec de l'eau, elle fe troubla, devint opaque, s'unit à l'efprit de vin, le foufre s'en dégagea & forma un faux précipité dans le fond du vafe. Mais comme cet appareil eft emmbarraffant, j'en imaginai un autre plus fimple, plus commode, & dans lequel les deux fubftances n'éprouvent précifément que le degré de chaleur qu'il faut pour évaporer. Je prends une grande cucurbite que je place au bain de fable; je mets dans la cucurbite des fleurs de foufre, enfuite un bocal qui contient de l'efprit de vin; je la couvre de fon chapiteau, & j'y adapte un matras pour récipient: comme le foufre fond plus difficilement que f'efprit de vin névapore, avant le contaét du feu, il prend un degré de chaleur très- fupérieur à celui de Fefprit de vin qui eft contenu dans le bocal; ainfi ces deux êtres évaporant, leurs vapeurs fe com- binent & l'opération eft plus prompte, parce qu'il y a plus de molécules qui s’uniffent à la fois dans le même efpace. J'ai répété l'expérience plufieurs fois, & elle m'a toûjours réufli; mais comme je m'étois fervi d'efprit de vin ordinaire, je craignis que l'huile fur-abondante qui lui eft unie ne fit erreur. Pour m'en affurer, je pris de l'efprit de vin à la façon de Kunkel, & je refis mon expérience; elle me réuffit encore, mais l'efprit de vin ainfi reétifié fe chargea moins de foufre que lefprit de vin dont je m'étois fervi d'abord. J'ai tenté de combiner une plus grande quantité de foufre par des cohobations répétées, mais je n'ai point remarqué de différence entre les produits, & cela doit être parce qu'en dif tillane cette diflolution, l'efprit de vin quitte le foufre & pañfe feul; c’eft le phénomène qui arrive dans la diflillation de la diffolution d’une réfine. Pour favoir la quantité de foufre qui s’unit à l'efprit de vin, il y avoit deux moyens; le premier étoit de précipiter le Éd , l : D'ELSNISNCNTEIN C EX I foufre, de filtrer & de peler enfuite le réfidu après lavoir féché; mais comme le foufre eft en petite quantité, & qu'il eft difficile qu'il n'en refle quelques molécules fur le filtre, j'ai préféré de comparer lx pefanteur fpécifique'entre le même volume d’efprit de vin & de ma diflolution; j'ai trouvé que für une once fix gros de liqueur, il y a un peu plus de dix grains de foufre en diflolution, ce qui ne fait pas un grain par gros. Voilà le réfultat de mon expérience. On favoit que le foufre étoit foluble dans tous les menftrues alkalins & huïleux, & je fuis fiché qu'on ait ignoré jufqu'à préfent qu'il létoit dans le menftrue fpiritueux : c'eft une vérité qui augmente la chaîne de nos connoiffances & qui diminue d’un pas l'efpace qui nous fépare d’une théorie générale; elle auroit empêché de dire que le foufre n’eft pas foluble dans l’éther: qu'on opère avec de l’éther fur du foufre, & qu'on emploie mon procédé, on aura du foufre diflous dans cette liqueur. J refte encore une chofe à examiner, je veux parler de lufage médical qu’on peut faire de la diflolution du foufre dans l'efprit de vin; cette combinaïfon eft moins nauféabonde que celle du foufre dans les huiles effentielles & par expreffion. C'eft aux Médecins à difcerner les cas où l’on peut employer cette nouvelle diflolution. B ji L 12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ME M OL RE SUR LES INÉGALITÉS DE MARS PRODUITES PAR L'ACTION DE JUPITER, En raifon inverfe du carré de la diflance. Par M. DE LA LANDE. I ÉQUATION À — 1 — e cof. mu exprime le rap- r port entre le rayon vecteur & lanomalie vraie dans une orbite elliptique, dont e eft l'excentricité en parties de la moyenne diflance, p le demi-paramètre, r le rayon vecteur, lano- malie vraie, le mouvement de l'apfide étant à celui de la Planète comme 1 — # eft à 1; fi le mouvement de l'apfide eft AE nul, on aura À — 1 — e cof. u; fi la Planète en décrivant T fon orbite, eft attirée par une autre Planète, on -décompofe aifément cette force perturbatrice en deux parties, lune dans la direction du rayon veéteur, Fautre perpendiculaire au rayon vecteur. Cela étant, nommons @ la première de ces deux forces, & la feconde, 4 la fomme des maffes du Soleil & de l Planète troublée, & @ la quantité fuivante, 1 ITr dr 7 du Hrdu er Dee ND P ? ? M ‘ M. Clairaut démontre (foit dans les Mémoires de l Académie de 1748, page 435, loit dans l'ouvrage fur la théorie de la Lune que l'Académie Impériale de Péterfbourg a couronné en 1752) que pour exprimer tout l'eflet de ces deux forces perturbatrices fur le mouvement de la Planète, il fufhloit Mi+2$ d'ajoûter à l'équation À = 1 — e cof.u, la quantité r fin. u [Q cof.udu — cof.u [Q fin. udu. age 72: RAT lag - 2. pour Lg . qu re “e rapporte a La page 18. Lg 1. pour k page 68 . Men. de. UAo.R. der J:1758.,p18. PL d. Men. de. LAe,R. dar 2.758 pis PLS Lg qui | rapporte à la page 13 Lg 1 pour | la pure 68 7 | / F. Ing. del. ee JE © fement la pofition & la grandeur de fon ci Li. Ste À db : 4 . PDA SN MSNENT EUNIC Es 13 Si à valeur de Q eft exprimée dans cette forme cof. “ue, M. Claïraut démontre encore que cette quantité fin.u/Q cof. 1 du — cof. u [ Q fin. du fe réduit aux deux termes fuivans, LI . , COL. ut — —— cof. u; le dernier terme n'aflè@e EL — nm Ê 1 — nm que le mouvement de l'apfide, Par-là tout le calcul des per- turbations célefles fe trouve réduit à l'opération très -fimple d'exprimer @ en cofinus de multiples de 7. L'application de cette belle théorie a déjà été faite par fon auteur, foit aux calculs de la Lune dont il a le premier dé- montré l'exactitude & l'accord avec lobfervation, foit aux inégalités que k Terre éprouve par les attractions de J upiter, de Vénus & de la Lune. L Les recherches que j'ai faites en r 755; lur les Élémens de l'orbite de Mars, ne fauroient être complètes, ni les Tables de cette Planète devenir abfolument exactes, à moins qu'on n'y faffe entrer les inégalités que Jupiter produit dans le mou: vement de Mars; & quoiqu'on puifle les omettre dans les calculs ordinaires, on ne doit pas les négliger, lorfque par des obfervations choilies on entreprend de déterminer fcrupuleu- clliple. C'eft dans cette vüe que j'ai cal- culé avec le plus grand foin, comme on en jugera par le détail, les inégalités de Mars provenantes de J upiter , fans omettre celles qui dépendent des excen- wicités de lune & de lautre Planète : j'ai même examiné les équations qui font produites par le carré de l'excentricité de Mars, la grandeur des termes qui proviennent de l’excentricité elle-même mayant fait craindre que les autres n’euffent quelque valeur {enfible, mais J'ai reconnu qu'elles étoient négligeables, Pour trouver les forces ® & +, loit / le lieu de Jupiter, M le lieu de Mars, S le Soleil, a diflance ZS =", hdi( tance SM — 7, Vangle BSM = y», l'angle de commutation ASM = +, la difance ZM entre Jupiter & Mars — , / La B iij 14 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE imaffe de Jupiter; la forcé avec laquelle Mars eft attiré par . vf ; . Jipiter de 47 en 1, ef —. Cette force étant dans la dia- gonale du parallélogramme SAC, elle eft compolfée d’une force qui tueroit de 47 en S, & d'une force qui tireroit de M en C'ou de S'en /, ce qui revient au même. Puifque MC eft parallèle à SZ, la première eft 22" la feconde eft BE: 2 , car la force ZM eft à la force SAZ, comme s eft done lastercerS AL Et égale à la force ZM multiplié par 7, De même la force ZM eft à la force AC ou SZ M ee td f; donc la force SJ eft égale à la force ZM 1f ; multipliée par _ c'eft-à-dire, — EL celle-ci eft négative, parce qu'elle tend à diminuer la force centrale de Mars. De la force SZ il faut retrancher la force ! que Jupiter exerce fur le Soleil, car il ne trouble Mars quen vertu de la différence de ces deux forces, c'eft-à-dire, en attirant Mars F C : 1 plus ou moins que le Soleil; on aura donc — il _ e $ pour la force perturbatrice qui agit de S'en Z ou de A en C; MC eft la diagonale du parallélogramme dont AD & ME font les côtés, ainfi la force AC eft à la force AE, comme le rayon eft au cofinus de l'angle CAZE ou 1SM, c'eftà-dire, de l'angle 7; donc la force ME fera — e = = ) cof, z. À > I I La force MD fera par la même raïfon — ( 2e Lie fin. Ss- négative, parce qu'elle tend à diminuer aire décrite par la Planète ou la longitude que nous comptons depuis la ligne ABS; c'eft cette force AZD qui dans la formule ci-deflus eft ap- pelée æ. Pour avoir la force @, il faut ajoûter les deux forces que nous avons vû être dirigées fuivant S A1, & l’on aura 1 Er If 1 D — DE de + =) ct s DES ScrIENÉES. ç De l'expreffion de ces deux forces @ & +, il faut Be évanouir s qui eft la diftance des deux Planètes, & qui peut s'exprimer par le moyen de 7, f r, afin de tes le nombre des inconnues. Dans le triangle $7/47 dont on connoit deux côtés & l'angle compris, le troifième côté aura pour valeur s=V—afretitr) = =f—afrotitr) fi lon fait à — 2f7 cof.: —-r", on aura {f* — lo) * 08 Qi 34a 15 à 35 a) 315at SE EE Tp Te 8 f7 ee 16 AN mr) TC =" + af" r cof — 4fr cor — rt 4 ANT — 4fr cof.t + 2f°r cof. 21. a — 8f}r? cof.#? — 12f°r* cof. + Gfr cof.s — r6 = —#— Cf + (6fr + 6fr) cof r — 6f°r# cof. 21 + 2f}r} col. 31. S = 16f*r co. — 32/7 cof. + 24f°r6 cof. s° — 8fr cof. 1 + US RE af rie épi — (Bfr + 24f°r) cof.r + (r2f°r6 — Of + 8f*r°) cof. 214 (2f?r9—8f3r) cof.31 + 2f*r# cof. 4r. Si l'on fubflitue ces valeurs dans les termes de là ftrie, 3 3r FEEIRe on aura NE ne P Ha 152 154 15" 157 sr = RS — — — cof.r 8f7 8f7 af 2f5 UN ET Fa cof. 27, CAC 2oSrÉ ANSE 1857 10575 6119 | RU 8f7 LE + ET ne) cof. 8f7 e US GS ANR 3155 12.315 6.31554 rain lre-qunr Melle noue OR ee Lo 128 f 128f 128 f9 j 128f7 3157 ir) 315.127 315.7 FF + 16f5 cof. 1 RE 128 f9 ts ie) cof, 22 Er OR of ds (1 16 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE En raflemblant tous ces termes, on négligera ceux où z eft multiplié par un nombre plus grand que 3, & Fa élevé à Ë: À I une puifance plus grande que 7, & Ton aura — — ï gr 225 rt 3r be | Lau Sie n RS af" UE FE ae SF cof. £ 157 105$ 7# 357 —+— DATE SE nee. cof. 21 + 8 fc cof. 32 Cette quantité multipliée par 7, donnera la première partie de ?; multipliée par f cof. 1 & changeant de figne, elle donnera Ja . feconde partie de @; multipliée par f fin. .& changeant auffr un ul de figne, elle donnera la valeur de æ, en ajoûtant pue r 9 2257 9 75r# = + — 87) (67 + AJ $ 3? is ee — 1 + PrE ef cof. 2 4. EX ra D) ( s 5 EL © HEURE RUE Pt pr T7 À : 1 d divifeur 1 + 2 f mn parce que I eft une quantité très-petite, la valeur de Q, qui par elle-même eft déja très-petite, n'en fera pas fenfiblement u approchant beaucoup de l'unité, La diminuée; car en général - petite, eft égale à x — xa, dc c'efl-à-dire, que x n'eft di- minué que d'une quantité qui eft à x comme « eft à 1. On , & étant une quantité très- C4 È 2rmpnr Tlrdr 7h du fuppofera donc Q — ren Crus ue f RE Von cherchera fucceflivement les valeurs des trois quantités dont Q eft compolé, @rr A I F or 22517 HEC nm (5p 7 6p af 1 or# _ REA Se Gp cof. 7 1 3? s 10577 CT 2 Me eee Mais puifque le premier terme ne renferme point l'angle z, if pe dépend point de la pofition de Jupiter ; ainfi il ne peut affecter que le moyen mouvement & le lieu de l'aphélie, c'eft pourquoi nous n'y aurons point égard ici. | DES SCIENCES. 17 %Æ k - j “7 : - ITrdr Au | La feconde quantité qui entre dans Q eft ir = TI dr 37 15 » T1 dr /3r Ds — —— — [= —© ) fins — — =— ) fin. 2 Me ee a op | LC ue I r du La troifième quantité de Q eft — 2 f 7 * luppofons-la — — 2p, & prenons le paramètre pour l'unité & pour la moyenne diflance, comme M. Clairaut dans fa théorie de s À : 3” 1514 la Lune: puique lon a 1 — — 16 + PAT fin. # Vi EUR ) fin. 27, on aura p — Eu: 7 SF ; pr 1 3 157 I 3 r4 5 r£ — du Ge + ap mie — [5 25 + TE Pour faire difparoître de toutes les quantités précédentes r & z, c'eft-à-dire, pour les exprimer par le moyen de z, on reprendra PRG OR 2 à Jün. 21du l'équation de 'ellip{e _ = 1 — € cof. mu; füppofant p = 1, on élevera 1 — e cof. mu aux puifflances — r, — 2, — 3, ŸC pour avoir les valeurs de 7 & de fes puiflances; ce qui donnera, en négligeant tous les termes où il y auroit e*, ® —=i+ ecme or — 1 + 2e cof, mn D = 1 + 3e cof. mx = 1 + 4e cof. mu D = 1 + $e cof. mu : Pour avoir la valeur de z-qui eft l'angle de commutation ou langle au Soleil entre Mars & Jupiter, il ne faut que retrancher la longitude vraie de Jupiter de celle de Mars: fi Tanomalie vraie de Mars eft 4, fon anomalie moyenne fera MU + 2e fin. mu: quand le mouvement de Mars eft I, je fuppofe celui de Jupiter 1 — y, & la différence des deux égale à 2; ainfi le rapport de 1 à 1 — x eft le rapport des mouvemens de Mars & de Jupiter; on aura donc la longitude Mem. 1758. ° C 18 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE moyenne de Jupiter, en faifant abftraétion du mouvement de faphélie, mu — nu + 2e {1 — n) fin.mu; nous la fuppoferons pour le préfent égale à fa longitude vraie, cette fuppofition fera difcutée dans la fuite de ce Mémoire : retran- chant la longitude de Jupiter de celle de Mars 74, on aura nu — 2e (1 — n) fin.mu —t, c'eft à commutation. Pour chercher les finus & les cofinus de z & de 27, on emploiera les formules fuivantes, dans lefquelles on fuppofe deux arcs À & B dont À eft le plus grand: nous allons mettre de fuite toutes celles dont on fera ufage dans ce Mé- moire, ou qu'on a déjà fuppofées plus haut. fin. (A — À) — “fin. À cof. B — fn. B cof. A cof. {À — B) = co. À cf. B — fin. À fin. À fin. (À re B) — fin. À 'cof. B + cof. À fin. B cof. {A + À) — cof. À cof. B — fin. À fin. B fin. À cof. B = + fin. {A + B} +-2fn. (A —"B} fin. B cof. À = + fin. {A + ) — + fin. (A — B) MANN OE— + cof. (A — B) — + cof. {A + B) cof. À cof. B — + cof. (A —+— À) + + cof. {A — B) fin. À cof. À — + fin. 2 À fin. À — + — + cof. 24 cof. À — 3 + + cof. 2 À fin. 4 — i fin. À — + fin. 3 A cof. A5, — e cof. À + = cof. 3 À fin. À — + — + cf. 2A + + cof. 4 À co A —— _. + + cf 2A + + cof. 4 À. Dans l'application de ces formules à la quantité nu — 2e (1 — ») fin. mu — 1, nous fuppoferons le cofinus de — 2e {1 — #») fin. mu égal à l'unité, cet arc n'étant elle-même ; alors on trouvera : fin.t — fincrn + e (1 — n) fn. fn + mu — 6 (1 — n) fin. (n — mju coCr = cofun + e{1 — #) cofifn + m)u — e (1 — ») col./s — m)a jamais fort grand , & nous fuppoferons fon fus égal à la quantité M Se à D'ENSUTSNCNLIENN LE 19 0 !/ 19 Û Û fin. TE 2nu% 2e (1 —n) fin. {an + mu — 2e (1 —n) fin. (an — niju l * cof.ar — cof, zuu + 2e (1 =) cof. (28 + mu — 2e (1 —n) cof. (27 — mju Suppolons d'abord ? — nu, prenant dans les Tables aftro- ‘ nomiques de Halley ces valeurs de e, de à & de 1 —», … ceftà-dire de l'excentricité de Mars, du rapport des diflances moyennes de Mars & de Jupiter & du rapport de leurs moyens ; mouvemens, on aura les logarithmes fuivans: nous fuppofons m — 1 en népligeant le mouvement de l'aphélie, OR 89684732 —— cc. 05652715 | PE oi 94668115 Hesse 99249865 s M 02002070 5 em 99892067 Ne ne Co 07725649 Fr an: «+ 97371678 pt 75% | Sf* = cof. ? = 0,0090279 cof. 70 + 0,001748053 cof. {n — mu + 0,001748053 cof. {n + m)u, E+i— 27) cof. 211 —= 0,03919806 cof. 21 —H 0,0054929 cof. (an — m)u + 00054929 cof. (21 —+- m)ue Nous avons vû Que r — 1 + e col mu, mais on fait qu'en général la différencielle de + e cof. mu eft — md fn mu; ainft dr = — mdu fin. mu, _ —= [2 dr € — m fn, — nu = — —— cof. — ne co. (n m) ù L 4 DIT ee ve Ne 2 ( e ; : D on (n + m)u, € NOTE Q cof. {20 — m)u + — cof. (2n += mu: d'où l'on tire C à 0 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE les deux valeurs fuivantes, ” 37 3 ARE) | BA —+ af fin. 24 TT —= 0,00013533 6 cof. (a ae m)u — 0,000135336 cof. {n — m)u, 3 s'+ GRR u DRE Le #2) fin. 244 —— — 0,001 81647 cof. (an + mu — 0,00181647 cof. {2H — mu. Pour avoir la valeur de p, il fuffit d'obferver que l'inté- cof. Mu, grale de du fin. mu EI 315 1577 Hs : “ Car “ =, fin. 11 = 0,002910 52 fin. 11 + 0,00069046 fin. {an + mu + 0,00069046 fin. {n — mu. En divifant ces termes par leurs multiples refpectifs #, 7 + m, n — m pour l'intégration, on obfervera que # — m eft une quantité négative, ET FE + ——) fin. #14 — = 0,0069184 cof. su —+- a Ce 52 cof.{n + m)u — 0,00870 52 cof.{/n — mu, er 4e = fin. 211 0,03906479 fin. 214 + 0,0073913 fin. (2n — A + 0,0073913 fin. {27 + mu, = _. fin. 21udu — 0,000021757 cof. 2uw == FN cof. (21 — mu + 0,0000025821 cof. (2n + mu. En rafflémblant toutes les quantités que lon vient de trouver pour les différentes parties de Q, on aura avant que de les avoir multipliées par — Le, ; 71 0,0159463 cof. nu + 0,085626 cof. 2H1 — 0,00709251 cof. (1 — m)u + 0,002632909 cof.{n + mu + 0,025327 cof. {an — mu += 00128196 cof. f2n + m)u: EN AE NÉE A PR INT MN D'ErSt Se EN CES 27 On multipliera tous ces termés par — y di eft le rap- port de la mafle de Jupiter à la fomme des mañès du Soleil & de Mars, ou, ce qui revient au même, à la mañle feule du Soleil, qui eft dix millions de fois plus grande que celle de Mars, ce rapport eft ==, comme M. Newton {a déduit des révolutions & des diftances des Satellites de Jupiter & des planètes , enfuite on divifera chacun de ces coëfficiens par LAN, I — AU, 1 — fn — m)° dc. refpectivement pour avoir le terme qui en réfulte dans l'équation de l'orbite 1 © of comme nous l'avons dit en com- r mençant, & J'on obfervera que le fecond 1 —— 4nn, le quatrième & le fixième font négatifs ; nous appelons Z cette correction de l'équation primitive. La quantité Z nous donne 2 ji ; pour équation de lorbite TI — 6 cof mu + Z, d'où lon condud rr = 1 + 2ecofmu— 2Z — 67 cof.mu, en négligeant les puiffances fupérieures de Z: il sagit d'en déduire la correction du temps ou de la longitude moyenne, Dans la théorie de la Lune de M. Clairaut, (page 10 ) rdu / è l'élément du temps — "7% on trouve l'éléme u temp 7 ana > rrdn & — ; mais . eff -qui revient au même JT du) : 2 Je paramètre de l'orbite troublée, dans l'équation générale de M. Clairaut. Nous le pouvons fuppofer égal à l'unité, car if ne diffère de Ja moyenne diftance connue par obfervation & fuppofée égale à Funité, que de la quantité e7: fuppofant auffi Funité pour la mafé du Soleil M, élevant le dénominateur Li _de la fraétion à la puiffance — 1, & négliceant les puiffances 2 de fxr? du, on aura lexpreffion du temps dx — ;r7" (it — far du) = rrdu [1 — p/; en faïlant p = far? du. Subffituant dans cette expreffion à {a place de 77, les termes . qui renferment Z dans la valeur de 7r, on aura la quantité C ii 22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE dont Z influe dans la correction du temps ou de la longitude moyenne, — //22 + p)du — f{6eZ — 2p) cof. mudu p = 0,000003242 Cof.11 + 0,0000215$ 57 cof. 2Hu — 0,000004079 col. /n—m)u1 +-0,000000 35 12 cof.{u + m)i - 0,000010146 cof./2n — mu —+ 0,0000025$82 cof. fan -+- mu. La première partie (2Z + p) = + 0,0001066 cof.uu — 0,00010918 3 cof.274 — 0,000008889 cof. (1 — mu — 0,0000024124 cof. {1 + m)u + 0,000078676 cof./21—m)u—0,0000064594 cof. (an + mu. On multipliera par dy, on intégrera en divifant chaque terme par fon multiple, on ajoûtera le logarithme $,3 1442 S1332 qui fert à réduire en fecondes les arcs qui fe trouvent natu- rellement exprimés en décimales du rayon, dans toutes les formules précédentes, & l'on aura la correétion de l'expreffion de la longitude vraie, ou les équations qu'il faut ajoûter à la longitude moyenne, qui font d'une dénomination contraire à celles de la correétion du temps ou de l’expreflion de la lon- gitude moyenne, — 26",13 fin. vu + 13",38 fin. 2uw — 119,55 fn{n — mu + 0",27 fin. {n + mu — 23,77 fin. {an — m)u + 0,50 fin. /2n + m)u. La feconde partie de l'expreffion du temps ou de la lon- gitude moyenne — /6eZ + 2ep) cof. mu du, ne renferme que deux termes qui puiflent être confidérables; ce font ceux qui proviennent des deux grands termes de Z, c'eft-à-dire, nu & 2uu multipliés par — 6e cof. mu, & ce feront, par conféquent fm — n)u & (2m —— n)u: car les termes (m += nu & (2m + n)u font beaucoup moindres, parce que ces divifeurs font plus grands & rendent les termes moindres dans chaque intégration : quoi qu’il en foit, les voici tous, — (6eZ +- 2ep) —0,0000017$ cof.u + 0,00001073 cof. 2uW —+ 0,00001 502 cof. (nu — mju —+ 0,000015$02 cof. (n + m/u — 0,0000 142 cof. f2n — m)u — 0,0000 142 cof. /2n + m)u; BE s1MSaQG AE NC Es. 23 ce qui donnera après l'intégration les équations fuivantes, — 0",43 fin.nu + 1",31 fn. 200 — 19,53 fin. (0 — mu + 1,68 fin. (a + m)u — 4",29 fin. (27 — mu — 1",09 fin.{22 + m)u, qu'il faut ajoûter aux précédentes. Examinons actuellement ce que peuvent produire les termes négligés dans le calcul précédent. Dans lexpreffion fort 75 2 pu e- 2 D) cof.?, on a fuppofé cof. : — cof. ”u au lieu de cof.uu — c{1—n) cof. (1 + mu + e 0) cof./n— m)u; cesdeux derniers termes produifent — 0,00013 32 cof./n + m)u + 0,0001 3318 cof. (n — mu ,on néglige n + 2m, n — 2m. En prenant ainfi les deux termes né- gligés dans cof. 27, fin. 1, fin. 27, on aura les valeurs fuivantes 31 s" 105 #7 0 à uf réf cof. (2 + m)u H- 0,001156$ cof./2n — m)u , pour cof.21,— 0,00115$65 | dr 3 157 Ù pour + É > fin./ —0,000003992 cof. 7114 — 0,000000288 cof. (1 — mie — 0,000000288 cof. {1 + m)u, 37 s1* dr : pour CE 3) en fin. 2710 — 0,000107192 cof. 2711 —— 0,000005$1562 cof. (zu ee m) 7 — 0,0000051562 cof. {21 — m)u, Len pour Je —- DE Jet — 0, 00002330 cof.{# + 11/4 — 0,00027067. cof. (n — mu, N A pour (+ +): fin.21— 0,000429 64 ET Ce Je + 0,0016882 cof. (an — mu - Ayant ajoûté tous ces termes à la valeur de Q, ‘on aura 24 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE Z—=— 0,0000 5491 cof.11 -0,000043759 col. 2nu —- 0,000005$ 8677 cof./1—m)u4-0,00000099 662 cof. {1 —- m)u — 0,000040557 cof. (2n — m)u + 0,000001893 cof. {27 + mu. Les équations dépendantes de — /2Z + p) feront —26"13+13"40—1 0,284 0",27—21,92—+#0",52; Jes équations provenantes de — /6eZ +- 2ep) cof. mudu —0",391"19—19",43 + 1,68—4",30—1",09. Une autre omiflion que nous avons faite dans les calculs pré- cédens, confifte dans les termes affectés de e* qui eft le carré 7 . i { de l'excentricité de Mars; car puifque El SE cof.riu, on a — 1 + 2e cof.mu + +e cof. 2m D — 1 + 3e cof.mu + 3e cof 2m. = 1 + 4e cofemu + Se cof. 2mu. 1çe* D = I — se cof. M + 3 cof. 2711 2 - r# ainfi le terme : À cof. 4 recevra dans fa valeur le nouveau 4se 45 cof. nu cof. 2m0 == cof. /} terme SA 2m CR (n + 2m)u 4$ € 1 as . TNT cof. {4 — 2 m)u: ox ce dernier terme qui eft le plus confidérable de ceux qui proviendroient de e*, ne donne pour Z que 0,0000000097 cof. {x — 2m)u, fraction fi petite qu'on doit être pleinement rafluré fur la pctitefle de ces termes ; ainfi toutes les équations qui dépendent de fa diftance de Jupiter, de la commutation & de l'excen- tricité de Mars, fe réduifent aux fuivantes — 2 5",74 fin. #1 + 12",21fin.2uu+ 9",2 5fin.{u—m)u—1 "41 fin. {+ m)4 — 17",62 fin.({2n — mu + 1,61 fin.{2n + m)u, dans. lefquelles #1 exprime la commutation, & #74 Yanomalie de Mars. De piess: SC IE N'C:E 5. 25 Des termes qui dépendent de l'excenrricité. de Jupiter. On a fuppoé dans les calculs précédens que Forbite de Ju- piter étoit circulaire & concentrique, en forte que fa diftance au Soleil fût conflante, & fon mouvement uniforme; la valeur de —— & celle de fin. : qui entrent dans l’expreflion des e forces @ & +, feront un peu différentes fi nous y faifons entrer cette nouvelle confidération’; mais les termes que nous avons employés ci-devant, refteront les mêmes, il faudra feu- lement y en ajoûter de nouveaux, & pour cet effet nous cherchérons la° valeur de en en fübftituant pour f, qui ‘eft s la diflance moyenne de Jupiter au Soleil, une diflance vraie prife dans l'ellipfe excentrique de cette Planète, & la valeur de z, en retranchant de fanomalié moyenne de Mars, non pas l'anomalie moyenne de Jupiter, mais fon änomalie vraie, pour avoir un angle de commutation affecté de l'inégalité de Jupiter. Soit 7 lanomalie vraie de Jupiter, c fon excentricité, l'é- quation du centre eft à très-peu près 26 fin.7, du moins les termes que l'on néglige dans cette expreffion font infenfibles, comme je le ferai voir dans mon Affronomie ; & parce que l'é- quation du centre s'ajoûte à lanomalie vraie pour avoir f'ano- malie moyenne, on aura 7 <- 26 fin., anomalie moyenne de Jupiter. Le moyen mouvement de Jupiter étant à celui de Mars comme 1 — # et à 1, il faut divifer l'anomalie moyenne de Jupiter par 1 — », pour avoir celle de Mars fuppofé . . 21€ concentrique, qui fera ÉTIRNTES fin. z; fi de cette 10——+ 72 I — nn anomalie de Mars nous ôtons celle de Jupiter fuppofée — 7, il refiera pour la différence ou pour l'angle de commutation, T "22°C Le € fn.z = ( fin. 7, — 1)1+ — 1— 1 (a l=—4 mous äppellerons p la différence des moyens mouvemens, en Mém, 1758. : D 1— 7 1—4#4 26 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE prenant celui de Mars pour unité, c'eftà-dire, p= > — 1, l— 7 ainfinous aurons l'angle de commutation —p7+- LE fr 7, 14 c fin. 7 cof. p7 = fin.pz + PAEUS 2 EX 1—4 front fin.pz += € fin. (p + 1/7 — fin. (p — 1)7, & de même col — cof.pz == EX 2C fin, fin.pz == cof. p7 — 1—# c cof. /p —— 1/7 cof. (2p — 1)7 + cf. (p —, 1/2 + cof. 22 —= cof. 2p7.— cof. (2p + 1)7, cof. 31 —= cof. 3p7 — I 4 2€ 2C Cr: | 1—# 3€ ob (gp 1) ÈS NW cof. (3p + 1/7, dv. I Li , . Dans la valeur de —- — FF + de. trouvée ci-deflus, S: on fubftituera pour f & fes puiflances, les valeurs fuivantes, APE ONE DRE a EN D 1 — 4c cof.z HET PAU ba VI PE li Can Le logarithme de « eft 8,6832078, & celui de pi eft 94668115; ainfi lon aura = = 0,02$14 — 0,003637 col. 7, Je 0,004856 — 0,001170 cof.7, 4f #°5 7 £ nd — 0,0006$11 —- 0,0002198 cof. 7, de — — 0,03065 — 0,00 5027 cof. 7 + (0,025656 — 0,00$291 cof.7) cof.r — (0,009307 — 0,002361 cof.7) cof. 21 + (0,002766 —— 0,0008002 cof.7) cof. 37, & réduifant les produits de finus en finus de multiples, on auræ ÿ \ Hoi Es Su: LE NICE SE 27 = 0,0306$ — 0,005027 cf7 + 0025656 coi. —- 0,009 307cof.21+ 0,002766cof.31— 0,00 2645cof.(/1+7) — 0,002 64.5 cof./1—7)—0,oou80cof./21-+-7) —0001180cof./21—7) — 0,0004 of /31 + 7) — 0,0004 cof. (31 — 7). Prenons les trois plus grands termes qui font 7,.2r, 3r, & pour les difcuter avec plus de foin, fubftituons dans cès trois termes les valeurs de cof.r, 27, 31, trouvées ci-deflus, après avoir appelé a, 6, y les coëfficiens numéraïres 0,002 5656, dc. alors on aura dans la valeur de — les termes füivans, ca — OL (p — 1)7 + co (p + 1)7 di. Lu ee cof. {2p =— 1)7 + ne cof. (2p + 1)Z nn CUP, 1) + — - cof.{3p + 1)% Ainfi réduifant ces valeurs en nombres, on trouvera — —0,0306; # 0,005027 cof.7+- 0,025 656 cofpz —+ 0,009 307c0f.2p7 + 0,002766cof.3p7— 0,0 10445 cof (p —1)7 + 0,005155 cof. (p+ 1/7 — 0,006838 cof.(2p —1/+0,004478 coff2p+-1)7—0,002922 cof. {3p — 1/7 + 0,002122 cof. (GP + 1) ge Pour avoir la valeur de +, il faut multiplier cette valeur Ê par fin. z, nous chercherons feulément les termes qui ont fa | ” forme p —— 1 & 2p —— 1, parce que ce font ceux dont | il doit réfulter les équations les plus confidérables ; maltipliant donc par fin. p7 +2 fin.(p 1 )g = = fin (pat Je, & raffemblant les termes du produit, on trouvera LI + fint—— 0,0028 13 cof.(p—1)7—0,01857 cof. (2p— 17, & p— —0,0006535 fin (pP— 1/7 — 0,001933 fin. (2p — 1 )g. Pour trouver auffi la valeur de @, il faut multiplier —— par ; 5 5 D j 28 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ! c cof.(p — 17 + —— cof./p + 1/7; & l'on aura les termes —— 0,010163 cof. {p — 1)z — 0,00200$ cof. /2p — 1)7, qui Ôtés des termes OP == — I —"1 correfpondans de — — — 0,01044$ cof. f{p — 1/7 — 0,006838 cof. /2p — 1)7, donnent pour la valeur de @, — 0,00844 cofa/p ——, 1700032248 cof, (2p — 1/7, & A — — 0,007133 cof.(p — 1)g + 0,007191 cof.f2p — 1/7, Z — 0,0004070 cof. (p — 1)7 — 0,00007876 cof. (2p — 1)7; donc 2Z+-p—0,0001605 cof.(p—1)7—0,002091 RÉ d & > cof. {2p — 1): on multiplie par du — = T_ ,on divife L (1 ar p — 1 & 2p — 1 pour intégrer, & lon multiplie par la mafle de Jupiter & par l'arc égal au rayon, pour avoir enfin les deux équations provenantes de l’excentricité de Jupiter, + 0'",04$ fin {{ — 7) — 0,26 fn. 24 — 7: leur valeur eft trop petite pour mériter d'être employée dans les calculs. Les inégalités que lation de la Terre produit fur le mou- vement de Mars, doivent être auffi fenfibles, peut-être même plus grandes que celles dont j'ai donné le calcul dans ce Mé- moire ; mais la recherche de ces équations formera l'objet d'un autre Ouvrage. Voy. Mem. Acad. 1761. Nota. Nous devons obferver ici que dans la figure inférée ci-deflus page r3 ,il s’eft gliffé une légère erreur ; la ligne A7C doit être parallèle à la ligne S Z, qui eft le rayon vecteur de Jupiter, au lieu qu’on l’a rendue parallèle à la ligne S A; celle-ci ne marque autre chofe, fr ce n’eft le point d’où l'on fuppofe que les deux planètes / & AZ font parties , leurs mouvemens fimultanés étant exprimés par les angles À S1 & AS M la ligne ZA doit être la diagonale du parallélograme SAC 1. La) CHER PR TS DER. RL NT ES ES DÉENS MASON TUE NE GCUET.S 29 PR T ENNGE LS SUR LES MÉLANGES QUIDONNENT L'ÉTHER, SUR L'ÉTHER LUI-MÊME, ET SUR SA MISCIBILITÉ DANS L'EAU. Par M. le Comte de LAURAGUAIS. Ï j'avois eu affez de temps pour enchaîner les découvertes des anciens Chymiftes fur l’éther, avec celles que je viens de faire fur ce fluide, je pourrois peut-être aujourd'hui rendre compte à l'Académie de mes fuccès; mais je n'ai que des faits nouveaux à lui préfenter & à lui foûmettre: j'ai mieux aimé donner ces faits fans fuite éthiologique, que de les enchaîner par une analogie que l'expérience auroit pà détruire; auf font- ils ifolés pour moi, qui ne connois pas la loi phyfique qui les lie. Si on haiffe repofer parties égales d'efprit de vin & d'acide vitriolique, aflez concentré pour que fon poids foit à celui de l'eau comme 32 à 18, il & forme un dépôt huileux d'un rouge vif, & au deffous de ce dépôt, un fel irrégulier, je le crois formé de la terre de l'huile du vin que l'acide vitriolique a féparée de l'efprit de vin, & qu'il a enfuite décompolée; ce {el eft peu foluble. Si l'on difille ce mélange d’efprit de vin & d'acide vitrio- lique qui furnage {ur le dépôt, on a de l'éther & tous les phénomènes de cette diftillation: fi l'on diftille le dépôt formé de tout ce mélange, on aura fort peu d’éther, beaucoup d'huile du vin; tous les autres phénomènes font femblables. L'acide vitriolique ordinaire ne donne point ce fl; fon action eft moins forte fur l'efprit de vin, parce qu'il eft plus phlegmatique. L’acide nitreux concentré, uni à l'efprit de vin après une forte effervefcence, ne donne ni dépôt, parce qu'il s’unit à j D ij 3 Juin 1758. I re Expérience. DS Expérience. QT: Expérience. IV Expérience. 30 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE toute l'huile du vin, ni {l, parce que ce fel eft le réfultat de la combinaifon de l'acide avec la terre de l'huile. jé L'acide vitriolique concentré décompofe l'huile du vin, parce qu'ils ne s’uniflent que par leur principe acide, qui dans l’huile n'eft qu'un mixte de ce compofé; au contraire, l'huile entière peut s'unir à l'acide nitreux, parce que cet acide contient le phlogiftique en une beaucoup plus grande Lo numérique que l'acide vitriolique. Si l'on mêle une partie de l'éther qu'aura donné le mélange de l'acide vitriolique & de l'efprit de vin fur deux parties du dépôt qu'a iflé ce mélange, on a d'abord une liqueur acide, enfuite vappide, après cela beaucoup d'acide fulfureux volatil, & à la fin de la diflillation une efpèce de bitume charbonneux, fans avoir eu de gonflement dans l'opération. Lorfqu'on met lentement parties égales d'acide vitriolique concentré fur de l'éther vitriolique, après l'effervefcence la H- queur devient verdâtre, & il fe forme un fel dans le fond de la bouteille: lorfqu'on met rapidement fur deux parties d’éther trois parties d'acide vitriolique concentré, on perd par l'efer- vefcence excitée dans le fluide, un cinquième d'éther ; ce mé- * Jange devient cramoifi & ne donne point de fel. Ce fel dépend d'un point de faturation: lorfqu'on met peu d'acide vitriolique fur l'éther, il lui enlève fon eau & met à Hi une portion de fon Res Et avec laquelle il fe combine, & forme un fel {urchargé d'acide; mais fi on met une plus grande quantité d'acide, il réfout ce fel, & fon huile colore le mélange; quand on diflille ce mélange, il ne pafle point d’éther, on a d'abord une liqueur acide, de l'huile du qin,*de l'acide fulfureux vo- latil, & à la fin de l'opération le gonflement ordinaire. L’acide nitreux uni à l'éther nitreux après l’eflervefcence, donne auffi un fel qui cryftallife à peu près comme le nitre, mais les cryftaux font très-petits; ces fels reflemblent aux fels eflentiels tirés des plantes, ils font huileux: fi l'on mèle en- femble parties égales d'éther vitriolique & d'acide nitreux, il arrive une eflervefcence confidérable, & lon perd fur huit gros du mélange fix gros & demi; ce qui refte a la faveur de l'acide DES ANSNCALE NICE "S 31 nitreux affoibli par l'acide du vinaigre: cette liqueur digérée ne donne point de fel. Si on met deflus de l'éther nitreux, de l'acide vitriolique, il fe fait une effervefcence confidérable, moins forte cependant que dans l'expérience précédente, mais il y a décompofition de l'éther nitreux; il s'échappe un peu d'acide nitreux, enfuite il nage fur le mélange une liqueur très- huileufe & très-colorée: le tout fe colore & s'unit par le mou- vement & par la digeftion, mais on n'obtient nul phénomène; mais par la diftillation il paffe d'abord de l'acide fulfureux vo- ltil, un peu d'huile, enfuite de l'acide vitriolique : il n'y a point de gonflement. On à toûjours démontré l'immifcibilité de l'éther avec l'eau, en mettant de l'éther fur l'eau, l'éther la furnage évidemment ; je me fers de la même expérience pour démontrer que l’éther lui eft mifcible. En mettant de l’éther dans un vafe d’eau, & goûtant cette liqueur, on s'aperçoit qu'elle a pris fortement la faveur de léther; je remarquai qu'il y avoit un point de fatu- ration au delà duquel l'éther qui n'entre point dans cette com- binaifon furnage l'eau déjà faturée d’éther. Je voulus foûmettre cette découverte à d'autres expériences, & je voulus m'aflurer fi l'éther & leau en diftillant reftoient unis: j'avertis ici que non feulement j'eus le foin le plus fcru- puleux de n'employer que des matières dont la pureté fut cerlaine, mais que toutes {es expériences dont je parle dans ce Mémoire, ont été faites avec de l'éther que je n'avois reçû dans le récipient qu'après qu’il pafloit fürement de 'éther, & que jai retiré celui qui étoit dans le récipient long-temps avant qu'il pût pafler un atome d'acide fulfureux volatil. Je m'en fuis convaincu en continuant la diftillation, en l'éprouvant avec le fiop de violettes qu'il ne rougifloit pas, quoique l'aflure M. Pott dans fa Differtation fur l'éther; il en avoit apparem- ment employé un uni fans doute à d'acide fulfureux volatil, où un. éther dont il y avoit une partie de décompofée, J'ai mis dans une cucurbite d’une feule pièce, de l'eau faturée d'éther, j'ai donné le feu qu'il falloit fimplement pour faire monter l'éther; jai partagé la diftillation en trois parties, la Ve Expérience. VE° Expérience. 32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE première portion étoit de l'éther pur, la feconde étoit moins chargée, & la troifième plus foible, mais il reftoit encore de l'éther avec l'eau qui étoit dans la cucurbite: pour lors je pouffai un peu le feu, mais feulement pour que la liqueur pût éva- porer; à la fin de l'évaporation cette liqueur formoit une pel- licule, & j'eus un fel très-blanc & très-foluble, dont la faveur étoit femblable à celle de l'éther afoibli de beaucoup d'eau, & qui imprimoit du froid fur la langue, il attiroit l'humidité de Fair. Dès-lors la théorie de l'éther & celle du feu me firent croire qu'il étoit poflible d'avoir à volonté, fans nul intermède quelconque , plufieurs fels tous différens, & qui feroient les produits du même mélange d'eau & d'éther: je ne doutai pas que l'éther ne fe füt décompolé, puifqu'il avoit donné un fl, Pour m'en affurer & confirmer mes vües, je mis du même éther dans deux petits matras; j'en échauflai un affez peu pour que l'éther qu'il contenoit n'évaporit que lentement; j'eus après cette évaporation une liqueur douce un peu fucrée & qui avoit le parfum de l'éther. Je fis bouillir F'éther qui étoit dans l'autre matras, & après quelques inftans, la liqueur qui refloit dedans étoit trèsacide; je fis à l'inftant deux diflillations du même mélange d'éther & de l'eau, lune à une évaporation foible, elle m'a donné le premier fel; l'autre à une évaporation forte, un fel acide qui cryflallife en forme d'étoiles; mais tous les degrés de feu donnent des fels qui tiennent plus de la nature du premier ou du fecond el; il n'y a que l'évaporation moyenne qui donne des cryflaux réguliers, L'éther nitreux eft également mifcible avec l'eau, mais comme il eft plus huileux que Féther vitriolique, il refte quelques gouttes d'huile nageante fur la furface de l'eau qui eit faturée; mais lorfque tous les deux éthers font rectifiés à » l'eau, ils font également mifcibles. La diftillation du mélange d'éther nitreux avec l'eau ne m'a jamais donné qu'un {el très- acide & empâté d’une matière gommeufe ou vifqueule. Il réfulte de mes dernières expériences, 1.° que l'éther eft tout foluble dans l'eau; 2.° que cette union n'a rien de com- mun avec celle de l'efprit de vin dans ce même menftrue; +3 que DES SCIENCES. . LR ER bn : 3. que cette mifcibilité eft précifément la même que celle d'un {el dans l'eau, puifqu'il ÿ a un point de faturation au delà “duquel elle ne fe charge plus d'éther, & que celui qui y ef en excès s'en fépare & va nager à la furface; 4. qu'on a perdu une quantité confidérable d'éther toutes les fois qu'on s'eft fervi de ce moyen pour en féparer l'huile furabon- dante; 5 que l'eau eft un moyen aufli excellent pour rec- tifier l'éther que Kunckel nous a démontré, qu'elle létoit pour rectifier l'efprit de vin; 6.° que l'éther ainfi redtifié eft encore plus milcible dans l'eau, mais cependant qu'il y a des bornes & toûjours un point de faturation; 7° qu'enfin cela peut être d'une reffource infinie pour Fadminiftrer dans l'ufage de la Médecine. 30 Juin 759: 34 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE REC BE, RC, HOPS s SUARS EVA POSITION DES PRINCIPAUX POINTS | DE LA THÉORIE DES PLANÉTES SUPÉRIEURES. Par MO LE G E NCTUE, SECOND MÉMOIRE. Sur l’Inclinaifon de l'orbite de Jupiter au plan de l'Ecliprique. dde que d'entrer en matière, nous ferons ici une obfervation générale qui regardera non feulement les deux Mémoires fuivans, mais encore ceux qui viendront après, & même celui qui a déjà paru dans le volume précé- dent. I s'agit de la confiance que mérite la détermination des élémens de la théorie des Planètes par leurs conjonétions avec les Etoiles; je m'explique. Aujourd'hui que nous jouiffons du travail immenfe de M. de la Caille fur la fituation aétuelle des principales Étoiles dans le ciel, il femble qu'il n'y ait plus rien à defirer fur cet article, & que nous puiffions en-conféquence calculer les con- jonétions des Planètes & des Étoiles qui font arrivées. dans les fiècles les plus reculés, avec la même aflurance que nous pou- vons calculer celles qui arrivent de nos jours; mais c'eft une forte d'illufion dont il eft bon de fe défaire. Les Etoiles peu- vent avoir un mouvement propre, & quand elles n’en auroient pas, leur longitude & fur-tout leur latitude doivent fe reflentir de la diminution aétuelle de l'obliquité de l'Édcliptique. Re- prenons féparément ces deux articles. Jufqu'à préfent nous ne fommes point en état de juger fr les Eioiles n'ont pas quelque petit mouvement propre; les 4 k ve D'EUSN IS IC'I'E ANNEES. 35 catalogues que nous en ont laïffés les Anciens, fe reffentent trop de la groflièreté de leurs inftrumens pour fervir à cette importante recherche: celui de Tycho furpañle à la vérité de beaucoup en exaélitude tous ceux de fes prédéceffeurs, mais il auroit encore befoin d’un peu plus d'antiquité. On peut dire la même chofe du catalogue de Flamfteed, de forte que nous nous trouvons forcés de laiffer cet examen à faire aux Aftro- nomes des fiècles à venir; eux feuls feront en état de juger de la mobilité ou de l'immobilité des Étoiles fixes, tant à l'aide des obfervations que nous leur laifferons, qu'à la faveur des bons inftrumens dont ils feront munis, comme nous le fommes aujourd’hui. C'eft donc parce que nous manquons aujourd’hui de moyens d'éclaircir ce doute, que nous fuppofons les Étoiles immobiles dans le ciel, quoiqu'elles puiffent avoir quelque petit mou- vement, que ni les obfervations anciennes à caufe de leur groffièreté, ni les obfervations modernes, pour n’être pas aflez éloignées des anciennes, ne peuvent nous faire apercevoir. Il eft vrai que de célèbres Aflronomes de nos jours ont trouvé par des méthodes füres, qu'Aréturus & quelques autres Etoiles avoient un mouvement propre en latitude ; mais leurs recherches fe font bornées à une douzaine d’Etoiles au plus, dont trois ou quatre feulement font dans. le cas de pouvoir être rencontrées par les Plañètes : quel moyen d’ailleurs avons- nous pour décider fi ce mouvement a été de tous les temps, & fi, fuppolé qu'il ait été de tous les temps, il a été en même temps uniforme, H eft certain encore qu'en admettant une diminution dans lobliquité de lEcliptique, une partie du changement de ces Etoiles en latitude doit provenir de cette diminution, & ce changement ne peut point être uniforme. -Ce fecond article eft de la dernière importance, fur-tout lorfqu'on veut faire ufage des anciennes obfervations : il eft vrai que la quantité de la diminution de Fobliquité de P'Éclip- tique n'eft pas bien conftatée. A juger de cette quantité par Jes plus anciennes obfervations, elle doit être affez confidérable; E ÿ 36 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE mais en comparant entr'elles les obférvations modernes, cette même quantité devient de près de moitié plus petite que celle que nous tirons des obfervations anciennes comparées avec les modernes. Je fais que les obfervations des Anciens péchoient prefque toutes en excès; cependant cet excès a fes bornes, & il fe pourroit très-bien que depuis Hipparque il y eût eu quelque ralentiflement dans la diminution fucceflive de l’obliquité de V'Édliptique : c’eft un doute que les oblervations n'éclairciront pas de long temps, & il porteroit à abandonner les anciennes obfervations, fi on n'étoit pas perfuadé que le nombre des fiècles compenfe en grande partie tous les défauts de ces ob- fervations. Ainfr je nai pas cru devoir les abandonner abfolument, mais en même temps je ne me propofe de les employer qu'avec une efpèce de méfiance, & juferai de la plus grande réferve dans les conclufions que j'en tirerai. I! réfulte de tout ceci, 1.” que jufqu'à préfent on n'a point de preuve que les Etoiles aient de mouvement propre; 2.” que quand on en auroit remarqué de nos jours à quelques-unes, cela ne prouve pas qu'elles aient eu ce mouvement de tout temps ; dat que ce mouvement pourroit n'être pas uniforme; 4 qu'une partie de ce mouvement doit être attribuée au changement fucceffif de lobliquité de l'Écliptique; 5.” que Ja quantité de ce changement de lobliquité de l'Écliptique n'eft pas encore bien connue; 6.” que nous ignorons s'il a été uni- forme dans tous les temps; 7.° que nous ne pouvons efpérer d'avoir fur tout.cela d’éclairciffemens fufhfans; 8.° qu’en con- féquence de tout ceci, & en me renfermant dans de juftes bornes, on ne peut me faire un crime fi je fuppofe dans tous mes calculs, 1. les Étoiles immobiles entr'elles, 2.° la dimi- nution fucceflive de l'obliquité apparente de l'Écliptique, conf- tante & uniforme pendant le cours des fiècles écoulés: 3.° 4 variation des Étoiles en longitude & latitude (relativement au changement de lobliquité de l'Écliptique) tel que j'ai établi ce changement dans mon premier Mémoire, { Mémoires de l'Académie, année 1757). OA he té “CR = DAENS MTS GR ELNIC:E.S. biz - Après avoir rendu compte dans le premier Mémoire, des tentatives que j'ai faites {ur l'inclinaifon de l'orbite de Mars au plan de l'Écliptique, tant à l'aide des plus exactes obfervations de Tycho, de Bouillaud, de Flamfteed & de Caffini, qu’à l'aide des miennes, l'ordre exigeroit que je continuaffe mon travail fur les autres parties de la théorie de cette Planète, avant que de chercher à entrer en matière fur Jupiter; mais je fuis obligé d'abandonner cette route pour en fuivre une autre, qui toute contraire qu'elle eft à là méthode dont on doit ufer en traitant quelque fujet, m'eft dictée par le cours d'obfervations que j'ai entrepris fur les Planètes fupérieures: or ce cours d’obfervations efl, comme je l'ai annoncé, une comparaifon actuelle des Pla- nètes fupérieures aux mêmes Étoiles auxquelles Bouillaud &c d'autres Aftronomes les ont déjà comparées avant moi; je ne peux donc que fuivre dans ces comparaifons l'ordre que m'offre la fucceffion ordinaire des obfervations. ; L'inclinaifon de l'orbite de Jupiter au plan de l'Écliptique, dont je traite dans ce Mémoire, eft le réfultat de trois obfer- vations choifies. .… La première eft une conjoétion de Jupiter à l'étoile n de la Vierge, arrivée le 9 Juin 1 649 : cette obférvation eft de uillaud. La feconde eft une autre conjonction de Jupiter & de lé- toile 4 de la Vierge, arrivée le 30 Mars 1 673: cette obfer- ation eft de Flamfteed & de Picard. La troifième eft l'oppofition de Jupiter au Soleil, du 22 Oûtobre 1750: cette dernière obfervation eft de moi. PREMIÈRE OBSERVATION. Pour déterminer Finclinaifon de l'orbite de Jupiter au plan de l'Écliptique, Bouillaud emploie trois obfervations qu'il a faites /Affronomie plilolaïque, page 272), Yune en 1634 le 12 d'Avril, la feconde le 16 de Juillet 1637, & enfin la troifième le 31 d’'Août 16 39; mais quoique ces trois ob- fervations fe rapportent à mon manufcrit de Bouillaud, & ÿ foient exaétement conformes, Je nai pas cru pouvoir les E ii » » » 2» » » » 38 Mémoires DE L'ACADÉMIE RoïxaALeE employer avec fuccès, parce qu'il n'y a aucune de ces trois obfervations dans laquelle Jupiter ait paffé plus près que de 9’ de l'étoile avec laquelle cette Planète fe trouvoit en conjonétion: or Bouillaud avoue lui-même qu'il étoit difficile en pareil cas d'éviter une ou deux minutes d'erreur. Ces trois obfervations ne peuvent donc étre que de peu de fecours pour trouver l'inclinaifon vraie de l'orbite de Jupiter au plan de l'Édliptique, puifque cette inclinaifon vraie eft peu différente de l’inclinaifon apparente: il ne fe fait par conféquent aucune compenfation d'erreurs dans la réduétion de la latitude géocentrique de cette Planète à fa latitude héliocentrique. Par cette raïfon, j'ai choïft parmi les obfervations de Bouil- laud, celles dans lefquelles Jupiter ne fe trouvoit que très-peu éloigné de l'Etoile à côté de laquelle il paffoit. La conjonétion de Jupiter avec l'étoile n de la Vierge, du 9 de Juin 1 649, m'a paru mériter la préférence; c'eft à celle-là que je me fuis arrêté. Bouillaud obferva pendant plufieurs jours des mois de Maï & de Juin, la route que tint Jupiter par rapport à l'Etoile, mais nous nous contenterons d’une feule de ces comparaifons, de celle du 9 Juin, jour de la conjonétion des deux aftres: ce jour-là, Jupiter pafla fort près de l'Étoile, comme on wa le voir par le récit de l'obfervation. è « Le o Juin 1649, à 10h 30", le bord de Jupiter étoit à un de fes diamètres de la même Etoile (1 de la Vierge) & le centre de cette Planète étoit aufit plus élevé fur l'horizon que l'Étoile, d’un de fes diamètres : l'azimuth de Jupiter étoit plus occidental d'un de fes diamètres & un tiers, que celui de l'Étoile, de forte qu'il n'étoit pas éloigné de la vraie con- jonction. Nos Tables donnent pour lors Son lieu dans Ia Balance... ..:..-..4.... or PON Avec une latitude boréale de.:.......:.... ra 6e Le vrai lieu du Soleil étoit alors dans les Gémeaux. 19. 11. 17 L’anomalie égalée dans les Poiffons..... CHOSES EE ECIRE ONE L’anomalie moyenne de Jupiter dans le Bélier. 1. 22. 46 L'anomalie de l'orbe dans le Sagittaire. ...... 8. 40. € 1 D ES EE en mc at EE } D'ELSW IS IC-rE, NC E4s. … Cette obfervation eft d'autant plus importante, que Jupiter a paffé, comme on peut le remarquer, à moins d’une minute de diflance de l'Étoile; par conféquent il aura été facile à Bouillaud d’eftimer, à peu de fecondes près, cette diflance. Nous avons encore cet avantage en nous fervant de cette ob- fervation, que Jupiter n'étoit qu'à trois degrés de diftance du terme de fes plus grandes latitudes ; & enfin l'étoile n de Îa Vierge étant voifine du colure des Équinoxes, nous n'avons point à craindre que le changement de l'obliquité de l'Eclip- tique influe fur la latitude. Il faut avant que de réduire l'obfervation de Bouillaud, fixer le diamètre de Jupiter, puifque la pofition de cette Planète par rapport à l'Étoile, a été eftimée en parties de ce diamètre; or il eft certain que le renflement de la lumière aura fait pa- roître à Bouillaud la diflance entre le bord de Jupiter & VÉ- toile, trop petite; il faut donc faire en forte d'en tenir compte dans le calcul. M." Pound & Halley ont obfervé Jupiter avec une lunette de 123 pieds anglois, & ont trouvé le diamètre de cette Planète, lorfqu'elle eft le plus près de la Terre, de 48"+. M. Caffini, dans fes Elémens d'Aftronomie, donne $ 1 fecondes au diamètre de Jupiter périgée, mais il ne dit point de quelle lunette il s'eft fervi pour le déterminer ; il eft cependant vrai que les petites lunettes le font paroître trop grand, c’eft ce que j'ai remarqué plus d’une fois avec des lunettes de 6 pieds de longueur : en effet, je n'ai jamais trouvé avec ces lunettes le diamètre de Jupiter beaucoup au deflous d'une minute lor£ que cette Planète eft en oppofition; c'eft 1 2 fecondes environ de plus que ce que M.* Pound & Häalley ont trouvé pour ce même diamètre, avec leur grande lunette de 123 pieds. Il paroït par quelques-unes des obfervations de Bouillaud, que cet Aftronome faifoit aufhi le diamètre de Jupiter en op- polition, d'environ une minute; ce qui ne paroîtra pas étonnant fi lon confidère que Bouillaud ne {e fervoit point de lunettes fort longues pour fes obfervations. J'ai donc cru que je devois abandonner, pour le moment, 40 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Je diamètre de Jupiter déterminé par M. Halley & Pound, comme étant trop petit pour fervir à calculer l’obfervation de Bouillaud, qui, comme je dis, ne fe fervoit pas de grandes lunettes: en conféquence, je donne la préférence au diamètre que j'ai déterminé avec des lunettes de 6 pieds de longueur, & que je fixe à 59 fécondes, lorfque Jupiter eft en oppo- fiion; il en faut ôter 9 fecondes, cette Planète étant pour lors à peu près dans fes moyennes diflances à la Terre, & Von aura 50 fecondes pour le diamètre de Jupiter le 9 de Juin 1 649. La détermination de ce diamètre s'accorde affez bien avec celle de Riccioli; ce Père a trouvé pour Le 10 Juin 1649, le diamètre de Jupiter de 46 fecondes. Paflons maintenant aux calculs de cette obfervation. L’afcenfion droite moyenne de l'étoile # de Ia Vierge pour le 9 Juin 1649, étoit de... 80 29° 30",$ Pour le balancement de l'axe de la Terre, appelé Nutation par les Aflronomes.......... — 18,8 Afcenfion droite avec la nutation......... 100: 201107 Pour l'aberration de la lumière. ......... + 3,5 Donc afcenfion droite apparente de l'Étoile n… 180. 29. 15,2 La déclinaïfon moyenne de la même Étoile étoit de 1. 7 7815 POUR TADUTALION see RNA pu + 8,2 Déclinaifon avec Ia nutation............ De D oui PONPÉDEMMEIONS eee er ere — 1,8 Donc déclinaifon apparente de l'Étoile... ..... Te IAA a e Le diamètre de Jupiter étant, comme nous l'avons dit, de o' $0” dans cette obfervation, la diftance du centre de cette planète à l'Étoile fera de 1’ 1 5’, & la différence des hauteurs de l'Étoile & du centre de Jupiter, de o' so"; il étoit alors 10 heures & demie. En faifant le calcul d'après ces élémens, on trouvera ce qui fuit. L'angle DES SCIENCES. 4 . L'anglegentre Ie méridien & le cercle = horaire de l'Étoile, de......... LME La différence d’afcenfon droite de Jupiter dette nd Aie O0. o. 4 occidentale, Æt la différence de déclinaifon, de... o. 1. 6 versie nord. Donc l'afcenfion droite appar. de Jupiter fera de 180129" 11,2 ÉOGTLAnn alone. lei ef + 18,8 Afcenfion droite détachée de Ia nutation.... 180. 29. 30,0 Banrlahetration- {0e RUE D. As Donc afcenfon droite vraie de Jupiter. .... 280.029. 25,5 Pareillement la déclin. appar. de Jupiter fera de T. 18. 20,4 Pour anatationrA nets eee — 8,2 Déclinaifon dégagée de la nutation........ TANO 12,2 Ponmlaherration te. de me OF O Donc déclinaifon vraie de Jupiter... ...... Tee nETaN L'obliquité appar. de l’Écliptique étoit alors de 23. 28. 55,3 On aura donc Ia longitude de Jupiter, de... 179. s5$. 49,0 Et fa latitude boréale de...........1., 1N25037,0 Selon les Tables de M. Cafini, la longitude du Soleil étoit pour ce temps-là de...... 79 12. 43,5 Celle de Jupiter vû du Soleil, de........ 190. 32. 47,5$ Ainfi la latit. héliocentrique de Jupiter étoit de 1, 19. 11,0 Et l'inclinaifon de fon orbite, de......... T-ATO 00 Jupiter étoit pour lors éloigné de fon Nœud de 86. 36. 47,0 Dans cette pofition, un demi-degré de plus ou de moins . dans l'époque du nœud de Jupiter, n'occafionneroit que 2°+ de différence dans linclinaifon de fon orbite, Grimaldi à Bologne, & Wincentius Murus à Majorque, ont ”obfrvé, comme Bouillaud, le paflige de Jupiter près de l'étoile n de la Vierge /A/magefle de Ricciok, 1. 1, lv. vr1, fe. 6, chap. X), mais le détail de ces obfervations féroit trop long à rapporter; je.me contenterai de dire que Väncentius Mutus a eftimé le 9 Juin, à ro heures, la diftance de Jupiter à l'Etoile d'un diamètre de Jupiter, comme a fait Bouillaud : il eft vrai que Vincentius. Mutus ne dit pas fr cette diftance Mém. 1758. pa à 42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE doit s'entendre du centre de Jupiter ou de fon bord le plus près de l'Étoile. Quant à Grimaldi, fon obfervation donne o' 49" pour la différence de PAS 2 de l'étoile n & de Ju- iter, & l'obfervation de Bouillaud donne 1° 0" pour la même d'relice: il fuffit de faire voir par-à quelle confiance on peut avoir à lobfervation de Bouillaud, puifque le réfultat que l'on en tire ne diffère que de 11 Énte du réfultat de la même obférvation faite à trois cents liéues ou environ de diftance de Bouillud. DEUXIÈME OBSERVATION. Cette obfervation a été faite, comme je l'ai dit, par Picard & Flamfteed ; elle eft tirée de l’'Hiftoire célefte de M. le Monnier, de Inflitutions aftronomiques & des Tranfaétions philofophiques. Ce qui ef rapporté de lobfervation de Picard dans les Inftitutions afkronomiques //uf?. Affr. page 569), eft conçù en ces termes. « La déclinaifon apparente de l'Étoile 0 (de la Vierge) » obfervée par M. Picard, étoit en 167 3, de 3446 50"; d'où » l'on tire celle de Jupiter le 31 Mars à minuit, de 34 54 » 45", & de même à fon pañlage au Méridien le jour fuivant , » de 3% 52’ 0": ces dernières oblervations peuvent donner fort » exactement l'inclinaifon de l'orbite (de pe pour l'année 5 1673; : car Jupiter pañoit au Méridien 23"+ (le 31 Mars), & 52” (le jour fuivant) de temps avant l'Étoile. n L'afcenfion droite moyenne de l'étoile 8 de Ja Vicrge pour le 31 Mars 1673, étoit de... 193 15° 55”,0 Première corrcétion pour la nutation..... DR + 9,9 SCCOTUEMCONCÉTIONL EE eee ele piele ciel ee — 0,3 Afcenfon droite avéc la nutation ......... 193: NC NEA AIDEXATIORE RENE A ei tie + 18,4 Donc afcenfion droite appar. de l'étoile 8.... 193. 16. 22,4 La longitude du Soleil, tirée des Tables de M. Caffini, le 31 Mars 167 3 à midi, étoit de 11. 17- 38,0 PRE Avec ces élémens, je trouve M nt het et CSN V SOS Er TNT Éz he E DAT TI) = «à Eee > Dei | AT Donis SCIE N CES 43 ‘Le paffage du premier point du Bélier par le mé- DrtHéntle ho) Mars, 22 ee ce, NN 8 engine Mars, 2... ee. Sr AMEN A 23. 18. 29 Pañlage par le méridien de l'étoile 8 de la Vierge, PO MTS A lee eee teielele ele ea a te 12. 13. 20 LE SANTE RENE 12, 9. 43X Ainfi felon l'obfervation, Jupiter a dû paffer par le méridien, le 30 Mas a............. 12, 12. $72 PORBIT OM arS a PR AN OM ANERAMEETTR Er" 12. 8. S1+ Selon Ia même obfervation , l'afcenfion droite ap- parente de Jupicer a été le 30 Mars, de..... 193. 10. 30 HONG TAIMArS AE PART te dela eve els met ele Eat 193-003-1022 aberration étoitide : 1211214 Een + 17 La première correction pour Îa nutation, de... — 9 La feconde correction pour Îa nutation, de.... + 3 En appliquant ces trois corrections, on aura l’afcen- fion droite de Jupiter pour le 30, de..... 193-170. 135$ POULE NS EC sde jee nn 0e clotoue ele 00e Valle ee POSEZ La déclinaifon moyenne de la même Étoile 8 étoit pour le même temps, de.............. 3e 46% 5535 Correction à caufe de la nutation.......... — 6,7 Correction à caufe de l’aberration. ......... + 8,0 Donc déclinaifon apparente de l'étoileÿ ...... 3. 46. 56,8 . Selon les Infitutions aftronomiques , elle étoit de 3. 46. 50,0 Bifiégancerlépères. :laf 4 sde is Re 6,8 Ainfi, felon l'obfervation , a déclinaifon apparente ® «.: de Jupiter étoit, le 30 Mars 1673, de.... 3. $4. 51,8 OR OT AM EP ORNE REPARER si 2 EU V2 MRC = La réfraction a dû élever Jupiter plus qu'elle n'a fait l'Étoile d'environ un tiers de feconde; il faut donc augmenter a dif- férence en déclimaifon entre Jupiter & l'Étoile d'environ un tiers de feconde; ainfi la déclinaifon de Jupiter peut être fup- pofée en nombres ronds, Bourlesode: 5h! Eco PORC PRE À Bépourpienir, idee AE Li ishay che ve HSNRIAUSES + ghs4inse? se 3e 52e 7 Fi 44 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE La correction pour la nutation , étoit de........ dé je Et’pour. aberration, de... ...........0..: Appliquant ces deux corrections, on aura la Meet naifon vraie de Jupiter , pour le 30 Mars, de.. 3. 55. auftr: Eppouniebmeidesetit item elec UE LL S2: 17 L'obliquité apparente de l’écliptique étoit, le 30 Mars de l’année 1673, de.............. 23:1280058 On aura donc pour le 30 Mars, Ia longitude de ARILE Re AC RE lehelele aie /rnelela le tele LE 193. 38. 40 Avec une latitude boréale de............,. Le .36+ 7 De même pour le 31 , la longitude de cette Planète TON CN ee AT ee RE NS RAT EE 193- 31. 3 Avec une latitude boréale de. .........,..,.. DOME Jupiter étoit alors fort près de fon oppofition avec le Soleil, c'eft pourquoi, pour calculer Finclinaifon de l'orbite de cette Planète, nous avons préféré de nous fervir de fa latitude pour le temps de fon oppofition, déterminée comme il fuit. La longitude de Ia Terre pour le 30 Mars, à 12" 17° 13" de temps moyen, moment auquel Jupiter paña ce jour-la par le méridien, étoit de..... 1901 48° 41" Et pour le 31, à 12h 12° 48", auf de temps moyensiclienctOdenn eee eee Tor 67132 ; CARE PART L'oppofition eft donc arrivée le 2 Avril, à....,. 1/28 06e Jupiter avoit de longitude pour ce moment..... 193% 19° 11” Epide latitude géocentrique. "1e TS RO D Le rapport des diflances du Soleil à la Terre & à Jupiter, étoit, pour ce temps, de 10012 à 54528; ce qui donne La latitude héliocentrique de Jupiter, de....... Ed 1740574 Et l’inclinaifon de fon orbite, de........... 1. 18. 22 Jupiter étoit éloigné de fon nœud de...... JL 04 HO NST Dans cette pofition, un degré de plus ou de moins dans l'époque du nœud ne caufe que o' 3" de différence pour l'inclinaifon de lorbite, mn cod cran ln , D'IENSATSUCÎTAENN €-E«s. L'oblervation de Flamfleed, rapportée dans les Tranfactions philofophiques , mérite autant d'attention que celle de Picard, quoiqu'elle n'exige pas un auffi grand détail de calculs : nous allons la rapporter en peu de mots, avec l'ufage que nous en avons fait. Le 30 Mars 1673, à 8* 16’, g de la Vicrge pré- cède Jupiter en longitude, de. ........... SANT, 38" La latitude de Jupiter eft moindre que celle de dibtoretD,Nde, L} 108 sp PRAR a KA ET ne IT CBC LPC RE Le même jour 30 Mars 1673, à 8h 50’, l'Étoile ÿ de la Vierge précède Jupiter en longitude, de. . O. I. $5 La latitude de Jupiter eft moindre que celle de lEtoileno,Lde int 2 2e SU NEET EE: 0.19. 18 Selon cette obfervation & felon la latitude de l'Étoile, établie comme ci-deflus, on trouve la latitude apparente de Jupiter, le 30 à minuit, de... 1.120600 1t8 Ajoûtant pour l'aberration.. ....,....,...,.. + 3 On aura la latitude vraie de Jupiter, de....... I. 36. 21 Ce réfultat ne diffère que de 14 fecondes de celui que nous avons tiré de lobfervation de Picard : le refle du calcul, que je fupprime pour abréger, donne L'inclinaifon de l'orbite de Jupiter, de........ 1. 18. 34% Ce qui ne diffère de la détermination de Picard uéide ie: Le DO ee CAE EN RATER ë 12È EL TROISIÈME OBSERVATION. J'ai rapporté cette obfervation dans le volume de l’Académie pour l'année 17 54; on y trouve que le 23 OGtobre 1 7590» à 11P xx’ 5 5” de temps moyen, Jupiter fut en oppofition avec le Soleil dans... .. 11 où26 2104 Avec une latitude auftrale de....,......... 1. 31.28 CRE Er ri Le rapport des diflances du Soleil à la Terre & à Jupiter, étoit, pour ce moment, de 9935 à 49661; ce qui donne F ii 46 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE La fatitude géocentrique de Jupiter, de......... 1413" 10 Et l'inclinaifon de fon orbite de.......,.... He Us 1 Jupiter étoit alors éloigné de fon nœud de..... 67. 23. 57 Une erreur de 30 minutes dans la pofition du nœud de cette Planète, doit produire ici une différence aflez confidérable pour l'inclinaifon de l'orbite; c'eft pourquoi, après avoir rétabli l'époque du nœud de Jupiter, pris des Tables de M. Caffini pour 1750 (on peut confulter le troifième Mémoire qui fuit), j'ai conclu l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter, pour le 2 3 Oétobre 1750,de 14 19° 2". Ces quatre inclinaifons étant raffemblées pour la commodité des Leéteurs, font pour les ANNÉES 1649... de 1419 19"+Obfervation de Bouillaud. 1673...de1.18.22 Obfervation de Picard. 1673... de 1.18. 34% Obfervation de Flamitecd. 1750...der.19. 2 Obfervation de M. le Gentil. On voit donc que j'ai trouvé, à peu de fecondes près, la même inclinaifon pour lorbite de Jupiter que par l'obfervation de Bouillaud; les obfervations de Picard & de Flamfteed s'en écartent affez confidérablement, puifqu'elles font cette inclinaifon de 42 fecondes plus petite que le terme moyen entre les ré- fultats de l'obfervation de Bouillaud & de la mienne. Flamfteed a déjà remarqué, dans le Mémofre qu'il a donné * Tranfations EN 1 673 *, fur l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter, que lobfer- Philjophiqgus , vaüon de Vincentius Mutus, du 9 Juin 1 649, la même que ES #73 celle de Bouillaud, dont nous avons rendu compte, faifoit cette inclinaifon bien plus grande que l'obfervation de la conjonc- tion de Jupiter avec l'Étoile 8 de la Vierge, dont il rendoit compte dans fon Mémoire; mais Flamfteed n'a point donné de raifon de cette différence, dont je n'ai pas deflein dans ce Mémoire, de rechercher la caufe. J'ai choifi les obfervations qui m'ont paru les plus propres à remplir mon objet; je ne vois pas que je puiffé m'en tenir à lune pluftôt qu'à l'autre, elles me paroiflent toutes deux également bien faites & miens ecré le avcuEus. | 4x concluantes ; cependant M. Caffini, qui emploie dans fes Élé- mens d’Aftronomie l'oppofition de Jupiter au Soleil du 2 Avril 1673, la même que Flamfteed & Picard ont obfervée , fait la latitude géocentrique de cette planète plus grande de 1° 46” que celle que j'ai tirée des obfervations de ces deux Aftronomes. L'inclinaifon de l'orbite de Jupiter, de 14 1 9° 52", que M. Caffini déduit de cette oppofition , eft par conféquent de 1° 24" plus grande que le réfultat moyen, tiré des obfervations de Flamfteed & de Picard, mais elle eft en même-temps de so fecondes plus grande que le réfultat de mon obfervation de loppofition du 23 Oëtobre 1750; obfervation dont je füuis en’état de répondre, à peu de fecondes près, ayant été faite avec un excellent inftrument de fix pieds de rayon, garni d’un micromètre, le tout bien vérifié. | C'eft donc cette dernière & grande différence de $ o fecondes qui m'a fait abandonner l'obfervation de loppofition de Jupiter au Soleil, du mois d'Avril 1 67 3, faite à l'Obfervatoire royal, pour lui préférer l'obfervation de Picard & celle de Flamfleed, qui d’ailleurs s'accordent entr’elles, à quelques fecondes près. Ce qui m'a fait encore prendre ce parti, c'eft que je n'ai pü remonter à la fource des réfultats, parce que M. Caffini ne rapporte que la longitude & la latitude de Jupiter pour le moment de fon oppofition avec le Soleil : or, la longitude -que donne M. Caffini, diffère de 1 1 fecondes feulement de celle que lon déduit de l'obfervation de Picard. Je préfume donc qu'il y avoit quelque défaut dans la divifion de l’'inflru- ment dont fe fervoit M. Caffini, puifqu'il a trouvé la latitude géocentrique de Jupiter de 1° 46" plus grande que ne la donnent les obfervations de Picard & de Flamfteed ; on ne peut donner de raifon plus vrai-femblable d’une fi grande différence entre les réfultats d'Aflronomes fi célèbres. Ainfi, fans nous arrêter davantage là-deflus, nous ferons linclinaifon de l'orbite de Jupiter, pour l'année 1673 , de 14 18° 28", telle qu'elle réfulte du terme moyen pris entre les rélultats de lobfervation de Picard & de celle de Flamfleed , LES ! c'eft-à-dire 5 1" £ plus petite que nous ne l'avons trouvée pour 48 Mémoires DE L'AcADÉMIr ROYALE 1649 , par l'obfervation de Bouillaud, & 3 4" auffi plus petite que je ne l'ai obfervée en 1750. Dans les Tables aftronomiques de M. de la Hire, cette inclinaifon eft de 14 19° 20”; dans celles de M. Caffini, de 14 19° 30"; & dans celles de M. Halley, de 14 19° 10”: mais il ne faut pas compter fur la différence qui fe remarque entre mes rélultats & ceux des trois célèbres Aftronomes dont je cite les Tables. 1 Is n'ont point fait aux obfervations les corrections qu'exigent l'aberration de la lumière & la nntation de l'axe de la Terre, parce que ces corrections leur étoient inconnues. 2.7 On ne peut juger du mérite des obfervations qui ont fervi de fondement à M.* de la Hire & Halley, parce qu'ils ne les rapportent pas. 3. De huit obfervations dont s’eft fervi M. Caffini, il n'y a que celle de Flamfteed, du 21 Décembre 1 690, qui mérite attention, les fept autres ne me paroiffent pas aflez bonnes pour fervir à trouver l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter au plan de f'écliptique. è M. Caffini lui-même, a bien fenti le prix de l'obfervation de Flamfteed & le peu de valeur des fept autres. En effet, dans la comparaifon que cet Aflronome fait des huit obferva- tions qui lui ont fervi, celle de Flamfteed ef diftinguée des fept autres. M. Caffini prend un milieu entre ces fept; & faifant voir ue ce milieu ne s'éloigne que de 15 fecondes de degré du réfultat de l'obfervation de Flamfieed, il prend entre ces deux dernières quantités un fecond milieu qui donne l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter telle que nous Favons rapportée d'après fes Tables aftronomiques. On demandera peut-être pourquoi nous n'avons pas employé Vobfervation de Flamfteed , après l'éloge que nous avons fait de cette obfervation ? La pofition des Etoiles X & À de la Vierge, auxquelles Flamfteed a comparé Jupiter, le 21 Décembre 1 690, pour avoir l'afcenfion droite & la déclinaifon de cette planète, ne È nous # "DES SCIENCES. 49 nous a pas paru affez exactement connue; ainfi nous n'avons pas cru pouvoir faire ufage, avec füuccès, de l’obfervation de Flamfteed avant que d'avoir reétifié le lieu des Étoiles y & À de la Vierge, foit par nos propres obfervations, foit par celles des Aftronomes exacts dans leurs opérations. Au refte, les obfervations dont j'ai rendu compte dans ce Mémoire , feroiént plus que fuffifantes pour fixer l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter , fi nous étions für que cette inclinaifon eft conftante; mais l'incertitude où nous fommes là-deffus , jointe à la différence que nous trouvons entre les réfultats des obfervations de 167 3 & de 1 649 , différence que Flamfleed a remarquée, & que nous avons aufh trouvée par notre obfer- vation de 1750, la configuration de Jupiter & de Saturne, la même en 1649 qu'en 1750, mais fort différente en 1673, tout cela, dis-je, nous force d'attendre un plus grand nombre d’obfervations, faites dans les mêmes circonflances que font été les obfervations précédentes, pour nous décider fur la nature de cette incliñaifon ; on pourra même encore choifir des circonftances plus oppofées que ne le font les précédentes. Voici les politions de Jupiter & de Saturne quéfpeuvent avoir quelqu'influence fur la mefure de l'inclinaifon, & pro- duire les différences que nous avons trouvées entre nos diffé- rens réfultats. . Le 9 Juin 1649, anomalie moyenne de Saturne. ... 5f 2342 « anomalie moyenne de Jupiter. ... o. 2-2 Diflance de Saturne à Jupiter. .......... sos. 8. 93 Le 2 3 Otlob. 1750, anomalie moyenne de Saturne. ... 11. 1À anomalie moyenne de Jupiter. ... 6. 182 Difance de Saturne à Jupiter. ............. CAUSE À Le 31 Mars 1673, anomalie moyenne de Saturne... . 3. 14 ï anomalie moyenne de Jupiter. ... o. 47 Diflance de Saturne à Jupiter. ........,....,,., $. 12 | See Mén. 1758, . G $o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE R EG HE RG) ES SUR LA * POSITION DES PRINCIPAUX POINTS D E j L'ORBITE DES PLANÉTES SUPÉRIEURES. TROISIÉME MÉMOIR E. Sur L Époque & le Mouvement des Noœuds de l'ordbire de Jupiter. Par M. LE GENTIL. 30 Juin à 1 is les Tables aftronomiques les plus célèbres, qui 1759: ont paru depuis environ cent cinquante ou cent {oixante ans (excepté celles de Halley}, le mouvement annuel du nœud de l'orbite de Jupiter ne furpaffe pas 24 ou 2 $ fécondes ; Bouillaud & M. Caflini le font de cette quantité, mais Képler & de kr Hire le font encore beaucoup plus petit, le premier dé 4 fecondes feulement, & le fecond de 14 fecondes, C'eft en comparant leurs propres obfervations avec les plus anciennes , que les Auteurs de ces Tables ont déterminé ces quantités pour le mouvement annuel du nœud de Forbite de Jupitér ;ainfi leurs Tables doivent repréfenter le lieu du nœud de l'orbite de Jupiter ,tel qu'il relulte des obfervations anciennes, mais elles ne repréfentent pas les oblervations modernes, comme nous allons le faire voir. M. Halley, que nous avons excepté , a fuivi une autre route: il ne paroît pas qu'il fe foit mis en peine des oblervations anciennes, quoique tous {es prédéceffeurs en aient fait un fi grand ufage: cet Aftronome s'eft contenté de comparer, en 1716, Jupiter aux mêmes Étoiles auxquelles Gaffendi l'avoit comparé en 1633, & il trouve le mouvement du nœud de cette cp - DES SCTENCES. si Planète de 50 {econdes par année, c'eft-à-dire fort difiérent de celui que Képler, Bouillaud, de la Hire: & Caffini ont trouvé. Il eft vrai que M. Halley femble ne vouloir juger que du mouvement du nœud de Jupiter pendant les quatre- vingt-trois années qui fe font écoulées entre fon obfervation & celle de Gafiendi; c’eft ce qu'il donne à entendre, lorfqu'il dit*: « le calcul (de ces obfervations), fait dans la dernière * Tiayaz, pe. j EAN PUS 5 philofophiq. rigueur, démontre que les nœuds de Jupiter ont été immobiles, « 5,2, en apparence, pendant les quatre-vingt-trois années qui viennent « "’cecLr. de s’écouler. Unde conflabit cakculo rit deduélo, Jovis nodos quoad fenfum immobiles hæfiffe, per ocloginta tres annos ultimo « elap{os.>s Cependant M. Halley, dans fes Tables aftronomiques, at-" tribue au nœud de Jupiter, pour tous les temps, un pareil mouvement annuel de $o fecondes; mais ce mouvement de so fecondes, qui repréfente fort exactement les obfervations modernes, comme nous allons le voir, ne paroît pas pouvoir s’accorder avec les anciennes obfervations: il faut donc, fr on Fadmet avec M. Halley, rejeter abfolument l'éclipfe de l'âne auftral de l'Écrevifle par Jupiter, obfervée par les Chaldéens deux cents quarante ans avant J. C. Il faut encore fuppofer que Ptolémée fe {oit trompé d'environ les deux tiers d'un Signe, lorfqu'il dit que de fon temps les termes les plus fep- tentrionaux de Forbite de Jupiter répondoiïent au commen- cement de la Balance; car, felon les Tables de M. Halley, ils auroient dû répondre au 1 5° degré de la Vierge. On peut encore aller plus loin: en employant le Catalogue des Étoiles fait par M. de la Calle, & les nouvelles équa- tions reçües de tous les Aftronomes, pour la correétion du lieu des Étoiles {lefquelles équations proviennent de l'aberration de da lumière & du balancement de l'axe de la Terre), le mouvement annuel du nœud de Jupiter, pour ces temps-ci, eft de près de 17 fecondes encore plus grand que felon M. Halley ; d'où if s'enfuivroit, en rétrogradant, que Ptolémée fe feroit trompé d'un figne entier, lorfqu'il dit que de fon temps, les termes les plus feptentrionaux de Forbite de Jupiter Gi n (4 * Gafendi, dans la vie de Peirefe ; & tome IV de fs Our ages, page 3 62. 52 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE répondoient au commencement de la Balance, car ils auroient dû répondre au commencement de la Vierge ; les Chaldéens de leur côté, f ferôient trompés d'environ 14 8 à 410"; ainft, bien loin d’avoir vû Jupiter éclipfer l'âne auftral, ou du moins affez près de cette Étoile pour la faire difparoitre, ils auroient dù au contraire l'en voir éloigné d'un degré ou environ. J'ai ajoûté (ou du moins aflez près de cette étoile pour la faire difparoître ) ; en effet, Fâne auftral étant une Étoile de la quatrième grandeur , il a pà fe faire que la grande lumière de Jupiter ait éteint celle de l'étoile & f'ait fait difparoître, bien que le corps de Jupiter ne la cachât véritablement pas; mais cette illufion peut à peine occafionner une erreur de 1 o minutes. C'eft ainfi que Gaflendi, fans autre fecours que celui de fes yeux, jugea que Propus, étoile de la quatrième grandeur, étoit cachée par Jupiter ou fort près de l'être *; &c cependant cet Aftronome s'étant fer vi d'une lunette, trouva dans le méime temps que Propus étoit éloigné de Jupiter de plus de 6 ou 7 minutes. Nous ignorons quelle route a tenu Jupiter lorfque les Chal- déens ont fait leur obfervation , ainft nous ne pouvons-fuppofer que cette planète ait paflé au deflus pluftôt qu'au deflous de line auftral, fans nous expofer en même temps à admettre une erreur double de celle dans laquelle les Chaldéens ont dû naturellement tomber, étant privés du fecours des lunettes ; au lieu qu’en fuppofant lobfervation telle qu’ils nous la donnent, c'eft-à-dire en admettant que Jupiter ait éclipfé ou couvert entièrement l'âne auftral, nous ne nous expofons qu'à 9 à 10 minutes d'erreur. Je penfe donc qu'il feroit téméraire, & même abfurde , de vouloir faire le procès, foit à Ptolémée, foit aux Chaldéens, en accufant ceux-ci de s'être trompés d’un degré entier dans leur obfervation de l’éclipfe de l'âne auftral par Jupiter, parce ue les obfervations modernes mettent alors cette planète à plus d’un degré de difance de l'étoile, & en accufant Ptolémée de s'être trompé de {on côté d’un figne entier, en fixant les termes feptentrionaux de l'orbite de Jupiter au commencement à HA ODA ENS SG AL IE ANGES 1 VIT | 153 du: figne de la Balance, parce que les obfervations de nos jours le placent , pour ce temps-là , au commencement de la Vierge: d'un autre côté, il feroit encore plus téméraire &. plus abfurde de condamner les obfervations que nous faifons aujourd'hui j pee que les Tables de M."-de Ja Hire & Caffini, qui re- éfentent. bien les anciennes obfervations, ne repréfentent point celles d'aujourd'hui , quant à la poñtion du nœud dé Torbite de Jupiter ; c'eft pourquoi, pour ne pas courir le rifque moi - même d'une jufte critique , je ne ferai point difficulté d'avancer , fur la foi de ces anciennes obfervations, que l'on trouve, pour ces temps-ci, le mouvement du nœud de l'orbite de Jupiter de 52 fecondes ou environ plus grand que pour les temps les plus reculés, Il paroît donc aujourd'hui une accélération dans le mouve- ment du nœud de Jupiter, ou, fi on l'aime mieux, il y paroît une inécalité confidérable : c'eft ce que je me propole de faire voir dans la fuite de ce Mémoire, De toutes les obfervations dont je peux avoir a en je mai employé que celles auxquelles j'ai cru voir les. carac- tères requis à toute bonne obfervation ; caractères que les Aftronomes ont affez préfens, fans qu'il boit béfoin de les leur remettre devantles yeux. Ces obfervations m'ont fourni fix déterminations ou époques du nœud :de Jupiter. ” | La première, pour l'année 17 5 3, eft fondée fur une con: jonction de Jupiter & de l'âne auffral de l'Écrevifle, 4e j'ai obfervée à l'Obfervatoire royal. La feconde, pour 1752, eft fondée fur l'oppoñton de Jupiter au Soleil, de à même année, que Jai pareillement Ébfrvéc à l'Obfavaoire royal. La troifième, pour: 1716 ÿ eft pa fur une conjonction de Jupiter à Propus, obfervée en Angleterre par M. Halley. La quatrième, pour l'année 1633, efl fondée fur une conjonétion de Jupiter à Propus , obfervée par Gaflendi. , La cinquième, pour l'année : 508 après J. C. eft fondée: fur une conjonétion- a" pie & de Regulus , rs Es par Bouillud. G Eee 54 MÉMOIRES Dr L'ACADÉMIE ROYALE © “La‘fixièmé, pour l'année 240 ‘avant J. Ceft fondée für la conjonction de Jupiter à Fâne auftral | obfervéé par tes ‘Chaldéens : j'en ai déjà parlé, PREMIÉRE ÉPOQUE. CONJONCTION de Jupier à" de l'Afne auflra en l'année 1752. Le 26 Août de l'année 1753, Jupiter fut en conjonc- tion avec l'âne auftrai de 'Ecrevifie; Jupiter pañloit ce jour-là par le méridien à 10" 15° ou environ du matin, de forte qu'il étoit impoñfible de Fy obferver. Je dirigeai donc à cette planète, trois quarts d'heure environ avant le lever du Soleil, une lunette de quatre pieds de longueur, montée fur une ma- chine, parallactique : l'aurore n'étoit alors ni trop forte ni trop foible, ce qui me procuroit Favantage de diftinguer l'étoile & les fils du réticule fans faire le moindre eflort de la vüe. J'avois placé, à peu de chofe près, la machine parallaftique dans le plan du méridien, & je fis, avec le plus d’exaétitude qu'il me fut poffible , les obfervations fuivantes, pour fervir à trouver la différence d’afcenfion droite & de déclinaifon entre Jupiter & l'Étoile. . ° Première Obfervation. | 24e Obferyation. | 3.° Oblfervation. 45"2 % au 1. obliq. |.4 36:37" &| 4h 3 9 nstulét # 4.133. 56 & au 1." obliq. | 4. 36445 E% | 4. 39:40 7% 4-34. 22) di au fi horaire: | 4. 37.12% | 4 39. 572 4. 34. 49 # au fil horaire. | 4. 37. 39: | 4. 40. 24% 434482 di au 24 0bliq. | 4 372 511). 4ù go. 45) d° 4135. 4r 4% au 2.4 obliq | 4 38:23:%| 4 ar. 12% La première de ces obfervations donne la différencé d'afcenfion droite entre Jupiter & Étoile, de...,.,: : ol 0! 36" 12” Earfeconde donne das, 61 34 eut ue ou 1Q13 6% 5 3: Et la troifième donne. ..,..,.....,... 0. 0.135.124 “= 8 HA‘ OI Es SM Sie1 E NOC PE NS." miM 38 Et par un hrifee entreles trois! ona la arrevenee! ut. én en ion « droite , entrelés deux aftresc déxp.2H91, 2. | Pareillement la ,première de ces obferv. donne + Ja, différence-de, déelinaifon entre Jupiterti& :PEtoile, de....4.:.... ee busere het La feconde dE: a ie de nohiotisntl Ët la troifième de. ......... before 9 Le Et-par un milieu,,on a....1. mail... L'afcenfon droite apparente de W'âne auftçal, … pour le 26 Août 1753, tirée des, Tables de . de fa Caïlle fur les Étoiles, eft des. Et fa déclinaifon apparente, ages FUN L'afcenfion droite apparente, de > HAPLEE e fera donc pour Îe même temps, de......... La correétion pour l'aberration di de. ÊEt pour la nutation rdelatroee Le FRS L'afcenfon droite vraie de Jupiter fera donc de Selon la même obfertation!, la déclinalfon appa- rente dé Jupiter fera Lu 22 Sblès Te La correction pour Faberration eft de. : . .... Et pour [a nutation, dé... .......,.. At La déclinaifon vraie de Jupiter fera donc de. # L'obliquité apparente de l’ écliptique étoit de. . Donc la longitude vraie de Jupiter fera ge” ce Et fa latitûde géocentrique Abe de REC" d dé D'après les pañages du Soleil par lé méridien , du 25 & du 26 Août, l'heure vraie, 5 un milieu entre les trois obfervations rÉtoit. Ainf la longitude héliocentrique de Tupiter! } corrigée fur les oppofti tions de cette Planète au Soleil, des années: 17 52 & 1754, étoit lé: ‘25 Août à. T6" 36°.7".de temps. vrai, . dans : Etela Œerrendans. «eu sec ue cos «bot : D'où l'on fire , Par un premier calcul, fénane « du nœud; de J'orbite |dé Jupiter y! des BU , SAUT Lrirttob. Sr nn ee en b" 6/36" 107 ne Li if ©. 119. AT: 481 ne. 19385271 d+,110:4#6: 23 0: r9S 49! 7B 127% 38" 3987 19, 221,134 3:B; 127. 47e, 49,2 | — 39 nt LI 19. 22. 16. LS 45 cal + 238 Sois) | A1 2241309 D OO ci25% 18.35 ©. 25. 23 41 ot T4? 58” AIS Le $4e AB °- 23 1Bxju0. lo c'eftà-dire 29° 25' Lu avancé CEE n'eft dans les Fables de Nr Caflini, c * Mém. fur l'inclinaifon de d'orb. de Jupirer, - 56 MéÉMorres DE L'ACADÉMIE RoYALE Cette époque du nœud de Jupiter convient à une inclinaifont d'orbite de 14 r 9° 1.5”, telle que nous avons dit l'avoir trouvée en 1750, d'après les élémens des Tables de M, Caffini, non corrigées ; nous avons remarqué ci-deflus * que 30 minutes d'erreur dans le lieu du nœud, pouvoient caufer une diffé- rence fenfible dans l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter; cette différence feroit de 17 fecondes pour 224 36° 3", diftance où étoit alors Jupiter du terme de fes plus grandes latitudes ; & ces 17 fecondes produiroient au plus 4° $ 8" d'erreur dans l'époque du nœud. Or, nous trouvons 29° 25" entre notre calcul & les Tables de M. Caffini ; il eft donc conftant que ces Tables ne font pas l'époque du nœud de Jupiter affez avancée pour le temps de notre obfervation; nous avons donc été obligés de corriger alternativement & le nœud & l'incli- naifon de l'orbite; ce qui nous a donné, après quelques tâton- nemens, l'inclinaifon de l'orbite de Jupiter, telle que nous l'avons déjà rapportée, de 14 19° 2"; & par un dernier calcul, l'époque du nœud, pour la fin du mois d'Août 175 3, de 3! 84 16° 56", c'elt-à-dire 53° 1 5” plus avancé qu'il n'eft felon les Tables de M. de la Hire, 2 5” 31" plus avancé qu'il n’eft - felon les Tables de M. Caffini, & 1° 59” feulement moins Mémoires de L'Académie, am 17SFP327 avancé qu'il n'eft felon les Tables de M. Halley, SECONDE ÉPOQUE. Oppofiion de Jupiter au Soleil, du 31 Décembre 17ÿ2. Cette obfervation eft rapportée dans les Tables des oppo- fitions de Jupiter, dont j'ai donné le calcul. Le lieu de Jupiter étoit, pour le moment de fon oppobriondlants : + srsbienisiutrs ete < ‘rot 4008" Avec une latitude boréale de... ...,..,.... ©. O. 4+ 21 Le rapport des diftances du Soleil à Jupiter & à la Terre étoit de $1925 à 9832; ce qui donne La latitude héliocentrique de Jupiter de...... © 0. 3. 173 D'ETSN IS GORE NIC2E /9.0 M}! s7 Et Ia diftance de cette Planète à fon Nœud, de of 24 24° r4* Et par conféquent le licu de fon Nœud pour la fin de Décembre 1752, dans. ......:.. 20 ,BAU2E + 5$ Cette feconde détermination ne s'écarte de la première que de 4.59", elle fait le nœud de Jupiter encore plus avancé; ainfi felon cette obfervation, les Tables de M. Caffini pour l'époque des nœuds de Jupiter, feroient en arrière de 3 0° 30”; celles de M. de la Hire de 58" 14", & celles de M. Halley de 3’ o" feulement. Quoique mes deux déterminations s'accordent, comme l’on voit, à $ minutes près, & que je puflé par cette raïlon prendre un milieu entre {es deux; néanmoins lorfque, dans la fuite de ce Mémoire, j'aurai befoin de quelque comparaifon, je pré- férérai la première détermination à la feconde, parce qu'elle eft indépendante de:la-divifion des inftrumens. J'ai pris un milieu entre les trois obfervations de la décli- naïfon de Jupiter, qui s'accordent à 9 fecondes près (on peut voir les ‘obfervations rapportées plus haut); ainfi le lieu de Vâne auftral de l'Écrevifle étant exactement rétabli par M. de la Caille, comme je penfe avoir lieu de le préfumer, je n'aï pas plus de 3 ou 4 minutes d'erreur à craindre dans la pofition que j'afligne au nœud de Jupiter pour le 26: Août 17153. C'eft-R toute l'exaétitude à laquelle on puifle fe flatter d'at- teindre aujourd'hui dans ces efpèces de déterminations; je ne rapporte doré cette feconde détermination que pour fervir de vérification à la première. . -_TROISIÉME ÉPOQUE. CONJONCTION de “Jupier à de Propus, obfervée en 17106 par M. Haley. - Après avoir comparé pendant cinq jours Jupiter à Propus dans la direction du, Zodiaque, M. Häalley conclut de fes Tranfaétions -obfervations que le 1.% Décembre à 1,51 29’, Jupiter & hlfphiques, Propus avoient la même longitude; que Jupiter étoit plus auftral Mém. 1758. "4 année 1717, n° 3 $ 0, page S08 8 MÉmorres DE L'ACADÉMIE ROYALE que l'Étoile, de 7° 40", & que fon oppofition au Soleil eft arrivée le 6 Décembre à 12° 46 (Jupiter étant plus auftral que l'Étoile, de 7° 53°). On ne trouve point la pofition de Propus dans le Catalogue des Étoiles de M. de la Caille, c’'eft pourquoi j'ai eu recours à une obfervation de cette Étoile, que j'ai faite le 9 Janvier 175 r. Suivant cette obfervation, Propus pafla par le méridien 1h 27" 4" après Aldebaran, à 644 29° 20" de hauteur: fob- {ervai auffi la hauteur d’Aldebaran, de 574 13° 55". La déclinaifon apparente d’Aldebaran pour le 9 Janvier 1751, felon les Tables de M, de la Caille, étoit de..... 154 59°: 16,1 Ce qui donne avec la réfraction fa hauteur appar. de 57. 9. 45,3 Ellefa été obfervée, de. Me Et. $7-:1 3e 151520 Donc l'inftrument haufloit alors de........... OA La réfraction pour cette hauteur eft de....,.... MENT PET Ce qui donne la déclinaifon apparente de Propus, de 23. 14. 52,5 La correction pour la nutation étoit de........ + 1,2 Ainf la déclinaifon moyenne de Propus étoit de... 23. 14: 53,7 Pareillement, l'afcenfion droite d’Aldebaran étoit de 65. 25- 19,0 Ce qui donne celle de Propus de............ 87. 14. 58,0 La fomme des deux corrections pour Îa nutation — 12,8 Et Ia correction pour l’aberration, de.:,....:. — 20,4 Ce qui donne l’afcenfion dr. moyenne de Propus de 87. 14. 248 L'obliquité apparente de l'Écliptique étoit alors de 23. 28. 15,5 On aura donc la longitude moyenne de Propus, de 87. 28. 0,0 Et fa latitude denses el ce MEET" o. 11. 46,0 L'obliq. app. de l'Édlipt. étoit, le 1." Déc. 1716,de 23. 28. 18,4 Ce qui fait qu'il faut augmenter Ja latit. de Propus,de * 0. oo. 3,0 Elle devient doncide....:....,..,.. Ve X ©. 11.494 Et parce que le balancement de l'axe de la Terre n'al- tère point les latitudes , & que Vaberration en latitude eft nulle pour les Étoiles auffi voifines de l'Écliptique que left Propus, la latimde de cette É Étoile relte tellé que noas l'avons trouvée de! /. ©. 11: 49,4 Le mouvement annuel & moyen des Étoiles en lon- 0 gitude eft', félon les Tables de M. de la Caillé, de ‘0: 7° 0: 50,3 IAÏD' IE SIMS TC AÔBLNLE 8, s9 Aïnfi la longitude moyenne de Propus pour le r.°° Décembre 1716, fera de. :4.. durirasesesoetih ses 864.59" -203"4 La correction pour la nutation étoit de. ..... Ce 65 Et pour l'aberration, de......,........,... — 197 La longitude apparente de Propus, pour le 1." Dé- “ceémbre 1716, fera donc.de... 2.440. 42. 86. 58. 58,2 . Avec ces fecours &.ceux de l'obfervation, on trouve pour le milieu de Décembre, felon notre facon de compter , le nœud. de Jupiter dans 3€ 74 37° 30". CLEAN RTEME LE PO OU E _ Ce qui eft rapporté de cette obfervation dans le quatrième volume des ouvrages de Gaflendi, fe réduit à ce qui fuit: à Le 17 Décembre, il: na: paru que je voyois encore Prôpus à la vûe frmple; mais: je juge: que les rayons de lu- mière qui partent de-Jupiter; m'ont fait iluffon} ainf ‘Propus étoit écliplé par Jupiter. LEtS TO IS mg 2 Le 19" Décembre, à 4 heures & demie du matin, Propus m'a paru (avec le fécours d'une lunette } éloïgné de Jupiter de quairé & demi dés diamètres dé éetté planète; la ligne de Propus à Jupiter ne faifoit pas encore un angle droit avec, la ligne des Satellites (mais feulement de 44ideorés ou environ). Le même jour 19, Décembre, à 8 heures &. demie-du - foir, Jupiter étoit devenu plus occidental que Propus, & il en étoit éloigné de cinq de fes diamètres. (la ligne de Jupiter à Propus faifoit avec celle des Satellites, un angle de $ 1 degrés & demi où environ)» M'EPE TPE L’ Suivant cette obfervation, la conjonction de Jupiter & de Propus eft arrivée de: 19 à Oh 39'+, Jupitér ayant paflë à 3° 56" de Propus vers lé noïd.! La longit, app. de cette Étoile étoit pour ce temps-là de Bis 59577 2° Ajoûtant pour l'aberration, , |. ,,. cpnemebentecs nel 3i On aura pour le même temps la longit. vraie de Jupiter. 85: $o. 15 H ï A n a À 60 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE Nous avons trouvé pour le 9 Janvier 1751, la latitude de la même Étoile de.:....,, he AU te réa où 11°, 46° Or l'obliquité appar. de l'Écliprique pour le 19 Déc. AS 2 Co to 0 OM AE DIET NONE NE 23-1297 I faut donc augmenter la latitude de Prepus de. ... + 52 Ce qui donnera celle de Jupiter de........... 0. 16. 34 Le rapport des diftances de Jupiter au Soleil & à la Terre étoit alors de $ 1389 à 41572. Avec le fecours de ces élémens & du lieu de Jupiter, tiré des Tables de M. Caffini, corrigées fur cette obférvation & fur fon oppofition au Soleil de la même année, je trouve Le lieu du nœud de cette planète pour le 19 Décembre 1633, ANS à + 2 ne SE GE sente ee 5 AGEN ON Nous avons donc maintenant trois époques du nœud de Jupiter, Unépourir2spmidanset (op Mt aline 31184 T6 Unetpounir7n684dains MAIRE Ne SZ 720 Et enfin une pour 1633, dans.......:.... 2-10 Did La première comparée à la feconde, donne le mou- vement annuel du nœud de l'orbite de Jupiter, de o. o. 1. 