iCD = io 'co ^ ' minma list- QTP # JOAQUIM BENSAUDE HISTOIRE DE LA SCIENCE NAUTIQUE PORTUGAISE RÉSUME ^^f''' .v'^ GENEVE IMPRIMERIE A. KUNDIG 1917 54^ JOAQUIM BENSAUDE HISTOIRE DE LA SCIENCE NAUTIQUE PORTUGAISE ÉTUDES 1. L'Astronomie nautique au Portui^al à l'époque des grandes dé- couvertes, Berne it)i2. Ouvrage couronné par l'Institut de France. Prix Binoux (Hist. des sciences), 191 G. 2. Regimento do Estrolabio. Introduction, 1914. 3 . Histoire de la science nautique portugaise. Résumé. Genève, 1 9 1 7. 4. Etudes pour l'histoire de la science nautique portugaise (vo- lume II de V Astronomie nautique, en préparation). 5. Histoire de la science nautique portugaise (en préparation). FAC-SIMILÉS Collection de documents publiés par ordre du Gouvernement de la République portugaise. Vol. I. Regimento do Estrolabio, Munich, avec introduction. Vol. 2. Regimento do E^strolabio, Evora (en préparation). Vol. 3. Zacuto. Almanach perpetuum, Leiria, 1496. Vol. 4. F. Faleiro. Arte del Marear, Séville, i533. Vol. 5. Pedro Nunes. Tratado da Esphera, Lisboa, 1537. Vol. 6. Zacuto. Supplément à l' Almanach perpetuu77i. Canones en espagnol (fac-similé), Leiria, 1496. Notice sur les éditions de V Almanach (en préparation). Vol. 7. V. Fernandez, Reportorio dos Tempos (astrologie), édition i563 (en préparation). Vol. 8. Regiomontanus. Ephémérides, édition 1474, et Tabula di- î^ectionum, édition 1490 (reproductions partielles en prépa- ration). TABLE DES MATIERES Pages. I. Reconstitution de la science nautique portugaise. . . 7 Création du Règlement de Tastrolahe 9 Evolution de la science nautique portugaise. ... 10 Origine et évolution du Règlement de Tastrolabe . 1 1 Résumé chronologique 24 II. Astronomie péninsulaire et provençale au moyen âge . 27 III. Culture scientifique portugaise 39 IV. L'étude des priorités 42 Etudes nautiques contemporaines en Europe ayant trait à Tépoque des découvertes 4^ V. Le rôle de la science nautique portugaise 48 ANNEXES Etudes complémentaires : Annexe N" i : La science nautique espagnole et Piga- fetta 54 Annexe N° 2 : Les prétentions de priorité de TAllemagne. 60 Astrolabe nautique (note complémentaire) .... 61 Les tables astronomiques 63 Le prétendu manque de tables 64 Les tables des Ephémérides 64 Le rôle de Zacuto au Portugal 69 La courbe loxodromique chez Mercator 78 L'esprit scientifique portugais et Tastrologie ... 85 Le milieu portugais et le milieu allemand aux débuts du XVP siècle 97 Index des noms 107 I RECONSTITUTION DE LA SCIENCE NAUTIQUE PORTUGAISE En réalité, prince illustre, qu'as-tu fait sinon sortir des trêves éternelles, ramener de l'ancien chaos au jour qui nous éclaire d'autres terres, d'autres mers, d'autres mondes et jusqu'à d'autres étoiles. Lettre d'Angelo Policiano à D. Joâo II antérieure a 14g i . La science nautique portugaise a eu ses origines dans rélément marin du Portugal ; elle fut la conséquence logique d'un besoin créé par les expéditions vers les mers inconnues de l'hémisphère sud. Elle débuta par la fondation de la station navale de Sagres en 141 6 par D. Henrique le Navigateur. Pour la première fois à Sagres, on poursuivait méthodiquement le problème des découvertes ; la persévérance, l'observation, l'expérience ont conduit aux perfectionnements. Partout ailleurs les entreprises maritimes étaient privées. La constance et la méthode leur manquaient; s'il y avait une expérience, on ne la mettait pas à profit, les efforts se perdaient. D. Henrique avait trouvé une orientation nouvelle et féconde ; elle devait être couronnée de succès. Au Portugal, on résolut le grand pro- blème de la route maritime des Indes, grâce à la bonne orien- tation qui y avait été prise dès le début du XV'' siècle, tandis qu'en Espagne et partout ailleurs, même à la, fin du XV^ siècle, une pareille orientation manquait complètement. La route des 8 Indes était le mobile des découvertes. Sagres se trouva ainsi un milieu marin hors de pair. On y introduisit en outre la méthode scientifique caractérisée, par la collaboration du savant et du marin, c'est-à-dire par Tentr'aide de la science et de l'expérience (théorie et pratique). La théorie y était faite de deux éléments: la connaissance géographique des anciens auteurs, renforcée par les renseigne- ments recueillis dans des voyages terrestres au moyen âge, et la science astronomique des astrologues qu'on avait définitive- ment admise comme un facteur sérieux dans la solution du problème. La pratique était fournie par une marine dont le fonc- tionnement était parfait. Cette collaboration de la théorie et de la pratique, base fondamentale du progrès, eut comme consé- quence la formation de la science nautique. C'est ce début que l'Infant D. Henrique donnait à son œuvre dès 141 6. On reconnaît cette orientation : 1° Dans l'engagement de maître Jacomo de Malhorca, un savant catalan et cartographe renommé qui s'était fait remarquer dans un milieu où la cartographie avait atteint à un degré remarquable de perfectionnement. Maître Jacomo était fabricant d'instruments nautiques. On ignore encore quels étaient au juste ces instruments vers 141 6. On ignore également la date de son arrivée ; il est possible qu'il fût déjà à Sagres dès le début, peut-être même avant, lors des préparatifs de l'expédition de Ceuta (1412-1415). Les cartographes catalans et italiens se servaient des rapports de xMarco Polo et d'autres voyageurs pour compléter leurs cartes. Les résultats de ces voyages étaient donc connus dans la cartographie. 2" On connaissait à Sagres toute la série des anciens auteurs. 3" D. Henrique a dû reconnaître de bonne heure l'impor- tance de l'astronomie pour la navigation, car il lui por- tait un intérêt spécial. Cet intérêt se confirme : a) Par les études astronomiques de Tlnfant lui-même, consignées par Gadaniosto (1455-1456). bj Par les études astronomiques du roi D. Duarte, frère de D. Henrique. c) Par la création en 143 1 , à TUniversité de Lisbonne, d'un cours d'astronomie subventionné par D. Hen- rique. CRÉATION DU REGLEMENT DE L'ASTROLABE Les marins de Sao^res firent un premier grand pas en ruinant la crédulité aveugle dans les anciens écrits et en ren- versant la légende de la zone torride inhabitable. La route vers le sud avait été jusque-là barrée par des obstacles imagi- naires ; dès ce moment elle était ouverte et libre. C'était un progrès d'une portée considérable. C'était un grand point désor- mais acquis. L'expérience imposait le besoin de ne plus rien accepter sans preuve, sans vérification ; c'était la voie du raisonnement. « L'expérience est la mère des choses, c'est elle qui nous a définitivement conduits à la vérité '. « « L'expérience, la mère des choses, nous débarrasse des doutes et des erreurs ^. » « L'expérience nous permet de vivre à Tabri des trompe- ries, des fables et des abus que quelques anciens cosmo- graphes nous ont transmis ^.)) Ces aphorismes maintes fois répétés par Duarte Pacheco dans son livre remarquable VEsmeraldo sont à retenir et annoncent la débâcle de la crédulité et de la routine. En 1456 Cadamosto, au service de l'hifant, observe dans les régions de Cabo Verde de combien l'étoile polaire avait baissé vers l'hori- zon ; en 1462 Diogo Gomes mesure l'altitude polaire à l'aide du quadrant; en 1471 on traverse l'équateur ; en 1481 Diogo ' Duarte Pacheco, Esmeraldo, igoS, p. i52. '■' Duarte Pacheco, Ibid., p. 23. ^ Duarte Pacheco, Ibid.. p. 127. lO d*A/ambuja fait usap^e de rastmlabc : en 1484-85 JoséVizinho, astrologue et médecin de la cour, détermine les latitudes de la Guinée par la hauteur du soleil. Pour l'étude des applications pratiques de l'astronomie, il existait dans la Péninsule une œuvre d'une importance consi- dérable sur laquelle les historiens des découvertes ont fait un silence étrange : Les libros del Saber du roi Alphonse. Cette œuvre classique des méthodes de l'astronomie pratique est à prendre comme le point de départ des études menées à bien en Portugal. Ce livre et l'abondance considérable des tables astronomiques dans les mains expérimentées des astrologues suffisent largement pour les débuts de la science nautique. La collaboration intime de l'astrologue et du marin conduisit à la cristallisation de l'œuvre- mère: le Règlement de l'astrolabe, en une date in- connue et antérieure à 1485. EVOLUTION DE LA SCIENCE NAUTIQUE PORTUGAISE La science nautique, dont le Règlement est le point de départ, fait de rapides progrès. Le succès des entreprises maritimes multipliait les enthousiasmes, avivait le désir des améliora- tions. On observait, on raisonnait davantage; l'esprit scienti- fique s'aiguisait, se développait. On dispose aujourd'hui d'une très riche collection de pré- cieux documents pour servir à Tétude de cette évolution dans ses plus grandes lignes. Aucune nation ne possédait à cette époque rien qui s'approchât même de très loin de cette série vraiment unique. On connaissait bien Texistence de quelques- uns depuis longtemps, mais il manquait une étude sérieuse de ces documents; la découverte du Règlement a permis de déterminer leur commune origine. Ces progrès rapides ne furent pas tous relatés dans les œuvres portugaises imprimées au YiW siècle. Ce sont les manuscrits de l'époque qui nous fournissent des détails du plus haut intérêt. Les marins se com- 1 1 muniquaient entre eux leurs observations, leurs résultats sans rintervention de Timprimerie. On complétait les listes des lati- tudes, on répandait dans la marine nationale des procédés nouveaux en copies manuscrites. Un seul de ces manuscrits, le Livra de Marinharia, sorti par hasard de la collection du comte de Castello Melhor, montre l'importance marquée des manuscrits portugais pour la science nautique. La collection Castello Melhor, éparpillée dans une vente publique en 187c), contenait un nombre considérable de documents du même genre. Malheureusement, les pouvoirs publics n'intervinrent pas pour empêcher leur éparpillement. Il existe encore en Portugal plusieurs collections privées, dont la plus importante, restée inaccessible jusqu'à présent, appartient au duc de Cadaval. Le nombre de documents de ce genre y est considérable. Le British Muséum, la Bibliothèque nationale de Paris, la Bibliothèque nationale de Lisbonne, la Bibliothèque d'Evora possèdent toutes des documents qu'on n'a pas encore examinés. Il reste enfin en Espagne toute une mine de documents portugais. On peut donc affirmer que la quantité de travaux dont on dispose aujourd'hui sur la science nautique portugaise, toute grande qu'elle est, ne représente qu'une partie insignifiante de ce qui a dû exister. Voici une liste des problèmes dont on est à même de poursuivre le déve- loppement. ORIGINE ET ÉVOLUTION DU RÈGLEMENT DE l'aSTROLABE 1. L'application de la théorie à la pratique marque le début de la méthode inaugurée par l'institution de Sagres (141 6). 2. Destruction de la légende de la zone torride inhabi- table ; traversée de l'équateur en 1471. 3. Recherche des étoiles du pôle antarctique commencée sous D. Henrique, 1456. (Observations qui manquent : Azambuja, 1481 ; DiogoCào, deux voyages: 1484 et 1485; Bartholomeu Dias, 1487-1488; Vasco da Gama, 1497- 1499.) Observations connues : Alvares Cabrai, i5oo ; 12 expédition i5oi-i5o2 (Vespucci). Plus ancien Règlement du pôle sud connu, celui de Joào de Lisboa avant i5i4. 4. Calcul des latitudes par le soleil. Création du Règle- ment de l'astrolabe avant 1485, date du voyage de Vizinho en Guinée. (Observations qui manquent: Diogo Cào, Bartholomeu Dias, \'asco daGama.) Observations connues: Alvares Cabrai, 1 5oo. Règlements connus : Règlements de Munich, d'Evora (reproduit aussi dans le Reportovio dos Tempos), de Wolfenbùttel (longtemps ignoréi .Un grand nombre de Règlements dans le Livvo de Mariuharia. Voir enfin sur le même sujet: Duarte Pacheco, Joào de Lisboa. Pigafetta (traduction ita- lienne d'un texte portugais), Francisco Faleiro (i535), Pedro \unes (1537) et D. Joào de Castro (1 538-1 541). 3. Calcul des longitudes basé sur la déviation. Le Règlement des longitudes de Joào de Lisboa, i5i4, est le plus ancien document portugais connu concernant ce sujet. Ruy Faleiro (1517-1519) étudie le problème des longitudes d'après trois méthodes différentes, dont deux par la lune et une par la déviation magnétique. Francisco Faleiro (i535) admet encore la corrélation entre la déviation et la longitude. Pedro Nunes n'y croit plus. D. Joào de Castro sépare les deux questions. 6. Etude des marées; principes de la gravitation et de l'at- traction universelle. Duarte Pacheco dans VEsmeraldo (i5o5-i52i) con- sacre deux chapitres à l'étude des marées; les Règle- ments de Munich, d'Evora et le Livvo de Marinharia traitent ce même sujet. Duarto Pacheco constate le principe de la gravitation dans ce passage : " Si Ion perçait la terre d'un côté à Tautrc et qu'on jetât une pierre à travers, elle s'arrêterait au centre de la terre ». (Voir annexe n° 2.) Antonio Luiz, professeur à Coimbra, en étudiant (1540) l'attraction dans les semences en déduit le prin- cipe de l'attraction universelle. (Annexe n" 2.) i3. 7. Correction de la cartographie. Joào de Lisboa est le plus ancien auteur portugais actuellement connu, qui ait étudié la correction de la cartographie. Dans son Traité de la boussole (i5i4) il indique un procédé graphique pour déterminer la lon- gueur du degré dans les différents parallèles en prenant ledegrédeTéquateur comme unité. {Tvatado da agiilha de marear, p. 25.) Dans le Breiie Tratado, probablement aussi de Joâo de Lisboa on trouve : que les cartes sont fausses et que les nouvelles terres y figurent dans des emplace- ments erronés (p. 8). Ruy Faleiro (Règlement des longitudes), 1 5 17- 19, s'occupe de cette même question ; mais c'est Pedro Nunes, i537, qui se consacre tout entier à ce travail urgent de la correction des cartes (Traité pour la défense de la carte nautique). Concernant cette étude, voir la série des Règlements du chemin parcouru par le navire dans les Règlements de Munich, d'Evora, dans le Livra de Marinhavia^ dans F. Faleiro, Arte del marear, dans Pedro Nunes (correction de ce Règlement), etc. 8. La déviation magnétique. On a attribué à Colomb la découverte de la dévia- tion de la boussole parce qu'il en parle dans son journal du voyage de 1492. Il constate le fait, mais il ne dit pas que c'est là une première observation. Ce passage de Colomb est bien la plus ancienne référence connue à cet égard dans la bibliographie des découvertes, mais rien ne prouve que ce soit la découverte du phénomène. La déviation a dû être connue bien avant Colomb, quoi- qu'on ne possède pas encore de documents à ce sujet. Les expressions mêmes dont Colomb se sert corroborent notre affirmation. Il n'explique pas ce que signifient « les aiguilles nordestean ou noruestean ». Cette expli- cation était encore jugée nécessaire en i535 par Fran- cisco Faleiro et il l'expose bien nettement dans son Arte del Marear, p. 79. Dans le globe de Behaim qui date 14 de répoquc du i)rcmier voyage de Colomb, il y a une vague allusion à la déviation : « Ceux qui naviguent dans cette mer (hémisphère sud) doivent diriger leur course à Taide de Tastrolabe parce que la boussole n'y fonctioniic pas^ . » Cette note est sans doute une référence à un fait bien connu alors des marins et que l'ignorance de Behaim a localisé dans l'hémisphère sud, après Tavoir exagéré. Le Règlement des longitudes de Joào de Lisboa, i 5 14, est le plus ancien document portugais connu traitant de la dévia- tion. Kntrc un règlement et les premières observations il y a sans doute un intervalle considérable. Ainsi, sous D. Henrique (1456), pour les études du p(Me antarctique on cherchait déjà à utiliser certaines étoiles de l'hémisphère sud ; on cherchait des points de repère pour la navigation dans le voisinage du pôle sud ; et ce n'est qu'en i5 14 que Ton rencontre dans Joâo de Lisboa un Règlement du pôle sud. Il n'y a rien qui puisse démontrer l'authenticité de la découverte attribuée à Colomb et l'ignorance de la déviation dans la marine portugaise depuis la fondation de Sagres jus- qu'à 1492, soit trois quarts de siècle d'expériences faites par la marine portugaise. Ruy Faleiro (i5 17-19) étudie la manière de mesurer la déviation à midi par la détermination du méridien ; la même question est traitée par son frère Francisco Faleiro en i535 {Arte del Marear, p. 79). Pedro Nunes, en i537, touche à la déviation sans attacher la moindre importance aux dires des pilotes. Nunes sent le besoin d'observations rigoureuses et sûres sur la déviation magnétique. On les retrouve l'année suivante, en i538, dans le voyage de D. Joào de Castro, un voyage scientifique, sans doute projeté et discuté dans tous ses détails avec Pedro Nunes, le cosmographe du royaume. ' Bensaude, Asîron. nautique, p. 179. i5 Résumé chronologique concernant la déviation magnétique. 1492. i3 Septembre. Observation de Colomb, la plus ancienne, sans être pour cela la première découverte du phénomène. 1 5 14. Règlement des longitudes basé sur la déviation, Joào de Lisboa. i5i7-ig. Méthode pour mesurer la déviation. Règlement des longitudes de Ruy Faleiro, portugais vivant à Séville. i525. Instrument de Filippe Guilhem, pharmacien espagnol, de Séville. xMéthode pour mesurer la déviation. i535. Plusieurs méthodes pour mesurer la déviation. Fran- cisco Faleiro, Arte del Marear. i53j. Pedro Nunes reconnaît le besoin d'observations nouvelles et éprouvées sur la déviation. i538. Ftudes de D. Joào de Castro. Séparation du calcul des longitudes du phénomène de la déviation. Pour faciliter la revue d'ensemble de ces problèmes nous allons faire la récapitulation des sujets traités par les prin- cipaux auteurs en les énumérant autant que possible par ordre chronologique. Notre énumération n'est qu'un coup d'œil général sur les œuvres qu'il s'agit d'étudier encore soigneuse- ment. Cette étude manque ; il est urgent de l'entreprendre. Duarte Pacheco (n. 1450, m. vers 1 533). Dans son livre VEsmeraldo (édition igoS) il y a lieu d'examiner son exposé du calcul des latitudes par le soleil (p. 40-42) ; Etudes des marées (p. 42-47) ; Liste des latitudes des découvertes (p. 3 1-38). Un travail est encore à faire : la comparaison entre elles de toutes les listes des latitudes connues, soit la liste du Règle- ment de Munich, du Règlement d'Evora, de Duarte Pacheco, du Livro de Marinharia, et enfin la liste de Magalhàes, une des plus importantes parce que sa date de ôig doit être con- sidérée comme certaine. Joào de Lisboa (m. i526 ?). Le Livro de Marinharia Q?,t une véritable encyclopédie des problèmes nautiques, au point qu'il a dû être d'un usage journalier dans la marine. Ce magnifique recueil nous laisse souvent dans l'incertitude des dates et des auteurs de tant d'études. On a la certitude que 10 Joào de Lisboa a été rautcur du Traite de la boussole écrit en I 3 14 ip. 20-3()). On trouve dans ce traité un renseignement d'après lequel Joào de Lisboa et son camarade Pero Anes étudièrent ensemble à Cochim (Indes) le Règlement du 'pôle antarctique d'après la Croix du sud. Il V a plusieurs règlements que Ton peut encore attribuer à Joào de Lisboa (p. 32 à 40), de même que, probablement, le Breiic Tratado (p. 6 à 20). Le Livra de Marinharia contient deux séries de tables nau- tiques (p. 67 à 82) et une liste de latitudes (p. 85 à 89) en plus de très nombreux détails de reconnaissance de côtes, distances de la navigation en lieues, etc. Ru y Faleiro (i 5 17-1 5 19). Nous traitons dans l'Annexe n° I de l'identification, que nous croyons certaine, de la dernière partie du Traité de navigation de Pigafetta avec le Règlement des longitudes de Ruy Faleiro, le collaborateur de Fernào de Magalhàes dans les préparatifs de l'expédition de 1517a i5i9. Faleiro propose trois procédés pour déterminer les longi- tudes : 1° Par la latitude de la lune. 2° Par les conjonctions et les oppositions de la lune. 3" Par la déviation de la boussole et son écartement du méridien astronomique. C'est le dernier procédé qu'il recommande aux moins initiés en astronomie. Il y étudie surtout la façon de déterminer le méridien à l'aide de l'ombre du soleil et par là de préciser avec exactitude la déviation magnétique. C'est la partie historique la plus importante de son Règlement tel que nous le présente Pigafetta. Pour ce qui touche au calcul des longitudes Faleiro se base sur le principe indiqué par Joào de Lisboa en i5i4; autant de degrés de déviation de la boussole vers l'est ou l'ouest du méridien initial (déviation = zéro), autant de degrés de lon- gitude vers l'est ou vers l'ouest. La traduction italienne montre en toute évidence que Pigafetta a défiguré l'original portugais dont bien souvent il n'a pas compris le sens. Joào de Lisboai I 514), Ruy Faleiro fi5 17-19) et Francisco P'aleiro (-i535), sont les trois premiers auteurs connus à l'heure 17 actuelle dans la bibliographie nautique du Portugal ayant étudié la déviation. Le professeur G. Hellmann [Rara mague- tica, Berlin, 1898) ignore les deux premiers, mais d'autre part il accorde une certaine importance à l'instrument d'un phar- macien de Séville, Filippe Guilhem (i525), instrument décrit par Alonso de Santa Cruz'. Nous résumons ici les résultats de nos recherches sur ce Guilhem : Le voyage de Magalhàes et plus tard le conflit soulevé entre le Portugal et l'Espagne au sujet des Moluques donnaient dès i5i9 une importance considérable au problème des longi- tudes. Les deux frères Faleiro, bannis du Portugal, avaient étudié ces questions pour le voyage de iMagalhàes, auquel ils ne participèrent pas. Brouillés avec leur ancien compagnon, ils vivaient en i5i9 à Séville. Cette même année, du départ de la célèbre expédition, le pharmacien de Séville, Guilhem, proposa à la cour portugaise un instrument pour déterminer les longi- tudes. Cet instrument fut examiné par un expert (Fernandez), et Guilhem lui-même dénoncé comme charlatan, poursuivi et emprisonné. Plus tard, — en 1527, — on le retrouve en faveur auprès de la reine du Portugal, une Espagnole. (Voir les détails sur Guilhem dans Souza Viterbo, Trabalhos nau- ticos, t. I, p. i38.) La constatation que les frères Faleiro étu- diaient ces questions, qu'ils vivaient à Séville, étant bannis du Portugal, tandis que, en cette même année i5i9, Ruy F'aleiro livrait son célèbre Règlement des longitudes à Magalhàes ; d'autre part la ressemblance du problème traité par Ruy Faleiro avec celui de Guilhem, nous amènent à croire que le pharma- cien Guilhem n'était qu'un agent déguisé des Faleiros à Lisbonne. L'instrumentde i 525deGuilhem, pour mesurer la déviation magnétique, n'est pas autre chose que l'instrument décrit par Pigafetta d'après Ruy Faleiro( i5 17-1519), et dont M. Hellmann * G. Hellmann, Die Anfdnge der magnetischen Bcobachtungen, Zeitschrift der Gesellschaft fur Erdkunde, 1897, n° 2, p. 1 nj et 121. — Voir aussi : G. Hellmann, Rara Magnetica, 1898, Berlin. i8 n"avait pas pris connaissance dans la Rdccolta Colombiana, où le manuscrit de Milan se trouvait imprime dès 1894. Les frères Faleiro occupent une place marquée dans ces études. Ils sont les premiers à aborder ces questions dans le milieu marin de IF^spaone ; ils sont donc les prédécesseurs de Alonso de Santa Cruz, auquel Humboldt se rapporte. V a 1 e n t i m F c r n a n d e z . La première édition du Repor- torio dos tempos est de i5i8. Le catalogue de vente de la bi- bliothèque Nepomuceno fournit des détails de cette édition et indique que le Règlement y est inclus ; il s'agit fort probable- ment du texte d'Evora. le même qui revient dans les éditions postérieures du Reportorio. Le Règlement d'Kvora est donc antérieur à i5i8, dautant plus que les tables semblent calcu- lées pour 1 5 16 ou 1517. Le Reportorio de Valentim Fernandez eut de nombreuses éditions. Nous avons examiné la deuxième, de i52i ou i524, dans l'exemplaire du duc de Palmella à Lisbonne. On n'y trouve pas encore le Règlement du quadrant reproduit dans notre vol. 7 (fac-similés). Les éditions antérieures à i552 sont à parcourir pour préciser la date de l'apparition de ce Règle- ment, auquel on a ajouté quelques règles pour déterminer la longueur de la route parcourue par le navire d'après des obser- vations d'une même étoile après quelques jours d'intervalle. Francisco Faleiro (1 535), Arte del Marear (vol. 4, fac- similés). Ce livre très important mérite une place à part dans la bibliographie nautique du Portugal. C'est le Règlement de l'astrolabe dans son ancienne forme, grossi et modernisé au point de constituer un traité de science nautique très complet. L'œuvre était déjà terminée en août i532, date de son appro- bation par la reine d'Fspagne. C'est le premier traité de navi- gation imprimé dans la Péninsule si Ton ne compte pas les éditions du Règlement de l'astrolabe. Ce livre laisse bien loin derrière lui ce qu'on trouve sur ces questions dans les deux éditions d'Enciso (i5ig et i53oj. La première partie de VArie del Alarear correspond dans le Règlement au Traité de la sphère de Sacrobosco (pages 7 à 5oi. î9 La deuxième partie est une revue