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HISTOIRE

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ETATS DE L'EUROPE CENTRALE

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PARIS. TYPOORAPIIIB TOLMER ET I8ID0R JOSEPH Rnc du Fonr-Rftint-Gormaiii, 43. 660.

HISTOIRE

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FORMATION TERRITORIALE

DES

ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE

PAR

AUGUSTE HIMLY

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TOME PREMIER

PARIS

LIBBAIBIE HACHETTE ET C"

79, BOULSVABD SAINT-QEHM AIN, 79

1876 ùroitt de ptvjfHété et de tt-aducthn résinr*.

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ATANT-PEOPOS

e système territorial de l'Europe contemporaine est te r^-sultat complexe d'une longue st5rie de révolutions qui, créaut et détruisant tour à tour les états, modifiant sans cesse leur assiette et leurs limites, ont abouti à donner i\ notre continent sa configuration politique présente. Lee traités de géographie usuelle indiquent l'état de choses actuel ; pour l'expliquer, il faut remonter fort loin le cours des siècles et tenir compte d'une multitude presque infinie de (aits, physiques, ethnographiques et historiques. La configuration naturelle des pays a dicté tout d'abord et n'a cessé de faire prévaloir certaines combinaisons fondamen- tales dans le développement des sociétés politiques; per- sonne ne met plus eu doute aujourd'hui l'importance des questions de race et de nationalité relativement à la for- mation et à la durée des états ; quant à ce qui est de l'in- daence de l'élément historique proprement dit, elle est bien plus évidente encore : les guerres et les traités, les mariages et les conquêtes, les intérêts dynastiques et les révolntïons populaires, voilà les grands facteurs qui ont (le tout temps fondé et agrandi, battu en brèche et fait dis- parfûtre les empires, en appelant tantôt à la vie des créa-

VI AVANT-PROPOS.

tions arbitraires et factices, et en rayant d'autres fois de la liste des états indépendants des nationalités vivaces.

Ramené continuellement par mon enseignement à la Sorbonne à étudier cette action et cette réaction incessan- tes de la géographie sur l'histoire et de l'histoire sur la géographie, j'ai entrepris, il y a bien des années déjà, d'écrire une Histoire de la formation territoriale de FEurojje 7?iodeme qui, prenant comme point de départ la géographie physique des grandes régions européennes, retraçât som- mairement, pour chaque état actuellement existant, son origine et la réunion successive de ses parties intégrantes, ses agrandissements et ses pertes territoriales dans le mouvement général de la politique européenne, sa situa- tion présente enfin au triple point de vue de la géographie, de la politique et de l'ethnographie. Expliquer l'organisa- tion territoriale de l'Europe contemporaine tant par les conditions inhérentes à la nature sol que par les vicissi- tudes de l'histoire, mettre en saillie les grands faits géo- graphiques et historiques, ethnographiques et statistiques qui ont eu pour résultante l'ordre de choses présent, en un mot commenter et illustrer la carte actuelle de notre con- tinent, tel est le but que je m'étais proposé en commençant et que je me suis efforcé de ne jamais perdre de vue. Aussi, tout en remontant aux premières origines des états mo- dernes et en étudiant d'âge en âge la suite complète de leurs transformations territoriales, ai-je cru devoir insister davantage sur les temps les plus rapprochés de nous et n'accorder un développement analogue aux événements des siècles plus reculés que pour autant que leurs consé- quences se font sentir jusqu'aujourd'hui.

Je soumets aujourd'hui au public la première partie de

kouvrage, con8acr<^-e aux ^-tats de l'Europe centrale. Les sept livres dont elle se compose, tout en se complétant mutuellement, ont chacun son sujet spécial ; le premier

tice un aperçu de la géographie p]iy8i(|ue de la région itrale du continent européen ; le second est un essai de ographie historique générale, j'ai tâché d'analyser igrandesépoques historiques et géographiques du monde rmanique depuis l'époque rouiaino jusqu'à nos jours ; ! cinq autres traitent de la géographie historique spé- ciale des différents états, Autriche, Prusse, Petite- É Allemagne, Suisse, Pays-Bas et Bi^lgique, qui consti- bent le groupe. * Pour ne pas étendre outre mesure le cadre de mon tra- vail, j'ai me borner à la simple exposition des faits et supprimer tout appareil d'érudition ; j'ai rarement discuté les questions litigieuses, absolument renoncé A renvoyer aux sources, dont l'indicatiou quelque peu complète aurait pour le moins doublé le nombre de mes pages. Les lecteurs auxquels les chosesde l'Allemagne sont familières, verront immédiatement, je l'espère, que j'ai décrit les contrées dont je parle d'après ce que j'en ai vu moi-niOme ou d'après les garants les plus sQrs, et que pour retracer leurs vicis- situdes historiques et politiques, j'iii eu autant que possible recours aux documents originaux, dont la liste presque infinie se continue depuis César et Tacite jusqu'aux actes diplomatiques et aux débats parlementaires contemporains. Quant à ceux auxquels le présent livre pourrait inspirer le ùésir de connaître plus en détail la géographie et l'histoire lies pays germaniques, ils trouveront dane la note l'indica- tion d'un certain nombre d'ouvrages de seconde main, choisis ^jjepréférence parmi ceux dont je me suis servi moi-même,

Tfll AVAHT-PBOFOS,

et oli ils pourront aisément satisfaire leur curiosité (1).

Un dernier mot, etj'aîfini. La géographie et Thistoire contemporaines touchent de trop près à la politique pour (|u41 me fût possible de ne pas faire plus d'une incursion dans le domaine de celle-ci : sans me désintéresser de ce (|no je crois juste et vrai, je me suis évertué pour juger tout

avec modération et pour apprécier avec calme jusqu'aux tristes événements de ces dernières années, doublement (louloiuxMix pour un enfant de l'Alsace. La majeure partie (hi livro était écrite avant la guerre ; mais après comme avant, j*ai fjut do mon mieux pour ne jamais me départir di» la Ni ricte impartialité qui sied à l'historien.

(I) Htlolor, Hantiatioi ueber alie Theile der Erdt und wber dos Weltgebœude (11117 N(i.)t ^^ bearbettet von Petermann, Berghaiis und Vogel, 1871- IMin, In-fol.

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nailiol, Handbuch der Géographie, 1859-1863, 3 vol. in-8; édition, 1873- lH7ft, K vul. InR.

Klotidmi, Handbuch der Srdkunde, 1859-1862, 3 vol.^and in-8; édition, \Hli Hq., en coura do publication.

Htoln um/ IIoorBChelmann, Handbuch der Géographie und Statittik (1808}, édition. rofonduoparWappBBUS et autres, 1849-1871, 4 vol. grand in-8 «Il 11 partloN, avec compléments.

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Dutifiloux, Oéographio générale, 1866, grand in-8, avec supplément de

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AVAKT-TOOPOS.

n

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Atmanach de Ootha, annuaire généalogique, diplomatique et statisti- que. Depuis I7ili. Format de poche.

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Koeh, Tables généalo^ques des maison.s souveraines de l'Europe. TibleSQ dus révolutions de l'Europe, nouveUe édition, 18li. t. iv.

Voifftel, (ientalogi'che TaMIr.n lur Erhalerang europariicher Slaalengt- ■cA£dUi>,lSl 1-1839, i vol. in-rol. i nouvelle édition par Cobn, 186* sq.,in-rol.

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Spruner, Hiiloriseh-gtogmphiicher Handallat tur Geiehiehle drr Siaaten Kurapa* mim Anfang da Stmelattert nuf dit neuttli Zril, \M6, \a-ÎQ\.\ h édition, par Menke. 1871 sq., en cours de publication.

H'olff, IliitOfùcher Allai zur millleren Und neuertn GMcAicAle, 1875 sq.,

In-fot-, en cours de publication.

Dosaieux. Atlas général de géographie pliysique, politique et histori- que, tg(T sq,. in-fol.

ratter. Grtcbichte der Ttuliehen, l8i!).lS3.'>, 5 vol. in-8, et continuation W Boelsu. 1842, in-S.

X AVANT-PROPOS.

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Sugenheim, Geschichte des deutschen Volks und seiner Kultur, 18.66 sq., t. i-iii, in-8.

Zeller, Histoire d'Allemagne, 1872 sq., t.i-iii, in-8.

Ëichhom, Deutsche Staats und Rechtsgeschichte (1808 sq.), 5e édition 1845, 4 vol. in-8.

Zoepfl, DeuUche Staats und Rechtsgeschichte ( 1834 sq.), édition, 1872, 3 vol. in-8.

Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, 1844-I8t6, t. i-vn, in-8; édition, 1865 sq., t. MI, in-8.

Himly, De sancto romano imperio nationis germanicœ^ 1849, in-8.

Wiltsch, Handlmch der kirchlichen Géographie und Statistik von den Zeiten derApostelbiszudem'AnfangedessechzehntenJahrhunderts, 1846, 2 vol. in-8.

Rettberg, Kirchengeschichte Deutschlands, 1846-1848, t. i-ii, in-8. Potthast, Zeitfolge der deutschen Bischafe. Bihliotheca historica medti œvi, Supplément, 1868, grand in-8.

Spruner-Menke, Atlas antiquus, édition, 1865, in-fol.

Ukert, Géographie der Grièchen und Rœmer, 1816-1846, t. i-ni, in-8.

Forbiger, Handbuch der alten Géographie, 1842-1848, 3 vol. grand in-8.

Zeuss, Die Deutschen und die fiachbarstœmmey 1837, in-8.

Thudichum, Der alldeuUche btaat, 1862, in-8.

Muellenhof, Deutsche Alterthumskunde, 1870, 1 1, in-8.

Holzmann, Germatiische Altertkuemer, 1872, in-8.

Guizot, Histoire de la civilisation en France depuis la chute de Tem- pire romain, 1828-1830, 4 vol. in-8; réimpressions nombreuses.

Ozanam^ Études germaniques : les Oermains avant le christianisme (1847); civilisation chrétienne chez les Francs (1849). Œuvres com- plètes, 1855, t. IIMV, in-8.

Geffroy, Rome et les Barbares^ étude sur la Germanie de Tacite, 1874, in-8.

Fustel de Coulanges, Histoire des institutions politiques de Tancienne France, l'« partie, 1875, in-8.

Heirter, der Weltkampf der Deutschen und Slaven seit Ende des fuenften Jahrhunderis, 1847, in-8.

Giesebrecht, wendische Geschichten von 780 bis 1182, 1842, 3 vol. in-8.

Thierry, Histoire d'Attila et de ses successeurs jusqu'à rétablissement des Hongrrois en Europe, 1856, 2 vol. in-8.

Mignet, La Germanie au huitième et au neuvième siècle, sa conversion au christianisme et son introduction dans la société civilisée occiden- tale. — Mémoires historiques, nouvelle édition, 1854, in-i2.

ATANT-PHOW». )fl

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IBliU, i

XTI AVANT-PROPOS.

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Hurter, Geschichte Ferdinands II und seiner Eitem bis zu dessen Krcmung in Frankfùrt, 1850-1854, 7 vol. in-8.

Hurter, Geschichte Ferdinands II als Kaiser, 1857-1864, t. i-rv, in-8.

Richter, Geschichte des dreissigjœhrigen Krieges, 1839 sq., t. i-v, in-8.

Schreiber, Maximilian I von Bayem, 1868, in-8.

Reuss, Destruction du protestantisme en Bohême, 1867, in-8 ; nouvelle édition, 1868, in-8. Ranke, Wallenstein, 1869, in-8.

Koch et Schoell, Histoire abrégée des traités de paix de 1648 à 1815, 1816-1818, 15 vol. in-8.

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Mignet, Introduction à l'histoire de la succession d'Espagne. Mé- moires historiques, nouvelle édition, 1854, in-12.

Ameth, ?rinz Eugen vonSavoyen^ 1857-1858, 3 vol. in-8.

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D'Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, 1854 sq., 4 vol. in-8.

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Ranke, Der Ursprung des siehenjœkrigen Krieges, 1871, in-8.

Ranke, Die deuttfchen Mœchie und der Fuerstenbund, 1871-1872, 2 vol. in 8.

Robert et Robert de Vaugondy, Atlas imiversel, 1757, max. in-fol.

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Berghaus von Groessen, Deutschfand seit hundert Jofiren. Abtheilung : Deutschland vor hundert Jahren, 1859-1860, 2 vol. in-8. 2* Abtheilung : Deutsch- land vor fuenfzig Jahren, 1861-1862, 3 vol. in-8.

Martens, Recueil de traités depuis 1761 jusqu'à présent (1808), 1791- 1808, 11 vol. in-8; 2«' édition. 1817-1835, 8 vol. in-8.

Martens, Nouveau recueil de traités (depuis 1808 jusqu'en 1839), 1817- 1843, 21 vol. in-8; continuation (depuis 1840), 1843 sq.. t. i-xx, in-8.

Haeusser, Gexckichte Deutschlands vm 1786 bis 1815, 1854 sq., 4 vol. in-8; K^ édition, 1869.

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Tbiers. Histoire du consulat et àe l'empire. 18)5-1802. 20 vot. ln-8.

Lcfebvre, Histoire des cftLiuetB de l'Europe de 1800 à 1815, 3 vol. in-8 nouvelle éditjon. 1«B8, i vol. tti-8 et t. \.

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IiimiU, Geichic/ik Krtàm, 117*. t. i, in-8.

KlnV. GeK/iicMe Tyrolâ bii lur VereiniifUHg mil (Jetleircii:'t, 13t9 sq.. Ll. in-8.

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Salnt-ReQé-Tttilluidier. Tchèques et Magyars. Bohême et Hongrie. 1> et 19* siècle. 1869. in-8.

Polock;. Gf-Khidde non Buthmtn. 1837 aq.. t. i-v. in-8.

DudiCk. Haehmia allgemeite GeiOikhl», 18(1U sq., t. i-vii, in-B,

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l-'cSBler, GachK:htf der Vngtrn und ihrer La»<i>ivtaen, 1815-1825, 10 vol. iq-h; i* édition, iiM8 sq.

Uailath, Gentdefde der Uagyaren, 1SS3, S vol. in-S.

Uorrath, Getchichle der Vngam aitt dtrn ungrischen ueberteUI, WA, 1 vol. ln-8.

Sialay, Getchiehle Unganu, daiiach uonWoegerer. 1870, t. t-ii, in-8.

Teulsch, i^trJiiehlf der tiebeidiuei'ger Sac/isen (18581, *■ édition, 1871,

i toL iu-H,

XIV AVANt-PROPOS.

Stenzelt GeschicMe des prewsischen Staats, 1830 sq., 5 vol. in-S.

Ranke, Neun Buecher preusêitcher GeschicMe, 1846, 3 vol. in-8; noaYuttft édition {zwœlf Buecher preussischer Geschichte), 1874, 5 vol. in-8.

Droysen, GeschicMe der preussischen Politik, 1835 sq., t. i-v, in-8; édi- tion, 1868 sq., t. i-rv.

Kberty, GeschicMe des preussischen Staats, 1867 sq., 7 vol. in-8.

Cosel, GeschicMe des preussischen Siaats und Volkes uHter den hohenwoUem' schen Fuersten, 1869-1876, 8 vol. in-8.

LancizoUé, GeschicMe der Bildung des preussischen Staates, 1828, t.i, in-8.

Grabowsky, TerritoriaîgeschicMe des preussischen Staates, 1845, in-8.

Fix, Territorialgeschichte des trandenburgisch preussischen Staates, 1860, in-8; 2e édition, 1869.

Brecher, Darstellung der territorialen Entwickiuny des brandenburgisch preussischen Staates^ Kxtrte, 1868, in-8.

Frédéric II, Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brande- bourg (1747). Œuvres complètes, éd. Preuss.

Lavisse, La Marche de Brandebourg sous la dynastie ascanienne, 1875, in-8.

Beheim-Schwarzbach, HohenzoUemsche Coionisationen, 1874, in-8.

Voigt, GeschicMe Preussens bis zum Untergang der Herrschaft des deutschen Ordens, 1827 sq., 9 vol. in-8.

Barthold. GeschicMe von Pommem und Huegen^ 1839-1845, 5 vol. in-8.

Stenzel, GeschicMe Schlesiens, 1853, 1 1, in-8.

Wiarda, OstfHesische GeschicMe, 1791-1813, 10 vol. in-8.

Perizonius, GeschicMe Ostfrietlands, 1868 sq., 4 vol. in-8.

Spruner, Atlas zur GeschicMe Baiems, 1838, in-fol.

Zschokke, GeschicMen des baierischen Volkes und seiner Fuersten^ 1813-1818, 4 vol. in-8 ; édition, 1826.

Buchner, GeschicMe von Baiem, 1820-1855, t. i-x, in-8 ; édition, 1869 sq.

Mannert, GeschicMe BaiernSy 1826, 2 vol. in-8.

Hseusser, GeschicMe der rheinischen Pfalz, 1845-1846, t. i-ii, in-8; édi- tion, 1856.

Suessmilch-Hoemig, Historisch geographischer Atlas von Sachsen und Thu- ringen, 1862, in-4.

Boettiger, GeschicMe von Sachsen, 1836, 2 vol. in-8; édition par Flathe, 1867-1873, 3 vol. in-8.

Stenzel, Handliuch der anhaltinischen Landesgeschichte, 1820, in-8.

Havemann, GeschicMe der Lande Braunschweig wid Lueneburg, 1837 sq., 2 vol. in-8; nouvelle édition, 1853 sq., 3 vol. in-8.

Christiani und Hegewisch, GeschicMe der Herzogthuemer Schleswig und Holstein, 1775-1802,8 vol. in-8, et continuation par Kobbe, 1834, in-8.

«M

Waitz, Schleswig holsteim'sche GeschicMe^ 1851 sq., t i-ii, in-8. Wislicenus, GeschicMe von Dithmarschm^ 1850, in-8.

AVAHT- PROPOS.

XV

' llenoyl/iiii'ij Ltutnbarg,

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Jlnlem, Grachkhie dtt Benogthum* Otdenburg, 1794-1796, 3 vol. ill-8.

Rudloff. fragmatiidia HoiiMue/i iler meeklemburj/ùchen Gfachichte (1788 i, ], 2- édition, 1798-1822, t. i-iii, in-8.

LoetlOW, Pr/tgmalitc/it Oeaclikhle VOH Metklemburg, 1835, t. L-tii, in-S.

BeO, GfteMcMe MedUemlMi-ya, 185j-ISiJG, t. i-ii, iD-«.

Pfleter, Gtf:hickU non Sekwaien, l8U3-lg27, t. i-v, iii-8.

Spittler, GtselHehle Wuerlembergt (1783). Œuvres, t. vv.

Stulin, Wôlemtitrgisclie GtichSchIe, 1841 sq., t. i-iv, Jn-8.

Schœpflin, Bûtoria zariago-badmtù, 1763-1766, 7 vol. ia-k

PreuscheD, Badàcht GetchieMe, I8ta, in-8.

VÎOTOrdt, BaiÉitehe GetchieMe bU Ende dei Mittelatltrs, tN6A, 1

Kaiser, GachKhle Fvenlenthanu Liechtenstein, 1817, in-S.

Wenck, Hasùcke Landeigaehiehle, 1783 eq., t. i-iii, in-l. , Geicbichte fou Hetten, 1820-IB&B, t. t-X, in-8. m, Getchiehie ieider Heiien, 1848, 2 vol. ill-8.

i,Geichichte der oranien-natiauU':/ien Laender, 1790-18IU, t.t-iii, in-8. ilîephake, Gftchichle von Nattau, 1867 eq.. ti-iv, in-S.

Uuellmaim, Slatiliewaen dei MUMatleri, 1826-1829, 4 vol. in-8,

Barthold, GadiieMf der deuUcken Stardle und det deulscheii Baenjtr- hima, ISISD sq., 4 vol. petit in-8.

Arnold, Ferfaxirungigeichichle der deuUchen Fi-e'mlaedte, IBSi, 2 vol. in-fl.

Maurer, GetchiclUe iter Slaedteverfatiung ia DeuUchiand, 1869 Bq., t. iiv, in-8.

Uallet. De la ligue hiinséatique, 1805, lu-8.

SartoiiUB, Geiehiehie des haïueatische» Buitda, 180:!-18O8, 3 vol. iii-8.

Blrtliold, Uesehichie der deuhchen Hante, t86ii, 3 vol. petit Jn-S.

Waitz. Litefieck unter Jurgen Wullenview, 18SS sq., 3 vol. in-8.

Mandrot, lliitoritcher Allai der Sehuieit, î' édition, 1853, ia-rol. \oe(reIin und Mejer von Knonau, hiilorîtch geographischer Atlas der

^rhiorit, 1868, in-fol.

UocUer, iienehiddea ^chu:ei:e>-ii<:her Ei'lge'ios'e'ta'-hnft, 1806 sq-, 5 vol. in-8; «ntlanation par Oluti-Blotzheiiii. Hottingrer, Vulliemiu, Monnard, jua- quau t. xv; traduction frangaiBe par Monnard et Vulliemiu, 1837-1851, m vol. tn-B.

Zachokkr, Des Srhuieiierlaïub lirschichteH fuer dus. Sdimenervolk, 1822; In-S; nonibreuses réimpressions.

, Die iwei ersien Jahrhunderle der Sehioeiiergeirhichte, 1840, in-8, U lettten Jahrhundrrte der Schuieiiergesehîchie, 1838, 2 vol. in-B.

1 und Eacher, GetchieMe der tehweiuriichea Eidgeaotnmehafi.

(.

3

XVI AVANT-PROPOS.

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Daguet, Histoire de la confédération suisse, 6^ édition, 1866, in-8. Bluntschli, Geschichte des schweizerischen Bmdesrechts^ 1850-1852, 2 vol. in-8; édition, ti, 1875.

Rilliet, Les origines de la confédération suisse, 1868, in-8; édition,

1869.

Mees, Historische Atlas van Noord-Nederland, 1865, in-fol.

Van Kampen, Geschichte der Niederlande, 1831-1833, 2 vol. in-8.

Léo, Zwoelf Buecher niederlaendischer Geschichte, 1882, 2 vol. in-8

Janssens, histoire des Pays-Bas jusqu'en 1815, 1840, 3 voL in-8.

Barante, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, 1824 sq., 13 vol. in-8; réimpressions nombreuses.

Juste, Les Pays-Bas sous Charles-Quint, 1855, in*8 ; histoire de la ré- volution des Pays-Bas sous Philippe IL 1855, 2 vol. in-8.

Lothrop Motley, Rise of the dutch republic, 1856 sq., 4 vol. in-8 (traduc- tion française, 1859 sq., 4 vol. in-8) ; history of the united Netherlands 1584-1609, 1862 sq., 4 vol. in-8 (traduction française, t. mi, in-8); the life and death of John of Bameveld, 1874, 2 vol. in-8.

Borgnet, Histoire des Belges à la fin du dix-huitième siècle, édition, 1861, 2 voL in-8.

Gerlache, Histoire du royaume des Pays-Bas depuis 1814 jusqu'en 1830, 1839, 3 vol. in-8.

HISTOIRE

FORMATION TERRITOErALE

ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE

LIVRE PREMIER

GÉOCiluPlllE PHVSiQLE UE EEL'HOrE CENTHALE

CHAPITRE PREMIER

LcUres généraux de la géographie pliyelqae de l'Earope, et spécialement de l'Earope centrale.

LL'Eorupc, donl les dix millions de kilomètres carrés ne ientent pas même la treizième partie de la superficie aie des terres de notre planète, n'est guère par ses dimen- es qu'une grande péninsule de l'Asie, qu'elle prolonge au ^ord-oucst de l'ancien monde. Historiquement elle n'en est pas moins un continent particulier, et niCme le continent principal ; c;ir dcpuie de longs siècles elle est le centre réel du monde, la métropole du genre humain et le sol classique de la civilisation. OnMe privilégié, elle le doit, pour une part notable, h ses con^ djtions géographiques, à sa position moyenne presque h égale distance de l'équateur et du pôle, à sa situation intermédiaire entre les continents cl les océans «jui se partagent la surface du [, et surtout h la variété infinie de sa structure horizontale kitertitiale. qui ea fait le chef-d'œuvre artistique de la création.

I— 1

*2 HISTOIRE DE FOtlMATION TERRITORIALE

Comprise presque entièrement dans la zone tempérée, elle ne connaît pas les contrastes absolus de climat, de flore et de faune naturels aux continents qui s'étendent de la zone glaciale à la zone torrîde. Contiguë à TAsie, regardant face à face l'A- frique et rAmérique, elle est au centre des masses continen- tales ; éloignée du Grand-Océan austral, qui est le seul vrai océan, infini et sans bords, mais baignée par Tocéan Atlan- tique septentrional, dont les progrès de la navigation ont fait comme une autre Méditerranée du monde civilisé, elle n'est affectée ni de surabondance ni de pauvreté océaniques. Grâce à ce juste équilibre des terres et des mers qui l'entourent, son atmosphère tient heureusement le milieu entre l'humide atmosphère maritime de l'Atlantique et la sèche atmosphère continentale de l'Asie. Ses découpures multiples, ses contours extrêmement tourmentés, sa membrure déliée et cependant rat- tachée à un torse solide, en font un corps savamment articulé, dont les régions à la fois autonomes et solidaires ne se perdent pas dans une masse compacte, comme c'est le cas pour la plu- part des autres continents, et ne se dispersent pas non plus en éclats isolés, à l'instar du monde insulaire océanien. Enfin l'étonnant enchevêtrement de ses massifs, de ses plateaux, de ses terrasses et de ses plaines, rien ne rappelle ni le boule- vard de plateaux qui en Asie s'interpose entre les régions ma- ritimes, ni la muraille non interrompue de montagnes qui par- tage l'Amérique en deux moitiés sévèrement tranchées, au contraire les soulèvements et les dépressions se touchent et se combinent de la façon la plus diverse, laisse un libre jeu au dé- veloppement individuel des différentes contrées, en même temps que l'abondance relativement extraordinaire de ses sys- tèmes fluviaux, moins gigantesques qu'ailleurs, mais plus inti- mement liés entre eux, facilite les communications, que ne viennent entraver nulle part des déserts ou des forêts vierges rebelles à toute culture.

Parmi ces caractères distinctifs de l'Europe, dont le merveil- leux ensemble lui assure une incontestable supériorité géo- graphique sur les autres continents, il en est deux qui ont le

bUH ÉTATS DE LËVBaVK CKHTHALË. i

plus contribué à lui permettre de se civiliser etle-raôme dans des proportions exceptionnelles et de porter son influence civiiî- satrir* à travers le monde entier dans des proportions non moins considérables: c'est d'un côté la diversité et la richesse de son relief, de l'autre l'iieureuse irrégularité de ses contours cl l'ampleur du développement côtier qui en est le résultat na- lurel. Pour parler d'abord des formes liorizontales, il est impos- ^ible de regarder une carte d'Europe sans être immédiatement Trappe des échancrures profondes que creusent, dans l'intérieur du continent, des mers nombreuses et étendues, les unes assez fermées pour ressembler à des lacs salés, les autres plus large- ment ouvertes aux eaux libres de l'océan; puis un examen plus attentif de ces mers intérieures ne tarde pas à prouver qu'une loi constante a présidé à leur disposition respective : tandis que les golfes de la Méditerranée, mer d'Azof, golfe d'O- dessa, mer Adriatique, golfe de Gênes, golfe du Lion, entament à peu près également la masse solide du continent et trouvent leur terminaison intérieure sinon sous le même parallèle, du moins sous des parallèles fort rapprochés, ceux qui appartien- nent à l'océan Glacial et à l'océan Atlantique, mer Blanche, mer Baltique, mer du Nord, golfe de Gascogne, s'avancent progres- sivement il des profondeurs plus grandes dans l'intérieur des terre», de façon h se rapprocher de plus en plus des échancrures correspondantes de la série méditerranéenne. De ces deux faits, le premier, qui est le plus apparent et le plus habituellement relevé, espbque comment le développement côtier de la petite Europe est hors de toute proportion avec sa masse continen- liilc ; le second donne la clef de l'effileraent croissant de notre Lrtntînent à mesure qu'on s'avance des frontières de l'jVsie vers I extrémité sud-ouest de la péninsule espagnole. Mais cette richesse en côtes et cet amincissement progressif comptent au [jremier rang parmi les avantages caractéristiques de l'Europe, ot ils ont également contribué à ce que chacune de ses parties ;)liquotes pesAt d'un poids bien plus lourd dans la balance des destiiiéea humaines qu'une étendue pareille de tel autre conti- ^B^t. Ses 33,000 kilomètres de côtes continentales, auxquels

4 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

viennent s ajouter 11,000 kilomètres de côtes insulaires, invi- taient d'autant plus impérieusement à la navigation, au com- merce, à la colonisation, que presque partout elles se présentent dans les conditions les plus favorables; au nord seulement elles sont de nature inhospitalière et sans côtes opposées; à Touest et au sud au contraire, c'est-à-dire sur la périphérie presque complète du continent, elles pouvaient devenir et elles sont de- venues de puissants véhicules de civilisation. Les côtes méri- dionales, patrie des peuples maritimes de l'antiquité et du moyen âge. Grecs, Italiens, Provençaux et Catalans, compen- sent Tabsence de marée par le rapprochement de la côte oppo- sée; les côtes occidentales, plus riches en ports^ favorisées par la marée, tournées vers le Nouveau-Monde, ont provoqué Tessor des grandes nations maritimes des temps modernes, Scandinaves, Hanséates, Hollandais, Français, Espagnols, Portu- gais et Anglais. Quant à la transition graduée qui de la masse orientale de l'Europe s'opère vers sa pointe occidentale par une série successive d'échelons (on mesure 2,700 kilomètres du cap Nord de rOural à Astracan, 1,800 de Riga à Gonstantinople, 1,100 de Stettin à Trieste, 900 de Calais à Toulon), c'est elle qui donne à notre continent sa physionomie superficielle, aussi massive à Test que déliée au couchant. On peut à volonté oppo- ser au grand rectangle russe, qu'échancrent à peine la mer Blanche et le golfe de Finlande et qu'enrichit la seule Crimée, les nombreuses articulations de l'Europe occidentale, de tous côtés entrecoupées par les mers et rattachées entre elles par un tronc continental de plus en plus effilé, ou bien, en se plaçant à un point de vue moins évident au premier abord mais plus ra- tionnel peut-être, donner pour tronc à l'Europe un triangle rectangle à côtés inégaux, dont l'angle droit s'appuie à la Caspienne à la hauteur d' Astracan, et disposer à l'entour de ce triangle, le long de son hypoténuse que représente la ligne du cap Nord de l'Oural à Bayonne, et le long de sa base qui cor- respond à la ligne de Bayonne à Astracan, les membres pé- ninsulaires et insulaires du continent; dans Tune et l'autre hy- pothèse l'Europe se divisera, en proportion pareille, entre deux

DES ÉTATS OR I. BUBOPR CESTRaLR. S

moitiés de grandeur presque L\gale : dans la superficie euro- péenne UiUile, en effet, le reclan^le oriental comptera pour en- viron les cinq neuvièmes, luul comme le triangle coiilincntal. et il reviendra quatre neuvièmes tant h. l'Europe diïliéc occidentale qu'à l'ensemble des membres péninsulaires, des membres insu- laires et des amorces continentales par lesquelles les presqu'îles se rattachent au triangle fondamental.

L'étude approfondie des formes plastiques de l'Europe dé- montre amplement que son relief n'est pas moins artistement combiné que sa configuration horizontale, et que la multiplicité lie SCS phénomènes verticaux, qui imprime h chacune de ses p-irtieit un caractère individuel lortement accentué, a elle ntiïKÎ singulièrement favorisé dans son sein l'expansion de ta civilisation, en la lariant k l'inlini. Insistons tout d'abord sur le fait capital de l'absence de tout phénomène dominant, incon- ciliable avec le libre développement de l'activité humaine. On pourrait croire le contraire, à voir sur les cartes physiques de nos alias élémentaires une espèce de digue colossale qui, par- courant l'Europe du sud-ouest au nord-est, la divise en deux moitiés en apparence étrangères l'une à l'autre ; mais cette uni- forme ligne de faite européemte est une invention systéma lique, destinée à mieux graver dans la mémoire des enfants le départagement des eaux européennes entre les deux séries de mers dont elles sont tributaires : appliquée non plus à l'hydro- graphie, mais au rehef du continent, elle ne peut donner que les idéeii les plus éloignées de la vérité. 11 n'existe pas, tant s'en faut, une suite continue de chaînes de montagnes entre le cap Tarifa et le cap Nord de l'Oural ; les eaux découlent alternative- ment de grands massifs, de chaînes secondaires, de simples dos de pays; partout, entre les vrais systèmes de hautes mon- U-ignes, monts Ourals, Karpathes, Alpes, Pyrénées, s'interca- lent des pays de terrasses ou des dépressions complètes, par lesquels s'opèrent facilement les communications entre les régiooâ appartenant aux deux versants. Cette erreur écartée, examinons comment s'agence dans ses lignes principales le ^Mlief européen. A l'orient, le voisinage immédiat de l'Asie se

A HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

nmnifoste à la fois par Tarapleur et par la monotonie des phéno- mènes ; une forte moitié de notre continent s'y étend en plaine uniforme, presque sans variété plastique : c'est l'Europe orien- tale ou plane, la grande dépression sarmate ou russe, comprise entre les monts Ourals, le Caucase et les Karpathes, et prolongée à l'ouest, le long de la Baltique et de la mer du Nord, jusqu'au pied de la ligne transversale que les géographes appellent la diagonale européenne et qui des Karpatbes gagne les collines de l'Ëms par les monts des Géants, les monts des Mines et le massif du Harz. Ses uniques chaînes de montagnes sont ses bornes, qui représentent probablement les anciens bords d'une Méditerra- née antébistorique; à l'intérieur, elle n'a que des ondulations de terrain, des collines, des dos de pays, des plateaux larges et peu élevés. Mais si l'on fait abstraction d'une part de sa partie polaire, encombrée de roches, de marais et de glaces, d'autre part de la prolongation du steppe asiatique qui l'a envahie jusqu'au moyen Don avec son sable, son gravier, ses coquillages et son sel, cette plaine est tout européenne tant par la fertilité de son sol que par sa richesse en eaux : le terreau noir de la Russie porte les plus belles céréales, et ses fleuves, qui coulent avec une lenteur ma- jestueuse dans les quatre directions cardinales, sont les plus considérables de notre continent. Beaucoup plus restreinte dans ses proportions que la plaine orientale, l'Europe occidentale ou montueuse rachète amplement cette infériorité superficielle par sa structure plus complexe, par son relief diversifié à l'infini. Elle aussi est déterminée par trois grands systèmes de montagnes, Balkhans, Alpes et Pyrénées, qui en forment ;la bordure méri- dionale ; mais & ces trois massifs fondamentaux s'appuient au nord de nombreux systèmes slibordonnés ; depuis les Balkhans jusqu'aux Pyrénées, en immense demi-cercle autour de la courbe convexe des Alpes, se développe la multitude des chaînes et des massifs secondaires de la monarchie austro-hongroise, de l'Alle- magne et de la France ; des plateaux alternent avec les terrasses, des plaines s'intercalent dans la région montueuse ou la conti- nuent jusqu'à la mer, et des fleuves nombreux et puissants, laillissant du cœur des Alpes ou naissant dans les chatnes subor-

I>ES ÉTATS nV. I'KFROPE CfiîtTRAtT:. "

i , circulent en mille méandres à travers ce terrain acci- denté, qu'ils mouvementent davantage encore. A la grande dé- pression orientale et à la zone montueuse de l'ouest, mais se rapprochant bien plus de la seconde à la fois par le voisinage et par la conformation plastique, vient s'ajouter enfin comme troi- sième section orographique de l'Europe, l'ensemble de ses membres péninsulaires et insulaires doui's d'une organisation particulière. En laissant de côté un grand nombre d'Iles, satel- lites des pays voisins, ainsi que les presqu'îles secondaires de Kola, du Jutland, de la Hollande, de la Bretagne et de la Crimée, qui se rattachent plus ou moins intimement à la Russie septen- trionale, à la plaine de la basse Allemagne, à la vallée inférieure du Rhin, h la dépression française et à la Russie du sud, on trouve cinq grandes articulations à formation autonome et & caractère individuel. Ce sont: au sud, les trois péninsules médi* lerranéennes, dont les terrasses et les plateaux se relient par des combinaisons variées aui trois grands systèmes de mon- tagnes de l'Europe occidentale; au nord, la grande presqu'île Scandinave et les lies Britanniques, qui possèdent leurs massifs particuliers. Toutes les cinq participent au plus haut degré à la structure savamment compliquée de l'Europe occidentale mon- tueuse; les bassins fluviaux y sont, il est vrai, en général, d'une importance médiocre; mais la toute-présence de la mer sur leurs ^P^vages profondément découpés contrebalance largement cette HBnivreté relative.

^^ Les grands faits de la géographie physique de notre conti- ^^ent, que nous venons d'esquissfr sommairement, fournissent les moyens de le diviser en un certain nombre de régions na- turelles, entre lesquelles on peut répartir les divers états euro- péens. Il y a forcément une part d'arbitraire assez considérable dans la détermination de ces régions, à la fuis pour le chiffre, pour l'étendue et pour la délimitation respective. Rien n'em- pêche d'en augmenter ou d'en diminuer le nombre; fréquem- ment la transition de l'une à l'autre s'opère graduellement, par Eces progressives; même il existe des frontières natu- 1 indiscutables, il est rare que la politique les ait complète-

8 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

ment respectées ; certains états enfin, par suite de leur nature hybride, peuvent être compris indifféremment dans l'un ou Tautre groupe. De les divergences nombreuses et notables entre les géographes, tant pour la fixation des régions physiques elles-mêmes que pour la distribution des états entre elles. Pour nous, qui y dans ces études de géographie comparée, avions à tenir un compte égal des exigences de la géographie pure, de celles de l'ethnographie et de celles de l'histoire, nous avons cru adopter le meilleur parti et satisfaire dans la me- sure du possible à toutes les nécessités de notre sujet en divi- sant l'Europe en six grandes sections ayant chacune sa phy- sionomie propre, et à chacune desquelles correspond, au moins d'une façon approximative , soit un seul empire qui s'y super- pose , soit un groupe d'états qui se la partagent. Dans le tronc continental européen, qui, large et massif, mais plat et déprimé à l'est, va s'effilant et s'élevant à la fois dans la direction du cou- chant, nous en avons distingué trois, à savoir : du côté de l'est, sur les confins de l'Asie , la région de la grande plaine orien- tale avec le vaste empire slave de Russie ; à l'autre extrémité, entre l'Atlantique et la Méditerranée, le pays de terrasses de l'ouest, dont la majeure partie est occupée par la France, le plus important des états néo-latins; entre les deux, des Alpes aux mers Baltique et du Nord, une région intermédiaire qui parti- cipe aux deux formations et contient le groupe des états de l'Eu- rope centrale, dans la plupart desquels prédomine, par le nom- bre ou par l'influence dirigeante, la race germanique. De leur côté, les articulations péninsulaires et insulaires de l'Europe nous ont paru pouvoir être réparties en trois autres sections : dans l'une nous avons réuni les trois presqu'îles du midi, dont chacune a son caractère politique et ethnographique particulier, mais qui sont baignées par la même Méditerranée; à une autre nous attribuons la grande péninsule du nord , la presqu'île se- condaire du Jutland et les îles intermédiaires, c'est-à-dire tous les pays de race Scandinave; la dernière enfin, nous l'avons réservée aux îles Britanniques, domaine de la race anglo- saxonne.

ËDKS ÉTATS nE L'EUROPE CRHTRALK. !1

De eoisii ^anden divisions, ù la fois naturelles et historiques, de notre cuntinent, une seule, celle du centre, furine le sujet du présent livre. Les caractères généraux de sa géographie pli\- siqtte se trouvent déjà en partie indiqutJs dans les pages qui précèdent; nous allons tâcher de les mieux préciser avant de passer à rexaincn détaillé de sa conformation plastique.

Conxrae lu plupart des régions européennes, l'Europe centrale est loin de pouvoir se circonscrire avec une précision mathéma- tique ; on peut même affirmer q\ie de toutes elle est celle qu'il est le moins facile de déterminer exactement. La nalurc ne lui a tracé de véritables limites que le long des Alpes, de la mer du Nord et de lu Baltique; partout ailleurs ses frontières flottent indécises. A l'est elle est largement ouierte vers la plaine russe, cl à l'ouest ses terrasses se confondent avec celles de la région Française : c'est ce qui explique comment on a pu à volonté l'ar- rêter au Rhin et h l'Oder, ou lui faire atteindre et même franchir- l'Esuiut et la Vislide. De plus , il lui manque la constitution na- tionale, forte et unique, qui, à l'ouest comme i l'est de notre continent, a ^oupë autour des bassins centraux de la Seine et du \\'olga de puissants empires, entre les frontières politiques desquels la région physique correspondante a pris pour ainsi dire nn corps et une forme déterminés. Malgré la création récente du nouvel empire allemand, elle reste partagée entre deux grandes monarchies et un certain nombre d'états secondaires. Aussi, sauf ce terme si vague >\' Europe centrale, elle n'a aucune appel- lation commune qui d'un mol la détermine, et elle s'interpose [ihysiquement et politiquement entre les groupes voisins de l'est et de l'ouest, du nord et du sud, plutôt comme le produit d'une élimination successive que comme une individualité fortement accentuée.

Elle n'en a pas moins son caractère particulier, qui est précî* J »ément celui d'une nature moyenne, intermédiaire en toutes f choses. Les deux grandes dimensions du continent s'y coupent J et les deux grandes mers européennes en baignent les côtes par I li'urs golfes intérieurs. Elle tient le milieu entre l'Europe massive orientale, aux froids hivers et aux chauds élés, et l'Europe déliée

iO HISTOIBE DE LA PORMATTON TEBBITORIALE

occidentale à Tatmosphère tempérée par l'humidité océanique ; elle s'étend à la fois sur la monotone plaine de l'est et sur les pays de terrasses de l'ouest. Elle renferme, sinon en égales pro- portions, au moins par groupes nombreux, les trois grandes races européennes, germanique, slave et néo-latine, et de plus, comme représentants des races secondaires, les Madgyars fin- nois. Divisée presque également entre le catholicisme et le pro- testantisme, elle compte en outre des fidèles de l'orthodoxie orien- tale. Elle est en un mot la région tout se rencontre, s'égalise, se compense : non certes la région la plus privilégiée de l'Europe, mais celle qu'on pourrait appeler la plus etiropéenney parce qu'elle en représente le plus complètement les caractères moyens. Communiquant par terre ou par mer avec toutes les autres con- trées du continent si l'on en excepte l'Espagne, elle a été depuis le moyen âge le centre de gravité de la politique européenne, soit qu'elle empiétât sur ses voisins ou qu'elle leur fournit leurs champs de bataille ; sa science prétend, non sans quelque raison, à la gloire d'être cosmopolite; et ses émigrants, qui inondent l'Europe et le Nouveau-Monde, se laissent absorber par les na- tionalités au milieu desquelles ils s'établissent avec une facilité inconnue aux autres races.

L'orographie et l'hydrographie de l'Europe centrale, qui doi- vent fournir leur matière aux chapitres suivants, ne nous arrê- teront guère pour le moment. Leur régulateur suprême est le massif des Alpes, noyau central du continent entier, dont les pentes graduées se continuent ou se renouvellent au nord et au nord-est jusqu'à la diagonale européenne, tandis que leur ver- sant méridional s'abaisse brusquement sur la plaine lombarde: une moitié de l'Europe centrale se trouve ainsi couverte d'un assemblage extrêmement varié de chatnes secondaires, de pla- teaux et de dépressions locales, qui se coupent et se prolongent en tous sens, en affectant, comme les Alpes elles-mêmes, les caractères les plus divers. Beaucoup plus uniforme à la fois et plus facilement accessible, la vaste dépression de la basse Alle- magne s'étend depuis la diagonale européenne jusqu'à la Bal- tique et à la mer du Nord, et sert d'intermédiaire entre la plaine

ÏIBS ftTATB DF l'EriinPi: CCTTlrAtK. |(

e et les fertiles terres dalluvion des Pays-Bas. Des ÏÏuviaux largeraeiit étendus, qui se touchent de très-près quand ils n'enlrecpoisent pas leurs nombreuses veines, unissent entre elles ces différentes r^^ions orographiques: des Alpfs descendent, PU brisaut tes verrmis qu'elles leur opposent, le Hliin, le Rhône et les grands aflluents méridionaux du Danube ; dans la région intermédiaire prennent naissance^ outre une foule de rivières qui après un cours tortueux rejoignent le Rbin et le Danube, d'une part ce dernier fleuve, qui longe les Alpes par la ligne de plateaux qui s'y adosse au nord, del'autreleWeseretl'Elbe.qui gagnent la plaine septentrionale en rompant la diagonale euro- (H^eiuie ; de cette diagonale enfin di^coulent prosaïquement l'Oder et la Vistule, simples fleuves de plaine comme leurs voisins, les fleuves russes.

Il suffira de quelques mots aussi pour appeler à l'avance l'at- tention sur un autre ordre d'idées qu i reviendra bien souvent sous notre plume : je veux parler de l'influence réciproque du sol sur les habitants et des habilants sur le sol, influence qui est aussi in.iiiifeste dans l'Europe centrale que dans aucune autre contrée du globe, C'est presque un lieu commun que de dire que la ^^uation helvétique ne se conçoit pas sans son boulevard alpestre, Bu le peuple néerlandais sans le delta dulthin. 11 est tout aussi in- ^Bwitestable que la monarchie autrichienne n'a puse développer ^^he dans la vallée du Danube, et que sa rivale, la Prusse, s'est for- ^^Me et a grandi dans la plaine septentrionnlc. De tous les faits de ^^p genre cependant, le plus important à signaler, parce qu'il ^Tlontre le plus clairement avec quelle persistance les phénomènes physiques influent sur le développement historique des nations, c'est la division naturelle de l'Allemagne en deux moitiés, raéri- diunaleet septentrionale, haute et basse, que sépare l'une de l'au- tre, non pas la bordure septentrionale de l'Europe montueuse, la diagonale européenne, mais une ligne tracée plus au sud qui va tiu Hundsruck aux Sudètes, en laissant au nord les monts de Westpbalie et le Harz, dont les vallées ouvertes sur la plaine septentrionale font partie de la basse Allemagne du nord, au Biaiftine titre que les dépressions de Vienne et du haut Hhin appar-

^2 FORMATrON TKRRITORrALE DES ETATS DE L'eUROPE CENTRALE.

tiennent à TAUemagne montueuse du sud ; Topposition de ces deux Allemagnes se retrouve en effet sans cesse, tantôt dans la politique et dans les mœurs, tantôt dans le droit et dans la reli- gion : l'antagonisme de la Prusse et de TAutriche n'a été qu'une forme nouvelle des vieilles luttes des Chérusques et des Marco- mans, des Francs et des AUemans, des Saxons et des Souabes; et si les rivalités du plat et du haut allemand, du droit saxon et du droit souabe, de Técu et du florin appartiennent au passé ou perdent de plus en plus de leur importance, la politique contem- poraine en est encore à compter grandement avec les antipathies de l'Allemagne méridionale, catholique et particulariste, contre l'Allemagne du nord^ protestante et unitaire.

Et maintenant, sans nous attarder plus longtemps à des con- sidérations générales que nous retrouverons maintes fois sur notre chemin, nous allons commencer par l'examen du massif alpestre \^étude détaillée de la géographie physique de l'Europe centrale, prélude obligé de sa géographie historique.

CHAPITIIE II

Le massif des Alpes, auquel s'adosse l'Europe centrale, ne lui appartient pas exclusivement ; comme elle, la majeure par- lie de la moitié occidentale, moulueuse, de notre continent le reconnaît comme son régulateur fondamental, elles 300,000 ki- Inmfctres carrés qu'on peut lui attribuer en le délimitant par les trois vallées longitudinales du Pô, du Danube et de la Saône '■■inlinuée par le RhAne, couvrent la France orientale et la par- la' septentrionale de l'Italie . non moins que la Suisse, l'Alle- nii^ne méridionale et les provinces sud-ouest de la monarchie austro-hongroise. Néanmoins, comme c'est sur l'Europe ccn- Iralc qu'il s'étend le plus largement, que c'est dans son sein qu'il développe avec le plus d'ampleur la merveilleuse variété de se* phénomènes, c'est à l'Europe centrale aussi que la descrip- tion détaillée du système entier peut et doit trouver nalurellc- menl sa place.

Le nom des Alpes a été longtemps rattaché à une étymolo- pic latine et regardé comme synonyme de montagnes blanches, c'est-à-dire neigeuses. 11 est plus probablement d'origine cel- tique, comme celui de beaucoup de montagnes et de fleuves de l'Europe centrale , et signifie les hautes cimes. Les deux inlcrpn'tationsd'iiilleurs répondent également bien à l' impres- sion qu'on éprouve en face de la longue suite de sommets char- gés d'une neige étemelle, qui surplombent la majeure partie de la chaîne. Colle-ci s'étend horizontalement sur une longueur de 1,201) kilomètres environ et sur une largeur qui varie de i :iOO kilomètres, entre le li' et le 18' degré de latitude

HUtO à :iOO

14 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

nord, ce qui la place à une distance presque égale de Téqua- teur et du pôle arctique, et entre le 3* et le i 4* degré de longi- tude orientale de Paris, c'est-à-dire presque au milieu du con- tinent européen. Sa direction générale entre ses bornes ex- trêmes , le mont Ventoux , à l'occident, qui s'élève au-dessus de Carpentras en Provence, et le Kahlenberg, à l'orient, près de Vienne en Autriche, est du sud-ouest au nord-est ; mais la direction caractéristique est plutôt d'ouest en est. C'est dans ce sens, le sens de l'équateur, que courent les Alpes centrales, dont les masses accumulées forment, depuis le mont Blanc jus- qu'au Grossglockner, la ligne maîtresse du système. Des deux ailes qui partent des deux extrémités de ces Alpes par excel- lence, l'une, celle de l'ouest, biaise au sud depuis le mont Blanc, et, par une courbe nouvelle dirigée vers l'est, se soude aux Apen- nins, entre les cols de Tende et de la Bochetta, à mi-chemin en- viron entre Nice et Gênes ; l'autre, celle de l'est, qui commence déjà au Pic-des-Trois-Seigneurs, un peu à l'ouest du Grossglock- ner, se bifurque en deux branches, dont l'une se dirige au nord-est vers Vienne, tandis que l'autre se rabat au sud-est sur Trieste ; si bien qu'en faisant abstraction de la partie nord de cette fourche orientale, on obtient comme figure générale des Alpes un demi-cercle presque régulier, qui entoure à l'ouest, au nord et à l'est, la grande plaine lombarde. Les Romains, premier peuple civilisé qui ait exploré les Alpes, ont divisé la chaîne centrale et ses deux ailes en un certain nombre de sec- tions, dont les noms sont encore employés concurremment avec les noms modernes. Il est bon de connaître les uns et les autres pour s'orienter plus facilement dans un système si étendu. Dans la partie occidentale de la chaîne, commune à la France et à l'Italie , se suivent du sud au nord les Alpes maritimes ou basses, entre le golfe de Gênes et le mont Viso, les Alpes cot- tiennes ou hautes, depuis le mont Viso jusqu'au mont Cenis, et les Alpes grées ou savoisienues, entre le mont Cenis et le mont Blanc. Les Alpes du centre , à la fois allemandes et italiennes, se subdivisent en Alpes pennines ou valesanes, du mont Blanc au Saint-Gotthard ; en Alpes lépontiennes ou helvétiques, entre

DES ETATS DE L ELUOFE CESTHALE. fo

le SainlrGotthard et le Septimer; eL en Alpes rhétiques ou griscà et lyroUennes, du Septimer au Pic-des-Trois-Seigiieiirs. Dans la fourche orientale ou autricbieniie enfin, le bras Ëeplcnlrio- nal, qui, du Pic-des-Trois-Seigoeurs, se prolonge sur Vienne, porte te nom d'Alpes noriques ou styrienueâ, et le bras méridio- nkl, ou Alpes d'Illyrie, s'appelle Alpes carnigues entre le Pic- des-Trois-Seigneurs et le Terglou, et Alpes juliennes depuis le TÊTglou jusqu'en Dalmatie, les Alpes dinariques appartiens tient déjà au systÈme des Uulklians. Quelques-unes seulement de ces dénominations demandent un mot d'explication : celles d'Alpes grées el d'Alpes pennines paraissent empruntées au celti- que etsiguifîer Alpes rocheuses et Alpes à cimes; cellesd'Alpescot- tiennes et d'Alpesjulienucs rappellent le souvetiir d'un roi contem- pwain d'Auguste et celui delacolonie âe Forum Ju/ii; les autres proviennent des caractères physiques de la chaîne, du bien des noms anciens ou modernes des peuples et des pays avoisinants. En y ajoutant les appellatifs usuels des cliatnes latérales les plus importantes, Alpes de Provence, de Dauphiné et de Savoie, .Upes bernoiâes, des Quatre-Cantons, de Claris et do Vorarl- berg, Alpes de Bavière et de Salzbourg, Alpes cadoriques, de Trente et de Valteliue, on a une nomenclature sommaire du système alpestre dans ses divisions horizontales.

Au point de vue du relief, les Alpes, loin de former une digue unique ou de se résoudi'e en une série do chaînes paral- lèles, se composent d'une multitude de massifs particuliers, re- liés entre eux de mille manières, et dont tes plus considérables sont tes grands groupes centraux du mont Blanc, du mont Rose, du Finsteraarhorn, du Saint-Gotthurd, des Alpes grises et des Alpes tyroliennes. Leur hauteur moyenne, accusée par les cols, est de 2,000 à 2,500 mètres au-dessus du niveau'dc la mer; leurs cimes, qui Uinlôt s'arrondissent en tours, en clOmies et en coupoles, tantôt s'élancent vers le ciel sous la forme de pointes, d'aiguilles, de pics, de cornes ou de dents, se tiennent entre 3,000 et 4,800 mètres. C'est à l'extrémité occidentale des Alpes ceutrateb que le dôme du mont Blanc, découvert en 1741, gravi pour la première fois en 1786, s'élève au-dessus de la profonde

16 iiisTOiHi: de: l.v fouiatiox teuitorule

vallée de Chamouny, à la hauteur culminante de 4,810 mètres, que n'atteint aucune autre montagne de TEurope, mais qui est bien inférieure aux altitudes de$ sommets de TAsie et du Nou- veau-Monde, où les cimes des Cordillères de TÂmérique du Sud dépassent 7,000 mètres, et le Gaurisankar, dans THi- malaya, mesure même 8,840 mètres. Un peu plus à Test, son rival, le mont Rose, dont le sommet le plus élevé a été atteint en 1833 seulement, n'a que 4,638 mètres; mais il compense cette infériorité de niveau par une masse plus compacte ; tandis que le iQont Blanc n*a autour de lui que des satellites de second ordre, le groupe du mont Rose compte une douzaine de cimes presque aussi élevées que le sommet principal. Puis, en face du mont Rose, de Tautre côté de la vallée du Rhône, s*élèvent dans les nues les nombreux pics de VOberland bernois, parmi les- quels le Finsteraarliorn atteint 4,273 mètres et ne laisse que peu au-dessous de lui ses célèbres voisins, la Jungfrau, le Moench, TEiger, les Schreekhoerner, les Viescherhoemer et rAletschhom. Le massif du Saint-Gotthard, quoiqu'il forme le nœud central du système, le point les chaînes latérales se touchent, se croisent, se confondent en une masse ooomiune, n'a pas de cimes trës-élevées ; mais plus à lorient, le massif des Grisons, le Piz-Bemina mesure 4,032 mètres, a de nouveau une centaine de sonmiets entre 3 et 4,000 mètres, et les Alpes du Tyrol et de la Styrie approchent encore 4,000 m^res par rOrteles et le Grossglockner. Dans la foiu*che orientale de la chaîne, le massif alpestre finit par avoir, entre Linz et Trieste, une largeur de 300 kilomètres, les cimes les plus éle- vées ne dépassent guère 3,000 mètres ; Taile occidentale, au con- traire, dont la largeur moyenne est d*environ 130 kilomètres seulement, possède un grand nombre de sommets qui atteignent ou approchent 4,000 mètres, et les monts Iseran; Pelvoux, Viso, dont le second mesure 4,103 mètres, ne restent que fort peu en arrière des cimes des Alpes centrales. C*est cette proportion inverse entre la hauteur et la largeur du système qui explique la configuration orographique opposée des deux bornes extrê- mes de la chaîne : à l'ouest, le mont Ventoux s'élève encore à

uns ÊT.iTs DE l'Ernorn ci;ktbale.

],UIO luirtres, à peu de diiitancc d'Avignon, qui iiti^t que do 14 mètres au-dessus du Ili^cau de la Méditerranée; à l'est,, au contraire, les montagnes s'abaissent en gradin? , le Kahlen- berf; n*a que 430 mètres, quoique Vienne soit encore à l'altitude de 155 mètres. O"""* am deux sections méridionales qui, au (oucbant et au levant, cldturent la plaine lombarde, elles des- eeudent l'une et l'aulre presque à pic ^e^s lu mer, sur Nice et BOT Triesle. Les beautés pittoresques de la roule de la Corniche i|ui longe le» Alpes maritimes entre Nice et Gi?nes ont une répu- tation universelle ; mais les Alpes juliennes présentent un spec- tade qui n'est pas moins saisissant quand, sur la route de ^^mne à l'Adriatique, au sortir du plateau calcaire, nu, désert de la Karst, on se trouve tout à coup dominer les jardins et le port de Trieste et ({u'on \oit fuir au loin les vagues bleues du gi^e de Venise.

Aprùs CCS indications sommaires sur les dimensions horizon- laies et verticales des Alpes, nous passons à l'examen plus appro- fondi de leur nature intime. L'histoire de leur formation est du domaine de la géologie; la i^étipraphie n'a à s'occuper que de If-ur structure actuelle et des phénomènes physiques et ethno- SMphiques si nombreux , si variés , si iniéressants qu'elle mo- ^K Nous laissons donc de cAté toute hypothèse sur l'origine et ^Hùte de leurs soulèvements et de leurs érosions, et arrivons Vn d'abord à un premier fait capital, la juxtaposition dans leur relief de nombreuses formations à caractères essentiellement distincts. Des masses de granit, de gneiss et de schiste argileux primitif constituent, sous le nom d'Alpes primitives, quoique [>roL.ilil<'m'-'nt elles aient été poussées en haut à une époque relativement récente, ce qu'on peut appeler l'épine dorsale do la chaîne. Les Alpes primitives sont accompagnées des deux cô- 16s, sur leur pourtour convexe comme dans l'intérieur de leur concavité, par les Alpes calcaires, chargées jusqu'à leurs cimes les plus élevées de coquillages et d'autres vestiges d'un monde disparu. Aux Alpes calcaires enfin s'adossent k leur tour uiir fooie d'autres formations, parmi lesquelles prédominent le ^ri-->

18 lUdTÛIIŒ DE FORMATION TERRITORIâLK

graduellement leur altitude de 4 à S, 000 mètres, les Alpes cal- caires atteignent en général bien plus rapidement le même maximum d'élévation et se dressent parfois presque h pic en murailles de plus de 3,000 mètres. Sur le pourtour convexe de la chaîne, elles commencent plus à Touest, dès la hauteur de Marseille, pour finir aux portes de Vienne ; dans la concavité du demi-cercle alpestre, au contraire, elles ne débutent qu'aux environs du lac Majeur (ce qui explique pourquoi, au mont Ce- nis par exemple, on passe directement de la région granitique des hautes Alpes dans la basse plaine lombarde); mais, par contre aussi, elles recouvrent complètement le granit entre le Danube et la Save, et se continuent au delà du massif alpestre par la chaîne des Balkhans. Quant aux formations secondaires, elles ne s'élèvent sur le versant méridional qu'en collines d'as- sez mince importance , tandis que sur le versant septentrional elles s'accumulent en masses beaucoup plus [considérables et constituent de vraies montagnes, comme, par exemple, au Rigi, dont le sommet, haut de i, 800 mètres,* est depuis long- temps le belvédère de prédilection des touristes, et le deviendra de jour en jour davantage, maintenant qu'on y monte par un chemin de fer vertigineux, dans la construction duquel on n'a pas reculé devant des rampes de 25 centimètres par mètre ! En général, et c'est un second fait capital, qui, géographique- nient et historiquement, est peut-être plus important encore à noter que le précédent , les j)cntes extérieures du système s'élè- >ent par des gradations bien plus lentes que celles qui leur sont opposées; il y a des journées de marche depuis le plateau, assez élevé déjà, qui s'étend au nord des Alpes jusqu'à la hauteur des cols, et c'est en quelques heures que Ion descend de ces mêmes cols à la plaine lombarde, qui ne s'élève que d'une centaine de mètres nu-dessus du niveau de la mer. Prenons comme exemples les coupes des Alpes au Saint -Gotthard et au Brenner, dont les cols s'élèvent à 2,090 et à !,430 mètres : le premier est à 135 kilomètres de SchafTliouse, qui aune altitude de 392 mètres^ et à 15 kilomètres seulement de Bellinzona* qui est à 230 mètres ; depuis le second ou compte 225 kilomètres jusqu'à Ratisbonnei

DES ETATS ÙK L'EUBWB CBHTRALi:. IB

"t lo jusqu'à Bûtzeu, quoique le^ deux villes soient aux altitudes inesque égales de 333 et de 355 mètres. L'opposition est Itout-ètre plus frappante encore quand on fuit porter la corapa- rdison sur le voisinage immédiat de la ligne de faîte : les vil- lages de Splugeu et de Campodolcino, qui sont presqueà la même \i}ce du col du Splugeu, se trouvent l'un à fi^O, l'autre à ,000 maires au-dessous du passage, et au col voisin de la Ma- loya on est à peu près de plaiii-pied avec l'Eugadlne, tandis iju'on domine h pic la vallée de la Maira, qui descend vers Chia- veniia. 1! est presque inutile de dire que celte ampleur beau- coup plus grande du versant septentrional lui donne forcément [uie iniporlauce supérieure; que tous les phénomènes particu- liers aux Alpes y sont plus complètement représentés, el que l 'est sur ses pentes et dans ses vallées que la vie végétative, aui- iiialc et bumaiue s'est le plus richement développée. Enûn , à cdlé de ces deux grands traits caractéristiques de la physiono- mie générale des Alpes, multiplicité de leurs couches géologi- ques et extension plus considérable de leurs pentes seplentrio- iialfw, àignalous-en encore un troisième qui, du reste, leur est commun avec toutes les chaînes de premier ordre : c'est lin- flueuce qu'y eserce sur la vie organique la gradation de hauteur §ten vertu delaquelle on y trouve réunis dans un voisinage immo- les phénomènes de zones terrestres extrêmement éloignées. Sans doute, en deliors de l'élévation verticale, il y a d'autres qui concourent avec elle pour varier à linflni les condi- d'axislenco du monde végétal et du monde animal dans le if alpestre : ainsi la nature du sol, la latitude, l'expositiint soleil ou h l'ombre, et surtout Tactiou des vents, parmi les^ le premier rang est tenu par le chaud et humide Foeii, , au printemps, fait fondre rapidement les neiges acciimu- , Néanmoins, le principal régulateur de* phénomènes nalu- Bur les pentes des Alpes, c'est incontestablement la diffé- ice de liaulcur, et l'on a pu calculer qu'une clcvalion de inèlrcs équivaut à peu près à un rapprochement du pôle de "Mù kilomètres. Il en résulte que, selon l'altitude, la végélation plus ou moins précoce, plus ou moins hâtive aussi, et qu'on

20 HISTOIRE m: la formation territoriale

peut suivre de gradin en gradin le voyage du printemps, qui ne commence dans les hautes montagnes que lorsque plus bas Tété est à demi passé , mais qui alors agit aussi d'autant plus rigou- reusement sur' la nature enfin réveillée de son long sonmieil d'hiver. Il en résulte surtout que chaque grande zone verticale a sa flore et sa faune spéciales : sa flore plus encore que sa faune, car l'animal voyage, tandis que la plante est attachée à la glèbe et que tout au plus un coup de vent ou un cours d'eau qui en emportent les semences peuvent lui faire accomplir parfois quelque migration inattendue. Ces zones verticales constituent, par conséquent, comme autant de provinces superposées du monde alpestre, et à ce titre elles offrent au géographe qui veut énumérer et décrire les particularités du massif, des cadres tracés par la nature elle-même. Il peut en distinguer un plus ou moins grand nombre ; nous nous contenterons d'en admettre quatre, à savoir : une région préliminaire de plaines et de pla- teaux ; une régioji montueuse des Alpes antérieures; une ré- gion alpine des Alpes moyennes et une région glacée des hautes Alpes ^ dont nous fixons les lignes d'intersection aux altitudes respectives de 600, de 1 ,500 et de 2,700 mètres, sous la réserve formelle, bien entendu, que ce ne sont que des moyennes, sans cesse dépassées dans les deux sens par l'un ou l'autre des phénomènes de la nature tant inorganique qu'orga- nique qui forment les caractères distinctifs de chaque zone.

La région préliminaire de plaines et de plateaux, qui jusqu'à la hauteur de 600 mètres environ entoure les Alpes, est de struc- ture fort différente sur les deux versants du système. Au sud, la large plaine lombarde, comprise entre les deux ailes de la chaîne , arrive directement jusqu'au pied même des Alpes , qu'elle accompagne en s'abaissant progressivement du couchant au levant. Turin est à 250 mètres au-dessus du niveau de la mer, Milan à 130, Vérone à 46, Padoue à 18, et les lagunes de Venise dépassent à peine le niveau de l'Adriatique. Au nord, au contraire, s'étend entre les Alpes et la montueuse Europe cen- trale une ceinture de plateaux qui couvre une bonne partie de la Suisse, de la Souabc, de la Bavière et do T Autriche, en oscîl-

nits ÉTATS DK i'eubope cbntbalf. ?I

laitl entre les liautours de 2o0 el de 600 mètres. A ses deuv ex- trémités, Genève et Linz ont ries nlliluries de asO el de 240 mè- tres; comme entre ces doux points cvlr^nies. Constance Ci^l à 400, Memmingen & 630. Munich à 530, Hatisbonne à SSo, Passau 11 280 mètres, on voit que les plateaux qui servent de vcs- tihule i>eptentrional au massif alpestreVélèvent d'abord d'ouesl en est, jusqu'à re qu'ils atteignent la ligne de faite entre le Rhin cl le I>aimbe,et qu'ils s'abaissent ensuite avec ce dernier fleuve, tout pn mainlniant leur direction caractéristique d'occident en orient. Dans cetl« région prûlimînaire, qui, en général, est il-lraugÈre b, la nature alpestre, nous ne nous arrêterons qu'à un spui phénomène, qui déjà annonce les Alpes, leur appartient en propre et en constitue une des plus belles parures: ce sont les admirables lacs subalpins qui accompagnent le système au nord et au sud , mais qui font complètement défaut au cmichant et au le\nnt; les lacs hongrois, en effet, sont étrangers aux Alpes. Leurs proportions sont modestes en comparaison de celles des en- tonnoirs d'autres systèmes : tandis que dans l'AllaT le Baïkal a une longueur de 600 kilomètres et une superficie de33,000 kilomètres , les plus considérables d'entre eux , ceux de Genève et de «.stance, ne mesurent que 80 kilomètres de long et ne cou- rent même pas 600 kilomètres carrés; mais leur nombre esl ftfl'outaiit plus considérable, et ils sont r^'pandus en une mullî- ide de groupes de lacs ou de lacs isolés sur deux lignes ciiuver- HiUs de iiOO et de I liO kilomètres de long , depuis le lac du nii^t jusqu'au Traunsée, et depuis le lac d'Orta jusqu'à cehii b Garde. Leur configuration, extrêmement variée, est motivéï- In nature différente des dépressions qu'ils remplissent : les B, ceux de Constance et de Neuchàtel par exempte, remplis- t une large et unique fente ; d'autres, comme le Léman, qui «ite la forme d'un croissant, ou le lac de Côme, qui se ter- ! en une double pointe, se composent en réalité de deux ssins, comblent les fonds de deux vallées différentes; d'autres »rfl, par exemple le lac de Lucerne, sont le résullat de cala- i de la nature, qui ont t'oit communiquer ensemble les Hix d'un grand nombre de fentes, landis que certains groupée

22 HISTOIRE DE FORMATION TERRITORIALE

enfin, comme les cinq lacs du Salzkammergtit autrichien, sont restés séparés, quoique leurs bassins fussent de formation iden- tique. Leur profondeur est fort diverse, et d'aiQeurs très-impar- faitement fixée : on attribue 130 mètres de profondeur au lac de Neucbâtel, 200 à 'celui de Zurich, 320 à celui de Constance, 330 à ceux de Lucerne et de Genève, 600 à ceux de Côme et de Brienz, 800 au lac Majeur; mais la plupart de ces chiffres, les derniers surtout, paraissent devoir être réduits dans de fortes proportions. Quant à l'élévation de leur niveau au-dessus de ce- lui de la mer, elle est en moyenne assez peu considérable. Au midi, le lac de Garde n'est qu'à 70, et les lacs de Côme et Ma- jeur aux environs de 200 mètres ; les lacs septentrionaax eux- mêmes, quoique plus élevés, ne dépassent pas des altitudes fort modérées; les lacs de Genève, de Constance, Zurich, de Neu- ehâtel et de Lucerne varient entre 37o et 440 mètres, et le plus élevé de tous, le lac de Brienz, a son niveau à 565 mètres au- dessus de la mer. Néanmoins, comme ils s'adossent presque tous directement k la chaîne, ils ont en général, sur l'un et l'autre ver- sant, un fond en caisse entre des parois à pic, et comme, d'autre part, leur partie antérieure appartient à la dépression ou au plateau voisins, ils ménagent ainsi entre la nature riche de la plaine et la nature sauvage de la montagne une transition harmonieuse, qui ne contribue pas moins à charmer le visiteur que leurs admira- bles couleurs, variées à Tinfini, ou leur calme liquide qui repose l'œil fatigué par les formes heurtées de la chaîne alpestre. On a célébré en prose et en vers, dans toutes les langues civilisées, les rives délicieuses du Léman et du lac de Côme, les beautés sé- vères du lac do Lucerne et le riant paysage qui entoure le lac de Zurich; mais leur éloge le plus éloquent, c'est l'amour pas- sionné que professent jiour eux les habitants de leurs bords, qui, dans leurs affections, les placent peut-être plus haut encore que les cimes neigeuses de leurs montagnes. Quelquefois, il est vrai, l'inondation rend leur voisinage dangereux, et plus d'un naufrage les a attristés; mais, môme au point de vue de l'uti- lité pratique, ils comptent parmi les plus beaux fleurons de la réfpon des Alpes, et, de bonne heure, ils ont joué un rôle civîli-

DF3 ÉTATS DE l'EUBOPr TEHTBALE.

>ateur. lU arrêtent le cours dévastateur des torrents de la mon- tagne, les purifientel les rendent navigableB,au risque de se com- bler peuft peu par lespierreset le limon qu'ils reçoivent en dépôt: sur leurs hords, ta température est plus égale, le printemps plus précoce, la culture en vignobles et en vergers plus Facile, se fioDt établies des villes industrieuses et commerçantes, centres politiques et retigienx de tout le pays environnant ; enfin ils ser- vent de vieille dnle aux transactions des hommes, au transport des marchand ii^es. et aujourd'hui, non-seulement les plus con- sidérables d'entre eux, mais même quelques-uns des plus petits, sont sillonnés par de nombreux bateaux h vapeur.

Au-dessus de la région préliminaire de plaines et de plateaux,

la première zone véritablement alpestre, celle que nous avons

appelée la zone montucuse des Alpes antérieures, comprend à la

fois.entre les altitudes approximatives de 600 et de 1,500 mètrps,

de? chaînons peu élevés, qui ne dépassent pas sa limite supé-

1 rieurc, et la large base des grands massifs alpestres. D'une

h^nduo considérable, surtout sur le pourtour convexe de la

rchatiie, elle forme la partie la plus accidentée et la plus pilto-

PresquG du système, et étale au pied des moyennes el des haute-^

s une quantité prodigieuse de vallées et de plateaux, de ter-

s et de défilés, de cols et de lacs, de rivières el de cascades,

B bois et de prairies, de bourgs et de villages. C'est Ift qu'on

•nconlrc les lacs intermédiaires entre les grands bassins subal-

i et les petits entonnoirs des hauts cols; le touriste admire

nr couleur tour h tour verte, bleue ou blanchâtre, leur cnca-

ment d'arbres et de prairies, leurs baies, leurs promontoires,

i parois escarpées par-dessus lesquelles bondissent les cas-

; le montagnard vante leur profondeur inexplorée et leurs

igaotesques habitants ; c'est un article de foi chez les Appen-

dluis que le lac du Saentis nourrit des truites de la grandeur

1 sapin centenaire ! Les Alpes antérieures ne sont pas moins

1 patrie par excellence des cascades et des cataractes, qui ornenl

rincipaleracnt les pentes abruptes des montagnes calcaires.

iprte les grandes pluies et les fontes des neiges on les compte

r milliers; un certain nombre persiste en tout temps, quoique

24 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

avec une masse d'eau qui varie singulièrement selon les saisons: telles sont les célèbres chutes d*eau delaTosadans le Val-For- mazza, de TAar à la Handeck, de torrents moins considérables au Heichenbach, auGiessbach,au Staubbach, àPissevache. Chacune d'elles a son caractère particulier et sa décoration originale : tantôt Teau se précipite en une nappe unique, tantôt elle forme une série de chutes successives ; ici elle s'incruste aux rochers et paraît fuir les rayons du soleil; elle nage dans les airs, réduite en un nuage de poussière, et reflète toutes les couleurs de l'arc-en- ciel. Mais à côté de ces beautés de la nature, il faut en signaler les horreurs. Les torrents des Alpes antérieures, quoique moins connus que les avalanches des Alpes moyennes, sont plus ter- ribles qu'elles, parce qu'ils dévastent des contrées plus cultivées. En temps ordinaire, leur lit presque \ide ne frappe que par sa largeur et par l'aspect chaotique de ses bords, qu'encombrent des blocs énormes ; mais en été ou en automne, quand sont tombées de grandes pluies ou que le Foen a fait fondre les neiges pré- coces, ils descendent de la montagne avec un fracas de tonnerre, entraînant avec eux les troncs d'arbres et les rochers. Le voisi- nage est aussitôt sur pied, armé de longues perches et de solides crochets, pour empêcher un barrage qui intercepte le lit du torrent ; mais trop souvent les efforts désespérés de toute une population sont inutiles,'et l'avalanche liquide qui s'est frayé une route nouvelle détruit en un clin d'œil les habitations et les étables, et change pour toujours en un désert les plus belles prairies, enterrées sous quatre ou cinq mètres de débris I Plus funestes encore sont les chutes de montagnes et les glissements des couches supérieures du sol sur les couches inférieures, agents lents mais continus de l'abaissement progressif du système alpestre. Chaque année voit des catastrophes de ce genre; plus d'une a fait des centaines et des milliers de victimes. Ainsi, en 1618, le Conto couvrit en s'écroulant le gros bourg de Plurs aux environs de Chiavenna; la double chute des Diablerets, en 1714 et en 1749, ensevelit avec les prairies de Cheville et de Ijcytron les chaumières, les troupeaux et les bergers; en 1793 une partie de Weggîs glissa dans le lac de Lucerne;

|p 2 s.'ptenibre i806 enfin l'ùliouleraeiit du Rossborg engloutit (itu] viUagcii du caiit^)n de Sclinitz et combina demi 1g lac de l,owerï.

Autrofûîs h majeure partie des Alpes antérieures était cuu- icrtodo fortes >iergi's, dont il subsiste quelques rareà vestiges d.iiislesGri^uSjdans lu Tyrol et surtout dans le. Valais. habi- Ltifuten grand nombre, sans compter les dragons et autres ser- ' ' utsctiuronut^s dont les traditions to(;alcs consenent le fabuleux

ii\enir,lfi bison et l'urocbs, le Ivnxcl le diat sauvage, l'ours et I- Kiup, le renard et le castor, L'uroclis et le bison ont ccssû depuis liien longtemps de Taire partie de la faune des Alpes ; le cas- tor en a disparu plus récemment ; le lynx et le cbat sauvage y detivonent rares ; seuls l'ours, le loup et le renard sont encore dp» hôtes habituels des Alpes antérieures. Encore la rude guerre (]u'oii teur fait les furce-t-elle. en été du moins, à se réfugier plus haut, dans la n!-gion des Alpes moyennes; le temps est luin un duc de Zaeliringen tuait un ours sur l'emplacemeni actuel de la ville de Berne, dont le nora et les armoiries rappellent re! etpldit de chasse. Les principales essences des forêts assez clairsemées qu'on rencontre encore dans la zone niontueuse sont le pin, le sapin, l'érable et le liôtre; le tilleul est plus rare; à ppinereiiconlre-t-on quelques chênes isolés, quoique la tradition les dise exlrfirnenieiil nombreux dans les siècles passés. Certains de ces arbres atteignent des dimensions extraordinaires, à des liauteurs asseï élevées au-dessus du niveau de la mer; ainsi on atiallait uaguAredans les Grisons, à une altitude de 1,300 m^tres, uu pin qui mesurait 68 môtres de haut sur 7 mètres et demi di^ circnnrérence. Le débiiisement des Alpes anlérieures doit être <>n partie attribué aux forces naturelles, chutes de montagnes, torrents, avalanches, incendies allumés par la foudre ; mais il est -urtimlle rêsullat des progrès de la culture. Les pentes italiennes Miiit pn-stpie complètement nues depuis longtemps; l'œuvre de destruction se continue sous nos yeux sur le versant septentrio- aa\', la cognée êclaircit impitoyablement les belles forêts des Grî- yitui et du Tyrol; dans rb^iigadineonamème recours àl'incendie pour gagner un siil libri' qu'on puisse nilliver en prairies. Kt

26 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

cependant ce déboisement, autrefois utile, est devenu avec le temps, une calamité publique; car les dévastations des ava- lanches et des torrents sont en raison directe de la disparition des forêts.

Si l'homme est le grand destructeur des forêts alpestres, c'est lui aussi qui a pris leur place en s'établissant dans la majeure partie de la zone montueuse. On ne l'y voit pas seulement de pas- sage, sous la figure de touristes qui s'acheminent vers une cas- cade, un glacier, un col ou un pic, ou sous celle de malades qui séjournent pendant quelques semaines auprès de quelque haute source minérale ; il y réside presque partout à demeure fiie. Jusqu'à sa limite supérieure, quelquefois même au delà, on ren- contre dans les vallées et sur les terrasses, des villes et des villages, des hameaux et des maisons isolées : Chamouny et Grindelwaldsont à l,OoO,Briançon à]l,320, Andermatt et Splu- gen à i ,4o0, Saint-Maurice-en-Engadine à 1 ,850 mètres au-des- sus du niveau de lamer.EUe comprend même dans seslimites un canton entier de la Suisse, celui d'Appenzell, qui correspond au plateau adossé aux pentes septentrionales duSaentis,et dont le sol ne descend nulle part beaucoup au-dessous de 800 mètres; aujour- d'hui les bords escarpés qui le séparent de tout côté du canton de Saint-Gall sont gravis par de belles et larges routes ; mais il y a quelques siècles on n'y montait que par des défilés étroits, dans lesquels les montagnards, retranchés derrière des rocs et des ubatis d'arbres, ont remporté plus d'une victoire sur les seigneurs ecclésiastiques et laïques du voisinage. Dans la zone presque entière on parvient, à force de travail et de soins, à faire mûrir la pomme de terre, un peu do blé, quelques légumes, quelques fruits ; néanmoins cette culture plus ou moins artificielle suffirait à peine à nourrir misérablement la population qui s'y livre ; la vraie richesse des Alpes antérieures, ce sont leurs prairies printa- nières, qui , combinées avec les prairies estivales des Alpes moyennes, permettent dans de vastes proportions l'élève du bé- tail et la vie pastorale, dont nous aurons à étudier les traits carac- téristiques à propos de la zone suivante. L'industrie de la pèche y joue un rôle beaucoup plus modeste ; cependant la truite, malgré

^ES ÉTATS DE l'EUBOrr! CRNTIULK. 37

I ^loiirsuite acharnée dont elle est l'objet, continue h peupler ■us les cours d'eau et tous les lar^ des Alpes antérieures, et trouve mfrae beaucoup pluç haut encore, jusqu'au delà de J ilOO inÈtrcs; et ]>■ i^aumon Jtténètpe, eu dépit des cascades, -uionpar U vallée supérieure du Rhin, que lui harrela chute de -^ihaHTiouse, du moins par les vallées de FAar et de la Reiiss : on n a pris dans ta vallée d'Urseren, c'pst4i-dire en amont de la i^ade du Pont-du-Dùible !

\a seconde région alpestre, ijue nous désignons comme zone ilpine des Alpes moyennes, monte depuis la ligne cessent ■- foréls jusqu'à la limite inférieure des neiges perpétuelles ou peu près perpétuelles; en d'autres mots, elle est comprise lire les altitudes approximatives de | ,500 et de 2.700 métrés, -ni extension horizontale est bien moindre que celle de la zone i.récédentc; elle n'existe en effet que dans les chaînes latérales importantes, dont lu pluparl restent en deçà de sa limite supé- rieure, el dans les massifs principaux, elle comprend les hautes vallées et les terrasses qui montent jusqu'à la poitrine Ab6 géants alpestres. On n'y connaît que deux saisons, un long Hverel un court printemps : neuf mois de neige el trois mois sfroid, selon la délinitlon d'un caustique montagnard. Ausii Dme n'y passe-t-il habituellement que la moindre partie de , et ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'il y a établi sa leurc permanente, La vallée d'Avers dans les Grisons, dont I eaux se déversent dans le Rhin postérieur, a des hameaux u'à une altitude de 2,030 mùtres; un peu plus àl'est, la haute Ëadine, aux sources de l'Inn, compte, entre les niveaux de BOet de 1,860 mètres, de nombreux et riches villages, et

61c jusque dans sa partie la plus élevée, au milieu de prairies

r magnifiques que dominent les champs de neige et que sillonnent ■- glaciers, de grandes el belles maisons blauclies, autour (l'^squelles ou cultive quelques potagers et quelques champs de lilé. Mais efs exceptions sont rares; la culture humaine fail ,L-én*ralemeiit défaut aux Alpes moyeiuies. Leur flore e| jpiir JoUDcsontd'autanl plus originales, et c'est Ajuste titre (|ue leui' ion «'appelle, du nom même de la chaîne, la 7mw alpine ou

28 HISTOIRE DE LA FORMAnON TERRITORIALE

alpestre par excellence; plus bas en effet la vie végétative et la vie animale se rapprochent plus ou moins de ce qu'elles sont dans TEurope entière; plus haut elles deviennent de plus en plus indigentes et finissent par disparaître presque complètement.

Les Alpes moyennes manquent absolument de forêts. Il n*en était pas de même autrefois, conune le prouvent à la fois les indications précises des vieilles cartes et des vieux terriers et les grandes racines qu'on a mises au jour jusque dans le voisi- nage des cols, lors de la construction des routes. Là, comme dans la zone précédente, leur destruction est en partie du fait de la nature, et bien plus du fait de rhomme;c*est cequ'exprime d une manière énergique une tradition du val d'Avers^ quand elle raconte qu'un vieillard avait annoncé jadis , sans parvenir à arrêter un ravage insensé, que le temps viendrait Ion courrait deux heures pour trouver de quoi faire un balai : on s*y chauffe aujourd'hui avec de la bouse de vache séchée, conune dans nos Alpes du Dauphiné. Cependant les bouquets d'arbres et surtout les arbres isolés ne sont pas rares jusqu'à la hauteur de 2,000 mètres et montent sporadiquement encore 300 ou 400 mètres plus haut; ce sont des pins, des sapins, des mélèzes, et principalement des cèdres des Alpes, essence qui appartient en propre aux altitudes élevées. Le plus souvent tous ces arbres sont rabougris, et leurs troncs rasent presque le sol; mais dans le nombre il y a aussi des individus magnifiques, dont les branches inclinées vers la terre se superposent en pyramide majestueuse. A défaut de forêts, les Alpes moyennes se couvrent à partir du mois de mai ou de juin, immédiatement après la fonte des neiges, d'un gazon vert foncé, épais, velouté, à l'herbe courte et savoureuse, abondent les plantes aromatiques, et que rehaussent de leurs couleurs bien plus éclatantes que celles des fleurs de la plaine les admirables représentants de la flore alpestre, les anémones, les gentianées, les azalées, et surtout la reine de la chaîne entière, le rhododendron ou rose des Alpes. Ces prairies estivales, ces Alpes comme dit le Suisse en les iden- tifiant avec la chaîne elle-même, commencent en moyenne à 1,300 mètres et vont jusqu'à 2,100, exceptionnellement jusqu'à

Des ÉTATS DE l'eUHOPE CliIHTRALb:. 2!)

_',fiOO, et même dans quelques oasis privilcgk'e^ jusqii'à3,000 'tre?; mais même ilatis la partie inférieure de la zone, elles lit loin de couvrir tous les flancs, toutes les terrasses du sys- me; trop souvent, dans les Alpes calcaires principalement, ;lns sont interrompues soit par des récifs de rochers, soit par I tiomies champs de pierre, images de la plus affreuse déso-

i.iiion, que la légende rattache à des cataclysmes amenés par les

< ti-e^ d(% hommes, et que la science explique par l'action sécu- liiire de la neige et do l'eau, qui ont fait disparaître, avec la terre nijétiile, les parties les moins dures de la pierre calcaire. Qnel- fie réduites qu'elles soieut, elles n'en suffisent pas moins à iiuurrir pendant les mois d'été de nombreux troupeaux et à motiver la curieuse vie de ctialet. unique en son genre. C'est vers la fin de mai qu'a lieu communément la montée des Alpes, kdcsceote au comnienrement de septembre; pendant les trois ou quatre mois que dure si^>ii séjour dans la montagne, le bétail fpgtp en plein air; quant aux pfttrcs, ils logent, ils fabriquent et mtuenent leurs produits a!|iestres dans les fimienx clialots, dont tu réalité est loin de répondre k la poétique image qu'évoque kur nom. Prenons comme exemple un chalet appenzellois : l'ê- flTice est construit en poutres et en pierres, dont les interstices

'lit calfeutrés avec de la mousse, et se termine par nue petite ' Mbie b porcs, au-dessus de laquelle quelques sacs ou couver- lures en toile constituent la couchette des bergers et des voya- i.'i'nrs qui leur demandent l'hospitalité; en fait de mobilier, il ontient de petites chaises à un seul pied pour traire les animaux

< u dans un coin, le grand chaudron à fromage posé sur un feu 'iiijours allumé, dont la fumée sort par la porte; le costume des i^diitants enfin est a. la hauteur du reste et se compose d'une

rhemisc qui ne se lave guère, d'un pantalon et d'une blouse en l'outil, do sabots quand les pieds ne sont pas nus, et d'un petit Ixfuuet cnisseux planté sur le sommet de la tête. Mais dans ces huttes primitives et sous ces vêtements sordides on rencontre une rnce robuste et vigoureuse, large d'épaules et brillante de <knl6, quoique sa nourriture se compose presque exclusivement •If l,iit et de fromage, et i|iic souvent |>endaiit di's scTiaines eu-

«■rii^

30 UISTOIRE DE LA FORMATION TËRBITORULE

tières le pâtre n'ait pas même uu morceau de pain à offrir à ses hôtes.

On fait monter quelquefois des chevaux sur les Alpes les moins élevées, et un certain nombre de porcs accompagne d'ha- bitude les troupeaux de vaches; mais les prairies estivales seneat surtout de séjour d'été à de grands troupeaux de vaches, de chèvres et de moutons. Les premiers sont de beaucoup les plus importants et constituent à la fois la richesse et Torgueil des populations pastorales des Alpes; on sait la beauté et la bonté des grandes espèces suisses du Simmenthal, de TEntlibuch, de TAppenzell; il est bon de savoir aussi que le taureau n'a pas été jugé indigne de figurer dans les armes du canton d'Uri. Chaque troupeau forme un petit état à hiérarchie sévèrement établie; les pâtres, le taureau, la vache de conduite représentent les auto- rités; même le reste du bétail a son rang officiel, fixé dès le départ de la vallée par une série de duels à coups de cornes. En temps ordinaire, un instinct admirable préserve tous ces ani- maux des dangers au milieu desquels ils vivent; ils ne sour- cillent ni devant Tabîme, ni en présence de Tours; il faut Thor- reur des tempêtes de nuit pour qu'ils se jettent aveuglément dans les précipices. Moins intelligente, la race ovine est beau- coup plus sujette aux terreurs paniques, d'autant plus désas- treuses que la chute du mouton conducteur entraîne imman- quablement la perte du troupeau entier qui se précipite à sa suite; et comme d'autre part les moutons sont plus exposés aux attaques des ours et des vautours, que leur laine enfin est peu abondante et de médiocre quaUté , ils contribuent beaucoup moins que les vaches à peupler les prairies estivales. Notons cependant sur celles des Grisons la présence de 30 à 40,000 individus de la puissante race bergamasque, dont les caravanes dirigées par des bergers au teint hàlé et par de maigres chiens (juittent au printemps les vallées lombardes et y retournent en automne, en franchissant chaque fois les hauts cols des Alpes centrales. Ce sont ces moutons bergamasques qui montent aux terrasses herbeuses les plus élevées et vont brouter jusqu'à des altitudes de 2,800 et de 2,900 mètres, parfois on les hisse au

DKS O'ATS nB LEUBOl-E CblNTRALb]. 31

iMyje» (le cordes; mais il l'aul prendre su'm de les Ihire des- cendre avaal les premières neiges; plus tard ils reruscnl obsti- DÊmeiit de marcher et préfèrent périr en pince pluliit que de hire un pus en avant. Quant aux chèvres dc^ Alpes, qui, plus petites tnnîij pluâ vives et plus nobles d'allure que celles de la plaine, MUt ipaelque analogie avec les chamois sous le nom des- qoeb elles sont fréquemment mangées, elles aecumpagnetit le |4u8 souvent les troupeaux de vaches et donnent comme celles-ci des fromages estimés; d'autres fois elles sont coniiées par petits troupeaux & des enfants, dimt la raisérahle existence est une des earioBÎtés alpestres. Pour quelques francs par saisun, ces clic- vriera imberbes, que couvrent à peine quelquiîs haillons, vivent tout Tété, sans jamais allumer de feu, du fromage et du pain qa'oD leur apporte tous les mois, risquent chaque jour leur vie pour retirer leurs b^tes des mauvais pas elles s'engagent, et n nonobstant adorent leur métier I

A câté de ces animaux domestiques que pendant la belle saison l'homme introduit dans la zone alpine k cause des qua- \ibte iiup6rieures que la vie libre et l'excellent pAturuge des prairies d'en haut donnent à leur lait et fi leur chair, les Alpes moycDDCS sont habitées pendant tout ou partie de l'année par d'autre» espèces restées a. l'état de nature, dont quelques-unes oe ooatribuent pas moins à l'originalité de leur physionomie. Nous laissons de cùté, comme nous l'avons fait pour la zone pré- cédente, les nombreux oiseaux, qui pourtant ajoutent singuliè- rement à l'animation du paysage; nous ne revenons pas sur les ours, lei loups et les renards, qui, avons-nous dit, s'y réfugient en été; nous nous contentons de mentionner le hèvre changeant, auquel sa double robe, brune en été. blanche en hiver, permet deae soustraire plus facilement à ses nombreux ennemis, et ITienuiae, & fourrure changeante aussi, qui fait le désespoir des pâtres en g'attaquant h leurs grandes terrines de crème; mais nous nous arrAteruns un instant en présence des deux joyaux de lafaunedeà Alpes, la marmotte et le chamois. Les marmottes, ItHitri'xisleniX! est engrande partie souterraine, ont leurs ter- iersdliiver dans la partie la plus élevée delà ïone alpine, cnLri'

32 HISTOIRE DE LA FORMATIOIV TERRITORIALE

les altitudes de 2,000 et de 2 JOO mètres, leurs terriers d'été, un peu plus haut encore, sur les dernières terrasses gazonnées qu'entourent de tout côté les champs de neige et les glaciers. Dans la belle saison, leur prudence, Texcellence de leur vue les rendent à peu près inabordables : on peut entendre pendant des journées entières leurs coups de sifflet incessants, sans réussir une seule fois à les surprendre au milieu de leurs folâtres ébats; mais le sommeil léthargique dans lequel elles sont plongées d'octobre en a\Til les livre sans défense aux chasseurs, qui les prennent par familles de cinq à quinze individus, en pénétrant dans leurs chambres souterraines creusées à un mètre environ au-dessous du sol. Gomme elles fournissent un plat aussi re- cherché de nos jours qu'ill était dès le dixième siècle au monas- tère de Saiut-Gall, elles sont l'objet d'une poursuite acharnée qui en a fort diminué le nombre; néanmoins il en reste encore beaucoup en Savoie, dans le Valais, dans le Tessin et dans les Grisons.Quant au chamois, ce charmant animal qui pour la struc- ture se rapproche de la chèvre des Alpes, mais s'en distingue par son pelage gris ou noir, ses petites cornes d'un noir d'ébène, sa taille plus svelte, son air plus gracieux, il se rencontre, par groupes de cinq à vingt-cinq pièces, depuis le mont Blanc jus- qu'au Grossglockner, principalement dans la zone alpine, mats aussi plus bas et plus haut : plus bas quand il n'a rien à craindre, comme dans les montagnes franches de Glaris qui sont fermées à la chasse depuis le quinzième siècle, ou encore en hiver quand la faim le presse; plus haut lorsque, pour se soustraire aux em- bûches des chasseurs, il se réfugie jusqu'à la hauteur de 3,000 mètres sur les rares consoles à herbe perdue au milieu des neiges éternelles. Sa sagacité lui fait rechercher de préférence les endroits les plus sauvages, les cantons coupés de précipices ou encombrés de rochers et de labyrinthes de pierres; la finesse sans égale de sa vue, de son ouïe, de son odorat lui permet do deviner l'approche de l'ennemi; sa vigueur musculaire le rend capable de sauts prodigieux qui le portent par-dessus desabtmes de six à sept mètres de large et des murailles à pic de quatre mètres de haut; et cependant il devient de plus en plus rare sous

nrs ÉTATS DE LKUnOrE CEMnALt. M

Ip coup de la guerre sans pitié qu'on lui fait avec les armes de prïTifeion. La chasse au chamois pst aussi dangereuse que pc- nihle; le chasseur n'a en perspective qu'un profit mesquin, cwr il r;uit swïuvmt huit jours pour tirer une bêle qui ne vaut pas Mn^-cinq francs; il ail craindre les accidents de l'asccnsionel i!f la descente, les impasses d'où nu ne peut se dégager, l'atlrac- 'ion de l'abîme, la pierre qui cède, l'avalanche qui entraîne, le [rf.id qui glace, le brouillard qui cache le précipice, quelquefois mf-me la balle d'une carabine rivale; mais la passion ne rai- Hjutie pas, et la chasse au chamois est. mal;n'é ou k cause du péril , la grande passion du montagnard alpestre. Aussi que i|>\cii)plps de chasseurs de chamois morts dans les précipices, iiu sous lesglaciers , ou sur des rochers dont ils ne purent re- ilfsœndrc; mais plus saisissantes encore sont les histoires de rpu\ qui échappèrent à une perte en apparence certaine : un rliasscur de chamois est ressorti par un canal souterrain du placier de Grindeiwald dans lequel il était tombé, et une grande rroix appliquée contre la paroi de la Martinswand, qui s'élèvi' (■erpendiculairement au-dessus de rinn en amont d'iiinsbruck, indique depuis des siècles la place d'où une intervention divini' retira l'empereur Maiimilien I", alors qu'il allait mourir de Taim et de soif, en vue de la vallée étendue à ses pieds et couverte d'une foule qui frémissait d'angoisse et de désespoir.

Pour en finir avec les particularités les plus marquantes de

la zone alpine, nous n'avons plus qu'& dire quelques roots do

SCS hauts lacs et de ses avalanches; car pour ce qui est des gla-

I àeiê qui la parcourent, ils trouveront mieux leur place dans la

^Bpne suivante, avec les champs de neige qui les alimentent. Les

^^iBQts lacs alpestres sont extrêmement nombreux; le canttm

dUri seul en compte une quarantaine. Par contre, ils sont Fort

peu étendus, et il est rare qu'il faille une heure pour en faire le

tour. Nourris par les glaciers ou par des sources souterraines,

i se déversent par des canauv cachés ou par d?s ruisseaux h

i ouvert, et offrent en général le spectacle de la plus grande

wlation, surt<>ut vers la limite supérieure do la zone, leurs

s sont à peu près complètement nus. Ils sont couverts de

34 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

glace et de neige la majeure partie de Tannée: le 4 mai 1799, Tartillerie française défila sur les lacs glacés de la haute Enga- dine, et le lac du Grand-Saint-Bemard, sur les bords duquel, cependant, on trouve des violettes doubles à une altitude de près de 2,500 mètres, est resté sans dégeler pendant toute l'an- née 1816. Sur presque tous il nage des glaçons au fort de l'été ; quelques-uns gèlent en hiver jusqu^au fond. Aussi leur popula- tion est-elle minime ou nulle : le lac du Saint-Gotthard, d'où sort la Reuss, nourrit les dernières truites à la hauteur de plus de de 2,000 mètres; la grenouille des Alpes se rencontre à quel- ques centaines de mètres plus haut encore ; au delà commence dans les eaux et sur les bords des lacs l'éternelle solitude. Â quelques-uns d'entre eux se rattachent d'antiques superstitions d'origine païenne ; d'autres ont été sanctifiés par les pratiques de la piété chrétienne ; c'est ainsi que la vieille chapelle qui s'é- lève à côté du lac valesan d'Orsières voit chaque année un grand concours de pèlerins que ne rebute pas une ascension longue et pénible.

Les hauts bassins lacustres que nous venons de décrire appa^ tiennent en propre aux Alpes moyennes ; il n'en est pas tout à fait de même des masses de neiges, de glaces, de terre, de boue, de pierres, de rochers, qui, sous le nom d'avalanches ou de h- vinesy descendent des terrasses supérieures vers les vallées du bas. Celles-ci sont comme le trait d'union entre la zone supé- rieure et la zone inférieure des Alpes et ne font que traverser la zone moyenne, qu'elles parcourent avec la rapidité de la foudre, le bruit du tonnerre et la toute-puissance dévastatrice du trem- blement de terre. Parmi les différentes sortes d'avalanches, les plus ordinaires sont les avalanches poudreuses^ espèce de cata- racte d'une neige microscopique, plus fine que la poussière, qui pénètre à travers les clôtures de bois les mieux jointes; les plus terribles, les avalanches tuiles^ composées de grands amas de glace et de neige détachés de quelque glacier ; les plus com- pactes, les avalanches de fondy la neige est accompagnée de terre et de pierres et qui peuvent rester des années entières au milieu des prairies des. vallées, sans se désagréger complète-

bes ÉTATS DE LEITBOPE CKNTEIALK.

3S

n. Leur force à toutes est horrible. Bondis.«ant en quelques minutes par~de?siis des penles de 1,500 mètres, elles produisent dans l'air une commotion qui des deux côtés de leur lit rase tout à une centaine de mètres et qui à une demi-lieue de distance est encore capable de renverser les cheminées; elles-mômes entraî- nent a%-ec elles les rochers, les arbres, les maisons, engloutissent les hommes et les animaux, détruisent des villages entiers; parfois aussi, par de singuliers caprices, elles Jettent les habi- tants hors de leurs chaumières détruites sans leur faire de mal, ou déposent intactes sur le flanc opposé de la montagne des buttes lancées à cinq cents pas de distance. En somme, cepen- dant, les avalanches sont moins dévastatrices qu'on ne pourrait le croire; c'est que la plupart se précipitent dans des lieux qui ne sont ni cultivés, ni habités, et que leur chute, réglée par les saisons elles heures du jour, a habituellement lieu dans nn lit connu, que détermine la direction des pentes qui les produisent, et qae limitent les verrous inférieurs qui les arrêtent. Dans les endroits particulièrement exposés, on tâche d'empêcher leur naissance en ne coupant pas les herbes, en plantant même des pieux sur les terrasses les plus menaçantes, un coup de vent, le passage d'un chamois ou d'un lièvre sufQsent pour provoquer un éboulemeul de neige ; mais surtout on t&cbe de préserver de leur ravage les maisons et les routes, en les défendant par des murailles de pierres uu de glaçons qui partagent en deux le tor- rent neigeux et le rejettent à droite et à gauche, ou mieux encore en les couvrant de toitures solides, adossées à la montagne et construites dans son plan, par-dessus lesquelles le flot passe sans s'arrêter. Tout en constatant les désastres causés par les avalanches, il faut d'ailleurs reconnaître leur utilité dans l'éco- nomie générale du système alpestre; ce sont elles qui, en en- voyant fondre au bas des vallées une partie des neiges des hautes titudes, empCchent l'éternel hiver de descendre de gradin en ; ce soûl elles qui facilitent dans les Alpes moyennes une jjitatioi) plus précoce, en débarrassant en un clin d'œil lea s à herbe de leur enveloppe hivernale, a troisième et dernière des régions alpestres, la zone glacée

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lée 1

3r.

IIISTOIHE DE LA FORSATIOB TEBWTORIALG

leap-

, cl» aines quiy s di»fM

oïl neigeuse des hautes Alpes, qui débute aux environs i 2,700 mètres et atleint, grâce aux hautes cimes du système, une altitude de 4 à .^ kilomètres, couvre horizontalement une superfi- cie d'environ 5,000 kilomètres cnrrés, dont la majeure partie ap- partient aux Alpes centrales. Isolée du reste du massif et plat au bord de la mer, celte zone formerait h elle seule des monj tagnes assez élevées; superposée aux zones infi'irieures, laisse de beaucoup au-dessous d'elle toutes les autres chaînes européennes. Son caractère essentiel c'est l'hiver éternel qui y règne ; ses sommets, ses plateaux, ses terrasses, ses vallées di»; paraissent sous des champs de neige et de glace, qu'inte rompent à peine quelques pics nus, sur les flancs noirs desquel ni terre, ni neige, ni glace n'ont réussi à se fixer; elle est inha-' bitable à l'homme, à la plupart des animaux et des plantes; par contre, elle est le réservoir intarissable des eaux d'une grande partie de l'Europe centrale.

En donnant pour limite inférieure h la troisième région dril Alpes l'altitude moyenne de 2,700 mètres, nous avons du m^ra coup fixé ce qu'on appelle la li^ne des neiges perpétuelles dd système, c'est-à-dire la ligne au delà de laquelle la neige pew siste môme pendant les chaleurs de l'été ; elle se tient, comte de juste, beaucoup plus bas que dans les Cordillères de l'Éciia* dor et dans l'Himalaya, elle monte ît 4,.^00 et à 5,000 mètres beAucoup plus haut que sur les pentes de l'Hécla et sur les mon^ tagnes du Spilzberg, elle descend â 1 ,000 et à 300 mètrt Mais tous ces chiffres n'ont et ne peuvent avoir aucune préleu- tion à une exactitude mathématique ; ils ne représentent que ded moyennes, dont les chiffres réels constatés en un plus ou moio) grand nombre de points s'écartent dans les deux sens, d'uni façon parfois extrêmement sensible, suivant la nature du terrain," l'exposition au soleil et la prédominance des venis. Dans les Alpes, par exemple, certains vallons, certains creux de la xone moyenne ont de la neige toute l'année, et, d'autre part, il j ~ a, dans la zone supérieure, jusque d-ins le voisinage des rim« les plus élevées, des emplacements elle dispnratt à \ttt près régulièrement tous les ans sous lucliuii combinée du solei

BBS ÉTATS tiG l'kiiROPE CMCTBALK. 3'

Cl du veut. C'&it ce qui explique cuiiimcul la végétation pénètre exceptionnellement bien au delà de l'altitude de 2,700 mètres; iiuri-seulenjenl elle couvre plus ou moins abondamment une partie notable du terrain neutre, k aspect chaotique, que la neige occupe ou quitte selon la température moyenne des étés, mata elle se glisse bien plus haut au milieu des champs de neige couverts de frimas éternels. On rencontre jusqu'à 3,600 mètre; des endroits privilégiés qui, pendant quelques semaines d'aoûl et de septembre, se changent en oasis de gazon ; les mousses sont communes i^ peu près jusqu'à la même hauteur ; quant au\ lichens, qui «e nourrissent pour ainsi dire de l'air ambiant, ih s'élèvent sur les pics dus jusqu'aux altitudes les plus élevées ei leur triste parure ne fait même pas défaut aux dOmes du moni Blanc et du mont Rose. Mais ces envahissements que subit la zone glacée sont amplement compensés par ceux qu'elle exerce dans des proportions beaucoup plus considérables, en poussant bien au-dessous de la ligne des neigea perpétuelles ses glaciers un n>ers de glace, qui sillonnent la zone alpine dans toute sa lar- geur et descendent partiellementjusque dans le rayon delà zone moiitueuse.

Les glaciers, qui remplissent les fentes de la plupart des val- lées alpestres les plus élevées, ne sont pas autre chose que des masses de neige passées peu à peu à l'état de glaces par une succession répétée de dégels et de gelées. Sans appartenir ex- clusivement aux Alpes, car leurs analogues existent dans les Alpes iiorwégiennes, au Spitzberg, au Grœnland, dans l'Hima- laya, dans le Caucase et même dans les Andes, ils s'y présentent plus abondamment que nulle part aUleurs et en forment, sans ounlredit, un des phénomènes les plus originaux ; leur nombre s'y chiffre, en effet, par plusieurs milhers, les uns isolés, les autres réunis en groupe, et leur superficie totale n'y est guère inférieure à 2,500 kilomètres carrés. Ils sont répandus sur toute la longue ligne qui s'étend depuis le Dauphiné jusqu'en Htyrie; mais leurs principaux quartiers sont au cœur des hautes Alpes, principalement à l'entonr du mont Rose, du Finsleraar-

wo et du Bernina, la masse de la chaîne et les déchirures

HÉiH-n et du Be

38 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

du relief facilitaient davantage leur formation ; c'est du massif du Finsteraarhorn que le plus considérable de tous, le grand glacier d'Âletsch, descend le long de la pente valesane des Alpes bernoises avec un développement de 35 kilomètres ; c'est au pied septentrional du mont Rose que la mer de glace de Zer- matt ne comprend pas moins de huit glaciers accouplés. Leurs dimensions et leur structure sont aussi diverses que celles des fentes qu'ils ont comblées ; ils mesurent de 4 à 35 kil(Hnètres en longueur, de 1 à 5 kilomètres en largeur; leur profondeur, qui est en moyenne de 30 à 200 mètres, atteint parfois un demi- ' kilomètre ; il y a des glaciers en terrasses, motivés par les étran- glements de la vallée qui arrêtent la marche de la glace, et des glaciers multiples, formés par la combinaison des glaciers de tout un système de vallées ; on en voit qui contiennent des oasis de végétation, d'autres qui contournent des îlots de rochers; au fond cependant leur nature est identique d'un bout à Tautre de la chaîne et elle se manifeste partout par les mômes carac- tères généraux. Leur glace azurée, verd&tre ou gris&tre, fort différente de la glace blanchâtre qui se forme sur les eaux, se compose d'une infinité de petits grains, séparés les uns des autres par des globules d'air et des fissures innombrables; ils sont coupés en tous sens par des fentes et des crevasses qui se modifient sans cesse ; à leur surface s'étalent, en pyramides^ en obélisques ou en tables, toutes sortes de formations de glace aussi éphémères que bizarres, au milieu desquelles émergent et disparaissent tour à tour de grandes pierres et des rochers isolés ; leurs deux côtés et leur issue, dans les glaciers accou- plés la ligne médiane aussi, sont encombrés de moraines^ c'est-à-dire de longues traînées ou d'amas amoncelés de roches, de pierres, de graviers ; de leur terminaison frontale enfin s'é- chappe, par une grotte, voûte ou porte d'issue plus ou moins monumentale, une rivière, dont l'eau, de couleur tantôt laiteuse, tantôt verd&tre, gris&tre ou noirfttre, au goût insipide, à la tem- pérature presque égale à zéro, ne tarit même pas au fort de l'hiver. Tous ces phénomènes s'expliquent par la nature origi- naire des glaciers, leur renouvellement incessant, leur mouve-

DBS BTATS DB L BUBOPB CENTBALS.

t de translation œiitintiel de haut en bas. A leur oaiiisaiice »nt formés par les neiges des plus hautes vallées qui, dége- lant sans cesse sous l'iniluence directe du soleil ou sous celle des ruisseaux d'eau de neige qui découlent des pentes supé.- rieurfts, sont sans cesse aussi solidifiées de nouveau par l'action d'une température plus bnsse : de \h la nature particuJière de leur glace, qui jusqu'au bout ne dément pas son origine nei- geuse. Gomme ils s'accroissent continuellement par le haut, ils appuient forcément vers le bas : voilà la cause, non-seulement des voyages des objets qu'on y abandonne, mais aussi des chau- gemeuts qui se produisent dans leur structure, des moraines qui chaînent leurs bords, des rayures et des stries dont ils la- bourent les flancs de leurs vallées. Sur toute leur surface enfin, mais plus spécialement à leur extrémité inférieure, s'opèrent une évaporation et une liquéfaction considérables : l'une et l'autre aident à modifier leur aspect; la seconde produit eu outre les fleuves de glaciers. En un mot, les glaciers sont des fleuves coagulés, qui avancent lentement, insensiblement, mais qui avancent ; leur masse reste à peu près la même, parce que tes accroissements et les diminutions se compensent, mais leurs éléments constitutifs se renouvellent sans relûche; et par leur entremise les hautes Alpes écoulent vers les régions inférieures, par un procédé moins violent, mais non moins sûr que la chute des avalanches, une partie de leurs neiges, qui autrement aug- menteraient sans iin.

Il ne paraît pasque dans lu période actuelle de notre globe le do- maine des glaciers alpestres aitsensiblemenl augmenté ou dimi- uué; on signale au bas de la plupart d'entre eux des mouvements d'avance et de recul, délerrainés par la rigueur des hivers et les chaleurs des étés, et qui peuvent dans une seule saison s'é- tendre sur un rayon de 1,300 à 1,400 mètres; mais ce ne sont que des oscillations insignifiantes, analogues à celles que nous avons constatées sur la limite inférieure de la zone neigeuse et qui, comme celles-ci, n'ont d'intérêt qu'à cause du boulever- •ement profond du sol qu'elles occasionnent. A une période an-

40 niSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

partisans de la théorie d'une époque glaciaire, admettre que les blocs erratiques, les cailloux striés, les roches moutonnées, les apparences de moraines que Ton rencontre des deux côtés des Alpes et sur les pentes opposées du Jura sont autant d'indices de l'activité de gigantesques glaciers ; une carte des Alpes cen- trales construite dans cette hypothèse montrerait, par exemple, leurs pentes septentrionales couvertes d'une seule et même mer de glace, jusqu'au delà des lacs de Genève, de Neuch&tel, de Zurich et de Constance. A titre de curiosité, il peut être intéres- sant de mettre en regard de ces spéculations scientifiques les traditions populaires d'une nature diamétralement opposée qui ont cours parmi les populations alpestres et qui parlent d'un ftge d'or, les glaces et les neiges descendaient beaucoup moins bas qu'aujourd'hui : en maint endroit, on montre des champs de neige qui, de même que certains champs de pierres de la région moyenne, s'appellent des Alpes flevries en souvenir de leur ancienne végétation ; autrefois, au dire des Valesans, on cultivait la vigne aujourd'hui s'étend le glacier d'Aletsch, et une légende fort répandue veut que le Juif errant à son triple passage par le haut col du Matterjoch, qui s'ouvre à 3,322 mè- tres d'altitude entre le mont Rose et le mont Cervin, ait ren- contré la première fois une ville entourée d'arbres et de vigno- bles, la seconde fois des broussailles et des prairies, la troisième enfin ce que nous y voyons, à savoir des neiges et des glaces éternelles.

Quelques glaciers, comme par exemple le glacier inférieur de Grindel^ald, descendent jusqu'à l'altitude approximative de 1,000 mètres, qui est de 1,700 mètres inférieure à la ligne des neiges perpétuelles. Mais si la formation glaciaire empiète de la sorte non-seulement sur les Alpes moyennes, mais même sur les Alpes antérieures, elle est, par contre, fort loin de se produire dans tout le rayon des hautes Alpes ; même les glaciers qui re- montent le plus haut dans les vallons incrustés sur les flancs des cimes alpestres restent à plus d un millier de mètres en deçà des sommets culminants. Déjà entre 3,000 et 3,500 mètres, dans une atmosphère raréfiée le soleil perd une partie de sa

DRS ÉTATS DE t'EUHOPB CBHTRAtR. M

iant'p, nii ne rciiconlrp plus gu^re de glace fraiiflie; plus BSt si's rayons snot absotunieut incapables de fundre complôle- iiieitt ta iiei^; seiilomctU en la lécliaut il^ modifient sa nature l'i lii changent en une mutitre dure et granulée, qui de jour se iléeompose en de petitâ cristaux asseye semblables à des grains «le sable et se coagule de nouveau la nuit en mui^ses qui ont la rigidilA de l'acier. Telle est l'origine du rifvt', croûte glacée des > liampii de neige supérieurs, qui donne aux cimes alpestres leurs admirables teintes pourprées et, en outre, facilite leur ascension i-u astiiiranl le pied du voyageur. Ajoutons que dans ces régions Miprémcs l'intervention des glaciers pour débarrasser les Alpes lie leur surabondance de neiges est moins néc«ssaire ; au-dessus lie :t,500 mètres la neige tombe moins abondamment, non plus PD flocons, mais comme une Cne poussière blanche, et la forte L'va|M)ration suffît eu moyenne pour contrebalancer l'effet des cliutes nouvelles.

Au milieu des neiges et des glaces des hautes Alpes, la vie animale est naturellement fort restreinte; elle est loin cepen- dant d'y être complètement absente. Sans parler des animaux microscopiques qui forment ce qu'on appelle la neige rouge^ lie l'originale puce des glaciers, ni même de la souris alpestre i|u'on a rrouvée jusqu'à la hauteur de 4,000 mf-tres, il y a d'a- l)nrd, sur les limites de la zone moyenne, le renard, le chamois et la marmotte que nous connaissons déjà, et de plus le bouque- tin; il y a ensuite, dans la zone glacée entière et même iiu-dessus, ilescsp&c«sd'oiscaus relativement nombreuses, parmi lesquelles lousgrands oiseaux de proie européens, l'aigle elle vautour, uquctin, que ses énormes cj^rnes distinguent parmi toutes KM caprines, est en train de disparaître des Alpes il

Il autrefois Irès-répnndu. comme le prouve sa présence dans Ips armoiries des tîrisons et dans celles de mainte noble famille. D'une force musculaire et d'une élasticité supérieures même à celles du chamois, il n'a pas son pied sûr et sa timide prudence; son courage même l'a exposé ù une perte plus certaine, et au- jourd'hui il n'en reste que de rares exemplaires, dans les praî-

I et sur les récifs cachés uu milieu des glaciers les plus

42 HISTOIRE DE LA FORMATIOM TERRITORIALE

inabordabl&s. En faveur de cette race qui s'en va, les gouverne- ments suisse et italien ont pris, sur les instances de leurs savants, des mesures conservatrices ; mais par une singulière contradiction, rois et naturalistes aident également à leur des- truction, les uns par amour de la chasse, les autres par amour pour leurs musées I Le vautour à barbe et Taigle des Alpes, moins inoffensifs que le bouquetin et le chamois, résistent mieux qu'eux à la guerre qu'on leur fait et sont assez nombreux en- core, le second surtout, dans le Valais, le Tessin et les Grisons; c'est principalement, au cœur des Alpes, que se trouvent leurs énormes nids, en général inabordables, soit qu'ils les construi- sent sur des terrasses surplombées de rochers, soit qu'ils les cachent au milieu des labyrinthes de pierres ; c'est qu'on les voit planer pendant des heures entières, sans mouvement appa- rent, à des altitudes de 4,000 et 5,000 mètres, dans l'attente d'une proie digne d'eux, qu'en hiver ils vont chercher jusque dans les vallées inférieures. Le vautour, dont l'envergure atteint quel- quefois 4 mètres, est plus grand et plus vorace, l'aigle plus beau et plus audacieux; tous les deux sont d'excellents chasseurs grâce à un œil à qui rien n'échappe et à un odorat sans rival; ils enlèvent dans les airs le butin d'un moindre poids, lièvre, marmotte, renard, brebis, chèvre, chien, chat, enfant, tâchent de précipiter dans Tabtme pour l'y dévorer sur place une proie trop lourde, vache ou loup, mouton ou chamois, et osent parfois môme s'attaquer à des hommes aventurés dans une position dif- ficile. Plus souvent cependant c'est l'homme qui est l'agres- seur : on les prend au piège ou on les tire à balle depuis des embuscades on les attire au moyen d'appâts solidement cloués dans le sol par des pieux formidables ; ou bien encore un chasseur téméraire se fait descendre le long de cordes jusqu'à portée de leurs nids, et alors c'est une bataille désespérée, car le vautour lui-même, assez lâche d'habitude, défend ses petits avec fureur.

Au point de vue social, la zone supérieure des Alpes en est

évidemment la région la moins importante; l'honune n'est

u'ttn intrus dans ce monde glacé qui s'interpose entre les peu-

BtB ftTATS DE l'bUHOPE CMTRALIÎ.

43

viltsés du continent européen comme un terrain neutre, à toute culture. Il ne saurait y habiter ; tandis que, dans irdiUères, on a pu bltir la grande ville dt; Potosi à plus mètres an-dessus du niveau de la mer, et que l'Hiiua-- la^ra renferme des villages dont l'altitude est celle du sommet du moût Blanc, les derniers hameaux alpestres s'arrêtent k '2,050 mètres, et plus haut on ne rencontre que quelques mai- MUS isol^, qui, elles-mi^mes, ne diïpassent guère, quand elles l'atteigoent, la limite Inférieure des hautes Alpes. L'hospice du Grand-Saint-Bernard, l'habitation permanente la plus élevée des AJpcs, depuis l'abandun de la maison de poste du Steivio, n'est qu'à 2,472 mètres; seul le kiusque du Matterjoch, cons- truit à l'altitude de 3,322 mètres, se trouve de beaucoup au-des- sus de la ligne des neiges perpétuelles, et il n'est occupé que peudant les trois mois d'été. Mais, si les hommes ont recon- naître de tout temps qu'il leur était impossible de fixer leur sé- jour dans la rt-gion neigeuse des Alpes, il y a longtemps qu'ils la parcourent pour leurs affaires, et, de nos jours, ils l'explorent avec urdeur pour leur instruction ou pour leur plaisir. Les cLiimps de neige et les glaciers, loin d'être un obstacle insur- montable aux communications de vallée à vallée, les ont au con- traire servies et les servent encore, surtout lorsqu'en automne un pont de neige solide recouvre les fentes des glaciers. Chaque aoQ^e, en octobre et en novembre, les Valesans font passer leur b6lail et leurs mulets au col du Matterjoch ; bien d'autres hauts ttois glacés facilitent de même, depuis un temps immémorial, les reports des montagnards entre eux, et leur viabilité, relative- meot aisée, explique ce curieux phénomène ethnographique que certaines vallées ont une population différente dans leur partie inférieure et dans leur partie supérieure, la race d'en bu s'étant laissé arrêter plus longtemps par les gorges et les précipices de lu vallée moyenne que la race de l'autre venant par les champs de neige et les glaciers des hauts cols. Depuis la fin du dernier siècle, les plus hautes cimes elles- mêmes ont été successivement escaladées par des montagnards intrépides, par des savants qui se proposaient d'enrichir de

44 HISTOIRE DE LA FORMATION TEREITOMALK

leurs observations la physique du globe , ou même par de sim- ples touristes , désireux de jouir d'un panorama merveilleux et de se glorifier de la difficulté vaincue. Âujourd*bui Tascension des pics et des glaciers les plus inabordables est devenue une vraie passion , et le moment est proche la zone suprême des Alpes sera à son tour tout entière, sinon occupée, du moins conquise par l'homme !

L'étude des zones successives entre lesquelles se partage le relief des Alpes nous a fait gravir leurs pentes depuis les plaines et les bas plateaux au-dessus desquels elles s'élèvent, jus- qu'aux sommets couverts de neiges perpétuelles qui les cou- ronnent; l'examen de leur système hydrographique va nous ra- mener des terrasses supérieures, d'où leurs eaux jaillissent en sources ou en rivières de glaciers, vers les dépressions subor- données où elles se réunissent en grands fleuves.

Quelques mots d'abord des vallées extrêmement nombreuses par lesquelles les cours d'eau se déversent. Elles présentent le^ aspects les plus divers : la longueur et la hauteur de la chaîne, plus encore son large développement et sa formation gécdo- gique, ont en effet multiplié à l'infini les particularités de leur structure et les combinaisons de leur groupement respectif. Nous n'insisterons que sur deux distinctions capitales qu'on peut établir entre eUes, selon qu'elles sont longitudinales ou transversales^ principales ou secondaires. Les vallées longitu- dinales, qui courent dans la direction normale du système, ont, en général, une conformation géologique unique, une pente plus douce, des flancs moins abrupts, et leurs cours d*eau, d'une chut« assez uniforme, n'ont pas à franchir, par des cascades, des différences de niveau trop considérables. Telles sont les vallées du Rhône et de l'Inn, de la Drave et de la Save ; celle de la Drave offre même cette particularité remar- quable, qu'elle se continue en ligne droite, au delà de la nais- sance de la rivière, par la vallée de la Rienz, un affluent de l'Eisack, qui elle-même grossit l'Adige; ce qui constitue une vallée longitudinale double, le Pusterthal tyrolien, dont les deux rivières, à peine séparées à leurs sources par le dos du ToUa-

rpicti' KmCouc ■yéee 'mari

nES ÉTATS DE I,*tl hOPF, CENtB.*Lk, 4H

ïrfeld, se dévprsent, l'une dans la tncr Noire, l'autre àam h mpr Adriatique. Tout autre est le caractère des vallées trans- versales, dont la Tente est plus ou moins perpendiculaire à la di- rection normale de la chaîne , et qui coupent par conséquent les

iclies gcolopiquejs ; elles sont bien plus accidentéei^ et enner- par des pentes plus rapides, qui souvent deviennent des nrarailles à pic; mais surtout elles se décomposent en une série déterrasses, de l'une à l'autre desquelles leurs eaux bondissent en cataractes furieuses, à travers d'affreux défilés. Chacun de ces gradins est au fond une vallée particulière; les montagnards l'ont compris, et le plus souvent ils ont donné des noms diffé- renls aux sections successives de la \allée. Ainsi la vallée du Hhin postérieur, que suit la route du Splugen, s'appelle tour à tour vallée du Rbeinuald. vallée de Scliams, vallée de Dom- lesclig, parce qu'elle est séparée en trois tronçons par les gorges des RofUes et de la Via-Mala; et de son côté l'Aar passe succes- sivement de la vallée de Hast! danslav.illée de Giittannen,otdela vallée de Gultannen dans celle d'Im-Gnmd. par deux étrangle- ments, dans le premier desquels elle forme la fameuse cascade dp la Handeck. L'autre division des vallées, en vallées princi- pales et en vallées secondairue, repose sur des considérations d'un ordre différent et a surtout de l'intérêt au point de vue éco- miniique, historique et politique; une vallée principale est un centre autour duquel ses vallées secondaires se groupent comme ■atanl de satellites ; ensemble elles forment un tout ethnogra- phique et social, un canton de montagnes avec sa civilisation particulière. Presque toujours, la vallée principale, plus large, arrosée par une rivière importante, est une vallée de culture, oîi l'on rencontre dos villages nombreux, de riches bourgs, des villes m**me, et, h rôle des prairies et des forêts, des champs de blé, des potagers et des vergers; les vallées secondaires, plus étroites, plus abruptes, moins habitées, propres surtout à la vie psi^torale, en dépendent, non-seulement parce qu'elles y déver- sent leurs eaux, mais aussi parce qu'elles y font leurs échanges et leurs achats. Plusieurs des républiques alpestres ne sont pas jtoltre chose qu'un pareil groupe de vallées; le canton du Valais

46 niSTOItlE DE LA rOftkATlON TËtilUTOtUAtË

correspond à la vallée principale du haut Rhône et aux nom- breuses vallées latérales qui, des deux côtés, pénètrent conune autant de sillons dans les massifs du mont Rose et du Fin- steraarhorn ; la vallée de la Reuss supérieure est devenue le canton d'Uri, et celle de la Linth le canton de Glaris. Quelquefois ce- pendant les limites sociales et politiques ont empiété d'un sys- tème de vallées sur Tautre : le pays des Grisons, qui réunit l'en- semble des vallées du bassin supérieur du Rhin, comprend aussi par TEngadine et par le Val-Misoc<x) des portions des bassins de rinn et du Tessin ; et, exemple plus curieux, parce qu'il vient à l'appui de ce qui a été dit puis haut du peuplement de certaines vallées par-dessus les champs de neige et les glaciers , rOStz- thal tyrolien est resté pendant des siècles uni administrative- ment au Vintschgau, c'est-à-dire à la vallée supérieure de l'Âdige, quoique ses eaux appartiennent au bassin de l'Inn.

C'est à travers les larges fentes ou les étroits couloirs de toutes ces vallées que descendent, avec une chute plus ou moins rapide et une force plus ou moins dévastatrice, que règle l'in- clinaison de chaque rigole, les milliers de filets d'eau dont l'en- semble constitue la masse énorme des eaux alpestres. A l'exception de quelques petits fleaves côtiers, qui naissent aux deux extrémités méridionales du demi-cercle alpestre, dans les Alpes maritimes et dans les Alpes tyroliennes et illyriennes, éL qui gagnent promptement soit le golfe de Gènes, soit le golfe de Venise, tous ces innombrables cours d'eau , ruisseaux, rivières ou fleuves, se réunissent en quatre grands bassins, dont chacun est tributaire d'une mer différente, le Rhin de la mer du Nord, le Rhône de la Méditerranée, le de l'Adriatique, le Danube de la mer Noire. Toute bonne carte permet de délimiter les do- maines respectifs des fleuves alpestres et de leurs affluents, et d'attribuer à chacun d'eux les vallées qui l'alimentent ; la déter- mination de leurs vraies sources est bien moins aisée. Dans tout système fluvial, à mesure qu'on approche de la péri- phérie du bassin, le réseau des eaux devient plus complexe, le nombre des veines qui le composent plus considérable, la supé- riorité de la branche maîtresse sur certaines branches secon-

nés ÉTATS PB l'RlIROr-E CEWTRAtE.

<!:i ires moins évidente; mais dans les Alpes la diOîculté du choix iM accrue encore par la nature diverse des origines des cours d'can, dont la réunion constitue un bassin fluvial, principal ou sprondaire: (i côté des sources qui jaillissent de terre et des niisseaux qui se forment au bas de prairies marécageuses, il y a fil elTet les rivières qui découlent des hauts lacs et celles qui naissent au bas des glaciers. Aussi le problème de la source prin- cipale, proprement dite, par excellence, des fleuves et rivières alpestres est-il souvent resté sans solution positive, ou, quand il a été résolu par l'habitude, la-t-il été par suite de prédilections et d'antipathies populaires plutôt qu'en vertu de raisons géogrn- pbiques. Le premier cas est celui du Rbin, dont le nom désigne à la fois deux rivières et de nombreux ruissenuii, distingués entre eux par des qualiGcatiTs variés; le second, celui du Rhône, dont l'origine officielle est une source insignifiante au milieu des hautes prairies alpestres et non la grande rivière do glacier qui en réalité lui donne naissance, parce que les montagnards méprisent l'eau froide, trouble, malsaine, sauvage des mers de glace et réservent toutes leiu^ préférences pour l'eau pure et salutaire des sources vives,

Aprôs ces observations préliminaires, nous passons A l'énu- mération des grands cours d'eau qui tirent leur origine des Mpes. et. sans nousarréterni au Var qui constitue à peu près à lui seul Icgroupeligurique, niàlaBrenta, Ji la Piave, au Ta- glïamento et k l'Isonzo qui représentent le groupe adriatique, nous abordons directement le Rhin, qu'on a appelé leur fils aîné, et qui est en effet à la fois l'émissaire le plus considérable de leur massif central et le fleuve le plus majestueux de la chaîne entière. Toutes les veines d'eau qui découlentdcs pciiles septen- trionales des Alpes de la Suisse et du Vonirlberg, depuis le voisinage de Lausanne jusqu'au delà de Brogenz, sont tributaires du Rhin; U en absorbe directement le groupe oriental, suit djuis -lin double «lurs de Rliin antérieur ou occidental et de Rhin ;"islérieurou oriental à travers les Alpes grises, soit comme .li'uve unique après la réunion des deux rivières au-dessus de iJoire;le8aiitnflkii«rriv«]tpar les trois grandes artères lai

48 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

raies de rAar, de la Reuss et de la Limmat, qui, nées au Finsteraarhorn, au Saint-Gotthard et au Toedi, se réunissent dans le lit de TAar et amènent au fleuve principal les eaux d'un bassin plus considérable que ne Test le sien. Mais si le Rhin naît au cœur même des Alpes, il leur devient assez prompteroent infidèle. Tandis que le Pô, le Rhône et le Danube accompagnent et limitent le système alpestre sur de longues distances, sinon jusqu'à leur terminaison, le Rhin, après avoir rompu les obsta- cles que lui oppose le système subordonné du Jura, prend brusquement congé des Alpes par le coude à angle droit qu'il fait à Bftle, presque à égale distance entre les sources de la Saône et celles du Danube, et coule dorénavant au nord, per- pendiculairement à la direction normale de la chaîne.

Le second des grands fleuves alpestres, le Pô, prend sa source dans Taile sud-ouest du système, au mont Viso ; mais il quitte bientôt le massif et en est avant tout la limite longitudinale du sud : son développement fluvial, de 600 kilomètres environ, est presque d un bout à Tautre une ligne droite parallèle aux Alpes centrales, tracée à travers la plaine lombarde, que ses eaux savamment canalisées ont changée en un vaste jardin. Les Alpes lui fournissent sept grands affluents, à savoir: au sud le Tanaro, originaire des Alpes maritimes ; au nord-ouest la Dora riparia, la Dora baltea et la Sésia, qui descendent du mont Cenis, du mont Blanc et du mont Rose ; au nord enfin le Ticino, Tessin ou Tésin, TAdda et le Mincio, déversoirs des trois grands lacs subalpins, Majeur, dcGômeetde Garde, qu'alimentent leurs cours supérieurs ou des rivières de nom différent; de plus on peut considérer comme une huitième artère latérale du bassin TAdigc, qui est un fleuve autonome parce qu'elle se jette direc- tement dans la mer Adriatique, mais que des lagunes d'embou- chure communes rattachent à son voisin plus puiss^uit. C'est TAdige qui, dans le système fluvial du Pô, représente le plu* complètement l'élément alpestre , en reproduisant sur une échelle plus jKitite les phériomènes caractéristiques du cours supérieur du Rliin; comme lui, elle sort des hautes Alpes cen- trales par une vallée transversale ; elle brise comme lui des

DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 49

verrous formés par les chaînes avancées , et l'angle droit que ic Rhin fait à B&Ie pour quitter le massif alpestre, elle le répète en amont de Vérone. Seulement, tandis que le Rhin n'arrive en plaine que bien loin des Alpes, après de longues étapes à travers les régions montueuses de l'Allemagne méridionale, TAdige entre directement, presque sans transition, de la région alpestre dans la dépression lombarde, et, par suite, si son cours supérieur n'est guère moins grandiose que celui du Rhin, elle est bien plus dévastatrice que lui dans sa partie inférieure.

Au Pô, limite méridionale des Alpes, correspond, sur l'autre versant du système, le Danube, qui leur sert de limite au nord et au nord-est, et en longe les dernières ramifications septen- trionales sur au moins 700 kilomètres. Par son artère principale, il est plus étranger encore que le au massif alpestre, oîi il n'a même pas son origine première; mais il en tire, lui aussi, un grand nombre d'affluents considérables, qui lui arrivent en trois groupes distincts. Le premier de ces groupes, composé del'Iller, duLech, del'Isar, de l'Inn (grossi delà Salza) et de l'Enns, a ses eaux inclinées dans le sens du sud au nord ou du sud-ouest au nord-est; le second, moins important, ne comprend que les deux rivières accouplées de la Leitha et de la Raab, qui suivent à peu près la même direction ; dans le troisième enfin, quatre cours d'eau réunis deux à deux, la Mur et la Drave, la Save et la Kulpa, lui arrivent par des lits dirigés d'ouest en est. De tous ces affluents, le plus important au point de vue de l'hydrographie alpestre est l'Inn, qui au pied du Septimer interpose ses sources entre celles du Rhin et de l'Âdda, réunit entre eux les petits lacs de l'Engadine supérieure et parcourt, depuis Saint-Maurice jusqu'à Kufstein, une vallée longitudinale de près de 300 kilo- mètres de long. Lorsque à Passau il rejoint le Danube et lance à angle droit ses eaux rapides dans le lit oh celui-ci coule avec une lenteur majestueuse, il lui est à peu près égal comme largeur et comme masse d'eau; néanmoins le Danube lui impose son nom, moins peut-être parce que son bassin est le bassin normal quant Ma direction, que parce que son cours, supérieur a eu de tout temps, comme il l'a aujourd'hui encore, une importance ethno-

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50 HISTOIRE DE LA FORMATION TERtUTORIALfi

graphique et historique, politique et commerciale, qui laisse bien loin en arrière celle de la rivière tyrolienne.

Dans le quatrième et dernier grand bassin alpestre, qui par sa combinaison avec ceux du et du Danube achève de cir- conscrire la région des Alpes, en côtoyant à rouest sur une longueur de plus de 800. kilomètres leur aile sud-ouest et la chaîne subordonnée du Jura, la Saône et le Rhône reproduisent d'une manière frappante la situation respective du Danube et de rinn. Gomme le Danube, la Saône natt en dehors du massif alpestre et occupe la vallée normale du système hydrographique; comme Tlnn , le Rhône sort des hautes Alpes par une vallée longitudinale des plus étendues et entre par un angle droit dans la rigole caractéristique du bassin. Mais tandis que Tlnn a été subordonné au Danube, le Rhône a dépossédé la Saône de Thonneur de donner son nom à la masse réunie de leurs eaux. C'est que le Rhône est plus que Téquivalent de Tlnn, et que sa puissance, son volume d'eau, sa beauté en font le rival du Rhin lui-même. Lui aussi natt au coeur des Alpes, dans le màae massif du Saint-Gotthard qui alimente le Rhin antérieur; hii aussi, après avoir épuré ses eaux dans un des plus grands lacs de la Suisse, brise la chatne subordonnée du Jura; loi aussi enfin reçoit de puissants affluents alpestres : par llsère et par h Durance, qui découlent du mont Iseran et du mont Genèvre, il recueille en effet toutes les eaux des pentes occidentales de Taile sud-ouest de la chaîne^ dont le versant opposé déverse les siennes dans le bassin du Pô.

Déjà en dénombrant, comme nous venons de le faire, les grandes artères fluviales qui constituent le système hydrogra- phique des Alpes, nous avons été amenés à établir certains n^ - prochements entre les quatre bassins dans lesquels elles se réunissent ; insistons un instant encore sur la façon extrême- ment diverse dont ceux-ci se groupent d'après leurs analogies et leurs dissemblances. La courbe concave de la chatne est occupée dans son entier par l'unique bassin du ; à sa convexité exté- rieure correspondent à la fois ceux du Rhône, du Rhin et du Danube. Le Danube et le coulent dans le sens de l'équateur;

DES ETATS DE t EUHOPE CBSTHAIE.

SI

^■Btin et le Hbdoe dans celui du méridien. Le Rhin, le Rhône ^ePôdescendent des hautes Alpes; le Dauube naît en dehors du massîT, à mie altitude relativement fort médiocre. Le Rhin et le Rbâiie sont des fleuves de terrasses ; le Danube el le Pô, des fleuTCs de plateaux et de plaines. Le Rhône et le restent jus- qu'à leur embouchure attachés aux flancs des Alpes, et, malgré leur rôle important dans le développement historique de la France et de l'Italie, ils ne dominent géographiquemcnt ni l'un ni l'autre le pays auquel ils appartiennent ; le Rliin et le Danube, en dehors de leur domaine alpestre, arrosent de vastes régions de formai tion et de nature différentes et ont un rayon historique, politique et ethnographique beaucoup plus considérable. Enfin, si les quatre fleuves finissent également par des deltas, le FUiin seul gagne une mer océanique à flux et à reflux; le Rhône, le et le Dantibe sont tributaires de mers intérieures, plus fermées i. mesure qu'on avance d'occident en orient. Les combinaisons sont, on le voit, incessamment variables, selon le point de vue qu'oD choisit pour comparer entre eux les quatre bassins; nou- velle preuve de l'infinie variété qui caractérise dans tous ses phé- nomènes le massif central de l'Europe.

lies voies de communication alpestres auxquelles nous arri' vons maintenant sont dans un rapport de dépendance directe vis-à-vis des vaUées et des rivières du système ; comme dans toQS les pays de montagnes, en effet, elles suivent à peu près in- tariablemenl la pente inclinée des vallées, en s'attachant au cours des rivières. Leur nombre est fort considérable, si l'on a égard surtout aux difficultés et aux obstacles de toute espèce que la nature opposait à leur établissement; mais cela s'explique par uae double raison : d'une part, la population relativement dense de la région alpestre a motivé sur chacun des deux versants la création de nombreuses routes chargées de desservir les rela- tions de valléo à vallée, de canton à canton ; de l'autre, l'inter- position de la chaîne des Alpes entre l'Italie et l'Europe centrale a nécessité tout un ensemble de voies qui, franchissant la ligne de isNe principale, missent en communication la plaine lombarde HÉtlee contrées qui l'entourent à l'onest, su nord et h l'est.

52 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Les uns et les autres de ces chemins portent également le cachet alpestre ; le premier groupe en compte quelques-uns qui ne sont inférieurs à ceux du second ni par Valtitude des cols qu'ils sur- montent, ni par Timportance des bassins qu'ils unissent; néan- moins l'intérêt se concentre davantage sur ceux qui traversent le massif et ouvrent des relations internationales entre deux peu- ples de race et de langue différentes. Les autres ont une valeur plutôt locale ; eux ils représentent les grandes voies de la con- quête et de la civilisation, par lesquelles passent et repassent depuis de longs siècles le soldat et le pèlerin, le marchand et le voyageur. Aussi est-ce à eux que Ton songe de préférence quand on parle des routes des Alpes, pour vanter leur beauté ou pour constater le grand rôle qu'elles ont joué dans l'histoire ; nou$ aussi nous les aurons particulièrement en vue dans les indica- tions que nous allons donner sur les voies de conununication alpestres.

En plaine, un chemin se trace à peu près arbitrairement, selon les convenances de ceux qui doivent s'en servir; il n'en est pas de même dans la montagne, dans la haute montagne sur- tout : le plus souvent la configuration du relief règle impérieu- sement les conditions du tracé, en indiquant avec précision la ligne la moins difficile à suivre entre les deux points qu'il s'agit de relier. Cette ligne, l'instinct des populations la saisit d'habi- tude du premier coup ; une fois adoptée, on ne saurait songer à l'abandonner ; et voilà comment, quant à la direction, on peut parler de la perpétuité des routes de montagnes. Le fait est extrêmement sensible dans les Alpes ; les mêmes vallées que tra- versent aujourd'hui les voies modernes ont servi de passages dès l'antiquité, et les mêmes cols sont foulés depuis vingt siècles par les générations successives de voyageurs, avec une régularité presque égale à celle des nuées d'oiseaux qui deux fois l'an fran- chissent à tire d'aile les passages les moins élevés et les plus directs de la chaîne centrale, pour gagner le midi et en revenir vers le nord. Mais si le tracé général des routes alpestres n'a guère varié, parce qu'il était dicté par les conditions naturelles de la chatne, leur constniction s'est singulièrement modifiée dans

DES ÉTATS DR L'EI'ROPE CenTRALE. Vi

K suite des leraps. PriuiitivemeDt c'étaieul sans doule de sim- ples sentiers, pareils à ceux qu'on trouve aujourd'hui encore eii grand nombre, d'un bouta l'autre des Alpes, à l'usage des pAtres, des chasseurs et des touristotî ; peu à peu dans les traversées tes plus fréquentées, ces sentiers se changèrent en chemins battus, parfois pavés, qui allèrent s'améliorant d'âge en âge; ce l'ut le tour ensuite des routes carrossables, et enfin les chemins de fer eus-niémes ont commencé à percer le massif. Aujourd'hui les moyens de locomotion de la plaine, diligences et wagons, sér- ient à franchir une quinzaine de passages alpestres; mais c'est une résolution bien récente. La première voie ferrée menée d'un versant à l'autre, celle du Semmering, a été ouverte en 1853; les routes carrossables elles-mêmes ne datent presque toutes que du siècle présent ; il y a cent ans, il n'y en avait qun deus, la sîeille voie du Brenner et la roule du Semmering ou- verte sous l'empereur Charles VI; à tous les autres passages, depuis Nice jusqu'en Hongrie, il fallait au pied de la montagne mettre en pièces les voitures, pour tes transporter de l'autre côté à dos de cheval ou de mulet.

Malgré l'apparition des chemins de fer dans les Alpes, les routes carrossables tiennent encore le premier rang parmi leurs voies de communication, comme nombre et même comme im- portance du transit ; pour ce qui estde la richesse en beautés pitto resques et de la variété des aspects, elles resteront toujours égales ou même supérieures aux voies ferrées. Chacune d'elles asaphj- siunomie particulière, selon la structure des vallées qu'elle par- court et l'altitude du col qu'elle franchit; néanmoins elles pi-é- seatent toutes certains caractères communs qui permettent d'en esquisser une vue d'ensemble. Les débuts en sont généralement belles, principalemeut sur le versant extérieur, convexe de la aine; la voie s'élève modérément, à travers une vallée large, •iie etferlile, qui est peuplée de bourgs et de villages, et oîi dans lelqucs défilés seulement il a fallu faire sauter des rochers ou sver des digues. Mais h mesure qu'on s'engage dans la région koyenne de la vallée, la plus pittoresque par ses défilés et ses . mais aussi la plus exposée aux dévastations des nauv, les

81 HI<!T01lie DE LA FORMATIO» TBRFITOHIAtE

travaux d'art deviennent plus nombreux; la roule, qui suit nltt Hâtivement l'une ou l'autre rive de la rivière parsemée de rochers et blanche d'écume qui lui sert de guide, quitte fréquemmeut, pour éviter les montées trop rapides, le fond de la vallée, s'élève en méandres sur le flanc de la montagne, franchit les torrei qui descendent en cascades des vallons latéraux, surmonte des tunnels les obstacles que la poudre n'a pu écarter et ne revii au niveau de son eau conductrice que pour recommencer mômes détours et gagner lentement une nouvelle terrasse, gradin en gradin elle arrive ainsi à une zone nouvelle, arbres disparaissent, les rochers eux-mêmes deviennent pi rares et à l'entrée de laquelle est bâti d'habitude un dernier lage. Dorénavant elle s'avance plus régulièrement et gravit en zigzags superposés la pente nue de la montagne; elle est en plein dans la région des avalanches ; aussi aux endroits les plus exposés est-elle couverte de galènes, vraies casemates en piei taillée qu'éclairent des fenêtres rondes semblables ù des cmbi sures de canon. Enfm elle gagne la vallée supérieure du col, entonnoir presque plat, large de 1 à 2 kilomètres, long de 4 à 10, que surplombent d'un millier de mètres les cimes voisines; c'est à cet endroit culminant de son parcours, où, dans une dépression de la ligne de faite, se rencontrent les fonds: de deux vallées opposées, qu'on trouve les hospices et les auberg&i des cols, b&tis au milieu d'une nature morne et désolée comme autant de précieux ports de refuge. De l'autre côté du col recom* luence la suite des mômes phénomènes naturels et des mêmes œuvres d'art; la seule différence est que sur le versant italien, plus rapide, plus abrupt, les beautés naturelles sont peut-être plus saisissantes et les travaux de l'ingénieur plus étonnants. Les val- lées y sont plus k pic, les gorges plus horribles, les cascades plus considérables, les galeries plus fréquentes, les ponts plus rap- prochés, les détours plus nombreux ; et le voyageur est d'autant plus frappé du contraste, quand au bout de quelques heiuw il entre dans un pays tout nouveau oii d'autres mœurs annoncent une autre race, s'élèvent des maisons et des églises d'une r^nstrurtion toute difTérentc, et nù, alternant avec

)lus II

avec des lb^|

tïM *TATB DE l."EfHOPK CKSTHAlt. Sii

S de chAtaigiiiers, s'étalent tes berceaux de la vigne italienne. Un Krand mouvement d'hommes, d'animaux et de marcban- (es a lieu par les routes alpestres pendant la majeure partie de mnéie. Il y passe en automne les nombreuses têtes de bétail i vont aus marchés d'Italie ; les chevaux et les mulets de bât, i au temps des anciens chemins avaient le monopole du trans- ■port, s'y rencontrent encore en quantités notables ; cependant ce sont aujourd'hui des voitures, dps chariots ou des traîneaux qui transportent de préférence les voyageurs et les marchandises. £o été, rien de plus facile, car dans In belle saison une route des Alpes ne diffère d'une route de plaine que par la grandeur du spectacle qui s'y déploie, et les diligence» y sont emportées au grand trot des chevaux; mais en hiver, la nature alpestrt^ reprend ses droits, la neige qui tombe en Uns cristaux de glace couvre la route et s'accumule en certains endroits jusqu'à la hauteur de 10 mètres et davantage, le passage n'est pas sans difficulté, et il faut abandonner la direction des traîneaux à l'ins- tinct, d'ailleurs rarement en défaut, des chevaux. Alors aussi les avalanches, les chutes dans les fentes recouvertes de neige, l'as- soupissement produit par le froid font parmi les voyageurs de nombreuses victimes, comme en témoignent trop ëloquemmeut la morgue et l'ossuaire du Grand-Saint^Bernard. Ils en feraient davantage encore sans l'admirable institution des hospices des cols, que la charité chrétienne des tenips passés a légués au siè- cle présent et qui offrent un abri assuré, à l'endroit même la nature est la plus inhospitalière. Ces grands caravansérails, très- simplement mais très-solidementconstruits, que desservent des congrégations de moines dévoués, se trouvent au Saint-Gotthard, au Simplon, au mont Genis, aux deux Saint-Bernard; mais le plus ancien et le plus célèbre de tous est celui du Grand-Siiint- Bfrnard, fondé ea 962 par saint Bernard-de-Menthon. Là, à une altitude de 2,472 mètres, oùles températures de degrés centi- grades au-dessous de zéro n'ont rien d'extraordinaire, même en été l'eau gèle matin et soir, il y a des centaines de couchetles, de nombreux approvisionnements, du feu qui ne s'éteint jamais

SS6 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

gieux et leurs domestiques font sur la route des rondes, qu'ils multiplient par les mauvais temps, à la recherche des voyageurs engourdis par le froid ou ensevelis par les avalanches. Naguère ils étaient secondés dans cette œuvre de charité par les fameux chiens du Saint-Bernard, animaux aussi intelligents que vigou- reux, qui, dit-on y flairaient Thomme à une lieue, le retiraient eux- mêmes de Tavalanche ou du moins appelaient en toute hftte les secours des pères ; mais cette race essentiellement alpestre s'est éteinte tout récemment et n'a été que médiocrement rem- placée par des chiens de Terre-Neuve et par d'autres chiens de forte espèce.