6 La première comparée à la troifième. .......... OO NEL NC Et la feconde comparée à la troifième......... ©. o. 1. 7 Si lon veut prendre un terme moyen, on aura le mouve- ment annuel du nœud de l'orbite de Jupiter pendant le courant du fiècle dernièrement écoulé, & pendant une partie de celui-ci, de od 1° 6" 20°", c’eft-à-dire, plus grand de 16° 20" que ne l'a fuppofé M. Halley. CINQUIÉME ÉPOQUE. CONJONCTION de Jupirer à de Régulus du 26 Septembre de l'année $08 après J. C. Afro, phil, Cette obfervation eff rapportée par M." Bouillaud & Caffini; LVIL ch vIIr, . . . _DP2 panel et . 3 pa Jupiter en conjonction avec Régulus en étoit éloigné de trois 72 d'Arp. 448, doigts vers le ibid D'E:sr Se 1 E N°C:E 5, 61 L'afcenfion droite moyenne de Régulus, pour le 1.°° Janvier 1750, FER dtené ARE CREME EE au 1484 45° 23° Et fa déclinaifon boréale de..........,.... 13 TO. 52. L'obliquité apparente de l'Écliptique de.. ser 23.020220 D'où l'on tire la longitude moyenne de l'Étoile de 146. 21. 12 Avec une latitude de. ................... O. 27. 33 La latitude de la même Étoile, prife du catalogue d’Etoiles inféré dans les Inftitutions aftronomiques, NPA 9 8 )iiell de. 00 Re ee ut Oo. 27. 38 Ce qui diffère de s fecondes feulement du catalogue de M. de la Caille, L'obliquité apparente de l’Écliptique pour le 2 6 Septembre de l’année 508, étoit'des). ri D AO BUSUUZ 234 35° 13”0 Ainfi la latitude apparente de Régulus étoit de.. o. 22. 58,0 C'eft-à-dire, plus petite qu'en 1750, de..... 0. 4. 35,0 La longitude moyenne de Régulus pour le même temps, étoit de....... PAL ARR ERRNE +. 128. 59. 32,0 La correttion pour Faberration, de. ..,...... MTS Et pour la nutation, de................. _— 4,0 Ainfi la longitude apparente de Régulus fera de... 128. 59. 16,5 Otant encore pour aberration. ............ — 18,5 On aura la longitude vraie de Jupiter de... ... 128. 58. 58,0 La longit. vraie de cette Planète, felon M. Caffini, (Élém. page 453) étoit de............ 129. I. 19,0 Différence. .... let at Lt e o Lne tee EN VD OUR O0. 0. 21,0 RE SES Les Tables de M. Caffini repréfentent donc fort exactement cette conjonction de Jupiter à Régulus quant à la longitude. Pour déterminer la latitude de Jupiter au moment de fà conjonétion avec Régulus, nous fuppoferons, comme l'a fait Bouillaud, la diftance de cette Planète À Régulus, plus grande d'un doigt ou de 2’ 30” qu'elle n'a été déterminée, parce que j'adopte le fentiment de cet Aflronome, qui ef que le ren- flement de la lumière a diminué la vraie diflance qui a dû être entre ces deux Étoiles *, * On peut voir à ce fuiet l’obfervation de la conjonction de Jupiter à Propus par Gaflendi, en Décembre 16 33 & Avril 16 EE fu ii] Almag, L II, chapn 3" Elémens de Caffini , page 4 T Or Ibid, pr 447. 62 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Ainf la latitude géocentrique de Jupiter fera de of of 32° 58” Et fa latitude héliocenttique de. :::....... D'OR SA Sa long. héliocentr. ( Élém. de Caffini, p. 448) ; dr oi an: 0, O Et Ja diftance à fon Nœud, de, ........... 027000 Donc le nœud de Jupiter étoit alors dans. .... 3. 3. 7. 43 SIXIÉME ET DERNIÉRE ÉPOQUE. CONJONCTION de Jupiter à de l’Afne auffral de l’Ecreviffe , arrivée l'an 240 avant J. C. Ptolémée rapporte que Jupiter parut cacher l'âne auftral de l'Écrevifle, lan 83.de la mort d'Alexandre, le 18 du mois Epiphi. Cette obf:rvation fe rapporte au 3 Septembre de an 240 avant J. C. à Gb 8' du matin: ainfi elle eft arrivée dix - neuf cents: quatre: vingt-treize ans moins huit jours avant celle que j'ai faite d'une pareille conjonction de J upiter & de l'âne auftral. La latitude de l'âne auftral pour le 1 Janvier 1750, étoit de oŸ 4° 17",55; le changement de l'obliquité de TÉ- cliptique, qui convient à dix-neuf cents quatre - vingt- dix années, eft fuivant ce que j'en ai dit dans mon premier Mémoire, de od 11° 18,5 ; ainfi la latitude de J'âne auftral, de boréale qu’elle étoit en l'année 175 0, fe change en latitude auftrale pour l'an 240 avant J. C. Elle étoit donc aloïs de........... ME HER OMG 7ANTET Ce qui donne [a diftance de Jupiter à fon nœud de ©. 5. 29. s1 La longitude héliocentrique de Jupiter étoit aufli de 2. 27. 12. o On aura donc le lieu du nœud de Jupiter pour l'annéct24olavantsl(C.#de.../ "tn ME Ton Te M. Caffini qui fuppofe la latitude de Fâne auflral inva- riable , trouve le nœud de Jupiter de 5% 29 dal" ! moins avancé; il trouve auflr que Jupiter avoit paflé or nœud af- cendant, & felon mon calcul il n'y étoit pas encore arrivé. Au reite, comme le remarque M. Caffini dans {es Élémens d'Aftronomie, p. 447, telle devoit être à peu près la pofition comparée aux : moder nes, de o° 1 h 30 D Es SicNÆE N CES". 63 de Jupiter par rapport a fon nœud , à moins que ce nœud -n'eût eu un mouvement de près de 6 fignes dans l'intervalle de temps qui s'eft écoulé entre l'obfervation des Chaldéens & les nôtres; ce qui eft hors de toute vrai-femblance. Ainfi D ae du nœud de Jupiter étoit pour l'an 240 avant J. C, de 3f 24 41 LE 1 Tomé trouvé une autre pour an $08 après J: C. de 31 34 7° 43". Ces deux époques comparées entr'elles ne donnent que 2" pour le mouvement annuel du nœud de Jupiter, & femblent prouver que de l'an 240 avant J. C. à Fan 508 après J. C. c'eft-à-dire, pendant un intervalle de fept cents quarante-huit ans, le nœud de Jupiter n'a point eu de mouvement fenfible; mais nous ne fommes pas en état de répondre de ces deux époques, comme de celles que nous déterminons de nos jours. Nous les avons donc comparées à celle de 175 3, afin que le grand nombre des années répare en partie les défauts de ces anciennes obfervations; ainfr l’obfervation des Chaldéens comparée à la nôtre, donne le mouvement annuel du nœud de Jupiter de 10 fecondes feulement, Celle de lan 508 après J. C. comparée de même à la nôtre, donne pour le. mouvement annuel du même nœud, 15 fecondes feulement. En joignant à ces deux déterminations celle que l'on tire de Ptolémée, on aura le mouvement annuel du nœud de Jupiter de o' 18,4 Si on veut prendre un milieu, on aura le mouvement an- nuel du nœud de Jupiter pendant un intervalle de dix-neuf cents quatre- vingt - treize ans, en rétrogradant depuis l'année 1753, de o' 14" 30°". Nous l'avons trouvé dans ces derniers temps de..... 14 6° 20° ———————————— Différence. ,...... bals ere lle OS MIRE TET TS) M. Caffini qui, comme nous l'avons déjà dit, fuppole la latitude des Étoiles invariable, trouve le mouvement annuel du nœud de Jupiter, par lobler ation de Fan $08 après J. C. #, & par Fobfervation \A Almagefle, LXIII, ch 7, 64 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE des Chaldéens, aufli comparée aux modernes, de o' 24" 9". Ainfi foit que l'obliquité de l'Écliptique foit la même au- jourd'hui qu'elle étoit du temps des obfervations des Chaldéens, rapportées par Ptolémée, foit qu'elle ait diminué depuis ces temps-là juiqu'à ce jour, il fera toüjours conftant que le mou- vement annuel du nœud de l'orbite de Jupiter a paru de $ 2" plus grand depuis environ cent vingt ans, qu'il ne paroît avoir été pendant les deux mille ans qui fe font écoulés entre les obfervations des Chaldéens & les nôtres; c’eft ce que je m'étois propoié de faire voir. MÉMOIR E 1 DES SCIENCES . 6s MEMOIRE Sur les Courbes dont là rectification dépend d’une quantité donnée. Par M. BEzour. 1 méthodes connues pour trouver les développées & les cauftiques, fourniffent des moyens faciles pour déterminer les Courbes algébriques rectifiables; car il eft aifé de trouver deux équations entre les coordonnées de la développée & celles de fa développante: or on fait que la développée eft géomé- trique & rectifiable, lorfque {a développante eft géométrique; c'eft pourquoi prenant à volonté une équation algébrique entre les coordonnées de Ja développante, & la combinant avec les deux équations dont nous venons de parler, il fera facile de trouver fexpreffion finie des coordonnées de la courbe cher chée. Mais lorfqu'on exige que la rectification dépende d’une quantité donnée, cette méthode ne me paroït pas pouvoir être employée avec le même fuccès ; car l'équation de Ja dévelop- pante ne doit plus être fuppotée algébrique, mais renfermer des quantités de telle nature qu'il en réfulte pour le rayon de la développée une expreffion où l'on diftingue avec facilité {a quantité dont ce rayon, c'eft-à-dire la longueur de la courbe, doit dépendre. D'ailleurs il faut que l'expreffion des coordon- - nées, de la développée ne renferme point cette même quantité donnée fi, comme l'exige le problème actuel, cette courbe doit être algébrique; or toutes ces conditions ne me paroiffent -2s pouvoir être aifément remplies par cette méthode. M. Euler dans le cinquième volume des Commentaires de Péterfbourg, a donné pour la folution de ce problème une Formule très-pénérale; mais ce grand Géomètre n’a pas jugé ‘propos de faire connoître l'analyfe qui l'y a conduit: j'ai donc fu pouvoir envifager cette matière comme un objet nouveau, Mem 1758, Ai 4 66 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & regarder fon ilence comme une invitation à la même re- cherche. Des deux formules que j'expotrai ici, l’une fe trouve exactement la même que lune des deux qu'il a données. J'ai effayé d'appliquer la même méthode à deux autres pro- blèmés, l'un fur les courbes dont la recification dépend de Jeur quadrature, autre fur les courbes à double courbure rec- tifiables; quoiqu'elle ne m'ait pas conduit à une folution ab- folument générale pour le premier de ces deux problèmes, les cas qu’elle m'a fournis font néanmoins aflez étendus. A l'égard du dernier, il a pour objet de déterminer non pas toutes les courbes à double courbure reétifiables, mais celles qui le font, en füuppofant qu'une de leurs projections foit rectifiable, & il me femble que la méthode que j'ai fuivie eft propre à Les donner toutes. PROBLÉME. Trouver des courbes aleebriques dont la rectification dépende d'une quantité donnée. PREMIÈRE SOLUTION. ‘élément d'une courbe dont x & y font les coordonnées, eft y/dX + dy) que je fuppole — dy + rdx, donc dx # 1 2dy mr ddx = C (pa rx) + xdr(i db puis donc qu'on demande des courbes algébriques, il faut que -) . . Fe) 3 . . xdr (1 +- End {oit intégrable: mais par les conditions du problème, rx ou xdr doit dépendre de la quantité don- née, puifque dy doit être intégrable; on doit donc fuppofer xdr = dp +- dv, dp étant intégrable, & dv de la forme propofée. I ne s'agit donc plus que de rendre {dp + dv) (ice — ) intégrable; je fuppofe d'abord dp (1 + —) intégrable, & puifque dp eft fuppofé tel, il faudra que _ : . À 2pdr : . ou, ce qui revient au MÊME, Que — —— le foit, ce qui DE) SM 28 ic ê E Nic Es. 67 . ÿ d 2 el aura lieu fr on fuppofe En — dp', dp' étant intégrable; on ] . L ... aura donc p. Maintenant pour que dv /1 + ——) foit in- tégrable, il fufft de fuppoler da (1 +- —) = dv', dv étant intégrable, & du, du’ des fonétions d'une même va- riable; par ce moyen j'aurai r, & par conféquent ‘x par l'équation xdr — dp + du; enfin j'aurai y, puifque x 1 Le / D ——— 1x HU pit) HP CQRT. CoROLLAIRE I Il eft aifé de déduire de la folution précédente Îles valeurs des coordonnées x & y, & de la longueur de fa courbe, mais on peut fimplifier”cette folution en faifant xdr — du feu- lement; alors par du on doit entendre une quantité en partie intégrable, en partie de la forme propolée. Par ce moyen, on trouvera pour x, 3 & s qui eft la longueur de la courbe, les expreflions fuivantes, 2du* * (dv! — du sb du'ddu — duddv |” 1 du (dw — dv) (dv'}— 2 dv) INT) ET dv'ddv — dvddv HR dv du (dv — dv S— AV — v + PAPE M EEE dv'ddu — du ddv CorozLzLaAIRrEe Il. Il réfulte des expreflions qu'on vient de trouver, 1° que fi on prend dv’ & du chacune intégrable, les courbes cher- chées feront algébriques & reétifiables; & puifque dv’ & du font toutes deux à volonté, ces formules donneront toutes les courbes algébriques rectifiables: 2.” 7 étant la variable dont v : d URGENT & v' font des fonctions, fi —" eft une quantité algébrique, t 4 ER de on aura en prenant pour 9’ des quantités algébriques, toutes les courbes géométriques dont la rectification peut dépendre de dy, 3% Une courbe quelconque étant dônnée, il fera J ï 63 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE toûjours aifé d'en trouver une infinité d'autres avec lefquelles elle foit rectifiable. REMARQUE. I eft bon d’obferver que dans la fubftitution des valeurs de du & dv’ en 7 & d7, on doit traiter d7 comme conf tante; on peut aufli, fi on le veut, lorfqu'il ne s'agit que de trouver des courbes algébriques reclifiables, exprimer la valeur de v' en vw, & alors il faut traiter dy comme une conflante. É-x'E M PL EL n+2 e. 2 Soit dv — dv -+- v’dv,ontrouvera x = — er TU PET DEA , LD LS (= — ——— v')7, d'où lon tire CE 4 = VE) VE n+-2 1 + 2 ñ LE EE 27 2n.(n+1) n+2 n+2 NON AN RER n + 2 mx nr ns" 2 = — (VE CA on voit donc que ce cas fort fimple donne déjà une infr- nité de courbes rectifiables. Si on fuppofe # — 2, alors’ EE Ce Les s—= —— V{x); car le figne + & le figne — fatisfont également. & la longueur de la courbe s — cu é A Finfpeétion de l'équation y — £ = 2 V{(x), on voit ‘1° que la courbe eft compofée de deux branches parfaitement égales & femblables, puifque le radical eft fufceptible du double figne HE: 2. qu'elle pafle par l'origine, & que chaque branche après avoir rencontré laxe à la diflance x — 3 depuis lo- rigine, pafle du côté de l'axe des abfciffes, oppolé à celui où elle pañloit d'abord, pour s'étendre de là jufqu'à l'infini; qu’ainfr figure eft à peu près celle qui eft repréfentée dans la pre= mière figure, DES SCIENCES. 69 EXEMPLE PE Si on fit à = —È) à, &v — ==)" ë Le à RAS U — ES 2 ë OIT aura X — (——=) & I = —— —<.) : Ca (a + 1) C A+ 1 = x # , équation aux paraboles donc y Sr re PO QU X paraboles de tous les genres; or fi on prend pour # un nombre entier pair pofitif ou impair négatif, la quantité f (2) dy eft Le intégrable; & fi » eft un nombre entier impair pofitif ou pair négatif, cette même quantité dépend de la quadrature de Yhyperbole; donc dans ces mêmes cas, les paraboles trouvées * feront reétifiables algébriquement, ou en fuppofant la quadra- ture de lhyperbole, & dans ce dernier cas il fera toüjours poflible d'y déterminer des différences d'arcs rectifiables, & des arcs qui foient entr’eux en raifon donnée, comme je J'ai fait voir dans les Mémoires des Savans étrangers, ExEmMPzLE II AT ” Soit v! — 7" & ET fi ch antité dé V—rEv—f LT y Muantité qui dépend de la quadrature du cercle lorfque 2 eft entier, impair, pofitif ou négatif, & de celle de lhyperbole” Jorfqu'il eft entier, pair, se È s rHI LR 2 pofitif ou négatif, on aura x 227" & : D EE a a 1H ZX L + Lg ‘ 2y ñ ñn LA donc ÿ 16c/ par conféquent n + 4 2 EE. 2 Ze 2,,2 { ÿ 3} Nr ous Le me , ce qui, fubflitué dans 1 = — Ce — 1)x Féquation x — , donne EE {a — Le x — 2, (— n9 Æ V[frE — 142 ny) + à Ra (e — 5? x° + (— ay Æ v[(® — 1) x° + #° y 2 li, ] IF 70 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ++ tas = Si on fuppofe 4 = 1, on trouve 0° x' = =(— ——— , c'eft- à-dire 2 — 1, & 2? = 2, ce qui ne fait va connoître ; mais fi on remonte aux valeurs de x & de y en 7, on trouve ‘a & F ré SARL» EE —-—— ER ON — ZT ar 5 orne Fe LA ; 2, & p # 4 x —— ——— conféquent NC FL Chr ÿ =" équation 1 + — “E au cercle. Si x — — 1, l'équation générale devient 1 CESR — = —————-, ce qui donne deux cas, ou 4% 7 4 + Go H 2 4* 4* ï o . . . A au cercle, où — — 2, ce qui ne fait rien connoître. 4x 1 " 2 ci : ne AN c'eft-à-dire, x + y° — x, équation Si on fuppofe : — 3, & qu'au lieu de l'équation géné- rale dont la réduction feroit un peu longue, on prenne l'é- 5 1e EST 4 = TE.) , don 2 y LBN BE Va Re 6 2 V[6x Æ 6 V(iax + x°)] [a [sx Æ Wirx + 47/1 e 6x 6 V{r12x + x°) / ONE SUNITAN ET, 6x 6 V(12x + x°) 14 — 3 œ e Ce ), équa- quation x — ‘qui convient à ce cas, on aura tion à une courbe du ras genre. Pour avoir une idée de la figure de cette courbe, il faut remarquer 1° que du eôté des abfcifles pofitives, y ne peut avoir que deux valeurs réelles, toutes deux égales, l'une pofitive, l'autre négative; qu nl du côté des abfciffes pofitives, la courbe aura deux parties égales & femblablement no cypnIes de part & d'autre de cet axe, 2. Que depuis x — o, les valeurs de y vont en croiffant jufqu'à un certain terme, après lequel lorfque x eff devenu — +, y redevient — o, comme il Favoit été à l'origine. 3. Que pañfé ce point où x — +, la quantité Dir Se TE UN CE < 71 Gx +1 ) V{i2x + x) furpañié de plus en plus la quan- tité 3% + 11x; qu'ainfi la valeur de » croïffant conti- nuellement, la courbe va depuis ce point en s'écartant de l'axe des abfcifes jufqu'à Pinfmi, mais il eft bon de prévenir ici une difficulté. Si dans la valeur de y on fuppofe x infmi, & qu’en conféquence de cette fuppofition, on anéantifle les quantités d’un — 32 + 3% ordre inférieur à x’, on trouvey = + J/ en LA ) cefädire, y — o, ce qui eft contraire à ce que nous ve- nons d'avancer. Pour lever cette contradiction apparente, il faut obferver que quoiqu'on puifle avec fondement rejeter vis- ä-vis de x° les termes d’un ordre inférieur, néanmoins dans la comparaifon qu'on doit faire d'une quantité qui renferme des termes de différens ordres, avec une autre quantité qui en renferme pareillement de éFérens ordres, on ne doit re- jeter les ordres inférieurs, que lorfqu'on fera affné que, dans le rélultat de cette comparaifon, les ordres fupérieurs ne s’é- vanouiront pas; or c'eft ici le cas d'appliquer cette obfervation: car les termes — 3 x° & + 3x” fe détruifant mutuellement, les termes de l'ordre de x deviennent les plus grands dans le réfultat, & par conféquent doivent entrer en confidération; ainfr pour avoir la valeur exacte de y dans ce cas, ïl faut tirer la racine approchée de 462 + 12%), c'eft-à-dire, prendre pour cette racine x 6, & alors la valeur de y fera + VE nt eu 6 mL Fete c'eft-à-dire, } WE + 19* + 6 i ire c'eft-à-dire, infinie. Du côté des abfciffes négatives, la valeur de y fera J—= v[ HR Queens = His" 22 ], quantité imaginaire , quelque valeur qu'on donne à x; ainfi la courbe À n'a point d'autres branches que celles que nous lui avons trou- vées du côté des abfcifles pofitives. Au refte, cette courbe doit avoir un maximum & deux 72 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE points d’inflexion ; car fi on cherche les endroits où y = 0; on trouve x — 0, x —= + & x = — +: ces deux dernières font voir que l'axe des abicifles eft une tangente au point où la courbe revient rencontrer l'axe. Ainfr cette courbe ayant d'abord tourné fa concavité vers l'axe, tourne enfuite fa con- vexité pour venir toucher l'axe, après quoi elle fe relève pour aller fe perdre dans l'infini; mais dans cette marche elle doit encore retourner fa concavité vers l'axe, puifque dans l'équation, dorfque x eft infini, on a y — 46 _- ) qui donne dy négatif; ainfi fa figure eft à peu près telle qu'on la voit dans la figure 2. Enfin la longueur de cette courbe fe trouvera, toute réduc- d FÈ = is 53 ti 312€ EE : (UE OP AN An rare L la valeur de z 3 étant celle que donne l'équation x — : , comme on Îa tt vû ci-deffus. D'EUX TÈME S oz üU TION. Je fais dx = gdy — d(qy) — ydg, par conféquent dx + dy) = dy VO + 99) = dy + 99) 3qdq #9 dq —— TT, foit ydg9 — dk, =" deviend RE ON ed VOS 9) pre LE — que je fuppole — d#', dk’ étant en partie in- tégrable aloébriquement, & en partie de la forme propolee : du j'aurai donc 9 — AR AS Féquation ydg = dk don- nera y, & l'équation dx — d{qy) — ydq = d(qy) — dk donnera x — gy — À, d'où il fera facile d'avoir x en y. c. @. r. 7. Cette folution revient à une de celles de M. Euler. PARAOUB D É MEN Trouver des courbes algébriques dont la quadrature depende de leur reclificatiou. SOLUTION. DES SCIENCES. 7$. SoLuTIOoN. On a par le problème précédent 2dy = d( — OM 4 + xdr(1 + — ), par conféquent 4xdy = d( = — rxx) D xdr(i —); il faut donc que xdr/1 + —) {oit intégrable, & que x'dr/1 + — ) dépende de rax, ou, ce qui revient au même, de xr. Soit donc xdr = du, & Xe += he = dv, du on aura 7 — Gr on &x—T— } É 74 A] donc x’ dr (1 +- — —) fera T2 qui doit dépendre PPT dy — dy de du: je fuppofe donc 2 = dR + ad4, dV(——— dd — du dR étant intégrable & 4 une conftante ; donc 747 —_ du — JR ) à à dv( du ) , dv — dy ceft-à-dire, doit étre intégrable. Soit dv! — td, on aura . 2740 : [y — 1) ne dz du — Deere EVE Re nul I ], — A4dv,—=,4R: d'où l'on tire 2 D Lin À 2/1)" or r Zdv doit étre intégrable; donc puifque NA = l'ef, NE ei re er il faut que G = __£t4Rdg Pas ee VERT f TA 14 ) L AR — = Soit donc ta ao En MS ee dd Poe ET Al ne 2 ALPINE (A Mém 1758. + K 74 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dg doit être intégrable, puifque adt - feft, on aura 4. — 1) PRE A 2e __ 2484 +1)", donc z' doit être une dt fonction Re de 7 telle que ce dernier! membre foit intégrable, Or cette dernière quantité eft intégrable, 1° fr K 2 = Ÿ',K étant entier pofitif, pair ou impair; 2. fi "mr ’ Dh EN) 4 *, m étant un nombre entier pofitif, pair Ousimpair; 3. f1 Ze Lx @7, ZT marquant une fonction de 7 & de conflantes, rationnelle & fans divifeurs; & 4 fz=T.02.(7—1) T7, @7 étant la même que dans le 4 k cas précédent, & 77 “quelconque; $s°f17 7 .pzT/R—1)7T, @Z étant 2 même que dans les deux cas précédens, & F/j—1 JF une fonélion de 7 = 1, dont chaque terme foit une puiflance entière ou fractionnaire de 7 — 1, c'eft- és n F à-dire, descette forme # . R—1) 7 He. G+i) Tr: . | 1 il en faut feulement excepter le cas où les expofans —, © M RAS feroient É que la valeur de 4R renfermât des termes de fa 12 VC LE T he PZ- le + 1e, @2 étant rationnel & fäns dents. Enfmn il eft facile de voir qu'il y a encore une infi- nité d’autres valeurs de 7! aifées à trouver, & qui fatisferont aux mêmes conditions. €, @. F. T. - qui dépend des logarithmes; 6. fi 7" — forme = CHONRNO IL Da Tor: 602 L Puifque zdv = — - « HE SL pd, ja de: TR RENE QAR Fe donc PRE DES SCIENCES. ? PONS ASP EM À ts @—1) 4. (a — 1) t End de la quadrature du ady à s'enfuit que dv —— FT Le cærcle, fi _ # intégrable, & fi: on; prend le figne infé- rieur, les courbes cherchées dépendront de la quadrature-du, cercle, tant pour leur quadrature que pour leur rectification : or les cinq premières formes que nous avons données ci-deflus ‘ d ne AU pour 7', font telles que JE ef toujours intégiable; donc : dans ces mêmes cas, des courbes cherchées dépendront pour leur quadrature & nr TO à de là quadrature du cercle, en prenant le figne inférieur. CorRoLLAIRE IL Si on prend le figne fapérieur, où fi on fait a — o, & dY AUAUE { 4 que ÆS Moit intégrable, on aura des courbes tout à la fois t rectifiables & quarrables ; or, outre les cinq premières valeurs de 7’, données ci-deflus, les Frue fitisferont aufli, a étant o. Mr ous ché Te ché NAT AE BA CT oh EC RE eq) Tz; TZ étant rationnel & fans divifeurs, &,5 un nombre entier pofitif plus ‘grand Ar T3 Gear a de) ter). TZ &.s étant les mêmes que dans le eas précédent, & » un nombre entier pofitif ou négatif, pourvû.que dans: ce dernier KE 1 kr : ICUILE ) fx cas, —, _ foient des nombres éntiérs pofi tits! Cette der- nière condition ñ pas même généralement HécENAUE, il füffit qu + =; Æ foient ‘els qu'on a fappolé Fex ii de z dans la féante foime. d. NA lg 9 enclogi E Hal #s > ei / "er 2t ps à à donc 27 — l= — - rer VUE ne si] 4 76 MÉmorres DE L'ACADÉMIE ROYALE ExEmMPLE I. Soit d7 — < .f— 1% 7 "dy, & a — 0, pour avoir des courbes tout à la fois rectifiables & quarrables , il eft vifible que ZAR fera intégrable: or la fuppofition de G—1)*— dd - par conféquent du = — .{{ — 1)" — © dy; donc a — 0 donne 7du — dy — CE RAT, AU OLA EUX (=) + V, on aura D — — +. (ze — De = (= TER — » ne + équation qui eft précifément la mème que d que nous avons trouvée (1° Exemple, Problème 17), & en eflèt il eft bien. aifé de voir que ces courbes que nous y avons prouvé r'ec- tifiables, font en même temps quarrables. Dans la même fuppo- fition de a = o, fi on fait d7 = DE Trees dy, on G— 1) 2 ; aura 7 dv = dy —= et +, donc dv — CD ED hent R— 1) 2 fi on fait les fübflitutions , on retrouvera les paraboles du fe- cond exemple du premier problème. ExemgLre IE Ne faifons plus a — 0, & prenons le fee AI dans —& er Hi a valeur de 74v; fuppofons de plus-47' = Rp . mit ces valeurs dans les équations Ed) | DES SCIENCES. 77 p étant un nombre entier pofitif fimplement pair, c’eft-à-dire, dont la moitié foit un nombre impair; alors 4R fera inté- grable, puifque la fuppofition qu'on à faite pour p donnera dR = à une fuite de puiflances de z entières & pofitives. divifée par /g — 1), dont par conféquent chaque terme féra intégrable, Cela pofé, on aura 7 dv ou dv’ — _ di. ({—1) —,& , a 14) RE : , par conféquent intégrable: donc du — & par conféquent dépend de la quadrature du cercle. Ainfi Les courbes que ces valeurs de du & de dv’ donneront, auront leur quadrature dépendante de leur rectification, & l’une & l'autre dépendante du cercle: k— y Faïfant les fubftitutions, on aura x — — 4. A t GES a is 2IPUIE— ANS . AE Le aps Dire À — t fo (Feat 2 AN 2 a) Mount NI MEN / Re qualion du fecond degré par rapport à 7, & dont il eft facile de tirer la valeur de zen x | R—1)2 L &y, laquelle-fubftituée dans l'équation x = — 4. T donnera autant de courbes dont la rectification & quadra- ture dépendront de la reétification ou quadrature du cercle, qu'if y a de nombres entiers pofitifs fimplement pairs. Si: on fuppole p— 2,ontrouxex—— 4.12" ,2y— _2# , Hi CR NT me D & par conféquent ÿ — — ax — xx, ou pluflôt 3) — ax — xx en prenant x négative; équation au cercle;, dont tout le monde fit effé“tivement que la quadrature &c là rectification dépendent lune de l'autre. K ijj 78 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALr= PROBLÉME. Tiouver des courbes à double courbure algébriques 7 reck- fables, en fhppolant une des projettions redifiable. SO AU MAR ON V{dx° + dy° +- dj) eft Télément de toute courbe à double courbure, dont x, y & 7 font les coordonnées rectangles. Je fuppofe v{dx° + dy +- dx) =vV (dx + dy) -+rd7, d'où je tire ÿ{dx° + dy) —= + ES “, & par con- L 2 2 2 d' rd féquent y/dx° + dy + 47) = + = Der t re AC LENS ; Ed RE donc 2dr (— — 1) = dv, dv étant intégrable. Soit main- fe tenant V{/dx* + dy) — dy + 1dx, on aura d# dx # F4 «dr. , € ï D a Ar dat a (NUE donc xdt (1 +— ) = dk, dk étant intégrable. De plus, {dx + dy) = dy + idx = © +" & on a trouvé ci-defius, y/4x° + dy) — Æ DE re donc puifqu'on fuppofe qu'une des projections eft reétifiable, à dx tdx dy il f pen ÉE aut que AE Air * & ELA AC — 2% foient intégrables & 2 2r dx t £ , d égales : on a donc + dx = — — rd7, où ë * 1 AE t + gdr (1 + à donc xdt (— —"12). 6 zdr (1 + —) doivent être intégrables; mais on a fait ci- … LA DES SCIENCES. 79 deflus xdt (1 + =) = dk & ydr(— — DT) donc de = dk & =" dv doivent être intégrables, donc La 1 oo Peut dk = dk, & =" dy = dv; donc fi on EH tr I" prend pour 4 & #' des fonctions algébriques d'une variable p, & pour v & v' des fonctions algébriques d'une autre variable 4, on aura / en p & r eng, & par confèquent x en p & Z en g, & toutes ces valeurs étant fubftituées dans léquation x t Ce +ix HE = < — 77 + 7, on aura la relation L r de p à g, & par conféquent celle de 7 à x: d’ailleurs y a été rendu intégrable par la folution, on aura donc y & 7 en x. €, Q F,T. FE OH ID) E.L AILR EF. x & y étant les coordonnées de la projection, ainfr qu'on Ya fuppofé dans le problème, fi on fait 77 + yy —= 55, & que dans cette équation on fubflitue à 7 & y leurs valeurs en x, on aura l'équation de la courbe génératrice du fphéroïde fur Ja furface duquel peuvent fe tracer les courbes trouvées dans le problème précédent. Voilà donc une infinité de fphé- roides {ur la furface defquels on peut tracer des courbes aloé- briques rectifiables. REMARQUE. Pour rendre la folution précédente auffi générale qu'elle pût être, nous avons dit que w & v' éjant des fonétions algé- briques d'une variable p, 4 & #' devoient être des fonctions algébriques d’une autre variable g, & nous avons donné le moyen de déterminer la relation de p à g; mais il y a une infinité de cas où la folution peut être plus fimple qu'elle ne le feroit en fuivant cette méthode, comme on va le voir dans. Fexemple fuivant. 80o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royazr ExEMPLE Soit du — (1 —7rr).rdr & dk—= (1+11).r"dt, les équations ET Ju = dv & =" dk — dk 177 D rt : donneront dv'— {1 +-rr).r"dr & dk —=(1— 11) tdi; ainfi quelques {oient » & "1, pour vü feulement qu'ils ne foient ni— 1, ni — 3, les quantités dv, dk, dv, dk feront intégrables. Cépot Mona += 74 n+2 = 7r , T donc : —= xm+2,7 — 7"+:, Subflituant dans l'équation * / ré ! + an rl en + v, on aura f. t Le m+x , M + 2 mn + 2 — toute réduétion faite, /———— -+- M. xm+e nt TNENZ n +2 Ln+a n +2 nl (en fubftituant dans l'équation 2y — (= = ) + À) Pie pes a Ne our l'équation 2} — m + 3 Mn + 3 m + 2 m+2s P q de la courbe de projection. Cette dernière équation & celle qu'on vient de trouver en x & 7, font voir (puifque #1 & # font tout-à-fait indépendans Pun de Fautre) que pour une feule & même projection, on aura une infinité de courbes à double &ourbure rectifiables. MÉMOIRE D BUE.S, SIG VEN CE s 8r MÉMOIRE SUR LE MOUVEMENT DES NŒUDS D U QUATRIÈME SATELLITE DE JUPITER. Par M. MARALDI. "AT rendu compte en 1750 à l'Académie, de Ia différence confidérable qu'il y a eu entre la durée des éclipfes du quatrième fatellite de Jupiter, obfervée en 1 749, & celle que donnoit le calcul tiré des Tables de M. Wargentin & des miennes; & j'ai fait voir que cette différence provenoit de ce qu'on ne connoït point encore tous les élémens de la théorie de ce Satellite. Il m'a paru que les nœuds que j'ai toujours fuppolé fixes ont eu quelque mouvement ; & linclinaifon que J'ai cru conflante m'a paru variable, parce que le mouvement annuel des nœuds, que j'ai trouvé de 4” 30” füivant la füite des fignes, n'étant pas fufhfant pour repréfenter toute la différence qui eft entre la durée des éclipfes obférvée en 1 749, & celle des Tables , j'ai cru qu'on devoit en attribuer une partie à fa variation de l'inclinaifon, dont je n'ai pu découvrir aucune loi par le petit nombre d’cbfervations que nous avons; de forte que pour corriger mes Tables, j'ai été obligé d'avoir recours à des hypothèfes. J'étois parvenu en 1750 à concilier la plus grande partie des obfervations, mais je n’ai pas ofé propofer ces hypothèles, parce que le mouvement des nœuds que j'ai été obligé de fuppoler, eft fuivant la fuite des fignes (de même que celui que javois déterminé par les obfervations), par conféquent œntraire au fyflème de M. Newton & aux hypothèles de M. Bradley: ils ont trouvé l'un & l'autre que le mouvement annuel.des nœuds du quatrième Satellite doit être de $ minutes Mém. 1756, dE 16 Décemb. 1758. 82 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE contre la fuite des fignes. M. Newton en a donné les raifons & le calcul dans fa vingt-troifième propofition du troifième Livre des principes de la Philofophie naturelle: voici ce que dit M. Bradley dans des notes qu'il a jointes aux Tables des fatellites de Jupiter, qui font imprimées à Ja fuite des Tables de M. Halley. Quod laritudines auiner , à nuperis oblervationibus conflat nodos quarti ad gradus 1 11 Aquari © Leonis hodiè réperiri nodofque tertii his proximos efle . .. Quod fi nodi Sa- telhitun ant quadraginta annos gradun quindecimum Aquarii & Leonis occupabant, ut vult D. Caffinus, cujus autoritare non alia gravior efl, tum in qualibet Jovis periodo duodecennali unum circiter gradum retroceffiffe videntur. Mais plus j'ai répété le calcul des obfervations du quatrième Satellite, & varié les hypothèfes, plus il m'a paru nécefaire de fuppofer le mouvement des nœuds du quatrième Satellite, fuivant la fuite des fignes. M. Wargentin l'a toûjours penfé de même, & dans fes Tables manufcrites nouvellement corrigées, qui m'ont été communiquées par M. de la Lande, il dit que pendant les cinquante années dernières, les nœuds du qua- trième Satellite ont avancé de 2 degrés & demi. Cum nodi ultimis quinguaginta annis præcefferint 221 gradus; mais il ajoûte plus bas, qu'il paroït qu'avant l'année 1700 les nœuds ont été fixes. And ammum 1700, nodi fixi manfiffe videnur: ce qui m'a engagé de propoler mes hypothèles, & d’expoler mes recherches fur le mouvement des nœuds du quatrième Satellite. Quoique je fois perfuadé que plufieurs caufes peuvent faire varier la durée des éclipfes du quatrième Satellite, & la rendre différente dans les mêmes points de l'orbite de Jupiter en dif- férentes périodes, j'ai trouvé qu'on peut la repréfenter par le mouvement des nœuds, que je fuppofe égal & uniforme; & fi celle qu'on a remarquée en 1749, n'a pu être repréfentée par le mouvement des nœuds, que j'ai déterminé en 1750, je penfe qu'il eft trop petit, & qu'il a été mal déterminé. En effet, il a été conclu de deux pofitions des nœuds, dont la première me paroït peu exaéte, parce qu'elle a été tirée des D'ES$SN S € 1 E N°C:E 34. 3011: 32..42|+4-1. 48) Mars... 7: |- 3.7. 25 -grazsqofr. 38. 1410 36 26|+1. 488 Mans. 4 Alone es cmdbe etes hors aie 04e 1, 40. 34]1..36.26|+4 8 Mars....24*|. 3. 8.49 4 24 pr 42 or go 4|+1 56 Novemb..30*| 3.29.28 $-14.42|2. 17. 10|2. 15. 1730. Février..22*| 4 6.11 $-21.24|2. 21. 49|2. 20. Mars....27 | 4 8.51 5-24 412. 21. 36|2. 21. Avril....13 [| 410.12 2sualz2-iz20 22.022. . Décemb..20*| 4.29, 52. G.15.tr|2e 15. 57|2. 15. 1731. Janvier.. 6*| $+ 1.28 : 6: r6: 46/2. 14. 162. 13. Mars....31*| $. 7:37 6.212.442. 5.122. 6. Maï..... 3 | S-ro rx 6.25. 17 % 2. 102. 2 Mai.....2o | $.1m.28|r0 626.351. 59. 56|r. 59 1736. Septemb. 13*| 10. 115. 54 0: 0:31/22.24. 212. 22. 1737. Novemb. 6*|11. 33; 36 F8 61 52. 47|1. 34. 1741. Janvier. .22, 3. 8: 9 422.221. 38. or. 35. Février. 8 | 3. 9:32 1. 41. 4olr. 39. Février. 8*].....… mfessssesehessss +f#-4o. 49 |1. 39. Mars....30 | 3: r5,43 so 93|r. 48 Avril....16 | 3.15. 7 1. 53 Sir. Sr 1742. Novemb.23*| $. 1.51 2. 13. 35/2. 14 Décemb..ro | 5. 3. 9 2. 12. 11/2. 13 1743. Avril... 6*| 5.12. 9 1. 57- 59/2. o LGRERT NON RATE EIRE CRE 1. 58. 16/2. o. Avril....23 | $:13.26 1. 55. 561. 58. Décemb..13*| 6. 1.14 1. 12.391 13e 1748. Juillet. ..31 |10.16. 39 2. 23. 44/2. 23. Août...17 |10.18. 8 2. 23 382-122 i 1749. Septemb.. 6 |11.22. 50 6. 1. 40, 52|1. 39. . Septemb.23 d11.24 23|10.16.36| 1. 7. 1. 36. 52/1. 35. Décemb..16*| 0. 2. 2|10.16.37| 1.15.25]1 - 1. 11. 98 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE en es | RS ANNÉES, | LIEU | LIEU | DIST. DEMI-DURÉE Mois & Jours de du NŒubD|deJUPITER PAS ÉÉRURES Différ. TT, des Obfervations. |JUPITER.| afcendant, | au Nœud. | Ghfervée. | Calculée. SD M|SDM|SD MIAMSIE MS | MS 752. Oëobre.. 3*| 3. 3. 14|10.16.52| 4. 16.22|1. 16. $7| 1. 17. 26|—0. 29 ds 3 Mars... 3*| 3.15. sol1o.16.55| 4.28. 5510 53:43] r. sr. 33] +1. so F7 54h Avril. g*|° 418. 8| 10. 197. 1 6. 1. 82. 22: 5212. 22, $7|—0o. 5 Décemb..16*| 5 g[ros 17.) $| 6.21. 42. 7ero24! 8, 331.12 1755. Avril...29 5-17. S6[ 10.17. 7| 7. o.49|1. So. 9|1, 55 42|—1. 33 Mai. .:.161| 5 1756. Janvier..22*| 6. 8.20|10. 17.1 Dore _ TT % ER NÉS. (EE À b TES 0 DES SCIENCES. 29 D\ESSCUR TL PATRON DES SALINES DE L'AVRANCHIN EN BASSE NORMANDIE. Par M. GUETTARD. | Mio que nous faifons du Sel commun ou marin, eft de temps immémorial; il faudroit remonter jufqu’à ceux qui font les plus reculés, pour en fixer l'époque, encore ne feroit-il, pas facile de donner rien de certain en ce genre. Sans doute qu'on en doit la découverte à celui qui le premier fut réfléchir fur ce qu’on voit tous les jours arriver au bord de la mér, dans les endroits qu'elle a mouillés & laiflés à fec en fe retirant ; fouvent ces endroits fe chargent d’une pellicule blanche & faline, qui, remarquée par un homme at- tentif, devoit le conduire à une découverte fi utile & d’une étendue fi confidérable : cette utilité eft telle, qu'elle éft devenue mixte ; J'entends par-Rà que les avantages des Particuliers fe font trouvés compliqués avec ceux que les États en retirent : il eft conféquemment arrivé que les recherches, les obferva- tions & les expériences qui ont occupé les Amateurs des Sciences & des Arts au fujet de ce fel, regardent les avantages qui en peuvent réfulter dans la vie commune & dans l'éco- nomie publique. De cette réunion d'utilités & d'avantages , il s'eft formé deux genres de Savans, qui à l'envi Lun de l'autre fe font propofés de les augmenter, ou au moins de les améliorer. L’u- tilité particulière demandoit qu'un corps auffi employé dans pos alimens journaliers qu'eft le fel commun, fût bien connu & exactement analyfé. L'économie publique exigeoit que la façon de s'en procurer abondamment & à moins de frais qu'il eft poflible, füt examinée avec foin, & fcrupuleufement dif- cute, Les Chimiftes, à qui l'analyfe de tous les corps eft N ÿ t00 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE comme dévolue de droit, fe font occupés principalement de la première partie, la feconde a été embraffée par les Amateurs des Arts & des Méchaniques. Les travaux des Chimiftes nous ont valu 11 connoïfflance des matières qui entrent dans la compofition de ce fel & de Vufage qu'on pouvoit faire de fes parties ainft féparées; les Mécaniciens nous ont décrit les moyens que les hommes ont imaginés pour fe procurer de ce {el avec abondance ; ils ont apprécié la bonté & la juftefle de ces moyens, & f1 jofe païler ainfi, ils les ont calculés. Qui voudroit citer les Chimifles qui fe font occupés de Yanalyfe de ce fel, feroit obligé de faire l'énumération peut- être du plus grand nombre de ceux qui ont cultivé cette fcience. Je n'entrerai pas dans une pareille énumération; je dirai feulement que parmi ces Chimifles les uns, & c'eft le plus grand nombre, fe font appliqués à découvrir la compofi- tion de ce fél, & à en former de nouveaux combinés avec les parties qu'ils avoient extraites de ce mixte: les autres, & ceux-ci peuvent fous ce point de vue, être confidérés plutôt comme Philofophes ou Naturalifles, que comme Chimiftes, fe font bornés à développer la forme que ce {el prend en fe criftalifant. Parmi les Chimiftes, ceux qui méritent fans contredit d’être préférablement nommés, font les Vanhélmont, les Sthal, les Lémery, les-Boërhaave, les Pott, & quelques autres Savans de cette force & de ce génie. Au nombre de ceux ‘qui ont traité le {ef marin en Naturaliftes, on doit principalement placer M. Hartloëker & Rouelle, qui avoient été précédés de Stahl: ce dernier ,'au rapport de M. Rouélle, avoit entrevu le mécanifme de la criftallifation de ce fel. Hartfoëker, dans un endroit de fes Conjeétures phyfiques, entre dans un plus grand détail, laifle peu à defirer, & poufié même l'exactitude juqu’à mettre fous les yeux, par des figures, la formation de ce fel. Ce que ces deux Auteurs nous ont laiffé eft curieux fans doute; mais il étoit réfervé à M. Rouelle de poufler 1a théorie de cette criftallifation jufqu’à un degré au de -R duquel DES SCIENCES. TOI il n'eft peut-être guère poffible d'ajouter quelque chofe d'in- téreffant. C’elt dans les Mémoires que M, Rouelle a donnés fur cétte matière curieufe, qu'on apprend, mieux que par - tout ailleurs, a marche que la Nature fuit dans la formation des crifhux de ce fel; on les voit en quelque forte s'élever fous les yeux dès la formation méine des plus petites lames qui les compofent ; on apprend de plus dans ces Mémoires ; Ce qui peut déranger l’ordre ordinaire de cette criftalifation ; on y lit avec furprife qu'un atome de pouffière qui vole dans Fair, que de mouvement le moins fenfible qui agite les vafes où l'eau falée eft contenue, fufhfent pour tout confondre & donner, au lieu d'un corps régulier , des maffes informes, ou du moins des corps d’uné figure irrégulière ou formée dans un fens renverfé, Si on ne peut refufer avec juftice aux Chimifies la gloire d'avoir dévoilé les myllères de la nature & dé Ja crifialli- fation du fl marin, on peut dire avec autant de vérité, que les Mécaniciens ne fe font point oubliés fur la defcription des moyens employés pour extraire de Îa terre ou des eaux falées, le {1 qu'elles contiennent. . Je ne m'arrêterai pas ici à faire connoître ce que nous devons für ce fujet aux Savans étrangers, & für-tout à ceux qui font fortis de l'Allemagne: je renverrai pour ce qui regarde ceux-ci, aux ouvrages d'Agricola, de Bruckran , & für:tout de Frédéric Hoffman, qui nous à laiflé un Traité curieux & intéreffant fur des Salines & les fontaines falées de ce vafte Empire. En confultant ces ouvrages, on s'inftruira à fond fur ce qui concerne les Salines de l'Allemagne ; on ÿ doit joindre la leGure de Yexcellent Mémoire que M. le Marquis de Montalembert, de cette Académie, a donné fur les Salines de Durkheim dans le Palatinat, Mémoire dans lequel il fournit les moyens de perfeétionner la machine à évaporer, employée dans ces Salines, & ceux d'y produire l'évaporation à beaucoup moins de frais & avec beaucoup plus de promptitude, Ne m'étant propofé dans ce Mémoire que de parler des Salines d’un canton de la France, Je me renférmerai dans ce qui regarde les Salines de ce royaume, &. je parcourrai fuc- N ij Voy, es Dife, admir, ps 179 er fuir, Paris, 1580, in-12, dr le moyen de devenir riche, pr 241 Ÿ fui. Paris, 1636, in-12. Vay. le Recueil de l’Académie de la Rochelle, 3 147, Paris, 3752; in-8.° 302 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE cinétement ce que les Auteurs françois ont fait fur cette matière. Les ouvrages de Paliffi font de ceux auxquels on eft obligé d'avoir recours pour trouver le germe des travaux qu'on veut fuivre fur la Minéralogie & certains Arts, fouvent même ces travaux y font portés à une exactitude qu'on ne peut s'em- pêcher d'admirer dans un homme tel que Palifii, & qui vivoit dans un fiècle où les Sciences étoïent encore au berceau ; ce que cet Auteur nous a tranfmis fur les Salines de la Saintonge, eft de ce genre. Il n'y auroit rien ou que très-peu de chofe à defirer fur ces Salines, fr Palifir avoit joint à la defcription qu'il en a faite, le plan qu'il dit même avoir levé & repréfenté par des deffeins. On lit cependant avec plaïfir la defcription, quoi- qu'on ne foit pas aidé de ce fecours, & on fe repréfente faci- lement les Salines, vu la clarté & la précifion avec lefquelles elles font décrites. } Ces Salines font de l'efpèce de celles du bas Poitou, dont la defcription a été faite par le P. Laval, Jéfuite & Académicien de la Rochelle, Le P. Laval nous en a non-feulement donné une defcription élégante & un très-bon plan, mais il a porté fes vues jufqu'à tâcher de trouver Fexplication de Ja nature & de la formation du fel marin; il a envifagé ce point délicat de l'hifloire de ce fel, non en Naturalifte ni en Chimifte, mais en Philofophe & en Philofophe Cartéfien. Je ne doute point qu'il n'ait atteint le but qu'il fe propofoit, & qu'il n'ait raïfon, mais je crois que dans cette matière, la voie la plus füre & la plus philolophique eft celle que la Chimie nous ouvre; il ne nous fera même, à ce que je penfe, guère permis de pañler au de-là des bornes que la Chimie ne peut franchir, & qu'elle ne cherche pas même à atteindre, Quoique M. Lémery ait, long-temps avant le P. Laval, décrit les Salines de 'Aunis, on peut regarder le P. Laval comme celui qui nous les a fait connoître; la defcription de M. Lémery eft fi fuccincte, f1 peu détaillée, qu'elle n'en mérite prefque pas le nom. Les Salines dont ces trois Auteurs parlent, font des marais flans; le {el s'y fait par la voie de la criflallifation, c'eft au \ k | DES/S Cire Nic r:,s 10 3 Soleil à qui l'oneft redevable de l'évaporation de l'eau ; on facilite cette évaporation en faifant circuler l'eau autour de ces marais, & en la recevant enfuite dans de petits carrés qui fe ferment au moyen d'efpèces de vannes: l'eau par fon féjour s ÿ évapore plus ou moins promptement, & toujours propor- tionnellement à lal force de la chaleur folaire; elle y dépofe ainfi de! fel dont elle eft chargée. Depuis la réunion de da Lorraine à. la France, ce royaume Voy. Mémoires renferme des falines où l'évaporation de l'eau fe fait en partie 14 “ c a d’une façon: bien ingénieufe ; on fent que je veux parler de à « 9. Nancy, ces! grands /bâtimens qu’on appelle bétimens de graduarion. On ‘755 T#+ y: fait tomber, par de moyen de pompes, l'eau, falée; fun de petits fagots d’épines:: cêtte eau formant ainfi lune efpèce, dé pluie, s'attache par gouttes fur les branches: de ‘ces fagots; pré- fente par conféquent une furface immenfe à l'air qui. circule dans ces bâtimens, s'y évapore en partie & concentre ainfs le dépôt du fel qu'elle contient. EG L'eau y eft fournie par des fontaines ou de puits; on da ramafle dans-un réfervoir-commun où: lon établit les pompes. On voit de ces fontaines ou de ces!puits à Dieuze, Château- Salins, Rozières, Marfal, Salonne, Morhange ,, Dombale & Saltzhroun. De toutes ces fources d'eau falée, on fe fert. feu: lement de celles de Dieuzé | de Chiteau-Salins & de Rozières; élles font les principales, & elles: fourniflent. affez ; & même. plus de fel que ne le demande. ka confmuation: des habitans, de la Lorrame, Ce'bâtiment de graduation eft fenblables: à celui de la eur de Durkheim: dans le -Palatinat , fur lequel. M. le, Marquis de Montalembert nous a donñé un: excellent. Mémoiré , ÉANS + Wim Acad, lequel il fe propofe de donner des vues pour perfeétionner 1748,p39% cette machine; elles confiftent à augmenter l'évaporation qui: fe fait far des fagots: il ne s'agit que de faire tomber l'eau fur,ces, fagots plus lentement qu'on ne le fait ordinairement ,& fa ni. ot a ciliter par-là une évaporation plus prompte des gouttes dontles fagots font: chargés; évaporation qui ne .fe- fait: Ipas’ auffi: faci- F lement lorfque les filets d’eau/qui fe portent. fx, des, fagots, font Plus gros ou plus prompts, \t ce y, Hif. Lg de Normandie, pre SE pin-f.° Rouen, 1631. » >” 104 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE L'eau qui tombe des fagots étant ainfi plus chargée de (ef, eft reçue dans des réfervoirs , d'où elle eft portée dans des vai feaux placés fur le feu, où lon finit l'évaporation. Quoique cette manœuvre ne diffère en quelque forte des marais falans, qu'en ce que lévaporation de l'eau eft procurée par l'air & par le feu, au lieu que dans la première elle eft dûe à l'action du foleil, on dit cependant qu'on a eu par éva- poration, du fel dans cette manœuvre, au lieu que dans la feconde on fe le procure par criftallifation: cela ne. vient que de ce qu'en effet le fel prend dans les marais falans la forme cubique; tout s'y paffe plus tranquillément, le fel fe dépole ainfi plus lentement , les criflaux ont le temps de prendre leur forme cubique. Dans lévaporation fur le feu ou fur des fagots, tout eft prefque continuellement en mouvement; le fel et toujours interrompu dans fa criflallifation , il ne peut par conféquent fe dépofer avec régularité : il n'eft dans cette occafion que dans une efpèce de poufhière ou de farine plus ou moins finé. Les falines dont je me fuis principalement propolé de parler dans ce Mémoire, font de la feconde efpèce, de celles où le fel f fait par évaporation: elles diffèrent des falines de la Lorraine, en ce que l'eau ne s'y prépare pas fur des fagots, ni en aucune manière, avant que d'être portée fur le feu. Certe eau neft, à proprement parler, falée qu'accidentellement ; cefb une eau tout au plus fawmache, que lon a fait pafler fur des monceaux de fable chargés de fel qu'elle diflout. On pourrait appeler lavage cette manière d'avoir le fel, &: alors appeler ce fel, /e/ de lavage, comme on dit que les autres font du fel de criftallifation: ou d'évaporation. Je ne-fuis pas le premier qui ait parlé de’ces falines; Ga- briel Dümoulin, Curé de Maneval, en dit quelque: chofe dans fon Hiftoire générale de Normandie : il s'énonce en ces termes: « À Touques &' autres endroits de x Normandie, près la mer, fe-voient quantité de falines, où fon fait du! fl blanc: l'artifiee eff tél; deux arpens ou: demiacre deierre; dont les Bordages font relevez en forme d'un étabg, font-bien kbourez WE 2 7 te 8€ DES SCIENCES. 105$ & engraiflez: quand la mer monte au flot de Mars, elle « remple ces terres, & y fejournant quelque temps les imprime « de fa faumure, puis retirée & le beau temps revenu, les artifans « levent tout le deflus de la terre, & le tranfportant fur une « butte en font un grand monceau, qui fe feche au foleil: près « de là, eft comme une cifterne ou foflé, dans laquelle ils ont « fait bonne provifion de l’eau de mer, & d'icelle detrempent « leur terre dans un petit puys, & la reçoivent petit-à petit dans « un autre qui fe voit tout proche: quoy fait ils tranfportent « l'eau dans leurs falines, & la faifant bouillir dans des vaifleaux « de plomb, elle fe convertit en fel blanc qui reflemble bien « fort à la neige prefte à fondre. Ils appellent plein ce vaiffeau « de plomb, un bouillon, & de quatre l'un appartient au Roy. « Vingt ou trente villages voifins du PontlEvefque ont droit « de fe fervir de ce fel, qui fe vend à fort bas prix, feulement « pour l'ordinaire de leurs dépenfes, & non pour la falaifon des « beurres & des lards, lefquels autrement feroient confifquez, « & les delinquans punis de groffes amendes. Ce {el eft aufft « tranfporté à Paris & autres lieux de France, où l'on le fert « feulement dans les falières, pour être de foy affés delié, bon « & blanc, & ne falant pas à l'egal de celuy de brouage, » Cette defcription peut fufhire à un Hiftorien qui ne doit parler de ces chofes qu'en paffant, & feulement pour inftruire des avantages qu'on tire du pays dont il fait 'hiftoire; mais une pareille defcription n'eft pas fufhifante pour l'hiftoiré des Auts, qui demande qu'on entre dans les plus grands détails, & qu'on metre le Lecteur en état non feulement de connoître en gros l'art qu'on décrit, mais qu'on puifle , d'après la def- cription, faire un établiffement femblable à celui dont on parle: ce font ces motifs qui m'ont engagé à retoucher cette matière, & à la détailler le plus exactement que j'ai pu. Les falines que" jai à décrire, font établies fur la côte de la,mer de Normandie, qui s'étend le long de l'Avranchin; cet endroit de cette côte , & une partie de la baffe Bretagne, forment par eur-courbure, une anfe.ou baie confidérable, dans laquelle les rochers de Saint-Michel & de Tombelaine’ fe DH LAS S ed) said no À a0 1 C2 be LQ > 106 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE trouvent placés : la plage eft plae, le fable y eft très-fin; on n'y trouve point de cailloux ni de coquilles /aj. S'il y en a, ils, y font fi rares, qu'il eft inutile d'en parler; les coquilles. y {ont brifées en morceaux fi petits, qu'ils forment une partie du, fable, &c ces morcéaux ne fe diftinguent mème bien qu'à 1 la loupe. Parmi ce sable & ces morceaux de coquilles, on diffingue ‘quelques, paillettes talqueufes , dües fans doute aux rochers talqueux ou de granits qui, dans certains endroits, bordent les côtes de Normandie & de baffe Bretagne. Lorlque la mer eft calme, elle entre dans cette baie, par -un- mouvement très-lent, & n'y apporte prefqu'aucun corps “étranger, pas même ou très-peu de ces plantes marines qu'on. appelle fiucus, varec où gouêmon. On ne peut être plus fur- pris que je l'ai été en voyant cette côte fi nette; tout ce que: Jy ai trouvé de cailloux, étoit rangé le long des rochers de: Saint-Michel & de Tombelaine : ces cailloux font des granits. > jaunes ou rouges , qui probablement fe détachent des rochers. de ces deux endroits, qui font compolès de cette fone de pierre. Tout ce que la mer dépofe de plus confidérable, eft une terre glaile bleuâtre, fine & bien lavée, qui y forme par (a) Les coquillages avec les co- | appelle. communément coquilles dè quillès defquels les Pélerins s'ornent à leur ‘retour de Saint-Michel, fe trouvent , il eft vrai, dans cette baïe ; mais ïls fe tiennent à fon entrée, & à plus d’une ou deux lieues de Saint-Michel même. On en ren- contre cependant quelquefois beau- coup plus près, mais peu abondam- ment, & ils font renfermés dans le fable: on reconnoit les endroits où ils fe nichent,, à de petits trous qu'ils favent fe ménager apparemment pour refpirer ou recevoir l'eau. qui leur eft néceflaire; ces coquillages font des efpèces de palourdes ftriées : les Pécheurs de Saint-Michel les vont ramafler & les vendent ; on en :con- férve les coquilles, pour former ces bandouliéres queles Pélerins portent. Quant aux grands petoncles, qu'on Saint - Jacques , & qu'on pourroit nommer aufli-bien, coquilles de Saint- Michel, elles fe pèchent, dans ce- dernier endroit, encore plus loin en mer que les palourdes. Ce qui oc- cafionne la rareté de l’un & de l’autre coquillage n’eft, à ce qu’ilme paroir;. ps que le peu de rochers qu’il y a dans cette baie, & le peu de temps que la mer la couvre, comme.je le dirai dans la. note fuivante. Pour que ces coquillages puiffent vivre, il faut le concours de ces deux chofes, qu'il fe trouve des rochers auxquels ils. aient la facilité de s’attacher, & qu'ils foient baïgnés de l’eau de fa mer au moins deux fois par jour, poux que tous puiflent y trouver En nourri- ‘ture, & qu'ils ne fe deffèchent pas en mourant de faim. DES SG LE IN CE 8. 107 fon dépôt confidérablé des amas appelés es, &'qui font très- . fouvent funeftes aux Voyageurs obligés "de les träverfer peu après qu'ils ont été dépolés (4). * La difpofition de cette baie, la tranquillité avec laquelle * (Bb) Onentre fr facilement dans ces lifes ; qu’il faut les pañler en éou- ränt, & fouvent encore y eft-on prelqu'énféveli, ce qui arrive quel- quefois, fi on n’eft‘pas promptement fécouru. On parvient à retirer de ces glaifesiceux qui y font engloutis, eh jetant fur ces plaifès depetits fagots pour y formér un plancher, au/moyen duquel on puiffe marcher fans enfoncer foi-même, du moins confidérablement; alors à force de bras, on retire celui qui y eft pris; & fi la perfonne étoit montée fur un cheval, on travaille, après l'avoir dégagée, à mettre le cheval à l’aife, & on le fait en lui paflant des courroies fous le ventre, pour pou- voir le tirer plus facilement, & l’ai- der dans les efforts qu'ilfait lui- même 5! car dans ces momêëhs, les chevaux ‘fentent tout le danger où ils font; j'ai même vü ceux qui paflent fur, ces glaifes fans y enfon- ! cer, trembler de ce que leurs pieds ne portoient pas fur un terrein ferme & folide. Un des plus fürs moyens pour éviter le danger ;. eft de fran- chir ces glaifes au galop, alors elles né fe délayent point auffr facilement que fi on les pañloit à pas lents; il fuit de-là , qu’il ne faut pas même dans le premier cas prendre la route qu’un autre aprife, lesglaifes ayant commencé à, être, entamées par le «cheval de celui qui a précédé. II penfa en coûter beaucoup à un: de ceux avec qui je voÿageois, pour | n'avoir pas £u-cette.attention: fon cheval, oiqu’affez. vigoureux & foûtenu par un! guide, /ne! fe lretira! qu'avec quelque peine ide ces glaïfes | ainfi pétries par les’ chevaux qui | 9 avoient. marché les premiers; il eft vrai qu'il n’eft pas!trop facile de décider quel endroit il faut choifir. On n’a aucune marque à laquelle on puifle‘reconnoître une glaife ferme; & le guide même qui marché le premier, & qui fonde le terrein , y eft quelquefois trompé. La glaife peut êire bonne pour porter un homme qui :pafle promptement, & ne l'être pas pour un cheval: chargé * für “tout d’un Cavalier. Cependant Si y-ait réellement à crain- re, il n’arrive d'accident que lorf- qu'on n’a pas la précaution de pren- dretun'guide, &:qu'on ne pañle pas ces glaïfes en courantiou en galopant fi l'onelt à cheval; au refte le danger eft plus ou moins grand, felon qu'il y a de temps que ces glaifes font. reftées à fec; fi l’on voyage dans un temps de pleine oùfde nouvelle lune, temps où la {mer remplit le baffin dé la baïe tous les. jours , alors ces ghifes font moins, folides ,' & par conféquent le danger plus grand , au lieu que fi lon pañle cette plage dans le temps des quartiers , la mer ne montant au plus qu'à une où deux ‘lieues de Saïnt- Michel, les glaifes ont le temps de fe deffécher en grande partie, &. de prendre de la'confiftance. Cette viciffitude dans fa hauteur à laquelle la mer monte dans la baïe de Saint-Michel, fait que ce rocher peut être regardé tan- tôt comme une ifle, & appartenant ainfr'à Ja mer , tantôt, comme lune fimple montagne dépendante de la terre ferme; on en peut dire autaht de Tomblaine qui eft à deux lieues du premier endroit, lin à { 108 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE mer y entre, & celle avec laquelle elle en fort, l'abri où la côte de l'A vranchin & celle de la baffle Bretagne, qui forment enfemble les deux tiers ou environ d’un cercle, mettent l’eau de la mer, lorfqu'elle remplit la baie, font de cette eau une efpèce d'étang tranquille, dont le fel doit facilement fe dépoler. Outre cela, la mer né remontant dans cette baie, du moins jufque dans fon fond , que dans les hautes marées, on a, lorf qu'elles font bafles, tout le temps de ramaffer le fable qui eft chargé du dépôt filin, Cette récolte fe fait pendant neuf ou dix mois de l'année, on ne la difcontinue que deux ou trois mois d'hiver, ci à-dire, depuis Noel jufqu'au mois d'Avril ou environ; elle doit fe faire dans un temps fec. Les pluies y font contraires, on en fent aifément la raïfon; elles délayent le fl & len- trainent en s'écoulant vers le baffin de la mer; aufli lorfque Yété ef pluvieux, & qu'on ne peut par conféquent ramafler du‘fable, le fel augmente de prix. Lors donc que “le temps le permet, on fait cette récolte au moyen d'un rateau {planche 1 , fig. 1j traîné par un cheval. Deux hommesfont à cette machine; Fun fert à la diriger, l'autre à conduire le cheval; cette machine eft compol&e d’une partie qu'on peut proprement appeler le ‘rateau À; ce rateaureft fait d'une planche large de deux où trois pouces, fur deux ou trois’ pieds de longueur ; cette planche eft entièrement recouverte. d’une lame de fer épaitle de quelques lignes; elle eft attachée au bout inférieur de deux montans 2 B. va RES à laquelle les limons font attachés; les montans entrent dans deux longues perches horizontales D D, retenues par deux autres mor- caux de bois ZE, polés obliquement, & qui entrent d’un bout dans ce rateau, & dé l'autre dans les perches ; ces perches fervent antérieurement de limons, on y attache le cheval; poflérieurement elles tiennent lieu de ce qu'on appelle £s man- chereaux dans une charrue; c'eft fur ces parties que la perfonne qui dirige la machine s'appuie lorfqu'elle éft en mouvement. En général, cette machine eft femblable au rateau dont on fe fert dans les grands jardins pour ratifier les allées. : DES SCIENCES. 109 * Lorfqu'il eft queftion de ramafler le fible, il ne s'agit que de trainer le rateau, en appuyant un peu deflus pour le faire mordre fur le fable & former ainfi des efpèces de fillons d’une certaine longueur, au bout defquels il s'élève à chaque tour un petit tas de fable F, qui a été entraîné par le rateau ; on en fait ainfi une certaine quantité en labourant, pour ainfi dire, un efpace plus où moins confidérable du'terrain qu'on a choifi, On enlève enluite ce fable /fg. 2), on le charge dans une petite charrette ou tombereau /fig. 3) ; on le tranfporte près de la maifon où l’on doit le préparer, on l'y mét en une meule ou en un tas que les ouvriers appellent une #oie /fig. 4) ; cette moie eft faite de façon qu'elle repréfente un efcalier en vis, c'eft-à-dire, qu'on l'élève en formant un chemin qui tourne en fpirale, ce chemin a bien quatre pieds de largeur; on peut par fon moyen aifément tranfporter le fable jufqu'en haut lorf- qu'elle eft élevée, & qu'elle a la hauteur qu'on veut lui donner, la petite charrette dont on fe fert à cet effet peut y pañfer à l'aile. La moie eft à fa bafe d'environ dix à douze pieds de diamètre fur une hauteur femblable, mais elle va toujours en diminuant jufqu'à fa pointe, qui eft tronquée, & qui peut être de quatre à cinq pieds de largeur; lorfque cette moie eft finie, on l'entoure & on la couvre de petits fagots de bois ou de bourrées /fs. 5), afin de la garantir des pluies® on lenduit en deflus, encore pour la même raïfon, d'une terre argileufe où glaïfeufe qu'on a délayée à cet effet. La moie ainfi prépa- rée & mife à l'abri des pluies, refte dans cet état jufqu'à ce qu'on ait réfolu de travailler à en tirer le fel ; on ne la découvre alors que peu à peu, & à proportion qu'on er enlève du fable: la première préparation qu'on donne à ce*fable eft de le laver; pour y parvenir, on fait d'abord fe lavoir appelé la foffe par les ouvriers {planche 11) ; ce lavoir ou cette foffe, eft compolé de la façon fuivante. Sa bafe À, que les ouvriers nomment le lit de la foffe , eft un maffif de terre commune, ou de celle qui pro- vient des lavages du fable de la mer qui eft glaifeux, comme je l'ai dit plus haut; le lit de {a foffe peut avoir neuf: pieds de hauteur, il eft carré où à peu près; lorfqu'il eft élevé, on ii 1 110 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE l'enduit fupérieurement de glaife ou argile qu'on bat exactement , & qu ‘on enduit de même, enfüite on fait une caille BB, que les Sauniers appellent proprement la fofle : cette foffe ou caifle eft compofée de quatre planches de quatorze pouces de haut fur neuf pieds de long & liées enfemble à mortaifes; le fond de cette caiflé eft formé de pièces de bois ou petites fra lives équarries CC, elles portent par leurs extrémités fur des pierres DD), qui les élèvent de quelques pouces au-deflus du fond du lit: on appelle Roers ces pièces de bois; deflus ces rouets, on met de la paille que les Sauniers nomment Glux E E ; ils la recouvrent de planches auxquelles ils ont donné le nom de Guimpes FF; les planches & les folives font approchées les unes des autres, de façon qu elles laiffent quel que jour entre elles capable de ‘donner un libre paflage à à l'eau qui lave le fable, La foffe étant finie, on la remplit de cinquante à foixante boifleaux de fable G; dans un de fes angles on place fur le fable un petit fagot de menues branches de bois, on l'appelle Gucpillon H; comme on verfe l'eau deffus, elle ne creufe pas le fable , il en rompt faction , la quantité d'eau que l'on y verfe fe monte à trente ou trente-cinq fceaux ; cette eau eft or- dinairement faumache, elle eft préférée à toute autre, comme contenant défà des parties falines, les ouvriers fe fa procurent en faifant un grand trou en terre près de leur cabane; peu à peu ce trou fe remplit par l'infiltration de l'eau de la mer à travers les terres, & fournit l’eau néceflaire à cette opération; fi l'eau FR manquoit , l'eau douce feroit auffi bonne, & dans un fens peut-être meilleure, puifqu'elle doit difloudre "plus de fe, faute de cette eau on É fert de l'autre; quelle que foit l'eau sl elle eft deux heures à pañler à à travers As maffif du fable. Pour lui faciliter un écoulement, on pratique à Fun des côtés de la fofle une ouverture Z, qui eft entre le plancher & les rouets, elle peut avoir un demi-pied de largeur & de hauteur, diflance qui eft entre le plancher & les rouets: à cette ouver- ture Z, font placées deux gouttières, dont lune X n'a guère qu'un pied de long, elle aboutit à un tonneau L placé fur {on PLUB IE US EC TE NC ES TRE fond, dans un trou fait un peu plus bas que la fofé, il fert à recevoir l'eau qui a traverfé le fible,& qui n’enfile pas l'autre gouttière. RPM ANR TE | Celle-ci 47 eft beaucoup plus longue, puifqu'elle s'étend “juque dans là maifon où lon fat évaporer l'eau; elle peut avoir plus où moins de longueur, felon. que la-maifon eft plus ou moins éloignée de la foffe; celle que j'ai vue pouvoit avoir plus de quarante à cinquante pieds. de: longueur ,. elle étoit contournée ; je ne crois pas qu'elle le füt à deffein, je penfe plutôt que cette direction n’étoit telle, que parce que la po- fition de I: maifon le demandoit : au refte, cette gouttière étoit compote de plufieurs morceaux de différentes I6ngueurs, elle avoit un. pouce où deux de profondeur, fur autant Ou environ de largeur. | L'eau qu'elle conduit dans a maïfon, tombe dans des cuves carrées NN | de deux où trois pieds; cétte'eau eft alors éprotr- _vée, ceftà-dire, qu'on examine fi elle eft affez chaigée de fl ; cette épreuve { fait en en rempliflant un pétit vaifièau appelé Æprouverre (fg. 2) ; la forme de ce vaïfeau eft un curé long d'environ un pied. de longuéur fur deux pouces de Rrgeur & un de hauteur, il elt traverfé dans f longueur par deux fils faits pour relenir deux pétités boules de’ aire qui renferment. dans leur milieu on petit morceau. de plémb, il fut que ces boules fürnagent eau, pour que cette eau fit épytée bonne ou affez foulée de fl. Lorfqu'elle éft reconnue pour être trop L Dêre, OTk ceffe de vérfer de l'eau fur la fofle, On vide cette foie du fable qu'elle contient , & on de jette à Ôté; on remet enfuite dans la foffe de nouveau fable. Si l'eau a AO AMIE UM LUCIEN MIRE HO Us à rt à Éd. requifes, on en remplit un feau de bois (fig. 3), émmanché d'une perche de même matière, on là verfe dans les Vaïfleaux de plomb employés pour la fare évaporkr. .… Les ouvriers ont donné le nom de Pombs (pl. 111, fie. F4 à ces vaifleaux À 4 4; œ font des carrés longs qui ont de pe deux pouces de longueur fur vingt-deux pouces de largeur. & environ un pouce ou deux de profondeur : ‘ce’ne font à pro- prement parler, que des plaquès dont les rébords font un péu. 112 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE relevés; cette forme eft avantageufe à lévaporation, elle en procure une qui eft prompte & qui ne brûle pas le fel, ou qui du moins en brûle peu; cette forme eft de plus celle que les Ouvriers font aftraints de donner à ces vaiffeaux par les ordonnances & les règlemens faits pour les falines. Par cette précaution, on fait la quantité que chaque Saunier peut faire de fel par jour, & conféquemment pendant tout le temps de l'année qu'il s'occupe à ce travail ; ainfi il eftaifé de lui faire payer exactement les droits, d'autant plus qu'il eft encore fur-tout obligé de n'avoir que trois de ces plombs en opération. On les place, ces plombs, fur le même fourneau qui eft divifé en trois parties ou trois fourneaux particuliers 2 2 B. Ces fourneaux font des plus fimples; leur forme eft celle des plombs, ils font de la même longueur & de la même largeur; ils n’en diffèrent que par la profondeur, qui n'eft au refte que d'environ un demi-pied : leur porte CCC eft une échancrure circulaire faite au côté antérieur, c'eft par elle qu'on introduit le bois deflous les plombs : ces fourneaux n'ont point de che- minée, la fumée pafie par le peu de jour qui fe trouve entre les bords des fourneaux & ceux des plombs; la fumée fe ré- pand dans la chambre & fort par un trou qui eft pratiqué au toit. Le feu au refte eft affez clair, on n’emploie que du bois de bourrée; on le fait même fécher au deffus du fourneau, en arrangeant ces bourrées , avant qu'on les emploie, fur des pièces de bois mifes à cet effet, & éloignées au plus d’un pied ou deux des plombs. La matière dont les fourneaux font confits, eft une terre argileufe ou glaifeufe délayée avec de l'eau falée, afin de la durcir; c’eft du moins l’idée des Sauniers. - + Toutes les fois qu'on fait évaporer une quantité d’eau, on en remplit, comme je l'ai dit, trois plombs; on appelle cette opération faire un bouillon, chaque bouillon dure deux heures, on la répète neuf fois par jour. La quantité de fel qu'on retire ausmoyen de ces évaporations répétées, fe monte à cent livres par jour ou à deux raches : une rache eft un vaifleau ou boif- feau cylindrique, qui contient cinquante livres de fel ; le Roi en a la moitié pour fes droits, le Saunier les paie en mn ut D'E St S'CM E NC'E's 13 fur la vente qu'il fait; ils font perçus par des Commis pré- pofés pour les prélever : ces Commis connoiffent la vente par les billets de vente & par le foin qu'ils ont d'aller-plfieurs fois par jour chez les Sauniers, lorfqu'ils travaillent, pour s'af furer de la quantité de fel qu'ils font. À chaque bouillon on brûle une bourrée ordinaire, on fait d'abord un feu affez violent, on le continue ainf jufqu'à ce qu'on écume l'eau: on connoît qu'on doit l'écumer, Jorfqu'il paroït une petite fleur de fel fur cette eau; on y parvient au moyen d'un inftrument que les Ouvriers appellent aufli rache (fig: 2) : cette rache eft un inftrument fait d’une planche de bois; cette planche eft arrondie par un de fes côtés en portion de cercle, de l'autre elle eft échancrée en deux fegmens, dont une des extrémités fe réunit en faifant angle au milieu, du côté qui eft ainfi échancré. Vis-à-vis de cet angle, & dans le milieu ou à peu près de la planche, eft un bâton de bois pofé obli- quement & qui fert de manche. Lorfqu'on a écumé, on ralentit le feu, on ne brûle plus de menu bois, mais les morceaux les plus gros des bourrées; le feu en devient un peu plus lent & moins clair, on met de ces morceaux proportionnellement moins que de menu bois. Le defléchement étant fait, on retire le fel: en le retirant, on {€ remue avec une pelle à manche oblique /fg. > ), afin de le deflécher encore plus; puis on le jette dans un panier conique à claires-voies /fig. 4), fait en entonnoir & bouché par le bas par un morceau de bois qui en eft comme le manche. Le fel s’égoute à travers les jours de cet inftrument, qu'on place entre les bords des cuves où l'eau falée f rend, & un bâton planté en terre: on laiffe ainfi égouter le fel tout le temps d'un autre bouillon , puis on le jette fur le tas qui eft dans un coin de la chambre ou de l'endroit où fe fait l'éva- poration. Pour retirer Je {el des plombs, il faut ufer de promptitude, fans quoi les plombs fe fondroïent; & malgré toute celle qu'on peut apporter, cet accident arrive aflez fouvent : c'eft pourquoi dès que le fel eft êté, une perfonne y verfe auffi-tôt Mén, 1758, .P “ 114 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de l’eau falée & les remplit. Une autre caufe de la fonte des plombs, eft un gratin qui fe forme au fond; ce gratin eft ur fel brûlé, qui eft quelquefois épais d'un pouce ; il forme une couche ou corps folide, qui s’échauffant entretient une chaleur confidérable, met le plomb entre deux corps d'une chaleur capable chacune de le faire fondre, & lempèche de fentir aflez promptement l'action de l'eau qu'on y verfe. Ce gratin fe forme, à ce qu’il me paroît, lorfqu’on n’écume pas exatement , & fur-tout lorfqu'on ne remue pas bien le fel dans le moment qu'il approche du defléchement. On jette le gratin, de même que les débris des fourneaux, fur le fable qui doit être lavé, & on les lave enfemble : indé- pendamment de ce que ces débris font faits de glaife délayée avec de l'eau falée, ils font impregnés du fel dont l’écume eft chargée; car lorfqu’on enlève cette écume de deffus la liqueur qui eft dans les plombs, on la verfe fur les bords des four- neaux. On ef attentif à ne rien perdre de tout ce qui peut être falé; on ramaffe inême les balayures, le {el qui a été fali, en un mot tout ce qui a quelque falure, & on porte tout fur le fable qui eft dans la foffe pour être lavé, Le fel fe vend trois livres dix fols les cinquante livres, ce prix eft le plus ordinaire, il hauffe où baifle fuivant que la récolte du fable a été plus ou moins confidérable ; abondance ou difette qui dépendent , comme je l'ai dit plus haut, de la variation du temps, c'eft-à-dire, du temps fec ou du temps pluvieux. Il feroit inutile, & même ridicule, de dire quel eft l’ufage ordinaire du fel, mais il ne le paroîua peut-être pas de rapporter ici que le fable de la mer dont on le tire eft employé dans FAvranchin à fumer les terres; on le tranfporte avec des . chevaux de fomme, des hommes viennent le chercher d’affez loin pour le revendre aux Laboureurs, ceux-ci le répandent fur les terres, & s'en fervent comme de fumier, Ils imitent en cela les payfans des environs de Courtomer, du Mefleraut, de Laigle, du Mefle-fur-Sarte, & de plulieurs ”- DES SCIENCES. 1r$ autres endroits de la Normandie qui jettent fur leurs champs les fables & les terres qu'ils ramaffent dans les foffés qu'ils font fur le bord des chemins , ou dans des trous qu'ils creuent au bout de leurs terres, les fofés font coupés tranfverfilement de petites digues qui forment des efpèces de cafcades ; dans les pluies, ces foffés fe: rempliffent des terres ou des fables entraînés par les eaux. Lorfqu'ils font pleins ou que fon a befoin de ces terres, on les vide, & on répand les terres fur fes champs qu'on veut enfemencer; on en fait autant de celles qui fe font accumulées dans les trous ou petites marées faites au bout des champs: il paroît cependant que ce ne font que les Laboureurs qui ne font pas riches en fumier, qui ont recours à cette opération. ‘ Mais revenons à nos falines : en comparant la defcription que j'en ai faite avec ce que Dumoulin a dit de celles des environs de Touques, il eft facile de s’'apercevoir que ces falines font femblables. Dumoulin, néanmoins, dit « que deux arpens ou demi-acre de terre, dont les bordages font relevez en forme d’un étang, font bien labourez & engraïflez: quand la mer monte au flot de Mars, elle remplit ces terres. » Je n'ai point vu que l’on fit de ces étangs fur les côtes de lAvranchin ; on ramafle indifféremment le fable de toute la côte. Je ne fais fi lon pratique à Touques ce qui ‘y faifoit du temps de Dumoulin, fi cette pratique y fubfifte, il faut appa- remment qu'elle y foit néceffaire, & qu'elle prenne fon origine dans la difpofition du terrain; la côte y eft peut-être moins plate; la mer y vient & s’en retire peut-être moins fentement, il faut par conféquent obliger l'eau à y féjourner, ‘pour y dépofer le fl dont elle eft chargé. Touques n'eft pas ce- pendant éloigné de la baïe où la Seine va fe perdre dans Ka mer, il femble même que cette baie a quelque chofe, pour Ja difpofition, de femblable à celle de Saint-Michel, mais Îles moindres différences dans le terrain peuvent obliger à des manœuvres très-différentes dans la manutention. | Elles ont probablement donné naïflance aux variétés dans P ij 116 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la façon d'extraire le fel fur les bords de la mer; les marais falans n'ont été fans doute imaginés que lorfque l'on set aperçu que la trop grande agitation de la mer, où que fon retour trop précipité ne lui permettoient pas de dépofer fon fel. La côte de l'Aunis, par exemple, eft trop étendue & trop droite pour que la mer puifle s'y ralentir & y féjourner, il a donc fallu l'obliger de porter fes eaux dans des lieux bas, où on put les retenir & leur procurer cette tranquillité né- ceflaire pour que le dépôt du fel puifle fe faire. Les côtes qui font couvertes de cailloux ne permettroient pas encore à la mer de dépofer fon fel, les cailloux len- tretiennent dans une agitation continuelle qui empêche ce dépôt. Il ne feroit pas trop poffible de procurer un pareil dépôt fur la côte qui eft entre Dieppe & le Havre ; cette côte eft couverte d’une maffe énorme de gros galets ou cailloux qui occafionnent à la mer des remouts confidéables & continuels, on ne pour- roit dans cet endroit fe procurer des falines qu'en faifant tout uniment évaporer l’eau de la mer fur le feu : cette façon. feroit coûteufe, vu le peu de fel que l'eau de la mer contient natu- rellement en comparaifon de celui qu'elle eft capable de difloudre. C'eft cependant à cette opération que font obligés d'avoir recours les pays qui ne peuvent fe procurer des marais falans, qui n'ont pas une mer paifible, qui ne pofsèdent ni fontaines ni puits falés, ou qui ne renferment pas de ces mines de {el fi étonnantes pour l'étendue & pour les rochers immenfes de ce foffile. Cette dernière richeffe eft la feule en ce genre dont la France ne jouifle pas; l'on n'y a point du moins encore dé- couvert de femblables mines: inférieure en cela à la Po- logne & à l'Allemagne, elle eft obligée comme bien d’autres royaumes, d'avoir recours aux induftries dont j'ai parlé dans le cours de ce Mémoire, qui fufhfent au refte pour la fournir de tout le fel dont elle a befoin. DES SCIENCES. 117 EXPLICATION DES FIGURES P''uA NN] € 6 Gil F IGURE 1. Ratau. 4, planche qui eft proprement le rateau, elle eft entièrement recouverte d’une lame de fer épaifle. BB, montans aux bouts inférieurs defquels cette planche eft 'arrachec. €, raverfe 3 laquelle font attachés les limons. D D, limons ou perches horizontales où l'on attelle le cheval. ÆÆ, morceaux de bois pofés obliquement, qui fervent à retenir les limons & les em pêcher de tomber en devant, de même que la traverfe les empêche de s’écarter lun de l’autre. F, monceau de fable formé par le rateau. Figure 2. Pelle avec laquelle on charge le tombereau: Figure 3, Charretie ou tombereau qui fert à tranfporter Je. fable. Figure 4. Meule ou Aoie de fable faite en vis d’efcalier. AA, pas de la vis ou chemin de quatre pieds de krgeur, par lequel on fait monter le tombereau -jufqu'au haut de là Æoie.. Figure ÿ. Moie recouverte de petits fagots ou de bôurrées, pour mettre le fable à l'abri des pluies qui laveroient ce fable, & en diffoudroient le fel. PLANCHE TE Figure 1, Lavoir ou foffe. A, bäfe du lavoir, appelée par Îes ouvriers le lit de la fiffé BB, caiffe* ôu proprement la foffe. CC, pièces de bois ou petites folives Qui forment le fond de Ia fofie. D D, pièces de bois ou rouéts fur leftuels les folives portent par leurs extrémités. E£, pailles ou -gleux qui recouvrent les rouets. F°F, planches ou guimpes placées fur les gleux. G, fable à laver. A, petit fagot de menu bois, on Pappelle Guepillon ; ik empêche que l'eau qu'on verfe pour ver le fable, ne creufe le mallif de ce fable. Z, ouverture par laquelle l’eau qui a lavé le fable s'écoule. Æ, petite goutière qui reçoit l’eau qui peut s'écouler de Ia grande goutière. Z, tonneau qui reçoit l’eau de la petite gouttière. M, grande gouttière qui conduit l’eau dans la maifon où l’on fait évaporer cette eau, elle eft reçue dans deux cuves carrées M N. Figure 2, Éprouvette ou inftrument qui fert à éprouver fi l’eau cft affez chargée de fel. Figure 3. Seau de bois qui fert à tranfporter l'eau dans les vaiffeaux de plomb où l'on évapore l'eau, P ïï 18 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaLr PLrLaAnNCumE IIl Figure r. A AA, vaifleaux de plomb auxquels les ouvriers ont donné le nom de Plombs ; ils ont deux pieds deux pouces de longueur , fur vingt-deux pouces de largeur, & environ un ponce ou deux de profondeur. B BB, fourneau divifé en trois fourneaux puticuliers fur lefquels on place les plombs; ces fourneaux font de la longueur & de la largeur des plombs, leur hauteur eft d’en- viron un demi-pied. CCC, portes de ces fourneaux par lefquelles on met le bois. Figure 2. Rache qui fert à écumer le fel. Figure 3. Pelle à manche oblique avec laquelle on ête le {el des plombs. à Figure 4. Panier conique à claires-voies , on le place ordinai- rement entre les deux cuves qui reçoivent l’eau du lavoir; il eft en place dans la figure première de la feconde planche , il eft dans celle-ci hors de place pour en faire diftinguer la figure & le bâton avec lequel on le foutient en devant. DES SCIENCES r19 rm me | MÉMOIRE SUR UN NOUVEAU MÉTAL Connu fous le nom d'Or blanc ou de Platine. Par M. MACQUER. * I: n'y a pas plus de dix-fept ou dix-huit ans qu'on a commencé à avoir quelques notions, mais encore fort impafaites & fort peu répandues, de la fubflance métallique qui eft le fujet de ce Mémoire. Ce métal duquel on peut ef- pérer les plus grands avantages , eft refté enféveli dans les mines de l'Amérique, & ignoré de toute h terre vrai-f&m- blablement depuis le commencement du monde jufqu'à ces derniers temps. On ne peut néanmoins douter qu'il n'ait été connu des habitans du pays, & {ur-tout de ceux qui travaillent aux mines d'or dont on le retire, plüfieurs années avant que de l'être en Europe; mais probablement la première époque de fa découverte ne remonte pas beaucoup au-delà, & quoi: qu'elle foit encore fi récente, il paroït qu'on n'en connoît guère mieux les circonftances que de ce/les des anciens métaux dont les hommes fe fervent, pour ainfr dire, de temps immémorial, La difficulté prefqu'infurmontable qu'il y à à fondre la platine, & par conféquent à en tirer le même fervice que des autres métaux, eft peut-être la véritable raifon pour laquelle on à fait fi peu d'attention à fa découverte, Dès l'année 1741, M. Charles Wood, Métallurgifte an- glois, avoit déjà fait quelques expériences fur ce nouveau métal; les travaux de ce Chimifte ont été communiqués à la Société royale de Londres par M. Watfon en 1750, & fe trouvent dans les Tranfaétions philofophiques de la même année, Dépuis ce temps, M." Scheffer & Lewis ont donné chacun plufiewrs *. Ce Mémoïe a été compolé par M.