générale de la science nautique qui équivaut aux Règlements (p. 5i à 90). Tables nautiques (p. 91 à i02j. Toute cette deuxième partie demande une étude spéciale si Ton veut pouvoir suivre l'évolution de tous les problèmes, de leur genèse au moment où Pedro Nunes commence ses travaux. Les deux chapitres « De la conveniencia de los grados », chap. 7 (Chemin parcouru par le navire), et « Del nordestear de las agujas », chap. 8 (Etudes sur la déviation, plusieurs procédés pour la mesurer), sont d'un intérêt tout spécial. Francisco Fa- leiro est encore tout à fait convaincu que le calcul des longi- tudes peut être résolu par la déviation de la boussole. Pedro Nunes (iSSy). Les querelles avec l'Espagne à propos des Moluques sou- levaient une série de problèmes scientifiques tournant tous autour d'une question capitale : les erreurs de la cartographie. Un précieux rapport du duc de Bragance au roi D. Joào III (Algiius documentas da Torre do Tombo, p. 493) concernant les erreurs des cartes, nous fait voir la valeur et l'importance qu'on attribuait à ces études devenues urgentes. Ce rapport est antérieure 1529, l'année du Congrès des Moluques, année où Pedro Nunes fut nommé cosmographe du royaume. Il est donc bien naturel que Pedro Nunes soit tout préoccupé de la correction des cartes dans ses premières études de 1 537. Voici, pris au hasard, quelques passages de Pedro Nunes dans le Traité pour la défense de la carte nautique : « Les cartes sont les meilleurs instruments qu'on puisse trouver pour la navigation et pour la découverte des terres nouvelles ; la navigation est secondée on ne peut mieux par les mathématiques, mais les cartes sont mal étudiées et mal comprises (vol. 5, fac-similés p. 134). Il est temps de relever les erreurs de la carte nautique (p. i3r). On rapporte les nouvelles terres sur les cartes, selon les degrés de la carte même, mais non selon les distances en lieues. Il faut les rapporter selon les dis- tances en lieues et non pas en degrés (p. i3o). On fait erreur soit dans la transformation des milles en lieues 20 et deçrés, soit dans révaluation de la route parcourue (p. \32). Quoique les i^lobes contiennent beaucoup d'or, de drapeaux, dcpinoles et de chameaux (p. i3 i), ce sont des mensonoes en lettres d'or (p. i34); on rapporte les latitudes et les longitudes fausses sur la carte (p. i32). Les pilotes, ou ceux qui croient Tètre, se trompent s'ils ne sont pas de bons mathématiciens (p. i3o). Les degrés dans les parallèles sont plus petits que les degrés des mé- ridiens, maison ne leur donne pas leur valeur » (p. i34). Déviation magnétique. «Que les aiguilles varient, cela est certain ; de com- bien elles varient ? je ne crois pas les pilotes, malgré toutes leurs allirmations. Les uns disent que la déviation est grande, les autres qu'elle est petite, et cela dans les mêmes endroits » (p. 140). Pedro Nunes ne touche même pas aux prétendus rapports entre la déviation magnétique et le calcul des longitudes. Des données absolument sûres lui manquaient. Son idée est nette- ment exprimée quand il écrit : « Il semble quon a tout voulu mesurer avec la boussole » (p. 141). Il y a dans Nunes une référence à un Règlement qui nous est inconnu et qui traite du problème des longitudes ip. 142). C'est probablement un document qui manque. Dès i533 Nunes avait étudié le calcul des latitudes à toute heure de la journée : a un sujet que les anciens auteurs nont pas traité » (p. i58), et il étudie en même temps dans son traité sur la carte nautique linstrument que D. Joào de Castro expérimente en mer en i538. En plus de son exposé sur le calcul des latitudes à midi, il calcule ses nouvelles tables 1 536- 1340, corrige le Règlement du chemin parcouru par le navire et enfin décrit la courbe loxodromique. Nunes définit et distingue la navigation par le grand cercle (la plus courte distance] et la navigation à une direction rectifiée de la boussole. Dans le dernier cas on coupe tous les méridiens sous un angle constant; c'est la courbe loxodromique : en naviguant par le grand cercle (la plus courte distance) ces angles sont variables. 21 Pedro Nunes, en iSSy, considère comme très urgent et très important de donner des bases rigoureuses et scientifiques à la cartographie. Son principal objet est d'utiliser mieux les données solides fournies par la navigation. Cette idée ressort clairement de ce qu'il écrit dans cette phrase : « Dans le Règle- ment pour les navigateurs il n'y a pas beaucoup à signaler » (p. iSg). Ce qu'on possédait était bien suffisant, mais il fallait surtout utiliser mieux ces résultats. Avant tout il fallait mettre de Tordre et de la méthode dans le chaos de la cartographie. Nunes prépare le terrain aux cartographes de Técoie flamande; il prépare l'œuvre de Mercator. C'est cette préoccupation, ce besoin, le plus pressant de tous, qui explique le silence de Nunes sur le calcul des longi- tudes. Plus d'exactitude en rapportant les distances, plus de soin dans les cartes, cela suffit pour le moment, voilà son idée. D. Joào de Castro (i538-i54i). Les voyages scientifiques de D. Joào de Castro sont exé- cutés sans le moindre doute d'après un plan supérieur auquel Pedro Nunes comme cosmographe du royaume n'est pas étranger. C'est le seul moyen d'obtenir des expériences con- cluantes et répondant définitivement aux incertitudes et au manque de confiance de Nunes dans les affirmations des pilotes. Pour ce travail rigoureux il fallait un homme d'une autre envergure, et entièrement affranchi de la routine des pilotes. Cet homme fut D. Joào de Castro. Après un nombre consi- dérable d'observations sur la déviation magnétique, il annonce dans son premier voyage (i 538) qu'il n'existe point de rapports entre les méridiens géographiques et les prétendus méridiens magnétiques. Voici le passage où D. Joào de Castro établit la distinction entre les deux problèmes, celui de la déviation et celui du calcul des longitudes : « De ces observations il devient évident que la dé- viation magnétique n'a aucun rapport avec la difi^érence des méridiens. A Lisbonne, la déviation est de yV'g^i et, à la place où je me trouve en ce moment, sur le même méridien de Lisbonne, la déviation est de 19° à 20°. Une autre cause qui m'est inconnue jusqu'à ce jour 22. doit donc exister j^our expliquer le phénomène de la dé- viation '. » Knoncée en i5i4 par joào de Lisboa, la connexité du calcul des longitudes et de la déviation magnétique était définitivement abandonnée en Portug^al. vingt-huit ans après, par D. Joào de Castro. Les tra\'aux de Pedi-o Nu nés en iSSy et de D . Joào de Castro 1 1 5 38-4 '* constituent dans leur ensemble le monument le plus remarquable de la science nautique portugaise. Ils sont en même temps les chefs-d'œuvre de la bibliographie nau- tique européenne dans la première moitié du XV P siècle. Pedro Nunes, théoricien habile et mathématicien re- marquable, a visé au côté pratique en cherchant avant tout à résoudre le problème de la cartographie moderne et à donner à celle-ci des bases éprouvées et solides, et D. Joào de Castro a étudié et observé la nature, admirablement servi par ses con- naissances considérables, tant théoriques que pratiques. Un événement de la plus haute gravité survint en Portugal en i536: lintroduction deTInquisition. Les violentes agitations qui se suivent et se multiplient arrêtent la vie intellectuelle, paralysent Télan scientifique ; la décadence commence et s'accentue avec une foudroyante rapidité. Un autre centre d'études issu de Teffort portugais pour- suit les mêmes questions: le calcul des longitudes, la déviation magnétique, la courbe loxodromique, la correction de la carto- graphie. C'est le milieu des géographes flamands. Gemma Frisius Tn. i5o8, m. i552) entrevoit en i53o la possibilité de résoudre le calcul des longitudes au moyen ' D. JoÂo i)K Casiro, Roteiro de Lisboa a Goa, 1882, p. ]()-]. — L'affirmation d'HumboIdi dans le Cosmos que Alonso de Santa Cruz aurait établi en i33o ?; une première carte générale de variations ma- gnétiques est à accepter sous toutes réserves. L'état ai"riéré de la science nautique en Espagne à cette époque ne permet pas d'accepter cette affir- mation sans une vérification rigoureuse. Andkadi; Corvo, Roteiro de D. Joào de Castro, 1882, p. 393. 23 d'horlog-es, grâce aux progrès rapides réalisés dans leur cons- truction (Gallois : Les géographes allemands, etc. , 1 890, p. 1 24). Gerhard Mercator (n. i5i2, m. 1594) réalise la réforme cartographique préparée par la science nautique portugaise. En poursuivant les prétendus rapports existant entre la longi- tude et la déviation magnétique il fait un nouveau pas ; il place le pôle magnétique sur le globe même (lettre à Tévêque Perrenot de Granvella, datée du 24 février 1546). En 1546 il trouvait le pôle magnétique à 79° de latitude nord; en i552 à 73*^ 2'; en 1369 le pôle se trouverait à 73° 3o' — 74° par rapport au méridien initial de Cabo Verde ; et 77° par rapport au méridien de Tîle de Corvo (Açores)^ Mercator part de rhypothèse que la déviation magnétique constitue une série de grands cercles qui se coupent dans le pôle magnétique dont la position est bien déterminée. En partant de ces principes il aurait été à même de calculer les longitudes si la prétendue connexité entre la déviation et les méridiens géographiques était réelle. C'est Johann Keppler (i57i-i63o) qui déclare cette hypothèse erronée. La découverte du Règlement de Tastrolabe et Tétude d'une quantité considérable de documents nous permettent de reconstituer la science nautique portugaise. La vaste documen- tation dont on dispose aujourd'hui suffit à nous fournir les grandes lignes et les idées directrices des études que nécessite cette reconstitution. Il reste à examiner en outre un nombre important de manuscrits qui nous fourniront encore sans doute bien des nouveaux détails complémentaires. C'est la documen- tation très complète qui permet de suivre dans son entier déve- loppement révolution de la science nautique portugaise. Une série considérable de recherches provoquées par les nom- breuses prétentions de priorité de l'Allemagne nous ont trop longtemps déjà éloigné du problème le plus intéressant de rheure actuelle: l'évolution de l'œuvre scientifique portugaise. Les vieilles et les nouvelles prétentions allemandes s'effondrent ^ AvERDUNK und Muller-Reinhard, Gerhard Mercator, etc., Peter- mann's Mitteilungen, 1914, p. i23. 24 pour pou qu'on les lUtscrve ; il est temps den arriver enfin à l'œuvre portugaise et de porter ses elVorts dans un domaine où il V aura plus de profit et jilus d"utilite\ RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUE 1416. Fondation de la station navale de Sagres. Collaboration du savant et du marin. Engagement de Maître Jacomo de Malhorca: — date incertaine, vers 1412 (?) 1456. Observation de Tétoile polaire dans les régions de Cabo \'erde, vers i5° latitude nord. 1462. Diogo Gomes détermine la latitude par Tétoile polaire au moyen du quadrant. 1471 . Traversée de féquateur. 1483. Le Portugal refuse les plans de Colomb: recherche des Indes par TOccident. 1485. José Vizinho. Calcul des latitudes par le soleil en Guinée. Première application connue du Règlement de Tas- trolabe. 1487-88. Bartholomeu Dias calcule des latitudes par la hau- teur du soleil, au cap de Bonne-Espérance qu'on vient de découvrir. 1497-99. Vasco de Gama calcule des latitudes à la baie de Santa-Helena (premier voyage des Indes). i5oo-i3oi. Alvares Cabrai. Découverte du Brésil ; deuxième voyage des Indes. Les plus anciennes observations sur le pôle antarctique connues. Calcul des latitudes; réfé- rence au Règlement. i5oi-i5o2. Expédition portugaise en Amérique du sud, 5o*^ latitude sud. Observations sur le pôle antarctique con- servées dans les lettres de \'espucci. 1 5o8. Vespucci introduit l'enseignement du Règlement de fas- trolabe dans la marine espagnole (Ecole de pilotes de Sévillej. 25 i5oQ (?) Règlement de Fastrolabe, deuxième (?) édition, exem- plaire de Munich. Liste des latitudes jusqu'à Téquateur. Plus anciennes tables nautiques connues. Avant i5i4. Règlement du pôle antarctique établi d'après la Croix du sud par les pilotes Joào de Lisboa et Pero Anes (observations à Cochim : Indes). i5i4. Traité de la boussole de Joào de Lisboa; son Règle- ment des longitudes basé sur la déviation magnétique. i5i6 (?) Règlement de l'astrolabe; exemplaire d'Evora. Liste des latitudes. Tables nautiques. Cycle de quatre années. i5i8. Première édition du Reportorio dos tempos de Val. Fernandez. Il reste à vérifier dans Tunique exemplaire connu (n° 683 du catalogue Nepomuceno), si le Règle- ment reproduit est celui de Munich ou d'Evora. i5i7-i5ig. Règlement des longitudes de RuyFaleiro connu par l'extrait de Pigafetta. Liste des latitudes de Magalhàes. Avant 1 52 1 . Esmeraldo. Duarte Pacheco. Calcul des latitudes ; influence de la lune sur les marées ; liste des latitudes. Principe de la gravitation, suivi en i 540 d'observations sur l'attraction universelle, par Antonio Luiz. i52i ou 1524. L'édition du Reportorio de Val. Fernandez (exemplaire duc de Palmella, éd. i52i ou 1524), ne con- tient pas encore le Règlement du quadrant qui se trouve dans les éditions postérieures de ce livre. (Voir reprod. fac-similé, vol. 7.) Avant i526 (?) Documents du Lim'o de M arinharia. En dehors du Traité delà boussole de Joào de Lisboa (i5i4), le Livro de Marinharia contient un grand nombre de documents sans date,'quelques-uns sans doute du même auteur. L'année de la mort de Joào de Lisboa est incer- taine, peut-être i526(?) i532. Francisco Faleiro. Permis d'impression de son Arte del Âf<7re<37' (Espagne). Tables nautiques. Avant 1537 (•) Règlement de Wolfenbûttel. Etude en cours d'impression sur un manuscrit faisant l'objet d'un beau travail de Wilckens imprimé en 1793 à Wolfenbûttel. Tables nautiques, (yoxr Astron. nautique, yo\. IL) 2 h Avant 1537. Deux séries de tables nautiques dont une anté- rieure à 1537. Livra de Marinharia. 1537. Impression du Traité de la sphère de Pedro Nunes. Premières études de la courbe loxodromique(i 534) dans le « Tratado de certasduvidas». Tables nautiques, type Zacuto. 1 538-41. F.tudes et observations nautiques de D. Joào de Castro, l^rois Routiers. 1. Routier i538. Séparation du calcul des longitudes de la déviation magnétique. (Imprimé 1882.) 2. Routier 1538-30. (Imprimé 1843.) 3. Routier 1541. (Imprimé i833.) II ASTRONOMIE PÉNINSULAIRE ET PROVENÇALE AU MOYEN AGE Malgré le silence étrange fait autour de Fœuvre de Zacuto, surtout par les historiens allemands qui se sont largement occu- pés de la science nautique des découvertes, V Almanachperpe- tiiiim était connu depuis longtemps. Ce livre se trouvait avec les travaux de Pedro Nunes dans la bibliographie portugaise comme Toasis dans un désert; c'était des productions isolées, venues là mystérieusement. Nous avons longtemps cherché à percer ce mystère, ce fut le point de départ de nos travaux. Une dizaine d'années plus tard, nous nous trouvions devant la même question nettement posée par Cantor * : « Qui sont les représentants de cette culture scientifique qui a fait faire de si importants progrès à la science nautique ? » Nos recherches sur Zacuto, à part des notes importantes de Gaspar Correa, ne nous avançaient guère. Nous fûmes amené à étudier les œuvres de Moritz Steinschneider -. Elles ^ M. Cantor, Vorlesiingen iiber die Geschichte der Mathematik, voir Bensaude, Astron. nautique, p. 63. ^ M. Steinschneider, Die Hebraeischen Ueberset'^ungen des Mittel- alters, 1892, 2 volumes. M. Steinschneider, Die Mathematik bei den Juden, dans Bibliotheca Mathematica, 1893-1899. Separata, Kaufmann, Frankfurt a. M. M. Steinschneider, Etudes sur Zarkali, Rome, 1884 et 1888. •28 nous rirent connaître la remarquable abondance des travaux en mathématiques et en astronomie des astrologues juifs de la Péninsule et de la Provence, — .dont la presque totalité était passée sous silence dans 1 histoire delà Péninsule, — et en outre un chapitre obscur de l'histoire de Tastronomie. I>'acti- vité de ces auteurs occupe surtout lépoque comprise entre l'apparition des livres du roi Alphonse et le commencement du X\ P siècle, soit 25o ans environ. Plusieurs auteurs espagnols, Amador de los Rios, Fer- nandez y Gonzalez, etc., avaient abordé ces questions, mais il leur manquait à tous ce qu'on trouvait à profusion chez Steinschneider: des données précises sur ces travaux, comme les noms de leurs auteurs et des détails sur leur contenu. L'en- semble des manuscrits étudiés par Steinschneider dans les grandes bibliothèques d'Oxford, Londres, Paris, Vienne, Pé- tersbourg, Munich, etc., était considérable, et pourtant leur presque totalité était ignorée dans la Péninsule même. Com- ment expliquer cette étrange anomalie qu'on n'ait pas connu un si grand nombre d'auteurs et qu'une telle série de travaux ait disparu des annales des sciences péninsulaires ? L'histoire de l'Inquisition se chargera d'en donner l'expli- cation. Les copies retrouvées dans les grandes bibliothèques européennes sont sorties à temps de la Péninsule, elles ont échappé à la destruction en bloc des autodafés. Le nombre de volumes et de manuscrits livrés aux flammes en Espagne et en Portugal est inconnu, mais à en juger par quelques exemples isolés on peut s'en faire une idée. Dans les seules villes de Sa- lamanque et de Grenade il y eut plus d'un million de volumes détruits. Ces recherches nous permirent de retrouver le milieu auquel il fallait rattacher les œuvres de Zacuto et de Pedro Nunes. La science astronomique des Juifs péninsulaires et proven- çaux est la manifestation d'une culture isolée par la langue et dont on s'est trop peu occupé. Les lacunes apparentes dans leur histoire sont en F^spagne et en Portugal désormais com- blées par les féconds efforts de ces centres de travail. Le 29 silence absolu que les historiens des découvertes firent sur ces travaux donnait certaines apparences de véracité aux affirma- tions des savants allemands concernant les orioines germa- niques de l'astronomie nautique portugaise. C'est une erreur unanimement reconnue aujourd'hui. L'activité intellectuelle des Juifs péninsulaires au moyen âge est du reste un fait connu dans Thistoire depuis longtemps déjà. On connaît de longue date la série de leurs apports en philosophie, en médecine, en mathématiques et en astronomie, tant en traductions qu'en travaux originaux. Mais, en ce qui concerne les mathématiques et l'astronomie, ces apports ont été presque totalement négligés dans les ouvrages suri-histoire de ces sciences. On en a parlé sans doute, on a consacré à ces questions des études spéciales et de grande valeur, mais les historiens des découvertes ou même les auteurs ayant étudié les origines de la science nautique ont ignoré ou dédaigné systématiquement ces travaux. Peut-être s'abstenait-on d'abord à cause des difficultés de la langue (les imprimés et les manus- crits étant en hébreu et en arabe); ensruite par un sentiment de mépris qui ne vient que d'une absence de jugement et de sens critique. Les recherches qui ont pour but la vérité histo- rique ne se laissent pas arrêter par les préjugés religieux. On connaît depuis bien longtemps le rôle d'intermédiaires joué par les Juifs péninsulaires au moyen âge, entre la cul- ture arabe et la culture latine; et de plus on possède un nom- bre considérable d'ouvragées ou de traductions sorties de ces milieux. On y traduisait de l'arabe en hébreu, en espagnol, en latin, et parfois c'était sur une version hébraïque qu'avait été faite la traduction latine. Les orrands travaux des astronomes arabes se trouvaient ainsi avoir plusieurs traductions et, en plus, de très nombreux commentaires. L'époque des traducteurs juifs commence environ au moment de la fondation de la mo- narchie portugaise, un siècle avant le roi Alphonse. L'enthou-- siasme qu'Alphonse le Sage mit à réunir et rendre accessibles les travaux astronomiques des Arabes eut une influence consi- dérable en encourageant ces études et en sauvant ce qui était menacé de la ruine par la décadence de la domination arabe dès 3o la chute de Cordoue en i236. D'autres instigateurs éclairés suivirent: l'empereur Frédéric II, Pierre IV d'Aragon, Robert d'Anjou, comte de Provence et roi de Naples ; mais ce ne sont là que quelques exemples. En somme, on peut dire qu'aux XIV*^ et XV*-' siècles, toutes les cours, grandes et petites, celles de Catalogne, de Castille, de Navarre, de Portugal, d'Italie, de même que les cardinaux, les papes de Rome ou d'Avignon furent des promoteurs d'études astrologiques. C'est là la pierre de touche, la cause du grand nombre des astrologues et des tra- vaux sur l'astrologie. Les Juifs étaient insensiblement poussés vers l'activité scientifique par leur isolement. Ecartés d'une foule de professions et de métiers, encerclés de toutes parts, ils développèrent du XIIP au XV^ siècle une activité fébrile dans des questions scientifiques. Les soufl:Vances intensifièrent leur efîort : il est fort probable, sinon certain, que les persé- cutions de races et les guerres de religion auront été la cause principale de cette activité dans le domaine scientifique. Ces malheureux, comme dit Renan, cherchèrent leur consolation dans l'étude. En précisant le rôle de l'astronomie juive de la Péninsule et de la Provence, nous mettons en évidence la portée historique des investigations remarquables de Moritz Steinschneider, de Renan, de Neubauer et d'une série considérable d'éléments réunis dans les catalogues des manuscrits des grandes biblio- thèques européennes. Tout ces éléments réunis constituent une mine d'informations et la base d'un travail d'une portée géné- rale qui manque encore. Il s'agira d'extraire la substance de tous ces manuscrits. Cette substance formera un intéressant chapitre de l'histoire des mathématiques et de l'astronomie. Nos recherches sur l'astronomie nautique portugaise prou- vent le besoin d'une étude sur la totalité de ces documents ; travail compliqué, diflScile et qui dépasse de beaucoup les limites de notre objet. Néanmoins nous chercherons à éclaircir ces problèmes aussi longtemps qu'il le faudra pour établir la valeur et la portée de cette activité scientifique péninsulaire et provençale dont l'écho se retrouve dans l'astronomie nautique portugaise. La liaison intime avec l'œuvre portugaise et sa 3i dépendance de ces milieux imposent cette étude complémen- taire et finale. Nous avons traité ces questions d'une façon sommaire dans notre livre VAstronotnie nautique au Portugal {19 12) et nous leur consacrons un petit travail en cours d'impression, destiné à faire ressortir l'étendue de la science astrologique des Juifs de la Péninsule et de la Provence. M. Novo y Colson, dans un rapport sur nos publications adressé à l'Académie d'Histoire de Madrid, écrivait à propos des dix-sept auteurs dont nous avons cité le titre des ouvrages : « C'est une vision rayonnante de la science péninsulaire dont l'ensemble surprend même ceux qui connaissent l'un ou l'autre de ces auteurs ^ » M. Novo y Colson propose à l'Académie d'ouvrir un con- cours pour un ouvrage sur l'astronomie espagnole au moyen âge. Nous sommes heureux d'avoir contribué par nos recher- ches à cette proposition et d'avoir éveillé dans les milieux scien- tifiques de l'Espagne un courant d'intérêt pour ces questions. L'Espagne a été le foyer qui a su par excellence s'assimiler la civilisation arabe; dans bien des domaines, son rôle en Europe a été unique; dans ces domaines elle a été notre mère intellec- tuelle à tous ; son histoire est notre histoire. Sans aucun doute le travail proposé à l'Académie de Madrid rencontrera de très grosses difficultés. Nous nous proposons, dans les pages sui- vantes, de les examiner sommairement et d'esquisser comment nous croyons que ce problème doit être envisagé. D'abord l'activité des milieux scientifiques fondés par l'Es- pagne dépassa bien vite les frontières de la Péninsule. L'Es- pagne créa l'élan, c'est elle qui donna la première impulsion et c'est de l'Espagne que partit une action qui élargit le rayon de son influence. Nulle part cette action n'a été aussi décisive, aussi profonde qu'en Provence, où l'on rencontre une réper- cussion, un épanouissement d'études astronomiques des plus ' Novo Y Colson, Informe sobre las obras presentadas por el Snr. Bensaude, Boletin de la Real Academia de la Historia de Madrid, Abril 1916, p. 391 à 404. brillantes. Le mouvement se propaoe encore; quoique dans un moindre deoré il arrive aux Juifs d'Italie et même jusqu'en Orient. Les milieux scientifiques de l'Espagne et de la l^rovence sont inséparables; il existe une relation telle entre eux qu'il n'est ouère possible d'étudier les uns sans les autres. Si l'on veut arriver à une juste appréciation de l'ensemble, il faudra observer cette activité scientifique du moyen àoe partout où elle se rencontre, dans les pays latins comme dans le monde arabe. Un trait des plus caractéristiques, ce sont les échanges de travaux scientifiques. Les productions de ILspagne et de la Provence dans tous les domaines, philo- sophie, sciences, religion, se propageaient à d'autres centres d'étude avec une rapidité surprenante. On trouve constamment des œuvres péninsulaires commentées et étudiées, pendant la vie même de l'auteur, dans d'autres milieux éloignés, même en Turquie. Ces commentaires reviennent à leur tour en Occident; de cette façon la rapidité des échanges donne une preuve décisive de la vie organique de l'ensemble. En réalité, les milieux scien- tifiques créés en F^spagne n'avaient d'autre frontière que la langue; c'est la langue qui isole la science juive dans les pays latins, c'est elle qui la propage en Provence, en Italie, en Afrique et en Turquie. Envisagé à ce point de vue, le domaine à étudier s'élargit, mais il faut considérer la Provence comme formant une partie intégrante de l'étude à réaliser. Pour bien juger de l'influence de l'œuvre scientifique des Juifs d'Espagne, il faut tout contrôler, bien se rendre compte de l'intérêt qu'elle a éveillé, connaître enfin les œuvres qu elle a fait germer ailleurs. L'histoire a besoin de posséder cet ensemble pour en apprécier la valeur et classer les résultats et les mettre à la place qui leur est due dans l'histoire de l'astronomie. Ce sont ces bases géné- rales qui, à notre avis, devaient élargir l'étendue du travail proposé par M. Novo y Colson, pour pouvoir, en connaissance de cause, mesurer l'action du mouvement scientifique auquel l'Espagne a donné naissance. Une étude de ce genre semble une entreprise presque im- possible si 1 on veut quelle soit poursuivie par un seul individu, 33 même si Ton arrivait à trouver un savant disposant de la mul- tiplicité de connaissances que 1 on rencontre chez Steinschnei- der, car aujourd'hui il fautTastronome en plus. Voici les prin- cipales difficultés à vaincre : i" Les sources sont, pour plus des trois quarts, en ma- nuscrits ; on aura à parcourir des documents en arabe, en hé- breu, en latin, en espagnol, en espagnol écrit en caractères hé- braïques, etc. Le tout exige des connaissances profondes en philologie et en paléographie. 