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V

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HISTOIRE

DE

LA NOUVELLE HÉRÉSIE

DU XIX« SIÈCLE.

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IMPRIMERIE DE P. BAUDOUIlf ,

RTF. KT HÔTEL MICKOIf , 2.

HISTOffiE

DE

nrOUYELLE HÉRÉSIE

DU XEL« SIÈCLE,

or

RÉFUTATION COBEPLÉTE

DES OUVRAGES DE l'aBBÉ DE LA MENNAIS^

PAR Rf.-N.-S. 6UILL0N,

PROFESSEUR D^ÉLOQUENCE SAC&SE À LA FACUlTi DE THBOLOGIR DE PAEIf .

TOME PREMIER.

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PAUI. BEÉQUIONON JR* C% UBRAZBS8-JÉBITJB1IB8 ,

BUE DES 9AINTS-P£RES , 16;

LOUIS MARTIN y ÉDITEUR, RUE laONON , S.

1835.

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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

La divine Providence avait résolu de mettre à 1 épreuve la foi du sacerdoce fran- çais. La révolution 1790 lui fut envoyée comme un ouragan terrible. La persécution déploya toutes ses fureurs. La même Pro- vidence en avait marqué le terme. Les miracles de la primitive Eglise se renou* volèrent ; le sang des martyrs demanda grâce : la France fut sauvée. .

La patrie avait eu , durant une longue

suite d'années , à déplorer Tabsence de sa Te a

II DISCOUIIS

monarchie et de son sacerdoce , lorsque , contre toute espérance, un homme puissant en œuvres reçut du ciel la mission de re- lever son trône et ses autels , de rétablir l'harmonie entre touâ les principes qui gou- vernent les hommes , et de replacer la so- ciété ïtir tes bases bMvreltea^ Aprèi; avoir mis fin a la révolution de 1790, enchaîné la république ci Tanarchie , conquis le trône par son génie et ses victoires , cicatrisé les plaies de l'état , créé une législation , reculé et affermi les limites de l'Empire , tH côhlmandé it l'Europe entière en Souve- râhi , Napoléoii tôulut» jornidre k tous set titres de glbiré celai de {lacifîiïaleiic de TËglise , eti rendant k la France sa religîoiRf s6i^ "épîscôpat et son sacerdoce. Soa géûjie

-

férine , é\e\é j accoutumé à triompiher de t^tftcs les résistances , atait reconnii qu'il gavait uii empire supérieur k ceini qu'il venait de fonder par les plus étonnantes vtetoin^es. Le Concordat de 4804 fit centrer

^

PREUHIMAJA^. Ili,

s^u sein de la patrie et rendit aux tbnctip^;^. du saint ministère les prêtres que lalem- pete avait dispersés. La paix fut donnée k TEglise i Tonction sacrée , imprimée pai^| les mains 4^1 Souverain Pontife sur la tête, de Napoléon , en fut le sceau. Le schismCi qu'avait enfanté .la constitution civile du

*

clergé i^'inquiéta plus les consciences; Routes les dissidences reli2;ieusesj5'anéantirent dans

'

la recounai^ance universelle de l'autorité: du Siège apostolique. En même tcmps^toutesi les ruines se remuaient a la fois j l'antique édifice se relevait; la i^eligion qu'^.vaienl, illustrée les Denis , les Hilajire Poiti^jr^^ les Germain d'Âuxerre et de Paris, le^. Hennuyer et le§ Bçlzunçe , lesFénelon, le»! Bossuet Qt les Laluzerne ,: ne comptait plu9 1, a dit un des orateurs dq l'époque | d'ep- nemis parmi les bons et les sages (4). Elle,

(1) Discours sur le Concordât', pronônce'Sânsraé- lëiftlité« dè0Mêtkâs'dlu:'tt.lMiiie^le ilî^ ^va6fM un X, paç 1^1 Caçipp d/d Nys^ï-P^ 3S, ;,

IV DISCOURS

fut proclamée la religion de la majorité du peuple français ; c'était la simple énoncia- tion d'un fait public^ incontestable, au- devant duquel s'arrêtaient d'elles-même^ toutes les inductions de l'esprit de parti. La reconnaissance , l'admiration , mieux encore , la conscience du devoir , unissaient tous les esprits et toutes les âmes dans un commun sentiment d'amour de la paix, d'ou« bli du passé. Mais les jours de l'Empire avaient été comptés. L'instrument dont la Providence s'était servi pour opérer tant de merveilles fut brisé par elle seule. La journée de \^alerloo expia l'abus que Na- poléon avait fait de sa puissance , et ne laissa au possesseur de tant de royaumes que son rocher de Sainte-Hélène et la mé- moire impérissable de ses grandes actions. Louis XVIII , ramené sur le trône de ses pères par une main invisible , fut enlevé trop.tot à la Restauration. Ne jugeons point celui qui lui s'uècéda. Pour nous , le malheur

PRÉtlMINAIBE. V

est sacré. Sous ce règne , que la tempête de 1850 a emporté en un moment , il n'y a qu'un événement en effet mémorable : c'est la prodigieuse accélération du mouvement religieux dans toutes les classes de la société. Le feu rallumé par les mains de Napoléon avait pris les plus heureux accroissemens , et partout; le zèle des ministres du sanctuaire était puissamment secondé par la ferveur des peuples et les efforls des gens de bien. C'était la un phénomène bien digne de fixer l'attention de l'homme d'état et du législa- teur; il n'échappa point a la sagacité de l'un de nos publicistes les plus profonds. M. le vicomte de Bonald , dans une opinion prononcée a la Chambre des Pairs, et rendue publique en 1825, en faisait l'authentique déclaration. Une année ne s'était pas écou- lée , qu'un écrivain déjà célèbre protestait solennellement contre cette assertion, et domialt aux espérances du noble pair le démenti le plus explicite par ces paroles :

> Vl DISCOURS

« Après trois siècles d'hérésie et près d*un

t

if siëde dlncrédulité , la société changea ff de nature, et cela nécessairement... Qii*est- V elle aujourd'hui en France? quel genre de •f gouvernement a remplacé la monarchie * chrétienne? La prétendue Réforme du sei- •r zième siècle avait ébranlé le système po- « litique : partout elle s'établit, on vit « naître aussitôt le despotisme ou Fanar-

«f cîiie La révolution française (de 1790)

«f n'avait été qu'une application rlgoureuse- « ment exacte des dernières conséquences (t du Protestantisme .qui enfanta la philoso- « phle du dix-huitième siècle. Chacun dés- ir lors ne dépendant plus que de soi-même, •f dut jouir d*une pleine souveraineté , dut If être son maître , son roi , son dieu. Tous ff les liens qui unissent les hommes entre <f eux et avec leur auteur étant ainsi brisés, ff il ne resta plus pour rel g'bn que l'a- ff théisme, et que l'anarchie pour société, ir Les afti^usês j^Poscripkions qui ensânglaiï-

PAELIMDIAIBE. VU

« tèrent la FrancQ à cette époque de crime, <r révélèrent tout ce qu'il y avait au tond 9 des doctrine^ philosophiques. Le meurtre « s'arrêta ; mais les doctrines restèrent , elles « n*ont pas un moment cessé de régner ; « elleç deviennent chaque jour une espèce « syinhole national, consacré parles insti- <r tutions publiques , et révéré de ceux «f mAmes qui l'avaieut combattu (1). » .

Une accusation aussi grave ^ qui frappait non-seulement l'époque qu'elle signale, mais embrassait toute la période qui l'a suivie , méritait, certes, dit l'auteur, d'être exami- née de près , et devait servir k résoudre bien des questions (2). Elle avait de quoi étonner au qioins par la singularité du contraste avec tout ce qui se passait alors autour de nous. La France , rentrée paisiblement en pos-

(1) La Rfiligion considérée dms ses rapports avec V^fàre eif>il ei poliHqU^, ï veî. W 8*. Pwît . iW6, p, i?,48,49.

<2)/ôiJ.,p. 19. ,

Vm DISCOUBS

session de sa foi antique , sous les trois règnes que nous avons vus , sa vieille constitution rajeunie par le bienfait d'une liberté légale; sa religion , naguère poursuivie de cachots en cachots , retrempée dans le sang de ses martyrs , se produisant au grand jour pour bénir et pardonner ; son Eglise remplaçant par des vertus dignes des temps apostoliques , des prérogatives mondaines qui ne furent jamais sa véritable richesse , et faisant re- tentir incessamment sous les voûtes de nos temples l'hymne de l'unité catholique : qu'y avait-il la qui ressemblât au schisme et à l'athéisme?

Pour motiver de pareilles accusations , il fallait insinuer d'abord , puis déclarer ou- vertement que la plaie dont la société chré- tienne était travaillée , toujours également vive et profonde , ne cessait de dévorer len- tement ses entrailles , et la menait à une dissolution inévitale et prochaine ; « qu'à <r l'agitation , à la fièvre dont le siècle pré*

mEtniiNAïu. tx

tr cèdent avait été travaillé , succédait une n léthargique indifférence. Plus de conlen* < tiens , plus de querelles : on dirait une « parfaite paix : paix lugubre , paix déso* cr lante , paix mille fois plus destructive que ir la guerre qui l'a précédée : c'était le calme <r et le silence de la mort (1). »

Le reproche ne s'adresse pas seulement à la Réforme protestante , ni à Imcrédulité philosophique, qui, du moins alors, n'avaient rien de redoutable; il s'étend a toutes les classes de la société, sans excepter même le sanctuaire dégénéréj corrompu ( ne cessera* t^n de nous dire) par les doctrines du schisme et de l'athéisme, à la suite desquels marcha toujours Tindifférence, lèpre conta-* gieuse, sommeil volontaire de l'âme, en- gourdissement universel des facultés mora* les, privation absolue d'idées sur ce qu'il importe le plus à 1 homme de connaître.

(1) E8$ai aur VIndif, mtrod., p* 24, 25.

DiSCOUBS

lie tout tèmpà, les Proplièteâ TàndéÀiié et la nouvelle Eglise, nos saints Dôétetirs et les Prédicateurs communions diverses ont loriné contre lés désordres publiés et p^vés/rëpânaus au sêiri de la §ôciëlé; léui* kh\è n'épargna jamais la liédèftp et l'indo- lence dans le service de la i'élîgfoti. S*expri- jfnâiênt-ils avec cet emportement^ et por- tàicnt-ils si loin les consiéqiiences du mal Qu'ils déploraient, eût-il été mtaujt prouvé?

Quoi qu'il éii feoît , l'œilvre de la Restau- i*àtion n'était rien moins que complète ; k ^eïne était-elle ébauchée. Au milieu du lé- thargique engourdissement l'Europe en- tière était plongée, on venait lui apprendre la régénération du Catholicisme était néceâsaii'é; qu'elle était invoquée par tous lés vœux comme par tous les besoins; qu'une sainte ligue s'était organisée depuis quinze ans pour lui rendre , sons lïne fdtmfe nou- velle et avec des progrès nouveaux, la force et la vie qui Tavaient abandonné, et rame-

F- ^ k^

FREtlMINAtEE. XI

taër enfin pafmi nous , aprës une longue éclipsé de quatre siècles , la vérité partout tûécôrtnue ou négfigée ; que la eWilisalion européenne, Tœuvre du Cliristianisme et ses Pontifes, entravée constamment parlé despotisme des princes et Vabjccle servilité des peuples, devait être ramenée a ses anti- ques élemens, a savoir : l'unité absolue dans Tordre religieux et politique ; que le Chris- tianisine , qui avait rallié tous les peuples soiis la bannière de la liberté, «r après avoir « Ibng-lemps conservé la souveraineté, avait « éédé à la fiii k l'opinion qu'il élait pôssi-^ « ble d*e ri conserver lès bienfaits en cessant •r d*ôtre clirétîeni*d*oîi Ton avait pris occa- i ^iôh de nier même ces bienfaits, et d*ac- « cuser le Sauveur des hommes de tous •r ieé maili de lliunàanité ; qu*à ce moment « Dieu s'étuit trouvé comme embarrasse', et « que, pour châtier ces générations superbes, ^ il 8'étàii retiré du Biiiiieu d'elles, et les « aVâît laissées À^égarèr dans leur tiéant.

Xn DISCOVBS

•r lorsque, contraint de respecter sa parole j, ir Dieu prit un autre moyen de s'absenter, «( autant qu'il était possible, d'une société ¥ qui le méconnaissait, en accordant à ses « ennemis de prévaloir eux et leurs princi- ir pes dans le gouvernement des aflfaires hu- i< maines (i). » De lu ces doctrines bâtardes qui ont dominé et dominent encore dans le sanctuaire, elles entretiennent les poi- sons du schisme et de l'athéisme \ de la, sous le nom de protection donnée a l'Eglise , la persécution hypocrite , la plus dangereuse de toutes, sous laquelle l'Eglise gémissait et gémira toujours, jusqu'à ce qu'elle soit affranchie par une séps^ation totale avec l'état. Heureux jour, s'écrie dans un ouvrage tout récent un de nos modernes Kéforma- leurs, heureux jour les peuples et les rois, reconnaissant leurs erreurs, rebâti-

(4) M. Lacordaîre, Considérations sur le Sy$t. ds M.deLaMennais, p. 21-25. (1 vol. in-Ss 1834,)

pftiumiiAnuE. x^,

ront ensemble Jérusalem démolie (1)!» En même temps que les vrais principes cle la hiérarchie et de la discipline de TE- glise étaient universellement méconnus, ceux de laThéologic et de laPhilosophie catholique n^étaient pas plus respectés; c'est ce qu'affir* ment de concert tous les adeptes de la nouvelle école : aussi se croit-elle destinée à recréer l'intelligence humaine. Selon elle, il n'exis- tait point encore pour FEglise de philoso- phie catholiqu^e; ses Docteurs, réputés jus- qu'ici les oracles de la Théologie, en avaient tous profondément altéré l'enseignement : ff Les preuves employées d'ordinaire par les tr Apologistes de la Religion chrétienne pour «r établir l'existence de Dieu et la vérité du « Christianisme sont incomplètes par faute <r du premier principe auquel elles s'at- « tachent ; elles portent sur une supposi-

r

« tion très -fausse et destructive de toute «r vérité; avec elles, on est conduit pas

(1) M, Lacordaire , ConêidêrtU., p. 23»

XI\ DISCOURS

« à pas jusqu'au scepticisiQC universel (1). » N'y aura-t-il pas du moins quelque excep- tion en faveur de saint Thpnias d'Aquin, par exemple, à qui Tassentiment de tous les siècles chrétiens a décerné le surnom d'Ans;é de l'école, et que ses immenses travaux sur toutes les parties de la science tliéologique reçommpndept si éminemment a la véné- ration publique ? N'y en aura-t-il pas pour cet év-cque d'Hippone, regardé comme le

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j

représentant de TEglise universelle, et pour -•■..■' Bossuety compté son vivant au rang des

Pères de î'EgiisçîNon. Le premier n'a laissé

sur l'essence de la loi, sur son principe, son

objet et ses caractères, sur la certitude

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qu'une théorie vague ^ obscure, iriinteMigi-

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blej le second, ils le citent, mais en le dé-

naturant, soit par des traductions infidèles, soit par des inductions arbitraires , contrai- res à sa doctrine (2)j le troisième, ils llm-

. * * '

(2) Voyesi les preuves qu'en donnent MM. Roza-

(

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PRELIUDIAmE. XV

inolçnt au ininis(rç Claiulc; et l'un d'euf regrette mo4esleroenl de n'avoir pu diclejr au grand évêque de Meaux les réponses qu'il avait a opposçr f^ux diiÇcultés de son adve|v>

saice, danssarauieuseConfc^rence aYeclui(^^.

■'■•' ■.-■.■'

Egalement pré^opfiptiieux, çt lgrs(|u'ils dé*

truisent, e^ loi:squ'ils codifient , ils rejettent Tense^ement i^naniinç des sièclQ^ pour

IV,.. . , ^. •»■

courir au .hasard aprè$ d,es fantômes qu'ili se son( faits. Pour bâtir leur sysl^iue de Théologie et.de Philosophie , ils bcouiUjBnt ou amalfi^ament indi£fércmmçnt les ques- tions qui sont dja ressQ|*t de Tune et de l'au- tre, confondent la foi dlvi^ et la foi hu-

m;aine, l'incertilude avec rînfaiUlbUUé « le

' * ■.*...

principe de la foi avec a.a règle , l'acte de

* ^.»

rentendemç;iit avec l'acte de la volonté. Us s'inscrip.ont ei) fauxcoi^tre révidence.meront

Tén et Boy er, premier, p. fOO, IQS, lïl, irî, 1£^, lâài Ctû.; leiei^ftids ehJ ym^ p. AM etJêsiJmK

(j) M. Rozaven, Ewamen , chap. viii, p. 428 et •uiv., et 4S& "

XVI DlSCOtHS

les droits de la raison, et les remplacent par leur chimère de Raison générale ou commun consentement, a qui ils prêtent une autorité égale à celle de l'église catholique. Ils pro* clament infaillible le genre humain, et fon- dant toute la défense du Giristianisme sur cette prétendue infaillibilité, ils se vante- ront d'avoir trouvé enfin le leuier seul capa- ble d'arracher l'Eglise à ses ruines, et société a sa mortelle indifférence (i).

Quelle puissante voix appellera la lumière au sein du chaos toutes les intelligences restent ensevelies? Ce profond assoupisse- ment où dort l'Europe entière , qui l'en ti- rera ? Qui soufflera sur ces ossemens arides pour les ranimer (2) ?

Un homme s^est rencontré d^un rare ta-* lent fêcondé par la lecture du philosophe de, Genève et de notre grand évêque de Meaux , quelquefois comparable a l'un par

(\) M. Lacordaire , Considérai,, p. 15^ (2) Eêêaiiur Vlniiffêr. /miroà.,^. 1,

PRÉLIHINAmE. XVII

son insidieuse logique, a l'autre, par sa ner- veuse éloquence; novateur hardi , écrivain disert , élégant si Ton veut , mais bien loin de seà modèles; plus jaloux de célébrité que de solide gloire; maniant avec une égale souplesse le sarcasme et l'argumentation; outrant tous les principes; indiflférent sur les conséquences ; se jouant des traditions les plus révérées et des renommées les plus imposantes.

Les premiers écrits de M. l'abbé de La Mennais avaient fixé sur sa personne les regards publics. Brillant météore, il s'éle- vait du sein de nos tempêtes politiques , et la religion conçut quelques espérances. Il avait cru découvrir dans les ravages de la philosophie moderne unie au protestan- tisme , les causes de V indifférence répandue dans toutes les classes de la société : elle devenait dans ses principes le châtiment de cette intempérance de Uberté dont les no

vateurs du xv® siècle avaient fait leur évan : T, I. h

gile. Aujourd'hui, changeant de langage, dévoué déformai» à la défense de cette même liberté, non-seulement il pardonne à ses écarta ^ il les provoque , il les canonise , en irrite les emportemena. L'ardeur de son zèle n'a pas assez des flots de sang qui inon- dent les plaines de la Belgique et de la Po- logne (i ) ; c'est le monde tout entier qu'il ^ demande pour holocauste, heureux d'ache- ter k ce prix les triomphes qu'il promet a sa nouvelle divinité. Chaque jour» se con- fondant avec la dernière lie des folliculaires du moment, s'affiliant avec tous les entre* preneurs de secte et d'utopie dans son jour- nal de VAi^nir^ il agite le tocsin de la ré- volte , verse le mensonge et l'outrage sur nos institutions les plus chères; arme ses Séïdes des poignards de la Ugue , insulte k

(1) Ce portrait du célèbre écrivain fut composé en 1831 , peu ajirès la publication des premiers nu- méros de son journal l'Avenir, Voyez la note de la page xxiu cirâprès.

PlUtaLnBlAlRE. HZ

lllpifleopal, et traîne notre Eglisede France aux GréiAfiies.

Peu lui importe de contredire et l'Evan- gile et l'histoire et les monumens. Aspirant à se faire chef de secte ^ il n'y a que trop bien réussit A Dieu seul appartient de ju- ger quelles intentions onl dirigé sa plume : le siècle présent est témoi]\ des résultats qu'il a déjà obtenus. Une jeunesse ardente et toute novice dans la science de la Reli- ^on, s'est précipitée sous la bannière du nouveau prophète , se croyant tout savoir, quand elle avait peine k le comprendre (1). Entraînée par lui des mystères de la méta- physique dans les champs de la polémique »

«

elle a juré sur la foi du maître et formé au- tour de lui une phalange redoutable. L'ad-

(1) « Je crus comprendre sa philosophie , quoi- « que je ne la comprisse pas du tout , comme je m^en « sois. aperçu un peu plus tard. » M. Tabbé Lacor* daire , Cansidér, sur le Syst. de M, de La MennaiSj p. 160. (Paris, 1834.) M. de La Mennais s'est tou- jours plaint cpoiMn ne Pavait pas compris.

XX . DISCOURS

^ f

miration qu'elle lui a vouée ne s'est pas bornée à l'éloge de son talent : eïÊ Fa pré- senté comme un nouvel Atlianase , luttant de toutes les forces de son génie et de son caractère contre l'apostasie du siècle ; mais saint Athanase , toujours conséquent k lui- même , ne se rencontrait pas sous les éten- dards de Julien , mêlé avec les ennemis du Christianisme, pour battre des mains aux fêtes des'Euménides.

S'il n'y avait qu'une question de poli- tique, que des opinions, et non pas des doctrines, nous garderions le silence, et nous abandonnerions à d'autres des discus- sions que tant d'excellens écrits publiés sur ces matières rendent inutiles ; mais ici , la cause de la Religion est liée à celle de la Patrie, l'intérêt de l'ordre sacerdotal à celui de Tordre social tout entier. Les événemens qui nous pressent réagissent inévitablement sur un long avenir. La foi des peuples ébran- lée chancelle de toutes parts. Un nouvel

PllEUMINÂIlŒ. XXI

Evangile est proclamé dans les livres desti- nés a rinstruction d'une jeunesse que tour- mente le besoin insatiable de nouveautés. Nos sacrés oracles sont méconnus , la voix des Sages repoussée par les sarcasmes d'une orgueilleuse ignorance. Livrée à l'anarchie des opinions , la société chrétienne parmi nous semble n'être plus qu'un foy^r oii fer- mente une vaste conspiration contre l'œuvre du Seigneur.

Si les dépositaires de l'autorité civile sont intéressés à l'examen des doctrines sédi- tieuses qui sont venues envahir le domaine de la foi antique , si c'est pour les magistrats eux-mêmes un rigoureux devoir de bien connaître l'esprit qui les anime et les pro- page , d'en calculer l'influence , d'en préve- nir les funestes conséquences sur tout l'ordre public , les Ministres de la Religion pour- raient-ils voir d'un œil indifférent les dan- gers dont elles menacent le Sanctuaire? C'est à eux spécialement que s'adresse cet écrit.

UUn DttCOOBS

Il faudrait assurément n'être ni Français ni Chrétien, pour s'abuser sur les consé- quences d'un système qui bouleverse la hiérarchie, détruit la discipline antique, viole dans son essence la constitution don^ née à l'Eglise par son divin fondateur, attaque les fondemens de toute autorité civile et religieuse. C'était le venin ca- ché dans son premier ouvrage sur l'indiffé- rence. Les bons esprits ne s'y laissèrent pas tvomper, et ne craignirent pas de mani- fester leurs défiances. La Religion d'im l)ieu qui est vérité et charité, pouvait-elle se défendre par des paradoxes «t piur le \kvk* gage du mépris et de la colère? Etait-ce ainsi que l'avaient enseignée et défendue les Origène, les Augustin, les Chrysost^e ? U n'est pas besoin d'examiné ici leqùel,^ de l'mdîfférence ou du fanatisme, est le j^bis formidable dams uii Etat; il suffit que p^r«* simne ne puisse nier que l'un et fantré sont peraicifiux. Qu'importe quio M4oiti'oiau ^tar

gnante du marais, ou celle du torrent dévas- tateur, qui amène les ruines et creuse les abîmes,

M. de La Mennais luinnême n'a pu dissî* muler les inquiétudes qu'avaient suscitées aes étranges théories (1).

Déjà plus d'un critique sévère avait. in* terrogé ces doctrines , que leur nouveauté seule rendait suspectes; et l'épiscopat fn» çais n'avait pas tardé à manifester soa im« probation. Si Rome n'avait pas encore parlé, si la sentence du Siège Apostolique n'avait pas encore confirmé la censufè

(1) rëerîvûîs ces ligxes dans les premiers uois ût 1831 s trois ans aTant que le livre d«s ParUis d'un Croyant eut paru. Un journal a réoemment publié ce morceau [Xe^Etiides religieuses y^mdX J834). Ren- dant compte, le premier de tons, des Paroieë d'un Cre^né , ce jouroal obseri^a que « «'il eût été im- « primé à celte époque , ce portrait, jugé eu quel- « que sorte prophétique , eût élé sans doule alofs « tsité d'etAip^ratioÀ ; mais ài^gourd^bni , que répon- « dre? Le dernier écrit de M. de La Memiais a de- « passé totites les prévisl<ms ; le novat€rtir a désor*

XXIV DISCOURS

des évêqiies , c'était par ménagement pour le fougueux Novateur, qui laissait craindre qu'il n'attendît que ce moment pour lever la bannière de Luther. Les suites ont fait voir si le pressentiment a été faux.

A la suite de l'Essai sur V Indifférence et de sa Défense^ avaient paru diverses pro- ductions du même écrivain. Il ne faisait toujours, en s'y copiant lui-même, qu'en- chérir sur les erreurs des précédentes, et lever graduellement chacun des voiles qu'une prudente réserve savait y retenir. Pas un des articles de son Sermon quoti-^ dien (1) de V Avenir y qui ne se retrouvât textuellement dans ses écrits antérieurs, plus particulièrement dans le livre publié en \ 826 sous le titre La Religion considérée dans ses rapports avec l'ordre civil et poli- tique (2). Ce livre^ moins connu que V Essai y mais plus substantiel, pouvait être regardé

(1) Expression du journaliste dans r^venir^n. 395.

(2) 1 Tol. in-8«. Paris, 1826, troisième édition.

PR£LUf£^AIB£. XXV

a la fois comme le. Commentaire du précô* dent et l'Introduction à ceux qui allaient suivre. U Essai sur V Indifférence aurait suffi pour révéler aux yeux attentifs les doctrines déposées dans la pensée de Tau^ teur, et qui allaient être développées dans IcL Religion considérée^ etc. Celui-ci, à son tour, préparait aux saturnales de V Avenir; et ce dernier amenait , par une filiation di- recte, les Paroles d^un Croyant. Dégagés des digressions parasites et ramenés à un protocole général , tous o&ent la preuve d'une conjuration ourdie dès long-temps, et poursuivie sans relâche. Elle n'avait fait que déguiser sa marche jusqu'au moment la Révolution de Juillet lui eût fourni l'occa- sion d'éclater. C'est alors qu'il a commencé à se montrer au grand jour; alors qu'il a plus ouvertement levé l'étendard de l'inr surrection. D Avenir avait un but direct et proclamé sans mystère : c'était d'amener sa révolution religieuse par des ' révolutions

XX\1 NSfSeVM

pi^itiqii^. Voilà la mission que 4e Meniiâis s'est proposée , et qu'il s^est cranté d'aYoir remplie avec un succès supérieur à tes espérances; car il n'était que trop vrai, la funeste propagation de ces nouveautés «'était fait sentir jusque parmi le Bacerdoce. L'un des hommes le plus à portée d'appré-^ cier ces systèmes prétendus philosophiques^ d'en calculer l'influence , n'a pas craint de s^exprimer en ces termes ^ dans une excel- lente réfutation qu'il en a publiée : « Nous « aimions ^ considérer nM Séminaires ««r -comme de pieux asiles la vérité s'était M ïréfogiée , comme une terre de Gressen •<r oii le soleil de la vérité continuait à b^^il- "k Itt et à éclairer les âmes des plus put% « rayons de la èaine doctrine ; et voiU un « #afax Docteur qui s'élève au milieu de nous, K lève l'étendard de la révolta contre les ^ évèques , et appelle k lui la jeunesse déri- fr ôàle pdur l'égarer dans les fausses routes ^ ^utiejAilo^hie absurde^ d'une chéolo^e

I

t erronée^ d'une polidMfae scandaleitte (1 )• »

Cependant,, derait-on dè8-4ors an portar

un aussi rigoureux jugement? et n'y avait-il

pas plus d'une exèuse légitime à Êiire valoir

en £siveur de l'écrivain et de ses ouvrages ?

Quelques erreurs parsemées ça et^là dans la

cours de plusieurs volumes, supposaient-elles

on système ? Le dessein de l'auteur , en p«JH

bbantBon Eisaisur V Indifférence^ ne devait^

il pas en faire pardonner l'emportement ? «c II

fr avait bien fallu ehàtier , par une logique

t de fer 9 l'insolence de la Philosophie du

« jour (2)^ » Les ténàiéraires asaertibns domi<-

nantes dans le livre de la Religion von^

aérée daàs ses rapports àf^c l'^rdte c<Vi7 «|

poUHque^ semblaient palliées jpar l'ardeutr

d'un oèle respectable jtisque dans ses écarts^

L'janrtume^ l'eMspération de aes rép<msei^

Mennais , p. 261. taris , 1834. (2) M: Lacordaire, Considér. sur le Système, etc.

P. 36. : , .1^,'^ T \

m «««.. '.«1.

XXVm DISCOURS

à ^s critiques retombaient sur ses imprudens agresseurs. Le rôle d'accusateur public que lui imposait son journal de V Avenir per- mettait-il la modération de caractère et la mesure de langage ? Avec cela , un amour si filial , s% abandonné k l'autorité du saint Siège Apostolique , un empressement si ré- signé à soumettre ses écrits au jugement de l'Eglise et de son auguste chef ! Le danger de ses doctrines se trouvait couvert par l'hu- milité de ses protestations d'obéissance.

Telles étaient les apologies que Ton aurait opposées à nos pressentimens. Les Paroles et un Croyant TL^ les ont que trop justifiés. La frénésie qui a dicté cette dernière pro- duction explique toutes les autres. feu couvait sous la cendre , jusqu'au moment de l'explosion oii l'incendie s'est manifesté. La piété simple , ingénue , qui ne soupçonne pas le mal , comme dit l'Apôtre (1 ) , avait

(1) I. Cior; xni, S.

%

PRÉLIMCIAmE. XXIX

pu se laisser aisément éblouir par la haute renommée de FécriTain , par la pompe de son imagination , et par l'accent religieux

m,

dont elle paraissait empreinte. « On abon- c dait dans son sens , souvent avec plus de «c précipitation que de réflexion , et presque « toujours avec des idées plus confuses que r nettes et précises sur sa doctrine et ses c écrits (1). » Peut-être même le charme n'a-t-il pas été tout-k-fait rompu, malgré la fâcheuse impression que le dernier a excitée parmi ceux qui s'obstinaient k l'admirer même sans le comprendre; témoin les dé- fenses que Ton a osé en publier , et les pal- liatif dont on a prétendu en colorer les blasphèmes.

J S'il est nécessaire qu'il y ait des Hérésies ^ il ne* Test pas moins qu'elles soient démas- quées et- confondues. « Il nefautpas croire, » nous dit l'oracle des siècles modernes ,

(1) M. Boyer, «w/)f.,^t?an^Pr(?/)o«,p. iv.

ir que les Hérésies aient toujours pour au* « teurs des impies ou des libertins qui , de « propos délibéré , fassent servir la religion « àleurs passions. Saint Grégoire deNazianse «r ne nous représente pas les Hérésiarques «r comme des hommes sans Religion , mais ir comme des hommes qui prennent la Reli^ •f gion de travers. Ce sont , dit-il , de grands «r esprits , car les âmes feibles sont égale-^ « ment inutiles pour le bien et pour le maL ir Mais ces grands esprits , poursuît-il , sont «r en même temps des esprits ardens et ff impétueux qui prennent la Religion avec If une ardeur démesurée , c'est-k-dire , qui « ont un faux zèle , et qui , mêlant à la Re- «r ligion un chagrin superbe , une hardiesse ff indomptée et leur propre esprit, poussent r tout à l'extrémité (i). » Violer la tradition catholique , altérer et pervertir la sainte doctrine , attaquer et détruire tous les prin-

(1) Bossuet , Hist. des Variât., liv. v, n. 1, l. III, in-4», p. 488.

«

àftM de Tordre tocul, et la réTolte août le nom de liberté, répand- tire le menaonge et la caloninie contre U$ pontifeg sacrés ei lespiimces de la terre j en présenter Tafatorité sainte comme l'œuvre du péché et oomme puissance de Satan y tffiBcter partout le langage de TElcriture •aînte , et , par une audacieuse perfidie , fiiire plier ce langage, qui est celui de Dieu , a inculquer ces utopies , comme s'en plaint l'interprète sacré de la doctrine chrétienne, le pape Grégoire XVI dans sa dernière en- cyclique (1 ) : quelle hérésie fut jamais plus vaste et plus criminelle? c'était celle des fougueux sectaires du xnr* siècle , qui cou- vrirent TEurope de ruines et de cendres.

Ce qui rend une opinion dangereuse, c'est moins son opposition avec les prindpes de la foi et de la morale , que la confiance qu'on lui accorde; c'est sa propagation et

(1) Encycl. du 25 juin 1734.

XXXn DISCOURS

le nombre de ses sectateurs. Or* c'eist surtout ce qui excitait nos alarmes. La doc- trine de M. de La Mennais, nous dit un de ses disciples les plus ardens , bien que re- poussée par le corps épiscopal, avait fait néanmoins de nombreuses conquêtes parmi les ecclésiastiques du second ordre, que l'exercice du saint ministère met en point de contact journalier . avec les habitans des villes et des campagnes. C'était , de l'aveu du même, écrivain, une puissance élevée dans le sanctuaire k côté de l'autorité épis- copale, et souvent supérieure à la sienne (1 ). Elle exerce sur une portion considérable de la Jeunesse cléricale un ascendant pres- que irrésistible (2). Avant qu'il n'eût publié ses Paroles â!un Croyant ^ M. de La Men- nais était encore k l'apogée de sa gloire , et peut-être que l'autorité même des cen-

(1) M: Lacordaire, Considérât., etc., p. 36, 37.

(2) M. Boyer, Examen du Syst,, etc., préface,

p. XXXI.

I

PEÉUMDiAIRE. X^XIU

sures dont ses précédens écrits étaient l'objet, n'eût pas prévalu contre la séduction qu'ils avaient entraînée. Il n'y avait que lui qui pût se détrôner lui-même. S'il est vrai que le trait le plus marqué du caractère de M. de La Mennais fut l'esprit de prosélytisme, ja- mais novateur n'eut plus que lui à s'applau- dir de ses succès. U est bon d'entendre à cette occasion un critique qui paraît l'avoir bien connu. «Ce besoin de domination qui « l'a tqujours travaillé , cette espèce d'at- « traction presque invincible qu'il a exercée, « dès le commencement même de sa car- ir rière , sur presque tout ce qui était jeune, K intelligent et curieux de l'avenir, cette ft soif de conquête entretenue par des vic- ir toires dont la dernière en appelait pres- ft que toujoTU's une autre plus glorieuse en- « core y cet apostolat intellectuel , en exal- (( tant sans mesure en lui la conscience cr d'ailleurs si profonde de sa force , a été , « ce nous semble , l'une des causes les plus

T. I. C

If aetWeê à^ êa renonmiée* a Ce n^Mt pM tout; et fM ce ^(m «ût «n "verra «î noue «▼ons toft de craindre que aen 4cola ait déserté s^n drapeau* « Ce Loui$ XIV de « la pensée ( pourrait réeriram que noua ff citions,) avait bien comprit qu'il ne lui était 9 pas bon d'être eeul^ il a eu pemr d'un nom « solitaire, et, comme ces astres qui n'appa* « ratssent dans le ciel qu'environnés de « leurs satellites, il n*a voulu se montrer au « monde qu'au milieu d'ime garde nom<* « breuse et puissante, qui ooBsentit à n^^tre « grande que par lui, et k cenfondre à ja- « mais sa force dans sa force et sa gloire « dans sa gloire (1 ) . »

Je le demande encore : Mo«ia étûmshnous exagéré \ nous-^mêmes les dangers de la doctrine nouyelle et de son école ?

Que si rimputation d'hérésie fait peine à M. de La Mennaîs et k ses partisans , qu'il

(J) BainsVUniversreligieuûfy n. 184, article: Bu Livre de M, Lacordaire,

PRÉUHDiAIlE. XXXV

ne s'en prenne qu'à lm*même. Ce n'est pas nous qui la lui donnons; c'est lui qui Ta choisie. L'hérésie n'est appelée de ce nom que parce cpi'elle se sépare de l'ancienne croyance. Fille de l'orgueil et d'une curio« site vaine, au jugement de tous les saints Docteurs , elle se croit seule sage , se roidit contre toutes les oppositions , tantôt altière, hautaine , tantôt souple , artificieuse , s'en- veloppant de mensonges et de sophismes. Graduant sa marche , elle s'agite dans l'om- bre jusqu'à ce qu'elle se croie assez forte pour braver l'autorité qui la condamne , et lever le masque impunément.

On l'a démontré invinciblement : la doctrine de M. de La Mennais est hétéro- doxe, anti-sociale. Les théologiens de Rome l'ont qualifiée s Philosophie absurde, poli- tique sgandâleusb, ignorance complète de LA TQEOLOGiB (1 ). Nos évêqucs français en

(1) Philosophia absurda , Politica scandalosa , TheoÎ0gia nuïlm.

XXXVl DISCOURS

ont porté le même jugement ; le Siège Apos- tolique Ta confirmé par sa sanction souve- raine. Voilà celle que nous dénonçons par cet écrit à tout le peuple chrétien. Nous la combattons non-seulement dans sa dernière production , elle a rompu toute digue , mais dans son ensemble et dans chacun des précédens écrits elle avait eu Tart de se contenir.

Leur progression nous fournit la distri- bution naturelle de la présente Réfutation , et la preuve d'un Système suivi , uniforme , persévéramment en opposition avec les doctrines qui nous ont été transmises par nos pères, Nous distribuons donc cet ou- vrage en quatre parties :

La première est l'examen de V Essai sur V Indifférence en matière de religion^ suivi de La Défense que l'auteur en a publiée.

La seconde a pour objet le livre du même, intitulé : La Religion considérée dans ses rapports avec V ordre civil et politique.

PRÉLnUNAlRE. XXXVU

La troisième , le Journal de V Avenir.

La quatrième , les Paroles dun Croyant.

Au reste , cette constance de M. de La Mennais k soutenir ses paradoxes a été re- levée avant nous , mais dans un autre des- sein. On a prétendu lui en faire un mérite. On va plus loin encore. Au reproche de contradiction qui sans cesse le fait voir en opposition avec lui-même, on essaie de répondre qu'il n'en est pas moins resté conséquent à ses principes, parce qu'il a toujours marché vers le même but, bien que par des sentiers différens(l). C'est l'habile général qui varie ses manœuvres suivant les positions il se trouve engagé. Il ne nous en faudrait pas davantage pour justifier toute notre accusation. Nous disons que, sous le prétexte hautement avoué par lui de régénérer le Catholicisme^ M. de La Mennais a essayé d'introduire parmi nous

(1) Voy. la Kevue des deux Mondes , 1^' septem- bre 1834 , p. 860 et suiv.

xxxnu DisGOums

un système de philosophie et de théologie contraire a l'enseignement de l'Eglise ca- tholique , et qu'il l'a poursuivi persévéram- ment depuis ses premiers ouvrages jusqu'à sa production la plus récente ; et nous le démontrons par la filiation des Uvres qu'il a publiés. A travers les nuances diverses d'opinions en apparence les plus contra- dictoires, il n'abandonne pas le but qu'il s'était proposé dans le commencement. Suivez l'écrivain dans la longue carrière qu'il a déjà parcourue : d'abord zélateur ardent du pouvoir absolu , il ne permet pas qu'il lui soit porté la plus légère atteinte , et le défend contre toute Charte qui sem- ble en affaiblir l'intégrité. Il lui faut la Monarchie pure et sans conditions. Bientôt il la répudie , U l'abaisse aux pieds du pou- voir pontifical , centre d'unité dans 4'ordre politique comme daAs l'ordre spirituel , jusqu'à ce que vienne le moment de les anéantir l'un et l'autre. Gallican dam la

fté&cù de MD premier ourrage ( De tlnsti^ tution canonUpu dis euéques )^ il ne se sou* ' Tient plus dans ton* les autres de la doetrine de Bossoet f que pour la flétrir des plus ka- jarieuses qualifications et la vouer a Fana- tiième. Oa Va tu , panégyriste outré du roi Ferdinand VU, proposer ce monarque a l'eiemple des autres Souverains de la chré- tienté. « Il n'avait point assez d'éloges pour cr ce prince » » dit l'auteur d'un ar licle fcnrt bien Cût , dans VUnivers religieux. A quoi il ajoute : « Ces paroles d'alors forment un « Mngidier contraste avec celles qu'il vient « de consigner sur le même prince dan» « le livre Jtun Croyant (^\), » Quelle force I quelle fraiicliise d'expression en apparence daiM les attaques qu'il livre a la Démocratie I Elle est la éourcê de tous les désordres. Chez un grand peuple j elle détruirait infaillible^ ment le Christianisme. Celle de notre temps

(1) Dans 1#)6Wm4 imitiilé i POM^ft^ ¥Mgi0itm, n. 177.

XL DISCOURS

repose sur le dogme athée de la soui^eraineté primitwe et absolue du peuple. Parlant de Tégalité : <f Le système de l'égalité absolue « n'est au fond qu'un système de destruction i< absolue (1). » Dans le même ouvrage : « Point d'ordre social sans hiérarchie , de K société sans pouvoir et sans sujets , sans « le droit de commander et le devoir cf d'obéir (2). »

Une opinion aussi prononcée peut-elle ja- mais revenir sur ses pas? Oui, M. de La Men- nais nous en a donné la preuve. La pensée do- minante de son journal de V Avenir sera de montrer que la souveraineté du peuple est de droit divin ; que c'est par la voix du peuple, par l'élection de tous que Dieu fait les rois ; et ses Paroles d'un Croyant nous appren- dront qu'il n'y eut jamais de princes légi- times que ceux qui ont été choisis par le

(1) Essai j t. I , p. 348. Tout le chap. x de Fou- vrage est employé à cette démonatration.

(2) Ihid.,1^. 33J.

PRÉUmNAOUE. sut

libre consentement des peuples. Encore n'est-ce qu'une transition pour arriver à les déclarer tous oppresseurs, tyrans affamés de larmes, de sang, de rapines, assassins des peuples ! Le même homme qui a fait de la liberté une idole à laquelle tout doit être immolé, même ses propres sacrificateurs (1 ); le même qui a déclaré si énergiquement que la liberté de conscience était un des droits les plus imprescriptibles de l'homme , c'est lui qui affirmait que tolérer tous les cultes, c'était les mépriser tous également, et que, s^il est permis désormais a l'athée de profes- ser publiquement son impiété, il ne le sera jamais de reconnaître les libertés gallicanes, sous peine de renverser tout ordre religieux

(i) « S'il est quelque chose de grand sur la terre, « c'est la résolution ferme d'un peuple qui marche « à la conquête des droits qu'il tient de Dieu ; qui « ne compte ni ses blessures, ni les jours sans repos, « ni les nuits sans sommeil , et qui se dit : Qu'est-ce « que cela ? la justice et la liberté sont dignes de «bien d'autres travaux. » Paroles d'un Croyant, p. Î16.

01: politiqtié^ En cbangetnt dd l«ngag«^ M. de La Meimab ne changeait point vfstème. Révùlutiannain eoê n^rvicé JPumà vieille causêy il ne fiiit qa'cmbrassev la nour Yelle (1). PfoTocateury k l'en creôte^ de lu RéTolution de Juillet^ il nW était pas moint son pins Yiolent ennemi. Une feinte técotk* ciHatkm n'est paa toiijoniii on snr indice dm paix. Ces fastueities proclamatkna qae l'on fait retentir le lendemain d'one i^nerre auaii yiolenle^ pouTait^on^ devaît-Km lea accepte^ sans quelque défiance? Saint Anibreise a dit d'Auxence ; « Cette peaa de brebis, ne Youa ff y fiez pas ; elle cache im loup déguisé i Exuit lupum^ indiiit Uipum^ UhraiSiontaii on gallican, monarchiste cm ifépvbticain^ calholique soumis en promesse à la voix du SouTorain Pontife , aujourd'hui réfiractaire opiniâtre aux décisions du Juge strprênte ; tour à tour , et souvent dans le même ou-

(1) M. L'H^rminier, Revuo des deus UotuhSf 1«' septembre 1834, p. 560.

Tra^ soutenant k pour et le contre; pané» gyriste de la raison (1) et son détracteur le plos impitoyable ; sectateur fanatique de la tolérance 9 après s'en être montré le plus ardent antagoniste (2), « il a toujours pour- (r suivi le même but , parce cpi'il a toujours cTOuln arracher la société à sa tiédeur « égoïste, à sa corruption matérielle, depuis « son Essai sur V Indifférence jusqu'à ses « Paroles d'un Croyant^ parce qu'il a tou«- t jours Toulu régénérer , ressusciter mora- t lement ce qui ne lui apparaissait plus que f comme un cadayre (3). »

Et ne croyez pas qu'aujourd'hui encore le fier athlète de la Réforme ait quitté son champ de bataille. Son disciple, M. Lacor- daire, a grand soin de nous instruire que «jamais M. de La Mennais n'a été plus

« puissant qu'aujourd'hui. C'est Achille sous

(1) Essai sur Vlndif, t. I, p 44-

(2) /WJ., introd. » p. 25.

(3) Retme des deux Mandes , supr.

at politiqfiM»^ En cbangetnt dd Imgag*,. M. de La Meimab ne changeait point dte vfstème. Révùlutiaimain eoê Meruicû JPumà vieille causêy il ne fiiit qa'cmbrassev la nour Yelle (1). PfoTocateur, k l'en creôte^ de 1* Rérolution de Jnîllety il nW était pas uoiné son pins Yiolent ennemi. Une feinte téany* ciHatkm n'est pas toirjoniii on sur indice d# paix. Ces fastueuses proclamatkns ipte l'on fait retentir le lendemain d'one ^^nerre aussi \iolenle, pouf ait^on^ devaît-^cm les acc^tei^ sans quelque défiance? Saint Ambreite a dit d'Auxence : « Cette peaa de brebis, ne Youa «r y fiez pas ; elle cache un loup déguisé t Exuit lupum^ induit hipum^ Uhraiftiontaii ou gallicsHi, monarchiste om ifépvWcain^ calholique soumis en promesse à la voix du SouTerain Pontife , aujourd'hui réfiractaire opiniâtre aux décisions du Juge suprême ; tour à tour , et souvent dans le même ou-

(1) M. L'H^rminier, Revuù de$ deu» Jtofuhs ^ 1«' septembre 1834, p. 560.

PRiumBUURE.

vrage, soutenant k pour et le contre; pané» gyriste de la raison (i) et son détracteur le plus impitoyable ; sectateur fanatique de la tolérance 9 après s'en être montré le plus ardent antagoniste (2), « il a toujours pour- « suivi le même but , parce qu'il a toujours r voulu arracher la société à sa tiédeur « égoïste, à sa corruption matérielle, depuis « son Essai sur l* Indifférence jusqu'à ses « Paroles d'un Croyant^ parce qu'il a tond- it jours voulu régénérer , ressusciter mora- t lement ce qui ne lui apparaissait plus que V comme un cadavre (5). »

Et ne croyez pas qu'aujourd'hui encore le fier athlète de la Réforme ait quitté son champ de bataille. Son disciple, M. Lacor- daire, a grand soin de nous instruire que cr jamais M. de La Mennais n'a été plus « puissant qu'aujourd'hui. C'est Achille sous

(1) Essai sur VIndiff., t. I, p 44

(2) Ibid., introd., p. 25.

(3) Revue des deux Mandes , 8Upr.

XUV DISCOURS

ft la tente. M. de La Mennais règne encore : tf un nouveau parti se forme autour de lui ; tf des hommes distingués s'unissent pour le <r soutenir ; plusieurs feuilles religieuses Yoht (c se constituer plus ou moins ouvertement « ses champions (1). »

Quand l'erreur parle si haut, pourquoi la vérité garderait-elle le silence?

Convaincu que la vérité porte avec elle un caractère d'autorité qui frappe tous les yeux, indépendamment des formes qu'elle emprunte et du nom de celui qui en est l'organe , j'ai pensé que tout prêtre catho- lique était appelé à défendre l'héritage de la foi et de la paix publique.

D'autres se sont présentés avant moi dans la lice. Signalons particulièrement a l'estime et à la reconnaissance publique les Examens de la doctrine de M. de La Mennais que MM. Rozaven et Boyer en ont publiés.

(1) Lettre rapportée dans V Univers religieux, n. 211.

PRÉLIMINAIRE. XLV

Toute ma prétention, en venant après eux,

fut d'apporter ma faible offrande k la suite

du riche présent qu'ils ont fait à l'Eglise , et

de contribuer, par mon infériorité même ,

à répandre de plus en plus ces excellens

ouvrages. Qu'avais-je de mieux a faire que

de marcher sur leurs traces ? En profitant

de leur travail , mais avec la précaution de

déclarer les emprunts que je leur ai faits,

j'ai suivi l'exemple de M. de La Mennais,

dont les plus belles pages peut-être sont

dues k Pascal , a Nicolle, à Bossuet, a

M. PSfecker lui-même.

Parvenu au terme de ma carrière, je dé- posé sur le seuil de ma tombe ce nouveau gage de concorde et de charité , le dernier sans doute qu'il me sera donné de léguer a mes concitoyens.

HISTOffiE

DE

LA NOUVELLE HÉRÉSIE

DU XIX« SIÈCLE.

PREMIERE PARTIE.

EXAMB5 DO LIVRE DE M. DE MEXNÀIS , HTTITCLA *. ESSAI SUR L*IlfDIFFÉRBEfCB EN MATIÈRE DE REU- GION , SUIVI DE SA. DÉFENSE , PAR LE MÊME.

LIVBE PREMIER.

su hvnJL iMTiTcii : imài sue ii^raBiFrÂESircB ma lUTitiB

M REUGION.

CHAPITRE L

Rapproohemenê de la nouvelle hêrine avec celle des pr^enduê Réformée du xvi* êiècle,

Dspms que nous ayions tu Philosophie se dédarer hautement l'ennemie de la Re-

T. I. i

s IIISTC^IEB

ligion , les ein^drleïnens aàtqliels la pre- mière s'était livrée , rindifférence presque

générale l'autre était tombée , avaient

*

fait perdre Pespérance qu'il pût s'établir entre les deux rîtaleâ aucun rapproche- ment.

M. l'abbé de La Mennais entreprit , nous

1* '

es irécènciUer , et de reconstituer

la société par Vuiiion des intelligences. U rasseihbla toutes leé fôrèës de son esprit et de son caractère , pour fonder sur une école philosophique la paix du monde et le salut de Vqs'enir. Son Essai sur V Indifférence ^ publié k une époque la Philosophie, fière de ses triomphes , méditait de nou- veaux chants de joie sur les dernières ruines du Christianisme , proclama l'alliance de la foi et de la raisoh. Un dés disciples les plus renommés de son école nous déclare en ces termes pensée de l'illustre auteur : r Ce (c sont ces de jUL puissances jalouses queM. de « La Mennaip , par un hardi <f easein , a tenté

DE LA NOUVCIXE HÉRÉSIE. 5

n de rëduire a Une seule , non pas en dé- if tiruisant Tune ou Tautre , mais en les con- 4 traignant de partir du même point , de « suivre une méine voie , quoique sans se «c confondre , et de se rejoindre enfin dans « un foyer commun , comme deux branches « d'une ellipse (1 ). Si le dessein était hardi ^ était-il aussi nouveau , aussi original qu'on a Tair de oous le faire croire? Combien d'ouvrages publiés chez tous les peuples savans , dans la vue de faire reconnaître l'accord de la foi avec la raison! Saint Au- gustin ne laissait aucun doute à cet égard. <r L'Eglise , avait dit le saint docteur, s'atta- « che à mettre bien avant dans l'esprit des ce hommes cette maxime certaine qu'elle fait K profession de croire , et qui est le fonde- ir ment de leur salut , que la philbsophie et 4r la vraie religion ne sont point choses diffé-

(1) M. TaM^é Lacordaire , Cûtuid, sur U Système phUasoph, de M. de La Mennaû, p. 41. (1 yoI. in-S. Paris , iS3&. ) Ibid. , p. 140.

.1

4 HISTOIRE

« rentes (1). » Quoi qu'il en soit de cette opî- nion , que nous nous proposons de discuter, ailleurs , était-ce Ta Tunique but de l'écri- vain? et les suites n'ont-elles pas révélé un dessein plus étendu , conçu avec profon- deur, poursuivi avec non moins d'audace que de persévérance , eniécuté avec plus de succès peut-être qu'il n'eût osé l'espérer? M. l'abbé de La Mennais ne l'a pas désavoué. Depuis quinze ans , dit son journal de 1'^- i^enir j il n'a pas cessé de travailler k régé- nérer le Catholicisme ; à lui rendre^ sous une forme noui^elle et avec des progrès nous^eaux^ la force et la vie qui Valaient abandonné (^^

m

Lui et ses confédérés déclarent à la face de l'univers leur ferme résolution de se dé- vouer au triomphe de cette noble cause ^ et de poursuivre , en dépit de toutes les ré-

(1 ) Traité de la vraie Religion,i. l, Bénéd. , p. 751 . Dans Bibliothèq^iç choisie des Pèreê ^ jton^, XXI , p. 128.

(2) Avenir^ supplém, du 2 feyr. , u<> i \t9.

bfc.

DK LA NOUVELLE HÉRÉSIE. ^

sistances , leur "grand œuvre de la régénéra;- tion religieuse ^ dont le travail fut médité pendant quinze ans (1).

Pour cela , il ne faut rien moins qu'abattre tout ee qui existe (2) , reporter sur de nou- velles bases l'édifice entier de l'intelligence , en renversant les doctrines qu'une philo- sophie niaise et ahsurde avait accréditées ; persuader à la génération présente que les preuves adoptées jnsqulei sans^ trop d^ exa- men pour établir la vérité chrétienne , étaient insuffisantes , inociaiplètes , équivo- ques , absurdes même*; et qu'enfin, après tant de siècles iUnstréâ par le géflie des Au- gustin, des Thomas d'Aquin^des Descartes,

des Bossnet, la lumière allait sortir du chaos.

(1) Avenir y Vi^ 395.

(2) « Renrerêer do fond en comble Tantique br-

H ganisation de la vérité, ail est permis de parier

« ainsi. » Tel a été, suivant M. Lacordair^, l'œuvre

de son maitre. {Considérai, sur le Système, eta. y

p. 147.

0 MISTOIllB

La nouvelle croisade qui devait émanci- per le genre humain fut proclamée dans le premier volume de V Essai Sur V Indiffé- rence.

Toute entreprise humaine a ses commen- çemens , son progrès et son dénoûment. Ce n'est point au premier' jour que les projets se manifestent. Il faut graduer sa marche pour la mieux assurer. Le volcan prépare son éruption avant qu'elle n'éclate.

Que M. de La Mennais eût débuté par 4ÇS Paroles d'un Croyant^ Tindignation 43^\J)ilique eût marqué cette, production du ^me sceau jdpnt eU^ a flétri les furibondes orgies de 93 et le délire des clubs repu- blicaifis. Gqs rugissemens de la fureur , ces cris forcenés de haine et de vengeance contre toute autorité civile et religieuse , cette Apocalypse de Satan , comme on Ta désignée , eût affligé sans doute tous les cœurs fabnnêtes; elle eut bien moins étonné dans un siècle accoutumé aux violentes dé-

DK LA I\OIJVfiI«L£ HÉRK6UE. 7

damations des Diderot , des Marat et des Babeuf. Mais un prêtre signalé parmi' Lss défenseurs du Christianisme , porté, par la complaisante admiratipp de 34$^ disciples, à la suite des Pèr^s de l'Eglise , ofirir tant a coup un contraste ai révoltant , il y avait de quoi surprendre ^t déconcerter Le^ panégyristes içt quiçqnque n'avait ppii^t porté sur ses compositiofia intérieures un coup d'çeil ^sez réfléchi'' pour en saisir {(ss intermédiaires , et attacher 1^ çonséqu^nçi^ aui principes.

Qu'on lise dans l'histoire de l^ Réforme telle que la racontant , je ne dis pa$ seule- a^ent nos écrivains catholique^, fn^is }j^ Protçstans- eux-mêmes et ses £)pologistes , qu'ors y lise le récit des emportemens de Luther, après sjai condamnation , en 15^ , exhalaqt sans pudeur les plus brutales im- précations contre ce qu'il y avait alors de plus révéré sous le ciel ; empruntant les pa- roles du prophète et les accens de l'inspi-

8 flISTOIRK

ration pour déyouer ses adversaires au carnage, à Pextermination (1); de pareik excès fîirentt-iis l'explosion snbite d'un coeur exaspéré par la contradiction ? On ne laisse échapper de sa plume de semblables paroles qae quand elles ont long-temps fermenté. Le livre delà Liberté chrétienne , plein , dît Bossuet, de paradoxes dont l'Europe ne tarda pas k' voir les funestes eflfets (3) , et pourtant si modéré auprès de Fécrit récent de M. de La Mennais , avait eu déjà bien des avant-coureurs qui préparaient il sa^oc- trine. De l'époque le livre paiut , remon- tez a Tannée i 51 7, qui fut le point de départ du fougueux hérésiarque , comme trois siècles après , ^ une pareille année 1817 , devait édore le premier écrit du nouveau réfor- mateur : suivez ses pas dans la carrière. D'abord, des propositions hasardées contre

(1) Voyes BoMael, Hisi. deê Vmrimi,, liv. i,

B. XXIT, XXV.

(1) Ihid., B. XXIII , t. lll, p. 75, cdit. in-i*.

DE LA NOUVEtLB BÉRÉSIE. 9

le sentiment commun , des singularités il s'étudie en toutes choses h prendre le contre-pied de l'Eglise (1), et, avec cela, la protestation que personne n'est plus docile a sa doctrine , plus soumis à ses décisions (3). Que le Souverain Pontife, ému des clameurs qu^excitait déjà la nouveauté de ses systèmes, en prenne connaissance : c'iest alors qu'il se montre le plus respectueux. Il lui écrit : Donnez la pie ou la mort^ appelez ou rap- pelez ^ approuvez ou réprouvez^ comme il voua plaira , j'écouterai votre voix comme celle de Jésus-Christ mêmew(3). «r S'il avait <r pris la plume , ce n'était pas , à Dieu ne <r plaise, que cefitîtdansaucunevue humaine, «r Homme timide et retiré, il avait été traîné

(1) fipssuet, HUt. des Variationê^ n. xxiii, t. III, p. 72, édit. m-4*.

(2) Hisi, de la Réformation , par de Sekendorf , t. I, p. 53. M. de La Mennais, Eaaai sur l'Indiff,, 1. 1, p. 178.

(3) BoBSuet, supr., p. 73. Lutheri opéra, t. I,

ici aiSTOIAK

« par force dans le public, et jeté dans cçs « troubles plutôt par hasard que de dessein. ff Ilaavait bien que Jésus-Christ n'avaitbesoin ir ni de son travail ni de ses services (i ). » Ce- pendant, ajoute Bossuet, on ressentait dans ses écrits je ne sais qijioi ^e fier et d'em- porté (2); à travers jçette feinte modé- ration, perçait l'orgueU du sectaire; il se faisait reconnaître ^ux |i;ien^ces adr^^ées a ses contradicteurs. Jiui pa^rlaitron de ré- tracter OU- d'expliquer daiis^ un sens plus exact ceftginqs opinion^ énoncées ^mé- rairement? Ëijgagé coinme il Tétait, ^n honneur ne lui permettait pas ^e rç^ur 1er (3\). A.mesniro que le parti grossisfs^it , il 1^ prenait d'un ton encore plus haut. Ce n'était plus un harangueur qui se laissât emporter à des propos insensés dans la cha- leur du discours , c'était un docteur qui ^og-

(1) De Sekend(vf, Hist. de la Réform., t. 1, p. 46.

(2) Bossuet , supr.y p. 74.

(3) Luth., Episf.adLeon, X. Bossuet, p. 75.

DE LA NOUVELLK HÉRÉSIB. il

matisait de saog-firoid , et qui mettait en tbèse toutes ses fureurs (i ). Ses expressions à regard du pape ont bien changé, r Je ne c m'arrête pas, dit^il,kce qui plaît ou déplaît « à réyêquj^ dp Roine; il esthomn^e comqi^e « les autres hommes. J'écoutp le p^p^ en fa « qualité ^ pape (2). f ^^w d'autre ^mps il aurait dit ; Cp.mipe papç,ouij; çQmmepfinc^, non (3). {i'électeur Frédéric de Sa^ , son protçpt^ur le pliis déplar^ , c^qyenai^ lui- niêofie ^u'il allait irop loin ; tout ce g^'il auraijb ypulu ,* c'était qu'il eût agi avec plus 4e douceur et de circonspecti^on (4). Erqisme etMéls^ficbfo^lm faisaieii,t les mêmes repro- ches. Dele^ijcaveu^qn yayQJt dan^ tout son discofurs les4eux'pF)ai^qjae9 4'vin orguei^ outré, la moquerÎQ e|t \^, violençeX^s fièvres les plus

(1) Botsaet,p.79. , .

(2) HUt.^dela H^/orm., parde Sekeadorf , p. 59.

(3) Distinction de M. de La iMTennais dans sa cor- respondance avec Mgr'., résèque Rennes."

(4) DeSekendorf,p. 449. .

tS RfSTOIRK

violentes ne causent pas de pareils transe- ports. Et voîlk ce qu'on appelait dans leparti hauteur de courage. On lui pardonnait tbut, parce qu*il avait parlé avec un grand éclat de belles paroles et une heureuse élégance de la langue maternelle. Ce qui fait dire h Bossuet , après qu'il a rapporté ces contra- dictions : cr Quand je considère taht'd*em- « portement après tant de soumission , je •f suis en peine d'oîi jwuvait venir ciètte ha- ie milité apparente à tin honlme de ^e iua- « tureL Etait-ce dissimulation et ftrtiBcie? « ou bien est-ce que rorgueil se comiaii <r pas lui-même darhsseé comn^fehcemens , et K que , timide d'ibôrd , il se èaelie sous son cr contraire,juéqu*kce'q[n'il ait trouvé Focca- « sion de se déclarer avec avàrttage (i) ?

Que si nous comparons le fond de la doc- trine : la ressemblance n'est pas moins frap-^ pante , a la seule différence près des matières quel'espritdu siècle imposait a ses écrivains.

V

(1) Variât. y liv. i, ii. xxvi, p. 77.

Jm LA NOUVELUS HÉRÉSIE. 15

Luther, au dix-neu^ièmc siècle, auraitparlé de tou( autre chose que des indulgences, de la justification et du libre arbitre. Trans- porté parmi nous à une époque d'anarchie rien n'est défendu par personne (1)) il eût commencé à sonder la plaie vive , pro- fonde , qui ronge la société ; il eût fait tom- ber de sa plume éloquente une philosophie nouvelle , hardie , régénératrice , destinée , selon son opinion , à sceller dans leurs fon- demens même l'alliance de la foi et de la raison (2) , sans trop s'embarrasser si par le fait il ne renversait pas l'une et l'autre, mais toujours protestant que quiconque tou- che à la foi touche a la prunelle de notre œil (3); et, sur les ruines de tous les an- ciens systèmes philosophiques et théologi- qiies, il eût élevé ce quelque chose qui,

(1) M. Lacordaire , p. 200. M. de La Meimais, Introd. a V Essai sur Vlnêifér.

(2) M. Lacordaire, Considérât,^ p. 80.