-Macquer , conçurremment avec M: Baumk. | ; 120 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Mémoires fur cette même matière, le premier en 17 5x, dans les Mémoires de l’Académie de Suède, & le fecond dans les Tranfaétions philofophiques en 1754. Tous ces diftérens ouvrages ont été traduits & réunis depuis peu dans un Recueil intitulé, l'Or blanc, la Platine ou le huitième Métal, ouvrage -qui nous paroît fait avec beaucoup d'intelligence & d'exacti- tude, & dans lequel on trouve toutes les expériences qui ont été faites jufqu'à préfent fur cette matière: il faut en excepter feulement un Mémoire que M. Marggraaf na lu à l Académie de Berlin que depuis l'impreflion de ce Recueil, & que nous n'avons pu nous-mêmes nous procurer, parce qu'il n'eft point encore publié. : De tous les travaux qui ont été faits jufqu'à préfent fur Ja platine, c’eft fans contredit celui de M. Lewis qui eft le plus fuivi & le. plus- complet ; cet habile Phyficien a foumis le nouveau métal à toutes les épreuves que peut fuggérer la faine Chimie, &.a épuifé en quelque forte les reflources de l'art pour nous en faire connoître la nature: on ne peut guère efpérer d'enchérir fur fes expériences , que par dés opérations eontinuées pendant plufieurs années, ou réitérées un très-grand nombre de fois. C'eft donc une efpèce de témérité que de publier dès-à-préfent un travail fait dans un très-court efpace de temps, & dans lequel on n'a pu que répéter une partie des expériences de M. Lewis; mais M. Baumé, connu de l'Académie par plufieurs Mémoires & par fa Differtation fur l'Ether, ayant reçu vers la fin de fété dernier, environ une livre de platine dont M. Ortega , Secrétaire de l Académie de Médecine de Madrid, lui faloit préfent} nous n'avons pu réfifier à. l'envie d'examiner par nous-mêmes les propriétés intéreffantes de ce corps fmgulier, & nous avons entrepris de travailler en commun fur ce que nous avions de platine : c'eft donc le réfultat des expériences & des réflexions que nous’avons faites enfemble fur cet objet, dont je vais rendre compte. | ë La platine fur laquelle nous avons travaillé, nous a paru en tout femblable à cellé dont les Chimiftes qui l'ont examinée } avant DEL Su NS Co E. NéC ES Ga l 121 avant nous, & en paticulier M. Lewis ont donné la def cription; elle eft en petits grains affez, lifies , la plupart en Py- ramides triangulaires aplaties, & dont les angles {ont arrondis & émouflés, leur couleur reffemble à celle de la groffe limaille dé fer non rouillée, cependant elle, devient beaucoup plus blanche. & plus argentine lorfqu'ils, orit. été décapés par un acide ou chauffés jufqu'au-blanc, c'eft apparemment cette couleur qui lui a fait donner le nom de Plarin«r, qui en Éfpagnol fignifie perit argent. . Quelques Phyficiens donnent auffi à ce métal le nom. d’or blanc, nom qui lui convient en.eflet atlez bien, l'or étant de tous les métaux celui avec lequel la platine a plus de reflemblance; car à l'exception de H couleur, du degré de dureté, de la fufibilité, & de quelques propriétés relatives à fa diflolution, la platine a toutes les autres qualités de l'or, la même indeftruétibilité, la même fixité, à peu près la même pelanteur, & réfifte comme lui à l’action du foufre, du plomb, de fantimoine, du cément royal & de tous les acides purs, ne fe laiflant difloudre comme Tor que par l'eau régale & par le foie de foufre, La platine que nous avons examinée, étoit comme celle de M. Lewis, mélée de quelques parties hétérogènes, nous en avons féparé un aflez gros grain d'or très-duclile ; mais la fubftance qui lui eft mélée en plus grande quantité, eft un petit . fable noir fort brillant, dont les grains font anguleux, & qui eftauffi attirable par laimant, que le meilleur fer. La fuite de nos expériences nous à convaincu que ce fable magnétique eft,en tout femblable à celui de la Virginie, & à celui de Saint-Quai en Bretagne, dont M. Abeille, Correfpondant de l'Académie, a donné {a defcription, & dont on ne peut point retirer, de fer: ; | Nous avons choifi un des plus gros grains de notre platine dans fon état naturel pour, en examiner la ductilité; & l'ayant frappé à coups médiocres fur un tas d'acier, nous avons trouvé quil fe laïfloit aplatir en, une lamine afléz mince qui s'eft cependant fendue en continuant à frapper. Dhs) :. Comme il n'eft pas, poflible de bien examiner les propriétés Mém. 1758, ; 122 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE effentielles d’un métal, c’éft-à-dire, celles par lefquelles on doit juger des fervices qu'on en peut attendre, telles que font fur- tout la ductilité & la dureté, fans le fondre feul pour en avoir un Jingot d’une certaine grofleur, nous avons cru qu'il étoit effentiel de nous affurer d'abord s'il y a’lieu d’efpérer de fondre celui dont il s’agit ici ; c'eft auffi par ces fortes d'expériences que les Chimiftes qui l'ont examiné avant nous ont commencé leur travail. M. Wood avoit expofé de la platine feule & avec addition de borax, pendant deux heures, dans un fourneau à vent qui fondoit la gueule de fer en cinq minutes, fans avoir pu parvenir à la fondre. M. Lewis l'avoit traitée à des feux de forge fi violens, qu'ils fondoient les creufets immédiatement dans les charbons de bois & de terre, & avec différens fondants très- actifs, fans avoir eu plus de fuccès ; ces tentatives toujours in- fruétueufes, étoient bien capables de nous faire perdre l'efpé- rance de mieux réuflir; cependant comme il pouvoit fe faire que notre platine fût à quelques égards différente de celle qui avoit fervi aux expériences de ces Chymiftes, ou que nous puflions produire un degré de feu encore fupérieur, nous avons tenté les expériences fuivantes. Après avoir eflayé inutilement de la fondre dans des four- neaux à vent & à la forge, nous avons voulu voir ce qu'elle deviendroit à un feu auffi violent & foutenu pendant beaucoup plus long-temps, nous avons donc mis une once de platine dans un creufet d'Allemagne dans un fourneau chauffé par un feu de bois très-vif & continué de fuite pendant cinquante heures: la chaleur de ce fourneau eft capable, lorfqu'elle eft foutenue pendant ce temps, de fondre parfaitement les mé- langes que M. Pott dit dans fa Lithogeognofie lui avoir donné les verres les plus durs & les moins fufibles. Ayant examiné notre platine après cette épreuve, nous avons trouvé qu'elle n'étoit point fondue, les grains s’en étoient feulement agglu- tinés les uns aux autres de façon qu'elle ne formoit qu'une feule mafle qui avoit exaétement la forme du creufet, & qui n'y étoit nullement adhérente parce qu'elle avoit pris de la dis DES SCIENCE Ss. 12% retraite, toute la furface de cette efpèce de culot étoit ternie & noircie, & avoit une couleur ardoifée avec diminution de brillant métallique, l'intérieur du creufet qui avoit touché à la platine étoit coloré comme fi on y, avoit calciné de la, limaille de fer; cette expérience quoiqu'infructueufe pour la fufion de la platine, nous a cependant fait apercevoir un phénomène intéreflant, & dont aucun Chimifle n'a encore parlé, c'eft qu'ayant repelé cette platine dont nous n'avions mis qu'une once très-jufte, nous l'avons trouvé augmentée de quatorze grains, & nous ne pouvons foupçonner ni les charbons ni {à cendre, qui {e féroient introduits dans le creufet, d'être la caufe de cette augmentation de poids, car il étoit dans un endroit du fourneau où ces matières ne peuvent pénétrer, & d'ailleurs il étoit exactement couvert, quoique fon couvercle n'y fût point luté. Ce phénomène nous a engagé à foumettre cette once de platine, augmentée de quatorze grains, à une nouvelle épreuve femblable à la première; & dans cette feconde expérience, Yaugmentation n'a été que de deux grains, en forte que la platine pefoit après cela une once feize grains. Ï y a lieu de croire qu'à une troifième calcination l'augmentation auroit été nulle, ou du moins infenfible; cette augmentation de poids eft un phénomène très-étonnant, mais connu en Chimie, puifqu'on l'obferve dans la calcination de {a plupart des métaux imparfaits ; comme elle n'arrive point aux métaux parfaits, c'eft-à-dire, à l'or & à l'argent, & que la platine paroït d'ail- leurs.un métal auffi parfait, il y. a lieu de croire qu'elle efk dûe dans notre expérience à la calcination de quelque fubftance : hétérogène mélée à la platine, l'enduit ferrugineux qu'elle a laiffé dans le creufet, & l'obfcurciffement de la furface femblent confirmer cette conjecture, d'ailleurs nous avons obfervé que dans cette feconde calcination il y avoit quelques grains de: matière friable qui paroifloit comme du mâchefer, & que le fable magnétique que nous en avons féparé par le barreau ai- manté, nétoit plus noir & brillant comme ïl a coutume d'être, mais du”même. gris. ardoifé que la platine. Q i :124 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ‘ROYALE Le feu de la verrerie de Sèvre, auquel nous avons expolé notre métal pendant cinq jours & cinq nuits dans un creufet fait avec la terre qui fert aux pots de la verrerie, ne lui a pas occafionné d'autres changemens que ceux dont nous venons de faire mention. , Quoiqu'en général le feu des fours de verrerie & autres qui fervent à des travaux en grand qui exigent une violente chaleur, foit plus fort que celui qu'on peut faire dans de petits fourneaux qui fervent aux opérations ordinaires de Chimie, & que par conféquent il ne nous reflit prefque plus d’efpérance de parvenir à fondre la platine, nous n'avons pas voulu cefler nos tentatives fans avoir fait les derniers efforts, & nous avons encore eu recours à da forge de notre laboratoire ; mais pour y produire une chaleur bien fupérieure à ce qu'elle a coutume: d'être, nous avons difpolé le foufflet de manière que fon vent venoit par deux tuyaux oppofés l'un’ à l'autre, & nous y avons’ ajufté de plus deux autres gros foufflets à double vent, dont les tuyères croifoient les deux premières, de manière que le vent pouvoit foufiler de quatre côtés différens ; difpofition que nous avons obfervé produire une chaleur infiniment plus forte que fi la même quantité de vent ne venoit que d'un même côté, Nous avons mis quatre onces de platine dans un creufet rond de Hefle au milieu de la chauffe de cette forge, & nous avons excité, par le moyen de nos foufflets, un degré de feu fr vio- lent, qu'en moins de cinq quarts d'heure l'intérieur du fourneau tout fondu couloit de tous côtés vers le bas, & formoit, dans la partie inférieure , des matlès de verre qui bouchèrent enfm lorifice des tuyaux des foufflets, ce qui nous força de difcon- tinuer expérience. Le creufèt retiré quelque temps après & qui étoit tout vitrifié, étoit encore d’un blanc fr éblouiffant, que les yeux n'en pouvoient foutenir l'éclat; mais malgré ce feu extrême qu'avoit éprouvé la plaine , elle n'étoit pas plus fondue que dans les expériences précédentes ; nous avons feulement trouvé quelques grains dans les’ vitrifications qui entouroiént le creulet, qui éoient d'un blanc d'argent, parfaitement ronds & qui paroifioient avoir eu une très-bonne fufion; mais lorlqu'on ij 2.1 Y 61 E1 Sn SG 1e) À LE ENG CE 56 125 les frappoit d’un petit coup de marteau fur le tas d'acier, ils fe réduifoient auffi-tôt en poudre. : Je n'entrerai point ici dans {e détail de beaucoup d'autres expériences du même genre ; que nous avons faites pour par- venir à fondre la platine, en nous fervant de diverfes fortes de flux , tels que les verres , les frites de criflal, les fels ; parce qu'elles n'ont pas mieux réufir: je me contente de faire ob- ferver que dans toutes les expériences où le feu a été court , mais très - violent depuis le commencement jufqu’à la fin, a platine a toujours pris un très- bel éclat argentin, au lieu que dans les longues calcinations , comme:au feu de verrerie, par exemple, elle s'eft au contraire toujours ternie, ce qui femblein- diquer unealtération ; ou dans la propre fubftance de ce métal, où au moins dans quelques matières hétérogènes qui lui font unies. Après toutes ces tentatives infructueules, il ne nous reftoit plus qu'un feul moyen à effayer, pour. déterminer fi cette fubftance méullique eft un corps effentiellement réfraétaire-& infufble, c'étoit de l’expofer au foyer d’un bon miroir ardent, que tout le monde fait être beaucoup plus fort que tours les feux qu'on puifle produire autrement ; nous nous fomimes déierminés à faire cette expérience d'autant plus volontiers, qu'elle n'a été faite par aucun des Chimiftes qui ont examiné la platine avant nous. Le miroir dont nous'nous fommes férvis eft de glace, de vingt-deux pouces de diamètre, de vingt-huit pouces de foyer , & parfaitement bien étamé. Comime ces miroirs, quoique de même grandeur, produifent des eflets beaucoup plus ou moins forts, fuivant la régularité avec laquelle ils {ont conflruits, nous avons déterminé la force du nôtre par les expériences fuivantes. ane] Nous avons expolé à fon foyer du caillou ou pierre à fufil noire réduite en poudre, & maftiquée dans un gros charbon, ce caillou s’eft fondu en bouillonnant & changé en un verre tranfparent en moins d'une demi-minute. La précaution de pul- vériler ces fortes de cailloux avant de les mettre au foyerdu miroir ardent ef néceffaire, parce qu'autrement ils fautent en éclats, quelque atiention qu'onait à les chauffer par,degrés. Qi 126 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Les creufets de Hefle & ceux de verrerie, fe vitrifient complètement en trois ou quatre fecondes au foyer de ce miroir; le fer forgé fume, {e fond, bouillonne, & fe change en une fcorie virefcente aufli-tôt qu'il paroît au foyer. M. Pott dit dans fa Lithogeognofie, que les pierres gypfeufes {eules &c fans mélange font infufibles, qu'au moins il n'à pu les fondre dans fon fourneau qui fond, dit-il, tout ce qui eft fufible dans Ja Nature, & qu'il ignore fi on les a expofées ou fondues au miroir ardent; nous avons mis au foyer du nôtre un morceau de oypfe de Montmartre qui sy eft promptement calciné, & qui a refufé de prendre la moindre apparence de fufon, tant que nous n'avons préfenté cette pierre que par la furface large des lames ou feuillets dont elle eft compolée, mais qui s'y eft fondue en un inftant avec bruit & fiflement, auffi-tôt que nous en avons préfenté la tranche ou le côté. Les parties fondues ont pris une retraite très-confidérable ; elles n’étoient pas néanmoins changées en un verre tran{parent, mais en une matière opaque & d’un jaune fauve. Les pierres calcaires ne fe fondent point complètement au foyer de ce miroir, mais il s'en détache un cercle plus com- paét que le refte de la pierre, & qui eft de la grandeur du foyer; ce cercle fe détache à caufe de la retraite des parties de ces pierres qui commencent à entrer en fufion. * La chaux blanche d’antimoine, connue fous le nom d'au- timoine diaphorétique, préparée avec le plus grand foin & par- faitement dépouillée de phlogiftique, fe fond à ce miroir mieux que les pierres calcaires, & s'y transforme en une efpèce d'é- mail blanc affez luifant, mais opaque. Il eft bon d’obferver, à l'égard des pierres calcaires & de l'antimoine diaphorétique, que la blancheur de ces fubftances, très- propre à réfléchir une partie des rayons du foleil, les empêche d’éprouver toute l'adivité du foyer du miroir ardent, & leur donne beaucoup de défavantage pour la fufon: il en eft de même des matières métalliques qui fe fondent d'autant moins facilement au miroir ardent, qu'elles font plus blanches, plus polies & plus capables de réfléchir les rayons. C'eft par cette raifon qu'un morceau Di ETS IS 40 LE NICE ES. » 127 d'argent bien poli ne { fond point à ce miroir, tandis qu'un morceau d'acier brut & terne s’y fond très-facilement, quoique dans le feu ordinaire argent foit infiniment plus fufible que l'acier. Voici, maintenant les phénomènes que nous a préfentés la platine expofée au foyer du miroir dont nous venons de rapporter les effets Le lundi 16 O&tobre dernier, à midi, le ciel étant par- faitement frein & Vair très-pur, nous avons expolé au foyer de ce miroir un morceau de platine tel que nous l'avions retiré du four de verrerie, c'eft-à-dire, dont les grains agglu- tinés les uns aux autres formoient une mafle affez grande pour être tenue commodément au bout d’une pince, & dontla furface d'ailleurs ternie & brunie mavoit plus cet éclat métallique ca- pable de réfléchir Les rayons du foleil: ce morceau étoit par conféquent dans l'état Le plus favorable pour notre expérience, Lorfque cette platine a-commencé à éprouver toute l'acti- vité du foyer, elle étoit d'un blanc éblouiffant: il en partoit de temps en temps des étincelles très-ardentes, il en fortoit une fumée très-fenfible & même aflez confidérable: enfin elle eft entrée dans une véritable & bonne fufion , mais ce n’étoit qu'au bout d’une minute & même davantage que cette fufion avoit lieu. Nous avons ainfi fondue en cinq ou fix:endroits, aucune de ces parties fondues n'a cependant coulé à terre, mais elles font reftées attachées au morceau de platine , :vraifembla- blement parce qu'elles étoient figées & durcies auffi-tôt qu'elles n'étoient plus au centre du foyer. Ces parties fondues fe diftinguoient du refte de la maffe par un brillant d'argent & une furface arrondie, duifinte & polie; nous avons frappé la plus groffe de ces mafes fondues fur le tas d'acier, pour en examiner da malléabilité, elle s'eft aplatie facilement &s'eft réduite «en une lame fort mince , fans fe gercer ni fe fendre en aucune manière, en forte qu'elle nous 4 paru infiniment plus malléable que ne le font les grains - de platine dans leur état naturel, & que nous croyons ;qu'elle pourroit s'étendre en feuilles auffi minces que or & l'argénit. Cette platine s'eft écrouie, c'eft-à-dire, durcie & roidie fous 128 MÉMOYRES DE L'ACADÉMIE ROYALE les coups de marteau, comme cela arrive:à l'or, à l'argent & aux autres métaux, nous 1VONS détruit Éciénen cet écrouif- fement par la méthode qu'on émploie ordinairement pour l'or & fargent, c'eft-à-dire, en la faifant chauffer jufqu'au blanc & la laïffant refroidir. È La diflolution de platine dans l'eau régale, Je feul de tous les diflolvans acides qui ait action fur ce métal, au moins dorfqu'il eft dans fon état naturel , ainfi que fés précipités, nous ont préfenté un:grand nombre de phénomènes curieux -&c intéreffans, mais dont nous ne pouvons rapporter ici qu'une partie, pour ne point trop alonger ce Mémoire. On peut dire en général qu'il faut une très-grande quantité d’eau régale pour la diflolution complète de la platine. Après en, avoir eflayé plufieurs, compolées de différentes does d'a- cide marin & d'acide nitreux, nous avons trouvé que l'eau régale qui étoit compofée de parties égales de ces deux acides, étoit une de celles qui faifoit le mieux , & il nous a fallu près d'une livre de-ce mienftrue pour difloudre une once de platine, ce diflolvant n'agit point, ou du moins n'agit que très-foi- blement & très-lentement à froid, mais la diffolution fe fait parfaitement bien fur le bain de fable; on peut même porter la chaleur jufqu'à faire bouillir la liqueur, fans craindre que la diflolution fe fafle avec trop de violence & de précipitation, comme cela arrive dans beaucoup de diflolutions de métaux par les acides. Aufli-tôt que l'eau révale commence à agir fur la platine, ce diflolvant prend une belle couleur de diflolution d'or 3 mais cette couleur acquiert en très-peu de temps, & à mefure que la diflolution avance, une telle intenfité qu'elle en devient d'un ronge foncé & brun. | HSE Jorlque Jeau régale elt chargée de; platine a un certain: poiñt «on continue à la faire bouillir, il fe forme un fédiment fauve qui augmente de plus en plis, & qui neft autre chofe qu'une criftallifation: confufe. de la platine So: 16:| 22 | 13 |27. 4 |variable avec tonnerre & pluie. 30 | S.O. 14 | 154] 12 |27. 4 [pluie & tonnerre. 31 S.O. | 13 | 18 | 14 |27. 6 |beau avec nuages. | DES SCRENCESs. 19H Ce mois peut être regardé comme chaud & fec; le 13 à midi, le thermomètre monta à 29 degrés au-deflus de zéro; depuis le 14 jufqu'à la fm+du mois, il y a eu de temps en temps quelques orages accompagnés de coups de vent & d'on- dées de pluie, mais la terre étoit fr sèche, que deux heures après il ny paroifloit plus; es bouffées de vent ont mélé & abattu les-avoines, ce qui leur a fait grand tort. Le 20 on a commencé la moiffon des fromens, & à faucher les avoines ; le 21 on a fervi la prune, dite la jaune hâtive. Les verjus étoient très-beaux aux vignes, mais les grapes étoient courtes, parce qu'elles avoient été coupées par des vers qui étoient éclos pendant les brouillards du mois de Juin. Les blés ont toujours valu au marché dix-huit & vingt livres. La grande féchereffe n’a point été favorable pour la reprife des arbres, fur-tout de ceux qui ont été plantés dans les terrains fecs. 192 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoïyALE AOC ANT: THERMOMÈTRE. TT Mt | Baromètre ÉTAT DU CIEL. Matin | Midi. | Soir. Degrés.| Degrés.| Degrés.| pouc. lign. 153| 18 14 |27. S$ [variable avec pluie & tonnerre. 143] 18 | 12 |27. 6 [variable avec pluie & tonnerre. 13 1725] 12 |27. S$ |variable avec pluie. 13 17 | 14 |27. 6<|couvert & pluvieux. 15 | 20 | 161127. 7 |beau avec nuages. 18 | 23 | 18 |27. 7+|beau temps. 180240 {IH 82 7=|beau avec nuages. 182] 251] 18 |27. 61|beau avec brouillard. 175| 241] 192127. 6 |beau avec brouillard. 18 | 261| 16 |27. 6 |beau, grand vent & tonnerre. 15 | 161] 15 |27. $ lvariable avec pluie & tonnerre. 12 | 14 | 11 |27. 7 [pluvieux & couvert. 12 | 16 | 11 |27. 7 |beau avec nuages. 115] 20+| 14 |27. 6 |beau avec nuages. 16 | 23 | 13 |27. 3 |variable, tonnerre & vent fans pluie. 12 | 18 | 11 |27. 3 [variable avec tonnerre & pluie. 12 ENS) T2 E7-NRS ie avec pluie. 121] 171] 12 |27. S$ |variable fans pluie. Ur O | 12 NS = NOMI 27-07 10 | 143] 10:|27. S$ variable avec pluie. PTS T2 27 006 12+| 18 14 | 18 | 14 |27. 6 |beau temps. rs bts 112 8 |variable avec tonnerre, vent & pluie. 31 16 ; 10 |27. 8 |beau avec nuages. 11 | 14%] 12 |27. 7 |variable avec pluie. 15 | 172] rvrxl2 $ {couvert & grand vent. 115] 16 10 |27. $ |variable. von RTE 81127. 4+|variable. 9 | 16 8 |27. 8 |beau temps, gelée blanche. EC Les Wir ErSN SNicUr E Nice s 193 Les pluies font devenues aflez fréquentes pendant ce mois, ce qui donnoit de l'inquiétude pour la moiflon; néanmoins comme elles n'étoient point continuelles, les grains ont été ferrés aflez fecs. Comme l'air s'étoit beaucoup rafraichi, les verjus n'ont prefque point changé d'état pendant ce mois, & déjà on défefpéroit de faire de bon vin. Men. 1758. *: Bb 194 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE SU AM ERAT BHRLE. Lt | Baromètre ÉTAT DU CIEL. Matin | Midi. | Soir. RER es Ra Degrés. | Degrés.| Degrés. ï ; 9#| 162] 9 beau temps, gelée blanche. 2ONIPNINENE 92| 162] 9 beau avec nuages. 3: | N°E. | 11 182] 122/27. 9 [beau & vent. 4h] N°E. | 10 16 9 |27: 92|beau avec nuages. S | NE | 13: 272 127 97 6 | N- FE. jro0|lé 9:127. 9 Sbeau, vent froid. AA IINÈRE OANUS 9+|27. 8 EMIMINÈTE: OM RUE ETES 7 |variable avec pluie. 9 N. O. 10 16 121 \2 7 variable avec pluie. DOMAINE OS MAT= M ris ER E 7 |couvert & brouillard. 11 N. 12 | 152] 9 |27. 8+|beau avec nuages. 12 N. 9 | 15+| 10 |27. 10 [beau avec brouillard. 13 E. 9! 18 11 |27. 10 |beau avec brouillard. 14 1ën | 10 | 19 111127. 9 15 E° 120 13027000 16 Fe ni P2rr|urt 2 7 L E. 12222 |13 |27. 3 beau temps. 18 je 11 = 19 MN 270 0 19 159 rot] 181] 8 |2 82 20 E. 11 | 16 | 11 |27. 72|couvert & variable. 21 | NE. | 12 | 13 | 10/27. $3]couvert & variable. 22 N.E. | 112] 17 | 12427. 64] variable avec brouillard. 25 0 NINeRE RDS 6 |27. 7 |heau avec nuages. 24, N. 6 [t12 61/27. 8 [beau temps, vent froid. 25 N. 7E| 14 7 |27. 7 |variable avec pluie. 26 N. OMR 8 |27. 6 |variable. 27 N. 6:| 12 8 127. 9+|beau avec nuages. 28 N. GNT s |27- 11 |beau temps. D 29 N. s | 111] 6 |27. 9:+|beau temps, gelée à glace. 30 N. 6 | 12 8 |27. 8 |couvert. DES SCIENCES. 195 Ce mois a été très-fec & fort froid, cependant dans les vignes qui n'ont point été dépouillées de leurs feuilles, le raifin eft parvenu à une maturité qu'on ne pouvoit attendre à caufe du froïd qui continuoit & qui étoit aflez vif pendant les nuits; mais dans les vignes qui ont perdu leurs feuilles, le fruit seft fané, eft reité rouge, & n'a donné que du vin verd. On a commencé la vendange vers les derniers jours du mois, le fruit & les grapes étoient petits, & le fruit du fromenté ou meünier , étoit plus mûr & plus noir que celui du gouas. On a mangé des melons médiocres pendant tout le mois, il n'y a eu que ceux de graine de Provence, qui étoient pañla- blement bons; les pêches ont été petites, & beaucoup font tombées à demi-müres, ce qu'on a attribué à la fécherefle; les prunes tardives ont duré jufqu'à la fin du mois. Vers ce temps on a ceflé de voir les hirondelles, & les corneïlles ont commencé à fe répandre dans la plaine. "> Bbi b 196 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE CENT OVB'IRUE; 10 ww Uy N RH D D N D b bb Jours THERMOMÈTRE. du | VENT. | a | Baromètre ÉTAT Du CIEL. Mois Matin| Midi. | Soir. pers Dares. | Der. dE AC AE EE 1 15 6 | 11 $ 127. 9 |variable. 2 N. 2-00) 1 6 |27. 8 |beau temps, forte gelée blanche. 3 N. 4 | 11 62127. . 8 +|beau temps , gelée blanche. 4 N. I] 11 4 |27. 9+|beau temps, gelée blanche. s N.E. 22| 102] 8:27. 4 |beau temps, gelée à glace. 6 O. 10 11 7 |27. 5 grande pluie. 7 O, 10 | 11 | 10 |27. 4 |couvert & pluvieux. 8 ©. 9 | 125] S$ |27. S$ |variable avec pluie. 9 ©: s | 10 52127. 4 |beau temps, gelée blanche. SE: SAIETO 8 |27. o |pluie continue. N. O. $ 112] $ |27. 7+|beau avec nuages. 2 | N.O. | 13 | 114| 6 |27. 8+\beau temps, gelée blanche & brouillard. Dee CA) PU) 5) 9 |27. 72|couvert & pluvieux. N. S 10 S 127: 11 |beau temps. N. 21] ro 5 |27. 10 |beau temps & brouillard. N. E. 4 9 6 |27. 8 [variable & bruine. N:. E: $ 9%|l 32/27. 8-+|beau temps. N. I 74] 3 |27. 10 |heau temps, gelée à glace. N. > 8 4 |27. 102+|beau temps, gelée blanche. N.'E; 2%| 10; 5 |27. 9 lbeau temps, gelée blanche. I N. E. 4 811 3 |27. 8 |couvert. 2 |UINAE 2 8 3.|27. 7 |beau temps, gelée blanche. 3 | N-E. I va 1:[27. 62|beau temps. ANNEE Ex 7 4il27. sA|variable, gelée à glace. S \MNAOE 3 72] 4 |27. 7 |variable. 6 N. 4 6 x |27. 11 |beau temps. Zn MINE 3 8 | ro |27. r1+|beau temps. 8 | N. O. 7=| 9 74\27. 10 {couvert & pluvieux. OMAN: 3 6 5 27. 11+|beau temps. o | S.O. |—1— 6:| 4 127. 102{beau temps, gelée à glace. I S.10. 4 | 10€] 6 |28. 1 |beau temps. ASSISES) 2 CT CF DED ETS RCLPERPEEE PEER LL nes ScrEenNces (IN 97 Ce mois a été froid & fec, il eft cependant tombé plufieurs petites pluies qui ont été favorables pour faire lever les blés, _ & pour faire {ortir la fleur du fafran. A la fin du mois, les feigles & les fromens étoient bien : levés, fi lon excepte les derniers faits qui ne létoient pas encore, eg DR RS ve ee n Net mp0 meme et ee. Et JU =D O © NN ou BR ww ND = O © CN ou BB ww N mm D D D UD D = D b A D W bb œ D NO V9 VENT. | THERMOMÈTRE. Lt | Baromètre Matin Midi. | Soir. Degrés. | Degrés.| Degrés.| pouc. lign. 4 9 VOIE RO 6 8 728-000 6 9 73127. 10 6 9 6 |27- 9% 4 7 SH27-0 06 10 | 10 SHE7. Lo 4 | 7: 427. 23 5| 42|l 0 127. 6% —2 S 127: LA S 8 SMI27-1018 4 8 32127. 1 2 INNo— 127. 4 © $ 4 [27 13 6 CINE MIE 7-08 EM NE CAIE 6 8 727: 16 6 7il 8 |27. 4 6 8 7112 6 41|:.92| 8 [27 4 8 10 | 927.03 6 9 6 |27. 4 3 10%| 41127 3 9 9 72127 S : 6 9ër 8127. 6 E° SRE: 9 |27- 8 E° SAME lo 27-05 FIMrotRo tro 27-102 8 9 5 |27. 2 E: 6 ge \MEoM|27-100 6 9 7026. ir 198 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE NOVEMBRE. ÉTAT DUVCIEL couvert & brouillard. couvert. couvert. couvert. pluvieux. grand vent & bruine. couvert. beau temps, gelée blanche. beau temps, gelée à glace. pluvieux. variable. variable, gelée blanche, gelée blanche. variable & vent. pluvieux. pluvieux. grande pluie. couvert & bruine. pluvieux. pluie & tonnerre. beau avec nuages. beau temps. pluvieux. couvert. beau & venteux. beau avec nuages & vent. variable avec pluie. grande pluie la nuit. grande pluie & vent. pluvieux. De € 7 poemes RS boit." D id nt en pDirtsuiS IQ AE ot G 115 à M 199 D ÉGEMRB RE. EP EN AE RE Jours THERMOMÈTRE. | du | VENT. | | Baromètre MRnlou ee Mois. Matin | Midi. | Soir. td Degrés. | Dégrés.| Degrés:| pouc.* lign: 1 S. 6 8 72126. 91|pluvieux. 2 | S. O. 7 82] 7 |26. 10 |pluvieux. 3 O. s s 12127: 6 |beau avec nuages & vent. 4 S. O. o 3 23127. 1= 2 sf DUENSNISNGUTEUN C'E s 227 folide & hériffé de tubercules, on la retireroit remplie de cavités occafionnées par ces tubercules, lorfqu'on l'enleveroit de deflus ce corps. Quoique lune ou l'autre de ces explications me paroiffe devoir fatisfaire au problème qu'on pourroit propoler fur la for- mation de la pierre meulière, je fens bien qu'on peut encore y trouver des difficultés, & dire que les mafies de cette pierre fe forment lorfqu'il fe fait dans une cavité fimple ün dépôt de la matière qui la compole; que ce dépôt étant fait, la matière fe defsèche, & qu'en fe defféchant elle fe gerce, fe retire fur elle-même, & donne ainfr naïffance aux cavités dont cette pierre -eft remplie. | La fimplicité de cette explication fembleroit devoir la faire accepter; cependant, lorfqu'on a examiné la pofition des pierres meulières dans les carrières , on ne peut guère fe refufer à June ou à l'autre des deux premières. En effet, les mafles de cette pierre font difperfées çà & là dans les montagnes, elles font entourées exactement par le fable, leurs cavités en font remplies; & la première idée qu'on prend de la formation de ces pierres, ceft qu'elle eft die à un mécanifme en quel- que forte femblable à celui de la fonte, que la matière a été, pour ainfi dire, verfée fur le fable, comme le feroit un métal fur un corps raboteux qu'on auroit ainfr préparé, dans l'idée de fe procurer un corps fpongieux. Si l'explication de la manière dont cette pierre fe produit n'eft pas fans difficulté, la connoiflance de la nature du fluide qui la forme, eft encore certainement plus difficile à acquérir : cette pierre n'étant qu'une forte de pierre à fufil, comme je Fai dit dans ce Mémoire, on peut demander pour elle ce que Henckel defiroit pour celle-ci : Qui me découvrira, difoit cet Auteur, 4 nature ff cachée du Silex 1 Depuis Hencke!, il n’y a point eu d'auteurs, du moins que je connoiffe, autre que M. Geoffroi, qui ait travaillé à réfoudre ce problème chimique: cet habile Académicien veut que le Skx foit un compolé d'un acide végétal uni à une matière analogue à celle qu'il avoit tirée par le lavage de 12 Ffi Mémoires de l’Académ, pags 2 gran. 1746, in-4°. 228 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE pierre à chaux. Il prouve fon fentiment par une expérience frappante, dont on peut voir le détail dans les Mémoires de . l'Académie. Par le mélange de ces deux matières, M. Geoftroi a formé une pierre qui approche infiniment de toutes les propriétés du Silex. En embraffant ce fentiment , il me femble qu'on peut ai- fément expliquer tout ce qui regarde la nature de la pierre meulière ; il fufht de fuppofer que l'eau des pluies qui fe filtre à travers les fables, eft chargée d'un acide végétal, emprunté des plantes qu'elle lave, & qui fe pourriffent fur les monta- gnes où ces pierres croiflent : une eau pareille venant à trouver dans le fable des parties convenables, les lie, après avoir pro- bablement agi fur elles de façon qu'elle les dénature, les diflout, & en forme une pate qui fe durcit & prend la nature de la pierre à fufil. Lorfque cette matière eft pure & fans mélange qui puifle la colorer, la pierre eft blanche; fi à la matière compofante il s'eft joint une matière ferrugineule, la pierre {era plus ou moins rouge de fer; elle fera bleue ou bleuâtre, fi à la matière ferrugineufe il s'eft jo'nt quelques parties animales qui aient pu faire dé- velopper la matière bleue que le fer contient, & procurer aïnfi une efpèce de bleu de Prufle qui a coloré ces pierres : en un mot, il me paroît qu’en adoptant le fentiment de M. Geoffroi, on peut trouver le dénouement de plufieurs difficultés. On le peut d'autant plus aifément, que les parties ferrugineufes font répandues par- tout, & que les parties animales peuvent fe trouver dans les corps marins foffiles , qui fe rencontrent fouvent dans es mon- tagnes où les pierres meulières fe forment, Quoique je dife que les pierres meulières peuvent être co- lorées par une matière animale qui, avec des parties ferrugi- neufes, aura donné naïfflance à une efpèce de bleu de Prufie, ce neft pas que j'aie vu de ces corps marins dans ces pierres mêmes ; il fufht pour cela qu'il s'en trouve de difperfées dans ces montagnes, qu'elles w {oient entières ou détruites, &, comme on dit, en falun; car j'avouerai que je n'ai jamais vu de co- quilles incruftées dans ces pierres. Un auteur dit qu'elles en | ; DES SCIENCES. 229 font pleines, & s'énonce ainfi : « Les environs de Saint-Jouarie « font remplis de roches & de bancs de pierres de meulières , pleines de coquilles, de la nature de celles des villages de Mary & de Lify. .,. + Proche lé château de Chamarande, à deux lieues d'Étampes , fe trouvent des efpèces de poches & de pierres creufes, qui tiennent par un pédicule fur des pierres de meulières, lefquelles renferment des buccins criftallifés & cou- verts d’une efpèce de mouffe blanche auffi pétrifiée. » J'ai examiné avec attention les pierres de ces deux endroits, & je n'y ai jamais trouvé de coquilles : j'ai obfervé dans les fecondes que plufieurs de leurs cavités étoient remplies de petits criflaux à pans ou de mamelons; ces mamelons & ces criftaux font de la nature de ceux qu'on remarque très-fouvent dans les cavités d'un grand nombre d’autres pierres à fufil : quelquefois ces mamelons font creux & remplis de petits criflaux , & dès- lors on peut dire que ce font des efpèces de veffies criflallifées intérieurement, & qu'elles tiennent de celles qui ont été ob- fervées fur la pierre meulière de Chamarande, ou plutôt d’entre Auvers & Gilwoifin, où cette carrière eft précifément placée. J'ai vu de ces veflies ou de ces poches, ce ne font que des expanfions de la matière pierreufe lorfqu'elle étoit encore dans un état de fluidité. Quant à la moufle blanche pétrifiée que ces poches renfermoient, je penfe que ce ne font que des fibres pierreufes, femblables à celles qu'on trouve dans quan- tité de géodes. Au refte, je n'examinerai pas ici cette queftion drai pas même fur l'explication d’un autre accident des pierres à meules, qui confifte en ce qu'elles ont des cavités remplies de parties ferrugineufes ; j’en parlerai dans la même occafon. J'aime mieux finir ce Mémoire par les obfervations que j'ai faites fur les cailloux de Champigny, devenus fameux depuis ce qu'en à dit M. de Reaumur, & depuis les recherches répé- tées qu'en a faites l’auteur de lOry@ologie: ces caïlloux, fuivant moi, ne font que des pierres meulières, dont la couleur eft communément brune, & qui font moins remplies de cavités que les pierres meulières ordinaires , mais ces cavités font Ff ii V, Oryélologs garn 111, “396 A c n n A plus au long, cet examen trouvera place ailleurs : je ne m'éten- . 2 C 14 (4 Ç 230 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE communément plus grandes & tapiliées de criflaux plus gros & plus abondans. Les carrières d'où l'on tire ces cailloux ou pierres meulières, font fur le haut des montagnes qui entourent Champigny : ce ne font qe des trous de quelques pieds de profondeur ; que l'on fait dans le fable ‘dont ces hauteurs font formées ; “ces cailloux s'y trouvent mêlés avec les pierres meulières , & Enumerar, PF. gall, auct, A), D. Dargen- ville, p. 24 Paris, 17514 Voy. Oryétolog, J'AÏT: LIT, page 392 Paris ; 1755 sing on les enlève avec ces mêmes pierres pour bâtir ou pour paver les chemins. Les murs des maifons de Champigny ren- ferment fouvent de ces cailloux, qui font noirs, bleuâtres ou bruns. Lorfqu'on fait la facilité avec laquelle on trouve les carrières de cette pierre, on eft étonné de lire dans l'Énumération des foffiles de la France, que l'auteur de cet Ouvrage a été trois ans à pouvoir découvrir cés cailloux, quoique M. de Reaumur eût indiqué l'endroit: M. de Reaumur, aufli exact & auffr fin oblervateur qu'il étoit, avoit dit dans cette occafion tout ce qui étoit nécefiaire pour mettre les vrais Naturalifles en éat de fe procurer de ces pierres , & le premier voyage que j'ai fait à ce village m'a fufh pour me fatisfaire à ce fujet. Je dirai de plus, & j'y fuis obligé, afin que ceux qui voudroient avoir de ces cailloux puiflent aifément s'en procurer, que ce n'eft pas fur le chemin qui conduit à Ozouer-la-Ferrière au deffus de Championy, qu'il faut précifément chercher ces pierres , mais dans le haut des montagnes voifines, & fur-tout {ur la gauche de ce village: loriqu'on en trouve le long du chemin, ce nefl que parce qu on les y a apportées pour réparér ce chemin, & il pourroit { faire qu'on y allàt fouvent fans en rencontrer, fi on s'y tranfportoit dans un temps où ce chemin n'eût pas befoin de réparation. H eft bon, fans doute, que les Naturalifles connoiffent ces cailloux , qu'ils en aient dans leurs Cabinets ; ils y peuvent figurer UE bien que tant d’autres qu ‘on y voit; mais Je ne crois pas que ces cailloux prennent jamais beaucoup de faveur ; ils ont contre eux une couleur brune & foncée, veine dun brun plus clair ou encore plus foncé que la couleur primitive ; ils font de plus remplis de cavités tapiflées de criflaux ordinai- RNB els SGEN CE Ss. 231 rement blancs, qui & détacheront toujours lorfqu'on voudia polir ces pierres, & qui hiffant ainfi à vide ces cavités, for- meront des terrafles toujours difgracieufes à voir dans les pierres qui fe poliffent. # Je ne dirai pas que ces pierres fe trouvent de plus très-près de Paris; cette circonflance, qui fera toujours un obflacle à ce qu'elles foient beaucoup recherchées, ne devroit au contraire que leur être favorable, fi le goût dominant n'étoit pas d'être riche en ce que les pays étrangers nous fournifient. Puifque nous voyons les cailloux de Vereft proche Tours, prefque mépriés, ceux de Rennes en Bretagne bien au-deffous du prix où ils étoient montés lorfqu'ils ont été découverts, ôn ne doit pas être étonné de ce que la célébrité de ceux de Champigny ne s’eft pas foutenue ; les deux premiers ont des couleurs variées que ces derniers n'ont pas ; ils prennent un poli qui ne cède en rien à celui des cailloux de Champigny , sil ne le furpafle pas. En un mot, on en a fait des ouvrages, comme des tabatières, pour lefquels on ne s’eft jamais fer vi des cailloux de Champigny; ainff il paroît que le fort de ces pieries eft décidé, & qu'elles ne feront au plus que nombre dans les cabinets des Curieux. Ne féra-ce pas encore fortifier Fidée qu’on a prife de ces cailloux, que d'avancer, comme je l'ai fait plus haut, qu'ils ne font qu'une efpèce de pierre meulière? je le crains fort: en cela, comme en bien d’autres chofes , le nom fait plus de la moitié de là valeur. On voit tous les jours des perfonnes qui ne craignent point de mettre un argent. confidérable à achat de celte coquille connue fous le nom de falata, être fichées lorfqu'on les affure que ce corps fi précieux & fi cher * ref qu'un tuyau marin: l'on a encore vu des marchands qui appréhendoiïent que cette idée ne diminuât le prix qu'ils efpéroient en retirer, prendre dans leur catalogue des précau- tions pour infrrmer cette idée. * II a été vendu à M. Bonnier de la Moflon dix-huit cents Jivres , M. le Duc de Chaulnes l’a racheté; un autre a été vendu à M. Dargenville, mais il eit plus petit. J'en ai vu vendre un autre en 1757, dont on donna feize cents livres. 232 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Comme il eft du Naturalifle de rapprocher autant qu'il peut; fous des vues générales & fyflématiques, les obfervations vagues & détachées , il convenoit que je tâchafle de bien détermmer le caractère du caïllou de Champigny , & je crois qu'il eft impoffible de le rapprocher d’une pierre qui lui foit plus ana- logue que la pierre meulière. Au refle, que ceux qui ne sar- rêtent pas à l'effence des chofès, qui font plus frappés des pro- priétés extérieures & brillantes que de celles qui conflituent l'effence même de ces corps, & qui s'attachent fur-tout au nom qu'ils portent ou aux endroits d'où ils viennent, ne s'étonnent point du fentiment que j'embraffe, puifque je foutiens en même temps que la pierre meulière, & par conféquent le caillou de Champigny, font du genre des agates. En effet, une pierre qui, comme l'agate, ne fe diflout point par les acides, qui, comme elle, fe vitrifie, fe brife en formant des caffures tranchantes & comme écailleufes, qui eft auffi dure ou à très-peu près, qui fe polit & prend une efpèce de tranf parence auffi belle que celle des agates, une pierre, dis-je, qui a toutes ces propriétés, peut-elle être placée autre part qu'avec les agates’ On fera peut-êtie étonné de ce que je dis que la pierre meulière fe polit; je m'explique: je ne doute pas que toutes pierres meulières pleines ne prennent très-bien le poli dans les endroits qui ne font pas troués: il ne manque aux pierres meulières ordinaires que de n'être pas fi remplies de trous & de cavités ; les parois de ces cavités font même fufceptibles de ce poli, lorfqu'elles font affez épaifles pour fouffrir le travail qu'on emploie à cette opération. J'ai fait polir de ces parois détachées de pierres meulières des environs de Melun; & le poli qu'on leur a donné eft, au fentiment du Lapidaire même, auffi beau que celui que prend le commun des agates. On rencontre de temps en temps des pierres meulières qui font d’une dureté & d’un tiflu fr fin & fi ferré que fans les pañler fur la meule, on ne peut guère s'empêcher de les regar- der comme des efpèces d'agates, J'en ai trouvé de cettélbrte dans la plaine où l’on entre après avoir defcendu la montagne de Ponchartrain. La pierre à meule de Chavanon près Billon, dans dns. + dense. us 7 MR. aus % 3 id PRMOMPH ER SN SCO ENG :E S 233 dans fa haute Auvergne, à fept ou huit lieues de Clermont, eft encore de cette nature, quoique fes cavités foient grandes ; elle ne difière guère de la précédente que par fa couleur , elle eft d’un affez beau blanc, au lieu que l'autre eft jaunûtre. Parmi les pierres meulières les plus communes, il y en a qui ont très-peu de trous & qui font même prefque entièrement pleines , celles-ci ont été regardées quelquefois comme des agates communes: j'en ai vu beaucoup de cette forte fur les hauteurs de Baville & des environs d'Étampes; fouvent on en rencontre de femblables parmi celles qu'on apporte de Corbeil ou de Melun à Paris, pour la confiruétion des baflins & des aqueducs ; elles font ordinairement en petites mafles , d’un pied où environ en longueur fur un peu plus ou un peu moins de largeur. Je n'en ai jamais vu de plus confidérables dans ces endroits, fi ce n'eft à Etampes & en fortant d'Épernon; j'en ai rencontré à la porte de cette ville, le long du chemin de Dreux & dans les terres voifines, qui formoient de très-groffes roches, on les prendroït de loin pour des roches de grès : ces roches font d’un affez beau blanc dans leur caffure ; elles font fi pleines & d'un tiflu fi ferré, qu'elles prendroïent certaine- ment un beau poli ; à l'extérieur elles font comme gercées & fêlées, ce qui fait que cette furface fe détache affez aifément en petits morceaux irréguliers, effet qui dépend, à ce que je rois, de faction de l'air fur ces pierres : je l'ai encore obfervé : fur de femblables blocs, moins confidérables cependant, trouvés fur une montagne appelée le Mächefer, & qui eft près fa porte Saint-Jacques d'Etampes. De toutes ces obfervations & de celles qui font répandues dans ce Mémoire , if réfulte donc que la pierre meulière eft une forte d’agate, & que cette pierre ne laifle pas de varier beaucoup, foit par la couleur, foit par la propriété qu'elle a d'être remplie de trous & de cavités, ou de m'avoir pas ces cavités &, comme difent les ouvriers, d'être pleine. Il réfulte encore de tout ce qui a été dit dans ce Mémoire, que les pierres qui n'ont pas les caraétères dont on a parlé, ne font pas de vraies pierres meulières, du moins par rapport Min, 1758. . Gg 234 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE à celles dont nous nous fervons à Paris & dans une grande patie de la France, Je crois en troifième lieu qu'on doit conclure de plus, que le genre de pierre meulière ne peut pas fubfifler dans un ordre fyflématique &c naturel. En eflét, {1 nos pierres meulières communes font des agates, comme on doit, à ce que je crois, le penfer, il faut les ranger fous le genre de ces pierres: celles qui font compolées d'un amas de cailloux arrondis ou de gra- viers, doivent être regardées comme des poudingues & , felon les principes que j'ai établis dans mon Mémoire fur les Pou- dingues, être rapportées au quartz, aux pierres à fufil ou aux granits, fuivant qu'elles font formées de cailloux de une ou de l'autre nature. Si ces pierres font faites de mafles entières de granits, il y a encore en cela moins de doute, de même que par rapport à celles qui peuvent l'être de pierres calcaires, dont les furfaces broyantes font travaillées & fillonnées à peu près comme les furfaces des groffes limes de fer. J'ai appris depuis peu, que les meules qu'on tranfporte de l'ifle de Portland à Londres, font de cette nature; celles dont on fe fert en Danemarck me paroiffent être des granits ou des pierres talqueufes ; celles qui font employées à la Rochelle, font des poudingues faits de cailloux & de graviers de la nature du quartz: ces cailloux & ces graviers font irréguliers, fans figure déterminée, & liés aflez groffièrement ; ils ne le font pas plus que les poudingues formés des cailloux roulés par la Seine, ce qui me feroit penfer que les cailloux des poudingues de la Rochelle l'auroient été par quelque rivière femblable, Ces cailloux ne font point arrondis & aplatis comme les galets de la mer & des poudingues , qui n'ont probablement _cette forme que parce qu'ils ont été long-temps roulés & balottés par les flots de cet élément. J'ai été en état de déterminer la nature des pierres meulières de la Rochelle, au moyen de quelques éclats de ces pierres que M. Gerard de Villars, Médecin de cette ville & Correfpondant de l'Académie ,a bien voulu m'envoyer; elles ne fe tirent pas "D. mis SUCRE Nc Es: 2 des environs de la Rochelle, felon M. de Villars, on les y tranfporte de Nantes , où elles defcendent probablement par la Loire, puifque ces pierres portent à la Rochelle & dans le bas Poitou le nom de Parifis ; ce qui fembleroit défigner qu'elles Viennent des environs de Paris: il y a lieu de penfer cependant qu'elles ne font ainfi appelées que parce que venant d'un lieu éloigné, qu'on a cru être du côté de Paris, on leur a impofé un.nom qui pouvoit défigner le lieu d’où on les tiroit. A Houlbec, on donne le nom de pierres meulières parifiennes à une forte de ces pierres, que les ouvriers prétendent fe tirer d'un endroit appelé 1 Meuliére, & qu'ils croient être peu éloigné de Paris. Ces deux dénominations ont probablement la même origine, c'eft-à-dire, l'ignorance du vrai lieu où les unes & les autres de ces pierres fe travaillent. On peut fe rappeler que j'ai dit, d'après Venette, que les pierres meulières employées à la Rochelle, renfermoient quel- quefois des criflaux femblables à ceux qu'on voit dans des cailloux qui fe rencontrent fur les bords de {a mer qui baïgnent les murs de la Rochelle. Voici ce que M. de Villars me marque au fujet de ces criftaux : «Ils font fort tendres; felon lui, ils fe trouvent dans le centre de quelques galets entourés d’une efpèce de marne blanche ; ils tombent lorfqu'on a rompu le galet, & le laiflent à nu. » Le peu de dureté que M. de Villars attribue à ces criflaux, & une efpèce de géode fpatheufe, blanche & remplie de criflaux de cette nature & de cette couleur, que jai trouvée dans l'envoi qui m'a été fait par M. de Villars, me font penfer que les criftaux dont Venette parle, font de cette forte, & que c’eft encore de ceux -là dont il eft fait mention dans l'Oryétologie, où on les appelle « pierre crif- talline & ‘très-tendre, nommée amant de gaker, parce qu'elle exifle dans plufieurs cailloux de ce nom ; on y dit encore qu'elle fe trouve près le fort de Baie, » Au refte, quelle que foit la nature de ces criflaux & de ceux qui font mélés avec les cailloux qui forment la pierre meulière de la Rochelle, ces cailloux font, comme je l'ai dit, de fa nature du quartz, & par conféquent le poudingue qu'ils forment Ggij An < Onélobgie, PE #F 1e 236 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE doit être rapporté à ce genre : enfin il en feroit de même de toutes les autres pierres dont on peut faire des meules & qu'on vou- droit réunir fous un même genre, foit que ces meules fufènt pour des moulins à blé, à tan, à huile, foit qu'elles fuffent pour des pilons à chanvre, à pommes, ou même qu'elles fer- viffent à éguifer ou à polir. Ce feroit fortir de mon fujet que de m'étendre ici fur ces pierres, je me réferve à en parler dans une autre occafon, lorfqu'elle fe préfentera. DES, SCIENCE sl: 297 DR RTT I TT PTT TERRA BIRT A DOTE re PU CRRCRE REC SEEN) MIE MIO RE SUR LA VRAIE LONGUEUR DES DEGRÉS DU MÉRIDIEN EN FRANCE. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE: loccafion de la nouvelle mefure de deux Deprés du méridien de Rome, exécutée en Italie par les PP. Bofcowich & Maire, j'ai cru devoir faire quelques corrections aux longueurs des Degrés que nousavons déterminés en France, M. de Thury & moi, afin que ceux qui voudront faire quel- ques comparaifons entre nos réfultats & ceux des autres Aflro- nomes & Géomètres qui ont travaillé à établir a figure & les dimenfions de la Terre, foient aflurés que nous n'avons négligé aucune réduétion néceffaire. Ce que j'ai à dire ici n'eft pas pour redifier nos mefures, fur ce que quelques Mathématiciens ont avancé qu'elles n’é- toient pas affez exaétes pour conflater la vraie longueur du Degré en France, Le motif de cette décifion hafardée par des perfonnes qui n'ont affirément pas lu avec quelqu'attention le compte que nous en avons rendu dans le livre de /2 Méri- dienne de Paris vérifiée, & qu'ils ne peuvent autorifer de [a moindre preuve, n'a été que le peu d'accord de ces metres avec des hypothèfes que ces Meflieurs avoient imaginées ou : adoptées, ou avec d’autres mefures qu'ils croyoient avoir intérêt de faire. paffer pour être d’une exactitude hors de toute atteinte, TI porteront fans doute le même jugement fur la nouvelle 16 Juin 1756: détermination du Degré en ltalie qui s'éloigne de ces hypo- thèfes & de ces mefures encore plus que la nôtre; mais nous fommes affurés que ceux qui auront examiné fans préjugé les détails des opérations faites en France & en talie, auront penié autrement fur la certitude de leurs réfultats. C'eft pour Ge iÿ 1 238 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE eux principalement que je donne ici les correétions dont il s'agit dans ce Mémoire. En 1744, lorfque le livre de à Méridienne vérifiée parut à la fuite des Mémoires de l’Académie, nous favions bien qu'outre les mouvemens apparens des ÉD caufés par la pré- ceffion moyenne des équinoxes, & par le mouvement fucceffif de la lumière, M. Bradley en avoit découvert un troifièmeaflez fenfible dans les obfervations faites avec de grands inflrumens; mais comme la théorie n'en m'avoit pas encore été publiée, que nous favions feulement que ce mouvement, connu aujour- d’hui fous le nom de Deviation caufée par la nutation de l'axe de la Terre, n'étoit que d'environ 17 fécondes en déclinaifon, & qu'il étoit aflujéti à la révolution des nœuds de Ha Lune, laquelle s'achève en dix-neuf années, nous avons cru que nous pouvions le regarder comme nul Fr l'intervalle de feize mois, pendant lequel nous avions fait les obfervations des Étoiles das les différentes villes du royaume , où fe terminoient les portions de méridien que nous avions A URE fur la Terre. Maintenant que lon ne peut plus fe difpenfer d'avoir égard à cette déviation depuis qu'elle eft fi bien établie, j'ai cru qu'il étoit convenable de calculer quelle différence elle avoit dû caufer dans nos réfultats. Depuis que je travaille à déterminer avec toute la précifion poffible les pofitions des principales Étoiles du Ciel, j'ai dreffé & même fait imprimer des Tables pour en calculer tous les petits mouvemens apparens. Dans celles qui font deftinées à repréfenter les effets de la nutation de l'axe, j'ai fuppolé que le vrai pôle de la Terre décrivoit une elliple autour du pôle moyen qui eft au centre, conformément à ce que M. Bradley a foupçonné, & que M.° d'Alembert & Euler 2 trouvé conforme à la théorie phyfique de cette nutation. J'ai fuppofé encore que ce mouvement fe faifoit en parcourant des aires proportionnelles aux temps , & que le rapport des axes de l'ellipfe étoit comme 9 à 6,7, tel qu'il réfulte du calcul de M. d'Alembert; ce font ces mêmes élémens que j'emploie ici pour rectifier les réduétions qu'il a fallu faire à nos obfervations des Étoiles. us mation Auf DIETS AB VEMNIME NC E:S 2 J'ai fait encore depuis peu beaucoup de recherches fur les réfractions afbronomiques , je les aï trouvées vers le zénith affez conformes à celles qui font dans la Table de la page lxxxij du livre de la Méridienne vérifiée, de forte qu'il n'y a rien à réformer fur cet article , non plus que fur celui de l'aberration de la lumière, d Cela polé, voici les diftances des Etoiles au zénith que je trouve en appliquant feulement la déviation à chacune des obfervations qui font rapportées dans le mème livre depuis la page lcxxiij jufques à la page «j, & en corrigeant une erreur de 3”,3 dans les divifions du Secteur au point marqué ro4 o qui a fervi pour l'Étoile & x. à Dunkerque.| à Paris. à Bourges. | à Rhodès. | à Perpignan. D IMIS. | DM 5 | DM. 5 |D Ms. | D A à La Chèvre....... $- 20, 144| 3. 8. 22,9| 1. 23. 16,2|r: 20. 38,41 2. 59. s0;9 L’épaule du Cocher.|........... OU TA ESC EURE oMieisora lt. vite l0:35s Payre rie tie 12. 28. 29,9|10. 16. 39,818, 31. 340|$. 47. 42,2| 4. 8. 31,8 | Le queue du Cygne.| 6. 40. 13,11........... 2.432 16,5|0. o. 35,9| 1. 39. 48,9 n de la grande Ourfe.|.....,..... 1, 47: 0:7|3° 32e 79 La claire de Perfée.| 2. 7. 34,6] o. 4. 21,91........., 4 33- 18,9] 6. 12. 28,1k La’téte de Cafor.. | su DO ZA DO | seen AR NN CE UP 10. 16. 15,6 B du Dragon. .... 1. 28. 14,1| 3. 40. 6,9 > du Dragon. ..., 01290469 |12.04103 6,000 00, 7- 10, 35,6 EEE) En 1749 & 1750, j'ai obfervé au collége Mazarin les mêmes Étoiles avec le même inftrument; & en prenant un milieu entre un grand nombre d’obfervations faites dans les deux fens, c'eft-à-dire, le limbe divifé étant expolé tantôt à Vorient & à l'occident, j'ai trouvé, toutes réductions faites pour TObfervatoire royal, & pour le 1 Janvier 1740, de dif- tances au zénith qui fuivent : La Chèvre. SR LES Lee ee I OZ 60 L'épaule du Sr talon HAUTES 30571154 IAE MARNE HAN ROBE 10. 16. 37,1 La queue du Cygne. .....,..,.,,,.. 4 28, 17,7 * Méridienne gérifiée, pr Or 240 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE n de:la grande Ourfe...,,,,...,,,,,. 14 46 56";2 ARE CA PR AR PANIER PE 0... 4.119,23 Le GeMCIRS Lee ions ile ie) Mets 16. 24. 30,2 B du Dragon....... SCPI EPES 3.401002 y du Dragon, .,..,.,,...,.,.,..4.: 2. 41. 35,0 L'accord de ces obfervations eft une preuve manifefte de l'exactitude des-unes & des autres, & en même temps de Ja juftefle des corrections que fournit la théorie de la nutation de J'axe de la Terre: car fi on n'y avoit pas eu d'égard, les obfer- vations de la Chèvre & de 8 du Cocher, faites en 1740, auroient dû différer de celles de 1749, de 8 fecondes, & elles n'en diffèrent que de 4 fecondes; celles de la claire de Perlée auroient été écartées de 11" +, & elles ne le font que de 2”,7, celles de n de la grande Ourfe f'auroient été de 14", & elles ne le font que de 4" +; celles de 8 du Dragon, l'auroient été de 7", elles ne le font que de 0”,7; enfin celles de + du Dragon, auroient été différentes de s fecondes, & elles ne le font que d'une feconde feulement. Voici maintenant ce qui réfulte des différentes comparaifons des diflances des Étoiles au zénith, telles que je viens de les rapporter, & la longueur des difiérens degrés qu'elles donnent. I. L'arc du méridien célefte compris entre les parallèles de Paris & de Dunkerque *, fe trouve par les obfervations de la Lyre, de 24 11° $0",1; par celles de y du Dragon, de 24 11° 49",1 ; par celles de la Chèvre, de 24 LOS ESS mais comme il n'y a eu que deux obfervations de la Chèvre faites à Dunkerque dont on ait été bien content, tandis que celles des autres Étoiles ont été en bien plus grand nombre, il paroît qu'au lieu de prendre un fimple milieu entre ces trois déterminations, on doit le prendre par rapport à leur degré de précifion qu'on peut eftimer : ainfi ne donnant à la détermina- tion , faite par la Chèvre, que le tiers du degré de confiance qu'on peut attribuer à chacune des deux autres, le milieu qu'il faut prendre entre ces trois réfultats, eft de 24: F1 : 507, 20168 la RL DE RSS cd DES SCIENCES. 241 la grandeur du Degré qu'on en doit conclure, de 570 86 toifes. Il. Employant les mêmes Etoiles qu'à la page 72, l'arc célefte qui mefure l'intervalle des parallèles de Paris & de Bourges, eftderd4s"6",s, & par conféquent le Degré de 57079 toiles. IIT. Par un calcul femblable à celui de la page 86 , l'arc | qui mefure la diftance des parallèles de Bourges & de Rhodès, eft de 24 43° 52",1, & par conféquent la longueur du Degré intermédiaire eft de 57034 toifes. IV. Faifant de même le calcul comme à la page 0 $, V'arc du méridien entre les parallèles de Rhodès & de Perpignan, eft de 14 39° 11",2, tel qu'on l'a conclu dans le même endroit, dont la longueur du Degré eft de 57048 + toifes. . V. Enfin, recommençant fur les nouvelles réductions des Étoiles les calculs qui ont été faits à la page 1 09 & fuivantes, je trouve Farc célefte compris entre les parallèles de Dunkerque & de Perpignan, de 84 20° 2”,0 ; entre ceux de Dunkerque & de Rhodès, de 64 40° 50",8 ; entre ceux de Dunkerque & de Bourges, de 34 56’ 56”,3 ; entre ceux de Paris & de Perpignan , de 64 1 8’ 1 2",0; entre ceux de Paris & de Rhodès, de 44 28° $9",4; & entre ceux de Bourges & de Perpignan, de 44 23° 3°,8: d'où il fuit qu'en cherchant fur les melures terreftres la valeur des Degrés correfpondans au lieu de la Table qui eft la page 1 12 de la Méridienne vérifiée, on aura celle-ci. Longueurs dés Degrés du Méridien, fous les parallèles de ACT RS OS DO I OMS RCIERE AN S7OB ONE ANR PR 00 nine lotion Die 579742 FN Gr die Be TSI OM AE ce IMAC 57083=+ ANSE let 1 ie cetiicicheilal tient. 57079 AAA eat jee le eee) 2) ehelelele jouets Lots $7057 + LUE RE D ES RON OR ER ROLE 57956 NE EP NE Pe IC cle eteretete le 57048 LIGECIGS MIE MORE TE TON ARMÉE HOT 57045 AT Se OS A RE AIRE 57034 PSC RE RCE NE TEE 57937 > APS Telle rsnieleseeles bielle age ble e piEU tete 57048 + Mém, 1758 . Hh à 242 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE RoYALE Les inégalités de ces Degrés fuivent uné progreffion un peu moins régulière que celle qui fe trouve entre ceux de la Table qui eft dé le Livre cité; cependant la différence m'eft pas confidérable , elle n’eft fenfi ble que dans Îes déterminations fondées fur les oblérvations faites à Bourges, & comparées à celles de Paris & de Dunkerque ; on trouve ici 14 toifes L d'excès dans le nouveau Depré compris entre Bourges & Dun- kerque, fur celui qui eft dans le livre de la Méridienne, & 8 toiles d'excès dans le Degré compris entre Paris & Bourges; mais on peut remarquer que les deux arcs céleftes qui ont fervi à les déterminer, ne font déduits que d’un affez petit nombre d’obfervations de deux Étoiles feulement, & l’on y peut très-bien fuppléer, du moins pour le Degré compris entre Paris & Bourges, par celles des hauteurs folfticiales du Soleil qui ont été fiftés à à Paris & à Bourges avec les mêmes inftru- mens, & qui ont été inférées dans les Mémoires de l’Académie, année 1741, page 117 © Jui. Après les réductions né- cellaires, & qui font détaillées dans ces Mémoires, on a trouvé la diflance apparente du Tropique du Cancer au zénith de Bouiges en Juin 1739, de 234 36° 20° & au zénith de Paris en Juin 1740, de 254 21° 24"s A difference ft de 1445° 4",0, à laquelle il faut ajouter 2 26 pour l'effet de la nutation de l'axe de la Terre, par laquelle l'obliquité de l'écliptique a paru augmentée de cette quantité dans l'intervalle des oblervations, & 2”,4 pour la réfraétion moins la parallaxe : on a donc la dificience des parallèles des deux lieux où lon : a obfervé, à Paris & à Bourges, de 2 45’ 9", au dieu que par la Lyre on ne la trouve que de 1445" 5,8, @& par ” de la grande Oùfe, de 14 45. TÉIEN prenant un milieu, ona 144$ 7 + telle qu'on f'avoit déterminée à la page 72 du livre de la Mcridienne & par conféquent le Degré dont le milieu paffe par 479 58 de latitude , eft de 5707 1 toiles. Par le même calcul, on voit que l'aré célefte compris entre les parallèles de Bourges & de Dunkerque, devroit être aug- menté de la quantité dont nous venons d'aigmenter célui qui eft entre Paris & Bourges (ce qu'on peut prouver d'ailleurs par CU. der. fie t a — DES SCIENCES. 243 les obfervations de la Chèvre), & par conféquent la Jongueur du Degré terreftre un peu diminuée; mais nous n'infifterons pas là-deffus, il nous fuffit de faire voir que nous ne manquons pas de moyens légitimes pour concilier toutes ces melures & pour les réduire à une diminution régulière, Si on admet la conjecture des Jéfuites Italiens, qui penfent qu'à Perpignan , le voifinage des Pyrénées a pu faire dévier le fil à-plomb de notre inftrument vers le fud, & par confé- quent faire paroître le zénith plus vers le nord qu'il ne Fétoit réellement, ce qui auroit raccourci les arcs célefles déduits des comparaifons des obfervations faites à Perpignan avec celles qui ont été faites dans les autres lieux de la Méridienne, & qui auroit par conféquent fait conclure les Degrés trop grands; de même que le voifmage de lApennin, qui traverfe l'arc mefuré en Îtalie, a pu écarter l'un de autre les zéniths dé- terminés par les à-plombs aux extrémités de cet arc & faire paroître le Degré trop petit; fi, dis-je, on admet cette con- jeéture, qui ne manque pas de vraifemblance, vu la fituation des lieux, & fur-tout celle de Perpignan qui eft placée au fond d’une grande plaine prefque de niveau avec la mer, ter- miuée à l'eft par la mer, au nord & à loueft par des mon- tagnes aflez éloignées & d’une hauteur médiocre, & au fud par la mafle des Pyrénées, où le Canigou s'élève de 1450 toifes, il faudra abandonner toutes les déterminations des Degrés qui feront fondées fur les obfervations céleftes faites à Perpi- gnan, & dans ce cas la Table précédente fe réduira à celle-ci. Sous le parallele de Grandeur du Degré, NEA RNANTEE PA OR 57086 toifes. 2e NME CO SRENErE s….4 570747 AGP SOMME +... 5708 3zunpeumoins. A NERO AE RS ARRETE 7071 ë Le AO ER REMISES 570538 PES ROME PESTE EM HEC een M EVEARAER EU TOR US ZQR A dans laquelle la diminution des Degrés eft beaucoup mieux Hhài + 244 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fuivie & donne r2 toifes par degré: dans l'hypothèfe de Newton, cette diminution ne va pas à 13 toifes. Nous pouvons maintenant établir, avec aflez de fureté, la longueur du Degré dont le milieu pafle par le quarante-cinquième parallèle; car fi nous diminuons les quatre dernières fongueurs qui font dans cette Table, à raifon de 1 3 toifes par degré, nous aurons refpectivement 57032+ toiles, 57023; $7027%7 & 57025, dont le milieu eft $7027 toiles; & f1 nous ne les diminuons qu’à raifon de 12 toifes par degré, nous aurons 57029 toifes. DES SCIENCES. 245 CON ST RALICUT MO: N D'UN NOUVEAU MÉTIER POUR LES OUVRAGES DE TAPISSERIE. Par M. VAUCANSSON. FL n'eft point ici queftion des petits ouvrages de Tapifferie que l’on fait à l'éguille , il s’agit des grandes pièces de Tapiflérie qui fe font au métier. On diftingue deux fortes de ces métiers, la première eft connue fous le nom de baffe -lice, la feconde fous celui de haute-lice. La baffe-lice eft plus ancienne & plus en ufage que la haute-lice ; toutes les Manufaétures connues ne travaillent même uen baffe-lice , excepté celles des Gobelins, où la haute-lice ue établie fous le règne de Louis XIV. On imagina cette nouvelle manière de travailler les tapiffe- ries, pour éviter trois grands inconvéniens qui fe trouvent dans la baflelice; le premier de ces inconvéniens eft d’être obligé de couper par bandes les tableaux que l'on veut exécuter fur la tapifiérie, ce qui les détruit entièrement ; le fecond inconvé- nient eft que les objets font repréfentés fur la tapifierie à contre-fens du tableau ; le troifième enfin, eft que ne pouvant pas bien voir le travail de l’ouvrier, que lorfque la pièce ef entièrement finie, tout moyen de correction fe trouve interdit pour les fautes qu’il peut faire, foit dans le deffein, foit dans le coloris. Tous ces inconvéniens ont été levés par l'invention de la haute-lice ; mais on y en a rencontré d'autresauxquels on ne s'attendoit pas, & qui vraifemblablement ont arrêté fon progrès. Je ne puis me difpenfer de donner ici une courte defcrip- tion de a conftruction particulière de chacun de ces métiers H h ii 246 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE & de la différente manière dont on y travaille, afin de faire mieux fentir leur avantage & leur défavantage refpedtifs. Les métiers de bañle-lice font fimples, & reffemblent à ceux dont on fe fert pour faire de la toile, la chaîne y .eft horizontale & contenue de même entre deux ‘rouleaux : les lices qui fervent à partager la chaîne, y jouent pareillement par le moyen de deux marches; au lieu d'une feule navette, louvrier a ici autant de petits fufeaux qui en font l'office, qu'il doit y avoir de couleurs différentes dans Ja tapifferie. Quand il enfonce une marche avec le pied, une partie de la chaîne s'ouvre, il en choïfit d'une main les fils fous lefquels il pafle un fufeau avec l'autre main; le nombre de ces fils & ia couleur du fufeau , lui font indiqués par la bande coupée du tableau qui eft précifément deflous là chaîne du côté où il travaille, Lorfque l'ouvrier a fabriqué une longueur d'environ quatorze pouces qui fait la largeur de la bande, on roule l'ouvrage fait, & on remet une nouvelle bande à la place de la première, Outre la perte des tableaux que l'on détruit entièrement en les coupant ainfi par morceaux, il faut remarquer que la tapif- ferie ne pouvant {e travailler qu'à l'envers, chaque objet qui y eft rendu, { trouve en-deflous, précifément vis-à-vis chaque point du même objet peint fur le tableau, & que la tapiflerie étant retournée & vue à l'endroit, ce qui étoit à droite fur le tableau, doit néceflairement fe trouver à gauche fur da tapifferie. On concevra aufli très-aifément que la pièce de tapifferie étant de deux ou trois aunes de haut, & pofée fur le métier dans une fituation horizontale à trois pieds de terre, il n'eft pas poñiible, mème en 6tant la bande du tableau, de regarder fa- cilément en-deflous fi louvrier ne s'eft point urompé dans le contour des figures, ou dans l'emploi des couleurs, ce qui a toujours empêché de corriger les fautes qui ont pu fe ‘gliffer dans les ouvrages fabriqués fur ces métiers. Voyons maintenant comment on a évité ces inconvéniens dans les métiers de Hhaute-lice. La chaîne n'éft poiat pofce horizoïitalement dans ces métiers DES NS CNE NAC ES 247 comme dans ceux de baffe-lice, elle eft au contraire dans une fiuation perpendiculaire à l'horizon, on n'y travaille point {ur le tableau, on trace {ur la chaîne avec du crayon noir, tous les contours des figures. Ces contours font pris auparavant fur du papier tranfparent qu'on applique fur le tableau, & qu'on rapporte partie par partie fur la chaîne. L'ouvrier voyant fes principaux traits marqués fur les fils de la chaîne, n'a plus pour la pofition des couleurs, qu'à regarder le tableau qu'on met derrière lui; c’eft par cet expédient que l’on a trouvé le fecret non-feulement de conferver les tableaux dans leur entier, mais de repréfenter fur la tapifierie les objets dans le même fens qu'ils y font peints. La chaîne pouvant être vue de tous côtés à caufe de fa fituation verticale, on a la facilité d'examiner la befogne à imefure que l’ouvrier travaille, & de lui faire corriger fur le champ les plus petites fautes qu'il peut commettre. Voilà par où les ouvrages de haute-lice ont été portés à un fr haut degré de perfection, & par où ils ont paru fi fupérieurs à ceux de la bañie-lice. Mais fi dans ces derniers métiers on a trouvé de grands avantages pour la perfection , on en a perdu de tout auffr con- fidérables pour la célérité & pour la commodité du travail. Les lices ny peuvent point agir par le moyen du pied, comme dans la baffe-lice ; elles font placées au -deflus de la tête de louvrier (ce qui leur a fait donner le nom de haute-lice) , & celui qui travaille eft obligé d'y avoir toujours une main pour choïfir les lacs répondans aux fils de chaine qui doivent s'ouvrir pour le paffage du fufeau, ce qui exige beaucoup plus de temps & beaucoup plus de fatigue. à Il y a encore une pete de temps aflez confidérable pour le choix des couleurs, parce que la chaîne placée en hauteur, entre le jour & l'ouvrier, l'empêche d'y voir affez clair pour les diflinguer ;promptement. Enfin il faut convenir que fi par la difpofition de ce mé- tier, on a procuré aux tapifieries plus de perfection, on les a rendu d'un grand tiers plus longues à faire, & par conféquent 248 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaLe plus chères ; que les particuliers ont été rebutés par leur prix exceffif, qu'il n'y a eu que quelques perfonnes extraordinai- rement riches qui aient pu les payer, & que jufqu'à préfent cette manufacture n'a pu fe foutenir qu'aux frais du Roi. M. le Marquis de Marigny , animé du progrès des Arts autant par le goût & par les connoiffances particulières qu'il en a, que par la place qu'il occupe, me pria l'été dernier de tourner mes récherches vers cet objet, & de tenter s'il feroit poffible de trouver une nouvelle conftruétion de métier qui réunit tous les avantages de la haute-lice pour la perfection de l'ouvrage, & tous ceux de la bafleice pour la commodité & pour la célérité du travail. Je me portai avec empreflement à feconder:fes vues, & voici quelles furent mes premières réflexions. Si la pofition perpendiculaire de la chaîne dans les métiers de haute-lice donne la facilité d'y crayonner les premiers traits du tableau, & de pouvoir examiner l'ouvrage à mefure qu'il fe fait pour en corriger les défauts; fi d'un autre côté cette même chaîne placée horizontalement dans les métiers de bafle- lice, permet à l’ouvrier plus de diligence, & lui donne plus de commodité, il ne s'agit donc que d'imaginer un métier où cette chaîne puifle être verticale & horizontale à volonté. Je dois ici rendre juftice à la pénétration de M. Souflot, fi connu par fes grands talens dans l'Architecture, chargé du détail de la manufacture des Gobelins, il avoit déjà penfé qu'un fimple métier de bafle-lice où l’on pourroit donner à la chaîne différentes fituations, feroit plus commode & plus avantageux que celui de la haute-lice. La difficulté étoit de mouvoir facilement-deux rouleaux de dix-huit pieds de long fur un pied de diamètre , pefant chacun plus de cinq cents livres, & de conferver pendant leur mouve- ment {a chaine dans une tenfion toujours égale. Voici le moyen dont je me füis fervi pour en venir à bout. J'ai fait fupporter les rouleaux par deux jumelles, celui de devant eft fixe & ne peut tourner que fur lui-même, pour rouler la tapiflerie faite; celui de derrière qui porte la chaîne, a de ME M'OCTENCE S 249 a de plus la faculté de s'approcher ou de s'éloigner de celui de devant, à la faveur de deux moutons qui reçoivent fes tourillons, chacun de ces moutons gliffe dans l'intérieur de fa jumelle par le moyen d'une vis; quand la chaîne eft montée entre les deux rouleaux , on les empêche de f détourner par un crochet de fer appliqué à leur extrémité, & attaché à la Jumelle; en tournant la vis qui fait agir les moutons, le rouleau _ de derrière s'éloigne, la chaîne s'étend au point que l’on defire, & demeuré tendue jufqu'à ce qu'on détourne les vis; plus la chaine eft tendue, plus les jumelles fe ferrent contre lés rou- leaux, & forment avec eux un bâti folide & inébranlable. La figure de ce bâti eft celle d’un parallélogramme rectangle, dont les rouleaux de quinze pieds font les grands côtés, & les jumelles de cinq pieds les petits côtés. Au centre de gravité de chacun des petits côtés, c'eft-à-dire, au milieu de chaque jumelle, j'ai placé un boulon de fer qui fait office de pivot fur lequel le bâti peut facilement tourner, parce que les rouleaux placés à égale diftance du boulon, fe tiennent lun & l'autre en équilibre. Lorfqu'il sagit de rapporter les traits du tableau für la chaîne, un coup de main fuffit pour faire bafculer les rouleaux, & le métier devient à haute-lice, parce que la chaîne fe trouve dans une fituation verticale, Un autre coup de main oppolé remet la chaîne dans une fituation horizontale, & le métier devient à baflé-lice pour la célérité & pour la commodité du travail. Veut-on, dans quelque moment que ce foit, regarder fr le fujet que ouvrier vient d'exécuter eft bien rendu, un nouveau coup de main renverfe Je métier, ce qui étoit deflous pale deflus, & l'on eft à même de faire tous les changemens & toutes les corrections que l'on juge à propos avec la plus grande facilité. On voit par-là que pendant tous les différens mouvemens des rouleaux, & dans toutes leurs différentes fituations, la chaîne a toujours fa même tenfion. Un grand défaut commun aux autres métiers, fe trouve cor- rigé dans celui-ci. Toutes les pièces de tapifleries fabriquées fur la haute & fur la baffe-lice, n’en fortent jamais quarrées, Mém. 1758. . li 250 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE c't-à-dire, qu'il y a toujours une rive plus longue que l'autre, on eft obligé de couper de la tapifferie , & de rentraire la bordure à l’éguille, pour remettre les quatre coins à l'équerre, ce qui exige une opération difpendieufe, outre le dommage qu'elle caufe à la tapiflerie, Ce défaut vient de la manière dont la chaîne eft tendue fur les métiers; les rouleaux qui contiennent cette chaîne, ont dix- huit pieds de longueur, c'eft en fixant celui de devant par un bout, & en tournant celui de derrière avec un levier appliqué à un treuil, que fe fait la tenfion de la chaîne, Le point d'appui étant entre la chaîne qui réfifte, & le levier qui la tend, il arrive que les rouleaux fe trouvent plus rapprochés par un bout que par l'autre, & que les rives de la chaîne reftant inécalement tendues pendant le travail, celles de la tapiflerie ne peuvent manquer d’être inégales, & cette inépalité eft d'autant plus confidérable que la pièce eft plus longue. Dans le nouveau métier, j'ai fupprimé le treuil & le levier, foit à caufe de l’incommodité dont ils font à la tête de chaque métier , foit à caufe des accidens funeftes qui en arrivent lorf- que la corde vient à cafér, foit enfin pour abréger l'opération & la rendre plus exacte ; la tenfion de la chaîne s'y fait comme je l'ai dit plus haut, par le moyen de deux vis qui fout glifler les moutons, lefquels embraflent les tourillons du rouleau de derrière; il y a une divifion en pouces & en lignes fur chaque jumelle, où répond un index porté par chaque mouton; on ajufte avec la plus grande facilité & fans efforts, par le moyen des vis, les deux index fur une divifion correfpondante. Les rouleaux étant mis par-là dans un parallélifme parfait entre eux, la chaîne fe trouve également tendue d'une rive comme de l'autre, & la pièce de tapifferie ne peut manquer de foriir parfaitement quarrée de deflusle métier; l'expérience a déjà fait voir que cette nouvelle manière de tendre & de détendre la chaîne, épargne un dixième de temps fur la main-d'œuvre. J'ai encore procuré à l'ouvrier une commodité qu'il na pas dans le métier de baffe-lifle; la chaîne pouvant avoir dans mon nouveau métier toutes fortes de fituations, l'ouvrier peut Mem.de Lie.des Se 2768. p.260.PL.8. on A CS “on | Nouveau mener de Basse Lice . voy. l'explhcation à la Page 90. de Lhéstorre, Alim. de de dar J::768. p.260.PL.8 me = HET ÿ > UN É 1] ; À FH H El (] AA URLS D | en J-Ing An ee de Mouvan meer de Basse Lie vev. l'exphouton à la page oo. de l'hrtetre ES DES SCrENcCESs. 251 Jui donner tel degré d'indinaifon qu'il juge à propos, ce qui le difpenfe, quand l'ouvrage eft un peu avancé, d’alonger fi fort les bras, & de fe prefièr la poitrine en s'appuyant {ur le rouleau de devant. Tous les différens avantages que je viens de décrire ont été reconnus aux Gobelins, où ce métier travaille depuis plufieurs mois. Je m'arréte ici pour prévenir une objection qu'on ne man- quera pas de me faire. Un métier qui comporte autant de perfeétion & de commodité, doit nécefäirement être plus compolé & par conféquent coûter beaucoup plus cher que {es métiers ordinaires: comment voulez-vous, me dira-t-on, que les Entrepreneurs, qui ont peine à foutenir de femblables Ma- nufaétures par le peu de gain qu'ils y font, puiffent fournir à la dépenfe qui féroit néceffaire pour faire conftuire tous leurs métiers fur le modèle que vous propofez ? Je répondrai premièrement que ceux qui ne veulent faire . aucun facrifice pour la perfection, peuvent regarder ce métier comme non avenu pour eux. En fecond lieu, je repréfenterai à ceux qui fe piquent d'une économie mieux entendue, que c€ métier n'eft pas beaucoup . plus compolé que les autres; que fa conftruétion coûtera tout au plus un quart en fus de celle des métiers ordinaires de baffe. lice, ce qui n’eft pas un objet à confidérer vis-à-vis l'avantage de conferver des tableaux de grand prix, de pouvoir porter Youvrage au plus haut degré de perfection, & d'augmenter la confommation en procurant au public des tapifferies aufli par- faites que celles de haute-lice, à un prix encore plus bas que celles de la bañle-lice, c'eft-à-dire à plus d'un tiers* meilleur marché que la haute, Ces avantages ont paru à M. le Marquis de Marigny d'une fï grande importance pour le bien de la Manufacture des Go- belins, qu'il a ordonné que les métiers qui s’y trouvent, foient tous réformés d'après ce nouveau; c’eft un exemple que pourront fuivre, quand ils Le voudront, ceux qui font à Ja tête des autres Manufaétures du Royaume. °s-pogee g Tïij 252 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE MÉMOIRE Dans lequel on détermine le mouvement des Nœuds de chacune des fix Planètes principales par l'ac- tion de toutes les autres ; l'inégalité de la préceffion moyenne des Equinoxes, à le changement de latitude des Étoiles fixes, dans le principe de la gravitation univerfelle. PREMIÉRE PARTIEY#, Par M. DE LA LANDE. 7 Décenhie S°:" la diflance au Soleil d'une Planète pour laquelle 1758. on cherche le mouvement des Nœuds, exprimée par l'unité, D Ha diflance de celle dont on demande faction, A7 fa mafle, celle du Soleil étant prife pour unité, s la diftance variable d’une planète à l'autre, qui change fuivant Fangle de dé ; ur 1 . . n commutation x; que la quantité —- foit exprimée par la férie À + Bcof x + Ccof2x, &c je dis que le mouvement des Nœuds de la Planète, pendant une de fes révolutions, fera 41. B. D. 90 degrés. Pour démontrer ce théorème, j'emploierai la théorie de M. Chiraut; elle a fervi entre fes mains à déterminer, de la manière la plus élégante & la plus fcrupuleufe , toutes les iné- galités du mouvement des Nœuds de la Lune, mais on peut négliger tout ce qui eft périodique dans la recherche à laquelle jentreprends de l'appliquer. ne be De Le cercle PO repréfente l'orbite de la planète troublée P, 131 M la planète perturbatrice, S le Soleil, S'N la ligne d'inter- fection de leurs orbites; SM = D, SP = 1, Pp le æ Ja feconde Partie eft dans le Volume de 1761. . B'ENSAISNCITLEMN CBS 258 mouvement de la planète fur fon orbite dans un inftant très- petit dr; pq parallèle à SZ, l'action de fa planète 47 pour éloigner la planète 2 de fon orbite, parallèlement à S 47; ayant tiré la diagonale P7, elle repréfentera la direction com- polée du mouvement de la planète; ayant prolongé la tangente Pp, elle rencontrera la ligne des Nœuds en un point V, on tirera dans le plan de l'orbite 77 Æ une ligne Ny, parallèle à pq; par les points P & g on tirera une ligne Pg, prolon- gée jufqu'au plan de l'orbite A7£, elle rencontrera ce plan en un point # de la ligne Mn, & formera deux triangles {emblables Ppq, PNn, puifquep g eft parallèle à Nr, alors Sa deviendra la ligne des Nœuds, & l'angle NS fera l'élément de fa variation des Nœuds que lon cherche; nous l'appele- rons dg. Soit Pp = du, l'orbite étant circulaire, la diffé- rencielle dy repréfentera l'angle PSp, la force de la planète 47 | fur la planète P, eft _ ; décompofée fuivant la direction 4ZS, è M. D É c elle devient ——— ; ilen faut retrancher la force {ur le Soleil, s : ne : . . D 1 qui s'exerce dans la même direction, & l'on a 41 fr TS ) s pour la force pertubatrice dans fa direction S A ou pq ; cette force étant apelée F7, on a pq == Fdf, parce que les efpaces parcourus en vertu d’une force accélératrice quelconque, font comine les carrés des temps. La ligne pg eft parallèle au plan de l'orbite ZE; puif- qu'elle eft parallèle au rayon vecteur S'AZ, les triangles Pp 4, PANy font dans un plan parallèle à Porbite AZE ; ainfr par les triangles femblables Ppg, PNy, on a Nr = — rPg = + Far, Vange a NR — MSR; donc rR = = Fdr fn. MS8&. © La mefüre d'un angle eft l'arc divifé par lerayon , donc l'angle 21/7 . 1R PN 2 : PR ee es fin. élémentaire NV Sa eft ENS Fdi uns, Ji ii 254 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoYALr mais _ — fin. PSN, en fuppofñant l'orbite PO circulaire; donc 47 — _ fn.. MSA fin.. PSN.; & comme d2 eft un temps fuppofé uniforme & proportionnel à du, on pourra mettre du* à la place de dr, & F'du à la place Ut Far de 7— ; ON aura donc, en fubflituant pour Æ fa valeur 24 = — x), PT = NIET NE) — + HP Dico mn IC. D, cof. 2 x, &c. ) fin. (pu — q) fin. (u — q), maisx = {1 — p) u; fn. (pu — q) fin. (u—q)—=+cof. (1—pju —+#cof. (u + pu — 24); ainfr Jon voit que + cof. /1 — p)u étant multiplié par B.D.cof. x ou B. D. cof. {1 — p)u, donnera pour un des termes réfultants, 2 + cof. /2 — 2p)u. Je néglige ici tous les autres termes dépendans des finus ou co-finus des angles 7, g, u, pour m'arrêter au terme qui dépend de Fangle # lui-même, & qui par conféquent va toujours en É M.D.B.du croiflant ; on a donc dg —= M.D.B.n \ y . ON aura = ———; or après une révolution de la 4 = planète P, l'angle Fa fera — 9 of; donc alors = M. D.B. , &c. donc en intégrant, 90 degrés. €. Q. F. D. On demandera peut-être comment il arrive que l'inclinaifon des deux orbites n'entre point dans la mefure du mouvement des Nœuds, quoique cette inclinaifon en foit la première caufe ; en effet, on comprend aflez que le mouvement des Nœuds augmenteroit fi l'inclinaifon devenoit plus grande, mais il faut obferver que lorfque nous avons fuppofé — ANR cof.x + Ccof. 2x, &c. x étant l'angle au Soleil, ce n'eft pas exactement l'angle qui fe trouve en retranchant la longitude DES SCIENCES. 255 d'une planète de la Jongitude de l'autre qu'on devroit prendre, mais il faudroit A+ B (1 — 2) cof. x, &c. 1 — étant le co-finus de l'inclinaifon, & x la différence entre fa longitude de la planète P dans fon orbite & le lieu de Ja planète #7 dans la fienne. En fuivant cette remarque, on auroit trouvé l'expreffion 47 B D 90 deorés, modifiée ainfr par le co-finus de linclinaifon, mais les inclinaifons des orbites font fi petites, que leur co-finus ne diffère jamais fenfiblement de l'unité; c'eft pourquoi nous avons négligé d'y avoir égard. : Pour faire ufage de notre théorème, il faut connoître la quantité B, & la recherche en eft fouvent très-difficile; dans le triangle Æ1PS, dont on connoît deux côtés & l'angle compris, ona PM = S = v{1 + D° — 2 Doof. x) 3 L Her 6 eu D? — 2 D cf. x) 2 ; & formant cette puiflance par le binome de Newton & le développement des . . Li } produits de finus en finus fimples de multiples, on a Sir 9 225 3 45 : À RAT + +R + cof. x; fi D eft plus petit que 1, il faudra le mettre par-tout au numérateur , afin que les puiffances les plus grandes produifent les quantités les plus petites. Nous avons négligé dans le coèfhcient de cof. x les puiffances de D qui font au-defius de la fixième , & cette fuppofition peut avoir lieu, f D eft un nombre qui foit au moins égal à 3, comme il arrive à peu près entre Mars & en Le ! ASAPET 6 Jupiter ; car alors le terme px étant fix fois plus petit que + , on peut négliger les fuivans, qui Île feroient bien davantage. Mais fi D eft un nombre plus petit que 3 , alors le fecond terme approche affez du premier pour qu'on ne puifle pas né- gliger les fuivans ; dans le cas, par exemple, de Jupiter comparé avec Saturne, ÉL furpaffe la moitié de À; ainfi la férie * Mem. de T'Acad. 175 41 256 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE feroit trop peu convergente pour pouvoir en faire ufage; il en faut dire autant dans la comparaifon de la Terre avec Mars, Vénus ou Mercure ; de Vénus avec Mars, la Terre ou Mercure ; & de Mercure avec Vénus & la Terre. Ainfi dans tous ces cas, il a fallu recourir aux expédiens qui ont été imaginés pour trouver la valeur de B par des intégrations ou des quadratures; la méthode que M. Clairaut a employé dans fa théorie du Soleil *, m'étant la plus familière & m'ayant paru extrèmement exacte, je l'ai appliquée à tous les cas dont je viens de parler, malgré la longueur du calcul qu'exigent de pareilles opérations aufli multipliées. Soit Jupiter & Saturne, dont les diflances moyennes au Soleil foient a & b, les logarithmes de ces diflances, fuivant les Tables de Halley , nn & 09795518, leur diflance réciproqu: 5 = ya + bd — 2 ab cof. # Li — = (a + D — 2abcof. x) — (2ab) 53 + —{ A x té 7 — cof. x if ; on fuppofe cette quantité égale à A + B cof. x + Cocof. 2x, &c. & l'on cherche les valeurs de À, B, &c. Soit en général cette férie égale à {hi— cof. x)”; puifque l'on cherche fa valeur pour les diflérentes valeurs dont x eff fufceptible pendant une révolution fynodique des deux planètes, on peut la confidérer comme l'ordonnée d'une courbe dont x eft l'abfciffe ; fi donc on multiplie tout par dx, & qu'on prenne les intégrales, on aura fl dx(h— cof.}” — Ax + B fin. x, &c. Lorfque x fera égal à 1 80 degrés, tous les termes s’évanouiront , excepté le premier; ainfi l'on dx (Bb — cof. A 4 RUE £ 1804 Si au lieu de multiplier par Zx on multiplie par dx cof. x, il n'y aura que le fecond terme qui ne fe détruira pas, car B cof. x cof. x.dx = Bdx (+ + + cof. 2 x) ; or l'intégrale Bd de “ B * . A 4 eft ——, ainfi dans le cas où x fera = 180 degrés, 2 = FOUR on D ms S C'r-E N C Ess.; 257 ; B dt cof. x (h — cof, x)" | on aura fax (h —cot.x)"— © & B= [CT 2 -Si on multiplie par cof. 2 x, ce fera le terme C. cof 2 x qui reflera, mais nous nous bornons ici au terme Cx(k — cofx)" pas Di — f AR GRAN ŒRET = DST APhusle réduire en nombres, 90 il faut obferver qu'au-delà de 00 degrés, les co- finus de- viennent négatifs; ainft il y aura deux termes dans la valeur dx cof, x (h — cof. x)" : de 2, f RS ar et PO le premier quart, & df dx cof. x {k + cof.x)" god -vera encore que le coëfficient /2 46)” , aura deux valeurs numériques différentes , fuivant que l'on prendra a ou 4 pour le fecond quart: on obfer- pour unité; le logarithme de /246)7* fera 9,1 3255, Mi la diflance de Jupiter au Soleil eft 1 ; il fera 9,943655, fi c'eft la diflance de Saturne. Pour ce qui eft de fa quantité à + b° ab ainfi j'ai ôté fucceflivement de cette quantité les co-finus de tous les degrés, depuis zéro jufqu'à 90 degrés ; la différence élevée à la puiffance — + étant multiplié par le co-finus, jai eu 91 ordonnées de la courbe cherchée, dont l'aire re- préfente la valeur de Z. Pour avoir la furface de cette courbe , j'ai ajouté le tiers de la première & de ia dernière, quatre tiers de la 2. 4° 6° dre. & deux tiers de la 3° $% 7. dre. fuivant la méthode que M. Clairaut emploie pour quarrer une courbe dont on con- noît les ordonnées, en fuppofant que ces ordonnées, prifes trois à trois, font jointes par une ligne parabolique: en voici la démonftration. Suppofons un arc de parabole dont on a trois ordonnées, a, b, c, répondantes aux ablciffés o, 1, 2, je dis que l'aire de la courbe fera +3a+ $ + + cs l'équation générale des courbes paraboliques, efty = #4 nx + px gx, &c, Men. 1758. . Kk , Elle eft toujours dans les deux cas, 1,189728; nn sn dé ns. ds 258 Mémotres DE L'ACADÉMIE Royare il faut, en confervant la même forme, la difpofer de manière qu'en mettant zéro à la place de x, l'ordonnée ou l'équation devienne a; qu'en mettant 1 à la place de x, l'équation de- vienne à, & qu'en mettant 2 elle devienne c. Or pour cela, il faut fuppofer y = a + (b— a) x + (+ =) x {x — 1); doncydx — adx + (b — a)xdx + ( — b + =) (xxdx — xdx), dont Finté- grale ft fydx ar + Ex + 1 + =) (- _ Le = ) égale à l'aire de a courbe; & fubftituant dans cette expreflion de l'aire, 2 à la place de x, ona Fa + ++ ic Si l'on faifoit la même opération, en prenant l'ordonnée 6 avec les deux fuivantes 4, e, on auroit +c++$d+ Te, & en continuant ainfi de fuite, on voit que lon aura + de tous les nombres pairs, + des impairs, & + des extrêmes, comme on fa fuppolé ci-deffus. Dans l'exemple propofé, le tiers des extrêmes eft 4,0 342, les quatre tiers des ordonnées paires 2 3 1,6287, les deux tiers des impaires 111,8178; la fomme étant divifée par 90 degrés, donne 3,860898 pour l'aire de la courbe cherchée dans le premier quart. La même opération fe fait pour le fecond quart, en ajoutant les co-finus qui fe retranchoient dans le premier , & l'on trouve pour l'aire totale, 0,2 361 14; ainfi le terme 2 cherché, qui eft la différence de ces deux aires, fe trouve 3,6248. Si au lieu de calculer les ordonnées de degrés en degrés, on ne le fait que de trois en trois, il faudra divifer par 30 degrés, & non plus par 90 degrés, puifque l'intervalle des ordonnées & l'aire de l courbe font trois fois plus grands qu'on ne les fuppole dans l'opération. Cette détermination du coëfficient Beft anfli exaéte qu'on la puifle defirer pour les recherches les plus délicates de la | DES, SCIENCES 259 théorie de Saturne, à plus forte raifon pour celles du mouve- ment des Nœuds, auxquelles nous allons l'employer. Entre la Terre & Vénus on a {1,0 5284 — co-fin. x) = B—15,4666, les logarithmes de /2 ab) T* font 975931, lorfque la diftance de la Terre eft unité, & 9 3 3747 lorfque c'eft la diftance de Vénus. Entre la Terre & Mars, je trouve /1,090 — co-fin. x Me B = 8,6r147; les logarithmes de (2ab)7 "font 982261 & 927420, fuivant que l'on prend pour unité la diftance de Mars ou celle de la Terre. Pour comparer Vénus & Mars, {1,290 — cof. x) * donne B — 2,1322 ; les logarithmes de /2486) T* font 951466 & 0,485 34, fuivant que la diflance de Vénus ou celle de Mars eft prife pour unité. Lorfqu’on confidère Mercure & la Terre, {1,486 — cof.:) ; donne B — 1,0748; le logarithme de /24ab) 7 * eft 0,16673 quand Ja diflance de la Terre eft 1 ; & 8,9 3019 lorfque la diflance de Mercure eft l'unité. Enfin pour Vénus & Mercure, on a {/1,2018 — cof. 1), B— 3,356; les logarithmes de /2 ab) font 914119 lorfque la diftance de Mercure eft 1, & 0,37772 quand on prend pour unité la diflance de Vénus au Soleil. La mafle des planètes exige encore quelques réflexions. Les planètes de Saturne, Jupiter & la Terre ayant autour d'elles des Satellites, on détermine leur denfité par la comparaifon des diftances de ces Satellites & de la durée de leurs révolu- tions (Newton, lib. 111, prop. #) ; à lépard de Mars, Vénus & Mercure , il faut néceflairement faire quelque conjecture fur leur denfité avant que d'établir leur mañle, M. Euler, dans lOuvrage qui a remporté le Prix de . JAcadémie en 1756, fur les inégalités mutuelles des Planètes, (Par. II, $. 33), obferve que les denfités de Saturne, de Kkï RE du de à Re, ÉD 260 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Jupiter & de la Terre, étant exprimées par les nombres 67, 95 & 400, fe trouvent être prefque comme les racines des moyens mOuVEMENs ; & quoique certe proportion fit peu exacte, il en déduit les mafles de Mars, de Vénus & de Mercure, 0,018, 0,420, 0,040, en nommant celle de la Terre, & fuppofant encore le volume de Vénus un tiers de celui de la Terre; je les emploïerai comme M. Euler, en attendant que j'aie examiné f1 la mafle de Vénus ne doit pas être beaucoup augmentée, à raïfon de fon diamètre, que M. Euler a peut -être fuppofé trop petit, je me propole feule- ment ici de trouver les mêmes réfultats, pour en faire voir les démonftrations. Voici donc les logarithines des fractions qui repréfentent les mafles des Planètes , divifées chacune par celle du Soleil; jy ai joint les logarithmes de leurs moyens mouvemens, divifés chacun par celui de a Terre. Maffe. Mouvement. MERCURE..... | 337345. | 0,6182569. VÉNUS.....:.. | 4,39467.| 0,2109867. PRFRRIE Tele: 4:77139.| 0,0000000. IMPARNSPPE PET -. | 3,02666.| 9,7256694 JO PÉTER ee. 6,97184.| 8,9260572. SATURNE...... 6.51985.| 8,5311460. Ce logarithme du moyen mouvement étant ajouté à celui du mouvement du Nœud pendant une révolution de la planète, donne le mouvement du Nœud pour une année. Les élémens étant ainfi établis, voici les réfultats des calculs pour toutes les Planètes, c’eft-à-dire, le mouvement des Nœuds de chacune, fur l'orbite de chacune des cinq autres, par rapport aux Étoiles fixes. Mouvement annuel des Nœuds de S'ATURNE. ETUI BTNDENRS Ste fe ec Gisele 17,902. VÉAPRN SR MT rs dr RTL 0,005 Parilaction dé VE RIRES. pe AN Te +. a ANNOIOOPE NÉ NTCIO MAR OR PA MEET 0,000$. MTERIGU' RES are delete ete le te ee MO D OOOE »! pie sr Sat E N°'CESs 26: Mouvement annuel des Nœuds de JU PITER. S'AMRURINE LM LT SANTO UE 8”,5 59. IMITAGRUS TE. TNT EE. USE ET EL 0,048 Par l'action de { TERRE:,.................. 0,065. MRÉN DIS. ReanEN AT Aire ANAL NI rTe 0,004 MM RICIUNRIE OR nn ee ele 0,0001: Mouvement des Nœuds de MARS. SPAUTIUDNRINIE 2e 7e alape Late ne He NON72 0! JROPPUNINE RM Pale tft aie velo clio + 14,194 Par l'action de/ TERRE...... À D ME AR Een 3826. VÉNUS Re ses 1,317: MERCURE. ......... 5 SRE 0,008. Mouvement des Nœuds de la TERRE. SATURNE...... One .-.. 0',3784 AAUDPÉTUTPE RES ES Det eut ee 202 aie otre 6,924 Par l'action de { MARS..... BOB EEE éd EE 0,094 VÉÉ NUS Re": ee EUR et $:147. NDFRNGURRE Ve re eletelaule elle de .. 0,047 Mouvement des Neœuds de VÉNUS. SATURNE...... SEA A DA ES .. 07,230 JUPITER....... sensor esters 45130 Par l'action de / MARSs...... réno deb bec 6 PTE CHE : ERIRIET lee LUE CPE 14,469. INDE RCUIRIERE EC ER CESR el. . 0,201. F Mouvement des Nœuds de MERCURE. SAUTIDURINIE Pa cie ete ebe taie à ss... 0,090. DÉRPOE REPAES seo ceclos te lee Le 02257200 Par l'aétion de MARS....................... 0,009. RE RRR NE cie JADE HE NS e.. 1,871. MÉNIUIS els eee ele loleletehe le late 2,904 Voy, Mém. de d'Acad, 175 7 262 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Un des ufages les plus curieux que lon puifle-faire de ces recherches, confifle à déterminer l'inégalité de la préceffion moyenne des Équinoxes & le changement des Étoiles fixes en latitude: M. Euler eft le premier qui ait montré, foit dans fa Pièce qui a remporté le Prix en 1748, foit dans l'Hifloire de l'Académie Royale des Sciences de Prufle, année 1754, tome À, que les étoiles fixes doivent avoir des latitudes fenfible- ment difiérentes de celles qu'elles avoient autrefois, & que la préceflion moyenne des Équinoxes , dans ce fiècle-ci, eft plus grande qu'elle ne l'a été dans les fiècles pañlés; d’où rélulte une efpèce d’équation féculaire pour la longitude des étoiles, femblable à eelles dont on avoit déjà parlé pour les planètes , & fur lefquelles j'ai donné un Mémoire. En effet, puifque l'attraction de Jupiter fait rétrograder de 6,924 par an les points d'interfeétion de l'orbite de la Terre fur celle de Jupiter, il s'enfuit que fe pôle de l'orbite de la Terre décrit un cercle autour du pôle de orbite de Jupiter én 140000 ans environ; & comme ces deux orbites font entr'elles un angle de 14 19°, fi on fuppofe l'orbite de Jupiter fixe, les étoiles qui font aétuellement fituées vers le Nœud de Jupiter & dans 'écliptique, en feront éloignées de 14 19° lorfque le pôle de l'écliptique aura fait le quart de fa révolu- tion autour du pôle de l'orbite de Jupiter. Les étoiles fituées à 90 degrés du Nœud ne changent point de latitude, tandis que les étoiles voifmes du Nœud varient fenfiblèment; les longitudes des ‘étoiles en font auffi diverfe- ment aflectées, tout ainfi que les afcenfions droites des étoiles différent des longitudes, à mefure que les pôles du monde tournent autour de ceux de l'écliptique. L'obliquité de l'écliptique doit varier auffi, car la direction de l'équateur n'étant pas modifiée par cette caufe qui affeéte Ja direction de lécliptique, l'équateur doit continuer d’être di- rigé vers les mêmes étoiles, tandis que l'écliptique pañle par dés étoiles différentes. Pour afligner la mefure -de toutes ces variations, j'oblerve que toutes les fois qu'un pôle tourne autour d'un autre, les one den) D EMI SIC/T'EUN CE: 263 petits angles au pole fixe fe réduifent à des angles au pôle tournant , fi on les multiplie par le co-finus de l'angle formé ar les deux cercles, moins le produit du finus de cet angle r le finus de la diftance au Nœud, comptée fur le cercle mobile, & par la tangente de la diflance de l'aftre à ce cercle, Pour avoir le changement qui arrive dans la diftance de l'aftre par rapport au cercle mobile, on multiplie le mouvement du Nœud ou du pôle mobile par la tangente de l'angle d’in- clinaifon, & le co-finus de la diftance au Nœud comptée fur de cercle mobile. Soit donc Z l'angle d'inclinaifon de l'orbite de la Terre fur Forbite de Jupiter, 47 le mouvement du pôle de l'écliptique autour de celui de l'orbite de Jupiter pendant un fiècle, compté fur l'orbite de Jupiter, D la diflance d’un aftre au Nœud de ces orbites vers le milieu du fiècle, comptée fur l'écliptique, £ la latitude de l'aftre,, alors le changement de longitude pendant ce fiècle, fera 4. cof. Z — M cof. J'uung. Z fin. D tang. L, & le changement de latitude fera M1. cof. J tang. Z of. D — M fin. Z cof. D. La partie 7 cof. J eft conftante pour toutes les étoiles, if n'y a que la partie Acof. J tang. Zfin. D tang. L — M fin. 4 fin. 2). tang. L, qui peut faire varier la différence de longitude entre deux étoiles; cette variation féroit extrénement grande pour des étoiles qui, étant voifines du pôle de lécliptique, répondroient au Noœud de l'orbite, où plutôt au colure des Noœuds, c'eft-à-dire au cercle tiré du pôle de l'écliptique par les Nœuds. Si le pôle de Fécliptique décrit un cercle autour de celui de l'orbite de Jupiter, il en décrit un aufi fenfible autour de Torbite de Vénus, & l'effet de ce nouveau mouvement doit être calculé par une opération féparée, puifque le Nœud de Vénus eft à 27 1444, tandis que celui de Jupiter eft à 3f 84 2. Il faudra pour avoir la valeur de D, retrancher de 1 longitude d'une étoile 2f 1442, en caiculant le changement produit par Vénus, & en retrancher 3! 