2° Le nombre considérable de manuscrits qu'il faudra étudier à fond se trouve éparpillé en France, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en Italie, à Tunis, et même à Constantinople. La presque totalité de ces documents devra probablement être étudiée sur place. 3° A ces considérations de Téparpillementdes sources ou de la multiplicité des langues, il faut ajouter l'importante ques- tion des connaissances solides en astronomie ancienne et mé- diévale. Le problème à résoudre devient plus simple et facile- ment abordable, si Ton organise une collaboration de savants compétents. La Jejpish Encyclopxdia, ouvrage autrement vaste, fournit un exemple éloquent de ce qu'on peut réaliser dans cette voie. Un plan bien élaboré, une liste de collabora- teurs choisis d'accord avec les sociétés savantes des différents pays, et on arrive rapidement à écarter des obstacles qui sans cela paraissent insurmontables. Le travail dont il s'agit est destiné à mettre tout à fait en lumière le rôle de l'Espagne et de la France dans le progrès de l'astronomie au moyen âge, rôle dont on n'est pas encore en état de bien mesurer la portée. Ce projet aurait besoin de l'appui moral des Académies des deux pays, et il trouverait sans doute celui des nombreuses sociétés savantes juives. Notre plan consisterait donc à suivre le même programme de la Jejvish Eucyclopœdia, quoique sur une échelle incompa- rablement plus petite. De toutes les questions à considérer dans ces prélimi- naires, celle qui aie plus attiré notre attention est l'étendue 3 34 du cl OUI ai ne à exploiter. Kn consultant le recueil de Steinschneider MLithcmatik bel tien Jiiden, nous en avons ex- trait une liste des auteurs et des oeuvres qui nous ont le plus frappé. Cette liste, quoique fort incomplète, suffit pour une pre- mière appréciation. X'oici les résultats : NOMHKE DES .^UTEURS A ETUDIER : antcrieurs à Tan looo ii ailleurs de looi à 1200 12 » de 1201 à 1 3o{) i5 )' de i3()i à 1400 34 » de 1401 à i5()o 3i » de i3()i à i55() ç) » _ Toial: 1 12 auteurs. En classant ces auteurs par leur pays d'origine, on arrive à la distribution suivante : Auieiirs espagnols 38 w provençaux 22 » italiens 14 » portugais ou vivant en Portugal. 3 » orientaux et africains du Nord . 33 I 12 X'oici maintenant un relevé des sujets qui nous ont paru jDarticulièrement intéressants à noter. Nous avons arrêté la liste suivante à l'œuvre de Zacuto (1473-1478); elle nous fait donc connaître le nombre de ses prédécesseurs : Traductions et commentaires de VAlma^este et œuvres astronomiques de Ptolémée 8 auteurs Etudes, traductions et commentaires sur le Traité de la sphère 1 5 » Etudes sur les instruments d'astronomie 21 » Tables astronomiques, travaux originaux 18 » Tables astronomiques, total des auteurs et commenta- teurs 32 » 35 Si Ton veut enfin choisir quelques noms parmi ceux qui, à l'heure actuelle, sont le plus en évidence, on arrive à la liste suivante : Abraham Bar Chi))a (Savasorda) io65-ii36 Abraham ibn Esra (Avenare) n. 1092 m. 1167 Johannes Hispalensis (de Luna) ii35-ii53 Jacob Anatoli i23i-i256 Jacob ben Machir (Prophatius) n. i236m. i3o8 Jehuda ben Sah^mon Cohen . . 1 238- 1267 Moses ibn Tibbon 1240-1283 Isaac ibn Sid 1 252-1277 Calonvme ben Calonyme n. 1286 m. i328 Jehuda ben Moses Cohen .... 1206 Levi ben Gerson . . . . n. 1288 m. 1344 Isaac Israeli i3io-i325 Imanuel Bonhls 1340-1370 Joseph ibn Wakkar 1 355-1 396 Jacob Poèl i36i Isaac Alchadib 1 370-1428 Jacob Carsono 1376-1378 Jehuda ibn Verga 1447-1480 Abraham Zacuto n. vers 1450 m. vers i5io Joseph Vizinho 1481-1496 Bonet de Lates 1493-1307 Espagne Provence » Espagne Provence Espagne Provence Espagne Provence Espagne Provence Espagne Provence Espagne » Espagne-Portugal » » Portugal Provence En résumé, il y a, dans cette liste, des traducteurs, des commentateurs, des auteurs d'études sur les instruments d'ob- servation, des auteurs de tables astronomiques de longitudes solaires, de déclinaison, de tables d'éclipsés, de conjonctions et d'oppositions; des études sur le calcul de ces tables; en somme un véritable magasin de matériel astronomique, qui contenait infiniment plus d'éléments qu'il n'était nécessaire pour les débuts de l'astronomie nautique portugaise, même si Zacuto n'eût pas existé, s'il n'eût jamais mis les pieds en Por- tugal, si son œuvre n'y eût pas été imprimée. Ce serait dans cette pépinière d'astrologues que les Ephémérides, sans même avoir une table de déclinaison, auraient procuré à Martin Behaim les honneurs de Chevalier du Christ, alors qu'à l'aide de ce livre il enseignait aux ignorants marins portugais le calcul des latitudes. {Gelcich^ Festschrift der A me- rika Feier i8g2.) 36 Dans notre livre : L'Astronomie nautique au Portugal, nous avons montré la science nautique j3ortugaise intimement liée à l'astronomie des Juifs péninsulaires ; nous faisons un pas de plus en réunissant une abondance considérable d'éléments qui tous réunis assignent une place importante à la science des astrologues juifs dans l'histoire de l'astronomie au moyen âge. Mais ce n'est pas seulement les apports d'une trentaine d'au- teurs juifs concernant des tables astronomiques que Ton a né- oflioés ; on a encore laissé dans l'oubli une lono-ue série d'au- teurs chrétiens ayant également traité les mêmes questions. En voici quelques-uns : Ai.KXANDRK i)K ViLLKDiKU. . . m. 1240. Paris. Traite de la sphère. Robert Grkathkad (de Lincolm m. i253. Oxford, l^aris, Lincoln. Theorica planetarum ; De Astrolabio. .loHANNEs DE Sacroiu )S(:o. . . \w . i2?f). Oxtord, l^aris. Sphaera mundi ; Traite du quadrant. Raymond Lulle vers 1275. Catalogne. Art de naviguer (Astrolabe). Robert Angles 1272-1 292. Montpellier. Tables astronomiques de i2()2 ; Traite du quadrant ; Commentaire à la Sphère de Sacrobosco. .loHANNES Peckham m. r2()2. Oxford, Paris, Rome. De Sphœra ; Theorica planetarum. .loHANNES DE MuRis. . . . i32i-i345. Paris. Etudes de tables et leurs canons. .loHANNES DE LiGNiERiis .... i322. Paris. Tables astronomiques (connus de Zacuto) et canons. JoHANNEs Dank de Saxouia) . i32<")-27. Paris. Canones in tabulas astronomicas Alphonsi (imprime à Venise 1483). Nicole Oresme m. i382. Paris, Rouen, Normandie. Traité de la sphère. (Voir sur ces auteurs: H. Siiter, Die Mathcmatik auf dcn l'nivcrsitdtcn des Mittelalters, Zurich, 1887; Félix Millier, Zeittafeln :^ur Ck'- sehichte der Malhematik, Leipzig, 1892; Steinschneider, Hehrai- sche Ueberset\iin^en, p. ()i8-(J25.j Il s'agit en somme d'un très vaste ensemble que l'on a né- gligé, et ce n'est qu'en oubliant ces nombreux écrits et en fai- sant ressortir les prétendues ténèbres qui s'étendraient des Tables alphonsines (1252-1272; aux Ephémérides (1474J que M. Gelcich et toute une série de savants allemands faisaient jaillir à Nuremberg une lumière éblouissante qui n'était qu'une 37 illusion, l/édifice historique ainsi construit s'écroule fatale- ment. C'est ce qui est arrivé. Parmi les auteurs juifs précités, outre Isaac ibn Sid, — connu déjà comme le principal rédacteur des lAbros dcl Saber et des Tables alphonsines, — il y a des noms qui s'imposent de plus en plus. Nous en citerons trois seulement: .lacob ben iMachir (Prophatius) auteur de tables et d'instruments, dont l'astrolabe a été récemment étudié par l'abbé Anthiaume i L'Astrolabe-Quadrant de Rouen, Paris, 1910). Nous citerons encore Imanuel Bonfils, auteur des tables de Tarascon et de plusieurs études sur le calcul des conjonctions, oppositions et éclipses, qui eurent une grande vogue au moyen âge. Finale- ment nous citerons Levi ben Gerson, probablement le plus im- portant de tous les astronomes juifs, celui que Zacuto et d'au- tres désignaient comme « le prince des astronomes ». Les Guerres du Seigneur, de Levi ben Gerson, probablement l'un des travaux astronomiques les plus importants du XIV'"'' siècle, ont sans doute une grande portée historique. L'étude de ce livre s'impose; c'est un beau travail qui est en réserve, attendant encore l'astronome qui veuille bien en faire con- naître la valeur. Il en existe déjà une traduction française en manuscrit, faite par Isidore Loeb, traduction qu'il faudra pro- bablement soumettre à la revision d'un professionnel '. Pour l'histoire de la science nautique portugaise, c'est Za- cuto et ses principaux prédécesseurs qui nous intéressent le plus. Pour faciliter l'étude de l'astronomie zacutienne, il fallait commencer par divulguer ses œuvres. L'édition latine la plus courante de l'Almanach a été reproduite en fac-similé dans le vol. 3 de notre collection. Nous publions prochainement une notice sur une autre édition latine de 1496 plus rare (exem- plaires de Sainte-Geneviève, à Paris, et de la Bibliothèque Nationale de Milan); de même que l'édition espagnole des canones 1496 qui forment le vol. 6 de la collection fac-similé. Ces trois publications sont encore insuffisantes ; il y a une série ' Indication de M. Israël Levi, directeur de la Revue des Etudes Juives, Paris. 38 importante de iiiaïuiscrits tic Zacuto dont Fétude est indispen- sable : trois manuscrits licbrcLix (Lyon, Munich et Vienne) et six manuscrits arabes (Bibliothèque Ambrosiana, Milan). Ces derniers ont été récemment découverts par le professeur E. (irilVini de Rome'. l /étude de l'œuvre de Zacuto ne peut dispenser des com- pléments importants contenus dans les manuscrits. Seul, Ten- semble des travaux imprimés et manuscrits peut permettre une appréciation de la valeur historique et scientifique de l'astro- nomie zacutienne. Nos recherches sur ce chapitre nousont conduit aux résul- tats suivants : i" De répoque du roi Alphonse à celle des découvertes, la Péninsule et la Provence ont été des foyers d'une remar- quable activité pour les études astronomiques. La valeur et la portée historique de ces travaux ont été peu remarquées; c'est à ces deux milieux néanmoins qu'il faut rattacher les œuvres de Zacuto et de Pedro Nunes, de même que la science des fondateurs de l'astronomie nautique portugaise. 2° Les Juifs occupaient un rôle prépondérant dans ces deux milieux scientifiques. En Espagne, leurs œuvres furent dé- truites par 1 Inquisition, mais un grand nombre de manuscrits ont été retrouvés dans les Bibliothèques d'autres pays. 3" Pour apprécier l'œuvre de Zacuto, l'auteur qui intéresse tout spécialement l'histoire portugaise, il faudra provoquer des études sur les manuscrits 'connus, compléments indispensables des volumes en reproduction fac-similé. 4" L'ensemble de ces considérations établit d'une façon certaine la portée historique de l'astronomie juive de la l^éninsule et de la Provence au moyen âge et fait sentir le besoin dune œuvre spéciale sur ce sujet pour en préciser définitivement le rôle dans l'histoire de l'as- tronomie. ' E. GniFhisi, Lista dei rnanoscritti arabi nuovo fondo délia Biblio- teca Ambrosiana Milano , dans Rivista degli stiidi Orieniali, vol. 7, p. 192; 88 à (210) 106. m CULTURE SCIENTIFIQUE PORTUGAISE (Apogée et décadence) Le plan des découvertes de Tlnfant D. Henrique trouvait le pays admirablement préparé dans ses hommes et sa menta- lité. Le moment était propice à cette entreprise de grande allure et basée sur un patriotisme sans limites. Dès 1416, Tœuvre se dessine, se perfectionne et saccroît sans cesse. En 1474, un grand homme, D. Joào II, la plus noble figure de rhistoire des découvertes, couronne lui-même Fachèvement de Toeuvre. D. Joào et sa génération marquent la période d'acti- vité la plus intense et la plus productive. Lœuvre s'achève dans la génération suivante; ce sont les deux grandes généra- tions de rhistoire portugaise. La première se caractérise par Faction, la seconde par un épanouissement admirable de Tin- tellectualité nationale. La génération de D. Joào II produit les plus grands marins de rhistoire ; la génération suivante voit se réaliser le succès immense de Tœuvre coloniale ; Fépoque de la culture portu- gaise commence par un enthousiasme, un brillant et une inten- sité uniques qui s'étendent à tous les domaines. Cette phase ignorée des historiens des découvertes, a été de courte durée. Avant d'étudier les causes de son arrêt foudroyant, citons des hommes et des œuvres. 40 Une série tlhistoricns remarquables parlaient de l'œuvre portugaise: Joào de Barros, (iaspar Correa, Castanheda, Da- miào de (îoes, lévèque Osorio. L'enseici^ncment universitaire avait produit des figures dune renommée universelle telles que Diego de (iouvea, fondateur du célèbre collège de S'*^-Barbe à Paris, et André de Gouvea, principal du collège de Guienne à Bordeaux (i 539-1 545), celui que Montaigne appelait « le plus grand principal de France «. En médecine, le Portugal se fit aussi une réputation euro- péenne ; il nous suffit de citer quelques noms : (jarcia da Orta, professeur à Lisbonne (i53o), auteur des célèbres études médi- cales réalisées aux Indes ; Amato Lusitano (n. 1 5 1 1); T. Rodri- gues da \'eiga (n. i5i3). La poésie, qui avait débuté par un esprit des plus remarquables avec Gil Vicente (n. 1470), arrive à son apogée dans Camôes (n. i520, m. i 583). En mathématiques, il est bien naturel que dans un petit pays absorbé par la grande idée de l'action coloniale, on se soit rejeté sur le côté pratique, sur l'utilisation, sur l'application de la science astronomique. Ce mouvement produisit le Regimento do estroiabio, œuvre-mère de la science nautique portugaise, et qui conduit aux études de Pedro Nunes et de D. Joào de Castro. En somme, pour toutes les branches du savoir une grande époque commençait : les débuts sont admirables, l'épanouisse- ment est unique ; mais ce mouvement se trouve subitement arrêté, paralysé, foudroyé par l'intolérance de l'Inquisition. Introduit en i536, le tribunal de la foi, suivant la terrible mesure quil avait appliquée en Espagne, inaugurait en 1541 les autodafés en Portugal. En i545, le zèle royal introduit la Société de Jésus. Ces deux formidables pouvoirs se proposaient de combattre, d'endiguer, de domestiquer, d'étouflfer l'intel- lectualité florissante de la société portugaise. Une diplomatie fourbe visant à l'accaparement des richesses coloniales portu- gaises faisait de l'Espagne le centre du mouvement désorga- nisateur. 1 ous ces éléments réunis devaient conduire à la ruine de la culture portugaise, de même qu'ils ont conduit à la ruine de la nation. 4' La culture portugaise disparaissait comme un éclair. La censure et les autodafés s'attaquaient à l'esprit de recherche, à l'investigation et au progrès. Le spectre de l'Inquisition se dressait devant tous les esprits, tous les talents ; l'histoire, la littérature, la poésie, les sciences, tout se trouvait menacé sous le coup de l'accusation d'hérésie, de luthéranisme ou de judaïsme. L'élan se brise, la phase de la végétation commence. Les élans patriotiques, le succès fiévreux, l'héroïsme, les idéals de l'intellectualité enracinés dans un milieu plein de vie, tout se décompose et devient un monceau de ruines. De la désorga- nisation, du favoritisme, on passe bientôt au brigandage, à la corruption : la nation entière se vend à l'Espagne en i58o. Tout ce que la science nautique avait produit jusqu'à Pedro Nunes et D. Joào de Castro est l'œuvre nationale de la grande époque. A partir de là, la décadence commence. Une seule science, par son caractère spécial et son utilité quotidienne : la médecine, se maintient pour bien longtemps encore. Une foule de médecins de grand renom s'expatrient et deviennent des célébrités européennes. Les historiens étaient parfaitement avertis de la culture portugaise dans tous ses domaines ; seules les mathématiques, l'astronomie et leurs ap-plications pratiques à la science nau- tique leur avaient échappé. Cet étrange oubli était le résultat de deux choses : le désordre, le chaos incroyable des boulever- sements inquisitoriaux et le caractère occulte qu'avait pris la science nautique dans ses débuts. Cette science était en réalité la clef, le secret du succès des entreprises maritimes portugaises. C'est elle qui constituait le mystère des décou- vertes. La reconstitution aujourd'hui réalisée aurait pu l'être depuis longtemps déjà, mais les historiens, qui seuls abordaient ces questions, se sont laissé épouvanter par les études astrono- miques que ce problème nécessitait, par le prestige d'Hum- boldt, et par la profondeur de la science allemande, qui dans ce cas spécial n'était qu'apparente. IV L'ÉTUDE DES PRIORITÉS Pour préciser le rôle des diverses nations dans Tœuvredes découvertes il y a deux questions qu'il faut examiner et étudier séparément : 1° Le nMc des nations qui ont préparé le terrain au Portugal pour ses débuts dans le domaine des décou- vertes. 2° Les études contemporaines sur la science nautique dans les autres nations de TF^urope. Dans un premier chapitre, il faut redresser un tort histo- rique qui a été propagé surtout par les historiens allemands. On a parfaitement reconnu la haute valeur de la cartographie de l'Espagne et de lltalie au moyen âge; on a en toute justice donné une importance considérable aux rapports nombreux des voyages terrestres de tous les prédécesseurs et successeurs de Marco Polo, en grande partie des Italiens; mais en matière de mathématiques et d'astronomie on a entièrement méconnu le grand rôle de l'Espagne et de la France au moyen âge. Sans 1 immense travail préparatoire réalisé par les trois nations latines: l'Espagne, la France et l'Italie, l'œuvre portu- gaise n'aurait pas existé. En astronomie le rôle de l'Espagne est unique ; elle fut le berceau de ces études en Europe au moyen âge et enfanta un autre milieu scientifique dans la Pro- vence, d'où sont sortis des travaux d'une importance incon- testable, surtout en matière de tables et d'instruments astro- nomiques. Le rôle de l'Espagne et de l'Italie dans la cartographie, comme celui de l'Italie dans les voyages terrestres vers l'Orient, ne sont pas moins à retenir que le rôle de l'astronomie pénin- 43 sulaire et provençale dans la plus grande application pratique qu'on a faite de Tastronomie depuis des siècles. La science nau- tique qui, en Portugal, représente cette application, est Tœuvre de Tastrologie péninsulaire et provençale. Voilà le chapitre de rhistoire de la civilisation européenne qu'il reste à éclaircir tota- lement pour restituer définitivement Tœuvre des découvertes aux nations latines. Voici donc nos conclusions sur ce premier chapitre : i" Ce sont les trois nations latines : TEspagne, Tltalie et la France, qui ont préparé le terrain sur lequel le Portugal a bâti son œuvre. 2° Un Italien, Manuel Passanha (iSiy), fut un des pre- miers organisateurs de la marine portugaise ; un Catalan, maître Jacomo de Malhorca, contribua con- sidérablement à organiser le milieu maritime de Sagres (1416). 3° L'astronomie nautique en Portugal repose entière- ment sur la science des astrologues de la Péninsule et de la Provence, les continuateurs de l'œuvre du roi Alphonse représentée par les travaux classiques des Libros ciel Saber de Astrouomia. 4" La vulgarisation des éléments de l'astronomie était une conséquence de l'astrologie judiciaire et de l'astro- logie médicale, dont la vogue était considérable dans les pays latins au moyen âge. ÉTUDES NAUTIQUES CONTEMPORAINES EN EUROPE AYANT TRAIT A L'ÉPOQUE DES DÉCOUVERTES ALLEMAGNE Aucun pays d'Europe n'a fait une propagande aussi per- sistante et aussi étendue que l'Allemagne sur les priorités de la science nautique. Toutes ces prétentions ne résistent pas à un examen sérieux. Nous avons réuni l'ensemble de ces questions dans une étude dont l'annexe n° 2 résume les résultats. 44 On a voulu grandir le r(')lc de la scicncx^ allemande au W'" siècle, ériger des monuments à Beliaim et à Regio- montanus. mais les résultats n'ont pas répondu à Tellort ; toutes ces prétentions reposent sur une documentation super- ficielle ou insulVisante. Le tout constitue un véritable cycle de légendes. Pour les éclaircir toutes, il a fallu étendre le domaine des recherches à une multiplicité de questions étrangères, pour en arriver entln à dégager la route et faire justice entière en faveur de lieuvre portugaise. Les élèves de Regiomontanus, et Werner en particulier, ont traité des questions dintérèt nautique (calcul des longi- tudes, déviation magnétique, etc.), mais dans tout cela il n'y avait pas de priorité. Tous ces problèmes étaient étudiés depuis plus ou moins longtemps en Portugal. L'œuvre scienti- fique de grande envergure faite par la marine portugaise laisse bien loin derrière elle l'apport de ces quelques cas isolés. M. Gelcich écrivait à propos de Werner cette phrase très judicieuse et qui peut être appliquée à tout l'ensemble des prétentions allemandes : « A la fin du XV'' et au début du XVL siècle, un autre savant allemand, Johann Werner, de Nuremberg, s'occupait de problèmes nautiques ; il aurait introduit bien des choses utiles, s'il avait été en contact suivi avec les nations maritimes'.'! Cest précisément de ce contact intime avec la réalité, de l'efifort combiné de la théorie et de l'expérience du marin pen- dant trois quarts de siècle, qu'est sortie la science nautique en Portugal. Les exigences de ce travail intense des Portugais répon- dant à un besr)in pressant de plans coloniaux, n'existaient pas dans le milieu des savants de Nuremberg. On n'a attribué aucune valeur à ce travail, on ne la même pas remarqué et pourtant c'est lui qui affinait l'observation, c'est lui qui faisait ' Gkixich, Die Instrumente ii. d. U'issensehaftl. Hiilfsmittel der Xautik, 1892, p. 20. 45 naître Tesprit scientifique avec les méthodes rigoureuses du raisonnement. Les progrès portugais dans cette voie sont considérables si Ton compare les deux milieux scientifiques, ceux de TAllemagne et du Portugal à la même époque. Il faut voir Tesprit libre des Portugais se risquer jusqu'aux principes de l'attraction universelle et le comparer aux pitoyables rêvas- series astrologiques de Regiomontanus pour comprendre la distance qui les sépare et aussi la cause de Tinsuccès des pré- tentions allemandes à la contribution apportée par eux à Toeuvre portugaise par une science nautique créée dans les cabinets de travail des savants de Nuremberg. Nous avons étalili cette comparaison dans l'annexe n° 2. ESPAGNE Après le Portugal, aucun pays de l'Europe ne peut récla- mer dans l'histoire des découvertes une place dont l'importance soit comparable même de loin à celle qui revient à l'Espagne. Aux débuts du XIX'^ siècle, le magnifique ouvrage de Navarrete faisait ressortir le rôle qu'elle a joué ; il mettait en pleine évidence l'œuvre de Colomb, tandis qu'en Portugal, malgré les œuvres de Santarem, on faisait le silence sur la science nautique. L'œuvre de Navarrete soulevait ici et là dans ce do- maine des prétentions de priorité qui semblaient être légitimes. L'œuvre scientifique portugaise est aujourd'hui reconsti- tuée ; c'était surtout l'œuvre nautique de l'Espagne, et non pas celle de l'Allemagne qu'il fallait étudier de près. Il fallait examiner rigoureusement la bibliographie nautique espagnole. Nous avons fait cette étude. Une œuvre seule restait pour nous inexplicable et mystérieuse : le Traité de navigation de Pigafetta, connu parle fameux livre d'Amoretti (nSoo, Milan) ^ Amoretti a fait son travail sur un manuscrit de Milan ; le traité dont il est question était un simple extrait d'un texte resté longtemps inédit '^ Nous avons étudié ce texte et vérifié ' C. Amoretti, Primo Viaggio, Milan, 1800. ^ Andréa da Mosto, // primo viaggio, etc. di Antonio Pigafetta Raccolta Colombiana, Parte V, vol. 3, 1894, reproduit le texte original en entier. 