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HISTOIRE

DE CHAUMONT

(HAUTE.MARNE).

C11AUJI0>T, IBIPni»LRIE CE CHAULES CAVABIOL.

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HISTOIRE

DB LA VILLE

DE CHAUMONT

(HAUTE- MARNE).

_ U COMMUNE.

- LA LIGCE. LES REITRES. l'absOLUTUNE Li RËVOLDTIOK ET LES DEUX INVASIONS. CHRONIQUE DES RUES ET DE LA BANLIEUE.

PAR EHUe JOLIBOIS.

AVKC DEtn; nms m la ïilu

ET CINQ PLANCHES LITHOGRAPHIE.

PARIS.

J.-B, DUMOULIN, LiBBAifts, 13, Quai des Augustins.

CHAUMONT.

CH. anmi, iB^HiMBr-LilifïJre. | SIBOSIOT-USSOUESET. lifcuirf.

ET CHEZ TOUS LES LIRRAIRES DU DËPARTEHENT

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II y a, en France, plusieurs comniiines du nom de 1 Chaumont. Les plus considérables, après la ville de ' ChaumonUcn-Bamgny. dont nous allons éludicr l'his- (oire, sont: Clinumont-snr-Tliaronnc,dans l'ancien ' Blaisois, aujourd'hui diiparleinenl de Loir-cl-Cher, 1,150 habitants. Chaumoul-en-Vexin, chef-lieu de canton du dëpai'lcmcnt de l'Oise, 1,050 habitants. Il est fait mention de celte commune au Xll° siècle. i Chaumont- Porcien, chef-lieu de canton dans les Ar-" donnes, i.OflO habitants. Chaumont-en-Blaisois, ' canton de Montrichard, Loir-et-Cher, 1,000 habitants. Foulques de Nerra y avait fait biltir un château. Ce lief important a été longtemps possédé par l'illustre mai- 1 son d'Amboise, et le litre de sire de Chaumont, que ' plusieurs membres de celte famille ont porté, a sou- ' vent embarrassé les recherches de nos chroniqueurs champenois. Chaumont-en-Anjou, canton de Seiches, Maine-et-Loire, 900 habitants. Il y a encore un Chau- mont dans lo Puy-de-Dôme; un autre dans l'Yonne; Chaumont-la-Ville, petite commune du canton de Bour-

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mont, Haute-Marne; Chaunionl dans le déparlement de l'Orne; Chaumonl-sur-Aire, Meuse; Chaumonl-le- Bois, Côle-d'Or; Chaumonl dans le Jura; Chaumonl- devanl-Damvillers , dans la Meuse ; Chaumonl-en-Berry , Cher, et Chaumont-sainl-Quenlin, hameau du départe- ment des Ârdennes, canton do Sedan.

La ville de Chaumonl-en-Bassigny est aujourd'hui le chef-lieu du département de la Haute-Marne. Sa population est de 6,374 habitants. Elle est située, dans un pays de collines sèches et arides, entre la Marne et la Suize, sur une hauteur qui est un des nombreux rayons du grand plateau de Langres. Latitude 48"" 6' 15"; longitude 50'; hauteur moyenne du baro- mètre, 735 mm. L'élévation de Chaumont au- dessus du niveau de la mer est de 319 m. et de 74 m. 613 au-dessus du niveau de la Marne. Cette rivière reçoit la Suize au pied de la ville.

Le (erritoire de Chaumont a 3,075 hectares d'éten- due. Un douzième est en friches ; la moitié en terres la- bourables. Il y a huit cents hectares de bois, cent cin- quante-quatre de prés et à peine deux de vignes. Les eaux courantes couvrent un peu plus de vingt hectares, les grandes routes autant, les chemins vicinaux le double. On trouve sur ce territoire plusieurs écarts : la ferme du Nourri; le moulin du VaUdes-Choux ; le hameau de Reclancourt; la Maladière; l'église Saint- Agnan, le Moulin-Neuf et les Quaire^Moulins » dans la vallée de la Marne, avec la ferme des Rieppes et Chaumont-le^Bois , sur les hauteurs. Le pa- touillet de Chevraucourt ; le hameau de Buxereuilles ;

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le lavoir de Buez ; les fermes de la Dame-Hugumottê. du Valrde'Villicrs et du Fays ; l'ancien ermitage Saint- Roch et le Val-Barisien, dans la vallée de la Suize.

Dans l'ancienne Gaule, le territoire de Cliaumont faisait partie de ta Cité des Lingons, peuple de race Kimris, qui se mêla, par force, aux Galls, sept siècles environ avant J.-C. et envoya sous Tarquin-l'Ancien, cinquième roi de Rome, quelques-uns de ses enfants faire la conquête de l'Italie septentrionale. Lorsque, cinquante ans avant J.-C, César envahit la Gaule, les Lingons, nous avons honlede le dire. firent al- liance avec le conquérant, et ils restèrent impassibles quand leurs concitoyens luttaient de toutes paris contre les Romains. Seuls, de tous les peuples gaulois, les Lingons el les Rémois ne répondirent pas à l'appel pa- triotique de Vercingélorix. Cependant, le sentiment de la nationalité se réveilla, chez nos ancêtres, sous l'empereur Galba; mais il était trop tard : le reste de la Gaule était épuisé et il fallut se courber sous le joug. Alors, résultat inévitable de la servitude, le ca- ractère national s'effaça complètement et les Gaulois se façonnèrent aux mœurs romaines. Lors de la divi- sion du pays en provinces, la cité des Lingons fit partie de la première Lyonnaise et bientôt elle forma un évê- ché dont Langres fut la métropole. Cette cité était divisée en cantons. Pagi; le territoire de Chaumont était compris dans le canton de Darté. fin pago Dar- lensij, qu'on appela ensuite de Bologne fBoloniensisJ, du nom d'une vierge qui y reçut, dit-on, le martyre au IV* siècle. Un grand nombre de voies romaines

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sillonnaient le pays des Lingons : celle qui passait par Montsaon, Yilliers, Jonehery, Laharmant, Maraut et Bologne, longeait le territoire de Cbaumont; mais au- cune ne le traversait.

Les Lingons, dont le territoire touchait presque aux frontières de la Germanie, eurent les premiers à souffrir de l'invasion des barbares dans Tempire romain. La métropole se releva de ses ruines ; mais de Darté il ne resta que quelques maisons, sur le bord de la Marne, qui donnèrent naissance au village de Bologne. Enfin, les Bourguignons se fixèrent dans la province; les Francs leur dictèrent bientôt la loi, après de sanglants combats; puis vinrent les Iluns , et, plus tard, les Sar- rasins; de sorte que la cité lingonique, dont les abon- dantes moissons fournissaient les moulins d'Italie, dans les temps de disette, fut complètement dévastée.

Alors, par suite des fréquents partages du territoire entre les chefs Francs, les anciennes divisions de la Gaule sont oubliées. Il serait impossible, et d'ailleurs inutile, de rechercher quel fut le sort du territoire de la ville de Chaumont dans tous ces partages dont nos vieilles annales ne tracent pas les limites exactes. Disons seulement qu'en même temps que la Gaule prenait le nom de ses nouveaux vainqueurs et s'appelait France, des noms nouveaux étaient également donnés aux pro. vinces; ainsi, les vastes campagnes, les plaines habitées autrefois par les Meldes, les Tricasses, les Remois , les Gatalaunes et les Lingons, prirent le nom Je Cam- pania francisé plus tard en celui de Champagne. Le territoire de Chaumont était compris dans la Basse-

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Champagne, à l'enlrée d'une petite contrée que, par opposition au nom de Montagne donné à la contrée élevée qui est an coucliant de Langres, on appelait Bassigny fAger Bassiniactis ou BassîniacensisJ. Le Bassigny apparaît, pour la première fois, dans ta géographie historique de la France, en 870, lors du partage des états de Lothnire; mais il serait difficile de tracer les limites de cette contrée. Une partie appar- tenait au diocèse de Toul, l'autre à celui de Langres. Au X' siècle, nous trouvons des comtes du Bassigny, mais à titre bénéficiaire, dos espèces de missi dominici ; et, comme ces seigneurs, qui appartenaient à la fiimille des Capétiens, avaient des prétentions plus élevées, ils ne s'appliquèrent pas à rendre leurs bénélïces héré- ditaires. Lors de rétablissement de la société féodale, la plupart des fiefs du Bassigny furent envahis par les comtes de Champagne; Chaumont fut do ce nombre. Alors l'ancien Âger se trouva partagé entre la Lor- raine et la Champagne.

Le Bassigng-Champenois ou royal avait Chaumont pour capitale. On y remarquait encore Clcfmont, No- gent, Coifi'y. Monligny, Choiscul et Varennes. Sous le rapport du spirituel, il formait trois doyennés du diocèse de Langres : Chaumont. Is et Pierrefailc; quelques communes dépendaient lie l'évêché de Chùlons; Bour- bonne-les- Bains appartenait à celui de Besançon. Lors de la création du bailliage de Chaumont au XII" siècle, Andelot, Nogent, RIonttgny et Coiiîy furent érigés en prévôtés; mais ces deux dernières furent distraites du ressort au XVU" siècle, lors de la formation du bailliage

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de Langres. Tout le Bassigny royal suivait la coutume de Ghaumont. I Le Bassigny-Lorrain dépendait, en grande partie,

de i'évéché de Toul et , pour quelques villages , de celui de Besançon. On y remarquait Conflans, Saint- Thiébaut, Domremy, Bourmont et La Mothe. Il était divisé, sous le rapport judiciaire, entre les bailliages de Lamarche et de La Mothe. Après la destruction de cette dernière ville, au XYII* siècle, on transféra le siège de la juridiction à Bourmont. Il y avait une cou- tume du Bassigny-Lorrain.

Depuis la division de la France en départements, la presque totalité des communes du Bassigny est encla- vée dans la Haute-Marne; le reste fait partie du dépar- tement des Vosges.

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HISTOIRE

DE LA VILLE

DE CHAUMONT

(HADIE-MARNE).

LIVRE PREMIER.

DepniB l'origine de la Ville jusqu'à sa réunion an domaine delaConronne (940-1328 1.

CHAPITRE PREMIER.

I. On a trouvé sur le territoire tic la ville de Chaumont, des restes d'une haute antiquité. A Butereuilles, en ti-availlant an\ fondations de la fabrique construite sur la Suize , on a rencontré, à une profondeur de plus de deux mi^lres, un amas considérable d'ossements humains. Avant que le plateau de Sainl-Roch, qu'oa appelait encore il y a deux siècles la Viàlle Cilê . fi1t planté d'ar- bres , les lignes d'un camp romain y étaient apparentes. Dans

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le val de Villiers, non loin de ce camp y on a découvert, en traçant la route, plusieurs sarcophages de pierre dont l'un renfermait des armes.

C'est surtout dans la contrée dite la Prée demint-Agnany que les découvertes ont été importantes. II y a vingt ans, on y a ren- contré, à un pied au-dessous du sol, près du Moulin-Neuf, le long du chemin parallèle à la Marne, des restes considérables de cons- tructions romaines. Le bâtiment principal de ces constructions avait environ trente mètres de longueur. Il renfermait, dans la partie la plus rapprochée du moulin , une salle de bains avec son étuve et son fourneau. Les parois du bassin étaient formées de grosses pierres calcaires revêtues de mosaïque ; au fond était une couche de ci- ment de trois décimètres d'épaisseur, également recouverte de mosaïque. Le fourneau était fait de fortes briques ayant vingt-deux centimètres carrés, sur six d'épaisseur ; il était rempli d'un amas de cendres grisâtres, de plus de trois mètres cubes, dans lequel on a trouvé une médaille de moyen bronze, à l'efiigie d'Antoine-U- PieuXy une clef, divers ferrements, des fragments de vases en terre, des tuiles plates et recourbées sur les bords. Sur l'une de ces tuiles on remarquait l'inscription sekecoif, qui était, sans doute, la marque du fabricant. Malheureusement , on n'a pas eu la curiosité de pousser plus loin les recherches.

II. Ces découvertes ne jettent aucune lumière sur l'origine de la ville ; elles prouvent seulement qu'avant le moyen-âge le territoire Chaumontais était habité par quelques familles qui avaient défri- ché les bords de la Marne, et qu'il a été dévasté par les invasions ; les collines et les lieux élevés étaient restés incultes , et le pla- teau sur lequel la ville est construite était couvert de broussailles, dont les dernières racines n'ont été arrachées qu'à la fin du XYI*

Dans la vieille Gaule il n'y eut d'abord ni villes ni villages. Les habitations dispersées dans les plaines formaient des cantons aux- quels on donnait des noms différents et tirés, le plus souvent, de Torigine des familles qui les composaient : le district des UngonSy par exemple. La culture des terres si fertiles, qu'arrosent nos cours d'eau, su£Bsant aux besoins des habitants, les lieux élevés œ furent

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défrichés que plus tard, par suite de l'actToissement de h popula- tion. Cependant les relations religieuses et le développement de l'induslrie avaient bientôt rapproché queliiues familles et formé dans chaque district un centre de population qui avait pris le nom de la peuplade. C'est ainsi que se forma, chez les Lingons, la ville de Langres.

La ville de Chaumont prit naissance au sein d'une révolution sociale beaucoup plus moderne. Elle est d'origine féodale.

L'invasion des bandes germaniques avait bouleversé la société jusque dans ses fondements. Charlemagiie essaya de rétablir l'or- dre ; mais ses faibles successeurs ne purent continuer l'œuvre qu'il avait si habilement commencée et la réaction replongea l'Empire et surtout la France duns l'anarchie b plus complète. Il n'y eut plus de lois; l'arbitraire régna dans toutes les provinces ; les ofGciers se firent souverains sur les terres qu'ils n'avaient jusque-là possédées qu'à litre bénéficiaire ; en conférant eux-mêmes des bé- néfices, ils se firent des créatures, des amis, et les rois, placés dés lors dans l'impossibilité de résister , cédèrent à la force des choses. C'est ainsi que se constitua la féodalité au IX* et au X* siècles. Les invasions des Normands vinrent encore accroître le désordre, t- car les seigneurs, occupés à consolider leur puissance nouvelle, laissaient faire les barbares qui, pendant prés d'un siècle, dévastèrent nos provinces. c L'état de la France éUiit alors si dé- phrable, dit un historien de la Champagne (i), qu'on n'en peut lire la description sans frémir. Toutes les fureurs des Vandales étaient retracées par les Normands, aussi cruels, aussi sanguinaires, mais plus opiniâtres. Les Vandales passaient comme un tourbillon : malheur à ceux qui se rencontraient sur leur route ! Les Normands pillaient à loisir, avançaient et retournaient sur leurs pas. Une défaite ne faisait que les partager et multiplier les incendies. Les malheureux habitants chassaient eux-mêmes leurs bestiaux dans le fond des forêts, enfouissaient leurs blés, détruisaient leurs provi- sions et mouraient de faim, plutiit de rieu conserver qui put ré- veiller l'avidité des Barbares, qui venaient quelquefois fouiller sous

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les maisons fumantes pour y trouver un nouveau butin. On ne res- pirait plus qu'un air empoisonné par la corruption des cadavres restés sans sépulture. >

La féodalité ne fut d'abord cpi'un régime de guerres particuliè- res et de brigandage. Les seigneurs s'isolèrent dans leurs domaines ; ils prétendirent que tout, jusqu'à l'bomme, leur appartenait, et, comme en définitive la force était leur seul droit, ils se fortifiè- rent sur leurs fiefs pour maintenir leurs esclaves sous l'obéissance et repousser les invasions des autres seigneurs du voisinage. Bien- tôt il n'y eut plus que des serfs dans les campagnes, car les paysans qui, en bien petit nombre, étaient restés libres, furent contraints, pour se mettre à l'abri des vexations des châtelains, de se donner aussi à des officiers, à des hommes d'armes, qui constituaient ainsi de nouveaux fiefs. Suivons le nouveau seigneur dans son domaine. « n s'y établit, dit M. Guizot (1), dans un lieu isolé, élevé, qu'il prend soin de rendre sûr, fort ; il y construit ce qu'il appellera son châ- teau. Avec qui s'y établit^il ? avec sa femme, ses enfants ; peut-être quelques hommes libres, qui ne sont pas devenus propriétaires, se sont attachés à sa personne et continuent à vivre avec lui, à sa table. C'est ce qui habite dans l'intérieur du château. Tout au- tour, au pied, se groupe une petite population de colons, de serfs, qui cultivent les domaines du possesseur du fief. Au milieu de cette population inférieure, la religion vient planter son église. D'ordinaire, dans les premiers temps du régime féodal, ce prêtre est à la fois le chapelain du château et le curé du village ; un jour les deux caractères se sépareront ; le village aura son curé qui y habitera à côté de son église. Voilà la société féodale élémen- taire. >

C'est ainsi que commença la ville de Chaumont.

La contrée baignée par la haute Marne et ses afBuents , était depuis longtemps ruinée. Située sur les limites de la Neustrie et de l'Austrasie, elle avait eu à souffrir d'abord de toutes les guerres occasionnées par la rivalité de ces deux provinces. Dévastée ensuite par les Normands , elle avait encore eu à essuyer l'invasion des

(0 Cùun dSHiitùire moderne. Biitoire générale de la eivilitation en Europe depuie la chute de V Empire rwnainjue^'à la BivoluîUm, tr U^u.

Hongrois. Dis le commencement du X* nëcle, les rois y aiaient envojré des comtes, à litre bénéficiaire : ilfevaîl eu un comte du Bassigny, un comte de Bologne ; mais ces seigneurs, qui appnrte- naient, soit par leur naissance soit par des alliances, à la Tamille capétienne, déjà plus pulssanle que la faniille royale, avaient été plus occupés de l'a^randissemenl et de la consolidation de cette pui»< sance que de la protection à donner au pays. D'ailleurs , aucune position n'était en état de dérense : Bolo^c n'était plus , depuis longtemps, qu'un pauvre village , el dans le Etassigny il ne restait que des fermes isolées. Les guerres que le roi fit â l'empereur pour lui reprendre la Lorraine et surtout la lutte que Hugues-le- Grand soutint contre la Royauté, attirèrent sur cette malheureuse contrée de nouvelles calamités. Les paysans, voyant leurs champs, leurs maisons et leurs propres personnes abandonnés, sans défense, aux brigandages des armées, auront imploré la pitié du comte qui les aura placés sous la protection spéciale d'un de ses oOiciers. Cet officier est venu, comme l'explique si bien M. Guizot, prendre possession avec sa famille ; il a parcouni le pays dont la garde lui était confiée et, avec l'aide des paysans, il a construit on château, au confluent de la Suize et de la Marne, sur une hauteur désignée par les habitants des environs sous un vieux nom d'origine celtique qui signifie boit de ia montagne et dont la langue moderne a fait Chautnonl.

Ul. a II me semble, dit Pasquier, que de disputer sur la vieille origine des nations, c'est chose fort chatouilleuse : parce qu'elles ont été de leur advènement si petites, que les vieux autbeurs n'esloient soucieux d'employer le temps à la déduction d'icelles tellement que petit à petit la mémoire s'en est du tout esvanouye ou convertie en belles fables et frivoles. » Celte judicieuse observation du sa^'ant aoteur s'appfique mieux encore à l'histoire des villes qu'à celle des nations. £n effet, c'est par une fable qu'on a expliqué l'origine de Chaumont. On a dit que la tour du château avait toujours porté le nom de Hauie-FatiUe. Celle fable, inventée au XVI' siècle, à l'é- poque où l'on n'étudiait l'histoire nationale que dans tes romans de chevalerie, a été acceptée comme vérité historique par Belleforest, qui dit du château de Chaumont : c Et quant à moi j'estime que

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eet édifice est très ancien et que ce mot de Haute-Feuille lui vient dès le temps de Ganelon qui était de la famille de Haute-Feuille, duquel la maison fut aussi à Paris es lieux-mémes à présent sont les Jacobins. > Plusieurs châteaux situés sur divers points de la France ont revendiqué la même origine, de sorte que, comme le suppose Belleforest, c Ganelon fut sans doute un grand seigneur en Gaule. > Hais cette puissance n'a jamais existé que dans les romans. Avant le XYIP siècle, tous les documents qui font mention de la tour de Chaumont la désignent simplement sous les noms de Tour de la Chastellenie, Tour RougCy Donjotty et le plus souvent encore, depuis cette époque, cette dernière dénomination a prévalu sur celle de Haute-Feuille qui est de Tinvention de Belleforest ou plutôt de Jean Rose, son correspondant, et qu'il faut abandonner.

Le vieux château de Chaumont existe en grande partie , et l'élude que nous en avons faite nous permet de le reconstruire, tel qu'il était dans l'origine, malgré les nombreux changements qui y ont été opérés depuis qu'on en a fait le siège de la justice du pays.

On a détruit l'étage supérieur de la tour principale, qui, avant cette mutilation, avait vingt-cinq n&èlres, environ, d'élévation. Elle est construite en grosses roches taillées en diamants, carrée, et sa base forme un parallélogramme de onze mètres soixante centi- mètres de côté. Ses murs ont d'épaisseur deux mètres soixante centimètres à la base, un mètre soixante-quinze au milieu, et un mètre cinquante au sommet. Le toit, à quatre pans, était entouré d'une galerie en pierre. L'intérieur formait un rez-de-chaussée, en partie souterrain, et quatre étages. On arrivait au premier par un escalier mobile, et de aux autres étages par des échelles que Ton plaçait dans l'intérieur : l'escalier tournant, qui existe maintenant, est de construction moderne. Ces étages sont voûtés, à plein cintre, en forme d'arches de pont ; ils ne recevaient le jour que par des ouvertures très-rares et très-étroites ; celles qui existent, plus nombreuses et plus grandes, n'ont été pratiquées que quand on a fait du séjour des anciens seigneurs une maison de détention. Le rez-de-chaussée servait de prison. Au premier étage et au deuxième étaient la salle d'apparat et le logement du seigneur. Les étages supérieurs étaient destinés aux ofliciers subalternes et à la petite

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gamiiion cliai'gée ilu guet. Celait aussi qu'on renfermait une par- lie de latliruil de ^erre.

Ce donjon élait en grande partie dérendu par l'escarpement du terrain ; <;ependanl on l'avait encore entouré d'un mur de forte maçonnerie, qui suivait la ligne d'escarpement, et en réunissait les deux points extrêmes en longeant la rue actuelle de la Voie-de- l'Eau et la me de Buxereuilles. Dans l'enceinte on avait construit une chapelle, des écuries et une grande salle se tenaient les gens de service. En dehors il n'y avail primitivement aucune construction.

Deux portes donnaient accès dans le chiUeau : c'étaient de fortea tours carrées qui n'ont été déinolies que quelques années avant 1 789. La porte principale, le Barlc, était construite à l'entrée de la rue de l'Ange ; elle ouvrait sur le chemin de Laiigres ; l'aulre, hâlie prés de la porte actuelle de la Voie-de-l'Eau , donnait sur le chemin de Bar-sur-Aube. Les ponts sur la Suîze et sur la Marne étaient de simples passerelles en bois qu'on enlevait dans les jours de danger.

Comme il eût été impossible de laisser la place sans eau, on avait creusé dans l'enceinte, entre les deuï portes, un vaste puîls dont la profondeur atteignait le niveau des eaux qui coulent au pied de la montagne. Tout château, au laoyen-âge, devait avoir son étang ; c'était d'ailleurs aussi un moyen de défense : pour former celui du château de Chaumont, on avait arrêté les eaux de h Suize par une digue construite prés de Buxereuilles ; les sources grossissant le volume d'eau de la rivière, toute la vallée se trouvait inondée entre la digue et le château.

IV. Tel était Chaumont à son origine. On reconnaît â cette pein- ture les citâteaux du X" siècle, décrits avec tant de science et d'exactitude, par H. de Gaumont. Mais à quelle époque précise ce donjon a-l-ii été bâti ?

Dans une des dernières invasions des Normands en Champagne, les évèques de Lanjtres et de Troyes appelèrent le peuple à la dé- fense du pays el, ligués avec les comtes de Sens et de Dijon, ils marchèrent contre les Barliares. C'était en 9â5 ou 935. L'ennemi fut battu sur les limites de la Bourgogne. Quelques chroniqueurs

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prétendent que cette bataille célèbre lut livrée sous les murs de Chaumont; mais alors les Normands qui, quelques années aupara- vant, avaient déjà tout dévasté, jusqu'à Tabbaye de Montiérender, auraient, cette fois encore, traversé toute la Champagne, ce qui n'est pas probable, en présence de l'armement extraordinaire qu'on leur opposa. Nous aimons mieux admettre, avec les Grandes Chro^ mquesy que la rencontre eut lieu dans le Charolais. Quoiqu'il en soit, il est certain que notre donjon existait lorsque Lothaire alla reprendre à Robert de Vermandois la ville de Dijon, dont ce comte s'était emparé au préjudice du duc Othon. Le roi passa par Chau- mont au retour de cette expédition en 961 (1), et il fit sceller à Gondes la charte de donation de ce hameau à l'église Saint-Remy de Reims, par le comte Hugues, son parent, pour y fonder un prieuré (2). n n'est pas fait mention de notre ville dans l'histoire avant cette époque. Maintenant, si le château, comme tout porte à le croire, a été construit pendant les guerres de Louis d'Outremer en Lor- raine et avec les grands de son royaume, Chaumont a pris nais- sance en 939 ou 940.

CHAPITRE IL

LES SEIGNEURS DE CHAUMONT, JUSQU'A LA RÉUNION DE CE FŒF AU COMTÉ DE CHAMPAGNE (940 1187).

L Les premiers seigneurs de Chaumont furent donc les comtes bénéficiaires du Bassigny et de Bologne qui établirent un de leurs officiers. Nous pouvons citer, parmi ces comtes, les Capétiens Hu- gueS'le-Noir^ Hugua-k-Grand^ Hugues-de-Laon. Lorsque cette

(4) Vignier dit dans son ChrofUcon Lingonense : « In regreisu Bex Calvo montem venit. » \oyn la traduction qoa nous avons faite da ce lÎTre sous le titre de : Les Chroniques de VÉvéehé de Langret. Chaamont, 4S42« in-S*.

(2) Gerberge, la mère de Lothaire, était belle-sœar de Hognct-le-Graod, père de celoi dont il est fait mention dans l'acte. Elle était à Gondes ainsi que pinsiears évéqoes et un eomtt Reoaut. La charte de donation est datée : Actutn III nonos octobrU» indiih tUme Illly régnante damno Lothario rege anno VU* in viUa Condeda . Aêimn fàhitw.

15 puîssanle ramiUe monta sur le Irôiie, dans Lt personne de Hugua- Capet, en 987, le nouveau roi, pour s'assurer un plus grand nom- bre de partisans, laissa, à titre hérédilaire, à la plupart des hom- mes d'armes établis ilans les comtés capétiens, tes Gefs qu'ils avaient en garde. C'est ainsi que prirent naissance, dans le Bussi^y, les maisons féodales de Cbaumont, de Choiseul, d'Andelot, de Clef- mont, de Notent, qui s'agrandirent bientôt par des mariages.

Le plus ancien possesseur du lief de Cliaumont, ù titre hérédi- taire, dont le nom nous soit conservé, est Geopfroi I, et c'est lui, sans aucun doute, qui a ref u la première investiture, car il vivait en 995, neuf ans seulement après l'avènement de Uugues-Capet. Il fut l'un des bienfaiteurg de l'hOpital de Longue.

IL Hugues I était seigneur de Chaumont, en 1050. Seize ans plus lard, il assiste à une assemblée convoquée dans l'abbaye de Bèze, A l'occasion d'excès et de violences exercés au cloître Saint- Bénigne de Dijon (1). Déjà à celte époque des artisans étaient venus établir leur industrie dans l'enceinte du château et quelques-uns, en construisant hors des murs sur le chemin de Langrea, avaient donné naissance au Bourg.

Le nombre des paysans qui habitaient les bords de la Marne et ceux de la Suize s'était aussi augmenté. On reconnut donc la néces- sité de pourvoir au ser^'ice religieux, non pas pour la ville, car la chapelle du château, dédiée à Notre-Dame, était encore suffisante, mais pour la banlieue. Les habitants de Reclancourt, hameau qui prit son nom de sa situation sur la rivière, avaient déjà la chapelle Sainl-Agnan, près de laquelle ils enterraient leurs morts, sans doute à côté de sépultures celtiques; mais les quelques familles groupées sur la Suize, prés de la digue de l'étang, et qui formaient le hameau de BuxcrcuilUs, ainsi appelé parce que le cAleau qui le domine était couvert de buis, étaient obligées d'aller prier à Coudes. Hugues leur lit construire une petite église et demanda à saint Robert, abbé de Molémes, d'y envoyer des religieux de son ordre qui desserviraient en même temps la chapelle du château. Cette double donation, qui plaçait le clci^é de Chaumont sous le |)atro-

(^] VojnUCaUiachriiliana.

I

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nage de la célèbre abbaye, fui approuTée qaelqaes années après* en 1101, par Févéque deLangres (1). C'est Torigine du prieuré de Buxereuilles.

j III. Geoffroi n succéda à Hugues, son père, vers 1100. Il fit

* ' une donation importante à la maison hospitalière de Longue. Il

avait pour frères Renier et Bérenger. Les noms de ces trois sei- gneurs se retrouvent dans une charte par laquelle ils donnent au prieuré Saint-Didier de Langres, tout ce qu'ils possèdent à Mont- saon. La famille des seigneurs de Chaumont avait des possessions territoriales ou des droits féodaux dans la plupart des villages envi- ronnants ; mais ces biens, divisés par les partages de succession « formaient des fortunes particulières peu considérables. Voici à cet égard quels étaient les usages observés par les nobles dans le pays ; ils ont été plus tard sanctionnés par la coutume écrite. Le fils atné recueillait, par droit d'aînesse, les terres et héritages de fiefs, tant du côté paternel que du côté maternel : le château, la basse-

l I cour, le mur d'enceinte , les fossés et les terres qui Fentouraient,

de retendue d'un vol de chapon^ c'est-à-dire d'un arpent au plus, n prenait le nom, le cri et les armes du défunt, et un membre de chacun des droits seigneuriaux. Le reste des choses tenues en fief

I I se partageait entre tous les enfants, Tainé compris, et le fils ayant

part de deux filles. Quant aux choses non tenues en fief et aux dettes, on les divisait par portions égales entre tous les enfants. Si la succession n'échéait qu'à des filles, le partage se faisait par por- tions égales pour le tout ; seulement l'aînée prenait le nom et les armes de la famille.

Pendant que Geoflroi II possédait le fief de Chaumont, les barons de la province fondèrent ou dotèrent plusieurs maisons religieuses : ainsi saint Bernard, aidé des libéralités du comte de Champagne, fonda Clairvaux en 1114; Morimond s'élevait en même temps et s'enrichissait des donations qui lui étaient faites par les maisons de Choiseul et d'Aigrement; en ll!20, les Templiers s'établirent à Morment; Tannée suivante, les seigneurs de Clefmont fondèrent l'abbaye de Lacrète. Les seigneurs de Chaumont n'étaient pas assez

((} Gallia chrislianaj t. is, p. AÀ9.

17 - riches pour prendre part à ce mouvement religieux; c'est ce qui a fait dire à h Chronique de Giaitci:ij t qu'ils ne Qrenl oDcqnes bien en leur vie ainslousiours desgastèrent sainte Esglise.*— Sans doute les auteurs de celle chronique , chargés de louanger la famille de Groncey, avaient un [nolif, que nous ne connaissons pas aujourd'hui, pour décrédiler ainsi celle de Ciiaumont. Ils disent plus loin que les seigneurs de Choiseul et d'Aîgremonl, qui étaient parents des Grancey, s'entendaient pour le bien, mais que ceux de Chau- monl et de Nogenl étaient toujours d'accord pour le mal et com- plices des mêmes crimes. Ils ajoutent que divers gentilshommes du pays étant allés en Irlande , par curiosité ou par dévotion, pour voir le lieu appelé le Piirgnloire de tainl Patrice, les comtes de Bourlemont et de Clefmont, qu'ils Tout parents du saint évgque, eu revinrent si'ins et saufs; mais que le seigneur de Chaumont y demeura abtmé, avec quelques autres qu'ils damnent à plaisir. Ici la fable est évidente ; d'ailleurs, la Chnmique de Gmncetf, écriteauXIV' siècle, n'est qu'un roman de chevalerie. On y Iroune eacore le récit suivant : c II advint qu'A Chaumont furent deux seigneurs frères; l'un était bien formé; l'autre avait été également beau, mais il était devenu laid et bossu. Son frère le déprisait; il disait qu'il n'était pas son frère. Quand le bossu vit que son frère le déprisait, il en eut grand deuil. Il alla au roi de France et lui donna sa part d'héritage à la condition qu'il lui donnerait ce qu'il lui faudrait. Le roi lui donna un lieu délectable pour lui demeurer, avec des écuyers pour son service et il envoya ses sergents à Chau- mont qui prirent la part du bossu el s'efforcèrent de suppéditer l'autre (1). » A ce conte, un chroniqueur ajoute : Les deux fils du seigneur de Chaumont se prirent bientôt de querelle; ils se provoquèrent et se battirent en duel près de la croii 'du prieuré de Buxereuilles ; l'un des deux fut tué. » Ce dernier fait paraît être certain, car une tradition constante en a perpétué le souvenir; mais le manque de renseignements ne nous permet pas de lui as- signer une date précise (2),

(IJ La CAronifuI dt Granùty, mu. de li Bibliolbèqn- imp/tiile. peirt in^T-. C* iDB, n^fti ifH*iiar cu|fie, ou ptuiDl Dde «nilTu faiu m XVF'iiècle, rsuTre prtiuilÏT«^ ï'«l pourquoi aoui n'uvout |p|i cru «tfVDÎr cunKTT^r Tontiigrtph?,

13J Vignicr, liiDi H Vieailê, nu. Ji li BibNolbt^n* mliBatli-, dit ie Gcoffroi : Il •Bl itn SI», fuo Uw l'iutra «a I (28. M«ii iJ m dit pM sa il prii au* dati.

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lY. GeoiTroy mourut vers Tan 1126 et eut pour successeur son fils Hugues II, qui à son avènement ratifia la donation laite par son père à Longue. Nous ne connaissons pas d^autre acte de lui dans le cartulaire de Champagne. Hugnct de illinumoni dit le Borgne^ était connétable de France dès Tan 1108 et souscrivit en cette qua- lité divers actes jusqu'en 1134. Il fit le voyage de la Terre-Sainte et mourut en 1138 (1). Hugues-le-Borgne était-il fils de Geoffroy de Chaumont? Quelques auteurs Taflirment; mais d'autres pré* tendent que le connétable était de la famille de Chaumonl-en-Vexin. A ceux-ci l'abbé Mathieu répond : c Tous les historiens s'accordent à donner pour tige de la maison de Chaumont-en-Vexin le troisième fils de Hugues de France, comte de Vermandois, nommé Henri ou Aimeri, et fixent l'époque du mariage du premier à l'année 1077. Ce Henri ou Aimeri n'a pu venir au monde avant 1080, ni avoir des enfants avant 1100. Comment pourra-t-il donc se faire qu'un de ses enfants ait été connétable en 1108 (i)? >

V. A Hugues n, succède Renier, son fils, qui est, comme ses ancêtres le bienfaiteur de Longue. En 1 150 Eudes et Garnier de Chaumont firent des donationsà l'abbaye de Vaux-la-Douce. Quelques années plus tard on trouve un Haimo de Chaumont arbitre entre les abbayes de Lacrète et Sept-Fontaines. Enfin ; Gauthier de Chaumont, un savant maître d'école, florissait à la même époque, et S. Bernard lui conseilla de quitter le monde pour la vie religieuse (3). ^ Renier fut appelé à Nogenl en 1 101 pour juger avec Gui, seigneur du lieu, un différend qui s'élait élevé entre l'abbé de Lacrète et le chevalier Hugues de Bologne ; il est encore fait mention de lui dans d'autres chartes et il a donné à la cathédrale de Langres vingt sous de rente pour son anniversaire. Cette église le place au rang de ses bienfaiteurs, à la date du 24 août.

(4) Uo aatrf Beigneor itf Chaornoot, Gaseiui nu Gatto d$ Calvamante^ Uni ron- B^tabi* en \ 107, avant Bogues, d'api-ès l'aoïeur des Elémentt d$ paliographU] maif MabilluD ne cite pas ca dooi.

(2) Biographie du département de la Haute-Marne^ ia-8*, Chtomoat, 4811 .

(3) Voyei Ica GEuwe$ deeaint Bernard ei VBietoire littéraire des Bénédic- tine.

_ 19 _ VI. Renier eut pour successeur à Cbaumont, vera 1170, son fils alaé ALlon. li avail trois aulres Mis : Hitgaet, Etienne el Jubert. Ces seiijneurs eurent des temps injlheureux à truverser; ils par- tagèrent encore l'engouement gèiiérul à cette époque pour les pèlerinages et les croisades , de sorte que pour Fournir à leurs besoins et aux Trais de leurs entreprises chevaleresques, ils furent contraints d'aliéner une grande partie de leurs domaines et de leurs droits. C'est ainsi que Chaumonl fut cédé au comte de Champagne.

Vn. Les hauts barons s'étaient bienlAt aperçu qu'en étendant le système des inféodations, on avait ruiné la puissance féodale, et ils profitaient des circonstances pour reprendre successivement les petits fiefs, en donnant de l'argent ou en assignant des pensions aux possesseurs. Ainsi c pelit-à-petit, dit Pasquier, se lit un comté de Cbampaigne façonné de plusieurs pièces, lesquelles remises en une, les comtes de ce pays tindrent un grand rang par la Frauce. > En effet, Tbibaul-le -Grand, II* du nom, qui fui, à proprement parler, le premier comte de Champagn.', car ses prédécesseurs ne possédaient réellement diins cette province que le comté de Troyes, apnt délinilivemenl réuni Dar-sur-Aube, avait formé le projet de reculer les bornes de son dum:iine jusqu'à la Lorraine et à la Bourgogne. Il ne négligea donc aucune occasion d'acquérir des terres dans le Bdssi;;uj. Ses successeurs Henri I" et Henri II suivirent k même politique : ils aciielèrent d.s Cefs, des avoueriea et ils s'associèrent avec les moines pour la fondation de plusieurs villages nouveaux. Il leur fut fiicile de mettre aussi dans leurs intéréis les seigneurs de Cbaumont, qui avaient besoin d'argent, et c'est peut-être ce qui explique les récits malveillants des cbront* queurs aux gages des Grjncey, car les barons du second rang voyaient déjà avec crainte les eavabissements des grands vassaux.

VIII. En 1 1 82 Jobert vendit au comte, moyennant soixante livres, la garde du prieuré de Condes qui lui était échue en partage ; i céda ea même temps l'avouerie des hommes que le prieuré possédait

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à Condes et à Dannannes (1). Ses frères Hugues et Etienne firent aussi des tentes ou des échanges. Hais c*élait surtout le fief pria-» cipal que Henri convoitait ; il voulait planter sa bannière sur le Donjon de Chaumont. L'occasion ne s'en fit pas attendre. Milon prit la croix et, tandis que Tévéque de Langres engageait à des laïques les dîmes ecclésiastiques pour fournir aux dépenses de la guerre, le seigneur de Chaumont empruntait au comte de Champagne, qu'il substituait à tous ses droits, à condition de reprise, dans le cas il reviendrait de son voyage, et en stipulant qu'un douaire serait assuré à Emeliney sa femme, dite Chaumanda. C'était en 1187. On sait que la troisième croisade n'eut pas le résultat qu'on en attendait. Milon revint en 1192 et rentra en possession de set domaines. Le comte, qui tenait à se populariser, en avait d^i affranchi les habitants. Enfin, en 1202, Milon signa un nouvel acte de substitution, en tout semblable au premier, et après avoir fondé non loin de son château, sur la hauteur qui domine Condes, la chapelle de Méchineix qu'il donna au bon frère Etienne avec tous les terrains qu'il pourrait défricher aux environs, il prit de nouveau le chemin de la Terre-Sainte (2). Celte fois, le pieux chevalier mourut en route. Il avait encore fait, avant son départ, des donar tions aux abbayes de Poulangy, de Lacrète, de Sept-Fontaines, et fondé son anniversaire dans l'élise de Langres.

IX. Cependant, malgré l'acte de substitution, la réunion défini* tive de Chaumont au comté de Champagne ne se fit pas sans difficultés. Emeline se contenta de la part qui lui avait été faite. Hugues et Etienne, frères de Milon, complètement désintéressés, ne firent aucune réclamation. ^ Les noms de leurs descendants se retrouvent encore dans quelques actes du XIII* siècle : Haimo de Chaumont , dit le Papelan^ prit l'habit de templier, au Corge- bin , en 1260 ; nous le croyons petit-fils d'Etienne , qui possé- dait le fief de Bay, et avait eu de Marie , sa femme , plusieurs fils dont l'un , Simon , fut seigneur de Bricon. Mais Jobert , Talné de la famille, se prétendant lésé dans ses droits, déclara 8*oppo-

(1) Archivêi de la Haut9-Marne, Pricaré 4e Cun^es.

(2) ÂrehiviM de la Hautê-Mamê. Pri««ré éê CMdat.

Ji

aer â la prise de possession. Il ne se désista qu'en 1305, k la suile d'un arrangement par lequel il abandonnait tout ce qu'il avait cru pouvoir réclamer sur Chaumonl et Aulreville, en fiefs, domaines, possessions, etc., moyennant deux cents livres de Provins et quel- ques droits sur les hommes d'Ageville et d'Aubepierrc. Alors il se proclama l'homme-li^e du comte et reconnut devoir un mois de garde, par année, au château de Chaumonl. Pour lui Tacililer l'ac- compl ssement de ce devoir, le comte l'autorisa n racheter l'une des deux maisons que les seigneurs avaient possédées dans la ville, t condition de la tenir en fief; il lui promit, en outre, de ne donner asile â Chaumont, à Bar-sur-Aube ni il Laferté, à aucun des hommes d'Ageville ou d'Aubepierre. Enfin, Renier de Nogent, inter- venant au nom de sa fille qui avait épousé le fils de Jobert, recon- nut aussi iasuzerainetè de la Chtmpagne (1). Voilà la famille bien déchue! Jobert se contenta pendant quelques années de cette position; mais il revint ensuite sur ses anciennes prétentions et finit par manquer à l.i foi jurée. Cette fois ou le déclam félon, et en iiii, il fut défiouillé définitivement de tout ce qu'il possédait en- core. — Lambert de Chiiiimont, l'un de ses descendants, est mort chei les frères de l'bopital de Longue.

X. le comte de Champagne avait eu à lutter en même temps contre l'évëque de Langres, qui revendiquait aussi des droits sur le do- maine de Cliaumont. Des arbitres avaient été nommés et, après de longues conférences, on s'en était rapporté au jugement du duc de Bourgogne qui avait promis, par lettres du mois de fi^vrier 1S13, de rendre bonne justice. Va arrangement était intervenu l'année suivante, et l'évëque avait abandonné tout ce qui pouvait lui appar- tenir dans le château, se réservant l'hommage qu'il voulait bien re- cevoir, pour cette fois seulement, à Troyes il se trouvait. Le comte avait consenti sans peine à cette espèce de vassclage qui n'enlevait rien à sa puissauce (2).

H) Arthi\tBAûoBt\tt. CarliUir Mraint, pri'U:n el itigiuurs laïi CtrtuUIn it BliDchi ^ Ni»rrt n it

()J V«r la mtBM Cirtaliîm.

n

XI. Non seulement Henri de Champaffne, snbstitoé mx droits de Milon, avait donné une charte aux habitants de Chaumont ; il avait encore établi dans cette fille GirarH^ïe^Bonrgnigmm en cpia- Kté de prévôt. Milon n'avait repris qu'une autorité nominale; cependant son retour avait été un obstacle. Plus tard, les prétentions de révèque et surtout celles de Jobert étaient encore venues paraly- ser l'action du comte. Ce n'est qu'en 1228 qu'il peut agir librement. Débarrassé alors des prétendants, il publie de nouveau la charte dont nous allons bire connaître toutes les dispositions, et, plantant définitivement sa bannière sur le vieux donjon, il lait de Chaumont le centre de sa puissance dans le Bassigny.

De cette époque date la rivalité entre Chaumont et Langres ; elle résulte non-seulement du voisinage des deux petites villes, mais encore et surtout de leur différence d*état. , sont les vainqueurs avec les éléments de la civilisation nouvelle, ici les vaincus avec l'ancienne civilisation : Chaumont est la ville franque, h ville féodale ; Langres, la cité gallo-romaine, la ville cléricale. On remarquera souvent les effets de cette rivalité, et aujourd'hui sDe existe encore, même dans les afiaires les moins importantes.

CHAPITRE m.

CHiRTB.

L*homme est libre ; mais, comme il est appelé à vivre dans h société de ses semblables, il a des devoirs à remplir et des droits à exercer qui sont réglés par des lois. Ces lois doivent avoir pour but le bien-être de tous et de chacnin ; pour base la liberté, l'égalité, et, comme leur ensemble constitue le contrat social, elles doivent ifoir été consenties par tous les membres de la société : nul n'a le droit de les imposer. Ce sont des principes qu'aiiyourd'hui, moins que jamais, on pourrait révoquer en douta.

Les sociétés, au Moyen-Age, se constituèrent tout autrement. D'abord l'homme qui avait la force enire tes mains imposa sa to- bnlé : Je suis le mandataire de Dieu sur la terre, dit-il, je suis roi ; tuut ici m'apparlieni, le sol, vos maisons, vous-même et l'air que vous respirez ; recevez donc la lot. Plus lard vinrent d'autres hommes; ils profitèrent d'un moment de faiblesse du roi qui leur avait confié une parlie de sa puissance; ils secouùrent le joug, et, allé),'uant aussi le droit divin, \h s'emparèrent de la sou- veraineté , la morcelèrent, la partagèrent entre eux , et firent si bien qu'ail lieu d'un mailre il y en eut cenl, mille. C'est ainsi que s'établit la féoilalité. Quel fut, pour la société, le résultat de l'établissement du réjjime féodal? La destruction de l'es- pèce d'unité qui existait fous une souveraineté unique, le désor- dre, l'anarchie. Qu'y pagna le peuple , c'esl-ù-dire l'immense majorité des membres de la société? Une augmentation de misère. La chaîne . sous un maître unique , était moins lourde, parce qu'on la portail en commun ; il y avait, au sein de l'esclavage même, une sorte de fraternité; m:iis on en brisa les liens; on se partagea les fcrf', on les groupa en petits troupeaux, on les attacha au sol, A la alèbr, et ils furent contraints d'y végéter sous l'œil d'un maître , qui souvent les échan,^cait ou les vendait comme un autre bélail. Les conditions de ce dur esclavage variaient selon les capririi des seigneurs, et ces caprices on les appelait dru i 11.

Il nous serait impossible de dresser la liste de tous les droits féodaux, dont quelques-uns atteignaient le dernier degré de l'humi- liation pour l'homme; qu'il nous suflise de dire que les défenseurs de cet ordre de choses définissaient b nation française un pi:»ple de ierfi liiiUable el forvéoble à merci et milrrieorile. Une société ainsi organisée ne pouvait que souffrir : le travail de l'intelligence y était nul; l'industrie, gênée dans tous ses développements, y étouf* fait; l'agriculture même, abandonnée à des bras serviles et découragés, y dépérissait, et c'est à peine si les productions du sol de la l'raace, le plus fécond, peut-être, de 1 Europe, suffisaient à la nourriture d'une pnpui iiion moitié moindre que celle de nos jours.

Ces observations préliminaires feront mieux comprendre l'im- portance de b charte octroyée aui mananit de Chaumont, qui

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rappelaient avec raison leur charte d'affranchissemenL Certes cet affranchissement était loin d*étre complet, comme nous allons en juger; mais il y avait dans Tétat social des Chaumontais, comparé à celui de la plupart des localités voisines, un progrès immense. Et n*était-ce pas déjà un grand bien pour eux d*avoir des lois écrites, quand tout se réglait par la coutume, c*est-à-dire arbitrai* rement?

Voici la traduction de cette charte. Nous avons joint à chaque article des notes historiques ; nous avons aussi cru devoir expliquer les termes du vieux droit que beaucoup de lecteurs ne compren* dndent plus aujourd'hui (1).

/. Le comte accorde la coutume de Lorris à toiu ceux qui de^ meurent ou demeureront dans la paroisse de Chaumont.

Lorris, chef-lieu de canton du département du Loiret, est une des premières communes de France qui aient été affranchies : sa charte est de Louis-le-Gros. L'original en a été perdu dans Tin* cendie de la ville sous Charles V ; mais le texte primitif a été con- servé par plusieurs lettres de confirmation. Les coutumes de Lor- ris, qu'on appelait < plus anciennes, fameuses et renommées cou- tumes qu'aucunes autres de France > ont été octroyées par chartes à un grand nombre d autres localités dans le XII* siècle. A Fépoque elles furent pour la première fois promulguées, c'était un élément révolutionnaire que Fautorité royale glissait au sein de la féodalité.

IL Quiconque de la paroisse de Chaumont aura maison payera pour sa maison six deniers de cens tant seulement.

Le cens est la conséquence de ce principe féodal que le sol ap- partient au seigneur. Lorsque le censitaire ne payait pas exactement au jour fixé, il était passible d'une amende qu'on ne manquait jamais de lui appliquer. Par cette redevance fixe, les villes de com- mune se trouvaient affranchies de l'impôt annuel que les seigneurs se croyaient en droit d'exiger à volonté. Il serait difficile de dire

(4) Ln chartes de 4 490 et 4228 Mot contenétê ans archivca àc la Ville. Le tnte origiaal «stcii latin. Nous en a\ons fait une traJadion aussi lill^rafs que possible, et sMvent oous avons éié obligé d'employer des eiprcssions du Ticai langage qni n'ont paa d'éqoivaleots aojoard'boi.

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quelle était alors la râleur eiscle du denier, comparativement i noire monnaie actuelle. Il n'y avait pas de monnaie d'or, et avec la livre de douie onces d'itrgenl, on fabriquai! soixante sols rojaux ; le sol se diviKail en douze deniers. D'ailleurs chaque souverain battait monnaie et en changeait à son gré la valeur. Au XIII* siècle, on trouvait en même temps en circulation dans la Basse-Champagne, comme le prouve un trésor qu'on a découvert il y a quelques années près de Bar-sur-Aube , la monnaie provinoise du comte ; celle du roi ; les deniers des évËques de Langres, de ChMons, de Heaux, et souvent aussi la monnaie de Bourgogne (I).

lit. Nul det hommet de la paro'iue de Ckaumonl ne payera Ion- lieu, ni autre cautame, de la hou rritore ; ni mênf. da revenu iju'il tirera de ton travail ou du travail de te» bêtes, quelle» qu'elles toieni, il ne rendra aucun minage ; il ne payera non plut aucun forage « du vin qu'il aura eu de tet v'tynes.

Ainsi voilà le Chaumontais affranchi de tout droit sur les denrées qu'il achète ou sur celles qu'il vend et qui sont le produit de son industrie. Le lonlicu est le droit de hallage ; le minage, le droit pour l'exposition des grains au marché, et le forage, le droit sur le vin vendu au tonneau.

IV. Quiconque aura ta jn-opriélé dont ta paroiite de Ckaumont, il n'en perdra rien, pour quelque forfait qae ce soit, à moint qit'il n'ait forfait contre moi ou contre quelqu'un de met kôlet.

C'est le droit de confiscation réduit au cas il y aurait forfait contre le seigneur ou contre ceux qui ont refu du lui le droit d'ha- bilation. Sous le régime féodal, chaque seigneur était Justicier sur ses terres, lu peine de la confiscation était prononcée très souvent et on devine facilement pourquoi. On punissait les enfants du crime de leur père.

F. Que nul, venant anx fitet on aux marckèt de Cliaumont ou t'en retournant, ne soit prit ni détounié de ion chemin iil n'a mé- fait le jour mt!me. Nul au jour de fmre ou au marché de Chau-

(I) ^0(0 nvln Mimoirt jur guejf u«l nonniiot champtnmlti du moytn-

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motif, ne prendra gage de «m pleige n la pleigerie n^a M faite am jour de foire ou de marché.

La irille était une sorte de lieu d*asile, les jours il y avait fSte ou marché ; il fallait le flagrant délit pour qu*une arrestation fût légale. Au moyen-âge on voyageait peu et les marchés des villes n^étaient fréquentés que par les paysans des villages voisins. L*aii- teur de la charte veut que ces paysans puissent venir à ChaumonI sans craindre d*y être arrêtés par les gens du flsc, ou pour des délits que le justicier trouvera toujours le moyen de juger. Nos mœurs actuelles ne comporteraient pas celte tolérance ; mais on voulait favoriser le commerce de la ville et Ton cherchait à donner de rimportance à ses foires et marchés en les entourant de toutes sortes de franchises.

VL Le forfait de soixante sols viendra à cinq sols et le forfait de cinq toU à douze deniers ; la clameur du privât à quatre deniers f et celui qui aura tort paijera ces quatre deniers. Que nul ne sorte de Chaumont pour aller plaider au comte.

La citation devant le prévôt et les frais du procès tombaient i h charge de la partie condamnée. Et quelles diminutions dans les amendes I On interprète la fin de cet article, de la défense de plaider avec le comte. Mais à cette époque déjà les rois, qui eommençaient à rétablir leur ancienne autorité, encourageaient les justiciables à appeler des jugements prononcés par les tribunsoz des seigneurs et ils créaient les grands bailliages.

VIL Nuh ni moi ni antre, nhnposera aux hommes de Is jNirotsse de Chaumonty ni taille, ni oblation. ni dtnnanJe.

Cest Texemption de la taille et des impôts qu'on a appelés plus tard, dons graïuiis^ bien qu'ils fussent exigés par le fisc. La fat/le était un impôt arbitraire que levaient les seigneurs dans leurs terres. La taille royale instituée par Saint-Louis ne fut d*abord que temporaire et volontaire ; mais elle devint un impôt obligatoire au XV* siècle. Le mot laillcj vient de Tusage étaient les collecteurs de marquer sur un petit morceau de bois, par un trait ou une taille^ ce que le contribuable avait payé. UobUuion était uii don qos

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l'homme était censé offrir à son seigneur. Im demande éleil l'of- Trande, le don que le sollicileur joignait à sa supplique.

VIU. Que mil ne vende vin à cri à Chaumant, exreplé le comte, fui peul vendrr. à cri ton propre v/n, en ton cellier, pcnéiai un ffiuif de l'année. J'aurai créance sur la vivres, à Cliaumtmt, pour mon lH:$oin et celui de la cumliue, à payer au tenne de quinze jourt ncrmupUi. Si quelquun aie gage du comic, il ne le gardera pa» au delà de huit juuri, «i ce n'eit de cimsenie-

II était dérendu de vendre du vin en détail, avec annonce publi- que. Le .seigneur se réservait ce droit. Il se donnait é);alement un délai de quinze jours pour payer la dépense de lable de s:i maison ; mais, pour les dettes de toute autre nature, s'il donnait gage ou caution, il ne pouvait exiger un délai plus long que huit jours, i moins que le créancier n'j consentit.

IX. Si de lun à l'autre on Mat cherché qaerelU, iani agiter te château ou le bourg, et que t'vn t'accorde, sant qu'il ij ail eu clameur faite au prcvôi, on neti pat amenduble, pour cela, envers moi ni envert mon prévôt. Si la clameur en a été faite il est permit de t'accorder tur le litige ; mait celui qui aura eu injure payera qua- tre den'iers. Si l'un a fait clameur de l'autre et qu'il n'y ait pas eu de taiitfaction à donner, il n'y a point d'amettde envers mai ni envers mon prévôt.

Dans les contestations entre particuliers, quand la tranquillité publique n'en arail pas été troublée et qu'il n'y avait pas eu assl- gnalion devant le prévdt, la justice n'avait rien â faire. S'il j avait assignation, il était néanmoins permis aux parties de s'arran- ger sur le fond ; mais celui qui s'était plaint devait payer quatre deniers au prévdt. Cne plainte mal fondée n'entraînait aucune amende. Dans ce dernier cas, sans doute, les frais de procédure retombaient à la chatte du plaignant.

X. Si quelqu'un doit faire un terment à qnelqu'autre, qu'il lui toit permit de le donner.

C'est-à-dire que si, dans une affaire, on s'en rapporte au s«f-

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ment de la partie adverse, il est permis au juge de procéder aiiisi. Celait un usage fort ancien ches les peuples de remettre la déci- sion de beaucoup de causes au serment, et saint Paul exhorte les chrétiens à vider toujours ainsi leurs différends ; mais on fit un tel abus de cet usage, au moyen-âge, qu*on fut obligé de le pro- hiber dans beaucoup de provinces ; c'est pourquoi le comte de Champagne croit devoir Tautoriser spécialement ici. Le plut souvent la partie jurait seule ; quelquefois elle était obligée de produire un certain nombre de témoins qui juraient avec elle. Si Ton opposait serment à serment, alors, d'ordinaire, on recouraii à la voie des armes, au duel, et Ton donnait les gaga de hauûUe.

XI. Si des hommes de Chaumoni ont donné Uméralremeni gttgeê de halaille et que^ du consentement du frévôt^ ils se soient aeeor^ dis avant que les pleigts aient été donnés^ qu*ils payni/, Pun et Vautre^ deux sols six deniers ; si les pleiges sont donnés^ qu'iU payent sept sols six tleniers» Si le champ de bataille a été faii d^hommes Ubres^ les pleiges du vaincu payeront cent et donsse êols.

Cette coutume barbare de juger les procès par Tépée, ne fui pratiquée que dans TOccident. On la croit d'origine Bourguignonne, car on n'en trouve pas de trace dans la législation avant la loi Garnie bette. Toutefois, pendant la conquête de la Gaule, par les bandes Germaniques, elles s'y naturalisa si bien qu'elle devint b tèijkd fondamentale du point d'honneur et qu'aujourd'hui encore elle est difficile à déraciner de nos mœurs.

Dès le IX* siècle, le duel judiciaire avait été condamné par le concile de Valence, et cependant au XIII*, le comte de Champagne est encore forcé de le laisser figurer dans ses codes ; mais on Toit que c'est malgré lui, car il appelle téméraire celui qui a donné les gages du combat et il impose de très fortes amendes dans tous les cas, même dans celui il y aurait eu arrangement avant que les pleiges ou cautions eussent été donnés. L'amende sera alors de cinq sols ; elle s'élèvera à sept sols six deniers si les cautions ont été données et, s'il y a eu combat, les cautions da vaincu payeront cent douae sols. Comme très souvent le droit succombait, on fità ce propos le quatrain suivant :

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C'est un proverbe et c Qu'en la coulutne de Lorris Quoi(|u'on ait juste demande Le bail» paye l'amende.

Louis IX essap d'abolir le duel judiciaire dans ses états et cepen- dant, sous son règne, nous voyons l'évëque de Langres en autori- ser un dans sa ville épiscopale. Quelquefois même les Justicia- bles donnaient des démentis aux juges et les appelaient en champ clos. Le roi voyant ses prohibitions méconnues, voulut , du moins, qu'on observM dans les combats des lois 1res rigoureuses et capables d'imprimer ta terreur et l'elTroi. Voict ce qui se pratiquait alors : L'accusé comparaissait deranl le juge et, après avoir entendu la plainte, il donnait à l'accusateur un démenti. Alors les gages étaient jetés aun pieds du juge qui les ramassait. Les deux champions, conduits immédiatement en prison, subis- saient plusieurs inlerrogatoires avec serments, puis on les renrer- mail chacun dans une bière; on récitait sur eux les prières des morts, comme s'ils n'en devaient pas revenir, et on les avertissait que le vaincu serait traîné hors de la hce par les pieds et pendu. S'ils persistaient, on recevait leurs cautions et ils pouvaient sortir de prison. Le jour du combat arrivé, si l'un des deui; cham- pions ne se présentait pas, ses cautions étaient responsables et subissaient la peine qu'il aurait endurée. C'était ordinairement la mort. Les combattants devaient se présenter devant le juge à midi, armés à la légère, et si le combat avait lieu entre vilains l'arme était le bUlon. Ils devaient avoir les cheveux coupés tout ronds, au-dessus des oreilles, et lorsqu'on les avait de nouveau interrogés et exhortés, ils entraient dans la lice que gardaient quatre chevaliers de leur choix. Après le cri du Seigneur, les deux cham- pions, se tenant par la main, s'agenouillaient et confessaient leur foi religieuse. Ensuite l'acciisé, répétant tout haut qu'il était inno- cent, t'accQsateur lui répliquait qu'il en avait menti. Ils juraient encore qu'ils n'usaient d'aucune sorcellerie; on leur distribuait les armes et le chevalier du camp les ayant séparés se retirait et criait : laissei-les aller ! L'accusé avait cet avantage que s'il n'était pas vaincu quand la première étoile apparaissait, il était réputé victo_ rieux. Le vaincu était ignominieusement traîné hors du cunp

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et pendu. Souvent le combat avait lieu par représentants ; des spadassins faisaient le métier de champions et se louaient fort cher. Ils subissaient, sans miséricorde, le sort féservé à leurs commettants. ^ Ils combatliiient surtout pour les femmes qui ac- ceptaient quelquefois aussi le duel judiciaire.

Philippe-Le-Bel fit de nouveaux règlements et se réserva d*anto- riser la bataille. Alors on recourut moins souvent à cet m/oit* lible moyen de reconnaître la vérité. Le dernier duel judiciaire ftat celui de la Chftleigneraie avec Jamac, autorisé par Henri II, en 1547. La ChUeigneraie fut tué d*un coup que lui porta par surprise son adversaire : c*est le coup de Jamac. Le roi fut tellement affligé do cette perte, qu*il jura solennellement de ne plus permettre de semblables combats.

XIL Nul homme de Chaumont ne fera corvée pour moi ni pour Milffy si ce n'est une fois l'an pour amener mon vin de Bar à Chaumoni ou d'un autre lieu, dans un raijon de huit lieues. Eneorm ceux-là le feront seuls qui auront chevaux et charrettes, qui em auront été prévenus et n auront point de procuration de moi.

On appelait cofvée tout ouvrage ou service à un seigneur, de corps , de charrois et de bétes. La corvée dérobait à Thomme son temps et son travail ; elle Tarrachait à sa famille pour Foccu- per au loin à des travaux quelquefois humiliants. Le corvéable de» vait se nourrir. Le plus souvent les corvées étaient à la volonlé du seigneur, c*est ce qu*on appelait corvées à merci. On voit qa*i Chaumont le nombre en était fixé et bien restreint. La procura- tion était la permission que le seigneur donnait à un homme de prendre du repos ; c'était Texemption des corvées.

XIIL Qhc nul de Chaumont ne soit retenu prisonnier , s'il peut donner pleifje de venir à droit

C'est pour l'accusé la liberté sous caution, Yhabeas corpus des Anglais. Nos voisins, qui nous ont emprunté ce di*oit, ont du moini su le conserver et le faire toujours respecter.

XIV. Chaque habitant de Chaumont peut vendre à son gré eea fropriétis et, lorsqu'il aura acqtùtté lu venU^ s'il vcul partir de la

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ville, il le pourra faire franc cl ijuilte, à mnini qu'il n'y ait mffail. La terre étant la propriété du seigneur Téodal, loulc mutation de propriété entre parliciiliers eniruinail le paiement d'un droit qu'on a appelé de tuiU el vcnie.i pour les terres de roture. C est Ae ce droit qu'il s'fli,'it ici. L'homme qui avait vendu ses biens était libre de quitter lii ville après avoir payé les droits de mutation, si l'on n'avait pas d'antres poursuites ù exercer contre lui. Cette libellé était la conséquence de l'affranchissement; mais les séria ne pouvaient pas quitter les terres de leur seigneur, à moins qu'ils ne fussent vendus ou échangés par lui. ils étaient attachés à la glèbe et fais.iisnt en quelque sorte partie du sol.

XV. Quiconque aura demeuré dnm la paroisse de Chaumnnt pen- dant an el jour, li mil ne le réclame et qu'il ne sf- soit pas oppose à la droiture de moi ou de mon prévôt, qu'il ij rctie dam la tuile franc et quitte, exrepié toutefois les kommet de Gérard d Eeol cl de tât hértiien qui ne leront pas retenus à Chniimont.

Ainâi un serf qui se rérugiait à Chaumont et pouvait s'y sous- traire à la recherche de son seigneur pendant un an et un jour, était, par cela même, s'il se soumettait aux coutumes et à la justice de la ville, domicilié et par conséquent alTranchi. L'exception qui concerne les hommes du seigneur d'Ecot est sans doute le résultat de conventions antérieures.

.^^(7. ShI de la paroisse de Chaumont ne plaidera contre quel- qu'un, si ce n'est pour poursuivre et rcceroir droiture.

De savants commentateurs, Ducange, Secousse et Paslorel n'ont pu découvrir le sens de cet article de la charte de Lorris. Nous hasarderons cependonl une explication : Nous pensons que le comte a voulu dire que nul ne serait admis à plaider que pour cause re- connue légitime ; il désirait empêcher les procès suscités uni- quement par les mauvaises passions. Celle disposition ouvrirait peut-être le champ à l'arbitraire ; mais elle serait de la plus haute moralité.

XVII. Le crieur ni le guet n'auront rien par coutume dans les noces de Cbaitmonl. Indépendamment des droits du seigneur, il y avait encore fort

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sootenl les droits que ses serviteurs s'arrogeaient. C'est à de sem blables abus que le comte remédie ici : il ne veut plus que le crieur public et rhomme du guet, Vesiagueiteur^ comme on disait alors, sans doute parce que cet homme habitait une estagette ou guérite dans la tour, prennent place, comme ils s'en étaient arrogés le droit, aux repas de noces. Certains seigneurs ont quelquefois poussé le droit de noçaga jusqu'à faire admettre leurs chiens à la tabla des mariés.

XVIIL Nul cultivateur de la paroisse de Chaumont^ qui cultive la terre avec la charrue, ne donnera par coutume plus de deux bichets de froment aux sergents de Chaumont. Ces bichets et les six denierê de cens ci-desms se payeront à la Saint-Remy. & un homme d'armée ou un sergent trouve les chevaux ou les autres bêtes des hommes de Chaumont dans un bois, il ne doit pas les mener ail^^ leurs quau prévôt de Chaumont. Si quelque bête, poursuivie par les taureaux ou excitée par les mouches^ était trouvée dans les prés ou dans les blés, celui à qui la bête appartiendra ne sera pas amen^ dable <*tl peut jurer qu^elle y est entrée malgré le gardien. Si quel" que bête a été trouvée de garde-fait , le propriétaire devra payer : pour un basuf, douze deniers; pour une vache et son veau, douxe deniers ; pour un cheval, douze deniers; pour un porc, quatre de* niers; pour un âne, quatre deniers; pour une brebis, un denier; pour une chèvre, un denier; et si plusieurs bêtes ensemble ont été trouvées, le propiiétaire payera autant pour chacune. La pargie des prés durera depuis le jour ou la garde aura été établie jusquià celui ton commencera à faucher. Le ban pour la pargie des blés dure depuis le jour ou la garde a été établie jusqu'au jour oii Von commence à moissonner.

Les sergents, hommes du seigneur, faisaient alors office d'agents de police, de gardes champêtres et d'huissiers. Les hommes d'armes sont nos gendarmes. -- La parité était l'interdiction du parcours. Cet article nous offre une nouvelle preuve du respect de nos pères pour le serment. Les gardes champêtres étaient payés en na- ture.— A Chaumont, la mesure la plus forte des grains était le muid qui contenait douze setiers ou émines ; au setier il y avait huil bichets, au bichet deux boisseaux et au boisseau trois picotins.

.Y/A*. Dam les foiiri de Chaumonl il n'y aura point de porteurt par couliime.

Les hommes du seigneur étaient obligés de faire cuire leur pain à son four, de faire moudre leurs grains à son moulin, et de pres- surer leurs raisins i son pressoir. Cette obligation, qu'on appelait bannaliié, n'existait pas à Chaiimont le four bannal était déjà supprimé au XiU' siècle. Le comte condamne ici un abus qui s'élail établi dans beaucoup de localités oïl certaines gens s'étaient arrogé le droit exclusif (le porter le pain en exigeant une rétribution.

XX. Les veilla ne KronI point à Chaumonl par coutume. Il s'agit du guet pour la garde du château : c'est l'exemption du service militaire.

A'A7. rfut de» bommei de la parniue de Chaumonl ne doil de tubiide nu prévôt de Chaumonl, ni au prévôt de Bar, ni an prévôt de Troyes, ni au préoôl de Laferté, ni à aucun lergent du comle.

C'est-à-dire que les habitants ne doivent aucune autre rétribution aux ofliciers que les droits de justice.

XXIÏ. Quiconque, au marché ou aux fohet de Chaumonl, aura acheté ou vendu quelque choie et aura par oubli retenu ton tonlieu, il pourra te payer après huit jour*, lanj amende, l'il peut jurer qu'il ne l'a pas retenu sciemment.

Ici encore le serment est reçu comme preuve et absout de toute culpabilité.

XXm. Nul homme de Chaumonl ayant maison ou vigne, pri ou champ, ou quelqu édifice sur terre autre que celle du comte, ne sera jutliciable envers celui de qui la terre sera, à moint qu'il ne loit poursuivi pour la garbe ou pour le cens, et alors il ne sor- tira point de Chaumonl pour être jugé par celui de qui sera la terre ou par son officier.

C'est une grande franchise et qui prouve, de la part du comte de Champagne, le désir d'amoindrir les droits et prérogatives des fiefs de rang inférieur. C'est l'époque la royauté commençait â battre en brèche l'édifice féodal; elle laissait les grands vassaux

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écraser les petitSi se réserrant de recueillir plus tard les firuits de la victoire.

XXIV. Si un homme de la paroisse de Chaumont est accusé de quelque méfait qu'on ne peut pas prouver par témoin^ il se discml» pera de Vaccusalion par un seul serment.

Quelle confiance dans la probité de rafiranchi I

XXV. EncorCj nul homme de la même paroisse^ quelque choÊC qu^il ait achetée ou vendue pendant la semaine ou au jour de marché ou au jour de foire y nen donnera coutume.

Exemption de toute espèce d'impôts sur les marcbandiseSy autres que ceux réglés par la charte.

Telles étaient les franchises des habitants de Chauxnont. Pour les crimes et les délits contre les personnes, ils restaient soumis au droit commun. On sera sans doute étonné de ne trouver dans la charte aucun article relatif à Fadministration communale proprement dite ; mais il faut se rappeler que la population était pea considérable et que la communauté venait de naître. Quels inté- rêts les communiers pouvaient-ils avoir alors à défendre ? Le principal pour eux était de faire respecter la charte constitutive de la commune : ils en confièrent la garde aux plus notables d*entre eux, qui devaient convoquer les autres en cas de nécessité, et ce fut tout. Plus tard, quand la ville aura pris plus d'importance et que les communiers compteront pour quelque chose dans Tétat, nous verrons les chaumontais organiser réellement une administration populaire.

Maintenant reprenons la suite de notre histoire.

CHAPITRE IV.

GHAUMOMT SOUS LES COMTES DE CHAMPAGNE.

(1187-1328.) I. Le château de Chaumont appartint au comte de Champagne

35 de 1187 à 1328; puis il fut réuni avec le comté au domaine de la Couronne.

Pendant cette période de plus d'un siècle, la ville grandit en im- portance, car à lu suite du prévôt et des officiers du comte était venue toute une population de légistes, d'hommes d'armes et d'arti- sans. La liberté donnant l'essor à la vie intellectuelle, on vil bientôt plusieurs cliaumontais occuper dans les villes de la Champagne les premières chaînes de ta magistrature et de iiautes dignités ec- clésiastiques. Il faut encore attribuer une grande part dans cette heureuse révolution à l'influence des savants religieux du Val-da- Ecoliert. Ce prieuré, chef d'ordre, et qui fut plus tard érigé en abbaye, avait été fondé dans les premières années du XIII* siècle, par Guillaume, Evrarii, RicbarJ et Manassès, docteurs de l'Univer- sité de Paris, que Guillaume de Joinville, évéque de Langres, se- conda de tout son pouvoir dans leur sainte entreprise (1).

n. L'accroissement de la population ayant alors rendu insuffisante pour le culte la chapelle du Donjon, les habitants se cotisèrent et l'on jeta les fondemeuls de l'église Saint-Jean-Baptiste qui existe encore. Elle se trouvait placée sous le patronage de Moléme, à cause du prieuré de Buxereuilks ; cependant l'abbé Girard en céda la collation, en 1212, à l'évêque diocésain, mais pour un temps seulement, car elle fit retour à l'abbaye dans le siècle sui- vant.

Le curé de Chaumont avait litre de doyen rural et souvent il était arcliidiacre. Thierry fut le premier titulaire en 1198; Renaul lui succéda, puis Pierre de Flavigny, homme de science et parent de l'évfque de Besançon, Nicolas de Flavigny. Le sceau de ce doyen représente un oiseau debout, aux longues pattes, aux ailes déployées, et dont le corps porte deux têtes séparées par une sorte de hampe qui se termine en fleur de lys ; l'oiseau est lui-même disposé de manière à représenter aussi, dans son ensemble, la fleur embléma- tique. La légende est : f. S. PETni. DëCahi. dk. Calvohokte. Un

I iUh V Annuaire teelêiiatiigvt el /iiitM-i'fuv i/u dtoeàn d*

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Simon de Chaumont possédait la cure en 1 300. Les curés n'avaient qu'une faible partie des dîmes du territoire qui étaient en la posses- sion des religieux de Clairvaux et du Val, par suite de la donation ou des ventes qui leur en avaient été faites par les anciens sei- gneurs. La grange dtmeresse appartenait à Clairvaux* Voici com- ment se faisait le partage : on prélevait, dans tous les champs, de treize gerbes l'une, et encore, sous le nom de rapport , une gerbe sur vingt-six, c'est-à-dire demi-dîme et, par conséquent, ensemble, la dîme et demie des récoltes. Toutes ces gerbes étaient conduites dans la grange des décimateurs, à Chaumont, les fermiers fid- salent procéder au battage. Le curé prenait sur le tout, comme portion congrue, quatre-vingt-seize bichets, froment et avoine par moitié, et, cette première part faite, il prélevait encore un bichet sur seize. Des quinze bichets restant, Clairvaux en prenait dix, le Val quatre et le prieur de Buxereuilles un. Les pailles se parla* geaient dans la même proportion. Le droit de dîme était donc sin- gulièrement détourné de son but: institué en faveur du clergé inférieur chargé d'administrer au peuple les secours spirituels, il avait été envahi par les moines.

in. Les Chaumontais fondèrent encore, à la même époque, une maladrerie et un hôpital. Les croisés avaient rapporté de l'Orient un fléau qui désola longtemps la France : c'est la lèpre. Cette hi- deuse maladie était devenue en peu de temps si commune, qa*(m la regardait comme une punition du ciel et que partout on s'em- pressait de construire, pour ceux qui en étaient atteints, des mai- sons de refuge, un décret ,du concile de Latran leur permettait d'avoir une chapelle particulière et un cimetière. La maladiëre ou Léproserie de Chaumont était construite près de la Blame, noa loin de l'église Saint-Âgnan. Des titres en font mention dès l'an 1249. Elle consistait en une grande cour, entourée de murailles^ dans laquelle se trouvait la maison des Bons-Malades et sa cha- pelle, avec un corps de logis demeurait le fermier qui cultivait les terres de l'œuvre. L'hôpital ou Maison-Dieu^ construit an bourg sur le chemin de Langres, était toujours ouvert aux pauvres et aux voyageurs. Une inscription placée au-dessus de la porte de cet établissement, rappelait que maître Guillaume de Chaumont,

37 - chantre et chanoine ù ChAlons, avait eu une ^ande part à sa fon- dation ; l'évoque n'y avait conservé que le droit de visite et de correction et, par une charte de 1335, le comte de Champagne l'avait affranchi de tout droit d'umorlîssemeDl. Celait Thibaut IV le Posthume.

ÏV. Henri U (1181-H97), l'auteur de la première charte élait resté en Asie ; il avait été fait roi de Jérusalem et il était mort à Tyr, en tombant d'une Tenâlre de son palais. Son frère, Thibaut M, avait alors usurpé le comté de Cliampagne (1197-1201); mais il élait bient()l mort, laissant Blanche dcNavarre, enceinte de TamiUT IV (1301-1253). La régenle avait eu beaucoup de peine â con- server à son fils l'héritage paternel que lui disputait Erard de Brienne, au nom de Philippine, sa femme, issue de l'alliance adul- térine de Henri II avec Isabelle, épouse légitime do Honfroy de Toron.

Thibaut-le-Posthume, qu'on a surnommé l'aimable troubadour, est célèbre par ses chansons, par son amour pour la reine Blanche, dont on le soupçonne d'avoir fait empoisonner l'époux, et plus encore par sa politique capricieuse qui a souvent attiré sur la pro- vince les malheurs de la guerre. Après avoir suivi le roi dans la croisade contre les Albigeois, Thibaut l'abandonna et il se mit hien- tât à la tête de la ligue des grands vassaux qui voulaient s'opposer au sacre de Louis IX ; mais la Dame de tes pentéet le rappela à son devoir en brûlant quelques-uns des châteaux de Champagne, et le troubadour amoureux lit hommage au roi de tout ce qu'il possé- dait. Les alliés de Thibaut, indignés de cette défection, se jetèrent aussildl sur son comté qu'ils ravagèrent, et ils en auraient pris la capitale, si l'armée royale n'était venue la secourir. Les rebelles poursuivis jusqu'à Langres y furent dispersés. Le Bassigny, en- vahi par le duc de Bourgogne, souffrit beaucoup de celte prise d'ar- mes ; mais Chaumonl résista à l'ennemi. La muraille du châ- teau venait d'être relevée, el le comte l'avait l'orlifiée de tours nou- velles du côté du Bourg : deux entre les vieilles portes, qu'on ap- pelait déjà la Porte Arse et Ii; Barte, et quatre depuis celle der- nière porte jusqu'à l'escarpement au dessus de l'étang. Une porte nouvelle, la Porte aux Clera, avait été conslruile sur ce point et

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Ton avait ouTert une poterne, à rexlrémité de la rue de la Crète, pour descendre vers Tétang.

Cependant Thibaut prit part à une seconde révolte en f 221 ; mais ce fut pour trahir de nouveau ses aUiés qui, pour la seconde fois, lui déclarèrent la guerre. Heureusement le roi vint encore à son secours. C'est l'époque ou Jobert de Chaumont fut définitive- ment dépossédé et sans doute il avait pris le parti des grands con- tre le comte son suzerain, qui savait bien profiter de la démence royale, mais non pas l'imiter. L'inconstant Thibaut se révolta encore, et comme il ne rentrait jamais en grftce sans faire quelques concessions, sans perdre quelques portions de ses domaines, il comprit enfin qu'on ne gagnait rien à jouer le rôle de traître. D'ailleurs il venait d'hériter d'un royaume. Lorsqu'il eût pris possession du trône de Navarre en 1234, il revint en Champagne et chercha à y réparer ses pertes en s'agrandissant du côté du Bassigny.

V. n y eut entente parfaite entre le comte de Champagne et révêque de Langres pour abattre la puissance des petits barons de ce pays, et on n'éprouva de résistance sérieuse que de la part de Renier ni, de Nogent. Renier qui avait, comme Jobert son allié, &it acte de félonie contre Thibaut, était depuis longtemps en désac- cord avec l'évéque; déjà plusieurs transactions étaient intervenues; mais ils n'avaient pu s'entendre sur certaines prétentions féodales. Récemment, à propos d'une tour bâtie à Nogent sur un terrain appartenant au chapitre de Langres, il y avait eu conflit, lutte même i force ouverte, et l'évéque pris pour arbitre avait donné tort a Renier. Plus que jamais on était loin de s'entendre quand Thibaut, de concert avec l'évéque, vint sommer le châtelain de Nogent de reconnaître le comte de Champagne comme seigneur dominant. C'était en 1234. Renier refusa et Thibaut mit le siège devant le château. Cette vieille forteresse, bâtie sur un roc escarpé, avec de fortes tours, de bonnes murailles entourées d*un triple fossé, était, après Chaumont, la place la plus importante du Bassigny. Renier résista pendant près d'un an ; mais enfin, ses provisions étant épuisées, if fut contraint de céder et d'accepter, en échange de sa châtellenie, la baronie de Chappelaines près de Troyes. Dès

lors il n'y eut plus de résislaiice dans le pays contre les enfahisse- inenls du uomle. Quaire ans après, Thibaut fil acquisition de Mon- (igny el il le rorliOa, du consenlement de l'ùvéque, qu'il promit solenDellement de prol%er et à qui il renouvela, en 4339, par une charte, l'hommage qu'il avait rendu à Troyes lorsqu'il était encore enrant. Le comte reconnaît par cet acte qu'il tient en fier, du prélat, les comtés de Dar-sur-Seine et de Bar-sur-Aube, les seigneuries de Lafcrté-sur-Aube, de Chaumont, de Nogent, de Montigny et la garde de Uoléme avec tout ce qui en dépend. Depuis celle époque on dit Nogent-le-Roi, Monligny-le-Roi : c'était une flatterie à l'a- dresse du roi de Navarre le nouveau seigneur.

VI. Tm&Arr V, dit le Jeune, qui succéda à son père sous la tu- telle de Marguerite de Bourbon, sa mère (1253-1270), réunit encore à son comté deux fiefs importants du Bassigny, Vicq et Coiffy. Il fortifia CoifTy. malgré l'opposition de Jean de Choiseul, qui céda enfin aux instances de l'évéque. Thibaut était à Chaumont en 1208 et il y bailla et aulmoina à la Léproserie les droits de vente et d'étalage de la loire de Pâques, avec les langues des grosses bStes qu'on tuerait dans ta ville. Il venait rendre hommage à l'évâque de Langres, Gui de Genève. Ce devoir féodal fut accompli sur le bord de la Marne, à une lieue delà ville, en présence d'une foule immense accourue de tous les points de la province. Voici le récit de l'ahhé MatLieu(l}: « L'hommage fut rendu cettefois en rase campagne, dans b vallée entre Luzy et le Val-des-Ecoliers, contrée dite des Esiaux. Le prélat en grand appareil était environné de plu- sieurs de ses archidiacres et chanoines, des seigneurs de Grancey, de Saulx, de Conflans, de Fouvent, de Moutsaujon, de Talmey, de Tréchâteau, de Coublanc, de Ventoux, de Sacquenay, d'Arbol, de Dlaigny et de beaucoup d'autres. Le prince avait â ses côtés Eus- laclie son maréchal, son sénéchal Jean de JoinviUe, historien de la vie de Saint-Louis, et le nombreux cortège de toute sa cour. Il s'a- vance la tête nue et rend hommage â genoux aux pieds de l'évéque, en s'avouant son vassal... Après le roi de Navarre, les seigneurs

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qui étaient de la suite du prélat le reconnaissent aussi pour leur suzerain. » D y eut à cette occasion de grandes fêtes à Chaumont et les personnages qui assistaient à cette solennité féodale ne partirent qu'après avoir visité le prieuré du Val-des-Ecoliers, qu'on venait de reconstruire près de la rivière. L'ancien édifice qui était au fond de la vallée , avait été détruit, trente-quatre ans auparavant , par une inondation si subite que plusieurs religieux avaient péri sous les décombres ou dans les flots.

Vn. Thibaut-le-Jeune fit cet hommage solennel avant de partir pour la dernière croisade. En revenant de c^tte malheureuse expédition, il mourut en route. Il avait épousé Isabelle de France dont il n'eut point d'enfants. Son frère Henri III, régna quatre ans (1270-1274).

C'est sur ses plaintes réitérées que le pape Grégoire IX adressa des remontrances sévères à tout le clergé de Champagne. Il paraît que les clercs mariés de cette province se mêlaient de commerce pour plaire à leurs femmes et les entretenir ; alors ils mettaient bas l'habit clérical ; mais quand on voulait les poursuivre, dans les afGûres commerciales ou pour le paiement des droits, ils réclamaient les privilèges ecclésiastiques et il était impossible de les atteindre (1).

jEANNEy fille unique de Henri de Champagne, lui succéda sous la tutelle de Blanche d'Artois, sa mère, et, en 1284, eUe épousa le fils aine du roi de France, qui monta sur le tr6ne Tannée suivante, sous le nom de Philippe-le-Bel. Edmond d'Angleterre, second mari de Blanche d'Artois, porta le titre de comte de Champagne, jusqu'au mariage de Jeanne ; c'est en cette qualité qu'il ordonna au bailli de Chaumont de veiller à la conservation des biens de Clairvaux.

Vni. Le moment est venu de parler du bailliage de Chaumont, institution à laquelle la ville a dû, dans les siècles suivants, toute son importance et dont l'origine remonte à l'époque le comte, après l'expulsion de Jobert , a£Dranchit définitivement les habitants.

Le droit de justice était pour les rois IfL conséquence de la souveraineté. Lors du démembrement de cette souveraineté par la

(4) UtiirH 4o 50 jnUit 4372. Àrehivss natUmaUs.

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féodalité, il s'était donc établi autaat de justices particuUâres qu'il y avait de sei^eiirs, et les hauts barons s'étaient encore attribué le droit de rendre la justice à leurs vassaux. Mais, depuis l'avènement des Capétiens, la Royauté s'efforçait, en même temps qu'elle rétablissait pièce â pièce son ancien domaine, de ruiner les justices seigneuriales. Les lettres de sauvegarde avaient porté le premier coup. L'anarchie venant en aide aui rois, ces lettres avaient bientàt acquis plus de valeur : il suffisait qu'un homme à qui on intentait un procès déclarât qu'il était joui (n garde du Roi, pour que les juges royaux Tussent saisis de l'affaire, jusqu'à ce que les juges naturels eussent prouvé la l'ausseté de celte allégation. L'usage s'était ensuite établi que tout homme ajourné au tribunal du roi devait y comparaiire, bien qu'il n'en fût pas justiciable. Enlin, la Royauté était devenue assez puissante, au XII' siècle, pour faire reconnaître par les seigneurs son droit de faire juger toutes les causes sur appel. C'est pour faciliter ces appels que Philippe-Auguste créa tes ballhs, dont la juridiction fut étendue par Saint-Louis des domaines du roi â tout le royaume. Les grands vassaux ne manquèrent pas d'imiter les rois et, pour ruiner aussi les justices de leurs arrière-vassaux, ils créèrent à leur tour des bailliages dans leurs domaines. Trois grands bailliages furent institués en Champagne, â Troyes, â ChaumonI et à Vitry,

Les baillis étaient ainsi appelés parce qu'ils avaient, pour aÎDsi dire, le bail, la garde et la tutelle des peuples. Ils eurent d'abord pouvoir, eu même temps, sur la justice, sur les armes et sur les finances ; mais comme ils furent bientôt surchargés, on leur retira l'administration fmancière et une partie du commandement militaire. D'ordinaire on ne les laissait pas plus de trois années consécutives sur le même siège; il était rare qu'ils fussent envoyés dans le tieu de leur naissance (1). Le premier bailli de Cbaumont fut Etienne (iHB) à qui succéda Guillaume de Hauuatj. Sous Thi- baut V, la première magistrature du hailUage fut alternativement occupée par Vicnoi de ^'ogiiiî et par Pierre, dit Gaste-Avoitie. Le sceau de Vienol, dont nous avons une empreinte en cire verte (1260), représente un château fort, carré, surmonté de trois tours

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également carrées, crénelées et percées à jour. La tour du milieu, plus élevée que les autres, est cantonnée à droite d'un croissant et à gauche d'une étoile. Les comtes de Champagne avaient adopté ces deux emblèmes depuis les croisades. Sur le bas de la muraille du château fort se trouve Técu aux armes de Champagne. Ce sceau a pour légende : f . S. Vieneti. bal. de. Calvomote. Le sceau de Milo de Breuilj bailli en 1370, est plus petit et ne représente que Técusson aux armes de Champagne avec cette légende : f S. Mile. dou. Bruul. Bailli, de. Chaumont. U a un contre-sceau aux mêmes armes, mais moins grand de moitié ; on y lit : f Ctres-Baillivi. d'. C'lvom'te. Depuis la réunion de la Champagne à la France, les baillis de Chaumont n'ont plus eu que le sceau aux armes de France. D'après le compte-rendu à Philippe- Auguste en 1285, les baillis avaient cent trente-cinq livres douze deniers par an. Voici la formule du serment qu'ils devaient prêter en entrant en fonctions : t Premièrement que vous servirez le Roy bien et loyalement et garderez son secret et son droit partout la ou vous le serez. Item, que vous ferez bon droit et hâtif à tous ceux qui auront â faire devant vous pour cause de votre ofiSce, tant au foible comme au fort, tant au pauvre comme au riche, sans acception de personne quelle quelle soit. Item, que de nulle per- sonne de votre baillie ne d'autre quelle quelle soit qui ait cause devant vous, vous ne prendrez don ne présent de vin en tonnel, des bêtes entières, comme buef ou porc ne viande ou viandes en autre manière, fort que pour la souffisance de la journée, ne or ne argent, ne joyaux ne autres choses qui puissent ou doient tourner à mauvaise convoitise. Ainsy le jurez vous, bailly. Ainsy ne vous aifit Diex et ces saintes évangiles. >

Les baillis tenaient des assises dans les principales localités du ressort. Les seigneurs champenois s'éiant plaint à Philippe-le-Bel que ces magistrats ne laissaient personne pour les remplacer pen- dant leur absence du chef-lieu, il fut réglé aux grands jours de Troyes que les baillis se feraient toujours remplacer. C'était l'époque les cas royaux annihilaient les justices particulières, eiy comme on avait eu soin de ne pas clairement les définir, ces mêmes seigneurs firent prier le roi de vouloir bien s'expliquer â ce suget. On leur répondit qu'on appelait ainsi tout te qui, par la

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coutume on par le droit, peut et doit appartenir exclusivement à un prince souverain. > Cette réponse n'expliquait rien ; mais les barons durent s'en contenter. Ils s'étaient encore plaints de la nou- velle ordonnance qui leur dërendait les guerres privées ; sur ce point le roi fut très facile : il leur permit de guerroyer comme par le passé. Celle licence ne pouvait que nuire encore à la puis- sance féodale.

I\. Lors de l'avènement au trône de Philippe-le-6el, le ressort du bailliage de Chaumont comprenait six cent quarante paroisses dont sept villes : Bar-sur-Auhe, Joinville, Itourbonne, Châteauvil- lain, Vignory, Vassy et Vaucouleurs. De la tour du Donjon rele- vaient plus de dix-sept cents iiefs dont près de trois cents étaient des seigneuries considérables.

Le voisinage de la Lorraine et de la Bourgogne faisait souvent confier aux baillis de Chaumont des missions politiques fort impor- tantes : ainsi, en 1389, te duc de Lorraine ayant exercé plusieurs violences, par lui et par ses gens, contre les officiers du roi sei- gneur de Champagne, on en Ht plainte en la cour des grands jours de cette année et c ladite cour enjoignit au bailly de Chaumont d'al- ler ou de députer une personne suffisante au duc de Lorraine pour lui ordonner, de la part du roi, d'amender en la main dudit hailly, comme représentant le roi pour sa terre de Champagne, les vio- lences et désobéissances, et que si le duc refusait de le faire, le bailly allât avec main-forte s'emparer de tout ce qu'il pourrait trou- ver appartenant au duc, enlevât ceux qui avaient fait les injures à son nom et tirât une si prompte vengeance destlils méfaits que l'honneur dn roi fût par maintenu (1). s Guillaume de BangeH était bailli. On s'accoutumait dès lors à regarder Chaumont comme la capitale du pays ; on venait demander aux représentants du roi justice et protection, et la plupart des communautés reli- gieuses des environs avaient des maisons de refuge au chàleau. Lorsque, à quelque temps de là, le village de Sainl-Urhain fut ruiné, le seigneur de Rochelaillée, l'un des avoués ou prolecteurs de l'abbaye, vint à Chaumont, en l'hôtel du roi, mettre la châsse

(I) DroH*]. Viagt général du fieft.

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de saint Urbain sous la proleclion des gens de justice et des bour- geois ; les habitants acceptèrent le précieun dépôt et promirent, par acte aulhentique, de le restituer quand l'ordre serait rétabli à Saint- Urbain.

X. Ëii 1297, le comte de Bar, qui était en contestation avec Jeanne de Champagne, vint assiéf^er le bourg d'Andelol. Il le prit d'assaut, le livra au pillage et l'incendia avant que le bailli Pierre de Boucli de Manincourt ail eu le temps de réunir les forces né- cessaires pour repousser l'ennemi. Les fortifications d'Ândelot n'ont pas élé relevées depuis. Alors, pour prévenir de sem- blables surprises, on fortifia le bourg de Chaumont. Tous les habi- tants de la cliâLellenie furent appelés, ceux mêmes qui étaient francs de gardes et de charrois. Les paysans de Choignes voulurent résister ; mais ils furent condamnés sans préjudice luuiefoh et v& la tiéceiûté, de faire vingt toises de murs en la nouvelle fermeté. Ce nouveau mur d'enceinte renfermait tout ce qui avait été bâti au dehors sous la muraille du' château; il était fait de simples pierres sèches, sans mortier, et ouvert pour le passage des chemins qui aboutissaient à tous les villages voisins; ainsi il y avait les portes de Buiereuilles, de Reclancourt, de Choignes, de Chamarandes, de Broltes, de Villiers ; la dernière, qui louchait presque à la porte Arte du château, était la porte de l'Eau, ainsi appelée parce que les eaui de la ville descendent par dons la vallée de la Suize.

\1. Jeanne et Philippe-le-Bel avaient confirmé les franchises de Chaumont en 1292. Sept ans auparavant, un arrêt du parlement avait interprété la charte de manière à forcer les habitants, et tous ceux des villes régies par la coutume de Lorris, à contribuer aux subsides réclamés par le roi pour la guerre (1). Du reste, il n'y avait eu aucun changement, bien que les ofliciers du bailliage se fussent souvent plaints d'usurpation sur les droits réservés par le seigneur. Jeanne mourut en 1305, et la Champagne échut k son fils aine qui monta sur le trône neuf ans après sous le nom de toiiij-/e-flu(in. Ce prioce étant mort en 1316, sa fiUe Jeawmb de-

BMinsi. )S43. Tome 3.

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Yah loi saccéto dans le comté; mais les rois n'avaient pas cessé de posséder la Champagne depois 1284, et c'était une province trop importante, surtout à cause de sa position géographi(iuey pour la détacher du domaine de la Couronne. PKlippe^le-Long et CkarUê* le^Bely second et troisième fib de Philippe-le-Bel, la conservèrent, par suite d'un traité consenti en 1325, par Eudes de Bourgogne au nom de Jeanne, et ratifié par Philippe d'Evreux, mari de cette princesse; mais en 1328, à l'avènement de Philippe de ValoU, Jeanne réclama ses droits. Le roi traita alors directement avec elle. Ce dernier traité, qui ne fut signé, suivant Henault, qu'en 1336, doit être considéré comme l'acte de la réunion définitive de la Champagne et, par conséquent, du domaine de Chaumont à la Couronne, bien que le roi Jean ait cru devoir proclamer plus tard solennellement cette réunion.

Philippe de Valois envoya aussitôt dans la province Jean de Bour- bon et le chevalier Jean de Dinteville pour la rêformation du pays. Ces commissaires firent rapport que les plaintes déposées par les ofiSciers du bailliage contre la ville de Chaumont avaient quelque fondement; que les habitants avaient en effet abusé de leurs privi- lèges sur plusieurs points, notamment pour le cens; pour les droits de tonlieu, minage, forage et de ban-vin; sur les poids et mesures, qui devaient appartenir au roi bien que la charte n'en flt pas men- tion ; enfin qu'ils avaient usurpé sur les fortifications du château. Le roi, sur ce rapport, chargea le sire de Joinville, sénéchal de Champagne, de s'entendre avec les habitants pour la réforme de tous ces abus et les contestations furent ainsi réglées :

Les habitants feront esiouper toutes les fenêtres et archières qu'ils ont ouvertes sur les murailles, à la hauteur d'une lance ; celles qui sont plus hautes seront fermées par un treillis de fer. Du reste, les habitants pourront user des murailles comme d'ancienneté ; mais, en cas de guerre, le roi pourra faire abattre tout ce qu'il croira gêner la défense de la place.

f* L'affranchissement de tout droit de tonlieu, minage et forage est confirmé.

3^ Le cens des maisons est non-seulement par le proprié- taire, mais aussi par chaque chef d'hôtel. Toutefois il ne sera iait aucune recherche pour le passé.

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Le droit de ban-fin est sapprimé : diaqoe habitaiit pmmn frire crier et vendre son tin quand il loi plaira.

5^ Les habitants ont la franchise des poids et mesores. Ghaeim d'eox peot avoir son poids et sa mesure en son h6tely sans riea payer, pourvu que ce soit le poids juste et loyal, ce dont le roi ae réserve la vérification.

Ces articles sont consignés dans la charte de confirmation des I^viléges de la ville, scellée au mois de janvier 1338. C'est un non- veau pas de frit dans la voie de la liberté.

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Qepnis la rènnioa de la ville de Gbanmont an domaine de la Couronne, juqn'au gnenes de leliston (13S8-1562).

PEPIDJJir LA LUTTE CONTRE LES ANGLAIS (1328 1461).

I. < Nous entrons, dit Qossuet, dans les temps les plus périlleux de la monarchie, la France pensa être renversée par les A qu'elle avait, jusque-là, presque toujours battus. Nous allons les voir forcer nos places, nivager et envahir nos provinces. » Mais ce n'est pas seulement l'invasion des Anglais qui a mis la patrie en danger ; c'est surtout la révolte des grands vassaux dont plusieurs n'ont pas eu honte de l'aire alliance avec l'étranger, dans l'intérêt d'une puissance qu'ils voyaient leur échapper. A qui la France dût-elle son salut? Au peuple. Depuis la révolution commu- nale, il compte pour quelque chose dans l'Etat, et sa puissance va grandir jusqu'à l'Époque oïl il portera lui-même ombrage à la Itoyauté.

II. Le baillage de Chaumont avait été divisé en treize prévAlés royales : La prévôté de Chaumont avec lu ville de Châteauviliain et les bourgs de Vignory, Bricnne, Piney et Ramerupt. La pré- vale de Bar-sur-Âube, dans laquelle se trouvait l'Ulustre abbaye de Clairvaux. La prévale de Vassy, avec la ville de Joinville. Lu prévdté d'Andelot, dont on a bientôt distiait la châtellenie de Gondrecourt. Les prévôtés de Vaucouleurs, de Grand, du Val-

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de-Rognon, de Nogent, d'Essoyes, de Montigny, de Coifl^^ de Pas- savant et de Bourbonne. Les paroisses de Serqueux, Bourdon, Lavilleneuve-en-Angoulancourt et Lavilleneuve-au-Roi étaient éri- gées en mairies royales. EnQn, le ressort comprenait encore les châtellenies de Soulaines et de Laferté-sur-Aube; celle de Rosnay qui allait en être distraite et le duché de Beaufort. D'a- près une enquête faite alors en Champagne, le revenu du domaine du roi à Chaumont, non compris la forteresse et le produit de la prévoie, s*élevait à trois cent quatre-vingt dix livres dix-sept sols, sept deniers. La valeur des domaines tenus en Gefs du roi dans les prévôtés, à trois mille six cent vingt-huit livres six sols; celle des arrière-fiefs, à dix-neuf cent quatre-vingt-seize livres dix sols. Pour les gens de main-morte, la valeur de leurs domaines mis sons la garde du roi s'élevait à deux mille quatre cent soixante-huit livres seize sous, non compris les gardes que le sire de Yignory tenait en fief et qui s'élevaient à cinq cent dix livres.

ni. Nous savons déjà combien était importante la charge de bailli. D ne suffisait plus alors que le tituhire fût simplement gen- tilhomme, il devait être encore lettré^ aussi voyons-nous, en ISSS, messire Godemar de Fays^ baiUi de Chaumont et de Vitry, forcé par la chambre des comptes à donner sa démission pour ineapoeUé c car, dit l'arrêt, comment qu'il soit bon homme d'armes, il n'a pas accoutumé à tenir plaits et assise (i). > Il remit les sceaux en pleine chambre et maître Pierre fut chargé par le roi d'admi- nistrer les deux bailliages. Messire de Pays était cependant un guer- rier de distinction que le roi employa fort souvent dans la suite contre les Anglais ; mais alors déjà les fonctions de bailli consistaient moins dans le commandement militaire que dans l'interprétation des lois et la politique. En 1337, l'évèque de Toul, Thomas de Bouriemont, fut accusé d'avoir fait mettre le feu à un village qu'il prétendait être du domaine de son église; sur l'ordre du roi, le bailli alla arrêter le prélat au château de Seraumont-sur-Meuse el le renferma dans la prison de Chaumont d'où il ne sortit qu'en pro- mettant une somme de douze cents livres et après avoir donné eau-

(4) Pisq«i«r. Le$ M§eherth€9 de la France.

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tion (1)- Qnatre ans après, le même bailli dul arrêter, et faire con- duire au Châlelel de Paris, plusieurs ni)bles des pnys voisins (jiii s'éuienl jelès, à mnin armée, sur les domaines du chapitre de Langres, y avaient fail des m^i-riei jusqu'à la somme de quarante mille livres et tué plus de soixante paysans (2). Ces missions délicates exigeaient plus d'habileté et de prudence que de connais- sances militaires. Les baillis étalent aussi devenus des instru- ments politiques-, ils devaient tendre, par tous les moyens pos- sibles, au développement de l'autorité royale, et nous voyons le bailli de Chaumont tenter des empiétements sur les droits de l'évË* que de Langres. Publiquement on le blâme, parce qu'il n'a pas réussi ; mais tout bas on le remercie de son zèle.

iV. A l'époque commence la guerre contre les Anglais, la peste sévissait en Champagne. Le bailliage de Chaumont fut telle- ment décimé par le (léau que le seigneur de Vignory se vit con- traint de publier la charte des turvenus, c'est-à-dire d'accorder des hbertés à ceux qui viendraient repeupler ses domaines.

Comme les circonstances du moment ont souvent beaucoup d'in- fluence sur les actions des hommes, on venait de nommer à l'évfi- ché de Langres un prélat guerrier, Guillaume de Poitiers, neveu de cet autre évéque Louis de Poitiers qui, vingt-huit ans aupara- vant, avait été condamné à faire amende honorable pour avoir sac- cagé les maisons des chanoines dans sa ville épiscopale. Tandis que la ville de Chaumont envoyait à Compiégne le plut grand noin- bre de chtvaur et d'hummct, tout couverU de mailU, qu'elle pou- vait, pour marcher en arriére-ban contre le roi d'Angleterre (1353); tandis qu'elle formait une compagnie d'arbalestriers, sa première milice boui^eoise, et qu'avec l'argent des impôts que te roi lui per- mettait de lever, pour la première fois, elle défendait les murailles du Bourg par un large fossé, Langres se laissait surprendre par une troupe armée qitï se jetait dans ses murs en poussant le cri maudit : Angleterre! Anglrterre! Ville gagnée! Les habitants, revenus bientôt d'un premier moment de terreur, prirent les armes et re- poussèrent l'ennemi ; mais l'évéque fut accusé de complicité avec

(i) Biiloirt Lorraine, pir Dam CalmM, [3] Antina i* Il Buite-M4rM.

-so- ie chef de la bande et il eut beaucoup de peine à se faire absoudra par le Parlement.

V. Les Angbis victorieux à Créry s'étaient emparés de Cahis. La bataille de Poitiers (1336) vint mettre le comble au malheur public.

Pendant la captivité du roi, Tanarchie régna dans les provinces. C*est alors que les paysans se révoltèrent et organisèrent la Jacquirit contre les châteaux. Les liisloriens de rarislocralie ont rejeté tout le mal sur le peuple ; mais le paysan Jacques Bmhnmmr, comme on rappelait par dérision, devait-il se laisser pourchasser par les nobles, battre et piller à merci ? Les grands, au lieu de songer à sauver FEtat, se faisaient la guerre; ils dévastaient les campagnes; le gouvernement était sans force pour réprimer leurs eicès, et les paysans n'ont pris les armes que pour se défendre. Sans doute ils n'ont pas su se borner à une légitime défense ; mais leur barbarie, qui n'est pas du reste plus grande que celle des bandes titrées, fut le résultat de leur misère, de leur déses^ir et surtout de l'ignorance.

Si le bailliage de Chaumnnt échappa aux excès de la Jacquerie , il eut cependant aussi ses nobles brigands. Ce fut d'abord un aventurier lorrain, Brocard de Fenesirange. Ce gentilhomme qui avait aidé le roi è chasser les Anglais et les Navarrois des forteresses de Champagne, s'était ensuite constitué chef de parti dans la province, et il y fit plus de mal que l'ennemi qu'il en avait chassé. Arrêté par le sire de Joinville et renfermé dans le château de cette ville, il y mit le feu et s'échappa pour reprendre ses courses (1359). Dans le mftoie temps , Thibaut , comte de Chauflbur en Bassigny , pillait les environs de Chaumont : il brûla le château de Luzy , démolit l'église et incendia une partie du village. L'abbaye de Glairvaux ftit dévastée par les seigneurs des environs ; les religieux prirent la fuite et se retirèrent pour la plupart à Chaumont. Cette ville, grâce à ses fortifications, fut à l'abri du pillage ; mais l'anarchie était si grande alors qu'il n'<^tait pas possible au baiili, Jean de ' Cintrev, de faire respecter Tautorité du roi hors des portes; les faubourgs mêmes étaient souvent pillés.

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VI. Le Irailé <te Breligny. qui suivit l'invasion de la Champagne par les Anj^ais (13:'>0), semblait devoir, en ren>lanl la liberté au roi, rétablir l'ordre; mais le pays fui alors exposé aux courses des gens d'armes que h paix laissait sans emploi et qui, pour vivre, continuèrent la guerre en partisans. C'étaient les Tunl- Venus , les Routieri, les Ei'nrchenrs, les Grandi!s-C<iinpa<inie$. Ces bandes étaient commandées par des gentilshommes.

Chevaliers, escuyers, yavoit, ce dit-on,

Qui di France rxilkr (di^pouiller) avoient fait dévotion,

Et il n'y demeuroil bœuf, vache ne mouton,

Ne pain, ne char ne oye, ne chapon;

Tout pillarl, meurtrier, twileux et larron

Ëloient en l.t ruuie (compagnie) dont je fois mention.

Les environs de Chaumont furent dévastés par les Tard-Venus. La bande de ces brigands, ijue commandait lesuigneurde Neufcbâleau, saccagea Andelot. L'abbaye de Poulangy fut piléc, et les seigneurs des liefs voisins profilèrent de sa ruine pour s'approprier les biens de la communauté, que le Pape eut beaucoup de peine à faire res- tituer plus tard. Un noble chevalier prit le château de Vignory (1363) il resta avec ses gens pendant près de deux ans. C'est alors que fut détruit le petit village de Bunmarchaii, bâti sous les murs de Chaumont, en face de Reclancourl, sur la hauteur qui domine ce hameau. Comint! \.i chapell'^ élaît une succursale de la paroisse de Chaumont et <pie te=~ hubitanls (taient inhumée dans In dmetii-re du Reclancourl, l'évèquc ordonna de conserver h cloche et les vases sucrés dans l'église Sainl-.Vgtiuii jusqu'au jour les habitants pourraient reLOiisIruiru leurs maisons (I). Uuu- marchais ne s'est jam lis relevé de ses ramfs et aujourd'hui on ne s.iit plus etaclemenl il était siliié.

Les villes étaient en déllance à l'égard des plus grands seigneurs, mi^nie envers ceux qui servaient sous la même bannière qu'elles. Quand le duc de Bourgogne vint .iu secours de la Champagne, U ville de Langres lui ferma ses portes et ne voulut le recevoir qu'avec cinquante cavahcrs seulement. Les habilants lui repré- sentèrent ( que comme ils avoient plusieurs tnalveillanls et en-

(IJ AnhifHdaU •Ilk.

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nemis, lesqueb ont souventes Tois, au temps passé, espié h dicte cité, aCn de icclle prendre et rober, et sur les habitants d*icelle fait et p( rpétré plusieurs meurtres, roberies, feux boutés et autres atroci'S delicls et excès, et encore font, pour ce convenoit et estoit très profitable cbouse de très bien garder icelle cité ». On doit juger, p;.r ces plaintes des bourgeois, de la situation de» campagnes. Et on ne pouvait compter sur aucune mesure politique pour ra- mener la paix ; elles étaient aussitôt entravées par des événements imprévi;s, comme il en surgit toujours du sein de l'anarchie. Ainsi, après le traité de Vaucouleurs (1366), le roi et le duc de Lorraine s'entendirent pour réprimer les excès des aventuriers, et le bailli de Chaumont fut chargé, avec un officier lorrain, de bire prompte justice de tous ceux qui seraient pris sur les frontières des deux états. Les bandes se dispersèrent; mais tout aussitôt le baron Renaud d* Aigrement, de la puissante maison de Choiseuli déclara la guerre au sire Jean de Vergy et les Rouiiers reparurent. D s'agissait de quelques prétentions féodales ; cependant les barons ne mirent bas les armes qu'après avoir parcouru et dégusté toutes les marches de Bourgogne et le Bassigny. Plusieurs villages furent brûlés. Bientôt après tous les aventuriers suivirent Dugtieadin en Espagne. On pouvait donc croire à la paix quand, tout-A-coup, la guerre recommença avec TAngleterre (1369), pour durer quatre ans. La Cbami^agne, il est vrai, n'en était pas le théfttre ; mais elle fut envahie par les Allemands qui s'avancèrent, sous les ordres du comte de Montbelliard, jusque dans le canton de Laugres. Les habitants prirent les armes et les repoussèrent au-delà du Rhin.

L'évêque Guillaume eut une part très active dans cette dernière prise d'armes. II est mort en 1374, laissant deux enfants, Guil- laume et Marguerite, qu'il avait eus avant son épiscopat et que le roi venait de légitimer. Son fils, bien connu dans Thistoire sous le nom de Bàiard de Poitîcr»^ fut mis quatre ans aprè) à la tftte des milices levées dans le diocèse et il repoussa les Anglais. Nous le retrouverons bailli de Chaumont (1).

VII. Le règne de Charles VI (1380-1422), fut surtout filial i la France. Ce pauvre roi n'avait que onze ans quand il succéda i

(^) Galliaehriitiana.

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son père et à vingt-trois ans il était (oa. Sa minorité fut des plus ora);eiises. Pendanl que les princes da san^ se disputaient l'autorité, les chau montais, comme s'ils eussent prévu que le voisinage de ta Bourgogne les exposerait bienlùl aux plus grands dangers, relevaient les rortifîcations de leur ville, Pre-sés par les événements et ruinés d'ailleurs par les guerres préci^denles, ils voulurent forcer les paroisses deCondes, Jonchery. Laharmnnd, Treit et Darmannes à prendre pari aux travaux ; les paysans refusèrent, t Si nous l'avons fait, dans de semblables circonstances, c'était uniquement par bon procédé, pour venir en aide à nos voisins, dirent-ils ; mais aujourd'hui nous sommes épuisés. » En vain on objecta que les habitants de tous ces villages se réfugiaient dans la ville en temps de guerre , que plusieurs d'entr'eux y possédaient des maisons et i|ue d'ailleurs il y avait une sorte de communauté de territoire prouvée par la communauté des bois ; les prétentions des Chaumontais furent repoussées par arrêt du Parlement (1385).

VUI. C'est en 1381 que le Bâtard de l'évéque de Langres fui fait bailli de Cbaumont , en récompense des services qu'il avait déjà rendus à la Royauté. Il occupa celte cbat^e pendant trente ans, se faisant suppléer lorsqu'il se mettait à la tête des troupes, par des gentilshommes du pays, enlr'auires par Edouard de Dampiem, sire de Saint-Dizier et de Yignory , et par Jean de Ch.iuiïour seigneur de Marac. Il défendit plusieurs places de Champagne contre les Boui^uignons, de concert avec Pierre de Bréban dit Clignel, l'un des lieutenants du roi dans la province, et fut ensuite nommé Chambellan, dignité que ses successeurs à Chaumont ont possédée pendant plus d'un siècle. Depuis cette époque jusqu'à la guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons, le Bassigny fut assez tranquille. Cependant on craignît un instant l'invasion d'un parti de cavaliers allemands qui s'éL-iit jeté dans la Lorraine. Alors Guillaume de Poitiers était spécialement chaîné par le roi de protéger Tout. 11 demanda au maître écbevin les hojnmes d'artnei de cette ville et, les av-ani réunis à ceux qu'il avait déjà, il attaqua les pillards près de la commanderie de Lebdo. les mit en fuite et les poursuivit jusqu'à Liverdua la garnison du château les tailla en pièces (1403).

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IX. Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne (1404)| continiiant b politique de son père, dispulail l*aulorité au duc d*0rIéaD8, frère du roi. Après une iutle de trois ans, interrompue par des récon- ciliations i'einles, il ne trouva rien de mieux que de foire assassiner son rival. Le comte d'Armagnac qui avait pour gendre un des fib de la victime, prit alors les armes ; la France se partagea en denz camps, Armagnacs et Bourguignons, et la guêtre civile disola de nouveau les provinces. Le roi d'Angleterre, Henri V, s'empressant de proGter de nos discordes pour reprendre les projets d'Edouard, son prédécesseur, battit la noblesse Trançaise à Aiincourl (1415)« Au milieu de cette confusion il était difficile au peuple des cam- pagnes de distinguer ses amis de ses ennemis, car tous les parliB le traitaient avec la même rigueur.

Dans le bailliage de Chauroont dominait le parti de Bourgogne. L'évéque de Langres, Charles de Poitiers ; Guillaume de ChAlean- villain, et Jean de Vergy, seigneur de Sexfontaines, Vignorj et Sainl* Dizier, étaient à la solde du duc. Il eût été difficile à la ville de Chaumont, ainsi entourée, de résister au mouvement, et elle fut contrainte d'accepter une garnison bouipiignomie. Nogent qui essaya de résister, fut pris par Jean-sans-Peur. et le château deMontéclair par Antoine de Vergy, chambellan de Bourgogne, qui en fat établi gouverneur. D*ailleurs , le bailli de Chaumont, Aym de Choiwemt^ de la maison de Clefmont, était lui-même Bourguignon et le duc venait d'être déclaré par la reine, au nom du roi, gouverneur du royaume. Le Dauphin était chassé de Paris et avec lui les Armagnacs.