84 + lorfqu'on calculera 264 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE l'effet de Jupiter ; de même l'inclinaifon de Vénus étant 34 23' 20", ceite quantité fera la valeur de Z pour Vénus, mais Z ne fera que de 14 19° pour Jupiter. Ainfi, par l'action de Jupiter, le mouvement progreffif du Nœud étant en un fiècle 69 2",24, le changement de latitude qui en réfute eft 15,91 pour les étoiles fituées à 31 84 de longitude ; & pour les autres étoiles, ce fera 1$°,91 cof. (longit. — 3184), mais le co-finus de la difference de deux arcs eft égal au produit des co-finus ajouté à celui des finus, & le co-finus de 3f 84 étant égal à celui de 82 degrés, pris négativement, ON aura — 1 $'»91 cof. long. cof. 82 degrés + 15,91 fin. long. fin. 82 degrés — 15",75 fin. long. — 2",213 cof. long. en fuppofant le lieu du Nœud toujours à 3184, comme il l'eft fenfiblement pour k durée de quelques fiècles. On a de même : par Vénus... 29",25 fin. long. + 8,386 par Saturne .. 1,5 — 0,60 LA (les CMD TE D Le RS cof. longit. étoile. par Mercure... 0,40 + 0,40 Le total des cinq aétions pour changer la latitude d’une étoile, eft donc + 47,2 fin. long. — 6,2 cof. long, La latitude des étoiles boréales eft croiffante, celle des étoiles auftrales décroît jufqu'à ce que la formule change de figne, car il faut bien obferver dans l'application de cette formule que le premier terme devient négatif quand la longitude de l'étoile eft entre 6 & 12 fignes, & le fecond terme lorfque la longitude eft entre 3 & 9 fignes. La même formule fervira à trouver l'équation féculaire de la longitude des étoiles fixes Afin. Z. fin. D . tang. L, car M fin. / eft la même quantité employéeci-deflus, & fin. D — fin. (long. — Nœud) ; mais le finus de la différence de ces deux arcs — fin. long. cof. Nœud — fin. Nœud cof. Jong. donc on aura pour Jupiter, A2. fin. Z. fin. D = — 2,2 1 3 fin. long. 7 ES vye DIESLSCTENCES. 265$ — 15";75 .cof. long. expreffion qui ne diffère de celle du changement de latitude que par le changement de co-finus en finus & de finus en co-finus, avec un figne contraire pour le co-finus de la longitude ; ainfi pour la fomme des actions réunies, lon aura — 47",2 cof. long. + 6",2 fin. long. dans ce fiècle ci, qu'il faut enfüite multiplier par tang. latit. La Table que donne M. Euler, dans 'Hiftoire de l'Académie, rome X, paroït avoir été conftruite fur ce principe , mais je ne la rapporte ici que pour remarquer que ce n'eft pas exactement par rapport à la première étoile du Bélier que cette Table donne J'augmen- tation ou la diminution de longitude , mais bien par rapport à l'équinoxe lui-même ou à l'aftre que l'on fuppoferoit avoir zéro de longitude & de latitude: & pour le xvir.° fiècle , ou tout au plus pour les fiècles peu éloignés ; l'argument eft la longitude actuelle, il faut changer les fignes des trois derniers nombres de la quatrième colonne. TABLE L. Changement dans la Longitude des Étoiles fixes boréales pour le x VI11* fiècle é7 pour les fiècles peu éloignés, ED CT Lengit. | w — cn 1700, | À + M+|1+|r— a Sec. o | 48 3 47 6 | 47 9 | 46 12 | 45 T5 44 18 43 21 42 24 | 4r 27 39 30 | 38 | 18 If faut multiplier les nombres de cette Table par la tangente de la latitude , & changer les figues fi la latitude eft méridionale. Mn. 1758. . LI 266 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE TABLE Il. Changement de la diflance des Étoiles au pôle boréal de l'Echprique pendant un fiècle. ETS LAFOTE RO ENS ER EST EP AT AUS DS DORE ET SN RE EE ÉRRRNNE E Longit. DES I |11— IV —| v— D à) — | — | — 1700. [VI + | VI + |VII] IX + KE on Tagze HL Obliquité de l'Échptique , en fuppofant la maffe de Venus, comme à la page 260. Années, | Obliquité moyenne, | Anns, | Obliquiré moyenne, AIT Avr RCI Ne ME LR Ut RAILS 3501) 23:hA 4 TO DS ONE EPS E SO 25-405 )moso 25-3120 150 23. 40. 31 1150 23» 33: 00 250 | 223, 39: 47, |rz250o | 23. 32.,14 3eMe2S5- 050 lisse 25. br 4502558. 19, Irasa 2% o-s4r 559 | 23. 37: 34 |1550 | 23. 29. 54 650 | 23:36. 49 lréso | 23. 29. 7 750 | 234 36. 4 |r1750 | 23. 28. 20 Bison mas aurez CRE I CE AR | ‘0'f s2dy On trouveroit cette obliquité trois cents cinquante ans avant DES INSEE TENN) d'El: 267 © J. C. ou au temps de Pithæas, de près de 24 degrés, fr on fuppoloit la maffe de Vénus égale à celle de la Terre, au lieu que . nous favons fuppofée dans les calculs précédens beaucoup moindre que celle de la Terre, & probablement cette déter- mination de 24 degrés feroit meilleure. TABLE IV. Préceffion des Equinoxes pour les dix-luit premiers Jiècles de notre Ere, Juivant la détermination de la page 26 #. ESPRITS LE | Ann, de J, C| Préceffion féculaire. À Ann, de J. C.| Préceffion féculaire. Emi D. M. Ss. DT CMS: o Ie,23-120 900 1502122438 100 RONDE 1000 1. 23. 40 200 1120-1724. 1100 PN22 A2 300 HENDEDNENS 1200 122044 400 10212028 1300 1. 23%. 46 500 1. 23 30 1400 1.123. 48 600 1-/23- 22 1500 I. 13. 50 700 125024 1600 Ans 2 800 1: 23° 36 1700 1.25: 154 Les fignes + & —— de la première Table, indiquent l'augmentation ou la diminution de longitude pour les fiècles à venir. Si l'on confidère le pôle boréal de l'Équateur comme une étoile fixe, & qu'on examine, par nos formules, fa variation en longitude & en latitude, on aura le changement qui arrive dans la préceffion des équinoxes & dans l'obliquité de l'éclip- tique; la longitude de cette étoile étant 90 degrés & fa latitude GGAL; — 47",2 fera la variation de fobliquité de l'écliptique, &—+- 6",2 tang, 66d 32° — + 14,3 fera le changement de la préceffion des équinoxes , qui fe trouve de figne contraire à la précefion moyenne , en forte que celle-ci en fera diminuée, & f1 la longitude des étoiles peut croître de 1% 23° $0" dans ce fiècle-ci par l'action du Soleil & de la Lune, elle ne croitra . que de 14 23° 36", vu l'aétion des planètes que nous venons Lii 268 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE de confidérer. Nous ne parlons point de la quantité conftante M cof. 7, car puifqu'elle affecte toutes les étoiles auffi- bien que le pôle de l'Équateur & le colure des folftices , elle ne peut pas influer fur la diflance d'une étoile à ce colure des folftices, & par conféquent ne change rien dans le ciel ; il ne refle que la partie variable A7 fin. Z fin. D rang. L que nous avions à évaluer. Ces variations ne font plus les mêmes fi l'on remonte à des fiècles éloignés, parce que la longitude des Nœuds de Jupiter & de Vénus, que nous avons fuppolée conflante, cefle de l'être. Les calculs rapportés ci-deflus pour le mouvement des Nœuds, ayant été réduits à l'écliptique, m'ont fait trouver la pofition du Nœud de chaque planète pour le milieu du premier fiècle de notre Ere, & par conféquent m'ont mis à portée d'appliquer à ce temps-là les formules précédentes pour l'aug- mentation de longitude & de latitude. Je donnerai dans un autre Mémoire la méthode & les calculs qu’exigece changement, ou cette réduction à l'écliptique, d'où n'ait fouvent une très-grande différence dans le mouvement des Nœuds; mais en attendant, voici le lieu du Nœud des planètes, calculé fuivant ma méthode , pour Jan $o de l'Ere vulgaire. S'ATURNE NN ETES 2 JUPLTER SEEN ENTER MARS. .....: O. 29. 19 VÉNUS... 12. Mo.026 MERCURE.... O. 24 09 Longitude du Noœud afcendant pour lan 50. En employant ces longitudes dans les formules précédentes , on trouve que dans le premier fiècle l'obliquité de l'écliptique ne diminuoit que de 43",6 au lieu de 47",2, & la précef- fion des équinoxes diminuoit de 48",o4, c'eft-à-dire, de 34 fecondes plus que dans ce fiècle-ci, où nous avons vu que la diminution féculaire n’eft que de 14",2 8. En fuppofant donc la préceflion actuelle des équinoxes 50,336, comme je l'ai conclu des obfervations de Tycho-Brahé, comparées DES SIC L'E NC Es. 269 avec celles de M. l'abbé de la Caille, elle na dû étre que de 50 fecondes dans le premier fiècle. Je me fuis déjà fervi de cette importante confidération pour prouver qu'il ny avoit point eu d'accélération phyfique depuis vingt fiècles dans le mouvement de la Terre. Au refte, fi M. Euler, dans l'endroit déjà cité, donne 59" au lieu de 43”,6, que je viens de trouver pour la dimi- nution féculaire de lobliquité de l'écliptique dans le premier fiècle de notre Ere, c'eft qu'il na pas employé, comme je viens de le faire, le mouvement des Nœuds de Vénus, cal- culé dans le principe de l'attraction, & il le fuppofe moins ‘avancé que moi de plus de 10 degrés *, favoir le Nœud de Jupiter 2{ 134 58°, & celui de Vénus 1° 194 20’, L'on fuppole dans les calculs précédens , que les inclinaifons des orbites n'ont pas changé dans l'intervalle de ces dix-fept fiècles , fuppofition que je difcuterai dans une autre occafion, car on voit par les formules ci-defus, que f1 l'angle d’une orbite fur l'éclip- tique augmentoit avec le temps : fon effet augmenteroit dans la proportion de fon finus. Il ne faut que comparer les latitudes des étoiles dans le catalogue de Ptolémée avec celles que lon a obfervées dans ce fiècle-ci, auffi - bien que les différences de longitudes entre différentes étoiles, pour voir la confirma- tion de la théorie précédente : par exemple, la première étoile de la confiellation du Cocher, dans le catalogue de Ptolémée , a, fuivant cet Auteur, 304 o’ de fatitude, tandis que dans le catalogue de Flamfteed elle a 3 o 49"; au contraire, Ja qua- torzième étoile des Gemeaux, dont la latitude eft méridionale & a dü diminuer, fe trouve dans Ptolémée à 14 30’ de lati- tude, tandis qu'elle n'a plus que 04 56’ dans le catalogue de Flamfleed. I en eft à peu près de même de toutes celles qui font dans la même région du Ciel: quant à {a différence des longitudes, prenant l'étoile n.° 2 7 de la grande Ourfe & celle n.” 10 du Dragon, dont lalatitude eft de 814 48’; on trouve que la différence de longitude entre ces deux étoiles a diminué de 14 21", ce qui s'accorde affez bien avec les formules ci- deffus. LI iï Voy, Mém, de l’Acad, 175 7 * Voy, Hifi de l’Acad, de Ber!, 17S 43 20 270 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Année 17004 Au temps de Prolémées n de la grande Ourfe....... NAN 4! 294 501 n.” ro du Dragon. ..... MT U2 0022328) Or Différence en longitude . . .... 6. 6. 49. Get, Quant à l'utilité des calculs que nous avons donnés du mou: vement des Nœuds, elle eft aflez juftifiée par la différence énorme que l'on trouve entre les Tables de M. Caffini & celles de M. Halley, dont l'un attribue $0 fecondes, & l'autre 24 fecondes de mouvement au Nœud de Jupiter. Une fi grande incertitude ne pouvoit ètre levée qu'en remontant au principe & à la caufe; les Annales de l'Aftronomie ne font point afiez anciennes & nos Obfervations ne font ni affez exactes ni aflez multipliées pour tenir lieu de ces recherches. 2er. de L'Ac,R. dar Je.1766. p.270. Pl. 9. Eclplique Drbite de Venus Dem de le R- dar Jo3768: p.se, PL 9 Ang del: et Va + PIS IS CIRE NE © « 271 MÉMOIRE Sur plufieurs Rivières de Normandie, qui entrent en terre à7 qui reparoiffent enfuite, ér fur quelques autres de la France. Par M. GUETTARD. A perte des fleuves & des rivières eft un phénomène de la Nature aflez fingulier pour avoir depuis très-long- temps mérité l'attention des Naturaliftes & celle des Philo- fophes ; il paroït même que cette attention a produit dans lefprit de quelques-uns un tel degré d'admiration , qu'il pale fouvent les bornes qu’une philofophie éclairée permet de donner à ces effets naturels. Si l’on en veut croire Pline le Naturalifte, ce neft que par haïne de la mer que quelques fleuves fe cachent ainfi dans Îeurs propres lits, & qu'ils imitent en cela le fleuve - Alphée, qui étant entré en terre, en fort une feconde fois par la fontaine d'Aréhufe, fans avoir perdu dans fon cours les corps qu'on y avoit jetés avant qu'il difparüt. Lorfque Pline parle du Nil, il femble que fon admiration * augmenté. Le Nil fier de fa beauté & de fon utilité, ne veut couler que dans des pays habités par des hommes; il dédaigne detraverfer des fables arides & abandonnés ; arrivé dans de pareils cantons, il s'enfonce fous terre, & il ne reparoît que pour fe cacher de nouveau lorfqu'après avoir coulé à l'air pour le bon- heur des humains, il revoit des pays qui font aufli inhabités que les premiers. Ce flile figuré, digne de l'éloquence de Pline & du fublime de la Poëfie eft, à ce que je crois, la fource de cette efpèce d'enthoufiafme qui s'eft emparé de plufieurs Ecrivains qui ont parlé de ces fleuves ou de fleuves femblables. Sans en citer un grand nombre, je peux renvoyer à Majol; fuivant lui, tous ces cffèts font autant de miracles de la Nature, On peut encore 12 Juillet 1758. Voyez Fline, Hifare Nobes lv, 11, chap, 103; li, V, Chap, 9. Voy. l'Europe vivante , Je 46e Genève, 1667, o in-4 Viy. if. générale de Normandie , par Gabriel Dumoulin,ps 14. Rouen, 163 1,in-fol. » 272 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE confulter la Defcription de la France felon le cours des fleuves, par Coulon, l'admiration n'y eft guère moins grande: cette admiration a quelquefois été auf vive chez les peuples qui avoient de ces fortes de fleuves; les Efpagnols du moins, au rapport de l'auteur de l'Europe vivante, fe vantent d'avoir un pont fur lequel cent mille bêtes à cornes peuvent paître en- femble; ce pont eft une vafte prairie de l'Eftramadoure, fous laquelle la Guadiana coule pendant l'efpace d’une étendue de terrain qu'un homme de pied pourroit traverfer en un jour. L'auteur de lhifloire de Normandie, quoique plus modéré que les Écrivains dont je viens de parler, a quelque chofe de ce ftile figuré, lorfqu'il parle de deux ruiffeaux de cette pro- vince qui fe perdent en terre. « Le château d’Hafpres, dit-il, donne origine à ce fleuve appelé des Latins Rifella, Rifla, & Ridula, près de la forêt de l’Aigle ; mais à peine at-il paru grand & puiffant à Lyre, qu'il fe perd entièrement au-deffous du château de la Lune & du moulin de Bougy , puis environ une lieue & demie fous Grolay, en la Fontaine-enragée, fe relève enflé de plus de la moitié, & en moins de dix pieds loin de cette nouvelle fource, fait moudre un moulin à blé, puis coule à Beaumont-le-Roger, & de-là à Naffandres, où il reçoit la rivière de Carantonne. Quant à celle-ci, elle naît d’une fontaine qui vient de la forêt d'Ouche, en l'abbaye de S."Evroul, que les habitans de Grand- Mefnil édifièrent, fuper fluviolum Caremonæ. Mais à peine a-t-elle fait quatre lieues , qu'elle {e voit enflée tout foudain d'un fleuve fouterrain qui fort de la fontaine Ternant, je dis d’un fleuve » fouterrain, croyant que c'eft le même qui prenant fon origine » dans la fontaine d'Enfer, fe perd au-deflous de Hugon après s Ÿ avoir tourné quatre moulins : quoique c'en {oit, Carantonne fortifiée de beaucoup des eaux de Ternant, pañle à Montreuif, à Chambroy, & de-là à Bernaï, ville bâtie du temps de nos premiers Ducs, & embellie de temples aufli-bien décorés qu'on en puiffe voir dans la France. Conqué fuivi d’un bon nombre de fontaines, lui vient faire efcorte aux murailles de cette ville, & après avoir paflé par la vicomté & chaftellenie à de D ESS NON E NC E s 273 de Maneval & Serquigny, fe perdent dans la Rille, & nous laiffent leurs loches & truites faumonnées. » Ces deux petites rivières font de celles dont je me propofe de parler dans ce Mémoire, je ne prétends pas par conféquent apprendre un fait qui foit nouvellement connu en Norman- die, on y fait encore que l'Aure & la Drôme fe perdent auffr. Dumoulin en dit même quelque chofe : « ces deux ri- vières, fuivant lui, s'affemblent en la foffe du Soucy près le village de Maifons, au- deffous de Bayeux, fe perdent fur un fable ferme près du mont Calvin, & fe relevant à deux lieues delà, font le port Beflin; » la perte des autres dont Dumoulin ne parle pas, n'y eft pas non plus ignorée. L'auteur de l’hifloire du comté d'Evreux n'a point paffé fous flence celle de lon. Ce que ces auteurs ont tu, & qui devoit, à ce qu'il me paroït, le plus intéreffer les Naturaliftes, eft le détail de la façon dont ces rivières fe perdent & repa- roiffent, ce qui peut concourir à ces eflets, foit du côté de la nature du terrain, foit du côté de fa difpofition. En un mot, il étoit curieux d’être inftruit fur les différentes circonftances qui précèdent, accompagnent ou fuivent la perte & la fortie de ces rivières, : J'ai eu en vue, dans ce Mémoire, de commencer cette partie de Fhifloire de ces fortes de rivières; c'eft, à cequ'il me paroit, ce qui manque à cette hifloire: nous connoifions main- tenant un grand nombre de rivières femblables, qui coulent en France même, mais nous fommes peu avancés dans la con- noiflance des circonflances qui concourent à ce phénomène naturel; cet cependant là ce qui doit, à mon avis, le plus piquer notre curiofité. I femble que les Anciens avoient fait plus de progrès que nous fur ce point : un paflage de Sénèque le Philofophe paroït infinuer cette affertion. Sénèque dit au chapitre xxvi du Livre 11 des queftions naturelles, « que les fleuves fe perdent de deux façons; les uns tombent fubitement dans un gouffre, & difparoiffent pour toujours; les autres dimi- nuent peu à peu, & fe perdent, mais ils refortent à quelques intervalles, & reprennent leur nom & leur cours. » Cette Mém. 1758. . Mm LCA LCA n (4 c Jbid ps 1 6, c « « 274 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE efpèce de loi générale femble fuppofer une fuite d'obfervations & de détails qui ne nous ont pas été tranfmis, Ce n’eft ordi- nairement qu'après de grandes recherches qu'on peut parvenir à former ainfi des divifions aufli étendues. Quoi qu'il en foit des connoiflances que les Anciens pou- voient avoir fur cette matière, j'eflayerai, en rapportant mes recherches, de contribuer à augmenter celles que nous avons déjà; je commencerai par celles que j'ai faites {ur la Rille, je n'ai pas d’autres raifons de ce choix que de les avoir faites les premières. La Rille prend fà fource, non au château d'Hafpres , comme le rapporte Dumoulin , mais d'une fontaine qui porte le même nom qu'elle, & qui eft près de Planche, village éloigné du Mellerault d’une lieue; elle commence à fe perdre dès Lyre, & fa plus grande perte fe fait au Rouge - moulin, à un quart de lieue de cet endroit: on voit au Rouge-moulin des trous auxquels on a donné dans le pays le nom de Betoirs ; c'elt par ces trous que la rivière s'engouffre peu à peu; elle le fait cependant affez promptement pour qu'elle difparoiffe dans l'efpace de deux petites lieues, c'eft-à-dire, depuis le Rouge- moulin jufqu'au château de la Lune. Voici comme cette opération fe pale, le fein de la rivière & fes bords font percés de temps en temps de bétoirs, ces trous font ordinairement coniques ; lorfque la rivière eft pleine, ces trous abforbent l'eau, elle y entre en occafionnant un bruit & un mouvement circulaire femblable à ceux que l'eau pro- duit dans un entonnoir lorfqu'on Fly jette d’un peu haut. Quoique cela arrive dans la Rille lorfque fon canal eft tout plein, on ne s’en aperçoit cependant pas, parce que la rapi- dité de l'eau la fait pafler en partie par-deflus ces bétoirs, l'eau fupérieure eft emportée , linférieure feulement s’y en- gouffre; lorfqu'il y a peu d'eau dans Ra rivière, on voit aifément la façon dont tout s'opère, on remarque même que dans le temps qu'il n'y a qu'une très-petite quantité d'eau, & qui eft en quelque forte de niveau avec les bétoirs, non - {eu- lement l'eau qui vient au ou y entre, mais celle qui l'avoit D'ESCUShGITIENNtC"E s 2 déjà paffé revient fur fes pas & s'y engouffre; il femble même que cette eau s’y précipite avec plus de promptitude, on diroit qu'elle eft attirée ou comme fucée; il faut fans doute que le fein de la rivière foit dans ces endroits incliné vers les deux côtés de ces trous, & que l'inclinaifon foit même affez confi- dérable, pour que l'eau qui y revient y foit reportée avec tant de promptitude. On diroit qu'elle y accourt ; cét effet paroît affez fingulier, & il faut qu'il le foit, pour avoir frappé les payfans du canton qui ne manquent pas de vous en avertir, & de vous le faire remarquer comme une chôfe qui mérite attention, Les bétoirs des bords de fa rivière n'ont pas une action fi vive, l'eau y entre, il eft vrai, avec promptitude & en quantité, mais elle y entre fans bruit, d’un mouvement continu, fans gargouillement, ou avec un qui ef très - petit. J'ai fait ces re- marques entre les deux moulins qui font au bas de la mon- tagne qui porte l'abbaye de Grammont; le premier moulin a toujours de l'eau, le fecond en manque l'été; l'eau fe boit dans cette faifon entre le premier & le fecond, dans l'efpace au plus de deux ou trois portées de fufil, & le fein de la rivière refte à {ec. En hiver il {e remplit dans tout fon cours, & l'eau coule jufqu'au fecond moulin, & même bien au délà , elle va juf- qu'à Beaumont-le-Roger, & continue enfuite fon cours. … Cet effet a deux caufes; l'une dépend des pluies de cette faifon qui font plus fréquentes, & qui ne s'évaporent pas auffi promptement qu'en été; la feconde vient de ce que l'eau qui eft entrée fous terre par {es bétoirs pendant les autres faifons, en fort dans celle-ci, & fe répand dans la rivière. Ce regorgement des eaux n’eft occafionné fans doute que par le refoulement de celles qui font dans les montagnes, & qui s'augmentent alors confidérablement, l'eau des pluies s’in- filtrant à travers les terres. Celle des étangs qui font dans le fein de ces montagnes, doit s'élever jufqu'à la hauteur des bétoirs , les enfiler, s'écouler au dehors, faire refluer l'eau de ha rivière, qui ne trouve point d'obflacle qui puiflé l'en em- pêcher: il n'en eft pas de même de l'eau des étangs, elle eft M m ij 276 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE retenue par la malle des montagnes, n'a pas d’autres iffues que celles que lui préfentent les bétoirs, & eft par conféquent obligée de paffer par ces trous. Le peu de réfifance de l'eau de la rivière fait que celle des montagnes s'y mêle aifément, qu'elle enfle la rivière & la fait fortir de fon fein & fe répandre fur les prairies voilines de fes bords. L’exiftence des étangs intérieurs des montagnes ne peut guère être regardée comme douteufe, elle eft prouvée par les faits: il faut bien qu'il y ait dans ces montagnes des cavités qui puiflent recevoir les eaux qui reparoiffent en hiver. On peut même, à ce que je crois, avancer qu'ils doivent être confidérables , puilque l'eau de cette rivière, qui coule pendant toute l'année, eft abforbée par ces montagnes, excepté pendant l'hiver, l'eau reparoïflant au contraire dans cette faifon. Si toutes les mon- tagnes qui abforbent de cette eau, avoient des iffues par lefquelles l'eau püût fortir continuellement & former par conféquent des fontaines, on pourroit douter de lexiftence de ces étangs, mais il ne m'a pas paru qu'il y eüt des fontaines bien confidérables, du moins le long de plufieurs des montagnes qui reçoivent les eaux de cette rivière; il n'y a que celle où eft placée l'abbaye de Grammont, qui, du côté oppolé à celui où coule la Rille, fournit plufieurs fontaines qui fourcillent de terre, & dont Ja plus forte eft celle qu'on appelle la Fontaine enragée * : cette fontaine eft précifément entre Giammont & Beaumont-le- Roger, dans un endroit appelé Groflai. | On pourroit par conféquent penfer que ces fontaines donnent un écoulement continuel à l'eau de la rivière, & qu'elles em- péchent la formation de l'étang que je fuppole dans cette mon- tagne; on regarde cependant dans le pays ces amas d’eau comme une vérité que l'expérience a prouvée : on aflure dans le canton, qu'un Prieur de Grammont, voulant faire en forte de rétenir l'eau qui fe perdoit & conferver le fein de la rivière toujours * Ce nom me paroît être une cor- | même Beaumont-le- Roger : aïnfi au ruption du nom de Roger, que | lieu de dire la fontaine de Beaumont- plufieurs Comtes de Normandie ont | le-Roger, on aura dit la fontaine de porté : le village de Beaumont, qui | Roger, & de-là la fontaine enragée. eft près de ces fontaines, fe nomme te ed ID ESS ENTE Nc Es. 2e plein, imagina de faire creufer la montagne en longueur, en füuivant le lit de la rivière, afin de donner jour à l'eau _& de l'obliger à couler dans la rivière & à en entretenir ainfr la continuité; on ne put, dit-on, y réuflir, parce qu'on trouva une efpèce de rivière fouterraine, qui étoit de plufieurs pieds au-deffous du niveau de la Rille, &c qui empècha par conféquent de parvenir au but qu'on s'étoit propolé. On aflure même qu'on s'aperçoit aifément encore de cette rivière fouterraine dans un trou où marnière qu’on avoit d’abord fait fur la pente de la montagne, pour voir ft on trouveroit le baflin qui recevoit l'eau de la rivière. C’eft une tradition conf- tante qu'on trouva cette eau, & qu'elle fe manifefte encore en hiver lorfqu'elle eft augmentée ; on veut même qu'on l'entende alors couler, à Cette eau eft fr confidérable dans cette faifon, qu’elle reflue par l'endroit de la montagne où l’on avoit ouvert le canal, de façon qu'elle y forme une efpèce de marre où les femmes vont laver le linge. Quoique je n'aie pas vu ces faits, m'étant trouvé en été dans ce canton, je ne puis cependant en douter & croire qu'on ait voulu m'en impofer; tous les habitans de ce pays en font perfuadés , tous parlent à ce fujet de la même manière. J'ai vu le trou où la marnière; j'ai vu lendroit par où l’on a commencé à percer la montagne lorfqu'on voulut chercher Fétang intérieur. I n'eft pas maintenant poffible d'entrer dans ce canal, l'ouverture s'étant bouchée par féboulement des terres. Malgré cela, je crois qu'on peut ajouter foi à la tradition de ce pays & regarder Îles étangs intérieurs de ces montagnes comme réels & exiftans. En admettant leur exiflence, on demandera peut-être com- ment ils ont pu fe former, je répondrai à cette queftion de deux façons : il peut fe faire que ces étangs ne foient que des cavités formées dans les temps que les montagnes fe font élevées. On connoït grand nombre de montagnes qui renferment de ces cavités; il sen voit une à Chaillot aux environs de Paris; il eftaifé, en defcendant dans les caves de plufieurs particuliers de ce village, de voir que les puits de leurs maifons s'ouvrent Man ii 278 MÉMOREIS DE L’ACADÉMIE ROYALE tous dans une même nappe d'eau. Si on ne veut pas admettre l'antiquité de ces cavités, on peut dire, du moins pour celles que j'imagine ètre dans plufieurs des montagnes qui bordent la Rille, qu'elles font dües à la perte que ces montagnes ont faite de leurs terres intérieures: les eaux des pluies, en s'infiltrant à travers de ces terres & en fortant par les fontaines de Groflai, ont dû creufer ces cavités; elles étoient d'autant plus aifées à faire, que les terres de ces montagnes fe pénètrent aifément par les eaux & en peuvent être facilement entrainées ; elles ont peu de liaifon entr'elles, à caufe de la quantité prodigieufe de cailloux dont elles font lardées : cette quantité eft telle, qu'elle fait à cette hauteur prefque le maflif de ces montagnes, de forte qu'il y a peu de terre en comparaifon des cailloux. IL a donc pu fe faire que les terres aient été emportées peu à peu, & que par leur fouftraction il-fe foit formé des ca- vités plus où moins confidérables. Si, malgré cette explication fimple & naturelle, on ne vouloit pas admettre ces cavités, je ne puis croire qu'on refufe de reconnoître au moins des efpèces de foffés pierriers, dans lefquels coule l'eau que les montagnes abforbent & qui, de celle de Grammont, va reffortir à Groflai. Ces fofiés pierriers, dûs à la Nature, peuvent fe voir dans beaucoup d'endroits, dont le terrain eft, comme à Gramimont, rempli de cailloux: j'ai remarqué aux environs de l'Aigle, qu'après des pluies , l'eau couloit entre ces cailloux , en y formant des filets aflez gros pour être comparés à ceux des foflés pier- riers artificiels. Des faits particuliers que je tiens de perfonnes dignes de foi, viennent encore à l'appui du fentiment que je propofe; M. le Loutrel, Seigneur de Saint-Aubin, paroifle de ce canton, homme attentif & économe éclairé, m'a afluré qu'ayant voulu baigner fes prés, il y fitentrer l'eau de la Rille, il fut fort étonné le lendemain de voir que l'eau avoit été bue, & qu'il s’étoit formé dans un endroit de ce pré, un trou confidérable, & qui avoit été le gouffre par lequel l'eau avoit probablement été engloutie. Un autre Gentilhomme * m'a affuré un fait à peu près * M. de Saint-Mars, Gentilhomme de M. le Duc d'Orléans, & .beau- frère de M, le Loutrel. AD EU SU IS CG) RE ANR C: ES. 279 femblable : il fe forma , fuivant lui, dans un pré des environs du même Samt-Aubin, un très-grand trou par l'afaiffement des terres, & ce trou fe remplit d'eau fubitement , & de façon que des perfonnes qui fe trouvèrent fur ce terrain pensèrent être noyées; l'eau s'écoula enfuite ou fut r'abforbée, le trou refta à fec; il pouvoit avoir plus de douze à quinze pieds de profondeur. Un Prieur de Grammont m'a raconté que revenant un jour à fon Prieuré, il fut étonné de fentir que fon cheval avoit enfoncé dans un terrain où il fembloit ne le devoir pas faire : étant retourné dans cet endroit, il trouva un grand trou qui s’eft enfuite peu à peu agrandi, & à tel point qu'il fut obligé de le faire remplir pour que le chemin ne fe gâtât pas de plus en plus. Ces faits & d'autres femblables, que je pourrai rapporter dans la fuite de ce Mémoire, prouvent que le terrain de ces cantons ou de cantons pareils, s'affaiffe aifément, & probable- ment parce que les terres s'y délayant, les cailloux s’écroulent enfuite & , par cet écroulement , forment à l'extérieur ou dans l'intérieur de fa terre des cavités d’une étendue plus ou moins confidérable. Un pareil terrain feroit toujours un obflacle terrible à furmon- ter, fi jamais on vouloit travailler de nouveau à empêcher a Rille de fe perdre, on a plufieurs fois tenté d'y réuflir, mais toujours inutilement ; le moyen qu'on avoit d’abord imaginé, & dont j'ai parlé plus haut, étoit, à ce qu'il me femble , un des plus efficaces ; on devoit penfer.qu'en ouvrant la montagne, & donnant ainfi une iflue à l’eau, on devoit fournir à da rivière un moyen de fe remplir continuellement , mais l'eau intérieure étant plus bafle que le lit de latrivière, ce moyen a été inutile. On a eflayé plufieurs fois de boucher les bétoirs avec de la terre, du fumier; mais ces matières font emportées par l'eau qui eft refoulée en hiver, ce moyen ne remédie pas, même en été, beaucoup à ce mal: que faire donc! il eft très-difficile de le déterminer; on pourroit croire qu'il n'y avoit qu'à ma- çonner l'endroit où les bétoirs fe font formés, y faire des maflifs confidérables de pierres, revêtir de planches où même UT TS PP re + Eh 280 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE de plomb ces maffifs, & empécher ainfi l'eau de la rivière de sy engloutir, & l'eau intérieure de refluer par ces trous; mais fi l'eau, lorfqu'elle fe préfenteroit à à ces bétoirs ne trouvoit plus d'ouverture & ne pouvoit forcer ces ouvrages, elle fe for- meroit probablement des bétoirs dans d’autres endroits du cours de cette rivière, vu la facilité qu'elle y trouveroit à caufe de la porofité du terrain. Si lon vouloit jamais conferver l'eau de cette rivière, on feroit, à ce que je crois, obligé de lui faire un lit de maçon- nerie revêtu de bois où de plomb, où un courrois de glaife femblable à celui des baffins de nos jardins. Cette dépente feroit immenfe, & une dépenfe femblable ne doit fans doute s'entre- prendre que pour des chofes d’une utilité indifpenfble, pour l'ornement des palais des Rois ou des grands Princes , pour pro- curer à de grandes villes une eau qui leur manqueroit, ou pour conduire à des manufactures importantes, & qui ne pourroient pas être établies autre part , une eau qui leur feroit efientiellement néceflaire. C'eft ce que le Cardinal Mazarin a fait pour la forge de 'Éminence près de Donzy en Nivernois, l'eau eft conduite à cette forge au moyen d'un canal revêtu de planches; on fut obligé de le revêtir ainfi, parce que lorfqu'il fut creufé, & qu'on y eut fait entrer l’eau, cette eau fe but dans ces terres nou- vellement creufées; la nature du terrain , quoique différente de celle du terrain de Grammont, contribua à cette perte de Teau ; c’eft un tuf fablonneux, qui a peu de liaifon, & qui eft très-poreux : au moyen des précautions qu'on à apportées , & du dépôt que la rivière peut même avoir fait peu à peu par les jours qu'elle s’eft formée, l'eaif ne s'eft plus perdue, & elle refle dans fon canal. Quoique la dépenfe qu ‘il a fallu faire à l'Éminence foit confidérable , elle n'eft pas à comparer à celle qu'exigeroit le travail néceffaire pour retenir l'eau de la Rille, L'étendue de terrain qu'il a fallu revêtir à l'Éminence, n'eft prefque rien en comparaifon de celui qui demanderoit un pareil travail dans plufieurs lieux du cours de la Rille. IL froit peut-être moins couteux de percer la montagne de Grammont, a ie | 4 PA * MONS S C'TTEUN CE s. 281 Grammont , & de faire de l'eau de la Rille & de l'eau intérieure | un feul canal, ce feroit-Rà fans doute un ouvrage qui pourroit f comparer à celui que les Romains ont fait dans la mon- tagne qu’ils ont ainfr ouverte en Italie; mais il faudroit qu'une utilité effentielle l'exigeät, & il n'y a pas trop lieu de croire qu'on foit jamais dans ce cas par rapport à ce canton de {a Normandie. Les habitans des bords de la Rille ne doivent pas, à ce que je penfe, efpérer jamais de voir leur rivière toujours pleine; & ils le doivent d'autant moins, que cette rivière ne difparoït que pendant peu de temps, & que cette perte ne {e fait qu’en été, l'eau fortant en hiver du fein des montagnes & refluant dans le lit de la rivière qui fe trouve par conféquent alors rempli dans tout fon cours. De plus, comme je fai infinué ci-devant, cette rivière perd peut-être de fon eau dans prefque tout fon cours,ou dans une grande étendue de ce cours. À Grammont elle n’eft plus qu'un filet d'eau, à l'Aigle elle eft beaucoup plus confidérable; dans le mois d'Oétobre 1757, elle avoit cinq pieds de profondeur, fur trente-fix pieds de largeur, dans un endroit appelé la Tri- fillerie, du côté du Martinet, cet endroit eft environ à un quart de lieue de Aigle; il y a des endroits de la Rille qui font moins larges & moins profonds, d'autres le font plus ; on a pris des mefures moyennes : il s’en faut de beaucoup que cette rivière ait cette profondeur & cette largeur ; lorfqu'elle ef par- venue à Grammont, à peine a-t-elle un pied d'eau & quatre à cinq pieds de largeur , encore n’eft-ce que par le foin avec lequel on retient l'eau dans fon lit, pour 1e befoin des moulins : äl faut donc que l'eau fe perde dans un long cours de chemin, & jai même appris à l’Aigle qu'elle pouvoit commencer à fe perdre dès les environs de cette ville; ce que je ne ferois pas éloigné de croire, vu la nature du terrain de cette ville, qui eft femblable à celui de Grammont. Les difficultés qu'on trouvera toujours à furmonter lorfqu’on voudra travailler à conferver l'eau de cette rivière, fe trouve- roient également , fi on vouloit en faire autant au fujet des autres rivières dont j'ai à parler. Une de ces rivières eft flton ; le Min, 1758. . Nn Vo, Hif gém de Norm Pr13. » » y M y ÿ 282 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE filence que le Curé de Manneval garde fur la perte de FIton, ne pourroit-il pas faire croire que cette rivière ne fe perdoit pas de fon temps; on ne doit pas du moins, à ce que je crois, entendre de la perte de cette rivière, ce qu'il rapporte à fon fujet. « L'Iton, dit-il, fort d’une fontaine du Perche, & prenant pour efcorte deux ruiffeaux qui coulent, lun de l'étang royal de Verneuil, & l'autre de celui de Breteuil, vifite Condé, qui eft le plus puiflant féjour des Evêques d'Évreux. ..:.... L'on a dit que ceux de Conches pañlionnément amoureux d'Iton, la voulurent ravir pour jouir de fa beauté, & que l'ayant quelque peu détournée du chemin, que la mère Nature lui avoit montré, gravèrent fur une pierre dont je ai vu encore aucuns Mémoires, Veuille Dieu ou non, Cy paffera Lion ; mais ceux d'Évreux plus forts que les Conchois, lui ten- dirent les bras, la reçurent à refuge, & lui permirent d'aller joindre eux près d'Aquigny ,ainfi ab aguarum coïtione. Louviers les reçoit tôt après, & Îa Seine au-deffous de Val-de- Rueil. » C'eft fans doute de quelque-entreprife qu'on avoit faite pour détourner le cours de lIton , dont le Curé de Manneval parle ici, & je ne crois pas qu'on doive entendre ce pañage d'une perte naturelle qui arriva à cette rivière, il auroit fans doute dit de cette perte, ce qu'il a rapporté de celles dont il a parlé, & on ne voit pas d’autre raifon du filence de Dumoulin, que l'ignorance où il étoit de cette perte, fi elle étoit réelle, ou l'exiftence d'un cours continu de cette rivière; l'une & l'autre raifon peuvent réellement avoir lieu. Le village de Manneval, où demeuroit Dumoulin , étant du diocèfe de Lifieux, & affez éloigné de l'endroit où l'Iton fe perd, Dumoulina bien pu ignorer cette perte; il peut fe faire auffr que cette rivière ne fe perdit pas alors, il s'eft peut-être, fuivant ce que j'ai dit plus haut, formé des bétoirs depuis le temps où vivoit Dumoulin. Quoi qu'il en foit, cent ans ou environ après, ces bétoirs exifloient, puifque le Braffeur parle de la perte de cette rivière DES SCTENCES. : 283 dans fon Hifloïre civile & eccléfftique du comté d'Evreux. « L'Iton, dit-il, qui prend fa fource des rivières d’Eure & de Verneuil, arrofe les terres d'une bonne partie de cette contrée, environne le château d'Evreux ; après quelques courfes, elle cache pendant plus d’une lieue fes eaux fous terre, après quoi elle reparoît, reprenant fon cours avec plus de rapidité qu'au- paravant, pafle par Evreux, cotoie les montagnes de Norman- ville, les rochers de Broville, de Houtteville & d'Hondouville, & va fe perdre au village de Planches, dans la rivière d’Eure, celle-ci va fe perdre dans la Seine au village de Dans, environ un quart de lieue au-deflous du Pont-de-l'Arche, » Voici ce que j'ai obfervé fur la perte de cette rivière; peu après être forti de la forét d'Evreux, on traverf fon lit; ce lit eft fec en été, on l'appelle à caufe de cela le fc on; il fuit affèz le contour des bois jufqu’à un endroit qu'on nomme Villaller ; c'eft à ce village où f'Iton fe perd entièrement , il ne va pas plus loin en été: en hiver fon lit fe remplit, il devient même alors une efpèce de torrent fort à craindre; il a plu- fieurs pieds de profondeur lorfque les averles d’eau ont été abondantes. J'ai remonté ce lit jufqu'au moulin du Coq; là j'ai vu un bétoir dans lequel l'eau s’engouffroit d’un cours continu ; ce bétoir n'étoit qu'un trou d'un pied au plus de profondeur , ou plutôt c'étoit un endroit du lit de la rivière où les cailloux permettoient à l'eau de s’infinuer en terre, n’étant plus liés entre eux par les gros fables qui lient les cailloux de ces cantons. Eorfqu'on fonde ce bétoir on trouve bientôt de la réfiftance, &.ce n'eft qu'en écartant les caïlloux qu'on peut encore atteindre à la profondeur d'un pied; ce que j'ai déjà obfervé au fujet des bétoirs de la Rille: j'en ai rencontré plufieurs de fémblables -dépuis le moulin du Coq jufque vers l'églife de Villaller; ils étoïent à fc, y ayant dans ce moment peu d'eau dans la rivière: L'eau étoit retenue au moulin du Coq pour en augmenter, le volume & ‘pouvoir enfüite faire aller ce moulim Lorfque l'eau €ft amaffée & que le moulin eft en mouvement , Tes’hétoïrs fEcs fe couvrent d'eau & Fabforbent de façon que l'eau.de la rivière Nan ji Ve te Brafl Hifioire crvile eccléfaf- cc rique du comté d'Evreux , S page 9, Paris, « 1722, 4° LAS 284 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ne pafle pas l'églife de Villallet ; vis-à-vis de cette églife il y a un bétoir qui boit confidérablement. Entre l'églife & le moulin du Coq, une partie du it de la rivière eft remplie d'eau, même en été, cela ne vient que de ce qu'il eft apparemment dans ces endroits mieux glaifé que dans les autres & qu'il y eft plus creux ; ce font des efpèces de petits bas- fond. Outre ces bétoirs, il y en a encore un au moulin du Sac, en remontant la rivière: fuivant une perfonne de ce canton, cette rivière commence à fe perdre dès Coulonge; au moulin de Février elle eft déjà beaucoup diminuée, elle continue ainfi à difparoître jufqu'à Gaudreville , lorfque fon eau eft affez forte pour y pouvoir aller. On m'a afluré au moulin du Coq qu'il y avoit à Gaudreville un bétoir confidérable, L’Aure * ou la rivière de Verneuil , qui eft peu éloignée vers fa fource de la rivière d'Iton, fe perd aufii par plufieurs bétoirs qui font le long de fon cours; elle prend fa fource es étangs de la T'rape ; elle commence à fe perdre dès Chefne- brun. On voit dans les prés qui font fur la droite de cette rivière & avant le moulin de cet endroit, fept à huit grands bétoirs qui abforbent une quantité confidérable d’eau, de façon même que toute l'eau de la rivière en feroit abforbée fr on ne con- tenoit cette rivière dans fon lit: ces bétoirs ne lui font même nuifibles que. dans les temps de débordemens , lorfqu’elle fe répand dans les prés ; cette eau s’y engouffre & difparoît , ou plutôt ces bétoirs lui font avantageux alors ; car l'eau en y entrant, * L’Auteur du Diétionnaire de la France , dit que le nom latin aurea de cette rivière, peut venir de ce qu’elle charie peut-être de l'or: ce prétendu or n’eft, à ce que je crois, que du talc. La fource de cette ri- vière eft düe aux étangs de la Trape, qui font dans un pays dont le fable elt talqueux : les rochers de ce can- ton en contiennent auffi; ces rochers font compofés d’un fable graveleux , d’un rouffätre qui tient de la rouille de fer; on leur a donné dans le pays le nom de roufjier. On prétend à la Trape qu’on a tiré de l'or de ces ierres : c’eft apparemment de celles- Ë que parle l’auteur del’Oryétologie. Si ces pierres en ont réellement don- né, ce net, je crois, que parce qu’elles font un peu fcerrugineufes ; mais pour contenir de l’or, comme il faudroit que cela füt pour que la rivière d'Aure en roulât, c’eft ce que je ne puis me perfuader , ayant bien examiné ces pierres, même à la loupe, & n’y ayant jamais vu que du talc d’une belle couleur dorée. DPEUSUISLCITE N_C-.E 28 ‘va fans doute fe réunir à celle de la rivière lorfqu'elle reparoît. Quoi qu'il en {oit, ces bétoirs font de grands trous, ou cre- vafles, irréguliers & creufés en ravins. Lorfque j'allai examiner la perte de cette rivière, on écu- roit fon lit, on avoit détourné l'eau , & on l'avoit obligée de fe répandre dans les près , où elle étoit bientôt abforbée par les bétoirs ; ik y en avoit deux fur-tout où elle fe rendoit. Quand elle eft dans fon lit , la perte fe fait près d’une ferme qui eft dans la vallée & de la paroïfle de Pulei : j'ai remarqué le long de la rivière cinq ou fix grands bétoirs coniques, ils ont cinq ou fix pieds d'ouverture par en haut ; leur profondeur eft au moins aufli grande ; ces bétoirs boivent toute la rivière, & elle ne va pas plus loin en été que la Lenbergerie. En hiver, ou dans les grandes averfes , elle coule jufqu'à Fétang de France, qui eft à la porte de Verneuil: Jorfque fon lit eft à fec, on le fuit aifément jufqu'à cet étang, qui n'a lui- même d'eau qu'en hiver; l'herbe y pouffe l'été de façon qu'on y met paître des beftiaux & qu'on fauche cette herbe: en hiver, l'eau dont il ef couvert, n’eft que celle que les bétoirs revomiffent , celui fur-tout qui eft peu éloigné de la Lenbergerie & quelques - uns qui font aux environs de Chavigny ; on appelle ceux-ci les fontaines de Chavigny , & on penfe com- munément dans le pays que c’eft par ces fontaines que l'eau de k rivière reparoit. Je ne ferois pas volontiers de ce fentiment, puifque ces bétoirs ne jettent pas continuellement. Je penfe plutôt que Tétang des Forges * , qui eft de l'autre côté de la vallée où eft l'étang de France, & fur le chemin de Verneuil à l’Aïgle, fournit ces eaux ; cet étang a toujours de l'eau , elle coule con- tinuellement , elle fe décharge par un endroit du rempart, peu éloigné de la porte de Verneuil , nommée la porte de lAigle , l'eau pafle par-deffous la chauffée du foffé de la ville, * Cet étang eft ainfi nommé, parce | celui qui en provenoit; ileft plus fer- qi y avoit autrefois des forges fur | rugineux , plus lourd, plus com- es bords; on y voit encore du laitier. | paét , moins fpongieux & moins Ces forges étoient fans doute des | vitrifié que celui des forges de nos forges à bras; le laitier eft femblable à | jours. Te Nnii 286 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE elle forme un bétoir dans le fofié , elle s'écoule par - deflous le mur de cette ville, & va former une pièce d'eau qui fert d'abreuvoir aux chevaux, & de cet abreuvoir elle coule dans fon lit. Je trace d'autant plus volontiers cette route aux eaux fou- terraines de Aure , que ces eaux n'ont pas beaucoup de terrain à traverfer pour aller former l'étang des Forges , elles n’ont que le corps de la montagne qui {pare les deux étangs. Il peut très-bien fe faire que cette montagne foit très-poreufe , & par conféquent facile à pénétrer. Il eft encore plus naturel de le penfer, que de croire que ces eux vont, comme quelques- uns le prétendent , former les fontaines de Rueil près la Gau- delière. Un bras de cette rivière, qui vient de près de Nor- mandel , fe boit de la même façon que celui dont je viens de parler , & qui paffe à Randonaï ; celui de Normandel s'abforbe dans le pré de la Ferme qui eft dans la vallée de Normandel; il vient d’un endroit voifin du fourneau de la Motte. Il étoit facile d'empêcher , du moins en grande partie, la perte de cette riviere, Il ne s’agifloit que de creuler fon it, & d’en enlever la vafe qui le remplifloit, & obligeoit par con- féquent l’eau à fe répandre fur fes bords dès quelle augmen- toit un peu ; c'eft le parti qu'on vient de prendre. Le grand nombre de moulins & de forges qui font fur cette rivière , & qui manquoient fouvent d’eau, y a enfin forcé. On a conduit le travail jufqu'à l'étang de France. On a donné au lit de {a rivière douze pieds de largeur , fur trois pieds de profondeur. On a bouché les bétoirs qui font fur les bords de la rivière, & l'on a ménagé ceux qui revomiffent l’eau en hiver , de façon à conduire l'eau dans la rivière, Vis-à-vis celui de la Lenbergerie, on a fait un émpallement au bord de la rivière, lequel doit empêcher l'eau de fe répandre fur le pré en été, lor{qu'il arrive des averfes ; & en hiver l'eau du bétoir s'écoulera dans la rivière par un canal muré. Par ce moyen le cours de cette rivière pourra aifément fe continuer jufqu'à l'étang, de France, même en été, On pourroit penfer que fi l'effèt qu'on attend de ce travail, D'EISVSNC TE NICE S 287 a lieu, l'étang des Forges fe tarira, s'il eft vrai qu'il doive fes eaux à celles qui fe perdent en terre. Malgré qu'il y ait lieu de croire que ces eaux sy rendent, on peut préfumer que recevant auffr de l’eau par d’autres fources , il fubfiftera indé- pendamment des eaux de lAure. Il ne peut par conféquent qu'être très-utile de travailler à retenir les eaux de cette rivière dans fon lit, quand il n’y auroit que l'avantage qui en reviendra aux moulins qui font fur cette rivière depuis Randonaï ; ces moulins fouffroient un dommage évident, le lit de la rivière s'étant rempli entièrement , & étant dans plufieurs en- droits de niveau avec les prés, l'eau ne pouvoit plus y être retenue. Îl y avoit dans quelques endroits jufqu'à trois à quatre pieds de vale, qu'il a fallu enlever; cette vafe eft le produit peut-être de plus d'un fiécle. I y a dans le pays des vieillards de quatre-vingt à quatre-vingt-dix ans, qui ne fe fouviennent pas de Favoir jamais vu curer. Ce n'eft peut-être qu'à caufe de ce dépôt que l'eau de la rivière fe perd maintenant , peut-être n’eft-ce que quand l'étang de France a été comblé, que les bétoirs fe font formés. L'eau a été alors obligée de refluer , & de fe répandre fur les prés. Par fon féjour elle a pénétré les terres , les a délayées & les a entraïnées en fe faifant jour là où elle reparoît. C’eft une opinion commune dans le pays , que la rivière alloit de nos “Jours un peu plus loin que là où elle finit maintenant ; que de nouveaux gouflres fe font ouverts & Font ablorbée plus promptement ; & lon donne pour raifon de {eur formation , le débordement de eau fur les prés, à caufe de l'élévation du fond de la rivière. Ce fentiment femble prouver que ces bétoirs ne fe font faits que lorfque l'eau n’a pu fe renfermer dans fon lit On m'a même afluré qu'il y a des bétoirs qui rendent en hiver une eau bleuâtre; d'où lon peut conclure que cette eau eft chargée des glaifes qu'elle a délayées fous terre. - Une preuve que les terres fe délaient, eft, comme je l'ai déjà dit , la formation fubite de certains bétoirs. I s’en eft ouvert un dans un champ voifin de la Lenbergerie, & fur la côte, à la gauche de la rivière. La terre s'eft afhiflée tout-à-coup, & LE] 288 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoYALr a donné naïflance à un de ces bétoirs qui eft très -grand. On y a vu un ruifleau fouterrain , couler fur le fond très-rapi- : dement : cette obfervation me paroït être une preuve aflez forte du chemin que l'eau de la rivière peut prendre à travers 1 montagne, pour fe rendre dans l'étang dés Forges. Enfin, fi l'on ajoute à ces preuves le filence que Dumoulin a gardé fur la perte des eaux de cette rivière, comme il l'a gardé fur celle des eaux de F'Tton , il réfultera de ces faits, que la perte des eaux de l'Aure pourroit fort bien ne fe faire que depuis un temps peu reculé *. Cette raifon ne peut pas avoir lieu pour celle de Ja rivière du Sap-André, ou plutôt du Noyer - Ménard , laquelle re- paroît à T'ernant. J'ai rapporté au commencement de ce Mé- moire , ce que Dumoulin nous avoit laiffé à ce fujet. Les autres remarques dont j'ai parlé peuvent au contraire très-bien s’y appliquer ; en effet tout s'y pafle à peu près de la même façon. On pourra en juger par le détail fuivant. Cette rivière prend fa fource au Noyer-Ménard ; elle eft fournie par trois fontaines ; depuis fa fource jufqu’à l'endroit où elle fe perd entièrement , qui n'eft guère qu'à une demi- lieue de cette fource, elle fait moudre quatre moulins , établis au Noyer -Ménard, au Sap-André, à S. Martin de Hugon, & à la Motte de Hugon ou Chenai. C’eft près de ce dernier qu'elle fe perd , vis-à-vis ou à peu près d'un endroit appelé les Foyards, petit hameau fur la droite de cette rivière. : Voici la façon dont cette perte fe fait, l'eau s’'engoufre par un cours continu, fans chute ni gargouillement, ni retar- dement ; il femble que rien ne s’oppole à fon cours. I ne paroït pas cependant de cavité ; l'eau pafle entre des cailloux. If n’eft pas plus poflible de faire entrer dans cet endroit un bâton, * Ces obfervations pourroient faire craindre que le travail qu’on vient de faire fur cette rivière n’eût pas tout le fuccès qu’on en attend; il pourroit bien arriver que le lit de la rivière étant auffi net de vale qu’il Pefl maintenant , il ne s’y formät des bétoirs qui abforbaffent l’eau. Il au- roit peut-être été mieux de n’enlever qu’une partie de la vafe; c’eft ce que j'ai fait remarquer à l’Entrepreneux de cet ouvrage : il m’a paru perfuadé de la réuffite; le temps en décidera. qu'il PIE SOLS CHE E NICE S 289 qu'il ne left dans les endroits où fe perdent les autres rivières dont j'ai parlé; ce bétoir a tout au plus deux pieds de pro- fondeur : les cailloux fe font bientôt fentir : l'endroit où eft placé le bétoir eft un cul-de-fac d'une wingtaine de pas. de largeur : lorfque l'eau eft parvenue au fond de ce cul-de- fac, elle trouve une éminence de fix à fept pieds de hauteur, au bas de laquelle elle difparoït de la façon que je viens de dire. Cette éminence n’eft qu'une élévation du terrain de la vallée ; c’eft-à-dire que la vallée eft plus creufe depuis la fource de la rivière jufqu'à cet endroit, & qu'elle eft plus haute depuis cet endroit jufqu’à la fontaine deT'ernant où l'eau re- paroït; de forte que la rivière fe trouve arrêtée au commen- cement de cette hauteur , obligée d'entrer en terre, & d'y couler pendant toute la longueur de ce terrain élevé: fi on enlevoit ce terrain, on trouveroit vraifemblablement le lit de a rivière ; {1 on niveloit le terrain, on s'aflureroit certainement ue la rivière reparoït dans l'alignement de l'endroit où elle fe perd & qu'elle a la pente du terrain. Pour avoir une idée jufte de la fituation du terrain où cette rivière fe perd, on peut imaginer deux chaînes de montagnes & une autre plus bafle dans le milieu : celle-ci fera l'obftacle qui s'oppolera au courant de l'eau, & qui obligera cette eau de pénétrer la terre & de s’y creufer un canal. k . La perte de cette rivière ne { fait pas cependant feulement dans fe cul-de-fac, il y a des bétoirs dans plufieurs endroits de fon cours : lorfqu'elle eft enflée par les éaux de l'hiver & qu'elle entre dans les prés voifins, elle s’abforbe par des bétoirs confidérables ; j'en ai vu un à la porte du moulin de la Motte de Hugon, qui peut avoir plus de cinq à fix pieds de diamètre & prefqu'autant de profondeur ; c’eft un cône reénverfé. Un autre, un peu moins grand, eft à côté de celui qui abforbe cette rivière lorfqu'elle eft baffle: il y en a encore un autre femblable dans le pré qui eft à gauche, au deflus &.le long de ceite rivière & un peu avant que d'arriver au cul-de-fac. Lorfque ces bétoirs font à fec, on entre dedans fans rien craindre , de même que dans ceux des autres rivières dont il Mn, 1758 + Oo 290 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE a été queflion : ces bétoirs n'ont point ou très-peu de vale; leur fond eft de cailloux, ils ne fe rempliffent que dans l'hiver, & dans le temps où la rivière eft même aflez groffe pour pañler par-deflus la partie élevée de la vallée, fur laquelle cependant elle ne forme pas un lit comme la Rille, liton & l'Aure. IL faut donc que tout ce terrain élevé foit creux, & celui même qui eft entre le cul-de-fac & fa fource, c'eft un fenti- ment qui règne dans ce canton; le Meunier , accoutumé à voir eau s'abforber dans plufieurs endroits de cette étendue de terrain, l'imaginoit ainfr, il prétendoit même qu'une fontaine, appelée la fontaine Lozier, qui eft proche du moulin de la Motte, engloutiroit en été, temps où elle eft à fc, la rivière fr elle fe gonfloit & s'étendoit jufqu'à cette fontaine. If affure que dans la vallée de Biornai, qui eft de l'autre côté de la chaîne des montagnes qui font fur la droite de la rivière, les eaux des avalaifons font bues par des bétoirs qui font dans le bas des montagnes. Il paroït donc par toutes ces obfervations, que tout ce canton eft réellement un terrain creux & qui doit aifément s'imbiber des eaux de pluie & augmenter la rivière lorfqu'elle reparoît à Ternant: en effet, on eft furpris de la retrouver plus large en cet endroit ; elle eft formée en fortant de la fontaine même; & de façon qu'elle fait tourner le moulin de Ternant, qui eft à une ou deux portées de fufil de cette fontaine ; l'eau eft des plus claires, & même plus, à ce qu'il femble, que lorfqu'elle fe perd. Quand je dis que c’eft une rivière, qu'on ne penfe pas ce- pendant qu'elle foit profonde & large; ceft une efpèce de ruiffeau de dix à douze pieds de largeur , & qui n’a de l'eau tout au plus que pour mouiller la cheville du pied : malgré cela ce- pendant , elle eft plus confidérable qu'à fa perte, car au moulin elle pafle par une gouttière de bois de huit pouces de haut fur autant ou environ de large, & elle ne remplit même que Îa moitié de la hauteur de cette gouttière; ce qui ne fait, comme Von voit, qu'un filet d'eau : il paroît plus confidérable lorfqu'il n'eft pas ainfi contenu, mais étendu fur terre. Des S GITE N CES 291 Qu'on juge par-Rà de l’emphafe avec laquelle Dumoulin parle de cette rivière: il l'appelle, comme on l'a vu, un fleuve fouterrain. Quoique fes eaux foient fi peu confidérables , fa perte n’en eft pas cependant moins fimgulière ; la fingularité de ces faits ne devant pas tout-à-fait fe mefurer fur la quan- tité & l'étendue de l'eau qui eft abforbée ; outre qu'en hiver Veau de cette rivière eft bien plus abondante , puifqw'elle pafñle même par-deflus l'élévation qui l'arrête en été, élévation que j'ai dit avoir fept à huit pieds de haut. Les quatre rivières dont j'ai fait mention jufqu'à préfent , fe perdent infenfiblement , c'efl-à-dire que leurs eaux trouvent de temps en temps, le long de leurs cours, des cavités qui en abforbent chacune une partie; en forte que ces eaux fe réduifent enfin à peu de chof , & qu'elles ne font plus qu'un filet qui difparoît tout-ä-coup. Les trois premières differènt de fa qua- trième , en cæ qu'elles ne trouvent point d'élévaiions qui s’op- pofent à leur cours; les bétoirs ou cavités qui boivent leurs eaux, font placés le long de leurs bords ou dans leurs lits ; leurs eaux diminuent & difparoiffent fans qu'elles trouvent d'obftacles; elles laiflent leurs lits à fec * : celui de la dernière a toujours plus ou moins d'eau , jufqu'à l'endroit où cette eau ne paroît plus. Ces rivières font de la feconde efpèce de celles dont il eft parlé dans Sénèque ; c’eft-à-dire de celles dont les eaux fe perdent peu-à-peu. Je n’en ai point vu de la première, j'entends de celles qui fe précipitent tout-à-coup dans un vafte gouffre qui engloutit entièrement leurs eaux. On diroit que la rivière de Drôme auroit quelque rapport à ces dernières, à la façon dont Dumoulin en parle : «a Drôme, dit-il, fe joint à Ja Cérifi dans la foffe de Soucy , près de village de Mailons, qui « eft au-deffous de Bayeux : ces deux rivières réunies fe perdent « Voy. Hi, générale de Normandie , far un fable ferme, près du mont Calvin; & elles reparoiffent « 7: 16 à deux dieues de-R , pour former de Port-en-Beflin. » i* A eneft de même de Ja rivière | que fe perd le ruifleau des Godets, de Saint-Pierre-de-Sommaire; elle | qui traverfe je, dhemin. de l'Aigle fe grd peu à peu par des bétoirs-& | au Sap: fa perte fe fait vers le,Fon- difparoït totalement vers les Cote- | teni, peu éloigné de l'Aîgle. reaux : C'eft auffi de ‘cette façon : 1) F Ooï Voy. Péraulr, de l'Origine des Fonr, p. 272, Paris, 1678, in- 12. > Ÿ Ÿ > Ÿ z ÿ » 2» 2 ÿ 2 LA > Ÿ > Ë > Ÿ > Ÿ » » » 292 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE M. Pérault prétend que cette fofle eft dûe à une colline qui s’oppole aux eaux de la rivière. Voici la façon dont M. Pérault décrit la perte de ces eaux. « En Normandie, dit-il, les rivières de Drôme & d’Aure fe joignent près de Bayeux, en un endroit où elles fe perdent , appelé la foffe de Soucy, diflant de fa mer d’une bonne lieue ; ce qui caufe cette fofe, eft qu'il s'élève en ce lieu-là une colline qui s’oppofe au cours de ces deux rivières, & Îles empêche de le continuer vers la mer, où elles ne laiflent pas d'aller, en pañfant par - deflous cette colline ; ce que lon juge, parce que quand la mer s’eft retirée , l'on voit fortir du fond du rivage, à l'oppofite de cette colline , beaucoup d'eau, que l'on croit être celle de ces deux rivières , qui s'élève à gros bouillons de trois ou quatre pieds de haut, par des ouvertures qui font dans les pierres dont tout le rivage eft compolé : cette eau eft douce & fort claire | & ne fortiroit point à bouillons , s'il n'y ‘avoit des canaux fous la terre capables de la tenir enfermée, aflez pour la faire jaillir comme elle fait ; autrement elle couleroit paifi- blement & fans violence. » Il paroït par ce paflage que c'eft immédiatement dans la foffe que la perte de la Drôme fe fait; malgré la façon affirmative dont M. Pérault parle , il feroit téméraire de l'aflurer. Si on confulte certaines cartes géographiques, on prend cette idée ; la réunion de ces rivières y eft marquée avant la fofle de Soucy. Leur cours eft interrompu par cette foffe. II reparoît enfuite à quelque diftance de-là. S'il en faut croire ces cartes, la Drôme fera abforbée par un gouffre , & aura par conféquent du rapport avec les rivières de la première efpèce, de celles dont Sénèque parle. On pourroit même douter de l'exiftence de cette fofle, en fuivant ce qui eft rapporté au mot de Drôme dans le Dictionnaire univerfel de la France. Suivant cet Ouvrage, la Drôme va fe perdre dans des pierres à trois lieues en de-çà de la mer, elle paffe fous terre, &-ne reparoit qu'au Port-en-Beflin. Il eft étonnant que l'on ait varié fur un pareil fait, I fem- bleroit par le témoignage de ce dernier Ouvrage , que la Drôme La DIÉ SOC E NICE S k |" 293 fe perd de la même façon que les autres rivières dont j'ai parlé, Dumoulin veut que ce foit fur un fable ferme. Papirius Maffon ajoute que ce fable eft uni; cette variété de fentimens ne vient fans doute que de ce que ces Auteurs n'ont point décrit ce qu'ils avoient vu, mais ce qu'ils avoient lu ou appris de quelqu'un. C'eft fans doute de cette même fource qu'eft encore pro- venue la différente façon de penfer fur {a diftance de l'endroit où fe fait la perte de cette rivière, à l'endroit où elle reparoît. Dumoulin dit que c'eft à deux lieues de celui où elle fe perd. Maffon ne met qu'une demi-lieue de diflance entre ces deux endroits. Suivant la carte géographique dont j'ai parlé plus haut, il n'y a guère qu'une femblable diftance : maistcette carte diffère des deux Auteurs que je viens de nommer, en ce qu'elle fait décharger cette rivière, non au Port-en-Beffin, ui eft environ à deux lieues de la perte de la Drôme, mais dans le Grand-Vay qui en eft au moins à dix. Ces difficultés ne pouvoient être réfolues qu'en examinant avec foin la façon dont la perte de cette rivière fe fait. Voici ce que j'ai obfervé fur le lieu même. La fofle de Soucy eft un grand trou conique creufé au bout d’une prairie, fa forme eft celle d’un entonnoir un peu oblong ; il a dans {on plus grand diamètre trente à trente-cinq pieds, & quelques pieds de moins dans fon plus petit. Il peut étre de quinze à vingt pieds de profondeur & de cette dimenfion dans fon fond. Lorfque l'eau eft parvenue dans cet endroit , fon cours fe ralentit; elle y tourne lentement , & s'y perd probablement par plufieurs trous. Il n’y en a qu'un qui foit bien fenfible, & dans lequel l'eau s’engouffre avec bruit & promptitude. II faut cependant que ce trou & les autres , s’il yena, ne boivent pas aflez vite pour abforber toute l'eau qui y aborde, puifqu'il y avoit dans la foffe, lorfque je lexaminois , une quantité d’eau confidérable , & que je n'ai pu melurer, à caufe du peu de facilité qu'il y a à defcendre dans cette foffe; fes bords font en talus roide & gliffant ; il faut néanmoins que les trous reçoivent affez d'eau pour qu'elle ne sy ramafie pas jufqu'à remplir en- tièrement la foffe, il n'y refte que le fuperflu. | Ooii 294 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Si les trous qui peuvent être dans. cette foffe étoient les feuls qui reçuffent de l'eau, ce qui femble avoir été l'opinion commune , la perte de cette eau feroit du genre de celles qui fe perdent tout-à-coup ; mais il s'en faut de beaucoup que cela f pafle ainfi dans cet endroit-à. Il ne fe rend à la foffe du Soucy , que la plus petite partie de l'eau. Il y a le long du cours de la rivière un grand nombre de trous qui abforbent plus ou moins d'eau ; on en remarque un tout près Ja foffe, dans lequel s’engouffre un filet d'eau confidérable ; de plus la rivière ferpente dans la prairie: au moyen de ces différens contours, elle n'eft plus , lorfqu’elle eft parvenue à la foffe, qu'un très-petit ruifleau , elle eft prefqu’entièrement perdue. Ce qui la diminue encore beaucoup , eft la perte qu'elle fait d'un autre côté, & qui eft occafionnée par le trop plein d’un moulin qui eft à la tête de la prairie. Un peu avant ce moulin on a ouvert le bord de hrivière, pour donner un écoulement à l'eau, & empêcher qu'elle n’incommode le moulin , fur-tout dans les grandes eaux ; l'eau qui s'échappe par cet endroit prend fon cours dans la prairie & s'y perd infenfiblement par des trous femblables à ceux du lit de la rivière. Il y a de ces trous qui font confidérables, le corps d'un homme y entreroit, ils font de plus très-fréquens ; aufli l'eau eft-elle affez promptement bue, elle ne fe rend même pas, en été, jufqu'à ka foffe. Elle le fait en hiver ; alors cette eau & celle de la rivière, qui eft bien plus abondante , rempliffent 1 foffe , de façon qu'elles paffent par-deflus, & continuent leur cours dans les prairies qui font de l’autre côté d'un chemin qui conduit à un moulin peu éloigné de la foffe ; cette eau qui forme alors une rivière aflez forte, va probablement fe jeter dans la mer. Il ne paroït pas que l'eau abforbée en été par les trous, ref- forte en hiver & contribue à fortifier cette rivière ; les gens de ce canton m'ont au moins afluré n'avoir point fait cette remarque, Ce font apparemment les différences dans le cours de cette rivière, qui varie en hiver & en été, qui ont occafionné à {on fujet celles qui f voient dans les cartes de Normandie, DNENSIISUCIAUE NC Es. 295 les unes lui donnent un cours continu jufqu'à la mer, & la Pa jeter non au Port-en-Beffin , mais dans le Grand-Vay, d'autres interrompent feulement un peu ce cours après la foffe de Soucy ; d'autres font finir fon cours à cette fofle, & y forment une efpèce d’île par un bras latéral qui réunit les deux rivières, qu'on fuppole venir s'y jeter: enfin d'autres y bornent le cours de cette rivière, & lui donnent un petit bras qui va fe perdre près la foffe de Soucy , & forment ainfi une prefqu'ile. Au moyen des obfervations que j'ai rapportées ci- deflus, il me femble qu'on peut concilier ces différences: ceux qui donnent un cours continu à cette rivière, l'ont apparemment confidérée en hiver, & lorfque la fofle eft fi pleine qu'elle regorge , & que l'eau qui en fort forme une rivière qui s'écoule par les prairies dont j'ai parlé; ceux qui forment une ile aux environs de cette fofle, ont probablement confidéré cette ri- vière dans un temps où cette efpèce de bras qui fait le trop plein, coule jufqu'à la foffe & forme par conféquent avec la rivière une efpèce d'ile en fe réuniflant à la foie ; ceux qui ne marquent que ce faux bras & le fein de la rivière, & qui repréfentent ainfi une prefqu'ile, ont figuré f'état de cette ri- vière en été & lorfqu'elle eft peu fournie d’eau. 1 De toutes ces variantes, je crois que la dernière eft celle qui eft la plus exacte & qu'on doit admettre préférablement à toute autre. En effet la rivière fe perd exactement à la foffe de Soucy ; le bras qui reçoit le trop plein, n’eft qu'acciden- tellement dû à Finduftrie humaine , & fe perd le plus com- munément avant que d'arriver à la fofle; le ruiffeau formé en hiver par l'abondance des eaux qui regorgent de la foffe, n’eft auffi qu'un accident ; fon lit ne peut être repardé comme le vrai lit de la rivière, & il ne paroït pas que, fi l'on vouloit tracer le vraï lit que cette rivière fuivroit fi elle étoit continue s on dût lui donner le cours que lui donnent ceux qui le con- duifent jufqu'au Grand-Vay. H femble , comme on le penfe dans le canton, qu'il faudroit le diriger vers Port-en-Beflin ; foupçon qui paroït confirmé par les fouilles qui furent faites , lorfqu'on fe propola il. y a Voy. la Carte de Crefy, 1 748. Voy, celle de Robert, 1751, Voy, celle de Nolin, 1742, Voy, celle de M, l'abbé Ourhier. 296 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE quelques années, de former un port à Port-en-Beffin * ; elles _paffent à huit pieds de profondeur vers l'églife de Port, au niveau de la foffe de Soucy , & en avançant à vingt toifes vers la mer; on ne les rencontre qu'à douze pieds de pro- fondeur en remontant vers la fofle du Soucy , & vers la mon- tagne d’ Écure. IL paroït donc que la pente de l'eau eft dirigée naturellement vers Port-en-Beflin & non vers le Grand - Vay, & que la mon- tagne d'Écure qui s'oppofe au cours de la rivière , renferme une partie de ces canaux ; qu ‘lle peut même avoir des cavernes confidérables qui forment des baffins naturels où l'eau s'amañle , & d'où les canaux fouterrains prennent l'eau qu'ils conduifent aux fontaines du Port -en- Beffin. Si ce qu'on rapporte dans le pays efl vrai, on pourroit attribuer ce fait aux cavernes de la montagne d'Écure. On veut que cette montagne fe foit aflaiffée, & qu'elle Fait fait au point de permettre à la vue de s'étendre d'un certain endroit jufqu'à l'églife de Port, & d'en voir le clocher, qui avant cet affaif- fement étoit ché par la montagne. Je fens bien qu on pourroit dire que cet effet n ht dû qu'à la diminution extérieure de la montagne, & non à un aflai£ fement; que ce font les averfes d’eau qui peu-à-peu ont entraîné les terres de cette montagne , & font diminuée de façon à lifler voir le clocher de Port. Il n'y a rien d'impoffble dans cette fuppofition, mais il eft plus plaufible que l'effet ait été occafionné par un affaiffement , puifque lon prétend que le clocher de Port ne s'aperçut pas peu-à- peu, mais tout-à-coup. Pour mettre dans tout fon jour ce qu'on doit penfer fur ces canaux fouterrains , il fauroit exactement niveler le terrain depuis la foffe de Soucy jufqu'à la mer, & déterminer la force avec laquelle l'eau fort fur les bords de la mer par les fontaines qui y jailliflent dans l'étendue de plufieurs toiles. Si les jets ou les bouillons que l'eau y fait en fortant étoient en proportion de la pente du terrain, ce feroit-là une preuve convaincante * Je tiens cette anecdote de M. de Fouchy , qui fut envoyé pour exa- ruiner ce qui pouvoit s'exéçuter à ce fujet. que DES SCIENCES. 2097 que l'eau de ces fontaines eft dûüe à celle de la foffe de Soucy, & qu'elle fe rend à ces fontaines par les canaux fouterrains qu'on a rencontrés dans les fouilles dont j'ai parlé plus haut. Cette preuve vaudroit bien celle qu'on en donne dans le pays ; on y veut que ces fontaines diminuent ou augmentent , à mefure que l'eau de la foffe de Soucy fouffre de pareils chan- gemens; on veut encore que l'eau des fontaines foit bourbeufe ou claire , flon que celle de la foffe eft dans l'un ou l'autre état. Si-cela eft, & que cette obfervation foit conftante , cela peut entrer en preuve , mais elle feule ne pourroit emporter une entière conviction. L'eau de la foffe de Soucy n'aug- mente & ne devient bourbeufe que dans les temps de pluies confidérables, & alors l’eau qui s'y jette ne fouffre que ce qui lui eft commun avec les eaux de tout le canton , & par con- féquent l'eau des fontaines de Port-en-Beffin pourroit être plus confidérable & plus trouble dans ce temps, fans que l'eau de ces fontaines & celle de la fofie de Soucy euflent une com- munication entre elles ; il n'y a donc guère qu'un nivellement exact qui püt déterminer cette queftion intéreflante , fur-tout {: l'on vouloit exécuter le projet du port de mer, qu'on avoit en vue de faire fur cette partie des côtes de Normandie. Ce nivellement feroit même néceffaire avant tout autre travail, car comme on feroit obligé de couper la montagne d'Écure , il feroit à craindre qu'on ne rendit ce dernier travail inutile , fi le cours des eaux de la foffe de Soucy n'avoient pas leur pente vers Port-en-Beflin, & ce feroit faire une dépenfe bien gratuite, & qui ne pourroit être que très -confidérable , puifque cette montagne renferme des rochers qui paroiffent en faire la mafle: il eft vrai que ces rochers font. d'une pierre calcaire, blanche , & qui:n’eft pas extraordinairement dure , mais Ja:maffe de cette montagne eft aflez grande pour exiger un travail difpendieux : cette montagne eft de cinquante-deux pieds de hauteur; à la prendre du niveau de lafoffe de Soucy, fa largeur du fad au nord eft au même niveau de vingt- fix perches ou de fept cents vingt-huit pieds *. Une telle: mafle * Je dois encore ces méfures à M. de Fouchy. Mém. 1758. Pp 298 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ne peut donc que jeter dans de grandes dépenfes, & elle ne peut être entreprife qu'avec bien des ménagemens , & après avoir pris toutes les précautions qu'on peut exiger en pareil cas. Pour me renfermer ici dans ce qui regarde la perte des eaux de la fofle de Soucy & de la rivière qui les y porte, & terminer cet article, je uis obligé de dire que , quoique la pierre de la montagne d'Ecure foit de nature à occafionner un travail long & pénible , elle eft cependant telle que l'eau de la rivière dont il s'agit, a pu peu-à-peu fe former entre fes bancs un paflage, & enfuite dans la montagne des cavités qui ont été caufe que cette rivière fe perd maintenant : cette pierre étant, comme je l'ai dit, calcaire, elle a pu fe détruire infen- fiblement, fur-tout dans l'entre-deux des bancs, permettre à l'eau de s’y infinuer & occafionner enfuite des écroulemens propres à former des cavités dans le fein de la montagne, ou faciliter à l'eau un it qui lui permit de fe rendre dans des cavités qui y étoient déjà naturellement faites. Cette conjeéture pourra paroître plaufible à quiconque exa- minera le cours de cette rivière dans le canton où elle fe perd ; elle ferpente, ainfi que je l'ai déjà dit, dans une prairie, & côtoyé la montagne qui borne cette prairie ; le terrain fpongieux de la prairie lui permet aifément de s’imbiber dans les terres, de pénétrer infenfiblement jufqu'aux bancs des pierres, de les dé: grader, & d'y former les trous confidérables qu'on voit fur fes bords; les pierres y font dans un état de dégradation & d'éboulement, ce qui ne peut être arrivé que par le mouve- ment fucceflif de l'eau à travers les joints des pierres. Cette façon revient à celle dont fe fait la perte des autres rivières dont j'ai parlé; celles-ci coulent dans un pays de fables gras & remplis.de cailloux difperfés dans ces fables , qui peuvent affez facilement être délayés & emportés par les eaux ; d'où il réfulte des cavités dans les montagnes, ou au moins des foffés pierriers qui donnent des écoulemens aux eaux. J'en ai déjà rapporté plufieurs preuves, & les faits fuivans en feront, à ce que je penfè, de nouvelles affez fortes: Le torrent qui pafle aux Kechins près Aigle, & -qu'on DEN SUMSINUCIR E NC r 299, appelle le Lemme , fe perd peu-à-peu dans les pâturages voifins ; dans les grandes averfes il continue, à ce qu'on prétend, à couler jufque dans le fein du Lemme, d'où il tire peut-être fon nom ; maïs il faut que ces eaux foient bien groffes pour cela. A S.° Symphorien près l'Aigle on a fait un puits qui a cinquante-deux pieds de profondeur : je tiens du Curé de cet endroit, qui a fait creufer ce puits , que f'eau y blanchit lorfqu'il furvient de grandes pluies ; elle perd cette couleur , & s’éclaircit au bout de deux jours de beau temps. Cette eau ne peut ainfr blanchir, que parce que l'eau de Ja pluie pénètre les terres, traverfe les bancs de marne, dont elle diflout des parties , & qu'elle va porter dans l'eau du puits, en fe mélant avec elle ; lorfque le dépôt des parties marneufes eff fait, l'eau s’éclaircit & reprend fa première limpidité. C’eft une tradition du pays qu'à Cernière il y a une fontaine d’eau minérale ferrugineufe, qui left quelquefois plus ou moins. Dans les mois de Juin & de Juillet r 75 7, elle l'étoit beaucoup & étoit devenue naturellement très-noire ; cet effet dépendoit fans doute du dépôt ferrugineux qui étoit confidérable à caufe du peu d’eau que fourniffoit cette fontaine , la pluie ayant été très-peu abondante dans cet endroit pendant les mois de Juin & de Juillet. On en dit autant de R fontaine ferrugineufe de Saint-Santin, qui eft à environ une lieue de l'Aigle; cette différence dans la couleur de ces eaux n’eft fans doute dûe qu'aux particules de fer qui ont été difloutes par les eaux qui traverfent lès terres & qui les portent dans ces fontaines où elles fe rendent. Tant que ces eaux font affez abondantes pour tenir en diffolution les parties ferrugineules, elles font limpides ; mais dès que leur quantité diminue, les parties de fer fe dé- pofent peu-à-peu , & teignent en quelque forte l'eau en noir, & la rendent plus chargée & plus forte en couleur. I n'eft pas rare encore de trouver dans tous ces cantons des marnières inondées affez promptement. On voit une de ces marnières entre Épinai & Brify , village à deux lieues de Saint - Aubin-fur-Rillé : on veut dans le pays que cette mar: nière ne fe foit remplie que par les eaux d’une rivière fouter- Ppi 300 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE raine ; on entend même le bruit d’une de ces rivières dans une marnière creufée près le Lemme qui eft à une lieue de Breteuil ; on a abandonné cette marnière; on n'auroit pu la creufer da- vantage fans percer le lit de cette eau fouterraine, & s'expofer à inonder la marnière. C'eft ce qui eft arrivé plufieurs fois en faifant de femblables trous ; l'eau y entre aloys fubitement avec abondance , & d’une façon fi prompte, que plufieurs marniers ont fouvent penfé péir ; ce font ces eaux qui fouvent encore privent de marne des paroiffes entières : Bordigny , village qui eft à une demi- lieue de Breteuil, & Glatigny, font dans ce cas; on ne peut en tirer dans ces cantons, parce que dès qu'on eft parvenu au banc de marne, l’eau gagne & inonde la marnière. L'idée de rivières ou de ruifleaux fouterrains eft répandue aflez communément dans ces endroits de la Normandie. On prétend qu'il y a une de ces rivières dans un lieu qu’on appelle le lit fec du Lemme, qui eft un peu avant Sainte-Sufanne : c’eft fans doute cette rivière qu'on a vue en creufant la mar- nière dont j'ai parlé plus haut, & qu’on affure avoir trouvée dans plufieurs autres ; lorfque le lit eft rempli , l'eau qui y coule vient des étangs de Charanvilliers, qui font à deux lieues de-Îà ; cette eau n'eft que le trop plein des étangs ; elle ne coule or- dinairement que l'hiver ; elle va jufqu’à un quart de lieue de Conches, où l'on commence à rencontrer des fontaines; comme ces fontaines coulent toujours , on foupçonne dans Je pays que leurs eaux font dües à la rivière fouterraine, & que cette ri- vière fuit le lit fec du Lemme. On pourroit peut-être dire aufit dans la fuppofition , que cette rivière fouterraine exiflät , qu'elle doit fes eaux à ces mêmes étangs de Charanvilliers. S'il étoit permis d'argumenter de ce qui arrive dans un endroit , pour ce qu'on penfe devoir être dans un autre, ne pourrois - je pas apporter en preuve ce qu'on obferve dans une carrière peu éloignée d'Évreux : quoi qu’il en foit, voici le fait qui ne peut qu'être très-avantageux au fentiment de ceux qui admettent les rivières fouterraines ; je dois la connoiflance DES SCIENCES. NT som de ce fait au R. P. Loyfeleur , Jacobin , demeurant à Evreux , & qui eft de cette ville, Suivant une des lettres que j'ai reçues de ce Religieux , il a une carrière appelée Bapaume , fituée dans un vallon de la forêt d'Évreux, lequel eft à une demidieue des Baux ; c'eft de cette carrière qu'on a tiré les pierres dont la ca- thédrale , l'abbaye de Saint-Taurin d’Evreux & le château de Navarre, ont été conftruits ; la tradition du pays eft conf tante fur ce point ; ce qu'il y a encore de plus conftant, c’eft que toutes les routes qui y font très-longues & très-multipliées, prouvent qu'on y a beaucoup travaillé, & que l'on pourroit continuer ces travaux , fr: les ducs de Bouillon vouloient le permettre. Dans le fond de cette carrière coule fur-la marne un ruiffeau plus que fufhfant pour faire tourner un moulin ; l'eau en eft tranfparente ; on y a pris quelques truites excel- lentes ; les femmes des Baux-Sainte-Croix y viennent laver leur linge, ce qui eft très-commode pour elles en hiver, à caufe de la chaleur de ce fouterrain. On ne fait où cette eau paroît fur terre. Le R. P. Loyfeleur fut témoin, il y a environ vingt-cinq ans , de quelques expé- riences que l'on fit pour le découvrir : on hacha beaucoup de paille très-menue qu'on y jeta ; on fit enfuite obferver les fon- taines de Navarre, les puits d'Évreux , rien n'y parut; on y jeta quelques jours après beaucoup de chaux , & deux jours après plufieurs muids de fang de bœuf, pour tacher de découvrir par les teintures blanches & rouges, quel étoit fon cours ; mais on n'y réuffit pas plus qu'avec ka paille. De quelqu'endroit que ce ruiffeau vienne , & dans quelqu'endroit qu'il paroifie, il eft toujours prouvé par cette obfervation qu'il exifte des ruiffleaux fouterrains dans ce canton, & qu’il y a tout lieu de compter que ceux qu'on y foupçonne y font réellement. J'avouerai , que le canton d'Évreux eft diflérent, pour le terrain, de celui des autres endroits où les rivières dont j'ai parlé fe perdent & forment des ruiffeaux fouterrains : cette différence au refte feroit favorable à l’exiftence de ces ruifleaux dans le dernier terrain, puifqu'il eft plus fpongieux, plus aifé à Pp ii Voy. Mérm, fur la Lorr, p, 11 7 fuir Nanci, 5753, in-4.° 302 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royaze pénétrer, les pierres n’y formant pas des bancs confidérables & étendus, comme dans les environs d'Evreux. $ Ce n'eft pas que je veuille dire que ce terrain eft plus propre que tout autre à être pénétré par les eaux, j'en aurois vu une preuve contraire près de Breuillepont. Chanut, village fitué au-deflus de cet endroit, a plufieurs fontaines communes, elles font dans la pente de la montagne & vers le haut ; fur- tout une de ces fontaines donne une aflez grande quantité d’eau pour faire peu après tourner un moulin, feau va enfuite, en formant un petit ruiffeau, {e perdre dans un terrain fpongieux & bas qui eft au-deffus d'un endroit qu'on dit avoir été autres fois des étangs; ces étangs s'étant crevés, l'eau seft épanchée, & ilne s’y en eft pas ramañé depuis. Il y a donc plufieurs fortes de terrains capables de s'imbiber d’eau de façon à ab- forber des ruifleaux entiers, & même des rivières. Je n'ai pas prétendu que le terrain des fables gras & remplis de cailloux, le fut à l'exclufion des autres, j'ai feulement prétendu dire que ce terrain y étoit très-propre; une des meilleures preuves que je pourrois en apporter, eft le nombre des rivières qui s'y perdent, il y a peut-être peu de pays qui dans un aufli petit efpace en renferme autant. Le canton de la Normandie, où les quatre premières rivières dont j'ai parlé, fe perdent peut avoir vingt-cinq lieues de largeur, & autant de longueur; le terrain eft le même dans toute cette étendue, & tel que je F'ai décrit dans le corps de ce Mémoire. Il faut cependant en excepter le canton de la Lorraine, où fe perd la Meufe; dans l'efpace de dix à douze lieues, quatre rivières, en comptant celle-ci, entrent fous terre, & cinq dans celui d’un diamètre de vingt à vingt-cinq lieues; ces rivières font celles de Vichery & d’Ar, la petite rivière de Mouzon, la Meufe & la Fenche ; le terrain où ces rivières fe perdent eft plutôt de la nature de celui qui règne aux environs de Bayeux, où la rivière de Drôme difparoît , que de celui qui renferme les autres rivières femblables de cette province. La paitie de la Lorraine où les rivières de cette nature fe voient , eft un pays rempli de pierres calcaires & de coquilles fofliles, de même MURS UNSNCAN E NICE S 303 que les environs de Bayeux , au lieu que dans autre partie de la Normandie, ce font fur-tout des fables gras, remplis de cailloux, comme je l'ai déjà dit plus d’une fois. L’Aros , autre rivière de la. France, fe perd dans un pays encore différent de ces deux-ci pour le terrain ; cette rivière qui eft à deux ou trois lieues de Sarancolin, difparoït à Sparos en pañfant par-deffous une montagne, au-delà de laquelle on la voit reparoître. Les habitans de ce pays ont coutume d'enlever avec des rateaux la matière que cette rivière dépofe dans le gouffre où elle fe jette *. Sarancolin eft dans un pays à marbres, pays qui, comme l'on fait, diffère beaucoup de ceux dont ïül s'agit plus haut. I eft donc conftant que les rivières qui fe perdent , le font fouvent dans des terrains de différente nature, c’eft une vé- rité que je n'ai pas prétendu rendre problématique ; s'il étoit befoin d'en avoir des preuves , je pourrois encore en trouver dans un autre royaume que la France, l'Angleterre a plu- fieurs de ces fortes de rivières : une appelée la Mole fe perd dans la province de Surrey , qui eft graveleufe ; une feconde qui porte le nom de la Medway , eft de R province de Kent qui eft remplie de marne: cinq autres de ces rivières fe perdent dans des provinces remplies de fchite, de mines ou de char- bon de terre. La Deverd fe perd dans la province de Wilts, qui a du fchite; l’Alen dans celle de Denbigh, qui a des mines d'argent ; l'Alide dans celle de Davon, Hans en Staford; la Recale en Yorck, trois provinces quiabondent en charbon de terre. Je pourrois pouffer plus loin ce parallèle & l'étendre fur les rivières de pays bien plus éloignés de nous; peut-être trouve- rois-je que les pays de fables gras & de cailloux ne font pas ceux qui renferment le plus grand nombre de ces rivières : ceux qui ont des charbons de terre, des mines , des ardoifes, des fchites ou autres corps femblables, font peut-être les pays où * D'où le nom de cet ‘endroit pourroit venir, fpar fignifiant Ératter dans le patois de ce pays; ainfi fparos pourroit être un compolé de fpar & ; ie A d’aros ,; comme qui diroit, endroit où l’on gratte l’aros, 304 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE l'on trouve le plus de rivières fouterraines : ces pays y font très-propres ; ils paroiffent être plus fujets aux tremblemens de terre que les autres : ces violentes fecouffes peuvent aifément occafionner des éboulemens de terre dans l'intérieur des mon- tagnes , former ainfi des cavernes & des gouffres. L'on a vu plus d’une fois des rivières détourner fleurs cours, entrer en terre & difparoïtre dans ces mouvemens. Il faut bien qu'il fe foit alors formé de ces canaux fouterrains, capables d’abforber l'eau de ces rivières & de la conduire dans un pays plus ou moins éloigné de celui où ces rivières couloient avant les trem- blemens de terre qui ont occafionné ces changemens. Ce feroit trop m'étendre ici fur ce fujet, ne m'’étant propofé dans ce Mémoire que de parler fur-tout des feules rivières de la Normandie qui entrent en terre ; peut-être même n'ai-je pas fait connoître toutes celles qui s'y trouvent, faute d'en avoir moi-même quelque connoïffance: if m'a fuffhit, pour remplir les vues que J'avois eues, de décrire la façon dont ces rivières fe perdent, & de prouver, à ce que je crois, que le terrain dans lequel ces rivières pénètrent en terre, eft très-propre à leur faciliter cette entrée. Je fouhaite que d'autres nous détail- lent la façon dont les rivières de cette efpèce fe perdent, foit dans cette province, s'il y en a qui foient différentes * de celles que j'ai vues, foit dans les autres provinces de ce Royaume; par-à nous aurons une connoiffance plus exate & plus com- plète de la perte de ces rivières ; connoïflance que j'ai tâché de donner pour celles de la Normandie, en rapportant les obfervations que j'ai détaillées dans ce Mémoire. Je pourrois par conféquent terminer ici mon Mémoire, mes vues étant remplies, mais je ne puis m'empêcher d'y joindre les oblérvations que j'ai faites depuis peu fur une rivière affez près de Paris, & de la perte de laquelle je n’aieu connoiflance * J'ai appris que dans le canton | qu’elle fait moudre un moulin à fa d'Orbec il y avoit encore une de | fortie. Ils prétendent qu’elle reflort ces rivières : des gens de la campagne | de deffousune carrière; cela demande de ce canton m'ont afluré que la | confirmation, d’autres perfonnes dou- rivière qui prend fa fource à Ia | tant du fait. Folfrière près Orbec , fe perd, & que DIES SCIENCES. 