46 ce que nous pressentions d'avance ; l'œuvre d^Antonio Pigafetta, que tous les historiens considèrent encore comme une œuvre originale, est un résumé en italien des études de la science nautique portugais.e (voir annexe n" i). Ce texte original de Pigafetta, bien peu étudié encore, met du reste en évidence qu'il s'agit d'une traduction défigurée, le traducteur ayant mal compris le texte original dont il faisait la version. C'était le seul doute qui restait à éclaircir ; nous sommes donc arrivé à la conclusion suivante : La science nautique espagnole, dès ses débuts, d'Knciso ( I 5 19) à Médina (i 345), est le reflet de l'œuvre scientifique por- tugaise ; jusqu'à cette époque ( 1 545; on peut la considérer comme étant la science nautique portugaise au service de l'Es- pagne. itai.ip: La magnifique collection Raccolta Colombiana, parue en 1892- 1894, contient un très grand nombre d'études qui facilitent la revision des prétentions italiennes dans la science nautique. Les origines de cette science y sont ténébreuses ; Dessimoni prétend que Colomb possédait toute la science nautique de son temps ^ Alberti dit qu'au moment du voyage de Colomb (1492) le calcul des latitudes n'était pas encore en usage dans la navigation'^ et que le Règlement polaire n'était connu que du temps de Pigafetta '^ Nous savons aujourd'hui que Vizinho( 1485) et Bartholomeu Dias (1487-88) ont appliqué le calcul des latitudes; le Règlement polaire était une vieillerie que Duarte Pacheco, contemporain de Colomb, ne cite même plus. On a prétendu aussi que la science nautique en Portugal débute seulement avec Pedro Nunes, alors qu'en réalité Pedro N unes et D. Joào de Castro sont des personnages remarquables, mais venus seulement ' Dkssimoni, Raccolta Colombiana, Parte II, vol. 3, p. 87. - Albkrti, L'arte nautica; Raccolta Colombiana, Parte IV, vol. 1, p. 177. ^ Alberti, Ibid., p. i58. 47 pour couronner l'œuvre portugaise. Sur le domaine des prio- rités, ritalie ne possède rien de comparable à la science nautique portugaise telle qu'elle est reconstituée aujourd'hui. En Angleterre, les plus anciennes recherches dans la science nautique mentionnées par Sir Cléments Markham qui fait autorité, sont de iSSg, c'est-à-dire postérieures à l'œuvre portugaise '. Nous connaissons peu ce qui a été produit en France dans ce domaine. M. L. Gallois en étudiant nos recherches se dé- clare d'accord avec nous : « Il apparaît avec évidence que c'est en Portugal qu'ont été pratiqués pour la première fois en Occident les procédés de direction du navire par l'observation des astres, sans lesquels il eut été impossible d'entreprendre des expéditions aussi aventureuses. t> M. Gallois ajoute avoir retrouvé dans la Cosmographie d'Alphonse de Saintonge (1544) les tables nautiques du Règle- ment d'Evora-. Nous croyons donc pouvoir tirer la conclusion suivante : Aucun pays européen ne peut produire en études scienti- fiques touchant la géographie et la navigation rien qui sap- proche de l'œuvre réalisée par le Portugal entre 1416 et 1540. La documentation recueillie depuis les débuts de nos recher- ches, dont nous avons commencé la publication en 19 12, est unique. Une abondance considérable de documents qu'il faudra examiner viendra la grossir encore. On peut donc affirmer que la science nautique portugaise a été le point de départ de la science nautique moderne en Europe. ' Markham, The histoty of graduai development, etc., Geographical Journal, igiS, September, p. 181. ^ L. Gallois, Les Portugais et l astronomie nautique, etc.. Annales de Géographie, n" i3o, 1914, Separaia (Coimbra), 1914, p. 24. V LE ROLE DE LA SCIENCE NAUTIQUE PORTUGAISE Pour se rendre compte du r(')le de la science nouvelle créée en Portugal il ne faut pas, tout d'abord, perdre de vue le rôle de l'œuvre portugaise dans son ensemble. Avant tout, il faut insister sur un point trop oublié par les historiens, le mobile des entreprises maritimes. En Portugal aussi bien qu'en Espagne ce mobile était la recherche de la route maritime des Indes, pour aboutir aux richesses de TOrient; la voie la plus courte vers le pays des « Millions » de Marco Polo; la route des perles, de la cannelle et des épices. Bien avant que l'Espagne se fût intéressée aux questions coloniales, l'F^urope entière avait été émotionnée par le succès et les progrès ra- pides des découvertes portugaises. Monetarius écrivant de Nuremberg au roi de l^ortugal, en 1493, avant de connaître la découverte de l'Amérique, adresse les plus grands éloges aux efforts royaux dans ce domaine et il ajoute : « Si tu faisais connaître IDrient habité à l'Occident on te louerait comme un Dieu, comme un Hercule'. » Angelo Policiano, célèbre jurisconsulte italien, en rela- tions étroites avec D. .loào, lui écrivait avant 1491 : « En réalité, prince illustre, qu"as-tu fait, sinon sortir des « trêves éternelles, ramener de l'ancien chaos au jour qui « nous éclaire d'autres terres, d'autres mers, d'autres mondes « et jusqu'à d'autres étoiles (iràcc à tes mérites presque " divins, le siècle auquel nous appartenons pourra rivaliser Bknsai'df, Astron. nautique, p. i()3. 49 « sans crainte avec les siècles les plus fameux de toute Tanti- « quité '. » Voici un passage découvert parmi les Inédits de Santarem qui dépeint l'état des esprits au Portugal et en Europe au début des découvertes : « L'ivresse du Portug^al et l'admiration « de l'Europe excitées par ces découvertes ne connurent point « de bornes; et ce ne fut que deux cents ans après le passage « du cap Bojador que l'on essaya d'attenter à la gloire de ceux « qui avaient dé]3assé les îles éternelles, traversé la mer des « ténèbres et qui, bravant à la fois les dangers de la réalité et « les terreurs de la fable, avaient découvert plus d'un pays « dont l'existence était inconnue et dompté un océan vierge en- « core, pour ainsi dire, du contact de Thomme^. » La reconstitution de la science nautique portugaise n'est que le début de l'œuvre immense réalisée par D. Joào II, un grand chapitre de l'histoire des découvertes, demeuré dans le mystère pendant des siècles. En plus de la science nautique, des voyages de Montaroyo et de Govilhà par terre vers l'Orient et de bien d'autres faits encore inconnus, il reste surtout à éclairer le cycle des voyages antérieurs à Colomb; ces voyages qui ont conduit au partage du monde entre le Portugal et l'Espagne en 1494 par le Traité de Tordesilhas et sur des bases parfaitement déterminées. Les données qu'on possède à cet égard, l'orientation pré- voyante de D. Joào II, la minutie des détails de ses plans, et les résultats auxquels on est arrivé, laissent entrevoir une connaissance certaine des pays que Colomb venait de décou- vrir en Occident; c'est le grand chapitre qu'il reste encore à démêler. L'intérêt éveillé par l'œuvre portugaise produisait une véritable chasse aux renseignements de toute espèce concer- nant des questions coloniales. Lisbonne était le centre où l'on venait puiser. On y faisait les efforts les plus tenaces pour ' Lettre d'Angelo Policiano à D. Jono II, publiée dans Th. Braga, Historia da Universidade de Coimbra, t. i, p. 174. ■^ ViscoNDE DR Santarem, Exparsos, vol. 2, Lisboa, 1910, p. 181. 4 pénétrer tous les secrets, tous les mystères. Sous D. Joào II, mort en 14q3, le secret fut bien gardé. Sous D. Manuel, son successeur, les résultats commerciaux furent immenses, la bar- rière lléchit. 1 /infiltration à létranger commence, elle s'étend aux renseionements commerciaux, aux rapports de voyages, aux cartes oéographiques et à la science nautique, qui est la connaissance la plus importante pour les voyages. La chasse la plus active était faite aux cartes géographiques. Le gouver- nement j:)ortugais, jaloux de ses intérêts, intervint. Ln i 504 on publia une loi interdisant aux cart(>graphes d'étendre leurs cartes au delà de ILquateur'. Mais malgré tout, la pression du dehors fut excessive, on envoyait des émissaires secrets à Lisbonne pour acheter les renseignements au poids de Tor-. Malgré toutes les précautions, les divulgations se faisaient; elles étaient inévitables. Elles commencèrent presque exclusi- vement par lentremise de lEspagne; c'est dans ce pays qu'on se rendit compte de leur bienfait. On y trouve les ressources de la science et de l'expérience de la marine portugaise mises en œuvre par une véritable avalanche de grands marins et cartographes portugais et à leur tête Fernào Magalhàes. De l'Espagne, la science nautique et les résultats acquis se propagent dans un autre milieu; l'école des géographes fla- mands se forme au moment même où des agitations intestines produisent la décadence portugaise. L'ensemble de ces considérations nous a conduit aux con- clusions suivantes concernant le rôle de la science nautique portugaise : T' Avant le début des grandes découvertes, tous les pays d'Europe étudiaient la géographie sur ses anciennes bases (Pline, Strabon, Mêla et Ptolémée). Un autre courant s'était formé à côté en Italie et en Espagne : celui des cartographes de la Méditerranée, qui complétaient leurs cartes avec des éléments ' Bensaude, Astron. nautique, p. 171. * E. DE Vasconckllos, Suhsidios para a historia da Carto^raphia, Lisboa, 1916, p. 5. 5i pris dans les rapports des voyages terrestres et surtout Marco Polo. L'ensemble de ces connaissances des anciens géographes et cosmographes d'un côté, des cartographes de l'Italie et de TEspagne de Tautre, nous rappellerons: l'école histo- rique de la géographie. La géographie était répandue partout, mais cultivée à des degrés variables de perfection et d'effort, suivant les différentes nations qui Tétudiaient. 2° Une nouvelle vie commence avec l'élan des découvertes. Les besoins de la navigation imposent les bases scientifiques. On crée la science nautique, on en accumule les résultats, oa refond totalement les études de la géographie sur les bases fournies par la navigation. Ce sont les bases définitives de la géographie moderne. Cette nouvelle phase créée par le Por- tugal nous l'appellerons : l'école scientifique de la ma- rine portugaise . 3° L'ensemble des données recueillies par la navigation conduit à la cartographie moderne. Le problème de repré- senter graphiquement la surface de la terre le plus près pos- sible de la vérité s'imposait comme un besoin. Dès i5i4 Joào de Lisboa s'en occupe; Pedro Xunes imprime son premier travail sur cette matière en i53j. L'œuvre suivait en Portugal sa marche de développement normal. Une convulsion boule- verse la société portugaise dès 1 536: on vient d'introduire l'Inquisition, coup fatal qui devait paralyser toutes les bran- ches de l'intellectualité portugaise. Le travail scientifique subit un arrêt foudroyant après les deux grandes figures deNunes et de D. Joào de Castro. Un autre milieu jeune, plein d'élan et de valeur, étudie, réu- nit, coordonne les résultats de la science nautique portugaise. L'école des géographes flamands, issue de l'atmo- sphère universitaire de Louvain, dont Gerhard Mercator est le principal représentant, réalise la fusion de l'école his- torique de la géographie avec l'école scientifi- que de la marine portugaise. 4° La méthode scientifique inaugurée en Portugal en 141 6, le travail combiné de la théorie et de la pratique, le contact avec un monde réel et inconnu ont conduit : 02 a) A la plus grande application pratique donnée à Tastro- nomie depuis des siècles. bi A la formation de 1 esprit scientilique moderne basé sur le raisonnement strict et rigoureux, dégagé des crédulités naïves ou élu jirestige jusque-là inébranlable des anciens au- teurs. Le même esprit qui avait reconnu le besoin de raisonner et de vérifier après avoir détruit ta légende de la zone torride inhabitable, porte un coup fatal aux croyances de l'astrologie telles qu'elles régnaient dans les centres scientifiques les plus éclairés de l'Allemagne à la même époque. ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES ANNEXES LA SCIENCE NAUTIQUE ESPAGNOLE ET PIGAFETTA ANNEXE NM. I>"Espaone était le seul pays dont la concurrence fût à redouter par le Portugal. De ce fait la divulgation de la science nautique portugaise en P^spagne était donc d'une importance capitale ; importance doublement appréciable par comparaison aux autres nations européennes. En étudiant la question, on en arrive à conclure que la science des découvertes espagnoles n'est que la science nau- tique portugaise toute pure. Voici un aperçu de ses diflférentes phases. Colomb conçoit ses plans d'après les données recueillies au Portugal. Même ceux qui le contestent sont forcés d'avouer qu'il a conçu et mûri ses projets dans un milieu de marins portugais. Il quitte le Portugal vers 1484, sous le règne de D. Joâo II, alors que le travail portugais était absolument tenu secret. A la fin de cette même année ou dans les premiers mois de 1485, José Vizinhofait usage du Règlement de l'astrolabe en Guinée. Colomb n"a jamais connu le Règlement. Sa science a été reconnue même par ses défenseurs enthousiastes, comme étant d'une navrante pauvreté. On a ignoré jusqu'à présent la dis- tance immense qui sépare le savoir de Colomb de celui de ses contemporains portugais tels que Duarte Pacheco et Joâo de Lisboa. Les notes astronomiques de Colomb sont extraordi- nairement volumineuses; il cherche quelque chose qu'il ne trouve pas. Son efïort vise évidemment les problèmes de la 55 navigation. Rien ne nous laisse entrevoir qu'il ait même supposé l'existence d'un livre scientifique portugais sur la navigation. Le seul indice trouvé dans ses notes et qui nous le montre sur la voie du calcul des latitudes, n'est qu'une copie pleine d'erreurs de la table de déclinaison de Zacuto. Il dit avoir pris la hauteur du soleil mais aucun de ses tra- vaux ne donne la moindre preuve qu'il a connu ce calcul. Colomb est à la recherche d'une science nautique et c'est tout : les bases manquent, il tâtonne dans le vide. Il ignore le règle- ment polaire; le mouvement circulaire de la polaire autour du pôle l'égaré dans ses recherches et lui fait tirer des conclu- sions absurdes sur la forme de la terre. Elle aurait, d'après lui, la forme d'une poire entre les Açoreset le Brésil. Il excuse les anciens auteurs d'avoir ignoré ce fait puisque l'élévation, qu'il compare à la mamelle dans le sein d'une femme, se trouve entre les Açores et le Brésil, des régions autrefois inconnues. Vespucci fait d'abord deux voyages pour le compte de l'Espagne. Esprit plus cultivé, il cherche en 1499 ^ calculer la longitude par une occultation. Le passage de la lettre de Ves- pucci concernant ce calcul cite deux livres : les Tables du roi Alphonse et les Ephémérides. Humboldt profite de ce passage pour mettre les Ephémérides en évidence, mais il oublie de mentionner l'œuvre du roi Alphonse. Vespucci trouva dans ce livre la méthode et dans les Ephé- mérides la date de l'occultation, et pas autre chose'. Ces dates étaient parmi les connaissances les plus ^ A. -M. Bandini, llta e lettere di Amerigo Vespucci, 1745, p. (34-86. Voici le passage en question : « ....perché il pianeta délia Luna è piu leggier di corso, che nessiino « altro, e riscontravalo con l'Almanacco di Giovanni da Monte- « regio, che fu composto al meridione délia Città di Ferrara, « accordandolo con le calcola\ioni délie Tavole del Re Don Alfonso : « e dipoi di moite note, che ehhi fatto sperienza, una note infra « l'altre, essendo à ventitre di Agosto del 1499, che fu in conjiun- « zione délia Luna con Marte, la quale secondo l'Almanacco « aveva a essere a mezza notte, o mezzia ora prima ; trovai... etc. » p. 71, 72. 56 cicmcntaires et les plus courantes de Tastrolooie. De i5()i à i?()4. \'espucci se trouve au service du Portugal. Il prend part à deux voyages dans Ihémisphère sud sans y jouer un rcMe appréciable. Le premier voyaoe, celui de i5()i, est du plushaut intérêt, cest la recherche de la route des Indes par Toccident. Ce voyage est fort peu connu dans les annales de Fhistoire portugaise ; c"est Vespucci dans ses lettres qui en adonné quel- ques détails. \'espucci fait Téloge de sa personne, déprécie le savoir des marins j:)ortugais dans des termes fort suspects ; quant aux observations qu'il consigne, elles sont le résultat de ce qu'il a vu à bord de la tlotte portugaise. Les observations qu'il enregistre touchant le pôle antarctique ne sont pas les premières. On étudiait ces questions du temps de D. Hen- rique ; les observations de Bartholomeu Dias (1487-88) et de \'asco de Gama (1497-99) manquent, mais on connaît une partie de celles de Cabrai par la lettre de Maître Joào datée du 1^' avril i5o() '. Les deux voyages pour le compte du Por- tugal fournissent à \'espucci l'occasion d'étudier le Règlement de l'astrolabe. De retour en Espagne ( i 5o5) cet apprentissage lui donne de la notoriété. C'est \'espucci qui devient le fon- dateur de récole de pilotes à Séville ( 1 5o8) par où le Règlement de l'astrolabe est officiellement introduit en Espagne. La lettre de nomination fait ressortir la nécessité de porter remède au manque de savoir des marins espagnols -. Joào Dias de Solis, successeur de Vespucci (i 5 12) est un marin portugais dune vaste expérience dans les voyages des Indes; on l'engage précisément à cause de ses connaissances dans le calcul des latitudes ^ Les œuvres connues sur la science nautique de l'Espagne dans la première moitié du XVL siècle sont celles de Enciso, deux éditions, i5i9 et i53o; Pigafetta, compagnon de Ma- galhàes. Traité de navigation (1 5 19-1522); Francisco Faleiro, Arte de! Marear, i 535 ; Pedro de Médina, Artc dcl Navegar, ^ Bensaude, Astron. nautique, 1012, p. 146, 254. -■^ Re^imento do cstrolabio, (j)\\qc\. de fac-similés, vol. i, p. 14, i3, Introduction. 5? i543. En comparant les deux éditions d'Enciso au Règlement, on se rend immédiatement compte qu'il s'est largement inspiré de l'œuvre portugaise qu'il a d'ailleurs fort mal étudiée. Il en va de même pour le célèbre livre de Médina. Ces œuvres au point de vue de la science nautique ne sont qu'une adaptation, un reflet des travaux portugais correspondants ; d'ailleurs très faibles et très insuffisantes. Le remarquable traité de P^aleiro est Tœuvre d'un Portugais au service de l'Espagne. Il restait un travail obscur à éclaircir : le Traité de navigation de Piga- fetta. Une étude de ce travail s'imposait. En voici les résultats : Pigafetta n'était ni marin, ni astronome. Gentilhomme véni- tien, il fut recommandé à iMagalhàes peu avant le départ de l'escadre et admis comme compagnon dans le vaisseau-amiral même. Il devint un ami intime et un admirateur de Magalhàes ; Pigafetta était bien capable d'écrire le journal du voyage de Magalhàes, mais la partie scientifique, le Traité de navigation (une annexe du journal) éveilla nos soupçons. Ce traité était connu par un extrait du manuscrit del'Am- brosiana de Milan, fait par Amoretti en 1800 ^ Nous nous sommes procuré à Milan la photographie de cette partie du manuscrit- pour la comparer au travail d'Amoretti. Nous nous attendions à une surprise et elle y était en effet. Le traité écrit par Pigafetta en italien se compose de trois parties, dont les deux premières sont immédiateiîient reconnaissables : i'' Un extrait du Règlement de l'astrolabe (calcul des lati- tudes et une partie mal comprise du Règlement polaire). 2° Une liste des latitudes identique à la liste du Règle- ment d'Evora complétée et mise à jour. Ce document, d'une incontestable valeur historique est, sans le moindre doute, la liste des latitudes de Magalhàes avant son départ. Ce qu'il y a de caractéristique dans cette liste, c'est la traduction presque ^ Amoretti, Primo Vidggio, Milano, 1800. ■^ Ce n'est que quelques mois plus tard que nous avons eu connais- sance de la reproduction intégrale de ce manuscrit dans la Raccolta Colombiana. Parte V, vol. III, p. ii3 à 122. 38 littérale des noms portiioais en italien, ((comparer cette liste avec celle du Règlement d'i^vora.) 3" In Règlement des lonoitudcs. (v'est une partie neuve et dune videur incontestable qu'il faut examiner de près. Mai^alhàes a\ait quitté le Portugal en i3i7 en compagnie de Ruy Faleiro, un savant marin et astronome souvent cité par Humboldt. Peu avant le départ de l'escadre en i5i9, les deux navigateurs se brouillèrent ; Ruy Faleiro abandonnait 1 entreprise. Le contrat existant entre les deux devait être annulé. Magalhàes y consentit à la condition de recevoir la copie du Règlement des longitudes dont Ruy Faleiro était l'au- teur. Ce document cité par Barros \ et d'autres historiens, s'est perdu. Pigafetta disposait de toute la mitraille scienti- fique de l'expédition ; ayant fait l'extrait du Règlement de l'astrolabe, copié et traduit la liste des latitudes, il est évident qu'il a fait de même pour le Règlement des longitudes, le document précieux réclamé par Magalhàes. L'examen du traité de Pigafetta nous conduit donc à conclure qu'on n'est pas en présence d'une œuvre originale, comme tous les historiens l'ont admis jusqu'à présent, mais d'un extrait, d'un reflet de la science nautique p o r t u g a i s e qui guidait le p r e m i e r v o y a g e a u t o u r du monde. Une fois cette constatation faite, on peut aisément démontrer que la science nautique espagnole jusqu'à 1545 (première édition de Medinal est toute basée sur les œuvres portugaises. Le Règlement de 1 astrolabe portugais fut officiellement introduit dans l'enseignement de la marine espa- gnole en i5o8, soit vingt-trois ans après sa plus ancienne application connue en Portugal. Enciso, Pigafetta, Médina, copient des œuvres portugaises ; Francisco Faleiro, auteur d'un travail de valeur était un Portugais, frère de Ruy Faleiro. Fnfin. si l'on ajoute que .loào Dias de Solis. Magalhàes, les deux F'aleiro, Estevam Gomes, Alcaçova, Diogo Ribeiro, les deux Reinel (les trois derniers des cartographes célèbres), étaient tous des Portugais au service du pays voisin et rival, r»n voit ' Bknsauuk, A-stroii. naiiliquc, p. i63. 59 que la science nautique en Fspaone était clans une dépendance complète de la science nautique portugaise et qu'en réalité c'était bien la science portugaise qui était au service de l'Es- pagne. Le retard de l'Espagne dans le domaine des décou- vertes s'explique par les faits suivants : 1° Le Portugal se préparait pour Tœuvre des découvertes dès 1416, tandis que TEspagne n'y débute avec Colomb qu'en 1492 (retard de 76 ans). 2*' L'inquisition commence ses terribles riivages en Espagne en 1478 pour n'apparaître au Portugal qu'en i536. Ce retard de cinquante-huit ans a été le secret du succès por- tugais. Les folies de Torquemada dévastaient l'Espagne. Les luttes de l'intolérance religieuse furent le plus grand cata- clysme de la Péninsule. Pendant que l'Espagne gaspillait son savoir, ses forces, dans cinquante-huit ans d'autodafé, le Por- tugal travaillait paisiblement à son œuvre. Quand l'Inquisition pénétra au Portugal, les découvertes étaient achevées ; de ce moment, en i536, la débâcle portugaise commence. LES PRÉTENTIONS DE PRIORITÉ DE ^ALLEMAGNE ANNEXE N" 2 (ïicsiimé). Il est aussi pucril que vain d'alVirmer que sans la culture germanique les Portugais n'auraient pas réalisé leur rôle dans riiistoire. Il suffit d'examiner une à une et de près toutes ces allégations pour renverser ce château de cartes, grâce à quoi on a trop longtemps déjà tenu en échec la justice et la vérité historiques. Voici les principales données sur lesquelles les savants de FAllemagne depuis Humboldt reposent leurs raison- nements concernant les origines de la science nautique portu- o^aise : i" Amélioration ou invention de l'astrolabe nautique par Behaim (Humboldt, Ritter, Ziegler, Baguette, Gelcich, etc.). 2" Introduction de la balestilha (arbalète) au Portugal et le rôle prétendu de cet instrument dans la navigation à Tépo- que des découvertes (Breusing, Ruge, Gi.inther). 3° Enseignement du calcul des latitudes par Behaim aux marins portugais (Gelcich). 4° Rôle décisif des Ephémérides de Regiomontanus, sou- tenu par une douzaine d'auteurs de renom, de i835 à 1912, depuis Humboldt jusqu'à Marcuse. Après la publication de nos recherches ( igi2j il y a à enregistrer deux nouvelles prétentions. 5° Le rôle des Elphémérides ne serait plus dans le calcul des latitudes, mais dans le calcul des longitudes (Fœrster, 1 9 1 6). 6° Priorité de la courbe loxodromique réclamée pour Mer- cator en i 541 , sous prétexte qu'il devait avoir ignoré la courbe décrite par PedroNunes en 1 537 (H.Wagner, igi5). 