(3) JJbid,, p. 36, 93, 371.

14 msTonts

coiilthe parle M. Lacordaire, a Vair de vis>re et de s* entendre y bien qu'on lie cesse de nous crier que personne rCy a rien com- pris (1). Luther, au dix-neuvième siècle. Serait ce. qu'est M. de La Mennais ; son premier ouvrage eut été V Essai sur Pin- différence.

Cependant il était impossible qu'il ne s'é- levât des doutes, des réclamations. —Le no- vateur de Wîrlemberg ne permet pas qu'on l'attaque. « Si on m'attaque, puisque j'ai If Jésus-Chrisl pour maître , je ne demfeu- <c rérai pas sans réplique. Pour ce qui est de tf chanter la palinodie, que personne ne s'y •f attende (2) ; » et il tient parole par la pu- blibation de sa Défense^ suivie bientôt d'iihé nuée d'écrits apologétiques, Réflexions ^ Mélanges , Lettres , il développe de plus en plus le mystère de vérité auquel il se pré- tend appelé. Dans celle qu'il adresse auxévê-

(1) M.Lacordaire, p. 180 et 200.

(2) DeSekendorf, p. 98 .130, 170.

^

DK LA NOtVELLE RÉEÉSIE. IS

qaes , il leur déclare , afin qu'ils n'en pré- tendent cause d'ignorancci , que sa vocation spéciale est de publier les oracles de la vé- rité , de les annoncer ai^ec un mépris magni-^ fifue dteux et de Satan ; et que si on lui de- tnatffde lès titresf de sa mission, il n'a d'autre chose à répondre , sinon qu'il Va reçue non des hommes ni par t homme ^ mais par le don de Dieu et par la réi^élation de Jésus-Christ. Sur quoi Bossnet : « Le voilà donc appelé à tr noéitie titre que saint Paul , aussi immé- «r diàteinëAt, eitr^ordinairemen t (1 ) . » Pleins Inémé esprit que leur maître , les disèi- pies de M. de La Mennais répondront k leur tôûr à la même question ; «r Notre mission , ir elle nous yiéht de notre conscience , de c foi catholique , des lois de l'Église , dés tf concile^ , tradition chrétienne (2) ! ;i Qui oserait combattre le nouvel Ecclésiaste

(i) Hiêt'des Variât,, liv. i, n. xxxvil (2) Avenir y n, 60.

16 UIStOIRE

( nom que Luther se doiine k lui-même

eu têle de ses ouvrages ), et ces apâtres à

qui le ciel a commandé de régénérer le Ca--

tholicisme déchu ^ d'y ranimer à tout prix la

force et la vie tjui depuis long^tempsT avaient

abandonnéPTelle est la mission qu'ils avaient

k remplir ; et c'est k cette régénération que

lui et les siens n'ont pas cessé de travailler

depuis quinze ans. Luther non plus ne cessa

jamais de tenir ce langage^ il lie voulait que

ramener le Christianisme k sa simplicité pri«

mitive , en le présentant aux intelligences

tel qu'il le concevait eii lui-même , et non

tel que les doctrines surannées de la scolas-

tique et les superstitions des siècles précé-

dens l'avaient défiguré (4 ). Pour cela, il fallait

décrier et les scolastiques et les théologiens

des siècles précédons , sans faire grâce k au-

(i) Yillers , E$aai sur l' Esprit de la format, de Luther, p. 54. Ponce, Essai histor. sur le même siget, p. 47. Malle ville, 2* Disc, sur le Luthéran., p. iôOetsqiv.

K

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE, 17

cun. Tout ce que l'épiscopat et le sacerdoce catholique comptait de plus vénérable par réminence des talens et des vertus , chargé des plus odieuses imputations , n'échappait au reproche d'ignorance que pour tomber sous celui de la plus abjecte servilité (1). La Sorbonne , entre autres , dont l'autorité s'était fait remarquer avec tant d'éclat aux conciles de Constance et de Baie , devint par Ikmême, après qu'elle eut osé censurer sa doctrine, le point de mire de ses plus véhé- mentes agressions. Les plus grossières injures lui étaient prodiguées ; et rien n'est compa- rable à l'acharnement avec lequel ces soi- disant apôtres de la charité évangélique s'exprimaieql; sur cette école fameuse dans tout le monde chrétien. Toutefois je ne sache pas que Luther , ni aucun de ses dis-

(1) M. Lacordaire convient que la nouvelle phi- losophie fîit repoussée par le corps épiscopal et par les docteurs , ce qui n^ empêcha pas les sectaires de passer outre. (Con«ûicV.,p. 30. )

T. I. 2

18 »M1IIB

ôples» ait poussé la démence jusqu'à Pacci d'athéisme.

Oser^û^je le dire? car, même en expri« mant ici ma pensée avec toute la réaerye que m'imposent la rigueur des principes et le respect des convenances , je tremble encore que des lecteurs médiocrement versés dans

l'histoire de ce déplorable schisme et des causes qui ramenèrent, ne s'en prévalent pour autoriser la révolte par laquelle Luther remplaça la réformation. La face de l'Eglise était alors si étrangement défiguré^9 la dis- cipline tout entière si méconnue, Tétude des sciences ecclésiastiques si fort négligée par ceux-là même qui se vantaient le plus haut de leur érudition (i ) , le» distinctions sur ces matières étaient si subtiles et si em- barrassées , quHl était bien difficile de se tenir ferme sur le terrain glissant l'on s'é- tait engagé. Un zèle mal éclairé pouvait s'y

(i) Voyez Mgr. Pévéqne de Strasbourg, IH8ci$99, amicale, 1. 1, p. 69, 85 ; et t. II, p. 354 et suit.

>^

PB LA PfOOVKUA HÉBÉSIE. t9

mépr&àdx^ : je ne parle que des commença- mens. Or y il e$t prouvé que ceux de Luther n'txcédaient pas les bornes s'arrêtèrent les Erasme , les Gerson , les Pierre d'AUly. A leur exemple , les esprits pacifiques, yraii enfiins de l'ÉgHse, sollicitaient avec énergie, mais sans aigreur , sans emportement , la râfonne devenue nécessaire tant dans le cbef que dans les membres ; dût le médecin plonger le fer au fond de la blessure pour en M(tirjp«p un mal profond et invétéré (1). Calaient y comme parle Bessuet, les farts 4e f Eglise, dont nulle tentation ne pouvait ébranler la foi ni les arracher de l'unité (3); mw le nombre en était petit et l'auto- rité impuissante. Luther s'était d'abord rangé de ce parti. S'il accusait, c'étaient

(1) Vay9t les témoi^ages de Gill. de Viterbe, dans VHist. des Conc. Richer, liv. iv, part, ii, p. 8 ; da eard. Jolien , Episiola I ad Eugen, IV ^ inter opéra £n. Silv., p. 67 et seq. Bérault-Bereastel , Hitt de VEgl.yt, XI, p. 95. (Besançon.)

(2) flirt, deê rafiat.,\iy'\,n, 5, t. III in.4^p. 65.

iM HISTÛmE

des abus notoires , crians , avoués pai" les pontifes et par les conciles, auxquels on refusait opiniâtrement d'apporter re- mède (1). Il écrivait à Farchevêque de Mayence pour lui exposer ses doutes et s'é- clairer de ses lumières (2) ; il se soumettait àl'avance aujugementdupapeet de l'Eglise, h la décision de ses docteurs, consultés par lui , disait'il , avec la simplicité d'un enfant. Nul esprit de système ; rien qui ressentît la prétention d'innover. Il condamne sévère- ment le zèle indiscret de ses premiers disci- ples qui avaient pris sa défense, par d'inju- rieuses représailles, contre le bouillant Tzetzès (3) , et se plaint que la violence de ses ennemis , portée (Bossuet en convient) (4)

(1) Maimb., Hist, du Luthéran., t. I, in-4<» , p. 8, 10. Bossuet, liv. v, p. 190.

' (2) Sleidan, Comment,, liv. i, p. 2. De Sekend., Hist. de la Réform,, t. I, p. 2o.

(3) De Sekend., Hist, delà Réform.,ji, 41.

(4) Bossuet , Variât,, liv. v, t. III, p. 190.

mt LA KaU\EU4E HÉEÉSIE. SI

jusqu'à Taigreur et rcmportement (1), et la nécessité de se défendre , l'avaient entraîné* par-delà les bornes de la modération. Mais combien les choses étaient différentes ! M. de La Mennais n'avait pas sous les yeux ces scandaleux désordres dont l'Église était alors déshonorée. La foi de notre Eglise ca- tholique était intacte ; sa discipline , sa con- stitution sainte étaient sorties victorieuses des'combats que lui avaient portésle schisme et l'hérésie* Plus de controverse dans le sanctuaire ; ses ruines se relevaient paisi- blement sous l'autorité paternelle de ses évêques , et rien ne retardait le travail ré- parateur confié aux mains de la sagesse et de l'expérience. Que s'il laissait quelque chose encore à désirer du côté de la science, non moins nécessaire en effet au sacerdoce que la piété elle-même, le champ de la science ecclésiastique avait-il été épuisé ? i^e

(1) Luther, t. V, in cap, i ad Galat, Ibid. , foLllO. Erasme , Episi. ad eard. Sadolet,

HBTOniE

«'ouvrait-il pas , riche de trésors , à la noble ' émulation d'une jeunesse studieuse? mai^- quait-on de guides sûrs , d'oracles éprouvé»? Entre les plus illustres Églises du monde chrétien , se présentait k tous les regards notre Eglise de France , brillante de génie et de vertu , forte comme cette tour âe David dont parle l'Écriture (1) , investie de toutes parts des mille boucliers que nospon* tifes ont suspendus k ses murailles. Pourquoi n'y pas apporter son propre trophée? Poui^- quoi I au contraire , lancer contre elle les traiter du Philistin ? Le livre de M. de La Mennâis était , nous dit-on , une résurrection tèdmi^ tablé des raisonnemens anciens et éternefe qui prouvent aux hommes la nécessité de la ibi« Je veux le ci*oîrè; mais ces raisonne- mens $ nous dit M. Lacordaire, étaient ren- dus nouveaux par leur application a des «reurs plus vastes qu'elles n'avaient étédann

(1) Cata. iv/4.

BE LA KOUVSLLB HERESIE.

les siècles antérieurs. Pourquoi ne pas s'en tenir là? Quel intérêt et quel besoin la Yéiité chrétienne avait-elle que M. de La Mennais ajoutât de nouvelles preuves a sa démonstration? Les anciennes étaient, nous dit-on, incomplètes^ insiiffisantes , plus pré- judiciables à la religion qu'elles ne peuvent lui être utiles. Mais ces preuves , «i dédai^ gnées par la moderne école, c'étaient pouiv tant les mêmes qui avaient triomphé de l'or- gueilleuse incrédulité et des sophismeii de l'hérésâe. C'étaient les seules qui avaient servi a saint Augustin pour confondre a la fois les Ariens , les Donatistes et les Manichéens ; à Bossuet , p'our réduire au silence Claude et tout son part] . Depuis ces grands hommes , il atait été fait des objections nouvelles , et les erreurs^ devenues plus vastes qu'elles n'muûiènt jamais été dans les siècles anté^- riêut% (1)5 Appelaient utie polémique plus

<!} tti ULO0ftA9ke, CtHkM., etc., p. 86.

M HISTOIRE

savante , de plus profonds théologiens , des philosophes mieux exercés. M. de La Men- nais s'est présenté dans l'arène, pour y rem- placer les Augustin , les Thomas d'Aquin , les Bossuet , et les faire oublier ! Et ce sont des prêtres catholiques qui nous tiennent un pareil langage ! Quel triomphe pour les ennemis«du nom chrétien ! Ces orgueilleux détracteurs de nos vérités , a qui nous oppo- sions , dans la simplicité de notre foi , les savantes apologies des Tertullien et des Origène, comme les ayant terrassés à l'a- vance , ils auront raison désormais de nous répondre que , de l'aveu de l'un de nos dé- fenseurs, ces preuves étaient incomplètes, insuffisantes. Gloire a M. de La Mennais , qui en a créé de nouvelles, inconnues à l'an- tiquité ! Quoi ! le livre de la Cité de Dieu , les chefs-d'œuvre des Vives , des Grotius , des Abbadie et des Arnaud , avaient laissé en arrière des raisonnemens oubliés contre les erreurs et les sophismes de l'impiété ?

DE LA NOUVELLE HERESIE. VA

Quoi ! il Êdlait des preuves nouvelles contre cette philosophie de nosjours que l'immortel Pie VI , <{ui en fut le contemporain , appelle une hérésie universelle (1)? Et Xejlambeau de la vérité s'était arrêté sur le seuil de l'a- bîme , attendant que M. de La Menns^is vint le porter jusqu'au fond? Telles sont pour- tant les prétentions de M. de La Mennais. Je le demande encore une fois : rencontreat- vous rien de pareil chez Luther à ses com- mencemens ?

Quel est donc l'ordre d'argumens qui avaient échappé durant tant de siècles à tous les amis comme à tous les ennemis du nom chrétien ? C'est la philosophie humaine , la raison générale du genre humain qui les fournit à l'apôtre du xix® siècle, v De même fc que la religion est née de la parole divine, cr qu'elle repose sur des faits , qu'elle est tf une autorité , qu'elle a une Eglise ensei-

(i) Bref du 10 mars 1791, dans notre Collect, des Brefs du pape Pie FI, t. I, p. 94.

M UToms

« gnante et itifâilUble , M. de La Menkuûs â «r Toulu que la philosophie naquit de la pa« «r rôle diyine , reposât sur des faits , fut une ^ autorité, eAt une Eglise enseignante et « infaillible ; il a voulu que ees deux orgm^» ir nés infaillibles de la Vérité , <Viant mU « monde les mêmes choses, eussent été te réunis par le Christ dans une indissoltthU •e et étemelle unité (1). »

Tel est , au rapport de l'un de ses dâsci*^ pies , de son plus fervent propagateur ^ le système philosephico^théologiqUe de M. de La Mennais. te U manquait k FËgUse une <e philosophie catholique; il n'en existait ¥ pas , et n*en pouvait pas même exister» U (r fallait bien recourir autétrangéirsi et cette te nécessité même était heureuse. * La l*ai* son qu'il en donne ne sera que le dévelop» pement du principe posé par son maître t que la foi vient du dehors , et que le genre

(1) M. Lacordaire, QmsiiiNÊ.i eMt^p.U.

DE L.\ ^OWBLLC U£R£SI£. Sf

hamûn en avait été Torgane infaillible; ff car , ajoote-t-il , la philosophie ne pouvant «r être dans l'Eglise qu'une préparation k «la foi , une confirmation et une expli* «r cation de la foi , il valait mieux s'appuyer V au dehors qu'au dedans (1). »

Voilà dbnc les philosophes de Tanti*- qoité païenne transformés en Docteurs de l'Eglise! ils furent ou les patriarches ou les interprètes de nos dogmes sacrés ! Avant le christianisme , c'était la philosophie qui préparait a la foi ; depuis le christianisme , c'est elle encore qui confirme la foi , et qui en explique les saintes obscurités ; elle qui suppléait la tradition, constituait l'Eglise de Jésus -Christ, formait le critérium de la vérité, le tribunal suprême et unique " , de la foi, l'oracle universel du genre hu- main! Les caractères que nous assignons à nôtre Eglise catholique comme marques

(1) M. Lnitordairé^ CtmM.,^. 106.

98 HISTOIRE

de son infaillible vérité, à savoir, son unité, son antiquité, sa perpétuité, ils se trou- vaient avant elle dans l'autorité de la tra- dition du genre humain! A quoi bon Jé- sus-Christ était-il venu sur la terre pour apporter au monde la lumière , quand elle existait chez les étrangers ! A quoi bon pro- mettre k son Eglise sa continuelle assis- tance , et qu'avait-on besoin de son divin Esprit? Nos saints Pères furent platoniciens ; l'école de Socrate et de ses disciples conjîr* mait^ expliquait suffisamment la foi à la- quelle ils aidaient préparé Yuni\ersl L'éclec- tisme prévalut dans la société chrétienne ! Pour peu qu'on ait étudié nos saints Pères, un simple coup d'œil suffit pour apercevoir le faux et les dangereuses conséquences de ce système. Il est réfuté invinciblement par les doctes ouvrages publiés sur cette ma- tière, et mieux encore par tous les écrits des temps apostoliques. Une pareille opi- nion ne pouvait sourire qu'a l'hérésie, qui

DE LA liOOVSLLE IIÉRÉSIE. SO

s'en est emparée avidement. S'il en était ainsi, la jeunesse philosophicpie de nos écoles aurait eu raison de ne voir dans l'établisse- ment du Christianisme qu'une œuvre hu- maine où la main de Dieu disparaît. 11 se réduit à n'être qu'une secte plus heureuse que les autres , laquelle s'est avancée k tra- vers des ruines qu'elle n'avait pas faites. Ne vous y trompez pas : les Docteurs , les con- quérans du monde , ne furent ni les apô- tres ni les confesseurs de la foi chrétienne , et Jésus - Christ ne joue dans le drame de la conversion de l'univers qu'un rôle subal- terne !

Je le confesse , j'ai lu dans le temps avec quelque attention les livres de Luther; étude indispensable au dessein exécuté par l'ou- vrage du Parallèle des résolutions , publié en i 791 (1 ) , duquel résultent , ainsi qu'on peut le Toir^ la confrontation la plus rigou-

(4) 1 vol. in-8«, par M.-N.-S. Guillon.

89 ns&jovm

r^use et la re$$emblance la plus fidèle ealra le& décrets de l'Assemblée constituante et l'acte de constitution civile du clergé, avec les sentimens et les expressions de Luther sur les matières alors controversées. J'af* firme n'avoir rien lu dans tout l'œuvre de Luther qui se rapproche de cette opinion de M, de La Mennais, « que , comme la reli- gion , la philosophie eût eu une autorité, et qu'elle fût une Eglise enseignante et infail- lible^ que jusqu'à Tavénement de Jésus- Christ parmi les hommes , elles aient tenu le même langage, appris les mêmesvérités. » Doctrine aussi dangereuse dans ses consé- quences qu'elle est fausse et absurde dans ton principe. Luther ne la soupçonna ja- mais j il l'a combattue et foudroyée k Ta- vance. Quelque erronée que fût sa doctrine sur l'Eglise , il se gardait bien de la confon- dre avec celle qu'il reconnaissait toujours être la colonne de la vérité et l'unique fon- dement du salut. Il disait, et toute la Ré-

DE LA Nomnmji hérésie. SU

ferme lerép4taîl avec lui : Nous n'ayons pas rAyé qae l'Eglise soit la cité de Platon (1). Jésns-Ghrist était pour lui ce quHl était dans le dogme chrétien aux termes de saint Paul, fapôtrey le pontife de la confession chré- tienne non révélée avant lui , V auteur et le consommateur de notre foi; principe unique de la justification , « qui devait , à la vérité , «r venir de Dieu , mais qui enfin devait être « en nous, parce que, pour être justifié, «f c'est-a-dire , de pécheur être fait juste et « agréable a Dieu, il fallait avoir en soi la tf justice , comme pour être savant et ver- ^ tûeux, il faut avoir en soi la science et « la vertu (2). » Ce que Luther ne compre- nait pas; et bien moins encore les Sages du paganisme , ensei^elisj comme tout le genre humain, dans l'ombre de la mort^ c'est-à- dire, de leur ignorance et de leur corruption

(1) Apolog. de la confess, d'Augshourg, t. II ; de VEglUe,^, 148.

(2) Boasuet, ^am^.^liv. v, n. 1 , p. 66.

naturelles. Quelle honte pour un prêtre ca- tholique de n'avoir pour précurseur dans ses paradoxes que les Socin , les Jurieu , les Bayle et les d'Holbach !

CHAPITRE n.

Nouveau système de théologie , de philosophie , de politique , par M, de La Mennuiê,

Ce n'était plus le temps le sarcasme tenait lieu du raisonnement , Ton ne par* lait du Qiristianisme qu'avec le ton de l'in- sulte et du mépris. La philosophie, décriée par ses propres excès , était muette ou res- pectueuse. Un des écrivains les plus remar- quables de cette époque affirmait que , non- * seulement en France, mais d'un bout à l'autre de l'Europe, un mouvement tout

T. I. 3

6A HISTOIRE

contraire a celui du siècle précédent em- portait les esprits vers la religion (i ). Bo- naparte avait su le reconnaître et en pro- fiter: Après lui , ce retour aux idées saines de la religion et de la morale n'avait fait que s'accroître et se multiplier. Dans toutes lés classes de la société , une heureuse ému- lation faisait éclore sous mille formes les miracles de la charité, excitait les utiles institutions , les salutaires réformes , encou-* rageait la pompe extérieure du culte , et la. ramenait k son anciehne magnificence. Les bons exemples n'étaient pas sans influence 9 et le scandale n'eut pas osé se produire im.— punément. La dévotion se montrait k tons les regards peut-être avec plus de complai- sance que la piété elle-même. Si la législa- tion était timide , elle était suppléée par Tac- tion bien plus forte , et plus pénétrante àem mœurs publiques. Qu'il vînt h, se reneontr'ev

(1) M. de Bonald, cité par M. de La Mennaia f Religion considérée ^ etc., p. 76.

DE LA mUTELLE HÉRÉSIE. SS

des firidaine, des Vincent de Paule, dont le zèle, tempéré par la miséricorde, retraçât la TÎTe image de celui dont il avait été dit qa*U ne foulerait pas sous les pieds le roseau 4 demi brisé ^ et n* éteindrait pas le lumignon fuijume encore(i ), partout ils étaient accueil- lis aTec transports , écoutés , du moins avec Reconnaissance. Dans une disposition aussi &Torable des-esprits , quels ennemis M. de LaMennaîs avait-il a combattre? Et quel que dût être Tobjet de ses attaques , la religion lui mettait-elle a la main les armes de la satire et de la colère? M. de La Mennais semblem'en pas connaître d'autre. Envelop- pant dans ses généralités et les nations et les individus, il ne fait grâce h aucuns. An- ciens et modernes , réformés ou catholiques, chrétiens insoucians , chrétiens même rc- U^eux (2) , tous , à l'entendre , sont atteints

(1) Isaïe^ xLii, 3.

(2) Essai sur l'Indiff.j p. 24. Voici comme il en parle ailleurs ; « Bonnes gens qui se croient rcli-

56 HISTOIRE

de celle lèpre contagieuse , dévorante , qu'il appelle l'indifférence 5 monslre hideux et stérile qui conduit directement à toutes les calamités et à 4:ous.les crimes, et qui ya précipitant la société tout entière dans la dissolution et dans la mort. « Qu'apercevez- « vous de toutes parts , qu'une indifféreince cf profonde sur les devoirs et sur les croyan- ce ces, avec un amour effréné des plaisirs et (( de l'or, au moyen duquel il n'est rien qu'on w ne puisse obtenir? Tout s'achète , parce « que tout se vend , conscience , honneur , et religion , opinion , dignités, pouvoir^, « considération , respect même ; va3te nau- <c frage de toutes les vérités et de toutes les ce vertus. Quand un peuple arrive à cet état « d'indifférence, sa fin, n'en doutez pas.

* gieux, qui le sont réellement, et qui, imperturbables dans leur confiance hébétée en des malheureux qui se jouent de leur incurable innocence , s'imaginent faire merveille et sauver la religion. La Religion considérée dans ses rapports, etc., p. 97.

DE L.1 NOli\ELLE ll£R£i»l£. 57

t est prochaine. C'est le signe le moins équi- tr Yoque de la décrépitude des nations'(i). » Et c'était au moment même que la so- ciété , sortie de ses ruines sanglantes , ten- dait, de son aveu , a la régénération, que le sinistre prophète en trace ainsi l'inscription fimèbre sur son tombeau entr'ouvcrt. Il en- tend le bruit des révolutions qui grondent dans Favenir et préparent l'inévitable dé- noûment; il contemple chacun des symp- tômes de l'incurable agonie qui déjà a commencé pour elle. Ce qu'il dit des règnes de Louis XVIII et de Charles X, il le rodira de*celui de Louis-Philippe. Toujours la phi- losophie , unie au protestantisme , a creusé le gQufire ténébreux de l'indifférence, le crime , stupidement tranquille , s'endort entre les bras de la volupté, aux pieds de l'affireuse idole du néant (2). L'abîme de

l'indifférence appellera l'abîme de l'athéis-

(1) Essai, p. 21, 22, 49, oO.

(2) /&»rf.,p. 21,23.

58 HISTOIRE

tous les esprits vers rindiflférence , les gou<* me. Maître de la société politique et civile , l'atliéisine passera bientôt dans la société domestique ('!). Luthériens, sociniens , déis- tes , athées , sous ces divers noms, qui indi- quent les diverses phases d'une même doc-* trine , tous poursuivent avec une infatigable persévérance leur plan d'attaque. « Us nient (( les mystères du Christianisme, ils nient sa ce morale , ils nient son auteur, ils nient ff Dieu , ils se nient eux-mêmes (2). » Indi£- férence , athéisme , sont pour lui mots syno- nymes.

Il raconte le délire des opinions , les cris forcenés de la rage s'aidant également de la hache du bourreau et de la plume du so-^ phismc : il traîne ses lecteurs aux pieds des échafauds d'où la philosophie proclamait l'athéisme, et il conclut qu'aujourd'hui, grâce au penchant irrésistible qui pousse

(1) Essaiy et Religion considérée j p. 74.

/c»\ "ry

DE LA NOUVELLE UEEÉSIE. 38

vernemens le iavorisent de tout leur pou« Toir, et, cliose inouïe ! s'efforcent d'entraîner le Christianisme dans ce système -(i). Ce n^est donc pas à la France seule , et a la France bouleversée par ses convulsions po- litiques, torrens éphémères bientôt écou- lés, que s'adresse le reproche; il s'étend à la plupart des nations modcnievS, énet^ i^ées et séduites^ qui succombent sous le far- deau des institutions humaines et des doc- trines du néant j nations mourantes ^ oii ]a société n'£st plus qu'un cadavre (2). Depuis plusieurs siècles, l'Europe , travaillée par un fermait' secret de démocratie, nourrissait dans son sein l'athéisme , qui de tout temps eu a été le produit ou la source inévitable (5) ; le dogme absurde , impie , de la souverai- neté du peuple en est le principe fécond.

;

(1) Essai, p. 137.

(2) Ibid., p. 80, 472.

(3) Und,, p. 80, 51, 381, 387. Religion considé- rée, etc., p. 354.

40 HISTOIRE .

De tout ce que nous voyons : la société assise tout entière sur le volcan de l'athéis- me 5 dépravation universelle , licence effré- née dans tous les rangs , égale ignorance du bien et du mal, oubli profond et mépris toujours croissant de la religion et de ses premiers devoirs : ce Non - seulement les « vertus se sont évanouies ; mais le crime , « j'ai horreur de le dire , le crime , sans in- flf famiè comme sans remords , n'est plus f^ qu'une simple combinaison de chances , If une spéculation vulgaire, un calcul, un (T jeu dont l'enfance amuse son oisiveté , If et qui devient pour elle une habitude « avant que les passions en aient fait un be- c<soin(1). Que dire 'd'une sembljible so- « ciété, de ses doctrines, de ses lois? que i< dire de ceux qui , possédés de je ne sais c( quel esprit de vertige , jettent les peuples « dans cet abîme? »

(1) Essiiiy p. 80, 42 et suiv.

DE LA NOUVELLE UERÉSIE. 41

Si le portrait est fidèle, comment , en effet, une telle société n'a-t-elle pas déjà péri, puisque, de son aveu , la seule tenta- tive de substituer l'athéisme a la religion a bouleversé de fond en comble la société en France (i ) ? Quel rayon d'espérance peut luire encore au sein d'un aussi exécrable dé' sordre ? que reste-t-il à l'homme de bien , s'il en peut exister encore , que se couvrir la tête de son manteau et désespérer de la vertu? Or, voilà le mal que produit chez nous l'indifférence , et auquel il n'est pos- sible d'échapper désormais que par une régénération également universelle. Tel est le vœu hautement proclamé par lui et par son école.

Qu'est-ce donc que M. de La Mennais en- tend par le mot indifférence ? Dans une ma- tière aussi importante , peut-on apporter trop d'exactitude dans les termes ? Il Tap-

(1) E$êai,i^. 57.

0H m$TimB

pelle (c rextînction de tout sentiment d'a- ir mour ou de haine dans le cœur, à raÎMa « de l'absence de tout jugement et de toute r croyance dans l'esprit (1). » Une pareille situation est-elle dans la nature? peut-dJn^ devenir générale? Juger, croire^ aimer» haïr, sont des actes tellement inhérens k la constitution de l'homme, qu'il est impôt* sible de l'en dépouiller sans Tanéantir* C'est pourtant l'accusation qu'il fait peser 6ur la plus grailde partie du genre humain* U peut bien se rencontrer des êtres morts, k tout sentiment noble et généreux , à toute curiosité louable sur les intérêts les plus né- cessaires , a toute affection justç et légitime} c'est la une apathie brutale et stupide , gpà, détruit l'homme lui-même , en fait un être sauvage et isolé, qui a rompu la plupart de$ liens qui l'attachaient au reste de l'univers | ce que Ton nomme insensibilité ,' qvA esta

(1) Edaai,^, 43.

DE LA KOVVELUi nÉRÉSlE. W

rame ce que la léthargie est au corps. L'in- différence ne les engourdirait pas au point d'étouffer en eux les passions impétueuses , les inclinations aveugles , les désirs fantas- tiç[ues. M. de La Mennais les confond per- pétuellement l'une avec l'autre, le crime de l'endurcissement avec celui de la tiédeur, de l'inattention , de la frivolité ; plaies en effet trop vives et trop communes dans la société chrétienne, et contre lesquelles le zèle de nos prédicateurs ne saurait s'armer de trop de foudres^ mais quels fruits produi- raient-ils sur leurs auditoires , s'ils ouvraient sous leurs yeux les gouffres de l'athéisme , et les marquaient du sceau de la réproba- tion?

Nous aurons souvent l'occasion de le/e- marquer : le vice habituel de M. de 1^^ Mennais est de se jouer des définitions , et de mettre sa logique .en défaut par ses exa- gérations ou par ses équivoques.

Que M. de La Mennais, voué par la

44 HISTOIRE

double vocation de son ministère et de son talent à la défense du christianisme et de l'unité catholique , eût entrepris de venger l'un et l'autre des attaques que lui ont li- vrées l'hérésie et le philosophisme , on ne pourrait qu'applaudir à ses utiles efforts. On lui aurait su gré d'ajouter de beaux chapitres aux chefs-d'œuvre de Bossuet sur cette ma- tière, à la savante Discussion amicale de M. l'évêque de Strasbourg, à tant d'excellen- tes apologies publiées encore de nos jours , et qui , nous osons V^flivjxi^Vyiront loin dans lapostéritéy quoi qu'en puisse dire l'orgueil- leuse critique des exclusifs admirateurs du patriarche de la nouvelle école (1). On eût même aisément pardonné à quelques écarts d'une jeune imagination impatiente de se produire, pourvu toutefois qu'elle con- sentît a ne point se croire infaillible. Bien loin donc de condamner indifféremment

(1) M. Lacordaire , Considér. sur le Sysi. , p. 36.

DE LA IBOOXLLE HÉRÉSIE. 40

tout ce qui est sorti de la plume de rillustre éarÎTain , nous eussions été les premiers a hi déférer le tribut de notre admiration personnelle. A Dieu ne plaise que nous mé* connaissons dans un très-grand nombre de pages de son Essai les brillantes qualités qui lui ont Talu les éloges d'hommes étran- gers a son parti. U a même des chapiires entiers la Tenté se montre sans mélange, parée des riches ornemens de l'érudition , de l'éloquence et de l'imagination. Indi- qaons particulièrement ceux l'orateur controversiste discute les grandes questions de la nécessité de la Révélation , de l'insuf- fisance de la religion naturelle , de la sou- Teraineté du peuple , de la liberté et de l'é- gaUté , remarquez-le bien , pour les accuser d'avoir, dans tous les temps , et chez les an- ciens et chez les modernes , bouleversé la société , enfanté tous les crimes et toutes les calamités, en détruisant les principes de l'autorité comme ceux de l'obéissance , sans

46 HISTOIRC

antre résnltat que les excès du despotigmé et de Panarchie (1). Publions-le avec le sentiment d'une conviction profonde : due dialectique pressante , féconde et pittores* que k la fois , rajeunit des' matières ce semble épuisées par Bossuet. Avec quelle supériorité elle lutte pour ainsi dire corps a corps avec le philosophe de Genève , nt joue des sophismes de Gibbon , de Bolint^ broke, de Bayle, de Jùrieu! Saurin n'a rien de plus impétueux , Jean- Jacques RoiiiS-^ Seau rien de plus nerveux ni de plus anjj^ mé. A travers ces dissertations philosophie ques, des tableaux peints a grands traîtt des ravages de l'incrédulité et des varia* tîons de Thérésie (2), des caractères pro- près à l'Eglise catholique (3) et de son an* torité (4), des vanités humaines, des déi^-

(1) jBwai, t.I,p. 345, 361.

(2) iiîi., t.I,p. 203. .

(3) Ibid.,^, 249.

(4) Ghap. ir.

DB Uk nùtWUM VÈBÉSSE. ^Bf

éets raameii» du chrétien (1), des bienfaits Al Cbrifltîanlmie et des avantages inappré* dâbles de la tnorale évan^lique (2). Que Piastre ëcriiraîn s^en fut tenu à ce langage, MB lirre n'eût assurément pas trouvé de censeurs , et n'aurait pas eu besoin d'apolo- gnte; il n'aurait pas assujetti à des opinions aibitraires des principes consacrés par la Tenté et par Pexpériehce , et ne se serait pas traîné d'erreurs en erreurs jusqu'à cet excès d'audace ou de démence qui a si- gnalé ses dernières productions. Mais le cercle est tracé ; prétendre en reculer les Kmites : présomption insensée ! Au - delà cormmence l'erreur. H n'était plus possible, au îct* siècle , d'inventer iien qui ne fôt ane répétition ou une parodie. Emporté sous un horizon étranger, par l'ambition des découvertes , il s'égare et nous donne

(1) Essai, chap. iz.

(2) Page 319,

JK HISTOIRE

les rêves de son imagination pour des aperçus réels. Semblable à ces voyageurs qui y surpris par la nuit , voient les objets di- vers se dessiner a leurs yeux sous des for- mes fantastiques , son prisme trompeur jette sur tous les aspects des couleurs infidèles, et décrédite par ses exagérations les vérités les plus irrécusables. Ainsi , prévenu de la double opinion que la Réforme luthérienne et le moderne philosophisme ont précipité l'Europe dans les plus désastreuses révolu- tions , ce que personne ne lui conteste , il suppose que l'Europe est tout entière lu- thérienne, socinienne, déiste, athée (i)« Le protestantisme conduisait inévitable- ment k la tolérance universelle ou a l'indif- férence absolue des religions: doctrine, culte , morale , tout s'écroule , et l'athéisme reste seul au milieu de l'intelligence en ruines (2). Dans ses synodes éphémères , la

(1) Essai, p. 225 et suiv.

(2) Ibid., p. ViC).

mS LA NOWELUB HÉRÉSIE. 49

Réforme proclamait l'abolition de tous les dogmes religieux et soGiaux(i ), et réalisait ce que la raison de tons les siècles et l'autorité de tons les témoignages historiques démon- traient inexécutable, hors de la nature comme des voies de la Providence , à savoir, l'existence d'une vaste société livrée tour à tour 9 et tout a la fois, aux convulsions du despotisme , aux fureurs de l'anarchie , aux extravagances de l'athéisme , sans qu'il pût eûster d'autre contre-poids à tant de mo- biles de destruction que des pactes illu- soires entre la tyrannie et la servitude (2). Un aussi tranchant ostracisme a besoin de preuve ; la voici : « U avait été reconnu % jusque-la que l'Église et tous ses dogmes «reposaient sur l'autorité comme sur un «roc inébranlable. Une constante fidélité à « ce principe fondamental de l'Eglise chré-

(1) Essai, \9,

T. I. 4

ao shtodob

» tienne avait garanti l'Europe pendant ic quinze siècles, non des scandales paasa- «c gcrs de l'erreur, mais du mortel assonpit- i< sèment de l'indifférence. On ne yit re^ « naître en son sein cette maladie terrible, « qu'au moment oii la raison, rebelle k Pan- «t torité suprême qui l'avait guidée jusqu'à** « lors, s'efforça de recouvrer la servile in- ff dépendance dont le Christianisme l'avait «t affranchie (i).. Aussitôt la multitude des « sectaires, divisés sur tout le reste, s'unissent f( pour saper le fondement de toutes les Té^ « rites (2). »

Est-ce bien le portrait que l'histoire nous a laissé des quinze siècles qui précé- dèrent le Luthéranisme ? Sans parler ni des révolutions politiques , toujours mêlées anx révolutions religieuses, qui, depuis Constan- tin jusqu'au dernier de ses successeurs , ne

(i) Za Religion considérée , p. 148.

(2) Ibid.,^. 19.

1MB LA MirVIfiULE HÉRÉSIE* Kl

eeasèrent pas un instant d'agiter l'empire et FEglise 9 et marquent en caractères de sang diaciine de leurs annales , ni de cette nuit profonde qui, de Paveu de tous les écriyains comme de tous les monumens, s'était appe- santie sur l'Europe entière, que de vives j^es portées k ce principe fondamental de FEglise chrétienne ! Le docte écrivain peut- fl avoir oublié quels malheureux succès avait obtenus l'Arianisme, jusqu'à faire de- mander a saint Jérôme s'il y avait encore des catholiques dans le monde étonné de se trouver arien ? Avait-il été reconnu par lés Donatistes, qui, pendant deux cents ans, tarent résister aux vertus des plus saints éfêcpes, k la voix des conciles, aux édits de h puissance impériale ? Fut-il respecté da- vantage par Pelage , parvenu a infecter de •es erreurs l'Angleterre, l'Afrique, Rome cUe-mème, et a surprendre par ses cap- tieuses promesses d'obéissance le saint pape Sezîme? La vérité prévalut Elle triomphera

/

t}2 HISTOIRE

dans tous les temps, soutenue par la toute- puissante main qui dirige a travers les écueiis et les tempêtes le vaisseau de l'Eglise. Mais ses victoires mêmes supposent des combats ; et ce n'est pas durant son pèlerinage sur la terre que l'Eglise de Jésus-Christ est desti- née a goûter les douceurs de la paix. Que l'on se rappelle encore les violentes hérésies de Nestorius et d'Eutychès : n'y eut-il que les scandales passagers de V erreur? le Ma- nichéisme , bravant les bûchers et les pro- scriptions; le Monothélisme, s'appuyant à la fois sur la chaire patriarcale de Constanti- nople, sur la protection de l'empereur Hé- raclius et la faiblesse du pape Honorius, les Iconoclastes couvrant l'Orient de ruines et de cendres, poursuivant le fer et la torche a la main le principe d'autorité jusque dans les tombeaux. L'islamisme le transporte sur le trône des Califes. Mutilé depuis plusieurs siècles dans l'Orient par la jalouse ambition des Grecs, affaibli dans l'Occident par le

DE LA KOlTiELLE HÉBÉSIE. 35

schisme , il cède aux nombreux assauts que Wiclef, Jean Hus et les autres précurseurs de Luther livrent à la foi catholique , pour disparaître au moment de la Réforme.

Mais si le Christianisme a perdu son prin- cipal appui , il n'est pas vrai de dire qu'il fat anéanti , et que la Réforme ait entraîné h raine de toute religion, de toute morale, de toute législation divine et humaine , ni cp'ellc ait &it reculer l'esprit humain jus- qu'au paganisme (i).

Outre que l'Eglise reverdissait , nourrie d'une sève plus robuste y retrempée par les persécutions, et que de ses entrailles déchi- rées , mais toujours fécondes , sortaient de nouveaux enfans qui la consolaient de ceux qu'elle avait perdus, M. de La Mennais en convient : « Les sectes primitives nées au V sein de la Réforme tenaient encore for- « tement à plusieurs vérités principales du

(1) £Miii,p. 68.

54 msTOiuE

<r Chmtianiame ; et malgré les maximes « le proscrivaient, le principe d'autorité de- « meurait, et y demeurera aussi long-tempe (c qu'on y croira à quelque chose (1). » On détruit pas l'autorité, on la déplace; elle existe de fait partout se trouvent dÉ$ dogmes quelconques, un culte quelconque^ une foi quelconque, et la différence n*e9i jamais que de l'autorité légitime k l'autorité usurpée. Reprochez à Luther ses ëmp6rt^ mens et ses inconséquences , les excès la témérité de ses commencemens a entraîné l'imprudent hérésiarque , les malhettredn exemples donnés k un trop grand nomWo de ses disciples, aussi ardens que leur maître a innover, k enchérir encore sur lui; dér plorons la perte de tant d'âmes ; gémissoBs sur le sort de tant de villes, de tant de pro* vinces et de royaumes victimes de la séduc» tion et de l'erreur. C'est bien assez du crime

(1) Essai, t, I,p. 180;

IKB LA NOm/BLUB HÉRÉSIE. S5

de rapMtaaie, sans l'aggraver encore par une accusatioii qui ne peut tomber que sur dm ûoidividus, et que l'immense majorité re- pousse comme calomnieuse. Non, la divine Providence ne permit point que le naufrage fut universel. Dire avec M. de La Mennais ^ l'athéisme n'est que la dernière consé* qœiice de la Réforme ^ que le Protestantisme n'est qu'une solennelle protestation non- Mulement contre le Christianisme, mais en-^ core contre toute religion quelconque (1 ) , (fast aller contre le témoignage de l'expé- nence , c'est imiter le farouche stoïcien qui P9ttait tous les crimes au même niv eau.

Pas un6 communion protestante qui n'ait dimné le démenti le plus formel à la dénon- dation, et n'ait repoussé avec horreur la so- lidarité dont un zèle exagérateur a prétendu la charger. En Angleterre, les CoUins et les Tindal faisaient exception a la foi commune, et trouvèrent au sein de leur propre nation

(1) Esmi, p. 69, et Religion considérée , p. 168.

80 UISTOIRE

de puissans adversaires. L'Allemagne, la Suisse , les Pays-Bas ont réclamé avec une égale énergie ; et si l'incrédulité a exercé , comme en France, ses ravages dans ces con- trées , pourquoi repousser de nos^ cœurs le consolant espoir que ces mêmes contrées, échappées enfin à la fatale ivresse qui les tient encore sous le joug de l'hérésie, rom- pront ce dernier lien pour revenir au sein de l'unité catholique ? Des malades peuvent guérir^ les cadavres ne ressuscitent point.

M. de La M ennais est à l'égard de la Ré- forme ce que fut Jurieu a l'égard des catho- liques, controversiste impétueux, tour à tour sophiste et prophète, versant à pleines mains l'injure et le sarcasme mêlés aux plus si- nistres prédictions , poussant l'outrage jus- qu'aux derniers excès de l'emportement, criant à Tindifférence ou a l'idolâtrie, accu- sant d'une léthargie stupide et d'un hrutal assoupissement quiconque ne partageait pas ses fureurs , et devenu , dit M. de La Men-

/

DE LA KOirVELLE HÉIŒSIE. ^

nais, lefléan de son propre parti (1 ). Le même écrivain qui bientôt se montrera le plus to- lérant des hommes, se fait voir ici non moins intolérant que le fougueux calviniste. Il ne manque à la parité qu'un Bossuet pour com- battre le nouveau Jurieu.

La vérité n'admet aucune exagération ; l'esprit du Christianisme est la modération , qui exclut tous les excès , qui tempère jus- qu'à Fexercice des vertus, et qui recom- mande la sobriété même de la sagesse (2). Vous ne savez pas encore de quel esprit vous étes^ disait Jésus-Christ k ses Apôtres , qui demandaient à faire descendre le feu du ciel sur Tinfidèle Samarie (3).

La philosophie se confond dans la pensée de M. de La Mennais avec la Réforme ; elles auraient Tune et l'autre engendré Tindiffé-

(1) JE^ot, t. I,p. 199.

(2) Ecoles, f VII, 17. Rom,, xii, 3.

(3) Instruc, pastorale de M. Fér. de Langres, card. de La Luzerne , p. 25 , in-4<>.

r^ce^ dbjet s{^cial de ses atJaquea. Il ne la distingue pas de cette fausse sagesse qui aa distingue essentiellement de Vautre, et à qpk l'on a donné le nom de philosophisme, tt eût été plus juste de les séparer, puisqu'ellea se ressemblent si peu. U y a entre les dew la même différence qu'entre les m^ts de so- phiste et de philosophe. M. de La Mennaiv affecte de n'en reconnaître aucune; et la philosophie est tout entière l'objet de sw éternelles récriminations.

Il y a soixante ans , les alarmes de l'écri* vain sur les progrès de la moderne philoso- phie eussent été sans doute légitimes. La li* cence des mœurs l'avait accréditée à la cour t à la yille, dans les provinces; elle régnait en souveraine dans la littérature et la science. Dieu ne lui permit de prévaloir un moment que pour manifester au monde l'immensité de son néant(l). Parvenue à Fapogée de sa

(1) M. Lacordaire, ComMr.y p. 23.

k

DE LA NOinnNUUI HÉRÉSIE. Ûè

gloire , elle se vantait d'avoir écrasé la sun perstiiion chrétienne. Dieu se riait de ses vains complots ; le Christianisme triompha de toutes les puissances de l'enfer. La Conn vention vint, qui se vanta aussi d'avoir aboli le nom chrétien ; elle se vit forcée de recu- ler devant le spectre de l'athéisme, et le Biépris général fit justice de ce simulacre de religion forgé sous le nom de Culte de la Raison, M. de La Mennais, à son tour, est venu crier que tout était désespéré. L'expé- nence et le succès de ses Uvres en appelé-^ nmt die ses sinistres prédictions j et du sé«- pulcre même il prétendait que Tindiffé-r rence enchaînait les esprits , sortirent des milUers voix attestant que le christia- nisme vivait indestructible au fond de nos iMeiira, au fond de nos institutions et de nos lois, au fond des âmes.

U n'en continue pas moins de £adre le procès a la philosophie; et sa doctrine à ce sujet paraîtra sans doute embarrassée à ceux

00 HISTOIRE

de ses lecteurs qui demandent plus de pré"- cision dans les idées. Il faut bien rétablir les faits', quand le paradoxe et le sophisme aflFectent de. les dénaturer et de les con- fondre.

L'histoire de la philosophie se partage naturellement en deux époques : la pre- mière avant le Christianisme , l'autre de- puis l'établissement du Christianisme : un caractère commun les unit au même centre.

« Pour arriver au même terme que la phi* <c losophie antique , c'est-a-dire k l'athéisme fc d'abord, et ensuite a l'indififérence, qui «c renferme toutes les erreurs ensemble « parce qu'elle exclut à la fois toutes les « vérités (1) 5 la philosophie s'était autrefois « armée de la raison. » Quels fîirent les fruits de cet arbre empoisonné? « Dépravation, i( anarchie universelle, ignorance de tout (T ce qui constitue l'ordre social j oubli de

(1) Essai 8}ir Vhiiiff,, p; 69,

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. Gi

«r rhumanité dans la guerre comme dans la «c paix, dans les lois comme dans les. mœurs, c dans les temples comme au théâtre ; sa- fr orifices licencieux ou barbares (1). »

Ces reproches , dont on a de tout temps accablé l'ancienne philosophie, n'étaient as- surément que trop mérités. Les saints Pères ne les ont pas épargnés aux Sages de la Grèce et de fi.ome. Pourquoi? Parce qu'au lieu de s'éclairer du flambeau de leur raison , ils en obscurcissaient la lumière par les mensonges de leur orgueil et les recherches d'une curio- sité vaine. La seule raison , a dit saint Paul, aurait pu leur suffire pour connaître ce qui se peut découvrir de Dieu par l'a'spect visi- ble de ses divines perfections , manifestées a tous les yeux par la magnificence de ses œuvres (2). Ce n'était pas la vérité qui leur nianquait, c'étaient eux qui manquaient c2

(1) Essai, page 10. (1) Rom., 1,18, 19.

la vérité^ la retenant captive dans V injustice. tr Philosophe éloquent, grand homme! »dit Lactance en parlant de Cicéron , «r au lieu <^ de te traîner serrilement aux pieds dldo- v les, méprisable ouvrage de la main des ir hommes , à la suite d'une multitude égm- <r rée , que n'employais-tu Teffort de ta puifl- r santé voix k démasquer Terreur CI)? » Le crime de lldolâtrie ne fut pas d'i^orer Dieu, mais, poursuit TApôtre des nations, de ne pas le glorifier comme Dieu^ de mol-* tiplier la Divinité bien loin de la nier. « O ir Athéniens! leur disait-il au milieu de leur Aréopage, <f il me semble que vous êtes ff en toutes choses religieux k l'excès , per r omnia superstitiosoreSj » parce que, non contens d'adorer les dieux vulgaires, ils avaient des autels pour celui même qu'ils ne connaissaient pas (2). Je ne croyais pasqu*il

(1) Biblioth. choisie des Pères y t. III, p. 392.

(2) Act., XVII, 22, 23. Rom., i, 18, 26.

DB LA NOOVRXB nÉHlSglE. €B

At pomble de calomnier la raison humaine jvsqtt'k dire qu'elle eût refusé jamais ses in- timesT révélations a la philosophie , quand dk aurait pu seule l'arracher a ses erreurs. Le ^rice de Tune et de l'autre était d'être de lenr natuM impuissantes k découvrir toute la Tenté. « Concevoir la fausseté du poly- m thtéinBe , dit encore Lactance , la sagesse « humaine pouvait aller jusque-la ; pousser « jtnqu'k la vraie religion , il n'y avait que «la grâce divine qui pût apporter au genre « htanain un pareil bienfait (4 ). » Nier la Di- vinité, mettre en problème son existence 9m. ^sa providence dans le gouvernement de Pimîvers, ce qui est le crime de l'athéisme, jamsûs rien de semblable n'a paru et ne pa- rtStn parmi les hommes. Pas une nation , quelque barbare qu'on la suppose , qui s'en fut readue coupable , ni la philosophie non

(1) Lact., edit. varier, p. 151; Siblioth, choisie deê fèffBê, t. IH, p. 395,

04 mSTOIRE

plus. Socrate buvant la ciguë, et ses juges qui rayaient commandée , protestent égale- ment contre l'athéisme. * La philosophie n'avait d'autre objet que l'étude de la sagesse ou des choses divines et humaines , c'est-k-dire des rapports qui les lient entre elles. C'était son institu- tion j et l'on aura toujours droit à la rappeler à son étymologie. Tous les esprits spécula* ti& de tous les âges se sont constamment ralliés autour de cette bannière sacrée , et se sont plus ou moins écartés du but qu'ils se proposaient (1).

Parmi eux , les uns n'ont étudié la nature de Dieu que par rapport aux choses sensi- bles dont ils tâchaient de comprendre ro- rigine et la formation. Au lieu de soumettre la physique à la théologie , ils ne fondaient leur théologie que sur leur physique , et les différentes manières dont ils arrangeaient

(1) D'Olivet, Théologie païenne^ U I,p. 12».

DB LA NOUVELLB HÉRÉftlE. SS

le aystème de runivers disaient leurs diffé- rentes croyances touchant la DiTÎnité.

D'autres ont fait un pas de plus vers oonnaissanœ deia Divinitë; Frappés 4'ad* miration à la vue de Tordre régulier :^i règne dans le monde , ils sentirent Ia^ né- cessité d^une inteUigence souverainement puissante et sage; ils comprirent qu'dUe ne pouvait être matérielle ; et s'élevant jusqu'à ridée de la spiritualité /distinguèrent réel- lement la cause d'avec l'effet , l'agent d'avec la matière. H n'y eut qu'un trës«petit nom- bre qui donnèrent dans le matérialisme gros^ âer, exclusif de toute intelligence divine, tel ^'il s'est reproduit dans les temps moder-^ aes sous la phimpe des Vanini , des Diderot, des La Metthrie et des d'Holbach. Diago- 1^, soupçonné d^athéàsme^^n^ala^ssé qu'une mémoire infâme dans la postérité (1). Tkéor ^f»fe <!)yrène , surnommé ¥ athée y ensei-

(^) Bruoker, InêtU. pkihi., p. 266.

T. I. 5

e<-#

-l.-..-. .1 HlftTIMniB-

gtilA çpi'Aïufj' àwAt point de. cbëux ^ 86« cot»- citoy ràto i firèik t . ëclaté v . leur ■. indignatto ti em chaesadt; dé>leiiqr nrillé» iRéfbgîé- à; Is cour deftoléobée; âU^deDagiis^ ayant^^-éivFMi«- dîpccéiioii- de. fliafliif ester sa ddctrine 4 il eo fut pâi :de U0r b (il ). Qnelqufis ^ mis de ces fihiittsojdieft ont atteint dîterses Tiâritéti auK yalesl;, bien quPeûa ly» méls^nt de' griiyes «V7 reitrs; eft opfièdèfent av.ècsuccè9ii>iïé. digne ab >tDlvenf da 1 la . dé^binratitù». « Blendbiié v;auit |iJDilD8éph€fl>de> llanticpiité juâdcé qox) le w eat dvie ^. »»» a dit. un de&^ plus granils émi[qpfiSidfa:dé»n«Br lièelèr « Plu^ieiicsd'ttiit }f;t|rtféuic.of»t.a;|çi(bi$ des droiJbsià.']k> reponr 4r ]ihi8aanGe.de»«iaAtoiis ^^fc les diéeouTèrtqs /4«i»]^kéftaafce$:ai3aq\i(eU£b les ;«( élevées larsui- «( ^U^té de: ibelfr: igéiiieî. EJr: 4ui« s&it sa «ds «; jgrap de {liGlrBQnpaçai oie iuront pas suscitét m^J : PMiàdenjcer poiir empêcher Védf ^ûam dë^liEk^VeMaidepéiirdaarls les pensée»

(1) Bnicker;'/t»»li^. pHU^opH, p. f 50i

DIE LA ^'OOVBLUI HÉRÉSIE. 87

« deê homiries (4)? " Dieu avait donné la pbîlosopliib aux Gaoâler, comme la loi aUx Jtiifr, ponr qtt'ellé servit d'iniroductkm ah Gtirifltiatâsme (3)/

Tous les législateurs avaient fondé sur le coite ded dieux et sur les préceptes de la morale la base de leur constitution et leur gourernemênt; Chez les Grecs , on s'im^ageintpar les plus rédoùtableb sem^ens, dâiis temple d'Aglaùre , ii maintenir le culte des ancéNtrès , a combattre jusqu'au dep- ïàét soupir pour la défense de la religion etde la piailnne. A Rome,' après que le ma- térialisme d'Epicnite ie fut fait jour parmi tak jemiesse frivole (^'enÎTraient les arts du luxe et de la mollesse , k qui rien Romain lie restait que le nom^ la corruption déii ihoefiirs' avait pénétré profondément

* '

(1) M. le card. de La Luzerne , Instr, . poêior, ^. p. 21,22.

(2) S. Clém: d Âlex.\ daÀs lA BtBKoth. hkdHè ehê Pér^#> t. 4, p. 443.

68 msTOiRB

toutes les veines du corps social; symptôme infaillible de sa prochaine destruction , cause senle efficace et toute -puissante de rinévi- table dénoûment. Nul doute que l'indiffé- rence religieuse n'accélère les progrès de la décadence chez les peuples oii elle trouve des élémens de dissolution ; c'est la gangrène qui achève de plonger dans la mort les membres déjà viciés par la maladie, ly , Sidon , Memphis , Babylone avaient péri ; nos saints prophètes n'attribuent pas k cette cause la ruiné de ces opulentes cités. Numance , Carihage avaient cédé k Tépée des Romains. Les destinées de la ville eïe/^- neUe s'accomplissaient indépendaniment des vices ou des vertus des peuples. Rapporter k cette seule cause la chute de la république et de l'empire romain , c'est prendre l'effet pour la cause , c'est mentir a l'histoire et k tous les mônumens, c'est dépouiller le Chris- tianisme des caractères delatoute^puissance surnaturelle qui finit par le faire prévaloir,

LA XOUVKLLB HÉEÉSIE. 09

en attribuant son triomphe à la décrépitude l'on prétend que l'idolâtrie était tombée , et lui enleyer l'un de ses plus beaux tropbées, l'héroïsme de ses martyrs. M. de LaMennaîs a beau nous dire que le culte , deyenu un Tain simulacre , ne se liait a aucune croyance religieuse ; .qu'il n'était conservé que par habitude , a cause de ses pompes et de ses fêtes ; que les sages et les grands le ren- Toyaient avec mépris k la populace, qui vou- lait des dieux pour complices de ses désor- dres (1 ) : comme si les chaînes de l'habitude, des intérêts, des préjugés, des passions, n'étaient pas assez fortes pour retenir la populace sous le joug de ses superstitions. On lui répondra que l'instinct religieux , lont froissé qu'il était par la corruption uni- verselle , ne restait pas sans action , même sur les classes accoutumées à dominer l'opi- ^^oa et la conduite du peuple (2). Les lois

'i) Essai, ^.i\.

(^) Voy. l'Histoire de l'étabL du Christ,, p. 74.

20 HKTOIRË

et les mœurs pubiiipies soutenaient dt cou- cert la majesté du cuite aatique , à qui Ton se croyait redevable de sept câits années de triomphe et de gloire. Cicéron ne permettait pas que l'on agitât publi- quement aucune dispute sur les dieux , de peur d'affaiblir le respedt qui leur était (i ) ; Auguste ne voulait :pas qu'il y £uLt lâen innové. Quelque changement que la doc- trine d'E^^icure eût pu apporter dans les mœurs de la jeunesse romaine , elle n'influa pas* tellement sur l'esprit public , qu'elle Taii poussé jusqu!au mépris de toute religion. Quelle que fut la corruption de Rome » ( dit Montesquieu dans le même chapitre il accuse justement la ^cte d'Epicure d'avoir contribué beaucoup à gâter le ccaur et l'esprit dés Romains), » tou$ les malheurs

Non, disaient les paiens , il n'y a rten de surnata- « rei dans rétablisement du Christianisme, etc. »>

(4) Lactance, dans la Biblioth. choisie des Pères y t. UI , p. 392.

HE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 71

« ne s'y 4|t|dient pas introduits ; la force de <c ton institution s'y ^tait conservée au p^iliejui « des richesses , de la tnoUea^e et dQ la y^qt « lapté (1). n Ce qu'il applique k la valeur guerrière peut s'appliquer ^gal^tnent k l'es- prit religieux ^ témoin ce que les cpi^ttempo- rains nous raçpnteut de ces teiyips nil^eu- reux. On a observé avec praisop quq le poçBA^ de Luqrèce , oii la doctrine du qifrïi^risdîsiiie est exposée en si beaux vers , trouvait a peine pudiques lecteurs dans tout l'empire (%) ; ^^ndis que les hymnes d'Horace en l'hAiin ^eur des dieux 4^ pays étaient répétés <i.ans tous les lieux de l'univers , partout ailleurs ique dans les obscures catacoml^s, oii les chrétiens dérobaient à VofH des hourr reaux leurs mystères proscrits. Qu'on lise

X.

dans l'écrivain Y alère^iy|[^iine 1^ nQn)b|reu;i exemples qu'il cite de la piété envers les dieux y de la foi aux oracles , aux songes , k

(') Grand, et déçad. des Ram.\ rhap. x. C^) M. Villemain, Mélanges.

Tlfà .1 ni^TouLK.

tout ce qui était cher a la superstition. Tacite et Tite-Liye , Polybe et Plutarqùe croyaient avec ferveur ; et s'indignaient que quelques esprits forts de teur temps combattissent par un pyrrhonisme occulte les croyances popu- laires. A Rome , un temple s'élevait dans l'île du Tibre en l'honneur de Simon-le-Magi- cien (i). Les peuples de l'Asie se précipi- taient en foule sur les pas d'Apollonius Thyane. La magie avait ses pontifes et ses initiés , ses évocations et ses* mystères ho- norés delà faveur des maîtres du monde. Gibbon notis dit que les différens genres de culte qui régnaient dans le monde romain étaient tous admis indifféremment, parce qu'ils étaient tous considérés par le peuple comme également vrais; par la philosophie, comme également faux ; par le magistrat , comme également utiles (2). x\utant d'erreurs

(1) Simoni Deo. Tiliem. , Mévi, cccllés.^i. 1, p. lOo.

(2) Hist. de la décad. et de la chute de i* Empire rom,, liv. i, chap. ii.

DB LA MOUlOELIiB HÉRÉSIE. f%

que de mots. S'il en eût été ainsi , le Chris- tianisme aurait pu s'établir sans conlradic<- tion et s'étendre à son aise sous le patronage de la mutuelle indulgence que s'accordaient les sectes diverses ,m%me les plus opposées. U n'eût été qu'une religion humaine , et man- <piait k la fois et aux vues de la Providence, et à la vérité des prophéties. Quoi donc ! était-ce par indifférence pour son culte que iVéron donnait le premier signal d'une guenre d'extermination poursuivie par ses succes- seurs avec le plus implacable acharnement ? H^ 'indifférence a-t-elle jamais armé les pas- ^mons humaine's du fer et de la torche contre 1^' ennemi qui se présente pour leur disputer V empire (1 ) ? Les peuples , a grands flots , se précipitent sous leur bannière , nous dit ^I. de La Mennais ^ l'avarice y conduit les prêtres des idoles ; l'orgueil y amène les *3ges , la politique les empereurs. N'y eût-il

(4) A'wai,p. 12, 13.

94 m^TOIRE

I

qw ce» seules passions? le fanatisme qu'elles aUamftient dans tant de cœuRs pouvait-il s'y alUer atec la froide apathie que l'indifférence suppose en &it d'opinions, et surtout d'^pÂiv nions religieuses ? Que Gibbon , aveuglé païf son ^epticisme calculé, vienne noua direqm la superstition du peuple n'était mêlée d'ttUr ciwe haine , d'aucune aigreur théologiqué i ni enchaînée dans le cercle d'un système esLclusif ; que les philosophes ^honnea gtms, regardaient du même oeil toutosles religions df la terrie ; qu'il leur était fort indifféront que les Jolies de la multitude prissent teUe fio^rme plutôt que telle autre (t) : nous ne £eii-? sons pas à M. de La Mennais l'injure de le croire de ceux qui veulent que le Chl?istia-r nism^ se soit établi naturellement , et par jio seul discrédit étaient tombées les supers^ titîons antiquesf. La tolérance qui s'accordait aux divinités étrangères avait ses contra4ic-7

(I) Essai, li. 12, i;^

DE LA NOIiym4*E:#£RÉSlE.

ienBn.i «es exceptions; e|; malgré le vœu 4fo

Tibère qui^wsiandàît pour JésusfOuist r^af;

««iClipi«dk(<1 ) , nous ne yoypn^pe^ q^'il »\

obKfiavkù akément mn 4coit de boiurgeQΧif^

dafiaai«ctiiiede0 cités de l'univeiv, pas m^w^

daas oeUe dont i) avait fidt U tM^tre4e,s^

«sQTres les phis extraordinaire^. P/ét^it apr

ÎNiremmeot p^r iodifféir^P^^ <IUj9^1e ¥p)[iip-

«mm Hér^e Qiyjonnajit |e miissacre d»^

prevoiefBriiéi , afin d';9Péwtifr d^ns fpfi bei;<-

ceau la religion du Qiri^t ; que la synagf|gi)e

demandait k grands cris qu'il £àt cruçii^é

pour Tepger la loi de Moïse et l'honoeur du,

temple. Qav^rez toutes les jbis^pires ; jeûnais

con(jurati<w ^i plus uqiapime dans ses agei|s,

ni plus uniforme dansées motifs 9 ,<:'çst la

caHse dfts dieux qui arme et les roi» ei les

peuples. Dajus chacuit des fléaux qui désolent

l'empire romain 5 on croit )ire les ordres du

ciel 4fui demande pour e^^piation le sang

(i) TertuU., jàpolqgct,, oup. v.