305 que par lOuvrage que M. f'abbé le Bœuf a donné fur ce diocèfe. Voici ce qu'il rapporte touchant cette perte. « On peut remarquer, dit-il, quelques fingularités dans le cours de la rivière d'Ierre ; c’eft qu'il y a plufeurs endroits, fur-tout en approchant de fa première fource, où elle difparoït & fe perd en terre, où elle coule tant qu’elle ne trouve point d'iffues, pour en fortir de nouveau, lorfqu’elle en trouvera. Dans les endroits où elle coule hors de terre, fon lit n’eft point fort vafte, mais dans ceux où l'eau fort de deflous la terre , elle a quelquefois deux ou trois toifes de profondeur, & elle paroït immobile ; nonobflant quoi elle eft d’une couleur verte, charmante & fort claire ; comme donc ces baflins , fous lefquels elle fort de terre , font fort étendus en longueur , & continuent uffez uniment depuis les environs de Varennes à Quincy , c'eft -à- dire depuis une lieue & demie ou deux lieues au - deflus d’Ierre ; de-l vient que cette rivière ne gèle jamais, parce qu'elle eft entretenue par des fources & des fontaines , continuellement parfemées tant dans le fond que dans les côtés de fon lit; on obferve auffi qu'elle ne déborde que rarement, & jamais en même temps que la Seine & la Marne ; fes moulins ont fourni jufqu'à cinquante - cinq muids de farine par jour , quand les deux grandes rivières étoient débordées. Je n'ai pas cru, con- tinue M. l'Abbéle Bœuf, devoir écrire plus amplement fur cette rivière extraordinaire , parce que , pour la prendre depuis fa fource , il auroit fallu remonter jufqu'à bien avant dans le diocèfe de Sens : je me contenterai de dire que dans le qua- torzième fiècle on s’apercevoit à Chaume * que cette rivière reftoit fans aller un grand nombre d'années ; j'ajouterai auffi fans feinte, fi ce que Papire Mafon écrit auffi fur une petite rivière # Déclaration de l'an 1 334, faite | moulin fans tourner; & quand il en la Chambre des Comptes » par | échet que la rivière court, elle ne Yabbaye de Chaume en Brie. rem. | dure point l’efpace de trois mois. En icelle ville de Chaume, nous Voyez Hifl. du diocèfe de Paris, ayons une petite rivière, un moulin p» 22 dT Juiv. tome X111, Paris, affisenicelle, laquelle rivière eft au- 17575 in- 12. cune fois bien dixans fans courir & le } Mém. 1758. - Qq nñ n e n À 306 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE » qui fe jette dans le Loir proche Chäteaudun, eft véritable, » C'eft-à-dire s'il eft vrai qu'elle rentre en terre plufieurs fois dans » fon cours pour en reffortir enfuite, & que fon nom eft Ærdera » €n latin , & Erdre en françois ; c’eft un motif de fufpendre » le jugement que j'ai porté au commencement de cet article , » touchant lorigine du nom donné à la rivière qui pafle au » Village d'Ierre. Il eft étonnant que cet Auteur n'ait pas connu » Ra rivière d'lerre dont je traite , & qu'il n'en fafle aucune » mention. Celle d'auprès Châteaudun , qu'il appele Erdre , eft nommée Egre dans les cartes de Samfon. » Je n'ai pas eu occafion de vérifier ce que Papire Mañon rapporte de la rivière des environs de Chäteaudun , mais j'ai fait les remarques füuivantes fur celle d’Ierre. Depuis Comble- la-Ville où il y a un gouffre dans un endroit appelé le Pont- au-diable, on en voit en remontant la rivière plufieurs autres femblables : il en exifte un entre Sognolle & Ivry-les-Châteaux; un autre qui eft regardé comme un des plus confidérables, eft plus haut que Sognolle & placé dans le bas de la paroifle de Soulairs. Lorfque je fuis allé voir ce gouffre , l'eau le couvroit de plufieurs pieds à caufe des averles qu'il y avoit eu les jours précédens ; l'eau y étoit tranquille & prefque fans mouvement. I faut cependant qu'elle y entre abondamment , car à quelque diflance elle a prodigieufement diminué & prefque difparu à Sognolle, diflant de Soulairs d'environ un bon quart de lieue. Toutes les perfonnes auxquelles j'ai fait des informations fur la perte de cette eau, m'ont unanimement affuré que , fans les eaux des pluies précédentes , il n’y auroit pas eu une goutte d'eau dans le fein de la rivière, & qu'il ne falloit que trois à quatre jours, pour que toute celle qu'il contenoit füt abforbée, & que bien loin qu'il y en vint de nouvelle, celle au con- traire qui y étoit remonteroit plutôt vers fa fource. Cet effet dépend apparemment de la pente de la rivière dans cet efpace, & eft femblable à celui dont j'ai parlé en décrivant la rivière qui fe perd vers Beaumont-le-Roger. » # it. DES SCIENCES. 07 Quoique le gouffre de Soulairs foit confidérable , plufieurs autres le font beaucoup plus, nommément ceux des environs des Étaïs , qui eft un village fitué à une demi-lieue ou à trois quarts de lieue au plus de Soulairs. Je n'ai pas vu ces gouffres, mais ils font très-connus dans le canton , de même que ceux de Chaume, de Creuil , d’Argentières, qui fe voient fur les bords de la rivière en la remontant. Ce grand nombre de gouffres doit fans doute abforber une quantité fi grande d’eau, qu'il faut que la rivière foit confidérable, pour qu’il y en refte encore dans l'endroit où elle difparoît entièrement ; il faut même que ceux dont j'ai parlé, ne foient pas les feuls , puifque cette rivière eft quelquefois plufieurs années à fec au-deffus de Chaume, comme je l'ai rapporté plus haut d'après M. l'Abbé le Bœuf. Ces années étant apparemment peu pluvieufes, l’eau de la rivière étoit fi peu abondante, qu'elle s’abforboit dans des gouffres au-deffus de Chaume. Ceux de Creuïl & d’Argentières ne font probablement pas les feuls où cette eau entroit. Il y a tout lieu de penfer qu'on en trouveroit plufieurs autres f1 on re- montoit cette rivière jufqu'à fa fource , puifque M. l'Abbé le Boœuf aflure qu'ils fe multiplient à mefure que l'on approche de cette fource. J'ai de plus appris d'un Ingénieur des ponts & chauflées, que peu après les étangs qui font les vraies fources de Flerre, on rencontroit de ces trous où l’eau s'engouffroit. Il ne faudroit donc que quelques années très-sèches, pour que l'eau des étangs füt fi peu confidérable, que celle qu'ils fourniroient , entrât entièrement dans les gouffres , & qu'il n'en parvint point à Chaume: cela arriveroit probablement pendant quelquesannées, fi la féchereffe continuoit , & il pourroit même fe faire que , l'eau tariflant de plus en plus , les endroits qui font au-deflus de Chaume manquaflent également d'eau , ces étangs n’en donnant point ou fi peu, qu'elle ne pourroit pas parvenir jufqu'à ces endroits , mais fe perdroit par les gouffres d'autant plus promptement, qu'ils paroïffent être très-multipliés. Je n'ai pas cherché à les voir tous, ni même à en voir d'autres que celui de Soulairs ; il m’intérefloit plus d'examiner FIerre lorfqu'elle a reparu ; ce que j'avois vu de fa perte me paroïfloit Qq i 308 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fuffant, je fuivois plutôt fon cours que je ne le remontois, & je me rendis à Varenne où , fuivant M. l'Abbé le Bœuf , cette rivière eft confidérable. Je fus en effet étonné de la trouver telle dans un endroit fr peu éloigné de celui où l'on afure qu’il y a encore un gouffre, H faut fans doute, comme le dit M. l'Abbé le Bœuf , que cette rivière ait des fontaines dans fon fein qui lui fourniffent de l'eau ; car quoique les fontaines qui fe voient fur fes bords, & dont les eaux fe rendent dans cette rivière , foïent abon- dantes , je ne fai fi elles fufhroient pour fournir l'eau de 'Ierre, telle qu'elle eft à Varenne. La fontaine qui en donne le plus eft celle de Villé ; on la regarde même dans le pays comme la fource de Ferre ; mais une fontaine femblable pourroit-elle à très-peu de diftance former une rivière au moins de trois toifes de largeur fur une pro- fondeur femblable, ou du moins telle que l’eau en paroît d’un beau verd de mer. Il eft vrai que l’eau de la fontaine Sainte- Geneviève augmente l'eau de la rivière, mais comme, entre Sognolle * & [vry-les-Châteaux, il y a un gouffre, l'eau qui y entre doit diminuer beaucoup cette eau , & celle de la rivière ne doit pas beaucoup augmenter par celle de la fontaine qui peut s'échapper , ne pas être abforbée & couler fur terre. IL faut donc que l’eau qui fe perd fous terre continue à couler comme dans un fofié pierrier, qu'elle fe creufe dans la direction du lit de cette rivière, & qu'elle reparoiffe & forme des fontaines dans fon lit dès Varenne & Quincy , où elle eft aflez confidérable pour porter bateau. Elle le devient de plus en plus par l'abord de l’eau des autres fontaines qui fortent des côtes voifines ; les fontaines d’Ierre ne lui en fourniffent pas le moins, & celles fur-tout du château * Cette fontaine eft un peu au | que le petit bâtiment où la fontaine deflus de cet endroit, le filet d’eau | eft renfermée, eft enceint d’un mur : qui en fort eft de plufieurs pouces; | à quelques pas de ce mur, l'eau fait il eft reçu dans un baffin fait de | tourner un moulin: & à Sognolle, un main d'homme; il peut avoir fept | autre à deux roues placées de façon à huit pieds en carré fur un ou deux | que l’eau de la première tombe fur en profondeur : ce baflin, de même | Ia feconde, DMEUS MOLCUD/EMNC ES. o de ce village: entre celle-ci, la fontaine Budée, fi. fameule par des grands hommes à qui elle a appartenu, en donne confidérablement. Je ne fais même fi lon ne pourroit pas remonter beaucoup plus dans les terres pour retrouver de ces eaux qui fe perdent & qui peuvent couler vers la rivière & reparoître, foit dans fon lit, foit par des fontaines qui s'y rendent. Il y a un ru qui fe perd dans le parc de Panfou, paroiffe de Villemeu; un fecond à Villemain, qui fe perd au-deflous dans le parc de cet endroit; un troifième, qui donne de l’eau au moulin de la Grange-le-Roy , paroïfle de Grify, entre en terre à un peu moins d'un quart de lieue de ce moulin; un quatrième eft abforbé par un gouffre qui eft dans les environs de Liverdi ; enfin un cinquième left par ce qu'on appelle les goufires de Prefle. Tous ces endroits font peu éloignés les uns des autres , & à quelques finuofités près, dans un même alignement, de forte qu'il pourroit {e faire qu'il y eût naturellement un canal fou- terrain qui conduisit ces eaux. vers la rivière; remarque qui mériteroit que l'on nivelât les terres de ce canton, fi jamais l'on vouloit conferver ces eaux ous'affurer fi elles tombent dans l’Ierre. Quoi qu'il en foit de cette réflexion, il me paroït que le plus confidérable de tous ces rus, eft celui des gouffres de Prefle, ou plutôt de Vilginard ou, comme l'on dit dans le pays, de Virginard ; ces gouffres font près d’un moulin qui porte ce nom: un de ces gouffres y fert de roue ; il eft formé par un petit cul-de-fac, dont la hauteur eft d'environ vingt pieds, la largeur de quatre à cinq, & la longueur de dix à douze: on en a revêtu les parois d'un mur de pierres. L'eau qui fait tourner la roue , y eft conduite par une gouttière d'environ un pied de largeur fur autant de hauteur, elle y tombe par- deflus : de la roue elle s'écoule dans le gouffre & s’y imbibe continuellement, de façon que l'eau ne s’y amaffe ordinairement que de quatre à cinq pieds de haut tant que le moulin tourne : lorfqu'on l'arrête , ainfi que l'eau , il ne faut pas un quart d'heure pour que ceite eau difparoiffe & laïfle le gouffre à fec. Q aq ii 310 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Il Fétoit lorfque j'arrivai à Vilginard ; on raccommodoit dans ce moment fa roue du moulin, je ne pus par conféquent en voir leflet , mais cette circonflance fit que je diftinguai aifément que le fond de ce gouffre eft naturellement pavé de pierres à chaux blanches; c’eft entre ces pierres que l'eau fe boit fans qu’il y ait d'iffue bien marquée: il me paroït que ces pierres font celles d'un banc de carrière; il y a d'autant plus lieu de le penfer, qu'au haut du monticule, dans les environs du moulin, & que depuis cet endroit jufqu'à Prefle, on voit des pierres de la même nature qui forment de petits bancs ; ils font probablement les premiers de ceux dont les carrières font compofées. On peut donc dire, à ce qu'il me paroît, que c'eft entre les joints des pierres d’un femblable banc que leau du moulin fe perd & sinfinue dans l'intérieur de la carrière. L'eau qui fert à faire tourner fa roue du moulin , n’eft pas Ja feule qui fe perd dans cét endroit; outre cette eau, il y a celle qui vient d’un petit étang qui la fournit elle-même, & qui eft au -deflus & tout près le moulin. L'eau de ce moulin n'en eft qu'une partie, l'autre paffe devant cette maifon & va fe perdre à quelques pas de-là entre les petites pierres, qui probablement forment les premiers bancs des carrières dont le fond du gouffre ou de la roue du moulin eft un des bancs : l'eau s'y perd fans faire de bruit & d’un mouvement continu, c'eft une efpèce d'imbibition femblable à celle qui fe fait de Veau à travers d’une terre sèche & aride. En été, l'eau eft peu abondante, elle ne forme qu'un petit ru où un filet, mais en hiver elle augmente prodigieufement , & le Meunier n'a afluré que le gouffre ou la roue du moulin étoit toujours prefque plein; que leau ne pouvoit alors fe perdre aflez promptement pour le vider, qu'elle f répandoit même dans les environs & qu'elle alloit fe perdre dans de grands trous qui font autour du moulin. J'ai vu ces trous, ce font des cavités coniques ou en enton- noir, de plus de huit ou dix pieds de diamètre dans leur ouverture ; on en voit encore à une portée de fufil du moulin; RES ON GUIMEUN LC LES. 311 ces trous abforbent une grande partie de l'eau , le refte pafe par- deflus & s'écoule dans une prairie qui doit être élevée au moins de dix pieds au-deflus des endroits où font ces gouffres ; ce qui n'entre pas en terre, coule jufque vers Ozouer-le-Vougis & entre dans la rivière d’lerre , un peu au defflous de cet endroit; c'eft ainfi au moins que cette jonction eft marquée dans la Carte des environs de Paris, que Crefpy a donnée en 1753. Dans ces trous, de même que dans le gouffre ou la noue du moulin, il ne samafle point de vafe ; l'eau qui s’y jette eft claire, elle ne vient pas de loin; elle ne pent par conféquent être chargée de beaucoup de matières étrangères : tout ce qu'on trouve dans le gouffre du moulin, eft un, gravier compolé de petites pierres à chaux, de petits {ex rougeîtres ou noïrâtres, de fragmens de briques, de verre & de fable; matières que l'eau ramafle dans fon cours & qu'elle n'y charie même qu'en très-petite quantité ; de forte que lorfque j'ai examiné ce gouffre, il n’y en avoit pas affez pour empêcher de voir les bancs de pierres & pour permettre à quelques écrevifles qui sy trou- vèrent de s’y cacher. If doit paroître fingulier que ces animaux puifent vivre dans un pareil endroit : une chute de vingt pieds de hauteur d’un cylindre d'eau d’un pied de diamètre doit, à ce qu'il me femble , incommoder confidérablément ces animaux , & lestenir dans une agitation continuelle ; on m'a même afuré qu'on y trouvoit quelquefois du poiffon , je ne fais fi c’eft pour procurer une retraite à ces animaux , qu'on a pratiqué fur un des côtés de ce gouffre une efpèce de caveau de plufieurs pieds de hauteur & de largeur, fur quelques-uns de longueur ; ce caveau au refte ne facilite en rien l'écoulement de l'eau. Que devient:elle enfin, cette eau? c'eft ce qu'on ne put me dire dans le pays : peut-être que les efpèces de foflés pierriers où elle doit couler, ont , comme je l'ai dit, leur pente dans l'alignement des différens endroits dont j'ai parlé plus haut , ou dans celui de l'efpèce de lit que l'eau qui n'entre pas dans les gouffres en hiver a naturellement , & qui forme cette petite 312 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE rivière qui va fe jeter dans la rivière d'lerre , au -deflous d'Ozouer-le-Vougis, ce qu'il feroit peut-être plus naturel de penfer, & qui mériteroit du moins d'être examiné, fi l'on vouloit conferver ces eaux & faire en forte qu'elles coulaflent conti- nuéliement dans la rivière d’lerre. En effet , une rivière aufii bien fournie d’eau , qui ne tarit & ne gèle jamais lorfque l'eau a reparu fur terre; une rivière qui pourroit être auffi utile à Paris par fa communication avec la Seine, mériteroit fans doute qu'on fit quelques eflorts pour augmenter fes eaux, ou du moins pour empêcher qu'elles ne fe perdiffent ; il ne s’agiroit peut-être que de faire de bonnes maconneries dans les endroits où elle fe perd , ou de détourner un peu fon cours dans ces endroits, & lui creufer un nouveau lit; on ne trouveroit pas dans ce pays l'inconvénient qui fe préfente par-tout en Normandie ; on ne rencontreroit pas toujours des cailloux fans liaifon , ou liés fimplement par une terre qui fe délaye aifément ; on trouveroit fouvent des lits de pierre qui permettroient facilement d'y élever une bätiffe de pierres & de glaife , pour y former des efpèces de courois qui empécheroient l'eau de fe filtrer en terre. Un Seigneur de Fontenai qui avoit des bois dans ce pays, avoit réfolu de faire quelques tentatives à ce fujet | mais la mort de ce Seigneur a fait évanouir un projet aufli utile aux pofleffeurs des bois de ce pays, & en même temps fi avantageux à Paris, dont les befoins en ce genre augmentent tous les jours. Les eaux de llerre pourroient encore être beaucoup aug- mentées , fi on faifoit de pareils ouvrages pour les petits ruif- feaux qui s’y rendent en hiver ; & qui perdent mème en ce temps une partie de leurs eaux ; celui de Vilginard ne deman- deroit que quelques-uns de ces courois, & l’on trouveroit fa- cilement un terrain folide, puifque, comme je l'ai dit, les eaux de ce petit ruifleau fe perdent entre les bancs d'une carrière de pierres à chaux ; le ru de Liverdi paroit fe jeter dans ce ruifleau ; ceux de Villemain & de Villemeu qui s’abouchent avec l'Ierre, en exiveroient peut-être encore moins. Si on réuflifloit à con- ferver ces eaux , Ferre deviendroit alors une rivière digne d'attention D'ersiiS20 AE NC ESS 1 M Sr d'attention & d'une utilité prochaine pour les Seigneurs qui demeurent fur fes bords, & en même temps pour Paris : quoi qu'il en foit de ces vues, j'ai cru ne devoir pas les fupprimer ici, peut-être qu'elles pourront en faire naître de plus fimples & de plus faciles à exécuter ; je me trouverois heureux fr cela pouvoit arriver, & donner ainfi à ce Mémoire un prix que les effets de fimple curiofité ne pourroient jamais lui procurer, Les faits d'Hiftoire naturelle bien développés font toujours curieux, mais rapprochés de nos befoins ils deviennent inté- reffans, & c'eft là où doivent principalement tendre les recherches des vrais Naturaliftes. Quel avantage ne procureroit pas encore celui qui pourroit lever l'obflacle que rencontre le Rhône dans l'endroit où il fouffre une efpèce de perte , & où fa navigation eft interrompue? Ce grand fleuve, qui n’eft en quelque forte qu'accidentel à a France , puifqu'il n'y prend pas fa fource, mérite fans doute à plus d'un égard que je rapporte ici ce que je fais fur fon entrée en terre; il règne une efpèce d’obfcurité fur ce fait qu'il eft bon de difliper ; j'ai cherché long-temps une perfonne attentive & éclairée qui püt m'inftruire & lever mes doutes ; jai trouvé cette perfonne dans un amateur d'Hifloire natu- relle *, né à Genève, & qui allant, il y a peu de temps ; revoir fa patrie, s'eft fait un plaifir d'examiner l'endroit où le Rhône difparoït , conféquemment aux éclairciflèmens que je defirois avoir, & fur lefquels je lui avois donné un Mémoire avant fon départ ; je ne ferai prefque que copier ce qu'il m'a mandé dans une lettre , à laquelle if avoit joint un plan du lieu où cette perte {e fait. L'endroit, que l'on regarde communément comme Ja perte du Rhône, eft à un quart de lieue de Châtillon, & à environ une lieue du Fort de Y'Éclufe. Le Rhône après avoir circulé à étroit forme un petit baflm / AA), dont le diamètre peut avoir trente à quarante pieds ou pas communs, puis il s’en- gorge entre deux roches / B B ) ; ces deux roches femblent avoir été féparées pour Jaïiffer couler le fleuve plus paifiblement : _* M. de la Grange. Mén. 1754. RTE 314 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE peut-être fe touchoïent-elles autrefois; on remarque au moins que ces deux côtés ont été beaucoup travaillés par le moyen de fa poudre ; cette. voie peut avoir une toife & demie de largeur ; au bas de ces roches & perpendiculairement à leur hauteur on a fait à chacune une banquette ; ces’ banquettes s’approchent au point qu'un homme peut aifément fauter d’un côté à l’autre. L'on a jeté fur ces roches un petit pont de bois (CC) fort légèrement conftruit ; c’eft de ce pont que l'on voit la prétendue perte du Rhône, elle fe fait dans une diftance /DDE, DDE ) longue d'environ trente pas ; elle eft occafionnée par un amas de rochers qui femblent avoir été culbutés les uns fur les autres fort régulièrement, & qui empêchent le Rhône d’avoir un cours continu : il pafle ordinairement deflous ces rochers, & c'eft ce qu'on appelle précifément la perte du Rhône. Quand les eaux font exceflivement grandes , elles coulent par-deflus ces rochers, de manière qu'on ne les aperçoit plus, & que le Rhône femble avoir fon cours fans aucun obftacle. A l'extrémité de ces rochers /De, De), ce fleuve recommence à couler & continue à le faire en / 4) fans autre interruption. Les deux côtés font élevés perpendiculairement fur le Rhône, depuis l'endroit où l'eau commence à entrer fous les rochers abatus : la partie qui s'étend depuis l'endroit où l'eau reparoît, peut avoir douze toifes de profondeur; celle qui eft au midi forme un terrain plat, mais lun & l'autre côté, à commencer à l'endroit où l'eau entre fous les rochers, vont en pente jufqu’au baflin : c’eft au bord de ce baflin qu'on ramaffe les pétrifica- tions que le Rhône y jette; à l'occident il entre dans ce fleuve une petite rivière, nommée la Reffi, qui vient du midi; elle s'y mêle de niveau, c’efl-à-dire que fon lit paroît aufli profond que celui du Rhône, Le côté nord du Rhône s'élève à une certaine diftance à peu-près de la hauteur de Montmartre ; il forme enfuite une plaine d'environ trois lieues, qui eft bornée par une montagne fort élevée qui paroît avoir la même direétion que le Rhône: le côté oppolé ou celui du midi , eft fermé par le bas de la montagne appelée Île Credo : cette montagne eft fort rapide: & DES SCrENCESs. I prefqu'auffi haute que le mont Jura qu’elle touche. Tous les environs de ce pays, même fur le plus haut du Credo , font entièrement de gravier & de cailloux , exaétement femblables à ceux du lac de Genève & à ceux que le Rhône charie. Depuis cet endroit jufqu'à Genève on trouve le même gravier & le même cailloutage. Ces cailloux font irrégulièrement arrondis; il y en a de bleuâtres, de blanchätres, d’autres tirent fur le jaune, d’autres font veinés de bleuître & de blanc; tous ces cailloux font de la nature de la pierre à fufil. Parmi ceux-ci on en trouve de graveleux qui font bruns, d'autres font des fragmens de pierres calcaires , qui ne font prefque compolés que de petites pierres lenticulaires jaunâtres ou d’une efpèce de tuffau gris, grainu , également de la nature de 1a pierre à chaux & qui fe diflout dans les acides avec force & promptitude : il femble n’étre qu'un compofé des fables & des graviers, ou ces matières ne font peut -être que le detrius de ces pierres. Le fable eft gris, graveleux, calcaire ; il fe diffout avec force dans les acides; les grains font arrondis en petits pois très- fins, ou ils font oblongs : celui de l'Avre, torrent qui fe jette dans le Rhône à une portée de fufil de Genève & qui, à ce qu'on dit, contient des paillettes d’or, eft fin, calcaire, noir & un peu blanc. Le gravier n’eft que ce fable moins trituré; il eft compolé cependant de grains blancs & de jaunâtres, parmi lefquels il y en a de gris & de quelques autres couleurs ; ils fe diflolvent prefque tous à l'eau-forte & très-promptement : ceux qui éludent fon aétion, font, à ce qu'il paroît, de quartz ou de pierre à fufil; les autres, de fpath, de marbre, de pierre calcaire , grife ou bleuâtre, & de quelques autres femblables pierres. Ces différens fables, graviers & cailloux ne font fans doute que le produit du broyement des fragmens des pierres qui fe détachent des montagnes dans les averfes: il y à d'autant plus lieu de le croire, que la Suiïfle eft remplie des unes ou des Rr ji , L * Von Mém autres pierres dans les cantons où le Rhône pañfe; c'eft ce que de J'ai fait voir dans mon Mémoire für la Suifle *. J ajouterai ici pt % l’Acad, année 316 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'on trouve dans les environs de Genève une pierre calcaire jaunûtre , d'un grain fin & femblable à celui de la pierre d'Endri- ferre, de Paris, du Carreau , de Châteauroux & de plufieurs autres lieux. Les rochers de Fendroit où le Rhône fe perd, font d'une pierre calcaire gris-brun ou jaunûtre, grenue, aflez dure & pefante. Malgré la dureté que cette piérre peut avoir , on ne peut pas cependant la regarder comme devant être difficile à ronger par un fleuve auffi rapide qu'eft le Rhône ; ce qui me feroit penfer qu'il pourroit bien { faire que ce fleuve n'ait pas toujours fouf- fert cette elpèce de perte qu'il fouffre de nos jours, peut-être auffi difparoiffoit-il autrefois entièrement. En effet, il eft très- poflible que les rochers fous lefquels il paflé maintenant ne foient ainfi culbutés les uns fur les autres que parce que le Rhône ayant ufé de part & d’autre fes bords , a laifié à nud les ro- chers qu'ils pouvoient renfermer & à été ainfi caufe de leur chute; peut-être auffi que les ayant peu à peu minés en paffant par-deflous & ayant entrainé les terres ou les fables qui for- moient, avec eux , la montagne où il entroit, ils fe font afaifiés, étant plus foutenus, font tombés les uns fur les autres & ont, en partie, dégagé les eaux de ce fleuve, qui seft de plus en plus débarraffé, en entraïnant le refte des fables ou des terres de la montagne, & qui peut de plus en plus devenir libre , en détruifant peu à peu ces rochers qui lembarraflent maintenant. I me femble qu'il eft arrivé dans cet endroit un effet fem- bhble à ce qu'on remarque dans une montagne coupée en deux, fituce à deux lieues de Falaife, & qu'on appelle la Brèche- au-Diable : cette brèche eft un ravin profond fait entre deux montagnes aflez élevées, par l’'affaiffement d’une partie d’une montagne qui a été féparée en deux, les fables intérieurs s'étant écroulés, minés probablement par les eaux d'un petit ruiffeau qui pafle dans ce ravin, On ne peut guère fe refufer à cette idée, lorfqu'on remarque que les rochers qui font reflés attachés aux deux côtés de ce ravin,; penchent du midi au nord dans la direction que fuit le ruifieau. {ls femblent avoir été arrachés lés uns d’entre les autres ; il y en a qui font Mem.de l'Ac: R.des Je.1758.pa.317. Pl10. A CLEA ET TNT TN NN 1. — CE SRE Mt Te HN Je Ingram dl. 2e DES. SCIENCES. 317 eflés à moîtié fufpendus en Fair & qui tiennent peu à la mafle à laquelle ils font encore unis: on ne peut les regarder qu'avec une certaine frayeur , qui eft augmentée par le filence qui règne dans cet endroit & qui n'eft interrompu que par le bruit que fait l'eau du ruiffeau qui coule avec rapidité entre les quartiers des rochers qui font tombés dans le fond du ravin ; cette eau va {e rendre dans un étang qui eft à quelque diftance de la brèche, Je ne diflimulerai pas qu'on pourroit également attribuer cette brèche à quelque tremblement de terre qui auroit occa- fionné une rupture qui auroit pu donner naiffance à ce ruifleau, ou du moins la direction qu'il a maintenant : lhiftoire des derniers tremblemens de terre nous a fait connoitre de fem- blables éruptions d’eau hors de terre, ou des changemens de directions de rivières. J'avoue qu'il pourroit bien être arrivé un femblable dérangement à la Brèche-au-Diable: mais quelle qu'en foit la caufe, il me femble qu'elle a beaucoup de rap- port avec ce qui eft arrivé à la perte du Rhône, que cette perte n'eft qu'accidentelle , & qu'il froit facile de l'empécher. IL me paroït qu'un travail qui ne fe feroit pas , il eft vrai, fans beaucoup coûter, mais qui ne féroit pas des plus longs , pourroit débarraffer le Rhône de ces rochers qui l'arrétent dans fon cours ; il ne feroit pas trop difficile de faire fauter ces rochers au moyen de la poudre, leur dureté n'eft pas telle qu'on ne pôt aflez facilement , étant de pierres à chaux , les miner & les brifer de façon à les tranfporter aifément; on pourroit même s'en fervir à remplir les gouffres qui pourroient être dans le lit de ce fleuve, & conferver ainfi l'eau qui S'y perd; on le pourroit avec d'autant plus de facilité que ce fleuve n'eft pas toujours plein, & qu'il ne left guère que dans le temps des fontes des neiges qui arrivent en. été, circonflance favorable à ce travail : puifque dans cette faifon les ouvriers ne manquent pas d'ouvrages, & que dans les autres faifons ce feroit un avantage pour eux d’être occupés & de trouver dans le produit de ce travail un falaire , quelque modique qu'il fût, toujours plus avantageux qu'une inaétion préjudiciable, - FE Rr ii 318 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE MÉMOIRE Sur les Degrés d'ellipticité des Sphéroïdes, par rapport a l'intenfité de l'attraction. Par M. le Chevalier D'AR c y. PROBLÉ ME. es ee qéion deux globes folides 4, B, de même grandeur ; 2°! de matière également denfe, & compofés de parties qui s'attirent en raïifon inverfe des quarrés des diflances, mais par une vertu attractive dont l'intenfité foit différente dans chaque globe ; fi on fuppofe que ces globes tournans autour de leurs Fig. r. axes /Aa), (b b} avec la même vitefle, deviennent dans un inflant fluides, en forte que le globe À devienne le fphéroïde aGd, & le globe B le fphéroïde cdg, trouver les rapports des vitefles des points À & g des équateurs de ces deux fphéroïdes. On {ent aifément que le globe dont l'intenfité de Fattraction eft la plus grande, fera le moins aplati. Je dis que ces vitefles feront en raifon inverfe des rayons des équateurs. Par notre principe de la confervation de l'aGion , les actions des deux fphéroïdes feront les mêmes, puifque les globes tour- noient dans le même temps. Fig. 2. Que l'on décrive le cercle 9 D du rayon A9, & que l'on tire la tangente AG F perpendiculaire à /H9),& «G, DF perpendiculaires fur Æ/O ou F4, je dis que l'action du fphéroïde elliptique & A fera à l'action de la fphère D 4 4 comme l'action du cylindre 4 G d'A ef à l'aétion du cylindre DFN A; il fuffit pour cela de tirer la ligne Q 7gm P, de remarquer que Pm: Pg :: PM:PQ, & de fe fouvenir que faction eft la mafle par la viteffe & le rayon, mais le rayon & la DES SCIENCES 319 viteffe font les mêmes, & les mafies font dans la proportion des lignes ci-deflus; donc, &c. L'on remarquera à préfent que le Problème fe réduit à trouver les vitefles de deux cylindres qui aient la même quantité de matière & la même action. Que ABCD , abcd foïent ces deux cylindres, il sen- fuit qu'ayant là même quantité de matière À B x B D* égale à ab x bd”, & que À P étant x, KA la viefle du point €, AB étant a, AC.r & (c) la circonférence du cercle décrit par AC, Yon aura <= pour la circonférence du cercle décrit par LA le point P,& par conféquent le folide décrit par le petit retangle Pp@Q 3 fera acxdx » pp étant dx, & l'action de ce petit r ‘ ac#dx U x . : {olide fera —- x — x x; en intégrant cette quantité, " r ; cvxt ë : lon a * , où il ne faut pas de conflante. Si on ê acurt acUrr : fait x —##; l'on! a où ——— pour l'action de tout AB, AC ,ev le cylindre, ou , & par conféquent appelant # abx ac? la viteñle du point « de fautre cylindre, on aura ac » . . X = + cu pour l'action du cylindre abcd; donc abxac x, çn e ABx AC. v 2 ; 22 = à 2 jorabxac = AB» AC 4 ac,Cu cvy 4. AC Ta par l'égalité de la folidité des cylindres ; donc . où ac xu = AC x v; donc, &c. Donc les vitefles des deux fphéroïdes dans leur équateur font en raïfon inverfe des rayons ; donc les temps de leurs révolutions font comme les quarrés des rayons de leurs équateurs, 320 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE CEYO'R'O I4L'AUTIR EF: Si on fuppofe que | les eaux refluent alternativement des pôles de la Terre à l'Équateur , & de l'Équateur aux pôles, il s'enfuit néceflairement que le mouvement diurne de Ja Terre ne fera pas uniforme ; à la vérité cela fera peu, mais cela fera. MANIÉRE. Je.2768.p. 820. PL 11. Ty dede DÉMOS GASIE N CES 321 M ANIÉRE De decrire les OVALES DE DESCARTES pur un mouvement continu. Par M. le Chevalier D’ARCY. UE À & G foient deux fliles attachés fur un plan, qu'un fil puifle glifer autour de ces fliles, qu’une pointe 41 retiénne le fil; fi on ne roule le fil qu'une fois autour de M, F,6G, la courbe fera une ellipfe; fi au contraire on le roule un nombre quelconque de fois autour de 41 & de F', comme fur des poulies mouflées, tandis qu'il refte fimple de A en G, la courbe décrite fera un ovale de Defcartes. Que Am foit un côté infiniment petit de la courbe; ayant tiré les lignes FM, Fm, G M, Gin, & décrit les petits arcs Mg, mr des centres F'& G,& m étant prife pour le nombre de fois que le fil F4 eft roulé, on aura que 5 FM + GM étant conflant ,"1 x gm— Mr ; que m T1 foit perpendiculaire à la courbe, alors les triangles #1 7H & MmQ feront femblables, auffi-bien que les triangles mr, 1m; d'où Yon tirera ces analogies, Mm : qm ::m H: HT & Mm: Mr :: mh: br, En füppofant #1 — mH}; & fubftituant, on aura Hxqm mxgm.m H Me: ù AT — ——— & hr — TE ; d’où l'on tire que In AT :hr::qgm:m x gm:: 1 : m; propriétés connues des courbes de réfration, ou ovales de Defcartes, REMARQUE. On tirera aifément de ceci la folution de ce problème, deux points étant donnés, dont fun eft un point lumineux , & la loi de la réfraction d’une matière, quelconque, trouver les courbures des deux faces d’un verre, pour que les rayons fe raffemblent dans Yautre point donné. Mém. 1758. Sn s ST 1.9" Mars 17538 Fig. 4 Fig. $* 22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 3 ÉCLAIRCISSEMENS LADA RO ESO AS SU VANYCC 1h NS LOMW. Par M. HÉRISSANT. ARE ’OssIFICATION, cette opération par laquelle des plus, 1758. parties membraneufes ou caïtilagineufes font converties en des pièces dures & folides deftinées à former une charpente capable de donner fa fermeté & l'attitude au corps dés ani- maux & d'en foutenir tous les organes, éft pour nous une opération bien importante: on n'a pu manquer d'en chercher la caufe dès qu'on a cominencé à raifonner fur les effets phy- fiques ; elle en eftun très-adinirable : les Auteurs /4) qui en ont traité eflentiellement ont été bien partagés fur cette caule, & le grand & beau travail qu'a fait M. du Hamel fur les Os /4), peut faire voir combien on étoit éloigné de la faifir, puifque cet habile Académicien, qui en fentoit d'ailleurs toutes les difficultés, n'a pas jugé à propos de faire aucune recherche fur cette matière, ayant mieux aimé en abandonner toute la gloire à d'autres Phyficiens, comme il Le dit lui-même. I froit trop long & même inutile de rapporter ici Les différentes opinions qui ont paru à ce fujet; je m'attacherai plus volontiers à faire remarquer qu'il y a des expériences auxquelles on n'a pas fongé , aufli fimples que celles qui ont été tentées, qui peuvent nous apprendre que la matière n'étoit point épuilée, & qu'il reftoit encore bien des chofes importantes à y découvrir. Il n'y a pas de partie dans le corps des animaux qui foit plus dure & plus folide que les os ; il n’y en a pas non plus dont la fubftance foit plus fujette à être différemment altérée (a) Clopton-havers, Gagliardy, | 1741, 1742 7 1743: Et Malpighi, Kerckringius ; M. de | Recueil périodique d’obfervations, la Sône, Médecin. Mém, de l’Acad, | de Médecine, par M. Vander- ann, 1751 ÊT 1752» monde, Médécin. Mois de Sepremb, (b) Mém, de l'Acad, ann, 17395 \°4757: DE) S | S CALIENN CR G M 323 que la leur ; la Nature fmble être continuellement occupée de ces organes : ils croiflent dans la jeunefle & y acquièrent une dureté & une folidité plus ou moins grandes ; dans la vieilleffe cette dureté augmente pour l'ordinaire & devient quelquefois femblable à celle de livoire ; il y a des cas où ces pièces fi denfes & fi dures fe gonflent & s'épaiffiffent confidérablement ; il y en a d’autres au contraire où elles femblent s'ufer peu-à- peu , & deviennent par-là très-minces ; il ya des circonftances où l'on en voit qui fe détruifent entièrement ou en partie pour fe rétablir enfuite & former de nouvelles pièces offeufes; il y a d’autres cas où les os les plus compactes perdent tout-à-fait leur confiflance, & deviennent mous, fpongieux & cartila- gineux ; en un mot on en voit qui deviennent prefque fem- blables à des morceaux de chair, &c. | Le mécanifme de loflification des parties molles a été fr peu connu des Phyficiens /4), qu'ilauroit été bien étonnant qu'ils euflent pu pénétrer la véritable caufe de tous ces phénomènes fimguliers; j'ai fait des expériences à ce fujet, que je rapporterai dans deux Mémoires ; dans le premier (qui eft celui-ci) je ne parlerai que de celles qui ont été tentées pour fervir d’éclaircife- mens {ur l'offification , &c dans le fuivant il ne s'agira que de celles qui ont été faites pour établir en conféquence une nou- velle théorie des maladies des os, fondée fur des principes beaucoup plus certains que ceux qu'on a eus jufqu'ici. On croit communément, & il faut convenir que la plupart des obfervations femblent l'indiquer , qu’il en eft de l'offification des membranes & des cartilages à-peu-près de même que de la pétrification des bois ; c'eft-à-dire que lorfque les premiers _soflifient, leur partie membraneufe ou cartilagineufe propré- ment dite, fe convertit en une fubflance purement offeufe, comme il y a apparence qu'il arrive dans la pétrification des (a) En effet, tout ce queles Ana- | &c: mais aucun d’eux n’a connu fa tomiftes nous rapportent fur cette | véritable compoñition de ces organes; matière, fe réduit à nous apprendre | ce qui fait qu’on a eu jufqu’à préfene ge les os font des corps très-durs | une idée fort imparfgite de leurs très-folides , compolés de parties | maladies. tartareufes, terreufes ou tophacées, Sri 324 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE bois , où la partie ligneufe paroît fe changer & fe convertir en une matière tout-à-fait pierreufe, Mais pour peu qu'on réfléchifle fur les métamorphofes fimgulières qui viennent d'être rapportées , & auxquelles les os font fujets pendant le temps de la vie, on verra bientôt combien cette explication fr plaufible eft défectueufe : c'eft ce qui m'a déterminé à faire de nouvelles recherches fur cette fonétion , en me laiflant conduire par une chaîne d’expériences & d'ob- fervations pour aller par-tout où elles me conduiroient, & j'avoue que je n'ai pu me refufer à l'admiration, en voyant le nombre prodigieux de reflources qui font préparées pour re- médier aux accidens dont la charpente du corps animal peut être menacée. La première queftion & la plus naturelle qui fe préfente à faire, lorfqu’on jette les yeux fur les parties molles qui font dans le travail de l'offification , c’eft de demander , qu’eft-ce qui fait la dureté des os & en quoi confifte-t- elle /4)? Avant de répondre à cette queftion qui a fr fort embarraffé les Phyficiens , il faut favoir que l'idée la plus nette qu'on puiffe fe faire des parties offeufes en général , de leur caractère effentiel & diftinétif , c'eft de les regarder comme étant des organes compofés de deux fortes de fubftances principales /) : la première qui fert de bafe à la feconde, & qui en eft même l'organe fe- crétoire, eft une efpèce de parenchyme cartilagineux qui ne s'oflifie jamais , à proprement parler, & qui ne change jamais de nature; il conferve fon caractère cartilagineux , tant que los à qui il appartient eft exiflant ; c'eft dans les vaifleaux fins &c déliés dont cette première fubflance n’eft qu'un tiffu en forme de réfeau difpofé par couches & par feuillets, que fe fait la circulation des liqueurs deftinées à la nourriture des os. Ce (a) Une femblable queftion peut avoir lieu par rapport au bois: on peut demander qu’eft-ce qui fait la dureté du bois, en quoi confiite-t- elle! C’eft ce que je me réferve d'examiner dans un Mémoire par- ticulier, (b) Je dis principales , parce que je ferai voir dans mon Mémoire {ur les maladies des os , qu’il y a encore d’autres fubftances qui concourent néceffairement à la formation des os, & qui y jouent un rôle très- important, DPEÉSSTEUNMNE NICE. 32$ parenchyme eff continu aux fibres ligamenteufes qui compofent les liens qui aflujétiffent les os enfemble, & l'eft de même aux fibres tendineufes des mufcles qui font intimement adhérens aux os, fans l'intermiffion d'aucune membrane : ce parenchyme qui entre pour la plus grande partie dans la compofition des pièces offeufes, donne aux osune certaine foupleffe capable d'empêcher qu'ils ne fe rompent & ne fe caflent avec trop de facilité ; c'eft lui aufli qui fert de nourriture aux animaux qui font réduits à vivre feulement d'os; la feconde fubftance eft purement ter- reufe ou crétacée ; c’eft elle qui donne la folidité & la dureté aux os, fur-out quand elle eft pure & qu'elle n'eft viciée par aucun mauvais levain : c'eft cette fubftance qui fournit l'album græcum , dont parlent les Anciens, & qui n’eft autre chofe qu'une matière crétacée que les chiens rendent en place d’ex- crémens , lorfqu'on les a nourris long-temps, feulement avec des offemens dépouillés de toutes parties molles ; enfin c’eft cette matière crétacée, qui feule fe charge de la partie colorante de la garence qu'on a mêlée dans la nourriture qu’on a fait prendre pendant quelque temps à certains animaux. Mais on demandera, & on doit demander, s’ileft bien certain que la fubflance cartilagineufe des parties qui doivent devenir os, ne s’oflifie jamais ; & s'il eft bien vrai qu’elle conferve en tout temps le caractère qui lui eft propre? on demandera, fi je ne me fais point illufion , & fi je ne prends pas pour paren- chyme cartilagineux des os , leur fubftance terreufe même, où il ne s'eft fait d'autre altération qué celle d’avoir été ramollie par l'agent quelconque dont j'aurai pu m'être f{ervi dans mes expériences ; enfin on demandera quel peut donc être le mé- canifme par lequel ces deux fubftances principales, étant réunies _enfemble, deviennent capables de former des pièces auffi dures, auffr {olides & auffr compaétes que font les os! On ne s'attendroit pas qu'une transformation fr fingulière des membranes & des cartilages en des parties ofleufes, ne fût point du tout l'effet d’une offification parfaite , telle qu'on la cru jufqu'ici : on ne foupçonneroit pas que cette transfor- mation fût plutôt Feffet d'une efpèce d’incruflation animale Sf ii 326 Mémoires DE LACADÉMIE ROYALE d'une nature très-particulière, formée par le moyen d'une matière crétacée, qui enduit & incrufte de toutes parts les fibres & les fibrilles du réfeau qui conflitue le parenchyme cartila- gineux de la partie qui s'oflifie. On n'imagineroit pas non plus, ce qui eft pourtant vrai, que pour faire reparoitre fous leur première forme les cartilages ou les membranes qui nous ont femblé offifiés, il ne faut que les dépouiller entièrement de la matière terreufe ou crétacée dont chaque fibrille eft encroûtée en dedans & en dehors. C'eft au moins ce qui méritoit d'être examiné fcrupuleufement, & ce font les eflais que j'en ai faits qui n'ont découvert, à ce que je penfe, le myflère de l'offification. J'examinai donc avec une attention nouvelle toutes les cir- conflances de cette fonction; & pour mieux réuffir dans mon entreprife, jai cru devoir d'abord refaire la plupart des expé- riencés qui avaient été déjà faites fur cette matière. Une feule m'a paru fufhire & mériter la préférence fur toutes les autres ; elle confiftoit à faire ramollir des os dans des liqueurs acides ; c'étoit d’ailleurs une expérience fi aifée à répéter , qu'il n'eût pas étésnaturel que je m'en fufle difpenfé, je l'ai même refaite un plus grand nombre de fois qu'on ne jugeroit néceflaire qu'elle l'eût été: auffi ne rendrai-je pas compte de ce qui et arrivé à Ja grande quantité d'offemens qui ont fervi pour mes expériences ; je me contenterai de rapporter les faits & les rélultats les plus intéreflans, Ces expériences ont été faites avec la plus grande exacti- tude, & dans des vues tout-à-fait différentes de celles qu'on a eues. jufqu'à préfent. Je commençai donc par fcier plufieurs morceaux de la fubf- tance dure & compacte d'os humains , de cheval , de pouhin , de bœuf, d'éléphant, &c. j'en formai des lames plus ou moins minces par le moyen d'une meule dont on fe fert pour ufer la nacre ; ces lames furent ramollies dans la liqueur fuivante, qui eft celle dont je me fuis fervi dans toutes les expériences que je rapporterai ci-après ; elle étoit compofée d'une partie de bon efprit de nitre fumant & de quatre parties d'eau commune ; SENS ISNCHRE NAC:E is. 327 j'ai préféré cet elprit de nitre à tout autre , afin d'avoir un terme qui pût me donner une liqueur toujours égale en force; mes lames ofleufes furent mifes dans cette liqueur & elles Y trempèrent environ une heure & demie ou deux heures , après quoi elles furent retirées ; celles qui étoient les plus minces devinrentalors affez femblables à des morceaux de membranes ; celles au contraire qui étoient les plus épaifles auroient volontiers été prifes pour des cartilages frais ; je laiflai fécher toutes ces pièces ; les premières devinrent fémblables à des lambeaux de veflie defféchée, & les autres repréfentoient affez bien dés morceaux de corne de lanternes ou des cartilages fecs. Cette mctamorphofe de lames offèufes en des morceaux affez femblables à des membranes ou à des cartilages, me frappa ; je n'ignoroïis pas certainement qu'on favoit avant moi que les os & livoire fe ramolliflènt dans des liqueurs acides ; mais j'étois bien certain d'un autre côté que perfonne ne nous avoit encore démontré d’une manière bien fatisfaifante , en quoi confifte ce ramolliflement , & quelle en eft la caufe ! Cette fingularité, dont je fentois toute l'importance, me parut digne d’être obfervée de plus près : j'ai donc cherché à connoître quelle eft la véritable caufe de cet effet; je l'ai éxaminée comme un phénomène nouveau; & pour én mieux failir toutes les particularités ; voici comme je raifonnai. Mes lames offeufes étoient dures & opaques avant qu'elles euflent trempé dans ma liqueur , elles fe font au contraire trouvées molles & tranf- parentes après y avoir demeuré quelque temps: quelle peut donc être la caufe de ce changement ? Toujours tenté de croire que cela pourroit venir de ce que ces lames avoient peut-être perdu quelque chofe de leur propre fubftance dans la liqueur acide, j'efflayai d'én faire ramollir de nouvelles , avec cette différence que les unes tremperoient en entier dans la liqueur, & que d'autres n'y tremperoient qu'en partie, afin d'être plus à portée de comparer la portion qui {eroit ramollie avec celle du même 6s qui ne la feroit pas ; J'eus de plus la précaution de pefer fcrupuleufément toutes ces 328 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE lames devant & après la macération , & j'ai toujours trouvé que celles qui avoient entièrement trempé avoient perdu prefque la moitié de leur poids; que celles au contraire qui n'avoient trempé qu'en partie, en avoient perdu à proportion, c'eft-à- dire les unes plus, les autres moins, fuivant que la portion qui avoit trempé étoit plus ou moins confidérable, Éclairé par cette expérience , je me perfuadai de plus en plus que l'opinion qu'on avoit de loffification m'étoit pas encore celle dont on devoit fe contenter, & il me vint d’abord à l'efprit que ce qu'on regardoit comme ramolliflement des os dans les liqueurs acides, n’en étoit peut-être pas un, à propre- ment parler, mais que ce pourroit être plutôt une décompo- fition des os mêmes, opérée par l'aétion de Ka liqueur acide qui enlève à ces organes la matière terreufe ou crétacée, qui leur donne la dureté & la folidité qu'on leur reconnoit. Plus j'ai réfléchi depuis fur cette idée, plus je lai trouvée conforme à ce que. nous offre l'expérience ; plus auffi je l'ai cru propre à nous donner l'explication bien mécanique de la caufe des différentes altérations qu'éprouvent les os dans les maladies qui les attaquent * & à nous donner de grandes vues - touchant la manière de les traiter, Des expériences de même nature que les précédentes, furent répétées fur des os fains & fur des os malades, fur des grands, fur des moyens & fur des petits, les uns étoient très-fecs, les autres étoient frais; les rélultats ont été les mêmes. Du nombre de ces os, étoient, par exemple, une calotte du crâne d'un enfant âgé d'environ un an, une mâchoire inférieure d'un homme de quatre-vingts ans, un os de la cuifle d'une fille âgée de vingt ans, un morceau d'ivoire, une tête entière d'un jeune homme de trente ans, un tibia entièrement carié par le virus vénérien, la moitié d'un fémur, fur lequel il y avoit une exoftofe de la grofleur d'un œuf de poule, un morceau * Toutes les maladies des os , ft | moins confidérable de leurs fubf on en excepte les luxations, con- | tances, comme je le ferai voir dans fiftent en une décompoftion plus | mon Mémoire fur les maladies de ou moins complète, ou plus ou | ces organes, d (s L | DHEUSHSYCME" Nic pres. 329 de l'artère aorte qui étoit offifié, enfin un morceau de ratie humaine prefque toute offifiée, & que M. Morand, père, nous a fait voir dans une de nos Aflemblées particulières. Toutes ces parties furent mifes, chacune féparément, dans des bocaux de verre: je verfai par-deflus fuffifamment de ma liqueur acide pour qu'elles puflent tremper entièrement : je fermai l'ouverture de chaque bocal avec un couvercle de verre, il fortit fur le champ de toutes ces parties offeufes une quan- tité prodigieufe de petites bulles d'air, dont le mouvement étoit très-accéléré. Le tout demeura en cet état pendant plufieurs jours, au bout defquels je retirai de la liqueur les os qui me parurent affez ramollis ; ceux qui ne l’étoient pas au point que je defirois , y furent replongés & n’en furent retirés qu'au bout de plufieurs autres jours: tous avoient confervé leur forme ex- térieure, quoiqu'ils fuffent devenus mous & flexibles comme des cartilages frais *, Je les laiffai bien fécher, & ils devinrent tranfparens comme des morceaux de corne ou de cartilages defféchés. J'eus grand foin de conferver à part toute la liqueur dans laquelle ces os avoient trempé, alors je les pefai chacun * Le grand Stenon, dans fon Dif- cours fur l’anatomie du cerveau , à Meffieurs de lAffemblée de chez M. Thevenot en 1668 , rapporte qu'il eft_impoflible de bien démon- trer quelle eft la fituation naturelle des parties du cerveau, en enlevant, Comme on fait ordinairement, la ca- lotte offeufe par le moyen de la cie, du cifeau & des tenailles qui oc- cafionnent toujours des concufhons qu des ébranlemens capables de pro- curer des dérangemens confidérables dans les parties délicates de ce vif cère; il ajoute qu’il feroit à fouhaiter qu'on trouvât quelque liqueur qui pût difloudre les os en peu de temps, ou les ramollir, & que ce feroit la meilleure de |toutes les manières de féparer le crâne pour bien démon- trer le cerveau & toutes les parties qui le compofent. C’étoit pour rem- Mém. 1758. plir les vues de ce célèbre Anato- mifte, que j'ai pris Ja tête entière d’un jeune homme de vingt - deux ans récemment décédé ; je Jaïffai tremper cette partie dans ma liqueur acide pendant environ quinze heures, au bout duquel temps je la trouvat ramollie ; au point que je la coupai aïfément avec la pointe de mes ci- feaux ou avec mon fcapel , ce qui fit que je trouvai effectivement les - parties du cerveau dans une fitua- tion bien différente de celle où on les a trouvées jufqu’ici, Il y à plus: c’elt que par ce ramolliffement je me fuis trouvé à portée de fuivre: plufieurs filets nerveux , jufqu’à pré- fent ignorés , qui vont fe répandre dans la fubftance des os de la tête 3! & dont j'aurai occafion de parler amplement ailleurs. 330 MÉMOIRES DÉ L'ACADÉMIE ROYALE | féparément , comme j'avois déjà eu là précaution de le fair avant de les mettre dans Ja fiqueur ; je trouvai qu'il s'en falloit de beaucoup que leur poids füt, après la macération , le même qu'il étoit avant : en eflet, la calotte offeufe, qui pefoit avant l'expérience deux onces fix gros, ne pefa plus après qu'une once quatre gros; donc elle avoit perdu une once deux gros de fon poids: l'os de la cuifle, qui pefoit quinze onces dix grains, fut réduit à huit onces neuf grains ; donc il avoit perdu fept onces un grain ; ainfi des autres, qui perdirent chacun beaucoup de leur poids. J'étois très-curieux de n'inftruire fur la caufe qui avoit pu réduire toutes ces pièces offéufes fi dures & fi compactes à l'état de molleffe & de foupleffe où je les trouvai après avoir macéré pendant quelque temps dans la liqueur acide : je defirois beaucoup encore de favoir ce qu'étoit devenue la matière qui leur manquoit, 8 qui faifoit qu'elles étoient devenues beaucoup plus minces qu'elles n'étoient avant la mactration. Pour cela, je crus que je ne pouvois me difpenfer de faire lanalyfe de toute la liqueur dont je m'étois fervi pour ramol- lix ces os: je la fis donc évaporer à une chaleur douce jufqu'à pellicule & je la laiffai refroidir; alors il ne refla dans le plat de fayence dont je m'étois fervi qu'une matière coagulée en criftaux jaunâtres , ayant la forme de lames aplaties, comme beaucoup de fels neutres vitrioliques à bafe terreufe; mais ces criflaux étoient extrêmement tendres & friables, ils avoient Pair un peu gras; ils retenoient beaucoup d’eau dans leur criflalli- fation, ce qui leur donnoit là propriété de fe liquéfier auff-tôt qu'ils éprouvoient le moindre degré de chaleur. Enfin ce fi, ‘qui eft un vrai nitre à bafé térreufe, formé par la combinaifon de l'acide nitreux avec ce qu'il a pu difloudre des os, avoit une faveur très-piquante, ik shumeétoit à l'air, & le feu en enfevoit facilement Facide. H fe décompofe par les fels alkalis fixes qui en féparent la terre, &c. H détonne très-peu fur les: chabons ardens & il reflemble, par les propriétés dont je viens de parler, aux {els nitreux formés de la combinaïfon de: mD'Ess S2ctE N'CE S. 337 plupart des terres abforbantes avec l'acide nitreux , à l'exception cependant de la lépère détonation' que ne font pas fi fenfiblement les els nitreux à bafe purement terreufe; mais il diffère de ces fs, en ce qu'il eft beaucoup plus fufceptible de criftallifation. Ce fait afféz curieux indique que l'acide nitreux diflout non-feulement la partie terreufe des os, mais qu'il fe charge én même temps d’une portion de matière graffe & gélatineufe| À fa faveur de laquelle il forme un nouveau ff nitreux à bafé terreufe (jufqu'ici inconnu ) , qui diffère des autres fels dé cette efpèce, en ce qu'il eft moins déliquefcent & fufceptible de 14 criftallifation dont il vient d'être fait mention. Inftruit par cette expérience, j'ai donc dû juger que la bafé terreufe du fel que je venois de tirer de ma liqueur acide, devoit être la matière qui manquoit à mes os d'expériences. Les moyens propres à confirmer cette conjecture étoient des plus fimples, & je n'ai pu manquer de les employer. J'ai pris toute la mafle faline que ma liqueur acide venoit de me fournir, je l'ai mife dans un grand creufet, que j'ai placé fur des cendres chaudes : quelque temps après cette matière fe bourfoufHa con- fidérablement , ce qui fut caufe que je la rétirai & que je la remis alternativement fur le feu jufqu'à ce qu'elle füt parfaite- ment calcinée. J'en mis alors entre mes deux doigts, dès qu'elle fut refroidie, & elle y fut réduite en une poudre impalpablé très-blanche; j'en pofai fur ma langue, & J'y reconnus toutes les qualités d’une vraie terre abforbante. Je pefii tout ce que la calcination me donna , & j'en retirai deux livres deux onces quatre grostrente grains, quiétoient prefque le poids que mes os avoient perdu à eux tous: je dis prefque, parce qu'il ne s'en eft fallu que de vingt-quatre grains pour égaler au jufte le poids qui leur manquoit, lequel étoit de deux livres deux onces quatre gros cinquante-quatré grains, Quoique ces expériences euffent dû paroître plus que fuf- fifantes pour prouver que la caufe du ramolliflement, des os dans des liqueurs acides, ne vient que de ce: que ces liqueurs enlèvent à ces parties une plus ou moins grande quantité de | dar o 33 2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE leur matière crétacée /a), ik-étoit pourtant encore bien im- portant d'examiner fi ce qui en refloit, lorfqu'elles fe trouvoient entièrement dépouillées de cette efpèce de craie, devoit être regardé comme une matière approchante de celle du cartilage, & fi elle en avoit les: caraétères .effentiels & diftinctifs. Une expérience, que tout le monde auroit imaginée fans peine , a changé ce doute en certitude. J'ai pris plufieurs morceaux de ces parenchymes cartilagineux (b); j'en ai mis quelques-uns dans le feu & J'en ai expolé d'autres à la flamme d’une bougie ; tous aufli - tôt fe font enflammés comme fi c'eût été des (a) D'après ces principes il ne fera pas inutile.de propôfer ici un moyen trés - facile pour rendre à certains ouvrages d'ivoire ou d'os jaunis à Pair, la couleur blanchequ'ilsavoient lorfqu’ilsontété récemment fculptés: pour cela il ne faut que Jes frotter convénablement avec une brofle un peu rude ;,qu'on a foin de tremper de temps en temps dans une liqueur compofée d’une partie d’efprit de nitre fumant , & de dix parties d’eau commune très-claire & très-limpide, après quoi on laïfle tremper ces ou- vrages dans l’eau commune, feule pour en enlever! l’acide; qui, fans cette précaution, agiroit tellement für là matière crétacée , qu'il ra- molliroit ces parties du plus ou du moins. Parcettemanœuvreonenlève la légère fuperficie de la matière cré- tacée qui s’eft jaunie par l'impreffion de Pair. (tb): Cette fubftance parenchyma- teufe eft fufceptiblé de deux fortes de préparatiohs: la première confilte à la pafler.en huile, après luïl avoir enle- vé tout l’acide nitreux par le moyen d’une leflive alkaline; alors on a par cette préparation des morceaux dont la flexibilité eft. approchante de celle du chamGis ; ces morceaux ainfr preparés peuvent être convertis ém. portions offeufes factices ; pour cela, voici comme je m'y prends, il ne faut pas fe rebuter , car le procédé demande un aflez long temps; je me fers d’une liqueur. compolée , par exemple , de huit onces de ma li- queur acide , que j'ai foulée de ma- tière crétacée; je verfe ces huit onces dans vingt livres d’eau commune lé- gèrement chargée de colle de poiflon ; enfuite j'y trempe à plufieurs reprifes les morceaux que je veux durcir, mais j'ai la précaution de bien les laifler fécher à ‘chaque fois que je les ai plongés dans cette liqueur; alors le tiflu celluleux de ces portions car- tilagineufes fe remplit peu à peu de matière crétacée qui l'incrufte, pour ainfi dire, dans tous fes points. Enfin après avoir répété cette manœuvre pendant plufieurs mois , j’ai eu le plaifir de voir que mes morceaux de fubftance parenchymateufe perdoient peu à peu leur fouplefle , qu'ils fe durcifloient par deerés, & qu'enfin ils reprenoïient inlenfiblement une dureté approchante de celle du'tifiu celluleux des os. La feconde prépa- ration du parenchyme cartilagineux des os confifte à fcier d’abord un os par lames très-minces , dont on en- lève-toute la matière crétacée par la liqueur acide, enfüite on en laïfe bien fécher le parenchyme, qui devient alors afléz tranfparent pour être fubititué aux cornes de certaines pe- tites lanternes. DES *S GHIE N CE S. morctaux de cuir, de cartilage deffléché ou de come; l'odeur qui en réfultoit étoit la mème, & le charbon qui en pro- venoit étoit noir, luifant, fpongieux , léger , friable & en très-petite quantité, à proportion de la groffeur des morceaux dont ils venoient. Content de voir ainfi quadrer mon fentiment avec l’expé- rience, j'allois mettre fin à cet examen lorfqu'il me vint en penfée de faire encore une épreuve que voici. Je fis calci- ner à blancheur dans un creufet un morceau de la partie moyenne d’un fémur humain; fon poids étoit de trois onces vingt grains avant la calcination. Mon intention étoit alors d'en enlever, par l'action du feu, le parenchyme cartilagineux. La calcination étant parfaite, je m'aperçus que le volume de cet os étoit bien diminué, ainfi que fon poids, qui étoit ré- duit à celui d'une once douze grains. Je jetai ce morceau calciné dans ma liqueur , & il sy eft diffout fur le champ , fans qu’il en foit refté le moindre veftige ; je fis évaporer cette liqueur à une chaleur douce, & au lieu d’une matière faline, femblble à celle que j'avois retirée de fa liqueur dans laquelle j'avois fait ramollir des os non calcinés, j'ai eu un fel formé de la combinaifon de la terre des os cal- _ cinés avec l'acide nitreux : ce {el étoit entièrement déliquefcent & de même nature que tous les fels nitreux à bafe purement terreufe ; il en eft de même de fa bafe du fel produit par fa diffolution des os non calcinés, lorfqu'on la calcine après k précipitation ; elle ne forme plus avec l'acide nitreux qu'un {el abfolument déliquefcent ; j'ai fait enfuite calciner toute la mañfe faline que j'ai retirée de cette liqueur ; j'en ai eu une poudre blanche & crétacée , dont le poids étoit d’une once dix grains : il ne s’en eft fallu que de deux grains pour que ce poids füt égal à celui que mon os calciné avoit avant d'être diflous dans la liqueur acide. * Voilà , fr je ne me trompe, fuffifamment de preuves pour * J'ai eu les mêmes réfultats, | blancheur , c’eft-à-dire que cette lorfque je me fuis fervi d'album | matière a été difloute fur le champ græcum , en place d'os çalciné à | dans ma liqueur acide, fans qu'ilen Ti 334 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE conflater que les os ne font pas des organes tels qu'on les a crus jufqu’ici ; qu'ils ne font pas d’une fubftance homogène ; que leur offification n’eft pas parfaite, mais que ce n’eft qu'une derni- offification , ou encore mieux une efpèce fingulière d'incruftation dont on n'avoit encore aucune idée. A ces preuves qui ont toute la force néceffaire, qu'il me {oit permis d'ajouter que les os ne font pas les feules parties animales formées par incruflation ; je ferai voir dans un autre Mémoire qu'il fe rencontre dans l1 Nature quantité d’autres produétions qui font vraiment l'effet d'une incrufation animale, & non pas de concrétion pierreufe, &c. comme on paroït l'avoir penfé jufqu'à préfent ; du nombre de ces incruflations font , par exemple, les pores, les madrepores, les coraux , les polypiers de confiflance de pierre , &c. je démontrerai que toutes ces produétions maritimes font formées comme les os d'une efpèce fingulière de matière animale , fpongieufe , &c. incruftée de toutes parts d'une matière crétacée , qui leur donne Ia dureté qu'on leur reconnoît. Mais cette conformation admirable des os eft-elle la même dans tous ? n'y en a-t-il pas quelques-uns parmi eux où il fe rencontre quelque différence effentielle ? Pour n'en inftruire d’une manière bien pofitive , j'ai fait pafier tous les os du corps humain par des épreuves femblables à celles qui viennent d’être rapportées , & je n'ai rencontré que l'émail des dents qui ait fourni une exception à cette conformation que j'avois d'abord cru générale pour tout ce qui s'appelle os. J'ai donc pris trente grains de cet émail bien pur & bien net, je les ai mis dans un bocal de verre, j'y ai verfé par- deflus une petite quantité de ma liqueur acide, Cet émail a foit refté aucun veftige parenchyma- | quelquefois les Goûteux par certains teux ; la même chofe eft encore ar- | articles des doigts, ou mème par les rivée , lorfque j'ai jeté dans cette | urines. Je m’étendrai plus au long liqueur certaines concrétions inor- | fur ce fait important , dans mon ganifées, mais purement gypfeufes, | Mémoire fur les maladies des os, plâtreufes ou crétacées , que rendent DES SCIENCES. 38% fubi le même fort que l'os calciné dont je viens de faire mention, c'eftà-dire qu'il s'eft trouvé totalement diflous en moins de quelques minutes , fans qu'il en foit retté le moindre veflige, J'ai jeté dans cette diflolution /a) quelques gouttes d'huile de tartre par défaillance, & j'ai eu fur le champ un précipité très- blanc ; j'ai filtré la liqueur à travers un papier gris ; j'ai ramaffé le précipité qui y étoit demeuré, je l'ai laiffé bien fécher , & il m'a fourni vingt-huit grains d'une poudre impalpable très: blanche /b). Cette expérience prouve, comme on voit , d’une manièré affez décifive, que l'organifation de l'émail des dents n'eft pas h même que celle des autres parties offeufes ; qu'elle n’eft pas Yeffet d’une incruftation femblable à celle des autres os : mais il y a toute apparence que cette organifation eft plutôt l'effet d'une efpèce de congélation fingulière , formée par une liqueur, qui d'abord ef très-claire & très-limpide, laquelle s’épanche dans un certain temps deffus la couronne de la dent , s'y épaiflit peu-à-peu , devient laiteufe, puis acquiert une confiftance très- dure & très-folide , capable de former , comme je l'ai fait voir: dans mon Mémoire fur la formation de l'émail des dents & des gencives , ce beau & fi folide vernis qui aflure la durée de la dent qu'il recouvre. Enfin je ne finirai pas fans avertir qu'un grand nombre d'ex- périences à peu près femblables à celles qui ont été rapportées ci-deflus , m'ont démontré, à n'en pouvoir douter , que les cartilages en général & les os de poiflon ne différent des os, proprement dits , que par leur confiftance fouple ; en forte que comme les os ne font durs & folides que parce que leur fubf tance cartilagineufe eft incruftée d’une plus ou moins grande quantité de matière terreufe ou crétacée ; les cartilages & les os de poiffon ne font fouples & #exibles au contraire que parce qu'ils ne fe trouvent incruflés que d'une très- paite quantité de cette même matière crétacée, aflez cependant (a) Lorfqu'on veut faire cette expérience , il faut ajouter beaucoup d’eau commune très-claire & très-limpide, dans la diffolution de cet émail. (b). Cette poudre eft très-bonne pour nettoyer les diamans, l'or, &c. Poy, Mém, de l'Acad, 17549. 336 MÉmoires DE L'ACADÉMIE ROYALE pour donner à ces parties un certain degré de foupleffe & de flexibilité, capable de répondre aux intentions de l’Auteur de la Nature, Il n'en eft pas de même des membranes en général qui ne contiennent en elles-mêmes, dans leur état naturel, au- cune portion de cette matière crétacée ; d’où il fuit qu'un feuillet très-mince, tiré d'un cartilage , diffère d’une membrane , en ce que ce feuillet contient naturellement une petite portion de matière crétacée, tandis que la membrane au contraire n’en contient aucunement , fi ce n'ft dans le cas où elle tend à s'offifier. { Î eff bon de rapporter ii que les Expériences dont il efl mention dans ce Mémoire, ont été vues 7 examinées 1res- attentivement dans plufieurs Affemblees de Académie. ss=esj}+ DE PAPA END NAN TEUA Ë lsmselie de DE es OBSERVATION ne DHEuS S: CHE N(C2ESonm M P3Z CBSERVATION MEL EC LIPSEODE LUNE Du 23 Janvier 175 8. Par M. PINGRÉ. E ciel fembloit devoir favorifer cette obfervation : if avoit été ferein tout le jour civil du 23 , il l'étoit encore à 10 heures & demie du foir ; mais des nuages continus fe font élevés après le paflage de la Lune au méridien ; ils fe font diffipés au lever du Soleil, & n’ont par conféquent duré qu'autant qu'il étoit néceflaire pour nuire à l'obfervation de l'éclipfe. La Lune cependant s'eft montrée quelquefois dans les défauts des nuages ; mais ces apparitions étojent de fr peu de durée , que je n'ai pu prendre que quelques phafes de l'éciiple comme à la volée. Je me fervois pour cela d’une lunette de $ pieds, & d'un micromètre que S. E. M.f"le Cardinal de Luynes, digne Préfident de l'Académie, m'avoit confié pour cet effet. A 9h 40° du foir, je pris le diamètre de la Lune, qui fe trouva de 1 4 révolutions 1 partie; chaque révolution ef divifée feulement en 68 parties. Comme la Lune étoit fort voifine de fon apogée , tout le changement arrivé au diamètre de a Lune n'a guère pu être eftimé que par la différence de fa hauteur fur l'horizon. Retranchant donc 6 parties pour cette différence, le diamètre au temps de l'écliple étoit égal à 13 révolutions 63 parties, ce qui donne pour chaque doigt 1 révolution ro parties +. , A 16b 37 +, la Lune paroiflant à travers des nuages, j'ai jugé l'éclipfe commencée. A 168$ 5’ la Lune ayant paru un moment, j'eftimois Péclipfe de près de $ doigts. Mém. 1758, s Vu 25 Janvier 1753. 338 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE A 17h 4' 44", la partie éclairée étoit de 7 révol. 10 parties, ce qui donne l'écliple de $ doigts $1 minutes. Si cette phale eft bien prife , le commencement de l'éclipfe a dû arriver vers 1 6 heures 32 minutes +, A 17" 11° 50", la partie éclairée égale $ révolutions 40 parties, ce qui donne 7 doigts 1 minutes pour la grandeur de l'éclipfe ; cette obfervation eft aflez bonne, quoique prife un peu à la hâte. A 17h 14 36”, la partie éclairée eft de 4 révol. 63 parties, ce qui donne l'écliple de 7 doigts 45 minutes : cette obfer- vation eft la meilleure de toutes celles que j'ai pu faire. À 172842", la mer des Criles ou Cafpienne touchoit l'ombre & commençoit à y entrer. J’eftimois l'écliple de plus de 10 doigts : mais je n'ai pu voir les fils affez diftinétement pour en mefurer exaétement la grandeur. De la phafe de 7 doigts 45 minutes, affez bien obfervée, on peut conclure que l’immerfion totale a dû arriver vers 17° 38° ou peu avant. ÎL m'a paru que le dernier point qui devoit entrer dans l'ombre , étoit en ligne droite avec la tache de Langrenus & le centre de la Lune. ’ DES SCIENCES. 339 MÉMOIRE Sur quelques phénomènes qui réfultent de l'attraction que les Planètes exercent fur la Terre, 7 en particulier fur le changement de latitude des Etoiles fixes. Par M. DE LA LANDE. 5 Fe gravitation 8 générale & réciproque de tous les Corps céleftes n'a plus befoin de démonftration parmi, les Aftronomes, c’eft une loi univerfelle dont nous comptons les effets par le nombre des phénomènes que l'on découvre; & chaque pas que nous faifons dans la théorie des planètes, nous fait apercevoir l'attraction où nous l'aurionsie moins foupçorinée. La ‘Terre même, que nous habitons, éprouve à chaque inftant de toutes parts cette influence MT des autres pla- nètes qui l'environnent ; elle cède, elle obéit à leur action de mille façons différentes ; & tandis que chacun voit l'Océan deux fois le jour s'élancer, pour ainfi dire, vers la Lune, les Aflronomes reconnoiffent à d’autres fignes que la mañle entière de la Terre obéit également à l'attraction de toutes les planètes, & que fon mouvement eft fans cefle altéré’ par leur effort. Il en réfulte néceflairement plufieurs fortes d’inégalités , les: unes font périodiques, les autres vont long-temps en: croiflant & ne fe rétabliffent qu'après un grand nombre de fiècles ;.1es premières ont été calculées par M. Euler & Chiraut; elles font partie des nouvelles Tables du Soleil que M. l'abbé-de la Caïlle a publiées, & que j'emploie chaque année dans des calculs du Livre de la Connoïffance des mouvemens céleftes:; mais comme ces inégalités périodiques font très-petites , elles ne s’obfervent pas avec autant d’évidence que celles dont l'effet croiffant toujours, ne peut manquer de devenir, avec le temps, Vu ÿ 3 Marc 1762. 40 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE très-fenfible: ces dernières nous font plus connues par l'obfer- vation , les autres par le calcul. Les obfervations anciennes, comparées avec les nôtres, font voir dans les étoiles fixes un changement de latitude qui n'eft point équivoque; la plupart des Aftronomes l'ont négligé, les autres Font regardé comme douteux , n’y voyant qu'une irrégularité bizarre dont ils ne foupçonnoient pas la caufe; mais H n'en eft que plus fingulier de la trouver aujourd’hui dans lattraftion que toutes les planètes exercent fur la Terre, M. Euler a déjà remarqué l'influence de Jupiter & de Vénus à cet égard; qu'il me foit permis d'ajouter à fes re- cherches l'extrait d’un Travail fuivi, qui m'a donné des réfultats différens & de nouvelles conféquences : Fhifloire même de la chofe, fi l'on remonte jufqu’à Képler, offre des traits de génie qui font la gloire & a fatisfaction de l'efprit humain. Parmi les attractions que la Terre éprouve des cinq Planètes principales , les plus fortes font celles de Jupiter, planète douze cents fois plus grofie que la Terre, & de Vénus, qui, bien qu'égale feulement à la Terre, eft aflez proche de nous pour avoir une force encore plus grande que celle de Jupiter: les trois autres planètes ont un effet femblable, mais beaucoup moins fenfible, : On n'avoit point remarqué avant Tycho-Brahé que les la- titudes des étoiies fixes étoient variables; on trouve dans un Ouvrage pofthume * de ce célèbre Obfervateur , un affez long détail du mouvement en latitude qu'il avoit remarqué dans plufieurs étoiles ; il avoit très-bien reconnu que ce mouvement étoit d'accord avec celui de fobliquité de Fécliptique, qu'il étoit prefque nul dans les étoiles voifines des équinoxes , le plus grand dans les étoiles fituées vers les folflices, & que dans les lieux intermédiaires le changement étoit proportionnel au mouvement de lécliptique depuis le temps d'Hipparque. Ces déterminations parurent à T'ycho-Brahé aufii importantes _ que nouvelles ; elles étoient nécefiaires pour connoitre les lieux des étoiles fixes aux différentes époques d’obfervations , & äl * Affronomiæ inflauratæ prosgymnafinata, 1610, pag. 233: BLESSE, NC EuS 341 fit toutes les recherches qui lui parurent néceffaires pour établir ue Le changement de latitude des étoiles fixes étoit exaéte- ment tel que l'exigeoit le changement obfervé de l'obliquité de l'écliptique. Les latitudes des étoiles , telles qu’elles fe trouvent dans le catalogue de Ptolémée * au VIL.‘livre de fon Almagefte, chap. 7; ne lui parurent pas fufhfantes pour cet effet : elles font, dit-il, pour la plupart fautives , foit par l'inexaétitude des Copifles, foit par la négligence de l'Auteur. Tycho employa donc un procédé particulier, il prit les déclinaifons de plufieurs étoiles qui avoient été déterminées autrefois par Tymocharis, Hipparque & Pto- lémée, avec les longitudes qu'elles avoient alors , & il calcula par ce moyen les latitudes que ces étoiles devoient avoir au temps de ces anciens Aftronomes , pour les comparer à celles qu'il avoit obfervées. À l'égard des longitudes des étoiles pour le temps d'Hipparque , Tycho les déduifoit de la déclinaifon de P'épi de la Vierge , établie par les trois anciens Obfervateurs ; de ce changement de déclinaifon il en concluoit le changement de longitude ; & appliquant ce mouvement en longitude à la différence de longitude que lui-même obfervoit entre l'épi de la Vierge & différentes étoiles, Tycho en déduifoit la longi- tude de ces différentes étoiles pour le temps des anciennes obfervations. Tout ce procédé étoit fondé fur la fuppofition que les dif- férences de longitudes ne changeoient point ; T'ycho-Brahé croyoit prouver cette propofition par le raifonnement ci-après ; mais nous verrons que les prémices & la conféquence étoient également défeétueules. Les étoiles que Ptolémée rapporte avoir été de fon temps fur une même ligne droite ou à peu près , fe retrouvent encore, dit-il, dans la même fituation, & il en rapporte plufieurs exemples, ilaffure même que tous ceux qui voudront, au moyen d’un fil tendu ou d’une règle , mefurer les direétions des étoiles, * Plufeurs Auteurs écrivent Prolomée, pour diftinguer l’Aftronome, des Rois d'Égypte, maïs nous fuivrons les exemplaires grecs de l'Alma- gefte, où il y a toujours un £ à la cinquième lettre. Vuïl 342 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE que Ptolémée & Hipparque ont remarqué être en ligne droite ; les trouveront encore fur une même ligne ; T'ycho - Brahé s'étonnoit qu'après cela il y eût des gens aflez hardis ou affez peu inflruits pour foutenir que les étoiles ne confervoient pas toujours entre elles la même pofition. Ce favant Aftronome n'avoit pas une idée jufte du dépla- cement de lécliptique & du mouvement circulaire de fon axe , qui produit tout à la fois des inégalités dans leurs longitudes & dans leurs latitudes ; en conféquence il fuppoloit que l'axe de l'écliptique avoit un fimple balancement dans le plan du colure des folftices , au lieu d’un mouvement circulaire que l'attraétion nous y fait voir ; je dis mouvement circulaire en ne confidérant que l'aétion d'une feule planète, car chaque planète féparément faifant décrire à l'axe ou au pôle de l'orbite terreftre un cercle autour du pôle de l'orbite de la planète ; if réfulte de tous ces cercles, qu'il tend à décrire féparément au- tour de différens centres une courbe à plufieurs nœuds, dont l'équation algébrique {eroit très-compliquée , mais qui s'exprime fort aifément par des formules de fnus & de co- finus / Voyez les Mém. de l'Acad. pour 1761). Au refte la différence de longitud en’eft fenfible que pour les étoiles qui ont une grande latitude ; ainfi la fuppoñition de T'ycho-Brahé s'écarte affez peu de la vérité, pour que j'aie cru pouvoir rapporter ici ce qu'il dit à ce fujet, & en tirer quelques conféquences. Ptolémée rapporte que Tymocharis avoit obfervé la dé- clinaifon de F'épi de la Vierge de 14 24’ boréale ; Hippar- ue de 36’ feulement, & que lui - même la trouvoit de 30° méridionale ; Tycho-Brahé fuppofe la latitude de cette étoile de 2°, comme tous les anciens Aftronomes la fupposèrent : & il eft à remarquer qu'on n'a pas befoin à cet égard d’une extrême précifion , parce que cette étoile eft fituée vers l'équinoxe d'Automne, où le changement de latitude eft très-petit. De ces deux élémens , la latitude & la déclinaifon de l'étoile, il conclut que la longitude de l'épi de la Vierge étoit au temps de Tymocharis à 2 1d 5 3" de la Vierge ; au temps d'Hipparque à 234 53°; & enfin au temps de Ptolémée à 264 38". DIE SAISON EUN © ES Sur ces fondemens, T'ycho-Brahé pate à l'examen du chan- gement de latitude des étoïles voifines des tropiques, dans lef quelles il doit être le plus fnfible. La tête boréale des Gemeaux, Apollon ou Caftor , différoit en longitude de l'épi de la Vierge de 31 34 35'; ainfi vers ces temps reculés la longitude de cette étoile devoit être comme dans la table fuivante, où eft Éga- lement marquée la déclinaifon, telle que Ptolémée la rapporte, Eongit,de Cafl,| Décl, de Caflor, | ANNÉES. Tymocharis. ....... |184 18H 33% o |29$ avant J.C. Hipparque......., 2OSNTISS 33- 10 128 avant J.C. Piolémée.".". 24004 23 1132 33- 24 |138 après J.C. De-là il eft aifé de conclure par la Trigonométrie fphérique l latitude pour ces trois époques ; Tycho la trouve de gd 42°%, 9142", 94 44! À, tandis que par fes obfervations elle étoit de rod 2’, plus grande de 20’ que dans le temps des anciens Aftronomes: les dernières obfervations de M.' Abbé de la Caille la donnent encore plus grande , favoir 1 09 4° 33", ce qui prouve de plus en plus l'augmentation de latitude. Par un femblable calcul, T'ycho-Brahé trouve que la luifante du Vautour volant ou l'Aigle 8 devoit avoir, au temps d'Hip- parque, 294 40’ de latitude : tandis qu'il ne la trouvoit lui- même que de 294 21° 1, & elle eft encore moindre de notre temps, puifque M. de fa Caille ne l’établit que de 294 18' 46", plus petite de 2 1’ qu'au temps d'Hipparque. Û L'épaule gauche d'Orion + devoit avoir 1 7% 8° de latitude au temps d'Hipparque ; on ue lui trouve atuellement que 164 50° 53", latitude plus petite de 17°, L'épaule droite d'Orion + devoit avoir , au temps d'Hip- Parque , une latitude de 1 64 20", elle n'eft plus que de 164 3° 32", plus petite de 1 6’ _ Le cœur du Lion, Regulus , que Ptolémée dit avoir obfervé avec plus de foin que les autres étoiles, avoit alors 1 0’ de HRALE boréale ; elle étoit actuellement de 27 33", plus grande e 17 =. Le cœur du Scorpion, Anrarès, au temps de Tymocharis Augmentation dans la latitude de Caftor. Diminution de la latitude de l’Aigle, Irréoularité d'Aldebaran, 344 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & d’Hipparque, devoit avoir 44 14" de latitude ; elle a aétuel- lement 44 32° 12", c'efl-àdire 18° de plus. La luifante des Pléiades , que Tymocharis trouva, par le moyen de la Lune, à 3% 40’ de latitude, & qu'Agrinus ou Agrippa obferva en Bythinie à la même fat'tude, a maïn- tenant 49 1° 33" de latitude, c'eft-à-dire 21° de plus. La plus boréale des trois, au front du Scorpion £, parut à Tymocharis avoir 14 20° de latitude boréale; Menelaüs, Mathématicien , qui obferva à Rome trois cents ans après, la trouva encore de même : elle n’eft plus aujourd’hui que de 14 2" 24", en forte qu'elle a diminué de 17° +, On difcutera plus bas ces obfervations d’Agrippa & de Menelaüs, pour démontrer qu'en effet elles prouvent le changement de latitude. La comparaifon que ‘Tycho-Brahé voulut faire de mème pour l'œil du Taureau, A/debaran , lui donna des réfultats fr différens & fi peu d'accord, que je n'en parlerois pas ici, ff ce n’étoit une occafion de rappeler, au fujet de cette Etoile, un fait aflez digne de remarque, favoir qu'elle paroïit n'être point aufli fixe que les autres, & qu'indépendamment des va- rations générales qui ont lieu, fuivant certaines loix, dans toutes les Étoiles, elle éprouve des variations irrégulières, dont on ne connoît ni la caufe ni la mefure. Suivant les obfervations de Tycho, cette étoile eft éloignée en longitude de l'épi de la Vierge, de 4f 144 4° ( M. de la Caille a trouvé en eflet 4f 144 3° 33"); d'où il conclut que les longitudes de cette étoile ont été, au temps de Tymocharis, à 74 49° du Taureau; au temps d'Hipparque, 94 49°"; & au temps de Ptolémée, 1 24 34': mais les déclinaifons obfer- vées par ces trois Aftronomes, ont été 84 45’, 94 45° & 119 0‘: de-là, en fuppofant l'obliquité de l'écliptique 2 34 s1'+, T'ycho-Brahé trouve pour la latitude, qui devroit être à peu près la méme, les quantités 51 56'+, se DELOSRTS 7° 23 il s'étonne avec raifon d'une fi grande différence , nous trouvons actuellement cette latitude de $% 29" 0"; & celle-ci, comparée à celle qui tient un milieu entre les latitudes de Tymocharis & d'Hipparque , indique une diminution qui s'accorde DAEUS/AS IC IE NC Es. 345 s'accorde avec le changement des autres étoiles ; au refle, la latitude d’A/debaran, marquée dans Ptolémée, n’eft pas la même dans les différentes Tables, en forte qu'on peut croire qu'elle a été altérée par les Copiftes; c’eft pourquoi Tycho-Brahé préfère les déterminations qui fe tirent de Tymocharis & d'Hipparque. Il faut en effet, ou que Ptolémée fe foit trompé de beaucoup dans la détermination de cette latitude d'Aldebaran, ou que fétoile ait éprouvé un changement réel & particulier, indépendamment de tout le refle des étoiles ; car ce qu'en rap- porte Ptolémée ne s'accorde point avec fes autres obfervations : par exemple, Ptolémée donne 24 + pour le changement de déclinaifon depuis T'ymocharis jufqu'à lui, quoique cette étoile foit à plus d'un figne de l'équinoxe, & que le plus grand chan- gement de latitude, qui a lieu dans les équinoxes mêmes, {oit un peu moindre que 2 deprés, fuivant Ptolémée, Ce qui prouve encore f'erreur à l'égard d’Aldebaran , c’eft la latitude de l'autre étoile qui forme l'œil boréal du Taureau , que Ptolémée met de 3 degrés exactement dans fon Catalogue : or, nous trouvons fa latitude de cette étoile 24 3 5" 34", plus petite de 24° + que celle de Ptolémée, & cette diminution s'accorde avec le fyflème général , tandis qu'il y auroit au contraire une augmentation, ft on employoit la latitude que Ptolémée donne à l'étoile d’A/baran. Enfin, la diftance de ces deux étoiles , qui forment les yeux du Taureau , a été fouvent mefurée par Tycho, qui l'a trouvée exactement de 34 10'1 $”: fi on calcule par les détermina- tions de Ptolémée, on ne trouve que 24 19"; en forte que pour augmenter cette diftance de St minutes, il faut augmen- ter de beaucoup la latitude d’A/debaran. Cette diflance , que Tycho donnoit de 34 10° 1 5", fe trouve de 34 10° so" par de nouvelles obfervations ; la différence eft prefqu'infenfible, ce qui prouve au moins que les inégalités d'Al{ebaran , s'il y en a eu de fi grandes que femblent le prouver les anciennes obfer- tions , ne font pas toujours les mêmes & fe ralentiffent aétuel- lement. La latitude d’A/debaran, que nous trouvons de $d 29:0,.; ct deigta 9 15" dans le Catalogue de Flamfteed, Men. 1754. AR 346 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fait il y a foixante-dix ans , ce qui femble w’indiquer aucune variation dans ce même efpace de temps; cependant M. l'abbé de la Caïlle m'a dit que dans le grand nombre de réduétions qu'il avoit faites de fes obfervations fur cette étoile, il y avoit toujours trouvé des inégalités, des bizarreries, des fauts de 1$ à 20 fecondes , qu'il ne pouvoit attribuer qu'à des varia- tions particulières à cette étoile, fans aucune loi ni aucune régularité. On doit trouver dans la plupart des latitudes des étoiles rapportées par Ptolémée, ce changement relatif à celui de l'obliquité de l'écliptique , parce que, felon les apparences , ces latitudes furent déduites des hauteurs méridiennes ou des dif tances à l'équateur. En eflet, nous voyons que Ptolémée voulant prouver dans le vir.‘ livre de fon Almagefle , que le mouvement des étoiles en longitude étoit d'un degré par fiècle, & que les latitudes étoient conftantes, fe fervoit des déclinaifons obleérvées par Hipparque, & il les comparoit avec les fiennes pour montrer que ces déclinaifons avoient éprouvé le changement qui con- _venoit au mouvement fur l'écliptique, dont il vouloit donner la preuve: or, pour conclure les latitudes des étoiles par le moyen des déclinaifons oblervées, il falloit employer l'obliquité de l'écliptique ; il eft donc évident que fr l'obliquité de Féclip- tique , fuppofée par Ptolémée de 234 s r',eût été trop grande, les latitudes des étoiles rapportées dans fon Catalogue, féroient toutes affectées du même vice, les différences entre ces lati- tudes & celles que nous obfervons, ne prouveroient rien de plus que la difftrence des fuppofitions faites par Ptolémée & par nous pour lobliquité de Fécliptique. Cependant je ne crois pas que fon puifle réduire à cela feul les différences de latitude que nous remarquons entre le Catalogue de Ptolémée & les nôtres: il y a beaucoup de lati- tudes d'étoiles qui n'avoient pas été déterminées par les décli- naifons, mais par le moyen de lèurs conjonctions avec la Lune. Or, lés mouvemens de la Lune avoient été déterminés ‘par la comparaifon immédiate de cette planète avec le Soleil , DAENS ISNICNE N CE IS. 347 ainfi les latitudes des étoiles, trouvées par le moyen de la Lune, ne dépendoient pas de la fituation de l'équateur & de l'obliquité de l'écliptique. Le troifième chapitre du vi. Livre de Ptolémée, qui me paroît un: des plus intéreflans de tout l’Almagefte, contient {ept obfervations de la Lune en conjonc- tion avec les Pléiades, l’épi de la Vierge & les étoiles au front du Scorpion, qui donnent des latitudes indépendantes de lobliquité de l'écliptique , & dont le changement eft confirmé par celui des autres étoiles. Suivant les calculs qui feront rapportés craprès, les Pléïades ont dû éprouver une variation en latitude de 38 fecondes par fiècle , aufli-bien que l'étoile p boréale au front du Scorpion, ce qui fait 11 minutes en dix-huit cents ans: ces mouvemens font en fens contraire, puifque les Pléïades fe rapprochent du pôle boréal de l'écliptique, tandis que l'étoile au front du Scor- pion s’en éloigne, la latitude boréale augmentant pour les Pléïades & diminuant pour l'étoile du Scorpion ; ainfi il y a plus de 26 minutes de différence entre la différence en latitude de ces étoiles au temps de Ptolémée & leur différence actuelle ; quantité fur laquelle on ne peut guère fe méprendre , en exa- minant les obfervations des Anciens. Les obfervations que nousallons rapporter d'après le troifième chapitre du vr1. livre de l Almagefe , étant celles que Ptolémée employa pour démontrer le mouvement des étoiles, nous ne pouvons en avoir de plus authentiques, ou dont on doive préfumer une plus grande exaélitude. Si elles prouvent le changement de latitude , il fera d'autant mieux prouvé que ces: mêmes obfervations fervirent à Ptolémée pour prouver le contraire, c’eft-à-dire pour montrer que les latitudes des étoiles ne changeoient pas. Obfervations rapportées par Piolémée. I. L'an 295 avant J, C. le 20 Décembre , à 35 24 après minuit (/hor4 æqual), à Alexandrie, Tymocharis vit la Lune toucher par fon extrémité boréale, la boréale au front du Scorpion, & Ptolémée en conclut que le lieu apparent de x ij 348 MÉmoires DE L'ACADÉMIE ROYALE la Lune étoit 24 o' dans fe Scorpion , avec 14 1 2’ de latitude boréale. / Longomontanus kb. 1. Theoric. cap. 2. Affronomia Britannica, pag. 272 ; Aflronomia reformata , pag. 1 ÿ2: Lam- bergius , Thef. obferv. lnarium , claffle 7 ). \ Le 8 Mars 294 avant J. C. à 8" du foir, Tymo- charis obferva à Alexandrie, que le bord oriental de la Lune couvrit l'épi de la Vierce, & l'étoile paffa de manière qu'elle féparoit un tiers du diamètre de la Lune du côté du Septen- trion : Ptolémée en conclut que le lieu apparent de la Lune étoit à 224 12° de la Vierge, avec 24 o' de latitude. HT. Le 29 Janvier 284 avant J. C. à 8° 30° du foir, Tymocharis oblerva à Alexandrie, que le milieu de la partie auftrale de la Lune touchoit à la troifième ou moyenne fuivanté des Pléiades : Ptolémée en conclut que le lieu apparent de la Lune étoit à 294 20° du Bélier , avec 34 40’ de latitude. IV. Le 9 Novembre 283 avant J. C. à 2° 30° du matin , à Alexandrie, Tymocharis obferva l’épi de la Vierge toucher le bord boréal de la Lune qui fe levoit alors : Ptolé- mée en conclut le lieu apparent de la Lune & de étoile, à 224 30’ de la Vierge, & la latitude de la Lune 24 15”. Longomontanus (kb. 1, Theoricorum , cap. 2. comment. de fixis), dit que l'heure corrigée étoit 3h 54. V. Le 29 Novembre 92 de J. C. au commencement de la troifième heure de la nuit, ou à 7h du foir (Ptolémée dit 7h 40" du loir) à Alexandrie, Agrippa obferva en Bithynie, à 434 de latitude, & $ 54 de longitude, que fa corne auftrale de la Lune touchoit la partie fuivante & auftrale des Pléiades : Ptolémée dit que le lieu apparent de fa Lune étoit à 34 1 s' du Taureau, avec 34 40 de latitude boréale, VI Le ro Janvier 98 de J. C. Menelaüs obferva à Rome, que la Lune couvrit l'épi de la Vierge : Ptolémée dit que la conjonction {e fit à 6P 20’ après minuit, au méridien d’Alexan- drie, & que la Lune étoit à 254 45' dela Vierge, avec une htitude de 24 o’. VII. Le 1 3 Janvier 98 de J. C. 6h 10° à Rome, ou 7% 30° après minuit, réduit au méridien d'Alexandrie , DES SCIENCES. 