6i Nombre d'alléo^ations en faveur de Behaim ont été ruinées par la critique saine et serrée des études de Ravenstein, 1890 et 1908. La défense du prétendu rôle de la balestilha fut aban- donnée par Giinther en 1905. Il restait à faire le jour autour des origines de Tastrolabe nautique, autour du rcMe des Ephé- mérideset des prétendus enseignements du calcul des latitudes par Behaim et autour de la priorité de la courbe loxodromique. S'il est vrai que l'on trouve depuis quelque temps dans les revues scientifiques allemandes des signes dun revirement salutaire, et si des paroles de justice envers l'œuvre scientifique portugaise ont été prononcées parles professeurs Kretschmer, Gùnther, Fœrster, Bopp et le D'" Berthold Cohn, il n'est pas moins certain qu'il va falloir un eflfort considérable pour détruire les effets d'une importante série d'ouvrages qui ont répandu dans le monde entier des allégations sans fondement, soit sur le rôle de Behaim, — dont on a voulu à tort faire une gloire nationale, --• soit sur l'influence de Regiomontanus dans la science nau- tique portugaise. Pour soutenir leurs prétentions, les auteurs allemands s'appuient sur deux faits principaux : 1° Les études profondes en apparence dont on a tiré à la légère des conclusions de la plus haute portée ; tandis qu'une abondance considérable de documents connus depuis longtemps a été laissée de côté dans ces études. 2° L'insuffisance de recherches scientifiques en Espagne et en France sur la valeur et la portée de l'astronomie pénin- sulaire et provençale au moyen âge. ASTROLABE NAUTIQUE (Note complémentaire). Nous avons été égaré par la bibliographie allemande en étudiant dans notre livre {Astronomie nautique, 1912) les ori- gines de l'astrolabe nautique. On avait tellement insisté sur l'astrolabe de Nuremberg, sur l'oubli de la balestilha, sur le manque d'instruments astronomiques, que nous avons réelle- ment cru qu'il y avait là une lacune à remplir par de nouvelles 62 recherches. Nous nous sommes aperçu trop tard du silence fort étrange des savants allemands autour de quatorze magni- fiques traités sur les instruments astronomiques contenus dans les fJbros dcl Saber du roi Alphonse, imprimés en 1 863 et 1866. Dans le nombre il y a deux traités qui liquident radicalement la question de Tastrolabe et celle du quadrant'. L'astrolabe astrologique était d'un usage journalier dans la Péninsule au moyen âge. Il se trouvait décrit dans un grand nombre de manuscrits de l'époque, mais néanmoins la preuve manquait de la connaissance de ces descriptions au Portugal. Cette preuve se trouve dans les Libros dcl Saber du roi Alphonse, œuvre classique des méthodes de l'astronomie pra- tique où l'astrolabe est décrit minutieusement et illustré de 27 fi- gures. Les Libros de! Saber étaient connus en Portugal sous le règne de D. Diniz ( 1 279- 1 325). petit-fils du roi Alphonse le Sage. D. Diniz. en suivant l'exemple de son grand-père, devint un protecteur des sciences et le fondateur de l'Université de Lis- bonne (1290). L'œuvre du roi Alphonse figure dans la biblio- thèque du roi D. Duarte, frère de D. Henrique. sous le titre Libros de las siete partidas. La prétention que l'on aurait ignoré en Portugal les petits astrolabes astrologiques en métal, même quand cette prétention est celle d'un auteur aussi auto- risé que M. Gelcich, est insoutenable en face des Libros du roi Alphonse. Il n'y a plus de discussion possible sur ce point. L'as- trolabe astrologique petit et en métal était, à l'époque des découvertes, une vieillerie connue dans tous ses détails par les ' Les quatorze traites sur les instruments astronomiques inckis dans les Libros del .S'^^er (édition Madrid i863-i866) occupent un total de 804 pages. L'astrolabe plan est illustré de 27 figures ; le quadrant de 8 figures. On a beaucoup écrit en Allemagne sur les tables Alfonsines; on y coni- mence maintenante rendre justice aux Libros del Saber. Deux études de valeur sur cet ouvrage y ont paru récemment; elles fournissent aux his- toriens de l'astronomie nautique en Allemagne les éléments qui ont fait défaut dans leurs études. A. Wegener, Die Alfotisinischcn Tafeln fiir den Gebrauch des modernen Rechners, Dissertation, i(K)5. A. Wegrner, Die Astronomischen Werke Alfons X. Bibliotheca Mathematica, iyo3. 63 astrologues. En en supprimant tous les accessoires de Tastro- logie, inutiles à la navigation, on avait Tastrolabe nautique. Cette simplification était donc à bonne portée, on Ta faite le jour où le besoin de Tastrolabe s'est fait sentir dans la marine. La croyance que cet instrument a été introduit en même temps que le calcul des latitudes par le soleil est une erreur. Dans VArtc de Navegar, de Raymond Lulle(i292), Tastrolabe était déjà en usage dans la navigation pour la détermination de l'heure'. On se servait d'instruments astronomiques depuis longtemps pour prendre la hauteur polaire; en 1462, Diogo Gomes faisait son calcul à Taide du quadrant. En 1481, Azam- buja employait lastrolabe. L'usage des deux instruments est sans doute de beaucoup antérieur à l'introduction du calcul des latitudes par le soleil et à l'arrivée de Behaim au Portugal en 1484. M. Gelcich a rajeuni l'étude de l'astrolabe nautique pour pouvoir en attribuer la paternité à Martin Behaim. C'est du reste ce qu'on a fait avec la balestilha. Alors qu'on s'est aperçu que cet instrument avait été déjà décrit en Provence un siècle avant Regiomontanus, on a prétendu qu'il aurait été oublié dans la Péninsule et serait revenu à Lisbonne par voie de Nuremberg. LES TABLES ASTRONOMIQUES Le rôle des Ephémérides reposait tout à la fois sur une léo;^ende et sur une léj^èreté. La léo-ende est la soi-disant absence de tables astronomiques dans la Péninsule; la légèreté est dans le fait que tous les auteurs, depuis Humboldt jusqu'à nos recherches en 19 12, n'ont jamais examiné les tables des E^phémérides. On assurait qu'il n'existait rien entre les Tables alphonsines (1272) et celles des Ephémérides (1474), et cette longue intermittence donnait immédiatement et naturellement une importance marquée aux tables de Regiomontanus. On ' L. Gallois, Les Portugais et l'astronomie nautique, Annales de Géographie, n° i3o, 1914, Separata, Coijnbra, 1914, p. 24. accrédita cette légende à tel point que le professeur Marcuse (Berlin) écrivait en 1912: « Les Kphémérides sont le premier alnumacli nautique que IKurope a produit'. » LE PRKTKNDU NrANQlK DK lARLKS Pour avoir raison du prétendu manque de tables astrono- miques au moyen âge, il suffira de citer un seul exemple: les tables du provençal I^obert Angles, de iMontpellier, datées de 1292-1295. Nous n'avons pas cherché longtemps pour trouver cette preuve éloquente. M. Tannery les avait signa- lées, nous les avons examinées et copiées dans les manuscrits mêmes de la Bibliothèque Nationale de Paris-. Ces tables ren- ferment dans cinq pages tous les éléments dont la navigation avait besoin : longitude solaire journalière et table de déclinai- son. La déclinaison maxima y est 23° 33', la même qui figure dans Zacuto et dans toutes les tables portugaises antérieures à 1537. De plus, les tables de Robert Angles ont exactement la même forme que celle de Zacuto, le cycle de quatre années et la table de déclinaison. On possédait donc en 1292, soit cent quatre-vingts ans avant Regiomontanus, des tables contenant tous les éléments des tables nautiques portugaises. A ce seul exemple on peut ajouter les œuvres des 32 auteurs juifs et des 10 auteurs chrétiens (p. 34-36) qui se sont occupés de ces ques- tions. Cela doit suflfire. Le prétendu manque de tables n'est donc qu'une invention fantaisiste. LES TABLES DES ÉI'HKMÉRIDES La superficialité des savants allemands depuis Humboldt (i835) jusqu'à Marcuse (19 12) provenait du fait qu'aucun d'eux n'avait examiné ce livre à fond. C'est nous qui avons fait cet examen en commençant bien naturellement par l'édition prin- ceps, la seule qui soit vraiment de Regiomontanus. Les Kphé- mérides n'indiquent pas du tout la façon de faire le calcul des latitudes ou des longitudes et ne contiennent pas non plus la ' Adolphe Marcusk, Prof, à Berlin, Himtnelskunde, 1912, p. 12. * Paul Tannkhv, Le traité du quadrant de maître l^obert Angles, 1897, p. 3o. 65 table de déclinaison. De sorte qu'en supposant même que le marin connût la méthode, les Ephémérides ne lui fournissaient pas assez d'éléments pour faire le calcul des latitudes. Ce que nous venons de dire s'applique aux huit éditions qui suivirent l'édition princeps, y compris l'édition des Ephéméridesde 1498. Or, l'Almanach Zacuto existait en 1496 en Portugal; les édi- tions des Ephémérides postérieures à cette date n'ont aucune importance pour nous, d'autant moins que l'on avait transformé le livre comme à plaisir dans les éditions postérieures à 1474. (Il existe à la Bibliothèque Nationale de Paris un exemplaire incomplet des Ephémérides de 1474. Un exemplaire complet existe au British Muséum à Londres.) Plusieurs professeurs célèbres en Allemagne n'ont pu nous indiquer où trouver la table de déclinaison de Regiomontanus. La Direction de la Bi- bliothèque royale de Munich nous aida dans ces recherches en faisant parcourir toutes les œuvres de Regiomontanus, et c'est ainsi que nous avons enfin trouvé cette table dans la Tabula directioniim. M. Gelcich a reproduit le commencement de cette table, mais l'indication de l'édition où il l'a trouvée est des plus con- fuses. Il semble l'avoir extraite d'une édition des Ephémérides de 1559 '. Voici ce qui résulte de la vérification des Ephémérides : 1" Toutes les éditions des Ephémérides antérieures à l'im- pression de l'Almanach Zacuto, en Portugal (1496), n'ont pas de table de déclinaison ; le calcul des latitudes y est donc impossible. 2° Dans ce livre il n'y a pas un mot sur les méthodes du calcul des latitudes ou des longitudes. 3" Les Ephémérides contiennent une table de longitude solaire journalière pour trente-deux années sans le cycle solaire de quatre années que l'on trouve dans les tables de Robert Angles, Zacuto, Pedro Nunes, et toutes les tables nautiques * E. Gelcich, Die lustrunicnte und die ipissenschaftlichen Hiilfsmittel der Nautik, 1892, p. 74 et jd. b 66 portugaises, non compris les tables du Règlement de Munich et du Rcportorio dos tempos, qui sont pour une seule année. 4*" La table de déclinaison de Regiomontanus publiée dans la Tabula dircctiouuin occupe douze pages : elle est basée sur la déclinaison 23° 3o'. — Les tables de déclinaison de Robert Angles. Zacuto et Nunes tiennent en une seule page; elles ont la même forme chez ces trois auteurs. Ce n'est que Pedro Nunes, en i537, qui introduit la déclinaison maximade 23° 3o'. Zacuto, Angles, et les tables portugaises antérieures à i537, ont la déclinaison maxima de 23° 33'. On peut donc conclure que les affirmations depuis Hum- boldt jusqu'à Marcuse (soixante-dix-sept ans) sont dénuées de fondement. Les Ephémérides étaient destinées à l'astrologie judiciaire et médicale, elles ne touchent en rien à la navigation. Comment la légende des Ephémérides s'est- elle accréditée? En plus de la table des longitudes solaires, les Ephémérides contiennent une petite table lunaire, une « tabula regionum » (latitudes et longitudes de villes) et une grande table journa- lière pour les trente-deux ans, indiquant les éclipses, conjonc- tions, oppositions, etc.. éléments de haute valeur pour les prédictions des astrologues. Vespucci, en 1499, essayait de calculer la longitude par une occultation dont il prit la date et l'heure dans les Ephémérides. Humboldt lut ce passage de la lettre de Vespucci et généralisa l'utilisation du livre sans l'exa- miner plus en détail. Humboldt était excusable, mais non ceux qui le suivirent pendant soixante-dix-sept ans. Vespucci écrit qu'il utilisait « l'Almanacco di Giovanni di Monteregio » en l'accordant avec le calcul des tables du roi Alphonse (Accordandolo con le calcolazione délie tavolledel Re D. Alfonso^j. Il trouvait chez Regiomontanus la date et l'heure de la conjonction de la lune et de Mars, le 23 août 1499. H n'y trou- vait rien sur la méthode, qu'il avait puisée dans les Libres del * A. M. Bandini Vita e lettere di AmerigoVespucci, 1745, p. 64-86. Voir le texte de Vespucci dans la note p. 55. 67 Sabcr du roi Alphonse où elle se trouve plusieurs fois répétée. C'est donc par les Libres del Saber que Vespucci connut la méthode. Le rôle des Ephémérides chez Vespucci se résume par conséquent à l'indication de la date et de Theure de l'occul- tation. Ces éléments astrologiques étaient très répandus du temps des Arabes. Les éclipses, conjonctions, oppositions, etc., avaient une importance capitale pour les astrologues. On utili- sait constamment ces éléments astronomiques dans un pays d'astrologues comme l'Espagne. La date d'une conjonction fournie par les Ephémérides et c'est tout ! C'est sur cela que l'on a bâti leur légende et grossi leur importance en affirmant que Regiomontanus était le précurseur de Colomb (Ziegler 1874) et que les Ephémérides étaient le premier Almanach nautique de l'Europe (Marcuse 19 12). Un dernier effort a été fait tout récemment par le professeur W. Fœrster (Potsdam) ^ pour relever le rôle des Ephémérides atteint par le résultat de nos recherches. L'article de M. P'œr- ster nous est parvenu au moment de la revision des épreuves de cette étude. M. Fœrster prétend maintenant que si les Ephémérides n'ont pas fourni les éléments du calcul des lati- tudes, le rôle de ce livre n'est pas moins important dans le calcul des longitudes, et il donne naturellement comme argument le cas de Vespucci en 1499. Comment Vespucci a-t-il connu la méthode du calcul, est- ce par les Ephémérides? Non, puisque nulle part dans ce livre il en est question; c'est dans les « calcolazioni délie Tavole del Re D. Alfonso » qu'il a appris le procédé. Il reste donc à Regiomontanus la date de la conjonction, et rien de plus. Pendant un siècle on s'est lancé, faute de mieux, dans le do- maine des conjectures pour écrire l'histoire de la science nau- tique portugaise; les hypothèses ont grossi au point de devenir ^ W. Fœrster, Ziir Geschichte der Astronomie iind dcr Schiffahrt s « Mitteilungen derVereinigung von P"r kosmichen Physik », 191(3, Heft 5, p. 39-43. dans « Mitteilungen derVereinigung von P'reunden der Astron(jmie und 68 une obstruction aux recherches historiques. On se trouve désormais dans une voie nouvelle, et dans cette voie il faut quelque chose de plus que des conjectures. Avant tout, il est nécessaire de connaître la portée et la valeur du matériel scientifique considérable que le Portugal avait à sa porte même, dans la main, et dont les astrologues espagnols et pro- vençaux faisaient un usage journalier. On persiste à ignorer ce matériel, mais il nous faut pourtant savoir ce que sont et ce que valent ces tables astronomiques de Machir (i3oo), de Ger- son (i32o), de Bonfils (1340), deWakkar (iSSy), de Poël(i36i), de Carsono (1376), d'Alchadib(i38i), dlbnVerga (1457), avant d'arriver à TAlmanach perpetuum de 1473-78 et aux Ephémé- rides de 1474. Il faut éclaircir encore ce que sont ces calculs de conjonctions, d'oppositions et d'éclipsés d'Immanuel Bonfils (1340-1370) et de tous ces ouvriers inconnus dont la culture n'avait rien de germanique, mais était péninsulaire par excel- lence. Il ne s'agit pas dans ces recherches historiques de faire à tout prix une place glorieuse aux Ephémérides, mais de con- naître le véritable rôle des uns et des autres. YSAlmaiiach perpetuum fut imprimé en Portugal en 1496, donc trois ans avant l'observation de Vespucci. L'édition latine ainsi que l'édition espagnole des canons traitent longuement du calcul des éclipses du soleil et de la lune ou des conjonctions et oppositions des étoiles. Dans le canon 8 (texte espagnol, vol. 6 de la collection fac-similé), Zacuto déclare avoir calculé ses ta- bles des conjonctions et oppositions des étoiles d'après les tables de Jacob Poël (i3ôi); et il ajoute que ses propres tables peu- vent être également utilisées, si l'on veut suivre la doctrine du roi Alphonse. On nous a assez parlé de Regiomontanus ; le moment est venu détudier ces travailleurs inconnus qui ont pullulé dans la Péninsule et la Provence. Si on a longtemps ignoré leurs œuvres et leurs noms, ce n'est pas une raison pour continuer à les igno- rer. Le coin du voile est levé par l'Almanach perpetuum ; il s'agit de faire le jour complet, avant de penser à illustrer Nu- remberg par la date d'une conjonction prise dans les p]phémé- rides. 69 LE ROLE DE ZACUTO AU PORTUGAL L'Almanach perpetuum indique la longitude solaire pour le cycle de quatre années, la déclinaison maxima 23° 33' ; ces deux éléments figurent dans les tables nautiques portugaises jusqu'à Pedro Nunes. En i537, Nu nés corrige ce dernier chiffre et introduit 23° 3o' en gardant dans ses nouvelles tables la forme des tables zacutiennes. Cependant ces deux uniques données ne constituent pas en effet des preuves suffisantes pour affirmer que ce sont les tables de Zacuto qui ont servi de base aux tables nautiques portugaises, puisque le cycle de quatre années et la valeur de 23° 33' étaient en usage depuis long- temps et qu'ils figurent en 1292 dans les tables de Robert Angles. Mais un fait incontestable et important, c'est que le livre de Zacuto fut encore largement utilisé par Pedro Nunes. Il a gardé exactement la forme des tables de Zacuto et ce qui est plus important, il répète une règle de TAlmanach perpetuum pour la construction de nouvelles tables. Voici, en résumé, la règle de Zacuto presque textuellement reproduite par Pedro Nunes : « Pour calculer la longitude solaire d'une année quelconque il faut d'abord déterminer le nombre de cycles écoulés entre l'année radix 1473 et l'année en question. Pour chaque cycle écoulé il faudra ajouter i' 46" à la longitude trouvée dans les tables. On obtiendra ainsi la longitude solaire cherchée. » Il n'y a donc point de doute que Nunes se soit servi de l'Almanach perpetuum ^ Mais aujourd'hui ni le problème des tables astronomiques ni celui des instruments d'observation n'ont presque plus d'in- ' La règle en question se trouve chez Zacuto dans V Ahnanach per- petuum (vol. 3, fac-similé p. 4), « Canon secundus de vero loco solis habendo ». Le texte est bien plus clair dans l'édition espagnole des Canones (vol. 6, fac-similé, p. 5). Le texte chez Pedro Nunes se trouve à la page 176 de la reproduction, fac-similé, vol. 5 (Tratado da Esphera) ; il commence: « O lugar do Zodiaco... », 70 térèt pour rciiulc des orioines de la science nautique en Por- tugal. Posées par les historiens allemands, ces questions n'é- taient que le prétexte à faire valoir la balestilha ou Tastrolabe astrologique de Nuremberg, ainsi que les Ephémérides de Re- giomontanus. Or. toutes ces questions sont liquidées. L'origine de la balestilha et de l'astrolabe marin est éclaircie, et les Ephémérides, sans une table de déclinaison, sont mises hors de cause dans le calcul des latitudes. Tout ce qui reste des hypothèses faites sur ce livre, c'est qu'il a fourni à Vespucci la date d'une conjonction. Ce n'est donc ni l'origine des tables nautiques portugaises, ni des instruments qu'il importe en réa- lité d'étudier, mais un autre problème d'ordre général. Il s'agit de préciser quels furent les astronomes qui ont élaboré le Règlement de l'astrolabe et, par là, rendu abordables aux rudes marins du XV*" siècle les problèmes scientifiques et les questions astro- nomiques. Il s'agit de connaître les noms des savants astro- logues qui ont fait sortir la science astrologique des cabinets de travail pour en faire une large application, et dans un but pratique, sur la haute mer ; c'est dans cette application que se trouvent la nouveauté et le progrès. De nos jours, on enseigne d'abord la théorie aux marins; la pratique vient ensuite. Au XV^ siècle on opérait à l'envers. Il fallait domestiquer les loups de mer jusqu'à les familiariser avec les sujets compliqués de l'astronomie. Instruire les marins les plus habiles pour en faire des pilotes ; leur apprendre ce qu'étaient l'écliptique, la latitude, la longitude ; réduire les ta- bles astronomiques à leur plus grande simplicité; réunir dans un exposé bien clair toutes les éventualités possibles du calcul par la hauteur solaire; étudier les corrections du Règlement polaire ; enseigner en somme à faire usage du matériel scienti- fique en toute sûreté pour pouvoir en tirer des résultats prati- ques et utilisables, voilà le rôle des astronomes dont on n'a que les noms à chercher puisque Ion connaît déjà leurs œuvres. Il y a, à l'heure actuelle, deux noms désormais inséparables de l'astronomie nautique portugaise : ce sont Joseph Vizinho et Abraham Zacuto. 71 Joseph Vizinho et maître Rodrigo furent les médecins et les intimes de D. Joào II jusqu'à sa mort (1495). Les deux fu- rent consultés en 1483 sur le projet de Colomb. Vizinho était un bien mauvais latiniste ; il a traduit en espagnol les canones de TAlmanach perpetuum, ce qui nous amène à supposer que la traduction portugaise de la Sphère de Sacrobosco et le texte du Règlement de Tastrolabe ne sont pas de lui. C'est proba- blement à maître Rodrigo, philosophe, latiniste érudit, et à révéque D. Diogo d'Ortiz, un Espagnol, philologue et homme de valeur, que Ton doit plutôt attribuer la partie littéraire. Elève de Zacuto, traducteur de son œuvre, Vizinho fut envoyé en 1485 en Guinée pour y vérifier les latitudes par la hauteur du soleil. Cette mission le met en évidence comme intimement lié aux études astronomiques du Règlement. Abraham Zacuto, professeur d'astronomie à Salamanque vers 1473, se rend en 1492 en Portugal, il y reste sans doute jusqu'à rimpression de TAlmanach perpetuum (1496) et quitte probablement le pays au moment de l'expulsion des Juifs, dé- crétée par D. Manuel le 5 décembre 1496. L'impression de TAlmanach a sans doute commencé sous le règne de D. Joào ; un travail de cette étendue à la fin du XV*" siècle entraînait, en Portugal surtout, des dépenses considérables ; on peut à peine concevoir la réalisation de cette publication autrement qu'avec lappui royal. On connaît un document du règne de D. Joao II, daté du 9 juin 1493 de Torres Vedras, signé par Zacuto en hébreu : Rabbin Abraham Zacuto, astronome du Roi '. On a encore un autre document de D. Joào III (1 52 i-i 557) qui, en pleine cam- pagne inquisitoriale, accorde des faveurs à Pero Anes, gendre de Rabbi Abraham Zacuto'-. Cette concession royale, datée du 19 mai i53o, a une saveur toute particulière, car elle ^ SouzA ViTERBo, Tvabalhos nauticos dos Portngue^es, t. i (1898), p. 326. Publié aussi avec la signature en hébreu dans Esteves Pereira : Chronica da tomada de Ceuta, introd. p. 100. Académie des Sciences de Lisbonne, igi5. ^ SouzA ViTERBO, Ti'abalhos nauticos, etc., t. i, 327. 72 nous montre que la mémoire des services rendus par Zacuto subsistait encore et avait intluc sur le roi inquisiteur au mo- ment où il accorde des terres et la prérooative de porter des armes au oendre de Tastronome juif. Enfin nous avons les cha- pitres de Gaspar Correa ' traitant de Zacuto et des origines de l'astronomie nautique portugaise. Ces passages ont acquis récemment une importance marquée par le fait qu'ils confir- ment dans tous ses détails le Règlement de Tastrolabe aujour- dhui mis au clair. Correa cite le Regimento à plusieurs re- prises; il décrit comment on a étudié le cours du soleil, et éta- blit des tables de son écartement journalier de Téquateur (table de déclinaison) à l'aide desquelles on était à même de déter- miner les latitudes en mer. Ces tables auraient été établies pour le cvcle de quatre années, dont une bissextile; il décrit Tastro- labe nautique, cite le calcul des corrections du Règlement po- laire et explique enfin que la nouvelle méthode de naviguer avait d'abord été enseignée aux pilotes dans des voyages d'essai. Les perfectionnements apportés ensuite par l'expérience au- raient finalement appris aux hommes de mer à naviguer dans le jour à l'aide du soleil aussi bien que dans l'obscurité de la nuits. Les chapitres de Gaspar Correa contiennent donc une description entière et détaillée du Règlement de l'astrolabe, comme on ne la trouve nulle part dans les anciennes chroni- ques portugaises. Entremêlés dans cet exposé parfait, il y a d'abord des croyances et des épisodes astrologiques, ainsi que des éloges solennels à l'astrologue Zacuto, que Correa désigne comme l'àme des études de l'astronomie nautique en Portugal, plus une date de i 5o2 qui est sans doute erronée. Les éloges mélangés de superstitions astrologiques ont en eflfet quelque chose de la légende. Partout à travers ces chapitres se font sentir le prestige et la grande notoriété de l'astrologue Zacuto que nous devons examiner de près. Le prestige émanant de ces éloges imposants qu'il a provoqués correspond-il à une réalité? ' Bensaude, A.stron. nautique, p. 235 à 260. * Bensacde, Astron. nautique, p. 229. 