Sans avoir la prétention d'étudier par le détail le développe- ment complet du réseau des routes qui des pays transalpins mè* nent dans la plaine lombarde, indiquons maintenant d'une façon sommaire les voies de communication principales entre les deux versants de la chaîne; nous noterons^ à côté des routes carros- sables, quelques chemins plus difficiles, auxquels se rattache un intérêt particulier, géographique ou historique. Tous les passa- ges des Alpes occidentales et même les plus occidentaux parmi ceux des Alpes centrales forment un premier groupe, dont l'ob- jectif commun est Turin, la capitale du Piémont. Leur liste s'ou- vre (car plus à l'est les cols sont au moins douteux entre les Alpes maritimes et les Apennins) par la route du col de Tende, qui a été appropriée à la circulation des voitures à la fin du dix- huitième siècle pour faciliter les relations entre Nice et Turin ; elle s'élève par la vallée d'un petit fleuve côtier, la Roya, jusqu'à son col haut de 1,800 mètres environ, puis descend sur Goni le long d'un affluent de la Stura, qui elle-même grossit le Tanaro. Plus à l'ouest et au nord-ouest, les chemins du col de l'Argen- tière et du col d'Agnello, qui des vallées de TUbaye et du Guil, tributaires de la Diirance, gagnent celles de la même Stura et du en reliant Barcolonnette et Montdauphin à Conî et à Sa- luées, méritent d'être mentionnés, le premier pour avoir ouvert un passage à l'armée de François I" en route pour Marignan, le second à cause de son altitude de 2,995 mètres et de son tunnel primitif, qu'on appelle le trou de la traversefie; mais la grande

I>ÏS ÉTATS DB L'BrROFK CESTB^LE. 37

fi de communication entre les bassins de la Dumnee et du Vu est la route plus septentrionale qui remonte la vallée de la Du- rance par Embrun, Montdauphln et Brinnçon, franchit le massif alpestre au col du mont Genèvre aune altitude approximative de i ,900 mètres, et deiâcend sur Turin le long de la Doire ripaire, par Exilles et par Suze ; c'eslV Aipis lottia des anciens, la grande route d'Espagne en Lombardie des temps modernes. Elle est riTJoinle à Suze par la magnifique route du mont Cenis, qu'a créée la volonté de Napoléon 1" à l'époque le Piémont faisait partie de la Fronce et qui, par la vallée d'un afQuent de l'IsÈre, l'Ar.", et un col de 2,100 mètres environ, mène le plus directe- ment de Paris h Turin. Au col du raont Iseran les montagnards spulii passent des sources de l'Isère à celles de l'Orco; celui du Petit-Saint-Bernnrd au contraire, qui s'élève à environ 2,200 mètres entre Moutiers-en-Tarantaise sur l'Isère et Aoste sur Iji Uoire balt^e, a été très-fréqueuté dès rantiquit(> sous le nom à'Alphgraja, et U a été rendu carrossable dans ces dernières «iinées. Des deux càtés du mont Blanc, auquel nous voilii arri- »és, ne circulent que des sentiers de glaciers; mais plus ù l'est, d6jà dans les Alpes centrales jiar conséquent, nous retrouvons au Ijraiid-Saint- Bernard, le mom penninus ou mons Jovis des an- ciens, une route de premier ordre, bien qu'elle ne soit pas acces- ï^ible aux voitures dans la partie supérieure de son parcours. Elle quitte le Rhône kMartigny, monte par le bassin delà Dran»c jusqu'à une altitude de près de 2..->00 mètres, redescend vers la Doire balt^^e et Aoste, elle se amfond avec la roule du Petil- Saint-Bernard, et débouche ii Iirée dans la plaine lombarde; construite par ordre du premier consul au lendemain de la vic- taÎpudeMarengo, elle a prisla plac€ d'une voie romaine qu'on attribue h Aupusie, et sert do voie de conmiunication habituelle piilre la Suisse française et le Piémont. Ennn, comme dernier passage de cette première série, nous mentionnerons, entre le Matterhom ou mont Cervin et le mont Hose, le Matterjoch ou col Saint-Théodule, par lequel les Valcsans vont de Visp sur le Uliôno à Chfitillon sur la Doire bàltée en franchissant les glaciers et les

BISTOtHE DE LA FORMATION TBIiniTOIIIAI.K

Tuurnanche; il s'élève jt 3,322 mètres, k plus graucle altitudi d'un chemin européen, et montre à peu de distauce de cette hau>' leur les débris d'un bastion cuustruit il y a trois siècles par 1 habitants du versant méridional pour mettre un terme aui in- cursions de leurs voisins du nord.

Au delà du massif du mont Rose, que traversent de môme que celui du mont Diane de nombreux sentiers de glaciers h l'usage des touristes, nous abordons un second groupe de cols et de routes, dont le point de repère n'est plus Turin, mais Milan, l'iiiitiquc capitale de lu Lombardie; là, au nœud même du sys- tème, tes voies importantes se suivent de très-près, par suite des' relations quotidiennes qui depuis l'antiquité, mais surtout de- puis le moyen âge, existent entre les deux versants de la chaîne. Lu première qui se présente, en laissant de côté le chemin du JMonlemoro presque abandonné aujourd'hui, i?st la grandiose route du Simplon , création napoléonienne comme celles du niontCeni^ et du Grand-Saint- Bernard; destinée par son fonda- teur h être la ligne directe de Paris à Milan, elle unit le Valais à la rive occidentale du lac Majeur par-dessus uu col d'envirou 2,000 mètres, en empruntant d'un côté la \ allée de la Salline qui se jette dans le Rhône à Brieg et en suivant de l'autre, d'a- bord la Doveria, puis la Toccîa qui reçoit ceile-ci en amont dA Domod'Ossola. Le chemin du Gries, qui des sources du RhOiiP mène dans le même basslu de la Toccia, n'a qu'une importance fort secundairejla route duSaint-Gotthard, au conlraire,qui vient ensuite, rivalise à tout égard avec celle du Simplon et la sur- passe môme beaucoup comme fréquentation. En effet , à son col, d'une altitude de près de 2.100 mètres, se touchent les deux grandes vallées transversales de la Reuss et du Tessin, qui aboutissent l'une au lac de Lucerne par Altorf, l'autre au lac Majeur par Belliiizona, et comme elles se continuent presque en ligne droite dans le sens du méridien, elles établissent la voie de communication la plus commode et la plus directe entre le plateau suisse et la plaine lombarde. Dès le moyen âge, le trafic avec rilalie de tout le bassin du Rhin enavaldu lacdeCunstaud pjissait il peu près exclusivement par le Saint-Gotthard; dès

DES ÉTATS DE L'EmOPE CKM'BaLE. S9

moyen âge anssï on y avait fait quelques travaux d'art primitifs, Tancien pont-du-Diable par exemple, & la suite duquel on creusa plus lard la galerie du Iron cfUri; la route carrossable moderne a été construite par les gouvernements cantonaux de la Suisse rpntrate à l'époque de la Restaurntinn. Dans les Grisons, à l'est du Saiut-Gotthard, les passages alpestres notables se succèdent i^ des intervalles plus rapprochés que dans aucune autre partie de la chaîne : on n'en compte pas moins de six, qui à des alti- tudes variant de 1 ,800 h 2,300 mètres conduisent des bassins du Rhin et de l'Inn soit au lac Majeur, soit au lac de Côme. Ce sont, par ordre géographique, le chemin du Lucmanier, qui vade Disi^ntis sur le Rhin antérieur à Biasca sur le haut Tessin, il «■joint la route du Saint-Gotthard; la route du Bernardin, qui par un col de 2.100 mètres environ passe de la vallée du Rhin postérieur dans celle de la Moesa, tributaire du Tessin, et réunit Coire à Belliuzona; celle du Splugen, qui a en ciminiun avec la précédente la première partie de son parcours, depuis Coire jus- qu'au village de Splugen, mais franchit, droit au sud de cette localiti), un col d'altitude à peu près égale, pour gagner, par la vallée de la Li ra , Ghîavenna sur la Maira et le fond du lac de l^lme; puis la voie antique du Septimer, qui, tout en unissant tps deux mêmes villes de Coire et de Chiavenna, se tient sensi- blement plus à l'est, et, pour éviter les difÛcultés depuis long- temps vaincues de la Vîa-Mala , remonte dans le bassin de l'Albula la vallée d'ÛberhaIbstein, d'où elle passe dans celle de la haute Maira; enfin les deux roules postales de la Maloya et du Bernîna, dont la première relie l'EngadineàClilavenna, en pas- tant des sources de l'Inn k celles de la Maira par un col de t ,800 fctres toutîi fait voisin de celui du Septimer, tandis que l'autre llitte la vallée de l'Inn supérieur déjà en aval de Saint-Maurice, Relève à un col de plus de 2,300 mètres d'altitude, et rejoint à rirano la vallée de la haute Adda, par laquelle elle descend vers la rive nord-est du lac de Côme. De ces si\ cols, dont les quatre premiers du moins sont fréquentés de fort vieille date, deuï. ceux du Bernardin et du Splugen, ont été rendus carrossables il ^y A un demi-siècle, el deux antres, ceux de la Maloya et du

60 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORIALE

Bernina, ont été plus récemment ouverts aux charrois; le plus important de tous est le passage du Splugen, que les rois de Ger- manie prenaient autrefois dans leurs expéditions romaines alter- nativement avec la route du Brenner, et par lequel se fait aujourd'hui encore, comme au moyen Age, le grand transit entre la Souabe et la Lombardie. Après les nombreux passages des Grisons, il n'y a plus à indiquer qu'une seule route alpestre qui converge vers Milan : c'est la grande voie militaire cons- truite en 1820 et dans les années suivantes parle gouvernement autrichien, entre le Tyrol septentrional et le Milanais, pour relier entre elles les dépendances transalpine^ et cisalpines de la monarchie les plus avancées vers l'ouest. D'après les condi- tions naturelles du terrain, elle aurait remonter Tlnn jusqu a ses sources, franchir le col de la Maloya qui n'a que 1,800 mètres d'altitude, et gagner le fond du lac de Côme par la vallée delaMaira, qui continue presque en ligne droite celle de rinn; mais l'Engadine faisant partie de la confédération hel- vétique, on dut la contourner à l'est, vaincre des obstacles bien plus considérables, et construire la plus belle à la fois et la plus élevée parmi les routes modernes des Alpes. Elle quitte Tlnn à Finstermunz, franchit la ligne de faîte centrale au col de Rescha, descend à Glurns dans la vallée de TAdige, mais presque aussitôt remonte au col de Stelvio dans le massif des Alpes de rOrteles, et par ce deuxième passage gagne Bormio au fond de la Valtelinc, d'où elle descend le long de l'Adda vers le lac de Côme : le premier col, celui de Rescha, ne dépasse guère 1,400 mètres ; mais au col de Stelvio^ qui donne son nom à la route, celle-ci atteint l'altitude de 2,800 mètres, supérieure de 300 mètres à la hauteur du col du Grand-Saint-Bernard et de 800 mètres à la hauteur moyenne des routes carrossables des Alpes. Un grand intérêt militaire et politique pouvait seul faire entre- prendre une œuvre si ardue, qui ne correspond pas à des néces- sités de transit considérables ; aussi depuis que l'expulsion des Autrichiens du Milanais a fait en grande partie disparaître cet intérôt, la route du Stelvb, presque abandonnée à elle-même, se dégrade-t-ollo rapidement.

DES ÉTATS »E i'eCROPE CESTBILK. fil

llifi troisième groupe des routes alpestres, celui des voies de mmunication qui aboutissent à la partie orientale de la plaine ^barde. ne nous arrêtera pas longtemps; d'une part leurs cols B passage s'abaissent sensiblement à mesure que le massif s'é- Inrgit, ce qui les fait de plus en plus ressembler à des routes de montagnes ordinaires ; de l'autre elles n'ont généralement ni im passé historique, ni une importance économique qui per- mettent de les comparer aux voies de communication des Alpes du centre et de l'ouest. La seule route du Brenner, la plus rap- prochée des précédentes, peut ii la rigueur se mesurer avec les roules alpestres de premier ordre, sinon comme élévation (son f-o! est à 1 ,430 mètres), du moins comme importance du transit. Reliant entre eux les bassins de l'Inn et de l'Adige par les val- lées de la Sill et de TEisack. elle est la ligne de communication naturelle entre la Bavière et In Véiiétie, d'Augsbourg et Munich l Vérone et à Venise, et elle a été d'autant plus suivie de tout mps qu'elle est miiins élevée et plus commode; ses grandes lations Innsbruck, Brixen, Botzen, Trente remontent à peu près rotes à l'éiwque romnine; et nous avons déjà dit qu'au moyen E elle était avec la route du Splugen la grande voie impérialn r descendre en Italie. Plus loin h l'est nous ne mentionne- rons qu'un dernier passage, également pratiqué par les Ru- mains, un col de 800 mètres, entre Tarvis et Pontéba, ouvre i chemin pour ainsi dire naturel de Villacb sur la Drave h pdine dans la dépression vénitienne : c'est le chemin que suit it lonaparte quand il alla dicter à l'Autriche les préliminaires dp Léoben.

Aux nombreuses routes, carrossalilcs ou non, qui en fran- chissant les cols de la chaîne principale des Alpes réunissent un versant du syslème à l'autre, on ne peut jusqu'à ce jour opposer que trois chemins de fer ayant le même caractère internatio- nal. Le premier en date, achevé dès 18i)3, est la ligne du Midi autrichienne construite entre !a vallée du Danube moyen et le fond de la mer Adriatique, de Vienne à Trieste et à Venise, par Gratz et Laibach ; il franchit successivement les doux branches

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alSTOIBE DE U FORMATION TËUITDUALB

du Semoiering, pour passer du bassin delà Leitha dans celui de la Mur, les Alpes illyriennes au col d'Adelsberg, entre II vallée de la Save et le golfe de Triest^, et ne s'élève respective raent aux deux passages qu'à environ 900 et 700 mètres. Puis a été ouverte en 1867, à l'extrémité est des Alpes centrales, ]i ligne du Brenner, tracée parallèlement à la roulfi canussalile dit mèrae nom, pour relier entre elles les \oîes ferrées de Munîdl à Innsbruck et de Botzen à Vérone ; elle passe de la vallée de 11 Sill dans celle de l'Ëisack par une tranchée insignifiante, dont l'altitude est de l,iOO mètres environ. Enfin, le 17 septembre 1871, a été inauguré le grand chemin de fer des .Mpes occiden* taies, qu'on appelle vulgairement le chemin de fer du mont Cenis, parce qu'il dédouble la route carrossable de ce nom e réunit comme elle, par les vallées de l'Arc et de la Doire ripaïre, Paris et Chambéry à Suze et à Turin ; mais son fameux tunn^ long de 13 kilomètres, dont lo bief de partage atteint 1,345 mb^ très, est percé à20 kilomètres au sud-ouest du col du mont Ceals, au-dessous du col de Fréjus, presque à égaledistnnce du mont C niset du mont Tabor. Aucune des trois voies ferrées alpestres exploitées jusqu'ici ne s'attaque, comme on le volt, aux \Taifla Alpes centrales, au pied desquelles les chemins de fer suîsseï s'arrêtent k Sierre, à Lucerne et à Coire, tandis que les chemin de fer lombards correspondants ne dépassent pas l'extrémib méridionale des lacs Majeur et de Gôme; aussi la locomotive a célébrera-t-elle son triomphe définitif dans les Alpes que lorsque aura été achevée, de Lucerne à Bellinzona, la ligne en voie de construction du Saint-Gotthard, dont l'exécution comblera une des lacunes les plus sensibles du réseau des chemins de fer eu- ropéens. Le tracé par le col du Saint-Gottbard n'a pas été adopté sans soulever des réclamations passionnées, les popula- tions de la Suisse française et des Grisons tenant naturellement, les unes pour le col du Simplon, les autres pour («lui du Lucm^ nier ou pour celui du Splugen; il a été préféré comme plus central par les gouvernements intéressés d'Italie, de Suisse et d'Allemagne. De même que la route carrossable qu'elle est de** tinéoà supplanter, cplte ligne emprunte le? ^allte de la Reusy

dk états hh l'ei-hopr cbwraik. «3

t^4u Te£sin, de l'une & l'autre desquelles elle passera par un inoel de 15 kilomètres de long, en s'élevant à l'altitude de !,I60 mètres.

Les chemins de fer alpestres ont sur les routes parallèles l'é- norme avantage de permettre en toute saison, avec une rapidité beaucoup plus grande, le transport en masse des marchandises et des passagers; ils étonnent, en outre, davantage pur la mul- tiplicité et la majesté de leurs œuvres d'art; mais, d'autre part, ils participent moins intimement qu'elles à la nature particulière des Alpe<, s'y élèvent beaucoup moins haut et donnent au voya- geur une idée moins précise, moins complète de la structure du massif alpestre. Gomme les routes ils relient deu\ vallées trans- versales accouplées par un col; mais déjà dans la vallée ils ne s'assujettissent pas comme elles à suivre docilement le cours de la rivière conductrice et labourent les flancs de la montagne de leurs tunnels répétés; arrivés au pied du col, s'il est trop élevé, ils renoTirent à le franchir et se creusent un passage souterrain k travers les profondeurs de la chaîne. Eux aussi offrent des beautés admirables de la nature, vallées resserrées, rivières mugissantes, cascades latérales par-dessus des parois de roc, encadrement de champs de neige, échappées de vue ravissantes depuis des hauteurs vertigineuses, et ces beautés naturelles sont rehaussées encore par le contraste saisissant des travaux de l'homme, endiguements, substructions, ponts et tunnels ; néan- moins leurs merveilles les plus grandes se font sentir bien moins h la vue qu'à la réilexion, lorsqu'on se représente la wmme de travail et l'effort d'intelligence qu'ils ont nécessités. Tel est le cas plus particulièrement du gigantesque tunnel dît du mont Cents, qui entre Modane en i^avoie et Dardonnèche en Piémont se prolonge sur 13 kilomètres, dont 12,228 mètres pour la galerie percée en ligne droite, le reste pour les tronçons de galerie qui, au nord et au sud, l'unissent aux voies de rac- cordement : ce n'est pour le passant qu'un tunnel plus long que d'autres, qu'un train rapide met \ingt-cinq minutes à par- courir pour aller d'Italie en France et quarante-trois pour aller (Je France en Italie; pour celui qui réfléchit, cet obscur sou-

6i HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

terrain représente treize ans do travail, une dépense de 75 mil- lions de francs et, ce qui plus est, des prodiges de science et de sagacité de la part de ceux qui ont projeté, préparé, exécuté ce chef-d'œuvre de Tart de l'ingénieur avec une précision telle, que ni le creusement lui-même, ni Taération, ni Técoulement des eaux n ont donné lieu à aucune erreur ni à aucun mécompte!

Il ne nous reste plus, pour achever cette esquisse des Alpes, qu'à jeter un coup d'œil sur les populations qui, au nombre de huit millions d'âmes environ, en occupent les pentes et les val- lées, depuis les bords du golfe de Gènes jusque dans le voisi- nage de hi plaine hongroise. Chez toutes on rencontre un fond de caractère commun, cpii est motivé par la nature du sol et se rapproche plus ou moins de ce qui s'observe chez la plupart des populations de montagnes; mais d'autre part la région alpestre est de toutes les cuntrées européennes celle qui réunit dans les limites les plus restreintes la plus grande variété ethnographi- que, politique et sociale. Un premier trait de mœurs commun aux habitants des Alpes, c'est la fidélité traditionnelle à Tordre de choses établi : déjà le paysan a, beaucoup plus que le citadin, parce qu'il vit on communion plus intime avec la terre, un respect inné pour la tradition et pour la règle transmise de génération en génération ; mais bien plus que le paysan encore, le monta- gnard, auquel la nature dicte d'une façon tout autrement impé- rieuse les lois auxquelles il ne peut se soustraire sans péril, persiste instinctivement dans ses habitudes séculaires et con- serve patriarcalement sa langue, ses mœurs, ses institutions politiques et civiles. Immédiatement à côté de cet esprit con- servateur se place l'amour passionné de la patrie, ou pour mieux dire du sol natal; car si l'homme civilisé, qu'entratne le tourbillon du mouvement moderne, ne devient que trop facile- ment cosmopolite, le montagnard, qui, comme pâtre, chasseur, bûcheron ou pêcheur, vit en rapport constant avec la nature, ne comprend pas l'existence en dehors du milieu dans lequel il a grandi, quelque pénible que puisse être son sort : de ce fameux mal du pays commun aux Suisses et aux Tyroliens, cet esprit de retour qui anime le plus pauvre Savoyard. Mais la vie

I>8S éTATS DB L'ei'tlOPh' CiNTRALE, 6S

'iatiB la montagne demande de la force et de l'adresse, du sang- '"rnid el du couragp, l'intr^pidilé du momenl et la persévérance tous les jours ; l'hahiUint des Alpes est iiaturellemenl soldat, l'ioiqu'il n'aime guère quitter ses vallées pour la vie de garni- -uii, et ceux qui sont allés lallaquer chez lui ont de tout temps '■prouvé ta vigueur do son bras et la sûreté de son coup d'œil. Le montagnard alpestre sait de plus quelles forces supérieures peuvent à tout moment ruiner sa modeste aisance et l'écraser lui-même; aussi est-il religieux, à quelque confession qu'il ap- partienne ; au pied du col est la chapelle, en haut la croix, et il ne manque pas en passant de se recommander à Dieu, entre les mains duquel il se sent bien plus directement placé que son voi- -in de la plaine. Néanmoins il est loin d'élrc morose, il aime le liant et la danse; son Jodel et son Ran: des vaches existent lis une forme ou sous une autre depuis les vallées françaises jusqu'aux confins de la Hongrie, et sa sauterie primitive a, en se perfectionnant, donné la valse à nos salons.

Os traits de ressemblance et bien d'autres encore, que Ton retrouve d'un bout de la chaîne à l'autre, constituent ce qu'on peut appeler la physionomie générale des populations alpestres ; mais à côté d'eux se font ^aloi^, de groupe a groupe et même d*" canton à canton, dos différences extrêmement sensibles, qui [l'irtent à la fois sur l'origine, la langue, la nationalité, la con- aitulion politique et sociale. Les troisgrandes races européennes, Nôo-Latins, ^Vllemands et Slaves, se rencontrent en effet au cœur dns Alpes ; leur superficie se partage entre cinq étals modernes, Italie, France, Suisse, Bavière et Autriche; el de plus leurs val- lées, où les géographes anciens déjà énuméraient une cinquan- laîne de peuples, le moyen âge a donné naissance à une mul- titude de petites sociétés plus ou moins autonomes, sont restées jusqu'aujourd'hui le refuge du parlicularisme le plus accentué. De l'une à l'autre, ce sont des phénomènes toujours nouveaux, qui s'expliquent tour à tour par des raisons géographiques et par (les raisons historiques. Ici un Ilot de vallées bien protégé par la nature a obstinément conservé sa nationalité nu milieu d'une race étrangère ; là, au contraire, une population dont les traits

66 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

et les mœurs démontrent d'une manière irrécusable la vraie ori- gine, a abdiqué sa langue pour accepter celle de ses vainqueurs; ici le développement divers des différents cantons d'une même nationalité , Timmigration et la conquête ont varié à l'infini les situations.

C'est au point de vue ethnographique que nous nous place- rons pour grouper et décrire les diverses populations alpestres. En admettant la langue comme indice principal de la race, on trouve qu'elles comprennent de trois à quatre millions d'Alle- mands, près de deux millions de Français, un million d'Ita- liens, un million de Slaves et environ S0,000 Romans ou Rhétiens ; mais comme les Romans ne forment qu'une enclave au milieu des Âlpes allemandes, et que les Slaves se sont entremêlés aux populations germaniques des Âlpes orientales, de façon à défier toute délimitation précise , il n'y a à fixer que les frontières respectives des trois grandes races française, ita- lienne et allemande pour esquisser la distribution géographique des différentes nationalités alpestres. Entre les populations fran- çaises et tudesques d'une part, italiennes de l'autre, la frontière ethnographique correspond en général à la ligne de fatte du sys- tème; mais y abstraction faite des îlots de langue que des circon- stances particulières, plus ou moins bien connues, ont semés par-ci par-là au milieu d'un domaine étranger, il y a lieu de mentionner immédiatement certains empiétements de race à race qui se sont opérés le long de la ligne de fatte elle-même, et dont le principal est l'usurpation par la race allemande de la vallée supérieure de l'Âdige. Quant à la délimitation entre la race française et la race germanique, transalpines toutes les deux, elle est formée par une ligne capricieuse, suite des hasards des invasions et des colonisations, que nous étudierons dans ses détails à propos de l'ethnographie de la confédération helvé- tique ; pour le moment il suffira d'indiquer que le même mont Rose , qui présente à la fois le massif le plus considérable et les champs de neige et de glace les plus étendus des Âlpes, est aussi la grande borne ethnographique oîi se rencontrent l'Italien, le Français et l'Allemand.

DES ÉTATS DK ri'EUHOPE ni^KTBAlE, 07

I fixant la limite des populiitiuns alpestres italiennes à la yte de faite du système, nous leur avons implicitement attri- bué toutes les pentt's qui correspondent à sa tourbe concave au- tour de la vallée du Pô. Il y a cependant, comme nous l'avons déjà dit, des dérogations à cette règle ; mais ces exceptions sont dune viileur secondaire, et, de plus, chose importante à noter, Llles Krndent à disparaîire. Ainsi les populations italiennes ont ' nipiété à l'ouest sur les populations Françaises, eu s'avauçant N^qu'au Var; au nord et à l'est, au contraire, vers Trente et .'■rsTriesle, elles se sont laissé refouler par la race allemande et par la race slave; mais, dans les trois directions, l'idiome italien l*nd h rentrer dans ses frontières naturelles : il perd du terrain dans l'ancien comté de Nice, et il est en progrès marqué dans le Tyrol méridional comme sur le littoral nord-ost de l'Adriatique. Quant à la physionomie individuelle des différentes populations alpestres de race italienne, elle est en péuéral moins prononcée que celle de leurs voisines d'au delà drs monts; la structure du rdiet alpestre, qui s'abaisse brusquement sur la grande dépres- sion lombarde, n'a guère laissé auA cantons de la montagne un (|iM eloppement assez considérable pour y motiver des fornia- lions politiques particulières; ils ont été de tout temps soumis aui grands centres de la plaine, Turin, Milan, Venise, quand ils n'ont pas été conquis, par-dessus les cols, par les peuples traitiMiipius. A l'est, les Alpes cadoriques et vénitiennes ne ^'élèvent qu'à des hauteurs assez médiocres , ils se rapprochent [rjri, pour les mœurs comme pour l'histoire, du plat pays envi- ronnant; à l'ouest, les Liguriens, qui appartiennent, du moins en partie, aux Alpes maritimes, continuent à fournir à l'Italie, otnnme autrefois à la république génoise, ses meilleurs mate- lots, cl les montagnards piémontais sont trop souvent forcés, par la misère, à s'expatrier comme moissonneurs, terrassiers ou mineurs, parce que les prairies sont rares dans les hautes vallées, et que la vigne, l'olivier et le mûrier ne réussissent que dans quelques vallées inférieures bien exposées au soleil. Si les terrasses centrales sont plus larges, plus riches, plus peuplées, elles n'ont à ces avantages naturels ([ue le trisie honneur

(18 niSTOlBK DK LA FOB^ATIOS TCHBlTOmALE

d'ôtre ambitionnées et occupées par des cutiquéranUi de râ< étrangère. Ainsi le Tyrol italien n'est pas souictnont de viciH date subordonné politiquerncnl au Tyrol allemand, mais m(yme été cthnograpliiqueraent entamé par lui. L'immigratioi germanique du moyen Age avait pris possession de lu supérieure de la vallée de la haute Adige jusqu'à un endrO situé à peu près à mi-cherain entre Botzen et Trente, cl ^ porte encore le nom significatif de Mezzo tedesco, c'est-à-dire I borne tudesque. Depuis lors, il est vrai, il s'est produit un moi vement en sens contraire, et les colons italiens qui pn nom croissant remontent la vallée de l'Adige ont de nouveau r nisé Botzen, qu'Us appellent Bolzano, en attendant qu'il fassent autant de Méran ; mais ces progrès rérents de la natif nalité italienne sont loin de contre-balancer les ancienni pertes; et d'ailleurs, au point de vue politique, rien n'a i cbangé : malgré ses sympathies non dissimulées pour le nou- veau royaume d'Italie, le Tyrol italien continue a faire partie de la monarchie des Habsbourg. Sous ce rapport, les vallées p'us occidentales de l'.Vdda et de la Maira, en d'autres t«rraes, les pays de Bormio, Valteline et Chiavenna, ont été plu-^ heureuses. Conquises par les Grisons sur le Milanais au commencement du seizième siècle, maintenues sous leur dure domination par la politique anti-espagnole de Richelieu, elles furent incorporées à la république cisalpine par le général Bonaparte, et suivent de- puis lors les destinées de la Lombardie, dont elles forment la ré- gion alpestre, conjointement avec les terrasses de mémo naturv qui leur font suite au sud, entre les lacs de Garde et de C/tmr. .\utre encore a été le sort des vallées qui aboutissent au lac N'i- jeur septentrional, et qui, de mi>me que les précédentes, appar- tiennent géograptiiqnement au Milanais : elles en Turent sépa- rées au quinzième et au seizième siècle par les confédén^ helvétiques, qui les réduisirent en bailliages sujets; mais lan^ constitution [K)liliquo de la Suisse h la fin du dernier siècle le> appela à la liberté, et elles forment aujourd'hui le canton sou- verain de Ticino ou du Tessin, la seule parmi les petites répu- bliques suisses qui soit de langue italienne. Voilà donc troi*

MES ÉTiTS BE L'&UBOPE CEXTRALE. Dft

pajs alpestres italiens, TjtoI, Valtelinc et Tessiii, qui, à ili\pr^ titres, ont leur individualité historique. Il faut y ajouter un petit pmupc de vallées piémontaises, auquel la résistance invincible qu'il a opposée pendant de longs siècles à la tyrannie religieuse a assuré sa place dans l'histoire et mérité l'appellation caracté- ristique àe V Israêi des Alpes. La secte des Vaudois, dont le nom rappelle leurs vaux ou vallées, est née, dit-on, dès le neuvième ■iiècle, dans les montagnes abruptes qui s'élèvent au-dessus de .Siluces et de Pignerol ; là, au pied du mont Viso, aux sources du et de son petit affluent septentrional, le Chisone, dans le* \a!lées presque inaccessibles de Luzerna, Angrogne et Saiipl- Marlin. habite jusqu'à nos jours un pauvre peuple de bergers, de ^iiigt à treute mille Ames au plus, dont rattachement k sa foi a lassé toutes les persécutions, A peu près abandonnés à eu\- mèmes par la hiérarchie ecclésiastique du moyen ftge, qui se euQteiitait de sévir contre leurs missionnaires, les Vaudots vi- rent leurs plus mauvais jours depuis l'époque Farel les rallia h la réforme du seizième siècle; leurs colonies provençales fu- rent d'abord exterminées, du consentement sinon par ordre de François I"; puis ce fut le tour des hautes vallées. L'interven- tion de Gromwell arrêta une première grande persécution, si- gnalée par les Piiqups piémontaises de 1 653 ; mais après ta ré- tocation de l'édit de Nantes, Louis XIV, pour en finir plus \ite avec les calvinistes du Dauphiné, contraignit sou allié, le duc de Savoie Victor-Amèdée II, à les expulser sans miséricorde. Ils se retirèrent en Suisse; mais bientôt, ne pouvant vivre loin de leurs vallées natales , ils revinrent au mois d'aofit 1 689, leurs barbes ou pasteurs en Ifite, et l'épée à la main : c'est la glorieuse rentrée, décrite par Henri Arnaud, qui s'intitule lui-même colo- lel et pasteur des vallées. Ils commencèrent alors une lutte roïque contre leurs adversaires français et piéraontais, en rO- lodantàCatinat, qui leur offrait le libre départ : « Tirez votre mon, nos rochers n'en seront pas éiiouvantés. » Et en etfel on i réussit pas à les déloger de leurs montagnes; d'autant plus 9 les puissances protestantes intervinrent en leur faveur au- ) du duc de Savoie. Leurs treize conjunines continuèrent

70 HISTOIRE DE LA FORKATIOM TERRITORIALE

donc à subsister, opprimées et méprisées il est vrai ; ce n'est qu'en 1848, quand un nouvel ordre de choses fut inauguré en Piémont, que les Vaudois obtinrent les droits des autres citoyens. Mais alors aussi la réparation fut complète : lors de la fête de la Constitution, on leur assigna la première place; ils avaient tant souffert pour la liberté que cet honneur paraissait leur revenir de droit.

De Tautre côté de la ligne de faîte, en face des populations tilpestres italiennes de l'ouest, on rencontre depuis le Var, jus- qu'à la hauteur du mont Rose, les populations alpestres de race française qui, sur les pentes nord-ouest de la chaîne, habitent soit des départements français, soit des cantons suisses : les pre- mières sont depuis longtemps agrégées ou ont été récenmient annexées à la puissante unité nationale de la France, tandis que les autres jouissent de toute l'autonomie que comporte une répu- blique fédérative. Les vallées de la haute Provence, du Daupfainé et de la Savoie, s'étendait autrefois la grande peuplade des Allobroges et aujourd'hui encore on parle des patois fortement imprégnés d'éléments celtiques, sont habitées par une belle race de cultivateurs, de pâtres et de chasseurs. C'est à partir du mont Genèvre, à la hauteur de Briançon, que commence la vie de dia- let, inconnue plus au sud; mais comme le nombre des prairies et celui des pentes cultivables sont également restreints, la popula- tion de la montagne est loin d'être heureuse. La récolte qui ne mûrit qu'en septembre, quelquefois sous la neige, est trop sou- vent insuffisante pour nourrir les habitants, fort clairsemés cependant, des hautes vallées; et si l'on tient compte en outre des horreurs d'un hiver extrêmement long, pendant lequel le soleil reste pendant plus de trois mois absent de certains villages, on ne comprend que trop bien l'émigration en masse qui les dépeuple de plus en plus. Cependant aussi, comme dans les autres contrées alpestres, persistent l'esprit de famille et l'amour du sol natal ; le Savoyard émigré envoie aux siens ses petites éco- nomies, et son plus ardent désir est de revenir plus tard dans les tristes hameaux qui l'ont vu naître. Une seule peut-être parmi les hautes vallées de langue française échappe à cette pénible

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DKS £tats dh i'europe CRNTRALR. 7)

^sité de l'expatriattQii, parce tjue chaque été raffluence des étrangerâ répand une aisance relative pamii ses habitants, au- bergistes et guides, chasseurs et colleotioniieups de cristaux ou de pla rites rares : c'est la vallée de Chamouny au pied du mont Blanc, qui, après être restée complètement ignorée du reste du monde jusqu'au jour de l'année IIH ou y pénétrèrent les An- glais Windham et Pococke, est devenue de nos jours le rendez-

i général de tous les touristes de l'Europe et du Nouveau- Epiide. Autant les vallées alpestres de la Provence, du Dauphinè el ela Savoie sont pauvres el peu peuplées, autant les trois cantons de la Suisse française, Genève, Vaud et Neuchâtel, quis'étendent entre les Alpes et le Jura, se distinguent à la fois par leur pros-

Éité matérielle et par la part qu'ils ont prise au mouvement ■llecluel des derniers siècles. la culture la plus savante se contre avec une industrie réputée dans toute l'Europe; les sciences et les lettres y ont eu de nombreux et illustres représen- tants, et rhistûire s'arrête avec intérêt sur des contrées se sont débattues autrefois les plus graves questions religieuses. De toutes les villes de la région des Alpes aucune n'a joué un rôle plus universel que l'ancienne cité libre de Genève, la Rome pro- testante de Calvi ri et de Théodore de Bèze ; son caractère excep- tionnel, rigoriste et puritain, s'est sans doute fort eff'acé au contact des événements de ce siècle, mais sa place reste marquée panui les centres littéraires et scientifiques du monde civilisé. Le canton voisin du Valais, qui n'a jamais aspiré fi de si hautes destinées, n'est français qu'en partie; car (|uoiqu'iI ne corres- ponde qu'à une seule et même vallée, celle du Rhône supérieur, il appartient à deux nationahtés, qui se touchent vers le centre du pays : le Bas- Valais parle français comme la Savoie et le pays de Vaud, entre lesquels il se prolonge jusqu'au lac de Genève ; le Haut-A'aiais au contraire est de race tudesque comme les cantfms de Berne et d'Uri, avec lesquels il communique par 0 cols de la Gemini, de la Grimsel et de la Furca. \ Par le Haut- Valais nous atteignons le domaine des populations ïstres allemandes, qui occupent toutes les pentes septenlrio- ries et orientales du massif, sauf un Ilot roman et de nombreuses

72 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

enclaves slaves. Parmi elles, les cantons de la Suisse allemande, qui au moyen âge se sont constitués en républiques et ont victo- rieusement défendu leur indépendance contre les princes autri- chiens et bourguignons, forment le groupe le plus célèbre du système alpestre entier, grâce à la fois à la beauté du pays et à la liberté de ses habitants ; aucun pays de l'Europe ne voit plus de visiteurs que le leur, et les histoires de Jean de Muller comme les vers de Schiller ont rendu leurs hauts faits populaires parmi toutes les nations] civilisées. Chacun de ces cantons a son indivi- dualité et son histoire ; ils ont faire à l'intérêt commun le sa- crifice d une partie de leur autonomie locale, mais par contre, seuls en Europe, ils ont, à Tabri de leurs Alpes, montibus pro mûris circtimdati, comme dit le vieux chroniqueur Jean de Winterthur, toujours consené leur liberté républicaine, en face de la concentration monarchique des grandes nations voisines. La république des Grisons, ancienne sœur des républiques hel- vétiques et aujourd'hui un des vingt-deux cantons de leur confé- dération, mérite une mention spéciale dans cette revue ethno- graphique, parce que, en dehors d'une population germanique qui remonte la vallée du Rhin au delà de Goire, et d'une popula- tion italienne qui occupe quelques vallées du versant méridional de la chaîne principale des Alpes, elle contient une race particu- lière, qui s'étend même au delà de ses limites jusque dans le Tyrol et dans la Valteline. Les Rhétiens ou Romans, dont les traits accentués et les cheveux foncés forment un contraste frappant avec la physionomie des populations allemandes, prétendent être les descendants de cette race étrusque ou rasène que les Gau- lois refoulèrent jadis de la plaine du dans les vallées des Alpes, et à laquelle les Romains auraient imposé leur langue eu même temps que leur domination. Quoi qu'il en soit de cette ori- gine fort controversée, ils forment au milieu des Allemands, qui depuis la grande migration des peuples les pressent de toute part, un Ilot linguistique, dont la.languesœur du latin, lerhétique, romansch ou churwaelsch, parait, comme celle des Roumains du bas Danube, ne pas être autre chose que la langue romaine rus- tique, de plus en plu? détériorée et corrompue. Ses deux dia-

lecteâ, le ramounifjue, qu'on parle dans les hautes vallées du Rliîii, et le ladin. qui règne dans l'Engadine et duns une partie des vallées de la haute Adige et de la haute Adda, sont l'un et l'autre devenus des langues littéraires depuis la réformation, qui les a dulés de traductions de la bible, de catécliismes et de li^reîi de prières. Les Rliétiens y tiennent fidèlement, comme k toutes Ifts traditions du passé; depuis des siècles ils ont la spécialité de r<}uniir des conUseurs à une boiuie partie de l'Europe; mais presque toujours, quand ilsontfaitrortune. ces fidèles enrauts de la montagne reviennent bAlir une nouvelle maison à tiM des autres dans ta vallée paternelle.

Le niAme attachement aux vieilles habitudes qui caractérise tes Suîs-ies et les Grisons se retrouve chez les habitants du Tjrol >eptentnonal ou allemand, et c'est lui qui, bien plus quelafîdC-lité d\ na^itique à la maison de Habsbourg, explique l'héroïsme local qu'ils ont déployé en maintes occasions, mais surtout dans les 'Tintantes luttes de 1809, quand sous André Hofer ils renouve- ! Tcnt, [ont à l'entour du Brenner, les miracles de notre Vendée. C'est une forte race que cette race tyrolienne, qu'on la prenne de I un ou de l'autre cdié delà ligne de faite, dansleZillerthal, dans U vallée de Passeyer ou dans le Vintschgau; au moral, ils sont ti'iniiètes et braves, tranquilles et patients, excellents catholiques d'ailleurs et fort amis des fêles, religieuses et autres; au phy- >Lque, ils représentent les vrais héritiers des anciens Germains ti^uU et élancés, à la large poitrine et aux épaules puissantes. Leurs vêtements, dont la coupe et les couleurs se transmettent IJdèlement de génération en génération , habits bruns , gilets Louges, larges bretelles vertes, grands chapeaux verts pour !■■■- gar^'ons et noirs pour les hommes mariés, ont l'air d'un iniforme militaire, et lorsque aux réunions de lir on les voit T<-roent défiler, un bouquet au chapeau, un bouquet à la cara- iiiMi;, drapeaux et musique en tiHe, on comprend ce que de tels lu mimes uni pu faire, dans leurs montagnes natives, contre les meilleurs soldats de l'Europe. Au point de vue ethnographique et [Hilitiquf!, les plus curieux à étudier sont les solides paysans du Vinlschgau et du Bnrgijrafeiuinil, qui, sur les bords de la haute

74 HISTOIRE de: la formation territorule

Adige et de TEisack occupent les environs de Méran, de Brixen et de Botzen ; ils ont en effet dépassé les limites naturelles de leur race en allant s'établir au midi de la ligne de faîte alpestre; seuls de tous les conquérants germains établis sous le ciel italien ils ont maintenu leur nationalité et leur langue; ils couvrent, précieuse avant-garde des Habsbourg sur le versant méridional de la chaîne, les cols facilement accessibles et les grandes routes de leurs Alpes, qui naguère encore offraient aux armées autri- chiennes un passage rapide et sûr vers les grandes citadelles de Vérone et de Mantoue. Aujourd'hui que T Autriche a renoncer au royaume lombard-vénitien et à son quadrilatère de forte- resses, l'importance stratégique de leurs vallées a fort diminué ; eux-mêmes d'ailleurs commencent à être ébranlés dans leur pos- session séculaire : l'immigration continue dont nous avons parlé plus haut amène chaque année au milieu d'eux un plus grand nombre de colons italiens.

Les Alpes de la Bavière et du pays aujourd'hui autrichien de Salzbourg, qui font suite au nord et à l'est aux Alpes du Tyrol, se distinguent plus par les beautés pittoresques de la na- ture que par des particularités ethnographiques, politiques ou sociales. Contentons-nous donc de noter que leurs habitants, dont ceux du Pinzgau sont célèbres par leur taille gigantesque, tandis que le Salzkammergut voisin a ses crétins tout coQune le Valais, partagent avec les Tyroliens la spécialité de l'industrie des jouets et des objets d'art en bois ; qu'en de nombreux endimts ils exploitent de riches mines de sel, dont les vastes galeries et les glissades vertigineuses s'enfoncent profondément sous le sol; et que dans un village bavarois ils continuent en plein dixHieu- vième siècle à représenter les mystères du moyen âge, dont les vestiges ont disparu partout ailleurs, même dans la catholique Espagne. Ce jeti de la passion d'Oberammergaù, qui est la cu- riosité par excellence de la haute Bavière, revient tous les dix ans en vertu d'un vœu fait en 1633 pour éloigner du pays l'in- vasion de la peste, et alors non-seulement toute la population des environs, mais aussi de nombreux étrangers avides de voir ce dernier souvenir de la foi naïve d'un autre &ge, accourent

1>m ÉTATS SB L'miRO?!! CR!ITItAI.R. 79

|Hiur assister à une série de représentations, [iluaieups cen- liiies d'acteurs jouent en plein îiip, au milieu des prairies d'une illée alpfwtre. le drame delà pnssion, que coupent tour à tour m.'- chœurs religieux et des tableaux plastiques on mimiques tirés de l'aorien Teslanunt.

La uationaliti> allemande est également prépondérante dans le taste réseau des Alpes orientales, qui couvre l'arehidurlié d'Au- triche, la Styrie, la Carinthie et lnGarniole;maisùmeBurequ'on aiaiitovers le sud-est de la chaîne, les éléments slaves se mê- lent au\ éléments tudesques en proportions toujours croissaiiles, ' bien qu'en Garnioleils les éclipsent presque complètement. Ce iirieux amalgame de races, et par suite de langues et de i)i(£urâ, s'euplique par le passé de la contrée. Lorsque, à la suite de la grande migration, les populations germaniques qui dans les premières attaques dirigées contre l'empire romain avaient iii.riH'euIeracnt conquis, mais complètement ruiné l'ancienne \orique. se furent portées plus vers l'ouest, la branche méri- diiuiale des Slaves envahit la fourche orientale des Alpes restée .1 peu près déserte, et s'établit en masse dans les vallées de l'Ëiins, de la Mur. de la Drave. de la Save et de lu Kulpa, Mais (jlnii tard eut lieu dans tous ces pays un mouvement de reprise de la race germanique, analogue à celui qui s'opéra, avec une intensité plus grande encore, le long de la Baltique, contre les Slaves septentrionaux ; les marquis de la Marche orientale ou mtrîchienne, les ducs de Carinthie et les marquis de Styrie re- ■l'iiquirent au nom du royaume de Germanie les vallées des Vlpea orientales, et pour affermir leur conquête ils établirent au milieu des populations slaves de nombreuses colonies tudesques. Lians le bassin de l'Enns et le long du cours supérieur de la Mur i-t de la Drave, c«s colons allemands out avec le temps complète- ment germanisé les Slaves ; plus au sud-est ils ont du moins réussi à maintenir leur nationalité, et leurs descendants consti- tueut aujourd'hui des Ilots germaniques en pays slave : c'est ainsi que le petit pays de Gottschée dans la Oarniole orientale, sur les oiiiÛnsde la Croatie, a depuis cinq cents ans conservé intactes sa Uogueet ses mœurs allomandes au milieu d'une race étrangère.

76 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORULB

D*autres enclaves tudesques, moins considérables, subsistent dans les pays alpestres italiens. Telles sont les vallées de Grès- soney et de Ghalland au pied méridional du mont Rose, dans le bassin de la Doire baltée, et les fameuses Sette Comuniy les sept communes allemandes du bassin supérieur de la Brenta, au nord-ouest de Bassauo. Les premières ont sans doute reçu leurs habitants depuis le haut Valais, par le col du Matterjoch, et par- lent encore l'allemand; les autres, qui se rattachent elles-mêmes aux Gimbres vaincus par Marins, mais doivent probablement leur origine à des mineurs allemands appelés jadis par les Sca- liger de Vérone pour exploiter les pentes méridionales des Alpes de Trente et de Gadore, sont en train de perdre leur caractère ethnographique par suite de Tenvahissement progressif de Fita- lien. Une dernière colonie allemande enfin, établie parmi les Welches aussi, mais parmi les Welches ramouniques des Gri- sons, a mieux maintenu sa nationalité : ce sont les Libres du Rhin dans le Rheinwald, qui occupent les villages de Splugen et de Hinterrhein aux sources du Rhin postérieur. Ils prétendent descendre des gardiens du passage établis par Frédéric Baii)e- rousse au pied du col du Splugen; ce qui est positif, c'est que dès le quinzième siècle ils ont juré, avec leurs voisins de langue ro- mane, une ligue qui devait durer autant que subsisteraient la vallée et la montagne, et que, jusqu'ici, ils n'ont pas failli il leur serment.

Après avoir ainsi successivement étudié les dunensions hori- zontales et verticales, la structure et les zones d'altitude, les neiges et les glaces, les vallées et les fleuves, les routes et les populations du système alpestre , nous pouvons conclure en affirmant hardiment, qu'au point de vue géographique autant qu'à celui du pittoresque, les Alpes sont une des plus grandes merveilles de la création. Tout touriste qui, du Rigi ou du Faul- horn, du dôme de Milan ou d'une des cimes du Jura, a vu, K' matin ou le soir, se dérouler devant lui leur chaîne d'une éter- nelle blancheur, sait que Tocéan lui-même , avec toute son immensité, n'offre pas un spectacle plus grandiose et plus admi- rable; mais le naturaliste, le géographe, l'historien, après avoir

TES ÉTATS BK l'EOUOPB CKHTHALE. 17

tFiciié leur conformation physique et leur rôle dans le-, annales 'i'' l'humanité, sont pris h leur endroit d'une admiration peut- ! rp plus profonde encore. En leur sein, en effet, elles proclament - ré\ohitions géologiques du globe; sur leurs pentes, elle» ac- imuleut les phénomènes naturels répandus ailleurs à des dis- ' iiices prodigieuses, car à leur pied poussent les productions ■li'^ pays du midi, tandis que leurs cimes reproduisent la nature des régions polaires. La majeure partie des chaînes de mon- tagnes de l'Europe se groupe autour d'elles ; les Pyrénées et les Balkhans ne sont que leurs doux ailes, et l'armée innom- brable des montagnes françaises, allemandes et italiennes se compose de leurs satellites. Les bassins de^ plus importants parmi nos fleuves européens dépendent de leur relief et lui doi- »ent la variété toujours nouvelle de leurs vallées, de leurs ler- ra.>ses et de leurs plateaux. D'apr6s elles aussi, se sont délimitées les races et les nations, et les états en ont reçu leurs frontières. Leur richesse en tout ce qui est nécessaire à la vie civilisée leur .1 donné une population qui, en nombre et en culture, dépasse '■-■lie des autres raiissiFs ; elles ne ronuaissent pas les horribles 'Ii'^erls de l'Himalaya et des Cordillères; leurs sommets, il est irai, bravent l'imputssanre humaine, mais aussi loin que mon- t>>iil leurs vallées cultivables et leurs terrasses couvertes d'une iicrhe nourrissante a pénétré l'homme avec ses villages et ses clialcLs, et l'histoire multiple de leurs habitants a droit à une l-irge et honorable place dans les annales du monde civilisé. Victor Jacquemont a écrit en face de l'Himalaya : « .\h I que les Alpes sont belles 1 n il auntit pu ajouter : « et grandes dans l'histoire de la civitisalinn hum^iine 1 »

CHAPITRE III

Les chaînes de montagnes secondaires de TBarope centrale.

Lïmportance géographique et historique exceptionnelle du massif alpestre nous a entraînés à donner à sa description un développement très-considérable; nous serons beaucoup {dus brefs dans l'examen des nombreux groupes de montagnes qui. s'y subordonnant au nord et au nord-est, couvrent, de concert avec les plateaux et les plaines basses intercalés, la moitié de l'Allemagne et la majeure partie de la monarchie austro-hon- groise, et constituent ainsi dans l'ensemble du relief de l'Eu- rope centrale le gradin intermédiaire entre la chaîne fondamen- tale du continent et la vaste dépression qui correspond aux rives méridionales de la Baltique et de la mer du Nord. Ces massifs secondaires, en effet, s'ils aident tous à donner aux con- trées qu'ils parcourent leur physionomie individuelle, ne leur imprûnent que rarement leur caractère dominant; nous pou- vons donc pour la plupart d'entre eux nous contenter d'une es- quisse sonunaire, et réserver pour l'étude subséquente des grands bassins fluviaux de l'Allemagne une bonne partie des indications ethnographiques et historiques qui à la rigueur au- raient déjà pu trouver place dans le présent chapitre.

Le seul parmi les groupes orographiques de la zone moyenne de l'Europe centrale qui atteigne à peu près la limite des neiges perpétuelles et présente exceptionnellement quelques caractères alpestres, est le plus oriental de tous, le système des Karpatbes, qu'on pourrait aussi appeler le système hongrois, parce qu'il entoure de trois côtés la grande plaine hongroise. Sa ligne priu-

F06XAT1OH TERRITORIALE DES ÉTATS DE L^EUROPE CENTRALE. 79

cipale^ la chaîne des Karpathes proprement dites, qui sépare la Hongrie de la Galicie, en poussant ses contreforts dans les deux pays, court d'abord d'ouest en est, puis du nord-ouest au sud- est, sur une longueur approximative de 700 kilomètres, depuis le col de Jablunka, par lequel des sources de TOder et de la Vistule on pénètre dans la vallée de la Waag, jusqu'au pays de sources de la Theiss et du Pruth. A elle se soudent, par ses deux extrémités, les deux ailes du système : au couchant, la chaîne des Petites-Karpathes qui marque la frontière entre la Hongrie et la Moravie et se dirige du col de Jablunka sur Presbourg, son extrémité méridionale se rapproche des rameaux avancés des Alpes styriennes ; au levant , le massif transylvain qui couvre, au sud des sources de la Theiss, la Transylvanie en- tière et se prolonge jusque vers Isl porte de fer d'Orsowa, ses derniers contreforts font vis-à-vis. à ceux des Balkhans. En- semble la chaîne centrale et ses deux ailes de l'ouest et de l'est forment un demi-cercle presque régulier d'environ 1 ,500 kilo- mètres de développement, dont le diamètre est représenté par le Danube hongrois dans toute sa longueur, depuis Presbourg jusqu'à Orsowa ; toutes les eaux qui découlent de leurs pentes intérieures se déversent naturellement dans ce fleuve, qui re- çoit en outre bon nombre des rivières originaires de leurs ** ^ pentes extérieures ; les plus septentrionales seules sont étran- gères au Danube et appartiennent aux bassins de l'Oder, de la Vistule et du Dniester.

Le tronc alpestre du système entier est l'Ilot granitique du Tatra ou des Hautes-Karpathes, qui s'élève dans la partie nord- ouest des Karpathes proprement dites, au sud de Gracovie. Il n'a qu'une centaine de kilomètres en longueur, avec une super- ficie d'environ 2,500 kilomètres carrés ; mais sa formation géo- logique, la structure de son relief et son élévation considérable dans le voisinage immédiat de la grande plaine de l'Europe orientale, qui vient expirer à ses pieds, en font une vraie curio- sité orographique. Sa masse uniforme et compacte, dont le granit est recouvert en deux endroits seulement par du gneiss ^du calcaire, surplombe de près de 2,000 mètres la haute plaine

80 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

circulaire qui le circonscrit à une altitude de 600 à 700 mè- tres, et domine de fort haut les chaînons latéraux du système qui, de l'autre côté de ce fossé naturel, simulent les bastions avancés ou d'un formidable donjon. Ses cols ne descendent nulle part beaucoup au-dessous de 2,000 mètres; ses pics poin- tuS; taillés en forme de tours ou de colonnes, s'élèvent abrupte- ment, au Kri^an entre les sources du Donajec et de la Waag, puis plus à Test, aux pointes de Gerlsdorf et de Lonmitz entre les sources du Donajec et du Poprad, jusqu'à des hauteurs de 2,800 et de 2,650 mètres. Il n'a ni vallées, ni rivières; quelques fentes à peine gercent sa périphérie, et les lacs extrêmement profonds ou œils-de-mer qui remplissent ses entonnoirs jusqu'à l'altitude de 2,000 mètres sont sans déversoirs visibles; mais dans la plaine circulaire qui l'entoure prennent naissance quatre cours d'eau considérables, l'Arva et le Donajec au nord, la Waag et le Poprad au sud, lesquels s'accouplant deux à deux, l'Arva avec la Waag, le Poprad avec le Donajec, vont les deux premiers à l'ouest, les deux autres à l'est, grossir d'une part le Danube et de l'autre la Vistule. Sur ses pentes enfin, qui sont exposées tour à tour aux vents secs du Caucase et aux vents chauds de la plaine danubienne, se suivent rapidement une série de zones de végétation : les vignobles hongrois, qui ne Aont guère au delà de 300 mètres, leur font défaut ; mais jus- qu'à 1,000 mètres on y trouve les plus belles forêts de hêtres de TEurope centrale; les forêts de sapins montent jusqu'à 1 ,500 mètres, celles des pins de montagne 300 mètres plus haut encore ; une région alpine à prairies estivales, mais sans la vie de chalet des vraies Alpes, partage avec les pins de montagne l'altitude de 1 ,300 à 1 ,800 mètres et se continue jusqu'à 2,100 mètres ; au-dessus de cette dernière hauteur commence la zone des neiges sinon perpétuelles, du moins habituelles. La neige fond, en effet, presque partout dans les Hautes-Karpatbes pour quelques semaines au moins, et les amas glacés y sont fort peu considérables, môme sur les pentes septentrionales, à cause de la rapidité des talus ; quant à leurs pics, ils sont généralement nus, sauf quelques mousses ou lichens : on y voit d'autant mieux

DES ËtATS DE L'BUHOFS CBHTHALB.

i traces extrèmcraenl nombreuses de la foudre, qui frappe ?ssammenl ce pronioiiloire de hautes montagnes de tout côté hnttu par les orages. Autant le Tutra se distingue par ses caractères originau:(,

fiant les chaînes qui y aboutissent sont monotones et peu léressanlcs. Les Pelitcs-Karpathes sont à tous égards la portion Diuins importante du système ; peu étendues en largeur, elles ne s'élèvent en moyenne qu'à 600 ou 700 mètres. Les Kar- patbes proprement dites, qui atteignent la largeur de 80 kilo- mètres, n'ont également, sauf dans le Tatra, qu'une hauteur assejt médiocre; leurs montagnes, composées de terrains di- \vn, restent généralement au-dessous de 1,000 mètres; aussi sont-eUes à peu près partout couvertes d'épaisses forêts, qui leur ont \alu leur autre nom de Karpathes boisées et qui, bien plus que la difficulté des passages, ont de tout temps fait obstacle h des rapports fréquents entre la Hongrie et la Galicie. Le massif de Transylvanie au contraire soutient, pour l'altitude de ses som- mets et aussi pour l'originalité de sa structure, la comparaison avec les Hautes-Karpathes. Il figure un carré presque parfait, de près de iOO kilomètres de côté, et interpose entre les deux grandes dépressions de la Hongrie et des Principautés rou- maines un ensemble de plateaux cultivés, d'une hauteur moyenne de 500 mètres, que parcourent de nombreuses mon- tagnes et que bordent des chaînes plus ou moins considérables. Elles sont moins élevées au nord et à l'ouest, du côté de la Hon- grie, vers laquelle s'incline doucement tout l'ensemble de la for- mation ; celles de l'est et du sud, d'origine, en partie du moins, volcanique, atteignent h peu près la hauteur du Tatra et, comme lui, ont des neiges pendant presque toute l'année; elles émer- gent, comme de vraies murailles, des plaines basses de la Moi- flavîe et de la Valachie et ne sont coupées que par de rares cols. La mute la plus connue qui traverse cette ceinture de monta- gnes est celle qui de la Valachie pénètre vers Hermannstadt, en frauchissant, au passage de la Tour-Rouge, les gorges étroites de l'Alouta. Outre leurs vignobles et leurs forêts, dont les premiers ornent

S*2 HISTOIRE DE LA FOHMATION TEKRITORULB

les pentes les plus basses du système en Hongrie et en Transyl- vanie, tandis que les autres couvrent la majeure partie de sa superficie, les Karpathes contiennent des richesses souterraines extrêmement importantes. Les minerais de la Transylvanie sep- tentrionale et ceux de Kremnitz et de Schemnitz, au sud-ouest du Tatra, sont exploités depuis le moyen Age ; les mines de sel gemme et les sources salines qui accompagnent le versant sep- tentrional des Karpathes proprement dites sont les plus nom- breuses et les plus productives de l'Europe entière. L'endroit le sel gemme est à la fois le plus accumulé, le plus compacte et le plus pur, se trouve au nord du Tatra, à peu de distance de Cracovie ; les deux exploitations de Wieliczka et de Bochnia, qui remontent au treizième siècle, -forment, en se rejoignant sous terre, une seule et même grande ville souterraine, et donnent par an un demi-million de quintaux métriques de sel. Mais la couche saline se continue sous l'argile du sol supérieur, sur une longueur de 500 kilomètres, jusqu'en Bukowine, aux sources du Pruth et du Sereth, et partout les poissons pétrifiés qu'elle contient rappellent qu'elle est un dépôt de l'ancien golfe polonais de la Baltique, qui à une époque antéhistorique venait baigner le pied septentrional des Karpathes.

Malgré ces richesses naturelles, le système karpathien, qui, à l'exception des deux versants roumains du plateau transylvain, est compris tout entier dans la monarchie austro-hongroise, est encore assez peu avancé quant à la culture ; il est d'autant plus curieux à étudier au point de vue ethnographique, parce qu'il a servi successivement de refuge ou de lieu d'établissement à une multitude de races diverses. La plupart des peuples qu*y ont poussés les flots répétés des grandes migrations asiatiques n'y ont laissé que de rares vestiges de leur passage dans les mœurs ou dans la langue de certains cantons ; néanmoins on y ren- contre aujourd'hui encore quatre ou cinq nationalités essentiel- lement difilërentes, quoique fort enchevêtrées les unes dans les autres : ce sont les Roumains, les Madgyars et les Szekiers, les Allemands et les Slaves. Les Roumains, qui rapportent leur origine aux colons établis en Dacie par Trajan et par ses succès-

tlKS éxAtÇ BK t'EDKOFR HKHTRALH, 83

rs, occupent sans partage les pentes est et sud du plateau nsjivain et forment en outre le fond do la population de la Transylvanie entière. Les Madgyars, le ppuple prépondérant de la plaine hongroise, apparaissent en plus ou moins grand nom- bre sur toutes les pentes méridionales du système; si l'on en croit la tradition, l'invasion qui, des pays du Dniester, le» a menés Ters reux de la Theiss et du Danube s'est faite par ie col de Ve-

tke, passe aujourd'hui encore, par le centre des Kaipathes ées, la grande route de Lemberg à Munkacs. Les Szeklers, sont, dit-on, des Madgyars mélangés aux restes des popula- tions antérieures, sont cantonnés sur une portion du plateau transylvain. Dans la mtoe contrée et au pied méridional du Tatra subsistent les descendants des colons allemands que les rots de Hongrie appelèrent jadis dans le pays pour en exploiter les mines ; mais si leur organisation municipale autonome s'est assez bien maintenue chez les Saxons transylvains, leur natio- nalité est en voie de disparaître à l'extrémité occidentale de la chaîne. Enfin le contingent le plus considérable de la population des Karpathes est fourni par les différents rameuuic de la race slave septentrionale, qui occupe tout le versant extérieur des Karpathes boisées et des Petites-Karpathes, et de plus compte sur le versant intérieur de la chaîne de nombreux représentants, journellement augmentés par la slavisation progressive des po- pulations allemandes.

De m^rae que le système des Karpathes flanque les Alpes au nord-est en entourant de sa vaste courbe la plaine hongroise étendue à leur pied oriental, l'autre grand système de chaînes de montagnes secondaires de l'Europe centrale, qu'on appelle hercynien en souvenir de la forêt hercynienne qui, selon les auteurs anciens, s'étendait sans interruption sur une longueur de soiiante journées de marche à travers h Germanie entière, leur sert de boulevard avancé au nord, au delà du plateau qui torésente leur vestibule septentrional ; mais tandis que les lathes offrent dans le Taira et dans le plateau transylvain ^ques derniers rodets de la nature alpestre, les nombreux ssifs hercyniens ont tous, comme élévation, comme climat.

u

BlSTOlBE DE LA FOBUATIOR TBBBirOUtU

comme aspect, comme culture, un caractère intermédiaire et' moyen. Aucune cime à l'ouest du Tatra ne dépasse l'altitude dl J.600 mètres et n'approche par conséquent même de loin II limite des neiges pcrpétueUes; les formes des montagnes soit( peu aiguës, sauf le basalte a jailli de terre en cônes rég» liers; le paysage, tout en présentant en bien des endroits i charme saisissant, ne déploie nulle part les beautés sublimes dei Alpes; mais, par contre, la civilisation et l'industrie humaiiW ont pris possession depuis longtemps des chaînes elies-mémo; en même temps que des régions accidentées qu'elles détemu nent, et jusque dans le voisinage de la plupart des sommets, 1 champs de blé et les prairies alternent avec les forûts de hétp et de chênes, de pins et de sapins.

Parmi les groupes du système hercynien, le plus rapprc des Karpathes et en même temps le plus facile à isoler estl groupe bohémien, ainsi nommé parce que les quatre chalM qui le composent, les Sudètes, les monts des Mines ou Era birg, la Forêt de Bohème ou Boehmennald et les monts i Moravie, entourent en parallélogramme presque régulier, a nord-est, au nord-ouest, au sud-ouest et au sud-esl, le royauoi aujourd'hui autrichien de Bohême, qui n'est pas autre cha( que le bassin supérieur de l'Elbe. De ces quatre chaînes, tout^ plus ou moins granitiques et basaltiques, tes dcu\ qui coui dans la direction du sud-est au nord-ouest, c'est-à-dire 1 Sudètes et la Forêt de Bohême, dépassent les autres comiï développement et comme élévation ; de plus, elles ont dans la structure une grande analogie : leur élévation la plus proDond se trouve dans leur partie centrale, et leur chute a lieu pld rapidement vers l'extérieur, plus doucement vers l'intérieur 4 l'entonnoir bohémien. Mais la Forêt de Bohême, qui coo&litH fila fois la ligne de faite entre les bassins derElbectduDanulM !ii démarcation ethnographique entre les Tchèques et les Bava rois et la frontière politique entre la Bohême et la Bavière, n! depuis lu hauteur du Daitulie à Linz jusque vers les sources^ IKger que 220 kilomètres de longueur; sa cime la plus élcvél r Arberberg. s'arrête à 1 ,170 mètres ; jusqu'aujourd'hui elle a

■fente

UPS tTATS BE L'EtniOPB CKSTRAtB. 83

riunprte, dans sa partie méridionale piincipalemenl, des som- bres Torêts que Schiller a choisies pour en Faire le thfûlre des exploits de ses Brigands. Les Sudètes, qui continuent presque mathématiquement sur une longueur de 300 kilomètres la di- rection de la chaîne principale des Karpalhes, sont tout ensem- ble plus étendues, plus hautes, plus variées dans leurs aspects ; 9 e»t vrai qu'elles ne funuent pas au fond une seule et mérae Une, mais comprennent une succession de lignes oiontueuses, Ht chacune a son appellation particulière, bien que la théorie f (rtographique leur applique un nom scientifique commun, em- pntnté h Ptolémée. Elles débutent aux sources de l'Oder, à i'ou<>5l du col de Jablunka les Petites-Karpathes se soudent aux Karpalhes proprement dites, en laissant subsister entre elles ot le système karpathien une dépression extrÈmemenl mar- quée, route naturelle de l'Oder au Danube par la vallée de la March : c'est \a. porte morave, que couvre au sud la forteresse d'Olmutz et qui de tout temps a joué un grand rôle dans l'his- toire militaire et commerciale de l'Europe centrale ; par elle ont passé jadis les envahisseurs germains, slaves et mongols, et plus récemment les armées polonaises, suédoises, prussiennes et russes qui avaient pour objectif le Danube autrichien ; elle me- nait déjà vers la Baltique les marchands romains en quête d'ambre jaune, et elle a facilité l'établissement du premier che- min de fer destiné h relier les deux capitales allemandes, Vienne et Berlin. Assez peu élevées aussi longtemps qu'elles séparent les caus tributaires de la Baltique de celles qui coulent vers la ^^ler Noire, les Sudétes atteignent des altitudes plus grandes Hjhtro les bassins de l'Oder et de l'Elbe et culminent dans les ^HoDts des Géants ou Riesengebtrg, qui doivent leur nom aux ^^^lîons de géants détruits par la colère divine et leur popula- rité aux légendes de Rubezahl. le malin esprit de la montagne ; Ift, la Hiesenkoppe ou Sclméekoppe, la plus haute cime aUe- mande en dehors des Alpes, mesure 1 ,600 mètres; sur les pentes de la montagne on retrouve, avec les baudeii ou chalets, quel- ques lointaines réminiscences de la vie alpestre, et les vallées

86 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

la concurrence des machines a malheureusement réduit à la misère la trop nombreuse population. Plus loin encore, des deux côtés de la rupture par laquelle TElbe s*échappe de Ten- tonnoir bohémien, la Suisse saxonne n'a plus que des sommets de 500 mètres ; mais elle présente, de Pirna à Tetschen, des beautés pittoresques et des curiosités de la nature, qui lui ont valu son nom quelque peu ambitieux : s'élèvent des cônes aux formes mathématiques, dont celui du Kœnigstein porte une forteresse inaccessible ; se dressent les parallélipipèdes de grès non moins réguliers qui entourent la muraille à pic de la Bastei; des grottes profondes s'enfoncent dans la montagne, et des coubirs longs et étroits se creusent dans le sol brusquement entr'ouvert. Les Sudètes, qui délimitent la Silésie et la Ldisace d'avec la Moravie et la Bohême, appartenaient autrefois presque exclusivement à la nationalité slave et à la couronne de Bohème; aujourd'hui on parle allemand dans un grand nombre de leurs vallées septentrionales et, si leur extrémité orientale est restée autrichienne sur les deux versants, silésien et morave, elles sont communes à l'Autriche et à la Saxe royale à l'autre bout de la chaîne, à l'Autriche et à la Prusse sur la majeure partie de leur parcours. En ajoutant à l'usurpation de la majeure partie de la Silésie celle du comté bohémien de Glatz, la Prusse s'est même établie dans une position militaire dominante au coeur du mas- sif; c'est ce que ne comprenait que trop bien Frédéric II quand il se refusait obstinément à rendre Glatz lors des négociatioiis qui précédèrent le traité d^Hubertsbourg, et le succès foudroyant de l'invasion de la Bohême, en 1866, a donné pleinement raison à ses prévisions stratégiques.

L'autre couple de chaînes parallèles bohémiennes n'offre pas dans sa construction la symétrie qui caractérise les Sudètes et la Forêt de Bohême : les monts des Mines et les monts de Mora- vie n'ont guère de commun que leur direction normale de nord- est en sud-ouest. Les monts de Moravie, qui séparent cependant les deux grands bassins de l'Elbe et du Danube, méritent à peine le nom de montagnes; en effet, la chaîne continue qui sur la plupart des cartes relie les Sudètes du pays de Glatz à Textré-

I I)B9 *TSTfi BB L'bIIHOPE CEWTSAtK.

mile méridionale de la Forêt de Bohême est imaginaire; ce qui (•liste en réalité dans cette direction, c'est une succession de pla- Uaux superpasés les uns aux autres, qui atteignent, il est vrai, la hauteur abtîolue de 1,!00 mètres, mais s'élèvent par gradations M lentes, qn'ils se conrondent avec le pays environnant. Aussi la limite de la Bolifme a-l-elle été de tout temps moins nettement accentuée de ce côté que des trois autres, et la Moravie est-elle physiquement, ellmographiqueraent et politiquement son an- nexe naturelle. Les monts des Mines au contraire, quoique moins importants au point de vue hydrographique, car ils ne s'interposent qu'entre deiLx groupes d'affluents de l'Elbe, sont une vraie chaîne, qui s'étend sur une longueur de 140 kilomè- tres depuis la Suisse saxonne jusque vers les sources de l'Eger. Leurs pentes, disposées dans un sens opptisé ù celui que nous avons signalé pour les Sudètes et la Forêt de Bohême, s'abats- sent lentement, en plateaux, vers le nord, et tombent brusque- ment au sud, avec des défilés étroits, dont ceux de Peterswalde et de Kulm, dans le voisinage de l'Elbe, sont redevables aux événe- ments militaires de 1813 d'une fâcheuse notoriété. Leur hauteur moyenne peut être évaluée à 800 mètres ; leur sommet le plus considérable, le Keilberg au nord de Carlsbad, s'élève à 1,250 mètres. Les monts des Mines, comme leur nom l'indique sufli- samroent, sont riches en miuerais; on les exploite à la fois sur les pentes bohémiennes, Joacbimsthal au pied du Keilberg a donné lieu i l'appellation de tkaler pour l'écu allemand, et sur les pentes saxonnes, les puits de Freiberg datent du douzième siècle, ceux d'Annaberg et de Schnéeberg du quinzième. .\u moyeu Age, leurs mines d'argent passaient pour les plus riches de l'Europe ; bien qu'elles n'aient plus aujourd'hui qu'une Hmkur fort secondaire, la Saxe royale a encore une administra- Bnu minière considérable et son académie des mines de Freî- Hpu^ continue it occuper une place honorable parmi les institu- tions de ce gem-e. A une époque plus récente, la nature rude et peu fertile du versant saxon y a motivé d'autre part le dévelop- pement de nombreuses industries : dans toutes les vallées on ^^nse, on fuit de la dentelle ou de l'horlogerie, on travaille la J

B8 niSTOIRB DE LA FORMATION TERRITORIALE

paille OU le bois, et les produits manufacturés sont centralisés dans les villes voisines de Freiberg, de Ghemnitz, de Zwickau, de Plauen; mais aussi, comme dans les monts des Géants, la progression effrayante des populations ouvrières a engendré une affreuse misère. Au pied bohémien de la chaîne au contraire s'étendent des terrains volcaniques d'une remarquable fertilité. On y rencontre les sources chaudes deTeplitz et de Carlsbad, et, dans le voisinage de la première de ces deux villes, le curieux Mittelgebirg bohémien qui, sur les deux rives de l'Elbe, étale une quantité innombrable de cônes basaltiques. Il y en a de petits qui ne s'élèvent que de quelques mètres au-dessus du sol ; il y en a de grands, comme le Donnersberg qui mesure 850 mè- tres ; beaucoup d'entre eux portent, comme ceux de nos monts d'Auvergne, des ruines de ch&teaux, des chapelles ou de simples croix.

A côté de ce Mittelgebirg bohémien, qui accompagne au sud Textrémité orientale des monts des Mines, on pourrait citer bien d'autres chaînes et chaînons qui sont répandus sur la Bo- hème entière et la décomposent en un grand nombre de ter- rasses particulières ; mais leur peu d'importance orograpbique nous dispense de nous y arrêter. Nous quittons donc le groupe bohémien pour passer aux chaînes hercyniennes plus occiden- tales, et rencontrons tout d'abord, en face de l'angle nord-ouest de la Bohême, un petit massif schisteux à cimes de granit, de nature pauvre, d'étendue restreinte et de hauteur médiocre, mais auquel sa position centrale, au milieu des systèmes de montagnes et des bassins fluviaux de l'Allemagne, prête un intérêt particulier. En effet, les monts des Pins ou Fichtelge- birg, dont le sommet le plus élevé, le Schnéeberg, ne dépasse pas 1,050 mètres, partagent leurs eaux entre les trois grands fleuves allemands, en donnant naissance, sur leurs pentes forte- ment boisées, d'une part, à l'Eger et à la Saale thuringienne, qui grossissent l'Elbe, d'autre part au Mein, qui est le plus grand affluent du Rhin, et, en troisième lieu, à la Naab, qui va rejoindre le Danube; et, d'un autre côté, ils représentent, sinon le nœud central, du moins le point de contact des grands groupes

DES ÉTATS DE L*EUBOPE CENTRALE. 89

orographiques de rAlIemagne moyenne. Les plateaux qui , à Test, les relient à la fois aux monts des Mines et à la Forêt de Bohême, en font Tamorce du quadrilatère bohémien, lequel fait suite lui-même au système des Karpathes ; et comme d'autres plateaux les rattachent, à louest, à la Forêt de Thuringe, qui continue la direction normale de la Forêt de Bohême, et au Jura franconien, qui reproduit, moins exactement il est vrai, celle des monts des Mines, ils sont en même temps, grâce à ces deux chaînes, le point de départ commun de tous les massifs de rAl- Iemagne centrale et de TAIIemagne méridionale, voire de ceux de l'Allemagne occidentale. Les monts des Pins fournissent, par suite , un repère fort commode pour coordonner les différents éléments du relief de la zone moyenne de l'Europe centrale ; à leur extrémité orientale, nous avons marqué la terminaison des montagnes bohémiennes et hongroises; à leur extrémité occi- dentale, nous allons commencer, par la Forêt de Thuringe, l'étude des montagnes allemandes, qui, après de lointains dé- tours, finira par nous y ramener le long du Jura franconien.

La Forêt de Thuringe ou Thuringerwald, qui, au delà des monts des Pins, reprend la direction sud-est à nord-ouest de la Forêt de Bohême, sépare le domaine hydrographique de l'Elbe de ceux du Rhin et du Weser. Elle débute comme plateau plu- tôt que comme chaîne ; car son extrémité orientale, qu'on ap- pelle aussi la Forêt de Franconie ou Frankenwald, ne s'élève nulle part à 700 mètres, et atteint, par contre, une largeur de 60 kilomètres. Toute cette première partie, dont les ondulations boisées sont entrecoupées de prairies et de champs, est médiocre- ment pittoresque, peu riche et assez industrieuse ; on y travaille principalement le bois, et Sonneberg, au nord-est de Gobourg, a un certain renom comme lieu de fabrication de jouets d'en- fants à bon marché. A mesure cependant qu'on avance vers le couchant, la structure du massif, sa physionomie aussi, se mo- difient; il devient plus libre, plus élevé, plus beau, et en même temps plus étroit ; les cimes culminantes du Beerberg et de l'In- selberg atteignent ou- approchent l'altitude de 1 ,000 mètres ; mais , par compensation , la largeur de la chaîne descend k

90 BISTOnC DE LA FO1XAT10S TOtlITOlULE

12 OU 13 kilomètres. La Forèl de Thuriiige proprement dite, avec ses cimes boisées, qui parfois s'élè%ent en pointes hardies couronnées de vieux châteaux, et pfais souvent s'arrondissent mollement en croupes hanncmieuses , est un vrai isthme de montagnes, qui s*interpose entre les deux terrasses, franco- nienne et thuringienne, en offrant en maint endroit des points de vue charmants , tant sur la chaîne elle-même que sur les champs cultivés, les prairies et les forêts qui en accompagnent les deux pentes. Cet isthme de montagnes a été de tout temps la ligne de démarcation naturelle entre TAllemagne septentrionale e tl'Âllemagne méridionale, entre les Thuringiens et les Fran- coniens, et le vieux chemin qui en suit le faite depuis une époque inunémoriale s*q>pelle le Betmstieg ou Rennweg^ c'est- à-dire le chemin de la frontière; mais l'obstacle qu'il oppose aux C(»nmunications n'est pas considérable, à son extrémité nord- ouest surtout, du côté d'Eisenach, où, depuis le moyen flge, passe la grande voie militaire et commerciale qui relie Franc- fort-sur-le-Mein à Leipzig et les contrées du moyen Rhin à celles de la moyenne Elbe. Le pays de terrasses thuringien qui s'y adosse au nord est un des plus beaux cantons de l'Allemagne, un des plus riches aussi en souvenirs poétiques ; Weimar , qui en occupe à peu près le centre, a été un siège privilégié des muses; à la Wartbourg, au-dessus d'Eisenach, qui est, comme son nom l'indique , l'observatoire placé sur les confins de la Thuringe et de la Hesse, ont chanté les Minnesbiger^ ont résidé sainte Eli- sabeth et Luther ; entre Eisenach et Gotha, le Haersellochj ou caverne de la Hoersel, rappelle la l^ende de dame Vénus et du chevalier Tannhaeuser; dans sa partie septentrionale enfin, s'élève, au-dessus de la prairie dorée ou plaine de la Helme, le groupe isolé du Kyfhaeuser, où, depuis des siècles, Frédéric Barberousse attend l'heure de la résurrection.

Tout à i'entour de la Forêt de Thuringe occidentale se grou- pent, en vaste demi-cercle, un grand nombre de chaînes et de massifs qui, sans en dépendre orographiquement, lui font suite dans les trois directions du sud-ouest, de l'ouest et du nord- ouest. Les montagnes de la Hesse électorale, qui s'étendent

NSS tÏTATS DE L'etIROPe CRHTaALE. SI

IHt à l'ouest en se superposant ù clos plateaux du ISO à 300 mè-

^ d'altitude, ont le moins d'importance. Leur :iumiiiet le plus

i-\e\é est le Hohc-Meist-ner, qui atteint 750 mètres, et dont la

lignite, recouverte de basalte, est de tous eûtes attaquée par les

luinett; une cime pins connue est le Carlsberp, près de Cassel,

qui n'a que ^23 mètres, mais que son château de W'illielmshœhe,

se« juu\ d'eau, son admirable parc, prix du sanj^ de uiiltiers de

Hf^-iois vendus à l'étranger, dasseni parmi les pins belles ii!'si-

deiiccs priucières. La région entière est médiocrement fertile,

mais riche en forints, de chênes surtout. Elle est habitée par une

race dure au travail, remarquable par la pureté de son sang;

tar les Uessois sont les descendants non mélangés des nnriens

Cultes, que n'ont pn entamer ni la conquête romaine, ui Timmi-

tiralion slave. Aussi ont-ils gardé les cheveux blonds, les yeux

bleus et la force musculaire des Germains de l'époque barbare;

le paganisme germanique u laissé chez eux des vestiges nnm-

bniuï, et rua vante leur fidélité et leur courage, leur rudesse et

liiir frugalité antiques.

Un second groupe, celui-ci au sud-ouest de la Forêt de Tliu-

ringe, est furmé par les montagnes, en grande partie volcani-

ijtiej, de la biisse Frunconie, dont les trois massifs, Uhoen,

^[i-ssart et Odenwuld, se suivent des deux côtés du Mein moyen

» inférieur, en Uavière et dans la Hesse graud-ducaie. Le plus

>cplentrionaI des trois, la Rhoen ou llaute-Hhoeu, qui culmine

iJ 950 mètres, est tout le contraire de l'aimalile Forêt de Thu-

nnge. C'est un dos de pays ou, désert, marécageux, fort peu

|('-'Uplé, quoique couvert de ruines du moyen Age, el au pied raé-

ridjonol duquel jaillissent les sources minérales de Kissingen, la

\ille de la Saalc franconienne. U ne se civilise un peu plus que

dans sa partie occidentale, la Rhoen antérieure et le Vogelsge-

hii^, u(i s'élèvent des cônes volcaniques aussi nombreux que

ceux du Mittelgebirg bohémien, et se trouve accumulée, dit-

■II, la masse de basaltela plus considérable de la terre. Le Spes-

ri, c'est-à-dire la forêt de lépervier, qui, dans l'intérieur du

md coude du Mein, continue la Haute-Hhoeu, n'est pas beau-

iiip plus hospitalier qu'elle. Il est moins élevé, car ses cimes dé-

92 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

passent à peine les 600 ou 700 mètres de sa hauteur moyenne ; mais, par contre, il est tout couvert d'épaisses forêts de chênes et de sapins, qui, il y a un siècle encore, passaient pour des re- paires de brigands. Le chemin de fer d'AschaSenbourg à Wurz- bourg qui le traverse aujourd'hui Ta rendu plus accessible, mais le paysage et la population y sont restés ce qu'ils étaient aupara- vant : Tun tristement pittoresque, l'autre pauvre et misérable. Quant à l'Odenwald , qui termine le groupe en s'étendant du bas Mein au bas Neckar, parallèlement au Rhin, mais à une certaine distance du fleuve, il a, en moyenne, de 400 à SOO mètres, avec des cimes de 700 à 800, dont la plus connue est le Melibocus. Beaucoup plus riche, plus gai, plus peuplé que les deux massifs précédents, il marque la transition vers la Forêt Noire, qui, plus au sud, en continue la direction. Avant l'époque des chemins de fer, la Bergstrasse ou route de la montagne, qui le côtoie entre Darmstadt et Heidelberg, était renommée parmi les touristes; dans des temps bien plus reculés, la tradition populaire y avait placé le lieu de l'assassinat de Siegfried , le principal héros de l'épopée germanique.

Enfin au nord-ouest de la Forêt de Thuringe s'élèvent, à droite et à gauche du moyen Weser, les chaînes de montagnes les plus septentrionales du système hercynien, que la montueuse Alle- magne centrale projette en guise de promontoires dans la basse plaine du nord. Elles s'y engagent en lignes à peu près paral- lèles, dans la direction normale du sud-est au nord-ouest. La plus orientale est le Harz qui, au nord de la terrasse thuringienne, court de Mansfeld à Goslar ; à l'ouest, la Forêt de Teutobourg ou Teutoburgerwald se rattache par l'Eggegebirg aux montagnes de la Hesse électorale et se continue jusqu'au sud d'Osnabruck; entre les deux, mais plus rapprochés de la Forêt de Teutobourg, les monts du Weser, qui se relient également aux montagnes hessoises par les plateaux du Sollingerwald, longent le fleuve qui leur donne leur nom jusqu'à la rupture par laquelle, près de Minden, il s'introduit dans la dépression septentrionale, puis, obliquant à l'ouest, ils vont expirer doucement au nord delà même ville d'Osnabruck, Des trois chaînes, le Harz, dont le nom est

bSS ÉTATS be L'EUaOFE CBtIfllALe. 93

I in|irimti> à celui de l'aucienne forêt hercynienne, est de beau- aiup lii plus importante ; il constitue un massif bien accentué de 11)11 kilomètres de long sur 30 kilomètres de large, qui sur- plombe presque k pic la basse Allemagne, el on parait d'autant ^Hbs haut. Sa base consiste en un plateau de quartz mêlé de ^^■jste et de mica, dont l'altitude moyenne est de 300 mètres ^|ps le Harz inférieur au »ud-est et de 600 dans le Harz supé- 1 Heur au nord-ouest; mais dans l'une et l'autre moitié de la chaîne le quartz est brisé par des formations granitiques, qui dans la première s'élèvent au Ramniberg à 5aO mètres et dans la seconde atteîgrient mémo 1,140 mètres au Brocken ou Blocks- berg. l>tle dernière cime a pendant longtemps usurpii l'hon- neur d'tUre regardée comme le sommet le plus élevé de l'Alle- magne; elle reste à bon droit citée parmi celles qui offrent la vue la plus étendue, car lorsque la pluie ouïe brouillard n'y mettent pas obstacle, on y voit étendue à ses pieds, comme une mer sans fin, la grande plaine dujnord; déplus, le génie de Goethe l'a en- UKiréed'une brillante auréole, en dramatisant dans le Famt l'an- tique superstition, née peut-être des sacrifices païens que les Saïons continuèrent à y célébrer après leur conversion forcée ' [UT Charlemagne, comme quoi chaque année dans la nuit de la Sainlc-Walpurge, entre le 30 avril el le 1" mai, Satan y tient en pcrsoime le sabbat de toutes les sorcières allemandes. Le massif entier abonde à la fi>is en beautés pittoresques el en richesses naturelles; d'une part, ses rimes granitiques semblent apptîler les châteaux-forts el ses vallées profondément encoupées se rttréeiàsonl en gorges sauvages on se profilent en vastes grot- tes dans le flanc de la montagne; d'autre part, ses grandes toièts •il! pins sont e:iptoitées par de nombreux charbonniers, et ses minerais de plomb el d'argent, de fer et de cuivre, qu'on extrait 'k'piiis le onzième siècle, continueul à donner des produits con- •»k-rables : Glausthal et Goslar, au pied occidental du Brocken, "iil enaire des centres miniers importants, après avoir succes- -nfmeiil fourni de maîtres de mines le Mexique, le Pérou et les

rittOurals. Les deux autres chaînes, monts du \^'cserelForôl

1'? Teutobourg, ont une longueur supérieure à celle du Harz,

■kabi

mais une élévation beaucoup moiiidre. Comme elles s'arrête en deçà de l'aUilude de 300 mètres, on pourrait les qualifier ( collines aussi bien que de montagnes ; néanmoins, a cause de | dépression extrême de la plaine environnante, elles font un efl assez imposant quand on les aborde par le nord ou par Voue* Leurs admirables forêts de Mtres, leurs riantes vallées, leursem de Pyrmont, de Driburg, de Lippspringe y attirent rlinque ann de nombreux visiteurs ; autrefois elles ont été un des principal Ihéftires des luttes séculaires des Romains et des fiermains, < Francs et des Saxons ; pour ne rappeler que deux souvenirs, c'a dans la Forèl de Teulobourg qu'eut lieu, près de Dctinold, lad faite de Varus, et le Sunlel au nord de Hameln, Wittikis battit les lieutenants de Charlemagne, appartient aux monta du Weser.

Les trois groupes de montagnes qui, au nord-ouest, à l'ouest nu sud-ouest de la Forêt de Thuringe, se suivent depuis Goslai'l Osnabruck jusqu'à Kissingen et Heidelberg, aboutissent tous II tn lis du côté du couchant à une seule et m'orne formation orogi phîquc, de vaste étendue mais de médiocre hauteur, dont les ]d teaux et les massifs, uniformément composés de couches schiste ses, couvrent une partie notable de l'Allemagne occidentale pénètrent même dans les contrées voisines de la Belgique et de France. Le grmtpe des montagnes schisieusfs rhénanes c'i ainsi qu'on l'appelle peut, pourla con0guration, êtrecompi & un papillon aux ailes déployées, dont le corps serait superposa la section du cours du Rhin comprise entre Bonn et Bingen; i relief présente un ensemble de plateaux onduJeux d'une altHi moyennedeSOO mètres, au-dessus desquels les cimes des ehato s'élèvent de 200 ou 300 mètres plus haut. II est généralement p forliie, et contient de nombreuses landes et des tourbières élfl dues qui alternent a\ ec des forêts et de maigres champs de i d'avoine; mais ses trésors souterrains sont considérables; 1 mineraisdefer et les dépôts de houille des vallées de la Ruhr,^ la Sarre, de la Meuse, de la Vesdre et de la Sambro ont si gulièrement facilité l'essor industriel de la Prusse rhénane de la Belgique, et les sources thermales ou minérales d'v\ix-l

IWS ÉTATS »F l'HUltOPE CEMTHAtfl. 93

lelle, de Spa, de Krcuznach, de Wieshade, de Hombourg, lêLangeasch walhach et d'Ems sont des lieux de réunion euro- péens. Quant à la physionomie particulière des nombreux mas- sifs qu'on y distingue, elle ne mérite guère qu'on s'y arrête, au moins pour la plupart d'entre eux. Dans l'aile orientale, que for- ment les montagnes westphaliennes, il suffira de nommer les rhalnes les plus connues, le Haar ou Haarstrang entre In Lippe rt la Ruhr, le Sauerland et le Rolhhaar entre la Ruhr et la Sieg, rtle^^'estenftald entre laSieg etlnLahn. L'aile oecidenlale, qui accompagne la Meuse, est assez triste et insignifiante aussi, sur- lout au nord dans la Hohe-Venn, dont le nom est emprunté à ses lonrbières; les Ardennes, qui lui font suite au sud, sont plus acci- Henlées et surtout plus boisées, quoiqu'on ait fort, éclairci depuis lonfîleraps les épaisses forAts qui autrefois leur avaient valu le nnmdf* Fnr^t Charbonnière. L'intérêt principal cependant se con- cenlre sur les deux couples de chaînes accolées au Rhin, le Sie- heiigebirg et l'Eifel, le Taunus et le Hundsruck. dont les deux premières se font vis-à-vis, de la droite à la gauche du fictive, entre Bonn et Coblence, tandis que les deux autres répètent le mfrac parallélisme un peu plus haut, entre Coblence et Mayence. Dans celles-là, les hardies formes volcaniques du basalte inler- mmpent la monotonie de la formation schisteuse : le Siebenge- hii^ élève droit au-dessus du Rhin de charmantes coupoles basal- fKjiiPS, dont la plus imposante est le Drachenfels, Siegfried tua le dragon préposé à la garde du trésor des Sibelungen, et l'Eifel, à cAté de ses innombrables cônes de même origine, a des fleu- ves de lave parfaitement conservés et des cratères, grands et pelibi, que l'irruption de l'eau a changés en lacs et en étangs. Dnns celles-ci, c'est le quartz qui a brisé l'ardoise et donné au paysage une variété plus grande : le Hundsruck {dont le nom doit se traduire par dos élevé et non par dos du chien, comme on serait tenté de le faire) s'élève ii 800 mttrcs; le Taunus contient, dans te Grand-FHdberg qui atteint l'altitude de 8S0 mètres, la cime la plus élevée du groupe entier, et les forêts presque conti- nues qui cou*rent ses flancs ont fait dii Nassau le pays le plus é de l'AUemagne.

96 HISTOIRE DE LA f'ÛRMAÏlON TfillRlTÔRl.\L8

Un parallélisme plus remarquable encore que celui que noas venons de constater entre les chaînes rhénanes du groupe schis- teux, caractérise, à une étape supérieure du fleuve, le groupe beaucoup plus important du haut Rhin qui, à l'autre extrémité du système hercynien, s'élève de nouveau à des altitudes presque aussi considérables que celles du quadrilatère bohémien. Les deux chaînes qui le constituent, la Forêt Noire ou Schwarrwaldet les Vosges, sont en effet complètement symétriques comme di- rection normale, comme structure d'ensemble et comme forma- tion géologique ; bien plus, elles se ressemblent singulièrement jusque dans les derniers détails de leur nature intime. Parallèles entre elles et avec le fleuve qu'elles accompagnent k Test et à l'ouest, elles se développent l'une et l'autre dans le sens du méri- dien ; l'une et l'autre consistent en gneiss et en granit, entremê- lés de porphyres et de grès. Toutes les deux ont leur masse la plus grande et leurs cimes les plus hautes dans leur partie méri- dionale, qui est plus rapprochée des Alpes, et diminuent en lar- geur et en hauteur à mesure qu'elles s'en éloignent ; toutes les deux dirigent leur pente brusque vers la large vallée du Rhin, au milieu de laquelle surgit, à la hauteur des deux Brisach, l'tlot basaltique du Kaiscrstuhl, absolument étranger à Tune et à Tautre, et descendent lentement du côté opposé, le Neckaret la Moselle arrosent le plateau du Wurtemberg et celui de la Lo^ raine. Elles ont l'une et l'autre des cimes arrondies en ballons, àes crêtes nues ou chargées de buissons, des pentes couvertes par le haut de magnifiques forêts et plus bas d'abondants vi- gnobles, des vallées à la fois pittoresques et fertiles, jaillissent des sources minérales ou thermales, que dominent de vieux cb&- teaux aux murs chargés de lierre, et à l'entrée desquelles se pressent les jolis villages et les petites villes prospères. Toutes les deux enfin sont habitées par une population aussi industrieuse qu'intelligente : la Forêt Noire a de vieille date son horlogerie, SCS chapeaux de paille et surtout le flottage de ses énormes sapins, qui, transportés jusqu'au Rhin par les eaux de la mon- tagne, vont ensuite en grands radeaux gagner les ports de la Hollande ; dans les vallées des Vosges s'est établie la grande in-

DBS iTÂTS DE! l'sCBOPB CBKTRALE.

duslrie moderne, qu'y a prirailivemcnl attirée la force motrice i"!" rivières, mais dont les puissantes manufactures travaillent JHnird'hiii en grande partie à la vapeur. En un mot, la Forêt 1 ire et les Vosges ne sont au fond que les deux moitiés d'un seul ftinèmo massif, que les révolutions du globe ont fendu selon l|axe de longueur; également belles, également civilisées, les X chaliieâ steurs sont le digne encadrement de la riche plaine, bise et alsacienne, qui, des deux côtés du Rhin, les unit plus 1 ne les sépare, et elles forment avec elle, dans l'Europe aie montueuse, un des cantons les plus attrayants, sinon le jilns charmant de tous.

IjC sommet le plus élevé de la Forêt Noire et du groupe entier e4 le Feldberg, qui s'élève au sud du fameux Val-d'Enfer, par iHpjel passe la route qui de Fribourg en Brisgau mène aux sources du Danube; son altitude de 1,495 mètres lui assigne son rang, parmi les cimes hercyniennes, immédiatement après la Riesenkoppe des monts des Géants, la plus considérable de toutes. Le Ballon de Soulta ou de Guebwiller, qui lui fait pen- idant dans les Vosges méridionales, à l'est des sources de la .Mrtselle, s'arrf'te à 1,426 mètres. Mais si la chaîne orientale cul- mine un peu plus haut que sa voisine, elle a une moindre esten- ^Mn lon^tudinale;au nord, en effet, elle nes'étend guère au delà ^Bt la vallée enchanteresse de Dade où, au milieu des forêts et ^Bi prairies, des rochers et des cascades, s'étalent toutes les sé- ^^pcUons d'une civilisation rafûnée, et à partir de la Murg elle ne ^Bcontinue plus, dans la direction du Neckar et de t'Odenwald, ^^le par un dos de pays de moins de 400 mètres d'altitude. Les Romains déjà avaient reconnu en cet endroit la communication naturelle entre la vallée du Rhin et le plateau souabe, et y pla- ^^)tct)t leurs portes hercynieimes, dont le nom s'est conservé dans ^HfeiîdelapetilevilledePforzheim; de nosjoursony afaitpa^ser ^H^jnnde voie ferrée de Paris à Vienne. Les Vosges, au contraire, ^^nmi en diminuant elles aussi en hauteur vers le nord, se main- iipnnenl beaucoup plus longtemps à l'état de véritable chaîne et ift continuent presque sans interruption jusque dans le voisinage D Bundsrui'k ; car \n Hardt du Palatînat en est le prolongement

08 IIlSTOlRt: DE LV FORMATION TKRRITORULB

direct, et elle n'est elle-même séparée du Donnersberg ou monl Tonnerre, qui déjà correspond à TOdenwald sur l'autre rive du Rhin, que par une étroite dépression, des deux côtés de laquelle on rencontre des altitudes de 700 mètres. Aussi de ce côté du fleuve le passage de Saverne, qui fait suite à celui de Pforz- Jicim, a-t-il bien plus les caractères d'un col de montagnes, ^ il a fallu un double tunnel fort considérable pour faire frandiir le massif vosgien tant au chemin de fer de Paris à Strasbourg qu'au canal de la Marne au Rhin.

Le groupe orographique du haut Rhin est le dernier des groupes hercyniens proprement dits. La grande chaîne longitudinale du Jura, qui se déroule au sud et à l'est des Vosges et de la Forêt Noire, se rattache il est vrai intimement au système hercynien, dans sa moitié orientale du moins, le Jura allemand, qui met eu communication directe la Forêt Noire méridionale et le massif des monts des Pins ; mais le Jura allemand ne saurait être séparé du Jura franco-helvétique, dont il reproduit exactement la direction normale et la conformation géologique, et la chaîne prise daus son ensemble a à la fois un développement assez vaste et une nature assez originale pour qu'on ne doive pas hésiter à en faire un système particulier. Le Jura se prolonge en effet sur une étendue de 700 kilomètres environ dans une seule et même direction sud-ouest en nord-est, qui de la hauteur du mont Kanc le mène dans le voisinage du quadrilatère bohémien ; sur tout son parcours il forme, au nord du plateau antérieur des Alpes, une seule et même masse neptunienne, calcaire, abondent les pétrifications et les grottes naturelles ; d'un bout à l'autre, il ost plus ou moins triste et nu, pauvre en eau et médiocrement fertile. Gomme la Forêt Noire et les Vosges, il a son maximum d'élévation au sud : les cimes françaises ou suisses du Crêt de la neige, du Rcculet et de la Dôle dépassent ou approchent l'altitude de 1 ,700 mètres; les sommets les plus élevés du Jura allemand atteignent à peine un millier de mètres. Le Jura helvétique dé- bute en France comme une série de lignes parallèles, aux forma- tions abruptes et heurtées, que divisent des vallées longitudi- nales, qno rf'liont dos verrons transversaux, et dont l'ensemble.

i tiK LKUhOPB C£HTftAJ.E. (K)

Jiiiic largeur de ,60 kilomètres environ, si^pare !a valléu du ilhtiiiode celle de l'Ain. li devient un peu plus étroit, mais garde u i[i<^iuo n»(ure entre \es badins du Doubs et de l'Aar, sa ligne de fiiile marque la frontière politique entre la France et ta ï^uisse; c'est dans cette section que se trouvent sur le versant friftiilol, ma altitudes cunsidérables de 900 et de 1 ,000 niMres, li\- grands centres industriels du Locle et de La-Chaus-de-Fonds l'Iiisloin encore, il se bifurque; la branche occidentale se dirige *fr> les Vosges, mais laisse subsisler entre elle et la clialne *i>^ienne la trouée de Béfort, large voie de communication na- turelle ]jjir laquelle ont été facilement tracés le canal du Hhône nu Khin et le chemin de l'er de Paris à Mulhouse; la branche itrieiilale œurt vers le Riiin, est brisée par lui A SchnfïTiouse, à Zuruch, à Laufenhourg, à Rheînfelden, côtoie la Forêt Noire aux environs des sources du Danube, et s'appelle dts lors le Jura sUeinand. Ccluî-ci, qu'on subdiviseenJurasouaheouRauhe-A!p intre le Danube et le Neckar, et en Jura fruiRuiiien entre le ttfliiube et le MeJn, a une pente peu accentuée vers le plateau 'i^nubien, une chute plus rapide vers les deai affluents du Rhin ; ii'ins élevé que le Jura lielvêtique, il est beaucoup moins pitto- c:(juc cnctire que lui ; cependant les pentes septentrionales pré- •l'iilcnl quelques jolies vallées et on parle même d'une Suisse friuicoriienne entre Erlangen et Baireuth; quant aux sommets, le priueipa! intérêt qui s'y rattache est celui des souvenirs histo- nijues évoqués par leurs noms : nous n'en citerons que deux, le ilnheiizoUern et le Hohenslaufen, qui tous les deux appartiennent luJurasouabe.

Avec le Jura, dont la section franconienne nous a ramenés au - iiisssif des monts des Pins, nous nous trouvons avoir épuisé la I li'ilfl des chaînes de montagnes secondaires de l'Europe centrale I 'Ifi à uu titre quelconque méritent de fixer l'attention . L'examen \ •iicccssif de leurs gnnipes nous a permis, non-seulement d'es- ! quisser le relief de la zone moyenne de l'Europe du centre, maïs j «issi de caractériser la physionomie d'un certain nombre àss fOBlrées qu'elle renferme; l'étude des fleuves allemands nous ' 'îiiinera bientôt l'f'yaiion de compléter rf^ vues ^ur Ips asp'^cts

100 FORMATION TERRITORIALE DES ÉTATS DE l'eUROPë CENTRALE.

divers de la région montueuse qui, depuis le plateau transylvain jusqu'aux chaînes rhénanes, s'étend au nord et au nord-est du massif alpestre ; mais auparavant il nous faut jeter un coup d'œil sur la troisième et dernière des zones entre lesquelles se partage l'Europe centrale, fixer la nature générale et les particu- larités les plus saillantes de la grande dépression qui la termine au nord, et achever par les rives basses de la Baltique et de la mer du Nord la description de ses formes plastiques que nous avons commencée par les hauts sommets des Alpes : ce sera le sujet du chapitre suivant.

CHAPITRE IV

La grande plaine de la basse Allemagne et les côtes

de TEurope centrale.

Tandis qu'à la partie méridionale de TEurope du centre cor- respond le vaste massif des Alpes et que sa région moyenne est parcourue par une multitude de chaînes et de massifs secon- daires, sa zone septentrionale ne forme qu'une seule et même dépression le long des deux mers intérieures qui la séparent de l'Europe du nord. Cette grande plaine de la basse Allemagne n'a pas de limites naturelles dans le sens de la longueur, car à l'est elle se perd dans la plaine russe et elle se soude à l'ouest à la dépression océanique de la France ; mais en l'arrêtant aux frontières politiques des deux régions voisines, France et Russie, on peut lui attribuer un développement longitudinal de 1,300 kilomètres environ. Quant à sa largeur, elle est extrêmement variable, selon que les montagnes qui la bordent au sud se rapprochent plus ou moins des mers septentrionales ; normale- nient elle devient plus étroite à mesure qu'on avance du levant vers le couchant, et tandis que la distance de la Baltique aux Karpathes et aux Sudètes est de 600 et de 450 kilomètres, les ïïionts du Weser et les Ardennes ne sont qu'à 150 kilomètres de 'amer du Nord; mais les avances et les retraits des massifs alle- mands motivent de nombreuses exceptions à la règle générale : 'fis deux grands golfes de plaine de la Westphalie et du bas fttin par exemple, qui s'intercalent entre les monts du Weser et '^ Ardennes, lui donnent de nouveau une largeur de près de ^OO kilomètres. Dans toute son étendue, la dépression de l'AUe- '^^^gne du nord représente un ancien fond de mer, prédomi-

i02 UISTOIRK DE LA FORMATION TERRlTORlALï:

nent, disposés en profondes couches horizontales, le sable, le gravier, Targile et la marne, mais Ton rencontre aussi de fertiles couches d'humus; les plaines sablonneuses, les landes, les marais, les tourbières y abondent, entremêlés , surtout au pied des montagnes méridionales et le long des fleuves, de richci terres de culture qu'on appelle des Marschen ; de nombreux blocs erratiques, utilisés dès les temps païens pour des autels et des tombeaux, y ont été transportés depuis la Scandinavie aux époques antérieures du globe. Son relief total a naturellement un caractère extrêmement uniforme et monotone; elle n'est pas. il est vrai, absolument horizontale et renferme des collines et des plateaux qui s'élèvent exceptionnellement jusqu'au delà de 300 mètres ; mais ces ondulations du terrain sont de trop peu d'im- poilance pour en accidenter l'aspect d'une façon notable, tout comme elles n'ont pu exercer aucune influence sérieuse sur le climat, la culture et la civilisation de la région.

La grande plaine de la basse Allemagne peut se diviser, au point de vue à la fois de la géographie physique et de l'histoire, en trois sections , auxquelles les vallées de l'Elbe et du Rhin servent de lignes de démari^tion plus ou moins exactes. A l'orient s'étend la plaine wendc , qui au moyen âge était ha- bitée exclusivement par la race slave, mais dont une bonne partie a été occupée depuis lors par des envahisseurs germa- niques ; au centre, la plaine saxonne, ou pour mieux dire la plaine de la basse Saxe, appartient sans partage à la race tu- desque; à l'occident enfin, la plaine des Pays-Bas, que dès les temps les plus reculés se disputaient les Gaulois et les Germains, reste partagée entre leurs descendants respectifs.

La plaine orientale ou wende , la plus considérable des trois^ comme superficie, a aussi les formes plastiques les plus variées; elle est parcourue en effet par une double série de hauteurs, qni^ partant de l'Oural méridional et de l'Oural moyen, sont brisées^ partons les fleuves de l'Europe orientale plane, se rapprochent à mesure qu'elles avancent vers l'ouest, et finissent par former un angle aigu à la hauteur de la basse Elbe. Ce sont au sud le* hauteurs ouralo-karpathiennes qui viennent des steppes de la

DES RTATS de L'RFBOPB CENTRALli. |

iieméridiuliale et courent parai lèlenieiit à la dîagouale eui pèeone; nu nord, les hauteurs ouralo-battiijues qui font suite au [riateau du Waldaï et accompagnent à distance la Baltique. Les |ireraièrrs longent d'abord l'Oder, puis gagnent l'Elbe, dont elles ■uivmt In rive gauche jusque dans le voisinage de la mer du N'jfd; leur plus grande él^\alion allomaiide est dans la haute uîik'S hauteurs de Tarnonitz, au sud-est d'Oppeln, attei- itl'altitadedeS.tO mètres; plusluin les coltines k vignobles Irunbei^ sur la raojenne Oder elle Flaeraing sur la rive iltede l'Elbe s'arrf lent îi 2âS mètres; leur extrémité occiden- lale, la lande de Lunebourg sur la rive gauche de l'Elbe, n'a plus p'uHC (Tulaine de mètres. Les autres, qui convergent avec elles k- Taçon à ne plus en être séparées du côlé de Lunebourg que l>-ir In vallée de l'Elbe, ont leur plus grande élévation dans les t'iiMruus de Danzick, le Thurraberg, qui mesure 330 mètres, rapiM.'Ue les vraies montagnes par sa structure pittoresque ; leur , liHutfflir moyenne est de 200 à 100 mètres; l'embranchement qu'elles poussent au nord dans la presqu'île cimbrique a, dans le Himmelhjerget jutlandais, une cime de 172 mètres. D'un buul à l'autre de la seconde des deux chaînes, mais principale- ment dans la Prusse orientale et dans le Mccklerabourg, on rencontre, tant sur les hauteurs elles-mêmes qu'à leur pied, une ïRnde abondance de lacs, de dimensions plus ou moins consi- Jérables et en groupes plus ou moins nombreux. Ils sont en îWral peu profonds et fort inférieurs aux lacs subalpins '■'^lume beauté et comme pureté des eaux; néanmoins ceux du HolsleiL oriental, le lac de Ploen par exemple, ne manquent i^îs de pittoresque ; quelques-uns aussi , dont les entonnoirs ^ liïraissenl être le résultat d'éboulemenls à l'intérieur, ont une 'Wtv plus coniiidérahle, au fond de laquelle on a retrouvé des >'^liges de forêts et de tourbières englouties ; tel est le cas no- Uminent du lac de Segeberg, qui appartient au même groupe Msleinois. Si la formation de lacs de l'jVllemagno septen- 'fionale se concentre plus spécialement sur le parcours des liïuleurs ouralo-baltiques , la plaine vende entière abonde en marécages, principalement dans le voisinage des rivières, si

i04 HISTOIRE LA FORMATION TERRITORIALE

bien qu'en maint endroit toutes les communications ont lieu par eau, à l'époque des crues du moins ; l'exemple le plus curieux et le plus connu de cette nature hybride du sol est fourni par le Spréewald, entre Cottbus et Berlin, la Sprée, qui n'a presque pas de chute, se partage en mille canaux, et c'est en barque que le paysan va travailler aux champs. La canalisation a changé certains de ces marécages en champs fertiles et en riches prai- ries; d'autre part, la terre argileuse et l'humus fluvial de l'Uckermark, du Mecklembourg et du Holstein favorisent l'é- lève d'un bétail renommé; en général, cependant, la plaine ^ende est beaucoup trop sablonneuse pour être grandement fertile. Par contre, elle a sur la plaine saxonne l'avantage d'a- voir partout de l'eau potable, et ses collines de sable portent les vignobles les plus septentrionaux du monde ; on a abandonné la culture de la vigne à Thorn et à Marienwerder , mais elle subsiste dans les environs de Potsdam et de Brandebourg. La plaine centrale ou saxonne manque absolument de col- lines, mais elle a ses landes élevées, au premier rang desquelles il faut placer la fameuse lande de Lunebourg, qui n'est pas autre chose que le bas plateau expirent, entre la basse Elbe et l'Aller, les hauteurs ouralo-karpathiennes. Quand on vient du sud, elle fait l'effet d'une plaine infinie ; du côté du nord, au contraire, comme elle s'élève de plus de 100 mètres au-dessus du niveau la mer que dépasse à peine celui de la région cô- tière, elle a une certaine apparence montueuse. Elle est complè- tement sablonneuse, mais nulle part le sable n'y est à nu ; il se cache sous des forêts et des bruyères, ou encore sous de pauvres champs et de maigres prairies, butinent les abeilles et se nourrissent misérablement les moutons de la lande, les l^n- daires haidschnukeriy dont la laine grossière a pu être prise, dit-on, pour du poil de chien. L'autre phénomène caractéris- tiqpie de la plaine saxonne sont ses immenses tourbières, qui couvrent une partie notable du pays compris entre le bas Weser et le Zuiderzée, et dont la plus célèbre est le Bourtanger-Moor sur la frontière du Hanovre et de la Hollande. Elles sont nées de la difficulté de l'écoulement des eaux dans une plaine à peu

I)E9 ÉTATS DE l EtIBOPB CKBTBAtB.

prfe horizontale cl présentent un spectacle unique en son genre ]isr leur extension rmitinue sur des centaines de kilomètres carrés, où, cumme en pleine mer, rten ne vient interrompre lu nÈsularil4 parfaite d'un liorizon circulaire. Pour j gagner des rhamps à la culture, le moyen le plus simple et le plus écono- mique, analogue i celui qu'un emploie dans la forêt vierge, est Je mettre ie feu ; muis alors s'élèvent au-dessus de la tourbière eu combustion des nuages de fumée nauséabonde, qui se pro- piigentau loin en empestant l'air et qui, dans certaines condi- linns atmosphériques, sont capables de cacher le soleil & toute r.Ulemagne septentrionale. A côté des landes et des tourbières, il f H uaturellemeiit aussi dans la section centrale de la basse Alleoiagne des cantons plus favorisés, dont quelques-uns sont h la fois plus fertiles, plus boisés et plus ondulés ; tels sont prin- cipalement les deux grands golfes de Munster et de Cologne. par lesquels la plaine du nord pénètre profondément dnns l'Alle- magne montueuse. Mais, quelle que soit la nature particulière du sol, la physionomie générale de la population n'en est que pt'u affectée ; comme leurs voisuis hessois et frisons, les bas Saxons , dignes héritiers des vaillants adversaires de CLarle- roagne et des francs-juges des tribunaux véluniqucs , ont opi-

rement maintenu leur caractère provincial et résisté de leur ieux aux influences extérieures ; essentiellement conservateurs bues d'un flegme remarquable, ils ont le goût inné du droit,

irit ironique, la veine peu poétique, le tempérament réac- biiaire et particulariste. Leurs villes out presque toutes

iervé un cachet antique, que dans l'Allemagne méridionale k, ne retrouve guère qu'à Nuremberg et à Ratisboune ; mais

t dans les campagnes snriout que les vieilles traditions se bt transmises patriarcitlement de génération en génération. a temps de Tacite, la ferme westphalienne s'élè\e

«au milieu des champs et des prairies qui en dépendent; B passe à un seul des enfants, tantôt ù l'atné, tantôt au plus hne, en vertu du dicton juridique que le paysan n'a qu'un en- glt légitime et que tous les autres sont des bAlards ; néanmoins ^prospérité esl l'unique amliili<ni de la famille entière, et toute

iOO HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

autre considératiou est subordonnée à cet intérêt majeur : on prête bien à un paj^an westphalien, qui sur son lit de mort son- geait à restituer une prairie acquise par un parjure, cette réponse caractéristique aux remontrances de son fils, conune quoi elle était indispensable à la bonne exploitation de la ferme: « Eh bien, garde-la; mon âme immortelle s'en tirera comme elle (( pourrra ! »

La plaine occidentale ou des Pays-Bas est, parmi les trois sections de la basse Allemagne, la moins considérable comme étendue et la moins accidentée comme relief; en revanche, elle est la plus uniformément fertile. Depuis le riche pays de Co- logne et de Juliers, à travers le Brabant et la Flandre, et jus- qu'aux collines de la Picardie, se continue une seule et même plaine, absolument unie, sans ombre d'élévations d'aucune sorte, et qui ne doit quelque variété qu'aux créations de l'homme, villes et villages, bouquets d'arbres et haies, routes et canaux, ces derniers le plus souvent sans écluses sur un sol horizontal; mais ces campagnes monotones sont aussi plan- tureuses que peu poétiques ; elles nourrissent une population extrêmement dense, qui, aux produits de l'agriculture, ajoute de vieille date les bénéfices de l'industrie et du commerce. La Belgique est le pays classique des cités municipales ; sur son sol uni , les champs de bataille sont aussi nombreux que dans la plaine lombarde, a été tracé le premier grand réseau de chemins de fer du continent européen.

En général, l'absence d'obstacles naturels et, par suite, la facilité des communications sont des caractères distinctifs de la grande dépression du nord tout entière , et ils ont exercé une influence notable sur la marche de son histoire. La navigation fluviale n'y est nulle part interrompue par des rapides ; les dif- férents bassins , à peine séparés les uns des autres par des dos de pays imperceptibles, formaient, même avant une canalisa- tion en partie fort ancienne, une chaîne presque non interrom- pue de voies aquatiques depuis l'Escaut jusqu'au Niémen. Delà les grands mouvements d'armées, de populations entières, d'un bout à l'autre de la basse Allemagne; de le flux et le reflux de

Tiiîs Statu t>k l'eviiOpe cfi^thai*. m:

kcoiiquëte âlave et de la conquête germuniqu'^; de siirLoul

'etwnsion progressive de la moaarchie prussienne pendant les

w derniers ^i^cles. Comme cpnt.re et comme point de départ,

Ile a eu le Brandebourg, c'esl-îi-dire une eontréc située presque

milieu de la pbine du nord, entre l'Elbe et l'Oder, et dôpour-

ôgalement de châteaux df montaf^nes et de villes impor-

s; la Pmsse ducale et le pays de Clèves lui ont donné . U y

lu cent cinquante ans, .'lur ic Prégel et sur le Rhin, ses

les extrêmes h l'est et à l'nuest; puis une série non inter-

d'acquisitions a successivement comblé les lacuues

eiilre ces possessions éparses, et a réuni sous le sceptre des

ilohenzoliern à la fois la plaine, tant wende que saxonne, et les

avenue:* de rAllemagiie monlueuse qui débouchent sur la dé-

jirewion septentrionale.

Le talileau que nous venons de tracer de la zone basse de fEiiropc centrale serait incomplet si nous n'y ajoutions une es- \sse des deux mers intérieures qui la baignent au nord, en la :aul de la Scandinavie et de la Grande-Bretagne; mais, avant de parler de leur'configuration géographique, de la na- ture dp leurs eOtes , des traits distinctifs de leur population ma- ritime, autant d'éléments indispensables d'une description rai- inte de la plaine de la basse Allemagne, nous intercalerons quelques mots sur une troisième mer qui, bien qu'elle appar- ine en propre à l'Europe méridionale, n'est pas coropléte- itfttrangère h l'Europe du centre. La mer Adriatique, qui llerpose dans toute sa longueur entre la péninsule des Apen- et celle des Halkbans, pénètre en effet par son e\trémité ^ntiionale jusqu'au pied des Alpes illyriennes, les golfes de Trieslo et de Quartiero découpent la presqu'île rie, et ce fond de mer est comme une région neutre, se intrent la pliiine vénitienne, qui continue la grande dépres- ilalienne du Pô, la formation des Iles dalraates, qui, gèo- liipiement. Fait partie de la péninsule gréco-turque, et les méridionales des Alpes de l'Autriche, que nous pouvons ibuer & l'Europe centrale. Aussi, bien que le pays soit, au tt de VTie etbn(ii;rapliique, slave ou italien, il est, en partie

■hisse

liWparf

i08 niSTOIRB DE LA FORMATION TERRITORIALB

du moins, rattaché politiquement depuis de longs siècles à l monarchie des Habsbourg, dont Trieste est le port de beaucou: le plus important. Cette ville, dont l'excellent port est surplomb par le plateau calcaire de Ta Karst , a pris de nos jours un es sor commercial qui rappelle les beaux temps de Venise : s flotte à vapeur, rivale de celle de Marseille, couvre TÂdriatiqu et la Méditerranée orientale, et pénètre, par le canal de Suei dans Tocéan Indien ; et le chemin de fer qui l'unit à Vienne réalisé, en une certaine mesure, la vieille fable géograpbiqu d'un embranchement méridional du Danube aboutissant ai fond de la mer Adriatique.

Sans être, tant s'en faut, exclusivement allemandes, la me Baltique et la mer du Nord, auxquelles nous revenons aprè cette digression , le sont du moins sur toute l'étendue de leur rives méridionales, et, à ce titre, nous avons à les examiner d plus près. La première des deux, la mer suève des anciens, li mer orientale des Allemands et des Suédois, apparaît pour h première fois au onzième siècle, dans la chronique hambour geoise d'Adam de Brème , sous le nom habituel pour nous di mer baltique, qu'on traduit par mer de rupture ou par mei blanche, selon qu'on le fait dériver d'une racine Scandinave oi d'une racine slave, à moins cependant qu'on ne préfère y voii un souvenir des Baltes ou héros goths , ou encore une réminis- cence classique de l'île Baltia de Pline. D'une étendue média cre, car sa superficie est d'un cinquième inférieure à celle de k France, elle s'interpose entre l'Allemagne, la Suède et la Rus sie, sous la forme d'un long ruban- maritime qui, plus large dani sa partie méridionale, se dédouble au nord-est dans les deui golfes de Bothnie et de Finlande , auxquels vient s'ajouter, comme troisième encoupure, le golfe moins considérable d( Riga. Les îles danoises en font une mer presque complétemenl fermée, qui ne communique avec le Cattégat ou trou des chats, et par lui avec la mer du Nord, que par trois étroits passages, le Petit-Belt, entre la côte jutlandaise et l'île de Fionie, le Grand- Belt, entre les îles de Fionie et de Séeland, et le Sund, entre rUe de Séeland et la côte suédoise : encore les deux Belts soot-il:

OEB (CTATS BR t'EUHOPE CEBTRALB. Iim

peu Utilisés pour la f;randc navigation îi coiisp des IIols et de? haors dp sable qui les encombre iiL, et la Balliqiic n'a, en réalité, iju'une \raie porte, le Siind, qui à son étranglement septentrio- nal, entre Ja \illc danoise d'Helsiii«oer ou Elseueur et la ville ^ii^doised'Helsirig^borg, mesureàpeine l kilomètres de largeur. U le canon du ciirtteau de Kronbnrg;, jadis habité par Hamlet, ilmniiie le canal navigable extrêmement resserré qui longe la rfltp séelandaise; Ih les quinze mille navires qui annuellement franchissent le d<''lnii[ pour entrer dans la Baltique ou pour en «jrtir payaient naguère encore tribut au Danemark, jusqu'à ce que dps tniil.fe internationaux aient, en IRîtT, aboli le péage, m plusieurs fois sécidaire, d'Elseneiir. Iji nature de la Baltique 38 I ressent singulièrement de cette fermeture presque absolue; elle ' s su plus baut point tous les caractères d'une mer intérieure, iwlée do l'océan. Sa profondeur, peu considérable partout (elle n'slteinl nulle pari 2"")0 mètres), est surt^iut minime au sud, lii cûlc plate de In dépression weude se continue par une pente ^oiis-niarine doucement inclinée; son eau est pou salée, presque p-itahle, grâce aux nombreux et puissants fleuves qui s'y déver- 'i^iil; elle n'a pas de marée, tout au plus une espèce di; flux et iIp redux que produit l'action des vents et qui détermine sur les entes opposées des variations du niveau maritime jusqu'à con- _ nirrcnce d'un mètre environ; ses vagues sont courtes et hautes, 1 s cause de la configuration de son bassin et des tempêtes fré- J qitciitej qui l'agitent. Quant à la théorie d'un changement lent, I iiii» continu, dans le niveau général de la Baltique, elle reste ] kn pmblématique. Émise au milieu du dernier siècle par Gel- ■■^ius, l'illustre professeur d'Upsala, qui soutenait que la mer Bnl- 'iquc baissait k \teii près de 4S pouces tous les cent ans, elle fut reprise sous mie forme nouvelle, au commencement de ce siècle, |nr LéniV'hl de Buch, qui revint de sou voyage dans les contrées •fptentrioiiales de l'Europe convaincu de leur élévation progres- ■nc SOUS l'action des forces volcaniques, et qui se crut consé- ijuemnient en droit d'affirmer que les mêmes causes, qui, aux 'jHMpies antéhisturtques . avaient remplacé par l'isthme flnno- niy^e une communication anlrefni-; existante entre le polfe de

HO UtSTOlRE DE LA FORMATION TERRITORIALB

Finlande et la mer Blanche, finiraient avec les siècles par chan- ger en un lac le golfe de Bothnie. Mais les observations contra- dictoires faites également sur Tune et l'autre rive de la Baltique paraissent plutôt donner raison à ceux qui, dans les change- ments de niveau constatés , ne voient que des phénomènes lo- caux, qui se seraient produits, simultanément ou à des époques distinctes , dans les deux sens do l'élévation et de la descente. Ainsi, en maint endroit de la côte prussienne et poméranienne, une tradition constante^ corroborée par la découverte de restes de navires et d'ancres au fond des tourbières, veut que le rivage ait émergé au-dessus de la mer, et il est positif que, depuis un siècle, la côte suédoise s'est élevée au-dessus du niveau mojett de la Baltique, d'un pied du côté de Calmar, de quatre pieds aux environs de Pitéa et de Luléa, si bien que certains villages de pêcheurs se trouvent, à l'heure qu'il est, beaucoup plus éloi- gnés de la mer qu'il y a cent ans; mais, d'autre part, la côte sambienne, en Prusse, paraît s'affaisser, et à Malmoe, en Scanie, dont les rues sont souvent inondées par la vague, il existe un pavé à huit pieds au-dessous du pavé actuel ; les travaux du ca- nal de Socdertelge au sud de Stockholm ont même fait décou- vrir, à une profondeur de soixante-quatre pieds, sous une épaisse couche de sable et de gravier, des ancres, des débris de barques et les restes d'une cabane avec des tisons à demi con- sumés.

La côte méridionale ou allemande de la Baltique suit, de Mémel à Hadersleben, la direction générale d'est en ouest, sauf à se relever vers le nord aux deux extrémités ; elle est dans son ensemble peu accidentée et monotone, comme la plaine à la- quelle elle cc»rrespond. Sur la majeure partie de son parcours elle est formée par des dunes (Vun sable aride et mobile, qui ne cessent d'empiéter sur la terre ferme; ces dunes, très-considé- rables en Poméranie et dans le Mecklembourg principalement, atteignent à Sw inemunde la largeur d'une demi-lieue ; leurs sa- bles mouvants sont extrêmement dangereux et ont plus d'une fois englouti hommes et chevaux, à des endroits l'on passait sans encombre quelques heures avant ou après. Entre les dunes

DIS AXATS DE L'KL'BOPB CIHTSALS. ÏTl

■iiiiiTtaleiil quelques digues naturelles eu blocs de granit, dont I {ilus célèbre est la digue sainte de DoherHu, & l'ouest de 'lustock: la légende raconte qu'elle est sortie des flots en uua j Lille nuit, après des conjurations magiques accompagnées du I -ifrificp d'un enrant. A l'est, sur la côte prussienne, prédomine imi' autre furmalioD, celle des A'eftrtmffcn, longues flèches ou linges de terre, qui séparent de la pleine mer de grandes la- jninej d une eau presque douce, qu'on nppelle des fJaffs. La [tlus septentrionale de ces langues de teri-e est la Kurische-Neh- nmg ou flèclio des Curons, qui déteniiîne le Kwisch-Ilaff ; \:i Frisefte-}\>hnmg, dont le nom est traduit tantôt par flèche des ^ri*(^ns, tantôt par flèche de la rivière Frisehing, la continue iri-sque en ligne droite de l'autre côté, c'est-à-dire au sud de ia presqu'île de Sambie, et sépare le Frisch-Uaff du golfe de Dan- i iid(;eu face de la Frische-Nehrung enfin, une troisième et , dernière langue de terre, la moins considérable des trois, dé- crape dans la partie occidentale du même golfe, non plus un 'TU Haff, mais une baie profonde, le Wick de Putzig. Les Sehninge» diffèrent essentiellement des dunes en ce qu'elles sont fixes, composées de terre et recouvertes à leur sommet feulement de sables mobiles; elles s'élèvent, quelquefois pres- îu'à pic, à des hauteurs de 30, de 30, de 60 mètres ; leur lar- geur moyenne est de 8 kilomètres, mais en certains endroits Çfles sont beaucoup plus étroites. La FrucheSehrting est en -rmde partie couverte de pins; autrefois il en était de môme do Knrische-Sehnmg ; mais le second roi de Prusse, l'économe I n-dérii><iuillaunie I", se laissa tenler par les propositions de iltiKiiscment que lui faisait un M. de Korff : l'opération rapporta -'**,0(H) écus au trésor royal, mais eut le déploruhle résultat i'- faciliter outre mesure les empiétements du sable et de la iiiT sur la flèche curonne; ses villages ont disparu l'un après "itrp et se Iroiivent aujourd'hui réduits au nombre de trois sur I ilé*eIoppement lungilndinal d'une centaine de kilomètres; 'MUte qui la parcourt e>I i]n(?!quel'L>is sous eau; la partie du 'i'ff(jai la longe s'ensable de plus en pins et est devenue un Wirfcagp à rn=pau\. En prni^rat les dcu\ fl'iffs sont Irès-peu

112 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

profonds, absolumeut comme leurs similaires les limans des fleuves de la mer Noire ; aussi, loin de faciliter la navigation cô- tièrc, Fentravent-ils, car les navires d*un tirant d'eau un peu considérable ne peuvent pas s'y aventurer, et les bateaux plats y sont exposés à des coups de vent dangereux ; c'est ce qui ex- plique la construction de canaux parallèles au littoral, entre le bas Niémen et le Prégel. L'une et l'autre des deux lagunes ne communique avec la Baltique que par un étroit passage, ouvert à l'extrémité septentrionale de sa flèche ; c'est par ces canaux relativement profonds, des Tief comme on les appelle, que les fleuves qui aboutissent au double delta négatif du Kurisch-Haff et du Frkch-Haff découlent vers la mer : le Tief de Mémel, aux confins de la Russie, représente l'embouchure commune du Niémen ou Mémel et du bras septentrional du Prégel ; le 7fe/de Pillau, droit en face de Tancienne capitale prussienne^Kœnigs- berg, celle du Prégel méridional, de la Frischîng, de la Passarge et des bras orientaux de la Vistule.

Toute cette partie orientale de la côte allemande de la Bal- tique est extrêmement peu articulée, la presqu'île sambienne interrompant seule, et cela d'une façon peu sensible, la ligne droite formée par les deux grandes Nehrungen. Les découpures et dentelures sont d'autant plus nombreuses à sa terminaison opposée, le long du Holstein et du Schleswick; le littoral sud- est de la presqu'île cimbrique offre, en effet, une succession continue de baies profondes et de presqu'îles fortement accen- tuées, en avant desquelles quelques îles côtières forment h transition vers l'archipel plus septentrional des îles danoises. C'est d'abord, pour ne signaler que les noms les plus impor- tants, le golfe de la Trave et la presqu'île wagrienne, que con- tinue l'île de Fehmarn ; puis le golfe de Kiel, avec ses profondes encoupures de Kiel et d'Eckernfœrde, et la presqu'île d'AngliCj au cœur de laquelle pénètre l'étroit canal de la Schlei ; plus loin encore la baie de Flensbourg, la presqu'île de Duppel, Tîle d'Aï- sen, les baies d'Apenrade et de Hadersleben, qui nous mèneo^ jusqu'au Petit-Belt, en face de la grande île danoise de Fioni^- Au centre de la Baltique allemande, la configuration côtîèr^

DBB ÉTATS I»l L'BUBOPF CEMTBaIB. H3

lit'iil le milieu entre ce tju'ellc est au lc\aiit et au couchant, eu -0 rapimjcbanl davantage cependant de la structure du littoral jrictital : comme la côte prussienne, la côte de la Poméranie uliérieure se profile en une ligne presque droite, depuis l'ouver- Uiffilu goKo de Danzick jusqu'aux bouches de l'Oder; à re\- trpmiW septentrionale de la Poméranie ciléricure, la presqu'île ili^Darss, que prolonge l'tle de Zinpst, rappelle les flèches des tinmiis (!i des Frisons; et la Poméranie moyenne a, à l'estuaire 'II" rOder, son Unff. qui est mCmc lo Haff par excellence, le ll'iffsann désignation particulière, saul qu'on y distingue iri '•rand-IJriffh l'est, et un Petit-Haffh l'ouest. Mais celle lajj:ne lumfranienne n'est pas, ft l'instar de ses analogues prussiens, liitnfèeducôlù de ta mer par une simple langue de terre; devant > ' ffo)^ s'étendent les deux lies assez considérables de WoUin & 'i-slptd'Usedom à l'ouest, lesquelles ont joué toutes les deux UD certain rôle dans l'histoire positive et dans l'histoire légeii- iire de la contrée ; dans la première, en effet, florissait & Tépoque slave la ville depuis longtemps détruite de Julin, et la tCCDode contenait, d'après la tradition, la cité plus importante roeore de Vinétn, de bonne heure engloutie par la mer. De plus l'angle nord-cst de la Poméranie citérieure est enrichi par une lnMBènjc Ile, elle aussi séparée du continent par un étroit canal, Birâ d'une superficie plus grande et d'un relief plus marqué : c'est la fameuse Ile de Rugen , en l'ace de Straisund. L'appella- lion û'islande germanique qu'on lui a quelquefois attribuée est ("■ut-ètre trop ambitieuse; en tout cas elle est la portion déterre ! i plus pittoresque et la plus originale de toute la région côtière i' ia plaine wende. De toutes les parties de l'Allemagne du nord Il vient admirer les beautés de ses montagnes et de ses vallées, "s« golfes et de ses isthmes, de ses promontoires et de ses i'*, de ses forôts et de ses moissons, que rehausse la vue tou- l'iir* présente ou du moins toujours voisine de la mer, et les 'Uliimes patriarcales de ses habitants aident singulièrement à ' i«irlep l'imagination des visiteurs aux temps reculés, furent ■iLiés les collines tumulaires et les autels païens qui couvrent "rii'ure Mm sol, et son promontoire septentrional d'Arcona

1 8

114 UISTOIRlf: DE LA FORMATION TERRITORIALE

était couronné par le temple du puissant dieu des Slaves, Swan* towit aux quatre têtes.

Les populations maritimes de la Baltique allemande ne pré- sentent que peu de traits caractéristiques qu'il importe d'enre- gistrer. Sur la côte prussienne, principalement en Sambie entre les deux Haffs, on continue à se livrer à la recherche de la ré- sine fossile connue dès l'antiquité la plus reculée sous les noms à' électron ou de succin et que nous appelons aujourd'hui l'am- bre jaune, soit qu'on creuse la terre jusqu'à la couche argileuse qui la recèle, soit qu'on l'arrache avec des harpons au fond d'une mer tranquille et qu'on l'amène à la côte dans des filets en fil de fer, soit encore qu'après la tempête on la recueille depuis le lit- toral, avec les paquets d'herbes elle se cache, au moyen de longues perches munies de filets, qu'on oppose à la vague; mais la récolte est généralement peu abondante et d'autant moins fructueuse que l'ambre jaune a de nos jours considérablement baissé de prix. Ailleurs, dans la Poméranie et dans le Mecklem- bourg, on peut signaler les jolis villages de pêcheurs, dont la population entière vit exclusivement de la mer et se livre, de père en fils, à la navigation de long cours. En général tout le littoral allemand de la Baltique produit une race de solides ma- telots, bien que la nature tant de la côte que de la mer elle- même y crée au grand commerce maritime des obstacles con- sidérables. Tous les ports, en effet, Mémel, Pillau, Danzick, Stcttin, Stralsund, llostock, Lubeck, Kiel, ont, à l'exception du magnifique bassin de Kiel, une profondeur médiocre, et pen- dant cinq mois en moyenne, de novembre en avril, les glaces qui couvrent les fleuves et le rivage maritime en interceptent les abords. Dans certains hivers exceptionnellement rigoureax la haute mer elle-même se trouve prise; une fois par siècle au moins on va à pied de Kœnigsberg à llostock et de Rostock à Copenhague ; on ll.jî), le bassin entier delà Baltique disparut sous une seule nappe de glace, qui permit les communications pédestres entre Mémel et Carlskrona, comme entre Réwel et Stockholm. En dépit de ces difficultés naturelles, la marine alle- mande a pris son premier essor dans la mer BaltiquOi qui au

DBS ËTATS DE :.'EDB0PE CEHTHAL8. IIS.

:n)cii ilge laîsi^ait loin derrière elle, corame importance com- MiTciale, sa voisine la mer du Nord. A l'époque la Hbase iiionique réunissait on une seule et raCme association toutes - ûllcs allcmandctj depuis Réwcl jusqu'à Colog^ne, la petite et -m pnirimdc Travo, qui ga^ne la Baltique après un cours d'une iiuine de kiloroètros, primait l'Elbe et le Rliin, et Lubeck ■iiiUc l'iicf-ville incuntcsté de cette ligue de bourgeois coura- .■<'u\ rt prudents, persévérants et sans scrupules, qui pendant ilps jii^cle--* il exercé son monopole tjmnnique dans toutes les |■1|ltrc4.•^ sejtloutrionales de rEurope. Aujourd'hui les rôles sont liaiigûs; Hambourg et Brème, Amsterdam et Rotterdam ont iinplétement éclipsé leur ancienne rivale du pays wcndo ; iihiuiioins les pijrls allemands de la Baltique conservent encore, <li'l)eaux restes do leur splendeur passée. i^

Le Cattégal et le Skagcrrak, qui séparent la presqu'île cinH-a brique de la Suède et de la Numége, a])partiennent, ainsi que ItM l>:irtie septentrionale de la péninsule elle-même, au monde scun*-tl iliiiiive, et sont par conséquent étrangers à nos études du mo— ^ iDciit; il n'en est pas de mtoie des voies navigables artificielles i|i!i)n a tracées ou projetées à la naissance de la presqu'île, [mur éviter fi une partie du moins du ti-ansit entre la mer Balti- iLii" et In nier du Nord le long et dangereux passage à travers les Vu» bras de mer septentrionaux, et nous les indiquerons som- mairement avant douons occuper delà seconde des grandes s intérieure* qui baignent l'Europe centrale. Les relations tidicnrics entre les doux grandes villes banséatiques de Lu- |[etdi' Uanibourg firent de bonne heure naître l'idée d'unir |.UD canal la Trave à l'Elbe , c'est-à-dire la Baltique à la mer Eurd; elle fut réalisée dés la fui du quatorzième siècle par le ment du canal de la ëtecknitz, qui doit son nom a un ij affluent méridional de la Trave. Le canal de TEider, creusé B un siècle i^ur les confins du Holstciu et du Schlesvt ick pour ^pltrc eu communication l'Eider, qui se jette dans la mer du ■■rd, avec la biûo de Kicl, qui appartient à la Baltique, fut exé- . nié dans des proportirns plus grandioses, et il y passe annuel- ■toent quatre à cinq mille bAtlmi'nls. Aujourd'hui cependant Uj

116 HISTOIRE DE LA FORMATION' TERRITORIALE

paraît insuffisant et on agite depuis des années le projet de me- ner de Kiel à l'Elbe un canal maritime, avec ou sans écluses, dont louverlure, dans la pensée des promoteurs de l'œuvre, dé- trônerait le Sund comme entrée principale de la Baltique ; sous le rapport technique Tentreprise n'offre, dit-on, que des diffi- cultés faciles à surmonter ; reste à savoir si elle constituerait une bonne opération financière.

La mer du Nord, h laquelle nous arrivons maintenant, porte depuis Tanliquité, concurremment avec ce nom, qui n'est \Taî que relativement aux contrées de l'Europe centrale qui la bordent au midi, celui de mer permanique ou dWUemagne; les Danois rappellent, fort logiquement à leur point de vue, la mer occiden- tale. Comprise entre rAllemagnc et les Pays-Bas au sud, la Grande-Bretagne à l'ouest, la Norwége et le Danemark à Test, elle est bien plus ouverte que la Baltique ; elle communique, en effet, doublement avec TOcéan, au sud-ouest par le Pas-de-Calais et au nord, dans des proportions beaucoup plus considérables, par le large bras de mer qui s'étend entre la Norwége et TÉcosse et que ne ferme que fort imparfaitement le groupe solitaire des îles Shetland. Sa profondeur augmente avec une grande régula- rité à mesure qu'on avance du sud au nord ; néanmoins, en dehors des bancs de sable qui obstruent ses côtes méridionales, il y en a d'autres qu ont amassés, aune grande distance du rivage, les vagues converge!) tes de l'océan Glacial, de l'océan Atlantique, de la Manche et de la Baltique. Sa marée est énorme, sa violence inouïe; elle est toujours sillonnée par de nombreux courants et souvent battue par des tempêtes épouvantables, qui soufflent principalement du nord et du nord-ouest.

Sa côte méridionale, allemande et néerlandaise, la seule qui ait à nous occuper ici, est horriblement maltraitée, mais aussi sin-* gulièrement enrichie par les flots. Comme la côte correspon-' dantc de la Baltique, dont elle suit d'abord la direction d'est ei» ouest pour obliquer ensuite au sud, elle est extrêmement basse ; mais de plus elle est privée de la défense naturelle des dune^ qui, depuis la hauteur de Ribe ou Ripen, confinent le Jutloncï et le Schles\s ick, jusqu'aux bouches de l'Escaut, lui font le plur?

BRS ÉTATS DR 1,'EUBOPK CKNTRALK. MT

Miijient défaut. De là, entre la mer et les riverains, une lutte în- ip;>aiitf'. acharnée, pleine de péripéties: par un travail gigan- UtquededipHCs l'iiumme tflche de contenir sa rpdoiitablc voisine, lui arrache mémo de nouveaux terrains; puis, en un jour de re- \v\che, l'ouragan et la marép réunis brisent tous les obstacles, [ l'élément indompté porte au loin la désolation et la mort. Les ili]>astres causés par les irruptions delà mer du Nord remplissent liv- annales de la côlo entière, depuis Ip Jutland Jusqu'en Hol- landp, à toutes les époques de l'histoire : dans l'antiquité la ïraiide inondation cimbrique qui noya les terres entre le Jutland ■■1 rOstfrise occasionna, dit-on, la Tuite panique des Cimbres vers ii' 'uH ; les nombreuses colonies de Frisons et de Hollandais qui ail moyen flgo se sont répandues à traders l'Europe entière iiirenl motivées par des catastrophes analogues; en ce siècle 1 mÈrae les travaux perfectionnés de la défense des côtes n'ont pas 1 pu empêcher les malheurs de la grande inondation de 1823. Lee ] ri'scriptions de ces épouvantables cataclysmes, auxquels ne peu- li'iit ,4e comparer ni avalanches, ni chutes de glaciers, ni ébou- l'iueuts de montagnes, glacent d'effroi en montrant des popula- imiisentières périssant par la vague, par le froid, par la faim, [lar la soif, et s'il est vrai, comme ou le prétend, (pie dans ces .'".imies noyades un million de créatures humaines a é\é succes- ■l'eiiient englouti sur le littoral de la mer du Nord, on ne com- pri'iidque trop bien le sinistre jeu de mots qui à son nom de S'irilsée accole le qualificatif de Mordsée, mer du nord, mer du 'Jieurtrc I U côte e^le-raêmc porte de tous cùtés la trace manifeste de ' lerrihles victoires de la mer et ajoute un commentaire élo- ' [iimt aux récits des historiens ; les golfes profonds qui l'enlail- "iit tiennent la place de contrées fertiles abîmées au fond dea lois; les Iles qui l'accompagnent faisaient autrefois partie du con- Um>nt et vont ijans ce^se en diminuant, en attendant qu'elles disparaissent & leur tour comme bien d'autres dont il ne reste UKUne trace. 11 est plus que probable en elfet que toutes les îles ' rielandaises, hollandaises et allemandes de la mer du Nord ne ^bt^ue des épaves de l'ancienne côle; la chose est historique-

H8 UISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

nient constatée pour les îles de la Frise septentrionale , Fana Rœmœ, Sylt, Fœhr, Amrum, Pellworm, Nordstrand, qui jus qu'au treizième siècle tenaient au Schleswick, dont elles accom pagnent aujourd'hui la longue échancrure occidentale, compris entre la Konge-Aa ou Kœnigsau au nord et la presqu'île d l'Eider au sud, sous le nom significatif de Uthlande ou terre extérieures. En tout cas la diminution notable du monde insu laire de la mer germanique, à la fois comme superficie et comm nombre des îles, ne fait pas doute, d'un bout à l'autre de l ligne côtière méridionale : les Uthlande frisons sont en pert continue et leurs Halligeii ou îlots herbacés sont annuelleraen menacés d'une destruction complète ; les vingt-trois îles comptée par Pline entre TEider et le Texel ne se retrouvent plus depui: longtemps et quelques-unes de celles qui ont résisté jusqu'ici son en train de disparaître, comme par exemple Borkum en face A l'embouchure de l'Ems, \A^angeroog à l'entrée de la baie de \\ Jahde, ou encore la partie basse d'Helgoland, dont les habitant s'effrayaient naguère comme d'une calamité publique de rintm duction de quelques lapins, capables, pensaient-ils, d'ouvrir di nouvelles portes à la mer; en Zéelande, les grandes îles Schouwen, de Walchcrcn et de Zuid-Beveland ont eu égalemen beaucoup à souffrir des empiétements de l'élément liquide Quant aux golfes, leur origine et leurs progrès sont mieux cons tatés encore ; celui de la Jahde ou Jade, à l'ouest de l'embouchuri du Weser, date de 1218 et s'est notaWement agrandi en 151 et en 1631 ; le DoUart, qui n'est pas autre chose que l'anciei delta de l'Ems, est le résultat d'une série d'irruptions qui si sont continuées depuis 1277 jusqu'en 1539, époque de l'achève- ment de la grande digue qui a tenu bon depuis lors ; le Zuider zée ou mer du sud, vraie mer intérieure de 150 kilomètres di long sur 110 de large qui s'est substituée au lac Flevo des an ciens, par suite de la rupture de l'isthme enfi'e la Hollande et \ Frise dont l'île de Wieringen est un dernier vestige, remoni également sous sa forme nouvelle au treizième siècle, où, dan l'espace des soixante-huit ans compris entre 1219 et 1287, hui grandes irruptions enlevèrent successivement toutes les terre

DKS ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. H 9

intermédiaires ; le Biesbosch enfin, qui s'étend entre Dordrecht etGorcum et au fond duquel on prétend que les ruines des villages engloutis se laissent parfois apercevoir, est le résultat de rinondation du 19 novembre 1421, ne périrent pas moins de soixante mille personnes. En voilà assez pour justifier le mot du chroniqueur jutlandais : « On a vu à plusieurs reprises que Dieu notre seigneur peut, en déchaînant ses eaux, détruire une contrée de fond en comble ! »

D'autre part cependant il ne faut pas oublier que cette mer si terrible en son courroux est en temps ordinaire la bienfaitrice de la côte, qu'elle enrichit par ses apports. En effet le limon enlevé dans leur haut cours par les fleuves et déposé par eux à leur embouchure est saisi par la vague, qui le lance contre le littoral et le concentre en bancs, en promontoires, en îlots; dès qu'il dépasse le niveau de la mer, il fournit une excellente terre arable, composée d'argile, de sable, de tourbe, de parcelles salines, végétales et animales, qui se couvre promptement d'une herbe magnifique et appelle l'agriculture; l'homme s'en empare, la protège par des digues, l'augmente en y annexant de nou- veaux apports, et crée ainsi, de concert avec la mer, un sol nou- veau, auquel il s'attache d'autant plus qu'il en est le principal auteur. G est l'origine des belles Marschen maritimes du pays frison qui, comme une large ceinture verte, entourent la côte proprement dite, bien plus sablonneuse et beaucoup moins fertile.