349 Menelaïüs vit la corne auftrale de la Lune en ligne droite avec la moyenne, & fauflrale au front du Scorpion ; le centre de la Lune étoit éloigné de cette ligne autant que la moyenne étoit éloignée de l'auftrale , ‘& elle paroifloit avoir caché la boréale : Ptolémée conclut que le centre de la Lune & la boréale du Scorpion étoient à 54 55’ du Scorpion, avec 14 20’ de latitude. Parmi ces fept obfervations, la feconde, la quatrième & la fixième font peu propres à l'objet que nous nous propofons ; car l'épi de la Vierge étant fort près de l'équinoxe , elle change peu de latitude , & fon mouvement en longitude ne paroît pas pouvoir fe déterminer par de femblables obfervations avec . toute la précifion que nous avons en vue, Les quatre autres obfervations feroient très - propres à nos recherches, fi nous pouvions favoir exaétement l'heure où elles ont été faites, mais il ne laifle pas que d'y avoir quelques in- certitudes fur l'heure & fur les époques , tant du Soleil que de la Lune, au temps de Tymocharis. Cazcuz de l'Obfervarion de Tymocharis | 295 ans avant J. C. Le 19 Décembre 295 avant J. C. ou 294, fuivant la manière aftronomique de compter les années , à 1 5h 24’, temps vrai à Alexandrie, ou 13h 32° au méridien de Paris, la longitude moyenne de la Lune étoit de 7! 0% 3 6", fa longi- tude vraie 61 294 32', fa latitude boréale 11 174 25", l'angle horaire ou l'angle au pôle 71% 2 3”, la diftance au pôle 1014 o’, la diflance du pôle au zénit, ou le complément de la la- titude 594 2", la hauteur de la Lune 94 50”, l'angle du vertical avec le méridien $ 5% 34’, angle du vertical avec le cercle de latitude 764, la parallaxe horizontale $4" +, la parallaxe de latitude 13°, la latitude apparente du centre de la Lune 14 4; celle du bord boréal étoit donc de 14 19”, tandis qu'elle fe trouve actuellement de 19 2, ainfi la latitude auroit diminué, fuivant cette obfervation, de 17° en vingt fiècles X x ii 350 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE RoYALE & demi, ou préfque 50” par fiécle, ce qui favorile un peu la théorie qui donne 38”; on doit même oberver que cette quantité fuppoferoit une minute par fiècle, pour la diminution de lobliquité de l'écliptique , ainfi que M, de Louville l'avoit trouvée , & que la donnent les obfervations de Ptolémée comparées avec les nôtres; mais on veua ci -après qu'il faut Ôter environ un quart de cette quantité. Calcul de l'Obfervation de Menelas, 98 ans après J.C. Le r 3 Janvier de l'an 98 de l'ère vulgaire, à 1 8h 9’, temps vraiau méridien de Rome, 19" 30° au méridien d'Alexandrie, 17" 38 au méridien de Paris, la longitude moyenne de la Lune étoit , fuivant mon calcul, 6! 294 35'21, la longitude vraie 7 st42', lalaitude vraie 24 1”, la parallaxe horizontale 55 + l'angle horaire de la Lune 84 45", fa diflance au pôle 1024 20", la diflance du pôle au zenit 414 $ 4 à Rome, la hauteur de la Lune 3 54 10°, k parallaxe de hauteur 45” 36", l'angle du vertical avec e méridien 74 s7 , l'angle du vertical avec le cercle de latitude 27% 20° ; la parallaxe de latitude 40’ =, la Rtitude apparente de à Lune 14 20° Z ; ainfi fuppofant avec Ptolémée que le centre de la Lune concouroit avec l'étoile, on trouve que la latitude de l'étoile étoit de 14 20" 2, au lieu de rd1 9", que nous avons trouvé par l'obfervation précédente ; ainfi cette feconde obfervation confirme la première ; cependant fon réfüultat n'elt pas auffi für, parce que l'étoile ne fe voyoit point dans la feconde obfervation. Les deux conjonétions des Pléiades obfervées par Tymo- charis à Alexandrie, & par Agrippa en Bithynie, étant cal- culéés de même m'ont paru ne point s’accorder avec le réfultat de Ptolémée , ni avec celui que je viens de tirer des deux autres obfervations : j'efpère les difcuter féparément pour chercher, sil eft pothble, la caufe de cette différence. Si nous comparons le catalogue de Ptolémée inféré dans l'Aftronomie réformée du P. Riccioli, pages 20 8 à Juivantes, avec le catalogue britannique de M. Flamfleed , nous verrons Je’changement de latitude dans toutes les étoiles qui {ont fituées .… DEUST SAGE Nc Es 351 vers les folflices; prenons pour exemple les étoiles des Gemeaux, en fuivant l'ordre de Ptolémée, PTOLÉMÉE. | FLAMSTEED. | Différence. D MATE DS A ALL ME | ii 9. 30. | 10. 4. B | + 34. 9. 40. + 24. EM a EE le LCD (CARIGN + 20. 10. l'ulléen 2. 12B | + 31+ ITe 21.30. CET NME 12. 0. .30. O1. A] 0 1,7. 14e FECE 0. 56. À | — 34. 15. 2. 15. O+ Se À | — 24. 16: 2.130. 2e LOS AE" 2; ie 7130 6. 47. À | — 43. informe. | o. 40. OMIT2 ANIME) 218. On voit par cette comparaifon , que l'écliptique s’eft abaifée vers le midi, dans la région du folftice d'été ; en forte qu'elle eft plus éloignée du pôle du monde & des étoiles qui ont une latitude boréale , au contraire elle eft rapprochée des étoiles qui ‘ont une latitude méridionale ; en forte que toutes les latitudes méridionales font devenues plus petites, & toutes les latitudes boréales plus grandes au moins d'un tiers de degré, comme dans les recherches de Tycho - Brahé. M. Fülley, dans les Tranfaétions philofophiques, n.° ceciv, page 736, après avoir remaïqué que le pôle du monde paroït s'être rapproché du pôle de l'écliptique , quand on confidère les latitudes de la plupart des étoiles placées dans l'ancien ca- talogue , ajoute enfuite que les trois étoiles principales Pahhicium où Akdebararn, Syrius & Aréurus, s'éloignent de cette règle; en effet , la latitude de Pañlicinm , dans le catalogue de Ptolémée, eft de 54 10" À. tandis que dans celui de Flan{teed lle: eft de 54 30°". Srius a dans Ptolémée 394 10° À . de latitude, 352 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & dans M. Flamftced 394 3 1°. Ces deux étoiles fembleroient contredire la règle précédente, & ce ne peut pas être erreur dans les nombres ou dans fes manufcrits , car ces latitudes marquées dans Ptolémée s'accordent avec les déclinaifons rapportées dans d'autres endroits de fon livre. La latitude d’Ardurus varie également d’une manière fenfible, & qui lui eft particulière; on s'en aperçoit parfaitement , au moyen d’une très-petite étoile qui eft tout près d’Aréurus, & qui n'ayant pas éprouvé le même changement , eft fituée d'une manière très-différente ( par rapport à Arurus ) de ce qu'elle étoit dans le dernier fiècle. M. Caffini a trouvé pour le chan- gement d’Aréurus en latitude 2° 3 8" en foixante- fix ans / Mém. Ac. 1738 ). M. le Monnier, dans fa théorie des Comètes, trouve 2' $“ en cinquante-cinq ans, ce qui fait 2' 30" en foixante-fix ans, ou 8" de moins que M. Caffini. On a eflayé de trouver le changement de lobliquité de l'écliptique par la différence de déclinaifon entre le Soleil au folftice d'été & Arurus , melurée avec grand foin, & com- parée avec celle qui avoit été mefurée autrefois ; maïs la varia- tion d’Aréurus en latitude empêche qu'on ne puiffe tirer aucune lumière d’une femblable comparaiïfon ; en eflet, cette variation d'Ardurus en latitude qu’il faut d’abord connoître, ne peut fe dé- terminer exactement fans y faire entrer l'obliquité de l'écliptique, puifaue les latitudes des Aftres fe rapportent eflentiellement à lécliptique ; ainfi ce feroit un cercle vicieux , que de déterminer Je changement de l'obliquité de l'écliptique, par la diflance du Soleil à Aréurus , après avoir cherché les variations d'Aréurus, en le comparant au Soleil, ou ce qui revient au même, à l'écliptique. Les étoiles dont j'ai parlé plus haut , quoique de la première grandeur , font en trop petit nombre , & femblent devoir céder ag grand nombre des étoiles moindres , qui prouvent une même règle uniforme; on foupçonneavec grand fondement que comme les étoiles de la première grandeur font plus près de nous, leurs dé- placemens phyfiques, les dérangemens qu'elles peuvent éprouver par différentes attractions, ou par d'autres caufes encore peu connues, D'UE MS M 'SNEPR Er Nc 2€ 6) 53 connues , deviennent plus fenfibles & plus confidérables pour nous. Arurus, la brillante de l'épaule d'Orion , autres étoiles dela première grandeur , ont également des latitudes fort dif- férentes de celles que Piolémée {eur affigna : M. Haley , au lieu cité, & M. Caffini dans les Mémoires de Académie, pour 1738, page 3} ÿ ; ont remarqué ces variations. On pourra juger des changemens obfervés dans la latitude dé Syrius', par la comparaifon fuivante des diférentes déter- minations que l’on en trouve dans les Auteurs. Ptolémée. . : it 39% 10", 0" Ulug-beg: sl. 39. 30. 0. ! Tycho-Brahé..... 39: 30: 0. À Hifloire célefte de Flamfteed Le Prince de Hefle .. 39. 30. 50. Tome. IIL. : Hevelius 244: 4:1.:2 392130%: 5. Flamfteed. …. . .... Bo 32 248 M. Halley....... 390. 32. 8. Tables aftronomiques. M. de la Hire... .. 39. 32. 35. Tables aftronomiques, M. Maraldi....... 39. 33. o. dans fon Catalogue, MAEGA RTE eNeele 39. 33. ©. dans fes Tables. M. de Louville. ... 39. 32. 10: dans fes Manufcrits, Les Perfans...... Bodirios ko! Le Cardinal Cufa. . . 39-150. 0.1{ Riccioli, Aftronomie réformée, Le Prince de Hefle.. 39. 28. .o. page 216. ! Riccioli....,.... 39. Das) si Ali Abolcafimo.... 39. 20. o. Ebnolalamo. . ..... 39. 20. ©. { M. Bernard, Tranfact, Philof. Canon Hacimicæ.., 39.30. o. n° CLVIII, page 567. Tabul. Ilchan: ..... 39. ro. Lo. 1 Enfin, par les dernières obfervations de M. l'abbé de 1a Caille, nous voyons ‘que cette latitude eft 39432" 58#50% plus grande de 0" que celle de Flamfteed ,- & plus grande de 3° que celle de Tycho & d'Hévclius , quoiqu'elle dût. diminuer de 45" par fiècle, fuivant la théorie générale dont il Mém. 1754. . Yy Augmentation dans la latitude de Jyrius, 354 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE s'agit dans ce Mémoire; car elle eff fituée à 3° r od de longitude, aflez près du colure des folflices ; donc l'écliptique s'éloignant da pôle boréal du monde, & s'abaiffant vers le midi, auroit dû rendre cétte latitude plus petite. 11 faut cependant remarquer une circonftance qui rend la différence un peu moindre à l'égard de Tycho-Brahé : favoir, qu'il a fait la réfraétion à la hauteur de Syrius, 1° 20"environ, { Progymn. T. L.p. 280 ) au lieu d'environ 3° 0" qu'elle doit être ; ainfi il faut ajouter 1° 40" à la latitude qu'il a conclu des hauteurs méridiennes, & elle ne difiérera plus que de 1° 18" de celle qu'on obferve actuel- lement , à quoi ajoutant 1° 12", dont elle auroit dû diminuer , on voit qu'il y a 2° + d'augmentation irrégulière dans la lati- tude de Syrius , quantité qu'il faut attribuer à un mouvement propre , particulier à cette étoile, & dont la eaufe ef inconnue. Aurefte, les étoiles de la première grandeur , &fur-tout Syrius, devant être beaucoup plus voifnes de la Terre que les autres étoiles, font par-là même moins propres à nous faire connoître la loi générale de leurs variations ; les dérangemens particuliers qu'elles éprouvent deviennent trop fenfibles pour nous par la proximité, & défigurent la loi des mouvemens généraux qui affectent tout le ciel: il me fufhit donc d'avoir obfervé que dans le fait les latitudes de toutes les étoiles différent de celles qu'on obferve aujourd'hui , comimé l'obliquité de. Fécliptique qu'ils obfervèrent ; diffère de celle qui a dieu aétuellement : paflons à l'explication phyfique du phénomène, A vant que de parler de celle de Képler, qui remontoit jufqu'à la caufe phyfique de ces variations , nous dirons un mot de la. manière dont M. Godin en concevoit les phénomènes ; if cherchoit à reconnaître non la caufe, mais la difpofition ou Ja manière dont ces variations fe produifoient ; il examinoit fi c'étoit le mouvement de l'écliptique ou celui de l'équateur qui produifoit la différence oblervée dans l'écliptique, & il jugea, comie Képler , que c'étoit le mouvement de l'écliptique. Le Mémoire de M. Godin a pour titre, Que l'obliquité de l'echip- tique diminue , © de quelle maniere : V Auteur trouve une manière ingénieufe de prouver, que ce neft pas l'équateur qui DES SCTENCE S: 355 s'eft approché de l'écliptique , en comparant la pofition du nocud de Jupiter, oblervée deux cents quarante-un ans avant JE avec celle qu'obferva M. de la Hire dans le dernier fiècles mais il fuppole que le mouvement des nœuds des Planètes n'a rien de réel, & qu'il vient uniquement de fa variation ou du déplace- ment de l'écliptique. J'ai fuffifamment prouvé dansmes Mémoires fur le mouvement des nœuds des Planètes, que cette préten- tion ne peut fe foutenir; la même caufe qui fait varier l'écliptique (& elle varie de l'aveu même de M. Godin) ne peut mariquer de produire dans-les orbites planétaires un mouvement fèm- bhble, & par conféquent un changement dans les nœuds ; fr Street & Whifton ont méconnu ce changement , c'eft qu'il eft trop peu fenfible pour avoir pu être bien démontré dans 1e fiècle dernier ; mais il n’eft plus équivoque aujourd’hui. Les quatre conféquences que M. Godin tire de fes recherches, dans le Mémoire dont il s'agit , font 1. que l'obliquité de l'écliptique diminue, 2.° que ce mouvement fe fait fur les deux points équinoétiaux , 3.7 que c'eft l'écliptique qui s'approche de l'équateur , 4.° que les nœuds des planètes n'ont aucun mouvement propre ; de ces quatre chofes , la première & 1a troifième font vraies en elles : mêmes , mais non par les raifons qu'en donnoit M. Godin ; la feconde & Ja quatrième ne fauroient fubfifter avec la théorie de 'attraétion , &c avec les obfervations qui la prouvent même dans cette partie. x Je reviens à l'explication de Képler : ce génie vafte & hardi qui vit prefque un nouveau’ ciel fe: former entre fes mains, cherchoit des rapports entre les effets pour remonter aux caufes , &.fes conjectures furent fouvent des découvertes, Képler vit, comme T'ycho-Brahé , que les latitudes des étoiles, voifines des folftices , différoient dé plus d’un demi - degré des’ latitudes marquées dans l’ancien catalogue de Piolémée , tandis que les latitudes des étoiles ;| voifines des équinoxes , étoient encore les mêmes ; dès-lors ilconçut que l'orbite entière de la Terre devoit fouffrir quelque déplacement:, & être tranfportée, à la fuite des temps, par quelque agent phyfique, d'un lieu à Fautre;’ilñe fufhoit pas d'avoir découvert un effet , il lui falloit une caufe, Yyi ” 356 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Képler la trouva dans le Soleil : il s’étoit déjà accoutumé à regarder le Soleil comme le centre du monde , & comme l'agent principal de la Nature , il trouva le moyen de le faire fervir à ce nouveau phénomène; il Jui fembla que la force de rotation du Sojeil pouvoit à la fuite des temps entraîner la Terre par un mouvement infenfible, & faire prendre à fon.orbite une nouvelle pofition / Æpiromes Aftronomiæ, lib. V1, p. 9 1 2). Képler appela écliprique royale , un cercle immobile incliné de 14 48’ à l'écliptique, ou à l'orbite annuelle de la Terre, qui étoit coupé par celle-ci, vers les points folftitiaux, & il imagina que l'écliptique décrite par la Terre, étoit entraînée fur l'écliptique immobile par la rotation du Soleil. Dans la fuite, la découverte de l'attraction univerfelle & réciproque des Corps céleftes a juftifié, pour ainfi dire, Képler, puifque 'aétion des planètes fur la Terre produit l'effet qu'il attribuoit à l'équateur du Soleil, & le produit avec la quantité d’inclinaifon qu'il lui avoit attribuée. I réfulte des calculs que j'ai faits pour chacune des cinq planètes féparément , rapportés dans tes Mémoires de 1758, que le cercle appelé par Képler, Æchptica regia , eft une orbite compofée,, qui tient. comme une efpèce de: milieu entre celles de toutes les planètes; elle coupe l'écliptique au 22.° degré du Sagittaire & des Germeaux, fort près des points folftitiaux où Képler la fuppofoit & fous le même angle qu’il lui donnoit. On pourroit dire encore, à la louange de ce grand homme, que la caufe même dont nous faifons aujourd’hui uné f1 heu- reufe application, je veux dire la gravitation univerfelle, eft prefque fon ouvrage. Képler fut le premier qui eut une idée de Fattraction, il en parla dans prefque tous fes Ouvrages; il lui attribuoit les inégalités de la Lune, le flux & le reflux de la mer ; & il com- paroit fans ceffe les mouvemens céleftes à l'attraction de Faimant (Nova phyfica calefhs, in introd. ). Newton fut le premier qui en reconnut la loi & la mefure, mais il faut convenir qu'elle étoit. un corollaire bien naturel, & bien fimple pour un grand Géo- mètre, de cette autre loi fondamentale, découverte par Képler, que les quarrés des temps périodiques des planètes font comme DNENSA S CyD'E N:C ES. 357 les cubes des-diftances au Soleil: c’eft donc à celle-ci que nous devons remonter pour connoître la généalogie de nos idées & melurer les progrès de l'efprit. Cette règle fameufe, qui nous a conduit à tant de décou- vertes, fut trouvée le 1 s Mai 1618 ; l'auteur même a pris foin de nous en conferver la date; Ja joie qu'il en conçut fut {1 grande, qu'il en parle dans le V.® livre de fes Harmoniques avec une efpèce d'enthoufafne qui doit nous paroître bien naturel. Képler , par de très-longs calculs, déduits des obfervations de Tycho-Brahé, avoit trouvé les rapports des diftances des planètes au Soleil ; il avoit enfaite examiné ces diffances , il les avoit combinées & retournées de mille façons différentes pendant près de dix-fept ans, pour trouver quelque analogie vrai- fémblable entre a grandeur des orbites & le temps employé à les parcourir, c’eft-à-dire entre les diflances des Planètes au Soleil, & les durées de leurs révolutions. I voyoit, par exemple, que Jupiter éloigné du Soleil cinq fois plus que la Terre, met douze fois plus de temps à parcourir cette orbite , qui eft feulement cinq fois plus grande :Æeft cette différence dont Képler cherchoit à découvrir le myftère. H navoit encore rien imaginé de fatisfaifant, lorfque le 6 Mars 1618, plus occupé que jamais de l’objet de fà curiofité | & de fon impatience, formant des quarrés & des cubes prefque au hafard , il s’avifa de comparer les quarrés des temps avec les | cubes des diflances, il les trouva d'accord dans un cas: il effaya promptement le calcul fur un autre; mais trop de vivacité, trop de joie peut-être, l'égarèrent dans des fautes de calcul: & léloignèrent de ce qu'il cherchoit , il crut trouver enfin que cette proportion n'étoit pas générale. Ce ne fut que deux mois après, & le 15 Mai 1618, que toujours échauffé fur fon objet, Képler reprit l'eflor une fconde fois ; il examina de nouveau comment la proportion qu'il avoit foupçonnée s'accordoit avec les obférvations: il cal- cula mieux, & il trouva ce rapport exactement le même pour toutes, les Planètes, Dans cé moment, dix-fept années de Yyij Découverte de la plus fa- meufe loi de Képler. Jo. Kepleri harmonices mun- di, Lincii j 619), pag, 1894 L'attraétion en eft un corollaire An attempt to prove the motion of the earth, 1674 1Pr 27 358 MÉmoires DE L’ACADÉMIE ROYALE méditations & de calculs produifirent un éclat de lumière, & il en fut ébloui; je craignois, dit-il, de me faire illufion à moi-même & d'avoir fuppolé ce qu'il falloit chercher: Denique 1 $ Maïi reverfa novo capto impetu expugnavit mentis meaæ tenebras tantd comprobatione &7 laboris mei feptemdeceunalis in obfervarionibus Braheanis, à meditationis hujus in unum confpirantinm, ut fomniare me © præfumere quafitum inter prin- cipia primo crederem. Mais enfin Képler, rafluré par un nouveau calcul, fut convaincu de fa découverte, & s'écria, comme Virgile ; ........ Jera quidem refpexir inertem, Refpexit tamen € longo poff tempore venit. Ce fut-à véritablement l'origine de tout ce qui s'eft fait depuis un fiècle dans la Phyfique célefte, & fur-tout de la découverte de lattraétion. En effet, fi l'on nomme 7 la diftance d’une Planète au Soleil, & : le temps périodique de cette Planète, lun & fautre étant exprimés en parties de la diflance & du temps périodique de la Terre, on aura 7? —#” par la règle de Képler; mais dans un cercle le finus verfe d’un petit arc ou l'écart de la tangente, qui eft l'effet & l'expreffion de la force centrale , ef comme le quarré de l'arc & le rayon, ou, ce qui revient au même, d'autant plus grand que la diflance eft plus grande & le quarré du temps périodique plus petit. Ainfi l'on a cette expreffion . . . La de Ja force centrale @ dans une orbite circulaire @ = — , La . . . LA L mais de ce que © — 5", il s'enfuit que TT; donc ® — — ; ainfi de Ja loi découverte par Képler, il étoit ailé | 4 de conclure que la force centrale du Soleil devoit être en raifon inverfe du quarré de la diftance , fu-tout après que le D." Hook eut propolé formellement à tous les Géomètres:, de trouver quelle étoit la loi fuivant laquelle le Soleil attiroit les Planètes. L'attraétion une fois admife, Newton ne pouvoit manquer DREAMSNSICANE, NC -E S 359 d'apercevoir que fe mouvement des Nœuds de la Lune, qui en dix-huit ans leur fait parcourir tout le Ciel , étoit une fuite de l'attraction du Soleil, & M. Clairaut a trouvé, par un calcul rigoureux, comme on le voit dans fa Théorie de la Lune, que le mouvement moyen & rétrograde obfervé dans les Nœuds de la Lune, étoit abfolument d'accord avec le calcul de attraction. Il étoit naturel d'en conclure que toute Planète attirée par une autre qui tourne autour d'un même centre & dans un plan différent , devoit avoir des nœuds également variables, & que l'orbite de la Planète troublée devoit toujours rétrograder {ur l'orbite de la Planète troublante ; il reftoit à favoir fi cette quantité étoit aflez fenfible pour devoir entrer, quant à préfent, dans nos calculs. M. Euler fit voir en 1748 , dans fa Pièce fur les inégalités de Saturne, qu'en effet le mouvement de fes nœuds fur l'orbite de Jupiter étoit une quantité fort fenfible ; & ïil a donné enfuite dans les Mémoires de Berlin un plus grand détail fur la même matière, quoique fans démonftrations : la Terre doit donc éprouver de fa part des Planètes une at- traction fenfible, en vertu de laquelle les nœuds de l'écliptique für l'orbite de Vénus, par exemple, rétrogradent fur lorbité de Vénus ,'ou, ce qui revient au même, une attraction qui fait tourner l'axe de l'écliptique autour de l'axe de l'orbite de Vénus; en forte que le pôle de fécliptique décrit un petit cercie autour du pôle de cette orbite. / Woy. Mém. Acad. 1758 © 1761). Pour montrer d'une manière palpable Le changement qui rélulte dans la pofition des étoiles du mouvement que le pôle de l’écliprique eft obligé de prendre autour du pôle de l'orbite d’une planète, nous fuppolerons que le cercle PC ett la pro- jéction , fur le plan de l'écliptique , du cercle parallèle à l'éclip- tique qui pafle par le pôle féptentrional de l'équateur ; À ré- préfentéra le pôle de l'écliptique, À Y le colure des équinoxes, A P îe colure des folflices , P le pôle du monde ou le pôle de l'équateur , qui a trois fignes de longitude : le nœud afcendant de Vénus ayant 21 1 34 de longitude, le pôle boréal de Vénus aura 1 111 3 ; ayant donc fait l'angle Y À Vde 174, & prenant 360 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE AV de 3% 23° 20", diflance des pôles de Vénus & de l'éclip- tique, ou inclinaifon de l'orbite de Vénus, le point F fera le pôle de l'orbite de Vénus ; & le cercle 4 B D fera celui que le pôle de Vénus décrit autour du pôle de l'écliptique , l'arc AB étant de 5”,147 par année, contre l'ordre des fignes. Le pôle de l'écliptique s'étant reculé en un an de la quantité À B dans fon cercle autour de Vénus; le colure des folftices PA, qui pale effentiellement par le pôle du monde, ceft-à- dire, par le pôle de l'équateur & par celui de lécliptique À, fe trouvera dans la pofition P Z , parce que le pôle du monde P ne participe point à ces variations produites par l'attraction des Planètes ; ainfi la préceflion des équinoxes' aura variée de læ quantité de l'angle APB , & lobliquité de l'écliptique qui étoit égale à PA , deviendra égale à PB. Par la fuation actuelle des trois pôles P, 4, F, on voit que l’obliquité de l'écliptique diminue , puifque PB eft moindre que PA; l'on voit aufli que la préceffion des équinoxes diminue; en eflet le colure PA s'avance felon l'ordre des fignes , pour venir du côté de ka ligne PY , qui répréfente la fection du Bélier , d'où fe comptent les longitudes ; or ce mouvement, {lon l'ordre des fignes, diminue néceflairement la préceffion totale des équinoxes, qui eft un mouvement contre l'ordre des fignes , d'environ 5 0 fecondes par an , produit par une caufe toute différente. Pour déterminer aifément la quantité , dont la préceflion des équinoxes & l'obliquité de l'écliptique diminuent par l'action de Vénus fur l'écliptique , il fuffit de confidérer que dans le triangle PA formé par les trois pôles , du Monde, de Vénus & de l'Écliptique ; les deux côtés PF & VA font conftans, tandis que tout le refte varie par le mouvement du pôle 4 dans la circonférence AB D : alors la variation de l'angle F doit être à la variation de l'angle P, comme le finus de PA eft au finus de Ÿ À multiplié par le co-fnus de l'angle À; prenant la lettre / pour exprimer, comme dans le calcul diffé- rentiel, la petite variation des quantités changeantes, on aura dV.fin. AV.cof. À s" fin. 39 fin. r7d ÿ EE ————— — 0,25. dP fin. P A fin. 234 125 Cette DES ScCrTENCES. 367 Cette formule fait voir clairement , comment l'écliptique, avéc un mouvement de 5" par année für l'orbite de Vénus, en a cependant très-peu fur l'équateur ; premièrement , parce que la longitude du nœud de Vénus approche trop de 90 degrés, ce qui rend le co-finus de l'angle À très-pétit ; fecondement, parce que l'inclinaïfon de Vénus fur l'écliptique eft fort petite fn. 4V fin. fraction très-petite ; ainfr forfque la longitude du Nœud de Vénus aura diminué, auffr - bien que F'obliquité de l'écliptique , le réfultat de cette attraction fera plus confidérable, & la pré- ceffion des équinoxes fera beaucoup plus altérée par l'attraction de Vénus. On trouvera également dans la même figure le changement qu'éprouve l'obliquité de l'écliptique PA; car dans le triangle PVA , dont les deux côtés PF, VA, font confians , On dPA—= dV fin. VA fin. À — S' fin. 3d fin. 28-6298 qui eft la diminution annuelle de fobliquité de l'écliptique par l'action de Vénus , ainf l'obliquité de l'écliptique diminue de 29 fecondes par fiècle , en vertu de l'attraction que Vénus exerce fur la Terre. /Woy. ci- devant page 26. SJa Ce réfultat fuppofe, comme dans mon Mémoire für les nœuds des Planètes, que la mafle de Vénus foit feulement #*- de celle de la Terre; car je fuppofai pour lors, avec M. Euler , que le volume de Vénus étoit feulement le tiers de celui de la Terre, & que fa denfité étoit un peu plus grande dans le rapport des racines des moyens mouvemens de Vénus & de la Terre. Il fufliroit de doubler cette mañe pour doubler le réfultat de Fattration de Vénus, alors la diminution féculaire de lobli- quité de l'écliptique augmenteroïit de 28 fécondes , & il en réfulteroit 2 34 49" pour le temps des obervations égyptiennes, ainfi que Ptolémée nous l'a tranfmile. (Voy. ci-devan p. 26 0). Or il me paroît probable que la maffe de Vénus eft en effet double, ou à peu près, de celle que je fuppofai avec M. Euler dans mon 1. Mémoire, p. 2 59. Le célèbre pañlage de Vénus fur le Soleil nous ayant procuré une détermination de fon Mem, 1758. Z£ Par rapport à celle de l'équateur , ce qui rend une Diamètre de Vénus. Sen volume. 362 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE diamètre , que je crois préférable à toute autre , je vais en faire ufige pour déterminer à peu près la mafle de Vénus : le contaét intérieur de Vénus , que j'obfervai avec le plus grand foin & dans les circonftances les plus favorables , arriva le 6 Juin à 8h 28 26" du matin; le contact extérieur des deux bords de Vénus & du Soleil, ou la fortie totale à 8" 46’ 50” : la durée de la fortie de Vénus fut donc 18° 24"; cette durée dut paroître trop longue à Paris de 14 fecondes, par l'effet de la parallaxe, fuivant le calcul que j'en ai fait: ainfi la durée de la fortie, vue du centre de la Terre , auroit été de 1 8’ 10"; or la diftance perpendiculaire de lorbite de Vénus au centre du Soleil, que j'ai déterminée de 9° 31" +, étant combinée avec le rayon du Soleil qui étoit de 1 5’ 46" +, fuivant les obfer- vations que je rapportai l'année dernière, je trouve que dans l'efpace de 1 8° 10", Vénus s'éloignoit du centre du Soleil de 57,8; donc le diamètre apparent de Vénus étoit en effet de 57,8, le jour du pallage de Vénus : ce diamètre fe réduit à 16",5 , fi on le fuppofe à la même diflance que le Soleil ; & fi l'on fuppofe la parallaxe du Soleil de 9 fecondes , il eft aifé d'en conclure que le diamètre de Vénus exprimé en parties de celui de la Terre eft 0,917, & par conféquent fon volume 0,771; pour en conclure fa mafle ou fa force attractive, if faut faire fur la denfité de Vénus quelque füppofition arbitraire ; il paroit vraifemblable, puifque nous connoiflons les denfités de trois planètes, qui croiflent en approchant du Soleil, dé fuppofer que celle de Vénus augmente auf, & qu'elle eft un peu plus grande que celle de la Terre, Vénus étant un peu plus près du Soleil; pour favoir dans quel rapport, j'examine quelle fonction la diflance de Jupiter au Soleil, exprimée par celle de la Terre, fe trouve être de fa denfité, exprimée par celle de la Terre, je vois que fà difance eft 5,2, fa denfité 35, les logarithmes font 62 & 72 ; le rapport de ces loga- rithmes , que je prendrai pour celui de 6 à 7, m'apprend que la denfité de Jupiter eft égale à un divifé par la racine feptième de la fixième puifflance de fa diflance au Soleil ; prenant donc les £ du complément du logarithme de la D Es :SiCiE N° CES 63 diflance de Vénus au Soleil, je trouve pour la denfité de Vénus, qui lui répond , le nombre 1,32, qui multiplié par fon vo- lume 0,77 , donne pour fa mafle à peu près 1 ; ainfi fa malle de Vénus fe trouve égale à celle de la Terre : cette fuppo- fition que je viens de faire fur la denfité de Vénus , quoique conjecurale , femble autorifée par cela même que fon réfultat s'accorde avec l'obliquité de l'écliptique 2 3% 5 1°, tranfmife dans les anciens livres d'Aflronomie. { Voy. d-devant page 260). Avant que d’être entré dans le détail du calcul , on croiroit que 5 fecondes par année de mouvement dans l'écliptique doivent produire $ fecondes de changement dans les étoiles fixes & dans les points équinoétiaux ; pour voir d’une manière encore plus palpable la raïfon pour laquelle l'effet devient fi peu fenfible, confidérons la difpofition des trois cercles qui repréfentent lécliptique , l'équateur & l'orbite de Vénus : foit CB Téquateur (fig. 2 y, CN fécliptique, NZ l'orbite de Vénus; lécliptique étant tranfportée de CN en cn par l'action de Vénus, l'arc Vy eft de $ fecondes par année ; mais NB étant beaucoup plus inclinée fur écliptique VC que ne left cB, la quantité Ce qui en réfute le long de l'équateur eft beaucoup plus petite que Nr; fi l'angle N étoit plus grand ou l'angle © plus petit, la quantité Ce prife fur l'équateur GB approcheroit beaucoup plus de Nx, c'eit à-dire que le chan- gement de la préceflion des équinoxes , le mouveinent du coluré des équinoxes , & le changement de longitude des étoiles fixes, feroient beaucoup plus fenfibles. Puifque 4BC— Re —. Eee a eft le changement de la préceffion des équinoxes, compté fur l'équateur € 2 ; fion le multiplie par cof. €, on aura ce même changement fur l'écliptique CN — 4A B . fin. N. cof. NC . cotang. C, c'eft la quantité Cm, dont le point équioctial € a-changé le long, . de l'écliptique : à l'égard de la quantité Np , dont l'arc NC de lécliptique a changé par fon autre extrémité M, elle n'affècte point les étoiles, puifque leur longitude fe compte du point C': cette quantité Np — Na cof. N eft la partie conftante Zz ij Sa denfité. Ÿ Voy. ci-defus, 2 252. Fig, 3. 364 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE que j'avois appelée 41 cof. Z dans mon premier Mémoire fur le mouvement des nœuds des Planètes , où je remarquois déjà que cette quantité étant commune à tous les points du Ciel, aux étoiles & aux points équinoétiaux , il ne devoit en réfulter aucun changement fur la fituation des étoiles. Après avoir donné ces éclairciflemens, que je croyois encore nécelaires dans une matière que les Aftronomes ont f1 peu examinée jufqu'ici, je paile à l'examen des inégalités périodiques dont cette variation en latitude doit être accompagnée. Pour démontrer qu'il y a dans la longitude des étoiles des variations périodiques dépendantes de l'action des Planètes, je reprendrai la formule du mouvement du nœud de la Terre fur l'orbite de Vénus, qui eft démontrée dans mon Mémoire fur le mouvement des Nœuds des Planètes *. Soit f la diftance moyenne de Vénus au Soleil, en fuppofant celle de la Ferre au Soleil égale à Funité, foit v le mouvement de la Terre, nu ou £ l'angle de commutation, c’eft-à-dire, l'angle au Soleil entre la Terre & Vénus; foit S la diflance de Vénus à la Terre, & + = A+ B cf: + C co. 2#+ D cof. 31, fi J défigne le point où fe trouve Vénus, S le Soleil, 7 Ia Terre, & la ligne d’interfetion des orbites de Vénus & de la Terre ou le nœud de Vénus, il faut, pour avoir la diffé- rencielle du mouvement du Nœud, multiplier là quantité = —f4) du — f Bcouudu — fCcof. 2 uudm — fD cof. 3 nu du far + co. (VSA — TSA&) 2 — +cof. (VS + TS&) ; lorlqu'on aura fait la mul- tiplication , il faudra divifer chaque terme par fon coèfficient pour l'intégrer. Voici une Table des premiers termes que produit cette multiplication : j'ai mis à côté de chaque terme le coëfficient par lequel il doit être divifé lorfquon veut. Fintégrer. DES S CUT EN CES 365 HE —fA) cf (VS —TSR).. | on ue Le — fA) cof. (VS + TSR)....|2 +». — cof. (VS8 — TS + 1) 2 1 : — cof. (VSA — TS — 1) 0 “MU + cof. (VSR + TSR + 1) 2(1+ 1} + cof. (VSS + TSR — 1) 2 — cof. (VS — TS + 21) 3 4 of fVSRTSR — 21)| —n + cof. (VS + TSA + 21)|2— 3% + cof. (VS + TS — 21)| 2—7% + +fC — cf. (VSR—TSR +31), 4n — cof. (VSR—TSS — 31) — 2 1ÿ H DA + co (VSR+TSR + 31)|2+4n + cof (VS + TSE — 31)|2—2n cs Je ne m'arréterai pas à difcuter ici tous ces termes, chacun le fera aifément au moyen des valeurs fuivantes À — 5,0; HE8,860 3057425, D 6036 ,f—=07234, # — 0,625 5 ; tous ces termes doivent être aufli multipliés par la mafle de Vénus, celle du Soleil étant prife pour unité, & par le nombre de fecondes compris dans l'arc de $7 degrés &c. égal au jayon : on trouvera par CE MOYÿEn , {1 l'on fuppofe la mafle de Vénus égale à celle de la Terre, que la premiere: équation eft -— 1”,7 sfin. 1: je mets z ou #u à la place de: VS — TS qui lui eft égal, comme on le voit dans la Figure; on trouvera auffi la huitième équation 2",6 fin. r.. Ces équations, quoique petites , peuvent changer confidé-- rablement da longitude des étoiles qui font voifines des pôles: comme on en jugera par la formule fuivante. Zz * Voy. ct-devaur page 252. 366 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE Soit #7 une des équations du nœud de la Terre fur l'orbite de Vénus, trouvée par les calculs précédens ; 2 la diftance d’une étoile à ce nœud, ZL fa latitude, Z l'inclinaifon de Vénus fur l'écliptique ; alors le changement de fongitude, produit par l'équation 47 dont nous venons de parler, fera 47 cof. L — M fin. / fin. D targ. L'; d'où il paroïit que fi Z étoit un arc ap+ prochant de 90 degrés, l'erreur deviendroit extrémement grande; cependant , comme elle eft petite dans la plupart des cas, je n'infifterai pas davantage fur ces inépalités , qui d’ailleurs font aifées à calculer au moyen de ce qui précède. Après avoir prouvé dans mes deux Mémoires fur les nœuds des Planètes *, que toutes les orbites font mobiles, & en particulier celle de la Terre, j'ai fait voir dans celui - ci que les anciennes obfervations s'accordent à prouver l'effet qui en réfulte, favoir le changement de latitude des étoiles & la diminution de lobliquité de Fécliptique qui en dépend né- ceffairement. Ainfi le déplacement de la Terre & de fon orbite, caufé par l'action des Planètes, eft ce qui produit le changement ob- {ervé de la latitude des étoiles folftitiales ; il affecte auffi leurs longitudes d'une manière qui eft également évidente ; car lorfque nous comparons les longitudes ob{ervées de nos jours avec celles que Ptolémée nous a tranfmifes , nous trouvons des différences encore plus grandes que celles des latitudes, & qui vont quel- quefois au-delà d'un degré ; j'ai reconnu par le calcul que c'eft auffi la raifon pour quelle M." Caffini & Halley ont fuppofé dans leurs Tables la préceffion des équinoxes d’une manière fi diffé rente, quoique tous deux laient déduite des étoiles obfervées par Hipparque , M. Halley fut employer celles qui étoient le moins fujettes à ces variations , & fon réfultat eft beaucoup plus exact. Cette même attraction des Planètes fur la Terre produit en- core une inégalité remarquable dans la durée des années : on fait que ha révolution entière de la Terre par rapport au point fixe, eft de 365i 6" 9° 10", telle eft l'année fidérale ou périodique ; mais ce n’eft pas celle dont on fait ufage dans la fociété ; c'eft le retour des faifons qui a dû former la période DES SCIENCES. 367 la plus intéreflante pour les hommes , la plus analogue aux befoins de la vie, la feule qu'ils aient pu reconnoître dans les premiers fiècles de l'Aftronomie. Or le retour des faifons eft fixé par le retour du Soleil à Téquateur , qui fe fait 20 minutes plus tôt que le retour à un même point fixe; en forte que le Soleil revenu à la même fituation: par rapport aux équinoxes & aux folftices , n'arrivera que 20: minutes plus tard au point phyfique , ou fi l'on veut , à l'étoile. fixe d'où il étoit parti ; cet effet connu jufqu'ici fous le nom de préceffion des équinoxes , n'avoit paru dépendre que du changement que l'équateur de la Terre éprouve par l'action du Soleil & de la Lune fur le fphéroïde aplati : nous devons. reconnoître actuellement dans la préceffion des équinoxes une portion dépendante du mouvement de l'écliptique ; car tandis que l'équateur détourné par l'action du Soleil & de la Lune change de pofition par rapport à F'écliptique , il arrive que. Pécliptique eft détournée auffi par l'action des autres planètes, & contribue pour une petite portion au changement qu’on obferve dans la pofition mutuelle de ces deux cercles. Si cette: préceffion étoit toujours égale , la durée de l'année ftroit toujours la même; mais la petite portion dépendante de l'action des Planètes change beaucoup par la fuite des fiècles , parce qu'elle dépend de la pofition des nœuds ou des points, dans lefquels chaque Planète traverfe le plan de l'écliptique. En faifant le calcul du changement des nœuds de chacune des fix Planètes principales , qui eft produit par l'action de toutes les autres, fai trouvé que leur attraétion fur la Terre , au temps d'Hip- parque, devoit produire 34 fecondes par fiècle de moins qu'elle ne produit actuellement {ur la préceflion des équinoxes , en forte que la durée de l'année étoit alors de 8” + de temps plus grande qu'elle n'eft a@uellement , voilà pourquoi ceux qui ont. employé les anciennes obfervations pour trouver la durée de: Jannée , ont toujours trouvé de la difficulté à concilier les an-- ciennes obfervations avec celles des derniers fiècles ; c'eft auffe ce qui a fait trouver à M. Newton & Halley , la durée de* fannée de 12 fecondes plus grande qu'elle ne fe trouve actuel Jém, Acad. #7$7e 368 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE lement ; mais depuis que j'ai eu fait entrer dans le calcul cetté inégalité de la préceflion , j'ai eu le plaifir de voir que les équi- noxes obférvées par Hipparque, il ya dix-neuf cents ans, s'accor- doient aufli bien que ceux du xvi* fiècle, à donner pour la véritable longueur de l'année tropique 36 si 5? 48’ 45"+ Lorfque M. Euler confidéra la différence qu’il y avoit entre ces anciennes obfervations & celles du xvir. fiècle, il crut que le mouvement de la Terre étoit fujet à une véritable accéléra- tion : ce feroit-là un pronoflic afluré de la deftruétion future de notre globe ; en effet, fi cette accélération eft réelle, il s'enfuit que la Terre s'approche de plus en plus du Soleil ; or la caufe quelle qu'elle foit , par exemple la réfiflance de la matière éthérée , ayant commencé à produire cet effet , il croîtroit à mefure que la Terre approcheroit du centre de fon mouvement, ainfi elle defcendroit de plus en plus vers le Soleil , pour y être enfm abforbée & détruite, après que nous aurions vu Mercure & Vénus difparoître fucceflivement à nos yeux, fe perdre dans le Soleil & marquer à la Terre le moment où elle iroit y périr à fon tour. Je crois pouvoir écarter de fi trifles préfages : cette idée d'accélération n'a plus rien de réel, & je la vis difparoître auffr- tÔt que j'eus calculé plus exattement la différence des attractions que la Terre éprouvoit , il ya deux milleans , & qu'elle éprouve actuellement ; je vis que l'accélération a liéu feulement pour le retour des fafons , & non pas pour le retour de la Terre à un même point du Ciel. Il me refte à examiner un phénomène très-important dans lAftronomie , c'eft l'obliquité de l'écliptique , dont la dimi- nution eft évidente, & forme une nouvelle preuve desattractions que les Planètes exercent fur la Terre ; cette obliquité obfervée actuellement de 234 28° 20”, parut au temps d'Hipparque de 234 51°; on a difputé long-temps fur la vérité de ces an- ciennes obfervations, on alléguoit d’aflez fortes raifons de part & d'autre ; M. Bernard, Profeffeur des Langues Orientales en * Hollande, avoit confulté plufieurs Manufcrits Arabes , dont fes obférvations jui perfuadoient que l'écliptique n’avoit point variée. Képler, nc, + - DES SCIENCES. 369 Képler, Gaffendi, Riccioli, crurent prouver la même chofe par des raïfons aftronomiques, ils furent contredits; M. le Che- valier de Louville jugea mieux des anciennes obfervations, & fit cette diminution très-grande ; il eft enfin prouvé 4 priori, & par la caufe même, que l'angle diminue atuellement au moins de 47 fecondes par fiècle. Les calculs que j'ai faits du mou- vement des nœuds de chacune des Planètes m'ayant mis à portée d'établir leur pofition pour le temps d'Hipparque *, j'ai trouvé qu'alors cette diminution n'étoit que de 44 fecondes par fiècle ; de-là il fuit qu’au temps d'Hipparque l’obliquité de l'écliptique devoit être de 234 43", & même de 234 40° fi l'on fait la mafle de Vénus égale à celle de la Terre, Pour pouvoir déterminer exactement ce qu'a dû être dans des temps plus reculés, & ce que fera dans les fiècles futurs, cette obliquité de l'écliptique, il faudroit être für du mouvement des nœuds & des inclinaifons des Planètes pour les temps éloignés. Si les nœuds de Vénus & de Jupiter demeuroient fixes dans la région du Ciel où ils font atuellement , ils ne pourroient changer l'obliquité de Fécliptique que d'environ 241, qui eft le milieu entre les deux inclinaifons de leurs orbites ; mais Jai trouvé que dans l'efpace de trente-cinq mille ans, plus ou- moins, ces nœuds parviendront à des parties du Ciel oppolées ; ainfi toutes les variétés poffibles de fituation auront lieu entre les pôles de ces quatre cercles, fins que nous puiffions, avec quelque forte de précifion, entreprendre d'en affigner les temps. Tout ce qu'il.eft permis d'affurer , c’eft que l’obliquité de l'écliptique cefléra de varier fenfiblement, toutes les fois que les quatre pôles des orbites de Jupiter, de Vénus, de la Terre & de l'équateur feront dans une même direétion , & tous dans le colure des folftices, ce qui arrivera plufieurs fois dans la fuite des fiècles , & qu'elle ne pourra jamais varier en tout que du double de l'inclinaifon de Mercure, c'eft-à-dire de 14 degrés; encore faudra-t-il pour cela que les Nœuds des planètes, dont le mouvement eft fi lent, fe foient trouvés plufieurs fois enfemble dans les équinoxes, ce qui exigera, non pas des millions de fiècles, mais des millions de millions. Mém. 1758. , Aaa * Mém. Acad, 1761,p.408; F 370 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Nous nous garderons bien d'étendre jufque dans cet abyme de fiècles une indifcrette & vaine curiofité; qu'il nous fufhfe de tirer de ces calculs une conféquence importante, favoir, que dans les caufes qui font varier actuellement f'angle de l'écliptique & de l'équateur, il n'y a rien qui puifle jamais le rendre-nul où qui ait pu l'accroitre au point où il eft aujour- d’huï, fr dans le principe il avoit été nul : au contraire, fi la T'erre eût joui une fois de cet équinoxe général, de ce printemps continuel, que des Auteurs ont célébré comme une prérogative des premiers âges du monde, nous en jouirions encore, à peu de chofe près; du moins le concours des caufes que nous connoiflons n'auroit pas été capable de nous en faire perdre l'avantage, : On peut donc diftinguer aétuellement huit efpèces de phé- nomènes fenfibles dans l'état actuel de 'Aftronomie, qui dé- pendent de l'attraction que les Planètes exercent fur la Terre, indépendamment de celui des marées, qui n'aflecte, pour ainfi dire, que fa fuperficie. Le premier effet eft la préceflion des équinoxes, qui naît des attractions réunies du Soleil, de la Lune & de toutes les Planètes. Le fecond , eft la nutation de l'axe, qui eft produite par l'action feule de la Lune. Le troifième eft le mouvement de l’aphélie de la Terre, qui eft produit par l'action des cinq Planètes principales. - Le quatrième eft l'inégalité périodique, produite par cha- cune de ces Planètes dans le mouvement de la Terre. Le cinquième eft le mouvement des Nœuds ou le dépla- cement de l'orbite même de la Terre, qui produit feul les trois autres phénomènes ; favoir , l'inégalité des étoiles en lon- gitude & en latitude, l'accourciffement de l'année & Ja dimi- nution de lobliquité de l'écliptique. On en comptera peut-être quelque jour un neuvième, c'eft l'altération du mouvement diurne ou du mouvement de rota-- tion de la l'erre qui doit provenir de k figure aplatie; cette S ha 2: LS DESNNSC MEN CES | 37€ altération doit rendre inégale la longueur totale des 24 heures que l'on a toujours fuppofées, & que l'on fuppofe encore d’une parfaite égalité par rapport aux étoiles, parce que les différences font en effet très-petites : par exemple, on trouve que le Soleil étant capable de faire monter les eaux de la mer de huit pieds, il en doit réfulter une inégalité de 7 à 8 tierces de temps fur la rotation de la Terre, par cette feule différence de huit pieds entre les deux demi-axes du fphéroïde. Le calcul rigoureux de la préceflion des équinoxes a fait aufr voir à M. d'Alembert d’autres inégalités occafionnées par la figure de la Terre ; un jour on les difcutera avec foin, . parce que le temps viendra où la perfection de l'Aftronomie fera portée affez loin pour que des fractions même de fecondes puiflent y paroître intéreffantes, Aaa ij 28 Juillet 1750° 372 Mémoires DE L'ACADÉMIE RoYALE ME MSONEURILE SUR, L'E XFOLIATIONN DES O0. Par M. TENON*. N convient généralement que lorfqu’un os a été découvert à loccafion d’une caufe interne , il ne fauroit fe revêtir d'une cicatrice folide & durable , fans qu’il fe foit auparavant détaché quelques lames offeufes de fa furface ; c’eft ce qu'on appelle exfo/ation. Mais il n’eft pas également décidé que cette exfoliation ait lieu toutes les fois que les os font découverts & dépouillés de leurs tégamens par une caufe externe & récente , telle qu'une plaie, Les Anciens croyoïent que lexfoliation arrivoit néceffaire- ment dès qu'un os avoit été découvert ; & les Modernes fondés fur les obfervations de Fabricius-Hïldanus /a) , de M. Ruich (b), Rouhault /c), Petit (4), Monro (e), Duvernay (f), de la Peyronnie /2),aflurent que les os ne s’exfolient pas toujours. Cette diverfité de fentimens femble étonnante au premier coup d'œil dans une matière entièrement du reflort de Tob- fervation, & foumife immédiatement à l'infpeétion. Mais il fe préfente ici un autre fujet d’étonnement , c’eft que cette di- verfité d'opinions ait fi peu influé fur la cure des dénudations des os, & que les Anciens & les Modernes aient employé précifé- ment les mêmes méthodes dans le traitement de ces maladies. * Ce Mémoire a été Iù le 6 Dé- cembre 1758, par M. Tenon, avant qu’il fut Membre de l’Académie. (a) Centur, quarta, obfervat. VIII. p.373 & 374. (b) Obfèrv. Anatom. Chirurg. Centur. obferv. VI.p. 11. (c) Traité des plaies de tête. (4) Traité des maladies des os, tome ÎI], page 497. (e) Efais d'Édimbourg , rome V, PISE 475: (f) Traité des maladies des os, tome ÎT, page 488. (g) Au 1." Volume des Mém. de l’Académie royale de Chirurgie, édit. in-12, part. II, page 105 êT Suiv. DIS SCIENCES. 372 En effet, fi l'exfoliation na pas lieu toutes les fois que l'os eft mis à nu & privé de fes tégumens , il femble qu'on doive naturellement fe demander dans quelles circonftances , & pour- quoi un de ces effets a lieu plutôt que l'autre? fi la cure eft plus prompte ou plus füre lorfqu'il y a exfoliation , que lorf qu'il n'y en a pas ; enfin quels font les remèdes propres à hâter lexfoliation , ou à l'empêcher ! L'éclairciffement de toutes ces queftions paroît devoir fervir de fondement à notre conduite dans le traitement des dénu- dations des os ; puifque, fi l’on peut éviter entièrement l'exfo- lation , il faut favoir fi elle eft avantageufe ou nuifible à a cure: dans le premier cas, nous devons em ployer des méthodes propres à la procurer , & dans le fecond cas faire tous nos eflorts pour l'empêcher ; fi au contraire l'exfoliation eft inévi- table, ces efforts feroient au moins inutiles, & ne ferviroient peut-être qu’à troubler le cours de la Nature ; il faudroit pro- bablement alors chercher à hâter l'exfoliation, & peut - être s'occuper de laugmenter ou de Ja diminuer , füivant qu'elle feroit avantageufe ou défavantageufe à la promptitude de la gué- rifon ; enfin fi elle étoit quelquefois défavantageufe, & quelque- fois nuifible , fuivant les circonftances , il faudroit déterminer ces circonftances, & appliquer les différentes méthodes d'après cette détermination. Cependant, malgré toutes ces vues qui fe préfentent affez vaturellement , les Modernes & les Anciens, quoique divifés d'opinions, traitent les dénudations , dans l'unique point de vue de déffecher les os ; ils emploient à cet effet les mêmes clafles de médicamens , je veux dire les fpiritueux & les de£ féchans ; les uns & les autres montrent la même oppofition per les remèdes humectans & les remèdes gras, appliqués fur es os *, * Paré, parmi les Anciens, dé- fend expreffément d’appliquer des remèdes fuppuratifs fur F os dénués, parce que, dit-il, toutes chofes hu- mides font contraires aux os ; il appuie cette façon de penfer de l’au- torité d’Hypocrate & de Galien; voyez les Œuvres d’Ambroife Paré, X.° édition, page 227, & fur-tout la page 272, où il dit, « que fur los qu’on voudra fain, ne faut « nullement toucher de chofes hu- « Aaa ii 374 Mémoires DE L’AcADÉMIE RovaLe M. Monro eft le feul, que je fiche, dont la pratique foit différente : il recommande d'éviter les defféchans, & leur préfère les humectans * ; » mides, en fuivant Galien, qui » dit qu’on ne doit nullement ufer » aux os de chofes onctueufes, mais » au contraire de toutes chofes qui » deflèchent toutes les humidités fuperflues. » Il a recours à la charpie sèche, & fur-tout aux poudres cé- phaliques, telles que celles d’aloès , de craie brülée, au pompholyx, à T'iris de Florence, l’ariftoloche ronde, la myrrhe, la céreufe, la poudre d'huître. On peut encore confulter cet Auteur fur le même fujet, pag. 241 ÊT 460. La pratique defféchante étoit auf adoptée de Fabrice d’Aguapendente: cet Auteur motive cette pratique , mais la raifon fur laquelle il fonde Vapplication que l’on doit faire des remèdes fecs fur les os, mérite, par fa fingularité , d’être rapportée ici. « L'os dénué, dit-il, requiert un » remède farcotique fort fec, de » puiflance & d'effet, parce qu'il » eft très-fec de fa nature: ante- >» quam unguentum fuprà labia vul » neris ponatur ,0s fubjeétumn derafum » poftulat proprium remediun farco- »ticum quod valde ficcum fit 7 » poteflare 7 aëlu, quia os naturæ Juæ Jicciffimum, » (Chirurgiæ uni- verfalis Hieronymi Fabricei , ab Aguapendenre , Part. Il, cap. 16}. Quant aux Modernes , on peut voir les Auteurs fuivans ; ils ont tous adopté la pratique defféchante ; mais au lieu de poudres c‘phaliques , recommandées par les Anciens, ils ont recours aux fpuitueux & à Ja charpie sèche: M. Petit, Traité des maladies des Os, tome 11, page 50? ; Dionis, édition de M. de la Faye, page 524; la Chirur- gie complète , fuivant le fyftème des Modernes, tome 11, p. 188; mais il ne paroît point avoir fongé Duvernay , Traité des maladies des Os , tome IT, page 437 ; M. de Gorter , Chirurgia repurgata , pages 47 & 67; M. Platner, /nflitutiones Chirurgicæ , page 327 ; M. Ledran, Opérations de Chirurgie, p. 520, & M. Scharp indiquent la charpie sèche pour panfer les os qui ont été découverts dans l'opération du tré- pans; M. Heifter, /uflitutiones Chirurgicæ , tome 1 , page 139% M. de Garengeot propofe dans fes Opérations, le baume de fioraventi; d'autres Modernes enfin , comme Leclerc, Chirurgie complète, rome 11, page 276, édition de Paris, 1719, & M. Guyfard s'élèvent auffi fortement que les Anciens contre l'ufage des humeétans dans le traitement des dénudations : ce derrier remarque en propres termes, dans un Ouvrage imprimé en 1742, « qu’on doit bannir tout ce qu’on nomme remèdes gras & huileux, « & que les plaies de la tête ne de- « mandent en général que les remè- « des les plus propres à deflécher & à « abforber les humidités fuperflues.… « cette précaution , continue-t-il, « a füur-tout lieu lorfque l'os fe trouve « découvert. » Voyez l'Art de guérir les plaies, page 85, * Voici fes propres termes : « Lorfque des os fains fe trouvent à nuds, & que nous fouhaitons « de parvenir à la guérifon fans que « les os s’exfolient, il faut éviter & l’'ufage de tous les remèdes qui « peuvent attirer la gangrène aux « fibres extérieures des os ; tels font, « dit-il, ceux qui durciflent & qui « defféchent les fibres, de manière « à empêcher l'accroifflement des çr chairs ; telles que les liqueurs fpi- « DE) SNS CL EN: CES. 375 à lier cette doctrine avec la théorie de l'exfoliation des os, J'ai cru quil feroit utile au progrès de lat, de jeter du jour fur toutes ces queftions , & je me füis propolé d’examiner d'abord fi l'exfoliation a ou n'a pas toujours lieu, & de m'éclairer fur les avantages ou les défavantages de la pratique de M. Mono, comparée à la pratique commune : l'étude & l'infpéction atten- tive des opérations de la Nature peuvent feules nous procurer une folution fatisfaifante de ces doutes : mais les obfervations que peut fournir la pratique de l'art , font trop rares pour qu'on puifle en efpérer fi-tôt des lumières fuffifantes » Puifque les Chirurgiens les plus employés peuvent à peine, dans le cours d'une longue vie, recueillir un petit nombre d'obfervations femblables fur un même füujet ; heureufement il eft aifé de fe procurer , en travaillant fur les animaux , des occafions d’ob- {erver , beaucoup plus fréquentes & bien plus avantageufes par la facilité de multiplier & de varier les eflais , de tenter les méthodes différentes , d'interrompre, de troubler même à fon gré l'action de fa Nature, pour faifir, s'il eft poffible, le fecret de fes opérations. J'ai donc fait fur des chiens un affez grand nombre d'ex- périences , dont je vais avoir l'honneur de rendre compte à l'Académie: j'ai fait exprès à plufieurs de ces animaux des plaies, dans lefquelles j'ai entièrement dépouillé les os de leurs tépu- mens ; toutes ces plaies étoient femblables , mais je les ai traitées différemment, en füivant les différentes méthodes connues , & en employant diverfes clafles de médicamens ; j'en ai même abandonné à la Nature feule fans aucun traitement ; j'ai penfé qu'en fuivant attentivement la guérilon de ces plaies, je > ritueufes qui ont cette propriété | aux indications curatives : les « >» dans un degré éminent, il s’en- > fuit de-là (continue-t-il) que de » tous les remèdes dont j'ai fait > mention ci-deflus, il n’y à que > les abforbans terreux infipides , » les poudres qui contiennent des > parties aromatiques ou âcres, > les onctueux , les balfamiques & > l'eau qui ne foient point contraires abforbans terreux, dit-il, ne font « plus d’ufage, l'eau délaye & en- « traîne le pus; il ne refte donc que « quelques poudres chargées de par- « ties actives & les remèdes gras « qui puiflent convenir dans le cas « dontil s’agit. » Effais d'Édimbourg è tome V, page 475. 376 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE ne pouvois manquer de m'inflruire tout à Ja fois fur tous les objets dont je m’étois propolé l'éclairciffement. Voici mes expériences : je commence par celle faite fuivant la méthode ordinaire, c'eft-à-dire, avec les médicamens fpi- ritueux. LS UELX PtÉ RISUE NUGOE Je fis une incifion cruciale fur la tête d’un chien, j'em- portai les quatre angles , de manière à former une plaie de l'étendue d’un écu de trois livres, je la panfai fuivant la méthode ordinaire, car je couvris los avec de la charpie imbibée d'efprit de vin; à l'égard des lèvres de la plaie, je les panfai avec un plumaceau chargé de bafilicum. H faut obferver que j'ai fait mes expériences principalement fur le coronal & les pariétaux, que je les ai faites fur la tête , afin d'ôter au chien la liberté de fe lécher, & que j'ai toujours découvert les os de la même façon & à peu près de la même étendue. Le 2.° jour du panfement les chairs étoient un peu humec- tées , los étoit {ec , il n'étoit plus de cette belle couleur que javois remarquée le premier jour. Le 3.° le milieu de l'os étoit fec, un peu gris, la circonférence étoit un peu humeétée & blanchître , les chairs étoient belles & fuppuroient, Le 4.° le milieu de l'os étoit {ec & gris, la circonférence près des chairs blanche & humide , la fuppuration étoit abon- dante , les chairs étoient belles , & paroifloient fe lier avec Vos à li circonférence de la dénudation, Les 5° 6° 7° 8 9° 10 & 1 1. los parut fec dans le milieu, fa couleur grife devint plus foncée, les chairs avancèrent de la circonférence au centre, elles étoient devancées par un cercle rouge , large de deux lignes. Les 12 13. 14° & 15 les chairs & le cercle coloré avancèrent fur los, qui étoit dans le même état que les jours précédens. Du 16. au 20.° les chairs firent du progrès, & rien ne changea dans la couleur de los. : (] DAS) S C'LE IN CES 277 Le 2 1.° des points rouges parurent à l'extrémité poftérieure de la future fagittale. Les 22. 23. 24° 25. & 26% les points rouges de Ia future groffirent & fe multiplièrent ; ils formèrent des bouroeons, autour defquels on découvroit un petit cercle qui s'étendoit de la largeur d’une ligne & demie ou deux lignes fur les os ; ce cercle avoit paru blanc à fon origine, il rougit peu à peu, & au lieu de diminuer de jour en jour , comme celui qui précédoit les lèvres de la plaie, il augmentoit au contraire de diamètre. Le 27.° il fe fit une exfoliation à chaque côté de la future ; les parties de Fos qui avoient paru les plus grifes & les plus sèches , furent celles qui s’exfolièrent ; les deux pièces exfolices, prifes enfemble , avoient à peine la largeur d’une pièce de douze fous; l'os qui fe trouva deflous étoit garni de bourgeons, le tout fut couvert d’une cicatrice quinze jours après. On peut remarquer dans cette expérience , que le milieu de la furface de l'os eft devenu brun, & que la feule circonfé- rence qui participoit à l'humidité des bords de la plaie, a blanchi; les chairs ont d’abord femblé s'attacher à l'os ; on à vu enfüuite paroître un cercle rouge , & c’eft après l'apparition de ce cercle qu'elles ont commencé à croître & à s'avancer, en fuivant le cercle qui les précède : on a vu pendant le même temps des bourgeons s'élever des futures & s'étendre fur les os précédés aufli, comme les chairs des bords de la plaie , par un cercle rouge, avec la différence que le cercle qui fe forme autour des bourgeons s'avance du centre à la circonférence, en augmen- tant de diamètre, & que celui qui fe forme au bord de la plaie, S'avance au contraire de la circonférence au centre, en diminuant toujours de diamètre. Je me fers ici du mot de chair, en parlant de la fubftance qui recouvre peu à peu les os, parce que cette fubfance en a l'apparence au premier coup d'œil & dans les premiers temps du traitement ; mais je ne prétends point infimuer qu'elle foit véritablement de la nature des chairs ; je donnerai dans le Mémoire qui fuivra celui-ci , le réfultat des recherches que j'ai faites fur la nature, l'origine, le développement & les . tranfmutaions de ceue fubflance , fur quelle je ne pourrois dMiém, 1758 + Bb e 378 MÉMOIRES DE L'ACAD ÉMIE ROYALE m'expliquer ici plus clairement , fans intervertir l'ordre de mes recherches. On a encore remarqué dans cette expérience, que’ c'eft Ia portion de l'os la plus defléchée , & qui a le plus changé de couleur, qui s’eft exfoliée, & que cette exfoliation qui seft faite le 27.° jour, eft tombée en deux petites pièces, qui prifes enfémble n’étoient pas plus larges qu'une pièce de douze fous, quoique la furface des os eût été découverte de la largeur d’un écu de trois livres: voilà donc une exfoliation certaine, moins confidérable, à la vérité, que l'étendue de la dénudation ; mais enfin voilà une exfoliation. J'avertis que je me frvirai fouvent du terme de dénudation , quoiqu'il ne foit pas trop d'ufage : j'en uferai ainfi pour éviter de trop fréquentes circonlocutions ; je prie feulement qu'on entende par ce mot l'état d'un os, dont la furface feroit dé- couverte & privée de fes tégumens & même du périofte. Paflons à la feconde expérience , dans laquelle je me fuis fervi d'onguent de afilicum. LIFE: XP) EUR UT UNIQUE: Ayant découvert les os du crâne d'un autre chien, de Ja même façon qu'ils l'ont été dans l'expérience précédente, & les ayant panfés avec du bafilicum, j'obfervai ce qui fuit. La fuppuration étoit déjà établie , les chairs étoient belles, & l'os humecté & blanc dès le 2.° jour du traitement. Le 3.° la fuppuration étoit moins abondante , les chairs (ou cette fubftance que j'appelle ainfi pour abréger } étoient belles ; ‘elles s'atiachèrent à l'os qui étoit humecté & blanc. Le 4. les chairs étoient vermeilles , la fuppuration étoit moins abondante; on remarquoit fur los un beau cercle qui récédoit les lèvres de la plaie, il étoit d’une couleur plus vive ue le refte de l'os, dont le centre étoit pâle. Le 5. & le 6° les os étoient pâles au milieu de la dénu- dation, & d’une belle couleur à la circonférence. Le 7 un point rouge parut dans la future, tatt: dte on tit DEF SET E NC ES 379 Du 8. au 12. il crut plufieurs bourgeons dans les futures, Los étoit beau & couvert de pus. Le: 3.° il fortit de la furface de los un bouroeon gros comme la tête d’une épingle ; il chafla devant lui la portion offeufe qui le couvroit. Les 14 15 16° 17. & 18. les lèvres de Ia plaie avancèrent , les bourgeons des futures, & celui qui étoit forti de l'os, crürent ; les os étoient d’une très-belle couleur. Le 19. il fortit de l'os un autre petit bourgeon qui chaffa encore devant lui la petite lame qui y répondoit. Les chairs crûrent de toutes parts les neuf jours füivans; elles étoient belles, les bourgeons étoient vigoureux. Le 29.° il fe détacha une petite lame offeufe qui avoit à peine une demi-ligne de large & trois lignes de long. Les remèdes gras, bien loin d'être fi ennemis des os, que quelques Auteurs célèbres fe létoient imaginé, ont au con- traire paru leur être plus favorables dans cette expérience que les fpiritueux ne favoient été dans la précédente, ils en ont mieux confervé la couleur, les chairs fe font plutôt jointes aux os, le cercle rouge a été plutôt formé, les bourgeons des fatures & ceux qui s'avançoient de la circonférence, fe font plutôt accrus; ils étoient mieux nourris & plus forts que dans l'expérience précédente; enfin lexfoliation étoit beaucoup plus foible &, pour ainfi dire, imperceptible. En effet, quoiqu'il fe foit détaché une très- petite parcelle le 29. c'eft-à-dire, deux jours plus tard que dans la première expérience, le tout cependant étoit dans un meilleur état, & fa plaie plus avancée dans le chien, traité avec du bafilicum, que dans celui qui avoit été panfé avec les fpiritueux. I étoit donc naturel d'imaginer, après ces réfultats, que les onétueux & les humectans faifoient moins d'impreflion. fur les os que les fpiritueux & les defféchans. Je fis diverles ex- périences pour m'aflurer de plus en plus de ce fait; les unes, tendoient à tenir les os dans:le defféchement, & les autres à les tenir continuellement humectés ; & comme on s'eft, fouvent plaint dans la pratique, de l'impreflion. que LE & lé froid BbD ï 380 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE faifoient fur les os dans le traitement des plaies où ils font découverts, je pris de-à occafion d'éprouver ce qu'on devoit imputer à lun & à autre. C'eft pourquoi de cinq chiens que je mis en expérience, l'un fut panlé avec du plâtre, je laïflai la plaie de l'autre ex- pofée à l'air, je touchai les os du troifième avec de l'eau mer- curielle, le quatrième fut traité avec de l'eau froide, & je me fervis d'eau chaude pour le cinquième : rendons compte de ces cinq expériences. IGN CE RUE CE RRIEDIE ÉNACAE: Je me perfuadai que le plâtre bien defléché & tamifé, appliqué fur les os, faifnoit l'humidité qui en fuinteroit, ma furprife fut grande, je avoue, à la levée du premier appareil, de trouver entre les os & le plâtre qui s’étoit maftiqué, une grande quantité de fluide féreux, fétide & vert : en obfervant la quantité de ce fluide, je ne pus me refufer à une foule de réflexions fur lignorance où nous fommes de la manière dont la Nature opère cette produétion furabondante, fur la quantité de cette diflipation extraordinaire, fur fes effets par rapport au traitement des plaies, fur les changemens que peuvent oc- cafionner dans la matière de ces écoulemens, divers procédés & l'application de différentes fubftances; mais ces points de vue font étrangers à celui qui nous occupe à préfent, & je ne puis m'y livrer ici. Pour me renfermer dans l’objet de ce Mémoire, je dirai que l'os étoit blanc au milieu de la dénu- dation, rouge, ou plutôt couleur de lilas, à la circonférence. A chaque panfement je remettois de nouveau plâtre, le troifième jour 11 y avoit encore un amas confidérable de féro- fité verdâtre; je crus que cette férofité avoit fuinté des vaifleaux de los, qui étoit beau : il fortit la valeur de deux ou trois gouttes de fang de quelques points de fa fürface; les chairs étoient molles fans être d’une mauvaife couleur. Du 4.° au 6.° on trouva tous les jours, à la levée de T'ap- pareil, environ une cuillerée de férofité qui avoit la mème DOS ONCTENCES 38r eouleur & la même odeur que les jours précédens; les chairs étoient belles, des bourgeons poufsèrent le long de la future fagittale. _ Le 7° & le 8. l'os étoit beau, de nouveaux bourgeons parurent encore dans la future fagittale, les anciens crürent beaucoup , les chairs de la circonférence s'avancèrent , toujours précédées d'un cercle rouge comme dans la première expérience; nouvel amas de férofité ce jour-là, mais moins confidérable que les jours précédens. Le 9.° toute la furface des os, du côté gauche, étoit plus haute d’une ligne que celle du côté droit; je portai fur elle le bout d'une fonde, & l'os plia. Les 10° 1 1. & 1 2.° les bourgeons des futures & les chairs de la circonférence s’étendoient de plus en plus en s'avançant fous les bords de la lime qui devoit s'exfolier ; cette lime étoit un peu folide au centre, mais flexible & moins épaifle près des chairs ; elle diminuoit de jour en jour, à mefure que les chairs croifloient & savançoient fous elle. Le 13. lexfoliation du côté gauche alloit tomber , je l'enlevai ; elle étoit beaucoup plus petite que je ne l’avois obfervée le 0° & le 10°, le côté droit étoit toujours moins élevé; la fonde, portée fur l'os de ce côté, le faifoit plier, le chien étoit fenfible à cette compreflion : les chairs crürent. Du 14. au 18. les chairs crürent de plus en plus. Le 19. le côté droit s'exfolia, & l'exfoliation étoit encore plus petite que celle du côté gauche: ces deux exfoliations étoient plus foibles & moins larges que celles de la première expérience & un peu plus fortes que celles de la deuxième. Je ceffai alors de mettre du plâtre, & je panfai aveë du La- filicum. Les chaïrs crürent promptement, & es bourgeons qui avoient pouffé des futures, de la furface de los & de la cir- conférence , s’unirent tous enfemble & firent corps : le tout fut terminé le 20.° Ce feroit trop nous éloigner de notre objet que de raifonner ici fur tous les points intéreffans que préfente cette obfervation , Bbb ijj 382 Mémoires DE L'ACADÉNIE ROYALE il me fuffira de faire remarquer que os s'eft bien confervé, que les chairs ont crû dans les futures plus promptement qu'elles n'avoient encore fait dans les procédés employés juf- qu'ici; que l'exfoliation , qui s’eft faite à deux termes différens (le 13 & le 19), étoit plus petite que celle de la premiere expérience faite avec F'efprit de vin; que de plus, cette exfo- lation de notre expérience s’étoit faite fur un côté quatorze jours & fur autre huit jours plus tôt que dans cette même ex- périence avec l'efprit de vin; enfin que les chairs, qui pouf sèrent promptement &. de toutes parts, abrégèrent li cure de cette maladie. Cette expérience , que J'avois tentée pour tenir les os dans le defléchement, eut un effet bien différent, puifqu'ils furent au contraire toujours humeétés, & je ne fais fi on pourroit attribuer à autre chofe qu'à l'humidité tous les avantages que nous venons de remarquer; ceft ce dont quelques-unes des expériences fuivantes nous mettront mieux en état de juger. Voyons maintenant fr nous procurerons plus fürement le defléchement des os, en les laifflant expolés à l’impreffion de l'air fans y rien appliquer. ENÉOE ERNBUÉ RTE AUNN € IE Le 2.° jour l'os étoit fec & les chairs étoient froncées. Les 3. 4° 5° 6° 7° & 8 l'os étoit fec & légèrement brun, les lèvres de la plaie étoient couvertes d’une grande quantité de fuc lymphatique defléché, brun & luifant; ce fuc inis dans l'eau pendant deux heures , fut diflout en petits flocons blancs: le même fuc, mis dans de l'eau de vie pendant un pareil efpace de temps, ne fut pas difiout. Du 9 au 19. toute la furface de l'eau fut brune, les lèvres de la plaie étoient couvertes d'une croûte de lymphe épaiflie qui les défendoit des impreffions de l'air: les fucs les derniers {ortis & encore fluides, s’amaffoient fous cette croûte & tenoient les chairs: humeétées & belles : les chairs crürent un peu à la faveur de cet admiable artifice de la Nature; FAC ROOMS PS RE PE DES SCIENCES. 83 je retardois leur progrès, en enlevant la 1ymphe dont elles étoient recouvertes, Du 20. au 29. los étoit toujours fec & légèrement brun : il s'étoit couvert d'une lymphe épaiflie que j'enlevai, il n’étoit crû pendant toute la cure aucun bourgeon dans la future fagittale comme il en étoit crü dans les expériences précédentes : cet animal étoit fenfible alors à la compreffron que je faifois für l'os. Le 30. il { fit une exfoliation de toute la furface de l'os qui avoit été découverte ; cette exfoliation étoit beaucoup plus épaifle que toutes celles que mes expériences m'avoient pré- {entées jufqu'alors. On voit que l'aétion de fair qui a continuellement frappé les os, a non-feulement altéré leur couleur, empéché la for- mation du cercle rouge & la crûe des bourgeons, mais qu'il a aufli retardé de progrès des chairs, procuré une exfoliation plus forte & plus étendue, & qu'en même temps il en a re- culé le terme. Tel a été l'effet produit par Fair fur ces os; effet qui doit paroître bien confidérable fr on compare cette expérience avec la feconde & la troifième , dans lefquelles les os ont été “bien confervés & où l'exfoliation a été très - foible, Dans Ja troifième expérience en particulier , les chairs étoient crûes promptement dans les futures & à la circonférence ; l'exfolia- tion s'étoit faite le 1 3.° & de 19. tandis que dans cette ex- périence-ci elle fe fit feulement le 3 0°: je crus devoir attribuer à la fécherefle qu'on avoit remarquée pendant toute la cure la différence étonnante qui fe rencontre entre les deux termes de ces exfoliations, & cette idée me parut d'autant plus vrai- femblable, que dans ceite dernière expérience aucun bourgeon ne sétoit échappé des futures; circonftance digne d'attention, parce qu'elle n'arrive que rarement, & parce qu'elle femble indiquer jufqu'à quel point la féchereffe arrête l'opération de la Nature dans h guérifon de ces fortes de plaies. On en jugera peut-être différemment , & peut-être même fera-t-on furpris , d'après les craintes que l’on a des dangereux effets de Fair, qu'il n'y ait point eu de plus grande différence 384 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE entre le terme de l'exfoliation de cetie maladie & celui dé l'exfoliation des os du chien traité avec l'efprit de vin: dans l'exprience qui fut faite avec l'efprit de vin, les os s'exfo- lièrent le 27°, dans celle-ci le 30.°: la première de ces plaies fut traitée fuivant la méthode reçue & felon les règles de l'art; on n'eut dans la deuxième aucun foin des os ni des chairs, la plaie fut abandonnée à la Nature, & la Nature fut même interrompue dans fes opérations, lorfque j'enlevai les fucs ymphatiques qui couvroient les chairs de la circonférence de Vos dépouillé, En fuppofant que dans ces deux animaux , les os euffent à peu près la même difpofition pour l'exfoliation , il réfulteroit de ces deux faits lhumiliante conféquence, que la méthode employée jufqu'ici pour la cure des dénudations , n'a que de foibles avantages (je ne dis pas fur la Nature } mais fur la Nature livrée à elle-même & dans les circonflances les plus défavorables : les expériences 2.° & 3.° femblent déjà nous indiquer une méthode moins défavantageufe: la füite de ce Mémoire nous fera connoître jufqu'où nous pouvons efpérer de porter nos fuccès. Voyons d'abord quel effet aura produit l'eau mercurielle *, VASE RD MROTINE NICE Ayant étendu de l'eau mercurielle fur les os du cräne avec un pinceau de linge, ayant même touché avec cette liqueur les chairs de la circonférence de la dénudation -pour les contenir, afin de mieux voir ce qui arriveroit à l'os, je couvris la plaie de charpie & de comprefles. Le 2.° les os étoient fecs & bruns, le chien avoit beaucoup fouffeit , les lèvres de la plaie étoient gonflées & blanches, le gonflement s'étendoit jufqu'aux paupières ; je touchai pour la féconde fois les os avec l’eau mercurielle, Du 3 au 16. les os étoient bruns, le gonflement des lèvres diminua, les chairs étoient päles. * L'eau mercurielle eft une diflolution de mercure dans ’efprit denitre, que l'on afoiblit quelquetois dans fept ou huit parties d'eau commune. Le BES ScrENCEs. 385 Le 17.° l'os tiroit fur une couleur de brique ; je le touchai, ainfi que le jour fuivant , avec l'eau mercurielle, Du 19. au 2 3° l'os fut fec, noir & raboteux , les chairs des bords de la plaie étoient pàles & ne croifloient pas. Du 24 au 30.° la même chofe, los vu à la loupe paroifloit garni de grains de fable. Le 31. l'os étoit toujours noir & fec, les lèvres de Ja plaie paroifloient vouloir fe borner & fe cicatrifer à la circon- férence de la dénudation , les chofes reflèrent dans le même état pendant encore cinquante-huit jours ; ce ne fut que dans ce temps-là , & le quatre-vingt-neuvième jour, que fe fit l'ex- foliation ; il fe détacha une lame encore plus épaife que dans la dernière expérience, de toute Ia furface des os, I! y avoit fous cette lame des bourgeons rouges & comme charnus , qui crürent aflez vite après la chute du feuillet offeux : le refte de la cure fut bientôt fini. ? Cette expérience & la précédente, qui furent faites pour - tenir les os dans le defléchement , & pour juger de l'impreffion de l'air & de l'action de l'eau mercurielle, démontrent à quel point ce qui defsèche & ce qui corrode , agiflent fur les os ; elles apprennent encore que plus le defféchement ou lalté- ration ont été profonds , plus la lame exfoliée eft épaifle & lente à tomber. Voyons préféntement quel eft fur les os l'effet des fimples humectans. VIS EXPÉRIENCE Chien panfé avec de l'eau froide. Le 2. jour du traitement, los blanchit un peu , les chäfrs étoient päles. Le 3° il parut un point rouge dans da future fagittale, les chairs étoient pâles, & l'os blanchit davantage. Je voulus faire fervir cette expérience à l'examen d'une mé- thode propofée par Bellofte, par laquelle il croyoit éviter en- tièrement lexfoliation ; cette méthode confifte à perforer les Mn. 1758, + Cec 386 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE os du crâne ju‘qu'au diploé ; ce qui donne lieu à la formation des petits bourgeons chanus, qui en fortant des trous faits à Vos, le recouvrent afiez promptement. D'autres obfervations plus récentes * nous apprennent qu'on a employé avec fuccès la même méthode pour favorifer l'ex- folition : ces réfultats contradiétoires d'un même procédé , me faifoient naître des doutes que l'expérience fule pouvoit lever. Je fis donc le 3.° jour fix trous, placés à deux lignes lun de l'autre fur la partie gauche du coronal; lun dés trous étoit profond, il en fortit du fang, quelques-uns pénétroient affez avant dans los, fans pourtant aller jufqu'au fang, les autres étoient fuperficiels: on verra par la fuite les raifons qui ont donné lieu à cette conduite ; on faura, en attendant que , moyennant cette difpofition, je me mettois en état de juger de ce que doit opérer fur les os la méthode de Bellofte, quand les trous pénètrent inégalement fans que cela interrompit mes vues, puifqu'il ny avoit rien de changé dans la partie droite du coronl : on obfervera qu'elle étoit féparée de la gauche par la future. Le 4.° les chairs des environs dé la phie s'attachèrent à los qui rougit dans l'étendue d'une ligne où deux devant elle; je vis en découvrant cette plaie, que la charpie qui étoit def- féchée tenoit à l'os par quelques filets blancs qui fé rompirent, il parut de nouveaux points rouges dans la future fagittale. Le 5. le cercle rouge qui précédoit les lèvres de la plaie, avança fur los, les chairs avancèrent aufli, elles étoient pâles, les grains charnus des futures avoient profité, & l'os avoit rougi à leur circonférence, le milieu étoit blanc. Le 6. le chien s'étoit tourmenté & la phie étoit découverte, je trouvai l'os un peu fec, les bourgeons des futures & ceux des lèvres pâles, le cercle rouge qui le précédoit étoit moins vermeil. Je fis arrofer la phietrois fois dans la journée, je remarquai que l'os étoit mieux le foir ; un bourgeon parut dans le trou qui avoit faigné, le trou le plus profond après celui-ci, étoit rempli * Voy. fur ce fujet une Obfervation de M. Turfan, au 1.7 Volume des Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie, Pars, IL, p. 97sin-12+ NV AE DPEISVIBRENUTE N_C;E S& - 387 d'une matière gélatineule, il ne paroifloit rien dans les autres. Le pariétal droit étoit tacheté de points rouges encore profonds, les bourgeons de la future fagittale fe multiplièrent & groffirent. Le 7.° l'angle antérieur & fupérieur du pariétal gauche étoit recouvert d'une légère pellicule charnue; cette pellicule étoit furmontée par les chairs de la circonférence, par les bourgeons des futures, & par ceux qui étoient fortis d'un des trous; elle fembloit tirer fa fubfiftance du voifinage de ces bourgeons avec lefquels elle communiquoit, car elle étoit plus épaiffe dans les endroits où elle s'unifloit à eux, & plus mince à mefure qu'elle s’en éloignoit, le glren que j'avois obfervé dans l'un des trous y étoit encore. Il ne parut rien dans les quatre trous les moins profonds, le coronal droit & le refte du gauche étoient d'une couleur de perle, & les chairs de la circonfé- rence s’'avançoient vers le centre. Le 8. les chairs des bords avancèrent beaucoup fur l'os, elles fe joignirent à celles qui avoient pouflé de l'un des trous . & à celles des futures. La pellicule qui étoit fur le pariétal gauche s'épaifit & s'étendit, il ne fortit toujours rien des autres trous, les os rougirent. Les 11 12.° & 13. les os rougirent davantage, & les chairs s'avancèrent,. Le 21. une foible lame offeufe fe détacha de deflus fa partie droite du coronal, il en tomba une autre de deflus la partie gauche; il y AVOIE au milieu de celle-ci un des trous fuperfciels qui avoit été fait avec le perforatif & à la cir- “conférence deux moitiés de trous, les os étoient couverts de bourgeons qui crürent fi promptement, qu au bout de huit jours on ne mit plus rien fur la plaie; je pafle à l'expérience faite avec de l'eau tiède. NÉDÉPERRCR LE" R TE NC E! Les os avoient confervé leur couleur de perle, & les chairs étoient belles le 2.° & le 3° Le 4° les chairs étoient liées aux os, Ccci 388 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Ée 5. les os étoient tachés de points rouges, on remar- quoit un beau cercle rougeätre à la circonférence de la dénu- dation devant les chairs qui étoient belles, Le 6. des bourgeons crürent dans les futures, los étoit d'un beau rouge , le cercle vermeil rétrécifloit de jour en jour, & les chairs s'avançoient vers le centre, elles étoient un peu rouges, . Le 13° les os fe trouvèrent couverts d'une légère couche de bourgeons charnus qui fe fortifièrent les jours fuivans, &c qui étoient crûs, fans qu'on aît aperçu la moindre exfoliation. L'eau froide, dont on s'eft fervi dans la fixième expérience, a changé la couleur rouge & perlée des os en blanc, & a toujours tenu les chairs päles ; fans doute que c’eft à la fraicheur du fluide qu'il faut attribuer ces effets, puifque dans celle-ci où je me fuis fervi d'eau tiède, les os ont confervé leur belle couleur, & que les chairs en étoient plus vermeilles. Voilà donc à peu près limpreffion que produit le froid fur les os, impreffion que l’on fent devoir être plus où moins confidé- rable, fuivant le degré de fon intenfité. Quelle que foit l'action du froid , elle n'a cependant empêché ni le développement des chairs, ni la crûe des bourgeons dans les futures & dans lun des trous que j'avois percé , ni retardé Yexfoliation qui s'eft faite plus tôt que dans l'expérience à lefprit de vin. - Je conviens que l'humidité pourroit avoir eu grande part à ce bien-être, & qu'elle pourroit peut-être avoir tempéré les effets du froid ; il eft du moins certain qu'après avoir mouillé la plaie trois fois dans une journée , Fos & les chairs qui avoient fouffert parce qu'elles avoient été découvertes , fe ranimèrent; ce qu'il y a encore de très-certain, & ce qui femble ne devoir hifler fubfifter aucun doute touchant les avantages de l'humi- dité, ce font les effets furprenans qu'elle a opérés dans l'expérience feptième, où je n'ai fait ufage que d'eau tiède, & où on fe rappelle que les os confervèrent leur belle couleur pendant toute ka cure, que les chairs ne furent pas plutôt liées aux os, qu'on vit paroître devant elles un beau cercle rouge ,& qu'elles 4 4 h DIF SUIS COTE NC E/S 389 ‘rûrent fi promptement de la circonférence au centre &'dans les futures, que dès le r 3.° de la maladie, ces os étoient re- couverts d'une légère couche charnue. Tous les avantages d'un médicament auffi fimple m'enga- gèrent à y avoir recours pour une perfonne qui s'étoit découvert les os du crâne de la largeur d'une pièce de vingt-quatre fous, je me fervis, non pas d'eau tiède, parce que malheureufement il faut donner quelque chofe à la crédulité, mais d'une infufion de fleurs de guimauve. Les os furent couverts en vingt-fix jours, fans qu'on ait aperçu d'exfoliation. Plus je réitérois ces expériences tentées avec les humectans employés fur les os du crâne, plus j'avois lieu d'applaudir à leur fuccès ; & comme je n'avois encore rien aperçu de fi parfait que ces deux dernières cures qui avoient été terminées très-promptement & fans exfoliation apparente, je crus devoir en attribuer tout l'effet à l'humidité & à la chaleur, je ne devois plus avoir de doute à former à ce fujet après des fuccès auffi conflans; mais on n'ignore pas ce que de longs ufages & de grandes autorités ont d'empire fur tous les hommes. Comment les fpiritueux fr généralement employés, recom- mandés par les plus grands hommes pour la cure de ces maladies, auroïent-ils ft conflamment prévalu fur tous les avan- tages que femble offrir une claffe de médicamens d'un genre oppolé? j'avoue que fr cette réflexion ne me ramena pas à douter de ce que j'avois vu, du moins me conduifit-elle à vouloir m'en convaincre par de nouvelles expériences ; prévenu des bons effets que l'humidité & la chaleur produifoient fur les os, j'imaginat d'employer un cataplafme de plantes émol- lientes & d'eau. On a dû remarquer que j'ai rompu plufieurs fois, enlevant la charpie de deffus la plaie, de petits filets blancs qui tenoient aux os; la rupture de ces petits filets me fit fouhaiter qu'on püt fe pafler de charpie dans ces panfémens, Un autre inconvénient que je trouvois encore à m'en fervir, étoit la crainte que j'avois qu'en comprimant les vaifleaux & les chairs elle s'opposät à {eur développement , le cataplafme Ccciij 90 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE avoit donc ce double avantage d’éloigner la charpie des pan- femens, & de tenir les os chaudement & continuellement humectés, VLII "EX PIE RIT 'EVNICLE, Dans laquelle on s'efl [ervi de cataplafne. Le 2.° jour l'os étoit de la plus belle couleur, & les chairs en bon état. Le 3.° les chairs fe lièrent à l'os, elles étoient précédées d'un cercle rouge. Le 4° on découvrit un point rouge dans la future, les chaïirs avancèrent, l'os étoit très-beau. Le 5. le point rouge des futures groffit, ilen parut d’au- tres autour defquels los rougifloit; l'os étoit toujours de la plus belle couleur & les chairs dans le meilleur état, quoiqu'un peu molles. Du 6.f au 9. los, chaque jour , devenoit plus beau; il fut couvert le 10.° d'une légère pellicule charnue, & on n'aperçut pas la moindre exfoliation. De puiflantes autorités & un long ufage ont pu nous ar- rêter un peu; mais ce feroit fe refufer à l'évidence que de ne pas reconnoître préfentement les avantages de l'humidité & de la chaleur dans le traitement des plaies où les os font découverts, Les humectans ont donc confervé les os mieux que les defléchans;_ils ont donc été plus favorables au développement des chairs, à la crûe des bourgeons; ils ont plufieurs fois guéri fans exfoliation, du moins apparente; & lorfqu'ils en produi- {vient une, elle paroifloit toujours moins épailie, & la chute en étoit plus prompte que lorfqu'on avoit employé les deffé- chans & les fpiritueux. Convenons donc que de ces deux clafles de médicamens, ee font les humectans qui font le moins d'impreffion fur les os. Convenons auffi que les humectans ont été plus favorables dans les expériences au développement de la fubflance qui croit fur les os que les fpiritueux, DES SCTENCES, 39r C'eft une vérité de fait à laquelle 1 raifon foufcrit: effec- tivement l’eau de vie, l'efprit de vin, la teinture de myrrhe, d'aloès, &c. dont on fe fert fi généralement dans le traitement de ces maladies, refferrent les chairs, froncent les vaiffeaux, les préparations anatomiques confervées dans les liqueurs fpi- ritueufes fe raffermiflent, les plaies panfées avec ces médica- mens rougiflent , leurs grains font plus petits & plus folides, la lymphe, comme nous l'avons vu, au lieu de f difloudre dans ces fluides s'y épaiflit & s'y coagule, la même chofe doit donc arriver aux fluides lymphatiques & à la fubflance bour- geonnante foumis à faction des fpiritueux dans le traitement des dénudations. Attribuerons- nous donc aux fpiritueux & aux humedtané les effets oppolés que nous avôns aperçus ? ou pour rendre plus clairement mon idée, les fpiritueux provoquent-ils l’exfo- lation, les humectans en préfervent-ils? Si nous jugeons de ce qui s'eft paflé dans nos expériences 7< & 8% par le premier coup d'œil, nous fommes fondés à penfer que les humeétans nous en ont garantis, car nous n'avons pas aperçu la moindre exfoliation. Si nous en jugeons d'après les phénomènes qui ont déter- _ miné à croire qu'il ne s'étoit point fait d'exfoliation dans les obfervations de M. Ruifth, Rouhault & de la Peyronnie, nous fommes encore autorilés à croire qu'il ne s'en eft pas fait dans ces expériences. Ces phénomènes font que les chairs croifloient de la cir- conférence au centre, & qu'elles étoient précédées d’un beau cercle blanc qui vivifioit l'os. Nous avons vu que les chairs croifloient de même de la circonférence au centre, & nous les avons auffi vues précédées d'un beau cercle rouge. qui sétendoit fur les os. Nous fommes encore fondés à croire qu'il ne s'eft fait aucune exfoliation dans nos dernières expériences. D'après cette règle que nous donne un Auteur célèbre, « un bon Praticien. peut facilement diftinguer les cas, dit cet excellent Auteur, « où il fe fait une exfoliation infestible de ceux où il ne s'en « ” » État des Os de fa 1.7 Expérience, 992 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fait point; car dans le dernier cas, ce font les bords de fa plaie qui viennent peu à peu recouvrir Fos ...........; mais. lorfque l'os s'exfolie, la chair fort de la furface de l'os même ». Dans {es expériences 7° & 8.