76 HiSTomE

des chrétiens. Après Néron , Domittett> Trajan , Marc-Aurète , Septîme-^yèrt , Ici plus humains des empereurs, offrent k leur» dieux les chrétiens en holocauste. Les viltês entières leur écrivaient , soit pour les re- mercier des édits de proscription qu'ils ont rendus contre les chrétiens , soit pour les exciter à de nouvelles fureurs (1). Le cri barbare : Les chrétiens aux lions! a fait tressaillir de joie une multitude ivre de san^, et qui n'en a jamais assez. On n'épargne , même de leur temps, ni âge, ni sexe , ni condition , ni les services rendus à la patrie. Les places publiques , les routes , les champs même et les lieux les plus déserts se couvrent d'instrumens de torture , de chevalets , bûchers , d'échafauds; la rage des bourreaux s'étudie à enchérir sans cesse sur elle-même par l'invention de nouveaux supplices ; les jeux se mêlent au carnage ; de toutes parts

(3) Rullct, Hist. de l'Etabliss. du Christ., p. 63.

DB LA NOUVKUB HEBBSIK. 7T

on fi'^mpresse pour jouir de l'agonie et de la mort des innocens qu'on égorge. Ce n'est poîiil; une persécution de quelques, jours ; c'est par dtis siècles qu'il faut compter les souffrances de l'Eglise. On ne peut la suivre, durmt trois cents années , qu'a la trace du sang cpi'jelle répand, et à la lu^ur desbûchers aU«iinés contre elle (1).

Voilà ce que M.^^ de La Mennais appelle de l'indifférence ! U n'y avait plus , dit-il , de* paganisme , plus de philosophie. <c La ir philosophie , laissant en paix l'idolâtrie, « ne s'occupait qoe de diriger ses attaques « ciMitre les vérités* importunes aux passions # « contre les prineipes de la morale , contre « hé» peines ^et les récompenses fiitures , « cobtre l'immortalité de l'âme et V^^i^ «V tence de Dieu (3). » U Êiut comptef éirsiiigeihent sur ' la crédulité de ses lec-

^% y BMiêtW, dUôie dtf« Péri» , p. 244.

Bieti toîff q^ la phUoi^bp^it^ ^îaisiunt M ? idolâtrie y ^ dmgé ^aittaguieir centra

écFit- , p^ titi motAHÀetti ^-àë ee» temp» rèira-'

siècle 4e JufttiïiiëA, 4^^ n'^^téstife' vftw tM» les efforts de la philoéopUle païenne h^méit (^'ptitt» ùbjm lutte du* jpaganisme €t de l'ËTM^é. fje Obpîstianiybiieet ridôlâtrii^ 6* pfrësence l-|itt*d«'l'attfrey* dcmune dèuxiennoi* vtàk ëk ^idp ctos , s'étaient: itfèckvfi lime fgèiélfltê ^ môr%.^ Hèi dehr oâtâi ^ L'atta<pw let kf-défeniie ont déployé tbiitéa leuyitciMW^ ^1 -Ce» hkmed' cftieitio»^: ifK^ deiôM ^à%fipfé^ii^ jEf^to lAéâiMife V ne fimhl piÉ!( ^^géèkf dat^iintallJ8> par céiix rd'tdJon. Eilîl'^^ikHbsdphiey Uée. sm pot^ehiaiiie v eaiti« p^«hs^i« bi<^n que o^en était farit d^ellesrVB^ vangile venait a prévaloir. Eveillée par le bruit de sei^ pvédicàtioris et de se» victoires, vous la voyez redoubler d'efforts , se liguer

DE LA NOUVÉLtE HÉRKSIE. VO

avec rhérësie, faire cajnse comiDune Bttet les bdttrredux. Saint Justin , dans eê» belk» ajiôlogiesioù il venge la sainteté du Chtisiiai- tnitne, combat, avec autant de tadenii ^fUè de boKttrage^ tes prévention» des «hiifi, les ealoiôines de» païens et des philosophes, attaque siir son tréne leur Jupiter souillé ée crimei înflines, établit la vérité des devines de la vie lutore f de l'unité de Dieu, de la'Si-oTidènce, dd libre arbitre. Le phi- Ufsophe Grescent répondit par un cri de mon. U Allait venger à leur tour, jpjlrla movt des (Chrétiens, la- majesté de -ces dieu» dié* ceaa»^ disaient hautement qu'ils n'é^ tuent que' - des, hoaûnss ou des démcNks. PUilât f cbmnle récrivïdt l'empereur Anto^ nm- TOX vilks d^Asiey que de la»ser a tscà dâdm le- toîn de e&âti»p ces hommés' qui leur refusaient 1^ honneurs divîfns (i), tm

(^) Vnifèz don édit dans Biblioth. ehoiêie déë P*rM, t. I,p. 313.

80 HISTOIRE

leur iiumolait les chrétiens ; c'était au nom des dieux que les chrétiens étaient envoyés à la mort. Celse ramasse , dans un discours artificieux, tous les mensonges accumulés contre les chrétiens par la haine publique ou sa malignité propre , et que la philoso- phie du xYiii^ siècle se glorifiait d'avoir inventés : vous croyez, en le lisant^ avoir en mams \& Dictionnaire encyclopédique. Ori- gène , en lui répondant , ne laisse rien non plus à inventer aux siècles qui le suivront. Oest que le Cfariistianisme , sorti tout entier de la pensée de son divin auteur ^ eut d'à- bocd toute sa perfection , et n'eut pas k subir cette progression que lui suppose M. de La Mennais et ses disciples (1 ) , dans l'orgueil- leuse pensée qu'appelés a être les régénéra- teurs du Christianisme, ils devaient y ajouter des démonstrations nouvelles.

(1) Esami, 1. 1, p. 1^, Jo; et M. Lacordaire, Con^ sidérât. , etc., p. 36.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 8t

A peine un siècle s'est écoulé : déjà, d*uïi

bout à l'autre du monde , le Christianisme

fixe tous les regards. Le pacte de famille

cjui unit l'hérésie a la philosophie enfante

les sectes. Les plus hautes spéculations de la

métaphysique et de la morale s'empai'ént

cle toutes les intelligences. On y mêle les

ireveries orientales , les pratiques de la magie

^t les superstitions de la Grèce. C'est par Ik

c[u'on veut expliquer les miracles et les

dogmes de la religion nouvelle. Saturnin,

fiasilide, Marcion, Manès, Hermogène,lcs

Talentiniens et les Gnostiques, poussent

l'erreur jusqu'à ses dernières limites. Dieu

avait suscité à son Eglise des vengeurs dans la

personne des Terlullien , des Orîgène, des

Qément d'Alexandrie , des Lactance. Saint

^énée démasque et confond toutes les héré-

^*es. Sous Adrien , paraissent Plutarque ,

*^J>ictète , Favorin , Ëlien , Florus : le paga-

^^^me ne manquait donc pas de défenseurs.

^cirien l'avait fait asseoir jusque sur les lieux

T. I. 6

88 msTOBis

consacrés par les plus augustes souvenirs de la rédemption; Marc-Aurèle le fait monter à côté delà philosophie, sur son propre trône, et devient lui-même un Dieu après sa mort. Capitolin dit « qu'avant la fin de sa pompe «r fimèbre , le sénat et tout le peuple le nona- «c mèrent par acclamation, tous à la fois, (c Dieu propice , ce qui ne s'était jamais fait ir et n'est point arrivé depuis» Ce fut peu de « chose de voir les personnes de tout âge , <c de tout sexe , de tout état et de tout rang , K lui rendre les honneurs divins ; on regarda «r de plus comme des impies détestables <c ceux qui, pouvant et devant avoir chez eux <t son image, ne l'avaient point (i).

M. de La Mennais s'efforce vainement de justifier ces siècles -là du reproche de fanatisme , pour le réduire a 'celui de l'in^ différence : il est réfuté par chacun dos

(4) Capitol. inAureHo, De J0I7, Penêéesde'Vefn- per, MarC'Aurèle Anton. ^ p. xl. (Paris, 4773. ) <

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 85

faits qui en composent l'histoire; il les passe sous silence , comme pour en anéan- tir la mémoire. Qu'aura-t-il a répondre au seul £siit de Julien , et de tant d'efforts ten- tés par cet empereur , non-*seulement pour abolir le Christianisme , mais pour rétablir Pidolâtrie? Sans revenir tout-a-fait au sys- tème des persécutions sanguinaires (car les païens eux-mêmes lui en ont reproché , et ses propres lettres en offrent la preuve) (1), le sophiste couronné imagina un autre plan d'attaques. A la tactique vieillie des calomnies absurdes et dégoûtantes dont on chargeait les disciples de Jésus-Christ, il substitua les traits de satire, décochés comme au hasard , les insidieuses allusions, les louanges hypocrites, les diffamations, remplaçant les échafauds par le sarcasme , et les proscriptions par le ridicule.

Son amour pour les dieux qu'adore le pa-

(1) Voyez Biblioth. choisie des Pères, 1. 1 , p. 237.

84 HISTOIRE

ganisme s'enflamme de toutes les ardeurs du prosélytisme. « Que ceux, dit-il, qui ont vu ou entendu de ces hommes assez sacrilèges pour insulter aux temples et aux images de nos dieux, ne forment aucun doute sur la puissance et la supériorité de ces mêmes dieux (1). »

Julien avait bien senti que pour conser- ver l'édifice , il fallait l'asseoir sixt des bases nouvelles, et que pour mieux combattre la vérité chrétienne, il fallait paraître s'en rapprocher. Tel fut le plan qui lui fut con- seillé , soit par son propre génie , soit par les philosophes qu'il avait appelés k sa cour, et qui se partageaient ses faveurs. « Aux « idées pures et simples d'un Dieu unique , c( on substitua les idées platoniques sur la « divinité ; k un Dieu en trois personnes , (( cette fameuse trinité ds Platon , aux anges

(j) S. Cyrill. Alex. Adv. Julian.y liv. x. Bullet, Hist. de rEtabliss.y etc., p. 279. La Blelterie, Fie de Julien y p. 350.

%

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 85

« et aux démons, la doctrine des génies « créés pour remplir l'intervalle entre Dieu « et l'homme; a l'idée d'un Dieu médiateur, « la théurgie qui , a force de sacrifices et de « cérémonies secrètes, prétendait dévoi- tf 1er l'avenir, et opérer aussi des pro- ie diges; enfin, à la vie austère des chrë- tf tiens , des pratiques à peu près sembla- « ble.s, et des préceptes d'abstinence et tf de jeûne pour se détacher de la terre ir en s'élevant à Dieu (1). »

C'était le système de Porphyre, d'iam- blique , de Plotin , de Proclus , et de tous ces Eclectiques qui de l'école d'Alexandrie se répandirent dans l'Italie et dans l'Orient. Presque toute la philosophie était donc deve- nue théologique, dit l'historien des hércsie.s. Le livre d'iamblique sur les mystères est un traité de théologie dans lequel le plato-

(I) Thimicis, Jissai sur les Klo(jc8 , chap. xx, t. J, p. 274. (Kdit. de Paris, 1773. )

86 HfiTonue

nisme est visiblemeiit ajusté sur le Christia- nisme , et dans lequel , au milieu de mille absurdités , on yoit beaucoup d'esprit et de sagacité , quelquefois une morale subli- me (1). Ils en imposaient principalement par leur morale , qui tendait à dompter les passions et à affranchir l'homme de l'em- pire des sens ; car c'était vers cet objet que tendait le mouvement général des esprits. Cette disposition était l'effet d'une fermen- tation générale causée par le malheur des peuples , et par les grands intérêts politi- ques et religieux. Il est faux de dire , avec M. de La M ennais , que le fanatisme n'y était pour rien, et que le Christianisme avait trouvé l'empire dans cet état de dé- faillante morale ou d'indifférence qui pré- sage une dissolution prochaine (2). Il devient évident que l'auteur a pour objet

(1) Pluquet , Dictionn. des Hérésies , Disc, préli- min. y t. I , p. 138, 157.

(2) Essai, t. I , p. 64.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 87

de ses sinistres prédictions la France et l'Earope entière. On peut répondre a ses sombres pressentimens par les aveux même qui lui échappent : « Que s'il y a moins de chrétiens , les chrétiens ne sont pas chan- gés; que les plus pures vertus, des vertus dignes des premiers siècles , honorent en- core le Christianisme, et que l'Eglise de Jé- sus-Christ ne peut perdre , qu'aussitôt , de ses entrailles déchirées , mais toujours fé- condes , ne sortent une foule de nouveaux enfans qui la consolent de ceux qu'elle a perdus (i). « Toute dégradée qu'elle est par la corruption de nos mœurs, que l'huma- nité élève sa voix au milieu de la société : que de prodiges de courage et de cha- rité ! Vous l'allez voir * voler , chez les ^ peuples sauvages , au bout du monde , «pour les éclairer, soulager leurs maux, ¥ adoucir leurs mœurs, pour étendre le

(1) Essai, t. 1, p. 18.

88 HISTOIRE

tr saint empire de la vérité ; vous la verrez « descendre au fond des cachots , aller au« <r devant de^ tortures pour lui rendlre un

w éclatant témoignage, et mourir avec joie ff pour préparer son triomphe (4). ;>

Est-il permis de désespérer d'une so- ciété où se rencontrent encore des princî^ pes de vie si actifs et si ]^uissans ?

Quelle avait donc été , encore une fois y l'intention de l'illustre écrivain en nous don- nant sous un jour aussi faux l'histoire de nos premiers siècles chrétiens, et en substituant ses romanesques visions aux monumens qu'elle nous présente ? Sans attendre même que les volumes subséquens de son Essai surrindifférencenousmdimfestent sa pensée, il la trahit dans vingt endroits de celui-ci .

Son intention était de déclarer à la Raison humaine une guerre â outrance^ de l'humi- lier profondément, en la chargeant à la fois

(1) Essai , p. 465 , et Introd,, p. 18.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. W

de tous les crimes de la Réforme protestante et de la moderne philosophie , source com- mune de Fathéisme. « Au principe d'auto- « rite, base nécessaire de la foi religieuse et tr sociale, on substitua le principe d'examen; (T c'est-k-dire que l'on mit la raison humaine «r k la place de la raison divine, ou l'homme (c à la place de Dieu. L'homme alors rede- K vint ennemi de l'homme , parce que , « souverain de droit dans l'ordre politique (T comme dans Tordre religieux , chacun « prétendit de fait k l'empire , et voulut « établir le règne de sa raison particulière « et de son pouvoir jparticulier : prétention « absurde , qui devait aboutir inévitable- « ment à la servitude politique et a l'anar- ^ chîe religieuse (1). »

« Pour tirer tes hommes de l'indifférence « les jette l'abus de la raison , il n'y a , « dit -il, qu'un moyen, c'est de dompter

(1) Essai, p. 65.

90 HKTQIBE

t( cette raison altière, en la forçant ployer « sous une autre si haute et si éclatante <r qu'elle n'en puisse méconnaître les droits. »

Et cette raison supérieure, règle immua- ble du vrai, quelle sera*t-elle? Sans doute celle de Dieu ?-— Oui ; mais la raison de Dieu manifestée par la raison générale , par le commun consentement du genre humain. (c Faites intervenir la raison pour juger si cr elle doit admettre ou rejeter les dogmes ce que Dieu nous révèle ; aussitôt le magni- « fique et immense édifice de la religion, <c transporté sur cette base fragile , croule ce de toutes parts , et écrase sous ses ruines <r la raison présomptueuse qui s'était crue f( capable de le soutenir (1 ).

Ainsi la rai^n est déclarée incapable d'arriver à la connaissance de Dieu.

Quelle sera donc la règle de nos juge- mens? Dieu nous a-t-il laissés sans boussole, k la merci des ignorances et des fluctuations

(1) Essai, Intfod., |>. S, et t. I, p. 49i).

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 9i

de la raison privée? La divine Providence a ménagé dans tous les temps k la société humaine un critérium de vérité , une voie d'autorité qui ne s'égare point, également toute puissante et infaillible : « L'autorité « générale prévaut toujours , et nécessaire- ff ment , sur les autorités particulières qui .c tendraient à renverser l'ordre, ou par la c violence ouverte , ou , plus dangereuse- « ment , par des opinions ; et c'est même « la raison de la durée perpétuelle de la « société religieuse , dont l'autorité géné- c raie , en vertu d'un privilège divin , est a « l'abri des erreurs (1). ^

c Comment nous assurons-nous de l'exis- « tence de l'âme dans les autres hommes , « si ce n'est par la communication des pen- «r sées? et la pensée d'autrui ne nous serait- <r elle pas totalement inconnue, si elle ne « nous était révélée par la parole? Sans « cette révélation, notre âme, éternellement

(1) Essai y p. 30.

1K2 HISTOIRE

t

« solitaire, vivrait dans une ignorance abso- V lue des êlres semblables à elle : or , s'il (t faut nécessairement que l'homme parle à c< l'homme pour être connu de lui, corn- er ment l'homme connaîtrait-il Dieu^si Dieu «f ne lui parlait point(1 ) ? »

ff Par cela même qu'elle a des bornes, l'in- •r telligence humaine n'aperçoit rien avec une «c parfaite clarté. Ce qu'elle ignore, obscur- cr cit plus ou moins ce qu'elle connaît ; car « chaque partie ayant des rapports néces- (T saires au tout, il faut connaître le tout ff pour connaître parfaitement la moindre (T de ses parties. De vient que la raison <r ne comprend rien pleinement. Une faible «r et vacillante lueur marque à peine quel- <r ques légers traits des objets qu'elle consi- or dère. Incapable d'affirmer, incapable de K nier , perpétuellement flottante au gré (( des probabilités contraires sur la vaste <( mer du doute , ce ne sera pas elle qui

(1) Essai, p. 493.

MB LA KOirVELLE HÉftÉSIE. 95

« affermira la pensée de l'homme jusqu'à la tr rendre aussi inébranlable que la pensée « de Dieu ; et néanmoins il le faut , pour (T que notre intelligence soit véritablement « l'image de l'intelligence infinie en certi* ir tudè comme en étendue (i). »

« La religion supplée par la foi h la «r faiblesse de l'intelligence. Après avoir V prouvé son autorité divine , elle ordon- « nera à l'homme de croire ce qu'il ne peut tr encore comprendre , et elle mettra dans «r ses croyances infinies dans leur objet, in- «r finies en certitude , puisqu'elles reposent « sur un témoignage divin , le même ordre tr qui existe dans les idées de Dieu; et comme «r les mêmes vérités sont connues par la « même foi de toutes les intelligences , il y « a société entré elles et le grand Etre qui cf les a créées pour lui (2). )*

(1) Essai, ^. 48i), 486.

(2) Ibid,

94 HISTOIRE

(( NouB ne trouvons en nous-mêmes au- ff cune vérité ; elles nous viennent toutes « du dehors. La raison n'est que la capacité (c de les recevoir , de les reconnaître et de <r les combiner (1). >

ce De cette sorte , la certitude du témoi- «f gnage remplaçant la certitude de l'évi- er dence , l'homme a pu , sans changer de «( nature , posséder pleinement la vérité K infinie (2).

cr Jésus-^Christ a porté dans notre nature « le fondement de la perpétuité de la reli- « gion ; il conserve la vérité dans la pensée ce de l'homme , comme la pensée même se «c conserve par la parole transmise (3), »

« Je doute qu'aucun homme crut ferme- « ment en Dieu, si le témoignage de sa raî- ir son n'était confirmé par l'autorité du genre w humain. »

(1) Essai, p. 487.

(2) Ibid., p. 489.

(3) Tbid., p. 180.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 96

V Le Christianisme n'apporta point au « inonde une Révélation nouvelle , il ne fît « que développer la foi existante dans l'uni- « vers; il ne naissait pas, il croissait (i).

Telle est la doctrine théologique qui déjà se découvre dans le premier volume de 1'///- différencCy celui de tous qui ait excité la plus vive sensation ; tous ceux qui Font suivi n'en étaient que le prolixe développement; et réduisent tout le système à ces points principaux : que la raison individuelle est sans autorité pour servir de règle k nos ju- gemens; que ni l'évidence, ni le sens in- time ou la conscience ne nous donnent point de motifs de certitude ; que l'autorité de la raison générale ou commun consente- ment du genre humain est l'unique crité- rium de la vérité ; que seule elle en est le tribunal infaillible.

(1) Essai, ^. 289.

96 msTome

Sa théorie politique n'y est pas moins clairement exprimée :

«r Le pouvoir n'a d'autre principe que « la force. Quand il n'est pas dirigé par la « force, il cesse d'être légitime ; il est tyran- crnie, oppression, domination \iolenle. « La société chrétienne ne connaît de pou- « voir que celui dont le dépositaire est prêt « à s'immoler pour le salut de tous (1). <c L'homme est si grand, que Dieu seul a « droit de lui commander ; noble vassal qui «r ne relève que de l'Eternel. Quand Jésus- cr Christ apparut au monde , l'homme par- ie tout était l'esclave de l'homme» Avant lui, <r nulle part on n'avait l'idée de ce qu'est tf la royauté ; l'Evangile a proclamé la li- er berté pour tous les peuples et tous les in* tr dividus(2). Il fallait que la sagesse même « de Dieu descendît sur la terre, je ne dis « pas seulement pour délivrer le genre hu-

(1) Essai y p, 1^6,

(2) Ibid.y p. 413.

DE tA NOIIVELLB HÉRÉSIE. 07

main des calamités qui l'accablaient , mais pour lui donner l'espérance, pour lui inspi- rer le désir d'en être affranchi (1).

. tr La société humaine n'est une véritable «r société que lorsque ses membres, unis par tr des lois relatives a leur nature intelli- «r gente , obéissent au pouvoir suprême qui ff régit tous les êtres intelligens ; car il tr n'existe de véritable société qu'entre les « intelligences (2). »

Même doctrine que celle qui sera dévelop- pée amplement dans ses productions ultérieu- res : seulement, ce ne sont pas encore ni les fougueuses déclamations du Mémorial catho' Uque et des Mélanges religieux et politiques du même auteur, ni les sarcasmes amers de iAs^enir^ ni les séditieuses provocations des Paroles (P un Croyant. Ici déjk,pas une forme de gouvernement qui n'excite ses outrages ou

(1) Essai y p. 425.

(2) Ibid,, p. /5'47.

T. T.

98 HI6T<»B£

ses alarmes. Toutes les nations modernes sont minées sourdement par le despotisme ou par l'anarchie 9 fruits de l'athéisme et des institutions de néant qui les régiisexit(4). fc Mais les peuples ont aussi leur intérte » et « leur orgueil est plus terrible que celui « d'aucun tyran. De la une hame secrète « entre le pouvoir qui les gêne et les humi*- <c lie ; haine qui s'étend du pouvoir a tous les « agens du pouvoir, à toutes les institutions , K à toutes les lois , à toutes les distinctions « sociales (2). » est dans ce conflit per^ pétuel la séciu'ité du gouvernement? est le lien de l'obéissance? Aussi, à proprement parler, n'existe-t-il plus de société. Elle n'exista réellement qu'au temps du moyen âge. i< Dans les âges qu'on appelle bai4>are$, (c le Christianisme avait affermi et tempéré <c le pouvoir, sanctionné l'obéissance, éta«

(1) £waî,p. 75,4Î^2.

(2) Ibid., p. 345.

DB lA NOUVSUUB HÉRÉSIE. 99

c bU lea vrais rapports sociaux , épuré les K. BUBurs et souTent suppléé les lois. Alors «L'hammQ était sacré pour Thomme; le tt gouvemoment était doux et fort , et le « peuple libre et soumis (1 )• La société se trouvait régie par une puissance infinie « d-amour (3L).i^ Le souverain pontificat était à<l2^tête de la> civilisation ; l'harmonie ré- élût dans toutes les parties du corps social, liées entre elles par la suprématie univer- sdlemeat reconnue du siège apostoliqucti tf Malgré des désordres partiels et de légères mrdé^iationsj l'Europe s'avançait vers laper- Mt ii^fitâon QVL le Christianisme appelle les peu*- JT-ples^comme les individus, lorsque la Ré- » femie vint subitement arrêter ses progrès «» et la précipiter dans un abîme elle «.s^'enfonce tous les jours, et dont nous ne « cannaissons pas encore le fond (3). » De

(1) Essai, p. 39, 77.

(2) Ibid.,p.ii.

(3) Ibid., p. 42.

100 msTontE

celte époque , « les gouvernemens et les peu- «r pies , établis dans une sorte de guerre r ( faute du contre-poids que leur donnait ff l'autorité pontificale ) , ont été contraints ir de se demander des garanties mutuelles , « et de chercher leur sûreté dans des pactes « illusoires ( tels que le traité de Westpha* K lie ). Telle est la cause qui enfante en « Europe cette foule de constitutions moitié If monarchiques , moitié républicaines , vé- « ritables traités temporaires entre le des- cf potisme et ranarchie(l). »

On n'a pas oublié que l'étemel cri de guerre de M. de La Mennais dans ses der- nières productions était la séparation ab- solue de l'Eglise et de l'Etat , le renoncement de la part du clergé au traitement qui lui est alloué par la Constitution. Dès les pre- mières pages du livre de V Indifférence y le nouveau réformateur avait dit : i< Contem-

(1) Ibid.y p. 77; et Religion considérée^ etc., p. 148,

DE LA KOUVKLLE HÉRÉSIE. iOi

« plez l'état de la religion : on ne la proscrit K pas, mais on l'asservit^ on n'égorge plus erses ministres, mais on les dégrade pour (T mieux enchaîner le ministère; on lui pro- ie digue l'outrage et le dédain, et l'injure K encore plus amère d'une insultante pro- tf tection. Quelques pièces de monnaie que « l'avarice qui donne envie a la misère qui (f reçoit, des hommages dérisoires, des en- ff traves sans nombre , des lois oppressives , K des dégoûts perpétuels et des fers, voilà <c les magnifiques largesses dont la plupart f( des gouvernemens ne se lassent point de « la combler (1). »

Que dans le livre des Paroles d'un Croyant j il excite les peuples a briser les liens de la subordination , il n'est que conséquent. Il avait dit , dès son entrée dans la carrière , qu'on ne devait rien à l'homme en tant qu'homme , parce que

(4) /wffod.jp. 26.

102 HISTOIRE

Dieu seul est le principe comme le terrn^ de tous les devoirs (1 ). Qu'il nous fasse acnifi^ ter au dernier jugement (2), c'est pour nous faire croire que le seul crime de la dureté envers les pauvres dictera la sentence du souverain Juge contre les prévaricateurs de son Évangile : « Parodie aflfreuse ! >i s'écrie un journaliste. « Non, ce n'est pas la la doo- « trine de Jésus -Christ (5)! »

M. de La Mennais n'a fait, dans chacun de ses ouvrages , que se répéter lui-même j celui-ci contenait, dès son premier volume, toutes les erreiu*s répandues dans les suivans.

Mais les erreurs étaient inaperçues; la séduction du talent de l'auteur ne permet- tait ni a la simplicité de la foi de les soup- çonner, ni à la sévérité de la critique de les signaler; et, comme au temps de l'Aria-

(1) Essai, ^. 513.

(2) Ibid., et Paroles d'un Croyant, p. 221.

(3) L'Univers religieux, n<* 190. Réponse d'un Chrétien auss Paroles d'un Croyant,

AE LA NOUVELLE HERESIE. 10^

nisme, la France, long* temps surprise par les artifices du langage , éveillée enfin par la voix apostolique , a pu dire avec les Pè- res de Rimini : ce Ce qui nous a trompés, « c'est d'avoir eu trop bonne opinion d'une «f école qui le méritait si peu('l). »

Qu'est-ce que la certitude? quels en sont les fondemens ? Qu'est-ce que la raison, l'é- vidence , l'autorité ? quels en sont les rap- ports avec la foi? Hautes questions sur lesquelles l'école de M. l'abbé de La Mennais va nous donner enfin les lumières qui avaient échappé jusqu'ici a la sagacité des Bacon , des Leibnitz, des Descartes, des Bossuet.

(1) S. Hilaire , Fragm., p. 487. S. Hicroii,, Dia- log, inter Lucifer et Orihod,, t. IV, p. 30'J. Dans £iUi9th. choisie des Pères , t. XX > p. 3%.

CHAPITRE m

Des Fondemens de la Certitude, et premièrement de la

Raison.

Pour arriver à ce qu'il appelle le critérium de la vérité, qu'il fera consister exclusive- ment dans la raisongénérale,rauteur a com- mencé par établir son opinion sur la raison individuelle : opinion dont il fait un dogme ca- pital , le pivotde son système, la pierre fonda- mentale sur laquelle reposent en même temps et la foi catholique et la société humaine. La

mSTOIKE DE LA KOtVELLE HÉRÉSIE. 1CN(

raison est la faculté de percevoir, la vérité » qui nous est démontrée par les moyens di- vers que nousavons de connaître. Cesmoyens sont dans nous et hors de nous ; à savoir : l'évidence , les sens , le sentiment , le raison- nementselonlui , autant de sources d'erreur . Ainsi rien, absolument rien de ce qui porte sur ces divers moyens, pas même, affîrme-t-il, notre propre existence , ne peut être légi* timement admis comme ayant un véritable caractère de certitude : d'oîi il conclut que toute philosophie qui recherche le fonde- ment de la certitude dans la raison indivi- duelle , conduit nécessairement au pyrrho- liisme absolu. Quoi donc ! n'y aura-t-il point pour l'homme de fondement de certitude? U en existe un autre, solide, inébranlable au doute,dans la raison universelle, qu'il nomme l'autorité du témoignage ou le sens commun. M. de La Mennais ne s'embarrasse pas de prouver la solidité de ce fondement ; il le suppose comme un fait incontestable , inhé-

108 tÊSftÙÊKt

treht k nature de llioiiitte , attesté Ul manière habituelle dont les hommes Se c&Êh duiscnt. Telle est l'analyse que lui-ttiâtte expose de son système , réduit k ces qiiatn propositions :

1 "" La philosophie qui place le prifieifiÉ de la certitude dans Thomme indiridfiel) ne peut parvenir à trouver une vérité oef^ taine d'où il déduise toutes les autres, y compris Texislence de Dieu ;

â^ Celte philosophie ne donne pas à Iliomme individuel une règle infaillible de jugement ;

S"" Pour éviter le scepticisme coniMU; la philosophie de l'homme isolé , au lien de chercher en soi le principe de la certitude rationnelle d'une première vérité^ il ùat partir d'un fait qui est cette foi inmmwm^ table , inhéretite a Mitre âatore , et adnMttre tomme vrai ce que tous les hbmmM croient invinciMemeirt ; ¥ L'ftUtorité mi la misMi générale ^ ie

DB LA NMmOB HÉRÉfllE. Ht

«luwlitanent oaininiiii, wt k règle dw jVh- gemens de l'homme Mdiyidud. Le Oirislii^ nÎRiie , tfvânt Jésus^Christ , ét»t la raison génétole manifestée par le témoignage <dm genre humain; le Christianisme, depws Jésns-CSirist , développement naturel de l'intelligence , est la raison générale mani- festée par le témoignage de l'Eglise.

Une remarque qui n'a échappé à aucun des adversaires de M. de La Mennais , c'est que partout dans cet ouvrage , et dans le vo- eabulaire de la nouvelle école, les mots sont détournés de leur véritable sens; on les transporte k d'autres idées que celles les enfermait le commun usage. On les mé- tamorphose par des alliances étrangères et des significations nouvelles qui les déna- turent. M. de La Mennais affecte de se créer une langue comme un système, il est difficile de le suivre; et les défini- tions, non -seulement manquent de clarté pour la plupart, mais lui échappent, elle

146 mgTOiBE

jettent lui et son école dans de perpétuelles contradictions (1 ) . ^

Prenons pour exemple la théorie qu'elle nous donne de la certitude par rapport à la foi. c< Cette question fondamentale de la théologie, gu' est-ce que croire? dépend , nous dit-elle , de cette question fondamen- tale de la philosophie^ qu'est-ce que la cer- titude(^. M. de La Mennais en fait une question simplement théologique , et la place tout entière dans la foi. (c La certi- tude n' est qu' une foi pleine dans une autorité infaillible. Rien, poursuit-il, de ce qu'affirme une raison qui peut se tromper, ou une raison

(1) On peut en voir Texposé dans les réfatations qu'en ont publiées M. Boyer , Examen , p. 36 ; M. Rozaven, Examen, eia,, p. 112 et 178.

(2) « Je pense que la première de ces questions o est tout aussi philosophique que la seconde , et « qu'elle ne dépend pas plus de la seconde que la a seconde ne dépend de la première. » M. Rozaven, Examen yi^, 95. Toujours est-il que pour ces messieurs la question est autant du ressort de la théologale que de la philosophie.

nB LA NOtiYELLE HÉRÉSIE. 109

faillible^ n'est certain : donc chercher la cer- titude, c'est chercher une raison infailli* ble(1).»

Le mot certitude devient donc syno« nyme de celui d'infaillibilité?

«Que feit-on, demande M. de La V Mennais , quand on cherche la certi^ « tude? On cherche une raison qui /le puisse tf pas se tromper dans ses jugemens , une « raison infaillible en tout et toujours : au- « trement elle ne serait jamais assurée de «l'être. » Ainsi, tout ce qu'affirme une ff raison faiUible peut être faux , et tout « ce qu'elle nie peut être vrai (2). » Donc toute intelligence nécessairement finie et faillible ne peut être assurée de rien. Et pour elle il n'y a point de certitude , même sur les choses de la foi. Parce qu'elle peut

(J) Essai ^ t. IL Avertissem.^-p, vu et p. 113.

(2) Ibid.y a Si vous pouvez dire fexisie^ il n'y a « pas de raison pour que vous ne soyez aussi ipfail- « lible que Dieu et ses anges. «> M. de La Mennayi dans M. Boyer, p. 60.

V

se trompée quelquefois y elle n'a jamais In certitude qu'elle ne &e tj^ompe pas actuel- lement. Mais parce que toutes les vérités ne QÀ)us sont pas connues ^ est-ce à dire que nous n'en connaissions aucunes et que. je doive errer en tout parce qu'il m'arrive dTerrer quelquefois ? S'il en est aini» , la cer- titude n'est qu'un mot vide de sens ; car j^ Mste toujours incertain si je ne me trompe pa«, incertain s'il existe une autorité à la^ quelle je doive croire, incertain si je crois en effet , pourquoi et comment. Donc plus ombre de certitude , profonde obscurité , tout l'abîme du scepticisme. Que devient ^ dans cette hypotbèse , la définition vulgaict! dm mot certitude ? qu'elle est , dans le sens strict et rigoureux, l'assentiment formes et inébranlable de l'esprit à une vérité con^- nue i qu'elle est , selon le langage des phi- sophes tant anciens que modernes, une assurance ferme qui tranquillise pleinement la raison; qu'elle suppose dans Tintelli-

M LA ifoonoLU nimiani. iàA

gmM ime •éeuiité entière et une con* fidîui ipaifidle que la vérité est telle fDiW la conçuU (i). Est-^ce qa'îl n'y a |M » liors 4e la foi, des vérités tdlement claires et icontestables qu'elles exclnent tenta espèce de dente et d'hésitation ? liTen. Ma ntisonf essentiellement et toujours Inble, ne m'éclaire en rien, l'évidence n^est ipi'ime loeur infidèle 9 anm sens intime cp'un guide trompeur. Le moyen de mar- tk»t dans la nuit, quand tous les flam- kmnx sont éteints? Point de certitude, point de foi , toot l'édifice relÂgieux: reste ttus &Ddemmt. La main qui me l'enièTef iiUelle une main catholique?

Tandis que toute l'école se travaille k BOUS rendre intelligible la doctrine de son msîlsie , voilàque l'on jette dans l'arène une nvweUe définition de la certitude ! SUe

seau, Midit.y 3, 4. M. Boyer, Eaamen, p. 59. M. Recevear, p. 45, etc.

IIS HISTOIRC

est « Vunion des esprits dans les divers « ordres de la pensée ^ sous les lois de diverses ir autorités légitimes et évidentes (1). » Nou- veau dédale ma raison n'entrevoit au- cune issue.

Tout ce que ces prétendus philosophes théologiens nous disent de la foi , de l'au- torité , de l'évidence , du témoignage , de la raison individuelle ou générale ^ n'est ni plus légitime ni plus évident.

Au simple énoncé de cette théorie , il eût suffi, pour la battre en ruines , de répondre par ces paroles de saint Augustin dans son plus savant ouvrage : « La Cité de Dieu dé^ « teste une telle manière de douter comme <r une extravagance, ayant, par les choses i< qu'elle comprend, par l'entendement et «r PARLA RAISON, une scicfice , petite à la vê- te rite, à cause du corps qui appesantit Vâme^ <f parce que, comme dit l'Apôtre, nous sa- (c vons en partie , mais néanmoins TKJbs-GER-

(4) M. de Lacordaire , Considérai., p. 148.

DE LA KOOTIXE HÉRÉSIE. 115

ctaike; et elle ajoute foi aux sens dans « L'ÉnDENGB de chaque chose desquels Ten- f tendement se sert par le corps ; parce que « ceux qui ne croient pas qu'il faille jamais

V se fier à eux, se trompent d'une manière

V bien plus digne de compassion (1 )• » Ceux dont le saint Docteur combat ici la

pitoyable philosophie , c'étaient les Mani- chéens.

(j) CM de Dieu, liv. xix, chap. xviii, traduit par Huet, Faibl. de V Esprit hum,,ji, 210. Il ajoute un passage deVEnchiridion, ou Manuel du même samt Docteur, dans le même sens.

T. I. 8

CHAPITRE IT.

fe

£e système^ de M. de La Mennais lui appartient-Ut

Le but avoué de l'auteur est de décrier la raison , de la déshériter des nobles privilèges qu'elle a reçus du Créateur , d'en condamner tous les actes sous le prétexte qu'éjant bor- née , donc faillible de sa nature , elle ne peut garantir aucun de ses jugemens. Ainsi l'homme n'est pas un ange : donc il faudra

mSTOIRE DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. IIS

le reléguer au-dessous des animaux; Thomme n'est pas le Tout-Puissant , donc il n'a nulle puissance. £t de la cette longue énuméra- tion des grieâ intentés contre la raison hu- maine dans la foule de livres publiés depuis Arcésilaiis et Pyrrhon, jusqu'aux sceptiques modernes (1); autorités mendiées, il y a, dit Huet, plus d'ostentation que de vérité (2). On ne^ dira pas du moins que l'agression fat nouvelle. Un savant contemporain qui , dans son examen de la doctrine de M. de

(1) Arcésilaiis , séduit par les sophismes de Pyr- Aon, son contemporain, se jeta dans l'excès opposé à oeloi des dogmaticjues , et osa ayancer qu'il n^y aiait, dans les choses humaines, ni évidence ni ^rtitude. Sur quoi le sage Rollin : « L'entreprise « de combattre toutes les connaissances humaines , « et de rejeter non-seulement le témoignage des sens, « quûs aussi le témoignage de la raison , est Ja plus « hardie qu on puisse former dans la république des «lettres, » {Hût. anc, t. XII, p. 503) et la plus téméraire; « car, ajoute-t41 , le scepticisme fut tou- < jours la ressource de ceux qui ne veulent rien « croire . »

(2) De la Faxblesêe de VE$prit humain, p. 100.

116 msTOiRfi

La Mennais, a fait preuve d'une érudition plus solide , remarque avec justesse que le fonds du système auquel M. de La Mennais a donné son nom n'était pas de lui, et qu'il n'a fait que l'emprunter a M. Huet , l'évê- que d'Avranebes (1). Son seul traité de la Faiblesse de l' Esprit humain^çvibMé aAmster- dam après sa mort (2) , suffisait pour repro* duire ce long inventaire d'exagérations con- tre la plus noble de nos facultés. Mais le pieux et savant évêque était bien loin d'en tirer les conséquences auxquelles M. de La Mennais s'est livré. Son but était de prouver que , hors de la foi et de l'autorité de l'E-

(i) M. Fabbé Boyer, Examen de la doctrine de M. de La Mennais. Paris, J834. Livre excellent, qui bat en raines tout le système.

(2) En 1722. Huet était mort un an auparavant.

L'abbé d'Olivet , qui en fut T éditeur, nous apprend qu'il avait été fait concurremment avec l'ouvrage des Questiones adletanœ, il affaiblit, en cherchant à rétendre par-delà toutes bornes, la belle démons- tration de la vérité évangélique, par son rapproche- ment avec Tancienne mythologie.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 117

glise» il n'existe nulle part, ni en lui y ni en aucun autre homme ^ de faculté naturelle par laquelle on puisse découvrir la vérité avec une pleine et entière assurance; que la source de toutes les erreurs , c'est la préci- pitation de notre esprit, qui nous fait ajouter foi trop légèrement aux opinions qui nous sont proposées (1 ) ; d'où il infère l'inutilité des efforts de l'esprit pour connaître la vé- rité par le secours de la seule raison , et la nécessité de reconnaître la bonté de Dieu , qui a réparé ce défaut de la nature humaine en nous accordant ce don inestimable de la fbi^ qui confirme la raison chancelante et

(1) Préface, p. 9. Ce qu'il entend par découvrir la vérité avec une pleine et entière assurance , c^est en avoir une claire et certaine connaissance, par laquelle^ non-seulement on connaît la vérité, mais on £Biit encore très-certainement que Ton connaît toute la vérité. (Liv. n, chap. i, p. 181. ) C'est lavoir, non plus per spéculum, mais fade ad faciem; ce qui est réservé à la vision béatifique ou à la plénitude de la lumière céleste. Saint Aug^tin et saint Thomas ne désavouent pas cette assertion.

118

corrige cet embarras des doutes qull hmi apporter à la connaissance des choses (4 ) ; ce qui l'a engagé dans son acte d'accusation contre la raison abandonnée à ses seules lu* mières. Affirmons, sans croire manquer au respect à la mémoire d'un si grand homme , que l'ouvrage est indigne de lui ; que ses preuves sont iutiles, ses témoignages plus qu'équivoques, souvent controuTésj sa thèse générale mal détendue. La censun qu'il y fait de Descartes ne pouvait être goûtée de Bossuet, qui connaissait mieux ce philosophe , et repoussa l'ouvrage d'un re- gard. Leibnitz , malgré son admiration pour l'auteur, mettait sans doute cette produc-

(1) Ghap. Il du livre ii, p. 182. « Ce qui manque , « dit-il encore , à la nature humaine pour avoir vue « parfaite connaiësanoe des choses , la gpràoe de Dieu « le supplée par la foi ; elle fortifie la faiblesse de la « raison et des sens; elle chasse Tobscurité des dcraib» « tes, et soutient r entendement chancelant* » (Lrr. i, chap. I, p. 12. ) U n'est nullement question du genre humain.

M LA MirVHU HteBfB. 119

tîoik âé Haet an nombre de celles à qui il

refimdt son estime (1). L'anleur l'avait c<m«

damné aux ténèbres , et ce fut le zèle peut*

étM indiscret d'an ami qui le mit au jour (2).

C'est renverser la religion que de lui donner pour appui un pyrrhonisme qui jette Tinter*

dit sur les témoignages de la raison. Mais, quelque répréhensible que fut l'ouvrage, vous n'y trouveriez rien , absolument rien , qui a^roche de cette proposition fonda- mentale dans ce manifeste de M. de La Mennais : que la raison est tellement impuis- sante qu'elle ne saurait se justifier à elle- même sa propre existence ; que la vérité lui vient du dehors , c'est-a-dire du geure hu- main , qui lui transmet la parole révélée à l'homme dès l'origine du monde ^ que ses pensées, ses sensations, ses jugemens, ses rai-

(1) Voy. Pensées de Leibn,, par M. Emery, t. I, p. 263.

(2) Voy. d'OUvet, Trad. du livre De lu Nature^ des Dieux 9 1. 1, p. 168 et suiv.

190 mSTOIRE DE LA NOUVELLE HÉEÉSIE.

sonnemens, ses sentimens, se terminent à un doute , a un peut-être (1). Huet ne permet ni à soij ni à aucun autre homme quelcon- que , l'absolue dictature de la raison ; il la sacrifie impitoyablement sur l'autel de la foi: la piété chrétienne n'agrée point un pareil holocauste. M. de La Mennais ne l'immole que pour mettre a sa place une autre idole, cette raison universelle , inconnue à ce sa- vant évêque, k qui pas un des secrets de l'an- tiquité semble n'avoir échappé.

(i) M. Boyer, Introd.^ p. 3.

CHAPITRE T.

Reproches faits h la raison humaine.

Que si M. de La Mennais difi%re tant de Tévêque d'Avranches dans les conséquences du système qui semble leur être commun à Tun et à l'autre , combien il s'en éloigne plus encore par son langage ! Jamais le dogma- tisme ne prit un ton aussi tranchant que le fait la critique du nouveau Pyrrhon. «^ Rien « de ce qu'affirme une raison qui peut se « tromper ou une raison faillible n'est cer- « tain (1 ) , » avait-il dit dès l'avertissement

(1) Essaiy p. 486-595. Avertiss. du t. II, p. vu.

12S BOSTOIRE

de son ouvrage; concluant du particulier au général : parce qu'elle se trompe quel- quefois , nécessairement elle se trompe tou- jours. «Entendez, poursuit-il dans tout le cours du livre , chaque homme parler de la raison telle cfu'il t'aperçoit 0n lui-même ; il en vante les lumières , il en proclame l'in- faillible certitude. De bonne foi, quelle con- fiance mérite-t-elle, cette raison si fière avec si peu notife pmir fèlre? Misérable hé- ritière du péché d'Adam, enveloppée des ténèbres de son ignorance et de sa corrup- tion , esclave de ses sens et de ses préjugés , éternellement dupe de ses illusions , eHe ne marche qu^au sein de la plus profonde obscu- rite , et ne saurait faire un pas sans donner dans un écueil. Aussi , que de mécomptes , que de honteux égaremens , et sans que l'ex- périence lui profite \ Son histoire , qu^est- elle , que lliumiliant tables^u de ses chutes et de ses erreurs ? Rien de fixe ni d'uniforme dans ses jugemen» : eha^pie individu l'inter-

^

HE LA fimmUM HEBESIE.

pirèta comme il Fentend , et persmine qui Fentende delà même manière. EUè approuve et condamne , elle loue et censure au hsn sârd. Point de croyance, quelque absurde qu'on la suppose , a qui elle ne fournisse tout farsenal de ses captieuses subtilités. Elle dit à l'athée qu'il n'y pas de Dieu , au déiste que tout est problème dans la religion , au pUloeophe qu'il s'abrutit à croire ce qu'il ne comprend pas. Pauvre raison humaine, qui se croit suffire a elle-même et se fait sa pro* pre règle , souveraine , indépendante ! Elle prétend diriger l'homme : il faudrait qu'elle eommençât par être sûre qu'il existe; sa pensée est pour elle-même une énigme. Le peu qu'elle sait lui vient de source étran-' gère 4 Qui cherche la vérité par sa rai-^ son individuelle, n'embrasse que la nue; pour être conséquent, il faut douter de tout (4). »

(i) Emoi 9wr l'JnUféreneê^ t. i, p. 3, 37. iW>. /èfise, passim. Ainsi dira-t-il dans àeti Ai^néf ?

1S4 « HISTOmE.

i

Telquelevainqueur, de son char de victoire il chante l'hymne du triomphe , en s'admi* rant lui-même et insultant aux ruines qu'il a faites. (T II fallait, poursuit>-il, humilier pro* «r fondement cette orgueilleuse , la pénétrer « davantage de l'obligation étroite elle est ft de captiver son intelligence sous le joug <( de la foij il fallait pousser l'homme jusqu'au « néant , Tépouvanter de lui-même , déses- « pérer toutes ses croyances , même les plus « invincibles. »

Est-ce un vœu, une imprécation ? La rigueur de cet arrêt, comme on le voit , n'excepte rien , pas même les croyant ces les plus invincibles; ni les œuvres de cette raison si ignorante j si dépravée , qui par l'organe des Législateurs rassem- blait les multitudes éparses pour les domp-

« Les yérités crues avec raveuglement le plus su- « perstitieux par tel parti , ne sont pas plus vraies « que ceUes que cherclie à proposer parti con- « traire. » N. 234.

DE LA NOUVELLE HÉEÉ8IE. 19S

ter par le frein de la civilisation ; ni les ad- mirables découvertes de la science et du génie, lesquelles, bien que mêlées à des er- reurs, n'en ont pas moins répandu la lumière sur leurs traces : astres brillans jetés par la divine Providence a travers la nuit épaisse qui les environnait; ni les utiles travaux de ces bommes, la plupart inconnus de leur siècle, qui, les uns par leurs doctes veilles, ont reculé le cercle des connaissances bu- * maines et Font étendu aussi loin que Dieu Fa permis, les autres, par leurs sublimes institutions, ont entretenu ou vivifié les se- mences de vertu , de justice , d'honnêteté , quand elles périssaient parmi le genre bu- main. Qui est-ce qui a fait tout cela , si ce n'est la raison ? Vous nous parlez de ses écarts ; vous oubliez ses bienfaits. Quoi donc ! la boucbe de Balaam ne s'ouvre-t-elle que pour maudire ? Vous comptez les liens dont elle est garrottée. Ouvrez les yeux ! N'est - ce point par le secours des ailes que

tS6 msTOmfi

Dieu lui a données qu'elle a pu s'élancer dans les cieux, parcourir le monde d'une extrémité à l'autre, plonger jusque dans ses abîmes? Prométhée, enchaîné sur le Cau?» case 9 n'en est pas moins le Prométhée qui avait su dérober le feu du ciel. Ma citation est profane; corrigeons cette £iute par la pensée d'un saint Docteur : « La sagesse ou la science , n'importe ( ces mots sont ton* jours synonymes sous la plume de saint Au- gustin), consistant dans l'union avec Dieu^ et Dieu étant la raison, la vérité souveraine^ à l'homme l'ignorance et la folie, a Dieu la sagesse j mais la raison tient le milieu entre la folie de l'homme et la sagesse et la vérité deDieu(l).

(i) Cutn enim sapiens ait Deo ita mente ceujune- tus ut nihil interponatur quod separet; Beus enim est veritas ^ nec uîlopacto sapiens quisquam est si non fferUatem mente eonjungat ^ ne^re non petsumus 4m- ter stullitiam hominis et sincerissimam Dei veritmr tem médium quiddam interpositam esse hominis sa- jManffom. S. hx^.^ De %Hilk. eredenii, cap. xv.

BB LA NomnoMM niBiiésiE. MSr

Hewewemeiit la religion ne nous adresse pas d'aussi désespérantes paroles.

Dieu, en châtiant rhomme coupable, ne

Ta pomt tout-à-Êiit abandonné. Il l'a chassé

da jardin de délices, mais il ne Ta point

déshérité de son paternel amour. Au sein de

sa disgrâce, l'homme conserve d'asses beaux

restes de ce qu'il fut autrefois, et laisse re-

connaître en lui à quelle image il fut créé

et pour quelles destinées. L'empreinte de

sa suUime ressemblance ayec son auteur

est dégradée , sans doute , Iqs marques de

[ cette dégradation se montrent partout;

mais le brait caractéristique de ressemblance

n'en existe pas moins ; il est da^is l'intelli*

t VIII Bénéd., p. ê, 67. « Lee Ecritures appellent « Dieu la raison y noa-seulemeat parce qu^il est U « soarce de toute raison , de toute intelligence et

* de toute sagesse , mais principalement parce que

* isnisoB de Dieu est «impie comme son essence. Sadnt Denys Taréop., dans .Bi&/t#/&. choùie des Pèr$s, ^' XlX, p. 4S3. Et qu'est-ce que la raison humaine,

«m éaanatifm de cet^ raison dirinef (îhid.)

1S8

HISTOIRE

gencè. Roi détrôné", qui porte encore sur le front l'empreinte ineflfaçable de sa gran- deur passée, il promène fièrement, a travers les ravages de sa nature , et le souvenir de sa gloire déchue, et le pressentiment de sa future réparation. Dieu n'en a point agi avec lui comme avec l'ange rebelle , qu'il a précipita dans les enfers en l'y enchaînant à la nécessité du mal : Le malheureux^ il n^ aime pas. Dans sa terre d'exil, l'homme pense a Dieu sans le maudire. Seul de tous les animaux à qui nos modernes sophistes aiment tant à le comparer quand ils ne vont pas jusqu'à le ravaler au-dessous d'eux, seul il connaît son Créateur, et lui rend un culte* seul il a la perception de son être et l'in- telligence de sa pensée; seul il possède le sentiment, le désir et le besoin de la vérité; il l'aime et dans lui et dans les autres ; il la cherche, il l'embrasse avec joie quand elle se présente a lui ; il la poursuit jusque dans son ombre ; il comprend sa voix, dit

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE.

19»

saint Augustin , quand elle parle intérieure- ment à son âme (1). Il n'est donc pas obligé d'aller la chercher au dehors , ni de la faire venir de la société^ ni d'interroger le genre humain , qu'il trouverait muet et sourd à sa voix. «r

(i) Veritas sine sono inius meniibus loquitur. (S. Aug.y t. II Bénéd., p. 652.) Haheiin se ipso Ve^ rufn unde non duhiMi^(^Ihid, )

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T. I.

CHAPITRE yi.

Certitude du jugement de la raison individuelle dang la connaissance de certaines vérités ou des pre- miers principes^

Il existe , de l'aveu de nos adversaires , un ordre de vérités dont notre entendement a une perceptidn naturelle, invincible, iné- branlable au doute; vérités nécessaires, qui sont le fonds commun de toutes les intelli^ gences , et con^ituent ce que l'on appelle

le sens commun; vérités que l'on ne dé*

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'BlSTOnfi DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. i5l

montre point , au-delà desquelles il est im<^ possible de remonter (1 ). Elles sont de tous les temps, ou, pour mieux dire, elles sont avant tous les temps, et seront toujours au-delà de toute durée compréhensible : d'où vient que Fénelon , qui a si éloquemment déve^^ loppé ce qu'en -avait dit avant lui Télo-

(i) Par exemple , je ne puis entrer dans nn doute sérieux pour savoir que le tout est plus grand qu'une de ses parties ; si deux choses identiques avec ime troisième sont identiques entre elles; qu'il est im- possible d*être de n'être pas, etc.

M. de La Mennais : « Nous croyons invincible* « ment que le soleil se lèvera demain ; qu'en con- « fiant des semences à la terre , elle nous donnera « des moissons. Qui jamais douta de ces «hoses? » Qui ? lui-même ; car il n'ose affirmer que son exis- tence, donc son propre corps, soit autre chose qfu'^une chimère, une illusion « Le premier qui adUi Je suis , a prononcé le plus impénétrable mystère du symbole des intelligences humaines. { Essai ^ t. II , p. 22. Défense de l'Essai _, p. 41. )

J'observerai que les vérités morales but un 'degré de certitude supérieur à celle des vérités physiques auxquelles les miracles ont souvent dérogé'. Par exemple , la rétrocession du jour pour opérer

199 HISTOIRE

quentévéqiie'd'Hippone(l), les nomme idées universelles , éternelles , immuables. Quelle en est l'origine et la nature , leurs classifi- cations, leurs rapports entre elles? Faut-il croire , avec certains philosophes , qu'elles sont inhérentes à l'âme, innées dans elle, de telle sorte qu'elles contiennent originaire- ment les principes de certaines notions capi- tales que les sens et l'expérience ne feront qu'é-

défaite des Gabaonites : Stetit j,taque sol in medio eœli, ei non festinavit occumbere spacio unius dici, ( Jo8. , X, J3, ) Il n y eut pas de lever de soleil , puisqu^il n'y eut pas de couchaDt. De même pour le miracle d^Ëzéchias. ( Isaïe, xxxvn, 8. J^oy. la Synapse, t. 1, p. 967.) « Tous les exemples « qui confirment une vérité générale dans Tordre « physique , ne suffisent pas , dit Leibnitz , pour éta- « blir la vérité universelle de cette même vérité ; (Pensées, dans M. Emery, 1. 1, p. 179.) Voyez aussi M. de Maistre , Considérât, philos, sur le Christian^ p. 88.

. (1) Traité de V Existence de Dieu, 1" part. , n, lu, p. 174, édiU Paris, 4726. S. August., 2)e serm, Domini in ^nonte, lib. u, ch. xv. Confess,, lit. xi, ch. m.

us LA KOUVELLK HÉRÉSIE. Î55

veillerpar suite avec d'autres? ou bien, que l'âme, entrée dans le corps entièrement vide, et semblable, selon Âristole, a une table rase nuls caractères ne sont écrits, les re- çoit successivement de ses rapports avec les objets extérieurs ? Laissons h la métaphysique à résoudre ces problèmes , si elle le peut (i ). Qu'il nous suffise d'affirmer , ce que l'on ne nous conteste pas , que nous portons au-de- dans de nous la connaissance de certaines vémës qui forment l'apanage nécessaire de Ta raison ; que chaque individu de l'espèce humaine les trouve gravées dans son esprit, et qu'il ne saurait re reployer sur lui-même par la réflexion sans les apercevoir , ni les apercevoir sans être forcé de les admettre, -^ous les distinguons des connaissances posi-

v'*) ^''oy. Leibuitz, Nouv. Essais sur V Entende- Gnt humain, \i. 4; et avant -propos y^ dans Pen- ^^^^ €ie Letbnitz, par M. Emery, t. I, p. 177. On peut, -voir ces questions clairement discutées dans les- -^^^9^^ de Philosophie de M. La Romiguière, t- Hy P- ^"i > 192, 249. Il a épuisé la matière.

L

iit HISTOIRE

tiyes et accidentelles qu'il nous est indiffé- rent de ne pas acquérir , et que nous ne re- cevons jamais sans en examiner les titres auparavant, tandis que, pour les autres, nous n'en exigeons aucune preuve , aucune raison ; ce sont des règles essentielles mani* festées par nos propres lumières , lesquelles, par le seul rayon de cette raison créée qui est l'émanation de la raison incréée , nous servent elles-mêmes k acquérir et k juger toutes les autres, et k fonderies conséqflen* ces qui découlent de ces premiers principes. 11 est impossible de parler de l'homme sans indiquer un Être raisonnable, doué d'intelli* gence , de la faculté de connaître et de rai- sonner, (c Dieu , nous dit d'Aguesseau , nous « a créés capables de voir par lumière ou « par sentiment , et par conséquent il a (( voulu que je connusse par ces deux voies. K Ma raison estk mon esprit ce que mon œil i< est k mop corps. Celui qui m'a créé rai- tf sonnable n'a pas voulu que je pusse ré-^

DE LA NOirVBLU HÉRÉSIE. iStS

« sbter à ma raison lorsqu'elle se montre « a moi dans toute sa clarté (i). » L'ange de l'école et saint Augustin l'avaient dit avant l'illustre chancelier (2).

'Que leur répondra M. de La Mennais ? Que saint Thomas et saint Augustin ont été des docteurs, mais qu'ils ne sont pas des conciles.

Mais outre ces vérités sensibles à tous les yeux, n'est-il donc pas aussi une autre série de vérités également naturelles et indubi- tables , qui se découvrent aux intelligences les plus bornées et dominent les hommes les moins raisonnables , celles-là qui font la base delà morale, comme les aûomes gé- néraux sont la base de la logique? Nommez- les,avec les Sages d'autrefois, la loi naturelle , l'instinct de la conscience , notions cardi- nales, primitives, empreintes dans toutes les

(1) Méditations philosoph, 11. Descartee, Lettres, t. I. p. 94. M. Lacordaire , Considér, p. 44.

(2) T. VI, p. 18. Foyez leurs témoJgniages re-

136 HlSTOlfiE

âmes ; avec Platon et saint Augustin , ima*- ges réfléchies de cette lumière substantielle qui est Dieu et éclaire tout homme venant au monde (1); feux vivans, traits Inmi- neux cachés au-dedans de nous, a qtroi il faut bien reconnaître quelque chose de di- vin et d'éternel qui se montre avec éctat, surtout dans les vérités nécessaires (2); avec le grand Apôtre , le code proposé au genre humain par le souverain Législateur , im- primé par ses divines mains au foild de toutes les âmes, Opus legis scriptum in cordibus (5): toujours est-il qu'il se rencontre le même chez tous les hommes, malgré les varia- tions infinies des opinions qui naissent en eux, de leurs passions, de leurs distractions ou de leurs caprices; qu'il s'est fait entendre

cueillis par M. Rozaven, dans sa réponse à M. Ger- bet, p. 150. Du Voisin , Essai polém. sur la relig. natur. chap. m , p. 188.

(1) Joann. i. 19.

(2) Leibnitsde M. Emery, t. I, p. 177,

(3) Rom. II, 15.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. IS7

jusqu'aux extrémités de la terre , et ne s'est pas ressenti de la confusion de Babel; la même , a-t-on répété des milliers de fois, a Rome , a Athènes , au cœur de Socrate bu- vant la ciguë , de Régulus en présence du féroce Carthaginois , du jeune Scipion ren- dant kson époux l'étrangère que lui donnait sa victoire. Alexandre, dans Tivresse de ses brutales orgies , n'avait pas besoin que les Scythei^ vinssent lui apprendre son devoir dans une langue étrangère : il savait de ce- lui-là même qui instruit les Scythes et les nations les plus barbares les règles de la justice qu'il aurait suivre (i). Eh ! qui le lui avait appris k lui , comme au dernier de ses esclaves? Le maître intérieur qu'on nomme Raison, qui nous fait penser encore aujourd'hui comme on pensait il y a quatre mille ans; qui me donne k moi, comme k vous, M. de La Mennais, l'idée du désordre,

(1) Mallebranche , Recherche do la Vérité^ dans «a préface.

tSB HISTOIRE

<le rinjastice et de l'oppression ; érige Klans mon cœur, comme dans le vôtre, un autel secret à la vertu , à la religion , à la piété , quand j'ai le malheur d'eh violer les saintes lois. Car, pourquoi cette indignation .naturelle contre tout ce qui les blesse? Ai-je attendu , pour m'en trouver saisi , la parole de mon voisin , et moins encore le consen- tement du genre humain? Pourquoi' ces vives réclamations de la conscience, c^s re- mords cruels qui arrêtent l'homme prêt a s'abandonner au vice , ou qui le punisseiit lorsqu'il s'est rendu coupable , si déjà l'on ne portait en soi les principes du devoir, les règles de la justice pour juger les actions qui viennent frapper nos sens? Rien n'est vicieux que pour s'écarter de l'ordre et bouleverser l'ordre. Tout dépravés qu'ils sont, les hommes n'ont point encore osé donner ouvertement le nom de vertu au vice ; et bien que triomphant dans le mon- de , le vice est çncore réduit a s'y déguisçir

BE LA NOliV£LIJB HÉRÉSIE. 188

SOUS le masque de l'hypocrisie ou de la fausse probité, pour s'attirer une estime qu'il n'ose espérer en se montrant k découvert. Ainsi , malgré toute son impudence , il rend un hommage forcé a la vertu , en voulant se parer de ce qu'elle a de plus beau pour rece- voir les honneurs qu'elle se fait rendre (1 ). U faut donc avoir l'idée de la règle pour juger ce qui s'en écarte ; et d'oîi peut-elle venir, si ce n'est , dit l'éloquent patriarche de Con- stantinople , « du Dieu qui nous a donné la « raison pour qu'elle dissipe l'ignorance « de l'esprit , règle le jugement , lui ap- i< prenne k ne pas se méprendre sur la valeur ce des choses? 11 nous l'a donnée comme une (c lumière qui doit nous diriger , comme une « armure qui nous défende contre les divers « accidens de la vie. Mais ce don précieux if de la libéralité divine, nous le méconnais- « sons, nous en corrompons la sublime ins- (c titution , nous le mettons sous le joug des^

(i) Fénelon, EarUt, de Dieu ^ chap. iv. «ect. 3p.

t4M) mSTOlAE

<< plus frivoles dissipations ; l'àme , qui en •f est le siège, est comptée poiir rien. Mais à « quoi servent des soldats couverts d'armes « éclatantes d'or , quand le général est em- «c mené prisonnier ? Vous décorez le vais- « seau de magnifiques peintures, et vous

« souffrez que le pilote soit subniergé (1) ^ * Ce n'est donc point la faute de la raison si nous tombons si souvent dans l'erreur. Est-ce sa faute si votre œil malade n^enr aperçoit pas la lumière ? Ce n'est pas elle qui vous trompe , c'est vous qui vous trom- pez vous-même. Le Soleil de vérité, de qui émane ce rayon qui luit encore au milieude vos ténèbres (2) ; il est immuable, infaillible ; le rayon qui s'en échappe participe à sa nature , immuable , infaillible comme lui ; mais vos ténèbres ne la comprennent pas , parce qu'elles vous aveuglent. Si l'on ne

(1) Homel. XX in Math., t. XII de la Bibliothèque choisie des Pères , p. 300.