Rien de plus curieux que la configuration d'un de ces cantons frisons, qui sont uniformément divisés en trois régions essen- tieUement distinctes. Le plus à l'intérieur des terres, la Geest ^u pays sec forme la base du système, sa carcasse originaire ; elle est comparativement élevée et accidentée, soit qu'elle ^'étende en lande aride, soit qu'elle soit couverte de champs, entrecoupée de ruisseaux et embellie par quelques bouquets <l'arbres; d'habitude elle renferme le chef-lieu du canton, car elle est habitée depuis plus longtemps, son climat est moins humide, et sa situation dominante rend plus facile la surveil- lance de l'exploitation agricole entière. Au pied de la Geest se

420 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

développe la Marsch, basse, unie, nue, privée d'arbres et de sources et n'offrant comme variations à cette excessive mono- tonie que des maisons, des canaux et des digues : des maisons qui coupent le paysage parce qu'elles sont construites sur de petites élévations naturelles ou factices, des canaux dont les écluses vomissent l'eau douce et empêchent les eaux de la mer de pénétrer dans les clôtures, des digues tirées au cordeau dont l'enchevêtrement s'explique par les additions successives faites aux levées primitives. Mais la fertilité de cette grasse campagne surpasse encore son manque de pittoresque; au dire du pro- verbe, le Frison labourerait avec une charrue d'argent, n'étaient les frais d'endiguement, et en effet tous ces grands rectangles de terre découpés par les digues qu'on appelle des Kajeuj Groden ou Polders j présentent les plus beaux champs de blé ou encore de splendides prairies, que ne quitte pas de tout l'été un magni- fique bétail, le bétail dont la chair s'expédie au loin sous le nom de bœuf de Hambourg. Enfin au delà de famieau dor des digues, qui dans le pays de Hadeln entre l'Elbe et le Weser atteint parfois une élévation de 12 mètres, s'étend la région am- phibie, chaotique, des Watien ou Schoren^ qui tantôt sont cou- vertes par la mer et tantôt émergent au-dessus des flots : ce sonl des Marschen futures, ou bien aussi des Marscheii détruites !

La nature originale du littoral méridional de la mer du Nord imprime aux populations qui l'habitent un cachet particulier; leur lutte quotidienne pour l'existence les unit de la façon la plus étroite au sol qu'elles disputent incessamment à l'océan , et nulle part peut-être, pas môme dans les Alpes, la communion entre l'homme et la terre n'est aussi intime que chez elles. Elles appartiennent en majeure partie à la race frisonne, qui occupe toute la côte depuis la Konge-Aa jusqu'au Zuiderzée : se sui- vent, du nord au sud, la Frise septentrionale avec ses îles, le pays d'Eiderstedt dans la presqu'île de l'Eider et le pays des Ditmarses ou des Marschen allemandes; puis, d'est eu ouest, l'Alteland ou vieux pays, les pays de Kehdingen, Hadeln, Wursten, Butja- dingen, Stedingen, Jever et Harrlingen, et enfin la Frise orien- tale ou Ostfrise et la Frise occidentale. Les Frisons qui, dfe

DBS tWn DE {.'kUROPR CSNTKAtE. 121

l'époque de Tacite, passaient pour le peuple le plus puissant de Is Gerraanic septentrionale, ont formé au moyen Age sur toute lélciidue du leur côte une longue bande de petits états h peu près autonomes , dont les paysanneries , lidèles à leur devise ' Plutôt mort t/u'csc/twe, » défendirent pendant des siècles leur liiM'plé républicaine contre le? prétentions féodales des princes ^Mésiasticpies et Iniques de l'inlêrieur des terres, en s'abritant (IcrriÈre leurs digues et leurs cannux, et en appelant même au bpsûin l'inondation à leur secours. Au début des temps rao- (Iffiies, l'autorité ppincière l'emporta chez eux comme ailleurs, -ut qu'elle fût imposée du dehors, soit qu'elle s'orpanisflt dans i'iiays lm-m(^me; mais les Frisons ont conservé jusqu'à nos v"irs leurs privilèges communaux et leurs mœurs patriarcales, "il l'énergie, h persévérance, la gravité et le sentiment reli- neiu s'allienl à un fle^e orgueilleux et à ce caractère pro- ■liijue qui a donné lieu au dicton; /'"m/a non cantat , on ne ilmnle pus en Frise. Au milieu de leurs populations, avant tout sîriiïilps, nmis qui fonrnissejit aussi de bons matelots et d'Iia- l'ilen pilules, Iiéritiers pins civilisés des pirates frisons du mojen •■■-'' et des niil's liummes de mer qui, il n'y a pas longtemps I wore, demaTuiaieiil liumlilement à Dieu dans l'église de Wan- i'Tuijg, qu'il voulût bien bénir leur cùle par de nombreux uiiufra^cs, ont grandi les villfôi occidentales de la Hanse, Ham- iHmrjç et Brème, qui, après avoir été primées d'abord par les 1 ptrls de la naltiquc, ont pris dans les derniers siècles un essor I Uu supérieur au leur, et donné à l'Allemagne la majeure partie ■h sa flotte commerciale moderne. C'est sur la côte frisonne ■L'alemenl qu'a débuté de nos jours, par l'établissement prus- •w de la Jahde, la marine militaire du nou\el empire alle- "liiiLii ; mais, parmi lei* Iles qui l'accompagnent, une du moins, ''I imn ta moins importante , en reste politiquement séparée : le "'»ge Toclipr d'IIel^'oland , qui surveille à la fois l'embouchure i''' l'Elbe et celle du Weser. est aux mains de l'Angleterre de- Irai»^ 1808, el il est peu probable que de sitôt le pavillon de la iJrande-BreLagne cesse d'y flotter. U douille caractère des Frisons et des Hanséateo se trouve

\22 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

réuni à un degré supérieur chez le peuple hollandais ou batavi

tout comme le delta néerlandais, convergent le Rhin,

Meuse et TEscaut, est en grand ce que les Marschen frisonni

sont en petit, à savoir une conquête continue de Tindustriehi

maine sur Tocéan. La Hollande, c'est-à-dire le pays creux, este

bonne partie au-dessous du niveau de la mer, qui à marée hau

gronde à cinq et six mètres au-dessus de vastes contrées; au*

la construction et Tentretien des digues et des canaux ont-ell

été de tout temps une question vitale pour le pays entier et »

corps d'ingénieurs portc-t-il le nom significatif de Watersta

ou état aquatique. Le long de la côte se développent des digu

cyclopéennes , défendues par des pierres énormes, par (

fortes poutres en bois de chêne , par des rangées doubles (

pieux, que réunissent des treillages en paille et en osier, ou p

des plates-formes en fascines ; derrière ce rempart presque ce

tinu qui empêche la Hollande d'être noyée par les floi

s'étendent dos Polders de proportions colossales, dont le pi

considérable, l'ancienne mer de Haarlem au sud-ouest du Zi

derzée, complètement desséchée en 1855, ne mesure pas moi!

(le vingt-deux kilomètres sur dix, et auxquels s'ajoutera peu

être dans un avenir prochain la moitié méridionale du Zu

derzée lui-même, desséché à son tour ; un système de canal

sation enfin, qui n'a rien à envier aux plus savantes corabinaisoi

des Lombards et des Chinois, a imposé aux fleuves et ai

rivières des lits artificiels, dirigé jusqu'aux sources souterraine

soumis à une discipline sévère toutes les communications av

la mer ambiante : le barrage de l'Escaut oriental a été ache

en 1867 ; bientôt doit s'ouvrir à la navigation maritime le car

monumental, commencé en 1865, qui en unissant, par le go

desséché de Het T, Amsterdam h la mer du Nord, changera

presqu'île hollandaise en une île et supplantera à la fois la roi

naturelle par les bas-fonds du Zuiderzée et la voie artificielle*

canal de Nord-Hollande, ouverte il y a un demi-siècle entre

capitale néerlandaise et le Helder. De même que les Marsch

frisonnes, les Polders hollandais sont des terres de richissii

culture; comme elles, ils renferment d'admirables prairies

DES ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. i23

nourrissent de nombreux troupeaux d'un bétail hors ligne. Mais la population énergique et tenace qui les a changés en un vaste jardin, a en outre au plus haut point l'esprit maritime et com- mercial; bien plus que les Portugais et les Espagnols, les Hollan- dais, que les Anglais n'ont fait que suivre dans la carrière, peu- vent prétendre à la gloire d'avoir été le premier peuple océanique; et en même temps le fanatisme de liberté et de patriotisme qui a toujours animé leur petit pays lui a permis à deux reprises déjouer en Europe un rôle politique de premier ordre, aux temps de Philippe II et à ceux de Louis XIV. De nos jours, la Hollande tient un rang plus modeste parmi les états européens ; mais elle a gardé sa physionomie particulière, si bien exprimée par ses grands peintres : au milieu de ses riches campagnes, que cou- pent en tous sens les routes, les canaux, les voies ferrées, ce ne sont que villages proprets, bourgs industrieux, villes à la tour- nure antique, dont les maisons se reflètent dans les Grachten ou nies aquatiques qui introduisent les bateaux au cœur même des cités; partout règne le mouvement et la vie, mais un mouvement mesuré et une vie peu bruyante ; de tous côtés la vue est frappée parle spectacle du bien-être et de la richesse, mariés à une sage économie, et d'un bout à lautre du pays batave on se convainc du premier coup d'œil, absolument comme en Suisse , qu'on est on présence d'un peuple qui a la conscience de son indivi- dualité et la ferme volonté de ne pas abdiquer.

^^

CHAPITRE V

Les fleuves de TEurope centrale,

De Tétude des formes horizontales et verticales de l'Europe du centre, nous passons à celle de ses bassins fluviaux, qu'à leur tour nous allons considérer à la fois dans leurs caractères phy- siques particuliers et dans leurs rapports avec les progrès de la civilisation humaine; autant en effet, sinon plus, que la configu- ration du sol et la nature de son relief, la disposition des grandes artères fluviales et des réseaux de leurs veines secondaires exerce une influence décisive sur le développement historique des na- tions ; c'est elle qui a contribué le plus à donner aux migrations et aux établissements des peuples leur direction et leurs limites, elle qui a motivé dans la plupart des cas la fondation ot la crois- sance des villes, comme la formation et les divisions des états, elle qui a déterminé et qui continue à régler la marche normale des relations commerciales et industrielles. A ce dernier point de vue, qui n'est pas le moins intéressant, l'Europe centrale est, après la Russie, la région européenne les fleuves ont joué le rôle le plus considérable, parce qu'elle ne possède qu'un petit nombre de ces voies maritimes qui ailleurs, en Grèce, en Italie, en Scandinavie, dans les îles Britanniques, même en France et en Espagne, suppléent en partie les cours d'eau ou les rempla- cent complètement; mais il faut se hâter d'ajouter que cette importance mercantile des fleuves allemands est en voie de dé- croissance , bien que les obstacles qui autrefois s'opposaient à leur libre parcours sous la forme de bancs de sable ou de ro- chers, de péages ou de droits d'arrêt sur les marchandises, aient

UnOR TESUTOSULB DBS ÉTATS DE l'eUIOFE CENTHALE. ISS

S écartésct que l'iiitrodiictioii de la navigation à vapeur dtringulièrement faoililé les transports par eau ; en face de la rude concurrence des chemins de fer, la navigation a cessé sur li plupart des rivières etelledécrotl sensiblement sur les fleures

mfmcs.

|t plupart des grands cours d'eau de l'Europe centrale cou- |[du &ud au uord, ou plutôt du sud-est au nord-oue^t ; c'est letas delà Vistule, de l'Oder, de l'Elbe, du \\'cscr et du Rhin. Triiis seulement, le Rhône, le et le Danube gagnent les mers méridionale-. ; encore le Rhône et le lui appartiennent-ils h peine el n'y tracent-ils que la partie alpestre de leur eours. Pour rerleiix fleuves, nous nous contenterons par conséquent des iiulicatiuiis sommaires que nous avons données à propos de l'hydrcigrapliie du massif des Alpes ; nous étudierons à fond au ^unlraire les bassins des deux autres fleuves alpestres, le Rhin lei)auul)e, l'un fleuve de terrasses, l'autre fleuve de plateaux, »urent notre région, le premier dans toute sa largeur,

l'à-dire dans le sen^ du méridien , le second dans toute sa

ilcur, c"cst-ft-dire selon la direction de l'équatcur; puis nous nous oecupcrons, avec le détail approprié à leur impor- l*iice respective, des quatre fleuves parallèles de l'Allemagne

KJeet septentrionale, Weser et Elbe, Oder et Vistule. première place revient de droit au Rbin, qui est le fleuve cellence de l'Europe, comme les Alpes en sont la chaîne prtpondéranle. Il n'a pas, il est vrai, les proportions gigantes- 4u&ide certains fleuves d'autres continents et est, mSmc en Eu- r«|ic, inférieur au Wolga, au Danube et au Dnieper, comme déve- loppement fluvial et comme superlicie du bassin; mais son im- portance k la fois physique, historique, politique, commerciale et iatrice lui assigne un rang hors ligne; il participe h tous léoorafcnes naturels de notre continent ; depuis l'époque I découvert par César, il n'a jamais c<;ssé de jouer un rôle nérable dans l'histoire européenne, el do nos jours encore, Icomme le trait d'union et la grande artère de l'Europe civi- |iinodcrne. Son nom ancien de Rfienus, dont les Français ait Rhin, les Allemands /(Ae//i et les Hollandais Ht/jt, dû-

126 niSTOIRi: DE LA FORMATION TERRlTOtUALE

rive très-probablement d'une racine celtique et signifie tout simplement l'eau courante. La distance depuis ses sources jus- qu'à son embouchure mesure en lipne droite 7S0 kilomètres ; les grandes courbes et les nombreuses sinuosités de son cours lui donnent une longueur approximative de 1,400 kilomètres; son bassin, de 220,000 kilomètres carrés environ, s'étend da- bord largement au cœur des Alpes depuis le Jura jusqu'aux montagnes du Vorarlberg, se resserre à la hauteur de Bâle, il est étranglé entre les domaines respectifs du Danube et de la Saône, prend ensuite son extension la plus considérable entre les Ardennes et les monts des Pins qui le séparent des bassins de la Seine et de l'Elbe, et finit par se rétrécir de nouveau dans le voisinage de la mer, il est flanqué d'assez près par les bassins secondaires de l'Ems et de l'Escaut.

Les sources du Rhin se trouvent dans les mers de glace des Grisons qui montent jusqu'au delà de 3,000 mètres le long des flancs des Alpes lépontiennes et rhétiques ; plusieurs centaines de glaciers, dont les eaux se réunissent en une trentaine de ri- vières, contribuent à l'alimenter ; il n'a cependant que deux origines principales, l'une et l'autre à la hauteur approximative de 2,300 mètres. C'est d'une part le Rhin antérieur ou occi- dental qui vient du massif du Saint-Gotthard et dont Tune des sources sort du lac Toma ; de l'autre le Rhin postérieur ou oriental qui prend naissance au glacier de Rheinwald, dans le groupe d'Adula , le mont Adule de Boileau. On y ajoute parfois comme troisième rigole originaire, le Rhin moyen qui descend du lac Scuro dans le voisinage du Lucmanier ; mais le Rhin moyen n'est qu'un tributaire du Rhin antérieur et niéme un tributaire d ordre secondaire, beaucoup moins important, par exemple, que l'Albula, qui des montagnes de l'Engadlne vient grossir le Rhin postérieur. Les deux branches maîtresses, dont la plus occidentale coule presque parallèlement à Téqualcur dans une vallée longitudinale, tandis que l'autre se précipite transversalement, c'est-à-dire du sud au nord, de terrasse eu terrasse, se réunissent à Reichenau en amont de Coire, leurs eaux combinées forment immédiatement un fleuve puissant. I^

ISS ÉTATS DE l'suBOPE CERTtlAtE.

Uhin. car dorénavant c'est lui, wiiitinue d'aliord à couler dans l:i Tente longitudinale du Rliin antérieur; mais bientôt il re- ilrw^cson cours vois le nord cl commence dans le sens du mé- ridien, qui est celui de la vallée du Kliîn iHislcncur, sn première iliwctiou caract6ri(>lique, qu'il ne quittera ([u'au lac de Con- i;iiici'. Au coude qu'il décrit ainsi, s'élève, à quelque dîstimce Il rive droite, la vieille cité rhélicnnede Goire, la première de -l'Mieur villes épiscopales, Coire, Constance, lïAle, Strasbourg, >\m, Witrms, Mayencc, Cologne et Ulrechl, qui lui valurent iuircftiis, de la part de Maxiniilien 1", lu ([unlilication de la me I j firrlrts ; il n'y est déjà plus que 6Î)0 mètres au-dessus du 'ineau de la mer. La dépression relativement prufoude dans "luclle il coule désurniais vers le nord, entre les Alpes de ".ujit-iJiill et d'Appenzell d'un côté, celles des Grisons et du ^"rarlhcrg de l'autre, s'élargit à partir de AVerdcnberg en une ■■plie vallée, le Rheinlhal par cvcellcnco, pour lu première 'lis il devient navigable pour de petits bateaux d'une centaine 'if quintaut métriques de tonnage. Durant toute cette première ' W|wil ne reçoit qu'un seul iiflluent imporUmt : c'est l'Ill yornrl- l'iTgeoisc, qui lui imiène de droite une partie des eaux du Ty- fi>l uccidenlal. A gauche il côtoie de tnip près le bassin de lAsrpour attirer îiluî des rivières considérables ; il y a mémo !)r^ de Sargans, 1(\ se touchent les canton» des Grisons et lie Sainl-tiall et la principauté de Liechtenstein, une curieuse V illee latérale, une masse de brèche de quelques mètres de i'"iit s'interpose seule entre le bassin du fleuve principal et celui 'if son tributaire; à plusieurs reprises, pour la dernière Fois aux ■miAvé eaux de 1833, on a jm craindre que le Ilhin ne rompit à "lie faible barrière et ne se dêversAt vers les lacs de Wallcih- ] ^'adl ei di! Zurich par la vallée de la Limnial ; peutnjtre même •uiïiii-il autrefois cette direction, avant qu'un tremblement de i"rreou une révolution volcanique n'eût proitnit l'excavalion du lacdcOinslance.

U première section du cours supérieur du Uhin riuit h son 'Wrée dans le lac de Constance; la se&mde ne commence qu'à l'-'iidniit il le quitte, Anmiien MarccUin, il est vrai, et bien

128 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

d'autres après lui, ont soutenu que le Rhin ne faisait que tra- verser son bassin lacustre ; mais il n'en est rien : de même que le Rhône , il mélange bien positivement ses eaux à celles du grand réservoir subalpin auquel il aboutit au débouché des hautes Alpes, et c'est ainsi que les deux fleuves éclaircissent et purifient leurs flot?. Le lac de Constance n'en fait que plus inti- mement partie du bassin rhénan ; aussi nous y arrêterons-nous un instant. Sa masse liquide, dont le niveau est à 400 mètres au-dessus de celui de la mer, s'étend en se rétrécissant du sud- est au nord-ouest et se termine par deux cornes, le lac d'Ueber- lingen au nord et le lac inférieur ou de Radolfszell au sud ; en- semble elle couvre une superficie de 540 kilomètres carrés, de bien peu inférieure à celle du lac de Genève ou du lac Balaton, les deux bassins d'eau douce les plus considérables de l'Europe centrale. Sa plus grande profondeur ne paraît pas dépasser 320 mètres, quoiqu'on trouve indiqués des chiffres beaucoup plus élevés ; elle est suffisante pour justifier son nom allemand de Bodeîisée^ le lac du sein ou de l'excavation. L'influence des hautes et des basses eaux du Rhin s'y fait sentir par des diffé- rences de niveau qui, en moyenne, sont de trois mètres, mais qui dans certaines années exceptionnelles, en 1778 par exem- ple, ont atteint huit mètres. Rarement il gèle : cependant une légende, consacrée par une ballade de Gustave Schwab, raconte qu'un cavalier égaré l'a traversé dans toute sa largeur, et ajoute môme qu'il est mort de frayeur en apprenant sur l'autre rive sa prouesse involontaire. Depuis l'antiquité, le lac de Constance a été un centre de civilisation pour les pays environnants. Les Romains y eurent une flottille et construisirent sur ses bords des grandes routes et des établissements nombreux, dont il sulh siste, à Lindau principalement, des restes considérables. Après la dévastation causée par l'invasion allemannique, les mission- naires chrétiens défrichèrent de nouveau le pays : saint Gall s'é- tablit dans les forêts de la rive méridionale, saint Pirmîn bâtit un monastère non moins fameux dans l'île de Reichenau située au milieu du lac inférieur, et les princes carlovingiens eurent une résidence à Bodman au nord du lac. Cependant, c'est pen*

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DES KTAT3 DK L'ECBOFB CENTRALE, 129

tt la seconde moitié du moyen Dgc que la mer de Souabe, me disaient les JfimiejiVi^fr, eut son époque la plus brîl- liinte ; Constance, la fondation des empereurs flaviens, la capi- tile ecclésiastique d'un des plus vastes diocèses de la Germanie, Irnoil un rang distingué parmi les villes impériales et fut même pendant quelques années, à l'époque de son concile, le centre lie la chrétienté. Le rôle historique du lac est allé en décroissant .nec la diminution du grand commerce qu'Augsbourg el les ailles danubiennes faisaient par ses bords avec la Lombardie; lU conservé néanmoins son importance locale. Les collines qui l L'iititurenl sont admirablement cultivées et produisent même liii vin, qui, il est vrai, n'a que le nom de commun avec le pré- neia cru du cap de Bon ne- Espérance ; il est sillonné par de iiumbreuï bateaax à vapeur ; les chemins de fer y convergent (II' tous les points de l'horizon, de Goire, de Zurich, de Bflle, de >tuitgart, d'L'lm et surtout d'Augsbourg, dans la direction que ■nivit jadis Drusus pour envahir la Vindélicie et qu'affection- l'iienl les rois de Germanie dans leurs expéditions romaines ; "iiacun des cinq états enfin qui se rencontrent sur son littoral y iii moins un port : au fond du lac, à l'est, Bregenz appartient ■I i Autriche el la ville insulaire de Lindau à la Bavière ; au nord, rnelrîchshafcn, l'ancien Buchlioni, est vsurtembergeois ; sur I II rive méridionale, Rorschach et Koraansborn sont en Suisse, H Constance, à l'intersection du lac supérieur et du lac inférieur, fjil partie du grand-duché de Bade.

L'orientation du lac inférieur, par lequel découle le Rhin, impose au fleuve sa seconde direction caractéristique , d'est en "ucsl, qu'il maintient jusqu'au coude de Bdle. La grande navi- Eitiondu lac de Constance, qui se l'ait par des bateauï jau- int jusqu'à mille quintaux métriques, s'y continue jusqu'à ]

niouse, chef-lieu du seul canton suisse de la rive droite, Il l'altitude n'est pas même de 10 mètres inférieure à celle | Olar,; mais plus loin, où, sauf quelques exceptions insigni- •iinles, le lUiiii fait frontière entre la confédération helvélique 1 ^legrand-duché de Bade, commence la rupture du Jura, qui le 'todijinavigable jusqu'à Bàle. La grandiose cataracte de Lau-

130 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

fen 5 par laquelle elle débute à peu de distance en aval de £ house, n'a en effet pas moins de 20 mètres de haut, et si bas, les rapides de Zurzach, de Laufenbourg et de Rhein ne sont pas infranchissables , comme le prouvèrent , po deux derniers, les Zuricois de 1S76, en apportant par e pot de riz encore chaud à leurs bons amis de Strasbou empêchent du moins toute navigation régulière. De ce c6t contre, commence Timportance stratégique du fleuve; les i villes forestières de Waldshut, de Laufenbourg, de Saecb et de Rheinfelden, qui depuis le confluent de TAar se si sur les deux rives, la première et la troisième au nord, conde et la quatrième au sud, sont bien souvent nommée les guerres des derniers siècles. A Bâle enfin finit le cours rieur du Rhin ; c'est là, comme nous l'avons dit plus haut, cesse d'être un fleuve alpestre et quitte définitivement le i il a pris naissance, par un coude à angle droit qui le < vers le nord. U y coule encore avec la rapidité d'une flèche de 2 mètres à la seconde, sous le dernier pont fixe qu connu avant l'établissement des chemins de fer ; mais pr immédiatement après il se ralentit sensiblement. Déjà se veau n'est plus qu'à 255 mètres au-dessus de celui de la m qui ne représente que la neuvième partie de l'altitude d sources, alors que le Danube, dont les sources sont troî moins élevées, n'atteint une dépression analogue qu^en a^ Passau, c'est-à-dire à un éloignement double de son ori L'emplacement de Bâle appelait, pour ainsi dire, la cri d'une ville importante : on y domine à la fois le plateau Suisse antérieure et la plaine de la haute Alsace ; les conM cations vers le nord et vers l'est sont indiquées par le fleu le long du fleuve ; à l'ouest s'ouvre la trouée de Béforty gi route naturelle entre les bassins du Rhin et du Rhône, kxy déjà fonda, un peu en amont de la ville actuelle, la grande nie ^Augusta Raitracorum , dont on voit les ruines près d sel-Augst; après sa destruction lors de l'invasion barbare, prit sa place, fut tour à tour cité épiscopale, ville libre imp< et canton helvétique, et ne cessa de développer son commei

> ÉTATS [>B LGL'HOl'E CfiKTBÀLE.

diesse sous ces différents régimes. Ue même que Cons- , elle a eu son roncile au quinzième siècle; son opiik-nce e.'t proverbiale aujourd'hui encore.

Les affluents de la seconde scclioii du cours supérieur du Rhin sont plus nombreux et plus consirtcrablcs que ccu.x de ia [ircmière. A droite, il est vrai, oîi il lonpe le massif de la l'orét Noire et avoisiue de près les sources du Danube, il ne recuit que des ri^itres de médiocre importance, comme la Wutadi et la Wiese; mais à gauche trois grands tributaires lui amènent les cniii de la majeure partie de la Suisse. A l'est, la Thur, qui le rejoint en aval de Laufen , réunit presque tous les coui-s d'eau te coulons de Saint-Uall, d'Appenzell et de Thurgovie; h l'ouest, la Birso qui lui arrive au-dessus de Bâlc , tout près du ' kmp de bataille de Saint-Jacques , sert de déversoir aux val- \m abniplcs du Jura helvétique septentrional ; entre les deiLx, I.W, qui opère sa jonction eu amont de W'aldshut, recueille iwi un euurs de 300 kilomètres une masse d'eau & peu près ïuiii considérable que celle du fleuve principal. L'Aar est le "ai fleuve helvétique; comme le flmve rhétique dans lequel elle se perd, elle sort du cœur des Alpes et s'alimente par d'innombrables glaciers. Née au pied du Finsteraarhorn , elle ■i^emble les cau-x qui descendent eu éventail des Alpes ber- '"ises et les purifie dans les beaux bassins lacustres de Brienz 1 1 lie Thun ; puis elle parcourt en courbe puissante le plateau de la Suisse antérieure, et absorbe, dans cette seconde partie de sa ranitre, deux grands groupes de rivières : do gauche lui vien- "pnllaSarinc, qui draine les Alpes vaudoïses et Irtbourgeoises, '''•■ la rivière jurassique de la Thifle, qui sert de déversoir aux II- «le NeucliAtcl et Bienne; de droite, la Reuss, qui dcs- ^m\ du Sitint-Gotlhard et traverse le lac de Lucerne, et la Lini- nul, qui siïrt du lac de Zurich après j être entrée sous le nom de l-inlli, qu'elle porte depuis sa naissance aupieddu Toedi. ï(mte l liLsioirc suisse est pour ainsi dire évoquée par ces noms ; l' Aar "■ liaigne p;is moins de trois cliefs-licux de cantons, Berne, So- We cl Aarau, dont le premier s'élève fièrement sur un pro- ^fOutuirc que k ri* icru cnluure de trois cùtOs ; Fribourf; occupe

132 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

une position non moins dominante au-dessus de la Sarine, de la profonde vallée y a ses flancs réunis par un pont suspen d'une extrême hardiesse ;Lucerne et Zurich ont été construite la sortie de la Reuss et de la Limmat de leurs lacs respecti mais c'est l'endroit surtout TAar, la Reuss et la Limmat rencontrent, à quelques lieues au-dessus de leur confluent ai le Rhin, qui est un lieu classique : à la jonction de l'Aar et de Reuss, le village de Windisch conserve le souvenir de la pU d'armes romaine de Vindonissa; un peu plus haut sur Yh s'élève, au-dessus de Brugg, la Habsbourg, lieu d'origine de dynastie impériale d'Autriche, tandis que, sur la Reuss, l'a cienne abbaye de Koenigsfelden , bâtie à la place fut assa sine Albert I", a longtemps servi de lieu de sépulture ai princes et princesses de sa famille; et Baden, sur la Limmat, vieille citadelle habsbourgeoise, a été pendant des siècles leli( de réunion des diètes helvétiques.

A Bâle commence le cours moyen du Rhin, qui va jusqu Bonn et comprend à lui seul près de la moitié de la longueur d cours total; ce cours moyen, qui traverse les contrées moi tueuses intermédiaires entre les Alpes et la dépression de mer du Nord, se divise à son tour en deux grandes étapes, le point d'intersection est à Bingen. La section de B&leàBii gen , qui est la troisième à partir de la jonction des rivières i sources , a la môme direction normale sud-nord que la pr( mière ; mais elle oblique légèrement à l'est sur la majeure pai tie de son parcours et se rejette à la fin brusquement vei l'ouest, si bien qu'entre Mayence et Bingen le fleuve repren momentanément la direction qu'il suivait pendant sa deuxièm étape. D'un bout à l'autre de cette troisième section, le Rhi arrose et quelquefois aussi ravage, malgré les digues chargéi de le contenir, une contrée privilégiée, qu'on désigne indistin tement comme vallée on plaine du haut Rhin; elle est détenu née, à lest, par la Forêt Noire et l'Odenwald, à l'ouest, parl< Vosges, la Hardt et le mont Tonnerre, et fermée, au nord, p le Taunus et le Hundsruck. A une époque antérieure du gloh elle formait probablement un vaste bassin lacustre, dont le vei

DES ÉTATS DB l'eUDOPE CENTRAtl?. 13:1

r septentrional a finalement cédé à l'action corrosive des L\; aujourd'hui elle s'étend en champs fertiles, en vergers et :j vignobles, à travers lesquels un grand nombre de routes, de iiiaiu et de chemins de fer unissent des villes florissantes, pen- iliLnl (pie les flancs des montagnes qui la dominent sont eou- mtU de magnifiques forfts et de ruines romanti{[ues. Sa lar- t,our moyenne est de 40 à 50 kilomètres; mais le IlJiin est loin J(? la [Mirtager en tieux moitiés égales; aux deux extrémités il kii^e m^rae directement les montagnes ou collines de la rive iiroilc: au sud l'Itzsteiner-Klotz, promontoire avancé de la Forêt Nuire, ne laisse aucun passage entre le fleuve et lui, et au nord Ips collines du Rheingau, qui continuent le Taunus en face de la vieille ri^jiideiice carlovingienne d'Ingellieim , baignent dans les lloiâ le pied de leurs célèbres vignobles de Johannisberg et de Hiiiie>lieim. Comme le Rhin y entre avec une masse d'eau déjà i'Urfmement puissante, qui devient m^me formidable en au- bmiiR lorsque les grandes crues élèvent parfois sou étiage de fi')u7 mètres, et que, d'autre part, son inclinaison eslbeaucuup muiiis considérable que plus haut (B.lle est à 235, Slrasboui;g àili, Mayence à 80 mètresd'altitude), i! permet de nouveau, i | l^arlir de BAic, la navigation interrompue depuis Schaffhouse. '■''pt-iidant les bas-fonds, les bancs de sable, les centaines d'îles Irisées qui l'obstruent, nu début surlout, rendent, de concert flipc les changements continuels du chenal principal ou ihal- "''^, les communications fluviales fort pénibles jusqu'à Stras- ''utirg, difficiles jusqu'à Mannheim. Aussi le canal du Rhône au lUiin a-t-il été prolongé parallèlement au Heuve jusqu'à la Kwiére des deux villes, et la navigation à vapeur régulière ne i^'iinmence-t-elle qu'à la seconde; d'ailleurs, la double voie fer- '■'■'-■ qui par les deux rives unit Bûlc à Bingen, fait aujourd'hui ■I 1.1 baleliprie rhénane une concurrence extrêmement dange-

Au point de vue politique, le Flliin maintient dans sa troisième ' iipe le rôle que nous lui avons vu jouer dans la seconde ; à 1'"'^ suule exception près, il délimite entre eux des étala diffé- MiLs. De même que pins haut il séparait le grand-duché da

134 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Bade de la confédération helvétique, à partir de Bâle il lui sert de frontière vis-à-vis de l'Alsace d'abord, de la Bavière rhénane ensuite ; puis, à l'autre extrémité de la section, il forme la limita entre la Hesse grand-ducale et l'ancien duché de Nassau, récem- ment devenu la présidence prussienne de Wiesbade ; seul le grand-duché de Hesse comprend les deux rives du fleuve, depuis Worms jusqu'à Mayence. Tous ces pays font aujourd'hui partie du nouvel empire allemand; depuis la perte de l'Alsace, la France a cessé d'être riveraine du Rhin. Le Rhin n'en est-il pas moins, comme on l'a dit et imprimé si souvent, la frontière na- turelle de notre patrie, non-seulement le long des Vosges, mais le long de son cours entier ? Question extrêmement délicate, mais qu'il ne nous est pas permis de passer sous silence, et à laquelle nous répondrons en toute sincérité, au risque de nous attirer des récriminations amères. Ni la géographie physique, ni l'histoire ne nous paraissent assigner un tel rôle au thalw^ du Rhin : s'il est un fossé, creusé par la nature, qui se prête à merveille à établir une délimitation politique ou administrative simple et précise, il ne pose pas, commelefont les vraies frontiè- res naturelles, mers, déserts ou hautes chaînes de montagnes, une barrière permanente, difficile à franchir, capable d'arrêter les mouvements des peuples et d'empêcher les relations journa- lières des riverains; et d'autre part, s'il a servi de frontière théo- rique à l'ancienne Gaule, dont la France moderne tient la place, il n'a jamais empêché les empiétements ethnographiques et poli- tiques, qui, depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours, se sont opérés sans cesse d'une de ses rives à l'autre. Sans parler de l'établissement des anciens Celtes sur les deux bords àx Rhin, nous savons de science certaine que dans la Gaule belpi- que et dans la moitié occidentale de la plaine du haut Rhin 1<*> immigrations tudesques remontent au moins à l'époque de César, et que de leur côté les Romains, à peine maîtres des Gaules, y annexèrent, sur la rive opposée du fleuve, la vaste étendue des champs décumates ; plus tard les Francs et les Alle- mans furent à la fois transrhénans et cisrhénans, et les non»- breux évêchés de la vallée entière, à la seule exception de celui

DES ÉTATS DE t'ElTROPE CENTBAIE. t3S

[[BAlo, «tendirent leurs circonscriptions diocésaines sur les [ bords du fleuve ; l'empire de Charlemagne, celui de ses »sscurs germaniques, celui de Napoléon I" n'ont pas res- éla frontière du Bhin, et de raSme qu'aujourd'hui la Hol- ; et la Prusse, la Hessc grand-ducale et la Bavière sont & I sur le fleuve, lii plupart des principauti^s rhénanes de Bicien saint-empire ont pendant de longs siècles compris des liloires situés des deu\ côlèsduRhin. Disons-doiic hautement, e que c'est la v(5rit6, que le Rhin n'a rien de ce qui constitue » (ronlières ratalement imposées par la nature, qu'au contraire iluns cette zone moyenne, par laquelle le tronc continental euro- péen passe insensiblement de sa partie centrale & sa région utaderitnle, en reliant entre elles par mille liens leurs terrasses (If montagnes et leurs dépressions océaniques, il n'est que le [irpraier et le plus impiirtant des phénomènes physiques qui y-Tffint il les réunir bien plus qu'à les séparer ; et ajoutons avec une conviction non moins entière que, par cela même que dans celle contrée intermédiaire, ans contours indécis et flottants, la Nature a laissé un libre jeu au développement historique des |<euplcs et des étais, en leur pernietlant de se grouper à leur gré, lantAt d'après la communauté de la race et de la langue, 'anuli en vertu des lieus plus réfléchis que créent les intérêts et 'fttsjrapalhies, le droit et la morale sont d'accord pour con- <lïmner , de quelque cAté qu'elles viennent , de prétendues feveiidications, Faites, sans égard pour les vœux des popula- tions, au nom de certaines nécessités géographiques ou ethno- graphiques.

Nous revenons à la troisième sectioii du Rhin, pour indiquer «s ville!* et ses affluents les plus remarquables. Sous le premier ^iport, l'intérêt se concentre sur la rive gauche du fleuve, qui it compte pas moins de quatre cités antiques et célèbres, anciens Sellés et anciennes viUos libres impériales loutes les quatre, t que la rive droite ne possède qu'une seule grande ville, irigine fort moderne. La raison de cette supériorité d'un ï bords sur l'autre est historique bien plus que naturelle IBH doute la rive gauche est généralement un peu plus haute,

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i36 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

UD peu moins marécageuse, plus habitable par conséquent, que la rive opposée ; mais surtout elle a fait partie de Tempire romain pendant bien plus longtemps et d'une façon beaucoup plus incontestée que les contrées transrhénanes ; rien d'étonnant dès lors qu'ici, comme plus bas aussi, toutes les villes d'origine romaine soient de ce côté du fleuve et aient tout au plus en face d'elles des têtes de pont assez insignifiantes. La première et la plus considérable des quatre villes-sœurs de la plaine du haut Rhin est Strasbourg ; elle s'élève presque en son centre, à un resserrement du fleuve qui se prêtait facilement à rétablissement d un pont, et au croisement de la route fluviale avec la route naturelle qui du bassin de la Seine mène à celui du Danube, par les cols aisément accessibles des Vosges et de la Forêt Noire, que nous avons signalés plus haut du côté de Saveme et de Pforzheim : de son nom moderne qui signifie la ville des routes et qui est doublement justifié depuis qu'à son tour le réseau des chemins de fer européens y forme un nœud important. Capitale nécessaire de l'Alsace, sur la rivière caractéristique de laquelle elle est bâtie, elle a toujours passé pour une place militaire de premier ordre ; sous son nom primitif d'A rgentoratuniy elle fut le lieu de résidence de la huitième légion romaine ; Charles-Quint disait qu'il courrait à son secours plutôt qu'à celui de Vienne; Vauban la fortifia avec toutes les ressources de son art, qui naguère se sont trouvées insuffisantes contre les engins de des- truction modernes, et ses nouveaux maîtres prussiens l'entourent aujourd'hui de toute une ceinture de citadelles. Mais elle fut aussi de tout temps une ville amie des sciences, des lettres et des arts ; illustre par son université, renommée pour sa biblio- thèque qu'un bombardement odieux a réduite en cendres, elle est célèbre dans le monde entier par sa cathédrale, dont la flèche s'élève à 142 mètres, dix mètres plus haut que la coupole de Saint-Pierre, quelques mètres seulement plus bas que la grande pyramide de Gizeh. Non moins anciennes que Strasbourg, Spire et Worms, les villes des Némètes et des Vangions, ont comme elle un long et glorieux passé ; mais elles sont l'une et l'autre singulièrement déchues, et après avoir été les premières en date

DES ÉTATS BE l'iîCllCirE CEÎÎTHALE. 137

p^inni Ips villes libres impériales, après avoir \u bien souvent se ri'iinir dans leurs murs les diètes de l'empire, elles sont tombées jLiirangde petites villes de province, qui appartiennent, Spire b U Buvifre et Wonns à la Hesse grand-ducale. L'une et l'autre «■iiservent te souvenir et les traces des dévastations ordon- iiivs par Loiivois ; lorsqu'en 168!) l'impitoyable ministre de Ltiuis XIV fit changer le Palatinat en im vaste désert, les soldats 'lu roi très-chrétien n'épargnèrent que les deu\ cathédrales, ej inœre jetèrenl-ils au vent les cendres des empereurs qui répu- dient dans celle de Spire, Après Spire, la ville des morts, et \\''jnns. le siège des rois bourgondes des Nibelungen, nous ar- rivimi-à Mayence, la quatrième et dernière des vieilles cités de lie la plaine du haut Rhin. Elle aussi n'est plus aujourd'hui, ^us la souveraineté hessoise, ce qu'elle était autrefois, lorsque H^; archevêques, successeurs de saint Bouiface, étaient primats li'AlIcmagtie et archichanceliers de l'empire, qu'un de ses bour- =eijis fondait la ligue des villes du Rhin et qu'un autre iuventait I bprimeriD ; mais sa iH>sitiou géographique continue à lui as- 'Werune importance commerciale et militaire analogue \ celle Je Strasbourg. Située à peu près au milieu du cours du fleuve, iiHi-vis de l'embouchure du Mcin qui tient le premier rang l^rmi ses affluents, Mayence domine à la fois les deux lignes fiiviales et la grande voie de communication naturelle qui, par lalTiuringe, mène du bassin rhénan au bassin de l'Elbe ; aussi, après avoir été au temps de la batellerie cn grand le point d'in- iTswiion de la navigation rhénane supérieure et moyenne, est- fil'' devenue de nos jours un centre considérable pour la navi- gation h. vapeur comme pour le transit par voies ferrées, et ■'imme forteresse elle reste, entre les mains de la Prusse, ce TÛ'Ilo a été à l'époque romaine et à l'époque napoléonienne, la ' Wde r.VlIcmagne moyenne. Aux quatre villes de la rive gauche 'mus n'avons à en opposer qu'une seule sur la rive droite : c'est '^'Wiilieira, qni a été bfttie au confluent du Neckar, presque à *-'ilc distance de Spire et de Worms, pour servir de résidence l'u derniers électeurs palatins, et qui est devenue en ce siècle, ftoàsa situation sur les deux cours d'eau, un grand entrepôt

138 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

(le commerce. Mais en dehors de ces cinq centres principaux i y a à noter, sur le Rhin ou dans son voisinage immédiat, ui certain nombre de forteresses, en grande partie démantelée aujourd'hui, dont les noms reviennent souvent dans rhistoir< militaire des derniers siècles ; telles sont, sur la rive gauche Huningue, Neuf-Brisach, Gcrmersheîm, et, en seconde ligne Schlestadt sur 1111, Haguenau sur la Moder, Wissembourg sui la Lauter, Landau sur la Queich ; de l'antre côté Vieux-Brisacl et Philippsbourg, et plus en arrière Fribourg-en-Brisgau sur h Dreisam et Rastadt sur la Murg. Enfin nous mentionnerons encore, h quelques lieues de la rive droite, entre Strasbourg et Spire, la ville de Carlsruhe, qu'un caprice princier a appe- lée à la vie au commencement du dix-huitième siècle pour en faire la capitale du marj^raviat, aujourd'hui grand-duché de Bade.

Quant aux tributaires notables de la troisième étape rhénane, ils sont au nombre de trois , dont l'importance augmente à mesure qu'on descend le fleuve. Le premier par ordre gé(h graphique et en môme temps le plus insignifiant des trois est l'Ul, la rivière principale de l'Alsace, à laquelle elle a donné son nom. L'Ill naît dans les contreforts du Jura helvétique et a, depuis Ferrette jusqu'au-dessous de Strasbourg, un cours à peu près droit de 180 kilomètres de long, qui, presque à égale dis- tance du Rhin et des Vosges, la mène prosaïquement à travers les riches, mais monotones campagnes de l'Alsace supérieure et moyenne. Dans son haut cours elle baigne Mulhouse, l'ancienne république alliée aux Suisses, qui pendant les soixante-dix ans qu'elle a été française s'est élevée au premier rang parmi les centres manufacturiers de l'Europe; plus bas, elle passeàCohnar et à Schlestadt ; à Strasbourg, déjà quelques kilomètres seule- ment la séparent du Rhin, elle reçoit son principal sous-afQuent, la Bruche, qui lui arrive des Vosges centrales. Depuis le con- fluent de nu jusqu'à Bingen, le Rhin n'est plus grossi à gauche que par des cours d'eau de peu d'étendue, la Moder, la Lauter, U Queich, tous dirigés, comme la Bruche, d'ouest en est; à droite au contraire deux affluents de premier ordre, le Neckar et te

Mi'iii. siircètlont. aux pelits affluents, EU, Kiiizig, Miirg, que lui :> l'dvojis la Forint Noirf, et lui amÈncnl foutes les eaux, l'un lie 1.1 Souabp'seplf ntrinnale et l'autre d(i !a Friinconie.

U Neckar, gui prend sa source sur le flanc orienlal de la ï'itH Nnire. k pou de distance de celles du Danube, est comme ipIiiî-cî un fleuve de plateau ; mais la haute plaine il se déve- liilijH.' est moins élevée que celle où, de l'autre cûlé de la Rauhe- .U[i, couIp so» puissant voisin ; de plus il y découpe une vallée riante et fertile, liien différenle du triste plateau danubien; ^bord^ sont couverts de vignobles, tandis que le Dajiube n'nr- nt^fi qu'un pays de houblon. Son cours, en demi-cercle, de un kilomiitrcs se divise en trois sections : dans k première, qui M dirigée du sud-ouest au nord-est et parallèle au Danube, il baigne l'ancienne ville libre de Uoltweil, le siège i^pïscopal lip crt^atiun récente de Hottenburg et la ville universitaire de Tiibingue; la seconde, il coule du sud au nord parallèlement nu lïhin, cfimmence au-dessus d'Esslingen et finit au-dessous de Heilbronn, l'une et l'autre anciennes villes d'empire, en pas- i^int par Cannstadt, s'ouvre à gauche le délicieux entonnoir if Stulljrarl, la capitule wurtembergeoise; dans la troisième ^iiOii, ipii porte des bateaux à vapeur, il traverse l'Odenwald niwdioiia! dans une direction est-ouest parallèle au Meiu et |iep[icnd!i!ulairo nu Rhin, baigne Heidelbcrg, l'ancienne rési- lifiicR pi ville d'université des électeurs palatins, dont le cbftleau ''"raines domine, comme une albambra gothique, une contrée fliariimnte, et entre, immédiatement après, dans la plaine du liaut Rhin, pour opérer sa jonction h Mannheim. Parmi ses ^iis-a[flucnt5 nous n'en citerons que trois ; à gauche l'Enz, 'fi! lient dePforzheim et rejoint entre Cannstadt et Hcilbronn; ■1 ilrtile les deux rivières conjuguées de la Koclier et de la Jagst, l'iil les noms indiquent la rapidité torrentielle et qui, après "nir passé l'une h Schwaebisch-Hall, l'autre à Ellwangen, se ^rtviiiitcut presque simultanément dans le cours d'eau principal * l'endroit même où, au-dessous de Heilbronn, il commence Is coude qui le rapproche du Rhin. Au point de vue historique le bassin du Necltar est surtout remarquable pour avoir fourni son

l'tO HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

cadre territorial au comté, puis duché et royaume de Wurtem- berg, qui a eu pour point de départ le château depuis longtemps disparu qui couronnait le Rothenberg entre Esslingen et Cann- stadt ; le Wurtemberg ne Ta pas cependant complètement absorbé, puisque le Neckar inférieur, autrefois palatin, est aujourd'hui badois ; il est vrai qu'en revanche il a notablement empiété sur la Souabe danubienne et s'est même étendu jusqu'au lac de Constance. Une autre particularité à constater à propos du Neckar, c'est que la région qu'il arrose n'a pas eu d'évèché à elle jusqu'à l'époque contemporaine ; aussi longtemps qu'a subsisté l'ancienne hiérarchie ecclésiastique de l'Allemagne, elle est restée partagée entre les diocèses rhénans de Constance, de Spire et de Worms, d'où étaient partis jadis les missionnaires qui l'ont christianisée.

Autant le Neckar souabe prime l'Ill alsacienne, autant il est inférieur lui-même au fleuve franconien du Mein, qui, abstrac- tion faite de la Meuse, est le plus grand affluent du Rhin et lui amène un tiers environ de ses eaux. Le Mein naît au cœur de l'Allemagne montueuse, dans le massif des monts des Kns, d'oîi sortent un Mein blanc ou septentrional et un Mein rouge ou méridional, qui se réunissent en aval de Culmbach, et coule uniformément, mais avec d'énormes méandres, qui lui donnent un cours de 600 kilomètres contre 260 kilomètres seulement de distance directe, dans la direction d'est en ouest, jusqu'à sa jonction avec le Rhin àCastel, en face de Mayence. Son parallé- lisme avec le Danube qui coule en sens opposé donna déjà à Charlemagne l'idée de relier les deux fleuves par un canal; l'œuvre fut entreprise, mais bientôt abandonnée; elle n'a été réalisée qu'au dix-neuvième siècle, par le canal Louis, qui du Mein et de la Rednitz gagne l'Altmuhl et le Danube. Le Mein lui-même ofl*re de grandes facilités à la navigation, à cause de sa nature pacifique et régulière qui ne connaît ni cascades m rapides, ni récifs ni îles, et il était fort fréquenté autrefois en dépit des 32 péages qu'on y avait établis; il Test beaucoup moins aujourd'hui, malgré la suppression de ces entraves, parce que le manque d'eau en été, et en toute saison les grands dé-

DES ÉTATS DE L'KUHOPE CINTRALE. Ul

, pamii lesquels il faut signalor en prcmièrr ligne lu double te qui se développe entre Sdiweinfurt et Hanau, occa- sionnent des retards dont no s'accommode plus le commerce de notre temps. Mais sa large vallée, à laquelle aboutissent dans le haut cours celle de la llegnitzet dans le cours moyen celles de la âaale franconienne et de la Tauber, est toujours un vrai jardin, riche en blé. en fruits et en vins; yrAce à elle la Franconie

Ëpic parmi les contrées les plus fertiles de l'Allemagne. Le ■9 paisible du Mein a de tout temps rendu très-faciles les municalions entre les deux rives, dont la fréquence est dé- nolée par des ponts extrêmement nombreux ; c'est ce qui explique pourquoi il n'a jamais formé une frontière politique ou ethno- ^rupliique. Au moyen Age il a appartenu tout entier aux Fran- i^niens ou Austrasîens transrhénans, dont les sièges s'intcrca- luient entre ceux des Saxons et des Thuringiens au nord, et ceux te .Vllemans et des Bavarois au sud; aujourd'hui son bassin i-it réuni sous la seule souveraineté du roi de Bavière, à l'excep- lino cependant de la partie la plus rapprochée du Rhin, que se partagent la Hesse grand-ducale et la Prusse, depuis que celle-ci niibsorbé l'éleclorat de Hesse, la république de Francfort et le tliiclié de Nassau.

Le vrai centre de la vallée du Mein et par suite de la l'ranconie est Wurzbourg, VHerbipoUs du moyen fige, dont la forteresse naturelle, le Marienberg, domine le cours moyen ilu flunve : lA fut établie une des premières stations clirc- 'i^anes au delà de l'ancienne limite romaine; plus tard ses princes-évêques, titrés dues de Frunconic, ont compté parmi les prélats les plus puissants du saint-empire, et leur richesse leur J permis de bâtir un palais vraiment royal, qui, à l'époquenapo- l^niemie, a servi de résidence à un archiduc d'Autriche, créé ïr*nd-duc de Wurzbourg par l'empereur des Français, A l'o- fient, c'est-^-dire dans le bassin supérieur du Mein, les deux ailles principales ne sont pas situées sur le fleuve lui-même, ""<i!i dans le bassin d'un afÛuent méridional aussi puissant que 'ni, qui porte successivement les trois noms parents de Rézat, '^i' Rednitz et de Itegnitz; l'une est Bamherg, bien placée dans

142 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

le voisinage du confluent de la Regnitz et du Mein, l'autn Nuremberg, bâtie dans une plaine sablonneuse sur un petit sou* afQuent qu'on appelle la Pegnitz. La première qui naquit sousU protection du château-fort d'Altenburg ou Babenberg, constnii pour arrêter les incursions des populations slaves, fut érigée wi évôché par l'empereur Henri II le saint, qui bâtit et dota riche- ment la cathédrale sur le mont Saint-Michel, et resta jusqu'au commencement du dix-neuvième siècle la capitale d'un prince- évoque presque aussi puissant que son confrère de W^urzbourg. La seconde au contraire est d'origine royale et obéit d'abord aux burgraves qui, au nom de l'empereur, occupaient son châ- teau, bâti sur une roche aiguë de grès ; mais promptement enrichie par l'industrie et le négoce, elle s'éleva peu à peu au rang de ville libre, attira dans ses murs le grand commerce entre le Rhin et le Danube, les viUes de la Hanse et Venise, et ajouta aux avantages de l'autonomie républicaine et de la richesse mercantile un grand éclat artistique et littéraire, qui se résume au seizième siècle dans les deux noms glorieux d'Albert Durer et de Hans Sachs ; jusqu'aujourd'hui Nuremberg, dont les jouets d'enfants font encore le tour du monde, a consci*vé plus qu'aucune autre ville allemande l'aspect des cités municipales d'autrefois: les boiseries et les monuments de ses églises de Saint-Laurent et de Saint-Sébald, les fontaines de ses places publiques, les avances et les fenêtres ogivales de ses maisons particulières rappellent i chaque pas le moyen âge et la renaissance. A l'autre extrémité de la vallée du Mein, sa vallée de plus en plus large se confond avec la plaine du haut Rhin, prédomine de vieille date Francfort , la voisine et la rivale de Mayence. Comme Nurem- berg elle fut d'abord une villa royale, Gharlemagne déjà tint un concile ; mais sa situation favorable à un passage habituel du fleuve, au gué des Francs comme le dit son nom, la fit gran- dir rapidement; enrichie par ses foires, qui remontent au on- zième siècle, et par le trafic sur le Mcin, qui, jusqu'à Franc- fort, porte des bateaux de môme tonnage que ceux du Rhin, elle aussi devint une ville libre, et sa situation centrale entre les contrées saxonnes, lorraines, franconiennes, souabes et ba-

01» ÉTATS DE L'SUSOPE CEHTRALK.

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labes ta fit choisir do bonne heure comme ville d'élection, Is aussi de couroniicmetit du saîat-cmpire. En 181S, après 1'.^ commotions de l'époque napoléonienne, elle redevint encore iiiiufois république municipale et clief-lieu de laconfédérationger- ' i.iiiique ; mais les événements de 1866 en ont fait une ville pro- > m'ialc prussienne, et son /{wenitv, se réunissaient autrefois I -.^lecteurs, n'est plus aujourd'iiui qu'un vulgaire hôtel de ville. Depuis le coude de Mayencc, le Taunus force le Rhin à (liïier vers l'ouest, le fleuve change peu à peu do nature; il 'C resserre et devient plus rapide : c'est qu'il se prépare itCDtrer dans sa quatrième étape, essentiellement différente de lalroisième, avec laquelle elle constitue le cours moyen de ia L'ninde artère fluviale. Celte quatrième section, qui s'étend de Bingen à Bonn, correspond au groupe de montagnes schisteuses 'liii coiivTc toute la vaste région comprise entre les monts de Wfstplialie et les Ardennes ; le Rhin y conserve la même direc- 'l'ii normale sud-nord que nous lui connaissons depuis Bâle, i!if qu'au lieu d'obliquer légèrement ii l'est, il afTecte doréna- inil une inclinaison de pins en plus marquée vers l'ouest; mais I) lien d'y rouler dans une large vallée analogue h la plaine du ■■■lut Khiu, il s'y fraie un étroit passnge k travers les chaînes et H massifs qui, ïi une seule lacune près, sur laquelle nous allons ffvenir, l'accumpagaent et l'enserrent des doux côtés jusqu'à sm entrée dans la grande dépression septentrionale. Il s'intro- iliiudîins ce couloir, que forment d'abord le Taunus elle Hunds- rwk, puis, au delà du petit bassin de Neuwied, l'Eifel et le Wcslerwald continué par le yiebengebirg, par une rupture nuipBle, le fameux trou de Bingen, à l'endroit miîmeoù la j i'U^c vallée de la Nahe se réunit à la sienne en aval de Krcuz- "adi; 1^ probablement était fermé le lac du Rhin supérieur liant que le verrou de Uundsruck cédAl à l'action continue des 1 'iiin ; les travaux pour écarter les obstacles à la navigation, qu'y i ""I faits les Uoniuins dans l'antiquité, les villes cl les princes ' -Hrains au moyen Age, les Suédois elles Français pendant la -*rre do trente ans, ont été complétés par les ingénieurs mo- 'ksnv.^ néaiuuuins aux ba^-C; eaux on peut encore suivre à

144 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITDRULE

travers le lit du fleuve la direction sud-ouest à nord-est de 1 formation des rochers. Plus loin le Rhin coule, sans grande sinuosités, presque sans îles, en une seule masse compacte; le récifs et les tourbillons qui anciennement étaient la terreur de bateliers ont disparu en majeure partie, grâce à l'art moderne la beauté seule du paysage n'a pas changé. Cette partie ii Rhin est, en effet, la plus pittoresque et la plus célèbre du cour entier : des deux côtés, des collines plus ou moins escarpée encadrent le fleuve, les unes couvertes de vignobles, les autre couronnées de ruines féodales qu'on a en partie restaurées; de nombreuses petites villes, charmantes à distance surtout s'étendent avec leurs églises et leurs bâtiments antiques le long de la rive ou à l'entrée des vallées latérales ; partout ce ne sonl que maisons isolées, vieux couvents ou villas modernes, et te souvenirs historiques ou légendaires ajoutent un charme de plus au charme de la navigation. Près de Bingen le Maetisethurm consacre par son nom la légende de l'archevêque Hatton çpic dévorèrent les souris pour le punir de la dureté de son cœui pendant une grande famine; en face de Caub, la vieille forte- resse de la Pfalz, qui émerge du fleuve sur un bloc de rochers, fut le théâtre d'un mariage furtif qui réconcilia momentané- ment les Welfs et les Hohenstaufen ; à Saint-Goar a prêché, dès le sixième siècle, un des premiers missionnaires qui firent revivre le christianisme dans le pays rhénan après son éclipse causée par l'invasion barbare; la Lurley a encore son tourbillon et son écho à défaut de l'enchanteresse qui y précipitait dans l'abîme les adorateurs attirés par sa blonde chevelure et son chant mé- lodieux, et au Kœnigstuhl de Rhense on montre toujours les sièges en pierre du roi de Germanie et de ses sept électeurs. Plus loin, le bassin de Neu>vied entre Coblence et Andernach^ vu le passage du Rhin par Jules César et par Gustave- Adolphe et les touchantes funérailles de l'héroïque Marceau ; le Drachen- fels rappelle la victoire de Siegfried sur le dragon, Rolandsecl et Nonnenwerth les amours malheureuses du neveu de Charte magne, et la chapelle de Saint-Michel à Godesberg s'élève sU l'emplacement d'un ancien temple de Mercure.

KES lïTATS Oe t'Kt'HOPB C^THALE. OU

i nature abrupte des ri\eg du Rhin sur toute cette partie de b parcours a pendant longtemps empêché la construction de

tes le long de ses deux bords, et. par suite, doublé la valeur h fleuve lui-même comme grande voie de communication. On

1 servait dès le temps de la domination romaine pour tranf- iclur les iioniuies et les marchandiiies ; par lui passait au )jen flge la pmte de Flandre, entre Venise et les cités des Pnys-Bas; jusqu'à une époque fort rapprochée de nous, presque l'Hit le coniuierce de la réj^îon se faisait par eau, au moyen d'une iialellerie irès-cousidérable, que la navigation i vapeur n'a pas t^rirore fuit cuniplétenienl disparaître. Aujourd'hui l'élablisâr- niettldf's chemins de fer a produit une révolution écononùque iii roninie ailleurs; cependant les voies ferrées n'ont été con- struites que fort tard sur celte étape du Rliin : celle de la rive liroil* n'a élèquc tout récemment achevée entre Coblence et Bonn, et elle n'a pas eu à déposséder une grande route anté- rieure. La structure du terrain explique d'autre part pourquoi jusqu'à la fin du dernier siècle il ne s'est fait aueune grande LaluiiuTation de territoire dans le rayon de la quatrième sec- ii'iDtlîi Rhin; il y a cent ans, quatre éicctorats, ceux de Mayence, 'I^Tré\os, de Cologne et du Palatinat, et un grand nombre de petites principautés se rencontraient au seul bassin de Neu- •ied. Mais l'unité de domination est faite aujourd'hui; inau- punV par la France sur la ri\e gauche du fleuve, elle a été na- Kiitpf consommée par la Prusse, grûce h l'annexion du duché de ^*«iu. C'cïit à la môuie raison enfin qu'il faut attribuer t'ab- ^nncfide grands centrer dans la seconde moitié du cours moyen 'lu Rhin; elle a eu dts le moyen flge, à côté de ses cliAteaux- f'rts, de nombreuses villes secondaires, mais eljes dépendaient 'il' chefs-lieux étrangers au fleuve; Coblence, la seule ville im- portante qu'on rencontre depuis Bingen jusqu'à Bonn, n'aellc- raAnie jamais été une capitale. Elle est cependant fort lieureu- ■enieul située, îi égale distance enire Mayencp et Cologne, à l<înlr*e du fertile bassin de Neuwied le Hundsnick et le Tniirin?., l'Eifel et le We^lerwald se retirent à quelque distance ilii nt-n^<>. au l'iiiinnciil ntrnic de la Moselle (de s(in(ieu\

14Ô HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

nom de Confluent es) et un peu au-dessous de celui de la Lahn, au croisement, en un mot, de toutes les voies fluviales et continen taies de la région ; mais son importance a de tout temps été prin- cipalement militaire. A Tépoque romaine elle constituait, avec Andernach à l'autre extrémité du bassin de Neu^ied, un des grands boulevards de la ligne de défense de l'empire contre les Germains indépendants ; au moyen âge elle devint la place forte, plus tard la résidence des archevêques - électeurs de Trêves, dont le dernier y donna un asile trop fameux à Témî- gration française de 1791 ; de nos jours elle est avec le château d'Ehrenbreitstein, qui lui fait face sur la rive droite, une des grandes forteresses rhénanes de la Prusse.

Nous venons de nommer, à propos de Coblence, les deux seuls grands affluents de la quatrième section du Rhin, la Lahn et la Moselle ; car plus bas la Wied, qui vient de droite comme la Lahn, et TAhr, qui rejoint à gauche comme la Moselle, ne sont que des cours d'eau peu considérables, intéressants tout au plus par les vallées étroites et abruptes dans lesquelles ils ci^ culent. La Lahn, qui est la rivière caractéristique de la Hesse méridionale et du Nassau, circonscrit le Westerwald au sud, dans un cours fortement arqué de 185 kilomètres. Historique- ment elle est surtout importante dans son cours supérieur : fut fondé par saint Boniface, non sur la Lahn elle-m*^rae, mais sur un cône basaltique du Vogelsgebirg qui domine son afQuent rOhm, le premier centre chrétien du pays catte ou hessois, Amœnebourg, qui devint sous les successeurs du saint dans Tarchevêché de Maycnce la citadelle destinée à assurer leur do- mination temporelle; s'éleva plus tard, dans une position aussi pittoresque qu'avantageuse, sur et contre une montagne qui s'avance dans la vallée principale, la ville de Marbourg,où sainte Elisabeth se détruisit elle-même par les fatigues et les macérations, une magnifique cathédrale fut instruite en son honneur, et oîi son descendant, Philippe le Magnanime, créa aux premiers jours de la Réforme une université protes- tante. Dans son cours moyen la Lahn baigne Giessen, l'autre université hessoise, que les landgraves de Darmstadt opposèrent

nv.% ÉTATS DE 1,*BCH0FE fiESTRALE. 147

il HIp fie leurs cousins de Cassel. et l'ancienne ville libre de Wclztar, qui fut le dernier siépe de l.i chambre irapérinle et 'jiii.il y a quelques années encore, fnrmail une enclave prnfi^ -ipiine avancée enlre la Heçse et le Nassau. Sur son cours infé- rieiircnGn se suivent les vieilles possessions nassoviennes de Wcilbourg. Diez, Nassau, Enis; mais aucune ville n'accora- ppTic son embouchure, car de Luul temps Coblence a attiré à tille la navigation de la Labn, en niônie temps que celle de la Moselle.

De^ueoup plus importante que la l-ahn. la Moselle, qui est le Bstve lorrain par excellence, rappelle le Neckar par la structure générale de son bassin; mais In courbe qu'elle décrit est plus ttsadue, son développement plus considérable, sa civilisation pItB ancienne; elle appartient à la fois à deux nationalités et à tout grands états. Née, eneffet.au pied du Ballon d'Alsace, sous BB pMïllèlc un peu plus méridional que le Neckar. elle pro- longe son cours de tout un degré de latitude plus au nord ; sa Iw^eur est de BOO kilomètres, c'est-à-dire égale à celle du M«in ; déjà au quatrième siècle de notre f-re Ausone a pu chan- 'tî SCS villes florissantes et ses fertiles campagnes; ses bords •"W habités simultanément par des populations de langue ro- 'iiiine et de langue tudesque, et son bassin se partage entre la ^Viince et l'Allemagne, d'une façon fort inégale il csl vrai, dc- ]>iii? que nos récents malheurs ont fait passer sous la domination 'illeinandG le pays français de Metz. .Au point de vue physique, le fnirs de la Moselle se divise en dciiv moitiés, essentiellement tti'lindes, dont l'ime correspond nu plateau lorrain et l'autre au triiupp schisteux rhénan. Dans la première elle contourne en ■ircdecercle le niassif vosgien ot ses continuations septentrio- nc fait qu'un seul détour considérable, à la hauteur do iqne ville épiscopale de Toul, et coule dans une vallée pilto et fertile, que bordent des collines eu partie chargées de lioblts. Des deux centres principaux de cotte section suiwrieure, I. Nancy, la résidence des ducs de Lorraine jusqu'au moment llenr petit élal devint français, est situé sur un sous-affluent droite, la Meurthe; l'autre, Metz, e^l bâti sur le fleuve lui»

a

148 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

même, où, de droite aussi, il reçoit la Saille, et a de tout temps tenu le premier rang. Tour à tour cité gauloise, capitale de TAustrasie franqueet du vieux duché de Lorraine moseUane, ville épiscopale, ville libre et ville française, elle est avant tout une des places les plus fortes de l'Europe; naguère on l'appelait la forteresse pucelle; comme Strasbourg, elle est aujourd'hui une place d'armes allemande, après avoir pendant trois siècles défendu la frontière de la France. La section inférieure de la Moselle commence en amont de Trêves, à l'endroit elle reçoil coup sur coup à gauche la Sure, qui par son satellite l'AIzette baigne la forteresse naturelle de Luxembourg, et à droite la Sarre, qui passe sous les remparts de Sarrelouis et se grossit elle-même par la Blies et la Nied. A partir de ce point sa vallée se découpe beaucoup plus profondément, entre le Hundsruck et l'Eifel, de façon à réunir les contrastes les plus pitto- resques : en bas se pressent les villages et les petites villes, au milieu des prairies, des vergers et des champs ; à mi-hauteur s'élèvent les vignobles en terrasses superposées et de nombreux châteaux du moyen âge ; en haut s'étendent des forêts de chênes et de sapins, à peine interrompues par quelques champs d'a- voine, principale richesse d'une population clairsemée. Le ca- ractère le plus original cependant de cette dernière étape delà Moselle, ce sont ses sinuosités innombrables; tandis qu'à la même hauteur le Rhin coule presque en ligne droite, son tribu- taire, sans faire un seul grand circuit, se développe sur 225 ki- lomètres pour parcourir les 100 kilomètres de distance directe qui séparent Trêves de Coblence. Aussi cette partie de la vallée n'a-t-elle jamais eu de grande route depuis les Romains jusqu'à nos jours, et manque-t-elle aujourd'hui encore de chemin de fer; de son côté la grande navigation n'a jamais pu s'y établir» ni avant ni depuis l'invention de la vapeur ; mais par contre I* nacelle y est aussi employée que le chariot, parc€ que les popu- lations riveraines exploitent les deux bords à la fois et quête banlieues des villages enjambent la ri\ière. Chacun des tours et dos détours de la basse Moselle forme ainsi un petit canton sé- paré, et il n'est pas étonnant que jusqu'à la fin du dernier siè^'^

»« tTATB OF L'EITIOPR CBNTBJl I.P. 1 i9

wmlircuses dominations féodales se soient mainlennessur

Tm parcours à côté des électeurs de Trêves, qui en étaient les seigneurs territoriaux les plus puissants. La France républi- caine et la Prusse, qui a pris sa place en 18)i, ont là. comme lans la section correspondante du Rhin, fait succéder l'unité k I division ; mais jusqu'aujourd'hui la nature du pays est singu- ii-remeut retirée, et il n'a pas une seule ville de quelque im- («irtance, sauf les deux centres de Trêves el de Coblence, placés à l'-nlrée et à la sortie de la régiDii. Nous n'avons pas à revenir MIT Coblence, qin appartient au Rhin plus encore qu'à la Mo- selle; quant à Trêves, qui s'élÊve entre des vignobles et des nion- s boisées à un endroit la vallée est large et bien culti- I lte,elle n un passé pins grandiose que ne le ferait deviner son it présent : si la tradition dit vrai, elle est la plus ancienne e de l'Allemagne; k l'époque des derniers empereurs ro- ins, qui y résidèrent fréquemment et dont son amphithéâtre It envahi par les vignes, ses thermes el. son palais de Con- Intin conservent le souvenir, on l'appelait la Home gauloise; au lojenftiïie elle devint la capitale d'un éleclorat ecclésiastique; ■jaurd'hui elle est une ville de province prussienne de troi- Ime ou de quatrième ordre. Après avoir depuis Bflle traversé dans toute sa largeur la iiine nionlueuse qui se subordonne au\ pentes septentrionales <tesAl[)es, le Rhin atteint près de Bonn l'extrémité méridionale |4h golfe de plaine intercalé entre les montagnes de la West- illie et le massif des Ardennes. Là, à une altitude de 42 mè- % seulement, finit son cours moyen, et avec lui la vigne qui !kfidèlement accompagné depuis la hauteur de Coire; com- e sou cours inférieur, qui se développe lentement à travers bgrtnde dépression voisine de la mer du Nord et se déconi- W, demfime que le cours supérieur et le cours moyen, eu Il sections de nature différente. La première, qui représente inquième étape du cours total, s'étend de Bonn à Wesel; I dleinaintient exactement la direction carartéristique sud-nord K déviation à l'ouest, suivant laquelle le fleuve s'est fait jour * travers la formation schisteuse rhénane; mais la largeur de

ISO HISTMAE UE FOUUTIOS TEBUTOUALE

<*m lit 4^i duréDavaot de 4ôO à 500 mèlres sar une profoudeur qui varie de 3 à 12 mètres; ses bords peu élevés recommeacent à avoir besoin de la protection des digues contre le danger des ruptures, et, par contre aussi, la grande navigation fluviale y prend un essor inconnu plus haut. Autrefois les navires de la mer du Nord et de la Baltique remontaient le Rhin jusqu'à Co- logne, qui était en rapports directs avec Londres, Bergen et Lubeck; de nos jours encore, malgré les voies ferrées parallèles, il est sillonné sur tout son parcours inférieur par les grands bateaux et radeaux hollandais, qui sont munis d*un système de voilure particulier et portent de 3,000 à 4,000 quintaux métri- ques, et en même temps par les nombreux bateaux à vapeur des ports de Cologne, de Dusseldorf et de Rotterdam.

La cité dominante de la cinquième section est Cologne, que la nature elle-même a destinée à être un passage, un port et une forteresse. La rive gauche s'y élève en effet assez pour écarter tout danger d'inondation et fournir Tassiette convenable à réta- blissement d'une place forte ; de plus, une bifurcation du fleuve, aujourd'hui disparue, y facilitait anciennement la traversée. C est en profitant de cette circonstance que César et Constantin ont bâti leurs ponts en cet endroit. L'art des ingénieurs moder- nes y a construit, sur le fleuve qui depuis des siècles coule dans un lit unique, le pont en fer qui, avant ceux de Strasbourg, de Maniiheim, de Mayence et de Coblence, a relié les chemins de fer des deux rives, et d'abord enlevé à BAIe l'honneur dépossé- der le dernier pont fixe sur le Rhin. Fondée par Vipsanius Agrippa, Cologne, dont le nom rappelle son ancienne dignité de colonie romaine, fut dans l'antiquité la métropole de la Ge^ manie inférieure, tandis que Mayence l'était de la Germanie supérieure. Au moyen âge elle servit de ciipitale aux Francs ri' puaires, et vit ses archevêques, dont les droits métropolitains s'étendaient sur toute la région du bas Rhin, entrer dans le col' lége électoral en même temps que leurs confrères de Mayence ^\ de Trêves ; mais surtout elle fut une des plus puissantes pamc^^ les villes libres du saint-empire et joua un grand rôle dans TaS^ sociation hanséatique. Puis vint avec le seiijième siècle, poij*

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DR? ÉTATS BE l'EUItOPE CCTTHALK. 151

lli- l'uiiua'-- pijur tnulcs les villes rhénanes, une longue période de défadetice ; mais, plus heureuse que la plupart de ses sœurs, Pologne a eu, sous la domination française, et surtout sous h âouverainelé prussienne, qui la remplaça eu iSli, une \me r^surrectinn indu^lriellp et commerciale; sa population iM n.-monlé*' an fliiirrc iJl' 130,000 habilantti, qui en fait, après Amsliîrdani , lu villi- la plus considérable du bassin du Rhin. Cinnnie plaœ forte, elle peut se mesurer avec Strasbourg, M[ivence el Coblence, et sa gigantesque cathédrale, monument iv sa frraiideur passée, s'élèvera, si les Itavaun de reconstruc- iitHi et d'achèvement poursuivis depuis une trentaine d'années (iTiïenlâ leur terme, bien au-dessus de tous les édifices bûlis if. main d'homme. En amont de Cologne, il n'y a à signaler, prmi le* villes riveraines de r«tte étape du Rhin, que Bomi, U&t, etl» ausbi, sur la rive gauehe, à l'entrée même de la plaine de la basse Allemagne. Ancien cIiAteau-fort romain, elle fin, pendant des siècles, la résidence des archevi^ques de Colo- ^ e\piilsës de leur cilé métropolitaine depuis qu'elle s'était constiiuéR en république, et est aujourd'hui une jolie ville uni- versitaire, presque aussi bien située qu 'Heidelberg. En aval, au fontraire, on rencontre deux grands centres, d'origine bien plus récente : Dusseldorf, sur la rive droite, la création des diusde Berg du quinzième siècle, qui se distingue à la fois par commerce et par son culte des arts , et Créfeld, à quelque distance de la rive gauche, qui doit son importance toute mo- (liTne h son industrie de la soierie; puis deux forteresses, l'une Jii iftnqis passé, l'autre du temps présent, Neuss et Wesel : la j'Wnière, à gauche, un peu au-dessus de Dusseldorf, n'est au- iuurd'hui qu'une bicoque; mais cette bicoque a arrêté la fortune iie Charles le Téméraire; la seconde, A droite, au confluent de 1^ Lippe, lient la place du Lippemund ou Lippeham carlovin- 1 couvre la frontière prussienne du côté de la Hol-

Les affluents du fleuve, pendant cette partie de son parcours, «)nt plus que d'une valeur fort secondaire. A gauche il reçoit sfale Erft, qui vient de l'Eifel, coulr^ parallèlement au RhinJ

152 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULB

et débouche dans le voisinage de Neuss. A droite la Weslphalie lui envoie quatre rivières qui suivent uniformément la direction d'est en ouest et deviennent plus considérables à mesure qu'on se rapproche de la mer. Les trois premières, qui appartiennent au plateau westphalien, coulent en méandres, à travers Targile schisteuse, dans des vallées plus fertiles que le haut pays envi- ronnant, et arrosent une région également célèbre par ses ri- chesses minérales et par son industrie. C'est d'abord la Sieg, qui rejoint un peu au-dessous de Bonn; puis la Wipper ou Wupper, dont le cours rapide aboutit entre Cologne et Dussel- dorf ; enfin la Ruhr, qui a son confluent à peu près à égale dis- tance de Dusseldorf et de Wesel. La Sieg n'a pas de centre im- portant; mais le long des bords de la Wipper se prolonge pour ainsi dire indéfiniment une seule et même ville de fabriques, dont les agglomérations les plus considérables sont à Barraen et à Elberfeld; et dans le voisinage de la Ruhr, dont le cours supé- rieur baigne Arnsberg, l'ancien chef-lieu du duché de West- phalie des archevêques de Cologne, Essen , la patrie des canons Krupp, est un des endroits du monde l'on manufacture le fer et l'acier dans les proportions les plus fortes et avec les en- gins les plus puissants. Quant au quatrième cours d'eau, la Lippe, qui opère sa jonction à Wesel après un cours de 185 ki- lomètres, de môme longueur par conséquent que ceux de l'illet de la Lahn, il coule non sur le plateau, mais dans le golfe west- phalien, qui s^arrondit au sud-est de Munster entre le Haar- strang et la Forêt de Teutobourg, et il a été successivement la rivière principale dos Bructères et des Saxons westphaliens. Près do ses sources s élève Paderborn, la création épiscopalede Charlomagne; au milieu de son cours Hamm, l'ancienne capi- tale du comté de Mark, qui est aujourd'hui un nœud de chemins de fer important, bien que la grande route commerciale et mili- taire entre le bas Rhin et le moyen ^^'eser n'ait jamais sain la vallée de la Lippe, mais so soit toujours tenue et se tienne en- core phisau sud. sur le flanc du Haarstrang, dans la direction de Uortmund et do Soest. Au-dessous de Wesel, il n'est déjà plus qu'à 16* mètre»

nR3 ÉTATS &K l'suropr crktaalr. m

au-de-^sus du niveau de la mer et coule sur une largeur de 700 Jt 8IW mètres, le Rhin fait un grand coude à l'ouest, qui dé- lermiiie sa sixième et dernière étape. Autrefois, prétendH3ii, il aurait continué vors le nord et gagné le lac Fk-vo, qui est devenu Ip Znîderzôe, dans le lit de la vieille Ysscl, qui est la prolongation iiialliémutique de la vallée du fleuve en amont du confluent de la Lippe ; mais en tout cas, il y a bien longtemps qu'il s'est frayé uQpa&?age entre les deux aérien d'ondulations qui alioutissent titincàtii à Nim^f^ne, de l'autre fi Aniheim, et que par cette L-vpècc de porte il se dirige vers le couchant, en décrivant le mie arc de cercle (pu. dans le voisinage de la mer du Nord, lui [wlcuiiTondre SCS deux embouchures principales, le Waal et le lA'k, avec les bouches de la Meuse. Une partie cependant de ses 'lUA coule aujourd'hui encore vers le Zuiderzée sous les noms il Visel, de Vecbt et d'Arastel, et un faible bras, qui conserve le n de Rhin, réussit depuis le commencement du siècle à ga- |er directement la mer du Nord. Cette division en bras d'em- jnchurc donne au Rhin une fin semblable k celle du Nil ; mais 1 delta est beaucoup plus civilisé, plus perfei;tionné par le nie humain que celui du fleuve d'Egypte ; la Hollande entière ituneaiuvre d'art, ii laquelle iml travaillé de concert le fleuve,

iret l'homme.

l'Nous avons essayé plus haut, à propos du littoral de la mer jlNurd, de donner une idée de l'aspect général de ces Pays- |B par excellence, dont le Rhin est la grande artère; nous n'y Irons pas ici et nous nous contenterons d'exposer aussi nmiiBt que possible lastnictun; du delta du fleuve, beau- p plus compliquée encore que celle de la région il réunit 1 multiplet:; chemin faisant, nous ajouterons quel- s Indications sur les villes notables que baignent les difl'é nisbras d'embouchure. Le Rhin, qui dans la partie de son Mrs en aval Je W'esel il tient encore ses eau\ réunies •e à àa gauche Xanlen, les Romains eurent un grand eta- «etnent militaire, et Clèves, dont la dynastie en s'étcignant Wt jadis l'Europe en feu, opérait, il n'y a pas deux cents ans, ^première ei principale bifurcation, celle tjui donne naissance

u

154 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

à la Betuwe ou île des Bataves, à la hauteur du fort de Schienk se rencontrent aujourd'hui les royaumes de Prusse et de Pays-Bas; des travaux de canalisation achevés' en 1701 Ton reportée à quelques lieues plus bas, au village de Pannerden se détache à gauche le Waal, qui emmène les deux tiers di la masse d'eau et n'en laisse qu'un tiers à la branche de droîl( qui, sous le nom de Rhin inférieur, est censée continuer l( fleuve : le Waal coule d'est en ouest, passe à Nimègue, qui fii successivement un fort romain, un palais carlovingien, uw station de pirates normands, une cité hanséatique et le sîég< d'un congrès européen, et rejoint (ou reçoit) la Meuse à Gor cum. A quelque distance au-dessous de Pannerden, un peu en amont d'Arnheim, l'ancienne résidence des ducs de Gueldre, l'Yssel, qui part à droite, enlève à son tour au Rhin inférieui un tiers de son volume : elle doit probablement son origine au canal creusé par Drusus entre le Rhin et le lac Flevo, reçoit la petite rivière qu'on appelle la vieille Yssel, passe à Zutphen et à Deventer, baigne le Salland qui a donné son nom aux Francs saliens et débouche dans le Zuiderzée au-dessous de Karapen, après un cours presque entièrement dirigé du sud au nord. Le Rhin inférieur, fort diminué déjà par cette double saignée, coule parallèlement au Waal , c'est-à-dire du levant au cou- chant, depuis Arnheim jusqu'à Wyk-by-Duurstede, l'ancien Dorestadt, qui fut une grande ville de comnàerce dans les pre- mier> siècles du moyen âge; le Lek qui en réalité le continue, car il suit la même direction et emporte les trois quarts de ses eaux, prend à gauche, également dans un ancien canal, qu'on attribue aux Romains ou au Batave Givilis, et va rejoindre, entre Dordrecht et Rotterdam, le lit d'un des bras de la Meuse et du Waal réunis ; ce qui reste du Rhin inférieur coule pare^ sensément au nord-ouest, sous le nouveau nom de Rhin courbé qui persiste jusqu'à Utrecht. A Utrecht enfin, dont le château- fort romain devint phis tard le siège de Tévêché du pays hatave et furent signées la déclaration d'union des sept province^ néerlandaises et la paix qui mit lin à la guerre de succession d'Espagne, a lieu une dernière division : à droite se détache h

nR» èTATS DB l'sosope CBNTRALE,

IKS

il, qui ccnile vits le uord, se jette dans le Zuideriiëe par

e double embduchure, la Vecht à l'est et l'Arastel k l'ouest, et

1 seconde relie au batisin rhéiiaa Amsterdam , la tète et te

r des Pays-Bas, qui a commencé à grandir depuis le

e iiîècle lorsque h Zuiderzée devînt une mer, mais qui

A surtout son ac(!roisseraent inouï àla révolution religieuse et

itiquedu seizième siècle;â^auche, le vieux Hliin, par lequel à

l'Époque romaine s't'couliiit une tçranile partie du fleuve, mais

qui aujourd'hui du Rliin n'a plus guère que le nom, se dirige à

J'uuiHtsup Lcyde, dunl le principal lleuron est son université,

Inde rhéroîsuie qu'elle déploya dans la guerre d'indépen-

pcedee Payti-Bas. et, au lieu de tarir comme autrefois dans

tadoDes, communique depuis 1806 avec la mer du Nord par le

il de Katwyk, que défendent deux raôlee et trois rangées d'é-

Aprfej avoir suivi jusqu'à la mer les bras d'embouchure sep- tentrionaux du Ilhin, Yssel, Vecht, Amstel et vieux Rhin, il UHus reste à examiner la partie m6ridtonale de sim delta, qui se lainfoiid avec celui de la Meuse ; mais auparavant nous jelerons iinoiupd'œil sur le bassin complet de ce cours d'eau, qui, en realiié, n'est qu'un affluent du Rhin, bien que l'usage en fasse un fliiine indépendant et lui subordonne les branches rhénanes iliii amènent dans Min lit une masse d'eau fort supérieure à la

I *ieune, La Meuse, qui naît au plateau de Langrcs, dans le voisi-

Bfltge immédiat des sources de la Saône, et coule comme celle-ci, ^■lism isaf. opposi-, dans la direction du méridien, u un déve- ^%|peR)eiit fluvial C4jnsidérahle . qu'on estime h 6Î>0 kilo- laÈtres ; néanmoins, comme la largeur de son bassin ne corres- iiuQdpiiï' à sa longueur, elle n'a, géographiquement et liistorîque- lowil, qu'une importance médiocre. Cela esl vrai priiicipaleuienl J* sixi ctjurs supérieur, exclusivement français, oii elle trace wlo plateau lorrain une vallée peu profonde, que bordent des •flUines boisées ou des dos de pays nus, et que côtoient de près, 'l'oiiestetà l'ftst, les tributaires de la Seine et du Rhin; quoique plus )iui»$aiite que sa voisine de droite, la Moselle, conmie l'in- "iliitnt leui-s deux noms latins de Mosii el de Miisf//'i, elle n'y

156 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

peut opposer aux centres mosellans de Toul, Nancy et Metz que la seule forteresse de Verdun, le troisième des sièges épiscopaux de la haute Lorraine et le lieu fut consommé le démembre- ment de la monarchie carlovingienne. Dans son étape moyenne, qui se partage politiquement entre la France et la Belgique, mais appartient tout entière à la nationalité française, la Meuse est à la fois plus pittoresque et d'une étendue de bassin plus considé- rable ; de même que le Rhin et la Moselle à la même hauteur, elle se fait jour à travers la formation schisteuse rhénane en rompant en méandres continus le massif des Ardennes, et comme les vallées parallèles de la Moselle et de TEscaut laissent à la sienne un développement un peu plus ample, elle se grossit pour la première fois de quelques affluents notables : de droite, lui viennent le Ghiers, la Semoy et TOurthe renforcée par la Vesdre ; de gauche, le principal de ses tributaires, la Sambre, qui en amont et en aval de Charleroi a parcouru les riches char- bonnages du Hainaut. Elle y est aussi plus peuplée et plus ni- dustrieuse; sur ses rives se suivent Sedan, autrefois la résidence des Sangliers des i4rrfen;iC5, aujourd'hui la ville delà fine dra- perie, à laquelle la capitulation du 2 septembre 1870 assurée jamais une notoriété peu enviable ; Mézières, la vieille forteresse française ; Givet, oîi la vallée est la plus étroite et se termine la pointe que le territoire français pousse en pays belge le long du fleuve; Dinant, qui fabriquait dès le moyen âge les ustensiles de ménage connus sous le nom de dinanderie ; et surtout les deux villes prépondérantes de Namur et de Liège, bâties au con- fluent de la Sambre et à celui de TOurthe, dont la première fui jadis une place forte de premier ordre, tandis que Tautre, après avoir rempli Thistoire du quinzième siècle du bruit de ses que- relles avec ses princes-évêques, se contente aujourd'hui de la gloire plus modeste d'être un centre manufacturier de premier ordre. Le cours inférieur de la Meuse, à travers la plaine mari- time du nord et sur territoire hollandais, est de nouveau beau- coup moins intéressant, du moins jusqu'à sa jonction avec le Rhin ; le fleuve, après avoir baigné Maestricht, la vieille forteresse qui commande un de ses principaux passages, et Roennonde»

DE!» ÉTATS L'ErBOrE CEHTBAl»;, 1S7

nitil reçoit de droilfl la Rœrqiii vient de Juliers, reproduir entre Venlo et Grave, il coule an milieu des landes et des tourbiè- res, la courbe \ers l'ouesl du Rhin inférieur, communique une première fois avec le W'aal au Fort-Saint- André, et après avoir *iicore reçu à gauche le Diczen, qu'ont grossi à Bois-le-Duc la Donimel et les deux Aa, opère dèiîuilivemeiit sa jonctinii avec lui PÊi face de Gorrum. Quelques lieues plus bas, lui \illnge de Wi'fkendain , commence ensuite le ilelta de la Meuse, qui est en mfnie temps celui du Rhin méridional : un bras qui se détache i gauche parcourt en nombreux canaux le Biesbosch. puis se prolonge sous différents noms jnsqu'à la mer, tout en communi- quant n^ec l'Escaut oriental; la principale niasse d'eau, qu'on appelle la Merweou fleuve, continue droit à l'ouest jusqu'à Dor- ilreclit, ou de grande» scieries débilenl les radeaux du Rhin, et > y divise de nouveau en trois branches principales, dont celle dp gauclie se dirige au sud vers le prolongement du Biesbosch, tandis que la vieille Meuse au centre maintient la direction occidentale, et que le bras de di-oite, le plus puissant des trois, toulc au nord-ouest, d'abord encore sous le nom de Merwo, puis, ilepuis le confluent du Lck, sous celui de nouvelle Meuse, bai- ETic Rotterdam, le plus important des ports néerlandais sans en ncppter Amsterdam, et après avoir appelé de nouveau à lui la "Cille Meuse, débouciie dans la mer du Nord au-dessous de îlricllo, dont la prise par les gueux tmirins inaugura en 1 572 la pierre d'indépendance des Pays-Bas.

Lp delta commun du Rhin et de la Meuse, que nous venons 'il' pnrcourir depuis les confins de la Frise jusqu'à, ceux de la ^iolande, se continue bien plu> loin encore au sud-ouest, par If^ Iwuches de l'Escaut qui touchent l'estréinité seplenlrionale *ip la Flandre. Mais bien différent de la Meuse qui par le Fait est ""vrai aniucntdu Hliin, l'Escaut est tout an plus un satellite du ^**lèinc rhénan, auquel il m; se rattache qu'indirectement, par Ifniremise des bouches de la Meuse; compris d'ailleurs tout l'ntier dans la dépression maritime de la mer du Nord, il n'offre vcritAblenieiil d'intérêt qup par les grandes \illes qu'il baigne I P*r liii-m^-me nu par ses alïluents, et par l'itnporliuice comnier-

J

158 HISTOIUE DE LA FORMATION TERRITOBIALB

€iale de son cours inférieur, qui, comme celui de la Tamise, in- troduit à marée basse les grands navires fort loin dans l'inté- rieur des terres. Nous nous bornerons donc à rappeler que Cambrai et Valcnciennes, Tournai et Gand, Anvers et Flessin- gue s'élèvent sur les rives mêmes de l'Escaut, tandis que ses tributaires de gauche et de droite passent d'une part à Arras, à Douai, à Lille, à Courtrai, de l'autre à Mons, à Bruxelles, à Louvain, àMalines, et sans plus tarder, nous arrêterons ici la description du bassin du Rhin, après l'avoir parcouru d'étape en étape depuis les glaciers des Grisons jusqu'aux polders de 1* Hollande, à travers toutes les formations orographiques de l'Ett- rope centrale. Mais avant de prendre congé du grand fleuve alpestre, qu'il nous soit permis d'insister encore une fois sur le rôle historique qu'il a joué depuis vingt siècles tantôt, et dont témoignent les monuments de tout âge qui se pressent sur ses bords : la vallée du Rhin, où, depuis César et Charlemagne jus- qu'à Louis XIV et Guillaume 1", se sont si souvent décidées les destinées de l'Europe, est un sol classique presque au même titre que la Grèce et l'Italie ; se sont rencontrés Rome, la cité maîtresse du monde antique, et les Germains ses vain- queurs ; a résidé la puissance et éclaté la splendeur du saint- empire; domine aujourd'hui une autre Macédoine, qui, comme celle de Philippe et d'Alexandre, s'appuie sur la force et sur la discipline.

Le Danube, auquel nous passons maintenant, est le seul fleuve européen qui puisse jusqu'à un certain point disputer le premior rang au Rhin, dont à une foule d'égards il est directe- ment l'opposé. En efl'et, tandis que le Rhin est un fleuve de te^ rasses qui coule dans le sens du méridien, le Danube parcourt dans la direction de Téquateur une succession de plateaux et de plaines que séparent de minces verrous; l'un jaillit du cœur des Alpes et se jette dans une mer océanique à flux et reflux, l'autre découle de hauteurs comparativement médiocres et gagne un golfe presque fermé d'une mer intérieure. Comme longueur du cours et comme étendue du bassin le Danube surpasse de beau- coup le Rhin, car la distance directe de ses sources à son embou-

DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 159

chure et son développement fluvial sont de 1,660 et de 2,800 kilomètres, la superficie de son bassin de 820,000 kilomètres carrés, ce qui représente pour les deux premiers chiffres le double, pour le dernier le quadruple de ceux qui expriment les relations similaires du Rhin ; de plus il a sur lui Tavantage de baigner une grande capitale, et il n'est pas comme son rival un fleuve presque entièrement germanique, mais parcourt en dehors des pays de langue tudesque, qui constituent son bassin supérieur, des contrées madgyares, slaves, roumaines et tur- ques; néanmoins il a une imporUmce historique et politique très- inférieure : aujourd'hui encore, comme dans les siècles passés, il est fort en arrière du Rhin comme centre de civilisation et comme grande voie de communication des peuples.

Par ordre chronologique cependant il est son aîné, au moins pour la partie inférieure de son cours qui, sous le nom d'Ister, est mentionnée par Hésiode et décrite par Hérodote. Plus loin dans rintérieur des terres, les Grecs n'eurent pendant fort longtemps sur son compte que des notions extrêmement con- fiées; Hérodote, qui lui faisait parcourir toute TEurope par son milieu, plaçait sa source chez les Celtes, près de la ville de Pyrène, qu'on a cherchée tantôt dans le voisinage des Pyrénées, tantôt au pied du Brenner ; d'après une des versions des Argo- nautiques, Jason et ses compagnons d'aventure auraient, en le remontant, gagné les mers occidentales; et Théopompe, Eratos- ftènes, même Hipparque encore enseignaient qu'un de ses bras se déversait, à travers Tlstrie, dans la mer Adriatique, avec une conviction non moins entière, mais plus excusable que celle des Turcs du dix-huitième siècle, quand ils reprochaient avec indi- gnation à la république de Venise d'avoir permis le passage par ses eaux à la flotte russe qui vint incendier la flotte ottomane à Tchesmé. La conquête romaine enfin entraîna à sa suite la reconnaissance exacte du cours supérieur aussi, dont le nom cdto-latin de IJantmitis ou DmiubinSy dérivé d'une racine cel- tique qui implique l'idée de force et d'audace, est devenu l'appel- latif moderne du fleuve entier sous les différentes formes, fran- co, allemande, slave, hongroise et turque de Danube, Donau,

160 HTSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Dunai, Duna et Tuna; Tibère, après sa victoire navale sur le Vindéliciens du lac de Constance, pénétra jusque dans la régioi des sources du fleuve, et Strabon déjà le caractérisait à mei veille, en lui faisant parcourir une longue succession do haute plaines.

Avant tout, en effet, il est un fleuve de plateaux et de plaines sur lesquels il se développe en étapes plus ou moins longues, qi forment autant de degrés, reliés entre eux par des ruptures suc cessives à travers une série de verrous de montagnes. Antériev renient à ces ruptures, dont il subsiste des traces nombreuse le bassin danubien comprenait peut-être un certain nombre d lacs semblables à ceux qui remplissent la majeure partie di bassin américain du Saint-Laurent; jusqu'aujourd'hui chacui des gradins dont il se compose et parmi lesquels les plus irapor tants sont le plateau souabe et bavarois, les bassins de Linz e de Vienne, les deux plaines hongroises et la dépression de h mer Noire, conserve sa nature particulière. En tenant compte S la fois des conditions naturelles et politiques, on est amené 5 réunir ces formations analogues et cependant distinctes en troi: grands groupes, dont les points d'intersection sont marqués pa: les villes de Passau et d'Orsowa: au-dessus de Passau s'étend V cours supérieur ou Danube allemand, qui se partage entre h grand-duché de Bade, le pays prussien de Hohenzollern, le: royaumes de \\'urtemberg et de Bavière ; le cours moyen ot Danube austro-hongrois, compris entre Passau et Orsowa; répond aux provinces allemandes, madgyares et slaves de U monarchie habsbourgeoise; en aval d'Orsowa enfin, le cours inférieur ou Danube turc baigne simultanément les états vassauJ de la Porte, dont l'un, la Serbie, appartient déjà en partie au cours mojcn,et les provinces ottomanes directement gouvernées l)ar le sultan.

Le cours supérieur du Danube a, depuis les sources du fleuve jusqu'à Passau, la direction normale, d'ouest en est, du bassin entier; seulement une déclinaison septentrionale, qui comment* à peu (le distance de ses origines et ne prend fin qu'à Ratisbonno, lïloigne d'abord d'un degré environ de Téquateur; puis, u/ic

BBS Atats de l'kdboïb cektbalb. I6i

nouTelle déviation en sens oppo;-*^. qu'il maintient pendant la

[ifemièrc moitié du cours moyon, le ramène insensiblement au

pariilltle sous lequel il a pris naissance. Ses sources se trouvent

a\n couPuis de la ForM Noire et du Jura souabe, dans les hau-

k'iirs basQllifjues de la Baar: Ift. au sud-ouest de la source du

^l'ckor el [tresquo & égale distance des trois villes rhénanes de

>chafniousc, de Ittie et de Slrashimr*f, naissent dans la Forêt

viire badoisc, à une bauteur approximative de 800 mètres, .lu

iiiiieu de montagnes qui n'ont pas plus d'un millier de mètres,

'l'\iii riviftres. dont les noms similaires de Dreg et de Urigacli

lii'rivent l'un et l'autre d'une racine celtique qui correspond îi

l'idée de source, et après un cours peu élendu qui les mène

inirailèlement du nord-ouest au sud-est, elles prennent en se

réunissant près de Donaueschingen, dans un pays complètement

liai el muTËcageux. mais d'une altitude de près de 700 mètres,

le nom de Danube, qu'est censée leur imposer une petite source

I néedaiisla cour du cb&teau des princes de l'urstenberg, dont

' la flatterie a fait l'origine officielle du systi>me bvdrographique

le |ilus puissant de l'Europe, h la seule esceplion du \\'oIga. Le

tiouveaii fleuve continue d'abord à couler dans la direction com-

"iiine des deus brandies qui l'ont formé, c'est-à- dire vers le lac

Je Constance ; mais bientûl , h la bauleur de Furstenberg, il se

fecourbe vers le nord-est, el à partir de Tulllingen il commence

i bri*er la Haulie-Alp. Cette première ru]il.ure se fait dans une

iKlIée généralement étroite que surplombent de hautes murailles

iferorfiers et de nombreuses mines s'èlèient au-dessus d'é-

pùssesTorAts et de prairies verdoyantes; elle finit à Sigmarin-

genoù, à l'altitude de îiSO mètres, le Danube quitte la contrée

■Dontoeu^e pour entreprendre sa longue et monotone étape sur

k plateau souabe et bavarois. 11 y avance péniblement, à tra-

B les lies et les marécages, vers Ulm. Hatisbonne et Passau.

niïoiii aux liauteurs respectives de 460. de .333 et de 280 mè-

i, Et baigne de ses eaux paresseuses, fort différentes des flots

lipides et verts de ses affluents alpestres, des bords qui, h peu

^eiceptions près, sonl loin d'iître pittoresques. An sud, s'élend

■■preïijup à l'infini une bunte plaine cidlivée en blé mais mal-

162 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRtTORULE

traitée en maiat endroit par le fleuve et ses tributaires, comm( par exemple au sud de Neubourg et dlngolstadt, le plw grand des marécages du haut Danube, le Danaumoos par excel- lence, n'est canalisé que pour une petite partie depuis la fln di dix-huitième siècle ; au nord au contraire se rapprochent plu! ou moins de Tarière fluviale les hauteurs qui délimitent le bassii du Danube d'avec ceux du Neckar, du Mein et de l'Elbe : a sont d'abord les rochers calcaires du Jura souabe et franconi^, dont les marbres vont jusqu'en Asie ; plus loin, au delà d( Ratisbonne, des cônes de porphyre à demi détruits, sur l'un desquels le roi Louis P' de Bavière a construit, sur le modèle du Parthénon, sa Walhalla consacrée à toutes les gloires alle- mandes ; plus bas encore les hauteurs boisées de la Forêt de Bavière ou Bayerwaldqui, comme la Forêt de Bohême qu'elle longe en la reproduisant dans des proportions plus restreintes, se compose de granit, de gneiss et de grès rouge.

Les centres du haut Danube sont d'abord de préférence sur la rive gauche, s'élèvent Ulm, Donauwoerth et Ingolstadt; à partir de Ratisbonne ils passent sur la rive droite, à laquelle appartiennent, outre cette ville elle-même, celles de Straubing et de Passau. Donauwoerth au confluent de la Wernitz, commence la navigation à vapeur danubienne, et Straubing qui au moyen dge a donné son nom à une des lignes ducales de la maison de Bavière, n'ont qu'une importance secondaire ; Tin- tcrôt se concentre principalement sur les quatre autres cités, dont l'histoire résume assez complètement celle de la vallée du Danube allemand. Ulm, b&tie un peu au-dessousdu confluent de riller, a joué au moyen Age un grand rôle politique et mercan- tile, car elle partageait avec Augsbourg la primauté parmi les villes libres de la Souabe et elle centralisait dans ses murs le commerce de la partie supérieure du bassin ; son antique opu- lence, dont témoigne la belle cathédrale construite par sesbou> geois bien qu'ils n'eussent pas d'évêque à eux, a depuis long- temps cessé d'être proverbiale ; cependant son port, aujourd'hui wurtembergeois, est encore le point de départ des radeaux et des bateaux souabes qui descendent à Vienne pour y être mis &^

( frPATR nr. L'EI'ROPB CEIITRALK,

183

i, et *a siluaticMi naturel lemenl Torle. le souvenir aussi de la

^pitulation que Napoléon I" y dicta à une armée autrichienne

au début de la campagne de i 803 l'ont fait désigner en ce sièrle

pour servir de grande place d'armes à l'Allenuigne méridionale;

Kune Ilastndl. qui lui l'ail pendant de l'autre côté du plateau Neckar. elle a clé fortifiée avec l'argent des contributions de •ne françaises. Ingolstadt. que séparent d'Ulni quelques-uns lie^ ^runds cliauips de bataille eumpéens. Hoclistjedt sur le llmve lui-niôme, Noerdlîngue et le Lechfeld au nord et au sud ilii Danube, e^t une ville moins considérable, mais une forte nsfe de date plus ancienne ; elle a été pendant des siècles le boulevard militaire de lu Bavière, en même temps que son uni- teriilé, placée entre les mains des jésuites, constituait lacitadcUe du catholicisme bavarois. Ratisbonne au contraire a disputé au il moyen Age et dispute encore à Ulm le premier rang parmi le» | ïiliCî du haut Daimbe ; elle a en outre sur elle l'avantage d'une 1 iirigine beaucoup plus reculée etd'une histoire bien plus longue. [ fUcée au coude septentrional du fleuve, \is-à-vis du confluent '

IitelaNaab et du Regcn. dans une situation pareille à celle d'Or- i*ins, sauf que la ville française est au nord de la Loire et la nUe alleniaiide au sud du Danube, elle ét^iit dés l'époque nmaioe un établissement militaire notable, presque aussi im- pntânl pour la défense et pour l'attaque que celui de Mayence, mi couvrait l'autre extrémité des champs décnmates; après la 'hute de l'empire romain, elle servit de capilale aux ducs agilol- Sngiens de Bavière et de résidence à saint Kmmeran. sous le liatronage duquel reste son église catliédrale ; dans la seconde moitié du moyen âge elle s'enrichit par son grand commerce, ^ ilfintle rayon s'étendait jusqu'à Coiistautinople, et devint une j ville libre; même la décadence générale des cités municipale» ] >iiieniaiides à partir du seizième siècle ne lui fut pas aussi fatale j lu'àla plupart de ses sœurs, car comme siège de la diète de ' 's'iipire. qui s'immobilisa à son hôt^l de ville depuis l'an- "telSea. ellefut jusqu'en 1806 le centre politique officiel du ^*i»t-empire expirant; aujourd'hui chef-lieu d'une des huit '^nces bavaroises, elle se distingue par m lournurp antique

i64 UISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

et par l'activité plus grande qu y prend la navigation fluviale. Passau enfin, que sa position au confluent de Tlnn a fait appeler le Coblence danubien, a eu un développement analogue à celui de Ratisbonne, sans jamais atteindre à la prospérité de sa rivale; forteresse romaine dans l'antiquité, siège d'un grand évèché et place de commerce importante au moyen âge, elle n'arriva pas à l'autonomie républicaine et passa directement de la souverai- neté de ses princes-évêques sous celle des monarques bavarois. Si les villes du Danube supérieur se partagent à peu près éga- lement entre ses deux rives, il n'en est pas de même de ses tri- butaires ; à gauche, en effet, il ne reçoit que des affluents peu considérables, tandis qu'à droite les Alpes lui envoient une série de grandes rivières. Dans le premier groupe, qui comprend la Wernitz, l'Altmuhl, laNaab et le Regen, il n'y a de vraiment intéressant que l'AUmulil, qui baigne l'ancien siège épiscopal d'EichsUedt et débouche en amont de Ratisbonne ; son confluent à Kelheim marque en effet à la fois le point de départ de l'an- cienne ligne de circonvallation romaine autour des champs décumates et celui du moderne système de canalisation entre le haut Danube d'une part, le Mein et le Rhin moyen de l'autre. Le groupe de droite au contraire présente, en dehors de nom- breux affluents d'une moindre importance, deux couples de grands cours d'eau, Tlller et le Lech, qui coulent du sud au nord» et risar et l'Inn, qui se dirigent du sud-ouest au nord-est- Tous les quatre manifestent leur origine alpestre par leur course rapide et désordonnée, qui se continue même sur le plateau danubien ; tous les quatre, mais surtout le Lech et l'Isar cjU» aussi n'ont pas de ville à leur confluent, sont de nature peti civilisée, déposent en bancs de sable et en îles les débris qu'île ont entraînés avec eux dans leurs vallées supérieures, etalimet»' tent par des ruptures fréquentes les marais qui les accomp^' gnent. L'Iller, qui passe à Kempten et joint le Danube pr^^ d'Ulm, est la moins considérable des quatre rivières ; née ai^ confins du Tyrol et de la Bavière, elle sert dans son cours inC^ rieur de frontière politique aux deux royaumes de Wurtemberg et de Bavière ; mais la vieille frontière historique et ethnographie

DES ÉTATS Oe L'I^TBOPE CEKTHALK. 18S

feenlre la Souabe el la Bavière est au Lecli, des deux côtés pielles costumes, les mœurs, les dialectes sont différents; r ne citer qii"un exemple, la terminaison en ijiffeit de la plu- ' n des \illages souabes fiiit place, à partir du Lech, à la fdrme " Irami^e de my. Lp Lecli, qui a un développement de 250 kilo- ; prend naissance dans les Alpes du Vorarlberg ; il débou- e sur le plateau fi Fu^srn, l'ancien couvent de saint Magnus, rt y délimite de C(inc«it avec son sons- affluent de gauche, In Wertach, l'énorme plaine du LecWeld, au-dessus de laquelle nfl s>l&ve aucun arbre. Sa ville dominante, Augsbourg, qui wl bfttie à l'endroit même les deux rivières se réunissent, fonne de toute antiquité un nœud de routes et un centre lie commerce des plus importants, non-seulement pour le pla- leau anlérieur des Alpes, mais aussi pour le massif alpestre Itii-niénie ; déjft Tacite l'appelait la (rés~rcspIniiliss(iTite colonie rhttimne ; pendant tout le moyen Age elle IjriUa comme ville fpîïcopale d'abord, comme ville libre ensuite ; au seizième siècle, Charles-IJuint y réunit à plusieurs reprises la diète de l'eiiipirp . ses Welser et ses Fugger étaient les plus riches liiiaticiers de l'Eumpe ; aujourd'hui encore, bien que fort Jfehue. elle tient par son commerce et sa banque un rang hono- rable imrmi les chers-lii'u\ provinciaux de la Bavière. L'Isar, J<inl la lenteur est à peu près égale à celle du Lech et qui. '■"mine lui, se dédouble dans son cours supérieur par un sous- ■liHuent de gauche, TAmmerou Amper,est la vraie artère de la ràille Bavière, à laquelle elle appartient exclusivement et dont '•'iceritresles plus considérables, Munich, FrisinguectLandshut, ^mt tmipnés par lui. De ces trois villes, qui toutes ont servi de r*'idenres, la première et la dernière aux ducs bavarois, la se- firide îi ses princes-évéques, Munich est la plus récente , mais elle a singulièrement éclipsé les deux autres et compte aujour- 'i'hiii 169,000 habitants. Fondée par Heiui le Lion au milieu il<s graviers et des marécages de la mojenne Isar, elle ne pu- fissftit pas plus que Berlin, la ville des sables de la Marche, appelée fi un brillant avenir : pour la capitale de la Bavière '^umiiie pour celle de la Prusse, la volonté persévérante de»

160 HISTOlKK DK LA FORMATION TERRITORIALE

souverains a fait violence à la nature et créé, dans des conditio géographiques bien peu favorables, de grands centres politiqa et intellectuels. Il y a deux cent cinquante ans déjà, Gustav Adolphe comparait Munich à une selle de luxe placée sur le d d'une rosse ; la comparaison est plus juste que jamais, aujou d'hui que trois générations de rois, protecteurs attitrés des le très, des sciences et des arts, y ont accumulé les palais, 1 églises et les musées ; Munich est V Athènes allemande^ mais ui Athènes artificielle, qui met la bière k bon marché bien ai dessus des trésors de l'art grec et des séductions de la m\ sique de l'avenir. Enfin le quatrième et dernier des affluen alpestres du Danube supérieur est l'Inn, le plus long et le ph puissant de tous ; car il a un cours de 380 kUomètres et ue masse d'eau presque égale à celle du fleuve lui-même. dai les Alpes grises, au pied du Septimer, il parcourt dans tout leur étendue l'Engadine et le Tyrol septentrional avant è déboucher sur le plateau bavarois en aval de la vieille fortere» de Kufstein ; au-dessus de Braunau, il se grossit à droite de so diminutif, la Salzîi ou Salzach, qui descend du massif du Grosî glockner, et forme dès lors, jusqu'à son confluent, la limite enti la Bavière et l'Autriche. En dehors de Passau, qui lui appai tient en commun avec le Danube, il n'y a à signaler dans so bassin que deux villes, aujourd'hui autrichiennes l'une c I autre : Innsbruck sur l'Inn, la vieille capitale du Tyrol, c Salzbourgsur la Salza, l'antique Juvavia^ le siège métropolitaii des Alpes orientales, dont les archevêques ont tenu jusqu'à] commencement du siècle une des premières places parmi le princes ecclésiastiques du saint-empire.

Le cours moyen du Danube, qui commence à Passau i l'altitude de 280 mètres, pour finir à Orsowa, son niveai n'est plus que de 3o mètres au-dessus du niveau de la me\ Noire, a, comme le bassin entier, la direction caractéristique l'ouest en est ; mais au milieu environ de l'étape, un coudeà angle droit, que le fleuve fait à la hauteur de Waitzen, lui&il parcourir la plaine hongroise dans le sens du nord au sud jusqu'au confluent de la Drave, il reprend sa direction dot-

DBS ÉTATS BK I'eubopk nENTHAr.K.

t67

; pt comme de plus la lé^re déviatîùn vers le sud-est que is avuus signalée entre Ratisiaoïme et Passau persévère entre sau el \\'aîtzpn et se repi-odiiit en aval du confluent de la nvp,le Daruibe seli-on\i> auliout de son coups moyen de près taquatre deprfs plus rapprotrhé de l'équatcur qu'il ne l'était nu ftut. Politiquement toute cette partie du bassin est, à l'excep- n de la Ittisnie er de la Serbie, comprise dans la mouarchic wlro-honfiroise ; péoprapliiquement et elliiio^raphiquement lèse divise en deux sections d'inégale grandeur, la vallée nu- hienne et la plaine liongpoise. t La première qui s'étend depuis le conflueutde l'inn jusqu'à ! la Mardi est sensiblement inférieure à l'autre comme «iperficie ; par contre, elle forme incontestablement la partie la plus pittoresque du bassin entier. Le fleuve y coule en effet avec une largeur fort variable entre les contre-rorls des Alpes noriques l'etles montagnes du groupe bohémien, tantôt accidenté par les [JUS qu'il brise et par les rochers qui . malgré l'emploi répété Ib la mine, le font loujours encore tournoyer en rapides, tantôt ji'tiAiKissant dans une série de petites plaines, des Iles et des incs de sable te divisent en bras et ralentissent son cours ; sur Bdeux rives, qui par la variété des aspects rappellent celles du ïia entre Mayence et Bonn, les villes et les villages, les cliâ- HK et les couvents, les vergers et les vignobles alternent avec l( rochers et les montagnes boisées, derrière lesquelles parfois Mvent h l'Iiorizoïi méridional quelques cimes alpestres, A ces nuits d'une nature beaucoup plus riche et d'une culture bien avaucèe que ne le sont celtes du triste plateau ba\ arois, nt s'ajouter pour cette section du Danube un intérêt historique i KHhnogrDphiqiic de premier ordre : c'est le long des fertiles bords I ptileuve que les marquis, puis ducs, d'Autriche de la mair IndeBabenherg se sont graduellement avancés dans la direc- ] iadulnant, jusqu'il l'entrée delà grande plaine occupée par les ' igj'ars, en lunenantàleur suite les colons allemandsqui ont éli- te le» anciens possesseurs slaves et germanisé les deux ri\es ; t cette vallée du Uaniibe autrichien qui, sous leurs succès ftrsliabsbourgeois, est devenue, conmiearchidui;liéd'Aulriche,

168 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITDRIALK

le centre territorial d'une des grandes monarchies européennes et le point d'appui de la domination germanique sur les popula- tions slaves de la Bohême et de THlj rie.

Les deux villes principales qu'on y rencontre aux altitudes respectives de 240 et de 155 mètres sont Linz en Haute et Vienne en Basse-Autriche ; elles sont toutes les deux situées sur la rive droite du fleuve et dominent Tune et Tautre une plaine fertile à laquelle elles donnent leur nom. Le bassin de Linz est surtout remarquable par les deux affluents alpestres, la Traun et TEnns, qu'y reçoit de droite le Danube : la première sert de déversoir aux lacs du Salzkammergut ; la seconde, qui, dans son cours inférieur, délimite entre elles les deux Autriches, Haute et Basse, coule d'abord dans une vallée longitudinale comme Tlnn et la Salza, aux cours supérieurs desquels le sien fait pour ainsi dire suite, puis elle se fraye une route vers la vallée principale par une rup- ture à angle droit à travers les Alpes calcaires. Plus considérable à tous les égards, la plaine de Vienne, qui par le Marchfeld se continue de l'autre côté du Danube jusqu'à la March, est une vaste dépression couverte d'une riche terre d'alluvion, que le fleuve inonde et féconde chaque année, mais que souvent il dé- vaste aussi, parce qu'il n'est pas encore suffisamment domptée endigué. Elle n'a qu'une seule rivière, la March moravienne ou Morawa septentrionale; mais ce cours d'eau, le premier d'une vraie importance qui vienne de gauche grossir le Danube, a 35C kilomètres de développement, et il amène, de concert avec son satellite de droite, la Thaya, toutes les eaux de la plaine morave, dont les deux villes principales, Olmutz et Brunn, sont bâties, lune sur la March elle-même, l'autre sur un tributaire de h Thaya, la Schwarzawa. Par la vallée de la March s'ouvre la grande route naturelle qui du Danube mène vers l'Oder, et ainsi le bassin de Vienne se trouve placé au point de croisement des conununications entre le haut et le bas Danube d'une part, la Baltique et l'Adriatique de l'autre; aussi a-t-il eu de tout temps une importance miUtaire exceptionnelle. Sur son sol se sont ren- contrés les Romains et les Marcomans, que Maro-Aurèle était occupé à combattre <}uand il écrivit ses mémoire^ philo^phiques

DBS ÈtAn DB L'SOKOPI! CENTRALE. 16B

B les quartiers d'Iliver de Viudobomi el de Cainmitum ; \ii mt Été livrées des batailles entre Charlemagnc et les Avares, entre les Bavarois et les Hongrois ; an Marclifeld, la victoire de Rodolphe de Habsbourg sur Ottocar de Ijulièiiie a assuré la pri^- tlomiiiance des Alleniniids sur les Slaves; s(ius les murs de \"i(!tinc, Jean Sobieski a arrêté pour toujours les velléités coii- quArantes des Turcs otloraaiis; et depuis l'Ile de Lobau jusqu'à Wa^ram s'éleud toute une série Je champs de bataille se *nl niesun^s Napoléon 1" et l'archiduc Charles. La ville irapé- nalp ili- Vienne elle-même doit certainement une grande partie lif. ^]|i importance à sa situation géographique, sinon sur le lliijïi^ lui-même, du moins à portée du fleuve, dans cet élargis- ■^mtul de ss vallée. Colonie allemande interposée entre la Bo- li'iiue. la Moravie, lu Hongrie et les pays alpestres orientaux, elle n'était encore à lépoque des croisades qu'une modeste cité Hfimpée autour du château ducal et do l'église de Sainl-Étienne; iiiHis sa position l'appelait naturellement & devenir le centre l'ulilique, commercial et industriel des contrées avoisinantes ; la ffirlune de ses souverains a l'ait le reste, en réuuissant sous leur •fcplre de nombreuv états ; elle a grandi avec ses maîtres, et iiiijiiurd'hui lu vaste étendite de la ville et de ses faubourgs con- >i^iitpliis de 600,000 habitants, auxquels il faut en ajouter ^,000 autres pour la population de sa banlieue.

Auliiitt la première section du cours moyen du Uanube offre Ji'variétt^ concentrée sur un espace médiocre, autant celle qui 'ui fait suite est uniforme et monotone dans sa vaste étendue. Le Danubi? hongrois est en effet essentiellement et presque exclusi- »ment un fleuve de plaine. Il entre dans la dépression hon- groise supérieure par une dernière rupture, qui commence au «jnfluent de la March et Huit quelques lieues plus bas, à la hau- '^r dt' Proshourg. .■Vu délilé le plus étroit de cette porte de "'"m, il a"a qu'une largeur de 300 mètres sur 6 mètres de pro- fùiideur ; mais, dès qu'il en est sorti, la nature de sou lit et de ^ bords change complètement ; W se divise eu bras nombreux, iluiit les plus écartés à gauche et à droite déterminent les vastes Htï de la Grande et de la Petile-Schutt, et est encadré à perte

i70 HISTOIRE DK LA FORMATION TERBITORIALE

de vue par des prairies et des champs de roseaux, au-dessus de quels ne s'élèvent que des peupliers et des moulins. A partir < Gran, il est vrai, le paysage s'anime un peu davantage, le Di nube se frayant un passage entre les masses de porphyre et i trachy te , qu'il baigne à gauche , et les collines chargées de v gnobles ou couvertes de forêts de chênes, qui bordent sa rv droite; mais immédiatement au-dessous du coude de Waitzei il rompt à angle droit sa direction en formant la grande t de Saint-André, il rentre en plaine ; quelques collines peu con sidérables l'accompagnent encore à droite jusqu'à Ofen; pli loin règne sans partage, sur l'un et l'autre bord, l'énorme plaio hongroise inférieure. Dans ce monde nouveau, le fleuve, dont 1 niveau au-dessus de la mer est, dès Ofen, tombé à 70 mètres s'avance paresseusement, en sinuosités nombreuses, entre de bords tour à tour sablonneux et marécageux , qu'il franchit faci lement aux grandes eaux : l'inondation de mars 1838 détruisit à Pesth seulement , trois mille maisons et y fit des milliers à victimes. La lenteur du Danube devient excessive, surtout à par tir du confluent de la Theiss, sa chute se réduit à 1 mètre pai 20 kilomètres. Déjà plus haut, il est assez profond pour portei des bateaux qui jaugent 4,000 quintaux métriques; mais te marécages et les mers de roseaux qui le bordent, principalemen à gauche, rendent fort difficiles les communications avec lepayi environnant, et n'ont pas pu, comme dans la plaine du PO être changés en rizières fertiles ; aussi les villes et les village riverains sont-ils rares, et, en maint endroit, les corps-de^arA de l'ancienne frontière militaire surgissent-ils du milieu d'ui vaste désert. Ce n'est qu'à l'extrémité du cours moyen, làoùs< touchent la Hongrie, la Serbie et la Valachie, qu'a lieu up. nou- veau changement de décor, quand le fleuve s'engage entre te contre-forts du plateau transylvain et ceux du système des Bal- khans, qu'il rompt par un suprême effort. Sur une longueui d'une centaine de kilomètres, à partir d'Uj-Palanka, c'est-à- dire la nouvelle forteresse, et de Baziach, s'arrête le réseau des voies ferrées hongroises, le Danube coule dans une brèche, ou. pour employer le terme local, dans une A/fS50fira, qu'il

BRi feTATt! ne b'KI'MPK CKHTMALF-. 171

[tnitiquéeàtraversdesmnntapnesde 600à7ÛO mètres d'alutude, ri tourbillonne en rapides autour de nombreux récifs. Le der- nier déGlé, le Demir-Kapoit ou porte de fer, en aval d'OrsoM a, e*l aussi le plus étroit : le fleuve est réduit à une largeur de lâÛniÈtres, mais atteint, [lar contre, une profondeur de 54. 11 !e précipite en mugissant, avec la rapidité d'une Ilèt;ho, et le pas- sage des bateaux n'y a élé rendu facile qu"à une époque tout à biirtcente ; mais à peine ce banc de rocliers franchi, il reprend wu iwurs leat et paresseux, qu'il ne quittera plus Jusqu'à limer.

Le grand centre du Danube hongrois est formé, au premier put de son cours, par les deux villes conjointes d'Ofen ou Bude et de Pesth, qui sont constmites, la première sur la rive ifwte ou occidentale, l'autre sur la rive gaui-be ou orientale, et que réunit un pont suspendu de 400 mètres de longueur. Bude «t l'aiifiienne forteres!;e et la capitale officielle de la Hongrie ; mais à ses 54,000 habitants Pesth , la ville des palais et des uiiKècs. en oppuse 200.000, et centralise dans son sein te com- ct l'industrie, comme la vie politique et intellectuelle du luadgjar. En amont se suivent Preshourg, Gnmorn et les deux prcmibres à gauche, la troisième à droite du Des trois ùlles, Presbourg seule, l'ancienne capitale hongroise, est une cité considérable; mais LIoniorn, qui s'élève ii'extréraité orientale de l'Ile de la Grande-Schutt , entre le Da- «iilie et lui de ses bras qu'a renforcé la Waag, compte parmi letf . ^ liwtes places de ri^urope, et Gran ou tilriginiie est, depuis I lÏBlroductiou du christianisme en Hongrie, le siège priinalial <la royammc. En aial il y a à noter, sur la rive gauche, Kaloesa, ,1 l'uitre église métropnlilaine de la Hongrie, et, sur la rive opp(Kj **«, une série de Inodités, comme Mohncs,Peterwardein,Karlo- *'lii Salankcmen, Semliu, Belgrade, Semendria, qui doivent l^ur ré|iutalion aux guerres turques. La plus iniporlante de l'i'auwïup est Belgrade, l'ancienne Singidiiiium, placée au con- ""fut de la Save, et à partir de laquelle le Danube commence à I Wre la fiijiitière austro-turque : après avoir élé successivement ^Ê^ Iwulevard de la Hongrie et une citadelle otlomaiie en pays j

^nince c

■Kiu, I. «uw. I

i72 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULB

chrétien , elle a enfin été restituée, en i867, à ses maîtres légi- times, les Serbes.

Quant aux affluents de cette section du Danube, ils se parta- gent fort inégalement entre les deux dépressions hongroises. A la plaine supérieure, qui s'étend sur l'une et l'autre rive du fleuve, n'aboutissent que deux rivières de second ordre : la Raab à droite et la ^^^aag à gauche. La Waag est la plus puissante des deux ; elle naît au pied du Tatra, se grossit de TArva, qui a la même origine, et, après avoir parcouru une vallée pittoresque el absorbé un bras latéral du Danube, opère sa jonction à Comom. Mais le cours d'eau alpestre de la Raab, qui coule entre les Alpes noriques et la forêt de Bakony, célèbre par ses chênes, ses porcs et ses brigands, a son intérêt aussi : à Saint-Gotthard, il dé- bouche en plaine, fut remportée par Montecuculi et Colignyla première grande victoire des Chrétiens sur les Turcs ; plus bas il laisse à sa gauche de vastes terrains sablonneux et marécageux, qui sont en partie au-dessous du niveau du Danube et k l'extré- mité occidentale desquels un ancien fond de vase mis en culture tient (ou du moins tenait jusqu'au commencement de l'année 1876) la place du lac de Neusiedl, que l'eau a complètement aban- donné au mois de juillet 1866 , comme elle l'avait déjà fait à deux reprises, en 1693 et en 1738; à Raab enfin vient le rojoindredu même côté, dans le lit d'un bras du Danube, son principal sous- affluent, la Leitha, qui, dans son cours moyen , fait la limite entre l'Autriche et la Hongrie, et dont on a, par suite, emprunté le nom pour désigner par les deux termes de Gisleithanie et de Translei- thanie les deux moitiés de la monarchie austro-hongroise. Beau- coup plus considérable comme superficie, la plaine hongroise infé- rieure, qui, des deux côtés du fleuve, mais principalement sur si rive gauche, couvre tout le pays depuis la forêt de Bakony jusqu'au plateau transylvain et depuis les Karpathes jusqu'aux contre-fortî des Balkhans, a aussi un système hydrographique bien plus dé- veloppé : à l'ouest elle pénètre, au pied méridional de la forêt de Bakony, jusqu'au plus grand lac de l'Europe centrale, le lac Ba- laton, dont Taire est de 600 kilomètres carrés, et dans sa partie méridionale elle entoure le quadruple confluent de la Drave, de

DSS ÉTATS DE L'EUROPE CENTBALE. i73

la Theiss, de la Save et de la Grande-Morawa, qui ensemble constituent le groupe d'affluents le plus imposant de TEurope entière.

Le premier rang, parmi ces quatre grands tributaires, re- tient incontestablement k la Theiss, le seul d'entre eux qui ap- partienne à la moitié de gauche du bassin danubien. La Theiss est la rivière par excellence de la Hongrie, à laquelle elle reste Hèle d'un bout k l'autre d'un cours, qui, grâce à d'innombra- bles méandres, avait naguère un développement de 1,200 kilo- mètres. Née dans les Karpathes boisées, aux coniBns de la Tran- sylvanie, qui lui envoie ses deux principaux sous-affluents de gauche, la Szamos et la Maros, elle reproduit avec une symétrie parfaite le cours moyen du Danube , coule d'abord dans le sens de l'équateur, d'est en ouest, jusqu'en aval des vignobles de To- kaj, puis fait à l'endroit oîi elle reçoit de droite le Sajo, grossi par l'Hernad, un coude à angle droit, analogue à celui de Wai- tzeD,etsuit dès lors jusqu'à la fin, par Szegedin et par Zenta, la direction du méridien, du nord au sud, en laissant entre elle et le fleuve principal, qu'elle accompagne parallèlement à une distance respectueuse, la Mésopotamie danubienne connue sous le nom du pays des Jazyges et des Cumans. On vante avec raison sa richesse en poisson, quoiqu'il faille l'enthousiasme patriotique des Hongrois pour prétendre que le poisson occupe un tiers de son lit; d'autre part, ses inondations énormes, qui couvrent jus- qu'à un million d'hectares, et la nature généralement maréca- geuse de ses bords, pullulent les insectes et les sangsues et régnent les fièvres paludéennes, en font une voisine incom- mode, bien que depuis 1846 les grands travaux d'endiguement et de régularisation commencés par l'illustre patriote madgyar Szechenyi aient sensiblement amélioré son régime, en raccour- cissant son cours de quelques centaines de kilomètres. Son ca- ractère distinctif cependant, c'est d'être l'artère centrale de la grande plaine hongroise, de cette plaine presque infinie, si chère à ses enfants, se coudoient la civilisation et la barba- rie; où croissent en abondance les plus riches produits, le blé, ^ maïs, le tabac, le vin ; où, dans les ptiszlas sablonneuses, s'é-

m HlSTOlRK DE LA FORMATION TERRITOBIALB

battent d'immenses troupeaux de chevaux, de botes à cornes, de moutons et de porcs, surveillés parles plus admirables cavaliers de l'Europe ; Ton ne rencontre que de rares villages, mais des vil- lages qui , comme celui de Debreczin , ont 40 ou 50,000 habi- tants; où il n'y a pas de routes, mais un réseau complet de che- mins de fer, et partout le Madgyar répète son vieux dlctoo : Extra Hungariam non est vita^ aut si est vita^ non est ita!

Fort différente est la nature des deux rivières conjugées, la Drave et la Save, qui, en amont et en aval du confluent de la Theiss, débouchent de droite dans le Danube, en délimitant an nord et au sud la longue et étroite bande de terre éd l'Esdi- vonie et de la Syrmie, que parcourt jusque dans le voisinage da fleuve un chaînon alpestre, et que couvrent de grandes forêts de chênes, de hêtres et de sapins gigantesques. Elles aussi devien- nent lentes et marécageuses en s'engageant dans la dépression danubienne; mais plus haut leur cours extrêmement rapide, à eau verte et pure, dénote leur origine alpestre, et leur douWe vallée est d'un bout à l'autre orientée du couchant au levant, c'est-à-dire dans la direction normale de la vallée du Danube: tout comme le Rhône à Lyon pénètre dans le lit de la Saône qui devient le sien jusqu'à la Méditerranée, le Danube entre à Belgrade dans celui de la Save, qu'il continue en Ugne droite jusque dans le voisinage de la mer Noire. La Drave a 600, h Save 700 kilomètres de longueur ; la première naît en Tyrol au Toblacherfeld, baigne Villach en Carinthie et Eszek en Esclaw- nie, et opère sa jonction au milieu de marécages inhabités; la seconde vient du ïerglou, passe près do Laibacli en Carniole et d'Agram en Croatie, forme depuis le confluent de l'Unna h frontière politique de la monarchie austro-hongroise et de Tem- pire ottoman, et rejoint le Danube entre Semlin et Belgrade. L'une et l'autre ont un tributaire considérable, issu des Alpes comme elles-mêmes : la Drave reçoit de gauche la Mur, qui par court la Styrie et baigne sa capitale, Gratz ; la Save est renforcée à droite par la Kulpa, la rivière croate. La Save est, en outre, grossie du même côté par tpute une série de rivières, TUnna, fc Verbas, la Bosna, la Drina, qui appartiennent déjà au systteK

DES ÉTATS DE L^ EUROPE CENTRALE. \1H

des Balkhans et à la presqu'île gréco-turque : comme elles sont étrangères à l'Europe centrale, nous n'avons pas à nous y arrê- ter. 11 en est de même du quatrième et dernier des grands af- fluents du Danube hongrois, la Grande-Morawa, rivière carac- téristique de la Serbie , qui débouche perpendiculairement au fleuve en aval de Semendria, et ouvre vers le sud et vers le sud- est les deux routes naturelles qui, de Vienne, Pesth et Belgrade, mènent d'une part à Saloniki et de l'autre à Constantinople.

Pour la même raison aussi , nous réser\'ons pour une autre occasion l'étude détaillée du cours inférieur du Danube, qui, à partir d'Orsowa, s'engage dans une nouvelle région de notre continent, et nous nous contentons d'en indiquer ici fort briè- vement les caractères les plus saillants. Dans cette dernière étape, le fleuve coule plus lentement que jamais, dans un large lit, qu'obstruent les îles et les bancs de sable , et qu'accompa- gnent à gauche de nombreux marécages, entre les riches plaines de la Roumanie, qui s'adossent au plateau transylvain, et les ter- rasses fertiles de la Bulgarie. Il a repris, depuis le confluent de la Save, sa direction normale d'ouest en est, et si le plateau de la Oobroudja le fait momentanément dévier au nord, il est bien- tôt renvoyé vers la mer Noire par ses grands tributaires de gau- che, le Sereth et le Pruth. Puis, un peu au-dessous de leur 'con- fluent, conunence son vaste delta, dont la terre d'alluvion a été successivement déposée par lui, et un grand nombre de bras, la navigation n'est possible que grâce à des travaux incessants, le font aboutir, non sans peine, au bassin maritime dans lequel il se perd. Comme instrument de culture, le Danube inférieur, inalgré les bateaux à vapeur qui le sillonnent, ne peut soutenir la comparaison avec les deux sections supérieures, parce que les contrées qu'il parcourt sont des territoires encore à demi asiati- ques; mais si l'on songe que le Danube moyen, qui à une autre époque de l'histoire n'était que la grande route militaire par laquelle se sont avancés, en sens opposés, les Huns et les Madg- yars, les multitudes croisées et les armées turques, est aujour- d'hui la ligne centrale d'une des grandes monarchies européen- nes et a vu la civilisation moderne descendre graduellement le

i76 HISTOIRE DE L\ FORMATION TERRITORIALE

long de ses bords à travers les pays autrichiens et hongrois, il est permis de penser que celle-ci finira par conquérir également le bassin danubien inférieur, déjà les Roumains sont fiers de leur communauté d'origine avec les nations néo-Iatînes de TEa- xope occidentale, et qu'alors le Danube remplira complètement le rôle auquel la nature paraît l'avoir appelé, en devenant le trait d'union entre TOccident et TOrient.

Tandis que le Rhin et le Danube ont l'un et l'autre une indivi- dualité extrêmement marquée, les quatre fleuves entre les bas- sins desquels se partage la moitié septentrionale de l'Europe du centre ont un certain nombre de caractères communs. Inférieur comme longueur du cours et comme étendue du domaine tant au Rhin qu'aux fleuves russes, qui les avoisinent au couchant el au levant, ils participent à la fois, dans des proportions dillé- rentes il est vrai, à la nature du puissant fleuve alpestre et à celle des grands cours d'eau de la plaine sarmate. Tous te quatre, en efl'et, ils sont, comme ces derniers, des fleuves de plaine, et parcourent dans toute sa largeur la dépression deb basse Allemagne; mais tous les quatre aussi ils se rattachent à l'Europe centrale montueuse, d'autant plus intimement qu'ils» rapprochent davantage du Rhin: le Weser et l'Elbe, qui, de même que le Rhin lui-même, sont tributaires de la mer duNofdî ne pénètrent dans la plaine septentrionale qu'après un coutî supérieur à travers l'Allemagne montueuse, et les tributaires^ la Baltique, l'Oder et la Vistule, découlent du moins de ladiago nale européenne, que sont obliges de rompi^e les deux fleuve plus occidentaux. La direction de leurs lits présente une simili tude plus frappante encore; ils coulent tous les quatre, dansl majeure partie de leur parcours, du sud-est au nord-ouest, rt » dévient de cette direction normale que sous l'influence des hau teurs ouralo-kîirpathionneset des hauteurs ouralo-baltiques, (p tantôt ils longent en obliquant vers l'ouest et que tantôt iisbri sent en se redressant vers le nord.

Des quatre fleuves, le plus occidental, qui est en mémetemp le seul sur les rives duquel on ne parle que l'allemand, est d< beaucoup le moins considérable : le Weser, le Visurçis de

DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 177

Itomains, n'a que 520 kilomètres de développement, sur une distance directe de 370 kilomètres, et 44,000 kilomètres carrée de bassin. Son origine est double; il est formé en effet par la réunion de la Fulda hessoise et de la Werra thuringienne, qui du sud et du sud-est confluent vers le bassin de Munden, en con- tournant à l'ouest et à Test le massif du Hohe-Meissner. La Fulda, qui a sa source dans la Ilhoen à une altitude de 450 mè- tres, parcourt la majeure partie de l'ancien électorat de Hesse dans une vallée tantôt étroite, tantôt élargie en bassins, et reçoit à gauche l'Eder qui descend du plateau westphalien ; sur ses bords se suivent Fulde, la colonie ecclésiastique, agricole et scientifique fondée en 7i4 par saint Boniface, dans un large entonnoir entre la Rhoen et le Vogelsgebirg, au milieu des forêts de hêtres de la Buchonia^ puis Hersfeld, également siège d'une abbaye princière, enfin Gassel, située au milieu de la plaine de la Hesse septentrionale, au croisement des routes qui viennent du Weser, de la Lippe, de la Lahn, de la Fulda et de la Werra, et qui, après avoir été choisie comme résidence landgraviale dès Torigine de la dynastie hessoise, est devenue tour à tour, en ce siècle, la capitale du royaume napoléonien de Westphalic, celle de Télectorat ressuscité de Hessè et le chef-lieu d'une province pnissienne. La Werra naît dans la Forêt de Thuringe, à l'alti- tude de 700 mètres, et coule d'abord, à travers les duchés saxons, dans une agréable vallée qui se découpe entre cette chaîne et la Haute-Rhoen; puis à la hauteur d'Eisenach, d'oîilui vient la Hoersel, elle quitte la Forêt de Thuringe et sépare plus bas rEichsfeld d'avec la Hesse. Elle est plus longue et plus puissante que la Fulda, à laquelle elle impose sa direction; mais elle n'a à mettre en ligne aucun centre important, les deux résidences saxonnes de Hildburghausen et de Mciningon n'étant que d'humbles petites villes.

A Munden, les deux rivières se rejoignent, cummence la partie la plus pittoresque du bassin, qui en est également la plus

intéressante au point de vue historique ot politique. La vallée du fleuve, que longent des deux côtés les monts du Weser, n'a pa^ '^me celle du Rhin la parure des vignobles; mais les bellc^

17S HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

forêts qui rcncadrent, les prairies verdoyantes qui y altcrnenl avec de8 champs fertiles, en font une espèce de parc anglais. Les souvenirs militaires s'y rencontrent à chaque pas : c*est sur um prairie entre le fleuve et la montagne, que Germanicus vengea 1 IdistavmislBi^àéhiie de Varus sur le Ghérusque Arminius ; c'esl e cours moyen du Weser qui a été un des principaux théAira de la lutte de Gharlemagne contre les Saxons, et il a vu do nou- veau de nombreuses batailles dans lc3 guerres de trente ans d de sept ans. Naguère aussi, avant la simplification g^igraphîquc o[»érée par les annexions prussiennes, il parcourait une des con- trées les plus morcelées de TAllemagne, et ne se partageait pu entre moins que sept états différents ; môme aujourd'hui que h Prusse a absorbé la Hesse électorale et le Hanovre, il amoM encore par lui-môme ou par ses affluents des territoires prus- siens et l)ruiis>\ickoiSy plus les trois principautés de Wàldeck, de Lippc-Detmold et de Schaumbourg-Lippe. Dans cette étape moyenne le Weser coule d abord dans la direction du sud-est an nord-ouest ou môme du sud au nord, en passant devant Caris- hafen, vient le rejoindre de gauche la Diemel originaire dhi plateau Mostplialicn, et devant Hoexter, la viile fondée sous h protection do la savante abbaye carlovingienne de Oorvey ; puis, au-dessous de Hameln, les monts du Weser le renvoient à Touest baigner Uintein, Tancienne ville universitaire, et il garde cette direction jusqu'à Vlotho, il se retourne brusque- ment, k angle droit, au nord, pour rompre la barrière qui sépare do la plaine. La rupture, qui s'opère une lieue environ en amont de Mindcn, s'appelle en langage géographique la parla wf'stphalica ; le peuple la nomme plus justement dieScharte^ c'est-à-dire rcntaille, car le fleuve a bien plutôt rongé que brisé l'obstacle, et c'est par une agréal)le vallée tnuisversale, non pif une porto de rochors, qu'il s'introduit dans la dépression de b basse Allemagne.

En y entrant, il nVst déjà plus qu'à 30 mètres au-dessus da niveau dcî la mor; «lussi son cours inférieur, qui depuis Taii- n(*\ion (lu Huno\re est presque exclusivement prussien et n'ap- partient que i)0ur une ])etite part à la l'épublique de Brème et

î ÉTATS TIB L'ranOI'n CHSTItALE. 170

ni ^raiiil-dufli^ frOIdriiliniirp, n-l-il une fliule à pou pit-!^ iiisoil- •WAe. Il wt Piicadr*^ par iIps bonis pxlpf^nirnipiit plnts, qui !.i"lôt s'étendent en AfwMf/cH fertiles, tantôt Rinl comjMisfe de i 'aiidcf ot de lourhiôres, devient plus large el plus riche en Iles k I iiip*uro tpril ce nipiimclie de la mer, et se termine par ui} y 'fliiaire fort eonsîdérahle, qui, de nn^me que le golfe voisin de la I Jalnif , linil la place de l'anrifij lilturiil de la nier du Nord. 1* ili'm affluents principaux qui grossissent le bas \\'pspr, l'Aller ÙLlruiU' et la Hunte il gaudiej (jrit l'un el l'autre un caraeltrc iiml aussi prosaïque que le flpu^c lui-nii^me; mai» tandluquela Huule, la rivière d'Oldenbourg, n'arrose absolument qu'une fbine marécageuse, analngue !i celle de sa voisine t^cidenlalc ITins, l'Aller, qui vient du pnjsdc Mugtlehourg et nccouipagne nfud le plateau de LunWinurg en passant par Celle et par Vwleii, p*t rede\able ù ses tributaires de gnuebe d'une variClé UD peu pliii^ grande: l'Oiker, (pii baigne les villes guelfes de Vrffcnliultel et de Brunswick, lui amtne lea eaux du Harz nplentrîoual, et la Leiiie, que rejoint par Hildoslicim l'iiinerst^, le iduë dangereux des turrents du Harz, sillonne de i-es eaux m^trK le long golfe de Ooettingue interposa; entre le Harz et J I* mnnXs- du Weser, avant de d^'boiiclter dans la plaine, » l'en- J Irfo de laquelle sV'I&vp sur sa rive droite la nmderne ville de (liiDirtTP. naguère capitale du royaume de nn^me nom, dont ! '"K'tlinfnie <'^tait rillusln- nnivPrsili'. Nous venons d'indiquer , li*localiU'« les plus connues situi^ca sur les affliienlp du \Voser J iitli-rieup; «urle (leuvc Uii-mémcsout placi'-psMindrn el Hr^^me,; la|'reinitresur sa rive gauche, la seconde h ebeval sur ses deu^ J riiw. Toutes les deux sont des cp/'atinns rjirlovingienneP et doî» mA leur origine, de mAme qup Ilildesbeim pI Verden, aux 1 'Nges i^piseopiHlv qu'y établit Ctiarleni;ij;ne pour la eonversitm J Jp» Savons ; mais Mindeu, qui occupe dans le bassin fluvial dtl 1 \V(^r une position analogue à celle de lioun et de MeisseQ,! 'kur, les bassins du Rhin et de l'Ëlbe, n'a jamais eu grande im»l iHtfUiire sauf comme place forte, et elle est pu ce mouient j ttiL'iQi> Hiumise au dëmautMement, parce que ses rurtiriculionsjj J âiitretiiis précieuses (i la l'nisse pnnr diimiiiei' ù la IWi:- la \allâ^l

180 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

du Wcscrct la grande route naturelle qui de la basse Elbe mèi au bas Rhin en contournant la bordure septentrionale de l'Ei rope centrale montucuse, lui sont devenues inutiles au milic d'une Allemagne uniflée à son profit ; Brome, au contraire, joue dans le passé un rôle fort remarquable, d'abord comn métro|)ole ecclésiastique du Nord, plus tard comme grande vil libre hanséatique, et aujourd'hui encore, grâce à ses avan ports de Vegesacket de Bremerhafen, elle est, quoique au mi lieu des terres, un des ports de commerce les plus considérable de TAllemagne.

Du bassin du Weser nous passons à celui de TElbe, doni Tembouchure aboutit à une découpure plus orientale du même golfe de la mer du Nord qui reçoit le Weser ; mais auparavant il ne sera pas hors de propos de consacrer quelques lignes à un fleuve cotier plus occidental, dont le cours long de 370 kilo- mètres se développe parallèlement au Weser et au Rhin, à égale distance des deux fleuves, à travers la dépression wcslpha- lienne et frisonne. L'Ems prend sa source au pied de la Forôt de Teutobourg, au fond du golfe de plaine dont le centre est la vieille et puissante cité épiscopale de Munster, bâtie sur un de ses tributaires de gauche ; dirigée d'abord d'est en ouest, die prend à la hauteur de cette ville sa direction normale du sud au nord, baigne Lingen, puis Meppen, oîi elle reçoit de droitcla rivière d'Osnabruck, la Haase, entre dans le DoUart, h droite duquel se trouve son centre maritime, Emden, et gagne la pleine mer par deux embouchures, TEms orientale et l'Ems occidentale, que sépare Tîle frisonne de Borkum. D'un bouta l'autre de son cours, TEms, qui n'est au fond qu'un diminutif du bas Weser, appartient exclusivement à la plaine de la basse Saxe; sa source n'est qu'à 110 mètres au-dessus du niveau de la mer, et sur la majeure partie de son parcours elle est des deux cot^i's bordée pjir d'immenses tourbières, au milieu desquellesa été fondée», sur sa n\o droite, la colonie agricole dePapen- biir^.

Si l'Enis n^proiluit l'étape inférieure du Weser, rElboi^tun Weser roniplet, mais un Weser dont les i)roi)ortions sont beau-

"H|i |ilL,-i grnrdioses. Oommo Ip flpuvc vnisin elle luiil iliiiis ki i'frioii moiitueuse de l'AUcroagne moyeiiiiL', d'où i:!le sort, duiis Il Suisse saMinno, par une rupture analogue à Vdporla wntpha- "fa;cuninic lui, par cons('(|ue]il, die fijurnitdeuv C'tapes, l'une jiqiérieure, dans l'futonnoir bohéniieu, l'auLrc inférieure, dans bplainc scpteiitrinnale ; mais sa masse d'eau est hieu plus ransi- teahlc, son domaine lieaucoup plus étendu ; de sa source à son embouchure on mesure 6l)U kilomètres en ligne droite, 890, m en tpnant rompte des courbes de son cours, et son bassin couvre 1 auc ^.upcrficic de lIJo,00(» kilomètres carrCs. Aussi tient-elle parmi tes fleuves européens un rung bien supérieur h. celui du W«er ; limite orientale de la Germanie du moyen ôge, elle est i^jourd'hui le fleuve central de l'Allemagne du nord et le trait d'union eutreles contrées de l'ouest, de tout temps tudesques, 1 f<»llesdc l'est, la race germanique s"est peu à peu substituée ' ■I la race slave ; dans son bassin supérieur seulement, les Tcbè- liii's de la bobtiiiie oui niissi àmaintenir leur nationalité slave 'Il tiicc des envaliissomenis itllemaiids.

L'Elbe, que les Komains appelaient Atbis et qui en slave porte fennm de Lahe^ prend son origine sur le versant méridional de ^diagonale européenne, dans le massif des monls des Géants, ^a source officielle cat un filet d'eau qui jaillit h l'altitude de l.:tKO mètres dans une prairie marécageuse h l'ouest de la ] ^fhiiéekoppo, se grossit immédiatement par la jonction de | iiniibreuses rigoles de même origine, et forme avec elles l'Klb- i iiirliou ruisseaude l'Elbe ; eependnut le AVeisswasser ou eim I Munclir^, qui découle plus ù l'est d'une antre prairie située au I piwi ini'nie de la Scbnéekoppe, a ft la fois un point de départ un 1 jiaplus élevé et un d6bil plus considérable. Les deux cours \ "IVati tp précipitent en cascades vers leur point de réunion qui ■ïlnmve îi la hauteur de 700 mètres, puis continuent ft couler 'l'ii* la direction primitive du nord-ouest au sud-est, qui est Jiiiniïtralement oppfisée ft la direction normale du fleuve, jus- iiu'ii lu forteresse de Josephstadt, le confluent d'une troisième 1 n\iiTe de source, rAu|ia. également née à la Scbnéekoppe, ] "mis phH iiricnlale encore que le \A'eiss\\asser, rcdifsse le

182 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORIALB

cours dans le sens du nord au sud, vers Kocniggraetz et Pardi bitz, en lui faisant contourner le champ de bataille de Sadowi A Pardubitz un nouveau coude, cette fois à angle droit, ramën TEIbe d'est en ouest, puis de sud-est en nord-ouest, parallèlemei aux Sudètes, par Kolin, Mclniket Leitraeritz, jusqu'à Lobostti enfin, achevant sa courbe presque circulaire, elle prend 1 direction du sud îiu nord pour sortir de rentonnoir bohémien qu'autrefois peut-être, avant la rupture de la Suisse saxonne elle cliangc^ilt en un grand lac.