° les chairs crürent de Ja circonférence au centre, & on ne les vit pas fortir de Vos, nous ferions donc pleinement autorifés à croire que nous avons évité l'exfoliation, & que par conféquent les os privés de leurs iégumens ne s'exfolient pas toujours. Entraîné par ces expériences & par ces autorités, j'avoue que je crus avoir évité l'exfoliation, mais une nouvelle épreuve à laquelle je foumis tous ces os lorfqu'ils furent recouverts, n'a convaincu du contraire. Je détachai les têtes des animaux qui avoient fervi à mes expériences, je les fis macérer jufqu’à ce que les chairs crûes fur la dénudation, fuflent pourries & tombaffent d’elles-mêmes, Jeus grand foin d'éviter de porter fur os aucun inftrument; on auroit pu prendre les impreflions qu'il y auroit faites pour les veftiges de l'exfoliation, & je voulois éviter tout ce qui pouvoit donner lieu à quelques erreurs; fi les os ne fe font pas exfoliés dans les cures où nous n'avons pas aperçu d'exfo- lation , nous devons les trouver auffi liffes, auffi ferrés & auffr élevés dans le lieu de la dénudation qu'ils le font dans les endroits où ils n'ont pas été découverts; la furface de ces os doit être dans un état différent de celui des os où nous fommes certains qu’il s'eft fait une exfoliation. Que ma furprife fut grande, après cette préparation, de voir qu'il manquoit fur chacune de ces têtes une lame plus ou moins épaifle ! Une légère defcription de l'état de ces os, fuffira pour faire connoître les changemens qui y font arrivés. ETAT où fe fon trouvé les Os des Expériences ci-deffus, Je prie qu’on fe rappelle que l'exfoliation de l'expérience à l'efprit de vin parut beaucoup plus étroite que la furface des os qui avoient été découverts. Cependant après la macération, toute la furface de la dénudation di Em SNS Ci EN CES: 393 dénudation étoit inégale & raboteufe ; la lame extérieure & life des os étoit détachée , & la fubftance cellulaire découverte. Dans l'expérience faite avec le bafilicum , l'exfoliation fut État des Os de prefque imperceptible, la macération fit voir qu'il s'en étoit te, cependant fait une de toute la furface des os qui avoient été découverts ,.ce qu'on pouvoit inférer d’une érofion aflez pro- fonde qu'on remarquoit fur ces os. J'avois obfervé en traitant le chien pan£é avec le plâtre, qu'il État des Os de s’étoit détaché un feuillet offeux de 1a furface entière de la dénuda- be Ps tion, & que les bordsde cette exfoliation, qui étoient très-minces, fe détruifoient à melure que les chairs faifoient du progrès. Je ne fus donc pas furpris, après la macération, de trouver toute la furface des os inégale; on obferve dans cette pièce que l'érofion eft plus profonde d’un côté que de l'autre. Ï fe fit dans le traitement de fa plaie, dont les os furent État des Os de foumis pendant toute fa cure à l'impreffion de l'air, une ex- Expérho foliation fur toute la furface des os: on en découvre les traces fur la tête, . L'eau mercurielle donna lieu à une forte exfoliation qui fe État des Os de détacha de toute la furface des os qui avoient été denudés : Be après la macération, on en découvroit toutes les traces, elle avoit même été fi épaifle dans quelques endroits , que les os ‘en étoient percés. On fait que fexfoliation qui s'étoit détachée de deflus Ja Étrr des Os &e- tête traitée avec l'eau froide, étoit mince & étroite. On fe Expéiènee. fouvient que j'avois fait fix trous fur le coronal gauche, que dans l'exfoliation qui fe détacha de ce côté, il y avoit un trou au milieu & deux échancrures ou moitiés de trous fur les bords de cette pièce. Après la macération on ne découvroit que des inégalités, des éminences, des enfoncemens : ces inépalités font moins hériflées de pointes que dans les autres expériences, parce que je ne fis tuer le chien que long-temps après, en ayant eu befoin pour d’autres épreuves, & on a peine à trouver quelques veftiges des trous que j'avois faits avec le perforatif. Nous aurons occafion de voir à la fuite de ce Mémoire, Mém. 1758. . Ddd État des Os de dr. Expérience. État des Os de la 8.° Expérience, 394 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE que lorfqu’on fait macérer les têtes peu de temps après que les os font recouverts, l'on obferve ces trous, mais que les bords en font exfoliés; fi on laïifle vivre l'animal quelque temps de plus, les bords de ces trous, qui étoient vifs, s’arrondiffent ; & fi on le laifle vivre quelques mois, ils difparoiïffent comme dans cette expérience. Le chien traité avec de l'eau chaude fut promptement guéri, on n'aperçut pas la moindre exfoliation; les chairs, comme je Jai remarqué, crürent de la circonférence au centre; elles étoient précédées d'un cercle rouge: en un mot, je croyois qu'il ne s'étoit pas fait d’exfoliation, & j'étois fondé pour le croire, fur les meilleures autorités ; cependant après la macé- ration les os n'étoient plus lifles à l'endroit qui avoit été dé- couvert; ils étoient poreux, on obfervoit une efpèce d'érofion à leur furface. Dix jours fuffrent pour recouvrir les os d'une légère couche charnue dans l'expérience qui fut faite avec le cataplafme: les chairs crürent de la circonférence au centre; elles étoient pré- cédées d’un cercle rouge, l'os lui-même fut toujours plein de vie & beau; on n'aperçut pas la moindre exfoliation. Après la macération on découvrit une impreflion, une lévère érofion, qui faifoit juger que l'exfoliation qui s’étoit faite avoit été très- fine, mais cependant qu'il s'en étoit fait une. On aperçoit fur tous les os qui ont été découverts dans ces différentes expériences, que perfonne n'avoit tentées avant nous, que leur fuperficie , au lieu d'être unie,comme dans l'état naturel, eft fort inégale & raboteule, ce qui n'offrira rien de furprenant dans tous les cas où il y a eu une exfoliation fenfible , car il eft vifible que ces inégalités réfultent de la féparation d’une lame offeufe d'avec le refte de l'os ; mais l'explication de ce fait paroît plus embarraffante dans les cas où il n’y a point eu d'exfoliation fenfible, car on auroit dû s'attendre à le trouver à fa furface dans Yétat naturel, à moins qu'on n'attribuât ces inégalités à la crûe des bourgeons qui avoient pouflé des futures, des trous que j'avois faits fuivant la méthode de Bellofte, & , dans certaines cir- conflances , de l'os même; il eft naturel de concevoir que toutes HN SYNC EUN © E se 395 ces productions, venant à {e joindre, ont fait ces impreffions, & ont peut-être détaché quelques lames offeufes qui font difparues infenfiblement, ou plutôt font le réfultat d’une décom- pofition qui s’eft faite pendant la cure à la furface de ces os. Car enfin , pourquoi découvre-t-on de femblables inégali- tés fur les têtes où on n’a pas remarqué qu'il fe füt fait d'exfo- liation ? pourquoi ds os ne font-ils plus lifles & polis à leur furface, comme ils étoient auparavant? pourquoi dans les têtes où la pièce, exfoliée & fenfible, n'a pas été auffi large que la dénudation, trouve-t-on fur toute la dénudation les mêmes vefliges & les mêmes inégalités que dans l'endroit d'où on fait qu'il s’eft détaché un feuillet offeux, & les mêmes que dans les expériences où on fait que toute la dénudation s’eft exfoliée? Pourquoi enfin dans tous ces cas la cicatrice eft-elle également adhérente aux os? n'eft-ce pas qu'il s'eft fait une exfoliation, ou du moins une décompofition dans les expériences où je croyois l'avoir évitée? & n'eft-ce pas qu'il s'en eft fait une fur toute la dénudation, quand je croyois n'en avoir obtenu qu'une tiès -étroite. Si je n'avois à combattre qu'une opinion peu accréditée ou foutenue par des hommes ordinaires, j'avoue que peut-être je me ferois contenté de toutes ces preuves, mais {1 elles font de quelque prix, je fens que je ne faurois trop les étayer ni faire aflez d'effort contre un préjugé appuyé d'autorités auffi refpec- tables. Il faut donc rendre compte encore de quelques faits, par lefquels j'ai tâché de mettre la vérité dans un nouveau jour. Je fuis revenu à la Nature; j'ai répété quelques-unes de ces expériences , j'en ai même tenté de nouvelles; je me bornerai à rendre compte de leurs rélultats. OUR nr DE RE EN Cor. Je panfai un autre chien avec l'eau tiède; on ne put con- tenir l'appareil {ur la plaie, parce que l'animal fe tourmentoit beaucoup ; aufli fe fit-il une exfoliation le 30°, elle étoit flexible & molle, épaifle comme la pelure d’un oignon & large comme une lentille. S'if ne s'étoit pas fait d'autre exfoliation, Ddd ji 396 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE Je n'aurois dû trouver fur le crâne de cet animal qu'une im= preffion proportionnée à ce feuillet, cependant je découvris, après la macération, que non-feulement toute la furface de l'os s'étoit exfoliée, mais encore que l'érofion étoit fi profonde que les deux tables en étoient ruinées dans quelques endroits. Cette expérience nous fait voir, de la manière fa plus fen- fible, l'extrême différence qui fe trouve entre lexfoliation apparente , qui s'eft détachée fous la forme d’un feuillet pendant le cours du traitement, & la deftruétion réelle de la fubftance offeule qui s'étoit dérobée à nos yeux pendant le traitement, & qui na pu être connue qu'après la mort de l'animal , par l'effet de la macération; elle nous fait voir de plus un com- mencement de décompofition dans la partie même qui s’eft détachée fous la forme d’un feuillet fenfible, puifque ce feuillet avoit perdu la nature offeufe pour devenir flexible & mou: cette circonflance, inconnue jufqu'ici, eft très-importante, elle nous met à portée de démontrer une décompofition ultérieure dans les parties qui peuvent fe détacher de los, & de com- prendre comment l'exfoliation peut n'être pas fenfible dans le cours du traitement, fans en être moins réelle, je veux dire fans que les os en foient moins altérés à leur furface, & même ruinés dans toute leur épaifleur. Ce n'étoit pas la première fois qu'il s'étoit offert à inoi des exfoliations molles & comme mem- braneufes, que j'avois vu fe détacher de la furface des os dé- couverts: j'avois auffi obfervé qu'après être tombées & à mefure qu'elles féchoient,elles fe recoquilloient & prenoient la confiflance & la couleur d'un parchemin. En réfléchiffant {ur ces eflets, je ne fus plus étonné de ce que j'avois vu dans plufieurs expé- riences , & entre autres, dans la troifième, faite avec le plâtre. On peut fe rappeler que dans cette troifième expérience , toute la circonférence de la dénudation avoit paru fous la forme d'un cercle rouge; que ce cercle paroifloit formé par une fubflance comme charnue, qui fe développoit fous une lame offeufe ; que cette lame plioit fous la fonde, qu'elle diminuoit de jour en jour, étant rongée par les bords à mefure que les chairs s'avançoient fous elle ; en forte qu'au moment où elle fe détacha, DES ISACUTIEUN CE: S 397 elle trouvoit réduite à un feuillet beaucoup moins étendu que la dénudation. Le refle de cette lame avoit tellement difparu pendant le traitement , que je n'avois pas même pu en découvrir le moindre veftige avec le fecours de la loupe. Puifque j'avois vu dans d’autres expériences fe détacher des feuillets membra- neux, il étoit vifible que la fubftance offeufe fouffroit du vivant de l'animal une véritable décompolition, & il étoit bien naturel que cette décompofition, dont perfonne n'avoit encore parlé, touchant les os des animaux vivans füt portée encore plus loin, & jufqu’à une diffipation totale de la lame offeufe fi elle étoit plus mince ou {1 elle reftoit plus long-temps expofée à l'action des caufes qui avoient produit ce commencement de décompofition. Je conçus donc que la lame offeufe que j'avois vu difparoître, s'étoit d'abord ramollie, & qu'après avoir été réduite à la con- fiftance de membrane, elle n’en avoit été que plus difpoe à être pénétrée. par les humidités de la plaie & à fe confondre avec elles, en leur donnant une confiftance vifqueufe: je vis, d'une manière très-claire, comment l’exfoliation, ou ft mieux on aime, la décompofition pouvoit être fort confidérable dans Ja réalité, fans pouvoir être aperçue dans le cours du traitement , & je me crus autorilé à conclure que cette exfoliation ou cette dé- compofition avoit eu lieu toutes les fois que la macération m'avoit découvert une deftruction réelle de la première lame offeufe, c’eft-à-dire, dans toutes mes expériences fans exception. Les expériences fuivantes me confirmèrent encore dans cette façon de penfer. Ne MES X UP LENRI VIEN C. E: Je découvris le crâne d’un chien, j'appliquai, pour quelques points de vue étrangers à cet objet, une couronne de trépan à l'extrémité poftérieure de la dénudation, il y avoit une grande furface d'os découverte entre cette couronne & le bord anté- rieur de la plaie, je la panfai comme la précédente, j'apportai beaucoup de foin à ce que l'appareil ne tombât pas, & j'y réuflis ; les chairs crûürent de la circonférence au centre, elles furent précédées d’un cercle rouge, qui diminuoit de: jour en Ddd 398 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE jour, & l'os qui avoit toujours été d'une belle couleur, fut re- couvert le 1 $.* fans qu'on eût aperçu d'exfoliation. Le trépan fut encore quinze jours à fe remplir; après la macération , on découvrit fur les os une érofion, comme dans la v11.° expé- rience; j'obfervai encore que les bords de la couronne du trépan qui étoient à vive-arète lors de l'opération, étoient moufles & arrondis, preuve que les angles en avoient été détruits. Je pañle ici fous filence quelques vues que j'avois eues fur l'ufage des humeétans dans la cure du trépan, pour m'en tenir à l’objet actuel de mes recherches. L'avantage que je tire de ces expériences , c'eft qu'elles multiplient les preuves de fait, qu'on découvre les vefliges de lexfoliation fur les têtes & dans les endroits où on n'a pas dans le cours du traitement remarqué qu'il s'en fût faite aucune. Si ces inévalités de la fuiface de l'os viennent d'une vé- riable exfoliation, quelque mince que cette exfoliation {oit, il eft certainement un temps où elle commence à fe détacher. Si on pouvoit faifu ce moment & qu'on tuñt l'animal fur le champ, peut-être pourroit-on fe procurer la fatisfaétion de la furprendre. Réfléchiflant fur les phénomènes que nous avons fi conf tamment aperçus dans le cours de ces expériences , j'ofai porter mes efpérances jufqu'à me flatter que je pourrois peut-être fafr ce moment d'évidence & de conviction. Je prie qu'on rappelle que dans mes expériences les chairs des bords de la plaie ont commencé par fe replier fur les os à la circonférence de la dénudation ; que peu de temps après ce pre- mier phénomène, on découvrit devant elles & fur los un cercle rouge, que ce cercle rouge n'étoit pas plutôt. formé que les chairs croifloient de la circonférence au centre, & qu'à mefure qu'elles faifoient du progrès, le cercle rouge qui les précédoit toujours, diminuoit de diamètre, Je crus devoir attribuer l'apparition de ce cercle rouge au développement d’une matière quelconque qui commençoit à végéter dans l'épaifieur de l'os, ma première idée fut d'attribuer la première formation de cette matière au développement des DH IS NS Gt EN CE Ss 399 vaifleux de los, j'ai vu dans la fuite qu’il falloit recourir encore à une autre caufe, mais j'entrevoiois toujours que ce cercle étoit l'indice d’une exfoliation qui commençoit à fe faire à la circonférence de la dénudation; pour m'en aflurer, je tentai l'expérience fuivante. XI EXPÉRIENCE Je découvris les os du crâne, je les panfai avec de l'eau tiède ; je donnai aux chairs le temps de {e replier fur les os, & au cercle rouge, qu'on remarquoit devant elles, celui de fe bien former. Ce fut alors que je détachai la tête de l'animal, je la fis macérer , & j'eus le plaifir de voir, après la macération, que je ne m'étois pas trompé dans ma conjecture ; on obfer- voit fur cette tête une pellicule fort mince, elle commençoit à fe féparer du refte de l'os à la circonférence de la dénudation : cette pellicule étoit fi déliée, qu'il n'eft pas furprenant qu’elle eût pu échapper à la vue dans les panfemens. Cette expérience nous apprend que le cercle rouge eft le figne d’une exfo- liation fort déliée qui commence à {e faire; l'expérience fuivante jettera encore beaucoup de jour fur la matière que je traite. DOTIS CE RAP ER UIME NC Te Je découvris les os de la tête du chien; je fis douze trous, de chacun defquels il fortit du fang; je panfai l'os avec le bafili- cum , Ïl fortit des bourgeons de tous les trous, if en pouffa aufli des futures ; les bourgeons de la partie antérieure de la plaie étoient parfaitement joints les uns aux autres & aux lèvres. Le 18° de la maladie, los étoit couvert antérieurement & on navoit point aperçu d'exfoliation ; les bourgeons étoient gros, élevés, mais ifolés à la partie poftérieure de la plaie, en forte qu'on découvroit encore los entre chacun d'eux, il étoit life & vermeil. Curieux de favoir dans quel état je trouverois l'os, je ceflai cette expérience pour faire macérer cette tête, & après la ma- cération Je découvris que la partie antérieure de la dénudation, qui avoit été couverte de chair, s'étoit exfoliée : la partie 400 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE poftérieure, où les bourgeons étoient ifolés, ne s'étoit point encoré exfoliée, mais le feuillet qui s'en feroit détaché, étoit prêt à tomber ; il étoit déjà un peu ruiné dans quelques endroits & cerné à toute fa circonférence. Nous voilà donc éclairés fur la caufe des inégalités que nous avons trouvées fur les os du crâne & dans les endroits où nous n'avions pas aperçu qu'il fe füt fait d'exfoliation , & nous fommes donc convaincus que les os s’exfolient ou fe décompofent toutes les fois qu'ils font privés de leurs tégumens; c’eft ce que nous prouve encore l'expérience fuivante, que j'ai tentée exprès dans une autre affection des os. DATI SM EM MPMENR CTME CNTCUES Je fis lamputation d'une patte de devant à un chien; je couvris les os & les chairs de cataplafme. Ayant obfervé le 1 6° du traitement que les chairs étoient étroitement unies à l'os, je fis détacher cette patte pour la faire macérer; on re- marquoit dans cette pièce , après la macération , la même chofe que dans les deux expériences précédentes, l'exfoliation com- mengoit à fé cerner & à fe féparer; cette exfoliation étoit mince par le bord qui fe détachoit, plus épaifle vers le bout coupé; il y avoit fur l'autre pièce des inéoalités ; l'exfoliation étoit déjà faite. On remarquoit encore que le corps de ces os s'étoit un peu tuméfié, particulièrement du côté où l'exfolia- tion étoit la plus longue. Cetre obfervation eft un fait que j'ai vérifié par un grand nombre d'expériences, dont je ne rendrai pas compte ici, parce qu'elles tiennent à d'autres recherches. Le premier avantage que nous retirons des expériences rap- portées dans ce Mémoire, eff l'éclairciffement de tous les doutes qui pouvoient refter encore fur la queftion, fi l'exfoliation a lieu dans tous les cas. L'état des os que j'ai foumis, après leur guérifon, à la macération, fait voir clairement qu'il y a toujours une exfoliation, ou en d’autres termes, une deftruction de la première {urface de l'os toutes les fois que l'os eft mis à nu & dépouillé de fes tégumens, & cela de toute l'étendue de la dénudation; l'exfoliation molle & membraneufe que la neuvième expérience DES SCcrENcCESs 4Ot éxpériencé m'a préfentée, en prouvant que lexfoliation a été ‘accompagnée d’une décompofition de la partie offeufe ui fe détache, nous fait concevoir comment cette partie peut, à mefure qu'elle fe détache, être tellement détruite , qu'elle fe dérobe entièrement à la vue. Dans la onzième expérience, j'ai eflayé de furprendre l'inflant où l'exfoliation commençoit à £ faire, & j'ai par ce moyen aperçu des exfoliations extré- mement fines qui commençoient à fe cerner à la circonfé- rence de la dénudation, & qui auroient certainement échappé à Ja vue dans le cours du traitement. Il fuit de-à, que le but de l’Artifle , dans le traitement des dénudations , ne doit ni ne peut être d'empêcher l'exfoliation , mais plutôt de feconder cette opération néceflaire de la Nature; cependant il faut bien fe garder d'imaginer que cette exfoliation foit par elle-même un avantage qu'il faille chercher à procurer par des médicamens capables de l'augmenter. On a pu remar- quer dans toutes mes expériences , que moins l'exfoliation a d’épaiffeur & d'étendue apparente, plus elle fe fait promptement & plus tôt la plaie eft guérie. Nous devons donc tendre toujours à diminuer l'exfoliation; à rendre l'exfoliation apparente la moins étendue & la moins épaifle qu’il eft poffible , enfin à la réduire , autant qu'on le peut , à cette exfoliation ou à cette décompofition infenfible & indifpenfable, qu'on s’eflorceroit en vain d'empécher. Tout traitement qui procure une exfoliation apparente, rend l'exfo- lation plus tardive , à proportion de fon étendue’ & de fon épaiffeur ; ainfi tous les remèdes qui agiffent fur les os, doivent être évités foigneufement. Nos expériences confirment pleine- ment, à cet égard, les vues de M. Monro : on voit, par Ja comparaifon de la première expérience avec Îa quatrième, que l'impreffion de fair, fi juftement redoutée pour toutes les plaies, n'eft pas plus nuifible que faction des fpiritueux, fi fouvent employés dans la pratique : le contaét de fair, par la grande évaporation qu'il procure, defsèche les fucs lym- phatiques; les fpiritueux les coagulent , & la guérifon en eft également retardée. Mém. 1758. . Eee 4o2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE On voit, par la cinquième expérience, que rien ne feroit fi dangereux que l'ufage de l'eau mercurielle employée dans les dénudations & dans les caries des os du crâne, fous prétexte de procurer lexfoliation; l'état des os qui ont fervi à cette expé- rience, doit faire frémir tout homme qui,en pareil cas ,a eu le malheur de s'en fervir: l'unique indication que nous ayons à remplir, eft de laïfler agir la Nature & d'empêcher la diffi- pation de l'humidité lymphatique, deftinée à procurer le dé- veloppement des chairs; cette indication eft remplie par les remèdes humeétans, & c’eft effectivement ce que nos expériences confirment. J'entends par humeétans, non-feulement l’eau & les cata- plafmes, mais encore les fuppuratifs, les onétueux & les balfamiques; c’eft même à ceux-ci que je donnerois la préfé- rence, J'en indiquerai les raïfons dans un autre Mémoire. Je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail des différens points de vue que mont fait naître mes expériences fur les caufes de l'exfoliation , fur la manière dont fe régénère, après les dénudations, la fubflance qui doit recouvrir les os , fur les effets de la méthode propofée par Bellofte , pour empêcher Fexfoliation, & fur quelques autres objets. Ces différentes vues feront développées, les unes dans le Mémoire fuivant, les autres dans d’autres Mémoires. RS it coin) ttes DES SCIENCES 40% SECOND MÉMOIRE SUR RCE O LL A TUIA NI DES AO. SL Pa M. EN ee UELQU'AVANTAGE que jaie tiré des humedans, dans le Mémoire précédent, pour hâter la cure des dénudations, j'ai toujours vu, quand j'ai fait macérer vers la fin de la guérifon les têtes des animaux qui avoient fervi à mes ex- périences, qu'il manquoit conflamment un feuillet offeux fur toute l'étendue de la dénudation : la difparition de ce feuillet, foit qu'il tombät fous une forme fenfble ou qu'il fe füt dé- compolé & qu'il fe perdit infenfiblement, na fait conclure que les os récemment dénudés s’exfolioient néceffairement, ou plutôt qu'il fe faifoit toujours dans les dénudations une deftruc- tion de leur furface. Ayant rendu compte de cette première partie de mon travail, il me refloit à examiner un moyen propofé par Bellofte, pour empécher lexfoliation & guérir promptement, comme Îe dit cet Auteur, les plaies récentes dans lefquelles les os du crâne font découverts /a). I! confifte à percer les os du crâne jufqu'au diploé avec le perforatif du trépan : « par ce moyen, dit Bellofte, on donne paffage à un fuc moëlleux, qui en fe figeant le rebouche en peu de temps /4)...... fe conglutine fur l'os en trois ou quatre jours , quelquefois plus tôt ou plus tard & le recouvre entièrement fc). » Tel eft l'expédient par lequel Bellofte, & depuis lui plufieurs autres Praticiens célèbres, ont prétendu avoir évité l’exfoliation ; (a) Differtation fur les os découverts, & fur la manière d'éviter l’exfo- “iation, par Bellofte, dans Pouvrage intitulé, Le Chirurgien d’Hôpital, some Î,p. 85 7 füivantes , édit, de Paris, 1716. (b) Llem, page 87. (c) dem, page 97. Eee i An € A (4 18 Août 1759- 404 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE : cependant des autorités également refpectables & des faits cer ‘tains dépofent que ce même expédient, au lieu de préferver de l’exfoliation, en a quelquefois procuré une (a). Voilà donc une contrariété manifefle dans les réfultats de cette méthode, ce n'eft pas même la feule; & celle dont je vais rendre compte n'eit pas moins remarquable. Bellofte fonde les fuccès de fa méthode fur ce qu’il fe forme dans les trous faits à l'os des bourgeons deftinés à le recouvrir : il eft certain qu'on a vu fouvent des bourgeons fortir de ces trous, mais on a fait auffi des trous aflez profonds pour atteindre le diploé, defquels il n’eft forti cependant aucun bourgeon /b) ; dans ce cas, les os découverts fe font exfoliés, & il a crü des chairs plus profondément que les trous. Des faits aufft contradictoires en apparence, femblent jeter fur ce point important de pratique une incertitude que je ne pouvois trop chercher à éclaircir par l'expérience : je réfolus donc de faire plufieurs fois fur des animaux Feflai de cette méthode, en variant les procédés & les circonftances , afin de découvrir, s'il étoit poffible, les caufes d’une différence fr. confidérable dans les réfultats d’un. même traitement. Je me propofai différens points de vue dans mon travail, le premier, d'examiner s'il eft vrai que la méthode de Bellofte préferve de l'exfoliation dans certains cas & la procure dans d’autres; le deuxième, de rechercher pourquoi l'on voit croître quelquefois des bourgeons dans les trous pratiqués fuivant la méthode de Bellofte, & pourquoi dans d'autres occafions il n'en croît aucuns dans ces mêmes trous ; le troifième, de m'aflurer quelle eft la fource de ces bourgeons qu'on voit croitre dans les trous & fur les os dénués : ces trois queftions font l'objet de ce Mémoire, & j'examinerai dans le fuivant à quel point & dans quelles circonflances la méthode de Bellofte peut être avantageufe dans le traitement des dénudations récentes des os du crâne. (a) Voyez VObfervation de M. Turfän,.au 1." vol. des Mém- de. VAcad. Royale de Chirurgie, édit. in-12 , tome Î1, page 97. (b) Voyez lObfervation de M. Boutentuit, au 1.‘ Volume des Ménu de l'Acad, Royale de Chirurgie, édir, in-12, pare, 11, p: 89 7 Juiv. DES SIÉTENCES 405$ Je crus devoir, avant tout, commencer par examiner l'eflet de la différente profondeur à laquelle on pouvoit porter {a perforation : il me paroifloit naturel de penfer que cette cir- conflance avoit beaucoup de part à la crüe des bourgeons, & mes foupçons étoient fondés fur ce que, dans des cas où l'on n'avoit vu fortir aucuns bourgeons des trous faits jufqu'au diploé, il en avoit crû plus profondément , qui procurèrent une ex- foliation. Pour éclaircir ce foupçon, il fufhfoit de faire quelques ex- périences & de perforer les:os à différentes profondeurs. Voici celles que je tentai à ce fujet.. Je fis fix trous fur le côté gauche du coronal d'un chien, à qui j'avois découvert les os du crâne trois jours auparavant, & que je panfois avec de l'eau froide, pour des raifons dont j'ai rendu compte dans mon premier Mémoire: ces trous pé- nétroient inégalement ; lun étoit profond , il en fuinta tant foit peu de fang; l'autre pénétroit affez avant, moins cependant que le premier, & n'alloit pas jufqu'au fang ; les quatre autres étoient par degrés encore plus fuperficiels & ne donnèrent point de fang. ù Au bout de trois jours, je découvris un petit bourgeon au fond du trou qui avoit été humecté de fang; le trou le plus- profond , après celui-ci, étoit rempli de fuc gélatineux; il ne paroiïfloit rien dans les quatre autres : le bourgeon du trou d'où il fortit du fang, s'élevoit & groffifloit de jour en jour; . il réunit par la fuite à une légère pellicule comme charnue, crüe fur l'os, à des bougeons qui naifloient des futures, & à d’autres qui fe formoient à la circonférence de la dénudation : cet ac- croiflement & cette réunion firent que les bords du trou d'où étoit forti ce bourgeon, fe couvrirent plus promptement que le refle de la dénudation. On -n'aperçut pas, pendant le trai- tement, qu'il fe fit d'exfoliation à la circonférence de ce trou; . il ne pouffla aucun bourgeon pendant toute la cure dans. les - cinq autres trous. Le 21.° jour de l'expérience, c'eftà-dire, le 18.° de la perforation, il tomba un feuillet 6fleux de deffus . la partie droite du coronal, il en tomba un autre le même jour : Eee üij. I cre EXPÉRIENCE: 406 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de deflus la partie gauche ; celui-ci étoit percé d’un trou dans fon milieu, & on remarquoit deux échancrures ou moitiés de trous à {a circonférence, | On auroit dü découvrir fur le crâne de ce chien, après Favoir fait macérer, les refles de ces deux trous, & trois autres trous entiers s'ils ne fe fuffent point exfoliés; on n’en aperçut aucun veftige; on remarquoit feulement fur les os des afpérités qui ne permettoient pas de douter que leur furface ne fe füt exfoliée du côté perforé comme du côté imperforé, & cela dans toute l'étendue de la dénudation, ; Cetie expérience peut commencer à nous donner quelques lumières ; elle nous offre précilément l'exemple de ces contra- dictions apparentes que la méthode de Bellofte a préfentées aux différens Praticiens, & , fi je ne me trompe, elle nous met fur la voie pour en dévoiler la caufe. Un des trous donne un bourgeon, les autres n’en donnent aucun: autour du trou qui donne le bourgeon, les os fe re- couvrent très-promptement, & l'on n'aperçoit dans le cours du traitement aucune exfoliation, quoiqu'il s'en foit fait une, Autour des autres trous, il fe fait une exfoliation fenfible ; plu- … fieurs de ces trous font emportés avec un feuillet offeux, qu'une fubftance femblable à celles des bourgeons, crûs à une plus grande profondeur fous ce feuillet, a foulevé & détaché. Or, le trou qui a donné des bourgeons & ceux qui n'en ont pas donné, ne diffèrent qu'en ce que le premier étoit plus pro- fond & qu'il en a füinté du fang, tandis que les cinq autres étoient plus fuperficiels & n'ont point laiflé échapper de fang : mais attribuerons-nous la crüe de ces bourgeons à la feule profondeur de la perforation, ou à la feule eflufion du fang, ou au concours de ces deux circonflances? c'eft le doute que ceite expérience nous laifle encore. Je remarque cependant qu'une fubflance organifée étoit crûe fous le feuillet qui s'eft détaché avec les trous fuperficiels dont il avoit été percé ; cette fubftance étoit femblable à celle du bourgeon que j'avois vu fortir du trou le plus profond; cela polé, n'eft-il pas bien probable que fi j'eufle percé les —_—__— CP à MES/VSICÉEIN.CE S 407 cinq derniers trous affez avant pour pénétrer jufqw'à 11 pro- fondeur où cette fubflance s’eft développée, ils fe fuflent remplis de bourgeons comme le premier; cette expérience nous au- torife donc encore à conclure que la méthode de Bellofte donne des bourgeons lorfque la perforation eft affez profonde pour faciliter leur développement, en découvrant leur fource quelle qu’elle foit, & n'en donne pas lorfque la perforation eft moins profonde. Ce réfultat eft encore vague à certains égards, parce que cette fource de bourgeons dont nous igno- rons encore à nature, peut être placée plus ou moins profon- dément, en forte que dans certains cas il faille perforer pro- fondément , dans d’autres plus fuperficiellement , & dans d’autres ne point perforer du tout. Pour éclaircir tous ces détails, il a fallu recourir à de nouvelles expériences, mais avant d’en rendre compte, je dois faire obferver ce que celle-ci nous apprend fur autre point de vue que je me propolois (l'effet de la méthode de Bellofte par rapport à f'exfoliation ). Je ne puis douter que l'exfoliation n'ait eu lieu fur toute Tétendue de Îa dénudation, favoir 1.° autour du trou d’où il pouffa un bourgeon, quoiqu'il parût pendant le traitement ne s'en être fait aucune dans cet endroit; 2.° dans le lieu où les trous étoient peu profonds, & dans lefquels if ne pouffa pas de bourgeons; 3.” enfin dans le refte de la dénudation qui avoit pas été perforée: or qu'il foit tombé un feuillet offeux du côté imperforé, cela n'eft point étonnant après nos expé- riences qui prouvent toutes que les os dénués des tégumens s'exfolient toujours fenfiblement, ou fe décompofent infenfi- blement ; qu'il s’en foit détaché un autre dans l'endroit où les trous pénétroient peu avant, cette dernière circonftance rentre dans le cas précédent, puifque n'étant point crû de bourgeons dans les trous les os s’exfolièrent précifément, comme s'ils avoient été uniquement dénués des tégumens, & fans que les trous ferviflent en aucune façon, & changeaifent le procédé, mais la circonférence de celui d'où il fortit un bourgeon s’ex- folia pareillement d’une manière infenfible, il eft vrai, mais enfin elle s’'exfolia : Bellofte & tant de Praticiens célèbres qui : 2€ ‘EXPÉRIENCE. 408 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE l'ont fuivi, paroiffent donc s'être trompés, & la méthode qu'ils propofent pour préferver de fexfoliation n'en garantit pas. If étoit important de conflater cette première obfervation par beaucoup d'expériences, parce que s’il eft vrai que les os s’ex- folient néceffairement lors même qu'on employe la méthode de Bellofte, il fera démontré qu'on lui aura attribué de pré- ferver de l'exfoliation, quoique de fait elle n’en préferve pas, & qu'on aura cru qu'il ne sen faifoit point, parce qu'on n'apercevoit pas qu'il fe faifoit une décompofition infenfible ; il s'enfuivra encore que la méthode de Bellofte eft déjà fur ce chef uniforme dans fes effets, & que la contrariété qu'on avoit remarquée dans fes réfultats, n'étoit qu'apparente & fondée fur ce que l'exfoliation quelquefois eft très-fenfible, ou fur ce qu'il fe fait feulement une décompofition de la furface des os; ceux des Praticiens auxquels le premier cas s’eft préfenté, ont cru que la méthode de Bellofte procuroit l'exfoliation ; ceux qui n'ont vu que le dernier, ont penfé au contraire que cette mé- thode en préfervoit. Pour achever de me fatisfaire fur ce point, je n'avois plus qu'à multiplier les expériences, afin de confirmer ce que cette première m'avoit fait voir, & je devois trouver cet avantage dans toutes celies qui me reftoient à tenter pour lever les doutes que la première m'avoit laiflés fur Ja crûe des bourgeons; je voulus d'abord m'aflurer de là part que pouvoit avoir à Îa production de ces bourgeons la circonftance du fuintement de fans qui l'avoit accompagnée dans ma première expérience. Je fis douze trous fur la tête d’un chien, fix de chaque côté de la future fagitrale, les uns étoient aflez profonds, les autres létoient moins, mais ils parurent tous imbibés d'un fluide fanguinolent, je panfai avec un cataplafme de plantes émollientes appliqué chaudement. Le 3.° du panfement, on obferva des bourgeons dans tous les trous, & une ligne rouge dans la future, quelques lambeaux du péricräne qui excédoient un peu les lèvres de la plaie blanchirent & tombèrent. Le 4.° les bourgeons étoient crûs, il y en avoit qui nu à a DES SCIENCES. 409 la furface des os, & qui commençoient déjà à { joindre à ceux qui paroïfloient alors dans les futures. * Le 5. les bourgeons firent peu de progrès, il fe détacha une efcarre blanche de leur fommité, l'os étoit moins beau que les jours précédens. Les 6° & 7.° les bourgeons profitérent, l'os plioit fous la fonde dans les intervalles des trous où ces bourgeons ne s’étoient pas encore étendus. Les 8 9 10° & 11° tout profpéra de telle forte, que le 1 2.° la dénudation étoit recouverte, la lame-offeufe qui avoit plié fous la fonde les 6° & 7° étoit difparue fans qu'on eût vu œæ qu'elle étoit devenue. On découvroit après la macération les traces de tous les trous que j'avois faits & une érofion ou plutôt une excavation fur toute Ja furface de Îa dénudation , preuve bien évidente que “toute la furface de cette dénudation s'étoit exfoliée, "Cette expérience prouve 1° que la méthode de Bellofte ne garantit pas de l'exfoliation , ou du moins d'une décompo- fition infenfible ; 2.° qu'il croît des bourgeons dans tous les trous qui ont été humectés de fang , foit que ces trous foient profonds ou non : le même procédé fut encore fuivi des mêmes effets dans les deux cas fuivans, Je ne fus pas long-temps fans tirer avantage de mon travail : un homme âgé {e laiffa tomber étant ivre, & dans fa chute fe découvrit le pariétal gauche, la dénudation étoit triangulaire ; je fis fept trous, qui furent tous imbibés d’un peu d'humidité fanguinolente ; je panfai l'os & les chairs avec du cataplafme, ainfi que j'avois fait dans l'expérience précédente ; le 1 1.° jour après la perforation on découvrit des bourgeons au fond de chaque trou , ces bourgeons crûrent peu à peu ; il fe dé- tacha une petite efcarre blanche de leur fommité, ils s'devèrent ÿ y C2 Ë y o y ÿ y (2 ë > Ÿ > La * Voyez plus loin à Ja fin de l’article d'Angleterre. DES SO CTEN CE E st le danger de l'inoculation ». Le rapport de M. ÆHoffy publié dans différens journaux littéraires /a), me difpenfe d'un plus Jong extrait. Au moment où Ja multitude & Ia publicité de faits juf: qu'alors trop peu connus, fubjuguoit les plus incrédules, le public vit avec füurprife un membre de la faculté de Paris, que fes yeux & fa propre expérience avoient, à ce qu'il affure, convaincu des avantages de l'inoculation, dans un temps où il étoit encore permis d'en douter, nous révéler en un même Jour fes fuccès inconnus dans cette efpèce de cure, & s’en dé- chirer l'ennemi (4): fur de purs ouï- dire, fur des rapports vagues & fur quelques aHégations que lui-même favoit faufles, ainfi qu'il en eff convemr (c). H eft évident que fuppofant vrais les fept ou huit faits douteux allégués par l'auteur du libelle contre Finoculation, ls ne balanceroiïent pas cent mille expériences contraires, difcutées contradiétoirement depuis quarante ans aux yeux de toute l'europe. Mais lorfque je mé fuis contenté de dire /d) que des faits rapportés fans preuve, dépourvus de dates & de circonftances qui puffent aider à les vérifier étoient fufpeéts; quand le journalifte des favans , doéteur-régent de fa faculté de Paris (e), fans les nier pofitivement , en a réfuté les conféquences ; ni lui ni moï ne nous attendions, que tous ceux de ces faits, à la fource défquels ÿ feroit poffible de remonter, feroïent pofitivement niés & formellement démentis, tant pat le témoignage même des garants cités, que par le décret (a) Mercure de France, août 3755 p- 148. Journal de Verdun, même mois; Année littéraire 1755, 2. V1, p. 242 ; Journal de méde- cine, &c. Recueil de /2 Haye,1755. b} Differtation de M. C***, fur YInoculation, Paris, 1 755: Voyez Année littér. 17552. V, p.261. {c) Lettre de M.C***. en réponfe à M. Fréron, Annéelittéraire 1756, tome T, page 71. M. C*** .citoit le témoignage de M. Miffa , pour ac- | créditer un fait qu’on lui a prouvé faux; il répond , page r 8 de fa lettre à M. Fréron, qu'il favoit que M: Jofner s’étoit trompé; &, page 19, qu'il favoit le contraire de ce qu’avoit dit M. ÆMiffa, mais qu'il ne chan- geoit rien dans les écrits d'autrui. & qu'il étoit fidèle quand il citoit quelqu'un. (4) Lettre à M. l'abbé Trublet, | année littéraire 1755 , rome V1, | page 87. (e) M. de la Virotte. Voy. fon extraïs gélobre 1755. l'if 452 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE public porté par le collége des médecins de Londres (a), affemblés extraordinairement à l'occafñion de cet écrit. Le dé- ferteur de linoculation n'a donc point à fe plaindre de n'avoir pas été jugé par fes pairs. Avant ce temps, prefque tous les journaliftes , tant de littérature que de médecine, aidés de leurs troupes-légères , avoient déjà mis en poudre fa diflértation ; mais les feules lettres de M. Xrkpatrick & Maty , inférées dans le journal étranger /b), fufhfoient pour fanéantir. Je me contente d’oblerver que cet auteur, quoique membre de la faculté de Paris, n’augmente pas la lifte des médecins françois, qui jufqu'à ce jour ont écrit ouvertement contre l'inoculation : cette lifte commence & finit à M. Hecquer. Dans le cours des années 1755 & 1756, quelques autres brochures , la plupart anonymes, furent les écôs de la précédente. Si l'intérêt de la religion, fi le zèle du bien publie ont feuls conduit la plume de leurs auteurs, qui les empéchoit de combattre à vifage découvert, en défendant une fi noble caufe? les uns par des plaïfanteries déplacées fur un objet auffi grave , femblent n'avoir cherché qu'à faire rire leurs lecteurs, en flattant le préjugé qu'ils auroient dû combattre: les autres féduits par un faux zèle, ont tenté d’alarmer les confciences délicates, par un fcrupule fi peu fondé, qu'on ne peut être per- fuadé de leur bonne foi, fans juger peu avantageufement de leurs lumières : quelques-uns font peut-étreaffez à plaindre pour trouver leur excufe dans l'efpérance du débit momentané d’un effai fur une matière intéreflante: d'autres n'ont fait que répéter des doutes déjà très-éclaircis, & le moment qu'ils ont pris pour les publier /c), rend au moins la pureté de leurs intentions fufpecte. Parmi ces auteurs, ïl en eft qui non-feulement avouent n'avoir pas lu les ouvrages qui prouvent l'utilité de la méthode qu'ils décrient, mais qui en font gloire. Eft-ce refpeéter le (a) Qui plurima de-rebus anglicis | britannique, nov. éT déc. 17 S Se quæ falfa effe Jciret temerè effu- AE tit. Voyez Oratio Harveiana, (ETES Es 27$5. Année littér. 1756, rome | (d) À la veille de l’inoculation {1 , ps 102, Voyez Journal | des princes de la maifon d'Orléans. D'ES, S CE NCES 453 public que prétendre l'éclairer, quand on fait profeffion d'ignorer les faits, dans une matière où les faits feuls décident ? Je vois au contraire que tous ceux qui dans leurs écrits ont pris le parti de l'inoculation, fans en excepter un feul, fe font nommés hautement, où fait connoître. De ce nombre font tous les journalifies fres de l'Europe, tant nationaux qu'étrangers. Organes de {a littérature & de la philofophie , chez les nations éclairées, & trop fouvent peu d'accord entre eux, dans les jugemens qu'ils portent fur des matières de goût, ils femblent s'être réunis, pour célébrer les avantages du nouveau préfervatif; comme dans les vœux qu'ils font pour fon établif fement & fes progrès. Juges clairvoyans, inftruits, définté- reflés.…. que dis-je? la plupart médecins de profeffion & qui pourroient , à ce titre, être tentés de décrier Ja petite vérole artificielle, f le motif de l'intérêt perfonnel l'emportoit chez eux fur lamour du bien public. Je m'en tiens à ces obfervations générales, fans en faire d'application particulière à chacun des différens écrits publiés depuis quatre ans fur la matière que je traite, & fans y répondre plus en détail. Ce n'eft pas que je prétende accufer de mauvaife foi tous ceux qui fe font déclarés contre lInoculation ; il en eft fans doute qu'il feroit injufte d'en foupconner: je ne Haifferai pas leurs objections fans réponfe, Les inoculations continuèrent pendant l'automne de 1755; & déjà l'on parloit d'en établir l'ufage dans l'hôpital des enfans- trouvés de Paris: moyen d'autant plus affuré de conferver à Y'État un grand nombre de citoyens, que l'on fait combien peu de cette clafe échappent aux maladies de l'enfance , & fur-tout aux épidémies varioliques. La propofition de cet établiffement alloit étre faite, lorfqu'un malheureux accident fufpendit à Paris les progrès de la nouvelle méthode, Une mère tendre & courageufe prit la réfolution de faire inoculer fa fille ainée, âgée de dix-fept ans. Sa fœur cadette qui en avoit quatorze, demanda la même grace à fa mère avec inflance, alléguant pour l'obtenir, le rifque qu'elle courroit de prendre par contagion Ia maladie de fa fœur, dont elle ne pouvoit pas s'éloigner, La lü às4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE jeune perfonne avoit été réglée pour la première fois, il y avoit fix mois, & n'avoit eu depuis aucune évacuation périodique. Comme fa fanté ne paroifloit point en être ahérée, on ne fit pas attention à cette fufpenfion, & l'inoculateur afiure qu'il n'en fut point inftruit : cependant cette circonftance vint à la connoif- fance de M. Fofy, & lui fit augurer mal de l'évènement , avant même que la malade qu'il ne connoïfloit pas, füt en danger. Quoi qu'il en foit, les règles furvinrent en forme de perte. Cet accident rentroit dans le cas des petites véroles na- turelles & imprévues , dans lefquelles il eft affez ordinaire : if exigeoit de nouveaux fecours que la maladé ne reçut point à temps : la frayeur augmenta le danger : elle y fuccomba. Sa fœur qui n'étoit point dans les mêmes circonflances , eut une petite vérole très-bénigne *. Ce trifte évènement ne pouvoit affecter que ceux qui ne raifonnent, ni n’examinent. Auffi le 1 3 novembre fuivant M. Morizot des Landes, aujourd'hui doéteur - régent de la Faculté, vengea l'Inoculation dans les écoles de médecine de Paris, de Y'infulte qu'elle avoit reçue fur les mêmes en l'année 1723. . I prouva dans fa thèfe que fon ufage convenoit particulièrement aux habitans de Paris. Je n'aï pas une lifle exacte des thèfes foutenues en faveur de cette doétrine en diverfes univerfités du royaume : je fais feulement qu'elle a déjà trouvé des défenfeurs dans le collége des médecins de la ville de Amfcille, dans les univerfités de Paris, de Caen & de Strafbourg , fans parler de celles d'Avignon & de. Pont-à-Mouffon. Je n'ofe“louer le Recueil de pièces intereffanres fur l'Inocu- lation , imprimé cette année à 41 Haye. Mes éloges feroïent trop fufpects. ANNÉE 17f6. Il y a bien loin de Ha conviétion intérieure d'une vérité à la fermeté néceflaire pour la mettre en pratique, fur-tout quand cette vérité choque les préjugés les plus univerfellement reçus, & plus encore quand les mouvemens de la nature fortifient ces * Voyez Journal économique, novembre 1755. moin. é DYEUSLIS CL E NC E.& 455 préjugés. Que de pères intérieurement convaincus des avantages de f’Inoculation , ne peuvent fe réfoudre à la pratiquer für leurs enfans! Une pareille réfolution exige un courage d'efprit beaucoup plus rare que cette valeur brillante qui captive plus fréquémment nos hommages. Monfeigneur le Duc d'Orléans a donné des preuves dé lun & de l'autre : ce Prince perfuadé par un examen réfléchi, qu'il eft du devoir d'un père de prévenir, autant qu'il eft en fon pouvoir, les dangers dont la vie de fes enfans eft menacée, fe détermina de fon propre mouvement à faire inoculer M." le Duc de Chartres & Mademoifelle, Des vies ft. précieufes ne pouvoient être confiées à des mains trop füres. M. de Senac, premier médecin du roi, applaudit aux vues de: S. A. S. & décida le choix de ce prince en faveur de M. Tronchin. . Cette préférence étoit. dûe à un médecin qui avoit inoculé fon. propre fils, & dont la grande expérience dans cette pritique en rendoit le fuccès plus afluré.. M. Trouchin fut appelé dès le commencement de l'année 175 6 à Paris : le jeune prince &. la princeffe fa foœur furent inoculés le 12: mars fuivant, L'un: & l'autre jouiflent depuis ce temps d’une parfaite fanté.… On n'avoit prefque vu l'inoculation pratiquée que fur des: enfans fous les yeux. de leurs pères : M. le chevalier de Chatelix étoit jufqu'alors le feul adulte qui s'y fût foumis. Cependant cette opération en préfervant la vie, a, de plus le rare privilége de conferver la beauté; & c’eft fur-tout aux dames ; ce n’eft pas mème à toutes, qu'il appartient d'en tirer ce double avantage. . Trois d'entrelles, qu'on auroit pu choifir pour en établir Ja. reuve, furent les premières à donner cet exemple à leur fexe : M." la. comtefle Walle, M."° la marquife de Wileroi, M.”° la comtefle de Forcalquier , osèrent fe faire inoculer. Ce fut M. Zronchin qui, dirigea l'opération des deux dernières, ainfr que beaucoup d'autres , pendant fon féjour à Paris. Les plus célèbres furent celles de M. Turgot , maître des requêtes , de M. le marquis de Willequier, du fs de M. d'Héricourt , ancien Intendant des galères, de celui de M. de Vernege, major des. chevaux-lécers de la garde, & celle du fils aîné de M. le duc d'Efhifface M. Hofly partagea Fhonneur de cette dernière cure: 456 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE avec M. Tronchin, comme avec M. Kirkparrick celle de M. Je comte de Gifors, deftiné à caufer les regrets de la France par une mort glorieufe. Au printemps de fa même année M. Æofly feul avoit inoculé M." la comtefle Walle, Me Quanne , les deux fils de M. le marquis de Gentil; & Yautomne fuivante il inocula M. le marquis de Belzrnce , âgé de quatorze ans, Dans ce même temps à peu-près il fortit de la preffe deux ouvrages fur la même matière ; mais d’un genre fort différent. Le premier eft un recueïl curieux de pièces intéreflantes fur Yinocujation, la plupart peu connues ou qui n'avoient point encore paru dans notre langue: telies que les relations des premiers fuccès de la petite vérole artificielle en Angleterre, par M. Jurin & Scheuchger, Van fecrétaire, Yautre membre de la fociété royale. 11 contient plufieurs autres extraits de productions angloifes , avec des réflexions de Féditeur: le tout eft fuivi d'un catalogue raifonné des divers écrits publiés juf- qu'alors fur le même fujet. Cette colleétion, différente de celle imprimée à {4 Haye, & beaucoup plus nombreufe, eft dûe à M. Montucla, de académie de Prufle, auteur modefte de 1 nouvelle hiftoire des mathématiques, où il montre autant d'érudition que de connoiffances dans les différentes parties de ces fciences. Dans le fecond ouvrage , TInoculation eft deférée folemmel- lement, par un anonyme, à offeigneurs les archevéques © évêques de France, à tous meffieurs les curés & autres eccléfiaf- tiques ayant la charge des ames, à tous meffieurs les doteurs en théologie , érc. à tous noffeigneurs les magiflrats ayant la grande police de l'Etat. Ce titre abrégé de l'épitre dédicatoire, & lépigrafe , agirur enim de pelle human&, fuffifent pour donner une idée de l'ouvrage & de l'auteur. H ne paroït pas que ce livre ait produit tout l'effet qu'en attendoit le pieux dénonciateur ; cependant li communauté de prêtres, auxquels le roi de Pologne, duc de Lorraine, a confié la direétion d’une maïfon qu'il a fondée à Nanci, a cru qu'il lui étoit réfervé de faire droit fur la dénonciation négligée par meflieurs les évêques : én conféquence is fe font oppolés à l'exécution dès ordres qu'avoit DES SCIENCES 457 avoit donnés Sa Majefté Polonoile , après avoir confülté fon collége de médecine, pour inoculer les orphelins qu'elle entre- tient dans cette maifon: ce prince n'a pas voulu faire ufage de fon autorité. IL eft mort, depuis quatre ans, plufieurs de ces enfans , auxquels il eft évident que l'inoculation auroit confervé la vie. Ceux qui ont mis obflacle à l'exécution des ordres du roi de Pologne, & ce ne font pas les feuls directeurs de la communauté, n'ont pas informé le public des raifons qu'ils ont eues, de ne pas fauver les victimes qu'ils auroient. pu dérober à la mort. ANNÉES 17f7 à 17ÿ9. Je ne donnerai qu'une fimple lifte des inoculations faites à Paris en 1757 & dans le cours de la préfente année 1758, BR plupart fous la direction de M. Æofy. Au printemps de 1757, la fille du baron de Prangin, celle de M. le duc d'Aiguillon & M." d'Ætancheau, fur qui l'infertion ne prit pas : on a vérifié depuis qu'elle avoit eu la petite vérole dans fon enfance au couvent de la AMagdeleine de Traiïfuel * : au mois de feptembre fuivant, le fils unique de M. le marquis de Courtivron de cette académie. Les inoculations ont été plus nombreufes cette année : voici les principales. Au printemps, Mad. de Vaucanfon, fille de lacadémicien, a prouvé qu'un enfant de neuf ans étoit capable de réfolution. C'eft M. Æofÿ qui Va traitée, ainfr que le fils de M. Bouffe banquier, Mad. de Loches, un fils de M. le marquis de S' Vans, & tout récemment aux mois de fep- tembre & d’oétobre derniers, un fils de M.le comte d'Æoudetor, âgé de quatorze ans, dont l'aîné venoit de mourir de la petite vérole naturelle à l'armée; enfin Mad.* la comtefle de Gace qui avoit beaucoup à perdre par la maladie qu'elle a prévenue. M: de Senecerre , petite fille du maréchal de France, avoit été préparée par M. of, M. Peïr, médecin de M. le duc d'Orleans, a conduit l'inoculation. Je ne parle point de plufieurs autres moins célèbres , ni des premières expériences également heureules faites * Voyez Mercure de France, Janvier 1758 , volume Z, page 1 17. Men, 1758, .Mmm 458 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE à Paris fur des gens obfcurs: je-n'ai cité que les noms Les plus connus. Ce n'eft pas feulement dans la capitale que cette méthode s'eft étendue depuis 1754; mais dans diverfes villes du royaume. Elle a été pratiquée à Mmes, à Lyon, à Bordeaux, à Nantes, à Rennes, à Angers, & dans plufieurs autres lieux dont je ne fuis pas éxaétement informé, mais je fais qu'en France comme en Hollande, plufieurs perfonnes par des rai- fons particulières fe font contentées de fe mettre fecrètement eux ou leurs enfans fous la fauve-garde de linoculation, fans en faire confidence au public. On trouve cependant dans le journal de médecine de feptembre 1 757; le détail de la cure d’une petite vérole noculée avec fuccès à Nifmes par M. Ragoux docteur de Montpellier ; M. Deidier de là même faculté, n'a pas moins heureufement réufli dans la même ville de Mifmes en deux autres occafions. Mais c'eft fur-tout à Lyon que les expériences fe font multipliées fur des gens riches & des fils uniques, par M. Graffor & Pouteau, doéteurs en médecine & de l'académie royale de chirurgie. Le premier a fait un affez long féjour à Genève, où il étoit allé pour s’'inftruire dans la pratique de l'infertion. Le nombre de leurs opérations approche de cent en 1758. Aucune n'a été funefle : ce qui n ‘empêche pas que la méthode, à Lyon comme ailleurs, n'ait fes ennemis, qui fe fervent , comme on a fait à Pas en Hollande & à Paris, de toutes fortes d'armes pour la combatre: tantôt en répandant de faux bruits: tantôt en attribuant à l’inoculation des accidens étrangers : tantôt en fuppofant que la diéte & le régime d'une trop longue préparation ont afloibli le tempérament des ino- cuks. Si ce dernier fait étoit vrai, ce ne féroit pas à l'inoculation qu’il faudroit s’en prendre : mais qu’on interroge les perfonnes intéreffées, les pères & mères, les parens, les inoculés mêmes; perfonne ne fe plaint, & tous fe louent des opérateurs. Trois des plus belles femmes de la ville, qu’on a détournées de la réfolution qu’elles avoient prifes de fe faire inoculer, viétimes de læ petite vérole naturelle, ont payé de leur vie le mauvais confeil qu'on leur a donné. Plufieurs perfonnes de la même ville, de celle: » D'ENS MIS PCT € N'c ENS: 450 de Grenoble, & même de Paris, ont été fe faire inoculer à Genève , fous la direction de M. Zronchiny Mad. la marquife de Baral-Moutferrar ÿ a conduit dans cette vue le ul enfant qui lui refloit, & Va ramené en parfaite fanté, On peut compter depuis quatre ans en France au moins deux cents perfonnes inoculées : la moitié font des adultes pour qui le danger de la petite vérole eft plus grand que pour les enfans. De ces déux cents perfonnes, cent quatre vingts au moins auroient eu cette maladie, & la feptième partie, c'eft-à-dire plus de vingt-cinq, qui en feroient mortes, doivent la vie à l’ino- culation. N'’eft-ce donc rien que la vie de vingt-cinq citoyens ? A la vérité c'eft un aflez petit nombre de viétimes fauvées, fur quatorze ou quinze cents, au moins, que la petite vérole immole, année commune, dans la feule ville de Paris *, & qu'on pourroit fouftraire à fes coups ; mais fi nous ne lui en dérobons pas un plus grand nombre, ce n’eft fa faute ni de la méthode, ni de ceux qui font des vœux pour en voir l'ufige généralement établi parmi nous. J'ai rapporté de fuite ce qui $eft pañé depuis quatre ans en France à l'égard de la petite vérole artificielle, Donnons un coup d'œil rapide fur fes progrès dans le refte de l'Europe depuis 17 54 à Ce que j'ai dit à Foccafion du’ voyage de M. Aofy, faffit pour donner une idée de l'inoculation en Angleterre: j'ajou- terai feulement , d'après le mêmé auteur, que depuis plufieurs années elle n'y a plus un feul adverfairé parmi les gens de Fart. Médecins, chirurgiens, apothicaires, tous: font inoculer leurs enfans. Faut-il chercher une autre preuve de la füreté de ce préfervatif? Et que faut-il de plus qu'un tel exemple, pour déterminer ceux qui ne font pas en éat dé jugér par eux-mêmes avec connoiffance de caufe? Au lieu d'un mort fur quatre cents foixañte:treize inoculés, - # Cette affertion n’eft pas gratuite : il eft prouvé, par les liftes mor tuaires des grandes villes, que la petite vérole enlève , année commune, tout au moins le quatorzième des morts , dont le nombre total eft de “Vingt mille, année commune à Paris. Donc, le quatorzième eft 1428. M m m ij ANGLETERRE HOLLANDE. 460 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'on lit dans fa relation de M. Hof}y, je vois, par une fifle poftérieure, imprimée à Londres, de quatre années expirées le: 241 décembre 175 5 » que fur cinq cents quatre- vingt-treize inoculés , il en eft mort un feul. Il en mourroit davantage dans un mois, d’un pareil nombre de perfonnes adtuellement en fanté, prifes au hazard & fans choix. Dès 1748, M. Tronchin, alors infpecteur du collége des médecins d'Amfferdam avoit introduit en cette ville l’ufage de la petite vérole artificielle, en la communiquant à l'un de fes fils, après avoir vu l’autre prêt à fuccomber fous la naturelle. Alors & depuis fon retour de Genéve en Hollande en l'année 1754, il fit un aflèz grand nombre d'expériences, fuivies des plus heureux fuccès; fur des têtes chères & précieufes à l'État. Depuis cetemps M.Chais par fon efaiapologétique, M. Schwenke, profeffeur d'anatomie à {4 Haye, & plufieurs habiles médecins, ont, par leur fuffrage, leur propre expérience & leurs écrits accrédité de plus en plus Fopération. L'avis important fur F1- noculation publié par M. Schwenke en françois en 1756 à la Haye, eft fur-tout digne d'attention; il contient des faits récens & curieux, & en particulier fur les ravages de la petite vérole naturelle au cap de Bonne-efpérance en 1755. Une fociété de médecins & de chirurgiens de la ville de Rotterdam , que le feul amour du bien public peut avoir réunis, ont donné en commun un traité fort ample de l'inoculation.. Cet ouvrage grand in-8° a paru en 1757 en bollandois: il eft divifé en quatre parties. La première offre en deux colonnes un parallèle fuivi des eflets de la petite vérole naturelle & de l'artificielle, & une table qui préfente les réfultats de cette comparaifon : dans la feconde on rapporte les autorités. pour & contre l'inoculation; on y trouve une lifle de la plupart des ouvrages publiés fur cette matière fuivant l'ordre des temps & des lieux : la troifième partie contient les, objections &c. les réponfes; on y entre dans le plus grand détail : la quatrième qui appartient plus proprement encore aux auteurs de lou- vrage, eft un rapport détaillé de leurs procédés, de leurs fuccès & des cas finguliers qu'ils ont oblervés, Leur conclufion. DES SCIENCES 46r eft-que, bien qu'ils fuffent déjà prévenus en faveur de l'inocu- lation, avant de lavoir pratiquée, les fuccès ont. furpañfé leur. attente. [{ feroit à fouhaiter que ce livre fut traduit en françois. Plufieurs autres bons ouvrages de Hollande, écrits dans la langue du péis, font perdus pour le refte de l'Europe, Depuis la lecture publique de ce mémoire, j'ai recueilli les circonflances fuivantes d'une lettre que M. Wer/hof plus connu. par fon nom & fes ouvrages que par fon titre de premier médecin du roi d'Angleterre dans l'éleétorat d’Hanovre , écrivoit à feu M. de /a Virone, & dans laquelle il répondoit à diverfes, queftions que j'avois prié ce jeune médecin de lui faire. L’ino- culation du feu prince de Galles en 1723 , avoit été fuivie de quelques autres dans la même ville; mais depuis le départ. de M. Mairland pour Londres en 1727 , & fur-tout depuis. le départ du prince , elle avoit été négligée jufqu'à ces derniers, temps, qu'elle a repris un nouveau crédit. M. Wer/hof, avec le concours de fon confrère M. Æde/!, inocula d’abord le petit: fils de M. de Hygo fon prédéceffeur, & depuis il æ fait plufieurs autres opérations. Feu M. Berger avoit déjà renouvelé la pra- tique de l'inoculation à Ze/, d'où elle s'eft répandue dans. tout l'éleétorat & dans les villes voifines avec les plus brillans. fuccès : à Gortingen, fous la direction de M. le profeffeur. Roederer: à Hambourg, fous. celle de M. Middleton anglois: à Bréme, fous. les yeux des médecins. Gondola & Duurge . l'épreuve dans une maifon établie exprès par le magiftrat. après que M. le comte de Lynard eût fait inoculer fes propres. enfans ; à Gokha, fous l'infpection de M." Sulger & Krugelffein,. médecins du duc régnant, & dont le premier avoit donné Yexemple fur fa propre famille, De plufieurs centaines d’ino- culations que l'on compte dans le péis, une feule a été malheureufe, En feptembre 17 5 4, les gazettes nous apprirent:que M." R comtefle de Bernsdorff, jeune & riche héritière, venoit d'être inoculée à Copenhague avec le plus grand fuccès, La fupériorité des lumières de M. le comte de Bernsdorff fon mari, ci-devant. miniftre de Danemarck en France, aujourd'hui, fcrétaire . Mmm ii, ÉLECTORAT D'HANOVRE: DANEMARCK:. » » » » » Ÿ “ Ÿ 462 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE d'État en fa patrie, me rend fon témoignage trop flatteur pour ne pas m'en glorifier. If m'a fait l'honneur de m'écrire que je lavois convaincu. C'efl-à-dire que j'ai eu le bonheur d'expofer le premier à fes yeux une vérité qui n'étoit bien connue qu'en Angleterre , & qu'on avoit pris à tâche d'obfcurcir par - tout ailleurs, Les circonflances fuivantes des progrès de l'Inoculation en Danemarck, font tirées d'un mémoire de M. Berger, premier médecin de S. M. D. que M. le comte de Schmettaw a eu la bonté de m'envoyer au mois de mars dernier : j'en conferverai les expreflions. «Depuis l'exemple qu'a donné M."*l comteffe de Bernsdorff au mois d'août 1754, lInoculation gagne tous les jours en ce royaume: au printemps de 175 5 , plufieurs pères de famille garantirent par cette méthode leurs enfans des fuites funeftes de la petite vérole naturelle ». / Les vrois fils de M. le come de Schmettaw font de ce nombre : c'efl lui-même qui me l'écrit. ) « La même année S. M. D. toujours attentive au bonheur de fes fujets, accorda un fonds annuel pour l’Inocu- lation des pauvres enfans, On fait les préparatifs & opération dans une maifon deftinée à cet effet : on tranfporte enfuite les enfans inoculés dans une autre pour les traiter. Aucun d'eux n'a eu de fymptômes fâcheux : aucun n'a été marqué. Trente- fix heuresaprès l'éruption ils fe portoient bien, & n'ont pas eu de fièvre fécondaire. On en a inoculé à deffein plufieurs qui avoient eu déjà la maladie: les uns naturellement, les autres par infrtion : l'opération n'a produit fur eux aucun effet. Le nombre des enfans inoculés depuis 1755, à Copenhague , eft affez confidérable : il n’en eft mort aucun. Un étudiant en pañlant en Jutland, a fauvé la vie à plus de cent enfans par cette méthode ; un chirurgien habile, à Dronthcim en Norvège, en a préfervé plus de trente par le même moyen *, » Une lettre de Srockolr, du 7 février dernier, de M. le fé- nateur baron de Séheffer , ci-devant envoyé extraordinaire de Suède à notre cour, dont il a emporté les fuffrages ainfi que * Voyez le mercure danois, fix derniers mois 1754, & le tome XIX de Ja nouvelle bibliothèque germanique , page 287. DES SCIENCES 463 les regrets de tous ceux qui ont connu , m'apprend « qu'au printemps de 1755, au retour du médecin fuédois (M. Schulrg ) , envoyé par ordre du gouvernement à Londres, pour “s'inftruire für la pratique de l’Inoculation:, lon lui confia les enfans qu'on élève à Sockoïm aux dépens de l'État pour les inoculer : que lInoculation réuffit à fouhait : que beaucoup de particuliers fuivirent cet exemple : que h ville de Gortembourg vient d'établir à limitation de Londres un hôpital pour l’Ino- culation : qu'on eft actuellement occupé à Srockohn à faire le même établiffement ; & que plufeurs autres villes paroiffent difpofées à rendre le même fervice à leurs habitans : qu'on travaille à rendre l’fnoculation univerfelle par tout le royaume, pour en étendre les fecours dans les campagnes ; fur-tout 4ux laboureurs , dont les enfans périffent en grande quantité par la petite vérole ; eux qui font la plus grande richefe de l'état, & qu'il importe par conféquent fi fort de conferver & de multiplier (je ne change rien aux termes ) : enfin qu'un cé- lèbre médecin de Sockolm, M. Rofen , avoit fait inoculer toute fa famille, » J'ai reçu depuis une médaille frappée à Srocko/m en l'honneur de l'Inoculation. Le type eft un autel d’Efculape entouré d'un ferpent, emblème de la petite vérole, avec ces mots pour légende, fublato jure nocendi. Au revers on voit une couronné: civique, au dedans de laquelle on lit ob änfantes civium fehci aufu fervatos , & fur le lien de la couronne le nom de M." la comtefle de Géers , la première dame fuédoife qui l'a méritée en faifant inoculer fes enfans. M. Schukz , à fon retour d'Angleterre, à publié fur cette matière & dans fa langue un ouvrage qu'on a traduit en anglois. L'état de l'Inoculation à Geneve eft affez connu. Sur plus de deux cents expériences favorables , on n’en compte qu'une feule malheureufe, dont tout le danger avoit été prévu par le médecin qui s'y réfufoit , & qui l'a faite contre fon gré. Auf. la méthode n'a-t-elle rien perdu de fon crédit à Geneve; mais plus d'une raifon qu'il eft facile d'imaginer, s ee fa propa- gtion parmi le peuple. GENÈVE. SUISSE. ITALIE. 464 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Elle a paffé de Genéve en Suifle dès 175 3: une dame de Lauganne voyant que fon fils ne prenoit pas la petite vérole de fes deux fœurs qui l'avoient très-bénigne , l’inocula elle-même & mit fa vie en fureté. En 1756 M. Tifot , auteur de l/0- culation jufifiée , avoit déjà dirigé quarante - deux inoculations dans la même ville fans accident. On en comptoit un affez grand nombre d'autres à Neuchätel & dans d'autres villes de Suife, toutes également heureufes. A Berne en 1757, M. de Haller, préfident de l'académie de Gotringen , dont les plus grands médecins ne récuferont point le fuffrage, & dent les plus grands poëtes pourroient envier les talens, après avoir foutenu l'Inoculation par fes écrits, après avoir perfuadé plufieurs pères , & changé leurs préjugés en remercimens, a fini par inoculer fa propre fille. A Bâle, M Bernoulli, dont lenom feul pourroit à plufieurs titres autorifer une opinion douteufe , ne fe font pas contentés de fe déclarer ouvertement en faveur de l’Inoculation |, & d'obtenir pour les premières épreuves l'approbation des facultés de médecine & de théologie de Bäle : le cadet des deux frères, M. Jean Bernoulh & le feul marié, voulut y joindre fon exemple. I fit inoculer en 1756 les deux plus jeunes de fes fils; & lannée dernière leur frère aîné. Ce jeune philofophe qui dès l'âge de douze ans marche fur les traces de fes pères , à peine convalefcent fignala fa reconnoiflance envers l'Inoculation dans un difcours latin prononcé dans l'Univerfité de Bale, & d'autant plus perfuañf pour fes auditeurs , que la préfence & la fanté de l'orateur, chez qui le mal n'avoit pas lié de traces , étoient une preuve vivante qui donnoit un nouveau poids à fes raifons. L'automne de l'année 1754 fut fameufe en Aale par le ravage que fit la petite vérole naturelle dans plufieurs endroits de la Zofcane & de TY'Etat eccléfiaftique, fur-tout à Rome. Selon les liftes des curés de cette capitale, dreflées par ordre du feu pape Benoët XIV, le nombre dés morts emportes par cette maladie montoit à près de deux mille perfonnes dès la fin d'oétobre *, temps où l'épidémie n'avoit pas encore eu # Gazette de France. la nids RÉ RS cs nt DIE S SCIENCES. , :,, AG f1 moitié de fon cours, dans une ville où.le nombre annuel de tous les morts eft d'environ cinq mille, & où par con: féquent celui des morts de la petite vérole ne pafle guère trois cents cinquante, Tandis que ce fléau dévaftoit la capitale, lInoculation à trente lieues de Rome fauvoit autant de vies qu'on lui en avoit confiées. J'eus occafion de m'inftruire de fes progrès fur les lieux mêmes au commencement de l’année fuivante 175 s : j'étois alors en /alie, Je trouvai cette méthode établie à Livourne, où le conful & la plupart des négocians anglois habitués en cette ville, avoient fait inoculer leurs enfans, & tous heureufement. M. l'abbé Venuti, aflocié- étranger de l'académie des belles- lettres, & prevôt de l'églife de Livourne, qui me reçut chez lui, & me fit l'honneur de traduire mon mémoire en italien, m'apprit que l'Inoculation étoit pratiquée depuis plufieurs années dans l'intérieur du péis, dans la ville & dans les environs. de Cia di Caflell, fw les confins de la Tofcane & de l'État eccléfiaftique, & qu'il.avoit été témoin que ce moyen employé par M." la marquile Buffalini, avoit fauvé Ia vie à tous les ænfans de fes terres, dans un temps où tous ceux du même canton fuccomboient fous la malignité de l'épidémie, La même dame avoit inoculé trois de ‘fes. propres enfans de fa main. Elle tenoit cette recette du doéteur Peverini, médecin penfionné de la ville de Citerna. M. l'abbé Venuti voulut bien, à ma prière, écrire à ce docteur, dont il reçut peu de temps après les éclairciflemens fuivans; d’après lefquels on feroit tenté de croire que l'intention de ce médecin avoit été, dans fon premier eflai, de décréditer opération; maïs en ce cas, il a bien expié depuis la mauvaife opinion qu’il avoit d'abord eue de la méthode. I fit fa première opération fur une petite fille de cinq ans prefque étique & couverte de galle , nourrie par une mère infec- tée du mal vénérien. La pointe d’une épingle plongée dans une puftule d’une petite vérole confluente dont le malade mourut, fut l'unique inftrument qu'employa M. Peverini, Deux heures après avoir percé ce bouton, il fit avec la même épingle une Jégère piquüre à l'enfant, qui ne sen aperçut pas. Le feptième Mém, 1758 + Non d 466 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE jour la piquüre s'enflamma : le dixième la fièvre furvint, la petite vérole fuivit, il ne parut qu'onze grains. Nulle fièvre de fuppu- ration: on ne put contenir l'enfant au lit: elle guérit en même temps de fa galle & prit de la couleur & de fembonpoint. Encouragée par cet exemple, Ha mère fit la même opération à fon autre fille âgée de neuf ans. Celle-ci ne fut pas plus malade que fa fœur: elle eut vingt-fix grains. La matière de fa petite vérole fervit au même médecin à faire cinq autres expériences non moins heureufes , fur autant d’enfans. Alors il n'héfita plus à divulguer fon fecret. Il fit plus de deux cents inoculations. T'rès-peu de fes malades eurent la feconde fièvre: aucun ne mourut : aucun ne fut mar- qué: tandis qu'il périfloit un‘tiers de ceux qui étoient attaqués de la petite vérole naturelle, & qu'un aufit grand nombre demeuroient aveugles ou défigurés. Dans les campagnes voifines, les mères, effrayées de la multitude des accidens, embrafsèrent avec ardeur cet heureux fpécifique , & la tendrefle maternelle aidée de la crainte du danger lemportant fur les fcrupules, elles inoculoient leurs enfans pendant leur fommeil & fouvent à linfu de leurs pères *. L'exemple du doéteur Peverini fut füivi de près par le dofteur Ærvangehfli, médecin de Monterchi. Celui-ci trouva plus commode de fe fervir de la lancette & d'un fil de coton imprégné de la matière, au lieu d'employer Faiguille: on crut remarquer que les petites véroles qu'il communiquoit, étoient plus abondantes, mais non plus dangereufes. Sur deux cents inoculés, à peine il en perdit un; & ce fut plutôt par le mauvais régime du malade, que par la violence du mal. A mon arrivée à Rome au mois de mai 175 5, je trouvai la contagion ceflée; mais la plaie faignoit encore : on difoit publi- quement qu'il étoit mort quatre mille perfonnes de la petite vérole depuis l'été de Fannée précédente. Quelqu'un avoit écrit de France par plaifanterie, & m'en avoit averti avant mon dépait, que j'allois à Rome pour folliciter un bref en faveur * Voyez Giornale de leterrati di Roma, Luglo 175 $-Journalétranger,, aélobre 1756» p. 50e DES HS CRE NC Bout AY . de l'inoculation. Ce bruit fe répandit & fut pris très-férieus fement. Feu M. le cardinal Vaenti, premier miniftre du feu pape Benoît XIV me dit expreffément, lorfque j'eus l'honneur de lui être préfenté par M. l'ambaffadeur de France, aujourd’hui M. le duc de Choifeul,que fi, pour autorifer l'ufage de la nou- velle méthode en France, on n'attendoit qu'une approbation du faint-fiége, la chofe ne feroit aucune difficulté, Je ne répondis que par une révérence. Dans une feconde audience, S. E. me remit fix exemplaires d'une nouvelle traduétion italienne de mon premier mémoire, faite & imprimée à Rome par fon ordre /a). Dans les converfations que j'avois eues à Æorence avec M. le comte de Richecour,ipréfident du confeil de régence de Tofcane,au fujet de l'inoculation, ce miniftre l'avoit jugée aflez avantageufe au bien de l'État pour l'établir cette même année à Sienne par autorité du gouvernement, fous la direction du docteur Peverini, Les premières expériences (b) s'en firent avec fuccès le 1. oétobre fur quelques enfans-trouvés dans l'hôpital de /4 Scala. L'année fuivante on fit les mêmes épreuves à Æorence & fous la même protection. Les doéteurs Targioni & Scutellari, furent chargés de conduire l'opération. Le premier déjà connu avantageufement dans la république des lettres par un voyage de Tofcane fort eftimé, donne dans fa relation, imprimée J'année dernière à Florence, le détail du traitement de fix enfans & de la fille de M. Sancedoni, patricien de la ville de Seune: tous inoculés à Florence avec le fuccès ordinaire dont je ne parle plus, pour éviter les répétitions. Au printemps de 1756, une petite vérole épidémique de Ba plus grande malignité s'étant manifefée aux environs d'Anghiari, un grand nombre de perfonnes de cette ville, (a) Cette feconde traduction eft de M. l'abbé Perroni, Secrétaire de feu S. É. M. le Cardinal Valenri. Pour abréger quelques formalités qui pouvoient en retarder la publi- cation, l'édition porte au titre le aom de Zucques, quoique faite à - Rome , où elle fe vend publiquement chez les frères Pagliarini , place de Pafquin. Ceci eft pour prévenir l'objection qu’on pourroit faire, en voyant le nom de Zucques, (b) Journal étranger, otobre 175$ 6 pi 704 4% ) nn i 468 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE principalement parmi la nobleffe, eurent recours à l'inoculations Une lettre du doéteur Ranieri Gamucci , profefleur en médecine de Borgo-fan-fepokro, inférée dans fes nouvelles littéraires de Forence ,expole la préparation & le régime qu'il a fait obferver à fes malades; mais en même-temps il avoue que ceux qui moins fcrupuleux que lui, n’ont pas apporté les mêmes atten- tions, n'ont pas moins bien réuffi. Cependant n'eft-il pas à craindre que des gens imprudens, enhardis par le prodigieux fuccès des premières expériences faites en Italie, & regardant comme toujours fuperflues des précautions qui, dans certains cas au moins, & pour certains fujets, paroiflent néceflaires, ne s'expofent légèrement à des accidens qui pourroient les faire repentir de leur témérité , & au rifque de décréditer une méthode fi falutaire quand on fait l'employer prudemment? Je répète ici les réflexions que j'entens faire aux maitres de l'art, mais il faut convenir que dans tout ce qui concerne f'inoculation , c'eft fur- tout l'expérience qu'il faut confulter. Une lettre du 1.7 avril 1757, du docteur Pauh à feu M. de /a Virott , porte que toutes les inoculations tentées à Lucques n'ont produit que des petites véroles de la meilleure efpèce, quoiqu'il y en eut aux environs de confluentes & de très-malignes. Il a continué cette année d'inoculer avec le même fuccès, & promet de publier bientôt un ouvrage fur cette matière. J'ai eu communication dès 175$ à Rome, de deux dif- fertations manufcrites du doéteur Lunadei premier médecin d'Urbin, qui ont pour titre La methode de l'inoculation éclair- cie , foutenue à pratiquée dans l'Etat ecclefiaffique même. On en trouvera l'extrait dans le journal des favans de Rome, de juillet 475 5, & dans le journal étranger , oétobre 1 7 5 6: Ce docteur eft encore du nombre de ceux qui ont inoculé leurs enfans. . On voit que l'inoculation a beaucoup de partifans au delà des Alpes, il ne lui manquoit plus que des théologiens pour apologiftes. J'ai cité les témoignages de plufieurs habiles doteurs proteftans en fa faveur ; l'évêque de Worcefter, M." Some, Dodadrige, Chais , Yuniverfité dé Bale, & jai remarqué que { . DES SCIENCES. 469 dans le cas préfent leur autorité ne doit rien perdre de fon poids auprès des catholiques, puifque les principes des proteflans, ou ne diffèrent pas en ce point des nôtres, ou qu'ils n'en diftè- rent qu'en ce qu'ils donnent plus de prifes aux argumens tirés des décrets de la providence. J'ai de plus allégué l'approbation d'un inquifiteur de Verife , donnée à l'ouvrage de Pi/arini, celle de l'inquifiteur d'Avignon imprimée à la fuite de mon premier mémoire, celle des neuf docteurs de Sorbonne confultés en 1723 par M. & la Cofle, le premier zélateur de l'inoculation en France *, la feconde traduction italienne de: mon mé- moire qui fe vend publiquement à Rome ; Yextrait dans le journal romain d'un ivre intitulé, L’/oculation pratiquée dans l'Etat eccléfiaffique. Si tout cela ne fuffit pas pour les confciences fcrupuleufes, voici un fameux théologien catholique d’une mo- rale févère, le P. Berri, auguftin de Æorence, qui, confulté par M. le cardinal Corfini fur la queftion de l'inoculation, conclud pour l'affrmative, Cette confultation que j'ai entre les. mains eft du 30 décembre 175 6. J'en ai vu depuis plufieurs autres pareilles. C'en eft plus qu'il n’en faut pour répondre à l'ob- jection théologique qui paroît aujourd'hui abandonnée des adverfaires de l’inoculation. Comment ceux qui prétendent qu'employer ce préfervatif c'eft s'oppofer aux décrets de la providence, permettent-ils de fuir le mauvais air dans un temps: d'épidémie ? | Cette objeftion rebatue & viétorieufement réfutée, ef néanmoins encore celle que propofe avec le plus de confiance: l'auteur anonyme de deux difiértations morales & théologiques: imprimées à Rome en 1757 en italien. Cet ouvrage eft une: invective violente & continuelle contre l'inoculation,,. par un: auteur peu inflruit, qui traite de fables les faits les plus no-- toires & les plus authentiques en France & en Angleterre, entrautres l'inoculation des fix criminels à Londres en 1 722,. enfin que la prévention aveugle au point qu'il foutient que: linoculation fait périr plus: de malades. que la.petite vérole: * Voy. la lettre de M. de la Cofte à M. Dodart : Recueil dés pièces: fur l'Inoculation, chez Deffaint &.Saillant, Paris, 1756: “ Nan iij, AUTRICHE. 70 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLs naturelle, Je ne fache pas que perfonne ait daigné répondre férieufement à cette déclamation *, M. le baron Van- Siwieren, appelé de Hollande par fon mérite, pour remplir la place de premier médecin de leurs majeftés impériales, guidé par fon amour pour humanité, fe propoloit d'introduire l’ufage de l'Inoculation dans les Etats de la maifon d'Autriche, d'où un zèle plus ardent qu'éclairé femble lui fermer l'entrée, H m'écrivoit il y a un an qu'il n'attendoit quele printemps pour en faire des expériences, L'exécution d'un projet fi digne d’un premier médecin, a depuis été troublée , ou du moins fufpendue. Peut-être eft-ce l'eflet d'un ouvrage publié Fannée dernière, fous le titre de Queflions fur l'Ino- culation , px M. de Haën, Confeiller -aulique de L. M. I. profeffeur en l'univerfité de Vienne en Autriche. Son auteur, qui paroît plein de candeur & de probité, protefte qu'il aura pour celui qui levera fes doutes une reconnoiflance éternelle : je ne me flatte pas de la mériter à ce prix ; mais il me permettra de le tenter. En lui répondant, je réponds à tous ceux qui, dans leurs objeétions, cherchent comme lui la vérité. Le temps deftiné à la lecture publique de ce mémoire, ne me permet pas de répondre au long à M de Haën, j'en- treprends feulement de fatisfaire fommairement à fes quatre queftions & d'examiner un fait fur lequel il s'appuie, & qui, fûüt-il auffi vrai qu'il efl douteux, ne diminueroit pas d'une dix millième partie les avantages de l'Inoculation. Voiei les quatre queftions de M. de Haën. OUEST 0, Nul S l'Inoculation eff permife par la loi divine ! RÉPONSE. Sans être théologien, j'ofe répondre affirmativement. M. de Haën conviendra, & tous les doéteurs catholiques & pro- teflans s'accordent en ce point, que notre vie eft un dépôt, à la confervation duquel nous fommes obligés en confcience # On la dit d’un religieux Carme. / DAENS SIGNÉ E Nc ‘ENS: 47% de veiller; donc fi ce dépôt court rifque de nous être enlevé, nous devons, par tous les moyens que la prudence peut fug- gérer, le mettre à l'abri de linvafion : or il eft évidemment prouvé par les faits que lInoculation eft le moyen le plus efficace pour conferver ce dépôt ; donc l'Inoculation eff permife par la loi divine. Quant à ceux qui ne peuvent en juger par eux -mèmes ou s'en fier à leurs lumières, j'ai cité des théo- logiens de toutes les communions qui approuvent ce moyen & l'autorifent : que faut-il de plus pour raflurer les confciences les plus fcrupuleufes? QUES ET ON LE S par l'Inoculation on conferve plus de’ vies qu'en laiffeuit agir la Narure ! RÉPONSE, M. Jurim & Scheuchzer ont démontré, dans les tranfations philofophiques, que la petite vérole naturelle, année commune, enlève au moins un malade fur fept de ceux qu'elle attaque *.. Les liftes publiques de l'hôpital fondé à Londres en 1747, pour la cure des petites véroles, prouvent que dans les quatre: années expirées le 21 décembre 175 5, il eft mort un malade au moins {ur cinq de la petite vérole naturelle, & feulement un. fur cinq cents quatre-vingt-treize de l'inoculée. Les plus ardens. adverfaires de cette pratique n’ont jamais fait monter qu’à un fur Qquaränte-neuf ou cinquante le nombre des morts de lInocu- dation pratiquée dans les commencemens, fans précaution & fans choix des fujets, avant que la méthode fut perfeétionnée.. Donc, quelque fuppofition que lon fafle, ox conferve par l'i-- uocularion beaucoup plus de vies qu'en laiffant agir la Nature. QueEesTiron IIl Si eff bien certain que prefque tous les hommes. doivent avoir la petite vérole 101 ou tard, RÉPONSE. Oui, fans doute, prefque tous : & peut-être tous, fans exception: *# Même 1 {ur 6 & fur $. Rec, depièces, ère, Paris, 175,6; p 62:è7 fhiw. 472 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royatr s'ils vivent aflez long-temps pour fattendre. En voici la preuve. 1.” Quelqu'avancé qu'on foit en âge, on n'eft pas für d’être exempt de la petite vérole: les exemples de gens qui l'ont eue, à quatre-vingts ans, ne font pas rares à Paris ni à la cour, & j'ai connoïffance d'une péizanne qui paya ce tribut à l’âge de quatre-vingt-treize ans fans en mourir. 2.° Si l’on examine avec attention ceux qui font perfuadés qu'ils n'ont jamais eu cette maladie; on en trouvera parmi eux un aflez bon nombre, qui en portent les marques & qui fans doute l'ont eue daus leur enfance ou à la mamelle. Il eft ordinaire aux nourrices de n'en point avertir les parens, dans la crainte qu'elles ont de voir appeler un médecin. 3° Il y a des enfans qui ont eu fa petite vérole dans le fein de leur mère: on ne s'en feroit jamais douté fi quelques-uns n’en euflent aporté les marques en venant au monde. Ne peut-il pas y en avoir d'autres, en plus grand nombre, dont les marques fe font effacées avant la naïflance! Qui peut ré- pondre qu'il n’eft pas de ce nombre parmi ceux qui fe croient fürs de n'avoir jamais eu cette maladie? 4 M. de Haën n'ignore pas fans doute qu'il y a des petites véroles fans éruption extérieure: morbus variolofus fine variolis, dit Boheraave. Sans être médecin, j'en fais plufieurs exemples, & de diverfes efpèces. Deux fœurs, âgées de quatorze ou quinze ans, & qui crai- gnoïent beaucoup la petite vérole, en fentirent en même temps’ les premières atteintes. Le médecin leur promit qu'elles n’en feroient point marquées. Il les fit mettre au lit & couvrir extraordinairement jufqu’au cou, en multipliant les couvertures: il fit approcher leurs lits de {a fenêtre, qu'il ordonna de laiflèr ouverte pendant le temps de l'éruption : elles eurent un grand nombre de boutons depuis les pieds jufqu'à la gorge, & peu ou point au vifage. De deux jeunes gens de même âge, & proches parens, élevés enfemble, l'un fut attaqué de la petite vérole, & l'eut très-com- plète: peu de jours après, l'autre éprouva les mêmes fymptômes, à À à D'EST S'CTE N CES") 472 à l'éruption près; il fut dangéreufement malade, il eut des éva- cuations abondantes, qu'on entretint en füuivant l'indication de la nature: il guérit fans avoir euune fule puftule für le corps. MT" la comteffe de P. attaquée de la petite vérole, déclara bien férieufement qu'elle aimoit mieux mourir que d'en être marquée. Quelqu'un lui dit qu'il y avoit un moyen pour ne l'être pas, fans lui diflimuler que ce moyen étoit fort dangereux : elle n’héfita pas à l'embraffèr. L'éruption étoit avancée : on étoit dans l'arrière - faifon : elle s'alfa promener dans fon jardin en s'expofant à l'air froid. La petite vérole rentra : la malade fut traitée en conféquence : elle fut très-mal, mais en réchappa. La maladie fe termina par une diarrhée. , Je vois dans l'hiftoire des maladies épidémiques de l'année 1754, par M. Malouin *, un fait à peu près femblable: une petite vérole rentrée par accident le quatrième jour de lérup- tion, & dont la malade fe tira heureufement. On voit des inoculés, chez qui la fuppuration des plaies artificielles tient lieu d'éruption , & leur petite vérole n'en eft pas moîns réelle; puifque la matière qui coule des incifions, étant inoculée, communique la petite vérole fous fà forme ordinaire, L'éruption ni les püflules ne font donc effentielles ni à la petite vérole naturelle ni à l'artificielle : & peut-être l'art parviendra-t-il un jour à faire ce qu'ont efpéré, ce qu'ont même tenté Boerhaave &. Lobb; je veux dire de changer la forme extérieure de cette maladie, fans en augmenter le danger, Les petites véroles fans éruption, que Boerhaave a connues, font peutêtre plus fréquentes qu'on ne penfe. En ce cas, les gardes, les chirurgiens, les médecins mêmes, à moins d’une grande expérience ; peuvent $ÿ méprendre. If eft‘plus ail de ne pas récormoitre pour petite vérole, une maladie dépouillée: de fon caractère le plus apparent, qui eft l'éruption, que de prendre pour petite vérole réelle une maladie cutanée , qui n'a de commun avec la vraie petite vérole que les premiers fymptômes, & qui en diffère effentiellement d'ailleurs ; dans fes effets, {on progrès & fà durée; & cette erreur n'eft pas fans exemple. * Mémoires de l'académie 1754, page S06. éé Men. 1758. moe . Ooo 474 MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Voilà bien des moyens d'avoir une petite vérole mécon- noiflable, & propres à perfuader qu'on ne l'a jamais eue. On peut donc foutenir , avec beaucoup de vraifemblance, que tous les hommes, fans exception, font deftinés à avoir cette maladie, comme tous les chevaux font fujets à la gourme, & qu'il n'y a d'hommes exempts de la petite vérole que ceux qui ne vivent pas aflez long-temps pour l'attendre. En voici une nouvelle preuve qui approche de la démonftration. Près de la moitié des enfans fuccombe fous les maladies de l'enfance avant que d'avoir la petite vérole /a): ce qu'il s'en faut de la moitié, eft abondamment compenfé par ceux qui meurent plus avancés en âge , foit d'accident ou de diverfes maladies, avant que d'avoir payé le tribut à la petite vérole, Il eft donc très-apparent que la moitié des hommes meurt avant que d'avoir eu cette maladie. Mais elle enlève la qua- torzième partie au moins du genre humain : donc de quatorze hommes /b) qui naiffent, fept mourront avant que d'avoir eu la petite vérole, & Fun des fept furvivans en fera la victime. Or cette victime ne peut être immolée que fix autres ne foient frappées, puifque nous ne fuppofons ce fléau mortel qu'à un malade fur fept : donc tout ce qui ne meurt pasavant d’avoir eu la petite vérole eft fujet à cette épreuve: donc tous les hommes ont la petite vérole, quand ils ne meurent pas d’une mort pré- maturée , &, à plus forte raïon, prefque tous les hommes : ce qui eft la queflion de M. de Haën. Les détracteurs de l'inoculation ne saperçoivent pas qu'ils fuppofent deux chofes contradiétoires, en prétendant d'une part qu'un très-grand nombre d'hommes n’a jamais la petite vérole, & de l'autre, que cette maladie n’eft pas fort dange- reufe. Plus ils fuppofent de gens exempts, moins il en reflera (a) M: Jurin à trouvé qu’à | depièces déjà cité, Paris, 1756. Londres il meurt les deux premieres (b) Voyez ibid. le réfultat des années trois cents quatre-vingt-{ix | tables de M. Jurin pour quarante- enfans par mille des maladies de | deux ans, confirmé par la lifte de l'enfance , la plupart fans avoir eu | vingt-trois autres années , dans l’ou- Ja petite vérole. Lettre de M: Jurin | vrage hollandois déjà cité , des mé- à M. Cakb-Corefivorrh ; Recueil } decins & chirurgiens de Rorrerdame en te CR - DES SCIENCES 475 pour payer le tribut fatal, mais conftant, d'un quatorzième de l'efpèce humaine. Puifque de quatorze perfonnes qui naiffent il en meurt une de la petite vérole, il eft clair que fi treize en étoient exemptes, la quatorzième, qui feule lauroit, en mourroit infailliblement. Cette maladie feroit donc toujours moïtelle: ce qui eft vifiblement faux. Réciproquement; f1 de quatorze petites véroles une feule étoit funefte, chaque mort de cette maladie , fuppofant alors quatorze malades , il faudroit, pour remplir ce nombre, que tous les hommes fans exception , euffent la petite vérole : ce qui n’eft pas moins faux. Accordez- vous donc avec vous-même, dirai-je à nos adverfaires, & choîfifiez entre deux fuppofitions incompatibles. Si la petite vérole eft moins commune que je n'ai fuppofé, convenez qu'elle eft d'autant plus meurtrière pour le petit nombre de ceux qui l'ont. Si la petite vérole eft rarement mortelle, aVouez que prefque perfonne n'en eft exempt. Abelez-nous bourreaux, forcénés, impies ; dites-nous tant d'injures qu'il vous plaira: mais ne dites pas des abfurdités. Quveys To: nr . S7 eff hors de tout doute que l'inoculation fuivie ou non de la petite vérole, en met à l'abri pour le refle de la vie, RÉPONSE. Jai fatisfait au long à cette queftion dans mon premier mémoire ; M. de Haën me permettra de ly renvoyer : je répète feulement ici qu'aicun exemple avéré n'a, depuis près dé quarante ans, prouvé que, lorfque l'inoculation à produit fon éflét, foit en communiquant la petite vérole fous fa forme ordinaire, fit par une fuppuration abondante dés incifions , la même perfonne ait repris la maladie, Quant à ceux für léfquels l'opération ne produit aucun effet, elle les laiffé au même état où elle Les a pris. If eft feulement très-probable, fi l'opération a été bieh faite, que le virus variolique, porté dans leurs-veines, n'ayant pu fermenter avec leur fang , ils font pour toujouis à Fabri d'une pareille fermentation, - 02? 