(2) Joaiin. I. Lua; venit in mundiim, et dilexerunt honUnes magls tenehras quant lucem. (Ibîd. ni. i&. )

f

DS LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 141

peut point -dire que Thomine se donne k lui-même les pensées qu'il n'avait pas , on peut encore moins dire qu'il les reçoive des autres hommes , parce qu'il est certain , nous dit encore Fénelon 9 qu'il n'admet et ne feut rien admettre du dehors sBnsle trouver aussi dans son propre fonds, en consultant au-dedans de soi les principes de la raison pour voir si ce qu'on lui dit y répugne.

Uyadonc une école intérieure l'homme reçoit ce qiiil ne peut ni donner ni attendre des hommes qui vivent d'emprunt comme lui. Dans la nuit obscure le péché nous a plongés, quelle que soit la faible portée de notre raison et sa facilité à se laisser trom- per , quelque variables que soient ses juge- mens, elle n'en reste pas moins tout ce que. Dieu l'a iaite. Elle n'en connaît pas moins tout ce qu'elle a appris du seul véritable Maître qui enseigne tout, et sans lequel on n'apprend rien. Les autres maîtres nous ra- mènent toujours dans cette école intérieure^

149 ff»TOllltE

il parle seul. « L'âme , quoiqu'unie att « corps d'une manière fort étroite , ne laisse n pas d'être unie a Dieu ; et dans le temps ff même qu'elle reçoit par son corps ces sen- <( timens yifs et confus que ses passions lui u inspirent , elle reçoit de la vérité étemelle <f qui préside à son esprit la connaissance « de son devoir et de ses déréglemens. « Lorsque son corps la trompé, Dieu là' it^ t( troinpe ; lorsqu'il la flatte , Dieu Mésje; « lorsqu'il la loue et lui applaudit;; Dieù'hiî' « fait intérieurement de sanglàns reprochëi^ « et il la condamne' par la maniftistajtidil' I V d'une loi plus pure et plus sainte quéceUé- <r de la chair qu'elle a suivie (1). » Noti*^ pouvons téfiiser de l'écouter et nous étoill^ dir; maïs en l'écoutant, nous ne pouvons té- contrédirè. Inspiration faible et moinentlt^ née d'une raison primitive, supérieure, su*^ prême , îthmnable , qui se commuTiiqûë avec

(1) Mallebr., Préface de la Recherche de la Vè- rite. Descaites , Principes de la Philos. , prèfece.

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DB &A NOirVELUB HÉIUÊSIE. 145

mesiire k toutes les intelligences, ma raison pent faillir , soit dans les points obscurs que présente la recheirche de la vérité , soit dans les fausses règles de conduite oiinos passions nous engagent : elle est infaillible k la lu- mière de révidence des premiers principes et de leurs cotisécpiences immédiates (1). Elle Test au jugement de ses détracteurs eux- niêmes, qui en appellent à son tribunal dans toutes les controverses , jusque dans celles ils prétendent- dépouiller de ses titres. C'est la raison qu'ils invoquent , la raison qu'ils veûleat convaincre et par les faits et (^r les raislonnemens ; enfin , pour ruiner Tempire de raison , c'est son empire qu'ils réclâihent (2). EUe Test, au jugement de

saint Thomas , même indépendamment de la foi. Dans l'opinioh' constante du saint doc- teur/comme dans celle saint Augustin y

(1) M. Boyer, Examen, p. 240.

* ' ' '

(2) M. de Cârdatllac y J^çons élément, de Philoê,, t. I, p. 302.

144 III8TOIR£

la raison individuelle ne sera pas, si vous voulez , le principe absolu de la certitude ^ mais un. principe de certitude. Elle est in- faillible , non par nature , il n'y a que Diçu qui le soit , parce que l'Ltre infini possède seul la connaissance pleine et parfaite de toutes les vérités ^ elle Test par la commu- nication qui lui est donnée de certaines vé- ritéS) non pas de toutes les vérités; TinfailUbi- lité de l'être fini consistant non k tout savoir, mais à avoir l'intuition des vérités qui lui sont connues. Encore une fois; donc, parce qu'elle se trompe quelquefois,s'ensuit-il qu'elle doive se tromper toujours? Parce qu'étant homme^ je suis menteur (1), s'ensuit-il que je ne puisse ouvrir la bouche que pour mentir 7 L'erreur, comme. li^s. autres misères de l'homme , est une ^uite , non de sa nature , mais du péché qui a corrompu sa nature (2). Si donc l'homme

(i) Omnis homo mendaw, p8. çxv, 1. '(2) S. Aùgu8t., De Fera Religione , cap. Lxvir.

VE LA NOUVELLE DÉRÉSIE. 145

pouyait s'abstenir du péché y il pourrait éga* lement se préserver de l'erreur; et de même que^ malgré sa corruption, il peut avoir en bien des occasions l'assurance qu'il ne pèche pas , rien n'empêche qu'il ne puisse être aussi certain qu'il ne se trompe pas en beau- coup de ses jugemens (1).

Cest ce que démontre péremptoirement le docteur Angélique , saint Thomas ; et pour cela il n'a pas besoin d'avoir recours au témoi- gnage de la foi. U reconnaît dans la raison hu- maine un principe de certitude , non dans la raison générale de M. de La Mennais , mais dans la raison individuelle ; non dans lajbi qui nous vienne du dehors , mais dans la lu- mière naturelle que nous tenons de Dieu : Non abhomine exterius loquentf^ éed a solo Deo^ quinobis lumen rationis indidit ^ pei' quodprincipia cognoscimus^ ex quibus orituv scientiœ certitudo. Dire , avec M. de La

(1) yoyez Dans M. Rozaven, Eûsamen des Doc-- trinesphiloêoph, sur la certitude, p. 142>-lii7. T. I. 10

148 mSTCMBE

Mennais Bt ses disciples , que la ibi piniti seule nous donner l'assurance de ce «qa nous croyons ^ c'est se montrer étranger' toute philosophie comme à toute théologie Plus de base à la foi ; car enfin , pour qoSi soit possible de croire , il faut bien que 1 raison voie qu'elle doit croire. Une raisoi qui n'aurait en elle * même aucun prinoip< de certitude serait par même une raÎMi incapable de foi, ou du moins d'une foi cor taine; car la foi certaine suppose la connaôs sance certaine é^ l'autorité infiiillible à la< quelle on croit, k L'autorité sacrée de !'£ fx glise elle-même , toute infaillible qu'elL ir est, nous dit un profond théologien d< « nos jours, n'est pas pour cela le princip« « de notre |[oi ; elle en est seulement la règl< f( et le guide infaillible ; elle nous montra V ce que nous devons croire , mais nott « croyons sur l'autorité seule de Dieu (4 )• »

(1) M. RoïAvfth, Espamén,tic.,p. 48.

]>B LA MOVËtUi HÉRÉSIE. 147

Mds n'y a-t-il encore qtte nos Docteurs dhrétiens qm aient &it Tapologie de la rai- Mu? Nous savons trop combien M. de La Mennai» et sa jeune école ont réussi k décré- diter leur témoi^age. Ils respectent si peu l'Ecriture saintel pourquoirespecteraient-ils davantage les Pères de notre Eglise? Ce qu'ils étudient de préférence , ils ne s'en défendent point, ce sont ces mêmes écri- vains que l'Eglise a flétris de ses censures. £h bien! qu'ils restent condamnés k leur tour par les mêmes hommes dont ils font leurs oracles. L'auteur du Christianisme raisonnable^ Locke, tant vanté par nos modernes incrédules, consulté sur les prin- cipes de certitude : a Dieu, répond-il, noils « a donné la raison comme un oracle qui parle en son nom , que nous devons con- c sulter en tout temps, et qui peut nous in- «f struire en toutes sortes de rencontres (1 ). »

(1) Tom. Il, p. 301,

148 HISTOIIUS

Pas un seul de nos sceptiques le. plus ac- coutumés k déclamer contre. la raison et ses jugemens, Montaigne a leur tête, Lamothe Le Vayer, Bayle, Jean-Jacques Rousseau, qui n'eussent à nous fournir les textes les plus contraires à ce qu'ils avaient d-abord avancé le plus témérairement.

La raison n'est dangereuse que par l'abus que l'on en fait. Elle a ses éclipses comme la foi ses obscurités. C'est la colonne du dé- sert, lumineuse d'un côté, ténébreuse de l'autre, v Le ciel, ô homme! t'a donné un i< juste , un heureux degré d'aveuglement et i< de faiblesse dont ta raison est le contre- ce poids (1). » Mais notre auteur confond à dessein l'abus avec le principe; la raison droite , douée de perceptions claires et dis- tinctes , avec la raison dans l'ivresse , égarée par les passions, qui, selon l'expression de

(j) Vo'pe, Essai sur r Homme. Pascal, Pensées, p. 45. Fénélon, Ea^ist. de Dieu ^ p. 202. (édit. Paris, 1811.)

DE LA KOt'VEIXE IlEAÉSIE. 149

Montaigne , desbauchent si honteusement la tranqniUité de l'âme et le jugement de l'in- telligence (1).

Cette parole du philosophe français ne serait-elle pas la peinture fidèle de l'étrange argumentation se jette notre écrivain ?

ANdéfaut du sable mouvant nous place la raison individuelle, il nous porte sur un terrain plus ferme, c'est la raison univer- selle. Quand la certitude manque à nos raisonnemens , nous la retrouvons dans Fau- torité du consentement général; c'est qu'elle réside, expression de la parole de Dieu, infaillible connue elle. Nous avions cru jusqu'ici que cette prérogative auguste de l'inÊdllibilité ne se trouvait pas hors de notre Eglise catholique. C'étaient Ik de ces doctrines surannées dont M. de La Mennais vient nous apprendre à secouer le joug. «A moins de supposer la raison hiunaine cr infaillible , il n'y a plus de certitude pos-

(1) Essai de Morale^ livre II.

tKù flimaui

« sible; et pour être coftséquent, il faudrait ff douter de tout sans exception(1 ), ji Eiamnge supplément qui nous laisse sans point d'tp* pui , et à la place d'un flambeau , quel qu'il soit, ne nous présente qu'un nuage d'une profonde obscurité ! Cette raison générale » qu'a-t-elle de plus que la raison particulière , puisqu'elle n'est que la collection des raisang individuelles ? quels sont les témoignages tle son infaillibilité ? quelles en sont les preuves* quand son histoire dépose tout entière contre elle? Ce genre humain, est^il? qui l'a vu? quel en est l'organe? « Le genre ce humain , interrogé , se tait d'un silence (c éternel. Il est mort ou n'est pas né; et les (c générations qui , s'agitent entre ces deux a tombeaux condamnés a l'ignorance ne « connaissent ïii leurs pères ni leur posté* « rite (2).» Pour découvrir la vérité quelque part , il faut bien que je la cherche ou que

(1) Essai f t. U, chap. xiv.

(2) M. Lacordaire ^ C(mmd, , p. i70.

DB LA NOUVELLE HÉBÉSIE. ISI

je Fécoute; que j'aille vers elle, ou que je la laisse venir jusqu'à moi. Mais aller, quand je ne rencontre partout que des abî- mes , quand peut-être je ne suis moi-mêiiie qu'un fantôme ? Et puisqu'il n'y a plus enfin de certitude possible^ me voila, pour ctic conséquent^ réduit à douter de tout^ même si j'existe !

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CHAPITRE VIL

La, raison a la certitude infaillible de son exiitenco. Extravagance du doute universel. Axiome de Bes^ cartes : je pense , donc je suis. Sophisme de M. de La Mennais,

De toutes les vérités-, celle qui se pré- sente la première à la pensée de l'homme est celle de sa propre existence (1). Peut-on croire que M. de La Mennais parlât sérieu- sement quand il a dit que pour la raison de

(1) Fénélon, Traité de l'Existence de Dieu, p. 286 et 8uiv. chap. , intitulé Quatre premières vérités ccT" tavnes.

mSTOIAB DE LA NOlTbEIXB HÉBÊSIE. 183

rhomme tout était douteux, jusqu'à son existence} et que, pour en être assuré, il fdlait d'autre témoignage que celui de son être tout entier qui le lui atteste ? C'est pourtant ce qu'il répète à chaque page, c'est tout l'esprit de son système; et il faut après lui devenir sceptique pour ne pas tomber dans le scepticisme. Etrange logique que celle qui dirait : Prenez du poison pour éviter d'être empoisonné! Mais que peut rechercher ou découvrir celui qui n'existe pas? Dès-lors qu'on veut penser, raisonner, croire, douter même, peut-on, sans une contradiction qui va jusqu'à Fabsurde, se demander si l'on existe réellement? C'est un fait si généralement vrai que l'on est forcé de le supposer} même pour le nier : aussi personne n'est-il asse2 jTou pour le nier sérieusement. Je sens invinciblement que j'existe; et comme il est impossible de sen- tir ce qui n'est pas, il faut donc indubi- tablement que mon existence soit réelle ,

IM nvMiu

pniscpie sentir n'est autre chose qu'ètam mm exister. Cette Térité produit en moi nmm conviction si par£ute qu'il m'est impossiUc d'en souhaiter ou même d'en concevoir mie plus grande ; et dès- lors je ne saurais crain- dre d'être trompé. D'ailleurs, s'est^on avisé jamais de chercher un critérium de vérité pour celui qui n'existerait pas ? Ainsi donc , ou j'existe , et je veux partir de la comme d'un point incontestable; ou je n'existe pas, et alors je n'ai besoin d'aucun moyen pour arriver k la certitude. Il n'y a pas de miUeu; car vouloir en douter, ce serait nécessaire^ ment supposer et affirmer même que l'on n'existe pas(1).

Moi , pyrrhonien , je n'affirme ni ne nie

(1) Voyez M. Boyer, Examen du Syat, de M. de La Mennais, p. 79. «Tant que Thomme restera «honuue, quelqiia forcené qu^il puisse être , serft-4ril « jamaia asses fou pour se croire une chimère ? Non. « La nature lui défond cet excès de délire ; et il doute « si peu de son existence qu'il oraint à tout moment « de la perdre, et qa^il fait tous ses efforts pour te «^conserver. » M. Receveur. { Observât», etc. f. 53.)

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LA monuA «sftKsn. Ui

mon «nilmcei toitt ca que j'aa prommM 8ID rédoîl; à im peutr^tre. Mai» tous l'avex dv moiiit ce peutp-ètre : or, fii tous n'existai pat 9 qu'étes^Yous? Rien; et le rien peut-41 douter? car douter, c'est être quelquo ehose.

Peut-être que ma vie et mon être tout entier ne sont autre chose qu'un songe et un rê^e de la nuit. Donc vous vives et voua êtes; car le néant ne peut ni rêver ni r^ conter des songes (1). Vous aures de la joie

(1) M. Boyer, Examen du Syit, philos, de M. de La Ibmmk, p. 79. (1 toI. m-8% Paris, 1834. ) M, Geis bçt entreprit la défense du système de M. dQ I^ Mennais dans un ouvrage publié sous le titre Des Docirines philosophiques sur la certitude , semé d^er- reum ^myeê Yietorieusement réfutées par M. Bo* zayen, 1 vol. in-8«, Avignon, 1833. Il y convient ^e quiconque douterait s'il existe, s'il y a d'autres hmmeê , a'^il eai en rapport avec eu», s'il y a un /«m- gaye, serait déclaré fou. Et c'était là, noua dit uq autre de sea disciples , la conséquence M. de La Hennais voulait amener ses lecteurs. » (M. Lacor- daire , Coneidér,, p. 149. ) La solution doium par luirmâiae k ao^ proUèmo a &it voir do ^1 o^ié était la folie.

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tm «ttTOlEB

du de la souflfrance : les confondress-yous Funo avec l'autre ? Vous avez faim ou soif : direz-vous de ce mets que vous savourez, de ce ruisseau votre soif vient de s'étan- cher, qu'ils n'étaient que fantastiques? Un précipice vient tout k coup s'ouvrir sous mes pas durant la route je marche ; met- trai-je un bandeau sur mes yeux, au risque de m'y précipiter? Vous persisterez k me répondre que vous doutez encore que tout soit douteux, cr Non , vous dira Bayle lui- flc même , vous ne pensez pas ce que vous di- « tes; votre doute ne va pas jusqu'à l'anéan- (T tissement de votre raison. Ce doute même, « s'il est sincère , est pour vous un axiome , <f un fait palpable qui ne me laisse plus contre «f vous d'autre argument que de dire que l'on f( ne raisonne pas contre un cerveau dérangé cf et en délire. »

Poussons plus avant avec M. de La Mennais.

«r Lepremier qui a dit: Je suis y a prononcé

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SB LA NOUVEUJE. HÉRÉSIE. tiKT

le plus impénétrable mystère du symbole des mtelligences humaines. Que sais-je si je ne suis pas un fantôme , une chimère , si mon existence elle-même n'est pas une illusion? Pour la mettre à couvert des surprises de mon ignorance , il aurait fallu commencer par me faire connaître Dieu, principe unique de toutes les existences. Hors de cette cause essentielle , primor- diale de tout ce qui est , ma propre exis- tence n'est plus que problématique. Tout ce que ma raison m'en découvre, c'est que je suis un être contingent , venu dans le monde pour n'y paraître qu'un mo- ment, et dont on pouvait bien se passer. Or, de l'idée d'un être contingent , on ne déduira jamais son existence actuelle ; et tous les êtres finis ne pourraient , séparés de la cause première qui les a faits, ac- quérir la certitude rationnelle de leur « existence. Demandez-le aux philosophes ^ et aux théologiens réunis ensemble , les

MB flMMm

« pi'euTes données jnsqa'ici , tant du tianisme en général que du dogme pftitr*- ^ tôlier de l'existence de Dieu , que sonfe^ « elles? Toutes insuffisantes, incoïRplèfcei9> « parce qu'elles portent toutes ( celle da tr consentement des hommes excepté ) sur « un principe faux. Donc la supposition aï^ « bitraire de mon existence, philosophie M absurde, niaise, destructive de toute vé- « rite , et dont la solution vient abontir au ir chaos du scepticisme (1). »

Ici l'attaque de M. de La Mennais se di- rige spécialement contre Descartes, et porte la discussion sur un autre point de vue, qui toutefois ne' s'écarte pas du premier.

Descartes a placé son critérium de vérité dans l'évidence. L'évidence a fait luire à ses yeux cette proposition : Je pense ^ donc je suis; car pourrais-je penser si je n'existais pas? Un pas de plus, et c'en est assez

(1) DlferisB ie VEisai , p. 189 , 183 et «uîv.

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DE Uk NOmnULB HÉRÉSIE. iilB

pcmr Mrrrer k la démonstration : donc Diea existe. Ge pas, il Ta fait, et le four dément est inébranlable. C'était Ik le point d'Ârchimède; il le saiût, et toute l'école aj^laudit. Vainement on se récriera après loi comme de son yivant : r Oser se vanter «d'ayoir enfin découvert la seule preuve c de Texistence de Dieu , la seule voie qui « mène a Dieu, c'est en quelque sorte aecu- tr ser d'athéisme le genre humain tout en- ff tier (i). » Le même philosophe de qui nous empruntons cette objection, résolue par Descartes lui-même, n'en dira pas moins, €t des milliers de voix répéteront avec lui : « Ce grand homme ^ on peut le dire, a régé- «f néré en quelque manière l'esprit humain, « lorsqu'il l'a averti de revenir sur tous les tf jugemens portés dès l'enfance, lorsqu'il lui r a ordonné de résister aux mouvemens irré-

el) M. de La Romig^ière , Leçfmt Fkilo9,, 1. 1, p. 279. (Paris, 1838.)

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« preuTes données jnsqa'ici , tant du tianisme en général que du dogme pftitr*- 41 culier de l'existence de Dieu , que sonfe^ « elles? Toutes insuffisantes, incomplèten^ «t parce qu'elles portent toutes ( celle da « consentement des hommes excepté ) sur t tm principe faux. Donc la supposition af- « bitraire de mon existence, philosophie « absurde , niaise , destructive de toute vé^ « rite , et dont la solution vient abontir au m- chaos du scepticisme (1). »

Ici l'attaque de M. de La Mennais se di- rige spécialement contre Descartes, et porte la discussion sur un autre point de vue, qui toutefois ne' s'écarte pas du premier.

Descartes a placé son critérium de vérité dans l'évidence. L'évidence a fait luire à ses yeux cette proposition : Je pense ^ donc je suis; car pourrais-je penser si je n'existais pas? Un pas de plus, et c'en est assez

(1) Hefense ie rËisài , p, 159 , 183 et suîv.

DE lA NOmnULB HÉRÉSIE. iilB

pcmr «frirer k la démonstration : donc Dieu existe. Ce pas, il Ta fait, et le £on* dément est inébranlable. C'était Ik le point d'Archimède; il le saisit, et toute l'école applaudit. Vainement on se récriera après fan comme de son yivant : r Oser se vanter «tfaToir enfin découvert la seule preuve c de l'existence de Dieu , la seule voie qui « mène a Dieu, c'est en quelque sorte accu- ser d'athéisme le genre humain tout en-

«tier (i). » Le même philosophe de qui

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. nous empruntons cette objection, résolue ^ Descartes lui-même , n'en dira pas moins,

! fit des milliers de voix répéteront avec lui : « Ce grand homme ^ on peut le dire, a régé-

* néré en quelque manière l'esprit humain, « lorsqu'il l'a averti de revenir sur tous les

* jngemens portés dès l'enfance, lorsqu'il lui •f a ordonné de résister aux mouvemens irré-

el] M. de La Romig^ière , Leçfm$ Fkihif,, 1. 1, p. 279. (Paris, 1838.)

100 HISTOIBE

ft fléchis de l'habitude et aux illusions des « sens; lorsqu'il nous a appris k soumettre les « préjugés à la raison, à nous méfier de la rai- « son elle-même (1). » Oui, sans doute, airec la mesure convenable ; car il est bien loin de récuser indéfiniment le témoignage de la raison, et de la dépouiller de son carac- tère de certitude, quand il a pour base Té- videncë. Il est étrange que M. de La Men- nais, qui lui doit son principe, dont il abuse, ne s'en serve que pour déprécier l'auteur. Serait-ce que la gloire du grand homme offusquerait son génie? Descartes règne dans l'école; il y a détrôné Aristote. Pourquoi n'aspirerait-il pas à l'honneur d'y régner à son tour ? et il faut commencer par abattre le piédestal.

Cette philosophie est niaise^ dangereuse^ autant qu'elle est absurde.

(1) M. de La Romiguière , Leçons de PhUoê, 1. 1, p. 256. La mémoire de Descartes a été vengée avec éclat par M. Boyer, p. 281 et suiv.

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DE LA NOUVELLE HERESIE. 161

Un moment , téméraire censeur ! j'allais dire : orgueilleux Zoïle ! l'accusation ne s'ar- rête-pas à Descartes seul; elle rétombe di- rectement sur deux de nos plus illustres Saints ; sur l'Eglise , qui a sanctionné leur doctrine par son suffirage; sur une foule innombrable de Catholiques , qui rendent gloire à Dieu de cette preuve nouvelle ajoutée surabondamment, à toutes les dé- monstrations de son existence. Le fameux axiome de Descartes : Je pense ^ donc je suisj pouvait n'être qu'une réminiscence, ce De toutes les rencontres que M. Descartes a pu fûre avec les anciens, dit Baillet dans sa Vie, il [n'y en a point qui l'ait surpris plus agréablement que celle de saint Augustin , qm, en matière de philosophie, est regardé comme le chef des académiciens du Chris- tianisme. 11 fut redevable k un de ses amis de la remarque qui en fut faite pour la pre- mière fois en i 640 (i ) ; et notre philosophe

(1) Liv. viii, chap. x, part., p. 53S,

T. I. 11

ÏVK JUUBI'VUIB

Ven reoMTciai dam les teram plus modeste», ea cotkrentmï h»-iBè»» de n cenfioniifté (i). Elle résulte «n êÊkt <kB passages aaivsiis de sanit À«giisfM ^ : « Noaia smnmes et new «erniaÎBsam que Aous somnes^ et noiM^ aknoiie netre 4ttte et nc^e ceiutaMsance | je sais tr&s<4?eftidii pw xnoi-mêiaM qne je sois , i|ae je ceannss et qoe j'aîme men ^e* le n'appfi^ietMiers poinrt ici les argomens des neadâtmeietiflr, nS qu'ils me disent : Mais m. voas tetts piez? Car si je me trompe) je sais, l'on ne peut se timnper si Y&n n'4est. IH10 dofiic ^e je stiis, moi 4p me trompe, emib— fnent paifr-je «e tromper à creire xpte j^ fi«is, TU quii est certain que je suis, -Afa

»

me trompe? Ainsi, puisque je serais toûjotti'^ mot qui serais trompé , quand 9 sersnt TTar- ^e je me tromperais, H est indobitdble tjtr^

(i) LêUifM, U II, p. ^63.

(î) De Cvoii. Bei, lib. xi, cap. xxvi ( traduct. d^- Lombert), t. fl, p. 4Ô8 et smv.

Dl LA NOmnELLK HÉEiSDB. 165

]e ne pni» me tromper lorsque je crois que je suis, eCG« » Par cette argumentation , le MasÉt évêqm entre de plain-pied dans la prevre^ nùn pa» seulement de l'existence de D&eu^ mab de la Trinité» qui en compose la •ijfBléneuse es^nce» dont Pimage se trouTO rttéehie dans nos âmes (1 ).

A ponnuift le même raisonnement dans mt antre de ses livres.

Saint Ansdme a soutenu la même opi- fllon, wnouvelée par Descartes ; et Leibnitz, ^ la tÊppeMtj est bien loin de flétrir cetter èodiine deg qualifications à^alsfwrde^ niaise , retoinbiait de tout son poid$ dans Ta- ibétime (3). M. de La Mennais n'ignorait pas 0an8 doute que cette belle théorie avait pour auteur le grand évèque d'Hifipone.

ft oKEie la braver;» qui plus est, il a cru, nous

<

(1) lue TriniiatOy Iib. x, cap. x. Fénelon déve- Isfpéëioqaeninieiit ce« paroles dans son beau cha- pitre du Doute universel. ( Exist. de Dieu, p. 269 et suiv.)

(2) Pensées de Leihn,, par M. Emery, t. I, p. 82.

164 HISTOIRE

dit son intime confident , M. l'abbé Lacor* daire , découvrir dans cette doctrine un ve- nin funeste et caché (i). lia dit que ce n'était pas à l'évidence, mais au genre humain, à décider la question; c'est-k-dire qu'il a pré- féré l'autorité du genre humain, autorité toute humaine, à l'autorité divine confé- rée par Jésus-Cbrist à l'Eglise catholique.

Quoi qu'il en soit , car nous n'examinons pas encore ici la question. Descartes s'en applaudissait (2) . « Il était si content, dit Bail-* let, de l'évidence dejla démonstration qu'il croyait avoir trouvée , qu'il ne faisait point difficulté de la préférer a toutes celles des vérités géométriques, son principal titré à la gloire de génie inventeur. » Parlant de ce procédé si éminemment philosophique > il disait : « C'est une chose qui de soi est si <r simple et si naturelle à inférer de ce qu'on « doute ^ qu'elle aurait pu tomber sous la

(1) Cofuidér,, etc. pag. 152.

(2) r»e,p. 506.

DB LA NOUVELLE HÉRÉSIE. iOtt

tf plume de qui que ce soit. » A-t-il par répudié les autres preuves que Ton tire du monde physique , ces preuves sensibles , en quelque sorte matérielles, dont saint Paul se sert avec tant d'avantage contre les épicuriens? Nullement; il repousse l'objec- tion comme une calomnie dont il s'indigne, tant dans ses Lettres que dans ses Médita- tions (i ). Seulement il se borne k cette preuve, parce qu^elle est la première de toutes et la plus immédiate qui se présente à l'esprit du philosophe qui procède avec ordre , et que l'homme même privé de la vue n'en a pas besoin pour y croire. Descartes veut prou- ver l'être d'un Dieu par la vérité de nos facultés, et la vérité de nos facultés par l'être d'un Dieu. De cet argument : Je pense ^ donc je suis^ dont chacun de nous porte la conscience au-dedans de soi , le philosophe français déduira par une filiation immédiate sa démonstration de Texistence de Dieu et

(1) Voyez 868 Lettres , t. II, p. S63.

1(16 HKTOUUE

de la spiritualité de l'âme , def de k méta^ physique, pivot de toute la théologieypriune lumineux ajouté aux anciemies preuves de la reUgion. Arnaud y voit un rempart in- vincible contre l'irréUgion et le libertinage; Bpssuet empreint ces hautes spétulattons du double sceau de sa puissante dialectique et de sa sublime éloquence (1); Fénel<m y répand le charme de sa puissante onction f Duguet , dans ses Principes de la foi, sait y découvrir des aperçus nouveaux, et conver- tir le doute même sur la divinité en ime démonstration triomphante de son exis- tence (2). Attaqué du vivant même de Des-

(1) Introd, à la Philos,^ chap. iv.

(2) Duguet , Principes de la foi, 1. 1, p. 45. « Je « ne puis concevoir l'idée de Dieu qfae je ïie le con- « çoive* comme un être infiniment parfait; et je ne « puis le conceYoir ainsi, que je ne comprenne dans « son idée Pexistence actuelle , parce qu'elle est de « toutjes les perfections la première et la pluft oswn- « tielle. t)r, c'est un principe infaillible du raison- « nement , qu'on doit assurer d'une chose tout ce « qu'on découvre dans son idée : nous n'avons point

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 167

caftM parla SMiUTtise foi, il avait fini par ttiaraphfir de la préventioa et da g<^phisBie« « Paar ne nm dire 4{ae de clair^ » répétait la âède entier de Bossuet, « ii n'y a rien que nena concevions plus distinctement que notre pensée memet ni de propoakion qui naua puisse êlre plus claire que celle^ : Je pense, donc je suis. Or, nous ne powrianB avoir aucune certitude de cette proposition, si nous ne concevions dis- tinctement ce que c'est qu'on être, et ce «pMi c'est que penser; et il ne nous ëuA point demander que nous expliquions ces tonneaf parce qu'ils sont du nombre de ceux qui sont si bien entendus par tout le mondes qu'on les dbscurcirait en les vou*

dTautre règle pour raisonner juste. Il est donc aussi fMitaîn Dm existe néceseairement , qu^il est OBrl«iuquor«xisteBoaAet|seileest nécessairofuent comprise dans Tidée dNin être infiniment par- fitiC^ ftUk Tout ea qwi sailB*sst pas taoim wMde et concluant.

168 HUTOUC

« lantexpUquer(l). De ce point de dé- part, l'intelligence, développée pat la médi- tation , remonte au premier Etre , qui est la source de son être , et qui produit en elle le sentiment de son existence et le type de toute vérité. De donc la croyance néces- saire d'un Etre supérieur et la certitude de nos conceptions, dont il devient lui-même le garant infaillible. Entraînés invincible- ment par le sentiment de notre être bomé^ vers une cause infinie qui soit le principe: de tout ce que nous sommes , nous partons nécessairement de nous-mêmes, parce que nous sommes en nous , et qu'a moins de: n'exister pas, c'est-à-dire, de n'être qu'un. cadavre ou une brute insensible, il nous est impossible d'ignorer que nous existons. Est- il besoin, pour en avoir l'infaillible certitude, de remonter jusqu'à la première des cau!ses^ qui est Dieu , pour avoir la certitude de nub

(1) Logique Je Porl-Royal , chap. t, p. Paris, i'76-2.

DB LA NOirVELLE HEEÉSIE. 168

propre existence ? d'attacher immédiatement Teffet k la cause, la conséquence au prin- cipe , d'embrasser toute la chaîne des êtres pour envisager k leur sommet celui sans lecpiel on sait bien que pas un seul autre n'ensterait, moins encore pour s'assimiler à lui , comme on nous accuse d'en avoir la pré- tention ? Non ; notre raison bornée ne le per- met pas ; mais toute bornée qu'elle est, elle saisit cet anneau de la chaîne ; elle s'y recon- naît , heureuse de s'y tenir suspendue ; elle ne s'en sépare point, elle ne dit point : Je suis celui qui est^ qui a en soi le principe et la nécessité d'être : elle dit simplement ^vec Descartes : Je pense^ je porte en moi le rayon de la divine intelligence qui m'a créé à son image; donc je suis^ et la vie qui m'a été donnée à moi, être contingent, qui n'étais pas hier et qui ne serai plus de- main, je ne l'ai reçue que par émanation de cette plénitude de vie, dont seul il est la source, et qui n'appartient qu'à l'Etre

seul oécessaire et îorumorteL Que M. de I^ Meanak se récrie z Otez Dieu de funUmrsj^ et Vuni^ers n*é8t plus ^u'uue grande ilb^ êiouj et comme une vague man^estution d'un doute ùifimj je réponds : L'idée 41e Texisteûce de Dieu, loin de s'isoler de lidée de la mieime propre , s'y endiaîne indissp^ Idblement. Mettre la pren^ère en pro^dèmet c'est également dire que si Dieu n'existait pusj rien n'existerait : blasphème impie, ezr travagant aux yeux de De^cartes, qui le x^ pousse de toute la puissance de sa raison cooi- tre les athées j comme aussi jeter des doutes sur ma propre existence : criminelle abiuTr- dite que le même philosophe n'a cessé de re^ pousser contre le!» sceptiques. Loin 4one d'entrer pour cela d^s une défiance uni- verselle ^ c'est précisément ce qui nous £ût conclure avec une pleine assurance qu'il doit donc nécessairement exister. JDfe pou* Tant, encore une fois, niçr notre existence sans exister déjà» tout ce ^ est nécessaire

LA nmrmâm hérésie. tri

pour en rendre ndson, Join do now rame» Qer an doute , MHjniert par Ut même une certiUnde mébrankdile au doute.

An» tons les défenseurs de la Yérité chré-

tknone que i'Esprit de Dieu a suscités dans

tous lei âges pour le soutien ou l'omemenl

de «on Eglise , n'ayaient-ils songé jamais

à eh«rcher hois de ee cercle les caractères

de rin&flttUe certitude. Ils ne disputaient

pn à lu raison ses inaliénables prérogatives ;

Huds la iroyant dans son origine et dans sa

Muree , ib prenaient dans ses propres élé*

mens tes règles de conduite fondées sur les

fdniéiélemelks quHlspreposdent aaxpe»>

plds. Ib n'en dinsmulaicoit pas les fii&ksses

m les lumteua égaremens ^ tant sTen ùxkU

'Sk ne songent pas k îa désespérera non, «s-

sarément ; ib ne veulent que l'anMuer à

la reconnaissance de ses imperfectkms et

k f aven qaHl y a par-dessin elle une ftai-

ien plus haute & qui elle doit son être et

4q|ai 'dk «fttend son f^rfectâennemont.

m fldSTOllUE

alors que ne Toyant plus les choses L demi, comme par un miroir et en énigme^. elle les embrassera telles qu^elles sont , eib dans leur plénitude. Us ne rejetaient pas lu force du consentement général des peuples,, témoin ce qu'en ont dit les Origène , les Ghrysostome, les Augustin , les TertuUien ^ mais pour déplorer les monstrueuses er- reurs qu'ils y avaient mêlées , non pour s'en prévaloir contre l'excellence des autres té- moignages. Mais non , savant Origène, pro- fond Augustin , éloquent Ghrysostôme . sublime Bossuet! vous tous prophètes el apôtres de l'alliance que Dieu a daign€ contracter avec les hommes pour leur op- prendre toute vérité^ non , vous n'avez fail que balbutier ; flétris désormais du nom de Cartésiens j vous ne soupçonniez pas lea premiers élémens de la philosophie; vos preuves sont insuffisantes y incomplètes; Celse, Porphyre et JuUen l'apostat avaient eu raison de les juger telles : car voici qu'un

LA HOUTELLE HÉRÉSIE. i73

prêtre du dix-neuvième siècle , se qualifiant l'ayocat du Christianisme, ose prononcer qu'elles ne sont rien moins que décisives , ^'elles ne forment, après tout, qu'une philosophie niaise^ absurde, dangereuse^ et qu'elles retombent de tout leur poids dans U scepticisme 1 '

... . c.—

CHAPITRE VIIL

II

Certitude rationnelle de M, Je La Mennais.

Toutefois, M. de La Mei^nais accorde bien que nous sommes dans l'impuissance absolue de douter jamais de notre propre existence, mais que nous ne saurions en avoir une certitude rationnelle , c'est-à-dire une certitude telle que la raison ne décou- vre aucune possibilité que ce qui lui paraît

HPSTOIIB lA nUVBLLB BJEteB. ITS

rnà smi fion (i)^ et toute ton école s'est atladbiée opiniataréineiit à cette opinion.

liais comment accorder cette impuissance de da«ter srree Is possiliilité de Tillusion? Qttsi l 'veilà, de Toijre aveu, une série de ve- ntés qpse ne«s sesnmes forcés de cnÂre parce que la nature mms j centraînt ia« finciblemeiit 9. qu'elles sont inébranlables Stt doute ^ et qu'dJes ferment » selon fé* tran^ expression de l'un de yos adeptes ^ \e$ tolonaes et Hercule de Pesprit (2) ^ au- ielà desquelles l'intelligence ne saurait aMnccy d'un pas ; en les ébranlant, on ris- ^f ait de détruire l'intelligence eUenoiême : et pourtant eela ne prom^ rien^ ne dé'- momire rien; et y si l'an est conséquent , Ctt dûute de tout sans la certitude ratioiH iMiUe. TièX qu'est-ce que cette certkude ra- tionnelle peui ajouter à laciectitude absolue^

(2) M. Lacordaire , Conaidér, philos, sur le Syst. 8>sW, SeLa Mennais , p. 48.

1(16 HKTOUUE

de la spiritualité de l'âme , def de k meta* physique, pivot de toute la théologieypiiMne lumineux ajouté aux anciemies preuve» de la religion. Arnaud y voit un rempart in» vincible contre l'irréligion et le libertinage; Bossuet empreint ces hautes spétulations du double sceau de sa puissante dialectiqpœ et de sa sublime élocpence(l); Fénelon y répand le channe de sa puissante onctum f Duguet, dans jses Principes de la foi, sait y découvrir des aperçus nouveaux, et conver- tir le doute même sur la divinité en ime démonstration triomphante de son exis- tence (2). Attaqué du vivant même de Dm»

(1) Introd, à la Philos,^ chap. iv.

(2) Dnguet , Principes de la foi, 1. 1, p. 45. « Je « ne puis concevoir Tidée de Dieu qfae je ïie le con- « çoive -comme un être infiniment parfait; et je ne « puis le conceYoir ainsi, que je ne comprenne dans « son idée F existence actuelle , parce qu'elle est de « toutjes les perfections la |M*einiére et la plus eseen* « tielle. br, c'est un principe infaillible du raison- « nement , qu'on doit assurer d'une chose tout ce « qu'on découvre dans son idée : nous n'avons point

DE LA NOUVEUJB HÉRÉSIE. i77

tioalAttendra-t-elle, pour devenir ration- nelle, qu'elle ait comparé ses croyances avec celles du genr% Au/raaz/z? Quelle étude! ^e de recherches ! quel labyrinthe ! et en- core sans autre issue que le doute I Qui me répondra de son témoignage , quand je ne puis compter sur celui de ma raison? A (piel tribunal évoquerai-je la cause , si elle vient à subir partage dans les opinions , et qui jugera en dernier ressort?

T. I. 12

CHAPITRB IX.

%

Accord d9 la roWof» de la foi.

Pourtant rien de plus tranchant que l'assertion de M. de La Mennais , « que la cr foi n'a pas besoin de la raison; que si <c Yous faites intervenir la raison pour ap- i< prendre d'elle si on doit admettre ou ff rejeter les dogmes que Dieu nous révèle , <c aussitôt le magnifique et immense édifice f< de la religion croul% de toutes parts , et « écrase sous ses ruines la raison présomp-

HISTOIRE DE LA NOUVELLE IIÉ11É81B. 179

<r tueuse qui s'était crue capable de le sou- <' tenir (i).» Quoi donc! le Christianisme ne peut-il supporter les regards de la raison? C'est s'éloigner également de saint Tho- mas , de saint Augustin et de la vérité ca- tholique, que de supposer l'opinion d'un divorce absolu entre la raison et la foi; comme si, de leur nature, elles étaient incompatibles, et que Dieu pût être con- traire à lui-même. N'est-ce pas lui qui les a faites toutes deux? Il les a séparées, comme il a fait la lumière et les ténèbres , œuvre de sa souveraine toute-puissance, pour qu'elles concourussent également à Futilité <le l'homme. Le Manichéen seul y voit un élément de discorde , la production de son double principe. Non, Dieu ne les a pas faites ennemies l'une de l'autre. Elles existaient avatit la chute de l'homme ; car Adam, créé raisonnable et libre, reçut au même jour l'ordre de croire aveuglément

(1) Essai, t. I, p. 490.

180 HisToms

h la parole de son Créateur. La raison et la foi ont chacune leur domaine ; les Sages de tous les temps ont bien su en déterminei les limites et marquer Tétendue. L'Esprit saint, en daignant se charger lui-même de la direction de nos intelligences par la lu- mière de la Réyélation , a laissé un champ immense , la nature entière aux recherches de la raison (1). Il a fait plus encore; il n*a pas dédaigné de soumettre ses propres ora- cles a l'examen de la raison. Il s'est réservé k lui-même le sanctuaire qu'il a défendu par ime nuée inaccessible ; mais il nous en abandonne les avenues extérieures. Le Sau- veur appelle tous les hommes h l'examen

(1) Mundum tradivit disputationi corum. {Eccle- siast.j III, 44. )

« Telle est la supériorité de la Religion chré- « tienne sur toutes les autres , qu'elle admet ou re- « jette Fusage de la raison et de la discussion , sni- « vant les circonstances, et sous la condition qu'elle » se renferme dans de justes bornes. » (Bacon, dant^ Emery, t. 11, p. i45. )

DE LA XOLVCLLE HÉRÉSIE. IftI

de sa doctrine , ou du moins des témoigna- ges qui l'appuient (1). Interrogez les Ecri- tures^ disait-il aux questionneurs de son temps ; et telle a été la pratique con- stante de l'Eglise. Jamais elle n'a interdit à ses enfans le droit d'user librement de leur raison ; mais elle n'a jamais permis non plus que personne en exagérât les préro- gatives. Pas un de ses Docteurs qui ait songé a placer le principe de la foi dans la raison , pas plus dans la raison collective que dans la raison individuelle , parce qu'après tout et n'est toujours qu'une raison humaine, qu'un principe humain. Le principe de la foi divine n'est et ne peut être que l'auto- rité de Dieu même ^ c'est k Dieu que nous croyons, et c'est l'infaillibilité de sa parole qui fait seule la certitude de notre foi (2).

(2) Joann., v, 39.

(2) « Aussi tous les tliéologiens catholiques dis- « ting^ent-ils deux sortes de foi , la foi divine et la « foi humaine, et par conséquent aussi deux prin-

182 HISTOIRE

Laissez faire M. de- La Mennais^ et après qu'il aura fait de sa raison générale V ex- pression de la raison de Dieu même y fondé rinfaillibilité de cette raison générale sur

» cipes ou fondemens de la fui. La foi divine est M fondée sur le témoignage de Dieu, témoignage es- « sentiellemeut infaillible; et, par conséquent, la foi « qui repose sur ce fondement donne une certitude « complète. La foi humaine est fondée sur le témoi- u gnage des hommes , témoignage faillible de sa M nature , et auquel nous ne pouvons nous fier aveu- u glément et sans garantie. Ce témoignage peut in- « duire et induit souvent en erreur, quand on n^use « pas des précautions que la raison prescrit. Mais il <c arrive quelquefois qu^il est revêtu des condition» « qui excluent tout péril d* erreur , et alors on peut « s'y fier avec assurance. Il s'en suit de que le « principe de la certitude que donne la foi divine u réside dans le témoignage de Dieu , parce que ce <c témoignage n^est autre que celui de la vérité même , « (pli ne peut jamais nous induire en erreur : mais « que le principe de la certitude que donne quelque- « fois le témoignage des hommes ne réside pas dans « le témoignage même , puiscpie ce témoignage est « failUble de sa nature , et que c'est à notre raison a de distinguer quand nous pouvons et quand nous tt ne pouvons pas nous y fier. » (M. Rozaven , Ré^ futation des Doct, philos, de M, Gerbetj p. 253, 254.)

DB &A ROtnrEUJI KéRdBlE. 185

ses rapports avec Dieu , vous Tallez voir, renversant son propre édifice, Tisoler de tout rapport at^c Dieuj et affirmer que le seul système social aujourcPhui possible j est celui qui ne serait fondé que sur la raison humaine, sans nul rapport avec Dieu(i). D'après la doctrine constante des Pères et des théologiens, la vérité du Christia- nisme, prouvée par les prophéties et les miracles, se trouve garantie par une évi- dence palpable au jugement de la raison , invoquée comme arbitre dans chacun des procès intervenus sur cette matière , sinon quant au fond des choses, toujours quant à la validité du témoignage et du raisonne- ment. A défaut de Févidence intrinsèque réservée aux jours de la consommation, nous avons l'évidence extérieure, argw- mentum non apparentium (2)^ dit l'Apôtre; sorte de vue intellectuelle que saint Thomas

(1) Avenir f 29 noyembre 1830.

(2) Hebr., xi, i.

184 HISTOIRE

appelle une intuition indirecte^ résultante des m'otifi de crédibilité que la raison et l'autorité présentent à la foi. De l'axiome de saint Augustin , k que la certitude de nos « connaissances , c'est la raison qui nous la ff donne ; et celle de nos croyances , nous la fr puisons dans l'autorité (1).jb Jésus-Christ, en nous donnant sa religion, savait bien qu'elle embrassait un grand nombre de vérités auxquelles notre raison ne pouvait atteindre? U savait aussi qu'il y en a d'autres accessibles à notre raison , indépendamment de la révélation. Pour toutes, il nous a donné un double flambeau qui nous sert dans la nuit nous marchons ici bas, jus- qu'à ce terme heureux de notre pèlerinage toutes les ténèbres seront dissipées, toutes les vérités se manifesteront à tous les regards , seront compris tous les mystères de la divine essence telle qu'elle

(j) Qiiod intelligimus debetnus rationi; quod cre-^ dimus auctoritati. ( De Vtilit, credendi , n. 25. )

H

DB LA NOUVELLE HÉRÉSIB. i8tt

est : videbimus eum sicuti est. Jusque-là y étrangers sur la terre d'exil, enfans ({ui trébuchons à chaque pas, depuis le berceau jusqu'à la tombe, deux guides s'offrent à nous dans la carrière : pour les vérités su- périeures à la raison , le flambeau de la foi qui nous les fait croire sans les comprendre ; pour les vérités accessibles à la raison, le flambeau de la raison elle-même qui pèse les motifi de sa croyance , qui confirme et perfectionne en nous la connaissance des choses que nous comprenons. Par exemple , et c'est le raisonnement de saint Thomas , nous ne comprenons pas le mystère de la Trinité , et cependant nous le croyons par la révélation de ce que la foi nous en ap- prend. Le dogme de l'existence de Dieu, la raison suffit bien pour nous l'enseigner; «f mais , ajoute le saint Docteur , la plus " haute perfection a laquelle l'homme puisse ^ parvenir consistant dans la connaissance ^ de Dieu , il ne peut l'atteindre que par

,166 HISTCMRK

ir l'opération et renseignement de Di^u , qui « se connaît parfaitement lui-même (1). » Par s'établit merveilleusement l'harmo- nie entre la foi et la raison ; double principe de certitude dont chacune a son caractère et ses attributions : la raison prépare la foi et la justifie ; la foi éclaire la raison , la di- rige , l'achève.

Saint Augustin développe cette belle éco^ nomic de la bonté divine à l'égard des hommes dans son traité De t utilité de lafoiy en réponse aux Manichéens. <r Pour les in- « telligences vulgaires , pour les simples , <r dit-il, la voie de l'autorité 5 pour les sa- n vans, pour les intelligences cultivées, ic capables d'embrasser les motifs qui por- « tent l'esprit humain jusque à V intelligence (f divine y la voie du raisonnement, le flam- ff beau de la raison qui discute , compare ,

(j) Q. 14, DeFide, art. 10. M. RozaveD^ Examen, p. 4 38. f^oy, ILolden, Divinœ fidei Analy sis y cap. vi, p. 60,édit. Paris, 1767.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 187

ce pèse les raisons, Il est des esprits témé- « raires , impétueux , qu'il feut comprimer ; « il est des esprits lents qu'il faut exciter , « des ignorans qu'il faut instruire. La mul^ « titude qui manque des moyens et de la N sagesse nécessaires, lui interdirons-nous « la connaissance de la religion ? L'y ame- « ner par degrés , l'introduire de connais- K sance en connaissance jusqu'au sanc* « tuaire, voilà notre méthode; en est-il de K plus raisonnable ? Ainsi aux enfans, au com- ir mun des hommes , l'autorité , l'Eglise , la ff foi; aux esprits plus relevés, la raison (1).j» Par , les moyens divers de l'instruction sont appropriés aux intelligences diverses. A.U temps des saint Augustin, des Origène, des Clément d'Alexandrie, comme au nôtre, la méthode d'enseignement se proportion- nait à la portée de tous les esprits. « L'autorité requiert la foi et prépare

(1) De rutilUé de la Foi, dans Biblioth. choisie des Pères, t. XXI, p. 116.

188 HISTOIRE

ff l'homme a la raison ; la raison le conduit i< k l'intelligence et a la connaissance (1). »

Laquelle des deux , de la raison ou de la foi , précède l'autre ?

Cette question, soulevée par M. de La Mennais, est par lui résolue affirmativement en faveur de la foi. « La foi , dit-il , précède « la raison (2). »

La question n'aurait rien d'embarrassant, si l'on n'était parvenu à l'obscurcir par de captieuses subtilités. La religion commande à l'homme de croire ce qu'il ne peut encore comprendre; et dans ce sens, la foi doit marcher avant la raison. Cela est vrai ; mais doit-elle marcher sans la raison?

Qui est-ce qui ne convient pas que la raison n'intervienne dans toutes les ques- tions non-seulement premières et fonda-

(1) Auctoritas fidem fiagitat et ratio ni préparât ho- minem : ratio ad intellectum cognitionemque perdu- cvt. (S. August.^ De ver. Religione , n. 45. )

(2) Essai, t. I, p. 486, J88.

DB LA NOirVILLB HÉRÉSIE. 189

mentales , mais métaphysi({ues et religieuses, comme dans toutes les connaissances hum ai- nes ? «r La foi n'entre dans notre âme que par (T l'intermédiaire de la raison , à moins que r de vouloir en faire l'instrument aveugle V et irréfléchi de l'animal (1). » La foi, {H)ur s'introduire dans le cœur, a besoin d'être entendue par l'organe de l'ouïe , qui la fait passer à l'intelligence : Jîdes ex auditu. Mais,' dans toute question aussi, le raisonne- ment, opération de la raison, n'est-il pas également nécessaire? Dans la pensée de saint Augustin , si clairement exprimée , le droit et même le devoir de la raison est d'examiner si elle doit croire avant que de croire, examiner quelle est l'autorité au nom de laquelle la religion commande de croire sans comprendre. Et dans le vrai , si ce premier acte de la foi n'est pas jugé et approuvé par la raison , cette foi n'est pas

(1) M. Boyer, Examen, p. d J9.

_^^

A80 HISTOIRE

raisonnable, Quicredit cità^ levis corde e$t{A )i La raison prend l'homme comme par la main pour l'introduire dans le sanctuaire de la Religion , et le laisse sur le seuil. Elle ne lui permet pas de s'avancer au hasard ^ elle interroge la Révélation elle-même , et commence par s'enquérir de ses lettres de créance. Montrer le chemin k quelqu'un , l'aplanir devant lui , en ôter les pierres et les encombres , ce n'est pas le construire , c'est seulement le rendre praticable. Selon saint Augustin , la raison mène à la vérité , et en est distinguée comme le guide de l'aveugle qu'il conduit par la main (2).

La foi précède la raison j et lui prépare les voies. La proposition est vraie dans ce sens que la foi , don de la bonté divine , est aussi la vie de la raison humaine ; qu'elle agrandit et développe son intelligence;

(1) Eccl,y XVIII, 4.

(2) M. Boyer, Eœamen, p. 121 ; et M. Rozaven p. 191.

■%

DB LA IVOirVELLB HÊUBSIB. IM

(javelle corrige les saillies de $on înlempé- rance, réprime les écarts d'une indiscrète curiosité ; qu'elle assure k la soumission le mérite et les récompenses promises k la foi, qui est aussi une yertu. (i).

Elle est fausse et erronée par les con- séquences que M. de La Mennais et son école en ont tirées. Pour élever un tronc à l'autorité , il immole la raison et anéan- tit la lumière qui nous mène k la Révé- lation , et ne laisse a sa place que le doute.

M. de La Mennais avait donné l'exemple de la révolte contre la raison ; ses disciples

(i) « Celai qui croit , dit saint Thomas d' Aquin y « a un motif safiiBant qui le porte à croire , car il y « est porté par F autorité de la doctrine divine, con- « firmée par des miracles ; et , ce qui est encore plus « efficace , par un mouvement intérieur de Dieu qui « invite à croire : alors ce n'est point par légèreté "qu'il croit. Néanmoins ce motif n est pas suffisant « pour comprendre , ou lui donner Fintelligence ou ^ la science ; et ainsi il y a pour lui lieu de mériter. » [Sermon, théolog., part, ii, quest. ii, art. 9 : Utrum crederesit nterUorium. )

i9S A8TOIRB

Font suivi. Sous prétexte qu'elle e%l finie ^ elle est nulle.

Pascal, qu'ils aiment à citer, réfiite tous les sophismes par ces paroles : « Ce sont i< deux excès également dangereux, d'exclure ff la raison , de n'admettre que la raison. ce Dieu ne prétend pas nous rendre rais^ i< de toutes choses ; il n'entend pas nonjplw « que nous soumettions notre créance à lui « sans raison, et nous assujettir avec tyrau- « nie. Il nous fait voir clairement des mar- tf ques divines en lui qui nous convainquent « de ce qu'il est, et des preuves que nous f< ne puissions refuser (1 ). «

ce Le fini peut-il comprendre l'infini? » Non sans doute, pas même le concevoir ; car, par cela même qu'il est l'infini, qu'il échappe a toutes les intelUgences , il cesserait d'êtire ce qu'il est, disent tous les Pères, si je pou- vais définir seulement ce qu'il est. S'ensuit-

(1) Pensées , ch. v, p. 46; etchap. xxviii, p. 235, «dit. Paris, 171 J.

DS LA NOUVELLE nÉRESIE. 195

îl que tout caché gu'il est , il ne 8e soit pas fait connaître à ma raison? Saint Paul dit le contraire^et n'oppose au paganisme que cette théologie. Ces dogmes, qui sont ceux de la religion naturelle , ma raison parvient k les connaître^ mais elle ne peut s'élever jusqu'à 1^ comprendre. U lui est également impos- able de les nier et de les concilier.

«f Par la foi seule, et sans le secours de < la raison , l'homme connaît aussi pleine- v.ment que .Dieu même, n

Hérésie que saint Jean Chrysostome 4 (combattue avec force dans ses éloquentes homélies contre les Anoméens.

Vous accusez la raison de parler de l'in- fini sans . le . comprendre : le comprenons- i^os par la foi ? Pas davantage. La foi £iit précisément ce que fait la raison ayant elle. L'unje et l'autre nous obligent a croire l'in- fini dans toutes les perfections divines , sans nous le faire comprendre dans aucune. L'esprit humain ne va point jusquc-lk. Re-

T. I. i. 13

î. •"

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IM iftST6ndt

connaissons ses bornes ; mais ne les éx«gé ron8pas(1).

K Si l'homme ponyait par lui-même ré- ff connaître la' vérité de la Révélatiort , t(M v {fOLérir , par les senles forces de sa rakoij, « Qrat ce qui est nécessaire an salut , il sersA «r* complètement indépendant dans sa 9CieilÉ!i! « comme dans sa fi>i : il ne faudrait jiinÉ fil « IKeu niEgKse. ^

Quelle confusion d^nsr les idées*! (^i faut-il pour savoir qu^il' existe un tflfeii Créateur , que Dieu s'est révélé par Mobe et par Jésus-Christ? Il su£Sit de faire uss^ de sa raison. Cesr deux vérités conduisètli k la foi; cflles en sont les prélimittaires et iïon les objets, c^ La raison serait iiir (^dépendante! elle n'aurait plus besoin Ya « de Dieu ni dIEgfise ! Mais , au contrant, tr S'écrie M; de Trevern dans sa Réponse k «r M. Bautain y les seuls qui en sentent'

(1) M. révêque de Strasbourg, Réfui,deM, Bau^

DE LA XÔU\£LLE HÉBÉSIB. ttSi

tr besoin indispensable sont ceux qui récoh- « naissent la divinité delaRévélalion; ceux qui ïa rejettent ne s^occupenf point de ses « préceptes et de ses dogmes. » Eh! depuis qa&hd suflSt-il de connaître un Créateur, ei qilPil sT daigné se révéler aux hommes , ^our acquérir et posséder tout ce qui est né- cessaire au saluO ]Ve faut-il pas de plus fuir vice , pratiquer les vertus , accomj^lir les précej^fès du Sauveur? Combien de chré- nënàr convaincus des vérités de la foi , et qui îés violent dans la pratique !

€f La vérité entre dans Famé en sôuve-

« ràihé. »

Toujours des géhéf alités , toujours des ■• équivoques de mots.

Oui , sans doute , il est certaines vérités

qui s'emparent de Pâme en souveraines, telles

. " '

que ces vérités naturelles et morales dont il a été parlé plus haut; et encore à comLien de controverses n'ont-elles psgs donné lieu au sein des diverses écoles! itfais, de bonne

i06 HISTOIRE

foi , cette maxime serait-elle applicable à h raison générale dont jamais on n'avait en* tendu parler? car voilà M. de La Men< nais en- veut venir ; c'est qu'il place li critérium , le sanctuaire de la vérité j e cçmme les mêmes vérités ^ont^ dît-il^ con^ nues par la même foi de toutes les intelU' gences ^ il y a société entre elles et le grant Etre qui les a créées pour lui^ et de rinr faillibilité du consentement général. Qu'est- ce que les décisions de la raison géné- rale en religion , en i^orale , en politiques Avaient-elles eu jamais la lumière de l'évi- dence , puisqu'elles n'avaient enfanté jamaû que les opinions les plus contradictoires?

« La vérité exerce son empire en conser- <c vant à l'intelligence sa liberté ; car si Tes- if prit n'est pas libre de refuser , d'acquies- «f cer à l'évidence , la volonté est toujours « libre d'écouter ou non son témoignage; •f et c'est même ainsi qu'en croyant sans y « être forcé par une évidence intrinsèque et

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. i07

« invincible , l'homme rend volontairement « à Dieu un hommage digne de lui. »

Mais depuis quand ceux que la force de leur Maison ,* ou l'atlrait du sentiment, ou la douce violence de la grâce ont amenés à croire , accusent-ils leur servitude ? La rai- son, quand elle s'est bien convaincne des preuves de la vérité , se croit-elle opprimée en voyant clairement qu'il faut croire ? Elle consent à s'aveugler, mais pour Dieu seul ; a sacrifier ses lumières , mais uniquement k celui de qui elle les tient. En rend-elle a Dieu un hommage moins digne de lui , en reconnaissant que hors de lui il n'y a que trouble et agitation d'esprit ?

La vérité peut se présenter a l'esprit de telle manière qu'on doive croire et qu'on puisse ne pas croire. Alors la foi est un de- voir , mais non une nécessité ; elle est en même temps libre et volontaire. Combien de personnes sont persuadées qu'elles doi- vent croire sans avoir pour cela la foi ! La

(HjS HISTOIRE

raison en esjb que Tobiet de la foi restant obscur, l'acte de foi est une ^oumissipn de potre raison^ laquelle dépend toujours de notre volonté ; et , quelque convainci^s gu6 nous soyons que nous devons obéir à l'ailt^ rite qui nous commande la foi , l'obéissance rQste toujours en notre liberté. M. de La Mennais luirmême le déclare en ces termes: « Sous l'empire ^Ç^6 de l'évidence ,

§ w

l'homme demeure libre , non p^s de se «r méprendre , mais de se révolter ; jiqn pas « de ne point voir, mais, de nier ce cpi'il « voit. Liberté terrible, qui, trop souvent •f réduite en usage , devient , pour quicqn- K que sait penser , la preuve la moins équi- ¥ voque du vice originel de notre n^tu- « re (i)\ »

D^ tous nos Docteurs , saint Thomas est - après saint Augustin , celui qui a porté le plus de lumière dans ces questions. Les prin-

(4) fyvi^ml'h^W' (iRtwJ.).p. 17.;

DE LA NOUirj&IXK HEBÉSIK. ^^

c^Cf ^'i]i jéteU^t MUT la f;liéprie de lafpi e^

d/9 Jta certitude , sur les avantages irespectî^

dt la foi et de la raison , répondent à toutes

1^1^ objections. L'accusera*t-on d^être Garr

tfflifn? Indiquons surtout son Coiniqien^

Vaipp 4tt lY^ ch^pjltre de )'£vapgîle de

avilit Jean. J^pus abrégeons, k Trois choses »

dîl-iji, nous conduisent à la foi en Jésus*

Gl^ist : premièrement }a raison naturelle »

9fieQ^^€saent le témoignage de la loi et des

pr#plièftes, troisièmement la prédication

4^9 Apptres, de leurs disciples e% de leurs 4uc*

cesseurs. Celui qui est conduit cpimne par

la main à la fois par ces trois moyens » peut

dire que rien de tout cela n'est le fondement

ou le motif de la foi , et qu'il ne croit ni suf

le fondement de la raison naturelle , ni sur

. celui du témoignage de la loi , ni sur celui

de la prédication , mais uniquement sur

le fondement de la vérité même. La foi doit

être certaine j car celui qui doute en matière

defpi est infidèle. La certitude est commune

t

ÉW HBTOWB

à la science et a la foi; car, de même que la science est certaine , la foi Test aussi ; elle l'est même beaucoup plus , car la certitu<le de la science est fondée sur la certitude de la raison humaine, qui peut errer , au lieu que la certitude de la foi repose sur la rai- son divine , qu'on ne peut contredire. même que nous avons la certitude de la science par le moyen des premiers princi]pes que notre intelligence et notre raison nous font connaître , nous connaissons aussi lès principes de la foi par la lumière que Dieu met en nous. »

Dans cette théorie de la foi , ajoute Tha* bile réfutateur de M. de La Mennais , saint Thomas ne dit pas un mot la raison gé- nérale , du consentement commun ou du plus grand nombre. Est-ce oubli? est-ce ignorance? est-ce omission coupable? Il parle , il est vrai , de la raison naturelle , et la donne pour un des moyens qui nous con- duit k la foi; mais cette raison naturelle

t

I

m LA HODVELLB BEKÉSIB. 90t

n'est point la raison générale , la raison hu- maine proprement dite^ comine l'appelle H. de La Mennais ; car il convient qu'elle peut errer, quœfalU potes t, et Ton nous dit que la raison générale est Infaillible. Mais ce qui est vraiment surprenant , c'est c[ne , dans la doctrine de saint Thomas , cette raison qui peut errer, est pourtant aussi capable de certitude , et qu'elle obtient cette certitude, non par le moyen d'une rai- son supérieure en laquelle elle croit , mais par la lumière naturelle qui est en elle , et qui lui fait connaître les premiers principes. Enfin , bien loin de reconnaître un principe unique de certitude qui soit identique au prii^pe de la foi , saint Thomas distingue expressément le principe de certitude de la science , du principe de certitude de la foi. « La foi tire sa certitude d'une lumière que ^ Dieu répand dans l'âme ; la science tire « la sienne de la lumière naturelle. » Assurément, si nos nouveaux Docteurs

909 HisiioiLs

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npus enseignent la vérité , saint Tlunuds en« SjBignait l'erreur ; et ce Pocteur 4^ ^'Eglise « appelé depui3 des siècles l'ange de i'écple , a joui jusqu'à présent d'une réputation u^ur* pée (<).