Ainsi trois partis se disputaient la France : FAnglais, le Bourgui- gnon rt le Dauphin. En 1419, Jean-sans-Peur, attiré par le Dau- phin Chartes au pont de Montereau, y fut assassiné : c'était la ven- geance de Tassassinat du duc d*Orléans. Mais alors Isabeau de Bavière fit alliance contre son fils avec les Bourguignons, et l'an- née suivante, elle eut la lâcheté de signer â Troyes un traité qui livrait la France aux Anglais. Lorsque le pauvre Charies VI mourut en 1422, Henri VI fut proclamé â Yincennes roi de France et d'Angleterre, tandis que Charles VU, qui ne possédait que les provinces situées au sud de la Loire et qu'on appebit, par dérision, le roi de Bourges, se faisait couronner â Poitiers.

L'assassinat de Jean-sans-Peur n'avait (ait que resserrer les

liens qiii unissaienl Chaumonl au parti An^lo-Bourgutgnon. Dans celle ville et ii Langres on prit des mesures pour auunr la i-oijannic couirc lis infrackiirt de tn ]mix, c'est-à-dire conlre les partisans <fii Dauphin. L'éTt^que avcil adhéré aulrsîlè de Troyes : il Gtdonc re- connaître dans les deux \ilIes'eroi d'Angleterre comme roi deFrance. C'est ce prélat qui célébra le mariage de la sœur du duc de Bourgogne avecle duc deRicliemond,elil reçut, en récompense de son lèle, un superbe lidlel. CependnnI, Sainl-Dizler venait de tomber au pouvoir des troupes de Charles VII, On craignit alors pour les châteaux de Vîgnory etde Sexfonlaine, oii comman- dait Jean de Vergy, et la duchesse douairière de Bourgogne s'em- pressa d'einoyer deux mille livres â ce commandant. Jean, après avoir pris les mesures nécessaires pour la défense des deux châ- teaux, se porta, avec messire Antoine, son frère, sur Saint-Oizier. Les Dauphinois se retirèrent au châleau. Lshire voulait les secou- rir ; mais Jean de Verf^y ails A sa rencontre pendant que son frère continuait le blocus et le battit. La garni.<on abandonnée mît bas les armes (1). Il n'y avait donc plus de partisans avoués de Charles VII de ce cfllé.

Les garnisons Angle -Bourguignonnes qui occupaient toutes les forteresses du pays, vivaient en rançonnant les paysans. Du resie, les capitaines et les soldats de tous les partis se comportaient en brigands. Le bourg de Saint-Urbain fut de nouveau saccagé et le trésor de l'abbaye, amené pour la seconde fois à Ghaumont, resta déposé dans l'église Saint-Jean, sous la garde des habitants, pendant plus de vingt ans. Cette déplorable situation était encore aggravée par la rivalité des maisons de Vergy et de Chà- teauvillain qui se taisaient la guerre dans le Bassigny, bien qu'elles appartinssent au même parti.

X. Cependant l'humilialiou de la France pesait sur le cœur du peuple et de toutes les chaumières s'élevaient des vœux en faveur de Cliarles VII. Ce sentiment, que les mœurs du temps empê- chaient de se manifester par une insurrection, se personnifia en une pauvre fille des champs, Jeanne d'Arc, qui demanda au roi

(4| Vojfl I* rhrouqur d'ËDjui

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h permission de combattre sous ses drapeaux. Le saint enthoa* siasme de la jeune héroïne, forte de la force de Dieu, ramena la confiance dans l'année royale et jeta la terreur dans les rangs en- nemis. Jeanne déli?ra Orléans (1 429) et fit sacrer Charles VII à Reims. Tombant ensuite entre les mains des Anglais, elle fut làclie- ment abandonnée et brûlée comme sorcière. Jeanne était née en 1410 à Domremj , dans le bailliage de Chaumont (1).

XI. Pendant que Thumble fille du peuple sauvait la Franœ, la guerre continuait entre les sires de Vergy et de Chàteauvillain el h succession de Lorraine exposait le Bassignj à de nouveaux dan» géra ; mais un événement, auquel on aimerait pouvoir attribuer d'autres causes, devait bientôt rétablir Tautorité de Charles YIl dans le bailliage.

Guillaume de Chàteauvillain, jaloux de la faveur dont les Vergf jouissaient près du duc Philippe-le-Bon, abandonna le parti de Bourgogne et fit sa soumission au roi. Il reçut le titre de Hernie" mmirgéniral tur le fait de la guerre ez évêehéet duché de Lam* grei et au bailliage de Chaumont : c Nous l'envoyons, dit le roi, avec pouvoir et puissance de sommer et requérir les gens d'éf^iae, udiles, bourgeois et habitans des cités et villes de Langres, Chin- mont, Bar-sur- Aube, Wassy, et d'autres lieux de hdite marcbe, i nous désobéissants, d'eulx réduire, revenir et remettre i nostre obéissance avec nos bons et loyaux subjects, ainsi que d'ancienneté, sans variations, leurs prédécesseurs ont été sous les nôtres, en dé- laissant pour toujours le desloyal parti des anciens ennemis de la couronne de France et de leurs adhérents et complices, qu'ils auroient tenu et tenoient témérairement et par damnables sédi- tions, et de ceux qui, par douceur et sans contrainte, se von- droient ainsi réduire et nous reconnaître, recueillir et retenir en nos bonnes grâces et amour et bienveillance, leur donner, octroier et faire, de par nous, abolition générale de toutes choses quekon* ques par eux commises et perpétrées par avant. > Chaumont traita

(i; Don per« m nonimaii jacqaM CATt, m men iMoeira nomec. uopirriy ■■■' Mente} hainean annexe de Grenie, TiUage chanDonois de la seignenrie de Vaneonl««ri, 4f ptndait povr le spirilnel de IVvéth^ de TonI ; i( est rlaseé, sur la liste d«s paroiaMi dm WiUiafe de Chaumont, dans la prévôté d'Andalot.

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immédiatement avec le sire de Cbâteauvillain aux conditions stipu- lées dans les lettres patentes, c'est-à-dire moyennant l'oubli du passé et la confirmation de toutes les franchises et de tous les pri- vilèges des habilants. La mort de l'évéïiue Charles de Poitiers faci- bla le succès de la mission du lieutenant-général, cl les Lan- grois se soumirent aux mêmes coodilioos que les Chaumontais (U33).

Cependant les partis se firent encore la guerre dans le bailliage pendant plus de deux ans, et le roi fut obligé de donner quinze cents hommes à Guillaume de ChâteauviUain, pour qu'il pût résis- ter aux Vergy. Dès lors les Bourguignons eurent toujours le des- sous. On était boui^uignon à Auberîve ; aussi l'abbaye, bien qu'elle Tùl fortifiée, eut-elle fort à souffrir des garnisons de Chau- mont et de CbâLeauviliain. Les religieux n'osaient plus sortir, on les arrêtait et on les retenait prisonniers jusqu'à rançon. « C'est ainsi, lit-on dans un cartulaîre, que s'en allèrent l'argent, le blé, l'avoine, le foin, le vin, les charrues, les Uœub et les chevaux de la maison, avec cela qu'on ne recevait rien. »

Enfin le traité d'Arras délacha le duc de Bourgogne du parti Anglais (^1435). que Jeanne d'Arc avait ruiné. Jean de Vergj,-ren> trè à son tour sous l'obéissance du roi, ne fit plus la guerre que pour enlever à l'étranger les forteresses dont il était encore maî- tre dans le Bassigny. Il chassa ses anciens alliés de Hontigny, de CoilTy et de Nogent, mais il n'obtint cette dernière place que moyennant trois mille écus que le roi lui remboursa plus tard en y ajoutant une pension de mille livres.

Xn. Le pauiTe peuple qu'on oubliai! pendant qu'on récompen- sait les auteurs de ses maui:, espérait qu'au moins la paix allait régner dans le pays. Il n'en fut rien : des bandes armées vinrent de nou- veau se jetersur le bailliage de Cbaumont et y répandre la désola- tion, t^n (i37, les EvonheuTt étaient maîtres du Bassigny. Ils avaient â leur tête Villandas, Chabannes, el le bâtard de Bourbon, tous grands seigneurs que leurs brigandages avaient lait bannir par arrêt du parlement. Ils assiégèrent Cliaumont. Robai du linuilri- eouri, ce gentilhomme qui avait conduit Jeanne d'Arc à Cha les VU , était alors Bailli. Sa courageuse défense ne servit qu'à ei-

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citer la rage de renncnii. La yillc fut prise et saccagée. C'était au mois de décembre. Chaumont devint la place d*nrmes des Écorcheurs qui sortaient de ce repaire pour aller commettre dans les environs les plus odieux, les plus iioiribles excès, pour rançonner les villages et arrêter les passants sur les routes. Les champs restèrent in- cultes; le prix des denrées décupla d'abord , puis la famine de- vint extrême ; les villages étaient abandonnés ; les chemins étaient jonchés de cadavres et, dans les villes, les malheureux mouraient de faim sur les fumiers d'où ils cherchaient à tirer quelque nourriture. Enfin la contagion chassa les brigands de la ville (1). Bourbon, après avoir traité avec les seigneurs lorrains, venait d'a- bandonner aussi La Molhe qu*il tenait depuis un mois; il se jeta sur Langres et poussa delà jusqu'aux portes de Dijon. Repoussé de la Bourgogne, il revint en Champagne. Mais Charles VII, qui savait cette province abandonnée depuis deux ans aux courses des Compagnies, s'était enfin mis en route pour les y combattre. Il rencontra Bour- bon près de Bar-sur- Aube et le fit prisonnier (1440). Ce miaéra- ble, immédiatement jugé et condamné, fut roué, renfermé dana on sac et jeté à la rivière. Cet acte de justice hâta la pacification du pays (2). De Bar sur-Aube, Charies VII, vint à Chaumontoù il ré- tablit Robert de Baudricourt, puis à Langres. Pendant que Chaa- mont était au pouvoir des Écorcheurs, c'était le bailli de Troyes qui transmettait et faisait exécuter dans le bailliage les ordres dn roi.

XIII. Robert de Baudricourt était fils de Liébaut et de Hargne- rite d*Aunoy, dame de Biaise, fille de Jehan Daunoy qui était bailli avant Aymé de Choiseul, c*est-à-dire avant que Chaumont eût embrassé le parti de Bourgogne. Les charges de bailli étaient devenues, depuis cinquante ans, à peu près héréditaires ; mais on avait institué près de chaque siège un lieutenant-général, homme lettré, chargé de rendre la justice. Les baillis n'avaient plus même voix délibérative. Cependant ils ont conservé jusqu'au siècle

(I) Let «irhiTct de lu Vill«, qM nous «tods mises hi ordre en 4834, iiTileat Ma pert^M par les Écorcheurs, on a'a sauvé tlo la rlcstractioo que les chartef d'affran^i flftrat.

"Si Chrooiqne d'Enguerrand de Moostrelet.

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de grandes préroftativcs ; c'élaîl en leur nom que la justice élail rendue ; il Tallait iju'ils Tussent gentilshommes île nom et il'armes; ils étaient tenus de visiter «jualrc Tois l'année leur ilépartemeni et d'y r&=ider. Robert Ucvlnl chambellan. Il cul pour successeur, en U56. son gendre Geiiffniij de Sainl-BIin, seigneur de Sexfon- laine et de Bologne, l'un des lîetitenanls de Lahire dans lu guerre contre les Anglais.

Il n'v avait plus d'étrangers sur le so) de la France, hors des murs de Calais, lorsque Louis XI succéda à son père (1161). Le règne de ce prince est le commencement d'une ère nouvelle pour les villes.

CHAPITRE II.

ÉVÉNEMENTS POLITIQOKS IlEPLIS LE RÊCSE DE LOUIS XI JUSQU'aCI GUERRES DE RELIGION (1461 1502).

I. L'édirice féodal s'écroule de toutes parts et les calamilis du dernier siècle n'ont fail qu'en liAter la ruine. La petite noblesse est réduite â l'impuissance ; il n'y a plus de résistance que de la part des grands vassaux , l'unité nulionale se constitue. Mais la royauté est seule mainlenani à l'œuvre. Elle a bien pu se servir des hauts Wons pour briser la résistance des arrière-vassaux ; sur qui s'appuicra-t-elle pour enlever à ses alliés le fruit de la vic- toire? Sur le peuple. Non pas sur le peuple des campagnes que sn misère et son ignorance rendant encore incapable de (ouïe œuvre politique; mais sur le peuple des villes. Louis XI te comprit et c'est l'alliance étroite qu'il contracta avec les boui^eois qui com- mença l'émancipation du Tiers-Etat.

Pendant la période que nous allons parcourir, tout s'organise à Chaumonl. La ville a une vie qui est sienne et à laquelle se mêlent eux-mêmes les gens du roi. Les baillis, grands seigneurs qui com- mandent les armées ou suivent la cour, sont les protecteurs obligés de la petite république. Les événements politiques viennent rare- ment faire diversion. Nous allons esquisser rapidement ici ceux

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qui peuvent se rattacher aux annales que nous étudions, pour Toir ensuite, plus librement, la bourgeoisie chaumontaise à Tœuvre.

IL A ravéneinent de Louis XI, les grands ^-assauz, qui croyaient continuer le jeu des précédents règnes, se liguèrent contre lui ; et comme ils reconnurent aussi la nécessité de gagner le peuple, ils firent proclamer bien haut qu'ils prenaient les armes dans Piniéréi du bien pubUc. Les traités de Coiiflans et de Saint-Maur, qui sai- sirent cette prise d'armes, prouvèrent au contraire au peuple Té-- goismOi Tavidité des grands, et dès lors le roi fut assuré de Tal- liance des petits. Les Bourguignons, qui avaient leur jeune prince parmi les révoltés, avaient essayé d'ébranler la fidélité de leurs voisin3 ; ils avaient fait répandre et chanter à Cbaumoni et i Langres des couplets qui célébraient la prétendue victoire du Charolais à Montihéry (1465) :

Le gentil Charolois En France en est entré, Et si n'en a rien prins Qu*il n'ait très bien payé, Et ces vikuns François Il a bien reboutins, Dieu en soit loué!

Hais leurs émissaires avaient été bafoués et expulsés ; i Laoïigres même, on les avait emprisonnés.

Parmi les seigneurs qui combattaient à Montihéry, sous la ban* nièrc^ royale, était le bailli de Chaumont, Geoffroy de Saint-BIin. Au fort de la mêlée, ce vaillant chevalier voyant le comte de Cha* rolais isolé des siens et en grand péril, lui cria : c Monseigneur, rendex-vous, je vous connais bien, ne vous faites pas tuer. > U allait le bire prisonnier, quand un cavalier bourguignon se jeta eotra eux et les sépara. Le bailli de Chaumont avait reçu plusieurs bles- sures dont il mourut quelques jours après (1). Il était fils de Pierre de Saint-Blin et de Simone de Neufchâteau ; l'un de ses aïeux, Arthur de Saint*Blin, avait vendu tout ce qu'il possédait entre Andelot et Neufchâteau pour suivre saint Louis à la croisade»

(I ) Voyei \n Uémùim éê Philippe à» Cominct .

M _

Geoffroy nvait épousé Mnri^ierite de Band ri court, bnronne de Vi- gnory, BInise, Clioiseul el Lafiiuche, dont la lillc. Calherine, réunit (oiitcs ces seigneuries à U maison d'Amboisc par son mariage avtjc Jean d'Amboise, seï^eur de Dussy el de Reynel.

III. L'unis XI. qui voulait difiiter ses ennemis, avait promis sa fille Anne, encore enfant, au fils du duc de Lorroine, avec une somme de cinq cent mille livres. Une partie de celle dol devait élre acquittée par la cession des villes el seigneuries de Cliaumont, Nojïent, Montigny, Coiiîy, Suinl-Dizier.Vaucouleurs, Montécliiir. etc., c esl-à-dire par la réunion à la Lorraine d'une grande partie de Champagne. Ce démembremejit eût été une grande faute et il est bien certain que Louis n'avait pas l'intention de l'effectuer; d'ail- leurs il avait fait la réserve, pour l'avenir, de rentrer en possession en cas du besoin On célébra les fiançailles lorsque la jeune prin- cesse eut atteint sa dixième année ; mais le mariage ne se fit pas et Chaumont resta au domaine de la couronne. Cependant, l'influence du Lorrain est évidente dans le choix des baillis de Chaumont pen- dant les quinze années qui suivirent la mort de Geoffroy de Sainl- Qlin. On nomma d'abord Bmaiid Duehâtvltt, écuyer varlet tran- chant du roi: c'était un gentilhomme lorrain. Hard'iuynde la Taille, chambellan du roi et du duc de Calabre, lui succéda et fut rem- placé par Philibert DurhàieUi, fils de Denaud et de Jeanne de Chauffour. Celte condescendance de In part du roi résutlaît de sa politique. Il av^it fait plus, lorsqu'il s'était vu, à Péronne, i la merci du duc de Boui^ogne ; il avait aliéné la Champagne ; mais il savait bien que le Irailê ne serait pas exécuté el il voulait seulement se tirer d'embarras. Sans doute ce n' était plus de la politique cbe> vsleresquG ; mais le roi bourgeois ne pouvait abattre ses eonemiB que par la ruse.

C'est h la mort de Charles-le-Téméraire (1117), qne la Bour- gogne fut réunie â la France. Louis XI voulut prendre possession, lui même, de cette magnilique province ; il traversa toute la Cham- pagne, el son passage à Chaumont (1419) donna lieu & de grandes réjouissances. Celle prise de possession était un événement impor- tant pour la vUle qui, cessanl d'être de ce cdté place froutiëre,

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aurait moins à redouter Tagitation guerrière à laquelle elle a^it été sans cesse exposée sous les règnes précédents.

IV. La charge de bailli rentra alors en la possession des familles champenoises. Jran de Baudncnuri^ 61s atné de Robert et de Alarde de Chamblay et beau-rrère le Geoiïroy de S linl-Biin, fut nommé en 1480. Il avait épousé, douze ans auparavant, Anne de Beaojeu. Par Talliance de Catherine de Saint-Blin, il tenait donc aux d*Amboiae qui possédaient les principales seigneuries du Bassigny. Parmi les illustrations de cette dernière Tamille, issue de Pierre, seigneur de Chaumont-sur-Loire, nous citerons Charles, W du nom, qui fut gouverneur de Bouq;ogne, et Georges, si célèbre sous le nom de cardinal d'Amboise. En 1481, Jean, leur oncle, fut élu évéqae de Langres. Ces seigneurs, dans toutes les occasions, se sont montrés empressés à obliger les Chaumontais.

V. L'avènement de Charles VIII, enfant de treize ans, sans prit et sans instruction, réveilla Tambition de la noblesse si habile* ment contenue pendant le dernier règne. La sœur du roi opposa aux grands, qui voulaient lui retirer la régence, les Etats-Généraux de Tours dans lesquels siégèreni, pour le bailliage de Chaumonti l'abbé de Hontiérender, de Tordre du clergé ; Jean de Chàteaavll- lain, de Tordre de la noblesse ; et maître Pierre de Gyé, de Chau- mont, élu du Tiers-Etat. Cette assemblée prêta son appui A la Royauté ; mais lor^^que les députés du Tiers voulurent faire recon* naître pour Tavcnir les droits et la périodicité des Etats, la régente résista et déjoua leurs tentatives démocratiques.

Cependant les grands continuèrent leurs intrigues et, pendant, quelque temps, la ville de Chaumont dut encore se tenir en garde contre les entreprises des houic-feux qui couraient le royaume. Les bourgeois îrnrdaient eux-mêmes leurs murailles ; ils n*acceptaient aucune garnison et ne demandaient au gouvernement que des se* cours en argent, pour la Ibrlilication el pour Tacliut des armes et des munitions En i4S0, le gouverneur de Bourgogne leur ayant fait obtenir un nijde considérable, ils lui eitvoyèrenl, en reconnaissance» deux bœufs qu*ili avaient achetés quarante livres tournois. Alors le bailli Jean de Baudricourt était dany les rangs de Tannée royale ;

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il Tenait d'élre nommé maréchal de FrancB. Il se signala surtout A la bataille de Sainl-Aubin-du -Cormier, le chef des rebelles, le duc d'Orléans, Tul fait prisonnier (1438). Vn arcber de Champagne ayant apporté à Cliaumonl la nouvelle de celle victoire, on lui donna vingt sols, et le jour même on lit dans la ville des processions et des réjouissances publiques

La ligue de l'inlérieur contre la Rojauté. éLiil dissoute; mais bienldl Maximilien d'Autriche enira dans le ropume pour disputer la Bi'ela;:neau roi. Ce fut pour la ville de Chaumont un nouveau danger. Les bourgeois iiommi-Vcnt deux d'enlr'eux, Simon Malingre le jeune et Pierre Topain, capiluinei tien bnarg et chàlel. L'arrivée de Maximilien devant Meiz (novembre 1403), causa surtout une grande terreur : la porte Arse fut murée ; on barricada loute.s les portes du Bourg, et, sous la direction du maitre maçon Jehan Martin, on commenta à relever ù mortier les murailles extérieures des rortifîcalions Heureusement on en fut quitte pour la peur; car bienliJt un rhcvauchcur vint annoncer la paix et des lettres du roi aux habitants confirmèrent cetle bonne nouvelle.

VL Aucun événement ne troubla la tranquillité de la ville pen- dant les dernières années du règne. C'est alors que l'on commença ta rédaction des coutumes du bailliage qui ne furent cependant pu- bliées oUiciellement que quinze ans plus lard. Mais quand on apprit ta mort du roi, que ses expéditions d'Italie avaient rendu si popu- laire, les Chaumontais s'entourèrent de précautions extraordinaires, comme si les puissances voisines qui avaient vu avec déplaisir loii succès de Charles Vlll, et qui déjà avaieot projeté une invasion en Champagne, eussent tout à coup se Jeter sur la proie qu'elles con- voitaient. Ils s'approvisionnèrent comme dans les moments d'immi- nent péril; ils tirent murer toutes les portes de leur ville à l'excep- tion d'une seule ; ils placèrent sur les remparts quaire âerpentinei à boulets de fer, qu'on chargeait avec de gros bâtons de bois ; ila enchànirint un humhardean que M. de Lanques venait de leur donner ; ils firent faire quaire cent cinquante pierres, Linl grosses que petites, pour l'arlillerie de fer; etilin ils éiablirenl un messa- ger chargé de courir la poste et organisèrent le guet h l'intérieur et a l'extérieur. Un bourgeois, escorté de deux arbaiélrif^,

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sortait chaque semaine et parcourait le pays aux enfirons pendant trois jours. On craignait les Impériaux ; on redoutait les Bourgui- gnons du comté. Cependant ki ville ne fut pas un seul instant sé- rieusement en danger; il n*y eut dans le Bassignj que quelques courses de partisans dont les paysans eurent seuls à sooffirir.

VIL Jean de Baudricourt mourut en 1499, après Sfoir fondé le couvent de Bracancourt, la première communauté de Minimes établie en France. Le maréchal était allé, par ordre de Louis XI, chercher François de Paule en Italie, et c'est ce saint homme qui choisit lui-même Ferophicement du couvent lors du séjour qu*il fit au château de Biaise (1). Jean eut pour successeur au bailliage de Chaumont le gendre de Geoffroy de Saint-Blin, Jean d^Amboiêtf seigneur de Bussy et de Reynel. L*évèque de Langres, du même nom, avait, deux ans auparavant, cédé son évèché au fils du nou- veau bailli, Jean d'Amboise (i). Le cardinal Georges d'Amboise était le ministre du nouveau roi. Cette famille était donc toute pais- sante.

Vin. Pendant les seize années du règne de Louis XII, le Bas- signy fut dépeuplé par la peste et par la famine. La peste se dé- clara à Chaumont en 1 499, au mois de juin, et elle y régna trois mois. Les trois quarts des habitants prirent la fuite; les portes de la ville restaient fermées et on n'obtenait le passage qu'après de longues informations. Le fléau sévit plus longtemps à Langres. Les chanoines de la cathédrale s'étaient d'abord retirés è Rolampont, puis à Bourdons ; au mois de novembre ils vinrent à Chaumont ils tinrent plusieurs assemblées capitulaires. Le chapitre ne fut réorganisé, dans la ville épiscopale , que six mois plus tard. A peine était-on délivré de la peste qu'une grande sécheresse, qui dura pendant plusieurs années, empêcha la terre de produire et

(4) LVto de fbnaatioo a ^i^ rMig^ k Ckanmont. le 46 oclobra 4496, aa fr^êk ém f^D^able frère Françuis de Paole, Père |;^a^ral, correcteur «l intiiialear de fonlrt Al moindre ordre de tous les ordree. -^ Il «levait y avoir daoi eoD?«l ^— tof religieux a\ee vin^l-cinq livres de reote cbacua.

(2) Il n'avait qne Tingt-lrois ana et uVtait pas mtaie dans lea ordret. Le Papa lu trait aeoordd Ica dispenaaa afeeaMiras at il avait c&Lorié le p«npl« à la napadv.

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engendra la famine. Les habitanls de Chaumotit soufTrirerit beaucoup de celle sécheresse. Ils creusaient b terre dans les vallées pour y chercher des sources et l'eau se vendait à la scHU-, fort cher, car il fallait souvent l'aller chercher au loin. L'ancien puits du château, qui était depuis longtemps fermé, fut ouvert et déblayé : < 11 était plein de graviers depuis si longtemps que jamais homme vivant ne l'avait vu net ; on le trouva en bel et grande esquarrure, muré et ))avé de très belles murailles et pavement faits de pierre de taille, et au fond d'icelui, eau de fontaine vive et suffisante non-seulement  la fourniture et nécessité de la ville, mais de toutes gens tant de guerre que d'autres en tous temps. * Cependant, le danger passé, on laissa te puits se combler de nouveau. Et ce ne fut pas seulement la sécheresse qui causa une longue famine ; quand la terre rafraîchie put produire, ses fruits furent dévorés par les sourii et par des in- sectes de toutes sortes. On adressa au ciel des prières, on jeûna, on lit des processions ; maïs il parait que les dévastations continuèrent, car, en 1 51 3, l'évoque Michel Boudet, successeur de Jean d'Amboise, nomma des commissaires pour informer contre les animaux des- tructeurs et lança en conséquence un monitoire. L'ollicial intenta sans doute un procès aux souris et aux insectes. Les annales de Bourgogne et de Champagne enregistrent à la même époque plusieurs procès de ce genre ; ainsi un pourceau fut pendu à Tréclialeau, un cheval à Montbard; l'olBcial de Trojes condamna les hurebets, et celui d'Autun foudroya les rats de ses sentences ; mais nous ne saunons dire si les souris des environs de Cbaumont furent condamnées par messieurs de l'oflicial de Langres, Quoiqu'il eu soit, en 1514, la famine avait cessé et le blé se vendait comme à l'ordinaire, six sols le bichel.

IX. On fit de grandes réjouissances à Chaumontà l'occasion de l'avènement du jeune roi François I" (15! 5), malgré les dépenses considérables nécessitées par les fortifications, auxquelles on travail- lait avec d'autant plus d'ardeur qu'on parlait de guerre prochaine. La ville avait û peine repris son calme habituel que les bourgeois furent tenus pendant quatre jours sur le qui vive, par le passage des Lansquenets. Ces aventuriers étaient bien à la solde de la France ; mais ils ne connaissaient pas de discipline. Six mille furent logés

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dans les faubourgs, quatre mille a Villiers-le-Sec et le reste A Bourdons. Il fallait non-seulement les loger, mais les pourvoir en- core de vivres et de munitions.

En 1519, le roi vint à Chaumont il resta plusieurs jours. Il visita les travaux commencés pour la défense du Bassigny, qui devait être exposé des premiers aux coups de Tennemi, et il fit armer les remparts de la ville. Charles V venait d*étre élu empereur, la guerre était imminente, car il fallait sauver la liberté de l'Europe menacée par l'ambition de la maison d'Autriche. En effet, les hosti- lités commencèrent. Le ducd'Alençon qui commandait en GhampagiDe, ne put empêcher les impériaux du duc de Nassau de prendre Houion et il se retira sur Reims. L'armée d'invasion se porta sur Héâëres que sauva Bayard. Mouzon fut repris. Ainsi le Bassigny échappa aux malheurs de la guerre ; mais il était ruiné par le passage des troupes (1521).

X. On se battait en Italie, sur les frontières espagnoles et dans le nord de la France. Le connétable de Bourbon, qui avait trahi sa patrie, essaya de ramener les hostilités en Champagne. D'après le pian qu'il avait arrêté avec les impériaux, le comte Guillaume de Furstemberg et le comte Félix devaient faire marcher sur Chaumont dix ou douze mille Allemands et se joindre sous les murs de cette ville avec le traître qui comptait y former un corps de trois cents cavaliers et cinq à six mille hommes de pied pour marcher sur Paris (1). Hais le roi fut instruit de ce projet Apprenant que les Lansquenets de Furstemberg s'avançaient entre la Bourgogne et In Champagne , il donna Tordre au comte de Guise qui était en Bourgogne de pourvoir à la défense du pays. Le château de Goiffy avait été surpris par Fennemi. De Furstemberg, laissant Hontigny à gauche, avait passé la Meuse au-dessus de Neufchftieau et s'était dirigé sur Montéclair. Pas de résistance. Chaunoont était à découvert. Guise s'y jette avec sa compagnie et cent hommes d'armes. H. D'Orval qui commandait en Champagne se réunit au comte avec sa compagnie. Ces troupes réunies forment un corps de cinq à six cents hommes, non compris les arrière-bans chargés

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de défendre les autres places furies. L'enneini ne potivaiL pas four- rager, car Furslembeif n'avait pas amené de cavaliers, uomplanl sur ceux (]ue Bourbon devait réunir ; le manque de vivres le força donc bientôt à battre en retraite. U voulait repasser la Meuse près de Neufcbàteau, Guise s'attache à su poursuite. Trois cents hommes d'armes qui avaient pris les devants, attaquant les fuyards en lËte, tandis que le comte lui-même les charge en queue, presque toute l'armée de Fursiemberg est taillée en pièces (1523).

XI. La villedeChaumont qui échappait à l'ennemi fut néanmoins réduite à la dernière misère , par les sacrifices de toutes sortes qu'elle dut s'imposer dans les années suivantes. Lors du licen- ciement, quatre mille Lansquenets mirent un mois â se réunir en corps d'armée entre Rolampont , Joncher; et Darmannes , et il fallut les nourrir. Puis vinrent les imp6ts pour la guerre, pour la rançon du roi et celle des princes, pour l'établissement des légions provinciales ; sans compter les dépenses pour le service militaire (le la ville et les frais, en tapis fleurdebjsit et autret mijtlèret pour la réception de la reine Eléonore d'Autriche (1534). [| falblt encore offrir les vins d'hoimeur aux grands seigneurs qui traversaient la ville, des confiluresaux nobles dames. A lacoureldaiîslesadminiâtnilions on n'obtenait rien sans \iot» de vin. Les faveurs de M. de Guise se payaient aussi fort cher, et souvent on lui voilurail à Joinville le vin blanc et le vin clairet de Dijon qui coulait dix à treize livres ta queue. Quand il maria sa ûlle, en 1541, on lui envoya vingt et un cabris qu'on avait payés sept livres ; cinquante quatre perdrix, h quatre sols pièce ; deux coqs d'InJe achetés à Troyes et qui coùlaieiil, achat et frais de voyage compris, vingt-cinq livres dix sols neufs deniers ; de grands brochets de l'étaug de Bologne qu'on avait achetés dix-huit libres, et l'on ne devait pas oublier le car- dinal qui reçut un muid de vin blanc de Boui^ogne. EnAn, les pauvres habitants se virent rorcésderefuserl'Impôt etde s'adresser au roi. Ils n'avaient plus rien et Messieurs de l'élection de Langres leur demandaient encore : t Malgré nos charges et notre pauvreté, disent-ils dans leur supplique, nous avons toujours payé les tailles, libéralement, nonobstant nos privilèges ^ mais aujourd'hui nous sommes engagés et endettés de grande misère, et considérez que

- 68 ^

nous vivons dans un pauvre pays nous ne gagnons notre vie que par grand travail. D'ailleurs , il y a exaction de la part des élus de Langres ; il suffit de compulser virilement les comptes pour s^en convaincre. Il n'y a eu de dépensé que quatre à dnq mille livres et il font sur le pauvre peuple un jet de douze mille, peruant avaler ce morceau sans le souffler ; mais il est trop chaud et plein de la sueur des pauvres gens qui seront contraints d^afton- donner le pays et mendier leur vie^ si de tels tyranniques abus ne sont réprimés et réduits à raison. > D y eut une légère modération de taxe, grâce aux démarches de M. de Guise. La ville n'avait phis d'autres protecteurs que les membres de cette famille depuis la mort de Jean d'Amboise dont les successeurs aux fonctions de bailli, pendant près d'un siècle, n'eurent que très peu d'influence. Cette misère des Chaumontais dura autant que la guerre, c'est4-dire jusqu'à la fin du règne de François !*<', et pendant une grande partie de celui de Henri II. Les mouvements de troupes occasionnés par le siège de Metz, par la prise de Saint-Dizier et par la conquête des trois évéchés ne pouvaient que l'accroître. En 1545, le blé se vendait vingt sols le bichet et le prix de toutes les denrées s'était élevé dans la même proportion. La compagnie de M. de Brissac était en garnison à Chaumont ; il fallait donner par jour i chaque homme d'armes, pour lui et les siens, dix pains blancs ; cinq pintes de vin, à deux sols six deniers la pinte ; neuf livres de viande, au prix de neuf deniers la livre, bœuf, veau et mouton ; seize œufs à quinze deniers ; huit harengs estimés quatre sols, ou l'équivalent en autre poisson ; une livre de beurre de trois sols. On devait encore à l'homme d'armes par semaine deux charrettes de bois de huit sols tournois, une livre de chandelles de deux sols, une pinte de sel de vingt deniers et une pinte de vinaigre. L'archer avait droit à la moitié des mêmes provisions. Or, la garnison comptait treize hommes d'armes et treize archers. Le capitaine prenait pour trois hommes d'armes, le lieutenant' pour deux et le maréchal-des- logis pour un archer. Cette note suffira pour faire apprécier la si- tuation de la ville et l'état misérable des habitants : nous n'aurions pas le courage d'enregistrer d'autres réquisitions militaires ; d'ailleurs elles se ressemblent toutes et la formule finale est invariable : ii*jf failes faute sur la vie.

es -

XII. L'invasion de la Champagne par Charles V avait prouvé à François 1" ta nécessité de fortilier le Bassigny de telle sorte qu'i^ pût arrêter une grosse armée: Il avait aussitôt envoyé sur les lieux Martin du Bellay et Jehan Martin BouUenois, foriilicateur, et sur le rapport de ces commissaires, on avait commencé les travaui. £n 1547, le roi, voulant les visiter lui-même, se mit en route pour h Bourgogne. En quittant cEtte province, c il print, dit du Bellay, son chemin par la Champagne, et y estant arrivé, visita la ville de Langres et envoya l'admirai d'Auriebanll pour visiter CoifTy et Xonligny-le-doy, lequel vint retrouver le roy à Chaumont-en- Bassigny, el partant de Chaumont, le roy visita Ligny-en-Barrois, Saint-Dizier et antres places, et vint faire sa Teste de Toussaincis i Joinville, après avoir visité madame la duchesse de Lorraine k Bar-

' le-Duc. ...» C'était la seconde fois que François I" visitait Chau- mont; les habitants lui offrirent tini; tuperbe coupe pour la façon de laquelle i/t aoaknt aciielé plusieuTi p'iêcet rompuet de l'égliic. ha roi mourut en rentrant de ce long voyage et les Chaumonlais, qui n'avaient pas les ressources nécessaires, abandonnèrent bientôt la furtiticalion nouvelle. Les travaux ne devaient être repris que trente ans plus tard, sur un nouveau plan.

XIII. La ville de Chaumont ne jouit de quelque repos que dans les dernières années du règne de Ilenri II. Sous François II, grâce i la protection des Guise, qui étaient alors tout puissants, elle ob- tint quelques soulagements à ses misères. Henri II avait rappelé la Emilie d'Amboise ù Chaumont par la nomination de Louit de Cler-

. . mont d'Amboiic à la charge de bailli ; maïs, sous la jeune reine Hario Stuart, l'inlluence des Guise enleva de nouveau à cette famille

. tout son crédit et, pendant le reste du siècle, il n'y eut plus ù la tête du bailliage que des créatures de la famille de Lorraine. Le do- maine de Chaumont faisait partie du douaire de la reine sous Fran- çois II, et un fourrier aux gages de neuf hvres deux sols par an était préposé à la garde du Donjon.

L'avènement de Charles IX ouvre la période des guerres reli- gieuses où nous verrons Chaumont grandir en importance et impo- ser une sorte de dictature au pays. Son histoire oiTre alors le plus haut intérêt ; mais, pour la bien comprendre, il est nécessaire de

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connaître Torganisation de la commane, car depuis Talliance de la royauté avec la bourgeoisie et malgré la misère des temps, une grande révolution a été opérée par les Chaumontais dans leur inté- rêt moral et matériel.

CHAPITRE m.

LA GOMMUNE.

I. Nous avons vu qu'aucun article de la charte de Chamnont n'organisait Tadministration communale. En effet, la charte constitue une communauté; elle règle les rapports de cette commuauté nou- velle avec le seigneur ; elle formule des lois dans l'intérêt de l'ordre social ; mais elle ne prescrit rien pour l'exercice du droit de commune. C'est aux communiers à régler entr'eux leurs rapports; ils ont i cet égard liberté complète.

D'abord la communauté restreinte à un petit nombre de membres resta, pendant quelque temps, sous un régime que nous pourrions appeler patriarcal. On confia, comme nous l'avons déjà dit, la garde de la charte et des droits qu'elle consacre au plus notable de la commune, qu'on appela Procureur des habitants, et l'on couTint que, quand il rencontrerait des difficultés à résoudre, il convoque- rait, pour en délibérer, tous les communiers. Ces convocations peu fréquentes se firent d'abord à domicile ; mais bientôt les intérêts de la commune grandissant à mesure que la population augmentait, on dut s'assembler plus souvent et au son de la cloche. C'est en 1254 que les Chaumontais firent fondre leur première cloche communale, du poids de trois cents livres, et ils la placèrent sur la porte du Barle. Elle portait cette inscription : An ran de Vincamation de /ém- Chrtf ( mil II L ffff, fust faicte par les Borjeoys de Chaununu. Comme les assemblées étaient déjà trop nombreuses alors pour qu'elles pussent se faire en l'hôtel du procureur, on les tint au Donjon.

- li ~

La réunion de Chaumont au domaine de la couronne eut pour résultai de donner encore plus de liberté à h commune : toute trace de réodaijié disparut ; on abandonna même aux habitants les fortifications, les murailles et jusqu'au commandement militaire de la ville. U est vrai que le bailli était toujours le gouverneur de la place; mais il y était très-rarement, et, en son absence, les clefs étaient sous la garde des habitants â l'exclusion des autres officiers du bailliage. Si c'était un nouvel affranchissement, il en résultait aussi une charge immense, car il fallait entretenir les fortifications aux frais de la communauté et l'on n'obtenait que très-difficilement Vayde du gouvernement. L'ayde était un impât que l'on répartis- sait entre toutes les villes du bailliage.

n. L'administration de la ville de Cbaumont était donc devenue importante dès le XIV siècle. Elle se compliqua sous Louis XI. Il (allait ordonner des travaux et les surveiller, jeter des impôts et les prélever, il fallait enfin, régler le service militaire et veiller ù la sûreté de la place. C'était une charge trop lourde, et une res- ponsabilité trop grande pour un seul homme, â une époque la France était souvent envahie par l'étranger ou déchirée par la guerre civile. D'ailleurs l'esprit de parti se glissait aussi quelquefois dans la ville, la richesse y avait établi des distinctions, et l'on n'avait plus pour les procureurs le même respect qu'autrefois ; souvent même ils éprouvaient de la résistance dans l'exercice de leurs fonctions.

Le Iti juillet 14(39, les habitants de Chaumont étaient réunis en grand nombre, en présence Ue Girard d'ÂUchamj), lieutenant du bailli Hardoyn de la Taille. Le procureur de la commune se leva. Il exposa dans un long discours la situation de la ville et termina en priant - ses concitojens de pourvoirauxdifnculLés de l'administration, (Je ne puis bonnement, dit-il, exercer ma charge, car je ne puis avoir denier ni ajde. Quand on fait sonner l'assemblée, il ne se trouve qu'un bien petit nombre des habitants et quand ce petit nombre conclut aucune chose pour les al&ires communes, les autres n'y veulent obéir. Force m'est de cesser et que le régime et gouver- nement de la chose publique soit abandonné ii la grand' charge et confusion do la ville, s'il n'y est poun-u et remédié immédiate-

ment. > Ce discours excita une grande rumeur dans rassamUée ; h délibération fut longue et tumultueuse, enfin on arrêta le ré|^ ment suivant :

1* Tous les ans, au jour du dimanche de Maria Domini, les ha- bitants s'assembleront en lieu licite et honnèie^ au son de la doche et en présence des officiers royaux, si c*est leur ploùtr, c pour eslire d'entre eux quatre personnes, dont l'une sera leur procnrear et les autres trois, avec ledit procureur, commis et ordonnés par forme d'eschevinaige pour un an au régime et gouvernement de la chose publique, sans que, durant ledit an, aucun autre que les quatre élus ait charge s'entremette des affaires communes. Et avec ce éliront cedit jour, douze plus notables et reseans de la ville qui, pour ladite année, bailleront conseils et confort aux quatre.»

i^ Les quatre [élus auront la totale administration des deniers communs de toute nature et de ceux de l'hôpital ; ils administre- ront également la fabrique de l'église paroissiale et feront préala- blement un inventaire de ses biens meubles et joyaux ; ils auront pouvoir, ians faire atsembléey de soutenir aux frais des habitants les procès, débats, questions et afliaires de la communauté, sans pouvoir toutefois faire arrangement sur procès et s'engager dans des débats compromettants pour l'avenir avant d'avoir appelé le conseil des douze notables à en délibérer.

3"" Les quatre élus feront faire tous les travaux de Téglise, des fortifications et des édifices de la communauté.

Ils répartiront seuls, sans consulter la communauté^ les im- pôts ordonnés pour les affaires du roi et ils pourront imposer leurs concitoyens, pour les affaires de la ville, pendant l'année de leur charge, jusqu'à la somme de vingt livres tournois ; mais s'il est nécessaire de mettre un impôt plus considérable, ils devront con- sulter les douze notables. Les rôles seront publiés en leur nom ; ils feront au besoin toutes les poursuites nécessaires pour les faire exécuter et ils en distribueront les deniers suivant les besoins, en prenant des quittances.

5^ Les comptes des deniers communs qui s'élèveront à plus de vingt livres tournois seront clos et vérifiés dans l'assemblée des douze notables. Les élus auront toujours le droit de poursoivfe

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ceux qui auront eu le maniement desdits deniers, leurs héritiers ou ayant- cause.

Les quatre élus devront, à peine de parjuremeni, s'il n'y a excuse légilime, se trouver en personne i l'assemblée du jour de Maria Domini , pour y rendre par écrit aux nouveaux élus et en présence des douze notables, un compte exact de tout ce qu'ils ont fait pendant l'exercice écoulé. Si ce compte n'est pas prêt, ils doTont le faire dans le délai de huit jours.

Ils reranl,au moment de leur élection, serment soleniiel, en présence du bailli ou autre odlcier du roi , de bien et loyalemem faire entretenir et accomplir, darant l'an, toutes Us choses dcuut dites. Enfin, pour qu'ils soient plus diligents, ils seront pour leurs peine et salaire, exempts de toute espèce d'impôts pendant la durée de leur pouvoir.

C'est ainsi que se constitua l'écfaevinage de Chaumont. Puis , ( pour relever de peine la chose publique et pour osier et effacer les malveillances, haines et inconvénients qui trop de fois s'en sont suivis, » les bourgeois présenis ont consenti, pour tous, â être mis à l'amende, s'ils manquaient à l'avenir aux assemblées pour faire les élections ou s'ils en sortaient avant la fm des opéralions. Enfin, ils se sont fait condamner par le lieutenant du bailli â ob- server fidèlement le nouveau règlement d'administration et à obéir aux mandements et ordonnances des élus. Les quatre écbevins ont été immédiatement nommés : Jehan Thominot, Jacques Glorian, Thiébaut Desnouveaux et Nicolas Fleury. Ensuite on a procédé a rélection de douze d'entre les notables : Girard d'AlicIiamp (1), Mathieu de Laharmand, Nicolas Malingre, Jacquin Seriolte, Pierre De Grand, Thevenin Moron, Tierry Leiectre, Nicolas Drouot, Pierre Drouin , Laurent de Manoilly , Girard de Briemie et Girard de Bazoilles.

m. Cet ordre de choses dura jusque vers le XVII" siècle ; mais

[\] anri d'AlitbuDp Aiit le ftHiAmy it VufnMtc. Il <juilla Chuumonl ••m H80, IxfatpclIrSilDlc-Anne.lafiillFtilIriflJfDnil^lHr G^i IIoib*IIf PrrrNU, li lems de ni

HçM du diocis» dt Langrtâ, panr 1 8S8 .

Il iAnnuaira reelitiaitique «t hiilo-

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dès la fin du XV* au lieu de nommer ensemble, et sans distmdion de fonctions, les quatre échevins, on fit séparément électioii d'an Procureur y d'un maître è$ ceuvre» et de deux commis. On ne se con- tenta plus de les exempter de toute imposition ; on donna encore au premier six livres par an, au maitre-ës-œuvres dix, car c*éteil la partie la plus difficile de ladministration, et à chacun des deux commis quarante sols.

On fit encore, à la fin du XY* siècle, quelques changements dans le service des finances. Comme on trouvait difficilement des habi- tants qui voulussent bien se charger du recouvrement des rôles publiés par Féchevinage, attendu que ladite charge étmt hagnemMe^ on convint, dans l'assemblée générale de 1486, d'élire chaque année un receveur à gages, et quelques notables pour l'aider dans sa charge. Bientôt aussi les échevins furent déchargés de Fadmi- nistration directe des biens de Téglise et de Thôpital : on nomma un contrôleur de la fabrique et deux marguilliers, un contrôleur el un receveur de l'hospice.

rV. La ville de Chaumont avait des dépenses militaires considé- râbles. Mon seulement elle devait entretenir les fortifications , il lui fallait encore de l'artillerie, des munitions, et nous la voyons dès 1325, demander, mais inutilement, un secours pour la confection d'une bombarde.

C'est vers 1350 que le roi, cédant enfin aux instances des habi- tants, leur avait accordé, pour la première fois, l'autorisation délaver des impôts ou aydeiy c pour l'entretien des murailles et en consi- dération de ce que le pays était pauvre et situé sur les frontières de la Bourgogne, de la Lorraine et du Barrois, ce qui l'expc^ait i de fréquents passages de troupes et à des guerres continuelles. » Cette autorisation fut continuée et Louis XI en la renouvelant, par lettres du 26 février 1472, augmenta encore le chiffre des impôts à lever, < pour faire faire et payer les bombardes^ râteaux^ poudrée de canon et autres choses nécessaires à la défense ; > en même temps il ordonna à ses officiers de prêter appui à l'administration com- munale, c en contraignant tous les manants et habitants demeu- rant dans la châtellenie et tous ceux qui avaient retrait dans la ville en temps de guerre, gens d'église et autres quelconques priviléfiés

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ou non, louufnit te fort parlant le faible. * En 1458, Charlee VIII accorda l'octroi sur le sel qui consistai! en la levée de deux sols six de- niers de crue sur chaque minol vendu au grenier de Cliaumont. Gel octroi, qui éUil accordé pour six ans, fut successivement renouvelé et on y ajouta, vers le milieu du XVI' siècle, d'autres octrois tem- poraires, celui sur le vin par exemple, qui portèrent annuellement à cinq cents livres tournois le chiffre des aijdsM à ajouter aux de- niers patrimoniaux. Du refile, ces deniers étaient à peu près nuls, Il cette époque, car le produit des bois communaux, qui a fait plus lard la principale richesse de la ville, était réparti en nature entre les habitants. Si les octrois ne sutlisaient pas, il y avait encore les aydu extraordinaires. Pour les dépenses administratives on avait établi un impdt communal, connu sous le nom de frais de vilte, dont le chilfre variait chaque année suivant les exigences. Il dé- passait rarement trois cents livres.

Voici ce que les Chaumontais eurent à payer en 1559, soug dif- férents noms, indépendamment des impôts indirects qui Irappaîent les denrées de consommation :

Octroi extraordinaire pour les fortifi-ations. 320 liv. 0 s. 0 d.

Frais de ville 217 10 6

Villes closes. C'était un imp6t mis ^ur les bailliages pour la solde des gens de guerre. La part du bailliage de Chaumont était de 1,200 livres réparties entre Bar-sur-Aube , Vignory, Vassy, Joinvjlle , Châleauvillain , Gondrecourt , Vaucouleurs , Heynel , Aube- pierre, Laferté-sur-Aube, Granccy-sur-Ourcc, Essoyes , Avrolles , Laville-Pieuve-aux-Che- mins et Chaumont, doni la cote était de. . . 141 2 0

Equivalent, Sorte d'abonnement qui remplaçai! , en les modérant, certaine)? taxes royales 120 0 0

Total.

798 12

Il y avait au réie 858 imposés, La cote la plus forte, celle de Guillaume Fagolin, s'élevait pour ces împOts réunis i, six livres

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deux sob six deniers, et la phis faible à deux sols six dénias. L'im- pôt n'atteignait que les propriétaires ; mais quelques privilégiés «n étaient exempts, comme les administrateurs communaux, les prin- cipaux officiers du roi , les archers et les arbalétriers qui abattaient Toiseau , les nouveaux mariés, etc.

Nous avons dit que Téchevinage était chargé de répartir les im- pôts. En 1531, le clergé se plaignit de cette répartition, disant c qu'il était foulé et souvent même injustement porté au rftle par des hommes auxquels les administrateurs élus déléguaient leon fonctions. > Alors, après information faite par ordre du roi , inter- vint un nouveau règlement : il fut enjoint aux échevins de fiiire eux-mêmes les rôles et de s'adjoindre deux élus nommés par les ha- bitants, gens des plus ydoines et suffisons^ qui devaient bire ser- ment de donner tous les renseignements qui leur sembleraient bons pour l'égalité de la répartition , suivant la richesse de cbacon. Cette réforme ne satisfit pas le clergé qui renouvela ses rédama- tions jusqu'au XYIII* siècle. Les rôles étaient divisés par dixaines et chaque section avait son représentant près des répartiteurs. Il j avait six dixaines dans le château et douze dans le bourg. La dé- nomination de dixaine venait de ce que dans l'origine la ville n*<- tait divisée qu'en dix sections.

Y. Le service militaire était encore, pour ceux qui ne pouvaient le faire en personne, converti en impôt. C'était, dans les temps de guerre, une chaîne fort onéreuse. Tous les habitants, quand ils en étaient requis, étaient obligés de s'armer du mieux quils pouvaieni^ pour la défense de la ville. Les veuves et ceux qui étaient hors d'état de porter les armes étaient frappés d'une taxe appliquée aux frais de garde. La population armée formait trois groupes ou quar- tiers ayant chacun à leur tête un capitaine ; c'étaient les quartiers de l'Eau, de Chamarandes et de Buxereuilles. Au premier comman- dement de l'autorité, chaque groupe allait se ranger autour de son chef près de celle des trois portes principales qu'il était chargé de défendre. La compagnie des archers et arbalétriers se mettait à la dia- position de l'échevinage, sur la place. D'abord les capitaines furent nommés par le bailli, mais la milice bourgeoise s'affranchit bientôt de cette tutelle et chaque quartier se donna des chefs par élection^

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Vl. Il y avait au moyen^Agc une organisatJoa îniportanle qui a été maînlcnue jusqu'à la llévolution et que nous ne devons pas ou- blier dans cet exposé de l'éUt de la commune au commencement du XVI* siècle. Nous voulons parler des corps de métiers.

Dès le X^IV siècle, la ville de Chaumont avait déjà une industrie spéciale, la tannerie, dont l'exploitation a doimé naissance au fau- bourg qu'on appelle encore da Tanneries. En ville, les maîtres tan- neurs étaient établis hors du château, sur le chemin de Langres, ils ont construit les premières maisons de la rue de Cbamarandes. Leur corporation était bientôt devenue assez considérable et assez riche pour faire bâtir ù ses frais , dans ce quartier, une chapelle sous rinvocalion de Saint-Michel, patron de la confrérie. Celle église fut administrée pur ses fondateurs pendant plus de deux cents ans, jusqu'à l'époque elle fut érigée en paroisse pour le bourg.

Les tanneurs, les drapiers drapant, les couturiers, les tisserands de toile, les maçons, les charpentiers, menuisiers et huchiers sont les premiers corps de métiers qui aient clé réglementés à Chau- mont ; mais tes statuts primitifs de ces corporations ont été per- dus lors du pillage de la ville par les Ecorcheurs et nous ne les connaissons que par le renouvellement qui en u été fait dans la seconde moitié du XV' siècle. La confrérie des tanneurs compre- nait aussi les baudroveurs, corroyeurs, noircisseurs, bourreliers, mégissiers, teinturiers et cordonniers. En Ihia, l'autorité recon- nut la nécessité de réglementer encore d'autres industries , dans l'intérêt de la société, et on donna successivement des statuts aux boulangers, aux bouchers, aux pâtissiers. C'est l'époque le bourg s'agrandissait ; la population s'était accrue. Toutes les branches de l'industrie prirent bientâl des développements considérables; de nouveaux métiers vinrent s'établir dans la ville el, au siècle suivant, les potiers d'étain, les chapeliers, les couvreurs, les orfèvres, les serruriers, les tourneurs, les maréchaux, les taillandiers, les apo- thicaires , tes charrons, les cloutiers, les ciriers, les huiliers el les vitriers formaient de nouvelles maîtrises ayant chacune des règle- ments particuliers.

Les statuts de ces corporations ne différaient entre eux qu'en ce qui était particulier à chaque métier ; mais toutes les prescriptions

U

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relatives h la réception des maîtres, aux redevances, à l'hoiUMnir du corps, à la jurande, éLiient les mêmes. Ainsi chaque métier avait ses jurés au nombre de deux, élus par les confrères et char- gés de visiter tous les produits de la ville et ceux que les étrangers venaient y exposer en vente. C'étaient les administrateurs et les surveillants de la corporation ; ils poursuivaient les délinquants de- vant les tribunaux et avaient ordinairement un quart des smoides ; la moitié appartenait au roi , et l'autre quart tombait dans la caiase du métier. Les jurés veillaient encore à ce que tous les produits fussent frappés de la marque particulière à chaque producteur. Pour être reçu à la maîtrise il fallait avoir fait le chef-d'œnvre pres- crit par les statuts et Ton n'était admis à cett6 épreuve qu'après avoir bien établi qu'on était bon catholique, qu'on avait toujours eu une conduite irréprochable, sous tous les rapports, et que l*on était quitte d'apprentissage. Les prescriptions relatives au chef-d'ceavrs étaient beaucoup moins sévères pour les fils de maîtres , et quel- quefois même ils n'étaient pas tenus à fournir la preuve de leur capacité. La réception était suivie de banquets et buvetiei qui ne furent défendus qu'au commencement du XVII* siècle ; mais le nou- veau maître était toujours tenu de payer un droit de bienvenue i la caisse et de donner aux compagnons une certaine somme poin^ fidre à leur volonté. Nul ne pouvait ouvrir atelier s'il n'était paM»ê maître licencié. Toutefois, pour certains métiers, les veuves de maîtres pouvaient continuer si elles avaient tin valet bien auvrmnu

Cette obligation de maîtrise était le principal vice des corpora- tions. On voulut même aller plus loin à Chaumont : on défendit aux maîtres qui n'auraient pas été reçus dans cette ville de s'y éta- blir ; mais cette défense ftit bientôt levée par l'autorité conune con- traire à la liberté du commerce et préjudiciable aux bourgeois. Pourquoi ce respect pour la liberté n'a-t-il pas fait aussi supprimer l'ordonnance qui voulait que tout compagnon trouvé sans maître pendant trois jours, fût constitué prisonnier du roi?

Les confrères se réunissaient plusieurs fois dans l'année pour traiter des affaires du métier. La caisse recevait les subventions mensuelles, les amendes et des dons. Au jour de fête de la cou- f)rérie, tous les membres de la corporation et tous les compagnons étaient tenus d'assister aux offices. Le dimanche suivant , un des

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nuilrcs, ù Lour de rôle, ri^prenait le bâion de la confrérie qu'on portait processionuellemciit dutis sa maison. Il y avaîl ulors un dîner auquel tous tes confrères étaient tenus d'itssister; pour quelques corpuralioDs même il y avait diner la veille, dîner et souper le jour, et troisième diner le lendemain. On pouvait refuser le b3lon en faisant un don dont la quotité était filée par les statuts. Si un maître se mariait, les confrères étaient de la fûte et les compagnons avaient pour boire ; de même pour les naissances des enfants de maitres. Le confrère, â sa mort, était porté en terre par les quatre inailres reçus les derniers, et toute la corporation, maîtres et com- pagnons, suivaient le cercueil. 11 y avait aussi obligation d'assister aui enterrements des fils de maîtres.

Les statuts des boulan(,'ers, des bouchers et des pâtissiers ren- fermaient des prescriptions spéciales, « ù cause du dim^er qui pou- vait en advenir au corps bumain, i et tous les maîtres, â leur ré- ception, Juraient sur le corps du Christ et sur les saints évaugiles de c bien exercer ledit métier, au profit et à la santé des bonnes gens et d'en garder fermement les statuts. > Us ne devaient avoir d'autre métier qui put coniamincr le leur. Le boulanger pouvait s'approvisionner â la halle, mais seulement une heure après l'ou- verture du marché, et il était défendu au regniltier d'y entrer avant que le peuple (ùl servi. Chaque boulanger devait avoir, en tous temps, trois seliers, l'un en blé, l'autre en farine et le troisième en pain ; il devait faire du pain de fine lleur, du pain de grosse farine qui, à prix égal, pesait un tiers plus que le précédent, et du gros pain qu'on appelait torte. La taxe était faite chaque semaine par l'autorité ; mais le poids du pain variait seul, le prix en étant in- variablement fixé i quatre et â deux deniers. Si le bichel de iro- menl coûtait dix deniers, le pain de quatre deniers devait peser seize livres et celui de deux deniers huit livres. Si le bichet valait deux caroli ou vingt deniers, le pain de quatre deniers pesait huit livres et celui de deux deniers quatre. En suivant cette propor- tion on trouve que si le bichet de Iroment coûtait viugl-lrois caroli, le pain de quatre deniers devait peser dix onces, cinq Irézeaux, un denier, et celui de deux deniers cinq onces, deux trézeaux trois deniers, etc. En I5G2, & l'époque commence la troisième période de l'bis-

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toire de Chaumont, il y avait dans cette ville cent quarante-dz dra- piers drapant, quatre-vingts tisserands de toile, trente-cinq maçons, vingt-sept manouvriers, vingt-trois boulangers, vingt-trois mar- chands, vingt et un bouchers, vingt et un tanneurs, dix-sept coutu- riers, seize charpentiers, quatorze charretiers, treize menuisiers et huchiers ; douze tailleurs, autant de merciers, de couvreurs et de maréchaux ; onze tavemiers, neuf pelletiers ; huit hôteiliers, autant de chapeliers et de tonneliers ; six fouleurs, six serruriers et auCanI de barbiers ; cinq pfttissiers et cinq bottiers ; quatre artisans de chacun des métiers de cordier, huilier, fourbisseur, foumier et sellier ; trois des métiers de messager, carreleur, carbon, Terrier, perrier, magnier, chaussetier, tondeur, corroyeur ; deux brodeurs et autant de scieurs, de blanchisseurs, d'orfèvres et de méné- triers. Les industries suivantes n'avaient qu'un représentant : Yi- naigrier, meunier, boblineur, cloisetier, pécheur, clivier, éperon- nier, mesureur, moutardier, jardinier, parcheminier, coutdier, taillandier, coutrier, teinturier, paulmier, aiguilletier, seiclier, fen^ deur de poires, blanchisseur. On comptait à Chaumont, trois mé- decins, deux apothicaires et deux avocats. Depuis le commence- ment du siècle (1515), il y avait aussi un imprimeur-libraire et plusieurs artistes parmi lesquels nous citerons les peintres Jacques Manchin, Pierre Brisejon, Ogier Perrot, Adrien Tassel et Jacques Bessel ; les maçons Claude et Symon Cussin qui taillèrent les ogives de l'église Saint-Jean, et François Boullet qui dirigea les trafauz d'agrandissement de cette église. Nous pourrions encore classer parmi les artistes les joueurs de mystères, et nous en trouvons sept en 1541, trois prêtres et quatre laïques ; mais ils ne constituaieiil pas un corps de métier (1).

On voit qu'au commencement du XVI* siècle, l'industrie de la tannerie avait déjà perdu beaucoup de son importance à Chaumonl. Celle de la draperie avait au contraire prospéré. La réputation des draps de Chaumont était alors dans toute sa force et il s'en faisait un commerce tel que le roi Charles IX établit dans la ville une justice consulaire ; mais le ralentissement de l'industrie pendant

('() Voyei danf notre Diablerie d$ Chaumont ^ leur toppliqoe m Ten pov ol ■M mteinité. ni demaiidaieol Ht lifrei et oo ne leor t aecordé qit mH Mit.

Bi- les pierres de religion (il supprimer celle inslîlulion moins de vingt ans après, malgré les rcclamations des commerçants. La po- pulation variait alors, comme de nos juurs, de six à sept mille ha- bitants. Depuis la lin du \Y° siècle, le prix des choses y avait doublé, ainsi la livre de fer mis en œuvre, qui se payait six deniers en 14S4, valait en 1546 douze deniers.

Vil. On aurait lieu de s'étonner si, tandis que la commune s'or- ganisait, on n'avait rien fait dans l'inlériM de la viabilité et de la salubrité publii|ues , rien pour l'instruction et la moralisation des habitants. On a f^it beaucoup, nu contraire. C'est à lu fin du XV* siècle qu'on a commencé à paver les rues de b ville, d'abord la place devant la grande porte du châleau, se tenaient les marchés, puis la rue de l'Élape ou de la Halle-aux-Vins, et toutes les grandes rues. Les propriétaires ont été contraints d'ajouter à leurs maisons toutes les constructions exigées par la salubrité et la sûreté pu- bliques. On a luit les règlements les p'us sévères pour le netloie- menl des rues qui jusque-là Étaient restées dans le plus horrible étal de malpropreté. Un règlement de 15<)5 a défendu de nourrir des porcs dans les maisons habitées, â moins qu'il n'y eût une dis- lance convenable entre l'étable et la demeure des ménagers, comme aussi de les laisser courir dans les rues et de laisser séjourner hors îles éciiriesles vaches, les chèvres, les moutons, elc , ailleurs que dans les lieui affectés à la pâture. Tout animal rencontré sur la voie publique devait ëlre comluU à jiixiice, c'est-à-dire au geô- lier qui le gardait prisonnier jusqu'à h constaLition du délit. Enfin on a fondé une école en luil, et un grand nombre de règlements relatif» â l'ordre et â la morale lémoignenl du zèle des Chaumon- tais pour établir dans la commune une bonne police.

Les guerres des deux siècles précédents avaient laissé au sein de la population les germes d'une démoralisation profonde. On s'était habitué à la licence. On ne sortait plus sans armes et, presque toujours , les querelles se terminaient en luttes sangbntes. Les Jeunes gens passaient les nuits dans les tavernes et les artisans s'y minaient par le Jeu. La débauche était sans frein. On n'entendait que blasphèmes. Les meurtres étaient fréquents elles vols se pratiquaient en plein jour. Le Prévôt, de concert avec l'échevinage,

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résolut d*arruter ce débordemenl des mauvaises passions et, pour arrivera ce but, il publia, de 1540 à 1560, une série de règlements que nous allons analyser et pour Texécution desquels il a toujonn montré la plus {grande stvérilé.

Il était défendu de jurer, de blasphémer et de (aire des sermenlt illicites.

Nul ne pouvait porter dans la ville, de jour ni de nuit, épées, dagues, poi{çnards, grands couteaux, plus longs d*un pied en manehe cl allcmrllcy s*il n*avait privijùgo de le faire.

Défense d*aller de nuit par la ville, après huit heures du soir, sans lanterne ou feu ; comme aussi de faire dans les rues, de jour ni de nuit, bruit d'instruments ou par cris, d*allumer des bordes ou des feux, de danser aux chansons ou autrement, sans expresse tutorisation.

Nul tavemier, hôtellier ou cabaretier ne pouvait recoToir en sa maison passé huit heures du soir, depuis la Saint-Remf jusqu'à Pâques, et passé neuf heures, de Pâques à la Saint^Remy, ni y laisser séjourner inutilement les enfSuits de familles et ser- viteurs.

Les Etcraines étaient défend les et les réunions qui se faissient ordinairement es caves et chambres, comme aussi les mascarades et déguisements sinon avec torches, fallots et sans armes.

Défense à tous de porter des habits autres que ceux qui conviennent à leur état et à leur fortune et d' enfreindre, pour les parures de soie d*or et d*argent, les édits royaux.

Défense d'acheter chose quelconque des enfants de familles, ser- viteurs et servantes, sans permission des pères et mères, mattres et maîtresses.

Les artisans, gens de métiers et autres, gagnant leur vie de laor labeur manuel, ne pouvaient jouera quelque jeu que ce fût es jours ouvriers et es heures des messes et vêpres es jours de dimaiifh<jt et fêtes.

Il était défendu à tous de tenir chiens qu'ils ne pussent nourrir» sous dommage d'autrui, et il était permis d'assommer impunémeiil les chiens qu'on laissait vaguer.

Les vagabonds ou oisifs qui pouvaient travailler et ne le fi'ffuent pas, étaient mis en demeure de chercher de l'occupatioDa si» Irais

jours après, s'ils étaient encore oisifs par leur Taule, on les fouettait publiquement et on les chassait. Les pères et mères devaient nour- rir leurs enHiiits, s'ils en avaient les moyens, et les enfants leurs pères et mères.

Il était défendu tous d'exercer maquerellage ; de séduire, atli> rer à mal les femmes et filles , de tenir, ressorlir, loger, fréquenter femmes ou filles lubriques et vivant en incontinence et paillardise prohibée ; il était défendu auidites femmes et filles de ce faire ; celles de ladite qualité qui étaient â Chaumont, devaient en sortir dans lu délai de trois jours, à peine pour lesdites femmes et filles paillardes et adultiVes, pour les maquereaux et maquerelles, contre- venant après lesdits trois jours, d'être pris, d'avoir le fouet, et d'être honteusement mis hors.

Il était encore défendu J'eiiliarrer les denrées avant leur arrivée sur le marché; les hàlelliers et revendeurs ne pouvaient acheter sur ledit marché avant neuf heures du mntin, enfin tous les achats conventions ou monopoles qui pourraient préjudicier au bien pu- blic étaient prohibés.

Les pères, mères, maîtres et maîtresses étaient tenus de répon- dre des faits de leurs enfants, serviteurs et servantes.

Les règlements du prévâl étaient publiai tous les trois ans dans les rues et carrefoui-s de la ville, par cri public et à son de trompe.

CHAPITRE IV.

LE CLEROÉ.

I. Le clei^ de Chaumont fut détinitiTement constitu''. au XV* siècle, à l'époque même les bourgeois oi^anisèrent la commune.

D'abord la paroisse n'avait été desservie que par le curé-dojen et 863 vicaires (1); mais, dès le commencement du XIV' siècle, on

(I) Bdtoire Tabltau dtl/iglUe di Saint- Jtan-BapliiU Chaument. fit M. Godard. CbMutiHil, 1«iï, itic jiUiiiIia liilin(riplii>'A. (Jurl^wH ani^ ■■■p*- ntinl, on tiiil paUU, M 4 Icuilin ; La Plan, coupé. Hiualion M dtnint <le nil*

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leur avait adjoint plusieurs chapelains, qui a\'aient bientdt formé avec le curé une association jouissant en commun de la manse ca- riale et du revenu des fondations. Six lettres d'amortissement, scd- lées du sceau royal et dont la première est datée de 1292, prouvent que ce revenu s'augmentait en proportion des besoins du culle. Déjà au commencement du XV* siècle, la fabrique avait des biens amortis pour plus de trois cents livres de rente, aussi fit-elle faire, dès cette époque, avec Taide des habitants , des travaux de consolida- tion et d'embellissement à Téglise. En même temps on construisit un revesiialrey sur remplacement d'une maison que céda le prieur de Buxereuilles, moyennant un cens annuel de vingt sols et c une collecte j qu'on devait dire, pendant la grand'messe, le jour de Saint- Robert, en Thonneur, révérence et commémoration dudit saint do- nataire du prieuré. » Ce revestiaire est la sacristie actuelle. C'était une dépendance indispensable depuis que, grâce à la piété et à h libéralité des habitants, l'ôglise était notable et insigne de beaolz et riches joyaux, vestements, ornements et aultres choses. »

n. Parmi les anciens bienfaiteurs de l'église Saint-Jean-Bap- tiste, nous devons citer Féllsotte, fille de Bertrand Le Pelletier (1306), qui a aussi fait des legs à l'hôpital et à la Haladière; Isa- belle de Chàteauvillain(1340); Huon, dit Lebrun, qui fonda h chapelle delà Vierge (1355); Nicolas de Lahjirmand et Harpierite, sa femme (1403); le sire de Nogent , qui donna quarante livres pour la construction d'un petit clocher sur le chœur (1414) ; Jean Thominot, qui mourut en 14â5; Pierre le Bourcerat et Jac«iuo(te, sa femme (1438). Pierre avait fondé une messe anniversaire qui devait être sonnée à la cloche nommée Laubeleliière t afin d'impé- trer la grâce de Dieu et qu*ii lui voulsit remettre et pardonner ses défaulles, mesmement que à sa très redoublée heure que son Ame partira de son corps il la veuille recepvoir et haabergier en son pa« radis, en joye repous et lumière perpétuelle. > Nous citerons en- core Henri de Brabant et Isabelle de Neufchâteau, sa femme ; Nico-' las de Brabant ; Philippe de Brabant et Catherine de Bourmont, sa femme ; enfin noble homme el scicniifique personnCf H* Georges de Brabant, protonotaire du Saint-Siège, chanoine de Saint-Germain- TAuxerrois et prévôt de Champeau. Cette famille de Brabant était

au XV* siècle l'une des plus importantes de la boui^eoisie de Chau- mont. Elle n'a quille la ville que sous le roi Louis XI.

ni. Les chapelains étaienl élus par les habitants. Leur nombre variait et le; titulaires, dans leur intérêt, chercliaienl à le restrein- dre toujours davantage el surtout à faire oublier le droit d'élection. Ces prétentions déplurent aux bourgeois ; il y eut plusieurs procès et, après de longs débats, l'intervention du bailli Robert de Bau- dricourt ménagea un concordat rédigé et signé pardevant deux no- taires le â8 révriur 1451.

On convint qu'il y aurait pour le service du culte, un curé M treize prêtres ou chapelains, résidant ; ils restaient chargés des oî- lices ordinaires et de célébrer tous les anniversaires, messes et ser- vices do l'ondation. < Ils feront toutes les heures canoniales, c'est-i- dire matines, prime, tierce, sexie, none, vespreset compiles, tous les jours et û son de cloche ; ils devront y être tous, en personne, aux heures principales, c'est-à dire à matines, à la messe parois- siale que doit le curé et à vespres. Et pour s'acquitter envers les bienfaiteurs trespasséii on dira après vespres les vigiles des morts et, le lundi, la messe haulle à diacre et sous diacre pour lesdicts trépassés el, après cette messe tous iront en procession de* vant le cniciliiL du drap noir et à chascun bout d'icelluy y aura un ciei^e ardent, aux despens de la fabrique, el feront pour lésâmes recommendation générale. » Dans le partage des revenus, les parts devaient être égales, à l'exception de celle du curé qui élait double de celle d'un simple chapelain. On confia la recelte de ces revenus a un receveur assernienté et il fut défendu aux membres de la com- munauté de rien vendre, acenser ou aliéner sans le consentement des mai^illiers.

Lors de la rédaction de ce concordat, il n'y avait que huit cha- pelains. Pour compléter le nombre de treize , le curé en nomma trois et les bourgeois deux ; mais on stipula qu'à l'avenir, en cas de vacances , on prendrait de préférence des prêtres natifs de la «ille el que l'élection s'en ferait au sein d'un comité composé du curé, de deux des prêtres titulaires désignés par le curé, el de trois électeurs laïques nommés par les habitants en assemblée générale. En cas de division dans le comité , quatre suffrages emportaient

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élection. Les six électeurs devaient jurer sur l*Evangile : c de ftir» le plus justement qu'ils pourraient la nomination, sans avoir égani i parenté, richesses, lignage, dons, promesses ou autres aflectioot quelconques. > Les élus prêtaient serment de fidélité au concor- dat. Ils ne pouvaient s*absenter de la ville sans une autormtioB signée du curé et d*un marguillier. Le congé ne pouvait dor^ plos de trois mois et celui qui l'outrepassait était immédiatameal rem- placé.

Le concordat rendant obligatoires, pour chaque jour, des haiiras qu'on ne disait pas régulièrement avant cette époque, les babUanta vouhirent compenser cette nouvelle chaire par une donation* Us cédèrent à la communauté Thôpital de La Maladière, avec toutas ses dépendances, à la charge, par les chapelains, de l'eDlrelenir dm manière à y loger toujours les lépreux, d'y célébrer une mens diaque semaine et c de donner, une fois Tan, à dhiei^aux bom- chers de la ville, en faveur de deux bœufs et certains autres droils qu'ils devaient à ladite Maladière. > Les dépendances de eét Uissement d'utilité publique consistaient en cinquante-neof j< naux de terre et sept fauchées de pré. La fabrique de l'église la donna aussitôt à bail ; mais le roi devait, deux siècles plus tard, la réunir i l'ordre de Saint-Lazare et en augmenter la dotation do l'HMel-Dieu de la ville.

IV. Plusieurs donations importantes ont été faites par les ininioy à l'Eglise Saint-Jean-Baptiste, dans la seconde moitié du XV* sièdo . Lors de la réduction du concordat, Robert de Baudriooart avail donné cent livres. Plus tard, il fonda une messe haute pour b ttlo de Saint Jacques, apôtre, et Marguerite, sa fille, fonda (a mnâe dm Baillif qui se célébrait le 22 juillet, en commémoration de In mort de Geofiiroy de Saint-Blin, son mari, tué à la bataille de HonC- Ibery.

Geoifroy de Saint-Blin avait formé le projet de fiiire édifier dans l'église de Chaumont une chapelle s'accompliraient les denii&iM fondations bites par sa famille. Il voulait qu'on y célébrlt eneero une messe basse, chaque jour, et douze messes hautes paidanl l'année. Pour réaliser ce vœu, il avait obtenu du roi Louis XI don lettres d'amortissement pour cinquante livres lonmsis de

- 87 pflrpéluelle (1). Les travaux pour la construction <te cette cbapeUe élaienl déjà commences, lorsque Geoffroy mourut. Le porprint d'icelU c/tn/wfJe étflît Élevé ; le fondateur était < en intenlion, voulenté et propos de faire laillier et asseoir au fons de la tour, en ymaiges de pierres grandes et eslevées, \a représentation du Sainl-Sépulcre notre Seigneur Jésus-Christ et, en icelle chapelle, hors de la dicte tour, les autres mistcres de sa passion glorieuse précédnns et subsequens sa dicte sépulture, ou partie d'iceulx, comme du crucelieraent, de la position de la croix et de la résurrection, ensemble l'autel gamy de table el rétable de pierre, esquelz serait posée, en semblables ymaiges, la represent)lion des cinq festes de la glorieuse Vierge Marie, et singulièrement de sa benotle assumption et des mystères qui en dépendent. > Ces travaux restèrent interrompus pendant quelques années, la femme et les enfants du seigneur de Saînt-Blin élanl ( demorez en vesvée orpbanèe et aflliction de plusieurs grans et pileux affaires comme chacun scet. t Cependant Marguerite n'a- bandonna pas le projet de son mari, les travaux furent repris, ler» minés en 1471, et, en cette même année eut lieu la prise de pos- session, dans une assemblée qui se tînt à l'église, en présence de deux notaires, élaienl ta veuve du seigneur Geoffroy, les curés, chapelains et mai^illier), avec les plus notables bourgeois au nombre de plus de cinquante. La fabrique accepta les litres de conslilulion des cinquante livres de renie. Elle prenait f la dicte cbapele ensemble les clefz et édilices comme bien faiz el accom- plie; et les missal, calice, corporaulx, draps d'autel, amictt, cba- subles, Ihunniques, damaliques, cbappes et autres ornements, les- quelz par icelle dame sont resté baillez el délivrez realemenl el de fait. > Les mai^illiers s'engagèrent « à mainlenir en estât louable et souffisant les vesteraenis el ornements spécifiez et aussi les édi- fices d'icelle chapelle dedans el dehors, tant en ymaiges, murailles comme en couverlureï closure, verrières, huisserie, clefz, serrure et autres choses nécessaires et convenables. » Ils abandonnaJeni Tusage d'une des grosses cloches pour sonner les offices et se char- geaient de founiir le luminaire, le pain et te vin nécessaires. De

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leur côté, le curé et les chapelains prirent Tcng^ageinent de célébrary chaque jour, à six heures du matin, une messe basse, pour laquelle ils feraient sonner c le nombre de treize coups de batlaat , ejent telle distance de l'un à l'autre que entre deux cops on puisse dire un Ave Maria. > Ils s'engagèrent encore à chanter et célébrer so- lencellement cet office aux cinq Tètes de la Vierge et à celles de sainte Catherine, saint Michel et sainte Marguerite ; enfin , i dire chaque jour certaines prières pour les foudateurs, pour leurs pe- rents et amis décédés. La collation de la nouvelle chapelle, qn'on appela Chapelle de Baudricouriy fut réser>'ée à la fondatrice et i ses descendants. Ce droit consistait , si le collège des chapelains était complet, à faire choix de celui d'entre les titulaires qui devait desservir la chapelle ; en cas de vacances dans le collégei le colla- teur nommait quel prêtre il voulait. Nous devions nous arrêter plus spécialement sur cette fondation » le sépulcre de l'église de Chaa- mont, dont nous donnerons ailleurs la description , étant Tua des plus précieux monuments de ce genre que possède la France (1).

V. C'est quelques années après la fondation de h chapelle Ban- dricourt que l'église de Chaumont fut érigée en collégiale. Cette distinction était bien due à la métropole du bailliage. Les chapelains qui espéraient échapper par à la tutelle de la commune avaient pris l'initiative de ce changement; ils avaient d'abord consulté l'évèque et, assurés de son appui, ils s'étaient adressés directement à Rome. L'occasion était d autant plus favorable qu'un de leurs compatriotes. Jean de Hontmirel, y était alors tout puissant.

Jean de Montmirel élait né, à Chaumont vers l'an li05, de Goil- laume, mercier en cette ville, et d'Isabelle ou Sibille, sa femme. Docteur en droit canon, il avait été d'abord chapelain de Notre* Dame en l'église Saint-Jean-Bapliste, puis desservant de Saint-Michel. Ayant bientôt quitté Chaumont pour habiter la ville épiscopale, il était devenu chapebin dans l'église Saint-Pierre, puis chanoine de la cathédrale. Montmirel était un homme d'un mérite réel. Zélé défenseur du pouvoir des Papes, à une époque de toutes parts

(I) Notice historique et deeeriptive $ur le Sépulcre de VÈgU$e de Satmi- Jean'Baptiête de Ckauwumt, par JoIm Férid. Chtomont, 4 841, tv«c litbofrapkiéc.

on cherchait à le reslreindre, il uvail été appelé à Rome dans les dernières années du pontiricat d'Eugène IV, et il s'j était bientôt bit la réputation d'un homme adroit, exact et fort versé dans les affaires. Il était évéque de Vaison, mais il résidait à Rome. Sixte IV qui ne savait rien refuser aux importuns, et qui souvent accordait i plusieurs à la Tois le même emploi ou la même faveur, t'avait chargé de vériHer et de contre-signer toutes les requêtes. Il était donc référendaire secret <Iu Pape quand on lui demanda d'élever la communauté des chapelains de ChaumonI au rang de collège de chanoines. Il fut heureux de saisir cette occasion de prouver son bon vouloir â ses compatriotes, et les faveurs du Sainl-Siége ne se firent pas attendre.

VI. L'église paroissiale de Chaumont fut érigée en collégiale, le 18 décembre U74 (1). La bulle d'érection institue un doyen chargé du gouvernement de l'église, avec droit de juridiction sur les chanoines ; un trésorier et un chantre tenant la première et la deuxième places après le doyen , et douze chanoines ayant le costume en usage dans les autres collégiHles. Elle donne à ce nouveau collège le droit de se réunir en chapitre ; de faire des statuts; d'avoir un sceau (2), des archives, une cloche capitulaire ; elle acconle enfin à ses membres tous les honneurs, privilèges, libertés, exemptions et induites des autres collégiales. Le pape nomma tous les membres du cLtpitre, mais pour cette fois seulement, et il eut soin de choisir tous les chapelains alors tituLtires. Le curé Etienne de Clamanges fut nommé doyen. Pour l'avenir, la bulle respectait l'ancien usage de conticr â l'cledion populaire le choii des ministres du culte ; mais elle donnait au chapitre le droit de présentation des candidats qu'il était tenu de choisir de préférence parmi les Chaumontais gradués dans l'ordre ecclésiastique, s'il s'en trouvait de capables, ou parmi les prêtres des villages les plus voisins. L'élection des chanoines devait encore être soumise à l'approbation

10 iSdi.jio. un.

(I) L* pmniar km* du chipiirr ut BtatiUi la euro» <)■ ninTcai i;«'iil M«ll, l< |1«v< t k wii. Od ng rfl iùroopltt..

Ig la d^Tollalion di Sainl Jran- Jt « tnau ijne par fragDKUU

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dn doyen, et le Saint-Siège se résenrait le droit de sanctiomier oaBe dn doyen, du chantre et da trésorier. Enfin, relativement au parti^ des revenus et bénéfices, h bulle stipulait que la part du doyen serait double de celle de chacun des chanoines. C'était donc la simple substitution d'un collège de chanoines à la communauté des chapelains ; Toi^nisation était la même ; seulement on enlevait è la commune Télection directe. Nous verrons qu'elle réclama son droit et qu'elle sut le faire respecter.

Montmirel ne se contenta pas de cette faveur pour sa ville natale : il fit réunir h la manse capitulaire de la nouvelle collégiale , le prieuré de Buxereuilles, les cures de Bologne, Darmannes et Condes, ainsi que toutes les chapelles fondées dans les églises Saint-Jean et Saint-Michel, à charge, par le doyen, d*y faire célébrer exactement le service divin pour le salut des âmes (1 ) ; il fit encore exempter le chapitre, ses membres, serviteurs et tous ses biens de la juri- diction épiscopale , pour le soumettre , i perpétuité, à celle dn Saint-Siège (i) ; enfin, une quatrième bulle scellée à Saint-Pierre de Rome, le 6 des ides de février 1475 (3), ouvrit dans Tégliae de Qiaumont un trésor unique d'indulgences. Cette dernière hvenr, avait évidemment pour but de faire affluer dans l'église qui en élail Tolqet, les aumônes des fidèles ; mais un motif aussi léger qne celui exprimé par Sixte IV , le âénr de faire briller tégliâe dang laquelle Monlmirel a été bapii$é , pouvait-il sérieusement joslifler une concession findulgenees très plénièret d'ahiiiluîion complète de fous crimes et délits t En 1810, l'évèque diocésain s'est prononeé pour la négative et il a rejeté la bulle comme surprise à l'aotorilé du Saint-Siège.

Le Chaumontais Simon Magnien, curé de Biaise et subdélégné du Saint-Siège, installa le chapitre le 15 avril 1476, et huit jonrs après Louis XI approuva toutes les bulles.

Vn. Ainsi l'église de Chaumunt se trouvait dotée des plus grands privilèges qui pussent lui être accordés. Mais les faveurs dont elle

(4) Bol1« da 16 a«t tàieném de févrkr (47 jiOTitr) UTi. (2) Balle iu2\^ etieate de férrMr (21 jtoTMr) 4 475 . T Sttvrâr.

ôi

était comblée avaient foit des mécontents. La commune, réellement pmée de son droit d'ék-clion, fit opposition au piirlement, et l'éTëque qui n"avait plu.s de droits sur l'une des principales églises de son diocèse, appela de son cAlé de la bulle d'exemption. L'évéque étnit puissant et sa lutte contre le chapitre lit beaucoup de bruit. C'était Gui Bernard- Outre le crédit immense qu'il avait à la cour comme conseiller et favori du roi, il était encore assuré de la protection du parlement dont il avait été membre. Il prolila de ces avantages pour faire à ses adversaires tout le mal imaginable. Excommunié par le pape, il répondit aux censures ûe. Itoine en excommuniant lui même deux des nouveaux chanoines. Cinq autres qui étaient atlésà Paris pour soutenir les intérêts de leur communauté, y furent emprisonnés par l'ordre du prélat, et ils ne Turent mis en liberté que quand on eût obtenu de Nicole de Laharmand, neveu de Montmirel, la promesse quil solliciterait la levée de l'excommu- nication papale. Cependant Gui arrêta encore dans la ville épiscopale le (hanoine Jobert, qui revenait de Rome, l'emprisonna et lui en- leva toutes les lettres dont il était porteur. Mais il craignit cette fois de nouvelles censures et il crut prudent de se placer sous la sauvegarde du parlement. Sixte IV adressa en effet un bref à la cour en laveur du chapitre et l'on peut juger de son indignation par les termes dans lesquels il parle de Gui Bernard. Ses sollicitations étaient tellement pressantes que le roi se décida enfin i intervenir et une première transaction, signée à [tome le 3 juillet 1476, mit fin au scandale : le procès était mis à néant ; les bulles devaient recevoir leur exécution ; le chapitre s'engageait à payer à l'évëque dix livres tournois par an et à dire encore une messe pour lui. Gui Bernard n'était pas homme à se contenter de cot arrangement.

Vlil. £n 1479, le chapitre de Cbaumnnt perdit son protecteur. Jean de Montmirel mourut à Itome le 14 juillet, il fut enterré dans la chapelle Sainl-Je-in-Baptiste qu'il avait fondée dans l'église dcl Popolo,eli laquelle il légua tous les biens qu'il possédait en Italie, il avait donné au cbapîlre de Chaumont un terrage considérable et à l'église un reliquaire en crislal renfermant des reliques de Saint Jean- Baptiste. Clamanges mourut l'année suivante. Alors le chapitre élut doyen de la collégiale Nicole de iâhannand et l'évéque nomma

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an doyen rural. On sait que les deux dignités avaient été jusque- réunies ; mais celte fois le doyen rural voulut slmmiscer dans les fonctions curiales. C'était pour révéqne une occasion de re- nouveler la lutte et il s'empressa de la saisir» en soutenant les pré- tentions de son doyen. Il commença par mettre sous le séquestre le temporel de la collégiale. De nouveaux procès , de nouveaux scandales allaient résulter de ce conflit ; mais les chanoines, qui se trouvaient désormais sans appui, prirent le parti, pour en finir, de renoncer à plusieurs de leurs privilèges. Une seconde transaction fut signée le 3 mai 1 480 : Guy accordait Texécution de toutes les bulles, à la condition que le chapitre rentrerait sous la juri- diction épiscopale , qu'il demanderait Taulorisation de Févéque avant de faire procéder aux élections, et qu'il soumettrait i Tappro- bation le choix des nouveaux titulaires. Enfm il fut convenu que pour droits de visite, de procuration, etc., la communauté payerait six livres par an et célébrerait un anniversaire, pour le salut de l'évéque, le jour de la Saint Hammès. Gui s'engageait encore è délivrer gnuis le puhlicetur de la bulle des indulgences. Le séquestre fut levé et on abandonna la procédure.

IX. C'est alore seulement que furent rédigés les statuts du cha- pitre qui relent la manière d'entrer dans l'église, de prendre de l'eau bénite, de se vélir, de se lever au chœur, de lire les heures, de psalmodier et de célébrer les offices. Chaque manquement était frappé de deux deniers d'amende sur le rapport du chanoine ponc- tualeur. Il devait toujoure y avoir quatre chanoines au chœur, et si le chanoine de service s'absenUiit, il devait deux déniera et quatre pour les joura solennels. Il y avait une assemblée du chapitre par semaine et elle était obli{:aloire. Chaque nouveau titulaire payait cent sols lora de son installation, pro nùlitate capUulij et quarante sols au doyen. Le nouveau doyen donnait douze écus d'or au cha- pitre. Avant son installation, il jurait qu'il était de légitime ma- riage et de libre condition ; il faisait le serment de n'agir qu^en me de Tutilité, de la bonne tenue et de l'honneur de l'Eglise ; de faire respecter ses privilèges, libertés et immunités; de réformer tout ce qui pourrait y être contraire, de l'avis du chapitre; de n'aliéner aucun bien de l'église ; d'observer et de faire observer le respect

nu Saint-Siège ; de tenir secrètes les décisions cipilulaires et de ne prendre des revenus <|ue ce qui lui serait dû. Les chanoines faisaient les mêmes serments el juraient d obi^îr au doyen et au chapitre, de se rendre réciproquement tes devoirs et honneurs dus et d'observer les slaluls. Il y avait encore, pour le service de la collégiale, des prébendiers dont le nombre fut d'abord de quatre, puis de trois. Ils Taisaient aussi serment de légitimilé, de respect, de fidélité, et, dans le portage du temporel, ils avaient ensemble la part d'un chanoine.

X, Cependant la question du droit d'élection revendiqué par la commune n'élait pas encore jugée. L'opposition des habitants à l'exé- cution de la bulle n'avait pas fait autant de bruit que celle de l'évé- que : elle était toujours en instance. Ils ne s'en désistèrent qu'en 1493, sur la prière des chanoines. Alors intervint un concordat nouveau et la question en litige fut ainsi résolue : A l'ave- nir les élections se feront par te doyen, deux chanoines nommés capitulairement el trois boui^eois élus par les habitants en assem- blée générale. Le doyen ne présentera pas de candidats. Les six électeurs se réuniront au revestiaire de l'église et ils ne se sépare- ront que quand l'élection sera faite. En cas de partage des voix, on s'en rapportera à un tiers, clerc ou laïque A tour de rôle. Le choix des électeurs devra tomber sur les enOinls de ta ville el, en cas d'impossibililé, sur les prêtres nés dans les paroisses les plus rap- prochées. Il pouvait toujours y avoir des permutations ou des rési- gnations dans le chapitre, avec raulorisalion des collateurs. En cas d'ab.'ence de plus de trois mois d'un titulaire, on devait mettre â sa place un élagier qui recevait dix livres par an et prenait part aux avantages. Stipulant dans l'intérêt de la fabrique, les habitants exigèrent, par une clause du concordat, que te nouveau chanoine verserait dix livres entre les mains du receveur. La commune et la fabrique restaient seules charj>ées de l'enirelien de l'église ; il ne devait rien être changé dans l'édifice sans le consentemenl des habitants. Tel fut le nouveau concordat. II régla la constitution civile du clei^é de Chaumont j usqu'â la Révolution.

XL. Tous ces actes de réconciliation se firent £Ous le doyen

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Nicole de Laharmaod qui mourut à Rome le 11 septembre 1500. Mais alors surgirent de nouvelles difficultés : rassemblée électorah réunie dans l'église Saint-Agnan, parce que la peste régnait à Chan- mont, nomma doyen Jean Travaillot, trésorier de la cathédrale de LangreSy qui se contenta de prendre possession par procureur et résigna de suite au profit de Pierre Hardy, autre chanoine de h cathédrale. Cette résignation ayant été contestée, Tévèque nomaia, par dévolu, Gilles de Gyé qui intenta aussitôt un procès à son eom- pétiteur. L'affaire durait déjà depuis plus de deux ans, lorsque Hardy mourut. Alors Tesprit de conciliation et de paix poussa la com- mune et le chapitre à céder encore à la volonté de l'évèquei et de Gyé fut élu d une voix unanime.

Le nouveau doyen était fils de Pierre de Gyé, lieutenant-géaéral du Bailli. Il n*a résidé que très rarement à Chaumont ; mais pendanl son doyennat on a exécuté des travaux considérables pour Tagran- dissement de relise Saint-Jean.

Xn. Cet édifice devait être rendu digne de l'éclatante distinction qui venait de lui élre accordée. Les habitants l'avaient compris et déjà après la signature du concordat, ils avaient commandé à im fondeur de Troyes de magnifiques fonts baptismaux en cuivre qu'ils avaient fait placer près de la chapelle Baudricourt. Hais il ne suffi* sait pas d'orner l'église qui n'était plus assez vaste, surtout depuis que les nefs se trouvaient encombrées de chapelles de fondationsw On forma le projet de l'agrandir derrière le chœur et de construire extérieurement des chapelles entre les contre-forts. La bbrique reçut bien alors quelques donations : la veuve de H. de Baudri- court, Anne de Beaujeu, fonda la Messe du maréchal (1500) ; le bailli Jean d'Amboise et Catherine de Saint-Blin sa femme donnè- rent le moulin de Recbncourl (1502), pour la fondation de la CUh- chelte de nfiti, qui demandait des prières pour les trépassés; Mathieu Chanoine et sa femme, qui firent construire le sépulcre Saint-Michel, n'oublièrent pas l'église Saint-Jean dans leurs pieuses libéralités ; mais ces donations ne pouvaient suffire et le malheur des temps ne permettait pas dlmposer extraordinairement les ha- bitants. Enfin, on recueillit des offrandes, les bourgeois riches se cotiaèreot, on recourut au trésor inépuisable des indulgences et tes

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travaux commencèrent en 1517. On ne pul les mener que lente- ment, car la dédicace de la nouvelle église ne l'ut faite qu'en 1 546, le dii-se|)t novembre. C'est l'évoque de Betlileem, Philibert de [Jeaujeu, qui a béni le monument.

Xni. En celte même anti4e, le chanoine Adrien Rose fut élu doyen. C'est le premier titulaire qui ait eu une résidence réelle dans la ville. L'évfique voulut imposer au chapitre François Damoa- courl, son parent ; mais le doyen élu déjoua ses intrigues et sut faire respecter son droit. On volt que MM. de Langres, c'était alors Claude de Longny, cardinal de Givry, étûenl plus jaloux de leurs prérogatives et de leur puissance que de la paix de l'E- glise.

XtV. Ainsi le clergé de Chaumont était dé/lnitivement constitué i l'époque commencèrent les guerres de religion. Le dernier des chanoines avec deux prébendicrs célébraient les cfBces â Saint- Michel les jours de dimanches et fêtes ; l'église de Buxereuilles était desservie de la même manière, et l'un des prébendiers remplissait les fonctions de vicaire à Saint-Agnan. les h;ibitanls du fauLourg bisaienl la communion pascale et oO'raienl le pain béni. On disait aussi la messe dans la chapelle du roi.

Indépendamment des fêles ordinaires, plusieurs oITices solennels se célébraient encore, de fondation, dans l'église Sainl-Jean-Baptiste. Les grandes familles y avaient fait construire et y entretenaient des ebrpelles jiarticulières ; enfin, les paroissiens, pour augmenter ta pempc du culte, avaient consenti à rendre obligatoires des offrandes qu'ils avaient coutume de faire, de toule ancienneté, aux quatre grandes fêtes de l'année : A l'Epiphanie, chaque habitant donnait trois deniers et le laboureur neuf; ù Pâques, quatre deniers six oboles et le laboureur neuf deniers ; au jour de la Décollation de Saint Jean-Raptiste et ^ la Toussaint, chaque habitant donnait trois mailles et le laboureur trois deniers.

Le trésor des indulgences départi & la ville de Chaumont était considérable. Par suite des indulgences accordées ù l'église Saint- Jean- Baptiste, à l'époque de son n^ndissemenl, le fidèle pouvait ] mériter dans une seule année qualone mille cinq cents et quel-

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ques jours d*absoIution, et avec cela il pouvait encore gagner le Grand pardon général de Sixte IV. Ce trésor ayant attiré à Chau- mont un grand nombre de pénitents, la Ctbrique de Féglise y gagna, le chapitre aussi et le commerce de la ville. Pour augmenter encore le nombre des pèlerins, on essaya de les attirer aussi par Tappât du plaisir et Ton donna des Tètes. C'était Tépoque le jeu des mystères était en grande vogue; des prêtres avaient coutume de représenter à Chaumont, tantôt la v\oral\ié du Banquet (1), tantôt le Conflit du jeu de Babylone et surtout le Sacrifice d!* Abraham de Théodore de Bèze ; on les pria de faire aussi la représentation des mystères de la vie de saint Jean-Baptiste. Ces pieuses réjouissances plurent à la foule, elles prirent de Textension; mais, les ordonnateurs ayant bientôt perdu de vue le but religieux, elles dégénérèrent en farces scandaleuses dont le bon goût du XV11« siècle sut faire justice» On appelait ces pieuses farces, dont nous avons publié Thistoire il y a quelques années (3), la Diablerie. Les Langrois s'étaient déjà rendus célèbres par leur Fêle des fous^ et en faisant jouer dans leur ville le mystère dans lequel Guillaume Flaming, représentante personnages la vie de Tévôque Didier, met en scène, avec les trois personnes de hi Trinité, tous les diables de Fenfer et un fou qui égaie les spec- tateurs par ses grossiers jeux de mots; mais la célébrité des Diableê de Chaumont égala bientôt celle des Fous de Langres,

(I; Ce nivstère a fié jonr pour la premi^ fois, ptr soiot do chanoiiio CJa«4c Rollet. en 1502.

(2) La Diablerie de Chaumont ou Recherches historiquee sur It grand pardon général de cette ville et sur let bizarre» cérémonie» et représeniationê dpereounage» auxquelles cette solennité a donné lieu depuis le XV'siéetÊ.

Ptr KuiiU Jdliboii . Citaumonl, 483M.

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LIVRE TROISIÈME.

Pendant les gnenei de religion (15B2-1598].

CHAPITHE PREMIER.

DU COHMENCEHENT DES GUERRES DE RELIGION A U FOIUMTIOH DES LIGUES PROVINCIALES (i5ti2 1577).

I. Taici la grande période de l'hisloire l'espril d'eiamen brise, au milieu de convulsions terribles, les liens qui le rete- naient enchaîné depuis des siècles. C'est l'aurore de la Révolu- lion des temps modernes. Les agilaleurs d'alors, Luther, Calvin et les chef» proteslants d'un cAlé, les Cuise et los chers catholiques de l'autre, ont été les précurseurs des révolutionnaires itu XIX* siècle. L.1 réforme reli^neuse devait néceS'^irenient appeler ta ré- forme pulitique, et au XVI* siècle déjà le mouvement avait pris un caractère sociul : < Mais ce n'est pas de religion que les esprits sont occupés, écrivait Melanchton à Luth t, c'est de liberté. * Le célèbre lélormaieur comprenait beaucoup mieux que son ami le ca- rnclère de la Révolution naissante : oui, c'était l'amour de la li- berté qui aplail les peuples; protestants el catholiques désiraient avec une égale ardeur la réforme politique, et, s'il eût été possible alors aux guerriers des deux camps dese reconnaître, ils se seraient tendu la main pour agir ds concert ; mai:i le fanatisme avait creusé entre eui un abîme.

II. Les [guerres religieuses éclatèrent en France à l'époque la race appauvrie des Valois menaçait de s'éteindre, el elles s'enveni- mèrent de la rivalité des prétendants i la couronne. L'hérédité ap- pelait au trône la maison de Navarre ; mais les Guise voulaient y

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monter. Cette famille, dont tous les membres joignaient à une am- bition sans bornes Faudace et riiabilclé, avait commencé à s*élever sous François I*% qui a\'ait déjà prévu cependant les maux qu'elle causerait à la France. Sous François II , elle avait seuSe gouverné l'État. La maison de Navarre était protestante ; les Guise se posè- rent en défenseurs du catholicisme, et c'est sous le masque de la Foi que, pour se frayer le chemin du trône , ils attisèrent dans toutes les provinces le feu de la guerre civile. Des relations de voi- sinage et des services reçus avaient attaché les Chaumontais à celte famille ; elle exerçait dans leur ville la plus grande influence ; tous les gens en place éîaient ses créatures, de sorte que Chaumont se trouva enchaîné au parti Guizard (1).

Gaude de Lorraine, comte de Guise, que François I*' avait fait duc, était mort en 15r)0. D'Anloinclle de Bourbon, la bonne rfii- chesse, sa femme, il avait laissé six fils, dont quatre sont célèbres dans l'histoire : FranrotSy qui avait hérité du duché et que Henri II avait fait prince de Joinville; Charles, le grand cardinal, le pape d'au-delà des monts, comme l'appelait Pie V ; C/anf/r, duc d'Au- male, qui fut gouverneur de Champagne, et le cardinal LfiNft, dit cardinal des bonleillcs, t parce que, selon Lcstoile, il les aimait fort et qu'il ne se mêlait guère que des affaires de cuisine, i La fille atnée Marie avait épousé Jacques V et était mère de l'infortunée reine Marie Stuart.

Déjà Charles de Lorraine avait proposé d'établir en France la sainîe Inquisition pour arrêter la propagande calviniste ; il avait défendu les doctrines du catholicisme contre Théodore de Bèze, au colloque de Poissy. Le reste de sa vie fut employé à chaufferie fa- natisme, et Ton doit remarquer que les premiers excès contre les protestants ont été commis dans le pays des Guise, en Champagne,

la population de Troyes se souilla par des cruautés inouïes. Dès 1534, la nouvelle doctrine avait aussi eu son martyre Reims. En

(I) Parmi les CliaiiiiinntnlK ntlmiK's û 1.1 ni8i<>rin ii(> (juiso, iiaiii devons tiffnaVr noblô homme Jehan Lebon^ médecin du Rhy et de Mgr. !e cardinal de Ouise. Il ^lait enrnre au rôlo tli^s imp(Ms h C.hanmonl vn IdUS; iuaU il a l>ieiil6t siiiii les Guise à Paris, n a publia pliisienm ouvrages lie srionre el <I « rn lien lies liistoriqiies, el on le di^igne sons le nom de Joannu Probus, n\ei> rt'|)i(hèti> \V EtcropolUanua» du nom gr^is6 d'Aotreville f.EteropoHs) \i lagc l'on pnUond qu'il vm nf. U est mort k Chanmonf, le 45 d^mbrel585, et il a \^»é plutieurs maisons à IV/;li<e. Sa veuve, Calberioe Dde- motte, qui était de Chaumont, s'est remarii^ dans cctle ville.

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1548, un protestant, Jean Tassinon, potier d'étain, pour avoir fait faire la cène dans sa maison, avuil été brûlé loai vifi Lnngres, avec sa femme ; huit de ses coreligionnaires et leur ministre Des- champs avaient été pendus , puis brûlés ; plusieurs autres s'étaient retirés à Genève, avec le jacobin Nicolas d'Ariîlières.

III. Le dernier jour de février 1 569, le duc de Guise quitta Joinville pour se rendre à Paris. Il ulia coucher dans le village de Dommarlin, et le IcndemnJn, premier mars, il arriva à Vassy il j avait déjà un grand nombre de protestants. Ses gens s'élant pris de querelle avec les dissidents qui élnient au proche dans une grange voisine de l'église, tandis que le duc eutendiit la messe, on en vint aui maim, on fil feu des arquebuses, et François de Guise que ce bruit avait appelé dans la rue, fui blessé dans la mSiée d'ii;i coup de pierre au visage- Celle circonsLmce rendit la lutte plus acharnée; soixante proteslnnls restèrent sur la place et plus de deux cents furent blessés. L'alTairc avait-elle été préméditéi: 7 Voulail-on ameu- ter les fanatiques contre l'édil de tolérance récemment publié 1 Ces graves questions n'ont pas encore été résolues. François, à son lit de mort, a prole.=;lé contre tout soupçon de prémédilalion de sa part; mais on prétend que le curé l'avait en vain conjuré d'éloi- gner ses gens du lieu les religionnaires éLiienI réunis, et que le juge ayant voulu rappeler l'édit de la liberté de conscience, le duc avait dit en montrant son épée : c Voila celle qui fera le res- cit de cet édit détestable. » Quoiqu'il en soit, le massacre de Wassy fut le s'unal de la guerre civile.

IV. Il y avait quelques familles protestantes à Cbaumonl et elles voulurtal, ù celle époque, appeler un ministre pour ouvrir un temple. Mais le chapitre et les habitants catholiques s'adressèrent au roi pour i:mpecher celte nouveauté. Charles IX déclara qu'il n'avait ,ias entendu tolérer les dissidents à Cbaumont sans le con- sentemt^^nt du clergé, Cependant les religionnaires persistèrent et le 23 février \ht'S, à l'audience du bailliage, le conseiller Fran- çois Gousset, leur procureur, demjnda qu'en exécution de l'édit (1)

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le village le plus rapproché de la ville fût désigné pour l'exercice du nouveau culte. On tenait déjà des prêches à Chamarandes. D se plaignit des injures et des excès auxquels ses coreligionnaires étaient joumellemeni exposés : on les insultait quand ils rentraient en ville, on leur jetait des pierres et souvent, à leur approche, on fermait les portes de la ville. Gousset supplia Tautorité de proléger la li- berté. Les gens du roi, sans prendre de décision, renvoyèrent la demande au duc d^Aumale, qui assigna aux prolestants Yillers-le- Pautel pour lieu de réunion. Ce village était à Textrême frontière du bailliage. Quelques jours après, un nouvel édit de pacification étant intervenu (1), les religionnaires de Chaumont renouvelèrent leur demande ; mais la duchesse, à Tinsligation des catholiqoes, leur fit faire la même réponse. C*était un déni de justice.

V. Ce nouvel édit de pacification avait eu pour conséquence le licenciement de plusieurs bandes allemandes qui se jetèrent sur la Champagne, en haine des Guise, et commirent toutes sortes d'ex- cès dans les environs de Joinville, par représailles du m<issacre de Wassy. La ville de Bar-sur- Aube fut saccagée ; le bourg et Tabbaje de Montiérender furent pendant cinq jours au pillage ; toutes les campagnes étaient abandonnées (2). Les gens du prince de Porcien s*étant emparés du couvent de Bracancourt, la princesse brisa elle- même toutes les images qui décoraient la chapelle et installa dana le château de Biaise des hommes d*armes auxquels elle avait fait prendre par dérision le costume des moines. Les religieux expulsés s'élaient réfugiés à Chaumont et on leur avait permis d*oflIcier dans la chapelle du roi, au Donjon; mais bientôt ce voisinage dé- plut aux chanoines qui craignirent de voir diminuer leurs revenus par les aumônes qu*on ferait à ces mendiants, et ils les firent expulser.

Déjà les deux partis en étaient venus aux mains sur divers points. Blois, Rouen, Bourges, tombés au pouvoir des protestants,

(i) Edit de parifcition do 49 intri.

(2) Topographie hiHorique de la ville et du diocèêê de Troyety par uloB-llelaitlrp.

avaienl été repris par le duc de Guise, qui batlil encore Condé à la fameuse balaille de Dreux et fui lilcUemenl assassiné par Pollrot de Méré, au siège d'Orléans. 11 e^t mort le 24 février 1563, à l'âge de quarante-quatre ans. François An Guise laissait trois fils : Bcnri, Ail le B-.tlafrc, qui lui succéda dans la plupart de sesdij;ni- tés; Charles, duc de tiajenne, et Louis, archevêque de Reims. Caiheriiii; sa lllle, duchesse de Monlpensier, ne devait pas démen- tir le sang des Guise.

VI. Au mois de janvier 156t, Charles TX, qu'on venait de décla- rer majeur à l'â^e de treize ans, quitta Paris pour visiter quelques provinces de son royaume. Le samedi i3 mai, il vint coucher i ChaumonI, son entrée se (it en grande pompe. On le reçut sous un magnifique rid de soie et on lui offrit une coupe d'ai^ent doré , avec un cœur. Les portes de la ville étaient décorées de peintures emblématiques faites par les peintres Adrien Tassel et Jacques Bessel ; on avait dressé des échafauds dans toutes les rues pour la représentation de plusieurs mystères. Le dimanche 14 , le roi alla dîner à Rolamponl, et il resta deux jours à Langres. Il allait à Dijon.

Les dépenses occasionnées par cette réception endettèrent la ville, et deux années de disette vinrent encore accroître ses embar- ras fmanciers. Ces années furent d'autant plus difficiles à traverser que l'esprit de révolte fermentait. Le peuple s'était aperçu que la famine était en partie causée par des individus qui < par avarice et cupidité, non ayant Dieu , charité ne le salut de leurs âmes devant les veux, acheptaient journellement grande quantité de tons grains et vins hors les marchés, pour faire greniers et amas et les revendre à leur plaisir quand le peuple étoit en nécessité ; i il murmurait tout haut et menaçait les accapareurs. Pour prévenir la sédition, le prévôt défendit d'acheter les grains ailleurs que sur le marché, sur peine de conlîscation et d'amende arbitraire, moitié sur le vendeur et moitié sur l'acheteur, avec récompense d'un tiers au dénonciateur. La peste, comme il arrivait presque toujours au moyen-dge, fut la conséquence de cette famine et exigea encore de nouveaux sacrifices, comme aussi, de la part des administra^ leurs, un dévouement plus complet, absolu à la chose publique.

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L'échevin Jehan Tapperel fut honoré , dans celte occasioii , d*iiii témoignage public de reconnaissance par ses concitoyens.

Vn. Cependant un nouvel édit favorable aux protestants anit été adressé au parlement, pour y être enregistré. On permettait aux réformés de s*assembler dans les lieux mêmes où, jusques*li, Texercice de leur religion n'avait pas été toléré et d*y recevoir les consolations et renseignement de leurs ministres. Le cardinal de Lorraine présenta une requête pour faire casser cet édit, et, dans le conseil privé, il s'emporta en injures contre le chancelier de L'Hôpital c qui osait publier de tels édits sans les soumettre au conseil. Youdriez-vous empêcher, dit le chancelier, que' ces pauvres gens auxquels le roi a permis de vivre en liberté de lenra consciences ne fussent aucunement consolés? Oui, je le veux empêcher, répondit le cardinal, et l'empêcherai tant que je pour* rai ; et vous , qui êtes ce que êtes à présent de par moi, je tous garderai bien de faire ce qu'avez fait par ci-devant, i Le roi et la reine n'osèrent résister ; Fédit fut retiré, et l'on défendit au chan- celier de rien faire concernant la religion sans le consentement du consel. Celait L'IIêpital qui avait empêché rétablissement de Tin- quisition, et depuis le commencement des querelles religieuses il s'efforçait de faire respecter la liberté des cultes et de rapprocher les partis. Voyant tous ses efforts paralysés , il résigna les sceaux et se retira de la cour.

Yin. Ce nouvel acte d'intolérance des Guise fit reprendre les armes aux protestants et la guerre civile recommença. La basse Champagne fut de nouveau dévastée; les villes nouvellement fortifiées furent seules respectées par les révoltés. Cliâteauvillain fut emporté par escalade. Toutes les campagnes furent pillées et les abbayes rançonnées. Le capitaine Viart qui s'était jeté dans le château de Biaise détruisit le couvent de Bracancourt ; les religieux garrottés et presque tous blessés allaient être pendus à la porte du château quand Henri de Guise vint l'attaquer. L'ennemi prit la fuite. Le jeune Duc qui faisait ses premières armes écrivait sans cesse aux Chaumontais de faire bonne garde, et de ne se fier à personne. Le roi, qui avait nommé Roch de la Rochette, seigneur de Riocourt,

- 103 - gouverneur de la place, Taisait de son cdlé les mêmes recom- mandatians. Le projet des prolestants était d'enlever Charles IX qui liUiit alors à Monceaux ; mais la reine le Ht conduire à Meauz, d'où les Suisses le ramenèrent à Paris.