73 Un examen même superficiel de rAlmanach perpetuum suffit entièrement pour faire justice de la légèreté avec laquelle Thistorien Latino Coelho a formulé ses accusations de charla- tanisme contre Zacuto. Appelé à la chaire d'astronomie dans une université aussi renommée que Tétait alors celle de Sala- manque, ignorant le latin, enseignant probablement en mau- vais espagnol et écrivant en hébreu, ce fut à ses seules con- naissances d'astronome que Zacuto a dû de voir cesser les murmures contre le professeur juif de l'université. Nous dou- tons qu'il y ait un autre cas identique à celui de Zacuto dans les annales universitaires de l'Espagne au moyen âge. En 1496 l'ancien professeur de Salamanque publiait en Portugal l'Almanach perpetuum, l'œuvre astronomique la plus importante parue au XV" siècle dans les imprimeries pénin- sulaires. Ce volume de 20 pages de texte et 3i5 pages de tables, impose même de nos jours; il a donc de toute évidence puissamment contribué à étendre le renom de son auteur, à l'époque des découvertes. Que pensaient de Zacuto ses con- temporains ? Malgré le mauvais œil avec lequel la censure et l'Inquisition regardaient tout auteur qui osait faire des éloges de la science des hérétiques ou même en référer simple- ment à elle, quelque chose a été écrit que l'on a conservé jusqu'à nos jours. Nous avons les très nombreuses références à ïopera magna de Zacuto par un de ses élèves, Augustinus Riccius, dans le livre : De mntii octane sphxrœ, œuvre imprimée en Italie en i5i3. L'auteur déclare avoir étudié à Salamanque; il cite les observations de Zacuto et les nombreux auteurs juifs en matière d'astronomie. Pedro Nunes connaissait l'œuvre de Riccius, il en parle deux ou trois fois. Il y a encore le passage de Pedro Ciruelo ' commentateur de la Sphère de Sacrobosco, professeur de mathématiques à Paris pendant dix ans et un ancien élève de Salamanque. Les éléments chronologiques sur la vie de Ciruelo nous amènent à supposer qu'il étudia à Salamanque à l'époque même où Zacuto y enseignait. On se Bensaude, Astron. nautique, p. 161. 74 rend encore compte de quelle estime et de quelle considération jouissait TAlmanach pcrpetuum, en parcourant les préfaces de la deuxième édition de ce livre i5o2, (Santritter et Alfonso de Cordoba) et la troisième édition de i525 (Evéque Gauricus). A cela il faut ajouter le succès du livre Ephemerides sive Alma- iiach pcrpetuum (Santritter 1498), dont un grand nombre de tables sont des copies de Tœuvre de Zacuto, encore qu'on ait évité de citer son nom. Nous avons enfin les preuves de Tusage fait par Pedro Nunes de TAlmanach perpetuum, malgré son silence absolu sur le livre et son auteur. En réalité Abraham Zacuto était le plus grand représen- tant alors vivant de la science astronomique des Juifs de la Péninsule et de la Provence, ce milieu qui constituait un puissant foyer d'études astronomiques au moyen âge et qui avait produit une série remarquable de tables astronomiques. Ajoutons maintenant à cet ensemble de considérations que \'izinho, le traducteur de Fœuvre de Zacuto et son élève, avait déterminé en 1485 les latitudes à Taide du Règlement de l'astrolabe, et, de plus, que Zacuto et Vizinho se trouvaient au service de D. Joào II et nous comprendrons aisément com- ment le renom du professeur Zacuto retentit jusqu'aux Indes, où Correa écrit sa chronique. Celui-ci Tavait recueilli dans le milieu marin, d'ailleurs parfaitement bien renseigné surtout ce qui avait trait aux débuts de l'astronomie nautique portu- gaise. Mais, il convient de nous arrêter un moment à considérer le problème suivant. Comment expliquer que Correa soit le seul à s'occuper de Zacuto et que ni Barros, ni Osorio, ni (ioes, ni Castanheda ne le mentionnent? Pour comprendre ce silence il faut tenir compte de deux considérations qui ont exercé la plus grande influence au XVP siècle sur les historiens portugais des décou- vertes : - i^ Le secret inviolable imposé par la main puissante de D. Joào II ( 148 1- 1495) sur toutes les questions se rattachant à Texécution de son grand projet des entreprises maritimes ; 2° Le silence sur la science juive, imposé par l'Inquisition portugaise à partir de i536. A ce sujet la ligne de conduite 75 était clairement tracée: ou se taire ou se dénoncer comme défenseur des hérétiques, et dans ce cas on courait les risques de se trouver aux prises avec les inquisi- teurs. On ne sortait pas de ce dilemme. Pedro Nunes le comprit bien; il suit la voie de la prudence et garde le silence dans ses œuvres de i53j et suivantes. Seule une étude plus détaillée pourra éclaircir quelle est celle de ces deux considérations qui exerce le plus d'influence sur l'un ou l'autre des historiens portugais du XVP siècle, mais ce qu'il faut dès maintenant avoir bien présent à l'esprit et ne jamais oublier c'est que sans ces considérations on n'aurait pas eu à attendre quatre siècles pour éclaircir les origines de la science nautique en Portugal. On n'attache généralement pas assez d'importance à la nécessité du secret imposé par D. Joào, et pourtant c'était l'âme du succès. On préparait dans l'ombre un plan colonial qui devait révolu- tionner le monde entier, ruiner le commerce de Venise et de la Méditerranée; il fallait écarter à temps même les plus légers soupçons d'une concurrence ou la moindre indiscrétion. Seule une organisation puissante, admirable, comme celle de D. Joào II, pouvait dissimuler ses efforts et ses démarches pour une œuvre ayant de si larges bases et de si nombreuses ramifications. Pas de traces du voyage de Montaroyo, ou de Covilhà, pas d'informations sur les expéditions de Diogo Cào, rien sur les entreprises de reconnaissance de l'occident, une infinité de tracasseries pour embrouiller l'Espagne dans le traité de Tordesilhas, un engrenage d'informations secrètes qui arrive jusqu'en Orient, partout le mystère. A une époque bien plus rapprochée, comme le règne de D. Joào III, les histo- riens éprouvaient encore des difficultés insurmontables à se renseigner. Il a fallu un heureux hasard, le voyage de Fran- cisco Alvares en Abyssinie, pour nous donner l'occasion d'avoir des détails sur le voyage de Covilhà. C'est le vieux Covilhà lui-même qui les a fournis trente-cinq ans après son célèbre voyage. Le silence de Goes, Osorio et Barros (Décades) sur le Règlement de l'astrolabe est plus étonnant encore que celui sur Zacuto. C'est une œuvre si importante, l'âme même de la 76 science nautique en Portugal, qu'il est presque incroyable que ces auteurs n'en aient parle. Sous D. Joào II les apports de Tastrologie juive, étaient connus, on en parlait librement, (jil X'icente cite Zacuto comme un homme populaire; mais sous D. Joào III (i52i-i357) les menées inquisitoriales imposaient la prudence et la réserve. Le laconisme des chroniques portugaises du XVF siècle sur la science nautique et sur les contributions de Zacuto est la conséquence de la pauvreté d'informations d'un côté et de la crainte de Tlnquisition de l'autre. En ce qui concerne Joào de Barros il y a cependant une réserve à faire sur ces Décades. On ignore totalement ce que Barros aécrit sur ces sujets dans les chapitres qu'il leur avait consacrés dans sa Géographie. Il entrait dans bien des détails, puisqu'il annonce qu'il va nous faire connaître jusqu'aux noms des inventeurs de la balestilha. La géographie de Barros, dont on estimait sans doute très hautement la valeur, est disparue chez les Jésuites de Lisbonne ' ; ce fait suffit pour faire soupçonner quelle fut intentionnellement détruite, et cela probablement parce que l'auteur y entrait dans des détails compromettants. On a bâti sur les passages de Barros (Dé- cades) des hypothèses dont Tune est plus extravagante que l'autre ; ce n'est pas à nous de suivre cette voie stérile. Nous appelons cependant l'attention sur les lignes suivantes, dans lesquelles il y a, dirait-on, la tentative d'une excuse de nom- mer les introducteurs de la science nautique dans la marine portugaise. «Comme on a employé la nouvelle science nautique pour la première fois en Portugal (un sujet que nous traitons large- ment dans les premiers livres de notre Géographie) on ne doit pas trouver étrange que nous disions quand et par qui a été faite cette invention, car il n'y a pas moins de louanges à discerner pour un travail pareil, qu'à d'autres inventeurs de choses utiles à 1 humanité^. » ' Bensaude, Astron. nautique, p. i(;5. * Bensaude, Astron. nautique, p. 261. 77 Il reste en somme à considérer le silence étrange de Castanheda, Goes et Osorio, et à le mettre en opposition avec le langage libre et sans ménagements de Gorrea. Pourquoi l'exception de Tauteur des Lendas da India? Gaspar Gorrea écrivait à Goa, aux Indes, très loin du foyer inquisitorial portugais; de plus il avait pris une impor- tante mesure de précaution, celle de ne faire connaître son œuvre qu'après sa mort '. Il déjouait ainsi les embar- ras dans lesquels il se serait inévitablement trouvé et n'avait plus désormais de réserve à observer; il pouvait parler libre- ment. Si nous avons donc dans les chapitres de Gorrea des détails minutieux sur les origines de la science nautique comme on n'en trouve dans aucune autre chronique contempo- raine, cela est dû à ce qu'il était très bien renseigné et le seul à pouvoir parler sans crainte, le seul hors de la portée de la cen- sure et des griffes des inquisiteurs. Gette dernière considéra- tion se manifeste par une certaine émotion évidente dans la fin de ses chapitres, qu'il termine solennellement en y ajoutant la date de i56i à laquelle ils ont été écrits. Par respect pour la vérité historique, il convient d'enre- gistrer ici les nombreuses légèretés commises par un assez grand nombre d'historiens portugais qui contribuaient ainsi inconsciemment à retarder la marche de la vérité historique. Manquant des études préalables que ces problèmes difficiles exigeaient, les uns ont versé du ridicule sur l'œuvre de Zacuto; d'autres, bien nombreux, ont sanctionné le rôle légendaire des Ephémérides et des prétentions allemandes; d'autres enfin ont déprécié la valeur des passages de Gaspar Gorrea. Tout cela n'a point de conséquence, point d'importance; il faut cepen- dant insister sur la valeur incontestable des chapitres des Lendas da India puisqu'ils fournissent les meilleurs détails écrits en Portugal au XVT' siècle sur le Règlement de l'as- trolabe, œuvre citée par maître Joào, par Pedro Nunes et désignée par Gastanheda comme l'héritage scientifique de D. Joâo II. Les élog-es de Gorrea à Zacuto s'adressent, il ne ' G. Gorrea, Lendas da India, p. 3. -8 faut pas roublier, à un astronome de grand renom de la Pénin- sule, intimement lié à la science nautique portugaise. Quand des faits pareils se confirment après quatre siècles, les chapi- tres de Correa méritent bien d'être mis en pleine évidence et non dètre dépréciés. Il y avait, à peu d'exceptions près, un fond commun à toutes ces peccadilles : c'était le manque de foi dans l'orientation scientifique de l'œuvre portugaise dès ses débuts à Sagres. Voici les résultats auxquels nous arrivons sur le rôle du professeur d'astronomie de Salamanque : 1. Abraham Zacuto était de son temps le plus illustre re- présentant de l'astronomie juive de la Péninsule et de la Pro- vence. 2. L'insouciance de l'Espagne, les rapports de Zacuto avec Joseph \'izinho, son élève, l'ont rapproché des problèmes de l'astronomie nautique au Portugal, même avant 1492, l'année de son entrée au service de D. Joào II. Son expérience, son renom et son œuvre astronomique ont fait de lui l'autorité su- prême que l'on consulte sur la science nautique en formation. 3. Aucune chronique portugaise aujourd'hui connue ne décrit aussi minutieusement et aussi exactement les origines de la science nautique que l'œuvre de Gaspar Correa. C'est aussi dans ce livre que l'on rencontre des passages importants concernant le rôle joué par Zacuto. 4. Joào de Barros a sans doute traité ces questions à fond dans sa Géographie, mais celle-ci s'est perdue ; on ignore ce qu'elle contenait. Le silence de Castanheda, Goes et Osorio, s'explique soit par la crainte de l'Inquisition, soit par la diffi- culté éprouvée par les historiens à se renseigner sur les événe- ments dans le règne de D. Joào II, difficulté signalée par Barros dans les Décades. LA COlRIiL LOXODROiMIQUE CHLZ MLRCATOR Une nouvelle revendication allemande touchant la science nautique du XVL' siècle nous a conduit à examiner le rôle de la science nautique portugaise en Flandre. Il s'agit ici non plus de 79 ses débuts, mais de la dernière phase de son évolution. Un cé- lèbre professeur allemand, M. H. Wagner (Gôtting-en), réclame la priorité de la courbe loxodromique pour Mercator, parce que celui-ci aurait tracé cette courbe dans son globe daté de i 541 ^ M. Wagner reconnaît que la courbe avait été décrite quatre ans avant dans le Traité de la sphère, de Pedro Nunes, imprimé à Lisbonne en iSSy; mais il est très probable, croit-il, que Mercator a ignoré ce livre et qu'il a eu de lui-même Tidée de la courbe. Voici brièvement exposées les constatations auxquelles nous ont amené nos recherches : L'Espagne, préoccupée du retard de ses connaissances maritimes, cherchait par tous les moyens à favoriser ces études et à rattraper le temps perdu. Charles V, né en Flandre et élevé dans le milieu universitaire de Louvain, se rendit compte lui-même de Timportance de ces questions. Les négociations de Magalhàes, les relations tendues avec le Portugal à cause des pillages incessants dans les ressources maritimes portu- gaises, imposaient à l'Espagne l'obligation de développer ses études nautiques et de mettre sa marine à la hauteur de la tâche qu'elle poursuivait. C'est ce mobile qui amena Charles V et la cour d'Espagne à encourager chaleureusement les études de cosmographie et de géographie inaugurées dans un milieu jeune et puissant, représenté à Louvain par Gemma P>isius (n. i5o8, m. i552) et son illustre élève Gerhard Mercator (n. i5i2, m. 1594). Le premier travail cartographique per- sonnel qu'ait produit Mercator date de 153/. Quatre ans après, on voit figurer la courbe loxodromique dans un globe de 1541. Il était donc au début de sa carrière. Pedro Nunes (n. i5o2, m. 1578), le cosmographe du royaume dès i529, arrive en i534 à l'étude de la courbe loxodromique par des doutes sur certains problèmes de la navigation. Ces doutes lui ont été suggérés par le marin Martin AflFonso de Souza. Chez Nunes, le progrès est sorti de la collaboration du savant Nunes avec le marin AfFonso de Souza. La courbe loxodromique ' H. Wagner, Gerhard Mercator und die ersten Loxodromen aiif Karten, dans Annalen der Hydrographie, 191 5, Heft y-y. 8o chez Nunes n'est pas du tout une production subite, spontanée et isolée comme M. Wagner le prétend pour Mercator. Nunes est conduit à étudier ces questions par les observations d'un homme de mer. Cette nouvelle prétention de priorité semble des moins fondées. Kt d'abord, recherchons comment Mercator se renseignait sur les connaissances portugaises, avant d'ad- mettre quil a ignoré la courbe décrite par Nunes. Ce n'était pas IHispagne seule qui faisait la chasse aux documents nau- tiques et géographiques du Portugal ; on la faisait partout en Europe. C'était une véritable fièvre de se renseigner sur toutes les questions touchant les découvertes. On ne se rend plus compte de cet état de choses qui pour nous a une signification toute spéciale. L'exemple de (Conrad Peutinger d'Augsbourg, traité par nous en détail', est bien éloquent. Peutinger (m. 1547) possédait dans sa remarquable bibliothèque une véritable mine de raretés bibliographiques et cartographiques portugaises dont le Règlement de Munich faisait très probable- ment partie. Damiào de Goes, célèbre historien portugais qui vivait en Flandre, s'efiforçait dans une lettre écrite de Louvain en 1542 d'obtenir l'original ou la copie dun livre portugais qu'il avait vu chez Peutinger à Augsburg. Goes était en rela- tions personnelles avec le roi de Portugal, jouissait des meil- leures influences à la cour; il devint, plus tard, directeur des archives nationales de Lisbonne. Ce livre de Peutinger lui était précieux pour l'histoire des découvertes, et il était si rare que Goes ne pouvait plus se le procurer en Portugal même. Si Peutinger à Augsbourg a pu réunir de pareilles raretés portugaises, pourquoi faut-il reconnaître fondée la prétention que le milieu universitaire de Louvain, appuyé par la cour dEspagne, aurait ignoré en 1541 un livre répandu à Lisbonne par l'imprimerie en i53j, alors que ce livre intéressait grande- ment les problèmes de navigation et les erreurs de la carto- graphie, objet des études de Mercator ^ ' Regimento do estrolabio, Collcct. de fac-similés, vol. 1, p. i8-2r). * Voir sur Mercator, H. Averdunk und Mùllkr-Reinhard, (Jcfhard Mercator und die Geographen etc. Peterman's Mitteilungen, 1914, n" 182. L'œuvre de Mercator tout entière est d'une extraordinaire luxuriance d'éléments géographiques d'origine péninsulaire ; pour s'en rendre compte, on n'a qu'à examiner la nomenclature des réo-ions des découvertes sur ses cartes. Comment Mer- cator a-t-il connu ces éléments ? Comment savait-il que la déviation magnétique était nulle à l'île de Corvo (Açores) et aux Canaries ? Où a-t-il étudié les cartes de Diogo Ribeiro et de bien d'autres encore pour les compulser et les copier. Ces éléments ont été sans doute puisés aux sources les plus compé- tentes et ces mêmes nombreuses sources lui ont encore fait connaître le premier livre imprimé en Europe traitant des erreurs de la cartographie. Mercator s'est entouré de toute une magnifique organisation pour se renseigner. L'abondance des documents péninsulaires dont il disposait sont l'origine de ses succès dans la cartographie. Pour se renseigner il avait l'entourage de la cour espagnole, l'appui de Charles V lui- même ; il avait le chancelier impérial Nicolaus Perrenot et son fils l'évêque Antonius Perrenot de Granvella, auxquels il dédie ses œuvres ; il avait la colonie portugaise, très impor- tante à Anvers; il avait à l'Université de L>ouvain, Damiào de Goes, connaisseur habile, l'ami d"Erasme. Goes vivait surtout en Flandre pendant son séjour à l'étranger (i53o à 1546); il s'était marié avec une Flamande et vivait à Louvain même. Erasme connaissait si bien les choses portugaises qu'il désirait apprendre notre langue dans le seul but de comprendre les œuvres de Gil Vicente. Le savant espa- gnol Vives vivait à Louvain (i 5 19-1522). Le célèbre grammai- rien flamand Clénard de Dienst vivait vers 1540 en Portugal. L'Université de Louvain rivalisait avec celle de Paris par le nombre de ses étudiants; aucune autre ne la surpassait selon Erasme. Les nouvelles méthodes de la science exerçaient à Louvain une influence considérable. Les sciences exactes y ont leurs travailleurs laborieux, tels que Gemma F'risius. « Nulle part la culture littéraire n'a jeté des racines plus profondes «qu'ici, à Louvain», écrivait Erasme^ C'est dans ce mi- ^ Paul Delannoy, L Université de Louvain, Paris, 191 5, p. 76. 82 lieu qu'est née l'œuvre de Mercator. Il s'immatriculait à Lou- vain en i53o. Il s'était organisé en connaissance de cause; il savait que le succès de son œuvre dépendait en premier lieu des éléments recueillis. Il le savait si bien que l'on trouve parmi ses correspondants un Portugais, Philippe Sassetus, établi à Goa, la capitale portugaise aux Indes ^ La prétendue priorité de Mercator basée sur l'ignorance de la description de la courbe par Nunes est une prétention inadmissible. La courbe a bien sa place parmi les progrès les plus récents de la science nautique portugaise. Nunes étudia la courbe en i534; son travail fut propagé par l'imprimerie en iSSy, Tannée des débuts de Mercator comme cartographe. Si quatre ans après, en 1 541 , on trouve la courbe dans son globe, on sait d'où elle est venue. En étudiant la courbe loxodromique de Mercator, M. Wagner signale encore les deux points suivants : 1° Nunes faisait erreur en admettant que la courbe arrive jusqu'au pôle même. 2° La première application cartographique de la courbe serait celle de Mercator en 1 541 . L'erreur commise par Nunes en i SSy sur ce que la courbe finit au pôle est corrigée dans ses éditions postérieures. Au XVL siècle on ne faisait pas les recherches comme on les fait de nos jours. Nunes expose son idée au mieux, en faisant valoir la différence qu'il y a entre la navigation par le grand cercle, la plus courte distance, et la navigation par un môme cours (une même direction véridique de la boussolej qui coupe les méridiens sous un angle constant (courbe loxodromique). Gela suffit comme création. On reprochait de tous les côtés à Pedro Nunes de vouloir introduire trop de théorie dans la navigation. Il ne vérifia quaprès i537 le prolongement de la courbe dans les régions polaires; ce n'est d'ailleurs qu'un détail de valeur purement théorique et scientifique qui n'infirme en rien la connaissance qu'il a eue de l'essence et de la portée de sa dé- couverte. G'est M. Wagner lui-même qui nous montre par *■ AvERDUNK und Mùlli;r-Ri:inharu, loc. cit., p. 49. 83 quelle voie Mercator a connu la courbe en nous faisant savoir que Gemma Frisius, dans une annexe de la Cosmographia Pétri Apiani, édition de i545, faisait lui aussi arriver la courbe au pôle*. Gemma Frisius, en i545, de même que son élève en 1541, avaient étudié la courbe chez Pedro Nunes. Une première application de la courbe faite par Mercator n'est pas une preuve de priorité. Il ne s'agit d'abord que d'une première application connue de l'idée de Nunes. Qui nous dit que dans ces nombreuses cartes portugaises disparues, il ne s'en trouvait pas quelqu'une où le cosmographe du royaume, l'examinateur des pilotes et des cartographes, le premier ma- thématicien à étudier les erreurs de la cartographie, n'aurait pas, lui aussi, appliqué ou fait appliquer sur une carte sa propre courbe ? Sans doute le jeune Mercator en poursuivant les études de la géographie scientifique a rendu des services incontestables, mais la science nautique portugaise tout entière a été le point de départ de ses travaux. L'œuvre portugaise est complète et unique jusqu'aux études de Pedro Nunes et D. Joào de Castro. Ce n'est qu'après eux que les violences inquisitoriales, la cen- sure, les autodafés brisèrent l'élan scientifique en Portugal. La cartographie moderne a reçu son impulsion scientifique définitive par la compulsion des éléments fournis par la science nautique. Le problème de la représentation aussi exacte que pos- sible de la surface de la terre était des plus intéressants et des plus pressants à résoudre pour la navigation. Joào de Lisboa (i5i4), comme Pedro Nunes (iSSy), se préoccupaient d'étudier et de corriger les erreurs de la cartographie. Au moment où le milieu scientifique portugais menacé commence à fléchir, un autre milieu, jeune, plein d'élan et de valeur, étudie, copie et compulse les résultats des découvertes: c'est l'école des géo- graphes flamands sortie de l'atmosphère universitaire de Lou- vain dont Mercator est le principal représentant. On y étudie toute l'œuvre nautique portugaise, de même que la courbe loxodromique; on développe la cartographie et ^ H. Wagner, Gerhard Mercator, etc., p. 348. 84 en poursuivant cette même voie on arrive en iSôg à la célèbre projection de Mercator. Après avoir suivi longtemps ce sujet nous avons trouvé notre manière de voir complètement confirmée par une belle étude du comte Paul Teleki {Repue de Hongrie, 22 février 1909), intitulée : « Utilisation des données fournies par les cartes marines ibériques dans les ateliers cartographiques de Hol- lande )K \'oici ce qu'écrit M. Teleki : « C'est un des chapitres très intéressants de Tépoque la plus considérable de la science cartographique, connue sous le nom de grande réforme et liée principalement aux noms de Mercator, de ses contemporains et de ses compatriotes, que l'implanta- tion de la science portugaise et espagnole dans les ateliers car- tographiques de l'Europe centrale, la réunion des découvertes et des connaissances des navigateurs et des cosmographes de ribérie et les progrès réalisés par la cartographie scientifique. « Les détails de ce mouvement, les voies qu'il a suivies n'ont pas encore été suffisamment mis en lumière, mais ils sont amplement motivés par les rapports étroits qui lièrent la Hol- lande au monde ibérique tant au point de vue politique qu'au point de vue commercial, ainsi que par la participation des na- vigateurs hollandais aux grands voyages des découvertes. « Dès le début du siècle, Anvers, devenue de plus en plus le centre du commerce portugais et, par suite du transit par voie de mer, le fut en même temps de la cartographie, science qui marche de pair avec les progrès commerciaux et les expédi- tions d'outre-mer. w L'œuvre de Mercator et des géographes fla- mands est la continuation de l'œuvre portugaise: on réalise en Flandre la fusion de la science nau- tique portugaise avec la cartographie de l'anti- quité et du moyen âge. La nouvelle prétention allemande vise à la germanisation de Lœuvre de Mercator: s'il est né en Allemagne, son œuvre est avant tout le produit des Flandres appuyée par l'Espagne et basé sur Tœuvre portugaise. 