Ce qui a jeté l'école Lamenaifienne dan« cette perpétuelle logomachie, c'est la préoc- cupation d'esprit en faveur du sycflènie de la raison générale , laquelle a brouillé toutes les idées sur la certitude et l'évidence. Ainsi a-t^elle confondu les motife de la foi avec les objets 4e la foi. Les motifs de lalbi doi- vent être évidens, les objets de la foi évidem- ment croyables , et tous les théologiens ca* tholiques parlent le même langage. En effet, le mot croyable ne peut s'appliquer q^au:^ objets de la foi, non aux motife, lesquels doivent être non-seulement croyables , mai^ certainement connus , pour que la foi soit possible. Les pbJQts de notre foi ne peuvent pas être évidens par rapport à nous , mais ils

(1) M. HoxaveQ , Examen , p. 378.

DE Lii NOUVELLE HÉRÉSIE. 905

la volonté , qai peut refuser sa soumission k

l'autorité la plus évidente et la plus légi- time. L'autorité est un motif suffisant de foi, et voilà pourquoi la foi est libre , et que la science ne l'est pas.

Terminons cette discussion , aride peut- être, mais indispensable , par ces belles pen- sées de M. Boyer, dans son examen du sys- tème Lamenaisien : « La vérité, selon saint Augustin , est une lumière qui est en nous , un rayon, une émanation de la clarté de Dieu réfléchie dans notre âme, une illustra- tion de notre raison , ce flambeau allumé à la lumière de Dieu. Il y a en nous un prin- cipe intérieur, un moi intelligent, qui cher- che la vérité, qui arrive jusqu'à elle pour la Voir, la contempler, se nourrir en quelque ^orte de cette immortelle substance. U y a Xoin de cette doctrine a cette vérité Lame- ^aisienne répandue dans tout l'univers ^omme ^n océan de lumière , et qui entre ^ians notre âme comme l'air et l'eau dans

n

Uri tâse videf. f^oiir peu qu'oti sbît Vér^ê dams lès ouvrages de saint Augusûh, ôii ié- tonti^ii cette doctrine, repifoduité sôiis Miué formés. A cela fe vient cette liaute mëtapîijr- sique que Fénelon, Bossùëé et tarit de pltî'- Fosophës modernes ont puisée dans tes ou- vrages de ce saint Docteur, (Jui se plut sou- vérit k asseoir la tliéologié la plus prôfonaê sur le fond de la philosophie la plus éle- vée. Je parle de ces vérités éterneltes cpié rho'mmè ne crée pas, mais qu'il voit, qtfîj aperçoit, et dont ïe type et le modelé dori être quelque part. Elles ne sont pas pfo- duîl , mais règle immuable qiii corrigé éi redressé tous ses jugeiheris. On ne peut l'eî ^ concevoir et s'en former l'idée , saris se re- préseiïter eh même temps un Èfre supi'êirié, universel , éternel, en qui elles sont reçues , et dont l'entendement est comme régîbri habîlerit en idée tous les êtres réels ou li'ritéÛigîblés, visibles du invisîBres. lia i^àièbh

j

(îStefhehé et sôû^éi'àiÀè diéÈlièli' étant'

f

Itt LA NOUVELLE HÉftiSIE. 1107

source d'où émane toute vérité , notre rai- son est une émanation de cette suprême intelligence , une lumière allumée au feu et à la clarté du Soleil étemel de vérité et de

justice (1). »

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(i) EsanM^i. iùS'iM^

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LIVRE DEUXIÈME.

COHTIHirATIOTC DU PRiciOKNT. SUE LT.S FOltDBMTJXS DK LA CF.ailTIJ:

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CHAPITRE L

De l'évidence.

Plein du fi^rdi dessein de renverser de fo) en comble V antique organisation de la 7) rité(i)j le Régénérateur de llntelligence pris à tâche de démolir chacune des pierr de Fancienne construction. Ses premic

\1) M. Lacordaire , Considér,^^. M7.

HISTOIRE DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. !fe09

coups ont été dirigés contre la raison indi- viduelle ; il n'épargnera pas davantage Tévi- dence , autre fondement de certitude. La raison universelle du genre humain est le levier qu'il met en action contre le témoi- gnage de la raison individuelle ; c'est le même qu'il emploie contre témoignage de l'évidence. Pour en établir le souverain empire , il ne craindra pas d'en substituer Tautorité à celle de l'Eglise catholique ; il enlève à celle-ci sa base tombée du ciel , édifiée par les mains de son divin auteur^ ce qui nous la rend sacrée , à savoir, la certi- t:ude résultant de l'enchaînement de mcr- >^illes dont se compose son histoire (1).

En effet , ce qui nous garantit la certitude ^e la vérité du Christianisme et de notre église , c'est l'évidence des preuves dont la Maison et l'autorité environnent le sanctuaire

(1) « La Révélation est un fait; elle peut, par

«I conséquent , et doit être prouvée comme les au-

.«« ires faits , et nous pouvons en acquérir la c.erti-

'^ tude de la même manière. » (M. Rozaven, p. 240.)

T. I. 14

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LIVRE DEUXIÈME.

COmimrATIOTf r<V PRiciORNT. SVK LFJi FOIIDBin»S DE LA CKaVlTtJAE

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CHAPITRE L

De l'évidence.

Plein du h^rdi dessein de renverser de f on en comble r antique organisation de la vé- rité (\)^ le Régénérateur de llntelligence pris à tâche de démolir chacune des pierre de l'ancienne construction. Ses premie

VI) M. Lacordaire , Considér,,-^, J47.

HISTOIRE DE LA NOUIXLLE HÉRÉSIE. 909

coups ont été dirigés contre la raison indi- viduelle ; il n'épargnera pas davantage l'évi- dence , autre fondement de certitude. La raison universelle du genre humain est le levier qu'il met en action contre le témoi- gnage de la raison individuelle ; c'est le même qu'il emploie contre témoignage de l'évidence. Pour en établir le souvei*ain empire , il ne craindra pas d'en substituer l^autorité à celle de l'Eglise catholique ; il enlève a celle-ci sa base tombée du ciel , édifiée par les mains de son divin auteur, ce qui nous la rend sacrée , à savoir, la certi- t:ude résultant de l'enchaînement de mcr- "veilles dont se compose son histoire (1).

En effet , ce qui nous garantit la certitude de la vérité du Christianisme et de notre Eglise , c'est l'évidence des preuves dont la raison et l'autorité environnent le sanctuaire

(1) « La Réyélation est un feit; elle peut, par M conséquent , et doit être prouvée comme les au- ■M ires faits , et nous pouvons en acquérir la certi- « tude de la même manière. » (M. Rozaven, p. 240.)

T. I. 44

SIO HISTOIRE

de la Révélation. S'il n'y avait point d'évi- dence , bien moins encore y aurait-il de certitude. Onne croirait pas, sion ne voyait pas ce que l'on doit croire. Delà l'essentielle différence entre la foi et la science : la pre- mière , assentiment ferme aux vérités qui nous ont été révélées , que nous croyons sur la parole de Dieu , oracle infaillible de la vérité, mais que nous ne voyons pas, et qui ne seront vues que dans le séjour des Bien- heureux. La science , nous l'acquérons par les principes connus par eux-mêmes , vus intellectuellement, ce que nous appelons la vue intellectuelle. D'où les théologiens con- cluent que le principe de la certitude qu^ donne la science n'est autre que Vintuitipn de la vérité , et que , par une conséquence ultérieure, nous possédons une infaillible certitude de la vérité , commencée par la foi , perfectionnée parla science , pqur être enfin un jour consommée par la claire vue de Dieu et de ses mystères. Nous sommes

DB LA NOUVBLLB IIÉBÉ8IB. Sli

donc fondés à p^urler d'évidence et a croire à 9on îoËdUttiilité (1). M. de La Mennais aura beau entasser les nuages, il ne per- suadera à personne que la certitude et les iBOti& 4pii la fondent soient illusoires.

Elle repose sur quatre colonnes solides , inébranlables : l'évidence , le sens intime ou la conscience , les sens , le témoignage des hommes limité aux restrictions que la yérité réclame. De la force et. surtout de Tasaociation de ces moti&, résulte un faisceau de lumière inébranlable au doute , qiû dé- termine les jugemens de la raison , con*- State la certitude, assure invinciblement le trioiBphe de la vérité.

IjOs théologiens de la nouvelle école se sont fhm à brouiller ici toutes les idées. Les appuis que l'évidence , le sens intime , la rdation de$ sens prêtent à la certitude , ils

(1) Certitudo quœ est in scientiâ et in intellectu est es ipsa evidenti» earumi quœ certa eêse dicuntur, (S. Thomas, 3, d. q. 2, art. 2, q. 3.)

SIS HISTOIRE

^'efforcent à les renverser. Cette théorie , si bien démontrée par saint Augustin et saint Thomas, approuvée par les Docteurs ca- tholiques , consacrée par l'Eglise , ne fut , comme l'autorité de la raison individuelle , que le rêve de Descartes, l'œuvre d'une philosophie niaise , absurde , menant au 5c^^/cûm6. Jusqu'à M. deLaMennais, nous dit l'écrivain qui se donne pour acteur prin- cipal dans tout ce qui s'est passé (1 ), on avait cru que , dans l'ordre philosophique et reli- gieux , l'évidence se prononçait hardiment en faveur de l'Eglise cathohque, comme preuve de son infaillibihté. « M. deLaMen- ic nais a cru découvrir dans cette doctrine un « venin funeste et caché; il a ditque ce n'était ff pas à l'évidence, mais au genre humain de « juger la question (2). » Ecoutons l'oracle : Qu'il y ait un moyen d'arriver à la certitude, ce n'est ni la raison, ni la nature ou l'évi-

(1) M. Lacordaire, Considérât. , p. 34.

(2) Le même , p. J52.

DE LA NOUVBUB HERESIE. SIS

dence de la chose qui le fournit ; la raison me commande de douter , la nature me le dé- fend ; ni l'une ni l'autre ne démontrent rien. Jeté par une fluctuation éternelle entre le scepticisme et l'erreur , l'homme est dans l'impuissance naturelle de démontrer au- cune vérité , et d'admettre certaines véri- tés. « Une chose qui peut être vraie ou m fausse, répète avec lui son école entière (1), « n'est pas certaine. Tout ce qu'affirme « comme vrai une raison qui peut se trom- « per peut être faux ; tout ce qu^elle affirme « comme faux peut être vrai. Dieu et son « existence , l'immensité et l'harmonie de ses « perfections , l'âme humaine et ses facultés, « autant d'énigmes la foi toute seule pou- « vait nous apporter la solution ; et la foi « elle-même deviendra k son tour un fonde-

(4) M. Gerbet, p. 67, etson livre entier intitulé : Des Doctrines phUosoph. sur la Certitude. M. Bau- tain, dans V Avertissent, pastoral de M. Tévéque de Strasbourg, p. 6.

1214 HISTOIRE

i( ment ruineux pour lequel il faudra encore i< un nouveau point d'appui. Pour qu'il y eût « certitude , il faudrait qu'il y eût infaillibi- i< lité ; car il existe une liaison nécessaire •( entre l'une et Tautre. i»Donc, dansFimpos- (( sibilité est tout hoinme de rien affirmer , « il doit , pour être conséquent , douter de w tout* Point de certitude il n'y a point « de jugement infaillible ; et peut - il en (c exister de la part d'une raison toujours « bornée et faillible? »

Il est clair que ce sophisme , qui ébranle la certitude du témoignage de la raison , n'attaqué pas moins la certitude du témoignage de l'évidence. Nous y avons répondu pour ce qui concerne la raison (1). Il n'a pas plus de force contre l'évidence , ' a qui il porte une égale atteinte; car s'il faut douter de tout , puisqu'il est impossible de rien affirmer , il faut conclure qu'il n'y a rien de certain rien d'évident. Mais le

(1) Liv. I, chap. vu, p. 152 et suiv.

DE LA IWUVELLB HÉRÉSIE. SIS

moyen de rester suspendu sur cet abîme du doute? M. de La Mennais nous o£fre un point d'appui unique , universel , h savoir, l'infaillibilité du genre humain, ce J'ouvre « les yeux , je vois que dans l'appréciation « du vrai , partout les hommes se détermi- <t nent par le consentement des hommes. « Point de témoignage certain, s'il n'est con- « firme par l'autorité du genre humain (1 ). »

Voilà donc à la fin le tribunal de l'in- faillible certitude ! voilà l'évidence pour M. de La Mennais !

Puisque M. de La Mennais invoque avec tant d'assurance le témoignage universel, il nous sera bien permis de le consulter à notre tour, et de lui demander à lui-même les titres qui fondent le privilège de l'infail- libilité en faveur du genre humain , comme nous sommes toujours empressé de pro-

(1) Essai, p. 180, 225, 495; t. II, p. 41, 43, 143 et suiv. Défense,}^. 93, 94. M. Lacordaire, Consid,, p. J54.

Si6 msTOiBE

duire en faveur de notre Eglise les preuves qui lui en assurent la possession.

L'évidence, nous répond le genre hu- main par la voix des Sages qui, de tout temps, en furent les organes et les plus dignes représentans, consiste à apercevoir clairement et distinctement la conve- nance ou la répugnance existant] entre deux idée». Je vois , par exemple, que deux et deux font quatre, parce qu'il y a une convenance évidente , sensible k tous les yeux, un rapport manifeste d'identité avec les termes que je compare , et qu'en ajou- tant un chi£fre de plus , je n*ai plus le même nombre. Je vois avec évidence que le tout est plus grand que la partie, parce que j'aperçois clairement la vérité du rapport que j'établis entre ces deux objets. Or, il m'est impossible d'apercevoir clairement, distinctement, de la convenance entre deux idées, s'il n'y en avait point réellement, puisqu'on ne peut concevoir ce qui n'est

BB LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 917

point. Les perceptions claires de mon esprit supposent donc nécessairement la réalité de ce qui en est l'objet. Ces principes tien- nent à la nature , donc à Dieu qui en est l'auteur. Le sauvage sous sa hutte les croit comme le savant qui pâlit sur ses livres, parce que l'un et l'autre ont des yeux pour le voir. Cette foi invincible est un fait incon- testable, universel, dont l'infaillible cer- titude est attestée par un sentiment intime et par une expérience continuelle. De vient que l'évidence est la dernière raison que Ton apporte en faveur de la vérité , et la règle infaillible à laquelle on reconnaît qu'on ne s'égare point. Elle est le fonde- ment nécessaire et universel sur lequel re- posent toutes nos croyances; et l'homme ne peut admettre aucune vérité sans aperce- voir eW^mm^n^ ouïe rapport immédiat des idées, ou l'existence et l'infaiUibilité du motif quel qu'il soit qui le force d'y adhérer (1).

(1) Voy. M. Receveur, Recherches philos., p. 82.

918 HISTOIRE

Eh ! n'est-ce pas ce qu'exprime le seul nMt d'évidence? Claire vue de l'âme, parce <^e Actif e âme est douée de la faculté de voii* Comme notre corps ; ou plutôt notre âme voit par les yeux de l'entendement coilime par ceux: du corps. Toutes les fois 'donc que l'esprit voit quelque chose clai- rement et nettement,' ce qu'il voit n'est pas Terreur, c'est la vérité. L'évidence est le caractère qui distingue le vrai du faux (1).

Interrogé dans chacun' des individus dont se compose l'universalité dti genre humain, te genre humain n'a point d'autre langage. Vous l'avez dit , M. de La Mennais : «r Plus <( l'accord est général , plus la confiance est « grande ; et la certitude est aussi complète

(1) Le chancelier d^Âguesseau , Méditât, iv. Buf- fier, TraUé des premières Vérités, chftp. i. MaUe- btanche, Recherche de la Vérité, t. I, p. 22. M, de Cardaillac, Elém. de Philos., t. I, p. 306. M. La- cordaire , Considér.^ p. 10. Dans le système de M. de La Mèmiaié lui-même , comme dans la doctrine or- dinaire , r évidence est la dernière raison des choses. [Ihid.,Yi. 153.)

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 219

<r qu'elle puisse l'être, quand l'accord est r unanime (1). »

Que si l'on nous demande les preuves de cette assertion , nous répondons qu'elle est à elle-même sa démonstration , « que c'est (f , ;i comme s'exprime un philosophe mo- derne , vrai théologien , « la belle préroga- i< tive de l'évidence , son honneur, sa gloire, « d'être dans le monde intellectuel ce beau €< soleil qui se manifeste par lui-même , et €< qui n'emprunte pas d'une lumière étran- <r gère la clarté dont il brille , et que c'est « par qu'elle mérite d'être appelée le « premier principe (2). »

Mais notre philosophe s'embarrasse peu de se contredire lui-même.

« Quelle foi, demande-t-il, pouvons-nous ajouter à l'évidence ? Elle ne fait que des dupes. Qui est-ce qui oserait affirmer que telle chose qui lui semble vraie ne soit pas

(1) Essai sur VIndipr., t. II, p. 143.

(2) M. Boyer, Examen^ p. 210.

lUMI 1115T0IAE

fausse, et réciproquement? Est-il une ques- tion sur laquelle les hommes ne se soient partagés, et qui ne présente des motife également plausibles d'admettre ou de re- jeter telle opinion? N'est-ce pas au nom de l'évidence que chacun se dit en droit de dé- fendre la sienne? Athées, déistes, calvi- nistes, sociniens, tous crient à l'évidence. Ce qui est évident pour l'un, un autre le juge obscur, incertain. De quel droit prétendez- vous que votre évidence doive céder à la sienne? Le oui et le non ne se rencon- trent-ils pas tour à tour dans un même es- prit avec une égale certitude ? Ce que l'on affirmait hier sera demain rendu problénîa- tique. Tous les jours je suis le jouet de mille illusions, et je me vois k tout moment forcé de revenir sur mes pas, après avoir cru qu'il m'était impossible de m'égarer dans mon jugement. Partout apparences trompeuses , nulle certitude ; pas une évidence qui ne soit démentie par une évidence contraire. »

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 5121

Ne dirait-on pas, a entendre M. de La Mennais , que nous vivons dans un monde enchanté , peuplé d'êtres chimériques , et sans autre réalité que celle dont l'imagina- tion les revêt , jetés on ne sait comment à travers des omhres mobiles et changeantes? La société tout entière ne serait qu'une scène continuelle d'illusions et d'impostures , les objets ne se présentent aux regards que sous de fausses couleurs, pareils à ces repas fantastiques que le caprice de nos roman- ciers fait éclore. Car la conséquence immé- diate du scepticisme de M. de La Mennais aboutit à ce dilemme : Ou ce que nous voyons existe réellement, puisque nous le voyons, et l'évidence n'a plus pour nous rien d'équi- voque; ou rien n'existe réellement, et la nature entière n'est plus k nos yeux qu'une vaste fantasmagorie. « Peut-être que ma vie (T et tout mon être ne sont autre chose qu'un « songe et nn rêve delà nuit. » Que je prenne en main V Iliade ou V Esprit des Lois ^ que

99Sà HISTOIEJS

mes yeux coq.tejpoplent avec admiration la coupole de Saint-Pierre ou la colonnade du Louvr^e, je demanderai s'il exista un Ho- mère , un Miche]L-Ange , un émule heureux du Bernin. Quelle prei^ive en ^yez-vous ? médira M. de LaMennais.r^- La preuve, c'est que je les ai dans les mains, sou$ les yeux, que je les vois, que le seul aspect ces chefs-d'œuvre enflamme mes sens et les ra- vit, et que je ne verrais, que je ne sentirais rien de tout cela, s'ils n'existaient pas. De- mandezr-moi la preuve de la lumière dix soleil : Milton aveugle ne la voit plus, mais il la $ient. ]\i moi non plus je n'ai p^s vu la statue de Pierre-le-Grand k Saint-Pétcrs- hourg pour savoir indubitablement qu'elle existe, quand des milliers de témoins attes- tent que la capitale de l'empire russe pos- sède ce hardi monument, comme ijious avons à Paris les statues de Henri IV et de Louis XIV. Avec les principes de M. de La Mennais , l'hérétique Marcion n'avaitpas tort

^

DB LA NOUVJBLLfi HÉRÉSIE. 9g|5

de nier que J4»us*Qhmt; pût coaversé ayec les hoflimes dan^ ^^e chiiif y érUa^Ue » ^% eût été réellement ^tta^cké à lax^roix, jréçjUie- ment déposée dans le tombeau ; il f vait r^Upp de chercher à ez^Uquer les jpiysçères de Fiar ca^rnatioa et de la rédemption, en les anéim- tissant par ces subtilités impies : « C'é|taif «(bien une chair et non une chair, un •f homme et non ^^ up ho];i^me , un jDjieu « et non pas un Dieu. » Cajc.epfin, dans ce temps^là, ce n'était p^s le ténipji^age jçb genre humain qui pûjt encqre jréiuterle Was- phémateur; les seuls té^pins capables .^e constater l'humanité du VerbjB, ce n'étaiepit que des dépositionj^jp^rtielles, que Tévidenice résultant du ténioignage de ceux qui Ta valent vu de leurs yeux , qui avaient mangé avec lui après 3a résurrection , avaient introduitleurs mains dans ses blessures ; et cependant l'élpr quent Tertullien n'en dirait pas mpJLps ay^^p une invincible assurance : « Si Jésus-Christ If n'est pas véritablement moTtysa lïàissahce

9A4 HiSTomE

« ne fiit également qu'imaginaire; tous les té- « moignages qui en constatent le fait, autant ff de mensonges; sa vie entière, une illusion ff perpétuelle. Plus d'Emmanuel, plus de ff Christ , plus de Dieu avec les hommes ; ff l'histoire tout entière n'est plus qu'un « problème (1). »

M. de La Mennais ne craint pas de don- ner le démenti à Tertullien. Respect era-t-il davantage l'autorité de saint Paul? L'Apôtre des nations reproche aux philosophes du paganisme leur ignorance et leur corruption vraiment inexcusables d'avoir retenu captive la lumière de la vérité , quand ses rayons perçaient de toutes parts. va-t-il cher- cher son argument? il prend l'évidence à témoin de leur impiété. Saint Paul savait bien assurément quelle était la vertu de la foi et sa nécessité , puisqu'avant d'intenter son acte d'accusation contre ces Sages or-

(1) Traité de la chair de J.'C.^ p. 484, édît. de Rig. Btblioth, choisie, t. II, p. 508.

>

msTonus de la nouvelle hérésie. 9SBi

gueiUeux qui prenaient leur raison seule pour guide de leurs jugemens, il avait commencé par déclarer que la justice vient de la foi, qu'elle se perfectionne dans la foi y selon qu'il est écrit : le Juste vit de la Joi(i). Méconnaîtra-t-il pour cela les droits de la raison humaine ? Tant s'en faut ; car le grand crime qu'il reproche a ces Philoso- phes , c'est de n'avoir pas fait usage de leur raison , même comme suffisante toute seule pour éclairer leur intelligence etles amener, par la seule lumière de l'évidence , a la con- naissance de Dieu et de ses infinies perfec- tions. Car , poursuit-il , les perfections in- visibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité , sont devenues visibles depuis la création du monde, parla connaissance que ses créatures nous en donnent (2). Ce n'est donc ni le témoignage du genre humain et de sa prétendue raison générale , ni même

{\) Rom., 1, 17. (2) Ibid. 18-22.

T. I. 15

896 HiSTOmË

Fautorilê de la foi, qn^nvciqtie le grand Apôtre. Rien que leurs yeux suffisaient pour les initier dans cette première de toutes les vérités. Ils ont eu des yeux pour ne pas voir ; et la justice divine a châtié Tavcugle- ment de leur twxxr par l'aveuglement 4de leur esprit.

Le même Apôtre, se rencontrant dans l'Aréopage pour y prêcher FEvangîle de Jésus-Christ , disait-îl a ces mêmes Philoso- phes rassemblés autour de lui : « Ayez la foi; commencez par croire comme de sim- ples enfans; imposez un silence ahsolu "k votre raison. » Oest au contraire par leur propre raison qull les veut ramener au Dieu qu'ils adorent sans le connaître , en promenant leurs regards sur le spec- tacle de la création (1). Mais Dieu ne les aveuglait que parce que les premiers ib avaient fermé les yeux a la lumière de l'€vi- dence , dédaignant de chercher c^lui qu'ils

(1) y^o^.,xvrr, 24,27.

■H

DS LA^NOîJVELLE'^nÉIUSSIE. 897

anraient trompé comme avec la main et à tâ- tons ^ quoiqiiil ne soit pas loin de chacun de nous.

Dire, avec l'école de M. deLaMennais, que Dieu est trop grand pour être compris par des intelligences aussi bornées que les nôtres; qu'à moins d'avoir la plénitude de la science de Dieu , nous n'en possédons aucune nolion ; que c'est un Dieu caché ; que le spectacle de Tunivers ne nous ofire que des efiets , que des résultats , ce que l'on nomme des causes secondes , maïs que de la on ne saurait s'élever jusqu'à l'existence du premier principe , parce que la distance entre le fini et l'infini est im- possible à franchir ; que les cieux racon- tent vainement la gloire de l'Eternel, parce qu'ils sont muets pour ceux qui se ferment les oreilles pour ne pas écouter la voix de l'Eternel : langage impie ! des prê- tres de Jésus - Christ , répéter les blas- phèmes du déiste et de l'athée ! Saint Paul

998 HISTOIRE

se trompait donc en affirmant ce qui vient d'être lu? Il affirme que l'immensité de Dieu ne l'éloigné pas de nous , puisqu'il est pro- che de chacun de nous ; que la Philosophie humaine aurait pu connaître ce qui peut se découvrir de Dieu , mais qu'elle fut crimi- nelle et inexcusable de ne l'avoir pas voulu. De ce que Dieu est caché , on tire , comme le païen de l'Aréopage , la conclusion qu'il est inconnu. Les vrais interprètes de saint Paul, unFénelon, un Pascal, répondront par l'hymne de la foi chrétienne : ce O mon « Dieu ! je passe ma vie à contempler votre « infini , Je le vois , et ne saurais en douter j If mais , dès que je veux le comprendre , il ce m'échappe ; ce n'est plus lui ; je retombe K dans le fini : j'en vois assez pour me contre- ic dire et pour me reprendre toutes les fois et que j'ai conçu ce qui est moins que vous- « même. Ainsi, c'est un mélange perpétuel ce de ce que vous êtes et de ce que je suisj If je ne puis ni me tromper entièrement , ni

H

DE LA NOUVELLE HERESIE. S28

« posséder d'une manière fixe votre vérité . t< Bien loin de vous méconnaître dans cet « infini, je vous reconnais a ce caractère né- K cessaire de l'infini qui ne serait plus Fin- ie fini si le fini pouvait y atteindre (1). » Pascal , à son tour , renfermant la preuve de l'existence de Dieu dans le langage de la seule philosophie : « On peut hien, dit-il, « connaître qu'il y a un Dieu, sans savoir ce « qu'il est. Pour vous en convaincre , je ne t< me servirai pas de la foi, par laquelle nous ce la connaissons certainement; je ne veux If agir avec vous que par vos principes mêmes, ic Quftie fait ainsi n'entend pas la force de « la raison (2). »

Saint Paul et tous ceux qui l'ont suivi étaient donc fondés k croire que l'évidence des merveilles de la nature ou des mer- veilles du Christianisme pouvait, soutenue

(1) Traité de Vesist, de Dieu, part., chap. v, p. 367, 368, édit. Paris , 1811.

(2) Pensie$,f. 46, 50, édit. Parie, 1714.

1

i

5t30 msTOHŒ

par la grâce divine , amener à la foi Denys Taréopagite , et tant d'autres jusque-la opi- niâtres dans Terreur (1).

Celse, l'implacable ennemi des Chrétiens, dirigeait dans un autre sens ses attaques con- tre l'Eglise naissante. «Cettesoumission aveu- gle qui vous enchaîne a la parole du maître , leur disait-il , n'est que petitesse et travers d'esprit , un outrage a la raison. » A quoi^f m\ Origènc répondait: «Cette foi, tout aveugle^^ .e qu'elle est , n'empêche nullement que ceu qui ne se contentent pas de croire, mais qur -^i veulent aussi faire usage de leur raison , n'é ^s- tablissent solidement leur croyance j^ar le^s. s preuves convaincantes qui se présenten^^ t d'elles-mêmes à leur esprit, ou que leu fournit une étude plus approfondie (2). »

Entre la foi qui croit sans examen et 1 raison qui ne se rend qu'à l'évidence , M. La Mennais pose le néant de son doute uni

(1) Act. XVII. 34.

(2) Advers. Cels.^ Biblioth, choisie, t. II, p. 32.

JC

DE LA MOUVELLE HÉRÉSIE. 8S1

versel, jusqu'à mettre en problème sa propre existence. « Nul doute , lui objecte un savant ce théologien,que le sceptique Lamennaisien, « qui doute de sa propre existence avant d'a- « voir consulté le genre humain , n'arrive « a cette conséquence, que le néant peut pen- if ser , douter s'il pense ou douter s'il rêve; « et, dans tous les cas, c'est le néant qui « doute , qui rêve , qui voit tout ce qui n'est r pas , et qui est quelque chose (1).

Le grand argument de l'école Lamcnnai- sienne est que, la raison humaine étant trop bornée pour embrasser l'essence des choses, nous manquons de preuves pour en con- naître l'existence. De même pour l'évi- dence; elle ne se découvre qu'en partie, donc elle nous échappe en totaUté , et il faut recourir a la foi pour obtenir quelque cer- titude. C'est le raisonnement de Hobbes et de l'école de Spinosa, dont le sceptique anglais avait été le précepteur.

(9) M. Boyer, Bgamen, p. 77.

258 HISTOIRE

11 est vrai , l'essence de Dieu est en elle- même incompréhensible, parce qu'il ne nous est pas possible d'avoir une connais- sance parfaite de ses attributs; mais son existence, nous étant annoncée par le spec- tacle de la nature, par Tidée que nous avons d'une première cause dont dépendent toutes les causes secondaires, et par une foule d'autres preuves également sensibles, ne saurait être incompréhensible. Certes, nous ne comprenons ni toute l'économie de notre corps, ni son union avec l'âme, ni la manière dont les objets extérieurs agis- sent sur nos sens ; faudra-t-il hier pour cela que nous ayons un corps , une âme et des sens? Il n'y a presque aucune chose dans la nature qui , sous un certain point de vue , ne soit incompréhensible , et dont , sous ce rapport, on ne pût contester l'existence j ce et cependant, dit Clarke, il n'y a pas ce d'homme qui , faisant usage de la raison , ce ne puisse s'assurer plus facilement de

DE LA NOU^XLLE HÉRÉSIE. 3S5

«r Fexîstence d'une cause suprême et indé- «r pendante que de l'existence d'aucune au- «c tre que ce soit(1). »

Hobbes , matérialiste , a trouvé des apo- logistes : faut-il s'étonner que M. de La Mennaîs ait trouvé des défenseurs pour les opinions qui se rapprochent de celles du philosophe anglais?

Cependant, malgré cette propension à douter de tout, l'école Lamennaisienne convient qu'il y a une évidence qu'il faut croire. Il est, de son aveu, des principes universels, inaccessibles au doute; les dé- truire , ce serait détruire l'intelligence elle- même. Ils sont certains, ils le sont d'une évidence intrinsèque. Notre raison les saisit au premier coup d'œil ; elle les affirme d'une manière absolue , et ne peut guère s'abste- nir de les affirmer et de les croire. C'est un fait , et la vérité des faits ne se prouve pas ;

(1) Demonstr, ofthe Beingh,, etc., propos. 3. Ta- baraud ; jETû^. du Philos, Angl,,i, ï, p. 194.

9M umfUMA

elle se constate par la simple obsarration. Point de doute parce qa'il y a certitude : ce sont toutes expressions de M. de La Mennais. Ce n'est pas tout. Les motifs de certitude admis universellement par la philosophie et par l'expérience comme irré- fragahles , on ne les réprouve pas. Permis de les invoquer dans la recherche de la vérité, mais sous condition. M. de La Mennais ne veut pas qu'on juge sur leur simple rapport , sans qu'au préalable on ait confronté leur témoignage avec celui de la raison générale, et que l'on ait reçu d'elle une sanction indispensable. C'est alors seulement que l'autorité de l'évidence est légitime. Bien qu'elle ne donne encore pas une certitude ab- solue jhïen qu'elle ne soit pas rationnelle, elle n'en est pas moins réelle^ inébranlable au doute; elle n'est ni démontrée , ni suscep- tible de l'être; on l'appelle le fait de la certitude. ((La condition de l'homme, nous

« êStt le madame bféropbante^ es^ckâdtter

■\

DE LA KOITV'ELLE HERESIE. SStt

«r entre les deux extrémités de l'être et du r néant, de la certitude absolue que la rai- (( son nous refuse , et d'un doute également (f absolu contre lequel notre nature se ré- tf volte (1). » Il faut revenir aux principes. Ce que les philosophes disent de la raison, nous l'appliquons également à l'évidence. Autant la raison droite est certaine , infail- lible dans ses vues claires et distinctes, autant elle peut-êlrc fausse , erronée dans ses jugemens et ses raisonnemens. L'erreur, quand elle se rencontre, n'est pas dans ridée, mais dans le jugement. M. de La Mennais confond l'évidence qui est dans les choses avec la certitude qui est dans l'esprit de l'homme. L'une est immuable, l'autre variable et faillible ; et ce ne serait , dit un métaphysicien de nos jours, que par un abus manifeste du mot qu'on appellerait certain ce qui est incertain ou faux. « Il suit t< de la, ajoute-t-il, que la certitude d'une

(1) Essai, i, II, p. 37.

2IS6 HISTOIBE

cf vérité n'exclut pas le doute ou Terreur en ff général , mais le doute et Terreur sur telle « et telle vérité connue avec certitude. La c( certitude est donc une infaillibilité par- tf tielle et bornée a cette vérité actuellement ff vue et aperçue par Tesprit, non cette « clarté qui exclut le doute ; et en cela elle K difi(ère de l'infaillibilité absolue, qui est « l'impuissance totale d'errer ou même de If douter (1). »

Cette confusion de langage , générale à tous les écrivains du parti , qui les jette dans une obscure et contradictoire méta- physique, tient a Tune des erreurs capitales du système , savoir qu'il y a connexion né- cessaire entre la certitude et l'infaillibilité; comme s'il y avait parité entre l'essence de Dieu et la nature de l'homme, toujours séparées Tune de Tautre par tout l'abîme de Tinfini , malgré les communications que la première ait daigné faire a Tautre de ses

(i) M. Boyer, Examen ^ p. 60.

DB LA N01IYEU.B IlÉBBfilË. 957

adorables perfections. Il y a donc pour nous

certitude^me y mais en conclure qu'il puisse

y avoir une fausse évidence est un paralo-*

gisme absurde ; il n'y a pas plus de faussa

évidence que de fausse vérité. L'Esprit saint

l'a dit par la bouche de son Apôtre : Quelle

union y a-t^il entre la lumière et les ténè-'

bres (1)? Elles peuvent se mêler; dira-t-on

qu'elles soient identiques ? La lumière luit

dans les ténèbres ^ et nous aidons tous reçu

de sa plénitude. « Quoique les ténèbres ne

<f V aient point comprise^ comme parle le

^ saint Evangéliste , et qu'un trop grand

« nombre d'hommes s'obstinent à marcher

V dans les ténèbres ^ s'ensuit - il qu'il n'y ait

«f point de lumière , ou que celui-là qui s'est

<f appelé lui-même la lumière du monde^ la

«f vraie lumière , ne soit qu'une lumière

If fausse , infidèle ou erronée (2) ? »

Qu'ily ait erreur dans nos jugemens ,1a chose

(i) II Cor. VI, 14.

(2) Joann. i, 5-16. ~vni, 12.

2kB8 DisTomE

est possible ; le cercle de nos facultés est étroit, rhorizon de notre intelligence bordé de tant de nuages, comme l'abus de la raison SI ordinaire aux hommes même les plus rai- sonnables! Les préjugéSjle défaut d'attention ou de justesse d'esprit , la passion , agissent avec tant d'empire sur nos décisions ! Cha- cun se fait de soi-même son oracle et son dieu : Sua cuique deus fit dira libido. La certitude s'acquiert, mais avec divers degrés de confiance proportionnés aux divers de- grés de probabilité que les objets divers nous présentent. Parmi les connaissances que l'homme doit a l'étude, à la méditation, a la conscience, au raisonnement, il n'en est qu'une partie a laquelle appartienne ce. caractère si précieux de certitude absolue; lest autres ne jouissent que d'un degré de probabi- lité plus ou moins élevé ; et, comme Tobservf un moderne métaphysicien, entre la plu légère probabilité et la certitude se trouvt un nombre infini de degrés distingués pa

la Bgne ^ sépare la pins grande probaU* lîté cpn n'est encore ijoe probabinté , de fat cerâtnde rêeUe, est fort <fificile a détermi- ner d*mie manière exacte, précise et rigon- reose; msus il est nn grand nombre de véri- tésj elles pins importantes surtout, qui sont si fart au-dessus de cette ligne , que ce dé- tint de détermination n^altère en rien la certitude entière et absolue dont elles jouis- sent (i). Dans ces cas Btigieux, permis a 3\I. de La Mennais de faire le procès a la :iraSson individuelle, de slnscnre en faux contre Tévidence elle-même. Une voix bien ^lus forte que la sienne invoque un autre tribunad, en faveur de qui elle exige une pleine soumission. Que cette voix tombée du ciel accuse la raison en lui prouvant que, conduite par l'orgueil d^une fausse sagesse, elle ne fiit que Jolie/ qu'elle trace avec les

p. 341.

fUO mSTOIBB

plus vives couleurs le hideux tableau de ses ignorances et de ses déportemens , comme l'a fait saint Paul ; qu'elle humilie profon- dément cette > superbe, qu'elle enchaîne la rebelle sous le joug de la foi : nous remer- cierons, avec saint Augustin et tous les Sages, la bonté divine de nous avoir donné un sup- plément à sa lumière par l'autorité, non pas de celle-lk que nous prêche l'auteur de VEs- sai sur V Indifférence^ vain simulacre, idole de Dagon , portée par ses mains sur Tautel du Dieu vivant , mais de celle-là que tous les siècles chrétiens ont seule connue , qui nous vient de Dieu et non pas des hommes, seule infaillible en matière de doctrine. Or, c'est ici surtout que prévaut la maxime de saint Augustin , que dans les choses de pure spéculation, libre à chacun de penser comme il veut,etque dans les choses de la Religion, la foi à l'autorité doit avoir le p as sur la raison Qu'après cela il y ait des athées^ des déistes^ des cahinistesj des sociniens^ une foule in-

DB LA KOUVEIXB HÉEÉSIE. Mt

nombrable de sectes pullulant au sein de la société , de même que l'iTraie sera toujours mêlée au bon grain ; qu'elles s'arment éga- lement du nom de l'évidence pour com- battre notre évidence catholique ; qu'en un mot il soit nécessaire y selon l'expression de saint Paul, qu'il y ait des hérésies y et il y en aura jusqu'à la consommation des siècles: loin que l'on puisse s'en prévaloir contre les titres légitimes de la raison et de l'évidence; l'autorité emprunte de la raison elle-mêmp une égide sûre contre leurs sophismes, et dé- ifient l'infaillible régulatrice de nos juge- mens. «La confiance dans l'autorité, comme «r la confiance dans nos facultés intellectuel- « les , est une suite de la raison approuvée « par la raison , et par conséquent raison- tr nables l'une et l'autre , » a dit le même phi^ losophe que nous citions tout* k -l'heure. Au reste, la dissidence des opinions ne porte pas sur les premières vérités; elles se présentent h tous les esprits avec une clarté qui ne permet

T. I. 16

MB msTOfRtt

k personne de les méconnaître. Qae s^il est des esprits de travers qui les mettenl en question , i^rmons, pour l'honneur de Vhv^ manité , que ce n'est pas le plus grand ndiiH bre : les oiseaux de nuit ne son£ pas les {4lil communs dans la nature. On n'a jâmai» ouï dîi*e que les hommes aient été jamais divisft d'opinion* et de sentiment sur la vérité des premier» axiomea de la morale , de la xaéitt^ physique^ de la physique, delà géométrie {i)i La controversé , soit théologique , soit phi«r losophique , a pour objet les questions em<^ barrassées Pintelligence, mue p2U* les dif- férentes causes dont nous avons parlée prend une direction diverse , trop souvent Êtusse^ Alor& l'évidence immédiate et d'intuition^ pour parler le langage de l'école , se conJ&>nd avec l'évidence médiate ou de déduction-, et de raisonnement. C'est par rapporta ceUe»? ci qu'ont lieu ces déplorable» divergences .o^

(1) M. Boyer, Examen y p. 21G. Voycï le chap. r * du premier Uvi« , pag:^ 1$0 etsuiv*

DB LA NOt^lMUÉ te^RÉSIE. Mft

les deux parties , à'àetorà antre eUfés tsut principe de la eertitiide de Févidetite, lie dnptitent que sot le faât de «areir à qtit efie ipparlient. A peu {^ës mdifëréttte sitt Ié6 matières puremeflaent pbttofserplrrqties , trt- ténnr» oa polilîqpfteiF, la dffiskm qaf existe daiH les espritft prend mt caraet ère pins se- rieum dans les nùrtièrés la religion et h eonicîence se trouveivl intéressées^. Et catÈf- sMBl les vésoadre , si ee n'est par verie d-arti^ iorité ? €Ni en serait-on si chatcân se tr&ytàt pèf ans de décider d'aspi-ès son sen^ pmg 7 L'expérience ne Fa q«re trop fak voit^; Or^ quelle antorité phn rêoetâUe qno celle de Dien liù^nèine ? Qtre Faùtorflépr^ ^<H)ce , ce n'est plus une parc^le bnitlainé ^ ^ais la parole de Dieu ; elle est donc infail- lible» La difficulté sera de constater arec ^^Witnde l'authenticité du témoignage qui ^^ fonde et la transmet; et c'est la-dessus ^^Q la raison exerce souverainement son em- Pfcpe , qu'elle juge les titres de crayancé ,

S44 msToniE

que le raisonnement les appelle à la discus- sion , et les résout par ce qui lui paraît être révidence. Dans tous les systèmes , comme dans la doctrine ordinaire , Tévidence est la dernière raison des choses (1)-

Qu'il y ait donc des croyances yraies et des croyances fausses , des croyances certai- nes et des croyances incertaines , une foi di- Tine et .une foi humaine , on ne saurait le contester. Faute de discerner les unes d'avec les autres , on se laisse aller à l'erreur ; oh prend le masque de la vérité pour la vérité elle-même , Vange de ténèbres pour Vange de lumière; on se sépare, on secoue le joug de l'autorité ; une vaine et présomptueuse com- plaisance pour ses propres idées va jusqu'à

(1) « Au-delà de l'autorité on conçoit toujours cette « question : Pourquoi telle autorité plutôt que telle « autre? tandis qu'au-delà de F évidence on ne con- « coit que le scepticisme , ou bien cette question ri- « ridicule : Pourquoi telle évidence plutôt que telle « autre? c'est-à-dire^ pourquoi la lumière plutôt » que la lumière? » M. Lacordaire, Considérations, p. 153.

DE LA NOUVELLE HERESIE. 918

s'emporter contre Dieu même, en l'insultant dans Tautorité qui le représente (1). Chacun tourne à sa £intaisie la doctrine qu'on lui a enseignée , comme celui de qui il l'a reçue l'avait inventée à sa fantaisie (2) , sans qu'il soit possible de prévoir un terme k cette malheureuse fécondité . Et par-là s'accomplit le terrible oracle, qu'il est nécessaire quHljr ait des hérésies. Au lieu de voir dans cette diversité d'opinions un argument contre la certitude chrétienne , Origène y découvrait pour elle un nouveau triomphe : (^ C'est, dit-

V il, le sort de toutes les bonnes et utiles insti- « tatioQs,d:'être soumises kdes discussions qui er amènent-partage dans les sentimens (3). » Saint Augustin achève la pensée en disant fr qu'elles onjt au moins cette utilité d'ajouter

V àl'étude et au développement delà doctrine

(i) Sahit Gyinieii , EpiH. lxiv, lxviii.

(2) TertuU. , Presorip.y e. xli. Biblioth, choisie des PifM, t. m, p. 226.

(3) Advers, Cels., t. II. BMiôth, ohoieie, p. Ii8.

f HP iif^TeAii d^l^ré de clarté «t de préoî* f «UHi(4)' Qu'entrceque ceiafeitalaVériië

f$e (pie cela fait a lacsartitnde eUe-pciéme que tH)u« fnx aYon^ ? 3^9 #aiats brftcles notis ré- pimdent qn'irUe repoli aur de^IbndemfinB itoi'*' ^pU^U^ : laîissea tambei^ ce liaiQaûnpitrqiit i^QyhJic Teau , et Tiinage »'y retracera fidi^

T^hM^ 9ciaQ^ a doaa so|i éndence ; f^ « 4Jit Î^UM; TbiQiiias t toute science s'ac^ cpi^rt; ^n vertQi de quelques principes con^ i)W p?^ pw^Haameaf et par conaéqucafit'o^u^y fc'i^t pdur^u^ «il faut quetouficb qw l't>H ^it 9oit vu 011 quelque jèâanièrQ;^ I^nier des Yéf ité3 ividmïA» » a dit i'arciieYèque de C4fpl»)?ay d* j^rèa saint Thomas '^.devient une ejireur auMÎâ^ii^f) qu^ de <;i}oii«&'légèffement

(1) Be verâRelig., ibid., t. XXI, p. 132.

(2) Ps. cxYï, 4. « La vàûlç prouvép féftite tputes « lea epitoirè qiii lui sont opposées l cpiislqae forme « qu'elles reyétent , quelque développement qù^eUes <i rftçoive&i. m M. RssaiEeii , p. 38A« >

M 'Uk MmwxK mimÉsm. tÊÊ

wéti^ (pli ne sont pas évidentes (4 ). Et Fénelov condioait, comme sâiat Au* fVfttifly ^'ily a un seul et même principe de cwtitude pour la «ciènce et poor la foi. L'éeole de M. de La Menaais a chercké à brouiller ici toutes les idées par dea distine^ tions captieuses et des subterfuges sans fin. Signalons à l'estime et à la reconnaissance publique Vexamen qu'en a fait un théolo- gien moderne , M. Rozaven (2). Sa réfuta- lion , dirigée en particulier contre M. Ger- bet , frappe également M. de La Mennais , et les laisse l'un et l'autre écrasés sous le poids de sa puissante dialectique. Il poursuit pied à pied le disciple dans chacune des routes du labyrinthe il s'est engagé , dé- masque ses sophismes , ses ignorances , ses contradictions , venge l'autorité de nos saints

(1) Traité de VEœist, de Dieu , deuxième partie , chap. I , pag. 283 , édit. Paris , ISil.

(2) Eûffamen d'un ouvrage intitulé : Des Doctrines philosophiques sur la Certitude ^ par M. Vabbé Ger- het, p. iOl et soir, (i vol. in-8*, Avignon, 1833. ^

948 msToiu ra la NOfjtEue BiussiE.

Docteurs contre la téméraire arrogance de ces théologiens d'hier qui osent les accuser et avoir altéré profondément Venseignemeni de la théologie y et démontre combien cei théories nouvelles sont contraires a la doc« trine catholique.

CHAPITRE II

Certitude du témoignage des sens et du sentiment.

Les mêmes argumens qui repoussent les objections proposées contre l'éyidence, mi- litent en faveur du témoignage des sens et du sentiment.

Ayant M. de La M ennais , Empédocle , Métrodore , Leucippe , récusèrent le témoi- gnage des sens. Pyrrhon et Ârcésilas enché- rirent sur leurs leçons de scepticisme : ce sont les Pères de l'école nouvelle. Les sens nous

SItJO HISTOIRE

trompent , ne cesse-t-on de nous dire. Les sens nous trompent quelquefois, donc ils nous trompent toujours ; donc ils ne nous laissent contre leurs illusions d'autre res- source que celle du doute universel. Et le même homme qui , dans son Essai sur V Indifférence ^ proteste si énergiquement contre ce doute, qa'îiTegaisde c#mme la plus dangereuse maladie du siècle^ nous y re- plonge par l'impossibilité d'y échapper. Saint Augustin foudroie ce raisonnement dans plusieurs de ses livres ) il le reproche aux Académiciens comme une extravagan- ce (4). TertnlBiCii s'exprâme ainrï : k 11 ne tr nous est pas |Mnrims de ik^citer de la fidé^^ r lité des sens , f>e«l- que l'on n'en doute « aussi en ce qui regarde le Christ, etqiiel'en c( ne dise peut-être qu'il aura vu fausseâient «r Satan précipité da ciel, ou qu'il a«ira en^ tr tendu faussement la voit du Pèfe hA rên-

(1) Enchiridion j cap. xx, et De Civitate Dei , HIkt. XIX, «ap. 48.

DC LA KOOVBUB flÉ&ifilB. IBt

c dant témoignage (i). m Ce qui fait dire à l'mi de nos premiers philosophes modernes : « Sk l'homme était privé de toute sensibi- « lité j il serait en même temps privé de « toute intelligence ; il n'aurait idée ni de « l'univers, ni de l'auteur de l'univers, ni ff de lui-^mème, ni des rapports qui naissent tr de ces idées. N'étant pas averti de son tr eustence propre , comm^it pourrait-il « soupçonner d'autres existences (3) ? » Mais rien ici de plus précis cpie les paroles de Pascal V qui résument toute la question : «r D'oùjilpprendrons-nous la vérité des faità? «r Ce sera des sens , ce sera des yeux, qui en « sent les légitimes jugea , comme la raison r l'est des. choses naturelles , et la foi des

(1) Zff Animé j cap. vit. ^

(2) M. de La Romiguière , Leçons de Fhilos., t. II, p. 176; Woy. surtout sa xii» leçon, p. S65 et suîv., ou H fxptiqup «Tec une u liuninenae tagaoîAé sa thqorie des &cultés sensibles , intelligentes et mo- rales, qui renverse tout le système de M. de La Men- nais et de son école. .

ittift msTomE

ir choses surnaturelles et révélées, selon les K sentimens de deux des plus illustres Doc-> « teurs de l'Eglise , saint Thomas et sainte « Augustin. Ces trois principes de nos con- fc naissances , les sens , la raison et la foi , K ont chacun leur objet séparé et leur éer- « titiide dans cette étendue ; et comme Dieu « a voulu se servir de Tentremise des sens •r pour donner entrée à la foi , ^des ex au- it ditu y taiit s'en faut que la foi détruise la « certitude des sens, que ce serait, au con- ce traire , détruire la foi que de vouloir ré- ff voqucr en doute le rapport fidèle des « sens (1). »

Nous attachons le caractère de cebrtitade au témoignage des sens qui nous attestent l'existence des êtres ou des faits extérieurs qui sont à leur portée , toutes les fois que leur témoignage est soutenu, réglé, uni- forme , et que la raison ne le contredit pas. Nous l'éprouvons en nous dès l'âge le plus

(1) Provinciale*, lettre X vin.

LA KOUVEUE HÉEÉSIE. 8tf5

tendre et jusqu'à la plus extrême TieiUesse. « Le plus intrépide sceptique osei^it-il , de V sang-froid , s'élancer dans un précipice « qu'il aperçoit à ses pieds, se refuser les « alimens nécessaires , sous prétexte qu'il « doit se défier de ses sens qui les décou- « yrent , et que peut-être il est lui-même «r un Cuitome ? Voudra-t-il jamais contester « la réalité du corps qui Tient de le frapper, « et, s'il Toitl'épée briller sur sa tête ou qu'il « entende gronder la foudre , rester tran- «r quille et se croire en sûreté à l'abri de ses «r doutes frivoles? L'homme sent nécessai- « rement qu'il a un corps ; il le nourrit , il tf l'épargne , il le soigne avec précaution ; il « craint pour lui l'influence des objets exté- « rieurs qui le menacent , et jamais il ne « pourra heurter indifféremment tout ce qui « l'environne ; toute sa conduite et ses ac- « tiens démontrent pleinement sa persua- ff sien. Or, quelle peut être la cause de cette « propension si universelle, de cette croyance

SM nttTonu

« permanente et nécessaire ?Nobre âme elk)- <r même en ignore l'origine, et ne peut d'âit- « kurs »'en défaire malgré tous ses effort», te Donc c'est Dieu lui-même qui seul en est r l'auteur et qui la produit en nous pour ré- ff g)er nos démarches ; et , alors , connntnt r prétendre qu'elle puisse être poclr nous ic une source d'erneurs et d'illusidns , sans (c le%fair e nécessairement retomber sur Dieu (T même? Ne serait-il pas contraire a sa sa« « gesse , à sa Téracité , d'abandonner aînsî «r les hommes , de les entraîner même h des <r méprises continuellea par uh penchant «e trompeur et irrésniible ? pouitaitnil ^ sons « se renoncer lui-même , être la cause de (c taat d'affections isiefisongères ? NiHat sans cr doute 9 et nécessiairement il doit ^ en les «( produisant, nous en garantir l'infaillibilfté^ « ou devenir la cause efficiente de notre il- K lusion ^ il faut donc , par coiHéqoent f «r qu'elles aient un prmcipe réel dans les ff corps qui les occasionent , et que nos sens

DE LA NOmrSLU HERESIE.

M fMSÂMent nou8 tromper, au moins quand

Us nma attestent en général leur existence.

^ Ansû n'est -il aucun motif de certitude

>airo«iéplusuiiiyerselleraent,niplus authen**

- iiqpteoienEt reconnu pour infaillible ; et û Vaiiftorilté peut jamais nous assurer de rien, die doit, sans contredit, nous interdire tMt cbute sur ce point. U suffit de pro^

- Màcer, pour constater un fait , que nous

- Xxfom \XL de nos propres yeux ; et si Ton

- Qi'a point à se défier de notre sincérité , toutes les contradictions cessent à Fins^ tant(1)^ >•• lies objections que l'on oppose à ces prin^

^ $es ne peuvent être regardées que comme subtilités que la moiudre lueur du sens mmun îaàl évanouir. Par ei^emple , on vous dira que d'habiles*

(i) M. Receveur, Recherches philosoph., etc.

\>- 63-93; Da^oMeau, Méditai, philos ^^ iv. Berg^er,

•^fologie de la Relig. (art. Certitude j t. II, p. 379).

^ergier y jipologie de la Religion (art. Certitude)^

t: II, p. 370.

9tl6 ttlSTOIRB

géomètres ont affirmé comme certaine telle proposition que d'autres venus après ont démentie; qu'avant Copernic, on croyait généralement et avec certitude que c'était le soleil qui tournait : aujourd'hui il «est prouvé que c'est la terre. Eh! qu'importe que ce soit l'un ou l'autre ? En est-il moins certain, par le rapport de tous mes sens, qu'il y a au-dessus de moi un soleil qui m'é- chauflfe de ses rayons , sous mes pieds une terre qui fournit à mes besoins ? Parce que tel géomètre s'est trouvé en défaut , en con- cluerez-vous qu'il n'y a rien de certain en géométrie ? Il ne peut y avoir de diversité dans les opinions , ni d'erreur dans les juge- mens , que sur la cause ou sur quelques cir- constances du fait. Le fait en lui-même est d'une vérité immuable et éternelle.

De même , « le sentiment est , de l'aveu a de tous les philosophes , une preuve in- ce contestable des affections qui sont en nous , tf et un motif infaillible de juger avec assu-

DE L.4 \UI.\iXLE BÊRÊME. S57

^ rance que nous les éprouvons. 11 faut , en i effet , que nos affections soient réelles pour ' être ^ntîes ; elles ne sauraient agir en nous « et sur nous si elles n'existaient pas; et Ton « ne peut pas supposer que Tàme éprouve ' un sentiment quand elle ne Téprouve pas « en effet , parce qu elle ne saurait sentir « et ne pas sentir tout à la fois. Et comment ^ se ferait-il que l'homme ne sentit pas, ^ quand on suppose qu'il sent réellement ? " Lorsque j'éprouve de la douleur ou de la " Joie , je ne peux être trompé que dans le <^ cas oit je n'éprouverais ni douleur ui joie , ^ or, il est impossible que cela soit jamais , ^ puisqu*on suppose préalablement que tou- ^ tes ces affections sont réelles. Le doute ici ^ ne peut donc exister sans contradiction j ^ on est obligé de détruire le sentiment pour * le convaincre d'incertitude , et par conse- il qaent de le justiBer dès qu'on veut leren- ^ dre suspect, m

T. I. i7

CHAPITRE III.

i

Du témoignage des hommee.

Ce raisonnement s'applique au témoin gnage des hommes, pour en garantir la certitude morale et infaillible. Tout est fondé dans le monde sur cette certitude. Si nous ne savions pas nous en contenter dans les choses qui nous importent le plus ,, nôtres vie serait malheureuse. C'est la^ réflexion, d'un sage de nos jours, que l'écolç die M* de^ La Mennaiâ regarde comme l'un de ses

mSTOnE DE LA NOLVELLB IIEEÉSIE. 5tJSQ

oracles, ce iVon-seulement l'histoire , les ^ sermens , les attestations , les contrats , « les titres deviendraient inutiles et sans (< force , mais nous ne pourrions en rien « nous confier a personne. Sachant a quel « point les hommes différent par l'humeur , (( par le caractère , par les passions et les (T vices , par les préjugés et la tournure de K leur esprit , je vois qu'ils ne peuvent avoir «c tous dans le même moment la volonté de «r former le même complot pour me tromper K de la même manière, par les mêmes ac moyens et sur le même objet. Pour cela , « il faudrait qu'ils eussent tous ce qu'ils « n'ont jamais , les mêmes idées , les mêmes c< motifs, le m^me intérêt, les mém^es vues « et le même génie ; ce qu'il est impossible i< de supposer. C'est de ce principe que tire « sa force un témoignage venu d'un nombre f( d'hommes considérable; tels sont les té- <r moignages qui m'assurent de l'existence «f de la ville de Constantinople , etc. Quand

960 HISTOIRE

K je n'ai pas la fièvre , il m'est impossible f( de former des doutes sérieux sur ces « objets (1). »

La Théologie puise dans le témoignage des hommes une de ses preuves les plus concluantes pour la divinité du Christia- nisme. Tous nos Apologistes fondent' sur cet argument la certitude invincible des faits racontés par l'Ancien et le Nouveau Testa- ment. Ce sont des faits publics , importans, extraordinaires , vraiment surnaturels , opérés pour la plupart non dans les ténè- bres, mais au grand jour, trop sensibles pour avoir été crus s'ils avaient été faux, attestés par des témoins nombreux, les plus dignes de foi , incapables de vouloir trom- per ^ non moins incapables de se tromper sur les choses qu'ils ont vues de leurs yeux, entendues de leurs oreilles, touchées de chacun de leurs sens, qui consentent a souf-

(]) M. le comte de Maistre , Considér. philos, sur le Christian, y chap. xiii, p. 8j .

DK LA NOUVELLE IIKRÉSIE. Ml

trir la mort en témoignage de leur foi ; faits opérés souvent en présence de peuples en- tiers , soumis a Texamen le plus sévère , aux enquêtes des ennemis les plus intéressés a les contredire, et qui en ont triomphé. Il n'en est pas des faits comme d'une opinion : les préjugés rétablissent, l'îgnovance l'a- dopte , l'entêtement la maintient; mais des faits énoncés conune récen», notoires, pal- pables, éclatans, racontés comme connus dans toutes les circonstances, ne s'accré- ditent pas ainsi , a moins d'être vrais , sur- tout quand ils devaient rencontrer des obstacles insurmontables^ changer la foi des peuples, et faire révolution dans le monde entier. Les actes qui les rapportent sont eux-mêmes revêtus des mêmes carac- tères de vérité que leurs auteurs et leurs héros. Us excluent absolument et à la ri- gueur toute possibilité de douter pour qui- conque ne veut être ni sottement crédule, ni sceptique jusqti^a l'absurdité. « C'est l'é-

S68 HISTOIRE

« vidence seule qui force la conviction ('!).>» Les uns et les autres , éyénemens , écrivains, acteurs, se lient entre eux par une chaîne indissoluble qui remonte sans nulle inter- ruption jusqu'à la plus haute antiquité, traverse les siècles et les domine; témoi- gnage perpétué d'âge en âge par une tradition iconstante et toujours uniforme. S'il y eut jamais quelque chose de prouvé dans le monde , c'est la vérité des faits dé- posés dans les livres que nous appelons l'Ancien et le Nouveau Testament, et l'au- thenticité de ces mêmes livres; donc , par une conséquence invincible, la divinité de la Révélation qui s'y trouve manifestée.

Les adversaires que nous avons a com- battre ne sont pas de ceux qui nous contes- tent la vérité des faits sur lesquels s'appuie la divinité du Christianisme. M. de La Mennais et son école font la profession de

(1) M. Gerbet. Des Doct . philosoph . sur la Cer- titude y p. 90.

LA .'WU VELUE HÉRÉSIE. 965

croire à la Révélation , tant a celle de Moïse qu'à celle de Jésus- Christ. Comment se fait-il qu'ils en ruinent le fondement?

Le fondement du Christianisme , c'est la Révélation qui en fut faite au peuple visi- blement Élit exprès pour servir de témoin au Messie (i ) , comme le Messie se choisit ses Apôtres pour être ses témoins dans Jé- rusalem , dans la Samarie , et dans toutes les contrées du monde son Evangile devait être prêché (2). Outre les prophéties prédi- tes par la première Révélation , accomplies par Tautre, nous avons, comme preuves des plus authentiques, les miracles consignés dans l'une et dans l'autre. Comment M. de La Mennais et ses disciples en parlent-ils? Comment se fait-il qu'ils parlent le même langage que nos antagonistes les plus décla- rés? r Quelles preuves, demandent -ils, «f avons-nous à en donner aux mécréans^

(! ) Pascal , Fetiaéea ^ p . 79 . (2) Matth. XXIV, 14. Act. 1, 8.