Le cours supérieur de l'Elbe le long des Sudètes a poi: contre-partie exacte celui de son affluent de gauche TEger, qi longe de sud-ouest en nord-est les monts des Mines et le pcli massif subordonné du Mittelgebirg bohémien; née dans le monts des Pins, elle baigne Egcr, Garlsbad, Theresienstadt, e rejoint le fleuve en face de Leitmeritz. Mais l'importance é VV.gov est singnlièreinent dépassée par celle d'un autre tributaiw de gauche, la Moldau, qui opère sa jonction plus haut, I Melnik, et qui, bien plus que l'Elbe elle-même, est le >Tai fleuve de la Bohême. En effet, tandis que l'Elbe et l'Eger, attachées aui flancs des deux bordures septentrionales du quadrilatère bohé- niion, sont confinées dans la partie la plus déprimée du pays, h Moldau, dont le cours aune longueur de 350 kilomètres, ne lonp la troisième des chaînes bohémiennes, la Forêt de Bohême, d elle prend sa source à l'altitude de 1,200 mètres, que dans s vallée supérieure, vraie annexe d(» scm bassin, et changeai! bientôt par un double coude sa direction nord-ouest à sud-est ei une direction sud-nord, elle arrose, de concert avec ses sous affluents, dont deux, la Sazawa et la Beraun, répètent le coup symétrique de TEIbe supérieure et de TEger, les terrasses suc cessives de INMitonnoir bohémien, qu'elle partage en deux moi- tiés égales. Aussi i>uissante que l'Elbe, elle lui est supérieun connue voie de c>onmuinication, car le fleuve n'est guère iiaTi gable en amont du confluent de son f:rand tributaire et la Mol dan porte des bateaux dés Budweis au pied de la Forêt A Bohême, d'oh, à défaut d'un canal souvent projeté, jainaii exécuté, un chemin de fer met son bassin en conmiunicatior

I UHII JC I

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i *T»Ts m l'i-rBOPH: centhai-t;. 183

^kvivIumIii IMiiii1)R moyen. Ces dilT^reiilPn nii^iiiis p\]ilir]iirril ,1 niiTVi>illft pourquoi la capitale de- la HnliiHiie, qui ccl crj iiii^me lemirt le œiilre [juliliqun, reliRJoux, cnmniornal pl iiidii^lripl dn UhiI le «niPKSii]H^rieiir de rElhe,an trouve placée sur la Moldau: doit sou origine, Ji a- que raconte la tradition, h la reine ibétflftse Lifinsisa, qui coiistruihît lo cliAteau royal gur lo Hrad- ^u daim nne position doniinanle s^ur la rive gauche de la rivière ; aujourd'hui elle totale sur len deux bord», mai* priuci- i'nlpnieril sur la rive droite, une multitude d'églises et do palais, pt rcaferme dans non sein nue population de 1K7,000 liahîtants, XII [ii^nic de 1 90,001) «i l'on tientcompte des annexes.

Au couflumil de la Moldau, l'Elbe est ft liO rafetre» au descuB «luaiveau do la mer. l'n peu plu» loin, immédiatement apr^ la junctinii de l'Kger. conunonce la rupture du Mittelgcbirg bohé- mien, que suit do jtrès celle de la Suisse saxonne; le fleuve les n|ita' en roulant du sud au noi-d d'abord, puis du sud-est au iiunlHiuesl h partir de la frontière entre la Bohême et la S«m- niïflle. Nous avons parlé ailleurs des beautés pittoresques et deai 1 ciiriosilt^fi naturelle!! que res deux massif», dont le premier dé» liiiiililp W monis des Mines et dont l'autre les relie aux Sudétea,. Iircspnieiit le long de l'Elbe; nous n'y revenons pas ici, et, sui» 'nriUp lleuve, imus entrons avec lui dans le charmant bassin de UriKir, qu'il parcourt, en maintenant la direction sud-est à l'iinl-ouest, depuis l'irna jusqu'à Meisseo. C'est encore un en- '"iiiinir, mais un entonnoir ouvert vers la grande plaine septen- iriiinnle et dont les contours sont tracés non par des montagnes, "laif par des noilines. Moins riche en vignobles que la vallée bo- lii'iiiienne plus haut, la vallée misnienne do l'Elbe a sur elle l'a- vitala^e d'une civilisation plus avancée; villes, villages et cliA- l^aiix se pressent sur les bords du (leuve ; au milieu de l'étape, '*lhe*nr i«es deux rives, avec une population de 177,000 babi- inriu. Dresde, la capitale du royaume de Save et la rivale de Munich cnninic capitale artistique de l'Allemagne. Elle estdans l'Ile position enchanteresse, mais aussi dans une position fort oniMirlante nu (loînt de vue stratégique, comme l'ont prouvé les il>.itsachiirrn*s livrés sons sesmursdanslacfmipagnedeiSia

184 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Lo fiours inférieur do TEIbe, à travers la dépression de la basse Allemagne, commence à Meissen, dont le dôme édifié sur un plateau de granit domine au loin la plaine. Depuis l'annexion à la Prusse de la moitié se[)tentrionale de la Saxe en 1815, du Hanovre, du Lauenbourg et du Holstein en 1865 et en 186G, il est devenu presque exclusivement prussien ; ce n'est qu'au début^ oîi il est saxon jusque vers Muhlberg, et sur les territoires pea étendus il traverse le duché d'Anhalt ou délimite le Meck— lembourg et le pays hambourgeois, qu'il appartient à d'autres états. D'abord encore dirigé du sud-est au nord-ouest, le fleuve baigne la forteresse de Torgau ; mais en amont de Wittenberg , la ville de Luther, qui, il y a un demi-siècle, a été dépossédée au profit de Halle de l'université qui a fait sa gloire, et à laquelle, en ce moment, on enlève ses fortifications aussi, il oblique à l'ouest pour éviter le dos ouralo-karpathien ; puis, au-dessous du confluent de la Mulde, qui lui amène de gauche par Dessau la majeure partie des eaux des monts des Mines, il se redresse au nord et, grossi du même côté parjun tributaire plus considérable, la Saale, il rompt, en passant devant Magdebourg, l'obstacle qu il vient de longer. Si l'Elbe persistait dans cette direction sud-nord, elle briserait également le dos ouralo-baltique et gagnerait la Baltique dans le lit de la Warnow ; mais comme a partir de l'endroit la rejoint de droite la Havel elle rentre dans sa di- rection normale de sud-est en nord-ouest, qu'elle ne quitte plus dorénavant, elle côtoie seulement sans la rompre cette seconde ligne de hauteurs et elle aboutit à l'angle sud-est de la mer du Nord, Dans cette dernière section de son cours, le fleuve reçoit à droite la Stecknitz et l'Alster, qui débouchent k Lauenbourg et à Hambourg, à gauche l'Ilmenau, qui vient de Lunebourg; au- dessous du confluent de rilmenau il se partage eu bras nom- broux qui en se réunissant plus loin forment son long estuaire; Hambourg ot Altona sont bfttis sur le bras septentrional, Har- bourg sur le bras le plus méridional du fleuve divisé; Gluckstadl s'élève à droite, on le large lit du fleuve commence à devenir un golfe, et à gauche Cuxhafen, l'avant-port de Hambourg, n'e?! jilus séparé de la pleine mer que par un petit promontoire.

nés ftTATS ^K l'BPnOPK CGNTBALK. 185

l'aniii les affliiciils de l'Elbe iiiFi'irieiirc, deiiv soiiii'inent, la Siali" à f.'«iiclifl pf la Havpl ii dmile, méritent une mcTilifjn [lar- iiruli;-!-*». Lîi Siiali- tliuringicniie, i|ui nnilaux ninnU des l'ins 'iiiff- riCgpr et le Mein et rejoint, l'Elbe iiii-dewsus de IJarby. kii^nn diiiis un ciiiirs sinueux, mais tout entier dirige du sud iii DurtI, de 'I7U kiluinèti'fts, une multitude de eliAteau\ féodaux l'idi! résidences princières, do sièges éiti^^L'upaux du moyen Age '1 à' tilles universitaires, Hof, Lobcnstein. ëaatfeld, lUidolstadt, <irhiniuudc, léim, Naunibiiurp, Mersebourg. Halle, (Jiebielien- itein. Wottin, Uernliourg ; elle se grosï>it à gaucbe de l'Ilm i|iii est la rivière de Weiniar, de rUnslrut qui parcourt la terrasse Ihuringicune depuis Mulilliausen jusqu'il Naumbourg en rece- wil la Géra et la Heime, les rivières d'Erfurt et deNurdbausen, lie b Itode qui près de Halberstadt sort du luassir du Harz, et tdmilo de l'Elster qui, de eoncort avec ses tributaires la PIcisse ttia Parthe, entoure Leipzi;^ d'un vi'ai dédale de bras, lin \ten Wnoi Iraiguc, mais plus origiualc par ses courbes inouïes et s^ 1 tHture à demi lacustre, lu Havel, qui arrose 3i0 kiloraètrc5 de \>:i)i pour parcourir les DO kilomètres de distance directe entre -Il coiiinieiicemenl et sa lin, découle près de Slrélitz des lacs '"''flilenibourgeois du dosouralo-boltique et se dirige d'abord vers '■•im]; puis, arrivée dans la marche de Brandebourg elle ne i-riin pas h ^'élargir en lacs, elle dessine d'Uranienboui^ à >l«m(|au el h Ptilsduni, de PoLsdara à Brandebourg et de llraiidelKiurg à Havelberg, les trois côtés (l'un carré presque li-irfail, le marécageun Havelland, dont le quatrième cûté est ''Tmé par un petit tributaire de droite, le Hbin, et sa conti- nitatiun orientale, le canal do Kiippin. La Havel a, grAce h ses l>u^, des Ixirds assez pittorcsiiucs ; on ne siuiruît en dire autanV j 'l^mn grand sous-aTfliient de gauche, la Sprëc, qui dédoubla ] lin bassin supérieur cl, d'un cours iudOuis et marécageux dirige ^ >uwessivemeiit vers le nord et vers l'ouest, coule sur une loo-i | -umr de 3."0 kilomètres, imr Uautzen, Cotlbus et Berlin, de-t l"iis les montJigncs du la Lusaco jusqu'en lace de Spandau.

iJuuDi aux grands centres du bassin inférieur do l'Ellic. iift -^iMl au iioiidin- i\p qu'ilre: Mii^'ilidjour^ et Ibimbour^' sur le

Ip9uwf^ wh-mfimiÉ^^ 3kriii Jft L^ûbiç î«r «i» rtMîi» ^ y aboi ':*fM#nc KMÉMMinc. .vmiiQniii^iar^ttHA'vlkaBiiHr Uni £uii*n^ é^ JTây^ wwc ^wni ô^ 3M«ii!«»i auiittire ci eedèùai

\wÊmtÊén ègtrâ^ *m\ k tfejbtf«'> rrprni.ett» serrien dkfikfRK t'A» e?to?' à ^:« b*?«nw«' pctfià^ ■Mr. prit plu uni m f«rt «xabèp «■ erud OQmiMrte de b Haft»^ unkmj»-. à h dwidnMi^ d^ hqwtte «nrmot sa pM- fiérité. «t cs« magmai^m a««r «e 2M.MÔ hahiUiils ei «s i|rfMdîdM qnrtîeri iinrf^. nhite aprè» Imcnidie qpn It dé- un «d IM2. ■<)• fgnkinwit une dft? liBe» te? phis beUeseiiei pliH^ IMiplé» d^ IWIlmatne. IDÛ^ aiK« le premier port du er»n tinent européen, un port qui dans notie partie du monde ne le rAde CMmue importanee du trafic qu a Londres et à Live^ j^^A. I>*ipxiir et Berlin doivent moins à la nature, qui ne Ni ffmmii ni les Tacilité^ d'un erand fleuie. ni celles des commo- niealion» maritime» ; néanmoins la \ille de TEIster égale defmii! birtcftemp» Magdebourç si elle ne la dépasse, et celle de la Sprée a d#f nm jours laissé Hambourg bien loin derrière elle comitf étendue et comme fiopulation. C'est que Leipzig, placée au poini d'iftter^ofction des routes de l'Allemafme montueuse et de TAlle- mnfffie plane, était la localité désignée pour les grandes foires Oftnuui jioiir le» grandes batailles et quelle a monopolisé à son profit tout un ensemble de transactions commerciale», dont les moiriH ini[K>rtantes ne sont [ms celles de la librairie allemande; vi que llerlin, que ne favorisait puère que sa position àégel^ dintiinœ de la mer et des montiignes, de l'Elbe et de l'Oder, ^ grandi avec la même rapidité fabuleuse que la monarchie prus-

m riES flTlTS hf. L'EI'ROPR CKI»TI1*I,E. IBT

^Vniic, danl s;(><> rues symétriques et ses niontimentE rèf^uVièrt- tncntiili^né* rappellent le caractère militaire et bureaucratique: i linnc l'espace de deux si^cle»l, la petite ri^fiirienen des élc«teun 1 brandiiliourucoiti etit devenue, d'abord le centre politiijue et in- l'Ilnluel de l'Allema^ie du imrd, puis la capitale du nouvel 'iDjiire alleniHud, iil nii popnlatiun, qu'en Ifiil) on évaluait à <i,l)IIOAine», qui en 1807 eii^uro n'eu comptait que ldi3,()00, en ■imipreiiail 825,UUU au rei^nsemcnt de 1871 I

Le Weser et l'Kibe appartiennent, l'un pour un tiers, l'autre [tixir In forte luottié de sou cuur^, & la di^pressinn septenlHonaie lie l'Eurojie du centre ; les deux fleuves qui leur Tout Muite h l'est, roder et la Vidtule, y tracent leur lit presque complet et ne eon- naiaeiileii fait de montagne», en dehors de celles ils prennent lour source, que les oiidulatious des hauteurs ouraIo-karpa« Ihieanes et des hauteurs ouralo-baltiques. Essentiellement fleu« 1 lie plaine, ils ont le cours prosaïque et lent, n'avancent pour 1 iii)ii dire que parce que la masse de leurs eaux les pousse en mntet laissent au vent le soin de faire louruer les moulins; il'iiQtre part le peu d'élévation de la bordure de leurs haesina^ ^forment en maints endroits des prairies et des marais, et la | ifiNtJince peu considérable qui sépare la Spréc et la Havel de l'Uder, la Wartii et la Nctze de la Vistule, le liup el la Narew '^u Dnieper, ont rendu extrêmement facile la construction de '""imunications artificielles de l'un à l'autre des deux fleuves, 1 1 4- chacun d'eux à ses autres voisins : il est même permis de 1 supposer qu'd une autre époque du globe ils étaient naturelle- Bit unis, de façon il se déverser, au sud du dos ouralo-baltique, 1 "ïitule dans l'Oder et l'Oder dans l'Elbe.

Mer, dans laquelle on \eiit reconnaItrele5«et'«f etie Tia- I des anciens, est le vrai fleuve prussien ; d'un bout à l'autre

n cours en effet, si l'on fait abstraction de ses aourcc^ qui I len Autriche (dans les mômes proportions il peu presque ftde la Garoime en Espagne), elle apppartient ft la monar- Iprussicnne, dont elle arrose successivement trois grandes nnocs, lu Silésie, le Brandelwurg et la Puméranie, toutes les I slare^ d'origine el plus ou moins complètement germani-

18g niSTOIlE DE LA FORXATiOS TEERITUBIALE

Si^esparla conquête. Régulière et méthodique comme l'étiit prus- sien lui-même, elle suit une \ allée presque rectiligne, qui est orientée du sud-est au nord-ouest et ne se redresse vers le nord que dans le «oisinage de la Baltique; sa longueur est la même que celle de l'Elbe, 890 kilomètres ; mais elle lui est inférieure œmme distance directe de la source à Tembouchure et comme aire du bassin, dans la proportion de 520 h 600 kilomètres et de 130,000 à 155,000 kilomètres carrés.

Elle tire son origine à la fois des Sudètes et des Karpathes, en trois branches principales, qui se suivent d'ouest en est sous les noms d'Oppa, d'ikler et d'Olsa. La rigole centrale ou Oder propre- ment dite naît en Moravie sur la pente méridionale des Sudètes, au milieu d'un marécage entouré de sapins dont l'altitude n'est que de 320 mètres, gîigne promptement la dépression connue sous le nom de porte morave, que nous avons signalée ailleurs entre le système karpathien et le groupe des montagnes bohé- miennes, et découle par elle vers le nord, en tournant le dosa la March, qu un cours en sens opposé dirige vers le Danube. Bientôt elle est rejointe à gauche par TOpim qui, descendant des pentes orientales des Sudètes par une vallée sauvage dont le fond est à 1 ,300 mètres, fait la frontière entre la Silésie autrichienne et la Silésie pnissienne, et lui amène par ïroppau une masse d'eau plus considérable que la sienne; puis a lieu à droite le confluent de rOlsa, qui naît au pied du col de Jablunka dans le voisinage immédiat des sources de la Vistule et parcourt la partie orientale de la Silésie autrichienne, dont elle baigne la ville principale Teschen. Le cours supérieur du fleuve ne s'étend même pas jus- que là : déjà à Oderberg, sur la frontière austro-prussienne, un peu en amont de Tendroit TOIsa se réunit à l'Oder grossie de rOppa, disparaissent les derniers rochers et commence, à une altitude de moins de 200 mètres, la partie beaucoup plus étendue du bassin qui appartient à la plaine.

L'OdcT y traverse d'abord, comme première grande étape, la Silésie prussienne dans toute sa longueur, c'est-à-dire en d'au- tres mots tout le golfe de plaine adossé aux Sudètes. Dans toute cette section elle conserve invariablement sa direction normale

DBS âTiTS ItF, t'BCtIora OunTRALK. ' (89

laralltic h In diatnc de montagnes qu'elle côtoie, saut cependant liiilrp Brtwlau ot Glogau, par une double courbe, analogue à celle {[ue décrit l'Elhc en aval do Wittenberg, cllo longe d'abord vers l'ouest cl rompt ensuite vers le nord les hauteurs ouralo- W|mtliiennes; sou lit actuel est acconjjtaguè de nombreux bras nioUs et encadré alternativement par des champs, des prairies, ib forêts; inêrac les vignobles ne lui Tonl pas défaut, et le vin lie (Irunbcpg, pfcolté sur les collines entre l'Oder et le Uobcr, j'iiil d'une réputation relative. Aucun affluent notable ne lui lient des dos de pays qui raccompagnent à droite ; k gauche, au iiitLlrairc, les Sudètes lui envoient de nombreuses rivières, qui iiiiitcs ont le même caractère, descendent par des vallées pitto- resques vers la plaine, elles coulent ensuite aussi prosaïque- ment que le (louve lui-môme, et amènent dans son lit tantôt une caii de montagne pure et limpide, tantét des flots bourbeux et ihai^fts des débris que leurs crues subites ont arrachés plus haut. Vil grand nombre de villes secondaires sont baignées par elles : tirla Neisse suiiérieure ou de Glatz nous rencontrons les deux 'iirli-Tesses de Glatz et de Neisse et sur la Katitbach la ville de lii^nitz, dans le voisinage de laquelle le champ de bataille àa 1 Walilstadl a vn en 1241 une victoire des Mongols sur les Gliré- li''ii*('lcn 18i:i nue défaite des Français par les l'russïens; sur II' H>!)cr. dimi U siiurce fait pendant fi celle de l'Elbe de l'autre |>iléi](> laSuluKi-koppe, se suivent Hirscliherg, Bunzlau, Sagan, 'Wson, et la Neisse inférieure ou de Lusace passe à Zittau, i ''iierlit/. et. Guheii. Le long de l'artère principale Kosel, Oppeln ] l't Brieg eu aracjnt, tilogau en aval de Breslau ne méritent pas 1 il'uantage qu'on s'y arrête;, maïs il n'en est pas de môme de l Itrtslau, la grande ville allemande fondée en pays slave, qui a I liic de tout temps la capitale ecclésiastique et politique de la Si- lfe>ip Pt qui est aujourd'hui la seconde ville du royaume de Prusse. iWe sur les deux rives de l'Oder à l'endroit le fleuve, dcs- l'eridu h l'altituilc de 130 mètres, commence à devenir na\iga- 'il" {tmit en ne pi^rnietlimt qu'un trafic pénible h cause de^ ^'^^fe^ eau\ el des ensablements l'réqueiits), elle l'ut dès le moyeu '"ïelej.Tand enlrcpôt niercaiilile et industriel de la K't;ii»ri en-

100 UISTOIBE DB LA FORMATION TERMTOBIALG

tière et le point de crouement des routes qui reliaient la Baltiqi au moyen Danube et la Pdogne à la Qohéme et à la Saxe ; c nos jour», ob les routes ont été remplacées par des diemins c fer, le mouvement commercial de la vallée de FOder et des coi trées avoisinantes continue à s'y concentrer et ses fiûres aux la nés conservent une importance hors ligne. Naguère elle était ausi la grande place de guerre dont la possession assurait celle de i province ; mais ses remparts ont été changés en boulevards t dès lors, libre de s^étendre à son aise, die est arrivée à porter] 208,000 Ames le chiffre de sa pc^ilation.

La deuxième étape du cours de plaine de l'Oder la mène, à tn- vers le Brandebourg et la Poméranie^ depuis le confluent de b Ncisse inférieure jusqu'au littoral de la Baltique. Dès qu'elle j entre, elle se redresse au nord et passe dans cette direction i droite de Francfort, qui malgré son université aujourd'hui traitt- Icrée à Breslau n'a jamais atteint la prospérité de son homonyme des bords du Mcin ; puis, sous lesrempart^^ de Custriui laW'arli la renvoie au nord-ouest traverser les anciens marécages de rOderbruch que les travaux de canalisation ordonnés par Fré- déric II ont changés en champs fertiles; mais à la hauteur de Freienv^ aide, Ton a baptisé du nom de Suisse margraviale un canton un peu moins plat et sablonneux que le reste du Brande- bourg, elle reprend la direction du méridien pour rompre te hauteurs (iuralo-))altiques, et ne la quitte plus jusqu'à la mer. En Poméranie« elle entre presque immédiatement après ce de^ nier coude et qu elle partage en deux moitiés à peu près égata, ses bords sont assez riants et le paraissent davantage quand on sort de la Marche, cotte boite à sable du saint-empire; de vofif^ prairies peuplées i»ar d'innmnbral>les oies s^étendent des doit cAU^A du fleuve, qui fornu; des bras nombreux et les réunit de nouveau, jusqu'à ce qu^enfln il gagne le Ilaff poméranien ])ar {plusieurs em))ouchurcs« sur la plus occidentale desqueikf» qui est aussi la plus considérable, s*élève Stettin, la capilifc de lu province, le grand port de TOder et, jusqu a son déclas* sèment récent, la forteresse principale du bassin. Le Ba/ ce{)cndatit n*est \mb encore lu pleine nier; TOder n'arrive à

tnm itAtB Ms l'kvmpr currR4bit. iiti

ia Nttfiue <{u'eti rrancliisntiint If^ tr<ii)> pn»iMi* (]i;U?rmiiit'6M par b IIps de Wiillin cl iI'I'iuhIiiiii , ix-flo de Diveiiuii à limite, rHIu do la Suiiie an centre, et ù gnnrbn celle lu Pcotie, il lïqiiHIfl almutiwioiit \e» denx [iPtili wmm d'eau de l'L'ckep rt dp la l'wue. lie» autrps urduenla il» KHiirliiidii In nectinn brAndchour- pv'iM^ Pt ponii^rnnienne de t'Ddcr n'ont pas d'imporlancc, et de wn'ilA il nuftira de nienlioTiiier le* deux rxiiaun de Fr^dOric- 'iiiillanme et de Kinow qui ont ttù i^renités entre *on lit el ecui (IcIiiSpn'e 1*1 de In Hutel; h droite nu conlriiire il y h un Iribn- liiin'de pruniipr urdrc, tfni ne nitwiire pm muin» de 780 kilo- iii('(r(^. iisWnrta.qni Hïeewxi souK-affluent dedniite,la Netïc, rniimduil f!ia(*ti'nii'nl entre l'Oder et lu Viitlule le badsin iiiler* nutliaire qiie lii 8pfée et la Havot uninlitnent cjilrc l'KlIte et llhler, el décrit une «xitirlru ntrict«nient parallèle h celle» de la S[in4- h l'iupift el de la Vistule k l'esl, P»4, «mime eette dernière, turi pliM pnliiiinise qu'alletiiande ; rivière carar(t<riiiti((iie du iii<Mitchè du Pinteii, la province la plus iKpl'inaiiw de la nio- ;■ liie pmwiGiuie, elle panxnirt avant d'j entrer le» gtiuverne-

ritfi ticeidentHU\ de la IHiInKne ruatH! i< ne fi^nétre dans lo

iiMtidphmtr^ que vers i'oiidrwit elle rencontre la Nelze. donl jiNjuJi lui propre lin k Gustrin elle ein)kninte la niari)<'ageu»e 'aillée. Ain tnii» lU'ftiiinjt de «on roiir» curre»|M»ndent, danii la l'i)l<Jitne niiMe (:zen!iU>rlin»a,uiideMiiancluaireH|M>liinai!tlei4plu» rtriîin^iii, dans la province de l'rison la ville de ni^nie num. pre- , Mpitak". du royaume poloriatii, que sedisput«nt aujourd'hui iiaem pCKtsesiicnrgdu sol ut loi* colnn« allernandu, dans le irg enfin Landsherj;, la capitale de la Nouvelle-Marcbe. delà la Wiirta nous arrivons au quatrième et dernier de» plainn de rKurnpe rentrale du imrd, celui qui en M en frunçaii' ptirte le* nnin^ precque idmtiqtiw de Vintuln Viittule, cl que le* l'uloniii.» et les Allcniiinda appellent et WeicJinci. Il est le plut* nmsîdtïrable des quatre, nun dtstaïKX directe de la sciurte h l'enilKmehupe, car à ce de voc il ne niei^ure que r»20 kilonièlres oHuine l'Oder, parojnsï'qnent inférieur à l'Ellx", niai^ par le déielupiie- de son c<lll^^ qui p^l de Utill kiloniêlnv cl ?urlont [wr lu

j9â iiistoihh: dk la formation territoriale

superficie de son bassin qui couvre 195,000 kilomètres carrés. Placée sur les limites de l'Europe centrale et de l'Europe orien- tale, aux confins de la grande plaine sarmate et de la dépression plus étroite de la basse Allemagne, la Vistule, que se disputent depuis quinze cents ans les Slaves et les Germains et qui se partage aujourd'hui entre les deux monarchies allemandes et le grand empire moscovite, est de par Thistoire et de par la géo- graphie le fleuve polonais par excellence ; mais attendu que la Pologne a été rayée de la carte politique de l'Europe et que son nom n'est plus qu'une dénomination topographique, son fleure est devenu le trait d'union entre les trois puissances qui l'ont démembrée : née dans la Silésie autrichienne, elle fait momen- tanément la frontière entre l'Autriche et la Prusse, rentre du côté de Gracovie dans la monarchie autrichienne, délimite ensuite TAutrichc et la Russie jusque au-dessous de Sandomir, et, après avoir, formé la grande artère des gouvernements de la Pologne russe, elle en sort près de Thorn pour finir comme fleuve prusr sien. Sa direction normale est assez difficile à formuler: dk coule du sud au nord en ce sens que sa source et son cmbott- chure sont sous le môme méridien ; mais conmie une double courbe la fait successivement dévier à l'est et l'ouest, de façon i donner à son cours supérieur et moyen la configuration d'un domi-cercle presque régulier, elle ne suit la direction caracté- ristique selon le méridien que dans sa dernière étape.

La Vistulc découle, à l'altitude de SOO à 600 mètres, des pentes nord-ouest des Karpathes boisées, par différentes sources, qu'on distingue par les noms de Vistule blanche, de petite Vistule et de Vistule noire, et qui naissent toutes les trois à Test du col de Jahlunka, d'où TOlsa descend vers l'Oder. Immédiatement grossie par do nombreux affluents que lui envoient les Kaip»- tlios au sud et les hauteurs onralo-karpathiennes au nord, elle parcourt la contrée pittoresque qu'on appelle la Suisse craco- \i<Mnio ou polonaise et met fin à son cours supérieur dès C»- (•o\i(», où, à un niveau de 215 mètres, elle devient navigaUf pour des bati^aux de ino\enne grandeur. Graco\ie, centre prin- cipal (le cette première section, réunit autour de son ohàleaii d

fers ÉTATS DE L'TOItOPB CEWTBAIE. f!13

cathédrale les souvenirs les plus illustres et les plus vivaccs grandeur passôc de la Pologne; elle a été sa capitjile au ta flgc, su ville de couronnement, auHsi longtemps r|u'ellc a t pois, et en ce siècle mCme, depuis 181S jusqu'en Ï846, TU revivre dans ses murs, sous le nom de République, un Sr reflet du l'autonomie polonaise.

«rtir de Craanie commence le cours moyen de la Vislulc, miprend les trois quarts de son développement complet et ipond à la grande plaine polonaise, oti le fleuve arrose Inur de fertiles couciies d'argile, qui foiu-nissont le plus beau lia de l'Europe, et des terrains sablonneux ou marécageux, ren grandes forftts. La Vîstule y coule d'abord dans un lit le profond, souvent découpé à pic, et auquel aboutissent Sle les rapides rivières des Karpathes, lu Uaba, le Donajec du Poprad, la Wisloka cl le San. Ce dernier la rejette au au delii des hauteurs ouralo-karpatbiennes du pays de unir, qu'elle brise dans un lit encadré de bords rocheux et lés, et dès lors elle commence à parcourir des landes de ille et de vastes forêts, en roulant de plus en plus lentement le masse d'eau sufGsante pour permettre la grande navigation . aOluents considérables la grossissent à cette hauteur : de î lui vient, à travers tes marécages, la Pilica, née dans le igedelaWarla; à droitela rejointle Bug, qui naît dans la rouge entre Lemberg et Brody,'se développe sur7S0kilo- > par une courbe concentrique à la sienne, et constitue, de l avec son sous-affluent de droite, la Narew, par lequel dé- lies marais lithuaniens et les lacs prussiens, un troisième cccondaire, analogue à ceux de la Warla et de la Netze part, de la Spréc et de la Havcl de l'autre. Entre les deux ■nts. mais plus près du second, s'élève sur la rive gauche, je population de 252,000 habitants, la capitale moderne ilogne, Varsovie, centre du commerce, de l'industrie et e la résistjnifo nationale du pays polonais, pour lequel son rg de la rive droite,- Praga, a souffert à deux reprises un Ile marljre. Depuis le confluent du Bug, que domine la tlace de Nowo-ticorgiewsk ou Modlîn. la Visiule, ronti-

lOi HISTOIRE I)K LA FOBUATION TERRITORIALE

nuaut la direction de son tributaire, prend à Touest en longeai le dos ouralo-baltique et gagne, au delà de Plock, Thorn, qui été la première des cités allemandes construites dans son bassi par les chevaliers teutoniques et qui est aujourd'hui la forteress frontière de la monarchie prussienne; puis, un peu en avald Thorn, à Tendroit môme oîi le cours inférieur de son tributain de gauche, la Brahe, n'est séparé du cours supérieur de la Net» (|ue par des marécages que traverse le canal de Brombcrg, dk se redresse brusquement vers le nord et, rompant les hauteurs, baigne les deux villes de Culm et de Graudenz, bAties coimw Thorn sur sa rive droite.

Le cours inférieur commence au delà de cette rupture du da ouralo-baltique, à la bifurcation du fleuve. La Vistulc, doiilh niveau à Thorn était encore à 32 mètres au-dessus de la mer, ] coule avec une chute presque imperceptible, en arrosaulm delta d'une fertilité inouïe, que les chevaliers teutoniques on autrefois conquis, canalisé, endigué et civilisé, et dont ta Werders soutiennent la comparaison avec les plus belles Jfor scfic?i frisonnes pour la richesse en blé et en bétail; comme ei Frise aussi il est vrai, ces campagnes privilégiées sont sans ccssi sous le coup d'une catastrophe quand, aux dél)Acles surtout, 1 fleuve grossi outre mesure rompt les digues qui le contiennent Des deux bras qu'elle forme, le plus oriental, la Nogat, apiè avoir passé au pied de Tancienne résidence des grands-maîtres la Marienbourg restaurée en ce siècle, et laissé à droite Tau cicnne ville hanséatiquc d'Elbing, débouche en branches nom breuscs dans le Frisc/i'Ha/f ; Tautre, qui garde le nom i Vistulo, envoie également une partie de ses eaux, la vieille Vis tule, à cette grande lagune; mais son embouchure la pluscon sidérable est plus à Toucst, dans le golfe de Danzick, à uft lieue au-dessous de la ville de ce nom. Elle a été canalisée) cause de ses ensablements fréquents, précaution doubiemen nécessaire depuis qu'en 1840 la langue de terre qui lasépaK de la mer s'est rompue à Neufaehr en amont de Danzick, et loi a ainsi ouvert une nouvelle issue, qui a diminué d'autant le déW du fleuve de Danzick. Danzick, la vieille ville slave, àon\

WS 6TATS l>R L'&TÎSOfI! CBKTRALR. 195

li'vistcMcc Pî-t cnnslalée dès le sixième siècle et que pc soiil de lutrllemp;; disputée ses voisins; qui, proinpteracnl gcrmanisùc, Qi^lSsousIa ppotcclion des grands-maltres teutnniques le chef- hcu du quatrième quartier tle la Hanse, et sous celle des rois de l'ologne une cili5 protestante autonome; qui, une première fois |ims*îpnne on 1793, l'est redevenue en 1814 après avoir été b. l'élHiqnedo la domination lutimléunienne une république avec garnison française, est aujourd'hui comme par le passé le grand centre militaire et commercial de la basse Vistulc, une grande |ilace Forte reliée à la mer pur la citadelle avancée de Weichsct- nmndeel un grand port d'embarquement pour les blés polonais. On l'a appelée la Yfuist: fin Nord et la Saples septentrionale II cause de ses canaux et de ses riants alentours; c'est en réalité une lii^ille ville allemande, de gothique apparence, qui conserve ËilÈlenient jusque dan? son aspect extérieur le souvenir des lemps de son antique splendeur.

Nous arrêtons à la \'islule cette étude hydrographique de lEumpc fcnlrale. Nous pourrions, il est vrai, parier encore du IWgel et du Niémen qui débouchent l'un et l'autre dans la lUlljqiie allemande ; mais le premier de ces cours d'eau, qui ligule au nord du plateau de lacs prussien comme la Narcvv le hil au sud, n'a guèrf d'autre int4;Ti^t que celui de baipicr Kœnigs- hcfg, la capitale de la Prusse proprement dite, et le second, malgré son emliouclmre pnissiennc, appartifnt incnntestable- uiont ila plaine russe; nous les passons donc soussileitce comme nuiis l'avons fait pour les petits bassins côticrs plus occidentaux

kl» Travo et de la Warnow, de la Porsante et de la Stolpo, et £ terniimins ici l'esquisse de géographie physique dont nous vx* cru devoir faire précéder l'histoire des révolutions terri- «ics de la région centrale de notre continent. Nous avons niné successivement les dimensions horizontales et vcrtl- i, la stnicture du relief et l'agencement des eaux de l'Europe "3u centre : appuyés sur cette base solide et invariable, nous jniuvons dorénavant poursuivre à travers les siècles le mouve- ment continuel des populations et des étals, en le rapportant

109 cesse auï cadres tracés par la nature.

LIVRE II

GÉOGRAPHIE HISTORIQUE GÉNÉRALE DE L'EUROPE CENTRALE

CHAPITRE PREMIER

La Germanie et les régions avoisinantes à répoqne romaine.

L'Europe centrale est aujourd'hui occupée en majeure partie parla race germanique; il en était déjà de môme à Tépoque les Romains y firent luire, pour la première fois, le grand jour de l'histoire, en portant leurs armes victorieuses dans les régions situées au delà des Alpes, Les Germains n'en ont pas cependant été les premiers habitants ; ils y ont été précédés par les Celtes, qui eux-mêmes avaient pris la place d'autres populations, plus îinciennes encore; mais ce que l'on peut affirmer avec quelque certitude des établissements des uns et des autres dans les con- trées centrales de l'Europe se réduit à fort peu de chose. On ne connaît que par leurs tombeaux, et peut-être'par leurs habitations lacustres, les précurseurs des Celtes, que l'érudition moderne prétend rattacher à la souche finnoise ; quant aux Celtes eux- ïïiémes, leur séjour dans l'Europe du centre est établi tant par '^ témoignages des auteurs grecs et latins, que par les noms d'un certain nombre de montagnes ei de fleuves empruntés à leur idiome; mais leurs pérégrinations, leurs luttes avec les Gennains qui, sortis comme eux de la souche aryenne, les ont i^efoulés vers le couchant, restent couvertes d'un voile épais.

198 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Toutefois de vieilles traditions, corroborées par quelques faits peu près constants, paraissent prouver que, dans les cinq ou s siècles qui précédèrent la naissance du Christ, il y eut, le loi du Danube surtout, comme un flux et reflux des populations ce tiques et germaniques, et nous pouvons inférer des récits d historiens de l'invasion cimbrique, mieux encore de ceux i César, qu'au premier siècle avant notre ère la race celtique ava presque entièrement été rejetée par la race rivale au delà ci Rhin et du Danube. Si certaines de ses tribus se maintenaiei encore à cette époque au centre de notre continent, comme pa exemple les Boïens en Bohème, d'autre parties Germains avaien dès lors commencé à s'établir sur la rive gauche du Rhin: te Belges, que César nous dépeint comme des Germains émigrés étaient pour le moins des Gaulois à demi germanisés; les Va» gions, les Némètes et les Triboques, qui à ce moment mêi» franchissaient le moyen Rliin, étaient des peuplades de pur sanj germanique.

La conquête de la Gaule transalpine par César entraîna à s suite l'envahissement par les armées romaines de l'Europe cen irale aussi. 11 se fit à la fois par l'ouest et par le sud, et eut pou résultat l'incorporation à l'empire romain d'un certain nombi de provinces voisines du Rhin et des Alpes. César lui-mêiiw non content de subjuguer avec le reste de la Gaule les popul tions germaniques établies en deçà du Rhin, alla punir les Gei mains d'outre-Rhin de la tentative prématurée qu'avait faite Suève Ariovistc de conquérir la vallée de la Saône, en franchi sant à deux reprises (So, 53 avant Jésus-Clirist) le fleuve i milieu de son cours, et en faisant affronter à ses légionnaires l horreurs de la forêt hercynienne. Sous Auguste, Tibère Drusus achevèrent (16 à 12 avant Jésus-Clirist) la conquête pr cédemment ébaucliéc des pays compris entre les Alpes central» et le Danube, qu'liabitaient des tribus d'origine demi-celtiqu demi-illj Tienne ; ils parcoururent même en vainqueurs (1 1 aval il 1} après Jésus-Christ) la Germanie à l'est du Rhin, etDrusi aHoi*i[nit l'Elbe, que L. Domitius Ahenobarbus eut la gloire^ franchir; mais ni Auguste, ni ses successeurs ne réussirent

DES ÉTATS DK L'eUROPK CENTRA LK, i99

établir la domination romaine d'une façon durable dans la Ger- manie proprement dite. Au nord du Danube, Marbod et ses Marcomans se maintinrent indépendants dans le pays des Boîens qu'ils venaient d'envahir; à Test du Rhin, le Chérusque Anninius, que Tacite appelle à bon droit le libérateur de la Germanie^ dégoûta à jamais les Romains de la velléité de réduire à la servitude les peuplades entre le Rhin et TEIbe, en détruisant les légions de Varus dans la forôt de Teutobourg, c'est-à-dire dans le pays montueux et boisé qui, dans le voisi- nage de Detmold, s'étend des sources de la Lippe et de TEms jusqu'au cours moyen du Weser (9 après Jésus-Christ). Les expéditions victorieuses de Germanicus, le digne fils de Drusus, vengèrent le désastre de Varus ; mais la tentative de soumettre les Germainsd'outre-Rhin à l'administration provinciale romaine ne fut pas renouvelée ; les successeurs d'Auguste renoncèrent à les incorporer dans leur empire, se contentant prudemment de les surveiller avec soin et d'assister avec délices h leurs querelles intestines, qu'ils savaient fomenter au besoin.

En deux endroits seulement, les empereurs du premier et du second siècle se départirent de la sage politique de maintenir le Rhin et le Danube comme limites extrêmes du monde romain. Dès le milieu du premier siècle, mais principalement à partir de Domitien, on colonisa, au moyen d'aventuriers gaulois (et ger- mains aussi sans doute), l'espèce de golfe de l'empire, sinus imperii^ comme l'appelle Tacite, qui s'interposait entre les pro- vinces rhénanes de la Gaule et les provinces au nord des Alpes, et que les dévastations de la guerre avaient rendu presque désert ; ce furent les fameux champs de la dîme, agri decumates ou deaimanij le Zehntland des Allemands, dont le nom provient du Iribut imposé aux colons. Pour les défendre fut construite une ligne continue de retranchements, dont on retrouve jusqu'au- jourd'hui de nombreux vestiges dans le Taunus, dans l'Oden- ^ald, dans la Rauhe-Alp, ils sont œnnus sous les noms de rouraillesou de fossés des Romains, des Païens, du Diable; elle quittait le Rhin à la hauteur de Coblence en s'enfonçant dans la Germanie parallèlement au bas Mein, prenait ensuite directe-

200 IIISTOIHE DE LA FORMATION TERRITORIALE

inunt du nord au sud de façon à épouser ravant-dernièrc étapes duMein depuis AschafFenbourg jusqu'à Miltenberg, gagnait I ai source de la Kocher, et enfin, par un angle aigu, rejoignait le Danube au-dessus de Ratisbonne, tout près du confluent de rAltmuhl. L'utilité stratégique de cette occupation saute aixx yeux ; elle faisait entrer dans le système défensif de Tempire uiie région par laquelle les Barbares pouvaient à la fois attaquer la ligne du haut Rhin et tourner celle du Danube supérieur, Trajan, le seul empereur conquérant, obéit à des nécessites moins évidentes en constituant sur le bas Danube, après la défaite du roi des Daces Décébale (105 après Jésus-Christ), la province de Dacie, il appela de nombreux colons romains. Sa création, également défendue par de nombreux boulevards, couvrait la vaste contrée qui, depuis le Danube inférieur et la Theiss, s*étend jusqu'aux Karpathes et au Pruth, peut-être môme jusqu'au Dniester ou au Boug ; mais, par une singulière anomalie, elle laissait en dehors de ses frontières la longue bande de pays comprise entre les cours parallèles de la Theiss et du Danube hongrois, si bien que le pays indépendant des Jazjges s'intercalait comme un coin entre les provinces romaines.

Par suite de cette double usurpation, qui en deux endroits portait la frontière de Tompire bien au delà de la ligne du Rhin et du Danube, TEurope centrale se trouva d'autant plus profon- dément entamée par la domination, et aussi par la civilisation romaine. Le limes romanus avec ses innombrables défenses, villes, têtes de pont, camps retranchés, châteaux-forts, murs et fossés continus, délimitait en effet bien plus que deux sociétés politiques; il séparait deux mondes différents. D'un côté les pro- vinces frontières du grand empire étaient soumises à une admi- nistration savante, vivaient au milieu du luxe et de Topulence, participaient aux bienfaits comme aux inconvénients d'une ci^> lisalion avancée; deTautre étaient campées plutôt qu'établies? dans leur barbarie native, sans liens politiques qui les reliassent entre elles, de nombreuses tribus qui n'étaient pas encore arri- vées à constituer une nation.

Ce n'est pas le lieu ici d'e\iK)ser l'organisation politique et

DKS ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE. 20i

administrative du monde romain, qui n'a guère laissé de traces dans les contrées qui nous occupent; il nous suffira d'indiquer quelles étaient les provinces et les villes notables dans la partie de l'Europe centrale que Rome avait réussi h conquérir. Pour ce qui est des provinces, nous nous contenterons d'une simple énu- mération. Sur la rive gauche du Rliin, depuis son embouchure jusqu'à la chute de Schaffhouse, et dans le bassin supérieur du Rhône s'étendaient les provinces orientales de la Gaule, à savoir la Germanie romaine, tant inférieure que supérieure, la Bel- gique, la Séquanaisc et les Alpes gauloises. Les provinces au nord des Alpes, annexées à l'Italie et à rUlyrie, couvraient la région comprise entre la chaîne principale du système alpestre et le Danube supérieur et moyen, depuis les sources du Rhône et du Rhin jusqu'au confluent de la Save: c'étaient d'abord la Rhétie au sud et la Vindélicie au nord, puis, se suivant le long du Danube, la Norique et la Pannonie. Entre les deux groupes s'intercalaient, comme un avant-poste militaire, les champs décumates, comptés, en majeure partie du moins, avec la Ger- manie supérieure. Enfin les provinces septentrionales de la presqu'île de l'Hémus et la Dacie achevaient, des deux côtés du bas Danube , la frontière continentale du monde romain en Europe.

Un intérêt plus considérable se rattache pour nous à l'examen des villes romaines de l'Europe centrale : la majeure partie d'entre elles existe encore; elles ont été pendant fort longtemps b plus importantes de la région entière. Leur origine remonte en i>artie plus haut que la conquête romaine, dans la Gaule rhé- nane principalement ; mais partout les Romains, colons essen- tiellement urbains, ont agrandi et embelli les villes déjà exis- tantes; dans la plupart des cas leurs centres d'établissement ont été des créations nouvelles, soit qu'ils aient été bûtis immédia- tement avec le caractère de villes ou qu'ils soient sortis des for- teresses élevées par Drusus et par ses successeurs. Avant tout il faut signaler les nombreuses cités et places d'armes du Rhin inférieur et moyen, toutes situées sur la rive gauche du fleuve, ïûais en partie défendues par des tôtes de pont construites sur la

202 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

rive opposée. Nous citerons dans le delta rhénan Fkvum castel-^ lum rembouchure du fleuve), Lugdunum Batavorum (Leyde) ^ Trajectum (Utrecht) et Noviomagus (Nimègue) ; plus haut Ve^ tera castra (Xanten), Novesium (Neuss), maïs surtout la capi-. taie de la Germanie inférieure, Colonia agrippinensis (Cologne), Tancien oppidum Ubiorum transféré sous Auguste de la rive droite à la rive gauche du fleuve par Vipsanius Agrippa et élevé au rang de colonie romaine grâce à Timpératrice Agrippine, qui y était née. Puis venaient Bomia (Bonn), Itigomagus (Remagen), Antunnacum (Andernach), Confluentes (Coblence) au confluent de la Moselle, Bingium (Bingen) à Tembouchure de la Nahe, et Magontiacum (Mayence) en face de Tembouchure du Mein : cette dernière ville, qui était la métropole de la Germanie supé- rieure et qu'un pont reliait au fort de Castellum (Castel) en face, est probablement la plus ancienne cité rhénane; son origine est incontestablement celtique; c*est dans ses murs qu'on trans* porta le cadavre de son second fondateur Dru sus. Plus en amoiit encore se suivaient Borbetomagus ou Augtista Vangùmum (Worms), Noviomagus ou Augusta Nemetum (Spire), Taber- nae (Rheinzabern), Saletio (Selz), Argentoratum (Strasbourg) et, déjà dans la Séquanaise, au delà du grand coude du fleuve, Augusta Rauracorum^ près des ruines de laquelle s'est depuis élevée la ville plus récente de Bâle. La ligne du Danube, quoique moins riche en centres importants, n'en était pas dépourvue cependant : il y avait tout d'abord les deux villes rhétiennes de Regina castra (Ratisbonne) en face de l'embouchure du Regen, et de Batava castra (Passau) au confluent de l'Inn ; puis, en Norique, LaureacumÇLoTch)^ la station de la flottille danubienne, probablement située à Tenibouchure de l'Enns ; enfin en Pan- nonie les trois villes de Vindobona (Vienne), de Camuntum (près de Deutschaltenburg) et de Taurunum (Semlin), dont la dernière était avoisinée de près par la cité mésionne de Singi- dunum (Belgrade). En avant du Rhin et du Danube florissaient dans les champs décumates et Dacie, à l'abri des fortiflcatîons construites par Domitien, par Trajan et par Adrien, un cerlain nombre d'établissements romains, comme le prouvent surabon-

(Iimnient les vestiges de temples, de bains, de itiiiles qu'un rcn- lunlrc en beaucoup d'endroits tant de la Souahc que de la Hun- ^rit'el de la Transylvanie ; parmi eux la Civilas aurelia aijueii- sis, aujourd'hui Bade-Dade, et la Coionia Sumhcenne qa'&Tcia- KolU-nbur^-sur-lc-Neckar. Eufîu dans les contrùes en ière des doux fleuves qui depuis ont fait partie de l'Allemagne de SCS annexes, le choix est diflicile, et nous nous contente- rons [('indiquer les villes tes plus célèbres : ce sont d'abord les niés de la Moselle, Tu//um Leucoiutn {Tou\), Divoduriim J/e- diûinatrtcorum (Metz), et lu plus illustre des trois, Augusla <rum (Trêves), la capitale de la Belgique première, dont habitants se vantaient de leur descendance germanique, en ndant que les chroniqueurs du moyen âge lui attribuassent UKorigine de treize cents ans antLrieurê à celle de Rome, en la Uaasil fonder p<ir Trébéta, lebeau-lils dcëémiramis; puis, sur (après de la Meuse, Virodunum (Verdun) et Aduaea Tungra- nm (Tongres); dans le bassin de l'Aar, Aventkum (A venelles) M Y'mdonissa (Windisch); sur le Rliin supérieur ou le lac de (instance, Ctiria {Goirc)et Brigantinin (15regenz); sur l'Iller et IcLceh. lavillecettique romanisûcde Cambodunum (Kempten) l'Ua brillante colonie romaine d'-4 «jHs/d Vindelicorum (Augs- buui^), se réunissaient les deux grandes routes qui depuis Milau et Vérone franchissaient les Alpes centrales ; sur la Salza, iiieama (Salzbourg), et sur la Save, Siscia (Sisek), mais sur- iimt Sirmium (en amont de Belgrade), qui était le grand jtoint J'apjiui des opérations militaires sur le Danube, comme Trêves l'i'lait piiur celles du pays rhénan.

Taudis que lu partie sud-ouest de l'Europe centrale avait été jilus ou moins latinisée, la portion beaucoup plus considérable 'le notre région qui dans la direction du nord-est faisait face *m provinces romaines du Rhin et du Danube, était restée inaccessible à la fois à la domination et au\ mœurs du peuple- fi>i- La Uermanie indépendante ou Grande-Germanie s'élen- 'iail depuis les deux fleuves et leurs boulevards extérieurs jus- Su'auï deux mers septentrionales, la mer germanique (mer du Jw<l)et la mer suôve(mer Baltique); quanta ses limites oriett- J

204 niSTOIBK DK LA FORMATION TEBWTOBTALE

talcs, les géographes romains n'osaient trop les fixer, et Tacil indique comme sa principale frontière d'avec la Sarmatie 1 crainte mutuelle que s'inspiraient les deux peuples; cependai on peut regarder la Vistule et l'extrémité occidentale des Karpa thés comme les bornes approximatives de son extension vers h levant. En la comparant par conséquent à l'Allemagne moderne, on voit qu'elle lui était sensiblement inférieure en superficie, son étendue un peu plus considérable du côlé de Test étant loin de compenser son extension beaucoup moindre vers l'ouest et le sud; et de plus on constate que tandis qu'aujourd'hui l'aire de l'Allemagne supérieure égale ou surpasse celle de la basse Allemagne, la haute Germanie était à l'époque romaine beau- coup moins étendue que la basse.

Dans les limites que nous venons d'indiquer, la race {^rma- nique s'était donc maintenue dans sa farouche indépendance, en dépit de toutes les tentatives romaines de la plier au même joug que tant d'autres peuples barbares. Comme c'est elle qui est demeurée déGnitivement en possession de la majeure partie de l'Europe centrale et qui lui a imprimé son caractère histori- que, nous allons, avant de passer h l'étude géogrfiphique de se nombreuses tribus, jeter un rapide coup d'œil sur ses origin« nationales et sociales.

La philologie comparée, dont les déductions, inattaquables ei elles-mêmes, sont confirmées en outre par les résultats de Tin- vestigation mythologique et archéologique, assigne aux Ger mains leur place précise, dans la grande famille des peuples indo européens ou aryens, entre les Celtes et les Slaves et à côté de Scandinaves; mais elle n'a pas encore réussi à mettre horsd doute l'étymologie et le sens primitif de leur plus ancien appd latif commun, exclusivement employé pendant près de mille an par les écrivains de langue latine. Rien n'empêche d'adraettn le récit de Tacite, que le nom de Germains était récent à soi époque, qu'il avait été porté d'abord par les Tongriens qui for maient Tavant-garde de la race germanique en Gaule, qu'on l'a- vait transféré ensuite à la totalité de leurs frères d'outre-Rbin. et qu'eux-mêmes avaient Uni par l'adopter; la question de sa-

DES ÉTATS DE l'ëUROPë CENTRALE. 205

voir à quel idiome il faut le rattacher n'en reste pas moins un problème embarrassant. En ayant recours aux racines tudes- ques, on trouve facilement différentes significations, à peu près également admissibles, et on a le choix de traduire Germains par Hommes d'armée (^eermo/inc/î), Hommes de défense (G wer- mannenj IVehrmanfien) ou Hommes à lances {Germannenj Speermamien)] mais Toriginc exotique du mot affirmée par Tacite milite contre toutes ces interprétations et paraît devoir faire pencher la balance en faveur d'une dérivation soit du latin, scit du celte. Dans la première hypothèse les Germains seront les Consanguins, les Frères des Gaulois, eodem germine nati; cîans la seconde, que recommande l'analogie de la forme du mot ^^Germani avec celle des noms des Paemani^ des Cenomani ^t de plusieurs autres peuplades gauloises, ils peuvent être à Volonté, selon la racine préférée, des Hommes de Test, des Bons hurleurs ou tout simplement des Voisins. Quoi qu'il en soit de ces étymologies aussi nombreuses que discordantes, un fait reste constant : c'est que l'appellation de Germains n'est pas un Vrai nom national, indigène, primitif, universel, et qu'elle a été non pas choisie, mais acceptée par les populations qu'elle a servi à désigner. U n'en est pas de même du nom que se don- nent aujourd'hui les descendants des anciens Germains et qui a commencé à prévaloir à partir de l'époque de la décadencé car- lovingienne ; l'appellatif de Theotisci ou Diutisci selon la forme latine, de Teutsche ou Deutsche selon la forme allemande, dé- rive incontestablement d'une racine indigène thiod ou theody qui signifie peuple et répond à merveille par son sens général et peu précis, analogue à celui des termes latins de Gentiles ou Po- PulwreSj aux exigences d'une dénomination nationale. Comme telle, il est loin cependant d'être aussi ancien que le nom rival ^e Germains ; sans doute Pythéas déjà connaissait des Teutons ®t, fait plus remarquable, l'ethnogonic germanique que nous a ^ï^nsmise Tacite donne pour ancêtre commun à la race entière '^ dieu Thuisto ou Thuisko, père de Mannus c'est-à-dire Thomme (*/ami), et par lui aïeul des trois grandes tribus des Ingaevons, ^^ Herminons et des Iscaevons ; mais ce n'est qu'au neuvième

206 ntSTOtHË DF: la FOAMATION tEHRITORlALË

siècle de notre ère qu'on a commencé à désigner la nation tière par le nom de peuple tudesque. Ajoutons, pour en finir a cette question de noms, que les peuples limitrophes ou vois ont en partie adopté l'un ou l'autre des deux appellatifs, en p tie aussi choisi d'autres dénominations : les Italiens disent 1 deschi et les Danois Tysk ou Tydsk ; les Anglais appellent la i tion entière German^ en réservant le nom de Dulch pour I Néerlandais ; les Français ont transféré à la totalité de la nati le nom de la peuplade germanique la plus rapprochée d'eu les Allemans ; les Slaves enfin ont inventé pour désigner leu voisins et ennemis séculaires le terme original de Nemeei Nicmiec^ c'est-à-dire les Muets, ou pour mieux dire les bon mes à langage incompréhensible.

Les mœurs et l'état social des anciens Germains nous soi suffisamment connus par le témoignage des historiens lalîi et surtout par le portrait quelque peu flatté qu'en a tracé Tacil Il suffira de rappeler leurs grands corps robustes, leurs faroudi' yeux bleus, leurs longs cheveux blonds ou roux ; inutile aus d'insister sur leur amour de la guerre, de la chasse, des festin sur leur paresse et leur peu de goût pour la vie agricole; ma il nous faut relever quelques traits distinctifs de leur organis tion primitive, qui aident à la fois h préciser le caractère de race et à expliquer certaines formes politiques des époques po térieures. C'est d'abord chez tous les Germains un esprit d'ind pendance personnelle extrêmement prononcé ; c'est ensuite m certaine pondération des pouvoirs dans chacun des petits éti de la Germanie ancienne. Bien différents des peuples citadii de la Grèce et de l'Italie, les Germains se refusaient à habiter d villes, qu'ils regardaient comme des tombeaux et dont les mi railles leur paraissaient être des boulevards de servitude; àpeii nomme-t-on chez eux quelques bourgades fortifiées ; générd ment leurs villages se composaient d'habitations isolées, bâti selon le caprice d'un chacun. Jusqu'à nos jours, il s'est oonsff^ des vestiges de cet esprit d'individualisme, de cette antipatW pour les agglomérations d'habitations: pour s'en convaincre, oi n'a qu*à comparer aux villages allemands des anciennes pt^

DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 20lf

\inces romaines ou à ceux qui ont été bâtis en pays slave, les paroisses composées de fermes isolées du pays westphalien, et, en général, de toute la partie de Tancienne Germanie restée en dehors de l'influence étrangère. D'autre part, c'est à tort qu'on a accusé les vieux Germains d'inintelligence politique, qu'on est allé jusqu'à établir un parallèle longuement développé entre eux et les sauvages de l'Amérique ; les institutions originales de la société du moyen âge, qui ont pris naissance dans les forêts de la Germanie, auraient sufflre à les mettre à l'abri de ce reproche; mais il y a plus : dès l'époque de Tacite, il faut bien admettre une vie politique assez complexe chez une nation l'on con- state la liberté individuelle absolue et les droits civiques complets de chaque homme libre, face à face avec une royauté de droit divin et une noblesse héréditaire; où, à côté des guerres déci- dées par la communauté entière, ont lieu des expéditions mili- taires particulières, entreprises par les bandes que les chefs ont le droit de grouper autour d'eux. Dans chaque canton, en effet, Tautorité souveraine appartenait à l'assemblée des hommes libres; mais au-dessus de la foule s'élevaient certaines familles privilégiées de naissance illustre, le plus souvent rattachées aux dieux, et c'était dans leur sein qu'on choisissait d'habitude les princes et les ducs, les premiers, magistrats chargés de présider l'assemblée nationale et élus pour un temps indéterminé, les autres, chefs de guerre désignés pour une occasion précise avec des pouvoirs plus étendus; chez certaines peuplades, comme les Goths, les Marcomans, les Hermundures, une famille noble de naissance plus haute et de pouvoir plus grand portait môme le titre royal. Tous ces chefs, héréditaires et électifs à la fois, Hcxcrçaient qu'une puissance singulièrement limitée sur l'eu- serable de la communauté ; mais leurs ordres faisaient loi pour les fldèles qui librement s'étaient engagés dans leur comitat^ c'est-à-dire dans leur suite.

Comme tous les peuples primitifs, les Germains se divisaient en une foule de peuplades plus ou moins considérables, tantôt subdivisées entre elles, tantôt groupées ensemble par ligues, et habitant chacune un certain nombre de cantons, pagi^ y«we;

208 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOBULE

leur énuraération, plus ou moins complète, nous a été donn» successivement par César, par Strabon, par Pline, par Tacite i par Ptolémée. Malheureusement les renseignements transmi par ces différents auteurs sont loin de concorder ensemble e nous mettent trop souvent en face d'un dédale presque inextri- cable de noms, qui s'explique, en partie du moins, par les migra- tions incessantes de populations à demi nomades ; sans entrer dans des discussions qui nous mèneraient beaucoup trop loin, nous nous contenterons de signaler les peuplades germaniques les plus importantes au premier et au second siècle de notre ère, en suivant de préférence les indications de Tacite, qui avait fait de la Germanie une étude approfondie. Au dire de rillustre historien, il y aurait eu trois grandes tribus, ou pour mieux dire trois grands groupes de tribus germaniques, les Ingaevons, les Herminons et les Iscacvons ; si Pline en compte deux de plus, les Vandilcs et les Peucins, la contradiction n'est qu'ap- parente, car les Vandiles peuvent se ranger avec les Herminons, et les Peucins n'étaient qu'à demi de race germanique. De ces trois agglomérations de peuplades, la dernière, celle des Iscaevons ou Istaevons, avoisinait directement l'empire romain sur le bas Rhin, que certaines tribus iscaevonnes avaient mto franchi ; de l'autre côté elle s'étendait jusque dans le voisinagt du moyen Weser. A elle appartenaient en effet les Trévères d les Tongriens établis sur la moyenne Moselle et sur la moycnw Meuse (si tant est que leur prétention d'être de souche germa- nique fûtfondée), les Ubiensdans lepaysde Cologne, les Bataves dans l'île formée par les bras du Rhin ; puis, sur la rive droite du fleuve, les Maltiaques (dont on veut retrouver le nom dani celui du Nassau) au pied du Taunus, les Tenctères entre fc Taunus et Cologne, les Chattuariens, les Usipiens, les Chamaires et les Tubantes depuis Cologne jusqu'au lac Flcvo^ les Sicam- bres, les Hruclères et les Marses sur la Ruhr, la Lippe et les sources de l'Ems; enfin, depuis la Lahn elle Mein jusqu'au Weser, les Cattes,donl César et Pline font à tort des Herminons- Suèves. Le groupe des populations ingaevonnes touchait le pré- cédent au nord et à l'est, en sY'tendant juscju'ù la mer du Nord

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et môme à la Baltique; il comprenait certainement les peuplades maritimes des Frisons et des Chauques, probablement aussi les Chasuarîens et les Angrivariens sur le Weser inférieur, que certains érudits rattachent aux Iscaevons, les Chérusques dans le Barz, comptés par Pline avec les Herminons, et les Teutons et les Cimbres en Holstein et en Jutland, dont la nationalité germani- que a été contestée. Enfin l'agglomération des Herminons ou Bermions, la plus considérable des trois, couvrait tout le reste delà Germanie, depuis les frontières orientales du pays jusqu'au liaut Danube et au moyen Rhin, au delà duquel quelques-unes clc ses peuplades avaient môme pénétré jusqu'aux Vosges. il fiiut nommer en premier lieu les Suèves, ce protée des peuples germaniques, qu'on retrouve à la fois sur la Baltique, dans le voisinage du Rhin et, sous le nom particulier de Semnons, sur la moyenne Elbe; puis, au milieu ou à côté d'eux, les Hermun- durcs, établis au cœur de la Germanie depuis la Werra et la Saale tburingienne jusqu'au Danube, et chez lesquels Tacite fait nsdtrc l'Elbe, probablement par erreur; les Vangions, les Némètes et les Triboques sur la rive gauche du Rhin, autour de AVorms, de Spire et de Strasbourg; les Marcomans et les Quades en face de la limite romaine du moyen Danube, en Itohême et en Moravie; les Longobards sur l'Elbe inférieure; entre l'Elbe et la Baltique les Angles et les Varins, qui peut-être cependant étaient de race ingaevonne ; plus loin au nord-est les populations vandiles des Hariens et des Buriens riveraines de l'Oder, les Rugiens qui habitaient les bords de la mer suève, et les Gothons qui s'étendaient jusqu'au delà de la basse Vistule. Tacite ajoute d'autres peuples encore , mais lui-même les déclare douteux entre les Germains et leurs voisins: parmi eux, les Bastarnes et les Peucins paraissent avoir été un mélange de Germains et de Sarmates, les Aestyens ei les Fennes apparte- naient sans doute à la race finnoise, les Suions doivent être des Scandinaves et les Vénètes disputent aux Vandales l'honneur d'avoir laissé leur nom aux Wcndes slaves. Qw^iiit aux peupla- des \Taiment germaniques énumérées d'abord, nous sommes en droit de les considérer comme la souche principale des popula-

2!0 aiSTOIHK DK L.1 FOR3fA.nOîf TEBBITOIIALX

tîo^^ tuderHTTift? d^< vmps modenio>: mai:? leurs noms ont pres- rpie toii> fii>parTi »iep1lT^ j niitemprf de la carte, et ce n'est que 543a.-'«>»ite e>pèire •!»» r»!>erv'}s qae Ton pent rapprocher les tribus allemandes de Tép^i^e poeténeure des trois grandes races dfe- tinsTiées par Tacite, en nimettant i^ne les Iscae^ons sont rq>rt- :?entéî? plus tard par les Francs, les Inguevoos par les Saxons ou Bas-.\ilomands, et les Hennlnoas à la fois parles ThuringienS| les Soiiabes et les Bii\aris, c'est-à-din? parla totalité desHaats- Allemands.

Les empereurs du prerràer et du .^ecijnd siècle avaient étendu les liniit**s du monde n^miin andelà du Rhin et du Danube; au tn>!>ième et au «piiitrième ^îèi'Ie, I«:s Germains restés indépen- dants re;^a:nièrent la f^>^^ière des deirt fleures et la franchi- rent à leur tour. Dès le rèOTe de Marc-Aurèle. les Marcomans avaient mis ^n danser la lisne du Danube, et il avait fallu une série de «ramp^i^es pénibles p<3ur les refouler; une im'asion germanique plus générale, plus désastreuse dans ses effets, eut lieu an milieu du siècle sui\ant, pendant l'époque d'anarcbîc vuliLrai rement désignée par le m de K^ne des trente tyrans les [>n)vin«*e> gaul»Mses, les rOgi^jns danubiennes, Tltalie ellC' même furont envahies ^wir terre et par mer par des hordes pîl-" lard»?s. b}> empereurs illjTÎens Claude, Aurélien, Probus, demi- barbares eux-mémos, rétablirent encore ime fois l'ascendant romain: ils exterminèrent ou réduisirent en esclavage les en^ vahisseurs; ils relevèrent, exhaussèrent, complétèrent les lignes de défende; et surtout, p<»ur neutraliser le danger toujours pré^j sent, ils enrôlèrent dans leurs légions des milliers de recrues ger-! mai nés et fixèrent en deçà du /im^s romanns de nombreux colons barbares, à la fois agriculteurs et soldats. Eux-mêmes cependant déjà no purent maintenir intactes les vieilles frontières; Auré-' lien abandonna aux Goths la Dacie, dont il transporta les citoyens en Mésie, au sud du Danube ; la majeure partie aussi des champs décumatcs resta aux mains des Allemans, malgré les victoires- de Probus. Leurs successeurs du quatrième siècle, Dioclétien, les Flaviens, les Val(»ntiniens, Théodose le Grand, ne réussirent également à arrêter le flot de l'invasion germanique qu'en ar-

DES ÉTATS DE L*EUROrE CENTRALE. 2\{

mant les barbares les uns contre les autres et en leur faisant des concessions territoriales devenues inévitables ; ils établirent ou laissèrent s'établir sur le sol de l'empire des colons militaires, Lœti ou Lœtiani, de plus en plus nombreux, voire des peu- es germaniques entières ; ils composèrent leurs armées prcs- exclusivement de barbares, soit en les enrôlant dans les ions encore dites romaines, soit en en formant des corps auxi- de Fœderatiy désignés par des noms germaniques ; ils affu- ïent leurs chefs de noms et de dignités romaines et les appo- int aux plus hautes charges de la république ; ils ne purent epas empêcher que certains d'entre eux, comme Magnence ou Sylvanus, n'usurpassent momentanément la pourpre impé- riale. S'il n'y avait pas encore invasion armée et conquête pro- prement dite de la part des Germains, la pression s'accentuait surtoutes les frontières, en même temps que l'infiltration indivi- duelle dans l'armée et dans l'administration romaines préparait de longue main la rupture finale de toutes les digues. L'empire en imposait encore par sa masse, son étendue colossale, son or- ganisation savante, le mécanisme régulier de son administra- tion; les barbares eux-mêmes s'inclinaient avec respect devant It majesté d'un souverain absolu, qu'entourait une cour somp- tueuse et autour duquel se groupait la ditme hiérarchie d'une de fonctionnaires ; mais au-dessous de ces apparences dièses tout était petitesse et misère, corruption et pourri- . Parquées dans les municipes par la fiscalité impériale, ou sans défense aiLX pillages des bandits et des barbares, les lations urbaines et rustiques rivalisaient de bassesse et de été; personne ne se souciait plus de porter les armes; petits grandssejetaient avec fureur dans les plaisirs et attendaient milieu des festins et des jeux du cirque l'arrivée des conque- barbares, auxquels les intrigues du palais allaient ouvrir les de l'empire. Tout autre était le spectacle que présentaient peuplades germaniques massées sur la frontière; elles avaient ife vieille date l'esprit de guerre, de pillage, d'avcnlure; les rela- tions séculaires avec Rome avaient développé chez elles, j ar les nécessités de la défense et de l'attaque, une organisation politi-

2}2 niSTOlRË DE LA FORMATION TERRITORIALE

que et militaire un peu plus concentrée; presque partout le prin- cipat et le ducat avaient fait place à la royauté^ qui, tout en restant une autorité de droit divin, traditionnelle et héréditaire, se rap- prochait d'autre part de la position des anciens chefs de bande; des tribus entières ne formaient plus pour ainsi dire que des comitatSy qui, à la suite de leurs rois, pillaient l'empire ou se metp taient à sa solde ; enfin la perpétuité des luttes intestines et étran- gères sur le sol de la Germanie avait abouti à un groupement nouveau des populations tudesques, en faisant disparaître la plu- part des anciennes peuplades dans des agglomérations de tribus, plus géographiques que politiques, qu'on a appelées trop ambi- tieusement de grandes confédérations nationales.

Vers la fin du quatrième siècle, c'est-à-dire à la veille du jour allait se déverser sur l'empire romain la migration en masse des populations tudesques, depuis longtemps préparée, mais accélérée par le choc des Huns, qui déjà avaient porté leur domi- nation jusqu'à la Vistule et àlaTheiss, la situation géographique de l'Europe centrale était à peu près redevenue ce qu'elle avait été avant les conquêtes des empereurs du premier et du second siècle ; quoique franchis en maint endroit parles barbares qu'a- vait appelés ou tolérés la politique impériale, le Rhin et le Danube étaient encore les grandes lignes de démarcation entre les deux mondes, romain et germanique. Au sud-ouest des deux fleuves se développait l'ensemble majestueux des provinces romaines; en face d'elles, les nations ou agglomérations de nations tudes- ques, rangées pour ainsi dire en ordre de bataille, n'attendaient que le moment propice pour briser définitivement les barrières qui si souvent déjà s'étaient abaissées devant elles. Les provinces romaines, dont la Notice des dignités et des administrations de l'empire, espèce d'almanach impérial du commencement du cinquième siècle, nous a conservé la liste et l'organisation admi- nistrative, peuvent s'inscrire avec précision sur la carte ; chacune d'elles, ressort d'un administrateur civil qui portait le nom àe consulaire, de président ou de correcteur, se subdivisait en un certain nombre de cités; elles se groupaient en diocèses gouver- nes par un vicaire, qui eux-mêmes se subordonnaient aux t^

DES ÉTATS riR L'EtnOI'K CI-NTHALK. -2(3

!sou ressorts administratifs d'un pr^-fet du prijluirc. Il est tflutroment difficile, pour ne pas dii-i? impossible, de déter- ler exactement la iiomenclalure et l'emplacement des peuples naiiiques ; les indications desbisturiens contemporains, celles I carte routière de l'empire dite do Peulinser. du nom du Icieti sugsbourgeois dans la biblinthôquc dutinel elle cnlra ninmcncemenl du seizième siècle, suffisent pour nous prou- ïue des changement-: e\trômeraent considérables s'étaient fe; depuis l'époque de Tacite dans leur groupement et leur ïion respective, que des noms nouveaux avaient surgi, que déplacements nombreux avaient eu lieu ; mais elles laissent diamp beaucoup trop vaste aux conjectures, relativement à 9 limites du moment comme pour ce qui est de leurs migra- I successives.

8 provinces romaines de l'Europe centrale continuaient en irai (t porter à la fin dn quatrit-me siOcic les noms que nous Baissons déjii ; miùs lii vaste étendue de I;i plupart d'entre i les avait fuit morceler, et dos numéros d'ordre distinguaient e elles les différentes subdivisions, élevées au rang de pro- ies. En commençant par le nord-ouest de l'empire nous trou- ï d'abord les provinces orientales des Gaules, riveraines du ) cl du haut Rhône; elles appartenaient à la préfecture et l spécialement au diocèse des Gaules. C'étaient en premier a Germanie sceoTido ou inférieure depuis l'embouchure du B jusqu'au confinent de la Nahe, et, depuis ce point jus- us de Strasbourg, la Germanie première ou supé- b; plus en arrière, parallèlement aux deux provinces pré- Bles, s'étendaient les Belgîques seconde et première, l'une a Somme, l'Oise et la haute Marne, l'autre sur la haute et oyoune Moselle ; puis venait la Grande-Séquanaise qui com- «it In région du Jura et la partie occider'ale du plateau le jusqu'à la hauteur de la chute de Schaiihotis? ; enfin les B pennines et grées correspondaient h la vallée du Rliône Meor. Un second groupe était formé par les provinces a1- ►es au sud et à l'ouesl du Danube supérieur et moyen; elles Siduient toutes do la pirleclure d'Italie, maïs se partageaient

d

2i4 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

entre les deux diocèses d'Italie et d'Illyrie occidentale. Au dio- cèse d'Italie étaient rattachées les deux anciennes provinces de Viiidélicie et de Rhétie, appelées des noms nouveaux de Rhétie seconde, inférieure ou septentrionale et de Rhétie première, supérieure ou méridionale : elles s'étendaient parallèlement, Tune au nord, l'autre au sud, depuis la vallée supérieure du Rhin jusqu'au bas Inn. Dans le diocèse d'IUyrie flguraieiil les provinces de la Norique, de la Pannonie et de la Dahnatie : Taii- cienne Norique en formait deux, Norique seconde, ripaire ou septentrionale, et Norique première, méditerranéenne ou méri- dionale, qui couvraient, Tune le long du Danube, l'autre dans l'intérieur des terres, la contrée comprise entre le bas Inn et le inons Cetius ou Kahlenberg en amont de Vienne ; la Pannonie, qui allait du Kahlenberg à l'embouchure de la Save, avait été découpée en quatre provinces, à savoir, au nord et au sud-est la Pannonie première, supérieure ou occidentale et la Pannonie seamde, inférieure ou orientale, au nord-est la Valérie ripaire le long du Danube hongrois dans sa section dirigée du nord au sud, au sud la Savie des deux côtés de la Save ; enfin laDalmatie continuait à former une province unique, comprise entre l'Adriatique et un affluent de la Save, la Drina, qui délimitait les deux empires d'occident et d'orient. Quant aux provinces au sud du bas Danube et à Test de la Drina, Mésies, Dacies et Scythie, nous les négligeons comme étrangères à notre sujet.

En face de la distribution régulière des provinces romaines du Rhin et du Danube, le cantonnement de hasard des peupla- des germaniques est d'autant plus frappant ; tout est incertain et flottant ; on a aflaire à des armées en marche bien plutôt qu'à des nations solidement établies sur un sol qu'elles culti\'ent héréditairement. Les données manquent absolument pour en faire un dénombrement géographique complet ; il suffira d'ail- leurs d'indiquer les peuples et les groupes de peuples qui ont joué un rôle dans la grande invasion ou qui se sont perpétué^ sur le sol de la Germanie. En tète se placent naturellement te deux grandes nations rhénanes des Francs et des Alleman?.

DES ÉTATS DR L*ECBOPB CENTRALE. 21S

entre lesquelles s'était intercalé le peuple moins imporUnt des Bi)urgondes. Les Francs étaient campés h la fin du quatrième siècle sur les deux rives du Rhin inférieur : les Francs ripuaires ou riverains aux environs de Cologne, les Francs saliens ou de TYsscl dans Tîle des Bataves, c'est-à-dire entre le Rhin et le Waal, et danslaToxaudrie, qu'il faut chercher entre Maestricht et Anvers. Leur nom qu'on a expliqué plus tard par Hommes libres {frank itnd fret se dit aujourd'hui encore d'un homme libre et autonome) est plutôt synonyme d'Hommes hardis, auda- cieux et violents { féroces j duri et fortes)^ à moins cependant qu'il ne faille le mettre en rapport, comme ceux des Longo- lards et des Saxons, avec leur arme favorite, la franca ou /nmcisca; il était d'origine relativement récente, car on le ren- contre pour la première fois en 241 à propos d'une victoire que, sous le règne de Gordien le Jeune, le tribun Aurélien remporta près de Mayence sur une de leurs tribus ; mais les Romains connaissaient de vieille date les peuples à l'ensemble desquels on l'a appliqué : la nation franque paraît en effet avoir absorbé la majeure partie des tribus, principalement iscaevonnes, qui du temps de Tacite occupaient les pays depuis l'Ems jusqu'à la Sieg et à la Werra, et dans elle ont se fondre en tout ou en partie les Sicambres, les Bructères, les Ghattuariens, les Gha- Daaves, lesTubantes, les Chasuariens, les Chauques, les Ghérus- Çues, les Gattes et d'autres encore. La nation rivale des Alle- mans, c'est-à-dire des Hommes réunis {Aile Mannen) ou des Hommes de bien (Alamannen)^ remonte un peu plus haut dans l'histoire ; nous la trouvons mentionnée pour la première fois sous le règne de Garacalla, qui en 213 ou en 214 acheta par des ^lousleur prétendue soumission. Elle aussi se rattache probable- nient par ses premières origines au groupe iscaevon, ayant d'abord compris, dit-on, les Usipiens et les Tenctères ; mais elle grandit surtout par l'adjonction de populations herminonnes, en «'incorporant les tribus suèves du sud, Juthonges et autres, peut-être môme une partie des Hermundures et desMarcomans : de le nom parallèle de Souabes, employé concurremment avec celui d'Allemans dès l'époque de Jornandès et de Grégoire

2^6 niSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

de Tours, bien que jusqu'aujourd'hui on distingue entre tu) dialecte alleraannique et un dialecte souabe, le premier à Touo st, le second à Test de la Forêt Noire. Les AUemans avaient d'abord directement avoisinô les Francs, qu'ils touchaient par l'Odei). wald et le Mein, dans la partie septentrionale des champs décii- mates ; mais refoulés au sud par les Bourgondes, ils avaient dans le cours du quatrième siècle occupé tout le bassin du Neckar, franchi le Danube à ses sources, atteint le lac de Constance ; le mouvement de Tinvasion allait leur permettre de s'étendre jusqu'aux Vosges et aux Alpes centrales, qui sont restées les limites définitives de la race allemannique ou souabe. Quant aux Bourgondes, qui avaient pris la place des Allcmans entre le Mein et le Neckar tout en les contournant à Test jus- qu'au Danube, leur provenance paraît avoir été beaucoup plu? lointaine; si Aramien Marcellin et Orose ont affirmé leur origine romaine, il ne faut voir qu'une étymologie malheureuse de leur nom, mis gratuitement en rapport avec les hurgi ou fortifi- cations romaines en Germanie ; ils appartenaient probablement aux Herminons septentrionaux, et leurs premiers sièges ont être dans le voisinage de l'Oder, Pline connaît des Burgun- dions et Tacite des Buriens ; on a môme voulu voir dans le nom de nie de Bornholm, qui serait synonyme de Burgundcrholm, une preuve persistante de leur séjour sur les bords de la Baltique.

Les Allemans et les Bourgondes menaçaient l'empire à la fois sur le Rhin et sur le Danube ; plus bas sur le second de ce? fleuves, nous rencontrons une nouvelle série de peuples ger- maniques, les uns vieux ennemis des Romains, les autres ré- cemment arrivés pour prendre leur part de la curée. Ce sont d'abord, à côté des Hourgondes, les Vandales Silinges, de race suève et originaires des rives de la Baltique. Plus à l'est se maintenaient encore, mais moins redoutables qu'autrefois, 1^^ Marcomans et les Quades; peut-ôtre une partie d'entre euï s*était-elle déjà jointe au groupe allemannique; le corps de la nation cependant était destiné à former, avec les Hermundures méridionaux et en absorbant sans doute aussi une partie des

DES ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. 247

Rugiens etdesScyres, la grande tribu sédentaire des Bajoariens, Boiariens ou Bavarois, dont le nom, emprunté peut-être, comme plus tard celui des Bohémiens slaves, aux souvenirs qu'avaient laissés dans ces régions les Boïens celtes, est mentionné pour la première fois au sixième siècle par Jornandès. Leurs voisins orientaux les Longobards avaient autrefois été étiiblis sur TEIbe inférieure, le Bardengau est réputé conserver la trace de leur passage, mais ils avaient atteint le Danube dès l'époque de Marc-Aurèle ; la légende bien connue conservée par leur histo- rien national, Paul Diacre, fait dériver leur nom des longues barbes postiches dont s'affublèrent leurs femmes à l'instigation de la déesse Freya pour fixer les regards du maître des dieux, Wodan ; il est plus simple cependant de le faire dériver de leurs longues haches d'arme. Eux aussi, comme les Marcoraans, se sont probablement grossis plus tard d'une portion des Sevrés et des Rugiens, d'après lesquels une partie de la Pannonie s'appela momentanément le Ruyiland ; ils paraissent en outre avoir fina- lement reçu dans leurs rangs ce qui restait des Hérules, peuplade souvent nommée au cinquième siècle dans les pays danu- biens, qu'on rattache plus ou moins arbitrairement aux Hariens de Tacite et à laquelle ils avaient momentanément payé tribut. Enfin la région du bas Danube et des Karpathes avait été jus- qu'à l'arrivée des Huns le domaine de la grande et nombreuse nation des Goths, avec laquelle marchaient en outre les Vandales Astinges. Identifiés par les uns avec les Gothons de Tacite ri- verains de la Baltique, par les autres avec les Gètes daimbiens, avec lesquels en tout cas ils se sont mélangés, les Goths figurent à partir de l'année 215 comme ennemis redoutables de l'em- pire depuis les bords du Pont-Euxin jusqu'aux Alpes orien- ^les; rinvasion huimique avait décidé les Goths occidentaux, Visigoths ou Therwinges, à franchir le Danube et à chercher ^n refuge dans les provinces romaines de la Mésie, de la Dacie cl de la Thrace ; les Goths orientaux, Ostrogoths ou Greutonges, cl les Gépides ou Traînards étaient seuls restés au nord du "cuve, en recoimaissant l'autorité des hordes asiatiques. Voilà pour les deux lignes de frontière; plus loin dans Tinté-

as niSTOIRE DE LA FORMATION TERBITOBIALB

rieur des terres et jusque sur les côtes des mers septentrionale: nous n'avons guère à mentionner, comme ayant devant elles u avenir historique, que les nations des Angles, des Saxons et de Frisons. Les Angles et les Frisons figurent déjà parmi les peu plades germaniques de l'époque de Tacite ; mais les unç et le autres s'étaient depuis lors fort étendus aux dépens de leurs voi sins. La nation essentiellement maritime des Frisons, cantonné d'abord aux bouches de l'Ems et du Rhin , avait usurpé i l'ouest et à l'est une partie notable des anciens sièges des lia- taves et des Ghauques ; les Angles allaient dorénavant depuis k presqu'île cimbrique jusqu'au cœur de la Germanie. Les pre- miers se sont maintenus jusqu'aujourd'hui le long de la mer du Nord sous leur nom primitif; quant aux Angles, ceux du nord ont été à peu près absorbés par les Jutes Scandinaves, ceux du sud ont contribué, avec leurs frères, les Varias, Varnes ou We- rins, à constituer dans le voisinage de la Forêt de Thuringe la nationalité thuringienne, dont le nom apparaît i)0ur la première fois au cinquième siècle. On lit en effet en tête de la loi thuria- gienne queThuringiensest synonyme d'Angles et de Werins,et deux p^gi thuringiens se sont longtemps appelés l'Angelgau et le Weringau ; cependant il est plus que probable que les Her- mundures septentrionaux et une partie des Suèves du nord doi- vent égalementêtre comptés parmi les aïeux des Thuringiens. Plu» puissante que ses deux voisines, mais d une origine plus récente, la nation saxonne dominait dans la majeure partie de la basse Allemagne occidentale, depuis la Lippe et l'Ems jusqu'à l'Elbe. Ges Porteurs d'épée, car le mot tudesque de sax, le soxum des Latins, signifie l\ la fois pierre et couteau ouépée en pierre, se rat- tachaient peut-être, par leurs premières origines, à la Scandina- vie, et, pirates dès leurs débuts, étaient-ils arrivés par mer surl^ sol germanique; du moins leur historien national, Widukind, qui il est vrai les fait descendre des soldats d'Alexandre, les fait-il aborder au pays de Hadeln, et Ptolémée connaît-il une W' des Saxons, qui doit être Helgoland; mais ils ne devinrent une de- grandes tribus nationales de la Germanie, qu'en faisant entrer dans leurs rangs une portion de ces mêmes populations ingae-

DRS ÉTATS DE L' EUROPE CENTRALE. 219

vonnes et iscaevonnes, Chauques, Angrivariens, Chérusques, Bruclères, Tubantes, Chattuariens, que nous avons déjà ren- contrées comme parties constitutives de la nationalité franque. L'existence chez eux d'une classe nombreuse de serfs ou Lazes, à côté des nobles ou Edelinys et des hommes libres ou Frilings^ paraît prouver, qu'en partie du moins, ils se sont étendus plutôt par voie de conquête que par voie d'association librement con- sentie ; en tout cas, leur agrandissement aux dépens des Francs explique plus que suffisamment la rivalité séculaire de ces deux races de frères ennemis.

CHAPITRE II

La Germanie et ses annexes à l'époque franque.

Pendant près de cinq cents ans, Rorae et les Germains s'étaient disputé TEurope centrale, principalement sur les deux lignes du Rhin et du Danube ; dans le courant du cinquième siècle la lutte se termina à l'avantage des Germains, au milieu du bouleversement général produit par la migration des peuples, qui, sans cesse menaçante, sans cesse conjurée, avilit enfin pris son libre cours depuis cette nuit du 31 décembre 406, le Rhin lut franchi définitivement par les hordes des Vandales, des Suè- ves, des Bourgondes et des Alains. Nous n'avons pas à faire l'his- torique de la grande invasion, à raconter Tagonie de Tempire romain d'occident et l'établissement de dominations germani- ques dans la plupart de ses provinces ; mais il nous faut décrire les révolutions territoriales et nationales qu'elle entraîna à sa suite pour la région centrale de notre continent. Parmi les vain- queurs de Rome, les uns s'établirent au loin, hors de tout con- tact avec la mère-patrie; ceux-ci nous deviennent complètement étrangers et nous ne nommons que pour mémoire les royaumes des Vandales, des Suèves, des Visigoths, des Saxons et d^ Angles en Afrique, en Espagne, dans la Gaule méridionale et dans la Grande-Bretagne. D'autres fondèrent dans les provinces limitrophes de l'ancienne Germanie des empires plus ou moins puissants, plus ou moins éphémères : dans la Gaule orientale, c'est la domination des Bourgondes, d'abord fixée sur la rive gauche du moyen Rhin, à Worms et à Mayence, puis trans- férée plus au sud et étendue sur tout le bassin du Rhône; ^^

rOnHATIOX TEHRITORIALE DES ÉTATS DE t'EUIlOrE CENTHALE. 231

_ , el aussi dans les contrées alpestres jusqu'au Danube ol Mil bouches du llliôiie, celle des Ostrogoths, à l'époque glu- rioiisc de Théodorie le Grand, le héros historique et légendaire de limusion ; en Italie encore, mais seulement dans la partie sep- lerilrionale cl moyenne de la péninsule, celle de leurs succes- M'uri, les Loiigohards uu Lombards. Enfin, une dernière nation germanique, celle des Francs, la plus iraporlanto de loulcs, à la fois par l'élenduc et par la durée de sa puis- ^iuice, acquit une prépondérance incontestée dans le monde Wbare et finit par réunir en un seul empire la Gaule, la iiinuunic et l'Italie. Tous ces faits sont amplement connus; <ei|ui l'est beaucoup moins, c'est la profonde modidcatiun qui ni niônic temps s'opérait silencieusement dans l'ethnographie ili^ l'Europe centrale : la race tudesque prenait possession des anciennes provinces romaines h l'ouest du Rhin et au sud du l'.uiuLo. et simuUanémeut la race slave envaliissaït la partie 'iricntale de l'ancienne Germanie. La germanisation des pro- iiiii«scisrhôuanes ju3(pi'aux Ardennes et aux Vosges s'explique iimmeille quand on se rappelle que de vieille date s'y étaient iiiiblies des populations germaniques, auxquelles se mêlèrent li^ nouveaux envahisseurs; quanta la disparition de la popula- 'iiiii celtique mmanisée dans les pays compris entre le Danube l'i les Alpes, elle n'a rien d'étonnant non plus; les descriptions, 1'' saini Jérôme, celles surtout de la Vie de saint Séverin, le Diirageuv confesseur de la Noriquc qui, h la fin du cinquième "■de encore, tAchait d'y maintenir la foi chrétienne, prouvent ■'iffijamment que, comme toutes les provinces frontières, Us l'iieiit plus ou moins réduits en dôserts, l'on ne voyait que '' ciel el la terre, des forêts et des ronces ; ils furent repeuplés ix'uâ peu par des colons tudesques, nu milieu desquels se trou- vent perdus, dans les hautes vallées du lUiin et do l'Inn, IDclques restes clairsemés de populations romanes, qui les ■l'uppnt encore. D'autre part, le mouvement général des peu- ! "i germaniques vers le sud-oucsl facilita singulièrement à la '■■""'i sla\e et, en moindres proportions, k lu race finnoise une '"igralion analogue qui les amena jusqu'au cœur de l'Europe.

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222 UISTOIRK t>E LA FORMATION TERtUTORfALB

Les Avares, d^origine finnoise comme les Huns, mais mé- langés de sang turc, établirent sur le bas Danube un empire presque au«sî redoutable que celui d'Attila; les Slaves, qui sont probablement les anciens Sarmates, et qui, en tout cas, appartiennent, de même que les Celtes et les Germains, à la grande famille des peuples indo-européens, occupèrent, non- seulement la plaine orientale de la basse Allemagne par laquelte se continue la grande dépression russe, leur lieu d'origine, mais encore une portion notable des pays plus méridionaux. L'his- toire ne dit rien de leurs envahissements progressifs; mais il est hors de doute que dès le sixième siècle leurs innombrables tribus avaient refoulé les Germains bien loînàTouest, et qu'elles s'étaient avancées jusqu'à TEIbe, auhautMein, au moyen Da- nube et aux Alpes illyriennes. La race tudesque n'occupait donc plus que les pays h Touest d'une ligne qui de la presqu'île cira- brique gagnerait le fond de la mer Adriatique; en d'autres mots, la moitié occidentale de l'ancienne Germanie, plus les pays ci- devant romains du Rhin et du Danube. C'est dans cette région que s'étaient fixées les grandes tribus germaniques restées sé- dentaires en tout ou en partie : au sud, sur le haut Danube, les Bavarois et les Allemans; au nord, entre l'Elbe et le Rhin, les Saxons et les Frisons; au centre, depuis le Harz jusqu'au Mein, les Tliuringiens ; à l'ouest, sur le bas Mein et le Rhin, les Francs, qui étaient appelés à les réunir pour la première fois en une seule et même société politique. Les Francs, voilà pendant toute la période qui suit l'invasion, le peuple par excellence dans la Germanie, comme dans le monde barbare en général ; ce sont donc les vicissitudes de la domination des Francs dans TEuropc centrale qui devront nous servir de fil conducteur h travers les siècles troublés et obscurs qui s'étendent depuis la chute de l'empire romain jusqu'à la constitution d'un royaume particu- lier de Germanie.

On sait de reste les progrès lents, maïs continus, des pe- tites tribus franques dans la Gaule helgique, pendant le cours du cinquième siècle; mieux encore les batailles et les négocia- tions, les intrigues et les crimes par lesquels lui des chefs de«

DES ÉTATS DE L'^UnOPE CICNTRALË.

Fniic» ?alicn^ fonda une grande monarchie et blondit lo re- ■/i>"m Frmicorum sur la majeure partie des Gaules. Parmi les liitnjrps de Ctovi?, tme -"eule nuus intéresse plus particnlière- mctil: c'est celle qu'il remporta, en 496, sur les Allemans, et (|u'oii désigne vulgairement par le nom plus ou moins authcn- tifiîinde bataille de Tolbiac. Dans cette journée, en effet, le finiiliileur de la djnaslic mérovingienne préluda à la réunion de 1.1 (i(>rtnanîe sous la domination frnnque, en humiliant la nation iubine et rivale des Allemans, qui s'était étendue, parallèlement icdlcdes Framis, dans la vallée du haut et dn moyen Rhin, linsi (pie dans celle du haut Danube, depuis le Leeh jusqu'aux Vosges cl depuis le Mcin jusqu'à l'Aar et niix Alpes. 11 incorpora iiii paye des Francf^ orientaux l'Alleraannie septentrionale, rive- raine du Meiu et dn Neckar inférieurs, d'oîi disparut dès lors le 1 iiini allemannîque ; quant an reste du pays, il lui fit reconnaître •;i suzeraineté , à l'exception toutefois des contrées alpestres de la Hlit'iie. qui w réfugièrent sous la protection de Théodoric le 'iraad, et ne subirent lo sort des autres qu'après la mort du ruL ingolh. Les descendants de Clovis firent faire de nouveau» J "l'prèà à suprématie frniique en Oermanie: son fils Thierry 1 If fin , de concert avec les 8n\ons, au royaume des Thurin- ' M;--, qtii, nu commencement du sixième siècle, comprenait iitp r.Alleraagne centrale, depuis le Danube au sud jusqu'il ' Allnr au nord, et était assez puissant pour que le Géographe wuiiyme de Ravcnne pût plus tard encore regarder comme sy- |'"nymes les deux termes de Thuringe et de Germanie ; les ducs -iiolfingicns de Ba\itre entrèrent, malgré leur alliance hahk i-ile avec les rois lombards, dans des rapports de subordina- "i, assez mal délinis d'ailleurs, vis-à-vis des rois francs; jus-^^ 1 '■■ *ur les riï.igcs de la mer du Nord, les Frisons, chez lesquol» 'i- ibert I" fonda l'église d'Utrecht, reconnurent jusqu'à un | iimn point leur haute autorité; de toutes les grandes tribus 'iiilesqucs, les seuls Saxons, qui, dans le partage de la Tbu- niie"!, s'étaient attribué le pays au nord de l'Unstrut, res- ''ii'til complètement en dehors de l'empire mérovingien. Maisi '''ll« vaste domination, qui, à cheval sur le UlUn, s'étendait à

224 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

la fois sur les pays romains et sur les pays germaniques, et allait depuis Tocéan occidental jusqu'aux confins du monde slave, n'était pas beaucoup plus solidement établie que les au- tres royaumes fondés par les barbares sur les ruines de Tcmpire romain. A mesure que l'autorité des descendants de Clovis s'af- faiblissait au milieu des querelles de la Neustrie et de TAuslra- sie, des Francs occidentaux et des Francs orientaux, des bar- bares romanisés et des barbares demeurés tudesques, les peu- ples germaniques tributaires reprenaient de plus en plus leur indépendance, en môme temps que les voisins de Tenipire, Avares, Slaves et Saxons, en attaquaient les frontières orien- tales. Dès le règne de Dagobert I", le marchand franc Saraon, établi au milieu des Slaves de la Bohème ou de la Carinthie, tentait, sans succès durable il est vrai, d'en réunir les tribus cparses en un seul royaume; sous les rois fainéants qui lui succédèrent, les Frisons, les Thuringiens, les Bavarois, les Al- lemans eux-mômes recouvrèrent une autonomie presque com- plète sous leurs ducs nationaux ; miné au dedans, démembré sur ses frontières, l'empire franc fondé par Clovis paraissait à son tour marcher vers une ruine certaine.

C'est alors qu'une nouvelle dynastie, sortie des rangs de b noblesse austrasienne, arrêta les progrès de la décadence avant qu'elle ne fût devenue irrémédiable: les Carlovingiens recon- stituèrent la monarchie franque, y incorporèrent de nouveaux pays, et, pour la première fois dans l'histoire, réunirent sous leur sceptre la Germanie entière. Successivement maires du palais, ducs et princes austrasiens, puis rois des Francs, les glorieux ancêtres de Charlomagne, Pépin d'Héristal, Charles- Martel et Pépin le Bref mirent fin à la vieille rivalité de la Neus- trie et de l'Austrasie en soumettant la première, et renouvelè- rent, en Tachevant, la conquête de la Gaule entière. Chose plus intéressante pour nous : ils réduisirent à une meilleure subor- dination les contrées méridionales, centrales et occidentales de la Germanie» et y assurèrent le triomphe du christianisme. Le» ducs nationaux de la Bavière furent humiliés et forcés au ser- ment de vasselage; ceux des Frisons, des /Vllemans, desThu-

DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 22o

riogiens méridionaux disparurent complètement; le pays des derniers perdit en partie jusqu'à son nom , et la région rive- raine du moyen Mein, incorporée à la France orientale, s'appela dorénavant la Franconie. Parallèment à ces progrès de la domi- nation franque, s'affermissait et s'organisait, gr&ce surtout à l'apostolat de saint Boniface, l'église germanique, plus intime- ment unie peutrétre que celle d'aucune autre contrée de l'Eu- rope aux destinées politiques et sociales de la nation. Dans les anciennes provinces romaines, limitrophes du Rhin et du Da- nube, la germanisation presque totale du pays, si elle n'avait jamais fait disparaître complètement la religion chrétienne, avait du moins fort compromis la hiérarchie ecclésiastique, et les travaux apostoliques des missionnaires francs, irlandais ou anglo-saxons en Austrasie, en Allemannie, en Bavière, en Thu- ringe et en Frise, tout en opérant de nombreuses conversions, avaient été trop isolés, trop personnels, pour rétablir un ordre de choses bien régulier. Aux anciens évêchés romains de Trêves, Metz, Toul et Verdun, de Mayence, Strasbourg, Spire et Worms, de Cologne et Tongres, d'Avenchcs, Bâle, Windisch et Martigny, de Coire, Augsbourg et Lorch, en partie transfé- rés de leurs sièges primitifs en de nouvelles résidences (les évêques de Tongres avaient passé à Maestricht , puis à Li^e ; ceux d'Avenches à Lausanne ; ceux de Windisch à Constance ; ceux de Martigny à Sion ; ceux de Lorch à Passau), étaient ve- nues s'ajouter les nouvelles créations épiscopales de saint Wil- librord à Utrecht, de saint Rupert à Salzbourg, de saint Em- meran à Ratisbonne, de saint Corbinien à Frisingue, de saint Willibald à Eichstaedt et de saint Kilian à Wurzbourg; de nombreuses colonies de Bénédictins avaient commencé à défri- cher les vallées des Vosges, de la Forêt Noire, des Alpes ; mais au commencement du huitième siècle encore le paganisme, ses pratiques et ses superstitions persistaient dans la plupart des cantons des deux côtés du Rhin, et un clergé, généralement aussi ignorant que brutal, n'était guère capable de remédier par ses propres lumières et par ses propres vertus aux maux anciens et récents de l'église. C'est la gloire du moine anglo-saxon

226 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Winfrid, plus connu sous le nom bien mérité de saint Boniface, d'avoir enfin donné une organisation fixe et régulière aux églises trop longtemps abandonnées à elles-mêmes de TAustrasie et de ses dépendances. Il a prêché avec succès Tévangile dans les fo- rêts de la Hesse et de la Thuringe; il est allé sur ses vieux jours chercher le martyre dans les marais de la Frise et est vénéré jusqu'à nos jours comme Tapôtre par excellence de rAllemagne; mais l'importance historique de son rôle réside bien moins dans les nouvelles conquêtes qu'il fit faire à la foi chrétienne que dans les grandes réformes ecclésiastiques qu'il lui fut donné d'accom- plir, sous le double patronage des maires du palais francs et du siège de saint Pierre : des conciles nationaux, tenus sous sa pré- sidence, corrigèrent les abus, éloignèrent les évoques indignes, enseignèrent les moyens d'extirper les restes du paganisme, firent succéder aux désordres et aux incohérences des siècles antérieurs la hiérarchie sévère et la stricte discipline de l'église romaine; Mayence, dont il accepta, en 745, le siège épiscopal, devint et resta jusqu'au commencement du dix-neuvième siècle la grande métropole ecclésiastique des pays de langue tudesque. La soumission et la conversion complètes de la Germanie, préparées par les premiers Carlovingiens, furent menées à bien pendant le long règne de Charlcmagne, dont elles constituent l'œuvre la plus durable. Le fils de Pépin le Bref a fait ailleurs de grandes guerres, célèbres dans l'histoire et dans le roman ; se^ victoires sur les Lombards lui ont valu l'Italie et la couroiiï^^ impériale; par ses campagnes contre les Arabes, il est devenu ^^ héros légendaire de la croisade contre les Musulmans ; c'est c^ Germanie qu'il a conquis son triomphe le plus beau et le pl^^ laborieux à la fois, en gagnant définitivement au Christian isrï^® et à la civilisation les robustes populations qui devaient dorén^" vaut opposer une digue infranchissable à de nouvelles invasio^^ barbares. A son avènement l'Allcmannie entière, la Thuringe ^^ la Frise méridionales étaient déjà des parties intégrantes de la mC^ narchie franque; mais la Bavière conservait sous ses ducs agilol' fingiens un reste d'autonomie, et la Saxe, à laquelle se ratla-^ chaient la Thuringe et la Frise septentrionales, n'avait jamais pi^

nSB ÏTATS M L'IOBOPB CBNTULB. StT

etn? enlamée par aucun Hc ses prédécesseurs. L'incorporation de iii BuviiVi' à l'empire caHuvinjîicn ne cuùhi pas beaucoup d'cf- liirts; lp dernier Agilolfingisn Tassilon, qui avilit laissé luvablor ^0(1 allié naturel le roi tles Lombards Didier, sans mCme lenU-r une diversion, eut la folie d'inlrigner après sa chute avec les iliiMde Bénévcnt et les empereurs de Constantinople; maudit |i.ir le pape, abandonné par les siens, il acheta encore une' fois îim pardon par une prompte soumission; mais dès l'année suî- urite il était traduit devant la dièlc d'ingelheim, pnur ri'pondre (le ics liaisons sus|)ectes avec les Avares, et mis au couvent avec iiwtc saTaraille (788); le vieux duché national des Bavarois était pirtajîê en comtés francs, et la nouvelle métropole ecck^siastitjue kli? Salzbourg devenait le grand centre de civilisalinu romaine et ili?^iiiiiinalion franque pour les (ribus sinves du sud et le» pays iiiaa'S.

I*s Saxons iip|»osfereul h la coiiqui'^le franqne une résis- Uiiw tout autrement formidable. Leur confédération, su;ur et mile de celle des Francs, couvrait tout le noi-d de la (iermanie; ""ih ni; toucbaient pas le Rhin, ils l'avoisinaient du moins de ion |irîw jiur la basse Lippe et l'Yssel; au nord ils s'étendaient "J M delà de la basse Elbe; au sud Jusqu'aux sources de la Lahii au murs de IX'nstnil. De leurs trois grandes tribus, les West- [ilialicns ou Saxons occidentaux habitaient entre le Hliiri et le WcsiT, les Angrariens (Ent/eni), dans le nom desquels on re- Imine l'antique appel lut if des Angrivaricus, occupaient les pays du Weser et du Harz, et les Ostphaliens ou Saxons orientaux ''laicnl établis entre le Weser et l'Elbe ; autour d'elles se gmu- |utii.'iittroU peuplades alliées, lesNordalbingiens, dcraceJi demi | ^ndinavc, entre l'Elbe et l'Eider, les Frisons septentrionaui l air les rivages cl dans les lies de la mer du Nord, et les Tlmrin- gi^n^ septentrionaux au nord de l'Unslrul. Dans toute cette lasle région s'étaient maintenus le vieux culte et les vieilles Witutioiis de la race tudesque; on continuait h y adorer \\'f)dan '■Uc> aulr(>â dieux de l'Olympe germanique; on n'y conmiiSNiit («* l'autorité des rois; chaque flau nu canton se gouvernait lul- niùme; leur groupement en tribus éluil géographique bien plu

228 mSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

que politique; en cas de guerre seulement, des ducs électifs réunissaient transitoirement sous leur autorité militaire un cer- tain nombre de cantons. Depuis deux siècles et plus durait la guerre nationale entre les Francs et les Saxons; avec Charlema- gne elle devint en même temps une guerre religieuse entre les adorateurs du Christ et les sectateurs de Wodan. La première croisade du roi franc (772) débuta par la destruction du sanc- tuaire païen de Tlrmensaeule et fut suivie presque annuellement par des expéditions conduites avec une énergie impitoyable; et cependant au bout de dix ans de dévastations terribles rien n'é- tait fait; la bataille du Suntel sur les bords du Wescr (782), le duc saxon Wittikind infligea aux généraux francs une défaite presque aussi désastreuse que celle qu'avaient éprouvée jadis les légions de Varus dans la forêt voisine de Teutobourg, parut encore une fois tout remettre en question. Mais "Wittikind ne fut pas un autre Arminius; Charlemagne ne se contenta pas comme Auguste de pleurer ses légions ; il revint en personne, et les batailles rangées, les grands massacres, les exécutions et les déportations en masse, les menaces toujoiirs présentes d'une législation draconienne eurent enOn raison de l'obstination du peuple saxon. En l'an 783 Wittikind reçut le baptême; les résistances particulières, tentées encore çà et là, furent succes- sivement brisées, et en 804 les Nordalbingiens eux-mêmes, auxquels le voisinage des Danois avait permis de prolonger la lutte, se reconnurent vaincus. L'absorption politique et religieuse de la basse Allemagne occidentale dans l'empire chrétien des Francs n'était plus dès lors qu'une question de temps ; elle fut singulièrement aidée par la nouvelle circonscription par comtés, et surtout par la création d'une puissante hiérarchie ecclésiasti- que. Charlemagne et son fils Louis le Débonnaire n'organisèrent pas moins de huit évôchés dans la région saxonne, à Paderborn, il Minden, à Osnabruck, h Munster, à Verden, à Brème-Ham- bourg, à Hildeshcim et à Halbcrstadt; l'abbaye de Coney sur le W'cser, fondée en 821 par l'abbé de Corbie Adalhard, devint la grande écolo du pays et rivalisa, comme importance religieuse, scientifique et littéraire, avec Saint-Gall et Fulde, les fondations

iliidW|ile préréré de saint Colomban et ilii grand apùtrcsalnl Ikiniface ; 1^9 Saxons se convertirent si sincèrement, que déjà le successeur immôdiat de leur cnicl vainqueur put lever toutes les lois li'exMptiun cl leur rendre leur droit national, en attendant qu'un siècle plus tard ils devinssent à leur tour le centre et la [lierpe angulaire d'un empire esscnticllenncnt chrétien.

Les guerres victorieuses de CImrlemagne dans l'Europe cen- irale ne se sont pas arrêtées aux frontières orientales de la Ba- li^re et de la Saxe ; plusieurs de ses expéditions furent diripi^ps nmim les peuples finnois, aluves et Scandinaves qui avnisinaieiit ('« deux pays à l'est, et elles aussi furent couronnées d'un plein Miccès. Mais s'il détruisit le grand empire que les Avares avaient Imài en Pannonie et dans l'ancienne Dacie (796), s'il imposa iribat nxix Slaves et aux Danois, ce ne furent que des résul- Uts lemijoraîres et passagers ; son activité organisatrice n'a pas "n rtulitô dépassé les limites du pays germanique. Celui-ci au I imtraire il l'a réuni tout entier dans sa main ; il en a Oté le pre- mier souverain commun ; pour la première l'ois il en a incorporé i'iiiles les tribus dans un seul et même organisme politique. ^•^uleraent elles y figuraient conjointement avec de nombreuses iiii['iilalions romanes; elles ne forninientpasencore nn état au- limome, particulier a l'Europe centrale. L'Allemagne moderne a parevendiquerCharlemagneaunonideson origine, dosa langue, 'ieses mœurs tudesques, au nom aussi de sa résidence préférée ii*Ai.\-la-Cliapelle; mais la France, avec les forces de laquelle il ^ Tait la contpiétc politique et morale de la Germanie, a sur lui if» droits pour le moins aussi considérables; ou pour mieux •lire il n'appartient en propre ni à l'une ni àl'autre des deux na- J 'ions: roi dos Francs et empereur d'Occident, il rî^sume à la J fuis dans sa personne la tradition de l'ancien monde romain et 'invasion germanique qui en a triomphé.

En effet l'empire curlovingien, qui dans ses limites extn^mes •■«mprenait tous les pays depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oder et à 'iiTliriss et depuis les deux mers septentrionales jusqu'au golfe ''eTarente, s'étendait à la fois sur l'Europe centrale, sur l'Eu- ■''Jpc occidentale et sur l'Europe méridionale. Nous n'avons pas

i30 JIISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

à nous occuper ici de ses provinces de l'ouest et du sud, qu'on peut caractériser par les vieux noms de Neustrie et de Lombar- die, ou mieux encore par ceux de France gallo-romaine et de France italienne; mais il nous faut examiner de plus près la géographie de la France tudesque. Distinguon&-y tout d'abord les pays directement gouvernés par l'empereur, qui faisaient corps avec l'empire, et les pays tributaires, qu'y rattachaient des liens d'obédience plus ou moins rigoureux. Les premiers^ qui couvraient la moitié occidentale de l'Europe du centre, avaient une population exclusivement tudesque et peuvent se grouper autour des quatre dénominations nationales des Francs orientaux, des Allemans, des Bavarois et des Saxons, il condition cependant qu'on ne veuille pas trop préciser : car si la France orientale ou Austrasie, l'AUemannie ou Souabe,la Ba^- vièrc et la Saxe constituaient incontestablement quatre grandes régions, qu'on trouve indistinctement désignées sous les noms de royaumes (régna), de duchés (ducatus) et de provinces {pro- vinciœ)^ elles étaient bien plutôt des divisions ethnographiques et historiques que des cadres politiques et administratifs; leurs frontières respectives avaient souvent changé et étaient appelées h se modifier encore. Sous le bénéfice de ces réserves nous di- rons que les deux Austrasies, cisrhénane et transrhénane, dont la première tx)mprenait depuis le septième siècle le pays de l'Ill ou Alsace détaché de l'AUemannie, et à la seconde desquelles rf rattachaient sous le nom de Franconie les contrées autrefois al- lemanniques ou thuringiennes de la vallée du Mein et du Neckar inférieur, allaient depuis les bouches de TEscaut et la haute Meuse jusqu'aux sources du Mein, et depuis le delta du Rhin et le confluent de la Wcrra et de la Fulda jusqu'aux sources de la Moselle et au moyen Neckar; que l'AUemannie, avec son annexe la Uhétie, s'étendait entre le Rhin et le Lech, le moyen Neckar et les Alpes ; que la Bavière était comprise entre le Lech et l'Enns, la Forùt de Bohême et les Alpes ; que la Saxe enfin, avec la Fri>e et ce qui restait de l'ancienne Thuringe, couvrait toute l'Allé magne septentrionale depuis le Rhin jusqu'à l'Elbe et depuis la mer du Nord jusqu'aux sources de la Lahn et de la Saale tliu-

j

PFfl ftTATS DK l'hubope gertralr,

23 <

Dginine. Le* noms des principaux sièges épiscopttu\ île eha-

le des quatre régions serviront à mieux fixer dans la mémoire

leur délimitation respective: Trêves, Metz, Cologne, Mayence,

I ïilrasbourg.Wnrz bourg appartenaientàrAuslrasie;Augsbonpg,

KSmtance et Goireil'Allemannie; Salzbourg, Passau, Ratis-

^WHine, Frisingue et Eichsl^edràla Bavière; Paderborn, Minden,

^n)snabnick, Munsler, Verdni, Bri'nie, Hildeshein], Halberstadl

' f\ Utrechl h la Saxe ou à la Frise. Quant h. la zone des pays tri-

huluires, qui entourait en un vaste arc de cercle la Bavière et la

j Sue, elle s'étendait nu sud jusqu'à la Tbeiss, au nord jugqu'ù

ler ou même, s'il Taulen croire Eginhard, jusqu'à la Vistule;

deux exceptions près, celle des Avares de la plaine du Danube

kigrois et celle des Saxons nordalbingiens et des Danois qui

Ripaient les cantons entre la basse Elbe et l'Eider, elle était

lliiée exclusivement par des populations slaves. C'étaient,

"Pntre l'Elbe et l'Oder, les nombreuses peuplades des Slaves du

imnl on Wcndes, les Wagriens, Obotrites et Pnlabes, les Wil-

»K(iu Wélatahes, Liutizes, Ukriens. Havélienset Rédariens,

bSorabes, Daleminces, Lusiciens et Milziens; plus en arrière,

§{lelà de l'Oder, les Poméraniens et les Polonais; en Bohême

hen Moravie les Tchèques et lesMoraves; sur le moyen Da-

i et dans les Alpes orientales, les Slaves du sud, Wiiides,

s et Croates, prôcédoramcnt sujets des Avares.

ministralivemcnt les pays germaniques de l'empire carlo-

^eu étaient comme toutes les provinces de la monarchie

pie, divisés en comitatus ou comtés. Ces circonscriptions

flt avoir généralement coïncidé avec les anciens cantons,

»«• uu pafji; néanmoins il est hors de doute que certains poi/i

étendus ont donné plusieurs comtés et qu'ailleurs on a

mi plusieurs pagi trop petits pour en faire le ressort d'un seul

Bile. Les nouvelles divisions gardèrent naturellement le plus

^veut les vieilles dénomim lions des cantons qu'elles rempla-

ient et continuèrent ft s'appeler d'après de petites peuplades,

i villages ou Am bourgs, des rivières ou des montagnes ; quel-

lefois aussi elles prirent le nom du comte qui les administrait.

Mucoup de ces antiques dér>ignatioiis se sont conservées à tra-

?3S HISTOIIE DE LA FOUIATIOK TBUITOUALB

vers l'époque féodale et fiersislent jusqu'aujourd'hui dans la bouche du peuple ; il y en a même qui ont encore une significa- tion politique. En dehors de l'organisation normale, des cadres réguliers donnés par la circonscription des comtés, on rencontre aussi, mais exceptionnellement, des ressorts administratifs plus considérables confiés à des ducs, duces ; ils n'ont rien de com- mun avec les anciens duchés nationaux supprimés par la poli- tique prudente des rois francs et doivent leur existence éphémère à la réunion momentanée de plusieurs comtés sous un seul fonctionnaire, principalement en vue de la défense du territoire. Beaucoup plus fréquentes et se succédant à peu près sans inter- ruption tout le long de la zone tributaire, étaient les marches {marcœ^ limites)^ districts militaires destinés à protéger les provinces frontières, à suneiller les peuples vassaux ou étran- gers, à faciliter les rapports diplomatiques avec eux. La chose et même le nom sont antérieurs àCharlemagne, mais le système des marches lui doit un développement plus complet ; on trouve sous lui indiquées en termes exprès la marche saxonne ou da- noise, la marche sorabe, la marche avare ou panuonienne et la marche frioulienne, et il est fort probable que dès son époque elles ont été subdivisées, comme cela se voit au siècle suivant. A leur tête étaient places, avec une autorité supérieure à celle des simples comtes, parfois qualifiée de ducale, les comtes ou préfets de la frontière, les marchiopies^ dont nous avons fait in- différemment des marquis et des margraves ; personne n'igno^^ l'importance territoriale acquise plus tard par quelques-uns ^^ ces districts militaires, à deux desquels les deux plus grands ét^'^ de l'Europe centrale ramènent leur origine première.

La vaste monarchie de Charleraagne ne lui survécut guèn^^ les pays qu'il avait reçus en héritage et ceux qu'il avait conqu ^ continuèrent à obéir pendant un siècle et plus à ses descendante^ quelques-unes de ses institutions se perpétuèrent, en se dévC^ loppant, bien plus longtemps encore ; mais trente ans après ?--^ mort c'en était fait de l'unité de l'empire des Francs. La machiui^ administrative qu'il avait créée et grâce à laquelle son activit prodigieuse transmettait et faisait exécuter ses ordres d'un hou

^

iJcIEuroiic  l'aulre, ne tarda pas à péricliter entre les Taihles mains de iîuii unique héritier ; les tergiversations politiques de Uifiis le Débonnaire, les ambitions rivales de sesCls, l'esprit d'iii- Jiscipline des grands vinrent en aido aux aspirations, confuses mais réelles, des différents peuplesîi former des Individualités na- iinniiles,etla dissolution de l'empire, inévitable dès la un du règne (liifilsdc Uharlcmagne, s'accomplit officiellement lorsqu'il eut lii^parll de la scène. Le traité de Verdun partagea entre les |irtits-lils du grand empereur les provinces gallo-roniaiiic^, ludesques et itatienEies qu'il avait réunies dans sa puissante tiinin, et alors enfin prit naissance un royaume particulier de U'Huanie, que Clmrlemngne avait rendu possible, mais qu'il n'a pas inauguré.

louis le Germanique, qui en est le véritable fondateur, était lo iTiiiïièmc fils de Louis le Débonnaire. .\ peine adolescent, il avait reîu en apanage la Bavière avec le titre royal , dans le partage nentuel de 817, par lequel le parti unitaire de l'empire, com- jK>^ surtout du liuut clergé, avait vuidu assurer à sou frère aîné Wliaire, avec la dignité impériale, la succession à peu près totale de lu monarchie frunque ; dès qu'il eut atteint l'âge 'i'iiunmie, le but constant de sesclTorts fut d'augmenter sa part, L'ii groupant autour de lui toutes les tribus d'oulre-Rliin. Il y fL'Ussit jusqu'il un certain point du vivant raiîmc de son père, liioiquc leur attachement à sa personne fût plus d'une fois |iriioé par leur fidélité ù l'empereur ; il y réussit complètement ''•Tique la mort de Louis le Débonnaire posa la question entre i'itjiaireellui. Une première victoire qu'il gagna le 13 mai 841 w Ities près de Nœi-dliugue, se touchent la Bavière, latl i^mabe et la Francouie, sur le général de son frère, AdaIbert,.J '^inile de Metz et duo des Francs orientaux, fut suivie six s&-j niaiuesplus tard, le 25 juin 841, par la bataille décisive del ''"utenay, prés Auxerre, ot'i, de concert avec son frère cadet ' f^liarles le Chauve, il battît les armées réunies de leur frère aîné l'Ulliaire et de leur neveu l'épin ; la guerre, puis les nôgoi tiwis traînèrent pendant deu^t années encore ; mais le partage iRiiipire en jnntions à peu près égales entre les truis petits- J

234 UISTOIEB DE LA FORMATION TERRITORIALS

fils survivants de Gharleroagne n'était plus dès lors qu'une ques- tion de temps ; il fut officiellement arrêté dans la conférence que les trois frères tinrent en personne à Verdun, au mois d'août 843. L*aîné, Tcmpereur Lothaire, gardait, aveclesdeux capitales- de Rome et d'Aix-la-Chapelle, l'Italie et les provinces transalpines centr&les, depuis désignées comme royaume de Lothaire ou Lotharingie, en attendant qu'elles se divisassent en un royaume de Lorraine au nord et un double royaume de Bourgogne au sud ; au cadet Charles étaient attribués les pays francs occidentaux, appelés Gaules au neuvième siècle, mais cpii depuis sont devenus le royaume de France ; Louis était confirmé dans la possession de toute la région nord-est de l'empire comme roi des Francs orientaux, titre que ses successeurs ont échangé contre celui de rois de Germanie. Cette troisième et dernière part car il nous faut préciser comprenait tous les pays à l'orient et au nord d'une ligne qui des bouches du Weser et du cours inférieur de l'Ems gagnait le voisinage du Rhin sur la Lippe inférieure, côtoyait à faible distance la rive droite de ce fleuve jusqu'à la hauteur de Bonn, le longeait ensuite jusqu'au- dessus de Bâle en enclavant sur la rive gauche les villes et terri- toires de Mayence, Worms et Spire, se dirigeait de la basse Aar vers le haut Rhône, et suivait enfin la chaîne principale des Alpes jusqu'à la vallée de la Drave; en d'autres mots, la Saxe avec la Thuringe mais sans la Frise, l'Austrasie transrhénane ou Franconie, avec Mayence, Worms et Spire en plus, non à cause de leurs vignobles, comme le veut Réginon , mais en qualité de sièges épiscopaux germaniques, l'Allemannîo avec la Rhétie, la Bavière, et finalement les pays tributaires do la frontière de l'est. Le royaume de Louis le Germanique comprenait ainsi les quatre grandes tribus tudesques, pour la première fois réunies en un état particulier.

Le traité de Verdun, auquel on rapporte à bon droit rorigio^ des royaumes modernes de France, d'Allemagne et d'Italie, sor- tis tous les trois de l'empire franc, ne mit pas fin cependant d'un seul coup aux fluctuations politiques et territoriales de la succcï^' sion de Charlemagne. Jusqu'à la fin du neuvième siècle ce n^

DES ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE. 235

sont que subdivisions et réagrégations, motivées d une part par le système des partages entre frères, de Tautre par le droit d'hé- rédité de ligne à ligne. Pour ne parler que de la branche alle- mande de la dynastie, on voit d'abord, à la mort de Louis le Germanique, ses trois fils s'établir comme rois, le premier en Bavière, le second en Saxe et en Franconie, le troisième en Al- lemannie; ensuite le cadet des trois princes, Charles le Gros, ajoute successivement à TAUemannie, d'abord la Bavière et l'Ita- lie, puis la Saxe et la Franconie, avec la Lorraine, puis encore la France occidentale ou gauloise, et réunit ainsi à la portion complète que le traité de Verdun avait attribuée à son père la majeure partie des états de ses oncles Lothaire et Charles le Chauve; enfin, au bout de quelques années, le même Charles le Gros, déposé par les uns, abandonné par les autres, meurt dans la misère, et alors seulement, en 888, le démembrement de kroonarchie carlovingienne peut être considéré comme définitif. Le royaume de Germanie, tel qu'il passait à Amulf, un neveu illéptime de Charles, avait à peu près la même étendue que lors du traité de Verdun ; néanmoins ses limites s'étaient quelque peu déplacées : au levant la zone tributaire était plus ou moins oompromise; par contre, du côté du couchant, l'Alsace et la Prise, séparées de la Lotharingie, avaient été adjointes à l'AlIe- mannie et à la Saxe, lors du partage que Louis le Germanique Bl Charles le Chauve avaient fait, en 870, àMersen, de l'héri- tage de leur neveu Lothaire IL

La grande question d'ailleurs, à la fin du neuvième et au commencement du dixième siècle, n'était pas de savoir quelles iraient au juste les limites de l'Allemagne : il s'agissait de IVtistence même du nouveau royaume, qui venait à peine de se constituer, et que menaçait le double danger de la conquête étrangère et de la décomposition intérieure. Sur toutes les fron- tières du nord et de l'est s'accentuait de plus en plus un mouve- ïnent général des barbares païens , assez semblable à celui qui *vait jadis poussé les peuples germaniques à se ruer sur l'em- pire romain , et les marches créées par Charlemagne étaient in- capables de résister plus longtemps à leurs attaques répétées.

236 niSTOIBE DE LA FORMATION TERRlTOniALK

Sortis des deux presqu'îles Scandinaves, les Normands, frères des anciens Germains par la race, la langue, les mœurs, la reli- gion, attaquaient par terre et par mer la Germanie, que les Car- lovingiens avaient convertie et civilisée ; leurs légers esquifs re- montaient les grands fleuves, et toute la vallée du Rhin , depuis Dorestadt et Utrecht jusqu'à Worms et à Metz, portait les traces de leur épouvantable passage. Les Slaves avaient secoué le joug; sur TElbe, les tribus \sendes guerroyaient avec les Saxons et les Thuringiens ; plus au sud, Z>ventibold avait fondé, en face delà Bavière, le grand empire morave, et sa destruction par Amulf avait pour unique résultat d'ouwir le chemin de l'Allemagne à des ennemis plus terribles encore, les Hongrois ou Madgjars, de race finnoise comme les Huns, d'horrible mémoire. Au de- dans l'avenir se présentait sous, des couleurs tout aussi som- bres : la royauté, en butte aux intrigues et aux violences inces- santes des grands, ecclésiastiques et laïques, laissait de jour en jour davantage échapper de ses mains la direction de la nation; et comme c'était elle seule qui représentait l'unité nationale en face de l'antagonisme des différentes tribus, son affaissement paraissait présager la ruine prochaine des institutions com- munes, à peine implantées sur le sol de la Germanie. Comtes et seigneurs, évoques et abbés s'isolaient et visaient à l'indépen- dance, mais surtout les anciens duchés nationaux se reconsti- tuaient par la force môme des choses. Les invasions barbares avaient en effet obligé les successeurs de Charlemagne à conf^' rer une puissance plus grande, à assigner un rayon d'autori^ plus étendu à certains comtes, décorés des titres de marquis ^^ de ducs, de légats ou de chambriers {marc/no?ies, duces ^ mi^^^ nuntii camerœ)^ et ces hauts fonctionnaires, choisis naturel!^ ment parmi les seigneurs les plus illustres, les plus riches, les pl^ influents de leur région, aspiraient à grouper autour d'eux la tôt -• lité de leur tribu, en même temps qu'ils tâchaient de rendre leur (^ gnité héréditaire. Les vieilles jalousies et les haines séculaires (^ peuplade à peuplade, que n'avaient cessé de nourrir des institi^ tiens, des mœurs, un idiome et un droit différents, se montraiei^ plus fortes que les principes d'unité politique et religieuse, \-^

DES ÉTATS DE L'EDROPE CENTRALE. 237

royauté et l'église ; au royaume de Germanie, avec son organisa- tion comtale et épiscopale, se subslituaient quatre états particu- liers, quatre petits royaumes {régna), correspondant aux grandes tribus tudesques : c'étaient, au sud, TAUcmannie ouSouabe, entre les Vosges et le Lech, et la Bavière, àTorient de cette rivière; au centre, la Franconie, dans la vallée du Mein; au nord, la Saxe, qui, agrandie de la Thuringe et de la Frise, couvrait toute la basse Germanie.

Tel était le déplorable état dans lequel le fils d'Arnulf, Louis l'Enfant, le dernier descendant mâle de Charlemagnc issu de Louis le Germanique, laissait le royaume des Francs orientaux fondé par le traité de Verdun, quand il mourut sans alliance en l'année 911. A ce moment l'autre branche carlovingienne, issue de Charles le Chauve, régnait de nouveau, après une éclipse tem- poraire, chez les Francs occidentaux ; mais le prince qui portait la couronne des Gaules (c'était Charles le Simple) n'était pas de force à revendiquer la succession vacante. U fut cependant re- connu comme roi par les Lorrains, rattachés plus ou moins direc- tement à la Germanie depuis le règne d'Arnulf ; quant à la cou- ronne du royaume tudesque, elle fut d'abord offerte par un certain iwmbre d'évôques et de grands au vieux duc de Saxe, Otton TIllus- tre, puis, sur son refus, à un autre seigneur allié par les femmes à larace carlovingienne, ConradleSalien, qui exerçait l'autorité du- cale en Franconie. Conrad accepta le titre royal, et, appuyé sur la tribu franconienne, il essaya de lui rendre quelque ascendant; mais malgré l'appui du clergé, il ne réussit qu'à demi à faire re- connaître son autorité suprême par les Souabes et les Bavarois ; il échoua complètement contre les Saxons et fut obligé de payer Wbut aux Hongrois. Lui-même il ne tarda pas à comprendre son iiDpuissance, et depuis son lit de mort il envoya à son rival, le ^ucde Saxe Henri, fils d'Otton l'Illustre, la lance sainte, lesbra- ^ets d or, le manteau, le glaive et le diadème des anciens rois (918). Par cet acte symbolique, les Francs abandonnaient la prééminence parmi les peuplades germaniques à leurs vieux «adversaires, les Saxons; ce fut le salut de l'œuvre civilisa- Wce accomplie par Charlemagne au delà du Rhin : la dynastie

238 FORMATION TERRITORIALE DBS ÉTATS DE L* EUROPE CENTRALE*

saxonne a refoulé Tinvasion païenne, établi Tunité nationale de la Germanie, et fondé ua empire tudesque qui pendant des siècles a dominé dans toute l'Eure^ centrale, en faisani reconnaître au loin sa prééminence aux populations slaves (t latines.

CHAPITRE 111

Ltnint empire romain de nation germanique au moyen ftge.

feruyaume du Germanie, fuiidô par le pelitr-âls de Charlc- -^.le Louis le Germanique, puis délinitivement constilué par la <i]nastic saxonne, avait déjà sous les empereurs Charles le Gros t Arnulf, le fils et le petit-ûls de Louis le Germanique, occupé mo- "ipnloiiéroent le premier rang parmi les états carlovingieos ; en %nissant à l'Allemagne les pays limitrophes situés au couchant, au levant et au midi, en acquérant la dignité impériale indisso- lublement unie h la royauté tudesque, les rois et empereurs de la maison de Snxe assurèrent pour des siècles la prééminence dans toute l'Europe féodale du sa ml empire romain de nution Srrmaiiique. Mais k poursuivre la grande et chimérique idée de tisire un empire universel, d'exercer la direction suprême sur la chrétienté occidentale entière, trois illustres dynasties, les trois ramillefi souveraines issues de la Saxe, de h Franconie et de la Souuhe, usèrent leurs forces dans des luttes aussi fatales que glo- rieuses; les annexes de l'empire s'en détachèrent, la Germanie elfHiiPme échappa à ses souverains pour se fractionner en une nuiltilnde de territoires h peu près indépendants; de lagrandeur iouie de leurs prédécesseurs, il ne resta guère aux empe- i, à partir du treizième et du quator;£iènie siècle , que de 15 titres, des droits sans sanction efficace, et tandis que leurs îdiis de l'ouest, les rois de France, qui avaient débutii liien plus ment qu'eux, achevaient decimcentrercn une puissante 6 politique et territoriale toutes les forces de leur royaume Mitairc, eux, ks élus de leurs é^aux de la leille, ils nu furent

2^ HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

bientôt plus monarques que de nom, du moins en dehors des limites de leur patrimoine princier, et se virent réduits à une espèce de présidence d'honneur dans la république des andens feudataires et sujets de Tempire. Avant la fin du moyen Age la révolution était consonunée, et les multiples états de TEurope centrale moderne avaient pris naissance.

Les deux premiers princes de la dynastie saxonne ou ludol- fingienne, Henri I", qu on appelle vulgairement TOiseleur quoi- qu'il ait bien mérité son autre et plus beau surnom de Père de h /w/ri> (9 19-936), et son fils Otton I", qui porte à bon droit la qua- lification de Grand (936-973), sont, bien plus que les princes car- lovinjriens issus de Louis le Germanique, les continuateurs de son œuvre dans la fondation du royaume d'Allemagne. Ce sont eux en effet qui ont réussi à unir d'une façon durable, en un seul peu- ple, en un seul état, les quatre grandes tribus nationales de la Ge^ manîecarlovingiennc, Franconiens, Souabes, Bavarois et Saxons, en subordonnant à une unité politique supérieure leurs terri- toires, qui précédemment formaient presque autant de petits royaumes, des regna^ comme nous l'avons dit plus haut. Mais ils ne parvinrent pas à opérer une véritable fusion entre les di^ férentcs nationalités tudesqucs; les autres tribus reconnurent l'autorité suprême des chefs du peuple royal des Saxons, accep- tèrent des ducs de race saxonne, qu'on leur imposa par la force ou qu'on maria aux héritières des dynasties indigènes; elles n'en continuèrent pas moins à prétendre à une existence autonome. Le vrai centre commun, c'était la personne royale; même Otton le Grand était avant tout le père de famille, le patriarche, dont les ducs nationaux étaient les fils, les commensaux, les clients. Ainsi dès le début le lion qui reliait entre elles les différentes po- pulations comprises dans le royaume germanique , fut essen- tiellement fédératif ; l'unité nationale n'existait réellement que par la royauté. Or cette royauté, sous l'influence des vieux prin- cipes germaniques, était fondée sur l'élection autant que sur l'hérédité : de des querelles de succession presque à chaque re- nouvellement de règne. Puis, lorsque l'hérédité parut acquise, la race royale fondée par Henri I" vint à s'éteindre (102i); 1^

bBS ÉTATS Ite L'KVftUVH CliNXIlALK. ïïl

^dynasties suivantes, celle de Franconie ou des Conriidins uede Souabcou des Hohcnstaufcii, qui l'une et l'autre ae jurent jamais à faire francheraent accepter par le peuple 1 leur ingérance dans ses affaires, parvinrent moins encore iprimer l'esprit particulariste des tribus allemandes, quedé- ^'eloppait de plus en plus l'épanouissement du système féodal, et 1 leur tour elles disparurent l'une après l'autre au moment Hir royauté était de fait devenue presque héréditaire. La cou- ""[1 ne germanique resta alors définitivement élective, quoique lûlus souvent fixée pendant un certain laps de temps dans la I famille; la royauté, déjà fort diminuée par ses guerres i&uelles eu Allemagne et en Italie pendant la lutte deux fois e du sacerdoce et de l'empire, faiblit de plus en plus, et e le lien national qu'elle avait créé et qu'elle était presque représenter.

amérae temps qu'ils donnaient h. l'Allemagne une unité au 8 relative, les premiers rois saxons étendirent ses frontières , h. l'est et au nord, pur l'acquisition de la Lorraine et leurs victoires sur les peuples païens que Chnrlemagne avait tmlenus, mais non domptés. Le royaume cnriovingien de Lo- baringie, après une courte existence autonome, était devenu me pomme de discorde entre les Francs occidentaux et les Francs irieiitaax. aïeux dos Français et des Allemands mwlernes; s un instant au roi de France Charles le Simple, après iDClion des Carlovingiens allemands, il fut conquis, au a des troubles qui marquèrent la fin du règne de ce faible , par le fondateur de la dynastie saxonne, Henri I", el son Wration à l'Allemagne (923 à 923) fut maintenue malgré forts des derniers Carlovingiens français, Louis IV d'Ou- r et Lothalre. dont le second dut en 980 y renoncer lellement. La frontière occidentale du royaume de Germa- it ainsi reportée à une ligne qui, après avoir suivi d'assez lautdans toute l'étendue de son cours, gagnait la Meuse laute Slarne en passant au nord des sources de l'Oise, el l'accord intervenu en 102iàivoy-sur-le-Chiers, entre Tem- r Henri II le ?^aint et le roi Robert le Pieux, lira pour des

242 UISTOIRE DE LA FORMATION TEaBITORIALE

siècles par des bornes précises ; les Lorrains formèrent, à côté des Saxons, des Franconiens, des Bavarois et des Souabes, une cinquième grande tribu nationale. Beaucoup plus longues el moins décisives furent les guerres de Fépoque saxonne contre les barbares orientaux et septentrionaux. Hongrois, Slaves el Danois, quoiqu'elles aient été la vraie œuvre nationale du peu- ple de Saxe, du peuple de Dieu^ comme disait dans son enthou- siasme à la fois patriotique et chrétien le grand chroniqueur du dixième siècle, Widukind de Corvey. Les victoires signalées que Henri P' et Otton le Grand remportèrent sur les Madgyars, dans le voisinage de Mersebourg (933) et au Lechfeld (9S5), arrêtèrent pour toujours l'invasion finnoise ; les Slaves, battus dès 929 par Henri I" à Lunkini sur la rive droite de l'Elbe, qu'il faut cher- cher probablement à Lenzen dans la Priegnitz, furent pendant toute la durée du règne de son fils attaqués sans relâche par le roi lui-môme et par ses deux illustres lieutenants, Hermann Billung, auquel il abandonna le duché de Saxe, et Géro, le vail- lant marquis de la frontière sorabe sur l'Elbe moyenne ; enfin le roi danois Gorm le Vieux fut poursuivi par Otton le Grand jusqu'au Liimfjord, surnommé Oltesund en souvenir du javelot qu'y lança le vainqueur; mais l'extension de la Germanie au nord et à l'est ne fut pas en proportion des efforts faits par les deux premiers rois saxons. Aussi longtemps qu'ils vécurent, leur puissante protection fit prospérer les marquisats des confins da- nois, slaves et hongrois, et les évôchés nouvellement fondés dans toute la région de l'Elbe ; la suprématie des rois de Germanie fut reconnue au nord de l'Eider et dans la contrée intermédiaire entre l'Elbe et l'Oder, comme dans les pays de la haute Elbe, du moyen Danube et de la Drave supérieure; les nouveaux dio- cèses de Prague et d'Olmutz, d'Aldenbourg, de Schleswick, de Ripen et d'Aarluuis, njoutés aux provinces ecclésiastiques de Mayence et de Hambourg-Brôme, la nouvelle métropole de Mae- debourg surtout, avec ses sièges suffragants de Havelberg, do Brandebourg, de Meissen, de Mersebourg et de Zeitz (ce dernier plus tard transféré à Naumbourg), en même temps qu'ils pré- paraient le triomphe du christianisme, favorisèrent la colonisa-

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DES ÉTATS DE L'EUROPb CENTRALE. 243

tion gennanîque, dont Magdebourg, la grande création d'Otton !e Grand (968), fut et resta le principal centre ; mais dans la )lupart des contrées que nous venons d'énumérer la domination lUemandene fut que fort éphémère; dans plusieurs le paga- lisme lui-même ne fut pas sérieusement entamé. Les Danois •éprirent la ligne de TEider après de longues luttes autour du Danevirkey le rempart frontier construit par eux plus au nord, à l'étranglement de la péninsule cimbrique que forme la Schlei ; les ducs bohémiens se rattachèrent de préférence à la Pologne et ne conservèrent que des rapports douteux avec l'empire ; le pays wende enfin, durement tyrannisé par les seigneurs et les évoques saxons, se souleva en masse en 983, la dernière année du règne d'Otton IL Les Allemands qui, pour employer les paroles du chroniqueur Thîetmar de Mersebourg, avaient d'abord fui comme des cerfs devant les Slaves, finirent par les rejeter de l'autre côté de l'Elbe; mais sur toute la rive droite du fleuve, dans la moitié inférieure de son cours, la conversion et la con- quête se trouvèrent du môme coup arrêtées pour deux siècles. Les Havéliens, les Liutizes et les Obotrites retournèrent à leurs idoles ; les évêchés de Havelberg et de Brandebourg furent dé- truits, celui d'Aldenbourg réduit à végéter tristement ; des con- quêtes saxonnes en pays wende, il ne resta guère d'acquis au chris- tianisme et à l'Allemagne que le pays des Sorabcs de la Misnie et de la Lusace, lui-même disputé aux Allemands par les Bohé- miens et les Polonais. Plus heureux que leurs collègues septen- trionaux, les marquis bavarois de l'Autriche non-seulement no perdirent rien de leurs conquêtes plus modestes, mais conti- ïiuèrent à les étendre dans la vallée moyenne du Danube pen- dant toute la durée du onzième siècle.

n nous reste à parler des acquisitions les plus brillantes, sinon 'es plus utiles, de la dynastie saxonne, la couronne royale d'Ita- lie et la couronne impériale d'Occident. Ce fut Otton le Grand qoi les prit l'une et l'autre, la première en 951 et définitivement eu 961, par droit de conquête, la seconde au mois de janvier ou 3e février 962, des mains du pape Jean XII; ses successeurs les portèrent après lui. Tune pendant près de trois cents ans, l'autre

'2'k'k niSTOlRE DE LA FORMATION . TERUTORIALE

jusqu'au commencement du dix-neuvième siècle. Du droit de la couronne de fer des anciens rois lombards, les rois saxons uni- rent à TAllemagne l'Italie septefntrionale et centrale, mais non ritalie méridionale, ils ne parvinrent pas à prévaloir sur les Bénéventins, les Grecs, les Arabes, plus tard les Normands français; ils laissèrent aux Italiens leurs lois et leurs diètes, mais posèrent en principe que le roi d'Allemagne était à ce titre, de plein droit, roi des Lombards aussi. Gonmie héritiers de Gharlemagne, comme successeurs du divin Théodose et du divm Justinien, les nouveaux césars prétendirent à la suzeraineté universelle sur la chrétienté latine, de compte à demi avec le pontife romain ; désireux de renouer la chaîne des temps, de mettre à leur tour leur domination sous l'égide du nom magi- que de la ville éternelle, ils firent de Rome leur capitale d'hou- neur, y fixèrent même momentanément leur résidence, comme le fit Otton III dans son enthousiasme maladif pour la cité do Tibre ; mais le vrai centre du saint empire romain de nation germanique n'en resta pas moins le royaume tudesque; la cou- ronne impériale, romaine, universelle, reposa avant tout sur la Germanie ; elle lui est demeurée en propre, comme un vain ornement il est vrai, presque jusqu'à nos jours.

Aux populations néo-latines ou romanes de l'Italie et d*ime partie de la Lorraine, annexées à la Germanie par Henri ?' et par Otton le Grand, vinrent s'ajouter au siècle suivant celles du royaume d'Arles ou de TArélat. Cet état, formé par la réunion des deux royaumes de Bourgogne transjurane et de Bourgogne cisjurane, s'étendait de la Reuss à la Saône et des Alpes occiden- tales au cours inférieur du Rliône. Son dernier souverain parti- culier, Rodolphe III le Fainéant, après l'avoir une première fois légué au dernier empereur de la maison de Saxe, Henri II le Saint, le laissa en héritage (1 032) à Conrad II, le fondateur de la nouvelle dynastie impériale de Franconie, qui se mit en effet eu possession Tannée d'après (1033). Besançon, LyonetMa^ seille devinrent ainsi à leur tour, sinon des villes allemandes, du moins des villes d'empire, et la domination des rois de Ge^ inanie se trouva comprendre tout le centre de l'Europe dans^^

jiliislar^c extension. Aussi les empereurs fraiiconieiis et même leur* premiers successeurs de la maison de Souabe continuèrent- ils, malgré des éclipses de puissance passagères, à tenir incon- ti'stablement le premier rang parmi les princes chrétiens ; leur double dignité d'empereurs romains cl d'avoués du saînt-siége, uppuTée sur de vai.lps états et de nombreuses armées féodales, Ifs mettait hors de pair avocles autres rois de l'occidenl; seuls il? portaient, sur leur couronne fermée, le globe avecla croix ; ■iU France capétienne récusa toujours leur suzeraineté impé- rialc (ce en quoi elle fut imitée par l'Espagne), ils obtinrent à ]ilii.iieurs reprises les serments de vasselage des rois de Dohérac, dp floiigrie, de Pologne, de Danemark, d'Angleterre même; le liolienstaufen Frédéric I" Barbcrousso encore, comme avant 'ni le Saton Otton 1"" et le Franconien Henri lil, poursui\ait la monarchie universelle, le dommium mundi, se faisait appeler le wigiienr des seigneurs, dominus dominantium, et proclamait o-s hautaines prétentions avec la superbe lude»qve, que crai- \ gnaipnt ou raillaient les autres nations.

HtEt cependant c'est du règne même de ce prince que date la ^B^rdinatiou des empereurs germaniques aux souverains poii- ^^■s, et par suite leur déchéance du rang de chefs suprêmes de la ^HpAtienté latine. Déjà le joug à peine déguisé que, sous le nom ^Hjlfouerie, les rois saxons et leurs premiers successeurs fran- ^Siiens avaient fait peser sur l'église romaine, quand Oiton 1" 'irdonnait la déposition de Jean Xll, qui l'avait introduit en Italie, ou que Henri III, de sa seule autorité, nommait au ponti- ficat suprême des évéques allemands, ses sujets et ses clients, svail été brisé par Grégoire VII, qui étabUt victorieusement l'in- I dépendance du sacerdoce contre Henri IV ; mais les deux pou-~^ voirs, ecclésiastique et laïque, étaient restés pendant près d'un siècle encore sur le pied de l'égalité, et le triomphe de la papauté ne fut complet que le jour où, après une lutte désespérée d'un quart de siècle, Frédéric I" se prosterna à Venise devant Alexan- dre [11 (1177). De cejour seulement la question se trouva défini- i" emont vidée : la couronne impériale ne venait qu'après La re; la suzeraineté du monde occidental avait officiellement' j

2l^ XISTûflX if£ Uk W^^^èMJkT^jS nmiTTOlUiX

{jEiséé des emperesT» 2ûm1 p»f^ : pîos qw jamais la république tbrttymne re«»iiaÛ5:^;&h Rrjc::^^ p-itir fiî^o centre, mais c eUit de b oiri^e roaiiÎL^e rt os de 'i eLiiiCêuêhe impériale qu'elle rece- lait s«s dîftËictîoDS. ble&ti^-: m^me la noyauté française, forte- ment o>nstitaée par {flippe- Auguste, ojmmença à disputer à l'Aliema^e dét^unîe le premier ran^r parmi les états laïques; les autres couronnes n>yaies« à Texci^tion de celle de Bohème, constataient du m<>ins leur autonomie. Le dernier des empereurs souabes. Frédénc U. qui pciurtant aux quatre couronnes d'Occi- dent, de Germanie. d'Italie et d'Arles en avait, du droit de sa mère, de sa femme et de sa bru, aj«juté trois autres, celles des Deux-Siciles, de Jérusalem et de Sardaigne, fut éclipsé par saint Louis avant d'être vaincu et écrasé par le saint-siège; son tombeau (1230) fut aussi celui du saint empire romain, comme l'avaient compris pendant trois siècles les rois de Germanie et la chrétienté entière.