0448 K) Ooo i 24 476 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE Dès les premiers temps où linoculation s’eft établie en Angleterre, on a cité des exemples d'inoculés qui avoient repris la petite vérole. Tous ces faits difcutés contradictoirement ont été convaincus de. faux par les doéteurs Jurin & Nerleron (a). De pareils bruits fe font renouvellés en Hollande, au fujet des inoculés de M. Tronchin & Schwenke; onarticuloit, on cir- conftancioit plufieurs récidives. On prétendoit que M. Scweuke avoit inoculé la même perfonne jufqu’à fept fois; on publioit que fes inoculés étoient à l'article de la mort: on citoit des témoins oculaires, qui depuis ont nié hautement les faits /d). Quant aux prétendues rechutes après l'inoculation, le feul fon- dement qu'aient eu ces bruits, ce font certaines éruptions cutanées tout-à-fait différentes de la petite vérole, dont celle-ci ne garantit point, & qui peuvent indifféremment la précéder ou la fuivre; mais qui s'annoncent par des fympiômes communs à cés éruptions & à la petite vérole ordinaire. La différence effentielle & caractériftique entre cette efpèce d'éruption & la vraie petite vérole eft, que les puftules de la première font claires, tranfparemes , remplies de férofités, qu'elles s'affüffent & fe sèchent le troifième jour-fans fuppuration, Cette maladie efi connue & caractérifée il y a plus d’un fiècle en France, en Allemagne, en Angleterre & en lialie. Elle a été décrite, avant que lon connut l'inoculation dans nos climats, & diftinguée de la petite vérole, fous les noms de vérolerte , petite vérole lymi- phatique, féreufe, criflalline , volante , fauffe petne vérole, €rc. Les allemans la nomment fhefh blanern | puftules de brebis) ; les angiois, chiken pox , fwin pox (puflules de poulet ou de porc) ; les italiens, ravaglioni , morviglioni: mais tous, fans exception, donnent d’autres noms à la vraie petite vérole, & s'accordent à en faire une maladie abfolument différente de celle-ci, qui n'eft nullement dangereufe. Par tout péis, des chirurgiens, des apothicaires, & même des médecins peu expérimentés , ont quelquefois pris celle-ci pour la vraie petite vérole. Telle fut à la Haye celle du jeune baron de Zork, qui ne garda la chambre (a) Analyfis of inoculacion, by Kirkpatrick, p.125. (2) Bibliothèque angloife, Septembre; Oclobre 1756. DES SCIE N CES 477 que deux jours, & qui pour détruire les bruits q‘'on faifoit courir, donna larelation de fa maladie dans le journai déjà cité, M. de Haën eft trop grand médecin, pour avoir pris le change en pareil cas, & de trop bonne foi, pour fe prévaloir de tels exemples; mais il infifte fur un fait qui lui paroît décifif & péremptoire ; un fait dont tout Conffantinople fut témoin, & de plus attefté par M. Mackenfie, médecin fage & clair- voyant. Cocona Timoni, fille du fameux Æmanuel Timoni , médecin du grand Seigneur, & le premier qui ait fait connoître l’ino- culation dans l'Europe occidentale, mourut à Conflantinople en 1741, à l'âge de vingt-quaire ans, de la petite vérole natu- relle, après avoir été, dit-on, inoculée par fon père dans fon enfance. Dira-t-on qu'elle eft morte d'une éruption criftalline ou faufle petite vérole, qui n'eft jamais dangereufe? Non fans doute ; il eft certain que cette fille prit la petite vérole par contagion de fa jeune fœur & qu'elle en mourut. Le témoi- gnage refpectable de M. Mackenfie ne porte que fur fa mort, qui neft pas conteftée : quant à fon inoculation, antérieure de plus de vingt-trois ans, il n'a pu que répéter ce qu'il en a ouf dire fur les lieux. Je n'ai rien négligé pour éclaircir toutes les circonftances de ce fait. J'ai dit dans les premières éditions de ce mémoire, que l'inoculation n'avoit point été faite par le père, alors abfent: qu’on avoit même de fortes raifons de croire que les ordres qu'il avoit laïflés en partant pour inoculer f fille avoient été mal exécutés: que le frère de la demoifelle, interprète de S. M. B. que j'avois connu à Couflantinople en 1731, à qui javois écrit trois fois & envoyé un mémoire de queftions, ne m’avoit point répoudu : que M. Porter , am- bafladeur a@uel d'Angleterre à la Porte ottomane, après avoir fait des informations, avoit écrit au docteur Mary, que le témoi- gnage du fait de l'inoculation de la fille de Zimoni étoit très- douteux {J'ajoute que M. Porrer, cette même année 1763, au mois de juillet , m'a confirmé la même chofe à Londres) : que M. Cardone , fecrétaire-imerprète de la bibliothèque du roi, qui étoit enfant de langue à Conflautinople dans le temps où cette jeune J'TE O0 ii e Lettre de M. Angelo Timoni frère de Cocona 478 MÉMOIRES DE LV'ACADÉMIE Rovazr perfonne mourut, m'avoit affuré que le fait de fon inoculation n'a. voit pu même alors être bien conftaté, & que ceux de la famille qui l'avoïent avancé , fe retranchoïent à dire que cette opération avoit été mal faite & n'avoit pas eu fon effet. C'étoit en 1758 que je m'exprimois ainfi ; mais à la fin de l'année fuivante je reçus de nouveaux éclairciffemens, par une lettre du 2 juillet précédent, du frère de la demoifelle, avec le duplicata de fa pre- mière réponfe du 2 octobre 1758, qu'il m'avoit adrefée par Vienne, & qui ne m'étoit pas parvenue. En voici l'extrait, « Cocona Timoni, née au mois de juillet 1717, fut ino- cuke au mois de décembre fuivant à l'âge de fix mois, par » ordre de fon père, qui étoit alors à Ardrinople avec la cour otto- » mane. L'opération fut faite à un feul bras par un apothicaire » de Scio: l'incifion ne laïffa point de cicatrice, mais feulemenr une » petite marque comme celle d'une faignée. L'onzième jour après » l'opération, fa mère voyant qu'il ne paroifloit aucun fymptôme » ni malkaife, fit échauffer la chambre : vers le foir il parut dix » petits boutons difperfés par tout le corps, dont un un peu plus » grand, à la nuque; mais fa mère, (don M. Timoni tient cette » relation) n'ayant alors que quinze ans, #4 pu faire aucune » obfervation, fi l'opération a été Juivie d'une éruption à la peau, ou » fi la plaie s'eff d'abord féchée. M s'eft informé de plufieurs gens » du péis, médecins & autres : tous lui ont dit n'avoir jamais » vu un pareil accident, qui certainement ne feroit pas unique, » fi les perfonnes inoculées étoient fujettes à avoir deux fois la » petite vérole: Apparemment /ajoure-1-1l) Tapothicaire, qui » étoit novice dans cette opération, avoit mal fait l'incifion. » L'oncle paternel de M. Timoni, âgé de quatre-vingt-cinq ans es (en 1758), attribue toute {a faute à cet apothicaire, qui pañoit = pour yvrogne , & qui peut-être avoit pris pour faire l'opération , la matière d'une faufle petite verole ». 1 M, Angelo Timoni finit fa lettre, en me difant « que depuis » deux ans il a fait inoculér aux deux bras, & par un médecin, » cinq de fes enfans à la fois, dont l'aîné avoit fix ans; que le » Plus jeune, qui n'avoit que quarante jours, eft le feal fur qui » l'opération n'a pas 'ey fon eflet: qu'auflrôt qu'il s'en aperçut, Z 74 DMEUSNISNEUT E :N) CURE 479 il le fit féparer des autres, & qu'il compte le fire inoculer de « nouveau quand il fera un peu plus avancé en âge : qu'au refte « la méthode de l'infertion eft toujours fort pratiquée à Couffan- « tinople, ux-tout parmi les grecs». On voit par cette lettre, qu'il n'y a dans cette affaire que la mère de témoin oculaire; mais d'un fait qui s'eft pañlé il y a plus de quarante ans : qu'elle n'avoit alors que quinze ans, & qu'elle ne f rappelle pas les circonflances les plus effentielles, puifqu’elle avoue qu'elle n'a pas remarqué fi l'opération avoit été fuivie d'une éruption à la peau ou fl la plaie s'éroit d'abord féchée. | Par cette feule circonflance, le témoignage de la mère qui d'ailleurs eft unique, doit perdre beaucoup de fa force. Il y a beaucoup d'apparence que les dix petites marques qu'elle crut “apercevoir éparfés fur tout le corps de l'enfant, qui n'éprouvoit - | mal-aifé fonzième jour, marques que l'on prit pour des utons , n'étoient que des élevures ou rougeurs, caufées par la grande chaleur qu'on avoit excitée à deflein *, dans la chambre, | & non une éruption variolique, d'autant plus que les deux incifions, qui pour l'ordinaire fuppurent abondamment, forment une efcare & laïffent une cicatric très-fenfible, laifsèrent à peine une petite marque femblable à celle d'une faignée. Plufieurs épidémies, dont Cocona Timoni brava le danger depuis 1717 jufqu'en 1741, diffipèrent probablement les ” doutes qui refloient à la mère fur la réalité de la petite vérole de fa fille, & lui perfuadèrent qu'elle n'avoit plus rien à craindre de cette maladie. On ne peut cependant difculper entièrement la mère, d'avoir dans ces circonftances permis, que fa fille gardät fa jeune fœur du fecond lit, pendant fa petite-vérole, & qu'elle la mit coucher avec elle. Il eft très-vraifemblable que la conf- cience de ja mère lui reproche cette imprudence ; ce qui ne peut manquer de rendre fon témoignage un peu fufpeét fur les faits qui pourroient la juftifier , vu fur-tout la difficulté de s'en rappeler le fouvenir après quarante ans d'intervalle. Quant à la mort de la demoifelle Hybfch à Conflantinopie, citée par M. Cantwel dans fa lettre à un avocat en 1757, # J'ai là quelque chofe de femblable dans Ia differtation de M. Cantwel, ns “ds ere 480 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE avec des circonflances pareilles à celles de la mort de Cocoa T'imoni ; c'eft le même fait que nous venons d'examiner : ff ce n'eft que M. Cantwel défigne Cocona Timosi fous le nom de Æybfih, qui eft celui du fecond mari de fa mère, veuve du: docteur Æmanuel Timoni. M. Canrwel donne encore à Cocona le nom de Hybfch en 1758, dans fon Zableau de la petite vérole, p, 211; mais il convient que c'eft une méprife dans une note à la fin de fa traduétion des queftions de M. æ Haën, qu'il a jointes à fa différtation /a). On voit à quoi fe réduit unique fait que peuvent alléguer les ant'inoculiftes , avec quelque apparence de droit, pour prouver que l'Inoculation ne préferve pas infailliblement d’une feconde petite vérole. : - Tous les autres faits de même nature, cités avec le plus de confiance & à la feurce defquels on a pu remonter, ont été prouvés faux /b) , je le répète. Telie ef l'impofture du nommé Jones , confondue par M. Jurin, & dont le doéteur Kirkpatrick rapporte les preuves /c)."Telles font les calomnies réfütées par le docteur Nerrleton [d) & Je doéteur Schwenke (e) , comme la prétendue rechute du baron de Zork (f). Tel eft le fait du lord Lincon , démenti publiquement par fon frère (g) ; & ceux dés lords /nchiquin & Monijoie , Yan & autre fauflement fuppolés morts de l'Inoculation ,:eux dont les familles font encore dans la douleur de ne les avoir pas fait inoculer. Tels font , ou peu s'en faut, les hiftoires des lords Pluuker, Preflon, de Graffion, {a) Le détail précédent fervira de réponfe & d’éclaircifiement à l’ob- jeétion que me fait M. 7ifjor dans fa lettre à M. de Haën, Lauzanne, | 1759, où il s'étonne que je révoque eu doute linoculation de Cocona Timoni, & que j'aflure qu’au moins elle ne fut pas inoculée par fon père. Au refle, en difant qu'on avoit fait deux hiftoires d’une feule, je n’ai point imputé cette erreur à M. de Haëa, qui n’a parlé que de la mort de Cocona T'inoni. (b) Voyez ci-deflus, page 457 êT 452, le texte & les notes. (c) Kirkpatrick, page 123, Recueil depièces, 7 c, Paris, 1756,p. 128, (d) Même recueil, page 118 : Kirkpatrichk, page 121. (e) Voy. ci-deflus, page 476. (f) Ibid, (g) Année littér. 1755, tome V, page 266. Journal étranger , février 1756: p. 127 à Jüuiv. Kanouet DES SCrTENCESs, 481 Aanouet (a),noms imaginaires, difparus ainfi que les précédens, de Ja différtation refondue fous un nouveau titre, & groflie du texte latin & de la paraphrale françoife des queftions de M. de Haën. Cependant l'auteur du Tableau de la petite verole, en fupprimant dans cet ouvrage plufieurs faits convaincus de faux, renvoie fes leéteurs à fà première differtation,, qu'il ne rétracte point & dans laquelle il les donne pour vais, Quoique Chirac, Bocrhaave & Mad, nos Efculapes mo- dernes, après cinquante ans de pratique dans des villes} telles que Paris, Amflerdam & Londres, aient dédaré n'avoir jamais vu de feconde petite vérole dans un même fujet, j'en conclus feulement que le cas eft fort rare: mais en voyant que tous les médecins de Londres s'accordent à foutenir que depuis “quarante ans ils ne connoiffent pas un feul exemple de rechute après l'Inoculation , quand elle a produit fon efet ; & d'un autre côté, que les ant'inoculiftes , malgré l'ardeur & la éonftance de leurs recherches, n'ont cité jufqu'à préfent, à cet égard, que : dés faits faux ou très-fufpedts, je ne puis les admettre pour vrais. Après tout, à quoi bon difputer fur ce point; comme fi le fort de l'inoculation en dépendoit. Voyons feulement de com- bien cette poffibilité fappofée augmente le rifque de l'opération, Parmi les faits qu'on nous oppole, je reçois comme vrais tous ceux dont fa fauflèté n'eft pas évidemment prouvée; ce feront trois ou quatre rechutes {ur plus de deux cents mille inoculations, que l'on compte depuis quarante ans, dans les feuls Etats de la couronne britannique /L) : je ne parle pas des millions d’inoculés, depuis plufieurs fiècles, à 14 Chine, dans l'Inde, en Turquie & en Afrique. Sur cinquante mille inoculations, il y aura donc une rechute à craindre; j'en fuppofe une far dix mille, pour faire meilleure compofition à nos adverfaires. . (a) Annéelittér, 1755 , rome V, | montant à 9308, ne contiennent page 266 ; & Journal britannique, pas , à beaucoup près, Ja vingtième février 1756. partie de celles qui ont été faites dans (b) Le doéteur Mary, Journal | les feuls États de fa grande Bretagne. Britannique , mars 7 avril 1754, | Et depuis 1754 leur nombre s’elt P: 394 eflime que le total des fiftes beaucoup augmenté. d'inoculations du D.’ Krhpatrick , Mim, 1758, | , Ppp 482 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Cette feconde petite vérole doit naturellement être moins dangereufe que a première; mais je veux que le péril des deux foit égal: de fept rechutes, une fera donc mortelle. Or fur dix mille inoculations j'accorde une récidive: donc il faudra fept fois dix mille inoculations pour qu'il y ait fept récidives, dont une foit funefle : ainfï fur foixante-dix mille inoculés, fept auront une feconde petite vérole, & de ces fept un mourra. J'entens s’écrier o7 peut mourir d'une rechute; donc l’Inocula- sion eff inutile , & quelques-uns de nos adverfaires ont donné cette conclufion par écrit : voici la mienne. Donc le danger de la rechute, fuppolé réel, rend Finoculation inutile à 1 fur 70000. Quoi! vous faviez, leur diraï-je, que la petite vérole arti- ficielle pouvoit, par un malheureux hazard, devenir funefte à un fur quatre cents, peut-être à un fur trois cents; vous étiez même obligé d'avouer qu'en fuppofant qu’il en mourût un de cent, l'inoculé hazardoit encore dix fois moins que s’il attendoit k petite vérole naturelle: & parce qu'on vient vous annoncer k poffbilité d'une rechute, qui peut augmenter le rifque d'une foixante-dix millième partie, lInoculation, felon vous, perdra. tous fes avantages ! Puis-je vous croire aflez déraifonnable pour tirer férieufement une pareille conféquence? Croirai-je que vous en avez fenti l'abfurdité, mais que vous avez efpéré qu'elle échap- peroit à vos lecteurs? Je ne veux foupçonner ni vos lumières. ni votre bonne foi, mais donnez-m'en au moins les moyens. OA Je me fuis abftenu d'ajouter au préfent mémoire (imprimé en 1763) un grand nombre de faits intéreflans qui concernent l’hiftoire de l’Inocula— tion, mais poftérieurs à l’année 1758, date de cet écrit: j'ai cru qu'ils trouveroïent mieux leur place ailleurs ; ainfi que la réponfe à des objeétions préfentées fous un nouvel afpeét & rendues plus fpécieufes. Pour me renfermer dans les bornes prefcrites à nos lectures publiques ;. j'avois abrégé ce mémoire; & c'eft ainfi qu'il a paru dans les éditions de Genève & d'Avignon. Je le donne ici plus étendu , & tel que je l'ai là: dans nos affemblées particulières, à un article près , que j'en ai retranché pour le tranfporter dans le premier mémoire, auquel‘il appartenoit plus naturellement. Cinq ou fix lignes du texte de celui-ci, qui ne peuvent fe: rapporter à la date de 1758, font diftinguées par le çaraétére italique &s | par des parenthèles.. | DE $ SCIENCES. 483 ss EEE mr ON EPL En Le DES so scies Voepe UN SAN ©) I =s MESSIEURS DE LA SOCIÉTÉ Royale des Sciences établie à Montpellier, ont envoyé & l’Académie l'Ouvrage qui fuit, pour entretenir l'union intime qui doit être entre elles, comme ne faifant qu'un feul Corps , aux termes des Statuts accordés par le Roi au mois de Février 1706. ren SE PU | RUE MÉMOIRE THÉORIQUE 57 PRATIQUE SUR LES JSYSTÉMES TEMPÉRÉS DE MUSIQUE. : Pa M Rom:IEu. J E me propofe dans ce Mémoire de perfetionner fa théorie & la pratique du tempérament, d'où dépendent les fyflèmes de Mufique & la partition des Inftrumens à romches. Après avoir montré les défauts de leur gamme, lorfqu'elle eft accordée par intervalles juftes ; j'établirai les deux moyens qui y remés dient, en rendant fon harmonie réciproque & peu altérée, J'examinerai enfuite les différens degrés de tempérament dont on peut faire ufage; enfin je déterminerai quel eft le meilleur de 1ous Ppp ji € 29 Août 1754 484 MÉMOIRES DE L'AcADÉMIE Royare SECTION |. La Gamme des inflrumens de Mufique à touches, ne peut être accordée fur le [yfleme jufle. JT. L'objet du tempérament confifte à accorder Ia gamme des inflrumens de mufique & touches où à fous Jixes., tels que ceux de l'Orgue & du Clavecin, de forte que les différens fons qui la forment foient réciproques , C'eft-à-dire qu'ils puiffent être pris pour note zonique, dominante, médiante, où pour in- tervalle de feconde, quarte, fixte, feprième, rc. on ne pourroït point, fans cela, exécuter fur ces Inftrumens aucune modulation ufitée, & porter les deux genres , diaronique & chromatique , dans les différens degrés d'aiguité, foit pour s'accommoder à la portée des voix, foit pour la variété de l'expreffion. TI. Le tempérament ne roule donc pas fur a formation ou accord de la gamme des inftrumens qui n'ont pas leurs Jous fixes, & où l'on peut, à volonté, former un intervalle quelconque, tels que la voix & le violon: tout y eff laifié au jugement de l'oreille; & elle conduit fi bien la voix dans le chant, & la main fur ces inftrumens, qu'on feroit perfuadé - qu'elle donne tout jufte, fi M. Hughens * n'avoit démontré que cela eft impoflible. En efet, on eft obligé de recourir au tempérament fi l'on veut finir fur la tonique par où l'on a commencé. III. In'y a que douze touches ou Jons fixes différens dans la gamme de l'orgue & du clavecin, qui font celles des notes UT, WX, RÉ, MY, MI, FA, faX, SOL, folx, LA, fi+. SI, & qui font répétés dans chaque octave du clavier. Depuis très- Tong-temps les Facteurs {fe font bornés à ce nombre: & sil a paru quelquefois des claviers où loétave füt divifée en un plus grand nombre de touches, ces fortes d’inftrumens ont été de pure curiofité & feulement pour la fpéculation, les Organiftes * Mém. de l'Acad. Roy. des Scienc. année 1707 > p. 207 7 20 8e Rameau, Générat, harmon, chap, VII, Prop, 4 &T 5, pag, 806—92+ 0 Nu MERS, Soie Nc%xs, 48 Y'en ont jamais adopté l'ufage. On trouve dans le P. Kircher * des divifions de l'octave du clavier en.1 9:27, 32 touches, üne de 37 par Galeazzi Sabbatin , & une. de 55 par /Vcolas Æamarin, & on n'a pas été vraifemblablément au-delà. IV. On ne fauroit, fans de grands inconvéniens, régler Les {ons de ces douze rouches fur le {yflème diatonic chromatique Jufte; la gamme réduite à douze {ons , ainfi qu'on le voit dans la Table 1, a quatre efpèces de femi-tons qui en féparent les notes ; favoir, fix femi-tons-majeurs 1 5:16, trois {emi-tons mineurs 24: 2 SUN uma majeur 25:27,& deux ma mineurs 128 : 135. De-Alà il réfulte un double défaut : 1. /es diflances de ces fons font inégales ; cax fi on forme de nouveaux intervalles ‘en prenant une autre. note pour zoniquel (par exemple, 57 au dieu dur), plufieurs de ces fons ne: font plus réciproques , c'efl-à dire qu'ils ne font plus avec cette note la même harmonie, & cela arrive même, quoiqu'on ait différemment diftribué. dans loétave les femi = tons: 2.° les: änmtervalles de ces fons font fort ahérés, car la néceffité où l'on f trouve de prendre Ja note qui tient la place d’une autre ( par exemple, wi # pour ré X), nous fait tomber alors dans, des altérations que l'oreille ne peut fouffrir. ET V.. Ces altérations font tantôt le comma 8o : 81, tantôt le quart de ton 1 2 5 ::128, & tantôt leur différence, qu'on appelle apotome mineur, 202$ : 2048. Or, de l’aveu de tous les Muficiens, il eft certain que l'altération du comma, qui efl ici la plus petite, n'eft pas tolérable * für les confonnances de à Hifl, de lAëz auffi les Théoriftes, par invention de leurs fyflèmes de ve 1742% P: y Mufique , ont-ils cherché à modérer ces altérations, ainfi les Artifles, par la partition de l'orgue & du clavecin. VI C'eft dans la réduction de la gamme inftrumentale à. douze touches , que prend fon origine le double défaut d'inéalité & d'akérarion ; d'où il fuit évidemment que fi l'on y avoit un plus grand nombre de fons, on pourroit ÿ trouver.ceux qui conviennent aux tons ufités, mais la facilité dans l'exécution des pièces de Mufique sy oppole arr. 11). élan * Mug. univ. Zome Z, part, Ir, div, 6, e | Ppp üj 2VALE [ZT que 7 ne 486 MÉMoirEs DE L'ACADÉMIE Roÿare VII. Quoique prefque tous ceux qui ont traité du temé pérament, aient abandonné le fyftème jufle, qui ne fauroit être mis en ufage /4), il s'eft trouvé cependant quelques Auteurs qui ont voulu le conferver: M. Euler /b), en fuivant l'exemple d’un autre Auteur qu'il cite, laifle dans la gamme à douze fons les quatre efpèces de feimi-tons dont nous avons parlé /art. r V), & les y diftribue d’une autre manière fur les notes #1i + & EX, auxquelles il fubflitue le ré x & le /a x; en forte que quelques altérations font tranfportées fur d'autres intervalles & celle du femi-ton minime fupprimé, ainfr qu'on le voit, able 11 L'erreur où il tombe eft évidente , il s’imagine que les dif- férences qu'il trouve fur les intervalles, n'altèrent point fenfi- blement l'harmonie /c) ; mais il n'y a point de doute l-defus ; le comma 80 : 81, le diegis 125 : 128, que M. Euler appelle quart de ton, & le diachifma 2025 : 2048, qui introduit par ka correction de la note /4 % ou du fon 2, feront toujours des altérations intolérables fur les confonnances. VIT. M. de Montvallon /4) conferve auffi le fyfième jufte dans la gamme inftrumentale ; par le changement qu'il y fait fur les notes x & fol'X, il n'y a auffi que quatre efpèces de femi-tons; favoir, un {nma 243 : 256, quatre Âmma mineurs 128 : 135, cinq fémi-tons majeurs 15 : 16, & un femi-ton mineur 24 : 2 s ; cette diflribution, que j'ai ici rapportée dans fa Table III, n'a véritablement aucun avan- tase /e) fur celle de la L & de à II. Table, puifqu'elle ne fait point difparoître les quatre grandes altérations (art. V) que l'oreille ne peut tolérer fur les confonnances. Il n’y a donc pas d'autre examen à fâire pour rejeter la gamme du fyflème jufte, & elle ne peut fervir évidemment pour régler les douze fons fixes des inftrumens & touches, ainfi il faut chercher un (a) Hiftoire de l'Acad. Roy. des | Scienc. an. 1742 ,p, 127. Scienc. an. 1742,p. 14 8—120 (e) Comme je l'ai fait voir dans (b) Tentav. nov. theor. mufe | un Mémoire I à PA ffemblée de la cap. IX, 6. ÿ & 6, p. 134« Société Royale, du 21 Novembre (c) Ibidem, S.8 , page 144. 1748 (4) Hifoïe de l'Acad. Roy. des DES SCIENCES. 487 autre moyen de remédier à ce double défaut d'ncgaliré &e d'ahération qu'elle conferve de quelque manière qu'on y ait diftribué les femi-tons. SECTION II. MOYENS qui remédient à l'inégalité de la gamme des Inffrumens à touches , & en rendent l'harmonie réciproque. IX. Non -feulement les inégalités des fons ne font pas néceflaires dans toute gamme, comme l'a cru M. Efteve *, mais même elles en font le défaut principal, car l'inégalité des femi-tons qui féparent les douze touches de la gamme de ces inftrumens, s'oppofe à Ja réciprocité d'harmonie (art. 17 &r v); or, il eft tout fimple d'y rétablir cette réciprocité , en rendant les femitons égaux & les fons également diftans ; c'eft à quoi-on a fatisfait par la partition de orgue où du clavecin & par la divifion de l'oétave. } eo X. La partition des Faéteurs d'orgue, m'eft autre chofe qu'une férie ou fuite de quintes qui donnent lés douze notes de R gamme: il n'a pas été poffible de faire diréétement , Par Je feul fecours de l'orëille, une fuite de douze femi-ton$ parfaite- ment égaux ; on a imaginé différentes méthodes dans la pratiqué, & on a cherché un intervalle, de la jufteffe duquel Foreille pût juger exactement, & qui fût en même temps capable de donner, par R progreffion, les douze fons de la gamme : la quinte feule a cette propriété, ainfi que la quarte fon complément à l'oûtavé : inutilement y emploieroit-on l'octave, qui ne fait que fe ré- ‘péter , ou la tierce majeure, qui né donne que la quinte fupérflue & la léptième majeure, & leurscomplémens à l'oétave la feconde mineure & la quarte diminuée; & à l'égard des autres inter valles, ils ne font pas primitifs, mais feulement des fonétions de la quinte & de la tierce majeure (art. XXIX). | XL. On s'eft enfuite aperçu que le tréizièmé terme dela férie: des quintes qui donnoïit loctve, né le: faifoit. point exactement % Mém, des Sav. étrang Vol 11, p, 314 483 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE lorfqu'elles étoiént juftes, mais qu'il donnoit trop (arr. x x1). Ont a donc un'peu diminué, la quinte, jufqu'à ce que la douzième quinie ou terme nous ramenât précifément à l'oétave : on a enfuite defcendu tous ces fons dans une oclave, qui s'efttrouvée divifée, par ce moyen, en douze fémiitons égaux: d'autres Faéleurs ont voulu encore diminuer davantage la quinte, afin qu'elle dounât au cinquième terme la tierce majeure (art. XXXVI à XXXV11), & ils ont formé une autre férie, Voilà les moyens REA e ca fa pratique. XHAL Les moyens dont on s’eft fervi dans la théorie, pour corriger l'inégalité de la gamme, ont été de divifer l'oétave en plufieurs parties égales : ces moyens, connus fous le nom de Syflêmes tempérés À Mufique, & dont M. Sauveur /a) a déve- loppé.les difiérens degrés pofhbles, ne paroiffent pas d'abord fondés fur des principes auffi évidens que ceux de la partition des Faéteuis: on. fait venir la divifion de l'octave de celle du son moyen en fémi-ton mineur & majeur, & de la différence de ces deux femi-tons, appelée quart de ton, qui doit être Yunitéou le commun divifeur de l'oétave , mais on ne démontre point la néceflité qu'il y a de faire une pareille difiribution pour corriger la gamme du fyfème jufte. XIIL, C'eft vraifemblablement ce qui fut caufe que M. Hughens /b) qui avoit adopté long-temps auparavant les mêmes principes de divifion d'oétave, ne put jamais obtenir pour {on fyflème de trente-une parties, l'approbation de Salinas, du P. Merfenne & de plufieurs autres célèbres harmoniftes de fon temps, qui ne vouloient point entendre parler de divifion _d'oftave; cépendk ant.ces Auteurs étoient d'autant moins fondés - dans-leurs. prétentions; qu'ils pratiquoient eux-mêmes, fans le .favoir, une divifion d'olave analogue à celle contre laquelle ils s’élévoient; car il leur étoit impoffible de rapporter dans une oclave les douze fons qu'ils avoient.obtenus au moyen d’une fuite ou fcrie de quintes, fans la divifer en parties égales de ton, & de femitton (at x1v): toute da différence confiftoit en ce qu'ils (a) Mémoñsde l'Académie Royale des Sciences ani ga pi 208. (b) Liiera Hughenii ide cyclo hermonices… s "arétoient " DES SCIENCES. : 489 s'arrétoient à la douzième quinte dans la partition , au lieu que dans fa divifion d'otave théorique on pourfuit la férie juf- qu'à ce que l'oftave foit divifée en quarts de ton, comme je vais le faire voir: cette recherche me paroît neuve & inté- reflante par R conformité qu'elle démontre entre la théorie & les moyens-pratiques employés jufqu'à ce jour pour la cor- rection de la gamme des inftrumens à souches. XIV. La férie des quintes-peut les donner auffi tempérées qu'il le faut, pour qu'on foit ramené à l'oétave jufte, favoir, par la douzième quinte formée par le treizième terme de la férie; mais fi l'on veut former une autre férie où le tempérament ou affoibliffment de la quinte fit différent, lorfqu'on portera l'altération de fa quinte au delà, c’eft-à-dire, à plus de = de comma (art. XLVIII) alors le treizième terme de la férie ira point à l'octave jufle, mais à la feptième majeure fuperflue (a), qui fera avec l'oétave le quart de ton tempéré : enfin fi ce quart deton divife fans refte l'étendue d'une octave jufte, & que l'on con- tinue la férie des quintes bien au delà du treizième terme, après qu'on aura rapporté dans une oétave quelconque tous les fons de cette f&rie, Foétave f trouvera divifée en parties égales : car Î… en partant de la note ur, on forme Ja férie des quintes, on aura les notes S01, RÉ, LA, MI, SI,fax, x, /olx, rex, la x, mix, & fx en montant, & les notes LA, fi, mit, lat, rt, (ot, ut, fat, rt, mi$E, matt, & ++ en défcendant. Si l'on rapporte enfüite toutes ces notes dans une oélave , elles ÿ font rangées de manière. 1.° Que l'oétave €ft divifée en deux tritons (4) moyens égaux ur : fax, & fol x : UT, & un quart de ton fa > Jol &, leur commun divifeur. 2.° En fix tons Moyens ÉgAUX UT: RÉ, RÉ : MI, MI: Jax, Jolt : lat, la%:fi%, f+ : ur; & le même quart de ton fax :J0/+. 3° quechaque ton moyen eft divifé en quatre parties, dont deux égales, favoir d’un quart de ton, les deux autres inégales, font Vhyperoche (c), & 1e femi-ton mineur. 4.° Que (a) Par exemple, ut & S# font cet intervalle. (b) On les appelle encore quartes majeures. (c), C'eft le femi-ton mineur , dont on a ôté le quart de ton. Mém. 1758, * Qqgq 490 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE l'oétave divifée en vingt-cinq parties, dont treize quarts de ton, fix Ayperoches , & fix femi-tons mineurs. 5? Enfin que ces deux derniers intervalles ayant le quart de ton pour commun divifeur, l'octave fe trouvera toute divifée en quarts de ton rempéres. X V. Il fuit de la troifième remarque ci-deflus, que dans tout fyflème tempéré de mufique, où l’on confidère la divifion de l'octave relativement à celle du ton,le nombre des parties di- vifant l'oétave, eft toujours égal au nombre 6 multiplié par le nombre des parties divifant le ton, plus l'unité; donc fa férie de tous les fyflèmes poflibles eft 18 + 1,244 1,30 +1, 36+1,42+H 1,48 +1,54 + 1, &c —"19, 25,31, 37, 43; 49, 55, &c. Si lon exclut les termes où les parties de ton font en nombre pair, conformément aux principes de M. Sauveur *, on aura une conclufion femblable à la fienne, favoir la férie 19,31,43, 55, &c. XVI. Dans le fyflème des douze femi-tons moyens, on trou- vera en formant la férie des quintes, & prenant la note z A pour terme moyen, que les termes extrêmes feront mi+ en bas & /o/ x en haut; dans celui de dix-neuf parties fol en bas, & fi x en haut ; dans celui de trente-une parties de M. Hughens, re&# en bas, & /1#+# en haut; dans celui de quarante-trois merides de M. Sauveur, /2++% & rt &+$; dans celui de cinquante-cinq parties , mi + £+ & fo/xX XX, & ainfi de fuite pour tous les autres fyftèmes. X VII, Cette recherche éclaircit,ce me femble, la théorie ou formation de ce grand nombre de parties qui divifent loétave, dont on ne trouve la dénomination & application ni dans M. Hughens, ni dans M. Sauveur; elle nous fait voir que ces parties ne font que les notes d’un genre d'harmonie plus élevé que celles du genre chromatique ; enfin elle démontre évidemment que les théorifles prenant un chemin différent des Facteurs d'orgue, vont cependant au même but; en forte qu'on peut toujours tirer de leurs oétaves divifées cette férie * Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, année 1707 » page 210, où il eft dit que la différence qu femi-ton majeur au femi-ton mineur, doit toujours être l’unite. tn te À DES SIC EN: C 'E US. 491 de quintes de la partition des Facteurs, & même au-delà fr l'on veut ; rien n'empêche cependant qu'on ne s'arrête aux douze premières quintes, pour y prendre les fons des douze touches de l'o“tave du clavier; aïnfr ces deux méthodes font les mêmes quant au fond, & ne différent point eflentiellement , puifqu'elles rangent à diftances égales les fons de la gamme. XVIIL Cet arrangement rétablit donc la réciprocité d’har- monie entre toutes les parties de l'oftave, en corrigeant dans la gamme le défaut d'inégalité; cependant on ne peut entière- ment profiter dans la pratique de cette réciprocité, dès que Von ne prend que quelques parties ou fons pour en former la gamme des claviers de forgue & du clavecin, & que celles qu'on fupprime peuvent avoir lieu dans l'exécution des pièces de Mufique. Il faudroit au moins vingt-quatre de ces parties ou fons . dans l'étendue de l'oétave, pour fournir à tous les intervalles du genre daronico-chromatique; on s'eft ré.luit à douze touches (3,6); ainfion eft obligé de fubftituer le fon le plus près (4, $, 6); c'eft ainfi que l’on fe fert de ur X pour re + & de mi # pour re x, &c. d'où il arrive que la réciprocité eft troublée de la valeur d'un uart de ton tempéré, partie ou commun divifeur de loétave; ainfi plus il y a de parties dans l'oétave, plus ce quart de ton tempéré eft petit, & plus on s'approche de la réciprocité par- faite. On y arrive par le dernier fyflème qui termine la ferie, c'eft celui des douze femi-tons moyens , où le quart de ton devenant nul , le ton eft diviféen deux parties égales & l'oétave en douze. Les fons de ce fyflème {art xzv111 © xXL1rX), portés fur le clavier de l'orgue & du clavecin, y jouiffent d’une harmonie parfaitement uniforme ou réciproque , & remédient au défaut d'inégalité de la gamme réglée fur le fyftème jufte. SECTION IIlL. Moyens qui corrigent les grandes alérarions de la férie des quintes , 7 rendent tolérable l'harmonie de la gamme qu'elle donne. XIX. La férie des quintes, qui produit tous les fons du _Qgqqi 492 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fyftème diaronico-chromatique (art. x) ayant encore avantage de donner à la gamme, des fons d'une harmonie réciproque, comme nous venons de le voir ; il faut examiner préfentement la nature de cette harmonie, & nous mettre en état de décider fi elle peut être employée fans blefler l'oreille. Or fi l'on forme * la férie des quintes juftes ur, fol, ré, la mi,fi, fax, uX, JOX, rex, lax, mix, & fix, & que l'on compare tous ces termes au premier pour en avoir le rapport, on trouvera que ces notes font la. plupart altérées en excès, & on obfervera; 1.” Que les trois premières notes font dans leur jufte harmonie, lorlque ré eft pris comme quinte de la dominante /o/, dont le rapport 8 : 9, & fi 4 eft pris comme fa feconde note, 16:27, mais que 7e & la feront altérés précifément d’un comma 80 : 81, fi l'un eft pris comme fixte de la fous-do- minante 9 : 10, & l'autre comme fa tierce majeure 3 : 5. 2.° Que les trois notes mi, fi, fa X, qui doivent faire avec ut la tierce majeure 4 : $ , la feptième majeure 8 : 15, & la quarte majeure ou triton 32 : 45, font altérées d’un comma 8o : 81. 3° Que les trois notes 41 X, fol, re, qui doivent faire avec ur le femi-ton mineur 24 : 25, la quinte fuperflue 16:25, & la feconde fuperflue 64 : 75, font altérées de deux comma. 4 Que les trois dernières notes /1 %, miX, f°*, qui doivent faire avec UT la fixte majeure fuperflue 72 : 125, la tierce majeure fuperflue*o 2 : 125$, & la feptième majeure fuperflue, ou z%x%, 64:125; font altérées de trois coma. 5 Que le SX, pris pour loctave de ur (à caufe de la fuppreffion du quart de ton fur le clavier de l'orgue & du clavecin), efl altéré de trois comma moins un quart de ton; # On prendra les douze premières | du logarithme 4,0000000, qui eft puifflances du nombre 3, &c. ou, | le logarithme de UT , en retranchant pour plus de facilité , on fera l'ad- | 3010300 toutes les fois que la dition, continuée douze fois, du | fomme excédera 4,3010300, loga- logarithme 1760912 +, qui eft le | rithme de l’oétave, pour faire rentrer logarithme de la quinte, en partant | les fons ou termes dans une oétave. né dar nt : D E49: S,CGIL'E N:C-E.Ss. 493. altération dont le rapport $ 242 28 : EL CRU PE = 3 *X Frs TR ) ; \ \ | X X. Si l'on forme fa férie des -quintes en defcendant UT Ja JE, miX, la%, rx, fol%, ui, Ja, (++, mt, art, ,&rtE, & que l'on compare tous fes termes au premier pour en avoir le rapport, on trouvera les mêmes altérations dans le grave qu'on avoit déjà trouvées à aigu ; favoir , nulles {ur les notes f#, feptième mineure $ 219 + ii & tierce minime 2 7:32, prifés comme quinte & feptième de la fous-dominante {2; d'un comma far lat, rex, JO, qui devroient faire la fixte mineure 5 :8, le femi-ton majeur 15:16, & la fauffé quinte 45 : 64; de deux comma fx ut, fat, (FE, qui devroient faire l’oétave diminuée 25:48, la quarte diminuée 25 : 32, la (éptième mineure diminuée 7 5 : 128 ; enfin de trois comma far: mi £, At & rt %, qui devroient faire la tierce mineure diminuée 125: 144,la fixte mineure diminuée 7 25 :#92, & le quart de ton 125 :128, ou bien de trois comma moins un quart de 1on fur le re+ +, pris pour luniffon de ur. Toutes cesaltérations font négatives ou en défaut & abaiffent les notes, au lieu que celles de Ja férie afcendante (air. XIX) étoient pofitives ou en excès & élevoient Jes notes. XXI. La férie des quintes a donc la propriété de faire croître de trois en trois termes l'altération des intervalles ou fons jufqu'à la valeur d'un comme} 2.2 d'avoir ce comme 80:81 Pour commune & conflante mefure de ces altérations intolé- rables (arr. v) ; 3 d'avoir la trop grande diflance des termes pour caufe de ces altérations ; ce qui nous indique un léger afloibliffément où diminution à faire à Ja quinte jufte, pour avoir une férie de fons dont l'harmonie foit jufle, ou du moins tolérable ::nous appelerons tempérament cette diminution de la quinte. XXII. Le même tempérament ñe fauroit rétablir tous les fons ou termes de la férie dans leur jufteffe, puifque leur alté- ration eft inégale Par rapport à plufieurs termes ; ils demandent * Élém, de Muf théor. &-prat. Li: F, chap, VIT, S. 64 d7 65. Qqa ii 494 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE donc-un degré particulier de tempérament , lequel eft toujours égal à l'aleration de l'intervalle du terme donné par la férie des quintes jufles , divifée par le nombre des quintes qui donnent ce terme ; ainfi la tierce majeure & fon complément à l'oétave, la fixte mineure, exigent le tempérament de + de comma pour devenir jufles; la feptième majeure & le femi-ton mineur, - celui de + de comma ; & létriton avec la faufié quinte, celui de + de comma. Si on examine tous les autres intervalles, on trouvera qu'à la férie des notes juftes, /o/, ré, la, mi, fi, fax,utx,Jolx, ré%, la, mix &ffx, pris pour wr, qui a pour fon complément à l'octave la férie des notes juftes f7, f#, mit, RmX, rt, folt, ut, fat, frt, mbt, lat & ré #+, pris pour ##, correfpond la férie des tempéramens fur la quinte de 2, +1, 5,4, +, 2, 2, 2, 2 27 @& + de comma moins = de gwart de ton 125 : 128 *. Nous voilà donc aflurés d'un moyen capable de corriger les grandes alté- rations de la férie des quintes, & de rendre tolérable, & même jufte, l'harmonie de la gamme qu'elle donne pour les inftrumens à touches. XXIIL Le tempérament une fois déterminé fur la quinte, les altérations font d'une valeur conféquente & néceflaire fur tous les autres intervalles ou fons, qui ne font que les termes de cette férie; ainfi lon peut prendre pour caractère efentiel de chaque fyflème tempéré la quantité de la diminution de fa quinte, qui fera toujours une fraction de comme ; au lieu des tempéramens >, &, À, À- de comma, qui fe trouvent entre celui de + & de +, & qui ne font pas intéreflans, (la juftefie n'y tombant que fur des intervalles, de Fexaétitude defquels oreille s'embarraffe peu) on peut commodément prendre les tempéramens de +, +, +, +5, & par-là on a une férie des tempéramens poflibles, dont l'accroifiement eft régulier ; favoir, RUE NE COOL LL & + de Aie L LA AN UE ARR LR Tr RL les tempéramens de +, +, +, +4 #5 gr 9» To OÙ re conima. XXIV. If ne fuffit pas d'avoir trouvé par à théorie les * Cette quantité équivaut , à très-peu près, à +7 de coma. (art. XLVITI), è ° ORPI Et | pl HIS 1S.C/TIEIN CES 11\ 49 différens degrés pofñibles de tempérament qui corrigent {a gamme , il faut encore une méthode- pratique füre & facile pour pouvoir y conformer l'accord ou partition des inftrumens atouches, On a eu beau établir les différens fyflèmes de Mufique, en calculer lesrapports, & fournir par-là un moyen d’en prendre les fons ou notes fur le mouocorde, les difficultés qui fuivent nécef- fairement cette opération, ont dû rebuter, comme elles ont fait jufqu'à ce jour, les Facteurs ; c'eft par cette raifon que les fyflèmes tempérés de M.* Hughens & Sauveur, & générale- ment tous ceux qu'on na exprimés que par le rapport des longueurs ou des vibrations dans le monocorde, n'ont prefque jamais été mis en ufage ; quoique ces deux tempéramens aient, fans contredit, une meilleure harmonie que celle que nous four- nit la partition de l'orgue & du clavecin ufitée depuis plus d’un fiècle , comme je le prouverai plus bas (art. x 1111 x1vi). XXV. En efle, le sronocorde elt fujet à plufieurs incon- véniens très-difficiles à éviter: 1.° dans tous les mouvemens qu'on donne au curfeur où chevalet mobile , il faut être afluré que la corde ne s'éloigne pas de fa première fituation, qu'elle m'eft point tirée de côté ni d'autre, & qu'elle n'eft ni plus près de la Zable d'harmonie ni plus loin; 2.° lorfqu'on a un peu monté ou defcendu la corde pour prendre l'A-mi-la, ton de chapelle ou de l'opéra, il arrive que pendant le cours de l'opé- ration elle baifle ou monte toujours un peu , par la lenteur avec laquelle fes particules élaftiqmes fe mettent en équilibre, ou bien par un air froid ou chaud qui furvient : fr l'on joint à cela la difficulté ordinaire d’une bonne conftruétion de l'inftrument & de l'exacte divifion de l'échelle, dont peu d’Ar- tifles font capables , on conviendra fans peine que le monocorde n'eft pas auffi utile qu'on l'a cru pour l'accord des inftrumens a touches. XXVI. C'eft ce qui m'a déterminé à chercher une méthode- pratique expéditive, où lon ne fût pas obligé de fe fervir du monocorde & où Von n’employât que le feul jugement de l'oreille. (cet organe eft d’une fenfibilité étonnante, fur-tout dans ceux qui l'ont exercé) J'ai heureufement trouvé cette méthode dans les 96 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE propriétés de la férie des quintes (arr. xx11), & j'ai vu que les deux termes fixes ou notes juftes d’un tempérament, étant une fois accordés par quintes & tierces majeures juftes fur le clavier de l'orgue & du clavecin, il ne falloit que former entr'eux une férie de quintes également tempérées , qui conduifit de pat & d'autre à ces deux termes fixes; &c faifant un pas de plus que les Facteurs, je me fuis convaincu qu'il étoit poffible de faire, avec un intervalle quelconque , ce qu'ils ne fa- voient faire qu'avec la tierce majeure ; car leur partition n'eft autre chofe qu'une férie de quintes tempérées, dont quatre termes font toujours une tierce majeure entr'eux (arr. XX XVI © XXXVI1). XXVII. Pour faire des partitions qui donnent une diffé- rente correction de la gamme, on fe fervira des degrés de tempérament qui aient un intervalle jufte pour termes fixes; ils font au nombre de dix (art. xxr11) , fur lefquels les cinq premiers de +, +,+,+ & +, n'ont rien de difficile dans l'accord jufte des termes fixes: je donnerai en fon lieu (ar. XX XVI, XLV, XLIX © 1x) les partitions de +, +, + & -- de comma , qui {ont les tempéramens les plus intéreflans. Si l'on veut conftruire foi-mème les autres partitions fur le même principe, es nombres du rapport de l'intervalle jufte in- diqueront fon accord ou partition jufle par fes Faéteurs ; ainff le nombre 2 indique loétave, 3 la quinte, & $ la tierce majeure ; leurs expofans indiquent combien de fois l'intervalle primitif eft ajouté à lui-même dans l'intervalle compolé ; ainfi 32:45 —2/: 3x 5, rapport du triton, défigne qu'il eft com- polé de trois quintes & d’une tierce majeure; on ne fait point attention aux gftaves 2°, à caufe de leur identité. SEC 2/10 N LV Examen général des diffèrens Lempéramens Erabliffement de leurs limites; Examen particulier des principaux Syflèmes qu'elles renferment. XXVIU. L'examen général de l'altération qui eft répandue ur DES SCiENCESs. 497 fur les intervalles dans les différens degrés de tempérament art, XX111), ne doit pas tomber fur tous les intervalles in- diftinétement , mais feulement fur ceux où réfide effentiellement l'harmonie; les autres n’intéreffent l'oreille que par le rapport qu'ils ont avec ceux-R, leur harmonie n'étant pas radicale , mais bien dérivée ; d'où il fuit que le principe de l'harmonie doit nous conduire dans cette recherche. XXIX. Or, nous avons trois preuves, qui venant d'une . origine bien différente, concourent à nous faire voir que toute harmonie fe réduit à l'oétave , la quinte & la tierce majeure, & que les autres intervalles plus compolés ne font que des combinaifons de ceux-là. La première preuve eft prife du fentiment qu'ont eu natu- rellement de l'harmonie tous les Muficiens, & qui fe découvre dans la baffe fondamentale de leurs compofitions; elle marche par quintes dans les modulations du genre diatonique , & par tierces majeures dans celle du genre chromatique ; elle n'a par- tout que des accords parfaits, qui, comme tout le monde fait, font compofés de la tierce, de la quinte & de l’oétave, ou bien des accords diflonans de feptième, qui doivent leur for- mation à laddition d’une tierce fur 1a quinte; c'eft ce que M. Rameau a fait voir dans la plupart de fes Ouvrages théoriques. La feconde preuve eff, prife du Principe métaphyfique des rapports ; Vharmonie n’eft jamais exprimée en mufique que par les rapports double, triple ou quintuple, qui font les plus fimples de tous les rapports poflibles : aufir les nombres de’ ces rapports ne font-ils jamais que 2, 3 ou 5 * (jamais 7 ni un nombre premier plus grand), &des mulüples ou autres fonctions de ces trois nombres. La troifième preuve, qui eft phyfique, eft prife de la réfon- ce des corps fonores qui, dans {eur fon total, font entendre à (ne oreille attentive l'oétave, la douzième & la dix-feptième majeure, en haut ou à l'aigu : outre cela, Jorfqu'il y a deux fons *_Abrégé de la Mufique par Defcartes: Euler, Tent, noy. théor, Mif. Cape IV , de conf. Si 13,p, 61: Noy. Table V. : Mém. 1758. . Rrr 498 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE aigus, faifant accord , on entend ces harmoniques en bas ou au grave, fuivant la découverte que j'en fis en 1751 (a). XX X. Cela polé, je ne dois confidérer l'harmonie des différens degrés de tempérament que fur loétave, la quinte & la tierce majeure, je fuis même difpenfé d'examiner l'otave fur laquelle la correction de la gamme ne peut tomber; l'oreille ne peut y fupporter la plus petite altération, à caufe de {on identité (4), qui la rend terme fixe & unique des proportions harmoniques & repréfentatives du fon fondamental ou note tonique ; nous fuppoferons ce principe vrai, quoique perfonne n'ait encore démontré pourquoi / rapport double eff pour l'oreille un rapport d'égalé; c'eft en conféquence de ce prin- cipe, que les notes montées ou defcendues d’une ou plufieurs octaves, confervent le même nom, que l'oétave eft confervée jufte dans tous les différens degrés de tempérament, & que tous les intervalles qui font entreux complémens à loclave, n’y font altérés que de la même quantité ; ainfi la quarte a toujours la même altération que la quinte, la tierce majeure que h fixte mineure, la tierce mineure que la fixte majeure, &c. : XXXI Nous füppolerons encore vrai un autre principe généralement avoué par les Muficiens, & dont nous n'avons aucune démonftration, favoir, que l'harmonie fe rapporte tou- jours au grave, c'eft-à-dire à la baffle, & non à l'aigu, c'eft-à- dire au-deflus. XXXII. Tous ces principes une fois pofés, fi l'on fe ré- duit à l'examen des altérations de la quinte & de la tierce majeure, on trouvera qu'à la férie des altérations négatives de la 1 o L 1 1 1 1 r RE TO PORC en LAS US DB ITR EC Lg — 3, — + &— +de comma, correfpond la 3 férie des altérations de la tierce majeure + +, + Z, +, +i,+ét, + à, + À, Sn 0 — 2, — À de comma, fur lefquelles on voit que les trois V. —— (a) Affemblée publique de la Société Royale, année 1752, p. 77- (b) L'identité des oétaves a été reconnue par les Anciens : Voyez les Problèmes XII, X1V , X VI & XXX VI d’Ariftote far l'harmonie, DES SCIENCES. dernières font négatives ou par défaut, & les autres pofitives ou par excès. XXXIT. Cette férie contient non-feulement tous les degrés poflibles de tempérament /arr. XX111), mais même elle eft encore trop étendue & doit être renfermée dans des limites plus étroites ; car tous les tempéramens où la quinte feroit plus altérée que de + de comma, auroient, parmi plufieurs défavantages, ceux de s'éloigner trop de la jufteffe fur la quinte ou quarte & fur la tierce majeure ou fixte mineure, & de répandre fur les intervalles de la fuite defcendante des quintes , des altérations excédantes, & fur ceux de la fuite afcendante des quintes des altérations défaillantes ; le jugement de l'oreille s'y eft fi fort oppolé, qu'aucun Auteur n'a pafé ces limites dans un fyflème de mufique tempéré; d’un autre côté , tous les tempéramens où la quinte feroit moins altérée que de = de comma, outre qu'ils ne corrigeroïent que d'une très-petite quantité les altéra- tions intolérables de la férie des quintes juftes, ils auroient cet inconvénient, que le femi-ton majeur tempéré y feroit plus petit que le mineur, ce qui renver{e l'ordre naturel de Thar- monie. En effet, on ne trouve aucun fyftème tempéré de Mufique où la quinte foit moins altérée que de -= de comma, XXXIV. Les limites que nous devons prefcrire aux degrés de tempérament qui ontune harmonie tolérable, font par confé- quent + de comma pour la plusgrande diminution de la quinte, & — de comma pour la plus petite ; ils admettent pour tem- pérament moyen, ceux de SE D 55 &-5 de comma. Ces limites renferment encore les fyftèmes de Mufique qui ont paru en divers temps ; tous les Faéteurs d'orgue, tant anciens que modernes , ont réglé leurs partitions fur le tempérament de + decomma (ant. xx xv1); M. Hughens en a un peu re- uanché, & a réduit à fort près de Æ de comm (art. X11 ); M. Sauveur l'a diminué encore, & {a réduit à près de + de comma (art, XLIP) ; je crois qu'il doit être fixé à 2 de coma, comme le meilleur, ainfi que je le ferai voir (at. LVI, LVII © 1v111); enfin M. Ramæu adopte l'ancien tempérament de + de comma (art: x1v111). On feroit peut-être furpris de Rrrij soo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE voir que des opinions , foutenues en divers temps & par des perfonnes fi différentes , foient renfermées dans des limites fr étroites, fi l’on ne faifoit attention que l'oreille, fouverain juge en cette matière, ayant été fans doute toujours confultée, a fait éviter les grands écarts. XXXV. Après l'examen général que nous venons de faire des différens degrés du tempérament, il s’agit préfentement de confidérer en particulier chacun de ces degrés ou fyflèmes qui ont trouvé des défenfeurs , ‘d'en parcourir les principales qua- lités, bonnes ou mauvaifes, en un mot de juger de la qualité de leur harmonie tempérée: cet examen nous mettra en état de décider du meilleur tempérament dans la fetion fuivante. XXXVI. Le tempérament de + de comma, dont le loga- rithme eft 1 3487 +, eft fort ancien ; Zarlin & Salinas affurent qu'il étoit en ufage avant eux, mais qu'ils font les premiers qui l'aient calculé & démontré (a) ; on le trouve décrit dans le Traité de l'harmonie univerfelle par le fieur de Sermès, imprimé en 1627 : le P. Merfenne /4), en 1644, le citoit comme conforme à la pratique de Jean Dionis, le plus habile Facteur de ce temps-là, par où l'on voit que l'harmonie de ce tempérament étoit affez généralement approuvée & pratiquée dans le fiècle paié; elle 'eft encore aujourd’hui , prefque toutes les orgues font accordées fuivant ce fyflème (c); les Organiftes & Facteurs s'en fervent encore pour le clavecin, quelquefois avec certains changemens , que leur peu de connoiflances théo- riques occafionne. Quelques-uns jugent qu'ils ont affoibli comme ik faut les quintes au battement /4) ou tremblement du fon des cordes de clavecin ou des tuyaux d'orgue; mais le plus grand nombre reconnoiflent qu’ils ont bien opéré, lorfque les tierces majeures font bien juftes. La partition du tempérament de + de comma ne fe trouve pas dans Ja plupart des Auteurs qui (a) Litteræ Hugheni de cyclo | Bedos, Religieux Bénédiétin, qui harmonico. pofsède parfaitement la faéture de (b) Mérfenni , Cogit. phyf. marh. | l'orgue. harmoniæ, Lib, 1V. (d) C'eft celui dont parle M. (c) Suivant ce que m'a dit Dom | Sauveur. Dir/S M'ÉVEAT.E N CIE sor ont traité du tempérament de + de comma; dans ceux où elle f trouve, elle n’y eft point décrite avec exactitude, ainfi je vais la rapporter ici : pour ce qui concerne le rapport des fons welle donne, on peut confulter la Zable IV XXXVIL Après avoir réglé le z4 du clavecin fur un ton fixe quelconque, comme de chapelle où d'opéra, & en avoir accordé toutes les otaves; 1.° on accordera un des termes fixes de la fuite des quintes tempérées de + de comma, favoir, ‘ut X; pour cela, on prendra #1 % dans la quatrième octave, & on l'accordera par dix-feptième majeure jufte avec le ZA de h première octave* : je préfère la dix-feptième majeure à la tierce majeure , parce qu’elle eft beaucoup plus aifée à accorder jufte, car la tierce majeure bat toujours un peu, même lorf- qu'elle eft dans fa juftefle ; au lieu que la dix-feptième majeure fe méle auffi parfaitement avec le fon grave que le fait lodtave, ‘& lorfqu'elle eft jufle, on n'entend plus qu'un fon unique & plein; on pourra fe fervir cependant de la quinte & de la tierce majeure fi on exige une moindre précifion. 2.° Partant du ZA moyen du clavier, on accordera les trois notes mi, ft, fa X; pour cela on fera ZA, mi douzième aiguë un peu aliérée, & de + de comma ; de ce mi on defcendra à fa double oclave jufte ri, fur laquelle on fera mi, Ji, douzième aiguë altérée de la même quantité que la précédente ; de ce f£ on defcendra à fa double otave jufte f, fur lequel on fera f, fax, dou- zième aiguë tempérée de même ; de ce fa % on defcendra feule- ment à fon octave fimple fa %X, qui, comparé avec #1 %, terme fixe, doit faire une douzième également tempérée: il faut donc que les quatre douzièmes qui mènent depuis ZA jufqu'à 7%, terme fixe , foient également afloiblies; & fi, lorfqu'on eft arrivé à ce terme, on trouve quelque “chofe de plus ou de moins , on corrigera celles où l'on aura manqué d’exactitude, # Cette partition eft conforme à | feptièmes majeures & les douzièmes. celle qui eft pratiquée fur l'orgue | Ceux quiont peu d’ufage, mais qui avec un grand fuccès , par Dom | ont l’oreille bonne, accordent la Bedos , Bénédictin: il y a cette feule | dix-feptième prefque auffi jufte que différence, qu'il fe fert de tierces & | l’Artite le plus expérimenté, de quintes la où j’emploie les dix- Rrr ii 502 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 3. Cela fait, les autres huit notes qui reftent s'accorderont par dix-feptièmes majeures, favoir au grave; 1° fa avec 14, ur avec mi, fol avec fi, ré avec fax; 2.° fi+ avec ré, & mi + avec fol; 3.° à l'aigu Jol x avec mi. 4 Enfin on accordera les octaves de ces douze notes dans toute l'étendue du clavier. XXXVIMH. Cette partition ne laifle, comme on voit, que les trois fons mi, f? & fax à la difcrétion & au tâtonnement de T’Artifte: les autres neuf, favoir, ZA, rx, folx, re, fol, ut, fa, fit & mir, s'accordent toutes par intervalles juftes , & ce meft que par une erreur aflez fenfible qu'il peut sy tromper , ainfr elle eft fupérieure , à cet égard , à toutes les autres où il n'y a pas un auffi grand nombre de notes qu'on puiffe obtenir par intervalles juftes. XXXIX. L'harmonie d'un davecin ou d'un orgue ainfi accordé, eft pure fur les tierces majeures & trifte où un peu dure fur les quintes, qui y paroiffent affez fenfiblement afoi- blies /a) par le contrafte de leur altération avec la jufteffe des tierces majeures. À ce défaut, j'en trouve joint un autre, qui fuffit feul pour exclure ce tempérament : toutes les fois qu'il y a fubflitution /arr. IV, v, V1), par exemple, lorfqu'on prend le mi pour re x, le fo! % pour L2 &, érc. il en réfulte des altérations intolérables, & qui font plus grandes que dans tous les autres tempéramens recevables /arr. XXXIV), favoir d'un comma + & d'un quart de ton; elles donnent aux tons où modes mineurs de fa, ff # & mit, & aux tons ou modes majeurs de fa x, ut X & fol x, une harmonie fort défagréable fur les médiantes & fixièmes notes, & qui nous le paroîtroit encore plus fr nous ne l'avions jamais entendue. XL. Auf M. Rameau, qui eft fans doute 1m bon Juge en cette matière, s'en explique en ces termes /b): à préfent, dit-il, que toutes les tranfpofitions font indifferentes, je demande fi l'on peut accompagner du clavecin ou de l'orgue, ni même y toucher des pièces, fur les modes où entrent les Jons d'une quinte (a) Rameau, générat. harmon. chap. VII, p. 107. (b) Ibid. chap. VII, p,. 102, UPS SIC LE NC ES 503 aff difproportionée que celle qu'on y pratique * ; & il répond tout de fuite, lyage pouvoit paffer dans le temps où ces modes u'éoicut pas connus , ou du moins ufités, mais ce Jeroit une erreur de vouloir encore s'y Joumettre lorfqu'on fait le moyen d'y remédier : cependant l'altération dont il parle eft d’un comme À; que fera-ce donc des deux autres qui font plus grandes, & fur-tout de 1a dernière , qui ne diffère du femi-ton mineur que de près d'un comma. Tout cela cependant n'a pu obliger les Muficiens à abandonner ce tempérament ; que lon Juge à préfent de leur délicatefle en cette matière, & on verra ce que peut faire un préjugé qui a pris naiflance dans un ancien ufage, & qui s'eft confervé par l'approbation d'un grand nombre d’Artiftes ou Facteurs qui n'ont fu mieux faire, XLI. Le tempérament de? de comma, dont le logarithme eft 11988 $, a pour termes fixes les notes J: X, feconde fuperflue, & fol du feptième mineure diminuée, lorfqu'on a pris ZA pour fon fondamental ou terme moyen de la férie des quintes; il ne diffère du tempérament de M. Hughens que du logarithme 492 +; quantité infenfible à l'oreille & qui ne vaut que ir de comma. M. Hughens conclut fon {yflème en divifant le ton en cinq parties, dont trois pour le femi-ton majeur & deux pour le femi-ton mineur, & conféquemment loctave en trente-une parties, ce qui donne à la quinte un tempérament de logarithme 1299 $ : il avoit eu d'abord le deffein d'exprimer en nombres le tempérament de + de comma ; mais comme il voulut divifer le ton & l’oétlave en parties égales , il fut aftreint à choifir la divifion en trente-une parties, qui eft celle qui s'approche le plus du tempérament de + de conma. XLIL. Je crois qu'il eft inutile de rapporter ici la partition qui peut fe faire pour le tempérament de + de comma, au moyen des neuf quintes tempérées qui fe trouvent entre les deux termes fixes fx & Jol'& juftes ; elle eft affez compliquée, d'ailleurs la jufteffe y tombe fur des intervalles peu intéreffans dans fharmonie. * C'eft celle des deux touches 2% & mit pris pour ré X, o4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE XLIIL. L'harmonie d'un clavecin , accordé fur le tempéras ment de 2 de comma où de M. Hughens, ne diffère pas beaucoup de celle de + de comma; elle a à peu près les mêmes défauts, les quintes y font moins contraftées avec les tierces majeures qui font la moitié moins altérées, favoir, de + de coma : les altérations occafionnées par la fubftitution du mi & au rex, du fo/x au la &, dc. (art. 1V, v © vi), y font un peu moindres & d'un comma + un comma +, & un ‘quart de ton jufte, & la quinte /o/x, mit moins intolérable. XLIV. Le tempérament de +de comma , dont le logarithme 10790,a pour termes fixes les notes /0/%, feptième fuper- flue, & f# femi-ton majeur, lorfqu'on prend ZA pour fon fondamental ou moyen de la férie des quintes ; il ne diffère que du logarithme $ 2, qui vaut 2 de comma (a) du tem- pérament de la quinte dans le fyflème de Mufique de M. Sauveur /b), où le ton eft divifé en fept parties, appelées merides , favoir, quatre pour le femi-ton majeur tempéré & trois pour le fémi-ton mineur; d'où il conclud quarante-trois merides dans loétave: la quinte a donc vingt-cinq werides ou + de loétave, dont le logarithme 4,3010300, & a pour logarithme 4,17 50174, plus petit que celui de la quinte jufte 4,17 609 12 +, ainfi l'afloibliflement de la quinte y eft de logarithme 10738 + {voy. Table V') des rapports des fons dans le tempérament de + de comma. XLV. A l'égard de la partition que donne ce tempérament; voici comme je l'ai conftruite, fuivant les principes expofés ci-deflus /art, xx11) : après avoir réglé le ZA du clavecin & en avoir accordé toutes les octaves, 1.” on accordera les deux termes fixes de la férie des quintes tempérées de + de comma, qui font Jol x & fi+; pour cela on fera ZA, mi douzième jufte aiguë, & mi, fol x dix- feptième majeure jufte aiguë (c) , (a) Cette quantité eft totalement infenfble à l'oreille. (b) Mém. de l’Acad. Royale des Sciences , année 1701 ,p. 297: (©) On aura foin d’abaiffer d’une ou plufeurs oétavesles {ons qui s’éloi- gneront trop du milieu du clavecin. on DAETSE ISNGT E NUCUENS 505 on dérangera après cela mi & ré, qui n'étoient que des mer- medes de la paitition. 2. Partant du ZA, on fera cinq douzièmes ou quintes aiguës également tempérées, ZA mi, mi ff, fi fa X, fa KuwrX, ut X Jol*, qui arrivent au /o/*, terme fixe auquel il ne faut pas toucher, on reviendra feulement fur {es pas fi la quinte utX fol, où quelqu'autre, ne fe trouve point autant tempérée que les autres. 3° Partant du ZA, on fera cinq douzièmes ou quintes au grave, également tempérées, z 4 ré, re fol, fol ut, ut fa, fa €, qui doivent arriver exaétement à f #, terme fixe. 4° On fera la douzième ou quinte au grave, fE mit, tempérée autant que les précédentes. s+. Enfin on accordera les oétaves des douze notes dans toute l'étendue du clavier. 3 XLVI. M. Sauveur /a) a très-bien remarqué que fon fyflème à l'avantage de répandre une égalité d'altération fur les confonnances, ce qui fait difparoïtre ce contrafte que nous avons obfervé dans les deux précédens tempéramens (art. xx x1x & xLr11), fur les tierces majeures & les quintes; car dans ce fyftème elles font également altérées, favoir de + de comma. Cette uniforinité qu'a l'harmonie d’un clavecin , accordé de cette manière , fait un effet beaucoup plus agréable que l'inégalité des deux fyflèmes précédens, comme je l'ai fouvent éprouvé; car les accords altérés fort inévalement , fuivant l’idée ingénieufe de M. de Fontenelle /& ) , font feutir à l'oreille le défaut de tout le refle, © lui rappellent trop vivement le rapport d'une jufleffe qu'il fau au contraire lui faire oublier. Les altérations qui arrivent dans les cas où l'on fubftitue le 775 € au re %, le fo/ X au /a +, de (art. IV, v © vi) font, dans le tempérament de M. Sauveur, d'un comma +, & par conféquent plus petites que dans les deux tempéramens précédens ; enfin la quinte /0/ X mi n'y eft altérée que d'un comm. XLVII En fuivant l'ordre que je me fuis prefcrit, je (a) Mém. de l’Acad. Royale des Sciences, année 1707, p. 219: (L} Hift. de l’Acad. Royale des Scienc, année 1707,p. 119 &T 1204 Mém. 1758. Sff 506 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE devrois préfentement paffer à l'examen du tempérament dé + de comma; mais comme ce tempérament eft le meilleur de. tous, ainft que je le ferai voir dans la feétion fuivante, ceft Jà que je crois devoir renvoyer cet examen: je n'examinerai pas non plus les ternpéramens de +, +, + & = de comma , parce qu'ils différent entr'eux beaucoup moins que ceux de L, + & +, à qu'ils font privés de l'avantage de pouvoir être rendus par une partition qui ait des termes fixes jufes, en forte qu'on eft obligé de recourir au monocorde pour les porter fur le clavecin. Je paflérai donc à l'examen du dernier tempéra= ment de + de comma. XLVIIL Dans ce tempérament, la quinte eft afloiblie dé + dé comma moins de quart de ton (quantité dont le loga- rithme eft 4904+, qui ne diflère que très-peu de - de comma , dont le logarithme eft 4904) ; il a pour termes fixes loétave ou l'unifflon de la note par laquelle on a com- mencé, & où l’on doit revenir exaétement par douze quintes également tempérées. Ce fyflème , qui divife l'octave en douze femi-tons moyens égaux, eft le plus ancien de tous; Arifto- xène fa ), parmi les Grecs, en eut la première idée; Gu d'Arezzo (b) ,quivivoiten 1024, lerenouvela : Kircher, dans fa Mulurgie univerfelle /c) , imprimée en 1650, donne la manière d'accorder le clavecin conformément à ce fyflème; M. Rameau (4), en 1737, l'a regardé comme le meilleur de tous, après avoir abandonné le tempérament de +de comma qu'il avoit embraffé en 1726 (e) ; il a préféré celui des douze femi-tons moyens , parce qu'il donne à la fucceffion fondamentale des quintes la plus petite altération fur elles, & à caufe de la parfaite réciprocité que les fons y ont entr'eux. XLIX, La partition qui en donne le tempérament n'a rien de difficile que dans Fafloibliffement de la quinte de -= de (a) Kircher, Mufurg. univ. Tom. Z, lib, 111, cap, 12. (b) Defchales, AMundus mathemathicus. ‘{) Lib, VL, part, 2,1tom, 1, (d) Générat, harmon., chap, VII, pages 94 — 2107, . {) Rameau, Nouv. fyft, de Muf. théor, chap, XXIV , ps 1074 DES BNC EN Étete 507 comma , qui échappe prefqu'à l'oreille, & dans {a difribution égale des douze douzièmes ou quintes dans toute la rie: on eut la commencer à la note qu'on voudra /4), toute cette férie eft laïflée au tâtonnement & au jugement de l’Artifte ; & quoiqu'à fon dernier terme, il fe trouve für luniflon ou Toctave de la noté où il avoit commencé, il n'eft pas cependant plus afluré des termes moyens, car il peut fe faire que ce qu'il a ris d’excédant fur une quinte tempérée, fe trouve défaillant fur une autre; ainfi il eft plus néceflaire qu'en toute autre partition, d'examiner attentivement l'égalité de diftribution dans toute la férie fur chaque quinte, avant d'accorder les octaves des douze touches dans toute l'étendue du clavier. L. L'harmonie de ce tempérament portée fur le clavecin, a de l'éclat fur les quintes, mais elle eft fort dure (b) fur les tierces majeures, qui y font altérées par excès, & de Z de comma; cette dureté s'y fait même d'autant plus fentir, qu'elle €ft contraftée par la modicité de 'afloibliflément des quintes qui y paroiflent prefque juftés. Outre cela, la tierce mineure eft altérée très-fenfiblement & d’une manière peu agréable à l'oreille; & quoique cet intervalle ne foit point primirif, cependant il tient le lieu de la tierce majeure & devient 6- diante dans les tons mineurs, à raifon de quoi il mérite une certaine attention : enfin, ce tempérament à une harmonie entièrement uniforme dans tous Îles tons ou modes, & fur toùs les intervalles /c), & il eft le feul de tous les autres qui foit entièrement exempt des altérations qui arrivent lorfqu'on fubfti- tue le mi £ au X, lef0/K au Lm#, dc. (art. 1v, v & vi), en forte que la quinte /o/X mi # eft tempérée, comme toutès les autres, de = de comma. (a) Voyez cette partition décrite dans les Elémens de Mufiquethéo- rique & pratique, fuivant les prin- cipes de M. Rameau, Liv. I, chap, V11, $, 72: cet Ouvrage eft de Tilluftre M. d’Alembert ; on'y re- connoît le génie, l’ordre &la chuté de cet habile Géomètre, (b) Rameau, Générat. harmon chap. VII, p. 107: (c) On croit fentir quelque petite différence dans certains modeés ; mais cela ne vient que de ce que les mêmes accords, portés dans l'aieu ou dans le grave, affectent un peu différemment l'organe. S{fÿ 508 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoyaLr S ‘ED GET EMA Ve Du meilleur Tempérament , de fes propriétés particulières ; à de fa Partiion pour l'Orgue où le Claveciu. LI. L'altération que les différens degrés de tempérament 2 da GE de comma répandent fur les intervalles primitifs de quinte & de tierce majeure, fouflre beaucoup de variation; car dans le premier, la tierce majeure eft jufte & la quinte altérée de + de comma, dans le fecond la tierce ma- jeure eft la moitié moins altérée que la quinte, & de + de comma ; dans le troifième, la tierce majeure & la quinte font altérées également, & de Æ de comma ; dans le quatrième, la. tierce majeure eft deux fois plus altérée que la quinte, & de + de comma ; enfin dans le dernier, la tierce majeure eft fept fois plus altérée que la quinte, & de 7 de comma. Cet examen ma conduit naturellement aux queftions qui tendent à déter- miner le choix exclufif d'un tempérament : faut-il que la quinte &. la tierce majeure foient également tempérées, ou bien iné- galement ? & dans ce dernier cas, de quel côté doit être la moindre: altération , & quelle.eft la proportion qui doit régner dans cette inégalité. LIL J'ai toujours trouvé dans la Génération harmonique de M. Rameau des principes qui m'ont conduit dans la folution de toutes ces queftions; il adopte dans cet Ouvrage le tem- pérament de -L de comma, & rejette celui de +; le grand afloibliffément des quintes dans ce dernier lui déplait, parce welle f trouve jointe à la jufleffe des tierces majeures: fur quoi, dit-il, (a) doi tomber la correction, fi ce u'eff fur ce qu'it y a de moins parfait ! fi vous n'ofez alrérer l'otave , qui eff plus parfaite que la quinte, pourquoi aléreg-vous celle-ci pluôt que- la tierce, qui efl moins parfaite qu'elle (b) ce reproche ft (a) Chapitre V II, page 102. (b) Si M. Rameau avoit pu connoître les opérations, auffi bonnes. que neuves, de M. Sauveur, il auroït vu que fon fyftème altère égale ment ces deux intervalles. phelis SCT € N Corus, 509 jufle, tout Æarmoniffe qui voudra bien abandonner ces préjugés, fentira la force de ce raifonnement. LIL. Ce n'eft pas que M. Rameau fe diffimule le défaut effentiel du tempérament de -= de comma qu'il adopte, if a l'oreille trop délicate & trop favante pour fe laïffer prévenir ; auffi avoue-t-il que l'altération des tierces majeures, dans ce fyftème, choque par fon excès (a), mais il aime mieux maltraiter Ia tierce majeure que la quinte: cette prédilection eft fondée fur ce principe , que plus un intervalle eff confonnant , plus fou ahération déplaît à l'orcille (b). LIV. Je n'eus pas plutôt réfléchi fur ce principe, que je vis tout de fuite la folution du problème du meilleur tempé- rament, & je conclus que, fans accorder trop à la quinte ou à la tierce-majeure, il falloit prononcer en faveur de celui qui avoit fur ces deux intervalles primitifs, une altération propor: tionnée à leur degré de fuavité où de confonnance. LV. La fravie ou confonnance harmonique de la douzième ; origine de la quinte, eft à celle de la dix-feptième majeure, origine de la tierce majeure, comme la fimplicité de feurs rap- ports 1:3, 1:5. Or, cette fimplicité eft en raifon inverfe des nombres premiers qui expriment les rapports ; ainfi elle eft comme 5, à 3, mais l'altération de ces deux intervalles. primitifs doit être en raïifon inverfe de la fuavité, puifqu'elle- doit être plus petite là où la ravie eft plus grande; donc ici elle doit être en raifon direéte & comme 3 à 5; cette dé- termination eft conforme à celle de M. Euler {c) fur ordre de fuavité du rapport triple & quintuple qu'il met du troifième. & cinquième degré.. LVI. Cela pofé, fi lon cherche quelle proportion règge- dans les altérations de la quinte & de la tierce majeure dans: les tempéramens poffibles arr. xxx1v), on trouvera qu'aux altérations de la quinte, +, 4,2, +, 5,25 & - de comma,. (a) Elle eft de Z de commm (b) Élément de Mufique théorique & pratique, felon M. Rameau, clap. VII, S. 67, p, 44» (c) Tentam noy, cheor, mufic, cap. M, $. 11 & 31, pp: 41, 61 &7o+- SEL to MÉmOrREs DE L'ACADÉMIE RoyALE répondent les altérations de la tierce majeure, +, 2, 2, #, 3, 5 & Z. de comma ; ainfi le rapport des unes aux auties, forme cette férie, 1 :1, 1:2,1:3,1:4, 15, 1:6,1:7, dans laquelle on voit que le fécond terme qui appartient au tempérament de + de comma, eft celui qui approche le plus de la proportion requile 3 : $. LVII. Si pour arriver exactement au rapport 3 : $, on cherche le tempérament qui a cette propriété, on trouvera que c'eft celui où la quinte eft tempérée de _ de comma, dont le logarithme ef 9521 (a) qui vaut & de coma ; plus de coma ; la tierce majeure y eft altérée en excès de loga- . . . Li sithme 1 5 868, qui vaut + de coma , moins — de comma ; es la différence de ce tempérament avec celui de F de comma, x n’eft doncque de = de comma , quantité abfolument infenfible à l'oreille & qui doit être comptée pour rien. LVIII. Ainfi il eft démontré que le tempérament de + de comma eft le meilleur de tous, à caufe de Faltération propor- tionnelle qu'il répand fur les intervalles primitifs, & c’eft pour cela que je l'ai appelé tempérament anacratique , pour le diftin- guer des autres (b). LIX. Pour calculer ce fyflème, je prends ur pour le premier terme de fa frie des quintes, le nombre 10000, dont le logarithme 4,0000000; j'ajoute à ce logarithme celui de la quinte tempérée de comma, qui eft logar. 175 192 o$(c), que j'ajoute continuement & pendant cinq fois : ayant attention ‘ôter de la fomme le logarithme de l'oétave , logarithme 3010300, toutes les fois que cette fomme excède le logarithme ci (a) Car la fomme de altération | + $ — 17; donc -# de comma de la tierce majeure, qui provient | pour la quinte , &-5; de comma pour de quatre quintes juftes , étant égale | la tierce majeure. au cmnma (art. XIX,n, 20721), il fuñit de multiplier l’antécédant du rapport par quatre, d'y ajouter le conféquent; & l’on aura le déno- minateur d’une fraction, dont les (c) Celui de la quinte jufte, et deux nombres donnés feront les nu- | le logarithme 1760912 =. mérateurs ; ainfi je fais 3 x 4 = 12 (b) Je fis part de cette nouvelle folution à la Société Royale, le 12 Juillet 1753. à DÉS SECME NC EU, SE 3010300 , ce que je fais pour defcendre toutes les cinq notes dans une feule oétave ; & cherchant enfuite dans les Tables les nombres naturels correfpondans, ces nombres exprimeront le rapport des vibrations des cinq notes, favoir de fol, ré, la, mi, fi, Ja X, uX & fol *; & {1 on les prend en raifon inverfe, ils donneront le rapport des longueurs du mMonocorde. 2.2 Je fais de même en defcendant, avec cette différence que je fouftrais continuement & fix fois du logarithme 40000000 le logarithme de la quinte tempérée de + de comma, & que j'ajoute le logarithme 30 10300 lorfqu'il faut monter les notes dans fa même ottave, & j'ai fe rapport des vibrations des fix notes, fa, {Æ & mi; voilà comme j'ai trouvé les nombres dont j'ai forméla Table VI, qui contient le rapport des fons dans le fyftème anacrarique , feulement pour les douze touches du clavier. On voit par cette opération, faite avec les logarithmes, qu'elle eft parfaitement analogue à ce que l'on fait fur le clavier de orgue & du clavecin, dans la paitition , qui n'eft qu'une fimple addition continue de quintes tempérées, dont on fait revenir les fons dans. une oftave & vers le milieu du clavier. LX. Je conflruis li partition du tempérament anacratique: en la manière fuivante : après avoir réglé le zA du clavecin & en avoir accordé toutes les oétaves: 1.” on accordera les deux termes fixes de la fuite ou fie des quintes tempérées de + de coma, qui font mi Æ & ré X, la faufle quinte & le triton fe trouvant les intervalles juftes dans ce tempérament; & pour cela, on fera les deux douzièmes ou quintes juftes graves , LA : ré,ré : fol, & la dix-feptième ou tierce majeure grave jufte, fo/ mit; on fera enfuite les deux douzièmes ou quintes aiguës juftes, ZA mi, mi fr, & la dix-feptième majeure ou tierce majeure ff ré X; on dérangera après cela les notes ré, Jol, mi & fr, qui n'étoient que des intermèdes de la parti- tion ; on aura attention de mettre le 7 # à la première ou. deuxième olave du clavier, & le r/X à la quatrième octave vers la main droite, : » s12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 2. Partant du ZA, on fera fix douzièmes ou quintes graves également tempérées , ZA ré, ré fol, fol ut, ut fa, ja fix, FE mit, qui arrivent exactement au miX, terme fixe, au- quel il ne faut jamais toucher. 3. Partant du ZA, on fera fix douzièmes ou quintes aiguës également tempérées, LA mi, mi fe, fi fa %, fa X ut X, ut X Jol'K, IX réX, qui arrivent exactement au ré, terme fixe; alors on defcendra 76 X à l'octave jufle du mi #, terme fixe. 4 Enfin on accordera les oétaves des douze notes dans toute l'étendue du clavier. LXI. L'harmonie d'un clavecin ainfi accordé, fait un très- bel effet ; les épreuves fréquentes que j'en aï fait moi-même; en y jouant des pièces ou en y accompagnant des voix, & que j'ai fait faire à quelques Muficiens, ont toujours été conformes en tout point à ce que le calcul m'en avoit fait efpérer : je m'en fuis encore afluré, en employant tantôt le #onocorde , avec les précautions néceflaires pour éviter Îles inconvéniens qui en réfultent /arr. x x), tantôt la partition des douze quintes tempérées de + de comma (art. LX), j'ai entendu conf- tamment le même genre d'harmonie, on n'y fent point de contrafte entre laltération des quinies & celle des tierces ma- jeures ; femble qu’elles font également altérées, & on y feroit trompé fi la théorie ne faifoit voir que les tierces majeures font altérées deux fois plus que les quintes, & par conféquent qu'il ny a égalité que dans le rapport de leur altération à leur Jiavié primitive: on y fent, outre cela, fur les intervalles chromatiques , & fur-tout fur les notes Jenfibles, une certaine harmonie piquante, qui ne provient que de ce qu'elles ne font altérées que de + de comma. LXII Dans les cas où lon fubftitue le mi & au ré X, le fol X au la #& (an. 1v,v à vi), lakération qui en réfulte fur l'harmonie du fyflème anacrarique, At moindre que dans les trois tempéramens de +, & & + de comma; elle ne va pasau comma entier fur la quinte /o/* mit, dc. qui n'eft altérée que de + de comma, ainfi elle y eft tolérable; & à l'égard de tierce majeure, l'altération n’eft fur cet mtervalle que d'un \ LOMME +; < DES SICTENCES. 513 comma +3; mais la fubftitution dont il s’agit n'arrive point, à beaucoup près, auffi fouvent que l'emploi des touches pour les tons où elles ont été accordées; d'où il fuit qu'une moindre altération dans l'harmonie des tons ordinaires, eft préférable à une plus grande altération dans tous les tons; ainfi dans {a pratique, le tempérament anacratique eft préférable à celui de = de comma, qui, dans tous les tons, a les tierces & les fixtes exceflivement altérées, quoique ce dernier temperament ne foit fujet à aucune altération de fubftitution, & que les fons de fa mme jouiflent d'une réciprocité parfaite. LXIIL. La bonne harmonie d’un tempérament qui ne diffère pas fenfiblement de l'anacrarique , a même déjà été éprouvée & reçue par des Muficiens dont parle M. Sauveur, qui adop- toient la divifion du ton en neuf parties peu différentes du comma ; ils en donnoient cinq au femi-ton majeur & quatre au femi-ton mineur, d'où ils concluoient cinquante cinq parties dans loctave /a) & l'afloibliffement de la quinte du logarithme 9465, qui ne diffère de celui de lanacratique /2) que du logarithme 473 ou environ += de comma; quantité infenfible à l'oreille. LXIV. Malgré tous les fecours de pratique & tous les éclairciffemens de théorie que j'ai tâché de procurer pour le tempérament dans ce Mémoire, je n’efpère pas beaucoup de voir les Artifles abandonner leur tempérament de + de comma, aflez bon pour le temps où il a été inventé, mais qui n'eft plus recevable aujourd'hui, attendu les nouvelles con- noiflances que nous avons fur la Mufique; ce feroit beaucoup de vaincre tout d'un coup les préjugés de la plupart des Artifles, à peine puis-je m'en flatter: mes defirs feront cependant fatis- faits fi mes recherches peuvent mériter l'approbation de l'Aca- démie, & fr elle juge que j'ai ajouté quelques degrés de per- feétion aux principes du tempérament & à l'accord ou partition des inftrumens de Mufique à douze touches dans l’oétave, (a) Cette divifion eft conforme à celle du clavier de Nicolas Ramarin \ en cinquante-cinq touches dans l’oétave. Kircher, Aufurg, univ. tom, L, part. 2, lib. VI, p. 462, (b) Dans le tempérament anacratique, l’affoibliffement de la quinte eft le logarithme 899 1 2. Mn 1758. DV EE s14 MÉMOIRES DB L'ACADÉMIE ROYALE. TA. BL PAR EUNNTE RÉ De la Gamme du Syflème jufle, réduire & douze [ons ; à de fes aliérations fur les notes fubfluuées. RAPPORT|D FF É-| Au dieu | ALTÉRATION des Sons. |RENCES.|des Notes.| de fubftitution, ——— To v| NOTES CHES, à INTERVALLES. ou Sons. ul or uniflon. em er-vmmr | rene | e nemnens eee :25 quart de ton. 2. | rX [femi-ton mineur. re NE res 11218 imma | £ 27 majeur. 3e 10 RE ton majeur. : dp la BONE MAT : 16 |fixte de fa, 4. | mi | tierce mineure. € tEX | 4 r125:128 Dis 5. | MI | tierce majeure. fa dk] — 125 :128 1 cs EEE ee à - FT 4 | Riog | GUN FA quarte. 3:4 } miX | + 125:128 Jimma \ lai rt apotome mineur. 7+ | fax triton. 32: 45 fol |—2025:2048 15:16 8. | SOL quinte. 252 faXx | + 125:128 24:25 9. | fel'X | quinte fuperflue. | 16: 25: la FN = Tr: 128 HSAeÉ6 10. | ZA | fixte majeure. 3:5 la —:80o :: 8xr Nr * 15:: 16 quintedere femi-ton minime. 11. | fi # |feptième mineurc| 9:16 tonmineur| — 625 : 648 128:135| laK 12. | SZ |feptièmemajeure.| 8:15 ol net à DA 28 } LE A) Se 15 ne CITE octave. D42 £K 175: 128 +: DES SCIENCES Sts TABLE IT De la Gamme du Syflème jufle, réduire à douze Jons, fuvant M. Euler; & de fes altérations fur les nores fubfliruées. RE RAPPORT|DIFFÉ- des Sons. Au lieu | ALFÉRATION RENCES.|des Notes. | dé füubftitition. Tou-| NoTEs CHESs.|ou Sons. INTERVALLES. RE ton majeur. feconde fuperflue. IS: 16 tiercé majeure. | 4: 5. fa# | 125:128 | nes 5 L 2 = quarte. 3-4 .MmiX |+ 125:128 f ï fa ttiton. 32! : 45: — 202$ :20248 F# quinte. No à faXX |+ 125 : 128 quinte fuperfluc. | 16:25. .\ £ 12,5 : 128 9 fol # ÿ ms en sn, | mme ee … A x 3 a 4 10,1] Z24 | fixte majeure. 2kS 80:87 jh | L Id. LR fixté maj." fuperfue. 128:22$ — 1025 :2048 1e. |. + feptième majeure. ; 125$ : 128 ŒE 2 octave. 128 516 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE: TABLE IIL De la Gamme du Syflème jufle, réduire à douze Jons, fuivant M. de Montvallon ; à de fes alérarions fur les notes fubfliruées. Tou-| Nores, L } Barr loutre: Au lieu | ALTÉRATION CHES.|ou Sons. INTERVALLES. des Sons,> [RE N CES.|des Notes.| de fubftitution. . RE press cn ee 0 Re DES ne 7 } 2 ‘) UT uniflon. DEN | limma. 128 :135 ut X |-limma mineur. |128 :1 35 | mineur. — 2025 :2048 £ d TS NSHÉ RE ton majeur. 8:9 80:81 + : ; 1:$ T6) mi |_tierce mineure. s ::6 rém | 125:128 LT 24:25 MI |. tierce majeure. | 4:5 fc — 125:128 1511 FA quarte. 3h: 4. mi |+ 125:128 128:135 fax triton. 32 : 45 fol |—2025:2048 ‘ 1 SET SOL quinte. 2:3 faxk |+ 125:128 128:13$ 9. | fol | quinte fuperflue. |256:405| ja laY |— 2025 :2048 243 :256 —— ——— de Pithagore.| 4 quinte 10. | ZA | fixte majeure. 3615 de ré,tonl— 8o:81 11: | f{X |feptièmemineure.| 9:16 12. | SZ |feptième majeure.| 8:15 13: ut octave. TE 22 UN pets: SiGY'E NcEs s17 TABLE IV. Du Syffème tempéré des Muficiens, où la Quine eff affoiblie de + de comma, à7 la Tierce majeure jufle ; à de fes alérarions. Tou-| Norss | LocariTames|RAPPORT| Ajrération cHE£s.|ou Sons. des Sons. Au lieu | ALTÉRATION des Notes.| de fubftitution. propre. Longueurs. 1. | UT | 4,3010300 20000 | nulle. | ré |— r quartdeton. CES | fractions de comma. utX | 4,2819525 19140 FLE TT # 2. TéÆ |—7 2 de comma 3. RÉ 42525759 17876 | — fixte de fa.|+- à de comma. I 2 4 | mit | 42231975 16718 | — 1 2 ré | 1 5 de comma. æl= : 5 | MI | 4,2041200 16000 | nulle. Le — 1 quart de ton. | | FA | 41747425 14954 | +: mi + 1 quart de ton & + de comma. Je X | 41556650 14311] —+ | fol # |— 1 2 de comma. 3 SOL | 4,1262875 13375 | —+% | fa XX |+ 71 5 de comma. JelK | 41072100 12800 | nulle. la # |— 71 quartdeton Se | nee EE) RE | one - feconde :q £ — 14. # | de fol. À de comma LA | 40778325 |:11963| + ft | 4o4B4sso lirri8o | +3: la St —- 1 quart deton & + de comma. SL | 40293775 10700 | —: ut% |— 1 quart deton # & + de comma. ut 4,0000000 10000 | nulle. f% |+ 1 quartdeton. DR ER TRE SE EEE SEE UT DE SELS DR SERRE de dE HAUTE ROSE AE TC SEUER STE PRE ADR TES “HAE 518 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE TaAgLe V. Du fÿflème tempéré de + de comma, où la Quinre & la Tierce majeure font également alérées ; à de fes alrérations. Touwu-| Notes | LOGARITHMES ne Altération| Au lieu | ALTÉRATION CH:ES: |ou Sons. des Sons. Longueurs. | Propre. des Notes.| de fubititution. CRRDNTOSS RE RE RENE PEMMSEEZTE "7 | SE NENCMESANN CEE CALZEAS | CENNEME RUN ÿ. | UT | 4,3010300 20000 | nulle. | ré ## |— 1 quart deton. fractions de Cornrlids | > 42800642: | 19057 FE TéX 71 à de comma. 5 42520355 17866 | — à |fixtede fa] + + de comma. 4,2240067+| 16749 | — $ ré | 1 = de comma. 2030410 | 15960 | + 5 | fa # |— 71 ? de comma. 2 DRE ES ESS nd : | | | : me I quart de ton 41750122 | 14962 ps | mt X & +de corima. 41540465 14257 | — + | fu E |—1s de comma. 4,126017721| 13366 | — à | faXX |+ 1 5 de comma. 4,1050520 12736 | + à la % |— 12:de comma. ton majeur 4:0770232+| 11940 | + + defl |— + de comma. la'% |+ à de comma. 11. | SE | 40489945 | 11194 | + vi 12, | SI | 40280287: | 10666 | nulle. | ## |— 1 quart deton. É3. hate 40000000 10000 | nulle. | fÆ%X |+- 71 quart deton. SE RE CE RER Re PR À DMEMSMSNGÉTIME" N CE" S19 TABLE VI Du Syflème tempéré anacrarique, où la Quinre eff affoiblie de + de comma , à la Tierce majeure proportionnellement à fa confonnance ; è7 de fes alérarions. Tou-|NoTes | LOGARITHMES DU Altération des Sons. CHEs.|ou Sons. es S Lopuns Au lieu | ALTÉRATION propre. |des Notes.| de fubftitution. a ne jrs | UT | 4,3010300 20000 | nulle. | ré Æ |— 1 quart deton. ut | 4,27880545 | 19002 dm ré |— 1 decomma. : | RÉ 42516758; | DOS LEE : fixte de fa] à de comma. Ê ré |+1£de comme. MI | 42023216 5 | 15934 | + : fat |— 1 + de comm. += 1 quart de ton 14969 | + 5 | mix | &Edecomma. À FA | 41751920 fax | 4,1529675 14222 | nulle. | fY# — 1 quart de ton.| w|n T 3 4. | mit | 4,2245462 | 16770 | — FE 6 7 8 9 SOL | 41258379 £ | 13361 | — + [EXX + 1 3 de comma. JelK | 4103613331] 12694 | + 3 la Y [7 1 à de comma.} Fou Le 2021 407648 37: 11925 Le FU — + de comma. à É —+ I quart de ton 11.) SX | 40493541 5 | 11203 | + > la X & + de comma. 12: SI 4:027129$ a 10644 | ++ CNE HUE RE 2 de comma. f 13. ut 4,0000000 10000 | nulle. BX | 1 quart de ton.} EEE ti SR GOT Paire pre RTL se #2 7 € Y tue