264 HISTOIRE

if îinx déistes? quelle garanlîe leur fourni- « rons-nous de leur vérité? Le récit de l'E- (f vangile et le témoignage des Apôtres, qui '( n'étaient ni trompeurs ni trompés? Ne « seront-ils pas en droit de vous dire tout « d'abprd que vous faites une pétition de w principes; que vous tournez dans un cer- <f de ? La vérité de la Révélation évanffé- tf gélique qui annonce les miracles ne pou- « vant pas être prouvée rationnellement par *f les miracles , et en outre , en établissant « que les Apôtres, qui étaient hommes, n'ont •f pu errer ni tromper, vous m'oppos.ez un « fait aussi extraordinaire que les miracles « mêmes qu'ils racontent. »

Cet argument, dont les libres penseurs de l'Angleterre, tels que CoUins, Mandeville, Tindall et autres ennemis du Christianisme ne manquaient pas de s'armer , et qu'ils ont transmis a Fréret , a Diderot et a l'é- cole philosopliique du xviii^ siècle , de- vait-il se produire sous des plumes callio-

DE LA ^OUV£LLK HERESIE.

liqucs? Il va droit à ranéantisscmcnt de loute la foi chrétienne sur la divinité de Jésus^Christ. Nous croyons Jésus-Christ Dieu et homme; non pas seulement parce qu'il Ta dit, mais parce qu'il Ta prouve. Homme, il a dit : je mourrai; Dieu : je ressusciterai. Ressuscité en effet, il dira à l'incrédule Thomas : Mets ta main clans ma plaie^ et ;issure-toi que je suis un homme. Conversant avec ses disciples, il leur disait : Je suis m<iîtrc de quitter la vie et de la reprendre. «N'est-ce pas évidemment une pétition de principes , s'écrie le déiste , de prouver la résurrection de Jésus-Christ par sa divinité, et sa divi- nité par sa résurrection?» Mauvais logicien! Jésus-Christ ne dit pas : je suis Dieu parce que je me déclare Ici , mais je le déclare parce que je le suis. Il ne dit pas : je suis Dieu et homme parce que je ressuscite , mais je ressuscite parce que je suis Dieu et homme , et que je le prouve en ressuscitant les morts et me ressuscitant moi-mcmc. De

206 HISTOIRE

même des Apôtres. Nous ne disons pas : les Fidèles ont cru sur leur parole qu'ils n'étaient ni trompeurs ni trompés , mais ils les oA^ réputés tels , parce qu'ils avaient , et que nous avons comme eux , dans leur témoi- gnage , les preuves certaines qu'ils ne pou- vaient ni se tromper ni être trompés. Ce n'est point parce qu'on a cru aux miracles que les miracles sont vrais ; on ne les a crus que parce qu'il a été impossible de ne pas y croire. Et cette foi , fondée a son* tour sur l'infaillible certitude des preuves fondées sur la raison et sur l'évidence, est devenue la foi de l'univers. « donc est dette ter- « rible pétition de principes, si ce n'est dans «f l'imagination de nos adversaires? La cer- V titude des miracles a été dans le temps , »< est encore et sera toujours dans l'aveu des « témoins oculaires, de leurs contemporains, w dont aucun , même parmi les incrédules , n'a c< nié leur existence; dans le témoignage uni- « forme de toutes les communions chré-

DE LA NOUVELLE UÉ^ESIe'. - 967

(( tiennes qui les croient aujourd'hui comme V ayant toujours été crus, de générations en fj^énérations ascendantes jusqu'à celle qui « a vu Jésus-Christ' et ses Apôtres (1). »

(1) M. Té-vêque de Strasb. , Avertissem. en répomû h M, hautain, p. 23,24.

CHAPITRE lY.

De la raison générale y et du commun consentement

du genre humain.

La certitude et l'évidence renversées dans chacune de leurs bases , quel rôle la raison est-elle appelée a jouer dans le domaine de l'intelligence ? Elle n^est pins pour Thommc qu'un instrument perfide , qu^in stérile pré- sent oii la sagesse du Créateur est en défaut, qu'une lueur infidèle qui ne brille a ses yeux que pour l'égarer, triste jouet de ses illu- sions, a qui, comme dit M. de lia Mennais, il

niSTOIllE DE LA \OirVELLB HÊIUSSIE. fiW

ae reste de ressource que de douter de tout, i qui sa propre existence elle-même est lin problème, par-lk dégradée au-dessous même de ranimai, qui du moins a son instinct pourTéclaireret le diriger. Peu satisfait des reproches que le scepticisme ancien ou mo- derne accumula contre elle , on enchérit sur les vieilles accusations par les termes les plus dégoûtans; c'est a qui tentera le trait le plus acéré. Viendront de nouveaux assaiilans qui, non contens de la dépouiller de sa plus riche parure, la châtient des honneurs qu'elle usurpa en la traînant dans la fange , et lui marquant le front du Sceau de l'infamie. Entendez un d'entr'cux e^thalant son courroux contre les adversaires de la doctrine de son maître : ce Voila donc '<• encore une fois la raison placée sur Tau tel! «^ Non, ce n'est pas la raison, mais une pros- '^ tituée que l'on y a placée contre toute ^< raison, et à l'éternel opprobre de VIncré- ^^ dulité. »*

970 HISTOIRE

L'incrédulité a changé de bannière. Ge que l'on appelait jusqu'ici les Incrédules, c'é- taient ces soi-disant Esprits forts qui faisant irruption dans le sanctuaire de- la Religion, arrachaient yiolemment le double flambeau de la raison et de la foi qui en éclairait les avenues, aspiraient à ne laissera l'entour que des débris. Aujourd'hui c'est être incrédule que d'en révérer les oracles , que de s'en tenir à la tradition de nos pères, et de . repousser les nouveautés profanes.

Elle est , poursuit-on , la prostituée des siècles, celle qui « a enfanté, dans son com- <c merce adultère avec l'esprit d'erreur , « toutes les doctrines bâtardes; hideuse pro- « géniture du mensonge qui a infecté Tes- « prit humain au moment funeste de sa <c séduction et de sa dégradation (1). » .

Le Régénérateur des intelligences n'abat le vieil édifice de la certitude que pour le

(1) De y Enseignement de la Philosophie en France, par M. Fabbé Bautain^ p. 51.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 87 1

ii*ebâtir sur une plus vaste échelle. Voyons s'il sera aussi heureux a édifier qu'à détruire; Toyons si la main de l'homme sera aussi habile a remplacer l'œuvre de Dieu , que la main du Tout-Puissant Ta été a le créer. Cette raison , propre a chacun de nous , que l'Auteur de notre être y a déposée comme principe de certitude , lumière naturelle que nous tenons de Dieu , a laquelle nous devons la connaissance certaine des principes né- cessaires à la conduite de la vie, et d'où naît la certitude de la science, comme parle saint Thomas (1 ) , M. de La Mennais et son école ont déclaré solennellement n'en plus vouloir; ils renvoient à Dieu son pré- sent , pour lui substituer un nouveau prin- cipe de certitude qu'ils vont chercher hors ue l'homme , hors de Dieu lui-même , si toutefois il en peut exister dans quelque

r

(1) A solo Deo qui nobis lucem rationis indidii^ pCf quod principia cognoscwnus , ew quihus oritur ^^ientiœ certitudo, (S. Thomas.)

278 HISTOIRE

système quelconque (1). Doute exprimé en termes précis par Tun des adeptes de Fé- cole Lamennaislenne ; et le maître lui-même ne nous laissera pas long-temps dans le doute de savoir si l'intervention de Diçu est aussi nécessaire qu'on l'avait pu croire jusqu'ici. C'est donc hors de l'homme qu^il faut chercher exclusivement le fondement de 1: certitude , à la société qu'il faut le deman- der, du seul genre humain qu'on peut l'ob- tenir. A la place de la raison particulière la raison générale; et c'est Ih enfin le cri- térium , la marque , le caractère distinctiK: » de la vérité , le tribunal infaillible de nos ju ^' gemens , le seul guide capable de régler

(i) « Dans aucun système quelconque, rhoinme « peut se démontrer la certitude. » M. Gerbet, Doc- -^^" trines philosophiqtteê ^ p. 90. Et M. de La Maïuuûsr « L^homme ne peut posséder la certitude qa^autantr -*^ « qu'on connaît avec certitude la raison générale ou-^*^ « le sens commun : or, il ne peut la connaître qu^^*-^ « par le moyen de la raison individuelle, faillible, e ^=?**^* « par conséquent sans certitude. »

DE LA \(n3 VELLE HÉRÉSIE. 273

marche de notre raison individuelle, et de nous garantir de ses continuelles méprises. Les antres motifs de certitude , M. de La Mennaisne les réprouve pas tout-à-fait, Aais il ne les admet qu'en partie, et pour les subordonner à son principe absolu de rai- son générale. Elle est pour lui la première des autorités, l'autorité essentielle, celle de qui tontes les autres relèvent , comme n'en étant q[ue la conséquence et la manifesta- tion (1). Rappelons ses paroles : « Le Chris- « tianisme , avant Jésus-Christ , était la rai- « son générale manifestée parle témoignage ff du genre humain ; le Christianisme , de- tc puis Jésus-Christ , développement naturel « de l'intelligence, est la raison générale ma- te nifestéeparle témoignage de l'Eglise (2). » Qu'est-ce donc que la raison générale , ou raison humaine proprement dite, tantôt en liarmonie avec la raison particulière, tantôt,

(1) M. Lacordaire, Consid.,]}, 153.

(2) Défense de rEssaiy préface, p. xcrv.

T. I. 18

274 HISTOIRE

et le plus souvent , en opposition directe ; tantôt Jbndement et règle de celle-ci^ tantôt son ennemie la plus déclarée (i ) ? De qud nofti l'appellerez- vous? Nommez-la raison de civilisation , la civilisation elle-même, la méthode d'autorité, l'autorité essentiefie; raison universelle , consentement générad , sens commun : toutes ces qualifications di- verses lui conviennent ; car l'uniformité des perceptions et l'accord des jugemens consti- tuent ce que nous appelons raison générale ou l'autorité (2). « La raison générale, la a raison du genre humain et de toutes les <f intelligences , n'est originairement qu'une i< participation de la raison de Dieu la plus «^ générale qu'on puisse concevoir , puis- er qu'elle est infinie comme la vérité, ou i< comme Dieu même (5). Elle est le Chris- <f tianismc même , l'Eglise n'en est que l'in-

(1) T. II, p. 102,140.

(2) Défense, p. 233.

(3) Préface, passim. Essai,]), 125.

WK LA %mjWWMMM JÊÉMÉSŒ. flW

« lerprèle et l'organe (i). Depuis même « l^mstitalioii de l'Eglise , la fiii dÎTine se- m T9it impossible sans cette autorité inCùl- •r lible, distincte de l'Eglise (2). »

Ainsi l'école de M. de La Mennais n'héâ- fiera pas à dire après lui qne le principe de la fin réside dans l'autorité de la raison gé- Bénde (3). Son maître le loi avait appris, que le ^enro hmnain, comme leniant, a sa foi , <|ai est tonte sa raison (4) ; car il doit exister w «I moyen perpétuel et muTeisel ponr ac- tf quérir la foi des vérités nécessaires ; il a « exister antérieurement auChristianisme. > Or ce moyen n'est évidemment dans ses prin- ripes que la raisim générale (5). Donc l'au- torité de la raison générale du genre humain est, dans la doctrine nouvelle, le principe de certitude fondamental , exclusif, universel.

(!) T. II, Pr4f.,p. 94.

(2) VoyesM. Roiaven , JEjrai»^» , p. i3î.

(3) M. Gerbet, Deê Ceriii. pkiloê.y p. 30.

(4) Essai, ^. 122.

(5) M. Gerbet, Des CeriU. pkilosoph., p. 36.

876 msTOiRE

Ce n'est point assez : Elle est aussi le prin- cipe de la foi : « Point de foi . aux termes « de M. de La Mennais , qui ne nous vienne « du dehors; l'homme ne conçoit rien que « par la parole (1). Nous ne connaissons «r Dieu lui-même que par sa parole ou par <c son Verbe (2) ; et je cjoute qu'aucun homme K crût fermement en Dieu, si le témoignage <c de sa raison n'était confirmé par l'autorité « du genre humain (3). Le genre humain, fc conduit par sa foi ', s'éleva a la certitude c< du témoignage de Dieu (4). Unie intimé- es ment au Verbe divin; elle fut, dans tous les ff temps, la raison, la parole de Dieu même, « l'expression de savérité,nlanifestéepar lui cr au premier homme, transmise de siècle en

(1) Essai, p. 486, 490.

(2) Ibid.

(3) Ihid.y p. 180^ et dans la lettre à iS,, l'Archevê- que de Pai'is : « La vraie raison n'est que l'esprit « humain actuellement uni au Verbe oti à l'intelli- n gence de la vérité. » (P. 29. )

(4) Essai, t. M, ^. 122.

L.\ \OLV£LLE BÊRÊSIE. 877

« siècle , comme un patrimoine impérissa- « ble; Eglise enseignante et infaillible qui « s'est conservée d'âge en âge a travers les « traditions de tous les peuples ; Océan de «r lumière dont nous sommes pénétrés de « toutes parts (1). La société est en quelque « sorte le bassin dont les écoulemens arri- « vent à chacun de nous par le langage, par « l'éducation , etc. »

Tel est le pompeux échaffaudage dont s'étaie le nouvel édifice que l'on a décoré du nom de philosophie du bon sens. Désormais toute la certitude du Christianisme repose sur l'infailUbité du genre humain.

Combien, au simple aperçu, d'hypothèses de pure imagination dont on a demandé à l'auteur et à ses disciples la solution , sans que pas un d'eux ait pu la donner !

Pour la nouvelle école , la raison générale est tout : certitude, évidence,autorité,Eglise.

(i) Mssai., t. II, p. 15, 120, 129, 20o.

978 DiSTonui

Nous avons déjà eu l'occasion d'apprécier en passant cette grande idole de M. de La Mennais ; et le peu qui en a été dit dans cet ouvrage suffirait peut-être pour en décour vrir la vanité . Dans d'autres temps cette ex- travagante conception n'aurait excité que le mépris ; mais la brillante enluminure dont le talent du philosophe l'a revêtue en a fait un système que l'on s'est cru obligé de com- battre. Les extravagances des Gnostiques et des Valentiniens ont autrefois obtenu le même honneur.

Reprenons chacune des parties du fant^is- tisque édifice. D'abord la raison , dans son acception la plus étendue, il la définit : « La (c double faculté de connaître et de raison- fr ner. » Est-ce que la faculté qui connaît est différente de la faculté qui raisonne ?

La raison individuelle , à la fois identique et contraire a la raison générale ; identique en tant qu'elle est la raison de la société ^ V uniformité des perceptions ^ V accord des JU"

DE LA NOUVELLE DERKSIE. 279

geniens dii genre humain^ la participation à la raison commune à tous les hommes (1 )j c'est Taveu que font, en vingt endroits, le maître et les disciples. ^ Contraire et dans (c une perpétuelle opposition » : telle est la doctrine fondamenlale de Tocole entière. Celle-ci est le critérium de la vérité , l'autre en est l'antipode. Qn'esl-ceque ce langage? sinon le froid et le chaud , se contredire , se réfuter soi-même, montrer à la fois et que l'on n'a point de principe assuré , et que le principe nCsI sans fondement. « ïémé- tf rair&s architectes , s'écriait saint Hilairc , i< qui bâtissent sur un sable mouvant , et « tombent en s'engloutissant dans se$ i*ui-

« nés ! »

Ils nous disent que « l'homme ne peut « posséder la certitude qu'autant qu'on con-

(1) « Comment peut-il se faire que dcsjujjemens « individuels soient tout à la fois des effets de la « raison et des causes productives de la raison ? » M. Boyer, Eaame'n, p. 4D.

(T liait avec certitude la raison générale ou fc le sens commun ; or il ne peut la connaî- « tre que par le moyen de la raison indi- (T Tiduelle , faillible en tout et par consé- « (juent sans certitude. » Comment donc , avec ce seul moyen d'une raison faillible , d'une raison enveloppée de ténèbres , d'une riison impuissante , jusqu'à ne pouvoir affir- mer sa propre existence ; comment , dis-je , arriver à la possession d'uAe certitude quel- conque , a commencer par celle du genre humain? Ce qui est le plus* près d'elle, n'est pour elle qu'un écueil , qu'un abîme ou un fantôme : et ellb prétendrait posséder enfin la certitude et la vérité par la seule notion qu'il existe un genre humain et un sens com- mun ! Plongée qu'elle est dans son ignorance,

comment soupçonner qu'il faille aller a la -

découverte de ce monde inconnu , comment::^^^ s'assurer qu'elle y est parvenue ? « Cette rai- <f son générale, on en fait un Dieu, puisqu'oi « lui attribue Tirifaillibilité, qui est une deî

i

DB LA NOU^XLLK HÉRÉSIE. 981

«r perfections de la Divinité ; perfection in- « communicable comme la Divinité elle- «r même ; mais c'est un Dieu qui ne peut « £dre entendre sa yoix immédiatement à « ma raison ; il ne parle qu'à mes sens , de « manière q[ue ses leçons infaillibles me sont « transmises par des sens trompeurs (i ) ! ^

Mais n'importe; le Toilà infaillible, le Toila Dieu. Tout Dieu ({u'il est, a-t-il changé de nature? le tout est-il devenu soudaine- ment si différent de ses parties ? En est-il du genre humain comme du vaste Océan, ré- ceptacle de toutes les eaux ou tombées du ciel ou apportées par les courans partiels , et qui , en se confondant avec lui , contrac- tent une nouvelle saveur, bien que ce soient toujours des eaux ? Ainsi, le genre humain ne sera- t-il constamment que la vaste agrégation des générations passées ou présentes; et sa raison générale n'est toujours que la raison

(i) M, Rozaven , Examen , p. 249.

. }

988 msToiRE

indwidualisée ; elle reste donc toujours la même. La raison de chacun des hommes eu particulier, étant faillible, ne peut donner ce qu'elle n'a pas ; comment peut-elle chan- ger la nature de chacun de ces hommes en particulier, qui composent le genre humain? Le chêne qui orne les forêts, n'est pas d'une autre espèce que le chêne isolé dans la prai- rie , ni ce dernier différent de celui qui croît solitaire. Quoi! cette raison individuelle ne valait^ dans cliaque particulier^ que poi4r le doute et V erreur ; la voilà devenue tout à coup infaillible ! Frappée de mort \ sa ra- cine , comment imprime-t-elle à l'arbre en- tier un principe de vie et de fécondité qu'elle n'a pas. L'élément et le germe sont viciés : ce qui leur ressemble peut-il ne l'être pas : S'est'clle métamorphosée de la sorte par sa propre yértu? Elle n'en a que pour succomber sous le poids de son im- puissance naturelle. Par l'agrégation des parties? Mais, chacune d'elles étant finie,

DE LA NOt}V£U4& HÉRÉSIE. 9Q&

iftomée, essentiellement faillible, le tout ne peut être que fini , borné , essentiellement Êdllible.

Le Créateur de l'univers a fait , de lien y le ciel et la terre; il n'a pas produit d'un seul jet le genre humain tout entier, mais l'a fait naître , par la succession des temps , d'un premier homme. Ce premier honmie, bien que pétri du limon de la terre, il étale sur son front le signe que Dieu lui a donné de sa propre lumière (i); et moi, ob- scur descendant du père de la race humaine, moi aussi, je ne saurais méconnaître en moi le rayon de cette divine lumière qui m'est attestée par tous ses oracles , par mon sens intime. Fils d'Adam , je fais partie du genre bumain , je ne l'appellerai pas mon père. Que je dise à la poudre^ tu es ma mère : j'en- tends sous cette poudre une voix qui me crie que je suis fils de Dieu, gui m'a pétri tout entier de ses dis^ines mains ^ comme parle

(i) Psaîmiy,^.

S84 HISTOIEE

Job (1 ). Mais le genre humain , mais l'univers ont-ils une voix pour me répondre ? L'hu- manité tout entière repose obscure , silenr cieuse dans le passé et l'avenir (2). Le genres humain ne me montre que ses sépulchres : ({u'il me montre son berceau. Son berceau? C'est Adam , Phomme individuel , créé à Is^ ressemblance de Dieu; par-delà son ber- ceau , le néant , rien , ex nihilo. Je voudrais bien savoir ce que le genre humain a de plus

que moi , soit dans ses destinées futures, soit dans ses annales antiques. Mai, du moins , je montre avec orgueil l'Evangile et la Révélation. Le genre humain! qu'il voile

. sa face, et qu'il demande grâce pour quatre mille ans de l'ignorance et de la corruption la plus dépravée.

M. de La Mennais, personnifiant le genre humain , retrace a ma pensée la fiction si véritablement épique du cardinal de Bernis

(1) Joh^ XVII, 14. X, 8.

(2) M. Lacordaire, Consid.jf, 169.

I

DE LA XatVEIXE HÉRÉSIE. HMS

dans son poème de la Religion vengée^ il décrit dans le style d'Homère le Dieu de

Spinosa :

«I

Je yis sortir alors des débris de la terre

Un énorme géant; que dis^e? un monde entier.

Un colosse infini, mais pourtant rég^ulier, etc.

Le monstre déclare qui il est, et termine

son discours par ces mots :

'I

De cet être ignoré , de cet être puissant Admire, reconnais le principe agissant. . L'union des esprits forme mon âme entière (1).

Ainsi M. Fàbbé Lacordaire définit-il le système de Técole Lamennaisienne : l'union des esprits dans les diverses œuvi^es de la pensée (2).

Et de fait, avancer que la raison de l'indi-- TÎdu n'est qu'une partie de la raison hu- maine y et c'est l'opinion d'un autre des

(1) IChant V, p. 82 et 83, édit. n93.

(2) Considér. , p. 146 , et « L'autorité des faits, dans « l'ordre physique , engendre Vutiion des esprits , « qu'on appelle la science,* Ibid., p. 145. M. Boyer, Examen, p. 48.

tes mSTOIRE

ilisciples (1 ), n'est pas moins absurde que de dire que l'âme de chaque individu n'est qu'une partie de l'âme humaine , que sa vo- lonté n'est qu'une partie de la volonté hu- maine. Autant vaut-il ajouter que chaque corps n'est qu'une portion du corps humain. Ce qu'était le genre humain d'autrefois , le genre humain d'aujourd'hui n'a pas cessé de l'être. ^ Réunissez , dirons-nous avec or celui des Modernes qui ait le pkiâ puis- « samment combattu le système de M. de If LaMennais, tous les aveugles des Quinze- ff Vingts , et tous les fous de Charenton : <c vous n'en verrez jamais sortir ni un voyaht « ni un sage ; d'où il suit qu'espérer hi cer- « titude d'une collection de raisons indivi- tc duelles , faillibles en tout , c'est attendre cr im effet dont les élémens ne sont nulle ce part; c'est-à-dire, un effet sans cause. <( Rassemblez le genre humain, réunissez « tout ce qu'il y aura jamais de générations;

(1) M. Gerbet, des Doct. philos., p. 129.

%

DE LA NOUVEIXE HÉRÉSIE. llffif

« VOUS n'aurez que des individus faisant por- ff tion du tout qu'ils composent. Feriez-vous « un édifice avec des grains de sable (1)? » Et , par une conséquence ultérieure , on est contraint logiquement de conclure que le genre humain n'est qu'un être de raison , «pi'une dénomination sans réalité.

Mais non , la raison individuelle ne donne {MIS ; elle reçoit* De qui? du genre humain? Vous supposez toujours son infaillibilité, supposition chimérique , combattue par toutes les autorités et par tous les raison- nemens. Principe absurde établi par Pécole Iiamennaisienne, avec la précaution de dire qu'il n*a pas besoin (fêtre prouvé^ parce qu'elle n'a d'autre appui à lui prêter que le caprice de son auteur.

Appeler la raison générale la raison de DieUy V expression de sa parole (2), n'est-ce pas un blasphème autant qu'ime absurdité?

(J) M. Boyer, t,xamen y p. 48. (2) £m(w,p. 221.

^08 HISTOIRE

La raison de Dieu , sa parole , c'est son in- faillibilité. Glorieux privilège dont il est jaloux (1) , et qu'il n'a voulu partager avec personne; car son Eglise elle-même n'est infaillible que parce qu'elle est l'Esprit même de Dieu, jjiarlantpa'rsoil organe, enseignant par sa parole (2). Donner k la raison géiié- rale cette attribiition, c'est l'eiilever à Dieu ; c'est oublier qu'il y a éternellement entre Dieu ' et l'homme tout l'abîme de l'infini. Dans la nuit sombre du paganisme , cette vérité s'était fait jour auprès de quelques

Sages à qui leur raison l'avait apprise. Mettez

t

(1) Gloriam meam alterinon dabo,,,. Ego wolu^ , et non est alius prœter me ,

(2) « Je crois toutes les vérités révélées , et parmi « elles, Fautorité de FËglise ; parce que Dieu , au- « teur de la Révélation y est la vérité , et ne peut pas « plus nous tromper que se tromper lui-même. Cette « vérité essentielle de la parole divine fait la certi- « tude de ma foi. Je ne crois l'autorité de FEglise « que sur ce principe; car je ne crois l'Eglise infaiL o lible , que parce que Dieu a révélé spn infaillibi- « lité. » (M. Rozaven, jE^amen, p. 212. )

DB LA KOU^'ELLE HÉRÉSIE. S89

d'un coté tous les honimes ensemble; de l'autre , Dieu seul ; et demandez à Homère , demandez à tous nos prophètes éclairés par une sagesse bien supérieure, penchera la balance, et qui l'emportera ? Quelle pitié qu'il &ille rappeler à des prêtres ce que la sa- gesse humaine n'ignore point : qu'il n'y eut jamais de comparaison légitime entre la rabon de l'homme et la raison de Dieu.

Telle est pourtant l'ambiguité de leur langage , qu'à les entendre on serait en droit de soupçonner qu'il affectent, par une sin- gulière contradiction, de confondre l'es- sence incommunicable avec la raison du genre humain , l'autorité des hommes avec l'autorité de Dieu.Cetteobservationn^apoint échappé a la sagacité du profond théologien qui les a combattus avec tant de vigueur : ic La raison générale , dit M. Boyer, le té- cr moignage universel, le consentement com- K mun, voilà le premier critérium de la <c vérité ; ce mot est comme une sorte de re-

T. I. 19

ItO HIgTOiRE

« frain dans les éorits de M. de La Mennais. M D'autre part , il ne cesse de nous dire «pc 'n Diea est la première wiatiÈà et la pvMuèrt

# raison des choses^ «et 4ftt» «'^qiftérâr aYnant M lui de quelque Térké^ c'est rberrher imi wir effet sans cause, une c^nsé^ifiice mom jc principes. Y a-t-â Àonc dieux prenîeBs

# principes de la véorité ? I>ieii /et le §enare ce humain , Dieu «t «a parole , le genre iui- jr main et la raison générale (1 }? ^

M. de La Meunais essaie de j^^er «n ]^ont enr l'abîme qu'il s-eat creusé à luir«iéme.

Encore un pas , et le système s'éclaircit^ let la pensée de M. de La Meunais enfante une révélation de plus. Quelle révélation , ^and Dieu! k Le seul système social aU'- M jouM'hui possible est celui qui ne serait ^ fondé que sur la raison humaine y sans nul *c RAPPORT avec Diôu (2). » Et voila la régé- nération promise au monde par la nouvelle

(1) Tjxamen y p. 234.

(2) ^«'(?m>, 29 novembre 18.^0,

^

DE LA NOUVELLE IfÉR^SIi:. 991

école ! que^l'on nous dise si l'école philoso- phique du XVIII® siècle porta jamais le délire de ses criminelles espérances jusqu'à pré- tendre ôter Dieu de la société humaine I

Que M. de La Mennais , tiprès avoir jeté dans le public son programme de la raison générale , se fut borné à des rêveries phi- losophiques où ilest permis à chacun d^errer^ il n^avait d'autre risque a courir que d'être un mauvais lo^cien. Dans l'impuissance de bien saisir les caractères de quelque chose qui n'existe pas , et n'est qu'une abstraction sans réalité , il pouvait impunément multi- plier les définitions, comme l'aveugle qui tâtonne dans les ténèbres. On lui pardonnait de nommer cette raison générale , raison de la société , raison de la civilisation , la civi- lisation elle-même; mais qu'était-elle avant qu'il y eût des sociétés? qu'ctaît-ellc dans les sociétés même il n'y avait pas de civilisation? Ouvrez Polybe, Thucydide, Platon; interrogez et les historiens et les

5I9S mSTOTRE

philosophes anciens et modcrhes. Touâ s'accordent a dire que les premières socié- tés ne furent que de sauvages agrégations, comme les voyageurs en ont découvert dans le Nouveau-Monde, puisqu'on nomme ceux qui en furent les législateurs. Qu'il se replie sur les mots de commun consentement, de sens commun, par lesquels il essaie de déterminer enfin la notion de la rai- son du genre humain; nouvelles énigmes. On ne cessera de lui demander quelle affi- nité existe entre les mots raison et consen- tement, entre ce dernier et ce que l'on appelle sens commun; le mot consentement indiquant une adhésion à des idées étrangères que Ton ne peut pas avoir soi-même ; celui de sens commun supposant nécessairement la perception intime , uniforn t , îâivariable, de notions que l'on ne se donne pas , et aux- quelles on ne peut se refuser , qui s'offrent d'elles-mêmes a tous les esprits , même les plus grossiers , et que chaque homme pos-

DE LA XOmXIXE DÉRÉSIE. 5105

sède, comme chaque animal possède son instinct ; toutefois avec cette différence si bien sentie par Buffon , qu'il y a plus loin de l'instinct du plus subtil des animaux h la raison de l'homme le plus grossier, que de celle-ci au génie des Ârchiniède et des Newton. On sera en droit de lui demander encore si le commun consentement , iden- tique au sens commun, est le sceau de la vérité; pourquoi, dans les sociétés humai- nes, tant de manières différentes de voir et de sentir ; autant de vérités différentes et opposées qu'il y a de communs consente- mens? Était-il possible a M. de La Mennais de se le dissimuler? Non; il en convient. La religion seule n'est-elle pas la matière des controverses les plus disparates? La di- versité des cultes prouve, selon M. de La Mennais , la nécessité de l'examen ( donc l'exercice de la raison individuelle ) , pour s'assurer laquelle est la véritable. En sup- posant que l'on veuille ou que l'on puisse

994 lUBTomiâ

se livrer à cet examen , passer en revue les religions diverses dans lesquelles se parta- gent les nombreuses populations de l'Eu- rope , de l'Asie , de TAfrique et du NoicVeau- Monde , quel en sera le résultat unque ? L'indispensable nécessité de conclure qu'il y a autant de communs consentemens qu'il y a de sectes et de religions ^ de nations et âe peuplades disséminées sur la vaste sur- face du globe; autant de communs consen- temens qui se heurtent, se combattent et se réprouvent mutudÛement.

Mais l'auteur nous a fait bientôt sorth^ du cercle des questions de la philosoplûe, peur nous transporter dans la région de la théo- logie. Nous l'avons entendu mêler à la masse confuse , indigeste de ses définhions arbitraires celle cpii fait de le raison géiié- raie la raison de Dieu : « La raison générale -== ^ n'est que la raison de Dieu même. » Noils^— - avons commencer par l'examen de cette— étrange proposition ; les suivantes n'en soitt

DE LA KOLVELLE HÉRÉSIE. 29S

que les corollaires. « La raison générale « n'est que l'expression du Verbe de Dieu, K unie à rintelligence , à l'esprit, a la vérité, <r déposée au sein de la société humaine, « conservée k travers les âges, soutenue par f< une tradition constante , perpétuelle. » Eclairé par sa lumière, le genre humain fut une Eglise visible f enseignante , « pour- fc vue » , nous dit toute l'école Lamennai- sienne , « des caractères d'unité , de perpé- « tuité , d'universalité que nous assignons à ce notre Eglise catholique, en un mot, in- « £siillible comme elle. » C'est la ce qu'ils appeUeroBtla doctrine d^auiorité résidente dans le genre humain.

Tel est Fexcàs eii les a portés leur sys- tème de dépréciation de raison humaine.

Sur le simple énoncé de ces propositions , on se demande a quelle ReUgion appartien- nent ceux qui les professent. Recherchons avec eux sur quel fondement ils les appuient.

CHAPITRE V.

Suite du précédent.

Descartes et ceux des théologiens catho- liques qui ont admis sa méthode , soutien- nent que c'est par la raison donnée à chacun de nous que l'on acquiert la connaissance de la Révélation et de l'autorité de l'Eglise, comme en étant l'interprète infaillible. Cette doctrine , que nous avons vu être celle de saint Thomas, de saint Augustin, de toute TEglise catholique , les Réformateurs

HISTOIRE DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 907

la condamnent ; elle n'est pour la nouvelle école qu'un système absurde, niais, qui re- celé le veninfuneste du scepticisme. On aura tout dit , quand on aura répondu k la doc- trine adverse : « Cest du cartésianisme. La ir raison de Thomme ne lui apprend rien. « Nulle connaissance qui ne lui vienne du de- hors; tout chez lui est d'emprunt. Ce qu'il c sait , il le reçoit de la société par le lan- « gage, par l'éducation. L'homme ne con* «( naît rien que par la communication avec « les autres, rien que par la parole. Re- « portons-nous à l'origine des choses et sui- « vpns la série des siècles. L'ordre primitif ir et général fut que les pères instruisissent « leurs enfans , et que la foi fut conservée « par .une tradition générale. Une révélation c primitive fut donnée à notre premierPère, « créé dans la plénitude de l'âge avec la. •r connaissance de la science et de la parole., ff Cet ordre établi de Dieu pour conserver « la vraie Religion étant indépendant de la

.; :

.1

c veloBlé des hommes , ' a toii|ouf8 s«b-> ce sister, et n'a pti eeater janiais' d'être olffr* tf gatetre pour tons* £ii effet, ceitepaMle^. «dépotée anisein delà Mclélér tfsmtaDÉaMt «f aux familles patriarcale^ par le pète éiàr ce genre humain y portée dam téules les psar^ « fies du monde par les fondatens àm iia-^ tiens ^ dimseryée d'àga •» âge dan» te» «- traditions de tous les peuples, a4cè coiUfte « un océan de lumière répsm'da dââOi^ Ist (c société. &est un fait attes«6 paÉ* totis lésr <f historiens. II Mlait bien c(u'il MiMât tln^ « moyen constant , imitei^sel , d'dcqtM^ritt' laf « foi qm se doit à IMS , aifjc peuple^ cèâMbe ff au plus simple enËintr Aasisi VoyoMs-^ et mfm maintenu ihvariablemèfif^t pai^ ttne ff frftditiôh tmiforme, pérpéenelfe. Si Poirdre « de tradition, reconnu obligatoire poni^ W tous , eut cessé de fait dans le genre hù- K main , cette unique Voie de connaître la « Rèligioti eût été à la fois nécessaire et ^ iMpOisî^le. Ây^t Jésus-<}farist , il y atait

DE LA NOirfBlLB UÉRÉSU:. 9W

«donc «n Christianisme, c'était la raison ir générale manifestée par le témoignage dm te genre humain. Depuis Jésus-Christ^ le « Christianisme , développement naturel de « l'int^ffîgence , est la raison générale , ma^ <r nifestée par le témoignage de TEglise. Le « témoignage du genre humain était avant tf Jésus-Christ ce qu'est l'Eglise depuis Jé- ff sus-Christ. L'Eglise a donc présenté dans ir tous les temps les caractères de la plus (T hante autorité visible. Concluons que la <r Révélation primitive a été pour le genre tf humain le principe de la foi ; que j d'après tr l'ordre établi de Dieu , cette Révélation if dotait être coiinu'e de siècle en siècle par > voie de tradition; que l'Eglise univer- fc sellé se composait d'hommes qui confor* ■é Inaient leurs croyances a Fenseignement c de la tradition des vérité» primitivement «( révélées. Le Christianisme trouva toutes flc les vérités établies; il ne naissait pas, il cr croissait. La logique des nations 4bint

300 HISTOIRE

« aussi rigoureuse que la Vérité même de ff Dieu, point d'autre certitude que celle « qui se recueille du témoignage universel. « Le commun consentement est pour nous « le sceau de la vérité » et il n'y en a point « d'autres; donc le genre humain est un <r tribunal infaillible. »

A ce petit nombre de textes, transcrits scrupuleusement, se réduisent les cinq vo- lumes de V Essai et de sa Défense, des écrits sur la même matière , publiés par ses dis- ciples les plus célèbres, MM. Gerbet, Beau- tin, La Cordaire'.

Les voici ramenés à quelques axiomes capitaux proclamés par eux-mêmes. La foi vient du dehors ; la raison générale est in- faillible; le témoignage du genre humain est le fondement de la Religion ; axiomes par

(1) M. de La Mennais, Essai, p. 39, 486, 490; t. II, Préf., p, xcrv. Défense, p. 8, 29, 7i, 189. M. Gerbet, Doctr. philos. y p. 90, 135. Coup d'oeil sur la Controv. chrét., p. 60 et suiV. M. Lacordaîre, Considér, , p. 41, 53.

DE LA NOUVELLE nÉRÉSIE. 301

lesquels ils expliquent ces paroles, que la rai- son générale est l'expression de la société communiquée par la parole ; qu'elle est la civilisation , la parole de Dieu , la parole du Verbe , de tout temps manifestée dans Tu- niyers.

« La foi vient du dehors , et nous est com- ff muniquée par la société. »

Nous avions toujours cru qu'elle était un don de Dieu; avions-nous besoin de nou- velles théories de la foi pour savoir ce que le plus simple catéchiste en apprend , que la foi est une lumière que Dieu répand dans l'esprit pour lui faire connaître les vérités qu'il nous a révélées , et nous y faire croire fermement avec une pleine assurance , même a celles que nous ne saurions comprendre , lesquelles nous sont enseignées par le minis- tère de son Eglise , seule dépositaire infaillible de sa parole ; et l'ange de l'école S. Tho- mas, nous avait appris que, si la foi n'admet pas un examen par lequel notre raison bor-

SOS mgTOiRE

née démontre ce que l'on croit ; elle admet l'examen des motifs qui portent a croire , par exemple , la révélation divine confirmée par les miracles*

Mais cette doctrine était bonne pour les temps d'autrefois; aujourd'hui c'est. la râi-- son générale exprimée par la société, qui est indifféremment principe ou canal de la foi. Pour remonter a Adam, premier anneau de la chaîne sociale , créé dans la plénitude de rintelligence et de la raison , direz-vous qu'iljouit dans le paradis du privilège de l'in- faillibilité ? non ; pas plus que les Anges dans le ciel ; leur chute l'a bien fait voir. Libres de faillir, ils n'étaient donc pas infaillibles ? Tant que la première Êimille fut a elle seule tout le genre humain , les Patriarches du genre humain instruisaient avec soin la jeune postérité croissante autour d'eux , des faits et des dogmes recueillis de la bouche du chef de la race humaine; en quoi ils sui- vaient Tordre établi de Dieu ; et la foi de-

DE LA NmywiuL HÉRÉSIE. aB5

'Venait l'héritage commun ; mais y fut-elle ^ong-temps consenrée ? est-ce que Dieu , en jtabliamnt cet oi4re, s'était obtigé k le maintenir inviolable dans la sorîété humai- ne ? Hélas I Tarbre de la science du bien et du flial y n £ital k nos premiers parens , était passé dq jardin d'Eden dans la terre de Texil, <m il porta toujours ses firuits empcusonnés^ grâce à Tabus de la liberté dans Tusage que le» hommes en ont fait. Que devient la rai- son humaine dans une société bientôt en- traînée , par les passions des hommes , dans la plus brutale corruption? Abandonnée aux pères de famille , cette prétendue raison générale, émancipée des langes delà raison individuelle , se précipita dans tous les ex- ces. L'oracle de FEsprit saint fut vérifié a la lettre , que le nombre des insensés Remporta toujours sur celui des sages ('I ) ; il arriva ce qui était Tinévitable conséquence de Tarrêt

(j) Stnltorum in-ftmtns rsi nvmprvs^VuCvW,^ i, 15;

SM msTonus

terrible prononcé contre l'homme prévari- cateur. « U était comme impossible que les « traditions primitives ne se perdissent pas ir ou qu'elles ne s'altérassent pas essentielle- « ment; d'autant plus que les pères de fa- « mille n'avaient aucune promesse divine, ni « d'assistance particulière pour ne point se « tromper, ni de fidélité pour s'acquitter de « ce devoir (1). »

Ce qui venait du dehors , dans cette pé- riodede corruption, était-ce la foi^ après que le genre humain tout entier fut tombé dans un état de barbarie et dans une ignorance aussi . profonde que si jamais Dieu n'eût rien ensei- gné aux hommes (2)? Ce qui réclamait haute- ment contre cette violation universelle de toute loi, que l'Apôtre reproche si énergique- ment a la gentilité tout entière, et qui rendait inexcusable l'opiniâtreté dans le mal, c'était

(1) M. Rozayen , Examen^ p. 273.

(2) Lactance, ïurrelin , Bergier, Bossuet , Disc, sur VUist. univers, j^ p. 362 elsuiv., in-4**.

SB LA NOUA'ELLE HÉHfiSŒ. SOtt

en dedans qu'il agissait, c'était par l'impres- sion ineffaçable de cette lumière véritable qui éclaire tout homme venant au monde; flam- beau toujours allumé au milieu des nations dispersées, comme parle saint Augustin. « Non , poursuivait le grand évêque d'Hip- ir pône, empruntant le langage de nos Livres ir saints , ce n'est pas au dehors qu'il faut al- r 1er cbcrcher la vérité : Noli foras ire. Re- flr pliez-vous sur vous-mêmes ; c'est dans l'in- ir térieur de votre âme , non dans le témoi- fc gnage des hommes du dehors , que se fait ff entendre l'accent de la vérité (1). » Le Maître de tous les Docteurs le lui avait ap- pris, que le royaume de Dieu et de sa vérité n'est pas au dehors^ mais au dedans de nous (2) ; que c'est la qu'il faut le chercher,

(1) ( De Magistro ) In te ipsum redi; in interiore homine habitat veritas , i. I. Bened.^p. 773.

(2) Regnum Dei intra vos est y Luc, xvii, 21. C'est- à-dire que chacun porte au dedans do soi le flambeau de la raison qui Téclaire, le tribunal de la conscience qui le juge.

T- 1. ao

306 HISTOIRE

et non dans la multitude, téméraire, em- .portée et poussant a tout vent de doctrine. Moins mobiles et inconstantes sont les -va- gues de rOcéan : l'expérience de tous les siècles ne Ta que trop confirmé. Par-dessus ces flots incessamment agités , s'élève Fau- torité. , phare lumineux posé par la main de Jésus-Christ , pour éclairer les nations et les diriger vers le port de la vérité ; phare ac- cessible a tous les regards , que nulles té- nèbres ne sauraient obscurcir, contre le- quel les portes de Tenfer ne prévaudront jamais.

Mais de qui cela a-t-il été dit , par l'oracle nxênfie de la vérité? k qui ces magnifiques promesses ont-elles été ^ faites? est-ce au- genre humain? Le genre humain, l'univers, le monde , ces mots sont synonymes dans

r

nos saintes Ecritures , et ne rappellent que lesanathèmes lancés contre ses scandales (1 ). Ses annales et ses écrivains ne nous disent

(1) Mundo à 8candali9, Mattbt; XVlii, 7.

DB LA XOUIXLLE HÉB^SIB. SOT

nvilepart que le genre humain ait été chargé d'enseigner la vérité , et ne nous parlent que des hommes chargés d'en être les précep- teurs. Or les philosophes , qui se vantaient de l'être, que lui avaient-ils appris?

GHAPITIUB VI.

De l'autorité.

M. de La Mennais sait bien tout ce que le mot d'autorité a d'auguste et d'impo- sant pour nous. Il en abuse, en le transpor- tant à d'autres sens bien éloignés de la com- mune acception qu'il a dans l'ordre civil et religieux. Dans l'un et l'autre : autorité , puissance, tout vient de Dieu : omnis potes- tas à Deo. D'où vient que ce qui recom- mande à nos yeux la raison, c'est que nous y

mSTOUE DE LA NOUVELLE E£RÉSIE. 309

voyons le rayon de la souveraine intelligence qui en est la source ; de même ce qui nous enchaîne a l'autorité , ce qui nous la rend sacrée , ce qui lui prête , par exemple , un poids si considérable dans la cause de la vé- rité catholique contre les Protestans , c'est l'assurance qu'elle a son invincible fonde- ment dans les promesses que Jésus Christ a faites à son église ; d'oii nous concluons avec certitude qu'elle est infaillible.

M. de La Mennais lui-même , dans un autre de ses écrits , rendra hommage à ce principe : « Tout l'édifice du Christianisme, « ses dogmes , son culte , sa morale , repo- <r sait depuis quinze siècles, et, dans les te principes catholiques , doit reposer tou- « jours, selon l'institution de Jésus-Christ, « sur l'enseignement d'une autorité divine- ff mentin£B^iliibie(i). »

On ne pouvait ignorer que saint Augustin et saint Thomas nous avaient laissé , sur la

(1) Delà Religion ooneidirée, oto., p. 304.

iitt HISTOIRE

question de l'autorité , lés écrits les plus Id- minéux. Nos jeunes théologiens pouvaient- ils se dissimuler quel poids de tels noins apjportent danis la balance. Malgré leuré efforts pour essayer d'en affaiblir ràutôrtié, soiis le prétexte , disent-ils , que ces saints

r

Docteurs n'étaient pas profondément versée dans ces matières, ils ont senti qu'il n'était pas possible de les passer isous silèhcé, iet voulu se donner le mérite de les aVôîr lus. âi même il fallait les en croire , ces saints fiocteurs auraient pensé coiiime eut suf Ifesr Questions de la certitude, de la foi, de la t*ài- son et de l'autorité.

Nous avons vu plus haut quelle était la doctrine de saint Thomas d'Aquin. Écout'otis à son toiir le grand évêque d'Hippône ': « t)ièu, pour nous élever vers lui , nous a dôhti^ deux moyens, l'autorité et rsfiièbh , qui, loin de se combaltre, se concilient aiséUient Fùn avec l'autre 3 car eh obéissant à l'au- torité, on ne «'écarte pas de Ik lufhièré de

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 511

la raison , qui nous fait voir quel est celui à qui nous croyons (1). »

Voila donc , dans la pensée de saint Au- gustin , deux principes de certitude bien distincts l'un de l'autre : l'autorité et la raison. Avant M. de La Mennaîs, aucun catholique n'avait pensé qu'il n'existât qu'un seul principe de certitude. Tous, sans exception , croyaient que , puisqu'il existé deux classes de vérités bien distinctes, dont l'une est l'objet de la science , l'autre celui la foi, c'était une conséquence nécessaire qu'il doit y avoir aussi deux princiipes de certitude, Tun pour les vérités de^b/^ l'autre pour les vérités de science. Tous disaient, avec saint Augustin : « Ce que nous com- prenons* nous le devons à la raison- ce que nous croyons , nous le devons \ Fautôrité : Quod intellîgimus^ debemus rafioni; quod çredimus. auctorildti, »

(\) Traduit dans Pensées Hq Pascal, cli. v, p. 45 (Paris, 1714). S. August., Enchirid.^th.. XX.

319 msTOiBE

Que l'autorité soit un moyen plus sûr à la fois et plus expéditif de parvenir a la con- naissance de la vérité ; qui le conteste? Saint Augustin l'affirme sans doute en termes exprès. Elle seule, dit-il, ébranle les honunes ignorans; il ne faut que des yeux pour voir la brillante lumière qui en jaillit de toutes parts j et pourquoi? Parce que le plus sim- ple raisonnement saisit sans nul effort l'évi- dence des moti& qui lient les conséquences au principe, a savoir, cet enchaînement de merveilles qui ont porté, selon l'expression du même saint Augustin, notre Église catho- lique au plus haut degré d'autorité. Par-là, l'évidence devient la garantie infaillible de l'autorité infaillible de l'Eglise . Mais la base, oii en est-elle? sinon dans la raison. Or, c'est ce que le saint Docteur établit par cet axiome incontestable : la raison et l'autorité ne sont jamais entièrement sépa- rées, parce que c'est la raison qui ^^cnsi-

(j) DeverdRiBligione,G\i, xxiv, xxv.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. SIS

dère à quelle autorité il faut croire (1).

Puisque nous sommes redevables de la science a la raison , et qu'il n'y a point de science sans certitude, on croyait donc qu'il y a dans notre raison un principe de certitude.

Les Manichéens affectaient de ne re- connaître d'autre guide , dans la recherche de la vérité , que la raison. Leur grief j>rincipal contre l'Eglise catholique était qu'elle commandait a ses disciples de croire aveuglément, sans examen; qu'elle avait la prétention de conduire a la vérité par la foi, c'est-a-dire, par la soumission k l'autorité seule. Même reproche de la part de Celse, si bien réfuté par Origène. Saint Augustin y répond par son traité de VUti-- lité de la foi^ ( de utilitate credendij ) oîi il venge également les droits de la raison et de l'autorité. Nos Sectaires modernes n'a- doptent de la réponse du saint Docteur que . ce qu'elle a de favorable a l'autorité. Ils

(1) J>m% Bihlioih. choisie, t. XXI, p. 120.

Sl4 HISTOIRB

aflfectent a leur tour d'exalter ràutorilé, comme si nous en méconnaissions les au- gustes prérogatives , et la prépondérance sur raison , nous qiii cesserions d'être chrétiens , si nous cessions de répéter avec le même saint Augustin : « S'il n'est point «f de voie qui mène plus sûrement à sa- « gesse et au salut, que de plier sa raison a « la foi, n'est-ce pas méconnaître étrange- « ment le bienfait que nous tenons de la i( protection divine, que de vouloir résister « à une autorité qui se recommandé pài* « si puissans motife (1)? » Mais liiî vouloir sacrifier la raison : autre excès non nioiiis téméraire , au jugement de saint Augustin , et c'est le but constant des efforts du parti.. Encore à présent, que les savantes discussions engagées sur cette matière ont mis a la portée de tous les lecteurs les ou- vrages de nos saints Docteurs; les disciples de M. de La Mennais s'opinlâtrent à fermer

(1) iDaœiS Biblioih, choisie,t XXt, chap. nielt vm.

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. SÎé

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lés yeux. Us ne cessent de reproduire leurs ârgumèris en faveur de l'aulorité que noui inè leur contestons point, et se retranchent derrière les grands noms de saint Augustin i de saiiit Thomas, de Suarez, et d'autres théologiens catholiques, pour faire croire qu'ife -pensaient comme ciix, que c'est noui qiiî sommes dans l'erreur, et qui nous décla- rons, aux termes du saint évêque d'Hippone; les adversaires de la vérité^ coupables d'en- lever à l'Eglise ce lustre immense^ comMe ^âHe un écrivain de nos jours, suspendu, hdùs dit-on ; entre le ciel et la terre , pour unir les intelligences divisées. Quant k raison, que nos saints Docteurs assimilent k l'autorité , bien qu'en la plaçant dans un rkng inférieur, ils n'en persistent pas moins a la rendre éuspecte, à eh déprécier les ju-^ geiheilsj k l'anéantir dans ses actes et dani ses rajjiports avec la foi. Parce que leur maî- tre a po^ë Jpbiir fondement de sa dôttriiié ilnfailEbllité du genre hmxLaih, ils poursui-^

816 HISTOIRE

vront sans relâche ce principe absurde, sans nul égard pour les censures qui l'ont con- damné ; ils y reviennent sous toutes les for- mes.

Ce privilège de l'infaillibilité , qui n'ap- partient en propre qu'a Dieu , Dieu l'a-t-il donné à d'autre qu'à son Eglise ? L'a-t-il donné a la raison générale du genre hu- main ? Quel texte de l'Ecriture M. de La Mennais alléguerait- il en faveur son assertion ? Oîi verra-t-il que la raison gêné- ralcj le sens commun du genre humain nous soit présenté par Jésus-Christ et ses Apôtres comme l'oracle et l'infaillible tribunal de la vérité? A qui le souverain Législateur a-t-il donné la mission et l'ordre de prêcher son Evangile? A quelques Apôtres, non à la mul- titude. Qui a-t-il établi le Chef du troupeau, la colonne et le fondement de son Eglise? On l'a bien reconnu dans chacune des contro- verses qui , sous tant de formes différentes , ont agité le vaisseau de l'Eglise. Du temps

DE LA NOUYELU HÉIUÉSIE/ 517

de l'Arianisme , le genre humain presque tout entier, selon l'expression de saint Jé- rôme, semblait être du côté de l'erreur (1). Que devenait le Christianisme, s'il n'y avait eu d'autre autorité, d'autre règle de croyance que le commun consentement ? D'où le sa- vait-on? Quiauraitpu le constater? LesAriens se vantaient d'avoir pour eux le plus grand nombre, et dans les pays ils dominaient, il était impossible de s'assurer du contraire. Heureusement, Dieu a donné à son Eglise, pour terminer les controverses , un moyen beaucoup plus sur que ce consentement si souvent contesté et si difficile a constater. On se souvint qu'au concile de Jérusalem , fut débattue la question des cérémonies lévitiques, saint Pierre prononça; et l'as- semblée, que fit -elle? Elle se tut (2). Ce

(1) Orhis dehique universus miratus est se esso jirianum ( Dialog. advers, Lucifer, )

(2) Aet., XY. Tacuit antem omnis muîtiiudo, (Vers. 15.)

918 mSTÛIBB

n'est point la multitude qui est consultée , ce 71'est point elle qui prononce le juge- ment, ce n'est pas ison autorité qui décide la question; mais elle reçoit la décision avec respect, et s'y soumet aussitôt. Les esprits, jusque -la divisés, s'unissent; il n'y a plus qu'un sentiment. Qui ne voit qu'alors ce consentement est un consentement d'o- béissance? Il est le résultat de l'autorité} il n'en est pas la source. Ainsi dans la cause de r Arianisme , ce moyen fut mis en usage pour en arrêter les progi*ès. Un petit nom- bre d'évêques s'assemblèrent a Nicée (1). Par leur organe, l'Esprit saint prononça que la Consubstantialité du Verbe est un dogme de notre foi ; et leur décision , pu- bliée dans toute l'Eglise , devint le centre de ralliement de tous ceux qui, tenant à

(1) « Car ils n'étaient que 318, tous de Té^lise « d'Orient, et Ton «ait combien , dan« ce temps, était « considérable le nombre des évêqucs catholiques.» M. Roza^en, Ea^amen f'p, 20.

DE LA NOUVELLE HlÉRESIÉ. Sld

la foi catholique, avaient pu être jusqu'à ce moment indécis sur ce qu'il fallait pen- ser des questions agitées par les novateiurs. En vain dira -t- on que les décisions des Conciles généraux elles-mêmes et celles des Souverains Pontifes sont fondées sur la foi ancienne et commune de l'Eglise; que c'est cet accord qui en fait l'autorité ; que l'Eglise, lorsqu'elle donne des décisions, ne fait pas de nouveaux articles de foi, mais proclame seulement la foi antique , déclare ce qui a été toujours et universellement cru, aux termes de saint Vincent de Lé- ï^ius j donc que l'Eglise elle-même n'est que la manifestation et le complément de la rai- son générale. Mais c'est prendre l'effet pour la. cause , que ^e placer l'autorité dans ce 9piisentement même, au lieu de le recon- naître dans l'action continue qui produit et Conserve le consentement. U faut donc bien ^'entendre sur le mot de Vincent deLérins, H^e ce qui a été cru toujours en tout lieu et

SSO niSTOiBK

par tous y est de foi catholique (1). Mais il ne faut pas croire que le saint Docteur ait eu l'idée de présenter sa majsiime comme Tuni- que règle de la foi catholique, ni même comme la première ; ce serait prendre une règle partielle pour la règle unique , et par conséquent contredire la doctrine catholi- que. La règle principale et universelle est la définition de l'Eglise , qui a souvent dé- cidé des questions long-temps controversées et douteuses , sur lesquelles les saints Pères eux-mêmes n'étaient pas d'accord. Il est donc vrai que, selon la doctrine catholique, ce n'est point le consentement commun ou du grand nombre qui est l'autorité, juge suprême des controverses.

La maxime de saintVincenb de Lérins, qui, comme parle Bossuet, perce au cœur toutes

(1) Nous avons emprunté cette suite de raison- nemens à M. Rozaven, dans sa réfutation particulière de M. Gerbet , fortifie par une décision rendue à Rome, sous le pontificat de LéonXII. {^Examen, p. 25 et suiv.)

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 3S1

les hérésies , frappe bien plus directement enopreM. de La Mennais et son système nou- veau , inoui dans l'Eglise. Car enfin , d'où vient ce Donat, et de quel ciel nous est-il tombé? demanderaient encore Tertullien et le grand saint Cyprien , en entendant cette étrange nouveauté? Elle fut inconnue à nos Pères. Il parle de consentement général comme sceau de vérité ; et il est seul ; il est d'hier , avant -hier on ne le connaissait '3pas (^ )• A peine autour de lui quelques disci^ 3ples qui , de son aveu , ne le comprennent "^pas , Docteurs imberbes , faisant non-seule- onent profession d'ignorance , mais d'ignorer onême leur ignorance (2). Le suffrage d'un » petit nombre de Clercs , est- ce la tout 3e genre humain avec sa raison générale ? U existerait, ce consentement général, com- ment encore une fois le découvrir? A quelles

(1) Unde Bonatua aut è quo cœlo ruitf * Hester- fiug, Hodiernus , Tertull. p. 635, édit. Rig. Voyez Ivoire Biblioth. choisie des Pères, t. III, p. 209 ctsuiv.

(2) Unci , Traité de la Faiblesse, p. 12?. T. I. 21

marques le reconnaître? Queltribnnal en sera Forgane ? Quels juges prononceront en sop nom'? Quel chef- en publiera les décisions' et les fera respecter et obéir (1 ) ? est-il ce genre humain , demande M. Lacordaire lui- même. Qui l'a vu, qui l'a entendu (2)? sont ses missionnaires , quel est son organe ? Je vois bien dans TEglisc catbotique ce tribu- nal, ce chef, ces juges , cette autorité en un^ mot que l'on peut consulter et qui parle , qui ordonne , qui agit et se fait obéir. Pour- quoi? Parce que son divin Fondateur lui a commandé à! enseigner ^ qu'il a doté son épouse de sa propre puissance , qu'il en a garanti l'immortelle durée , qu'il a soumis toutes les intelligences à ses décisions j et , par tous ces moti& , je suis fondé à eroii*e à l'infaillibilité de l'Eglise catholique. Mois qui jamais avait osé dire , avant M. de La Mennais , que ce privilège eût été donné au

(1) M. Boyer, Examen , p. 132.

(2) (7ofM»(ieV., p. 168.

DE LA mOVKXE BÉRÉSIE. '885

genre humain? Quelles promesses de ce genre lui ont-elles jamais été faites ? De- mandez-«n la preuye k Thistoire : tout en- tière elle est muette. De Torigine des choses, descendez à travers les siècles jusqu'à l'aTé- nement de Jésus-Christ , en prenant pour guide non pas les romans que l'on nous débite ici sur l'origine des sociétés et du langage , mais les récits bien autrement au- thentiques de nos saintes Écritures. Elles ne nous parlent que d'un funeste héritage d'i- gnorance, decriftie et de malheur, transmis par le crime d'Adam à sa postérité, que d'un joug pesant sous lequel le genre humain tout entier resta courbé pendant quarante siècles , et dont il ne pouvait être émancipé que par le sang du divin Rédempteur (1). Et M. de LaMennais ne nous parle que d'un

(J) Grave jugum super filios Adœ, Eccli., XL, 1. Voyez dans Boisuet, Elevât, sur le$ Mystères ^ 1. 1, X). 295 et suiy., juscpi'à la page 330 (Edit. in-12. Paris , 1 727 ) les suites du Péché originel.

iHM msTomE

patrimoine d'infaillibilité en faveur de ce même genre humain , initié , nous dit-on , à tous les mystères de la future Révélation ! Qui croire , de TEsprit saint ou de M. de La Mennais ? Les mêmes Ecritures nous disent bien que notre premier Père, au moment de sa naissance , fut mis en possession d'un grand nombre de vérités qu'il rendit com- munes aux familles patriarcales ; et de les arts et les sciences répandues dans la société humaine ; de ces vastes souvenirs si pro- fondément empreints dans la mémoire des hommes comme sur la surface du globe et dans les entrailles de la terre , pour attester à jamais la vérité de l'historien qui nous les raconte. Mais ces lumières primitives , vous les allez voir bientôt s'effacer et dispa- raître dans la nuit épaisse qui d'un pôle à l'autre s'appesantit sur le genre humain. Quelques éclairs échappés de la nue ne font pas jour; et c'est encore l'Esprit saint qui nous apprend que toute chair avait cor"

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. SM

rompu sa voie (1 ) , et que l'image de Dieu était devenue, dans le genre humain, ai méconnaissable , que son divin Auteur se repent de l'avoir fait, et se résout de le re* nouvelerpar un déluge. Le genre humain en devient-il meilleur ? Non. Ses iniquités passées se reproduisent sous des formes plus monstrueuses qu'auparavant , quand Dieu voulut se faire un peuple à part , dépositaire plus fidèle que le genre humain de la foi antique partout oubliée , portion bien fai- ble arrachée à la corruption universelle , et toujours prête elle-même à y retomber. Abraham paraît. Le saint patriarche ne dut pas assurément à l'autorité de la raison universelle et du commun consentement la Joi par laquelle il fut justifié^ puisqu'il lui fallut une vocation particulière pour en faire le père des crojans (2). Quelle était encore la situation du genre humain au

(1) Gen., VI, 12.

(2) iloifi.^iV»3, 11.

temps de Moïse , des Prophètes et de tonte la législation mosaïque? Une nuit profonde, toutes les opinions erraient à Taventure, oit tous les peuples étaient égarés dans leurs voies; troupeaux sans pasteurs, comme parie Isaïe (1). Qu'était le peuple juif en proportion de tout le reste du monde ? Un faible point perdu dans l'immensité du globe, retraçant k chaque instant l'image de cette arche conservatrice de la race humaine au milieu des eaux du déluge qui l'avaient envahie tout entière. Aussi le reconnaissait-il lui-même. Le seul lieu du monde Dieu soit connu, c'est la Judée; et pas une autre contrée n'a reçu du ciel un aussi précieux bienfait (2). Partout ail- leurs qu'à Jérusalem , dans un si petit coin du monde ^ la plus délirante idolâtrie régna durant une longue suite de siècles, « non-

(1) Isaïe, LUI, 6.

(2) Notus in Judω Deus ps. LXXV, 2. Non

fecU talUer omni natUmi^ ps. CJOLVII, 20.

DE LA NOUVEXLB HÉRÉSIE. TlUf

M seulement, dit l'Apôtre, parmi les na^ « tions en proie à l* impiété et à V injustice j <c mais parmi les Sages eux-^memes égards JBC dans leurs oHiins raisonnemens^ coupables 'M et sans excuse de retenir la vérité cap^ > tii^e (i)' » L'histoire de l'humanité, k chacune de ses époques, ne fournit que trop de preuves à cette humiliante accusa* lion. Quels monumens l'érudition de M. La Mennais opposait-elle à l'innombraUe multitude de témoignages qui la confir» ment ? Lui-même est obligé d'en convenir^ C'est même sur ce fait incontestable qu'il établit son système contre l'aveuglement de la raison, qui, abandonnée à elle-même, s'est plongée tout entière dans un océaj;! d'erreurs , la Religion et la morale avaient fait avant Jésus-Christ un si déplo- rable naufrage ; mais, pour nous faire croire qu'elles s'étaient sauvées dans la raison gé- nérale comme dans une arche à l'abri des

(1) Rom., i, 18. Eph,,i\, 17.

M8 HISTOIRE

tempêtes, c'est-à-dire, que , bien que chacune des ""raisons particulières fât sans Dieu et sans loij le genre humain croyait a Dieu et professait un Christianisme anticipé; c^est-à-dire, que tous les membres du corps individuellement étaient infectés de la cor- ruption de la mort, et que cependant le corps était plein de vie. Conçoive qui pourra ^ette théorie. C'est pourtant tout i'Evan- ^e de M. de La Mennais. Nulle équivoque dans son langage : « La vérité chrétienne «r ne naissait pas avec la Révélation évan- tr gélique ; elle croissait. Jésus-Christ , ve- «r nant au monde, y trouvait toutes les n vérités établies (1). La raison, manifestée «r par le témoignage du genre humain, sup- <r pléait le Christianisme , avant qu'il n'eût « paru sur la terre (2). Jésus-Christ, le Verbe <c de Dieu , uni à l'intelligence, a l'esprit, à

(1) JBMa»,p. 289.