Les Cliaumonlais vécurent ainsi pendant trois ans au milieu de perpétuelles alarmes. Les passages de troupes qui étaient fréquents leur occasionnaient d'énormes dépenses, et la caisse communale, déjà grandement obérée, devait encore fournir aux exigences de l'ëlitiuellc et de la bienséance. On offrait les vins d'honneur à M. de Tbouelâ un ambassadeur Suisse. OnenvovaitàJoinviltequatrcmuids de vin blanc et deux de clairet, pour obtenir les bonnes grâces du duc. ûani: Li seule année loTl, on offrait deux aunes de velours à un générai chevauchant en Champagne, et le vin blanc à M. de Nemours qui était logo â Chaumont ; le cardinal traversait la ville et on lui faisait accepter deux feuillettes de vin blanc ; on renouvelait le don de quatre muids de vin rouge fuit l'année précédente au Duc, et comme la duchesse était en i-ouches à JoinvtUe, on joignait à cet envoi une boUe de confitures et même une coupe d'argent pour le secrélaire qu'il était utile de ne pas oublier; enfin , on présentait les vins, les conlitures et les dragées d'honneur à tous les seigneurs, ù toutes les grandes dames des environs qui venaient cliercher l'absolution de leur péchés dans l'église Saint-Jean, le Jour (lu Grand-Pardon qu'on n'avait pas ctlébré depuis six ans. Heu- reusement pour le peuple, l'abondance des récolles, pendant trois années, avait fuit baisser le prix de toutes les denrées de première nécessité : le blé qui, après la disette, coûtait de cinq à six livres le hichet, ne coulait plus que trente sols en 1571 ; l'avoine, huit sols ; la corile de bois, un écu ; le cent de fagots, trente sols ; la livre de chandelles, quatre sols -, la pinte d'huile à brOler, six sols huit deniers, et le bichet de braise, vingt deniers.

iX. Cependant les magistrats de Chaumont apprenaient avec elTIroi le progrès des nouvelles doctrines dans le Bassigny. Il y avait des ministres dans plusieurs châteaux, notamment à Reynel et A Clinchamp ; des réunions secrètes se tenaient dans diverses localités du bailliage; la propagande était très active. Instruits qu'un prêche devait être tenu àChamarandes, danslu maison seigneuriale, ils prirent

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la résointion de l'empécher et donnèrent Irs ordres en conséqoeiiea. Celait le dimanche 4 mai 1572. A neuf heures du matin, un sergent à cheval suivi de quatre autres sergents et de quatre recors descendit à Chamarandes et alla Trapper à la porte de la maison seigneuriale. Deux hommes qui se tenaient dans la basse conr, armés d*épées et de dagues, se présentèrent au guichet. Sur la sommation qui leur fut faite, au ncm du roi et de M. le bailli, d'ouvrir la porte, ils s'y refusèrent, disant que M. de Pressignj, chevalier de Tordre du roi, qui habitait le château, était absent, et que sa dame dînait avec ses amis. Alors le sergent, à haute voix et cri public, lut et signifia les inhibitions et défenses formulées par les magistrats de Chaumont et les laissa attachées à la porte. Le soir à deux heures , le même sergent retourna à Chamarandes. On sortait du prêche et, en présence d'une grande affluence de peuple, tant de Chaumont que des environs, de H. le chevalier de Choiseol, d'Anne de Choiseul dame de Pressigny, du ministre et autres de la nouvelle religion, il renouvela ses inhibitions et défenses au nom du roi et de M. le bailli, c Nous protestons , répondit maître Gousset; M. de Pressigny est absent, mais madame a agi selon la ▼olonté de son mari, en introduisant la religion réformée dans ai maison seigneuriale il a toute justice. Le ministre est M. Alexandre exerçant naguères au chAteau de Reynel. Nous appelons de h sentence du bailli en faisant toutes prohibitions et réserves. > On ouvrit aussitôt une enquête ; on apprit que souvent un grand nombre d'habitants de Chaumont, de Luzy, de la Yille-au-Bois éi d'autres lieux circonvoisins étaient allés à Chamarandes assister aox prêches et aux autres cérémonies de la nouvelle religion, avec leors femmes et leurs enfants; on signala parmi les Chaumontais : MM. Gousset ; Loys Drouot ; David Demontherot, potier d'étain ; Pierre Monin, maçon ; Bénigne Légaré, orfèvre ; Antoine Loys ; Nicolas Youriot ; Bastien Labbe et son fils gendre de Legaré, en tout vingt-cinq familles environ. L'instruction de cette affiure se poursuivait, quand l'horrible massacre de la Saint-Barthélémy vint raUumer le feu de la guerre civile (24 août).

X. Il n'y avait pas eu à Chaumont de victimes de la Saint-Bar- tbélemy ; cependant les protestants du Bassigny prirent les armes

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pour venger la mnri de leurs frères- S'étaat réunis à quelques ban- , des d'allemands qui parcouraieiil la province, ils sur|iriretil le chA- teuu de Choiseul et s'y forliflèrent (avril 1573). Leur projet était de s'emparer de Sainl-Dizier ; mais ils uurenl y renoncer en pré- sence des mesures prises par le cardinal de Lorraine pour la con- servation de cette place. Chaumoni leur échappa de même, grâce à l'active surveillance du prélat qui y fil organiser une compagnie de cent anjuebusiers, avant même d'en avoir reçu du roi l'autorisa- tion. Quand le cardinal eât ainsi mis en sârelé les plices impor- lanes, il tourna toutes les Torces du parti catholique contre le châ- teau de Choiseul.

A la lële de celle ligne contre les protestants étaient Anne Du- chaleiet, qui occupait le siège de l'évéché par procuration de l'évë- que d'Escars ; le lieutenant du duc de Guise, Barbesieux, et le seigneur de Lanques. Toute la nublesse des environs y entra. Les villes de Chaumont cl Langres fournirent leur contingent en vivres et munitions. Les hommes d'armes devaient se réunir à Rolampont le 1" mai 1513. Il ne manqua au rendez-vous que lesire de Vignory, qui s'excusa de ne pas fournir les cent hommes qu'on lui avait demandés, sur ce qu'il n'avait que le nécessaire pour sa propre défense. Le château fut aussitôt investi et, malgré la résistance dé- sespérée de la garnison, il succomba. Tous les protestants qu'on y trouva, au nombre de plus de quatre-vingts, furenl pendus et on démantela la vieille forteresse des Choiseul (1). Le consistoire de Chaumont s'empressa défaire connaître aux religioiuiaires de Paris la triste siluation des protestants du Bassigny, par une députation

(4) Lrbon pnblif i Lion, «n Ibn, une ntiUnii d* ttlU pipi<d)tioii. ui» et liln .- Lt Tumult» du Batiigny appaisi et tMttinet par Vauetorilé, eormit êl vigi- lance de IHotueignevr U CaTdinai dn Lorraine. Entamble la repriêe du ehaitiaa da Ckoiteul, elc . . « Lecbiiir» niait lorl. dil l'iiilciir, lini io li ailDn du Iwn nue il'orliGcc d bamiun, [ilmif tur lu Mianici i'aat nHial<i{[Da Irn kinU, ImI» ranJc. quui ininniiblii fl rn liqnelle mibii^nwDt h pouiriMl-on «ïdcr l'irlî Irrie , » Il cilf, nmiH ■tinl n spa gnait |Mrt à li priH d'irmn, la Liwlminl pour 1< Boi, \t

M. ik Bliigii;. |>r^>dral k China

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De TijuD qu>n pru da timpi h drau ud* prtiia «rRi<« bien grolille <(

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nwnl. l'ir ra mayrii lai rendu le ibnleiu par li grtce de Die* et du benobt Stint JiDjon, nul Fui iai par un adalière^ dn^wl In relii|im f lonl gard'a et bui>Dn<re par lae gcoi Je bien ol boni calhelic^aei tt oa lanJal «tufltir fu'dio (uMnl pullaéee pir lallea miDièna de geht.

. - 106

composée de MM. De Trémilly et Pioche, qui devaient anssi assister

à des conférences annoncées pour le 25 mai.

XI. Telle était la situation des partis, lorsque le duc d'Anjou, frère du roi, qui commandait Tarmce calholique, fut élu roi de Pologne. Voulant terminer la guerre avant d'aller prendre posses- sion du trône, il se hâta de conclure un accommodement avec les religionnaires, et au mois de juillet, un édit de pacification suspen- dit de nouveau, pour quelque temps, les hostilités. C'est alors que les catholiques modérés, qui n'approuvaient pas le fanatisme des Guise et qui s'étaient déjà déclarés hautement contre les violences de la cour, formèrent un troisième parti, dit des PoiiiiqueSj et bientôt, mettant de côté la question religieuse, ce parti se confon- dit dans celui des protestants, dans le but d'abaisser le pouvoir des Guise et de réformer l'Etat.

Le 30 mai 1571, mourut rinfâm.? Charles IX « n'ayant durant l'excès de ses douleurs, et lorstpi'il se voyoit tout baigné de son sang dans son licl, lesmoigné nul plus grand regret que d'avoir fait respendre celui desinnocens (1). Le cardinal Charles de Lorraine, qui doit à la postérité un compte plus sévère encore, puisqu*il était le conseiller de ce faible monarque, n'eut pas même le temps de se repentir c^r il mourut presque subitement, au mois de dé- cembre de la même année, à l'àgc de moins de cinquante-deux ans.

XII. Un mois avant la mort du roi, le duc de Guise fit son entrée solennelle dans la ville de Chaumont, avec Catherine de Clèves, sa femme, la même princesse qui, dix ans auparavant, avait mutilé les images des saints dans le couvent de Bracancourt. Elle avait épousé Henry de Lorraine, trois ans après la mort du prince de Porcien, son premier mari, qui cependant lui avait fait promettre en mourant qu'elle n'épouserait pas un Guise (!2). Il était mort em-

(I) Mémoires do SdUv

{2) Voyei noire Uistoire de la ri7/e de Rethel. Vans. 48î7. Catherine de Clèves «voil pour amant Saint-Mrgrin, que (iuisc iil as^asftiiicr. Ucnricli^ de Clevcs, feoiOM do duc de Ne\rr(i, mailrogsso du faiuru\ (oconos, et MmiIo de Cimes, fonirov du prince de Cond^ cl niailrcs&e do ilonri III, «Uiiirnl sirurs de In duchrsso. Ce« trois femmes ijalantet liaient 8urnoninice& les trois Ordres. Les doux promiiTcs ('Idient pinleslaaies et elUt ne se firent catholiques que pour favoriser la uoliiique de CjUhorine de Mt'dicia. La duchciae de Gaise fut aussi ardente daus la Ligne qn elle l'avait ^té parmi les protcttants.

107

pojsonné. Le duc et la duchesse arrivaienl suivis d'un nombreux et brillant cortège de daines et de seigneurs ; on les recul à la porte de la ville sous un dais de velours bliinc à fi'ajiges de soie; on portpil devant eux des enseignes armoriées aux couleurs blanche, Terle et orange. Des jeunes Ûllss, rangées sur une eslrade, présen- tèrent au duc un vase d'argent doré cl richement ciselé, du poids de ((ualre marcs, avec dix pintes de vieux vin, etâ la duchesse deux coupes couvertes, Je même métal. Les Euhevlns oiïrirenl des confitures aux diirocs el des flacons de vin aux seigneurs ; le secré- taire, qu'on n'oubliait dans aucune circonstance, recul deux roupes d'argent. Toute U milice bourgeoise était sous les armes avec des ari]uebuses et des morions empruntés aux châtelains du voisinage ; les rues étaient pavoisées d'enseignes armoriées. Si bien que la caisse de la communauté se trouva en délicil celle année de plus de cent livres ; mais on tenait A faire honneur au protecteur de la ville, au dé- fenseur de la foi, au prince dont la France éiu'il tUja fulle, suivant l'expression de Balzac. Et ce fut pis encore, au mois de Janvier de l'imnée suivante, quand le nouveau roi Henri lU passa à Cbaumont. 11 revenait de Pologne el, en comp-ignie de l'évéque de Langrus, qu'il aviiil pris en passant, il allait se l'aire sacrer à Iteims. Tous les paysans des environs étaient en réquisition pour mettre les chemins en état el réparer les ponts. Toutes les rues de la ville étaient sablées et les maisons meublées pour rerevoir convenablement le cortège royal (I). Dans la prévision d'un concours immense de curieux, ou avait fait faire aux boulangers, aux bouchers el aux laverniers des approvisionnements conSidêrablis, en bur défendant de l'enchérir les denrées. L'artillerie salua le roi à son enirée eu ville; il fui harangué par le bailli et conduit à l'hâtel qui lui avait été préparé, au milieu d'un magnifique cortège, escorté par toutes les compagnies de la milice en armes et dans la plus belle tenue. Les rues que ce cortège devait traverser étaient tendues de riches lapis et de toiles peintes représentant divers mijucre». Des armoiries décoraient les portes de la ville et les principaux hâtels : celles du roi au milieu ; à droite celles de la reine ; à gauche l'ècusson d'armes

frûd PriHJ, il Dur^nii J'Etbouf, l< rt

J

108 -

da duc Henri et au-dessus celui Ju duc de Mayenne, son frère. Les i%tes organisées par le peintre Tassel durèrent tout le jour et le soir on distribua aux étrangers six pièces du meilleur vin de Bourgogne. Henri III, pendant son séjour à Chaumont, confirma tous les pri- Tilèges et octrois des habitants.

Xin. Les charges de la ville croissaient avec une rapidité effirajante. Le chiffre de Timpôt pour les Trais communaux , qui n'était en 1570 que de six cents livres, se trouve élevé en 1576 à plus de trois mille avec un déficit de mille livres. Il Tant joindre à cela les impôts extraordinaires, de toutes sortes, qu*on levait par ordre du roi et qui servaient pour la plupart, à entretenir ses pro- digalités insensées et à payer ses indignes favoris : impôt pour la garde accordée au gouverneur de la province ; impôt pour la solde et le licenciement des gens guerre ; impôt pour les arquebusiers préposés à la garde de la ville ; impôt des villes closes ; impôt pour le voyage du roi de Pologne ; impôt pour aller au-devant des entreprises et sinistres desseins des rebelles ; impôt pour la four- niture des Reitres, etc., etc. Et il n*y avait dans la ville que mille habitants en état de payer ! Ils ont souvent représenté la pauvreté de leur communauté c établie en pays stérile, sans commerce, sans autre industrie que quelques pauvres tisserands de toile et de drap; » souvent ils ont supplié le conseil d*avoir égard à leur indigence, à leur ruine et aussi c à leur affectionné service de tout le passé ; > mais toujours leurs réclamations ont été repoussées ; la réponse invariable du conseil était : c néant. Il faut que le roi trouve de Targent (1). >

XIV. Sur la fin de l'année 1575, les Reitres du prince Casimir, que Condé était allé chercher en Allemagne pour renforcer le parti protestant, passèrent la rivière de Meuse et prirent la route de Chaumont. Le péril était grand, car il n*y avait pas alors de troupes

(I) Voici, sur la nitère du BtMÏgny k cotte /poqne, lo témoi(|[oage de Lrbon : « Ciatwi de terre effligé de toutps sortes de miui. pour sToir esi^ depuis dii ans le secourt ordi- oaire de plusieurs arni^, de façon que le bon et riche labunreur qui souluit Titre ta tt maison k son aise, est pourcejounihuy coutrainct de mendier d'huis en huis, ou de elierrlifr dci herbes contre la rage de la faim comme des bcstes brutes, cl le Toid>«.o mourir par chemioa de paurreté ainsi que de belle petie. » {Le TufAulle dii Boêiigny,)

dans les environs. M. de Hiocourl organisa en toute hâle la défense de la place. Les habitants, après avoir mis en sûreté ce qu'ils avaient de plus précieux et envoyé à LaniTes les reliques et les ornements de leur é^Wse, quittèrent leurs travaux habituels pour garder les murailles; mais les Reilres se contentèrent de fourrager dans le Bassigny et passèrent outre pour aller assié^'er Dijon. Dans celte circonstance, les Chaumonbis essayèrent de résister à l'autorité. Ayant reçu l'ordre de recevoir en garnison dans leur ville les hommes d'armes que commandait le comte de Martinenge (1), ils répondirent qu'ils n'avaient besoin de personne et qu'ils aimeraient mieux re- cevoir l'ennemi que ces hommes d'armes dont ils connaissaient l'indiscipline et la licence habituelles. Le duc de Mayenne intervint ; il reprocha aux baUilants leur désobéissance ; il se porta garant pour la garnison ; il rappela le dévouement des Chaumontais pour la maison de Guise t dont la sûreté, dit-il, dépend en grande partie de la conservation de votre ville, » et il fît si bien que les six compagnies furent reçues. Elles ont tenu garnison t Chaumont pendant prés d'un mois ; mais par une faveur spéciale, les frais de logement ont été répartis entre toutes les paroisses du bailliage. Cependant les Reilres revinrent après la fameuse paix de Deaulieu que Henri III signa parce que la guerre troublait ses plaisirs. On avait accordé â lt;ur chef trois millions six cent mille livres, pour avoir si bien trjîlé la France. Ils allemlirenl dans le Bassigny que le premier payement de celte indemnité fût elTei^Liié, vivant dans ces malheureuses campagnes comms en pays conquis et incendiant les villages dunt iU ne pouvaient plus rien tirer.

XV. Henri III, en signant la paix, avait accordé d'immenses avantages aux protestante, et il avait encore promis d'assembler les Elats-Généraux dans \a délai de six mois. Les catholiques au déses- poir reportèrent toutes leurs espérancas s<ir le duc de Guise qui sut habilement profiler de leur indig.ialiou pour réjliser l'idée da son oncle le cardinal, d'opposer à l'association protestante une vaste ligue catholique. Quelques provinces répondirent de suite i son

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appel. Le but apparent des ligueurs était de défendre la religion contre ses ennemis ; mais, dans la pensée des Guise, il s'agissait d*un changement de dynastie et la religion n'était qu'un prétexte.

XVI. Les Etats-Généraux se réunirent à Blois au mois de dé- cembre 1576. La noblesse du bailliage de Chaumont n*y fut pas représentée. Le Tiers-Eiat y députa M*" Nicolas Jobelin, H* François Gouttière et le bourgeois Robert Neurien. Gabriel Le Genevois, abbé de Mores, prieur de Condes et doyen de la cathédrale de Lan» grès, y représenta le clergé avec Guillaume Rose, doyen de Chau- mont. Le roi fit Touvcrture de rassemblée le 6, dans tout l'édat de la majesté royale, et il chercha, dans un discours habilement conçu, à se concilier les esprits, c Et fut faict par S. H., écrit Neurien à ses concitoyens de Cha jmont, une des plus belle, longue et remereable harangue qui fut onyie de lon.^temps de sorte que Sad. M. acquit en notre compaignie et asseinbléd une grande répu- tation et vous puist dire qu il iVest pdssible de mieulx parler et en meilleur langage quil a faict, de manière que tous les assistaos en sont sortis en bien bonne espérance de Tissue. Les nécessités et debtes de la couronne sont presque ins:TviabIes, et si monseigneur le chancelier nous a promis de monslrer état d3 toutes les fmances de ce royaulme et comms elles ont été maniées par le passé, afin de fayre cognoistre à tous quelles ont esté gouvernées aussy bien qu'il est possible et par ce moyen lever fopinion que beaucoup de gens ont au contraire (1). » Cet honnête député était loin de com- prendre la situation. Quelques jours plus tard, il annonce l'arrivée du duc de Guise et déj;^ le découragement perce dans sa lettre; il a vu les partis à Tœuvre ; il commence à s'apercevoir qu'il ne sera pas aussi facile qu'il le pensait d'abord d'absoudre la royauté. < Noos pouvons vous assurer, dit-il, que nous sommes icy en grand travail et avec infinye dispute. » Le 19 il est déjà fatigué ; car il comprend que les grands ont tout autre intérêt en vue que l'intérêt général; mais il se console en bon catholique parce qu'il est certain que les trois ordres sont d'accord en ce qui concerne l'honneur de Dien et

' (i) Ce Jocoiiieiil, comme tous rciix que nou<i cil -rons à Tavenir sans en indiquer Fori- gine, se tronvc aux archivra de la ville <le Ciiaiimuiit. Nuus le Jiftons une foie pour tovtee, afin de ne pas trop mulliplior les noies.

in

de la religion. Cependant il lui tarde de partir, et puis il n'a plus d'ai^ent; ses deux collègues en manquent aussi; ils sont sur le point de vendre leurs chevaux pour vivre et i il ne serait pas rai- sonnable de perdre le nuire en Tiiisiinl service ù une républicque. » Les trois d^pulés du Tiers revinrent donc bienlât à Chauinont. D'ailleurs les Etals, niijtligeant les nfluires pour lesquelles ils avaient été convoqués, s'étaient occupés presqu'exclu^ivemeiit de l'organi- salion de la ligue. Guise, dès so» arrivée, avait ilétruil l'eCTet pro- duit par le discours d'ouverture, et le roi, trop Tuible pour lutter ouvertement contre le duc, n'avait trouvé rien de mieux, pour contrebalancer cette puissance, que de se déclarer le chef de l'asso- ciation. C'était rompre avec les protestants. Il s'en repentit bîentdl, car les députés, qui n'avaient pas conOance en lui, rerusèrenl jus- qu'à rar),'enl nécessaire pour Taire lu guerre. Il les congédia et né- gocia une paix nouvelle •> Poitiers : < On la conclud avec tant de contentement du part et d'autre que le prince de Condé h (it pu- blier à n:imbeaux la nuict mesme qu'il la reçeut, encore qu'elle fut moins avanlageuseà son parly que les premières (I). *

Les deux ecclésiastiques députés â Blois par le bai]lia;;e de Chau- monl y avaient au moins acquis une grande réputation de science et d'aplilude aux aflaires. Le Genevois, promoteur de l'ordre du cle^é. fut, bientôt après la clâlirre des Etats, promu à Tévéché da Noyon, dignité qui lui donnait le rang de pair du royaume. Le doyen de Cbaumont eut aussi sa part des faveurs de la cour; mais nous devons quelques détails biograpliiques sur ce célèbre person- nage dont nous retrouverons souvent le nom dans IbislDire des vingt dernières années du XVI° siècle.

XVH. Quand les seigneurs de Joinvîlle avaient pris possession de la Lorraine, plusieurs familles de co duché étaient venues bubi- terla Champagne. Au commencement du XVI' siècle, un de ces étrangers, Guillaume Rose, conseiller au parlement de Saint-Mihiel, fut nommé bailli de Joinvîlle. Bientôt après il s'établit à Cbaumont^ sa probité et sa science lui méritèrent la considération publique. Élu procureur des habitants en 1518, il commença celte série de

(I) BUUirt dit dernirri Iroublu France. Lidd, I59T.

I

réformes qui a organisé définitivement la commune. De «m riage avec Catherine Bnichier, il eut trois fik : Jean, Talné, la charge de prévôt qui devint en quelque sorte héréditaire dans cette famille ; Adrien, le second, fut doyen de la collégiale, et Gilles, le dernier, eut le premier siège au bailliage. Les Rose étaient donc les plus notables parmi les bourgeois de Chaumont à Tépoqne des querelles religieuses, et c'est surtout par leur influence que les Guise sont devenus tout puissants dans la ville. Jean, qui est mort en 1573, avait eu deux femmes. De la seconde, Jeanne deGon- drecourt, était né, en 1541, Guillaume II qui, après de brillantes études au collège de Navarre et tandis qu'il n'était encore que derc, avait obtenu, par résignation, une place au chapitre de Chau- mont. Comme il se destinait à la prédication, il n'en restait pas moins à Paris, pour y étudier Tari de Téloquence tout en professant la rhétorique. Cependant, en 1 573, il fut élu doyen de l'église Saint-Jean-Bapliste en remplacement de son oncle Adrien. Ces nouvelles fonctions Tobligèrent à venir plus souvent dans sa ville natale; mais il n'abandonna pas ses études. Il était alors maître de conférences en théologie, et trois ans après, il obtint le grade de docteur. C'est la grande réputation dont il jouissait déjà à cette époque qui le désigna aux suffrages de son ordre pour les Etate- Généraux.

Guillaume Rose avait prêché avec succès à Paris et dans plusieurs grandes villes; on avait admiré sa parole vive, ardente, son geste facile et entraînant. Il avait en chaire ce franc-parier qui plaît au peuple, mais qui souvent compromet l'orateur, et c'est ce qui est arrivé à Rose quand, plus tard, il s'est laissé dominer par la passion politique. Aux Etats, il fut l'un des partisans les plus xélés de la ligue, et bien qu*il se fût montré, dans toutes les circon- stances, opposé aux propositions de la cour, le roi le nomma son prédicateur. Il voulait attacher à sa personne un homme qu'il savait dévoué aux princes lorrains; mais ni les honneurs ni les bieubits n'ont pu détacher Rose d'un parti auquel tous l^^s membres de at famille étaient dévoués par reconnaissance, et nous le verrons l'on des plus fougueux détracteurs de Henri III.

CHAPITRE II.

DES UGVES PROVINCIALES A LA FOIUIATION DE LA UGUE GÉSÉRALE (1577—1588).

I. Ainsi la ville de Cliaumont était devenue toul-à-coup, par ses relations, un centre politique d'une grande importance. Four a rer sa conservation, on avait changé loule l'oi^anisatioa militaire et, depuis quelques années, on relevait d'après un svstëme nouveau les vieilles rorlifications.

La milice bourgeoise se trouvait divisée en huit quartiers ajant chacun son drapeau, un capitaine, un lieutenant et un enseigne. Chaque milicien était tenu de fuire personnellement le service et de s'armer. Onjnuau du lambour suisse et du fifre à l'ouverture et à la fermeture des portes, et, chaque matin, on hattail la Diane pour relever les guets. Les clefs devaient être remises au bailli, ou, en son absence, it celui des capitaines qui était élu à cet etTel par l'assemblée de la commune; mais, depuis quelque temps, on les déposait entre les mains du prévût Nicolas Rose, frère de Guillaume, par reconnaissance pour les services qu'il avait rendus aux habi- tants (I), cl pour témoigner de la grande confiance du peuple en sa fidélité. Enfin , on avait augmenté l'artillerie et fourni l'arsenal d'armes nouvelles. Un avait même acheté un ntouiin à chatetir dont on devait se servir en cas de siège (3).

Depuis que les travaui do fortilication commencés sous Fran- çois I'^ étaient abandonnés, on avait laissé les particuliers bâtir sur les remparts ; mais les Cuises avaient lait mettre ordre à cet état de choses au commencement des guerres de religion , et , sur une ordonnance de Charles l\, toutes les constructions nouvelles avaient été démolies. Le capitaine Nicolas, ingénieur du roi, avait tracé

ir à I. pr^tAI^, »D <JCS,

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-^ 114

un nouveau mur d'enceinle, et c'était à Texécution de son phn, approuvé par le duc de Guise, que Ton travaillait sous la surveil- lance de plusieurs officiers et des maîtres maçons de Champagne. Une subvention de quatre mille livres par an, à répartir sur toutes les paroisses du bailliage avait été accordée temporairement à la ville. Les travaux souvent interrompus ne furent terminés qa*eii 1594. On en a commencé la destruction il y a soixante ans, et, en ce moment, on en renverse les dernières ruines. La nouvelle forti- fication se composait d*une forte muraille défendue par neof grands bastions et par un fossé large et profond. De la porte de Buxereuilles à celle de Chamarandes on comptait quatre bastions , et cinq de la porte de Chamarandes à celle de l'Eau. Entre cette dernière porte et celle de Buxereuilles, la ville, défendue d^à par l'escarpement du terrain , était fermée par l'ancienne muraille da cbftteau qu'on avait cru devoir respecter et qui existe encore.

U. L'échevinage, dont la dignité était rehaussée par Timp^n^ tance nouvelle de la ville, ne convoquait plus les notables dans le donjon du roi ; il avait fiaiit de la tour du Barle le siège de Fadini* nistration et, depuis quelques années, à l'exemple de toutes les bonnes villes du royaume, il scellait ses actes d'un sceau commu- nal. Les armoiries de la ville étaient toutes trouvées, elles devaient être de patronage : France et Champagne ; mais Técu de Qiam- pagne avait un quartier chargé des chaînes de Navarre, et le Na- varrais était alors considéré à Chaumont comme ennemi de la reli- gion. On était sorti d'embarras en remplaçant les chaînes par nn demi-escarboucle. Le sceau communal était donc ainsi armorié : Au premier de gueule (fond rouge) à la demi-escarboucle pomme- lée et florée d'or, mouvante du flanc senestre ; au deuxième, qui est Champagne, d'azur (fond bleu) à la bande d'argent accostée de quatre cotices potencées et coutrepotencées d'or ; au chef d*asor (fond bleu) chargé de trois fleurs de lys d'or, pour rappeler que h ville avait pour seigneur le roi de France.

m. Depuis la dissolution des états-généraux, les Guise s'eflSor* çaient d'organiser la Ligue en Champagne. Ils rencontraient de la répugnance de la part de la noblesse. Le clergé consentait bi^ i

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donner son concours, mais sans sacriGces pécnniaires : il objectait que la mesure qui prescrivait l'atiénation des biens ecclésïnsliques Trappail le diocèse d'une taxe de plus de cent trente-six mille livres et qu'il élait épuisé. Quand, dès le mois de janvier 1 577, le pré- vit de Chaumonl était allé à Lan^res, avec une lettre de la douai- rière de Guise, pour solliciter l'adhésion du cliapitre, les chanoines lui avaient répondu t qu'ils élaîenl Irès-prêts pour défendre l'honneur de Dieu, sa loy et la couronne de leur roy, mais sans vouloir contribuer (1). » Du reste les habitants de Lan;;re3 étaient du parti des Poliiiqitet, cl pour s'opposer à la propagande Guizarde ils ordonnèrent aux gardiens des portes t d'empêcher d'entrer ceux de Chaumont diiicnd ligucnn (2). > Le clergé langrois Tut donc obligé de se condamner à une sorte de neutralité. Cependant, les craintes que les députés maniftistèrcnt à leur retour ranimèrent le fanatisme ; Le Genevois et Rose employèrent toute leur influence pour gagner des adhérents à l'association sainte; le duc de Guise vint lui-même assurer qu'elle se formait par ordre du roi ; enfm une réunion des trois ordres du bailliage fut convoquée à Cbau- inont, dans le mois d'avril. L'assemblée était peu nombreuse, ce- pendant t on jura de soutenir jusqu'à la mort l'union et l'intégrité de la foi catholique, apostolique et romaine, et d'obéir à celui que la volonté divine a fait souverain seigneur et roi de France ; on dé- cida que i' Asiocialion champenoise ferait lever et tiendrait à sa solde trois cents hommes de pied et soixante chevaux pour lutter contre l'ennemi commun, et que les ofliciers seraient nommés par l'as- semblée des trois ordres ; enfin on arrêta qu'un conseil de six membres serait adjoint au lieutenant-général de la province et qu'on entretiendrait une correspondance active et suivie avec les as- sociations des provinces voisines pour s'entendre et se soutenir au besoin. » L'acte d'association fut immédiatement rédigé et signé ; mais c'est tout ce qui resta de ces serments et de ces ordonnances. La Ligue ne devait être organisée sérieusement que dix ans plus tard i Chaumont.

IV. Cependant le inécontenlemenl était eéuéral; les esprits

_ (I) D.itib«nlKiD la (lup]lr* du 31 jautitr JS7I. (1) Dflik'rilwa U Vaii Ja 13 r;iii r ISIT.

116

étaient inquiets, agités, et même, dans quelques proTinees » des troubles avaient déjà éclalé, malgré les édita de pacification que repoussaient également les deux partis. En Champagne, le Bassign} était le foyer de Tagitalion. Les chefs du mouvement, peu satisliûU des résultats de la première association , résolurent de h refisûire» mais diins un cercle plus étroit, d*abord, afin d'en mieux choisir les éléments. Ils se réunirent donc, à Chaumont, le 5 octobre i779 et arrêtèrent ainsi les bases d'une nouvelle confédération :

Au nom de Dieu, de sa Mainte Trinité et unité :

i^ Tous les confédérés promettront et jureront d'employé ieors vie et moyens à Thonneur et gloire de Dieu, et à leur salut ;

2<> De maintenir la liberté et franchise publiques de la patrie, de leurs vies et de leurs droits et le légitime établissement de po- lice;

3* De se maintenir et conserver, envers et contre tous, de façon que s*il survient quelques querelles, débats ou procès, entre quel- ques-uns des confédérés et autres qui ne font pas partie de Tasso- dation, le commun des confédérés emploiera toutes ses (acuités pour la conservation du droit de son confrère.

S*il y a querelles , débats ou procès entre confédérés, pour quelque cause que ce soit, civile ou criminelle, il sera par le com- mun élu quatre personnages, plus ou moins, selon Texigence da cas, non suspects, qui auront toute-puissance de décider le dilEi- rend ; c à laquelle décision lesdites parties acquiesceront oonune à uu arrêt et jugement souverain à peine de Thonneur et dek Yîe. »

5^ Si quelqu'un des confédérés se trouve convaincu de lâcheté et de perfidie, envers ses confrères, directement ou indirectement, < que dès à présent comme toujours il demeure infilaie, l'honilear perdu et sa vie en proie. >

6^ Finalement quand tous ceux qui voudront entrer en la pré- sente confédération en auront signé Facte, ils s'assembleront pour élire un chef, chargé du maniement des armes, et quelques autres, idoines cl suffisants, pour former un conseil parde\*ant lequel s'ins- truiront les différends qui seront jugés comme il est dit ci-dessus.

m -

Les élections se feront k la pluralité des voîi;, et dans la premiers assemblée on fixera la durée des roncllons du cher et de celles du conseil el le lieu se feront les assemblées génémles.

Ainsi les conrédêrcs se séparaient de la société légale ; ils for- maient un état dans l'Étal. C'était hardi ; mais auraient-ils rage de défendre leur œuvre si le secret ii était pas gardé ?

Déjà le roi était iiK^truit des remuements du Dassigny. Comme il comptait peu sur la fermeté du gouverneur Barbe^ieux, il lui de- manda sa démission el le remplaça pur Uîntexille, en qui il avait, ajuste litre, la plus grande conQancc. C'étail dans les premiers jours de janvier. Le nouveau lieutenant s'est à peine mis eu roule pour son gouvernement, que ta confédéralion est dénoncée par î Chappes, qui était venu eiprès à Paris avec une copie de l'acte d'association. Le roi éi^It en toute hâte h Dinteville : c Je trouve cela, dit-il. si éloigné de ce qui doil âlre dans l'esprit de ceux qui sont mes sujets, que cela devrait Être quasi estimé hors de toute rraisemblance, n'était que l'on s'aperçoit les esprits des hommes s'adonner en cette saison à toutes sortes des plus énormes perver- sités qui se puissent imaginer, i 11 veut une information prompte et une punition exemplaire, pour empêcher le mal de se propager. Dinlevilte ûl preuve, dans cette circonstance, de la plus grande habileté : au lieu de procéder à une enquête, il convoqua tous les gentilshommes du pays, tes maires et échevins des villes et les gens les plus inlluciils du Tiers, t et, dit il dans un rapport, parce que le membre le plus ulcéré et qui avait le besoin de plus prompt re- tQËde était ce pays de Bassigny et spécialement celle ville do Chau- monl, sans m'arrôtcr aucune part, sinon le temps qu'il clait besoia de prendre pour avertir ceux que je jugeais à propos d'appeler i la convocation, je me rendis en cette ville le dernier jour de ce mois. > La réunion eut lieu le 2 février. Cent trente gentilshommes y assistaient et plus de vingt capilaines. « Le roi m'a parlé sé\ére- inenl, leur dît Dinteville, des rapports qui lui sont faits sur les méconlenis qui s'eiïorcent d'agiter son royaumi;, el je suis accouru pour donner bon ordre, spécialement en cette ville de Chaumont et quai lier de Bassigny qui est à la tète de l'ennemi étranger (sur b frontière], lequel en sait toutes les .ivenues, pour les fréquents voyages qu'il y a faits, et ne désire que le retour vers vous, affriamlé

1

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de vos dépouilles ; pour avec tant de gens de bien, à afiectioiuiée et sélés au service de leur roi, aviser à ce qui serait néeeesaire pour la conservation de la patrie, qui est ce que toute âme bien née a toujours eu de plus cher. Sa Majesté, s'assurant de la fidélité de ses sujets, les appelle tous, d'une et d'autre religion, sans dialiiie-» tion, car elle veut que ses édits de pacification soient observéi ; comme elle a été constituée sur les uns et sur les antres, elle entend aussi être le père commun de tous et les faire participer de ses bienveillances selon les moyens d'un chacun. » Il évita avec inten- tion, comme il l'écrivit au roi, de parler de la confédération, poor donner le temps à ceux qui étaient dans l'erreur de se reoonmltre et ne pas les irriter. En effet, ses paroles furent couvertes d'ap- plaudissements et, quand le calme se fut rétabli, H. de Presttgny, au nom de l'assemblée, prit la parole pour remercier le nn de k confiance qu'il avait dans la fidélité de sa noblesse ; puis il parla longuement des bruits de ligue et d'association qui semblaient èCre parvenus aux oreilles de Sa Majesté ; mais ce fut, comme ratril prévu Dinteville, pour protester contre : c Ce serait, dit-il, crime de lèze-Majesté ; nous n'avons jamais voulu que nous entr'aider contre les robeurs et les pillards, et sommes les très-fidèles sigets du roi. > Aucun de ces hommes que nous verrons bientét Fépée à la main, à la tète de la révolte, et dont plusieurs avaient signé l'acte qui proclamait leur infamie, n'osa se lever pour (aire enten* dre une plainte. Après ce honteux désaveu de la confédération dn Bassipy, elle ne pouvait plus exister. Dinteville n'eut donc qa*à se louer de sa modération. < Il n'y a rien à craindre de ce cMé, écrivit-il au roi, et je ne crois pas devoir ordonner à la justice dln- Ibrmer. Comme la phce de Chaumont est d'importance, avant de partir je me suis entendu avec les habitants pour activer les trt* vaux des fortifications et j'y enverrai des munitions (1). >

Y. Les protestants inquiets reprenaient les armes. En avril, les Chaumontais furent avertis par lettres du roi, du duc et de M. de Dinteville qu'il y avait trame de surprise contre leur ville. M. de Quinquempoix, seigneur de Vignory, donna le même avis. Aussi-

(I) Mm. delà Bibliul. nation. *- GoUecUoo Dapay, 537, bSS.

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tOt le cours de la Juslîce Tul suspendu; le conseil de ville se dé- clara en perniancnt:e ; on donna ordre aux élrangers de sortir im- médiatement sous peine de la harl, et l'on menaça du fouet les habitants qui sLilionneraient sur les remparts sans y £tre de garde. L'échevinage prit, de concert avec le gouverneur, toutes les me- sures nécessaires pour la dérense et l'on arma les remparts. Ins- truits de ces préparatifs, les proleslanls renoncèrent à leur projet. Mais la ville dut rester sur lo même pied de défense, car l'ennemi rAdail dans le pays, ctiercliant à surprendi'e les châteaux et les villes. On travaillait aussi avec plus d'activité aux travaux de for- lilîcation, et M. de Guise venait sou\enl les visiter; mais c'était plutôt pour entretenir le zèle de ses partisans, car déjà on com- mentait ii comprendre les secrets de la Ligue ; le pope, le roi d'Es- pagne et le duc de Savoie la protégeaient et les chefs n'attendaient plus que l'occasion de se démasquer.

VI. A cette époque Guillaume Rose résidait à Chaumonlet c'était toujours clicï lui que descendait le duc de Guise. Il ne quitta b ville qu'à la fin de l'année 15Sâ, pour aller reprendre à Paris le cours de ses prédications. Henri III, livré à de vils favoris, était alors tombé dans un état d'abjection indigne d'un homme, c Le jour de carême prenant, dit le journal de ce règne, le roi avec ses mignons furent en masque par les rues de Paris ils firent mille insolences -, et la nuit allèrent roder de maison eu maison, faisant lascivités et vilenies Jusqucs à six heures du malin du premier jour de carême. > Le lendemain Rose monta en chaire pour bl&mer cette conduite. On s'attendait à une disgrâce. En effet le roi le fit appeler ; mais, aussi dépourvu d'énergie que de bons sentiments, il se contenta des excuses que lui fit son prédicateur. Nous citerons encore l'Estolle : t Le roy lui dit qu'il lui avait bien enduré de courir dix ans les rues jour et nuit, sans lui en avoir jamais dit ne fuit aucune chose et que pour les avoir couru seulement une, encore eu curéme prenant, il l'avait prêché en pleine chaire, qu'il n'y retournât plus et qu'il était temps qu'il fut sage. Rose demanda pardon au roy qui non-seulement lui pardonna, mais quelques jours après, l'ayant envoyé quénr, lui donna une assignation de quatre cents écus, puur acheter, luy dit le roy, du sucre et du miel pour

à

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aider à passer le carême et adoucir vos trop aigres paroles, i^ Le hardi prédicateur Tut encore nommé en b même année grand-' maître du collège de Navarre et l'année suivante (i584) le roi le fil évéque de Senlis.

m

Guillaume Rose entretenait avec ses concitoyens de Chamnonl une correspondance très active : il était en quelque sorte TiioiiUBe d*aflaires de la ville à Paris. Quand on apprit sa promotien ft l'épiscopat, le conseil de la commune s*empressa de le féliciter, et le jour de son sacre il lui fit présenter quatre muids de vin de Boulogne, c Costaux estrangers qu'il fault user de recog&msçHiee pour quelque plaisir receu, répondit Rose, non à ceux qm ee tre- vaillants de tout leur pouvoir pour la patrie ne font que ce qoBs doibvent, et suis marrj, pardonnez-moi, et me sents offensé qam me traictez comme un homme qui n'aurait aulcune obligation à k ville que plus jaime que moy mesmes, et n'estoit besoing de ri gran& frais vous la nécessité qu'avez de vos petits deniers communs, el, pour la réparation de la faulte et meilleur emploi de ceste rostre excessive despense, je vous proteste que, le vin estant rassis, 8*il se trouve digne des grands, j'en feray part à Messeigneors pour vous acquérir autant d'amis et support en vos affaires. > El 9 ajouta qu'il irait bientôt revoir les Chaumontais, les remercier, et particulièrement le chapitre qui avait nommé doyen de la eoBégide Claude Thomassin, le parent du nouveau prélat. Mais h peste qoi affligea la population chaumontaise pendant les mois d'avril et de mai retarda ce voyage, et Rose ne vint revoir sa ville natale dns les derniers jours de juillet.

VII. Le duc d'Anjou, frère du roi venait de mourir (|ain) ; il n'y avait plus d'espoir de postérité pour la maison de Ytleia ; Henri III lui-même n'avait plus, disait-on, que quelque mois à vivre, et la couronne revenait de droit à un prince protestait» an roi de Navarre. En présence de cette éventualité, les ligueos s'agitèrent plus que jamais, et le château de Joinville devint le eenire de cette agitation. Rose y était souvent en conférence avec les princes; dans le commencement du mois d'août il y conduit t phisiedrs fois MM. de la ville de Cbaumont, et c'est là, dit-on, que fut signé la fameuse Ligue générale le 2 janvier 1 585, par Henri de Gniee

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el Charles de Mayenne, son frère, reprêsenlant la France ; par Jean- Baptiste Tassy et Don Jaan MoriJe po-ir l'Espagne et par F. Men- neville, au nom du cardinal de Bourbon, Tanidine derrière lequel les vrais prétendants cacliaicnl leurs complots.

Quoiqu'il en soit, les ligueurs se montrèrent plus hardis, dès celle époque. Le roi seul semblait ne pas comprendre leurs desseins. Le 12 mars, il écrivait aux Chaumontais de se bien garder < attendu ta mauvaise volonté d'aucuns qui veulent troubler le repos public. Enfin la Ligue se déclara, plusieurs grandes villes adhérèrent i l'acte d'association, et le 21 mars, le duc de Guise s'empara de Châlons- sur-Marne. 11 y avait alors une telle confusion dans les esprits, que les Chaumontais ne manquaient jamais de communiquer les ordres de la cour au duc de Guise qu'ils croyaient encore sincèrement te défenseur des intérêts du roi et qui d'ailleurs était toujours gou- verneur de Champagne. Cependant ils prirent les mêmes n qu'en J580 pour la conservation de leur ville. Le roi ne cessait de leur écrire. Il leur disait le 23 : * Si vous avez esté cy-devanl fort soigiieuh à maintenir et conserver la ville en repos et tranquillité sous notre obéissance , il faut que vous vous rendiez maintenant encore plus soigneuU el y preniez garde de plus près que jamais. » £l il ajoutait en P. S : < Cliers et bien amcz nous vous delfendons de laisser entrer en notre ville de Chaumont qui que ce soit qui puisse estre fdict le plus fort ou qui y peust avoir auctorilé si ce n'est le sieur de Dinleville notre lieutenant-général en Champagne el non autre. > M. de Dinleville qui n'était pas un Guizard faisait les mêmes recommandations ; mais dans ces lettres il n'ctait jamais fait mention de ta famille de Lorraine. M. de Guise écrivait de son cûté avec la même reserve : la guerre n'était pas encore déclarée, on s'observait, on intriguait. « Messieurs, écrivait Henri de Lorraine, le 29, vous cognoissez ce porteur en qui j'ay fience comme à raoy propre, je lui ay commandé de vous dire de mes nouvelles et faire entendre mon intenliun, vous pryant de croire comme vous voudriez faire moy raesmes, qui vous porte tant d'aiïeclion que ne me trouverez jamais autre que père de la patrie et conservateur de tout ce qui en deppend. > Et le duc ajoutait de sa main en P. S : « Messieurs, croyez je vous prie ce porteur comme moy mesmes et soyez asseuré que je vous veux conservez comme mes jtropres enflants. »

Les Chaumontais ne 8*étaient pas encore outertement pronoiieés ; lis 8*efforçaient de concilier leur dévouement anx Guise a?ee knr respect pour le roi et, de part comme d*aulre» on eraignul de froisser leurs sentiments. Le même jour, ils reçurent en communt** cation des lettres du roi à M. de Senlis, par lesquelles il était Adt appel à l'influence de cet évéque sur ses concitoyens. Le pauvre roi s'adressait bien I Le 5 avril, Henri III écrivait à M. de Dintenlle : c Je suis fort aise de ce que me mandez de h lM>nne dévotion en laquelle sont les villes de Langres et de Chaulmont de demeurer fermes et assurées en Tobéissance quelles me doibvent. » Mais les Gdse n'étaient pas moins satisfaits des promesses qu'on leur flrisait. Les deux partis parlaient également au nom de la patrie, et les habitants étaient bien embarrassés : ils attendaient les évinemenfs. L'entreprise des ligueurs contre Marseille ayant échoué, le roi se liàte de faire connaître tous les détails de cette affiiirey aC il qonte (1) : < Chose que je désire estre sceue de tous mes bons snigects et serviteurs afin qu'à l'exemple desdicts Marsyllois ib ouvrent les yeux et recognoissent à temps le but auquel tendent les auteurs desditcts troubles, lesquels establissent des garnisons dedans les villes et places ils peuvent entrer. Leurs partisans eon* mrocent aussy à prendre prisonniers et mectre à rançon ceub qoib peuvent attrapper, tant catholicques que aultres, imposent et lèvent nouvelles tailles et contributions sur eulx, saisissent mes deniorSi tuent et saccagent les habitants des villes, sans distinction de rdigion» ainsy qu'il est advenu, es jours passés, à Chastillon-sur-Mama, ils ont d'abord massacré cinq ou six habitans catholiques, et oont- mectent partout ailleurs infini aultres excès et brigandages, par chacun peult cognoistre que la religion catholique ne sera restaurée ni mon peuple soulagé et délivré d'oppression par ceste misérable guerre, laquelle je désire pour ceste cause esteindre et assoupir an plus tôt s'il est possible. Mais ou il adviendrait que je ne puisse obtenir ceste grâce de la bonté de Dieu, par la durrelé de ceuh qui sont cause du commencement d'icelle, vous admonestres (c'est à M. de Dinteville qu'il s'adresse) tous mes serviteurs et subjets de

(4) UUrt éc l'tritj 2G avril I5»5^ ii M. de DtateviUe. (Arcbiret U U fUU de GhM< mont.)

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prendre garde ft eulx et demeurer Termes el constants en leur ■ntJenne fidélité el obéissance envers moy leur prince et souverain seigneur, se départir de toutes ligues et association, recourir à ma protection et se reposer sur le continuel soing que j'ay de la defTencc et conservation de lesglise catholique el de leur soulagement. >

Henri III se plaint ici de la hardiesse des ciiefs de la Ligue qui Minufnl Met dtnicri. En eiïet, le jour même cette lettre Tut lue au conseil de ville, arriva un émissaire do Henri de Lorraine et du cardinal de Bourbon cbargé du recouvrement do la recette des tailles et du grenier à sel de Chaumont, t pour faire vivre en bonne police lesgensdeguerredc la sainte Ligue.* Les habilantsétaient dans l'embarras, f hous sommes, répondirent-ils â cet envoyé, les très humbles serviteurs de nos seigneurs de la Ligue, mais nous n'avons aucunement connaissance ni maniement des finances de Sa Majesté. > En même temps , cependant , ils prenaient des mesures , sur la requête du receveur des deniers royaux , pour la sûreté de sa caisse. On Tut di^s lors obligé de transférer de Châlons à Troyes le bureau des finances de Champagne, et le roi, par lettres du mois de juin, édicta des peines sévères contre les détenteurs de deniers qui obéiraient à d'autres qu'aux ofliciers envoyés par son ordre < voulant obéissance lui être rendue et défendant à tous d'avoir égard aux ordres de ceux de la Ligue, sous peine de la vie. i

VIII. Le roi ne persista pas ; il n'osa pas combattre la Ligue et, au mois de juin, la reine mère, l'âme du conseil, fit proposer aux Guises de conférer avec eux sur les moyens de rétablir la paix. Ces conférences eurent lieu en Champagne, à Epemay ; mais oo se sépara sans rien décider. Guise avait laissé par écrit ses demandes entre les mains de la reine ; il alla attendre la décision â la tète des armées de la Ligue. Avant de quitter la Champagne, il nomma M. de Rosne , lieutenant-général de la province (1), bien que N. de Dinteville fut déjà investi de ce commandement par le roi, et, de concert avec le cardinal de Bourbon, il écrivit de Cbùlons

in CtarïlKQibSansDr, Ui lui plui Itril •!■ caDHil il« Qi Mirfrhil de PnnK. Il rm !■<

t Ji>liniD.ifl da duiU ilc Ehr. H nil»di-Knl>». Miionae 1. SI mCiUcan garrricn ie I inoét if

J

«01 Chaumontais» le 21 juin, pour leur expliquer sa conduite dans cette circonstance (1). c Scacliant combien tous estes wHés en k religion catholique et au bien de cest estât, nous avons bien ToiiBa vous faire entendre ce qui s*est passé entre la royne mère da roi et nous, es assemblées d'Espemay et Sarry, pour la oonsenniioii de notre religion et establissemenl du bon repos en ce rojaubne. Scachez doncq qu'encores que nous fussions bien ad?ertis ce qui se faisait en ceste négociation esloit seuUement pour pntioqaer nos allies et réparer nos forces pendant que celles de nos ennemjs se dressoyent, si est ce que, postposant tout danger, nous n'avmis jamais reffusé de nous trouver la part que S. M. a vouUu» nj laissé de monstrer , par nos humbles et raisonnables demandes » qae notre seul but et intention estoit d*asseurer tellement ladite reUgioii en ce royaulme qu'à Tavenir elle uy peust endurer changemeoL Lesquelles (Nous nous avons très asseurez que si elte en eosl esté ereue et que le roy ne se feust laissé dissuader pour ceuli qui» poussez d'une trop violente ambition , ne cherchent que leur commodité et grandeur particulières.) nous eussent esté accordées et tous les gens de bien conservés en repos et seurreié. Hais ajaiil congneu, par la dernière response que Ton nous a faicte, que lev bat et intention estoit seulement de nous repaistre d'un edid vain, imaginaire et sans effect (comme ceuk du passé) , pour ûdre accroire aux plus rudes (que venant à leur reffuzer), notre ambition seulle nous avoit poulsés à ceste entreprise et non te aèk de rhonneur de Dieu ; nous avons, pour faire cognoistre à chacun do contraire, bict et présenté à ladite M. la requête dont nous vous envoyons coppie. » Estant au surplus bien délibérés et résoios d'hazarder nos vyes et tout ce que nous avons de plus cher ea ce monde plustost que de quicter aucune chose ou Dieu, te poblicq et notre honneur soyt offensé. > Les Chaumonteis devaient ûdre eonnattre les additions ou changements qu'ils désireraient voir in- troduire ÔBnsVuUimaium des princes. Ainsi on les regardait comme ligueurs, bien qu'ils n'eussent pas envoyé leur adhésion. Henri les invitait, en terminant, à envoyer à Claude de Champagne, qa*il

(4) La leUra êti sigoët CharUê cardinal de Bourbon^ e( ffenry d9 Lorraine. (ArchiTei delà Ville J

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avait élabli receveur pour la province, tous les deniers qui se trouteraient entre les mains des fermiers <le leur ville, pour le ptyement des garnisons îles provinces de tu Sainte-Ligue.

IX. Le Roi n'avait jamais chercha à se rendre compte des forces véritables de la Ligue (]ui, à celte époque encore, comptait beau- coup d'adhérents indécis comme les Cliaumonlais, et il aurait pu facilement la dissiper ; mais il eut peur, et, contre Tattente des li- gueurs, il subit la loi (]ue Guise avait dictée. L'édit de pacincalion fut rapporté par le traité de Nemours (juillet), qui stipule l'appro- bation compli^te de tout ce qui a été fait par l'Cnion, l'interdiction sous peine de mort de toute autre religion que la religion catholt- lique. l'abandon de huit places de sûreté aut confédérés. La guerre recommença. Les protesLtnts semblaient perdus; mais, grâce A la résolution et i l'babileté du roi de Navarre, ils se montrèrent pleins ie confiance et remportèrent partout l'avantage. La trêve de Saint- Bris (1586) ne suspendit que pour un instant les hostilités. Ellet recommencèrent bientôt avec une ardeur nouvelle, excitée d'uQ cOté par le supplice de Marie-Suart, la nièce des Guise, de l'autre par l'excommunication du roi de Navarre.

X. Pendant celle malheureuse année 1586, la peste et la disette vinrent s'abattre en même temps sur la ville de Chaumont. Le prit du blé qui était de trente sols le bichel h la fin de l'année précé- dente, s'éleva lout-à-coup à uu écu. Les échcvins prirent des me- sures d'une excessive sévérité pour le transport et la vente des grains, et ils réglèrent la consommation de chaque individu par jour. Ils cinirenl arrêter le mal en publiant \m mnximum de cin- quante sols pour le blé ; mais bienldl le grain devint lellemcnt rare qu'il n'eut plus de prix. Du re.=le, la disette était générale en France, e les gens de campagne, disent les mémoires du temps, étaient obligés de se nourrir de glands de chêne, de racines sau- vages, de fougère, du marc et des pépins de raisins séchés au four, qu'ils faisaient moudre pour en faire du pain, etc., etc. x La peste dura peu ; mais elle revint l'année suivante, et l'on peut dire qu'elle a décimé périodiquement ta population, a\i\ époques des grandes chaleurs, jusqu'au XVII* siècle.

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XI. Cependant le roi de Navarre avait battu Tannée des eatho- liqœs à Centras et il attendait un renfort considérable que les pro- testants d'Allemagne lui envoyaient (1587). Le 6 avril, le curé d*Oiw quevaux arrive en toute hâte à Andelot : il était venu dans It nuit grand nombre de gens de pied et de cheval qui dévastaienl les campagnes et faisaient partout des prisonniers pour les mettre i rançon. Cette nouvelle apportée aussitôt à Chaumonl j jeta Talarme et on arma les remparts. C'étaient sept à huit cents arqu»* busiers conduits par le protestant Fervaques et qui venaient i k rencontre des Reitres pour se joindre à eux (1).

Pour arrêter l'invasion, le roi fit réunir ses troupeSi les «nés à Qiaumont sous le commandement du duc de Guise, les autres i Sainl- Florenlin, près de Troyes, sous la conduite de M. de Monlpensier, et à Gien (2). Comme il y avait pénurie de vivres et manque de confiance dans la récolte, Guise, sur la prière des habitantSy éloigna le plus posssible son camp de la ville de Chaumont. M. de Dintevitte se tenait à Langres. Il y avait bonne intelligence entre les deux villes, bien que les Chaumont ais fussent en instance pour fidre rapporter l'édit qui avait récemment institué un présidial i Langres» ce qu'ils obtinrent grâce aux actives démarches de GuiHaame Reae.

Le 4 août, les Langrois, qui avaient un émissaire en Allemagne» firent passer à Chaumont la nouvelle de l'arrivée des Reitres. L'en» nemi avait traversé le Rhin. Le danger était donc imminent. Il j avait alors dans l'arsenal huit pièces d'artillerie, vingt-neuf arque* buses à croc et dix-sept mousquets : on plaça l'artillerie sor les murailles, on distribua les armes dans les quartiers, et, couhm elles n'étaient pas suffisantes, on emprunta aux seigneurs de Semini- tiers et de Renneponl toutes celles qu'ils avaient dans leurs dbHeaux. Le 11 septembre, l'ennemi était dans les environs de NeufchftftoM. On fit sur le commandement de Guise, qui était alors i Ladre, rentrer tous les grains dans la ville ; on détruisit les forges, las fours, dans toutes les communes, et Ton jeta à l'eau les meules de tous les moulins. Un magasin de vivres et de fourrages était établi

(f } GulHaamc de Haalemcr, comte àt Fcrvatiod^ dcpuii mari^liol Je Frtnw. n ^Itit compegooik tic Henri IV.

(2) Chronologie ^ovenairej Je Pilnii Cayct.

427 à Vignory. On venait ije chasser les protestants de Langrcs et de Chaumont. Le i3, un avis ofliriel Tut publié ilans la ville : l'ennemi s' était donné rentlez-vous h Colombey, pour prendre de U chemin par Vaucouleurs et marcher sur Joinville. Il semblait donc se dé- tourner de Chaumont. Cependant, le 19, le gouverneur et les écbe- vins demandèrent à Guise deux cents hommes de pied pour auiiter les bourgeois, plusieurs des nouveaux boulevards n'étant pas en- core en état de défense ; mais, le surlendemain, quand arrivèrent cent cinquante arquebusiers, le peuple, qui voûtait rester neutre, refusa de les recevoir, dans la crainte de livrer ainsi la ville à la Ligue, et ils furent obligeas de se loger dans les faubourgs. M. de la Chaire était à Bar-sur-Aube pour couvrir cette ville, Trojcs et Châlillon.

Pendant tout le mois d'octobre, les Iteitres restèrent maîtres des campagnes sans oser toutefois attaquer les villes. Ils rançonnaient les abbayes. Celle de Clainaux leur ayant résisté, ils en firent l siège ; mais une crue subite de l'Aube les força à s'éloigner. Enfiu, pressés de toutes parts çt se voyant près de manquer de vivres, par suite des mesures extrêmes prises par le duc de Guise, perdant d'ailleurs l'espoir de rejoindre l'armée du roi de Navarre, ils se retirèrent au commencement de décembre. Si l'on en croit l'Estoile, les élRingers n'abandonnèrent la Champagne qu'après avoir traité avec le roi qui leur fournit des vivres jusqu'à leur sortie de France et pour cinquante mille écus de dr.nps. Toutefois, on fit des feux de joie dans toute la province et à Paris.

Pendant celle panique, M. de Riocourl était mort (1 ) et le roi avait nommé gouverneur de Chaumonl le capitaine Petremol. Le bailli, M. de Drantigny était complâtemenl étranger au gouvernement mi- litaire de la ville.

Dans le mois de février 15SS, le duc de Guise vint visiter le pays. Il passa ù Langres, û Chaumont, et fut grandement félicité partout sur son passage ; on lui attribuait toute la gloire d'avoir repoussé l'invasion. U revenait de l'assemblée de Nancy les chefs de la Ligue, fiers de leurs succès et des dispositions du peuple, avaient résolu d'adresser une requête au roi pour le sommer de se

(I) U2\ naTFDilnlïBT. On .Isiiu dou» .Vui ï ii tmi' fu hnat it ptlKtH .

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déclarer en faveur de rUnion, d'éloigner du conseil tous les sus- pects et d'établir l'inquisition.

Xn. Les prédicateurs de la Ligue prêchaient publiquement| i Paris, contre Henri III, et Rose se distinguait parmi les plus fon- gueux (1). Le duc d'Aumale commandait en maître en Picardie, le duc de Guise en Champagne : c Je vois bien, dit le roi, que si je laisse faire ces gens, je ne les aurai pas seulement pour compa- gnons, mais pour maîtres ; il est bien temps d'y mettre wdre. » Le 9 mai, malgré la défense du roi, le duc de Cuise se présenta aux portes de Paris. La faction des Seize lui avait préparé une en- trée magnifique. On criait partout sur son passage : Homnnah! Vive k duc de Guise! Vive le pilier de V Eglise ! Henri UI semblait i«i- sonnier dans le Louvre ; Guise était véritablement roi. C'était» de part et d'autre, l'occasion d'en finir : on n'osa pas. Le roi hédla en présence de quelques barricades ; et, au lieu de faire acte de puissance, il sortit secrètement de son palais pour se retirer i Chartres, laissant l'ennemi mettre de la capitale.

M. de Dinteville était alors à la cour. Le roi le renvoya immè* diatement dans son gouvernement, et il manda aux Chaufflonlais de suivre en tout la volonté de ce lieutenant. Dinteville exprima son étonnement de ce que la ville n*avait pas encore envoyé des députés à Chartres pour renouveler le serment de fidélité; il or- donna de le faire sans délai. On ne lui répondit pas. Cependant la situation ne permettait plus de doute.

Une lettre du roi, écrite de Chartres, le 20 mai, avait notifié aux habitants de Chaumont la défense c de recevoir le doc deGnise ni aucun autre qui voudrait entrer de sa part, » et des cMpuléi avaient été aussitôt envoyés à H. de Dinteville par le conseilf c poor le supplyer très humblement d'assurer S. M. du bon et fidèle ser- vice que les habitants de Chaumont lui ont voué et désir et aflection qu'ils ont de contiuuer le zèle auquel ils se sont toujours roaintenot pour son service et eu son obéissance, faisant bonne garde pour la conservation de la ville. » Le 7 juin, une nouvelle députation alla

(I) Les Rnyallstfi Jif aient df l'^vdqae de Senlii, pr^dicafcar do roi, qa*il étaîi foo, cl l'on publia h celle époque une hrochuro satyriqae iotîtulde : Dt VaUéfCtion du C9t»

veau, à Hôte.

îîfl

renouveler cette prière ; mais comme M. de Dinleville avait maiû- fcslé rintenlion de venir à Cliaumonl, el qu'on ne vouluiL pas qu'il Tùl lùmoin des divisions qui Termentaieut dans la ville, on lui (it en même temps représenter q'i'il y avait danger de peste, qu'il se- rait donc plus prudente lui do s'ubstenir et de donner ses mandements par écrit.

Cependanl te duc de Guise, en sa qualité de [;ouverneur de Cham- pngne, avait pourvu M. de Diesles du gouvernement de la ville de Chaumont el, au conseil de ville, on avait enregistré celte nomi- nation sans difficulté. Le 8, il enga^^ea les habitants à s'entendre avec M. de Guyunvelle. « Je vnus.iy UH savoir, écrivait-il de Paris, tout ce qui s est passé en ceste ville, à l'exemple de laquelle la plupart des autres principales de ce royaulme, ont fait paraistre un zélé si ardent du service de Dieu, que les catliolicques en ont re- tiré toute seurelé. Je vous prieniy encore par ceste cy de vous enveiller en votre propre conservation et vous asseurer tousiours d notre vray el entière iiJTection. > On entendit H. de Guyoavelle, mais il n'y eut encore rien de décide.

Alors, pour faire cesser cette réserve, le cardinal de Guise, que son frère avait envoyé en Champagne cl qui n'avait pn entrer dans Troyes qu'à l'aidj d'une émeute, fil lever quelques troupes du cdlé de Cliaumonl. Les hablLints elfrayés se décidèrent enfin à envoyer des députés au roi pour l'instruire de ce qui se passait. M.M. De Grand et da Goudrecourt piirtirent immédiatement ; mais à leur arrivée à Troyes, ils furent mandés par le cardinal, qui les interrogea sur le but de leur voyage. < Il est inutile, leur dit-il, que vous alliez plus loin ; les levées q>ii ont elTrayé «os concitoyens se font pour li: service du roi et par son ordre. Le prince de Join- ville doit aller procliainemenl à Chaumont, pour y faire entendre la volonté de S. M. *

On lut fort ernljarrassé avi retour des députés. C'était le S t, et le li, M. de Dinleville avait renouvelé, avec de plus vives instances, la défense de ne laisser entrer dans la ville aucun dei Guise ou de leurs fauteurs. La clucfie du Bar\e appela bienidl tous les bour- geois en assemblée générale. Ils étaient plus de mille. Les Guizards eurent recours à l'intimidation : « Il y a de grandes troupes de gens aux environs, disaient-ils, si vous ne lai^jsez pas l'entrée libre

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au prince, vous ne ferez pas les récoltes, ce qui viendra i très* grande conséquence pour la pauvrelé de la ville, déjà ruinée par le passage des Retires. » On no put s'entendre et les bourgeois de* mandèrent à se retirer dans leurs quartiers respectifs pour en déli- bérer. Là, les mômes manœuvres se renouvelèrent. Enfin kf dé- putés des quartiers revinrent en l'assemblée générale : c Noos avons de tout le passé esté nourris et maintenus eu robéiasance, service et fidélité que nous devons au roy, dirent-ils , à quoy ooiif désirons et voulons continuer soubs le péril de nos vyes, el comme nous avons tousiours recogneu nosseigneurs les ducs deGuiae ailéi et de tout addonés audit service du roy« ne nous ayant jamais com- mandé chose contraire, nous estimons que le seigneur duc de Guise, du moings H. son fils, étant en ceste ville, ne peolt eslre i antre fin que pour le service de S. M. et, à ce moyen, ce aerail hii faire tort, et au roy notre seigneur, de reffuser rentrée audit sei- gneur prince, soubs prétexte d'une simple lettre de cachet, n*e8lanl venu à notre cognoissance que les charges de Pair et Grand- Maitre de France, gouverneur et lieutenant-général en pays de Brie et Champagne, soient révoquées. » Ce raisonnement était juale : si le duc était ennemi du roi, on le révoquerait ; il a conservé tontes ses charges et dignités, donc il n'est pas l'ennemi du roi. Henri III devait une grande partie de son isolement à sa faiblesse. L'assenH blée prit la résolution suivante : c Partant, pour ne manquer ao debvoir et fidélité que nous debvons au Roy, nous sommes tous d'advis que ledit seigneur prince se présentant, pour entrer, il soit receu et ouy ; mectant ordre touteffoys, par nous et nos offieiers, que la force nous demeure tousiours pour la conservation de k ville soubs l'autorité du roy. » Ainsi les Guizards triomphaient. Le lendemain, l'un des conseillers de la chambre se rendit i Trojes pour faire connaître au cardinal cette résolution et le prier d'éloi- gner les troupes.

Le jeune prince de Joinville entra donc librement à Cbaumonl. Le dimanche 26 juin, on convoqua au Donjon une assemblée gé- nérale. Il la présida et après avoir exposé l'objet sa mission il invita les habitants c à déclarer s'ils voulloient et entendoient entrer en l'unyon qui étoit faicte et se faisoit avec la ville de Paris par les meilleurs villes de ce royaulme et mesme par celle de Troyes, prin*

- i3l cijiale ville de la proviiiirc. pour eusemblemcnl presetilcr requeste à S. M. afin d'eslre conservés en la relijj'ion catliolicqu';, apnslolicque et romaine, m;)iiutmi[ion île l'Estiit, service et obJyisance du my et procurer le xoulngeinenl du iteuple. * Après une loii|;ue délibi^ntion les habitants reconnurent unanimement c telle reque^Ie eslrc 1res n- Tillejuslc et raisonnable. » Mais comme elle élait de la plus haute importance, iU demandtirent le temps iifces.^aire pnur s'informer près des Troyens, leurs voisins t de la lormi* et manière de ladite union, affin de ne rien dëffjillir à ce qu'ils doibvent de l'obi^issance et service du roy. > Celte demande leur ayant été accordée par le prince, ils députèrent de suite un notaire à Troyes. Le 29, le député élait de retour et les habitants se réunirent de nouveau, au nombre de cinq à six cents. Après s'être bien Tait rendre compte de ce qui avait été arréié à Truyes, ils déclarèrent loiu unanîmi-nienl et ilun commnti accmil qu'ils entendaient agir de même et ils nommèrent pour leur procureur Jacques d'Harlel, avocat au bailliage et siège présidial, et lionorable homme François Brottes, mircbanil, i avec pleins pouvoir et puissance de, pour et au nom de lu ville, Iraicter avec MM. les prévôt des marchands et eschevins de la ville de Paris et aullres de ce royaulme , pour ce que dessus , assavoir pour Tunyon et associalion dcsdiles villes en ce qtii concerne l'honneur de Dieu, manutenlion de la religion caliiolicque, aposlolicque et romaine, l'Estat, service du roy et soulagement du peuple ; jurer et promettre ladite unyon au nom de ladite ville, le tout soubs te bon plaisir de S. M., sans loutefois que lesdits procureurs puissent obliger ny asservir ladite ville, â quelques conditions i|ue ce soyt, sans surcepréalablementenestredélibéré et résolu par les escbe vins, conseillers et habitants de ladite ville, en assemblée générale. »

Cepentbnt le roi, alarmé des nouvelles qu'il recevait des pro- vinces, s'était retiré de Chartres à Itouen. Les ligueurs qui no vou- laient pas être accusés de rébellion lui envoyèrent des prutestaticiis de ndéllté et des propositions d'accommoilement. Indécis et Taible, comme toujours, il céda; et, par l'i-dil d anirni, il se déclar.i de nouveau le chef de la Ligue, upprouvanl tout ce qui avait été fait (i- juillet).

Les deux députés partirent de Chaumont avec de<) lettres pour Guise et Guilhiume Rose. Dès leur arrivée, ils se réunirent aux

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députés de Troyes et de Reims et ils Turent présentés ensemble, par le duc, au conseil de TUnion. Les écbevins de Paris qui étaient présents c firent grande démonstration de joie et contentement. > Ds jurèrent TUnion le 9, au bureau de la ville. Rose, qui était allé agiter la ville de Senlis, rentrait à Paris. R félicita ses concitoyens et se mit entièrement à leur disposition, disant que s'ils avaient besoin de ses senîces il resterait, bien qu'il eut bâte de retourner dans son évêcbé. Toutefois, il ne remonta pas à cheval sans les avoir recommandés à H. de Neuilly (1). Le dimaucbe 10, tous les députés des viUes étaient réunis cbes H. de Lyon, on leor com- muniqua Tadhésion du roi à toutes les demandes des catholique! unis, notamment à cède de la convocation des Etats-Généraux. Le duc présenta les députés de Cbaumont au prélat : c Voyex, lui dit41, mes voisins de Cbaumont qui dient que tous leurs officiers smit catbolicques et gens de bien : n'est-ce pas belle chose I > Ds qoit* tarent Paris le 20, après avoir assisté, pendant leur séjour, i tontes les délibérations du conseil (2).

C'est ainsi que les Cbaumontais devinrent ligueurs. Les autres localités du bailliage suivirent l'exemple du chef-lieu, à Texception de Cbâteauvillain, qui refusa son adhésion. Le maire de Langres, lean Roussel, qui fut plus tard président à Chaumont, était dévoué au parti des Politiques; il détacha complètement ses concitoyens de hi Ligue, et, pour ne laisser aucun doute sur leurs' sentiments, ils firent placer sur la muraille, à l'entrée de leur ville, cette ins- cription :

Langres soutient les lois de la querelle sainte De Henri de Valois contre la Ligue feinte.

(4) Lr PH*tUU*al de Neoilly ^Ui(, k Parii, Tan Jm prlacipant fanUnrt Ai U LîÉM. Ôfl I pi^tenda que m fill« éUit )■ mailrcsM àê GuilUauie Bote. «- Voycs U Saiifê Mê* nippée*

* i) Ce voyage co4U à le TÎUe toistotc-dii écoe cîoqvioU tob.

CHAPITRE III,

DE LA rOnUATIllN DE LA LIGUE GÉNÉRALE A l'aSSASSI>AT

DE HEKni m (1588—1589).

1. Les Chauinonlais exercent une sorte de diclalure sur [oui le bailliage. Au nom de l'Union, ils lèvent des impOls, ils soudoient des troupes, ils remlent la Justice, ils disposent de la fortune et de la vie des citoyens. La population, agitée par des velléités d'é- mancipation, prenait pour sincères les promesses de bien-être pro- chain qu'on lui répétait sans cesse pour entretenir son ardeur révo- lutionnaire, et, servant saiis s'en douter d'instrument à une faction, elle croyait servir la patrie.

IL Le cahier qui fut rédigé à CbaumonI par les trois ordres du bailliage et que les députés Perret, lieutenant du bailli, et Rose (1)

nnptir un oiipdal, nr il »l /«an, DO lui» lnr*,biiUidp proamir, ri leun *(V(i>i, Ji

TlDlni ChnBWBliu pour In Mtiact it la Villii, dnnl il ■'«npiil Irii arliTtunil, lV>*qu ie SealiiiliHittDlSSa : < Poor uiaI«r'«inpcDKJcia«trcmauiiaailrHi(lpaBa

|itr, i|ua je dmicroi à voiire iRtin lanl i|iH DiM me rmitri-tn. » Nom ntmmernw Ire dii na fnFipl) : intoiae, qai Eiil AÀ|iie Je Scnliifl it Clermonl) GttUUaim».

Eite, «niIcBenr da Rui et de la Reiag At rologne ; Cfaud*. dunl la Gllx «Mou hi dg -aatOB, (1 jUnrguirila, trmaH M»l<n Dahaoli L* cDlIége Ugnilc* da naol a fli Xonàf (wr m Irait Jrrnien Cm in nnueiller

nwleile, diie it Prortochèm, iiDi «hria Oaiumnrliii rn 1701. CclleHÎEaiMrie fnt <ri|f« an oiirquitaU ta ITIO, ta fevnirde Françoit lie Roie, maefiii] it citnp. Une naiicg adr Dinimiriiu, |iublifa dioa l'^nnuOiVeifu dioeétedt LangrtI, ponr lliS9. ararare, d'apria la lellm paIrnM qui au iaiulUu« le marqglul, qne lean llMe, le pire ila H. de Saolla, *nl U MM tranchAe h CliiBDwnl poar n'aioir pai iouIb h ranger daoa le rarli da

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1. Il éiaii frère d* rt'tfù,.

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u'on noiBBia prJtai, rt Gilki.

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J-inipi»ioB ei qi'au lias do IS16. <l lollail lin riao k uoa nUJKiioiti nr, ta 4S8G, Chiunion D'aiJInin, fticolat tUil ainrt pr«i«l

da gi'DfalD|{ia ponr établir U prruia, quiad n^iiie, da détoumMBl mnnarehiqae da la (•mille doiil on <ouUil rrhaniaer le blaasn On d.Hirail, Mot donlc, tETanr ona lâcha, H Vva u a'ol pat iperfU fa'M na fiïuit qne l'a|nadîr.

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furent chargés de présenter aux États-Généraux, proore joscpi^i quel point les esprits étaient alors, comme le disait Hetanchton, occupés de liberté. Voici l'analyse des principaux articles :

Les États du royaume se tiendront de six ans en six ans, el s*ils n'étaient pas tenus ou que le roi ne voulût pas gouTeraer selon les ordonnances de ces États, les sujets seraient de droit déliés dn serment de fidélité. Les cours souveraines sont inférieures aux États et ne peuvent rien contre leurs délibérations. ~ U bul dimi- nuer considérablement les impAts qui ruinent le peuple. D ùaai réprimer les excès que les nobles commettent envers les pauvret f iqets. L'autorité ecclésiastique et l'autorité civile ont . penfai toute leur puissance, depuis qu'elles ne sont plus représentées par des personnes capables : il faut donc supprimer la vénalité des offices et rétablir les élections canoniques, c sans aucune exception de noble et non noble, ains seulement de capacité et incapacité. >

Le corps des officiers de justice est à remanier : les charges s'achètent et appartiennent à des gens ignares et avares qui volent pour payer ce qu'elles coûtent. Les magistrats et les avocats laissent mourir les plaideurs et les ruinent avant de terminer leurs aflairei.

U fisnit enfin réprimer la simonie, faire passer des examens iox bénéficiers tans fvinie el gratuUemeni^ empêcher les ecclésiasliqnas de Caire le négoce et défendre les admodiations de bénéfices» qoi font égorger le peuple par la dureté de cueur des uturien fermien; il but encore que ks évéques visitent souvent leurs diocèees et punissent les prêtres coupables. »

Là, se trouvent en germe la plupart des réformes prodaméee en 1 789, et la légitimité de cette grande révolution est d'avaneo proclamée.

m. Les États-Généraux se réunirent à Blois. Henri de Goiso j dominait, car il y avait fait envoyer ses principaux partisans, et dans la séance du 16 octobre (1588), dont il fit les honneurs comme grand matire de la maison du roi, Thistorien Mathieu nous le re- présente c perçant des yeux loule l'épaisseur de l'assemblée pour connaître et distinguer ses serviteurs, et, d'un seul élancement de sa vue. les fortifier en l'espérance et l'avancement de ses desseins, de sa fortune et de sa grandeur, et leur dire sans parler : Je vons

tS5 vois. > Henri UI, irrité des entreprises du duc contre l'autorité royale et Ue son insolence, songea enGn à se défaire d'un ennemi anssi dangereux, et, de l'avis de son conseil, il donna l'ordre de l'assassiner.

Celait le 23 décembre. Guise fut mandiS au palais à huit heures du matin, et, malgré les avertissements nombreux qui lui avaierit été donnés, il s'y rendit : i On n'oserait, > avait-il répondu à un ami qui lui disait qu'on était prêt à lui Jouer un mauvais tour. On osa cependant. Tandis qu'il passait par le corridor long et obscur ^i conduisait au cabinet du roi, il l'ut frappé de vingt coups de poignard. Au même instant, le cardinal de Guise, son fr^re, assis au conseil avec l'archevêque de Ljon, fut arrêté et le lejidemain cm le tua à coups de hallebardes dans h tour des Moulins. Leurs corps furent découpés, brûlés et les cendres jetées au vent.

La nouvelle de ces événements arriva le jour même à Paris. On conçoit l'exaspération qu'elle souleva parmi le peuple dont Henri de Guise était l'idole. Henri III était maudit par toutes les bouches. Le jour de Noël, il y eut une assemblée à l'Hillel-de-Ville ; on nomma le duc d'Aumale gouverneur de Paris et, pour le seconder, on lui donna un conseil de quarante bourgeois parmi lesquels était Guillaume Rose.

iV. Le i" janvier 1580, arriva à Chaumont le sieur Desbarres, apportant, de la part H.u roi qnelqiia nicmiiii-cs qu'il rtimii ittMinic- i'ifi île la ninrt ilu duc et da caifUnal. Il remit en eiîel au conseil communal une lettre du roi, datée de Dlois le 2i décembre et ainsi conçue :

« Chers et bien amés. Il n'est poinct besoing que nous vous .nprésentiuns les occasions qui nous ont esté données par le feu duc de Guise de nous ressentir des troubles qu'il a Ecmés en notre nyaulme, lesquelles nous avons voulu oublier et cs^ajer par tous moyens à nous possible de le ramener au droict chemyn dont il a'estolt desvoyé. Mais il n'y a eu graliflicalton ny bicnfaict qui l'ayt peu faire rentier à son debvuir : au contraire, il avoil tous les jours quelque nouveau desseing sur notre propre personne, laquelle vou- lant Dieclre en seurelté, pour éviter ce qu'il avoil proiecto depuis peu de jours, nous avons pansé esire nécessaire de le prévenir et

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garantir noire vye par la perte de la syenne et cbastiinént de aes démérites, dont nous voua avons voullu advertir par la présentei afin que vous soyez esclaircîs de la vérité et que Ton ne la vous puisse desguiser par les faulx hruyts que Ton poorroyt byre courir au contraire, et pour vous dire aussy que vous oonleniei toutes choses en votre ville de sorte qu'il n'y puisse estre iaicl au priiu- dice de Tauctorité qui nous est deue et du soulagement que nous voulions procurer à nos pauvres subjects, autant qu'il nous lem possible. Afin que nous ayons occasion de nous louer de voitre fidélité, vous voulions bien pareillement advertir que nostre inten- tion est de n'oublyer aucune chose qui puisse servir à i'eitirpetion des héréticques, à l'accroissement de notre religion cathollcque, apoa- tolicque et romaine et à l'honneur de Dieu, ainsy qu'il voua dira plus particulièrement de notre part le cappitaine Petremol quefoos recevrea pour avoir l'œil de ce qui sera de notre service, soivanl la charge que nous luy en avons cy-devant baillée. >

Sans doute cette première lettre ne parut pas suffisante i la eour, qui connaissait l'esprit de la population chaumontaise, car le roi y joignit le billet suivant la menace suit la demande de fidélité : c Nous avons encore voullu vous faire la présente pour vous dire que nous n'avons rien tant en recommandation que votre soulage- ment, lequel nous procurerons aultaut qu'il nous sera poaaihlet et que si vous vous contenez en votre debvoir, vous nous trouvères tousiours votre bon roy, prest à vous gratiflyer aultant que TOire fidélité le pourra mériter, et à vous chaslier aussy, sy vous sortes du respect et de l'obéissance qui nous est deue et laquelle Dieu TOUS a commandé de nous porter. »

V. Les Guise, de leur côté, se disaient pleins de confiance dans la fidélité de la ville de Chaumont à h sainte cause de l'Union el i leur maison. Les échevins de Paris écrivaient à loin frèm H koiu amli de Chaumont de prendre la résolution des armes, se disant bien décidés à courir sus à ceux qui voudraient favoriser le meor- trio* : Toutes ces occasions, ajoutaient-ils, nous ont meu i prendre la résolution de nous opposer à l'exécution de tant do meschancelés et nous unir tous ensemble, en ceste ville, d'une mesme volonté, d*emploier nos biens et nos vies pour la conservation de notre

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relii;ton et liberté de noire ps'rje, nous lenans sur la delTensîie jusqu'à l'arrivée de Monseigneur le duc de Mayenne. > Les éche- vins de Troyes écrivaieiiL diins le même sens. Ceux de Langres, qui, à la première nouvelle itu double assassinai, avaient chassé de leur ville lous les partisans des Guise, prenaieul, au contraire, avec chaleur, la défense dn roi et demandaienl à leui's voisins de leur envoyer des députés. « Nous avons bien vouUu vous fajre cesle, écrivait le maire lloussat (i), pour vous prier de marcher d'ung mesnie pied avec nous el de niesnie affection el volonté servir et obéir S. M. sans se distraire de son obéissance, prendre aultrc party que le sien, car oullre son indignati'^)n que vous el nous cn- courrerions, Taisans aultrement, nous mettrions en combustion el ravage le pays et, qui plus csl, nous rcndryons criminels de leze- Majesté et laisserions ans nâlres une tache si villaine quelle ne pourroil esire jamais lavée. Nous pouvons vous assurer, pour notre regard, que nous ne manquerons jamais du debvoir que nous deb- vons à S. M. vous pryant de Faire de mcsmc al ne vous point laisser couler aux passions de quelques particuliers qui, sous quelques promesses que peuvent avoir faictes, contre leur debvoir, lascheul à vous Taire tomber en ung précipisse duquel vous ne vous pourrez jamais retirer sans votre totale ruync, désolation du pays et perte de l'amitié d'entre vous et nous. Resouvcnez-vous, s'il vous plaist, que nous sommes si meslés de consanguinité et alliance les ungs avec les autres que la plupart de l'une et l'autre des villes en est composée, signamment de ceulx qui sont poulsés el advancés aux honneurs et dignités, amitié desquels, à notre gnind regret, il nous fauldra liabandonner et le commerce entre les marchands et le peuple. » El il terminait par celle considération que les deux villes allaient être obligées d'armer, d'entretenir des troupes, à grands frais, el, peut-être de se Taire la guerre.

VI. Les Chaumonlais , qui cependant avaient fait faire dés les premiers jours des services solennels pour les princes, restèrent quelque temps indécis. Ils se divisèrent en deux camps qui établirent

H\ 21 t'rrifr ISSQ. CMIa ladre ■irin Inip lan); la ChtanuinUnHiiaald'jk mon. •d.i leur vrmeal i U Ubik, U. It lioaUnani panicnlin de GaiiJrfcoarl «liil cbirgl d> )* mMtIra n caueil, ■•■• il Miiii bi» d'aifsct ^ l'rila j wniliort mI •Rnillw.

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des rehtions Tun avec Langres, raatre avec Pftris ; mate enfin les Guizards remportèrent : le 17 février on chassa Petremol, qm était une âme damnée du roi, et on jura de perritter dam riMan el de ne $*en départir jamais. Alors les juges royalistes se réftagiirent à Langres ils jugèrent au nom du roi , tandis qu'à Chanmont on rendait la justice au nom de M. de Mayenne, lieutenant-généFal de l'Etat et couronne de France. D'ailleurs la Sorbonne et le pape venaient de délier les Français du serment de fidélité. Au mois de février, Tavocat Sébastien Ruet fut député à Paris pour renonveler le serment de la ville au conseil de la Ligue et il rapporta à ses concitoyens des lettres de félicitation du duc de Mayenne , de M** de Montpensier, de Guillaume Rose, des échevins de Paris el de ceux de Troyes (1).

En chassant Petremol (2), les Chaumontais avaient prié le btilH, M. de Brantigny, de venir reprendre l'exercice de sa charge. Sur son refus, le conseil appela M. de Guyonvelle qui accepta, raa^ré les propositions que lui fit faire le roi (3), malgré les conseils de quelques-uns de ses amis qui lui rappelaient que sa phoe Malt parmi les bons et fidèles sujets de S. M., malgré cette remontniiee de Roussat : c Les remuements populaires ne peuvent estre 4^ longue durée ou s'ils prenoyent pied et s'establissoient, eomme ea est le Project des principaulx aulheurs, croyez. Monsieur, que ce seroit la rupe de la noblesse pour établir une démocratie eu Etat populaire (4). > Guyonvelle est resté fidèle à la Ligue jusqu'au dernier moment.

Vn. Mais il fallait prendre au plutôt des mesures pour la cou* servation de la ville. On s'adresse au duc de Mayenne et on le prie de rétablir l'ordre dans le pays; c de prévenir les surprises, vols el remuements que les mnl-affectionnés à la sainte cause font jour*

(4) Oo loi avait iomné m partaoC viagt-cioq êtm$.

(2) Ce etpilaiot fal nonmé guaveitMar i'Élampai et noinil p riaMMÎtr U

(1) Philippe d'Aoglare^ aeigncvr de GayoïiTrUe. l\ éiait dievalierdU rerJi«4i lii, Oo lai offrit ooc compagnie de gcDdarmet «tcc l'trgcot oécetMÎro pour l'entreteoir.

(Â) Cette lettre remirquable n* trouve dans les trchivea de la ville de Chaamont| parmi cellee adrete^ par Ronaaat ani Chaumontaît . Elle est dat^ dn 50 mars 1 589 et ae aiaai ' « 1^ franchise de douner an adtis bou et salaiaire est aouvent périlIcMt, i rboiMM da biaa m doit laiaier da eonseiller toaaiovn ce qoi aal lûle ol ulaaiiw.»

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nellernent , pillant el ravageant jusqu'aux portes de la ville , et d'empêcher enfin ceui de Langres, à la poursuite, aide et suscî- talion desquels ces actes se commettent , de triompher des dépouilles de leurs voisins, t En même temps, on choisit quelques capitaines pour la garde des chàleam appartenant h l'Union, no- tamment les sieurs Cap-de-Fer, Des Carreauli, Enfer, de Pradines, de Clinchamp, de Dlois, de Belleguise, de Bricon ; on lève quelques hommes de guerre auxquels on permet, quand la solde manquera, de lever par force les tailles des villages qui tiennent pour Langres ; on fait terminer en toute hâte la tour de l'Union, à l'extrémité de la rue du Cliamp-Goi^erot ; on brise les grands chandeliers en cuivre de l'église Saint-Jean et l'on prend partout des métaux pour faire fondre des canons ; on achète de la poudre el des boulets ; on ordonne à chaque iiabilani de s'approvisionner de grains et d'en avoir toujours pour un mois en mouture ; enlin on se met en re- lation avec Saint-Pol, lieutenant-général en Champagne et avec le baron de Rosne, qui sont disposes à envoyer, au besoin, du secours à la ville. Pour prévenir toute surprise, les lettres qu'on apportai! aux habitants étaient préalablement remises au gouverneur ou à son lieutenant, el personne n'entrai! dans les murs ou n'en sortait sans permission motivée. On alla jusqu'à défendre, joui peine de mon, de hanier ou fréquenter les Langrois el d'établir avec eux aucune rela!ion, direclement ou indirectement, par écrit ou ver- balement.

Guyonvelle était le chef du gouvernement et, en son absence qui était presque continuelle, car il se tenait le plus souvent à la tète des hommes d'armes, il était remplacé par le lieutenant-général Etienne Perret. Les échevins venaient après lui e! d'abord le pro- cureur de la commune Nicolas Deuiily. Lo gouverneur avait un conseil qui se réunissait deux fois par jour, le matin à l'issue du sermon et le soir à deux heures; ce conseil éLiit composé de l'avocat du roi Jean Gousset; du lieutenant particulier Jean de GondrecourI ; du sieur de Vaubécourl, prévôt (1) , du conseiller Hugncnin ; du sieur de Briocourt, prévôt de Nogent ; du président Monginol et de MM. Thomassin , Bertrand, Gaucher, Piétrequin,

|i; H,4«VNUn«rti«iU«UMiMi*viHt«lMrili<apUdTii'«a 09*^

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Jacqoes Collarâ^ Foissey, BroiteM^ Darthel, IHlImilt» Dumid êl Tixerand (1). L'assemblée présidée par le gouverneur rémiissttl tous les pouvoirs et elle ne relevait que du conseil central de rUaioa à Paris. Trois messagers se tenaient toujours à b disporition du gouvernement. Il y avait à Chaumont un receveur des deniert de la Ligue pour le bailliage , M. Piétrequin ; M. Henndqoin était receveur à Troyes, pour toute la ChampagnOi et ces eomplables versaient dans la caisse centrale à Paris.

Quant aux chanoines, ik n'étaient pas très dévoués à la Ligue ; cependant leur doyen, Alexandre de Gondrecourt, oncle de CkôHaime Rose qui Tavait imposé au Chapitre après la mort de Cinde Thomassin (3 mai 1588), était Guizard. Au moment de TéicctioQ le fougueux prédicateur de la Ligue se trouvait à Chaumont, peat- être même y vint-il exprès ; mais il ne fit passer son candidat, qa'fl avait déjà nommé chanoine et officiai de Senlis, qu'en naenafent les électeurs en pleine assemblée capitulaire.

VIII. La première expédition des compagnies à la solde im Ghaumontaia fut dirigée contre le château de Luzy dont s'étaienl emparés les capitaines royalistes Duchastelet et Latrecej, chefii dea troupes Langroises. OnlerepriL Ce château appartenait àréfêqoede Langres d'Escars, qui s'était retiré à Mussy, après avoir bit d'iantilea -tentatives dans sa ville épiscopale en faveur de ht Ligue ; le prélat écrivit aux Cbaumontais pour s'excuser, disant qu'il n*y avait rien de sa foule, que son neveu qui commandait ht garnison avait été trahi, et il les pria de laisser la garde de Luiy à Dardenaj, on des gentilshommes de sa maison dont il répondait. Mais on avait ai peu de confiance dans M. D'Escars, qui n'adhéra jamais ouvertement à l'Union, qu'à celte époque même on était en instance près du Légat pour l'institution, à Chaumont, d'un vicaire général qui fendt fonction d'évêque, c attendu que le titulaire et tous ses offideca , qui tenaient le parti de l'hérétique, se trouvaient sans pouvoir par suite de l'excommunication papale. > Cependant on laissa le chàlean de Lujy à Dardenay, après avoir pris le serment des soldats qn*il avait sous ses ordres.

(1) Lm Mm M UtlifM iMii cMi 6u Uoiftoit, toôiM prKWwn 4t k

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IX. Indépendamment des capitaines ligueurs . iiuî couraient partout te danger les appelait, il y avait des garnisous dans un grand nombre de châteaux. M. de Rioeourt-Enrer, était maître de relui de Marault il faisuit bonne giirde : t Je tous supplie, écrivait-il au conseil de Chuumonl, de vous tenir assurés de cette place, il n'en viendra nulle faute qui ne coûte la vie à beaucoup d'hommes et <iue l'on ne me passe sur le ventre. Si l'ei veut voir, il ne se retournera sans être bien battu et reconnaîtra qu'il ne faut s'adresser & Enfer, plutôt aller droit en Paradis. > H. de Saint-Blin gardait Biesles et il avait une garnison dans le château de Nogenl, dont les habitants avaient déclaré, qu'ils ne voulaient prendre aucun parti que celui de Chaumont ; Duchastelet et Lalrecey, chassés de Luzy, avaient essayé d'entrer dans cette petite ville, tnais inutilement. Choîscul, Mareilles, Aigrement, Lamothe et Uarac étaient gardés de mSme. Les garnisons de Vignory, de Joinvllle et Saint-Dizier élaient dévouées. Il y avait quelques hommes au château de Chamarandes et dans d'autres de même importance. Le cliAtcau de Spoy avait été pris, au nom de l'Union, par M. de Haulefort, et les Bar-sur-.\ubois, bons ligueurs y avaient envoyé deux fauconneaux. Lnferlé, Cirey et Ainbonville étaient ausû sous bonne garde. Montsaugeon était ligueur, et de ce côté, Fcrvaques, qui avait changé de parti, tenait léte à l'ennemi avec la garnison de son chUteau de Grancey.

X. Châteauvillain voulait rester neutre. Forte de ses relations avec Langres et de la protection que Mayenne lui avait accordée, par affection pour le comte dont il avait reçu à Kouen un magni- fique cheval turc, cette ville aurait voulu qu'on laissât impunément ses habitants agir contre l'Union. Le nouveau comte, M. d'Adjacet, était un de ces aventuriers italiens venus à la suite de la reine- mére et q>ie la ferme du roi avait enrichis ()). Il avait quitté Paris à la suite d'un procès criminel il n'avait échappé à l.i corde que par l'inQuence de sa femme, favorite de Catherine de .Médicis. Le

(I) t1 )v.ii .«inli mmKl <If Clilt«<i<ahîn. Ttn ISUn, pour «'(h.i.kt Anne Aqua- 1>(vt it Àrragnn. luF muliil pur miri na Jucna ■« inoim nn pomlo. S'fimm haiia H da.'l, ni lïSI , il iDt oblige J* >1ch> ndir U •!< « »» •.Ir-ruirv f ii'.l jil uuamcr ^ ucl inn iBBRifnIt (]irâ pur -In Iiuiurih iriiii>i qu'il kiU pAii^ Jiiu uu tnc luiiiuc. Cm titn ln'U fûlu Piru, f«u n iMir«r ian» ta lun* .

J

brait courait, dans le pays, qu'il avait foorai diujaanie mille écns au roi pour faire venir les Suisses. D*un autre côté, les hibHaiils des villages voisins se plaignaient de ses gens, et avec raison, etr plusieurs avaient déjà été pris parmi les royalistes et pendus II n*est donc pas étonnant que la haine des Chaumontais se soit amas- sée contre lui. On se contenta d*abord d'avertissements de part comme d*aulre ; puis on en vint aux menaces et alors les sogels du comte trouvèrent bon de réparer les murailles de leur ville. Dirons-nous qu'ils ont empranté à deux Chaumontais rar,reiit né* cessaire, et que, plus tard, au lieu de rembourser, ils se sont bit déclarer, par Henri IV, quittes de leur dette, c attends que les étaient des rebelles? »

XI. Le chef de bande le plus entreprenant du parti rojalista, dans le pays, était peut-être le baron de Lanques. Au commeoea* ment d'avril, une rencontre eut lieu, près de Richebonrg, entra €a capitaine et M. de Cirey qui, ayant entendu dire qu'il y avait une attaque projetée sur Chaumont, marchait au secours de cette villa. Lanques, avec trois cents chevaux et cinq cents hommes de pted, attaqua en plein midi la troupe de Cirey. Les ligueurs se défisadi* rent si courageusement, pendant cinq heures, que le chef royalisla^ voyant soixante des siens sur le carreau et beaucoup de UasséSy demanda à capituler. On lui répondit par un refus. Il disait sonnar la retraite quand le seigneur de Listenay vint à son secours avec trois cents arquebusiers et cinquante chevaux. La bataille recoin* mença. Les hommes de Cirey furent à leur tour forcés de capifadar; mais, malgré les engagements pris, l'ennemi se rua sur eux aprèa la capitulation, les tailla en pièces et emmena tout le butin. Chan* mont devait effectivement être attaqué et ce fut le combat de Ri* chebourg qui donna l'éveil. M. de Hautefort, qui battait dans las environs de Bar-sur-Aube et de Hontiérender les chftteaux royalia- tes, ayant été appelé en toute hftte, Lanques fut obligé de renoncer à son dessein. Revenant alors sur ses pas, il évita les ligueurs qui l'attendaient près de Lesmont; mais il rencontra Guyonvelle qui le battit le 23, près de Valentigny, le poursuivit et le fit prisonni^ avec un grand nombre des siens. On le conduisit à Chaumont le conseil le garda au secret, malgré les nombreuses rédamationa

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des nobles el celles de Roussal qui menaça d'user de représailles envers les prisonniers ligueurs qu'on lenaîl ù Langres. Lnnques oe fui mis cil liberlé que plus Lird, sur rançon cL ù la condilioii qu'il ne remit .-lucan obstacle à la circulation des denrées de ChaumonI et de Nogent.

XI[. Cependant la ville de Chaumoiit allait manquer d'argent. procureur et les éclievins dcclarèrenl au conseil qu'il n'y avait plus en C'iissc que dix-liuit cent dix écus, somme insuOîsanle pour la solde el l'enlrelien des gens de guerre, el ils dcinandèrenl les moyens de pourvoir â celle nécessité. On les autorisa â s'adresser aux habi(anL« les plus riches. Ils sortirent de suite pour remplir leur mission ; mais tous ceux auxquels ils s'adressèrent préten- dirent n'avoir plus d'argent. Le conseil, sur leur rapport, indicé de ce mauvais vouloir, dressa â l'instant même une liste de vingt-six bourgeois, entre lesquels il riparlit un emprunt forcé de quatre mille sept cent quatre-vingt-dix cens (1). II n'y avait plus de résistance possible, car le recouvrement des impôts était, au besoin, conGé aux gens de guerre. Quelques Jours après, on ordonna la saisie, dans tout le bailliage, des biens meubles et immeubles de ceux qui porlaieat les armes contre l'L'nion pour les vendre au profit de la sainte cause. Â celte époque, le conseil de la province el le conseil central demandaient aux ligueurs un dévouemenl sans bornes; ils prolilaient du rapprocbement de Henri III avec le roi de Navarre pour exciter le faniitisme de leurs partisans el se procurer ainsi les moyens de continuer la lutte. Nous y sommes obligés, disait te con- seil de Paris, par le serment que nous avons fait i Dieu, par l'a- mour que nous devons â notre patrie, à nos femmes, A nos enfants, ( et nous y sommes tenus par un respecl d'honneur, pour ne point laissier cesie marque de nous â la poslcrilé qu'ayons habandonné la France en un temps si déplorable, et icclle laissée en proye ^ un prinre prodigue, parjure, cruel el assassin, lequel se veult en- sepvelir en ses ruynes. »

XIII. La garnison royaliste de Drlennc gênait la ville de Bar-

(<) IMliUfiiioo Ju sa m

sur'Aube. M. d*Hautefort reçut Tordre de la déloger. D^à il afait cerné la place quand des dépêches pressantes du duc d'Anmale et de M"^ de Montpensier rappelèrent à Paris, avec toutes ses forces, pour des occasions très importantes au bien du partj >• Le siège fut donc levé. C'était le 25 mai, au moment Longueville après avoir battu d*AumaIe devant Senlis menaçait Paris. Bassompierre donnait, de Nancy, l'assurance que trois mille Lansquenets allaient entrer en Champagne pour le service de rUnipn, que dix miHe Suisses dévoués étaient également près de passer les frontières, et que le pape envoyait un secours de dix mille hommes ; mais on apprenait en même temps que les Suisses étaient au contraire à la solde da roi, qu'ils devaient camper dans le Bassigny et assiéger Chamnont Bassompierre reconnaissant son erreur s'empressa d*en informer les Chaumontais : c Ces Suisses , dit-il alors « sont de piètres compagnons et ne debvez aulcunement craindre leur approche, ils ne sont pas assez forts ni assez courageux pour attaquer Totre ville contre leur habitude de passer devant les grandes places, et d'ailleurs si le cas contraire venait à échoir, jirois avec troupes les mettre vtte à la raison (1). > Cependant, on prit, comme dans tontes les circonstances semblables, des mesures extraordinaires pour k conservation de la ville et on doubla la garnison de tous les chftleaoz voisins. Les Suisses, en eflet, n'osèrent pas attaquer Chaumont ; ils firent des tentatives sur différents points, mais inutilement. A Nogent, le château, dont le capitaine était absent, fut couragen- sement défendu par le gruyer et son Gis, que secourut Cap-de<4er : les assiégeants perdirent beaucoup des leurs. Ce gruyer s'appriait Henriot. Il a reçu les félicitations du conseil de Chaumont qui t aussi fait donner à Cnp-de-fer vingt-cinq écus c affin de luy donner cueur de continuer et augmenter le couraige aux aultres soldats de faire de mesme selon les occasions. »

«

XIY. Pendnnt l'occupation du pays par les étrangers, les habitants de Châleauvillain s*étaient livrés à des actes d'hostilité contre lenrs voisins. Il n'y avait donc plus de ménagements à garder envers eux et, d'ailleurs, on avait acquis la preuve que les bruits qui

(1) Lettrt iêiêê df Naoey It 7 joio tU89 H conJUi à M. Oc Biitff .

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couraient sur le comte d'Adjacel élaient TonUés, et que mâme il avait vendu son argenlet'ic pour fournir des secours pécuniaires au roi. On donna donc aux capitaines l'ordre de les traiter en ennemis. Quelques jours après ta comlessa était amenée prisonnière à Chaumont. Le conseil la retint longtemps malgré les réclamations pressantes des amis du comte et celles même de Mayenne, qui supplia plusieurs fois tes Chaumonlais de la mettre en liberté, pour t'amour de lai. Elle ne sortît de la ville qu'après le 15 août. Dons les derniers jours de juillet on avait traité avec le duc de Nemours pour assiéger Chftteauvillain ; Chaumont devait fournir l'artillerie, tous les équipages nécessaires et les munitions ; mais la mort du roi retarda l'exécution de ce projet.

CHAPITRE IV.

DE U MORT DE HENBI 111 A LA RÉL'NION DES ÉTATS -CE NÉH AUX (1589-15y3).

V 1. Henri III, après avoir fyit alliance avec le roi de Navarre, était venu bloquer Paris : < C'est le cœur de la Ligue, avait-il dit, c'est droit nu cœur qu'il faut la fpjiper (I). i Le danger était grand pour les Parisiens : hommes, femmes, ciilhnts travaillaient â fortifier les murailles, à réunir 1l*s provisions et les armes nécessaires. Du mi- lieu de cette foule, finalisée par les déclamations des prédicateurs, sortit un homme, un moine jacobin, ignorant, grossier, qui résolut de délivrer la France ihi lijran qui l'rpprhiinii, et il alla à Saint- Cloud frapper le roi d'un coup de poignard. Paris éclata de joie et l'Église alla jusqu'à comparer le supplice de l'assassin à la passion du Christ. Ou donna pour complice h Jacques Clément un jacobin de Langres, Michel Mcrgey qui, après avoir déclaré connaître les instigateurs du crime, refusa de les nommer, au milieu des tortures.

(t) L'Eiolt*.

4

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Il fut pendu après avoir étu Irainé sur la claie; on brûla son corps et on en jcla les cendres dans la Marne (1).

Le conseil de Troyes s*empressa de faire porter la bonne nouvelle à toutes les villes de la province. Voulant aussi tenter la fidélité des Langrois, il députa vers ùu\ un de ses membres avec des lettres de bon vouloir et d*amilié. Le messager élait boiteux : Quelle nou- velle apportes-tu? lui dit Roussat. Le roi est mort! A celle parole, Roussat lui donna un soufflet et le chassa : Sors d*ici, lui dit-il, malheureux messager! Et se retournant vers les hommes qui étaient de garde à la porte, il ajouta en pleurant : Jamais messager boiteux n'apporte fausse nouvelle. Il jeta les lettres au feu sans les ounir. Bientôt après, ayant réuni les conseillers de ville, il cria : Vive Henri IVl et on lit serment de vivre et de mou- rir dans robêissance du nouveau roi (2). Pendant ce temps on re- connaissait pour roi, ù Chaumont, sous le nom de Charles X, le vieux cardinal de Bourbon, prisonnier à Tours il mourut Tannée suivante.

II. En faisant proclamer le cardinal (7 août), le duc de Mayenne avait seulement voulu gagner du temps. Tous les princes étrangers qui soutenaient la Ligue le reconnurent dans Fespoir de tirer profit de la guerre civile : le duc de Savoie convoitait la Provence et le Dauphiné ; le duc de Lorraine (3), la Champagne. Il est curieux de voir quelle activité ce dernier met dans ses relations avec lesChau- monlais depuis le mois d'août; quelles promesses il leur fait, com- bien il est dévoué à TUnion. Il va, dit-il, envoyer une année au secours de Paris; il veut assister M. de Mi^yenne de sa vie et de tous ses moyens (i). C'est que le champ est ouvert aux ambitieux.

(<) liîbl. nul., niss. «le Collicrt, vol. 31, in-f*, rcgislre en parrhomio. « Dan» mb dernier inlcrrogiiloirc ii voul nier lnul ce dont il t^luit contenu Asm lo» premiers; il dit qu'on t* ^rit au roboiirs ilc ro qu'il Oisoit cl qnc reui qui l'intcrro^jeoienl loi liaiUomit dei ronps de pitin;; ponr lt> fuirc parler, ainsi que plusieurs île la villo de Lanfjret, nitaM dai enfiinU, quand il pubsoit dans li>8 ruis, le fnipituient.» Son procùi « duré Iroia aua,ol il 0 fait amende konurnblc le si'ptcmbrc \o*Xl.

(2) Chronologie ?îovcnaire do Palma Cayei.

(5) Charles HT, «lue do L<»rrninc et île lîar. 11 avait i^pou^^ la fille du roi Henri II. On pn'lcnd que Cathciino île M.^Jiris n'a favor.sé la Liîjncquc pour renverser la loi sal'.que et fjirc euuruuuor un ilci li!s uCb k.c cv ntdiiuj;»'.

(-1) Lettre Jat<:-o Jv Nam^, le 10 août \'o60.

< Aucuns ennemys de lu Religion diront avoir des prétenlions à la couronne, njo«le-l-il, c'esl une cliose à quoi on doil prendre garde surtout de tomber en telle dominalion; et j'emploierai tous mes moyens pour soulager et assister la cause des calholiques (1). > Et, le jour même le conseil recevait celte assuratice, M. de Bour- bonne, l'un des chambellans du duc, proposait, dans une nombreuse assemblée réunie au donjon, de tout te bailliage, pour délibérer sur les aflaires publiques dans les graves circonstances l'on se trou- vait, de déCérer la couronne au fils de son maître, au marquis de l'ont. Celte étrange proposition trouva quelques partisans ; mais on ne prit aucune décision, D'ailleurs, on sut le lendemain quel était le roi de la Ligue.

111. On pensait, dans le camp de l'Union, que l'extinclion de la branche des Valois allait rattacber à la sainte cause beaucoup de seigneurs qui s'etTraieniient de voir le sceptre des rois de France entre les mains d'un hérétique. Une déclaration dans ce sens, approu- vée en cour de parlement, (ai envoyée de Paris dans toutes les pro- vinces. De leur câté, les conseils provinciaux firent des avances ; mais très peu réussirent dans leurs tentatives. Les nouveautés aux- quelles la Ligue donnait cours étaient aussi dangereuses pour l'an- cien ordre de cboses, que les idrtes de liberté semées par le protes- tantisme. Elles étaient h conséquence de ces idées. La noblesse comprit qu'il était de son intérêt, au lieu de pactiser avec les rebelles, de faire rentrer au plus tCt les sujets dans le devoir et de fortiliËr le dogme de l'obéissance passive. Quand les Cbaumonlaîa sollicitèrent l'adbésion du descendant des d'Amboisc, eu lui rappe- lant que ses ancêtres avaient toujours été les protecteurs de la Tille, il leur répondit : c Je suis infiniment joyeux du bon advis que me donnez d'ensuyvre mes devanciers â avoir soing de la conservation do la patrye, chose en quoi je ne vouldrois, pour la vie, nullement dégénérer, me délibérant y exposer tout ce qu'il a pieu ù Dieu me doimer. Et, pour le inon>;lrer, je commenceray à vous supplyer croire que le vray moyen du repos du pays est d'ensuyvre nos en- cestres qui ont tousiours rendu l'obéissance ù nos Roys. Lorsque

H)ï

148

serez réunis eu Tubéissance de S. M , je seray des premiers qui penseront à vous assister en toutes choses qu'aurez besoing de moy. Sur ce je me dispose, avec ses fidèles serviteurs, de le faire obéir(l).»

IV. Les courses, les hostilités de château à cliÂteau n'avaient été que momenlanémcnt suspendues. Conmie Fépoque des vendanges approchait, on fut oblig:é de prendre des mesures pour en assurer la liberté et Ton mit des hommes d*armes au village de Saint-Mar- tin, dans la maison forte de H. de Rosoy des coureurs avaient voulu s'établir.

M. de ChÀteauvillain ayant pris à sa solde deux bandes détachées du camp ennemi, pour leur fnire loiiir le pays avec les cinq ou six cents hommes qu'il entretenait drjà dans son chAteau, à la grande désolation dos paysans, on supplia le duc de Lorraine de venir en aide aux Chaumonlais pour les clia ser. Le duc envoya tl. de Me- lay, gouverneur de Lamolhe, avec huit cents chevaux, deux compa- gnies de lances et sept compapnie;^ de pied. Le siège se fit lentement d'abord. Q^iand les vendnnj:;es furent terminées, Guyonvelle le pressa et, du 10 au 15 octobre, on livra plusieurs assauts. Les assiégés défendirent vaillamment la brèche et, le 10, l'un des canons que la ville de Chaumont avait envoyés s'él nt rompu, on fut une seconde fois obligé d'abandonner la place. D'ailleurs, on manquait de muni- tions. Cap-de-fer avait été blessé : on lui vola une récompense de cinquante écusà prendre sur les biens confisqués. Les autres blessés furent reçus à Chaumont par les bourgeois; quelques-uns entrèrent à i'Hôlel-Dieu po'.ir y être soignés. Puis, comme on étiiit toujours en présence de l'ennemi, on acheli des munitions et on fil faire deux nouveaux canons du poids de (pialre mille cinq cents, au moyen d'un im[;ût extraordinaire de plus de douze cents écus, que l'on jeta sur les habitants, a\ec injonctio:iau cent plus imposés de payer dans les huit jours, à peine du double, et aux autres pour la Saint-Martin.

V. L'assembli'e générale co!ivoquée pour l'élection des adminis- trateurs de 1500 adressa d ubo.'d des roinerciinents à M. de Guyon-

(h Df Liraucb\ le 29 scplrmjro 1589. Ce d'Amhoii^o fui nommé baUU ipiii la ri^duclioo de la \ille tuus roLi'i^tnce «lu Koi.

Telle pour ses bons services, el elle lui vola, en bonne eiirnync, un miiiU de vin clairel. Nous savons commenl s'ëtait orgnnisé l'échiîvi- nage nii XV* siècle; mais, sous t e rapporr, une villî de l'iiniiorlance de Clinumoitt ne pouvait pas rester iiirérieure aux autres \illes de l'Union. On décidu qu'on se iiourvuirail pr.s de M-iyenne el du con- seil général pourlereclion d'tinc mairie scinbl^ible à celle deTroyes, et rju'en attendant ie procureur de la cummune preiidruil le nom d'Agini. M. Maurice De Grand de Briocourl rduuil louï les suffrages pour ces nouvelles rendions; mais il n'altendil pa^ In décision du con- seil el pritdesuilele titre AeMairc On vota encore dnns celle assem- blée la démolition ào l'ancienne rorliricalioo <|iii séparait le Château du Bourg. Elle était devenue inutile, car lu nouvelle enceinte du liourg était à peu prés terminée A cette époque. L'autorisation né- cessaire étant bienl<>l arrivée de Paris, on abattit les murs et on combla le Tossé. Les terrains Turent vendus; touteTois une décision spéciale donna gratuitement à Guillaume Rose l'espace compris entre sa maison de la rue Chaude cl l'extrême limite du fossé com- blé, ( en considération des nombreux services qu'il avait rendus & la ville el â la sainle cause, n En edel, il avait Tait rebeller sa ville épiscopule, il venait de justifier dans un sermon l'assassin Jacques Clément et il était l'un des prédicateurs les plus enragés contre le ISavarroh. Les ligueurs de Paris songeaient aussi à récompenser les services de Rose el il était question de le placer sur le si6ge de Paris en remplacement de Gondi.

Cependant, â Chaumoiit, l'assemblée générale repoussa une pro- position faite dans l'intérêt de la Ligue. L'un des csnonicals de l'église Saint- Jean-Baptiste était vacant. Les officiers du bailliage proposaient de le réserver à un Théuloijal, conformément aux édits d'Orléans et de Blois, < l'église de Chaumont estant despourvue d'bommes doctes et lettrés qui puissent annoncer la sainte parole de Dieu, faute de quoi les paroissiens sont délaissés sans instruction et exemple de boime vyc el le poison des bérésies s'écoule dans les cervaui *. C'était une intrigue de Rose qui voulait imposer au Chapitre un de ces prédicateurs furibonds qui faisaient retentir les chaires de Paris de leurs imprécations, et il avait déjà envoyé le lamcux cordelicr Guarinus pour prêcher le dernier Aient. Les ad- ministrateurs de In commune trouvèrent la proposition juste et rai-

I

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sonnable; mais les chanoines, qu*elle blessait au vif, lui firent une opposition si forte, en ameutant le peuple dans les quartiers, sous le prétexte que les étrangers voulaient dominer dans la ville et anéantir les anciens privilèges, qu'on dut y renoncer.

^7. Cette année 1 590 ne fut pas moins agitée que les précédentes, et comme on eut avis que les hérétiques avaient noué des intelli- gences avec quelques Chaumontais, dans le but de surprendre la ville, le conseil établit dans les quartiers une sorte d*inqaisition pour découvrir les traîtres. Plusieurs furent expulsés et on menaça de la même peine tous les linbiLints qu'on trouverait réunis pour converser, soit sur les murailles, soit dans les Livernes. On cadenassa toutes les pièces d'artillerie. L'armée des Princes tenant tète à Henri IV dans les environs de Paris, on n'avait pas de secours à attendre d'elle ; on ne pouvait en espérer que du duc de Lorraine, qui avait lui-même envoyé a Mayenne une partie de ses troupes. La plupart des compagnies qui avaient jusque-là protégé le Bassi* gny étaient aussi allées rejoindre le gros de l'armée, de sorte que Guyonvelle n'avait plus que quelques hommes â sa disposition. Plu- sieurs chûteaux avaient déjà été repris par l'ennemi. En présence d'une situation aussi dangereuse, le conseil fit renouveler le serment de l'Union avec la plus grande solennité ; il pria le chapitre de faire tous les jours des processions et de prier publiquement pour Textir- pation de l'hérésie, la conservation de l'État et le repos public. Ces processions étaient imitées de celles que les moines, en armes, faisaient à Paris sous la conduite de Guillaume Rose.