En effet, les deux royaumes annexes d'Arles et d'Italie furent, à partir de ce moment, séparés de fait de la Germanie et finirent par être désignés, même dans le langage officiel, comme des épaves de l'empire, avuUa regni; le titre impérial, maintenue TAUemagne, ne senit plus qu'à la mettre dans une dépendance plus directe de la curie romaine. Le royaume d'Arles, de tout temps assez faiblement rattaché au reste de l'empire, lui devint de plus en plus étranger depuis la Im du treizième siècle, bien que l'empereur Charles IV y ait encore une fois été couronné en 1363 par Tarchevêque d'Arles, au retour de son entrevue d'Avignon avec le pape Urbain V ; la vallée inférieure du Rhône passa, province par province, aux rois de France ; dans la moiliô septentrionale du royaume, jusqu'aujourd'hui le peuple appelle la rive gauche de la Saône terre d'empire et la rive droite terre du roiy on n'oublia guère moins complètement les anciennes relations d'obédience, tout en ne les rompant que bien plus tard ou en les laissant même subsister en apparence jus- qu'au bout: la Suisse occidentale et la Franche-Comté n'ont été définitivement séparées de l'empire qu'au dix-septième siècle! les noms des archevêques de Besançon et des ducs de Savoie

SES &IATS OB L'BBHOPE CBUTaUBT^

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[eut, il y a un âièclo encore, sur lu liste oflicielle des inces ayant siège et voÏk & la diète ; les comtes de Montbéliard et évoques de Bûle ont môme rôellcmeut fait partie du corps gennaniquejiisciu'ti la rëvolution Trançaise. Les ehoses se passè- rent presque de m^me pour l'Italie. Abandonnée à elle-même peudaul plus d'uu demi-siècle par les successeurs immédiats des Hohenstaufen, qui la comparaient, non sans raison, ù la caverne du liou ilevant laquelle on voit les pas de ceux qui y entrent, non h traces de ceux qui en sortent, elle fut pour la dernière fois sérieusement revendiquée par Henri VII, le fondateur de la imifou impériale do Luxembourg, qui alla y chercher la mort (1313), comme tnnl d'autres rois de Germanie avant lui ; depuis son Mpêdition romaine il n'y eut plus que des simulacres d'expé- dilious et des couronnements de parade, du moins jusqu'à l'épo- ([uiî de Ghailes-Quint, et de mfimc que les états du pape, les républiques municipales et les seigneuries de l'Italie septentrio- naleacquircnt leurpleine autonomie; seuls le Tyrol méridional et la partie du Frioul et de l'Istrie soumise à la maison d'Autri- kt restèrent incorporés h l'empire. Cependant on ne laissa périmer complètement le droit impérial au royaume ie; les jurisconsultes des deux côtés des monts continuaient lo proclamer; des patriotes italiens, comme Dante dans sim traité De monarchia ou Pétrarque dans les lettres qu'il wlressa à Charles IV, rappelaient aux rois allemands leurs droits etlpurs devoirs royaux dans la péninsule; un Jean-Galéas Vis- cwiii paya 10l),0ÛO ducats à l'empereur AVcnceslas pour en ublenir lu concession du titre ducal k Milan. Aussi lorsque Uiarles-Ouint put appuyer les vieilles prétentions de l'Allemagne (le tduie ta puissance austro-espagnole, il se géra en suzerain ïtifdu Milanais, du Mantouan, de Parme, de Modène, de la ; au dix-huitième siècle encore l'empereur Joseph 1" inça de son droit impérial la confiscation du duché de Man- et fit exécuter la sentence par ses armées. Quant a la iliguilé imi)ériale elle-même, elle échappa au naufrage de l'an- cien saint-empire et resta l'apanage exclusif des rois d'Allema- ; mais ce fut h. titre de concession gracieuse des souverains

■be; mais i

Î48 HISTOIRE liii: LA rORMATIOX TERRITORlALB

pontifes. Déjà Innocent III en avait revendiqué la libre disposi- tion et en avait disposé en effet ; ses successeurs firent comme lui ; Bon if ace Mil exigea d'Albert V le serment pur et simple de vasselage; les papes d'Avignon manquèrent même faire passer la couronne d'empereur dans la maison royale de France, la première en puissance dans toute l'Europe depuis le quatorzième siècle : mais ils ne réalisèrent pas leur menace en présence des protestations énergiques du corps germanique entier, et TAlle- magne conserva ce souvenir de sa grandeur passée. Une der- nière fois Frédéric III renouvela à Rome Tantique cérémonie du couronnement (1432); parmi ses successeurs, Gharles-Quint seul se fit couronner empereur, à Bologne, non à Rome, par le pape Clément VII (1530); mais depuis Maximilien V (iS08),ils n'en substituèrent pas moins tous la qualification impériale au titre de roi des Romains, seul usité au moyen âge pour les princes non encore couronnés, et jusqu'au 6 août 1806 les rois de Germanie s'appelèrent empereurs romavis élus, toujours augustes.

Mais revenons à l'Allemagne elle-même, et étudions mainte- nant ses modifications territoriales et politiques, durant les guerres du sacerdoce et de lerapire et pendant la période de désorganisation générale qui suivit. Le royaume de Germanie, composé lors du partage de Tempire de Charlemagne des quatre tribus des Saxons, des Franconiens, des Souabes et des Bavarois, puis augmenté par les rois de la maison de Saxe, à Touest, de la Lorraine et, à l'est, de quelques conquêtes sur les Slaves, com- prenait vers la fin du onzième siècle, en pleine époque franco- nienne, tous les pays depuis la mer du Nord jusqu'aux Alpes et depuis la Meuse jusqu'à la Leitha, ou, pour indiquer ses fron- tières d'une façon un peu plus précise, il était limité au nord par l'Eider et la mer germanique, au couchant par l'Escaut, la Meuse supérieure, l'extrémité méridionale des Vosges et la Rcuss, au sud par la chaîne principale des Alpes, au levant enfin par une ligne qui de la moyenne Urave remontait à la Leitha, suivait les Petites-Karpathes et les Sudètes, se rapprochait fort de lu basse Elbe et finissait au golfe de Kicl. Les cinq duchés

RKO ËTATS BB l.'Et'BDPe CeNTftALK. Hit

nationaux, portés au nombre de huit par le dédoubletucut de la Lorraine el de la Bavière et par Pannexion de la Boliiîme, for- maient, en comptant à part les territoires thuringiens et frisons, |ioliti(piement adjoints à la Sa.\e et h la Basse-Lorraine, dix rtV mus géographiques principales, subdivisées encore, comme h l'époque carlovingienne, en Gaiie, pngi ou comtés, quoique déjà de tout côti* les territoires féodauï, ecclésiastiques et laïques, eussent brisé de mille manières les anoiennes circon- ftriplions. A l'ouest, les deux duchés lorrains, en partie de langue romane, se parlageaienl. depuis 9iJ9 le royaume lotlia- riiigien et s'étendaient, la Lorraine mosellaiie ou Haut&-Lorraine sur la Moselle et la haute Meuse, la Basse- Lorraine, Lothier ou Kipuaric des deux côtés de la Meuse inférieure. Au nord, la Fri^c longeait l'océan germanique depuis les bouches de la M'élise et du Rhin jusqu'h celles du Weser, et la Saxe, la plus i''insidérable des provinces allemandes, allait depuis la proxi- îiiilé du bas Rhin jusqu'à la basse Elbe, en poussant au delà de « dernier fleuve, au milieu des Slaves du nord et du nord-est, ^(!> marches avancées de Holstein, de Nordraark, d'Ostmark et tl» Lusace. Le centre était partagé entre la ITiuringe et la Frau- •■'iiiie : la première couvrait, des deux côtés de la Saale thurin- (i'ieune, les pentes septentrionales de la Forôt de Thuringe et se prolongeait vers l'est par la Misnie, slave de race comme les 'iiapches saxonnes plus septentrionales ; la seconde commençait "Ur la rive gaucbe du moyen Hliin et remontait jusqu'à ses -ûurces la grande vallée latérale du Mein. Au sud, la Souabe ou MIemannie, avec rAlsaceetlaRhétie, comprenait les cantons du 'i!iin supérieur et du haut Danube, tandis que la Bavière s'éten- 'l'iil sur toute lasecuude étape du bassin danubien et intercalait »ï pointe orientale, de langue allemande, la marclio autri- tliienne, entre les deux provinces du sud-est, encore presque en t**ilité slaves, de Bohème et de Carinthie. De celles-ci enfin, 'une, la Bohème, avec son annexe la Moravie, répondait au bassin supérieur de l'Elbe et au pays de la Moraua septenlrio- isie ; Tautre, la Garintliie, détachée de la Bavière eu 976, avait Hkir artère centrale la Drave supérieure.

250 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Jusqu'à la un du moyen âge les limites du royaume de Ge manie, de l empire comme on s'habituait de plus en plus à Taj peler, ne se sont sensiblement déplacées que dans une seule d rection, celle du nord-est. Elles restèrent à peu près invariabli à Test, du côté de la Hongrie ; à Touest, le comté de Bar, qi s'avançait au delà de la Meuse dans la direction de la Marne i qui ce nonobstant avait pendant des siècles fait partie de la Loi raine et par suite de TAllema^ne, passa en 1301 spus la mon vance française ; au sud par contre, ainsi que nous l'avons di plus haut, quelques provinces limitrophes des deux royaumes d'Arles et d'Italie maintinrent des relations plus ou moins di- rectes et effectives avec la couronne germanique ; mais ces mo- difications territoriales dans les deux sens du recul et de l'avance de la frontière sont fort insignifiantes, quand on les comparée l'extension de la domination germanique sur une partie notable de la grande plaine wende. En effet les tribus slaves soit de la Baltique méridionale, soit des bassins inférieurs de l'Elbe et de roder, attaquées depuis le commencement du douzième siède par une croisade continue des Allemands, des Polonais et des Danois, durent renoncer successivement, au profit à la fois de l'église chrétienne et de leurs voisins qui s'en étaient faits les champions, tant à leur vieilles idoles qu'à leur indépendance, et, par un concours heureux de circonstances, toutes les conquêtes des trois nations rivales tournèrent au profit exclusif de l'Alle- magne. Les héros de la propagation armée du christianisme dans ces vastes contrées appartiennent indistinctement aux trois nationalités, car sur leur liste on voit figurer à côté du marquis de la Nordmark Albert l'Ours, du duc de Saxe Henri le Lion et de l'archevêque deMagdebourg Wichmann, le roi de Pologne BoleslasIII le Victorieux et les rois danois WaldemarP' le Grand, Canut VI et Waldemar II ; le Polonais Boleslas fut le protecteur de l'évoque de Bamberg Otton, le principal missionnaû^ dw Slaves de la basse Oder, et ce fut la crainte de ses armes autant que la parole de l'apôtre qui décida l'assemblée des Pomé- raniens à adopter la foi chrétienne (1127); si Albert TOurs et Wichmann furent seuls à conquérir le Brandebourg, l'œuîï*

DBS ÉTATS DE LKITBOPE GERTBALE.

leiiri le Uou dans la Vandalio ou Slavouie propreinont dite, i-dire dans le Holsteio oriental ot dans le Mecklemljourfr, fulachevûo par l(?s rois deDaiiemiirlc, Canut VI PtWatderaarll, dont le père déjà avait eu l'honneur de détruire le plus grand Jia ijaiictuaireii paït^iis, le Icmiilo qui sY-levait hur io promon- tiiire il'Arcona djins l'Ile de Itugen en l'honneur du dieu h quatre litcs. Swiatowid ou Swaiito\vit(ilG8). Mais la missioa

Etëc fut presijuc exclusivement alleuiaitdo, et ce Tut à agiic que se rattachèrent tout d'ahord à peu pr^s tous les rétablis ou fondés à aeiirdans les pays wendes. C'étaient d'une part coux de Havelberg et de Draiidehourg, créations d'Otluii Le Uraud disparues aprôs lui, et que rappela à la vio Bit rUurs eu les s^ubordonnant de nouveau à l'église métro- Itine de Magdcbourg ; c'étaient de l'autre, sous la métro- i-de Hambourg-Brème, les trois évéchés de Lubcck, de lourg et de Schvérin, dont le premier remplaça la fonda- Ionienne d'Aldenbùurg, tandis que le second et le troi- p faisaient revivre les églises dcRatzebourgeldeMecklora- f appelées fi une csistence épliéraèrc dans le courant du siècle par le prince obotrite Goltscbalk ; seul le diocèse

mmin, qui prit la place du siège épiscopa! fondé par Ottou

deBaniberg, en face de Cammiii, à Julîn dans l'Ile de VVnlIin,

fut un diocèse exempt. Un peu plus Uiril la région entière fut

incûrporéo polilJqucmOQl aussi au royaume de Germanie, les

partages entre les princes polonais et la grande défaite du roi

<laiim& W'aldemar 11 u nurnha;vdc(4i!27) ayant laissé libre jeu

uuï ppiiices, éviVpies et comtes allemands. Le Holsteîn, le

Meoklerabourg, la Poraérunîe redevinrent ou devinrent pour la

ppemiôre fois terres d'empire, au même titre que la Misnie, la

'"Kace et le Brandebourg qui n'avaieut jamais cessé de l'élre

l'iiis leur organisation en marches ; même la âîlésic, pays

"[lais d'origine et converti au cbrislianisme avec ou par la

"iLHie, se rattacha peu à peu à l'Allemagne. Et ce ne fut pas

lii'iuent une prise de possession politique : dans toutes ces

'mmces orientales, qu'elles fussent de vieille date conquises

Lîiit anncKÔes, la germanisation fil dès lors des

252 HI5T01RK DK LA FORMATION TERRITORIALK

progrès rapides ; rimmigration continue de clercs, de chevaliers, de bourgeois et de paysans de race tudesque y introduisit le droit, les mœurs, la langue de rAllemagne ; sauf un quart de la Silésie, une portion peu considérable de la Lusace et quelques villages poméraniens, on n'y parle plus aujourd'hui le slave; la transformation a été complète dans le Holstein oriental, le Mecklembourg, le Brandebourg, la Misnie, et Ton s'étonne de lire dans les histoires de Saxe qu'au quatorzième siècle encore le margrave de Misnie, Frédéric le Sérieux, était dans le cas d'interdire l'usage de la langue wende dans sa ville de Leipzig, l'ancien Lipzk ou ville des tilleuls des Sorabes. Les conquêtes faites depuis le treizième siècle le long de la Baltique orientale par les deux ordres de chevalerie allemands, les Porte-Glaive et les Teutons, propagèrent même la colonisation tudesque beau- coup plus loin encore au nord-est, et Danzick, Kœnigsberg et Riga devinrent de grands centres de civilisation germanique, à l'instar de Magdebourg, de Lubeck, de Stettin et de Breslau; mais les pays borusses, lettons et finnois soumis par eux ne furent jamais régulièrement incorporés à l'empire. Au sud-est, tout au contraire, les populations slaves de la Bohême, de la Cariuthie et de leurs annexes, quoique réunies de vieille date à la Germanie, conservèrent plus ou moins intacte leur nationalité primitive.

Parallèlement à l'extension de l'Allemagne dans la direction du nord-est, s'accomplissait dans son sein une révolution, poli- tique et territoriale à la fois, qui, commencée dès le onzième siècle, aboutit, au treizième, à la dislocation féodale de l'empire, et dont les effets se sont perpétués jusqu'au commencement dn dix-neuvième siècle, en partie même jusqu'à nos jours. Tandis qu'en France la royauté capétienne maîtrisait peu à peu la féo- dalité, les rois do Germanie facilitèrent eux-mêmes, par leurs lointaines entreprises et par une politique qui prétendait em- brasser la chrétienté entière, les progrès d'un nouvel ordre de choses, qui devait être également fatal à la puissance de la royauté et à lunité du royaume. Les préoccupations italiennes et euro- |)éennes des plus grands d'entre eux leur firent trop négliger des

BES ÉTAT8 DR L'tTJBOPR CESTBAIE.

inlrrtts plus voisins; il n'y a guère que Henri M de Holienslaa- len, le fils de Frédéric I", qui ait sérÎRuseracnt songé à donner à Umyaut^ allemaiitlf imc base plus solide par l'établisspnipril lè- ^h1 lie riiérôditi]! iriunarcliique. Il n'y réussit pas, et, eût-il réussi, il était trop lard : les guerres du sacerdoce et de l'em- pire, compliq[iiées di' la rivalité des deu\ familles, presque égaie- mont puissantes, des Wells et des Hoheiistaufcn, avaient usé à la fois l'autorité royale et l'autorité ducale, au proCt de In l'éo- dalilé qu'on peut appeler de second ordre, et qui se composait à la fois des vassaux secondaires, soustraitsàla puissance des ducs, el des prélats, que les rois saxons et franconiens avaient essayé (ic leur opposer. Aussi déjà son proi)re flls Frédéric II concéda- l-it aux seigneurs ecclésiastiques et laïques la souveraineté, ou, IKiur employer le terme technique, la supériorité territoriale, le litiminium terrœ, avec presque tous les droits régaliens (1220. I2;t2j ; encore, en signant ces constitutions, ne fit-il que con- tîraier expressément un état de choses bien plus ancien. Dès la 6q du dixième siècle, les vassaus de deuxième rang, comtes, marquis et landgraves, avaient commencé à se rendre hérédi- taires dans leurs fiefs ; cent ans plus tard, ils se titraient d'après les noms de leurs comtés, réputés dorénavant possessions patri- tnciniales, et étaient imités par de nombreux barons ou dymistes, iiui, autour d'un château patrimonial, avaient créé des comtés nouveaux. De leur côté, presque tous les évéques et uu certain iiDDibre d'abbés, marchant sur les traces des souverains pon- tifes, étaient devenus seigneurs terriens, soit jmr des donations partîcuhéres, soit principalement par des concessions royales. Ko effet, les rois saxons et franconiens, non contents d'étendre leurs droits d'immunité, qui remontaient aux Mérovingiens, et ie leur conférer les droits rt'galiens utiles, comme l'avaient fait l(s dernière Carlovîngiens, leur avaient accordé dans les villes épiscopales et abbatiales, et même dans des comtés entiers, la juridiction comtale complète, afin de contrebalancer par leur influence la puissance des vassaux laïques, en train de devenir bèrédilaires. Plus les empereurs avaient, par ces concession» tbit^nte^, agrandi le rôle politique du clergé, plu* ils dp-

rôt HISTOIRE DE L.\ FORMATION TERRITORIALE

\ aient tenir à le garder sous leur autorité directe, et c'est ce qui explique leur âpreté à défendre contre le saint-siége leur droit traditionnel d'investir par la crosse et Tanneau les dignitaires de l'église; mais Tindomptable énergie de Grégoire VII et de ses successeurs immédiats arracha à Henri IV la libre disposition des évéchés ; le compromis par lequel Henri V offrit à Téglise de s'abstenir de toute ingérance dans la nomination des prélats, à condition qu'elle restituât au domaine royal tout ce qu'elle en avait reçu à titre de fiefs, fut rejeté avec indignation par les évo- ques et les abbés allemands, plus avides de pouvoir que de li- berté; de guerre lasse, rempereur dut, par le concordat de Worms, se contenter du droit de conférer par le sceptre les fiefs d'empire attachés aux bénéfices ecclésiastiques, en laissant la disposition réelle de ceux-ci aux chapitres et à la curie romaine; et ainsi les prélats échappèrent à leur tour à l'autorité royale. Les guerres des Guelfes et des Gibelins augmentèrent de plus en plus l'indépendance des vassaux, laïques et ecclésiastiques, et de fait ils étaient déjà presque souverains dans leurs territoires res- pectifs lorsque Frédéric II leur y reconnut la supériorité territo- riale; mais la sanction royale affermit d'autant leur quasi- autonomie. Les décrets de ce prince se trouvèrent cependant im- puissants sur un point : pour mieux se concilier les évêques, il prétendit faire rentrer sous leur autorité politique leurs villes épiscopalcs, qui, de leur côté, avaient acquis des rois ou des pré- lats eux-mêmes une bonne partie des droits régaliens dans l'en- ceinte de leurs murs; mais, elles aussi, elles surent défendre con- tre leurs anciens seigneurs ecclésiastiques leurs droits concédés ou usurpés, et, de concert avec les villes du domaine royal suc- cessivement émancipées par les empereurs , elles constituèrent les villes libres et impériales, c'est-à-dire des républiques muni- bipalos autonomes, qui, depuis le treizième siècle, commencent h figurer dans l'empire à côté des princes laïques et ecclésiasti- ques, quoique à un rang plus modeste.

Ainsi l'ancien royaume de Germanie, formé par rensemblc des duchés nationaux, que réunissait en un seul tout le pouvoir bupérieur de la royauté , s'était profondément modifié dans son

W HES ÉTATS DE L'EUHOPE CBBTIIALE, ÎH.Ï

Pieation politique par le triomplio du système fèudul; l'cm- B du treizième siècle n'était déjà plus qu'une espèce de répii- pie fédérative, sons In présidence impi^riale. Les cadres géo- iphiques s'étaient transformés en ra^me temps que les însti- iûns politiques : dès la fin du onzième siècle, la division car- ingîenne en comtés, établie sur la base des Gatie oupfigi pri- , était tombée en dôsuétudo, avec la disparition de l'an- B Drga,nisatjon administpative et judiciaire; cent cinquante fus lard, les duchCs uationau\ avaient disparu à leur tour, à moins complètement changé de nature. Un nouveau lotis- ■ttcrrîtoml, variant sans cesse selon les hasards des héri- ![ des achats, des usurpations, des partages, avait remplaci'i l^enne topographie des ^ayi et des comtés; certains sci- eurs avaient réussi à réunir en un seul territoire plusieurs mlés carlovingiens ; beaucoup plus souvent un seul et même aité s'était partage entre un plus ou moins grand nombre de mies et de seigneurs. Quant aux duchés nationaux, il n'y avait Ère que celui de Bohême qui en eût conservé le caractère pri- lif ; partout ailleurs les litres en avaient été transférés sur des riions plus ou moins restreintes de leur ancienne étendue, îi is& qu'ils ne fussent complètement périmés. Dans le premier Btrouvatcnt les duchés de Saxe, de Bavière, de Lorraine, BSlier cl de Carinthic, dont les titulaires n'étaient plus que Hhidataires ordinaires, possédant des territoires patrimi> DIK plus OU moins considérables; à la deuxième catégorie partenaient les duchés de Franconie et de Souabe, dont le ^er s'était réduit, dès le douzième siècle, au petit duché, fehémère lui-mèmo, de Rolhenburg-sur-la-Taubcr, el dout Pbnd fut entraîné, un siècle plus tard, dans la chute de-i dienstaufen. En somme, le grand caractère géogrnpiiique de révolution opérée en Allemagne par la victoire de la féodalité, St la ditïlocation générale de l'empire, divisé dès lors. en une tude de lerriloircs de toute grandeur, de toute puissance, i origine et de toute nature, qui tous étaient diijii des ;ue souverains. Cependant il faut se hAtcr d'ajouter, it la différence fondamenlale enlre le développement liis-

2-)() HISTOIRE Di: LA FORMATION TERRITORIALE

torique de TÂllemâgne et celui de lltalie, que runité nationale allemande avait été fondée assez solidement par les rois saxons pour que le royaume de Germanie ne tomb&t pas dans une dis- solution complète. L'idée de la solidarité politique des états ger- maniques survécut h la crise du treizième siècle : la royauté, restaurée après le grand interrègne par Rodolphe de Habs- l)ourg, et dorénavant appuyée principalement sur la puissance patrimoniale des empereurs, fut maintenue comme clef de voûte de Tédifice complexe que formaient les nombreux membres de Tcmpirc.

La nouvelle organisation politique de TAllemagne , qui se consolida du treizième au quinzième siècle sous les règnes trop souvent anarchiques des premiers Habsbourg, de Louis le Ba- varois et des empereurs de la maison de Luxembourg, fut donc dès le début et devint de plus en plus essentiellement aristocra- tique ; Tcmpereur était primé par l'empire, et cet empire se com- posait avant tout des princes ecclésiastiques et laïques , archevê- ques, évoques et abbés d'une part, ducs, margraves, landgraves et comtes de l'autre. Aux diètes qui le représentaient, les villes libres et impériales, qui avaient réussi à se maintenir comme co^ porations autonomes, ne furent admises que comme un coU^ inférieur; la noblesse immédiate d'empire et les quelques can- tons de paysans libres qui avaient résisté à l'absorption prindère et qui continuaient à voir dans l'empereur leur unique souverain et maître, n'y pénétrèrent même jamais. Par contre, dans le sein mémo de cotte aristocratie princière se développa, conune collège particulier à la diète et comme conseil forcé du souve- rain, une espèce de directoire oligarchique, qui, de son droit exclusif à élire l'empereur, prit le nom de collège électoral. Dès les premières élections royales en Germanie, les principaux dn gnitaires de l'église nationale, les ducs et les plus puissants parmi les feudataires laïques avaient exercé un certiiin droit de pfé- taxation ou de désignation préalable ; puis, dans la premièremoi- tié du treizième siècle, sous l'influence probablement du sainl- siége, rélci'tion définitive aussi fut dévolue à ces électeurs pri^i"

légiés, et leur nombre fixé au chiflre sacramentel de sept, qo»

i

DES ÉTATS DB l'eUROPE CENTRALE. 257

est énoncé pour la première fois dans le Sachsenspiegel ou droit coutumier saxon, et que, lors de Télection de Rodolphe de Habs- bourg, en 1273, on admettait déjà comme un axiome de droit public. Mais si le chiffre des voix électorales n'a pas varié , il n'en est pas de même pour la désignation des princes qui de- vaient les posséder. Le droit au vote des trois archevêques rhé- nans ne fut, il est vrai, jamais contesté ; mais, quant aux quatre voix laïques qu on met, assez arbitrairement, en rapport, soit avec les anciens duchés nationaux, soit avec les offices de la couronne, elles soulevèrent bien des compétitions, que motivè- rent et entretinrent surtout les élections doubles du treizième et du quatorzième siècle, oîi chaque parti tâchait à Tenvi de grossir le nombre de ses voix. Ainsi les ducs de Bavière et les rois de Bohème se disputaient un seul et même vote , et pour les trois autres, qu'un usage constant avait définitivement attribués à des familles déterminées, il y avait doute si le privilège appar- tenait au plus âgé ou à Taîné de la race, s^l était collectif ou individuel. Ce ne fut que la fameuse bulle dor de Tan 1356 qui trancha toutes ces difficultés , en même temps qu'elle libella les prérogatives du corps électoral. Rédigée par Charles IV et ses partisans, elle débouta la maison de Bavière au profit de la cou- ronne de Bohême, qu'il portait lui-même, et, en outre, elle dé- cida que la voix électorale, fixée sur une terre électorale déter- nùnée, serait indivisible et transmise selon Tordre de primogé- ttiture. Le collège électoral fut ainsi définitivement composé des trois archevêques de Mayence, de Trêves et de Cologne, du roi de Bohême , du comte palatin du Rhin , du duc de Saxe et du margrave de Brandebourg; à chacun de ses sept membres fut invariablement attribué un des sept grands offices de la cou- ronne, à savoir, aux trois prélats les dignités d'archichancelier (crchicancellarius f Reichserzkanzler) en Germanie, en Arélat «t en Italie, aux quatre princes laïques celles d'archiéchanson (orchipincemay Erzschenk)^ d'archiécuyer-tranchant {dapifer^ J'Tuchsess) , d'archimaréchal {archimarescalcus, Ersmarschall) et d'archichambellan {archicameraritiSj Erzkaemmerer)\ en- ^ble ils furent, selon le langage symbolique de Tépoque, les

258 lllStOltlÊ: fo£ roHMATloN TËkRlTORlALk

sept flambeaux de l'empire, les sept colonnes du temple, et leurs lettres de consentement ( Willebriefe) furent réputées néces- saires pour tous les actes importants du pouvoir impérial.

Au point de vue territorial également, l'élément aristocra- tique, princier, prévalut de plus en plus dans l'empire pendant les derniers siècles du moyen âge; les villes libres, les terri- toires de la noblesse immédiate , les cantons de paysans auto- nomes ne formaient plus que des enclaves de plus en plus insi- gnifiantes des territoires des princes ecclésiastiques et laïques; mais tandis qu'en diète, dans le collège des électeurs comme dans celui des princes , les membres de la hiérarchie ecclésias- tique occupaient le rang d'honneur, leurs états ne pouvaient se mesurer avec ceux des maisons princières, ni comme étendue et comme population , ni comme richesse et comme puissance. Nous ne tenterons même pas de faire un essai de statistique du corps germanique au milieu du quinzième siècle; constatons seulement à cet égard les faits les plus essentiels. Ainsi que nous venons de le dire, la majeure partie du territoire de Tem- pire était partagée entre les dynasties princières, lesquelles, très-nombreuses par elles-mêmes, se divisaient de plus presque toutes en plusieurs branches co-régnantes. Parmi elles s'éle- vaient déjà, avec des possessions territoriales plus ou moins étendues, les maisons souveraines de l'Allemagne contempo- raine. En première ligne venaient les Habsbourg, maîtres de toutes les provinces sud-est de l'empire, et qui, quoiqu'on leur qualité de ducs d'Autriche ils ne siégeassent que dans le col- lège des princes, reprenaient à ce moment môme à titre presque héréditaire la couronne impériale décernée par les électeurs. Comme eux régnaient en pays anciennement slave, jadis con- quis et colonisé, et, par suite, moins morcelé et mieux plié à l'obéissance, les Hohenzollern du Brandebourg et les Wettin de la Saxe, alors encore égaux en puissance, tandis que dans les contrées de vieille souche germanique le premier rang était tenu par les Wittelsbach tant bavarois que palatins et par les Welfs du Brunswick et du Lunebourg. Les dynasties d'Olden- bourg-Holstein et de Mecklembourg, de Wurtemberg et de

1>E5 ÈTAT9 BB l'kdSOPE CKNTtlALC. SSl)

p de Bade et de Nassau, pour ne nommer que les plus 5 parmi W maisons priiicières modernes, se plaçaient h plusieurs degrés plus bas. Knfin mentionnons encore les états ou terpîloires, alnrs plus ou moins importants, et ins les deux siècles suivants, cessèrent de former des états lliers : c'est avant tout le royaume de Bohême avec ses s annexes; puis la Poniéranic, le long de la Baltique, r le bas Rhin, les pays de Glèves, Juliers et Berg.

( nombreuses, et on général plus exiguës, étaient les wutés ecclésiastiques. Nous indiquerons tout à l'heure les Dportantes d'entre elles; mais auparavant profitons de ion qui s'offre à noa'ï, pour présenter dans son ensemble don ecclésiastique de l'Allemagne, tellequ'elle existait h la moyen âge et à la veille de la Réforme. Au milieu du qtiin- sîècle ta Germanie comptait sept églises métropolitaines, ec, Trêves, Cologne, Brème, Magdebourg, Salzbourget 9, auxquelles, & la rigueur, on pourrait ajouter celle de |on, paisque, comme nous l'avons dit, la partie seplen- é de l'ancien royaume d'Arles était restée jusqu'à un cer- )int annexée îi l'empire. De ces sept provinces ecclésias- , cdle de Mayence, métropole primnliale de la Germanie, i beaucoup la plus vaste, car elle s'étendait des sources du L la basse Elbe, et comprenait, même en ne pas tenant tdu siège exempt de Bamberg, les douze diocèses suITra- ~s Coiro, Gonslanee, Strasbourg, Spire, Worms, Puder- BUdeâheim, Verden, Halbcrstadt, Wurzbourg, Eicbstaedt Ûiourg. A l'ouest, les deux métropoles de Trêves et de Co buvraicnl, l'une les pays de la Moselle et de la Lahn infé- l'autrc ceux du bas Rhin et de l'Ems, et comptaient, la PC trois, la seconde cinq sièges subordonnés, h Metz, Toul lun d'une part, k Liège, Utrecht, Munster, Osnabruck et t de l'autre. La province de Brème, avec ses trois évéchés ftntâ de Lubeck,RatzebourgetSchwérin, auxquels nous S ajouter l'évCché exempt de Gammin, longeait les deux ^tcntrîonales. Au nord-est, l'église métropolitaine de Mui^ comprenait, par ellc-miïuie et par ses cinq diocèse?

260 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRnORIÀLE

suSragants de Mersebourg, Naumbourg, Mcissen, Brande bourg et Havelberg, la région de la moyenne Elbe. Au sud-est ta province de Salzbourg correspondait aux pays du moyen Da nube et des Alpes orientales et renfermait, en dehors des petit évêchés de Gurk, Chiemsée, Seccau et Saint-André de Lavaut les quatre grands évèchés de Brixen, Frisingue, Ratisbonnee Passau y sur la vaste circonscription du dernier desquels allai! être découpé, avant la fin du quinzième siècle, le nouveau dio- cèse de Vienne en Autriche. Enfin la métropole de Prague, qui n'avait été érigée qu'en 1344 aux dépens de Mayence, compre- nait la Bohème et la Moravie , et avait Olmutz pour principal siège suffragant. Pour compléter Ténumération des diocèses, qui, au milieu du quinzième siècle, peuvent être considérés comme allemands, il ne nous reste à citer que Cambrai dans la province de Reims, Bàle et Lausanne dans celle de BesaD{OD, Genève et Sion dans celles de Vienne sur le Rhône et de Moa- tiers en Tarantaise, Trente et Trîeste dans le patriarcat d'Aqui- Ice, et Breslau et Liébus dans la province de Gnesen.

Les archevêchés et évêchés dont on vient de lire la longue liste couvraient, en tant que circonscriptions ecclésiastiques, le territoire de la Germanie entière ; en tant que principautés épis- copales, ils n'en occupaient qu'une médiocre partie. Tous les sièges épiscopaux, il est vrai, si l'on fait abstraction de quel* ques-uns de ceux qui avaient été créés en pays slave, et de plus un certain nombre d'abbayes privilégiées, conféraient à leurs titulaires le rang de princes d'empire, grâce aux possessions des saints patrons de leurs églises, sur lesquelles ils avaient la supé- riorité territoriale ou quasi-souveraineté ; mais la plupart d'entre ces principautés ecclésiastiques étaient de dimensions fort res- treintes ; quelques-unes seulement comprenaient des territoires d'une plus vaste étendue. Parmi les abbés les plus puissants, il faut citer ceux de Fulde , de Corvcy, de Hersfeld et de Saint- Gall, dont le dernier d'ailleurs était sur le point de se séparer de l'empire avec ses alliés des ligues suisses; les évoques les plus riches en terres étaient ceux de Liège, de Munster, de Wun- bourg et de Bamberg ; tous les métrop^itains , à lexception de

ni:'! ÉTATS DE l'rUBOPE CEHTBALK. «fil

i (le Prague, ou, en d'nutrcs mots, les six arclievtquc:^ lie Mayence, Trêves, Cologne, Brfimc, Magdebourg et Salzbourg vuieiit souveraias de territoires considérables. Deux prélats portuieiit mCmG le titre ducal : l'arclievCque de Cologne préten- ait nududié à la fois en AVestphatie et eu Lorraine, et l'évOque Je Wurzbourg, dont les possessions s'étendaient sur une portion nnlable de la Franconie orientale, s'intitulait due de ce pays.

il y avait donc au moins quelques-uns de ces princes mitres qui [jouvaient rivaliser, pour l'étendue et l'importance de leurs do- maines, avec les princes laïques du second rang ; aucune des vUIes libres et impériales, fort nombreuses surtout dans les contrées ài Rhin et du Danube supérieur, ne pouvait avoir cette préten- tion : leurs territoires finissaient en général aux limites de leurs banlieues, auxquelles quelques-unes seulement ajoutaient la pos- session de quelques bailliages. A la tôte des cités libres d'origine épiscopale raarcbaient Ralisbonnc, Bûle, Strasbourg, Spire, Wnrms, Cologne, et, jusqu'à leur asservissement dans le cou- niil du quinzième siècle encore, Mayence et Magdebourg; rrancrorl-sur-le-Mein, Nuremberg, Ulra et Lubcck tenaient le premier rang parmi les municipes autrefois royau\ ; Augsbourg ivirlicipait t la nature des deux espèces de villes. Quant aux liiens parcellaires de la noblesse immédiate et aux rares cantons iIp paysans libres, ils ne formaient également que des exceptions peu considérables. Les premiers n'existaient guère qu'en Sïuabc et en Franconie, l'Allemagne la plus allemande de la Bii ilu moyen Age; les autres n'avaient de l'importance que ians les montagnes alpestres de la Suisse, dont les habitants liaient déjà h demi détachés de l'empire, et dans les pays de lipios des basses terres frisonnes, l'autorité princlùre n'avait Wi encore réussi k s'établir sur les ruines de la vieille auto-

iwnie républicaine.

CHAPITRE IV

Le saint empire romain de nation sermaniciue pendant

les temps modernes.

Le moyen âge léguait aux temps modernes un empire d'Alle- magne fort vaste encore, mais sans solidarité nationale réelle, sans organisation politique arrêtée. L'empereur, chef nominal de la communauté, n'avait de pouvoir effectif que celui que lui donnaient ses états patrimoniaux ; la diète , les principaux états de l'empire se réunissaient pour délibérer sur les affaires du royaume , était un rouage incommode et d'habitude ineffi- cace; rois, princes, prélats, comtes, seigneurs, bourgeois et paysans poursuivaient exclusivement leurs intérêts particuliers, le plus souvent opposés à ceux des autres classes de la société, et ne reconnaissaient tous ensemble, comme argument décisif, que celui de la force brutale ; vers la fin du quinzième siècle en- core, après une anarchie chronique de deux ou trois cents ans, le vrai droit public de l'empire était le droit du plus fort, ou, pour nous servir de l'énergique expression allemande, le droi^ du poing {Faustrecht).

Ce fut alors que, sous l'inspiration principalement de l'arche- vêque de Mayence Berthold de Henneberg, primat de Germanie et directeur du collège électoral, le roi des Romains, puis em- pereur Maximilien I" s'efforça de mettre fin à l'impuissance trop constatée de la nation allemande , en prêtant les mains à une réorganisation de l'empire, opérée en diète, avec le con- cours commun de tous les états. Son père, l'empereur Frédé- ric III, à quelque dures extrémités qu'il eût été parfois réduit, n'avait jamais voulu renoncer aux vieilles prérogatives de X^^"

liTIOlT TEBBITOnULE DES I^ITATH DE tT

royolo, et rj[iioiqiie depuis des sîfecles elles eussent perdu (leur pralique, il avait préféré \ oir se perpétuer le désordre flue de compromettre par des concessions formelles le je monarchique; plus impatient et plus léger que lui, Maxi- , alors qu'il n'était que l'héritier élu de la couronne ger- (e, accepta le fait accompli de l'autonoraie des membres Spire, en se consolant par la réflexion ironique que u si fcs rois avaient des sujets, lui il gouvernerait des rois ; » près la mort de son père, 11 travailla, avec tout le sérieux était capable, à la nouvelle constitution, beaucoup plus ive que monarchique. Des diètes successives proclamè- paix publique perpétuelle {ewitje Landfriede), destinée re fin aux guerres féodales et aux brigandages nobles, ttdaus la chambre impériale [Reichskammergerkht) un ■(judiciaire commun', par la régence d'empire (Reichs- ]U) nu pouvoir exécutif central, par le denier commun fc Pfmni'j) un impôt universel , et donnèrent au nouvel p choses politique sa base territoriale par la division de e en dix cercles {Kreise). Mais l'autorité territoriale des avait déjà jeté des racines trop profondes; ils s'étaient piiliarisés avec l'idée de leur quasi-souveraineté pour l'accommodassent de l'obéissance envers un gouverne- enlml, ce gouvernement fùt-il en majorité choisi par toes dans leur propre sein. La régence d'empire et le Ipommun échouèrent complètement; la paix publique et Ibre impériale n'eurent de prise que sur les membres de trop faibles pour s'y soustraire; les intérêts politiques, bientôt aussi religieux de la communauté continui- débattus, soit en diète, soit par la diplomatie et les bnlre les princes prépondérants, autour desquels se grou- fas états moins puissants. Quant à la division en cercles, jamais joué qu'un rôle tout h. fait insignifiant au point JDlitique et administratif; néanmoins, comme elle a donné a commencement du dix-neuvième siècle la division géo- usuelle du suint-empire, nous allons noiis y arrêter

tae usuelle du

264 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Les tentatives faites pour substituer à rancienne division du royaume selon les duchés nationaux, complètement tombée en désuétude avec la disparition de ces duchés eux-mêmes, une nouvelle division en cercles, plus ou moins calquée sur la pré- cédente, remontent jusqu'à la fin du quatorzième siècle. La question , souvent agitée pendant tout le cours du quinzième siècle, aboutit enfin en Tannée 1500, la diète d'Âugsbourg, principalement en vue du maintien de la paix publique, créa les six cercles de Bavière, de Franconie, de Saxe, du Rhin, de Souabe et de Westphalie-Rhin inférieur. A ce moment l'empe- reur et les électeurs ne jugeaient pas encore à propos de faire entrer leurs territoires respectifs dans la nouvelle circonscrip- tion ; ils le firent en 1512, la diète de Cologne ajouta aux six cordes primitifs, dont le troisième s'appela dorénavant la Basse- Saxe, le quatrième le Haut- Rhin et le sixième la Westphalie tout court, les quatre nouveaux cercles d'Autriche, de Bourgogne, du Rhin électoral ou Bas-Rhin et de Saxe électorale ou Haute- Saxe ; cette division en dix cercles reçut ensuite sa consécration définitive aux diètes de Worms et de Nuremberg des années 1521 et 1522. Le singulier enchevêtrement topographique des cercles les uns dans les autres, qui était remarquable surtout entre ceux du Haut-Rhin, de Westphalie et du Rhin électoral, puis entre ceux du Haut-Rhin, de Souabe et d'Autriche, s'ex- plique par l'histoire de leur création successive ; une autre ano- malie plus étonnante encore, c'est que, dans la nouvelle divi- sion, ne furent pas compris, non-seulement toute une série d*abbayes, de comtés, de seigneuries, de paysanneries qui ap- partenaient immédiatement à l'empire, mais même l'ensemble des territoires de la noblesse immédiate, et des provinces entières qui faisaient partie de l'empire ou qu'on comptait du moins d'ha- bitude avec lui. Les petits territoires immédiats qui manquent sur les listes officielles des cercles furent probablement tout sim- plement oubliés ; quant aux pays, en partie fort considérables, qu'on y cherche en vain, on n'a qu'à se rappeler leur provenance historique ou leur situation politique particulière pour se rendre compte de leur prétention. Ainsi l'ordre teuton ique, dont les

DES ÉTATS De l'euhopr ckntralk.

ans

odes conqu6lcs de la lîailiqiie n'avaient d'ailleurs jamais été annexées politiquement fi l'Allemagne, était vassal de la cou- roaue de Pologne jiom' les territoires prussiens qui lui restaient; confédération helvétique venait de prouver, par la guerre de Soaabe, qu'elle entendait garder son autonomie complète; la Savoie, la Franche-Comté et Moatbéliard étaient du royaume d'Aries et non de celui de Germanie ; le duché de Lorraine et bévéchés lorrains se tenaient à part depuis longtemps; la cou- ruiinc de Bohème, portée depuis la lin du quinzième siècle par tlis princes polonais, en faisait momentanément autant. L'omis- siou (les territoires de la noblesse immédiate d'empire s'explique ]iar une autre raison : fidèle h ses traditions féodales, l'ordre Équestre, qui ne voulait dépendre que de l'empereur seul, no tint pas à entrer dans de nouvelles relations avec les princes voi- sins, ses adversaires naturels, ot ceux-ci ne pouvaient voir avec déplaisir une exemption qui était do nature h. faciliter leurs usur- pations futures.

A tous les germes de dissolution que nous avons précédem- tiieot constatés dans l'empire germanique , la Réforme du sei- îifene siècle vint ajouter un nouveau Ferment de désunion. Au lieu de se faire, comme on avait pu l'espérer d'abord, dans et pu l'empire entier, elle fut abandonnée au libre arbitre des fiais jKirticuliers; or, tandis que l'Allemagne du nord presque PMière, avec quelques princes du sud et la majeure partie des lillei libres , se déclara pour les nouvelles doctrines , le catholi- cisme se maintint victorieusement au sud et à l'ouest, par l'al- liance de l'Autriche, de la Bavière et des princes ecclésiastiques. btnx groupes hostiles , trois même si l'un lient compte de l'an- lîpathie respective des Luthériens et des Calvinistes, se parta- fefiredtdès lors les états de l'empire, se mesurèrent plus d'une fois '«armes h la main, et restèrent opposés les uns au.v autres dans Ifur politique et dans leurs alliances, même après la conclusion ^f^ la paix de We^tphalie. qui, en 1648 seulement, mit fin "w guerres de religîou en Allemagne. Un autre résultat poli- i Réformation, presque aussi considérable que celle 1 corps germanique en un corps catholique et un

Jm de la Réf< ■Etna du cor

266 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

corps évangélique , fut la prépondérance de plus en plus mar- quée des princes laïques sur les autres membres de Ferapire. Dès la première prédication du protestantisme , les princes qui s'y rallièrent, non contents de séculariser les biens ecclésiasti- ques de leurs états patrimoniaux , avaient commencé à donoer aux principautés ecclésiastiques de l'Allemagne septentrionale des administrateurs choisis parmi les membres cadets de i^irs dynasties, mesure préparatoire à leur sécularisation future; les villes libres, de plus en plus entourées et étreintes par des terri- toires princiers de plus en plus étendus et compactes , ne sau- vaient plus qu'à grand'peine une autonomie illusoire, et la théo- rie de la clôture des territoires, du territorium clausum des ju- risconsultes , en vertu de laquelle et d'après la formule a qwér quid est in terriiorio, etiam est de territorio » il n'y avait pas d'exception à la souveraineté du prince dans les limites de son territoire patrimonial, après avoir été appliquée dès la fin du quinzième siècle par les ducs de Bavière à la noblesse de leurs états, restait suspendue comme une menace perpétuelle sur la tête de la noblesse immédiate tout entière. Cependant, à deux reprises, sous Charles-Quint et sous Ferdinand II, la maison de Habsbourg essaya, à la faveur des guerres de religion et en s'ap- puyant sur sa puissance domestique, d'opérer en Allemagne une réaction monarchique; mais les deux fois la tentative, d'abord couronnée de succès, échoua contre la résistance des princes al- lemands, soutenus par la France. Charles-Quint, vainqueur à Muhlberg (1547) des confédérés de Smalcalde, grâce à ses soldats espagnols et italiens, parut à la diète d'Augsbourg, qu'il tint l'hiver suivant, assez disposé à suivre l'avis du duc d'Albe, qui lui conseillait de faire des princes ecclésiastiques et laïques du saint-empire des chapelains et des grands d'Es- pagne; de son droit césarien il destitua l'électeur Jean-Frédéric de Saxe, retint prisonnier le landgrave Philippe de Hesse, trancha par V Intérim ou Provisoire d*Augsbourg la question religieuse :]mais son allié du moment, le nouvel électeur de Saxe, Maurice, ne tarda pas à se rappeler qu'il était luthé- rien et souverain; il signa, à Friedwald et à Ghambord,

DES ÉTATS HE l'eUBOPI! CENTRALK. 267

! traités avec notre roi Henri 11, cl, avec le concours de t champioji de la liberté f/ermanique et des princes captifs , l'dicta au vieil empereur la transaclion de Passau (1552), i mit k néant tous ses projets politiques et religieux. Quatre- bgts ans plus tard, dans la première moitié de la guerre \ trente ans , après les batailles de Dessau et de Lutter lâ6), Wallenslein, à la t£te de son armée de mercenaires, uiresta à son tour l'intention d'établir un empereur uni- , comme la France et l'Espugrie avaient un seul roi; les «es impériales inondèrent la basse Allemagne, tinrent la maio & la confiscation de plusieurs duchés et principautés laï- ques, commencèrent h. exécuter Védit de restitution de 1629, qui mettait à la disposition de l'empereur toutes les principau- ecclésiastiques du nord : mais la politique de Richelieu réu- nit à la diète de Ratîsbonnc (1630) tous les princes allemands, tant uitlioliques que protestants, en une opposition commune iw velléités absolutistes de Ferdiauid 11, Qt reinoyer Wal- Idistcin au moment même oii Gustave-Adolphe débarquait en Kiméranie, engagea la France elle-même dans la guerre quand les forces de la Suède vinrent à faiblir ; et les traités de West- pholie mirent fin pour toujours aux tentatives de restaurer le pouvoir monarchique eu .\]lemagne, en inscrivant dans le droit [ imbUc européen la quasi -souveraineté ou supériorité territoriale ^ r territoriale f Jus superioritalis , Landeshoheil) des états Rpiré.

i traités de Westphalie, signés ii Munster avec la France h Osnabruck avec la Suéde (24 octobre 1618), eurent une lortance tout à fait exceptionnelle pour l'Allemagne, tant au bt de vue de sa constitution qu'à celui de ses frontières. Us olèrent détinitivement, comme nous venons de l'indiquer, I rite de l'empereur en sa qualité de roi de Germanie; ils l iliroencèrent à faire disparaître un des éléments constitutifs ! du saint-empire en prononçant la sécularisation des princi- paulés ecclésiastiques du nord; ils légalisèrent l'intervention

Êr et ses alliances dans l'empire ; ils ratifièrent enfin ■rie d'actes, anciens ou récents, qui avaient succès-

268 UI8T0IRE DE FORMATION TERRITORIALE

sivement dépouillé TAllemagne d'une partie de ses provinces au sud-ouest et au couchant. G*est par eux en effet que la Suisse, qui déjà lors de la formation des cercles s'était tenue à l'écart, et la partie septentrionale du cercle de Bourgogne, en d'autres termes la république des sept provinces unies des Pays-Bas, abjurèrent toute communion politique avec rAUemagne; par eux aussi que furent cédées à la France une partie de la Lor- raine et l'Alsace presque entière. La première de ces cessions ne faisait que régulariser une usurpation séculaire ; en effet, les trois évêchés et villes de Metz, Toul et Verdun, lesquels étaient français de langue et tentaient depuis longtemps l'ambition de nos rois, avaient été offerts à Henri II par les princes protes- tants ligués contre Charles-Quint, pour acheter son concours pécuniaire et le décider à une diversion utile à leur cause; le fils de François I*' s'était hâté d'obtempérer au désir exprimé parjeux de le voir s'impatroniser au plus tôt dans ces villes d em- pire qui n* étaient pas de langue germanique (1552j, et avait même tenté, sans succès il est vrai, d'y ajouter Strasbourg, qui en était indubitablement ; puis il avait repoussé l'attaque furieuse de Charles-Quint contre Metz et était resté, sans cession fo^ melle, en possession des trois évôchés, que l'empire n'avait plus essayé de reconquérir, et qu'il abandonnait maintenant en droit aussi. Quant à l'Alsace, qui elle était presque entièrement de langue allemande, elle était occupée en majeure partie par des garnisons françaises depuis qu'à la mort du duc Bernard de Saxe- Weimar, qui en avaitfait la conquête sur les troupes^impériales, Richelieu avait acheté ses généraux et son armée (1639); la paix de Westphalie abandonna à Louis XIV toutes les possessions et tous les droits qu'y avaient l'empereur et la maison d'Autriche, dans des termes assez élastiques pour que le roi pût soumettre plus tard à son autorité absolue le pays entier, bien que la ces- sion formelle ne comprît que l'Alsace autrichienne, c'est-à-dire les landgraviats de Haute et Basse-Alsace, le comté de Ferrette, la viHe de Brisach et l'avouerie de Basse-Alsace ou préfecture de Haguenau. Il avait été question d'abord de conférer l'Alsace au roi de France au même titre auquel la couronne de Suède pri^

DES ETATS DE L EUBOPE CENTIILE.

méranie cîtéricure, Rugen, Wismar, Brëme et Verden,

i-dire comme fief d'empire ; mais des deux côtés on préféra i

cession en toute propriété, l'empereur se défiant d'un

;l trop puis:iant, et Mazarin sachant fort bien que le protec-

it de la liberté germanique, stipulé en faveur de la France et

le la Suède en leur qualité de garantes de la paix, assurait plus

|iie sufQsamment à son maître le droit d'intervenir dans les

ires allemandes. \'oilà pour les nouvelles frontières données

ipire; à l'intérieur la sécularisation de la majeure partie

principautés ecclésiastiques de la basse Allemagne fit dispa-

} définitivement de ta liste des princes allemands, malgré 1

rotestations du saint-siége, les deux archevêques de Brf mo

Magdebourg et les neuf évoques de Halzebourg, Sch«é-

Cammin, Mersebourg, Naumhourg, Meissen, Verden,

berstadt et Minden, plus l'abbé de Hersfeld et quelques-uns

es confrères moins puissants, dont les états furent assignés

[uise d'indemnités à la Ruëde et aux maisons princières de

ttdebourg, de Saxe, de Mecklerabourg, de Hesse et de

Dsvick. D'autre part, les derniers liens qui rattachaient

e eux les dilTércnts membres de l'empire furent sinon dis-

I, du moins fort relâchés : chaque état, dorénavant investi

ift quasi -souveraineté sous la garantie expresse de l'Europe,

idcielleraont autorisé à contracter des alliances particulières

avec d'autres états allemands qu'avec l'étranger; la com-

^nce de la diète, qu'on avait jusque-là toujours réservée, en

lièoriedu moins, fut annulée, pour tout ce qui touchait aux

lires religieuses, pur le veto accordé au corps évangéliqnc,

ipuis les traités de Weslphalie jusqu'à l'époque napolOo-

le, c'est-à-dire pendant un siècle et demi, le saint-cmpir»

, qui au dire de Voltaire n'était ni saint, ni romain, ni

un empire, traîna une misérable agonie, trop souvent

le ridicule par le pédantisme germanique. Il y avait lou-i 1

un empereur, et cet empereur, malgré les proportions de* I

auxquelles était réduit son pouvoir impérial, continuait

à exercer une influence très-récIle dans l'empire, tant

que. en sa qualité de chef de la maison de Habs^bourg-

270 ûiSTOtRE DB tA FoRMÀTlOiï TÈRldTOtdAtë

Autriche, il était le souverain de beaucoup le plus puissant de rAllemagtie, que parce que les membres les plus faibles de la communauté, noblesse d'empire, villes libres, princes ecclésias- tiques, se groupaient habituellement autour de lui, comme au- tour d'un protecteur contre leurs voisins princiers ; mais le lien politique et national, qui réunissait les difTérentes parties de Terapire ou, pour employer la nouvelle terminologie officielle, les différents membres du corps germanique^ allait s'affaiblissant sans cesse, et les institutions communes encore existantes n'a- vaient presque plus aucune portée. La chambre impériale, qui depuis 1691 siégeait à Wetzlar, et le conseil aulique de Vienne, auquel ressortissaient les affaires réservées à l'empereur, n'ar- rivaient que rarement à conclure dans les interminables procès engagés devant eux, et quand ils y réussissaient par hasard, ils n'avaient pas les moyens de faire exécuter leurs sentences, pour peu qu'elles fussent désagréables à quelque prince puissant. La diète, devenue perpétuelle à Ratisbonne depuis l'année 1663, s'était changée en une conférence de diplomates où, à côté des plénipotentiaires impériaux , figuraient les représentants de quatre ou cinq tètes couronnées, les rois de Danemark étant d'empire comme ducs de Holstein, ceux de Suède comme ducs de Poméranic, et les trois électeurs de Saxe, de Brandebourg et de Brunswick-Hanovre étant devenus successivement rois électifs ou héréditaires de Pologne, de Prusse et d'Angleterre. Chaque état de quelque importance suivait sa politique particu- lière; la maison d'Autriche avait souvent des intérêts étrangers, quelquefois des intérêts opposés à ceux de TAllemagne; et en face d'elle Frédéric II commença dès ses débuts à grouper au- tour de la Prusse une opposition systématique, recrutée princi- palemfHit dans l'Allemagne protestante du nord, mais qui à la fin de son règne réussit à englober momentanément la majorité des grands états germaniques, quand les projets ambitieux de Joseph II lui permirent de former, sous prétexte de sauvegarder la constitution de l'empire, le Furstenbund ou association des princes allemands (1783). Du moins la monarchie prussienne était-elle i)ar son vrai centre, le Brandebourg, une puissance

bte £TATE bB I. EUROPE CettTIULE.

4ït

.illiiTi/iulle; l'ingiîrance continuelle dans les alTaires intérieures rfp ["empire, dp la France et dp la Suède au dis-septième, de b France, de l'Angleterre et de la Russie au dix-liuitièrae siècle, n'avait même pas celte excuse : elle ruina à fond l'indépendance nalioiiale de l'Allemagne et lit de son sol, pendant plus d'un sitcle encore après la fin de la guerre de trente ans, le théAtrc |>riiicipal des grandes guerres européennes."

I:,i France surtout fut pendant les deu\ longs règnes de iiis XIV et de Louis XV un protecteur liautain et un dangc- "•ii\ voisin pour l'empire décrépit. Depuis la ligue du Rhin iuuciue entre Mazarin et quelques-uns des princes de l'Aile- ma^ne occidentale (1658), le cabinet de Versailles eut presque '"iiJDurs à sa solde une partie des petits souverains allemands, ' li'iir connivence lui permit d'humilier à plaisir l'empereur et

iii[)irc, tout en l'aidant à démanteler davantage encore les iritnlièrcs occidentales de l'Allemagne. L'acquisition par k France, aux traités des Pyrénées (I6.j9), d'Aix-la-Cliapdlc (1668) et de Nimégue (1678), d'une partie des Pays-Bas espa- ptiolâ et de la Franclie-Goratt; entière, ne dépouilla pas, il est *ni, bien sérieusement l'empire, auquel depuis longtemps ces pruïirces n'appartenaient plus que de nom ; mais il n'en fut pas lie mftme de l'incorporation îi la monnrcliic des Bourbons du faste de l'Alsace et du duché de Lorraine, bien que les princes W niunicipes alsaciens eussent été on réalité livrés à la France •injour nti l'empereur avait cédé au roi l'Alsace autrichienne, et fine de vieille date la Lorraine ne tint à remjiire que par des liens fort peu étroits : c'est qu'en assurant la domination fran- çaise sur la rive gauche du moyen Rliîn , la possession défini- livi^ et complète de ces deux provinces compromettait de la fa- çon la plus grave la sécurité de toute l'Allemagne rhénane. Ce fut dès les premières années de son règne personnel que LouisXIV *** préoccupa d'achever la soumission de l'Alsace, en y procla- miitil sa haute souveraineté exclusive, par une interprétation cap- tieuse des stipulations de Munster. Il exigea successivement le iraient de fidélité, pour leurs possessions alsaciennes, des évé- 'ini'^tlc Strasbour;^ etde Spire, des ducs de Wurtenibcrj;, der

272 HISTOIRE DE FORMATION TERRITORIALE

comtes de Hanau-Lichtenberg, des princes palatins et de la no- blesse immédiate de la Basse- Alsace, réduisit au rang de sim- ples sujets les habitants des dix petites villes impériales dcHa- guenau, Rosheim, Obernai, Landau, Wissembourg, Schlestadt, Gohnar, Kaysersberg, Turckheim et Munster, qui formaient la préfecture de Haguenau ou décapole alsacienne, et enfin força à capituler entre ses mains la grande ville libre de Strasbourg, Tantique boulevard de l'empire (1681). Plus tard, au traité de Ryswyk (1697), il restitua à T Allemagne un certain nombre de villes et de seigneuries, que des réunions arbitraires avaient éga- lement annexées à la France; mais Strasbourg et l'Alsace entière demeurèrent françaises. Quant au duché de Lorraine, l'empire n'en fut officiellement dépouillé que sous le règne de Louis XV; mais depuis des siècles ses souverains, qui, comme la majeure partie de leurs sujets, étaient de langue française, refusaient de paraître aux diètes et de reconnaître la chambre impériale, sauf à se réclamer de l'empire quand ils avaient besoin d'un secours contre les rois de France, leurs suzerains pour le duché de Bar; et à partir de l'époque de Richelieu deux occupations françaises, prolongées Tune de 1633 à 1661 , l'autre de 1670 à 1697, avaient été des acheminements à une annexion formelle. Occupée de nouveau au commencement de la guerre de succession de Polo- gne (1733), la Lorraine fut par les préliminaires de Vienne de 1735, que confirmèrent toute une série d'actes subséquents, assi- gnée à l'ancien roi de Pologne Stanislas Leczinski avec réversion à son gendre Louis XV, et ainsi se trouva définitivement con- sommée sa séparation d'avec l'Allemagne.

Ces empiétements territoriaux des rois de France sur la fron- tière sud-ouest de l'ancien royaume de Germanie se continuèrent, dans les dernières années du dix-huitième siècle, dans des pro- portions beaucoup plus considérables et avec une rapidité beau- coup plus grande, du fait de la république française; le Rhin, qui au moyen âge avait été l'artère centrale de l'Allemagne, en devint la limite extrême, que ne respecta même pas l'ambition démesurée de Napoléon I"; et du môme coup tomba corapléle- ment en ruines l'antique édiflce du saint*empire romain dena-

DES tTATS DR L'EUBOPE CKNTRAtE.

lion germanique, qui depuis longtemps était battu en brèche du ifhors et miné à l'intérieur jusque (ians ses derniers fondements. Hais avant que de passer à l'eiamen des ^ands mou^emeiita lerritoriam qui ontmarquii pour l'Europe centrale la fin du dix- lioitième et le commencement du di.\-neuvième siècle, il nous fsul exposer avec quelque détail quel était, dans ses complications étranges, l'état politique etgéographique de l'Allemagneh la veille du bouleversement général produit par la Révolution française; f'pst ainsi seulement que nous pourrons faire comprendre les modJûcations incessantes qui finalement ont abouti à un ordre lie choses tout nouveau.

Eu faisant abstraction de la Savoie et des pays italiens, qu'une Tieille habitude seule mettait encore dans les limites du saint- empire, mais en tenant compte de la Silèsie, bien que la Prusse prétendit en posséder sa part en toute souveraineté, l'empire ger- manique était en 1789 borné au nord par les deux mers et le Sclileswick danois, au couchant par la république des sept pro- vinces unies, la mer du Nord et la France, au sud par la confé- liérntion helvétique, la république de Venise et la mer Adriatique, au levant enfin par le royaume habsbourgeois de Hongrie et les pays polonais, en partie déjà annexés h l'Autriche et à la Prusse; calculs plus ou moins exacts du temps lui attribuaient une superficie de 12,000 lieues d'Allemagne carrées, soit 660,000 kilomètres carrés, et une population de vingt-huit à trente mil- iinns d'habitants. En théorie, il continuait à passer pour une monarchie, la premic^re môme en dignité, au dire des AUe- ■oaQds;par le fait, son nom ne désignait plus qu'une fédéra- lion extrêmement lAche, qui d'une multitude d'états souverains ou quasi-souverains avait la prétention de faire un seul et même j/È-, le corps germanique. Gesétats, dontrorigineellanature aient tout autant que la grandeur et la population, portaient itres les plus divers ; il y avait un royaume et un archiduche, % électorals et des duchés, des landgravials et des margruviatï^^ des comtés-princiers et des principautés, des C4im[és et de? bdgneuries, des archevêchés et des évCchés, des abbayes et ~~ I prévôtés, des villes libres et des villages d'onipire, des

.

274 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRIT01IULE

terres de noblesse immédiate et des ganerbinats; mais tous ensemble ils formaient ce qu'on appelait l'empire, en oppo- sition avec Tempereur. L'empereur, qui se titrait empereur romain élu, toujours auguste, roi de Germanie, qui seul avait droit à la qualification de majesté, et qui dans ses armoi- ries continuait à porter l'aigle noire à deux têtes en champ d'or, n'était plus guère que le président honoraire de la confé- dération : les capitulations impériales, dont la première avait été rédigée avant l'élection de Gharles-Quint, et qu'on avait de- puis lors rendues de plus en plus rigoureuses, avaient en effet réduit à fort peu de chose ses droits et ses prérogatives. D con- voquait la diète, ratifiait et expédiait ses receZj donnait l'investi- ture des fiefs et recevait l'hommage des villes impériales; en vertu de ses réservais, il pouvait élever à un rang supérieur de noblesse, conférer certains privilèges, nommer les conseillers de son conseil aulique et certains membres de la chambre impériale; comme protecteur des deux églises, catholique et protestante, il assistait par commissaires aux élections épiscopales et exerçait le droit des premières prières, c'est-à-dire qu'il nommait au pre- mier canonîcat devenu vacant dans chaque évôché à partir de son avènement ; enfin il avait comme revenu fixe la taxe sur les juifs de Francfort et de Worms et Timpôt annuel des villes im- périales, en tout, raconte-t-on, 13,884 florins et 32 kreuticr! Quant aux états et membres immédiats, dont l'ensemble consti- tuait l'empire, leurs droits variaient à l'infini, ainsi que leur puissance ; mais en général ils avaient tous siège et vote à la diète en vertu de la possession d'un territoire d'empire; généra- lement aussi ils figuraient dans un ou plusieurs des dix cercles. Sans doute il y avait des exceptions de tout genre : quelques prin- ces ou comtes siégeaient à la diète comme personalistest c'est- à-dire sans posséder de territoire immédiat, tandis que certains états immédiats, et spccialeraent la noblesse d'empire, n'y étaient pas représentés ; d'un antre côté il était resté en dehors de la di- vision par cercles des membres immédiats de l'empire, et cela tant parmi ceux qui paraissaient h la diète que parmi ceux qui en étaient exclis; néanmoins, la participation à la diète et l'iti-

M8 fiTATS DK L'EUSOFE CENTHAIE. !T8

tion dans un cercle étaient les deux grands signes cfiraclé- œques de Vimmédiati-té d'empire.

La diète, organe politique de l'empire, se composait de trois mllége?, inégaux en rang et en autorité, et dont chacun votait à part; cï'tnient, par ordre de dignité et de puissance, le collège ^Ipctoral, le colii^ge des princes et le collège des villes libres. *in trouvera au bas de la page la liste complète de leurs membres rpspectifs, telle qu'elle était olïïctelleraent lixée vers la fin du iii\-huitiènic siècle (I); l'analyse que nous allons en donner fera i comprendre, je l'espère, qu'une simple énumération, la isition complexe de ce sénat germanique.

A. Coiiésr éUctoi-al.

BllB;enc«. 3. Trâves. 3. Cologne, 4. Bohême. 5. Palatinat- ■"" - e. SEtxe. 7. Brandebourg. B. Hanovre.

B. Collège des prineti, a. Banc «ccl^ai oblique.

I Archevêque de Saixbourg. S. Arclievfique de Besançon.

Blud-maltre teutonique. 4. t:vËque de Bamlierg:. B. Ëvâque

fcVnrabourg. a. Kvèque de Worma. ^. Évfique d'Eichstaedt.

*. Ereque de Spire, 9. Kvftque de Strasbourg. 10. Évêque de

f'MiBtiiice. H. Evoque d'Augsbourg. 12, Êvêque de Hildeaheim.

- U. Evêque de Paderbom. U. Éveque de Frlaingue. 15, É»êque lie Ratisboone. 10. Évêque de Paaaau. 17. ÉvÉque de Trente. 1*. Krtque do Brixen. 19, Évoque de BSle. îu, Evfique de Liège. -!1, Évfique d'Oanabruek. îl. Evêque de Munster. 43. Évfique de Uibeck- 2t. Évêque de Coire. 25. Évêque de Fulde. 36. Abbé it Kfmptcn, 27. Prévût d'Ellwangen. 2». orand-prieur de Malt«. ~ii. Prévût de Bcrchtolsgaden. 30. Prévôt de WisBembourg. 3I. Abbé de Prum, a2. Abbé de Stavelo, —33. Évfique de Corvey, ~W, Banc de prélats sonabe. 35. Banc de prélats rhénan.

6. Banc talque. 36. Archiduc d'Autriche. 37. Duc de Bourgogne. 3fi. Duc de Bitifire. 39. Duc de Magdebourg, 4n. Comte palatin de Lautern.

- H. Comte palatin de Simmern, (2, Comte palatin de Neubourg. ~ U. Duc de Brfime. ^^. Comte palatin de Deux-Ponts. 15. Comte Mlatin de Veldenz. ke. Comte palatin de Laulcreck. (7, Duc ileSsie-Weimar.— («.DucdeSaxe-Eisenach.— 49, Duc de Saie-Coboorg. -Bfl. Duc de Snxe-Gotha. 51. Duc de Saxe-Altenbourg. s!. Mar- îilïe do Sriinde bourg- Cul mbach- Bai reuth. 5i. Margrave de Brande- f«nrff-0nolzbacli ou Anspaeb, S4. Duc de Bnmawiek-Celle. S6. Duc iJe Brunswlck-Orubenbagen. 58, Duc de Brunswick-Calenbtrg'. SI. Duc de Brunewick-Wolfenbuttel. 58. Prince de Halberstudt, % Duc de Porafiranie citérieure. 60. Duc de Poméranie ultérieure.

lI.Duo de Verden. €2, Duc de Mecklembourg-Schwértn. Gi. Duc BCklombourg-Ouatrow. 01. Duo de Wurtemberg. 63. Land-

5*4' E^T^cis:

Ifi ^Âj^ twxtrxil^ jUxé ^TGS k drodaiie de Mayenoe, ne ^jcnpCih qpie !e!2Îî sKsibr^.Ks trois êkitgms ccdèdastiqaes de ytsjtat^ TfHcs «C 0}feeoe. ec ks cinq ctodeors biqaes de BfÀÈ^ïïDe, PàbtaBaX-Bmèïï^^ Saxe, Brandfhomg ei Bmnswick- Loneboar^ oo Hawnrp. DaffêqiKstîoiipliisbaiit desseptéiec- t^^m? priiiiîtî& et de kms offices respectif; la paix de Westpha- iie (1IU8) aiah créé an bahièine électoral, a^ec la Doavelle di- fmiXé d*arcfahrésoner {arckuhesmmrmimj Erzsehaizmeister\ m fafear de la maîsoD palatine, dépouillée du sien par ses coosIds de BaTÎiredans le eoors de la guerre de trente ans; puis eo 1692 remperenr Léopoid I"* aTait élevé an rang d'âecteorkduc

çrnre de Hesse^îaaBd. ^ M. LuidgimTe de Hesse-Dannstadt. —67. Utr- ^^nre 6e Bade-Bade. cS. Margrare de Bade-Doriach. €9. litr- grmTe de Bade-Hochberi?. ^ 7t. Due de Holslem^liickstadt. 71. Due de Holfltein-Oattorp. 72. Due de Saxe-Laoenbourg. 73. Prince de Ifinden. 74. Doc de Saroîe. 73. Landgrare de Leuchtenberg. 7C. Princes d'Anhalt. 77. Comtes - princiers de Henneberg. - 78. Prince de Schwérin. 79. Prince de Cammin. 80. Prince de Ratzeboorg. ^ 81. Prince de Hersfeld. ^ 8?. Comtei>rincier de Mont- béliard. 83. Doc d'Aienberg. 84. Prince de H<riienzoUera. - 8S. Prince de Lobkowitz. 88. Prince de Salm. 87. Prince de Die* trichstein. 88. Prince de Nassan-Hadamar. 89. Prince de Nassan- f/illenbourg. 9f. Prince d'Anersperg. fl. Prince d'Ostfrise. - 92. Prince de Forstenberg. 93. Prince de Schwarzenberg. - 94. Prince de Liechtenstein. 96. Prince de Tour-et-Taxis. - 96. Prince de Schwarzbourg. 97. Collège des comtes de Soutbe.

98. Collège des comtes de WettèraTie. 99. Collège des comtes de Franc<xue. ^ 100. Collège des comtes de Westphalîe.

C. Collège des villes libres.

a* BaDC rbiiuB.

1. Cologne. 2. Aix-la-Chapelle. $. Lubeck. 4. Wonns. - 3. Spire. 6. Francfort-sur-le-Mein. 7. Goslar. 8. Brème. - 0. Hambourg. 10. Muhlhauscn. 11. Nordhaosen. 12. Dortmund.

13. Fricdberg. 14. Wetzlar.

6. Banc souabe.

15. Ratisbonne. 16. Augsbourg. 17. Nuremberg. 18. Ulm.^ 19. Esslingen. —20. Reutlingen. 2l.Noerdlingue. «2. Rothenburg.

23. Schwaebisch-Hall. 24. Rott^^eil. 25. Ueberlingen. 26.Hca- bronn. 27. Schwaebisch-Gmund. 28. Memmingen. 29. Lindau.^ :jo. Dinkclsbuhl. 31. Biberach. 32. Ravensburg. 83. Schwei»" flirt. 34. Kempten. 35. Windsheim. 36. Kaufbeuera. ^ M. Well. 38. Wangen. 39. Isny. 40. Pfullendorf. —41. Offen- hourg.— 42. Leutkirchen. 43. Wimpfen. 44. Weissenburg-im-NoT^' jçau. 46. Oiengen. 46. Oengenbach. 47. Zell. 48. Buchhorn. -^ 0. Aalen. 50. Buchau. 51. Bopflngen.

Bfefi tTATS DE I'ECROPE CENTBAIE, 577

lebourg-Hanovre, qu'après de longues négociations le col- lectoral admit dans son sein en 1 708 ; mais le nombre des brs, ainsi porlô à neuf, était retombé à huit lorsque, k l'ex- de la ligne bavaroise des Wîltelsbach, ja ligne palatine ccéda et réunit de nouveau en un seul les deux électorats xnaison (1777); en m?me temps l'office d'arcbitrésorier, ^aîs 1714 était exercé concurremment par les deux nou- ■èiecteurs, lïtail demeuré sans partage ii celui de Hanovre, (lut de vue religieux, les cinq premiers membres du collège rai étaient catholiques; les trois autres, Saxe, Brandebourg Dovrc étaient protestants, ou du moins réputés tels quant Ee, car les électeurs de Saxe avaient tenu à conserver leur ^tive de chefs du corps évangélique, malgré leur retour giron de l'église romaine.

second lieu venait le collège des princes, beaucoup plus

«eux que le collège électoral; on y comptait en effet, en

renaiit daus l'addition les votes de Besançon et de Savoie,

^Misaient depuis longtemps, quatre-vingt-quatorze voix vî-

fa individuelles et six voix curiaksou collectives. Ses mem-

jiarmi lesquels Salzbourg et Autriche exerçaient alterna-

*ot le directoire, se divisaient en deux bancs, le banc

désiastique et le banc laïque, occupés l'un par les prélats et

efs d'ordre, l'autre par les princes el comtes, de telle sorte cc-

iidant qu'Autriche et Bourgogne siégeassent, comme marque

I préséance, avec les princes ecclésiastiques. Le banc ecclésias-

[oeavait trente-trois voix viriles et deux voix curiales : les pre-

ières appartenaient aux deux archevêques de Salzbourg et de

(sançon, au grand-maître loulonique et au grand-prieur de

llte, ai« vingt-trois évêquesde Bamberg, Wurzbourg, Worms,

Kedt, Spire, Strasbourg, Constance, Augsbourg, Hildes- Paderborn, Frisingue, Ralisbonne , Passau , Trente. Bdle, Liège, Osnabruck, Munster, Lubeck, Goire, flde et Corvey, aux trois abbés-princiers de Kcmplen, Prum Stavelo, et aux trois prévôts-princters d'Eli'» angen , lîercli- l^den ctWissembourg; les deux dernières étaient exercées, ■m du banc de prélats souabe et du banc de prélats rhénan,

278 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

par leurs directeurs respectifs. Ces trente-cinq votes étaient presque tous catholiques , la paix de Westphalie ayant sécularisé à peu près toutes les principautés ecclésiastiques de rAllemagne protestante; cependant sur un banc transversal (Querbank) particulier s'asseyait Tévéque évangélique de Lubeck^ et aussi celui d'Osnabruck lorsque ce siège, alternativement occupé par un catholique et par un protestant, avait un administrat^ir luthérien; quant au banc de prélats rhénan, il était réputé catholique, quoiqu'il comptât parmi ses membres les abbesses protestantes de Quedlinbourg, Herford, Gernrode et Ganders- heim. Les voix du banc laïque étaient au nombre de soixante- cinq, dont soixante et une viriles et quatre curiales. Les soixanle et une voix viriles se partageaient fort inégalement entre vingt- cinq maisons princières, dont treize étaient appelées anciemus et douze nouvelles^ selon que la représentation en diète de leurs territoires ou leur introduction personnelle dans le collège étaient antérieures ou postérieures à Tannée 1382; parmi les maisons anciennes, Palatinat-Bavière et Brandebourg avaient huit votes, Brunswick sept, Saxe six, Mecklembourg quatre, Hesse et Bade trois, Autriche, Wurtemberg etHolstein deux. Suède, Savoie et Anhalt un seul; des douze maisons nouvelles d'Arenberg, HohenzoUern, Lobkowitz, Salm, Dietrichstein, Nassau, Auers- perg, Furstenberg, Schwarzenberg , Liechtenstein, Tour-et- Taxis et Schwarzbourg, celle de Nassau seule avait deux voL\, toutes les autres un vote unique. L'accumulation des votes entre les mains de certaines dynasties princières s'explique d'une part par le grand nombre de lignes régnantes qu'elles comptaient lors de la répartition primitive des suffrages, de l'autre par l'ac- quisition qu'elles avaient faite depuis lors de principautés laïques ou de principautés ecclésiastiques sécularisées ; mais il en résul- tait cette singulière disproportion, que la maison impériale de Habsbourg, dont les vastes territoires d'empire couvraient dès le commencement du seizième siècle deux cercles entiers, ^ était restée à ses deux voix d'Autriche et de Bourgogne, tandis que les électeurs de Brandebourg, de Hanovre et de Palatinat- Bavière disposaient chacun de six ou sept votes, sans même

DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 279

compter ceux qui revenaient aux branches cadettes de leurs maisons. Dans les quatre collèges des comtes de Souabe, de Wettéravie, de Franconie et de Westphalie, auxquels apparte- naient les quatre voix curiales, on remarquait des anomalies non moins singulières ; car il y figurait d'une part un certain Dombre de personalistes, et de l'autre, à raison de leurs terri- toires comtauXy des électeurs, des princes, des prélats et des libres-barons. Ajoutons que c'est parmi leurs membres qu'il tant chercher les aïeux des dynasties encore régnantes de Reuss, de Lippe et de Waldeck. Sous le rapport confessionnel, le banc laïque du collège des princes était en grande majorité protes- tant: vingt-deux votes seulement étaient catholiques, à savoir les huit voix de Palatinat-Bavière, les deux voix d'Autriche, les wix uniques de Savoie, Arenberg, Hohenzollern, Lobkowitz, Sakn, Dietrichstein, Auersperg, Furstenberg, Schwarzenberg, liechtenstein, Tour-et-Taxis, et la voix curiale du collège des omîtes de Souabe ; la voix du collège des comtes de Westphalie était alternante; les quarante-deux autres votes étaient évangé- liqaes.

Le troisième collège, enfin, celui des villes libres, ne jouait à la diète qu'un rôle subordonné , quoique , depuis la paix de Westphalie, il y eût voix délibérative et décisive, à l'égal des deux xîolléges supérieurs. Malgré les pertes nombreuses qu'il ayait subies, il comprenait encore cinquante et une républiques municipales, placées sous le directoire de la ville diétale de Ratisbonne et partagées entre deux bancs, le banc rhénan et le banc souabe, dont chacun votait à part. Les quatorze villes du banc rhénan étaient Cologne, Aix-la-Chapelle, Lubeck, Worms, Spire, Francfort-sur-le-Mein,Goslar, Brème, Hambourg, Muhl- hausen, Nordhausen, Dortmund, Friedberg et Wetzlar ; parmi les trente-sept membres du banc souabe, les quatre premiers seulement, Ratisbonne, Augsbourg, Nuremberg et Ulm, avaient de l'importance ; nous renvoyons à la note pour les noms des trente-trois autres. La confession religieuse prédominante dans le troisième collège était le protestantisme ; en vertu des stipu- lations de 1648, qui avaient fixé comme année normale^ à cet

280 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

égard, Tan 1624, treize villes libres seulement comptaient comme catholiques, à savoir : Cologne, Aix-la-Chapelle, Rott- weil, Ueberlingen, Sch waebisch-Gmund, WeiI,Wangen, Pfullen- dorf, OSenbourg, Gengenbach, Zell, Buchhorn et Buchau ; les cinq villes d'Augsbourg, Dinkelsbuhl, Biberach, Ravensburg et Kaufbeuern étaient réputées mixtes, les trente-trois autres évangéliques.

Telle était la diète de Tempire à la veille de la Révolution. Les faits parlent assez éloquemment, ce semble, par eux-mêmes, pour que nous puissions nous croire dispensés de condamner eo termes précis cette gothique institution et de relever par le détail les vices de tout genre d'un mécanisme politique aussi arbitrairement composé que compliqué dans son jeu ; un seul fait capital nous parait devoir être mis encore une fois particu- lièrement en lumière : c'est qu'à la diète, comme dans Tempire lui-même, l'influence prépondérante appartenait aux princes, parmi les princes aux princes laïques, et, parmi ceux-ci, à un petit nombre de dynasties, presque toutes électorales.

La division géographique usuelle de l'empire en dix cercles, laquelle cependant ne comprenait pas, comme nous l'avons dit plus haut, tout l'ensemble des territoires qui en faisaient partie, pourrait donner lieu, à son tour, à de nombreuses observations. Nous nous en tiendrons à ce qu'il y a de plus essentiel ou de plus curieux, en rejetant en note l'interminable Uste des membres des dix cercles, suivie de l'indication des principaux pays ou terres d'empire qui, à dessein ou par oubli, n'y avaient pas été incorporés (1). Les dix cercles de Bavière, Franconie, Basse- Saxe, Haut-Rhin, Souabe, Westphalie, Autriche, Bourgogne, Bas-Rhin et Haute-Saxe, étaient, avant tout, des circonscrip-

(1) Dans le tableau suivant, qui donne la composition des dix cercles en 1789, les chiffres entre crochets renvoient au rang en diète; les nom» propres entre parenthèses aux maisons possessionnées.

A. Cercle de Bavière,

a. Bauc ecclésiastique. 1. Archevêque de Salzbourg [l], ^ 2. 3. 4. Évoques de Frisingue [!*]. Ratisbonne [15J, Passau [1GJ.--5. Prévôt de Berchtolsgaden [»]. -

DES ÉTATS DE L'eUBOPE CENTRALE. 281

lions topographiques ; leur organisation politique, fort incom- I^ète de tout temps, était, presque partout, tombée entièrement en désuétude, et ce n'était qu'au point de vue de la statistique qu'on les distinguait en quatre cercles catholiques (Bavière, Au- triche, Bourgogne, Bas-Rhin), quatre cercles mixtes (Franconie, HautrRhin,Souabe,Westphalie) etdeux cercles protestants (Basse- Saxe, Haute-Saxe). Dans six d'entre eux (Basse-Saxe, WestphaUe,

1. 7. 8. Abbé de Saint-Emmeran et abbesses de Niedennunster et Ober- munster, à Ratisbonne [35].

6. Banc laïque.

9. Bavière [38]. —10. Neubourg [42] (Palatinat). 11. Sulzbach ^Pala- tinat). 1«. Leuchtenberg [75] (Bavière). 13. Stemstein-sur-la-Naab (Prince de Lobkowitz [85]). 14. Haag (Bavière). 15. Ortenburg [98]. 16. Staufenehrenfels (Palatinat). 17. Obersulzbiirg (Bavière). il. Hohenwaldeck (Bavière). 19. Breiteneck (Bavière). 20. ViUe libre <le Ratisbonne [15].

B. Cercle de Franconie.

a. Banc ecclésiastique.

1. 2. ^3. Évoques de Bamberg [4], Wurzbourg [5], Eichstaedt [7]. 4. Orand-maltre teutonique, à Mergentheim [3J.

b. Princes laïques.

S. 8. Calmbach [52], Onolzbach [53] (Brandebourg). 7. 8. 9. Henne- ^rg [77] (Saxe électorale, Saxe ducale, Hesse-Cassel). 10. Hohen- i^adsberg. H. Prince de Lœwcnstein Wertheim , personaliste. ^î-Hchenlobe-Waldenbourg [99].

c. Comtes.

13. Hobenlohe-Neuenstein [99].— 14. CasteU [99].— 15. Wertheim [99].— ^S.Reineck-dan8-le-Spes8art[99]. i7. Erbach [99].— 18. 19. Limburg, ^or Gaildorf et Speckfeld [99] (Brandebourg;. 20. Seinsheim [99]. ^1. 22. Reichelsberg et Wiesentheid i[99]. 23. Welzheim (Wurtem- ^3erg). 24. Hausen (Brandebourg).

d. Villes libres.

25 à 29. Nuremberg [17], Rothenburg [22], Windsheim[35], Schwein- ''urt [33], Weissenburg-im-Nordgau [44].

C. Cercle de Basse-Saxe.

1. Magdebourg [19] (Brandebourg). 2. Brome [43] (Hanovre). ^. 4. 5. CeUe [54], Orubenhagen [55], Calenberg [56] (Hanovre). ^- Wolfenbuttel [57] (Brunswick). 7. Halberstadt [58] (Brandebourg). X 9. Schwérin-duché [62], Gustrow [63] (Mecklembourg).— 10. ll.Hol- ^teiû-oiuckstadt [70] et Gottorp [71] (Danemark). 12. Evoque de Hil- aesheim [12]. 13. Lauenbourg [72] (Hanovre). 14. Évêque de Lu- *>«ck [23]. 15. 16. Schwérin-principauté [78], Ratzebourg [80] (Meck- lembourg). — 17. Blankenburg (Brunswick). 18. Ranzau (Danemark). ^19 à 24. Villes libres de Lubeck [3], Ooslar [7], Mublhausen [10], «^ordhausen [il], Hambourg [9], Brome [8J.

282 HISTOIHE DE LA FORMATION TEBBITOaiALE

Autriche, Bourgogne, Bas-Rhin, Haute-Saxe) il n'existait pas de classement des états d'après leur nature ; le cercle de Bavière avait un banc ecclésiastique et un banc laïque ; les membres des cercles de Franconie et du Haut-Rhin se partageaient en princes ecclésiastiques, princes laïques, comtes et villes libres, et le

D. Cerde du Haut-Rhin.

a. Princes ecclésiastiques.

1. 2. Évoques de Worms [6], Spire [8]. 8. Prévôt de Wisscm- bourg [30] (Évêque de Spire). 4. 5. 6. Ëvêques de Strasbourg [t], Bàle [19], Fulde [25]. 7. Grand-prieur de Malte, à Heitersheim [28]-

8. Abbé de Prum [31] (archevémie de Trêves). 9. Prévôt d'Oden- heim et chapitre de Bruchsal [35] (Evêque de Spire).

6. Princes luîques.

10. 11. 12. 13. Simmern [41], Lautem [40], Veldenz et Lautereck [45. 46], Deux-Ponts [44] (Palatinat). 14. 15. 16. Cassel [65], Darmstadt [66], Hersfeld [81] (Hesse). 17. Sponheim (Bade). 18. Maison d'Autriche, sous le nom de Nomény en Lorraine, c'est-à-dire personaliste. - 19. Salm [86] ou Wild-et-Rhingraves princiers. 20. 21. 22; 23. 24. Wcil- bourg, Usingen, Idstein, Saarbruck, Ottweiler (Nassau). 25. Waldeck.

26. Solms-Braunfels [98]. 27. Isenburg-Birstein [98].

C. Comles et seigneurs. 28. Hanau-Munzenberg ( Hesse-Cassel). 29. Hanau-Lichtenberg (Hesse-Darmstadt). ^ 30. 31. 32. Solms-Hohensolms , Roedelheim, Lan- bach [98]. 33. 34. Koenigstein en Wettéravie (archevêque de Mayence et Stolberg). 35. 36. 37. Isenburg-Budingen, Waechtersbach, Mecr- holz [98]. 38. 39. 40. Wild-et-Rhingraves de Grehweiler, Orumbach, Dhaun [98]. 41. 42. Leiningen-Dachsbourg et Westerbourg [98]. - 43. Munzfelden (archevêque de Trêves et Nassau-Usingen).— 44. 45. S^yn* Wittgenstein-Wittb^enstein et Berlebourg [98]. 46. Falkenstein dans le mont Tonnerre (Autriche). 47. Reipolzkirchen dans le Hundaruck.

48. Criechingen ou Créange en Lorraine [98]. 49. Wartenberg.- 50. Bretzenheim-sur-la-Nahe (archevêque de Cologne). 51. Dachstuhl, près Sarrebourg. 52. Ollbruck, près Andemach.

d. Villes libres.

53 à 57. Worms [4], Spire [5], Francfçrt-sur.le-Mein [6], Friedberg [13]. Wetzlar [14].

E. Cercle de Souabe.

a. Banc des princes ecclésiastiques.

1. 2. Évêques de Constance. [10], Augsbourg [11]. 3. Prévôt d'Eu- wangen [27]. 4. Abbé de Kempt<;n [26].

b. Banc des princes laïques.

5. Wurtemberg [64]. 6. 7. 8. Bade [67], Durlach [68], Hochberff [W (Bade). 9. 10. Hohenzollern-Hechingen et Sigmaringen [84]. ll.Ab- basse de Lindau. 12. Abbesse de Buchau [97]. 13. Thengen (Prince d'Auersperg [90]).— 14. Heiligenberg [97] (Prince de Furstenberg [9Î])-

15. Oettingen [97J. ^ 16. Sulz et Klettgau [97] (Prince de Schwanen-

DES ÉTATS BE I'EUBOPE CENTRALK. 283

■clede Souabe ajoutail même, ea plus, ua cinquième banc pour les prélats. C'éUît ce dernier cercle aussi qui présentait ie nombre de nierabres le plus considérable, à savoir quati-e- vingt- dix-sept ; le Hautr-Hhin et la XN'eslphalie en comptaient respective- tintcinquanle-se|it et cinquante-trois; il y en avait vingt-neuf el «.s C. DuM des préUU. I à 11. Abbés de Salmaasweiler. Weia^arteii, Ocbsenhausen, ElchiQ- gea. Ireée. Ursperg. Kaiseralieim , Ro^geaburg. Roth, Weissenaii, Sclius&euried , Uarcbthal. Petershausen , Wettenbausea , Zwiefalten, U«D){eubacU, Nereabeim; abbeeses de Hegbacb, Guttenzell. Rotben- maiiBt«r, Baindt. Soefflingen; abbé de Saint-George d'Isny [34J.

Hk il. BaCiF des comles el sai^aeurs.

^B|l. Bailli teutonique d'Alsace et Boiirgogiie[35], pour AlficbhRuseti[9lJ.

^Wia. Teltnang Kt LiingenarKen (Autriclie). 11. UBttinffL'n-Biildcru [97].

^^*B, Slublingen. (B. Wiesensteig (Bavière). il. Baar. *S. Kinzi- gertliat. 19. Hoesskircb. 3û. Oettingen-\Vall(?rel*in [97]. 51. 32. TrucbsesB-Zoil-Wuraacb et Woiregg-WaidséB [9TJ. 53. 51. Koeni^'s- egà" aifienfels et .A-ulcnlorf [97].— 35. Mindelheim (Baiiire). 5B. OimddUngeo. 57. Eberatein [87] (Bade). 58. 59. CO. Fuirger-Marx, Hans et Jacob [117]. 01. Hobenembs (Autricbe). S2. Justingen [97] (Wiirtemberg). 63, Bomiorl' [97] (abbé de Sainte Biaise). B4. Egloff |97].

63. Tannbausen [97]. bc. Hobengeroldseck [97J.

e. Buoc des II! les libres.

67 à 97. Augsbourg [18], Ulm [18], Easlingen [i9], ReuUingen [20], Xoerdlingue [21], Scliwaebisch - Hall [23], Ueberlingen [2S], Rott- weil [2t], Hcilbrnnn [26], Schnraebisoh-Gmund [27], Memmingen [28j, IJndaii [29], Dinkelabubl [30], Biberach [31], Ravensburg [32], Kemp- ten [3iJ, Knufbeuern [3ij], Weil [37], Wangen [3S], Ud^ [39], Leutkir- chcn [121. Witnpfen [+3], Oiengen [15]. PfuUendorr [lu], Bucbborn [tS], AeIuu [49]. Bo[irvngeii [51], Buehau [50J, Ollonbourg [11], Gengen- bncb [tfi], ZcU 117].

P. Cercle lie WeatphalU.

I-Évfque de Munster [22j.— 2. Clèvea (Brandebourg).— 3. Juiiera (Pa- latiu&t). i. 5. (I. lOvAques de Paderborn [13], Liège [2U]. Osna- bruck [21]. 7. Verden [61] {Hanovrej. 8. Minden [73] {Brande- bourg). — 9. Évêque lie Corvej". [33] 10. Abbé de Stavelo-Mal- médy [32]. U. (2. Abbés de Werden et Cornelismunster ou Inde [35].

la. M. 15. Abbesses de Easen. Tboren, Herford [33]. !6. 17. Hada- mar (88], Dillenbourg [89] (Nassau). 18. Oatfrisc [Si] (Brandebourg).

19. Meurs (Brandebourg). 20. Oldenbourg. 21. M'ied [100]. ai Sa;n-Altenkircheii et Hachenberg [IDO] (Brandebourg et ie burgrave de KircUberg). 23. 21, Scbauenbourg (toii] (HesBe-Caasel et Lippe- Buckubourg]. 25. Lippe [lOO]. 2U. Bentbeim-Bentiieiin [100] (Hano- vre). — 27. Bentbeim-Stelnrurt [lUD]. —28. Teekleaburg HOO] (Brande- bourg). — 29. Hoya |tuu) (Hanovre), - 30. Vimenburg [looj. 31. 32.

J

284 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

en Franconie, vingt-quatre en Basse-Saxe, vingt-trois en Haute- Saxe, vingt en Bavière ; puis le chiffre total descendait à dix pour le Bas-Rhin, à six pour l'Autriche, et se réduisait à l'unité pour la Bourgogne. La division territoriale était donc particulière- ment grande en Souabe, en Westphalie et dans le Haut-lUiin ;

Biepholz, Spiegelberg [100] (Hanovre). 33. Rietberg [100]. 34. Py^ mont [100] (Waldeck).— - 35. Oronsfeld, près Maastricht [100].— 36. Reck- heim [100].— 37. Anholtsur-la-vieille-Yssel [100]. 38. Winnenburg et Beilstein [100]. 39. Holzappel [100] (Anhalt). 40. Witten, près Aix- la-Chapelle [100]. 41. Blankenheim et Oerolstein [loo]. 42. Oeh- men [lOO]. 43. Gimbom et Neustadt [100]. 44. Wickerad [100].- 45. Mylendonk [100]. 46. Reichenstein [100]. 47. KerpeI^n^ TErft [100]. 48. Schleidea dans TElfel [100].— 49. Comte de Platen-Hil- lermimde, personaliste, le comté de HaUermunde [100] appartenaut au Hanovre. 50. 51. 52. ViUes libres de Cologne [1], Aix-la-Chapelle [2], Dortmund [12]. 53. FagnoUes-Ligne.

G. Cercle cT Autriche.

1. Autriche [36]. 2. 3. 4. Évoques de Trente [17], Brixen [18], Coire [24]. 5. Ordre teutonique pour le bailliage en Autriche et pour celui sur TAdlge et dans les monts. 6. Tarasp (Prince de Dietrich- Btein [87]).

H. Cercle de Bourgogne,

1. Pays-Bas autrichiens [37].

I. Cercle du Bas-R/tin. 1. Électorat de Mayence [1].— 2. ÉlectoratdeTrève8[2].— a.Électorat de Cologne [3]. 4. Klectorat de Palatinat-Bavière [5]. 5. Aren- berg [83].— 6. Prince de Tour-et-Taxis [95], personaliste. 7. Bailli teutonique de Coblence [35].— 8. Beilst^in (Nassau). 9. Baslsen- burg (archevêque de Trêves). 10. Burgraviat de Reineck-sur-le- Rhin [100].

K. Cercle de Haute-Saxe.

1. Électorat de Saxe [6]. 2. Électorat de Brandebourg [7]. 3. Saxe- Weimar [47]. 4, Saxe-Eisenach [48]. 5. Saxe-Cobourg [49].- 6. Saxe-Ootha [oOJ. 7. Saxe-Altenbourg[51]. 8. Querfurt (Saxe élec torale). 9. Poméranie citérieure [59] (Suède). 10. Poméranie ulté rieure [60] (Brandebourg). 11. Cammin [79] (Brandebourg). 12. An hait [76].— 13. Abbesse de Quedlinbourjr [35]. 14. Abbesse dcGern rode [35] (Anhalt). 15. Walkenried (Brunswick).— 16. 17. Schwan bourg-Sondershausen et Rudolstadt [96], 18. Mansfeld. 19. Stol berg [98]. 20. Barby (Saxe électorale). 21. Reuss [98]. 22. Schoen bourg [98].— 23. Hohenstein.

KK. Membres immédiats de l'empire non inscrits dans les cerclO'

Électorat de Bohême [4] (Autriche), avec Moravie, Silésie, Lusace (Autriche, Brandebourg, Saxe électorale). Électorat de Hanovre l^h comme tel.

Eu contraire, les cercles de Bourgogne et d'AulricIie apparte- naient evclusivoment ou presque exclusivement à la maison dp Habsbourg ; dans le Bas-Rhin ne figuraient guère que les ()iiiitrc électeurs de Mnyence, de Trêves, de Cologne et du Pnla- linal, cl la maison de Bavière possédait la partie de beaucoup la plus considérable du cercle de même nom. Au point do vue de la rf'partition des difTérents ordres de la diète entre les cercles, il y .nait des villes libres dans les six cercles primitifs, des princes wrlésiastiques ou des prélats dans tous les cercles, sauf celui de llourgognc, des princes laïques dans tous, sans exception ; ((liant au corps électoral, la Boliéme était toujours restée en dehors de la division, les six autres électorals primitifs étaient partagés entre les deux cercles électoraux du Bas-Rhin et de la Haute-Saxe, et les deux nouveaux éleclorats de Bavière et de HiinovTC, dont le premier venait d'être uni à l'électoral palatin, avaient conservé leurs vieilles places princières dans les cercles de Bavière et de Basse-Saxe. Nous signalerons enfin, comme eiceptions curieuses, la situation nobiliaire ambigu? de plu- sieurs maisons, réputées coratales en diète et princières dans les cercles, et la présence anormale, sur le banc des prinrj?s laïques el sur celui des comtes et seigneurs du cercle de Souabe, de

Archevêque de Besançon [2]. Savoie [71]. Montbéliard [82] (Wur- Vinbere).

Abbayes des saints Ijiric et Afra ii Aug^boar^. de Burscheid et de Oanderslieim [35]. Comtes de Montfort [97J. de Helfeastein [9T] (Pa- latinat). de Wolfstein [99]. Seigneurie de Djck [iOO].

tLes trots cercles de la noblesse immédiate, ri. Carcle souabe, en cïuq cantons. 1. Danube. 2. .Hégau-Algau-Bodensée. 3. Neckar-Schwari- ■wald-Ortenau. i, Kocher. s. Kreichgau. b. Cerclfl Triinronien, en «li codIods. 1. Odenvrald. —2. Steigenvald. 3. Geburg. 4. Altmuhl- 5. Baunach. 8, Rhoen-etrWerra. C Cercle rUinaii. en Iroîs canlons. I. Haut-Rhin, 2, Moyen-Rhin. 3. Baa-Rhin. L"B Kanerbioats, par exemple Friedberg', Oelohauscn. Les vlUagcB immédiats, par exemple les gen» libres de la Leutkircher- pAdilo, Oochsheim, Sennfeld.

Quelques coratêa et seigneuries immédiates, comme Jever. Kniphau- BD, Hadetn. Riede^^l. et quelques abbayes îmmMiateB, comme Elten.

286 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

deux abbesses, d'un abbé et d'un bailli teutonique; mais, sun tout, nous appelons à l'avance l'attention sur le fait, tout autnv ment important, que les grandes maisons princières étaient à peu près toutes possessionnées en plus d'un cercle.

Après avoir ainsi analysé les anciens cadres politiques et géo- graphiques de l'empire germanique, faibles vestiges d'une unité depuis longtemps évanouie, il nous reste à jeter un coup d'œil sommaire sur l'importance respective des territoires souverains ou quasi-souverains, dont l'ensemble constituait le corps ger- manique en 1789 ; cette troisième et dernière classification fo^ mera la transition naturelle à l'examen des révolutions terri- toriales qui , pendant le quart de siècle suivant , ont fait disparaître l'immense majorité des petits états allemands, en leur donnant pour héritiers directs ou indirects les dynasties princières les plus puissantes et les plus heureuses. En addition- nant les chiffres donnés plus haut, à propos des cercles, on trouve un nombre de trois cent vingt territoires inscrits sur leurs listes ; le total s'élève à bien près de trois cent soixante, si l'on tient compte des membres de l'empire non compris dans les cercles ; on peut même se donner le plaisir de le grossir jusqu'à concurrence de dix-huit ou dix-neuf cents états, en énumérant à part chacun des fiefs delà noblesse d'empire ; mais ces chiffres, trop souvent indiqués sans commentaire et répétés sans critique, sont, quand on les prend au pied de la lettre, de nature à don- ner une idée complètement erronée de la vraie situation poli- tique et territoriale du corps germanique à la fin du dix -hui- tième siècle. En effet, il y a à constater tout d'abord que, des quatre grands groupes entre lesquels se répartissaient les te^ ritoires d'empire, possessions des maisons princières et comtales, principautés ecclésiastiques, républiques municipales ou rurales, terres de la noblesse immédiate, les deux derniers n'avaient, au point de vue territorial comme au point de vue politique, qu'une importanco extrêmement secondaire. Les innombrables terres do la noblesse immédiate n'avaient pas, toutes ensemble, un demi-million d'habitants, même si l'on ajoute aux possessions de Tordre équestre proprement dit, de celui qui était réuni en

DES ÉTATS DE L^EUROPE CENTRALE. 287

cantons et en cercles et placé sous un directoire général, les ganerbinals ou sociétés de possesseurs en commun de terres d'empire et les possessions de quelques familles de libres- barons. De leur côté, les territoires des cinquante et une villes libres, qui, à l'exception de ceux de Nuremberg et d'Ulm,ne dé- passaient guère Tenceinte de leurs murs, représentaient au plus 6 à 700,000 âmes; les républiques urbaines les plus considé- rables, Hambourg, Nuremberg, Ulm, Cologne, Brème, Franc- fort, Augsbourg, Lubeck, Aix-la-Chapelle et liatisbonne avaient, enportant en compte la ville, la banlieue et les bailliages, une population qui variait entre 100,000 et 20,000 habitants ; aucune des autres n'arrivait à 10,000 âmes ; quelques-unes des petites villes libres de la Souabe n'avaient même pas un millier dTiabitants, et n'étaient que des curiosités archéologiques, abso- lument comme les villages immédiats d'empire, dont il s'était conservé quelques exemplaires tant en Souabe qu'en Fran- conie. Les principautés ecclésiastiques, quoique dans leur en- semble elles comptassent environ trois millions d'habitants, n'étaient elles-mêmes, en majeure partie, que des états fort insignifiants : le grand-maître de l'ordre teutonique, qui résidait èMergentheim en Franconie, et le grand-prieur de Malte, qui était prince de Heitersheim dans le cercle du Haut-Rhin, ne gouvernaient que des terres disséminées un peu partout ; l'abbé deKempten et les prévôts d'Ellwangen et de Berchtolsgaden, qui étaient les prélats non-évêques les plus richement posses- sionnés, depuis que l'abbaye de Saint-Gall était devenue étran- gère au saint- empire, que celle de Hersfeld avait été sécula- risée (1648) et que celles de Fulde et de Corvey avaient été changées en évêchés (17S2.1783), n'avaient, le premier que 27,000, les deux autres que 20,000 et 18,000 sujets ; la plupart Vatme des évêchés-princiers restaient en deçà de 100,000 âmes, chiffre que ne dépassaient que les quatre archevêchés de lilayence, Trêves, Cologne, Salzbourg, et les grands évêchés de kiunster, Wurzbourg, Liège, Bamberg, Trente, Osnabruck, peuUètre aussi ceux de Hildesheim et de Paderborn. Enfin, si parmi les possessions princières et comtales, de beaucoup les

!!3)8 BISTmiE »fi FOIMATUHf TIUITOIIALE

pla^ considérables comme étaidne et COTome population, car elles r/mf raient les àix sept^mes de Tonpire et comptaient une popu- lation d'environ fingt-qoatre millions d*âmes, on écarte d une part la multitude des petits territoires qui abondaient surtout dans les cercles de Souabe, de Westphalie, du Haut-Rhin et de Frao- ronie, C!t si, d'autre part, on tient compte des nombreux dou- bles emplois occasionnés par les provinces ou terres qui conti- niiarent à figurer sur les listes officielles bien qu'elles eussent |)cr(]u, depuis longtemps, leur existence autonome, on se trouve, non Hans quelque étonnement, en face d'une douzaine seule- ment de vraies dynasties et d'une vingtaine de territoires laTqtioH, dignes ou à peu près dignes de porter le nom d'états. Dix ou douze principautés ecclésiastiques, le double environ i\\Hn\» InTqucs, voilà donc en fin de compte le vrai bilan poli- ti(|UO (lu saint-empire romain de nation germanique à la veille do sa dissolution ; il y a loin, on le voit, des dix-neuf cents on ni^nio dos tn)is cent soixante états qu'on indique dliabi- tmio.

tuutilo d'insister sur les possessions de la noblesse immédiate ol sur los torriliùres des villes libres : nous en avons assez dit |Mnu* fain^ «ppnVior rinsignifiance des premières, et nous tvh>Hi>or\^ns U^ autnv à la suite des états princiers dans le \^nlrs do \Ys Otudos, Il n en est pas de môme des principautés iHvlOM;^>tiquos et Ivtïques^ des premières surtout; conune, en ortVu Is^ UHiruiouto rvHvvlutionnaire les a fait disparaître tontes V.1UV o\\V|vtivxu, \v w\^t qu'à cette place que nous pouvons don- Mov U^^q\u^^m^ iiHÎKAlhMis nécessaires sur le lotissement géo- )i^Mj\ÏM\j\h" \K>s xuv^<-^< AïvlKntVhés et éxèchés-princiers, qui

N^s^^x vxxs^^^v ^îh Ni ^;;'^ii «îij&nùont e.\tr^mement pour ce qui >^-< ^v>^ \vivVv ^^v"cN\ v's ^^ Ar irtir {VfiULation ; de plus, les un» ^^' vi>M v\> ^wvAW'.^'s. r»:;>^ rj^wfeîiîiftî' îur eux-mêmes, lésa"* j vv< ^N,^ A''^"';'* **'^ -"*• ;;a*ct x:t?s: i:::^ <iaiiet:ès ; néanmoins, Uî> AN^v'» \^^v ^,* Ai;-t».v,^'CV vçvxrifiïÇDf «CMDun , à savoir de . / , s . , s,» ,V /»\'> V m;i,uv ïi?^ï< loïT.tar tJe leur xiDeépiscO" i w4ji|>^ xWi^ Vn'N'' x\^. tftftmf #r< jCTviïnfœrtfîN. an nombre w

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DBS ÉTATS L*EUROPE CENTRALE. '289

dix, dont les sièges épiscopaux avaient au moyen âge conquis ieor autonomie politique, soit qu'ils continuassent à figurer panni les villes libres impériales, comme c'était le cas pour Co- logne, Worms, Spire, Augsbourg, Ratisbonne et Lubeck, soit que, comme B&le et Goire, ils se fussent incorporés aux ligues suisses et grises , soit encore que , comme Constance et Stras- bourg, ils eussent passé sous la domination de TAutrichc ou de k France; cela était vrai, à plus forte raison, des dix-sept au- Ires, Mayence, Trêves, Salzbourg, Bamberg, Wurzbourg, Ëchstaedt, Hildesheim, Paderbom, Frisingue, Passau, Trente, Brixen, Liège, Osnabruck, Munster, Fulde et Corvey, où, à Tinstar de ce qui existait dans la capitale du monde catholique, k ville épiscopale était à la fois le chef-lieu diocésain de Tévéque et le chef-lieu politique du prince, qui se confondait avec lui. Sauf ce caractère, qui était universel par cela même qu'il résul- tait de la nature des choses , les princes-évêques ayant eu tous pour premier point d'appui de leur souveraineté leur cité épis- eopale et n'ayant que rarement réussi à faire des acquisitions comme seigneurs terriens au delà des limites de leur ressort ecclésiastique , chacun des èvêchés-princiers avait sa physiono- mie propre. Nous allons tâcher de la fixer en quelques traits, en procédant par ordre géographique.

Un premier groupe, le plus considérable de tous, était celui des èvèchès rhénans, qui se suivaient, au nombre de neuf, le kmg de la rtœ aux prêtres de l'empire, pour rappeler encore une fois le mot de MaximiUen I"; ils avaient été dix jusqu'au mcmient oîi Tévêque d'Utrecht avait abdiqué comme prince tem- porel entre les mains du souverain des Pays-Bas, qui était en même temps l'empereur Charles-Quint. Les deux qui corres- pondaient au cours supérieur du fleuve méritent à peine qu'on s'y arrête : celui de Coire, qui autrefois s'était étendu sur une partie notable des Grisons, ne comptait plus que 5,000 sujets, qae le prélat gouvernait depuis Furstenau, sur le Rhin poste- rieur; celui de Constance, au nord-ouest du lac de ce nom, a\ec Meersburg conmie résidence princière et Reichenau comnje

principale dépendance, en avait environ le double; il compre-

I 19

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.zjr.*ji^ liirrj^. ri, . ?-=rT:L[£' rniî jenrç aanîrères âeCoireet ôt l..?i=Liitrr =• gi-rr*. j|»T|,^.i^;.«fHpûgng^ oç. Biîe, de Stias- î#.»r2. ifc rTiT^ e le "*^ jnir' x t^fi^rr fïm^i^ersân? dins fcoK ^11*^ tfii-rTT-di^: TT:£-- li^ n^iteir r^aiiits^iiQDeat 30,000, 5i .û!M . îM .lM»l 5: -1. Mm :?î:vf!i^ ùm^ J engcre. et y ajoutaient, jçr -.-jir 2rt2iL>^r m. nixir^ De=r jtiïUîiLisijgg KtosidèFables CD •ïUiîrs» ^ ta. Jranrt- Zj. ^5^^ i ^^"hït 5* ra>. àcŒt la ca^tak y-iiT. >:rreinn:T. rjnçirtîiicr- jinr» îi*^ l5^rE:^ d'en^Âre (le petit iftûliittE:^ ô»^ ?^Ti'i^L-"^L ?;r ii rrsi àr.ih* à:: Bîâiu et FéCroite ituô^ â»: :a7ï diî - *in.-« j; i^TiDÔriù: Plaçai? d le toiilare b^L'ï-tou:**. r<^ 7rui:ii^«aj: it j.cir 5* ji Srs*. jar Ariesbdm et Iftrjtdi'.c.-:. ;i2.gi\ SLiiK->7:sf.^ ti* szt '»* R.TLbtX une pwtie ti-jiiîrrr- 5*— sjrïTu: Li ZiLra» ?5irTJ* àz hirk bdvétîqiie seplen- to.ct^ > Vt.-lt:iiii>2r -?: jt Vil-Snis^fcirî- et descendait par t*t pi^Vî? :csiî*îiiLJ*& T^îiri "i Eteiz» « XeciwiDe; levèqne ô«: rr<:rtô.»:ir^- qrd. oictdî irîr>:>* iI«cc:Md, ne possédait que di^ pi^.r.t •.-rrr.v.'lr^ rc^^ jr Rhî= e: Li Fopff XtMre, antoor d 0>=frjL'^:i ^. d •'•:v»t-i:: din? lO^r-rZiia et autour d'Etten- fc':..'ri. ce -.riiT-n-r z:-:z:»::rr, cir^f > Bri^îraiK était, sous la yj s\Hr^:z^K'y. frir.:-.iLî^. Ir i'-.:f fn::i se-imeur terrien d'Alsace, ^iU\ vrr Cil i^-aL-ii'rr^ de SiverD^, Da.rhsîein, Kocbersherg, W'jiitz^fiVi . .S:h:rni'Ç»:k . Beofeld, Marckolsheim, Rouffach, iutuïiz (d E^L-heiiDy •XKiTraient en bonne partie la région rriovr^nne, et il tenait ojur plénière dans son magniCqae t'\iStU:h\ï (ht .Sfi\erfie, que la Révoluti<»n allait Tobliger à aban- ilhuintr ii\htii mf:Uift qu'il ne fût achevé; enfin l'évêque de Hpin?, dont la principauté proprement dite s'étendait princi- imU'fhi'Ui hur la ri\e droite du fleuve, entre la forteresse de l'Iiiliplishourg et la n'-id«*nce de Bruchsal, possédait comme |innr<î-pr(;v6t de W is-i.-rnbourp, c'est-à-dire comme vassal IVa/ir.'iin, 1rs pays iht Ulieinzabern, Lauterbourg et Dhan en h.riîirw\lsîic«î; seul l'ihéupio de Worms n'avait que ses terres HVnipin*, alJh^i peu considérables de Tun que de l'autre côté Hliin, cl Dii Ion ne peut guère citer que le château de

ftRS ÉTATS DE L'EUBOPE RESTBALS. Ml

Dirmsleio, ù gauche du fleuve. D'autant plus puissant était fon voisin, l'archevêque-^ lecteur de Mayence; ses états avaient une population de 3i0 à 3î>O,0ÛO âmes et comprenaient, sans cnmpter d'innombrables parcelles (parmi lesquelles nous no ci- ipnras cpie les \illes hessoises d'Amoenebourg et de Fritziar, et \v diâleau d'Obertahnstein , au confluent de la Lahn avec le rHiin), trois portions principales: en premier lieu l'électoral ; "iprcraent dit, dont la partie occidentale suivail, depuis la ca- .i laie Mayence et sa tfile de pont Gastel, les deux vallées conver- -l'iiteâ du tUiin et du Mciu, en descendant le premier jusque rs Bacbarach par les coteaux à vignobles de Johannisberg, "isenheim, Rudesheira, Assraanshauseu, et eu remontant le nond par ceux de Hochheira jusqu'à Hoechst et Koenigstcin, ifidls que la partie orientale, avec AscLaffenbourg, Miltcn- ■Tg, Amorbach, Lohr et Orb, s'étendait plus largement des IcQi o^lés du Mein inférieur, depuis l'Odenwald jusqu'au Spes- ■irt; puis l'Eicbsfeld à l'est de la Werra, aux sources de la I^ine et de TUnstrut, ii l'entour de Heiligenstadt et de Du- 'lerstadt; en troisième lieu enfin, en pleine Thuringe, mais tou- jours encore dans les limites de son immense diocèse, le terri- luira d'Erfurt, dont le chef-lieu était à la fois citadelle et univer- -ilé. Les deux antres électorats ecclésiastiques du Rhin, tout en i'iinl inférieurs en population à celui de Mayence (ils comp-

tiiiicùt l'un et l'autre environ 230,000 habitants), étaient égale- meot au premier rang des principautés épiscopalcs. Celui de Trêves se distinguait avantageusement par son extension pres- que continue le long de la Lahn, du Rhin, de la Moselle et de la ^'arre, depuis le Westerwald jusqu'aux confins de la Lorraine et lin Luxembourg; il comprenait, sur la Sarre, Merzig, Saar- lnirg et Conz; sur la Moselle, la capitale Trêves, Berncastcl et Kochem ; sur le Rhin, Oberwesel, Boppard. Coblence, Ehren- hreilslein et Vallcndar ; sur la Lahn ou dans son voisinage, L IJmburg. Sayn, Monlabaur et Selters; par l'abbaye-princière I de Prum qui lui était incorporée , il se continuait sans interrup- ^b lion, k l'ouest, jusque dans les Ardennes; à l'est, au contraire, ^■Bûnl-Wcndcl, sur la Dlics, n'était qu'une annexe isolée. L'i

292 HlSTUlRt:: DE LA FORMATION TERRITOIUALE

chevêche de Cologne était beaucoup moins compacte : Tune de ses deux moitiés, l'électorat proprement dit, qui s'interposait entre les deux duchés de Juliers et de Berg, était située sur la rive gauche du Rhin, oix elle commençait par les enclaves de Rhense et d'Ândernach, pour se continuer ensuite presque sans interruption, en amont et en aval de la ville libre de Colo- gne, par Linz , Unkel, Koenigswinter, la résidence Bonn et Neuss, et ne faisait que quelques empiétements insignifiants sur la rive droite du fleuve, conune, par exemple, à D^tz, en face de la ville archiépiscopale ; l'autre, beaucoup plus avancée à Test, couvrait, sous le nom de duché de Westphalie, avec Arnsberg comme capitale, le pays aux sources de la Ruhr; entre les deux, le comté moins important de Recklinghausen, sur la Lippe inférieure, avec Recklinghausen et Dorsten, avoi- sinait Tévèché de Munster à sa partie sud-ouest, tout comme le duché de Westphalie lui faisait suite au sud-est.

Les principautés épiscopales qui occupaient les plus belles contrées des deux bassins secondaires de la Meuse et du Mei» ne le cédaient guère en importance à celles des trois archevê- ques rhénans. A gauche du Rhin, Tévèché de Liège, qui av^t réussi à maintenir son immédiateté au milieu des Pays-Bas au- trichiens, alors que, plus haut sur la Meuse et dans les YaUée^ de la Moselle et du Doubs, ceux de Verdun, de Metz, de Tout et de Besançon avaient été depuis longtemps absorbés par la France, répétait presque exactement le long de la moyenne Meuse la structure allongée de Télectorat de Trêves le long de la basse Moselle, et ne laissait subsister qu'une étroite soudure territoriale entre le Luxembourg et le Limbourg d'une part, le Hainaut, le pays de Namur et le Brabant de l'autre; assez large au sud, dans le voisinage de la France, il allait depuis la banlieue de Givet jusqu'à celle de Gharleroi, il se rétrécissait à la hauteur de Dinant et de Huy, prenait son plein développe- ment à celle de sa capitale Liège, il s'étendait à Test jusque Verviers et Spa, à l'ouest et au nord jusqu'au delà de Saint- Trond et de Hasselt, et comptait en tout 215,000 habitants. A a droite du Rhin , les deux grandes principautés épiscopales de

DES ÉTATS DE l'ErBOPE CENTRALE. Î33

tnconie. Wurzbourg et Bamber;;:, qui correspondaient nu moyen et au coups supérieur dn Meiii, coiurae l'électoral Lyenc« k ^m cours infi'pieur, étaient beaucoup mieux ar- ; elles n'avaient ni l'une ni l'nutrp des villes considéra- m dehors des sièges dio&'Sains (tout au plus' pourrait-un Kissingen dans ta première, Gronach et Forchheira dans onde); mais on leur allrîbuait, aux approches de la Kévo- frauçaise, 262,000 et 183,000 habitants, chiffres qui même probablement inférieurs à la vérité, parce que, lors r sécularisation, elles [urent comptées pour 323,000 et £00,000 ftnies.

la région du haut Dajiuhe et des Alpes orientales appar- ent huit principautés épiscopales; mais, à l'exception tie de Salzbourg, elles étaient d'un ordre fort secondaire, tque de Rati-^bonnc, dont la ville principale était Donau- , sur le Danube, n'avait que 9,000 sujets; si celui do Dgue, qui était seigneur do sa ville épiscopale sur l'Isar, en itail 23,000, il le devait moins à l'évéché proprement dit. de tons côtés, comme celui de Ualisbonne, par les ter- Bs de la maison de- Witletsbach, qu'il de nombreuses idances éparpillées en Tyrol et en Autriche. Plus compactes is peuplés, les deux évôchés de Fassau et d'Eichstaedt, avec lopulation à peu près égale de GO.OOO habitants environ, renaient, au nord du confluent du Danube et de l'inn d gderAltmuhl, les rayons respectifs de leurs cités épisco- L qui étaieut eu même temps leurs capitales princières ; l d'Augsbourg, au contraire, avait ses 70,000 sujets dissé- , sur ime longue bande de parcelles, qui allaient depuis n, surleLech, jusqu'à Dillingen. sur le Danube, la rési- t du prélat. Tout autre était de nouveau la natui'e du vaste svfiché de Sahbourg, dont le territoire principal pénétrait ilea Alpes jusqu'aux sources de la Salza, de l'Enns et de lu , descendait la vallée de la première de ces rivières jusque I le voisinage de son confluent avec Tlnn, et en couvrait I le bassin presque complet, sauf, toutefois, l'enclave de la ifité-princière de Berchtolsgaden, ;qui faisait entaille sur su

J

294 UISTOIBE DE LA FORMATION TERRITORIALE

frontière nord-ouest, absolument comme lui-même il échan- crait profondément les possessions de la maison de Habsbourg; il avait pour capitale la ville archiépiscopale et comptait, les uos disent 250,000, les autres 200,000 habitants. Quant aux dem évêchés d'au delà les monts, Brixen et Trente, dont le pre- mier, avec 25,000 habitants, se composait de la cité épiscopale sur l'Eisack et d'une multitude de possessions isolées dans les pays habsbourgeois, tandis que le second couvrait, tout à l'en- tour de Trente, sur TAdige et jusque sur les bords du lac de Garde, près de la moitié du Tyrol méridional et n'avait pas moins de 150,000 habitants, ils ont à peine le droit de figurar dans cette énumération, car si les évêques étaient princes d'em- pire et siégeaient à la diète, les évêchés étaient de vieille date sous la suzeraineté de la maison d'Autriche, propriétaire du comté-princier de Tyrol.

Il ne nous reste à parler que des sept principautés épiscopales de l'Allemagne centrale et septentrionale qui avaient survécu i la grande sécularisation de Tannée 1648. Les moins impor- tantes étaient celles de Corvey et de Lubeck, avec 10,000 el 22,000 habitants, Tune à l'ouest du Weser, autour de ses \illes de Corvey et de Hoexter, l'autre composée de plusieurs enclaves du Holstein, dont la principale était celle d'Eutin, la résidence du prince-évêque. Plus considérables et assez compactes, les trois évêchés de Fulde, de Paderborn et de Hildesheim, qui, sur la Fulda, aux sources de la Lippe et au pied septentrional du Harz, entouraient les sièges, ecclésiastiques et princiers à la fois, de leurs titulaires, étaient estimés à 90,000, 60,000 et 76,000 Ames, trop bas probablement pour ce qui est des deux derniers, qui sont portés pour 124,000 et pour 142,000 Ames dam Tin- demnité prussienne du commencement du dix-neuvième siècle. EnOn, les deux principautés d'Osnabruck et de Munster cou* vraient presque entièrement la vaste contrée comprise entre 11 frontière des Pays-Bas, la Lippe et la Hunte ; la première, avec 125,000 habitants, s'étendait le long de la Haase, autour deia capitale Osnabruck, et était contournée, au sud, à Touest tt au nord, par la seconde, qui était incontestablement le plus vaste

DfiS ÉTATS DK L'EUHOPr CENTBALF:. ÎHS

6 plus peuplé de tous les territoires ecclésiastiques du saint- impire. L'évéché-princier de Munster comprenait, en effet, lans ses deuT moitiés, l'évôché siipèrieup ou méridional, avec rlunsler, et l'évôché inférieur ou septentrional, avec Meppen, le lassin presque complet de l'Eras, et comptait 330,000 habitants m raArae davantage, car il fignrn pour 380.000 âmes dans ES stipulations terrîloriales qui suivirent le traité de Luné- iUe.

Bien que mCme les plus puissants de tous ces prélats souve- niiis. ceux de Munster, de Mayence, de Wurzhourg, de Trêves, le Cologne et de Salzbourg. fussent il peine au niveau des dcr- liers parmi les princes laïques qui pussent prétendre à autre liosc qu'à une souveraineté illusoire et peser de quelque poids Inns la balance des affaires générales de l'empire, nous serons waucuup plus bref dans l'appréciation des états laïques alle- iiands, par laquelle nous avons à terminer cet aperçu du corps termaniqiie à la veille de !a Révolution française : c'est que. andis que les principautés ecclésiastiques n'ont pas survécu nu cimmencement du dix-neuvième siècle, les dynasties princiéres iulisistent et que leur histoire territoriale doit remplir toute la ^twonde moitié de ce livre. Tout en bas de la liste sommaire que nom allons en dresser, ne fût-ce que pour justifier ce que nous iTODS dit plus haut du nombre fort restreint de dynasties et .l'étais laïques de quelque importance, nous placerons la cou- ftmne de Suède qui, réduite à la Poméranîe citérieure septen- Lrioiiale, avec Rugen et Wismor, n'avait plus que 42.^.000 ■njfts d'empire, les maisons de Nassau et de Bade qui en avaient [lectiïcment 200,000, celle de Mccklenibourg qui en avait

.11,000, et enfin la dynastie oldpnbourgeoise ou danoise, dont posse>!sions allemandes comptaient environ 400,000 habï-

iii> D'une importance déjà plus considérable étaient la maison 1- Wurtemberg qui, à la tête de 650,000 sujets, occupait le pre- uier rang dans le cercle de Souabe. la dynastie hessoiso qui lonnait au cercle du Haut-Rhin ses (Jeu\ otots les plus peuplés, Itlûndgraviat de Hesse-Cassel avec 460,000 et celui de Hease- Biin^tadt avec 300.000 habitants, mais surtout la maison

296 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBEITORLALE

guelfe OU de Brunswick, qui exerçait l'influence prépondérante dans le cercle de Basse-Saxe par sa ligne cadette ou électorale, aux 870,000 sujets d'empire de laquelle la ligne aînée ou ducale en ajoutait 190,000. Sensiblement plus haut encore sur cette échelleascendante, se plaçaient les deux dynasties des Wittdsbach et des Wettin, presque égales en puissance ; leurs deux électo- rats, Palatiiiat-Bavière et Saxe , dont le premier comprenait presque tout le cercle de Bavière et s'étendait en outre sur ceux de Westphalîe, du Bas-Rhin, de Souabe et du Haut-Rhin, tandis que le second se partageait entre le cercle de Haute-Saxe et la Lusace qui était en dehors de la division en cercles, comptaient -^n effet, l'un et l'autre, environ 2,100,000 habitants ; seulement il y avait quelque différence entre les appoints fournis par leurs branches secondaires, le duché palatin de Deux-Ponts n'étant évalué qu'à 140,000, les duchés emestins de Saxe à 430,000 habitants. Enfin, tout à fait hors de pair avec les autres états allemands, même en faisant abstraction de leurs possessions étrangères à l'empire, la monarchie austro-hongroise des Habs- bourg et la monarchie prusso-brandebourgeoise des Hoheniol- lern, lune grande puissance européenne depuis des siècles, l'autre élevée naguère à ce rang parle génie de Frédéric 11, occupaient le tout premier rang. L'étendue et la population de leurs pays d'empire étaient loin d'être égales, car l'Autriche y comptait plus de dix millions et demi d'âmes et réunissait sous sa domination exclusive les deux cercles d'Autriche et de Bourgogne, ainsi que la Bohême, la Moravie et la Silésie autrichienne, qui étaient restées en dehors delà division en cercles, tandis que la Prusse n'y avait, à proprement parler, que deux millions et demi de sujets, répartis dans les trois cercles de Haute-Saxe, de Bass^ Saxe et de Westphalie, dans chacun desquels elle rencontrait l'influence rivale d'un autre électorat. Saxe, Hanovre ou Palati- nat-Bavière; mais en tenant compte des 1,600,000 habitants de la Silésie prussienne, au moins aussi allemande que la Bohême, et des 400,000 âmes des priocipautés franconiennes, que la lign^ cadette des HohenzoUern allait céder à la ligne royale, on arrive, pour la Prusse d'empire, à un total de quatre millions et demi

TES ÉTATS DK l'eUBOPE CESTBALK.

:tants, et. par suite, à un écart de puissaoce beaucoup Ire, que diminuait d'ailleurs encore l'admirable organisa- lilitaire donnée à ses élats par le grand Frédéric. réâumé, au moment commencèrent tes guerres enrô- les de la fin du dix-huitième siècle, le corps germanique mûr pour la grande révolution politique et territoriale qui ^paraît depuis la fin du moyen flge; les petits territoires très, municipaux et ecclésiastiques étaient évidemment 6tinës à être les victimes des projets de médiatisation et cularisation que leurs voisins princiers caressaient de- longtemps; déjà un petit nombre d'états moyens repré- lient seuls la Pelite-Allemagiie dans la balance européenne ; ^ l'Autriche et la Frnsse s'en disputaient la direction supri>me. l'intervention de la France républicaine et impériale dans les Ifaires gerraoniques et l'établissement temporaire de la domi- in étrangère sur une lionne partie du sol allemand facititè- la suppression à la fois des principautés ecclésiastiques, des tliques municipales, de la noblesse immédiate et même de la partie des petites souverainetés laïques ; mais tous ces du moyen flge étiiient condamnés à l'avance, et ils ne itèrent pas lorsque la chute de Napoléon I" rendit à l'Al- le la libre disposition d'elle-même. La confédération gor- le de 18i5, avec ses trois facteurs. Autriche, Prusse et moyens, autour desquels continuaient à graviter quelques <atellites insignifiants, ne fit que constituer formellement, en le bbarrassant d'une multitude d'entraves surannées, un ordre de qui, en pratique, existait déjà à la fin du dix-huitième

CHAPITRE V

L'Burope centrale depuis la Révolation française.

Ce fut la Révolution française qui bouleversa tout Tancien système politique et territorial de l'Europe centrale , en don- nant le coup de grâce au saint-empire romain de nation genna- nique et en transformant ou en détruisant la confédération hel- vétique et la république des sept provinces unies, qui s'en étaient séparées autrefois. La France républicaine et napoléo- nienne , momentanément maîtresse des destinées de tous les pays germaniques , commença par s'attribuer toute la rive gau- che allemande et belge du Rhin , puis elle ajouta même à son territoire la Hollande et les contrées de l'Allemagne voisines de la mer du Nord ; en même temps elle présidait aux tentatives de substituer, dans les pays qu'elle ne s'était pas annexés directe- ment, de nouvelles formes politiques à celles qu'elle avait aidé à renverser. Sauf en Suisse, elle ne créa rien de durable ; la répu- blique batave, après avoir momentanément formé un royaume de Hollande, fut absorbée par l'empire français; le dernier es- sai de réorganiser l'empire germanique sur la rive droite du Rhin fut abandonné après peu d'années, et la confédération du Rhin, qui prit sa place, ne survécut pas à son puissant p^ote^ teur, l'empereur des Français. Néanmoins, l'œuvre du premier consul Bonaparte , continuée par l'empereur Napoléon I", * laissé des traces extrêmement profondes dans la constitution territoriale contemporaine de TAUemagne : en supprimant une multitude d'états qui le gênaient ou dont il avait besoin pour les combinaisons sans cesse nouvelles de son aventureuse poli-

FORMATION TERRITORIALE DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 299

tique, le grand niveleur a déblayé le terrain et fait disparaître à jamais la majeure partie des épaves d'un ordre de choses qui s'était survécu à lui-même ; le jeu de provinces auquel il se livra sans discontinuer pendant un règne de dix ans, et qui se continua même après sa chute du fait de ses vainqueurs , sim- plifla, au moins relativement, la carte de TEurope centrale,- et prépara les voies à une nouvelle évolution politique et territo- riale.

L'origine ou du moins le prétexte des guerres de la Révolu- tion fut la suppression par l'assemblée constituante des droits ecclésiastiques, politiques et féodaux, que la paix de Westphalie et les traités subséquents avaient garantis, dans l'Alsace deve- nue française, à différents membres du saint-empire. La no- blesse immédiate de la Basse-Alsace et les anciennes villes libres de la province , qui avaient envoyé des députés à l'assemblée , n'étaient guère admissibles à se plaindre ; mais les princes pos- sessionnés, au premier rang desquels figuraient les évoques de Strasbourg et de Spire, la maison palatine, les ducs de Wur- temberg et les landgraves de Hesse-Darmstadt, ces derniers en leur qualité de comtes de Hanau-Lichtenberg, firent recevoir leurs réclamations à Ratisbonne , et à Paris môme on se mon- tra pendant longtemps disposé à leur accorder des indemnités. Malheureusement, les progrès de la Révolution d'une part, de l'autre les intrigues des émigrés, qui inondaient Coblence et tout le pays rhénan, rendirent un arrangement diplomatique de plus en plus difficile; la réconciliation de la Prusse et de l'Au- triche à Pillnitz (août 1791) et les préparatifs de guerre qui la suivirent décidèrent le ministère girondin , que l'assemblée lé- fislative avait imposé au roi Louis XVI, à déclarer la guerre à l'empereur François II (20 avril 1792). Cette guerre, qui, pour ^ majeure partie de l'empire , continua , sauf une courte inter-< ^tioQ, pendant neuf ans entiers, eut pour conclusion la ces- aoD à la France de la rive gauche du Rhin , en tant qu'elle fai- *^l partie du corps germanique , c'est-à-dire depuis les confins ^^ la Suisse jusqu'à ceux de la Hollande. La Prusse en avait pris ^n parti tout d'abord par son traité de Bâle du 5 avril 1795;

300 UISTOIRR DE LA PORMATIOM TERRITORIALE

rAutriche y avait donné son consentement dans les articles se- crets de Campo-Formio du 17 octobre 1797; les plénipoten- tiaires de Tempire l'avaient admise au congrès de Rastadt en 1798; elle ne devint néanmoins définitive qu'après une nou- velle passe d'armes, lorsque l'empereur la stipula au nom du corps germanique par la paix de LunéviUe (9 février 1801), et que celui-ci , sans l'autorisation expresse duquel elle avait été consentie, s'y résigna le 7/9 mars 1801. Le cercle de Bour- gogne en totalité et des portions notables des cercles de West- phalie, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ensemble 66,000 kilo- mètres carrés et près de quatre millions d'habitants, sortirent ainsi officiellement de la communauté allemande; depuis dfô années déjà ils étaient incorporés au territoire de la république française, qui n'avait appelé à la vie ni république belge, ni ré- publique cisrhénane, comme on le lui proposait, mais qui a\ait formé, dès 1795, neuf départements des anciens Pays-Bas au- trichiens , du Liégeois et d'une moitié des pays de généralité hollandais, puis, eu 1798, les quatre départements allemands de la Sarre (chef-lieu Trêves), du Mont-Tonnerre (chef-lieu Mayence), de Rhin-et-Moselle (chef-lieu Coblence) et delà Roer (chef-lieu Aix-la-Chapelle).

Les principaux membres du saint-empire s'étaient montKs de facile composition relativement à l'abandon d'un dixième du territoire et d'un septième de la population de l'Allemagne, parce qu'ils espéraient tous tirer un profit personnel de la sécu- larisation des biens de l'église situés sur la rive droite duRbio» dont la masse était supérieure à celle des pertes éprouvées sur la rive gauche du fleuve par les princes laïques, du moment qu'on laissait hors de compte l'Autriche, déjà indemnisée en Italie. L'idée de séculariser les territoires ecclésiastiques était bien antérieure à l'époque révolutionnaire ; on l'avait appliquée lors de la conclusion de la paix de Westphalie aux principauté? épiscopales de l'Allemagne septentrionale ; elle avait été mise en avant, pour les évêchés méridionaux aussi, pendant la guerre de succession d'Autriche, alors qu'on s'ingéniait à trouver une dotation pour l'empereur Charles VII ; à la fin du dix-buiiièm^

PES ÉTATS Tir. L'EI'BOPE tESTIUlR.

301

siècle, elle éliiit ramilièrc ii Ums les espriCâ et apparaissait auï diplumates, tant allemands que français, comme un expé- dient aussi simple que l<>f!itirae jmur dédommager les sou\e- niins laïques, grands et pelits. que dépossédait la république Française. La paix de Bàle indiquait en termes ^nérau:ï l'éven- tualité de la sécularisation (179o); les traités particuliers signés «a 1796 avec la France par le Wurtemberg;, Bade et la Prusse, assignaient nettement leurs dédommagements sur les biens pixlcsiastiques à séculariser ; on avait commencé à discuter la question au congrès de Rastadt, sans arriver à s'entendre, sans même l'abonler sérieusement; enfin, après que la paix de Lunéville (1801) eut fait oflicieliement de la spoliation des souverains ecclésiastiques de la rive droite du Hliin le mujeii d'indemniser non-seulement les princes héréditaires allemands de la rive gauche, mais mérac les dj-nasties de Habsbourg-Tos- cane et de Nassau-Orange pour des possessions étrangères à l'/Vllemagne, leurs principautés furent, à la suite d'un travail long et laborieux, réparties entre les intéressés, qui trouvèrent même moyen d'y faire ajouter presque toutes les villes libres, quoique le traité de Lunéville se fût abstenu de les mentionner. L'empereur, d'abord chargé de l'opération, s'était récusé; la dièle avait alors nommé une députation d'empire de huit mem- bres, chaîne de déterminer les dédommagements respectifs {7 noierabre 4801); mais les vraies négociations ne se poursui- virent pas à Ratisbonue : c'est fi Paris, avec le ministre des affaires étrangères de la république française, et sous la surveil- lance personnelle du premier consul, que les princes allemands firçul leur marchandage de territoires et d'âmes, et signèrent, dans le courant des années 1801 et 1802, toute une série de traités particuliers, en vertu desquels ils se mirent en posses- sion, avant même que la députation d'empire ne fût entrée en , [onctions (2i août 1802). En somme, celle-ci n'eut qu'à enregis- trer les injonctions du chef de la république française et du czar de Russie, que le général Bonaparte avait par courtoisie admis I partager sa médiation ; rAotriche tenta en vain d'obtenir pour t et pour ses protégés de meilleures conditions que celles que

302 niSTOIRE DE LA FORMATIOH TSIUTORIALB

portaient les notes identiques, française et rti^e, remises à Ra- tisbonne le 18 août 1802 et peu modifiées par le plan rectifié du 8 octobre 1802; ce dernier, sauf quelques changements de détail, eux aussi dictés par les puissances médiatrices, fut changé en Reichsdeputationshauptschluss ou recez principal de la députation d^mpire le 25 février 1803, adqpté par la diète le 24 mars et ratifié par Tempereur le 27 avril 1803.

Le recez principal de la députation d'empire bouleversait de fond en comble Tantique organisation du saint-empire, par la sécularisation à peu près universelle des principautés ecclésias- tiques et la médiatisation de la grande majorité des villes libres. L'Autriche avait proposé de reconstituer au moins les trois élec- torats ecclésiastiques ; elle n'eut gain de cause que pour un seul d'entre eux. L'électeur de Mayence, Charles-Théodore baron de Dalberg, resta archevêque-électeur-archichanct-Jier, prési- dent de la diète et primat, avec résidence à Ratisbonne; il garda parmi ses anciennes possessions le pays d'Aschafienbourg, sur le Mein inférieur, et y joignit, outre l'évêché de Ratisbonne, les deux villes libres de Ratisbonne et de Wetzlar, sièges de la diète et de la chambre impériale. Le grand-maître teutonique et le grand-prieur de Malte furent également maintenus dans leurs sièges princiers de Mergentheim et de Heitersheim ; mais tous les autres princes ecclésiastiques, archevêques, évoques, abbés et prévôts-princiers, furent dépouillés de leurs droits sou- verains. Quant aux villes libres, il n'en resta que six en pos- session de leur autonomie, Augsbourg, Lubeck, Nuremberg, Francfort-sur-le-Mein, Brème et Hambourg : encore le roi de Prusse avait-il incorporé à ses états, dès l'année 1798, le terri- toire de Nuremberg, du droit de l'ancien burgraviat, qu'il venait d'acquérir avec le margraviat d' Anspach. Les petits princes et les comtes laïques furent beaucoup mieux traités ; non-seule- ment on respecta la souveraineté de tous ceux de la rive droite, mais on indemnisa même tant bien que mal ceux de la rive gauche. Il n'en fut pas de môme de la noblesse immédiate, de- puis longtemps menacée d'incorporation en vertu des droits territoriaux des princes ; le recez ne lui accorda aucun dédom-

DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 303

raagement pour la perte de ses territoires de la rive gauche et se contenta de lui garantir son état présent. Cette garantie était doublement nécessaire, depuis que Tordre équestre ne pouvait plus compter sur Tappui des princes ecclésiastiques, ses alliés naturels, parce qu'il était la pépinière ils se recrutaient habi- tuellement; elle se montra peu efficace cependant, car dès 1803 la Bavière d'abord, puis tous les autres princes, grands et petits, se mirent à incorporer ses terres, en s'autorisant de l'exemple qu'en 1796 déjà la Prusse avait donné dans les prin- cipautés franconiennes, et il fallut l'intervention énergique de l'empereur, dont elle peuplait l'armée et les conseils, pour la préserver pour un peu de temps encore du coup qui la me- naçait.

L'empire germanique n'a vécu que peu d'années sous la nou- vdlc forme qu'avaient motivée lescessions de Lunéville et que réglait le recez de 1803 ; il a même disparu complètement avant toute réorganisation sérieuse ; néanmoins, il nous faut in- diquer en quelques mots sa constitution éphémère, pendant le court espace de temps qui lui était accordé encore. Au lieu de dix cercles, il n'y en avait plus que huit, par suite de la perte de celui de Bourgogne et de la réunion en un seul des deux cercles du Rhin ; quant à la diète, elle avait subi des modifications telles, que toute son économie en était changée. Le collège des villes libres était tombé de cinquante et un à six membres, et ne se composait plus que des six villes indiquées plus haut, Augs- bourg, Lubeck, Nuremberg, Francfort, Brème et Hambourg. Le collège électoral , au contraire , se composait dorénavant de dix membres au lieu de huit, malgré la sécularisation de Trêves et de Cologne; car, le 22 août 1803, quatre nouveaux électeurs, ceux de Salzbourg-Toscane, de Bade, de Wurtem- berg et de Hesse-Cassel, qui n'ont d'ailleurs jamais eu roccasion d'exercer leur droit d'élire un empereur, y prenaient place à côté des six anciens qui étaient maintenus, Archichancelier, Bohème, Bavière, Saxe, Brandebourg et Hanovre. Le collège des princes enfin était porté, par la création d'une foule de nou- veaux votes, à cent trente et une voix, distribuées de telle sorte

30i HISTOIRE l>^ LA FORMATION TEBRITORIALB

que les dix électeurs s'en partageassent entre eux la moitié : on y comptait en effet soixante-quatre voix électorales, soixante-cinq voix non-électorales et deux voix alternantes (!)• Le résultat le plus curieux de cette rénovation de la diète, c'était que les rftles

(1) Les indications données dans le texte sur la composition du collège électoral et sur ceUe du collège des yiUes n'ont pas besoin d'éclairds- ments ; nous allons dans cette note énumérer les Yotes du coUége des princes et indiquer leur répartition.

Voici d'abord Tordre officiel des cent trente et une voix; les voix non- yeUement créées sont précédées d*un astérisque :

1. Autriche. 2. Haute-Bavière. 'S. Styrie. 4. Magdeboorg. -

5. Salzbourg. •e. Basse-Bavière. 7. Ratisbonne. *8. Sulibach.-

9. Ordre teutonique. 10. Neubourg. 11. Bamberg. 12. Brème. -

•13. Misnie-margraviat. *14. Berg. 15. Wurzbourg. M6. Cârin-

thie. 17. Eichstaedt. 18. Cobourg. 19. Bruclisal-Spire. 20. Oo-

tba. 21. Ettenheim-Strasbourg. 22. Altenbourg. 23. Constance. -

24. Weimar. 25. Augsbourg. 26. Eisenach. 27. Hildesheim. -

28. Anspach. 29. Paderbom. 80. Baireuth. 81. Friaingae. -

32. Wolfenbuttel. * 33. Thuringe. 84. CeUe. 35. Passau. 86. Ci-

lenberg. 37. Trente. 38. Grubenhagen. 89. Brixen. 40. HlIbe^

stadt. Hl. Camiole. 42. Bade. *48. Teck. 44. Dorlach. 43. 09-

nabruck. 46. Verden. 47. Munster. 48. Hochberg. 49. Lubect

50. Wurtemberg. •SI. Hanau. 52. Gluckstadt. 53. Fulde.- 54. Oldenbourg-Gottorp. 55. Kempten. 56. Schwérin-duclié. - 57. Ellwangen. 58. Gustrow. 59. Ordre de Malte. 60. Darmsfcidt

61. Berchtolsgaden. 62. Cassel. •68. Westphalie. 64. Pomértnie citérieure *65. Ploen. 66. Poméranie ultérieure.— •«7. BriBgta.- 68. Lauenbourg. 69. Corvey. 70. Minden. *71. Misnie-burgn- viat. 72. Leuchtenberg. 73. Anbalt 74. Henneberg. 75. Schwé- rin-principauté. 76. Cammin. 77. Ratzebourg. 78. Hersfeld.- •79. Tyrol. •SO. Tubingue.— 'SI. Querfurt. 82. Arenberg. —88. Hechto- gcn. *84. Fritzlar. 85. Lobkowitz. 86. Salm. 87. DietrichstôB»

88. Hadamar. *89. Zwiefalten. 90. DiUenbourg. 91. Aueraperg-

•92. Starkenburg. 93. Ostfrise. 94. Furstenberg. —95. Schwtt" zenberg. ^96. Goettingue. ^97. MindeUieim. 98. Liechtenstda -• 99. Tour-et-Taxis. 100. Schwarzbourg.— •lOl.lOrtenau.— •102.A8diii- fenbourg. •103. Eichsfeld. —•loi. Blankenburg. •lOS. Sttrgtri

"106. Erfurt •lO?. Usingen. •los. Weilbourg. •109. SigmiriB- gen. •110. KKbourg. •111. Baar-et-Stuhlingen. ^112. Klettgan- •113. Buchau. •lU. Waldeck. •lis. Loewenstein-Wcrtheim. - •116. Oettingen-Spielberg. •il?. Oettingen-Wallerstein. •118. Sotafr Braunfels. •lia. Hohenlohe-Neuenstein. ^120. Hohenlohe-Waldo- bourg-Schillingsfurst. •121. Hohenlohe-Waldenbourg-Bartenstdii-- •122. Isenburg-Birstein. ^123. Kaunitz-Rietberg. ^124. Reuss-Plto»- Greiz. *i2ô. Leiningen. '126. Ligne-Edelstetten. •12Î. Loox-Wol- beck. 128. Collège des comtes de Souabe. 129. Collège des comt» de Wettéravie. 130. Collège des comtes de Franconie. 131. Ctiûégt des comtes de Westphalie.

Des cent trente et une voix princières, il y en avait donc quanntr neuf qui étaient de nouveUe création ; les cent voix de Tancien coU^

DKS ÉTATS I>K L EUHUrE CENTRALE. dOo

des dea\ confessions religieuses s'y trouvaient complètement in- tervertis : dans les deux collèges supérieurs Tancieune majorité catholique était changée en minorité, et la pluralité des votes se irouyait de la sorte, dans les trois collèges, assurée à la confes- sion protestante. Le collège des électeurs comptait en effet, doré- navant, six voix protestantes (Saxe, Brandebourg, Hanovre,

des princes étaient réduites à quatre-vingtKleux , par suite de la dispa- rition de Besançon, Worms, BAle, Liège, Coire, Wissembourg, Prum, Stavelo, Banc de prélats souabe. Banc de prélats rhénan, Bourgogne', Ltutem, Simmem, Deux-Ponts, Veldenz, Lautereck, Savoie, Montbé- liard.