(2) T. II, Préf., p. xciv.

DE LA NOUVEIXE HÉRÉSIE. 3M

« la Térité , avait , dès l'origine de la société «r humaine , apporté dans notre nature le « fondement de la perpétuité de sa reli- « gion (1 ). » Donc, ce n'est pas Jésus-Christ qui a ouvert au monde les portes du salut , reconcilié le ciel avec la terre, fléchi en itiveur de l'humanité le courroux de Dieu son père , écarté par son sang l'Ange pré- posé k la garde du paradis- pour en défendre l'entrée à la race d'Adam ; et son Apôtre s'est trompé, quand il a dit que c'était la le seul nom dans qui il fut possible que les hommes fussent sauvés (52). Non; la doc* de M. de La Mennais est plus rassurante. Ecoutons ses disciples , qui nous en donnent la clef : « Il suffisait , pour être sauvé , de ir reconnaître la croyance des premières « vérités , et tout au moins de l'existence «I d'un Dieu créateur du ciel et de la terre.

(1) Essai, p. 489.

(2) Nec enim aliud nomen est sub cœh éUUum h(h minibus in qtio oportQot nos salvos fieri, ^cU, iv^

V Parce que cette reconnaissance a toujputs M été regardée par les théologiens catho- tt liques comme indispensable au salut, U ir faut bien croire qu'il eùstait avant le *c Christianisme un moyen perpétuel et unir «r versel d'en acquérir la foi infaillible (1). » Or ce moyen, quel était-il? I^a r4isonfé* néraU du genre humain. . .Encore l'efficacité de ce. moyen ji(e aéra- jh9lle pas bornée aux temps qui ont pré* cëdé la venue du Sauveur. Elle s'étend a ceux qui l'ont suivie ; car le moyen perpé- tuel et universel d'acquérir une foi in&il- lible , l'auteur le déclare esq^ir^ssémeut dislinct de VaiUorité de VEgJfse^ donc i . 4ajas la. pensée de l'auteur, même df puis i'instif tutiôn de l'Eglise , k la foi divine serait ia%- « possible sans cette autonté infûUible, «( essentiellement di£(tincte de l'Eglise (2); ^ et il est visible que le genre humain. est ici

(1) M. Gerbet, Doct, philos. , p. 36.

(2) M. Lacordaire, Considér.y p. 42, 43.

DE LA KOUVfiUX HÉRÉSIE. 351

le principe de la foi et du salut. £cout<Mift un autre disciple , l'Elisée sur qui particu- lièrement s'est reposé l'esprit de son maître : « Sans doute , nous dit celui-là , la vérité K est ce. a quoi adhère la raison humaine } K mais ce a quoi elle adhère partout ettou- « jours; ce sur quoi elle n'a 2/arié en aucun «( lieu ni en aucun temps ^ l'universalité et « la perpétuité , voila le caractère distinctif te du vrai. Or, est l'universalité , sinon K dans les croyances de tous les peuples? «on est la perpétuité, sinon dans les (T croyances de tous les siècles? sont tous « les siècles et tous les peuples, sinofi. dans t le genre humain? L^ genre hupiaio. çst fc donc le dépositaire df ^ la vérité ;- il en est ic Toracle infaillible (1). » £t qu'on ne dise pas queM. Lacordaire désapprouve ultérieii^ rement le système du Maître, jusqu'à le quaU- ficr de protestantisme. pL'exposer en tettiies aussi ménagés qu'il le fait en cet endroit ,

(1) M, Rozaven , Eaamen,^, 131 .

S8S BISTOUE

n'est-ce pas en faire l'apologie plutôt qne la censure? Ce qu'il blâme, c'est la trop grande extension que M. de La Mennais lui a don-* née ; mais il la rend plausible par une sorte d'affectation à l'autoriser par la mauvaise application des témoignages dont il la for- tifie (1). Nul Aoute que V universalité et la perpétuité ne soient le caractère distinctifdu n)rai; et certes nous sommes fondés à les revendiquer en faveur de notre Eglise ca- tholique. Nos Docteurs chrétiens de tous les temps n'ont pas manqué de faire valoir pour elle cette preuve, qui la distingue n éminemment de tout ce qui est humain. Lisez entre autres un des plus beaux discours de Mas^on, qui la développe avec éclat (2). Et qu'est-ce que l'admirable discours de Bossuet sur l'histoire universelle? qu'est-ce

(1) Comidir., p. 60 et 174. Nous y répondronf au cliapitre vi.

(2) Carême , t. I. Serm. , Sur la Virité de fo JRe-

BB LA NODVBLU nSlÉSIE. S8S

que le livre de la cité de Dieu de saint Au- gustin? que la savante démonstration de cette vérité. Jamais homme de sens ne songera a l'appliquer au genre humain , bien que le genre humain se compose de tous les siècles et de tous les peuples. Mais nous avons encore d'autres titres de gloire à compter pour notre Eglise. On les connaît; ils sont indiqués dans tous les livres. Eh bien ! que les partisans de l'infaillibilité du genre hu- main osent ici établir leur parallèle entre l'Eglise et le genre humain ! Les mettre de pair l'une avec l'autre est déjaune absurdité. L'Eglise catholique a pour elle une évidence de faits solennels , irrécusables , à la portée de tous, tandis que l'autorité du genre humain n'a rien qui la constitue qu'une autorité récente, arbitraire et combat- tue (1). L'Eglise a pour elle la parole de son divin Maître ; de sa bouche sacrée est sortie la promesse que les portes de Venfer ne

(1) M. Lacordaire, Considérai., p. 158.

-préiHZudrorU jamais corUre elle : les portes de l'enfer l'ont assaillie et se sont brisées. Qu'elle nous parle de son . infÎEdllibîlité, certes elle en a le droit; mais le genre hu- main , oii sont ses titres de créance ? Je de- mande quel est son organe, personne, ne jrépond; quel est son chef, ses ministres, ses miracles, ses sacremens; tout est muet; seulement on nous dit « que son aotorité f est un fait ausû bien que l'autorité de « l'Eglise. Du moins faut-il le prouver. •c Non , nous ne le prouvons pas. —^ Mais •V si vous ne le prouvez pas , comment donc ft l'établissez- vous ? Notre réponse est «: bien single : nous l'établissons comme r fait, qu'il faut admettre sans preuves, sons r peine d'être sceptique ou insensé (1). » De bonne foi, si nous n'avions à alléguer dans la cause de notre Eglise que de pareils raisonnemens, il y a long-temps que les portes de l'enfer auraient prévalu contre

(1) M. de La Mennais , Essai , !!• vol. , oh. XJV.

DE LA StilbVtaUÉ HÉRÉSIE. iM

elle , et téduit en poudre la colonne de la

"Vérité.

»

On s'efforce de les réunir par une con- Aeiiion intime qui, en les rapprochant, laisserait à l'Eglise son incontestable supé- riorité : « L'Eglise avant Jésus - Christ , « raison générale , manifestée par le té- « moignage du genre humain^ » Par-lh, Pautorité et Tinfaillibilité de l'Eglise se communiquaient au genre humain. Autre contradiction , monstrueuse alliance que PApôtre foudroyait par ces paroles : k Quelle * transaction peut-il y avoir entre Jésus** «r Christ et Bélial (1 ) ? » Dans cette Eglise amalgamée de la sorte avec les temps d'a- vant Jésus-Christ , placez k côté d'elle une autorité autre que la sienne; même en la déclarant supérieure , vous la dégradez. Comment une autorité quelle qu'elle soit, pourrait-elle être plus grande qu'une aiitre autorité infaillible; l'infaillibilité étant le

(1) Quce convcntfo ChristiadBelial ^u^ Cop. vi,12.

886 HMTOtRfi

terme extrême de Fautorité? Jésus^-Chist est-il divisé? Son Eglise, pas davantage; elle est seule on n'est rien« Cessez de l'ap- peler une^ si vous lui donnez une égale; sainte^ si vous l'associez au règne de rido* latrie. Est-ce qu'elle n'existait pas alor» dans la synagogue et dans le peuple juif? Oui, sans doute; parce que, concentrée dans son sanctuaire, elle ne se répandait point au dehors. Que si l'universalité et la perpétuité de croyance était, dans le sens de la nouvelle école, les marques distinctii^es du vraij et si la raison humaine , incapable de rien connaître certainement , doit tou- jours se régler d'après l'accord général et le consentement le plus universel , le paga- nisme fut donc alors la religion véritable ! L'idolâtrie possédait seule la certitude iné- branlable ; les cultes infâmes de Sérapis et de Molock, d'une Vénus adultère, d'un Mercure voleur, d'un Jupiter incestueux, étaient les seuls légitimes, puisque ^euls ils

DE LA NOITVELLE HLRÉ8IE. 357

étaient reconnus dans tous les lieux de l'u- nivers, un seul petit coin du monde excepté ! Jésus-Christ , le verbe de Dieu uni à l' intel- ligence j a l'esprit , a la vérité j était uni au Sabéisme de l'Orient, aux superstitions de Memphis et de Babylone , aux extravagances du polythéisme grec et romain ; et l'Eglise des Démons fut véritablement l'Eglise œcu- ménique! C'était le peuple hébreu qui avait tort de préférer ses croyances locales et solitaires a l'autorité universelle du genre humain; et Socrate, condamné à boire la ciguë pour avoir cru a l'unité d'un Dieu , était une expiation nécessaire, demandée au nom de la vérité, puisqu'elle s'exécutait au nom de la religion universelle*

T.I.

3S2

CHAPITRE yil.

TradUio7i8 primitives conservées dans le genre humain. ScntUnent des Pères,

Vous vous méprenez, nous répond St. d< La Mennaîs : l'erreur n'était que dans leis apparences j la* vérité existait au fond d( toutes les croyances^toutes dépravées qù'ellei étaient, elles n'empêchaient pas que, sousl; grossière écorce de ses superstitions , on n( retrouvât les vérités primitives que la main^cr:^ de Dieu avait semées dans l'univers, divine parole, déposée au sein de la société, transmise aux familles patriarcales par 1(

mSTOniE Dfi LA KOfJVELLE HÉRÉSIE. STO

Pèife du genre humain , portée dans toutes 1(B8 parties de ia terre par les fondateurs des liatioM , s'est conservée fidèlement , pleine yie et de fécondité dânà îeâ écrits de la gentilité, dans lés monuttiens et les t^di- tibns , dans les chants de la poésie , les ré- cita de rhistbire , lés sehteiicés des {)hiloso- phes et les mensonges de la mytholb^e, dans la pompe de ses fêtes publiques , et l'ombre de ses mystères; poussière sàclrée que fécon- dait lé Verbe de Dieu , porte ap|)areiiiment sur le chaos de l'idolâtrie , comme autre- fdis son esprit sur l'abîme des eaux. « Cela « posé , nrfus dit-on , quelles futent, quelles « sont les 'croyances du genrte huihâih? Il W croît hôtt-seulement k ces maximes pre- W inières et indémontrables , qui sont basé ff de toutes les scieh'ces , mais ehcore à t'exîs- •r tènce d'un Dieu créateur des choses vi- <c sibles et invisibles , auquel l'homme , cf son ouvrage , doit un culte d'adoration j ff il croit au bien j au mal , à la punitîton du

CHAPITRE YII.

Tradiiio7i8 primitives conservées dans le genre humain. Sentiment des Pères.

Vous vous méprenez, nous répoiid M. dl La Mennaîs : l'erreur n'était que dans le» -^ apparences; la* vérité existait au fond de^^ ®

toutes les croyancesjtoutes dépravées qu'elles -^ étaient, elles n'empêchaient pas que, sous grossière écorce de ses superstitions , on n< retrouvât les vérités primitives que la maîi de Dieu avait semées dans l'univers, divine parole, déposée au sein de la société, transmise aux familles patriarcales par h

mSTOniE DE LA KOirVCLLE HÉRÉSIE. 9SS0

Pèife du g^nrë humain , portée dans toutes llss partleé de ia terré par les fbhdateurs des tlfttiotift , s'est conservée fidèlemétit , pleine de vie et de fêcondité dânà îe^ éciits de la {[èiitilité, daiis lès monûttoens et le^ ti^ddi- tibiis i dan^ les chants de la poésie , les ré- cita de l'histoire , les séiiteiicës des ^hiloào- phés et les mensonges la mytholb^e, dans la pbmpe Ses fêtes publiques , et l'ombre de sesinystëres; pbussière sàclrée que fécon- dait le VeAë de Dieu , porte ap|>areiiimeni

i

sur le chaoi l'idolâtrie , comme àiitre- ibis sbii esprit sttr l'abîme des eaux, k Cela «f pbié , rtbbs dit-on , quelles futent, quelles fc sonit les broyanc'és du genrb huihàih? Il V cfoît titttt-seulement k ices maximes pre- -ir inîëres et indéblontrables , qui sont basé « de touteèles sciéh'ces , imàis ehcore a t'exîs- * tëiricè d'un Dieu créateur dès choses vî- fc sibles et invisibles , auquel l'homme , «f son ouvrage , doit un culte d'adoration ; « il croit au bien j au mal ^ à la punitibh

840 msTOiHB

« mal , à la récompense du bien ; il croit fc que rhomme, aujourd'hui malheureux et « corrompu, ne l'a pas toujours été ; qu'un « Réparateur lui fut promis, qui devait, par « un grand sacrifice , réconcilier l'homme (c avec Dieu ; il attendit, il salua de loin ce « Réparateur; et ce Réparateur est Tenu, fc puisqu'il a cessé de l'attendre ; et l'Eglise fc catholique , recevant de nouveau par le «c Christ la parole de Dieu , source primitive « de ces traditions universelles et perpé- « tuelles , a confirmé la foi du genre hu- «c main; et le genre humain, se confondant « avec l'Eglise catholique répandue partout ir l'univers, n'a plus eu qu'une voix(1). »

Il est clair, d'après cette théologie, que l'univers d'autrefois crut les mêmes dogmes que croit l'univers d'aujourd'hui; que le genre humain a joui constamment des mêmes

(1) M. Lacordaire , Considérât./^. 43, 44, 171. Résumant , dans ce peu de lignes , les six ou sept cents pages de M. de La Mennais à ce si^yet.

DB LA NOrVEIXB DÉBÉSIE. 541

priyiléges que l'Eglise tient de la toute-puis- sance de Jésus -Christ; que si la vérité manquait à ces croyances, comme on veut bien en convenir, elles avaient du moins pour elles l* unités l'universalité^ la perpé- tuité; ce qui pourtant s'accorderait assez mal avec tout ce que les historiens et les voyageurs nous racontent de peuples anciens et modernes oîi elles furent autrefois à peine connues, ainsi que maintenant encore chez une foule de nations de l'Asie, de l'Afrique et des deux Amériques ; et ne s'accorderait pas davantage avec ce que nous savons des anciennes écoles d'Ëpicure, de Zenon, d'Aristote lui-même , qui rapportaient tout à la matière ou k la fatalité; qu'avant Jésus- Cbritft le dogme de la création du monde sans le concours de la matière, celui de la résurrection des morts n'était pas même soupçonné ailleurs que chez les Juifs. Mais il faut bien croire, puisqu'on nous V^^rme avec tant d'assurance, qu'il n'y eut jamais

!Mtt msxfHRe

dans celte cbaîne iraditiqnnellcj iii vide ni cibiCMrités. Gar4ez*TQU8 donc de prandce à la letUe le récit que nous font les livrea aaints an sujet de saint Paul et de son voyage a Athènes , lorsque , se rencontrant dans la synagogue et dans l-aréopage , entouré de Juifs et des philosophes ^e différentes sectes^ pour leur annoncer Jésus-Ghrist et sa ré^ demption , la création du monde par la seule pacole du Dieu Seigneur unique du ciel el de la terre, sa Proyidence et la iîiture ré* snrrection des morts , tous ces beaux-^esprits, aussi curieux d'antiquités qu'avides de chosef nnuTelles , se pressaient autour de lui pour lui répondre : ^ f^ous nous dites de certaines « choses dont nous n'avons point encore en^ « tendu parler^ nous voudrions bien saiHHr M ce que c'est(\). » Ce que l'univers tout entier savait depuis quatre mille ans , Athè^ nés seule l'ignorait !

L'artificieux sophiste mêle ici comme

(!)?Act., xvn, IM%

DE LA Noyyça^ ^résie. S^j!^

p^toijt If) faux ^t le vrai. Sor point de 4ér p^t ne lui $era point contesté. 11 avait ét^' fixé par nos Livres saints eux-mêmes , lors^ ^'ik repi:ophent en effet aux écrivaii^s du paganisme d'avoir dérobé aux Livres de ^ loi les types de J^urs fabuleuses histoires (i ). Et combien de savantes controverses à suj^^t i^'i^vaient- elles pas porté jusqu'au dernjier degiré d'évidence la conformité de c#a tràvestissiemens avec nos orignaux sa*- cré^! IL s'en fallait donc beaucoup que la découverte en appartînt k M. de La Mennais ; et tpitt ce pompeux étalage d'une érudition eiapr^ntée à quelques livres modernes avait besoin , pour échapper au reproche de pla-» ^^j de s'étayer de quelque chose de plus per*- çonnel a lui. Il l'a fait par l'énoncé d'une doc-p trine personnene lui contestera lapriorité« Il suppose que quelques traits de lumière çà et la répandus dans 4a vaste étendue des

(i) Libros îegis de quibusscrufabantur pentes simir- liêudinem simuîacrorum suorum, I Maca})., irr,4S.

S44 HfSTOIllE

quatre mille ans qui précédèrent le Chris* tianisme, jetés a tr.ivers la nuit épaisse de l'idolâtrie, n'en avaient pas été moins suffi- sans pour en dissiper la profonde obscurité; que ces faibles ruisseaux égarés de la source, et traînant après eux un limon impur ^ étaient tespectables comme la source elle-même; que quelques fragmens isolés , fugitifs , pro- clamés à voix basse par des philosophes qui les expliquaient arbitrairement , et les ré- servaient au secret de leurs écoles et de leurs initiations, formaient tous seuls le système entier de cette Révélation , déposée par la parole de Dieu au sein de la société , per- pétuée uniformément k travers toutes les vicissitudes. Pour cela , il entasse six a sept cents pages de citations extraites des poètes, des philosophes, des lois, des historiens d'une multitude de siècles et de contiées. K Quand vous lisez cela , » nous dit M. La- cordaire, « votre vue se trouble à tout mo- (c ment; le genre humain passe devant vous

DE LA NOVYELLE BÉIUSSDE. 345

«r SOU8 mille costumes divers, en parlant mille t( langues. Si vous voulez vérifier les textes, (f les peser, les comparer, saisir la justesse « des interprétations qu'on en donne; c'est «r un travail considérable, même pourTar- (( chéologue le plus instruit; les six cents H pages vous forceront d'en lire des millions, tr Si vous ne vérifiez rien , qui vous assure (( de la portée véritable des textes qui pas- ft sent devant vos yeux? Car il ne s'agit pas <r de l'exactitude matérielle, mais de la « relation d'une i^u de deux phrases avec la «r pensée intime de peuples anéantis. » Il est surprenant que ces observations si sim- ples ne se soient présentées qu'après gua^ torze ans k la pensée du subtil a.dçpte qui nous les fournit; bien plus surprenant en- core que ni Jésus^Christ , ni ses Apôtres , ni aucun de leurs disciples, aient songé jamaU à imaginer de pareils témoignages en faveur de la vérité chrétienne ; qu'ils en aient appelé souvent à Moïse et aux Prophètes , jaqiais à

SéB niSToiftE

rautorité de )a foi du genre humain , ni de ses traditions. Saint Paul cite aux Grecs un vers d-ifn de leurs poètes, seulement pour les mettre en contradiction avec eux-mêmes. Permis d'employer les dépouilles de l'Egypte a la décoration du temple , non à sa sUruc- ture. Ainsi des Pères, dans l'emploi qu'ils ont fait des textes profanes.

Qu'il existât donc parmi les hommes un ordre fie vérités généralement reconnues , axiomes universels, invariables, placés hors de la controverse et de la» démonstration , on ne le conteste pas , et nous l'avons exposé dans les commencemens de cet ouvrage : qu'avec eux, )es principales vérités de la mo- rale se manifestassent d'elles-mêmes a toutes les intelligences, parce que le sentiment s'en trouvait imprimé dans toutes les âmes : cette proposition est également hors de doute. C'était la un fonds commun^ oii les esprits méditatifs venaient puiser leurs étu- des solitaires sur Thomme et la société.

DE LA NÛU¥flX| HÉRÉSIE. ^f

L$^ naturQ et la raiso^ çeu^e y uflisai^t à Tacr

np p^s^ jami||9 ^întçppg^f: là-de^ua ^ rai- ^OD ^^p^r^le > puisque chacyia eq ^puYa^t fi) gq^mêf^P k t^tpQigftag^. Poiqt d'inppiç^îiq,! particulier^, poj<^^ f^^ ^^^ 4WaiUi))iUt4 qui ^ £{; la réyélatioif aux if)divi(|ifs ispl($s, qfipins encore au gp^t^e humain. Quaqt auif

fait3 iff^pprtan^ > aft-des^w de Vqf 4ip*Mr? * gui ^yj^i^pf dji frapppf l^agj^ftlîftfi jles çgij: tçmppraifis» ^a^qé^pire s'en pqf^seryajf; dan^ k PR^^^f^^4 P^^ 1^ canal de la ^adifipn , e{; sqrya^ ^ prpuyqr l'a^l^^atici^é d^s Ecriture! qui en contenaient Ij^s api^alqs Iç^ plus £4^7 le^. Toujours exacts, le3 Pèrpi^ 4l^ TEgU^ grecque et latine avai^qt biei^ senti V^'v^ff': tage que leurs rapproçjiemens .^vec les récits fies écrivains probes dpnnaiept k la caujs^ ^éyapgéUque, en certifiant leur ai^tiquité qoatrp leg païeqs » qui ]và rçpr^b^^nJt d^ tre japuyeUe. II? ont interrogé lei pQ^»i le*

%]»itt0B sur h Çbrirt >■ pQur y lire w^ûuxi

548 mgTOiHE

non des prophéties ; ils ont fouillé dans les mystères de la gentilité, pour forcer les dé- mons à reconnaître la divinité de Jésus- Christ , mais non pour en faire ses apôtres; ils ont cité , accumulé tant qu'on voudra, les textes et les monumens pris aux siècles païens, *comme médailles , non comme révélations, moins encore comme fondement même de la certitude et de la vérité. Même en accré- ditant Foplhion que quelques philosophes d'un ordre supérieur, par exemple un Pla- ton , un Socrate , se fussent élevés par leurs lumières naturelles on par des communica- tions directes avec le peuple juif, à dés no-

tions voisines des vérités chrétiennes, îlrestc^ rait à prouver qu'ils en avaient rendu la con naissance populaire; ce qui est démenti pa:^ tous les témoignages. Pas un qui n'eût s^ doctrine occulte , qu'ils avaient grand soin de ne confier qu'à leurs initiés; aussi saint Augustin affirmait-il que si hors du temple et dans leurs écples ils s'éloignaient des opi-

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 549

nions vulgaires, rassemblés dans le temple, aux pieds des mêmes autels , ils s'asservis- saient aux opinions des peuples; « car tous « ces hommes, ajoute le grand évêque, n'é- <c taient pas nés pour convertir les peuples cr de la superstition des idoles et de la « vanité de ce monde, au culte du vrai « Dieu (1). *

Ces antiques traditions , M. de La Men- nais les a ramassées dans un seul faisceau , qui lui sert à composer son argument d'au- torité en faveur du consentement universel du genre humain , son critérium de la vé- rité , le principe unique de la certitude et le sceau de Finfaillibilité . Sa doctrine à ce sujet , déjà manifestée dans le premier vo- lume de V Essai sur l' Indifférence^ il Ta dé- veloppée prolixement dans toute la suite de l'ouvrage, et consumera pour sa défense quatre volumes de raisonnemens et de té- moignages; raisonnemens sans fin, pour

(1) Deverd Relig,, Bened., 1. 1, p. 748.

prouver qu'il faut se lenir en garde cônlrb tout raisonnement , et réduire au silencfe la raison, qui ne raisonne jamais que {ibtit exter. Cest le cimeht et tout corps son ëdifide. Soùs la commune inspiration de leur màttre , le^ disciples en foîit la base de leiir cêirtitùde , sans autre deisiseih (jpië célili d'ébranler toutes les certitudes. Avec Idi, ils proclament que principe la Ibl , 1 fondéinent de toute certitude ; est 'dâitit ràisijn générale, et ne s'en éloighétit q parleurs variations, caractère tout tbnip inséparable de l'erreur; tous en foiît bas Ue leurs théories. M. Cot*dairé lui-mé^é^ 'eh l'abandonnant comme erronée ; Wj Vbî pas htoins une preuve nouvelle Iti r^Vé lâHôh divine (1). C'eit a cellé-la qu'ils àftà^ ehetit le plus grand degré certitude ; le resté , ils l'abandonnent à l'école rëùtih^re du câtt'ésiànisnie ; ils le dédaignent c'&iiAnh incomplet, insuffisant, inintelligible, làîàsiifiit

(j) Conêiàérai,, p. 53^.

-9

DE LA NdOVÈLUS HÉRÉSIE. Jfttl

dans renseignement théologiqne un vide qui pouvait être fempli que par eux: Ile île a^en tiennent pas Ik ; ils le dénoncent à VH^ nivers catholique comme ùh vèftin funèète et taché.

M. de La Metinais pouvait bien ^e cbh^ tèiitèr de faire servir les mensonges Tàii- tiquité au triomphe de la vérité chrétienne, et peu de personnes Fauraient cbnttedit; ifiais il fallait au pliis puissant génie du iix* Siècle quelque chose h quoi personne TÎ'eût encore songé. Quelle gloire de récii- \eT des limites s'était arrêtée la pensée fies plus grands hommes, de se créer un liorizon sans bornes , par-delà ce qu'àvâiéni âi[>erfcu les Justin, lés Clément d'Alëxan- Jdrie , les Eusèbe , les Lactancé , les Thomas d'Aqiiiri , lés Augustin et les Bossuét ! N^y àvàit-il pas plus d'audàcé et plus de gloire a bâtir une église sur la poussièrie des morts , iqU'a bâtir sur le roc ?

Us savaient bien, tous ces grands hommes,

988 HI5T0UE

rhonneur de la raison humaine autant que de la religion ; ils savaient bien que la phi- losophie avait pu préparer les voies a la prédication évangélique ; mais qu'elle avait laissé ces mêmes voies dans une obscurité profonde que la seule lumière de l'Evan- gile était capable de dissiper; que la tradition orale, canal de la vérité primitive, avait été bientôt rendue méconnaissable par le limon impur des superstitions dont elle était sur- chargée y qu'elle n'avait ])as pénétré dans tous les lieux; que la tradition écrite, n'ayant été donnée qu'a un seul peuple pri- vilégié, n'avait été nulle part remplacée par la raison générale; que cette tradition écjrite avait eu elle-même besoin d'une autorité parlante etenseignante, d'un tribunal chargé d'en expliquer les oracles. Aussi, toutes les fois que les calvinistes opposaient Tautorité de l'Ecriture , comme parole de Jésus - Christ, suffisante pour résoudre les doutes, en matière de religion, Bossuet ne s'en con-

DE LA KOUVELLE UERESIE. 3S5

tentait pas, et ne manquait pas de leur ré- jpondre : * Faites revenir Jésus^Christ , en- cf seignant, préchant, faisant des miracles; «r je n'ai pins besoin de l'Eglise; mais aussi, K ôtez-moi l'Eglise , il me faut Jésus-Christ ce en personne, parlant, prêchant, décidant (c mec des miracles et une autorité infailli- « ble. Mais vous avez sa parole? Oui, ir sans doute, nous avons une parole sainte fr et adorable; mais qui se laisse expliquer « et manier comme on veut, et qui ne ré- tf plique rien k ceux qui l'entendent mal. Je (f dis qu'il faut un moyen extérieur de se ce résoudre sur les douteâ , et que ce nloycn « soit certain (i). » Or, nous l'avons, con- cluent avec Bossue t tous no^s dix-huit siè- cles chrétiens ; nous l'avons , cette autorité une , divine , perpétuelle , infaillible , dis- tincte de la raison humaine, qui n'est ni divine , ni infaillible , quoi qu'en puissent dire M. de La Mennais et ses adhérf^ns.

(1). Conférence avec le ministre Claude.

T. 1. 23

V èipes laYcc la foi^ la foi humaine avec r foi divine ^ l'infiaiillibilité frônàst par Je-

«r sus-C)irist a son Eglise avec la prétendue « infaillibilité d'une certaine^ raison générale ¥ qu'ils ne sauraient définir. Constannaient « en contradiction avec eux-mêmes, ik veu- c lent, disent*ils , prémunir la raison indi^ i. viduelle contre le doute universel , et ils ff commencent par enseigner que cette raî- «r ^n* ne peut acquérir sur rien une vérita- tr ble certitude. Us reconnaissent qu'il est «: des vérités si claires que Thomme est dans r la liécessité absolue d'en douter, a moins « qu'il ne se dépouille de sa propre nature, f^ €ft' ils cherchent je ne sais oti une certi'-' «T'Aide plus grande que celle qui ne peut «r permettre absolument aucun doute. Ils «r enseignent que nous ne devons pas tenir (T pour infailliblement certain ce qui est de « la dernière évidence, et leur système, qui «r est rejeté par un si grand nombre de gens «r skges, iis' veulent que nous. le recevions

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 367

ir comme s'il était tl'une certitude infaillible. « D'après ce système , notre raison indivi- « duelle , pour arriver a la certitude d'une « yérité, doit être auparavant certaine d'une « infinité de choses , elle qui , suivant eux , « ne peut être certaine de rien. Ils soutien- «' nent qu'on ne peut rien prouver -par le (c raisonnemeM, et j^ publient chaque jour tr des livres nouveaux, ils raisonnent sans tr fin pour établir la vérité de leur vaine fc philosophie. Ils prétendent ne vouloir «r s'appuyer que sur des faits , tandis qu'ils «r ont mis 61i principe que la raison rndîvi- fc duelle ne peut avoir la certitude d'aucun « £|it , pas même de^ la {uropna emtfliiM (i)^»

(1) Mandement du 2 août 4834 contre, le deriuer, ouvrage de M. La Meimài», ïnliAiliê': ParioJîfii ' dfun CroytuU. •.•;y.-/^

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différence avait excité dans toutes les classes la société ïa plus vive impression. Le succès même de l'ouvrage déposait contre son titre. Il y eut parmi le clergé surtout une longue et unanime acclamation; l'en- traînement fiit général, dit M. l'àbbé Lacor- daire, de son aveu, l'un des acteurs princi-

HISTOULK DE LA NOUVÊLLB BÉRÉSIB. 8tfB

jpaux dans tout ce qui s'est passé (1). De jeuaes imaginations, étrangères à la langue de la Théologie , exaltées d'ailleurs par l'exemple du siècle grandissant autour d'elles, voyaient dans ce ïivre une résurrec- tion admirable des raisonnemens antiques et éternels qui prouvent aux hommes la nécessité de lafôi(3i). Plus d'autre oracle nécessaire k consulter pour la créance, et la direction des mœurs. On disait apparaître a leurs regards, ainsi qu'autrefois à ceux de Saiil, la Pjrtho- nisse d'Ettdor^ quij tout en invoquarU une fois du passé V ombre de Samuel^ évoquait rniïlefois tous les spectres antiques (5). Elles crurent comprendre sa philosophie^ bien qui elles ne la comprissent pas dit tout (A). Les esprits ne se divisèrent qu'après la pu- blication du second volume, lorsque M.

(d) Con$idêraiian$ , p. 34. (2) I&trf., p. 32, 36. t3) Ibid., p. 158. (4> /Wd., p. 160.

o60 HISTOIRE

L«'i Mennais eut substitué aux anciennes au- torités une autorité unique, dont personne n'avait jamais entendu parler. Avec cette extension (1), on ferma les yeux sur les pa- radoxes, déjà pourtant si nombreux et si frappans, répandus dans le premier. On avait cédé sans trop de réflexion à l'impres- sion que produisaient dans les esprits la cha- leur et l'énergie des tableaux, lu véhémence des accusations, le pittoresque du style, une sorte de vigueur dans le raisonnement, 11 n'y avait eu qu'une seule voix pour y recon- naître un talent vrai, qui semblait s'être fait de lui-même. Censurer est un besoin pour tous; c'est un dédommagement .pour l'orgueil, et aussi une vengeance, dit M. de La Mennais (2). Le regret du passé , con- solé par l'espoir de trouver enfin un uen- geiiPy accueillit avec reconnaissance le cou- rageux écrivain, qui se présentait avec tant

(1) Considérations,}^, Jo7.

(2) Religion considérée y eiv .

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 301

d'éclat aux amis et aux ennemis. Personne cpii ne voulût le connaître; l'admiration prit partout l'accent de l'enthousiasme. Les éditions succédaient aux éditions. M. de Frayssinous recommanda l'ouvrage du haut de la chaire il prononçait ses belles con- férences. Tout k coup M. de La Mennaisse vit le maître^ le père d'une nombreuse école, qui lui iwiia pour jamais respect ^ fidélité ^ amour. Les voltimes q[ui ont suivi n'ont pu, malgré leur évidente infériorité , affaiblir l'activité de ces sèntimens, et n'ont fait qu'accroître la renommée de l'écrivain, par les débats mêmes qu'ils suscitèrent. En ua geùl jour,' nous dit encore M. Lacordairc, M. de La Mennais se troussa investi' de la puissance de Bossuet (1 ).

Ce n'était pas , il fallait bien en convenir, ni cette rigoureuse précision de doctrine et de langage qui caractérise si éminemment^ le grand évêque de Meaux , toujours plein

(4) M. I/acordaire, ConêiMrat.^p. 37.

908 Bunomai

de la sàve rantiqaîté ^ m cette sfeigMse lumineuse d'argumentatioh qui ne rlaiawB rien à l'arbitrailrè, pose les principes et ne tes invente pâs^ les enchaîne, par la justesse des définitions et la niéthode graduelle des déVéleppemens, à- d'infé^Usableci ce^iisé- quences ; 4i cette souplesse d'îna'ginatîon' et de 3tyle:^. eâtle in^iitatioA Continua v- qui nuUe pairt ne #e re^^exU de. la contirainto du travail) moins encore la délicate . ob^rva* tiofi des convenani^es., que la religion com- mande envers tous, ^teté dan& l'arjène des discussions polémiquea, au sortir de se^^ premières études , sans avoir eu le temps de les mûrir, dominé par une imagination mé^ lancolique et sombre « égaré par.de: £iuk modèles,, entre autres par |a lecture du philosophe de Genève, à qui il affecte de ressembler par sa manière d'écrire, autant que par l'ambition du paradoxe (1), M. de

(1) Il le copie souvent , et Ton a remarqué que h êophUie de Genève n*eftt pat le seul écrivain dont

0K LA NOUVEtXB ttÉUftlK. 3(KS

La Mennais poiivait-il voir les objets autre- lisent ipilL (raVëts un prisme mfi'dèlê qui les déhàtiire à ses yeux, connaître l'antiquité aûtreibent <j[ae pour la travestir avec Pair de la citer ? Aussi le voyez'-Toùs impatient de produire quelque chose qui n*ait pas en*- cdre été iâirenlé , brisait dans sa fougueuse indépènèaBce les bornes po6^ées par nos* pèlpes, t&ïAét constamment sous les pieds Tatitorité t^t civile que f eligiewe , pour Icd substituer le&nt%iie de je ne sais quelle autorité ilmagrnaire , caiômtiicfr science des âges passés , Uvrer au mépris 1^ monu- mens de la tradition et les écrits des théo* logiens et des philosophais; Noofs n'invefn- tons , nous n'exagérons rien : c'est w cela seulement qu'il s'est montré conséquent a

M. de LaMennais ait profité/ On retrouverait chez lui des pa{^ entières de Pascal , de M. Neeker, dans 80B livi^ de l'impofianee de» Opinioni reH^useê; de NifioUe, de Bossuetv et, quoiqu^il cite beaucoup, il n'est pas toiigoufs fidèle à indicpier les sources il puise.

504 msToiAE

lui-même. On murmurait, mais. tout bas, contre cette confiance préscuxiptueuse avec laquelle il prononçait sur l^s questions les

II

plus délicates, contre la hardiesse de cer- taines propositions répandues dans ce liyr« en assez grand nombre^ autant d'énigitoes d^nt on attendait impatiemment la solution , expliquées depuis par ses chimères, d'infailli- bilité, de raison générale , de.cominun.con- sentement et du fait de : l'autorité^ On ne comprenait pas mieux^e qu'il avançait sur la révélation primitive, sur l'origine, du. langage humain ,. assez difficiles à accorder avec l'Ecriture et la saine philosophie (1). On s'étonnait bien plus encore des conce»-: sions qu'il y fait, au pyrrhonisme : que l'éivir dence , le sens intime , le sentiment , le rai- sonnement, ne fussent pas des motifs de

(i) Voyez lea .savantes di8CiiS8Î0D8 à oe sij^t, par M. "Roiaren, Examen, p. 318 et suiv. M. Boyep, p. 43 et suiv. M. Receycur, p. 29 et suiv. M. de Bouald avait jeté le germe de ce système , que M- de La Mennais a recueilli pour le dénaturer. . .;i. :

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 3tô

certitude de nos jugemens. Certes, ce n'est pas avec cet embarras, affecté ou non , que Bossuet .traite ces matières , bien que pure- ment philosophiques , mais qui se rappro- chent si près de la Théologie ; et quand est- ce que le théologien fait jamais chez lui dis- paraître l'homme éloquent? Rien donc ne pouvait autoriser ce rapprochement entre Bossuet et M. de La Mennais , que pour faire mieux apercevoir la distance* énorme qui les sépare. Car ce n'était assurément pas chez M. de La Mennais qu'il fallait aller chercher la clarté des définitions, la jus- tesse dans les preuves , la fidélité dans les allégations. On lui a reproche son obscurité de langage , son néologisme , les mots pris au rebours de l'acception commune , ses digressions,' ses défauts habituels de logi- que , le vide de ses démonstrations; et l'oa en a fourni des milliers de preuves , toul l'artifice des sophistes. N'attendez pas sur- tout ni du maître ni de ses disciples le res-

306 ' iWTOinB

péjct filial que la. j^iinesse et l^ «ll^voir de U profession : commandent pour les fenoDOr- mées consacrées ptr l'estime «t 1^ vénéra- tion publiques ; ii» now diront qu^ « le» aur « ciêns sont toujours entêtés de. leuto mll-r tr ques doctrines ; que les coips 0nsjeignai|s «r ne sortent pas des vieilles lOnti^ref 4fK I9 ft scolastique ; que ces he^mmet ne laîfH^ « ront jamais ^trer dans le^rs vieilles %é^ Y tes une idét^ nouvelle (4). ^ De la 9 ce tor^ rent d'injures , renouvelées ^ chaque p9ge , contre les aoms les phis ciiers à |a science, aux lettres, a la Beligion; le ^ee^^ de Jta diffamation imprimé sur le i^onjt de Pç&- cartes; la Sorlionue tpjiijb ^ntièi)e ûnovoléfx à la vengeance de ces prétendus philosophes, qu'elle avait flétris de ses censures. A l'es^em- pie de son chef, VécoU de M. de La IVjlen- naîs ne tarjm pas sur les outrages prodi- gués à ooi^ Docteurs j un de ces apprenjlji«

(d) Essai, i. II, de la page 31 à 38; et Lettres à Mgr. l'arche véque de Paris.

DE LA NOfJVSUV HâRâSIE. 867

théologiens Tiendra mettre le scellé sur la tombe des Beriner, dea Girard ,.^ Barr ^el, dea Pompignan, des Grenitl, des La Luzerne, pour prooioncer fièrement que, de^ puis Massillon, l'Eglise catholique a manqué tout-à-fait de ces talensgtUwmt loin dans la postérité^ et que dje La Mennais a seul re- noué, la chaîne de nos grandi écrivains (1). Un autre osera bien £»ire la leçon à Bossuet ; entreprendre de refaire la Conférance f^vec Claude , et gourmander l'Ângustin français de la faiblesse de aea raisohnemens dans la cause du Protestantisme (2).

Cependant. 9 tout en rabattant de Texa^ gératîon des panégyriques, et en faisant la pattdê la crilique^ il y avait aussi de quoi

{!) M. I^aoordaire, CoimiJfal.^ p. 37.

(2) Ge1i^-1à s'appelle Gë^het , auteur d'une dé- fense des principes de M. de La Mennais, sous le titre-: Docirinêà phUùBopkiques sur ta Certifuâe. M. Bjozaren en a ^it une réfutaiion tf^cejiaatù^ à laquelle on ne pouvait répondre que par dea injures. On n'y a pas manqua, foy. lapréfece de son Evanum,

U <*cvA»»°" „i, U test»"*'" ^ cet.-»''"* tout »'«""*"... d'«"

DE LA ROUVELLE HÉRÉSIE. 869

passons k l'écriTain la moitié de son juge^ ment; nous ne sommes pas de son a^is pour le reste. Le mérite de l'érudition , qualité indispensable dans ces sortes de matières , quand elle est unie à la sagesse de la dialec- tique , se faisait bien mieux remarquer dans un autre ouvrage du même genre , mais conçu dans un tout autre dessein , sous le titre de Trcdté historique et critique de /V- lection des évêques (1), contre le système des élections populaires , décrété par TAs* semblée constituante , et proposé , de nos jours , par l'école Lamennaisienne. Mais l'auteur était sous le joug d'une inculpation grave : on l'accusait de tenir à une secte justement repoussée par l'Eglise ; son livre eût peu de cours. Celui de M. de La Men- nais fut répandu k profusion dans les sémi- naires. « On y lisait » , dit encore le jour- naliste déjà cité , ^ des pages d'une courar

(1) 2 vol. inS*, Paris , 4792; par M. Tabarand , prêtre de l'Oratoire.

T. I. SW

570 HISTOIRB

« geuse indignation contre le despotism^^ «r d'alors » ( le despotisme impérial ). La préface contenait cette note : Quant au premier article de la déclaration de 1682 , j'y tiens autant que qui ce soit. (C'est pour- tant contre ce premier article que l'auteur déploie le plus vivement tout l'arsenal de sa polémique, comme étamX, principe de schisme^ d'apostasie et d' athéisme {\). « Toutefois, il « y a dans le premier ouvrage une expan- <c sion d'amourpour la chaire de saint Pierre, « une soif de son exaltation , qui peut dès- K lors faire présager le long et vif combat « que l'auteur livrera pour elle contre ceux K qu'il croira ses ennemis. » Pourvu qu'elle n'improuve pas ses opinions.

Quelques publications moins importantes avaient suivi VInstitution canonique des éi^êquesj lesquelles furent réunies sous le titre de Mélanges, On trouve dans ces Mé-

(i) Voyez la Religion Considérée , etc., p. 205 et suiv. , et tout V Avenir,

M LA NOUVELLE HfclÉSlE. 371

langes bien des articles qui seraient d'élo- quentes réponses à ce que l'auteur a écrit dans ces derniers temps, et spécialement à l'ouvrage qu'il a composé, dit-on, pen- dant son dernier séjour à Rome , sur cette même situation de l'Eglise chrétienne (i ).

^1) L'Univers relig., i|. 177, à rarticle : Parûlm d'un Crayani,

CHAPITRE IX.

■«

ConiinuaHon du précèdent,

U Essai sur V Indifférence présentait un ouvrage complet; c'était un traité spécial auquel on pouvait appliquer le mot du poète: Mole sud stat. Rien n'y faisait sentir le be- soin d'une suite , rien n'y supposait qu'il fiiit inacheifé. C'étaient des explications, non une continuation que l'on demandait à l'au- teur; et il est plus que douteux qu'en pu- bliant son premier volume , M. de La Men-

HISTOIRE DE LA NOUVELLE HÉEÉSIE. 375

nais eût bien calculé ce que pourrait être le second, moins encore qu'il rendît néces- saires ceux qui devaient venir après. Tran- chons le mot. M. de La Mennais a sacrifié à la cupidité de ses libraires , spéculateurs de renommée, que la vraie gloire de l'écri- vain intéresse peu, pourvu qu'elle leur rap- porte. Ce que l'on a publié sous le nom de Suite au Discours de Bossuet sur V Histoire universelle j n'est qu'une misérable parodie de ce chef-d'œuvre ; mais la prétendue con- tinuation est un œuvre posthume. M. de La Mennais a vu toutes les éditions de la sienne ; il les a publiées lui-même sous un titre gé- néral qui les identifie par le lien de Défense de l'Essai sur V Indifférence , composant un ouvrage distinct , en plusieurs volumes. Son sujet épuisé , qu'avait-il à dire? S'il a voulu prouver ce que c^est qu'un prêtre^ n'a-t-ilpas mieux réussi a prouver ce que c'est que Fhom- jne ? Ce qu'il avait à dire , c'était d'imiter le noble exemple donné par saint Augustin »

374 fliSTOiEX

dans ses RétiXictationSjiant^oixr corriger que pour expliquer certains passages de son livre qui avaient fourni des objections plus ou moins légitimes contre sa doctrine. « Jen'at- c( tendrai pas plus long-temps/dit notre saint <^ Evêque, à me juger moi-même avec la « sévérité de mes censeurs sur celles de mes i< opinionsqui,mênieen les supposant vraies^ (( laissent encore douter de la nécessité de ^ les publier, quand elles paraissent fausses « k d'autres (1). » M. de La Mennais pou- vait sans honte avouer qu'il s'était trompé. Ce qui fait l'hérésie , ce n'est pas l'erreur, mais l'obstination a la défendre. Il avait été beau k un jeune athlète de jeter le gant au milieu d'une arène envahie par les ennemis de la Religion. L'orthodoxie du prêtre ca-

( j ) Differendum esse non arbitror ut opuscula tnea eum judieiariâ severitaie recenseam y et quod me offendit vel alios offendere posset ^ velui censorio stylo dénotent j quœ , ^i non falsa, at certè videantur, sivo etiam convincantur non necessaria. (Prolog., lib. i. Rétractât. ^ cap. r, *2, 3.)

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 57<S

tholique élait h couvert de toute, préven- tion ; son triomphe rejaillissait sur toute la Religion ; sa gloire restait pure encore , a travers quelques taches mêlées à des véri- tés fortes , courageuses , exprimées avec ta^ lent et avec l'ardeur aisément enthousiaste d'une conviction profonde. Son livre , épuré de quelque alliage et du langage acerbe que repousse l'esprit du divin Législateur , devenait monument , et plaçait son auteur parmi les écrivains religieux , s'il ne le pla- çait pas encore au rang des Pères de V Eglise. Le seul Discours sur l'Histoire universelle n'aurait pas suffi peut-être k Bossuet pour obtenir ce titre de ses contemporains et de la postérité.

Mais de tels aveux ont toujours été pé- nibles à l'amour-propre : plaignons M. de La Mennais de n'avoir pu s'y résoudre.

(( L'Europe , nous dit-on , attendait im^ « patiemment la continuation de son ôu- K vrage. Enfin, après deux ans d'attente»^

576 HlttTOlAfi

K parut la Défense (1). » L'éclair parût dn nuage, moins pour répandre la lumière, que pour épaissir Tobscurité. Bien cpie par son titre il offrît avec lui quelque affinité , il s'en éloignait évidemment par son objet et par ses formes. C'était de la polémique snbsti^ tuée a l'éloquence , un système a l'enseigne- ment consacré par la tradition , et des ques- tions d'école à des vérités positives qu'il n'était pas possible de contester impuné- ment , sans risquer de remettre les princi*- pes eux-mêmes en problème. Les hautes questions traitées dans le précédent , quel- quefois avec une éclatante supériorité de logique , toujours avec une verve remar- quable d'éloculion , s'absorbaient dans une controverse arbitraire , mal soutenue et vagabonde , souvent inintelligible , et qui se réduisait a être , non l'apologie de l'ou- vrage , mais la querelle de l'homme. Ce qui s'y faisait le mieux sentir, ce n'était plus le

(1) M. Lacordaire » Considérai,, p. 37.

Y

r

DE LA :iiOVTEI.IJS IlÉBittUC. 377

talent de Fauteur, mais la singularité et le (Ii>gmatisme des assertions , le néologisme des pensées , la prétention de créer quelque chose qui eût échappé aux découvertes ou a l'imagination des devanciers, le désir >de régner sans rivaux dans le domaine des in* ielligences , en un mot , l'ambition de se faire chef de parti.

Les reproches faits a son premier ouvrage avaient porté principalement sur l'irrégula- rité du plan , le vague et l'incohérence du système, la nouveauté d'une doctrine re- poussée constamment par les croyances communes , sa tendance au doute universel, l'aigreur et l'emportement de ses censures, les atteintes portées à la foi catholique , le mépris de l'autorité , de l'épiscopat , de la tradition, et par une conséquence inévita- ble, le renversement du Christianisme. Com- ment la Défense répondait-elle a ces alar- mes? £n enchérissant sur les précédentes erreurs, en y ajoutant de nouvelles. Le

578 HISTOIRE

commentaire, en leur donnant plus de jour, mettait a nu le dessein de l'auteur. La doc- trine occulte, qui ne s'était montrée d'abord qu'enveloppée de nuages, commençait à se manifester avec plus de clarté , mais par de plus alarmantes révélations. Cette raison gé- nérale identifiée avec la raison de Dieu ; le genre humain, quoique souillé de tous les cri- mes de l'idolâtrie , conservant néanmoins la parole de Dieu, élevé au privilège de l'infail- libilité; l'autorité d'un consentement général imaginaire, associée à l'autorité de l'Eglise; le Verbe de Dieu servant d'organe à la philo- sophie du matérialisme, de la licence et de l'impiété ; les haillons du paganisme trans- formés dans la robe de Jésus-Christ , et le genre humain porté sur le même trône que l'Epouse du divin Rédempteur ! un spino- sisme réel introduit dans la théologie par l'affinité de cette raison générale, n'étant que l'esprit humain actuellement uni au Verbe, avecTâme universelle du philosophe d'Am-

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 879

sterdam : de telles images s'étaient- elles jamais offertes aux chrétiens, même du temps la plus violente eflfervescence des esprits fiit excitée par la Réforme contre notre église catholique. 11 fallait, pourren-: contrer rien de semblable dans l'histoire de l'Hérésie, remonter jusqu'aux rêveries extra-' vagan tes des Montan , des Y alentiniens et des Gnostiques. Prétendre encore que toutes les preuves données jusqu'ici de la vérité chré- tienne étaient incomplètes , insuffisantes , quel triomphe n'était-ce pas donner a la mo- derne incrédulité ? Qui donc, si ce n'étaient les Spinosa , les Bayle , les Collins et les Tindal, avait jeté des doutes sur la force des preuves du Christianisme , en les déclarant insuffisantes , incomplètes? L'Apôtre des na- tions était donc dans l'erreur, quand il con- fondait les Juifs par le seul argument des pro- phéties(l)? Et Jésus-Christ lui-même prêtait- il le flanc aux contradictions des Pharisiens,

(1) IIPetr.,1, 49.

880 msTODie

quand il leur opposait ses miracles comme témoignage invincible de sa divine toute- puissance (1)? Au lieu d'invoquer en sa faveur le témoignage de Moïse et des Pro- phètes , que n'en appelait-il à l'autorité du genre humain y s'il était vrai que le genre humain, initié tout entier dans la connais- sance de la Rédemption future , eût été par cela seul l'oracle infailUble de la véritable Re- ligion ? Que s'il était vrai que la philosophie humaine eût été dépositaire des traditions primitives maintenant enseignées par elle avec autorité , reposant sur des ^ts, disant les mêmes choses que l'Eglise catholique ^ pourquoi saint Paul l'avait-il réprouvée en la flétrissant du nom de Jolie et d'impiété (2)? Poussons plus loin : A quoi bon ce Calvaire avec ses opprobres et ses tortures? à quoi bon tout le mystère de la Rédemption san- glante du Fils de l'homme, si la raison géné-

(1) Joann., x, 38.

(2) I Cor., 1, 19 et »eq.

DK LA NOITVBIXE 'nbuÉSIE. 881

raie suflbait aux croyances du genre humain? Si la foi universelle, permanente, aux tradi- tions générales est le sceau de la vérité et conséquemment la voie du sàlut : ce qu'il en faudra conclure , c'est que, depuis comme avant Jésus-Christ, la plus grande partie du genre humain sera infailliblement sauvée sans avoir connu Jésus-Christ; ce qui est une hérésie formélle,contraire a ce double dogme de notre foi catholique : que sans la foi il est impossible de plaire à Dieu^ parce qu'aucun autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes y par lequel nous devions être sauvés; et que personne^ à moins qulil ne re- naisse de Veau et du Saint-Esprit > ne peut entrer dans le royaume de Dieu (1). Mais uon : tout cela, doctrine surannée qu'il fallait abandonner a la poussière des écoles. "Tout l'édifice de l'ancienne philosophie de- vait être renversé de fond en comble. Il avait fallu, selon M. de La Mennais, refaire

(1) Hebr., xi. Act., iv^ 42. Jean., m^ 3.

38S HiSTons

tout le système des connaissances hamaines, régénérer l'intelligence y renouyeler tout l'enseignement de la Philosophie et de la Théologie,Yicié, corrompu jasqu'k nos jours, soit par des omissions coupables, faute de s'entendre sur les vrais caractères de la cer^

titude i soit par des doctrines- infidèles alh surdes et niaises , voisines du schisme et de l'hérésie, tendantes au scepticisme et à l'athéisme même. Tout le mal venait de l'influence que' Descartes et Bossuet avaient prise dans nos écoles.

Le premier, après avoir examiné,, dans ses profendes méditations , sur quoi repose la certitude de nos connaissances , en avait dé- couvert le fendement dans l'évidence (1 ) , conséquemment dans la raison, flambeau al- lumé à la lumière de Dieu , donnée à l'homitie

(1) Pfincipêê de Philoêophie , préfiEicé. Ce bel ou- vrage , Tabrégé de toute sa doctrine , finit , conme il avait commencé^ par un appel à la raison , tant de Tauteur que des autres à ^ui il soumet son livre;

DS LA :«OUVKIliB HÉMSIB. 385

comme l'apanage spécial de sa nature, noble privilège qni le distingue des animaux et en &it le cheM'œnYre de la création, le rayon de la diyine intelligence imprimé sur chacun de nous par les mains du sage auteur de notre être. Ainsi avait parlé en vingt en- droits ce grand homme, le premier des géomèlres cpii fut jamais. Mais s'il a rendu les plus éclatans hommages aux prérogatives de la raison , en méconnaissait-il les imper- fections? D'abord il ne reconnaissait qu'une seule autorité inÊdlUble. ir Je ne mets point, «( dit-il, ici en rang la Révélation divine, pour tr ce qu'elle ne nous conduit pas par degrés, « mais nous élève tout d'un coup à une créance in£adllible (1). ^ Mais, après avoir posé la borne s'arrête la raison humaine, il proclame que , s'il nous arrive souvent

(1) Lettre à Voêoe. Traduction servant de préfiice au livre des Principeê. de Philosophie. £t ailleurs : Quamvis forte lumen rationis quam masimè t^rum et évident aliud quid nohiê suggerere 9idere§ur , toit

S84 niSToniE

d'être égarés par la faiblesse de notre vue et par la précipitation de notre jugement, il n'en existe pas moins des principes clairs, distincts, supérieurs au doute, dont l'évi^ dence nous est démoi}trée par la lumière de la raison (1).

Bossuet^ dans chacun de ses admirables ouvrages, établit que Jésns-^Christ a fondé dans son Eglise une autorité visible, perma- nente , infaillible , juge souverain dans tout ce qui regarde la foi, la discipline et les mœurs, comme étant perpétuellement dirigé par l'Esprit saint qui lui en a donné l'infail- lible promesse ; que l'Eglise professe qu'elle ne ditrien d'elle-même , et qu'elle n'invente rien de nouveau dans la doctrine , ne faisant en cela que suivre et déclarer la Révélation

tante fi auctoriiati dwinœ potiùê quàtn proprio nos- trojudicio fidem esse adhibendam, prœter cœtera^ me- tnoriœ nostrœ pro sum.mâ régula est infigendum. (Part prima, n. lxxyi, 1. 1, p. 20, Oper. philos., Amsterd., 1664. )

(i) Ihid.,n. XXX, p. 7,

f.

DE LA MKrVELU HEBESV.

ditine (1). Déplus, il éublil, snrtoiii dans

-

8fi Péfiense de la Déclaration dn clergé de France snr les quatre articles de 1681 , que IjB; souYerain Législateur , en instituant le collège apostolique» a placé à la tête de toutes les églises du monde chrétien un Chef in- yesti par lui de la plénitude de juridiction, centre de l'unité catholique, à qui tous doi- yent obéissance comme à Jésus-Christ lui- même, dont il tient la place sur la terre. Qulmporte que son autorité soit supérieure k celle des Conciles généraux ou qu'elle leur soit subordonnée ? « Hypothèse en effet plus ir idéale que réelle, plus chimérique que pos- sible (2). Ces choses dont on dispute dans les écoles , il n'est pas, poursuit le grand é\êque, nécessaire d'en parler, puisqu'elles

(1) Expos, de la doct. de VEglise cath., n. xix, édit. Paris, 1730; ei Défense, etc., Uv. viii, ch. xiii, p. 465, traduc. franc.

(2) M. Boyer , Examen de la doctrine de M, de La

Mennais ,^. ÔJ.

T. I. 25

368 mnnu

ne sent pas de la foi catholique (1). L'Eglî^ n^ point prononcé Ik-desslls de jngeinènt définitif, et permet de discuter libiieméiit te pour et le contre. Et pas un de se^^iifkné ipi^ k la suite de ce débat de famillb, ^'ëilë qu^aitpu être son opinion, tie s'écrit âvéè l'imtnortel évêque : <f O sainte Eglise! kàJ^ (T des églises et mère de toupies fidèles, é^ffise ir tïhèisie de Dieu pour uttir èeis eiiOuis Aktà Ik même foi et dans la mêihe' charité^ hôué é tiendront toujours k toi par le fohd fato k entrailles (2). » Voila le €ai^tésiàirîsittè,Vbl& le Gallicanisme dont M. de La Metaiiâls et son école ne cessent de nous épbttyanttsr. Bescartes et Bossuét ont ouvert l^s voies '4ti sbépticisme, la mortelle maladie dii^ huitième siècle! Leitr doctrine h l'un et kTâu- tren'apas échappé a la censure de Rome (3).

(1) Bossuet, supra, n. xxii, p. 263.

(2) Bossuet , Serm, sur V Unité.

(3) M. Tabbé Rohrbacher, Lettres d'un anglican, cité paV* M. de Madrol , p. S3. Hist. secrète parti de M, de La Mennais^ ï vol. iil-8% 1834.

DE LA NUOVBLUr HÉRÉSEE.

Le pbilb86|>he a feumi des ahnes âu inatd^ rialiame de Spinosa; le théologien qui ûi tomber aux pieds de la vérité cathôliqoe TWentie et la maréchale de Duras, l'autettf des i^àriatiafis^ chef-d'œuvre cdnçtl p^t le gâide, exécuié par tDus les ialetis, BoÊtstlél/ |>itiblamé dèi son vivantanPÈftï t/EcLtàil ttBét qke des sot^hismes à apposer ati itd'- liis«reGlâtide,danscéite faMeiise Cdnférëtiéé dit il rappelait saint Aiignstih ailx piri4èl Èiittc les Dônatisted. Viendra un atitire adepte 4ci la nouvelle école, qui dserà dilrë que BèfS^ stièt, k la coût de Louis XIV, défenseur dd Ontilitanismè ^ iretraçàit Cratiffiér livrait i'ëgli^e btigiitane aux ordonnances impies de Henri Vill. Entraînés par l'atttdHté ces dèu* hoinnies , tdut ce qu'il y a eil de pieux et de savans théologiens, tant d'îlius(l*és Docteurs^ si clairvoyans si dU-i cÉ*nèr rfetteur de la vérité, si z;élés k pori*- sttivte l'une , k propager l'autre ^ n'aturaiént pas même soupçonné le venin d'une doc-

S88 nsTOiRB

trine qui recelait dans soii sein Tathéisme ! îl y a plus : Tous en auraient été les com- plices ! Car, assure M. de La Mennais, et le reproche s'étend sur tous les défenseurs du Christianisme : Avant Descartes et Bossnet comme après , les preuves qu'ils en ont don- nées, appuyées sur un principe faux, portent sur une supposition destructive de toute vérité; elles mènent droit au scepticisme; elles contiennent tout le fonds de la philoso^ phie cartésienne y absurde^ niaise^ et qui retombe de tout son poids dans l'athéisme (1 ), C'était au dix-neuvième siècle qu'était rë^ çervé l'honneur de nous révéler les solides preuves de l'existence de Dieu et de la vérité c&tholique si fort obscurcies parles ténèbres que les doctrines de Descartes et de Bossuet avaient répandues sur toute la surface de l'Europe. La vérité chrétienne avait donc attendu tant de siècles , que M. de La Men^ nais et ses disciples vinssent la dégager

(1) Défense de V Essai sur l'Indiffér.j p. 465.

DE LA XOL'IpELLE HKBÉSIE. 380

de la nuitprofonde elle était ensevelie (i)\ Peuples chrétiens ! venez, venez vous ranger autour de la chaire des nouveaux Evangé* listes. Que vont-ils nous apprendre ? La

Défense y 2l peut-être lever tous les voiles jetés avec ou sans dessein dans les premiens volumes, éclaircir toutes les difficultés-^' lever tous les équivoques de langage , ren^ placer les hypothèses par des démonstra<- tions. Du moins l'auteur appuiera sur quelques preuves son système nouveau. Pîon. 11 répondra fièrement qu'il n'a pas besoin d'en fournir; et il s'est retrancha opiniâtrement dans les dénégations. U fallait , selon lui , admettre sans preuues l'autorité du genre humain (2). M. Lacor^ daire, citant ses propres paroles , ne peut s'empêcher de trouver étrange cette logique qui veut être crue sur parole , quand elle a

(1) Aliquos Marcioniias et Valentinianoê libe* randa Veritas exspeciabat, (TertulUeu , Prœscript,^

(2) Eêèai, t. U, p. 12Î. . ^

MO msTûms

tant de fois et si despotiquement prononcé ime l'homme qui fait de sa raison ùuUviduéUe la règle de ses jugemens ^ ne peut arrivet^ à nan de certain^ et que^ sUl est conséquent^ il doutera de tout (1)* A qui pouvail-il persua- des qu'il fallût croire aveuglément à seq infiiillibilité?

1^ Au reste, si l'illustre auteur se dispensait si Gomplaisamment de prouyer ce qu'il avançait, il ne s'embarrassait guère d'être compris, quand il développait sa pensée. Sollicité maintes fois de descendre à un langage plus intelligible, d'accorder ses perpétuelles contradictions, il était égale- ment sourd , et coupait court k toutes les objections nouvelles , en répliquant : f^ous ne tue comprenez pas. Personne ne l'avait compris ; personne , ni ceux qui l'attaquaient après avoir donné cependant une attention assez sérieuse au livre qu'ils combattaient, ni même, de l'aveu de M. de La Mennais et de ses plus intrépides apologistes , ceux qui tQUs (1) ConMirat., p, 1S4, 156.