VII. Dès le mois de janvier, les royalistes avaient attaqué le château de Nogent; mais Guyonvelle s'y était jeté et il l'avait fait remplir d'armes et de muiiilions. Comme le plomb manquait on en avait pris sur la toiture de l'église de Chaumont. Lanques, à peu près assuré de l'impunité, avait aussi repris ses courses et il dévastait les environs de Bar-sur-Aube.

Cependant on fit des traités avec les villes de Langres el de Chà- tcauvillain pour le labourage et la liberté des vendanges (1). D'après

(f) Dot confiTcncos avaient lien poar discalrr \v% orliclcs de ers trtiUVi, cl il y arait ^chiinçc dos pa«'C|)orls pour li*s disputés drs%illcs. \a's pflsscporU d^livr^'S qq quoi de II Ligue étaient sigoés Guyonvellef les antres émaoaieot de M. de Diiitcville

iSl

les conventions, la guerre ne devait se Taire qu'en rase csmpagne. Il clail déremtu <le piller les iniiisons de ceux qui portaient les armes el l'on devait respecter les laboureurs , eux, leurs chevaux, leur bêlail el leurs meubles. Le3 bour^ois pris les armes à la main Olaîent rançonnés comme les gens de guerre, le cher de bande comme le capitaine, à Irente-trois écus un tiers, et les autres comme les soldats, à dix écus. Le traité pour les vendanges se fît avec les Lanjn'ois, à Poulangy, et avec le comte de CliAteauviltain, à Semoutiers; mais il y eut de part et d'nulre beaucoup d'infrac- tions qui donnèrent lieu à de nombreuses représailles. Il était d'ailleurs impossible qu'il en fût autrement. Tous les bois dos envi- rons (liaient remplis de bandes indisciplinées, des deux partis, qui détroussaient les passants en plein jour et la nuit allaient piller les campagnes. Quant au commerce, il était nul. Des drapiers de Chau- mont, qui conduisaient des draps h Chdltllon, ayant été arrêtés par des hommes de Châteauvillain et complètement dépouillés, on se plaignit : le comte répondit que c'était une bonne prise, que le commerce de ville â ville éUiit interdit et que le roi ne lui aurait Jamais permis de traiter sur ce point.

Vin. Le ( 1 novembre, sur la proposition de M. de Guyonvelle, le conseil expulsa de Chaumont tous les suspects, leurs femmes et leurs enfiinls; mais, en même temps, il donna a^le à tous ceux qui avaient été chassés |»ar les villes ennemies. C'est alors que vinrent se réfugier à Cliaumont, les cordeliers de Langres, de Chiïteauvîl- lain et du Vuldarde, qui, quelques mois après, organisèrent une émeute populaire, dans le but de se faire donner l'église Saint-Ui- chel pour j célébrer les offices. Le lieutenant-général répondit qu'il était tout prêt â accorder cette demande, mais qu'il s'agissait d'un acte dépendant du pouvoir spirituel et qu'il fallait en référer à l'é- véque. Sur celte réponse, la foule, excitée par les moines, se ré- pandît dans rtidtiil d'Etienne Perrel, criant qu'on ne devait rien avoir de commun avec les traîtres, que l'évéque était excommunié et que si on ne faisait pas de suite droit â b demande des PP. on les installerait de force dans l' église. Alors le lieutenant-général ap- pcbnl â lui le P. gai-dien, le réprimanda sur sa conduite qui ten- dait à une intrusion et, après lui avoir fait entendre que la dé-

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votion s'accroît par rhumilité et non par Torgaeil, il lai donna Tordre de se relircr en sa maison avec défense d'exciter le peuple à la rébellion. Le doyen intervint, et, pour calmer l'irritation po- pulaire, il déclara que le chnpilre célébrerait à 1 avenir, dans l'é- glise Snint-Michel, tous les offices d'une paroisse et. ayant de suite désiigné le curé cl les chapelains, au nombre de quatre, il quitta l'assemblée pour se rendre à la nouvelle paroisse où, en présence de tout le peuple qui Tavait suivi, il entonna le Vcni Creator, En abandonnant celte éj^'lise, les cliano.ncs auraient perdu une partie de leur revenu. Le bul des cordeliers élait de s*établir définitive- ment à Cbaumort ; mais n'ayant pu y réussir, ils sont rentréSi le danger passé, dans leurs couvents.

IX. La nouvelle mesure de salut public prise par Guyonvelle était motivée sur l'avis qu^il avait reçu de rapproche de rennemi. En effet, des bandes considérables s'avançaient du côté de Troyes. Elles se réunirent à celles de Vassy et de Reynel et firent, mais inutilement, une tenlative sur Joinville. Montéclair fut surpris et les Chaumontais firent retomber toute la responsabilité de la prise de ce chùteau sur M. de Bielles, qui en avait la garde, et dont tous les biens furent confisqués. Un voisinage aussi dangereux nécessi- tant de nouvelles précautions, on mit garnison dans les châteaux de Mareilles et de Bielles, malgré les réclamations de U. de Saint- Blin appuyées par le duc de Chevreuse. L'ennemi était sans cesse sur les champs, se fortifiant dans les petites villes et dans les châ- teaux qu'il pouvait enlever. Le donjon, les tours et les prisons de Chaumont étaient remplis de prisonniers de guerre, et beaucoup qu'on n'avait pu y loger étaient libres dans la ville sous la garde des soldats.

Le duc de Lorraine dont on implora le secours fit immédiate- ment marcher quelques troupes du côté de Vassy. Les habitants decette ville capitulèrent, et, pour échapper au pillage, ils consen* tirent à payer vingt mille écus. De le duc dirigea ses forces vers Bar-sur-Aube ; mais il fut bientôt rappelé dans ses états par les entreprises que ceux de Metz y faisaient contre son autorité. Il se retira à La Mothe avec tout son conseil, laissiint à Vassy et dans quelques châteaux des environs des soldats Albanais dont les dé-

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portements firent plus de mal lux paysans que ceux <le l'ennemi. Chaque jour on apportait à Chaumont des plaintes sur leur inso- lence ! c'étaient des emprisonnements, des vols, des incendies, des (illes et des Temmcs violées, et des cruautés de toutes sortes. Le prétexte de ces forcenés était le manque de vivres.

X. Mais la caisse de VUnion était vide à Chaumont, et la ville devait plus de quinze mille Écus. Alors Guyonvelle donna l'ordre de saisir tous les biens, deniers, meubles et crains de ceux qui s'é- taient retira dans les villes de Langres, Châleauvillain et autres tenant le parti conlmire ; d'établir des commissaires au gouverne- ment des biens saisis, et d'enjomdre à tous les débiteurs de ces émigrés de s'acquitter entre les mains du receveur de Cluuroont < pour le tout estre appliqué au bien de la cause de ta dite iio|on pour la conservation de la religion calliolicque, aposlolicque et Ro- maine. »(3 juillet 15yi.){l).

XI. Ce sont les marnes alarmes, les mêmes mesures, c'est la même anarchie pendant les années 1-591 et 1592. Les terres étaient incultes, les villages ne pouvaient plus rien rournir et les villes étaient ruinées. Le laboureur avait quitté la charrue pour prendre la dague et le mousquet ; des bandes de pillards et d'assassins étaient les maîtres du pays. On renouvelait les armistices, les trê- ves, mais nous l'avons déjà dit, ces traités étaient impuissants : on ne reconnaissait plus d'autre autorité que la force et le premier brigand qui parvenait & s'emparer d'un cbâieau était le maître des villages voisins. Aux portes mêmes de Chaumont, au Corgebin, un soldat rançonnait et tuait les passants au mépris des traités- Le conseil aurait voulu qu'on détruisit tous les châteaux qui tombaient au l'Ouvoir des soldats de la Ligue ; mai^ il ne put l'obtenir, car la guerre civile était un jeu cl un moyen de Taire fortune, pour les chefs de compagnies.

XIL Le i mars 1503, Guyonvelle arrive devant Cirey avec le Cflnon de Chaumont et celui de Suinl-Dizier (3). On l'avait supplié

(l| ArchiiM de la UiDle-»ara>.

(2) Il bllnl paar rsndnirt an tinoa sur thtrriot n tkcriui tl32 pmr ans mnleavrnt.

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de toutes paris de battre en brèche ce chÀteau si redouté des campagnes voisines et de n'y pas laisser pierre sur pierre. M. de Melay l*y rejoint avec les troupes lorraines. Le siège commence le lendemain et le fort résiste à cent vingts coups de canon. Le 6 et le 7> même résistance. Enfin le 8, vers midi, après quelques dé- charges d'artillerie, la garnison met bas les armes et se rend à dis- crétion. Le baron de Saint-Amand, qui la commandait, fut déclaré prisonnier du duc de Lorraine et Ton mena à Chaumont le capitaine Belon, son lieutenant; mais, comme on le connaissait comme le pins grand voleur du pays, à son arrivée dans cette ville le peuple s'ameuta et le tua (1). Plusieurs soldats avaient aussi été massacrés en sortant de la place. Le reste des prisonniers fut enfermé dans la forteresse de Lamothe. Le château pris, on en demande avec instance h dé- molition immédiate ; mais le baron a des amis puissants qui s*y opposent. Les Chaumontais en écrivent à M. de Joyeuse, qui se trouvait alors à Bar-sur-Aube : c Si cela n'est faict, disent-ils, nous quictons toute espérance et, en un mot, avons résolu de n*es- tre désormais si libéraux à prodiguer ce qui nous appartient. . ceux qui ser\'ent de patrons à notre ennemy ne peuvent estre de notre party. > Joyeuse répond qu'on aurait tuer de suite toute la garnison, que Saint-Amand doit rester prisonnier et qu'il vient de donner l'ordre de la démolition. Cependant le château reste de- bout et, comme pour braver la colère des bourgeois de Chaumont, on le remet entre les mains de M. de Cirey, le frère de Saint- Amand. MM. delà noblesse étaient en bien petit nombre alors parmi les ligueurs, et ceux qui n'avaient pas encore abandonné ce parti n'y étaient engagés que jusqu'à la limite de leur intérêt par- ticulier. Le peuple seul songeait à l'intérêt général ; sans doute il était engagé dans une voie fausse ; mais au moins il était libéral.

XIII. Les ligueurs firent ensuite le siège des châteaux de Biaise, d'Orges, de Montéclair et de Lafauche, puis ils se dirigèrent sur Châteauvillain avec toute leur artillerie. Le marquis de Pont, qoi

(I) Giiyonvclle ^rrit, le avril, du cnnip de Coi ff y, pour se plaindre de cet assassinat qui lui faisait tort, car le capilaioo i-lait &oit prisonnier, il prie le conseil de Caire pendre les atsassios^ pour l'ciciuple. On lai r^^pooJ qu'on a tu<^Dcloa parce qa'il a Tonla iesasver.

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était venu rejoindre les siens, retounu à Naacy, laissant le com- mandement â M. de V»udémont, son frère. Guyonvelle était son lieutenant. Ordre fut donné aux habitants de Cliaumont d'appro- visionner l'armée de ijuinze mille pains par jour. Le il juin eut lieu la première escarmouclie. Le fils de Cufonvelle eut un cheval blessé sous lui. Le lendemain on ouvrit la tranchée. Le H, on bat- tit les travaux avancés. Dès les deux premiers coups, les chaînes du pont-levis de la porte de Voire se rompirent. Le 19, la mu- raille était ouverte et l'on voyait jusqu'au centre de la ville. Le lcn< demain le feu fut très vif de part et d'aulre. Le 22, Guyonvelle était logé sur le bord du fossé ; mais les vi\Tes et les munitions commençaient à manquer, malgré l'activité des Chaumonlais, et l'on avait peine à maintenir la discipline dans l'armée f la plus vicieuse que l'on vitjamais et l'on ne parlait que de piller et de robcr. s Le si^e avançait, mais il avançait lenlement. Le 26, la tranchée était presque terminée et les avant-postes se battaient à coups de pierres avec les hommes qui étaient sur les contrescarpes. Deux jours après, quelques soldais entrèrent dans le fossé ; ils avaient de l'eau jusqu'à la ceinture. Cependant les assiégés avaient une telle assurance que M. de Beaujeu, leur commandant, nargua plu- sieurs fois les ligueurs en leur faisant demander par ils vou- laient entrer, qu'on leur ouvrirait une brèche de cent pas. Les Lorrains se lassaient, ils commençaient â murmurer. Ce genre de guerre ne pouvait leur convenir, et leur chef, pour sauver son honneur, cbercliait un prétexte pour lever le siège. II demanda des chevaux, du plomb, de l'argent. On ne savait à Chaumont com- ment satisfaire ses exigences : vingt chevaux avaient dèjiï été tués ; il n'y avait plus de plomb, ni sur l'o^lise, ni au donjon ni même sur les maisons particulières et, depuis le siège de Cîrey, on avait déjà dépensé plus de onze mille ècus. Le conseil bravnit depuis un mois les imprécations de toutes les communes des environs pour entretenir convenablement l'armée. Enfin, le 30, M. de Vaude- mont leva le siège en disant qu'il avait reçu avis de l'approche de H. de Nevers et qu'il ne serait pas en état de lui résister. M. de Nevers n'avait que cinq cents hommes et il s'occupait fort peu de ce qui se passait près de Cliaumont. En retournant en Lorraine, l'armée pilla presque tous les villages sur son passaire.

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XrV. La levée du siège de Chàteauvillain fit beaucoup de tort aux campagnes. On était alors au temps des moissons et les pau- vres paysans, dont les demeures étaient partout barricadées, ne pouvaient aller aux champs sans danger ; les coureurs tombaient sur eux, leur volaient la récolte et les retenaient prisonniers, ou les tuaient même à la moindre résistance, comme il arriva près de Yaudremont treize paysans furent égorgés par une bande de cinquante pillards de Château villain. La continuation du siège, qui ne pouvait manquer d'avoir bonne fin, aurait empêché ce désordre, et M. de Vaudemont a été blâmé de tous, cur c'était une honte pour la noblesse. Cependant on renouvela les traités des années précédentes pour la protection des campagnes, traités sans consé- quence, menteurs même, car, pendant les pourparlers, le maire de Langres écrivait à Henri IV pour l'engager a faire une descente dans le Bassigny, et â assiéger Chaumont qui n'était pas capable, suivant lui, de résister (1).

XV. Telle a été la triste situation du pays jusqu'au mois d'août 1593, époque à laquelle fut publiée la trêve générale consentie à Lavillette entre le duc de Mayenne et Henri lY. A l'expiration de cette trêve, qui devait durer trois mois, et qu'on renouveh, les hostilités entre les deux partis n'eurent plus le même caractère de sauvagerie. Le pays était las, épuisé, et, d'ailleurs, le nouveau roi, par d'adroites concessions, se conciliait tous les esprits.

(I) Roonat sVUit fntcnila sTfc M. de nrion de Branli{*ny, rancicn bailli, il dit : «Ceoi àt Chanmont tont en fravrur, le siear de Brion se promect qnc deaos dii joori Ion |pcQll emporter. It tceit tous fcs diflicnlii^ et moyens de TaMit'ger. Les denx prineipaaii élé- menta leor diHTaillent, la terre et l'eao. Ils ne penvrnt se retrancher, lenrs remparts no aoiit qoe do gazon, de roches, toutes leurs eaues ne sont qu'eu leurs ci&ternesqai aa bmirt èm ctnoa peuicDt crever. Ils sont dedans en division et resolux de ne reeevoyr garoiioo. Ce sont tous moTons qui doibvent vous nioaWoir, Sire, k attacquer ceste place. . . » Langiei, 29 aoQat4592«

I. Cependant le^ États- Géiiéniux étaient réunis. Depuis plus deux ans, celte assemblée avjilété coavoquéc. Elle devait d'abord se tenir â Orléans le 20 janvier 1591. Elle Tut ensuite appelée pour le mois de juin à Itcims, et le 37 avril Mayenne écrivait au maire de Chaumont de presser le départ des députés du bailliage : c Cette assemblée, dit-il, est si nécessaire pour y prendre une ferme résolnlion au général des afTaires que tous les |;ens de bien en doivent procurer l'avancement et l'exécution. > Saint-Pol devait assnrer le libre passage; mais l'ennemi s'élaut répandu en grand nombre dans la Champa^'ne, l'assemblée ne put se réunir. Au mois de septembre, Mayenne invita les députés à venir i Soissons il était alors, puis il les appela de nouveau à Reims pour le mois de novembre.

Les députés élus par le bailliage de Cii.iun]onl étaient, pour le clei^é, Mcolas Defriltes, docteur en droit, chanoine de l'église SaînI-Jëan -Baptiste ; pour la noblesse, Claude de Senailly, seigneur de Himancourt; pour le tiers-étal, François De Grand, lieutenant Clîminel et Anselme de Marisy, procureur. Guillaume Rose, député dn clergé de Senlis, était devenu l'un des chefs les plus influents de la Ligue et souvent il présidait le conseil souverain (t).

Dés les premiers jours de novembre, De Grand et Marisy étaient à Reims; mais de nouvelles dillicullés surgirent : SIM. de Paris voulaient que les États se tinssent dons leur ville et Mayenne n'o-

(t) [| ïratil ir faire inpiioiar bd (toi IIim l»lio inliloW : fie jiutd Rtiputlita ehritliana l'n rtgat impioM et harilieoê animaduertioiu, jujliiiimd7U«ea- (Aolicarum ad Henricum navitrrauia il quetncumque htTtlieum d rtgno GalUa repelltndum conftderatione.

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sait leur refuser cette marque de confiance ; le duc de Parme, qui espérait sans doute faire mieux réussir ses projets en Champagne, insistait au contraire pour qu'on restât à Reims. Sa mort leva tout obstacle et il fut enfin décidé que l'assemblée se tiendrait à Paris au mois de janvier (1503).

Les députés déjà réunis a Reims se mirent jdonc en route, escor- tés* par l'armée d'Espagne. Ceux de Chaumont, en rendant compte de leur voyage à leurs commettants, leur demandent avec instance des cahiers c ainsi qu'en ont reçu, disent-ils, les députés des autres villes. Vous nous avez envoyés en vendange sans paniers ; mais il est nécessaire que les provinces fassent entendre le désordre qui y règne. > Et ils annoncent c qu'à l'arrivée de Mayenne i Paris toutes les factions se sont dissipées, et qu'à la requête d'aucuns, non-seulement tenus pour politiques^ mais de beaucoup de gens de bien, on interpellera le roi de Navarre de se faire catholique pour le reconnaître roi ou à son refus élire un catholique (1). i Les partis tendaient donc déjà à la paix. C'est ce qui explique le débor- dement de fureur des prédicateurs pendant la tenue des États : < Comment, Messieurs de Paris, s'écriait Rose dans la chaire de Saint-Etienne, auriez-vous bien le cœur de recevoir ce tyran qui s'est plongé les bras jusqu'aux coudes dans le sang des catholiques et fait enterrer les prêtres tout vifs jusqu'à la gorge, i Et quelques jours après, à Saint-Ccsme, il appelait Henri lY un bâtard.

La première séance se tint le 2G janvier. On remarqua que Mayenne était fort embarrassé en prononçant le discours d'ouver- ture et qu'il changea plusieurs fois de couleur. Un mois après. De Grand et Marisy demandaient l'autorisation de se retirer, c II y a cinq mois que nous sommes sortis de Chaumont ; nous n'avons plus d'argent et nos concitoyens sont hors d'état de nous en en- voyer. > On les pria de patienter encore, car ils étaient en grande considération dans les trois ordres qui leur avaient confié des mis- sions importantes.

II. Le parlement ligueur de Paris, en réponse à un arrêt du par-

(\) Une de? lettres do Marisy nui habitnnts de Channiont est imprima dans les Prœiâ' verbaux det Etats^énéraux de 4*093 .—Ducumoots iuédits sur TUistoiro àt France, publiés par le gouvcrucnient . lu S".

lement rujulisle de Clivions, avail déclarû, eiitr'aulres choses, que ia convocation des Élals avait pour but principal le choix d'un roi calliolique H frati!,'ats. La candidature du marquis de Pont, posée au donjon de Chaumonl, n'avait que très peu de partisans et les Guise n'osaient pas déclarer ouvertement leurs prétentions ; il n'y avait réellement en présence que l'Infante d'Espagne et le roi de Navarre, déjà reconnu par une grande partie de la nation et que beaucoup ne repoussaient que parce qu'il était liérôlîque. Or, les États n'étaient composes que de ligueurs hostiles au roi de Navarre et les plus influents d'enlrc eux étaient également opposés aux pré- tentions de l'Espagne. Celle assemblée ne pouvait donc être que tumultueuse, sans résultais.

Les t'spagnols s'agitèrent beaucoup dans les bureaun des trois ordres. Le 13 mai, dans un conseil qui se tint chez le Légat et pour lequel les États avalent délégué deux députés de chaque ordre, le due de Féria, ambassadeur de Philippe II, proposa rormellement de proclamer l'Inrante, reine de France, alléguant les grands se- cours et services du roi, son maître, pour la conservation de ta religion, t Le roi d'Espagne, lui ri5pondit Guillaume Rose, n'a rien fait pour la religion que ce qu'il devait faire et sa récompense l'attend dans le ciel ; mais, quant A la terre, selon les lois fondamen- tales, on ne peut avoir en ce royaume un roi espagnol. » Rose était partisan de l'élection d'un roi par le peuple ; il avait déjà revon- diqiié ce droit dans la chambre du clergé. Sa sortie, qui mettait fui à toute discussion, déplut infiniment â Féria et, comme on tenait encore à ménager les Espagnols, on l'attribua à une quinte de l'évéquc de Scnlis. Toutefois, nous dirons avec L'Éloîle: C'était c fort â propos pour un fol t.

Enfin, dans ta séance générale du 20 juin, Mayenne fit aux Etala lu proposition suivante, qui passa , malgré les protestations de quelques députés : a Répondre aui Espagnols que les lois du royaume permettent seulement d'élire un prince français. > Puis les troi^ ordres détibérèrenl séparément. Le clergé adopta la proposition et dûpula Rose et Defritles pour déposer son approbation. Les deux autres ordres adoptèrent également; mais, dans le tiers, les députés de Cliaumonl demandèrent du icmpi pour >j paner. Les ligueurs les plus ardents craignaient que l'Espagne mécontente ne retirât

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son armée. C'est, sans aucun doute, ce qui fit qu'à une nouvelle

#

tentative du duc de Feria, les Etats se contentèrent d'écarter la proposition en disant qu'ils n'auraient pas assez de forces pour faire appuyer leur résolution, que, si l'Espagne s'engageait à y pourvoir, on aviserait. Les députés de Chaumont, de concert avec ceux de Paris, firent ajouter à cette réponse c que c'était sans aucune obligation et qu'ils demeureraient toujours libres d'en opiner, pour le bien de la religion et de l'état, quand l'occasion s'en pré- senterait. >

m. Les intrigues et les pourparlers continuèrent ; mais il était impossible aux factions de s'entendre. Déjà Mayenne devenait sus- pect à quelques ligueurs, parce qu'il parlait de trêve; on répandait le bruit qu'il y avait eu des conférences à ce sujet et Guarinus prêchait publiquement contre le Duc. Un autre prédicateur disait de Henri IV, en chaire, que c'était un coquîn. C'est qu'alors, en effet, on tenait des conférences à Suresnes pour la paix et pour la conver* sion du Béarnais. Le pauvre peuple commençait à prendre dégoût de ces déclamations frénétiques qui l'avaient jusque égaré et il se réjouissait des conférences; il se portait chaque jour à la rencontre des députés qui revenaient de Suresnes et il criait : La paix ! la paix! Maudits soient ceux qui Fempêchent! Le parti espagnol était aux abois. Il proposa le mariage de l'Infante avec un prince de la maison de Lorraine, le marquis de Pont ou le duc de Guise ; mais sa partie était perdue. Le :23 juillet, le Légat menaça de se retirer si l'on n^adoptait pas immédiatement l'une des propositions de Feria. Il y eut dispute à ce sujet dans la salle du Tiers; les dépu- tés de Paris et quelques-uns des provinces, Marisy entr'autres, sortirent en disant : « Que ceux qui veulent suivre le Légat y aillent; mais il s'agit plus du temporel que du spirituel. » Et ils allèrent en conférence près de Mayenne. Cependant comme on ne voulait pas de scission, on envoya une députation au Légat pour le prier de ne pas s'éloigner.

Enûn le 25, la conversion du roi fut connue. Dès lors il était cbir pour tuus que la lutte était fmie. Les députés de Champagne, qui étaient tous sans argent , depuis longtemps , demandèrent la levée des Etats. On les pria d'attendre au moins jusqu'à la conclusion

de ia trêve, qui fui publiiie le 1" aoill à Pari-s. Le leademain De Grand et Marisif prenaient congé de ra5seml)lée.

IV. Depuis ce moment un grand travail de réconciliation et di-. [laii s'opère dans tout le royaume et les iisnenrs font : sivement leur soumission.

A Chaumont, le peuple se déclara de suite pour Henri lY; mais les magistrats, qui tous devaient leur élévation auv Guise, ne voulaient rien faire sans le consenliimeiit de Mayenne, et celui-uï attendait l'occasion h plus favomble pour traiter avec le roi au nom de toute la province de Champagne. Cuise traversa la ville au mois de janvier (I5îli). Le jeune prince qui avait élé arrêté après l'assassinat de son pèreâBIois, s'était échappé de prison, et, pour la première fois, il visitait Cluumont. On le reçut avec tous les hon- neurs qui lui étaient dits. It y revint au mois de mars ; mais cette fois on l'accueillit avec froideur, le conseil lui avait même demandé de remettre son voyage « pour ne pas donner lieu au peuple de n murer > cl on le pria de détourner ses forces. Lorsqu'on reçut la nouvelle de la reddition de Paris, on écrivit à Bar-sur-Âube et à Troyes, pour savoir l'intention de ces villes et, alors seulement^ on se mit en relation avec Dinleville et Nevers; mais on ne fît rien sans en avoir délibéré avec le clergé et la noblesse. Le 15 avril on cliargea l'un des conseillers d'aller trouver Nevers, avec itçt oraitlet sciikmenl ei tans langue. Il eu rapporta des lettres pleines de bienveillance, et, sans plus larder, malgré les recommandations contraires des Guise, on s'occupa la rédaction des ariiçlet qu'on devait présenter au roi comme base de la réconciliation.

Dans les premiers jours de mai, Guyouvelle et d'autres seigneurs du Dassigny qui avaient pris les armes pour la Ligue , Dar-sur- Aube, Vignory, NogLml et d'autres villes de Champagne tirent leur soumission. Enfin, le 4, les députés cliargés de porter à Henri IV des propositions de paix au nom des trois ordres du bailliage de Chaumont, de le reconn^iître pour roi cl de lui prêter serment de fidélité et d'obéissance, quittèrent celte ville. C'étaient pour le clergé M. F.C. Masson, ahbé de Morimond; pour la noblesse M. deBricon, cl pour le tiers-élat MM. F. De Grand, lieutenant criminel, le contrô- leur Neurien et I^lienne Hurel. L'édit de réduction fut signé et scellé

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à Saiol-Germain-ea-Lsie. Les députés éUtient de reloar le 29 et le lendemain ils rendirent complc de leur misîion dans une assemblée générale ù la suite de laquelle on lit une procession dans toutes les rues de la ville.

V. Voici les principaux articles de cet édit que le parlement S enregistré le 22 juin :

11 n'y aura dans l'étendue du bailliage de Cbaumont d'autre culte toléré que celui de la religion catholique et les bénélices n'y seront conrérés qu'à des personnes catholiques et dignes. Les ecclésiastiques et les nobles conservent tous leurs anciens privilèges. Les habilanU de Cbaumont sont maintenus dans leurs nnciens privilèges, Tran- chises et libertés ; ils conservent les octrois et concessions tant de tailles que d'autres deniers qui leur ont élé précédemment accordés; ils continueront à lever annuellement et pendant dix ans treize cent trente-trois écus un tiers sur les tailles de l'élection, pour les fortincatioos de leur ville. La justice est rétablie telle quelle était avant les troubles et tes titulaires conserveront leurs chaînes sans qu'ils aient besoin d'inslilulions nouvelles. Pour les oflices qui ont été conférés par le duc de Mayenne, les titulaires les conserveront ; mais il leur sera délivré, gratuitement, des titres nouveaux. Le bailli restera capitaine en lu ville et il n'y aura pas d'autre gou- verneur. Il y aura oubli de tout ce qui a été fait dans le bailliage depuis les troubles : prises d'armes, démolitions, constructions de boulevards , Tontes d'artillerie , achats de poudre , levées de deniers, etc., etc. Il ne sera Tait aucune recherche pour les exécu- tions à mort qui ont été ordonnées par autorité de justice ou droit de guerre, ni pour les meurtres occasionnés par les émeutes po- pulaires, directement ou indirectement. Tous arrêts, sentences el jugements donnés contre les émigrés, tant au criminel qu'au civil, seront nuls, sans qu'il puisse être Tait aucune recherche ou récla- mation relativement aux confiscations, saisies, etc., contre les bé- néficiera ou autres, ni contre leurs enfants ou héritiers, el sans qu'il en reste aucune note d'infamie.

Après avoir lu el publié l'i^dil de réduction en pleine audience, Etienne Perret ordonna qu'il serait également publié à Langres et ft CbftteauvillaiD, aflo qu'on ne put prétendre cause d'ignorance, et

i Etienne Perre

L àOiileauviUai]

il lit itijonclion aux Juges ciu bailliage qui s'élaieiil reliiûs à Lan- gres, ils rendaient la justice sous la prâsidence de Guy Le Ge- nevois, de rentrer immédiatement au chef- lieu. Bientôt M. &»■ Brantigny vint, sur l'ordre du roi, reprendre sa chaire de bailli et l'ancien ordre de choses se trouva rétabli.

VI. Les clianoines de la collégiale firent aussi leur soumission au mois de mai et ils introduisirent dans leurs offices, au nom de Henri, les prières ordinaires pour le roi ; cependant ils prirent la précaution d'en demander l'absolution à Rome. Noël Facenet était alors doyen. C'était un ligueur rèrugié de Langres. H avait été d'abord recteur des écoles, puis Guilbume Rose l'avait imposé au chapitre en 1592, à la mort de H, de Gon'Jrecourt. Il dut rési- gner le doyenné en 1507. Quant à Guillaume Rose qui, la veille même de la réduction de Paris, s'elTorpit encore de prouver eu chaire que le Biarna'm ne pouvait porter la couronne et qu'il était bâiard, Henri IV se contenta de le renvoyer à Senlis. La Salijre jUêni/i|)^e, qui porla à la Ligue le dernier coup, celui du ridicule, l'avait assez maltraité (t). Cependant il se compromit encore lors de la publication de l'édit de Nantes. 11 fut obligé de se rétracter et de faire réparation, télé nue, en la grand'chambrc, avec sus habits pontificaux, qu'il ne voulut pas quitter. La cour le condiimna A cinquante écus d'aumi>nes envers les prisonniers, avec défense de prêcher d'un an et d'approcher de Senlis pendant ce temps. H est mort en cette ville en 160â, et il a laissé le sié^e épiscopal & son neveu (3).

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~ 164

VII. Le régime dictatorial de la Ligue ayant cessé, les Chamnon- tais n*eurent plus de relations avec les chefs du mouvement. Ce- pendant le duc de Guise leur écrivit encore de Paris le 23 déeem* bfe 1594, pour les prévenir que le roi de Navarre ne voulant pas attendre du pape le jugement auquel les princes avaient remis toutes choses, il allait reprendre la guerre et qu'ils aient plus que jamais les yeux ouverts à leur conservation. > La guerre recom- mença en effet ; mais la ville de Chaumont resta fidèle à Henri FV et elle n*eut qu*à surveiller les mouvements de M. de Boarbonne qui, retiré dans le château de Coiffy , donnait passage à toutes les bandes de pillards. Il fut un des derniers i faire sa soumis- sion.

La Bourgogne était le théâtre des hostilités^ Malgré les traités, deux chefs royalistes, Aussonviile et Tremblecourt y poursnivaioirt les ligueurs au nom du roi. Henri voulait ainsi répondre à la dé- loyauté des Espagnols qui ne cessaient de fomenter la rébellion. II avait instruit de sa résolution les échevins de Chaumont, pour qu'ils eussent à faciliter, autant que possible, les opérations de ces chefs de bandes que devait bientôt rejoindre Biron, et, quelques jours après, il leur avait annoncé qu'il irait lui-même commander mk personne de ce côté.

En effet, Biron entra en Bourgogne. Beaucoup de villes et de châteaux s'empressèrent de lui présenter leur soumission ; mais il tenait surtout à se rendre maître de Châtillon commandait, au nom de Mayenne, le baron de Thenissey, dont la tyrannie était re- doutée de la Bourgogne et de la Champagne. A l'approche de Biron, Thenissey eut peur ; il vit bien qu'il lui serait impossible de résister; mais il voulut au moins tirer tout le parti possible de sa position désespérée el il joua de ruse avec les habitants : On va nous assié- ger, leur dit-il, préparez-vous à une vigoureuse résistance. On lui répondit que celte résistance était un crime de sa part, puisque lui seul s'opposait depuis un an à la soumission de la ville et qu'il fe- rait beaucoup mieux de demander une trêve. C'était l'expression de ce vœu qu'il désirait ; il se laissa quelque peu prier et, enfin,

et lonqu'uprès la conversion du Roi, leo ennemis li-s pluK ocharnéa Ae ce prioce fiirrot tlevenas presque tous dvs courtisans et des fldltears, Uose sVloigna de la cour et n'éleva la \ois que quand il crut 1rs int/ré'.s de la religion en p^ril. »

165 sur la promesse qu'on lui fit d'une somme de vinf;t roiilt céda. Un traité J'armUlice pour quatre ans Tut riidigé à Paris le 20 février (J595), et signé au cliAleau de Châlillon, en présence de H. de Dinleville, par Thcnisse; el par les députés des villes qui avaient iutéi'ét à cet armistice, Troyes, Chaumont, Bar-sur-Aube, Châteauvillsin, Vandœuvres el Mussy. Toutes contribuèrent au pajemenl de la somme promise , Cliauniont pour deux milb trois cents écus qui furent répartis sur quelques villes et bourgs du bail- liage. Deux mois après parut l'édil de réduction de Châlillon.

Le 24 mai, Henri IV élait sorti de Paris pour venir en Boui^o- gne. Le 5 juin il battait l'emiemi à Fontaine-Française, et le 9, il écrivait de Dijon, il était entré sans coup Térir, pour deman- der de l'artiliene aux Cliaumonlais, promettant de la restituer sam qu'il y ait fr.uie aucune. Les hostilités continuèrent en Franche- Comté, pendant que la ville de Chaumont poursuivait la délivrance de plusieurs de ses habitants qui étaient restés prisonniers, notam- ment à Granccy.

En 159C, les villes durent encore donner de l'aident au roi pour le mettre à même de continuer la guerre. Le 21 mai, il députait vers les Cbaumonlais son conseiller d'état Damours, ( pour leur représenter au vrai l'état des affaires et leur demander, comme aux habitants des autres bonnes villes, d'assister le roi de leurs moiens, les assurant qu'avec le peu qu'ils donneront, ils pourvoiront à la conservation du reste de leur fortune et de leurs libertés. > La ville fit le po5sible pour répondre à cette gracieuse demande, el, cependant, elle avait en ce moment même à supporter des dépenses ettraordinaires occasionnées par le pass.ige de l'ambassadeur-évèque Du Perron, qui se reposa trois jours à Chaumont. Au mois d'aoâl, il ï eut trêve entre la Franrhe-Comlé et le pays de Chaumont. Henri ayant appris que le cardinal d'Autriche avait autorisé le comte de Champlille â signer cette trêve, s'élait empressé d'en informer les Chaumonlais : «Concluez promptement, leur écrivail-II d'Amiens, ce sera une occasion pour ceux de la noblesse de votre pays, da qDilter leurs maisons pour venir nous trouver. >

Vin. Les hostilités ne cessèrent qu'en 1598, après la paii de Vervins. La ville de Cbaumonl, qui venait d'être encore éprouvé»

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par la pesle, suite inévitable des guerres de cette époque, entoura la publication de cette paix de grandes démonstrations de joie.

La guerre civile avait duré quarante ans. Les écarts de Tespril humain étaient inévitables dans le choc des passions qui agitaient alors le peuple. Si, en apparence, il n'est rien résulté de bon pour la société de cette longue et terrible crise, c'est que les idées nou- velles étaient encore trop confuses pour triompher ; mais elles sont désormais acquises à la civilisation, elles vont se développer et nous les verrons bientôt rentrer dans la lutte plus grandes et plus fortes.

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LIVRE QUATRIÈME.

les diveises AàmiDistiations, le Clergé et Us Établissements d'ntilité pabliqae pendant les XVD' et XVIQ' siècles.

CHAPITnE PREMIEB.

LE DOMAINE ET LE HAILLUGE (1598 1789).

1. Pendant la période dans laquelle nous unirons, période la monarchie envahit toul et s'élève au dernier degriS de puissance, les annales chaumoninises n'olTrent plus le haut inlérét liislorique qu'on y trouve dans te \V1° sièdc. Cliaumonl n'est (]u'un des mille rayons de la ruche tout est réglé, ordoonù et exécuté suivant une loi suprftne : la volonté du monarque. Nous sommes donc forcé do reprendre les anciennes divisions de noire récit qui, autrement, manquerait d'unité. Nous suivrons séparément ici l'histoire du do- maine et du bailliage, celle de h commune cl celle de l'ég dans le livre suivant, nous i;roiiperons les divers événements, les Ihits locaux de quelque intért^t que nous croirons devoir signaler pendant les quatre règnes de l'absolutisme.

n. Le réi;iine domanial avait reçu de graves atteintes à Chau- mont. Cependunt les droits et profits résultant de b kaule-jatlice étaient restés intacts. Le droit de bourgcouic produisait annuelle- ment soixante-cinq livres environ : ou sait que la charte fixait Ja cote personnelle de chaque bourgeois, ayant maison, à six deniers;

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mais Fusage s*élait établi de payer un sol, et on comptait dans la ville et les faubourgs de douze cent cinquante à treize cents feux. Les droits de corvées et de charrois avaient cessé d'être exigés de- puis plusieurs siècles. Celui de cri public^ qui n'était pas claire- ment compris dans la charte, était devenu propriété communale : la ville taisait faire le cri par son tambour-major qui exigeait un sol pour chaque publication. Le charmge ne se percevait plus selon les prescriptions de la charte : on exigeait deux bichets de froment de chaque laboureur cultivant quatre-vingt-dix journaux de terre, aux trois saisons, et des autres dans la môme proportion. Ce droit était relaissé à long bail. Les droits de niesurage et de minage étaient contestés par les habitants qui s'en prétendaient exempts aux termes de Farlicle III de leur charte et ils avaient toujours re- fusé de les payer. Le roi ayant créé au XV^ siècle un office de me- sureur avec droit de quatre deniers par bichet de blé et deux pour tous autres grains, la ville Tacheta en 1C22. Mêmes contestations relativement aux droits de hallage^ vcnte^ étalage^ péage et rouage. Le tiers de ces droits appartenait aux habitants à titre patrimonial; ils achetèrent du seigneur les deux autres tiers, au commencement du XYir siècle et supprimèrent le tout; bien plus, en 1662, ils démolirent la vieille halle, qui était bâtie sur la place publique. Le seigneur avait encore le droit exclusif de pêche dans la SuisOi sur le finage de Chaumont, et dans la Marne, depuis les Quatre-Moulins jusqu'au confluent de la Suize. Enfin, il percevait des cens sur toutes les maisons qui touchaient aux fortifications de l'ancien châ- teau ; sur les prés de la contrée dite du Cours de VÉiang^ au pied du donjon, et sur la contrée de Chaumonl-lc-BoiSy dont la Tille avait fait l'acquisition vers le milieu du XYI* siècle, pour la dé- fricher.

m. Le domaine de Chaumont a été plusieurs fois aliéné. Il fit d'abord partie du douaire de Marie Stuart, veuve de François II (1560). Détaché une seconde fois du domaine royal en 1646, on l'adjugea à un bourgeois de Paris, Jérôme Amant ; mais on le re- prit en la même année et il fut revendu , moyennant vingt-huit mille livres au maréchal de L'Hôpital. Réuni de nouveau à la cou- ronne, en 1600, on l'afijugea à la miréchale de L'Hôpital, Fran-

çoise Mignoi, moyennant cent dix mille livres, puis les créanciers de b maréchale le remirent en vente et il tomba entre les mains de la ducliesse d'Elbœuf, qui le lé^iia en mourant fi son neveu Charles de Lorraine, prince de Commercy (1679). Enfin, le duc d*Orl(^ans l'acheta, le 16 juillet 1099. des créanciers de la famille de Lorraine, moyennant cent Irente-hnit mille livres et eohant»- dix-scpt mille livres de supplément.

Les temps sont bien changés : la redoutable tour ronge u'eat plus que le centre d'une exploitation financière par laquelle des cadets de ramille essaient de faire fortune. On voit même le fief royal tomber entre les mains d'un bourgeois. Il est vrai que la no- blesse en eut honte et qu'on s'empressa de retirer la bannière féodale de ChaumonI des mains du roturier ; mais H. le duc d'Or- léans ne la releva que pour en faire un sac à proci^s. En effet, A peine fut-il maître de ce domaine, qu'il chercha les moyens d'en retirer le plus de profit possible, en rappelant des droits depuis longtemps oubliés. Les prètcnlions de Monseigneur furent porlées au conseil. Un premier arrêt lui donna raison, puis un second, puis un troisième. La ville protesta ; il y eut mémoire sur mémoire. On n'osait pas écrire ce qu'on disait tout haut: que le duc n'avaîl obtenu CCS arrêts que parce qu'il était premier prince du sang, que c'élJiit complaisance et non justice ; mais on se vengeait sur l'intendant : un homme ignorant, disait-on, un fourbe, un fripon, et on ajoutait comraii par adoucissement : qui compromet bien Rialadroilemenl le nom du prince et surprend sa bonne foi. L'affaire fut très longue. Le seigneur cngagiste voulait percevoir le droit de nifRirai/eque les babilinls n'avaient jamais payé ; il revenait sur le hallnije que la ville avait acheté et supprimé ; il avait la prétention d'éLiblir un pnidt public, tandis que de tous temps, et aux termes de la charte, les Chaumonlais avaient eu dans leurs maisons des poids et des balances ; d'ailleurs, le roi ayant établi dans les villes, au commencement du XVII' siècle, un office de poiMHr, pour les forains, la commune en avait fait acquisition. Il voulait même contester i la ville la propriété du bois du Fays qui, vendu en 1C04, avec d'autres forêts domaniales, pour payer les dettes delà couronne, avait été nchelé su nom des habitants moyennant six cents hvres et un cens annuel de dix livres : c'était donc bien

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une propriété communale. Il y eut enfin transaction en 1756, et moyennant quelqu'argent les choses restèrent dans leur ancieD état.

Le seigneur était tenu de réparer et d'entretenir à ses frais tous les bâtiments du Palais-Royal et la chapelle qui en dépendait Ce- pendant, en 1773, un arrêt du conseil mita la charge des filles Fentretien des palais de justice et des prisons ; le domaine devait Tenir en aide aux localités qui ne seraient pas en état de suppi^ler cette nouvelle charge. Or, on sait que de tous temps à Cfaanmont la justice a siégé dans les bâtiments de l'ancien donjon seigneurial. Us étaient alors en très mauvais état et la ville ne les pril à sa chaige qu'après arrangement avec le duc d'Oriéans qui paya pour trois mille livres de réparations. Quelques années plus tard, on fnt encore obligé de solliciter l'aide promise par le roi, car tout était délabré dans le palais, tout manquait dans les prisons, jusqu'à Ftir, et chaque année les prisonniers y étaient décimés par les maladies contagieuses.

lY. Au commencement du XVI* siècle, le corps judiciaire à Ghaumont était composé du bailli, personnage de haute noUesM ; de trente officiers, qu*en(ourait une grande réputation de science; de huit procureurs très experts, près desquels s'étaient étaUis d*habiles jurisconsultes. En 1551, on créa encore dans cette ville un présidial, avec même ressort que le bailliage. Il était composé de sept conseiUers et d'un greffier. Il y avait au palais quatre jours d'audience par semaine, deux pour le bailliage, le mercredi et le vendredi, et deux pour le présidial, le mardi et le jeudi. Les huis- siers étaient nombreux près des deux juridictions et une bonne partie de la maréchaussée de Champagne résidait â ChauoKmt. Dans cette revue des habitués du palais, n'oublions pas celui dont l'office s'exerçait principalement dans la salle des tortures et sur la place publique : le bourreau. L*exécuteur des hautes et basses œuvres de Chaumont était un personnage important qui, à l'exem- ple du seigneur et de Féglise, levait la dime sur le peuple. Un his- torien de Paris cite, comme fort singulier, le privilège dont jouis- sait le bourreau de cette ville de prélever un droit sur les herbages et les légumes verts qu'on apportait au marché. Le taurmaueur de

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Chaumont dimait toutes les denrées el marcliandises que les forains uxpossienl en vente dans celte ville, et les jours il dressajl son écharuud il prélevait le double qu'aux jours ordinaires. Ce droit était coutumier, depuis un temps immémorial quand, à la suite de queli|ues diflJcullés, il a été régularisé, en 1739, par la publication d'un tarif oiEciel.

V. Mais le bailliage de Chaumont |)erdit beaucoup de son impor- tance dans les deux siècles suivants, par les nombreux démembre- ments qui en furent faits. Ln chambre des trésoriers et du domaine, instituée à Cliâions. sous Charles JX, lui enleva tous les procès do- maniaux. Henri H détacha du ressort la cbAtellenie de Itosnay. qu'il érigea en duché-pairie, et ta baronnie de Joinville dont il lit une principauté. Charles IX en détacha la châteltente de Condre- court et les appels de Laferlé ; Henri Hl, trente-deux bourgs et villages, par l'érection de la chAlellenie de Piney et Commercj en duché-pairie ; enfin, Henri IV en détacha dix-huit autres par l'érec- tion de la châtellenie de Beaufort et Soulaines en duché-pairie, en faveur de Charles-François Montmorency-Luxembourg. Hais c'est en 1640 qu'eut lieu le grand démembrement, lors de l'établisse- ment du bailliage de Langres, auquel on donna les prévales de No- gent, CoiJIy, Villiers-le-Pautel, Passavant, Bourbonne, Hontigny-le- Roi, avec les mairies de DonnecourI et Serqueux, en tout environ cinquante bourgs et villages du bailliage de Chaumont. Il y avait près d'un siècle que les Langrois sollicitaient cette faveur. Sous Henri HI, a l'époque de la Ligue, les Chaumonlats avaient été assez puissants pour faire échouer les prétentions de leurs voisins : mais sous Louis Xltl, ils représentèrent en vain que ce serait édicter la ruine de l'industrie chaumontaise, prospère j usque-lA, grâce à l'af- lluence des étrangers que les diverses juridictions alUraient dans la ville ; que Chaumont, resseiTé entre la Bourgogne, pays d'états les aides n'avaient ps cours, et les provinces étrangères de Lor- raine et de Comté, les droits de douane étaient exorbitants, ne pouvait entreprendre aucun commerce; que le territoire était natu- rellement fauvre : le roi avait besoin trargenl et il maintint celte fois l'édit d'érection, » pour faire sentir à la ville de Langres, est-il dit dans les considérants, les eiïets de notre bienveillance et tirer

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d*elle, par ce moyen, quelques secours pour le maintian des mées que nous sommes obligé d*entretenir. > Enfin, en 1703, les diÀtellenies de ChàleauTillain et de Laferté furent encore érigées en duché -pairie, en faveur du comte de Toulouse ; de sorte qu'à la fin du XVIII* siècle, le ressort de Chaumont ne comptait plps que deux cent soixante paroisses, quand les habitants de Yïïssj et de Bar-sur-Âube demandèrent encore la création de deux nouveaux bailliages pour leurs villes. La Révolution ne laissa pps au roi le temps de prononcer sur leurs requêtes (1).

VI. Nous savons déjà que la charge de bailli n*était plus guère qu'honorifique et que, pendant le XVI* siècle, les baillis deCiuumioot sont restés étrangers au mouvement politique. H. de Bnmtignj, que Henri IV avait rappelé en chassant Guy onvelle, le bailli révo- lutionnaire, donna sa démission au mois de janvier 1595. Alors M. Louis de Clermontrd*Amboise, marquis de Reynel, reprii le siège que plusieurs de ses ancêtres avaient déjà occupé, et cette illustre famille le conserva pendant près de deux siècles.

Les Chaumontais s*empressèrent d*envoyer au nouveau bailli un muid de vin de Boui^ogne, et quand il vint à Chaumont avec la marquise, on leur offrit encore de Thypocras et des confitures. Mais la réception de H. de Nevers, gouverneur de Champagne^ le 23 juin 1599, fut encore plus brillante : on fit feu, à rapproche du duc, de toute l'artillerie de la ville, des mousquets et arquebuses à croc ; tous les habitants en armes et précédés d'une bannière de tafletas, aux couleurs blanche, jaune et noire, allèrent au-devanl de lui ; on le complimenta et on le conduisit à son hôtel, en traversant les rues tendues partout de draperies armoriées* A rentrée de l'hôtel et à la porte de la ville on avait placé trois grands écussons anx armes du roi, de Nevers et de la ville. On avait aussi ofiert ta dnc et aux personnages de sa suite les vins d*honneur et des confitures.

(1) II y avait aIor« an baiiliagc et si^'o prMdial : nn cranil bailli, émi prMdeoCs, «a Iifuifaant*({^iicral, nn licoUjnaot criminel, uu liru enant g^n^ral «le police, an aaacaaw, «D ronwiller Qardi» dm aciaai, un Hnyro tirs conseillers, plosteurt conaeillcrt •rJinairaa, . liens avocala du mi, un procnrcur du roi, dcut fubslituts, an cerliiictteur doscritiei, no jjrffricr en cbcF, plnsîoum buissicrs, dix procureurs el »epl notaire*. Il y iTart k la ntaitnsc dm caui et fonMn : un maitre particulier, un lieutenant, un (jarde-niartata, on profurcnr du roi un greffier, un rtvov- ur, doux arpenteur», un jjardo (jén^ral et on huiftiicr.

173 Les Cha 11 montai a soiil rosics (idèlcs à cel ancien usage jusqu'iiii XVIII' siècle.

Le marquis de Reynel, qui clail en mt^me temps gouverneur de Cliaumont et de Vilry, Tut luû en ronibull.int le 3 novembre 16)5. il eut pour successeur son Jils Louis II, qui avait é.lé élevé avec le jeune roi. Pendant les troubles du râgnc de Louis XIII et de la minorité de Louis XIV, ce bailli a souvent résidé ù Chaumont et noua verrons qu'il a toujours été rempli de dévouement pour ses concitoyens. Son fils oiné, Bernard, capitaine de cavalerie au ré- giment Magalotli, Tut tué au siège de LamoLlie; le second Ciériardui, d'abord clievalier de Malte, ayant alors pris le métier des armes, fut pourvu de la charge de bailli de Chaumont, du vivant même de son père. Il fut tué en IGJti au siège de Valenciennes il coraniandail sous les ordres du maréchal de Laferté. Jean, un autre frère, rapilaine d'infanterie, péril au sié^e de Chauny. Lorsque Louis II mounilcn lC7â, il lui restait encore trois lits. Le premier Lou/j JJ/, bsilli et gouverneur de Chaumont, mourut comme ses atnés, l'épée ■^ la main : il fut tué d'un coup de canon ausiêge de Cambrai (1677). Lotth IV, son successeur, mourut de la petite vérole i Liège le 17 juin 1703, quatre mois après son oncle, le chevalier de Reynel, dernier Ois de Louis II, qui après avoir brillé, dans sa jeunesse, i cAlé des plus grands capilBines, vivait, depuis vingt-trois ans, dans les eitercices de ta pénitence, chez les Minimes de Bracancourt. Le litre de bailli, qui n'obligeait à aucune fonction, fut donné, après vacance, au fils posthume de Louis IV, Jean-Bapiitie-Louh, qui épousa U fille du fameux Berwick, bdtard de Jacques II, roi d'An- gleterre, devint marquis de Monlglas, comte de Chiverny, etc. II réunit encore le tilre de grand bailli de Provins ii celui de bailli de Chaumont et mourut le 18 septembre 1761, laissant un fils, Jean- Bapliite Charltt-Françoh, le dernier bailU du nom de Clermont d'Amboisc. En 1708, M. Gidi-on-Clavde Pel'U Dclavnux, baron de Monteaux, était le premier ofticier du bailliage ; après lui ce fut H. Galiot-Jean-Marie de Mandat, chevaUer, baron de Nully, qui présida les trois ordres fi Chaumont, en 1~S9, et que la révolution destitua.

n* -

CHAPITRE II-

LA COMXUNE (1598—1789).

L Nous ne pourrions dire exactement quelle était h popuhtfam de la ville de Chaumont au commencement du XYII* siède. & nous comparons le chiflre des artisans de chaque métier à eette époque, avec celui que nous avions avant les guerres religieuses, nous trouvons qu^il a sensiblement diminué. La même différence se remarque dans le chiffre des naissances et des décès. Toutefois, cette population, qui. diminuera encore par suite des démembre- ments du bailliage, comme Tavait bien prévu le corps muoicipsl, était alors trop à Tétroit dans Tenceinte des fortifications, puisque le prévôt trouva bon d'adresser à la mairie un dtscoun pour lui prouver Futilité de Tagrandissement de la ville. Ce projet Ait approuvé par les habitants ; mais, c'était sous Louis XOI, les guerres qui survinrent ne permirent pas de le mettre à exéculion.

n. On sait que l'administration communale s'était érigée eo Ifoirte pendant la Ligue. Il n'y avait rien d'explicite i ce sujet dans redit de réduction. Après la paix, les habitants jugèrent le moment bverable pour faire donner à cet acte révolutionnaire h sanction du roi, qui appelait encore Chaumont, sa bonne vllle^ et qui venait par une nouvelle charte d'en confirmer tous les privilèges (1600). Ils présentèrent donc une requête et, malgré l'opposition des of- ficiers du bailliage, Henri IV, par lettres patentes du mois de mars 1604, enregistrées uu parlement le 29, donna à l'agent de la com- mune de Chaumont le titre de Maire c pour en jouir aux mêmes honneurs, prérogatives, prééminences et dignités que les maires des autres villes , comme aussi aux échevins , conseillers et autres officiers, pendant la durée de leurs fonctions, sans qu'aucun d'eux puisse en être empêché. » Le 26 juillet intervint un arrêt

175 - qui râgb l'eséculion de ces letlres, et il fut enregistré au bailliage le 19 aoât, après de longs débats pour les prééminences avec les diverses juridictions.

Voici l'ordre établi : Il y avait, le premier janvier de chaque année, une assemblée générale des habitants , en la chambre de ville, en présence du lieutenant général qui présidait et de l'avocat du roi. Les étals et métiers étaient convoqués selon leur ordre. L'assemblée faisait élection d'un maire, qui no pouvait élre continué plus de deux ans, sans cause légitime, de quatre échevins et de douze conseillers qui se renouvelaient par moitié tous les ans. Les conseillers étaient rééligibies; mais on devait tes choisir de pré- férence parmi le.s anciens maires. Ou pouvait, dans celle assemblée générale, délibérer sur toutes les alTaires concernant la commune. Le maire et les échevins prêtaient serment entre les m.iîns du bailli ou de son lieutenant, les conseillers entre les mains du moire. Pour les affaires ordinaires, les conseillers s'assemblaient en la chambre de ville le jeudi et le dimanche; le lieutenant-général et l'avocat du roi i>ouvaient assister aux délibérations si bon leur semblait, et, quand il y avait des séances extraordinaires, on devait les prévenir. Le lieutenant-général avait un siège placé derrière un grand bureau se tenaient le maire et les échevins; â droite était l'avocat du roi, à gauche les conseillers. Les voles étaient recueillis par le maire et en son absence par le premier échevin. On pouvait appeler au conseil dans les affaires importantes plusieurs notables. La mairie avait un greffier, un procureur et Ueui bedeaux auxquels te maire faisait prêter serment. Le grellicr tenait registre des délibé- rations. Quand il arrivait des f>aquels à l'adresse du maire, Uc la part du roi ou du gouverneur de la province, on en prévenait le lieutenant-général et l'avocat du roi, pour en faire l'ouverture en leur présence, et s'ils ne venaient pas on passait outre. Dans les fêtes et processions pubUques, In mairie se plaçait à gauche du lieutenant- gêné rat el si elle rencontrait les oUicîers de justice, elle devait leur céder le pas.

Le premier acte de la nouvelle administration fut de placer solennellement sur la fa^iide de la maison de ville le buste de Henri IV.

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in. Louis Xni, lors de son sacre (i), confirma tous les privil^s de Chaumont, en considéraiion de la fidéliié de cette vii/e, et au mois de mai de Tannée suivante, il renouvela celte confinoatioDy en ajoutant aux anciens droits des habitants celui du pori d'armes de chasse*

Cependant, il y avait rivalité entre le bailliage et la commune, n paraissait monstrueux aux gens du roi, qui siégeaient sur les fleurs de lys, de voir au même rang qu*eux dans les cérémonies publiques de simples artisans ; ils reprochaient i rassemblée com- munale son antipathie pour les nobles et les bourgeois, et s'effor- çaient de restreindre autant que possible l'autorité des nouveaux fonctionnaires. La mairie de son côté, reprochait aux officiers du bailliage des prétentions orgueilleuses et, tout en luttant courageu- sement contre les envahissements, elle revendiquait la police qu'elle disait Taite c seulement à la vexation, foule et oppression du peu- ple ; » elle voulait que cette partie de l'administration fût confiée à un comité, auquel chaque quartier députerait un de ses membres el qui s'assemblerait à la maison commune pour faire les règlements et juger les contraventions. De sorte que la population se trouvait di- visée en deux camps.

L'échevin Bézot, dont le mandat fut renouvelé pendant quinie ans au conseil de la commune, était le chef du parti populaire, et le prévôt Gilles Delestre, seigneur de Riocourt (2), dirigeait le parti aristocratique, auquel appartenaient tous les nobles et le clergé de la collégiale. Deux fois Delestre parvint à se faire nommer maire ; mais deux fois aussi il fut repoussé i la réélection. Il a exprimé son mé- contentement dans un mémoire il attribue la hardiesse des habi- tants à sa déhonnaireléy et son impopularité toujours croissante à l'influence seule de Bézot. Ce factum est fort curieux ; il brille sur- tout par l'érudition classique : tous les auteurs de Tantiquité, grecs et latins, poètes et prosateurs, y sont mis à contribution, et le sa- vant prévôt ne conclut à rien moins qu'à l'annihilation complète de l'autorité de la mairie.

(1) lettres patentes dunm'fn à Reims nn nioi^ J'oetobi-e IGIO.

('I\ II «Unit pi('v/tl depuis rnrî'nemenl de Louis XIF! et Lnuis Uviol ^Uit snbsttlol Ja procureur «lu roi en la pré\oi»^. Dolchln* deuiamiait l.i di'slitution de ton eolk*^«« i|tt travaillait, disait-il. nuilrc les iat(^r^ls du roi son innitre.

177 Les assemblées gi-nérulos des liabitaiits d^iltiisnient surtout à l'aristocrutie qui y obtenait raremenl la majorité, cl le prûvât ne cessait de les troubler par ses iilaintes el ses récriminations. Son but était de les faire passer pour dangereuses. Eulin, on parvint à les déuaturer complèlcinenl en Itjâû : le roi ordonna qu'à l'avenir ces assemblées ne seraient plus composées que de huit bourgeois de chaque quartier, en tout soixante-quatre, réunis aux ollicierâ du bailliage et du corps de ville. C'était la suppression du vole direct ; ou voulait par lu empêcher la pnimlace, comme disaient les gens notables, de l'emporter sur les principaux de la ville et laisser l'ad- ministration entre les mains de ces derniers. La populalion pro- testa cl, quatre ans ayris, le roi lui accoi-da, pour l'apaiser, un sem- blant de concession : il ordonna qu'aucun des oiliciers du bailliage, autre que le lieutenant-général, l'avocol du roi et le prévût. n'au- rait voix délibératlve ni même séance, à moins qu'il ne fût député de son quartier. Il y avait dans la salle des assemblées un banc pour chaque quartier et on recueillait les voix par bancs. Cepen- dant, les intrigues el les cabales contiauëreiit, au dire des gens du roi, même après l'épuration, el liienlM (1t330) une nouvelle ordon- nance slalua que les suffrages seraient donnés par bulletins, qui se- raient déposés publiquement sur le bureau, pour être ensuite ou- verts en pleine assemblée. On vnit que de tous temps la réacllon a été féconde en inventions pour empêcher la vérité de se faire jour. Le roi déremlit en même temps de faire brigitci, praiicqna ou mo- nopolei pour arriver aux charges, el il recommanda aux habitants de vivre tous ensemble en bonne union. Mais celte union ne pou- vait plus exister : comment concilier des pratiques aristocratiques avec des mœurs et des institutions démocratiques ">

IV. L'un des défenseurs les plus ardents et les plus dévoués des libertés populaires, à celte époque, fui le maire Paiilot que, dans toutes les occasions, l'aristocratie a poursuivi de sa haine, malgré les immenses services qu'il a rendus 4 ta vilie dans des temps de fuerre el de peste personne ne voulait des fonclious munîcl- [ules.

V . La mairie rcsla ^lùisi constitué.'^ jusqu'à la ûa du XVll* siècle, 11

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époque a laquelle lu gouvernement, pour subvenir aux lashieiues . prodigalités de Louis XIV, fit commerce de tous les offices commii- nnux comme de beaucoup d'autres; seulement en 1661, on appela à faire partie du conseil, sans qu*ils eussent besoin d'être élus, les six derniers maires. Il n'y eut plus de difficultés sérieuses entre les habitants, dont les libertés étaient à peu près anéanties, et les offi- ciers du roi, qu*en 1684, à propos du dépouillement des bulIeUns dans une assemblée générale. Louis XIY fut obligé d'imposer silence aux deux partis.

La maison de ville avait été restaurée pour Tinstallati^m de h mairie royale et les archives avaient été mises en ordre par on bonhomme qui eut six livres de sucre pour récompense. La tille avait un greffier et, pour bas officiers, deux huissiers portant le bâlon d*ébène fleurdely^c, deux huissiers des pauvres ou cAaite- gucuXj quatre tambours et fifres, deux forestiers, deux sentinelles de nuit pour le clocher, et trois portiers. Ces bas officiers étaient tous vêtus uniformément et coiffés de chapeaux bordés d'argent. Ils portaient babils et vestes bleus doublés de rouge, avec pare- ments et culottes d'écarlate; dans les grandes cérémonies, ils amient le manteau bleu et rouge aux armes de la ville. On leur donnait, pour Tentretien de cette livrée, une certaine somme outre leors gages. Ils recevaient encore pour boire au jour de Tan, à carna- val, le jour de carême prenant, à Pâques et aux autres bonnes fî- tes. Les portiers avaient aussi le droit d'établir des jeux de quilles et des blanques sur les murailles huit jours avant la Saint-Jean- Baptiste, fête de la ville.

Le cérémonial du jour de l'an était ainsi réglé : on adressait on compliment au gouverneur de la province et au bailli. On offiralt à ce dernier, comme gouverneur de la ville, huit livres de coniitares sèches. On donnait au maire quatre pains de sucre de trois livres et deux à chacun des éclievins; deux à l'avocat et au procureur de kl ville; quatre au lieutenant-général ; deux à chacun des présidents, aux lieutenants criminel et particulier, à l'avocat et au procureur du roi, au substitut et au greffier; deux aux président et procureur de l'élection ; deux au doyen cl deux aux sœurs de l'hôpital.

La mairie assistait en corps aux c/rcmonies publiques. Elle était toujours préc/'dée de fps huissioro; vi snivio dos autres bas

119 ofBi'iers. Quand un grand personnage mourait dans la ville on aux environs, on Faisait porter au convoi Tunèbre des torches avec des écussons aux armes da la ville. En 1660, au mois de so[>lembre, mourut le maire Lalibe, en revenant de Paris, il avait été di^- puli! pour les affaires de la communauté. Le conseil régla la pompe de ses Tunérailles d'après les anciens usages et il ordonna qu'iï l'a. venir, dans pareille circonstance, le même cérémonial serait ob- servé. On sonna toutes les cloches le jour du déc^s et deux éche- vins allèrent prier les officiers du roi d'assister au convoi. Le jour de l'enterremenl, les ollîciers municipaux et ceux de tous les quar- tiers se réunirent à In maison de ville, à huit heures et demie du matin, et ils allèrent de \li à l'hAtel mortuaire se trouvaient déjà ]es gens de justice. Les arquebusiers se tenaient silencieusement rangés à la porte, en babils noirs et les armes traînantes, le dra- peau et les tambours en deuil. La Taçade de i'hûtel était tendue de noir avec les armes de la ville et di défunt en écuison de deuil. La porte de la maison de ville avait la mèm^ tenture. Dans la marche du cortège funèbre, les douze grosses torches de la mairie, garnies d'ècussons, étaient portées par douze sergents de quartier en deuil cl l'épée au càté. Ils précédaient le corps qui était porté par deux forestiers et deux portiers en livrée. Les deux huissiers suivaient en habits noirs avec le manteau aux couleurs de la ville, la pointe de leurs butons eu bas. Les officiers du roi tenaient la droite, condui- sant le deuil ; le corps de la ville la gauche. L'église était tendue de noir; les cierges portaient les armes de la ville; h droite el à gauche du cercueil étaient deux bénitiers pour que les deux corps puss en' Jeter séparément de l'eau bénite. Le bailliage prit le celé droit de l'autel, la ville le cAté gauche. On chanta les vigiles et trois messes en grande cérémonie; à l'offrande, il ; eut une piitène de chaque côté avec une coupe pour recevoir l'argent et les deux corps allé.- rent offrir séparément, mats du même pas. Pour l'enterrement, on marcha dans le même ordre Lorsque le corps fut inhumé, les ar- quebusiers firent une décharge â In porte de l'église, les lumbours liattirent et la haie se forma depuis le porLiil jusqu'à la maison da ville se rendit le corps municipal. Les oflicters du roi recondui- sirent les parents du défunt à son hùlel. Quelques Jours après, oti lit un service en observant le même cérémonial ; geuleiiient il v ml

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au milieu du chœur une chapelle ardente avec les armes de la ville et celle$ du dérunt aux quatre coins. Le greffier alla à l'offruide suivi des huissiers de ville qui présentèrent, suivant Tancien uisi^ local, le pain et le vin. Quand un ancien maire décédait, on sonnait de même toutes les cloches ; la ville envoyait six torches armoriées, deux cierges pour Fautel et deux pour le banc des reliq^ies. Après rinhumation, la mairie faisait faire un service solennel auquel elle assistait en corps.

YI. En 1690, le roi créa dans chaque ville un office de proev- reur du roi et de la ville et un office de greffier, A Cbaunioot, ils furent achetés par des bourgeois de la ville. Deux ans après il créa les maires ffcrpétueU à titre d'office. Le pouvoir royal envahissait tout. H. De Pons, chevalier d'honneur au bailliage, fut alors poarva de la mairie de Chaumont et il prêta serment au pariement. Les anciens maires cessaient de faire partie du conseil. On mit ensoUe en vente, successivement, des offices d'assesseun de mairr, en remplacement des échevins, de receveur des deniers patrimoniaax, de lieutenant général de police^ de conseillers Oêsesseurt du roi au nombre de deux, de lieutenant de mairCy de contrôleur dm greffe ei commissaire aux revues et logements mi/tfairM, de eomeiller garde et df'positnire des archives^ de concierge et gardien da num^ blés. Que restait-il donc, après toutes ces innovations, de Tancieiuie liberté communale ? Rien. Les charges d'officiers de la milice bourgeoise furent même pendant quelque temps mises en vente. Le désordre le plus grand régnait dans l'administration et les vieilles divisions étaient devenues plus profondes que jamais : les habi- tants ne portaient aucun respect aux magistrats et ceux-ci n*avaieot d'autres soucis que d obéir aux ordres de la cour. Déjà le conseil avait été sollicité d'acheter tous ces offices et de les réunir aa corps municipal ; mais ou n'avait pas d'ai^ent. Cependant, en 1706, les officiers du roi ayant manifesté le désir d'en faire Tac* quisition et de les réunir ù leur corps, pour se rendre plus complè- tement maîtres de la ville, le vieil esprit de la cité se réveilla ; le maire, sur les instances de sos concitoyens, partit pour Paris afin de déjouer celte intrigue ; la ville emprunta ; elle acheta tous les odices cl les revend it. Nous n'en donnerons pas la liste, car on se

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perd dans ce dédale de fonctions nouvelles, d'iennaloi. mltiiennalr», triennales, aliern[tlives,elc., et l'on é{)rouve du dégoilt  recher- cher tous ces honlcui marchés, sur les'juels on revenait suivant les caprices ou les besoins de la cour.

Vn. Le maire perpétuel, M. De Pons, et son flls iiuî avait ité pourvu de la lieulenance de miiire, ayant donné leur démission l'année suivante, le roi supprima cc^s oftices et fil publier la mise en vente des charges demain: alicmaiif ei muirealtnnalifmilricn- nald6 Chaumont. Les tiahilanls ne pouvaient pas continuer une lutte qui aurait ruiné la communauté. Le officiers dejuslice furent donc libres d'acquérir les deux nouveaux ofllccs; iU les réunirent i leur corps, en restèrent maiircs pendant dix ans et désignèrent chaque année, à la pluralité des voix, ceux d'entre cui qui eii seraient pourvus. C'est ce qu'on appelle h période des malraas- Moclcs. Les habitants ne prenaient plus même la peine d'assister aux assemblées générale.o.

VIII. Cependant le roi, instruit de la déplorable situation de la ville de CbauraonI, sou^ un tel régime adminislratir, rétablit les anciens usages en 1717, et une assemblée générale des habitants nomma un maire pour deux an!i, M. Pagotin d'Outremont, deux écbevins pour trois ans, un écbevin pour un an, sii conseillers pour deux ans, si\ autres pour un an et un grefller. Parmi les élus, il n'y eut pas un seul officier du bailliage. Gomme ils tenaient à reprendre le pouvoir parce qu'ils craignaient que la nouvelle mai- rie, qui avait trouvé l'administration dans le plus grand désordre, ne leur demandât des comptes, ils ne cessèrent de s'agiter pour se rendre mnilres des élections ; mais l'échevin Cadié sut déjouer toutes leurs intrigues.

IX. Le nouvel ordre de clios^e^ ne dura pas vingt ans. b)n 1736, les ofQces municipaux de Chaumont furent de nouveau mis en venle el le duc d'Orléans, engagisle du domaine, en fit l'acquisition. Toutefois il respecta le droit électoral des babitonls, se réservant seulement de donner aux élus les lettres de provision Les assemblées générales d'alors ne pouvaient pas être comparées

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à celles des siècles passés ; et cependant elles portaient eneore ombrage à raristocratie urbaine. Dans Fespace de moins de vingt ans (1737-1 731), nous les trouvons soumises à trois règlements diflërents, tous sollicités par les officiers du roi et à Finsu du con- seil de ville, dans le but de resserrer toujours d*avantage le cercle des libertés communales. Enfin , les habitants voyant Télément po- pulaire complètement exclu des assemblées, se plaignirent baate- ment de ce que les anciens usages, les droits même de la dté, étaient à la merci de quelques ambitieux. Le conseil chargea IL Cadié, alors maire, de proposer un règlement nouveau ; mais le digne magistrat eut tout d*abord à hitter contre les prétentions de la noblesse, qui voulait être un corps à part dans la conminnauté, et son dévouement se brisa contre cet obstacle : le roi le destitua ainsi que les échevins et même le greffier, en les menaçant de punitions exemplaires s'ils se mêlaient encore des affaires de la ville. Enfin, en 1764, les assemblées générales furent définitivement supprimées et Ton institua les notables, au nombre de quatone dont deux seulement étaient élus par les artisans. On voit que l'aristo- cratie s'était réservée une belle part des suffrages dans ce nouveau corps électoral.

X. Le duc d'Orléans avait encore le droit de provision;^ mais bientôt le gouvernement le lui retira (1771). On créa de nouveaux offices qui devaient être réunis aux corps de ville. La commune n'était pas riche ; elle offrit vingt-cinq mille livres de ces offiees et on la taxa à trente mille, qu'elle fut obligée d'emprunter. Alors fut rédigé le dernier règlement municipal (1775) qui n'admettait plus parmi les notables qu'un député du corps si nombreox dos artisans. Nous avons bâte de sortir de toutes ces révolutions administratives, et nous n'analyserons pas cette loi nouvelle qui, du reste, n'a jamais été fiiièlement observée. Sous le prétexte de prévenir toute difficulté, le roi s'était réservé la première nomi- nation de tous les officiers municipaux et celle même des notables. Il nomma maire M. Jean-François de Pons, ancien capitaine d'in- fanterie, et, toujours sous le in(}me prétexte, il le continua dans cette charge jusqu'à la révolution, au mépris de la loi, malgré l'opposition de la boui^eoisie et des artisans.

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XI. Nous avons négligé, à dessein, de parler du gouvernemenl militaire, l'histoire de la rorninlion du corps de ville étant assez compliquée d'elle-même ; mais la cominune avait obtenu à ce sujet, malgré l'opposition syslémalique des olliciers de Justice, la con- firmation de ses anciens privilèges : des lettres patentes du mois de juin 1600, atlribuaieut aux maire et échevins la garde des defs et le mot de commandement eu l'absence du bailll-gouvemeur ; le jugement des délits commis sur les murailles et aux portes, était réservé à un conseil composé du maire, des échevins et d'un capitaine de quartier. Quand on él:iblil dans les provinces des lieutenants-généraux , M. d'Andclot qui eut le département de Chaumont et Vitrj chercha à empiéter sur les droits de la mairie, surtout relativement à la garde des clefs ; mnis le roi condamna ses prétentions. Il ; avait (rois anneaux aux portes. Le soir, a la fer- meture, le capitaine, qui atail été tin service pendant le jour, allait, avec la garde, précédée des trois portiers, porter au maire un des trois anneaux de chacniie des portes ; il remettait le second à celui des conseillers de ville qui Était chargé de ce service pour le mois et le troisième était donné au capitaine de quartier qui prenait le poste et devait pré<!ider le lendemain à l'ouverture des portes. Quand le bailli était à Chaumont, on lui présentait le premier anneau qu'il rendait toujours au maire.

XII. Ainsi le maire était le commandant mililntrc de la pince ; il avait la surveillance et In juridiction sur les remparts et dans les corps de g?rde ; il était encore le gardien de l'artillerie, des armes et des munitions; il commandait en chef In milice; il faisait les règlements ei donnait les ordres en conséqnence. Toutes ces allri- hultons, contestées par le prévdt, furent cependant coniirmées par Louis XIII ; mais, sous Louis XIV, elles perdirent toute leur impor- tance, surtout après le désarmement de la ville, opéré de 1673 à l6Ti (1). Tout le matériel de guerre appartenait aux haliitnnls;

il) Vuiri rinvanliirc Ja aitliiiel rnlr' h U lîlle de ClitaiHOcl panliot m qatln ■iini>« ; Du» plto<d* nnof pioih et loiin, d* i^BiniiliK'iii^ livm du baild, ia foUt it iri miWt Ipin nnl fulri-viaai-nnl li<m. Ou IihiI mr Ir iroriirl : lail aux (rail da Chaumont. 13^0. Ua>dp quinnlf.ldn, int •rnin<l>FrM<<».»KC*li>>i lî«n : Hliinilicn it U^rSuM. UMJanalpirJi ^iiln pouM*. de Irastf-rniU li* bfflil*!, du piMi de liii^ oiilli' iKuti-cui i'>iiiii[i>iii liviM. l'H il* neuf fwM

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mais irétait-ce pas un témoignage de Tantique liberté des com- muneSy un élément de force? Louis XIV s'en empara et le fit trans- porter à Nancy. La mairie réclama : c Le meilleur, dit le bailli, est d*obéir le plus promptement possible ; S. M. veut qu'on ait ane entière soumission à ses volontés. » Elle représenta à LooTois qu'on enlevait pour plus de cinquante mille livres de métaux dont il serait juste d'indemniser la ville; mais le ministre ne répondit pas. Il ne restait plus que quelques pièces bors de service et la vieille ferraille dont la tour du magasin et le donjon étaient remplis. Si le canon était la dernière raison des roisy on ne voulait pas qa'il fût celle des peuples.

XIII. La ville de Chaumont a d'abord eu une compagnie d'orte* liirïersy puis une milice bourgeoise et des chevaliers de rarçaie- buse.

Les arbalétriers ou clie\'aliers de l'arc, s*étaient constitués en compagnie au XIV* siècle. Us faisaient alors leurs exercices dans les fossés du château ; puis ils ont acheté un jardin, au XVI* siècle, dans la rue de Reclancourt. Déjà à cette époque ils étaient peu nombreux : beaucoup d'habitants avaient déserté leurs rangs pour prendre l'arquebuse. Les ursulines qui bâtirent leur couvent prés du jardin des arbalétriers se plaignirent bientôt de ce voisinage, et la compagnie alla s'installer, avec l'aide de la ville, au faubourg Saint -Michel; enfin, en i647, on lui donna place dans le jardin des arquebusiers. Cependant elle était si peu importante alors que les préposés à la recette des droits de la ville demandèrent la révo- cation des privilèges dont jouissaient, de toute ancienneté, les em* pereurs, ceux qui avaient abattu l'oiseau, et le conseil, considérant que l'exercice de l'arbalète était devenu inutile, supprima ces pri-

pouces, de (rente livrât de boulet, fiiile eiHG îl , aux «rroetde Lonit XUl. Sar U raafvrt, à la voilée, le bâloo du niarfrhal de 1«8 Meilleraie et Ratio ultima Kf^fiim, af ce Mi «nMt i la culaMe. Deni tie >in(*(-huit et Ironte-trnis |i\rcs de boulet, aui arniea do Lorrtia* rt de Clicqunt, Qtunerncnr de l.ninothe, av«>r rr» mnUbur le nnfnrt dans on ctiioarlM : Carolo quarto régnante. Molha, (Oil. Tue de quatre livres, portant tor ooa renfort un porr-4^pie rouroiiné. Une de huit pieJi et demi, «te trois lÎTret de bovict, fajie en 4425. IK*uv de six et sept pie«!s, faites on 1540. -~ (ne de sis pieds, ani Mtntn de (Chaumont, faiiu rn 15HtK •— 1 ru*!( aMiro^ ili> nièwe poids, armorift*s de France. -^ Sis de six pipds deux poiicof, f.iitiii on 4oiU. aui «riuc« «le Kriinci*. Dix^netif «ninebafes à crue, de fonte. I'îuh de trois n illc boulets de diir' rentes grohseuri. > 2,500 lirrea de mèche Kt IjiOO li\rci île poudn*.

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viléges. C'était en 1670. Depuis celle époque, il n'y eut plus d'ar- balétriers à Chaumont.

Ii3 milice boiirgeoise que nous nvons vue s'organiser au com- mencemenl du \VI* siècle et former bientôt une compagnie dans chacun des huit quartiers de In ville, n'élait ni armde ni habillée uniformément; chacun portait les armes qu'il pouvait se procurer et s'habillait à 5a guise; seulement, en 1759, on autorisa Ips ser- gents, sur leur demande, à prendre un uniforme bleu avec des MardiiKi blanches. Chaque quartier savait quelle partie de ki place il devait défendre en cas d'attaque, et il ailuil y planler son drapeau au premier signal d'alarme. Les drapeaux des huit quartiers étaient au\ couleurs de la ville, rouge et bleu, avec une grande croix blan- che ; il^ ne se distinguaient que ]iar le placement des deux couleurs entre les croisillons et par la devise qui se dessinait en leltres'd'or sur la bande horizontale do la croix. La milice comptait de douze à quinze cents hommes. Les jeunes gens de quinze A vingt ans et les valets qui n'étaient pas enrôlés dans les quartiers, se réunis- snieul plusieurs fois dans le cours de l'année pour s'exener an ma- niement des armes; on les autorisa même, pendant un certain temps, à étire des chefs.

La compagnie de!> arquebusiers s'élail formée pendant h Ligue et son premier règlement date de 1599. Chaque nouveau chevalier jurait, en présence de la compagnie, de vivre et de mourir en la rehgion catholique, aposluUque et romaine, prenant pour patron saint Antoine, et de porter les armes pour la défense de la foi, du roi et de la justice. Les arquebusiers s'exercèrent d'abord, comme les arbalétriers, dans le fossé du château; mais bientôt (1G07) iU achetèrent uu jardin sur la roule de Joinville et y construisirent un pavillon (1647). Ils se réunissaient en un banquet le premier dimanche après la Saint-Antoine pour tirer le gâteau ; celui qui était roi prenait le rang de capitaine et commandait la compagnie pen- dant l'année. Il en fut ainsi jusqu'en 1620; mais, depuis cette époque, les chevaliers ont nommé, par élection, un capitaine, un lieutenant, un enseigne et un servent. Le ri^lemenl qu'ils ont ob- servé jusqu'à la dissolution de leur compagnie leur avait été donné par la mairie en 1(123. Ils devaient se réunir, pour s'exercer, au moins quatre fois par an ; le lendemain de la PentecAte, ils tiraient

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loiseau en présence du maire et des officiers du roi qu'ils alhient chercher tambour battant ; celui qui était roi devait offrir à ses camarades, le dimanche suivant, un prix de la valeur de dix livres; la mairie en offrait un de douze livres le jour de la décoUatioa de saint Jean-Baptiste, et le dimanche après la Saint-Antoine, on tirait le prix du capitaine de la valeur de huit livres. Lorsqu*on était réuni pour tirer Toiseau, un sergent appelait les chevaliers dans Tordre suivant : Le roi notre sire, monseigneur le gouverneur, monseigneur le lieutenant-général, monsieur le bailli, mes- sieurs les gens du roi, monsieur le maire, le capitaine» le lieutenant, renseigne, puis les chevaliers dans Tordre désigné por le sort. Il y avait aussi des prix offerts par les compagnies des villes voisines ; souvent même les chevaliers allaient au loin tirer Toiseaa et, à leur tour, ils offraient le prix. Les arquebusiers portaient ha- bit rouge avec parements et collet noirs; cpaulettes d'or; veste et culotte jaunes ; boutons dorés avec deux arquebuses en sautoir, cou- ronnées et entrelacées de branches d^olivier; bas bleus; chapeau uni à plumet. Leur drapeau était de soie blanche, parsemé de fleurs de lys d or, avec deux arquebuses en sautoir. Les rois de Tarquebuse ^avaient exemption de guet et de garde, de toutes impo* sitions et charges publiques et de la subvention.

Dans Torigine, la formation de la compagnie des chevaliers de Tarquebuse avait un but d*utilité publique, et au XVII* siècle mas voyons encore les arquebusiers de Chaumont se distinguer aux sièges de Lamotlie et de Besancon ; mais au XVIII* les chevaliers ne sont plus que des soldats de parade ; bientôt même les dé- penses nécessitées {>ar Tuniforme, devenu obligatoire, par les liHes et les repas de corps, ne firent plus recruter la compagnie que parmi les personnes riches ; alors elle devint odieuse aux mili- ciens, et ils lui disputèrent le premier rang qu'elle s'était arrogé. Des querelles s'ensuivirent, les cérémonies publiques en furent troublées et dès Tan 1715, le roi fut obligé d'intervenir. Par une ordonnance du 36 janvier, il conliniia les arquebusiers dans tous leurs privilèges, il maintint leur rang à la télé des compagnies de la milice, et il ordonna à celles-ci île conserver un intervalle de six pas entre elles et le dernier raiii; i\cs chevaliers. C'était envenimer la haine et les querelles continuèrent. L'indiscipline mit aussi la

187 désorgani liai ion dans h compagnie privilégiée, certains clievaliers voiilinl avoir le pas sur leurs camanides, à cause du rang qu'ils occupaient dans la ville. La mairie lit plusieurs réglemenls qui ne remédièrent qu'imparruilement au mnl et les rangs ne se recruta reiit que par l'influence des rois qui tenaient h conserver leurs pri- \iléges.

\IV. Pour compléler ce lalileau de ratiminisli'alion de la ville de Chaumont depuis le rê^nc de Henri IV Jusqu'à la révolution, nous y ajouterons quelques considérations £ur la situation financière. Les dernières années du XVI'siècle avaient laissé d'énormes dettes à payer. Il y avait des engagements conti'actés envers beaucoup de personnes. Pour y salisraire, on demanda la continuation des im- péls extraordinaires qu'on avait élé précédemment autorisé A lever. Les eiigences du règne d^ Louis XIII lurent loin d'améliorer cette situation, car, dans l'espace de moins de vingt ans, ce roi ordonna pour plus de quatre-vingt mille livres de travaux ans forlificolions. C'est alors qu'on créa l'impiït sur le pain et sur les céréales et qu'on rétablit dérmitîvemcnt l'octroi sur le vin qui avait élé perçu pendant quelques années dans le siècle précédent.

Sous Louis XIV, tous les impôts furent augmentés et ia ville de Cbaumoiit fut encore forcée de lever des troupes à ses frais pour ta garde du Dassigny. Puis vinrent les iloin grmuiis. Leroi se marie, il veut que son mariage se fasse avec une magnificence digne de la grandeur de la monarchie et il invile ses sujets des tjranda viilei ii lui donner de l'arçent. L'intendant de la province transmet ta de- mande et, en (in courti^ian, il proclame d'avance la paii qui doit ré- sulter de celte union au^;uste, la diminution des tailles et des sub- sides. Le roi, dans sa lettre aux villes, ne Ltiait pas; mais il avait envoyé à son intendant un étal sur lequel Cliaumont se trouvait inscrit pour six mille livres, t Ce mariage, écrit le courtisan, est une si grande bénédiction, un si grand bonheur, que vous aurez joie d'aider le roi decelle somme, » et il Ajoute : « On a la lilierlé de la lever par telle voie que l'on juge à propos. » Que pouvait- ou désirer de plus ? Cependant, le croirait-on, les Cliaumonfuis se firent prier, on dut les menacer même, et quajid ils eurent voté les ^Ix milles livres, on fut encore obligé de jeter un de leurs conci-

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toyens au Fort-FEvèqae pour les contraindre à payer le denier de ce don gratuit. Nous ne dirons pas que les subsides et les tailles diminuèrent , comme Favait promis l'intendant : il y a dans la monarchie des nécessités financières que les sujets dmfent savoir subir. Hais en i672, nous retrouvons les Chaomontais en pleine révolte à Toccasion des impôts qui étaient augmentés ; Us ne pouvaient, à ce qu*il parait, s*accoutumer à obéir sans discernement, comme le voulait le grand roi ; des placards séditieux étaient affichés dans toutes les rues ; on colportait des libelles injurieux contre le maire. L'autorité emprisonna les meneurs, les jugea avec la plus grande sévérité et fit brûler les libelles en place publique par la main du bourreau. Il est vrai que Tordre qu'on rétablit ain» ne changea rien à la situation des esprits. Mais ce n'est pas tout : en 1694 le conseil dut voter, toujours avec la même joie, un nouTeaa don gratuit de dix-huit mille livres. C'était le beau temps de h mo- narchie. Il y avait encore la subi^ntiorty impôt qui s*élevait pour la ville de Chaumont à mille livres par an, etc., etc., et il bllat verser au trésor quatre mille cinq cents livres pour faire renouveler le droit de franc-aleu qui n'avait jamais été contesté dans le bailliage. La ville avait plus de trente mille livres de dettes. Sous Louis XV, le don gratuit et la subvention furent exigés tous les ans, et noos ne voulons pas prendre note des sommes que Ton dépensa pendant le XVIII* siècle pour l'achat des offices de toutes sortes que Ton créait, qu'on abolissait, qu'on rétablissait, que Ton vendait et re« vendait selon les besoins du gouvernement. Comment les communes auraient-elles pu améliorer leurs finances!

La ville de Chnumont dont les ressources patrimoniales étaient peu considérables, ne pouvait pourvoir à ses besoins que par des impôts. Ceux qui ont été maintenus jusqu'à la révolution sont l'octroi sur le sel et l'octroi sur le vin. L'impôt sur le pain et les céréales fut supprimé en 1775.

L'octroi sur le sel qui, à son origine en 1488 , ne consistait qa*en deux sols six deniers par chique m'tnofy était, au commencement du XVII* siècle, de sept sols six deniers. En 1653, Louis XIV le porta à trois livres ; mais il s*en appropria la moitié. L'octroi sur le vin, rétabli en 1676, devait se prélever à raison de trente sols par muid vendu en détail ; dès Taanés suivante on Tcleva à trois livres ;

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mais le roi fit comme pour l'impût du sel, il s'en appropria la moitié. De sorte i|ue les droits d'octrois de la ville, en 1788, consistaient, y compris le .toi pour livre, en trente et un sols six deniers sur chaque minul de sel et trente et un sols six deniers sur le muid de vin. Le produit de ces droits, d'après rai^udicalion, était de cinq mille livres. Les recettes ordinaires de la commune s'élevant au budget à moins de dix mille livres, on doit en conclure que les s patrimuuiaiii étuicnl inférîeui's l'i cinq mille.

CUAPITnE III.

lYgusë {1598-n;

[. Le cliapilre de Cliaumont a conservé jusqu'à sa suppression l'organisation qui lui avait éli^ donnée par Sixte IV. Cependant U cure, qui était primitivement réunie au doyenné, en a été séparée en 1765. Ator^, pour se conl'onuer à un iiomcl édit, on a donné à un chanoine le titre de riiré; mais le cliapitre tout entier n'en a pas moins continué â être chargé du soin des Ames, et les cha- noines ont toujours victorieusement lutté pour éloigner les liôvolu- mirci, c'est-à-dire les curés pris en dehors du chapitre.

Lorsqu'un canonicat devenait vacant, le chapitre en informait oUicicllemeiit li mairie et de suite le conseil ordonnait la convoca- tion d'une assemblée générale des hibitants. Chaque quartier nom- mait des députés qui se réunissaient pour choisir trois notables et ceux-ci, avec trois délégués du chapitre, faisaient l'élection i la pluralité des voix. S'il y avait parUge entre deux candidats, on en référait à un éiecleur-adjoiut, homme nrulrc et mm aupcel, qui était nommé alternalivcmenl par les LaUtanls et par le chapitre. L'élection des prébundicrs se faisait de la méim manière; mais leurs bénéfices étaient amovibks. Aussitôt qu'un clianoine était nommé, les électeurs le conilnii^aicnt au chœur, le doyen faisait son- ner la cloche capitulaire en forme d'investiture, puis il lui déli\niit ses lettres de provision.

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Cependant les prescriptions du concordat n*ont pas toajoùrs été observées ; souvent aussi Tesprit de parti a dicté les choix et plus souvent encore il y a eu division entre le chapitre et les habitants. C'est ainsi que Guillaume Rose s'est donné pour successeur son oncle de Gondrecourt, tandis que le chapitre voulait élire le prieur de Buxereuilles, Balavoine ; c'est encore par les intrigues de Rose que Noël Facenet, qui n'était ni natif ni originaire de la Tille, a été fait doyen. Dans toutes les élections, surtout depuis le XYII* siècle, il y a eu brigues, cabales ; les habitants et le chapitre ne pouvaient s'entendre, et il a fallu plusieurs procès pour interpréter les pres- criptions du litre fondamental. C'est que la population, comme nous l'avons déjà fait remarquer, était divisée en deui camps et que le clergé s'était rangé sous la bannière de l'aristocratie. Cet esprit de taquinerie qui se manifestait dans toutes les occasions, avait aussi pris naissance dans les poui^uites que la mairie avait été obligée de faire contre le clergé pour le contraindre au service militaire dans les moments de danger. Cependant, si les chanoines n'étaient jamais disposés à payer de leur personne, même pour Tadminis- tretion des secours spirituels quand la peste sévissait dans la ville, nous devons dire qu'ils ont souvent contribué de leur bourse au soulagement du peuple.

n. De 1475 à 1789, le chapitre de Chaumont comptait dix-huit doyens et cent soixante-treize chanoines. Beaucoup de ces bénéfi- ciers ont fait des legs en faveur de la collégiale et quelques-uns se sont rendus célèbres. Nous citerons d'abord Guillaume Rose et Antoine, son neveu, qui mourut évêque de Clermont. Les chanoines Hérault (15M-156i) et Mathieu Michaut (1545-1592) ont fait et joué des mystères avant leur élection, et c'est probablement à eux que Ton s'adressa d'abord pour organiser les fêles du grand pardon. Un autre Antoine Rose, petit neveu de Guillaume (1634-1670), a laissé un ouvrage de théologie (1). Il parvint au doyenné par l'in- fluence de la commune. Son compétiteur était le chanoine Jacques Gaucher (1616-1641), professeur de philosophie, qui, à celte oc-

. Il Tableau de \'fIommc-J)ie>i ou MyHèrc d.' l'Incirnalion divisé en denx parties.

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Lésion, lança un pamphlel contre la mairie (1). Ce Gaucher s'est aussi fail un nom dans les lelires. A la rnSme Époque, vivoil le cha- noine Jcan-Baplisle Popinct (1031-ltill), qui, accusé du crime de sodomie, a été condamné à morl par contumace. En 1706, Jean- François de Pons fui élu cUanoinc, bien qu'il n'y eùl aucun droit, car il ébit en 1683 à Marlj, dans la maison de son oncle. C'est à rinfluence de so:i père, alors maire, qu'il dut sa nomination Taile sans le concours du chapitre et confirmée par le roi à la suite d'un procès Tameui. Le faciam que rédigea l'abbé de l'ons contre ses adversaires a commencé sa réputation liuéraire. Mais il ne résida pas comme le voulait la bulle et négligea même de se pourvoir de* ordres nécessaires, de sorte qu'il fut Torcé de donner sa démission en 1711. Aucun des chanoines de Chaumont ne partagea les doc- trines de Janséni us. malgré les instances que tirent près d'eux les génovéfms du Val-des-Écoliers, qui tous étaient Jansénistes. Cenx- ci et leurs amis s'en vengèrent par des épigrammes : t â Cbaumont, dit Muhudel dans ses mémoires manuscrits, les chanoines ont donné par écrit et, à ce qu'on croit, imprimé, qu'ils Faisaient profession d'une parfaite ignorance : c'est le ponl sur lequel ils ont passé pour éviter le naufi-age de la constitution. >

III. Les membres du chapitre de l'église Suint-Jean-Baptisle portaient l'aumusse, les fourrures et le manteau, comme les cha- noines de cathédrale ; le chantre avait dans les cérémonies le b&lon d'argent. Les revenus ordinaires de la communauté s'élevaient an- ituellemcDl à dix mille livres environ; ils étaient administrés par l'un des chanoines. La fabrique avait des marguiliiers qui rendaient compte au conseil de la commune : ce droit avait plusieurs fois, mais inutilement, été conlcsté à la ville par l'évèqiie diocésain. Le sceau de la collégiale, qui représenliiil, dans l'origine, la décollation de saint Jean-Daptisle, n'offre plus au XVIII* siècle que l'image de l'agneau du prérurseur.

IV. La commune désif-nait les prédicati'urs de l'avent et du

III (Mni(iU Ji»ir ii.iiigl.1; le Miroir d-fngralitudi Od /.( Tombeau île ta t'erlu. Cni lui qui > iHirxIua i i:li>uiii itt pfaiiaiu|ihir.

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carême et pendant longtemps elle a accordé sa confiance aux jé- suites et aux capucins. Parmi les religieux qui se sont fait entendre dans Téglise Saint-Jean, nous devons citer le R. P. Honoré, dont nous parlerons bienlôt ; le P. Ildefose, capucin à Chaumont el gardien du couvent de cette ville ; le jésuite Mugnier, natif de Join- ville et ancien précepteur du prince de Condé ; le R. P. d*Argom- bat, jacobin, qui mourut pendant son séjour à Chaumont et fui en- terré dans la chapelle du Rosaire ; le R. P. Alexis Brisejon, tri- nitaire, enfant de la ville, homme de grande réputation et prédica- teur de la cour ; Jean-François Senault, vicaire-général de Ton- toire, issu d*une lamille du Bassigny; Charles BonaTentme Mî- nault, à Chaumont, vicaire-général de Tordre deCiteaux et abbé de Yaux-la-Douce ; nous nommerons encore le P. Aimé, capucin que les Chaumontais ont souvent entendu à Tépoque le Jansénisme occupait les esprits. C'était un homme bizarre dans les idées et trts familier dans Texpression. On cite de lui le trait suivant : Un jour qu*il prêchait sur la Passion il avança que le Christ avait reçu deu mille coups de poing bien comptés et il les fit retomber par parties sur son auditoire : c cinq cents, s'écria-t-il sur ces coquettes dont les minauderies causent ta perte des âmes ; cinq cents à la police, dont les officiers m'entendent, eux qui pour des épices et du pois- son font les aveugles et rendent la justice à rebours ; à qui don- nerons nous les cinq cents autres? Aux maitôtiers qui ne manqtieQt point parmi nous. > Les officiers de la police Tarrétant à la des- cente de la chaire : t Révérend Père, lui dirent-ils, vous avex gardé cinq cents coups de poing pour vous et vous mériteries.qu*on vous les administrât. >

V. Les maires avaient encore le droit de régler la marche des processions. C'est un droit qui leur a souvent été contesté par les chanoines.

Ils devaient aussi surveiller la distribution du pain bénit, et il se commettait dans ce service beaucoup d'nbus : les parts étaient faites de manière à ne rien laisser au peuple. Nous copions le jour- nal d'un inarjijuillicr, à rannéc 10 iô. « Kl le malin j'ai élé à la dislribulion du pain béait qui se fait par L* sonneur dans la chambre haute du revcsliaire, aux ptirls suivantes : à rofficianl, un morceau

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qui est pour le moins la sixiôme partie ; ù celui qui dit l'évangile, un morceau éj^alâ celui du margiiillier ; à celui qui dit l'éptlre, un morceau deui fuis aussi gros que celui de l'évangile ; à celui qui doit le dimanche suivant faire le pain bc'iiit, un morceau égal à celui de l'épUre et qui s'appelle Chnnieau ; à celui qui a ollerl le pain du jour, un morceau un peu plus petit ; au marguilller un morceau égal à celui de l'évangile ; au conlrùleur un morceau un peu plus petit ; au marguiUier de Saint-Michel, un morceau très pelitet quasi honteux, puisque Saint-Micliel en donne un sulS- sammenl honnête au contrôleur de Saint-Jean ; à l'hûpital un petit morceau ; aux prisonniers un petit morceau ; au sonneur-maltre, un morceau plus gros que celui de l'épitrei aux quatre autres son- neurs, chacun un morceau plus gros que celui du marguillier ; aux deux bedeaux, cliacun un morceau plus gros que celui de l'évangile. Le doyen envoie demander un petit morceau qui ne lui eslpas refusé. EnGn, le procureurducljapitreâun morceau aussigros queceluide l'évangile. Le reste, queje n'estime pas être la sixième partie, se met en quatre corbillons, pourêtre distribué au peuple. > Les marguilliers résolurent enlln de remédiera ces abus (ICGi) ; mais le chapitre leur en dénia le droit. La ville intervint et il fui décidé en conseil que te dimanche 7 mai, après la bénédiction du pain, les mai^uilliers le feraient porter à l'œuvre pour le distribuer au peuple, aprit ton- te/biien ai'uîr pitrté un morceau konnèlc iitr Vauld pour Ictoffi- cianii ; que le maire, les échevins et le conseil assisteraient à l'office pour maintenir le droit en cas de résistance des chanoines, et qu'ils seraient assistés de deux notaires. Il y eut cii effet résis- tance ; mais les notaires n'osèrent en prendre acte, le lieutenant- général Lemoyne, qui était présent, les ayant menacés de destitu- tion. Les marguilliers protestèrent : < Vous êtes, vous, leur dit l'oflicier du roi, les valets des prêtres, taisez-vous I Le maire ayant voulu alors intervenir, Lemoyne l'injuria, le menaça et le frappa même de la main au visage. Celle insulte était fiiite n toute la comy mune. Le conseil se réunit immédiatement ; il députa le maire i Paris, —c'était M. Petilol, —pour demander justice et réparation; il le pria d'agir avec vigueur, et, en attendant, il fit prévenir les ha- bitants qu'il ne devait plus y avoir de pain bénit. Une querelle de sacristie devint Dff:iire d'Etat. Cela prouve avec quelle persistance

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les habitants, qui se voyaient enlever une à une toutes leurs libertés, résistaient à l'oppression. Le roi se montra indigné de rinsolenee de son officier ; il reçut le maire en audience particulière et re- tint TafEûre ; puis, après avoir reçu le rapport du bailli, il la ren- voya au comte de Soissons, gouverneur de Champagne. Enfin, ptr jugement du 34 août, il fut ordonné c que le sieur Lemoyne, en per- sonne, dirait et déclarerait qu'avec emportement il avait frappé le sieur Petitot, maire, qu'il était fiché de Tavoir fait, qu'il lui en demandait pardon et le priait de l'oublier. » En effet, le lieute- nant-général appelé à Paris s'exécuta en présence du comte de Sois- sons, du duc d'Estrées et du comte de Brienne. M. Peûtot ne revint à Chaumont que dans les premiers jours de novembre el il remit au conseil l'acte rédigé par le gouverneur pour constater k réparation. Quant aux prétentions du chapitre, elles ne furait ju- gées que deux ans après, à la satisfaction des marguilliers et du peuple.

Souvent des processions sortaient de l'église Saint-Jean pen- dant le cours de Tannée : à Pâques, on allait à Saint-Âgnan ; ma Rogations, la procession s'arrêtait à Notre-Dame-de-Lorelte, i k Maladière, à Buxereuilles et au pied de plusieurs croix érigées sur les chemins. Toutes les grandes processions faisaient balle i Saint-Michel. Celle de la Fête-Dieu s'arrêtait, par suite d'une fon* dation, devant la maison du contrôleur Guyot, rue de l'Etape, la famille du fondateur devait ériger un reposoir (1624). Etienne Huré, seigneur de Reclancourt, avait fondé (1619) h procession du jeudi de l'octave de la Fête-Dieii, et elle s'arrêtait devant sa maison. Le dimanche après l'octave, la procession devait s'arrêter devant la maison de Gondrecourt (1617). Enfin des processions avaient été fondées (1628), au dedans et à l'entour de l'église, pour le premier jeudi des mois de janvier, avril, juillet et octobre. L'or- dre des confréries dans la marche était ainsi réglé : à h tète, immé- diatement après la croix et les bannières, marchaient les bonnetiers portant le bâton de Sainte-Barbe ; venaient ensuite Sainte-Anne, des menuisiers ; Saint-Joseph, des maçons et autres ouvriers en bâtiments ; Saint-Honoré, des boulangers et pâtissiers ; Saint-Jean- l'Évangélisle, des bouchers ; Sainl-EIoy, des maréchaux et autres qui travaillent le fer ; Saint-Pierre, des tisserands ; Saint-Etienne,

195 des drapiers ; la Notre-Dame, des couiiuriert; Sainl-Crtipiu, des cor- donniers et collerons; Saint-Michel, des tanneurs, et Saint Louis, des sergents royaux ; (]uant au\ marchands, ils n'assistaient qu'aux processions du Sainl-Sa créaient et aiarchaienl, avec leurs flam- beaux, autour du dais.

VI. Beaucoup de reliques étaient offertes h la piété des fidèles dans l'église de Cliaumonl. Plusieurs lui avaient été données par Jean de Montmircl et Nicole de Laharmant les avait apportées de Rome dans un superbe reliquaire d'or. On remarquait encore une épine de la couronne du Christ portée par un ange d'argent ; la chemise de Nolre-Dame-de-Lachâtre qu'on prêtait aux femmes enceintes pour hAter leur délivrance; la couronne des patenôtres d'argent qui servait à parer les jeunes mariées ; le chef de Saiiit- Jean-Baptislc avec du sang de ce martyr ; la pierre Saint-Jean, espèce d'agate de forme ronde à Inquelle on attribuait la propriété de guérir les yeui. Des images de la Vierge, de Saint-Jean, Saint- Sébastien, Saint-Jacques au grand chapeau, Saint-Philippe aux co- quilles, étuienl aussi en grande vénération. Trois bustes en argent, faits en 16G5, Saint-Agnan, Saint-Bernard et Sainl-François-de- Sales, renfermaient des relit{ues données par le chapitre d'Orléans, par l'ubbaye de Clairvaux et par la famille Rose. EnCn, il y avait encore le reliquaire des onze mille viei^cs et quelques parcelles du bois de la vraie croix envoyées de Rome par le sculpteur Guyard. Nous ne placerons pas au rang des reliques le dragon que l'on por- tait en léle de la procession des Rogations, non plus que les bâtons qu'empruntaient les rois du gàieati et Je ta fève, le drap des petits enfants morts et autres objets qui ne relèvent que du casuel.

VII. Nous avons compté au cartulaire plus de cinquante fêtes particulières qui se célébraient solennellement à Chaumunt par suite de fondations. Nous devons citer parmi les bienfaiteurs de la collé- giale, depuis le XVI' siècle, les familles de Laharmant, Guillaume Le Saulnirr, de Daillancourt, De Gié, Michelin, Malingre. Gousset, De Grand, Rose, de Gondrecourt, Thumassin. Fagotin, Gaucher, De Mégrigny, Mailly, Le Bon, Arnoull, Henri Tappeiel, Lemoyne,

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Labonne, Labbe, Guyot, Villault et Balavoine. Plusieurs de ces fli- miUes avaient des chapelles particulières. Nous signalerons pami les fondations d'offices religieux^ le service fondé en 1650 par le chanoine Etienne Fagotin, c en iâveur des pauvres négligés diml les âmes sont passées dans l'autre vie sans aucun secours ni suffinget particuliers ». Ce service des pauvres se célébrait chaque année, le mardi et le mercredi après la Pentecôte, avec la plus grande solennité et Ton devait se servir des plus beaux ornements de l'élise. Nous signalerons encore la fondation du chanoine Etienne Berihier* Par suite d'une vieille coutume qui remontait, disait-on, an paga- nisme, les nouveaux mariés de Chaumont se réunissaient le pre- mier vendredi du carême et parcouraient les rues de la ville, pré- cédés d'un violon, en faisant toutes sortes de farces et en h Ikem^ eiant à de$ actions indécentes^ souvent très scandaleuses et suriomt peu conformes au temps de carême. Le pieux chanoine, voulut bire disparaître ce vieil usage et, d'une dévotion spéciale envers les cinq plaies du Christ, il fonda pour ledit jour de vendredi de et- rêmCf la fête des cinq plaies, afin de fournir aux jeunes mariés les moyens d'employer plus saintement leur journée. Aux cinq prinei* pales heures de l'office, on devait distribuer : ^u doyen, cinq foie quatre sols ; aux trésorier, chantre et choristes, cinq fois trois sob; à chacun des autres chanoines dnq fois deux sols; aux quatre pré- bendiers, cttif fois quatre sols ; aux habitués dnq fois six deniers ; enfin au maître de musique, pour lui et les quatre enfants de chosor qui complètent le nombre ctiif , cinq fois trois sols.

Vin. Tous les travaux qui ont été exécutés dans l'église de Oom- mont pendant les XVII* et XVm* siècles, ont eu pour résultat de dénaturer complètement le style de ce vieil édifice. Les rfmnftjiw^ trouvaient l'église trop sombre. Lorsque, en 1625, on répara le petit clocher du chœur, qui venait d'être détruit par un incendie, ils profitèrent de l'occasion pour faire visiter les voûtes et voir s'il serait possible d'ouvrir sans danger de nouvelles fenêtres dans la nef. L'architecte et le maître tailleur de pierre, qui avaient entre- pris des travaux à Châleauvillain, pour le maréchal de Vitry, apnt déclaré que le projet des chanoines était réalisable, on se mit im- médiatement à l'œuvre. En 1634, les nouveaux jours étaient ou-

197 verts. C'était le commencement du vandalisme, et, pendant ces tra- T3UI, on quêtait dans la ville pour d'autres prétendues restaurations. Bientôt après on fit regratler et peindre le portail des Baptêmes, et nous supposons que le sculpteur Collignon, de Nancy, qui était alors à Chaumont, fut chargé de ce badigeonnage (1). Ou agrandit les Tenêlres du chœur en 1 643. Deux ans après, un vent impétueux occasionnait des dégâts qui nécessitèrent de nouveaux travaux. En 1660, on restaura la tour du Sépulcre et huit ans après, on plaça sur le maître autel les statues en pierre dorée de Saint-Jean-Bapliste et de Saint- Jean-l'Évangélisle, avec un grand crucifli en bois au milieu, le tout sculpté par maître Nicolas Uonginol (i). Le pre- mier ouvrage que Bouchardon père Ht pour l'église Saint-Jean est un Christ (1693) qu'on lui paya quatre-vingt-dix livres. La ville lui commanda ensuite un banc-d'osuvre et une chaire i prêcher dont l'exécution parfaite établit la réputation de l'artiste.

L'année 1706 fut falale au vieux monument. C'était l'époque toutes les églises de France se disposaient à la romaine. On repré- senta au conseil communal que des personnes de distinction, de 6on goût et surtout des étrangers bom connaitieuri, trouvaient que l'église de Chaumont, en lui donnant le même tour, serait dans sa perreclion et surtout da mkux cclairéct. Sur ces assurances, l'as- semblée donna plein pouvoir au maire ; le chœur fut visité par l'é- vèque qui autorisa les travaux et l'œuvre de vandalisme fut aussilAl reprise avec une nouvelle ardeur. On abattit les meneaux des pi- gnons et des fenêtres ; on élagua la forêt de stalactites qui couvrait les nervures de la voûte, et le jubé qui était a l'entrée du chœur tomba sous le marteau des barbares, pour dégager le crotton. L'an- cienne grille du chœur lit pince â une nouvelle, d'un travail plus simple, plus rofjiniii. Le vieun maître-autel fut banni. On vendit celui qui était placé entre les deux piliers du fond et en le démo-

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(2) La J(Di tUlaMoatMdIt teiimlMit liimEll(croclEi<|Bir«al»<]m. DiiUtni i'or ichrUV* t Ptrii pour éartr en ïmtect Dii iif fiittt Iid.1 livm. boii tu coâlail Onu cl il (ainilli pour Inmllfr incl'iuUl Iroîi. U ln»il du dnnmr t\é ptr« Innlc li'ret k HDDgiuiil cl on «ncar* d^prnir m coulfun et plnreani ^uiln 1i<rn buil loli, ri «I rirai) el «ilm itoj-nm inaira liim dii tcli .

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lissant, on détruisit un bas-relief de la Tomsainî^ que Ton «fiit trouvé superbe quelques années auparavant et qu*oii n^avait pas voulu peindre dans la crainte de lui enlever son mérite artistique. On ne respecta pas même les tombes des vieilles familles chaunioa- taises et on tailla en pavés les pierres tumulaires des bienEUteurs de la collégiale. U restait encore, comme un souvenir de Fantique ba- silique, de vieilles peintures qui couvraient cinq des piliers de la nef : on les fit disparaître en 1725. Nous voyons avec peine Boii- chardon sacrifier aussi au mauvais goût du siècle et se mêler an Vandales.

Quarante ans après, les prétendus hommes de goût qui voulaleat rajeunir Téglise de Cbaumont se remirent à Tcsuvre. Us remfda- cèrent les portes, les confessionnaux, les bancs par de la menuise- rie moderne ; ils lambrissèrent les murailles ; enfin ils firent blan- chir à la chaux tout l'intérieur de l'édifice, en recommandant bien aux ouvriers c de rechercher avec exactitude les ornements du chœur, de peindre à Thuile, en couleur incarnat, les quatre évangélistes attachés à la voûte, d'en dorer les draperies et de peindre pareille- ment à rhuile et en noir les attaches des defs de voûte. » Ces quatre évangélistes, qui avaient échappé aux premiers coups de marteau, devaient être abattus quelques années plus tard, parce que les chanoines redoutaient leur chute. Enfin, le romain fut complété en 1 780, par la construction d'un autel en marbre, au cbcsur.

CHAPITRE IV.

SUCCURSALES, MAISONS REUGIEUSES, COLLAGE, HOPITAL

(1598-1789).

I. L'église collégiale de Cbaumont avait trois succursales : Saint- Michel, Saint-Agnan de Reclancourt et Nolrc-Dame de Buxereuilles. Le prieuré dont dépendait Téglise Notre-Dame a été réuni au cha- pitre en 1621.

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Nous avoils déjà dît comment l'église SaiiiI-Mîcbel-du-Doui^ fut érigée eo paroisse pendant la Ligue. On dut bientôt l'agraudir. Des travaux considérables y fiirenl exécutés dans la première moitié du XVU' siècle et une nouvelle dédicace de l'édilice eut lieu le 11 no- vembre 1652. Deux conrréries étaient fondées dans celte église, l'une sous le patronage de saint Micbel, l'autre sous celui de la Trinité. Celle-ci était 1res nombreuse. Le grenetier Jacques Le- moyoe lui avait fait don, en 1609, d'une image de la Trinité, en argent, ciselée par Gédéon Legaré (1). La cliapelle du sépulcre, fondée par le bourgeois Malbieu Chanoine el Uarguerilc de Mont- saujon, sa femme, était remarquable par ses verrières de couleur. Le cimetière réservé près de cette église a servi aui inhumations de la ville haute jusqu'en 1783, époque à laquelle on a ouvert le nouveau champ de repos. Au milieu s' élevait un autel du Dieu-de- PiUé.