85 Toutes les prétentions de priorité de TAllemagne se heur- tent contre un principe général : le principe du milieu. C'est le milieu marin de Sagres qui créa l'œuvre nautique portugaise, c'est le jeune milieu flamand qui créa l'œuvre de Mercator. « Les productions de l'esprit humain, comme celles de la nature vivante ne s'expliquent que par le milieu » (Taine). L'ESPRIT SCIENTIFIQUE PORTUGAIS ET L'ASTROLOGIE Le but principal des études astronomiques au moyen âge était la divination de l'avenir en s'appuyant sur des bases scien- tifiques. En observant la position des astres ou en calculant cette position à l'aide de tables, on prétendait pouvoir prédire les événements, prévoir des guerres, des cataclysmes, des dé- sastres, établir la destinée de l'homme, son malheur ou son bonheur, traiter des maladies, régler sa conduite par les seules influences célestes, etc. Il y eut au moyen âge des esprits éclairés, plus avisés que les masses; ils condamnaient la prétendue science de prévision des astrologues. Du temps des Arabes, de même que de leurs successeurs en Espagne et en Italie, il y avait des savants qui se livraient à la science pure dans le seul but de rechercher la vérité, en dehors de tout souci de l'astrologie. Mais la menta- lité dominante des masses était la crédulité naïve. Roger Bacon (n. 1214 m. 1294) admettait « que le caractère de l'homme était déterminé par l'aspect des cieux au jour de sa naissance et que Ton pouvait lire le passé et l'avenir dans les constellations à l'aide de tables astronomiques que Bacon lui- même essaya vainement de construire ' ». Thomas d'Aquin (n. I225 m. 1274) approuve l'astrologie naturelle et condamne l'astrologie judiciaire qui exige la coopé- ' H. G. Lea, Inquisition au moyen âge. Tva.d\\c\\on Reinach (1902), t. III, p. 33o. 86 ration des démons : « Si Tastroloq-ie sert à prédire des événe- ments naturels tels que la sécheresse ou la pluie, elle est licite; mais si elle est appliquée à la divination d'actes futurs, dépen- dant du libre-arbitre humain, elle nécessite la coopération des démons et devient illicite *. ^^ Thomas dAquin croyait donc à lastrologie judiciaire, mais il la condamnait par le conllit qu'elle soulevait entre la religion et ce culte caché des influences sidérales. Chez Pétrarque (n. 1804 m. 1374) la condamnation de l'astrologie est catégorique : « Les astrologues sont d'utiles savants s'ils se bornent à prédire les éclipses, les orages, la chaleur et le froid, mais lorsqu'ils parlent de la destinée hu- maine, connue de Dieu seul, ce sont de simples menteurs ^. » Voici encore une réprobation sévère de Tastrologie, anté- rieure à celles des trois auteurs précités; elle est du médecin juif espagnol, Maimonides (n. 1 135 m. 1204), ^^ ^ Cordoue et vivant au Caire. En réponse à une consultation qui lui fut adressée de Marseille, Maimonides écrivait : « L'astrologie (judiciaire) est une maladie et non pas une « science. C'est un arbre dont l'ombre fait pousser toutes sortes « de superstitions ; il faut déraciner cet arbre, pour faire place « à l'arbre de la science et de la vie^. » Mais s'il y avait quel- ques intelligences plus ou moins clairvoyantes, l'esprit des masses n'était pas assez mûr pour se libérer des préjugés ac- cumulés pendant des siècles et l'astrologie fleurissait. Les nations latines, héritières de la science arabe, la culti- vaient, la répandaient; on trouve chez elles les premiers dé- nonciateurs des folies astrologiques. Maimonides (n. 11 35), Pétrarque 'n. i3o4), Pico de Mirandola (n. 1463 m. 1494) en sont des exemples pour l'F^spagne et l'Italie. Entre temps, en Allemagne, l'astrologie fait fureur avec Regiomontanus et ses élèves. ' H. C. Lka, Idem., t. III, p. 52(j. - H. C. Lfa, Idem., t. III, p. 336. ^ Jeu'ish Encyclopedia, Astrology (Maimonides, Lettre aux hommes de Marseille p. 243^. 87 En Portugal, l'astrologie reçut un coup décisif par l'appli- cation de la science astronomique aux problèmes de la naviga- tion et à la vie réelle d'un monde nouveau; Gil Vicente, Joào de Barros, Pedro Nunes sont là pour le prouver. Il faut pour- suivre ces deux orientations à la même époque; d'un côté la clairvoyance, l'expérience des milieux scientifiques portugais; de l'autre, la crédulité naïve des centres d'études allemands. A l'époque des découvertes, l'astronomie pratique avait un rôle limité; son. objet principal relevait des chimères de Tastrologie. On utilisait de plus l'astronomie dans la chrono- logie, dans la détermination de l'heure, dans les rapports connus entre les phases de la lune et les marées, dans quelques notions de météorologie et dans les utilisations de la polaire dans la navigation. L'effort scientifique intense dans le perfec- tionnement des tables et d'instruments astronomiques, les calculs des éclipses, conjonctions, oppositions, etc., avaient pour objet avant tout l'astrologie. C'est de cet effort que sorti- rent un si grand nombre de tables astronomiques au moyen âge, conduisant aux tables de Zacuto et de Regiomontanus. Tandis qu'avec Regiomontanus on se trouve en présence d'une véritable orgie de chimères astrologiques, on rencontre chez les auteurs péninsulaires, ses contemporains, une pru- dence, une réserve, un effort de raisonner qui contrastent sin- gulièrement avec les fantaisies allemandes. Le sujet qui en- flammait le jeune milieu scientifique de Nuremberg était une vieillerie péninsulaire dont on se méfiait; si on y croyait encore, on devenait prudent. Zacuto était sans doute un croyant en astrologie; son Al- manach représente un effort considérable pour étudier à fond les mouvements des astres consultés journellement par les astro- logues. Son livre est un véritable arsenal d'éléments d'astro- logie. On connaît encore peu de lui sur la partie chimérique; partout dans ses canons on reconnaît les usages auxquels son œuvre est destinée. Le canon « de animodar » traite un des problèmes les plus transcendants de l'astrologie : « le séjour de l'enfant dans le ventre de sa mère ». (Coll. fac-similé vol. 6, édition espagnole, p. 32.) Il parle des nativités (p. 7) et écrit 88 (p. 1 1 ) que ses tables de la lune sont très nécessaires à ceux qui désirent employer Tastronomie dans les jugements astrologi- ques imucho nescesaria a los que quieren en la astronomia icner parte judicativa). Pedro Ciruelo. un élève de Salamanque, et en i5o8 pro- fesseur de mathématiques à Paris écrivait : « Cette astrologie que nous appelons maintenant astro- nomie est licite et science véritable comme philosophie natu- relle, tandis que la fausse astrologie n>st ni art, ni science, elle n'est quune superstition^ » Le Reportorio dos tempos d'André de Li, dont la première édition est de 1484 ou 1488, est un livre du genre du Temporal de Regiomontanus mais remarquable et qui mérite d'être étu- dié au point de vue de l'esprit critique et de la sûreté du juge- ment, en quoi il est infiniment supérieur au Temporal. Chez Gil Vicentein. 1470 m. 1547) i^ ^Y ^ P^^^^ d'obsta- cles au jugement et à la raison. Esprit moderne des plus remarquables, Gil Vicente, poète portugais, représente à lui seul les idées dominantes de la société portugaise à l'époque des grandes découvertes. C'est dans la réserve chez Zacuto, dans les observations chez Ciruelo, dans l'eflfort pour amener la raison à la méthode chez André de Li que l'on trouve les signes précurseurs de la verve, de la satire, du ridicule jetés à pleines mains par Gil Vicente sur l'astrologie. Les écrits de Gil Vicente nous montrent en toute évidence que l'astrologie faisait naufrage au début du XVL siècle au Portugal, à la même époque précisément où elle devenait intensément popu- laire en Allemagne par les œuvres de Regiomontanus et de ses élèves. Ce sont ces passages qui nous ont conduit à rechercher la cause de l'évolution de l'esprit scientifique portugais en con- traste avec celui des savants contemporains allemands. Gil Vicente n'est pas un astronome, mais un poète, un personnage jouissant de la plus grande popularité, et une figure nationale qui représente l'esprit de son temps. Ce qui sur- ' Navarrete, Disertation sobre la Historia de la Naiitica (d'après Ciruelo Reprobacion de supersticionçs iSSfj,, i(>3. 89 prend chez lui et qui est admirablement moderne n'est que le reflet de la culture scientifique portugaise sous le règne de D. Joào II. Gil Vicente connaît la renommée de Regiomontanus comme astronome et ne se fait pas fauted'accabler les jugements astro- logiques de ce dernier de sa mordante satire : « Ses jugements astrologiques n'ont pas le poids d'une once, il ne connaît rien de Tastrologie véritable ^ » Ailleurs il tourne en ridicule les prétendues influences de Mars et de Vénus : « Et quantum ad Stella Mars, spéculum belli « Et Venus, Reginae Musicae, secundum « Joannes de Monteregio « Il est certain que Mars fait mourir les soldats en guerre de même qu'il fait périr plus d'hommes que de femmes à barbe -. » Avant iSig, Gil Vicente écrivait sa farce « Auto dos fisicos », un chef-d'œuvre impérissable par le seul passage con- cernant la consultation d'un médecin astrologue et le ridicule qu'il y déverse à torrents^ C'est précisément à l'astrologie médicale que Regiomontanus dédiait son livre le Temporal, répandu par ses élèves en nombreuses éditions. Dans une autre de ses farces, « Auto de Mofina Mendes » (i534), après avoir fait appel à toute la vieille érudition et cité pêle-mêle : Thomas d'Aquin, Duns Scott, Pline, Sénèque, Démosthène, plus une douzaine d'auteurs de l'antiquité et du moyen âge, il construit pour ainsi dire la barrière de défense qui protégera par son prestige les faux raisonneurs de l'astro- logie. Puis il déverse sur tout cela son ironie spéciale et dans une explosion de sa satire, écrase tous ces horoscopes, ces pronostics et ces chimères de l'astrologie : * Obras de Gil Vicente, 1834, t. III, p. 385 ; aussi Th. Braga, His- toria da Universidade de Coimbra, t. I, p. 411. ^ Gil Vicente (1834), t. I, p. i5o-i53. ^ Gil Vicente (1834), t. III, p. 317. QO Ne vous trompez pas. Vous autres ignorants savants, Vous ne devinerez pas l'avenir, Vous êtes des animaux Si vous le prétendez. O brute, animal sauvage! O terre, morceau d'argile ! Comment veux-iii, barbare, Savoir si la terre tremblera? Si ta femme était enceinte, Et c'est là une œuvre à toi ! Je voudrais que tu me dises, A quelle heure naîtra Cet enfant que tu as fait, Ou les traits qu'il aura. Tu ne le sais pas Et pourtant c'est toi Qui prétends pouvoir prédire Les secrets profonds de la nature '. Poursuivons dans un milieu pareil révolution de l'esprit scientifique. Les auteurs du Règlement de Tastrolabe, de même que Zacuto, étaient probablement de ces astrologues croyants. Ils sont silencieux, ils s'occupent de l'application de l'astronomie à la vie réelle, mais il faut les croire quand même, tous ou en partie, des adeptes de l'astrologie. Joào de Lisboa ( i5 14). Duarte Pacheco (i5o5-i 52 1) sont déjà en plein dans les études de l'application et des recherches scientifiques nouvelles. Ils ne disent rien sur leur astrologie. Chez Pacheco, l'esprit rigoureux du critique transpire partout : nous avons fait remar- quer ses pensées. L'expérience est la mère des choses, — elle nous enlève tous les doutes et fait connaître la vérité, — elle détruit les fables et les tromperies. Ces pensées répétées si souvent dans son livre montrent déjà le plein épanouissement de l'esprit moderne. Francisco Faleiro fiSSS) y touche en quatre ou cinq lignes. Elles suflfisent pour laisser croire qu'il est encore un adepte de l'astrologie quoique bien désintéressé. ' GiL ViCENTE, t. I, p. loi. 9ï Après ces auteurs vient Pedro Nunes (n. i5o2 m. 1578), un contemporain des élèves de Regiomontanus et de Copernic ; il s'est complètement dégagé de l'astrologie qu'il traite avec mépris. Il en parle dans un seul passage de ses œuvres, en faisant réloge des études astronomiques du prince D. Henrique (futur roi cardinal) : « II trouve un grand plaisir dans l'étude de la science astronomique; pas dans ces superstitions naïves, presque extirpées déjà, qui traitent des miracles et des signes cé- lestes en rapport avec la vie et la destinée, mais son plaisir va vers le cours des étoiles et vers l'étude de la construction des cieux ' . « Pedro Nunes, au point de vue de la crédulité astrologique plane donc au-dessus de ses contemporains de l'Allemagne. Joàode Barros(n. 1496, m. i 570) méprise l'astrologie'^, et dans D. Joào de Castro, l'ami, l'élève de Pedro Nunes, on trouve la science en plein travail chez l'observateur moderne de la nature. D. Joào de Castro (n. 1 5oo, m. 1 548) symbolise, incarne à lui seul le point de départ de la science nautique portugaise: la théorie réunie à la pratique dans une œuvre de la vie réelle. Il en va de même pour Garcia da Orta (m. i568) médecin et professeur à l'Université de Lisbonne, parti aux Indes en 1534 où ses études médicales l'ont rendu célèbre. Il constatait, en écrivant ses nouvelles observations, qu'il se trouvait en opposition avec les écrits de Galien, de Dios- coride, d'Avicena, et prévoyant qu'on le critiquerait d'avoir osé les contredire, il s'écrie : « N'essayez pas de m'épouvanter par eux, car ']ai pu ^. » Partout le même mouvement, la même logique rigoureuse moderne en conflit avec le prestige invulnérable des anciens auteurs. ' Pedro Nunes. Introduction du livre De Crepusculis, daté de 1541. ■^ Bensaude, Astron. Jiautique, p. 49. ■^ Garcia da Orta (f^ édition des Coloquios dos simples, Goa, i563); voir M. DE Lemos, Historia da medicina em Portugal, t. I, p. 281. 02 Les faits isolés que nous venons de relater ne sont pas reirct du hasard, ils sont la conséquence logique inévitable d'un contact permanent des esprits cultivés avec le monde réel ; ce sont les suites de l'observation, de l'expérience ; c'est la o^rande école du raisonnement à l'œuvre. Duarte Pacheco (n. 1450, m. i533), un des personnages précités, était contemporain de Behaim, de Colomb, de Regio- montanus (n. 1436, m. 1476). La science de Behaim a été ruinée dans les notes de son globe ; la superficialité du savoir de Colomb est reconnue par ses plus fervents admirateurs ; quant à la crédulité enfantine et naïve de Regiomontanus, elle est pitoyable. Voici un exemple remarquable d'observation scientifique ; il est de Duarte Pacheco, un des délégués du Portugal dans les négociations du Traité de Tordesillas, en 1494: (' Si on pouvait percer la terre d'un côté à l'autre et si on jetait une pierre à travers, la pierre ne sortirait pas de l'autre côté, elle s'arrêterait au centre de la terre ; c'est le point le plus bas et le centre. Si la pierre allait plus loin, elle monterait ce qui serait contre nature, car aucun objet lourd ne peut se mouvoir du centre vers la circonférence*.» Il ncst pas le seul à se préoccuper du principe de la gravi- tation. Antonio Luiz, professeur à l'Université deCoïmbrevers I 547. ami de Joào de Barros, étudiait le principe de l'attraction universelle dans le passage suivant de son livre (i540) : « Cette force d'attraction des semences s'étend aux plantes, aux métaux et aux animaux. J'ose finalement affir- mer qu'il se trouve répandu dans toute la nature une force d'attraction (força attractiva) qui rattache entre eux tous les êtres par des liens indissolubles, car il ne sera pas facile de trouver quelque objet qui ne possède pas une propriété de rapprochement ou d'éloignement avec d'autres objets, d'où je conclus à l'existence de l'attraction. C'est cette force qui unit le monde par des liens invisibles, de telle façon que toutes ses parties, même les ' Duarte Pacheco, Esmeraldo (1903), p. 2r 93 plus éloignées, se maintiennent à leur place sans bougera » Remarquons que nous sommes un siècle avant la naissance de Newton (n. 1643, m. 1727). L'ensemble de ces considéra- tions affirme bien Fesprit scientifique moderne que le Por- tugal s'était créé par une œuvre bien à lui. Revenons à TAllemagne; voici un échantillon de ce qu'on trouve dans le Temporal de Regiomontanus, édité et propagé en trois éditions par ses élèves. SATURNE « Saturne est la première et la plus éloignée des pla- nètes. Sa nature est froide et humide. Elle représente le travail; sa couleur est le noir, son goût est l'aigre (sauer), ses journées : le samedi et le mardi (soir)... Dans les heures de Saturne, il faut acheter ou vendre des objets lourds, du fer, du plomb, des métaux, du minerai, des pierres lourdes et de même acheter ou vendre des vê- tements noirs. Dans les heures de Saturne il est avantageux de travailler la terre (labourer), de tromper son ennemi par la ruse, de monter à dos d'âne, à cheval, ou sur des mulets de couleur grise (grisâtre). On doit aussi acheter la nourri- ture, de même que semer ou planter; mais dans ces heures (de Saturne) il faut éviter de prendre des médicaments, de mettre des vêtements neufs ou de se les faire couper; il ne faut pas non plus se faire couper les cheveux. Ne t'em- barque pas sur un navire, ne traverse pas la campagne, ne cherche pas ton ennemi, ne te marie pas dans les heures de Saturne... Un enfant né dans les heures de Saturne deviendra un homme lourd et mélancolique, les cheveux de sa barbe se- ront fins, son visage sera pâle, sa chevelure sera épaisse et noire ; il promettra beaucoup et n'achèvera rien ; il vou- dra dominer les autres; rarement il deviendra riche; il * h^Tomo l^v\z, De occultis proprietatibus, ib^o\\o\x M. de Lemos, Hist. da medicina, etc., t. I, p. 3 12. 94 aimera à demeurer auprès de Teau ; voleur, envieux, laid de tioure. il sera enclin à faire usage du couteau. Dans tout il sera malheureux; il aura aussi beaucoup de chaleur im- pure, deviendra vite malade, ne se fâchera pas facilement; il sera rancunier, menteur, aura des yeux profonds d'as- sassin, évitera une nombreuse compagnie, s"habillcra en noir, blanchira vite, évitera les femmes, parlera tout seul et sera hautain. » Traduction du Temporal K Pour Regiomontanus, cet échantillon suffit. Revenons à ses élèves. Stoeffler, Schoner, étaient des adeptes fervents de Tastrologie. Stoeffler, professeur à l'Université de Tubingue, osa prédire un déluge universel pour le mois de février i 524. La nouvelle se répandit, ici et là on frissonnait de terreur^. Il est du reste établi que Copernic (n. 1473, m. 1 543) et Ty^^*^ Brahe (n. 1546, m. 1601) croyaient à l'astrologie et que Keppler (n. iSyi, m. i63o) lui-même sans plus y croire la pratiquait sur commande. Werner et Schoner travaillèrent à la géogra- phie. Chez Werner encore moins que chez Schoner, c'est le vieil esprit qui domine. \'oici ce qu'écrit M. Gallois : « Werner vit dans un milieu où Ton n'ignore pas les décou- vertes. Il y a là un phénomène qui ne peut s'expliquer que par la difficulté de rompre avec les vieilles habitudes de l'esprit. Toutes ces données nouvelles, qui ne sont pas venues par les livres, nont point pour lui le prestige de l'antiquité; elles peuvent être objet de curiosité, elles ne sont pas objet de science •^ » Ce n'est pas ce vieil esprit qui a révolutionné la géogra- phie, c'est l'étude de la réalité. ' Regiomontanus. Temporal : Des u'ehtberiimpten M. Johan Kunigspergers naturlicher Kiinst der Astrunomey Kiirt^ef Begriff. PVankfurt a. M. durch Weygand Han und Georg Haben isans date) i328?. Exemplaire de Zurich. * L. Gallois, Les géographes allemands de la Renaissance, 189(^5 p. 106. ^ L. Gallois, Idem., p. 119. 95 Un grand événement s'était donc produit en Portugal pour que les esprits se fussent émancipés, et que la raison se fût libérée des croyances puériles et des vieilleries dont le Tem- poral de Regiomontanus est rempli. Tandis qu'en Allemagne les mathématiciens et les astro- nomes de la nouvelle école poursuivaient dans leur cabinet de travail la science pure attachée à des croyances naïves et gra- tuites, en Portugal Texpérience, Tapplication de l'astronomie à la réalité, découvraient un monde inconnu et libéraient de la chimère les domaines du raisonnement. On reconnaît ce progrès dans le sens critique de Gil Vicente, on sent les conséquences de cet esprit scientifique moderne éclatant de beauté et de réalité dans Garcia da Orta, dans les observations de Duarte Pacheco et de Antonio Luiz, dans les études de Pedro Nunes, de même que dans celles admirables et qui sont de véritables voyages scientifiques modernes de D. Joào de Castro. « La science ne s'occupe pas de choses pure- ment imaginaires, fausses ou impossibles; elle s'occupe de celles qui sont certaines et véritables^ » Cette définition de Pedro Nunes en iSSy montre à elle seule sur quelles bases reposait alors l'esprit scientifique por- tugais. Ce qui ne peut résister à un examen sérieux ne peut être accepté comme une vérité. Pendant bien longtemps encore, les grands astronomes de l'Allemagne en seront à poursuivre d'une part les spécula- tions théoriques de la science pure et d'ailleurs la crédulité naïve dans l'astrologie. Leurs travaux témoigneront de progrès remarquables, mais malgré tout leur jugement et leur critique n'arrivent pas à se débarrasser de ces croyances « purement imaginaires, fausses ou impossibles », des superstitions, des naïvetés astrologiques. En Portugal, un siècle de travail assidu dans une rigoureuse expérimentation où la théorie s'aidait de la pratique, avait pu venir à bout de toutes les vieilleries de ^ Pedro Nunes, Tratado da Esphera (fac-similé, vol. V), p. 3. 96 l'astrologie. Le premier grand succès dans cette voie avait été celui de renverser la légende de la zone torride inhabitable. Nous n'avons pas, comme les savants de rAllemagne mo- derne, la hantise de revendiquer la priorité des origines de la science nautique; mais les considérations générales que nous venons de faire ne suffisent-elles pas à elles seules pour ren- verser leurs prétentions à vouloir faire débuter à Nuremberg l'application pratique de l'astronomie à la navigation ? Pour établir ces prétentions, ils se réclamaient de petits détails sans valeur et reposant d'ailleurs sur des bases erronées; ils n'ont jamais considéré ce que l'essence même de l'œuvre portugaise, le travail long et patient, l'application de la théorie à la pra- tique qui inaugurait la grande école de l'expérience et de l'ob- servation, enhn le contact ininterrompu avec un monde inconnu perfectionnaient le raisonnement et la critique. La méthode scientifique introduite au Portugal dès 141 6 dans l'œuvre des découvertes, le contrcMe sévère et continu de la théorie par l'expérimentation ont donné les résultats scien- tifiques suivants : 1*" On avait détruit la légende de la zone torride inha- bitable et la croyance aveugle dans les écrits de l'antiquité. 2° On fondait la science nautique moderne. 3" On donnait à l'astronomie la plus large application pratique qu'elle eut reçu depuis des siècles. 