\

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 8W

les jours rompaient des lances pour sa cànse» f Qn ne Fa pas compi^. » Qaoil des hommes accoutumés, à porter la lamièrà suc lès questions de la métaphysique la plus ^iKtrase échouaient contre celle-ci! Ce n'était donc pas même de la métaphysique^ Gâr> tout obscure qu'elle sott dans Hobbies, dans Spinosa, dans le baron d'Holbach, elle se laisse pénétrer; et l'antre de Tro- phonius laisse échapper quelques éclairs de la fumée obscure q|td en est le fond. S'il était vrai qu'on ne l'eût pas compris , était-ce la faute du lecteur, ou de l'écrivain? "Ne serait-ce pas qu'il aurait négligé ou re- fusé de donner à soii ouvrage la première des quahtés , la plus nécessaire , surtout k un ouvrage dogmatique, destiné à enseigner les premiers rudimens de l'intelligence, la clarté. Pascal a dit que les meilleurs ou- vrages sont ceux que chaque lecteur croit qu'il aurait pu faire. L'obscurité d'un ou- yrage indique que Fauteur ne $'est pas tou-

/.

1

HISTOIRE

jours entendu lui-même, ou qu'il s'enve* loppe de ténèbi;e8 concertées. Les nouveaux Docteurs ont leurs raisons pour aimer le vague et l'équivoque dans les expressions. Cette manœuvre leur ménage la ressburGe , quand ik sont pressés , de dire qu'on ne lest pas compris (i ) . Ces admirateurs sont les seuk qui comprennent; les adversaires n'y en- tendent rien. Un tel ostracisme est le passe- port des absurdités et des paralogisme! sans nombre que renferme système de la

nouvelle école.

Toutefois, son fondateur s'est fait assez com- prendre dans ses écrits subséquens» Sa doc^ trine, déguisée a dessein dans son Essai sur V Indifférence^ n'a pu soutenir long-temps le masque dont elle s'étaitcouverte.Sonsystème. de la raison générale n'était que le prélimi- naire de sa théorie politique en faveur de l'au«- torité souveraine de la multitude^ son Jour- nal de V Avenir^ que le commentaire journa-

(1) M. RouiYeii; E^awien^ préf.y p. IJè,

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 305

lier des doctrines contenues dans son livre De la Religiqndans ses rapports avec V ordre civil j dontle livre des Paroles d'unCrojantVL^ été , à son tour, que la complète manifestation. Sa doctrine tout entière perçait à l'avance dans ses brutales réponses au mandement de M«ï* l'archevêque de Paris, au P. Ventura, à Tévêque d'Hermopolis j réponses qui sont autant de fastidieuses répétitions de ce qu'on lit dans ses autres brochures , il n'y a rien de neuf que les sarcasmes viru- lens et les plus grossières injures. Encore ces illustres assaillans ont-ils à leur di^ gnité la grâce de n'être pas confondus avec les autres adversaires , k qui l'on n'accorde qu'une insultante pitié : Tactique familière au parti, l'on est convenu et de lutter avec audace contre les supériorités de rang, pour avoir l'air de traiter avec elles d'égal à égal, ou d'écraser les inférieurs par le silence du mépris, pour faire croire qu'ils sont en efîet méprisables !

t.

*

M . Gerbet , un des disciples de M . de La Men- nais, rendant compte de la Controverse sou- levée par la Philosophie moderne, et du rple que la Théologie a voulu y prendre, y voit ui\ grand et puissant développement des idées auxquelles le Christianisme ne fut jamais étranger (1). M. Gerbet £^ raison , s'il entend par-la l'influence que le Sacerdoce eut de tout temps sur les lumières de la spci^té contemporaine. Mais , soiis le prétexte d.u

(1) Coup d'œil sur Iq, Çoniro.Vf çJi4:ifiein^^^ p^v M. l'abbé Gerbet, p. 84, H4, 142.

HKTOIftB DK I.A KOlIVEUiB HEEfiSDB.

H^Dgr^s qu'aumefit £Mt les esprits depuis

tffgf ^iàçl^^ prétendre que renseignement

}héci}Qfîque |i prendre une direction

4|oinrell^, contraire k celui qui nous fut

innonis par nos plus vénérables Docteurs ,

ç'esl une prétention qui ne pouvait enfanter

spiel'^iTeuif.Telest rynique résultat qu'aient

ipiiroduit les efforts de l'écrivain, pour pallior

la doctrine de son maître, paîrfaitement

«ppropriée , dit-il , aux besoins des esprits.

Xi'école Lamennaisienne a trop oublié que

le premier besoin de la jeunesse sacerdotalf

était une instruction solide , puisée dans les

antiques traditions, et non pas dans des

ajitèmes arbitraires.

Analysons celle qu'il nous propose dans son écrit, publié sous le titre Des Doctrines phiUh' êophiques sur la ceriitudej^ si puissamment . xéfiité par M. Rozaven. Son vigoureux anta* goniste presse , Finvestit de toutes parts ^ l'accable sous le poids de sa dialectique.

Pour remplir le vide existant dans Ten"*

seignement de la Philosophie et de la Théd^ logie, M. Gerbet remonte a la question fon* damentale de Tune et de l'autre : Qu'est-ce gue la certitudes identique , selon lui , k la qpies- lion qu!est<e que croire; et recherche quelle est l'essence delà foi divine. Il distingué avec raison la foi la science, veut pour la pre- mière un témoignage in&illible , la parole de Dieu, et de- plus, que ce témoignage soit traoMmis infailliblement : ce qui a eu lieu par la tradition universelle du genre humain. H place le principe de foi pour les chrétiens d^ns l'autorité de l'Eglise , contre le sentiment des Théologiens catholiques : qui pensent que l'aulorité de l'Eglise étant elle-même un des dogmes proposés a notre £bi, il appar- tient à la raison de juger si elle doit croire a la Révélation qui* nous l'enseigne. Confon^^ daiit le principe de foi avec les preuves de la Révélation, il s'en prend au Cartésianisme , qu'il affecte de présenter d'une manière in- eMcte, pour le mettre en opposition avec la

DE LA NOUTBLLfi HÉRÉSIE. Sftf

doctrine catholique. Après ces pFéiiminaires,

il cherche a établir que rinfaillibilité de la

raiaon commune est le principe constitutif

de la raison dans chaque homme , comme

rinfisûllibilité de la raison commune des

Chrétiens est le principe constitutif de la

raison du chrétien; que Tordre établi de

Dieu pour transmettre la connaissance de la

vraie Religion, étant indépendant de lavo-

Ion des hommes , a toujours subsister,

et n'a pas cessé d'être obligatoire pour tous

les hommes; que l'Eglise a posséder,

dans tous les temps et dans tous les lieiix, la

{^lus haute autorité lisible ; conséquemment

^^u'elle a présenté avant Jésus-Christ les

mêmes caractères que depuis sa venue, k

savoir, l'unité, l'utiiversalité , la perpétuité.

•Erreur monstrueuse qui l'enferme , comme

son maître , dans l'hérésie de l'infaillibilité

du genre huinain.

Dans l'examen infidèle de la fameuse Con- férence de Bossuet avec le ministre Claude,

il avance i^e les objections dit Miaistn'j dédtictions rigoureuses de la doctrinir eartd^ tienne^ étaient^ par conséquent, insohdllM pour Bossuet cartésien, et que ce préiat il'h qu'à la maladresse de^Glâude son triMà^ phe et la réputation dont il a joui, d'ïittfft^'¥iëJ torièusément coÉibattu son ahllagdttàsW(4)v U juge avec la même sévérité M. Tévêi^ du Puy ( Lefranc de Pôtttpignan )i à i'Mèl- sîon d'une coBtreverse k peu près sènibliibM aveè un ministre de Geiiëve (9).

M. l'abbé LaciKtdaire lui accotdê sèif suffiragé sans nulle restrictiori (3)^ M. HmsI^ ien lui reproche d'éire»le |ilus douvéïit hëH de la question, d'ignorer oh de mal traddoff ks textes de nos saints Ddctétirs ^tii l!8ttf-' battent ses doctrines, et de toinber diti§ perpétuelles contradictions.

(1) Qu'on en lise l'histoire dang M. de Beaueset , t. II , p. 19 et 8uiv.

(2) Vofez-enle détail dans M. Rosaven, EsiÊfkkn, p. 390.

(i) Considérai., p. 94.

DE JLA NOUmU HÉRÉSIE.

M. BâttAiK; M. révêqae de Strasboiung itlÉif cénfié à tet ecclésiastique la directiék de Pim 6éfl sémifi tires. Prévenu que Veà^ seignement que l'on y donnait n'était jpâl ^éïtii TEgli^ , le prélat en témoigna ses lilqttiéludeft pat de charitable^ avertisse^ )AêMi restés sâiis succès; ce qui le dëtenââinà k bn^agér avet lie Dik*écteur une sorte de Cioiiféreïice , ftûr le modèle de délié de saitit Att^thl àtec Pétilien^ et rendue publia qbe (1). Elle porte sur Içs questions contrif^ Tlfet^ées piir M. de La Metinais. A la pre<-

mièré : Si le raisonnement Suffit pour prou^ tèt Mèc cél*titudé l'etisténce du Créateur et l'infinité sëé perfectièm, M. BatltaiA répond que la raison keukj par le setd rai- sôHheiHèntj fie suffit pas; pal*cè qu'étattt trop K^tarhéé pour comprendre tinis immensité sans bornes, il lui est également impi()s$ible comprendre et de la connaître autre-

(1) Par une lettre pastorale de M. réTêq[ue de Straibôargp, 4 Vol. în-S<>, StraéBoarg, i'834.

<

ment qne parla foi. C'est, dit*il, anéantir la foi que d'exalter, comme on le fait, la fi>rc«

de la raison , soit en philMophie , aoit en

■•

théologie.

t( La Révélation mosaïque se prouve-t^lle avec certitude par la tradition orale et écrite de la Synanogue et du Christianisme?

ff La preuve qui se tire des miracles de Je* sus*Christ et de la tradition, en faveur delà Révélation chrétienne, sensible et frappante pour les témoins oculaires , a-t-élle con- servé la même autorité auprès des généra- tions subséquentes ?

« La résurrection du Sauveur se prouve- t-elle avec certitude par le raisonnement 7

A ces questions , M. Bautain répolDul né- gativement , et conclut que la foi doit non- seulement précéder, mais exclure tout exercice de la raison.

A la première assertion du Professeur, on répond par un fait décisif, que confirme l'autorité de saint Paul, a savoir : que la

DE LA NOWELLB HÉRÉSIE. 401

connaissance de Dieu a été obtenue par un grand nombre de païens , au milieu de la nuit épaisse du paganisme» par la seule rai- son humaine, conyainGue de cette vérité, par le seul aspect des merveilles de la créa- tion (1 )• Non , vous n'avez pas besoin d'un principe plus grand que l'infini pour acqué- rir l'idée de l'infini, c II est vrai , avait lié- pondu Fénelon, que je ne saurais épuiser rinfini, ni le comprendre, c'est-à-dire le connaître autant qu'il est intelligible. Je ne dois pas m'en étonner; car j'ai déjà reconnu que mon inintelligence est finie ; par consé- quent, elle ne saurait égaler ce qui est infi- niment intelligible. Il est néanmoins con- stant que j'ai une idée précise de l'infini; je discerne trè^-nettement ce qui lui convient et ce qui ne lui convient pas. Non-seule- ^ment j'ai l'idée de l'infini, mais encore j'ai celle d'une perfection infinie. Il est donc Trai, et je ne me trompe pas en le disant,

(1) frayez plus haut , p. 228 et suiv.

T. I. 26

^[ue J6 porte ioojours au-dedaira de moi, quoique je soi» fini, une idée qm me repré- sente une chose infinie (1). »

Sur la seconde question : Si la Réf4iMtmm

mosaïque ne se prouve pas ayoc certituds

par la tradition orale et écrite. 4e la Symm-

gogoe et duChriatiainisme j le Prelesseur di^

tiiRgiie danslailéTélation mee^'que lea «réii-

téitde fiiit et les vérités divines, ^u dinriMié

oette Révélation^ La raison suffit, ^WTmit

hn/pour constater les premièpce, et; «inUe-

Éumt poitr constater les secondes. Contrer

dkttovi firappante , lui répond fif. Tévéque

de: Strasbourg : « On convient qurs» la U»*

dÂtion otale et écrite prouve ^authenticité

4p^, Livras 4e Moïse, et h vérité tles

fyk$ historiques qui ^'y lisent ; ipar eoâ^

aéqueot celle des plaies d'Egypte y ^ivpa^

sage de la mer Rouge , de la sa«Fçe d'eau

jaillissante du rocher, etc.^ car ce; sont 1^

(les faits historiques* Que fautril de plus pour

(1) Traité de Vexist, de Dieu, 2* part., chap. ii, p. 2915.

DE LA NOWEIM IIÉRÉSIE. 4M

attester l'inspiration de Moïse? G^estsur ces faits palpables et merveillenit que les Hé^ breux et les premiers Chrétiens ont reconnu TaHthenticité du Pentateuque , et Pont prd^ clamée d'une génération II l'autre.

On lui demande si la preuve tirée des ttii» racles pour établir la divinité de Jésus-Gbriit, a perdu sa force- avec le temps , et si la tradi- tion orale et écrite* de* tous les Chrétiens ttt suffit pas pour rendre cette preuve solidi» , contre ceux qui nient la Révélation chrétien- ne? H répond : Suffisante peut-être pour fe^ fidèles, elle rie l'est pas pour les savans, potir les déistes , et les incréddies ; qae s'en servir pour démontrer l'inspiration de l'Evangîlë, c'est faire une pétition de principes.

Qu'on lise ce qu'un de nos premiers écrivains Contemporains, des mieux accrédités dans ïe parti, a écrit sur la certitude du témoignage, précisément dans la question actuelle (1).

(1) M. de Maîstre, Considérât, phîlosoph, sur le Christianisme , chap. xiri, p. 83.

4M WMTOME

Avec non moins de lucidité , M. révêqne de Strasbourg interpelle le moderne Sceptique pour lui demander oit nous en serions aujour* dirai, si la tradition orale ou écrite à^aif sidii quelque altération ; si elle n'avait eu pour ca- naux que les simples fidèles ; et si elle n'eût pas été ÏL l'épreuve des discussions de la science ^t de la critique. Dans Téloignement nous en sommes-, il ne nous resterait qu'une probabilité faible et surannée sur les miracles de l'Évangile, sur l'authenticité des Livres saints et leur inspiration , et |Mur conséquent, sur la promesse d'aspistance permanente donnée aux Apôtres et à leurs successeurs (i).

Quant k la pétition de principes repro- chée a notre argument , M. Bautain a tort de s'en alarmer j elle n'existe que dans son imagination, « Dire que l'Eglise enseignante

(1) Averiiaêêfn. de M. l'évéque de Strasbourg, en Répome à M. Bautain , p. 40. frayez plus haat , p. 266 et suiv.

DE LA NOUVELIiK HÉWBSIC. 49K

garantit et sanctionne la tradition sur les miracles, c'est intervertir l'ordre des idées. Les miracles établissent la divinité de notre Sauveur et l'inspiration de ses Apôtres. Leur prédication verbale et écrite a proclamé dans l'univers que Jésu&-Christ avait donné la promesse d'une assistance permanente a ses Apôtres et k leurs successeurs ; voilà l'o- rigine de l'autorité spirituelle. L'invoquer ici pour prouver ce qui la prouve eUe-même» c'est Ik la pétition de principes^ le plus écla- tant des cercles vicieux qui heurtç le bon sens , et trahit un défaut de notions justes sur les fondemens du Christianisme (i)» »

Pressé enfin sur la question : Si la raison ne précède point la foi , et si ce n'est point k elle qu'il appartient de nous conduire k la foi, M. Bautain échappe par la négative, .4t s'esquive dans une obscurité- oii.il est difficile de le suivre ; ressource familière au parti , pour avoir le droit de dire qu'on ne

(1) Le même, ibid,, 25.

406 USTOIRE

les comprend pas. Un seul mot de saint Paul tranche la diflBiculté z i< Je sais , dit le grand Apôtre, à qui j'ai donné foi j sçio cui €redidi(i ). j> Il avait donc la connaissance, k science certaine des raisons qui l'avaient porté à croire. Chez lui la rabon avait évi«- demment précédé la foi. en serion^noiis; si f comme parle saint Augustin , Vé^idence n'avait contraint l'univers à embrasser in foi chrétienne? Jésus-Christ avait dit : Si vous ne croyez pas à mes paroles j du rnoitifi croyez à mes œuvres (2). Croyez à mes pa- roles, pourquoi? Parce que mes œuvrqs» qui sont celles duTout-Pui8sant,attestent que mes paroles sont celles du Dieu qui est la vérité. Il n'était pas difficile de reconnaître dans la doctrine de M. Bautain sa généalogie directe avec cçlle de M. de La Mennai«. Le progrès y était sensible. Elle tend a ruiner tous les fendemens du Christianisme, en

(1) ITim. I, 12.

(2) Joann., x, 38.

DE LA NOUVELLE HÉHESIE. 407

ébranlant ceux de la tradition, la certitude des miracles , l'autorité de l'Eglise i Ile- même. Dans son système» il devenait im- possible de prouver la divinité de la RelU gion, puisque la raison n'a pas assez de force ni assez de clarté pour nous guider avec certitude k la Révélation faite aux Juifs par Moïse, aux Chrétiens par notre adorable homme-Dien. est l'hérésie , si elle n'est pas dans les propositions avouées, procla- mées par M. Bautain : que toutes les preuves déduites du témoignage des Apôtres et de l'Eglise ne sonrt , pour la raison incrédule , que des témoignages humains, que des dis- cours humains, n'ayant ni la vertu, ni l'au- torité nécessaires pour imposer la foi ; qu'il serait téméraire d'entreprendre de prouver rationnellement à un déiste la vérité de la résurrection de Jésus-Christ j que des té- moins auriculaires ne peuvent obtenir qu'une probabilité plus ou moins haute , et que , comme cette probabilité va sans cesse 8'af-

406 BiSTomE

faiblissant, de main en main, d'une généra- tion a l'autre, on pourrait soumettre an calcul cette décroissance graduelle, et dé- terminer d'ayance l'époque la probabilité doit dépérir et s'éteindre ; qu'k moins de pouvoir bien expliquer ce que c'est que la nature, il est impossible de juger si les faits extraordinaires que nous désignons par le nom de miracles répugnent a l'ordre géné- ral, ou s'ils n'en sont pas peut-être des ma- nifestations plus éclatantes, des développe- mens plus énergiques. Celse , Porphyre , Julien, dans l'impuissance de nier les mira- cles de Jésus-Christ et de ses Apôtres ^ les attribuaient de même a des causes naturelles et aux secrets de la magie. Et ces erreurs ont trouvé des apologistes; on les soutient, on les propage contre l'autorité du Supérieur ecclésiastique ; on se révolte à la fois contre ses paternels avertissemens, et contre l'évi- dence de ses démonstrations ; on s'opiniâtre à charger d'outrages et la raison et ses or-

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 408

ganes, la science et ses plus respectables dé- positaires. On donne le signal aux plus mon- strueuses erreurs. On viendra nous dire que FEglise n'est invariable que ne dans Vidée de « Dieuj éternelle et immuable, du moment «r que la Révélation l'a fixée dans le cœur « de rhomme; mais qu'il n'en est pas de «même de sa 'discipline, laquelle varie, « se modifie, selon les besoins des temps. » Ainsi, à l'exception d'un seul dogme , de ce qui tient essentiellement à la nature ou à Vidée de Dieu y tout dans la Religion peut varier et se modifier selon les besoins des temps. Les dogmes de la spiritualité et de l'immortalité de l'âme , du péché originel , de l'éternité des peines et des récompenses, les préceptes et les conseils de l'Evangile , toutes choses qui ne tiennent pas essentiel- lement à Vidée éternelle et immuable de Dieu, peuvent varier et se modifier selon les cir- constances! De ces modifications progres- sives dépend la régénération du monde;

410 HI8T<»EB

car c'e^t Ik, nous dit-on, l'enseignexiient^iiii assure au clergé catholique les moyens U$ plus efficaces pour seconder le mouitemetU des intelligences!

Quelque égard que nous devions a la pec- sonne de M. Bautain et de M. de La Men- nais, pouvons-nous ne pas appliquer a l'un et a l'autre le jugement que le grand saint Augustin a porté de l'hérétique en général, et de celui qui s'est laissé surprendre pars«s artifices? k L'hérétique est, dit-il, l'homme ir qui s'engage dans des opinions nouvelles « et erronées, par quelque intérêt husoain, « par des vues d'ambition et de glofa*e ; l'au- cr tre est celui qui s'attache au parti de l'ho- ir résie, séduit par une fiiusse apparence de «f vérité ou de piété (1)- »

M. Bautain diffëre de M. de La Mennak en ce qu'il va plus loin encore. Ce dernier admet, comme preuve unique de la certi- tude, le témoignage des hommes, qu'il c«m>-

(1) Dans Bihlioth. chois, des Pères, i, XXI, p. 112.

DE LA NOUVELLE UEIIÉSIE. 411

fond avec celui de Dieu , et veut que sa rè- gle du sens commun soit la même que celle de l'Eglise catholique. Le professeur de Strasbourg ne voit de certitude que dans la foi divine. S'il y avait des degrés dans l'ab- surdité, nous dirions que celle du Professeur alsacien surpasse celle que nous trouvons dans le système du Philosophe breton. Tous deux ont voulu humilier et abaisser la rai- son humaine ; et , au lieu de l'abaisser, ils Font anéantie (1).

(1) Rèflex, de M, Clavè , en réponse , etc., p. 24. Strasbourg , 1834.

GHAPITBE XI.

Succès des nouvelles doctrines.

De quel avantage pouvaient être k la Re- ligion des systèmes qui en bouleversaient l'enseignement , lui enlevaient tous ses ap- puis , en dégradaient les défenseurs , don- naient gain de cause à ses ennemis ?

Cependant ils prenaient faveur ; ils s'ac- créditaient parmi les personnes à qui un certain langage de Religion et les appa- rences du zèle en dissimulaient les dangers.

HISTOIRE DE LA XOrV£LLE nÉRKSIE. 415

Bien que repoussée par le corps épiscopal, lanouvelle philosophie avait fait néanmoins de nombreuses conquêtes parmi les ecclé- siastiques du second ordre (i). Le cri d'a- larme que faisaient entendre quelques voix isolées était étoujGTé par les clameurs de l'ad- miration , publiant en tous lieux que l'écri- Tain si peu compris n'en était pas moins le régénérateur des intelligences. Plusieurs de nos Séminaires avaient adopté son ensei- gnement , et en faisaient le texte de leurs conférences. Grand nombre de leurs Direc- teurs entretenaient correspondance avec le grand homme. Pas une entreprise littéraire ou religieuse qui ne se fît sous son patro- nage. Quelques évoques le consultaient. Après de tels sufirages, eût-il été permis d'éleyer le moindre doute sur son ortho- doxie? C'eût été compromettre la sienne propre. Les reflets de sa gloire s'étendaient ftur tout ce qui avait l'honneur d'en appro-

(i) M. Lacordai^ , Considérai,, p. 30.

414 msTOiRG

cher. Se» disciples ne Toulaient pas qv^on doutât du respect^ de V amour ^ de lafoiy <|lic leur inspirait celui que Dieu leur avait donné pour Maître et pour Père. Tel grand-vicaîre lui promettait sympathie entière dans k clergé et hors du cierge j et lui garantissait unanimité desentimens et'd^afFectîonsdèla part du sacerdoce français (1). L'engoue- ment allait au point , que les adeptes , et parmi eux Ton comptait des hommes d'un esprit distingué, suivaient, avec une docilité et une bonne foi des plus étonnantes, tous les changemens qui se faisaient dans sa pen- sée (2). On affectait de publier que le Pape Léon Xn accordait a la doctrine la protec- tion la plus éclatante; qu'une chaire Spé- ciale avait été créée a Rome pour un savant Religieux qu'on savait partager les idées philosophiques de M. de La Mennàîs, et qui depuis les a publiquement désavouées;

(1) Voyez r Avenir, n, 11.

(2) I/Universreligieu.TyT\, iW,

i

DE LA NOUVELUB HÉRÉSIE. 41S

que lni-mâme allait être incessamment élevé à la pourpre romaine ; et l'on murmurait assez haut contre la cour de Charles X, qui ne s'empressait pas de porter sur le chande- lier de l'Eglise un prâtre notoirement hos- tile à son gouvemement. L'épiscopat in^» certain semblait reculer au-devant de celte puisscit^ce doctrinale étrangère à la sienne, qui lui disputait l'autorité de ses jugemens, et s'arrogeait une dictature sans limites. La régénération de l'Eglise de France com'^ mençait k ce Sacerdoce d'hier, qui tout k coup avait passé de la jeunesse à la viri- lité , et prétendait par ses seules forces au gouvernement des intelligences (i).

M. Tévêque d'Hermopolis, alors ministre de l'instruction publique et des cultes, n'a*^ vouait qu'à voix basse combien il jugeait le système dangereux. <c Quelques prélats, dit « le savant et pieux M. Boyer, ont traité i< jusqu'ici les partisans de ces systèmes

(1) M. Lacordaire , supr.^p, 36, 37.

416 mSTCHRE

< comme les enfans priyilégiés de la. « On a usé envers eux des plus grands mé* r nagemens ; on leur a même prodigué des « faveurs. Ils ont haussé le ton k mesure cr que l'autorité baissait la voix. Plus on les ir prévenait d'honneurs et de condescen- « dances , plus ils redoublaient de fierté et « d'arrogance (1} . x C'est convenir nettement que la secte s'était déjà rendue redoutable; et l'écrivain bien digne de foi que nous ve- nons de citer en apporte des exemples, ir Monseigneur l'évêque de Gap sait biep ce « qu'il en coûte à un prélat vénérable par le fc double titre du savoir et de la vertu, pour « avoir eu l'excessive bonté d'entrer en Uce « avec eux. Un évêque, vénérable par son fc âge, par un savoir distingué et des mœurs « irréprochables, ce vieillard s'est vu traîner fc par ses cheveux blancs dans la fange , et

(i) M. Boyer , directeur du séminaire de Saint- Sulpice, Examen du Syst, de M, de La Metmais ( préface , p. xviii et xix ) .

DB LA NODVEIXB HfiEÉSIE. 447

« son crime n'était pas autre que d'avoir « élevé la voix contre eux et signalé leurs « écarts (1). Nous citons un écrivain dont la bonne foi n'est pas plus contestée que tendue et l'exactitude de sa doctrine.

Les Aumôniers de nos maisons princi- pales d'éducation (c'étaient alors MM. Ger- bet.et Lacordaire) s'étaient raingés des pre- miers sous la bannière du nouvel Athanasé; M. de La Mennais n'y avait pas d'autre nom. Rédacteurs de journaux, ils n'y parlaient que de la doctrine tombée du ciel y des pro- diges futurs qu'elle devait faire éclore parmi nous; et malheur à qui osait les contredire ! Une école Lamennaisienne s'établit en Bre- tagne sous le patronage des autorités civile et religieuse, alimentée par les passions qui fermentent dans cette contrée.

Insulter au grand nom de Bossuet , ana- thématiser ses doctrines / devint le proto- cole du parti , le texte des déclamations

(4) Prrf/bcd, p. xviH.

T. I. 27"

«18

journalières , le point de mire de qaîconqoe T^ulait se faire remarquer ; et y jusque ^ans la chaire de Sorbonne, on entendit un joune prédicânt vou^ à l'exécration la mémoire du ^rand érêque et les traditions de J'& f^é. de France. Dans ces fanatiques homé- lies, Louis XIV était assimUé k Henri VIH, Bo«uet k Cranmer. Ces yocifératlot» fè- tentissaiént de Paru à BruxeUes, la {Mo- tion préparait ses foyers de liberté répnMr cainé; jusque dans le sanctuaire des lois, l'abbé de La Mennais était proclamé le ré- jgAiératêur du sacerdoce français / juaqtie dans la chambre de nos représentans , il étaitappelé le dernier des Pères de tÉgHse{\)^ le plus grand génie des temps modernes. Que de moyens pour propager la dacfarîne I Des journaux créés ou dirigés par et»t : cen- tres de ralliement qui triplent en un mo- ment les forces d'un parti ; le privilège de

(1) Voyez V Histoire secrète du Parti de M, de La Mennais , par M. de Madrol^ p. 82^ (PiqriSy 1834.)

Dfi LA NOUVELLE HÉRÉSIE^ 419

tout dire avec impunité , d'ejffirayer ses ad- versaires par la crainte du ridicule ou de la diffamation ; des émissaires ardens, des pro* sélytes enthousiastes distribuant sans appel le blâme ou la louange : tel était le rôle que le clergé du second ordre s'était réservé, et qu'il a rempli avec trop d'éclat, Mais l'épis- copat, dans sa majeure et plus saine partie, que pensait-il de la philosophie sceptique et de la théologie erronée de la nouvelle école ?

CBAPITRii XII.

Jugement de Vêpiscopat français et du saint Siégé

Apostolique.

Ces Juges en Israël , sentinelles vigilantes préposées par Jésus-Christ même à la garde de son Eglise, ne manquèrent pas à leur devoir. Sous le masque de spéculations phi- losophiques et opinions libres y indifférentes à la foi ^ ils surent bien démêler les erreurs graves qui rejaillissaient jusque sur la foi , attaquaient dans leurs bases les fondemens de l'Eglise, provoquaient le schisme, en introduisant une puissance doctrinale étran*

HISTOIRE DE LA NÛLTELLE HÉRÉSIE. 4Stl

gère k celle dont Jésus-Christ les a con* stitués dépositaires et juges, troublaient l'unité sacerdotale , en causant des dissen- sions violentes dans le cierge (i). A la tête de ces vigilantes sentinelles , citons en pre- mière ligne le savant évêque de Gap, qui, dans ses lettres pastorales , s'empressa de dénoncer aux Fidèles de son diocèse l'Essai sur V Indifférence y comme conduisant droit au schisme et à l'hérésie , rompant la chaîne de la tradition catholique , introduisant des nouveautés dangereuses, détruisant la né- cessité de l'autorité de l'Eglise. Depuis l'année 1827, M. l'évêque de Saint-Brieuc s'était porté sur la brèche, : défendant, comme un autre saint Hilaire Poitiers , le patrimoine de renseignement épiscopal , dénonçant a son Clergé les dangereuses nouveautés dont on avait réussi à le sur- prendre, réfutant les erreurs^ et ses efforts

(1) Toutes expressions de. M. Lacordaîre , Consir

n^araient pas été infructueux, bien qiit plusieurs de ses mandemens n^eusseM pas été lusj ainsi qu'il s'en plaint ^ ^ après les présentions de certains prêtres^ qui en déro^ baient la connaissance au public. La yérité avait fini par se fkire jour; et le digne érê- que eut la consolation de voir la majeure partie du Sacerdoce de son diocèse abjùrdr Ferreur par une déclaration solennelle cte soumission pleine et entière a l'Encyclique du pape (4). A leur exemple, d'autres «e monlnrèrent aussi habiles a le réfuter comme théoUgiens, qu'à le condamner cos^se pasteum. Distinguons MM. les évèques de

(Siffiptres et d'Annecy. Dans le mandemeii^

queM. Parchevéque de Paris publia hVoc-^ éâsî^n de la movt du pape Léon XIl ^ d ^ qui le sentiment sur M. de La Menna^ s'était manifesté avec éclat, le prélat accusa cet écrivain « d'ériger en dogmes sefr pro tf près opinions , de proclamer sans autorité

(1) |Voyez VAmi de la Religion du 20 août 1834. -

DE LA NOirvinUJi HÉRÉSIE. 489

« comme sans mi^ion au nom dti ciel , àeê * doctrines subTersives de Tordre que Jé^ «r 8Us*Christ a établi, et d'ébranler la société « tout entière dans ses fondémens. » .On sait dans quels termes M. de La Mennaiit répliqua à son Supérieur ecclésiastique ; eti termes que J.*J. Rousseau , écrivamt k M. do Beaumont , eut rougi de laisser échapper de sa plume. Le détracteur de la raison indi'- yiduelle, qui ne cesse de la poursuivre comme faillible en tont^ sait bien faire ex- ception a la sienne , et veut qu'on la regarde comme infaillible. « On en croit k peine ses ir yeux , quand on songe que cet amas d'in- fr jures , plus dignes d'une rixe de halle tf que d'une controverse théologique, est «f tombé sur tous les évêques de Francer, If d'Irlande , d'Italie , et en général sur tant « de théologiens de divers pays et surtout « de notre France (1). »

Il était temps de sortir de cette lof du

{4) M. Boyer, Examen ^ etc. {Préface , p. xxvr).

419 nsTom

n^Taient pas été infructueux, bien qà% plusieurs de ses mandemens n^eussent pas été lusj ainsi qu'il s'en plaint ^ d'après les préventions de certains prêtres^ qui en déro^ baient la connaissance au public. La yérité avait fini par se fkire jour; et le digne éré- que eut la consolation de voir la majeure partie du Sacerdoce de son diocèse abjuretr Ferreur par une déclaration solennelle de soumission pleine et entière a rEncycliqiie du pape (4). A leur exemple, d'autres se monlnrèrent aussi habiles a le réfuter comme théoUgiens, qu'à le condamner ecNenme pasteum* Distinguons MM. les évêques ck (Siartreft et d'Annecy. Dans le mand«meflft que M. l'archevêque de Paris publia h Toc- Msî^n de la mort du pape Léon XII $ de qui le sentiment sur M. de La Mennais s'était manifesté avec éclat, le prélat accuse cet écrivain ^ d'ériger en dogmes se& pro- ie près opinions , de proclamer sans autorité

(1) |Voyez VAmi de la Religion du 20 août 1834;

DE LA NOimitJI HÉRÉSIE. 419

« comme sans mi^ion au nom du ciel , de§ * doctrines subTersives de Tordre que «Té^ ir sus*Christ a établi, et d'ébranler la société « tout entière dans ses fondemens. » -On sait dans quels termes M. de La Mennais répliqua à son Supérieur ecclésiastique * en termes que J.*J. Rousseau , écrivant k M. de Beaumont , eût rougi de laisser échapper de sa plume. Le détracteur de la raison indi^ yîduelle, qui ne cesse de la poursuivre comme faillible en toat^ sait bien faire ex- ception a la sienne , et veut qu'on la regarde comme infaillible. « On en croit k peine ses ir yeux , quand on songe que cet amas d'in- 9( jares , plus dignes d'une rixe de halle « que d'une controverse théologique, est (f tombé sur tous les évêques de France, « d'Irlande , d'Italie , et en général sur tant t< de théologiens de divers pays et surtout « de notre France (1). » Il était temps de sortir de cette loi du

(1) M. Boyer, Examen ^ etc. {Préface , p. xxvr).

4M HiSTOIBK

silence que la sagesse commande en cer- taines occasions, mais qu'elle sait rompre quand il faut. Nos évêques du midi , réu- nis AU nombre de quatorze, sous la direction de M. l'archevêque de Toulouse, rédigè- rent une Censure doctrinale des nouveautés profanes de l'école Lamennaisienne , ana- lysées en quarante -huit propositions, et flétries par eux des notes à' erreur ^ à^hérésiey de témérité et de scandale. Plus tard , trente^ sept y ont adhéré purement et simplement^ dix autres , en improuvant, défèrent la caus au saint Siège ; quatorze , sans donner leur*^ adhésion pure et simple , manifestent leuir:= improbation pour les nouvelles doctrines. ^ L'administration des sièges vacans, au nom bre de six, adhère ou improuve. Jamais^ss tant d'unanimité dans l'épiscopat. La nou-^ velle ne tarda pas à s'en répandre dans la -^ Capitale du monde chrétien , et le Souverain - Pontife, informé delà demande qui lui était faite de son approbation, n'hésita pointa

Dfi LA NOlTi'EIXE HÉRÉSIE* 4Si6

la donner. Sa Sainteté adressa k M. l'ar- chevêque de Toulouse un bref du 8 mai i833, oii il lui témoigne sa gratitude du zèle qu'il apporte au bien de l'Eglise , et k l'exa- men des doctrines en question^ déclarées hérétiques^ erronées^ scandaleuses y témé" raires. Déjk son vénérable Prédécesseur, Jjéon XII , avait déclaré son sentin^ent sur la doctrine politique de la nouvelle école (1 ); mais ce n'était encore qu'une décision pri- vée , oîi certes il avait , comme Souverain , sa part d'intérêt personnel dans une cause qui s'étend k la société tout entière. L'Eu- rope chrétienne attendait le jugement doc- trinal du chef de l'Eglise. Nos évêques de France, conformément k l'usage de nos pères, l'avaient sollicité ; et la voix de Pierre avait déjk répondu k leur vœu par l'Ency-

(1) « Dès 1826 , Léon XII dit , à propos de Tou- « vrage M. de La Mennais le faisait roi dés rois : « Qui lui a donné cette mission ? Certes , ce n'est pas « moi. Lettre de M. Clausel, dans la Quotidienne an n 23 août. » M. de Madrol^ Hi9t. secrète, p. 73^ note.

416 msTOiBK

clique du 15 août AS3% adressé a tout l'a- nivers catholique , Grégoire XVI rap- pelle les principes de la subordination aui puissances , proscrit toutes nouveautés dan^ gereusesy et, par une condamnation au moins indirecte, fait retomber sur le moderne novateur tout le poids de la censure épis- eopale ^[ont il se trouvait frappé (i ) ; seule^ ment, par une condescendance toute pater- nelle , le saint Père s'abstient de nommer explicitement les coupables. Bien qu'il dut les croire suffisamment avertis, il daigne

(1) F'oy. y à ce sujet, les sages réflexions deM. Fabbé Boyer, préface de son Examen ^ p. xxvii. M. Roza- ven , témoin oculaire , pnisqu^îl était sur les lieux , affirme que TEncyclique fut publiée avec lei solen- nités accoutumées, le jour de T Assomption de U très-sainte Vierge. L* Avenir et ses rédacteurs n'y sont point nommés ; mais leurs erreurs sont exprès^ sèment réprouvées. Et , afin que les rédacteurs ne pussent pas prétendre ignorance , ou se méprendre sur les intentions du saint Père , le cardinal-doyen du sacré Collège fut chargé par Sa Sainteté d'en- voyer un exemplaire de l'Encylique à M. de La Mennais^ et de l'accompagner d'une lettre dans la-

DE LA NOUVELLE IIERESIE. 49T

faire parvenir directement a M. de La Men^t Aais U déclaration de ses sentimehs sur Fen- semble de ses doctrines et leurs fbnestes con- séquences. Sa Sainteté avait droit de compter sur ces protestations d'obéissance sans bor^ nés , tant de fois répétées en fkveur de l'E- glise mère et maîtresse de toutes les Églises; de respect filial envers les évêques, pasteurè et gardiens de la foi. Qui le croirait? Oïl dispute , on chicane sur le sens et les expres- sions de la Censure pontificale , de l'Ency- clique; on s'enveloppe de reserves et distinctions; on fait répandre dans ses

c^elle U lui exposerait en détail quels étaient les .principes de V Avenir que le saint Sié^e réprouTait. Le cardinal-doyen s'acquitta de cette commission. {Eœamen, p. 72. ) Or, condamner l'Avenir^ c'était condamner les erreurs professées dans les écrits pré- cédons y puisque ce sont identiquement les mêmes qu'ils expriment dans la déclaration de leurs doc- trines , au n. 53 , dans la déclaration du 2 iPévrier 1831 , adressée au saint Siège (ibid,, n. 113 ), et dans leurs adieux à leurs souscripteurs , du Ip novem- bro(»Wî^.,395).

4S8 HISTOIRE

joumaus , par ses adeptes en Belgique , en France , par des écrits ex-professo , que FEncyclique n'est pas un jugement doctri- nal, mais simplement un protocole pour retarder, s'il se peut, de quelques moments^ la chute des institutions de la vieille Europe. Pour consoler leur maître de la blessure que lui a faite l'Encyclique, et se venger eux-mêmes de l'adhésion qu'ils lui ont pro- mise, les disciples redoublent de zèle et d'efforts en faveur de la raisongénérale. Les écrits se multiplient , les émissaires sont mis en campagne, les journaux s'aiguisent de sarcasmes et d'impostures. C'est postérieu- rement k l'Encyclique du pape qu'ont été publiés la plupart des écrits en faveur de ce système du sens commun et de Vinfailll- bilité de la raison générale^ que le Souverain Pontife déclare un système trompeur^ et digne de toute improbation. Alors même que Rome les condamne , ils osent se vanter que Rome est pour eux, avec la même arro-

DB LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 499

gance que Luther» condamné par le saint Siège, l'écrivait à Staupitz. On répond : « N'en doutez pas que je ne veuille mainte- « nir la liberté avec laquelle j'ai fondé et <r expliqué l'Ecriture sainte ; l'Encyclique du « pape et toutes les menaces que l'on me fait « ne m'épouvantent point du tout (i). » Ob- servez encore qu'a cette époque Luther n'avait point passé le Rubicon.

(1) De Sekendorf. Au lieu du moi Encyclique , Lutlier parle de la bulle de Léon X.

CHAPITRE XIIL

Réfutation de M. de La Mennais. MM, de CardaMae^ Receveur y Rozaven, Boyer et autres.

C'était une sainte pratique de tout temps usitée dans notre Eglise de France, que, du moment de graves erreurs s'élevaient , on commençât par les déférer au Siège apostolique. Saint Bernard , prenant la plume pour réfuter Abailard, ne manque pas de rappeler cet usage (1), et l'épiscopat

(d) Contra error. AbaiL {prœfat, ad pap. In- noc. II, p. 644, edit, Mabillon. ^

mSTOIRE DE lA ROmnELLE HÉEÉSIE. 4SI

irançals avait dignement rempli ce devoir dans la circonstance présente. « Est-il » , tktnandait l'éloquent abbé de Clairvauk , « nn cœur chrétien qui ne doive repou^sét' « avec horreur ces profanes nouveautés de « langage et de conception (i)T » Pln^ d'un athlète se présenta dans la lice ; et la vé- rité trouva de àavans dëfenseitrs parmi les laïques eux-mêmes.

XJn des premiers que Ton vit s'eiigager sur ce nouveau terrain fut un des profei- s^rs de l'Université de Paris, aussi recom- inandable par ïa lucidité de son enseigne^- ment, que par Taménité de ses mœuri$. Dans une édition nouvelle de ses Leôoris ététnentaires de Philosophie^ M. de Cardail- làb , jaloux de prémunir la jeunesse de nos écoles contre le danger des systèmes, s'at- tacha, en passant, a démasquer celui-ci (2).

(1) QuU non horreat profawts navitaies H vocum et^^sênmum ( Ibid,, p. 645).

(2) 2 vol. in-8% Paris, 1832, chap.xi, p. 329.

4S8 nsTOOUB

Il prouve que le Novateur détruit fous les principes de la certitude et de l'àutoHté ; il fait ressortir ses paralogisme», ses contradic- tions , ses ùtax raisonnenlens ; et , par une lumineuse dialectique , renverse tcTut l'édi- fice de cette raison générale du genre hu- main.

La Faculté de Théologie de Paris n'avait pas craint de faire connaître toute sa pen- sée sur les écrits de M. de La Mennais. On ne le lui a pas pardonné.

Dans cette même Université, si fort dé-^ criée par nos docteurs modernes; To^^ respire avec l'air, nous disent-ils , l'ignc^ ^ rance et le doute (1) , cloaque impur d'infcf piété et de corruption (2) , un autre profea^** seur jetait sur ces doctrines le coup d'œif pénétrant d'une logique exercée (3).

(1) M. Lacordaire, Considérât., p, 180.

(2) M. de La Mennais , Avenir, n. 10, etc. La ite- ligion dans ses Rapports, p. 90, 92, etc.

(3) Coup d*œil sur le Syst, de M* de La Mennais , par M. Pujol.

DB LA NOtJVlStX& HÉRÉSIE. 4SS

Ailleurs, un jeune cartésien, mais carté- sien comme l'avaient été Bossuet , Dagues- seau , Fénelon , vengeait l'honneur de son école , et , dans un livre publié sous le titre ô! Observations critiques sur le système de M. de La Mennais , réhabilitait la raison , la certitude et l'évidence , ébranlées par le py rrhonisme moderne (1 ) *

Des théologiens , parmi lesquels nous ci- terons avec honneur MM. Bâton et Wrindts, discutaient le principe d'autorité , avec le bon sens , la sévérité de ton et de style qui conviennent au langage de la vérité. On ne leur répondait que par d'insultantes plai- santeries. Dans un écrit à qui toutefois il faut reprocher d'excéder trop souvent les bornes de la charité, la doctrine de M* de La Mennais était déférée au corps épiscopal, à l'Eglise de France et au saint

(i) 1 Tol. iii-i2, Besançon , 1821 , par M, fiece* venr, professeur de philosophie à Besançon, aigour- d'hui Suppléant à la Faculté de Théologie de Paris. T. I. 38

454 HISTOIRE

Sîëge , comme destructive du Chrîstia* nisme (1).

Un écrit bien supérieur k tous ceux-là , composé à Rome, et publié en France, a porté au plus haut point d'évidence la dé- monstration des erreurs de la nouvelle école. A Poccasion d'un écrit de M. Gerbet, apologétique du système de M. de La Men- nais (2), M. Rozaven combat à la fois le maître et le disciple, en suit pas à pas la doctrine philosophico " théologique , la ré- duit au silence , et , par sa belle méthode , par la vigueur de son argumentation , par la politesse de son langage , reproduit parmi nous la célèbre Société a qui la science et la Religion ont tant d'utiles monumens.

Mais la vérité catholique allait trouver un organe encore plus éloquent dans un de

(1) Par M. Tabbé Paganel.

(2) Examen d'un ouvrage intitulé : des Doctrines philosophiques sur la certitude , par M. l'abbé Ger- hêi y par J.-L. Rozaven , de la compagnie de Jésus , ■j vol. in-8®. Avignon , 4833,

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 4SUS

nos plus savans théologiens , nourri k l'é- cole des Lachétardie , des Wuitasse , des Tronson, des Emery : M. l'abbé Boyer pu- blia son Examen de la doctrine de M. de La Mennais , considérée sous le triple rap- port de la philosophie y de la théologie et de la politique (1 ) , et il fut vrai de lui appli- quer à lui-même ce qu'il dit des bons li- vres en général : (^ Que ce sont ces eaux de « la sagesse , ces fleuves de science et de «r vérité qui vivifient le champ de l'Eglise , cr ce beau soleil qui dissipe les ombres de «r l'erreur plus redoutables que les tene- ur bres palpables de la nuit (2). » On y vit la discussion la plus étendue , la plus appro- fondie , qui eût encore paru sur cette ma- tière. Un court aperçu de cet ouvrage en fera sentir la haute importance. Après une lumineuse exposition du 6ys-

(1) 1 vol. ln-8% Paris, 1834.

(2) Dans XAvii au lecteur, qui précède Tavant* propos.

430 mftTOnic

tème de M. de La Mennaîs (chap. i), Tan- leur démontre que ce système est suspect par sa nouveauté ; sophistique dans se% preuves et dans son langage (chap. n). Obscurité générale j termes non définis ou mal définis ^ questions étrangères mêlées au sujet principal ; état de la «question mal posé : tels sont les vices qu'il lui reproche. Il Taccuse d'être faux et incohérent dans ses principes (chap. m)» opposé à laraisen générale , et condamné par la méthode d'autorité ( chap. v ) ^ inutile aux vues de l'écrivain (ch^. yi)^ impraticable Çibîd.)^ dangereux dans ses conséquences inévita- bles (chap. vu) ; contraire, en particulier, à la doctrine de saint Augustin. Il répond ( chap. m) aux objections ; venge Descartes des attaques que lui porte M. de La Men- naie ; conclut que tout le système est en op- position absolue avec la foi et la doctrine catholique.

Telle est la marche de ce livre , excellent

LA NOUVELLE HÉRëSHT. 437

tant pouf le fond des choses, que pour la netteté , l'abondance et la purelé du style.

Honneur donc au Sticerdoce français, qui n'a pas dégénéré de la gloire de ses përes !

Les Vétérans du Sacerdoce avaient beau s'effrayer du danger de ces doctrines et lès signaler à l'autorité épîscopale ; leur nou^ veauté était couverte par Téclat d'un- style si éblouissant^ auquel on était si peu accou- tumé dans ces sortes de matières , que leurs objections les plus solides comme les plus pa- cifiques étaient comptées pour rien ou ren- voyées à leurs auteurs avec dédain. Cétaicnt^ répondait-on, des vieillards octogénaires jus- qu'à l'imbécillité, ne vivant que de quelques souvenirs d'école , ensevelis dans les vieilles routines des »ëcles d'autrefoîis. La lumière s'était fait jour avec M. de La Mennais. La hardiesse de ses pensées le mettait seul en harmonie avec la marche et les progrès de Tesprit du siècle. L'éloquence dans cet écrit s'élevait à la hauteur de théologie , pour

438 BISTOIBE

emprunter ses foudres a la nuée qui l'enve- loppe. C'étaient la d'ailleurs de pures spécu- lations philosophiques, chacun est libre de se faire un système; une région jusque-la inconnue , pour laquelle il avait bien fallu créer un langage nouveau. On ne le çomr prenait pas ; et c'était en effet le refrain habituel du parti.

L'esprit de système y était donc à peine aperçu sous cette brillante écorce. Après tout, le zèle comme le besoin de la réforme excusaient des écarts dont l'auteur prévenait d'ailleurs le danger par l'assurance d'une soumission sans bornes aux décisions du corps épiscopal et du saint Siège Apostoli- que.

Tels étaient les argumens qu'opposaient a toutes les objections les admirateurs de la Défense conime ceux de V Essai. M. de La Mennais leur en fournissait tous les matét- riaux. Ils ne faisaient que répéter son pro- pre langage, et s'en contentaient.

DS LA NOUVELLE niflÉSIE. 451)

Impatiens d'abréger la route de la scien- ce, et bercés de l'espoir d'arriver du pre- mier pas à l'extrémité de la carrière, nos jeunes Docteurs durent saisir avidement un système qui comblait V abîme existant entre V homme et VEglise^ entre la raison humaine et la raison divine^ entre V homme et Dieu (1 ). Telle est la déclaration que nous en fait dans son dernier ouvrage M. l'abbé Lacordaire , comme témoin oculaire. Dociles adeptes, ils se laissaient entraîner sans nul effort par la magie d'une puissance irrésistible (2)^ et qui sait? peut-être le charme dure encore.

(4) M. Tabbé Lacordaire, Con9idérai,, p. i:>5, 300 ; tout le chap. ix. (2) /&ûl.,p. 31.

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CHAPITRE XIV^

Autr9$ écrit» M. delà ÉletmaiSy publiée poéU- rietMrement à l'Essai sur ^Indifférence,

1

Le Ëyre de la Dépense avait plus nui que profité àVauteur deV Essai sur t Indifférence. Bien n'y était résolu ni éclairci; mêmes sophismes, mêmes paradoxes prolixemenl développés; la fièvre d'imagination que l'on avait prise pour de l'éloquence s'était atnortie dans les arides discussions du com* mentateur. Elle n'avait fait qu'amener de

i

HISTOIRE DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 441

plus profonds dissentimens (1). La surprise avait fait place au mécontentement. La cu- riosité trompée se vengeait par l'ennui ou par la critique. L'indignation assoupie s'é- veilla h ta lecture des écrits qui succédèrent. Ce furent , entre autres productions da ^wéme genre , les Lettres à M8^ P arche- uêque de Paris ^ à M, Vévêque ' JtHermo- poUsj au R, P. I^enturaj théologien de Rome^ qui, d'abord séduit par de beaux dehord, mais bientôt désabusé, avait ha- sardé quelques observations. Les répliques de M. de La Mennais avaient soulevé l'es cœurs les plus indifférens. Les articles insé- rés dans le Conservateur ^ dans le Drapeau blanc / les Réflexions sur Vètat de V Eglise au xvm^ siècle j suivies de Mélanges religieux et philosophiques , le Mémorial catholique , précurseurs du journal de t Avenir ou ses continuateurs , fatiguaient ses partisans eux- in^mes pâi* la monotonie des déclamations

(i) M. Lacordaire , Cansidér,, p. 37.

448 BiSTOiufi

contre lesProlestans et les Philosophes, les diatribes contre la raison individuelle , le& calomnies convenues au sujet du Cartésia- nisme et du Gallicanisme « les utopies sédi- tieuses mêlées k l'hérésie. Il y avait dam cette politique haineuse une acrimonie qui désolait tous les amis de la religion ("j]^

C'est l'aveu d'un écrivain qu'il n'accusera

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pas d'avoir été son ennemi. M. de Jja Meu- nais voulut ramasser ces traits épars daps un, seul faisceau , et publia les deux prpduç- tions do.nt nous allons rendre cop^ntQ.: Les ouvrages antérieurs composaient l^premi^e période delà conjuration dont ceux--ci. pré-- sentent le second acte. ,

Dans le dessein hautement manifesté de

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régénérer^ l'intelligence Iifiméiine.^...fXip^^t nécessairement la. réforme de tout l'ordre

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social. La nouvelle école ne se le dissimu- lait pas.; Une pente naturelle men^t les esprits des discussions théologiques ^ celles

(4) L'Univers religictM;f.n. 177.

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DE LA ^OLV£LLE HÉRÉSIE. 4|5

de la politique. Luther s'y était trouvé porté par la seule force des choses. Non contente de tout brouiller dans l'ordre religieux, la Ré* forme aspirait à tout renQuvçler dans l'ordre civil et séculier. Elle l'a bien fait voir dans tous ses livres, publiés à diverses époques, pour affranchir, disait^elle, les peuples de la tyrannie du clergé. « Et quand la Réfor^ «rmation, disent ses historiens, n'aurai^ •f rendu d'autre service au monde que ce- « lui-là , Luther mériterait la reconnaissance «r de tous le$ princes, aussi bien que de tous i< leurs sujets. U attaqua constamment le <r colosse de l'autorité ecclésiastique, qu'il « renversa dans plusieurs pays(1). » JVoii moins ambitieuse dans ses vues d'amélioi^a* tion, I4 secte Lamennaisienne prétend % l'émancipation de l'humanité; et c'est le grand œuvre qu'elle ne cesse de poursuivre. La question des Indulgences , première

(d) De Sekendorf , HUt, de la Réform,, part, i , i). 314 et 315, note.

444 HiSTomc

pomme de discorde jetée dans le sanctuafre par le novateur de Wirtemberg , était dWe bien moindre hnportance que celte la certitude en matière de foi ; et si cellé-là attaquait la tradition dans croyance du purgatoire et la- justification; celle-ci avait des conséquence» biea piVis graves^ puisqu'elle sapait dans ses fondement la tradition et Fautorité de l'Eglise catholique tout enrtière. Luther du moin» ne prétendait pa», il s'en vantait du moins, confondre F«neet l'autre juridiction. 11 avait respecté la barrière posée par te divin législateur enftrt^ Tune et l'autre . En relevant 1- autorité Jkis princes et des magistrats , et leur don- nant un noui^eau lustre^ il ne voulait m àttsujétir l'Eglise a leur domination , ni don- ner \ Fautorité séculière l'empire sur ki (o\ et les consciences (1). C'est ce qu'il enseigne déetement dans son livre de l'autorité des

(t) DeSekondorf, ffist, de la Réforme. M. deL» Mennais, Essai sur VlnéUffér, ^ t. I^p. 178.

DE LA NOUVELLE nÊRËglE. MSi

magistrats^ publié en 1534; et quand Mun- cer, avec ses Anabaptistes, imagina d'4tablir son empire universel , en commençant son règne par la destruction des châteaux , le pillage des églises, l'incendie des monas- tères et le massacre des magistrats, pro- mettant aux peuples de l'Allemagne c[u<e la dernière heure de la tyrannie avait sonné, et que c'en était fait de toutes les oppres- sions (1), Luther essaya, par ses prédications et ses écrits ^ de réprimer ces fanatiques mouvemens. Quel malheur pour l'Europe, « s'écriait-il , si j'avais l'âme sanguinaire, «r et si j'étais assez audacieux pour exciter « des séditions ! Combien de sang n'aurais-je «. pas fait couler en Allemagne ? » Mais il était trop tard. C'était lui-même qui avait donné le branle à tous ces mouvemens sédi- tieux, et, par sa première révolte, avait

(1) Gatrou, Hiat, dês Anahapt,, 1. 1, p. 26« Sleidan, Comment,^ lib. iv, ad ann. 1525, t. I, p. diO, dit, Franco-Farti , dôdO. Meyncrs, Hist, de la Réform^y p. 14.

448 msTOiRE

rendu inévitables les sanglantes tragédies dont ses extravagans imitateursallaient don- ner le spectacle au monde. Il suffisait à Muncer, h Carlostad, à Storck , de promener sur les cendres de la Souabe la bannière sur laquelle le patriarche de la Réforme avait écrit de sa main : Frères^ vous êtes appelés à la liberté: P^ocati estis adlihertatemyfra- très. Il avait beau faire des livres sur le lé- gitime usage de la liberté. Ses propres actes et les passions populaires leur donnaient un caractère tout autrement éloquent et per- suasif. Luther du moins proteste contre les insurrections. Nous verrons si M. de La Mennais , armé du même principe , a res- pecté les restrictions que le fougueux Apôtre du xvi*' siècle y avait mises lui-même ; et s*il avait réservé k ses feuilles de VA\>enir et à ses Paroles dtun Croyant ses confidenceis sur les rapports religieux avec l'ordre civil et politique.

Déjà M. l'abbé de La Mennais avait

DE LA NOUVELLE HÉAÉ8I1. 44f

jeté le masque. Irrité des protestations que plusieurs évêques avaient faites contre ses doctrines, et plus encore de la demande par eux adressée au Roi pour qu'il voulûtbien faire usage de sa royale autorité , à l'effet de mettre un frein k ses emportemens séditieux, M. de La Mennais publia ses Progrès de la Révolution. C'était un appel à toutes les passions populaires , un libelle diffamatoire contre tout ce qu'il regardait comme opposé à son rêve de civilisation universelle. L'ou- vrage , déféré aux tribunaux , fut flétri par une sentence judiciaire. C'était deux ans avant la révolution de juillet. Profitant de la disposition générale des esprits en faveur des principes religieux , et d'un retour sin- cère k l'unité catholique , il avait imaginé de se rendre plus agréable encore au Siège romain , en outrant ses prérogatives les plus incontestables , et d'enchérir encore sur les prétentions ultramontaines , abandonnées de tous les partis. Pour cela, il fallait re-

448 msToiBE

nouveler les idées de Grégoire VII et de Boniface Y III , faire de Fautorité pontificale Tunique puissance qui doive régir les hom- mes; M. de La Mennais Tentreprit. Tout devait céder a son génie , et la puissance de Bossuet , et les vieux souvenirs de la France, et les répugnances de Rome même à s'en- gager dans une querelle que sa sagesse avait toujours écartée. Encore lui eût -on par- donné son exagération d'ultramontanisme ; mais prêcher l'indépendance absolue ^ ar- mer les peuples contre tous les gouverne- mens , outrager la majesté royale sur tous les trônes, consacrer l'anarchie, anéantir dans ses bases tout Pordre social: un pareil projet, trop clairement exprimé, réveilla les cœurs chrétiens et religieux. On com- mença enfin a ouvrir les yeux sur les pro- ductions précédentes , et Ton découvrit que même V Essai sur V Indiffërence couvait, ^ pour ainsi dire, les doctrines anarchique» qui devaient éclore plus tard ; que son prin-«

DB LA NOCrVELLB HÉRÉSIE. 4M

cipe fondamental de la raison généralç n'é- tait qu'une proclamation déguisée de la souveraineté populaire; son prétendu af- franchissement de l'Eglise, qu'une révolte contre les rois et les magistrats ; sa théorie de liberté indéfinie, qu'une conjuration, dont le but était le bouleversement de la société tout entière; qu'en faisant de son témoignage universel une autorité vivante et infaillible , c'était forger une institution rivale de l'Eglise chrétienne; en un mot, qu'après avoir appliqué aux sociétés civiles et dans toute sa rigueur, l'axiome : P^ox po- pulij vox Deij plus tard il se verrait amené logiquement à l'appliquer k la société reli- gieuse elle-même. De deux choses l'une : ou M. l'abbé de La Mennais n'avait pas mesuré la portée de son principe; et dans ce cas, que penser^ de cette profondeur de génie que lui supposent ses partisans? Ou il en avait calculé toute l'étendue ; et alors , que penser de la conscience du prêtre qui se T. I. 29

4U0 HISTOIRE

dit catholique? Voyons si le dilemme va être résolu par le nouvel ouvrage que nous allons examiner. Chacun de ses livres sert en quelque sorte d'introduction à celui qui va suivre.

Etait-ce celui-là qui devait faire suite a V Essai sur VIndifférencey et en être le cin- quième volume , comme l'auteur l'annonce dans une note (1). C'est la même intempé- rance de zèle frondeur et haineux, la même dureté de langage dans la poursuite du Pro- testantisme, du Philosophisme du dernier siècle, avec de plus violentes excursions contre le Gallicanisme. Les révélations s'y montrent plus à découvert , et la calomnie s'abandoime sans nulle pudeur aux plus vio- lons excès.

Ce nouvel écrit, publié en 1826, dix ans après la publication de V Essaie en était la véritable continuation. Les questions qui y sont traitées tiennent au fondement même

(1) La Religion considérée , etc., p. 153 (note).

k

DE LA NOUVELLE HÉRÉSIE. 4Ki

de l'ordre politique et de Tordre spirituel j aussi Fauteur lui donna-t-il pour titre : La

Religion^ considérée dans ses rapports as^ec V ordre cwil et politique.

FIN DU PREMIER VOLUME.

TABLE DES CHAPITRES

DU PREMIER VOLUME.

DISCOURS PRELIMINAIRE.

PREMIÈRE PARTIE.

Examen du livre de M. de La Meainais intitulé : Essai sur V Indifférence en matière de Relgion, suivi de ssl Défense , par le même.

LIVRE PREMIER.

DU LIVRE IirriTULé : ESSAI SUR L'iItDIFFéRENCB EV MATIÈRE

DE RELIGION.

liages

Chap. I*' Rapprochemens de la nouvelle hé- résie avec celle des prétendus réformés du XVI® siècle i

Chap. IL Nouveau système de théologie , de philosophie et de politique, par M. de La Men- nais 33

Chap. III. Des fondemens de la Certitude , et premièrement de la Raison . 104

Chap. IV. Le système de M. de La Mennais lui appartient-il? . 114

4M TABLE

Pages

Ghap. V. Beproches faits à la raison humaine. 121

Ghap. VI. Gertitude du jugement de la raison indi'viduelle dans la connaissance de cer- taines vérités ou des premiers principes. . . i30

Ghap. VII. La raison a la certitude infaillible de son existence. Extrait agance du doute uni- Tersel. Axiome de Descartes : Je pense, donc ye «{«M. Sophisme de M. de La Mennais. . . . 152

Ghap. VIII. Gertitude rationnelle de M. de La Mennais 174

Ghap. IX. Accord de la raison et de la fcn. . . 178

LIVRE DEUXIEME.

COMTUniATION DU PE^ciDENT. SUR LES FONDEMENS DE Ll CERTITUDE.

Ghap. !•'. De FEvidence 208

Ghap. II. Gertitude du témoignage des sens et

du sentiment 249

Ghap. III. Du témoignage des hommes. . . . 258 Ghap. IV. De la raison générale et du consen- tement du genre humain 268

Ghap. V. Suite du précédent 298

Ghap. VI. De l'autorité 308

Ghan. vil Traditions primitives conserTées

dans le genre humain. Sentiment des Pérès. 338 Ghap. VIII. De la Défense du livre sur Tindif- férence, par M. de La Mennais. Autres ou- vrages du même 358

Ghap. IX. Gontinuation du précédent 372

Ghap. X. MM. Gerbet et Bautain. .... 394 Ghap. XI. Succès des nouvelles doctrines. . . 412

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DES CHAPITRES. 4ttS

lages

Ghap. XII. Jugement de répiscopat français et du saint Siège Apostolique. 420

Ghap. XIII. Réfutations de M. de La Mennais. MM. de Gardaillac , Receveur , Rozaven , Boyer et autres 430

Ghap. XIV. Autres écrits de M. de La Men- nais , publiés postérieurement à V Essai sur l'Indifférence 440

FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES.

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