II. n y avait encore deux chapelles dans l'intérieur de la ville : celle du Pabis el Sainl-Luce. Dans la première était une Vierge à laquelle on attribuait le don des miracles cl qu'il était d'usage de porter processionnellement pendant les calamités publiques. Saint- Lucc avait été fondé en 16C2 par Jean Labonne, diacre à Rome et porte-croix du pape. Le fondateur avait envoyé d'Italie pour celte chapelle, qui avait titre de prieuré, des tableaux et des ornemenis précieux, un cristal renfermant du lait de la Vierge el un buste de 8aint-Luce avec une partie du criSne de ce martyr. Dans les grandes fêtes, le prieur offrait à baiser ce crâne aux Gdéles el il leur distri- buait, après l'offrande, des parcelles de coton qu'ils mettaient dans leurs oreilles pour se préserver de la surdité. Cet usage a été obser- vé jusqu'à la Itévolulion.

ni. Hors des murs de la ville, étaient les chapelles de la Moladière, de Nolre-Dame-de-Bonne-Nouvell'î , de Nolre-Dame-dc-Lorretle et de la Madelaine. Noire-Dame de la Maladièrc était l'ancienne chapelle de la Maladrerle : depuis le XVTI' siècle, on n'y célébrait que rarement le service divin. Notre Dame-de-Bonne-Nouvelle, à

(I) nio ptuil lii rnirti fl mil Mûli" wnl finilnuinBl doau lltrci. UflH ^Uil

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rorganisateur de b famille. Il contracta dans la yille des liaùoog n étroites d'amitié, il reçut des habitants des témoignages si nombreux de sympathie , qu'il exprima le désir de venir mourir au miliea d'eux. En quittant Chaumont, il alla former d'autres maiaoïis jusqnes dans le midi et quand on fit de la Champagne el de la Lorraine une province de l'ordre, en 1606, il en fut le premier provincial. Trois ans après, il vint se réunir aux PP. du couvent de Chaumont dont le P. Ange de Paris était alors gardien. D y resta plusieurs années et fut enfin nommé provincial de Paris. Cest en cette qualité qu'il revint en Champagne en 1624, pour y tenir le chapitre de l'ordre comme commissaire général. II ne manqua pas de convoquer ce chapitre à Chaumont ; mais arrivé à Tn^es, le R. P. dont le corps était épuisé par le jeûne et les mortifications, tombe dangereusement malade. Toutes les instances qu'on fit pour le retenir dans cette ville furent inutiles, et comme on le priait d'ajoamer le chapitre : c Non, répondit-il , je veux aller à Chaumont pour y guérir ou y mourir ; les Chaumontais sont mes eniants bien aimée. » Il présida en effet l'assemblée ; il voulait même reprendre son bâton de voyage pour aller à Rome, mais les forces lui manquèrent. Le P. Honoré est mort à Chaumont le 26 septembre, après avoir donné sa bénédiction à plusieurs personnes de la ville, notamment au maire Villault, qui la lui avait demandée au nom de tous les habitants. Le peuple accourut en foule pour voir le corps du bien- heureux Père ; chacun cherchait à se procurer, conmie re/ifuei, quelques parties de ses vêtements, c sans la présence de quatre religieux et de deux archers , on aurait même arraché toute k barbe du défunt. » L'inhuminalion se fit le lendemain avec une solennité inaccoutumée ; on déposa le corps au milieu delà chapelle du couvent, sous une tombe de pierre entourée d'une petite bt- lustrade de fer, et cette sépulture, qu'on ornait souvent de fleurs, devint l'objet d'une dévotion fervente.

Au mois d'avril 1632, deux capucins de Paris vinrent visita la sépulture du P. Honoré, afin de rendre témoignage à la postérité de l'identité de la dépouille mortelle. Pour ne pas émouvoir le peuple, ils firent l'ouverture du tombeau pendant la nuit (1) ; mais à la

(4 ) lU tTaitnt d^poȎ diui le cercueil aoc Urne de plomb avfc cette inicriptioB : c iinilO

203 messe du lendemain on s'aperçut que la pierre lumuiaire avait élé déplacée et le bruit se répandit aussilûl dans b ville que le corps était enlevé. Le peuple ;iccourut de tous les quartiers, il envahit le couvent elle P. Mathieu de Sainl-Dizier, alors pardiun, fut obligé de recourir à l'autorité du lieulenant-général. On ne put apaiser l'émeute qu'en ouvrant de nouveau le cercueil. La sépulture du P. UoDore a encure été ouverte en I63C, pendant la peste, et alors, pour rendre, dans ces tristes circonstances, un hommage solennel â la mémoire de celui que les habitants appelaient le l'rotecicur de la ville, la mairie lit renfermer le corps dans un cercueil de plomb. Une inscription gravée sur la pierre lumuiaire rappelait tous ces fails (1).

Cependant on parlait de miracles opérés par l'intercession du capucin de Chaumont, non seulement dans cette ville mais dans toutes celles qu'il avait habitées ou qui possédaient quelques-unes desËS reliques. Le portrait du P. Hunoré était dans toutes les mains : on l'avait d'abord peint à Chaumont sur des ovales de cuivre pour l'eipédier dans les provinces; on l'avait ensuite gravé à Troyes, et il avait été peint en grand, à Paris, par les soins de b princesse de Ligne et de la duchesse de Villars. Enfin, en 1C37,

Domini milltiimo trigttimo ueundo.dit vigttimd nond aprUii.ltae lamina Tteondita eit in hoc iiimtilo, ut sciant inipeciuri hicjacerc a»a veneranili patrit Honorati. pariiini pronincialii capaeini, qvi obiit anao Domini millnimo lexeenteiitno vigetimo quarto, dit vigtiimd itxtd $tpteml)Ti4. n

(l)V«ciMWiD«riplion:

Soll Dto nonor tl Gloria'.

Binjaett R- P- F- BONOBATVS, Paritinu4 eapueinvt, dij^itor eaptItUi gtntraUi, oelo' t'ranciie. primas Campaniœ tt Lotbaringia Provineialls ae in divtriis provineiis siriié eommissariiu gtntralis, qui sieul in ci'Id amaUtit valdi il maltum lam à suis quam ab tiiernii houoralui, sic in morlt, maximi in funcribiii tll lopra madam honoraliu, Obiit in alir- nHfn nonoranif ui in/ioeconiKnlu, anno Domini I6'U, dit M i»pumbris. Sic honorabitur giumcuriigue volutril rex honorare.

Anno vero t(tS6. dit primd mtnsii aug. ex pop. Calnomont volo, tavients ptiliUntid, dt lUuttr. et révérend. U. II. Ling. Epiic. faeultatt, dieti A. P. asta piumbed tt stried eopiulâ deeentiiis involuta, hoc eodem anno

TCcondita lunl. i riurrifilisii naifmifc dtnt tt «rcd*il, m 1G32, on mil nKsre ijooU : SoU Deo Bonor et Gloria !

Caluomont, civet pesle armisgue graiiantious, hœe rcligio, P. Honorali a Champigny. l'arisini cspucini. oisa. curanlibus DD. Joan. Paillot tquile Domino a fi'oury urbis majore, ot Dni Mamet» Duprtg tl Claudio Piat teabini. qua ab anno lGi4 hic haiai jacurranl, de titandalo R" h. D. lit- bailiani Zamet. Ling. Ep., ptr ministerium R. P. Piaeidi Calr. hi^us ..._ Q^^rdiani; hunorifictnliiit collocdrunt Soi. sext. lUSn.

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tous les corps constitués de la Tille de Chaumont adressèrent une requête à la cour de Rome pour obtenir la béatification de celui qu'on honorait déjà comme un saint. On ordonna une enquête qui fut ouverte pendant plusieurs années. Anne d'Autriche, qui atait fldt célébrer pendant neuf jours, au mois d'août 1640, on ofBce partie culier dans l'église des capucins de Chaumont pour obtenir par Fin- tercession du P. Honoré l'heureuse délivrance de sa grossesse d^à fort avancée^ appuya la requête des Chaumontais ; le roi m écrivit à son ambassadeur à Rome, au pape lui-même ; mais comme une béatification occasionnait des dépenses considérables, Tathire n*eiit pas de suite (1).

Plusieurs chapitres généraux de l'ordre de Saint-François ont encore été tenus au couvent de Chaumont, notamment en 4632 par le R. P. Montallier, et en 1643 par le R. P. Innocent de Gahta- gironne. Les capucins ont fait preuve de dévouement dans tons les jours de calamité dont la ville était affligée, et les habitants ont toujours été reconnaissants de leurs bons services. Souvent k mairie leur a fait l'aumône : en 1690 on leur a donné le bastion Gontigu à leur jardin; quand ils ont voulu reconstruire leor maison, en 1768, la ville y a contribué et le maire en a posé so- lennellement la première pierre. Indépendamment du corps du P. Honoré, l'église des capucins de Chaumont oflrait encore à k dévotion des fidèles l'image prétendue miraculeuse de Notre-Dame d^ Amour qui y avait été placée en dépôt, sur la demande des PP., par les héritiers du P. Jean-Marie, de Chaumont, deux ans avant qu'on ne lui attribuât le don des miracles.

YI. Les carmélites avaient été appelées à Chaumont par M. d*An- delot, en i 623, vingt ans après l'établissement de cet ordre en France ; mais il ne devait jamais y avoir au couvent plus de vingt religieuses. M. d'Ândelot avait préféré, disait-il, la ville de Chaumont à toute autre à cause du respect et de la bienveiUance que sa famille

(I) Voyet La liste des Merveillet tfue notre Dieu a faites en ce royaume par le» intereesiions du R. P. Honore de Champigny , provincial des R. P. Co- pucintdê Paris. Paris. Sébastien Cramoisy. 1G4I . Et Histoire de la vie et mort du R. P. Honoré Bochart de Cha'mpigny capucin^ par le P. Henri de Calais^ dédiée à la durhesse d'Orléans. Paris, 'lé 49. L'«oqoéte, <loa( bou itoim DiM copie, foroio oo trèj fort TolauiC; ia«4*, œaousciit.

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yavailloujoursrenconlrés et parce que M. Je Dinleville, son oncle, y était né. Les carniéliles arrivèrent au mois de septembre ; on chanta à leur entrée en ville une messe en musique et on leur olTril, au nom des habitants, des ornements pour leur chapelle. M. d'Andelot, mort en 1632, M"" il'Andelol, morte en lGi4 au couvent même, et la marquise de Bourbonne, morte en 1 (382, avaient leur sépulture dans la chapelle.

C'est à la même époque que M"°* Boural et de Grand de Brio- court ont fondé le couvent des ursulines. La chapelle ébit vaste et bien bAlie. Jean-Baptisie Doucliardon en avait refait l'autel prin* cipal. Les religieuses étaient chargées de l'enseignement des jeunes fiUes.

VII. H. d'Andelot voulait encore établir tes PP. de l'Oratoire à Chaumonl ; mais les habitants commen<.'aient ù s'alarmer de cet enva- hissement de la ville par les établissements religieux et ils s'y op- posèrent. Ils repoussèrent deux fois les Récollets. En 108â, le cou- vent de Benoitevaux, de l'ordre de Citcaux, ayant été ruiné, les religieuses demandèrent l'autorisation de se retirer dans le fief du Nounj, au faubourg de la Maladière. Cette autorisation leur fut provisoirement accordée; mais qunnd, d'après les conseils du P. Lachaise, confesseur du roi, elles manifestèrent le désir de s'é- tablir déCnilivement à la Hadelalne, la mairie souleva de telles diffi- cultés qu'elles durent y renoncer. On éloigna les minimes de Bra- cancourl par le même motif qu'on avait allégué contre l'établisse- ment des Récollets, c'est-à-dire qu'il y avait assez d'un ordre men- diant dans la ville.

Tin. tl nous reste à parler de deux établissements qui sont â la rois religieux et civils : le collège et l'hâpital.

Nous avons vu commencer le collège de Cliauraont au XVI' siècle (1541). Aux Etals d'Orléans on avait ordonné, c en considération de ce que c'était chose bonne, sainte et cipédiente à la république que d'instruire la jeunesse, > que dans chaque collégiale, une prébende serait réservée pour l'eiilretien d'un précepteur chaîné de donner gratuitement l'instruction. Les chanoines de Chaumont avaient longtemps résisté à l'esécution de celte bonne et S3ge or-

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donnance ; il avait Tallu les actionner devant les tribunaax, et encore ne s'étaient-ils rendus qu'en 1574, après un arrêt sans appel qui les condamnait à payer annuellement deux cent quarante lifres pour le revenu d'une prébende affectée au mattre des écoles.

Les Cbaumontais ont d'abord appelé des recteurs de Paris pour régenter leurs écoles. Le premier fut François Desgroulx auquel succéda Jehan Bocal. En 1569, le recteur Nicole Foissey recetait cent trente livres. Quinze ans après, on appela de Brienne Jehan Buchier, qui eut pour successeur Gaspard Clary. Celui-ci se noya dans la Marne en 1590, sous les yeux de ses élèves. C'était un excellent professeur que la ville regretta beaucoup. On écrivit i son mattre, Noël Facenet, pour le prier de pourvoir le collège d*im nouveau recteur et, comme le savant chanoine était alors expubé de Langres, comme ligueur, on lui fit entendre qu'on serait bien aise qu'il vint lui-même si Chaumont était digne de lui. D vint en effet et, deux ans après, Guillaume Rose le fit mettre A la tète du chapitre de la collégiale. Facenet, après avoir quitté le doyenné, reprit la direction du collège, aux appointements de deux cents écus. Il eut pour successeur Jacques François, célèbre jésuite, à Varennes, qui fut ensuite professeur et chancelier de l'université à Pont-à-Housson. U avait cinq cents livres par an (1). Maître Regnault Cordier succéda à François en 1601 (3); mais, comme il négligeait les élèves, on lui substitua, huit ans après, Jacques Martin, qui resta au collège jusqu'à l'installation de Tordre des Jésuites en 1618. Martin avait pour collègue Didier Cordier, que l'on conserva jusqu'en 1636, pour enseigner à lire et à écrire aux enfants des petites écoles; puis, comme la classe n était plus fréquentée qoe par douze élèves, on la supprima et on donna au mattre des secours sur la caisse de Fhôpital. Il avait eu jusques-là cent livres; les quatre cents autres du budget de l'instruction publique étaient don- nées aux jésuites.

Dès la fin du XVI* siècle, on avait formé le projet de fonder i

{4) François est mort t Belms en 4639. U a publié dÎTcn triTaos théolo|iqMi tl quelques pièces co Trrs.

(2) Conlirr. Inrs de son enln^e an collège, a publia un petit lirre intitulé : Quatre IHscours dcvotz et nècettairet à l'institutton da chrétien. A Chaumont, ebes Quentin MtiriV:t.aI, impriii;eiir-librairf, proche la halle, tCOI . Ce livre^ déilié à i'écbcvi- nage, reufernie quelques détails sur la Diablerie.

- 20t ChaumoDt un collège de jésuites et en 1607, les bourgeois les plus riches avaient souscrit l'ensageraent de doter le nouvel élnblisse- metil. Mais celte dotation fut l'œuvre des cnranls du prév<)( Kicolas Rose : Guillaume, Claude, Marguerite, et de Catherine Desroura, leur mère. Des lettres patentes du It juillet 1617 ayant autorisé la fille à traiter avec la compagnie, les jésuites furent installés, dès l'annfc suivante, après les vacances de PAques. On mil en vente l'ancien collège et, avant même que le général de l'ordre eût donné son autorisation, qui n'arriva qu'en 1G30, on commença les tra- vaux pour la construction de l'église et des classes. En attendant, les professeurs occupaient une maison particulière de la rue de l'Etape. Le maire posa la première pierre de la chapelle le 18 mai 16^9, et F. Laurent Michel, abbé du Val, en fît b dédie: novembre 16-10. Le portail était composé de deux ordres d'archi- tecture ; le corinthien, ûla base, formant un avant-corps couronné par un fronton, à chevron brisé, qui supportait un pélican; au-des- sus, le composite, qui faisait également saillie. Le tout était sur- monté d'un écusson aux armes des Ji^suiles, terminé par une croix. A l'arrière-corps, étaient deux atliqucs, aux armes des fondateurs, supportant des vases et d'autres ornements. L'intérieur de la cha- pelle est du même slvle (1). Les deux autels latéraux devaient être attribués aux fondateurs ; mais Catherine Desfours ëlail morte en 162S et Guillaume Rose était entré en religion ; il ne restait donc plus que Claude, conseiller au bailliage, et Marguerite, sa sœur, veuve de Nicolas Dehaull. On donna le câtê de Tépltre aux Rose et celui de l'évangile aux Debault {■!).

La ville a aussi fait beaucoup de donations au collège : elle a acheté une partie du terrain sur lequel les classes ont été construites ; elle a donné quinze cents livres, lorsqu'on a commencé les travaux, et, pendant plusieurs années, elle a payé une subvention de mille

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lii trait iivm apiw la n^rplion.

{2) Ninlu DdiHll, irigiifBr Jt HorUal, ii,\l Gh de Pirtrt, proeinrar Ja roi i ChiB- »Bi. S< hniM lunnl « 4G44 ri tuliohnmf* itn la clup* ledit tellègr. Oa iMacU da fiViH qui ni h iroilt iln rhtcat Ir marbrr lar 1«[>ipI 'liil fntit Kn •'|ii'tjiliD :

« Ici glt dantoiitUt Margutritt Hait, vrfve du fiu litur Kicola§ Dtfiault. ieuijtr, cttnaiier du S-iint-Sipulelirt, fondateur it e* eotligr. Déeidét il IV février ^tU. Agi» de tu a»i.

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- «08

livres. Elle a encore voté le traiicmcnt d*un proresseur de rhétoriqae et elle fournissait le bois pour le chauffage de rétablissement. Ce- pendant, il n*est sorte de chicanes que Guillaume Rose, qu'on aiait nommé recteur , n ait faites à la mairie. Cétait an homme remuant, emporté , qui sans avoir égard à la situation financière de la ville, que la guerre et la peste venaient d*épuiser, réclamait sans pitié un arriéré qu*il était impossible de lui payer. On lui avait déjà proposé divers arrangements qu*il avait repoussés, quand, en 1640, on lui offrit, pour en finir, Tabandon du bois du Fajs. A cette nouvelle proposition du maire le P. Rose répondit par des injures. On lui reprocha en vain son peu d'affection pour sa patrie, son ingratitude ; on lui représenta la misère des habitants et l'opulence de la communauté dont il était le chef; mais il n'en persista pas moins dans ses réclamations et intenta un procès qu'il alla lui-même soutenir à Paris et que, pour l'honneur de la com- pagnie, on termina l'année suivante par une transaction. Rose foi alors remplacé à Chaumont, sur la demande des habitants, par le P. PhiUppe Nicaud. Mais la série des procès n'était pas encore épuisée : on disputait aussi à lune des familles fondatrices mi banc dans le chœur, et une sentence de Chaumont condamnait les PP. Us en avaient appelé à Paris, quand un Chaumontais, l'une des prin- cipales illustrations de l'ordre, le P. Lemoyne, intervint et apaisa la querelle. « L'affaire au roy n'est pas fort bonne estant de fort peu de chose et contre ce qui est à une fondatrice, écrivait-il de Paris au recteur; elle fera grand bruit au parlement qui ne noua est pas aujourd'hui fort favorable ; nos ennemis ne manqueront point de la relever et de faire sonner haut nostre ingratitude. Au- jourd'hui ce n'est pas la saison d'avoir des affaires à la cour de parlement : il y en a qui n'attendent qu'une sembhd>le occasion pour descharger contre nous le venin qu'ils ont amassé depuis quelque mois ; la cour ne manquera point de confirmer la sentence rendue contre vous ù Chaumont, et il vaut bien mieux se tenir à cela que de venir ici exposer la réputation de la Compagnie pour une affaire il n'y a rien à gagner et beaucoup de bonne re- nommée à perdre (i) >. C'est sous le rectorat de Galaad Dehault

(I ) Celte lettre que nous possi'Jioni est maintonanC aa musée de la fille.

qui avail pour collègue l'hislorio^plie du l eïêché, Jucques Vignier, de Bar- sur-Seine, que l'on coiiâtniisil ta liiblioliièque, la salle des congrégations el le salon jiourjoiier la traijèdie. Ce Gnbad éUiil le fils de Nicolas Dehaull el de Hurguerite Rose ; il avail fail ses études en théologie à Rome, et, en quittant celle ville, il avail reçu du gé-' néral la mission de compléter l'organisation Ju collège de Cliaumont. C'est encore â celte époijue que l'on créa la chaire de philosophie (1658).

Le chanoine Jacques Gaucher, dont nous avons déyi, eu occasion de parler, avait ouvert un cours de philosophie à Chaumonl, du consentement el avec l'aide de la ville, dès 1623. Ce cours avait' été repris en i&i^ par des minimes, puis par des Jacobins. Le P. Mazenod, au nom de ces derniers, harangua le conseil en latin, pour en obtenir l'autorisation nécessaire, cl le maire lui répondit dans ' la même langue. C'est alors que, pour faire cesser un enseignement souvent opposé à celui de la congrégation, le P. DehauU Tonda una^ chaire de philosophie au collège. Cependant les jacobins n'en con- tinuèrent pas moins leurs leçons, qui furent reprises ensuite par M. Arminol, docteurenlliéologieetcurédeLarerté; mais, en 1682, U ville traib avec le collège cl elle n'autorisa plus les cours parti- ' cuiiers.

Lors de l'expulsion des Jésuites en 116^, la mairie donna la direction du collège au curé Pemy cl nomma cinq professeurs. L'évéque chercha bientôt i faire entrer les prêtres de la Doctrine dans cet établissement. La mairiey aurait consenti; mais la inajorilê des habitants ne voulait plus contler l'enseignement A une congre- galion religieuse : k proposition portée au conseil général de la commune y fut donc repoussèe par dix voix contre neuf Cependant, les partisans des Doctrinaires ne se tinrent pas pour battus; ils attendirent l'ocasion, el, dans une réunion ils remarquèrent l'absence de quelques valants qui leur étalent opposés, ils Crunt adopter te projet du l'évéque par onze voii contre sept. Alors le P. Collard, ancien supérieur de Ij congrégation, vint à Chaumont pour traiter avec la ville et il prit possession du collège le premier octobre 1775 (1). Il y avail neufprétros enseignant, parmi lesquels

H I U tmli cH Ja int.:i Ji jailltl >T7S , k uWe <r*V**i >*• iwrow

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on distinguait le P. Rarbe, professeur de rhétorique, qui a publié un recueil de fables fort estimé.

IX. L'hôpital de Chaumont a pris une grande eitension vers le milieu du XVI* siècle. C'était devant la porte de cet établissement qu'on distribuait aux pauvres les aumônes publiques sur des listes dressées par Féchevinage. Indépendamment de celte charge y qui était considérable, et de l'entretien des malades, l'hôpital nourris- sait encore le taureau bannal, il payait le pâtre de la ville et logeait une sage-femme. Son personnel, au commencement du XVII* siècle, était ainsi composé : un gardien qui avait quinze litres par an et cinq sols par semaine ; une sage-femme aux gages de cinq livres ; un desservant qui touchait vingt-six livres douze sols un denier ; un chirurgien aux gages de vingt livres, et un administrateur comptable qui avait trois livres par an. Les sœurs de charité y ont été installées en 1672, à la suite de plusieurs donations faites par les habitants : mais les revenus de ce précieux établissement ne de- vinrent suffisants qu'en 1697, lorsque les biens des maladreries de Chaumont, Vignory, Ândelot, Grandvaux, Clefmont et Le Tronchoj furent réunis à sa dotation. Quarante ans après, on chargea deux nouvelles sœurs de l'instruction des jeunes filles qne leors parents ne pouvaient pas envoyer chez les religieuses nrsu- lines.

L'administration de l'hôpital a, de tous temps, appartenu à h commune. Ce droit, si légitime, puisque la maison avait été fondée par les habitants, lui fut cependant contesté au commencement du XVIII* siècle, par les officiers du roi au bailliage ; mais leur pré- tentions furent repoussées. La mairie fut moins heureuse contre les chanoines qui se firent donner par arrêt le droit de disposer de quatre Uts. Le maire Cadié, calomnié par le chapitre, ne put pas obtenir justice et il dut se contenter de la réparation que lui firent les boui^eois en le maintenant, pendant plusieurs années, à la tète de l'administration. Nous savons que Taristocratie le fit ensuite brutalement destituer.

fcVlevalonl h scpl niill^ wpl conl qu.itrc-vinj^Ur.onf livras, «loni quatre mille quatre ccnl* «lii livres cil iiiaisons et (erraj^cM, dcui milie tuiit cent suix^nlc dixoltoil livres par coosti- tiition (le rfutc5 et riiiq cent pa\»^ii» i :>r 1 1 ^il!e vl le rli.ipitre.

Depuis longtemps déjà il ùUtil reconnu que l'hdpital n'ùlail pas assez vasle.Dès 1031, M. Gnniier voulait iju'oii appelât à Chaumont les sœurs de la cliarilû et il avait donné le plan d'un établissement nouveau, offrant, pour commencer l'œuvre, le concours gratuit de son ministère el seize milles livres. Ce généreux chaumontaîs était médecin. Un chirurgien, M. Devaulx, avait aussi offert ses services et huit cents livres ; mais les malheurs que la ville éprouva à cette époque empêchèrent l'exécution de ce plan. Un autre projet Tut présenté à la mairie su commencement du XVIII' siècle t M. Puissant, greffier en chef du liaitlinge, proposa de fonder une maison d'asile dans laquelle on recueillerait tous les mendiants qui pourraient encore travailler et on apprendrait des métiers aux enfants pauvTes ; il dotait la maison de vingt mille livres. C'est alors que H. Mailly, pour s'associer â celte belle œuvre, donna à la ville le bénéfice de la Madelaine. Déjà Jean-Baptiste Bouchardon avait fait les plans de l'asile et l'administration était en instance pour obtenir l'autorisation du gouvernement, lorsque le président de Gondrecourt fut nommé maire. A cette époque, la commune était entre tes mains du bailliage. On abandonna le projet, el le don de M. Puissant fut offert â une autre ville qui s'empressa de l'accepter. Enfîn, en H-iO, sous l'administration de M. De Pons, la question fut résolue et l'on construisit le nouvel hôpital, au faubourg, sur le chemin de Btixereuilics. L'architecte Porgeot, qui avait taii le plan, s'était aussi chargé de l'exécution- Les travaux furent terminés en 1762. Alors on vendit l'ancien Ilôtcl-Dieu pour le démolir : on n'en conserva (jue la grolte de la Madelaine qu'on replaça dans U cour du nouvel établissement.

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LIVRE CINOUIËIIIE.

ETènemeDts politiques dans leurs lappoiU avec l'histoiie de I& Ville, pendant les IVD* et IW.' siècles.

DEPUIS LA r&tx

CHAPITRE PREMIER

; VEUvins jusqu a la giterru: de LonnAiim. (1508-1633).

I. Le premier maire de la ville de Cliaumonl fut le conlr^leur Nicole Villaull, liomm? d*^voué aui intérêts de la commune et qui avait en même temps la coiiliance (lu roi, car, pendant le règne di; Henri IV, l'administration communale a toujours été populeire. L'ancien agent Itoberl Ncurien rem|ilaça Villaull, puis te choix de^ électeurs tomba sur le boui^eois Tbeveuin Lenjs. La paix régnait dans le royaume et les habitants étaient exclusivement occupés ù consolider leurs libertés. L'histoire lie la ville ne peut donc offrir aucun événement remanfuable en dehors de ia chronique adminis- trai ive.

Villaull fut réélu en 1010. Les premiers mois de celte année s'écoulèrent en réceptions et en fêtes. La présence du marquis de Retnel altimil à Clinumont un ijrand nombre de seigneurs des en- virons. Le Jour de caTùmepratani, il les invita à un grand tournoi pour lequel on dépava la rue de Buxereuilles dans toute son éten- due. Ou reçut M. de Rohan, colonel des suisses, le i mai. Il entra en ville accompagné du maire et des éclievins qui étaient allés à

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cheval au-devant de lui, à deux lieues ; toute la milice était sous les armes.

n. Hais le deuil devait bientôt succéder à la joie. Douxe jours après le passage de M. de Rohan, on reçut la nouvelle de Taltentat commis sur la personne de Henri lY. Le conseil ordonna des prières publiques ; il prit des mesures pour la sûreté de la place, et, comne M. de Reynel était retourné à son château, on le pria de revenir en toute hâte. Bientôt après, on apprit la mort du roi. La conster- nation se répandit dans toute la ville ; le deuil fut général, et pendant quatre jours, du 20 au 24, on célébra des services religieux dans réglise Saint-Jean. Le soir, on faisait des aumônes aux pauvres. Le 23, le P. Honoré prononça Toraison funèbre. Mais, le lende* main, les tentures de deuil avaient disparu ; on chanta un Te Deum et on cria : Vïvc le roi Louis! Le maire était déjà parti pour por- ter au jeune prince et à la reine-mère Thommage des habitants. Le soir, on alluma un feu de joie sur bi grande place an son de toutes les cloches et au bruit du canon des remparts. Le peuple se tenait à Técart ; il semblait prévoir les maux que les deux règnes suivants allaient faire peser sur lui.

Villault alla encore à Reims, au sacre de Louis XIII ; mais Tannée suivante, quand ses concitoyens voulurent le réélire, il les supplia de n*en rien faire. La mort du roi conciliateur avait aussi jeté le découragement dans les rangs de la bourgeoisie. On le nomma ce- pendant, et il n'accepta que pour ne pas faire croire à des div'uUnu fMrmi les Chaumonîais, Mais ces divisions existaient; les officiers du roi étaient hostiles â la commune ; ils avaient un parti puissani, sinon nombreux, et ils allaient commencer contre elle cette longue guerre dont nous connaissons les diverses phases et les résultats.

III. Le nouveau règne occasionna des troubles, comme toutes les régences. Lorsque les Importants se retirèrent de la cour (i 61 4), le maire de Cbaumont. M. Jullyot, alla porter au roi de nouvelles assurances de fidélité au nom de ses concitoyens. La reine-mère avait écrit de veiller mieux que jamais à la sûreté de la ville (i).

(I; LeUrei it\ie» de P^rii, le îéxner f G4 i .

2ift En effet, la vigilance Était nécessaire, car beaucoup <le genlils- honimes du Bassign; s'étaient ilùclarûs pour les rebelles et ils espé- raient entraîner les Chaumonlais dans le parti ou surprendre la place. La noblesse n'avait rien perdu de sa turbulence, et, se croyant émancipée par les divisions qui régnaient à la cour, elle aurait volontiers recommencé les |>etites guerres Téodales. Le fait que nous allons raconter montre ce dont elle élait capable.

Le seigneur de Bonnecourt, GuyonveJle, étant mnl dans ses af- faires, sa terre avait été mise en vente, et M. de Bologne (1) l'avait achetée. Guyonvelle crut le moment favorable pour y rentrer; s'è- lant donc jeté dans le parti des princes, il se ligua avec son cousin Auriltut, qui avait levé une compagnie de chevaux-légers. l\ n'y avait que quelijues hommes d'armes à Bonnecourt; leur ri'siGtance fut inutile ; Aurillot se rendit maître du chûteau sans beaucoup de peine. Les bâtiments de la basse-coor étaient en feu : le fermier, sa femme et ses enfants, qui essayèrent de fuir, furunl repousses dans L'S flammes. On courut à Mogent pour implorer le secours de Ponlis, que H. de Bologne y avait laissé en partant pour Paris, la reine l'avait iippelé; mais ce lieutenant n'avait que très i^u de inonde. Cependant il lit monter h cheval tous les jeunes gens du pays et cinquante mousquetaires. Il n'en fallut pas davantage pour chasser l'ennemi qui abandonna tout son butin. Mais Aurillot n'était pas homme à quitter ainsi la parti?. Pour se venger, il fit alliauce avec quelques autres seigneurs de la même cabale et déclara la guerre à Pontîs. Celui-ci dut aussi chercher des alliances. Ayant appris par ses espions que les conreurs devaient loger à Pressîgny, il en donna avis à M. de Francicres, gouverneur de Lnngres, au marquis de Reynel, à Cbnumont, et â M. de Saint-Aubin, qui commandait à Montigny. Aurillot fut donc cerné. Reconnaissant sa délivrance im- possible, il fil retraite dans une maison particulière et se barricada dans sa chambre. On enfonça les portes ei les barricades cédèrent. Alors le chef de bande ne voulant pas se rendre â Pontis, fil appe-

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1er H. de Franciëres et lui remit son épée. Conduit à Langres» le prisonnier y fut reçu par les huées de la foule; on tira même sur lui un coup de mousquet. Cependant les nobles le réclamèrent. Pour échapper à leurs insl<inces, le commandant le fit conduire à Chau- mont et le livra à la justice qui le condamna à avoir la tête tmn- chée. Mais la noblesse du Bassigny ne pouvait pas hisser exécuter un de ses gentilshommes, et on conseilla à Aurillot d'appeler de la sentence de Chaumont. Une embuscade avait été préparée pour le délivrer, près de Bar-sur-Âube, tandis qu*on le conduirait i Paris. Pontis, instruit de ce complot, fit prendre à Tescorte un chemin de traverse. La sentence ayant été confirmée, Aurillot fut exposé en Grève avec Técrileau : Pour h-ûleniatU et incendlesj puis on lui trancha la tête (1).

IV. Cependant Tannée des Princes approchait. Le conseil de ville pria M. d*Andelot de lever quelques hommes de pied, pour garder les faubourgs et entrer dans la ville au besoin ; on fit tra- vailler par corvées, aux travaux de défense, tous les habitants aisés de la commune et des villages voisins, et Ton resta sur le pied de guen^e jusqu'au moins de septembre, bien que le traité de Sainte- Menehould eût suspendu les hostilité?. Les états généraux étaient alors réunis à Paris. Le bailliage de Chaumont y avait député Denis Largentier, abbé de Clairvaux, et Pierre Piétrequin, doyen de Chau- mont, au nom du Clergé ; messire Juste de Pontalier, baron de Pleurs, de Tordre de la Noblesse, et pour le Tiers-Etat, François De Grand, lieutenant criminel et François Jullyot, maire de Chaa- mont.

V. La paix ne fut pas de longue durée, et pendant les trois années du mariât de Gilles de Leslre (1615-1618). la ville fut continueOe- ment en présence du danger. Les habitants avaient cru devoir mettre le prévôt du roi a la tête de Tadmlnistralion, dans ces temps difficiles, bien qu*il fût Tennemi des libertés communales, pour donner une preuve éclatante de leur fidélité. Le 31 juillet 1615, Louis XIII écrivait aux Chaumontnis : c Ayant jugé à propos main-

ly \v\'Z l«-î Vcmoircs du sieur de Vottiin. < rillriciou MiihdoJei Poujoulti.

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lenanl que nous sommes préls de nous acheminer en noire province de Guyenne pour l'accomplissement i!e noire mariuge et celuy d* noire Iras cbtre sœur aînée, de ponrveoir à la seurelé rie nos ville* , et pliices, pour cmpescher qu'il n'y arrive aucune alléralion qat puisse troubler le bien et repos de nos bons subjects, mesme sur I l'occasion du reffus que noire cousin le prince de Condé, asuslé de -j nos cousins les ducs de Longueville, de Mayenne, Comte de Saint» | Paul et Mareschal de Bouillon, nous a fait de nous veuir accompi- J pier en notre dit voyage, ce qui nous donne asscï de subjed d'ci trer en deûlance de leurs intentions ; nous vous faisons celle-ejF 1 pour vous ordonner de prendre de voire pari le soin que vous deb*- j vcz de la consenation de notre ville de Cliaumont et à cet efliat * faire faire bonne et eiiacte garde aux portes d'icetle, et y donner ' tel ordre que lesdils princes et seigneurs susnommés, ou autres | Ë'advouant d'euii, n'y entrent sans lettres ou passeport de nous, qu'il n'y soit fait aucunes pratiques et menées contraires et préjO' I diciables â notre authorité et service et repos de la ville, sans ton- I leffois vous allarroer n'y prendre a cesle occasion aulcun ombrage | les ungs des aullres ; ains vous conserver tousiours en la mesme . amitié et intelligence que vous avez eue avec les aullres villes vai» sines. I

Les corvées recommencèrent donc. 11 était ordonné à tous In habitants de porter l'épée et de se tenir préls à tout événement Le mari]uis de ileynel cl M. d'Andelot vinrent ù Chaumont. Ïm marquis, qui avait commission pour faire des levées, manquai I d'ui^enl ; il en demanda ù la ville ; mais on lui répondit que iM j habitants étaient trop pauvres pour satisfaire à sa demande et on Ift I supplia ainsi que M. d'Andelot < de laisser libre le pauvre peupl«^ ' mais de convoquer la noblesse obligée par le deu de ta charye, dt | veiller A la conservation du pays. > Pour nous, ajoutèrent les mem- bres du conseil, nous répondons de la ville.

VI. Dans la nuit du 5 ou G septembre, un sieur de Cressii s'empara du château de Luzy et y mît bon nombre d'hommes aa J nom du prince de Condé. Dés le lendemain, il écrivit au maire de Chaumont pour une conférence qu'il désirait avoir avec lui, disant qu'il éluil ou:i de ceux de U ville et des environs ; mais ses avances

218 -*

furent repoussées, et le conseil fit même arrêter et poursuivre le capitaine qui u*avait pas su conserver le château. On défendit en même temps aux habitants d'aller se joindre aux compagnies que levaient dans le pays Luxembourg, Guyonvelle, Clincbamp et d'autres rebelles, sous peine de voir leurs femmes et leurs enfiuits expulsés et leurs biens confisqués* D'Andelot, qui venait de lever cent hommes de pied, reprit Luzy à la fin de septembre, puis il fit la chasse aux coureurs, rentrant de temps à autre à Chaumont oA il envoyait tous ses prisonniers ; mais il fut blessé le 27 novembre, près de Bar-sur-Aubc, par les gens du pays. Le marquis de Rej- nel venait d*étre tué et laissait le gouvernement de Chaamont à son fils.

VII. Langres et Chaumont ne s'étaient pas franchement récon- ciliés depuis les guerres de la Ligue. Il y avait encore entre les habitants des deux villes une vieille rancune qui éclatait scaTont en propos injurieux ; mais nous devons dire que Tautorité s'efforçait d'apaiser ces querelles particulières pour prévenir des luttes plus sérieuses. C'est ainsi qu'à Chaumont la mairie avait obligé im bourgeois à faire des excuses à un Langrois qu'il avait appelé Fou. Cependant le danger commun rétablit des relations de bon voisinage, et le 5 janvier 1616, les Langrois écrivirent aux Chaumontais pour twvir inleUigcnce avec eux. Cette démarche fut reçue à Chaumont avec joie ; on répondit qu'on n'avait jamais eu d'autre opinion des habitants de Langres que de bons serviteurs du roi, et l'on convint d^une entrevue à Nogent, pour s'entendre sur les moyens de rétablir l'ordre dans le pays. La principale place d'armes de la révolte était le château d'Aigrement qui appartenait à H. de Luxembourg. Les deux villes contractèrent une alliance pour la destruction de cette redoutable forteresse, et comme les Chaumontais hésitaient à livrer leur artillerie, on convint le 8 mars, dans une réunion qui eut lieu à Chaumont en présence de MM. d'Andelot et de Francières, que Langres fournirait le canon et tout l'attirail nécessaire à l'expédition, moyennant deux cents livres que Chaumont lui donnerait et trois milliers de poudre. Il devait cire pourvu par moitié aux autres ap- provisionnement. Tous les paysans du Uassigny avaient promis leur concours ; on allait commencer le siège quand le roi ordonna

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de suspendre le^ préparatifs (1). Il venait de signer une suspension d'annes. On obêil à cel ordre avec d'aiilani plus de regret que le CDpilaine de la Calandre, commandant do Monléclair, ^uj tenait lâte àrennenii, avait été lue quelques jours auparavant; mais on IraiU avec la garnison d'Aigremont qui manquait de vivres et, moyennant quinze cents livres, elle s'eiiga};ea à ne faire aucune course dans la campagne pendant les négociations pour le rétablissement de la paix. i.es deux villes payèrent les quinte cents livres sur la pro- messe que leur fit le roi que celte contriliulion serait plus tard répartie sur toutes les paroisses du bailliage.

VIll. Le roi et la reine étant rentrés h Paris d'où la révolte les avait fait sorlir, le maire de Cliaumont alla leur présenter les com- pliments de la ville (23 mai). Cependant les espérances de paix ne se réalisèrent pas et bientAt le pillage recommença dans les cam- pagnes. On demanda de nouveau la ruine d'Aigremont. Les gen- tilshommes, ceux qui élaient restés fiiléles au roi, députèrent & Paris, pour cel objet, le seigneur de Braux ; les villes de Langres et de Cliaumont y envoyèrent de leur c6té; mais il fut impossible d'obtenir une réponse positive : < Nous avons été bien reçus, di- rent les députés de Chaumont à leur retour, mais nous n'avons pu rien faire à cause de la grande confusion qui règne au conseil da roi, et l'on va rentrer en plus grands troubles qu'auparavant, i H. d'Andelot, qui était alors à la cour, leur avait recommandé de foire faire des prières à Dieu pour qu'il ait pitié de son pauvre peuple : on pria et on Gt des processions.

Les Ctiuumontais furent instruits par le roi de rarrestation du prince de Condé (2). Ce fut le signal d'une nouvelle guerre civile qui occasionna de grands désordres en Champagne, surtout dans le Rheteiois et dans les environs de Iteim?. M. d'Andelot revint i Chaumont et sa présence fit cesser l'indécision dans laquelle se trouvait le conseil, relativement à la défense faite par le roi de re- cevoir le gouverneur de la province, M. de Nevers, dans le cas il 66 présenterait aux portes de la ville (3). Mais le danger était

Ml LtUmdiSTmin 1616

(1) UUtn ia s tnfUmltt (Ole

(5) IfUnt do 1S nsTcmbrc ICI6. Jiiu la^urlln U roi rend mivfti de » qui ('ni

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grand, car de toutes parts on recevait avis que les rebelles avaient dessein de surprendre Chaumont. Le prévôt-maire, moins géné- reux que les habitants, aggrava encore la situation en amealant contre son autorité une grande partie de la population, par ses en- treprises contre les droits de la commune. Le poids de la misère retombait en grande partie sur le peuple et c'était bien le moins qu*on le consultât dans les graves circonstances Ton se trouvait. Cependîmt, au lieu d'appeler, selon Fancien usage, tous les citoyens inscrits aux rôles des quartiers, pour délibérer en assemblée générale, on ordonna à chaque quartier d'envoyer dix dépatés à cette assemblée. Le peuple refusa de voter ; il se répandit tumul- tueusement dans la ville en accusant de trahison les officiers du roi et surtout De Lestre. Ce magistrat fit emprisonner quelques bour- geois, et, après avoir réprimé Témeute, il fit publier qu'en attendant Tapprobation de la nouvelle ordonnance on n'appellerait aux assem- blées que les chefs de quartiers et les principaux habitants, c'est- à-dire ses amis.

Heureusement Tennemi ne fil aucune tenliitive contre la ville. Le 21 février 1617, on publia à son de trompe la déclaration du roi contre le duc de Vendôme et les autres chefs de la rébellion. Le 24 avril, le roi annonça la mort du maréchal d'Ancre, en disant qu'il avait voulu le faire arrêter mais qu'il s'était tué en se défen- dant. Enfin, le 17 mai, on reçut l'heureuse nouvelle de h conclusion delà paix. On chanta le TcDeum officiel; mais on avait si peu de confiance dans l'avenir qu'on n'osa pas faire de réjouissances pu- bliques.

IX. De 1618 à 1634, la ville a eu successivement pour maires François Jullyot, Nicole Villault, Jean Baptiste Lemoyne, Gilles de Lestre et Maurice De Grand. Villault réélu pour la quatrième fois en 1627, ne voulait pas accepter, s'excusant sur son grand ftge, mab le peuple le maintint et ce digne magistrat est mort dans l'exercice de ses fonctions à Tâgc de soixante-huit ans.

La guerre civile n'avait été que momentanément suspendue et cette période de vingt-six ans n^olfrirait à notre récit que les alter- natives de calme cl d'a^'ilation qui ont signalé les années précé- dentes ; !iou> ne nous y arr</lcrons donc pa>. Les nouvelles sont-

- 2Î1 - elles à la guerre, on fail bonne garde ; parle-l-on de pah, on eti- loniie le Te Deum. Nous recueillerons seulement quelques fiiits. Le duc (le Guiso élait à Joinvillu uu mois de juilieL IGiO, el il SO' "^ disjios.iil à venir à Chaumont. Comme le roi avait défijndu de le re-/ | cevoir, to conseil élait Tort embarrassé. EiiCin on décida qu'on l». recevrait aussi hononiljlemenl que possible, pour ne pas le mécoo-, tenter , mais qu'on ne lui présenlerail |)as lus cleis de la ville eti qu'un ne tirerait pas le canon. C'c^t l;i dernière preuve que les^ 1 CbaumontHis aient donnée de leur dévouement à la inaiiion de Lorr j raine. Le 21 novembre 1027, le marquis Je Bourbonne écrivait i au maire qu'il avait arrêté, par l'ordre du roi, un milord anglais el que le duc de Lorraine menaçait d'assiéger le château de Coifljr ce prisonnier était détenu ; il demandait des munitions qu'on lui refusa parce que la ville n'en était pas sudisnmment pourvue. Ce prisonnier était lord Monlagu, envoyé parles cours d'Espagne et d'Angleterre pour fomenter une ligue contre la France. Bour- bonne, en récompense de son zélé, succéda trois ans après k M. d'Andelot dans h lieulenance de Champagne, et il lit son entrée solennelle à Chaumont, en cette qualité, le dimanche après la Saint- HailinenlGSO ; maisil se brouilla bientôlavec les liubilanls, à propos d'un règlement nouveau qu'il voulut introduire pour le service mili- taire et qu'on refusa d'exécuter, malgré les menaces que lit le ro3r-| I quis de donner la girde de la ville à des soldats du roi. Ce régie-, meut avait été sollicité par les nobles el par les chanoines, parce que la mairie astreignait alors tous les privilégiés bu service de la garde qui était devenu pour lesmiliciens des quartiers une chaîne trop onéreuse. Au mois d'avril 1633, les Jeunes gens non mariés etr quelques hommes choisis dans la milice urbaine, allèrent, sur l'ordre) t du roi, prêter main-forle à la Jusiicc pour la démolition du châteav I de Cirey, dont le liarou venait d'être condamné â mort pour r»* I bcfiton, félonie et autres crimes de lèze-niajeslé, VoilA, avec h) ' passage dj roi, en ItiiT, tout ce qui mérite d'être pris en nolej dans l'ordre des faits politiques. Nous signalerons aussi quelques I actes de l'administration. Comme le nombre des mendiants et des.i vagabonds croissait de jour en jour, on ordonna ù tous les élran- gerj, qui ne pourraient pas justiller de moyens d'existence, de quitter la ville dans les trois jours, sous peine d'être attachés deux

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à deux et employés aux travaux publics (1618). On organisa h messagerie de Paris : les deux messagers devaient partir altemati- Yement de Chaumont le dimanche et arriver à Paris le jeudi soi* vant pour distribuer aussitôt les lettres et paquets qu'on leur avait confiés, remplir leurs commissions le vendredi et le samedi, et re- partir le dimanche suivant (1622). On renouvela encore les anciens règlements de police relatifs à la sûreté et à la salubrité publiques, aux jurements et blasphèmes, et à la fréquentation des tavernes. D j avait alors quarante-deux tavernes et cabarets dans rintérieur de la ville et six dans les faubourgs.

CHAPITRE II.

DE LA GUERRE DE LORRAINE A L'aVÉNEMENT DB LOUIS XIT

(1633-1643).

I. Voici une époque de misère et de ruine pour la ville de Chau- mont ; mais elle nous offre Texemple d*un grand dévouement. Le maire Jean Paillot, conseiller élu en l'élection, est, dans toutes les circonstances, le défenseur énergique du repos, de la fctrtune, des libertés, de la vie même de ses concitoyens. Paillot était venu de Bar-sur-Aube s*établir à Chaumont il avait acheté un office de judicature. Il y avait bientôt acquis de la popularité. En 1618, on l'avait appelé au conseil de la commune, et trois ans après, sous le maire Villault, il avait accepté la charge de premier échevin, mal- gré lui, car il savait qu'il y serait en butte à la haine des gens du roi. Enfin, en 1 634, il avait été élu maire.

n. Le mariage clandestin de Gaston d'Orléans, frère du roi, avec la sœur du duc Charles IV, avait attiré sur la Lorraine tout l'effort des armes de la France cl de ses alliés les Suédois. Au printemps de l'année 1634, les deux duchés de Bar et de Lorraine étaient au pouvoir des Français, à l'exception de Bitscheet de La-

- «23 motlic, cil Bussi^ny ; Charles s'ét;iil relire en Alsnce ou les Suédois le tenaient en éelicc ; les aulres membres du la maison de Lor- raine étaient riigilifs.

Louis XIII donna l'ordre au maréclial de la Force de s'empar» de Lamulhe, et le 8 mrirs la ville fui investie. C'éMt querelle ds princes ; les Cliampi'nois n'avaient aunin motif de liajne contre les Lorrains, aussi le maire de Chaumonl s'empressa -t-ii, de l'avis du conseil de la commune, de donner asile à ([ueligues demoiselles. La ville était sur le pied de guerre ; Ions les remparts étaient ar- més, le service de garde se faisait avec ta plus stricte sévérité et, pour en alléger la cliar<;e qui pesait sur la bourgeoisie, on avait forcé les chanoines, les prt^lres et tous les nobles à s'armer ou il se faire remplacer dans les quartiers ; les veuves fournissaient le feu et la lumière aux gardes de nuit. On avait aussi organisé un service pour les abords de la place : des corps-de- garde étaient établis dans les faubourgs ; des postes de sept hommes gardaient les ponts des' Tanneries, de Buiercuilles, de la Maladière, de Choigncs et la c4te du Val. Ce service était confié aux habitants des villages voisins. Enfin, ta place ébit fournie de provisions pour plusieurs mois. Une entente parfaite régnait entre Langres et Cliaumont.

Le marquis d'Ischc (1), qui commandaitâ Lamothe, se défendait vaillamment; le 31 nvril, (]uand le rempart avait cédé sous les coups du canon ennemi, il avait refusé de se rendre. II tint encore près de deux mois ; mais il fut tué le Si juin. Les assiégeants, qui ne s'attendaient pas à uue aussi longue résistance firent alors venîr de ChaumonI du canon et des munitions, et ils reprirent le siègs avec une nouvelle vigueur. La mort du commandant n'a\'ail rien changé h la défense ; les babilants tinrent encore pendant plus dW ' mois; mais enfin, manquant de tout et n'ayant aucun espoir d'être' secourus, ils capitulèrent le SC juillet. M. Périgal reçut du roi le' commandement de celte place importante (2).

(i; Aaluinr te Choitciil. En ifiOl. m nia» J'iaai, nolli! Mirquii «tait <mmI* . à Myr« indue a( lani permUiion àet turii, i»e* l'^glÎM Stial-Miclul ii Cba«-, uKOl. Mirgucrilc Donncl, illlr J'gn iui(i»lril d> Nii>f>.

n\ VnTM Bittùire de la villa »t de* rteux tiégei it LaKOlht. par M. Dubsif ■liRÙKoiin. Nfiirrhllr», ISII, la-S-. NiraJu D<>l>or>, l'gi-lr^r .Iv « tiirr. aiâ» tpetaé, ta 1010. Annr Loin, ùKr A<i nr,-tal di ( luDuanl Gillnili Lfitig uiioMi ,L. it:..,....! B 1,1 ... I g

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III. Quinze jours avant la capitulation de Lamothe, le cardinal de la Vallette était venu à Chaumont (1) avec H. de Choisy, inten- dant de la province, le marquis de Reynel et H. de Bourbonne. Toutes les délibérations relatives à la défense du pays se prenaient alors dans un conseil composé de ces quatre seigneurs, du maire, des officiers du roi, des capitaines et chefs de quartiers. Pour ai- der le maire dans ses pénibles fonctions, on nomma, au mois d*août, un major de place, le sieur Lachapelle, qui devait remplacer le bailli en son absence; mais, comme les habitants obéisaaient difficilement à un chef étranger, on dut le remercier deux mois après.

IV. Au mois d'octobre, un désordre momentané vint encore lyoo- ter aux vives inquiétudes des Cliaumontais. Des cavaliers péné- traient fréquemment dans la ville, sous le prétexte de visiter leur commandant qui y était logé ; mais comme ils se promenaient le pistolet au poing et qu'ils visitaient les bastions, leur conduite de- vint bientôt suspecte. D'ailleurs les gardes de nuit se plaignirent du désordre que ces cavaliers occasionnaient à la sortie des bals que leur chef donnait aux dames do la ville. Le maire leur enjoignit de sortir de ruite et il défendit les bals. Malgré la vive opposition des officiers tlu roi, il fut obéi. L'aristocratie ne lui pardonnait pas sa sévérité dans le service militaire et elle ne laissait échapper au- cune occasion de le lui faire sentir. Ainsi les chanoines, pendant le séjour de Lavalette, avaient voulu faire une procession générale, sans en prévenir la mairie. Paillot s'y était opposé, et, pour (aire respecter son autorité et les privilèges de la commune, il avait dé- fendu de sonner les cloches. Le chapitre avait été blâmé par le car- dinal. Les ennemis du maire l'accusaient d'être favorable aux Lor- rains et de les recevoir dans la ville, contrairement au service du roi : ces Lorrains si dangereux étaient des écoliers qui voulaient continuer leurs études et que M. Perigal avait pris sous sa protec- tion. D'ailleurs Paillot ne faisait rien sans consulter le conseil el il n'avait pas hésité a expulser un grand nombre de maçons du duché qui travaillaient aux Jésuites et aux Carmélites. On allait jusqu'à

(t) Hy mU jusqu'au 26 .

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lui reprocher de vouloir (iiire au pied de la ville une nioiton forte : e'étatl la ferme du Nourry, dont il rolevajl les murs et que l'aris- tocratie appelait par dérision le Ckàteaii-Pailloi.

V. Bourbonne soutenait les ennemis du maire. Il avait lui-même plusieurs griefs contre la commune, notamment le peu de cas qu'on avait fait d'une exemption de garde accordée par lui aux chanoines. On avait aussi refusé l'entrée de la ville, à neuf heures du soir, an vicomte d'Estange, son beau-frère, qui avait été obligé de coucher au faubourg, l'ennemi étant prés de la ville. Le marquis vint à Chau- mont le 17 décembre. La colorie se réjouissait de son arrivée, car il avait déjà menacé Paillot, il voulait lui lailler da croupiéra et le vietire à la rutjon ; mais le maire, qui avait réclamé la proteclioa du roi, s'abstint de faire visite au lieulenant-eênéral; il lui fil dire qu'il craindrait quelque entreprise contre l'honneur de la ville. Ce- pendant il donna l'ordre de lui présenter les anneaux des portes. Bourbonne convoqua aussilél, dam ion hôiel, le conseil, tous les chefe de quartiers et les notables, pour U tervice du roi. Personne ne répondit à son appel ; on prétexta la liberté des délibérations. Il voulait seulement attirer le maire en sa présence. Etonné de la ré- sistance des habitants, il lit une seconde convocation en annonçant qu'il n'y avait pas de délibération à prendre el qu'il s'agissait seule- ment d'une communication importante. Sur celle espérance, le conseil se rendit à l'invitation, mais en exigeant du maire la pro- messe qu'il resterait à l'hâlel-de-ville. Le lieutenant-général ne sut pas cacher son désappointement en remarquant l'absence de Paillot: Mon intention, dit-il, n'était pas de lui faire du mal dans la ville, en sa qualité de maire ; mais qu'il prenne garde d'être rencontré à la campagne. » El il congédia l'assemblée après avoir donné quel- ques ordres relatifs au service. Celle déplorable alfatre n'en resta pas là. Le i9 janvier 1636, le marquis de Bourbonne revint & ChaumonI, el, comme le roi n'avait pas encore répondu à la requête relative aux menaces, Paillot observa la même réserve que l'année précédente. Le lieutenant -général réclama sa présence avec de nouvelles menaces : f Si nul ne veut faire justice, dit-il, je la ferai moi-même ; je ferai prendre le maire par mes gardes et le jetterai en un cul de basse-fosse, et puisque le conseil auto-

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rise le maire, je leur ferai ressentir que, le roi m^ayaiit poanra de ma charge, j'entends être obéi : je ne souffrirai pas qu'un petit conseil me fasse la loi. > Indigné de cette impertinence, le conieil de la commune décida que le maire, attendu le mauvais vonloir du gouverneur, donnerait lui-même Tordre aux capitaineB. D «a fut ainsi et Bourbonne furieux partit pour Paris. PaiUot Tj suivît de près. Les a£bires de la ville l'ayant appelé à Châlons quelques jours après, les gens du roi, le clergé et tous les mécontents avalent [uro- fité de son absence pour intriguer contre lui et faire colporter une dénonciation f qui n'avait autre fondement, dit le registre du con- seil, que le bon ordre et les grands soins que le maire avait apportés en cette saison, tenant la main contre tous, sans distinction, à l'eié- culion des commandements du roi, aux ordres de nos seigneurs et aux résolutions de cette chambre, pour le service du roi, bien et seureté de cette ville. > C'était pour prévenir cette dénondatîon que Paillot se rendait à Paris. En partant, il avait prié ses conci- toyens de ne pas renouveler son mandat aux prochaines élections, dans la crainte de voir retomber sur la ville la haine de M. de Bourbonne : il fut néanmoins réélu, et son frère fut choisi pour capitaine par les jeunes gens de la ville et des faubourgs dont on venait de former une nouvelle compagnie. Le frère du maire était un ancien officier dont la bravoure a?ait été éprouvée dans différentes batailles, et qui, après avoir quitté le métier des armes, avait aussi acheté à Chaumont une charge de judicature. PaiUot, après tous ces témoignages de confiance, ne pouvait pas refuser de reprendre sa place à la tête de l'administration communale. De plus rudes épreuves allaient être imposées à son dévouement.

VL Le Bassigny était depuis longtemps ruiné et les excès des soldats du roi n'y étaient pas moins redoutés que les courses des garnisons ennemies. Pour comble de maux, on ressentit bientôt les atteintes d*un fléau plus terrible encore que la guerre : la peste s'abattit sur cette malheureuse province. Dès le mois de mars, les villages voisins de Chaumont en furent décimés. On ferma les portes de la ville et on défendit nu\ habitants de sortir, sous peine de mort. On avait dressé une potence ù Cliaumont-le-Bois, du côté de Re- clancourt, pour rexccution des arrêts qu'exigeaient le salut public.

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CepeiKlanl le mal, que ne pouvait arrêter ni les remparts, ni le canon, se glissa au sein de h population consternée. Le 3 juin, un homme mourut de la contagion dans les prisons. Son corps Tut porté le soir et inhumé hors de la ville, sous In surveillance des ar- quebusiers, par trois autres prisonniers auxquels on donna la li- berté. Ces précautions étaient inutiles : le C, il y avait déjà quatre nouveaux cadavres que l'on fit enterrer prés de l'ermitage Saint- Roch. On réunit alors les chirurgiens qui rerusèrent de donner de) secours aux pestiférés, alléguant qu'il y avait danger et qu'ils étaient chargés de famille ; ils voulaient renoncer même à leurs visites ordinaires ; mais le maire les menat^a de la privation de leur art et de l'expulsion. On Tut forcé de faire venir des chiruipens étran- gers, comme aussi un parfumeur et det taccards. On établit un mes- sager dans chaque quartier pour tenir la mairie au courant des pn>- grès de la maladie. Le 13 on demanda au chapitre un prêtre pour assister les pestiférés, et aucun des prébendiers ou des habitués de la collégiale ne voulut remplir ce devoir. Le doyen Rose et le cha- noine Fagotin s'olTrirenl volonlairemcnt, mais la mairie les remer- cia de leur zèle charitable et elle accepLi l'offre d'un prêtre étran- ger à la collégiale, Pierre Beaupoil, qui s'était déjà signalé par son dévouement en pareille occasion dans la cure de Condes. 11 fut commis seul pour administrer les sacrements au:i malades et rece- voir les actes qu'ils auraient h faire au dernier moment. Les habi- tants atteints du mal devaient aussitôt se retirer dans les loges que l'on avait fait construire sur le bord de la Marne, près du bois dfl Condes. Ils ne pouvaient plus communiquer avec personne de b ville. S'ils avaient des demandes h faire, ils venaient, une baguetta blanche i la main, jusqu'à la maisou de santé qu'on avait construits à l'extrémité de Chaumont-le-Bois, et ceux qui dépassaient cette limite étaient arquebuiii. Le bourreau et deux aides stationnaient près de cette maison, l'arquebuse sur l'épaule. Plusieurs habitants avaient été envoyés au loin en pèlerinage; on avait exhumé le corps du P. Honoré, et tous les matins on faisait des processions. Cepen- dant le nombre des malades augmentait de jour en jour. On pria les capucins de donner un ou deux PP. pour aider le prêtre à ad- ' ministrer les secours de la religion; on appela d'autres chirurgiens, et comme louies les ressources de la ville étaient épuisées, le maire

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el les deux échevins, HM. Dupre; et Pyat, emprontèrent «wi temr responsabilité persontielle.

YII. Les ennemis de PaiDot, les hommes qui voulaient exclure de l'administration communale la démocratie, avaient abandonné la ville ; ils avaient fui devant le double danger, la peste et Tennemi. Le maire s'était vu contraint, dés le 17 juin, d'édicter une amende de deux cents livres contre tous ceux qui quitteraient leur idomi- cile. Cinq jours après, il avait, mais inutilement, renouvelé son ordonnance avec injonction à ceux qui étaient déjà sortis de rentrer immédiatement. Toute l'aristocratie avait émigré : les uns 8*étaient retirés dans les communes la contagion n'avait pas encore péné- tré ; les autres avaient construit des pavillons dans leurs jardins on sur leurs propriétés, hors des faubourgs, malgré les défenses pu- bliées à ce sujet et les amendes de cinq cents à mille livres qn'Os encouraient.

Louis Xin, instruit de la déplorable situation de h vffle de Chaumont, fit expédier le 6 juillet des lettres de cachet qui eiyoi«- gnaient aux officiers de justice et autres de rentrer immédiatemoit pour exercer leurs charges et remplir leurs devoir? de citoyens ; mais les ordonnances du roi, transmises cependant par hcmimes exprès à tous les émigrés individuellement, ne produisirent pas plus d'eflet que celles du maire. Le peuple des artisans qui était resté exposé à la contagion, qui veillait à la conservation de la viDe et qui manquait souvent de pain, murmurait contre les absents et menaçait d'aller enfoncer les portes de leurs caves et de leurs gre- niers. D'un autre côté, l'ennemi était près d'entrer dans le Bassigny. Le 16, Paillot convoqua dans sa maison une assemblée compo- sée des deux échevins, du membre du conseil Labonne, le seni qoi fut resté; des ofiiciers de quartier et des principaux habitants an nombre de quatre-vingts ; il représenta l'inutilité de ses ordonnances et de celles du roi, le juste mécontentement du peuple, le manque d'argent et le danger se trouvait la ville, presque abandonnée, d'être surprise par l'ennemi. On autorisa la mairie à faire des dis- tributions de pain aux malheureux, à emprunter l'argent nécessaire, à faire murer de suite les portes de TEau et Notre-Dame, et à ten- ter de nouvelles démarches pour la rentrée des absents. Deoi des

préIres qui secouraient les pestiférés, Beaupoil el le P. Louis de Sainl'Dlzier venaient de tomber malades : on (il sommation au cha- pitre de les remplacer et il s'y refusa. Alors on ordonna aux cha- noines de pourvoir aux dépenses faites et à faire pour le logement et la nourriture des prêtres chargés d'assister les iiestiférés, avec menace de saisie de leur temporel. Ou fil la même injonction aui chirui^iens, pour l'entretien de leurs confrères, sous peine de voir leurs biens confisqués.

Vtn. Il ; eut conférence le 8 août, près de la Croix Coquillon, entre le maire et le marquis de Reynel , en présence des deux échevins et de M. de Bourbonne. Ce n'était pas le moment pour celui-ci de se rappeler les menaces qu'il avait faites. On décréta de nouvelles mesures de rigueur contre les absents el l'on s'occupa des moyens de défendre lu ville en cas d'attaque. La contagion faisait toujours des progrès. Le 3 septembre, nouvelles conférences entre Semoutier et Chaumont, près du bois. Le maire en rentrant en ville reçut un paquet de la cour à l'adresse du bailli et le lui fit porter en toute hâte pendant la nuit. Le roi ordonnait au marquis de Reynel d'aller reprendre le gouvernement de Chaumont , de lever six cents hommes de pied dans le pays pour garder la ville, fl de les huiler el retrancher en dehors prêts à entrer en cas de danger >. Le maire reçut communication de cet ordre dans une troisième conférence qui eut lieu au-dessus de Buxereuilles et il alla de suite à Laferié, avec un échevin, pour en informer M. de Bourbonne. Sur cesentrefaites, le baron de Cliappeiaines se présenta aux portes de la ville, réclamant le gouvernement militaire en vertu d'une commission de iieulcnant du roi. L'intrigue était évidente : l'aristocratie qui craignait pour ses propriétés, qu'elle ne savait pas défendre, avait donné â entendre que Chaumont était mal gard^. L'échevin Dupré demanda le temps d'en délibérer avec le conseil, joutant que, du reste, le bailli allait arriver. M. de Reynel arriva en eiïel dans l'après-midi. A peine élail-il à son h^lel que Pierre Perret, lieulenanl-général du bailliage, se présenlait à la porte de Buxereuilles, sans vouloir aller plus loin, et demandait à parler au maire. Paillot était reniré, il alla avec le bailli et les échevins à la barrière pour entendre le lieutenant-général. Il s'agissait de prendre

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acte du refus fait par la viUe de recevoir Chappehines. c Dites an baron, répondit le baillii que j'arrive pour reprendre ma charge de gouverneur ; quant à vous, je vous invite à rentrer aussi, comme le veut le roi, pour remplir votre devoir et donner Texempla aux autres. > Hais cette invitation et les prières du maire furent imitOes. liO roi, mieux informé retira la commission qu*on avait donnée à Cbappelaines et il écrivit de Senlis aux Cbaumontais pour c leur bien faire comprendre qu'il ne désapprouvait en rien leur oondoite et leur demander de bien s'entendre avec le bailli (!)• > Il renouvela en même temps ses ordonnances contre les abeents, en leor en- joignant de rentrer dans le délai de trois jours sons peine de con- fiscation de leurs biens.

EL. Cependant il parait qu'il y avait quelqu'un de ph» puiannl que le roi dans le royaume, car buit jours seulement après le départ de Cbappelaines un nouveau lieutenant fut envoyé à GhanmoiiL C'était La Renouillière (S). Le maire partit pour Paris, laissant le gouvernement à Téobevin Duprey qui pendant l'intérim eut beanooup de peine à maintenir l'ordre et se trouva personnellement en danger, les artisans qui gardaient la ville voulant le contraindre, par rémeate, à exécuter , dans toute leur rigueur, les ordonnances contre les absents.

Paillot fut bien reçu à la cour. Les ministres et le roi hû-même le félicitèrent sur la conduite des habitants dans les temps difficiles qa'ih avaient à traverser, et on Tassura qu'on n'avait envoyé La Renonillièfe que pour soulager la mairie. Le roi lui remit de nouvelles lettres de confirmation dans lesquelles il déclarait c qu'il n'entendait pat faire préjudice ni déroger aux privil^es des habitants, ni an pouvoir octroie au maire de commander en rille en l'absence du gouverneur ; que ces privil^es étaient confirmés en tant que de besoin, et k commission de La Renouillère n'était que provisoire. > La ville fut donc obligée de recevoir le lieutenant du roi ; seulement on prit soin de consigner dans l'enregistrement de la commissicm, c'était pour le temps de danger et sans tirer à conséquoioe.

(4) Lettre! do 41 septembre 1656.

(2) Simon de Franceschi, cberalier, leigoenr de la BanoQÎUèrt, frmùn ctpilaiiM m r^imeot de Picardie, aide^le-camp aoi arméet do roi .

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X. La peste ne cessa qu'au mois de décembre. Elle avait régné sept mois à Chaumonl. Nous ne savons pas quel fut le nombre des victimes, car on n'en tenait pas note ; mais un mémoire du temps le porte â deux mille Irois cents. On peut se li^irer sans peine quel ëlail le triste état de la ville : dans l'intérieur quelques rues étniunt désertes et l'herbe y croissait ; les maisons étaient blanchies par la cbaox qui avait servi à les purifier ou noircies par les feux de genièvre qu'on allumait dans tous les quartiers pour combattre le mauvais air; ce qui restait de la popuUtion survuiilait l'ennemi du haut des rem- parts, et en babils de deuil, car chaque famille avait eu ses morts ; les vivres i-taienl rares et taiés. A l'extérieur, la terre était inculte ; les pauvres paysans s'élaienl réfugiés dans les faubourgs avec leurs familles et leurs bestiaux pour échapper aux brigandages des gens d'armes ; les fossés, les contrescarpes et tous les abords de la ville étaient couverts de bêles mortes dont la putréfaction corrompait l'air; on travaillait par corvées â enlever ces immondices. Comme le fléau sévissait encore dans quelques communes, on devait craindre qu'il ne revint à sa proie et, pour prévenir ce malheur, la population resta soumise, jusqu'en 1638, à un règlement do police des plus sévères. Quelques cas de pesie qu'on signala dans les fauboui^s forcèrent même le maire à expulser tous les paysans et on menaça ceux qui essaieraient de rentrer de les passer par les armes.

XI. Le dévouement de Paillot eut encore à subir d'autres épreuves pendant l'année IG31.

Les Suédois avaient établi leurs quartiers d'hiver dans le Bassî- gny ils se conduisaient non pas comme des alliés, mais comme des ennemis, poussant la dévastation jusqu'aux portes de la ville. Au mois d'avril, le ministre d'un régiment s' étant pris de querelle avec quelques Chaumonlais qui lui reprochaient la licence de ses compatriotes, il fui saisi par le peuple, traîné par les rues de la ville et assommé il coups de bâton. Paillot ordonna de suite une enquête ; mais le duc de Wcîmar, rendant lous les habitants res- ponsables de cet assassinat, parlait d'assiéger lu ville. On lui députa les échevins. Il refusa de les recevoir. « Je ferai brûler les fau- bourgs, la maison du maire, dit-il, et Je tirerai telle vengeance qu'on en gardera le souvenir. 11 fallut donc mettre la place en

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état de défense : on établit une redoute sur le point de k mouline qui domine le pont de la Maladière ; on barricada tous les cbemiin; on j fit construire des barrières fermant à clefs, et l'on arma Ums les remparts. Sans doute le duc se ravisa, car 0 n'attaqua pas h TiUe et Taffiiire n'eut pas d'autre suite. A la même époque, ime émeute populaire chassa du faubourg des Tanneries une compatmia de chevaux-légers qui y exerçait le brigandage le plus odieuZy el l'officier qui la commandait fut tué dans la mêlée. A BoxereoineSy on était aussi en pleine révolte contre les soldats du roi. Ainsi il bllait être armé en même temps contre l'ennemi et contre ceux qui avaient mission de défendre le pays. Qudquefois raênie 0 fallait sévir contre des compatriotes : un jour le enré de Nenilly, réfugié à Chaumont, reconnut cette hospitalité en immltaiil la garde dont il faisait partie et en se portant à des voies de fidl envers ses camarades. Sur le rapport du capitaine de service, le maire le fil désarmer et il le retint en prison jusqu'au paiement d'une amende de cinquante livres.

Xn. Au commencement de juillet, le bailli et le marqoii de Bourbonne étaient à Chaumont. La Renouillêre avait quitté la Tille, mais il y revint bientôt avec une nouvelle commission de lienlwiant du roi et l'ordre de prendre une garnison de deux cents boniniet. Alors la lutte recommença. Le marquis de Reynel se rangea du côté du maire ; Bourbonne, heureux de retrouver l'occasion de dire sentir à Paillot tout le poids de sa haine, soutint La Renouil- lêre. L'anarchie la plus complète régnait dans la ville quand le maire, dénoncé par ses ennemis, fut appelé à Paris pour remire compte au roi de sa conduite et u juittfier. c D eftt été convenaUe dit-il à La Renouillêre, que les plaintes et les justifications se fis- sent contradictoiremenl ; au moins veuilles m'expliquer ee dont j'aurai à me justifier. » L'officier lui répondit que les plaiirtes qu'il avait fSûtes portaient sur ce que la mairie n'avait pas ?onhi fidre mettre sur pied les soldats dont il voulait former la garnison et sur ce qu'elle avait toujours refusé de lui rendre les hcmneors dus à sa charge. Une assemblée générale des habitants revendiqua la solidarité de la conduite du maire ; elle déclara qu'il irait à Paris aux frais de la ville et qu'on lui adjoindrait quelques-uns de

ses conciloyens pour présenler les justifications el ( supplier le roi d'avoir pitié de la communaulé réduite à l'extrémilé de toutes les misères comme le déplorable pays du Bassigny. t On rédigea un mémoire dans lequel on exposa c qu'il ne restait pour la subsis- tance de la ville que les villages de la banlieue déjà bien pauvres et que La Renouillére ruinait en exigeant d'eux des reconnaiuancet de deniers, de bois, de blé, d'avoine, de vin, de poissons, elc ; qu'a- préâ soupers et débauches avec des jeunes gens de Lorraine, le lieu- tenant du roi allait d'ordinaire sur la muraille il mettait le dé- sordre, au grand danger du service du roi, puis que les Lorrains, ennemis de la couronne, pouvaient remarquer le défaut de la garde ; qu'il s'était vanté d'avoir eu tout son saoul les faveurs des demoi- selles (le la ville ; qu'il disait tout baut que la ville n'était composée que de petites gens et que si le marquis de Reynel ne voulait pas s'entendre avec lui, il le mettrait bien à la raison; enfin, qu'il avait provoqué en duel le bailli, ce qui avait causé un grand tumulte dans la ville il serait arrivé malheur saus l'intervention de la mairie. > La dépulation partit le 29 septembre. L'échevin Pyat res- tait chaîné de l'administration.

XIU. Cependant l'ennemi approchait. La terreur était dans le pays, car on se rappelait les cruautés exercées l'année précédente par Galas dans les environs de Langres, et les paysans se réfugiè- rent en grand nombre à Chaumonl. Les mêmes croates qui avaient mis à feu et à sang le village d'Hortes étaient sur la frontière, prêts à se jeter sur le Bassigny. Dans cette extrémité, on recom- manda aux chefs de quartier de donner contentement à La Renouil- lére, comme chose tendante à la comervalion de la ville. Le lieute- nant demanda bientôt l'entrée pour les deux cents hommes qu'il avait ordre de lever. Le conseil allait y consentir, quand il apprit qu'il ne s'agissait pas seulement de deux cents hommes, mais d'un ré^menl entier. On se hâta d'écrire à Paillot, en le priant de faire valoir en cour les privilèges de la ville : la réponse du ministre fut t qu'il fallait mettre cette année les privilèges au coffre. » On s'a- dressa à H. de Reynel ; il se contenta de plaindre les habitants, car il n'élail plus rien dans son gouvernement: c II faut, dit-il, exécuter les volontés du roi. »

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Le 27 novembre l'emiemi était aux environs de Lamothe. Alors arriva un commissaire des guerres, disant avoir ordre d'établir à Chaumont deux régiments de pied et deux cornettes de cavilerie. La ville fut dans la consternation. Comme le crédit de La Renoinl- lère était tout puissant, le conseil lui députa quelqaes-mis de ses membres. Le lieutenant du Roi promit sa protection à la coadilioa que la ville lui donnerait, s'il parvenait à détourna la garnison et à flore diminuer aussi la contribution pour les subsistances, urne re- eomuduance de troii rmlle livra. Le traité fut tait far écrii et La RenouiUère exigea la signature d'un des plus riches bourgeois de la tille. Les ordres du roi ne furent pas exécutés. Les grands seignaim s'entendaient ainsi entr'eux pour extorquer de l'argent aux villes, et la commission de La RenouiUère n'était qu'une lettre de diaiige tirée sur Chaumont.

XIY. Paillot était allé trouver h cour à Saint-Maur-les-Fossés. n avait reçu l'ordre de prendre la volonté du roi par M. de Chavi- gny et, en l'absence de ce seigneur, il s'était adressé au secrAaire, qui lui avait conseillé de se présenter chez M. de Rougemonl, firàre de La RenouiUère. Là, on lui avait parlé d'accommodement : c Mais, avait répondu PaiUot, je désirerais connaître la volonté de & H. > c Le roi désire que ses ordres soient exécutés i Chaumont* > c Us le sont, avait-îl répUqué, à Texceplion de celui relatif i b garnisoa : cet ordre a été obtenu sous des offres supposées faites par les ha« bitants, contre leur intention et leurs libertés, et pour le seul profil du sieur La RenouiUère. > On ne pouvait s'entendre. PaiUot n'ar- riva pas jusqu'au roi. Cependant on ne le congédia que le 2 déeeBa-» bre, en lui remettant la lettre suivante, ouverte, à l'adresse du lien- tenant du roi : c M. de La RenouiUère, renvoyant le Maire de ma ville de Chaumont pour continuer les fonctions de sa charge, pea* dant le temps qui lui en reste, j'ai bien voulu vous en deonor advis et des asseurances qu'U m'a données, qu'U contribuera en tout ce qui dépendra de lui pour ; procurer ce qui sera du bien de mon ser- vice ; et d'autant que la bonne inteUigence est nécessaire «utre yous et lui, à cet effet je vous ordonne à Tun et à l'autre de la conserver. > * Ainsi PaiHot qui ne pouvait pas s'entendre avec les courtisans, de- vait quitter la mairie à la fin de Tannée : on préférait à un houDéte

magistral un insolent capitaine dont tes exactions réduisaient â la misère loule une population. A Chaumonl, l'assemblée générale re- mercia unanimement le maire d'avoir, par ta tonduiie, diligemment et de courage, défendu la liberté et lei privilèges de la ville. Il resta encore quelques aimées parmi ses concitoyens, puis il se relira à Bar-sur-Aubc ; mais le quartier Saint-Michel tint à honneur de l'avoir pour capitaine et l'élut, même après son départ, jusqu'en 1649.

XV. Le lieutenant du roi était le maître désormais. Quelques jours après le retour de Paillol, on vint menacer la ville d'une gar- nison de trois compagnies de chevaui -légers. Elle était sans res- sources et devait déjà plus (te soixante mille livres. Cependant le conseil envoya une dépulation a Paris pour oITrir aui ministres deux mille écus si on voulait éloigner cette garnison et rappeler La Re- noiiittèr«. Cette oITre fut jugée insuffisante : 4 II se voit qu'il faut de l'argent, > écrivirent les députés. C'était en eiïet tout ce qu'on voulait obtenir de la ville. Les ministres demandèrent dix mille livres et comme on tardait à leur répondre, parce qu'on ne savait prendre tant d'argent, les compagnies se mirent en route. Le commissaire qui les précédait se présenta bientôt aux portes de la ville ; Puillot, qui était encore en fonctions, l'attendait, et comme l'oOicier demandait s'il y avait sûreté pour sa personne : f J'en ré- ponds, lui répondit le maire, corps pour corps, et je vous donnerais volontiers ma maison pour plus grande sïtreté, n'était que, Dieu ayant depuis peu appelé mon second fils de la maladie contagieuse et affligé ma femme de même maladie pendant mon vopge i Paris, je ne craigne que vous n'y preniez quelque incommodité. > Alors les habitants se résignèrent A payer et, comme ils avaient déjà deux mille écus, ils mirent en gage ce qui leur restait de meubles pour se procurer le reste.

XVL Cependant la ville ne fut pas encore débarrassée de La Ge- nouillère. Il revint avec de nouvelles 'commissions en donnant à entendre au conseiller Guillaume, successeur de Paillot, qu'il se pourvoirait ailleurs si on lui faisait une reconnaiuance. C'était le mot en usage. On lui offrit soixante pistoles. Ses prétentions ét«ient

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bien autres. Quand le passage des Lorrains, qui tiraient du côté de h Flandre, vint mettre h ville en présence d'un danger réd» il voulut être le mattre absolu dans la place pour k tyranniser i sa guise, n méconnut même l'autorité du bailli. Le conseil qui ne pouvait rien dans ce conflit supplia les deux officiers de préfteer le service du Roi à leur intérêt particulier et de vivre d'inteUigenoe. La conduite du marquis de Reynel fut en effet pleine de modération et de sagesse ; mais, après avoir épuisé tous les moyens de eonci- liation, quand il vit que le lieutenant s'obstinait i ne vmr en lui qu'un simple particulier et ne répondait à ses concessions qne par des insolences, il se décida enfin à adressa des plaintes i la coor. n paraît que cette fois elles arrivèrent jusqu'au roi, car La Renooil- lère quitta définitivement Cbaumont. Un tel désordre dans le gou- vernement était-41 fait pour soutenir le dévouement d'hommes d^i épuisés par des sacrifices de toutes sortes? Cependant le patriotisme des artisans chaumontais, de ces petiiee gent qu'on mettait sans cesse en suspicion, ne s'est jamais démenti.

Xyn. Les dettes de la ville s'accumulaient et les créanciers pres- saient les échevins. Les coupes extraordinaires de bois sufBsanI i peine aux dépenses ordinaires, le conseil avait mis des impôts pro- visoires sur toutes les denrées. On réclamait encore aux Cbsnmoii- tais un arriéré de trois mille livres pour les subsistances et treise mille livres pour un emprunt forcé. Après avoir ravoyé sans succès un échevin à la cour, la mairie supplia le recteur Rose d'aller Ini- méme à Paris il jouissait d'un grand crédit. Il refusa d'abord; mais son dévouement céda à une offre de deux mille livras peor l'église du collée. Les deux échevins avaient été arrêtés sur la ponr^ suite des gens du trésor, et l'un d'eux, M. Labrosse, était oicore détenu. Le P. Rose le fit mettre en liberté : c'est tout ce qu'il pot obtenir. D'autres Chaumontais étaient en prison à Troyes pour k subvention de 1636. Enfin le Maire alla lui-même à Paris et, après beaucoup de démarches, d'instances et de rcconnaissaiicet, il obtint une remise de dix mille livres. La ville devait alors près de trente mille écus.

XVm. Au mois d'août 1639, Louis XIII vint à Cbaumont avec

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Richelieu. Il pftt donc se convaincre par lui-même de la misère des habitants. Le maire et les ûchevins furent obligés de mettre en gage leur vaisselle d'ai^ent pour le recevoir. Croit-on qu'il eut pilicS de celte malheureuse population? Si la monarchie était ennemie des grands, elle n'était pas pour cela plus amie des com- munes. Elle aimait à entretenir la guerre entre ces deux puissances, parce qu'elle les voyait ainsi s'afTaiblir; mais son but n'était pas d'élever l'une aux dépens de l'autre, car elle les savait toutes deux également hostiles à l'absolutisme. Les ingénieurs dressèrent un devis des travaux à faire aux fortifications ; il s'élevait A quarante- deux mille livres, et l'on décida que les habitants y contribueraient pour la meillmrc parité. Le maire présenta au roi le triste tableau de la pauvreté de la ville ; il oITrit de payer le quart de la dépense ; il promit le tiers : ce n'était pas assez. S. M. exigea vingt mille livres, en laissant toutefois les habitants libres de s'imposer comme ils le jugeraient convenable, et elle demanda une prompte réponse. Le conseil délibéra et promit de payer en suppliant 1res humble- ment le roi de vouloir bien, en considération de ce service, exemp- ter la ville du paiement des quartiers d'hiver. Trois mois après, Chaumont n'en était pas moins taxé pour cet objet à six mille livres.

Les années 1641 et 1612 furent moins désastreuses que les quatre précédentes. Les paysans purent retourner aux champs ; mais les bétcs de somme manquaient cl souvent le laboureur était obhgé de tirer lui-même sa charrue. Nous ne dirons pas que la ville de Chau- mont sortit de sa misère : il lui fallait beaucoup plus de temps, et, d'ailleurs, la guerre recommença bientôt.

XIX. En 1611, A la suite de la Petite-Paix, le roi avait remis la forteresse de Lamothe entre les mains du duc. Charles s'était engagé â joindre son armée â celle de la France. Il n'en fit rien ; et, dès l'année suivante, Duhallier, qui commandait à Nanty, ] réservée, reçut l'ordre d'investir Lamolhe. Le Bassigny fut donc de nouveau couvert de troupes. Aussilût on expulsa de Chaumont les Lorrains et les Comtois, et, comme on réparait alors les forti- fications, on se haia d'en fermer les brèches avec des gabions. Deux cents hommes d'armes étaient logés chez les boui^eoîs el les paysans

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avaient été avertis de retirer toutes leurs promons dans h fille aa premier coup de canon.

Cliquet, le brave commandant de Lamothe» opposa i Tattaqua des Français une résistance vigoureuse. La place était en mauvais état ; mais il espérait du secours. Duhallier, jugeant ses forces in* suffisantes, demanda à la mairie de Chaumont trois cents arqadbii- siers. Comme il eût été imprudent de dégarnir la phoe, (m se con- tenta d'envoyer deux hommes de chaque quartier et vingt des fim- bourgs. Bientôt on apprit que le duc Charies accourait de l'Alsace pour ravitailler LamoUie. A cette nouvelle, Duhallier s'empressa de lever le siège ; il envoya sa grosse artillerie avec ses bagages à Chaumont et se porta près de LiffoMe-Grand pour attoulie les Lorrains. La bataille ne fut ni longue ni décisive. Duhallier eul loat le désavantage ; et, craignant d'être cemé| il battit en retraite avec tant de précipitation qu'il laissa à l'ennemi environ mille prison- niers. De ce nombre était un milicien chaumontais dont la ville dut payer b rançon.

Le Bassigny était donc de nouveau exposé aux courses de la gar- nison de Lamothe. Le roi chargea le sieur Amault de prolégw le pays et les Chaumontais de fournir à cet officier tout ce qoi loi serait nécessaire, même de l'argent. Amault établit son quartier- général à Andelot, sous la garde d'un régiment iriandaia; autres postes importants étaient Biesles et Nogeat. Chaumont sur le pied de guerre, sous le commandement du bailli. Le régiiMit de Grancey était logé dans les faubourgs.

XX. Sur ces entrefaites arrivèrent des lettres de la cour qui in- formaient les habitants de la mort du roi. Le maire, M. De Grand, partit pour Paris. Il allait, selon l'usage, porter au nouveau roi le serment de fidélité de la ville ; mais il devait en mime tenups demander la confirmation des privilèges, la déchaige de rarriéré des impôts et surtout solliciter, pour les paysans du Bassigny, la liberté de venir vendre leurs denrées au marché du chef-lieu sans courir les risques d'être arrêtés pour leurs tailles, par les collecteurs royaux. Il ne rapporta que des promesses. Louis XIII avait dit qu'il fallaU meUrc les privilèges au coffre : Louis XIY va sceller le coffre.

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Cependanl on lil peadanl quatre jours des prières pour le repoa de Tâme de Loiiis-le-Jusie, et le précepteur des enfants de H. de Courbonne, le chevalier Mènent de Gastonville, chargé par la ville de prononcer l'oraison Tunèbre, compara le règne du roi défunt h celui de Josias.

CHAPITRE 111

DEruts l'avêkemem de louis XIV jusqu'à 1 (1613-1060).

I. Qualorze mille iiommes couvraient le pays (ju'îl fallait à la fois proléger contre les Lorrains et contre les Franes-Comtois. La ville de Chaumont était conlinuetlemeiit menacée de garnisons: die s'en débarrassait par le crédit de quelques hauts personnages, dont les services n'étaient jamais gratuits. Les faubourgs, ruinés par le passage des troupes étaient presque abandonnés ; cependant le duc d'Ëngbien, gouverneur de Champagne, s'y était logé avec des compagnies à cheval (I). Une seule porte de la ville était ou- wrle. On avDÎt rompu tous les ponts de la Mame à l'exception de celui de la Maladière l'on avait établi des barrières fermant à clefs, et que l'on faisait garder pendant la nuit. La Mairie avait obtenu !o conservation de ce passage pour faciliter l'approvisionne- menl de la ville ; mais Cliquet menaçait d'incendier les villages qui conduiraient des denrées à Chaumont. La ganiison de Lamothe faisait de fréquentes sorties et les prisons étaient remplies d'hom- mes pris les armes à la main. Le 3 juin, les Lorrains vinrent as- siéger le clilteau de Biesics avec trois pièces de canon. Les Cbau- montais qui ne pouvaient le secourir parce qu'ils étaieut eui-mémes

(l)L.

'OD,d.cJ'En|;li;en,f la BuuTrrncnwDl it Chimpenii, - IGll . A Cund^ luct^da, m I ie Goal;, IbiiI ta ta coutn-ri

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ea danger, firent un appel à tous les gentUshommes des environs. Enfin, au mois de septembre, le conseil du roi résolut le siège de Lamothe et il chargea de cette expédition le marédial de camp Ib- galotti (1644).

n. Le blocus commença le 6 décembre. L'arsenal de CSutamoiil avait fourni de la poudre, du plomb, des mèches et même de Ter- tillerie. On demandait encore à la ville soixante-quatre chevmz et seize charriots : elle échappa à cette réquisition en traitant avec k commissaire du roi, qui se contenta de trois milles livres aprèe avoir demandé quatre mille écus.

Dans les premiers jours de juin (1645), Charles de LiNrraine se rapprocha de Chaumont dans l'intention d'en bire le siège. Il vou- lait délivrer H. de Halaincourt, l'un de ses conseillers, qui était dé- tenu dans la prison du bailliage. Ce magistrat avait été arrêté an mo- ment où il cherchait à traverser les lignes françaises pour porter an gouverneur de Lamothe un arrêt de mort rendu par le conseil sou- verain contre un officier du roi qui s'était introduit dans la phee. Cependant le duc reconnut les difficultés que présentait l'exéentmi de son projet ; il y renonça, et Malaincourt resta prismuiier jusqu'à la capitulation, llagalotti avait déclaré qu'il le ferait périr du mène genre de mort que l'on ferait subir au prisonnier français.

L'hiver avait été si favorable que, pendant les mois de janvier et février, on avait pu travailler aux lignes de circonvallation. Le 4 mai, les tranchées avaient été ouvertes. Le feu fut vif de port et d'autre pendant le mois de juin. Le marquis de Reynd y perdit son fils, capitaine au régiment de Hagalotti. On voulait bire sauter le corps de la place en poussant la mine jusqu'au cœur de la monta- gne sur laquelle elle était située ; mais le commandant en chef ne put voir le succès de son plan : dans une visite qu'il fit aux tiu- vailleurs le 20. il fut blessé à la tête d'un coup de mousquet et mourut deux jours après (1).

Nous n'avons pu découvrir l'origine de l'italien Hagalotti. Tout ce que nous savons c'est que la reine-mère et Hazarin l'aimaient

(I) Le prévôt Jn chapitre, Hérandel, fnt accnté d'avoir port^ le coop. Go mit plos UrA ta tête k prix . Après avoir erré pendant longtemps à Télninger, il est rena mouîr k Bourmont .

tendremenl. t Le cardinal se flail Torl en lui el toulail l'élever bien haut. (1)> Comme il avait demandé à élre inhumé dans l'église des capucios de Cliaumoiil, son corps fui amené en ville p aumônier et plusieurs gentilshommes, dans un carrosse escorté de cavalerie et d'inrjnterie. Cinq cents miliciens, têtus de deuil, piques et mousquets traînants, étaient allés au devant sous la conduite des olGciers de l'arquebuse. Sa dépouille niurtellu recul les honneurs fmicbres dus au gouverneur de la province. Le chapitre, les ofli- ciersde Justice et ceux de la ville, tous en habits de deuil, la reçurent à la première barrière et la déposèrent dans l'éj^lise Saint-Jean sous une chnpelie ardente garnie de cinq renls cierges. Le lendemain on la conduisit processionnellcmcnt aui capucins, elle restaexposée Jusqu'au jour le lieu de sa sépulture Tut rité,ar le clergé en avait revendiqué l'honneur pour la paroisse. Mazarin Écrivit plusieurs lettres à ce sujet aux chanoines el aux PP. capu- cins; enfin il annonça que la reine avait cédé au désir du cha- pitre, el. le 3 août, le corps de Magalolti fut rapporté dans l'église collégiale on le déposa dans le caveau près du sépulcre. Le cardinal a aussi adressé une lettre de remercîments aux habitants : ( J'ai sceu, leur dit-il, l'honorjble réception que vous avez faite au corps du pauvre H. Magalotli el l'amour avec lequel vous lui avez rendu Ils derniers debvoirs el comme ce gentilhomme avait très bien servi le roi, que Je l'aimais tendremenl. J'ai bien voulu vous remercier des honneurs que vous lui avez fuilz après sa mort el vous iisaeurer qu'en vous acquittant envers lui de ce qu'il pouvait avoir mérité de votre ville, par le repos qu'il était à la veille de lui procurer, tous avez ac<iuis sur moi une obligalion très sensible dont je conserverai chèrement le souvenir pour m'en revancher dans les rencontres je pourrai, t

Pour empêcher que b mort du général en chef ne causât quelque désordre dans le camp, la cour s'était hâtée d'envoyer le marquis de Villeroy prendre le commandement. Il n'eut qu'à se présenter. La longueur du siège et les pertes nombreuses faites depuis l'ou- verture de la tranchée avaient tellement aiïaihh les courages et les forces dans les rangs des assiégés, que les principaux de la ville

(1) lUimoirtKh Monglat.

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dcmandèreni à capituler. Le 7 juillet, Cliquet sortit de la place et les Français en prirent possession. Ce fut un grand sajel de joie pour les communes du Bassigny. Les paysans des élections de Chaumont, Langres et Bar-sur-Aube, s'empressèrent d'accoorir pour raser lesfortiGcations, sur l'ordre du bailli (1). Aux termes delà capitulation on devait respecter les maisons des habitants ; mais tout fut détruit) selon Tordre secret de la cour, les églises mêmes furent démolies, et quand la redoutable ville de La Mothe ne fat plus qu'un monceau de ruines, on chanta à Chaumont on Te Demm et on alluma des feux de joie. Tristes conséquences de la guerre qui fait tout-à-coup de deux villes voisines, unies depuis des siédes par des liens d'amitié et de parenté, deux villes ennemies et achar- nées réciproquement à leur ruine ! Plus tristes encore si, comme il arrive b plupart du temps, cette guerre n'a pour motif qae la m* nité ou l'ambition ! Aujourd'hui il n'y a plus même de vestiges de la vieille cité lorraine (3).

IIL La ville de Chaumont, délivrée des soldats, eut afibire aiiK huissiers. Elle n'était pas encore quitte de son arriéré des tailles, subventions, emprunts, quartiers, subsistances, etc. La mairie ne savait comment se tirer d'embarras, car les bourgeois qui se las- saient de payer commençaient à se rébellionner et chassaiait les sergents collecteurs. Elle s'adressait à tous les conseils, à ChAlons, à Troyes, à Paris ; elle s'adressait au crédit de tous les grands personnages ; mais le chiffre des décharges qu'elle obtenait était quelquefois dépassé par celui des reconnaisuinca. On vivait d*eK- pédients.

Quand le prince de Conti prit possession du gouvernement de Champagne (1647), on put un instant espérer du soulagement. Le prince écrivait aux villes qu'il avait grand déplaisir du désordre qui régnait dans l'administration ; il se disait affligé du misérable état

(I j Lot Chaamontuis ont en lear part dans le balin : \U ont rameoé, entr* desf canons que do; s bvods va comprit tUna l'ioTtottire de 4 677, ci wm «Ictliaaieot à la (bapelle «lu coUi'ge.

(2) On lit le (liiliquc suIvaDl sur uqo pierre saillante incrastéc daot le mar de T^li cl'Oalreroécourt :

Hotha vneoj tulerat lapide», sed et illa sepuîcro Noiha remota iuo nunc ibi tota Jac€t.

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<le la population ; Hen ae le lenoil tant à cœur que de voir renatlre l'abondance ; il allait y employer tous ses soins et il voulait qu'on en instruisit le peuple, alln qu'il se consolât de ses misères dans l'attente d'un meilleur traitement. Ces promesses étaient de circons- tance : le nouveau gouverneur voulait capter la confiance des Champenois pour les allircr dans le parti des princes mécontents ; mais le peuple n'avait rien à gagner dans cette ridicule levée de boucliers de la féodalité expirante centre la royauté.

IV. Pendant les troubles de la Fronde (1649), la ville de Chau- monl resta Hdcle au roi. Instruite des événements de Paris, le 10 janvier, par lettre du maréchal de L'H<)pital, elle se tint sur .ses gardes et refusa de recevoir M. de Keynel lui-mémei parce que le roi avait recommandé de ne se fîer qu'à L'IIdpital. Quand les trois ordres du . bailliage se réunirent pour nommer les députés aux Etals-géné- raux, la mairie fil prendre note de toutes les personnes qui vinrent ît la réunion et des maisons elles étaient logées. On sait ()u'i1 y cîlt rapprochement et que les États ne siégèrent pas.

De nouveaux mécontentements éclatèrent bientdt (1650). Les princes de Condé, de Conti et de Longueville furent arrêtés. Comme il pouvait en résulter quelques mouvements dans la province et que d'ailleurs l'armée des Allemanils était dans le voisinage, on arma la place. Nais les troupes françaises et enlr'autres les dragons de M. de Itozen tirent plus de mal bu pays que les étrangers (l). Deux régiments sont restés pendant deux mois dans les environs de Cbaumonl. Les paysans s'étaient réfugiés dans les bois. Les églises même furent pillées et dévastées. Les brigands avaient fait pour plus de dix mille livres Je butin dans le château de Seifontaines. lis avaient taé le fermier de lu Dame-Huguenotte, qui voulait s'op- poser à ce qu'ils fissent violence à sa femme. Les chefs eux-mêmes

pritM Je ChiuniBiil, Ihd Roh. lua lU U brioihxidEliF, dilr en nlil* dg nch*rili(r bm Dr>|>ina plu nnlOa el, pr^leadio •JltœiiiJ ^ni innil tppsrbi ton iftt lu «criiic do Roi Je Frat gctininil^ tan nom. Idln* |i«leala qui frigtnt ga niirqaiii ra Iiinr il* Mlle lioiille, tl qat nom itodi d<^jk tilte, uni

Kfndn d'oa cheiiUcr lu XUI* liitlt, il «riil L Itne U bimiutlip, IDIMBt II tlit ia cdl*

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rançonnaient les malheureux habitants sous le préteite de leur donner des sauvegardes (1).

y. Le lundi 8 août on apporta à Chaumont la nonvelle que le comte de Rosnay venait de vendre la seigneurie d'Aigremoiit à l'ennemi. Deux cents hommes choisis dans les troupes da duc de Lorraine et dans celles de Turenne, qui étaient alors du parti des rebelles, avaient pris possession du château. On apprit que déjà ils lançaient des réquisitions sur les villages voisins. Ainsi Aigrement allait remplacer La Mothe et servir de retraite aux ocra* reurs.

Les Chaumontais envoyèrent immédiatement un de leurs échefias à Langres. Il revint avec un échevin de celte ville et dès le lende- main 9 août, il y eut conférence avec le marquis de Reynd. Il fut convenu que les deux villes entreprendraient le si^e d'Aigremmit ; Langres devait envoyer cent cinquante hommes de pied, trente chevaux, le canon et l'attirail ; Chaumont quatre-vingts hommes de pied et vingt-cinq cavaliers ; Reynel devait (aire lever le plus de milice possible dans le plat pays ; le vendredi 12, on devait se mettre en marche.

A Chaumont on prit les mesures nécessaires pour assurer la sfr- reté de la place et, au jour indiqué, la petite troupe, composée d'hommes tirés de chaque quartier, des archers et des jeunes gens qui avaient des chevaux, partit sous le commandement de Téchevin Rozotte. Les Langrois, de leur côté, furent fidèles au rendes-foniç k 13, on bloquait la forteresseï et le 15, les deux pièces envoyées par les Langrois commençaient le feu. Mais bientût la division as mit dans le camp ; les gentilshommes qui avaient amené qudqnes mi- liciens du plat pays, sur Tordre du bailli, voulaient commander ; ib ne pouvaient d'ailleurs voir le domaine d*un des leurs, un vienx caste! féodal, détruit par des mains bourgeoises ; ils tinrent donc conseil à part et le 16, supposant des nouvelles qui annonçaient

M) Nom citorooi om de Irttrat : « V . le lieatenant-^olooel logé ra ftakowg h Ile " '

fille de Chaomoot •dvertit les habitent de Baxereaillei qae poar —eorer Umn laboorer ea leoreté et n'cstre cooras d'aocant gens de guerre, il est néceatiro de tout preodre aoe uuTe-goarde itm no soldat qui dônrareri dans le village sans antre dwrft qne de nourrir le raevalier et faire quelque reoogooissanee en la eniaine dudit aier K— te nani<oloDel, a quoy satbfaisant et payant leurs contributions il lenr promet tontn •MMié.»

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l'arrivée du duc avec des secours considérables pour les assiégés, ils firenl lever le siège. Cette lâchelé de la noblesse du Bassîgny a été longtemps le sujet des plaisanleries des bourgeois dans les deux villes. On sut depuis que la garnison, qui n'avait ni plomb ni poudre, allait capituler quand on a cessé le feu. Les Langrois dans cette première affaire avaient dépensé dix mille livres ; Chaumoot cinq mille.

Cependant le canon avait déjà ouvert une brèche et il ne fallait pas laisser le temps à la garnison de la fermer. Dès le 19, de nouvelles conférences curent lieu ; trois lettres du duc d'Orléans qui annonçaient l'arrivée de M. de Courval en bâtèrent l'issue (1), et le 28 fut signé entre les deux villes un nouveau traité. Elles devaient lever le plus d'bommes qu'elles pourraient; mais il avait été reconnu que les ressources des Chaumontais ne leur permettaient pas de faire tdon leur dcsir; les Langrois s'étaient donc engagés à fournir l'artillerie, à pourvoir aux dépenses qu'elle nécessiterait et i payer les trois cinquièmes des subsistances. M. de Courval arriva en eOet. il se mil à la tète des milices boui^eoises, et le 30 Aigremont était de nouveau investi. Mais le baron de Clefmonl, l'un des genlilsbommes qui avaient fait écbouer la première entreprise, s'était aussi fait doimer des lettres <Ic commandement par le duc d'Orléans, et, avant même que le r^non de Langres fût arrivé, il fit encore lever le siège, sous te même prétexte, disant que le gros de l'ennemi approcbait , qu'il faliail abandonner Aigremont et songer à défendre le pays. Ici est <t considérer, dit un cbroniqucur Langrois , combien la noblesse est ennemie de la grandeur et prospérité des villes et de U Gdéblé qu'elles ont pour leur roi, et voudroit voir tout ruiné pour se rendre nécessaire ; maisDieunonsveuillegarder d'avoir besoin d'elle! (2) » H. Rozotte avait ramené la milice de Chaumont à la Vitle-au-Bois : On lui donna l'ordre de rentrer en ville.

VI. Le danger n'était pas aussi grand que le prétendait M. de

(t; IflIrodilM Je PirHlg 17 lotll, lo 11 Jn niMM mon r( l> C Hplenibn.

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definont ; cependant des Lorrains, au nombre de près de deux mille, tant cavaliers que fentassins, avaient pris Epinal, Chàlel-fiar- Moselle et Mirecourt ; ils marchaient sor Neufch&teau qui ne pooirail tenir longtemps et Ton devait supposer qu'ils se dirigeraient ensnîle sor Chaumont. On fit encore entrer en ville la milice des campagnes, on se bâta de murer les portes Saint-Jean et Saint-Michel et on mm toutes les maisons des faubourgs. M. de Courval se tenait k Nogent. Gomme ses troupes étaient la principale défense du pajt, les Ghaumontais et les Langrois s'entendirent pour leur subektance qui coûtait trois cents livres par jour. Le 17 septembre, on les fit loger à Buxereuilles et aux environs. Mais après la prise de NeoF- chàteau, M. de Ligneville fut rappelé par le duc de Lorraine da cAté de La Capelle.

Chaumont forma alors un corps de cent miliciens, sous le com- mandement de M. de Buxières. Cette petite troupe devait tenir le pays pour le protéger contre les garnisons lorraines. Le 1 5 novembre, elle arrêta près de Doulevant un convoi de munitions de guerre que des habitantsde Neufchàteau venaient de chercher àTroyes. C'était une bonne prise puisque Neufchàteau était devenu place ennemie et toutes les provisions furent vendues à Chaumont. Les Langrois, de leur cAté, avaient une milice qui tenait les environs d'Aigremont et, tout en courant la campagne^ cherchait l'occasion de surprendre la forteresse. En effet, le 11 janvier 1651, à une heure du matin, quatre-vingt-dix hommes de cette milice, profitant des ténèbres de la nuit, approchèrent des murs et se jetèrent dans la place qai fot prise malgré la vigoureuse résistance de la garnison. On écrivit sur le champ à la cour ; mais, comme on craignait de nouvelles intrigues de la part des nobles, on n'attendit pas la réponse et l'on commença la démolition. Le 31, il ne restait plus rien de la forteresse d'Aigremont qui avait fait tant de mal au pays et dont les paysans demandaient depuis quarante ans la démolition. On instruisit ensuite le procès du tratlre qui l'avait vendue à l'ennemi : on le condamna à mort, ainsi que sa femme, Marguerite De la Baume. Ils furent tous deux effigies à Langres ; un tableau représentait le mari rompa vif et la femme ayant la tète tranchée.

VII. La destruction d'Aigremont enlevait aux coureurs leor

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|>rincipale reireile; mais le Bossigny avHÎl encore à redoiiLer les garnisons de MirecourI i:l de NeufcliAlenu qui venaient piller jus- qii'nux portes de Chaumonl. Les habilanls de Neufcliâteaii avaient une haine particulière contre les Cliaumontais depuis l'alfaire de Soulevant. Plus récemmonl encore, les Chauniontuis avaient Tait sur leurs voisins une nouvelle saisie de marcliandises. Les deux villes étaient en guerre ouverte et les représailles ne se faisaient jamais attendre. Au mois de mai, le curé de Clianlraincs, qni te- nait une école, ayant été rencontré dans la campagne, par des cou- reurs de Neufcliàtcau, fut fait prisonnier avec tous ses élèves. Il y avait dans le nombre des enfants de Chaumont. De suite on arrêta dans celte ville tous les écoliers natifs de Neufcbâlcau et on envoya un tambour informer la ville ennemie qu'on traiterait ces prison- niers comme elle traiterait les écoliers de Chantraines.

On se croirait revenu aux temps de l'anarchie féodale. Il est vrai qu'en 1653, le roi envoya quelques troupes pour rétablir l'ordre; mais souvent on était plus maltraité par les soldats de S. M. que par l'ennemi. Ainsi, un habitant de Duxereuilles avait vu tuer son dieval, sans motif, par un homme de la compagnie dti cardinal Mazarin- Quelques jours après, ayant rencontré un cheval de cette troupe, il s'en était emparé pour remplacer le sien. Le lendemain, par représailles, le capitaine ût enlever aux barrières du faubourg St-Michel un troupeau considérable de vaches qui appartenaient à des Cbauroontais. Les habitants du quartier, sortant en armes, coururent sus aux voleurs et tirent restituer le bétail ; mais quand le maire fit cesser la lutte, un grand nombre de personnes étaient déjà blessées.

Vlll. Le Bassigny fut plus tranquille dans les dernières années de la guerre et la ville de Chaumont commença t payer ses dettes. Enfin, le 17 février ItiGO, des lettres du roi annoncèrent aux habi- tants la conclusion de la paix. Le carillon de toutes les cloches et des déchaînes d'artillerie répandirent aussitét cette heureuse nou- velle. La joie fit explosion dans la ville, Le lendemain eut lieu la publication ofBciclle; et, après la cérémonie religieuse, commen- cèrent des réjouissances publiques (jui durèrent deux jours. Le vin coulait en abondance d'une fonUiinc qu'on avait construite devant l'Hôtel-de-VUle.

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CHAPITRE IV.

DEPUIS LA PAIX JUSQU^A L*AyÈNEIfElfT DE LOUIS XWl

(1660—1774).

I. A mesare que Tabsolutisine grandit, la tie communale s'é- teint.

Les communes étaient nécessaires à h royauté tant qa*èlle hitlait contre la féodalité ; maintenant que la féodalité est vainciie, elles sont devenues un obstacle et il faut les courber sous le joog* La lutte ne fut pas longue : on les ruina, on leur enleva ce qpii leur restait de leurs vieilles libertés et on les désarma. Tout eda fit dans l'espace de quelques années et le roi dit alors : filial, c'en moi. En effet, depuis 1660, il n'y a plus en France que le nri ; tout s'incline, se prosterne devant sa volonté ; la noblesse se tratne sur les marches du trône pour obtenir les laveurs ; la commmM ne parle que par la bouche des représentants du monarque; le peuple se tait ; on admire en son nom, on fait de renthousiasme en son nom ; il n'y a que le poids de ses souffrances qu'on ne veuille pas lui enlever.

Nous chercherions en vain, depuis cette époque, quelques fidts particuliers dignes d'intérêt dans les annales de la ville de Gliau- mont. Nous savons déjà que la mairie est entre les mains des offi* ciers du roi ; nous avons dit comment on a ruiné la commune ; nous savons encore qu'elle a été complètement désarmée en i674 et que l'autorité militaire, dont les maires étaient antrefoto, et i juste titre, si jaloux, ne consiste plus que dans le commandement de quelques miliciens de parade pour les processions et les céré- monies publiques. Nous n'avons plus à enregistrer que les passages des roiS; des princes et des autres grands personnages ; des Te Deum ou des services funèbres et quelques actes de réaction reli- gieuse. Nous serons court.

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(I. Maiarin a visité Chaumont en 1661, quelque temps avant sa mort.

Le comte de Soissons, gouverneur de Champagne depuis trois ans, Gt sa première entrée solennelle dans la ville le 3 octobre 1663. Il Tut reçu selon le ci5rémonial et on lui offrit un plat d'ar- gent pesant douze marcs. Il visita toute la ville en compagnie du marquis de Reynel. Le chapitre le reçut à l'entrée de l'église sous un magnifique dais dont les valets de pied s'emparèrent et qu'ils vendirent A la confrérie du Saint-Sacremenl. Suivant un ancien usage, les huissiers de ville auraient dA prendre le cheval que mon- tait monseigneur; mais le maire s'y opposa. Il y eut bal donné par le comte de Reynel, frère du bailli, puis feu d'arlifice. S. A. fut satisfaite et sa suite aussi.

Les ambassadeurs suisses Iraversèrent la ville le 23, et on leur fit fête, d'après les ordres du roi. c Ils étaient, dit le registre de la ville , gens de bonne mine , grands , sérieux et réservés, et néanmoins civils, courtois et caressants. > On leur offrit les vins d'honneur, jusqu'à cent bouteilles et trois grands plats-bassins de toutes sortes de gibier. Il parait qu'à cette époque les Langrois et les Chaumonlais ne vivaient plus en bonne intelligence, comme au temps de la guerre de Lorraine, car Langres ne daigna pas donner avis de l'heure du déport des ambassadeurs, bien que sa voisine eût pris soin de l'instruire exactement de tout ce qui concernait le voyage de M. de Soissons. Le conseil s'en plaignit et on inséra sur le registre des délibérations la note suivante qu'une main prudente a ensuite raturée en partie : t Surquoy faut observer que l'expérience à faict cogncisire en mille rencontres qu'il n'y a aucun accours à espérer, par droict de voisinage, de la dicte ville de Langres qui a une secrète jalousie contre celle-ci qui plaît d'avantage et qui s'acquitte avec plus de politesse et de gentillesse de ce quelle doit. >

La France était alors engagée dans de grandes guerres ; mais le théâtre en était éloigné de la ville qui ne s'en ressentait que par les impôts et le passage des troupes. En décembre 1C61, on envoya à Dijon saluer le prince de Condé qui rejoignait l'armée d'Allemagne. Deux mois après, le maire allait dans la même ville complimenter le roi. S. H. se rendait à l'armée qui faisait la conquête de la

Franche-Comté. En revenant de cette eipédition, Lonta XIV passa par Chauinont, et pour reconnaître les services que les arquebusien de cette ville loi avaient rendus au siège de Besançon, il leur confia la garde de sa personne.

m. Le marquis de Reynel, bailli et gouvemenrde Chaumont dqpuis près de soixante ans, mourut le 15 février 1572 en son chileso de Biaise. La ville devait beaucoup de reconnaissance à ce digne seigneur et elle lui fit célébrer, avec une pompe inaccoutumée, un service flmèbre que Tabsence du fils du défunt retarda jusqu'au 27 avril (i). La veille, H. de Bourbonne mourut à Chauroont à Tâge de 8i ans. Son corps couvert du manteau de Tordre , avec le collier el les autres insignes, resta exposé pendant plusieurs jours dans T^iUse Saint-Jean, puis on le descendit aux flambeaux dans le caveaa de la chapelle Baudricourt. Il y avait plus de quarante ans que ce seigneur, qui ne s'est pas toujours montré dévoué aux Chaumontais, était lieutenant-général en Champagne pour Chaumont et Yitrj. On le remplaça par Jacques-François de Choiseul, marquis de Beeapré, et la chaire de lieutenant devint une sorte d'apanage de cette famille. Les Choiseul habitaient ordinairement leur châtean de Daîllecourt.

IV. En 1673, la ville de Chaumont fut encore foulée par des passages continuels de troupes. Un régiment lyonnais ayant vonln loger en ville, le maire fit valoir les anciens privil^es et s'y refusa* Alors les officiers divisèrent leurs hommes en deux troupes et firent occuper les faubourgs de l'Eau et de Buxereuilles ils se livrèrent à toutes sortes d'excès : ils se faisaient traiter par leurs hôtes comme en pays conquis, tuaient les bestiaux, pillaient les maisons et quel- quefois les incendiaient. On adressa des plaintes aux ministres ; mais inutilement. Ces passages nécessitaient une garde sévère qoi b- tiguait les habitants. Il en fut ainsi jusqu'à la paix de Nimègne (1678). C'est dans cette période de guerre que mourut Turenne. Son corps traversa Chaumont et y reçut de grands honneurs.

(I) L'éloge faoèbre prononcé par le R. P. BoBrgoioj minime^ a éU imprioié d MûtM par J$an Antoine. 4672. Ia-4*.