Pour ce qui est de leur distribution, Bavière en avait treize (Haute- Bavière, Basse-Bavière, Sulzbach, Neubourg, Bamberg, Berg, W'urz- bourg, Augsbourg, Frisingue, Passau, Kempten, Leuchtenberg, Mindel- heim}; Brandebourg, treize (Magdebourg, Hildesheim, Anspach, Pader- bom, Baireuth, Halberstadt, Munster, Poméranie ultérieure, Minden, Cammin, Ostfrise, Eichsfeld, Erfurt); Hanovre, huit (Brome, CeUe, Ca- knberg, Grubenhagen, Osnabruck, Verden, Lauenbourg, Goettingue); Bohème, sept (Autriche, Styrie, Carinthie, Trente, Brixen, Camiole, Ty- rol]; Bade, six (Bruchsal, Ettenheim, Constance, Bade, Durlach, Hoch- bog); Wurtemberg, cinq (Teck, Wurtemberg, EUwangen, Tubingue, Zwieûdten); Saxe, trois ( Misnie-margraviat, Misnie-burgraviat, Quer- Aurt), plus deux voix alternantes (Thuringe, Hemieberg) ; Hesse-Cassel, quatre (Hanau, Cassel, Hersfeld, Fritzlar) ; Salzbourg, trois (Salzbourg* Etelistaedt , Berchtolsgaden ) ; Tarchichancelier, deux ( Ratisbonne ,* Aachaflénbourg) : total, soixante-quatre voix électorales, plus deux voix ittemantes. D*autre part, la ligne emestine de Saxe en avait cinq (Oobonrg, Gotha, Altenbourg, Weimar, Eisenach), plus deux voix alter- ttntes (Thuringe, Henneberg) ; la maison de Nassau, six (Fulde, Cor- t^, Hadamar, DiUenbourg, Usingen, Weilbourg); celle de Mecklem- bouurg, cinq (Schwérin-duché, Gustrow, Schwérin-principauté, Ratze- boorg, Stargard) ; ceUe d'Oldenbourg, quatre (Lubeck, Gluckstadt, 01- daibourg, Ploen) ; U en revenait trois à la ligne de Hesse-Darmstadt (Dinnstadt, Westphalie, Starkenburg), autant à la maison de Hohen- lohe (Neuenstein, Waldenbourg-Schillingsfurst, Waldenbourg-Barten- ttdn); deux chaque fois à la branche ducale de Brunswick (Wolfenbut- td, fitenkenburg), à la maison de Modène (Brisgau, Ortenau), aux Ho- hcQzoUem (Hechingen, Sigmaringen), aux Salm (Salm, Kyrbourg), aux Pontenberg (Furstenberg, Baar-et-Stuhlingen), aux Schwarzenberg (Sehwarzenberg, Klettgau) , aux Tour-et-Taxis (Tour-et-Taxis, Buchauy, aux Oettingen (Spielberg, Wallerstein) ; une seule à la couronne de Suède (Poméranie citérieure) et à chacune des maisons d'Anhalt, Aren- borg, Lobkowitz, Dietrichstein, Auersperg, Liechtenstein, Schwarz- boorg, Waldeck, Loewenstein-Wertheim, Solms-Braunfels, Isenburg- Bin^ein, Kaunitz-Rietbcrg, Reuss-Plauen-Greiz, Leiningen, Ligne-Edel- atetten, Looz-Wolbeck; enfin les votes des deux ordres de chevalerie (teatonique, de Malte) et des quatre coUéges de comtes (de Souabe, de Wettéravie, deFranconie et de Westphalie) complétaient le compte des jofannte^inq voix non-électorales, plus deux voix alternantes.

I —20

306 HISTOIRE DE LA FORMaTIOH TfiRKtTOIttALB

Bade, Wurtemberg, Hesse-Cassel) contre quatre voix catholi- ques (Archichancelier, Bohême, Bavière, Salzbourg); celui des princes soixante-dix-sept votes protestants, cinquante-trois votes catholiques, un vote alternant (1); quant aux sLxviUes libres conservées, elles étaient toutes évangéliques, sauf la viUe mixte d'Augsbourg. L'empereur protesta contre cette majorité évangélique, non pour le collège des villes la chose était reçue et de peu de conséquence, ni même pour le coUége élec- toral où la singulière situation de Télecteur de Saxe, réputé pro- testant, quant au vote, bien qu'il fût un zélé catholique, établie sait à peu près la parité des confessions, mais d'autant plus énergiquement pour celui des princes : il en advint que l'em- pire fut renversé avant que les nouvelles voix princières fussent entrées en exercice I

Plus que jamais, après la révolution consommée par le recez de 1803, le corps germanique n'était plus qu'une fédération im- puissante, livrée à l'antagonisme de l'Autriche, de la Prusse et des états moyens, et exposée à la pression continue de la diplo- matie française et russe. On avait pu mutiler et bouleverser, non pas réformer et régénérer l'antique saint^mpire ; ce qui en sub- sistait se réduisait par le fait à un ensemble de formes vides de sens : elles aussi disparurent enfin, quelques années plus tard, à la suite de la guerre victorieuse que le nouvel empereur des Français fit, en 1805, à l'empereur François IL La paix de Presbourg avec l'Autriche (26 décembre 1805) et le traité de Vienne avec la Prusse (15 décembre 1805) commencèrent la série des remaniements territoriaux qui sont comme le carac- tère distinctif de Tëpoque napoléonienne : les alliés de la France,

(i) Les cinquante-trois voix catholiques du collège des princes étaiflot les treize voix de Bavière, les sept de Bohême- Autriche, les trois àê Salzbourg, les deux de rArchichancelier, des Ordres, de lfodèD0,<i^ HohenzoUem, de Salm, de Furstenberg, de Schwarzenberg, de ToaP<t- Taxis, d'Oettingen, deux des trois Yoix des Hohenlohe (Waldenboorg* Schlllingsfurst, Waldenbourg-Bartenstein), les voix uniques d'Awn- berg, Lobkowitz, Dietrichstein, Auersperg, Liechtenstein, Locwcnstein- Wertheim, Kaunitz-Rietberg, Ligne-Edelstetten, Looz-Wolbeck et celle des comtes de Souabe; la voix des comtes de Westphalie était alter- nante; les soixante-dix-sept autres voira étaient protestants.

vss lîTATS ne t'Ennore CBirmAti:. 3<vr

re, Wurtemberg et Bade, furent agrandis aux dépens de riche, la première aussi aux dépens de la Prusse, amplc- dédommnpftc par le Hanovre ; l'ancien grand-duc de Tos- ^ Ferdinand ill, quitta son flectorat de Salzbourg, k peine ^urlui, pour devenir, par cession bavaroise, électeur de ibourg; le heau-fr6re de Napoléon, Joachim Murât, Tnl imé duc de Berg et de Clèves, pays cédés par la Bavière et tsse, avec Dussoldorf comme capitale (mars 1806); mais, II, les éïéncmeuts militaires del'annôe 1803 elles conven- diplomntiqucs qui suivirent, rendirent impossible une plus longue de l'empire germanique. Déjft un an la guerre, en prévision de la fin prochaine de son tilre pereur élu d'Allemagne, François II y avait ajouté de sa opre autorité celui d'empereur héréditaire d'Autriche (11 aotlt 104); la stipulation de Presbourg qui attribuait la dignité aux électeurs de Bavière et de Wurtemberg, celle qui assurait, ainsi qu'ft l'électeur de Bade, la toute ou pleine >ainelé à ta pince do l'ancienne quasi -souveraineté ou su- ite territoriale, l'expression même de confédération ger- Ique qu'on rencontre dans le traité de paix, loutprouve qu'à de l'année 1805, aux jeux de tous les contractants, le saint- n'était plus viable. L'ancienne forme politique de l'Aile- avait évidemment fait son temps ; l'embarras portait sur l'on devait y substituer. Les trois dynasties secondaires de magne méridionale qui, placées entre l'Autriche vaincue France victorieuse, éprouvaient le plus vivement le besoin nncr quelque stabilité h leur ancien patrimoine et à leurs Biles acquisitions, négocièrent en secret à Paris, avec i'em- ir des Français, une association destinée h assurer la paix ieure et extérieure de leurs états ; puis, les conditions de la arrêtées, l'entrée en fut offerte h un certain nombre de es dcl'Allemagne méridionale et occidentale, et, le 12juil- 106, la nouvelle cnnféilérniion du Hhin fut signée dans la lie de In France. Trois semaines plus tard, le 1" août 1806, léon I" d'une part, ses alliés de l'autre, faisaient remettre à bonne leur double déclaration qu'ils ne reconnaissaient plus

308 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOIIALS

Tempire, pour cause à' insuffisance complète^ et, sans hésitation aucune, le dernier empereur romain, François II, y répondait le 6 août 1806 par un manifeste il était dit que, vu Timpossi- bilité il se trouvait de remplir plus longtemps ses devoirs comme empereur, il se regardait conune délié de ses obligations envers le corps germanique et déliait réciproquement tous les membres de l'empire de leurs devoirs constitutionnels. Ainsi prit fin le saint-empire romain de nation germanique, fondé huit cent quarante-quatre ans auparavant par Otton le Grand ; les esprits superstitieux avaient prédit que François II, dont le portrait remplissait le dernier panneau dans la salle impériale au Roemerà^ Francfort, serait le dernier des césars germaniques; la seule chose dont il y eût lieu de s'étonner, c'était que leur liste eût pu se continuer jusqu'à lui.

L'acte constitutif de la confédération du Rhin du 12 juillet 1806 opérait dans l'Allemagne du sud et de l'ouest des modiG- cations territoriales et politiques bien plus radicales encore que celles qu'avait consacrées le recez de 1 803 ; non content, en effet, de stipuler une foule d'échanges et d'apurements de fron- tières entre ses membres, il continuait l'œuvre ébauchée à Près- bourg, et leur assignait, comme sujets, une multitude de corpo- rations et de souverains qui, même après la paix du 26 décembre 1805, avaient paru appelés à prolonger leur existence autonome. Ainsi disparurent les trois dernières villes libres de TAllemagne méridionale ; déjà le traité de Presbourg avait permis à la Ba- vière de se mettre en possession d'Augsbourg; Nuremberg et Francfort-sur-le-Mein furent, par l'acte de confédération, attri- buées, la première à la même puissance, la seconde à l'ancien archevêque-électeur-archichancelier, devenu prince-primat. Avec elles furent supprimés comme états souverains les terri- toires de la noblesse immédiate et de l'ordre de Malte, que déji les stipulations de Presbourg avaient promis à la convoitise des princes, et qui furent partagés entre eux par l'acte de confédéra- tion, de telle sorte que les enclaves fussent incorporées, les terres limitrophes partagées entre les voisins ; le seul ordre teutonique se vit maintenu en possession, grftce à l'article de la paix de 1803,

DES ÉTATS DE L'ëUROPE CENTRALE. 309

qui lui avait donné pour grand-maitre héréditairer un archiduc autrichien. Mais l'élimination porta beaucoup plus loin et plus haut ; tous les princes et comtes non admis dans la confédération lurent par cela même déclarés médiatisés au profit de leurs voi- sins plus puissants ou plus habiles ; on leur laissait leur domaine utile, leurs droits seigneuriaux et féodaux, mais les droits sou- verains de législation, de haute justice, dlmpdtet de conscrip- tion passèrent entre les mains d'un quelconque des princes con- fédérés. Parmi les dynasties sacrifiées se trouvaient les illustres fatmilles de Lobkowitz, de Dietrichstein , d'Âuersperg, de Furstenberg, de Schwarzenberg, de Tour-et-Taxis, qui avaient en un vote viril dans l'ancien collège des princes, et celles non moins illustres de Loewenstein-Wertheim, d'Oettingen, de Sohns, de Hohenlohe, de Kaunitz, de Leiningen, de Ligne, de liooz, qui leur avaient été adjointes en 1803 ; la plupart d'entre ^es étaient beaucoup plus richement possessionnées que quel- ques-uns des membres de la nouvelle confédération ; les Fursten- berg étaient médiatisés avec 70,000 sujets , les Leiningen avec 80,000, les Hohenlohe avec plus de 100,000, tandis que le prince de Liechtenstein devenait prince de la confédération pour les 5,000 habitants de son état microscopique, le comte de la lieyen pour les 4,000 &mes de son comté de Hohengeroldseck ; e*est qu'ils n'avaient pas trouvé à Paris des protections aussi puissantes que ceux-ci, dont l'un venait de se rendre agréable à NqM)léon dans les négociations de la paix de Presbourg, et dont l'antre était neveu de l'archichancelier. Par suite de toutes ces diminations, les signataires de l'acte du 12 juillet 1806 n'étaient fu'an nombre de seize : c'étaient, d une part, les deux nouveaux iws de Bavière et de Wurtemberg, l'ancien électeur-archichan- edier, qui prenait le titre de prince-primat et transférait sa rési- àmce à Francfort, et les trois nouveaux grands-ducs de Bade^ de Berg et de Hesse-Darmstadt, titrés d'altesse royale comme le jirince-primat ; de l'autre, deux princes de Nassau à Usingen et à Weilbourg, dont le premier devenait duc comme chef de la maison, deux princes de HohenzoUern à Hechingen et à Sigma- ringen, les deux princes de Kalm-Sabn et de Salm-Kyrbourg,

310 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

le prince dlsenburg-Birstein, le duc d'Areoberg, les princes de Liechtenstein et de la Leyen ; les six premiers formaient le col- lège des rois, les dix autres celui des princes. Leurs états, qui différaient étrangement en grandeur et en population, depuis 11 Bavière qui était tenue à un contingent de 30,000 hommes jus- qu'à Leyen qui en mettait en ligne 29| avaient une superficie totale de 130,000 kilomètres carrés, sur lesquels vivaient sq>t millions et demi d'habitants. Tous et chacun en particulier étaient réputés complètement souverainSi et Tétaient en réalité pour leur gouvernement intérieur ; le puissant protecteur deU confédération du Rhin ne demandait à ses vassaux que le main- tien au grand complet de leurs contingents militaires, fixés en- semble à 63,000 hommes, et s'abstenait soigneusement de toute immixtion dans leurs affaires administratives comme de tout éta- lage de suzeraineté ; la diète rhénane, qui devait se tenir à Franc- fortHSur-le-Mein, sous la présidence du prince-primat, n'entra jamais en activité ; les membres de la confédération purent, par conséquent, gouverner leurs anciens et leurs nouveaux sujets selon leur bon plaisir, supprimer sans recours possible leurs an- tiques états provinciaux et faire durement sentir à leurs égaux de la veille, les princes médiatisés, tout le poids de leur autorité. Quant aux anciens étatt^ d'empire qui restaient en dehors des limites de la confédération du Rhin, ils se trouvèrent, pour un moment, complètement abandonnésàeux-mèmes,leprojetd*une confédération du Nord sous le protectorat du ror de Prusse, em- pereur de TAllemagne septentrionale, n'ayant pas abouti ; mais au bout de peu de mois, les nouvelles victoires de Napoléon I"* dans la guerre de 1806 contre la Prusse, firent entrer dans la confédération du Rhin la totalité des princes moyens et petits de l'ancien saint-empire que le vainqueur ne détrônait pas, ainsi que le nouveau roi français de Westphalie, Jérôme Bonaparte, qu'implantait en pleine Allemagne la volonté toute-puissante de son frère. A la veille déjà de la bataille d'Iéna, l'électeur de Wurzbourg, l'ancien grand-duc de Toscane et électeur de Salz- bourg, était entré avec le titre de grand-duc dans le collège royal (SS septembre 1606); il y fut suivi, pendant la campagne d'bi>^

DHS ÉTATS DK I'BUBOPK CBIfTIlAtK.

31 (

•olf^ne, par l'électeur, dorénavuut roi de Saxe (M décembre t06); en même temps (IS décembre 1806) les cinq ducserncs- lins df* Saxe étainil adj^luts au collège des princes, où. quatre mois plus lard (18 avril 1807), entraient également trois ducs d'AulialI. deux princes de Schwarzbourf;, un prince de Wal- dwk, doux princes de Lippe, deux princes de Iteuss; puis, après la pai\ de Tîlsit, ce fut le tour du nouveau royaume de West- [ilialie (18 août 1807); eniin, l'admission des deux ducs de Meckleu) bourg (18 Février et 22 mars 1808) et celle du duc d'OI- clenbûurg (IV octobre 1808) portfrent h treut«-sept le nombre des membres de la confédération. En môme temps avaient Heu do nombreuses mutations de territoires, raoUvées principale- ment par la diminution de la Prusse et la spoliation complète des dynasties de Hesse-Cassel, de Nassau-Orange et do Brunswick. Le roi de Saxe recevait, par la paî\ de Tilsit (7/9 juillet 1807), le duché de Varsovie, constitué avec les dépouilles polonaises de la Prusse ; le 1 8 août 1 807 était créé le royaume de Westphalie ; la convention du 3 janvier 1808 doublait ou triplait le grand- duché de Berg.

Arrêtons-nous un instant à ces deux dernières créations na- poléoniennes, qui ne devaient pas survivre b la fortune de leur fondateur. Le royaume de Westphalie, qu'annonçait le traité de Tilsit. fut appelé ù la vie. comme nous venons de le dire, le 18 août 1807 ; mais U ne fut organisé que le 1>^ novembre, et .«on nouveau souverain, Jérème Bonaparte, marié, depuis le 22 août, à la princesse Catherine de Wurtemberg, ne fut pro- clamé que le!" décembre 1807, Le fond du royaume était formé par la majeure partie de la dépouille allemande de la Prusse, l'Électiirat de Hesse-Casscl presque entier, tout le duché de Bruns- «ick-Wolfenbul.lJ'l, la partie méridionale de l'électorat de Ha- novre el différenls territoires médiatisés ; de plus, le roi de Saxe avait, dès le 32 juillet 1807, cédé à l'empereur des Français, en Miedufnturétat,Barby, Gommern, Sangerhausen etune partie du Man^feld savon, t^auf h reprendre plus tard(I9 mars 1 808) San- 1 îrhnu^eu contre le reste du Mansfeld ; enGii, lors de l'organisa- n définitive du 13 novembre 1807, on y avait ajouté les an-

jerhau-seu co ■Hi défimtiv

3I'2 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

ciennes principautés ecclésiastiques d'Osnabruck et de Corvey. Ensemble toutes ces provinces, réparties entre les huit départe- ments de TElbe (chef-lieu Magdebourg), de la Saale (chef-lieu Halberstadt), de TOcker (chef-lieu Brunswick), du Weser (cbef- lieu Osnabruck), de la Leine (chef-lieu GcetUngue), du Harz (chef-lieu Heiligenstadt), de la Fulda (chef-lieu Cassai) et de la Werra (chef-lieu Marbourg), constituaient un bel état secon- daire, de 41,000 kilomètres carrés et de 1,900,000 habitants, qui comprenait les contrées centrales de l'Allemagne, le cœur même du pays germanique ; néanmoins le gouvernement cen- tral établi dans la résidence royale de Gassel était, ainsi que l'administration provinciale, complètement calqué sur les mo- dèles français. Quant au grand-duché de Bcrg, créé, comme nous l'avons vu, dès le mois de mars de Tannée 1806, au moyen du duché de Berg et de la partie du pays de Clèves située sur la rive droite du Rhin, il fut porté, le 3 janvier 1808, à 17,000 ki- lomètres carrés et 875,000 âmes, par Tannexion des pays prus- siens de Mark, Munster, Tecklenburg, Lingen et de la ville oranienne de Dortmund, et comprit dès lors les quatre départe- ments du Rhin (chef-lieu Dusseldorf), de la Sieg (chef-lieu Dil- lenbourg), de la Ruhr (chef-Ueu Dortmund) et de l'Ems (chef- lieu Munster), la capitale restant fîxée à Dusseldorf. Gomme Joachim Murât abandonna bientôt sa principauté allemande pour le trône de Naples (15 juillet \ 808), et que son successeur, le prince royal de Hollande, Napoléon-Louis Bonaparte, frère aine du futur empereur Napoléon III, n'avait que cinq ans au moment il fut désigné pour le remplacer (3 mars 1809), Berg fut plus directement encore que la Westphalie entre les mains de l'administration impériale française.

Les remaniements territoriaux occasionnés par la guerre de Prusse étaient à peine terminés que de nouveaux virements de pays allemands eurent lieu à la suite de la guerre de 1809 contre TAutriche. Le traité de Vienne, imposé, le 14 octobre 1809, à Tempereur François P' (c'est ainsi qu'il s'appelait depuis son abdication comme empereur romain), porta ratification de l'acte de Ratisbonne du 24 avril 1809, par lequel Napoléon Y' avait d^

DBS ÉTATS DE I'EUHOPR CENTBAIK. SIS

I la suppression de l'ordre teiitoiiique dans les états de la

confédération du Rhin ; mais surtout il augmenta l'empire fran- raîs. le royaume de Bavière et le duché de Varsovie aux dépens des Habsbourg. D'autre part, pour récompenser un plus grand nombre d'alliés des efforts faits contre l'adversaire commun par 1.1 conrédération du Rhin entière, puis aussi pour arrondir ses [ifiipres i^tiils, l'pmpereur de*^ Français ordonna, dans les pre- miers mois de 1810, une sérift d'échanges ou de cessions au pro- fit des souverains de Wurtemberg, Bade, Wurzbourg, Darm- ïtadt et à celui du royaume d'Italie. Ënlin il accrut notablement le royaume de Westphalie, et constitua, par la création du grand-duché de Francfort, une troisième principauté française en Allemagne. Ce fut un traité conclu le 14 janvier 1810, à Paris, entre les deux frères, qui attribua au roi Jérôme tout le reste de l'éleclorat de Hanovre, sauf le Lauenbourg, de façon que son royaume, agrandi des trois nouveaux départements de l'.Xller (chef-lieu Hanovre), de la Basse-Elbe (chef-lieu Lune- bourg) et du Nord (chef-lieu Stade), atleignit dès lors une su- perGcie de 63,000 kilomètres carrés et une population de 2,4)00,000 habitants. Quant à la transformation en grand-duché des états du prince- primat, elle se fit par le traité de Paris du 16 février 1810 qui, en même temps, attribua à l'ancien arche- *è(pie-électeur-archichancelier-primat, en échange de Ratis- bonne, cédé à la Bavière, la majeure partie des principautés de Fuide et de Hanau, de façon à relier entre elles ses possessions antérieures d'Aschaffenbourg et de Francfort. Le nouvel état, dont les quatre départements portèrent les noms des quatre villes principales, Francfort. Aschaffen bourg, Hanau et Fulde, se trouva ainsi comprendre 300.000 habitants sur plus de 5.000 kilomètres carrés; mais, en même temps, il cessa d'être une pnncip.iuté ecclésiastique, la dernière qui eût survécu : sans égard pour la désignation qu'il avait faite naguère (mai 1806) du cardinal Fesch comme coadjuteur de l'élecleur-arohichan- cdier, depuis prince-primat. Napoléon I" déclara héritier pré- s^ptîf du grand-duché de Francfort son fils adoptif, Eugènç

Hliliamais(l" mars 1810).

314 HISTOIRE DB LA FORMATION TIRRITOUALB

Après cesdifTérentes opérations territoriales, c'est-ànlire daos le courant de Tannée 1810, la confédération du Rhin était arri- vée à son maximum d'étendue. Â Texception de rÂutricbe re- jetée au delà de Tlnn, de la Prusse refoulée au deùt de TElbe» des terres allemandes des couronnes de Danemark et de Suéde, de rOstfrise cédée à la Hollande, et de quelques parcelles que s'était réservées l'empereur des Français, elle comprenait tous les anciens états princiers allemands non incorporés dans l'em- pire napoléonien. Ses trente-sept membres, les quatre rois de Bavière, Wurtemberg, Saxe et Westphalie, les cinq grande- ducs de Francfort, Bade, Berg, Darmstadt et Wurzbourg, les treize ducs de Nassau, Arenberg, Saxe-Weimar, Saxô^^tba, Saxe-Meiningen , Saxe-Hildburghausen, Saxe-Gobourg, Anhalt- Dessau , Anhalt-Bernbourg, Anhalt-Kœtben, Mecklembourg- Sch\(^érin, Mecklembourg-Strélitz et Oldenbourg, et les quinie princes de Nassau-Weilbourg, HohenzoUern-Hechihgen, Hobeo- zoUern-Sigmaringen, Salm^abn , Salm-Kyrbourg, Isenbuif, Liechtenstein, Leyen, Schwarzbourg-Sondershausen, Schwan* bourg-Rudolstadt , Waldeck , Lippe , Schaumbourg - Lippe, Reuss-Greiz et Reuss-Scbleiz gouvernaient ensemble quatone millions et demi de sujets, répartis sur en\iron 330,000 kilo- mètres carrés, et fournissaient 120,000 honunes aux armées napoléoniennes.

Mais bientôt la volonté toute-puissante de Napoléon, qui IV vait étendue jusqu'à la Baltique, l'entama au nord, comme elle venait déjà de le faire au sud en adjoignant au royaume d'Italie le Tyrol méridional, et incorpora directement à l'empire fran- çais une assez notable partie de son territoire. L'insatiable con- quérant avait souvent déclaré que le Rhin était la frontière na- turelle et infranchissable de son empire ; il s'était, il est vrai, bit céder en décembre 1805 et en mars 1806,par l'électeur de Bade et par la maison de Nassau,les tètes de pont de Kebl et deCaftil en face de Strasbourg et de Mayence, et avait stipulé en juii* let 1806 que la forteresse de Wesel, tout en restant partie int^ grante du grand-duché de Berg, serait adjointe à la vingt-cin- quième division militaire française; mais même après âvoif»

W Des états rg L'ennoFi; cëntbale. 3IÔ

Bs prétexta de considératioDs strat«^giques, l'ait annexer ces rois points isolés de la rive droite du Rbin aux déparlcments du ia*-Rhin,du Mont-Tonnerre el de la Roer parle sénatus-con- <ult6 du 21 janvier 1808, ii avait prétendu maintenir le principe «»é par lui, et onœre dans l'acte du 1" mars ISlO.qui assurait lU priuce Eugène Beauliarnais la succession dans le grand-duché le Francfortion lit ces paroles bien positives :u Nous avons jugé le devoir laisser aucun doute eur l'intention nous sommes |ue nos étals directs ne dépassent pas le Uliin ii ; l'année n'était las révolue, que l'empire français débordait bien au delà du leuve qu'il ne devait jamais francliir et touchait, à l'embouchure le la Trave, les rives do la Baltique! Lesônatus-oonsulte du 3 décembre 1810, motivé par les exigences du blocus conti- leatal, inwirpora ù la France, en méroe temps que la Hollande intière, toute l'Allemagne du nord-ouest. La conrédération du Ibiu y perdit 3^,000 kilomètres carrés et près d'un million l'babitunts, à savoir le département de l'Ems du grand-duché le Berg, les trois départements wcstphaliens du \Veser, de la }asse-Elbo et du Nord, et la totalité des états des princes de ialm-Siilm et de Salm-Kyrbourg et des ducsd'Arenbergeld'Ol- lenbourg. Le Lauenbourg, qui était resté à la disposition de la ^rance, et les trois dernières villes libres de l'ancien empire :ermanique, Brème, Hambourg et Lubcck, partagërentle sort les territoires voisins. Le tout donna les quatre départomeuts rançais de la Lippe (chef-lieu Munster), de l'Ems-supéricur :Jief-lieu Osnabruck), des Bouches-du-Wesor (chef-lieu Brème) Ides BoucheB-de-l'Elbe (chef-lieu Hambourg).

Ce fut la dernière modilicatioo territoriale que Napoléon 1°' péra en iVllemagne; le temps lui manqua pour ordonner de ouveaux virementt; de territoires, qui probablement n'auraient as été plus durables que les précédents. Au moment de la ca- istrophe qui l'engloutît, lui et sou empire, l'Europe centrale aul entière était sous la domination directe ou indirecte de la 'nincc. A l'empire français étaient incorpoi-ées, comme départe-

IDts, l'Allemogne riveraine de la mer du Nord et l'Allemagne ièldu Hbiu, la Hollande, la Belgique et une partie de U

316 HISTOIRE DE LA FOBMATKNI TREBITORIALB

Suisse ; sous le nom de provinces illyriennes, la partie sud-est de Fancien saint-empire et les provinces avoisinantes de la cou- ronne de Hongrie. Le Tyrolméridional faisait partie du royaume d'Italie, et Neuchàtel appartenait au maréchal Berthier. La ré- publique helvétique révérait en lui le médiateur qui avait fait cesser ses troubles civils ; les états de la confédération du Rhin s'inclinaient, avec un respect mêlé de crainte, sous k suzeraineté du protecteur qui, au milieu de leurs territoires, s'était réservé Erfurt et quelques autres enclaves. La Prusse et l'Autriche elles-mêmes cachaient mal leur vasselage sous le nom menteur d'une alliance, la première surtout, que menaçaient sur ses flancs le duché de Varsovie et la garnison française de la ville librede Danzick. Gomme les Ottons, Napoléon P' avait renouvelé l'empire de Gharlemagne ; comme eux, à meilleur droit qu'eux, il se regardait comme le successeur des césars romains ; comme eux, avec plus d'apparence de succès, il prétendait à la monar- chie universelle : mais les populations tudesques, cdles de l'Al- lemagne du nord principalement, ne supportaient qu'en frémis- sant le joug étranger ; eUes le brisèrent dès que la fortune se fut déclarée contre l'homme de génie qui en avait trop abusé.

La chute de lempire napoléonien ramena la France à ses anciennes limites ; par les deux traités de Paris du 30 mai 18U et du 20 novembre 1813, Louis XVIII renonça à toutes les con- quêtes de la république et de l'empire. Les Teutomanes récla- maient en outre les provinces acquises par les rois bourboniens, l'Alsace, la Lorraine, la Flandre et même la Franche-Comté ; mais, grâce à Alexandre I" et au duc de Wellington, ils ne réussirent pas, même après Waterloo, à faire admettre leurs revendications, que soutenait la seule Prusse; et de toutes les anciennes pertes du saint-empire il ne revint à l'Allemagne, aux Pays-Bas et à la Suisse que Philippeville, Marienbourg, Bouillon, Sarrelouis, Landau et Versoix, tandis que la France conservait Montbéliard et Mulhouse. Malgré cette prétendue modération, la dépouille à partager par les vainqueurs était extrêmement considérable ; pour ne parler que des pays autre fois d'empire, il y avait à leur disposition tous les départements

DES ÉTATS DE L'EUROPE CEITTRALE. 317

français sur la rive gauche du moyen Rhin et des deux côtés du Rhin inférieur, et de plus un certain nombre d'états de la con- fédération du Rhin : car le royaume de Westphalie et le grand- duché de Berg s'étaient évanouis dès le lendemain de la bataille de Leipzig; les grands-duchés de Francfort et de Wurzbourg avaient été abandonnés par leurs souverains, dont Tun choisis- sait pour retraite son diocèse de Ratisbonne , dont Tautre retournait dans sa résidence héréditaire de Florence ; et les états du roi de Saxe, du prince dlsenburg et du prince de la Leyen, fui seuls parmi leurs confrères n'avaient pu obtenir de la coali- tion victorieuse, avec Tautorisation d'y accéder, la garantie de leur souveraineté et de leur état territorial, étaient pour le moins fort compromis. Tous ces territoires vacants étaient à la dispo- sition du congi*ès de Vienne ; ils se trouvèrent insuffisants pour faire face à toutes les exigences et à toutes les réclamations, et la réorganisation territoriale de l'Europe centrale fut certes la tâche la plus ardue de la diplomatie européenne d'alors. On était à l'avance tombé d'accord de maintenir la confédération helvé- tique et de créer un royaume des Pays-Bas en ajoutant la Belgi- que à la Hollande ; les dynasties de Hesse-Gassel, d'Oldenbourg, de Brunswick et de Hanovre s'étaient restaurées elles-mêmes avec l'assentiment universel ; avec ce qui restait il s'agissait de faire des combinaisons qui, tout en respectant les engagements contractés avec les princes de la confédération du Rhin, permis- sent de donner à l'Autriche les équivalents nécessaires pour déga- ger des mains de la Bavière les provinces héréditaires qu'elle vou- lait récupérer, de reconstruire la monarchie prussienne au niveau de ce qu'elle était en 1806 en lui donnant en Allemagne de quoi la dédommager de ses possessions polonaises abandonnées à la Russie, enfin, s'il y avait moyen, de satisfaire aux réclamations des nombreux membres de l'ancien saint-empire, qui avaient été dépouillés de leur souveraineté au temps de la domination française. Ces derniers perdirent tous leur procès, à l'exception des quatre anciennes villes libres de Francfort, Hambourg, Brème et Lubeck ; malgré les instances du saint-siége> on ne ^ngea même pas à rétablir les principautés ecclésiastiques; la

dis HISTOIRE DE LA FOHMATION TBàllTOlUALB

noblesse d'empire, les comtes et les princes médiatisés ne furent pas plus heureux ; leur nombre fut même augmenté par U médiatisation des princes d'Isenburg et de la Leyen, et il s'en TalUit de peu que le roi de Saxe, lui aussi, n'éprouyftt le même sort : au moins fut-il dépouillé de la moitié de ses états. C'est ainsi qu on parvint à remplir à peu près de leurs prétentions ct^ntradidoires TAutriche, la Prusse, les princes restaurés et les membres maintenus de la confédération du Rhin, qui signèrent enlr^ eux une multitude d'arrangements et d'échanges, enre- 4:i:!^lr^ dans Tacte final de Vienne du 9 juin 18i5 et dans son v\>mplément, le recez général de la commission territoriale de Francfort du 20 juillet 1819; la seule Bavière, qui avait le plus gagné aux remaniements napoléoniens, fut sérieusement lésie par les stipulations définitives, contre lesquelles elle protesta aussi vainement que l'avaient fait contre l'acte final de Vienne les princes médiatisés et le saint-siége.

Parallèlement aux négociations territoriales, on avait ouvert à Vienne des négociations non moins difficiles pour la reconsti- tution politique de l'Allemagne. L& aussi le problème était pres- que insoluble; la diplomatie devait trouver des formes constitu- tionnelles qui répondissent aux aspirations populaires vers l'unité nationale, assurassent Tindépendance de l'Allemagne au dehors, lui donnassent la liberté au dedans, et ce nonobstant respectassent la souveraineté garantie aux princes de la confédé- ration du Rhin par leurs traités d'alliance avec l'Autriche et les autres puissances coalisées. Le premier traité de Paris avait posé le principe que les états de l'Allemagne seraient indépendants et unis par un lien fédératif; il était entendu que l'Autriche et la Prusse entreraient dans la nouvelle confédération pour celles de leurs possessions qui appartenaient autrefois au saint-empire) la Silésie comprise; le roi de Danemark devait en faire partie pour le Holstein et le Lauenbourg, le roi des Pays-Bas pour le Luxembourg; mais la difficulté était de s'entendre sur les droits respectifs de la confédération et des princes confédérés. Le réta- blissement de la dignité impériale, proposé par le Hanovre, fut tout d'abord écarté, l'Autriche ne s'en souciant pas, de peur que

DK3 ÉTATB DE l'ëURDPE CEHTRALE. 31!)

l'ftipclion iic la fil un jour passer Jt la Prusse; le projet élaboré par les rainiulpes tlps deux grandes puissances fut & son tour repoussé par les rois de Daviôre et do Wurtemberg, comme attentant (ce qui était vrai) h leur souverainetô; les pourparlers tl les négoriations menaçaient de ^'éterni^er. lorsque lo retour (le Napoléon de l'tlc d'Elbe et la crainte de voir les souverains ■le r^VUeraagne méridionale retourner à l'alliance Trançaiee dcci- !i renl l'Autriche et la l'Hisse à se montrer naoins exigeantes; on arrêta h la forme d'une fédération d'états assez Iftche en géné- ral, mais en stipulant formellement la défense des alliances étrangères et des négociations particulières dirigées cuntre la CMiununauté. C'est ainsi que fut constituée par l'acte fédéral de Vienne du 8juin IfllS \d. confédérntion germanique, dont l'or- ganisation fut complétée et consolidée par des conférences ministérielles tenues h Vienne, et définitivement arrêtée par l'acte final du IS mai 1820, que la diète de Francfort déclara l'ii fondamentale de la confédération le 8 juin 1820.

La nouvelle confédération se composait de trente-neuf états souverains, dont la grande majorité avait fait partie de la confé- diralton du Rhin. Celle-ci, un sole rappelle, comptait trente-sept membres à l'époque de sa plus grande extension; Napoléon 1" •■Il avait médiatisé quatre (vXreiiberg. Oldenbourg, Salm-Sahn, Salm-Kyrbourg) au mois de décembre 1810, et sa chute avait entraîné la disparition de «ix autres états (Wcstpbalie, Franc- fort. Berg, Wurzbourg, Isenhurg. Leyen) ; mais d'autre part le congrès de Vienne avait rappelé il la vie politique les quatre dynasties de Hanovre, Hesse-Cassel, Oldenbourg et Brunswick et les quatre villes libres de Francfort, Lubeck, Brème et Ham- bourg, et l'adjonction à la confédération germanique des pays allemands de l'Autriche, de la Prusse, du Danemark et des Pays- Uas complétait le chiffre indiqué de trente-neuf états. Il est vrai que la branche aînée do la maison de Nassau vint ix s'éteindre en I8IG, c'cst-A-dirc avant ([ue l'élaboration do la reconstitution politique de l'Allemagne fût achevée; mais dès l'année suivante ijifllT) la place devenue vacante par la réunion en un seul état

s pays nassoviens fut prise par le landgrave de Hesse-Hom-

320 niSTOIRB DE LA FORMATION TERRlTOaiALB

bourg, le seul prince médiatisé qui ait obtenu d'être relevé de sa médiatisation. Par ordre de dignité, ces trente-neuf états se partageaient entre huit groupes ; il y avait un empire (Autriche), sept royaumes (Prusse, Bavière, Saxe, Hanovre, Wurtemberg, Danemark, Pays-Bas), un électorat (Hesse-Gassel), six grands- duchés (Bade, Hesse-Darmstadt, Saxe-Weimar, Mecklembourg- Schwérin, Mecklembourg-Strélitz, Oldenbourg), neuf dudiés (Brunswick, Nassau, Saxe-Gotha, Saxe-Gobourg, Saxe-Meinin- gen, Saxe-Hildburghauscn, Anhalt-Dessau, Anhaltr-Bembourg, Anhalt-Kœthen) , dix principautés (Schwarzbourg-Sonders- hausen, Schwarzbourg-Rudolstadt, HohenzoUern-Hechingen, Hohenzollern-Sigmaringen, Liechtenstein, Waldeck, Reuss ligne aînée, Reuss ligne cadette, Schaumbourg-Lippe, Lippe- Detmold), un landgraviat (Hesse-Hombourg) et quatre villes libres (Lubeck, Francfort, Brème, Hambourg). Au point de vue international, quatre des trente-neuf membres de la confédéra- tion germanique étaient des puissances européennes, à savoir TAutriche et la Prusse, qui avaient le siège de leur gouverne- ment au-dedans du territoire fédéral, des provinces plus ou moins considérables en dehors, et le Danemark et les Pays-Bas, dont les provinces confédérées étaient des annexes de royaumes étrangers à Talliance; les trente-cinq autres, quelle que fût leur importance relative, appartenaient exclusivement à la confédéra- tion et formaient ce qu'on appelle vulgairement la Petite-Alle- magne. Dans sa totalité, la confédération germanique avait lors de sa création une étendue de 632,000 kilomètres carrés et une population de trente millions d'âmes.

Chacun des états confédérés était réputé souverain. Néan- moins, on avait assuré des privilèges assez considérables aax anciens membres immédiats du saint-empire de Tordre princier ou comtal [Standesherreii) ; on avait stipulé pour chaque pays des institutions constitutionnelles, qui furent en effet établies ou maintenues à peu près partout, sauf en Autriche et en Prusse; on avait surtout réservé à la confédération elle-même, déclarée perpétuelle et indissoluble, les pouvoirs jugés nécessaires pour maintenir la sûreté extérieure et intérieure de l'Allemagne et

MîS ETATS DE t'EUHOPE CENTHALE. 321

l'indépendaiice îles élaU conrédérés, et iiistilué pour lui servir (l'organe la diète fédérale [Bundeslag). qui ouvrit ses séances à Fruiicrorl-sur-lc-Mciii, le novembi-e 1816. Cette assemblée, (|ui était plat'i'e sous la présidence de l'Autriche et la vicc-pré- >ideur(.' de la Prusse, se composait exclusivement des rcpK'sen- lants des gouvernements, monarchiques ou républicains, des différents états, sans adjonction de membres choisis par les po- giulalions ou par les assemblées législatives de chaque pays. La ronstitution fédérale l'itivestissait de la gestion de toutes les iitTuires fédérales, tant internationales qu'intérieures, en lui atlrîljuHiil te drfiil do faire la guerre et la paix, d'organiser les r*irees njilitairos, de promulguer des lois organiques, de régler les contestations d'état à état, d'apaiser les troubles civils ; mais elle procédait différemment selon les circonstances. Les affaires f murantes étaient expédiées assemblée restreinte ou par cu- ries, où les onze grands ou moyens états, Autriche, Prusse, Ba- vière, Saxe royale. Hanovre, Wurtemberg, Bade, Hcsse électo- rale, Hessc grand-ducale, Holslein-Lauenbourg-Daiiemark et Luxembourg-Pays-Bas, avaient seuls des \oix viriles, tandis que les vingt-huit autres membres de la conlédéralion étaient répar- tis eu si\ curies ou groupes, dont chacune n'avait qu'un vote niria! et qui comprenaient, la première le grand-duché et les quatre duchés de Saxe, la seconde Brunswick et Nassau, In troi- ^iÈrae les deuv Mocklcmbourg, la quatrième Oldenbourg, les trois Aiihalt et les deux Schwarzbourg, la cinquième les deux Hohenzollern, Liechtenstein, Waldeck, les deux Lippe, les deux Ileuss et Hesse-Hora bourg, la sixième et dernière, enfin, les t[natro villes libres. Les affaires constitutionnelles, au contraire, i et les décisions do guerre et de paix étaient réservées à l'assi'ni- lilée générale on Pli-mnu,m rliaqiic l'-ial avait son vole individuel, mais oii les quatorze les plus imissants p.irmi les confédérés dis- |«)saient, selon leur itniHirtaii'e, de quatre, de trois ou de deiu ïiites. L'acte fédéral faisait espérer aux médiatisés quelques ^uix curiales dans l'assemblée générale ; mais môme celte petite fflsolation leur fut refusée, et le Plénum ne dépassa pas le chif- fcde S"ixanlo-di\ votes, dont \ingl-i'iiiq pour tes étals à Vole

322 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB

unique, et quarante-cinq pour ceux dont le droit de vote était double (Brunswick, Mecklerabourg-Schwérin et Nassau), triple (Bade, Hesse-Gassel, Hesse-Darmstadt, Holstein et Luxembourg) ou quadruple (Autriche, Prusse, Bavière, Saxe royale, Hanovre et Wurtemberg) .

Comparée à l'ancien saint-empire, la confédération germa- nique constituait un progrès incontestable; le nombre des princes et des états souverains était singulièrement réduit ; il y avait du moins un essai de gouvernement commun. Mais l'Europe cen- trale n'en restait pas moins la région la plus morcelée du conti- nent, européen et continuait à présenter dans quelques-uns de ses cantons le spectacle de la polyarchie féodale en plein dix- neuvième siècle ; la constitution fédérale, toute princière et toute autoritaire, répondait fort mal aux espérances de TAllemagne soulevée contre le joug napoléonien ; la diète, machine bien compliquée et bien difficile à mouvoir en tout temps, devait fata- lement devenir, tôt ou tard, un champ clos pour les deux grandes puissances allemandes, Autriche et Prusse, dont la riva- lité pouvait bien être momentanément assoupie, mais n'était pas complètement écartée. Le principal mérite qu'ait eu la nouvelle constitution du corps germanique, ce fut de donner à l'Alle- magne, disciplinée par l'impérieux protectorat de Napoléon I", une force militaire, sinon d'attaque, du moins de résistance, fort supérieure à celle qu'elle avait eue depuis des siècles ; parmi les institutions communes de la confédération germanique, son organisation militaire fut certainement la moins défectueuse. L'armée fédérale composée de dix corps, dont les trois premiers étaient fournis par l'Autriche, trois autres par la Prusse, le sep- tième par la Bavière, le huitième par le Wurtemberg, Bade et la Hesse grand-ducale, le neuvième par la Saxe royale, la Hesse électorale, le Luxembourg et Nassau, le dixième par le HanovTe, Brunswick, Holstein, les deux Mecklombourg, Oldenbourg et les

trois villes hanséatiques (les autres petits contingents consti- tuaient la réserve), représenta un effectif réglementaire de 500,000 hommes, qui, en réalité, était bien supérieur à ce chiffre, môme en dehors des troupes non allemandes de l'Au-

HBB ÉTATS OB L'EUROPE KEHTHAIB. 3*3

ibc et de la Prusse ; les forteresses, inimédiatemenl déclarées lâérales, de Mayence, Landau et Luxembourg, auxquelles vin- rent s'ajouter, plue tard, celles de Rastadl et d'Uini, furent per- fertionnées ou construites â neuf avec une partie de la contribu- lioii de guerre imiMséc à la France par le second traité de Paris, et proli^gèrenl dorénavant, d'une manière efficace, l'Allemagne du sud-ouest, si souvent ravagée au dL\-septièrae et au dix-huî- lième siècle par les armées françaises. En elTet, pendant le denii-sièi'le qui s'écoula depuis les truites de Vienne, l'Allemagne ne fut pas attaquée par ses puissants voiiiins de l'ouest et de l'est, et elle put se livrer sans obstacle aux travaux de la paix, tout en tendant vers une unité plus grande, qui l'approchUt davantage

^ conditions d'existence des autres grands peuples euro- t avenir, rêvé par tous les patriotes allemands, n'en restait pas moins extrêmement problématique, non-seulement par suite lie tout le développement bistorique de la nation tudesque. mais encore à cause de la configuration géographique du pajs alle- mand et de la nature même de l'esprit germanique. Il manque àl'jUlemagae un phénomène physique dominant, qui impose une unité supérieure au plateau danubien, à la vallée du Rhin et àU plainc^e la Ikissc Allemagne. Le particularisme tudesque, i|Qi a aidé il constituer des peuples compliHcment autonomes dans les hautes vallées des Alpes et à l'embouchure des grands Deuves néerlandais, avait, de tout temps, tenu profondément sépa- rées les tribus de la haute Allemagne de celles du bas pays ; de- puis le seizième siècle la scission religieuse avait entrainéà sa suite ianlîpiithie confessionnelle entre l'Allemagne du nord, presque entièrement protestante, et l'Allemagne du midi, restée en ma- jeure partie catholique ; enfin, les intérêts dynastiques des {irinccs, jaloux de leur souveraineté, et la rivalité entre l'Au- tricbe et la Prusse, l'une plus puissante, l'autre plus allemande, laient en apparence impossible l'unillcatiou de l'Allemagne, lune révolution totale dans l'ordre politique. Aussi, pendant langues années, la question ne fit-elle pas un pas sur le ter- II des faits ; les rêves unitaires des associations secrètes d'étu-

32 't IIISTOIHE DE LA F0HMAT105 TKRBltORlALB

(liants [Burschenschaften] n aboutirent qu'à des manifestations stériles, comme la fôte de la Wartbourg, en 1817, ou à des excès criminels, comme l'assassinat de Kotzebue; la Sainte- Alliance veillait sur son œuvre, les congrès et les conférences mi- nistérielles restreignirent le peu de libertés octroyées aux peuples allemands, et la prison, à défaut de l'échafaud, eut facilement raison de cette jeunesse enthousiaste, aussi bien que des vété- rans de la guerre d'indépendance. La révolution de 1830, qui détruisit en partie l'œuvre de 181 S, en brisant le royaume des Pays-Bas et en éloignant du pouvoir les petites aristocraties de la Suisse, agita l'Allemagne, chassa même de son pays un prince par trop impopulaire, le duc Charles de Brunswick ; mais elle ne changea rien à l'organisation politique de la confédération et eut pour unique résultat territorial d'en séparer la partie devenue belge du Luxembourg, en la remplaçant nominalement par une partie du Limbourg. Néanmoins, si la carte continuait à mon- trer les mêmes lignes capricieuses et les mêmes couleurs bario- lées, indiquant les frontières enchevêtrées d'une multitude d'é- tats, les esprits obéissaient, d'année en année, à une attraction plus vive vers l'unité ; le sentiment national, jusque-là principa- lement développé par la littérature, se portait aussi sur le terrain des intérêts matériels; le Zollverein prussien, vaste union doua- nière, qui engloba peu à peu presque tous les états allemands à l'exception de TAutriche, créa une puissante communauté d'in- térêts industriels et commerciaux, qui, à son tour, réagit sur la politique; le réseau de chemins de fer qui couvrit rapidement, d'abord toute l'Allemagne du nord, puis aussi celle du midi, contribua à rapprocher non-seulement les lieux mais aussi les intelligences.

Survint le coup de foudre de 1848. La révolution, exclusive- ment démocratique et socialiste en France, fut, en Allemagne, avant tout, nationale et unitaire. Dès le 8 mars 1848, la diète épouvantée reconnut publiquement la nécessité d'une réfonne de la constitution fédérale, selon les besoins du temps et delà nation, et le 12 juillet 1848 elle abdiquait officiellement entre les main>d'Mn parltMnent constituant, qui s'était réuni à Franc-

'HIR ftTATS flK t'Bl'Boriî CKUTBALf:. 323

e ISmai. Cette assemblée nationale allemande, siégeaient ^résonlants dp tous li's étals de In confédération, sans ex- ti aiiniiip. of dp plus Ips députés de In province de Prusse s parties allpmaudos de la l'osnnnie et du Sclileswick, pm- htmii uu emiiire .illemnnd, dont elle confia provisoirement le irarîat il uu airliiduc autrichien réputé libéral, qu'assistait un mivernt^ineiit central iut*- rimai re. Mais elle perdit un temps ieux à discuter longuement les droits fondamentaux du Ile allemand et la constiliition future de l'empire, destinée psformer en un état fédératif la confédération d'états cn''<'-e P15, si bien que, lorsqu'enfm elle décerna, Ie28marsl8ii), •omio impériale héréditaire au roi de Prusse Frédério laume IV, le moment favorable était passé. Après un mois le réflexion, le monarque prussien refusa, le 28 auil i8i9, un rflne que lui offrait, h dos conditions ultra-libérales, une faible uajorité du parlement, et dont lastabilik^ él/iil plus que douteuse Il face d'une Aulriclie qui commençait à se raffermir et d'une inmpe en pleine réaction ; un grand nombre de députés, rap- wlt's par leurs gouvernemeuts, avaient déjîi quitté nu quittèrent i^Vancfort ; reux qui iwrsistèrent, et qu'on appela le liiimp, d'un mm emprunté à l'Iiistoire de la révolution d'Angleterre, se ré- itpîèrenl h Slulfgarl, ils furent dispersés par la force (juin 1849) ; en même temps les armes prussiennes réprimaient miâ à juillet I8i9) les soulèvements tentés en Saxe, dans le Pa- nlÎBtt, dans le pays de Bade, en faveur de la constitution «11e- nonde, pbitilt en faveur de la république ; et le 20 décembre 1810 une commission fédérale provisoire, austro-pmssienne, ■criii, h Francfort, l'abdication de l'archiduc Jean et de son mi- listère d'empire. Ij> cabinet de Berlin, qui n'avait pas osé se nettrc franchement à ta tête du mouvement national vers l'unité ilur« qu'il pouvait al>ontir, essaya, lui aussi trop tard, de faire nie réforme fédérale partielle en groupant les états de l'iMle- nagne septentrionale en une union restreinte soiis sa présidence; lursa convocation, un parlement partiel étaient représentés tiafoia les princes et les populations, s'assembla en effet àErfurt, Jmars iS'iO; mais rAulriclie. qui. dnns l'intervalle, a\ait

326 HISTOIRE DE LA FORMATlOir TBattmULB

triomphé de la Hongrie aussi, comme précédemment de l'Italie, fit avorter la combinaison prussienne ; elle profita des troubles de la Hesse électorale pour mettre en avant le rétablissement pur et simple de la confédération germanique (septembre 1850), et Frédéric-Guillaume IV, abandonné par la Russie, le subit par le traité d'Olmutz (28.29 novembre 1850).

La restauration du droit fédéral de 1815 se trouva complète, lorsque la diète ressuscitée se rouvrit à Francfort le 30 mai 1851 en présence du délégué prussien ; mais aussitôt aussi recom- mença, sourdement ou publiquement, la vieille rivalité deTAu- triche et de la Prusse , entre lesquelles louvoyaient les états se- condaires, également menacés dans leur autonomie par l'ac- cord des deux puissances ou par la victoire trop complète de Tune ou de l'autre ; le vieux malaise se faisait sentir plus que jamais, et, après une période d'affaissement, il commença à se traduire par des discussions incessantes sur la question de la réforme fédérale. La société de l'union nationale allemande, créée en 1859, entreprit une croisade unitaire, qui popularisa, dans les classes moyennes, l'idée de la nécessité impérieuse de donner à l'Allemagne une cohésion plus grande en face de l'étranger, et à l'intérieur des institutions parlementaires com- munes; malheureusement la position hybride de la monarchie autrichienne, et plus encore les prétentions opposées des deui grands états allemands opposaient à toute réforme sérieuse des difficultés en apparence insurmontables. On le vit lorsque l'em- pereur d'Autriche François-Joseph 1" présenta en personne à ses confédérés, réunis en personne aussi à Francfort, un pro- jet compliqué de constitution parlementaire allemande (16 et 17 août 1863) : le fait seul de l'abstention du roi de Prusse fit échouer honteusement ce brillant simulacre des anciennes dictes de l'empire. Et cependant, quelques mois plus tard, les péripéties delà guerre du Schleswickavec le Danemark démon- traient d'une façon par trop évidente l'impuissance radicale de la diète, organe officiel de la confédération, que jouèrent sans vergogne les deux puissances dominantes, un instant coali- sées; les patriotes allemands étaient en droit de désespérer

DBS liTÀT!l DR l'eUBOFR CENTIIALR. 3ST

(j'avenir, lorsque l'audacieuse politique de M. de Ui^marck, Id iUer ministre du mi de l'russe Guillaume I", trancha le nœud gordien par la guerre civile, exclut l'Autriche de l'Aile- jLiagne, et réunit sous rhéf^émonie prussienne tous les états se- condaires de laconfédératiou.

Au printemps de l'année 1866, c'est-à-dire au moment oii se préparait la lutte décisive qui eut pour résultat celte révolution iiimplète dans la constitution politique des pays allemands, la ciinfédération germanique ne comprenait plus que trente-trois i'iats souverains, six de ses dynasties princières s'étant succes- sivement éteintes ou volontairement retirées dans la vie privée. U ligne de Saxe-Gotha avait pris fin en I82S, celles d'Anhalt- Kœthen et d'Anhalt-Bernbourg en i847 et en 1863, celle de Heftso-Hombourg au mois de mars 1866; d'autre part, les deux princes régnants de Hohenzollern-Hechingen et de Hohenzol- l(>rn-Sigmaringen avaient abdiqué en 1849. Le Plénum était ainsi réduit à soixante-quatre voi\, ou raème, par le fait, h ' joiiante-et-une ou à cinquante-huit, les votes de Holstein- Lauenbourg étant suspendus depuis qu'ils avaient été enlevés au roi de Danemark, et le roi des Pays-Bas n'exerçant plus guère, de parti pris, ceux de Luxembourg-Limbnurg. Si le, nombre des états confédérés avait quelque peu diminué de- puis 181ii, la population de la confédération, au contraire, avait j malgré une émigration formidable , considérablement nu^raenté; le recensement fédéral du 3 décembre 1864 lui donnait, sur une superflcie de 631,400 kilomètres carrés, qua- rante-six millions d'habitants, c'est-à-dire une plus-value de [lins de ^0 0/0 sur le chiffre de 1815. De ces 46 millions d'ftmes, 12,800.000 faisaient partie de la monarchie autrichienne; il en revenait 14,700,000 à la Prusse, et les 18,300,000 qui par- faisaient le total se partageaient entre les Irente-et-un états se- condaires, dont cinq (Bavière, Saxe, Hanovre, Wurtemberg et Bade) absorbaient à eux seuls les deux tiers de la population de la Petite-Allemagne (1). Au point de vue ethnographique, les

Cm faire apprécier l'importance respective des différents confédération germanique au moment de la crise deiB6s,

1. Tàt- m^ Tfsitr-nm: Tiiîliiffinf «t àanà d\\Ik- 1»- TbsioGu~ OT m âanr-mfliioL de iii&. un demi- mîlif'i Ct:Ài^fiT-'r -in 1Ilili4•lI2^ e ôol ôf-SisvKL. ifyirlfnaitf

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i étaient toutes protestantes, sauf celles d'Autricbe, de înère, de Sa\e royale et de Liechtenstein ; quant aiix t'tats, 1p ilholicisme régnait H peu près exclusivement dans les provinces llemnndcs de l'Atitriche et des Pays-Bas et dans la principauli' pUechlensteîn, pour deux- tiers en Baviùre et dansle graiid- iicIh'i de FJade ; par contre, le Hnislein et le Lnuenbonrg, les tts villes Itanséatifpies. les deu\ Mecklenibourg, Anlialt, le lyaume et les quatre duchés de Saxe, les deux ydiwarzbourg, les lui Reuss, les deux Lippe, Waldeek et Brunswick étaient com- braentoupresquecomplétementprotestants;ieHanovrerétait ■lEfit huitièmes, la Hesse électorale aux six septièmes. Frniii'- Ht Oldenbourg aux trois quarts, le Wurtemberg et Hesse- Imstadt uux deux tiers, la Prusse allemande au\ trois cin- lièmes; le seul Nassau était éfînleraent partapê entre les doux uressions. En termes plus simples, des trois grands groupes

la cunfOciération {germanique. l'Autriche était exclusivement Iholiqup, t^indis qu'en Prusse les protestants étaient aux ca- nliqucs dans la proportion de trois à deux, et dans la Petite- Irraaf^ne dans celle de deux à un.

Tant axi point de vue de la confession religieuse qu'à celui de race, la T*russe était, on le voit, bien plus homogène à la Pe- e-Allemagni' que ne l'était l'Autriche, même si l'on Tait abs- tction des nombreuses provinces slaves, hongroises, italiennes, le comprenait en dehors de la confédération la monarchie Ifglotle des Habsbourg; il était tout naturel par conséquent 16 les sj*mpatbies des partisans de l'unité allemande Tussent iirnées du côté de Berlin plutôt que de celui de Vienne, ^amnoins, ce ne fut pas par un iiccord pacifique, ce fut par

décision des armes que les pays germaniques furent en M subordonnés h la politique prussienne. Le grand ouvrier

la prussification de l'.Vllemagne, M. de Bismarck, avait, bien ant que le roi Guillaume I" lui confiât le ministère des affaires ningères (septembre 1862), acquis la conxiction que la Prusse ïrriverait jamais à accomplir son rêve de suprématie alle- Ude autrement que par la force, et en évinçant violemment KÎche de la confédération ; avec une habileté merveilleuse.

330 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

il sut engager, dans les meilleures conditions possibles, le conflit qu'il jugeait inévitable. Par un premier coup de maître, il réussit à entraîner le cabinet autrichien dans la guerre du Schleswick, commencée, conduite et terminée au mépris de la diète germa- nique ; puis, après la spoliation du Danemark consommée en commun, il assaillit et fatigua son allié de réclamations et de menaces, tant pour le partage du butin que pour la réorganisa- tion politique de rAllemagne. En même temps, il continuait à pousser ses armements, s'assurait de la neutralité bienveillante de la France, négociait une alliance offensive et défensive avec ritalie et multipliait les programmes capables de concilier à ses projets l'opinion publique de la Prusse et de l'Allemagne : ladr- culaire du 24 mars 1866, destinée à agir sur le patriotisme prussien, posa en principe que la confédération germanique était à refondre, de façon à ce que la première place en diète et la direction militaire des états secondaires revinssent au roi de Prusse ; la proposition déposée à Francfort, le 9 avril 1866, en vue du mode de réforme du pacte fédéral, demanda, comme auraient pu le faire les chefs du parti démocratique, la convoca- tion d'un parlement allemand élu directement par le suffrage universel ! L'Autriche et les principaux états secondaires, éga- lement menacés par l'ambition prussienne, se coalisèrent alors contre le cabinet de Berlin ; et lorsque, passant des paroles aux faits, le premier ministre du roi Guillaume eut fait expulser du Holstein les troupes autrichiennes, la majorité de la diète vota, le 14 juin 1866, la mobilisation des contingents fédéraux contre l»! Prusse. Le résultat du scrutin était connu d'avance ; le délé- gué prussien répondit immédiatement à sa proclamation en déclarant la confédération dissoute, sauf reconstitution sur de nouvelles bases, qu'il avait indiquées dès le 10 juin, et dont la principale était l'exclusion de l'Autriche du futur corps germa- nique.

En agissant ainsi, la Prusse exposait du coup s<in intégrité territoriale et son influence en Allemagne ; une série non inter- rompue de victoires justifia l'audace de M. de Bismarck, et lui livra l'objet du litige, la suprématie sur les pays allemands. Par

DES ÉTATS tlK l'KtJBOPR CENTHAtR. 33)

rélimin&îres depaix et d'armistice signés à Nikol-îburg eu [oravie, le 2fi juillet 1 SGd, et reproduits presque textuellement nus le traité de Prague du 23 août 18(>6, l'empereur d'Au- •iclie ratiGa la dissolution de la confédération germanique, et imna son assentiment à une organisation nouvelle de l'AUema- ne, à laquelle l'Autridie devait rester étrnngère. Cette orgnni- ition nnu\clle de l'Allemagne, c'était la division des pays nlle- lands en délions de l'Antriclie en deux groupes, séparés par la allée du Mein : au nord du fleuve, le roi de Prusse était aulo- isé à fonder une union plus étroite, aprfs avoir opéré telles lodificstions territoriales qu'il jugerait convenables, sous la eulc restriction qu'il respecterait l'état territorial existant du uyaume de Sa\p; au sud du Mein était stipulée la création ieullali\e d'une autre union, ayant une existence inlernatio- ale indépendante, et dont les liens nationaux avec la confédé- alion du nord devaient faire l'objet d'une entente ultérieure ulrc les doux parties. Les états méridionaux de l'Allemagne, ui étaient encore en armes, furent trop heureux d'accéder à PS stipulations, en achetant le maintien de leur existence par L's contributions de guerre, par des rectifications de frontières *'u impiirlantes, et surtout par des traités secrets qui abandon- aientau roi de Prusse le commandement de leurs armées en asdeguerre(août et septembre 1866). Le 24 août 1866 eut lieu ideniitre séance de la diète, qui de Fram-fort s'était réfugiée à kugsbourg ', une note, en date de ce jour et signée du ministre utrichien qui la présidait, avertit les représentants des puis- aiic*s étrangères qu'elle venait de prendre la résolution de ter- liner ses fonctions, la confédération germanique devant, par iiite des événements de In guerre et des négociations de la An, être considérée comme dissoute. L'union plus étroite de l'Ahemagne septentrionale sous la ominatiun prussienne se réalisa dans les mois suivants. Le roi iuillaume commença par annexer à ses états le Hanovre, la lesse électomle, Nassau, Franefort-sur-le-Mein et les duchés de , pour donner, disait-il, une base plus lai^e et plus solide kirganîsation niiliunalc de l'Allemagne. D'autre pari, il dé-

332 histoire: de la formation territoriale

clarait parties intégrantes de la future confédération le grand- duché de Posen et la province de Prusse, malgré la protestation (les députés polonais dans les doux chambres du parlement prussien (septembre 1866), et, en attendant la constitution de la confédération par une diète nationale, il concluait, par le traité de Berlin du 18 août 1866, une alliance préalable avec la plu- part des états qui devaient y entrer. Les autres états allemands au nord de la ligne du Mein ne tardèrent pas à accéder à cette union préliminaire. Le grand-duc de Hesse s'y associa pour la Hesse supérieure le 3 septembre 1866 ; le roi de Saxe s'exécuta à son tour, le 21 octobre 1866. Seul, le roi des Pays-Bas se refusa de renouer avec la nouvelle confédération les relations politiques qui avaient existé au temps de la diète de Francfort entre deux de ses provinces et TAllemagne. Pour le Lini- bourg, qui n'avait que nominalement fait partie de la confédé- ration germanique, la chose était sans importance ; mais il n en n'était pas de même du Luxembourg, dans la capitale duquel, ci-devant forteresse fédérale, le cabinet de Berlin entendait maintenir garnison prussienne comme par le passé. Désespé- rant de s'en débarrasser, le souverain de la Néerlande entra en négociation avec la France pour lui vendre le grand-duché; une guerre entre la France et l'Allemagne parut un instant immi- nente; mais elle fut empêchée par Tintervention des autres grandes puissances. La conférence de Londres, le 11 mai 1867, neutralisa le grand-duché de Luxembourg, qui était maintenu à la dynastie d'Orange et évacué par la garnison prussienne, on plaçant sa neutralité sous la garantie collective de l'Europe; seulement, il continuai faire partie du Zollverein. Parallèle- ment à ces négociations, qui avaient enfin fixé les limites terri- toriales de la nouvelle union restreinte, s'étaient poursui\ies et avaient abouti les délibérations sur sa constitution intérieure. Le projet, élaboré par les hommes d'état prussiens et accepté par les différents gouvernements appelés à faire partie de la con- fédération de l'Allemagne du nord (9 février 1867), fut soumis h un parlement constituant {Reichstag) ouvert à Berlin le 24 fé- vrier 1867, et adopté par lui, avec quelques amendements con-

Ms ÉTATS DE L'RnHOK CRtTiiALi^. 1:^:;

■^fiilis par les gouvememeiits, le 16 avril I8(i7. ii une inajnrilé rfp 2:t(t contre 5.') voix : les opposants él^ii'iil. les membres de l't-Mnime gauche. (]iii le trouvaiciil. trop peu Hbtlral, et ceux rie lii fraclion poloiiniso, i]ui tenaient à prolester une fois de pins i-'-ntTP Tarte d'antorité qui avait incor|KiPê iesim\^ iKiltinnis de 1.1 t'riisse il l'uiiiuii allemande. Puis la iiuiiM'Ik' l'un^liiiirimi fédi^rale fut adupléc successivement par les cIkitmIuvs des diiré- rcTits états de l'Allemagne septentrionale, comme loi fuiida- luenUilc de leur union, et la confédération de f Allemnijne dit H'ird se trouva orficielleiuent constituée.

Elle comprenait vingt-deu.\ membres, mais seulement vingl- ini étals et demi, le grand-duché de Hessc-Durmstadt n'en fai- ^ant partie que pour sa partie supérieure, septentrionale. On y comptait deux royaumes {Prusse et Saxe), cinq grands-duchés (Hesse-Darrastadt, MeL'klemhourg-Schwérin , Mecklembourg- Slrélitz, Oldenbourg et Saxe-Weimar), cinq duchés {Saxe-Mei- innKeii.Saxe-Culwurg, Saxe-Altenbourg. Bnniswick et Anhall), si'ptprinciimiilès(Lippc-Delraold,Scliaumbourg-Lippe,Scli*arz- kiurg-Sondersbausen, Schwarifbourg-Rudolstadt, Reuss-Greiz, Hcuss-Sclileiz et \Naldeck) et trois villes libres (Lu beck, Brème

et Hambourg). Sur 415,000 kilomètres carrés, elle réunissait

^HuÊs de trente millions d'habitants, aux six septièmes de race

^Hbesque, aux trois quarts de confession protestante, et dont

^^D revenait vingt-(|uatre millions à la Prusse, deux millions et

demià la Saxe royale, trois raillions et demi aux autres états {!)•

Quant à son organisation politique, la nouvelle »»ion duSord

* différait essentiellement de l'ancienne confédération germanique fciâeus points de vue principalement : les liens qui unissaient |ri membres étaient beaucoup plus intimes, leur subordination b un pouvoir central beaucoup plus accentuée. D'une part la nouvelle constitution proclamait un indigénat commun, établis- e représentation l'onnuurie à l'étranger, déclarait fédérales

|1. Voici les cliitTres ofHcicls An lit populaiioii et du la superficie res- :Uves des diffùrents membres de la confédération du Nord, d'après

_ résultats du recensement du 3 décembre 1867; les différences avec tablenu précédent proviennent, non-seulement des chan^^mente terri-

334 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

la législation et les institutions commerciales, indusirieiles et douanières, créait une armée et une marine unitaires ; de l'au- tre, elle assurait à la Prusse, par des stipulations formelles et explicites, la haute autorité sur les confédérés. La législation fé- dérale devait, il est vrai, être exercée par un conseil fédéral {Bun- desrath) et un parlement (Reichstag) annuellement convoqués, le premier composé des représentants des membres de la confé- dération, le second émané d'élections universelles et directes, re- nouvelables tous les trois ans : or, si dans le parlement les dé- putés prussiens avaient forcément une majorité écrasante, il n'en était pas de même dans le conseil fédéral, le nombre des vo- tes de chaque membre avait été fixé d'après la proportion ad- mise dans l'assemblée plénière de l'ancienne confédération ger- manique, si bien que, sur un total de quarante-trois voix, la Prusse, qui à ses quatre voix en avait ajouté quatre pour le Ha- novre, trois pour la Hesse électorale, trois pour le Holstein, deux pour Nassau et une pour Francfort, ne disposait que de dLx-sepl votes, tandis que ses confédérés en avaient vingt-six, à savoir la Saxe royale quatre voix, Mecklembourg-Schwérin et Brunswick chacun deux voix, les dix-huit autres états chacun une voLx un:-

toriaux opérés à la suite delà guerre de 1866, mais aussi de l'accroisse- ment normal de la population dans une période triennale, et de nou- veaux calculs planimétriques.

PruRtic

24.040.000 habitants

2.423.000

... 362.300 kilom.»nw<

tiaxe royale

14.990

Hosae-Darmstadt (partie sup^rienrc) . Mccklembonrg-Schwérin

267.000

3.310

661.000

13.310

Mecklcmbouiig-StréUiz

99.000

2.»90

Oldenbourg

316.000

«.400

Saxe-Welmar

283.000

8.640

Saxc-Meiningen

180.000

2.470

Httxe-Cobourg

169.000

l.>70

Haxe-AltenlHmrg

141.000

1.320

Brunswick

308.000

3.690

Anhalt

197.000

2.360

Lipi)e-Dctmold

111.000

1.130

Schaumboun^-Lippc

31.000

440

Schwarzboiu^-S<mderfihna««cn

68.000

860

Schwansbonrg-RudolRtadt

76.000

MO

Kcuiw-Orciz

44.000

320

ReuHS-Schlel»

88.000

830

Waldeck

67.000

1.140

Lnlieck

49.000

280

Brume

110.000

260

Hambourg

305.000

410

29.907.000 habitants 416.180 kiloB. etfitf

DES ËTATS SB l'bUROPB CRKTRALK, 33S

çie; mais pttr contre le roi de Prusse s'ùtait ri^servé Ip pouvoir exécutif presque entier. En sa double qualité de président héré- ditaire de laconrédération etde chef de guerre lédéral, il était appelé à convoquer et à proroger le conseil fédéral et le parlc- mcnljà promulguer les lois fôdiirales,à surveiller ieurexccution, à e\ercer le commandement pcrniaiietit sur les forces de terre et de mer de la confédération, kla représenter à l'étranger, à faire en son nom la guerre et la paix, à signer pour elle les alliances cl les traités ; la cheville ouvrière du nouveau mécanisme politi- que, le chancelier fédéral, ne dépendait que de lui. Si les prin- cos et étatîi de la nouvelle union n'étaient pas complètement mé- diatisés, du moins ils avaient abdiquer au profit de la Prusse une partie notable de leurs droits souverains,

La paix de Prague, en vertu des stipulations de laquelle h Prusse avait pu s'annexer ou se subordonner la majeure partie des états qui jusqu'en 186G formaient la confédération germa- nique, avait, on se le rappelle, autorisé d'autre part les états de l'Allemagne méridionale à se grouper de leur côlé en une union Mêrative, laquelle pourrai! contracter une alliance plus ou moins iutiine avec la confédération du Nord. Comme rAutriche, et par juile aussi son annexe, la petite principauté de Liechtenstein, '■tnient hors de cause, l'article en question du traité de paix ne pouvait s'appliquer qu'à quatre états, ou pour mieux dire à trois Hats et demi, les royaumes de Bavière etde Wurtemberg, le grand-duché de Bade et la pai-tie méridionale de ta Hesse grand- duode. Ensemble ces quatre territoires formaient une masse compacte de HB,000 kilomètres carrés, interrompue parla -eule enclave prussienne de HobenzoUern, et leur population lutaledépaâsaithuit millions et demi d'àmcs(l); réunis en un ^ul corps politique, ils pouvaient par conséquent prétendre faire (pielqiie figure à côté de l'union du Nord. Mais la Bavière elle-

il,'l't! recensement du 3 décembre IMUI donne les chiffreB suivants :

aaVm 4,a34.CK)0 biMtwite Js.SiiO klloin.ein

WorttnibMit, l.rTd.OM III. SUO

- MK.etw la. an»

330 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

même, que sa superficie et le chiffre de sa population auraient forcément appelée à jouer le premier rôle dans une confédéraUoa du Sud, ne montra que peu d'enthousiasme pour la réaliser; les gouvernements et les pays voisins étaient moins disposés en- core à faire des sacrifices d'autonomie, pour une création qu'on sentait ne pouvoir être que provisoire; après quelques pourpar- lers, le projet d'une fédération méridionale fut abandonné. L*idé(* de faire entreries états du sud dans Tunion septentrionale tentait davantage un certain nombre de patriotes allemands des deux côtés du Mein ; mais, sauf dans le pays de Bade, la majorité des populations de l'Allemagne méridionale éprouvait tout aussi peu de sympathie pour le régime prussien que les gouvcrneroenb eux-mêmes, et une pression dans ce sens était interdite au ca- binet de Berlin par la prévision d'une intervention de la France. M. de Bismarck dut donc patienter, et en dehors de la consolida- tion des traités d'alliance militaire qu'il avait imposés aux états du sud à la suite de la campagne victorieuse de 1866, la réor^ga- nisation du Zollverein fut dans les années suivantes le seul acheminement vers une union plus intime entre les deux moitiés de l'Allemagne. Le traité douanier de Berlin, conclu le 8 juil- let 1867 pour une durée de dix ans. leur donna, au point de \w des intérêts économiques, une représentation commune, en constituant en conseil fédéral et en parlement douaniers, lesor- f;ancs politiques de ce nom de la confédération du Nord, renfor- cés par les délégués des gouvernements méridionaux et par les représentants^ élus au suffrage universel, des populations du sud; un premier parlement douanier fut en effet ouvert à Berlin le 27 avril 1868; mais, contrairementà bien des prévisions, il s<* maintint strictement sur le terrain économique, et ne fit rien dans le sens de l'unification politique et nationale de TAIIe- niagne.

Au commencement de l'année 1870 leproWème de l'unité al- lemande semblait donc plus éloigné de sa solution qu au lende- main des victoires prussiennes de 1866. La partie de beaucoup la plus considérable de l'Europe centrale, que les traités de 1813 (i> aient réunie (Ims Ir rarlre de la confédération germanique,

M9 ÉTATS DE L'BUBOPE CElfTBALB. 337

de l'ancien sdint-empire. était divisée en trois tronçons, ou indifférents entre eus; des trente-trois états repré- quelques années auparavant à la diète de Francfort, deux riche el Liechtenstein)étaient(Ievenus complètement étran- ~ 'Allemagne, h laquelle un troisième (Luxembourg) ne se it plus que par le Zollverein; trois états et demi (Ba- Wurtemberg, Bade, Hesse grand-ducale méridionale] it un second groupe, relié au troisième par des conven- ililaires cl économiques, mais de moins en moins disposé idre en lui ; ce troisième groupe cnûn, la confédération I, présentait une unité beaucoup plus compacte que la rration germanique, la Prusse s'étant annexé cinq do ses is confédérés et ayant soumis les vingt et demi restants & tute autorité : mais la nouvelle union ne comprenait même les deux tiers de la superficie et de la population de Tan- ne; elle ne pouvait guère compter dans des circonstances ques sur l'assistance effective de ses alliés de l'Allemagne idionale; elle avait à se garder des rancunes de l'Autriche le devait craindre la jalousie de la France. La politique insen- 3e Napoléon 111 rendit à M. de Bismarck le service de jeter Lies bras de la Prusse les états du sud ; son incapacité mili- KÏlita à l'armée prussienne une nouvelle série de victoires, traduisirent à la fois par la résurrection de l'empire alle- Kti profit du roi Guillaume l",par la réconciliation de l'Au- avec le nouvel ordre de choses, et par l'extension des li- iKCidentales de l'Allemagne.

gouvernement impérial français, en se lançant dans la de 4870, s'était probablement flatté de l'espoir de voir tg du sud rester neutres; ils se déclarèrent prêts jt exé- ïurs traités militaires avec la Prusse, et durent, par con- t, être compris dans la déclaration de guerre française juillet 1 8711. De ce jour devint inévitable l'union de l'AI- NUière. qui fut consonimée, pendant que les armées iides assiégeaient Paris, par tes traités signés à Versailles lerlin (15 b 25 novembre 1870) entre le roi de Prusse part, les souverains de Bade, rie Hesse-Darmstadt, de

338 IllSTOlftE DE LA FORHATlOlf TBRUTOUALB

Bavière et de Wurtemberg de Tautre. En vertu de ces actes diplomatiques y les quatre états méridioriaux entraient dans la confédération du Nord pour Tensemble de leurs territoires; un conseil fédéral et un parlement allemands prenaient la place à la fois du conseil fédéral et du parlement de Tunion sq[ytentrio- nale, et du conseil fédéral et du parlement douaniers; la ligne du Mein cessait d*6tre une frontière politique. Une convention particulière conservait, il est vrai, au roi de Bavière la direc- tion souveraine et l'administration indépendante de son armée; mais comme elle stipulait en même temps pour le roi de Prusse le droit d'inspection militaire en temps de paix, celui de com- mandement suprême en cas de guerre, cette restriction était au fond d'importance assez médiocre. Les quatre traités furent votés presque à l'unanimité , quoique sans entliousiasme, par le parlement de l'union du Nord, qui eût désiré une unification plus complète de l'Allemagne, mais qui se l'endit au prudent avis du ministre d'état Delbruck a que plus d une fois déjà il n'avait pas porté bonheur à l'Allemagne de sacrifier ce qui pouvait d'abord être obtenu à ce qui était souhaitable » (9 dé- cembre 1870); puis les parlements des états du sud les vo- tèrent à leur tour : la chambre des députés de Munich à la stricte majorité des deux tiers, requise par la constitution ba- baroise (19 janvier 1871).

A ce moment la nouvelle confédération allemande, sans ab- diquer officiellement ce nom, avait reçu une autre dénomina tion encore, qui ne devait pas tarder à supplanter la première; elle était devenue Y empire allemand^ en même temps que son président héréditaire, le roi de Prusse, prenait le titre d'empe- reur allemand. C'était le premier en rang parmi les souverains secondaires de l'Allemagne, le roi de Bavière, qui,en novembre 1870, avait oiTert au roi Guillaume le titre impérial; les autres princes et les trois républiques hanséatiques s'étaient empressés de donner leur assentiment ; le parlement du Nord avait voté l'empire dès le 10 décembre 1870 ; mais la proclamation solen- nelle de Guillaume V\ comme empereur allemand, n eut liou que le 18 janvier 1871. Par un étrange retour des chose» bu-

Dl$ ETATS DE l'kuBOFB CEHTaAU. 339

I, elle se Qt, au milieu du concours des princes et des ntaoU de r.Ulemagnc, dans la grande saJlc des glaces laiUes, loute pleine encore des souvenirs de Louis XIV! I son message d'intronisation, le successeur des anciens j^rs romains de nation germanique, dont il faisait re- ^ dignité après plus de soixante ans d'inlerruption, pro- I à la nation iiilemande de la conduire au-devant d'une prc de bonheur, sous ]'emlil<>mc protecteur de son an- vendeur; il lui promettail, en outre, de lui assurer une jrable, à l'intérieur de frontières garanties contre de p& attaques de la France. C'était annoncer d'une façon ' lie les dures conditions terrilorialcs dictées par le vain- la France aux abois ; elles furent consignées dans les de Versailles du 26 février 187i, d'oîi elles pas- sauf quelques rcctiGcalions secondaires de la frontière \ fixée, dans la pai\ de Francfort du 10 niai 1871. Sous 'fi de reculer la ligne d'attaque française et de changer eu ^fds défensifs allemands les forteresses menaçantes de la f, l'Allemagne, en outre de l'indemnité de guerre inouïe I milliards de francs, se faisait céder l'Alsace entière sauf ^t ses environs, plus la partie nord-est de la Lorraine, hjonvilie, Metz, Gorze, Cblïtcau-Salins, ^arregucraines, 0urg et Saalcs. Celait un pays de I4,S00 kilomètres ^ superficie, sur lequel le recensement français de 186(î pmpté 1,600,000 habitants, dont 1,300,000 catholiques, M) protestants, 43,000 Israélites; une contrée riche et ^euse entre toutes, Metz et Strasbourg étaient des Bses de premier ordre, Mulhouse un centre manufactu- jfs ligne ; une région eniin d'ardent patriotisme français, B comme de l'autre côté de la frontière des langues qui, ^voir coupé en deux la Belgique, puis côtoyé la frontière ue de ce royaume entre Verviers et Ais-la-Cbapelle , et Luxembourg, passe entre Metz et Trêves pour gagner |l|gcâ, en suit assez exactement la ligne de faite Jusqu'à la 1 de Béfbrt, et entre en Suisse eo franchissant le Jura : du 9 juin 1871 rcunil '). perpétuité l'Alsace-Lorraine à

â40 UISTOIRE DE LA FORMATION TERRITÛIIIALE

Tempire allemand, en la plaçant sous radministration directe de Vempereur, et en lui attribuant la dénomination de pays d'empire (Reichsland). Le premier parlement de l'Allemagne unie fut ouvert le

21 mars 1871 par Tempereur Guillaume I^, et dès le 16 avril était publiée la constitution du nouvel empire, calquée sur celle de Tunion du Nord; comme de juste, elle annonçait dans son préambule, queTalliance contractée par ses membres pour pro- téger le territoire et le droit de la confédération et pour avancer la prospérité du peuple allemand, serait éternelle. M. de Bismarck, créé prince et altesse sérénissime par ordre de cabinet du

22 mars 1871, restait, comme chancelier de Fempire allemand, à la tête du nouvel état, que plus que tout autre il avait contribué à appeler à la vie. Dans le conseil fédéral, porté de quarante-trois à cinquante-huit voix, la Prusse gardait ses dix-sept voix; la Ba- vière en avait six, la Saxe royale et le Wurtemberg quatre, Bade et Hesse trois, Mecklembourg-Schwérin et Brunsv^ick deux, les dix-sept petits états chacun un vote unique. Quant aux trois cent quatre-vingt-deux sièges au parlement, qu'avait à décerner le suffrage universel à raison d'un député par cent mille habi- tants, il en revenait deux cent trente-six à la Prusse, quarante- huit à la Bavière, vingt-trois à la Saxe royale, dix-sept au Wur- temberg, quatorze au grand-duché de Bade, neuf à la Hesse, six au Mecklembourg-Schwérin, trois à chacun des états de Saxe- W^eimar, Oldenbourg, Brunswick et Hambourg, deux à ceux de Saxe-Meiningen, Saxe-Cobourg et Anhalt, un seul aux onze au- tres membres de la confédération. Pour le moment, le nouveau pays d'empire Alsace-Lorraine n'était pas représenté à la diète; il le fut à partir de Tannée 1874, au lj''anvier de laquelle la constitution de Tempire y fut introduite en vertu de la loi du 25 juin 1873 ; mais des quinze députés qu'il y envoya, la grande majorité refusa de siéger et se retira après avoir protesté contre Tannexion.

Nous n'avons plus qu a ajouter quelques renseignements de pure statistique sur l'empire allemand, pour clore cette élude bur les révolutions territoriales de l'Europe centrale prise dans son

DE9 ÉTATS DB l'EUflOPE CFSTRALB. 3tt

inblp. Les vingt-cinq élats qui le composent se suivent dans Tradre oOiciel suivîint : les quatre royaumes de Prusse, Havi^^e. Suxe, W'urierahprp ; les six grands-duchés dp îlade, Hesse, Mwkleraboupff-Schwérin, Saxe-Weimar, Mecklmibourg-Stré- li[x,ll|denbuurg; lesciiiq duchés de Bruiisvick,Saxe-Meininpen, Saxe-Alteiibourp, Sa\e-Cobourg, Anhull; les sept principautés de Sfh^iarzbourfî-Rudolstndt, Schwarzbourg-Sondershausen, W'aldeck, Heuss ligne atnée, Iteuss ligne cadette, Scliaumbuurg^ Lippe, Lippe-Detmold ; les trois villes libres do Lubeck, Bri^rnc et Hambourg. Ou trouvera dans la note le chiffre de la population et l'étendue de la superDcic de chacun d'eux; dans leur ensemble, et eu y ajoutant le pays d'empire Alsace-Lorraine, ils conte- naient, lors du recensement de 1871, quarante et un millions d'habitants sur une superficie de 1140,600 kilomètres carrés (1).

; Dans le tableau b'

xdu

doit les données orfieielles les plus récentes. Si l'on compare ce tableau aux deux prérëijents. en remarquera, en dehors d'un sccroisHement de population à peu près uinversel. qui n'a pas plus manqué k la période dts années (8fl7 h 1R71 qu'aux périodes précédentes, une diminution de ■aperflcie pour Bade, une autre beaucoup plus eonsidt^rable pour la i^îisse : la première s'explique par un nouveau calcul plnnimétnque. la Hconde par l'oinisaion des mers intérieures de la monareliie prussienne, qu'autreiois on avait l'habitude de porter en compte.

3*2 FOBVATION TfeBBITOBIALE DBS ÉTATS DS L*BUIOPE CBHTIALE.

Nous renvoyons à la monarchie prussienne, dont le souverain est, en sa qualité d'empereur, le généralissime de toutes les a^ mées allemandes, ce qui a rapport à Torganisation militaire de la confédération ; quant au partage confessionnel et à la natio- nalité des populations, nous nous bornons à constater que, tan- dis que l'union du Nord était environ aux trois quarts protes- tante, dans le nouvel empire les évangéliques ne sont plus aux catholiques que dans la proportion approximative de trois à deux; et qu'au contraire les habitants de race tudesque, qui ne fo^ maient que les six septièmes de la population de Tunion septea- trionale, passent, malgré l'annexion de l' Alsace-Lorraine, Ton a réussi à ne trouver que 210,000 Français, pour former près des douze treizièmes de la population de l'empire allemand.

LIVRE III

LA MO.NARCHtE Al'TBICII lE.VSE

CHAPITRE PREMIER

Origines de la monarchie autrichienne.

Le premier en date et,jusqii'à une époque bien rapprochée de noUs, le plus puissant aussi parmi les étals actuellement existants de l'Europe centrale, est le taste ensemble de pays qui, apràs avoir été connu jusqu'au commencement du dis-neuvième siècle souâ la dénomination assez vague de terres autrichiennes, habs- bourgeoises ou impériales, prit alors le titre orficicl d'empire d'Autriche, qu'il a récemment échangé contre celui de monar- chie austro-hongroise. A cheval sur les Alpes et les Karpathes, comprenant dans son sein des représentants de toutes les races qaî se déhmitent d'après ces deux grandes chaînes de montagne» ou qui se sonlétablies entre elles, il adetouttempseupourcentre géographique le cours du moyen Danube, qui est son seul grand fleuve, la grande artère de ses peuples, le bassin vers lequel ils convergent; mais son centre d'attraction réel et son vrai principe d'unité sontde nature bien plutôt dynastique que géographique. L'agglomération autrichienne doit son existence politique à la loille souveraine qui successivemonl en a acquis, sans réussir I fondre ensemble, lee différentes parties constitutives, et

344 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBRITORIALR

c'est par les destinées de cette famille seulement, par ses guerres, par ses négociations, par ses mariages, que peut s'expliquer la configuration actuelle et Tétrange composition d'un état qui n'a pas de nationalité propre, par cela même qu'il contient presque toutes les nationalités de l'Europe, et qu'on y rencontre, juxta- posées ou entremêlées, des populations allemandes, madgyares, roumaines, italiennes, slaves surtout, en vingt subdivisions dis- tinctes. L'histoire territoriale de la monarchie autrichienne est donc avant tout celle de la maison de Habsbourg, aujourd'hui Habsbourg-Lorraine ; elle n'en forme même qu'un des chapitres, car cette famille illustre entre toutes, qui aujourd'hui encore, quoique bien déchue de son ancienne splendeur, règne sur trente-six millions de sujets, a donné des rois à la moitié de l'Europe et du Nouveau-Monde, et a plus d'une fois aspiré à la monarchie universelle.

La grandeur des Habsbourg date de l'époque le chef de la famille, le roi de Germanie Rodolphe P% établit les siens dans les pays autrichiens proprement dits ; mais par leur origine ils appartiennent à la vallée supérieure du Rhin, et non au bassin moyen du Danube. Le nom qu'ils n'ont pas cessé de porter, quoique depuis longtemps ils ne possèdent plus un pouce de ter- rain de leur patrimoine primitif, est celui d'un chftteau, dont il ne reste aujourd'hui que des débris informes sur les bords de l'Aar suisse, un peu en amont de Brugg, mais auquel le temps n'a pu enlever sa fîère et dominante position au-dessus du pays voisin, qu'arrosent à la fois l'Aar, la Reuss et la Limmat. Ce donjon féodal de la Habsbourg, dont le nom à jamais célèbre a été traduit tantôt par château de l'autour (Haùichtsburg)^ tan- tôt par chftteau patrimonial [Burg in der Habe), fut fondé au commencement du onzième siècle (1020? 1026?)parrévêquede Strasbourg Werncr, le prélat qui a commencé la reconstruction de la plus élevée des cathédrales chrétiennes, et légué par lui à son neveu Werner le Pieux, le fils de son frère Radebotonou Rodolphe et l'aïeul du comte Rodolphe IV, qui, élevé au trône d'Allemagne par le choix des électeurs, devint l'auteur de la puissance de sa race. Si Rodolphe était resté, comme ses ancêtres,

DES ÉTATS DE l'eUBOI'E CENTRALE. Sij

mte de Habsbourg et landgrave de Haute-Alsace, r'est-à-dire UD des innombrables seigneurs de la vallée du Rhin, et que sa descendance eût disparu depuis des siècles comme celle de tant li'autres familles féodales, la question de sa généalogie aurait probablement peu préoccupé la postérité ; mais l'élucidatinn de l'origine de lu maison impériale par excellence devait tenter, et a tenté, en effet, le zèle des historiographes, et leurs élucubra- lions ont abouti à une foule de systèmes généalogiques, la fable naïve et la complaisance érudite se sont donné pleine car- rière. Nous n'entrerons pas à cet égard dans de longs détails; ce n'est que pour la curiosité du fait que nous mentionnons parmi les anciennes généalogies celle qu'imprimait en JS27,à Hague- nau en Alsace, avec l'autorisation du frère et successeur de Clisrles-Ouinl. Ferdinand, l'honnête magister Gebueiler, qui avait trouvé moyen de rattacher les Habsbourg directement à Adam, par l'intermédiaire de Noé-Janus, de Cham-Zoroaslre, d'Dsiris-Jupiler, d'Hercule enfin et des rois troyens, sicambres H mérovingiens, et nous passons immédiatement à la théorie la plus accréditée, que l'illustre diplomatiste alsacien du dix- huitième siècle, Schœpflin, a réussi à rendre presque probable. D'après lui, la maison de Habsbourg descendrait du duc d'Al- sace du septième siècle, Athic ou Étliicon, contemporain du roi Childéric [1 et célèbre à la fois comme fondateur des monastères <leâajnl«-Odile et d'Ebersmunster et comme père ou aïeul d'uae foule de saintes princesses, sainte Odile, sainte Attale, sainte Eu- ^nie, sainte Gunelinde; ce grand seigneur mérovingien aurait Hté, en effet, par son fîls cadet Éthicon II, l'ancêtre des ducs de Lor- raine, des comtes de Flandre de la maison d'Alsace , des romteSi 1 de Nordgau ou Basse-Alsace, des comtes d'Éguîsheira et de Dabo, auxquels d'autres ont encore ajouté ceux de Montbéhard, il»" Bar etde Ferrette, voire la dynastie de Savoie, tandis que, par son fils aîné Adalbert, il aurait été l'auteur commun des comtes de Sundgau ou Haute-Alsacfl et des comtes de Habs- boui^ d'une part, des ducs de Zaehringen et des margraves de Bade de l'autre. Inutile d'insister sur ce que cette déduction généalogique offre d'hypothétique pour les siècles mérovingiens

346 UISTOIEE DE LA FORMATION TBARÏTOlIALfi

et carlovingiens, et sur la part qu'a pu avoir dans oertaines dé- cisions critiques de Sohoepflin le désir, tant de flatter la maison de Bade, dont il était l'historiographe, que de confondre en une origine commune les deux familles impériales de Habsbourg ^ de Habsbourg-Lorraine ; mais d'un autre côté il faut lui rendre la justice, qu'il a diplomatiquement établi l'arbre généalogique de la maison d'Autriche jusqu'au comte alsacien Contran, qui vivait au dixième siècle et fut l'aïeul de l'évèque Wemer de Strasbourg et de son frère Radeboton. Les descendants de oe seigneur^ titrés comtes de Sundgau ou Haute-Alsace et comtes de Habsbourg, ne jouèrent pendant longtemps qu'un rôle assez effacé parmi les feudataires rhénans de l'empire; à la fin da douzième siècle seulement, ils acquirent la dignité supérieure de landgraves héréditaires de la Haute-Alsace, dans la personne du comte Albert, surnommé le Riche. Cette richesse sans doute était relative; cependant les domaines et les droits des Habs- bourg étaient dès lors considérables, tant dans leur landgraviat d'Alsace qu'en Suisse, ils avaient recueilli, en partie du moins, Théritage des comtes de Lenzbourg; ils exerçaient les prérogatives comtales dansTAargau et dans le Zurichgau, possé- daient des terres nombreuses sur le Rhin, sur l'Aar, sur la Reuss, sur les bords du lac de Lucerne, et s'étaient fait conférer Tavouerie de plusieurs abbayes de l'Helvétie antérieure, oomine par exemple celle des riches couvents de Sœckingen et de Mûri. Cinquante ans plus tard, un partage fait en 1&39 par les deux frères Albert le Sage et Rodolphe l'Ancien divisa l'héritage habsbourgeois entre deux branches ; mais la ligne cadette on de Habsbourg-Laufenbourg, qui se continua jusqu'en 1408, resta toujours fort au second plan et revendit successivement toutes ses possessions à la ligne aînée, principale, dont le second représentant, Rodolphe IV ou le Jeune comme comte de Habs- bourg, Rodolphe V comme roi de Germanie, sut à la fois étendre la domination de sa maison sur une portion notable de THelvétic allemande, et conquérir pour elle, à une autre extré- mité de l'empire, les provinces nombreuses et étendues qui formaient le duché d'Autriche.

DKS ÉTATS DE L'EUBOPE CENTHALK, ^17

Rodolphe, qui était en 1218, l'année même l'extincliuii des Zaehringcn laissait vacante la |)remiërc place dans la haute Souabe, passa la majeure partie de sa vie ii l'assurer aux siens.

PI KOijgrave de Haute-Alsace et comte de Habsbourg à vingt-deux par la mort de sou père Albert le Sage en Terre-Sainte, il fut, ingues années durant, activement mêlé à toutes les guerres toutes les négociations de la haute Allemagne, pendant ique troublée qui précéda et suivit la mort de Frédéric II. Sussit à augmenter sans cesse le nombre de ses domaines par achat, conquête ou succession, en même temps qu'il affer- missait son influetire politique, en qualité d'avoué et de protec- teur de couvents, de villes, de contrées entières. L'ai-quisition de l'héritage de la maison rivale de Kyhourg, dont il prit pos- iiession en t2fi4, du droit de sa mère Hedwige et malgré un testament en faveur de l'église de Strasbourg, le mit hors de pair avec les autres seigneurs de la Suisse allemande, car les citrates de Kybourg, qui avaient ajouté les alleux helvétiens de

Éaaison de Zaehringen h leurs propres possessions, exer- nt. tant du droit de leur comté qu'en leur qualité de land- "es du Thurgau. la Imute autorité depuis le lac de Zurich jusqu'au lac de Constance; peut-être songeait-ll à reconstituer â son profit le duché de Sotiabe, disparu avec le dernier des Hohenstaufen, lorsque son avènement au trône lui ouvrit de toutes nouvelles perspectives (127.3). Le choix des électeurs s'était lité sur ce soldat de cinquante-cinq ans, vaillant et en- tendu, économe et habile, ferme et modéré à la fois, parce que tous ils sentaient lu nécessité d'un chef énergique, et qu'ils avaient peur cependant d'un empereur trop puissant ; or, si les capacités militaires et politiques du comte de Habsbourg ne pouvaient faire doute pour personne, le peu d'étendue de ses états, son rang peu élevé dans la hiérarchie du saint-empire

Ïr paraissaient des garanties suffisantes pour leur souverai- k territoriale récemment conquise. Leurs calculs intéressés furent pas entièrement déçus : Hodolphe I" ne poursuivit les liitéeE ambitieuses qui avaient perdu les Hohenstaufen, U oaça & aller chercher à Rome js couronne impériale et ns

3f8 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORULE

risqua pas à lutter avec l'aristocratie allemande au nom de Isi royauté des Otton, des Henri et des Frédéric ; mais en faisant passer par une politique habile Tensemble des états autrichiens à sa famille (1282), il lui assura un rang prépondérant au mi« lieu des maisons princières de l'empire, et jeta sur les rives du moyen Danube, au profit de sa petite dynastie rhénane, les fon- dements d'une des grandes monarchies européennes. L'Alsace et la Suisse avaient vu les modestes débuts de la famille des Habsbourg ; c'est en Autriche qu'elle trouva une base territo- riale plus solide; là, en eflet, sur les frontières orientales de l'empire, s'était faite peu à peu une agglomération de pays, noyau futur d'un grand empire, dont il nous faut, avant d'aller plus loin, retracer les destinées antérieures.

Par ses premières origines, le marquisat, puis duché et archi- duché d'Autriche remonte à l'époque carlovingienne, l'on trouve une marche avare, pannonienne ou bavaroise opposée aux incursions des barbares païens de l'Est. Désorganisée à la suite de la grande victoire des Hongrois en l'année 907, cette province frontière fut reconstituée du temps d'Otton le Grand, après la bataille du Lechfeld (955), sous les nouveaux noms de marche orientale {Ostmarkj provincia orientalis) ou d'Autriche {Oesterreichj plaça australis), et ne tarda pas à devenir, grâce à la dynastie des Babenberg, le boulevard de la Germanie contre les Madgyars et l'avant-poste de la race tudesque parmi les populations slaves du Danube. Cette dynastie des Babenberp, qui a préparé les voies à celle des Habsbourg, était originaire de la Franconie orientale, oîi les ruines de son château d'ori- gine , l'Altenburg , s'élèvent jusqu'aujourd'hui au-dessus de Bamberg et du cours de la Regnitz ; fort puissante dès la fin du neuvième siècle dans tout le bassin supérieur du Mein, elle fut vaincue et dépouillée en disputant la suprématie dans les pays franconiens à la maison salienne qui dominait dans la Franconie occidentale, et son chef, Adalbert de Babenberg, eut la tête tranchée par le bourreau (903); mais au bout de deux générations, elle se releva de sa déchéance politique avec un petit-fils d' Adalbert, Léopold l'Illustre, qui, en 976 au plus tard,

DRS ËTAT8 DE l'EUMOPB CKNTnALK. 349

fut iuve^li de la Marche orientale, et depuis lors jusqu'à son cvlriiction, pendant deux siècles et demi, elle ne cessa d'étendre '(^ possessions et sa puissance, héréditaires en fait bien avant lit" litre en droit.

U point de départ du marquisat d'Autriche fut l'Ennsburg, ftitiiiée dès les premières Jin nées du dixième siècle, [Wr le mar- I frave Lullpold, qui pérît en 907 contre les Hongmis, à l'endroit j cil i'i'lève aujourd'hui la ville d'Emis, sur la rivière du même I imm, tout près de son confluent avec le Danube. Dans le cou- I rdiit du dixième et du onzième siècle, la conquête et la coloni- sation germaniques descendirent le fleuve d'étape en étape, jusqu'à l'Erlaf, jusqu'au Kahlenberg, jusqu'à la Leitha; des j chAteaux-forls, des couvents, des villages, des villes murées ■] furent fondés en grand nombre sur le Danube ou dans son voi- sinage immédiat, et la résidence des marquis s'avança succès- ^ sivemenl à Poechlani, à Moelk, à TuJln, au Léopoldsberg, jusqu'à ce qu'elle se fixât enfin, au milieu du douzième siècle, au pied de cette dernière montagne, dans la ville de Vienne, qui a* ait pris la place de l'antique Vindobonn. I^a Marthe autri- chienne enfonçait ainsi, le long du Danube moyen, comme un eoin ludesque entre les populations slaves du nord et celles du sud, faisait face à la Hongrie sur la Leitha et sur la March, et méritait pleinement la qualification de boulevard de l'empire que donna le premier grand privilège impérial conféré àses mai- en 1038- Officiellement cependant l'Ostmark n'était pas un immédiat et appartenait au duché de Bavière; ses marquis snt vassaux des ducs bavarois; ses colons, laïques et cccié- iqoest nobles et roturiers, étaient en majeure partie de sou- bavaroise, et les cvêchés et abbayes de la Bavière y étaient lent possessionnés ; mais la dépendance réelle n'avait ûs été que fort médiocre, et le lien féodal qui reliait les deui disparut complètement au milieu du douzième siècle, par de l'un des incidents de la lutte des Guelfes et des Gibelins, niargrave d'Autriche Léopotd le Pieux, que l'égliseacanonisé |lt87, s'était alliéàla famille des Hohenstaufen en épousant, !106, veuve du duc de Souabe Frédéric, Agnès de Franco-

350 UISTOIRE DE LA FOËMATION TEEHlTOlUALB

ilic, la fille de Tempereur Henri IV ; quaxid Conrad lll enleva aux Welfs le duché de Bavière, il en investit (1139) son frère utérin le marquis Léopold le Libéral» auquel succéda en Autriche et en Bavière son frère cadet Henri Jasomirgotty celui-rlà même qui établit définitivement la capitale de TAutricdhe à Vienne, et commença à y bAtir l'église de Saint-Etiepn^; en 1154, cepen- dant, Frédéric 1 Barberousse, pour sceller la récoDcttUtion des Hohenstaufen et des Welfs, restitua la Bavière à ses ancieDS possesseurs, malgré les protestations du maT*grave autrichien ; seulement à deux années de là, en échange d'une renonciation en bonne et due forme, il lui accorda, par l'arrangement de Ra- tisbonne (1156), des dédommagements notables : l'Autriche, augmentée de la majeure partie du pays compris entre l'Ênns et rinn, fut soustraite à la suzeraineté bavaroise et érigée en duché particulier; de plus, un privilège impérial, connu sous le nom du privilegitim minus de l'année 11 S6, la déclara héréditaire pour les femmes aussi, en cas d'extinction de la souche mâle des Ba- benberg. Les concessions de l'empereur auraient même été beau- coup plus loin encore, à en croire les prétentions postérieures de la chancellerie viennoise ; il aurait accordé au nouveau duc et à ses successeurs la liberté de paraître en diète ou de s'en abstenir, l'assurance de la protection de l'empire sans la charge de contri- buer à ses dépenses, l'exemption de lajuridiction des tribunaux impériaux, le droit d*étre investis sur leurs propres terres, en un mot une position tout à fait exceptionnelle et privilégiée ; mais l'acte sur lequel elles s'appuient, le fameux privilegium majut de Tannée 1156, est probablement, sous sa forme autiientique, un faux du quatorzième siècle, quoique les tentatives des ducs d'Autriche de s'isoler du reste de l'empire remontent beaucoup plus haut.

Au nouveau duché d'Autriche, le fils de Henri Jasomirgott, Lcopold V le Vertueux, ajouta avant la fin du douzième siècle un autre duché de création récente, celui de Styrie,qui devait doré- navant en partager les destinées. La Styrie, qui comprend les pays alpestres au sud de TAutricbe, remonte par ses premières origines à un marquisat érigé à la fin du dixième siècle contre

DBS ÉTATS DK L'EDIOPE CEHTBALB.

t Hongrois, lequel reçut son nom territorial du ch&teau de teyr ou Styreburg, bAti au confluent de la Steier et de l'Eims, h peu de distance par conséquent du l'Kunsburg, et sa djuastie féodale dans la personne des eomles du Traungau, issus proha- biement des ducs luitpoldieiisdc Bavii^re. Agrandie continuelle- ment aux dépens de ta Carintbie,la Styrie avait fini par s'étendre depuis la basse Enns et la haute Leitha jusqu'à la moyenne Snve, inecla Mur comme arlére centrale; en même temps les villes al- lemandes de Steier sur l'Enns, de Gratz sur la Mup, de Marburg et de Pettau sur ta Drave, de Cilli dans le bassin de la Save, pour ne nommer cpie les plus importâmes, avaient, de concert avec la noblesse et le clergé immigrés, commencé à germaniser le pnj s, i]ui peu & peu a perdu eu grande partie sa nationalité slave. £n 1180. lors des remaniements territoriaux qui suivirent la ctiutc de Henri le Lion, Krcdéric I Barbcroiisse l'érigca en duché eo fa- HÉctir du marquis Ottociir VI; mais ce prince n'avait pas d'en - ^^pis; avec l'assentiment de ses états provinciaux, il institua ^^nQmebéritiertestamentaire(lI66)le duc d'Autriche, dont il avait ^^^usé In fille, et après sa mort, arrivée en 1192, Léopold V, qui revenait de la Terre-Sainte, reçut à Worms, des mains de Henri VI, l'investiture du nouveau duché. Pour mieux le tenir en respect, il construisit immédiatement sur sa fronlière du nord-est, dans le voisinage de la Leitlia, la ville de Neustadt, surnommée depuis, comme prix de son attachement à ses maîtres aulricliiens, Ncustadt-la-toujours-fidèle,

Enfin, les deux derniers princes autrichiens de la maison de lïaljenhcrg, Léopold VI le Glorieux et Frédéric H le Bel- liqueux, CD dehors de ccilaines acquisitions secondaires, faites dans la circ^niscription de leurs deux duchés par héritage ou par achat, commencèrent à prendre pied dans une troisième province voisine, la Carninle.dont ils ne tardèrent pas â devenir les plus puissants, sinon les seuls seigneurs. La Carniole, Kraiii, Krtijma, ce qui en slave signifie marche, correspond au bassin supéneurdelaSave,et avait ancien uement pour capitale Krain- I burg. qui. depuis la domination habsbourgeoise, a céder la ^^ttemiëre place à Laibach, siUié plus bas dans la vallée. Conmie

352 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

la majeure partie de la Styrie, elle avait été comprise autrefois daus In Carinthie; puis, elle aussi, elle avait formé une marche particulière, à laquelle sa population, slave d'ori^ne comme celle de toute la région des Alpes orientales, et, de plus, restée en majeure partie fidèle jusqu'à nos jours à sa nationalité, a valu, à côté de sa dénomination usuelle, son autre nom de Marche winde. Disputé entre les patriarches d'Aquilée, les évé- qucs de Frisingue, la maison d'Andechs-Méranie et les ducs sponbeimiens de Carinthie, ce pays de montagnes, voisin de l'Adriatique, était de nature à tenter Tambition des ducs d'Au- triche ; ils y acquirent les possessions de Téglise de Frisingue, les étendirent de tout côté, avancèrent même leur domination jusqu'à Pordenone en Frioul, et obtinrent, en 1233, de Tem- pereur Frédéric II, une inféodation, qui leur permit d'ajouter à leurs autres titres celui de seigneurs de la Garniole et de la Marche winde.

Par suite de ces différentes réunions, Frédéric le Belliqueux, le dernier mâle de la souche de Léopold l'Illustre, se trouva assez puissant pour poursuivre un rang supérieur à celui de duc. Victorieux en maintes rencontres avec les Hongrois, avec les Bohémiens, avec ses vassaux rebelles, il avait tenu tête i l'empereur Frédéric II aussi, qui avait été forcé de lui resti- tuer tous ses états, après en avoir pris momentanément pos- session et avoir déclaré Vienne ville impériale (1236) ; il pro- fita du désir de son suzerain d'être institué son héritier, pour en obtenir la promesse ou même la collation effective du titre royal, fixé sur l'Autriche et laStyrie (1245). Mais il ne jouit guère de son élévation en dignité, si tant est qu'elle ait été offi- ciellement consommée : quelques mois plus tard, le 15 juin 1246, il tombait à la bataille delaLeitha,'Agé de trente-cinq ans seulement, après avoir encore une fois mis en fuite le$HongroL<.

Frédéric le Belliqueux était, nous Tavons dit, le dernier Ba- bcnberg mâle ; de plus, il n'avait pas de filles, et nul testament ne disposait de ses états; sa riche succession, duché d'Autriche, duché de Styrie, seigneurie de Garniole, que déjà on commen- çait à appelei* également un duché, devait naturellement devenir

Des états de i'ëithope ckntraie. 353

le point de mire d'une foule de prétentions diverses. Toul d'a- bord, l'empereur Frédéric II fit prendre possession de l'héri- tage vacant, dans la capitale autrichienne Vienne, une seconde fois proclamée ville impériale ; mais les ducs de Bavière, les rois lie Hongrie et do Boh&nic se préparèrent aussitôt à le lui dis- puter, et en raâme temps les parentes du feu duc iuvoquèrent |f droit d'hérédité féminine, juridiquement incontestable. Parmi illcs. c'était sa nièce Gertrude, la 011e de son frère aîné Henri rimpie, qui paraissait avoir le droit le plus proche ; mais ses lieux maris, Uladislas de Bohême, le fils aîné du roi Wences- las I", et le margrave de Bade Hermann VI, auxquels elle ap- iwrla successivement le titre de duc d'Autriche, moururent toup sur coup (1247.1250), et son fils, Frédéric de Bade, qui, ilii-huît ans plus tard de\ait partager l'échafaud de Conradin (leïïohenstaufen, venait à peine de naître au moment de la mort de son père. D'autre part, le marquis do Misnie, Henri l'Illustre, qui avait épousé une des sceurs de Frédéric le Bel- liqueux, Constance, et qu'appelait une partie de la noblesse aiitrichienne, était bien loin; la seule survivante des sœurs, Marguerite, veuve du roi des Romains Henri (VIT), le fils de l'empereup Frédéric II, n'avait ni mari ni fils pour faire valoir ses prétentions; et voilà comment, au milieu de l'anarchie universelle qui avait suivi la mort de l'empereur (1250), ce furent les voisins les plus puissants, les Bohémiens, qui l'em- portèrent. Le second fils et héritier présomptif du roi Wences- las l", Ottocar Przraysl. reçut à Vienne les serments des sei- gneurs autrichiens (1252), obligea, en 1260, le roi de Hongrie ù évacuer la Styrie dont il s'était emparé, et se fit donner, en 1262, par le roi Richard de Cornouaitles, des lettres d'înves- lilure pour l'Autriche, la Styrie et la Garniole autrichienne. Pour colorer son usurpation, il avait consenti d'abord (1252) â éjiouser la vieille Marguerite, qui avait vingt-cinq ans de plus que lui; mais une fois affermi dans ses nouveaux t'tats, il la répudia (1261); l'héritage des Baheuherg n'était plus doré- navant qu'une annexe de la couronne de Bohême, à laquelle il avait succédé, comme Ottocar H, en 1253.

354 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITORIALB

Cet héritage, il Taugmenta encore en 1269, au moyen du duché de Garinthie et du reste de la Gamiole ou Marche wiiide. La Garinthie, qui doit son nom à l'ancienne population celtique des Garnes, avait été occupée après eux par les Slayes windes; puis, conquise par les Bavarois, elle était devenue une des marches de la Germanie carlovingienne, et avait com- mencé à être peu à peu germanisée. Jusqu'en 976, elle avait compté avec le duché de Bavière ; mais en cette année, Otton U, pour punir son cousin rebelle, le duc bavarois Henri II, l'avait érigée en un duché particulier, qui, momentanément accru des marches d'Aquilée et de Vérone, sur le versant méridional des Alpes, n'avait pas tardé à les reperdre, en même temps qu'il était réduit au levant par la création et les progrès dte marches particulières de Styrie et de Garnîole; il se trouva de la sorte restreint à ses limites définitives, et ne comprit plus que la vallée de la Drave supérieure, au milieu de laquelle se trouvent placées ses deux capitales successives, Saint-Guy sur le ZoUfeld et Klagenfurt. Ses révolutions dynastiques avai^t été nombreuses : occupé tour à tour au onzième siècle par les Saliens, les Welfs, les Zaehringen et les Eppenstein, il avait fini par rester à ces derniers, qui, au commencement du siède suivant, le transmirent, déjà comme une possession patrimo- niale, aux Sponheim-Ortenburg. Or, le dernier de ces ducs sponheimiens de Garinthie, Ulric III, qui, de même que se? prédécesseurs, était aussi un seigneur puissant en Gamiole, institua comme héritier le roi de Bohème (1268); à sa mort, arrivée l'année suivante (1269), son frère, le patriarche d'A- quilée Philippe, essaya en vain de faire valoir ses droits héré- ditaires ; battu et pris par Ottocar, il fut interné en Âutridie, et le vainqueur réunit la Garinthie et ses dépendances dans b Marche winde, à l'Autriche, à la Styrie et à la partie autridûense de la Gamiole. Pour la première fois les quatre provinces alle- mandes du moyen Danube se trouvaient ainsi former on seul tout territorial ; mais la réunion en était faite entre les mains du roi slave de la Bohême. Ottocar II n'avait cependant fait que travailler pour les Hâte-

DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 3oo

bourg, les successeurs définitifs des Babenbcrg. Trop tard il brigua la couronne royale de Germanie, autrefois refusée par lui, et Rodolphe P% que les électeurs lui préférèrent (1273), ne tarda pas à lui demander compte de ses usurpations. Le nouveau roi s'était fait une théorie commode : d'après lui, Tempire avait été vacant depuis la mort de Frédéric II ; toutes les donations et inféodations postérieures étaient donc nulles et non avenues ; le roi de Bohême devait justifier à nouveau de ses droits sur Fhéritage autrichien. Ottocar reçut avec hauteur les ouvertures de Rodolphe ; il ne pouvait oublier le modeste point de départ de son rival qui, jadis, dans une croisade contre les Borusses, avait été formellement à sa solde : u Je ne lui dois rien, je lui ai payé ses gages, » aurait-il plaisamment répondu. Mais il ne se rendait pas suffisamment compte de leur position respective ; le petit comte suisse était devenu un vrai roi de Germanie, d'au- tant plus puissant qu'il avait su borner son ambition ; il était sûr du saint -siège auquel il avait abandonné lltalie, des élec- teurs dont il avait franchement accepté Toligarchie et qui d'ail- toirs étaient en bonne partie ses gendres ; d'autre parties princes ecclésiastiques du sud-est, le patriarche d'Aquilée, l'archevêque de Salzbourg, les évêques de Passau, de Frisingue, de Ratis- bonne, de Bamberg, menacés dans leur souveraineté par le trop puissant roi de Bohème, l'appelaient ouvertement, et la noblesse «atrichienne, irritée contre la domination tchèque, faisait du moins des vœux secrets en sa faveur. La mise au ban de l'em- pire prononcée contre Ottocar ne fut pas une vaine démonstra- tion ; l'armée de Rodolphe, recrutée principalement en Souabe et rraforcée par le comte de Tyrol Meinhard II, par les évêques bavarois, par le roi de Hongrie Ladislas IV, envahit l'Autriche et n*y rencontra qu'une faible résistance ; par le traité de Vienne de 1276, Ottocar renonça, presque sans avoir combattu, aux deux héritages, autrichien et carinthien. Une abdication si prompte ne pouvait guère être sérieuse ; bientôt, en effet, le roi de Bohème rentra en lice, après avoir appelé les Polonais, les Ruthènes, les Slaves de toute dénomination, au secours de la Gsase de leur nationalité commune ; une bataille ardemment

356 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

disputée s'engagea autour de Stillfried sur la March, à Fextré- mité orientale de la grande plaine du Marcbfeld, qui s'étend au nord-est de Vienne (26 août 1278), et cette fois ce ne fut qu'avec la \ie qu'Ottocar abandonna la victoire à Rodolphe.

Les pays du moyen Danube, conquis depuis quatre siècles par les Allemands et, en majeure partie, germanisés par eux, reve- naient ainsi à l'Allemagne : restait à savoir au profit de qui. Ce fut le grand talent de Rodolphe, ce fut le fait capital de son r^e, d'en avoir assuré à sa famille la possession immédiate ou future; en y établissant la domination des Habsbourg, il a fondé la grandeur durable de sa race et, du même coup, déterminé la marche postérieure des événements dans une partie notable de l'Europe. U y fallut du temps et de la peine ; sans compter le patriarche d'Aquilée Philippe, dont la mort vint à point annuler .les droits sur la Carinthie (1279), les maisons de Bavière et de Tyrol élevaient des prétentions sur tout ou partie des territoires vacants, et d'un autre côté l'idée de les incorporer à l'empire, comme domaines régaliens, souriait assez à la majorité des élec- teurs. Rodolphe, pendant un séjour non interrompu de cinq ans en Autriche, s'étudia à y établir fortement son autorité ; en même temps il négociait séparément avec chacun des électeurs et, enfin, le 27 décembre 1282, il put, à la diète d'Augsbouig, avec l'assentiment du corps électoral, investir solennellement ses deux fils survivants, Albert et Rodolphe, de l'Autriche, delà Styrie, de la Carinthie, de la Carnioleetde Pordenone en Frioul. A peine expédiées cependant, les lettres d'investiture durent subir plusieurs modifications : pour satisfaire les états autri- chiens, qui protestaient contre le gouvernement commun de deux ducs, de nouvelles lettres du !•' juin 1283 supprimèrent h co-investiture des deux frères au profit du seul Albert, sauf in- demnité à donner au cadet ; chose plus grave, les réclamations menaçantes du comte Meinhard II de Tyrol, qui avait eu une grande part à la défaite d'Ottocar, forcèrent le roi à lui rétro- céder le duché de Carinthie, en se contentant d'une clause qui y substituait les ducs d'Autriche, pour le cas d'extinction de sa postérité mâle (1286). N'importe, le grand pas était fait; les pe-

DEÎ ÉTATS DR l'eUBOPK CBNTnALE. 3^7

ils comtes de Habsbourg avaient pris rang parmi les souverains territoriaux les plus puissanU de l'Allemagne ; les pays autri- chiens, que leur avait valus le courage et la prudence du roi Ro- dolphe, allaient servir de point de départ à de nouvelles acquîsi- tious et devenir, avec le temps, le centre de gravité d'une monarchie de premier ordre.

Quelque préoccupé qu'il fût des nouveaux domaines de sa fa- mille, Rodolphe 1" n'avait pas complètement perdu de vue sa politique d'arrondissement dans le cercle de son ancienne acti- vité. Pendant tonte la durée de son règne, il continua à conso- lider sa puissance en Suisse, en utilisant à la fois sou influence persûnuclle et l'ascendant de la dignité royale ; l'année raCme de sa mort (1291), il achetait à l'abbé de Murbacb ses droits sur la ville et le pays de Lucerne. On lui prête même des visées plus hautes : il aurait songé à la couronne d'Arélat pour son se- cond fils Hartmann, et plus tard il aurait voulu relever le duché de Souabe en faveur du troisième, qui portait le même nom que lui. Mais Hartmann se noya dans le Rliiu dès l'année 1281, et Rodolphe mourut h son tour en 1290, sans qu'aucun des deux projets n'eût reçu même un commencement d'exécu- tion.

La mort prématurée des deux princes, dont le premier n'avait pas été marié et dont l'autre ne laissait qu'un fils au berceau, eut pour résultat de laisser tout l'héritage, ancien et nouveau, de la maison de Habsbourg, entre les mains de l'aîné de la famille, le duc d'Autriche Albert. Celui-ci avait une partie des qualités du père; mais il lui manquait la plus précieuse de toutes, cette prudence consommée que Rodolphe K devait à une longue et difficile carrière; le désir de trop hùter l'agrandissement déjà si Ide de sa maison lui fut fatal, en lui suscitant de nombreux Issauts ennemis, dont l'hostilité sourde ou déclarée entrava

ites ses entreprises. Déjà du vivant de Rodolphe, non content d'aiïermir la domination étrangère, souabe, en Autriche, il maîtrisa la noblesse et humilia la ville de Vienne, qui pour la

liâième fois avait reçu le nom de ville impériale l'année même

la bataille du Morchfeld, il avait songé à s'emparer de la coi

flimci

wt

3o8 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE

ronne de Hongrie, et en avait en effet reçu rinvestiture impé- riale des mains de son père (i 290) ; mais les princes allemands ne se soucièrent pas de lui venir en aide, et il dut renoncer à faire valoir un vain titre. Bientôt après, le mauvais vouloir des électeurs, qu'effrayait le développement subit de la puissance des Habsbourg, lui prépara une déception plus amère ; ils refusèrent de Tassocier à Rodolphe, et, à la mort du roi/ehoisirent pour le remplacer le comte Adolphe de Nassau (1291). La déconvenue d'Albert ne fut cependant que passagère; Adolphe à son tour mécontenta Taristocratie princière par ses projets sur la Thu- ringe où, marchant sur les traces de son prédécesseur, il aurait désiré établir, lui aussi, une domination territoriale considérable pour sa dynastie ; un parti puissant offrit le trône au duc d'Au- triche, et la bataille de Gœllheim, près de Worms, Adolphe fut tué, dit-on, de la main môincdeson compétiteur, fit d'Albert le second roi habsbourgeois de l'Allemagne (1298); plus ambi- tieux que son père, qui avait toujours refusé d'aller chercher la couronne impériale en Italie, il ajouta même, en s'humiliant de- vant Boniface VllI, au titre de roi de Germanie celui d'empereur romain (1303). Il n'était pas néanmoins assez dénué de sens pratique pour user ses forces à la poursuite de la vieille chimère du saint-empire et de la domination allemande en Italie; c'était en Allemagne qu'il comptait, sans se laisser effrayer par l'exem- ple d'Adolphe de Nassau, continuer l'œuvre paternelle, et exploi- ter sa dignité souveraine au profit des intérêts dynastiques de sa maison. Mais ses vastes projets n'aboutirent qu'à de minces résultats ; Albert, pendant un règne laborieux de dix ans,n a fait que quelques acquisitions secondaires en Souabe, dont la prin- cipale est celle du margraviat de Burgau, situé entre le Danube et le Lech (1301) ; partout ailleurs, un succès passager fut suivi de prompts échecs. L'héritage du comté de Hollande fut em- porté, en dépit de ses efforts, par le comte de Hainaut, Jean d'A- vesnes (1299) ; la bataille deLucka, près de Zeitz,mit fin en 1307 à ses tentatives sur la Thuringe,où il avait eu l'audace de se poser en successeur d'Adolphe de Nassau; la couronne de Bohême n'arriva aux Habsbourg, dans la personne de son fils atné

DES lÏTATS DR l'eTROPE CENTRALE, 3jO

Wphe, que pour leur échapper prestjue aussitôt par la mort ibite du jeune roi, auquel les Boln^miens refusèrent de donner pour successeur son frère Frédéric le Beau (1 307}, Ce fui au mo- ment où il préparait une expédition contre la Bohème, pour ob- tenir de vive force ce qu'on lui refusait de bon gré, qu'Albert irouva une triste mort, sur les bords de la lleuss, en vue de la Habsbourg, à la place sa veuve et sa fille bâtirent depuis le couveut de Kœnigsfelden ; son neveu Jean le Parricide, fils de SUD frère cadet Itodolphe. l'assassina avec l'aide de quelques no- bles souabes (i mai I ;i08] , pour se venger de ce que, malgré ses diï-neuf ans, il n'avait pu obtenir de l'empereur aucune part dans les possessions patrimoniales de la famille.

La Du tragique d'Albert enraya pour longtemps le rapide essor des Habsbourg-Autriche, en les écartant de nouveau de la cou- roune royale qui, à défaut d'un pouvoir souverain réglé et réel, oO'rait à ceux qui la portaient de nombreuses occasions pour augmenter leurs domaines patrimoniaux. L'atné des petits-fils survivants de Rodolphe 1", Frédéric le Beau, fut, il est vrai, après le court rèfïne de Henri VII de Luxembourg, appelé au trûne par une partie des électeurs {1314); mais battu et pris à Muhldorf sur rinn par son compétiteur Louis de Bavière, il ne le parta- gea, après leur réconciliation, que nominalement avec lui, et de- puis sa mort, en 1330,jusqu'àravénement d'Albert II, en 1438, aanui des princes de sa maison n'y monta : un siècle durant, Habsbourg-Autriche dut abandonner la couronne impériale ii Lusembourg-BohCrae. Néanmoins, pour être sensiblement ra- lenti, le mouvement d'accroissement de la nouvelle dynastie fut loin d'être complètement arrêté, et, pondant tout le quatorzième siècle, il vint s'ajouter aux possessions habsbourgeoises, tantdu . Danube que du Rhin, de nouvelles acquisitions, qui arrondirent d'une part la masse territoriale autrichienne, et augmentèrent de l'autre le nombre déjà si considérable de domaines isolés, qu'avaient réunis les ancêtres de la maison. En tête doit figurer, par son importance majeure, l'héritage ienqui, entre lesannées i33S et 1369, valutaux Habsbourg i de Carinthie et le comté-princier de Tyrol, acquis

360 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBBITOBULB

en compétition avec les maisons de Bohème et de Bavière. Aux premiers siècles du royaume de Germanie, la contrée essentiellement alpestre, que nous appelons aujourd'hui le Tyrol, était, sauf le Tren tin, comprise dans le duché de Bavière, dont elle formait la partie méridionale. Lors de la dislocation féodale, il se constitua dans ses vallées, qui déversent leurs eaui à la fois vers le plateau danubien et vers la plaine lombarde, et qu'habitent des populations tant tudesques que néo-latines, d*un côté les territoires épiscopaux de Trente et de Brixen, de l'au- tre trois grands groupes de domaines laïques, appartenant am trois dynasties d' Andechs-Méranie, de Tyrol et de Gorice ; puis, au milieu du treizième siècle, la famille de Gorice hérita des deux autres, et fit du pays presque entier une domination uni- que. La maison d'Andecbs, qui s'éteignit la première, était, dit-on^ un rameau des ducs luitpoldiens de Bavière ; elle avait, depuis son point de départ, Andechs sur FAmmersée, établi peu à peu son autorité sur une bonne partie de la vallée de l'Inn su- périeur; de plus, elle l'avait portée au delà des monts jusqu'en Istrie et en Dalmatie, si bien que lorsque Frédéric 1*', après la chute de Henri le Lion (1180), éleva en fief les terres du comte Berthold d'Andechs, il en fit le duché de Méranie, ainsi appelé à cause de sa proximité de la mer {Meer an) y et nullement à cause de la petite ville de Méran, qui appartenait à la famille de Tyrol. Or, cette dynastie d'Andechs-Méranie, à laquelle ap- partenait la malheureuse Agnès, qui prit dans le lit de Philippe Auguste la place d'Ingeburge de Danemark, finit, en 1248, avec le comte Otton II, et alors la majeure partie de ses biens alpestres, avec Tavouerie de l'évêché de Brixen et des pré- tentions sur la Carniole, passa au beau-père d'Otton, Albert, comte de Tyrol. Les ancêtres de celui-ci, originaires du château de TjTol, près Méran, dans le Vintschgau, avaient fondé leur domination dans les vallées de l'Adige et de l'Eisack, principa- lement conmie avoués de l'église de Trente, sans cependant ar- river à une bien grande puissance ; l'héritage méranien au con- traire fît d'Albert le seigneur prépondérant dans la Bavière alpestre, et le nom de Tyrol conunença dès lors à désigner la

DES ÉTATS DE L'EUBOPB CENTRALE.

région entière, des deux côtés des monts. Mais le hasard voulut (jue la famille de Tyrol ne survécut que de peu d'années à celle d'AiidecIis, Albert lui-même en ayant été le dernier reprcï^en- tanl mftle, et sa mort, arrivée dés 12o3, fit passer les terres tant lyroliennes que raéraniennes à sou autre gendre, le comte de Gorice Meînhard I", qui y ajouta de son cûlé les possessions de sa propre maison, tant celles du Pusterthal, aux sources de la Drave, elle avait commencé à régner, que celles du bassin de risonzo, elle s'était étendue aux dépens du patriarcal d'Aquilée. La famille de Gorice-Tyrol se divisa, il est vrai, presque immédiatement en deux branches, par le partage que firent entre eux les deux fils de Meinhard I"; mais le cadet, Albert 11. n'eut que les possessions qui avaient formé le patri- moine originaire de son père, c'est-à-Kiire Gorice et le Puster- ihal, sa lignée se continua jusqu'en l'année 1500 ; l'héritage méranien et tyrolien, beaucoup plus considérable, passa tout entier à son frère aîné Meinhard II. Celui-ci, qui poursuivit avec persévérance une habile politique d'arrondissement, en achetant des terres, en se subordonnant les seigneurs de second ordre, en continuant à usurper sur les évôchés du pays, assit solidement sa souveraineté territoriale sur toute la contrée com- prise entre l'Arlberg et les Alpes de Salzbourg, le lac de Garde et le débouché en plaine de l'Inn : en lui conférant, en 1286, le rang de prince. Rodolphe I" ne fit que constater un fait accom- pli. Meinhard 11, nous l'avons vu plus haut, obtint mieux encore en cette même année 1286; plus que personne il avait aidé le roi à abattre la puissance d'Ottocar 11; pour prix de ses ser- vices, il réclamait la Carinthie, et il fit si bien que Rodolphe, ii déjà l'avait inféodée h. ses fils, la lui rétrocéda, en stipulant llement qu'après l'extinction de sa postérité mftle, ellerevieu- lil h. la maison de Habsbourg. Le cas se présenta un demi-siècle plus tard, lorsque, en 1335, mourut le dernier fils de Meiuhard II, Henri, duc de Carinthie et comte-princier de Tyrol, le même qui autrefois (1307) avait 6 pour un moment roi de Bohême. Henri avait institué comme litière universelle sa lille Marguerite Maultttsche, mariée il

362 HISTOIRE DE LA FORMATION TSRBITORULE

un Luxembourg-Bohême, Jean, le fils du roi Jean l'Aveugle; mais les ducs autrichiens ÂlLert II et Otton, appuyés à la fois sur les conventions de 1286 et sur une expectative impériale émanée de Louis le Bavarois, s'emparèrent de la Garinthie, la défendirent contre le roi de Bohème, et restèrent finalement en possession par un traité signé avec lui en 1336. Ce traité réser- vait aux Luxembourg la succession éventuelle du Tyrol ; mais ils n'arrivèrent pas à entrer en possession, pas plus que les Wit- telsbach-Baviëre, qui parurent devoir entrer dans leurs droits, lorsque Marguerite MaiiltaschCy après avoir divorcé de par au- torité impériale avec le prince luxembourgeois, eût épousé en secondes noces le fils aîné de l'empereur Louis, l'électeur de Brandebourg Louis P' le Vieux. En effet, après la mort coup sur coup de Louis le Vieux (1361) et de son unique fils Mein- liard (1363), le duc d'Autriche Rodolphe IV, fort d'une expec- tative qu'il avait obtenue de Marguerite dès 1359, envahit le Tyrol, que, malgré sa promesse, eUe voulait livrer aux Wittels- bach, lui en arracha la cession et l'obligea à vider le pays. Des deux maisons rivales. Tune, celle de Luxembourg-Bohème, s'exécuta de bonne grâce ; l'empereur Charles IV ratifia l'abdi- cation de Marguerite contre un traité de succession éventuelle entre sa famille et celle de Habsbourg (1364); l'autre, celle de Wittelsbach- Bavière, en appela aux armes ; elle y gagna, par le traité de 1369, une indemnité en argent et la forteresse fron- tière de Kufstein sur l'Inn. Le Tyrol, auquel l'empereur Maxi- milien P' donna plus tard Innsbruck pour capitale, est resté, depuis sa réunion aux pays autrichiens, une des perles de la couronne de leurs souverains ; on sait sa fidélité aux Habsbourg, prouvée par la résistance héroïque qu'à deux fois, en 1703 et en 1809, il opposa aux armées franco-bavaroises.

A côté des acquisitions capitales de la Garinthie et du Tyrol, il nous reste à en signaler d'autres de moindre importance, qui furent faites en Frioul et en Istrie, en Souabe et en Alsace, c'est-à-dire à la fois dans des pays oîi les Habsbourg n'avaient jusque-là rien ou presque rien possédé, et dans des contrées se trouvaient leurs possessions originaires. Dans le Frioul et

DES fTATS DE L'ïCHOPE CENTBAIE.

dans l'Istric, la domination aufricliienne s'étendit principale- ment, depuis le milieu du quatorzième siMe, au.\ dépens dos imlriarches d'Aquilce, dont les vastes possessions avaient déjà M fort diminui^''-'; par les comtes de Gorice et les seigneurs de TréKÎse ; la ville commerçante de Trieste se donna volontaire- nient aux Habsbourg ((369. 1382) pour échapper au joug véni- tien. Ces villes et ces territoires voisins de l'Adriatique restèrent ii leurs nouveaux maîtres, malgré le mauvais vouloir de la ré- |iiiblique des lagunes, qui aspirait à la domination exclusive AIT son golfe, et le Littoral autrichien, c'est le nom qu'on leur ilnnna, fut dès-lors comme une pierre d'attente posée au delà (ii?s Alpes juliennes dans la direction de la plaine du Pô; déjà même les villes lombardes de Feltre et de Trévise se trouvèrent muraentanément(1373.!381) être des villes autrichiennes. Pa- rallèlement à ces acquisitions dans la zone maritime des Alpes "lii'nlaleîi, les Habsbourg du quatorzième siècle ne cessèrent de tendre sur le Rhin et sur le haut Danube, par des mariages, îos achats, des concessions impériales, des usurpations ou des traités librement consentis : comtés, seigneuries, villes, aug- mentaient conliimelleraent leurs possessions souabes. C'est iiinsi que le comt^i de Ferrette, qui comprenait Ferrette, AJtkircli, Thanu, Béfurt et DeUe, arriva on 1324 à Albert II le Sage, du i droit de sa Femme Jeanne, la iille et héritière du dernier comte ] rirlL' II ; l'empereur Louis le Bavarois engagea aux ducs sutri'» liicns les villes rhénanes de Brisacb, Rheinfelden et SchalT- ■l'iijse; ils achetèrent Villingen et Triberg dans la Forêt Noire, | le comté do Hohenberg sur le haut Neckar; rentrèrent en pos- session de Rapperschwyl et de Laufenbourg, derniers débris de U rurtnuR de leurs cadets, les Hnbsbourg-Laufenbourg; mirent Mius leur avouerie l'antique et riche abbaje de Saint- Biaise ; mais surtout firent ou commencèrent la double acquisition du lirisgauetdu Voraribepg. Celle du landgraviat du Brisgau Tut U ronséquence naturelle de la prise de possession de sa capitale Fiibourg, qui se racheta elle-même de son comte Égon IV pour

B donner à eux (1368); quant au Vorarlberg, c'est-à-dire au i Iqui, à l'ouest du Tyrol, s'étend entre l'Arlberg et le RJûn,

364 HISTOIRE DE LA FORMATION TBBRITOUAIB

ils commencèrent h y pénétrer par la vallée de 1*01 yorarlbe^ geoise, en achetant aux comtes de Montfort la seigneurie de Feldkirch (1375), à laquelle ils ajoutèrent, peu d'années après, Bludenz et le Val-Montafon , en attendant le reste. Le duc Ro- dolphe rV, qui, à propos de son mariage avec Catherine de Luxembourg-Bohème, s'était fait conférer par son beau-père Charles IV Tavouerie impériale en Haute et en Basse-Souabe (1357), reprit même le vieux projet de sa dynastie, de renou- veler le titre ducal de ce pays, et lui donna pour la première fois un commencement d'exécution; mais Tintervention de Tempereur l'obligea à renoncer à sa tentative, et il dut faire briser le sceau où, à côté de ses autres titres, figurait celui de duc de Souabe (1360).

Comparées aux accroissements nombreux et en partie consi- dérables, dont nous venons de dresser la longue et cepen- dant incomplète liste, les pertes territoriales que la maison de Habsbourg éprouva pendant la première moitié du qua- torzième siècle dans la Suisse alpestre, par la constitution de la république des trois vieux cantons helvétiques (1309) et par son extension progressive sur Lucerne, Zurich, Zug et Claris (1332 h 1352), furent en réalité fort insignifiantes. Les défaites que les paysans suisses infligèrent, à Morgarten, à Sempach et à Naefels, à la chevalerie souabe, furent humiliantes pour les princes autrichiens, mais ne les affaiblirent guère, et c'est à de tout autres causes qu'il faut attribuer l'éclipsé temporaire de leur puissance à la fin du quatorzième et au commencement du quinzième siècle. Une mauvaise administration et princi- palement la détestable pratique des partages, loi conmiune d'ailleurs des états allemands du temps, voilà les raisons qui expliquent pourquoi, pendant un demi-siècle, la dynastie habs- bourgeoise se trouva presque complètement arrêtée dans la marche progressive de son développement territorial et poli- tique. Le prudent fondateur de la monarchie autrichienne, le roi Rodolphe 1", avait proclamé le principe d'indivision, que pratiquèrent en effet consciencieusement les fils d'Albert l*; Albert II le Sage, le seul d'entre eux qui ait fait souche, Tin-

DES ÉTATS VE l'bDROPE CENTRALE. 3^

scrivit à son tour dans sa loi domestique de 1353, et ses fils aussi régnèrent d'abord par indivis; mais à la raortdel'aîné d'entre eux, Rodolphe IV (1365), et malgré ses prescriptions forniellcs, l'usage l'emporta, et après plusieurs partages tem- poraires, SCS deuv frères survivants opérèrent, en 1379, le pre- mier partage formel des possessions héréditaires de la maison. Albert III à la Tresse fonda la branche d'Autriche dans l'Au- trir.hc au-dessus et au-dessous de l'Enns ; tout le reste de l'héri- tage fut dévolu à son frère cadet, Léopald le Preux, le vaincu de Sempach, qui fut l'aïeul commun de deux autres branches, celle de Styrie, qui régna en Styrie, on Carintliic, en Carniole et en Frioul, et celle de Habsbourg antérieur, dont le lot com- prit ie TjTol, la Suisse, l'Alsace et la Souabe autrichiennes. La division n'était pas assez définitive cependant, pour que les nombreux princes des différentes lignes ne se disputassent pas la haute autorité sur l'ensemble des états autrichiens; de là, des discordes, des guerres entre les frères, les cousins, les oncles, les neveux ; par suite, la toute-puissance de la noblesse, qui avait son organe légal dans les étals provinciaux et sa forme habituelle d'opposition dans les révoltes et les brigandages : mal ou pas du tout administrés au-dedans, les états autrichiens ne pouvaient guère en imposer au dehors et devaient tenter des voisins ambitieux.

Des trois lignes, la troisième ou antérieure fut la plus malen- contreuse, et sa mauvaise politique coûta aux Habsbourg leurs plus anciennes possessions. Son fondateur, Frédéric le Vieux ou à la Poche vide, pour s'être fait le champion du pape Jean X.XII[ contre le concile de Constance, fut à la fois frappé d'excommu- nication par les pères du concile et mis au ban de l'empire par l'empereur Sigismond de Luxembourg {1415} ; aussitôt on lui courut sus de tous les côtés; en première ligne les confédéréshel- ïétiquos qui, dans l'espace de quelques jours, s'emparèrent du vieux patrimoine des Habsbourg dans l'Argovie, et livrèrent aux flammes le château dont ils portaient le nom. Frédéric, après s'être humilié devant l'empereur, obtint la restitution de la bttjeure partie de ses états (lilS)» mais non celle des pays fiu

366 HISTOIRE DE LA FORMATION TSBRITORIALE

villes conquis par les Suisses, Bremgarten, MeUingen, Baden, Brugg, Lenzbourg, Aarau, Aarbourg, Zofingen, Sursée, Kno- nau, etc.; SchafFhouse aussi, qui avait profité de roccasion pour reprendre son iramédiateté, ne revint pas à ses anciens maîtres. Un demi-siècle plus tard, Théritage des anciens comtes de Kybourg échappa dans des circonstances analogues au fils de Frédéric, Sigismond : les Suisses, qui déjà avaient usurpé sur lui Kybourg et Rapperschwyl, profitèrent de rexcommuni- cation qu'il avait encourue, à propos d'une querelle avec le car- dinal-évêque de Brixen, pour le dépouiller de presque toutes ses possessions thurgo viennes (1460), et, de guerre lasse, il finit par vendre aux Zuricois la ville de Winterthur aussi, qui lui était restée (1477). Les terres alsaciennes, avec leurs annexes des deux côtés du Rhin, manquèrent avoir un sort pareil; Sigismond eut Fimprudence d'engager (1469) le comté de Ferrette, le Sundgau, le Brisgau, la Forêt Noire autrichienne et les quatre villes forestières de Rheinfelden, SaeckingeD, Laufenbourg et Waldshut à Charles le Téméraire, qui n'était pas homme à se dessaisir volontairement de positions si impor- tantes ; et il fallut TeiTroi causé à tous les états et princes du haut Rhin par le dangereux voisinage du trop puissant duc de Bourgogne et de son farouche représentant, Pierre de Hagen- bach, pour que, avec leur concours financier et militaire, le princeautrichienpût rentrer en possession (1474). En Souabe et dans le Vorarlberg, au contraire, Sigismond ajouta quelques nouveaux domaines à son héritage : il acquit en 1465, des sei- gneurs de Thengen , le landgraviat de Nellenburg dans le H^u, c'est-à-dire le pays de Stockach et de Radolfszell, à l'ouest du lac de Constance ; en 1451, des comtes de Montfon, la moitié du comté de Bregenz et de la seigneurie de Hoheneck, à l'extré- mité opposée du lac ; un peu plus tard, de la maison de Wu^ temberg, qui venait de Tacheter aux comtes de Werdenberg, la seigneurie de Sonnenberg dans la vallée de TIll vorarlbergeoise. C'est lui aussi qui en 1486 assura définitivement aux Habsbourg Tavouerie impériale en Haute et en Basse-Souabe, laquelle d'ailleurs se trouvait par le fait réduite àl'avoueried'Altdorfprfc

^V OIS 6TAT8 DE L'KDROPB CKHTRAIB. 367

^■hmsburg, et h des droits insiguilîaiiU sur quelc[ucs villages

^W)bayeâ d'empire dausle voisinage de la rive septentrionale

Hue de Constance.

|pA première ligne ou ligne autrichienne, plus tàt éteinte, n ca jeta pas moins un éclat beaucoup plus vif, et préluda à la grandeur territoriale future des Habsbourg, grâce au mariage d'j\Jbert Vie Magnanime, le petil-lils d'Albert III à la Tresse, avec Elisabeth de Luxembourg, la Me unique de l'empereur Sigîsmond (1422). Albert ne put, il est vrai, se mettre en posses- sion du duché de Bavière-Straubing que lui inféoda son beau- pOreen 1426, et dut y renoncer en 1429; mais à la mort ds i Sigismond, en qui s'éteignait la maison de Luxembourg (9 dé- ] cembre 1437) ,lcs seigneurs bohémiens et hongrois le reconnu- rent les uns et les autres comme roi, et les électeurs du saint- empire le proclamèrent roi de Germanie (1438). Après un siècle d'interruption, la couronne impériale revenait ainsi à la maison de Habsbourg, pour lui rester fidèle jusqu'à son extino- | liun dans les mâles; mais les deux couronnes royales de Hongrie et do Bohême ne lui étaient pas encore défmitivement acquises. Albert, deuxième du nom comme empereur, fut enlevé par une < mort prématurée, le 27 octobre I439;son fils posthumeLadislas, | qui lui succéda immédiatement comme duc d'Autriche, quel- I ques annéesplustardaussi comme roide Hongrie et de Bohême, mourut sans alhance avant d'avoir atteint l'Age d'homme, le 23 novembre 1437 ; et l'union prématurée de l'Autriche, de la Bohème et de la Hongrie au profit des Habsbourg, se trouva i presque aussitôt rompue que faite.

Les aventures malheureuses delà ligne antérieure, la grandeur ' éphémère de la ligne autrichienne n'ont exercé qu'une influence fort secondaire sur la marche de l'histoire universelle; moins mèlécàses débuts aux grands événements dutemps, la troisième branche ou branche styrienne a, par un concours extraordi- naire de circonstances, été appelée a jouer, tout le seizième siècle durant, le rôle prépondérant dans les affaires de l'Europe entière. Son représentant pendant plus de cinquante ans, Frô-

368 HISTOIRE DB LA FORMATION TERRITOBIALB

pereur, sous le nom de Frédéric III ou de Frédéric IV (selon qu'on compte ou non Frédéric le Beau dans la liste des rois de Germanie), a eu la fortune singulière de préparer, à travers des échecs et des humiliations sans nombre, la grandeur hors ligne de sa maison, et de faciliter à son arrière-petit-fils Chartes- Quint la réalisation, au moins partielle, des rêves de monarchie universelle qu'impliquait probablement, d'une façon bien pré- maturée en tout cas, sa mystérieuse devise A. E. L O. U.j tra- duite de son temps déjà par les formules, variées quant aux ter- mes, identiques quant au fond, de Aquila Elecia Juste Omnia Vincity de Austria Erit In Orbe Ultima^ de Austrùe Est Impe* rium Or bis Universi^ ou encore de Ailes Erdreich ht Oester- reich Unterthan. Sans génie aucun, mais d'une ténacité rema^ quable, Frédéric III eut la grande science de savoir attendre et la chance non moins grande de survivre à tous ses proches et à tous ses adversaires ; c'est ainsi qu'il parvint à réunir laborieu- sement l'héritage habsbourgeois entier et à assurer presque héréditairement à sa descendance la couronne impériale. En même temps il commençait cette série d'alliances de famille qui, par une suite de coups de fortune inouïs, devaient momen- tanément réunir la moitié de l'Europe sous le sceptre des Habs- bourg, et d'une façon plus durable constituer la monarchie au- trichienne des temps modernes. Nous parlerons plus loin des nombreuses couronnes dont il prépara l'acquisition à son petit- fils et à ses arrière-petits-enfants ; arrêtons-nous d'abord à la reconstitution de l'unité autrichienne, qui s'opéra à son propre profit et à celui de son fils Maximilien.

A l'époque Frédéric III ceignit la couronne royale, il ne possédait même pas l'héritage entier de la ligne styrienne, que représentait avec lui son frère, Albert VI le Prodigue ; ce ne fiit qu'en 1463, à la mort peu regrettée de ce prince turbulent, que la Styrie, la Carinthie, la Garniole et le Frioul se trouvèrent réunis entre ses mains. Mais dans l'intervalle, en 1457, l'ex- tinction de la branche autrichienne avec Ladislas le Posthume avait permis aux deux frères de faire valoir, à l'exclusion de leurs cadets de la ligne antérieure, leurs droits héréditaires sur

DES ÉTATS DE I'EUHOPE CEUTDAI.!;. 3G9

l'Autriche au-dessus et au-dessous de l'Enns ; celte riche pro- vince lui revint donc également suns partage en H63, et il se Iniuva dès lors le seul souverain de deux des trois lots habsljour- peois. Ce ne fut pas sans peine qu'il s'y maintint, eu présence lies %'isÉes ambitieuses de son puissant' voisin Matliias Corvin; pendant cinq ans, de !48S h. 1490, le roi madgyar tint sa cour lians le ch&teau de Vienne, d'où il avait chassé l'empereur ; mais & sa mort, arrivée en 1490, l'Autriche échappa à la Hon- urîp, eu attendant qu'une génération plus tard elle lui donnât des maîtres h. cUe-mCrae. Vers le même temps s'accomphssait le retour à la ligne styrienne du troisième et dernier lot aussi lies possessions patrimoniales de la maison ; le chef de la ligue antérieure, Sigismond, vieux et sans enfants, en querelle d'ail- leurs avec ses sujets, n'attendit pas sa mort, arrivée en 1496 seulement, pour abandonner lo Tyrol, l'Alsace et la Souabc iilrichiennes à la branche impériale, par une abdication plus n moins volontaire en faveur du fils unique de Frédéric III, le lui des Romains Maximilicn (1489.1492).