4" La science nautique portugaise arrive entre ibSy et 1341 à sa plus haute perfection. Les travaux de Pedro Nunes et de Joào de Castro qui en sont l'incarnation, reposent sur un esprit de critique pratique et sain, totalement incompatible avec les flirts astrologiques qui faisaient rage parmi les plus grands savants de l'Allemagne à cette époque. En Portugal, la logique rigoureuse se libère à la fois du prestige des anciens auteurs et des chimères de l'astrologie. Le contact avec un monde réel y avait créé Técole du raisonnement scientifique moderne. LE MILIEU PORTUGAIS et LE MILIEU ALLEMAND AUX DP'BUTS DU XVL SIÈCLE La plupart des auteurs allemands qui, depuis Humboldt (i835) jusqu'à Fœrster (1916), ont étudié les origines de la science nautique portugaise considèrent comme bien naturel le prétendu apport de la culture germanique à Toeuvre des découvertes ; cette dépendance scientifique des races latines à la fin du XV^ siècle et aux débuts du XVL' leur semble logique et évidente. Une comparaison des deux milieux, portugais et allemand, va nous montrer Tétat d'esprit et les grands traits de la culture des deux peuples à Tépoque des découvertes; on s'aperçoit bientôt ainsi combien une telle prétention est gratuite et erronée. D'un côté on ignore généralement, — et de la manière la plus complète, — ce quêtait la société portugaise qui créa et guida rélan des découvertes ; de l'autre côté on se trompe radi- calement en confondant le milieu allemand de cette époque avec une autre Allemagne qui n'était pas encore née : celle de la Réforme. La chronologie nous montrera bientôt la portée de cette confusion. Martin Luther est né le 10 novembre 1488 ; l'humaniste Ulrich von Hutten, un des premiers pionniers de la Réforme, est né en 1488. Bartholomeu Dias est parti à la découverte du cap de Bonne-Espérance en juillet 1487; à ce moment Luther était âgé de trois ans et demi. Il entreprit en i5i i son célèbre pèlerinage à Rome, encore tout absorbé par le rêve que son idéalisme et sa sincérité lui avaient fait entrevoir; il était loin, très loin, de songer à l'abîme de la corruption romaine qu'il allait connaître de près. En arrivant à Rome, il se prosternait à terre en s'écriant : « Sois bénie, ville sacrée ! » L'heure du réveil n'avait pas encore sonné. Ce ne fut qu'en iSiy (3i oc- tobre) qu'il afficha à 'Wittemberg ses 95 chapitres contre l'Eglise, rédigés encore dans un langage conciliant, car il ne songeait nullement à la rupture avec le saint-siège. Il n'ouvre le feu contre la papauté qu'en i5i9, et c'est plus tard encore 7 qS que rémancipation de la tutelle romaine montre ses premiers effets dans la société allemande. Le voyage autour du monde par Fernào de Magalhàes, préparé dès i 3 i 7, commence en i 5 ig ; c'est le dernier du cycle des grandes découvertes. Il s'agit donc de connaître le milieu allemand avant les débuts de Luther, avant les bouleverse- ments qui ont conduit à la Réforme, car c'est ce milieu qui constitue 1" Allemagne du temps des grandes découvertes, et c'est la culture de ce milieu qui aurait exercé une influence profonde et décisive sur la réalisation de l'œuvre portugaise. Qu'était donc la société allemande avant Luther? Il faut passer en revue, comme nous Lavons fait, les meilleurs ou- vrages concernant l'histoire de l'Allemagne à cette époque, pour se sentir le cœur serré, navré de ce pitoyable malaise, de cette incertitude du lendemain, de cette fermentation et de cet esclavage moral tels qu'on nous les dépeint en Allemagne à Lépoque la plus éclatante des découvertes entre 1487 et 1 5 19 L Du haut en bas, depuis les têtes couronnées jusqu'au mi- sérable paysan, c'était le désordre, l'abus, le brigandage ; sans compter l'obéissance aveugle à l'Eglise romaine, avec sa cen- sure, sa tyrannie et les débuts de l'Inquisition. C'est cette Allemagne qu'il faut connaître et non pas celle du milieu du X\'L' siècle, en pleine révolution et dans le plein épanouissement d'où est sortie sa grandeur future. A l'époque qui nous inté- resse ( 1487-1 5 19J l'humanisme allemand, pressentant dans l'air la tempête menaçante, se tenait craintif à l'écart ou dans les strictes limites du cadre restreint imposé par l'absolutisme de l'Eglise. L^Jîloge de la folie, d'Erasme, parut en i5o8; VEpistolx obscurum virorum, dont Ulrich von Hutten était un des auteurs, parut en i5i6; ce livre représente les premières escarmouches en Allemagne dans un milieu où une révolte * Ranke, Deutsche Geschichte im Zeitalter der Reformation, 19 14. Karl Hecssi, Kompendium der Kirchengeschichte, Tùbingen, 191 3. OsKAR JvEGER, Weltgeschichte. Band 3. Geschichte der neuen Zeit{i()og). Friedrich von Bezold, Geschichte der deutschcn Reformation (1890). (Collection Wilhelm Oneken.) 99 contre Rome n'était point populaire, car on était attaché à l'Eglise comme on ne l'avait jamais été '. « Les humanistes craignaient d'appliquer leurs études aux buts pratiques de la vie réelle^ »; l'Eglise voyait de telles velléités d'un mauvais œil. « Ir leien kiinnet nit lesen als wir phaffen (Vous autres laïques, vous ne savez pas lire comme nous les prêtres), s'écriait un célèbre prédicateur allemand ^. Pour secouer ce joug, cet esclavage de la culture des cou- vents, Ulrich von Hutten disait en iSiy aux masses : « Selbst der Papst schâmt sich eurer Dummheit^ » (Ee pape lui-même a honte de votre stupidité). L'Allemagne gémissait sous le despotisme, sous la tutelle, sous l'esclavage intellectuel et moral de Rome^ ; elle portait dans son sein dès ' In dem Ablassstreit, welcher zur endgùhigen Zertrùmmerung der Kircheneinheit den Anlass gab, bietet sich das merkwùrdige Schau- spiel, dass der deutsche Volksgeist gerade gegen eine kirchliche Einrich- tung germanischer Herkunft Proteste erhebt. F. VON Bezold, op. cit., p. 269. '^ Ulrich von Hutten (1488-1523) war der erste Vertreter der neuen Gedanken die schHessHch in der Reformation gipfelten. Die àhesten Humanisten hatten in der Kirche den grossten Trost und vornehmsten Geist, zu finden getrachtet; àngstlich vermieden sie es, Nutzan- wendungen auf das wirkliche Leben aus ihrcn Studien zu ziehen. R. Gûnther, Deutsche Kulturgeschichte , 1912, p. 53. ^ R. F. Arnold, Die Kultitr der Renaissance, i()i4, p. 17. '' F. VON Bezold, op. cit., p. 241. ^ « Zustànde in Deutschland um iSiy : Mit gespannter Armbrust lauern die ritterHchen Riiuber und ihre Reisigen auf den Warenzug, welcher der nàchsten Stadt zu strebt : und wo es nicht grôssere Beute giebt, verschmàhen sie es auch nicht, den fahrenden Schiller niederzuvv'erfen, um ihn die elende Barschaft, die er sich erbettelt hat, abzunehmen (p. 6). Nicht dièse Missstande aber waren es, die zu der grossen und heil- samen Bewegung drângten, die man vorzugsweise die Reformation zu nennen pflegt, sondern die Missstande auf die Religion und ihre Vermittler. Das Volk betete aus seinen alten Gebetbûchern; Kunst und Wis- lOO i?iO une lueur d'espoir, mais ce n'était encore qu'un espoir. \'oici comment s'exprime Guizot sur l'œuvre de la Réforme: u La Réforme a été un grand élan de liberté de l'esprit humain, un besoin nouveau de penser, de juger librement, pour son compte, avec ses seules forces, des faits et des idées que jusque-là l'I^urope recevait ou était tenue de re- cevoir des mains de l'autorité. C'est une grande tentative d'alïranchissement de la pensée humaine et, pour appeler les choses ixirlcur nom. une insurrection de l'esprit humain contre le pouvoir absolu dans l'ordre spirituel... » c( L'élan de la pensée, l'abolition du pouvoir absolu dans Tordre spirituel, c'est bien là le caractère essentiel de la Réforme, le résultat le plus général de son influence, le fait dominant de sa destinée ^ Avant Luther, avant les débuts de la Réforme, il ne faut pas chercher dans le milieu allemand la grandeur intellectuelle et morale, elle ne s'y trouve pas encore, on va la rencontrer ailleurs. Il ne faut pas non plus y chercher un élan tout plein de vie et de réalité tel que l'application à la mer des problèmes scientifiques empruntés à l'astrologie, qui fut le point de départ de la science nautique portugai.se. Après s'être rendu compte de l'atmosphère étouff'ée, malsaine, dans laquelle se mouvaient les milieux allemands, il convient de lui comparer celle d'un Portugal encore ignoré où senschaft hewegtsich auf den Bahnen, wclche die Kirchc vorschrieb; die Fùrsten sammelten eifrig Reliquien. Kurfùrst P'ricd- rich von Sachsen z. B. brachie ilirc etwa Sooo zusammen : was allein das Erzstift Magdeburg davon in den Schreinen seiner Kirche hatte, liess sich kaum schàtzen. Reliquien mil Ablasswerth von vielen tausend Jjahren; der Verein der 1 1 : ooo Jungfrauen, eine Bruderschaft der auch der Kurfiirst angehorte, besass ein Kapital von 6455 Messen, 355o ganze Psaltern, 260.000 Rosenkranzen, 200.000 Te deum laudamus, 1600 Gloria in excelsis u.s.w. was denn ailes den Brudern dieser reichen Frater- nitàt zur Forderung ihrer Seligkeit zu gute kam. » (p. 11.) OsKAR J^GER, Weltgeschichte, Band 3 (1909). iGeschichte der neuen Zeit 1 5 i-j-i-jS(ji. ' Guizot, Histoire de la civilisation en Europe. Paris, 1846, pages .328, 332. lOI rindividualité et la liberté des esprits constituaient Tâme même des entreprises maritimes et n'étaient que la conséquence d'un affranchissement traditionnel de la tutelle cléricale. Ce sera une surprise, une véritable révélation qui surgira de cette comparaison ; elle va nous montrer Torientation robuste et féconde des grandes générations portugaises. Sincèrement religieux, le Portugal, dès la fondation du royaume (i 143), n'avait jamais toléré la tutelle de l'Eglise romaine; jusqu'à la mort de D. Joào II (1495) il avait lutté victorieusement contre le pouvoir absorbant de l'Eglise et lui avait résisté avec la dernière énergie. C'est un travail suivi et fécond, un effort sans trêve de 35o ans de durée, basé sur ce principe toujours le même: respect de l'Eglise, pas de domination cléricale. Jamais, pendant ce long intervalle, la camarilla romaine n'a pu s'enraciner à fond dans le sol portugais. Plus petit, plus homogène que l'Espagne, c'est en suivant cette orientation fondamentale que le Portugal des découvertes s'était formé. Le danger était toujours là, tou- jours menaçant et à la porte, mais on ne l'a jamais perdu de vue, on ne lui a jamais donné le loisir de prendre des racines profondes dans la société portugaise. Toutes les fois que le pouvoir étouffant du saint-siège avait essayé de s'affermir, il s'était heurté à une résistance inébranlable dont les coups portés étaient rudes et décisifs. Le programme était tradi- tionnel, toujours le même, chez D. Affonso Henriques (ii43- 1 185), chez D. Diniz (i 279-1 325), chez D. Pedro I (1357-1367) ou chez D. Joào I (i385-i433). Excommunié par un nonce du pape, D. Affonso Henriques, le fondateur du royaume, allait lui-même, à la tête d'une escorte, surprendre et saisir dans sa fuite l'émissaire qui lui avait apporté l'arrêt du saint-père. D. Diniz s'est rendu célèbre par ses démêlés avec l'Eglise; D. Pedro I fouettait de sa propre main, à Porto, un évêque qui avait osé désobéir aux ordres royaux; D. Joào I repoussait hautainement les tenta- tives d'ingérence cléricale; le grand régent D. Pedro, fils de ce dernier et frère de D. Henrique le navigateur, signalait le danger menaçant de la suprématie romaine. C'est avec ces 102 principes iliiulcpciulancc vis-à-vis de ri->glisc et sur les bases d'une tolérance relio-ieuse soigneusement étudiée et Icgiférée par 0. Duarte et son frère, D. Pedro, que Ton arrive à la grande époque, au règne de D. Joào II. O. .loào gouvernait le royaume guidé par son intelligence et son patriotisme ardent, et cela même au risque de sa popu- larité ou de sa vie. Sa volonté faisait loi, mais son absolutisme reposait sur sa haute valeur intellectuelle et morale et sur ce patriotisme inépuisable dont le saint connétable Nun'Alvares et sa génération avaient servi de modèle. De toute la série des rois portugais jusqu'à D. JoàoII, aucun n'avait été aussi jaloux que lui de l'autorité royale. C'est avec un homme pareil et cette préparation de trois siècles et demi qu'on arrive à ce milieu unique en Europe: le Portugal de D. Joào II, et à la société portugaise que dépeint Gil Vicente. Le même poète que nous avons vu déverser sa mordante satire sur le charla- tanisme de l'astrologie, nous allons le retrouver aux prises avec les abus de l'F^glise romaine. Le sans-gêne, l'énergie, la passion avec lesquels il attaque les menées de l'Eglise sont éloquents: ce sont des preuves bienfaisantes de la grandeur des temps. On se demande comment on a pu écrire et impri- mer en Portugal un langage pareil à la veille même de la censure et de l'Inquisition. Les passages de Gil Vicente sur les abus et la dépravation de Rome dépassent tout ce qu'on aura probablement écrit à cette époque contre le saint-siège chez les peuples latins, on ne peut leur comparer que les lettres les plus terribles de Luther. Gil Vicente représentait ses pièces à la cour portugaise; on a donc dans ces passages les meilleures preuves de l'esprit de libre critique existant alors au Portugal envers les menées de l'Eglise. Chez Gil Vicente on voit les résultats des luttes continues contre la domination romaine, tandis que chez Luther c'était la semence qui venait de germer dans le milieu allemand. Au Portugal il s'agissait d'une orientation vieille de trois siècles, tandis qu'en Allemagne, à l'apparition de Luther, la domination romaine était encore considérée comme une nécessité ou une bénédic- tion. Voilà la pierre de touche, et le secret qui explique la io3 distance immense entre les deux milieux. Voilà Tatmosphcre de liberté intellectuelle à l'abri de toute surveillance et de toute contrainte qu'avaient créée les générations des décou- vertes. L'organisation d'un petit Etat, menée à bien grâce aux efforts d'un roi clairvoyant comme D. Diniz, aux obses- sions de justice de D. Pedro I, à la législation commerciale et navale de D. Fernando, à la grande œuvre législative de D. Duarte et du régent D. Pedro, basée sur un programme national et soutenue par un patriotisme intransigeant vis-à-vis de l'Eglise romaine, voilà qui caractérise bien la culture portu- gaise à l'époque des grandes entreprises maritimes. A partir de la victoire d'Aljubarrota {i383) et des enivrements de patriotisme et de bravoure qu'elle entraîna, la nation se croyait toute entière destinée à un grand avenir. La route était tracée, l'orientation était prise, c'était le sentiment national qui com- mandait en maître. Dans un milieu aussi admirablement préparé les ailes de la pensée étaient libres de s'envoler vers de grandes choses. La conquête de Ceuta (141 5), la fondation de Sagres (141 6) jetaient la semence dans un sol fertile ; l'arbre poussa, il devint beau et robuste ; c'est ce milieu qui créa les géants des découvertes portugaises ^ Exténué, servile, en proie à toutes les agitations, en plein désordre, sans élan, sans organisation, avant même d'avoir montré les signes salutaires, les germes d'une gran- deur future, voilà le milieu allemand d'où serait sortie cette culture germanique venant en aide au Portugal pour le sortir de ses embarras scientifiques. L'Allemagne, à ce moment, ne pouvait pas exporter ce qu'elle ne possédait pas encore. A cette époque le milieu allemand conçoit un espoir et rien d'autre; il est sans influence aucune dans cette œuvre extraor- dinaire de pratique, d'expérience et de réalité des découvertes maritimes. ' Voir: F. A. da Costa Cabral, D. Jono II e a renascença portu- gue\a, Lisbonne, 191 5. L'auteur y a admirablement dépeint les préludes de la grande époque portugaise et le rôle éminent de D. Joào. 1(^4 Lélan portuo^ais était une force nationale, dominant tous les esprits, soulevant les enthousiasmes de tout un peuple. Cette force créatrice qui donnait de la vie à des plans aussi hardis trouvait dans son propre élément les moyens et les ressources à hi solution de tous les problèmes posés par l'œuvre nationale. La science nautique, Tun de ces problèmes, liée comme elle l'était à un monde de vie et de réalité, n'est pas venue, ne pouvait pas venir de la culture des couvents de l'Allemaonc: elle est sortie de la mer. Sur place même, sur ces petites caravelles qui bravaient les vagues montagneuses de 1 "Océan, voilà où se trouvait Fécole qui formait l'esprit scientifique de la marine portugaise, voilà où l'on a appris à voir clair; ce sont les brises salées, les vagues et la tempête qui ont enseigné à critiquer, à raisonner; c'est par cette voie toute de vie et de réalité qu'on est arrivé à établir les bases définitives de la science nautique moderne. M. Joseph Reinach cite le vers de Shakespeare qui aurait suggéré à Taine sa théorie du « milieu »: L'œuvre littéraire ou Tœuvre d'art «est l'âge même et le corps du temps, sa forme et son empreinte '«. L œuvre des découvertes portugaises est l'expression sincère de l'époque et du pays. La science nautique n'est qu'une partie d'un grand ensemble, un des membres d'un corps parfait. Pour produire son œuvre, le Portugal a labouré pendant plus de trois siècles dans la construction du milieu, vers lequel convergeaient toutes les forces. C'est là la base du travail accompli. L'Allemagne commence son admirable épanouissement au.moment où la nation se ressaisit et éprouve le besoin de s'aflfranchir de la tyrannie romaine; mais alors le gros de l'œuvre portugaise était terminé. Les historiens de la Réforme sont unanimes à reconnaître que la marche vertigineuse de cette émancipation et de cet épanouissement soudain du milieu ' Joseph Reinach, Conférence à la Sorbonne ; Le Temps, 3o oc- tobre 1()IÔ. io5 allemand a été profondément influencée et favorisée par les découvertes. L'enthousiasme provoqué par la découverte d'une route maritime vers les richesses de TOrient, les nouvelles journalières des régions lointaines d'un monde inconnu ont profondément secoué tous les peuples en Europe; ce fut donc l'œuvre de la culture latine qui exerçait une influence profonde sur le développement delà culture germanique. Sans tenir compte de ce fait, quelques historiens d'un petit domaine tel que Ihistoire de la science nautique ont voulu renverser les rôles et nous faire croire que la science cultivée dans les cloîtres de l'Allemagne avait exercé une influence sur une œuvre telle que celle de l'ensemble des découvertes. Il y a là une prétention qui se réduit en fumée, de quelque côté qu'on l'aborde et qu'on rétudie et de quelque manière qu'on l'envisage. Lorsque l'Allemagne s'affranchit de Rome, la culture germanique commence son œuvre basée sur son émancipation. Précisément à cette même époque où l'Eglise était battue dans le nord, le danger qui menaçait le milieu portugais depuis des siècles prit enfin pied en Portugal. Il y eut chan- gement de scène et de décor. L'Allemagne fleurit, le Portugal dépérit, défaillant non pas sous la grandeur de son œuvre ou de son élan, mais victime impuissante des menées de Rome. Arrivé aux succès les plus brillants, enivré de sa propre richesse et de la grandeur que d'autres lui avait préparée et léguée, le pusillanime et médiocre D. Manuel permit à la camarilla romaine de s'infiltrer peu à peu dans son entourage; c'était d'abord l'intrigue qui désorganise et affaiblit, puis le désordre, puis la dévastation et la fin. D. Joào II, esprit de très grande envergure à la main forte, victime du chagrin ou du poison avait prématurément disparu. Lui aurait su main- tenir et consolider cet héritage immense résultant d'un effort plusieurs fois séculaire, qu'il n'a fallu que bien peu d'années pour détruire! Paralysé, vaincu, le Portugal tombait presque en même temps que le milieu allemand commençait à se former et à grandir. Les temps de marée basse commencent dans le milieu portugais en même temps que l'époque de marée haute se fait sentir par la Réforme dans le milieu allemand. On a rci")roché aux historiens portugais leur indifférence et leur silence touchant ce chapitre de Thistoire de leur pays; on a été même surpris, paraît-il, du zèle subit qu'on a mis à la dernière heure à étudier cette partie de Thistoire portugaise. Ils ont commis une faute pardonnable: celle d'avoir cru à la profondeur invulnérable de la science allemande. Ils auraient dû avoir une foi bien plus grande encore dans This- toire du Portugal; c'est ce sentiment qui nous a tracé notre route. Il n'est jamais trop tard d'avouer une erreur. Au fond leur silence a été d'or; il valait bien mieux attendre le moment propice; or ce moment est arrivé et avec lui une avalanche de documents. On pourra désormais com- mencer l'œuvre de reconstruction complète et décerner à l'illustre mort, le Portugal des découvertes, tous les honneurs, tous les lauriers que quelques historiens avaient cru pouvoir lui disputer. NDEX DES NOMS Affonso, Henriques, roi D., loi. Affonso de Souza, Martin, 79, 80. Alberti, 46. Alcaçova, 58. Alchadib, Isaac, 35, 68. Alfonso, roi D., 10, 28, 2q, 38, 43, 55,62,66,67,68. Alvares, Francisco, 75. Alvares, Nun\ 102. Amato Lusitano, 40, Amoretti, 45, 57. Anatoli, Jacob, 35. Andrade Corvo, 22. Anes, Pero, pilote, 16, 25. Anes, Pero (Zacuto), 71. Angles, Robert, 36, 64, 65, 66, 69. Anjou, Robert d', 3o. Anthiaume, abbé, 37. Apianus, Petrus, 83. Aquin, Thomas d\ 85, 8(), 89. Arnold, R. F., 99. Averdunk, H., 23, 80, 82. Avicena, 91 . Azambuja, Diogo d', 10, 11, 63. Bacon, Roger, 85. Baguette, 60. Bandini, A. M., 55, 66. Bar ChiJi'a, Abraham, 35. Barros, Joào de, 40, 58, 74, 76, 78, 87, 91, 92. Behaim, Martin, i3, 14, 35,44, 60, 61, 63, 92. Bensaude, 14, 27, 3i, 48, 5o, 56, 58, 72, 73, 76, 91. Bezold, F. von, 98, 99. Bonfils, Immanuel, 35, 37, 68. Bopp, K., 61. Braga, Theophilo, 49, 89. Bragance, duc de, 19. Brahe, Tycho, 94. Breusing, 60. Cabrai, Alvares, 11, 12, 24, 56. Cadamosto, 9. Cadaval, duc de, 1 1. Calonyme b. Calonyme, 35. Camôes, 40. Cantor, M., 27. Cào, Diogo, II, 12, 75. Carsono, Jacob, 35, 68. Castello Melhor, comte de, 11. Castanheda, 40, 74, 75, 77, 78. Castro, D., Joào, 12, 14, i5, 20, 21, 22,26,40,41,46,51,83,91,95,96. Charles V, 79. 81. Ciruelo, Pedro, 73, 88. Cohen, Jacob, b. Moses, 35. Cohen, Jehuda, b. Salomon, 35. Cohn, Dr Berthold, 61. Colomb, i3, 14, i5, 24, 45, 46, 49, 54, 55, 59, 67, 71, 92. io8 Copernic, oi , \).\. Cordoba, Alfonso de, 74. Correa, Gaspar, 27, 40, 72, 74, 77. 7^- Costa Cabrai. P. A. da, io3. Covilhà, Pero da, 40, -b. Dank. .lohannes de Saxonia), M'). Delannoy, Paul, 81. Demosthène, 89. Dessimoni, 46. Dias, Bartholomeu. 11, 12, 24, j^fi, 5(3, 97. Dienst, Cléonard de, 81. Diniz, roi D., 62, 101, i()3. Dioscoride, qi. Duarte, roi D., 9, ()2, 102, io3." Enciso, 18, 46, 56, 57, 58. Erasme, 81, 98. Esra, Abraham ibn, 35. Faleiro, Francisco, 12, i3, 14, i5, 16, 17, 18, 19, 25, 56, 57, 58, 90. P'aleiro, Ruv, 12, i3, 14, i5, 16, 17, 18, 25, 58.' Fernandez y Gonçalves, 28. Fernandez, Valentim, 18, 25. Fernando, roi D., io3. Fœrster, W., 60, 61, 67, 97. Frédéric II, 3o. Frisius, Gemma, 22, 79, 81, 83. Galien, 91. Gallois, L., 23, 47, 63, 94. Gama, Vasco da, 11, 12, 24, 56. Gauricus, Evèque, 74. Gelcich, E., 35, 36, 44, 60, 62, 63, 65. Gerson, Levi ben, 35, 37, 68. Gil Vicente, voir Vicente. Goes, Damiào de, 40, 74, 75, 77, 78, 80, 81. Gomes, Diego, 9, 24, 63. Gomes, Estevam, 58. Gouvea, André de, 40. Gouvea, Diego de, 40. Granvclla, v.PerrenoideGranvella. Greaihead, Robert, 36. Griffini, E., 38. Guilhem, Filippe, i5, 17. Gùnther, R., 99. Gùnther, Siegmund, (x), 61. Giiizot, 100. Hellmann, G., 17. Henrique, cardinal roi D., 91. Henrique, Infant D., 7, 8, 9, 11, 14, 39, 56, 62, loi. Heussi, Karl, 98. Hispalensis, Johannes, 35. Humboldt, 18, 22, 41, 55, 58, 60, 63, 64, 66, 97. Hutten, Ulrich von, 97, 98, 99. ibn Esra, voir Esra. ibn Sid, Isaac, 35, 37. ibn Tibbon, Moses, 35. ibn Verga, Jehuda, 35, 68. ibn Wakkar, Jacob, 35, 68. Israeli, Isaac b. Josef, 35. Jacomo de Malhorca, maître, 8, 24, 43. .lœger. Oscar, 98, 100. Joào I, roi D., loi, .Toào II, roi D., 7, 39, 48, 49, 5o, 54, 71, 74, 75, 76, 77, 78, 89, 101, 102, io3, io5. Joào III, roi D., 18, 71, 75, 76. Jorio, maître, 56, 77. Keppler, Johannes, 23, 94. Kretschmer, K., 61. Lates, Bonet de, 35. Latino Coelho, 73. Lea, H. C, 85, 86. Lemos, M. de, 91, 93. Levi, Israël, 37. Li, André de, 88. Lignieriis, Johan de, 36. Lisboa, Joào de, 12, i3, 14, i5, 16, 22, 25, 5i, 54, 83, 90. I09 Lœb, Isidore, 37. Luiz, Antonio, 12, 25, 92, 9^, 93. Lulle, Raymond, 16, 63. Luther, Martin, 97, 98, 100, 102. Machir, Jacob b., 35, 37, 68. Magalhàes, Fernào de, i5, 16, 17, 25, 5o, 56, 57, 58, 79, 98. Maimonides, 86. Manuel, roi D., 5o, 71, io5. Marcuse, Adolf, 60, 64, bô, 6-j. Markham, Sir Cléments, 47. Médina, Pedro de, 46, 56, 57, 58. Mêla, Pomponius, 5o. Mercator, Gerhard, 21, 23, 5i, 60, 78, 79,80, 81, 82, 83, 84, 85. Mirandola, Pico de, 86. Monetarius, 48. Montaigne, 40. Montaroyo, 4(1, 75. Mosto, Andréa da, 45. Mùller, Félix, 36. Mûller-Reinhard, 23, 80, 82. Mûris, Johannes de, 36. Navarrete, 45, 88. Nepomuceno, 18, 25. Neubauer, 3o. Newton, Isaac, 93. Novo y Colson, 3i, 32. Nunes, Pedro, 12, i3, 14, i5, 19, 20, 21, 22, 26, 27, 28, 38, 40, 41, 46, 5i, 60, 65, 66, 69, 73, 74, 75, 77, 79, 80, 82, 83, 87, 91, 95, 96. Oresme, Nicolas, 36. Orta, Garcia da, 40, qi, 92. Ortiz, D. Diogo de, 71. Osorio, Jeronymo (évêque), 40, 74, 7^, 77' 78- Pacheco, Duarte, 9, 12, i5, 25, 46, 54, 90, 92, 95. Palmella, duc de, 18, 25. Passanha, Manuel, 43. Peckham, Johannes, 36. Pedro, régent D.. 101, io3. Pedro I, roi D., loi, 102, io3. Pereira, Esteves, 71. Perrenot de Granvella, A., 23, 81. Perrenot, Nicolas, 81. Pétrarque, 86. Peutinger, Conrad, 80. Pierre IV d'Aragon, 3(). Pigafetta, Antonio, 12, 16, 25, 45, 46, 54, 56, 57, 58. Pline, 5o, 89. Poèl, Jacob, 35, 68. Policiano, Angelo, 7, 48, 49. Polo, Marco, 8, 42, 48, 5i. Ptolémée, 34, 5(). Ranke, 98. Ravenstein, 61. Regiomontanus, 44, 45, 55, 60, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 86, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 94, 95. Reinach, Joseph, 104. Reinel, 58. Renan, 3o. RIbeiro, Diogo, 58, 81. Riccius, Augustinus, 73. Rios, Amador de los, 28. Ritter, 60. Rodrigo, maître, 71. Ruge, Sophus, 60. Sacrobosco, Johannes de, 18, 36, 7I' 73- Saintonge, Alphonse de, 47. Santa Cruz, Alonso de, 17, 18, 22. Santarem, visconde de, 45, 49. Santritter, 74. Sassetus, Philippe, 82. Schoner, 94. Scott, Duns, 89. Senèque, 89. Shakespeare, 104. Solis, Joào Dias de, 56, 58. Souza Viterbo, 17, 71. I lO Steinschneidcr. M., 27, 28, 3(>, 3'3, Villcdieu, Alexandre de, 36. ■34,30. Vives, 81. Sta-ttier, 04. Vizinho, José, 10, 12, 24, 35, 46, Sirabon. bo. 54, 70, 71, 74, 78. Suier, H., 36. Wagner, Herm., 60, -jq, 80, 82, Taine, 85, k^. 83. Tannerv, Paul, 6q. Wegener, A., 62. Teleki, comte Paul, 84. Werner, Johannes, 44, <)4. Torquemada, 5(». Wilckens, H. D., 25. Vasconcellos, Ernesto de, 5o. Zacuto, Abraham, 26, 27, 28, 34, Veiga, Rodrigues da, 40. 35, 37, 38, 55, 64, 65, 66, 68, 69, Vespucci, Amerigo, 12, 24, 55, 56, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 66, 67, 68, 70. 87, 88, 90. N'icente, Gil, 40, 76, 81, 87, 88, 89, Zarkali, 27. 90, 95, 102. Ziegler, 60, 67. ;K Bensaude, Joaquin ■349 Histoire de la science PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TOROh4TO LIBRARY 4 ^