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V. La révoeaLJon de l'édit de Nantes, qui allait enlever A la patrie un grand nombre de riches industriels, a élc célébrée à Cliaumont par une messe solennelle à grande sonnerie (1685). Les esprits étaient encore sous l'influence de la célèbre mission précliÉe dans la ville au mois de mars de ta même année par les PP. capucins. Un pieui CItaumontais a gardé noie de cette mission, pour servir de perpétuelle mémoire, c On avait Tait, dit-il, le catéchisme aux grandes personne dans l'église Saint-Michel et aux enrants dans la chapelle du roi. Plusieurs chaires étaient dressées dans l'église Saint-Jean et les prédicateurs s'interrogeaient publiquement sur toutes les dillîcultés théologiques. Les sermons du B. P. Pierre de Troyes ravissaient tellement l'auditoire, que plusieurs et quasi tous Trappoient leurs poitrines ayant les sanglots dans le cœur et les Inrmes à l'ceîl. Le jour de la communion des femmes, on te Tit monta sur un théâtre élevé au-dessous du jubé , apostropher le Saint-Sacrement, le prendre de temps h autre dans ses mains, puis le déposer et se mettre la corde au col pour lui demander pardon. Dans le même moment, un autre capucin était dans la chaire du prédicateur et tenait à la main un grand crucJQx qu'il apostrophai! de la même manière. Ils tiroient les larmes de tous les yeux. > Ces scènes se renouvelèrent lors de la communion générale des hommes. La mission commencée le â1 mars, premier dimanche de carême, Tut terminée le mardi après Pâques. Ce jour on alla procession- ncllement bénir la croix de mission dressée au Taubourg de la porte de Suxereuilles, sur un calvaire. Toute la population assista â celte solennité et défila au pied de la croix pour l'adorer, tandis qu'un immense bûcher, allumé non loin de là, consumait plus de cinq cents \olumes d'ouvrages profanes et d'amour que les missionnaires avaient ôté des mains de leurs pénitents. La mission étant ler- minée, on crut à propos de faire un service solennel pour les trépassés, el après l'ofUce on alla entendre au cimetière Saint-Michel, un discours du P. André de Beauvais sur le jugement dernier. « On avait mis çà el lA quantité de têtes de mort chargées de rubans noirs , qu'on appelait en ce temps des fimiangct , pour donner horreur aux (illes et demoiselles de ces sortes de vanité, i Les deui autres faubourgs eurent aussi leurs croix de mission el on les planta arec la même solennité. Dans toutes les processions les

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enfants étaient vêtus de nuuiiëre à représenter les mfisêère$ des écritures saintes, ou ils portaient les costomes des dinars ordrae religieux. Le zèle de M. de l'oiressoni procureur du roi, firère do doyen du chapitre^ avait pourvu à tout Le P. Jean l'évangéliste» de Chaumonty était gardien du couvent.

Ces solennités religieuses étaient alors fréquentes dans le royaume. Elles devaient faire oublier au peuple sa nûsàre et le rendre docile. C'était l'époque la cour ruinait les communes psr des trafics d^ofBces, par des emprunts forcés, par des dons grttinls et toutes sortes d'impôts.

VL 4693, 1694, 1709 furent des années de disette. En 1700, on mourait de faim à Cbaumont. La mairie ayant appris qu'on propriétaire de Saint-Blin avait encore plusieurs greniers remplis de grains, elle traita avec lui pour des fournitures considénbles. Plus de cent charrettes, escortées par trois compagnies de h milice bourgeoise, prirent la route de Saint-Blin. Mais les villages vmsins prirent l'alarme, le tocsin sonna ; et, quand le convoi revint, les paysans se jetèrent sur la milice qui ne put résister au premier choc ; ils coupèrent ensuite les traits des cheiaux et brisèrent les roues des voitures. On vint en toute h&te demander secours i (Sum- mont. Le maire et quelques autres officiers de la ville et dn prési- dial, montant aussitôt à cheval, se mirent en route avec un nouvesn détachement de la milice pour protéger leurs concitoyens. A Ande- lot, ils trouvèrent la route barricadée ; on se battit, et phisieors personnes furent blessées. Lorsqu'ils arrivèrent à Saint-Blin, Tordre était rétabli : la milice s'était ralliée, et, après une vigoureuse atta- que, elle avait reformé le convoi qui arriva sans nouvelle difficulté. Il y avait eu beaucoup de victimes de Saint-Blin, de Manois, d*An- delot : la ville indemnisa leurs familles.

Vn. A Louiê-U-Grand succéda LouMe-Bienroimi. Les communes ne marquent plus dans l'histoire. Nous mentionnerons, en 1725, le passage du roi de Pologne à Chaumout : chaque bourgeois avait à son chapeau une cocarde jaune et blanche. Le 11 novembre 1741 eut lieu la réception de Louis XV. Il repartit le 12. On ne laissa même pas à la mairie la spontanéité de l'enthousiasme. L'intendant

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lui prescrivit ce qu'elle avait à faire sans permettre le compUmenl d'usage. Trois ans après, Madame la daupbîne traversa la ville.

Vltt. Au milieu de ces fêtes officielles, nous sommes heureux de pouvoir placer, comme un diamant au milieu d'une parure de pierres fausses, un acte de dévouement. Pendant les années 1 140 el 1741, il y eut disette et la ville de Chaumont fut en même temps décimée par une maladie épidémique. C'était une fièvre délirante accompagnée de douloureuses convulsions el presque toujours suivie de mort. La médecine s'était déclarée impuissante. Cependant le doc- teur Juvet restait près dti lit des malades, étudiant le mal avec soin el clierchant le remède. Il le trouva ella consultation qu'il publia fut complètement approuvée par le premier médecin de la cour, Ilet- vetius. Nuit et jour Juvet distribuait les secours de son art el il y joignait encore pour les pauvres ceux de sa fortune. Le conseil de <rille, interprèle de la reconn.iis^nce des habitants, fit frapper une méduille eu l'honneur de ce grand dévouement et pour en consa- crer le souvenir. Nil m Jdvet : cette légende, gravée sur le champ, au milieu des attributs de la science, se trouve reproduite au-dessus de la porte de la maison que le docteur habitait.

IX. M. de Pons était alors maire. Son grand âge le fori^ à la retraite en 175i, après douze ans d'exercice. Il a été regretté. Son successeur, l'avocat Cadié, mériLi aussi l'estime et la reconnaissance de ses concitoyens. Ils appartenaient l'un el l'autre i cette classe d'hommes instruits el amis de la liberté qui ont préparé les voies à la Révolution.

L'esprit philosophique faisait, depuis cinquante ans, de rapides progrès au sein de la population cbaumontaisc. La bourgeoisie était devenue frondeuse à la fin du règne de Louis XV. Elle commençait à cbansonner l'autorité en général et particulièrement MM. les gens du roi. Nous la verrons bientôt convertir son opposition ea actes.

LIVRE SIXIÈME.

l> BéTolatioD jnsqi'ni II theimidor [Uîi-UU). CHAPITRE PREMIEB.

AGONIE DE L'ADSOLUTISSIE (Xm 1789).

I. La vieille monarchie absolue est descendue dans les caveaux de Sainl-Denis avec Louis W. Louis \1V avait usé les ressorts de la machine gauvernemcntale et les mœurs abjectes de son succes- seur ont fait le reste. San^ doute nul prince n'était plus ra|iable que Louis XVI, par la douceur de son caractère, la pureté de ses mœurs el l'excellence du ses intentions, de relever le prestige de la royauté ; mais il se trouvait en [irésence d'un déHcil énorme dans les linancËS, de courtisans avides et oi^eilleux, d'un peuple auquel les philosophes avaient ouvert les arcanes de b politique el qui ap- prenait des Américains comment on devient libre. Cette situation rendait au nouveau roi la lilclic impossible et le conduisait lîilale- ment à sa perle.

il. La France était divisée eu deux camps : d'un côté, tes privi- légiés qui profilaient des abus et voulaient les conserver ; de l'autre, tous les partisans des reformes, auxquels se ralliait la masse des déshérités dans l'espérance d'un avenir meilleur. A Chau- monl, qitî comptait alors Ireiie cents l'eu\ el ? epl mille habitants, le parti des conservateurs était sans contredit le moins nombreux ;

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mais il était mattre du pouvoir. L'autre avait sous son drapent toute la bourgeoisie. Le bourgeois était encore craintif ; il semblait étranger à la politique ; mais il connaissait ses droits et, en atten- dant l'époque prochaine il pourrait les faire valoir, il se dédom- mageait par une sorte d'indépendance qu'on pourrait appeler idéale : il entrevoyait l'avenir ; il était joyeux et il chantait dans son vieux patois. Alors les familles, les quartiers même se réunissaient pour célébrer les mariages et les baptêmes ; on montait de la cave le vin du crû ; on dressait la table dans la rue et l'on buvait galmeni à la santé des mariés ou du nouveau né. Le couplet d'occasion ne manquait jamais de se faire l'écho de la chronique du quartier ; on censurait la ladrerie du voisin, les aventures de la voisine ; quelquefois même on riait aux dépens des magistrats. Celte licence était passée dans les mœurs. C'était le beau temps de la mère Goi- gnard, le poète de la rue de Choignes, dont malheureusement les chansons populaires ne nous ont pas été conservées.

III. On sait que lors de la publication du règlement administratif de 1775, le roi, tans lirer à coméquenee pour Vavenir^ avait nommé le maire, le conseil et les notables. Nous n'avons pas besoin de dire à quel parti ils appartenaient ; mais ils ont àd céder sonveni à l'opinion publique.

C'est alors qu'a été organisée la compagnie de pompiers* Un règlement de police, du commencement du XVII* siècle, avait or- donné que chaque ouvrier, en cas d'incendie, devait se rendre avec ses outils sur le lieu du sinistre et que les autres habitants, même les ecclésiastiques, se présenteraient en armes dans leurs quartiers pour y recevoir les ordres des capitaines. En 1 709, on avait acheté à un Suisse la première pompe, pour servir de mod^m Elle avait coulé cinquante-cinq sols. Trente ans plus tard un Alle- mand en avait vendu huit autres à la ville, moyennant soixante- douze livres. Ces appareils ayant été bientôt reconnus insnlBsants, on les avait remplacés par deux autres plus nouveaux. Enfin, en 1776, on acheta une grosse pompe et Ton autorisa quelques on- vriers en bâtiments à organiser une compagnie de pompiers, qa*on arma de haches. Ils devaient s'habiller à leurs firais ; l'horloger Mugnerot fut leur premier capitaine.

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Nous devons une mention particulière au nom de Mugnerot, parce que c'est relui d'un artiste ingénieux , d'un Chauniontais dévoué, inûuenl, et parce que, d'ailleurs, ce nom se rattache à tous les travaux faits à celte époque pour l'embellissement de la ville. C'est d'apK-s les conseils de Mujj'nerot que l'on a abattu la vieille tour du Magiasin, la tour du fossé prés de la porte de Buxereuillcs et les travaun avancés des trois portes. Il a encore dessiné les pro- menades qui réunissent les fauboui^s, et nous le verrons plus lard présider à la démolition d'une partie des remparts pour dégager l'eitrémité des rues de Villiers et de Buxereuillcs. Quand on a dé- moli la tour du Bork, en 1784, et qu'on s'est enfin décidé à réaliser le projet, conçu depuis prés de deux siècles, de construire un bôlel de ville plus digne, Mugnerot voulait qu'on abattit tout le groupe de maisons compris entre les rues Saint-Michel et Laie;, pour reculer le nouvel édifice jusqu'à ta rue Toupot, de manière* élever la façade sur une vaste place, dont les maisons auraient été refaites successivement d'après le même dessin ; mais ce projet, appujé cependant par une grande partie de la population, lut re- poussé par la mairie et l'on se contenta de construire le monument sur l'emplacement de l'ancienne balle. Les travaux exécutés sur les plans de l'architecte Lancret n'ont été terminés qu'en 1789.

IV. Un procès célèbre dans les annales judiciaires fut jugé à Chaumont, en 1785. C'est une de ces erreurs de lii justice hu- maine qui, pour être moins Irêquentes de nos jours, n'en doivent pas moins agiter la conscience des partisans de b peine de mort. Un homme vient déclarer qu'un vol a été commis la nuit, avec es- calade, effraction et violence, dans la maison qu'il habite. Sur celte plainte, la maréchaussée su met en campagne. Elle arrête quatre individus, sans avoir aucun indice de leur culpabibté : ils sont sus- pects par cela seul qu'ils sont pauvres. PourLint ils avaient un do- micile fixe et vivaient du travail de leurs mains. On procède à une instruction préparatoire et il n'en résulte aucune charge contre les accusés qui ne se connaissent même pas ; cependant on les écroue dans la prison de Chaumont. Comme ce sont de pauvres diables, la jusiice ne sa presse pas ; elle attend qu'une occasion se pré- sente de faire une descente dans les environs du lieu ou le crime a

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été commis. L'un des prévenus meurt. On attend encore. On attend deux ans!.. Enfin \ient l'occasion : la justice va sur les lieux. Elle informe à la hâle tandis qu'elle s'occupe d'une autre afiaire ; on n'interroge que les dénonciateurs ; les accusés sont appelés devant la cour et comme ils n'ont pas les moyens de fiûre appuyer leurs dénégations de la parole d'un avocat, ils sont condamnés aux ga^ lères perpétuels. Ce n'est pas tout. Le procureur du roi appelle à minimâ du jugement, et nos trois malheureux prisonniers, traî- nés à Paris, sont condamnés par le parlement A ÊTRE ROUÉS. Heureusement pour les juges et pour l'humanité, l'arrêt prescri- vait que l'exécution aurait lieu sur la place publique de Chaamont. Dans l'intervalle, un magistrat, frappé de la nullité de la procédure, prit en main la défense des trois condamnés que le bourreau s'ap- prêtait déjà à torturer ; il publia leurs dénégations, prouva leur in- nocence dans un mémoire qui fait ressortir toute la barbarie des tribunaux d'alors, et ils furent absous (1).

V. Plus la crise approchait, plus l'opposition contre les adminis- trateurs delà commune grossissait et s'enhardissait. La mairie sem- blait inféodée. A l'expiration de chaque année, le conseil, qui lui-même se perpétuait au pouvoir» demandait l'autorisation, qui n'était jamais refusée, de porter M. de Pons au nombre des candidats et il était renommé. Toutes les affaires se traitaient chez le maire; on ne délibérait pas, on signait, et il n'y avait pas de contrôle, car les notables étaient les élus du maire. La résistance fit de M. de Pons un despote. Enfin on ne se contenta plus de protester tout bas, on adressa un mémoire au roi. Si nous en croyons les auteurs de cette dénonciation, le maire usait de l'arbitraire le plus révoltant et im- posait silence par l'intimidation. M. de Pons avait abandonné au duc d'Orléans le droit de chasse, qui était le privilège de chaque habitant, et il s'en était fait nommer le conservateur, de sorte qu'il chassait à peu près seul. Un jour il fit emprisonner un bourgeois qui avait tué un lièvre. L'affaire fut portée devant les tribunaux ; le maire perdit son procès et le parlement ordonna sur appel, que Técrou serait biffé. L'opposition était triomphante. Quatre bour-

(<} yo\tt Hémoire pour (rois hommes condamnés à la roue*

- Î59- geois osèrent maiiiresler leur joie. M. de Pons les fil jeter en pri- son et ils n'en tuiïtircnt qu'après composition. Au nombre des vic- times de ce despotisme ombrageux devait être Mugncrol, igui perdit ses Toactioris de chef des pompiers, d'inspecteur des promenades et fit encore 24 heures do prison. Le conseil se coiilenla de répon- dre au mémoire par une dénégation.

VI. Cependant les ordonnances de la mairie finirent par ne plus £lre exécutées ; la milice bourgeoise se distingua par son indisci- pline et l'insubordination se glissa jusques dans les rangs de l'aris- locralique compagnie des arquebusiers. Alors le maire, sans respect pour le droit de tous les habitants de parler les armes, trouva bon d'exclure de la milice tout l'élément populaire : le conseil t con- sidérant qu'il élail expédient de n'avoir sous les armes dans les cérémonies publiques que des hommes en étal d'y figurer sous un costume décent, t arrêta qu'il sérail formé quatre compagnies seulement de Vélile des huit quartiers et des trois faubourgs, à la lÉle desquelles on placerait des officiers de condition honnête nommés par le maire. On pense bien que cetie étrange délibération souleva l'indignation publique : on ne put pas l'exécuter. En même temps on supprimait la compagnie des arquebusiers et on fermait leur h&lel. Les chevaliers n'en prirent pas moins les armes pour le feu de la Saint-Jean ; ils rentrèrent dans leur hôlel et portèrent plainte au prince de Bourbon, gouverneur de la province, qui donna l'ordrL- de biffer la délibération au registre de la commune. Vinrent ensuite les troubles à l'occasion de la cherté des grains, au prin- temps de l'année 1780. La mairie avait acheté des blés qu'elle voulait vendre neuf hvres le bichel; les femmes se révoltèrent, imposèrent la laxe de sept livres et des hommes d'élilc, choisis dans chaque quartier pour rétablir l'ordre, refusèrent d'obéir A l'aulorilé. On fil venir un détachement de cinquante dragons ; mais la joyeuseté cliaumonlaise leur plut et ils firent cause commune avec les habitants. De fuit, M. De Pons n'était plus maire.

Vn. Les embarras du gouvernement avaient forcé le roi à (aire un appel à la nation. L'assemblée des notables, réunie en 1787, «nil proclamé son impuissance. Louis XVI essaya de pourvoir aux

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difficultés de la situation par des édits ; mais les parlements rusèrent de les enregistrer et le bailliage de Chaumont s'associa à cette résistance. Enfin, en 1789, le roi, pressé par les événemenls, convoqua les états généraux à Versailles, pour le lundi 27 avril, et, cédant à Topinion, il accorda au tiers-état une représentation ^;ale en nombre à celle des deux autres ordres.

La réunion des trois ordres du bailliage pour la rédaction des cahiers et Télection des députés, eut lieu à Chaumont, sous la pré- sidence de H. de Mandat, le 12 mars. Le cher-lieu était représenté, dans Tordre ecclésiastique, par H. Pemy, doyen de la collégiale, qui était aussi fondé de pouvoir des carmélites, et par HH. Siijean et Henri, chanoines, ce dernier au nom des ursufines. Dans Tordre de la noblesse, par messire Kathieu-Paul-Louis de Montmorency, vicomte de Laval, maréchal de camp, fondé de pouvoirs du ducd*Or- léans, seigneur engagiste du domaine de Chaumont ; et dans Tordre du tiers-état, par MM. Toupot de Béveaux, lieutenant général de police et lieutenant particulier au bailliage ; Babouot, avocat du roi ; Dubois, président de Télection ; Bocquenet, avocat ; Pierre-Antoine Laloy, avocat, et Jean-Nicolas Laloy, docteur en médecine. L*a8* semblée était composée de plus de seixe cents députés, dont nenf cent cinquante appartenaient à Tordre du tiers. Quatre hameanx seuls n'avaient pas répondu à Tappel.

VIII. Les trois ordres rédigèrent séparément leurs cahiers. Ce- lui du clei^ exprimait da plamtet; celui de la noblesse renfer- mait des féiiiioM; le tiers formulait des demandée; mais il y eut entente parfaite entre les ecclésiastiques et les hommes des com- munes. L'assemblée du clergé était presque exclusivement compo- sée de curés de villages qui, connaissant les misères du peuple et se trouvant hors de Tinfluence de Tévêque, ont admis toutes les idées nouvelles ; aussi les abbayes, les chapitres et les communau- tés religieuses ont-ils cru devoir protester, disant qu'ils n'étaient pas suffisamment représentés et que les vœux exprimés devaient être considérés comme émanant exclusivement des chefSs de pa- roisse. MM. de la noblesse ne se sont pas montrés grands parti- sans des réformes; cependant ils ont demandé des changements dans l'assiette des contributions, le vote des lois et de TimpAt par

Ml- les étals, la périodicilé de cetle assemblée, la révision des codes et l'abolilion de la vénalité des chaînes ; mais, ennemis de l'égalité, ils voulaient qu'on respectât l'ancienne division des citoyens en trois classes et que les voles se tissent par ordre.

[X. Voici le résumé des vœui communs au clei^c et au tiers- état. On verra qu'après soixante ans de rcvolulions nous sommes encore i chercher pour plusieurs leur réalisation.

Que U liberté individuelle, civile et personnelle soit inviolable.

Que le tiers-état soit admis à tous les emplois ecclésiastiques, civils et mihlaires, comme la noblesse.

Qu'à l'avenir la noblesse ne puisse plus s'acquérir à prit d'ai^enl, mais qu'elle soit la récompense des services rendus à l'Etal.

4' Que toutes les servitudes dont jouissent ou prétendent jouir les seigneurs soient vérifiées et que, si elles sont jusliQées, il soit permis de les racheter.

Que les poids et mesures soient uniformes dans tout le royaume.

6' Qu'il soit pourvu à l'inslruclioa de la jeunesse des deui seies par un plan d'éducation nationale.

Que l'on s'occupe des moyens de détruire ta mendicilê et de rendre les pauvres utiles à l'Etat sans les rendre malheureux.

8* Que le tirage de la milice soit supprimé et remplacé par uiu impi)t mis sur tous les gardons et qui sera employé par les muni- cipalités à enrôler des hommes de bonne volonté.

Que les états généraux soient à l'avenir convoqués A des époques fixes ; que les députés du tiers soient égaux en nombre â ceux des deux autres ordres ; qu'on vote par tête et non par ordre.

10° Que nul impôt ne soit levé, nul emprunt contracté sans la permission des étals.

11° Que l'impdt soit accordé pour un temps limité et que tout sujet y contribue, sans distinction, en raison de ses propriétés et (acuités. La proportionnalité de l'impôt était si bien admise alors en principe que le procureur du roi avait dît dans son discours d'ouverture : La loi immuable veut que les sujets de chaque Etat, sans distinction, contribuent à maintenir le gouvernement, chacun dans la proportion, la plus exacte possible, avec ses Tucultés. t

86 -

12* Que tous les impôts existants soient snpprimés el remplaoés par une subvention territoriale en argent, sur toutes les propriétés foncières, sans privilèges ni exemptions, et que pour établir cette subvention on fasse préalablement un cadastre général.

13® Que les professions, arts ou métiers soient assujettis à un impôt proportionné à leurs produits et représentatif de la subven- tion territoriale; que les journaliers et les manoeuvres eoieni exempts de cet impôt.

14* Qu'on avise aux moyens de faire contribuer les capitalistes. . 15* Qu'il soit perçu une capitation uniforme et modérée sur tous les individus âgés de vingt ans.

16* Que tous les objets de luxe soient soumis à un impôt. Qa*il soit perçu un droit une fois payé sur les brevets, pansions, eflkes, nominations de bénéfices et généralement sur toutes les grâces. Qae toutes les pensions accordées soient soumises à Texamen des états, que la listS en soit rendue publique, et qu'à l'avenir, elles ne dé- passent pas le crédit ouvert par l'assemt^lée.

1 7* Que l'impôt sur le sel soit aussi modéré que possible.

18* Qu'il n'y ait, pour toute espèce d'impôt, aucun abonnement général ni particulier ; que la perception en soit fiûte, dans diaqoe paroisse, par des collecteurs sous la direction des municipalités ; que les deniers en soient versés tous les mois dans les caisses des receveurs d'arrondissement qui verseront au trésor national.

10* Qu'il soit établi trois caisses du trésor national : l'une ponr les dépenses annuelles ordinaires ; l'autre pour les dépenses extraor- dinaires et la troisième pour l'amortissement et l'extinction de h dette.

30* Qu'une commission nommée par les états surveille ces trois caisses ; que les trésoriers soient responsables, et que le ministre rende tous les ans un compte public, vérifié et approuvé par les états.

21* Qu'on modère les droits d'amortissement des échanges, et que les formalités à remplir à cet égard soient plus faciles et moins dispendieuses; que les droits d'hypothèques soient aussi modérés et qu'on exige l'enregistrement des actes aux greffes des municipa- lités.

22* Pour la justice : que la vénalité des charges soit abolie ; que

les tribunaux d'exception soient supprimés; que les juges seigneu- riaux soient gradués ; qu'il y ail dans chaque province une cour souveraine, dans ctiaquo ville, bourg ou village un seul et unique tribunal, ù côté duquel sera établi un bureau conciliateur.

23' Pour radministration des provinces : que toutes soient érigées en pays d'étals et que l'assemblée des états provinciaui soit tenue comme celle des états généraux ; qu'il soit établi une commission intermédiaire des états provinciaux cl des bureaux de districts composés de quatre membres ; que les municipalités cor- respondent par les bureaux avec les commissions permanentes ; que l'administration des communes soient surveillée par ces bu- reaux ; que les droits d'entrée des villes soient modifiés, dimiimés et qu'ils se perçoivent sous la direction exclusive des municipalités ; qu'il soit' établi, dans des arrondissements donnés, un chirurgien habile et dans chaque paroisse une sage-femme.

Le tiers-état ajoutait !i ces vœux les suivants :

Que la liberté de la presse soit établie par une loi.

3* Que l'oi^nisation des corps municipaux soit réformée et qu'un règlement général assure l'élection des maires et échevins à la pluralité des suflragcs.

3' Qu'il soit accordé des encouragements k l'agriculture et au commerce par des récompenses et des distinctions hono- rables.

4* Qu'on supprime le droit de timbre ou qu'il soJt modéré, si l'on ne peut le supprimer.

5" Qu'il soit avisé au moyen de ne plus recourir à Rome pour l'obtention des bulles, brefs, dispenses, etc.

6* Enfin, que la dîme ecclésiastique soit supprimée, à k chaîne de pourvoir à la portion congrue des curés par les communautés ; que toutes les fonctions curiales soient gratuites ; que le casuel sdt supprimé, et qu'il soit déterminé, par une loi générale, quelles prières et quelles cérémonies les curés devTOnl faire graluite- ment.

X. L'élection des députés eut heu le 2G mars. Le clergé nomma Ednie Auberi, curé de Couvignon, et Simon Ednu Monnet, curé de Valdelancourt. Il donna pouvoir à ses man-

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dataires de soutenir, défendre et stipuler les droitSi intArèls et clamations du tiers, notamment de faire reconnaître, a^ant toole discussion, que les trois ordres se réuniront pour délibérer et qoe les suffrages seront comptés par tête. Dans le cas rassemblée serait contraire aux principaux vœux de leur ordre, les deux dé- putés devaient protester et justifier de leurs protestations.

Le choix de la noblesse tomba sur le cornu de ChMêod-tkAtie^ court et sur M. Louiê-Charlcê-Joêeph Descknbei, comte de Cler- moni. Us devaient protester dans le cas les états adopleraieni une proposition contraire à la constitution des ordres.

Les quatre députés du tiers-état furent Jean-Baptitte Mwrel, cul- tivateur à Yesaignes (1) ; Pierre Mougeotte de Vignes^ procarear du roi à Chaumont; Jean-Nicola» Lalog^ médecin à Chaumant el Noël-Claude Jany^ de Brienne, ancien avocat au parlement. Gomme M. Horel était absent, on nomma suppléant Martin Gombert^ cul- tivateur à Mareilles. Ces députés devaient s'entendre avec ceux du clergé et entretenir une correspondance active avec un bureau qui fut établi à Chaumont, pour qu*ou put au besoin leur envoyer des instructions (3).

XI. Les événements se succèdent avec rapidité ; nuds ils appar- tiennent à l'histoire générale. Disons seulement que la cour essaja» comme elle Tavait fuit, dans les précédents états-généraux, d'en- tretenir la division entre les ordres, afin de leur foire perdre on

(1) Il donna m d^mUtion dct le mois de noTembre et fot remplaeé pir toa «ippUtAl ,

(2) On a récemmfnt publia è'wen fragments àf mémoires de M, BesfBot, nhCifa è ces élections. L'auteur y plaisante sar tout, sur fil. de filaodat, sar Tabbé de ClairTm», pr^idfnl du rlergé et principalemrnt sur le paoTre tifr^-^tal a qni atleodeit dasi les cabarets ce qu'un vendrait faire de Ini ». Suivant l'auteur dca mémoiret, ai iodiacrèlMMaC mis au jour, tous \n députés ^Ins étaient des ignorantsj des gens ineapablea, qui M dweal leur dévation ou'k la cabale cbaoniontaiae « el que le suroès ne put pea mtew fMclwr k l'obscurité profonde ils avaient viVu et ils sont morts. » il n*eioepte pua mène !• Tertofui et savant Liloy, a bon homme au demeurant, dil-il. nuis de meran eomasaus et dénué de loute iusiruction . » Pour toute réfutation, nous airona que M. BeufBOl dtoil lui même candidat, ainsi que son ami Bccqoey, alors contrôleur à Jointille, et fB« Itvrs intrigues combinée na purent réussir contre ce qu'il appelle la cabale cbaumonlaiat. •» L'injusiice amère dos apprériaiioos que nous venons de reproduire s'eipliqnerait jiiy'fc un certain point par le désappointement ; mais nous ne comprenons pas qroa les ait p«- bliées de nos jours l'on peut juger avec plus d'impartialité. Elles attaquent un cjtoym que tons les partis ont jugé on homme de bien rt do mérite, et dont la mémoire aéra Uni* jours en vénération dans la ville de Chaumont. Noua préférona lea manra commaaw ém i^Ioj, qui est toujours resté fidèle à ses principes, aux mœurs raffiodfli de beaaeovp 4m noa hommci d'étal qui n'ont jamais ser? i que leur ambitioo .

temps précieux et de les dissoudre après le vole des lois de finances. Cette fois la vieilie lactique ne réussit pas. Les députés du tiers pcrsistèreot à demander la vérification des pouvoirs en commun, et, sur le refus de lu noblesse et d'une partie du clei^é, ils se con- stituèrent en assemblée nationale. Les députés Aubert et Honnel, fidèles à leur mandat, sont compris dans la liste des membres du clergé qui ont voté dans la séance du 1? juin pour la vérification des pouvoirs en cofbmun. Louis XVI fit fermer la salle des étals; mais le 20 juin, les députés du tiers, présidés par Bailli, se réu- nirent dans le Jeu-de-Paume avec la majorité du clei^è et jurèrent de ne se séparer qu'après avoir donné une constitution b la France.

Le serment du Jeu-de-Paume est ta proclamation de la souve- raineté du peuple. MM. de Choiseul et Descbîbes ne siégeaîenl pas encore; ils ne furent admis que le {"juillet. Houjucotle de Vignes fut du nombre des députés choisis par le président dans la séance du 13 juillet pour aller prier le roi d'éloigner les troupes el de confier la garde de Paris à la milice bourgeoise. Après la prise de la Bastille par le peuple, Aubert et Laloy firent parUe de la députalion qui accompagna le roi à Paris, alors qu'il reçut des mains du maire la cocarde tricolore, signe distinclif des partisans de la révolution.

Xli. A Cbaumonl, les nouvelles qui anivaienl de Paris causaient une agitation très-vive et l'enthousiasme révolutionnaire ; éclala en plusieurs occasions, notamment le 30 juillet, lors du passage de Necker, que les événements avaient fait rappeler de l'exil. L'entrée en ville de ce ministre alors si populaire fut un véritable tiiomplie ; on détela sa voiture que les citoyens amenèrent à bras sur la place. La foute se press^tit si nombreuse que plusieurs personnes furent blessées, entr'aulres Junot, qui était alors clerc d'avoué à Chau- mont el qui devait s'illustrer plus tard parmi les défenseurs de la pairie.

Le 30, la mairie convoqua une assemblée générale pour prendre les mesures que nécessitait la sûreté publique. La délibération fut longue et orageuse; enfin l'assemblée décida qu'un comité perma- nent de quinze membres, choisis dans tous les ordres de citoyens.

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lé- serait chargé de la police militaire et commanderait la milice. C'était déclarer aux administrateurs en exercice qu'on n'avait pas confiance en eux. Ils se retirèrent après avoir protesté. Dès le len- demain le comité révolutionnaire fut installé. Le maire et les éche- vins cessèrent de prendre part aux délibérations. Telle fut la première journée de la révolution à Chanmoiit.

CHAPITRE IL

LA MONARCHIE consututionnelle (1789—1792).

I. L'assemblée nationale jeta en quelques jours les bases fonda- mentales de la révolution : abolition des droits féodaux, de tons privilèges et de la dime ; abolition des distinctions d'ordres entre les citoyens ; déclaration des droits de Thomme ; proclamation de la liberté de la presse et de la liberté des cultes ; institution dn jury.

Ces réformes étaient accueillies à Chaumont avec enthousiasme ; mais la population, qui passait subitement du régime despotique de H. De Pons au régime de la liberté absolue, s'était laissée aller à l'anarchie. Pendant l'hiver les pauvres, sous le prétexte de cou- per le bois mort, avaient dévasté les forêts. Les denrées étaient chères et Ton ne s'en procurait que difficilemeut parce que les pay- sans, dans la crainte de la disette, arrêtaient les provisions destinées à la ville ; aussi les jours de marché étaient-ils des jours d'émeutes populaires. Le comité municipal faisait d'inutiles efforts pour main- tenir l'ordre. Au mois de novembre, l'agitation devenant plus me- naçante, malgré les mesures prises par le comité des subsistances, les administrateurs publièrent la loi martiale et après avoir promené le drapeau rouge dans toutes les rues de la ville, ils le firent arbo- rer sur la façade de l'IIôtel-de-Ville. Ce moyen extrême ne réussit pas mieux que la persuasion. D'ailleurs le comité n'avait déjà plus

la confiance des habitants et l'on demandait une autre adminis- tration.

n. Enfin, le décret constitutir des nouvelles municipalités parut an mois de décembre. Les élections eurent lieu i Chaumont le 2 janvier 1790. Deux cent quatre-vingt-six électeurs votèrent au Palais et deux cent soixante-cinq à l'église Saint-Ulchel. M. L. F. De Lamiranli, commandeur de Thors et du Corgebin, Tut élu maire. Deui jours après P. A. Laloy fut nommé procureur syndic. On procéda ensuite à l'élection de huit ofDciers municipaux et de dix- liuil notables. La nouvelle administration ne fut pas plus tdt installée qu'el'e fil présenter à l'assemblée nationale l'adresse suivante :

« Nous, ofQciers municipaux et notables de la ville de Chaumont- cn-6assigny, légalement et librement élus par nos concitoyens, fidèles interprètes de leurs sentiments et chargés de les exprimer, considérant que la première et la plus importante des fonctions qu'ils viennent de nous conHer, doit être de porter aux pieds de l'auguste assemblée de la n:<lion, l'hommage de notre admira- tion et de noire respect, impatients de répondre au vœu de la commune, nous nous empressons de déclarer qu'elle a toujours ad- héré, de cœur et d'a^eclion, comme nous adhérons inviotablement, à tous tes décrets que les vrais législateurs ont porté, dans la pro- fondeur de leur sagesse, pour la régénération de l'empire et le salut de la patrie ; que la sanction dont le monarque a revêtu ces lois nous les rend plus précieuses, et, en nous donnant de nouvelles preuves de b bonté de son cœur, augmente encore la fidélité et l'amour dont nous avons toujours été pénétrés pour la personne sacrée de Sa Hnjeslè.

f Nous jurons donc, par le ciel qui punit les parjures, que, constamment attachés à la constitution, nous sacrifierons à la main- tenir nos forces et nos moyens ; que, réunis aux bons et zélés pa- triotes, nous la vengerons de toute atteinte.

( Ce serment et notre patriotisme, voilà nos biens ; épuisés par la construction d'une maison commune et la subsistance que nous devons à nos concitoyens indigents, il ne nous reste que la finance des anciens oQices municipaux fixée à trente mille livres : Nous supphons l'assemblée nationale d'en agréer l'offrande et nos dépu-

- ses ~

téft d'en déposer la quittance de finance sur Tautd de h Pa- trie. >

ni. Les Chaumontais confirmèrent bientôt ce témoignage officiel de leur patriotisme. Dans une fôte qu'ils célébrèrent le 9 fémer, i l'occasion des é?ènements accomplis le 4 à Paris, la curé ft l*is- sue de l'office divin lut le discours du roi et demanda à ses Gon- citoyensy s'ils voulaient jurer c d'être fidèles à la nation, la loi, au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution. » Tous les bras se levèrent et l'on n'entendit plus dans l'église SaintJoan qne les cris répétés de Dieu lotc louél Vive la nation I Vive fe roi I Vive Vatiemblée nationale l Le soir, pour la première fois i Ghaamonl, il y eut illumination générale.

IV. Cependant la ville se trouvait sans ressources. Les octrois étaient supprimés et les marchands avaient déclaré qu'ils ne paie- raient plus la subvention. Une proclamation ordonnait la continoa- tion de cet impôt ; mais il fut impossible de le percevoir, et la nou- velle municipalité se vit forcée de l'abolir. On pourvoyait eux né- cessités du moment par des contributions volontaires.

En même temps, on demandait b formation d'une garde natio- nale. La municipalité ayant convoqué tous les citoyens actifii dans la grande salle du Palais, on y décida à la presqu'unanimité la sop- pression des quartiers et l'établissement d'une nouvelle milice, for- mant un seul corps divisé en plusieurs compagnies. Cette garde qu'on appela Volontaires de la milice nationale de Chaumont^ choi- sit pour commandant H. Durville, chevalier d'honneur au bailliage, qui s'était rendu populaire par son opposition i M. de Pons. Elle était composée de quatre compagnies de quarante hommes chacime. Les volontaires firent le service des dragons ; mais bientôt Tindis cipline se mit dans leurs rangs, et par leur rivalité avec les arque- busiers, ils occasionnèrent des troubles. Comme on tardait à leur distribuer des armes, parce qu'on travaillait à une oi|;anisation mili- taire plus complète, ils envahirent la mairie et s'armèrent de force- On voulait rendre compte au gouvernement de cet acte d'insubordi- nation ; mais ils arrêtèrent les députés aux portes de la ville. En tout ils voulaient imposer leur volonté à la municipalité qui les me-

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naca de la loi marliale. Au mois de septembre, on Torma quatorze compagnies nouvelles et M. Durville, qui avait donné sa dâmissîoa, reprit le commandement. Enfin la garde nallotuile fut organisée en 1792 et Torma deux bataillons. La compagnie des arquebusiers n'existait plus ; son drapeau et les huit enseignes des quartiers étaient suspendus dans l'église Saint-Jean, aux voûtes du cliœur.

V. L'Assemblée nationale ne s'était pas contentée de poser les bases de la révolution et de donner une conslilution au rojaume ; pour rompre plus complètement avec le passé, elle avait détruit l'ancienne organisation provinciale : la France nouvelle était divisée en départements et les départements en districts ou arrondissements. Chaumont se trouvait enclavé dans la Hauie-Harnc. Il restait à dé- cider où serait établi le clief-lieu de ce déparlement. Chaumont et Langres se disputaient cet honneur. Déjà un rapport présenté à l'assemblée par son comité de constitution s'était prononcé en faveur de l'ancienne capitale du fiassignv ; c'était aux électeurs de la cir- conscription à en décider. Ils se réunirent à Cbaumonl, chef-lieu provisoire, et, après plusieurs séances, ils r.-poussêrent par 293 voix contre 120, les prétentions de la ville de Langres. Ce vote pu- blié le 8 juin, fut sanctionné par les représentants de la nation.

VI. A peine les réjouissances auxquelles donna Heu ce triomphe, qui envenimait encore la vieille rivalité des deux villes, étaient lermi- néesau nouveau chef-lieu, que les Chanmontais chômèrent le 17 juin, jour l'année précédente les députés du tiers-état s'étaient cons- titués en assemblée nationale. L'administration municipale écrivit à Syès qui présidait alors : < Ce jour a fait de tous les ordres un peuple de frères ; l'homme lui doit la déclaration de ses droits, la France sa constitution. C'est ce jour que la Providence, toujours admirable dans l'ordre des événements qu'elle prépare , semble avoir voulu rendre plus solennel en réservant & l'homme, qui fut asseï heureux pour fixer la dénomination de cette assemblée, la glaire de la présider aujourd'hui.! Le 14 juillet, on célébra la fôte de la fédératiou. Tous les citoyens prêtèrent le serment civique sur l'autel tie la Pairie dressé à l'entrée de h promenade du Fort- Lsmbert.

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Vn. Les administrateurs du département et ceux du district parurent pour la première fois en public le jour de la fédération. On sait que Tadministration du département était composée de trente-six membres, dont huit désignés par leur collègues formaient le directoire. Cette administration s'assembla d*abord dans une des salles du couvent des capucins ; trois mois après, elle s'installa à THôtel-de-Ville était déjà le district qui fut transféré Tannée suivante aux Carmélites. Enfin, cette ancienne maison religieuse fut définitivement afiectée au service départemental lors de la sup- pression des districts.

Le premier directoire de la Haute-Marne était composé de MM. P. A. Laloy, Valdruche, Brocard, Hilaire JoUy, Edme Larcher, Carbelot, Maireau et Berthot. M. Becquey était procureur général syndic ; mais ces administrateurs n'avaient pas tous au même degré la confiance des Chaumontais. Le 3 novembre, après la prestation de serment des nouvelles compagnies de milice, le peuple s'insurgea pour empêcher la circulation des grains. Quelques membres du directoire ayant voulu intervenir, leur autorité fut méconnue, on les menaça et même, pendant un moment, la vie de M. Becquey fut en danger au milieu de l'insurrection, qui se prolongea fort avant dans la nuit. Pour rétablir l'ordre, la mairie dut faire répandre le bruit que le directoire allait faire retraite sur Langres et s'y installer. Le lendemain la tranquillité était complètement rétablie.

Vni. On travaillait alors à la reconstitution du clergé d'après les lois nouvelles. Dès le mois de novembre, les représentants de la Haute-Marne, Aubert et Monnei, avaient prêté le serment civique au sein de l'assemblée nationale. L'évèque de Langres, M. de La Luzerne, député du bailliage de cette ville, avait au con- traire donné sa démission ; il s'était retiré dans sa ville épis- copale d'où il encourageait la résistance dans le diocèse. Il émigra bientôt, en laissant des instructions aux prêtres. qui avaient, comme lui, persisté dans leur opposition. Cependant le 16 janvier 1791, M. Babouot, curé de Chaumont, et ses trois vicaires, le desservant de rhôpital et tous les prêtres de la doctrine chrétienne, prêtèrent le serment dans Téglise Saint-Jean, après une messe solennelle, en présence des officiers municipaux. Le chapitre était supprimé. Bien-

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tôt vitil le jour les électeurs devaient faire choix de l'évËque constitutionnel du département. La réunion i:lcclorale eut lien h ChaumonI et l'évéque de Ljdda, Gohel, rêunil la majorilù des suf- frages. Mais il était en niâme temps élu dans le Haut-llbin et à Paris ; il opta pour celle dernière ville, et, le 27 mars, on le rera- (jlafa dans la Haule-Marne par M. Antoine-Hubert WandelaincourI, curé de Planrupl, et ancie:i principal du collège de Verdun. La proclamation des curés élus en remplacement de ceux qui avaient refusé le serment, se fit solennellement le 17 mai, dans l'église de Chaumont, par M. llilaire Jolly, président du corps électoral. EnGn, deux mois après, un arrêté du directoire prescrivait les mesures nécessaires pour assurer la liberté des cultes dans le département. Les fonctions ecclésiastiques ne pouvaient être exercées, dans les paroisses, que par les prêtres assermentés ; toutes les églises et clia* pelles appartenant à lu nation ol qui n'étaient pas alTeclées au culte public devaient tire fermées , â l'exception de celles des maisons religieuses, des prisons, des collèges et des cou- vents de religieuses cloîtrées. Les citoyens étaient libres de se réunir pour l'exercice d'un culte religieux quelconque, à la condition du placer une inscription indiquant l'usage de l'édiGce se tenaient les réunions. Il était expressément défendu de mêler aux exercices du culte des provocations contre la constitution, con- tre les lois ou contre les autorités. Tout ciloyen qui tenterait de troubler l'exercice d'un culte devait être poursuivi comme pertur* bateur du repos public.

IX. En même temps toutcsies autres branches de l'adminisIratiaR publique s'organisaient et déjA des juges, élusaussi par le peuple, rendaient la Justice. Un tribunal de commerce siégeait à Chaumont (â8 juin). Pour remplacer le numéraire que les ennemis de la ré- volution commençaient à cacher, l'assemblée avait créé les assi- gnats : par imitation de cette mesure de prévoyance, et pour la com- pléter, la mairie de Gliaumont ouvrit une came de conjiancc et émit au mois d'août pour quijize mille doux cent cinquante livres de billets, par fractions do deux sols six deniers, de cinq sols et de dix â cinquante. C'éUiil la menue monnaie du papier national.

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X. EnlSn les constituants terminèrent leur œu?re de réginénitioii. L'acte constitutionnel fut proclamé à Chaumont, avec la plus grande solenoitéy le 25 septembre, à trois heures, sur la grande place, Ton avait élevé un autel orné de branches de chAoe, de gerbes de blé, de corbeilles de fleurs et de fruits, attributs de l'abondance. Au fond était un tableau représentant l'épée surmontée du bonnel rouge, emblème de la liberté, avec cette inscription: La nation. La loi. Le roi. Le soir, il y eut des feux de joie, des illuminations et des banquets fraternels dans tous les quartiers. Cet enthousiasme des Chaumontais était sincère. Partisans dévoués de la révolution, ils la croyaient à peu près finie ; ils voyaient avec bonheur la France régénérée entrer franchement dans la voie de la liberté, qui devait aboutira la prospérité età l'abondance ; ils ne prévoyaient pas encore que le roi, qu'ils entouraient d'un amour réel, qu'ilsappelaientle Père du peuple^ le Restaurateur de la libertéj serait poussé par les par- tisans de l'ancien régime à rompre le nouveau pacte d'alliance.

XI. L'assemblée législative succéda à l'assemblée nationale constituante le 4 octobre (1). Le département de la Haute-Marne y était représenté par HH. Becqtuyy Briolat^ procureur-syndic da district de Saint-Dizier, Chaudron-RousMeaUy procureur-syndic da dictrict de Bourbonne, Pierre-Antoine Laloyj administrateur dn département, VaUruche^ Bernard de Varaigne^ ingénieur des ponts et chaussées à Langres, et Landrian^ qui ne se présenta pas el fut remplacé par l'un des trois suppléants, M. Benrys-DesneiteUei*

Xn. Les Chaumontais attendaient le retour des constituants pour donner un successeur à H. de Lamirault, qui s'était retiré de la mairie dès le mois de septembre. Ils voulaieni confier ces impor- tantes fonctions au docteur Laloy, qu'ils savaient en être digne. Q refusa d'abord, désirant consacrer tout son temps à la pratique de la médecine ; mais il finit par céder aux prières de ses concitoyens (15 novembre), qui lui renouvelèrent son mandat pendant plusieurs années, à la presqu'unanimité des suffrages. Laloy connaissait toutes

(4) Les deui dépnlés cnvoyét par li noblecM du bailliage de GliaoïnoDt avaient rarenaat paro à Pasaemblée. M. de Choisenl. aTanI la diaaolation, protettai aTcc qQelqoea>uiii à% aea collègvet , contre tout ce qoi arait ét^ fai I ; il dmigra et ne rentra en France qo'en 4814.

les difllcullés de la mission qu'il acceptait, et nous les verrons grandir; mais la principale, alors, était l'approvisionnemeal des marchés de la ville. Le peuple, menacé de la diselle, s'ameutait lors- que les approvisionnements n'arrivaient pas ; il courait sur les routes pour arrêter au p3!-sage',les voitures de grains et l'autorité était im- puissante : « Messieurs, dit Latoy en cédanl nu vœu des électeurs, les inquiétudes du peuple au sujet des subsistances exigent impé- rieusement que l'on prenne des mesures et rjue l'on emploie les moyens les plus propres pour le rassurer. Vous avez été témoins de différents mouvements auxquels il s'csl livré et qui ont excité les craintes de l'aulorité supérieure; ils ne doivent passe renouveler ; que notre prévoyance et notre sollicitude rétablissent le calme, l'or- dre et la tranquillité dans la ville. » L'assemblée ordonna la forma- tion d'un magasin de grains, et, pour procurer à l'administration les fonds nécessaires, on ouvrit une souscription patriotique à la- quelle les citoyens s'empressèrent de prendre part.

XTIL Mais cette sage mesure ne pouvait s'exécuter assez prompte- ment, et, dés le mois de janvier 1793, le maire se trouva en présence de nouveaux attroupements. Deux voilures chargées de grains avaient été amenées de force sur la place publique. Déjà le tocsin appelait le peuple à la révolte. Laloy convoque immédiatement le conseil : < Je veux, dit-il, que force resle à la loi. » Il requiert ta garde na- tionale el la gendarmerie, et, s'avanfant au milieu de la foule : t Un tel comportement est coupable, dit-il, vous n'avez pas sujet de vous alarmer sur les subsistances, car il y a dt^'à sur les greniers de l'Hâlel-de- Ville douze cents mesures de seigle, qui sont une ressource ouverte à tous ceux qui ne trouveront pas A se pourvoir sur le mar* ché. Si vous Ëles dans la dispoi'ition d'acheter le grain dont ces deux voitures sont chargées cl qui n'est aussi que du seigle, adressez- vous aux voituriers, ils sont prêts à vous le livrer ; si au con- traire vous voulez continuer h agir par violence, je donnerai l'ordre de faire sortir les voilures et je les ferai escorter. Citoyens, respect h la loi. ) Ces paroles n'ayant produit aucun cfTet sur les révoltés qui voulaient que le grain fut déposé i ]'lIdlel-de-Villc, Laloy dit aux voituriers de fouetter leurs chevaux, et il donna l'ordre è la garde nalionale de suivre les voitures pour les proléger dans ienr

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marche. Le convoi ne fut libre qu'à Luzy ; mais la fermeté du maira en avait imposé au peuple et il n*y eut plus d'attroupements. Les administrateurs du département voulaient mettre en garnison à Chan- mont deux compagnies de cavalerie ; Laloy s'y opposa, disant qu'avec la garde nationale il répondait de l'ordre. Le gouverne- ment adressa des remerctments au maire et à la milice citoyenne ; Lafayette les félicita au nom de la garde nationale de Puis.

XIV. La Société des Amii de la Conttitution se formait alors. Elle flt planter le 12 mai, sur la place de l'Hôtel-de-Villey nn arbre civique surmonté du bonnet, emblème de la liberté. Toutes les auto- rités assistaient à celte fête patriotique, pendant laquelle on fit feu de deux petites pièces en bronze, que H. de Handat, l'ancien boillii alors citoyen de Cftatimonf, avait données aux Chaumontais (1). L'union la plus parfaite régnait dans la ville.

XY. Cependant les ennemis de la révolution dévoilaioit leurs projets et la nation commençait à perdre la confiance qu'elle avait eue jusques-là dans le patriotisme de Louis XYI. Les princes avaient quitté la France. Beaucoup de nobles et de membres du clergé les avaient suivis. L'empereur d'Allemagne et le roi de Prusse s'étaient coalisés à Pilnitz pour rétablir l'absolutisme. Déjà les émigrés avaient fait une tentative sur l'Alsace. Partout on s'armait pour la défense du territoire et les volontaires de la Haute-Marne, qui avaient firatemisé à Chaumont avant même que la guerre n'eût été déctarée, attendaient le signal du départ. Les administrateurs firent compléter deux bataillons au mois d'août; on leva encore dans le département quatre cents hommes pour le complément de l'armée et six cents gardes nationaux. Enfin, les Prussiens franchirent la frontière : la Champagne était envahie. On proclama la patrie en danger. Alors commence cette longue période des guerres de la révolution, le patriotisme ranima jusqu'à l'héroïsme notre vieille France que Ton croyait épuisée. A Chaumont, le conseil de la commune était en per- manence : il pressait les enrôlements ; il armait les volontaires ; il

(4) Ces piècM d'arlillem, qoi n'ëUîent one dflt objeCf de cnrionté, nollement propni à la àéUoMy QDt éU eolcféct tn 4844 ptr la tlUét. La fille m coDaerre Ui deu •?•&!- traiaa.

Ï75 DA potmit plus, comme au temps des Reitres, armer les remparts, car l'absolutisme n'avait laissé dans la ville que trois vieilles pièces de fonte hors de service ; cependant il oi^nisait les moyens de défendre la place.

Le roi avait voulu opposer son veto aux mesures de rigueur prises contre les émigrés et les prêtres insermentés ; mais, pressé par le peuple lors de l'envahissement des Tuileries, le 10 août, il s'était TU contraint do se réfugier au sein de l'assemblée qui l'avait suspendu et renfermé au Temple.

XVI. Le directoire de la Hante-Hame qui, comme nous l'avons dit, était loin de jouir de toute la conGance du peuple, se montra dans cette circonstance hostile à l'assemhlée. Dénoncé au conseil eiécutif et convaincu d'ailleurs, par des actes publics, d'avoir soutenu des attentats contre les droits inprescripllbles de la nation, il fut suspendu par un arrêté du 18 dont l'exécution fut conliée au maire de Chaumont. Les Lan^ois crurent le moment favorable pour fidre revivre leurs prétentions et réparer l'échec du 8 juin 1790. Hs résolurent donc de descendre sur Chaumont et de s'emparer par force de l'administration départementale pour l'installer dans leur vflle. Ils se mirent en effet en roule, au nombre de trois cents en- viron, avec deux pièces de canon, dans la nuit du 21 au 22 août. Ils pensaient surprendre leurs voisins ; mais un Chaumonlais qui se trouvait i Langres et qui avait eu connaissance du complot, était venu en toute hâte prévenir ses concitoyens. Le maire Gt battre le rappel et, de concert avec le commandant de la garde nationale, il rangea les compagnies sur la place de l'HOtel-de- Ville. Un détache- ment de grenadiers se tenait à l'entrée du faubourg Saint-Michel. Il était à peine jour quand les Langrois se trouvèrent en présence de cet avanl^poste et ils ne comprirent bien leur imprudence qu'en entendant le gui vii«! de la sentinelle. 11 y eut dans leur troupe un moment d'hésitation ; mais enlln le chef déclara ^u'if avait à parlera la municipalilé. Comme on était prêt aies recevoir, on les laissa passer. Ils vinrent se ranger en bataille sur la place, traînant derrière eux leur artillerie. Le maire leur ayant de nouveau de- mandé ce qu'ils voulaient, ils répondirent. . . que leur dessein était de proposer à la ville d'effectaer coucurremment avec elle la ans-

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pension da directoire. On leor donna lectore de rarrèté de pension qoe Laloy avait déjà exécuté, c Ce bit, dit le registre de la municipalité auquel nous avons emprunté le récit de cette expé- dition, les citoyens de Chaumont se sont généreusement prèles à donner Thospitalité à la troupe, même à partager avec les indin- dos qu*ils ont reçus chez eux leur table et leur subsistance. > De* puis ce temps, si nous en croyons une histoire écrite par un Lm^ grois (i), lorsque quelqu'un (ait une sottise à Langres, on dit qo*0 revient de la campagne de Chaumont.

XVn. Après avoir suspendu le pouvoir royal, l'assemblée légis- lative décréta la réunion d'une Convention nationale, chaigée de donner à l'élat une constitution nouvelle. Les électeurs de la Haute- Marne se réunirent à Langres le 2 septembre. On se battait en Lor- raine et sur toute la frontière allemande. Le l^résident dn corps électoral proclama représentants du peuple pour le département : MM. Guyardin^ procureur de la commune de Langres ; Momtcl^ ancien constituant ; Louis Roux^ vicaire épiscopal; FoUme&e, Chaudron Rnusseau et P. A. Laloy j députés à la législative, et Wandelaincourl^ évêque constitutionnel; suppléants : MM. Vareigna^ ancien député ; Laloy ^ maire de Chaumont et Maillard-MUlet^ de Langres. Becquey, qui avait repoussé toutes les mesures décrétées contre les ennemis de la révolution, se retira pendant quelque temps de la scène politique.

CHAPITRE III

LA RiPUBUQUE JUSQU'AU IX THERMIDOR (2i SEPTEMBRE 4799

27 JUILLET 1794).

L La Convention nationale ouvrit ses séances le 20 septembre 1792 et le lendemain elle proclama la république,

(4) Résumé de Vhistoirs de ChampagnSf ptr M. Moatrol.

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Le décret qui abolissait la royauté en France fui publié le 26 à ' Chaumont avec la plus grande solennité.

S-a prenant place dans l'assemblée, les députés de la Haute- Harne s'étaient tous rangés sur les bancs do la Montagne. A la tête de la mairie de Paris étaient alors deux citoyens, Chambon et Ma- nuel, qui avaient pendant longtemps bubité Cbaumont, le premier comme médecin, l'autre comme doctrinaire (1). C'est Manuel qui délivra à son ancien collègue, le P. Barbe, le passeport avec lequel il a pu se rendre à Chaumont, sa patrie adoptive, il est mort huit jours après son arrivée (2). Philippe Barbe était néâ Londres, en 1723, de parents réfugiés en Angleterre après la révocation de l'édit de Nantes ; son père, ministre protestant, ayant abjuré, Phi- lippe avait été reçu par les prêtres Je la doctrine chrétienne ; il avait professé la rhétorique dans divers collèges et en dernier lieu dans celui de Chaumont (3); enOn il avait été rappelé à Paris par ses supérieurs et placé au mont Valérien il devait traduire et com- menter les Pères grecs. Chassé de ce lieu de retraite par la révo- lution, il voulait demander un asile â ses amis de Chaumont ; mais il eût été imprudent de se mettre en route sans passeport et comment en obtenir un ? Barbe n'hésita pas à réclamer la protection de son ancien collègue et, grùce â un laisser-passer délivré par le magistrat révolutionnaire, qui pour plus de sûreté avait dans la for- mule déclaré le porteur honm-te homme quoique prêtre, il arriva sans difficulté dans la Haute-Marne (4). Comme l'avait prévu le sa- vant doctrinaire, les décrets que les circonstances avaient imposés aux législateurs, contre tous les ennemis de la république, étaient exécutés â Cbaumont avec le moins de sévérité possible, et le jour même de l'arrivée de Barbe, les ecclésiastiques insermentés, détenus

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1*) On pn<lenJqBeMiiiiialEl(

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ioz UnmIineSy adressaient i la municipalité une lettre de remer- dments pour les égards dont ils étaient entourés. Qnelqaes eialléa essayaient bien de soulever contre ce qu'ils appelaient la moUen^da maire, les membres de la Société des Anài de la Uberté (1) ; inaia Laloy, fort de son patriotisme et de sa conscience, se contentait de répondre à leurs criailleries par des mesures administratifes q^ assuraient rapprovisionnement de la ville et procuraient du tranil aux ouvriers.

n. A rextérieur, le danger augmentait. L'ennemi avait été chaaié des plaines de la Champagne et poursuivi au-deli du Rhin ; mais tous les souverains de l'Europe s'étaient coalisés et demandaient la liberté du roi. La Convention, sans se hdsser intimider par la me- nace, répondit à cette demande par un décret qui ordonnait le jo* gement du prisonnier. Louis XYI parut à la barre de TAssemblée ; on entendit sa défense ; et h presqu'unanimité des voix le dédan coupable. On délibéra ensuite sur la peine et un arrêt de mort flit prononcé. A l'exception de Wandelaincourt qui demanda, coœine mesure de sûreté, le bannissement du coupable jusqu'à k paix, toute la députation de la Haute-Marne a voté avec la mqorité. On s'attendait à cet arrêt dans le département; dès 1789, une eom- mune des environs de Châteauvillain avait demandé dans aoo fatfl- gage rustique qu'on déroitât le roi s'il s'opposait aux réformes. MaiSi nous devons le dire, il fut reçu à Chaumont avec toute la dignité convenable ; il n'y eut aucune manifestation de joie, aucune adresse de félicitations à rassemblée ; on comprit qu'il est toujours dé|riaeé de se réjouir en présence de l'échafaud et que les juges ne doivent rechercher d'autre approbation que celle de leur conscience. Quand, quelques jours après, le conventionnel Michel Lepelletier tomba sous le poignard d'un royaliste, on célébra deux senices solennels pour honorer sa mémoire (i) et alors seulement les orateurs qui prirent la parole au nom de leurs concitoyens approuvèrent haute- ment l'acte du 21 janvier.

(4) C'était PaiMâMM •ocîélé 6m Amis it h CoottitstioDi tlU anit chiofl àê èÊfnê 11 proclanatioD U répsbUfM.

(3) 21tt24férrMr4795.

Œ. Cependant, â l'intérieur comme à l'extérieur, tous lea enne- mis de la révolution travaillaient à la ruine de la république. Cette situation, qn'oj pourrait appeler désespérée, si b Convention n'a- vait pas su s'élever ù la hauteur des circonstances, exigea impérieu- semenl de nouvelles mesures de rigueur contre les émigrés, contre les prêtres insermentés et contre les suspects. Ces mesures furent exécutées à Chaumont, mais avec moins de sévérité que partout ailleurs, car il n'y avait pas d'opposition sérieuse dans cette ville Von ne remarqua que quelques actes isolés d'hostilité sans im- porlance.

Un autre danger intérieur non moins pressant exigeait des me- sures urgentes : une augmentation progressive sur toutes les den- rées de première nécessité avait rendu insuIBsant le salaire de l'ouvrier. Le directoire du département, présidé alors par F. Usu- nier, de Fresne-sur-Apance, fit une adresse pressante aux manu- facturiers : < Ce n'est pas assez, dit-il, chez un peuple républicain, d'obsener la loi de justice en faisant ou en conservant pour soi le bien-être, sans détruire celui des autres ; il faut encore le parta- ger avec ceux qui n'ont que des bras et qui sont entrés comme nous dans la vie au milieu des cris et des tourments. Remplissez ce devoir de toute association patriotique; écoulez le cri impérieux de la nature.... C'est aussi le moyen d'éviter la guerre intestine qu'on veut exciter par la misère du peuple. > Ces sages et patrio- tiques conseils furent entendus.

Le 3 mars, un nouvel arrêté ordonna, couformément à la loi, le désarmement des suspects. On ne trouva à Chaumont que vingt citoyens à classer dans celle catégorie. Le désarmement se fit dans la soirée du 3 avril, par les ofQciers municipaux eux-mêmes. La loi internait les suspects dans la ville ; mais l'administration ne leur refusait jamais l'autorisation d'aller visiter leurs propriétés et de sortir pour leurs aflaires, même pendant plusieurs semaines.

IV. Les dangers de la patrie devinrent plus grands encore et la Convention, pour mettre plus d'unité dans l'action, coulia le pou- voir exécutif à un comifé<fesa/ui pb/ii:. Les royalistes s'agitaient dans le midi ; la Vendée était en insurrection ; les armées de la république étaient battues sur le Rliin ; le fédéralisme, soutenu par

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les Girondins, faisait des progrès dans les départements ; mais b Montagne triompha, et» pour pouvoir tenir tête à tous ses omeois, elle fit décréter les lois révolutionnaires.

Une loi du 2 juin ordonnait aux municipalités c d'arrêter tontes les personnes notoirement suspectes d'aristocratie et d'incivisme. » A cette occasion, le conseil général de Chaumont prit une délibé- ration qu'on nous saura gré de reproduire (1).

c Considérant que cette loi a été rendue à l'occasion des trou- blés survenus dans le département de la Lozère et qu'elle doit être appliquée avec sagesse, dans une ville qui a conservé le calme et b tranquillité au milieu de tous les orages de la révolution; coosio dérant que sous un gouvernement républicain le vrai , le seul moyen de conserver la liberté publique, est de respecter la liberté individuelle, aussi longtemps qu'elle ne devient pas dangereuse i b société, et que la persuasion a toujours été plus forte, pour enchit- ner les citoyens à l'ordre public, que les mesures qui ne font eon- sister la confiance que dans des moyens de contrainte et de terreur ; considérant que de grands troubles ont été souvent occasiomiiés par des causes moins alarmantes que la violation de ce principe fondamental, et qu'il importe de prévenir les tumultes et les aptt- tions qui ne servent que les ennemis de la liberté et de l'égalité ; -* considérant qu'une marche ferme, sage et tranquille peut seule en imposer à nos ennemis en leur annonçant la modération qui cou* vient au courage ou plutôt, sans laquelle il n'est pas de comnage vraiment durable et irrésistible; qu'elle peut faire revenir les esprits timides et chancelants à des principes équitables, à des sen- timents fraternels ; qu'il n'est pas un seul jour Thorison de b vérité ne s'agrandisse, l'anrore de h raison ne se lève pour quel- ques individus qui jusque-là avaient été éblouis plutôt qu'échirés par l'écht de la lumière, et qu'en ramenant ainsi ceux qui se sont éloignés de nous, les triomphes des patriotes seront bénis par ceux qui auront été subjugués les derniers'; considérant que ceaz-U seuls peuvent être considérés comme notoirement suspects d'aristo- cratie et d'incivisme, qui ont manifesté le désir de ramener le penpb français sous le joug de la tyrannie et de la puissance sacerdotab et

(I) IMIiUrttioQ 4i M jam 4793.

-Mr.

féodale, soil par une émigration antérieure à la loi du 0 février 1793, soil par des correspondances enirelenues avec les émigrêi et nos ennemis extérieurs, soit en excîlanl les citoyens à l'insurrec- tion par leurs écrits oii par leurs discours ; considérant que dans le nombre de ceux qui sont inscrits sur la liste des gens suspects, il se trouve des hommes qui y ont été placés d'après une simple présomption résultant de leur ci-devant qualité de noble ou sei- gneur; que l'on peut en distinguer d'autres qui, entraînés par les préjugés de l'éducation et de l'habitude, n'ont pas eu la force de remonter le torrent pour prendre une position nouvelle, d'autres encore qui n'ayant que leur intérêt personnel pour guide, ont conçu de vaines alarmes sur leurs propriétés ; qu'il en est en^n dont la débile existence manifeste assez leur impuissance de nuire et qui doivent être plutât protégés contre la faulx hâtive et tranchante du temps ; considérant que la plus active surveillance va être déployée pour contenir les hommes faibles et égoïstes qui méconnaissent le régime bienfaisant de la liberté, pour les punir et les immoler s'ils se permettent un seul discours, une seule démarche qui puisse alarmer le patriotisme, et que l'ensemble, l'harmonie et la con- corde qui régnent parmi les bons citoyens de celte ville sont un sûr garant de la tranquillité publique; délibérant sur le mode d'exé- cution de la loi susdatée, le tomeil arrête unanimement, que, pour donner toute la latitude nécessaire h ceux des membres qui peu- vent avoir conçu des inquiétudes sur les principes et la conduite de quelques habitants de cette ville, il sera fait un premier scrutin indicatif, et que ceux-là seuls seront assujettis à l'arrestation qui auront réuni la pluralité absolue des suffrages contre eux dans un second scrutin individuel qui sera fait sur chacim des noms inscrits sur les listes indicatives. *

Il y avait alors quatre-vingt-un suspects consignés dans la mu- nicipalité de Chaumont. Le scrutin eut lieu immédiatement, et un seul citoyen fut déclaré susceptible d'être mis en arrestation. On lui donna vingt-quatre heures pour se rendre dans la maison de détention des prêtres insermentés.

Le conseil déclara ensuite qu'au moyen des mesures qu'il Tenait de prendre, et de la surveillance individuelle que chacun de ses membres exercerait, il était assuré de la tranquillité de la ville «t

qa'O se rendait responsable des troubles qui poorraient soitenir. Quelques jours après, le directoire du département ordonna l'eié- cution de la loi avec toute la sévérité nécessaire ; le ccmseil per- sista dans sa délibération ; on le dénonça à la Convention, mais le maire défendit les actes de son administration avec cette fermeté digne dont il avait déjà donné tant de preuves et qui désarma ses accusateurs. Alors la liberté était si grande, pour tous, à Ghaumonl, que le clergé put encore faire sortir la procession de la Fète->Dieii et qu'on alluma comme d'ordinaire le feu de la

V. Les difficultés en présence desquelles se trouvait la Cionfeii- tioa ne l'empêchaient pas de travailler à la rédaction de la consli- tntion nouvelle que la France attendait avec la plus vive impa- tience. Elle fut enfin votée et le courrier l'apporta à Chaumont le iO juillet. Aussitôt tous les magistrats, tous les fonctionnaire^ las membres de la Société da Amis de la Uberté^ la garde nationale et la gendarmerie se réunirent spontanément et l'on arrêta qu'une dé- putation irait solennellement chercher le nouveau pacte soda dans le lieu des séances du district.

c A dix heures du matin, la députation part de la maiaoïi commune, en tète une bonne et nombreuse musique remplissait l'air des accents chéris': Ça ira. ... et de Thymne des enlknts de Marseille. La députation est escortée d'un fort détachement de garde nationale, et dans cet ordre, elle se rend au lieu des séances du district, au milieu du peuple qui s'empressait pour concourir i cette sainte cérémonie. La députation revient sous h même escorte avec tous les membres du district ; le vice-président marche en tête, portant ostensiblement le dépôt si longtemps attendu. Sur la Place-d'Armes, au devant de la maison commune, étaimit rangés, sous une double haie, deux bataillons et la gendarmerie à cheval. Le peuple en foule restait dans une sainte et respectueuse attente. Dès qu'on aperçut le cortège, une décharge d'artillerie en annonça l'arrivée. Le maire, accompagné de tous les fonctionnaires et des Amis de la Liberté^ descendit sur le perron de la maison conmiune et vint au-devant du district et de la députation. Au moment le vice-président déposa entre les mains du maire le code de la raison et de la philosophie, plusieurs salves d'artillerie , le son de

L

ISS-

toutes les tloches, le brnîl des tambours, les acunls de la musique et des cris répétés de Vive la république ! Vive la Convention ! por- taient jusqu'au ciel la satisfaclion générale, à travers les chapeaux et les bonnels lancés el confondus dans les airs. Le cortège se réunit au pied de l'arbre de la liberté. Aussitôt un profond silence succéda à tous les élans de la joie et lecture fut faîte de l'acte cons- titutionnel. Le maire alla ensuite le proclamer solennellement à chaque porte de la ville, suivi de tous les fonctionnaires et de la foule du peuple. La musique se mêla aux hymnes patriotiques chan- tés pendant la marche et des cris énergiques de Vive la république s'élevaient de toutes parts. Le cortège revint dans le même ordre devant la maison commune oii un ministre du culte catholique, membre de la Société populaire (1 ), offrît à l'Étemel l'hommage de la reconnaissance publique, dans un sacrifice de la messe qu'il cé- lébra sur un tambour au pied de l'arbre de la liberté. Enfin on re- mit i la Société populaire un eiemplaîre authentique de la consti- tution sur lequel une jeune Glle, au nom de ses concitoyennes, posa respectueusement une couronne tressée de fleurs champêtres aux couleurs nationales. Cet exemplaire fut aussitôt déposé solennelle- ment dans la salle des séances de la société, au-dessus du monument élevé â la mémoire de Michel Lepellelier. Le soir, illuminations, dan- ses et concerts. Un banquet frugal, étalé au Cbamp-de-Mars, termina la fête par l'exemple de la plus douce harmonie et de la fraternité la plus cordiale. >

VI. Le procôs-verbal de celle proclamation, rédigé par le dis- trict, fut transmis à la Convention, qui en ordonna l'insertion dans le compte-rendu de ses séances, et déclara que les citoyens de Chaumont avaient continué à bien mériter de la patrie (3). Le jour même de ce vote, les citoyens du canton, convoqués au chef-lieu, acceptaient à l'unanimité l'acte constitutionnel, et Laloy signait au nom de ses concitoyens l'adresse suivante qui est ime véritable déclaration de principes :

(I ) Cal lion tpt 11 fàfli Jt* Aaii ie II LilwrU prit k nom il* Soeiili poputotri. a frotii-rerhù eaitji p«r ta diilrict

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c Citoyens législateurs, Les deux sections de la eommime et canton de Chaumont, réunies en assemblées primaires, le jour à ja- mais mémorable du 14 juillet, ont accepté à Tunanimité la consti- tution républicaine que vous venez de présenter au peuple français. Pour ne dérober à la nation aucun de ces instants que vous deviei consacrer tout entiers à rétablissement de cette constitution, Doua avons évité de faire retentir votre enceinte d'éloges fastidieux oo d'audacieuses déclamations. Notre patriotisme s'est toujours pro- noncé par des faits : nous l'avons manifesté par la prompte et pleine exécution de vos décrets , par notre empressement à recruter les armées, à payer les contributions et à fournir à l'équipement et à la nourriture des défenseurs de la patrie. Soumis aux lois sans lesquelles il n'existe pas de liberté, sincères amis de l'ordre, las habitants de cette cité ont repoussé avec horreur les audadeox écarts de la licence et de l'anarchie, les sourdes et dangereuses intrigues des suppôts du despotisme et les sombres inspirations du fimatisme et de la superstition. Etrangers à tout esprit de parti, en- nemis de toute faction, ne reconnaissant de lois que celles qui émanent du vœu de h majorité de h représentation nationale, nous n'avons à gémir que des malheurs qui affligent les départements de l'ouest et de l'erreur qui égare en ce moment quelques-uns de ceux du midi. Hfttez-vous, citoyens législateurs, d'éclairer ces derniers, et surtout les habitants de cette cité célèbre dans les fastes de la révolution, en exposant au grand jour la conduite de ceux de vos collègues que vous avez cru devoir éloigner de leurs fonctions et en leur rendant aux yeux de la nation une prompte et éclatante jus- tice. Hàtez-vous de rappeler dans le sein de la Convention natio- nale et d'y retenir d'une main ferme et vigoureuse le pouvoir su- prême, dont le souverain n'a conGé l'exercice qu'à vous seuls. Pros- crivez promptement les usurpations partielles de ce même pou- voir, qae se permettent trop souvent les corps administratiCi et les comités de salut public établis près des départements. Sous l'appa- rence mensongère de mesures provisoires, commandées par la né- cessité des circonstances, ils partagent avec vous le pouvoir légis- latif; leurs arrêtés se transforment en décrets ; ils enlèvent au gou- vernement son unité, sa dignité, son éiiei^ie, et cette dangereuse violation des principes constitutifs de la république, une et indi-

visible, tend h la dissolution du corps social par le fédéralisme, ia- quiële lous les cilojens, qui cherchent et ne retrouvent plus ce cen< tre unique d'où doivent émaner toutes les lois. Pour perpétuer la mémoire, pour assurer l'établissement de votre grand et sublime ouvrage, ce n'est pas assez, citoyens législateurs, de le graver sur le marbre et sur r;iiratn ; c'est dans l'âme de nos jeunes républi- cains que ces éternelles vérités doivent être Imprimées en caractères inelbcables ; c'est dans l'instruction publique, mise à la portée de tous, que tous doivent puiser la connaissance et le sentiment de la dignité et des droits de l'homme, des devoirs et des obligations des citoyens ; c'est dans les établissements destinés h l'éducation nationale, que nous sollicitons de vous avec empressement, que la génération qui nous succède développera, avec les forces du corps, l'attachement à la Conslilullon, et que l'amour sacré de la patrie se fortiHeni dans tous les cœurs. »

VU. Hais les vœux si patriotiques des Chaumontais ne devaient pas se réaliser. De nouveaux dangers nécessitèrent un accroisse- ment de sévérité dans l'application des lois révolutionnaires. Toulon venait d'être livré aux Anglais; Mayence et Valenciennes étaient tombés au pouvoir de ia coaUlion; la frontière était de nouveau menacée ; le papier-monnaie n'avait plus que le dixième de sa va- leur ; l'accaparement préparait la famine ; la contre-révolution de- venait de plus en plus audacieuse. Dans cette extrémité, la Con- vention prit la résolution de sauver le pays par la dictature : la constitution fut suspendue et le gouvernement déclaré révolution- naire jusqu'à la paix ; on décréta le maximum ; de sévères mesures terrilièrent les accapareurs, et, sur la demande des délégués des départements à la fête célébrée à Paris le 10 août, on décréta la Uvée en matu. Pour assurer l'eiéculion de ces mesures de salut public, des comités révolutionnaires furent institués dans toutes les communes et on envoya des représentants du peuple en mission dans les départements. C'est le commencement de la grande ter* reur, et, dans ce duel à mort entre la révolution et ses ennemis, la république reprit le dessus à l'intérieur, tandis que Carnot or^a- ntuif la victoire contre les armées de la coalition.

Vin. Le patriotisme des Chaumontais ne se démentil pu dânit cette occasion suprême. Dès le mois de fémer, ib aweni jmnl i leur garde nationale une compagnie de canonniers et acheté pour l'armer quatre pièces d*artillerie. Au mois de mai, un arrêté du Directoire airaùt réclamé, pour Tarmement des ?olontaires, toutes les armes appartenant aux citoyens ; les armuriers, les serruriers» lei couteliers et les forgerons étaient en réquisition pour mettre ees armes en état et pour munir de bayonnettes les fusils de chasse. D andt été ordonné à chaque citoyen de s'approvisionner de dix linw de balles. Le 5 aoAt, une nouvelle proclamation des administrateurs du département fit retentir le cri de guerre dans toutes les ocMn- munes : c Aux armes I aux armes! Il faut sauver la république. L'en* nemi s'avance, il est à nos portes. ... sera-ce donc à la lueur de nos maisons incendiées, sera-ce sur la tombe de nos fils, de nos femmes et de nos enfants égorgés que nous serons forcés de transi- ger avec les despotes .... Non I non I Qu'une marche impétnense les frappe et les renverse à la fois. . . Aux armes! aux armes! Ils n'ont point vaincu, les Iftches, ils n'ont eu de succès que dans les trahisons, ils n'ont d'espoir que dans nos divisions intestines : unissons*nous et ils ne sont plus .... Allons, que tout s'ébranle 1 1 Aux armes I ! courons tous aux armes ! ! > Cet appel éneifiqae électrisa toute la population. Les volontaires accoururent au chef- lieu du département leur arrivée donna lieu à des fêtes civiques. Dana l'une de ces fêtes, les administrateurs de la municipalité firent brûler par la main du bourreau des publications fédéralistes en- voyées par les contre-révolutionnaires du Calvados et ils répon- dirent à ces conspirateurs : Nous ne communiquons point avec des traîtres . Si vos glaives se tiraient contre la cité que nous admirons (Paris), vous nous trouveriez serrés autour de la Conven- tion. C'est vous qui donnez le signal de la guerre civile : vous ré- pondrez à l'univers, aux générations futures, du dépôt de la liberté que nous devions leur transmettre ; vous répondrez de tout le sang qui coulera. •• >

IX. Quand Tennemi, déjà maître de l'Argonne, menaça le dépar- tement de la Blarne, la garde nationale de Chaumont offrit ses deux compagnies de grenadiers à Luckner. Le général ayant répondu

qu'il avait dans tes environs de Chàlons plus d'hommes qu'il ne lui en fallait pour défendre le pays el qu'il sérail plus utile de lui faire parvenir des provisions, la commmie s'empressa d'envoyer un don palriolique de trente milliers de farine et elle abandonna à la ré- publique cinq mille quintaux de blé, bien qu'elle en eût besobi pour la subsistance de ses habitants. C'est avec le même empressement qu'elle satisfaisait aux réquisitions des représentants du peuple pris l'armée du Rhin. Toute la population était occupée : on fabriquait des piques et des fauli pour armer les citoyens ; on lirait le salpStre des caves el des vieilles murailles, et, tandis que les enfants arra- chaient les herbages qu'on brûlait pour sa préparation, les femmes, sous la direction de la citoyenne Cormier, préparaient des chemises, des bandes et de la charpie qu'on envoyait par tonnes aui armées.

X. Le premier bataiUon des volontaires de la Haute-Uame quitta Chaumoat le 11 septembre. Les autres partirent successivement et le 20 tous étaient en roule pour rejoindre l'armée {!). Le pre- mier bataillon de Chaumont avait fait bénir son drapeau le 10 dans l'église paroissiale. Il avait choisi pour commandant Antoine Girar- don, administrateur du district. Ce patriote devait arriver par sa bravoure aux plus hauts grades de l'armée, ainsi qu'un autre cbaa- montais Gilherl-Jean-Baptisle Dufour, que les volontaires de Bar- le-Duc venaient aussi de choisir pour leur commandant. Dufonr était fils du sacristain de l'église Saint-Jean. Girardon avait pour père le perruquier de l'aristocratie ; mais le Figaro chaumonlais se disait, sans doute par suite de ses relations, l'ennemi de la révo- lution, et il était rangé dans la classe des suspects.

|l) La tnsa Ja pmiiMr biMlllan nprtwDlill la RfpDl>lii|n*, !■ nuin droite apparu

pada : t" Bataillon dtUo Haut»-Martu. Sur labaw : Ripubliqm FrançaUt.

aa tta taipindn la hÏHna Tjpubliciin furmonlJ da faaDMt pbrfuiea . l/gt(rila : 2* Bataillon du diparlemenl dt la nautt-Slarne . Sue Vita : ta liberté ou la moTl. —Va Iroiiièm* biUiltoo iiiil pour «nblèmeDH MnK, eniK mr an lotl»,

kfiimiD Fl cnaronDf il'na «iqoa. L/|tndo : Grenadieri et Chatlturi riund ; k\t Imm ' Diparttmtnl de la Hautt-Marne; lar r«ca : SOi> liltt dan» un bonntl. Enfin arl^lleart aiiirnl un Kcin rf^r^Hnlinl U RjpublliiuD, appUï^ Inr on canan «loarf boule», lenial da ]t maio dnlla la pii(a« aa bonnet roaga. la laurtw rapoaul iarle(aia«aa. Li<genJa ^ Cùmpagnit d'artiUiiie la Bautt-Marnt ; t la Mw : Siputiliqut FrançaUe.

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XI. Cependant les Chaumontais si déYoués à la réYolnfion fiinat dénoncés. La ville de Langres qui s'était toujours irantée d'une fidélité à toute épreuve à la royauté, la cité sainte par excellence, était deve- nue, tout-à-coup, l'ennemie acharnée des prêtres et de la royauté. La première, eOe avait demandé à la Convention le jugement de Louis XVI, et déjà elle avait obtenu la déportation de plusieurs prétreSt sur le prétexte qu'ils n'étaient pas traités assez sévèrement dans les prisons du chef-lieu. Au mois d'octobre, elle dénonça en même temps, à l'assemblée, l'administration du département et la arani- cipalité de Chaumont. Cette dénonciation était signée de cent seiae membres de la société populaire. On y accusait les Chaumontais de fédéralisme, de modérantisme. L'esprit public, au dire des dénon- ciateurs, était (aible et mauvais à Chaumont ; on y mettait la plus grande négligence à surveiller les reclus, à dénoncer les prêtres ianatiques et les émigrés, et ce n'était que fort tard que le clergé y avait quitté l'habit de scandale. Enfin, disait-on, c un condamné à la peine de mort par le tribunal révolutionnaire, s'est éfadé des prisons la veille de l'exécution, pour accomplir cette prédiction des citoyens de Chaumont que la guillotine ne fonctionnera pas dans leurs murs. > Les administrateurs répondirent à cette dénonda* tion par la simple énumération de leurs actes : c On ne fidt rien ici, dirent-ils, qui ne soit conforme aux lois, et l'esprit public est à la hauteur des dangers de la patrie ; les arrêtés qui prescrivent des mesures générales contre les reclus et les suspects sont stric- tement exécutés ; aucun prêtre ne porte la soutane dans k ville ; l'émigré qui s'est échappé des prisons n'était point encore condamné et la municipalité a fait tout ce qu'elle devait faire en pareille cir- constance. > La ville de Chaumont ne manqua pas de défenseors sur les bancs de la Montagne, et la dénonciation fut repoussée.

Xn. D'ailleurs les bulletins de Tannée du Rhin répondaient aussi à ces calomnies, car les volontaires de Chaumont y étaient souvent cités pour leur patriotisme. Girardon avait soin de signaler, dans la correspondance qu'il entretenait avec la municipalité, tous ceux de ses jeunes concitoyens qui se distinguaient par des traits de bravoure, et, dans toutes les fêtes civiques', les Chaumontais avaient à inscrire de nouveaux noms sur la colonne des braves,

dressée au Champ-de-la-F»5dénilion (1). Un jour c'élail ceux des volonlaires Duponnots el Cacas qui, quoique blessés grièvement, éuient parvenus à se débarrasser des mains de l'ennemi et à re- joindre leurs frères d'armes aiiï cris de Vive ta rêpabUijne! A la fêle suivante, on citait le nom du jeune Qrelet qui, accablé par le nombre el séparé des siens dans la m£lée, avait rejoint le batail- lon do l'Ain, sans cesser de so battre, bien qu'il (ùl atteint d'un coup de Teu au bras gauche; un prussien l'ayant ajusté et manqué, ce brave citoyen s'était élancé sur son ennemi et lui avait coupé le bras d'un coup de sabre. Un autre jour, le nom du capitaine Driou était prononcé au milieu des applaudissements de la foule : cet offi- cier ayant aperçu un cavalier qui courait à lui, arraclia un fusil des mains d'un volontaire, et, après avoir renversé son ennemi, il s'empara de son cheval qu'il ramena au camp. Ou bien on an- nonçait la mort du caporal Jeunesse : blessé moricllemeni, il avait renvoyé les amis qui se pressaient autour de lui ; t Allons, leur BTait-il dit, à vos rangs et du courage, autant moi qu'un autre, > et il était mort en criant ; Vive la l\f publique'. Four récompenser le zèle, le courage et le patriotisme du bataillon de Girardon, qui s'était surtout signalé à la reprise des lignes de Wissembourg, un décret de la Convention lui conserva, par une faveur toute spéciale, sa première organisation, lors de la division de t'arra en bri- gades Et régiments,

\in. Depuis le mois d'octobre 1703, époque à laquelle on commence à dater de l'ère républicaine, loule l'action publique est dirigée par les comités révolutionnaires et par les sociétés po- pulaires. Cependant, sous ce régime, Laloy ne perdit rien de son influence à Chaumont.

La société populaire était formée des mêmes éléments que l'an- cienne société des amis de la liberté. Elle ouvrit ses séances le 13 brumaire an II, dans la chapelle du couvent des Carmélites, pour les continuer ensuite dans l'église des Capucins. Elle a été supprimée le 1 i fructidor, el, pendant onze mois, elle a eu succes- sivement pour présidents les citoyens Antoine Desbayes, Mougeotte,

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Edme-Nicolas Boilletot, Charles Agnant, Guigoard-Cariol, Gikon, Mougeotte, Boilletot, Laloy, Clémeat-FraDCois Godinei et DuinnaL Le renouvellement du bureau s'effectuait tous les mois. La sodélé a tenu registre de ses délibérations et Ton n'y rencontre aucune de ces mesures tjranniques, sanguinaires, qui ont malheureuse* ment déshonoré quelques communes et que Ton a coutume de reprocher à tous les corps politiques de cette époque, sur le té- moignage des ennemis de la révolution. Si quelquefois, el rare» ment, l'ignorance ou un zèle exagéré a provoqué des décisions con- traires à la modération des habitants, la sagesse et les lumières de la majorité eu ont bientôt (ait justice au nom de la liberté. L'effer* fescence qui résultait des circonstances ne s*y manifestait que psr les chants patriotiques qui accueillaient la nouvelle des victoifes de nos armées. Souvent on s'y égayait aux dépens de FAnglelerrs et l'on brûlait Pitt en pleine séance. Tous les discours tendaient à combattre l'ignorance. On y chantait aussi des noèU contra le fanatisme et la superstition. Il y a mention au registre d'un solo* da-fé de beaucoup de portraits représentant les idoles d'un entra temps et que Mugnerot avait offerts en holocauste à la liberté. Mais jamais l'ordre n'a été troublé dans les séances et quand un jour l'officier du poste de la milice citoyenne vint, par excès de xèle, offrir ses services à la société, on blAma éneipquement sa démarche, par le motif c qu'on ne pouvait raisonnablement pré- sumer qu'il pût s'élever du désordre parmi des frères qui ne s*oe^ cnpaient que du bien public (i). >

La population Chaumontaise était sincèrement dévouée i tai ré- volution ; mais son impatience même d'en voir réaliser les prin- cipes ne put lui faire changer ses mœurs paisibles et douces. Pour elle il n'y avait pas de partis : elle ne communiait ni avec Htibecly ni avec Danton, ni avec Robespierre ; elle ne connûssait que b Convention, dépositaire de la souveraineté du peuple et centra de Tunité de la république ; elle avait une foi aveugle dans les actes de cette assemblée et ne se passionnait que pour la loi, qu'elle sup-

(I) Li Société pApaluîre tviit an somq repr^tentant Pembléme li Liberté, tfMMi moto : Liberté y Égalité; et poor eiergue : Société populaire de Chaumont. Dé' partement de la BauteMarne. Chaque membre donoait àix iols par moîa de coti*

Mtion .

posait toujours fuite dans l'intérêt bien entendu de la révolution. Celte espèce d'obéissance passive serait blâmable, sans doute, du point de vue démocratique, car les communes dans une république bien ordonnée n'abdiquent pas, et c'est leur action qui doit régler celle du pouvoir central ; mais, dans les circonstances diOîciles l'on était alors, ne Irouve-t-elle pas son excuse dans la crainte de susciter encore â la Convention de nouveaux embarras ?

XIV. Dans le calendrier nouveau les mois, de trente jours cha- cun, se trouvaient divisés en trois décades. Le jour de decaiii remplaçait le dimancbe. Un membre de la société populaire de- manda que les citoyens fussent invités, par la municipalité, à tra- vailler le dimanche et à célébrer le di^cadi ; mais l'assemblée passa i l'ordre du jour, motivé sur la liberté que doit avoir chaque citoyen de se reposer et de suivre l'exercice de son culte le jour qu'il lui plait. C'est par le même motif qu'on rejeta une autre pro- position tendante ù faire prêter à tous les membres de la société le serment de ne professer d'autre culte que celui de la raison. Quand, plus tard, un autre membre proposa d'invittT les citoyens i placer, au-dessus de la porte de leurs maisons, l'inscription : Cniti, indivhibililé de la république. Liberté, égaltté on la mon. —■ comme cela se pratiquait dans les sections de Paris, c'est encore le principe de la liberté qu'on invoqua pour repousser sa mo- tion.

Cependant les églises furent fi^rmées et, en exécution do la loi, on fit dtsparaitre tout signe extérieur du culte. L'église du collège fut un instant convertie en temple de la liaison, puis on en fit un magasin à fourrages. L*église Saint-Michel devînt aussi un magasin. Quand à l'église Sainl-Jean, elle servit d'abord à la réunion des citoyens, pour la lecture des lois, aux jours de décades ; on en Ut ensuite le temple à l'Etemel et l'on plaça au-dessus de la porte principale l'inscription conforme au décret de la Convention : Le peuple Françaii reconnaît l'exiiience de t'Eire tuprêine et Vim- morlaliié de l'àme. Toutes les statues qui décoraient exiérieurement ce vieil édifice avaient été déposées dans une maison voisine ; la municipalité voulait les conserver, dans l'intérêt de Tari ; mais un matin on les trouva mutilées. Cet acte de vandalisme fui eue

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roenl blâmé par la société populaire (1). On a conservé les orgues en alléguant qu'elles étaient nécessaires dans les réonions da peuple.

XV. Les fêtes civiques étaient devenues fréquentes, car on chô- mait tous les anniversaires des journées mémorables de la révolii- tion et la nouvelle d'une victoire donnait lieu à des réjouissam publiques. La prise de Toulon, l'héroisme de Barra et de furent surtout célébrés avec enthousiasme. Les fêtes reliipeuses de Fancien calendrier avaient aussi été remplacées par des fêtes i l'Humanité, aux Martyrs, à la Liberté, à TÉgalité, à la Concorde, par les fêtes de la Vieillesse, des Époux, etc., qu'on célébrait aux jours de décadi. Le «0 prairial eut lieu à Chaumont comme à Paris k Me à l'Etre suprême. La muraille de la ville venait d'être percée i Tex- trémilé de la rue de Buxereuilles : c'était la porte de la LQierté. On choisit le Champ-de-Hars ou de la Fédération pour la aolennili, et on éleva à la hâte une montagne à l'extrémité de cette place. Pendant huit jours toute la population travailla à y amonceler des terres, sous la direction des membres de la société populaire ; os pbntait au milieu du chantier la bannière de la Vigilance et aucun des travailleurs ne pouvait désemparer avant la nuit. Deux ar» listes. Dalle et Mugnerot, étaient les ordonnateurs de toutes les f&tes; Laloy et Mougeotte prononçaient le plus souvent les discours ; les instituteurs Agnant et Sarrazin composaient les hymnes (2).

(1) On éù \t» meUre tax cncbèrw cl eUct ont éU payées trenla Ufni.

(2) Pour donoer ane idée det solMoitét répnbliaioet, nota rq>rodoiroM U plta ém l!Mct décedeirn, trrété par U sociélé popoltire concert et ec It mantptlilé :

« A l'enrore, le féie etl ennuacée par un conp de canon et des inscripliont porCaaC It mot Décade : on en pote une snr le portique du temple de la Raison y oo tmêptmà Isa antrea ani aibres de le Liberté et de la Fraternité. Le portique dv teopla at Ica iaatriy fions sont oroés de fleurs (rslcheroent coeillies, arrangÂps an gairlandrs et faslana. Sar deox bsnnières placées devsnt le temple sont tracés dea Tara qoi rappalleBt la maftill éê la féle. Des flammes aux troin couleurs sont arborées dans toutes les rveSi detast Icn nisiM>us des citoyens. A neuf heures et demie, la société jpopnlsire, réunie an lico éê nea séanrrs, sort, le président en létc, accompagné de deux faiicraoi, symbole de l'oaioa| tt précédé d'on trompette et do la musique des amateurs; les membres de la société, dont vmrn porte l'fieil de la Vigiianre, K* suivent en donbli» rng inr deux iignrS| formant nna baia 4n chaque côté. Doore jeunes filles, en costume de félt', marchent eu groupe entra les kaiea, Ici unes portant snr la (été des corbeilles J** fleurs, quMIes soutiennent d'nna main, tt Itt antres des guirlan(!cs. Le rorlège se rend daos cet urdro devsnl la msison commo no at chantant drs hymnrs Arrivé sur la place et près de Tarbre de la Liberté, cortège s'onvra •t te range en forme elliptique des deux côtés de l'arbre, le président de la société tt pa« en avant et les porte-faïKcaux restant i quelque distance da lui Les jennca fillea qtittaal

zjo

XVI. Le représenL-inl du peuple Duroi avait t^lé envoyé dans le déparlement de la Ilaule-Marne pour y aclivpr le iDouvenient ri- volulionoaire. Arrivé le Sa pluviôse à Chaumont, il avait harangué

Inir iiliM cl Ttimntiil «ilounr ivh grlr« l'artir» if 11 Libéria; ni» ieWa ■'■rincd rt ■HHMiiwfnirlindt krei irbredi^i, allïu rotin «liii anir** >'ii>iDr«nl t limr lanrni jlUBt Ucttrt. Va roDlnncDl d( Iimboon lononre l'irrivét' da (odhII ftalttt ileli toaiBiD* ; le miirg panil «1 (fie, pqrlinl >itr l( psiiriQt ta lîirrde li loi ; la pr/aJiItpl te laaociMa'irinn rcn loi «I Jil ihinlcioii : SlagittraU, VOUI alltl OU limpla lit la Baiion, ouvrir lu lablti da la lot; peuple vous (nulronnr c( va vout «nleitdre. Lm mwnfamJu fanwil rnlsnrpiit larbnda la LibrrU; la main cd i»al, dit r^lj du peupla, accompiign^ ited«iii faïievam plat te \ c61éd« IqL, par mprrl puar la lui, du : Citoyeni, muvenei-voae du itivitnt que vove avex fait de iiitir* Ubrei ou mourir ; tout r^pund^ni ro ebaar : Pfrliie au pied de eei arbre le monitre qui violera loa termfnt. Vive la Uberli! A rioaiini la pràidni de la mcrtM allacbt t l'arbre «ne lOBronoa ign'il plan ni dmoDl da la gnirlanda . La wrlrgr H md as loBplF de la Raicon, Jana le iiitnia arJrt, ]e ciina if gjofral pl*t.^ ou «Dln. Pendant U lunhe, iMjcnoat filin eWltnl un hymne tur l'aawBrel i'Dbfinauv >ai Isia, wt b;iDBD wi tfjiu en chiinr; k chaque ilruphe on (ail ona aUdoii el l( luain dU : HomiHM lil^ii, obiiMiei d la loi, elle eil voire outrage el fera ro're bonheiir. irrlvéa Tarbredo U Fnien.ii*, le eorlége «'on»™ de nnineau M Ion j rfpÈia meinea rfrtaioDÎn, k la Ksle dir^renio qge 1* pr^idrnl de ti tMrifif dll : Bêpubllcalnt, lOu- oenei-coui que uouj ouei futi de ne jamaie voue détunir: wn rjpvndeai - PiriMii au pied de tel arbre celui qui violera ion tertTienl. Tiol la frater- nilèl Le conig» M déploie (aiuileavarorJruDOBreBlreriB Icmpla. Ab iiib delà Iram-

plac«ieBlleniveiniI«rÊgilil<<, u> loarne len lopnpleel dit : ^n/'anlt delaniUuT», que nul de tiout im loit aiiex audacieux pour e'ilever, que nul de voue ne eoit ai$et vil pour l'atiaieier; Mui r^pondeal an ihaur : Que let esclavti el lei orgueilleux loienl anfantii. Vive iigatiti! La maire, loujunra anonipapt do

«banr un hinine k la Ral«a qui eti rffttt pir laaa. La prAulcal de la lorifi^ et nlni qui perle le lynibuli de 11 Vigiloar* t'aviamii aloneDiiiada aulrea numbra qui di'Glenl M mtnitra que dcrnien pniual In pmiiien . La DDilqna ni plncfe è la grande (ribuna tu dfaui delà poric. Le nuire el le conaeil niuDleol lur la planuf» de la montagne el •e plecenl anr dnii ranf^ Ae prulaudeur un dmoni du glèbe tar leqDel eal ^lei^ la alilaa dtli R.i«n. Loejeunca lillva le «'parent pour u «Bjer en dami-wrcl. auloar d'«,. La ÈKiélf raie en bue la langditoiluBBai; tea dnuiiriiiwun le placcBL inr direri poïiiti. An RUHnml nii In jeunn Ellee ebinleot la ilropba «ai gnodi bommo, clin oranit ds Ban et de gnirleBdël lot biM* qui aupporlenl la biilea pluja iBlBor de la oiBBIagiiB. Desi nlannei BOBl jlnfet de ifaaqBe cAU?, l'Dnertt mmiDaU* d'ane urne {BBJnIn, arn'c de gBirlindet de cypr^, a'H nne luKriplinn, Tanlre da I* alelae da U LibarU If nani dei (DBreann el dai rttnaaDi de (hfoc; la premier» colonne al dMi^e tui d^fonHiinde Ib palria marU i Itur poite; TaBlrr tni arm^, bataïllont, dfptrlroienli al mminiiBea qnî oBt bioB m'HMda U pairie. A l'inetaul on Ira jcaMtfilba'banlrBl Irt tiiophn qsl ] eOBl

Diliea dn Itnpla >'jléie li Ci'lonna k l'Ëlemrl. Le préiidcni a'an approche al, la l«la OM, il rfcita i bauia voii Mite ptièn i Grami Dieu, ti driOTPiaii la tirr* eit ton autel, etc. La prlire Gnia, il jell* da l'encent tur le Ir'pwil inlent. En cet ioilaBl, la trotspelle (OBOBca la lecinrF dn loii. Le maire (ailla Ifclnredra loii etdn lailg hlrotqBn,

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29i

le peuple au temple de la Raison, el le 21, il s'était reDdii au sein de la société populaire il avait développé, dans un discours sou- vent interrompu par des applaudissements, les principes du gou- vernement révolutionnaire. Le 26, il avait demandé que la société s'épurât, comme celle des Jacobins de Paris, en conformité de la cir- culaire du comité de salut public ; l'opération avait commencé de suite et s'était coiitinuée pendant plusieurs jours, sans qu'il y eOt d'éliminations : c II faut, avait dit le représentant, mettre dans cette épuration autant de fermeté que de pureté et écarter de vos cœurs tous les sentiments de haine el de vengeance personnelles, d'a- nimosité, pour ne voir que l'intérêt public et le salut de la patrie ; les passions, les jalousies, les rivalités doivent rester à la porte et ne ja- mais souiller celte enceinte. » Tous les membres de la municipa- lité furent également maintenus à leur poste.

XVII. Le deui prairial, le représentant Lambert était venu con- tinuer la mission de Duroi et activer la fabrication des armes. La société populaire tenait alors sesséancesdansl'église des Capucinsoù elle faisait représenter, aux Jours de décadi, des pièces de théâtre. Les rdles étaient confiés à des membres de la société. On joua ainsi La Mort de Câar, Brulus, Le Dragon de Thhnoille, Stahomel ou le Fanathme, Le Quiproquo et Le touper du Pape. C'est l'origine du théâtre actuel de Chauniont, qui fut d'abord pourvu de décora- tions par l'acquisition de celles qui avaient appartenu à la salle de spectacle du château de Bricnne. Les jeunes filles qui avaient figuré

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'c pcmpei, ila w midcat au Cbamp En païuDl toni un porli(|iH dan a 11» ; Liberli. Joie, Varlu. la*

■pporl I laSucitU.Prtadu Cbamp

295 dans les chœurs i la solennité décadaire, étaient conduites su tbéè- Ire par les censeurs et placées dans une loge réservée étaient aussi admises leurs mères. Les douze censeurs veillaient eui-mS- mes i la police de la salle. Ces représentations, qui se prolongeaient fort avant dans la nuit, donnèrent lieu à une innovation fort impor- tante : l'éclairage des mes. Comme les ressources de la ville ne lui permettaient pas de faire acquisition de réverbères, on se contenta d'abord de quarante vieilles lanternes, qu'on acheta à Cbâteauvillain lors de la vente du mobilier du chMeau.

XVItt. Cependant le gouvernement révolutionnaire louchait à sa Gn, non pas que les dangers qui avaient nécessité son établissement eussent complètement disparu ; mais parceque la direction nou- lelle donnée à ta révolution avait jeté la division dans le comité de salut public. Robespierre fui sacrifié sur l'autel de la Discorde. On le rendit responsable de tous les excès commis au nom des lois exceptionnelles, on l'accusa d'aspirer à la dictature et on le frappa, sans même vouloir l'entendre.

On était loin de prévoir alors les suites de celte révolution, du neuf thermidor, qui mit (in au régime de la terreur. On crut généra- lement dans tes provinces aux projets ambtlieui de Robespierre et on félicita la Convention d'avoir, en les déjouant, assuré le salut de la république.

La nouvelle de ce grand événement arriva à Chaumont le douze, et, le quinze, le maire adressa à l'assemblée l'adhésion suivante signée par la presqu'unanimilé des citoyens :

c Citoyens représentants, au milieu des succès tes plus écla- lants, la liberté publique est en danger, ta Convention nationale est

( Au premier cri d'alarme, nous nous rallions autour de vous ; nous jurons de nouveau de ne jamais reconnaître d'autre souve- raineté que celle du peuple, d'autres lois que celtes émanées de la Convention nationale, centre de l'unité de la république indivi- sible.

c Jamais, citoyens représentants, nous ne mettrons dans la balance quelques hommes et la patrie. Inébranlable montagne, tes fondements reposent sur la confiance publique. Si l'ambition et les

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qui a choisi Chamnont pcmr liea du supplice de ses héros, in- nocentes victimes de nos discordes civiles, les fait encore gros- sièrement insulter par la population. Ce manquement aux règles de la composition , qui veulent qu'on respecte avant tout les mœurs du pays l'on place l'action, est d'autant plus coupable de la part de M** de Staël, que le nom de la ville sur laquelle elle fiiit si injustement tomber le déshonneur et le mépris, ne devait lui rappeler que des souvenirs agréables, car elle avait été témoin de l'ovation que son père y avait reçu au commencement de la ré- vohition. Non, jamais à Chaumont on n'a insulté au malheur, encore moins à l'innocence, et quand la fille de Louis XYI, proscrite, a traversé les rues de cette ville, elle n'y a rencontré que des visages respectueux. il n'y a eu ni dénonciateur, ni prescripteur, et la guillotine n'a été dressée sur la place publique, pour la première fois, que longtemps après la terreur.

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TOUR SU BARLE, ancien Hàtel-de-ville .

LIVRE SEPTIÈME.

Ré&ctioD contre le monTement molntioDnaite Retenr i li monarchie (1794-I!<81,

CHAPITRE PREMIER.

LE DIRECTOIAE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE (1794 1814).

1. La journée du neuf thermidor ne profila qu'ani ennemis de la rétolnlion qui tenaient les flis secrets de la conspiration. C'est une nouvelle Journée det Ditpei. Les vrais républicains, qui avaient contribué à la chùle de Roi)espierre, se repenlirenl bîenidt de leur Irop de conQance. Ils voulaient bien modérer l'action des comités ; mais en maintenant les mesures de salut public qu'exigeait encore la situaiion du pajs. ils Turent débordés dés les premiers jours et les royalistes relevèrent la tête.

Dans la Haute-Marne, la réaction ne pouvait pa3 être violente ; cependant une lettre înlerceptée ajant prouvé les relations des prê- tres reclus avec les agitateurs des campagnes et leurs projets d'in- surrection, le comité de sûreté générale ordonna un redoublement de surveillance à leurégard. A Chaumonl, les réactionnaires furent rares d'abord ; mais leur nombre s'accrut bientôt de tous les hom- mes taas principes, que l'ambition pousse to4jours vers la nouveauté.

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La première manifestation contre-réyolationnaire fut h mutilation des deux arbres de la Liberté et de l'Egalité. Le lendemain, l'ad- ministration fit planter solennellement xm nouvel arbre de la Liberté sur la place de rH6tel-de-Ville.

IL La munidpalité donnait alors tous ses soins à l'approTision- nement des marchés. Cette vigilance était d'autant plus nécessaire que les alarmiuei profitaient de la rareté des grains pour discré- diter la révolution. La commune disait, à prix réduits, des distri- butions de denrées à ceux qui ii*«n étaient pas fournis. Quand ses approvisionnements furent épuisés, die sollicita et obtint des ci- toyens les plus riches des dons patriotiques ; mais ces ressources devinrent encore insuffisantes, et Ton fut obligé de mêler de Forge au blé; bientdt même on ne put plus livrer aux malheureux que la moitié des grains nécessaires à leur consommation. Alors on demanda Tautorisation de contracter un emprunt de quatre cent mille livres, et on députa le maire près de la Convention. Les premières mercu- riales, dressées par Tadministration, datent du ii pluviôse an m. Le quintal de blé -froment valait quarante livres, le conseigle trente-trois livres dix sols, le seigle vingt sept-livres, Torge vingt- quatre, l'avoine soixante, le foin dix livres et la paille trois. Cette situation nécessitait des mesures promptes. La Convention envoya Pépin à Chaumont et elle autorisa l'emprunt projeté. Les réquisi- tions du représentant du peuple facilitant la mission des commis- saires chargés de l'achat des grains, on fit en peu de temps de nou- veaux approvisionnements. Pour les distributions, on divisa les ci- toyens en trois classes : indigenu^ cloue moyenne^ aiié«, et on leur livra un mélange, par tiers, de blé, de seigle, d'orge, qu'on vendait i la première classe de vingt à vingt-huit livres,selon l'appréciation des commissaires ; à la seconde, de trente-six à quarante-huit et au citoyens aisés soixante-six livres. Quelques mois plus tard on voulut augmenter cette taxe, pour la première classe ; mais on dut y re- noncer en présence des réclamations des indigents. La différence du prix d'achat à celui de vente était couverte par un impôt mis sur la population au marc la livre des contributions ordinaires. Cet état de choses dura plus d*une année. Pépin, pendant sa mission, rap- pela la plupart des prêtres du département qui avait été déportés,

et donna la liberté à beaucoup de ceux qui lilaienl encore détenus dans l'ancien couvent des Ursulines. Il continua à Laloy ses fonc- tions de maire et à Mougeolte celles de président du tribunal. Lai^ cher était accusateur public.

111. Cependant la majorité des conventionnels était loin d'être réacliomiaire, et la constitution de l'an III, promulguée le 22 aoAl i 795, fut toute républicaine. Les rojialistcs désappointés fomen- tèrent l'insurrfiction du dix-linit vendémiaire; mais les troupes commandées par Bonaparte sauvegardèrent l'assemblée. C'était la première fois que l'armée manifestait sa puissance dans la révolution et l'on devait dès lors prévoir son avènement au pouvoir.

Le quatre brumaire an IV (26 octobre 1795), la Convention, après avoir amnistié tous les délits révolutionnaires, déclara ses séances terminées. Aucun des députés de la Haute-Marne n'avait été victime des déchirements qui nvaient décimé cette grande assemblée. Tous è l'eïception de WandelaincourI, qui votait avec les modérés, étaient restés Gdèles à la Montagne. Guyardin et Chaudron-Rousseau , envoyés en mission dans les départements pendant la terreur, eurent à rendre compte de leurs actes A la réaction. Guyardin homme naturellement doux , timide même , prouva qu'il n'avait fait qu'exécuter la loi en se conformant aux instructions qui lui avaient été données. Chaudron, décrété d'arrestation, fui couver! par la loi d'aministie. Vaidruche n'avait jamais fait parler do lui, si ce n'est au sein de la société populaire de Cliaumoat on l'avait accusé de négligence dans l'exécution de son mandat. Honnel et Laloy, tra^'ailleurs inf^itigables et patriotes remarquables , autant par l'étendue de leurs lumières que par la rectitude de leur jugement, avaient été membres de beaucoup de commissions et, à diverses reprises, secrétaires de l'assemblée. Laloy avoit même deux fois présidé, et pendant toute la durée du gouvernement révolutionnaire, il était resté membre du comité de sûreté générale sa présence avait été souvent utile au département de la Haute-Mame. Au neuf thermidor il avait été chargé de vérifier les écrous de la prison du Luxembourg et de mettre en liberté les citoyens injustement détenus. Deux jours après, il était entré au comité de salut public, en rem* placement de Robert Lindet qui était chargé des subsistances ; Eoaii

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k riaclioii l'en avait bientôt fidt sortir (1). Laloj était, eoBuna son firére. un de ces républicains austères qui n'ont jamais en qoe le devoir pour règle, le bien public pour but et leur conscience pow juge. De tels caractères écartent les dissidences politiques ; Um commandent le respect»

IV. La constitution nouvelle confiait le pouvoir exécutif à on directoire de cinq membres et le pouvoir législatif à deux conseils ; mais la C!onvenlion avait décrété que Ton prendrait dans son seift las deux tiers des membres du nouveau corps législatif. Elle voulait continuer une majorité républicaine et assurer ainsi Texécutioii du nouveau pacte social. La réaction jetait les hauts cris : c Les hommes des comités veulent, disait-elle, perpétuer leur dictature, > et de Chaumont même elle protestait ; cependant les élections eurent lias» et la Haute-Marne, qui avait quatre représentants à nommer, envoya quatre conventionnels : La%, Guyardin^ Wandelahicourî et fiow, que leur ftge fit entrer aux Gnq-Cenu. Guyardin et Roux sortirent du conseil en Tan V ; Laloy et Wandelaincourt l'année suivante. tdmiê^Charlet Berihot y entra en l'an V ; Henryi*Marcillji^ JHI^^ Chaumont, en l'an VI, et l'année suivante Drevouj commissaire dm pouvoir exécutif près le tribunal criminel de Langres. Dreven avnil suppléé Henryot i la Constituante. Laloy entra aux Anciens en Tan VI, et en l'an VII on lui donna pour collègue Edme Lorcfcer, accu- sateur public à Chaumont. Laloy n'avait rien perdu de son énergie, et dans un discours qu'il prononça comme président de la nouvelle assemblée, en commémoration de la fondation de la république, il eut le courage de venger la Convention des outrages que lui pro* diguaient alors les réactionnaires.

Les administrations étaient aussi organisées sur des bases nou- velles. Chaque département avait une adminbtration centrale com- posée de cinq membres, et un commissaire nommé par le pmivoir exécutif. La commune avait un conseil d'admimstration qui nom* mait son président. Il n'y avait plus de maires.

H) Nom croyons doToir reproJoire ici ono nota troov^ danf la ptpicn do Liloj. « Nommé ao comité de tolat public, je n'ai eu qu'un mérita, c'est d'avoir marché sur l«t tracrt de Robert Lindet qui me laissa des leçons al on chef d'administration aniqoob dois mas soccès. Ap^ moi, Boissy s'écarta de ma marche at dans faaranta-httit htaraa il ■'■fiii paa Btliira à foomir «na oaaa da pain h Paria.»

V. Les cinq premiers directeurs furent des républicains sincères et le corps législatif élail disposé à forlilicr leur autorité ; mais en présence des diRicultés de toutes sortes, qui résultaient de Is silui- tion, quand tous les ressorts du gouvernement étaient dûtendus, il était difficile de tenir lète à l'anarchie : il n'y avait pas un sou de numéraire au trésor ; les 'assignats étaient discrédités ; la bonr- geoisie, qui avait repris le dessus, travaillait à refaire son bien- être matériel ; le peuple était mis à l'écart -, l'indilTérence politi- que était complète.

Cependant un parti monarchique s'était formé dans les conseils, et les élections de l'an V l'avaient fortifié. La république était en danger. Le directoire, après avoir essayé d'un système de bascule qui lui aliénait tous les cœurs, se résolut enfin à sauver la révolu- tion par le coup d'état du Itt fructidor (4 septembre 1797.) Alors les lois contre les émigrés et leurs parents furent remises en n- gueur ; on rapporta le décret qui rappelait les prêtres déportés ; on réoi^nisa la garde nationale, dont le peuple avait été exclus après le neuf thermidor ; d'autres mesures furent encore décrétées : < le parti de l'ancieu régime retomba dans l'obscurité pour dix- sept ans. la révolution fui sauvée, mais on était rentré dans les voies extra-légales ; la constitution n'existait plus ; l'armée avait fait uopas déplus vers le pouvoir (i). > C'était en effet l'armée qui avait accompli ce coup d'état ; mais on ne pouvait raisonnablement dire la révolution sauvée qu'à cause de ta défaite des royalistes, car les vertus qui doivent faire toute sa puisssance n'existaient

Vt. Le département de la Haute-Marne se ressentit, comme le reste de la France, de ces agitations. La plupart des administrateurs d'alors étaient des républicains sang principes bien arrêtés, sans foi, qui avaient épousé la révolution en haine de l'ancien régime, mais qui étaient loin d'en désirer toutes les conséquences. C'étaient des bourgeois émancipés, qui ne s'inquiétaient pas de l'émanci- pation des classes inférieures. On commentait â rechereher le pouvoir par intérêt personnel et non plus par amour du bien pu-

lU n. LirtUi*. BUMrt du Fronfait.