Grâce à ce dernier succès de la politique persévérante du vieil empereur, digne couronnement d'un demi-siècle d'efforts, Maxi- milieu !" se vit, quand il succéda à son père en 1 493, fi la tête de tout l'ensemble de l'héritage habsbourgeois. Son principal niéritc fut de lui donner une organisation un peu plus centrali- sée ; il l'arrondit aussi, à différents titres, sans cependant faire des acquisitions bien importantes. C'est ainsi qu'il prit pied dans les Grisons par l'achat de la seigneurie de nhaezun;-, située au confluent du Rhin antérieur et du Ithin postérieur; qu'il s'attri- bua, en 1H04, l'avouerie de la Basse-Alsace, autrement dite la pi-éfecture sur les dix villes libres secondaires de l'Alsace, qui, sauf une courte interruption (1530 à lo38}, est resiée à ta maison d'Autriche jusqu'à la conquûte française ; qu'il profita surtout de la guerre de succession de Bavière-Landshut pour réincorporer nu Tyrol la forteresse de Kufslein, qui en avait été séparée en 1369, et pour ajouter en Souabe de nouvelles terres à celles qu'il tenait de ses prédécesseurs (iSOS). Quant aux deux comtés de Gorice et de Gradisca, il y succéda, en 1500, au dernier comte

I

370 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Léonard, à la fois comme représentant des anciens comtes de Tyrol, dont les comtes de Gorice étaient une branche cadette, et en vertu d'un traité de succession éventuelle qui remontait à Tannée 1361 ; cet héritage valait à la dynastie autrichienne deux positions importantes sur Tlsonzo, des terres disséminées en Frioul et en Istrie, et le Pusterthal tyrolien aux sources de la Drave.

Nous avons ainsi mené Thistoire territoriale des Habsbourg jusqu'aux premières années du seizième siècle, c'est-à-dire jus- qu'au moment elle entre dans une phase toute nouvelle, par suite de l'adjonction des deux royaumes de Hongrie et de Bohême aux duchés, principautés, comtés et seigneuries du saint-empire, qui, de plus ou moins vieille date, formaient le patrimoine de la maison. Avant de prendre congé do la période des origines de la monarchie autrichienne et de passer à celle de sa constitution définitive, fixons d'un peu plus près les résultats acquis dès-lors. La maison d'Autriche, longtemps entravée dans sa marche ascendante par ses partages et ses divisions de famille, avait, à ce moment, repris définitivement parmi les familles princières de l'Allemagne le rang prépondérant que lui assignait retendue exceptionnelle de ses territoires, de nouveau réunis sous le môme sceptre. Ces provinces, les terres héréditaires allemandes^ comme on les a appelées depuis, formaient en effet, dans l'empire, la masse territoriale de beaucoup la plus consi- dérable ; elles entouraient tout le midi de la Germanie en un vaste arc de cercle, depuis les confins de la Bohême et de la Hon- grie jusqu'aux frontières de la Lorraine. Au sud-est, rAutriche, la Styrie, la Carinthie, la Camiole et la Marche winde, Gorice et Gradisca, l'Istrie et le Frioul autrichiens constituaient un en- semble à peu près compacte, qui se prolongeait fort loin vers le couchant par le Tyrol et le Vorarlberg ; au sud-ouest, la Suisse avait échappé aux descendants de Rodolphe P% mais leurs nom- breuses possessions en Alsace et des deux cotés de laFon'l Noire maintenaient leur influence dans les pays du haut Rhin et du Danube supérieur. Ainsi les états autrichiens se distin- guaient de ceux des autres dynasties allemandes par leur impor-

DES ÉTATS DR l'bUSOPK CEKTnALI!. .ITt

I territoriale plus grande; ils ne s'en distinguaient pas Ibîns par la piace à part qu'ils tenaient dans l'organisation compliquée du saint-empire. Ils ne ^'y rattachaient, en effet, (jue par des liens beaucoup moins étroits encore que les posses- sions des autres maisons souveraines ; leurs privilèges et exemp- tions qui, remontant à l'éiioque des Babenberg, s'étaient conso- lidés et étendus sous les princes habsbourgeois, avaient trouvé, pour ninsi dire, leur expression officielle dans le titre original à'archidufhé, appliqué à la seule Autricbe. C'est Frédéric III qui, par diplflrae du fi janvier 14S3, l'a définitivement introduit dans le style curial ; mais déjà un siècle auparavant Rodolplic IV le Magnilique, le fondateur de l'université de Vienne, se l'était momentanément attribué (1339), en guise de protestation contre l'oligarchie électorale établie parla bulle d'or; il faudrait môme le faire remonter beaucoup plus haut encore, si le privile(/him mijus de l'an H56, dont il a été question plus haut, était au- thentique, au lieu d'avoir été fabriqué, c<jmme tout porte h le cToire, dans la chancellerie do ce même RodolphelV. Par contre, la dignité électorale n'a jamais été fixée ni sur l'Autriche, ni sur aucune des terres héréditaires allemandes' de la maison de Habsbourg ; la seule tentative faite en ce sens par Maxiniiben I", qui proposait do l'attribuer au Tyrol, échoua contre l'opposition des électeurs; les archiducs autrichiens durent donc se conten- ter d'occuper l'empire, pendant plus de trois siècles, comme une dignité presque héréditaire, sans prendre part à leur propre élévation autrement que par la voix bohémienne, qui leur fut s au seizième siècle, comme nous allons le voir dans le

tre suivant.

CHAPITRE II

Union de la Bohème et de la Hongrie k TAiitriche.

A la fin du quinzième et au commencement du seizième siècle, la dynastie de Habsbourg, qui déjà était parmi les maisons al- lemandes la première en puissance par Tétendue de ses états, et parmi les races régnantes de l'Europe la première en dignité par la possession de la couronne impériale, s'éleva rapidement au faîte de la grandeur, par Taction combinée de mariages f^u^ tueux et de décès prématurés, qui lui apportèrent coup sur coup toute une série de couronnes. Nous pouvons et nous devons nous contenter en cet endroit de l'indication sommaire des deux mé- morables alliances, qui, plus que toutes les guerres, ont fait la fortune de la maison d'Autriche, et Font comblée de royaumes par la protection spéciale de la déesse de Tamour, à en croire le fameux distique :

Bella gerantalii, tu felix Amtria nube, Na7n quœ Mars aliis^ dat tibi régna Venm;

CCS doux illustres mariages en effet, celui de Maximilien I" avec Marie de Bourgogne (1 177), qui fit passer à leur fils Philippe le Beau l'héritage néerlandais, comme celui de Philippe le Beau avec Jeanne la Folle d'Aragon-Gastille (1496), grâce auquel l'aîné de leurs enfants succéda, contre toute probabilité, aux Es- pagnes, à Tltalie méridionale et aux Indes, s'ils ont agrandi la maison régnante d'Autriche dans des proportions inouïes et ap- pelé à la vie l'empire gigantesque de Charles-Quint, n'ont iollué que d'une façon fort secondaire sur le développement de la mo-

iOnVATIOn TRUHITOniALB DES ÉTATS DE l'eoROPE CENTRALE. 373

eautrichienne proprement dite, Charles-Quint, successi- Trânent seigneur des Pajs-nas(l306), roi de Castille, d'Aragon, de Navarre, de Sicile, de Naples, de Sardaigne el niaîlre du Nou- veau-Monde (15 16), archiduc d'Autriche et empereur (1519),a été de tous les Habsbourg le plus puissant; mais en réalité cet ar- chiduc à demi hourguignon, h demi espagnol, est h peine autri- chien; sa politique enihrassc l'Europe entière; il est avant tout te père et le précurseur de Philippe II. Le véritable monarque aatricliien de la première moitié du seizième siècle, ce n'est pas lui, c'est son frère Ferdinand I",pour lequel Maximiliea I" avait eu l'idée de constituer un royaume d'Autriche, que l'accord de Bruiclles, conclu avec son aîné le 7 février 1322 et confirmé en 15iO, mit en cITet en possession de la totalité des états hérédi- Inircs allemands, et qui, roi des Romains en 1531 , empereur en 13.^8, devint l'aïeul des Habsbourg allemands.

Ce prince, presque effacé par la grande figure de Charles- Quint, n'a fait dans l'empire proprement dit que quelques no quisitiuns insigniÛantes ou peu durables du côté de la Souabe, en achetant l'iiutrc moitié du comté de Bregenz et de la seigneu- rie de Hohenecli (1523), en incorporant à ses domaines (1548. 1549) la ville libre de Constance, mise au ban de l'empire pour sa participation h la ligue de Smalcalde, en prenant possession momentanément (1520 à 1534) du Wurtemberg, ses succes- seurs conservèrent la suzeraineté jusqu'en 1599, et jusqu'en 1803 un droit de succession éventuelle ; mais sur les frontières orientales de l'Allemagne s'est accompli, sous lui et par lui, un événement territorial de première importance, qui a pesé et qui jusqu'aujourd'hui pèse dans la balance politique de l'Europe bien plus lourdement que toutes les victoires de Charles-Quint, à savoir l'union des deux couronnes royales de Bohème et de Hongrie avec les pays autrichiens. Cette union, tentée à plusieurs reprises depuis le treizième siècle par des princes tant allemands que tchèques ou madgyars, déjà une fois effectuée au milieu du quinzième siècle au profit des Habsbourg, fut définitivement , réalisée par Ferdinand l'i, bicu qu'elle u'ait été complètement ^~ e que deux siècles plus tard, et c'est elle qui est deve-

c

374 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULB

nue le fait constitutif par excellence de la monarchie autrichienne moderne,ellequi a donné à TEurope centrale danubienne sa con- figuration politique actuelle. Avant de nous engager cependant dans le récit de Tacquisition longue et laborieuse de la Bohême et de la Hongrie par la dynastie habsbourgeoise, il est néces- saire de jeter un coup d*œil sur Thistoire antérieure des deui royaumes, sur leurs vicissitudes territoriales et sur leur consti- tution ethnographique et politique : cet examen préalable nous donnera d'ailleurs la clef de bien des embarras, passés et pré- sents, de la monarchie autrichienne.

La Bohême proprement dite, c'est-à-dire le pays qu'arrosent l'Elbe supérieure etlaMoldau et qui, nettement délimilé de trois côtés par les Sudètes, les monts des Mines et la Forêt de Bohême, n'a des frontières moins bien accentuées qu'à l'Est vers la Mo- ravie, porte aujourd'hui encore le nom de ses premiers habitants connus, les Boïens, quoique dès le premier siècle de notre ère cette population d'origine celtique eût céder la place aux Marcomans germaniques du fameux Marbod, lesquels à leur tour, cinq siècles plus tard, furent dépossédés par les Tchèques ou Czèches, un des nombreux rameaux de la grande race slave. Le fait même de l'immigration des Slaves dans le bassin supé- rieur de l'Elbe, au milieu des mouvements de peuples occasion- nés par l'invasion hunnîque et par la migration tudesque, est hors de contestation, et doit s'être accompli dans le courant du sixième siècle ; ce queracontent les anciens historiens bohémiens de l'étabUssement et de l'histoire primitive de leurs ancêtres dans la terre tchèque, appartient au contraire au domaine de la lé- gende. A les croire, Tchekh ou Czech, le chef principal sous le- quel ils arrivèrent d'au delà des Karpathes, aurait été le frère de Lekh, l'éponyme tout aussi mythique du peuple lèque ou polo- nais ; les premières origines de Prague, la capitale centrale du pays, remonteraient au château bâti au huitième siècle par la reine Libussa sur le Hradczin, qui domine la rive gauche de la Moldau, et en face duquel, sur la rive droite du fleuve, n'aurait pas tardé à s'élever la vieille ville au pied du Wisserad; la dynas- tie nationale des Przmyslides enfin aurait pour fondateur le

DES KTATS DE L'EUROPE CENTRALE. 375

paysan Przmysl, choisi comme époux par Libussa et demeuré victorieux, après la mort de la reine, de ses servantes révoltées. Le jour historique ne commence pour la Bohême qu'avec la pré- dication de Tévangile, qui fut inaugurée au neuvième siècle de- puis la Moravie et continuée au dixième par les missionnaires allemands ; elle fut rattachée du même coup à la communauté chrétienne latine et au royaume de Germanie par les victoires d'Otton le Grand, qui en assiégeant dans sa capitale le duc Boleslas, assassin de son frère saint Wenceslas, l'obligea au fasselage (950), et quelques années plus tard contribua grande- ment à la fondation de Tévêché de Prague, subordonné au siège métropolitain de Mayence (967-968). Le christianisme triompha avant la fin du dixième siècle des dernières résistances païennes; mais l'influence allemande fut longtemps encore contrebalancée par celle de la Pologne, au milieu de révolutions intérieures in- cessantes. Les ducs bohémiens restèrent cependant finalement des vassaux du royaume de Germanie, plus dévoués même en mainte occasion aux empereurs que les feudataires allemands ; ils y gagnèrent le titre royal, accordé personnellement à Wra- tislav II par Henri IV (1086) à Wladislav, II par Frédéric Bar- berousse (HS8), et devenu définitif par la concession qu'en fit en 1198 Philippe de Souabe à Przmysl Ottocar I"le Victorieux, pour lui et pour tous ses successeurs. Cette dépendance féodale était naturellement assez lâche, comme le prouvent de reste les grands privilèges, accordés ou plutôt reconnus par Frédéric II à la couronne de Bohême ; mais elle était incontestée, et les rois bohémiens ont figuré, avec le titre d'archiéchansons, dans le collège électoral du saint-empire, du moment même il se constitua au treizième siècle.

Sous les Przmyslides du dixième, onzième et douzième siècle, les frontières de la domination bohémienne ne varièrent guère au sud-ouest et au sud, c'est-à-dire du côté de la Bavière et deTAutriche; au nord et au nord-est, les hasards de la guerre causèrent tour à tour des agrandissements et des pertes de terri- toire en Lusace et en Silésie; à l'est, la Moravie lui fut adjointe d'une façon durable dans le cours du onzième siècle. La Moravie

376 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOBIALE

OU terre morave, l'annexe la plus ancienne et la plus persistante de la Bohôme, est la plaine ondulée qui s'étend depuis les pla- teaux qu'on appelle les monts de Moravie jusqu'aux Petites- Karpathes, et correspond au bassin supérieur et moyen de la March ou Morawa septentrionale. Comme la Bohême, elle appar- tint d'abord aux Boïens, puis aux Marcomans, finalement aux Slaves ; les Moraves ou Marahanes sont les frères des Tchèques; jusqu'aujourd'hui ils parlent la même langue. Ils ont eu l'épo- que la plus glorieuse de leur histoire dans le dernier quart du neuvième siècle, quand la domination de leur roi Zwentibold s'étendait sur tous les pays voisins, en Hongrie comme en Bohême; mais leur grand empire fut détruit, avant la fin du siècle, par la coalition de l'empereur Arnulf et des Madgyars; la Moravie proprement dite, après avoir été longtemps disputée aux Tchèques par les Polonais et les Hongrois, resta au onzième siècle aux ducs bohémiens. Le christianisme y avait pénétré dès le neuvième siècle avec les illustres apôtres des Slaves, Méthodius et Cyrille ; mais comme en Bohême le rite latin l'emporta sur le rite grec ; de même que l'évêché de Prague, celui d'Olmutz, créé à la même époque (967-968), ressortissait à l'archevêché de Mayence. Au point de vue politique aussi, la Moravie fut, à l'exemple de la Bohême, agrégée à la hiérarchie féodale du royaume de Germanie ; elle fut élevée au rang de margraviat par l'empereur Henri IV (1085) et de nouveau par Frédéric Barbe- rousse (H82). Le plus souvent elle obéissait directement aux ducs et rois de Bohême ; bien des fois cependant ils y établi- rent, à Olmutz, à Brunn, à Znaim, des apanages pour leurs cadets.

Des acquisitions plus considérables, mais plus éphémères, furent faites par les derniers princes de la dynastie nationale tchèque. Nous avons vu plus haut comment Przmysl Ottocar II surnommé le Victorieux comme son aïeul du môme nom, avait, en s'emparant de l'Autriche, de la Stj rie, de la Garniole et de la Carinthie, domine pendant un quart de siècle (1252 à 1276) de- puis les Sudètes jusqu'à la mer Adriatique; mais aussi com- ment sa tentative de créer un grand empire slave, qui comprît à

Es;

BES ÉTATS nu l'europe centhale. 377

bis les pays tchèques et les pays autrichiens, avait été mise & nAant par Rwlolphe de Habsbourg, en ne laissant à la Bohême qu'uc souvenir glorieux, qu'elle n'a pas encore oublié. Son Gis Wencci^tas IV, auquel le vainqueur du Marchfeld n'essaya même pas de disputer la BoIiCme et la Moravie, fut, par mariage, roî de Pologne (1300), et transmit, en 130S, les deux couronnes, bohémienne et polonaise, au jeune Weuceslas V, qui avait mi^mc été momentaDôment proclamé roi par les Hongrois du vivant de sonpère(!301 àl304]; mais ce dernier héritier des rois przmyslidos fut assassiné à Olmulz, par des vassaux rebelles, à l'âge de dix-huit ans (1306), et chacun des deux royaumes slaves reprit ses souverains particuliers.

Teux de la Bohôme ont été, à partir de cette époque, presque B d'une race étrangère à la nationalité slave ; le pays de saint inceslas et du grand Ottocar n'a plus obéi, à de rares excep- tions près, qu'à des maîtres d'origine allemande. Ce Tut d'abord un Habsbourg, Rodolphe, le fils aîné de l'empereur Albert I", qui, en épousant la veuve de Wenceslas IV, Elisabeth de Po- logne, parut devoir, dès le commencement du quatorzième siècle, rattaclier la Bohême à l'Autriche (1306); mais sa mort préma- turée (1307) déjoua les calculs ambitieux de l'empereur, qui mourut à son tour (1308) avant d'avoir pu lui substituer un autre de srs fils, et elle prépara l'avènement k la couronne li'hèquc de la maison rivale de Luxembourg. En effet, les sei- gneurs bohémiens, bientôt las du duc de Carinthio Henri, qui, comme mari de la sœur aînée de Wenceslas V, Anne de Bohtîrae, avait déjà disputé le trône à Rodolphe d'Autriche, et s'en était réellement emparé après sou décès, s'adressèrent au nouvel empereur Henri VU, pour lui demander comme roi son jeune CIs Jean, depuis surnommé l'Aveugle; les princes alle- mands consultés duunèrenl leur consentement; l'archevêque de Muycncc cl métropolitain du pays, Pierre Aichspalter, mena le nouveau roi à Prague pour le couronner, et un mariage avec la sœur cadette de Wenceslas V, Elisabeth do Bohême, consolida kouvelle dynastie (1310). receUe, l'influence allemande et rimniigraliou germanique

378 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB

se développèrent et s'étendirent rapidement tant en Bohème qu'en Moravie. Déjà les derniers Przmyslides avaient appelé des colons allemands pour fonder des villes et exploiter les richesses minérales du pays ; le mouvement s'accentua assez sous la pro- tection intéressée des princes luxembourgeois, pour que la na- tionalité tchèque, tout en gardant la supériorité numérique, ait été depuis lors tenue en échec par l'élément tudesque. Les Alle- mands s'établirent en masse tout le long delà frontière méridio- nale, occidentale et septentrionale de la Bohème ; les grandes villes de l'intérieur aussi, comme Prague et Budweis, Iglau, Brunn et Olmutz, devinrent des municipes allemands, l'on parlait la langue et suivait le droit de la mère-patrie.

En échange de cette dénationalisation partieUe, les deux pre- miers rois de la maison de Luxembourg apportèrent à la Bohême une extension de puissance et de territoire, qui fait du temps de leur règne l'époque la plus glorieuse de l'histoire tchèque. Jean TAveugle, au milieu des aventures de sa carrière de chevalier errant, qui le promena sur tous les champs de ba- taille de Hongrie et de Pologne, de Prusse et de Lithuanie, d'Italie et de France, jusqu'à celui de Crécy, il trouva une mort digne de sa vie, sut néanmoins travailler à l'agrandisse- ment de son royaume, du côté de la Lusace et de la Silésie. Son fils, l'empereur Charles IV (1346-1378), non moins brave, mais bien plus habile politique que lui, acheva l'incorporation de ces deux grandes provinces à la couronne bohémienne, y réunit momentanément, sur la frontière occidentale du royaume le Haut-Palatinat (1353), dans la basse plaine wende l'électorat de Brandebourg (1373), et gouverna ses états particuliers avec une prudence, une sagesse, qui leur assurèrent une rare pros- périté. Toujours prêt à sacrifier le brillant à l'utile, les droits impériaux aux acquisitions patrimoniales, il fut un détestable empereur; mais son nom est resté, à bon droit, extrêmement populaire sur les bords de la Moldau. Grand législateur, bon financier, protecteur éclairé du 'commerce et de l'industrie comme des sciences et des arts, il fit de la Bohême le pays in- contestablement le plus puissant de l'Allemagne, et de sa rési-

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"fôpp. li(\]h pnii pèrf avait obtenu du snint-sïiîge son 6rectîfiii en art'lievijclié au\ Uépeiisile Majeacc(|yi4); ÎL y fuuda, en 1348, au lendcniain de ^on avi5nenient, une liiiiversiUi fameuse, sur le ' modèle de celle iIl- l'aris, il avait éluiliti ; il en doubla l'éten- due, en joigtinnL la nouvello ville au Uradczin et <t la vieille cité du Wisserad; il l'enrichit de palais, d'églises, de ponts niagni- &i]ues ; il en Dt un jardin de délices, dign^ de faire le bonheuTti^ des rois. Tant de splendeur ne fut que passagère : ce qui ne le. I fut pnâ, c'est, d'une part, le rang de premier électorat laïque attribué h. k nohème par la bulle d'ur (1356), c'est, de l'autre, l'inctirporaliun au rojaunie buhéniien de la Siléi^ic et de la

^Mftce, fait capital sur lequel il nous faut insister quelque

^fee même que la Guhônie et la Moravie, la Silésie et laLusace, qni leur font suite au nord-est et au nord surl'autre versant de» I Sudètes, avaient (Ml- occupées parla race slave lors du grand [ mouvement de peuples du sixième siècle, qui lui livra toute la i muitiéorienlale de l'ancienne Germanie. Des tribus polonaises s'ùlaient établies ic long de l'Oder supérieure, dans les contré» ] fertiles qui ont formé la Silésic ; les Milziens et les Lusicieaa avaient pris possession des vallées de la Neîssc septentrionale et lie la Sprée, les premiers sur les pentes de montagnes de la llaute-Lusare, les autres dans les pays de prairies et de maré- cages de la Lusaee inférieure. Plus tard la Pologne, la Bohômft 1 et la Saxe se disputèrent la possession de ces provinces inler-.

■|Édiaireâ, tour h tour rallacbées ^ l'un ou à l'autre des paya. |

^Bk Silésie eut le moins de vicissitudes politiques; polonaise de raeo, et d'ailleurs complètement ouverte du côté de la Pologne au point de vue géographique, elle ne fut guère entamée, ni par le^ tentatives des marquis de la fruuliëre germanique sur la liasse-Silésie, ni par celles des rois tchèques sur la Silésie supé- rieure, et suivit habituellement les destinées de la Pologne ; t par les Polonais aussi qu'elle reçut le christianisme; son ié, fondé au milieu du di\iènic siècle ù Sraogra. h mi-

380 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORIALB

chemin entre la Warta et l'Oder, et transféré un siècle plus tarda Breslau (1052-1 062) dépendait de la métropole de Gnesen. Cependant à partir du douzième siècle elle commença à s'isola du reste de la Pologne ; les enfants du roi détrôné Wladislas II commencèrent à y fonder, sous la protection de Frédéric Barbe- rousse, des duchés, en droit vassaux de la couronne polonaise, mais en réalité à peu près indépendants. Ces duchés se multi- plièrent de plus en plus par suite des partages répétés des Piasts silésiens : il y eut des dynasties particulières à Ratibor, à Oppeln, à Neisse, à Munsterberg, à Brieg, à Schis^eidnitz, à Breslau, à Oels, à Jauer, à Liegnitz, à Sagan, à Glogau, sans compter beaucoup d'autres duchés ou seigneuries de moindre importance. Les querelles incessantes de cette féodalité turbu- lente, où se renouvelèrent plus d'une fois les crimes de famille des Atrides, facilitèrent les empiétements de la Bohème qui, commencés dès le règne de Wenceslas IV, furent couronnés d'un plein succès sous ceux de Jean l'Aveugle et de Charles IV. Tous les duchés, à l'exception de deux, reconnurent dès l'année 1327 la suzeraineté de Jean qui, en outre, se mit en possession directe de quelques-uns d'entre eux, par exemple de celui de Breslau ; son fils, en épousant en 1353 Anne, l'héritière pré- somptive des deux duchés, restés autonomes, de Schweidniti et de Jauer, acheva l'acquisition de la Silésie entière, qu'il incor- pora solennellement à la Fjohôme par la pragmatique sanction de 1355. La Pologne ne s'opposa que faiblement à cette série d'usurpations qui lui enlevaient définitivement une de ses plus anciennes provinces ; Casimir le Grand céda officiellement à Jean ses droits sur la Silésie (1335.1338), et son successeur, Louis le Grand, confirma la pragmatique sanction de Charles IV. Même au point de vue ecclésiastique, il s'opéra un divorce entre la Silé- sie et la Pologne, sinon en droit, du moins en fait : Tévêchéde Breslau répudia les droits métropolitains de Gnesen et prétendit aux prérogatives d'un évêché exempt. C'est ainsi que le ducbé de Silésie devint le troisième grand pays de la couronne de Bohême, en qualité de terre souveraine, maintenue en dehors de toute suzeraineté, tant polonaise qu'allemande ; mais, au-

ORS fiTATS DE L'EmOPR CEHTHALE. 381

dessous du roi de Bohême, duc supérieur, continuèrent h régner de nombreux ducs particuliers, princes quasi-souverains, donl la descendance s'est en partie perpétuée jusqu'au dix-seplièmo siècle.

Quant aux deux margraviats de Lusace, qui ont formé la quatrième el dernière partie constitutive du royaume bohémien dans sa nouvelle extension, c'est comme fiefs allemands que Jean l'Aveugle et Charles IV en firent l'acquisition. Les popu- lations slaves qui occupaient la Basse et la Haute-Lusace, avaient en effet été soumises et christianisées au dixième siècle [lar les empereurs de la maison de Saxe, et rattachées par eux au margraviat de Misnie, le grand boulevard de la ligne de l'Elbe moyenne. Depuis lors, quoique disputés aux marquis de Misnie par les Polonais et les Bohémiens, par les autres mar- 'luisde la frontière orientale de l'Allemagne et par des seî- - rieurs indépendants, parmi lesquels brille au commencement ■Kl douzième siècle le fameax ■S\'iprechtde Groitzsch, les deu\ [i.iys n'avaient pas cessé de faire partie du royaume de Ger- manie. Mais les marquis de Misnie avaient, dès la fin du dou- zième siècle, perdu la Uaute-Lusace contre les rois do RohCme, des mains desquels elle avait passé bientôt entre celles des mar- graves de Brandebourg, issus d'Albert l'Ours; puis, au commen- cement du quatorzième siècle, ils avaient vendu la Lusace infé- rieure aussi à ces mêmes margraves de Brandebourg, qui se irouvaicnl par conséquent maîtres de la contrée entière, lorsque l'ur dynastie vint à s'éteindre eu 1320. Jean l'Aveugle profita du iii>sordre quisui\itla vacance de l'électorat brandebourgeois, pour s'emparer immédiatement, en 1320 encore, de la Haute- Lusace, qu'il s'attacha en confirmant et en augmentant les prands et nombreux privilèges de ses six villes, Bautzen ou Itudissin, Gameuz, Loebau, Zitlau, Goerlitz, Lauban ; une gé- nération plus tard, la nouvelle dynastie bavaroise du Brande- Ikiurg ratitia orCciellement cette usurpation par un traité conclu avec Gharies IV en ISSO, el la Lusace supérieure fut, en même lemps que la Silésie, c'est-à-dire en l'année l3So, solennelle- ment incorporée à la Boli(>me. L'habile Luxembourgeois ne s'ar-

382 HISTOIRE DE FORMATION TERBITORIALB

rôta pas en si beau chemin : en 1368, il acheta au dernier élec- teur bavarois du Brandebourg, Otton le Fainéant, la Basse- Lusace également, avec les villes de Luckau et de Guben, et la réunit à son tour à la couronne bohémienne par un acte pe^ pôtuel (1370).

En Lusace comme en Silésie, au moment de leur prise de possession par les rois de Bohème, la germanisation du pays avait commencé depuis longtemps, dans la première grâce à ses maîtres allemands, dans la seconde sous Tinfluence principa- lement des nombreuses princesses allemandes, mariées aux ducs de race piaste; elle fit de nouveaux et rapides progrès sous la dynastie luxembourgeoise. Dès le quatorzième siècle, les villes et les couvents sont en majorité peuplés d'Allemands; la noblesse et le haut clergé, qui se recrute dans son sein, appar- tiennent en grande partie à TAUemagne, sinon par l'origine, du moins par les mœurs et par la langue ; Breslau, ville et chapitre, est la citadelle avancée de la civilisation tudesque; dans les chancelleries princières de la Silésie, l'allemand rem- place le slave comme langue rivale du latin. Le plat pays ré- sista mieux à cette infiltration continue d'une nationalité étran- gère ; jusqu'aujourd'hui, il y a des Wendes purs dans la Haule- Lusace, et l'on parle encore le polonais dans presque toute ia Haute-Silésie.

Le grand rôle politique, assuré à la Bohème par Charles IV, finit avec lui (1378). Ses fils et ses neveux, qui se partagèrent l'héritage luxembourgeois, s'affaiblirent mutuellement par leurs querelles incessantes ; ils laissèrent échapper le Haut-Palatinat et le Brandebourg; ils livrèrent la Bohême et ses annexes à l'a- narchie féodale d'abord, puis à toutes les horreurs d'une guerre religieuse implacable, dont les fatales suites devaient se faire sentir pendant deux siècles et davantage. Le Hussitisme, qui ne fut pas seulement une protestation sur le terrain de la foi. mais aussi une réaction nationale des Tchèques contre les All^ mands, no lui pa^ sans gloire pour la BoliAmo, car ses chef> militaires, Jean Zisca et les deux Procope, ont vu fuir devant eux nombre d'armée? impériales ou croisées, et répandu la 1er-

nE3 ÉTATS DB t'BUBOPB CETTrilAlB. TlSn

reiir du nom bohémien à travers l'Europe entière; mais il l'iuua fi Fond l'auloritiS royale et divisa pour des siècles le pajs l'D deux Cîuiqis eiinomis. Quand, do guerre lasse, les Galivtins ou Hussites modérés, désarméis par les Compactais que leur accorda le coiicUe de liAle eu 14.'13. eurent, à la bataille de Lippan, près Boehmischbrod, eu raison des Taborites ou Hus- sites cxlrÉmes (IW4), les états bohémiens reconnurent enfin comme roi, malgré les souvenirs du bûcher de Jean Huss, l'em- pereur Sigisraond, le deuxième fils de Charles IV, qui, depuis dix-sept ans, éluit le sueeesseur légitime de son frère aîné Wcnceslas ; mais la couronne de Uoltéme qu'U ajoutait ainsi (1436) à celle de Hongrie, acquise du droit de sa femme Marie, n'augmenta guère sa puissance; la haine et l'anarchie étaient tntp profondément enracinées dans les esprits et dans les moeurs. D'ailleurs, il en Jouit il peine; dès l'année suivante, il mourut, le dernier de la race impériale de Luxembourg (9 décembre 1437).

Ses successeurs en Bohème, tour à tour allemands, tchèques ou polonais, ne réussirent pus beaucoup mieux à affermir leur autorité. Nous avons parlé plus haut de l'union momentanée delà Bohème et delà Hongrie à l'archiduclié d'Autriche pen- dant le règne éphémèro de son gendre, l'empereur Albert II {1437-1439), et pendant l'orageuse minorité de son petit-fils Ladislas le Posthume(1440-)437). Après l'exlinction de la ligne aînée des Habsbourg dans la personne de ce dernier, son tuteur en Bohème, le seigneur indigène George l'odiébrad fut appelé aatrdnepitr voicd'élection (14u8); mais il était (/traqmsle,cest' i-dirc Hussite modéré, communiant sous les deux espèces, et il osa se poser en défenseur des Conipactats do BAle contre le siinl-siége et son redoutable champion, le roi de Hongrie Ma- liias Corvin : il mourut, au milieu des horreurs d'une guerre •tas pitié, en l'année 1471. Wadislas Jagellon, le fils du roi de l'ulogne Caiimir IV el d'une fihe de l'empereur Albert II, qu'on lui donna comme successeur, n'était pas hérétique; Mathias ^iirviu lui imposa néanmoins (1478) la cession de la Moraviej BHaSilésie et deULusace.en possession desquelles il ne rentrJ

384 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

qu'à la mort du roi madgyar (1490). Comme en même temps les Hongrois lui décernèrent leur couronne^ tout embarras dis- parut de ce côté; mais ni lui,ni à plus forte raison son fils Louis, qui lui succéda à Tâge de dix ans en Bohême et en Hongrie (1516), ne parvinrent à relever Tascendant de la royauté tchè- que ; aussi lorsque la mort de Louis dans la déroute de Mohacs, le 29 août 1526, ouvrit la perspective de sa succession à son beau-frère, l'archiduc Ferdinand d'Autriche, la monarchie bohé- mienne présentait, il est vrai, une assez vaste étendue de ter- ritoire, mais elle manquait singulièrement de cohésion et de force politique. Chacun des quatre grands pays de la couronne, royaume de Bohême, margraviat de Moravie, duché de Silésie, margraviat de Lusace, avait ses privilèges particuliers, repré- sentés et défendus par des états jaloux de leurs droits ; et sur- tout une anarchie plus que séculaire avait habitué la noblesse à se regarder comme au-dessus du roi et de la loi, tandis que les ferments religieux, mal assoupis, continuaient toujours à travailler sourdement toutes les classes de la société.

Et cependant à ce moment critique, oîi les deux couronnes de saint Wenceslas et de saint Etienne allaient d'un seul et môme coup tomber en partage à la maison de Habsbourg, la situation de la Bohême était bien moins désastreuse que celle de la Hongrie. Du moins, les frontières du royaume tchèque étaient intactes; la monarchie madgyarc, depuis longtemps battue en brèche par Tinvasion ottomane, menaçait de s'écrouler tout entière sous les nouveaux assauts des Turcs. encore il nous faut reprendre de plus haut, et tracer un tableau rapide de la grandeur et de la décadence de la Hongrie indépendante, pour faire comprendre le rôle difficile qui allait être celui de la dynastie nouvelle, en face du peuple hongrois et de ses terribles ennemis.

Le royaume de Hongrie, qui depuis tantôt mille ans tient la place la plus considérable dans le bassin moyen du Danube, est une des dernières créations de la grande invasion barbare ; il f"^ fondé à la fin du neuvième siècle par les Madgyars, Ougriens ou Hongrois, qui appartenaient, comme leurs précurseurs

DES ÉTATS DE l'eBROPE CRSTBALE,

38S

liuns, a\ares cl bulgares, h lu grande race finnoise ou tchoiide, non sans quelque mélange cependant d'éléments turcs. Origi- tnîres des steppes du moyen ^\'olga, les Madgyars s'étaient peu ï peu avancéa vers le couchant, à travers ia grande plaine de la Russie niéridiunale, jusqu'au massif karpalhien, lorsque la politique imprudente de l'empereur Arnulf les sollicita de pren- dra part à la destruction de l'enipire morave. Ils francbirent en masse lesKarpathes en l'année 894, du côté de Munkacs au dire de leur tradition nationale, et en peu d'années une guerre d'ex- lerrainalion contre les Moraves livra h leurs sppl hordes les vas- les plaines qui, des deu_x côtés du Danube, s'étendent depuis les Karpatlics jusqu'aux Alpes. Mais leur élan les entraîna bien plus loin ; vainqueurs en 907 du marquis bavarois LuitjKild, ïls poussèrent pendant deux générations leurs courses dévastatrices à travers l'Europe occidentale entière, et abreuvÈrent leurs che- vaux tour à tour dans l'Elbe et dans le Rliin, dans le Rhiine et dans la Garonne, dans le et dans le Tibre. 11 fallut les deux grandes victoires de Mersebourg et du Lechfeld, remportées eu 933 et en 953 par Henri 1" et par Olton le Grand, pour mettre un terme h. leurs horribles déprédations, et les fixer définîtive- t, par un genre de vie plus sédentaire, sur le sol auquel Us donné leur nom.

is Madgyars furent loin cependant d'occuper en réalité toute

idue de ce qu'on a appelé depuis lors la Hongrie propre-

it dite, c'est-à-dire de la région qu'enferme au nord et à

la chaîne des Karpatlies prolongée par le plateau transylvain,

le limite au sud la Drave continuée par le Danube, et dont les

bornes ocuidentaie^, longtemps litigieuses avec les Allemands,

Curent finalement arrêtées h la March et à la Leitha ; ils ne s'é-

iflt en grand nombre que dans sa partie centrale, autour

lurs moyen du Danube et de la Theiss. Par conlre une par-

de leurs bandes, et plus spécialement le peuple confédéré

Szeklersou Sieules qui prétend se rattacher directement aux

élut domicile dans les vallées de VErde/ij ou pays des

[notre Transylvanie et le Siebetiburyiit ou pays des sept

lUi des Allemands), lequel correspond à la grande citadelle

386 mSTOlRË DE LA FORMATION TERRITORIALE

de montagnes qui, à rextrémité sud-est des Karpathes, domine les plaines hongroise, valaque et moldave. Le reste des deui pays demeura, sous leur domination, aux populations anté- rieures, qu'ils avaient décimées et réduites en servitude, mais non fait disparaître, comme le prouve suffisamment la carte ethnographique actuelle de la Hongrie et de la Transylvanie. Cette dernière contrée, en effet, ainsi que la lisière voisine de la Hongrie, est encore en majeure partie habitée par des Roumains ou Valaques, descendants de la population romanisée de Tan- cienne Dacie ; les pentes méridionales des Karpathes sont peu- plées de Slovaques et de Ruthènes, c'est-à-dire de Slaves du nord ; les pays de la Drave et de la Theiss inférieure appartien- nent jusqu'aujourd'hui aux différents groupes, Slovène, croate et serbe, de la nationaUté slave du sud. Si nous ne retrouvons pas de traces des immigrations germaniques et finnoises anté- rieures à l'arrivée des Madgyars, c'est que les premières ont été passagères, et que les restes des autres ont facilement s'absor- ber dans le peuple nouveau, qui appartenait à la môme race.

Au temps de leur existence nomade, les Madgyars paraissent avoir obéi à plusieurs chefs, dont la tradition fixe le chiffre à sept ; cependant on attribue dès le début de leur histoire une certaine prééminence à Arpad, fils d'Almus, dont la descen- dance devint avec le temps la race royale de la Hongrie, lorsque le prince arpadien W^aïc, plus connu sous son nom chrétien d'Etienne, reçut coup sur coup le baptême des mains de saint Adalbert (996) et la couronne royale de celles du pape Sylves- tre 11 (1000). Le christianisme ne triompha complètement de^ résistances païennes qu'après un siècle d'alternatives; néan- moins le nom de saint Lticnne mérite la popularité dont il n'a cessé de jouir en Hongrie ; c^r en procurant à ses successeurs le titre de roù> apostoliques y qu'en 1 758 encore Clément XIH con- firmait h Marie-Thérèse, en faisant de la couronne envoyée par le saint-siége comme le palladium mystique do la royaui»' madgyare, il a non-seulement préparé rentrée de la Hongi-iedan- la hiérarchie ecclésiastique et politique du monde occidental, mais encore assuré la sanction religieuse à l'établissement rao-

^V DES ÈTirs DK L'EUROPE CENTRALE. 38?

^■Ebique, lequel était indispensable pour mainlenirruDité du pays, ot néanmoins sans cesse tenu en échec par une aristocratie lurbuleiitc. C'est que le vieil esprit d'indépendance des conque- | rauls madgyai'â, qu'on appelle plus tard du nom d'indiscipline féodale, n'a jamais permis en Hongrie la consolidation du pou- voir royal ; dès l'année i2'22 la bulle d'or du roi André 11, qui déclare In couronne élective et proclame le droit d'insurrection des barons lésés dans leurs droits, légitimait toutes les préteii- lioiis de la noblesse ; or c'est sur cette base que s'est développée loute la constitution hongroise des siècles postérieurs. Les rois arpadiens du douzième et du treizième siècle essayèrent, il est i vrai, de réagir contre cette omnipotence nobiliaire, en favorisant de leur mieux l'immigration allemande, cl en accordant aux nouveaux venus une organisation municipale aussi complète I que possible ; mais pas plus que les colom allemands qui dès le diuëœe siècle s'étaient établis sur toute la lisière occidentale du pays, depuîsia haute Haab jusqu'à Presboiirg, les cités royales âa pai/s (les mines et de la Zips, comme Kaschau, Éperies, Leutâchau, Kaesmark, Kremnitz, et les villes saxonnes de la Transylvanie, comme Hermannsladt, Kronstadt et Klau- senbui^a;, ne purent jeter dans la balance un poids de quelque importance ; elles ont, au milieu des maîtres madgyars et de i leurs sujets slovaques ou roumains, formé des Ilots germaniques ipii ont conservé jusqu'aujourd'hui leur langue, leurs mœurs, leur costume particuliers ; leur influence politique a toujours été insigniliante. La Hongrie a été dès le début, et ^t restée jus- j qu'à notre siècle, un pays essentiellement aristocratique ; la no- j blc--<se dominait exclusivement dans les assemblées des comtlats (iujians.Gespajtmcha/ien), comme h. h àikle du royaume, où, fious la présidence de l'archevêque-primat de Gran ou Strigonie, le^ prélats et les barons formaient la tafile des magnats, tandis me celle des députés ne comprenait que do rares représentants

i villes il cûté d'une majorité écrasante de gentilshommes

■pagnards.

jes trois siècles de royauté ai-padicnne, écoulés depuis lo rou- mement de saint Etienne en l'an 1000 jusqu'à la mort du

388 ni6T0IR£ DE LA FORMATION TERRITORIALE

dernier rejeton de la race, André III le Vénitien, en 1301, n en furent pas moins en somme glorieux pour la Hongrie. Si la guerre civile y fut fréquente comme dans tout le reste de TEurope, si les empereurs allemands intervinrent plus d*une fois dans ses affaires, si l'invasion mongole, victorieuse sur les bords du Sajo (1241), entraîna à sa suite des dévastations épouvaintables, d'autre part les frontières du royaume furent élargies et de nom- breuses dépendances rattachées, directement ou par le lien du vasselage, à la couronne de saint Etienne. De ces acquisitions la plus importante et la plus durable fut celle du royaume tripk et un d'Esclavonie, Croatie et Dalmatie,faiteàla fin du onzième siècle par les rois saint Ladislas P*" et Goloman, après Textinction de la dynastie nationale croate qui, sur les ruines des marches carlovingiennes les plus avancées au sud-est, avait établi sa do- mination depuis la basse Drave jusqu'au golfe de Quamero; on dut accorder une large autonomie à ces trois pays de nationalité slave, qui ne consentirent qu'à une union personnelle ; mais les frontières de Tcmpire hongrois se trouvèrent dès lors reportées de la Drave à la Save, et même bien au delà du cours moyen de la Save, par les vallées delaKulpaet de TUnna, jusqu'aux Alpes orientales et à la côte dalmate. A partir de la un du douzième siècle, les rois de Hongrie commencèrent en outre à revendi- quer, au delà des Karpathes, la partie de la Russie rouge sur laquelle régnaient les Ruricides de Galitch, et à prendre le titre de rois de Galicie; ils réussirent à établir leur autorité suze- raine sur les princes slaves de la Bosnie, de la Serbie et de la Bulgarie, au sud de la basse Save et du bas Danube ; les popu- lations roumaines de la Valachie et de la Moldavie, qui commen- çaient à se grouper sur les pentes méridionales et occidentales du plateau transylvain, étaient du moins plus ou moins sou- mises à leur ascendant ; si bien qu au commencement du qua- torzième siècle, époque de sa plus grande extension, la mona^ chie madgyarc, en y comprenant toutes ses annexes, allait depuis la mer Noire jusqu'au Marchfeld et depuis la mer Adria- tique jusqu'au Pruth ou au Dniester. Malgré la période d'anarchie qui accompagna et j^uivit l'ev-

DES fiTATS OK t'fUllOPB CENTRAIF. nS!)

iction de la race arpadienne et pendant laquelle la couronne lie Hongrie fnt portée penrliint quelques années, d'ahnrd (1301- i;t04) parle prince telitque AVenceslas, petit-fils d'Ottocarll et ilepuis roi de Bohi^me (rinf[lli^me do ce nom), ensuite (1.105- 1308) par !e duc Oiton de Basse-Bavière, le quatorzième siècle ne porta pas d'atteintes bien sensibles & l'intégrité du royaume de saint Etienne, du moins aussi longtemps que régna la dy- nastie française des Angevins de Naples, qui avec l'aide du sainl- i'ii-f'e réussit à se mettre en possession réelle dn Irfineen l'année 1310, dans k personne de Charobert, le petit-fils du roi dos Deuï-Siciles Charles II le Boiteux et de l'arpndienne Marie. Son fils, Louis le Grand, en rehaussa même l'éclat extérieur par

conqui^te momentanée du royaume de Naples et par son élec- au trône de Pologne après l'extinction dos Pinsts (1370);

lis avec sa mort, arrivée en 1382, commença ii éclater au 'ji^rand jour, sous une série de rois étrangers, la décadence inté- rieure et extérieure de la Hongrie, qui, arrêtée un instant seulement par le dernier roi indigène Mathias Corvin, aboutis-

it à une ruine presque complète au moment de l'avénomcnt

Ferdinand 1".

Tandis que la fille cadette de Louis le Grand, Hedw ige, deve- nait reine de Pologne, el'par son mariage forcé avec le grand-duc de Lithuanie Wlodislas faisait passer cette couronne à la glo- rieuse dynastie des Jngollons, la sœur atnée, hroi Marie, pro- clamée en Hongrie par un parti seulement, ne parvint qu'avec peine h prévaloir sur la ligne cadette des Anjou-Uuras et h faire lire la couronne de saint Etienne sur la tiMe de son époux,

lecteur de Brandebourg, Sigismond de Luxembourg, depuis

ipereur et roi do Bohême. Le règne demi-séculaire (1387- 1438) de ce prince, qui de tout temps s'occupa beaucoup plus des niïaires de l'Allemagne et de l'église que de celles de la Hongrie, ruina h la fois l'autorité royale dans le pays et le pres- tige national au dehors. Sigismond sanctionna définitivement la renonciation aux prétentions hongroises sur la Russie rouge, déjà consentie en 1352 par son prédécesseur en faveur delà Pologne; il se laissa enlever par 1rs Vénitiens la m.ijoure partie

^pRÙ

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390 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

de la Dalmatie hongroise, que Louis le Grand avait victorieuse- ment défendue; et si la grande défaite que lui infligea en 1396, à Nicopolis sur le bas Danube, le sultan turc Bajazet I*', n'eut pas de résultats plus désastreux que l'affaiblissement des prin- cipautés slaves qui servaient d'avant-postes méridionaux au royaume, il ne le dut qu'à l'intervention de Tamerlan et à l'éclipsé momentanée de la puissance ottomane qui en fîit la suite. Après lui, son gendre, l'empereur habsboui^eois Al- bert II, qu'il avait marié à sa fille unique, née d'un second ma- riage avec Barbe de Gilli, fut élu sans difficulté roi de Hongrie par la diète de Presbourg (1438), parce qu'on espérait de lui des efforts sérieux contre les Turcs; mais il mourut dan s la force de l'Age, au retour d'une première campagne peu heureuse (1439). Les magnats lui donnèrent pour successeur (1440), au détriment de son fils Ladislas le Posthume, le roi de Pologne Wladislas VI Jagellon, le beau-fils d'Hedwige d'Anjou; celui-ci livra au sultan turc Amurat II une grande bataille dans la plaine de Varna, sur les bords mêmes de la mer Noire, et la perdit avec la vie (1444). On revint alors aux Habsbourg dans la personne de Ladislas, en lui donnant comme tuteur Jean Hunyade Corvin, le héros des guerres; turques, qui, s'il fut vaincu à son tour par Amurat II à la journée de Cossovo en Serbie (1449), défendit du moins avec succès contre son successeur Mahomet H l'an- cienne forteresse serbe de Belgrade, restée le dernier boulevard du royaume, depuis que les Serbes avaient succombé sous les coups des Turcs. Hunyade mourut de la peste, quelques jours après avoir mis en fuite l'armée assaillante (1456) ; mais le prix de ses exploits fut payé à son filsMathias Corvin, qu'en 1458 les Hongrois appelèrent au trône, demeuré vacant par la mort prématurée de Ladislas (1457). Le règne de ce dernier roi na- tional, aussi habile politique que grand capitaine, et de plus protecteur zélé des sciences et des lettres, jeta encore une fois un vif éclat sur la Hongrie défaillante (1458-1490); mais Ifô résultats obtenus par Mathias furent plus brillants que solides. Le despotisme qu'il appuyait sur sa garde noire ne parvint pas à prendre racine dans le sol hongrois, et son ambition inquiète

nrS CTATS TtT. t'BTBOPE nfflrnAlE. 3!tl

dôlourna trop vilfi de ia fmerre qu'il faisait victorieusement .re les Turcs, pnnr s'occuper de la conquête plus fructueuse (lus facile do la Moravie, de la Silésie et delà Lusacc d'abord, Autrîclie ensuite. Aussi ses successeurs, les deux princes polonais Wladislas (H90) et Louis II (1K16), qui réunirent de nouveau les deux couronnes de Hongrie et de Bohême, comme l'avaient fait avant eux Sigisraond de LuTLembourg..\Ibert et La- las d'Autriche, retombèrent-ils dans les vieux embarras. L'oli- hie madgyare reprit immédiatement le dessus et se repton- dans ses querelles intestines; la valeur brillante, mais lisciplinée des Hongrois ne repoussait qu'avec peine les atta- ineessantes dos Turcs ; elle ùtait incapable de résister ft un >rt sérieux des Infidèles. Lorsqu'on 1520 Soliman II le Grand proclamé vicaire du prophète, le royaume de saint Etienne imblait à une forteresse démantelée; h l'exception de la Dal- matie devenue vénitienne, il comprenait encore toute ses parties itilégrantes, Hongrie, Transylvanie, Esclavonie et Croatie; mais les anciennes principautés vassales, de race slave ou rou- maine, qui au temps de sa splendeur le couvraient au sud et à l'est, étaient devenues des provinces ottomanes ou avalent cher- dié auprès des rnis de Pologne un appui plus solide; Belgrade -Miule fermait encore la grande route du Danube h une armée d'invasion. Cette dernière défense tomba en 1,521 : cinq ans ].lus lard souua l'heure de la grande catastrophe. Au printemps lie l'année IS26, l'iniraensc* armée turque, commandée par le fiultan en personne, remontait le Danube en se dirigcnnt vers le cfpur du royaume; Louis H, qui n'avait pu réunir qu'une \ingtaine de mille hommes, vint à sa rencontre jusqu'à Mohacs, il mi-chemin entre Buda-Pesth et Belgrade, et fut livrée, le 29 aoflt )52G, la bataille mémorable qui mit fin pour des siècles à l'autonomie hongroise. Le dernier roi particulier de Hongrie et de Bohême, qui n'avait que vingt ans, mourut misérablement d.ins la déroute, noyé dans un marais; les deux couronnes qu'il laissait sans héritier direct allaient passer définitivement il la ison de Habsbourg ; mais avec elles les princes autrichiens se irgcaienl d'un lourd héritage de guerres civiles et êtraigèrefe J

392 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Pendant que Soliman II, qui avait pénétré jusqu'à Bude, re- tournait lentement à Constantinople, en laiss&nt derrière lui le désert, Tarchiduc Ferdinand s'apprêtait à faire valoir ses droits sur les deux royaumes. Il était le plus proche parent du feu roi, ayant épousé sa sœur Anne, en même temps qu'il lui mariait sa propre sœur à lui, Marie d'Autriche (4521) ; il invoquait ensuite d'anciens pactes d'union entre l'Autriche, la Hongrie et la Bohême, et surtout les deux traités conclus entre Frédéric et Mathias Corvin (1461), entre Maximilien P' et Wladislas Jagel- Ion (1491), qui l'un et l'autre attribuaient aux Habsboui^ la suc- cession éventuelle de Hongrie ; enfin, à ces titres juridiques plus ou moins probants , il ajoutait de belles promesses de bon gouvernement et de vaillante protection. Le mot décisif en effet dans l'affaire de la succession, c'étaient les états des deux royaumes qui avaient à le prononcer; si les relations de parenté avaient toujours pesé d'un grand poids dans la balance à chaque renouvellement de règne , néanmoins la couronne de saint Wenceslas comme celle de saint Etienne étaient en fait, et même en droit, électives autant qu'héréditaires.

En Bohême, oîi les ducs de Bavière s'étaient hâtés de poser leur candidature à côte de celle de l'archiduc, Ferdinand fut choisi dès le 23 octobre 1 526 pïir les vingt-quatre électeurs dé- signés par les états du royaume; mais la noblesse bohémienne avait fait ses conditions, et elles étaient de nature à limiter forte- ment l'autorité du nouveau monarque. Il dut avant tout, par une lettre de majesté solennelle, reconnaître qu'il devait le trône au libre choix des Bohémiens, et confirmer tous leurs privilèges nationaux ; ce ne fut que sous ces réserves formelles que son couronnement eut lieu à Saint-Guy de Prague, 24 fé^Tier 1 327. Plus tard il est vrai, après la fin heureuse de la guerre de Smal- calde (1547), il réussit à se débarrasser d'une partie de c«s entra- ves : les états bohémiens, qui pendant les hostilités avaient fait preuve de mauvaise volonté en demandant à rester neutres, sans avoir le courage de soutenir activement leurs coreligion- naires luthériens, éprouvèrent le contre-coup de la bataille de Muhlberg.La noblesseet les villes,égalementhumiliées,ne purent

BES ÉTATS DE I'eUBOPH CESTHALE, 303

Jier le fr&re de l'craporour Cliarles-Ouînt, qui h ce mo- ment était parvenu au comble de la puissance, d'établir son au- lurilé royale sur des bases plus solides, et assistèrent en silence à la déclaration faite en pleine diète, que la Bohi^me était un royaume absolu, bérédilaire dans la maison d'Autriche. La ques- tion était loin d'ailleurs d'être définitivement tranchée par ce coup d'autorité ; elle ne le fut, comme nous le verrons bientôt, qu'au commencement du dix-septième siècle, h la suite des évé- nements de la guerre de trente ans.

Quelque dures que fussent d'abord les conditions du pacte en- tre la Bohême et son nouveau souverain, le fait capital de l'uc- qiiiMtiun de la couronne tchèque par les Habsbourg se trouva donc consommé au bout de quelques mois. 11 en l'ut tout autre- ment en Hongrie, à des difficultés intérieures beaucoup plus I grandes vinrent se joindre les complications désastreuses de l'invasion étrangère; Ferdinand l"n'y arriva jamais qu'à une possession partielle et précaire. 11 fut, il est vrai, dès la fin de l'an- née 1326 proclamé roi par une grande partie de la noblesse h. la diète de Presbourg, qu'avait convoquée sa sœur, la reine-douai- rière Marie; mais le plus puissant seigneur du rojaiune, Jean tlj, comte de Zips et palatin de Transylvanie, prétendait do idlé au IrAne, et, te gagnant de vitesse, il se fit couronner t lui à Szekes Fehervar ou Albe royale, que les Allemands lient Stuhlweisscnburg. Les armes devaient décider entre les deux compétiteurs : Ferdinand entra en Hongrie à la tète d'une forle armée, et, de nouveau proclamé à Bude, puis cou- ronné à son tour à Sluhlttcissenburg ((527) par le même évô- ({ue de Neutra , qui un an auparavant avait posé le diadème f sur la télé de Zapoly, il força son rival à chercher un refuge c Pologne; mais alors, poussé à bout, le fier Madgyar, donnant un exemple trop fidèlement suivi depuis par nombre de ses compa- triotes, s'adressa au suilan turc, cl l'ambassade qu'il envoya fi Gonstantinoples'y fil favorablement accueillir à force de bas- sesse. Ce ne fut plus dés lors Zapoly, mais Soliman II que Fer- ^^and rencontra devant lui, et la guerre des deux prétendants, ^fenant un caractère tout nouveau, de locale devint européenne.

304 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

Nou-soulcmeut les nouvelles acquisitions, mais toutes les posses- sions des Habsbourg, et avec elles l'Allemagne, la chrétienté en- tière se trouvèrent menacées par l'invasion musulmane ; quant h la Hongrie, champ de bataille prédestiné entre les deux gran- des monarchies voisines, elle resta pendant deux cents ans sous le poids de cette terrible malédiction, de ne plus pouvoir être elle-même et de n'avoir que le choix entre le despotisme autri- chien et la servitude ottomane.

Le grand-seigneur, qu'excitait de son mieux la diplomatie française, ouvrit en 1529 la guerre sainte contre la maison de Habsbourg par une expédition formidable, qui du coup le mena au cœur des états autrichiens ; sans s'arrêter autrement en Hon- grie que pour enlever la citadelle de Bude à sa garnison alle- mande et y installer comme roi Jean Zapoly, il alla planter ses innombrables tentes devant les murs de Vienne, le 26 septem- bre 1529. Mais le comte Nicolas de Salm, qui s'y était jeté avec la fleur de la chevalerie chrétienne, soutînt vaillamment les as- sauts furieux des Janissaires ; le 14 octobre au soir, Soliman o^ donnait la retraite. Quand il revint à la charge trois ans plus tard (1532) et mena encore une fois ses innombrables soldats jusque dans le voisinage de la capitale autrichienne, Charles- Quint avait eu le temps de faire ses préparatifs pour venir en aide à son frère; il attendait le sultan à la tête d'une armée de quatre- vingt-mille hommes, la plus belle que le seizième siècle ait \'ue sur pied. Soliman, déjà étourdi par la résistance presque mira- culeuse que lui avaient opposée quelques centaines de paysans retranchés dans la petite ville de Guns, au sud d*Oedenburg, hésita, s'arrêta, puis recula en face de ces vieilles bandes bien disciplinées d'Allemands, d'Espagnols et d'Italiens; il reprit le chemin de Constantinople sans avoir combattu. L'Allemagne respira dès lors, quoique l'empereur aussi n'eût cueilli dans cette campagne que de maigres lauriers ; pour elle , le danger , un instant imminent, de la conquête musulmane était écarté pour toujours ; les Turcs s'étaient suffisamment convaincus, dans leur double tentative, que les pays de langue allemande, couverts de châteaux-forts et de villes murées, habités par une

PTS ftTATS DR l'RiniOPR CENTRAIS.

ptipulation iionibrcuso auspi riche quo brave, (K'^fendus par les ressources d'une civil isatimi et d'une tactique avancées, étaient mu! proio tout aulrcmonl ilirtîcilo à saisir que les contrées cliré- tienncs qu'ils avnirnt subjuguéesjusque-liV ; ils rcitoncôrent k les omquârir. Mais la malheureuse Hongrie, do Vfistcs plaJueâ offlraicnt & leur cavalerie pleine liberté derauuveiiionts, une pnptilation rooins dense, principaloraent campagnarde, était lii.^n moins apte à se di^fendre, régnaient partout le dé- .>idre fit l'anarchie, leur étJiilpour ainsi dire forcément dévo- lu.'; ils ne tardèrent pas h en incorporer h leur empire la plus belle moitié.

D'abord, il est vrai, Soliman se contenta du rôle de suzerain. A son retour du siège de Vienne (1S29), il avait à Bude, de ses [Topres mains, posé sur la tftc de Jean Zapoly la coui-onnc de -iint lllticnne, que lui avait livrée l'évoque do Cinq-Églises; puis, au lendemain de la campagne de IS32, il daigna admKtre Ferdinand aussi au rang de /ih et de protégé pour la partie de la Hongrie, voisine deTAulriche, le prince habsbourgeois avait ri^ussi à se maintenir (inSS). Les deux compétiteurs ainsi laissés en présence, après avoir plusieurs Fois passé de la guerre aune irftve, et de leurs suspensions d'armes à de nouvelleâ hos- tilittSs, s'elTraytrent eux-mf^mcsà la Gn des horribles dévastations commises h. la fois par leurs troupes, réguUères ou irrégulières, el par les partisans musulmans qui avaient fait de la Hongrie leur champ de course habituel, et ils songèrent h. s'arranger sé- rieusement; un accoraraodemeni, conclu en 1336, renou\eléen 1 538, leur reconnut à tous deux le titre royal et attribua à chacun d'eux la portionduterritoirc hongrois dont il était en possession. Zapoly gardait ainsi, avec la capitale Bude, la majeure partie ilu royaume proprement dit ainsi que la Transylvanie, tandis (jtie la part de Ferdinand se réduisait à quelques comitats occi- rleutaux. Ji la Croatie et ît l'Esclavonie ; mais par enntre on stipu- lait expressément la survivance de Ferdinand ou de ses héritiers miles, même pour le cas qu'il survîntencore un fils à Jean Za- poly. Le malheur voulut que cette dernière prévision se réalisât par la naissance de Jean-Sisfisniond Zapoly, quinze jiinrsa\iinl lit

300 niSlOlRE DE LA FORMATION TËRRITORULE

mort de son père (1540); au lieu de respecter le traité juré, la reine-veuve Isabelle de Pologne et son principal conseiller, le moine George Martinuzzi, invoquèrent l'appui de la Porte pour le royal enfant. Ferdinand essaya en vain de désarmer le sultan, ou du moins de prendre Bude avant l'arrivée de l'armée otto- mane ; Soliman vint camper sous les murs de la ville, y entra comme protecteur, et, aussitôt jetant le masque, s'y établit comme souverain (1541). Jéan-Sigismond dut se contenter de la Tran- sylvanie comme sandjak turc ; un beglerbeg ottoman gouverna directement au nom de la Porte, depuis la résidence royale de Bude, la meilleure part de la Hongrie danubienne, qu'une nou- velle campagne du sultan étendit en 1543 jusqu'à Stuhlweis- senburg et à Gran. Ferdinand, à bout de ressources, se résigna à négocier à son tour (1547) et obtint un répit momentané en s'engageant à payer un tribut annuel de trente mille ducats pour les lambeaux du royaume qui lui demeuraient, et à ne pas inquiéter les Zapoly dans la possession de la Transylvanie. La dernière condition fut fort malrespectéepar le prince autrichien; une intrigue nouée avec l'ambitieux Martinuzzi lui livra les places fortes des Zapoly, avec l'insigne de la royauté, la cou- ronne de saint Etienne, et la Transylvanie lui prêta le ser- ment de fidélité (1551) ; il se trouva donc momentané- ment maître de tout ce qui en Hongrie n'était pas encore conquis par les Ottomans. Mais sa politique, aussi violente qu'astucieuse, n'aboutit qu'à de nouveaux désastres ; les généraux allemands qui, pour se débarrasser de Martinuzzi, l'avaient fait assas- siner, tout cardinal qu'il fût devenu comme prix de sa trahison, dès le mois de décembre 1551 , indisposèrent à tel point les p(çu- lations par Thorrible indiscipline de leurs troupes, que la Transylvanie et la Haute-Hongrie avoisinante ne tardèrent pas à revenir à Jean-Sigismond; et d'autre part Soliman, qui était en droit devoir une infraction à la paix dans les progrès momentanés de Ferdinand, reprenait ses usurpations, s'emparait deTemesvar après une défense héroïque (1552), et joignait à ses états le Banat entier.

Les choses en restèrent à peu près à co point jusqu'à la fin du

DKS ÉTATS DK I.'bDIIOPE CKRTIULE, 3!>T

règne de Ferdinand l"(15Ci); elles ne clmngêrciit luOme pas grandement pendant les cent vingt années suivantes, malgré des guerres frcquenlon entre les deux monurcliies, turque et autri- chienne, et un état d'hostilité permanent sur la frontière, qui contribua plus encore que celles-ci à changer en désert une pur- lie nutablc de la Hongrie. Ni la dernière invasion du vieux So- liman II, que la mort atteignit sous les raurs de làzigcth (ISCti), ni les luttes opiniâtres quisous le règne de l'erapercur Rodolphe II se continuèrent pendant quatorze ans (1H92 à 1600) entre Raab fi Budc, ne modifièrent sensiblement la ligne de frontière entre ftomination musulmane et ladoniination chrétienne, qui resta 1 près invariable depuis le milieu du seizième jusque vers h 6n du dis-septième siècle. Elle quittait l'Adriatique au sud de Zengct se dirigeait d'abord au nord, avec une légère inclinaison à l'est, de façon à franchir la Save en aval d'Agram, la Drave au-dessous de Warasdin, le Danube dans le voisinage immédiat de Gomorn; portait ensuite £t l'est, depuis Ncuhaeusel versErlau et Debreczin , et rejoignait le DanuLc à Orsowa, après avoir longé la frontière occidentale de la Transylvanie. Toute la région comprise dans l'intérieur de cette ligne demi-circulaire, et qui correspond approximativement à la plaine hongroise, apparte- nait au sultan ; les successeurs de Ferdinand I" prétendaient être les maîtres du reste du royaume, mais n'y exerçaient en réalité qu'une autorité siugnhèrcment contestée. Sans même parler du trihut h la Porte, tantôt payé et tantôt refusé, jusqu'à ce que la trôve de 1606 mît Dn * cette honteuse obligation, ils avaient à compter sans cesse a^ec le vieil esprit d'indépendance hongrois, auquel les progrès de la réforme religneuse avaient fourni un nouvel aliment; dans la Transylvanie, ii hujuelle se EJBUachait intimement la partie orientale de la Hongrie mon- ^■bsuse ou karpatbienuo, les princes ou woiwodes successeurs ^^JW Zapoly étaient, malgré la cession fuite à Rodolphe II par Sigismond Bathory (1397.1606), bien plus souvent les chefs des matconlents hongrois que des vassaux autrichiens, et ils étaient toujours sûrs de trouver un appui auprès des Turcs, qui les regardaient comme des tributaires de leur empire, absolu-

398 UISTOIRG DE LA FORMATION TËRRITORULE

ment au môme titre que leurs voisins de la Valaîchie et de la Moldavie.

Avant de quitter le terrain restreint de la Hongrie, sur lequel pendant toute la durée du seizième siècle se concentra Tintérét principal de Thistoire territoriale de la maison de Habsbourg, il nous faut dire quelques mots d'une institution à la fois militaire, }H>litique et géographique, dont les origines remontent aux premiers temps de l'invasion turque, qui s'est développée avec les progrès de la puissance autrichienne dans le royaume de saint Etienne, et qui hier encore subsistait intacte dans TAutri- che régénérée ; nous voulons parler des colonies militaires ou, pour employer le terme consacré, deYinstitiUion des frontières. Il est possible que Mathias Gorvin déjà ait songé à établir un cordon de garde-frontières sur la lisière du royaume exposée aux incursions ottomanes; mais ce ne sont que les princes autrichiens qui, pour garantir leurs possessions allemandes contre les coups de main incessants des coureurs musulmans, ont organisé régulièrement la milice des confins, dont le pre- mier centre fut Warasdin sur la Drave, ville croate située dans le voisinage presque immédiat de la Styrie ; officiellement il en est question pour la première fois dans les actes de la diète de Bruck, tenue en 1578 par Tarchiduc Charles de Styrie. Demi- soldats, demi-paysans, les hommes de la frontière (Graenzer) recevaient chacun en fief un fonds de terre qu'ils avaient à faire valoir; ils n'obéissaient qu'à leurs chefs militaires et étaient tenus à la fois à la surveillance continue de la frontière et au ser- vice actif en temps de guerre. L'utilité d'une institution qui d'une part fournissait à peu de frais un cordon non-seulement militaire^ mais aussi douanier et sanitaire, tandis que de l'autre elle formait une excellente pépinière de soldats, fit qu après la conquête de la Hongrie entière sur les Turcs, le gouvernement autrichien la développa dans les plus larges proportions ; le sys- tème des confins fut appliqué sur toute la frontière austro- turque, depuis la mer Adriatique jusqu'à la Moldavie, et réorga- nisé par la liù des confins de 170i, qui dons ses prindpe^ essentiels est restée en \ if: uenr jusqu'à ces derniers temps.

^V lïES ÉTATS BB t*EUBOPE CBHTriALE. 3-jg

^Hd de cette législation particulière, la longue et Clroilc bande ae pays qui bordait la Croatie, l'Esclavonie, la Hongrie et la Transylvanie, était un territoire esclusiveniput militaire, découpé en divisions, brigades, régiments et compagnies, dont les chefs concentraient entre leurs mains tous les pouvoirs, militaire, administratif et judiciaire; une population déplus d'uii million d'Ames, principalement Croates et Serbes, mais aussi Madgj urs, Szekters et Roumains, soumise à une stricte discipline et pau- i vrpment récompensée de ses services par les produits do ses petits Befs, surveillait la frontière, dans les marécages de la Save comme dans les gorges de la Transylvanie, et surtout recrutidt les fameux régiments des confins, plus connus sous les noms de ; Croates, de Pandours ou de Manteaux-Rouges, qui à certains ; moments critiques de la monarchie ont présenté un effectif de cent mille hommes et au délit. Les progrés de la civilis;ition con- | lemporaine ont enfin sapé par la base l'institution féodale des i confins, et elle vient de finir sous nos yeux. Les régiments Sîekiers des confins moldo-valaques se sont dissous eux-mêmes eu 1848, et n'ont pas été rétablis; le i9 août 18G9 une lettre de l'iynpcreur François-Joseph 1"', qui alléguait avec raison que les charges imposées aux hommes de la frcnlière étaient trop l'iurdes et que le régime exceptionnel auquel ils étaient soumis i'tJiit incompatible avec les nouveaux principes de la monarchie . îtulrichieune, annonçait la dissolution de deux régiments de la frontière croate et la remise entre les mains des autorités civiles , lies districts militaires de Warasdin. Belovar, Ivanich, Sisek i et Zeng; un nouveau manifeste du 9 juin 1872 fixait au i" no- ^ vcmbrc suivant la provinciaiisaliun do quatre autres régiments; et enfin, par un dernier rescrit du 8 août 1873, ont été licenciés le» rfrgirneiitâ-froulièi'es, croates et esclavons, maintenus jus- qne-lù, en même temps que leurs circonscriptions i-égimentaires Wrienl changées en districts-frontières, soumis à l'administra- r^ile.

a revenons mainlenanL ù l'ensemble des étuis habsbour-

I, dont nous avons mené précédemment l'histoire territu-

Sjusqu'nu milieu du seizii-mesii'ulo, l'endiuil i] ne Philippe II,

400 HISTOIRE DE LA FORKATIOK TERRITORIALE

le chef de la ligne aînée ou espagnole de la maison, reprenait pour son propre compte les hautes visées de son père Charles- Quint, les princes de la ligne cadette ou allemande, issue de Ferdinand I", ne jouèrent dans les affaires européennes qu'un rôle fort effacé, et laissèrent même péricliter leur puissance domestique. Des trois fils de Ferdinand I*', l'aîné, Maximilienll, lui succéda, soit par élection, soit par droit héréditaire, dans l'empire, aux couronnes royales de Bohème et de Hongrie, et dans l'archiduché d'Autriche; les deux autres, Ferdinand et Charles, fondèrent à Innsbruck et à Gratz les deux rameaux de Tyrol-Alsace et de Styrie-Carinthie-Carniole (1564). Mais cette division de l'héritage habsbourgeois allemand ne se perpétua pas au delà d'une génération ou deux ; Ferdinand de Tyrol, qui préférait le bonheur domestique à l'honneur de faire souche de princes, avait épousé la charmante Philippine Wclser, de la famille des riches banquiers d'Augsbourg, et à sa mort (I59S) ses fils durent se contenter de rester l'un le cardinal d'Autriche, l'autre le margrave de Burgau ; quant à la ligne secondaire de Styrie, elle fut appelée au commencement du dix-septième siècle à la succession de la branche principale, et continua seule la maison, dont elle était destinée à relever l'ascendant, singuliè- rement compromis par un demi-siècle de mauvais gouvernement. En effet, si déjà Maximilien II, peu actif de son naturel, et d'ailleurs assez indifférent entre le catholicisme et le protestan- tisme, n'avait rien fait pour fortifier l'autorité souveraine, menacée, sinon dans le présent, au moins dans l'avenir, par la rivalité des deux confessions, son fils aîné Rodolphe II, seul héritier de ses couronnes (1576), manqua, par son incapacité politique, la ruiner complètement et permettre à la noblesse de ses états d'y établir, à l'ombre de la réforme religieuse, un o^ dre de choses fort semblable à celui qui depuis des siècles régnait dans l'empire germanique. Les nouvelles doctrines étaient par- tout en plein progrès : en Bohème, vieux foyer d'hérésie, msJgri l'expulsion des derniers Taborites décrétée par Ferdinand P' au lendemain de la bataille de Muhlberg (1547), la majeure partie de la population tchèque continuait à appartenir à la secte llu^-

SES ÉTATS DE l'eUROPK CENTSALE.

Rmodérôe des Utraquistes ou Calistins, qui se rapprochaient ^ plos eu plus des Luthériens allt^mands, elle luthéranisrno lui-même prédominait parmi les Allemands du royaume; dans les pays de la couronne de Hongrie, les Madgyars étaient en majorité calvinistes, les Allemands luthériens, et la Transylva- nie avait mùme offert un asile aux Sociniens on Unitaires, tra- qués dans tout le reste de l'Europe; en Autriche enfin, une grande partie de la noblesse professait le luthéranisme et le fai- sait prCcher h ses paysans. Or, tout en rendant pleine justice h l'intensité du mnuvement religieux en lui-même, il faut consta- ter eu mfime temps les tendances essentiellement aristocrati- ques auxquelles il servait de prétexte; la noblesse des trois pays prétendait imposer à l'empereur, non-seulement la liberté de conscience, mais encore son indépendance à peu près absolue. C'est ainsi que les Malcontents hongrois, dirigés par le prince de Transylvanie Etienne Bocskai, arrachèrent h Rodolphe II par lapaix de Vienne (1606), en dehors du libre exercice du protes- tantisme, les droits les plus étendus pour la diète et la cession d'une partie du pays à leur protecteur; que la grande lettre de majesté en faveur des iSvangéliques bohémiens (1609) dut leur accorder le droit de nommer des défenseurs, chefs tout indiqués d'une révolte future. Pour comble de malheur, la désunion régnait dans la famille impériale; l'arabition inquiète de l'archi- duc Mathias, qui déjà l'avait poussé jeune homme à se poser en compétiteur impuissant de Philippe II dans les Pays-Bas (1577- 1581), ne lui permit pas d'attendre la mort sans héritiers directs de son frère Ilodolphe (1612), pour lui succéder; il le détrôna successivement en Autriche, en Hongrie et en Moravie (1608), puis en Bohême, en SilésieetenLusace (1611), en faisant cause

Cmune avec l'aristocratie, qui lui îm|)0sa en retour de nou- K concessions, une capitulation royale extrêmement restric- en Hongrie (léo8)etla liberté du culte des états évangéUques s la Haute et la Basse-Autriche (1609). Le règne de Mathias, commencé sous ces tristes auspices, se continua au milieu de tergiversations et de mesures conlradic- [rires, trop faciles à comprendre au milieu des embarras d'une

^^gres, trop

402 UISTOIRË DE LA FORMATION TERRITORIALE

situation politique faussée dès le début ; la désorganisation de la monarchie autrichienne faisait chaque jour de nouveaux progrès. Ce fut alors que l'empereur, d'accord avec ses deux frères survi- vants, comme lui sans enfants, Tarchiduc Maximilien, qui avait jadis brigué la couronne de Pologne (1587-1588), et l'archiduc Albert, qui gouvernait les Pays-Bas conjointement avec son épouse, l'infante Claire-Eugénie-Isabelle, se décida à chercher un appui dans un rejeton plus énergique de la famille, leur cousin germain TarcÛduc Ferdinand de Styrie ; il fut en 1616 déclaré seul héritier de la ligne allemande des Habsbourg. C'était revenir franchement à la vieille politique catholique de Charles-Quint et de Ferdinand P' ; car la ligne de Styrie n'avait pas varié un seul instant dans son attachement à l'ancienne foi. Son fondateur, Tarchiduc Charles, avait, il est vrai, été forcé, bien malgré lui, d'accorder la tolérance religieuse à sa noblesse et à ses villes ; mais, plus énergique et plus conséquent que lui, Ferdinand, tout imbu des doctrines que, sous les auspices de sa mère, la pieuse Marie de Bavière, lui avaient inculquées les jésuites italiens, et au triomphe desquelles il s'était voué lui- même, à peine adolescent, par un serment solennel prêté devant la Vierge de Lorette, avait, avec une fermeté que rien n'avait pu ébranler, travaillé sans relâche à l'extirpation de l'hérésie dans ses états. Un succès complet avait couronné ses efforts: tous les prédicants avaient été expulsés, malgré les protestations des états, et la conversion ou l'expatriation de toutes les fa- milles protestantes avait rétabli l'unité de la foi en Styrie et dans les provinces qui y étaient adjointes. De pareils débuts étaient peu propres à rassurer les partisans des nouvelles doctrines qui, nous l'avons vu, formaient la majorité dans les pays à la succes- sion desquels il se trouvait appelé maintenant; néanmoins, comme il promettait de respecter les engagements pris par Rodolphe et par Mathias, il fut reconnu en Autriche, et cou- ronné, à Prague et à Presbourg, comme roi futur de Bohême et de Hongrie ; mais une crise était inévitable, en Bohême surtout, deux cents ans d'opposition religieuse et politique avaient jeté dans le sol les racines les plus profondes. Elle éclata parla

m-

BBS ÉTATS OB t'EUROPB CBlïTRiLK. i03

déféiestralionde Prague An 23 mai 1618, que suivit immédia- tement la révolte ouverte de la Bohême, et un peu plus tard celle de ses annexes, la Sîléste, lu Lusace et la Moravie.

Rarement unavénemem a eu lieu dans des circonstances aussi difliciles que celles qui marquèrent les premiers mois du règne de Ferdinand II, qu'à ce moment même la mort de Mathias (mars 1619) laissait seul responsable des destinées de l'Autriche. Tout d'abord le comte de Thurn, le principal des trente direc- teurs bohémiens, vint Tassiéger dans Vienne (juin 1619) à la t^te d'une armée bohémienne et morave, alors que dans la ville les bourgeois étaient mal disposés ou terrifiés, et qu'au chAteau les seigneurs évangéliques de l'Autriche, la menace à la bouche, prétendaient lui imposer des conditions déshonorantes. Ferdi- nand, soutenu par sa foi ardeute, qui lui fît entendre du haut du oruciOi des paroles d'espoir de la bouche môme du Christ, ne s'abandonna pas lui-même, et fut aussitôt récompensé de SOD inaltérable coniiauce : les cuirassiers de DampJerre, intro- duits dans les murs de la capitale, lui rendirent la liberté de ses mouvements vis-à-vis de sa noblesse; Thurn fut rappelé par ses collègues pour défendre la Bohême, envahie parBucquoj; et la presque unanimité du collège électoral réuni à Francfort- sur-le-Mein l'élut empereur (28 août 1619). Cette éclaircie mo- mentanée fut suivie encore une fuis des complications les plus graves. L'électeur palatlu Frédéric V, élu roi par les députés de la Bohême, de ta Moravie, de la Silésie et de la Lusace quelques jours avant sa propre exaltation à l'empire, fut solennellement couronné à Prague le 31 octobre 1619, tandis que le prince de Transylvanie, Gabriel Bcthlen, maître de Presbourg et de la couronne de saint Etienne, joignait ses troupes à celles de Thurn pour assiéger Vienne une seconde fois. Mais bientôt les événements prirent une tournure nouvelle : Ferdinand, que soutenaient avec ardeur, non-seulement les Espagnols et les membre* de la ligue catholique dirigée par son cousin Maximi- lien de Bavière, mais même une partie des princes luthériens lemands, plus hostiles aux calvinistes qu'aux catholiques, se ;va fort supérieur en forces à Frédéric , qu'abandoni

40i HISTOIRE DE LA FORMATION TERRlTORULE

Bethlen et que Y union protestante, dont il était le chef, défendit peu et mal; une seule bataille, livrée le 8 novembre 1620, sur la montagne blanche, aux portes de Prague, décida en quelques heures de la couronne de Bohême, et du même coup abattit le protestantisme et Taristocratie, tant dans les pays bohémiens que dans l'Autriche proprement dite.

La contre-réformation fut immédiatement conmiencée et poursuivie avec une logique implacable; les vieux droits des états féodaux, et à plus forte raison les usurpations nouvelles de la noblesse, n'eurent pas un meilleur sort que l'hérésie; et l'au- torité absolue du prince sortit de l'anarchie de Tépoque précé- dente. La Bohême, centre de la résistance, fut le plus rudement traitée ; non-seulement la lettre de majesté fut abolie, la cou- ronne déclarée héréditaire, la diète réduite à l'ombre d'elle- même; mais l'aristocratie tchèque, qui aux états de 1615 encore avait proscrit l'usage de l'allemand, fut décimée, ruinée, pro- scrite, au profit de gentilshommes allemands, et une nouvelle immigration tudesque remplit les vides faits dans la population indigène par les exécutions et par la fuite ; quand Thurn et les autres émigrés revinrent en 1631, à la suite des Suédois, ils ne reconnurent plus le pays, tant il avait changé ! En Moravie les choses se passèrent à peu près de même, sauf les exécutions; une contre-réformation sans pitié occasionna une émigration formidable, mais laissa, comme en Bohême, le catholicisme maître absolu du terrain. Les jésuites eurent les mains moins libres en Silésie, existaient encore quelques dynasties du- cales presque autonomes ; ils ne purent même pas pénétrer dans la Lusace, engagée à Télecteur luthérien de. Saxe (1620.1623) pour le payer des frais de sa coopération ; aussi la contre-réfor- mation resta-t-elle incomplète dans le premier des deux pays, nulle dans le second. Par contre l'archiduché d'Autriche, oh encore dans toute la première moitié de l'année 1620 l'empe- reur, avec l'approbation formelle du saint-siége, avait offert liberté du culte entière, fut lui aussi promptement et complète- ment ramené dans le giron de l'église : tout se soumit après la répression à main armée de quelques révoltes de paysans luthé-

CES ÉTATS DE l'RClOPB CEWTBAtl, W*

, et également les états du pays, qui pendant des siècles ^Kaient traité d'égal & égal avec le souverain, furent réduits à fort i>eu de cbose. Ainsi au bout de quelques années de règne, au sortir d'une tourmente qui avait menacé d'engloutir à jamais tout l'établissement monarchique des Habsbourg alle- mands, Ferdinand II se trouvait plus maître chez lui qu'aucun de ses prédécesseurs; la révolution politique et religieuse au profit du catholicisme et de l'absolutisme était à peu près con- sommée partout, sauf en Hongrie, Gabriel Bethlen et ses successeurs continuaient à tenir tète à l'empereur et à étendre leur protection sur les protestants ; encore dans les pays hon- grois eux-mêmes les efforts des jésuites ramenaient peu h peu ^^'église romaine les familles les plus influentes. ^■Bia tentative de Ferdinand II d'opérer une réaction analogue ^^ks l'empire, d'abord couronnée d'une apparence de succès, grftce au fameux coîidottiere Albert de Waltenstein, échoua par suite de l'appui que l'autonomie des princes allemands trouva auprès de la Suède et de la France. La guerre de trente ans, si favorable d'abord aux aspirations ambitieuses de la maison de Habsbourg, lui causa dans la suite de profondes humiliations militaires et politiques; bien plus, elle lui coûta quelques-uns de ses territoires patrimoniaux, et dans le nombre la seule de ses possessions primitives qui lui rest&t encore. L'assassinat eut raison de Wallenstein qui aspirait & la couronne de Bohème pour se payer de ses services (1634); mais pour dissoudre la cualition entre la couronne de Suède et les princes luthériens, formée par Gustave-Adolphe et maintenue après sa mort par son grand ministre Oxensllerna, il fallut que Fei-dinand 11, par le traité de Prague de I63S, se résignât à abandonner h. l'électeur de Saxe, comme un fief mule delà Bohême, la Haute et ta Basse- Lusace, qui lui avaient été seulement engagées par les conven- tions de 1620 et de 1623 ; et même à ce prix, l'Alsace ne put être sauvée. Les Suédois avaient commencé à s'y établir en 1634 ; Bernard de Saxe-Wcimar s'en assura la possession par la prise de Brisach (7 décembre 1638), et quand il mourut sept mois après, à l'âge de trenlc-slx ans (18 juillet 1639), Riche-

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lieo l'acquit à la France, en achetant Tannée el les places fortes de ce soldat de fortune de race princière. Les traités de West- phalie, accqités de guerre lasse par Ferdinand III (1637-1657), consommèrent la perte de ce berceau de la raœ impériale; l'empereur renonça solennellement à Munster, le 2i octobre 1648, pour luiy pour sa maison et pour Tempire, à tous ses droits et prétentions sur Brisach, sur les landgramts de Haute et Basse-Alsace, sur le comté de Ferrette éL sur l'avoume en Basse-Alsace ou préfecture de Haguenau, en fayeur de la France, qui s'engagea en retour à payer trois millions de livres à la brandie cadette, issue d'un firère de Ferdinand II, qui était apanagée des terres antérieures. Par suite de c^te cession, les possessions rhénanes de l'Autriche se trouvèrent réduites au Brisgau, qui avait été incorporé à l'Alsace en 1521, et qui alors reprit son existence politique séparée. Les plénipotentiaires im- périaux se montrèrent par contre, à Osnabruck, inflexibles dans le refus qu'ils opposèrent à toutes les réclamations tendant à la restitution dans les états héréditaires de l'ordre de choses reli- gieux qui y existait en 1618; ils déclarèrent que leur maître, plutôt que d'y consentir, abandonnerait son sceptre et sa cou- ronne, ses pays et ses sujets, la vie elle-même s'il le fallait ! En présence de ce parti pris absolu, il fallut finalement renoncer à rien obtenir, et le règne exclusif du catholicisme introduit par Ferdinand II resta la loi conmiune des états héréditaires, parmi lesquels les pays de la couronne de Bohème figuraient désor- mais également ; de toutes les provinces allemandes ou slaves des Habsbourg, la Silésie fut la seule l'exercice public du protestantisme fut encore toléré, et aussi on t&cha de le res- treindre peu à peu, si bien qu'il fallut plus tard la vigoureuse intervention de Charles XII pour arrêter les empiétements con- tinuels du clergé catholique.

La Bohême, totalement rendue à la foi catholique et en même temps dépouillée à peu près entièrement de son autonomie poli- tique, ne pouvait plus donner aucun souci à la cour de Vienne. 11 n'en était pas de même de Tautre couronne royale, que Fer- dinand I" avait acquise au lendemain de Mohacs, mais dont ni

DBS ÉTATS DE I.'BUB0PE CRRTBALE.

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I III aucun de ses successeurs n'avaient encore eu la pleine piuiasance. La Hongrie n'a même jamais élé aussi complète- ment înci»rpovée à la monarchie autrichienne que le rojaume voisin ; cependant le moment approchait l'eitpulsion des Turcs et l'élablissement d'un pouvoir royal, régulier quoique uirconscrit, allaient Faire cesser, sur son sol aussi, l'anarchie et la désolation des siècles antérieurs ; ce fui l'œuvre des règnes de Léopold I" et de ses deux fils, Joseph I" et Charles VI .

Dans l'histoire générale de l'Europe occidentale, Léopold 1°' (1657-1 iOj) ne figure que comme l'adversaû-e malhabile et peu heureux de son beau-frère Louis XiV, dont il essaya vainement d'arriler les empiétements sur la ligne espagnole des Habs- buurg, et contre les entreprises duquel il ne eut faire respecter l'intéigrité, ni de l'empire germanique, ni de ses propres posses- sions. Mais, s'il a eu la honte de recevoir garnison française dans Fribourg-en-Brisgau, depuis la paix de Nimègue jusqu'à celle de Ryswyk (1679 à 1697), s'il n'a qu'aiLX puissances maritimes do rentrer en possession de cette ville (môme avec BrisBch en plus), d'autre part, sur les frontières orientales de ses états, il a, non pas fait lui-même, mais laissé faire par ses généraux, la conquête de la Hongrie presque entière, résultat en somme tout autrement important pour le développement postérieur de l'empire autrichien, que n'aurait pu l'être la re- e de l'Alsace ou quelque autre acquisition de ce genre du

t de la France, i longues guerres contre les Turcs, qui remplissent uaq 1

inde partie de son règne, débutèrent par une victoire signa^ 1 lée, la première que les Chrétiens aient remportée par terre sag \ les Ottomans; elle l'ut remportée sur le grand-vizir AchmeJ I Koeprili, par Montecuculi et par les volontaires français quft | conduisait le comte de CoUgny, dans le voisinage du monastère, j (le Saiut-Gotthard, qui s'élève sur les bords de la Uaab supfr- [ rieure, non loin de l'endroit où, quittant la Styrie, eUe entre en, I Hongrie (1664). Mais on ne sut ou ne voulut pas profiter de ca, J beau succès; quelques jours seulement après la bataille, une ^ ^Kiz honteuse abiuidonnait Neuhucusel au sultan ; le gouverne-

408 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

ment autrichien aimait mieux employer les troupes allemandes qu'il avait introduites dans le pays, à persécuter les protestants et à établir l'autorité absolue, cpi'à entreprendre sérieusement lexpulsion des Infidèles. De un profond mécontentement, des conspirations, des intrigues avec la Transylvanie, la Porte, la Polojnie, la France ; finalement une prise d'armes de la noblesse madgyare (1670). Elle fut étouffée facilement, et alors on voulut profiter de Toccasion pour en finir à la fois avec la vieille con- stitution hongroise et avec l'hérésie; Nadasdy, Zrinyi, Frange- jvin montèrent sur l'échafaud ; les pasteurs protestants furent exilés ou envoyés aux galères ; le régime du sabre succéda au rèsrne de la loi. Une nouvelle révolte, plus redoutable que la première, éclata en 1678 sous la direction d'Émeric Tekely, et grftce aux secours venus du dehors, elle ne cessa de grandir; trop tard Léopold I" entra en négociations avec la diète ; les Malcontents refusèrent de déposer les armes, et en 1683 Te- kely, que la Porte avait nonuné roi des Kouroutzes ou de la Hongrie moyenne, guidait vers Vienne une armée de deux cent mille Turcs, que commandait Kara-Mustapha, le grand-vizir de Mahomet IV. L'empereur sortit de la ville, le 7 juillet au soir, quand déjà brûlait le couvent des Camaldules du Kahlenberg, allumé par les coureurs turcs ; quinze jours plus tard, le 24 juillet, le grand-vizir établissait son camp en face de la capi- tale autrichienne, et commençait aussitôt à faire jouer la mine; les assauts ne tardèrent pas à succéder aux assauts ; plusieurs fois les queues de cheval des pachas turcs furent fixées sur les murs; malgré la défense aussi vaillante qu'habile de son conmiandaiit Ernest-Rudiger de Starhemberg, la ville, au commencement de septembre, était en danger d'être enlevée de vive force d'un jour àTautre. Et ainsi, après un laps de temps déplus d'un siècle et demi, tout semblait rerais en question ; l'Autriche et l'Allemagne étaient rouvertes à l'invasion musubnane; la Hongrie échappait de nouveau aux Habsbourg. Mais ces appréhensions étaient fort exagérées; le deuxième siège de Vienne, bien différent du pre- mier malgré des ressemblances trompeuses, n'était de la part des Urcs qu'un dernier et vain effort ; pour les Habsbourg il allait

DK3 ÉTATS DK I'eI'BOPE CENTilALE.

marquer le point de départ de succès au-dessus de toute allcnte. Deux puissantes armées de secours, d'une part les troupes diî l'empereur et de l'empire sous les ordres du duc de Lorraine, des électeurs de Bavière et de Saxe, et de bieu d'autres princes allemands, de l'autre les nombreux régiments polonais comman- dés par leur roi Jean Sobieski, qui dès le mois de mars 16S3 avait signé une sainte-iigue avec Léopold, occupèrent le H sep- tembre le Kablenberg, et le lendemain, 12 septembre 1683, fut livrée la grande bataille de Vienne, qui rouvrit à l'empereur les portes de sa capitale et Gt fuir Kara-Mustapha jusqu'à Belgrade, l'atteudait le cordon fatal. Sobieski, qui ne trouva qu'une médiocre reconnaissance pour son héroïque concours, rentra dans ses états après ce haut fait, si mal récompensé plus tard par les successeurs de Léopold; les Impériaux commencèrent inuuédiatcment en Hongrie la marche victorieuse qui, de for- teresse en forteresse, et de champ de bataille en champ de bataille, leur livra avant la lin du siècle le royaume presque entier. Leur premier général, le duc expatrié Charles de Lorraine, l'aïeul des empereurs d'Autriche actuels, s'empara successive- ment de Grau (1683), de W'aitzen et de Pesth (1684), de Neu- baeusel (1685), et, par un effort plus considérable, de la ville royale de Bude ou Ofeu (1686). Le siège de celte dernière forte- resse, que les Turcs appelaient le boulevard de l'islamisme et la porte de leur empire, fut comme un lointain reflet des croisa- des; de nombreux volontaires espagnols, italiens, anglais, français s'étaient joints aux troupes de l'empereur et aux conliu- geolë de l'empire; le grand-vizir accourut de son côté avec une puissante armée; mais ce ne fut que pour voir la grande place d'armes de la Hongrie centrale, sur laquelle le croissant était arboré depuis cent quarante-cinq ans, enlevée il la baïon- nette dans un dernier et décisif assaut (2 septembre 1C8C). Une des hontes infligées à la chrétienté par Soliman le Grand se trouvait réparée par là; l'année suivante (1687), le duc de I^or- raine prenait aussi la revanche du désastre de Mubacs, en rem- portant une nouvelle victoire à quelques lieues du champ de HkMaUic, avait succombé avec Louis 11 l'autonomie de 1m

4i0 HISTOIRE DE LA FORMATIOIf TSRRITORULE

Hongrie. Les progrès devinrent alors plus rapides ; non-seule- ment Stuhlweissenburg et Erîau, mais Belgrade et Widdin, même Nissa bien loin au sud du Danube, ouvrirent leurs portes (1688.1689); TEsclavonie fut regagnée tout entière; la Tran- sylvanie, que quelques années auparavant la Porte prétendait changer en un pachalik turc, rede\înt, en fait comme en droit, une dépendance du royaume. Au milieu de ces succès, la guerre recommencée sur le Rhin par Louis XIV obligea la cour de Vienne de dégarnir la Hongrie ; le grand-vizir Mustapha Koeprili en pro- fita pour relever les affaires turques, reconquérir la Serbie,\Vid- din , Belgrade ( 1 690) ; à Salankemen , près du confluent du Danube etdelaTheiss, il enferma dans son camp le successeur du duc de Lorraine, le prince Louis-Guillaume de Bade-Bade (1691). Le général impérial s'en tira à son honneur, en gagnant sur Koe- prili, qui y trouva la mort, la plus disputée et la plus sanglante de toutes les batailles de la guerre ; mais le seul prix delà victoire fut la prise de Grosswardein sur les confins de la Transylvanie, et les hostilités languirent pendant plusieurs années par suite de l'épuisement des deux parties. Enfin le coup^ décisif fut porté par le prince Eugène de Savoie-Carignan, que les dédains de Louis XIV avaient engagé, pour le malheur de la France, au service de l'empereur : il arrêta net le retour offensif des Turcs, auxquels la présence de leur padicha Mustapha II avait valu quelques succès momentanés, et leur infligea une défaite sans appel en massacrant toute Tinfanterie ottomane à la journée de Zenta sur la Theiss, en aval de Sze^edin (11 septembre 1697). La Porte se montra dès lors disposée à traiter sur le pied de la possession respective, et au mois de janvier 1699 fut signé, sous la médiation anglaise, le glorieux traité de Karlovitz sur le Da- nube, qui abandonnait à l'empereur toutes les conquêtes de ses généraux, que les alternatives de la guerre ne leur avaient pas fait reperdre : ce n'était rien moins que toute la partie centrale et méridionale de la Hongrie proprement dite, à l'exception du banat de Temesvar et de la forteresse de Belgrade; de plus l'Es- clavonie entière, la Croatie et la Dalmatie moyennes. La fron- tière austro-turque se trouvait de la sorte reportée à TUnna, à

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la Save et à la Maros; le sultan renonçait, en outre, à toute prétention de suzeraineté sur la Transylvanie.

Par la paix de Karlovitz, le royaume de Hongrie, dépouillé par Soliman II de près de la moitié de ses territoires, recouvrait presque entièrement son ancienne étendue, et les Turcs n'en détenaient plus que des lambeaux peu considérables. Nous ré- servons pour l'histoire territoriale de la monarchie autrichienne au dix-huitième siècle, les modifications subséquentes apportées à la limite respective des deux empires, que la paix de Passaro- vîtz avança au cœur de la Serbie et de la Valachie, et que celle de Belgrade ramena à sa configuration actuelle ; mais l'histoire de l'acquisition de la couronne de saint Etienne par les Habs- bourg resterait incomplète, si nous ne parlions immédiatement des conditions, sous lesquelles se fit définitivement l'accord entre le peuple madgyar et ses rois allemands. La cour de Vienne avait naturellement été tentée de profiter de l'ascendant que lui donnait en Hongrie la guerre victorieuse contre les Turcs, pour enmater à toujours l'esprit d'insubordination, par la suppres- sion de son antique constitution. Dès le lendemain de la bataille de Mohacs, la diète de Presbourg avait proclamer l'hérédité de la couronne madgyare pour tous les m&les de la maison im- périale et supprimer dans le serment royal la fameuse clause du droit d'insurrection (1687); en même temps on traquait dans la Haute-Hongrie et on livrait au tribunal de sang d'Éperies, c'est-à-dire à l'échafaud, les partisans obstinés de Tekely ; la prise de la citadelle de Munkacs, défendue pendant trois ans par l'héroïque femme du proscrit, Hélène Zrinyi, enleva à l'insur- rection son dernier point d'appui (1688) ; et pour empêcher la Transylvanie de redevenir dans d'autres temps un centre de ré- sistance, son prince, le jeune Michel AbafTy II, au nom duquel l'empereur exerçait la régence depuis la mort de son père (1690), fut amené, par un accord conclu h Vienne en 1696, à abdiquer en faveur de Léopold P'. Puis, lorsque la bataille de Zenta fit fuir pour toujours Tekely du sol hongrois, que la paix de Karlovitz laissa les mains libres du côté de la Turquie, le moment parut venu de soumettre complètement le pays madgyar

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au régime des états héréditaires ; la chose avait réussi en Bohème, quatre-vingts ans auparavant, dans des circonstances analo- gues ; on pouvait espérer qu'elle réussirait en Hongrie égale- ment. Mais leur vieille constitution était, pour tous les Hongrois sans exception, un objet de respect et de vénération ; l'ingérence des étrangers dans l'administration, dans la justice, dans les finan- ces du pays leur paraissait à tous un attentat à des droits impres- criptibles; les nombreux protestants, exposés aux vexations d'un clergé convertisseur, ajoutaient leurs griefs particuliers au mécontentement universel.

Pour que les sourdes haines éclatassent au grand jour, il ne fallait qu'un chef qui donnât le signal ; or ce chef, les précau- tions des ministres de Léopold l'avaient pour ainsi dire désigné à l'avance : c'était François Rakoczy, le rejeton des plus nobles familles madgyares, dont les aïeux paternels avaient à plusieurs reprises régné en Transylvanie, et qui, par sa mère Hélène Zrinyi, était le beau-fils d'Émeric Tekely. On avait essayé de le capter, en livrant son éducation aux jésuites ; néanmoins, crai- gnant de ne pas y avoir suffisamment réussi, on le retenait à Vienne dans une captivité honorable. Il s'en échappa, gagna la Pologne, et de rentra en Hongrie, en appelant le peuple aux armes (1703). L'insurrection se propagea d'autant plus rapide- ment que presque toutes les troupes impériales avaient été reti- rées du pays pour prendre part à la guerre de succession d'Es- pagne ; au moment de la mort de Léopold I*', en 1705, il ne res- tait entre les mains des Autrichiens que quelques places fortes isolées, et les coureurs hongrois insultaient les faubourgs de Vienne. Mais Joseph I*', qui était à la fois plus énergique et plus habile que son père, sut empêcher la perte totale de la Hongrie; tout en combattant victorieusement les Confédérés^ auxquels l'envoyé de Louis XIV, Desalleurs, ne donnait guère que de belles paroles, et que les Turcs refusaient catégoriquement de soutenir, il regagnait par ses offres conciliantes les patriotes modérés, qu'avait indisposés la déchéance des Habsbourg, pro- noncée par la diète d'Onod sur le Sajo (1707): Rakocz)', se voyant peu à peu abandonné par la majeure partie de ses pa^

DES ÉTATS DE t'EDIlOPE CENTRALE. (13

13, dut se retirer en Pologne, puis à Versailles, en alten- [ftut qu'il finit son aventureuse carrière, comme jadis sa mère et son beau-père, à l'abri do l'hospitalité ottomane.

L'cpiivre nationale, à laquelle il s'était dévoué, sortit au con- traire triomphante de cette dernière épreuve; au moment même de la mort prématurée de Joseph 1", les négociations ouvertes à Szalhinar sur la Szamos, entre Nicolas Palffy pour l'empereur et.Vlexandre Karulyi pour les mécontents, aboutissaient h un traité de pacification (avril 17H)qui, ratifié par rimpéralrice- mère en sa qualité de régente au nom de Charleîj VI, confirmé et généralisé par les diètes subséquentes, est devenu la base du nouveau droit public de la Hongrie. Si les dissidents, grecs-non- unis, calvinistes el luthériens, n'obtenaient pas ta liberté pleine et entière du culte, réservée aux orthodoxes, catholiques et grecs-unis, on leur assurait du moins la tolérance religieuse; mais surtout l'administration redevenait complètement natio- nale, et l'autorité snprCme de la diète était solennellement re- connue: ce n'était pas comme un royaume conquis, c'était comme une couronne particulière et distincte, que la Hongrie et ses dépendances étaient, par une simple union personnelle, adjoinles à la monarchie habsbourgeoise. La noblesse madgyare se maintenait ainsi presque aussi puissante que l'aristocratie voisine de la Pologne ; car la môme position privilégiée dentelle imposait la reconnaissance à la royauté, elle la conservait aussi ■vis des autres classes de la société ; elle seule formait en lité le peuple souverain, le vrai pnpulus hongrois- A la dièlc flc Hongrie, les villes libres royales et les représentants des royaumes incorporés d'Esclavonie, de Croatie et de Dalmatie, ne figuraient qu'à un rang bien inférieur il côté des prélats, des magnats et des nobles madgyars ; à celle de la Transylvanie qui, malgré son union intimeaveclacouronnede saint Etienne, gardait sa constitution à part, la troisième nationalité privilé- giée, celle des Saxons, était primée par les deui autres, celles des Madgyars et des Szcklei-s ; il l'une et il l'autre, les popula- tions sujettes, slaveset roumaines, tant de laHongrieproprement Hte que de la Transylvanie, sont restées jusqu'à ces derniers J

.impo ■malit

414 FORMATION TERRITORIALE DBS ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE.

temps sans aucune représentation politique. Une pareille con- stitution, issue en droite ligne du moyen âge, nous paraît aujour- d'hui fort arriérée ; elle valait mieux cependant que le despo- tisme qui avait prévalu partout ailleurs dans les états des Habs- bourg. Le pays et la dynastie s'en sont également bien trouvés pendant une longue période de temps : le premier y trouva enfin la paix après des agitations séculaires ; la seconde dut à sa fidélité aux engagements pris, d'avoir dans la Hongrie autonome, aux jours des grands dangers, non plus un embarras, mais le plus ferme des soutiens.

CHAPITRE III

La monarchie autrichienne an dix-hnitième siècle.

La monarchie autrichienne des temps modernes se trouvait définitivement constituée au commencement du dix-huitième siècle, par l'union désormais indissoluble des pays autrichiens, bohémiens et hongrois, sinon dans une seule et môme organi- sation politique, du moins sous un seul et même sceptre, uni- versellement respecté. Les cent soixante et quinze années qui se sont écoulées depuis, ont fait subir à ses frontières des varia- tions multiples, lui ont donné et repris de nombreuses et vastes provinces, les unes limitrophes, les autres plus ou moins loin- taines; elles n'ont pas,en fin de compte,modifié d'une façon sen- sible l'ensemble de sa situation territoriale. Aujourd'hui comme il y a deux siècles tantôt, l'empire des Habsbourg est la grande puissance intermédiaire entre l'occident et l'orient de l'Europe, qui s'étend des deux côtés du Danube moyen et se partage entre les trois nationalités allemande, slave et madgyare. Les dépen- dances éloignées, que le droit de succession y a momentané- ment annexées dans le bassin de la Méditerranée et sur les bords de la mer du Nord, en ont été de nouveau distraites de- puis longtemps ; la domination plus longtemps exercée en Lom- bardie a fini de nos jours; la perte de la Silésie et l'acquisition de la Galicie se sont à peu près compensées ; si bien que l' Au- triche contemporaine n'a guère une étendue et une assiette dif- férentes de ce qu'elles étaient au lendemain de la paix de Kar- lovitz, et que le changement le plus considérable qui l'ait af- fectée, c'est son exclusion récente de riVllemagiie proprement

416 HISTOIRE! DE LA FORMATION tERRlTOlUALB

dite, pendant si longtemps ses souverains avaient porté le titre impérial. Mais sans nous arrêter plus longtemps à ces consi- dérations préliminaires, passons aux faits, et reprenons ITiîstoire détaillée des modifications territoriales de la monarchie autri- chienne, à partir des premières années du dix-huitième siècle, jusqu'au seuil duquel nous l'avons menée dans le chapitre pré- cédent.

Tout d'abord l'extinction de la ligne atnée, espagnole, des Habsbourg, dans la personne du roi Charles II, le dernier des- cendant mâle de l'empereur Charles-Quint, décédé le l*' novem- bre 1700, fit passer à la branche cadette, autrichienne, à défaut de l'héritage entier qu'elle ambitionna en vain, plusieurs royau- mes, duchés et principautés, dont la possession, en majeure partie éphémère, augmenta le nombre et l'étendue de ses états plutôt qu'elle n'agrandit réellement sa puissance. Cette succes- sion espagnole, qui fut la grande affaire européenne de la fin du dix-septième et du commencement du dix-huitième siècle, avait été, bien avant son ouverture, l'objet des négociations les plus ardues et des intrigues les plus compliquées. Dès l'année 1668, alors que le jeune roi des Espagnes n'avait que sept ans, ses deux beaux-frères Louis XIV et Léopold V , en prévision de sa fin prochaîne, avaient négocié directement entre eux un traité de partage, qui attribuait à l'Autriche l'héritage entier, sauf la Na- varre, les Pays-Bas et les Deux-Sicilcs. Mais Charles II vécut encore trente- deux ans, et put se marier à deux reprises dans l'espoir d'avoir de la postérité directe ; dans l'intervalle, les deux maisons rivales de France et d'Autriche, presque toujours en état d'hostilité, tantôt sourde, tantôt déclarée, eurent toute facilité pour mettre de côté une convention si prématurée, en se réservant l'une et l'autre de faire valoir au moment favorable, à son profit exclusif, les prétentions mieux justifiées que chacune des deux croyait avoir. En effet, à la proximité du sang plus grande de la famille de Bourbon, dans laquelle étaient entrées les j^œurs aînées des deux derniers rois d'Espagne, aïeule et mère du dauphin de France, celle de Habsbourg-Autriche opposait la double renonciation signée lors de leurs épousailles par les deux

DKs ÉTATS ne L'EnnoPE CENTIULB. 447

Unes, femmes de Louis XIII et de Louis XIV; et négligeant à lessein les droits qui résultaient du mariage de Léopold I" avec 1.1 sœur cadette de Charles II , attendu que de cette alliance n'était issue qu'une fille mariée àl'électeur de Bavière, elle insis- tait sur ceux qui lui étaient acquis du chef de la sœur cadette de Philippe IV, mère de Léopold 1". tout en appuyant avec plus d'énergie encore sur la commune origine des deux branches habsbourgeoises et sur l'union politique des deux monarchies espagnole et autrichienne, depuis près de deux siècles. En face de cesinlérôts dynastiques, les deux puissances maritimes, l'An- gletcrre et la Hollande, sans prétention personnelle possible, ne se préoccupaient que du maintien de l'équilibre européen ; aussi, dès que la paix de Rysi^yk leur eut permis d'entrer en relations diplomatiques avec la France, leur commun représentant, Guil- laume 111, négocia avec Louis XIV le traité de partage de La Haye (octobre 1698), qui devait empêcher l'accroissement ex- cessif de l'une et de l'autre des deux grandes puissances conti- nentales, en n'attribuant aux compétiteurs principaux que les Deux-Siciles et le Guipuzcoa pour la France, le Milanais pour l'Autriche, et en réservant l'Espagne, la Sardaigne, les Pays- Bas et le Nouveau- Monde au prince électoral de Bavière, pelit-ûis de l'empereur Léopold I" par sa mère, mais apparte- nant h une maison de vieille date alliée à la France ; puis, lors- que la mort de l'enfant {S février 1699) eut mis cette combinai- son à néant, un second traité de partage, conclu à Londres (mars 1700) entre les deux arbitres de la politique européenne, assigi3a le lot principal, précédemment destiné au prince bava- rois, à l'archiduc Charles, deuxième fils de l'empereur, en ajou- lant h la part déjà stipulée pour le dauphin le duché de Lorraine, dont le souverain devait être dédommagé par le Mila- nais. Malheureusement toutes ces tentatives d'un arrangement pacifique, destiné à régler à l'avance le partage de la succession litigieuse, devaient échouer contre la double obstination de la COUP de Vienne, qui maintenait son droit t la totalité de l'héritage, et de la cour de Madrid, qui faisait bon marché de la personne du roi fulur, pourvu qu'il succédât à l'ensemble de la

418 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB

monarchie de Philippe II. Obsédé de tous côtés, le malheureux Charles II, pour lequel, de même que pour son entourage, la question dominante était celle de l'intégrité de Tempire espa- gnol, s'arrêtait tour à tour, pour la sauv^arder, aux partis les plus opposés : il instituait d'abord comme héritier universel le prince électoral de Bavière, son petit-^neveu par sa sceur cadette, rimpératrice Marguerite-Thérèse ; révoquait presque immédia- tement ce premier testament sur les instances de rAutriche; le ratifiait de nouveau en réponse au premier traité de partage ; retombait dans ses hésitations premières à la mort du jeune prince ; et enfin, de guerre lasse, se rappelant les refus mala- droits de l'empereur pendant la dernière guerre de faire pas- ser en Espagne des hommes et de l'argent pour soutenir leurs intérêts communs, il signait le f octobre 1700, un mois avant sa mort, un second testament, qui léguait la monarchie entière au duc d'Anjou, deuxième petit-fils de Louis XIV et de sa sœur aînée Marie-Thérèse, avec substitution de l'archiduc Charles, si la cour de Versailles refusait la donation universelle pour s'en tenir à l'acte de partage de Londres. Le pauvre moribond croyait assurer le maintien intact de son vaste héritage, en y appelant la famille de son plus redoutable ennemi au détriment de sa propre race ; il n'en empêcha pas la dispersion, et ne réussit qu'à faire nattre une longue et terrible guerre de succes- sion.

En efiet, la cour de Vienne, qui n'avait pas voulu accepter les conditions, en somme favorables pour elle, du traité de Londres, protesta à plus forte raison contre le testament qui la déshéritait complètement, du moment que Louis XIV se fut décidé à l'ac- cepter purement et simplement, au lendemain de la mort de Charles II; elle revendiqua immédiatement la monarchie espa- gnole entière pour l'archiduc Charles, qui prit le nom de Charles III, roi des Espagnes. Les chances du prétendant au- trichien furent cependant d'abord extrêmement faibles ; le duc d'Anjou, dorénavant Philippe V, fut proclamé et reconnu sans ombre de résistance, dans la péninsule, dans ses dépendances européennes, dans ses possessions d*outre-mer ; les puissances

tlES ÉTATS DE l'eUBOPE CtSTRALE.

maritimes hésitaient b s'engager dans une nouvelle guerre con- tre la France. Il fallut les provocations que Louis XIV leur adressa de gaieté de cœur, pour les décider à agir et pour leur faire signer avec l'empereur la grande alliance de La Haye (lin 1701), qui, grossie successivement par l'accession de l'era- pirc, du Portugal et de la Savoie, finit par devenir une coalition euro])ée[ine en faveur de Charles IIl. La guerre Ilotta d'abord indécise entre les alliés et les Franco-Espagnols; mais la grande victoire de Marlborough et du prince Eugène à Hochstacdt (170i) commença k faire pencher la balance en faveur de l'Au- Irlche dès la dernière année du règne de Léopold 1", et la vigueur inusitée déployée jiar son fils atné et successeur, l'em- pereur Joseph I" (1705-1711), fut récompensée par les plus beaux succès. Les Pays-Bas, le Milanais, les Deux-Siciles, la Sardaigne furent successivement conquis au nom de Charles III ; même en Espagne, malgré le peu de sympathie du peuple cas- tillan pour l'archiduc et ses alliés hérétiques, la cause de Phi- lippe V était fort compromise; les temps de Charles-Ouinl paraissaient sur le point de renaître, d'autant plus, qu'exploi- tant la victoire, le cabinet de Vienne faisait revivre l'ascendant impérial en Allemagne et en Halte, prononçait (1706) la mise au ban de l'empire des deux électeurs de Bavière et de Cologne alliés à la France, réassignail (1708) au roi de Bohême, c'est-à- dire à l'empereur, le premier rang parmi les électeurs laïques, qui lui avaient longtemps disputé jusqu'au droit de vote dans leur collège, et décrétait (1708.1709) la confiscation de Mantoue et de Mirandole sur le dernier Gonzague de la branche abiéc et sur le dernier représentant de la famille des Pic, comme coupa- bles de félonie envers leur suzerain. La France, arrivée au der- nier degré d'épuisement, était prête au\ plus grands sacrifices; aux conférences de Gertruidenberg (1710) Louis XIV consentait successivement à abandonner son polit-fils, à restituer Stras- bourg et l'Alsace, à payer des subsides contre Philippe V ; les prétentions insensées des alliés et surtout de l'Autriche, qui

Eandaieul qu'il le fit chasser de l'Espagne par ses propres ées, et cela dans les deux mois, firent seules échouer cette

420 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB

négociation, qui de fait livrait aux Habsbourg allemands la monarchie espagnole entière. Et alors, juste punition d'une infatuation sans égale, l'occasion dédaignée s'évanouit pour ne plus revenir ; Vendôme raffermit à Villaviciosa le trône de Phi- lippe V (décembre 1710), mais surtout un accident imprévu changea en un instant toute la situation politique de l'Europe : le 17 avril 1711, Joseph?', qui n'avait que trente-trois ans, mourut presque subitement, et conune il ne laissait que des filles, sa succession se trouva dévolue à son frère le roi d'Espa- gne Charles III, dorénavant l'empereur Charles VI. Or celui-ci n'avait ni fils, ni frère, ni cousin à quelque degré que ce fût ; nulle possibilité par conséquent de faire de l'héritage de la bran- che espagnole des Habsbourg une secimdo-géniture de la bran- che allemande; la guerre faite au nom de l'équilibre européen pour empêcher la maison de Bourbon de fonder la monarchie universelle, menaçait d'aboutir à la restauration de l'empire de Charles-Quint, amplifié et agrandi. Le nouveau ministère tory de la reine Anne, qui ne cherchait qu'un prétexte pour se rap- procher de Louis XIV, put dès lors, sans crainte de se compro- mettre, négocier avec lui, sur la base toute nouvelle de la recon- naissance de Philippe V comme roi d'Espagne ; des préliminaires de paix entre l'Angleterre et la France furent signés à Londres dès le 8 octobre 1711, et le H avril 1713 la question de la suc- cession espagnole était réglée par le traité d'Utrecht, entre la France et l'Espagne d'une part, les puissances maritimes, la Prusse, la Savoie et le Portugal de l'autre. La cour impériale, qui n'avait cessé de protester pendant le cours des négociations contre la défection de ses alliés, s'obstina d'abord à continuer la guerre ; mais privée de tout concours, sauf celui des petits prin- ces allemands, elle ne tarda pas à se convaincre de l'inutilité de ses efforts, et les traités de paix de Rastadt et de Baden, signés le 6 mars et le 7 septembre 1714 pour l'empereur et pour l'em- pire, firent entrer définitivement dans le droit public européen les stipulations territoriales convenues à Utrecht.

Elles étaient loin d'être au désavantage de l'Autriche. Si Charles VI était exclu de l'Espagne et des Indes, il obtenait par

DKS ÉTATS DE l'EUROPE CENTBALR. 521

Ibtre la mnjeure partie des possessions secondaires de l'Es-

pa^ic, non h titre de secundo-giSniture, mais comme partie in- tégrante de ses ùtats. C'étaient, en Italie, l'Ile de Sardaignc, le royaume de Naplcs avec les ports oa présides toscans qui en dé- pendaient, et le Milanais presque entier ; dans les Pays-Bas, tout ce qui restait des anciennes dix-sept provinces après la ré- volution des provinces du nord et les conquêtes néerlandaises et françaises du dix-septième siècle. Quelques rectifications de frontières consenties, en Gneldre et en Flandre, au profit de la Hollande et de la Prusse, n'a\aient guère d'importance ; la di- minution du Milanais sur sa lisière occidentale par la cession h la Savoie d'Alexandrie, de Valcnza, de la Lomeliine et du Val- Sësia, était amplement compensée par l'adjonction du Mantouan, qui resta définitive, et par celle de Mîrandole, que l'Aulriclie vi'ndit peu après aux ducs de Modène. La grande situation que le traité d'Utrecht faisait ainsi à l'empereur en Italie, fut encore améliorée dans les années suivantes, par suite des complications européennes suscitées par Aiberoni, en vue de restaurer la do- mination espa&inole dans la péninsule italique; pour punir le duc de Savoie de la part qu'il avait prise aux intrigues de l'am- bitieux ministre, la quadruple alliance^ composée de la France, de l'Angleterre, de l'Autriche et de la Hollande (2 août 1718), le déi>.lara déchu de la possession de la Sicile que lui avait assignée la pais de 1713, et adjugea cette Ile à Charles VI en échange de la Sardaigne : grâce à cette mutation de territoires, accomplie après la chute d'Alberoni (1720), les Deux-Siciles se trouvèrent réunies entre les mains de l'empereur. Quelques années plus tard, l'afi'aire de la succession d'Espagne arriva à sa conclusion Ijnrde, par la reconnaissance respective de leur état de posses- sion, officiellement proclamée par Charles VI et par Philippe \^, dans les préliminaires de leur alliance de Vienne (I72S).

Presque au môme moment la Belgique, le Milanais et les Deux-Sicilescntjaientdans l'agglomération des états autrichiens, et portaient momentanément la domination impériale jusqu'en face des côtes de l'Angleterre et de l'Afrique, les frontières de la monarchie habsbourgeoise faisaient aussi de notables progrès

422 UISTOIRE DE L\ FORMATION TBRRITOEIALE

sur le bas DaRube. Le traité de Karlovitz, qui avait enlevé à la Porte la majeure partie des pays hongrois, l'avait laissée, nous l'avons vu plus haut, en possession du banat de Temesvar et de la forteresse de Belgrade (1699) ; une nouvelle guerre, com- mencée en 1716 par le cabinet de Vienne pour venir en aide aux Vénitiens attaqués par les Turcs, eut pour résultat, non- seulement le recouvrement de ces territoires anciennement hon- grois, mais aussi l'extension du royaume de saint Etienne sur une partie de la Serbie et de la Valachie. Le prince Eugène, deui fois victorieux, à Peterwardein (1716) et sous les murs de Bel- grade (1717), s'empara de Temesvar comme prix delà première bataille, obligea Belgrade à se rendre deux jours après la se- conde, et, continuant le cours de ses exploits sur les deux rives du Danube, il décida la Porte à la paix de Passarovitz (21 juillet 1718), la plus avantageuse que l'Autriche ait jamais conclue avec les Ottomans. Toutes les conquêtes faites par les armes im- périales furent cédées par le sultan ; Temesvar, Belgrade, Se- mendria, Orsowa, avec le Banat entier, la Serbie septentrionale jusqu'au confluent des deux branches de la Grande-Morawa, et la Valachie occidentale en deçà de l'Alouta, furent réincorporés ou pour la première fois adjoints à la Hongrie.

Les deux actes diplomatiques de l'année 1718, la quadruple alliance conclue avec les puissances occidentales et la paix de Passarovitz imposée à la Turquie, marquent l'époque de Tex- tension territoriale la plus considérable que la monarchie autri- chienne ait atteinte, depuis ses origines jusqu'à nos jours : aux provinces héréditaires allemandes, à la Bohème non encore di- minuée de la Silésie, à la Hongrie plus étendue qu'elle ne Test aujourd'hui, Charles VI ajoutait, en effet, les couronnes de Na- ples et de Sicile, le Milanais et les Pays-Bas méridionaux. Mais la force réelle de l'empire était loin de répondre à ces brillantes apparences; les nombreux états autrichiens n'avaient nulle cohésion entre eux ; la Hongrie était dépeuplée par les guerres séculaires contre les Turcs ; les pays italiens provenant de la su^ cession espagnole étaient exposés, presque sans défense, à l'am- bition de l'Espagne et de la Savoie ; si la Belgique était mieiu

DBS ÉTATS DE L'BIIIOPE CENTRAtK. 433

^ée contre la France par la sollicitude jalouse des puis- sances maritimes, ce n'était qu'au pris de l'aveu humiliant d'un va-sselage d'une espèce nouvelle : le Iraité des barrières, Ébnclu en 1713 en suite des stipulations d'Utrectit, et en vertu duquel les Hollandais avaient droit de garnison dans un certain nombre de places fortes des Pays-Bas autrichiens, était en réalité un brevet de faiblesse délivré à l'empereur par la diplomatie euro- péenne. Loin de cberdier à augmenter les ressources de son gouvernement par imc administration intelligente, qui dounât enGn à TAulriche ce que la France avait depuis longtemps, des finances et une armée, Charles 'VI, qui n'avait rien de l'esprit d'iaitiati\e de son frère atné, était retombé dans la vieille rou- tine, si fatale autrefois à leur père ; au dedans, des favoris et des ministres, ennemis de toute réforme, se préoccupaient le moins possible des affaires, et gouvernaient avec la même lenteur dé- sespérante qu'au temps de Léopold I" ; au dehors, !a politique & courte vue du cabinet de Vienne ne se préoccupait que d'obtenir des puissances européennes des garanties illusoires pour La jtrngmalique sanction, destinée à assurer la succession autri- , chienne, à défaut d'héritiers mules, h la fille atnée de l'em- i pereur.

Ces prétendues garanties, on ne les obtint qu'au prix de grands sacrifices politiques et territoriaui, et les dernières an- nées du règne de Charles VI furent marquées par de nom- breuses et considérables cessions de territoires, non-seulement au profit de la maison de Bourbon, dont les deux branches, française et espngnole , s'étaient réconciliées , mais même fc l'égard de la Porte ottomane, que les victoires du prince Eugène avaient habitué à trop mépriser. Dans la guerre de succession 1 de Pologne (1733), la cour impériale fit prévaloir son candidat, l'électeur de Saxe Auguste III, contre le protégé français, Sta- nislas Leczinski ; mais les Autrichiens furent chassés de l'Italie ' entière, sauf la seule forteresse de Mantoue, par la coalition de la France, de l'Espagne et de la Sardaigne, et les préliminaires devienne [.1 octobre 1733), rendus définitifs par la paix de ^Esnne du 18 novembre 1738, ne rendirent à l'empereur quel»

424 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOBIALE

moindre partie des provinces perdues ; il lui fallut renoncer en faveur des Bourbons d'Espagne aux royaumes de "Naples et de Sicile, avec les ports toscans, annexe du premier, et abandon- ner au roi de Sardaigne un autre lambeau du Milanais, à savoir le pays de Novare et de Tortone ; pour tout dédommagement, il reçut Parme et Plaisance, Tancien domaine des Famèse, d'où rinfant don Carlos passait au trône des Deux-Siciles, plus l'ex- pectative de Guastalla, à Textinction prochaine de la ligne ca- dette des Gonzague. La guerre de Turquie, follement engagée en 1737, pour compenser les pertes italiennes par des con- quêtes sur le Danube, à faire de compte à demi avec la Russie, fut plus calamiteuse encore ; la maladresse des trois généraux autrichiens qui se succédèrent dans le commandement, Secken- dorf, Kœnigsegg et Wallis, laissa arriver les Ottomans jusque sous les murs de Belgrade ; la stupidité du négociateur impé- rial, Neipperg, leur livra sans nécessité, en contradiction directe avec ses instructions, cette forteresse de premier rang, avec toute la Valachie et la Serbie autrichiennes, par la honteuse paix de Belgrade (18 septembre 1739). L'empereur fit mettre en pri- son Wallis et Neipperg, exhala son indignation dans une circu- laire adressée à toutes les puissances ; mais le traité n'en resta pas moins en vigueur, et la frontière austro-turque se trouva ramenée à la porte de fer d'Orsowa et au cours du Danube et de la Save jusqu'au confluent de l'Unna. Elle n'a plus varié depuis lors.

Un an environ après la paix de Belgrade, le 20 octobre 1740, mourut l'empereur Charles VI, à l'âge peu avancé de cin- quante-cinq ans, et avec lui finit dans les mâles la dynastie issue de Rodolphe de Habsbourg. La ligne aînée, espagnole, fondée par Charles-Quint, était éteinte depuis quarante ans ; il était l'unique rejeton de la ligne cadette, allemande, fondée par Fer- dinand I*^ Dès l'année 1665 le dernier rameau collatéral des Habsbourg autrichiens, issu d'un frère de Ferdinand H et apanage des terres antérieures, s'était éteint dans la personne de l'archiduc Sigismond-François, auquel on avait fait quitter l'évêché d'Augsbourg pour pouvoir le marier, mais qui était

DES ÉTATS DE 1,'ePBOPE CEITTHAIE. 42!i

lort jeune avant d'avoir conlraclé alliance; depuis lors il n'y avait plus eu possibilité de faire une branche apanagéc : la maison impériale avait produit beaucoup de filles, pas de fils en dehors de ceux qui avaient succédé ii la monarchie. Cette absence de collatéraux mâles, appelés éventuellement à la suc- cession des états autrichiens, avait de bonne heure excité la sol- licitude des ministres impériaux ei fait songer à prendre des mesures pour régler le droit de succession des archiduchesses. Le premier acte de ce genre fut la convention que l'empereur Léopotd I" fit signer en 1703 à ses deux fils Joseph et Charles, au moment le second aspirait à la couronne espagnole; elle portail qu'en cas de déshérence mflle, les filles du [frère aîné auraient la préférence sur celles du frère cadet. Mais Charles VI ne de\ i nt [kls roi d'Espagne et succéda dans les états autrichiens h Joseph 1") mort prématurément sanslaisser de fils ; par un senti- ment facile à comprendre, il désira, h défaut d'un fils, assurer l'héritage autrichien à ses propres filles plutôt qu'à celles de son frère; de là, la fameuse pragmatique sanction du 19 avril 1713, autour de laquelle, pendant près d'un demi-siècle, devait s'agi- ter toute la politique européenne.

L'empereur y proclamait l'indivisibilité des états autrichiens et les déclarait transraissihles, sans même en excepter l'élec- torat de Bohême, aux archiduchesses aussi, par ordre de primo- géniture, maïs en commençant par ses filles h lui (qui à ce rao- meut étaient encore à naître), de préférence à celles de son frère aîné. Cela fait, Charles VI, qui avait devant les yeux tous les malheurs causés à la monarchie espagnole par l'absence d'un droit de succession universellement reconnu, s'évertua h accu- muler autour de sa Pragmatique toutes les garanties possibles. Il ta fit reconnaître aux deux princesses joséphines, Marie-Jo- sèphe et Marie-Amélie, qui par leurs contrats de mariage avec les électeurs de Saxe etde Bavière renoncèrent authenliquement h toutes les prétentions qu'elles pouvaient tirer de la loi léopol' dine de 1703; il la fit ratifier par les états provinciaux des pays autrichiens, bohémiens et belges, ainsi que par les diètes de Hongrie et de Transylvanie, et put alors la publier solennel-

426 . HISTOIBE DB LA FOBMATfOH TBABROUALK

lement, le 26 décembre 1724, comme la loi organique de la mo- narchie autrichienne ; puis, sacrifiant tous les autres intérêts k celui-ci, il obtint successivement, à force de concessions de tout genre, l'adhésion de presque toutes les puissances : deTEspagne en 1725, de la Russie en 1726, de la Prusse en 1728, de TAn- gieterre et des Provinces-Unies en 1731, du corps germanique en 1732, de la France elle-même en 1735 et en 1738; et il la fit ainsi entrer dans le droit public européen. Un trésor bien rem- pli et une bonne armée auraient été sans doute, comme le di- sait le prince Eugène, une bien meilleure garantie que tous ces parchemins ; néanmoins, pour être juste, il faut avouer que la pragmatique sanction n'a certainement pas été inutile à Marie- Thérèse, qu'elle posa longtemps à l'avance, aux yeux de Topinion publique de l'Europe, aux yeux des peuples autrichiens surtout, comme la légitime héritière de tous les pays habsbourgeois.

Marie-Thérèse, l'aînée des filles de Charles VI, était née le 13 mai 1717 et avait par conséquent vingt-trois ans révolus au moment de la mort de Tempereur. Elle était mariée depuis le 12 février 1736 à François-Etienne de Lorraine, le petit-fils du vainqueur des Turcs et d'une sœur de Léopold V\ Ce prince, avec lequel elle avait été élevée, était par conséquent son petit- cousin ; mais de plus, s'il faut ajouter foi à la tradition qui rat- tache la maison ducale de Lorraine, fondée au onzième siècle par Gérard d'Alsace, au même duc alsacien Athic qui passe pour l'ancêtre des Habsbourg, il aurait appartenu à la même souche qu'elle, et la nouvelle dynastie autrichienne de Habs- bourg-Lorraine, issue de leur union, se rattacherait par une commune origine à l'ancienne dynastie impériale à laquelle elle a succédé. Quoi qu'il en soit de cette généalogie, la maison de Lorraine était vieille et illustre, et son chef apportait, sinon à la monarchie autrichienne, du moins à la famille de ses sou- verains, un beau et riche pays. Ce n'étaient plus les duchés de Lorraine et de Bar, car, en vertu des préliminaires de Vienne de l'année 1735, François-Etienne y avait renoncé en faveur de Stanislas Leczinski et de Louis XV, en ne se réservant quele vain titre de roi de Jérusalem et la possession du comté de Falken-

DES ÉTATS DE L'EURUPE QENTRALE. 427

stein dans le mont Tonnerre, qui lui maintenait une place dans le saint^empire, au cercle du Haut-Rhin ; mais c'était le grand- duché de Toscane, dont le même traité lui avait assuré Texpec- tative, et oh il n'avait pas tardé à succéder, en 1737, au dernier des Médicis, Jean-Gaston, sous la condition formelle qu'il ne serait pas réuni aux états autrichiens, mais constituerait une secundo-géniture de la maison régnante.

Conformément à la teneur.de la pragmatique sanction, Ma- rie-Thérèse fut, sans difficulté aucune, reconnue par l'universa- lité des pays qui avaient obéi à son père, comme sa seule et unique héritière ; les garanties des puissances européennes, au contraire, que Charles VI avait achetées si cher, ne tardèrent pas à prouver leur inefficacité complète, et de tout côté on com- mença à élever des prétentions sur la totalité ou sur des parties de l'héritage autrichien. La monarchie entière était réclamée par les époux des deux cousines germaines de la jeune reine de Hongrie, les filles de l'empereur Joseph T' : l'électeur de Saxe et roi de Pologne Auguste III, qui avait épousé l'aînée, préten- dait faire revivre les droits assurés à sa femme par la convention lëopoldine de 1703, malgré la renonciation formelle stipulée par son contrat de mariage en 1719; l'électeur de Bavière Charles- Ali)ert, dont la femme ne pouvait en tout cas, abstraction faite de la renonciation qu'elle aussi avait signée en se mariant (1722), arriver à la succession qu'après sa sœur aînée, faisait remonter son droit beaucoup plus haut ; il arguait du contrat de mariage d'un de ses aïeux, le duc Albert le Magnanime, avec l'archiduchesse Anne, fille de Ferdinand P' (1546), par lequel la princesse était instituée héritière éventuelle des pays autrichiens à l'extinction des mâles, et prétendait que, du mo- ment que les femmes étaient admises à succéder, la première fille et sa descendance devaient précéder toutes les héritières sub- séquentes ; en surcroît, il invoquait sur l'Autriche les droits des anciens ducs de Bavière, suzerains de la Marche orientale jusqu'en Tannée i 156, et en Souabe ceux qui résultaient pour les Wit- telsbach du chef de la succession des Hohenstaufen I Les déduc- tions diplomatiques destinées à démontrer la justice des préten-

428 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITORULB

lions de l'Espagne, de la Sardaigne et de la Prusse, sur des parties plus ou moins considérables de rhéritage, produisaient des titres un peu moins antiques : les Bourbons espagnols récla- maient la Bohême et la Hongrie en vertu d'un pacte conclu en 1617, entre Mathias et Ferdinand II d'une part, Philippe III de l'autre, et qui excluait la postérité féminine de Ferdinand II au profit des filles issues de Philippe III ; le roi de Sardaigne s'appuyait sur le contrat de mariage de son trisaïeul avec une fille de Philippe II pour revendiquer le Milanais; quant à l'argu- mentation longue et compliquée dont Frédéric II de Prusse t&chait de colorer son envie de conquérir la Silésie, nous aurons l'occasion de l'exposer tout au long dans l'histoire territoriale de la monarchie prussienne.

Toutes ces compétitions ne se produisirent pas dès le premier jour; mais quand Frédéric II eut donné le signal de l'attaque en envahissant la Silésie (décembre 1740), quand le vieux cardi- nal Fleury, entraîné par les frères Belleisle, eut, en ëquivoquant sur les droits des tiers qu'il avait réservés dans sa garantie de la Pragmatique, promis à l'électeur de Bavière le concours de la France par le traité de Nymphenbourg (mai 1741), la moitié de l'Europe se leva en armes contre Marie-Thérèse; ses étals furent envahis de toute part ; un démembrement de la monar- chie laborieusement réunie par ses ancêtres parut imminent. Les politiques du temps faisaient déjà les parts : à l'électeur de Bavière, élu empereur sous le nom de Charles VU (février 1742), on attribuait la Bohême, l'Autriche au-dessus de TEnns, le Tyrol et les pays antérieurs ; la Moravie et la Silésie pouvaient être partagées entre la Saxe et la Prusse, les possessions ita- liennes entre l'Espagne et la maison de Savoie ; on laissait gé- néreusement à la fille de Charles VI la Hongrie, l'Autriche au-dessous de l'Enns, la Styrie, la Carinthie, la Garniole et la Belgique, à moins cependant que la France ne se fît dédommager par ce dernier pays de ses grands armements. Mais, au grand étonnement de l'Europe, la noble jeune femme, pour laquelle son mari, corégent nominal depuis 1741, était un bien faible appui, fit face avec une énergie toute virile à la multitude des ennemis

DES ÉTATS DB l'SDBOPB CBHTBAIB.

acharnés à sa perte ; elle fut samée d'une ruine, qu'on avait crue certaine, par son héroïsme personnel d'abord, puis aussi par le dévoucraenl des Hongrois qui fournirent près de cent mille hom- mes à leur roi Marie-Thérèse, par la prudence de Frédéric II, qui, de peur de trop vaincre au profil des Bavarois et des Fran- çais, posa les armes & deus reprises, par l'intervention éner- gique enfin des puissances maritimes, laquelle se traduisit à la fuis par des subsides abondants et par la présence personnelle de George II en Allemagne, h la tète d'une armée pragmatique. Marie-Thérèse n'eut finalement à consentir qu'une seule perte sérieuse, celle de la Silésie presque entière, dont elle ne garda que la principauté de Teschen et des parties de celles de Trop- pau, Jaegemdorf et Neisse : tout le reste de cette grande et riche province, avec le comté bohémien de Glatz et la seigneu- rie moravienne de Katscher en sus, elle dut l'abandonner, le cœur saignant, au roi de Prusse, une première fois au traité de Berlin du 28 juillet 1742, et, après une nouvelle passe d'armes, à celui de Dresde du 2j décembre 1745. La Saxe et la Bavière, au contraire, n'eurent pas un pouce de territoire autrichien; le roi de Sardaigne n'obtint, par les traités de Turin (1" février 1742) et de Worms (13 septembre 1743), qu'un district insi- gnifiant du Milanais, avec Vigevano, de façon à porter les limites du Piémont jusqu'au Tessin, elles se sont arrêtées jusqu'en 1859; quantauxpuissanccsbourbonicnnes,qui avaient fini par porter seules tout le poids d'une grande guerre euro- péenne, elles n'en retirèrent que la cession des petits duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalln, que le traité d';U\-la-Cha- pelle du 18 octobre 1748 constitua en une principauté au profit de l'infant don Philippe, et encore avec retour éventuel à l'Au- triche. Ainsi Marîe-Thérèso sortît tout à son honneur de cette tcrriblecrise de la guerre de succession d'Autriche. Dès le 13 sep- tembre 1743 elle avait eu la satisfaction de faire élire son mari empereur romain par une forte majorité du collège des électeurs, alors que trois ans auparavant, lors de l'élection de Charles VU, corps électoral avait même refusé de lui reconnaître le droit ;ercer la voix bohémienne, et l'élection de François l" n'a-*^

430 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

voit pas tardé à devenir unanime par l'adhésion des deux voix opposantes de Brandebourg et de Palatinat; la couronne impé- riale redevenait Tapanage des Habsbourg-Lorraine, comme elle avait été celui de leurs prédécesseurs.

Il suffira d'indiquer d'un mot la deuxième grande guerre du règne de Marie-Thérèse, celle de s^t ans, dans laquelle cUe essaya vainement d'arracher la Silésie à Frédéric II, en réunis- sant contre lui une coalition bien plus formidable encore que celle qui avait manqué la ruiner elle-même ; malgré tout le saug versé, cette lutte acharnée n'occasionna en effet aucune modifi- cation de frontières ; le concours armé de la France et de la Russie ne valut pas à TÂutricbe le plus mince accroissement de territoire, et la paix d'Hubertsbourg (15 février 1763) rétablit les choses strictement dans l'état dans lequel elles étaient avant la guerre. Mais avant et après cette tentative de rejeter dans son infériorité antérieure le voisin ambitieux^ qui commençait i faire de la Prusse un rival dangereux pour la monarchie des Habsbourg, l'impératrice, mieux avisée que son père, fortifia de son mieux la puissance de l'Autriche par de nombreuses réfor- mes administratives, militaires et financières, exécutées de concert avec son premier ministre, le prince de Kaunitz. Un pro- grès lent, mais continu, multiplia les ressources trop longtemp? négligées des états autrichiens, les rapprocha entre eux, leur donna pour la première fois une unité au moins relative; sa prudente fermeté réussit à faire concourir jusqu'à la Hongrie elle-même, au but commun, l'établissement d'un pouvoir central fort et respecté. Les diètes hongroises réclamèrent plus d'une fois contre l'accroissement incessant de l'autorité royale ; mais le peuple madgyar, comme toutes les populations de l'empire, aimait sa mère Marie-Thérèse, et elle put le gouverner presque aussi absolument que ses autres provinces, parce qu'elle respecta toujours lesvieillesformes politiques, chères àla nation hongroise.

Non contente de mieux administrer ses nombreux états, elle les arrondit aussi dans les dernières années de son règne, par une série d'acquisitions plus ou moins importantes, dont le mérite d'ailleurs (si mérite il y a) revient beaucoup plus à son

DUh ETATS liH L EODOl-K CEIfTIULË. 431

e Kaaniti et H son fils Josepli II qu'à ses propres inspi- «tions; carpersonnellemenl elle étail trop honnête, elle avait rop souffert elle-même do l'ioiquité des autres, pour tremper jolontiers les mains dans les combi liaisons macliiavéliqueB, lonte de l'époque, par lesquelles on agrandissait alors le? états. C'est ainsi que s'explique le rôle singulier qu'on lui voit jouer iuis le premier partage de la Pologne. Elle résista d'abord, au ■D de la moraUté publique et privée, aux propositions russes brussiennes, immédiatement fort goûtées dans son conseil, et llHvit à Kaunitz le fameux billet qui peint si bien ses hésita- lions et ses angoisses : « Quand tous mes pays étaient menacés Blquc je ne savais plus accoucher sans danger, j'avais con- fance en ntun bon droit et en l'assistance de Dieu. Mais en relte Biire, non-seulement le droit évident crie au ciel contre nous, Bns oît aussi toute équité et le bon sens sont contre nous, il faut que je reconnaisse que de ma vie je n'ai été si angoîssil'e, au point d'avoir honte de me montrer. Que le prince y réfléchisse, quel exemple nous donnons au monde, en prostituant notre .honneur et notre réputation pour un misérable morceau de jPologue, ou de Moldavie et de Valachie. Je vois bien que je suis leule et non plus en vigueur ; voilà pourquoi je laisse les choses kller leur chemin, mais non sans le plus grand chagrin, n Quand ||le se laissa forcer la main, ce ne fut pas sans se rendre compte ji crime politique qu'elle aidait à commettre, comme le prouve Iprotestation aussi éloquente qu'inutile dont elle accompagna ^signature apposée par elle le 4 mars 1772 sous l'acte d'acces- u traité secret qu'avaient conclu, le 17 février précédent, ^éric II et Catherine II : « Placet, puisque tant de grands et iavantti personnages le veulent; mais longtemps après ma ton verra ce qui i-ésullera de cette violation de tout ce que. u'à présent, on a tenu pour juste et pour sacré. » Mais ce'a tempéchapas, uue fois la résolution prisL', de tftcher de lirer 8 grand profit possible du brigandage public exercé sur lu ureuse Pologne par ses trois puissants voisins : <( Elle pleu- k)UJours et prenait toujours, » a dit d'elle Frédi^ric II dans I nique langage.

432 HISTOIRE DE LA FORMATION TfiRBITORULE

La part que lui assigna le traité de partage de Saint-Péters- bourg du 5 août 1772, et sur laquelle, au moment de prendre possession, elle s'attribua des droits anciens dans la déclaration du 11 septembre 1772, en attendant que la convention dérisoire imposée à la diète fédérée de Varsovie le 18 septembre 1773 la lui concédât légalement, se composait de différents groupes de territoires. C'étaient d'abord les treize villes royales saxonnes du comitat de Zips en Hongrie, que Sigismond de Luxembourg avait engagées en 1412 à Wladislas Jagellon, et sur lesquelles Joseph II avait mis la main dès 1770 au milieu des complica- tions causées par la confédération de Bar. C'était ensuite presque toute la Russie rouge, c'est-à-dire le pays du haut Dniester, du haut San et du Bug supérieur, avec Galitch ou Halicz, Léopol ou Lemberg, Brody et Belz, que les rois madgyars du moyen âge avaient disputé aux princes ruricides de Galitch et de Vladimir de Volhynie, mais qu'au quatorzième siècle les rois de Hongrie Louis l" le Grand et Sigismond de Luxembourg avaient aban- donné aux rois de Pologne Casimir III le Grand et Wladislas Jagellon. C'étaient en troisième lieu quelques parcelles de la Podolie et de la Volhynie, avec Tarnopol. C'étaient enfin la par- tie méridionale de la Petite-Pologne proprement dite, sur la rive droite de la Vistule supérieure, avec Wieliczka et Bochnia, cl les duchés voisins d'Auschwitz ou Oswiecim et de Zator, sur la haute Vistule, anciennes possessions d'une branche des Piasts silésiens de Teschen, qui les avait vendus à la Pologne dans le cours du quinzième siècle. Les villes de la Zips furent réincor- porées à la couronne de Hongrie ; le reste réuni en un nouveau royaume, qu'on appela de Galicie et de Lodomérie, en souvenir des vieux noms de Galitch et de Vladimir. Le tout donnait à la monarchie autrichienne, avec un accroissement de 2,600,000 ou même de 3,000,000 de sujets, la pente septentrionale des Karpathes, à ajouter à la pente méridionale qu'elle comprenait déjà; mais par contre l'Autriche s'était chargée de sa part de responsabilité dans l'odieuse spoliation de la Pologne, et aujour- d'hui encore, après un siècle révolu, elle en porte la peine par les embarras que lui cause la Galicie.

BES ÉTATS DE l'EtlBOPE CBSTIUIK. 433

S premier partage de la Pologne n'a élé, on le sait, qu'une ^^)èce d'épisode de la grande guerre turco-russe de 1768; celle-ci aussi se termina parune augmentation de territoire pour l'Autriche. Le cabinet de Vienne, bien loin de répondre aux ouvertures de Catherine II de s'allier à elle pour opérer en com- mun le démembrement de l'empire ottoman, avait songé d'abord à s'opposer, fût-ce par les arme?, aux progrès trop rapides des Russes sur les frontières orientales de la Hongrie; désarmé par la conclusion du traité du partage de la Pologne, il demanda du moins, après la paix de Koutchouc-Kainardgi (1774), sa part dans la dépouille des vaincus, en réclamant le petit pays aux sources du Sereth et du Prutb, qu'on appelle la Bukowine et qui a pour capitale Czernovitz, comme un ancien domaine transyl- vain, jadis usurpe par la Moldavie (1 482). Catherine II fit droit à la requi^tedeson alliée (1773), et en face de l'accord desdeux cours impériales, la Turquie se résigna : la Bukowine, cédée à l'Autri- che par les conventions de 1776 et de 1777, y fut définitivement incorporée en 178G. Ce n'était et n'est encore qu'une province peu considérable comme étendue et comme population ; mais sa position topograpbique lui assigne une grande importance mili- taire, tant pour relier la Transylvanie à la Galicie, que pour peser sur la Moldavie et la Valachie : on a eu lieu de s'en con- vaincre pleinement aux débuts de la guerre de 1853 entre la Russie et la Turquie.