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blic. M. Berlhol, président de Tadiiiiiiislritlon cenlnfe» andt {Morlé fort éloquemment de h république, dans les IStei décedaiiM ; maU il foulait un iiège au corps législatif. Les discours du poêla Lom* bard n'anient pas plus de sincérité : ib étaient imposés par les circonstances* Son collègue au département, Henrion de Panaq^, était un homme d*un haut mérite, sans doute, mais étaiMI pins sincèrement républicain ? A Chaumont, quelques réadionnains avaient pris place dans Tadministration municipale. La désniiwi de ce corps s'en suirit, puis sa dissolution. Laloy, qui n'aimail pas le mensonge et que la faiblesse du pouvoir affligeait, avait cessé de prendre part aux affaires peu de temps après le départ de Pépin. On vil bientôt à la tète de la commune M. Graillât, qui avait signé le cahier de la noblesse, en 1789, comme seigneur de Beine. DavMt eu le bon esprit de rester en France et de ne Cure aucune oppoailiim à la révolution ; mais il ne pouvait en être le défenseur, el U est curieux de voir cet ancien maréchaldes-logis des écuries du roi, à la CUe commémoralive du dix août, mettre la torche au pied du bûdiar qui devait consumer les insignes de la royauté, puis attacher à Vitbn de la Liberté le bouclier portant cette inscription : flomienr mus brava qni renvenèrenl le tr&ne ! La Fmnçaii ne necoimatfroiil pot cToiffrei malirei que /es Une. Les fStes décadaires el dnqoea n'excitaient plus que Tenthousiasme officiel ; mais celle du dii août occasionna entre les patriotes et les muscudiiis des quenelles qui divisèrent la garde nationale en deux camps et nécessilèrail k présence d'un bataillon de ligne à Chaumont.

VII. Cependant le directoire, malgré les embarras qui entravaient son action, s'était occupé de l'organisation de l'instruction publique, n avait continué l'œuvre si largement commencée sous |e précédent gouvernement. Les commissaires de Is Convention avaient organisé l'instruction primaire et, dans la Haute-Marne, le choix des insti- tuteurs s'était fiEÙt sous la direction de Tillustre Dupuis. Le gou- vernement directorial s'occupa plus spécialement de l'instruction secondaire. Il institua une école centrale dans chaque département. A cette occasion la vieille rivalité de Langres et de Chaumont se réveilla. Les Langrois remporlèrent aux Cinq-Cents ; mais le vote décisif des Anciens ayant été favorable aux Chaumontais, l'école

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centrale fut établie dans leur ville, en remplacemenl de l'ancien collège que régissaient des instituteurs privés. Pour faire sp|irécier l'iniportance de la nouvelle école , dont le programme fui rédigé par l'ancien maire Laloy, le juriscoasuUe Jolly et l'ingénieur Lebrun, il nous sullira d'en nommer les professeurs, «lui tous ont laissé dans le pajs une réputation de science justement méritée. C'étaient, pour les langues anciennes et l'histoire, deux ex-doc- trinaires MM. Agnant et Simon; pour la grammaire générale, M. Vamey; pour les belles-lettres, M. de Gondrecourt, qui réunissait à de vastes connaissances un rare talent U' exposition ; pour les mathématiques, M. Laurent, qui devait plus tard reprendre sa place dans les rangs du clergé ; pour la physique et la chimie expérimentale, H. Tremizol, élève de Fourcrot; pour Ihistoire naturelle, le docteur Barbolain. élève de Daubanlon et Jussieu ; pour la législation , science que la république ne pouvait oublier, Henryon de Pansey ; pour le dessin cl la peinture. Dalle, qui avait passé huit années à l'école de Vien et deux à Rome ; enHn, un architecte était chargé de donner des leçons de son art. Pour faciliter au sein de celle belle institution tous les développements que comportait sa vaste organisation, on mit à la disposition des professeurs et des élèves la bibliothèque, qui venait d'être cédée à la ville par le gouvernement. Ce précieux établissement déjà si riche du fonds des jésuites et de la libéraNté du P. Barbe, s'était encore enrichi des livres de quelques émigrés et de ceux des maisons religieuses supprimées. On y réunit un musée, un cabinet d'histoire naturelle, et, pour compléter les moyens d'étude, le vaste jardin du collège fut converti en jardin-botanique. L'ouverture de l'école centrale de Chaumont eut lieu le 18 floréal an V. Mais cette belle organisation était trop libérale ; six ans après, la réaction lit rentrer l'instruction publique dans la vieille ornière.

VIll. A l'extérieur, Is France était honorée. C'était l'époque de nos grandes guerres d'Italie, t la république accumula en quel- ques mois plus de victoires que la monarchie n'en avait laborieuse- ment amassées durant des siècles (1). i Nous retrouvons au si^e

H) 11. LiTtlII*.

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de Hantoue, en 1796, rex-comraandant des volontaires de Cbau- mont, Girardon, colonel da 1 de ligne. Il se fit remarquer de Bonaparte en passant à gué Flsonio, à la tète de son régimeot, pour aller débusquer les Autrichiens qui s'avançaient sur le terri- toire de Venise. Semirrier lui confia le commandement de cette importante place et, l'année suivante, Girardon faisant (onctions de général de brigade, fut envoyé parMacdonald pour soumettre le dépar- tement romain de Serio qui s'était insuif é. D exécuta cette misston avec autant de succès que de courage et rejeta sur Capoue les Napoli- tains qui voulaient se réunir aux rebelles. Blessé devant Capoue, ilcom» battit à pied, et, quelques jours après, il entraitdans Naples au milieu d'une grêle de balles. Ce beau bit d'armes le fit confirmer dans le grade de général. Après la jonction de l'armée de Naples avec œDe d'Italie (mai 1 798), Girardon, qui avait été laissé à Capoue, Ait obligé de capituler. Il rendit la place honorablement à un ennemi trop nombreux pour que la résistance fût possible, et il rentra en France le gouvernement l'employa dans l'armée de l'Ouest C'est i cette même époque que commença la fortune d'un autre chaa- montais, Denis Decrès, qui devait bientôt s'élever aux prendères charges de l'Etat.

Decrès était fils d'un ancien officier de cavalerie qui avait épousé à Chaumont Mademoiselle Graillât. Il était parti de cette ville, en 1779, comme aspirant de marine. Dans les Antilles, il avait gagné le grade d'enseigne en sauvant le vaisseau le GhrieuXj qn'une bordée ennemie avait démâté. Après s'être encore distingué sur VArgot^ il avait été fait lieutenant de vaisseau en 1786. Quatre ans après, il était major de la division qui faisait voile pour les Indes. Envoyé en France pour y solliciter des secours contre les Anglais, il était arrivé à Paris au fort de la terreur et y avait appris, en même temps, sa nomination au grade de capitaine et sa destitution comme noble. Rangé alors dans la catégorie des suspects, il avait été envoyé en surveillance à Chaumont. Libre après thermidor, il avait été réintégré dans son grade et attaché au département de Toulon. On lui avait bientôt donné le commandement du Formt» dable qui devait faire partie de l'expédition d'Irlande ; mais ce pro- jet ne fut pas exécuté, et quand le vainqueur de l'Italie, Bonaparte, organisa l'expédition d'Egypte, il nomma Decrès contre-amiral.

Notre compatriote commandait l'escadre légère au combat d'Aboukir. Echappé au désastre de celle journée, il se réfugia à Malte avec le Guitlaumc'Teli et fit eiismle voile vers Toulon. Rencontra par une escadre anglaise, il fut obligé de se rendre, mais après avoir combattu si vaillamment que le gouvernement lui décerna un sabre d'abor- dage.

IX. Si la république était triomphante à l'extérieur, il n'; avait à l'intérieur que mécontentement et souiïrance. La vente des biens nationaux donnait lieu à l'agiotage le plus honteux. Des associa- lions de pillards dilapidaient les Tinances. On accusait Iiautement le Directoire d'incapacité et même d'improbité. La morale .semblait bannie de la société. Cette déplorable anarchie était le résultat de la politique irrésolue des directeurs qui persécutaient alternative- ment les royalistes et tes républicains. Un de ces revirements ra- mena à la tète de l'administration municipale de Chaumont un an- cien président de la société populaire, Guîgnard-Carlot, qui eut pour successeur Hilaire JoUy. C'était l'âpoque le mini§tre de la police écrivait aui administrations centrales : ( On a chassé les républicains de presque toutes les ronclions ; le Directoire s'em- presse de les y rappeler ; suivez son exemple et demandez vous- mêmes aux diverses autorités la nomination des patriotes aux em- plois qui sont de leurs attributions. On a essayé de nous ramener à l'abrutissement de la monarchie : unissez vos efforts pour rani- mer l'opinion républicaine. > Laloy, l'aîné, avait alors accepté, après beaucoup d'hésitations, les Tonctions de commissaire près de l'administration centrale. Les républicains sincères reparurent et le Directoire eut peur. allait-on ? Nul ne le savait ; mais les jour- nées du 13 vendémiaire et du 18 fructidor ne conduisaient-elles pas fatalement le pays à la dictature militaire?

Le général Bonaparte déchira la constitution directoriale le 18 brumaire an V!II (10 novembre 1799). Dès lors la révolu- lion prit le caractère militaire ; la souveraineté nationale de- vint un jouet dans les mains du pouvoir ; les principes démo- cratiques furent taxés d'utopie, et b dictature s'organisa consti- tulionnetlemeiit. Bonaparte pouvait remplir le râle de Washington. La France se domiait â hti ; il était lo seul représentant de la réïo*

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lution ; il pouvait, avec l'énergie dont il était doué, réaliser tous les principes proclamés par la Constituante et la Convention : il aima mieux organiser une monarchie nouvelle.

X. La république existe encore de nom pendant cinq ans. Bo- naparte est consul temporaire, consul à vie et enfin Emperfur^ sous le nom de Napoléorij le 18 mai 1804. D y a près du chef da pouvoir un conseil d*Etat, un Corps législatif, on Sénat conservi- teur, et, pendant quelques années, un Tribunat ; mais ces assem* blées ne font qu*enr^trer les volontés du maître qui en nonuiie les membres, car le droit d*élection est r^ d'une manière dé- risoire. Les départements sont administrés par des préfets près desquels siègent des conseils de préfecture et de déparlement moh mes par le pouvoir. Les maires sont rétablis et les adminisinleafs des communes sont choisis par les préfets. L'ordre judiciaire esl conservé, avec les cours d'appel et la cour de cassalioni tel qu'il a été organisé par les premières assemblées : un juge de paix par canton, un tribunal de première instance par district ou arrondis- sement, et un tribunal criminel par département; mais les juges ne sont plus nommés temporairement par le peuple, leurs fonctioiis leur sont conférées à vie par le chef de l'Etat. Le pouvoir eeninl envahit tout; le peuple est remis en tutelle ; les fonctionnaires obéissants remplacent les citoyens ; l'obéissance passive du soldai est à l'ordre du jour de la nation. Les communes n'ont plus de vie particulière, indépendante, et par conséquent plus d'histoire.

XI. M. Graillet, Tancien président de l'administration manieH pale, devint maire après le 18 brumaire, en même temps que son parent Decrès prenait possession du ministère de hi marine. Ds devaient conserver leurs fonctions pendant toute la durée du règne de Napoléon. Quand l'empereur entoura son tr6ne d'une noUesseï M. Graillet de Beine devint baron de l'empire, et Decrès fut créé due.

Le premier préfet du département de la Haute-Marne fut Tex- comte Ugnivïllej ancien officier compromis dans h trahison de Dumouriez. Il Tut remplacé en 1802 par H. Jerphanion^ qui inau- gura huit ans après le nouvel hôlel de la préfecture et y demeure jusqu'à la chute de la nouvelle monarchie. Ces deux fonctionnaires

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devinrent aussi barons de l'empire. Ltgniville ne quiUn Chaumoni que pour aller siéger au corps législatif, d'où il sorlit cinq ans après avec le titre d'inspecteur des haras impériaux.

Xn. Citerons-nous les noms des autres députés de la Haule-Hame au corps législatif? Larcher y entra dès l'origine, en quittant les Anciens, et il en sortit en 1807 avec Li^niiville. Il n'y eut plus alors que M. Marquette de Flewg, ancien officier, élu en 1802, et qui resta député jusqu'en 1814. Il eut pour collègue en 1807 Frawpoi* Roger, le littérateur Langrois, qui devint membre de rfM:adémie. On donna pour successeur à Roger, en 1813, un employé au ministère de la justice M. Dalmasiy. Le département n'était pas représenté au Sénat. P. A. Laloy avait été envoyé des Anciens au Tribunat. Il fut l'un de ces ulopincs, comme on disnit alors, qui repoussèrent l'inslitulion de la Légion-d'Honneur, et que l'empereur, qui les trouvait hostiles à toutes ses tendances aristocratiques, appelait des factieux. On l'élimina en 1802; mais ses amis le firent entrer au conseil des prises maritimes, car l'ancien conventionnel s'était ruiné, dans sa longue carrière politique, au lieu de s'enrichir, comme tant d'autres l'avaient fait dans les derniers temps. D'ailleurs l'empereur devait ménager le tribun factieux , puisqu'il voulait attirer le frère aîné dans son parti comme un de ces hommes qui honorent les gouvernements qu'ils servent; l'ancien constituant refusa plusieurs préfectures et il ne resta dans te conseil de celle de la Haute-Marne, que pour pouvoir continuer plus facilement la statistique de ce département , travail remarquable qu'il eut h douleur de laisser inachevé.

Jean-Nicolas Laloy a cessé de vivre le 25 novembre 1804, â l'âge de cinquante-neuf ans. La nouvelle de sa mort répandit la consternation dans la ville de Chaumont. La mairie, interprète des sentiments de la population, prit le jour même un arrêté pour inviter, au nom de la ville, les fonctionnaires de tous les ordres â assister aux funérailles et pour faire rendre au défunt les honneurs civils et militaires. Le même arrêté portait < qu'un monument serait élevé â Laloy, dans te cimetière, aux frais de la commune, pour honorer la mémoire de cet incorruptible ma^*tral concitoyens ont toujours porté l'aitection li i

310 ce monnment rinscription suivante : A jEÀN-NicoLàs Lalot, sok

ANCIEN MÀIREy TILLE DE ChAUMONT MECONNAISSANTE (1).

Xm. Nous avons dit que l'empire ne changea rien à l'oiganisation judiciaire. Oudard^ d'Eclaron ; Lombard, de LangreSi et Heorion de Pansey siégeaient à la cour suprême en vertu de mandats qu*îb avaient précédemment reçus des électeurs de la Haute-Marne. Henrion devint premier président. Il était simple commis au district de Joinville quand ses concitoyens lui avaient ouvert par leurs suf- frages la carrière des fonctions publiques. A la cour d'appd ou impériale de Dijon siégeaient Guyardin, ancien président de la eoor criminelle de Chaumont, Henrys-Marcilly et Godtiiel, qui avait été membre du tribunal révolutionnaire après le 9 thermidor. Mongaotte de Vignes fut juge de paix à Chaumont, puis procureur impériaL

XIV. L'université qui succéda au système d'instruction tout démocratique de la Convention, avait ses lycées et au-dessous les écoles secondaires dont l'entretien était laissé à la charge des villes. A Chaumont l'école secondaire eut beaucoup de peine i proq^&rar à cause de la concurrence des lycées voisins ; mais on avait fidt des démarches inutiles pour obtenir un lycée en remplacement de l'école centrale. Le musée fut dispersé, on ferma le cabinet d*his- toire naturelle que bientôt des amateurs se partagèrent, et le jar- din-botanique fit place à un jardin potager. Comme l'instruction primaire était n^ligée par le gouvernement, la mairie crut devdr encourager les efforts particuliers, en donnant annuellement des prix aux élèves des deux sexes : l'instruction était donnée aux garçons par un ancien instituteur de la doctrine chrétienne, et aux filles par quelques dames autrefois dottrées dans le couvent des ursulines. La ville n'était pas restée insensible au mouvement imprimé au génie français par la révolution ; l'école centrale avait activé ce mouvement, et le goût des arts, grâce aux leçons et an dévouement du professeur Dalle, s'y était développé dans de larges proportions. La société d*agriculture fondée en l'an IX, avait puis- samment secondé l'école centrale dans cette voie. On lui doit Tin-

(4) Uo jeune po«(e de Chaamontj Varia, joint ii ce(l« intcriplioo quelques vert qii rappellent lea litres àt Laloy i la reconoaiaaance de aei coocitoyena.

troductiou do la vaccine dans la llautc-Mamc, cl hi ville de Cliau- monl est signalée cumme une des premières oii l'application de celte heureuse découverte a été faite. Celle société, qui périt bien- tdl de marasme sous le riigime nouveau, réunissail loul ce qu'il y avait de lilléraleurs el d'harames/de science dans le département, et parmi ses associés étaient le savant Bosc, dont le frère habitait CbaumoDl ; le docteur Chambon, l'ancien maire de Paris qui s'é- tait retiré dans le Loiret ; le slatisticien Cbanlaire, noire compa- triote ; François de Neufchilleaii ; Lancrel, membre tie l'institut d'Egyple, dont la famille résidait à ChaumonI, et l'ex-professeur Laurent. Depuis la suppression de l'école centrale, ce Chauraonlais habitait Paris il desservait la cure de Saint-Gilles-Saint-Leu . L'empereur le nomma plus tard i l'évéché de Nantes puis à celui de Hclz ; mais comme il était du nombre dos prêtres jureurs, les bulles d'inslitulion canonique ne lui furent jamais expédiées. U est mort dans les environs de Paris.

Nons retrouvons Uecquey au conseil de l'université. 11 s'était tenu caché pendant h terreur, tantôt à Vitry, tantôt â Sainl-Dîzier; libre après Thermidor, il était entré dans le comité royaliste qui commuuiquail de Paris avec le frère de Louis XYI. Comme son ami Beugnot, il s'était rallié à la monarchie révolulionnaire en at- tendant que la restauration vînt récompenser ses services.

XV. Le concordat de ISOi régla les droits respectifs de l'Église et de l'État. La religion catholique devint alors, odiciellement, celle du gouvernement el de la majorité des Français. Son culte était pubUc; mais il est inexact d'attribuer à Napoléon, comme on le fail généralement, le rétablissement de la religion en France. Eu n^ociant un nouveau traité avec le Souverain-Pontife, l'em- pereur ne faisait que suivre l'esécutiou de son plan; il voulait ré- duire aussi les membres du clergé au rang de fonctiomiaires pa- blirj. La hherlé des cultes avait clé rétablie par la Convention, après le 9 tliermidor, et U n'y avait obstacle que pour les prêtres qui ne voulaient pas se conformer aux lois de la république. A Cliaumonl, l'ancien curé Qabouol avait de suite repris possession de l'égUse paroissiale il ofliciait avec d'autres prêtres également assermen- tés. M. de Gondrecourt avait un oratoire desseni par l'ex'béDédic-

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tin Lambelinot. On avait en même temps rétabli les offices i Saial- Agnan, à Saint-Rochy à l'hospice. Il n'y avait de fermé aa calte que la chapelle du collège, l'on célébra les fêtes df iiinet josfn'A la suppression du calendrier républicain.

A répocpie fiit signé le concordat, TéTéque ccmstilalioBBtl Wandelainoourt donna sa d&nission. L'ancien diocèse de Langres n'étant pas rétabli dans les nouYoUes circonscriptions, k Bautd- Mame fit partie de l'évèché de D^on. M. Henry-Rejmood, après avoir pris possession du nouveau si^ ^iscopd, commença aa toomée pour l'organisation du culte. U était à Chaumont le 13 laes- sîdor an X. CAarkf-Marte Garret^ ex-jésuite et ancien profeaieir d'floquence sacrée au séminaire de Laïq^res, fut nonuné eoré dn chef-lieu et promoteur pour le département. On fit alors une res- tauration assex mal entendue de Fintérieur de l'église Sainl4ini«l on vendit tous les vieux ornements pour s'en procurer de noufwmr L'église Saint-Michel n'existait plus ; la commune en avait Ikit ae- quisition trois mis auparavant ; elle l'avait bit démolir, al l'oR eoQ- struisait une halle sur son emplacement. H. Garret était un hooMm d'un caractère doux et conciliant : c'était le pasiear qui eoBveaait à la population chaumontaise. U eut pour successeur, m 1806, Pterre-Françou Shrjeanj ancien dianoine de la collégide. M. Sir- jean avait d'abord embrassé la cause de la révohitioa ; il avait élè membre du district, puis ses infirmités ne lui ajant plus permis d'accepter des fonctions publiques, il était devenu suspect. Lors de la dénonciation des Langrois contre les prêtres reclus i QuRi- mont, on l'avait déporté en Suisse. A son retour, il avait habile d'abord l'ancien couvent de Septfontaines, qui appartenait à son IMre, puis il était rentré à Chaumont comme vicaire de la paroisse. A la mort de M. Siijean, en 1813, la cure de Chaumont fat donnèn i M. Chambray^ curé de NuUj, et en dernier lieu de GhàtetuvillaiB, qui l'administra pendant six ans.

XVI. Mais cette organisation toute despotique des commues, des départemrats, de Tinstruction publique, de la justice et du clergé ne faisait pas la principale force de l'empire, car elle péchait par la base, en comprimant les élans de la France vers la liberté. L'empire ne puisait réellement sa force que dans le succès de ses

armées, cl l'évéDeraent prouva que du jour HIes ceseeraîenl (l'êlre victorieuses, l'édilice impérial devait crouler. « Les soaf- fraoces intérieures se laisnient ou disparaissaient devant ta gloire ; l'absence de la liberté était compensée par ta grandeur el la supré- matie de la nation ; on s'enoipieillissait du respect et de la craÎDla qu'imposai! le nom français (1). s

La ville de Chaumont avait toujours de deux à trois cents mili- taires sous les drapeaui. Girardon était mort g:énéral de division, i Paris, le 5 décembre 1806. De l'armée de l'Ouest il avait été en- voyé à l'armée d'Italie sous les ordres de Hasséna, el les provinces conquises dans cette campagne avaient été confiées h son gouver- nement. Appelé ensuite par le roi de Naples dans la province de Capoue, il avait mis le siège devant Gaête. Il occupait avec quatre mille hommes un pont sur le Garigiiano, quand il tomba malade. Les fatigues du siège et l'insalubrité de l'air le forcèrent à rentrai en France el il mourut presque subitement en arrivant à Paris. Mais beaucoup d'autres Cbaumontais se sont distingués A cette épO' que, comme Girardon, dans la carrière desarmes, sans arriver cepen- dant i des positions aussi élevées. Dufour qui entra dans l'admintstra- (ion militaire, après avoir été glorieusement blessé i ta tête de son bataillon, devint commissaire ordonnateur de la garde impériale, baron de l'empire el officier de la Légion-d'IIonneur. Nous trou- vons cités dans les bulletins de nos victoires le sergent Etienne Voiliemîn ; le fîls du représentant Latoy, qui mourut lieutenant-co- lonel ; les deuï frères Guyardin ; le lieutenant llenrys-Marcilly ; le commandant Moliot ; le capitaine de dragons Guillaume ; Urbain Richoux, capitaine de cuirassiers, el son frère, Nicolas Richoui, adjudant-major au régiment des cbevaui-légers du roi de Naples ; le caporal Despierres que l'empereur Gt lieutenant sur le champ de bataille ; le lieutenant de cavalerie Lebert, officier de la Légion- d'Honneur ; le colonel de chasseurs à cheval Lemoine; l'oflicier du génie Qarbolain, tué dans l'ite de Lobau, au moment il termi- nait un ouvrage de défense. Nous pouvons encore mentionner le colonel d'artillerie Pelgrin, baron de l'empire elollU'ier de la Légion- d'honneur, car sa mère était de Chaumont et il avait été ^*é

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duK cette ville. Enfin le 14* de ligne, composé en partie d'hommes de la Hante- Marne, s'est toujours fait remarquer par sa bratoure : c Les hommes de votre département, écrivait le colonel «a préM, le 16 juin 1809, après la victoire remportée en Espagne sur le gé- néral Blache, sont soldats dés leur arrivée devant Tennemi ; ib ont eu leur grande part de la victoire d'hier, remportée à trois lieues de Sarragosse. > Et Suchet, dans sa proclamation à Tarniéei ciiait ce régiment comme t ayant montré une assurance et une k- trépidité au-dessus d'éloges. > Mais combien de ces braves ioUrts sont restés sur les champs de bataille I!

XVn. Napoléon était l'arbitre de l'Europe, et la Franee, s't bliant elle-même, n'était occupée qu'à chanter les louanges dn héros. Les hommes que le pouvoir avait chargés de l'admiiiistai- tion municipale à Chaumont, ne manquèrent aucune occttk» de signaler leur dévouement au Prince ; ils poussèrent la flatterie jus- qu'à vouloir refiiire l'antique blason de la ville sur le blasoii impé- rial ; ils demandèrent en 1811 une Uvrie et proposèrent de boo- velles armoiries dont l'écusson devait être ainsi composé: Lednf de gueule aux trois abeilles d'or ; le champ uni, parti à senestrede dnq épis d'or sur la moitié d'un cerclé et sur un fond de gneolSy à deztre sur un fond d'asur àl'N d'or couronné d'une étoile nyon- nante aussi d'or; le tout surmonté de deux cornes d'abondance d'amr, fleurées et fouillées d'or, posées en sautoir, un feston de chêne al d'o- livier étant supporté par elles et se nouant au point elles se croi- sent. — Les événements n'ont pas permis de réaliser ce progel ; mais les mêmes administrateurs avaient déjà voté les fonds nécessaires pour faire élever, à la porte de Buxerenilles, •otrafois de la Liberté, un arc de triomphe en l'honneur de Napolàm4ô' Grand. La première pierre de ce monument, qui devait avoir des ricissitudes si curieuses, fut soIenneUement posée le premier mai 1813.

XVni. Cependant les circonstances ne permettaient pas d'or- donner des dépenses inutiles. En 1806^ la population avait été dé- cimée par le typhus, et depuis, le prix des denrées de première nécessité avait toujours augmenté. En 1810, le blé valait vingt-trois

francs l'hectoUlre ; il s'éleva à vingl-huit l'année suivante, et à qua- ranle-deux en 1812. Un décrel impérial le réduisit au maximum de trente-trois francs et permit de taxer le pain à soisanlc cealîmes le kilogramme. Les riches se cotisèrent pour assurer la subsistance des pauvres et vendre les denrées à prix réduits ; on créa deux ateliers de charité, et l'on établît des roumeaui pour les soupes â la Rumrort. La récolte de 1812 fut médiocre, quoique plus abondante que celle des années précédentes, de sorte qu'on dut continuer les mesures de prévoyance. Les courtisans avaient donc fort mal choisi le moment de leur adulation; d'ailleurs le monument qu'ils faisaient élever à rélemel honneur de leur idole ne devait pas s'achever, et les mêmes hommes devaient bientôt le consacrer à une idole nou-

XIX. Déjà le résultat de la campagne de Russie avait fait dispa- railre le prestige. La situation apparaissait à tous dans un jour nou- veau. Quand la coalition des rois mit en mouvement tous les peuples de l'Europe pour envahir la France, alors on se rappela la patrie; et, dans les rangs de ceux qu'il avait comhlés d'honneurs et de richesses, l'empereur rencontra des indifférents ; il s'y trouva même des traîtres. Le peuple seul ne sépara pas la cause de la France de celle de l'empire ; seuls les paysans et les ouvriers avaient conservé leur foi ; mais Napoléon ne sut pas faire appel à leur dé- vouement, à leur patriotisme, et sa méfiance paralysa leur sympa* thio.

XX. Kous louchons à l'agonie de la monarchie impériale. Avant d'entrer dans cette terrible période de notre histoire, nous devons étudier la situation linanciâre de la ville de Chaumont, pour pouvoir mieux apprécier l'énormité des sacrifices qui vont lui être imposés.

Pendant les dix premières années de la révolutiou, les deniers communaux étaient versés dans la caisse de TÉlat, d'où ils sortaient sur des mandais délivrés par la municipalité. 11 nous serait donc impossible de donner le chiffre exact des ressources de la ville pendant cette période, nous savons seulement qu'elles étaient res- treintes, par suite de la suppression des octrois, et que souvent, quand les coupes de bois manquaienl, les citoyens étaient obligés

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de se cotiser pour bire foce aux dépenses communes. DnéM en Tan Vn porte les dépenses annuelles ordintires à neof HÛDe quatre cents francs. Le gouTemement supportait alors les fraÎB de riMiruGtion publique. La ville avait des dettes considérahlet €Q»> tractées pour l'approvisionnement de ses marcbés, et elle fiil obUgie de prendre des arrangements pour se libérer en trois termes. Bn Tan Vniy on mit un octroi sur les olgets de consommatiea, poor couvrir les dépenses de Thospice et surtout pour l'eBlietîea des enbnts abandonnés ; mais les citoyens se récrièrent contre ceUe innovation et l'octroi fut supprimé; d'ailleurs l'Élat venait de prendre à sa charge les enfants trouvés. A cette époque, uae oipnisa Tadminislration des communes; les comptes des denien communaux furent distraits de ceux du gouvimement; les villes eurent des receveurs particuliers et l'on rédigea des bu^^ets. De l*an K à Tan XU, au budget de Chaumont, la recette, pr^fimant des bois; des droits de pesage, mesurage et jaugeage i k nnyielki halle ; du produit des centimes additionnels sur les conIriMioM, et du prix des loyers, fermages, etc., des biens comonmaus, -visie de dix i quinie mille francs; les d4>eBses de huit à eue siffle. Bu l'an XI, l'instruction publique retomba à h charge de h viHe riaà que l'entretien des bàthnents du collège ; et, pour flore feee i cas Boweiles dépenses, on frappa d'un octroi k viande de beudwria, les boissons, les fourrages, les bois de chauflage et de cooalmctieB. Cet octroi, qui existe encore, mais dont te tarif varia i l'iafté, produisit h première année dix-neuf mille cinq cents francs. Lee comptes de l'an XII fixent le chifire total des recettes à trente^ept mille deux cent soixante-douxe francs et celui des d4>eBses à vingl- âx mille francs. Le collège coûtait plus de sept miUe friBca. Ceat alors aussi que k ville fit acquisition du bâtiment des Cq^ocms, ci elle construisit définitivement la salle de spectacle. Sous l'empire, les chaînes de la ville augmentèrent d'année en «année et dk y it iiee en donnant toujours plus d'extension à son octroi. Au budget de 1807, les recettes s'élèvent à quarante-sept miUe fîmes et les dé- penses à quarante-cinq mille six cents. Celui de 1813 est aÏMi arrêté : recettes, soixante-un mille francs; dépeases, cinquante^reis raille deux cent quarante francs. Telle était la situation financijgre de Chaumont, m 1M4^ Un

su

décret avait réuni dénnitivement à la ville, en 1810, les bameaui de Buxereuilles et Reclancourt qui, oubliés, comme ils devaient l'âtre, lors de la division de la France en déparlements, puisqu'ils n'avaient jamais forma que des faubourgs du chef-lieu, étaient en instance depuis celle époque pour être érigés en communes parti- culières. La population totale s'élevait à six mille six cent cinquante- cinq habitants, dont quatre cent cinquante-neuf militaires aux ar- mées. La place, que traversait la roule de Paris k BMe, se trouvait sans défense; ses vieilles fortifications n'étaient plus que des ruines; elle n'avait pour toute garnison que quelques gendarmes, et celte escouade de soldats demi-bourgeois que le consulat avait formée dans chaque département pour la garde de la préfecture. Il n'y avait plus de garde nationale. Les citoyens étaient sans armes.

k

CHAPITRE H.

LES DEUX INV.tSIONS (1814-1815).

I. Le 4 janvier 18U, la consternation régnait dans la ville de Chaumont. L'ennemi avait franchi les frontières. La population était groupée dans les rues : on s'indignait de l'inaction et du silence de l'autorité ; on était ca quête de nouvelles. Enfin, à quatre heures de l'après-midi, le commissaire de police sortit de l'Hdtel-de-VilIe et, après un roulement de tambours, il lui la proclamation sui- vante :

c Le sénateur comte de Ségur, grand maître des cérémonies, commissaire eilraordinaire de S. M. l'Empereur et Roi, dans la 18* division militaire,

c Aux habitants du département de la Haute-Marne.

< Memeurs, l'Empereur m'a ordonné de me rendre parmi vous, pour vous faire connaître ses intentions et ses sentiments. Vous désirez la paix ; la France en a besoin ; l'ËiiPEnEiiB la veut autant

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qoe Toos. La prompte conclusion de celte paix dépend de votre eoB» duite et de votre courage. Sa Majesté avait conçu de vastes pro* jets pour porter à son comble la gloire et la prospérité de la nation française. Trahi par les éléments, abandonné par ses alliési L'Eu* PBREUR pouvait encore, à la tête de 300,000 hommes, tenter l'ae- complissement de ses grands projets. Hais cette noble audace voat aurait coûté trop cher ; il sait par vos administrateurs ce qu0 voM avez souffert, les sacrifices que vous avex fiiits. D préfàre à m gloire le bonheur de son peuple, et, pour vous donner la paix, il a acoeplé toutes les conditions que les ennemis lui proposaient. Il a dédaié au Sénat qu'il n'était plus question de reprendre les cmiquètes que nous avions faites et dont les ennemis se sont emparés. Cqmidait ces mêmes ennemis diffèrent, sous de vains prétextes, de signer la paix dont ils ont posé les bases, et à laquelle Sa Majesté a consenti. Us ont violé le territoire d'un pays neutre : ils sont entrés en France. Les ennemis en France I Vous sentez, Français, les devoirs que ce seul mot vous impose ! Vous ne serez ni trompés ni eflirajés par leurs perfides insinuations et par leurs audacieuses entreprises. Ds ont voulu voir si vous étiez toujours français, si une marche imprévue ne vous abattrait pas, s'ils ne pourraient pas vivre quel- que temps aux dépens de nos frontières. Mais ne croyez pas qn*ils osent pénétrer dans l'intérieur d'un pays armé pour les arrêter. L'armée de 80,000 hommes de L'Empereur qui arrivera annt pea parmi vous les écraserait ; l'armée du Rhin leur fermerait tonte retraite ; les gardes nationales leur enlèveraient toute subsistance.... Quel serait l'honmie assez stupide pour croire à la feinte modérÉte de ces étrangers ? Leur armée en Allemagne n'a point d*arfail ; elle se sert d'un papier-monnaie sans crédit. A leur arrivée dans une contrée ils donnent le premier jour quelques écns; le second ils donnent du papier, et le troisième ils paient avec des vioknees et des outrages. . . L'armée de I'Empereur sera sous peu de jours dans votre département, pour hâter la conclusion de la paix. Elle saura, en arrivant, reconnaître le courage deceux qui se seront bien montrés et couvrir d'un juste mépris ceux qui ne se seraient pas conduits, dans cette grande circonstance, en vrais et vieux français. Habitants du département de la Haute-Marne, tout doit vous rassurer ; l'en- nemi vous craint ; votre armée avance ; la paix s'approche ; les

criGces qu'on vienl de vous ilemanJer n'ont pour tout but que d'ob- tenir une paix qui vous en donnera la récompense ; car Sa Ma- jesté veut décIdémenL que ces sitcrilices soient les dernien : faites- les donc avec résignation et confianc!]. L'EiiPEnEi'it l'a dit lui- laùms i Comme monarque et comme père, H tcnt autant que vont, luijourd'hui, le betoiit de la paix. Mais, pour que celle paii désirée soit promplement conclue, il faut que l'ennemi perde tout espoir de vivre i vos dépeus;de prendre aux riches ce qu'ils ont; de char- ger de travaux, de corvées et de fatigues ceux qui n'ont rien : ce seul espoirde pillage est le motif de leurs délais. La seule nouvelle de votre levée en masse peut les faire reculer. So;ez donc debout, Français, ci pr^ts au besoin à vous lever en masse. Vos adminis- trateurs méritent toute votre couliance ; ils jouissent de toute celle de Sa Majesté ; suivez leurs ordres avec exactitude et tranquil- lité ; la fierté seule de votre altitude fera signer bienlilt la paix. >

Dans de pareilles circonstances en 92, et 93, on courait aux armes, on volait aux frontières. Qu'on se rappelle l'énei^ique cri de guerre du directoire du département I C'est qu'alors on parlait le langage de la liberté; mais, à l'époque nous sommes arrivés, les commissaires extraordinaires no savent même pas, en s'adressent au peuple, quitter le langage de la cour. Peut-on concevoir rien de plus froid, de plus compassé que la proclamation de M. de Ségur ? C'est toujours le grand mallre des cérémonies.

Meuieun les habitants de Chaumont, après un second roulement de tambours qui annonçait la fin de la lecture, se groupèrent de nou- veau; ils étaient aussi inquiets, aussi indignés qu'auparavant : i ils ont mis la pairie en danger, se disaient-ils, et ils nous appellent main- tenant à sa défense. Notre devoir serait de répondre à cet appel ; mais que pouvons-nous faire ? ils ont rompu tous les liens qui nous unissaient, et, d'ailleurs, on nous a désarmes. .<> La nuit vint et cba- cua rentra chez soi pour mettre ordre à ses aOâires. On ne s'était pas contenté d'énerver le patriotisme, on l'avait rendu impuissant.

II. Le 9, les Bavarois étaient sons les murs de Langres.

L'armée d'invasion était forte de 350,000 liommes. Schwarzem- berg devait passer le Rhin i Schaffouse et à Bàle; Blucber entre Strasboui^ et Coblentz. Les deux ailes devaient opérer leur jonction

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sur la Ihrne ou sur la Meuse et marcher sur Paris. Ce Ibt ira ciir|if du centre de l'aile gauche qui se dirigea sur la Haute-Marne. IKi mille hommes de vieilles troupes ayaient été cantomiées entre Langres et Chaumont, sous le commandement de Mortier, po«r défendre le département. Langres ayant refusé d'ounir ses portée à la première sommation, Schwarzembei^ dirigea son armée sur Chaumont, par Bourbonne. C'était le 12. Mortier, craignant don d'être cerné par l'ennemi, laissa qudques hommes en garnison à Langres avec ordre de résister jusqu'à la dernière extrémité» ponr attendre son secours, et il se replia sur Chaumont. Mais Langros dut capituler le 17, et 15,000 hommes en prirent possession.

Mortier gardait à Chaumont tous les passages de la Marne. Le 18, dans l'après-midi, Schwarsembei^ descendant des hauteurs^ dn c6té de Bourbonne, s'efforça de passer le pont de Choignes. Il M repoussé et l'on se battit pendant une grande partie de la nuit, Far- tillerie tonnant des deux hauteurs qui dominent la rivîtee. Le fm prit au village et deux maisons voisines de l'église furent taAèn* ment consumées. L'ennemi eut vingt-cinq hommes tués ; nn ssd cavalier français fut blessé et mourut quelques jours après i rii<^ tal de Chaumont. Enfin le passage (ut forcé, et le 19, à trois heures du matin, la garde impériale qui était massée sur la place de rH6- tel-de-Yille, reçut Tordre de battre en retraite. Toute la population était sur pied, attendant avec anxiété l'issue du combat. A 7 heures, il n'y avait plus de troupes françaises dans la viUe.

m. Une heure après le départ de la garde, on vit arrivor nn hussard Wurtembergeois qui se dirigea vers l'Hôtel-de-YiHe. H venait annoncer au maire la prise de possession de h place par les alliés et apporter des ordres pour le logement et la subsistance des troupes. Un grand nombre de citoyens étaient réunis dans la salle du conseil ; on organisa de suite des commissions administratives. A neuf heures, arrivèrent quelques autres cavaliers en manteau verts, et à midi le prince de Schwarzemberg entra à la tête d'une . nombreuse troupe d'infanterie et de cavalerie. Pendant huit jours la ville fut ainsi traversée par les alliés qui, après quelques heures de repos, continuaient leur marche à la poursuite de nos soldats, en bisant retentir l'air de ftoMrrab! et de chants de victoire. Leurs

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I élaienl ornéâ de rameaux verts. Inutile de dire qu'ils mitaient la ville en pays conquis. L«s ordres des commandants devaient élre exécutés immédiatement, som peine d'exécution mi- litaire, et à la moindre hésitation, au moindre relard, on menaçait la ville de pillage. Les habitants n'osaient plus se hasarder dans les rues. Un citoyen ayant tiré sa montre pour dire l'heure au hussard wurlemhergeois qui avait apporté les ordres à la mairie, celui-ci s'en était emparé. Celle prise de possession, commencée par un vol, n'indiquait que trop quels maux étaient réservés à la population. Des Wurlembergeois logés cheî un ouvrier l'avaient maltraité et volé. Le pauvre homme allait se plaindre ; mais deux autres soldats qu'il rencontra sur son chemin lui prirent ses souliers. Comme on lui conseillait d'aller trouver le prince : Je m'en garderai bien, dil-il, il me prendrait peut-être ma blaude. On n'entendait parler que de vols, de mauvais traitements, de la part de ces bar- bares qui, dans leurs proclamations, ne manquaient Jamais de dire qu'ils venaient en amis. Chaque ménage en avait continuellement huit ou dix el leurs exigences étaient infinies. Ils ne respectaient rien : un de ces lâches sans conscience, que leur intérêt pousse i se courber devant le maître, quel qu'il soit, était allé au-devant des premiers soldats étrangers, pour fraterniser avec eux, et, nous sommes heureux de le dire, il n'eut pas d'imitateur: sa maison fut pillée et sa Tamille mise à la porte. Comme tous les magasins étaient fermés, on ordonna aux habitants de tenir leur portes ouvertes, l'ili ne voulaient pas qu'elles faitenl aifonrécs. On leur ci^oignit ensuite d'éclairer toutes les nuits, intérieurement, chaque fenêtre de leurs maisons, par deux chandelles. Le 25, un nouvel ordre fut publié : chacun devait apporter ses armes à l'Hôlel-de-Ville, tout pane de mon.

Les campagnes étaient abandonnées au pillage et à la dévastation. La plupart des communes étaient désertes : les paysans s'étaient réfUgiés dans les bois oïl ils avaient caché quelques provisions que les soldats venaient souvent leur disputer.

IV. Celte triste situation était encore aggravée par l'anxiété : on n'avait pas de nouvelles ofTicielles. Cependant le passage des troupes s'était loul-à-coup ralenti ; on se disait tout bas, à l'oreille,

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et avec une joie qu'on avait peine à contenir, qae les alliés avaienl été arrêtés du côté de Saint-Dizier et de Bar-sur-Aube. Le 26, on vit arriver des blessés et dix ou douze prisonniers français qa*on évacua sur Langres. On s*était donc battu ? Le lendemain le bruit courait que les Français reculaient sur Troyes.

Voici ce qui était arrivé : Napoléon connaissant le plan de Ten^ nemi, avait choisi la ville de Châlons-sur-Mame pour son quartier» général, et, du 15 au 25, il avait dirigé sur ce point toutes les troupes dont il pouvait disposer. Lui-même avait quitté Paris le 25 pour rejoindre cette armée. Le 27, il avait battu Tennemi près de Sainl- Dizier ; Schwarzemberg qui suivait la route de Bàle avait été on instant arrêté dans sa marche, mais il avait bientôt repris Te* vantage.

L'empereur voulait empêcher la jonction des deux années de la coalition ; c'est pourquoi, quittant Saint-Diâer, il vint par la forél du Der attaquer Blûcher à Brienne. C'était le 29 janvier. Le combat fut long et acharné. Les Français, malgré les difficultés du lemin défoncé par la neige et la pluie, cernèrent et prirent le chftteau avec une telle rapidité que l'élat-major tout entier faillit à être pria ; Blûcher ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval ; le neven da chancelier de Prusse, Hardemberg, fut fait prisonnier. Pendant ce temps, Ney attaquait la ville. Les Français et les alliés s'en dispu- tèrent la possession avec un égal acharnement. Les rues étaient joo» chées de blessés et de morts. On se battit jusqu'à onze heures da soir, à la lueur de l'incendie qui dévorait un grand nombre de mai- sons. Enfin les alliés se retirèrent. Napoléon, dont le quartier-fé- néral était à Mézières, occupa le chftteau le lendemain. Sa présence avait ranimé les paysans champenois ; mais il était trop tard poor profiter de leurs dispositions guerrières. D'ailleurs, on n'aimait pas à leur entendre mêler aux cris de vive l*empereur ceux à bai la droits réunis ! En abandonnant Brienne, les troupes de Blûcher s'étaient repliées sur la Rothiëre elles se réunirent à celles de Schwarzemberg. fut livrée, le 1*' février, une bataille plus dé- <?isive, à la suite de laquelle les Français qui n'étaient que quarante mille contre cent soixante mille, battirent en retraite sur Troyes se trouvait Mortier avec lu garde.

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V. La balaille de Brienne ne fut connue des Chaurnootais que le 1" février, par le récit des officiers étrangers qui, tout en avouan, des pertes considâraUes, disaient avec une sorte d'orgueil que Na- poléon avait élé repoussé. On dut croire à l'exaclKiidc de ce récilt car dès le lendemain on vit arriver des troupes nouvelles qui tra- versèrent la ville en chantant et en criant : Paris I Paris I D'ailleurs, les souverains qui étaient à Langres depuis six jours avaient pris possession de Cbaumont.

Dans la matinée du 29 janvier, un mouvement inaccoutumé avait jeté l'inquiétude dans la ville. A huit heures, on avait vu arriver, par la porte de Chamanindes, des cavaliers de toutes les couleurs, des gens de pied, des chariots, de riches équipages. Les rues étaient encombrées de bagages. Vers dix heures arrivèrent les trou- pes régulières. C'étaient des régiments de toutes les armes ; inTan- terie, cavalerie, artillerie ; des gens de toutes les nations, les uns à cbeval, les autres montés sur des chariots ; Bavarois, Bohèmes, Autrichiens, Hongrois, Prussiens, Baskirs, Russes, Cosaques. Les maisons ne pouvant suffire à loger cette nuée de barbares qui rap- pelait l'invasion des Huns, les promenades Turent converties en camps. Alexandre et Frédéric firent leur entrée dans la ville à deux heures ; ils étaient suivis de leurs chancelleries. L'empereur de Russie était accompagné de son frère, le grand duc Constantin, et le roi de Prusse de son fils, Frédéric-Guillaume. Nous devons dire ù l'honneur des Chaumonlais, qu'il n'y eut pas vingt curieux. Les deui cours s'installèrent dans deux maisons de La rue de Buie- reuillcs, près du collège. Cet établissement fut occupé par le nom- breux domestique des monarques et par des soldats qui converti- rent les classes en corps-de -garde. On fit un magasin â fourrages delà chapelle et un bdpital delà bibliothèque. Les chanceliers, ministres, ambassadeurs, généraux, conseillers et courtisans étaient logés dans les principales maisons, et il fallait que la ville pourvût, toujours sous peine d'exécution militaire, à toutes les réquisitions présentées par les fournisseurs de ces illustres hèles, tout en son- geant aui fournitures il faire aux troupes qui, au moindre retard, se pourvoyaient elles-mâmei. Indépendamment des réquisitions spéciales, qui étaient passées par les commissions municipales à la chu; e de quelques propriétaires, marchands ou producteurs, il y

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en avait d*aulres qui atteignaient tous les citoyens : par exemple , à Tarrivée des princes, on publia Tordre d'apporter dans les maga- sins militaires toutes les provisions de paille, de foin et d'a?oine qui se trouvaient dans la ville, avec menace de faire faire des perqui- sitions par les Cosaques, et, deux heures après, comme le dépôt ordonné s'effectuait lentement à cause de Tinsuffisance des voitures, on enjoignit aux propriétaires d'apporter à l'instant ei A do$ leurs provisions. On demandait des sacs, du linge, pour les hôpitaux ; mais les réquisitions les plus difficiles à exécuter étaient celles dès cuisines dont les exigences, au milieu d'une population qui mourait de faim, passent toute croyance. Nous citerons, pour preuve, la carte de la table du major-général Radetsky. Il fallait chaque jour, à ce trop célèbre barbare, trente livres de bœuf, un mouton, un demi veau, six pièces de volaille de différentes espèces dool deux dindons au moins, deux livres de sucre et deux de café, trente bou- teilles de vin ordinaire, dix bouteilles de vin de Champagne, dix de Bourgogne, trois bouteilles de liqueurs de France de première qualité, quarante livres de pain, une tourte et un pâté froid, des légumes de différentes espèces, quatre livres de beurre, quarante œufs, deux livres de poissons ; enfin il avait exigé une fois pour toutes, cinquante harengs, vingt pots de moutarde fine, trente li- mons et quarante oranges, dix bouteilles de vinaigre d'estragon et vingt bouteilles d'huile d'olives.

Le 30, l'empereur de Russie fit célébrer l'office divin, selon le rite grec, dans une maison particulière. Il s'y rendit à pied, revêtu du costume de colonel de la garde. Le surlendemain, il reprit avec le roi de Prusse la route de Paris.

VI. L'empereur d'Autriche était resté à Langres. U n'amva à Chaomont avec son fils Ferdinand-Charles que le 3 février, à dmix heures du soir. Il descendit à l'hôtel de la prérecture. Sa suite était peu nombreuse. On avait dit ce prince humain, juste et très abor- dable, et les habitants espéraient obtenir de lui quelque soulage- ment à leur misère. Le conseil municipal lui exposa dans une adresse assez énergique la malheureuse situation delà ville : cent cinquante mille hommes avaient traversé Chaumont et on évaluait à près d'un million les pertes déjà éprouvées, c Nous avons l'espoir, di-

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sait'on en lerminanl, que le père de noire au^sle souveraine, Ma- rie-Louise, daignera mellre un Icrme à nos maux, en prenant sous sa noble proleclion la ville de Chaumonl et le dt^partenieot. » Celte adresse fut présentée dans la matinée au 4. L'empereur reçut la députalion avec bonlé, nous pourrions même dire avec embarras, car it paraissait honteux du rdie que la politique lui imposai! : c Je prends, répondit-it, le département de la Haute-Marne sous ma pro- tection. Je vais nommer un gouverneur pour y administrer en mon nom. Les mnux auxquels le pajsest livré auront bicniat un terme : encore un peu de résignation et de patience. L'armée de Napo- léon est coupée et la paix ne tardera pas à se conclure. > Ces der- nières paroles dévoilent la politique autrichienne : le rabinet de Vienne avait pensé que l'invasion forcerait l'empereur des Français à signer la paix que proposaient les puissances alliées. Du resie, l'empereur d'Autriclie n'avait aucune influence dans les conseils de la coalition dont rAngLlerie élait l'âme; ses avis n'étaient pas écoulés; souvent même, dans le service, ses ordres étaient mé- prisés par les soldats des autres nations ; les olEciers de soa armée étaient continuellement en butte aux vexations des officiers russes, qui affectaient sur eux une grande supériorité.

Vn. François II partit de Chaumonl dans l'après-midi à la mile des deux autres souverains. Comme il l'avait promis et comme du reste Scbwarzembei^ l'avait déjà annoncé, l'administration du dé- partement de la Haute-Marne fut confiée, au nom de l'Autriche, à un gouverneur et à un conseil de préfeclure. Le gouverneur, qui était en même temps commandant de la 18° division militaire, fut M. de Haigecourl, émigré français ; on nomma conseillers : MM. Larcher, ancien législateur. Brocard, Bossancourl et Guillaume, tous trois conseillers de l'ancienne administration. M. du Jerpha- iiion avait quitté son poste. Il fut enjoint aux babilanls d'obéir à c«s administrateurs sous peine de punition exemplaire. Le capitaine autrichien Wcnd était commandant de place. On imposa à tous les loncUonoaires le serment de ninptir teurt funct'wnt avec tèU, txaciUailc, et de concourir à l'cxirulion de lotu let oriret du gouverneur ; enfin l'avocat Gombert fui nommé suppléant du maire à Chaumont.

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Vni. Le départ de Tannée donna un peu de répit i hpopuktkm. Un arrêté du mairefixa le prix dek livre de pain de première qualité à trois sols et demi, à trois sols celui de la seconde qualité et celai de la troisième à deux sols ; la viande de toute espèce devait sa vendre huit sols la livre, et il était défendu de taire aucun marché au-dessus de ces diverses taxes. Il ne restait plus i numwtnyï^ qu'une forte garnison autrichienne, provenant d'une levée en maaso iaite en Bohème. C'étaient de petits hommes, à peu près sans uni- forme ; ils n'avaient nulle expérience de la guerre, et viogl-cinq grenadiers français les auraient tous mis en fuite. On riait de h gaucherie de ces pauvres soldats, de leurs petits chapeaux ronds ornés d'un rameau de buis, et le peuple, comparant leur costame à celui des charbonniers de nos forêts, les appelait les firo^ sottes (1).

On pût alors s'aventurer hors de la ville : tous les fimboinga étaient en ruine. On apprit aussi la misère des campagnes. Quel- ques psysans avaient quitté leurs retraites des forêts, leurs Cmb* mes, leurs enfants, étaient exposés au froid et torturés par la fiJm^ pour venir à h ville. Que de scènes de cruautés ils avaient i raconter et combien leurs plaintes étaient amères ! La curiosité de tous char* chait à se satisfaire ; on était avide de nouvelles ; les converaatiMis étaient longues, animées ; mais elles n'avaient pour aliment que des ' on dit : on ne savait rien de certain ; on parlait toujours de la ba* taille de Brienne, de la mésintelligence des alliés, et l'on continnait à avoir confiance dans l'Autriche. On accourait sur le passage dea prisonniers français, qu'on évacuait fréquemment sur Langres, pour les interroger ; mais les crosses de fusils éloignaient la foule. Nos malheureux soldats étaient souvent maltraités par les hommes qui les escortaient ; quelquefois on les laissait vingt-quatre henrea sans nourriture et il était toujours difficile de leur donner des vi- vres. Cependant beaucoup ont été secourus à Chaumont ; quelques- uns même sont parvenus à y tromper la surveillance de leurs gardes et se sont échappés à l'aide d'un déguisement, après être restés quelque temps cachés dans des maisons particulières.

(4) Oo appelk braisotti à Chaunont le charbon ramées.

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IX. Le 8 février, le bruit courut que les alliés avaient pris Troyes. L'arrivée d'un régiment russe d'arrière-garde, qui traversa la ville en faisant parade, avec une fierté insultante, des palmes de la victoire, ne conllrnia que trop cette triste nouvelle, [lès le soir, quelques royalistes se prononcèrent. Le clergé imita leur exemple : le 13, il cessa de prier pour l'empereur, et le âO, il pria pour le roi. Lequel ? On ne le disait pas encore ; mais on répaudit dans la ville, le jour intime, une proclamation de Louis XVIU aux Fran- çais, datée de Hartwell le premier janvier. Ce manifeste n'excita que des rires, même parmi les officiers étrangers : C'est un prince prudent, disait l'un, il se tient sur les derrières. Avez-vous re- marqué le mauvais style de celle pièce, demandait l'autre : ce n'est pas étonnant, depuis le temps que Sa Majesté a quitté la France. Voyez comme il sait son évangile, ajoutait un troisième, il pro- met le pardon des injures. On ue songeait guère aux Bourbons. Ces manifestations étaient préparées par les émigrés que les alliés avaient dans leur camp.

X. Deux jours après les choses changèrent de face. Reprenons la suite des événements qui appartiennent â l'histoire générale.

Les alliés n'avaient pas profité de leur victoire de la RotLière. \u lieu de réunir leurs forces pour marcher sur Paris, ils lus avaient divisées. Napoléon, profitant de celle fautcilerennemi, avait quitté le département de l'Aube pour occuper le pays entre la Manie et la Seine. ACIiamp-Auberl, il avait détruit une colonne russe de 5,000 hommes. A Monlmirail, il avait battu Sachen qu'il avait poursuivi jusqu'il Château-Thierry il l'avait de nouveau ballu. Laissant à Mortier et aux paysans le soin d'achever la victoire, il était revenu vers Monlmirail il avait forcé Blucber à la retraite- Il l'avait poursuivi et ballu jusqu'à Chàlons. La coalition avait perdu 35,000 hommes dans ces diverses batailles. Pendant ce temps, il est vrai, l'armée de Bohême s'était avancée jusqu'à Nogeni et à Uray ; elle avait traversé la Seine ; mais la défaite de Olûclier avait ratenli l'ardeur de Schwarzemberg. Alors Kapoléon, abandonnant à ses généraux la poursuite de Blucber, était accouru sur la Seine que l'ennemi fut contrainl de repasser. Les Wurlembei^eois essayèrent de défendru Monlcreau ; ils furent écrasés, et Schwanembei^, battant en retraite

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sur Troyes Blûcher reçut ordre de le rejoiudre^ (al poimnivi avec un acharnement tel que Napoléon arriira sous les nran de l'ancienne capitale de la Champagne le 23.

XI. Le soir même, à neuf heures, la nouvelle de cette déroute des alliés arrivait à Chaumont. On se figure la joie des habilants; mais elle était mêlée de crainte : Tennemi revenait et, irrité de sa défaite, il allait sans doute exercer de terribles vengeances. On passa une nuit pleine d'anxiété et le lendemain, au jour, l'autorité fit une proclamation pour rassurer les esprits. Les bagages passerait d'abord au galop des chevaux. Les convois étaient serrés, eompects et couvraient les routes de Châteauvillain et de Bar; ils étairal diri- gés sur Bourbonne et I^angres. Les troupes défilèrent ensuite pendait trois jours, l'artillerie et la cavalerie en désordre, par la roole de Châteauvillain; l'infanterie par pelotons serrés de nngt-qoatn lignes sur quatre hommes de front. Les chants de victoire ne re- tentissaient plus dans les rangs régnait le silence de la terreur* Les habitants étaient réunis aux portes de la ville, pour jouir de ce spectacle. Le 25, au soir, les empereurs Alexandre et François vinrent reprendre leurs anciens logements. Frédéric était resté en arrière ; sa garde seule avait suivi le mouvement de retraite. On partagea la ville en deux quartiers, séparés par la me de Buxeredlles ; les Autrichiens occupèrent le quartier du levant, les Russes œlai dn couchant. On craignait des rixes entre les deux camps. Les Prussiens furent répartis indistinctement dans toutes les parties de la lille. Les maisons étaient remplies de soldats ; on bivouaquait sur les places, dans les rues, sur toutes les promenades et dans les fiiobonrgs qui avaient été de nouveau abandonnés. Le régime des réqui- sitions étant alors devenu insuffisant, tout était au pillage. Une armée de réserve était restée sur la route de Bar pour protéger, ap besoin, la retraite des souverains. Pour comble de maux, le typhus se déclara dans les hôpitaux et décima la population elleHnème.

XII. Le 27, on entendit le canon du côté de Bar*sur-Aub6 pen- dant toute la journée. Victor et Oudinot, qui avaient poursuivi Ten- neroi jusr;U.«ià, voulaient passer outre et ils engagèrent le combat dans la viile même. Les habitants s'étaient courageusement mMés

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aux troupes Tpricaises. On se haltsil de pnri et d'autre avec le plus grand acliarnement ; mais nos soldats, bien iiifiirieurs en nombre, furent Torcés de faire retraite sur Vandœuvres. Le lendemain et te surlendemain les blessés arrivèrent à Chaumont. Comme il n'y anatt plus de place dans les Mpîlaut, on les pla^a dans la bibliotbèque du collée, dont les livres Turent entassés sur les greniers et livrés au pillage. Les rayons servirent à chaulTer cette ambulance. Puis vinrent les prisonniers français qu'on accablait de mauvais traitements. On les conduisait à Langres. Deux ou trois cents d'entr'eux par- vinrent à s'échapper près de Vesaignes en mettant leur escorte en déroule ; ils se sauvèrent dans les bois. On fit feu sur eui, mais sans les atteindre, et les paysans des enrirons s'armèrent pour pro- téger leur fuite. Cette affaire Ht grand bruit à Chaumont ; on en- voya des troupes pour battre la campagne et ramener les prison- niers, qui échappèrent heureusement à toutes les recherches. On parlait de brûler les villages qui s'étaient révoltés, de pendre les maires. On disait aussi qu'on allait fusiller quelques hommes de Bar-sur-Aube ; mais tous les eiïels de cette colère retombèrent sur la malheureuse ville de Chaumont qui, par représailles, fut pillée et saccagée. Le hameau de ttunereuilles fut en partie détruit par le feu. La mairie fit des représentations à l'empereur d'Autriche : elle supplia Alexandre de faire évacuer la ville ; démarches inutiles ! Il n'y avait pas d'unité dans le commandement; les souverains ne s'entendaient pas et ils se reprochaient réciproquement les désor- dres dont on se plaignait. Du reste, on n'avait nul soin de la police civile ; chaque chef s'occupait de la discipline intérieure de son corps d'armée et laissait faire. On allait jusqu'à dire qu'en haine des Autrichiens, les Russes n'avaient pas voulu donner h Bar> Un jour un pauvre jardinier, dont on démolissait la maison, avise le grand-duc Constantin qui passait avec un oflîcier russe, non loin du théâtre de la dévastation. Il l'aborde les larmes aux yeuï et im- plore sa protection. Le prince se dirige en effet vers la maison; mais apercevant l'uniforme des pillards : Ah ! ah ! dit-il, ce sont les soldats de papa bcnu-pèrc, je n'ai [tas d'ordre â leur donner , ils ne m'écouterai en t pas, el il s'éloigna en riant.

Frédéric qui était à l'afTairc de Bar-sur-Aube, se réunit atu deui autres souverains le premier mars. H était accompagné do

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Schwarzemberg. C'est alors que fut signé le fiimeiix 4railé conini dans l'histoire sous le nom de Traité de ChaumonL

XŒ. Depuis le commencement des hostilités, des négociations étaient ouvertes pour la paix et, après d'inutiles conférenceSi les plénipotentiaires étaient enfin convenus de se réimir en congrès à Chfttillon-sur-Seine. Les alliés demandaient que la France rentrlt dans les limites qu'elle avait avant la révolution et qn'die renmiçftt à son influence hors de ces limites. C'était l'abdication de la France et Napoléon ne pouvait consentir à cette humiliation. Gepmdant, découragé par la défaite de la Rothière, il avait donné carie blanche au duc de Vicence, son représentant ; mais les succès qa*il obtini ensuite changèrent sa résohition, et le duc reçut l'ordre de ne rien fidre sans le consentement de l'empereur. Les négociations oonli- nuaient, quand après la prise de Troyes par les Français le S4 fé- vrier, on commença à Lusigny des pourparlers qui suspendfreni le congrès de Châtillon. Il s'agissait d'un armistice. Napoléon fit des propositions d'où résultait la cession implicite à la France dee eôles et des ports de la Belgique. Le ministre anglais lord Casteirea|^i c ahrmé par la possibilité d'une convention qui déciderait, sans le concours de l'Angleterre, la question d'Anvers, se mit auaailM en mesure de n'avoir plus à redouter une pareille surprise (!)• i D ètadl alors i Chaumont près des chancelleries des trois autres pois- sances ; il offrit aux souverains de doubler les subsides qne l'An- gleterre leur servait pour faire la guerre ; ils acceptèrent et le traité fut signé le premier mars, quelques heures après l'arrivée du roi de Prusse, dans le salon de la maison occupée par Casteireagh. Les ministres signataires étaient : pour l'Autriche, le prince de Mel- temich ; pour la Russie, le comte de Nesselrode, et pour la Prusse, le prince de Hardenberg. Les puissances contractantes s'engageaient, dans le cas la France n'accepterait pas les conditions de la paix proposée, à consacrer tous leurs moyens à la poursuite vigoureose de la guerre, à les employer dam un concert parfait, à ne pas né- gocier séparément avec l'ennemi et à ne signer ni paix, ni trêve, ni convention que d'un accord commun. On ne devait poser les ar-

(I) V«ytt HUioirê des deitx BétîawraiUmêi ptr VtulabaUt.

mes que quand l'objel de la guerre luuluellemetit convenu serait at- leint. Chaque pitbsance continentale devait tenir conslamment en campagne cent cinquante mille bommes au moins ; l'Angleterre avait à fournir un subside aDnucl de cent vingt raillions. Par un article séparé et secret, les alliés s'engageaient â diriger tous leurs eiïorts pour constituer l'Europe telle qu'elle l'a été. en eHet, par le congrès de Vienne. Le traité de Chaumonl qui ne Tut publié que l'année suivante, ouvre celte série d'actes politiques, connus sous le nom de traités de iSlb, qui consacrent l'humiliation de la France ré- volutionnaire et contre lesquels les Français ne cessent de protester.

XIV. Les Chaumontais étaient loin de se douter de la trame que la politique absolutiste ourdissait dans leurs villes contre la patrie. Ils payaient cher d'ailleurs la présence des trois souverains dans leurs murs, car il leur fallait pourvoir aux prodigalités déplus de quatre mille olBciers de tous pays et de tous grades. Le vin et le bois manquaient elles Cosaques approvisionnaient les fournisseurs aux dépens des pauvres communes. Le pain coûtait vingt sols la livre, la viande trente sols. La caisse municipale était vide depuis longtemps ; on pourvoyait aux dépenses de la mairie par des coti- sations dont le chiffre augmentait chaque Jour. Le typhus continuait ses ravages. Les cimetières, ne suffisant plus aux inhumations, on avait fait creuser dans un pré de l'hospice, près de la fenne du Nourry, une immense fosse l'on Jetait péle-méle tous les cadavres qu'on recouvrait de cliaux vive. Les rues étaient remplies d'immondices.

Qui donc pouvait songer aux plaisirs, au miUeu de tant de mi- sères ? Cependant, une troupe d'acteurs exploitait le théâtre de Chaumont et donnait deux ou trois représentations par semaine. Hâtons-nous de dire que les Chaumonlais n'y assistaient pas. La salle était toujours remplie d'officiers étrangers. Le roi de Pmsse ne manquait à aucune représentation et souvent l'empereur de Rus- sie hii faisait la gracieuseté d'envoyer sa musique â l'orchestre. La musique de la garde russe, qui donnait tous les soirs des sérénades à l'autocrate, était fort nombreuse ; mais les deux autres princes n'en avaient pas. Alexandre allait rarement au spectacle. On n'y ajamais va l'empereur d'Autriche qui allait au contraire fort souvent à

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l'église et s*y tenait continaellement à genoux, en prières : c Sans doute, disait le peuple, il demande pardon à Dieu pour le rôle qu*oa lui &it jouer. » Il semblait à tous un homme bon, mais très bible ; dans les rues, il saluait tous les passants avec une sorte d'affectation ; il avait d'ordinaire une redingote gris-bien, collel el parements écariate bordés d'un galon d'or ; ses cheveux étaient poudrés et il portait le chapeau à la Trauçaise ; mais on remarquait surtout sa culotte rouge, ses bas bleus et on l'appelait Fnmçou la bai bleus. L'empereur de Russie avait une tenue beaucoup plus digne; il était mis avec élégance et affectait même une certaine coquetterie ; il ne sortait jamais sans être suivi d'un nombreux cort^e d'officiers ; il portait aussi le chapeau à la fran- çaise et saluait militairement en s'inclinant un peu. On le rencon- trait souvent avec Frédéric , et ils assistaient ensemble aux cMino- nies du culte grec qui se célébrait, depuis le retour des princes, à l'Hôtel- de-Yille, dans la salle qui donne sur la rue Laloy.

XV. On ne savait rien de ce qui se passait hors des murs de la ville ; mais souvent on entendait le canon du cAté de Laferté on de Bar-sur-Aube, et l'on voyait arriver quelques prisonniers français presque nus et mourant de faim. Ou bien c'était un courrier qui mettait pied à terre dans la cour de la préfecture: c C'est, disait-on, une lettre de l'impératrice ; le père se laissera toucher par les lar- mes de sa fille. > Le 10, trois de ces courriers arrivèrent dans la nuit, et, à midi, un grand personnage qu'on disait être le due de Yicence, vint conférer avec l'empereur d'Autriche. On ne savait pas que la politique avait brisé les liens du sang et que François II avait alors juré la perte de son gendre. On espérait même encore dans le congr&s de Châtillon, dont les conférences qui venaient d'être reprises n'étaient plus qu'un solennel mensonge : déjà la France était vendue et les traîtres de Paris faisaient connaître jour par jour aux chefs des coalisés' la détresse de Napoléon. Le 10, on placarda dans toutes les rues de la ville une proclamation par laquelle Bemadotte cherchait à s'excuser de la part qu'il prenait à l'invasion, en alléguant qu'il se devait au peuple qui l'avait adopté ; mais, disait-on tout bas, il ne doit donc rien à la France qui es I sa patrie?

XVI. Ce|)endaiit le g<%nÉrat Alix, chef lie la 18* division militaire, avait lancé dans les dâparlemunts qu'il commandait une proclamation pour une levée en masse. Sur beaucoup de points les habitants s'é- taient armes. Dans la Haute-Marne, quelques paysans, dot vagabond* comme disait M. de Raigecourt, avaient quitté les forêts et for- maient des bandes de partisans qui faisaient la chasse aux fourra- geurs el donnaient de l'inquiétude aux chefs de corps. On craignait une insurrection générale dans la campagne, quand Schwarzembei^, instruit de cette situation du pays, lan;a de Troyes, il venait de rentrer, ces terribles menaces h h date du 10 :

( Art. 1". Tout individu pris les armes k la main et faisant par- lie de la levée en masse, sera traité comme prisonnier de guerre, et conduit dans les provinces éloignées des états des puissances alliées. Tout babitanlde ville ou de campagne qui aura lue ou blessé un militaire des années alliées, sera traduit devant une commission militaire et fusille dans les vingt-quatre heures.

« Art. S. Toute commune ou sera sonné le tocsin, dans le but de soulever le peuple, sera livrée aux flammes.

« Art. 3 Toute commune dans laquelle aura étécommis un assas- sinat sera responsable du fait. Elle sera frappée d'une contribution dans h proportion suivante: La commune au-dessus de 90,000 habitants, de 500,000 francs ; celle de 10 à 20,000 habitants, de 300,000 francs ; celle de 5,000 à 1,500 de 100.000 francs et, celles auilessous de 1 ,500 habitants, dans une proportion analo- gue à leurs moyens.

4 Art. i. Tout commandant de corps est autorisé à mettre cette mesureà exécution et à enlever des âlages choisis parmi les citoyens les plus not'ibles qui seront renvoyés sur les derrières de l'ar- mée jusqu'à l'acquittement des contributions et l'extradition des coupables.

< Art. 5. Toute commune dont les habitants se porteront en masse à des voies de fait contre les troupes alliées sera litTée au pillage et aux llammes.

< Art. 6. Tout colporteur d'ordres tendant i faire eiéaiter une des dispositions prévues par la publication du général Alix du 6 mars, qui tombera au pouvoir des armées alLées, sera regardé comme espion et fusillé sur le champ.

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c Art. 7. Tous les prisonniers français an pouvoir des puissances alliées répondront de chaque voie de fiiit que Ton se permettrait contre des militaires que le sort des armes ferait tomber m pou- voir des armées françaises. »

XYII. Ces menaces étaient inutiles. Le soulèvement qu'on crai- gnait était impossible au milieu de plus de cent mille bommes ar- més et maîtres du pays. D'ailleurs, nous ne cesserons de la répéter, on n'avait pas d'armes.

Ce qui retenait les alliés à Chaumont, c'est que le terrain était disputé pied à pied depuis Bar-sur-Aube. Schvvanemberg qui avait repris sa marche dès qu'il avait appris que Napoléon il*élait ph» devant lui, avait eu à lutter contre les lieutenants de rempereor. Cependant il était rentré dans Troyes le 4 mars ; mais il y restait dans l'inaction depuis huit jours, attendant des nouvelles deBMcher que Napoléon était allé attaquer près de Laon.

Le 13, le prince Constantin partit de Chaumont, dès le matin, avec une partie de la garde russe. C'était un dimanche, et tandis qu'on distribuait dans les deux camps trois mille rations d'een-dô- vie, obtenues à grande peine des villages par réquisitions, François II se rendait à l'église Saint-Jean, Alexandre et Frédéric au temple grec. On portait devant l'empereur de Russie un magnifique dra- peau aux couleurs françaises, élégamment brodé, qu'on disait être celui de la garde d'honneur de Reims. L'office grec fut célébré avec une pompe inaccoutumée. On remarquait parmi les assistants Castefreagh, dont la physionomie exprimait une grande joie inté- rieure. Quand on sortit du temple, le noble lord fut accosté pv deux autres grands dignitaires et tous trois s'éloignèrent en donnant des marques éclatantes de gaieté. Ces largesses, cette pompe inac- coutumée, cette joie chez nos ennemis, n'annonçaient rien de bon aux Chaumontais.En effet, Napoléon n'avait pas été heureux contre Blûcher, et Schv^rzemberg approchait de Paris. A trois heures de l'après-midi, Tempereur de Russie et Frédéric firent visite à Fran- çois II, et à cinq heures Alexandre partit dans une voiture esccmée d'une vingtaine de Cosaques. Pendant toute la journée, h route de Bar-sur-Aube avait été couverte de voitures. Les deux autres sou- verains se mirent en route le lendemain. Les troupes les suivirent ;

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mais elles n'avançaient qu'avec beaucoup de crainte dans un pays elles ne Irouvaient plus ni pain, ni grains, ni fourrages, el elles redoutaient un soulèvement. Le comte de Raigecourt, qui con- naissait l'état des esprits, crut devoir, par une proclamation, inti- mer aux paysans (jui s'étaient retirés dans les forêts, l'ordre de rentrer iinroédiatemenl, sous peine de mon. Les alUés avaient laissé tous les blessésà Chaumont. Pour pourvoir au service des hdpilaui, le gouverneur imposa le département à cent cinquante mille livres et il fit publier que si celte contribution n'était pas acquittée de suite il ferait anpri$onncr les percepleurt cl exécuter militairement let coniribuablei.

Notre pauvre ville présentait l'aspect le plus lamentable : qua- rante maisons étaient à moitié détruites ; d'autres n'avaient plus ni portes ni fenêtres; et on remarquait des restes d'incendie ; les places publiques, les rues étaient couvertes d'un pied de fumier ; les faubourgs étaient en mines ; le feu des bivouacs dans lequel on avait jeté des arbres entiers, n'était pas encore éteint. Il fallait faire disparaître ces traces de l'occupation. On songea d'abord aui morts, car quarante cadavres étaient restés sans sépulture.

Mais l'ennemi devait revenir.

XVIU. Le jour même l'empereur de Russie faisait parade i Cliaumotit du drapeau que ses Cosacjues avaient enlevé aux Remois, Napoléon qui s'était porté de Laon vers Reims, reprenait celle der- nière ville. Après s'y être recueilli pendant trois jours, il se jeta avec seize mille hommes sur l'Aube à la rencontre de Schwarzem- berg. Le généralissime des alliés s'arrêta aussitôt, et cette halte imprima à toute l'armée un mouvement qui jeta l'alarme parmi les troupes à Chaumont. C'était le 19, à huit heures du soir. On donna l'ordre aux habitants de préparer des logements. Leur misère allait donc recommencer! Cette nouvelle retraite fut une véritable déroule dont la rude bataille d'Arcis ne Ht qu'accroître le désordre. On entendait le canon du c6lè de Doulevant. L'espérance ranimait le cœur des Chaumontais.

Cependant Napoléon comprit qu'il ne pourrait tenir longtemps tète à Schwarzemberg et, cliangeant tout-à-coup de plan. Il résolut de se jeter dans la Lorraine, d'y appeler le peuple & une insurrec-

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tion nationalei de couper ainsi les communications el d*arrêler pv conséquent la marche de l'ennemi. C'était un coup hardi qui pou- vait sauver la France ; mais il était trop tard. Cependant le passage des troupes françaises fut partout suivi de soulèvements et 1*601- pereur arriva le 23 à Saint-Diiûer.

Les alliés furent instruits de ce plan par une lettre intmeplée et la terreur se répandit dans leur camp. Us songèrent un iottMit à se retirer sur le Rhin. Alexandre et Frédéric se rapprochènol du gros de Tannée. François II envoya préparer ses logonails à Chaumont. Il était en route* quand le gouverneur de celte ville le fit prévenir que Napoléon avait donné l'ordre à un détachemeiil de cavalerie de l'attendre dans la forêt de Colombey et de le fime pri- sonnier. M. de Raigecourt suppliait Sa Kiyesté de prendre im dé- tour; mais François, au lieu de continuer sa marche vers Chao- monty le conseil l'attendait dans le grand salon de la préiedore, 8*enfuit du côté de Dijon. En arrivant dans cette villoi il desceedil de voiture pour entrer dans une église il resta longtemps en prières.

XIX. La nouvelle du danger qu'avait couru François II ne Ait pas plus tôt répandue à Chaumont que la garde impériale intri- chienne et tous les équipages de h cour prirent h route deLaogres. Pendant toute la nuit du 23, les troupes qui restaient encore furent sur pied. La ville était entourée de vedettes. La présoioe de deux prisonniers français, officiers supérieurs, qui étaient pervenos à s'échapper et avaient trouvé asile à Chaumont, augmentait en- core les craintes. Une proclamation de M. de Raigecourt promit cent francs à celui qui indiquerait leur retraite ; mais il ne se trouva pas de dénonciateur. Le 24, il ne restait plus que quelques ùlir ciers et sept à huit cents Autrichiens. La population était très agitée; tous les regards étaient tournés du côté de Bar-sur-Aube : on attendait des libérateurs. Des paysans armés de fauk, de pics, per* couraient déjà les campagnes et faisaient la chasse aux traînards. Le 25, avant le jour, H. de Raigecourt et le commandant de piaœ quittèrent la ville et se rérugièrent à Langres. La garnison les sui- vit et l'on évacua les hôpitaux. Il ne restait plus que quelques hommes de la Landwehr. Enfin, disait-on, les Français vont arriTon

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A sept beures, une cinquantaine de cavaliers débouchèrent de Jon- cher}'. Toula la populition courut au-devant. C'étaient encore des soldats de )n coalition. II n'j eut qu'un rri : Nous n'en serons donc jamais débarrassi^ de ces braitixict maudits! A dix heures, la ville était enlièremenl évacuée ; mais les paysans arrivaieni en Toiile de toutes les routes pour voir des soldats portant la cocarde nationale. Aiec quelle impatience on allendiiil! Enfm, vers une heure, les groupes qui stallonuaient A la porte de Buxereuilles, aperçurent un gros de cavalerie qui se dirigeait vers la ville. Les voilà ! les voilà 1 Vivent les Français! Ce cri patriotique se répéta dans les rues et toute la population, hommes, femmes, enfants, tous les paysans se portèrent au-devant de la peiite troupe. C'étaient huit cents dngons commandés par le généra) Pirée, que Napoléon envoyait de Doule- vant. On leur (il une réception enthousiaste. Le soir, la ville fut spontatiément illuminée et, malgré la misère publique et le deuild'un grand nombre de familles, on improvisa des réjouissances pu- bliques.

X\. Pirée resta trois jours à Chauraont. Une partie ses dra- gons bivouaquait au faubourg de l'eau ; le reste était logé en tille. Ce furent pour la population troisjours de liberté, par conséquent trois jours de patriotisme. On organisa une garde civique et deux ciloyens, MM. Mou^eotte elThyébaut, furent députés à Doulevanl, pour assurer Napoléon de la lidélité des habitants. M. Larcher rem- plissait les fonctions de préfet. On envoya quelques dragons en reconnaissance sur la route de Langres ; mais ils ne purent tra- verser Humes se trouvaient tes avant-postes des alliés. L'in- surrection faisait des progrès dansla campagne, et le 27, on traîna dans la boue une proclamation par laquelle Sciiwarzcmberg renou- velait ses menaces du 10. A chaque instant, on amenait des pri- sonniers que la garde civique et les dragons conduisaient au camp de Napoléon. Les paysans faisaient des batiuet dans le pays. Avec quelle chaleur ils racontaient les ruses qu'ils avaient employées pour dérober leurs provisions à l'ennemi ; les combats qu'ils avaient eu à livrer contre les maraudeurs ; les actes de vengeance auxquels les avaient poussés les mauvais traitements qu'eut ou les leurs avaient reçus, les outrages dirigés contre leurs Temmes ou leurs

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filles ! Ah I disaient-ils, si Napoléoa n'avait pas été plus soldai que citoyen, s'il nous avait donné des armes, nous aurions, comme sous la république, sauvé la patrie ! Le 27 à neuf heures da soir, ils amei.èrenl huit personnages de distinction arrêtés avec toute leur suite près de Sainl-Thiébaut et qui allaient à Langrea. On lei conduisit au camp des Français.

XXI. Hais ces patriotiques élans étaient désormais inutilei : b France était vendue. Il y avait des traîtres partout, dans radniiiiifl- tration des départements, dans Farmée et jusque dans les consdb de l'empereur, c Vous pouvez tout, écrivait Talleyrand aux cheft de la coalition, et vous n'osez rien. Osez donc 1 1 U n'y avait phs qu'à prendre possession ; mais l'ennemi avait une telle peur de cette insurrection nationale dont l'empereur s'avisa trop tard» qu'S hésitait encore. Cependant le 25, Alexandre avait donné Tordre et les deux armées s'étaient dirigées sur Paris. Ainsi le mouvemeal vers Saint-Dizier, qui devait sauver la France, fut sa perte. Napoléon courut sur la Seine pour barrer le passage à l'ennemi et défendre la capitale; mais il arriva trop tard : Paris, rien niêaii ftH pour la défeme^ avait capitulé le 30.

XXII. A Chaumont régnait la plus vive anxiété. Les étaient allés rejoindre le gros de l'armée le 28. Les dépuléi revenus de Doulevant se taisaient sur le résultat de leur Les étrangers reparaissaient dans les campagnes et les avaient quitter la ville pour aller défendre leurs foyers. Des Gt? saques étaient d'abord venus fourrager dans les faubourgs, puis es avait vu arriver un bataillon autrichien envoyé de Langres pss H. de Raigecourt pour ma'ntenir la tranquillité. Que s'étail-il doue passé ? A cette anxiété se joignaient encore les horreurs de la peste : la mortalité était si grande alors qu'on enterrait de suite les ca- davres, un arrélé du maire ayant défendu de les présenter à ré|^ et de sonner le glas funèbre.

Ce n*est que le 7 qu'on apprit à Chaumont b capitulation de Paris, et Ton eut encore la douleur de lire au bas du traité le nom d'un Chaumontais, du colonel Charles-Marie Denys, connu plus tard sous le nom de comte de Damrémont : il était alors premicc

aide de camp de Marmont. Napoléon, trahi par ceux qu'il avait le plus comblés de faveurs, la patrie livrée par sca propres enrantst On ne voulut pas d'abord croire i tant de lAchclé. Le M, quand un agent de pnlirr puhVia le décret du Sénat i qui reudnit Louis XVIII aux vœux de la Franre > : Non! non! criail-on de toutes parts, ne l'écoutez pas! Le lendemain, nouvelle procLimalion du retour si âinré des Bourbons : mf-me attitude du peuple ; pas un seul cri de Vive le roi .' Le soir, on vil quelques cocardes blancbes et on suivait dans les mes ceux qui les portaient.

Cependant les gens en place et les courtisans de tous les régimes comprirent qu'il était temps pour eux de se montrer. Ils lîrenl taire le peuple. Dès le li, tandis que les cris de Vive tcnipcrrur[ re- tentissaient encore dans les mes, ces notables, réunis par ordre de M. de Raigccourt, qui se tenait toujours h Lann;res, votaient une adresse à Louis Wlll. MM. Gmiilel de Beine, Froussard, Toupol de Béveaux, de Mosseron d'Amboise, ancien émigré, et de Doucbe- pom, receveur des finances, furent chargés de la présenter à Sa Majesté au nom de la ville, et l'on adjoignit à cette dépulalion, sur l'ordre du gouverneur, le comte i\e Foudras, ancien officier de cavalerie, que personne ne connaissait à Chaumonl. On fil encore des fêles pour b rentrée du roi à Paris ; mais le drapeau blanc ne noita sur rilùlel-de-Ville que le 21-

XXIII. Le 7 ami, H. Comberl, suppléant du maire, l'empreuail de proposer l'annulation de la délibération par laquelle le conseil municipal avait volé, le 15juin tSH, â l'unanimité, l'érection d'une porte en forme d'arc de triomphe, h l'entrée du fauboui^ de Bu- lereuilles, t à la gloire du héros de ta France, en témoignage d'a- mour et d'adminilion pour NapoUon-le-Giand. i Le coiisell I considérant que c'était par la force des circonsLinces qu'il avail cru devoir faire élever un monument et le dédier à un homme qui n'a eu d'autre mérite que d'avoir préparé l'heureux retour de l'auguste famille des Bourbons, en abusant des forces et des ressources de la France, * adopta, toujours à l'unanimité, la proposition de M. Gombcrt et dédia l'arc de triomphe impérial, qui n'était pas encore achevé, à Louii-le-Détiri'.

M. de lUijjecourt adoiiitistra le dépanemcnt jusqu'au mois de

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juin. Alors revint Tancien préfet Jerphanion. Ce Tonclionnaire 8*âait aussi empreué de prêter serment à Louis XVIII, et nous le retrou- verons bientôt fonctionnuire de Tempire après un nouveau serment à Napoléon. M. Graillet de Beine resta maire. La garnison aulri* chienne que, par une faveur du gouverneur, attendu la ruine de ta ville j les habitants ne nourrissaient plus, ne quitta Chaumont que le i8. En dépit de la réaction, on fit des réjouissances et le soir il y eut des illuminations. On pouvait bien laisser au peuple cette sa- tisfaction, il avait tant souffert du séjour de nos amis les alliés ^ comme disaient alors les bons royalistes.

XXrV. Le nouveau gouvernement avait d*aotant moins les sym- pathies du pays qu'il avait été imposé par Tétranger. Et cependant on Taurait supporté, tant était grand Fépuisement de la France, s*il avait su faire la moindre concession aux sentiments natio- naux. Au lieu de cela, après avoir accepté avec la plus humble soumission h loi des vainqueurs, il s^abandonna au parti de Tan- cien régime et se laissa aller à une réaction violente, qui compro- mit à la fois toutes les existences nouvelles sans compensations d'au- cune espèce. Le pays, qui ne demandait que le calme et la paix, retomba dans l'inquiétude et Tagitation. Il fallut moins de dix mois aux Bourbons pour s*user complètement.

Au sein de la paisible population chaumontaise, il n'y eut aucun acte violent de réaction ; mais on y ressentit vivement l'humiliation que le traité du 30 mai infligea à la France. L'appareil de deuil dont le gouvernement de Louis XVIII s'entoura, les cérémonies iii-' nèbres qu'il ordonna en expiation d'un passé sur lequel il aurait étendre le voile de Toubli, accrurent encore le mécontente- ment. Le duc de Berry le porta à son comble par son manque d'af- fabilité et par la fierté de ses manières, lorsqu'il visita Chaumont le lOoctobre 1814. On avait organisé lout exprès une garde nationale; grâce au zèle toujours empressé des fonctionnaires, la ville était ornée, pavoisée comme au jour des grandes fêtes ; M. Gombert avait, dans une adresse présentée au nom des habitants, célébré sur tous les tons la saj^csse et la gluire des Bourbons ; il avait poussé le dévouement jusqu'à assurer que ses concitoyens n^hési- teraient jamais à faire le sacrifice de leurs biens et de leur vie pour

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le maintien de celte auguste famille-, h rime venant heareusement len aide à l'etithousiasme IjTjque tt'un employé aux droits réunis, la chanson avait ilccniti-fil dei Irailt de tcsjeinblance cnire BehiIY et Hemiv, son aïeul. Rien cependant ne put dérider le Tront du visi> leur ; il ne sut pas trouver une parole, un geste qui obtint une mar- que de sympathie de la foule, si facile cependant à se laisser aller aux avances des princes. En sortant de l'église, le duc aperçut Su- chet, duc d'Albuféra, qui venait à lui ; il courut à sa rencontre et l'embrassa ; mais le peuple n'avait pas encore oublié que le maré- chal était l'un des favoris de l'empereur.

XXV. Napoléon , instruit de la situation des esprits, quitta l'Ile d'Elbe, qu'on lui avait donnée pour prison, et débarqua près de Cannes le 1" mars 1815. Le iO, il entrait dans Paris, et le 23, le drapeau tricolore (lotlail de nouveau sur l'Hûiel -de- Ville de Chau- mont. L'enthousiasme était d'autant plus grand que l'empereur en rentrant en France n'avait parlé que de paix et de liberté : il vou- lait que la France eût une constitution qui fut l'ouvrage du peuple : ( Citoyens, avait-il dit, je compte sur le peuple, parce que je suis l'homme du peuple (3). >

Cet appel était nécessaire : les Bourbons réfugiés h Gand, récla- maient l'appui du congrès de Vienne se partageaient les dé- pouilles de la Franco ; les alliés venaient de renouveler le traité de Chaumont ; une nouvelle invasion était imminente.

Mais Napoliion oublia bientdl qu'il était l'homme du peuple. Au lieu de convoquer, comme il l'avait promis, une assemblée nationale pour faire une constitution, il publia un acte additionnel aux cons- titutions de l'empire ; il rendit seul les décrets; il s'entoura d'une cour cl restaura complètement le régime impérial. Au moment il fallait un grand eiïo ri d'énergie nationale, il refroidit l'enthou- siasme, et quand il convoqua la chambre des représentants, il n'y rencontra que de la défiance. Le département de la Haute-Hame avait député t celle assemblée le baron de Lespérut, propriétaire à Eurville ; MM. Itozel, du Clos-Mortier; Demongeol, procureur impérial â Wassy ; Huugeolte de Vignes, l'ancien constituant, pro-

(tj Vo^ei VOitlùir* lUt Fratfait, pu Liidléa

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cureur impérial à Chaumont, et Poinsot fiU, avocat à Langres. Ce dernier était l*un des trois otages que la ville de Langres avait donner aux alliés lors de la première invasion.

XXVI. Cependant les Champenois se préparèrent à défendre le territoire. Dans la Haute-Marne le sénateur Thibaudeau, eominis- saire extraordinaire, HM. Hougeotte et Bernardin avaient ranimé le patriotisme. Depuis le mois d'avril on travaillait, avec la plus loua- ble activité, à mettre les places de Langres et Chaumont i Tabri d*un coup de main. Les volontaires s'enrôlaient pour la défense de la patrie. Des souscriptions étaient ouvertes pour Thabillement des gardes nationaux mobiles et toutes les armes avaient été mises esk réquisition. Une proclamation du général Chabert, qui commandait alors le département, rappela sous les drapeaux tous les soldats de l'empire. Un nouveau préfet, M. Fargues, qui avait remplacé le baron d^ Jerphanion le 1*' mai, donnait à tous l'exemple du pins ardent patriotisme. Hais toute cette énergie se dépensait en pure perte : la trahison devait encore livrer la France à l'étranger.

XXVn. Tandis que les représentants se réunissaient k Paris, le 7 juin, trois cent trente-six mille hommes des troupes alliées en- traient en France par la Belgique sous le commandement de Yel- linghton et de Blûcher. Napoléon quitta Paris le 12. Il se dirigeait vers le nord avec cent quinze mille hommes : c Vaincre ou mourir avait-il dit à ses soldats ! > Beaucoup de ses lieutenants pensaient autrement. Bourmont livra le secret de la campagne et passa i l'ennemi. L'empereur battit les Prussiens à Ligny le 16; mais après la funeste bataille de Waterloo, les représentants, au lien de lui donn.T la dictature qu'il demandait, le forcèrent à abdiquer. C'était le 22. On sait que le gouvernement provisoire qui prit alors les rênes de l'Etat appela lui-même l'étranger sous les murs de la capitale. Les soldats crièrent vainement à la trahison : Paris capi- tula le 3 juillet. Le même jour, quinze mille gardes nationaux y arrivaient de la Champagne et de la Bourgogne pour se réunir aux défenseurs de la place. Les alliés prirent possession le 5. Des Prus- siens dispersèrent la représentation rationale, et le 8, Louis XVIII fut rétabli sur le trône, tandis que Napoléon se conGait à la généro-

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silé britannique qui devait lui donner Saint-Rélâne )iour prison et pour tombeau.

XXVm. Pendant ce temps les proclamations étaient conlinuelleii àCbaumont.M. Fargues se tenait à la limite du département et com- muniquait avec le préfet des Vosges riîliré à Lamarche. Il mettait les Chaumonlais au courant de la marche de l'ennemi. Le {"juillet, les alliés étaient près de Nancy. Le 3, ils avaient envahi le départe- ment des Vosges : i Les campagnes ^onl dans la désolation, écri- vait le préfet, un particulier de Tremblalnes ayant lire un coup de fusil en criant vive l'empereur ! on a donné et exercé deux heures de pillage. » L'approche de l'ennemi n'intimidait pas la population Chaumonlaise- Le 4, à 1 heures du matin, le maire et les adjoints, escortés de quarante hommes de gnrde nationale, promenèrent encore dans la ville le dnpeau aux couleurs nationales en procla- mant l'union de l'année et des représentants pour la défense du trûue impérial et las cris de v'we l'empereur ! relenlircnt pendant toute la journée. Mais ce fut la dernière manifestation patriotique.

Le 6, ledépartement delà Ilaule-Marne était envahi. Le lendemain un détachement de troupes étrangères vint prendre possession de ChaumoDt. La déUbéralion ne pouvait être longue : la place était sans garnison ; on connaissait déjà par des lettres particulières la capitulation de Paris ; la résistance eût donc été inutile. On n'en fit aucune ; seulement quand les étrangers voulurent s'installer ft la préfecture, M. Faites résista courageusement à leurs menaces. Il resta à son poste jusqu'au moment il recul l'avis officiel de l'entrée du roi à Paris.

Le 8 juillet, à six heures du soir, on fit la proclamation suivante :

< Habilants de Chaumonl, Vous avei été prévenus qu'une colonne de troupes alliées devait arriver en cette ville et, sans doute, vous avez pris des mesures pour fournir les subsistances 3UI militaires que vous avez vous attendre â recevoir à domicile; mais ces troupes bivouaqueront, et il est instant d'approvisionner les bivouacs. Vous êtes en conséquence invités à apporter de suite à la maison commune le pain dont vous êtes infailhblement pourvus et à cuire, sur le champ, parce qu'une colonne de quinze raille hommes va passer. >

C'était la colonne d'avanl-garde. Elle resta trois jeun. Onpoorvot 1 tous ses besoins et elle emporta encore quinie mille rations de vivres. Le passage de Tannée dura quatorze jours. On laissa en garnison dans la ville quinze cents Hulans. Leur colonel, H. de Hen- gen, était commandant de place ; il avait pour adjudants MM. de ¥i- gnolleset Mader. Eufln on reçutla nouvelle officielle du rétabliaaenieiil des Bourbons dans la nuit du 11 au 12 ; on la publia de aiiile et Ton arbora le drapeau blanc. Alors M. Fargues quitta la prtfediirei laissant Tadministration aux conseillers Larcher, Bourlon de Rouvre et Guillaume. La porte de Buxereuilles avait été de nouveau dédiée à Napoléon-U-Grand : les zélés s'empressèrent de la couvrir d*iiif- criptions en Thonneur de Lonu^le-Diùrè et des Beorbons.

XXR. Les alliés arrivaienti ardents du désir de se venger. Ce désir fut encore excité par les dispositions dans lesquelles ils tronvèrant les habitants. Le premier détachement qui était entré en ville avait affiché dans toutes les rues des proclamations par lesquelles le prince de Schwarzemberg exposait le but de Tinvasion. On les avait arrachées. Mengen menaça la viUe de pillage et Ton eut beancoop de peine à empêcher qu'il en signât l'ordre ; mais on fut obligé de placarder de nou velles affiches et de publier l'avis suivant : c La municipalité prévient le public que le commandant est infiniment mécontent de ce que les proclamations de S. A. S. le prince de Schvvarzemberg, qui avaient été affichéesi ont été arrachées. H entend qu'il en soit affiché de nouvellesi et si elles ne sont pas respectées, il s'en prendra à tous les habitants et usera de la pfais grande sévérité, i Le lendemain, on publia l'ordre de àé^omt de suite les armes qu'on pouvait encore posséder, et comme personne n'obéissait à cet ordre, car toutes les armes avaient été enfouie», on publia trois jours après, i sept heures et demie du soir, une nouvelle ordonnance du commandant de place qui défendait de porter des armes, quelles qu'elles fussent, toui peine de moru Les marchands avaient fermé leurs magasins, les ouvriers leurs atelieri : on leur enjoignit de les ouvrir, et de se livrer i leurs occupations habituelles, sous peine d'exécution militaire. On menaça de daq jours de prison et quinze francs d'amende celui qui refuserait la monnaie étrangère. Les exactions, les mauvais traitements que les

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Eoldab exerçaient sur les babiiants avaient forcé un grand nombre d'enire eux à quiller la ville et plus de cent cinquante maisons n'iSlaienl plus habitées : on fil prévenir les propriétaires que s'ils ne rentraient pas immédiatement leurs maisons seraient occupées militairement. Le maire, qui était malade par suite des mauvais traitements qu'il av^il eu à subir, ne pouvait plus s'occuper de l'administration ; le conseil ne siégeait plus ; les bureaux même étaient abandonnés (1): on reconstitua la mairie ; H. Contault administra d'abord comme suppléant, puis comme mairO) et le conseil dm rester en permanence.

XXX. Quand on parcourt, comme nousl'avons Tail, le registre des réquisitions, on se demande comment la ville a pu suffire à tant d'exigences et l'on reconnaît celle vérité que «l'Europe accou- rait surtout pour s'enrichir et se ravitailler ; que le but principal de chaque prince, en envahissant la France, élait de faire la fortune de ses généraux el de renouveler à nos frais l'habillement, l'équi- pement ainsi que l'armement de ses soldais (3). > En elTei, à peine les Uulans furenl-ils au bivouac qu'ils demandèrent des chaussures. On donna l'ordre h tous ceux des habitants qui avaient des boites d'en faire immédiatement le dépél, et l'on établit deux ateliers de cordonniers, à l'hospice el aux Ursuiines. Puis vinrent des réqui- sitions pour l'habillemenl : on devait fournir des draps de toutes les couleurs, gris, jaune, rouge, vert, bleu, brun ; il fallait des man- teaux, des p.inlalons ; on demandait même des schakos, des cha- peaux, el les chapeliers étaient souvent fort embarrassés pour fa- çonner les coiffure:: bizarres qu'on leur demandait. Il j a de nom- breuses réquisitions pour réparations d'armes, de selles, de har- nais ; pour fourniture de fers à cheval et de clous. Les colonnes de

(tj Le frn il l'iiilriir, rfair];^ ■pfriileoical iti lopinrnli mililiim, mit ftv fiH •ml I isn pntir, malenl In nirnicn rt in miniEÙ inilmcDli tnKjadi il 4ttit nuit fl

IWRiliial Jiui lainiiDni, il lappl'l (n«n pliiiïcun tuDcTioaniïrn dam In dlicrKi

tnr na nppctla n rUtaocoKOl que parc* ^n'il peni sntoro iniv^uer le UuuiigMgt da 1iaaii»Bp da CbAitn«ntiia uni oui connu ton pén h mla ^pvqDa al pandanl !n quranla BiiB^ qu'il a iii Fiuplo^ë k h miirie.

r31 ikkilla VaaUMIf , BUtOiri du dtu» AMMuraltou

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passage ne se contentaient pas de consenrer les Toitures qa'on bar donnait pour transporter lenrs lugages ; elles gardaient encore les conducteurs pour servir de guides. Combien de malheureux paysans mis ainsi en réquisition ne sont plus revenus ! Le pain, la viande, le vin, Feau-de-vie et le tabac étaient les provisions exigées d*or* dinaire pour les soldats ; mais les oflSciers ne se c^mtentaieol pti de la pitance commune et nous avons vu des réquisitions pour va muscat, vin de Champagne, vin de la comète, de Bordeaux, deBoor-» gogne, etc. Le vin ordinaire à soixante et quinze financs la pièce ne leur convenait pas. Ds buvaient aussi beaucoup de biire, beaneoop de café, et ils le voulaient de première qualité. Ds ne cessaioit de demander du sucre qui coûtait alors trois francs la livre. Il km fidiait des desserts bien assortis, beaucoup de bonbons sortoiit. Plusieurs de ces messieurs obtinrent même des réquisitions pour fiedre relier, aux frais de la ville, des volumes qu*ils avaient vidés dans sa bibliothèque. Quelquefois encore il fallait leur faire lan* gesses de reconnaissance quand ils partaient : le colonel hnlan se fit offrir par le conseil douze cent cinquante francs ; Yignoles m demanda autant ; mais Mader plus modeste n*exigea que deux œals firancs. Comment n'aurait-on pas aimé de tels amU et la fiunille qu'ils ramenaient !

XXXI. Le départ des Hulans permit de rétablir un pea d'ordre i Chaumont. Les fugitifs rentrèrent, et le 22 juillet eut lien l'instal- lation du nouveau préfet, M. Gigot Delasalle. Mais quinze jours après arrivèrent les Bavarois qui tinrent garnison dans le pays pen- dant quatre mois et achevèrent de le ruiner, sans être cependani aussi exigeants que les soldats de Mengen. Quand les souverains quittèrent Paris, au commencement d*octobre, l'empereur Alexandre passa par Chaumont il resta quelques jours. On lai avait préparé un logement à la préfecture ; mais il voulut descoiidre dans la maison quMl avait déjà occupée en 1814. A l'occasion de son passage, le prince de Wrede, commandant des troupes qui stationnaient dans le département, ordonna une grande revue, el quatre-vingt mille hommes se réunirent dans la plaine de Hontsaon, à une lieue de la ville. On exécuta les grandes manœuvres et le soir il y eut dtner et réception à l'hôtel de Wrede. Pendant tout le mois

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d'octobre des régiments étrangers traversèrent ChAumont ; ils étaient dirigés vers ta Trontière. Enfin, le 10 novembre, la ville fut complètement évacuée ; mais celte Tois le préfet défendit les réjouis- sances publiques. Le 1 1 , il n'y avait plus de troupes étrangères dans l'arrondisseraenl. La France n'était pas libre, cependant; les alliés occupaient encore les places fortes qu'ils ne consentirent i évacuer que trois ans plus tard, quand ils furent bien pajés.

XXXn. Les pertes que la ville deChaumont a éprouvées pendant l'occupation du département par les armées delà coalition, en 1814, ont été officiellement évaluées à un million ccni vingikuil mille huit cent qiiaranle-cinq frana. Le chiffre des décès qui est, terme mojen, de cent soixante et dix, s'est élevé en cette année à six cent quarante et un. On n'a pas évalué les perles éprouvées par les Chaumontais, pendant l'invasion de 1815 ; seulement on a réparti un secours de DOUZE MILLE FRANCS entre les habitants les plus nécessiteux. C'était bien peu ; mais le gouvernement qui allait donner un milliard aux émigrés, n'avait voté que onse mdiwnt pour tous les départements qui avaient eu à souffrir du passage des barbares.

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CHAPITRE III.

LES TRENTE DEnttlÉRES iUiNÉES. TABLEAU D'aCTUAUT^.

L Les trois premières années de la Restauration furent calami- teuses pour la France : aux vengeances poUtiques se joignit la di- sette.

L'année 1816 embrasse la période historique plus spécialement désignée sous le nom de Terreur blanche. Dans le midi, tes volon- taires royau:i avaient or^nisé la chasse aux blcnt. C'est ainsi qu'on appelait les Bonapartigtes et tous les patriotes. On assassinait les

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généraux ; on massacrait les révolutionnaires et les soldats de Yi pire ; on tuait les prolestants, on pillait leurs maisons, et tous œs excès restaient impunis. Le gouvernement était lui-même entraîné par les ultra royaiutes ; il faisait fusiller des officiers dont k seul crime était d*étre restés fidèles au drapeau de la révolution ; U persécutait les patriotes et tous ceux qui avaient pris part an mon- vement de i815; il épurait les conseils; il dressait des listes de suspects, et la chambre des députés, la chambre inirouvabltt qui suspendit la liberté individuelle et institua les cours prévôlales, ne fut arrêtée dans ses mesures réactionnaires que par les efforts d'âne minorité courageuse, à la tète de laquelle nous retrouvons Tanden élève du collège de Chaumont, Royer-Collard, royaliste dévoué, mais ennemi de toutes rigueurs inutiles. Becquey, député da la Haute-Marne, sans partager toutes les passions des uUrà^ fat son» vent diins le camp opposé à celui de son compatriote. Quand à M. Beugnot, aussi député de la Haute-Marne à cette chambre nommée par les préfets, il était Thomme du gouvernement.

Les lois de proscription atteignirent plusieurs de nos eompi* triotes. Guyardin, conseiller à la cour royale de Dyon ; Chandnin- Rousseau, inspecteur des forêts ; Monnel, desservant de Yillien-b» Sec ; Roux, qui avait reparu au champ de mai, et Waldrnche allè- rent mourir sur la terre d'exil. Laloy qui du conseil des prises était passé au conseil de préfecture de la Seine, se retira à lions, d*où une nouvelle révolution devait le rappeler quinxe ans pins tard. Decrès avait repris le ministère de la marine pendant les Cent-Jours. H se retira de la scène politique et mourut i Paris en i820.

n. Pendant cette triste époque, la ville de Chaumont est encore restée pure de tous excès. Elle avait bien aussi ses ulirà\ mais km petit nombre et le caractère pacifique de la masse de la population les réduisaient à Fimpuissance. Mougeolte, protégé par le respect de tous contre les persécutions qui le menaçaient, se retira dans sa terre de Vignes. La même protection couvrit M. Bernardin. Les suspects qu*on interna à Chaumont y furent entourés de tous ks égards dus au malheur, et quand le duc d*ÂngouIème, revenant du midi sa présence n'avait pas même suspendu les vengeances,

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s'arrfila A Chaumonl, le 13 août, le calme qui régnail dans la Tille a du (aitù îmiiression sur son esprit; peut-être même le jugement qui en est ri^sulté a-t-il eu quelque influence dans les conseils du gouvernement, air moins d'un mois après, la réaction £lait réprimée et la chambre dissoute.

III. Cependant la ville de CtiaumonI a aussi eu ses jours de deuil. Un militaire, le caporal Auberthol, de Langres, s'était laissé aller, dans un moment d'é|;aremenl causé par l'ivresse, â mal parler des Bourbons; il avait voulu Torcer l'un de ses camarades à crier Vive t'enipercuT ! il l'avait frappé, blessé même. Son colonel le fit arrêter. On était alors sous le régime des tribunaux eiceplionnels. Il y avait à Chaumont un grand prévât, M. de Duissy, cx-ofTicier de marine, ancien émi^é, homme au regard sévère, à la figure dure, juge im- pitoyable pour les nimmii du Itône et de l'aiild. Heureusement îl se laissait Tacilement influencer par ses collègues, magistrats habi- tuée aux formes judiciaires, et surtout par le président, M. Toupot de Béveaux, royaliste dévoué, mais comme Royer-Collard. La cour renvoyait donc à la police correctionnelle tous les délits dont on faisait ailleurs des crimes d'Etat. M. Toupot essaya de faire ren- voyer de même l'affaire d'Auberlhot à une autre juridiction: la loi était formelle dans l'espèce et son application entraînait la peine de mort; il répugnait i la cour prévdtale de Chaumont de prononcer un tel arrêt ; mais elle fut forcée de reconnaître sa compétence et Auberthot comparut i sa barre. Le principal témoin, le jeune sol- dat qui avait été maltraité, vint atténuer la faute en alléguant que l'accusé était ivre lors de la lutte ; mais le fait était flagrant et le mallieureux caporal fut condamné à morl. A l'audience, le grand- prévôt crut devoir faire l'éloge du témoin et il lui promit la croix de la Légion-d'llonneur. Il la reçut en eiïet. Il n'y avait pas d'appel dujugemcnt; il devait être exécuté dans les vingt-quatre heures; seulement la loi bissait au tribunal h faculté de se pourvoir en gr&ce. Les juges signèrent de suite le pourvoi ; ils s'adressèrent aui ministres, aux députés du déparlement, à llenrion de Pansey, mais on n'obtint rien : < Ma vilaine figure, répondit Ilenriou, n'a pu toucher les cœurs que les beaux yeux de madame de Labédoyère avaient trouvés insensibles. ... On voit un exemple à fui»! . . .

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Capeadant la vie d*im homme vaut qu*on 8*y prenne à deux fois pour b sauver, je retournerai i la chancellerie, vous pouves y compter, i II y relouma en effet. . inutilement. Auberthol fol guillotiné à Langres le 28 septembre 18i6. A quelque temps de U, on devait exécuter à Chaumonf un assassin condamné par h cour d'assises ; personne ne voulut redresser Téchabud sur leqad avait frappé une victime des passions politiques; on fut forcé d*ap* peler deux charpentiers par voie de réquisition.

IV. Si, dans cette circonstance, la cour prévôlale a été rinilni- ment de la politique du jour, dans une autre aflaire, qui a tenu pendant longtemps en émoi la population chaumontaise, elle t pris courageusement en main la protection des citoyens.

Le préfet Delasalle était bon administrateur; mais ses maniém d*agir impérieuses et despotiques déplaisaient i la population; on tolérait surtout difficilement Tarrogance du neveu de ce fonction- naire qui, comme toute la jeunetite dorée d'alors, tranchait de rim- portant et se croyait appelé, par droit de parenté, i gouverner le département. Tels maîtres, tels valets, dit-on, aussi les soldats deb garde départementale qui, sous H. Jerphanion, avaient toqoan vécu en bonne intelligence avec les habitants, affichaient-ils ano erànerUf suivant l'expression consacrée, insupportable. On les ap- pelait les soldats de mon oncle^ du nom que le neveu du préfel sa plaisait à leur donner, et on les détestait. Un jour, c'était la Saint* Martin, la garde départementale et la garde nationale étaient ea ftte. Les soldats, la tète échauffée par le vin, se dispersèrent dans la ville, en poussant des cris frénétiques de Vive fe rotl et en insul- tant les passants. On les laissa faire. Un groupe de ces furieux ayant rencontré un garde national, ancien militaire à qui ils en voulaient particulièrement, parce qu'ils n'avaient pas son égal pour les armes dans leur compagnie, ils Tapostrophèrent avec insolence et des paroles en vinrent bientôt aux mauvais traitements. Le peuple 8*a- meutant, les soldats entraînèrent leur victime dans la caserne. Mais bientôt la nouvelle : On assassine un de nos concitoyens I se répan- dit dans tous les quartiers ; on battit la générale; les gardes natio- naux accoururent et, trouvant la caserne fermée, ils en commen- cèrent le siège. Plusieurs furent blessés. Pendant ce temps, les sol-

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dats tenaient leur victime terrassée entre deux lits et la déchiraient à coups de sabres. Enlin, le fèncn] arriva et délivra le garde na- tional, qu'on porta mourant à son domicile. On ferma la caserne et l'on consigna la garnison. L'agitation fut grande dans la ville pendant toute la nuit. Le lendemain matin, la milice citoyenne alla prendre possession du poste de la préreclure ; elle déclara au préfet <)ue sa garde ne pouvait plus rester à Chaumont et que les coupables devaient èlre punis. M. Delasalle eut le tort de vouloir excuser ses soldats et celui plus grand encore d'offrir un punch aux gardes na- tionaux de servfte, comme gage de réconciliation. On repoussa set avances qui étaient une nouvelle insulte; on demanda justice, et l'information commenta. Le préfet n'ayant pu étouffer l'affaire, chercha à en atténuer au moins les conséquences, en lui donnant une tournure politique : il rejeta la cause de la lutte sur les senti- ments des Chaumontais hostiles au gouvernement; il se posa eo victime de son dévouement, et, sous le prétexte qu'il a\-ail i crain- dre une révolte contre son autorité, il demanda une garnisim. On l'autorisa k faire venir une compagnie suisse pour le maintien de l'ordre. Mais il voulait surtout soustraire ses janissaires à la loi. N'ayant pu réussir à les excuser, il demanda, pour cause de sus- picion légitime, que l'affaire fût jugée hors du département. Il pré- tendait que les juges pourraient suliir j'influence des sentiments de malveillance qui dominaient dans la ville. C'était une nouvelle in- sulte, qui retombait, cette fois, directement sur la cour prévâtole, Les ju^es, indignés de ce manque de conûance dans leur impar- tialité, protestèrent avec énei^ie contre les insinuations du préfet et en appelèrent au ministre de la justice, qui les maintint dans leur droit. Toute La population voulut assister aux débats. On avait fait un grand déploiement de forces. M. Delasalle fut arrogant jus- qu'au pied du tribunal. Quand il vint déposer comme témoin, il se présenta à la barre en uniforme et t'épée au côté. Le président, M. Toupot, lui observa qu'on ne se présentait )ias en armes devant la justice, et, comme l'impérieux magistral, élogné de cette obser- vation, hésitait : c Témoin, lui dit-il, Otez voire épêe ou je la fais enlever. » Un murmure d'approbation parcourut l'auditoire et le peuple se crut vengé de bien des insolences en voyant celte lëte altière se courber sous le niveau de l'Égalité. La déposition de la

Tîetime» qui a?ait échappé à h mort comme par mirade, mais qoi se ressentit toujours de ses blessures et mourut jeune, attémia le crime des accusés; cependant, plusieurs Turent condamnés i une peine inTaroante et à l'exposition. Mais le préfet ne les abandomn pas et il trouva facile la clémence royale que le soldat de Langraa n'avait pu toucher au moment de monter sur Féchabud pour quel- ques cris séditieux. La réparation ne pouvait être complète pov les Chaumontais que par Téloignement des Snisses et par la desti- tution de M. Delasalle. Il fut facile de prouver au gouvernement que la présence de la force armée était inutile i Chaumont et qu*tvee une administration juste et impartiale, le désordre n*y avait jamait été i craindre. Les Suisses furent donc rappelés. Le rappel dn pri- fet fut plus difficile à obtenir ; mais la magistrature, qu'il aval offensée, s'en mêla : H. Toupot recourut à Tamitié de M. Beeqoej, H. Beugnot intervint aussi, et H. Delasalle, révoqué, alla repraadre sa place au greffe de la cour des comptes.