Une troisième acquisition des dernières années de Maric- Thèrèse, celle du ç(«ir(iVr bavarois de l'Inn, lui fut pour ainsi dire imposée par son fils Joseph II, dont les visées allaient môme beaucoup plus loin. La Bavière, qui s'interposait (et s'interpose encore) entre la Bohême et leTyrol de façon à ne permettre que par un détour énorme les communications militaires entre ces deux pays habsbourgeois, était de vieille date l'objet de la con- voitise des hommes d'état autrichiens. Dans les deux guerres de succession d'Espagne et d'Autriche, on l'avait momentanément occupée ; mais les deux fois il avait fallu l'évacuer à la paix, Jo- seph II se flattait de l'espoir de réaliser au moins partiellement tssement si important pour les états héréditaires, eu 1_

4,^ HISTOIRE DE LA FORliATlON TEftRltORlÂLÈ

prr&KDî de 1 eirtinctîon de la ligne cadette ou bavaroise des WiTtdsbach, qui,pré\-ue longtemps à l'avance, \int à s'effectuer k SO d«embre 1777 par la mort de l'électeur Maximilien-Joseph. En articulaot, tant en son propre nom comme empereur, qu'au iMD de sa mère en sa qualité de souveraine de TÂutriche et de a Bohème, une multitude de revendications plus ou moins bieD fondées, el en se déclarant décidé à les soutenir par les armes, îl aT;ùt su si bien effrayer l'héritier légitime, l'électeur palatin Ckarie^Thêodore, que celui-ci, quelques jours à peine après la nwrt de son prédécesseur, consentait à une convention léonine, ^îifnêe à Vienne le3, ratifiée à Munich le 14 janvier 1778, par la- mxelle il abandonnait à l'Autriche près de la moitié de la Ba- vière. Mais Frédéric II, qui ne se souciait pas de laisser d'autres ixniter la conduite qu'il avait tenue enSilésie, intervint les armes à la main, sous prétexte de défendre les droits des princes de Deax-Ponts, agnats de la ligne palatine, qui n'avaient pas été consultés par le chef de leur maison ; et comme Marie-Thé- rèse, peu désireuse de finir son règne, comme elle l'avait com- mencé, au milieu d'une grande guerre, accepta promptcment la médiation française et russe, la paix deTeschen du 13 mai 1779 réduisit des cinq sixièmes le profit de l'Autriche. Elle ne garda que favancée la plus orientale delà Bavière, c'est-à-dire le district qui, entre l'évêché de Passau au nord et l'archevêché de Salzbourg au sud, allait depuis le basinn et la Salza inférieure jusqu*à la droutière occidentale, six fois séculaire, de l'Autriche au-dessus ^ TEnns. En échange de la cession de ce quartier de l'Inn, dont Braunau sur Tlnn était la ville principale, l'empereur et sa mère renoncèrent à toutes leurs prétentions sur l'héritage tevarois.

Mentionnons enfin, pour en finir avec l'histoire territoriale 4dla monarchie autrichienne et delà maison de Habsbourg pen- chait le règne de Marie-Thérèse, deux faits de moindre impor- liuce. L*un est l'acquisition du comté de Hohenembs dans le l^inthal, après l'extinction dans les mâles de la dynastie coni- ifid (1760) ; l'autre le mariage d'un des fils cadets de l'inipéra- fiAA. Varchiduc Ferdinand, avec Marie-Béatrice d'Esté, la fi

DBS ÉTATS DE I'BUBOPE CBNTRAtB. 435

liéritiëre présomptive d'Hercule IIl-Rcnaud d'Esté, duc de flodënc, Reggio et Mirandolo, et de Marie-Thérèse Cibo-Mala,=- piiia, duchesse dcMassaet de Carrare (1771), Le premier arron- dissait les possessions autrichiennes duVorarlbcrg ; le second préparait à la dynastie impériale une nouvelle spcundo-génîture en Italie, à côté de celle de Toscane,

Autant Marie-Thérèse, tout en ménageant ses intérêts et en favorisant même le progrès dans une certaine limite, avait tenu à ne pas rompre avec les vieilles traditions de prudence de la politique autrichienne, autant son Ijls aîné et successeur Jo- seph H, tout imbu des idées philosophiques et économiques du dix-huitième siècle, se jeta inconsidérément dans les aventures, pour réformer de fond en comble la monarchie, et l'agrandir en mémo temps sur toutes ses frontières. Empereur d'Allemagne et corégeul de sa mère depuis la mort de François I" (1765), il avait pendant quinze ans regretté de ne pouvoir donner aux afTaire^ une marche plus décidée; aussi dès le lendemain de son avènement réel (29 novembre 1780) entreprit-il avec une hftte fiévreuse la réalisation du double projet depuis longtemps ca- ressé par lui, de constituer en Autriche une monarchie unitaire par voie de despotisme éclairé, et de donner à son empire un rang en Europe qui fût à la hauteur de son étendue et de sa po- pulation. Joseph II était incontestablement rempli des inten- tions les plus patriotiques et les plus généreuses; mais non moins opiniâtre qu'imprévoyant, voulant aller trop vite en be- sogne, poursuivant h la Fois les buts les plus divers, ne tenanl aucun compte des obstacles de tout genre qu'il avait h vaincre, il ne fut guère heureux dans ses entreprises aussi multiples que précipitées, et son règne de dix ans (1780-1790) fut marqué par bien plus de déceptions que de succès.

Indigné de l'espèce de servitude, qui depuis les traités de Westphalie et d'Utrecht pesait sur les Pays-Bas autrichiens au profit de la i-épiiblique des sept provinces unies, il débuta dès l'année 1781 par un coup d'éclat, destiné & le débarrasser des

C hollandaises qui, en vertu du traité des barrières de upaient un certain nombre de ses villes ; il fit déman-

435 HISTOIRE DE LA FORMATIOZI TERSITORIALB

teler les forteresses qui ne Tétaient pas déjà depuis la guerre de succession d'Autriche, et renvoya chez elles les garnisons do- rénavant inutiles. Les Hollandais, alors engagés dans une guerre dispendieuse avec l'Angleterre, se contentèrent de protester. Bientôt il alla plus loin, demanda aux États-Généraux un nou- veau règlement de frontières (i783), ou, en compensation, la li- berté de TEscaut, que la paix de Munster avait fermé aux provin- ces belges (1784). Cette fois-ci les Hollandais résistèrent, et ti- rèrent sur les navires qui prétendaient passer sous le canon de leurs forts (octobre i784). Une guerre européenne pouvait s'en- suivre ; pour Tempêcher, la France intervint, fit accepter sa médiation et négocia la paix de Fontainebleau (8 novembre 1 785), sur les bases de celle de Westphalie. Joseph II resta débarrassé des barrières, reprit en Flandre les frontières antérieures au traité d*Utrecht, quelque peu améliorées même, et obtint déplus une indemnité considérable, dont la France paya une partie ; mais il dut renoncer à la libre navigation de TEscaut, qu'il avait eue principalement en vue.

Dans ses querelles avec les Pays-Bas, l'empereur eut du moins satisfaction partielle ; il échoua complètement dans une nou- velle tentative qu'il fît en 1783 pour acquérir la Bavière. L'élec- teur de Bavière-Palatinat, Charles-Théodore, celui-là même qui sept ans auparavant avait consenti à se laisser dépouiller d'une moitié des états bavarois pour acheter la libre possession du reste, accepta, il est vrai, avec reconnaissance un projet d'é- change qui, en retour de la Bavière, du Haut-Palatinat, deNeu- bourg, Sulzbach et Leuchtenberg, lui assignait, outre trois mil- lions de florins argent comptant, un royaume d'Austrasie ou de Bourgogne, qui devait être formé de la totalité des Pays-Bas autrichiens, à l'exception du Luxembourg et de Namur ; la Russie était gagnée à l'avance par des complaisances relativement à la question turque ; on comptait obtenir l'assentiment de la Franco par la cession du Luxembourg et de Namur : mais cette fois encore l'intervention de Frédéric II fit échouer la trame ha- bilement ourdie par le cabinet de Vienne, et réduisit à néant une combinaison, à tout égard favorable à la puissance autri-

^RS ÉTATS DE I'BCTOPK CENTIIAIE. 437

Une ; car du mérae coup elle débarrassait la monarchie de provinces éloignées, mal sûres dans la guerre, de peu de rapport dans la paix, et elle lui annexait dircrlcment la Bavière, indi- rectement la Souabo , c'est-à-dire l'Allemagne méridionale entière.

L'empereur retira son projet devant la protestation des dues de Deux-Ponts, de nouveau mis en avant par la politique prus- sienne ; mais il n'en fut pas quitte à si bon compte. Profitant de l'émoi causé dans tout l'empire par les plans d'agrandissement de Joseph II, le vieux roi de Prusse réunit dans le Furstenbund ou alliance des princes, d'abord les trois électeurs évangéliques (23 juillet 1785), puis treize autres des principaux souverains allemands, dont l'électeur de Mayence, sous le prétexte de main- tenir la constitution du corps germanique, mais en réalité pour opposer une barrière infranchissable à tous les empiétements futurs de l'Autricbe,

La dernière entreprise extérieure de Joseph II, la guerre contre la Porte, commencée en 1788 de concert avec Catherine II pour chasser les Ottomans de l'Europe, ne fut pas plus heureuse. Les deux cours impériales, qui ne doutaient pas d'un plein et prompt succès, s'étaient à l'avance partagé leurs futures conquêtes ; mais les Turcs opposèrent une résistance inattendue, et l'armée autri- chienne, commandée par l'empereur en personne, fit une pre- mière campagne presque désastreuse (1788); si l'année suivante elle remporta quelques succès et s'empara de Belgrade (1789), Joseph II ne put en tirer aucun proQt : la jalousie prussienne surveillait tous ses mouvements sur le bas comme sur le haut Danube, et l'alliance conclue entre le cabinet de Berlin et la Porte le 31 janvier 1790, quelques semaines avant la mort de l'empereur, arrêta net tout progrès ultérieur, fit même reperdre les quelques avantages obtenus.

Les grandes réformes administratives de Joseph II, inspirées ù la fois par sa passion pour les idées philosophiques, anticléri- cales du temps et par son désir de faire de l'Autriche un état nnitaire, centralisé, semblable aux autres grandes puissances

t: "

438 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

amers encore. Elles soulevèrent en effet dans la majeure partie de ses états des protestations, principalement cléricales et nobi- liaires, mais en partie aussi nationales, qui dans quelques-uns d'entre eux se traduisirent par des résistances ouvertes. Au moment oii l'empereur mourut, le cœur brisé (30 février 1790), un profond mécontentement régnait à peu près partout ; les Hon- grois, qu'il avait blessés de gaieté de cœur, en refusant de se faire couronner, en ne convoquant pas de diètes, en prescrivant l'usage de la langue allemande dans tous les actes officiels, se préparaient à l'insurrection ; dans les Pays-Bas autrichiens, dépouillés de leurs privilèges séculaires au profit d'un gouver- nement autoritaire, la révolte était un fait acccompli : l'indé- pendance belge avait été proclamée à Bruxelles le 13 décembre 1789, l'acte fédéral de la république des Étals-Unis belgiques signé le il janvier 1790.

Joseph II ne laissait pas d'enfants ; sa succession était dévolue à son frère puîné Léopold II, qui depuis 1765, année de la mort de leur père, faisait le bonheur de la Toscane, et qui mainte- nant, abandonnant sa belle principauté italienne à son deuxième fils Ferdinand III pour figurer sur une scène plus grande, allait tâcher de rendre à la monarchie autrichienne le repos et la sta- bilité, que les expérimentations trop brusques de son prédéces- seur avaient singulièrement ébranlés. Le retour à la politique plus prudente de Marie-Thérèse lui rendit la chose assez facile : il désarma les Hongrois par de larges concessions, et rentra en possession des Pays-Bas autrichiens, en leur garantissant toutes leurs libertés (fin 1790). En même temps il sortait, sans profit il est vrai, mais sans perte aussi, de la malencontreuse guerre contre les Turcs que lui avait léguée Joseph II ; la paix de Sistowa sur le Danube (4 août 1791) rétablit les limites des deux empires exactement dans l'état elles se trouvaient au début des hostilités.

L'Autriche retrouvait ainsi à la fois la paix intérieure et la paix extérieure; la première ne fut pas troublée de longtemps ; quant à la seconde, elle survécut à peine de quel- ques semaines à Léopold II, qui, comme son frère, mourut

DES ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. 439

dans la force de Tûge, dès le 1" mars i792 ; entraînée dans le tourbillon de la Révolution française, la monarchie des Habs- bourg allait avoir à soutenir une longue série de guerres, pendant toute la première moitié du règne de son fils aîné et successeur, l'empereur François IL

CHAPITRE IV

La monarchie autrichienne pendant la Révolution et l^Bmpire.

Depuis lamémorablejournéedu20 avril 1792, oùle malheureux Louis XVI vint, bien à contre-cœur, à rassemblée législative, pour y déclarer à son neveu François II une guerre, qui devait puis- samment contribuer à renverser son trône chancelant, TAutriche a pendant vingt-trois ans lutté presque sans interruption avec la France républicaine et impériale. C'est une phase toute nou- velle de la vieille rivalité des deux empires : il ne s'agit plus seulement de la suprématie en Europe; des deux côtés, sinon Texis- tence, du moins l'indépendance politique est en jeu. D'autre part il s'opère à vue d'œil des changements territoriaux tout autrement graves que ceux qu'avaient motivés les guerres des siècles passés; chaque traité de paix, on pourrait dire chaque trêve, remanie profondément la carte de l'Europe. Pendant longtemps Tavan- tage resta à la France ; à l'époque de la plus grande splendeur extérieure de l'empire napoléonien, la monarchie autrichienoe se trouvait réduite à n'être qu'une puissance de second ordre, complètement coupée de la mer, presque vassale de la France ; mais la fortune, qui tant de fois déjà lui était venue en aide dans les crises les plus redoutables, ne l'abandonna pas davantage en cette nouvelle épreuve ; quelques années à peine après cette époque d'abaissement profond, elle était reconstituée, plus puis- sante et surtout plus compacte qu'elle ne l'avait jamais été.

Au moment commencèrent ces guerres gigantesques, l'em- pire des Habsbourg, abstraction faite de la Toscane et de Mo- dène, des branches cadettes de la dynastie régnaient déjà ou

aiaicnt l'expectative de la succession, s'étendait sur une su- perficie do 11,600 lieues d'Allemagne carrées, soit environ 610,000 kilomètres carrés, et comptait, d'après les statistiques plus ou moins exactes du temps, plus de vingt-quatre millions d'habitants. D'après la nature de ses territoires, il se divisaiten deux grandes moitiés d'inégale étendue : les pays qui apparte- naient de plus ou moins près à l'empîre germanique avaient une population de plus de dix raillions et demi d'urnes, sur 220,000 kilomètres carrés; les provinces eu dehors de l'em- pire y ajoutaient un peu moins de quatorze millions d'habitants, sur près de 420,000 kilomètres carrés. Chacune de ces deux grandes divisions comprenait trois groupes de pays, historique- ment et politiquement distincts: d'un côté, c'étaient les deux cercles d'Autriche et de Bourgogne, et les territoires de la cou- ronne de Bohême, qui , nous le savons, étaient étrangers à la di- vision en cercles ; de l'autre, les possessions hongroises, polo-

ises et italiennes de la monarchie. , De ces sii ensembles de territoires, nous en connaissous de près trois, laBohème, la Hongrie et laGalicie; nous aurons & examiner plus tard la composition territoriale des Pays-Bas autri- chiens ou cercle de Bourgogne; nous n'avons pas h nous occu- per spécialement des provinces italiennes, étrangères h. l'Europe centrale : pour tous les pays par conséquent qui appartiennent h l'un ou à l'autre des groupes que nous venons de mentionner, il suffira d'indiquer tes données statistiques les plus essentielles. Constatons donc que la couronne de saint Etienne, c'est-à-dire les royaumes de Hongrie, d'Esclavonie, de Croatie et de Dal-

Ëtie thongroise). avec le grand-duché de Transylvanie, était luée à elle seule à 322.000 kilomètres carrés età9, 100,000 es; que les deu\ autres grandes masses territoriales, d'une part le royaume de Bohème, avec ses annexes, le margraviat de Moravie et le duché de Silésie (ce dernier réduit à la princi- pauté de Tcschen et à des parties de celles de Troppau, de Jffgemdorf et de Neisse) , d'autre part le royaume de Gaiicie de liodoraérie, avec la Bukowine voisine, avaient respective- ttùeal, dil-on, 4,300,000 et 3,300,000 habitants sur 79,000

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442 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITORIALE

85,000 kilomètres carrés; et que les deux groupes, italien et uéer andais, qui étaient restreints dans des limites beaucoup plus étroites, mais qui en revanche appartenaient aux réigions les plus peuplées de TEurope, étaient évalués, les duchés de Milan et de Mantoue, avec les fiefs impériaux en Ligurie, à 12,000 kilomètres carrés et à 1,350,000 âmes, les Pays-Bas autrichiens à 2,000,000 d'habitants sur 26,000 kilomètres carrés. Quant au sixième et dernier groupe, qui comprenait les pays d'empire proprement dits, c'est-à-dire la totalité du cercle d'Autriche et quelques seigneuries de peu d'importance, qui avaient été ao- quises postérieurement à la division en cercles et qui étaient restées parties intégrantes des cercles de Souabe et du Haut- Rhin, il était évalué à 115,000 kilomètres carrés et à 4,300,000 âmes ; mais il nous faut entrer dans un détail plus circonstan- cié, pour faciliter Tintelligence des virements territoriaux posté- rieurs.

Les géographes du dix-huitième siècle, qui ne faisaient que reproduire une vieille terminologie officielle, répartissaient tous les pays d'empire autrichiens proprement dits entre une Autriche inférieure, une Autriche intérieure, une Autriche supérieure et une Autriche antérieure. L'Autriche inférieure ou archiduché d'Autriche proprement dit se divisait en Pays au-dessous de l'Enns (avec Vienne) et en Pays au-dessus de l'Enns (avec Linz); le second comprenait d'ancienne date le Salzkammergut (avec Hallstadt), et depuis 1779 le quartier deTInn (avec Braunau). Le terme d'Autriche intérieure correspondait aux quatre duchés de Styrie, de Carinthie, de Carniole et de Frioul; nous avons précédemment parlé des trois premiers, dont les capitales étaient Gratz, Klagenfurt et Laibach, et au troisième desquels avait été rattachée l'Istrie autrichienne ou intérieure (avec Mitterburg ou Pisino) ; le quatrième réunissait sous une dénomination com- mune, plutôt géographique que politique ou administrative, les pays autrichiens du fond de l'Adriatique, à savoir les comtés de Gorice et de Gradisca, les territoires d'Aquilée et d'Idria, les capitaineries deFlitsch et deTohnein, et les territoires de Trieste et de Fiume, autrement appelés le Littoral allemand et le Litto*

DR8 ÉTATS DK l'eUROPB CSHTRALR. W

longrois. L'Autriche supérieure conteDait le comté-princier ?Tyrol (avec Innsbruck) et les seigneuries du VorarUierg (avec Feldkirch) ; au Tjrol Étaient unis par les liens île l'hommage les èvéchés de Trente et de Brixen, les bailliages leutoniques sur l'Ailige et en Autriche, et la seigneuriedeTaraspenEngadine; au Vorurlberg proprement dit, qui se composait des seigneuries de Feldkirch ou Montfort, de Sonnenberg, de Bludenz avec le Va!-Montafon, de Bregenz et deHoheneck,se rattachaient direc- tcmenl le comté de Hohenembs dans le Rheinthal, et, plus loin dans les Alpes, la seigneurie de Rlia-zuns dans le pays grisou. Enfin l'Autriche antérieure avait également deux parties consti- tutives principales : d'une part leBrisgau (avecFribourg,\Vald- kirch. Triberg, Villingen, Brisnch) et ses annexes, les quatre villesfore3tièresduHhin(Hheinrelden,t5;i;ckingen,Laufenbourg, Waldshut) et leFrickthal sur la rive gauche du fleuve ; de l'autre laSouabe autrichienne, composée d'une multitude de territoires isolés, parmi lesquels nous citerons le margraviat de Burgau (avec Burgau, Gnnzburg et Ehingcn-sur-le-Danube), les cinq villes du Danube (Munderkiiigen, Riedlingen, Mengen, Saul- gau> Waldsée), l'avouerie d'Altdorf ou Ravensburg laquelle avaient été ajoutées au seizième siècle l'ancienne ville Ubre de Constance et tout récemment les seigneuries de Tettnang et de Langcnargen), le landgraviat de Nellenburg (avec Stockach), le comté de Hohenberg (avecRottenburg et Ehingen-sur-îe-Neckar) et l'avouerie de l'Ortenau (avec Appenweier et Achern). Ce dernier territoire touchait le Rhin moyen ; de l'autre côté du fleuve, à mi-chemin entre la Souabo autrichienne et les Pays-Bas autrichiens, le petit comté de Falkenstein dans le mont Tonnerre était le seul lambeau de ses anciens domaines lorrains qui restât h la dynastie de Hiibsbourg-Lorraine.

En somme, la monarchie autrichienne de ) 792, dont la popu- lation était peu inférieure à celle de la France et de la Russie, et beaucoup plus considérable que celle de tous les autres é européens, couvrait une superficie quelque peu supérieure h. j c^e de l'Autriche actuelle ; mais son lotissement territorial ^■it, en partie du moins, détestable, cl par suite su position mi-

444 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBRITORtALB

litaire des plus mauvaises. Si laHongrie, laGalicie et la Bohème formaient avec les pays autrichiens proprement dits une seule et même masse d'états, le Milanais et le Mantouan étaient séparés des états héréditaires par le Vénitien, qui s'avançait jusque vers le lac de Gôme, et par la Yalteline, qui donnait aux ligues grises la possession du bassin supérieur de l'Adda ; le Brisgau et la Souabe autrichienne étaient bizarrement entremêlés avec les in- nombrables états souverains du cercle de Souabe ; plus éloignée encore et plus aventurée était la Belgique, qui de plus était cou- pée en deux tronçons par Tévêché de Liège et se refusait à rece- voir des troupes autrichiennes. Toutes ces possessions avancées étaient bien difficiles à défendre contre un ennemi entreprenant : elles furent les premières envahies par les armées victorieuses de la France régénérée ; les premières, elles furent séparées de la monarchie habsbourgeoise par les traités de la fin du dix- huitième et des premières années du dix-neuvième siècle.

Comme le reste de TEurope, TAutriche assista d*abord avec plus d'étonnement que de colère aux débuts de la Révolution française, malgré les liens intimes qui unissaient les deux cours depuis Talliance de Louis XV et de Marie-Thérèse, et surtout depuis le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette. Bientôt cependant les excitations venues de Paris, jointes aux craintes qu'inspirait la propagande révolutionnaire, furent assez puis- santes pour que Léopold II se rapprochât de la Prusse non moins effrayée que lui, et commençât des armements, destinés tout autant à faciliter une contre-révolution en France qu'à soutenir les réclamations, qu'en sa qualité d'empereur romain il avait éle- vées au nom des princes d'empire, possessionnés en Alsace et dé- pouillés de leurs droits féodaux par l'assemblée nationale. Le ministère girondin y répondit le 20 avril 1792 par une déclara- tion de guerre au nouveau roi de Hongrie et futur empereur François II, et les hostilités commencèrent immédiatement en Belgique, pour s'étendre bientôt sur la France, puis sur l'Alle- magne et sur l'Italie. Pas plus pour cette première guerre que pour les suivantes, nous ne saurions entrer dans le récit des faits militaires ; nous n'avons qu'à en exposer les résultats territo*

DBS fiTATS DR L'kDBOPR CBRTRALE. {^

riaux. Rappelons cependant auparavant que si l'Autriche, quoi- que unie à l'Europe presque entière par les liens de la première coalition (1703), non-seulement ne réussit pas à entamer la France, mais fut chassée par elle des Pays-Bas et de la Lombar- die, il ne fout pas attribuer exclusivemeut ses échecs à la vigueur déployée par la convention nationale et au génie militaire du grand capitaine que lui opposa le directoire ; l'abstention calcu- lée de la Russie, les préoccupations maritimes de l'Angleterre, la faiblesse déplorable de l'empire, et avant tout l'incurable ja- lousie de la Prusse qui, après s'ôtre beaucoup plus préoccupée, lors des succès momentanés des coalisés dans la campagne de 1793, d'empêcher l'Alsace de redevenir autrichienne que de l'en- lever à la France, conclut dès le printemps de 1795 une paix particulière avec la république française, laissèrent peser pres- que tout le fardeau de la guerre sur le cabinet de Vienne, in- capable de défendre à la longue, avec ses seules ressources, des provinces poiu- ainsi dire sacrifiées à l'avance. La victoire de Juurdan à Fleurus <26 juin 1794) mit fin à la domination autri- chienne on Belgique, une première fois déjà compromise dix-huit mois auparavant par la bataille deJemmapes; la merveilleuse campagne do Bonaparte en Italie, marquée par la destruction successive de trois armées impériales, entraîna la perte du Mi- lanais et du Mantouan (1796-1797). Et alors les étals hérédi- taires allemands furent eux-mêmes sérieusement menacés ; pen- dant que Morcau s'avançait par la vallée du Danube, Bonaparte poussait devant lui l'archiduc Charles sur la route de Vienne {mars-avril 1797); les ministres autrichiens durent se juger heureux de ce que le jeune conquérant, plus modéré dans ses evi- gences que le directoire, leur accordât, dans les préliminaires de Léobon (18 avril 1797) et dans la pais de Campo-Forraio (17-1 8 octobre 1797), des conditions qui augmentaient, il est vrai, déme- surément la puissance de la France, mais qui du moins ne dimi- nuaient pas celle de r.\ntriclie.

Le traité de Gampn-Formio n'imposait en effet aux Habsbourg qu'un échange de territoires, presque égaux en importance. L'Autriche abandonnait aux républiques française, cisalpine et

440 HISTOIRE DB LA FOKMATIOH tStlRITORlALfi

ligurienne les provinces belges, le Milanais, le Mantouan et les fiefs impériaux italiens ; elle dédommageait déplus par le Bris- gau le duc de Modène, dépossédé de ses états en Italie au profit de la république cisalpine ; mais comme compensation la France lui cédait la majeure partie du territoire ci-devant vénitien, avec la ville des lagunes elle-même. La sérénissime république, au moment Bonaparte mit fin à son existence douze fois sécu- laire pour faire de ses possessions un objet d'échange avec la cour de Vienne, était bien déchue de son ancienne splendeur; mais la domination du lion ailé de saint Marc s'étendait encore sur de nombreux et riches territoires des deux côtés de l'Adria- tique. C'étaient au levant, les îles ioniennes et dalmates, les Bouches-de-Cattaro, la longue lisière de la Dalmatie continen- tale depuis l'embouchure de la Narenta jusqu'au nord de Zara et ristrie maritime; c'était surtout, sur l'autre rive, la Terre- ferme vénitienne qui, entre les Alpes et le Pô, le lac de Côme et le fond du golfe de Venise, couvrait la plus belle partie de la Lombardîe et du Frioul, avec des villes comme Bergame, Crème, Brescîa, Vérone, Vicence, Padoue, Rovigo, Trévise, Bellune et Udine. L'Autriche n'eut pas cette dépouille entière, car Bonaparte réserva aux républiques française et cisalpine les îles ioniennes, les deux rives de l'Adige et tous les territoires à l'ouest de ce fleuve; mais sa part se monta néanmoins après de 40,000 kilomètres carrés et à 3,000,000 d'âmes, ce qui re- présentait une superficie un peu plus considérable et une popu- lation de quelques centaines de mille âmes moins nombreuse que celles des pays cédés ; encore cette légère diminution de popu- lation était-elle largement compensée par la proximité plus grande des nouvelles provinces, limitrophes du Tyrol, de la Ca- rinthie, de la Carniole et de la Croatie, ainsi que par leur im- portance maritime. Des articles secrets annexés au traité de Campo-Formio permettaient d'ailleurs aux ministres autrichiens d'espérer en outre des avantages considérables pour l'époque de la pacification générale ; la France s'engageait à récompenser le consentement de l'empereur à la cession de la rive gauche alle- mande du Rhin par un dédommagement usuraire pour le comté

M* *TAtS 6B t'BOBOPE CESTBAtB.

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de Falkenst*in, seule perte personnelle qui dût en résulter pour lui ;ce n'était rien moins que l'archevêché de Salzbourg, ce coin intercalé entre l'archiduché et le Tyrol, peut-fitre m(^me l'e\tri!i- niité sud-est de la Bavière, comprise entre la Salza et l'Inu, qu'on se flattait d'obtenir comme prix de l'abandon des intérêts de l'empire.

Deux ans avant cette paiï de Campe- Formio, qui arrondissait mieux le territoire aulrichien sans en changer sensiblement l'étendue et la population, le cabinet de Vienne avait procuré à la monarchie des Habsbourg un accroissement complètement gratuit, en prenant part au troisième et dernier partage de la Pologne. Le traité de Saint- Pétershourg du 2i octobre 1795 et les conventions postérieures avec la Prusse lui avaient abandonné les wolwodies do Sandorair et de Lublin, avec des parties de celles de Craco\ie, de Masovie, de Podlachie et de Brzesc, ainsi que le pays de Chclm ; en d'autres mots, la majeure partie de la Petite-Pologne proprement dite (avec Cracovie, Sandomir, Lu-. blin), les derniers débris de la Ruî^sie rouge {avec Chelm) et les parcelles de la Masovie, de la Podiacbie et de la Podlésie com- prises enire la Vistule et le Bug inrérieur, sauf toutefois le rayon autour de Praga, attribué à la Prusse avec la ville elle-même. GrAce à cette acquisiition d'une Gnlicie nouvelle, occidentale ou septentrionale, qui conlinuail au nord-ouest laGalicie du premier partage, ancienne, orientale ou méridionale, l'empire autrichien s'était augmenté de près de 47,000 kilomètres carrés et d'en- viron {,100,000 habitants, des deux côtés de la Vistule moyenne ; mais, même sans compter l'opprobre d'avoir parti- cipé à l'assassinat complet d'une noble nation, il y avait, en se plaçant esclusivement au point de vue pulitique et militaire, de graves inconvénients à ce nouveim nicfaît de la diplomatie autrt' chienne. La pointe triangulaire que l'Antriche poussait dès fora vers le nord, entre le Bug à l'est, lu Pilica et la Vistule ù l'ouest, était étranglée entre les parties de la Pologne que s'étaient attri- buées la Russie el la Prusse ; tôt ou lard, l'une ou l'outre de ces puissances, jeunes cl ambitieuses toutes les deus, devait forcé- ment être tentée de s'arrondir k ses dépens, en continuant k son

448 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBRITORULB

profit exclusif l'œuvre de spoliation consommée en ccHnmnn par les trois cours copartageantes.

Le grand danger du moment n'était pas de ce côté cependant; il était tout entier du côté de la France, qui dans la paix comme dans la guerre continuait ses forn^idables envahissements. Les plénipotentiaires de rAutriche au congrès de Rastadt ne tardè- rent pas à apprendre, qu'au mépris des articles secrets de Campo- Formiole directoire entendait garder la rive gauche du Rhin sans se préoccuper du dédommagement promis à l'empereur; en même temps l'Italie^ la Suisse étaient révolutionnées par les armées françaises. L'alliance, cette fois sérieuse, de la Russie permet- tait d'espérer une revanche des revers passés ; le cabinet de Vienne se prépara à une seconde guerre contre la république française, en signant avec l'Angleterre et la Russie (automne 1798) les traités de la deuxième coalition, moins formidable en apparence, plus redoutable en réalité que ne l'avait été la pre- mière. Le directoire, sans attendre une déclaration de guerre, commença les hostilités !•' mars 1799; leurs débuts furent tristement marqués par le massacre des ambassadeurs français au congrès de Rastadt, commis le 28 avril 1799 par des hus- sards autrichiens. Le sort des armes fut d'abord favorable aux armées coalisées ; Souvarof expulsa les Français de Tltalie, et aussitôt la cour impériale, sans que ses alliés osassent ouverte- ment lui résister, revendiqua, du droit de la guerre, toute la partie septentrionale de la péninsule, sans vouloir tenir compte des droits héréditaires des anciens princes. Mais c'était trop tôt disposer d'une conquête mal sûre ; Bonaparte, revenu d'Egypte et devenu premier consul, gagna le 14 juin 1800 la bataille de Marengo, qui renvoya au delà du Mincio les Autrichiens, réduits à leurs propres forces par la retraite des Russes ; et la marche victorieuse de Moreau sur Vienne, après sa victoire de Hohen- linden (3 décembre 1800), rabattit assez les espérances ambi- tieuses du cabinet impérial, pour qu'il consentît à accepter la paix de Lunéville du 9 février 1801, qui dans ses termes était presque identique avec celle de Gampo-Formio , mais qui par le fait fut beaucoup plus désavantageuse pour l'Autriche.

^^r SES ÉTATS DE i'eCROPE CEHTBALI:. Vl!)

^BEd vertu des slipulations de Lunéville, la monarcliie autri- mienne conservait en effet, à fort peu de chose pr6s, ses fron- tières nouvelles, telles qu'elles avaient été fixées par les articles oniciels du traité de Gampo-Formio: si François II mettait à la disposition de la Frnnce, pour elle-mfme ou pour son alliée la république helvétique, le comté de Falkenstein dans le mont Tonnerre, la seigneurie de Tarasp dans l'Etigadine, et les vieQ- les possessions habsbourgeoises situées sur la rive gauche du Rhin entre Zurzach et Bâle, à savoir le Frickthal, Laufenbourg et Rheinfelden, il obtenait par contre une meilleure délimitation pour le Vénitien, dont la frontière occidentale était avancée jusqu'au thalweg de l'Adige. De leur côté les intérêts particuliers de la dynastie régnante étaient en apparence fort bien sauve- gardés, le traité assurant im dédommagement plein et entier en Allemagne A l'archiduc Ferdinand 111, frère de l'empereur, pour le grand-ducbé de Toscane qu'il abandonnait aux Bourbons de Parme. Enlin la cour de Vienne, malgré le refus du premier consul de renouveler les promesses qu'il avait faites dans les articles secrets de 1797, continuait h nourrir l'espoir d'agrandir notablement les états aulrichiens, en profilant des mutations de territoires que de\ait entraîner à sa suite le système de dédom- magements, rendu nécessaire par la cession & la France de la rive gauche du Hhin. Mais les négociations poursuivies avec acharnement à Paris et h Ratisbonne n'eurent pas le résultat désiré, de donner fi l'Autriche la ligne de l'Inn, à plus forte rai- son celle de l'isar, pour l'obtention de laquelle elle avait olferl la cession de la Souabe autrichienne; tous les efforts de la diplo- matie autrichienne n'abouttrenl Cnalement qu'à la convention 1 de Paris du 26 décembre 1802, ratifiée par le recez principal de j la députalion d'empire de Ratisbonne du 25 février 1803, et qui \ ne réalisait mftme pas les promesses formelles faites à Lunéville. 'j La cession de l'Ortcnau, consentie par l'Autriche pour compléter l'indemnité territoriale du duc do Modène-Brisgau, était sans importance, tant à cause du peu d'étendue du territoire aban- donné, que parce qu'il restait assuré à une branche cadette de la mai&on de Habsbourg ; mais l'échange imposé à l'archiduc

450 HISTOIRE DE LA FORMATION TBllBITÛlUALB

Ferdinand III de son vaste et riche grand-duché de Toscane contre le nouvel électorat de Salzbourg, fonné au moyen de Tarchevêché de Salzbourg, de la prévôté de Berchtoisgaden et de la majeure partie des évèchés de Passau et d'Eichstaedt (le pre- mier sans, le second avec sa ville épiscopale), s'il améliorait la frontière militaire autrichienne, imposait à la dynastie une perte de près d'un million de sujets. Quant à la sécularisation des principautés ecclésiastiques du saint-empire, bien loin de compenser cette double diminution, elle s'opéra tout au détri- ment de TAutriche. Les deux évéchés de Trente et de Brixen, aux 180,000 âmes desquels se réduisit sa part, ne lui appor- taient aucun accroissement réel de puissance; depuis des siècles, les deux églises, quoique leurs titulaires siégeassent à la diète de Tempire germanique, dépendaient du Tyrol, dont elles recon- naissaient Tavouerie, c'est-à-dire la suzeraineté. Par contre l'archiduc Antoine, moins heureux que son frère l'archiduc Charles, auquel était maintenue la grande-mattrise de Tordre teutonique, dut résigner la double dignité d'archevêque de Cologne et d'évêque de Munster, pour laquelle il venait d'être postulé par les deux chapitres, désireux de prolonger leur exis- tence autonome sous la sauvegarde impériale; et surtout l'in- fluence autrichienne dans l'empire se trouva presque réduite à néant par la disparition de tous ces princes-évéques, qui étaient restés les meilleurs sinon les seuls clients et auxiliaires de l'em- pereur, tant en diète que dans la pratique journalière des affaires germaniques.

Le bouleversement complet de l'ancien saint-empire par le recez de 1 803 et les signes précurseurs de sa chut« prochaîne engagèrent la cour de Vienne, dans le courant de l'année 1804, à prendre à l'avance ses précautions pour maintenir en tout état de cause le titre impérial à la maison de Habsbourg, et trois mois seulement après la proclamation de Napoléon I*' comme empereur des Français (18 mai 1804), François II ajoutait, le ^^ août 1804, à son titre traditionnel d'empereur élu d'Allema- gne, la nouvelle qualification d'empereur héréditaire d'Autriche. Pour la première fois, tous les états, allemands ou non-aile-

BBB ÉTiTS DE L'ETHOPE CEHTHALE. 4SI

kods , qui formaient la multiple agrégation de territoires réunis sous son sceptre, se trouvÈrent ainsi compris sous une dénomination commune, tout en conservant d'ailleurs leur indi- jpdualilé distincte.

^^LOn n'avait pas toutefois sincèrement renoncé dans le cabinet ^Btrichien & faire valoir les vieux droits et les vieilles préten- dions, tant en Allemagne qu'en Italie ; les agissements de Napoléon I" dans le second de ces pays, il créait h son profit le royaume d'Italie et incorporait à l'empire français la républi- que ligurienne (printemps 180S), firent immédiatement accueil- lir avec faveur les ouvertures de l'Angleterre et de la Russie en Mie d'une troisième coalition : une guerre heureuse pouvait à la fois assurer la possession du Vénitien, et faire récupérer le Milanais, la Toscane et le Modénais. Mais cette troisième guerre française, qui ne dura que quelques mois, fut bien plus malheu- reuse encore que les dea\ précédentes; l'armée autrichienne qui, sans attendre les Russes, avait franchi l'Inn (6 septem- bre (SOS), fut entourée à Ulra et obligée de mettre bas les armes (20 octobre); le 13 novembre, Vienne ouvrait ses portes au vainqueur; le 2 décembi'e, la bataille des trois empereurs^ livrée à Auslerlitz, accablait l'Autriclie; le 26 décembre 1805 elle se résignait au désastreux traité de Preabourg,

Par la paix de Presbourg et les conventions subséquentes, l'Autriche était tout d'abord entièrement expulsée de l'Ita- lie. Le traité lui-même faisait passer au royaume d'Italie toute la pan autrichienne de la dépouille de Venise, ville, lftgunes,Terre-ferme,Istrieet Dalmatie vénitiennes, Bouches-de- Cattaro et Iles dalmatcs; l'acte explicatif de Fontainebleau (!0 octobre 1807) enleva de plus à la monarchie ses dernières positions iy l'ouest de l'isonzo, en lui faisant échanger les parties des comtes de Gorice et de Gradisca situées sur la rive droite du fleuve contre le comté de Monfalcone en Istrîe. D'autre part lu niaisiin de Habsbourg était complètement exclue de l'Allemagne occidentale, au profit des alliés napoléoniens, Bavière, Wur- temberg et Bade. L'empereur leur cédait pour son compte la 3ouBbeautrichienne,leVorarlbergavecRhaezuns, le beau comté-

4o2 HISTOIRE DE LA FORMATION TERIUTORIALE

princier de Tyrol avec les évêchés incorporés de Trente et de Brixen, en renonçant du même coup à tous droits quelconques de suzeraineté ou de souveraineté sur les trois états, ce qui im- pliquait non-seulement l'abandon des droits impériaux, mais aussi celui du droit de succession éventuelle dans le Wurtem- berg, dernier vestige de la conquête autrichienne de ce pays au commencement du seizième siècle; son oncle, l'archiduc Ferdi- nand, qui avait succédé en 1803 dans le Brisgau et dans TOr- tenau à son beau-père, Tancien duc de Modène, Hercule III- Renaud d'Esté, était de son côté dépouillé de ces vieilles terres habsbourgeoises ; son frère enfin, l'ancien grand-duc de Tos- cane Ferdinand III, abandonnait la totalité de Télectorat de Sakbourg, constitué pour lui en 1803. De ce côté cependant quelques compensations étaient accordées à la maison de Habs- bourg : si la ligne de Modène-Brisgau, à laquelle ne fut pas tenue la promesse de l'établir ailleurs, qui lui avait été faite d'abord, disparut pour le moment de la liste des familles ré- gnantes, Ferdinand III de Toscane-Salzbourg devenait électeur, puis, par son acte d'accession à la confédération du Rhin (25 sep- tembre 1806), grand-duc dans l'ancien évêché de Wurzbourg, cédé par la Bavière; de plus, la partie la plus importante de son précédent électorat, Salzbourg et Berchtolsgaden, c'est-à-dire la vallée supérieure et moyenne de la Salza, était, avec le titre de duché, incorporé à la monarchie autrichienne ; enfin on avait stipulé pour un prince autrichien, qui fut l'archiduc Antoine, la grande-maîtrise héréditaire de Tordre teutonique, avec la souve- raineté sur Mergentheim et les autres possessions territoriales de l'ordre. En somme, la monarchie autrichienne perdait au traité de Presbourg environ 65,000 kilomètres carrés et un peu plus de 3,000,000 d'habitants ; son chef abdiquait en outre impUci- tement la couronne impériale d'Allemagne, en reconnaissant le titre royal aux souverains de Bavière et de Wurtemberg, et en abandonnant à son sort la noblesse immédiate d'empire. La formation de la confédération du Rhin sous le protectorat de Napoléon P' ne tarda pas à motiver l'abdication officielle aussi de la dignité d'empereur romain : le 6 août 1806, François II,

DES ÉTATS DE t'ErBOPE CEIfTRALE, tS3

B vingt et unième prince de la dynastie fondée par Rodolphe de Habsbourg qui, en qualité d'empereur ou de roi, eût été it la tète du saint-empire romain de nation germanique, se déclara délié de SCS obligations envers le corps germanique et délia de son côté tous les membres de l'empire de leurs devoirs coustitutiou- nels; il n'était plus dès lors que François I", empereur hérédi- taire d'Autriche.

Épuisée par la catastrophe de l'année 1803, l'Autriche observa une stricte neutralité pendant la guerre de la quatrième coalition (!80C-i807), qui réduisità des extrémités bien plus désastreu- ses encore sa rivale, la Prusse ; ce ne fut que lorsque les affaires d'Espagne eurent appelé au loin la majeure partie des armées françaises, qu'on commença à concevoir de nouveau fi Vienne l'espoir d'une restauration de la monarchie dans ses limites anté- rieures. L'armée, réorganisée par !e généralissime archiduc Charles, élail belle et nombreuse; l'Angleterre promettait d'a- bondants subsides et une diversion puissante; oa comptait sur un mouvement national suscité en Allemagne par l'exemple du peuple espagnol ; et après quelques hésitations, on se décida à risquer une nouvelle passe d'armes avec la France, en signant avec le cabinet britannique les traités de la cinquième coalition (1809). L'Autriche, dans celte quatrième guerrecontre la France de 1789, fit des etTorts héroïques, couronnés de succès partiels ; elle finit néanmoins par succomber sous le nombre. En effet Napoléon I" ne disposait pas seulement contre elle des forces militaires de la France, de l'Italie, de la confédération du Rhin, de la Pologne ; il avaii, en outre, l'alliance de la Russie, dont le concours militaire paralysa dès le début une partie de l'armée autrichienne. L'Angleterre, au contraire, ne commença son ex- ]>édition de "Walcbercii que trois semaines après que le coup décisif eût été porté à Wagram ; l'appel adressé par l'archiduc Chariesau peuple allemand dès le 8 avriH809, ne produisit que quelques prises d'armes partielles, sans grande importance mi- litaire, sous le major prussien Schill, sous le colonel westpha- lien Doernberg, sous te duc Frédéric-Guillaume de Brunswick; jit à l'insurrecliou locale du Tyrol, quoique trois fois victo-

454 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

rieuse des Bavarois et des Français, la troisième fois encore an mois d'août 1809, elle fut incapable d'exercer une influence sé- rieuse sur la marche générale de la guerre, et fut finalement étouffée dans le sang des paysans, après la conclusion de la paix de Vienne. La grande lutte se concentra sur le Danube; vain- queur à Eckmuhl au sud de Ratisbonne, le 22 avril 1809, Na- poléon l" entra une seconde fois dans la capitale de TAutriche, le 13 mai; les sanglants combats d'Âspern et d'Essling, livrés sur la rive gauche du fleuve à la hauteur de TUe Lobau (21. 22 mai), laissèrent pour six semaines les choses en suspens ; mais alors la terrible bataille de Wagram, perdue par Tarchiduc Charles le 6 juillet ^ 809 à quelques kilomètres au nord du Da- nube, au milieu de ce même Marchfeld, à l'extrémité orientale duquel Rodolphe V avait fondé cinq siècles auparavant, par sa victoire sur Ottocar II, la grandeur territoriale delà maison de Habsbourg, abattit de nouveau l'Autriche aux pieds du grand ca- pitaine. L'armistice de Znaim (12 juillet 1809) livrait aux troupes françaises toute la moitié occidentale de la monarchie, en môme temps que les Polonais et les Russes occupaient la Galicie entière; après des négociations longues et laborieuses à Altenburg en Hongrie, les plénipotentiaires autrichiens finirent par se soumettre aux conditions de paix dictées par l'empereur des Français , qui furent enregistrées dans le traité de Vienne du 14 octobre 1809.

Ce traité, qu'on appelle aussi la paix de Schoenbrunn,du nom de la résidence impériale Napoléon P' y apposa sa signature le lendemain 15 octobre, imposait à l'Autriche une nouvelle perte de 110,000 kilomètres carrésetde3,500,000&mes. Ausud- ouest, elle abandonnait toutes ses provinces maritimes, la partie du comté de Gorice, qui n'avait pas été précédemment cédée, le comté récemment acquis de Monfalcone, le gouvernement de Trieste, la Garniole entière, la partie supérieure de la Carinthie ou le cercle de Villach,enQn tout le pays situé à droite de la Save, depuis sa sortie delà Garniole jusqu'à la frontière turque,en d'au- tres mots la majeure partie de la Groatie,Fiume et Tlstrie autri- chienne: l'ensemble de ces territoires^ augmenté de Tlstrie et de

la Dalmalie ci-<levaiit vénitiennes, ainsi que du territoire de l'ancienne république de Raguse, fut annexé h l'empire français pour y former les sept provinces illjriennes de Garinthie (chef- lieu Villach), deCarniole [chef-lieu Laibach),d'lstrie (chef-lieu Trioste), de Croatie civile (chef-lieu Karlstadt) , de Croatie mi- liliiire [chef-lieu Karlstadt). do Dalmatie (chef-iieu Zara) el de Raguse (chef-lieu Raguse). A l'ouest, l'Autriche cédait h la Ba vière le duché de Salzbourg et Berclatolsgaden qu'elle possédait depuis le traité de Presbourg, le quartier de l'Inn qu'elle avait usurpé sur sa voisine dans les dernières années du régne de Murie-Tliérôse, et une partie du quartier du Hausruck, qui de temps immémorial faisait partie de l'Autriche au- dessus de l'Enns; de plus, elle acquiesçait, au nom de l'ar- chiduc Antoine, grand-maître tcutoniquo héréditaire depuis la pat\ de 1805, à la suppression de l'ordre dans les états de la con- fédération du Rhin, décrétée par Napoléon à Ratishonne dès le 24 avril 1809. Au nord et au nord-est. quelques enclaves bohé- miennes euLusace passaient à la Saxe; laGalicie nouvelle, occi- dentale ou septentrionale, quelque peu augmentée même aun dépens de laGalicie ancienne, orientale ou méridionale, était abandonnée au duché de Varsovie; enûn un dernier article por- tait que la Russie devait être dédommagée de ses frais d'arme- ment par la cession de 400,000 ûmes, à déterminer à l'amiable dans la Galioie ancienne, sans que cependant son lot pût com- prendre la ville de commerce importante de Brody, et te traité de Léupol ou Lemberg du 19 mars 1810 lui livra en conséquence le cercle de Tarnopol et les districts avoisinants, dans la partie la plus orientale de laPologne autrichienne, au norddu Dniester. Par suite de toutes ces cessions, la monarchie autrichienne ne comptait plus, à la date de l'année 1810, que vingt et un millions d'habitants, répartis sur 512.000 kilomètres carrés. Elle avait successivement renoncé, non-seulement à la Belgique et au Mi- lanais, au Vénitien et à la moitié de la Oalicie, provinces loin- ones ou nouvellement acquises, mais encore à une multitude de lUes possessions héréditaires sur ses frontières occidentales atméridionales ; coupée entièrement de la mer , oii elle avait perdu

1 tona

BlBÙii

456 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

à la fois les ports vénitiens à peine acquis et ses stations séculai- resdeTriesteetdeFiume,elleétaitplusquejamais confinée dans rintérieur du continent européen. Sans doute, malgré la banque- route déclarée sans vergogne en 1 811, son sort était bien préfé- rable encore à celui de la Prusse : le noyau même de l'empire était intact; les trois /?flty5 de la couronne par excellence , T Au- triche, la Bohême et la Hongrie, avaient à peine été entamés; derrière sa nouvelle ligne de frontières, formée au sud par le cours de la Save, à Touest par une ligne presque droite qui cou- rait d*Eger à Klagenfurt, il restait une masse compacte de terri- toires ; mais en face du gigantesque empire français, qui par lui- même ou par ses vassaux Tétreignait de trois côtés, la monarchie des Habsbourg n'en paraissait pas moins condamnée désormais au rôle subordonné d'un satellite de la politique napoléonienne; l'alliance de famille contractée avec la nouvelle dynastie, par le mariage de Napoléon P' avec l'archiduchesse Marie-Louise (H mars-1*' avril 1810), semblait d'aiUeursl'enchatner à jamais à la France. La campagne de Russie et l'insurrection de l'Alle- magne du nord contre la domination française, qui en fut la suite , en décidèrent autrement ; lentement, insensiblement, le cabinet de Vienne, oîi depuis 1809 le comte de Metternich avait pris la direction des affaires étrangères, se détacha de l'alliance française; par une série d'atermoiements, il passa de la coopéra- tion militaire à la neutralité armée, de la neutralité armée à une hostilité déclarée ; et, les circonstances aidant, il finit par reconstituer un empire autrichien plus puissant qu'il ne l'avait été avant ses désastres.

La tactique de Napoléon I" avait consisté de tout temps à ré- compenser ses alliés enleur attribuant une partie de la dépouille des vaincus; c'est ainsi qu'après la campagne de 1809, il avait rémunéré par un léger accroissement de territoire le zèle dé- ployé par le propre frère de l'empereur François I**, l'ancien grand-duc de Toscane devenu grand-duc de Wurzbourg,àfaire marcher ses troupes sous les aigles françaises contre le chef de sa maison ; le traité d'alliance signé à Paris le 1 4 mars 1812 en- tre la France et l'Autriche, en vue de la guerre de Russie, s'ins-

DES ÉTATS DE l'EUBOPE CEKTRAIE. 457

a desmfimes principes. Contre la promesse d'un corps auxi- ure de 30,000 hommes, l'empereur des Français laissait espé- a beau-père la restitution des provinces illyriennes en sbaiige de la partie de la Galicîe qui pourrait être réunie k un futur royaume de Pologne, et il s'engageait de plus à lui fournir des indemnités et des agrandissements de territoire <( qui non- seulement compenseraient les sacrifices et charges de sa coopé- ration dans liiguerre, mais qui seraient un monument de l'union intime et durable des deux souverains». Malgré ces perspectives (laiteuses, les hommes d'état de Vienne ne s'engagèrent qu'avec hésitation dans la grande aventure; Us avaient stipulé pru- demment que l'armée autrichienne ne pourrait être divisée, qu'elle formerait toujours un corps distinct et séparé ; ils lui avaient donné comme général, un autre Fafiius Cunclalor, le prince de Schwarzenberg. Celui-ci se contenta, pendant la campagne de 1812, de démonstrations militaires en Volhynie, assez analogues h celles que l'armée russe avaîtfailcs en Galicie en 1809; il se bâta, à la nouvelle de la catastrophe ae la grande ar- mée, de se replier sur Varsovie; et le 23 décembre 1812 il se faisait autoriser par le roi de Naples, représentant de l'empereur des Français, à conclure avec les Russes un armistice, dès lors définitif, quoique tacite et non écrit. L'hiver et le printemps de 1813 se passèrent en armements : l'Autriche, sans répudier en- core l'alliance française, prêtait une oreille de plus en plus com- plaisante aux ouvertures de ta Russie, de la Prusse et de l'An- gleterre, de se poser en puissance médiatrice. Après les batailles de Lutzen etde Bautzen, suivies de l'armistice de Poischwilz (5 juin 1 81 3), elle fit un pas de plus : M. de Metternich, qui ne s'était pas laissé intimider par les violences de langage de Napo- léon dans sa fameuse audience du 28 juin, obtintdeuxjoursplus tard, par la convention de Dresde du 30 juin 1813, que l'empe- reur des Français acceptât officiellement à son tour, comme l'a- vaient déjà fait les puissances engagées dans la sixième coalition, la médiation autrichienne pour la paix, soit générale, soit conti- nentale, et l'ouverture d'un congrès à Prague. L'intention du cabinet autrichien de profiter des embarras de Napoléon, pour

4:»> UFTOIRE DE LA FORMATION TEBBITORIALB

récupérer au moins en partie les pertes des dernières années, était dès lors évidente; mais il poursuivait son but avec unepru- denoe cauteleuse; tout en dénonçant Talliance française au mo- m{*nt s'ouvrirent les conférences de Prague, il protestait so- lennellement que ce n'était que pour y figurer avec plus d'impar- tialité. Et ces tergiversations n'étaient pas un simple jeu; on samt à Vienne tout ce qu on risquait à s'engager dans une cin- qi:è'jae çuerre contre la France ; on n'aurait pas mieux demandé iiu«? d obceciirdie>concessionsacceptables sans avoir à tirer Tépée; jusquiu denier Jour on refusa de prendre des engagements for- ni'f ls ivec ie^ coiilisés. Mais les lenteurs calculées de Napoléon, '^^ :re ^ctLaic pas croire à une défection complète de rAutrichc, empécîwcfDt toute négociation sérieuse de s'ouvrir à Prague ;i»:inc reipiriùon de l'armistice; le 10 août 1813, au coup de oiiUuic. les ministres de Russie et de Prusse, sûrs dès lors de r-jcws^oa de l'Autriche à la coalition, déclarèrent le congrès <£ls^us: le lendemain, 11 août, M. de Metternich annonçait aux ^îeui{^>ceutiaires français que ses fonctions de médiateur étaient fr.»rmith?es; vingt heures plus tard (12 août) il leur notifiait que L'.Vi:riche joignait ses forces à celles des alliés. Le reste, on ne le Sdi* v^ue trv^p : Napoléon P' gagna une dernière grande bataille à ft>,^>do ^26.27 août 1813); mais les défaites de ses lieutenants, ee tK>hénie, en Silésie, en Brandebourg, lui arrachèrent le prix lie Ni \ iotoire ; la bataille des peuples de Leipzig (16.18.19 oc- 5l»wv 1813) entraîna l'expulsion des Français de TAllemagne ; i&Lu^ les derniers jours de novembre, le premier empereur hé- tvdiuire d'Autriche refaisait, à vingt et un ans de distance, une Hwade entrée dans la ville impériale de Francfort, il avait ^kfciU été chercher la couronne du saint-empire; puis, quel- ^^ne^ mois plus tard, chose tout autrement inouïe, il entrait^ «\\V ses alliés, dans la capitale de la France épuisée par ses vie-

li'Autriche avait moins fait qu'aucune des autres grandes M^kf^ucos européennes pour amener la chute de Napoléon I'^ llM*«»lle avait jeté dans la balance l'appoint décisif. Aussi, de iulliio que pondant la guerre c'était le feld-maréchal autrichien

SRS ËTATS DE L'BDBOPE CeNTRAlE. 4{HI

inœ de Schwarzenberg qui avait porté le titre et exercé les fonctions de généralissime des forces coalisées, ce fut au mi- nistre des affaires i^itrangères autrichien, dorénavant prince de Melternich, que revint l'honneur de diriger les délibérations du congrès réuni, dans la capitale même de l'Autriche, pour pro- céder à la réorganisation territoriale du continent, conformé- ment aux bases posées dans le traité de Paris du 30 mai 18! 4, par lequel l'Europe victorieuse avait réduit la France h ses an- cicnneâ limites : la cour de Vienne en proQta pour stipuler au mieux de ses intérêts particuliers. Dès le début de la guerre, il avait été convenu entre les puissances coalisées que la monarchie autrichienneserait reconstruite sur l'échelle la plus rapprochée possible de celle elle se trouvait en ISOS ; il s'agissait main- tenant d'obtenir ce résultat dans les conditions les plus favo- rables, tout en tenant compte des positions prises el des faits accomplis pendant la guerre.

Du côté de la Pologne, il n'y eut point de difficultés. L'Au- triche était consentante à la transformation du duché de Var- sovie en un royaume polonais au profit du czar Alexandre l" ; elle ne reprit par conséquent que les districts de la Galicie orien- laift ou ancienne cédés au duché de Varsovie et à la Russie par le traité de Vienne et la convention deLembergdes années 1809 et 1810, en renonçant à la Galicie occidentale ou nouvelle, qu'elle n'avait possédée que depuis 1795 jusqu'en 1809. Le tout fut réglé par un traité signé à Vienne le 3 mai 1815 par les plénipotentiaires russes et autrichiens, et le congrès n'eut qu'à enregistrer les arrangements pris entre les deux puissances.

Le lot de l'Autriche en Italie put également être réglé d'une manière définitive par l'acte final de Vienne du 9 juin 181ii. Les troupes impériales, après avoir chassé les Français des pro- vinces illyriennes, l'avaient envahie di'^ la fin de 1 813 ; le vice- roi Eugène Beauharnais leur avait opposé une courageuse résistance, prolongée, malgré la défection de Murât, plus loiig- Ip.mps que celle de Napoléon lui-mérne; ce n'était que le 16 avril 1814 qu'il avait signé, en avant de Manloue. l'armistice par

[Uel il s'engageait à renvoyer au delfi des Alpes les troupes

460 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

françaises sous ses ordres. A ce moment, il se flattait en- core de Tespoir de conserver pour lui-même la couronne d'Italie, en restant à la tète des troupes italiennes ; mais il n'avait pas tardé à éprouver la versatilité populaire : Milan soulevée aux cris de « Vive la patrie, mort aux Français ! » avait mis en fuite son sénat et massacré un de ses ministres (20 avril 1814). Quel- ques jours après, les Autrichiens entraient dans la capitale de la Lombardie, et une députation envoyée en toute hâte à Paris pour demander un royaume italien sous un archiduc, recevait de François P' la réponse catégorique, « qu'il était Italien, qu'il avait conquis la Lombardie par les armes, et qu'il enverrait ses ordres à Milan » ; ces ordres s'étaient bientôt traduits par une prise de possession solennelle (23 mai 1814). Le congrès aban- donna sans nulle hésitation à l'Autriche toute l'Italie du nord- est, entre le Tessin, le et l'Adriatique, laquelle, sauf le Tyrol méridional uni de nouveau à la partie septentrionale du pays, fut constituée en un royaume lombard-vénitien par lettres-pa- tentes impériales du 7 avril 1 815 ; la décision à cet égard était antérieure de plusieurs mois à l'épisode des Cent-Jours et à l'in- termède moins sérieux de la campagne de Murât en Italie. Par contre il lui refusa, après comme avant la prise d'armes du roi deNaples, les légations pontificales; elle dut se contenter de la petite partie du Ferrarais au nord du Pô, et du droit de gar- nison à Ferrare et à Comacchio.

En Allemagne, la nouvelle délimitation de la monarchie au- trichienne fut beaucoup plus longue et plus pénible à établir. Le cabinet de Vienne avait tout d'abord renoncé à reprendre les anciennes possessions habsbourgeoises aux Pays-Bas et en Souabe; mais il tenait h récupérer les provinces plus voisines, adhérentes au tronc même de la monarchie, qui avaient passé entre les mains de la Bavière pendant la période napoléo- nienne ; or la Bavière s'était engagée par le traité de Ried près Braunau, signé le 8 octobre 1813 entre le général au- trichien prince de Reuss et le général bavarois comte de Wrede, à faire les cessions qui seraient jugées nécessaires, mais elle avait stipulé en retour l'indemnité kt plus complète, et cette

DSS ÉTATS DE LEUROPS CENTRALE. Ml

indemnité complète, on ne parvint pas à la trouver : de Hi, des négociations extrêmement compliquées, qui remirent en fin de compte l'Autriche en possession d'à peu près tout ce qu'elle ré- clamait, mais sans la dégager entièrement de sa parole. Déjà avant la réunion du congrès, une convention secrète conclue h Paris le 3juin 1814 lui avait valu la rétrocession immédiate du Tjrol Iiavarois et du Vorarlberg, en échange de Wurzbourg et d'Aschaffenbourg qui se trouvaient entre ses mains par l'ab- dication de leurs souverains, l'ancien grand-duc de Toscane et l'ancien électcur-archichancelicr; mais celle des quartiers de riun et du Hausruck d'une part, du duché de Salzbourg et Berchtolsgaden d'autre part, dut être renvoyée au congrès à cause des dédommagements à procurer à la Bavière aux dépens d'autres princes allemands, et ne put être insérée dans l'acte final de Vienne par suite de l'opposition de ceux-ci. L'instrument diplomatique du 9 juin 1815 attribua donc provisoirement à l'Autriche le solde des territoires disponibles, sur les deux rives du Rhin, dans les anciens départements de la Sarre, du Mont- Tonnerre, de FuJde et de Francfort, sauf à elle à s'arranger avec la Bavière. Des promesses formelles d'un complément d'indem- nité déterminèrent en effet la Bavière à échanger, par le traité de Munich du 14 avril 1816, les provinces réclamées par l'Au- triche contre ce solde de territoires vacants ; mais la diplomatie autrichienne avait promis plus qu'elle ne put tenir, et, de guerre lasso, elle tâcha de se dégager de toute responsabilité ultérieure relativement à la non-exécution du traité de Ried selon sa teneur complète, par une déclaration d'impuissance, qu'elle fit insérer au recez général de la commission territoriale de Francfort du 20 juillet 1819. De son cOté la Bavière, profi- „janl de ce que son traité avec l'Autriche avait négligé de stipuler ^nâ termes exprès la rétrocession de Berchtolsgaden en même r^mps que celle de Salzbourg, refusa obstinément de se des- saisir de ce petit pays, et l'a gardé jusqu'aujourd'hui. Voilà pour la marche des négociations relatives à la reoou- I fliruction de la monaichie habsbourgeoise; il reste à mieux pr6< r sa constitution territoriale nouvelle, telle que l'établissaient

46^ HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

les traités de 1815 et des années suivantes, en la comparant à ce qu'elle avait été au début et pendant le cours des guerres de la Révolution et de TEmpire. L'Autriche renonçait à la fois à ses anciennes possessions aux Pays-Bas, en Souabe, en Brisgau et dans les Grisons, à la Galicie nouvelle, occidentale ou septentrio- nale, usurpée au troisième partage de la Pologne, et à Tançienne prévôté de Berchtolsgaden, que lui avait momentanément value la paix de Presbourg. Elle récupérait d'un côté les provinces illy- riennes, le Tyrol tant allemand qu'italien, le Vorarlberg, les quartiers de l'Inn et du Hausruck, le Milanais et le Mantouan, et les districts momentanément distraits de la Galicie ancienne ou orientale, qu'elle possédait déjà avant 1792; de Tautre, les provinces vénitiennes et les anciens évêchés ou archevêchés de Brixen, de Trente et de Salzbourg, qui lui avalent été momen- tanément assignés, conune indemnités, par les traités de 1 797, de 1802 et de 1805. Enfin elle acquéraltàneuf le reste du Vénitien, sauf les tles ioniennes; les vallées de Ghiavenna, de la Valteline et de Bormio, anciens pays sujets des Grisons, incorporés àritalie depuis 1797; quelques lambeaux de territoire, ci-devant posses- sions du saint-siége ou des ducs de Parme, situés sur la rive gauche du ; et, en dernier lieu, le domaine de l'antique république de Raguse, que Napoléon I" avait occupé en 1806 et réuni en 1809, avec ses 56,000 habitants, aux provinces illyrlennes.

Au total, au lieu des 2i millions d'habitants qu'elle comptait en 1792 sur 640,000 kilomètres carrés, la monarchie autri- chienne présentait en 181 5 une population de 28 millions d'âmes répartie sur 668,000 kilomètres carrés. L'ancienne dispersion et dissémination des territoires habsbourgeois avait disparu ; il n'en restait qu'un unique exemple à l'extrémité méridionale de Tempire, oîi une double solution de continuité interrompait (et interrompt encore) le littoral dalmate, parce que, à l'exemple de Napoléon 1", l'Autriche a respecté les droits souverains de la Porte sur les deux langues de terre de Klek et de la Sutto- riiia, que les Ragusains cédèrent autrefois au sultan, au nord et au sud de leur territoire, pour éviter tout contact direct avec leur dangereuse voisine, la république de Venise. Enfin toutes

BES ÉTATS DB l'EUnOrc CEUTBALB. ÎAS

\ provinces réunies sous le sceptre de François 1" l'appelaient dorénavant du mi^ral^ titre supérieur d'empereur héréditaire d'Autriche, et une simplification relative avait eu lieu dans leur longue nomenclature parla création, au moyen des pays ita- liens, d'un royaume lombard-vénitien ou royaume de la cou- ronne de fer, et par la réunion de In Carintliie, de la Carniolc et de rifitrie en un royaume d'IUyrie.

Quelques mots encore sur les décisions du congrès devienne, relativement aux secundo-fçénitures habsbourgeoises enltalie, et ^^ la position de l'Autriche en Allemagne, ^■i Les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla n'étaient ^Bae viagèrcment attribués à l'archiduchesse Marie-Louisr, ci- ^aevant impératrice des Français, et réservés pour l'avenir k leurs anciens souverains bourboniens, provisoirement établis à Lacques; mais l'Autriche, par le traité de Paris du 10 juin (817, obtenait droit de garnison à Plaisance et sauvegardait son droit d'expectative sur les trois duchés en cas d'extinction de la ligne des infants, selon la teneur de la paix d'Aix-la-Chapelle de 1 748. Les héritages des Médicis et des Este au coniraire étaient restitués sans restriction îi deux archiducs : Ferdinand 111, le Uls puîné de l'empereur Léopold II, tour à tour électeur de Salz- bourg et grand-duc de Wurzbourg par la volonté du premier consul et de l'empereur des Français, redevenait grand-duc de Toscane, avec les présides toscans en plus, sans compter l'ex- pectative de Lucques, qui revint en efTet en 1847 à son fils Léo- pold II, par l'abdication des Bourbons de Parme, avant miima que la mort de Marie-Louise eût mis ceux-cî en possession de leur principauté patrimoniale ; et François IV, le fils de l'archi - duc Ferdinand et de Marie- Béatrice d'Esté, reprenait les duchés 3 Modène, Reggîo et Mirandole, auxquels vinrent s'ajouter de- pis Massa et Carrare à la mort de sa mère (1829), et Guastalla r suite d'une rectification de frontières avec les pays voisins 1847).

iQuant à l'empire d'Allemagne, nous avons dit ailleurs que

mpereur François I" s'était refusé, sans la moindre hésitation,

fen demander le rétablissement; mais nous avons vu aussi que

464 fOUËÀTlON TBBBITOaiALB DES ÉTATS DB L'bUBOPB CBHTIAIB.

TÂutriche s'était attribué la présidence de la diète germanique de Francfort ; ajoutons, qu'en entrant dans la nouvelle confédé- ration avec toutes ses provinces anciennement d'empire, die les mettait toutes sous la garantie militaire de ses confédérés alle- mands, malgré leur nationalité en partie slave et italienne. Ces provinces, d'après Tacte fédéral du 8 juin 1815, commenté par le protocole autrichien du 6 avril 1818, étaient rAutriche, le Sfidzbourg, la Styrie, la Garintbie, la Gamiole, Gorice et Gra- disca, l'Istrie anciennement autrichienne avec Trieste, le Tyrol et le Vorarlberg, la Bohème, la Moravie, la Silésie autrichienne et les duchés d'Âuschwitz et He Zator en Galicie.

La monarchie autrichteuue,reconstituée au congrès de ViennejJ formait pour la première fois un tout compacte sur la carte, de- puis le lac de Constance et les bords du Pu jusqu'aux collines du Dniester et du Bug, et depuis les frontières de la Turquie jus- qu'aux sommets des monts des Mines. Le Tyrol et le royaume Jombard-vénitien s'intercalaient, il est vrai, assez loin au sud- ouest entre la Petite- Allemagne et les états italiens, et laDal- matie se prolongeait au sud comme une étroite bande de terre entre la mer Adriatique et l'empire ottoman ; mais l'ancien mor- cellement avait disparu, toutes les provinces se tenaient et se défendaient mutuellemeutj et, sauf le peu d'étendue des côtes, le lotissement topographique du nouvel empire autricliien était presque îrréprocliablo. Il n'en était pas de même, tant s'en faut, au point de vue des populations qui habitaient les vastes états. Conservés, repris ou nouvellement acquis par la dynastie des Habsbourg; à cet égard, l'absence de cohésion, mal invétérée de la monarchie autrichienne, persistait autant que jamais. Les peuples réunis sous le sceptre impérial différaient h l'infini par les origines, par la longue, par les mœurs, par les institutions ; on peut dire qu'en dehors de la religion catholique, que profes- sait et que professe la très-grande majorité d'entre eux, ils n'a- vaient en commun que la personne et le service de l'empereur. L'empire, dont un tiers appartenait à la confédération germa- nique, tandis que les deux autres tiers lui restaient étrangers, «composait d'une multitude de royaumes, de duchés, de prin-

L

466 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

cipautés, de margraviats et de comtés, plutôt juxtaposés que réunis ; certains de ces pays de la couronne avaient conservé des privilèges particuliers, des formes représentatives qui re- montaient au moyen âge, et, si les états provinciaux du Tyrd par exemple n'étaient qu'un embarras, la diète de Hongrie créait un état dans Tétat, et un état qui exigeait d'autant plus de mé- nagements que la couronne de saint Etienne, en dehors de la Hongrie proprement dite, comprenait aussi la Transylvanie, l'Ësclavonie et la Croatie. Un péril beaucoup plus grand encore que cette constitution politique intérieure si diverse, résultait de l'antagonisme des grandes races qui se partageaient la monar- chie ; les Allemands, les Madgyars, les Italiens, les Roumains, les Slaves, qui eux-mêmes se subdivisaient en Tchèques et Slovaques, Polonais et Ruthènes, Windes, Croates et Serbes, avaient tous des mœurs, une langue, un degré de civilisation différents, et ne se rencontraient qu'en un seul point, la préten- tion à une administration nationale.

Gouverner une conglomération de pays et de peuples si peu homogènes, était en soi-même une œuvre fort difficile ; elle l'était doublement au milieu des complications de la politique euro- péenne, alors qu'il s'agissait à la fois de tenir en respect l'esprit nouveau de la Révolution française, de contenir l'Allemagne et l'Italie, de protéger l'empire ottoman, seul voisin qui ne fût pas un danger permanent, et de faire face tour à tour à la Prusse, à la Russie et k la France. Le prince de Metternich, ministre tout- puissant de François P^ et de son fils Ferdinand I*', qui lui suc- céda en 1835, y réussit longtemps, en se faisant au dedans et au dehors le défenseur obstiné du staiu qiio; au dedans, il n'admit même pas l'idéed'uneréformedansle sens libéral moderne, et l'on a gardé le souvenir de la naïve réponse de François I" à unedépu- tation hongroise : u Totus mundus stulHsat et quœrii consUtutio- nés imaginarias n; au dehors, il ne songea qu'à maintenir l'ordre de choses créé par les traités del815, sauf à en profiter pour éten- dre l'influence autrichienne en Italie et en Allemagne. Gr&ce à ce ystème poursuivi avec une rare conséquence, l'Autriche se main- tint en équilibre pendant trente-trois ans, malgré les ferments

BES ÉTATS ns t'BBItOPE CBSTBALE. Ifl7

b dissolution qui la travaillaient, et malgré tes secousses qui à plusieurs reprises vinrent ébranler le monde européen. Le gou- vernement central, greffé sur un faisceau d'administrations pro- vinciales particulières, sut maintenir les nalionalilés les unes par les autres et réprimer leurs aspirations d'indépeudance, tantôt par la ruse et tantôt par la force j en Bohôme et en Hon- grie, il paralysa avecraidedesintérôts opposés le /c^^y«isj«e des fi!rauds seigneurs et le madgijarisme des démocrates ; en Lom- bardie ol en Galicie, il terrorisa les classes élevées de la société par les exécutions et les jacqueries. En même temps, pour mieux erapêchop les mouvements révolutionnaires de pénétrer chez elle, l'Autriche pesait lourdement sur les pays voisins ; en Allemagne, elle sévit au moyen de la diète de Francfort, son docile instru- ment, contre les sociétés secrètes, contre la presse, contre les chambres électives, voire contre les gouvernements confédérés réputés irop libéraux ; en Italie, elle fut toujours prête ù inter- venir entre les princes et les peuples, occupa en 1821 le Piémont et Naples, en 18J1 et 1832 les légations pontificales, Parme et Modènc, et fit signer successivement àtoutes les dynasties habs- bourgeoises et bourboniennes de la péninsule, des traités par lesquels elles s'engageaient formellement à ne pas suivre une politique contraire aux principes du gouvernement impérial ; en i'ulogne enfin, après les troubles de la Galicie, elle se fit auto- riser par les deux autres puissances copartageantes, à mettre fin & l'existence autonome du dernier vestige de la glorieuse répu- blique d'autrefois, et s'incorpora, le 6 novembre 1846, la ville deCracovie avec son territoire de 12 ou 1 ,300 kilomètres carrés, iiu mépris des traités de Vienne, qui le 3 mai I81S l'avaient constituée en ville libre sous le protectorat des trois puissances du Nord.

Mais le système tant vanté de M. de Metternich ne dura même pas aussi longtemps que lui, et su chute, au lendemain delà révolution de Février (13 mars 1848), mil k nu le peu de consistance de la monarchie aiitricliiennc. Ailleurs, les gouver- nements seuls étaient renversés ou menacés; eu Autriche, Bii'eaistence même de l'état se trouva mise en question; pay»_

468 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOaiALE

allemands, pays hongrois, pays slaves, pays italiens eurent, à tour de rôle ou simultanément, leurs révolutions particulières, à la fois parallèles et contradictoires, parce que c'étaient bien moins des dissentiments politiques que des querelles de races qui en étaient la cause principale. Les derniers jours du règne de Ferdinand ?' et les débuts de celui de son neveu François- Joseph P% un jeune homme de dix-huit ans en faveur duquel il abdiqua le 2 décembre 1848, rappellent d'une manière frap- pante, mais dans des proportions beaucoup plus considérables, Tépoque désastreuse Ferdinand II avait succédé à Mathias ; et cette fois-ci encore, comme en mainte circonstance antérieure, comme plus particulièrement à ce moment critique du commen- cement de la guerre de trente ans, l'empire des Habsbourg échappa au naufrage : il fut sauvé par l'armée, qui, elle, ne connaissait que l'empereur et le culte du drapeau, et gr&ce à la situation générale des affaires européennes, qui motiva l'absten- tion de la seconde république française et l'intervention armée du czar de Russie.

Les mouvements des provinces allemandes et tchèques tirèrent le moins à conséquence. Ferdinand P' leur avait promis une constitution dès le 15 mars 1848, et dans l'attente de sa promul- gation les deux capitales. Vienne et Prague, étaient sous le coup d*une agitation continue ; à Vienne, l'émeute, victorieuse le 15 mai, resta maîtresse du terrain par la fuite de l'empereur à Innsbruck (17 mai) ; à Prague, un congrès des populations slaves, ouvert le 2 juin, ne tarda pas à dégénérer en assemblée révolutionnaire. Mais le prince de Windischgraetz maîtrisa à coups de canon la métropole bohémienne (12 à 14 juin), et le mouvement séparatiste tchèque se trouva étouffé dans son germe ; par contre-coup, un certain ordre se rétablit même à Vienne. Restait cependant la question constitutionnelle, que devait résoudre une diète constituante autrichienne réunie à Vienne le 2 juillet, en même temps qu'à Francfort les députés que les pays allemands de la monarchie avaient envoyés au pa^ iement constituant allemand, et avec eux l'archiduc Jean en sa qualité de régent de l'empire d'Allemagne, étaient chargés de

^P DBS tTATS BR L'EUBOPE CENTtAWÎ. 4B9

^^«rticiper à la réorganisation de la gronde patrie allemande. A \lenne, moins encore qu'à FrancforI, on n'arriva à aucun résultat pratique; de nouveaux désordres ensanglantèrent les rues et donnèrent le prétexte désiré pour en finir par les armes ; le 31 octobre, Windischgraelz et Jellachicli prirent la ville d'as- saut; la diète fut transférée h Kremsioren Moravie, puis dis- soute; et la constitution octroyée le 4 mars 1849 par le nouvel empereur ne fut jamais mise en vigueur.

Le soulèvement de l'Italie autrichienne fut plus sérieux et menaça naomentanémenl l'intégrité de la monarchie. Les popu- lations urbaines du Lombard-Vénitien, depuis longtemps mûres pour l'insurrection, s'y jetèrent huit jours après les pre- miers troubles de Vienne ; Venise conquit sa liberté sans combat (21 mars 18i8) ; Milan expulsa les troupes impériales après uns 1] lutte acharnée (18 h 22 mars), et appela le roi de Sardaigne, 1 Charles- Albert, qui venait de lancer sa déclaration de guerre \ contre l'Autriche (23 mars) ; déjà Modène avait chassé son archi- j duc ; le grand-duc de Toscane n'évitait pour le moment un sort pareil que grâce à la constitution qu'il avait promulguée dès le n février. Mais le vieux feld-maréchal Radetzky se cramponna à la ligne militaire de l'Adige, à l'abri du fameux quadrilatère formé par les quatre forteresses de Vérone, Legnano, Mantouo et Peschiera; il renforça son armée, pendant que le ministère viennois négociait à Londres et allait jusqu'à offrir la cession de la Lomhardie proprement dite et l'administration à part du Vénitien (mai 1848); puis il reprit l'offensive, soumit le Vénitien (juin), battit les Piémontais sur le Mincio (fin juillet), et rentra il Milan le 6 août 1818. L'armistice Salasco le laissa en posses- sion du Lombard- Vénitien et du Modenais, à l'exception de la seule Venise, et lorsque au printemps suivant Charles-Albert voulut encore une fois tenter le sort des armes, la bataille de Novare termina la guerre à l'avantage de l'Autriche, quatre jours seulement après la reprise des hostilités (23 mars 1849). L'attitude de la France couvrit le Piémont ; mais les troupes autri- chiennes occupèrent sans coup férir Bologne, Ancône, la ToS-

^Lttnc (que le grand-duc avait quitter au mois de février), et

470 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

le 28 août 1849 Théroîque Daniel Manin était lui-même obligé de capituler dans Venise affamée. La domination autrichienne se trouva rétablie dans Tltalie septentrionale; mais plus que jamais elle ne reposait que sur la force brutale.

En Italie, TAutriche avait triomphé par elle-même ; pour réduire à l'obéissance la Hongrie révoltée, elle fut obligés d'ac- cepter le concours militaire de la Russie. Les idées démocratiques et séparatistes à la fois, que représentait le grand agitateur Louis Kossutb, s'étaient fait valoir à la diète hongroise dès les dernières années du règne de M. de Mettemîch ; elles triomphè- rent en 1848, et la cour de Vienne, au milieu du désarroi géné- ral, accorda de fait la séparation, en nommant un ministère nongrois responsable à la diète. Mais alors les Madgyars, la race prépondérante , voulurent imposer leur domination et Jeur langue, non-seulement aux Slaves, aux Allemands et aux Rou- mains de leur propre pays, mais encore à ceux des autres royaumes et principautés de la couronne de saint Etienne ; et aussitôt une affreuse guerre de races s'engagea de tous les côtés. Les Serbes du Banat et de la Bacska (que soutenaient leurs frères les Serbes tributaires de la Porte), les Esclavons et les Croates en masse, les Roumains et les Saxons de la Transylva- nie se prévalurent de leur fidélité au gouvernement central pour prendre les armes contre les Madgyars, et l'on put dire, par une plaisanterie aussi triste que vraie, que le roi de Hongrie se fai- sait la guerre à lui-même en sa qualité de roi de Croatie, tout en restant neutre comme empereur d'Autriche. Cette neutralité apparente ne fut pas d'ailleurs de longue durée ; quoique les formes extérieures d'obédience eussent été jusque-là respectées à Pesth, un manifeste royal prononça le 3 octobre 1848 la disso- lution de la diète hongroise ; celle-ci refusa de se séparer et élut Kossuth président du comité de la défense nationale. En réponse à cette manifestation, Windischgraetz, le vainqueur de Prague et de Vienne, envahit la Hongrie pendant l'hiver de 1848 à 1849; mais il fut obligé de battre en retraite devant la levée eii masse hongroise, et alors à Debreczin, en plein pays madgyar, la diète prononça solennellement la déchéance de la maison de

DBS éTATfl SE L'BDROPB CEItTIULe.

471

kbsbourg et proclama Kossulh dictateiir(14 avril 1849). L'Au- triche, fa bout d'efforts, commençait à désespérer de vaincre à elle seule les Hongrois; elle se résigna à accepter l'aide du czar Nicolas 1°% lui-même effrayé pour la tranquillité de la Pologne. Les armées hongroises, prises entre les forces écrasantes qui s'avançaient à la fois par les Karpathes et le long du Danube. ne purent, à force d'héroïsme , que prolonger de quelques semaines leur résistance désespérée ; Kossuth se réfugia en Tur- quie ; Goergey capitula à Vilagos, au nord de la Maros, le 13 août 1849, et la dernière forteresse du pays, Comorn, ouvrit à son tour ses portes le 27 septembre 1 849. La Hongrie était subjuguée elle aussi. et de nombreuses exécutions signalèrent le rétablissement de l'autorité impériale; l'opinion publique de l'Europe fut surtout blessée de celle du président du premier ministère particulier hongrois, comte Louis Batthyanyi, qui s'était toujours opposé à une séparation absolue de la Hongrie d'avec la monarchie autrichienne.

En apparence, l'Autriche sortait plus forte que jamais de ce cataclysme, qui avait menacé d'engloutir à jamais la monarchie des Habsbourg. Le nouveau premier ministre, prince Félix Schwarzenberg, qui n'avait plus à compter avec la diète hon- groise supprimée, qui se donna même la facile satisfaction d'abolir officiellement par les lettres-patentes du 31 décembre 1831 la constitution mort-née du 4 mars 1849, inaugura au dedans un régime d'absolutisme pur etd'administration unitaire, que ses successeurs politiques, quand il mourut en avril 18112, crurent fortiûer encore, en affichant dans le concordat du 18 août iSao les principes de l'orthodoxie la plus rigoureuse. En même temps on poursuivait au dehors une politique à outrance, des- tinée à remettre en pleine vigueur la suprématie autrichienne dans l'Europe centrale et méridionale ; eu Allemagne, la Prusse fut profondément humiUée par le rétablissement pur et simple de la confédération germanique, et pour la première fois depuis la guerre de trente ans une armée impériale pénétra jusqu'à la Baltique pour rétablir dans le Holstein l'autorité du roi de Dane- mark ; en Italie, à l'exception de la Sardaigne, qui réussit A

479 BISTOIBB DB LA FOBKATIOH TERUTOaULB

grand'peine à maintenir sa politique nationale et cnnâlitutiob nelle, tous les gouvernements, grands et petits, se subordoij nèrent complètement à la politique autrîchienne,dans le triompli de laquelle ils voyaient avec raison le page de leur propre s rite. Quant aux ombres du tableau, l'absence d'alliances su en Europe et la haine non déguis<!'e des populations lonibfirila et hongroises de l'empire, on s'en inquiétait peu à Vienne, parc qu'on avait une armée aguerrie et fidèle de près de fiOO,0 hommes; et cependant, ne fût-ce que parce que cet étal mililaif» excessif dévorait la majeure partie d'un budget toujours» en dé* ficit, et que ta dette augmentait d'année en année dans des pra portions effrayantes, la situation de la monarchie était de natu à exciter vivement les préoccupations d'hommes d'état plus prt voyants,

La guerre d'Orient de l'année 1854 dévoila pour la premiil fois combien la position de l'Autriche était au fond difficile 6 embarrassée. Elle parvint, il est vrai, à la traverser s combre en s'alliant à la France et à l'Angleterre, sans prendra les armes contre la Russie ; mais sa conduite ambiguë, ses ai gociations équivdques, ses arrière-pensées supposées à l'egai delà Valachie et de la Moldavie qu'elle avait momeiitanémeO occupées, mécontentèrent également les deux parties, congrès de Paris qui mit Sn à la guerre, le Piémont fut, malgré sa protestation, autorisé à soulever contre elle la question de U uationalité italienne (8 avril 1836). Quelques années plus lard les sjmiMithies de l'empereur Napoléon III pour la cause i l'Italie se manifestèrent au grand jour le 1" janvier 1 859, et \ ministre dirigeant de la Sardatgne, comte Camille de Cavûui dont l'habile politique, àlafois libérale et nationale, avait d^ni longtemps pour objectif principal de rendre intolérables les r ports entre le gouvernement autrichien et ses sujets du rojauBO lombard-vénitien, sut si bien exaspérer le cabinet de Vienul que le 22 avril 1859, il adressait à celui de Turin un ultimata menaçant, suivi au bout de quelques jours de l'invasion du Pii mont. Aussitôt l'armée française accourut, et gagna Icsbatailli de Magenta et de Solférino (iet2ijuin 1859); l'AulricbeDed

riES ÉTATS DE t'EtniOPE CESTHALE. 473

'aux arroements delà Prusse el de la confédération germanique le ne pas perdre du coup la totalité de ses possessions italîetines.

Le désir de l'empereur des Français d'éviter une guerre euro- péenne, la crainte des hommes d'état autrichiens de voir la di- rf'ction militaire de l'Allemagne passer à la Prusse, facilitèrent la prompte conclusion despréiiminairesde Villafrancall 0. 1 1 juil- let 1 859), qui abandonnèrent ù la Krance, c'est-à-dire à la Sar- daigne, le pays lombard sauf Mantoue et Peschiera, el stipu- lèrent par contre que les deux archiducs souverains à Florence et û Modènc, qui avaient fui leurs états pendant la guerre, y seraient réintégrés, sous la seule condition qu'ils entreraient, ainsi que l'empereur d'Autriche lui-même en sa qualité de sou- verain du Vénitien, dans une future confédération italienne. Mais en dépit des efforts de la diplomatie française, et quoique la paix de Zurich eût reproduit textuellement les conventions de Villnfrancafl 6 octobre 1859), cette confédération italienne n'entra pas dans le domaine des faits ; les populations de la Toscane et du Modénais, qui s'étaient annexées au Piémont dès le mois d'août 1859, refusèrent de revenir sur leur vote, et furent défi- nitivement incorporées à la monarchie sarde (mars 1860). Par suite, les archiducs ne furent pas restaurés, et l'Autriche garda comme parties intégrantes de la monarchie la Vi^nétie entière et le formidable quadrilatère des forteresses du Mincio et de l'Adige ; mais la conquête des Ueux-Siciles faite par Garibaldi au profitde Victor-Emmanuel II, et la constitution d'un royaume d'Italie comprenant la péninsule presque entière qui en fut la conséquence (mars 1861), ne tardèrent pas à empirer encore sa

lition au delà des monts ; en présence de cette autre Prusse, ichéeàses flancs, il ne s'agissait plus dorénavant pour elle de disputer l'hégémonie de la péninsule italique ; il s'agissait de savoir si elle réussirait à conserver les dernières possessions qu'elle y détenait encore, ou si celles-ci passeraient h leur tour au royaume national qui les revendiquait ouvertement.

Au lendemain du désastre militaire de 1839, qui coûtait à l'empire d'Autriche 20,000 kilomètres carrés et deux millions

demi de sujets, et enlevait de plus à la dynastie des Habsbourg

Kta.

t:

474 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

les deux duchés de Toscane et de Modène, la cour de Vienne re- vint enfln des illusions qu'elle s'était faites sur la solidité du système unitaire et absolutiste qu'on appliquait depuis dix ans à la monarchie, et elle essaya d'entrer dans de nouvelles voies, de façon à faire mentir pour l'avenir le mot du prince Gortcha- kof , que «c l'Autriche était un gouvernement et non un état » ; mais elle le fit sans plan bien arrêté et en hésitant sans cesse entre les anciennes institutions particularistes, successivement rappelées à la vie, et les formes du régime parlementaire mo- derne, appliquées à l'ensemble de l'empire. La patente du 5 mai*s 1860 se contenta de renforcer le conseil de l'empire de cent membres choisis dans les diètes provinciales; mais le 20 octobre de la même année un diplôme constitutionnel appela le conseil de l'empire et les diètes provinciales à partager avec l'empereur le pouvoir législatif, et du même coup rétablit la vieille constitution hongroise ; puis les lettres-patentes du 26 fé- vrier 1861 déclarèrent l'Autriche un empire héréditaire consti- tutionnel et convoquèrent à Vienne une représentation nationale unique qui, sous le nom consacré de conseil de l'empire {Reichs- rath)j devait réunir, dans sa maison des seigneurs, les archiducs, les chefs des grandes familles nobiliaires, les prélats et des mem- bres nommés à vie par l'empereur, dans sa maison des députés, les élus des diètes provinciales. Malheureusement cette tentative d'établir un gouvernement parlementaire universel se heurta tout d'abord contre le refus d'une moitié des nationalités de Teni- pire de s'associer à l'entreprise ; aucune négociation ne réussit à amener à Vienne des députés hongrois ou italiens ; le conseil de l'empire, qui devait être la diète générale de la monarchie, resta ce qu'il avait été dès le début, à savoir le conseil restreint des provinces allemandes et slaves, et après quatre années de t&tonnements, l'expérience fut reconnue manquée : le rescrit du 20 septembre 1865 proclama l'abandon du statut de février 1861 , le retour aux principes du diplôme d'octobre 1860, et pro- rogea indéfiniment le conseil de l'empire qu'on désespérait de compléter, pour laisser le champ libre à de nouvelles négocia- tions avec la diète hongroise.

nï^ *TATS T)E t'erflOPR CEJlrBAtE. 41S

^Avant que celles-ci n'ciissenl abouti . une nouvelle catastrophe, Ebut autrement grave encore que celle de 1859, vînt frapper l'Autriche. Profilant des embarras politiques et financiers de sa vieille rivale, la Prusse lui disputait de plus en plus ouvertement la pr^-éminence en Allemagne ; elle l'avait entraînée malgré elle dans la guerre du Schleswick, qui par la pai\ de Vienne du ;*0 octobre 1864 lui avait valu la copossession des duchés de l'Elbe, mais qui d'autre part aussi était devenue le point de dé- part de relations chaque jour plus difficiles entre les deux alliées. Les pxif^eiices, les armements, les menaces du cabinet de Berlin obligèrent enfin celui de Vienne à armer à son tour et à se rap- procher de l'Allemagne secondaire, qui eLe aussi se sentait me- nacée par la politique envahissante de M. de Bismarck; mais alors la Prusse se Ha à l'Italie par une alliance offensive et défen- sive, et les deux puissances commencèrent la guerre, avant même de l'avoir déclarée (ISjuin 1866). L'Autriche repoussa â Custozza (21 juin) l'invasion italienne dans le quadrilatère et gagna la bataille navale deLissa (20 juillet); mais les Prussiens, qui étaient entrés en Bohême k la fin de juin, marchèrent de victoire en victoire jusqu'aux portes de Vienne. Dès le lendemain de la grande et décisive bataille de Sadowa près Kœniggraetz (3 juillet 1866), l'empereur d'Autriche avait invoqué la média- linn française, en se déclarant prêt à céder la Vénétie à l'em- pereur Napoléon 111; mais il n'en fut pas quitte àsîbon marché: les préliminaires de paix de Nikolsburg en Moravie (26 juillet) lui imposèrent, outre la renonciation au royaume lombard-vé- nitien, la cession de tous ses droits sur le Schleswick et le Hol- stein, et surtout le consentement à une réorganisation complète de l'Allemagne, à laquelle l'Autriche devait dorénavant rester étrangère. Ces stipulations furent régularisées par la paix de Prague avec la Prusse (23 août) et par les traités de Vienne avec la France (24 août) et avec l'Italie (3 octobre 1866) ; l'Autriche évacua les forteresses du quadrilatère et le Vénitien, consentit à leur réunion au royaume d'Italie, restitua au roi Victor-Em- manuel 11 la couronne de fer, fit disparaître le royaume lom- bard-vénitien de la nomenclature officielle de ses provinces ;

470 nrsToniB de ia ïomiation TsmtirowAtB

tout ce qu'elle put ohteuir par les dernidre-s négociation^:. de ne céder strictement que le Vénitien dans ses limites ndn nistratives autrichiennes, et de conserver ainsi le Tyrol t dional et Trieste : c'était encore consentir h une diminution i plus de 25,000 kilomètres carrés et d'environ deux millions demi d'ftmes. Du côté de l'Allemagne, les pertes territorial étaient nulles, maïs la déchéance politique d'autant plus cou plète; la présidence de la diète germanique, dernière transtrol mation de la œuronne impériale d'Occident, n'était plus à s tour, comme celle-ci, qu'un souvenir historique.

Du moins cette crise, fatale à la puissance extérieure de 1 la monarchie habsbourgeoise, facilita-t-elle l'œuvre laborieut de sa réorganisation intérieure et de sa transformation constl tutionnelle. M. de Ueust, l'homme d'état saxon auquel l'empt reur François-Joseph 1" confia la direction dos affaires le 26 o tobrel866, comprit la nécessité impérieuse d'une réconcitiatia franche et complète avec la Hongrie, et agit en conséquence : rétablissement pur et simple de la constitution hongroise et' nomination d'un ministère hongrois (févTier ï867), suivis d couronnement de l'empereur conmie roi de Hongrie à Burli Pesth (8 juin ) 867), entraînèrent comme conséquence naturel] un nouveau système de gouvernement constitutionnel, rept sur le principe du ilualism^. D'un côté la Hongrie, avec 1 Transylvanie, la Croatie et l'Esclavotiic, de l'autre le reste d états autrichiens eurent leurs organes respectifs dans tu diM hongroise et dans le conseil de l'empire, devant lesquels î responsables deux ministères complètement étrangers l'un l'autre. Tl fut convenu en second lieu quelcsdélégationsdesdai assemblées, chargées concurremment avec le ministère à afl'aircs communes, de l'expédition des affaires intéressant l'ei semble de la monarchie (relations étrangères, trésorerie centn et armée), siégeraient alternativement à Vienne etîi Buda-IVîitl Enfui un nouveim nom, employé dès lors pour désigner la toi lité des étals habsbourgeois, traduisit le nouvel urdre de cbos en style de chancellerie ; si François-Joseph 1", empereur d'A triche, roi apostolique de Hongrie, roi de Bohême, de Dalniatii

DES ftTATS BB l'bUHOFI CKHTHALB. 477

1 Croatie, d'Esclavonie, de Galicie, de Lodomérie et d'Ulyrie, ^oi de Jérusalem, archiduc d'Autriche, grand-duc de Toscane et de Cracovie, duc de Lorraine, de Salzbourg, de Styrie, de Carintbie, de Garniole, de Bukowiiie, grand-prince de Transyl- vanie, margrave de Moravie, duc de Haute et Basse-Silésie, de Modèiic, de Piirrae, de Plaisance et de Guastalla, d'Auschwitz el de Zator, de Teschen, de Frioul, de Raguse et de Zara, comte- princier de Habsbourg, de Tyrol, de Kybourg, de Gorice et de Oradisca, prince de Trente et de lirixen, margrave de Haute et Basse-Lusace et d'Istrie, comte de Hohenembs, de Feldkircli, de Bregcnz, de Sonneiiberg. etc., seigneur de Trieste, de Cat- taro et de la Marche winde, etc. , continue à porter une série in- terminable de titres, qui, en partie, correspondent à des terri- toires perdus depuis longtemps, l'ensemble de la monarchie, qu'on désignait depuis 1804 par la dénomination d'empire hé- réditaire d'Autriche, a pris à partir de 1868, dans toutes les re- lation!; officielles, le nom de monarchie austro-hongroise.

Le système du dualisme a désarmé la Hongrie, dont l'oppo- sition implacable avait vingt ans durant été le principal obstacle à une vraie paciQcation des états autrichiens ; mais il n'a pas mis 6n aux embarras intérieurs du gouvernement impérial. Dans la moitié hnngmise de la monarchie, qui depuis la retraite du comte de Beust (novembre 1871) donne à l'empire entier son premier ministre dirigeant, comte Andrassy, l'esprit essen- tiellement politique de la race raadgyare a aplaui les difficultés les plus ardues, en réconcihant par de larges concessions les populations slaves du royaume avec la nouvelle organisation; la diète de Hongrie, composée comme jadis d'une table des ma- gnats et d'une table des députés, a, par un compromis conclu au mois de juin 1873, accordé à la Croatie une autonomie ad- ministrative à peu près absolue; en retour, les députés croates et esclavons sont venus y occuper leurs sièges ; et ainsi les pays de la couronne de saint Etienne n'ont plus îi supporter que les inconvénients communs h tous les étals parlementaires. Dans le reste de l'empire au contraire, Allemands et Slaves, centra- "JBtes et fédéralistes, constitutionnels et cléricaux-féodaux se

■fates et fé(

478 HISTOIRE DE LA FOBMATIOII TEABITOBULB

disputent avec acharnement la confiance de rempereùr et les portefeuilles ministériels, le conseil de Teropire n'a pas encore réussi à se constituer complètement ; à un ministère Hohenwart, assez disposé à accorder à la Bohême une position analogue à celle de la Hongrie, a succédé en octobre 1871 un ministère Auersperg, composé de centralistes, et en mars 1 873 un irote des deux maisons, approuvé par l'empereur , a, malgré Tabsten- tion ou l'opposition des membres tchèques, tyroliens, Slovènes et polonais, substitué pour le recrutement la deuxième chambre les élections directes aux élections par les diètes pro- vinciales ; mais le parti fédéraliste ne s'est pas résigné, et les sièges des députés tchèques restent vacants. Ces tiraillements politiques, combinés avec une situation financière aussi déplo- rable de l'un que de l'autre côté de la Leitha, expliquent le rôle modeste de la monarchie austro-hongroise dans la politique européenne des dix dernières années. Maintenue en respect par l'alliance de la Russie et de la Prusse, elle n'a pas osé venir en aide à la France en 1870 et a été des premières à saluer de ses félicitations le nouvel empire allemand ; pour se concilier la Russie et lui faire oublier l'ingratitude par laquelle en 185i elle avait payé son concours armé contre l'insurrection hon- groise de 1849, elle a abandonné sa politique de protection absolue de l'intégrité de l'empire ottoman ; et tout récemment (avril 1875), pour prouver à l'Italie que sa renonciation au Lom- bard-Vénitien était franche et définitive, l'empereur François- Joseph est allé à Venise, porter un toast à la prospérité du nou- veau royaume !

Après avoir ainsi mené jusqu'au moment présent l'exposé des révolutions territoriales de l'empire des Habsbourg, il nous reste à axaminer, avec l'aide de la statistique, sa composition actuelle.

Prise dans son ensemble, la monarchie austro- hongroise couvre encore, malgré les événements de 1859 et de 1866 qui lui ont coûté ses possessions italiennes, 62i,000 kilomètres carrés, et sa population a été recensée le 31 décembre 1869 à près de 36 millions d'&mes. Politiquement elle se divise en deux

^v BBS £tats de l'iurope CBUTRALE. 47ft

^pitiés, les pays de ta couronne de Hongrie et ceux qui lui sont emngers, ou, pour employer une terminologie qui se recom- mande davantage par son laconisme que par son exactitude géographique, les paya transi eithanîens et tes pays cislcitha- nieas : les premiers avec une superficie de 324.000 kilomètres carrés et une population de !5 millions et demi, les autres avec une aire de 300,000 ttilomètre» carrés et une population sensiblement supérieure à 20 millions d'&mes. Au point da vue religieux elle se partage, abstraction faite de quelques milliers d'Arméniens -unis ou non-unis et de 55,000 Unî- tuires, entre le catholicisme romain, l'église grecque unie, le protestantisme tant calviniste que luthérien, l'orthodoxie orientale et le judaïsme, dans des proportions fort inégales; car la religion catholique , qui compte environ 24 millions de fidèles du rite romain et près de 4 autres millions du rite grec-uni, tandis que les cultes protestant, orthodoxe - grec et mosaïque ne réunissent respectivement que 3 millions et demi, 3 raillions et i,376,000 adhérents, est celle de la grande majorité des habitants de l'empire, et c'est à bon droit que leur souverain s'intitule majesté aposlolitjiie. Ethnographiquement enfin, elle comprend, par ordre d'importance numérique et en négligeant les races qui, comme les Israélites ou les Zingaris, ne forment pas un corps de nation, des Slaves, des Allemands, des Madgyars, des Roumains et des Italiens, qu'on peut évaluer d'une façon approximative à 16 millions et demi, à 9 millions, il o millions et demi, il 2,900,000 et à 600,000 &ines.

Déjà ces chiffres, qui visent la totalité de la monarchie, sont de nature à donner une idée de la confusion des langues et des cultes de la grande Babel autrichienne; pour ta toucher du doigt cependant, il faut examiner les choses de plus près, et étudier le départagement des confessions et des races entre les différents pays de la couronne, qui eux-mêmes sont un des traits caractéristiques de l'organisation politique de l'empire austro- hongrois. En effet, tandis que les autres grands états du continent européen découpent li'ur territoire en circonscriptions

^fcftinistratives à peu près uniformes qui portent la qualification

^0 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

commune de départements, de provinces ou de gouvernements, on en est resté dans Tempire habsbourgeois aux vieilles divi- sions historiques, et il en résulte que les diverses parties con- stitutives de la monarchie diffèrent les unes des autres, autant par les titres variés qu^elles portent que par l'étendue de leur superficie et le chiffre de leur population. Des dix-sept pays de la couronne qu'on distingue aujourd'hui, depuis que les confins militaires ont été rendus aux pays dont ils avaient été distraits, l'accord de 1867 n'en a attribué que trois à la couronne de saint Etienne, à savoir le royaume de Hongrie, la grande-principauté de Transylvanie et le royaume de Groatie-Esclavonie, avec la ville libre royale Fiume ; mais la Hongrie a à elle seule 1 1 millions et demi d'habitants et les deux autres pays comptent environ 2 millions d'âmes chacun, ce qui représente pour les trois états un total de 15 millions et demi. Dans ce qu'on ap- pelle vulgairement la Gisleithanie, c'est-à-dire dans la partie de la monarchie qui est représentée dans le conseil de lempire, il y a au contraire quatorze pays de la couronne : un premier groupe, celui des pays allemands et illy riens, comprend les deux trchi- duchés d'Autriche au-dessous et au-dessus de l'Enns, le duché de Salzbourg, le duché de Styrie, le duché de Carînthie, le duché de Carniole, le Littoral austro-illyrien (en d'autres mots la villede Trieste avec son territoire, le comté-princier de Gorice et Gra- disca et le margraviat d'Istrie) et le comté-princier de Tyrol avec le pays de Vorarlberg ; un second groupe, le groupe bohé- mien, est constitué par le royaume de Bohême, le margraviat de Moravie et le duché de Silésie; le royaume de Galicie et Lo- domérie, avec le grand -duché de Cracovie et les duchés d'Auschwitz et Zator, puis d'autre part le duché de Bukowine en forment un troisième, qu'on peut appeler le groupe polonais; le quatrième enfin comprend l'unique royaume de Dalmatie, que sa position géographique et sa nationalité rattacheraient plutôt aux pays d'au delà qu'à ceux d'en deçà de la Leitha. Mais ces quatorze pays à eux tous n'ont que 20 millions d'âmes envi- ron ; car si la Galicie et la Bohème ont chacune plus de 5 millions d'&mes, la Moravie et la Basse-Autriche environ

DES ÉTATS DE l'BUHOPE CENTBALK.

m

millions cliiiciiiie, et la Styric au Uelîl de i mililmi, les neuf autres restent au-dessous de ce dernier chiffre, et le moins peuplé do tous, le Salzhoupg, n'a mèroc que 153,000 habi- tants (I)-

Cela posfc, evaminoDs comment les dLx-sepl pays de la cou- ruune se comportent au double point de vue de la confession re- ligieuse et de la nationalité. Pour ce qui est des cultes, tout se l^gésume pour ainsi dire dans ce fait capital, que l'uniformité re- ^^^peuse va eu dimiuuaut. à mesure qu'on avance de l'ouest vers ""l'est. Les pays allemands et iilyriens sont à peu près exclusive- ment catholiques-romains, et les paysbohémiens ne le sont guère muius : ensemble les deux groupes, sur une population totale Hj '^ quatorze millions, ne contiennent, en fait de dissidents, que ■BeO.OOO protestants et âOU,OUO juifs. Le catholicisme romain ^ffiomine également, mais d'une façon déjà moins prononcée, en Dttimatie et en Croatie-Esciavonie, ses adhérents forment respectivement les cinq sixièmes et les trois quarts de la popula- lîOH, tandis que le schisme grec n'eu compte qu'un sixième et un Ljpiart. Plus à l'est, l'élément grec-uni et non-uni, l'élément pro- ^^kfitant et l'élément Israélite s'acceutueiit do plus en plus. Dans la

M) Voici, d'aprËa les réeultats du recensement du 31 décembre I ii9, lett chiffres oniciels de la populatiou et de la superficie respectives des dix-sept pays de la couromie. selon leur délimitation actuelle : A. Pays reyrétenUt dan» le eoi>$tU de l'empire. oB-AiiMeha I. Ml. 000 babituita li.»30 tOaiB. cmntà.

482 HISTOIRE DB LA FORMATION TBRRlTOHULË

Hongrie proprement dite, les catholiques-romains ne constituent que la forte moitié de la population ; ]es protestants y figurent pour près d'un quart, les grecs-non-unis pour un huitième, les grecs-unis pour un douzième, les juifs pour un vingt-quatrième. En Galicie, catholiques-romains et grecs-unis sont à peu près en même nombre, et au milieu d'eux vivent près de 600,000 Israé- lites, qui forment plus du dixième de la population : la ville fran- che de Brody sur la frontière russe, qu'on appelle la Jérusalem autrichienne, est aux deux tiers peuplée de juifs. Dans la Buko- mne, les grecs-schismatiques forment les trois quarts de la popu- lation, dont les catholiques-romains, les Israélites, les grecs-unis et les protestants se partagent le dernier quart. La Transylvanie enfin offre le spectacle de la diversité religieuse la plus extraor- dinaire; tandis qu^à l'autre extrémité de la monarchie le Tyrol est une citadelle du catholicisme, d'où le fanatisme religieux a fait chasser, en 1837 encore, les protestants du Zillerthal, là, sur le plateau sud-est des Karpathes, on rencontre en de fortes pro- portions les adeptes de toutes les religions de l'empire : le recen- sement ofBciel de 1869 y a constaté, sur une population totale de 2,102,000 habiUnts, 653,000 grecs-orthodoxes, 597,000 grecs- unis, 296,000 calvinistes, 264,000 catholiques-romains, 209,000 luthériens, 54,000 unitaires, 25,000 Israélites et 4,000 armé- niens-unis! {{)

La distribution géographique des nombreuses nationalités de la monarchie austro-hongroise entre les différents pays de la cou- ronne est beaucoup plus capricieuse que celle des confessions religieuses ; car par suite de la conquête, de Timmigration, delà colonisation, qui ont tour à tour confondu et mélangé les popu- lations de la région du moyen Danube, non-seulement l'empire habsbourgeois dans son ensemble n'a pas de race prépondérante par le nombre, mais même la plupart de ses provinces ne présen- tent pas de nationalité homogène. Des dix-sept pays de la couronne, il n'y en a que six qui appartiennent àpeu près exclusivement à une

(1) Les chiffres relatifs aux différents cultes professés dans chacun des pays de la couronne sont résumés dans le tableau suivant d'après les tableaux du recensement du 31 décembre 1869 ; la non concordaBce des totaux partiels des pays hongrois avec ceux qu'on Ut à la note pré-

»ES ÉTATS DE l'eTTHOPE CBSTFAIE. W3

Itilerace; neuf ^onl partagés entre deux natioDalités principa- les dans des proportions extrêmement variées ; deux enfin con- tiennent quatre ou cinq races juxtaposées, également dans des combinaisons différentes. Les deux Autriches etleSahbourgsont de race allemande; l'élément slave prédomine complètement en Croalie-Esclavonie, en Carnioie et, sauf un dixième de Juifs, en Galicie. La Carinlhiej la Slyrie, la Silésie, la Bohême et la Mo- ravie sont à la fois allemandes et slaves; mais tandis que le-s Alle- mands représentent les deux tiers de la population en Carinthie eten Styrie, ils n'en font que la moitié en Silésie, un fort tiers en Bohême et un quart en Moravie. Le Tyrol est allemand aux trois cinquièmes, italien pour le reste. En Dalmatie et dans le Littoral austro-illyrien, le fond de la population est slave, mais avec un mélange d'italien, qui est d'un huitième pourle premier des deu\ pays, d'un tiers pour le second. Dans la Bukowine, ce sont les Rotimaiiis qui figurent à côté des Slaves, pour près de la moitié. En Transylvanie, les Roumains, les ilotes d'hier, dé-

cédente provient d'un côté de ce que l'armée de couroime hoogroise Ûgute ici à pnrt, de l'autre de ce que certaiDS virements de territoires opérés postérieurement h lK6fl entre la Hongrie et la Croatie ont pu être portés en compte au tableau précédent et non à celui-ci.

1». Hnngrl* '"«*

II. CnnUii'HuliiTonlà... I.ISo

16.39?.11ÛÛ Î-MV-OW ÎB.LÛÛ 4G5.000 SB.Ûffl ÎÛ.bffi.i.Ofl

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7.SS9.QJ3 1.6.6.0M i.WM 3.530.0jO iHM 15.5D9.0M 'SMM 3.E3.0(M Î.SeS.COO S.OSS.OOO 1.376.000 35.9K.9J0

484 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

passent la majorité absolue ; plus d'un quart de la populatioa est madgyar, le reste allemand ou juif. Enfin en Hongrie, les Mad- gyars ne forment pas tout à fait la moitié de la population ; les Slaves en représentent plus d'un quart ; les Allemands et les Rou- mains y figurent les uns et les autres à peu près pour un hui- tième, et les Juifs pour un vingt-quatrième (1).

(1) Le recensement du 3i décembre 4869 n'a pas tenu compte de la nationalité des habitants. En prenant pour base de ses calculs le dépa^ tapement ethnographique des populations autrichiennes lors du recen- sement de 1850, un statisticien distingué, M. Ficker, est arrivé à établir ainsi qu'il suit pour 1869 le nombre respectif des représentants de chaque nationalité dans les différents pays de la couronne ; nous reproduisons son tableau récapitulatif, quoiqu'il soit loin de concorder exactement, pour les totaux afférents à chaque pays, avec les deux tableaux précé- dents, qui résument les résultats du recensement officiel du H décem- bre 1869 : du moment qu'on attache moms d'importance aux chiffres en eux-mêmes qu'aux proportions qui existeut entre eux, il donne une idée assez exacte du bilan ethnographique de la monarchie austro-hon- groise.

Slave*. Allemand». Madgyan. Roumain«, Italiens, Divers. Total.

Albanai', Friooliens, Grecs. Latins.

1. Baase-Autriche. 149.000 1.797.000 "10.000 2.000 8.000 39.000 3.000.000

3. Hante - Aatri

che 744.000 744.000

8. Salxboorg 160.000 150.000

4. Styrie 410.000 707.000 1.117.000

6. Cîarlnthle 109.000 240.000 849.U00

6. Carnlote 460.000 32.000 1.000 481.000

7. Littoral aus-

tro-illvricn. 859.000 24.000 4.000 180.000 13.000 680.000

8. Tyrol 640.000 353.000 1.000 894.000

9. Bohème 3.200.000 2.000.000 100.000 6.800.000

10. Moravie 1.481.000 630.000 49.000 2.0««.000

11. Siléslc 239.000 256.000 6.000 500.000

12. OaUcie 4.644.000 165.000 496.000 6.204.i»no

18. Bukov^ine 223.000 46.000 K.Om» 205.000 40.000 521 .UOO

14. Dalmatie 392.000 2.000 56. «00 460.0'JU

11.556 000 7.230.000 18.000 214.000 592.000 742.000 20.352.0u3

15. Hongrie 3.007.000 1.540.000 4.826.000 1.447.000 1.000 600.000 11.320.t>U0

16. Transylvanie... 3.000 236.000 673.000 1.200.000 104. UlH) 2.115.l«"0

17. Croatie Et»cla

vonic 1.663.000 85.000 16.000 1000 1.000 8.000 1.713.UU0

4.663.000 I.8I0.000 5.413.000 2.648.000 2.000 612.000 15. I48.ÛÛ0

Armé* 225.000 140.000 75.000 41.003 6.030 13.000 SD.QiB

16.444.030 O.kO.OOÛ 5.506.000 2.933.000 6Jû.fl.0 U^M 36.000.000

Ajoutons que M. PMcker décompose les i6,44i,000 Slaves en 12.214,000 Slaves septentrionaux fsoit 6,7.30,000 Tchèques, Moraves et Slovaques. 2,aso.O00 Polonais et 3,i0*,000 Ruthènes) et en 4,230,000 Slaves méridio- naux (soit 1,200,000 Slovènes ou Windes, 1,424,000 Croates, 1,520,000 Ser bes, Raitzes et Morlaques, et 20,000 Bulgares); et que parmi les Divers il compte 1,167.,500 Israélites, l,".'.>.ooo Zingaris et 18,000 Arméniens.

DKR ÈTATH M r/BTftnPB CEUTRALe. WB

r En ppôsciice de ces chiffres, on comprend le spectacle bizarre n'olTro une carte ethnographique de l'empire austro-liongruis. Les Juifs, quoique assez nombreux en Hongrie et en GaJicie pour que le litre de roi de Jérusalem que [)orte l'empereur d'Autriche sriii plus qu'un souvenir historique, sont trop éparpillés pour lui doiuier iiuIIp pari une teinte particulKre; mais les Italiens, bien que li'ur chiiïre total soit inférieur à celui des Israélites, conti- nuent « y figurer sur ses confins extr^'mes du sud-ouest, dans le Tyrol méridional, dans le Littoral anslro-illyrien et dans la Dal- matie, même après que la masse compacte de leurs frères de l'ancien royaume lomhiird-vénilien a rénssi à se détacher de la monarchie. Parallèlement ix ces Néo-Latins occidentaux, mais plus nombreux qu'eux, ceux de l'orient, les Roumains ou Vala- ques. apparaisent en proportion croissante dans la Hongrie orien- tale et dans la Bukowine et forment en Transylvanie le fond de la population. Les Madgyars, répandus àtravers la totalité des deux pays de Hongrie et de Transylvanie qu'ont conquis leurs ancêtres et oii ils ont si longtemps régné en maîtres Jaloux, ne se présentent en masse prépondérante que dans la partie occiden- tnle et centrale delà première et dans la partie orientale de la seconde. Les Allemands, lien commun de l'empire, qu'ils ont aidé à fonder et dans toutes les provinces duquel ils ont aujour- d'hui des établissements, la seule Dalmatie exceptée, occupent à peu près complètement les deux Autriches, le SalzLourg et le Tyrol septentrional, en majeure partie la Carinthie et la Sly- rie; en outre ils nnl dès le moyen âge envahi en grand nombre la Itiihérae et la Moravie, le long des frontières septentrionales des- quelles ils communiquent avec leurs frères de la Silésie,elontii la même époque fondé des colonies, autrefois florissantes, aujour- d'hui en pleinedécadcnce. dans la Hongrie etdanslaTransyWanie. Enfin les Slaves dans leurs différentes tribus se retrouvent plus ou moins nombreux dans touslespays de la monarchie, à l'excep- tion de la Haute-Autriche, du SaUbourg, du Tyrol et de laTran- sylvanie : au nord, les Tchèques et les Moraves forment la na- tionalité prépondérante en Bohême et en Moravie,les Slovaques sont répandus dans la Moravie orientide et dans la Hongrie

486 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE

du nord-ouest, les Polonais et les Ruthènes se partagent la Ga- Ucie, dont les uns occupent le nord-ouest, les autres le sud-est, et se prolongent, les premiers sur la Silésie et la Bukowine, les seconds sur la Hongrie du nord-est ; au sud, les Slovènes ou Windes se sont maintenus dans les vallées alpestres de la Ga- rinthie, de la Styrie et surtout de la Gamiole, ainsi que dans la Hongrie du sud-ouest, tandis que les Groates, Serbes, Raitzeset Morlaques occupent en tout ou en partie le Littoral austro-illy- rien, la Dalmatie , la Groatie-Ësclavonie et la partie sud- est de la Hongrie.

G'est ce mélange inouï de populations qui, en un siècle tou- tes les aspirations de race sont singulièrement surexcitées, cons* titue le plus grave embarras du présent et le plus grand péril de Tavenir pour la monarchie austro-hongroise, et cela d'autant plus qu'à l'exception des Madgyars, tous les peuples de Tem- pire sont plus ou moins attirés vers des frères de même nationa- lité, plus nombreux qu'eux-mêmes, qui habitent en dehors de ses frontières. Les Italiens qui sont encore sujets autrichiens gravitent vers la monarchie nationale, qui déjà a absorbé le royaume lombard-vénitien et réuni en un seul faisceau les états de la péninsule italique ; les sympathies des Serbes et des Rou- mains des provinces méridionales et orientales sont acquises aux principautés de Serbie et de Roumanie, presque indépen- dantes aujourd'hui sous la suzeraineté nominale de la Porte Otto- mane, et dont l'importance serait doublée par l'adjonction de leurs nationaux autrichiens; les Polonais de la Galicie n'ont pas encore renoncé à l'espoir de voir s'opérer par un miracle de la Providence la résurrection de leur glorieuse patrie, pour laquelle leurs cœurs battent toujours ; les Allemands des pays occiden- taux sont loin de regarder comme définitive leur exclu- sion de la mère-patrie allemande, à laquelle ils ont appartenu jusqu'en 1866 ; et les Slaves de toute dénomination, à la seule exception des Polonais, ont les regards tournés vers Saint-Pé- tersbourg et Moscou, les métropoles du grand empire de leur race. Mais môme en faisant abstraction de ces relations sympa- thiques avec l'étranger qui, pour se tenir encore sur le terrain

447

des idées, n'en sont pas moins grosses de dangers pour un ave- nir peut-ôtre peu Éloigné, la diversilé ethnogrnphïqiie de la mo- narchie habsbourgeoise est, conjointement avec les prétentions d'autonomie des différents pays de la couronne, un obstacle per- manent à un développement constitutionnel régulier de l'em- pire. Les revendications nationales de la Hongrie ont mis à néant le système unitaire de M. de Schwarzeubcrg; aujourd'hui les yiaves & leur tour menacent le dualisme de M. de Beust. Forts de leur supériorité numérique incontestable, ils protes- tent contre l'ascendant que les Allemands ont conser\é, sinon dans la monarchie entière, du moins dans les pays en deçà de lu Leilha, et à défaut d'un partage plus égal de l'autorité entre les deux races rivales, leurs fractions les plus importantes récla- ment leur droit historique de se reconstituer à part. Les Polo- nais de la Galicie se contenteraient à la rigueur, jusqu'à la re- naissance fort problématique de la république polonaise, de lar- ges libertés provinciales; mais les Tchèques de la Bohème ne demandent rien moins que la restauralion du royaume de saint \Venceslas,non moins antique, ni moins digne de respect que celui de saint Etienne, ei ils vont répétant le mot de leur histo- rien Palacky : »( Nousexistîons avant l'Autriche, nous existerons après elle! j>

Et cependant l'enchevêtrement des races dans les pays habs- bourgeois rend un départagement géographique selon les na- tionalités absolument impossible; elles ont beau se jalouser, se détester et se quereller, elles n'en sont pas moins condamnées ft continuera vivTe côte à côte. D'autre part si les Slaves sont beaucoup plus nombreux que les Allemands, ceux-ci ont pour eux la tradition historique, le long exercice du pouvoir, une ci- vilisation plus avancée et une cohésion plus grande ; sans doute le sentiment de l'unité nationale s'est depuis un quart de siècle fortement développé chez les différentes populations slaves, et de grands efforts ont été faits pour les rapprocher entre elles ; peut- être, si leurs représentants tchèques et croates, polonais et ser- bes, ruthènes et dalmates, se réunissaient de nouveau aujour- d'hui, comme ils le firent au congrès de Prague de 1848, pour

488 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRRITORULE

protester en commun contre le despotisme tudesque, ne seraient- ils plus réduits, comme alors, à employer la langue allemande pour se comprendre entre eux ; néanmoins leurs nombreuses fractions, non moins séparées les unes des autres par la diversité de leur développement historique que par la distance géographi- que et rinterposition dépopulations de race différente, ne sau- raient prétendre à former tout à coup un ensemble homogène. L'exemple de la Hongrie contemporaineparaît prouver d'ailleurs la possibilité d'un gouvernement équitable au milieu de popula- tionsde nationalités rivales ; les cinq millions et demi de Madgyars de la Hongrie propre et de la Transylvanie partagent ces deux pays avec trois millions de Slaves, deux millions et demi de Rou- mains et près de deux millions d'Allemands, et la réincorporation de la Croatie-Esclavonie au royaume de saint Etienne y a encore augmenté de un million et demi le nombre des Slaves ; ce no- nobstant on n'y entend plus parler de querelles de races, depuis qu'une transaction loyale a eu lieu sur la base du respect des droits de tous. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'autre moitié de la monarchie austro-hongroise? Certes ce n'est pas chose facile de créer, en conciliant les traditions du passé et les principes de la liberté politique moderne, des institutions capa- bles de faire vivre dans un accord passable les éléments discor- dants que le flux et le reflux des migrations ont réunis dans ce coin de l'Europe ; mais il semble bien plus évident encore, que les pays du moyen Danube eux-mêmes tout d'abord, puis notre continent tout entier sont également intéressés à ce qu'on ) réussisse. La dislocation du grand empire de l'Est qui s'est fomié sous le sceptre des Habsbourg par l'union de rAutriche, de la Bohême et de la Hongrie, ne pourrait s'opérer qu'au profit du Panslavisme et du Pangermanisme, par l'absorption des popu- lations slaves et allemandes, qui laisserait sans défense k^ Madgyars ; incontestablement il vaut mille fois mieux que la dynastie, dorénavant exclusivement autrichienne, ((u'a fondée il y a six cents ans Rodolphe de Habsbourg, continue de régner sur la monarchie orientale qu'ont cimentée des siècles de vie commune, et que Vienne, la vieille ville impériale, bûtie sur

DES ÉTATS DE L'eUROPE CENTRALE. 489

les confins des trois grands pays d'Autriche, de Bohême et de Hongrie, reste leur centre politique sous le régime de la liberté, comme elle Ta été pendant si longtemps sous celui de Tautorité plus ou moins absolue de ses princes. Le même Palacky que nous citions tout à Theure, était beaucoup mieux inspiré qu*il ne Ta été depuis en prêchant l'autonomie tchèque, quand il écrivait en 1848 au comité des Cinquante, chargé de préparer à Franc- fort la réunion du premier parlement national allemand : a Si l'Autriche n'existait pas, il faudrait la créer dans l'intérêt de l'Europe ! »

FIN DU TOMB PREMIER.

TAliLE DES MATIERES

Dl' TOME PREMIEH

l>

I 'Atoit-p»opÔ8, p. l

LIVRE PREMIER

DioolUPUlE FHVSIQUB DB L'EUHOFE CEKTBAUb

CHAPITRE PREMIER

■aracl^i i/inéraujr de la gèoijraphir physique <lr FEvrope et ipéiiii/riiimt df l'Europe rentiitlt.

Conditions géographiques g^aéralea de l'Europe, p. I. Ses formes horizoDtaleB et son développement cOtier, p. 3.— Ses formes plastiques, p. 5. Ses grandes régions, p. 7.

La régiou de l'Europe centrale, p. 9. Sa circonscription et son carac- tère particulier, p. 9. Son orographie et son hydrographie sommaires, p. 10. L'influence réciproque du sol sur les habitants et des habitants le sol, p. H.

CHAPITRE II Les Alpet.

Uassif des Alpes, p. 13. Dimensions horizontales et nomenclature, p. 13.— Relief, p. 15. Structure, p. IT. Zones d'altitude, p, 19.

Description et traits carscté ris tiques des quatre grandes zones alpestres. Zone préliminaire de plaines et de plateaux (les lacs aubal- pinsl. p. 20.— Zonemontueusedes Alpes sjitérieures (cascades, torrents, chutes de montagnes, forêts), p. 23. Zone alpine des Alpes moyennes rts vie de chalet . marmotte et chamois ; hauts lacs et avalancbea).

492 TABLE DES MATIÈRES.

p. 27. Zone glacée des hautes Alpes (la ligne des neiges perpétuelles ; glaciers et nevé ; bouquetin, aigle et vautour), p. 35.

Système hydrogrraphique des Alpes. Les vallées et les cours d*eaa alpestres, p. 44.— Les quatre grands bassins, Rhin, Pô, Danube, Rhône, p. 47.

Les voies de communication entre les deux versants des Alpes, p. 31.

Routes carrossables. Leurs caractères communs, p. 53. Leurs trois grands groupes, aboutissant à Turin, Bfilan, Venise, p. 56. Chemins de fer. Enumération et traits distinctifs, p. 61.

Les populations alpestres. Leur physionomie générale, p. 64. Leur variété ethnogrraphique et politique, p. 65. ~ Populations italiennes, p. 67. Populations françaises, p. 70. Populations allemandes et rhétiques, p. 71. Populations slaves, p. 75. Enclaves tudesques, p. 76.

CHAPITRE m Les chaînes de montagnes secondaires de F Europe centrale.

Système des Karpathes, p. 78. Tatra ou Hautes-Karpathes, p. 79. Karpathes boisées et massif de Transylvanie, p. 81. Richesses natu- relles et ethnographie des Karpathes, p. 81.

Système hercynien, p. 83. Description de ses différents massifs. Groupe bohémien (Sudètes et Forêt de Bohême, monts de Moravie et monts des Mines), p. 84. Monts des Pins, p. 88. Forêt de Thuringre. p. 89. -^ Montagnes de la Hesse électorale, p. 90. Rhoen, Spessart et Odenwald, p. 91. Harz, monts du Weser et Forêt de Teutobourg, p. 92.

Groupe des montagnes schisteuses rhénanes (montagnes westpha- liennes, Hohe-Venn et Ardennes, Siebengebirg et Eifel, Taunus et Hundsruck), p. 9t. Forêt Noire et Vosges, p. 96.

Jura franco-helvétique et Jura allemand, p. 98.

CHAPITRE IV La grande plaine de la basse Allemagne et les côtes de l'Europe centraU.

Caractères généraux de la grande plaine de la basse Allemagne, p. loi. Plaine orientale ou wende, p. 102. Plaine centrale ou saxonne, p. 104. Plaine occidentale ou des Pays-Bas, p. 106. Rôle historique de la dépression septentrionale, p. 106.

Extrémité septentrionale de la mer Adriatique, p. 107.

La mer Baltique, p. 108. Sa côte allemande (Haffs et Sehrungen, pres- qu'îles et lies ; Rugen),p. 110.— Populations maritimes et ports delà Bal- tique allemande, p. 1 1 4 .-Canaux entre la Baltique et la mer du Nord. p. l li.

La mer du Nord, p. 116. Sa côte méridionale (la lutte entre la mer et les riverains ; golfes et îles; Marschen maritimes et Polders), p. 116.- Frisons et Hollandais, p. 120.

TABIB DBS MATIÈHBS. 403

CHAPITRE V Lri pcavei île FEurupr ceiilralr.

RucisinB fluviaux du l'Kurape ceotrale, p. IH.

Le Rliiu. p. 1:13. Sources ot première section, Jusqu'au lac de Cons- tance, p. 12S. Lac de Constance, p. IST. Seconde section, jusqu'à Bile, p. 129. Bftle, p, 130. L'Aar, p. m, Troisième section, jusqu'il Bingen, p. 13â. Le Rliin. frontière naturelle de la France, p. 133, Strasbourg, Spire. Wonns. Mayence. Mannheim, p. 135. L'Ill. p. VM.

Le Neckar, p. 139. Le Mein (Wurzbourg. Bitmberg. Nuremberg, Francfort), p. l*i). Quatrième section, jusqu'à Bonn, p. H3. Coblence, p. I4S. La Lahn. p. KO. La Moselle (Metz, Trêves). p. 117. Cin- (|uièaie section, jusqu'à Weael, p. 119. Cologne, p. 150. La Sieg. la Wipper, la Ruhr et la Lippe, p. 151. Sixième section, jusqu'à la mer. p. 152. Les bras d'embouchure septentrionaux, p. 153. La Meuse, p. ISS, LEsCBUt, p. 157.

Le Danube, p. tss. Cours supt^rieur, jusqu'à Passau. p. 1(iO. L'ini. iQgolstadt, Ratisbonne. Passau. p. I<i2. ~ L'IUer, le Lech (Augsbourg), risar (Munich), l'inn, p. 161. Cours mojen, jusqu'à Orsowa, p. lee. La vBlIée autrichienne, p. 167. L'Knns et la March. p. 168. Vienne. p. 169. Le Danube hongrois, p. I6fl. Buda-PestU et Belgrade, p. 171.

La Raab et la Waag, p- 172. La Tlieiaa, p. 17Ï. La Drave et la Save, p. 171. —Cours inférieur, p. 175.

Les fleuves de l'Allemagne septentrionale, p. 176.

Le Weser. p. 176. La FuWa (Cassel) et la Werra, p. 177. Cours moyen, de Munden à Minden, p. 177. Courd inférieur (Uinden et Brame], p. 178. L'Ems, p. 18D.

L'Elbe, p. 18».— Cours supérieur, jusqu'à Lobosit?., p. 181. L'Eger et la Moldau (Prague), p. 182. ~~ Le bassin de Dresde, p. 183. Cours in- Térieur, depuis Meissen, p. 181. La Saale et la llavel, p. 185. Magde- bourg et Hambourg, Leipzig et Berlin, p. 18S.

L'Oder, p. 187. Cours supérieur, p. 188. ~ Première étape de plaine ; lea rivières silésiennes; Breslau, p- 188. Deuxième étape de plaine; Franofortet Stettin; la Warta (Posen), p. 190.

LaVislule, p. mi. cours supérieur; Cracovie. p, 192.— Cours moyen ; la Pilica et le Bug; Varsovie, p. 133. Cours inférieur; Danzick, p. IBt.

I

LIVilE II

OAOORAPHIE HISTOR[qUK liÉKËnALE L'KL'HOrE

CHAPITRE PKKMIER

Li Gei-minir ri In rtsitmi nroi/inanltt A Céjiaque mmai Premici'b liabitants de l'Europe centrale, p. 197. Conquête romaine

ne ^^^^^B

494 TABLE DES MATliRBS.

jusqu'au Rhin et au Danube, p. 198. Les champs décumates et li Dacie, p. 199. Provinces et villes romaines, p. 200. La Oermanie indépendante, p. 203. La race germanique et ses noms, p. 204. Mœurs et état social des anciens Germains, p. 206. Les trois grands groupes de tribus germaniques à Tépoque de Tacite (Iscaevons, Ingae- ▼ons, Herminons), p. 207.

Les Germains et Tempire romain au troisième et au quatrième siècle, p. 210. Situation géographique de rBorope centrale vers la fin du quatrième siècle, p. 212. Les provinces romaines du Rhin et du Da* nube, p. 213. Les peuplades germaniques de la ftoatièrè (Francs, AUemans, Bourgondes ; Vandales, Marcomans et Quades, Loagobards, Hérules, Goths), p. 214. Les peuplades germaniques de Fintérieur (Prisons, Angles et Varins, Saxons), p. 217.

CHAPITRE II Li Gentianie et ses annexes à Cipoque franquf,

La migration des peuples et ses conséquences, territoriales et ethno- graphiques, pour TËurope centrale, p. 220. Progrès et décadence de la suprématie franque en Germanie sous les Mérovingiens, p. 222. Nouvelle conquête de la Germanie méridionale par les premiers Carlo- vingiens, p. 224. Organisation de Téglise germanique par saint Boni- face, p. 223. Soumission et conversion complètes de la Germanie par Charlemagne, p. 22a.

Géographie de la portion tudesque de Tempire de Charlemagne (Aus- trasie, Allemannie, Bavière, Saxe ; pays tributaires), p. 229. Comtés et marches, p. 231.

Dissolution de la monarchie carlovingienne, p. 232. Fondation d'un royaume particulier de Germanie par Louis le Germanique, p. 23:). Son étendue, p. 234. Variations de ses limites au neuvième siècle, p. 234. Son existence compromise par les attaques des barbares païens (Normands, Slaves, Hongrois) et par Tantagonisme des tribus tudesques (Allemans, Bavarois, Franconiens, Saxons), p. 235. impuis- sance de Conrad le Salien, p. 237.

CHAPITRE III Le saint empire romain de nation germanique au moyen Age,

Rétablissement de l'ascendant royal et d'une unité nationale relative par Henri !•' et Otton le Grand, p. 239. Incorporation de la Lorraine, p. 241. Victoires sur les Hongrois, les Slaves et les Danois, p. 242.

Acquisition de la couronne royale d'Italie et de la couronne impériale d'Occidint, p. 243. Annexion du royaume d'Arles, p. 244. Les pre- tentionsàla monarchie universelle, p. 245. Subordination des empe- reurs aux papes, p. 245. Séparation de fait des rovaumes annexes d'Arles et d'Italie, p. 246. - Maintien de la dignité impériale, p. 247.

TABie DBS HATli!:tlES. ItS

Géographie du royaume de Germanie vers la Bu du onziëme siècle ; duchés nationaux, p. 218. Exteasion de rAllemajme dana la direction du nord-est, p, 350.

Dislocation Téoiale de l'empire, p. 232. SupirioriU ttiriloriale des aeigueurs eccli? si as tiques et laïques, p. 253. Autouoniie des villes libres et impériales, p. 254, Disparition des ducliés nationaux, p. 235.

Prépondérance de l'élâment aristocratique dans le nouveau système politique et territorial de l'Allemagne, p. 236. Le collège électoral, p. S56. Dynasties princiëres. principautés ecclésiastiques et villes libres les plus importantes au milieu du quinzième siàcle, p. 2SS. Division e celés l»sti que de l'Allemagne à la veille de la Rérorme, p. 2S0.

I CHAPITRE IV

^K i> trùal tiHpirf mtnaiit de nation germanique pendant let teaip» nioi/ernM.

^ RéorganiBalion de l"erapire essayée par Maximilien I", p. 282. Divi- ^on on cercles, p. 264. Résultats politiques de la Rérormation, p. 263. Tentatives de réaction moaarcliique sous Charles -Quint et sous Fer- dinand 11, p. 26e. Importance exceptionnelle des traités de West- phalie au point de vue de la constitution et à celui des [entières de l'AIleQiagDe, p. 267. Agonie du saint empire romain, p. 269. Nou- veaux empiétements territoriaux des rois de France, p. 271.

État politique et géographique du cori>s germanique à la veille de la Hévolution française, p. 273. L'empire et l'empereur, p. 273. La diète, p. 273. Collège électoral, p. 276. Collège des princes, p. 277. Collège des villes libres, p. 27ti. Les dix cercles et les membres immé" dlats de l'empire non-inscrits dans les cercles, p. 2S0. ^ Importance respective des quatre groupes de territoires d'empire (possessions des maisons princiëres et comtales, priucipautt!s ecclésiastiques, républiques municipales ou rurales, terres de la noblesse immédiate), p. 266.— Les principautés èpiscopales. p, 2SS. Évâcbés rhénans, p. 269. Ëvéuhés des vallées de la Meuse et du Mein, p. 292. Évécbés de la réjfion du haut Danube et des Aipes orientales, p. 293. Ëvëchés de l'Allemagne centrale et septentrionale, p. 294. Liste sommaire des dynasties et des états laïques de quelque importance, p, 203,

B CUAFITRE V

l L'Eifujie ienlraie depuis la ttéeolution fiun^aisf.

Simplillcation de In carte de l'Europe centrale du fait de la France républicaine et niipoléoiiienne, p. 298. Cession h la Knmce de la rive gauche allemande du Rhin. p. 299, Sécularisation des territoires ecclésiastiques et médiatisation de presque toutes les villes libres sur la rive droite du fleuve, p. 30u. Le recei principal de la députation d'empire du 2S février IBûï, p. 3i)î. La diète du saint-empire sous sa ^rniére forme, p. 303. ?aix de Presbourg, conredératiou du Ithin et abdiustion de l'empe-

496 TABLE DBS MATIÈRES.

poreur François II, p. 306. —Médiatisations décrétées par l'acte ocmsti- tutif de la confédération du Rhin, p. 308. Ses membres primitifii, p. 309.— Son extension successive, p. 310.— Le royaume de Westphalie et le grand-duché de Berg, p. 311. Nouveaux remaniements territo- riaux à la suite de la guerre de 1809, p. 312. Le grand-duché de Francfort, p. 313. La confédération du Rhin en 1810, p. 314. Incor- poration à Tempire français d*une partie de son territoire, p. 31 4.

Réorganisation territoriale et politique de TAllemagne au congrès de Vienne, p. 316. » La confédération germanique, p. 318. —Ses membres, p. 319. Sa constitution, p. 320.

Les aspirations unitaires des patriotes allemands, p. 323. L'empire allemand de 1848 et Tunion restreinte du Nord de 1850, p. 324. Réta- blissement pur et simple de la confédération germanique, p. 326.

Statistique de la confédération germanique au printemps de Tannée 1866, p. 327. -— La politique de M. de Bismarck et la dissolution de la confédération germanique par la Prusse victorieuse de rAutriche, p. 329, irnion plus étroite de TAllemagne septentrionale sous la domination prussienne, p. 331. Composition et organisation politique de la nou- velle union du Nord, p. 333.— Les étatsdeTÂllemagne méridionale, p. 335.

L'union de TAllemagne entière et son extension sur TAlsace et sur une partie de la Lorraine, conséquences de la guerre fhmco-allemande de 1870, p. 336. Constitution et statistique du nouvel empire alle- mand, p. 340.

LIVRE m

LA MONARCHIB AUTRICHIENNE

CHAPITRE PREMIER Origines de la monarchie autrichienne,

La maison de Habsbourg, p. 343.— Sa généalogie, p. 345. Ses débuts en Alsace et en Suisse, p. 346. Son avènement à Tempire dans la per- sonne de Rodolphe I**, p. 347. ,

Les états autrichiens sous les Babenberg, p. 348.— Origine et progrès du marquisat, puis duché d'Autriche, p. 348. Les ducs d'Autriche de- viennent ducs de Styrie et seigneurs de Camiole ; histoire antérieure de> deux pays. p. 350. Leur héritage aux mains du roi de BohOme, Otto- car II, p. 352. Il y ajoute le duché de Carintliie ; histoire antérieure de la Cariuthie, p. 354.

Défaite d'Ottocar II par Rodolphe !•', p. 354. Etablissement de la maison de Habsbourg en Autriche, Styrie et Camiole, p. 356. Autres projets et acquisitions secondaires de Rodolphe !•' et d* Albert I*', p. 357.

L'héritage tyrolien vaut aux Habsbourg la Carinthie et le Tyrol ; his- toire antérieure du Tyrol, p. 359. Autres acquisitions du quatorzième siècle (Trieste, Ferrette, Brisgau, Vorarlberg, etc.), p. 362. - Pertes ter- ritoriales dans la Suisse alpestre, p. 364.

t

TAULK DES MATU'BES. \<.I1

Les partages, p. niil, La lieue antérieure di'^pouilliie de rArgoviect tto In Thurgovie, p. 363. Acquisition épli«^iiiÈre de la Uohâine et Ue lu Hongrie par lu ligne uutrichieime, p. i(i7. Réunion de l'héritage tiaba- boui^eois entier par les empereurs Frédéric 111 et Maximilitin I" Ue !a ligme stTrienne, p. 367. Succession en Oorice, p. 369.

Les Irrru Mréditaires nllemandt» au commencement du seizième siècle, . p. 370.

CHAPITKE II VitiiiH de lu Uolii'iiie et dr lu llojujiie l'i tAulriclie.

Les grands mariages autrichiens, p. 372. L'nion des couronnes de UohëniG et de Hongrie avec les pays autrichiens, sous Ferdinand !■'. p. 373.

Histoire antérieure du royaume de Boliéme. La Boliême proprement dite sous les Przmysiidos, p. 37t. Annexion de la Moravie ; .'îon his- toire antérieure, p. 375. La Bohême sous les Luxembourg; l'immigra- tion germanique, p. 377. Incorporation de la Silésie et de la Lusace ; leur liistoire antérieure, p. 379. Le Hussitisme ruine l'autorité royale eu Bohême, p. -182.

Histoire antérieui-e du royaume de Hongrie. L'iavosioa madgyare, p. SU. La Hongrie sous la dynastie arpadienne ; la constitution hon- groise, p. 380, Les rois étrangers et Mathias Corvin, p. 388. Les guerres turques; bataille de Mohacs, p. 390.

Élection de Ferdinand I"' comme roi de Bohême, p. 392. Sa querelle avec Jean Zapoly pour la couronne de Hongrie, p. a9a. Intervention ottomane, p. 391. La Hongrie danubienne directement soumise à la l'orte, p, 396. Peu d'autorité des princes autrichiens dans le reste du royaume, p. 31)7. V institution des frontières, p. 398.

Division de l'héritage habsbourgeois allemand k la mort de Ferdi- nand 1'', p. S99. Progrès de la Réforme et toute-puissance de la no- blesse sous Rodolphe II et Mathias, p. MO. Avènement de Ferdl- nnud 11, p. ioa. Révolte, défaite et contre- réformat ion de la Bohème p. iflJ. La guerre de trente ans codte k la maison de Habsbourg la Lusace et l'Alsace, mais sanctionne le règne exclusif du catholicisme dans ses états héréditaires, p. lOî.

Conquête de la majeure partie de la Hongrie turque sous Léopold I"*, p. i07. La tentative de la cour de Vienne de supprimer la constitutio hongroise, p. ill. François Raifoczy et le traité de pacitlcation de Szatlimar, p. il?,

H CHAeiTlIK 111

La monarchie autrichienne au lendemain de la paix de Karloviti. p. 1(3. La succession espagnole, p. iiu. Charles VI obtient les pays Uas méridionaux, le Milanais, le royaume de Naples et l'Ile de Sardaigne, ^ntAt remplacée par ci;Ile de Sicile, p. 121). Extension de la Hongrie

c

U^H TABLE DES MATIÈRES.

aux dépens des Ottomans, p. i21. Pertes territoriales de» derôièm années du règne de (Charles VI : échange des Deux-Siciles contre Panne, rétrocession de la Valachle et de la Serbie autrichiennes, p. 423.

Extinction dans les mâles des Habsbourg allemands, p. 424. La pragmatique sanction, p. 425. Avènement de Marie-Thérèse, p. 426. Son mari, François-Etienne de Lorraine, grand-duc de Toscane, p. 426. Prétentions diverses sur Théritag^ autrichien et guerre de succession d'Autriche, p. 427. Marie-Thérèse ne perdquelaSilésieetParme,p. 429.

Acquisitions des dernières années du règne de Marie- Thérèse, p. 430.— Son rôle et sa part dans le premier partage de la Pologne, p. 431. L'surpation de la Bukowine sur la Turquie, p. 433. Acquisition du quartier bavarois de Tlnn, p. 433. Mariage d'un archiduc autrichien avec l'héritière de Modène, p. 434.

Les grands projets de Joseph II, p. 435. Léopold II revient à la po- litique plus prudente de Marie-Thérèse, p. 438.

CHAPITRE IV Im monarchie autrichienne pendant la Hivolulion et fEmpire,

État géographique de la monarchie autrichienne à la veille de la Ré- volution française, p. 440.

Première guerre entre la France et l'Autriche et traité de Campo- Formio,p. 444.— Échange de la Belgique et du Milanais contre la majeure partie du Vénitien, p. 445. Part autrichienne dans le troisième partage de la Pologne, p. 447.

Seconde guerre entre l'Autriche et la France et paix de Lunéville, p. 448. Le grand-duc de Toscane devient électeur de Salzbourjr, p. 4 iî).— François 11 prend le titre d'empereur héréditaire d'Autriche, p. l5o.

Troisième guerre française et paix de Presbourg, p. STA.— L'Autriche, exclue de Tltalie et de l'Allemagne occidentale, n'a en éclian^e que Salzbourg, p. 451 .—François II abdiquela dignité d'empereur romain,p. l.":».

Quatrième guerre contre la France et paix de Vienne, p. 453. Pert«* des provinces illyriennes, de Salzbourg et d'une partie de rarcliiduchê de la moitié delà Galicie,p.i5i.— La monarchie autrichienne en l8io,p. 4:; .

Politique de l'Autriche dans les années 1812 et 1813, p. 4."»6. Son accession h la sixième coalition, p. i58. Reconstruction de la monar- chie autrichienne au congrès de Vienne, p. 459.

Examen de la nouvelle constitution territoriale de l'empire d'Autriche, p. 461. Les secundo-génitures habsbourgeoises en Italie et la position de l'Autriche en Allemagne, p. 4G3.

CHAPITRE V Im monarchie autrichienne (Ifpuit 18l.*i.

Absence de cohésion des états autrichiens, p. 46"». Le système d»» gouvernement de M. de Metternich, p. 166.— Incorporation de Cracovie p. 467.

TABLE DES MATIÏ^RES. VOO

La crise (le IRV8, p. 467. Mouvements des provinces allemandes et tchèques, p. 408. Soulèvement de l'Italie autrichienne, p. 469. In- surrection hongroise, p. 470.— Établissement d'un n^gime d'absolutisme pur et d'administration unitaire, p. 471.

Guerre de 1R59 contre le Piémont et la France et perte de la Lomhar- die, p. 472. Dépossession des dynasties habsbourgeoises de Toscane et de Modène. p. 473. Essais de gouvernement constitutionnel, p. 473.

Guerre de 1866 contre la Prusse et l'Italie ; perte du Vénitien et exclu- sion de l'Autriche de l'Allemagne, p. 475. Accord avec la Hongrie et transformation de l'empire d'Autriche en une monarchie austro-hon- groise, constitutionnelle dans ses deux moitiés, p. 476.

Statistique de la monarchie austro-hongroise, prise dans son ensemble, p. 478. Les dix-sept pays de la couronne, p. 479. Leur confession religieuse, p. 481. Leur nationalité, p. 482. Embarras du présent et chances d'avenir de la monarchie austro-hongroise, p. 486.

FIN DR LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER.

Paris. - Typ. Tolmor et Isidoi- J<»?epli. ii). ni-? du Fonr-Saint-Gonnain TiQO

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