V. Ces luttes, ces conflits, occupaient la population chaumonliiee précisément à Tépoque la disette réclamait tous les soins de Fâd- ministration. L'année i816 avait été mauvaise sous tous les rap- ports. Le blé, qui se vendait dix-huit francs l'hectolitre an mois d'octobre i 81 5, valait quarante francs un an après, et le pain était taxé k soixante-dix centimes. En mars 1817, le blé se vendait qua- rante-quatre francs, le pain soixante-quinze centimes. Deux mois après, il n'y avait pins de grains sur le marché et l'on ne faisait pins que du pain de seconde qualité dont le prix s'est élevé jusqu'à on franc. Dans les Vosges, le blé se vendait quatre-vingt-trois francs. Les marchés n'ont commencé à être approvisionnés qu'après le nuris de juillet. Celte situation imposait d'immenses sacrifices i la ville qui, après avoir épuisé toutes ses ressources en ateliers de charilé et en achats de grains, fut obligée d'emprunter quarante mille francs, pour couvrir les pertes qui résultaient de la vente dn à prix réduit. Elle avait également fait des approvisionnements de ris et l'on distribuait à la mairie des soupes et du vin aux indigents.

VI. Cependant la nouvelle chambre des députés, pour laquelle les mandats de UM. Becquey et Beugnot furent renonyelés dans k

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Haule-Mante, élait en grande majorilé moilérôe et le gouvernemi;nl entrail dans àes voies moins violemment réactionnaires. Les cours préïôlales forenl supprimées et les administraleurs reçurent par- tout Tordre do modérer le zi\e exagéré et dimgereux des ultra. H. Louis de Saint-Genesl, successeur de M. Delasalle, entra parfai- lement dans ces vues. Il occupa la préfecture Jusqu'en 1830, M. Jean-IIaptisIe de Mosscron d'Amboisc éUint maire de Chaumonl. M. d'Amlioise avait remplacé M. Conlault, en mai 1817. Sa longue adminislration fut loule paleroelle, mais sans initiative d'aucune espèce. Du reste, il n'y a\ail plus de libertés communales. Les Bourbons avaient trouvé bon le régime municipal établi par Napo- léon et ils le conlinuaienl. L'bisloire lo&ile n'a â recueillir, des faits admiuistralils de celle époque, ijue la fondation de quelques établis- sements d'utilité publique dgnl nous parlerons plus lard.

En 1819, le parti modéré avait fait de rapides progrès. Les élections furent libérales. Dans la Haute-Marne, M. Becquey, pré- sident du collège électoral, était assuré de sa réélection; mais M. Beugnot crut devoir solliciter les suffrages d'un autre départe- ment. On parla, pour lui succéder, du cliampenois Etienne, l'au- teur des Lellm sur Paru; les timides électeurs n'osèrent pas con- lier leur mandat à un Journaliste qui écrivait dans la Minerve ; ils improvisèrent âCbaumont la candidature de M. Toupol que sa con- duite dans l'affaire de la garde déparlemenlale avait rendu popu- laire, et il fui élu. On sait que la fortune seule conférait le droit électoral sous le régime de la charte et qu'il en fut ainsi même après la révolution qui substitua la branche cadette à la branche aînée des Bourbons. M. Toupot représentait bien réellcnienl l'opi- nion des électeurs. Royaliste dévoué, mais éclairé, il u'a Jamais pac- tisé avec les factions et, quoique fonctionnaire, il a su conserver toute son indépendance et n'a pas hésité A faire de l'opposition au gouvernement toutes les fois que sa conscience lui en a fait un de- voir. Réélu en 1820, h l'époque le roi, effrayé des progrés du libéralisme , laissa le parti réti'ograde reprendre la direction des affaires, il vit sa candidature écbouer en 1824; mais trois ans après il reprit son siège à la chambre, et fut du nombre des 221 dont la courageuse opposition rappela le libéralisme au ponvoii' et prépara la révolution de 1830. Ce caractère indépendant chez

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un fonctionnaire est d'autant plus louable qu*il était alors pi rare ; mais il valut au député de la Haute-Marne la rancune da ministère. Depuis longues années H. Toupet, le doyen des magis- trats du royaume , était vice-président du tribunal de Chamnonl ; cependant, lorsque la présidence vint à vaquer en 1820, le dépnlé libéral n'y fut pas appelé : c Les nécessités de la poliliquOi écritit le garde des sceaux, justifient celte apparente injustice. » A cet aveu M. Toupet répondit : c Je ne veux point me plaindre à voire Grandeur de ce qu'elle veut bien appeler une apparente iqjastÎGe. Dès longtemps j'en avais pris mon parti et elle était d'ailleurs con- sommée le jour votre prédécesseur émit à la tribune cette étrange maxime qui, depuis, a si bien pris faveur, qae les dépo- tés de la France ne devaient avoir d'autre opinion que celle do mi- nistère . Je dois rendre grâce à votre Grandeur de la juste appré- ciation qu'elle a faite de mon caractère. Vous avez justement pensé que j'étais incapable de dévier de mes principes et de la ligne qa'ih m'ont tracée. J'ai juré d'être fidèle au roi^ à la chartCi et député , magistrat ou simple citoyen Je remplirai mon serment. Hors de là, je conserverai mon indépendance qui ne relève que de la conscience, et quiy dans le cours d'une vie déjà longue, sous les divers ré- gimes et abstraction faite des hommes, des places, des circon- stances et des partis, m'a toujours fait prendre pour r^^ miiqoe de conduite, la modération, la justice et les intérêts du pays (1)« » Les autres députés de la Haute-Uarne, pendant la restauralicm , grossirent, comme M. Becquey, le camp ministériel. M. Becqœy, conseiller d'Etat, directeur-général des ponts-et-cbaussées, éCûl, du reste, un administrateur distingué. Il a cessé ses fonctions trois mois seulement avant la révolution de juillet ; alors son mandai de député ne lui ayant plus été renouvelé, il s'est retiré de la tie po- litique. Il est mort à Paris en 1849. M. Toupot, retraité comme magistrat, était mort trois ans auparavant.

VII. Le parti rétrogade, en reprenant la direction des affidres en 1820, avait cherché un appui dans la religion. Louis XYIII,

vieux et impotent, ne régnait plus que de nom. Le cogite d*Ârtois,

(I) Voycx La Hautû'Mame, brochorc ia-48j pablide eo \SA1, ptr M. àê Montrol.

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son frère, prince borné et opiniâtre, qui devait bientôt monter sur le IrOiie sous le nom île Charles X, était tout, et la coutre-rcvolu- tion s'était incarnée en lui. Après une jeunesse ilissolue, il était devenu dévot. Il laissa aux Jésuites le soin de restaurer ie trône et l'autel. La direction de l'iustruction publique tomba entre les mains de la congrégation. L'hypocrisie était à l'ordre du jour. On établit des missions: les PP. prËchèrcnl au milieu des bayonnetles et leur présence occasionna des troubles dans un grand nombre de villes. Rien de pareil n'eut lieu à Chaumont, groce à la religion éclairée du curé Malarme qui avait succédé â M. Cliambrey, en 1819. Ce digne pasteur ne consentit jamais à recevoir les missionnaires. Il connaissait bien l'esprit chaumontais que tout excès irrite; il savait que les missions seraient accueillies avec défiance dans son église, qu'elles éloigneraient des pratiques religieuses bon nombre de pa- roissiens et, par conséquent, n'obtiendraient qu'un résultat contraire à celui qu'on se proposait.

VIIL Le retour au libéralisme, par l'avènement du ministère Harligiiac, fut accueilli avec faveur dans le déparlement de la Haute- Marne ; et madame la dauphine, qui séjourna à Chaumont le i sep- tembre 1828, recueillit sur son passage, indépendamment de l'en- thousiasme officiel, de nombreux témoignages de respect. Mais les concessions que le nouveau cabinet arrachait aux Bourbons étaient faites de mauvaise grâce; on voulut bientôt les retirer, et la révolu- tion de juillet 1830 renversa de nouveau le trône relevé par l'étran- ger. Alors on vit se réveiller le patriotisme de 92 ; les beaux jours de la MaTiciUaiie étaient revenus ; on croyait à l'émancipation des peuples, et les travailleurs, qui depuis longtemps déjà n'avaient plus aucune part au gouvernement, espéraient d'être enfin comptés pour quelque chose dans la nation.

A Chaumont, la chute du trône de Charles X ne donna lieu à aucun désordre; seulement, dans la soirée du 1" août, après l'ar- rivée du courrier qui apportait la nouvelle de la révolulion> quel- ques citoyens se réunirent tumultueusement devant l'Hôtel-de Ville, pour y faire arborer le drapeau national. Ils ne rencontrèrent pas de résistance. Quelques jours ajirés, M. d'Âmboise dunna sa démis- sion et on le reiuplafa par M. Ouval de Fraville, conseiller de pré-

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fecture. Etait-ce bien rhorome qui convenait alors? M. Fargoes, le coumgeux préfet des Cent-Jours, que le nouveau gouvernement avait rappelé à Chaumont, ne le pensait pas, et il avait raison. M. Duval était sans doute un administrateur zélé et éclairé; homme d'initiative, il était tout dévoué aux intérêts de la ville ; mais il arail servi la restauration ; ses antécédents, ses relations n'avaient tiea de démocratique, et sa nomination devait blesser l'opinion qui dominait alors. C'est en effet ce qui arriva, et dès le mois de mai 4831 , il fiil obligé de se retirer. H. Duval, élu député bientôt après, a repré- senté Tarroudissement de Chaumont pendant tout le règne de Louis- Philippe. S*il n'était pas populaire, il était bien réellement rhomme de la boui^eoisie, et s'il eût été appelé à la mairie un an pins tard, alors que la classe boui^eoise était maltresse de la révolution, il aurait donné à l'administration locale une grande impulrion. Disons, toutefois, qu'il a rendu de grands services à la ville, soit comme député, soit comme membre du conseil municipal, de TadmimstriH tiou de rhospice et du bureau de bienfaisance. Son opinion poli- tique à part, il avait cet amour de la cité qu'on rencontre trop ra- rement chez les administrateurs d'une ville de fonctionnaires oA l'élément étranger a toute l'influence.

IX. La population chaumontaise était alors animée d*nn patrio- tisme ardent. On croyait réellement à un gouvernement populaire. Sire, un trùne de huit siècles était debout : un grand peuple, atta- qué dans ses droits, s'est levé, et le lendemain, ce trône était brisé! ^ C'est ainsi qu'on définissait la révolution nouvelle, dans radraasa qu'une députation avait porté au roy des Français^ au nom de h ville. On était loin de penser alors que les droits pour lesqneb en venait de renverser un trône de huit siècles, allaient être méconnus par la nouvelle monarchie comme par l'ancienne. Mais on croyait à une invasion et les jeunes gens s'engageaient pour venger raflhmt de 1814 et 1815. Dans les derniers mois de 1830, il y enté Chan- mont près de trois cents engagements volontaires. Et avec queUevive sympathie on suivait les phases de la révolution polonaise! On soir, la population était en fête, on dansait à l'IIôtel-de-Ville, des ban- quets réunissaient les diverses compagnies de la garde nationale, toutes les maisons étaient illuminées, quand on reçut la nouvelle

d'un désastre éprouvé par l'armée insurrecLionnellc. Ausslldl, la danse cessa; on quilta la salle du bamiuet ; le calme de la tristesse succéda aux chanls joyeux, et la nuit, reprenant son empire, éten- dit sur la ville son voile de deuil.

La garde nationale, organisée dès les premiers jours du mois d'août, était aussi active que dévouée. Tout alors donnait lieu à des solcnntlés patriotiques. Il y eut fËle pour la réception des quatre canons de la compagnie d'artillerie et le haloillon entier alla au- devant jusqu'à Luzy. Lorsqu'arriva lo diapeau donné à la ville par le roi, la garde nationale alla l'atlendre ù Joncliery et la journée se passa encore en fêtes. On fêta de même l'arrivée d'un bataillon du brave 37' de ligne qui revenait d'Afrique et devait tenir garnison à Chaumonl : la jeune milice citoyenne était ftère de déployer son drapeau à câtâ de l'étendard qu'on rapportait d'Afrique, déchiré par lei balles. La fête du roi fut célébrée avec enthousiasme. Cet enthousiasme étitit encore réel, sincère, quand ou rci;ut Louis- Philippe à Cbaumont, le 28 juillet, et vingt mille gardes nationaux s'y donnèrent rendez-vous, de tous les points du département, pour saluer le roi des barricades. Ce fut la dernière manifestation populaire en faveur de la dynastie d'Orléans. Déjà même il y avait réaction, car le nouveau préfet, suspect de partager les tendances démocratiques, avait été destitué. En 1832, la réaction leva h tète; les partis se dessinèrent et la dâdance succéda à la fraternité.

X. La révolution de 1830 tourna exclusivement au profit de la classe moyenne. Quand les barricades étaient encore debout et qu*on craignait le peuple armé, on avait promis une monarchie entourée d'institutions républicaines. Lorsque, se fiant à cette pro- messe, le peuple eut mis bas les armes, on se contenta de réviser la charte dans le sens d'une monarchie boui^eoise; on laissa subsister le cens électoral ; on admit l'élection pour l'adminislralion commu- nale, mais ce fut encore la fortune qui Gt les électeurs ; on rétablit la garde nationale et on en exclut les prolétaires : tout enfin Tut organisé pour mettre le pouvoir entre les mains de la classe qui possède.

Les électeurs, ou, pour nous servir de l'expression consacrée, le paiji légal, dans la Haute-Marne, a élé moins sévère encore envers le pouvoir , pendant les dix-huit aimées de royauté

J

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bourgeoise, que sous la restauration : il n'a pas envoyé à la chain* bre un seul opposant. Si quelquefois des candidats aronét de Topposition ont été présentés au choix des collèges da déparlement, ils ont toujours été repoussés. Jamais les censitaires de la Hanle- Uanie n*ont songé à faire un choix politique : maîtres de tùrgdêf marchands de bois, industriels ou gros propriétaires, tons hammei (Valfaires avant tout, pensaient que leur intérêt, qoi était, soi^nnt eux, celui du pays, les rangeait invariablement sous le drapeaa dn pouvoir. L'événement a prouvé qu ils avaient tort et que leur inté- rêt bien entendu était, au contraire, de donner aa pdavoir des guides qui le détournassent de Tablme il s*est perdu pour avoir trop bien voulu faire leurs afiiaires.

C'est au sein de la garde nationale que s'était réfiigiée Fi^posi- tion chaumontaise, la division de la ville en sections loi ayant rendu la victoire di£Scile dans les élections municipales. Six mois après la démission de M. Duval, le roi nomma maire M. Hareschal, avooé et ancien adjoint (19 novembre 1831), qui devait rester en fime- lions jusqu'en 1848. Hais deux fois le commandement da bataillon fut conGé par les électeurs aux chefs du parti démocratiqaey MM. Mougeot et Milhoux (1). Des conflits s'en suivirent. On né- gligea l'institution et on la laissa tomber d'elle-même. Da reste, il en était de même partout.

XI. On avait donné pour successeur à M. Faifues un homme dont l'administration a laissé d'honorables souvenirs dans k pays H. J.-C Rivet, qui fut ensuite appelé à la préfecture du Rbdne. Après M. Rivet, M. de la Tourelle, homme calme, flroid et sans ini- tialive, administra le département pendant dix ans, puis vint M. Ro- mieu, dont le caractère était tout opposé à celui de son prédéœa- seur. Après lui, M. de Monique ne fit que passer à Chaumont, et en 1848 la préfecture était occupée par M. de Jessaint.

XII. Dans les dernières années de la monarchie de juillet, mou- rurent Damrémont, Dufour et Laloy le jeune. Damrémont a no- blement lavé la tache qui était imprimée à son nom depuis 1814. D

{\ ) Le premier a été maire de la ville eo \ 848 . M. Milhoax a rcprétanté le h la Coofltituante.

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s'était retiré en Belgique pCDiIant les Cenl-Jours. Nommé colonel «le la légion de la Cûte-d'Or, après la seconde restauration, puis ma- réchal de camp en 1821, il avait fait la campagne d'Espagne et en 1830, le roi l'avait appelé à Taire parlie de l'ambassade chargée de représenter la France an sacre de l'empereur de Russie. En 1830, il avait eu le commandement d'une brigade de l'armée d'Afrique. L'année suivante, il était rentré en France avec le grade de lieute- nant-général, et le gouvernement nouveau l'avait mis en disponibi- lité; mais, bientôt après, il l'avait appelé au commandement de la 8* division militaire. En 1835, le lieulcnanl-général Damrémont avait clé nommé pair de France. Renvoyé l'année suivante en AM- que, il avait bientût succédé, dans le gouvernement général de la colonie, au maréchal Clausel, disgracié. Mais il ne devait remplir CCS hautes fonctions que pendant quelques mois. Ayant pr^ le com- mandement de l'expédition contre Constanline, il fut tué devant cette place le 12 octobre 1831. Sa dépouille mortelle repose dans les caveaux de l'hùtel des Invalides. Dufour avait été nommé eu 181C, intendant militaire â Metz. Apres 183Û, ses nouveaux con- citoyens l'avaient élu membre du conseil municipal et du conseil général ; en 1830, il fut nommé maire et il mit dans la conduite des affaires de la ville cet ordre, celte économie qui avaient valu au commissaire de l'armée In conGance de l'empereur. Le baron Oufour fut nommé pair de France en 1841 ; maïs il ne put pas même prendre possession de celte haute dignité : il est mort à Metz le 10 mars 1842. Pierre-Antoine Laloy, rappelé de l'exil par la révolution de juillet, n'avait retrouvé â Chaumont, qu'il avait quitté depuis plus de quarante ans, qu'un bien petit nombre de ses anciennes connaissances ; mais il y fui entouré du respect el de b vénération de leurs enfants. Il est mort le 5 mai 1846, pres- que centenaire, el il a conservé jusqu'à la dernière heure toute la force de son intelligence, toute la vigueur de son caractère. Deux ans plus lard, le vieux démocrate aurait joui du triomphe des prin- cipes pour lesquels il a soulferl la persécution et l'exil, il aurait été témoin de l'enlliousiasme qu'a excité au sein de la population c ha u mon taise la proclamation de la république (1).

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irP. A. Laloy

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360

XIII. Ici doit se terminer la partie historique de notre lÎTre, car nous ne voulons pas nous engager sur le terrain brûlant de Tactna- lité ; nous ne pouvons pas encore dire les espérances et les décep* lions, les joies et les douleurs de la nouvelle période qui vient de s*ouvrir. Mais nous compléterons ce chapitre par une revue des travaux exécutes pendant les trente dernières années et par quelques aperçus statistiques nécessaires pour faire bien apprécier la si- tuation actuelle de la ville.

Aucun grand travail d'embellissement ou d*utilité publique n*a été exécuté à ChaumonI sous les Bourbons de la branche atnée ; la ville épuisée par les deux invasions avait à améliorer l'état de ses fmances. Cependant, en 1817, il y eut nécessité de travailler aup<Nr- tail de réglise du collège qui menaçait ruine : les travaux mal conçus ont enlevé au monument tout caractère d'originalité; ils ont coûté dix-sept mille francs et un artiste du pays (1) voulait se charger, pour le même prix, d'une restauration intelligente que l'indifférence de l'époque pour la conservation des monuments de l'art a fait repous- ser. On a encore construit un abattoir public en 1825, et quatre ans après le conseil municipal a adopté un projet pour la constmc- tion de fontaines publiques.

Grâce aux économies de ces quinze années, la ville avait en caisse, lorsqu'éclata la révolution de 1830, une somme de pris de deux cent mille francs, qui permit au nouveau conseil mmii- cipal d'ordonner des travaux importants et de fonder des établis- sements utiles. On songea d'abord à réaliser le projet d'alimenter h ville d'une eau salubre. Jusque-là les habitants n'avaient eu, pour leur usage, que de l'eau de pluie qu'ils recueillaient dans des citernes et qui était toujours malsaine. On avait traité avec un ingénieur civil, M. Cordier, de Bézicrs, qui, au moyen de pompes mues par une machine à vapeur, tira du sol et fit monter sur le plateau, par le plan le plus incliné de la montagne, une colonne

(\) Varitif anteor du buste do Louis XVIII qui est conservé ao mosée. La pArt (ct arliilu «'lait venu se fixer à Cbauinont avec I^ncrct k l'époque do la contlmctioa de rnnicI.'.i'.Villo; il l'iait entroproneor Je liâliiiionts. Son fih aîné, Mariô-Josepk FartR, rtait t'ii ni^iiii* temps liunianisU*, rhiniisto wt poi-io. Il s'rtait fait recevoir docteur en méde- (iiio (Il IS'J7 . Il est mort en 4b52, h l'Aijc du o5 ans. Il a laissé une tradurtioa de Térance, lin Traité sur la rue, une irufit'dic sous lu titre de ^^uma Pompilius, et un grand nombre de po(^sics lyriques. C'est lui qui a composé l'ëpitapbc eo ren da maire Laloy.

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d'eau dont la source foumll abondamment aux besoins de la popu- lation. Ce précieux établissement qui a coulé cent sohante<quatrc mille cinq cents francs, a été inauguré le 28 juillet 1833. L'eau qui tombe d'abord dans un grand résenoir construit au fanbourg Saint-Michel, est ensuite dislribuée dans les divers quartiers par des tuyaux souterrains qui aboutissent à cinq fontaines monumen- tales, à jets libres, et à douze bomos-fonlaines. La dépense annuelle pour combustible et entretien est de sept mille francs. Le conseil a encore voulu qu'on embellit les alentours de ta \ille en plantant les colcaux secs et arides qui donnaient au territoire l'aspect le plus misérable ; il a fait niveler les rues et améliorer le pavage ; il a adopté le plan d'agrandissement du cimetière et voté la sub- vention que réclamait le gouvernement pour la restauration de l'église Saint-Jean, classée parmi les monuments historiques. EnHn, il n'a lias liésité à imposer i la ville de grands sacrifices dans l'in- térêt de l'instruction publique.

XIV. Nous savons qn'il n'existait à Chaumont aucune école pri- maire communale. Cet étal de choses avait éveillé la sollicitude de l'administration dés les premières années de la royauté restau- rée. En 1816, on avait fondé dans une aile de l'ancien couvent des Capucins, une école gratuite pour les filles , sous la direction de deux scenrs de la providence. Trois ans après on avait également fondé dans le même local une école pour les garçons, et comme le libéralisme exerçait alors une influence salutaire sur le pays, on avait adopté le mode d'enseignement mutuel. Cet élablissement avait duré deux ans ; alors le jésuitisme s'élant cmp.iré du pouvoir, une délibération du conseil avait substitué les frères de la doctrine chrétienne au professeur laïque ; mais cette délibération, inspirée par les tendances du jour qui n'étaient nullement celles de la population, était restée inexécutée et l'instruction des garçons avait été de nouveau abandonnée â des instituteurs particuliers, sans direction et sans surveillance. Le gouvernement de juillet ayant enfin oi^nisé l'instruction primaire, une école normale fut fondée à Chaumont et le conseil municipal reprit l'œuvre qu'on n'avait pu accomplir sous le régime précédent, Cependant il ne fil pas de réaction et laissa à la congrégation Religieuse la direction de l'enseignement des filles;

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il fut même prodigue à r^|;ard des institutrices et, cédmt à toutes leurs exigencesi il prêta la main à des défeloppements» à des agrandissements qui font de la maison un véritable couvttil. Le 14 octobre 1830, le conseil vota, à l'unanimité, le rétablissement de récole mutuelle qui fut instaUée, du consentement du gouverne- ment, dans un local dépendant du couvent des Ursolines. Celle école s*est maintenue, malgré la concurrence d'un établissement particulier, dirigé par des frères de la doctrine chrétienne, jnsqa'en 1852 ; mais en cette année la congrégation, qui au milieu de nos discordes civiles avait repris le dessus, obtint d'une conunisdon administrative provisoire, ce qui lui avait été refusé dans les plus mauvais jours de la restauration : la direction de Técole comma- nale est maintenant confiée à des instituteurs congréganisles.

XV. Le collège, assez prospère dans les dernières années de l'empire, fut à peu près désert sous la restauration, par suite de h concurrence des établissements ecclésiastiques ; cependant la viBe a pwsisté dans les sacrifices qu'elle s'était imposés pour le soutenir. La révolution de 1830 l'a relevé, grftce à l'habile diredicHi d'un nouveau principal, M. T.-H. Barrau, et dès la première rentrée, le chiflre des pensionnaires, qui était réduit à cinq, s*esi âevé à plus de cent. Heureux de ce changement, le conseil a secondé da tout son pouvoir les efforts du principal. C'est alors qu*à été constmil, pour y transrérer la bibliothèque, le bfttiment paralMe à Téglise, auquel on a donné un aspect monumental en élevant sur sa fiiçade une fontaine surmontée du buste de Bouchardon. Depuis plus de trente ans, Chaumont sollicitait l'érection de son coll^ en lycée; mais la ville de Langres avait fait la même demande, et de celle rivalité, il était résulté un refus de la part du gouvernement. En 18él, le conseil crut devoir profiter de l'état prospère de rétablis- sement pour renouveler ses instances. L'occasion était ûivoraUe, puisqu'on voulait alors qu'il y eût un collège royal dans chaque d^rtement. Il joignit à sa délibération un mémoire dans lequel, après avoir développé les motifs de sa demande, il exposait tous les droits de Chaumont à la préférence du gouvernement. La ville rivale fit de son côté valoir ses prétentions ; il y eut de part et d'au- tre de nouvelles délibérations ; enfin la question fut résolue et Chau-

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mon! l'emporta. Nous devons dire que le préfet, M. Romieii, et le dépalé de la Haute-Mame, M. DuybI de Fraville, ont eu une grande part dans ce résultat. Les ouvriers se mirent aussitôt à l'œuvre ; on abattit l'ancien collège des Jésuites, dont on ne conserva que la chapelle, et on éleva sur l'emplacement le bâtiment nouveau, dans lequel le lycée fut installé le 6 novembre 1848, par le recteur, en présence de toutes les autorités. Le vénérable curé Malarme, que ta mort vient d'enlever à ses paroissiens (1), célébra la messe du Saint-Esprit dans la chapelle, puis le cortège se rendit dans la vaste salle de dessin où, après les discours du recieur, du proviseur et du nouveau maire, le docteur Mougeot (2), le préfet < a terminé la séance par une improvisation chaleureuse qui a vivement élec- trisé les auditeurs; de nombreux applaudissements ont prouvé que ses généreuses pensées étaient bien comprises. » Ce préret de b république était M. Emile Ollivier, jeune administrateur dont les mœurs douces, le caractère élevé et la vaste intelligence ont laissé à ChaumonI les plus bonorables souvenirs. La population toute en- tière assistait à celle cérémonie, se pressant dans les salles et dans les cours de l'établissement. < C'est, dit le procès -verbal, qu'il s'a- gissait d'un intérêt puissant et durable ; la ville de Chaumont a servi le département tout entier en créant une de ces institutions desti- nées à développer les forces intellectuelles et morales du pajs, à l'élever au niveau des besoins de la civilisation qui de jour en jour devient plus exigeante. > Le lycée a coûté à la ville près de cinq cent mille francs.

XVI. Cette année 1818, si nous ne pouvons pas en écrire l'histoire, il nous sera au moins permis de parler des réformes qu'elle a apportées dans la situation matérielle de la ville, celle année a vu changer l'aspect de Cbaumont. C'est que le besoin de liberté, d'indépendance, qui nait des révolutions, s'applique à tout. La population étouffait dans l'étroite enceinte des fortifications. Dés

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366

rindostrie nationale. Elle est en pleine voie de prospérité et use seule maison occupe phis de trois mille personnes dans rarrondis- sement. Maintenant que les chemins de fer mettent en question ravenir commercial de toutes les villes , on ne peut pas préjuger ce qu'il en résultera pour Chaumont, qui sera bientôt le point de jonction de deux lignes importantes ; mais l'administration ne doU rien négliger pour encourager l'industrie qui prospérOi pour relever celle qui tombe et pour ranimer le commerce. C'est le seul moyen d'attacher au sol les enfimts du pajs, qui sont obligés d'émigrer pour aller chercher ailleurs l'emploi de leurs talents et de leur in- dustrie ; c'est le seul moyen de resserrer les liens de la comma- nanté» de la rappeler à la vie.

XIX. L'esprit chaumontais à toujours été progressif. Ce qui gêne son essor, c'est l'influence des fonctionnaires dont la ville est remplie. Trop souvent on a laissé envahir les charges municipales par les gens en places qui, étrangers à la localité, n'en comprennent pas les intérêts ou les négligent dans la nécessité ils sont de fidre, avant tout, les afiaires du gouvernement dont ils dépendent. Les Chaumontais doivent s'affiranchir de cette pernicieuse infloenoe. Les divers services sont largement dotés : la commune a un budget de quatre-vingt mille francs (1), non compris les ventes extra- ordinaires de bois ; les revenus ordinaires de l'hospice s'élèvent à plus de trente mille francs; ceux du bureau de bien&isanoe dépassent dix mille francs. Avec de telles ressources on peut beau- coup ; mais il faut que les administrateurs aient une connaissance parfaite des intérêts divers de la localité et l'ardent désir de les satisfaire ; il ne faut pas qu'ils sollicitent ou qu'ils acceptent les fonctions pour l'Iionneur qu'elles confèrent ou par obéissance à des ordres supérieurs ; ils doivent obéir à un seul sentiment : ramour de la cité.

(4) Le prîndptl rertoo U la fille est ton octroi dont le produit brat Tarie de qoeranle- tii k cioquanl« mille fraoct. Cet octroi porte for la fiande, tar Ice liquidée et ew le boie. Ea 4852, il eat entré k Chjomont 42,446 bectolitree de vin. Non efoaa été oirieai de comparer cette eooaomroation k celle da moyen-âge et, poar obtenir «ne appréciation plv joete. noof atona pria la moyenne dea tina entrée pendant lea troia annéea 4565| 4566 et 4567, dont l'ane a foami one meavaiie récolte. Nooe atone troufé qu'à cette époqae. •▼« une population au muina égale k celle de noe joura, la fille ne coneommiit que 6^250 mcI»- litrcs oe fia par an, c'eat-Wire moitié rooioa.

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LIVRE HUITIÈME.

Chioniqne des fines et de la Banlieiis de la ville.

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CHAPITRE PREMIER.

I. L'histoire d'une ville, pour (Ire complète, doit eire suivie de la chronique des mes et des monuments. Nous ùllons donc jalon- ner tous les points du terrilolre cbaumontais auxijuels se rattachent quelques souvenirs ; nous allons parcourir les mes el les Tauboui^, visiter tous les monuments et demander l'entrée dans quelques mai- sons particulières ; nous interrogerons les ruines et nous voudrions que chaque pierre pût nous répondre.

Si vous arrivez à Chaumont par la route de Paris, arrËlei-vous à l'entrée du faubourg, près de la croix Coquillon, et levez les yeux sur la petite ville. N'olTre-l-elle pas l'sspect d'une grande cité? Comme elle se développe (ièremenl sur le plateau élevé qui lui sert d'assiette I Vous pourrez compter les principaux édifices : à droite, l'Hôtel-de-Ville et la paroisse Saint-Jean ; au centre, le lycée b&ti sur le point culminant du pUlean et, au premier plan, le vieux donjon féodal, d'où s'élève encore la tour quadrangulaire qui fut la résidence des premiers seigneurs. A gauche est la pré- fecture et, près de cet édiOce, le trop fameui arc de triomphe de la porte de Boxei^uilles, L'hi'ipilal est à l'exlrémité du plateau.

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Mais ne cherchez pas à sonder la profondeur de ce groupe d'habi- talions, car Tillusion disparaîtrait ; ne demandez pas non plus à prendre une autre position, pour changer le tableau : nulle part la ville ne vous offrirait un aspect aussi imposant. Hâtez-voos de traverser le faubourg de TEau ; nous y reviendrons ensemble ; nous vous attendons à la porte de ce faubourg.

La porte de VEau qu'on appelle aussi de Saint-Jean ou des Tan» nerie$j est le seul monument qui reste de l'enceinte dont on entoura le Bourg au XV* siècle ; mais elle a été plusieurs fois restaurée et elle a complètement perdu son caractère primitif. On l'avait fortifiée d'un pont-levisen 1589, par ordre du duc de Guise. Jusque-là die n'avait été défendue que par des barrières en bois. Elle était sur- montée d'un panonceau au champ d'azur à trois fleurs de lys d'or, et dans la muraille, à gauche, on avait ménagé une lucarne en plomberie avec le même écusson aux armes de France. On remar- quait dans une nidie sculptée au-dessus de la voûte l'image de saint Jean-Baptiste.

II. Notre première visite sera pour la vieille ville. Nous nous dirigerons d'abord vers le quartier du Pakds qui comprenait les rues du Magas^n^ du PalaiSj Hautefeuille^ Gttyard^ Champeau et de La Crête.

De la porte de l'Eau on entrait dans ce quartier, qui faisait la moitié de l'ancien château, par la porte Arse {brûlée). Celle-ci, con- tigûe i la première avec laquelle elle formait un angle droit, était comprise dans le mur d'enceinte du château. C'était une énorme tour carrée et voûtée à plein cintre à sa base. Depuis le XV* siècle, la grande salle du premier étage, au-dessus de la voûte, avait ton* jours été remplie d'armes, de poudre et de munitions ; c'était l'arsenal, le magasin de la ville, d'où la petite rue dans laquelle la porte Ârse donnait accès avait pris le nom de rue du Magann. En 1774, la mairie fit vendre ce qui restait de féraille dans l'arsenal et, quelques années plus tard, elle ordonna la démolition du vieux monument. Aujourd'hui la rue du Magasin n'est plus que le pro- longement de la rue Saint-Jean.

Laïucda Palais a été successivement appelée du Donjon^ du Château j de la Chapelle du Roi^ et des Tribunaux pendant la révo-

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lulîon. C'est la première t!e la ville qui fut nivelée et pavée au commencemenl du W siècle. Toutes les maisons du c6té ^uclie sont adossées au mur d'enceinte. Ces! dans celle ijui porte le n" 15 que mourut Pierre -Antoine Laloy. Les processions parcourent la rue du Palais dans toute sa longueur ; celle du P.irdon y faisait trois stations, l'une & l'entrée, A gaoclie, devant le Uiéaiie l'on jouait ]e mijflère de Zaeliarie {i), la seconde, près de la rue La Crète, se Irouvail le théâtre de V Annonc'ml'wn ; enGo, devant le lliéjllre de la Visilalion qui fermait la tue Gujard.

III. Le Donjon est situé â l'extrémité de la rue du Palais. Au XII' siècle, on remarquait h l'entrée, conlre la muraille extérieure, le presbytère, humble demeure du premier pasieur, construite ptr les soins du doyen Thierry, qui la donna, en 1212, à l'abbaye de Molème, â la condition qu'il continuerait â l'habiter sa vie durant. La Chapelle du Roi était h gauche en entrant; derrière ce monu- ment s'élevaient quelques Mtiments habités et les écuries ; la Tour- RoHge est à droite. Le mur d'enceinte, qui donne sur le faubourg de l'Eau, a été refait à la fin du XVI' siècle, et comme le Palais a de tous temps été alTecté à un service public, ce mur a toujours élé soigneusement entretenu.

Il n'eiisto plus rien de la chapelle qnl, par suite de l'exhausse- ment du sol, était devenue souterraine. On y remarquait divers groupes (le statues représentant les scènes de la vie du Christ. Quelques-unes de ces images sont maintenant au cimetière. Ou con- servait encore dans celte chapelle une image de la Vierge, préten- due miraculeuse, et pour hiquellc les habitants avaient la plus grande dévotion : ils ne manquaient jamais de recourir h cette protectrice, dans les temps de calamités publiques, et on la promenait proces- sîonnellemenl dans la ville. La confrérie de /a Concrp/Joji-JVofrc- Dame, It laquelle celte dévotion av.iil donné naissance, était la plus nombreuse de la ville cl beaucoup de personnes des environs y étaient associées. Les religieux de Bracancourl, retirés i Chau- monl en 1563, lors des premières guerres de religion, célébraient tous les services religieux, prescrits par les statuts de leur ordre.

ifjk citit.

) Vo;ci|iaur1iilar

]nJci<h<Jlrc«<]uPiirJoD

rtlMabltrit de Chaamont,

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dans la cliapclle du Palais. On sait que les chanoines les fiient expulser. Nous avons remarqué dans Tarrét qui leur ordonna de retourner dans leur couvent, dans le délai de dix jours, ce singa- lier considérant : « Attendu Finconvénient que les diU religieux peuvent apporter en la ville il n'y a eau pour nettoyer les im* mondices des vivres, comme poissons salés, dont ils usent. » Noos avons expliqué ailleurs le motif réel de cette expulsion. En 1591, le conseil de la commune autorisa les cordeliers de ChâleauYillaÎB et du Yaldarde, réfugiés aussi à Chaumont, à célébrer l'office dans k môme chapelle, « à charge de faire prières extraordinaires pour les catholiques unis et particulièrement pour les pauvres aiBigés et assiégés, à ce qu'il plaise à Dieu les délivrer. »

Les bâtiments contigus à la chapelle du Pabis se sont défekppéi à mesure que les juridictions qui siégeaient au Donjon ont pris de l'extension. La plus ancienne de ces juridictions, h prévôté, a d*a* bord siégé dans la Tonr-Rouge. Expulsée par le tiailliqpe, elle est allée s'établir au premier étage de la porte d'entrée du chftteaa par le chemin de Langres, elle est restée jusque vers la seconde moitié du XVI* siècle. Alors elle a été rétablie an Palais. La Tour- Rouge étant devenue trop étroite pour l'auditoire de btiOi, ee na» gistrat s'était installé derrière la chapelle, dans une grande salle eè, primitivement, se tenaient les gens de service du seigneur et qo*on appelait mile des Demoiselles. Elle avait cinquante-six pieds de ioag sur vingt-neuf de large. C'était dans cette salle que se tenamit les assemblées des trois ordres du bailliage et celles de b eonmnme; les forains y ont exposé en vente leurs marchandises jusqu'à VifO- que la halle actuelle a été construite. An XIV* siècle, la sde dea Demoiselles, qui était pavée, fut abandonnée aux gens qui fréquen- taient le palais, et on construisit à côté, pour les audienceSi unenou* velle salle de cinquante-six pieds de long sur trente-trois de large. Cette pièce, dite Palals'Royalj avait deux fenêtres sur le chenun de l'Eau et une sur le jardin du côté de la tour. Elle était chauflée par une vaste cheminée de quatorze pieds de largeur sur trois de profen« deur, pratiquée dans le mur qui séparait le nouvel auditoire de la salle des Demoiselles. Le tribunal était placé dans le fond de la salie, a droite, les sièges des lieutenants et conseillers occupant les deux côtés de Fangle droit ; le banc des procureurs et celui des avocats

étaient de deux pieds plus bas el placés en opposition avec les sièges, de manièpe è former un parallélogramme qui tenait lu moi- tié de la salle, l'n bnrrelage les séparait du banc dos gens du roi et du bureau du ^reflier qui i''taient dans le cenire. Les bureaux étaient couverts de tapis aux armes de France ; hs sîf'^cs, le banc du grenier et celui des gens du roi étaient tapissés il une riche étolTe tleurdelysée. Le resle de la salle, du cdté de la tour, élait abandonné au public, et, dans la partie ({ui prenait jour sur le che- min de l'Eau, on avait encore ménagé, derrière la banc des avocats, un couloir pour l'accès de la cheminée. Sous ces deux gp-andes salles étaient lei prUoni, et la pièce l'oit donnait la torture. Dans les siècles suivants, on construisit encore une Chambre-dii-Cnitic'il el des Salkt d'Aud'unce. pour les nouvelles juridictions. Le service des prisons exigea aussi des changements, et voici quelle était, en 1780, lj distribution des bâtiments : on descendait dsns la cha- pelle par un escalier d'une quinzaine de marches ; en face de la rue était l'escalier du Palais ; on entrait d'abord dans la salle des Demoiselles; à droite était l'auditoire de la prévûlé avec sa cham- bre du conseil. Rien n'était changé dans l'ancienne salle du bail- liage, parallèle à la salle des Demoiselles ; mais une porte pratiquée dans le mur opposé à la cheminée, donnait accès dan; un nouveau corps de bùtimenl l'on trouvait, à gauche, la chambre du conseil avec sa Buvette réservée dans cette partie de la muraille qui s'ar- rondit en forme de lour; à droite étiiit la Cliitmirc-dcs-Eitax-ei-Ftt' rêu ; puis la cbambre dite de Bun-Bec et enlin l'escalier pour des- cendre sur la terrasse ilu Donjon. On descendait dans la geùle par l'escalier de la chapelle. Maintenant, toutes les juridictions siègent au palais. Leur installation a nécessité de nouveaux changements qui ont consisté principalement dans la suppression de la chapelle, sur l'emplacement de laquelle on a élevé un bâtiment nouveau. La salle des Demoiselles a été divisée de manière à former la salle des Pas-Perdus et une salle d'audiences. C'est dans l'ancien auditoire du bailliage que siège la cour d'assises du déparlement. La cbemî- née a été supprimée. La diambre du conseil a toujours la même destination. Le local anciennement alTecté aux Eaux-et-Foréts sert de chambre des délibérations pour le jurj cl de salle des témoins. Tous ces changement'; ont été opérés au commencement du

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XIX^ siècle, et c'est à cette époque que Ton a construit le por- tique qui donne accès dans le Donjon, par la rue du Palais. Les prisons du bailliage ont été converties en Uaiion-i ArrèL La vieille Tour-Rouge est devenue la Maiton de DJteni'on ; mais ooinme elle était insuffisante, on y a joint une maison particulière achetée par le département. Il est aujourd'hui question de construire sur le Donjon une prison nouvelle. Depuis que Chaumont n'a plus de hê^ gneurs particuliers, nul n'a habité le Palais que le concierge et les geôliers.

Nous avons fait ailleurs la description de la Tour^Houge. Sous l'ancien régime domanial, elle a toujours été entretenue par la couronne. Sous François I**, le premier étage, qu*on appelait la clianibrc de l'artillerie du roi, était encore remplie d'armes et d'ef- fets nécessaires à l'habillement des archers. La dernière restaura- tion de ce vieux monument féodal date du commencement du XVIII" siècle ; c'est alors que l'étage supérieur a été abattu et qu'on a construit la toiture actuelle, entourée d'une balustrade en pierre et surmontée d'une énorme fleur de lys, qui n'a été détruite qu'à la révolution. L'inscription suivante conserve le souvenir de cette restauration :

Ludovico XY régnante, Cœsar Carolus Lescalopier,

Campaniœ prsfectus, Turrim îbvo funditus ruentem

Suroptibus regiis

Restitui, tegi, oinari jussit,

In perenne dominationis regiae

monumenturo,

Anno HDCCXXIV.

IV. En sortant du Donjon, nous entrons dans l'ancienne rue iet Poutils qui longe le mur d'enceinte jusqu'à la rue de Brabant et qu'on a débaptisée il y a quelques années pour lui donner le nom de HaniefmïUcy attribué si mal à propos à la tour. C'est seulement au XVIP siècle que les habitants ont envahi sur la voie publique pour bâtir contre la muraille qui limitait cette rue et formait une galerie couverte avec des ouvertures donnant sur la campagne. C'était un lieu de promenade très fréquenté, car une poterne, ou- verte à l'extrémité, du côté de la rue de Brabant, donnait accès

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sur le cblea\i alors planté de vignes et un cliemin serpenlait dans les vinées jusque sur le bard do la Suize- Ce chemin, laillé prei'quc jtartoul dans le roc, avait été refait et élar^'i en 1306. L.i poterne était défendue par une grille ou porte en fer d'où est venu le nom de Côtc-dc-Grille que l'on donne encore à ce versant du pla- teau de Cbaumûnt. PuitU (en latin Posliciitm), équivaluil, dans le vieux français, à notre mol poterne. Au XUl* siècle, la maison qui touchait d'un cdlé i la poterne du Donjon cl de l'autre i la maison Hélfiite-la-Bc()uine apparlunail i\ E<hlinct ; on ilisail alors le mets de tes le poiiîi; elle est ensuite venue en la possession i'Agnîi, qu'on a dés lors appelée do l'oit'a cl qui l'a donnée aux religieux du Val-des-Ecoliers. C'esl le nom de la maison Agnès qui est rcs- lée â la rue et de Pol'u, qu'on a écrit successivement Pusiii, Peulis, on a fuit la dénomination moderne Poulih, Au XV° siècle, on j a ajouté pendant quelque temps le nom Raijun, qui était probable- ment celui d'un habilatil de la rue. Dans l'origine, les mes des villes n'étaient pas comme maîulenaDt olliciellemcnt baptisées ; on les désignait par le nom d'un bourgeois riche ou aimé du peuple ; quelquefois un événement burlesque leur servait de lupléme; ou bien un usage ridicule ou obscène leur donnait un nom cacacléris- tique, comme nous le verrons bienlâl. Au XVI" siècle, on disait aussi, au lieu de rae da Pimiih, rue det Cornet. C'est dans celle rue que demeurait, en 1797, le poète langrois Lombard, alors qu'appelé par les électeurs à siéger au directoire du département, il écrivait :

Cloué dans un département

Et ne pariant que politique,

Je suis presqu un être important

Au maintien de la république.

Je dois répondre à tous ven.ins,

Parler impôts, parler bataille.

Tourmenter la moitié des gens

Et mettre l'autre sur la paille.

Bon Dieu' que ce poste est brillant!

Si du moins la chose publique

Me laissait tranquille un momeni.

Dégagé du manteau civique,

Je m'en irais sur l'IIélicon

De nouveau courtiser Thalic

El dans les rcganls d'Apollon,

Saisir un rajon de génie ;

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Hais il Taut rester à Chaumont. Pour un amant de Helpomëne, Ah! mon ami, quelle prison! A ces vers vous verrei sans peine Que Chaumont est loin du vallon Ton voit jaillir Thippocrène.

V. Les rues Guyard^ Champeau et de la Crète condaisent de h rue du Palais aux Poutils. La première fut d*abord appelée Mongin" le-R(msscl, puis Thomino^ du nom de Jehan Thomino, contrôleur au grenier à sel qui mourut le 6 mai 1425 et dont le fils fat lieu- tenant au bailliage. C'est en 1838 que le conseil municipal lui a donné le nom du sculpteur Laurent Guyard. On a bien bit sans doute d'honorer la mémoire de cet artiste ; mais rien ne rattachait son nom à la vieille rue Thomino. Guyard est au fiiubourg Saint- Michel. Le prêtre Laurent Beraud, le plus zélé des organisateurs de représentations à personnages au XYI* siècle et qui avait lui- même fait quelques mystères, demeurait dans cette rue, se trou- vait aussi la maison du chanoine Jacques Gaulcher, rauteor du pamphlet le Miroir dlngraiiiude.

Voici une étymologie embarrassante. La seconde rue du groopoi la rue Champeau s'appela d'abord Pfrroi le Louchari; puis, comme elle était, à ce qu'il parait, de celles qu'on n'aborde pas sans se bou- cher le nez, on lui a donné le nom de rue du Pot dont le peuple fit^ bientôt, sans plus de gêne, Chyc-en^Pot, C'était an XYI* siède et plusieurs actes en font Toi. Mais dans le siècle suivant, il n*éldt pas permis de braver rhonnêteté dans les mots, Chye-en-Pol est devenu Champeau, Jacques Goulhière, antiquaire et jurisconsulte célèbre, mort en 1638, est dans cette rue du côté des Poutils.

La troisième rue entre les Poutils et la grande rue du Palais a été très fréquentée jusqu'au XVI* siècle pour ses établissements de bains, car les Français du moyen-âge, comme les Grecs et les Romains, allaient souvent aux étuves. Son premier nom était rue des Vicilles'Etuves ; on l'a désignée ensuite sous ceux de Gaufkier- Juuarl et de Picrre-le-Saulnier ; puis on Fa appelée rue de la Créfe, parce que les religieux de cette abbaye avaient la leur maison de refuge dans la ville, et ce dernier nom lui est resté.

VL La division de la ville en quartiers n'était pas seulement une

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mesure administrative : chaque section avait son organisation mi- litaire el (levait dérendre une partie des remparts. Ainsi, la milice des rues que nous venons de parcourir devait ^rder en temps de guerre, le Donjon, les galeries des Poulîls el de l:i rue du Palais, avec la porte de l'Eau. Son point de ralliement Ëlait la place Sainl- iean, près du puits dont nous allons parler.

Vil. Du quartier du Palais nous passons dans le qtmrlicr Sinni- Jcan qui est important pour notre chronique, parce qu'il a pour centre l'église paroissiale. Il comprend lu Place qui est prî^s de celte église, la ruelle Sainl-Jean, les rues (lu Four et de Vii-eille, la ruelle Lemoijnc, les rues Saint-Jeu», de l'Ange et du PelitCorijcbin. Sa milice avait pour point de ralliement la tour Charton et dérendait la muraille depuis la porte de l'Eau jusqu'à la tour du Moulin-à- Vent.

La place qu'on a successivement appelée du Puits, à cause du puits du chûleau qui était creusé au centre, du iîoustkr et Sninl- Jean, n'a plus de nom ; elle est aujourd'hui comprise dans le pro- longemcnl de la rue Saint-Jean. Le puits avait été fermé dès le XIV* siècle, époque à laquelle on commença à conserver les eauï pluviales dans des citernes. La grande sécheresse de 1503 l'ayant fait rouvrir, on l'-ivait déblayé etonyavail établi, pour en faciliter le service une roue à chaîne d'engrenage. Ou l'appelait alors le puits.Sire- Dreux. Soixante ans plus tard on le referma avec de grosses pierres sur lesquelles on éleva une croix ; mais comme ce nouveau monument gênait la circulation, on le déplaça en ^^i^ el on le reporta plus prés de l'église. Ce déplacement .nyant de nouveau mis le puits à découvert, on y descendit et on reconnut qu'il était rempli de plus de soixante pieds de gravois. On recula dcvaal la dépense qu'oc- casionneraient les travaux de déblaiement et on le referma. Il n'y a plus aujourd'hui aucune trace apparente de ce puits qu'on a cependant encore deux fois ouvert. La croix est également détruite.

La raellc Sa'tnt-Jtan longe l'abside, du portail Sainte-Anne au portail Sainl-Eloi, et elle s'ouvre vers le milieu sur la rue de l'Orme. C'était un réceptacled'îmmondicesavantqu'on eût pris b résolution de la fermer pendant la nuit. On l'appelait aussi la mclU du lièttesiialrc. H y avait dans cette clroito ruelle une maison mal

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fatnée. C*était en 1588, à Fépoque de romnipotence de la commune pendant la Ligue. Sur le récit des vilains acte* qui s*y commettaient, réchevinage ordonna au propriétaire d'en sortir immédiatement et de la vendre dans le délai de huit jours, c si mieux il n*aimait la voir démolir. >

VIII. On a conservé à la rue du Four, dans laquelle débonche la ruelle Saint-Jean, son ancien nom féodal. G*est qu'était le four banal avant raffranchissement des habitants. Cependant on Ta appelée pendant quelque temps , au XVI* siècle, rue de Jf . de Bleigmj du nom de Tun des bienraiteurs de l'église. Cette rue aboutit d'un côté au portail Saint-Eloi, d'où l'on se rendait autrefois dans la rue Saint-Jean par une ruelle qui longeait l'église et qa*on a supprimée. De l'aulre côté elle débouche perpendiculairement sar la rue de Viéville.

Hannairc de Viéville, ancien commissaire des guerres, mort en i838, dans la maison de cette rue qui porte le jo? f *% était Tonde du général Damrémont. Il s'était rendu cher à ses concitoyens par des actes nombreux de bienfaisance. La rue de Viéville a été suc- cessivement appelée ruelle Bouchardcl^ rue du Greniers-Sel et rue Camus.

Le grenier à sel de la rue de Viéville a été construit au com* mencement du XVII* siècle. C'est aujourd'hui une maison particu- lière qui est longée, perpendiculairement à la rue nous sommes arrêtés, par une ruelle en partie couverte à laquelle le conseil mu- nicipal a donné récemment le nom de Lemoyne. Pierre Lemoyne, jésuite et poète, a été baptisé à Chaumont le 5 mars 1602. Il était fils de Jacques Lemoyne, seigneur de Daillecourt et de Maizières, en partie, et de Marguerite Piétrequin. Jacques occupait la chai^ de greneticr au grenier à sel de Chaumont. C'est cette circonstance seule qui a pu motiver la décision du conseil, car Pierre Lerooj^e est rue de TAnge, dans une des maisons voisines de la tour du Barle. Il est mort à Paris, le 27 août 167 1. C'est le premier Père de la compagnie de Jésus qui ait acquis quelque réputation comme poète. Son Pocmc de saint Louis lui a surtout valu les plus grands éloges (i). Jean -Baptiste Lemoyne, fils du maire de Chaumont et

(I) Os éloges n'ont pas élc confirma. Quelqu'un demandait k BoileaD pourquoi, par-

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neveu du poâle, après avoir exercé pendant longtemps la cliai^e de lieulen.tnt-général dans sa pairie, fut nomme président au parle- ment de Puris. La Tamille Lemoyne n'était venue se ûier à Cbau- monl que dans les dernières années du XVI* siècle.

IX. La rue Suini-Jam commence à la jonction des rues des Poulils et de Drahanl et se termine maintenant à la porte de l'E^au : la place Saint-Jean et la rue du Magasin n'en sont plus que le pro- longement. Celte rue a été successivement appelC-e du Houstkr, à cause de l'église; Ginilaume-Deipinnulx ; de Condct, parce que le prieuré ; avait une maison, et île banques, du nom de l'hdlel que le seigneur de te fief, de la maison de Ghoîseul (i), possédait dans celle rue. Cet hdtel, situé en face du grand portail, appartenait, en 1789, à M. de Mandat, le dernier f;rand bailli. Le maire Le- mo\ne, oncle du poète, demeurait dans h rue Saint-Jean. En 1814, la maison qui porte le n" 23 a été habitée par le prince de Metter- nich. Le premier théâtre des mystères du grand Pardon était con- struit en face du grand portail, sur la façade de l'ancien hétel de Lanques. C'était le ihcùire ila Vcittti. Une jeune fille, costumée en Minerve, y représentait la Ville de Clianmoni; elle avait pour cortège sept autres jeunes personnes représentant les trois vertus cardinales el les quatre vertus théologales qui étaient, si l'on en croit l'auteur des mystères, ses Odèles compagnes.

X. La rue Saint-Jean nous livre passage dans la rue de l'Ange, qui est célèbre dans l'bistoire de la Diablerie du grand Pardon. La

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: l'abbt doajil il t i plu d Hn iiiclr,

(Vsirt Bibliot^ fraiiçaiu.) Tanin ha pa'iia ds P. Ltmajat oal fit nt 1673 al publia en id vulunie in-folio, niH la poilnii .la l'ialciir gnttjti ialMD-U.pliila Lfaïa^iM. Puul, »Mim la HBtlimt ir ut LtttriM à un Pra

tdii»\K touffonnerUiioH.fr -

manière al profane H ai «^oatio. t nprïl plaïn it la taoïlj *l in hVr

(i) U rbe( Jh hiraiM tt nuirt|aii ilc L<ni|Dn ni Fhïlibrrl ila Cbaiwiil, trlnDtnr Ja L>ni[Bn, d'Iign-nwnlaldaMaDiy. tUUil Gli pitinj da Gaillinnit Ja CbolaaDl, biran it LlrFmnDC al da Lanauai ci da InDU Duchllalal . PhiHbarl ml la Ima it Laonoea an par- liptaUn. Chamballan da nia CbariN VIII «t Lmû Slt, il u (Igula la noiii du Capilaint <te Lanqu». Il noaiil « 4^0 1 at hl aahrrf dana »• tblUon de iMiqiia.

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porte siUiéa à reitrémité de eette me, da côté du Bourg, élut le repaire des diables, le dimanche des Rameaux ; c'était de li qa*ib ittiçaient leurs Tusées et leurs pétards pour empêcher la proeesrion qui revenait de Saint-Michel, de rentrer dans T^ise Saint-Jean ; et, tandis que les fidèles, dispersés par cette pluie de feu, cher- chaient à reformer leurs rangs, les suppôts de Satan descendaient de la tour et se jetaient sur la foule en poussant des hurlements d'enfer et en continuant le jeu des fusées. Le jour des indulgences la procession s'arrêtait encore dans la rue de l'Ange; mais c'était cette fois pour assister au triomphe de la religion. Sur un théâtre suspendu à l'une des fenêtres de k maison qui faisait angle avec la porte du Barle, à gauche, on représentait VAuompiion de la Vierge. Yis-à-vis, à l'angle droit, était le théâtre des SgbiUe$ et i Feutrée de la rue Chaude, celui des UmheSj sur lequel étaient ran- gés tous les patriarches qui, â l'approche de k procession, enton- naient le Veni Creator. Saint Jean sortait d'une trappe au milieo des saints personnages, les saluait et leur annonçait la bonne nou- velle. Alors les chants d'actions de grâce recommençaient, puis il se faisait un grand bruit d'orgues et quelques fusées figuraient la descente du Saint-Esprit.

La rue de l'Ange, qu'on appela d'abord Ferr^f^Efinani^ prit son nom actuel, au XY* siècle, d'un ange aux ailes dorées que Ton plaça sur la façade de la maison qui formait l'angle sor la me Chaude. Le P. Honoré, quand il venait prêcher â Chaumont, des- cendait dans la maison qui porte le n* 30, et c'est qu'il est mort. Des lettres patentes avaient exempté cette maison du logement des gens de guerre, c sur peine aux contrevenants de punition exem- plaire et aux chefs, officiers et conducteurs, tant de cheval que de pied, de quelque langue et nation qu'ils soient, de répondre en leurs propres et privés noms, de la désobéissance et des désordres qui auraient été faits au préjudice desdites lettres (1). »

XI. La rue du Petit- Corgehin débouche perpendiculairement dans la rue de l'Ange ; elle loume ensuite â angle droit pour aller

(I) Ca^ lettres (lonnM p r Louis XIII, à Saint-MaQr*d«Fosft/s, le 26 Mplctnbre IG37, ool ^ii confirma par Losis XIT è soi •rèocin«nt .

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rejoindre la place Sahit-Jean. C'était, au XiV* siècle, la ruelle Dame- Margueriu-deSaini-Thyebavt ; on l'a ensuite appelée ruelle /t/atlrt- Tkibaul ; enûn, dès le XVI' siècle, on lui a tienne le nom de h prin- cipale maison qu'on y remarquait et qui appartenait au commandeur du Coi^ebin. Le doyen Adrien Rose demeurait dans celte rue. C'était chez lui que descendaient les Guise quand ils venaient à Cbau- monl et qu'ils ne pouvaient pas être reçus pur Guillaume ftose. Dans une des maisons actuelles, on retrouve toute une suite de bas- reliefs en pierre, représenlanl divers sujets tires des saintes écri- tures. Ces sculptures, qui sont bien conservées, proviennent de la cbapelle Baudricourl, qui précédait le sépulcre de l'église Saint- Jean.

XII. Maintenant que nous avons parcouru toutes les mes du quartier, nous visiterons l'église. Nous savons que ce monument, le plus remarquable de la ville, sous le rapport archéologique, a clé commencé dans les dernières années du XII" siècle et terminé au XVI*, après divers agrandissements successifs. L'église primi- tive, orientée, se composait du grand portail actuel, de la nef prin- cipale, qui n'avait pas plus de quarante mètres de longueur, el de deux nefs collatérales avec un transept à la hauteur des cbapetlea Saint-Luce et Sainl-Pierre ; mais il n'y avait pas alors de chapelles entre les piliers eitérieurs. Le style du monument était l' ogival primaire. On le retrouve dans toute sa sévérité au grand portail qui n'a jamais été modifié : la fafade est composée de deux tours car- rées, terminées par des pyramides b huit pans, dont les llédies s'élancent â plus de quarante-cinq mètres du sol, et d'une porte voûtée en tiers-point. Les parois latérales de cette porte sont gar- nies de huit colonnelles annolées vers le milieu el reposant sur des tailloirs he:iagones ou carrés ', les chapiteaux sont garnis de crochets ou de feuillages ; au-dessus, à la naissance des arcs, on remarque un pelil homme nu, des fleurons et des têtes grimaçantes. Deux fenêtres superposées à la porte, el aujourd'hui murées en partie ou fermées par la tribune de l'orgue, éclairaient la grande nef qui n'était pas, comme maintenant, percée de fenêtres. Les lours ont deux étages marqués par des corniches dont les modillons sont taillés en bouts de solives ou coupés en écus. Mais pour bien comprendre

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le style, il faut enlever de cette fiiçade, par la pensée, le hideux auvent dont ou a si maladroitement couronné la porte et rétablir les meneaux des fenêtres.

XIII. Dès le commencement du XIY* siècle, l'église Sainl-Jen- Baptiste n'était plus assez vaste pour la population. On fit construire au Bourg la chapelle Saint-tlicbel. On projetait en même temps l'agrandissement de la paroisse ; mais les ressources de la ville ne permirent pas de commencer les travaux avant les dernières années du siècle. Alors on construisit le transept, avec les portails Samte- Anne et Saint-Eloif et la partie du chœur comprise entre les quatre gros piliers ; on exhaussa les voûtes de la grande nef; on refit toute la charpente, et Ton éleva au point d'intersection des bras de la croix, sur le chœur nouvellement construit, on petit clocher avec carillon, que la foudre a renversé deux cents ans après. On fit encore des chapelles dans les deux neis extérieures jusqu'an chœur. Divers actes fixent Tépoque de ces travaux. Ainsi, au mi- lieu du XIY* siècle, on faisait des appels fréquents à la piété des paroissiens c pour l'augmentation de l'église; » en 1342, huit évé- ques réunis à Avignon accordaient des indulgences c à tous les fidèles qui visiteraient Féglise de Chaumont, y feraient certaines prières, enrichiraient la fabrique par des dons et la mettraient à même d'entreprendre les réparations de l'édifice; » au commen- cement du siècle suivant, le seigneur de Nogent, qui habitait Chau- mont, faisait don par son testament, d'une somme de quarante livres c pour être employée au parfiiit de l'élise, tant en la laçon d'un petit clocher pour placer convenablement sur le cbcaur que pour autres choses. » Hais ces actes n'existeraient pas que le style des divers travaux que nous venons de désigner ne permet- trait pas d'assigner à leur exécution une autre époque. C'est bien le style ogival du XV* siècle, avec sa richesse et sa légèr^é, avec la bizarrerie de ses conceptions. Quelle profusion de sculptures aux portails Sainte-Anne et Saint-Eloi, et par quels caprices d'imagination l'artiste a-t-il pu se complaire à y tailler la pierre en ceps de vignes, en dentelles, en salamandres, en feuillages, en coquillages, en grotesques de toutes sortes ! A rintérieur, quelle œuvre admirable que Tescalier à jours qui conduit aux galeries !

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La voûte si compliquée du cliœur, avec ses culs- de-lampe, ses peiulentirs, ses slalacliles si légùres, au milieu desquelles se pro- iDÈnent les nervures qui naissent des piliers, ne ressemble-t-elle pas à une forêt? C'est bien It l'imagination capricieuse et fantasque du XV° siècle. D'ailleurs un trésor découvert récemment sur les combles par les ouvriers que le gouvernement a chargés de la res- tauration du monumeut, ne permet plus aucun doute à cet ^rd : ils ont trouvé, dans unu piirlie du gros mur qui soutient la char- pente, un parchemin malheureusement îllJMhle, des pièces de monnaies à l'eirigiu des rois Charles V, Charles VI, Henri VI, roi de France et d'Angleterre, Charles VII, et une assez grande quantité de jetons de Nuremberg du XV' siècle. Ce trésor avait été évidem- ment placé pour marquer la date de l'agrandissement de l'édifice ; or, Charles VII, le dernier souverain compris dans celte série numis- matique, a régné de 1422 à 14131. Des deniers de Guillaume, comte de Namur, qui faisaient également partie de la trouvaille, indique- raient peut-Ëtre que l'artiste chargé des Ir^vaui était flamand (I). On a encore construit ù la même époque (1460) la nicmticet, dix ans plus tard, le icpulcre et la chapelle qui le précédait.

XIV. Ainsi, au commencement du XVI' siècle, l'église Saint- Jean-Baplisle, était déjù considérablement agrandie. On y remar- riuait plusieurs chapelles de fondation, indépendamment du sé- pulcre : celle de Saint-Antoine appartenait aui seigneurs de Sex- fontaine ; celle de Sninl-Elienne était sous le patronage des sei- gneurs d'Autreville ; l'ainé des Choiseul était patron de Notre- Dame-des-Couluriers. Il y avait encore daiis la grande nef, contre les piliers, qui étaient peints A fresque, quelques autels particu- liers ; mais ils gênaient la vue du sanctuaire et l'on désirait de- puis longtemps les transférer ailleurs. Enfin, on connut le projet de construire aussi des chapelles derrière le chœur.

L'exécution de ce projet devait compléter l'édifice. On com- mença les travaui en 1517; mais ils furent plusieurs fois inter- rompus par la peste ; d'ailleurs l'argent manqua souvent, malgré la pieuse libéralité de quelques habitants qui se chargèrent d'une

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partie des constructions. On fit de noufelies concessions d'indol- gences, et Ton ouvrit le tronc du beurre^ destiné à recevoir les offrandes des fidèles qui voulaient user de certains mets défendus pendant le carême. C'est grâce à ces ressources extraordinaires eC aux subventions de la commune que Ton pût mener à fin l'entre- prise. Etienne Boullet, un maçon, était mattre de l'œuvre. La fii- brique lui donnait cinq sols par jour et payait ses valets. Le pied d'ogive se payait, aux frères Cussyn, deux sols ; les defs ràigt sols pièce, la forme cent six sols, etc. On employait la pierre de Ceffonds, de Chamarandes, de Choignes, deBrethenay, et même celle qu'on tirait des fossés. On termina d'abord le chœur, d'après le plan conçu au XV* siècle : œuvre magnifique (ojmt nmgni'- /IcNm), selon l'expression du doyen de la chrétienté qui, lors de sa visite, en 1520, ordonna de c faire brûler une lampe devant le corps du Seigneur, jusqu'au parachèvemenL > On fit ensuite les sept chapelles qui forment le pourtour et sur lesquelles reposeal les conireforts et arcs-boutants du chœur, à doubles rangs d'ar^ cades, avec pinacles, aiguilles, galeries et ces gargouilles aux fig«« res diaboliques qui grimacent à tous les angles. Enfin on ouvrit une porte nouvelle sur la place. C'est le portail des Baptêmes on de Saint-Jean. le style ogival se montre dans sa plus grande ri- chesse. Le porche a sept mètres de largeur sur deux de profcni- deur. On y arrive par sept marches. Dans sa partie supérieure, i trois mètres du sol, il est fermé par des rideaux de dentelle qni forment arcades et reposent sur quatre colonnettes. Les parois laté- rales et celles du fond forment des niches en partie fermées par des rideaux de dentelle et qui étaient garnies de statues. La porte a deux battants, en bois de chêne, récemment refaits avec une con- naissance parfaite du style ; ils sont séparés par un massif snr ieqod reposait la statue de saint Jean-Baptiste. Au-dessus règne un fron- ton qui a été refait en même temps que les portes et qui repré- sente le baptême du Précurseur (i). Toute la partie intérieure du portail était peinte ; la voûte était rehaussée d'étoiles d'or, sur fonds d'azur. La consécration de la nouvelle église fut faite en 1546, par

(I) C«s trcTtut Ant éU» txécnih par le Mal^itear Ragot, charge* depaia par le ment de la rettaoralion de tout l'édifice^ août la direction d'ao architecte de Parie.

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l'biUbert de Beaujeu. évâque de Belhléem. Les travaux étaient terminés depuis trois ans, ainsi que rindiijue l'insuriplion suifante qu'on lisait sur le pilier de la chapelle Sainte-Anne.

Lan mil V' XVIJ rusT commencé

k RELCnAKDIH l'ÉGLISE DE CeAHS ET rCST ACHEVÉE CN t'AnKÉE 1543.

XV. Depuis le XVII* siècle on n'a fait à l'église de Chaumont que des travaux de restauration qui l'ont mulilêc sous le prétexte de l'éclairer et de l'orner à la rumaint. Nous avons parlé ailleurs de ces Iravaun. Quand les lois révolutionnaires ont prohibé tout signe apparent du culte, on a abattu à l'extérieur les statues qui garnis- saient les niches encore vides aujourd'hui ; dans l'intérieur de l'édiftce, converti en temple à l'ËIre-Supréme, on a brisé tous les emblèmes monarchiques, toutes les sculptures qui rappelaient des titres nobiliaires. Au rétablissement du cuite, on s'est contenté de redresser les autels et de replacer sur les murailles les tableaux qui en avaient été détachés. L'église Saint-Jean-Baplisle menacerait ruine, si le gouvernement qui l'a placé au nombre des monuments historiques â conserver dans l'intérêt de l'art, n'avait ordonné sa restauration. Des travaux considérables, pour lesquels la yille a contribué, ont élé déjà exécutés. Mais visitons l'intérieur.

XVL Combien l'église Saint-Jean gagnerait en majesté si on la débarrassait de ces énormes bancs qui encombrent les trois nefs eldes boiseries dont on a revêtu plusieurs piliers et des chapelles entières I Nous remarquerons dans le chœur plusieurs tableaux. Celui qu'on a placé au fond et qui représente une tcùnc du mariijre t!e saim JeiuiGapthlr, est fort estimé. On l'attribue à un maître de l'école espagnole. M. Garnier, médecin de ^iancy, â Chau- roonl, l'a légué â la fabrique par un testament qui renfermai! des legs considérables en faveur de l'hâpilal, des capucins et des jé- suites. L'encadrement de ce tableau a été sculpté par Landsmann, riiabile compagnon de Jean-Baptiste Bouchardon.

On attribue le Sahil-Alexh à André del Sarto. Il porte de la main gauche un chapelet qu'il soutient de la droite ainsi qu*un bâ- ton depéimn, dans l'attitude d'un homme qui marche en priant :

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c Ce mouvement, a dit le peintre Dalle, est si beau, si étégant» si gracieux, si heureux, que vainement nous tenterions de le décrire ; bien plus inutilement encore essayerions-nous de donner mie idée de la beauté de la tête qui nous parait digne de Raphaël. > * Le pendant, V Ange-Gardien^ est beaucoup moins estimé et Dalle doutait de son originalité : on le dit de Ciro-Ferri. Ces deux Ia- bleaux avaient été envoyés de Rome par le fondateur de la chapelle Saint-Luce. Les peintures ovales qui représentent le buste du Chriit et celui de la Vierge, sont du langrois Richard Tàsael, dont les œuvres les plus considérables enrichissent le iniisée de Dijon. Les peintres chaumontais, Adrien Tassel et Danieli son fib, qui ont exercé leur art pendant tout le XVI* siècle, étaient, sans aucun doute, de la même famille que Richard, peut-être même le père de celui-ci, Pierre, n*a-t-il émigré sur Langres que quand ses concitoyens de Chaumont sont devenus ligueurs. Sur le reeondiUh' ritim sont deux Angci- Adorateurs de Jean-Baptiste Bouchardon. Ces deux statues de grandeur naturelle, ont été tirées de la cha- pelle des Ursulines.

XVII. Si nous descendons du chœur dans la grande nef, nous y admirerons le bancd*œuvre et la chaire à prêcher ^ compositions dont Bouchardon père donna le dessin et qu'il exécuta avec Landsmann. La chaire à prêcher a été payée à l'artiste quatorze cents livres. La famille Bouchardon occupait le huitième banc de la nef, sous la chaire ; les descendants de Hontmirel avaient trois places gratoi- tes dans le septième et Ton voit encore au pilier, près de ce hanc* le portrait du célèbre chaumontais. Le buffet de l'orgue n'offire rien de remarquable. Son origine remonte à Tannée 4619 ; mais le jeu n'a été bien réellement organisé qu'en 4642, par D. Gillet, organiste à Clairvaux ; alors on l'a confié à un musicien de la ville, Sébastien Iluguenet : auparavant on faisait venir un joueur des environs pour les grandes fêtes.

XVIII. Nous entrerons dans le sépulcre par la petite porte pra- tiquée sous la tribune de l'orgue, car nous voulons visiter toutes les chapelles en faisant le tour de l'église pour revenir au grand portail. Le sépulcre, fondé par Geoffroy de Saint-Blin, no reçoit le

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jour que par une étroite fenêtre ; i) renrcrme un espace de douze roèlres carrés environ ; sa hauteur sous clefs est de cinq mètres. Lavoilte est forméede caissons à Titisceaui de nervures priâmaLiques qui s'appuient, du côté du coucliant, sur des anges aux ailes dé- ployées et, du côté opposé, sur des piles â nervures anguleuses sur- montées de cliupiteaux oïl divers animaux se cacbent dans le feuil- lage. Les piirois étaient recouvertes d'une riche peinture à l'huile, simulant des draperies, qui a disparu presque partout. Les caissons de la vûùte sont étoiles d'or sur fond d'azur ; les deux clefs admi- rablement sculptées, repriisentent la Justice et la Chanté habillées d'or, d'hermine, de pourpre, et trôiuinl, l'une avec ses emblèmes l'épée el le sceptre, l'autre au milieu déjeunes enfants. Une sorte d'auréole d'or, sculptée à jour, entoure chaque groupe ; on lit sur celle de la Justice : Ri^dde umcuiQitE: quod svuh est ; rendi à chacun ce qui liù apiiarùenl; et sur l'autre : Estotf. kisericordes siCDT PATER VESTEH uisEiticons EST, loijui miséricordieux comme voire père al miMéricorâicux. Sur le mur, au-dessus des statues, on a représenté des anges en adoration ; de l'autre côté sont les armoiries du fondateur el celles de Marguerite de Baudricourt, sa femme, fl faut descendre deux marches pour arriver près du lam- beau dont le couvercle sert de balustrade en avant du ^oupe. t Le corps mort de Jésus, le long suaire sur lequel il est étendu, la grande pierre qui le renferme sont d'un seul morceau, el pourtant les genoux se détachent du fond de manière qu'on peut les entou- rer de la main. La sbiue est d'une beauté, d'une vérité frappante. L'IIomme-Dieu n'a pas perdu sa majestueuse sérénité, bien que le corps participe de la raideur du cadavre. Malgré la sueur d'agonie qui a collé cette barbe, le froid de la mort qui a creusé les yeux, entrouvert les lèvres, aminci le nez en resserrant les ailes, la divi- nité habite encore ces membres glacés (1). > Au pied du tombeau Nirodéme agenouillé se prépare à oindre de parfums le corps de son maître ; à la télé est Joseph d'Arimathie, dans h même attitude. Dans le fonJ, sur le premier plan, sont agenouillées /cj rroii itfa- ric(, la mère de Dieu, Marie-Madelaïne et Harie-Salomù ; au second plan se tiennent debout le Cettlenier, Saint Jean qui soutient ta

fi) CwlarJ . BUloire e( tabltau de léglite SaintJtan-Baptiite, p<b» 37 .

Viei^e évanouie, Marie mère de Jacques, Vinmique ei /i Majeur. Toutes ces statues, rehaussées de couleurs encore riâiies, quoique ternies par le temps, sont d*une exécution parCûte ; Tar- liste a su donner à chaque personnage l'expression qui eoafe- nait, comme aussi se conformer aux convenances du costume ; il a varié avec beaucoup d*art la pose et Tagencement des draperies. Le groupe de talnt Jean et la Vierge est d*un seul bloc de piem. Le sépulcre de Chaumont, avec ses figureâ parlantes, a de tous temps été placé au rang des productions remarquables de Tari en mojen-âge ; les rois et tous les grands personnages qui odI tra- versé la ville l'ont visité: le 30 juin 1626 le prince de Condé ar- riva à Chaumont A dix heures du matin , accompagné seuleiiieiit de huit cavaliers, et sa première visite fut pour le tombeau du Christ ; il donna en offrande un lésion.

XIX. La seconde porte du sépulcre, celle par laquelle nous sor- tons, ouvrait dans h chapelle Baudricourt, élégant monument de la fin du XV* siècle, qui a été détruit h la révolution, parce qu*on y retrouvait partout les fleurs de lys. On a brisé A la même époifoe les deux gardes-sépulcre^ statues colossales qui défendaient Toitrée du tombeau à l'extérieur de l'édicule. Pour faire disparatire les traces de cette dévastation, on ne trouva rien de mieux, en 4 802» que de revêtir la muraille de sculptures d'époques différentes, re- cueillies dans plusieurs églises et qui forment un ensemble du plus mauvais goût, sans proportions et sans caractère. C'est un avaai- corps c'X)mposé d'un fronton que soutiennent quatre colonnnes de marbre noir posées sur un massif de maçonnerie. Au-dessus de la porte se trouve un grand Christ en croix, œuvre du plus fidble mérite. Il provenait de l'abbaye de Longuay. Entre les colonnes sont deux statues de bois, imitant par la peinture la pierre lisse : a droite la Vierge au Calvaire^ à gauche le Christ appuyé sur sa croix. Ces statues avaient été sculptées pour l'abbaye de la Crète, par Bouchardon père, d'après celles qu'Edme Bouchardon a faites pour l'église Saint-Sulpice de Paris et qu'on y voit encore. Sur le fronton se dressent de petits obélisques en marbre de diverses couleurs. Ça et là, on a scellé des têtes ailées et des inscriptions en lettres d'or.

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S87 Le caveau de b chapelle BaudricouH a été plusieurs fois ouvert. On y est descendu pour la dernière fois il y a une dizaine d'années. Il était rempli des débris de la chapelle, sous lesquels on a encore retrouvé beaucoup d'ossements. C'est qu'avait clé déposé le corps de Magalotli. On en a facilement reconnu la tête qui avait été tra- versée par une balle et on l'a mise à part, sous un glohe de verre, avec une inscription sur parcliemin qui rappelle les circonstances de la mort du général.

XX. La première cliapelle du collatéral de gauche est aujour- d'hui celle de Saini-Bncb, possédée autrefois par les huissiers et sergents royaux qui y avaient fondé une confrérie en \&il. La cha- pelle Suint-l'i'ej a été construite par Gilles de GieVr lieutenant- général à ChaumonI et bailli de Langrus et par Colette llenneiiuin, sa femme. Maurice de Giey, leur fils, grund archidiacre de Troyes, y avait fondé des anniversaires. On remarque dans celle chapelle un beau crucifix en ivoire. Elle était occupée par le présidial, par les avocats et procureurs qui y avaient établi leur confrérie. Le tableau qui forme le retable de la chapelle Suint-Sùbnsiien est de Dalle. Le martyr est attaché ù un arbre ; deux femmes arrachent les flèches dont son corps est couvert. Sa'mle Calhcrîne est peinte en grisaille et sur bois dans la chapelle qui porte son nom. Cette cha- pelle appartenait encore, il y a un siècle, au président de Gondrecourt et à la famille de Laharmand ; elle avait alors pour patron saint Eustache. La chapelle Sahtl-Lucu n'a pris ce vocable qu'en 1802, lorsqu'on y a placé le tableau du martyre de saint Lucp, qui déco- rail h chapelle de ce nom et qui, comme le Saint-Ale.\is et l'Ange- Gardien, avait été envoyé de Rome par le fondateur. Dalle attri- buait celle peinture, dont il a fait une copie, il Pierre de Cortone. Avant la révolution, cette chapelle était dédiée à saint Etienne; elle était occupée par la confrérie des drapiers.

XXL Dans le croisillon de gauche du transept, se trouvent le portail Saint-Eloi et l'escaher en escargot qui conduit à la galerie du chœur, est une grande toile peinte par le Chaumontais Laliier ; elle représente Hérode repris par saint Jean. C'est le iVon lied, ainsi appelé des premiers mois de la réprimande du Précurseur.

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Ce tableau D*est pas sans mérite. Bénigne Lallier, à Chamaont en 1689, mort en 176^, était fils d*un lanternier; en étudiant sous un bon maître, il aurait pu devenir un excellent artiste ; mais il n'a jamais quitté sa ville naLnIc. Il fut le premier maître d*Ëdme Bon- chardon et de Guyard ; D.ille était son petit-fils ; il est donc l'un des plus importants rameaux dans la filiation des artistes chanmon- tais. L*autel Scùnt-Eloi n*est remarquable que par sa composition : il est orné de colonnes torses dont le travail serait bien plus remar- qué si les détails n*en étaient pas recouverts d*une épaisse couche de peinture. La confrérie des serruriers, chaudronniers et maré- chaux s'était entendue avec les menuisiers de la chapelle Sainte- Anne du croisillon de droite, pour la construction de deux autels pareils dans le transept. Au pilier sur lequel s*appuie la chapeUe Saint-Eloi est sculptée une Mère^dc-Pitié qui correspond au Dieu- de-Pitié du pilier opposé. Comme objet d'art, cette sculpture est sans valeur*, mais elle a reçu les prières et les vœux de bien des afiligés.

La chapelle de h Réiurreci'wn a été fondée par Jean de Hesgri* gny, lieutenant-général à Chaumont, à Tépoque du dernier agran- dissement de Téglise. Il y a été enterré avec Jehannette Dorey, sa femme. Cette famille s'était retirée à Troyes dès le XVII* siècle. Au rétable de la chapelle Saint-Hubert^ dite aussi de Sainte^Mar- guérite et des AgonisaniSy est un Saint-Joseph-Agonisant peint par Edme Bouchardon. Ce tableau que le célèbre sculpteur a peint à l'âge de dix-neuf ans, d'après une gravure de Carie Maratte, n'a d'autre mérite que son origine ; le coloris en est mauvais ; mais le dessin révèle déjà le crayon qui devait faire l'admiration de l'Eu- rope. C'est la seule œuvre de Bouchardon que possède la ville de Chaumont. ,

XXII. Nous entrerons dans la sacristie, dont la porte se trouve dans la chapelle Saint-Hubert. C'est une construction du XV* siècle, mutilée comme le reste de Féglise. La salle du rez-de-chaussée est voûtée ; mais elle a perdu tout caractère depuis qu'elle est entourée d'armoires et de boiseries modernes, et surtout depuis qu'on y a f dit un nouvel escalier pour monter à rélage supérieur. On remar- que dans ce revestiaire un ancien calice en vermeil, sur lequel sont

représentées en relief diverses scènes de la Passion ; plusieurs beaux gnduels â miniatures et surloul un missel diocésain, im|iri- en 1517, dont les initiales el les gravnroâ sont enluminées et rehaussées d'or. C'est le seul eieinpluirc connu qui ait été aussi richement orne et il Tait l'admiration des artistes. On conserve dans b salle basse le portrait de Jean de Monlmirel ; c'est celui qtia s'étaient transmis les deseendanls de ce prélat (1); on a donc tout lieu de penser qu'il est original et que celui du pilier de la nef n'en est qu'une mauvaise copie. Les reliquaires n'offrent rien de remarquable sous le rapport de l'art. Il est à regretter qu'on ne retrouve plus au trésor que quelques lambeaux des belles tapisse- ries de haute lisse donjiées k la Hibriquc por Guillaume ïtosc en 1601 cl par mademoiselle de Briocourt vin},'t ans après. Les pre- mières, en huit pièces, représentaient l'Iiisloire de David; les autres, en quatorze pièces, diverses scènes de la même histoire et le mariage de Jacob.

XXllL La cbapelle Saini-Nicola! esl en même temps dédiée à Saint -François-Xavier. Le tableau du rétable a été tiré de la chapelle des Jésuites : Saint Ignace donne à Saïjit François mission do prêcher dans les Indes. Les dou.v iicrjonnages sont dans le milieu du tableau, au premier plan, en habits sacerdotaux; dans le haut apparaît Jésus, au milieu d'une gloire el appuyé sur sa croix ; daus le bas esl le monde à convertir et qu'un hideux serpent élreinl dans ses replis. Au fond de cette chapelle se trouvait une image do Saint Pierre sous laquelle Boucbardon avait deux places. En face de l'autel est un arbre de Jessé qui se détache de la muraille en haut relief. Jessc est endormi au pied de l'arbre dans une chaise gothique ; les autres personnages , demi-nature , assis sur ies brauches, représentent la généalogie do la Yiei^e ; l'image de la mère de Jésus a été brisée. Celle remarquable composition ressemble, en tous points, aux arbres généalogiques dont la gravure sur bois enrichissait les in-fuUo , imprimés dans les demi6res années du XV' siècle. Sans aucun doute, elle date de la constmc-

iiidiilluDlD>>r>].

litdl.r:.(iic; Il le IcDû^l d.i Jrn

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ac- tion de la sacristie. La famille De Mailly avait sa sépulture prit d^ la chapelle Saint-Nicolas.

XXIV. Nous arrivons au rond-point , derrière le chœur. La chapelle est dédiée à la Vierge. Les trois fenêtres sont garnies de vitraux peints, production de l'art moderne. La verrière du milieu est formée de médaillons représentant les mystères de la vie de la mère de Dieu. M. Maréchal, de Metz, a peint, sur les deux autres, les quatre évangélistes dans des niches du XVI* sièrJe. L'autel» en bois doré, œuvre de Jean-Baptiste Bouchardon, avait été fait pour le chœur. C'est un morceau remarquable mais dont les proportions ae sont pas en rapport avec Tétroit espace on l'a relégué. Les gradins sup- portent des colonnettes grecques. La vierçe est sous un baldaquin entre deux autres statues. Une chapelle de la Vierge avait été fondée en 1355, dans l'église de Cbaumont, par Huon dit Lebruin ou Lebrun, marchand. Il s'en était réservé le patronage qui a ensuite appartenu à Tainé de la famille de Choiseul. On l'appelait la Notre-Dame des couiiuriert parce qu'elle était entretenue par les maîtres tailleurs. La chapelle actuelle a été construite au XYI* siècle. Une confrérie du Rosaire y avait été établie en 1633.

XXV. La chapelle Saini-Jean-Bapiisiey la première en descendant par le collatéral de droite, a été construite par les soins du chanoine Pierre Malingre qui l'a dotée en 1532. Les de Grand, les Gousset, les Perret et les Guyot, alliés par mariages aux Malingre, y avaient leur sépulture. C'est aujourd'hui la chapelle du Sacré-Cœur. Les statues de saint Augustin et de sainte Ursule, en pierre dorée et de grandeur naturelle, qu'on remarque dans cette chapelle, sont de Jean-Baptiste Bouchardon ; elles faisaient partie du bel ante| des Ursulines et ont coûté trente livres à la commune lors de k vente du mobilier des couvents. On y remarque encore une Aiiiioa- ciaiion de Richard Tassel. Cette peinture ornait le rétaUe de l'ancienne église Saint-Michel.

Vient ensuite la chapelle fondée par le prévôt Jean Rose et qu'on a successivement appelée des Rose, de la Croix et de la Passion. Elle est placée sous Finvocalion de V archange Saint Michel. Après Jean, le prévôt Kicole Rose, son fils, a possédé cette chapel:e

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il était enlerré avec Cutherlae Desfonni, sa femme. Près de leur sépullure était le cœur de l'évéque Antoine Rose et celui du jésuite Guillaume Rose, leurs Tds. Le conseiller Claude Rose succéda à Nicole, son père, et enfin la chapelle passa aux de l'oirresson, par le mariage de Jean avec Marguerite Rose, fille du conseiller. Plus rien n'y rappelle le souvenir de ces familles. Deux statues en liois peint provenant du couvent des capucins, sont placées sur l'autel; elles représentent laini Franfolt dAu'ue et sainte Clain;

La chapelle de la Nmiviiéy construite aux frais d'Elienne Fagolîn en 1529, était réservée â celle famille. Nous signalerons sur l'autel une statuelle de la Viei^, en pierre. Elle est do Jean-Bnpttstc Boucbardon. au pilier qui sépare cette chapelle du transept su trouve le Dicwde-Pîtic. La tradition explique ainsi l'origine de ce monument : lors de r.'^granJissement de l'église, au \V[* siècle, un bourgeois et sa femme ont laissé démolir leur maison sans in- demnité, maisAlacoiidilionqu'ilsseraient représentés, dans le nouvel édilice, agenouillée aux pieds de Jésus. Les deux siatnetles posées devant le Dicu-de-Pilîé sont les images de ces pieux chnumontais. En grattant te badigeon au Irnnsept, au-dessus de la porte Sainte- Anne, on a découvert, il y a quelques années, une fresque datée de 1549, représentant le niarri^ref/t^jainlHi/ipo/iffc. Deux personnages prient, agenouillés en un coin de la scène : ce sont peut-être les mêmes que ceux du Dieu-de-Pitié. Dans le même croisillon se trouve ui'e tUcollalinn de salnl Jmn-Bapl'uU, peinte par Lallier. C'est le pendant du Aon Ikct. L'autel est semblable h celui de la chapelle Sajnt-Eloi. La Sahite-Ainie qui est au retable est de Dalle. La confrérie de Sainte-Reine ou des menuisiers entretenait ct^te chapelle dans laquelle la mairie avait fuit une fondation en 1655, t pour rendre plus recommandahle et plus solennelle la fête de la glorieuse et puissante vierge martyre. »

XWL La commimaulé des maîtres tivîers, si nombreuse autre- fois à Chaumont, avait fondé la chapelle Saint-Pierre les con- fréries Saini-Anioine et Saint-Fiacre vinrent ensuite s'établir. Les arquebusiers y faisaient aussi célébrer, le 18 janvier, une messu solennelle à laquelle toute la compagnie éLiit tenue d'assister, le roi du dernier tir, qu'on appela:! te /ici da poii, à cause du g,'iteau des

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rois, portant une masse d'argent parsemée de fleurs de lys d'or, qoe h fabrique prétait moyennant huit sols. Le rétable de cette chapelle est d'ordre corinthien ; il est composé d'un entablement et d'un fironton soutenu par des colonnes de marbre noir ; les trois niches entre les co- lonnes sont occupées par les images Saint-Pierre, Saint-Paul el SainW Antoine ; Saint Fiacre est placé à l'entrée de l'édicule , sous im dais entretenu par les jardiniers. La chapelle Saml-Jeaff-TEMni- géliiie était occupée par les bouchers qui y avaient fondé une con- frérie en 1741 , avec les boulangers et les pâtissiers, nosiears bourgeois des vieilles familles de la ville y avaient leur sépulture. On y avait aussi placé l'image de sainte Catherine et celle de saint Henri sous laquelle noble Henri Tharès, bourgeois, et Ihifuerite Perrin, sa femme, étaient enterrés. Ce n'est que plus tard les boulangers ont fondé la petite chapelle Sainl-'Honoré. Sami Jottph le patron des ouvriers en bâtiments , charpentiers , maçons , couvreurs, etc., a toujours eu son autel sous la travée qui piéeède le portail du baptême. En 1640, le chanoine Jacques Gaucher, lUs de François et de Jeannette Amoult, fonda la fête de ce saint qui devait être célébrée comme celle de la Vierge ; il avait stipulé qu'à l'issue des secondes vêpres tout le chapitre, avec les chantres portant le bâton d'argent, iraient sur la sépulture des parents du fondateur, prés de la chapelle Saint-Blai$ey de l'autre c6té du portail» poor y chanter tin miserere et d'autres prières, et qu'après le chant on distribuerait au doyen seize sols, à chacun des chantres et choristes dix sols, à chaque chanoine huit sols, quatre à chaque prébendier, deux à chacun des prêtres habitués, autant à chaque bedeau et un sol à chacun des porte-surplis et enfants de chœur. Jacques Gaucher, docteur en théologie, conseiller aumônier du roi, chanoine de Sens et de Chaumont, avait pour frères quatre écuyers avocats en parlement. Il est mort au château de Dormet-les-Montereau, le SS novembre 1641. Son cœur, apporté à Chaumont, a été déposé dans la chapelle Saint-Biaise. Cette petite chapelle, située au pied de la tour et qui était primitivement celle des fonts, est remarquable par sa voûte surmontée d'une balustrade en pierre. Elle était oc- cupée, en 1740, par le chanoine Guyot, héritier des Gaucher. Déjà à celte époque elle n'avait plus d'autel ; mais les notaires y avaient fait placer un banc. Aujourd'hui elle est entièrement fermée.

XXVII. Les tours de l'église Saint-Jean renferment cint] cloches; Irois de moyenne grosseur et deux petites. La plus forte a été fon- due aux frais de la ville en KiSl. La seconde vient de l'égtise Saint-Bercliaire de Chàteaurillain ; elle a eu pour parrain Nicolas de l'HApilal, marquis de Vitry, et pour marraine Francoise-Uarie Pot de Rhodes, femme de Frantois-Marie de l'IIùpi la! -Vitry ; elle porte le millésime 1652. La troisième date de 1777. La quatrième a éié fondue à Louvain, en 1727. La dernière est une cloche com- munale fondue en 1677 pour la tour de l'Horloge; transportée dans le clocher du nouvel Ilûtel-de- Ville, elle a été échangée en 1821 contre une cloche de la paroisse.

Notre visite à l'éghàc paroissiale a été longue ; mais nous tenions â faire remarquer toutes le^ beautés de ce monument, à signaler tous les objets d'art qu'il renferme encore ; et combien de précîeui souvenirs n'y avons-nous pas retrouvés 1 Maintenant reprenons notre promenade dans la vieille ville il ne nous reste plus que le quartier de l'Orme i parcourir.

XXVIII. Le quartier de l'Orme devait défendre la courtine depuis le bastion de Bracancourt jusqu'au bastion de la porte de Buxe- rcuilles, celle porte avec le bastion et la galerie derriùre les mai- sons des Poulils. Sa milice avait pour point de ralliement la place de l'Orme. Il comprenait les rues actuelles de t'Ornu, Damiémonl, de Brabaiit, BoucharJon, Suinl-Loitii et Sninl-lgnacc. La pramière de ces rues porLiit au XIV* siècle le nom du Sire Erarl ; au XVI*, on l'appela rue Hure ou Hard, du nom d'un de ses habitants, et c'est au temps de lu ligue qu'elle reçut sa dernière dénomination, lorsqu'on eut planté un orme près de la croiï nouvellement élevée sur le carrefour, â l'entrée de la rue Damrémont. La croix et l'arbre qui la couvrait de son ombre ont disparu depuis longtemps. C'est dans la maison qui porte le n" 12 que naquît, le 18 juin 1761, Denis Decrès, fils de Pierre, ancien ofBcier de cavalerie, et de Jeanne Graillct. La ville a récemment acheté la maison 9 pour y transférer la cure, établie précédemment rue de Brabanl n" 1 3. La rue Damrémont s'appela d'.nbord ruelle de Chaadc-Jiue ; Jehan Miche- lin, qui vint s'y établir à la lin du XV' siècle, lui laissa ensuite son nom, auquel on a substitué, en 1838, celui du général tué sous les

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murs de Constantine. Ghariet-lhrie Denys, comte de DuorioMml, était dans la maison de cette rne qni porte le n* 5, le 8 fémer i 783, d* Antoine Denys, commissaire des guerres, et de Marie- Henriette Hannaire de Viéville.

La rue de Brabam semble la continuation de celle des Pootils : elle prend naissance à Textrémité de la rue Saint-Jean et aboutit à la rue Bouchardon. Elle tire son nom de Jehan Brabant, lieutenant- général du bailli en 1315. La famille de ce magistrat s*étant fixée à Chaumont, noble bomme Philippe de Brabant et Catherine de Bourmont, sa femme, ainsi que leurs fils Henri et Nicolas, dmit le premier avait épousé Isabelle de NeufchAteau, firent des donations à réglise Saint-Jean au commencement du XV* siëde. Georges de Brabant était, à la même époque, protonotaire du Saint-Siège, cha- noine de Saint- Germain-FAuxerrois et prévôt de Champean à Paris. Etienne Perret, lieutenant-général pendant la Ligue, habitait aussi cette rue où, depuis 1541, existait une école communale et qu'on appelait la rue du Grand-ilollége. En 1602, .elle devint, pour quelque temps, la rue du Vieux-Collège^ après le transfère- ment de cette école dans la rue Chaude, puis elle reprit le nom de firabanf qu'elle n*a plus quitté. Elle était parcourue par toutes les grandes processions ; celle du Pardon y faisait deux stations, la première devant le théâtre des ProphêteSy qui fermait la me Saint- Jean, Tautre près de la rue Chaude, devant le théâtre de VAccou^ chement d^Elisabcih. La maison qui porte le n* 10, est bâtie sor Temphcement de la chapelle Saint-Luce; au n* 12, logeait le fa- meux Radelski, pendant le séjour des alliés à Chaumont, en 1814.

XXIX. La rue Chaude porte aujourd'hui le nom de Bouchard don. La maison de Jean-Baptiste Bouchardon a le n* 27 : c'est que sont nés Edme et Jacques-Philippe, l'ainé le 29 mai 1698, le second le 1*' mai 1711 (1.) Les actes du KIY^* siècle portent Chaude rncy et quelques-uns y ajoutent, avec toute la licence du temps, une explication qu'il ne nous serait pas permis aujourd'hui de reproduire ; les curieux pourront la rechercher dans les contes

(I) Vojc/c noire Notice sur Edmc Bouchardon, Vcrs«illc», I83T, io-S».

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drolatiques do Balzac (1). Cette rue, qui longeait le mur du cliâ- leau, inlérieureinenl, a encore élé désignée sous d'autres noms : à la un du W'V siècle on l'appelait quelquefois rue du Grenier-à-wl; puis on a dit rue du Vieux grmier-à'sel, lorsque cet établissement a été transféré dans la rue Viéville ; on trouve aussi rue du CoUàje- Neuf\ mais l'ancienne dénominalion a prévalu jusqu'en 1S3S. Les Daunoj habitaient la rue Cbaude au \1V* siècle, et leur liiMel, qui appartiendra plus tard aux Rose, devint par héritage la propriété du baitti Guillaume de Poitiers, bâtard de Langres. Les Ualingre demeuraient dans la rue Chaude dès le XV' siècle ; les Mont- mircl aussi, tout près de la grande porte du Barle. Les Gousset s'y sont établis au XVI' siècle. Jean Gousset est le premier juris- consulte qui commenta < Les lo'it muniripalct et coulamei gêné' rnUida bailliage de Chaumonl-en-Baisignij. » Il a dédié son livre à Gabriel Le Genevoi:; de Bossancourt, doyen de la cathédrale de Langres (1502-1589), puis évêque de Noyon et pair de France (2). Gabriel, t homme docte et bien avisé, > qui fut promoteur du clergé aux étals de ftlois, était originaire de ChaumonI : son aïeul Louis deSancey avait élé au W* siècle heutenanl-général en celte ville et il avait eu pour successeur Antoine des Essars, sieur de Lîrej, qui avait épousé Catherine Le Genevois. Les Rose et les Gon- drecourt habitaient la rue Chaude ; leurs lidiels étaient voisins et devaient être réunis plus tard comme lesdeui familles. Ils soûl de nouveau divisés depuis quelques années : l'un, l'ancien hôtel Daunoy, qui ne s'est agrandi que par suite de la démolition dos murailles du château, a son entrée principale dans la rue de Buxereuilles, et nous n'avons pas à nous eu occuper ici ; l'autre, qui porte le n' 14 de la rue Boucliardon, avait toujours eu, depuis Guillaume Rose, une cha- pelle particulière qui n'est supprimée que depuis quarante ans, et que le savant bénédictin Lambelinot a desservie pendant quelque temps, après sa sortie de la prison des prêtres reclus, en 170G. Nicolas Lambelinot, ou Fays-Billot le 21 février 1722, est mort à Chau- monI le 3 février 1802. Il est enterré au cimetière de l'hôpital. Jl

bIocuo cIii Sueeube.

iinllcde ir>J3, inf. Ëninil. i

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avait légué aux pauvres son petit mobilier. On avait publié de lui deux volumes de travaux historiques et il a laissé six in-folio manuscrits sur les conciles. A Textrémité de la rue, vers la porte de Buxereuilles, est THôtel-de-la-Prérecturei ancienne maison des Carmélites. Quand on a Terme ce couvent, en 1792, la communauté se composait de vingt religieuses de chœur, trois converses, deux novices et une tourière extérieure. L'administration du district y a été de suite installée. Quelques années plus tard on y a transféré les archives départementales, qu'on avait formées d*abord aux Ur- sulines, des archives particulières de diverses maisons religieuses supprimées et des papiers de quelques familles d^émigrés (1) ; ai- fin, lors de Finstitution des préfets, le bâtiment a été définitivement affecté au service de la préfecture et Ton y a commencé des tra- vaux qui n'ont été terminés qu'en 1810. La chapelle est aujoar- d'hui la salle des grandes réunions ; on a enlevé les belles pein- tures qui en décoraient le plafond ; le portail a été complètement refoit. On monte aux bureaux par la cour de la rue Bouchardon ; c'était autrefois l'entrée principale de la maison, mais la porterie en avait été détruite quinze ans avant la révolution. La cour d'hon- neur ouvre sur la rue de Buxereuilles, dont elle est aujourd'hui séparée par une grille en fer ; c'était le cloître des religieoses. On avait vendu presque toute la partie des bâtiments qui s'étendait entre la chapelle et la rue Saint-Louis. En 1814, le prince de Harden- berg, ministre de Prusse, logeait au n* 20 de la rue Bouchardon, maison Guyardin ; lord Cnsteireagh, habitait la maison n* 6 et c'es^ qu'a été conclu le traité de Chaumont, dans la pièce qu'on dé- signe sous le nom de Grand-Salon-Rouge.

XXX. Un long groupe de maisons s'étendait depuis les Carmé- lites jusqu'à la tour du Barle ; il s'appuyait sur les fortifications du château.

Après la suppression de la vieille enceinte les choses restèrent encore dans le môme état, on ne songea pas à ouvrir des rues nou-

(Ij Nous »vnn% piibliô à Roiin<i, en IK38, un Mémoire sur les arckivu delà

Haute-Marne, que non!) nvion^ adr«*st(' au minii»tr« do l'inslrnction pablique. Ce titiYail

a ('lé roproduit par la Chronique dc Champagne cl par V Annuaire au dioeésê de Langres.

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Telles sur le remblai des Tossés ; mais, en 1631, le maréchal tie ta Force, envoyé par le roi pour reconnaître les travaux néces- saires â la défense (te ta place, fut frappé du danger de celte situa- lion et il ordonnai l'administration municipale de faire percer deux rues à travers ce groupe. La ville manquait des ressources néces- saires pour mettre les ouvriers à l'œuvre et on attendit quatre ans ; alors un membre du conseil, Guillaume Millard, fil ouvrir i ses frais la première des mes projetées, qu'on appela &if«l-LoiiJi du nom du roi régnant. La ville s'était engagée à lui donner deux mille livres, dont quatre cents en commençant les travaux et le reste après leur entière exécution. La seconden'a été percée qu'en 1671 et, comme elle aboutissait en l'ace du collège des Jésuites, on lui a donné le nom de Saim-Ignacc,

Notre chronique des rues du Château est terminée. On sait que cette partie de la ville était séparée du Bourg par une ligne de for- tiQcations détruite en 1590, pendant la ligue. On en avait cependant conservé les trois portes qui ne furent d'^mulies que plus tard, la porte aux Clera en 1027, la porte Arse en 1780 ; le Barfcen 1788. La tour du Barle était le principal point de communication entre la vieille ville et la nouvelle ; de nombreux souvenirs histo- riques s'y rattachent; nous les réunirons au commeucement delà chronique du Bourg.

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CHAPITRE II.

I. La porte du Barle par l'on sortait du Cbfltoau dans le Bourg, sous une arcade voûtée A plein cintre, s'élevait au centre de la ville sur le carrefour auquel aboutissent les nies de l'Ange et Boucbardon. C'était une tour carrée, percée de mâchicoulis et défendue par le fossé du cliûteau, sur lequel retombait un pont-

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leris. Sa largeur, à la base, était de qnarante-hnit pieds ; m hau- teur, du sol à l'extrémité de la flèche qui terminait tme toilare à quatre pans, en avait cent vingt-neuf et cinquante-huit jusqu'à la naissance du toit. Le passage, sous lequel se faisait Texposition publique des criminels, avait dix-huit pieds d'élévation, sous clef, du côté de la rue de l'Ange et douze sur le fossé ; sa largeur me- surait treize pieds. A gauche, d^ns le massif, était l'escalier, dont la porte ouvrait près de la rue Bouchardon, à droite se trouvait une pièce obscure, espèce de corps-de-garde ou de priscm, qui avait son entrée sous l'arcade.

Lors de l'établissement de la commune, c*est sur le Barle que fut placée la cloche communale, signe de la liberté, dans un pma' cle en plomb. Au XY* siècle, les habitants y firent placer une hor- loge qui sonnait les heures et les marquait sur un cadran i Texté- rieur de la tour ; alors la première cloche, qui ne pesait que trois cents livres , devint un des rappeaulx et on en fit fondre une seconde, plus forte, pour la sonnerie et pour la lappe du gmei. Quand la commune devint toute puissante, à l'époque de la ligue, le conseil, qui jusque-là n'avait pas eu de local spécial pour ses réunions, se fit accommoder une chambre au premier étage de h Tour-de-1'Horloge, c pour y traiter les albires de la ville et y serrer les papiers d'icelle. > C'était en 1 574. Trente ans après, lors de rétablissement de la mairie royale, il plaçait solennellement sur la façade, du côté du Bourg, le buste de Henri lY, en pierre. Le Barle était donc transformé en Hôtel-de-Yille. Cependant on ne commença à y tenir les assemblées générales qu'en 1624, conformément à un arrêt du conseil privé, pendant les conflits entre l'autorité com- munale et les ofliciers du roi. La tour avait trois étages éclairés chacun par deux fenêtres qui prenaient jour sur la rue de l'Ange. Ces fenêtres étaient d'anciennes arbalêtrlères qu'on avait élargies. Au premier était la chambre de ville, vaste salle lambrissée à hau- teur d'appui et tendue de belles tapisseries de haute-lice. On y tenait toutes les réunions. C'est que s'assemblait le corps de ville pour les solennités publiques ; c'est de qu'il partait avec les délégués des bourgeois, en robes citadines et toques de velours^ pour iaire aux grands personnages les honneurs de la cité , pour leur offrir les brocs de vinsj les confitures, les dragées, et accomplir le

c<ïréiaonial usité en pareille circonslance. Un petil cabinet ré-eni dans l'épaisseur du mur rcnferniait les archives ; m.nis il n'y avuit pas de greffe ; le gieffier de la chambre, qui ébit procureur, tenait ses écritures dans son étude. Les étages supérieurs lormaienl le prde-meublt! de la commune. En ) 752, on remplaça le pinacle de l'horloge par un dôme élégant donl l'aiguille supportait un globe couronné de France et tout lleurdelysé ; alors le pont-levis était supprimé et le fossé était comblé.

L'administration communale a siégé au Barle pendant deux siècles; mais ce local était insuffisant et mal commode. Enfin, en 1780, le conseil arrêta le plan d'un hdlel plus vaste, et huit ans après, quand les nouvelles constructions furent A peu prés termi- nées, il ordonna la démolition de la vieille tour, dont il ne reste plus rien aujourd'hui. La rue ne conserve plus même le nom de ce vieux monument féodal ; on en a fait le prolongement de la rue de l'Ange.

D'autres souvenirs se rattachaient encore à ia peliteme du Barle: c'est dans l'une des maisons de celte rue que naquit le poète Le- moyne; dans une autre, proche le Durlc du Rehge, comme disait le peuple, était l'atelier des orfèvres Gédéon et Robert Lt-garé, donl les travaux faisaient l'admiration des artistes. Le 29 mai 1613, il y avait rèlo dans celte maison. Vers Ah heures les curieux envahirent la rue. Dienlôt arriva la compaj^nie des arquebusiers, en grande tenue, avec des Heurs à la boutonnière', elle fil halle un moment devant le Barle, puis elle reprit sa marche et se dirigea vers l'église, formant un corlège d'honneur à un nouveau que Gédéon allait faire baptiser. De nombreux viiaii se roèlèrenl au bruit des arque* buaades. C'est que le parrain, Pierre Brisejon, avait abattu l'oiseau, le malin même, pour la troisième fois consécutivement, ait conten- tement de tout le peuple.

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II. Du Barle nous irons sur la Grande-l'lace. Lu Itiolte qui est sur noire passage ne rappelle aucun souvenir historique. Ce groupe de maisons qu'on appelait anciennement la Pieire-à-l'Haile, parce qu'il a pris la figure d'une pierre i aiguiser, s'est formé au XIV' siècle ; alors il pouvait défendre l'entrée du Chdleau, en masquant a porte ; mais il n'est plus qu'un embarras pour la circulation.

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C'est sur la Grande Place, qu'on appelle maintenant Pla€9 ie la Concorde (1), qu'est construit le nouvel Hôtel-de-VilIe. L'archi- tecte Lancret a donné le plan de ce monument qui réunit Félé- gance à la sévérité du style. La lanterne qui couronne le pavillon du centre est Tancien clocher du Barle dont le conseil a exigé la conservation. On a été obligé de la refaire il y a vingt ans ; nuîs le dessin primitif a été religieusement suivi ; seulement on a subf- titué le cuivre au plomb dans la couverture de la charpente dm- vellc. Lors de cette restauration, la flèche qui a successivement porté la couronne royale, le bonnet rouge, le drapeau national, Taigle et une simple girouette, a été aiguisée en pointe aimanléa pour diriger la foudre ; elle n'est donc plus exposée à subir les variations de nos changements politiques. C'est la révolution qui a inauguré l'Hôtel-de-Ville. L'arbre de la liberté, planté au ped du grand escalier, n'a été détruit que dans la dernière année da consulat.

La Grande Place a été pavée pour la première fois en 1488. C'est que se tenaient les marchés hebdomadaires et les quaira grandes foires de Tannée. La halle occupait remphcenmt sur lequel on a bâti TlIôtel-de-Ville. Toutes les maisons, au nord , avaient, au rez-de-chaussée, des arcades voûtées sous lesqueDei s*établissaient les marchands forains ; ces arcades n'ont été murées qu'au commencement du XVIII* siècle ; il y en avait encore an côté opposé , dans l'angle de la place , à rentrée de h Yoie-de- l'Eau. était la matjon de la Samaritainej ainsi appelée parce qu'on avait placé, au sommet de la tourelle qui s'élevait ea encoi^ bellement sur la façade , un groupe représentant le Christ et la Samaritaine. Ce monument, que la piété de nos aïeux avait ràada célèbre, avait été détruit de notre temps par un incendie; mais il est en partie relevé. Les processions traversaient la place. Le jour dnPlv- don, le grand théâtre de VEnfer était construit devant la hallei et comme les scènes diaboliques qui précédaient l'arrivée de Tàme d'Hé» rode attiraient toujours une foule considérable de curieuX| les diables avaient le privilège d*établir des gradins qu'ils louaient à leur profit

(4) Arrtlt* pr/fcclordi, Ja 2C tnettiJor an VIII, prit pour p^rpétocr tOQTtûr h ÎHt de U Cvncorde célébrée U Tcille.

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En 16i6, le mouvement de citriosilé qui se produisil dans ta foule, â t'arrÏTée de la procession, fui tel, que tes Irélaui qui soutcnaîeni les gradins se rompirent. Le cri d'alarme qui Tut aussitôt jeté fit croire, à ceux qui avaient pris pbcc sur le toit de la halle, que le Weux hangar croulait sous eux; ils se pri^cipitèrenl les uns les autres sur le théâtre, enlra'manl les laves du toil, et ils s'ensevelirent sous les ruines de l'enfer. Beaucoup de personnes furent blessées. Cet évÔnement hilla la ruine de la halle , et quand la mairie la lit démolir quinze ans plus lard , elle était en si mauvais état qu'il n'j restait plus qu'un tailleur, un cordonuier et un pauvre chnus- setier. Une croix avait été élevée près de cette halle en 1475 ; on la transféra au milieu de la place, puis on la rétablit sur ses an- * ciennes fondations ; elle a été supprimée lors de la construction de l'IIÔlel-de-Ville (1).

La Grande-Place qui a toujours été le théâtre des (êtes publiques, a été, de tùus temps aussi, te Heu ou s'exécutaient les jugements criminels. Le carcaa d'infamie était sou s le Barle, la potence hors de la ville ; mais c'était sur la place, en plein marché, qu'on brûlait, qu'on rouait , qu'on écartelail. Après l'exécution, le bourreau descendait de l'échafaud pour prélever ta dime de tous tes objets en vente, comme si l'on eut voulu faire payer aux marchands, aux paysans, le spectacle qu'ils subissaient en Tenant approvi- sionner la ville. Cet usage, en se perpétuant, était devenu un droit, le droit iVamfjc, dont un réslement do 1650 fixa les Uniites. Nous avons sous les yeux le tarif publié et af&ché en 1739 dans les pa- roisses du bailliage de Cliaumoul : toutes tes produclioiis de-l'in- dustric, toutes les denrées, toutes les boissons y sont taxées ; le contact (lu bourreau souillait tout sur le marché. L'avage se percevait tous les jours et quand il y avait exùculion il était double. Ce droit odieux était basé sur !e privitége des basses œuvres réservé à l'exécuteur et qui était encore une lourde chatte pour tes ba-

il) Ou liui: sar la Lise Je callc cruli l'iuuriptioa inliinli :

Urne erux,

Mm Hlô, in hoa foro tmla,

Ftal Kallam detiruelam m médium fori iraiulata

Anno 1QI33.

£1 deindi, urbii prafacti «I adiiiumjusnt,

ConieMiente jyroruraiore rtgio et urbti,

aie TtpotUa «t,

VItUaag. Iï«.

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bitants : nul ne pouvait, dans toute l'étendue du bailliagOi iaire enlouir une bète morte, abattre une bote malade, ou débarrasser sa maison d*immondices, sans recourir a roffice du bourreau et payer la redevance fixée par les règlements. La révolution a supprimé ravage et les basses-œuvres; elle a rendu moins barbare rexécution des jugements criminels ; mais la guillotine se dressait encore sur la place de la Concorde. Depuis 1848, les exécutions ont lieu hcNrs de la ville. Bientôt, nous Tespérons, la suppression de la peine de mort fera cesser ces hideux spectacles.

III. La rue Laloijy anciennement de la Ilalle^ conduit de la place à la rue Toupot-de-Béveaux. Il serait à désirer que cette rue large et bien percée fut continuée jusqu'au boulevard. La maison du maire Laloy porte le n^ 8. C'est au nM2 que demeurait Henrion de Pansey, administrateur du département et professeur à recelé centrale. Nous sommes ici à Textrémité du quartier. Revenons près de la Motte.

Im eour Dauphin, dont le passage est couvert, tire son nom de l'ancien hôtel, qu'on appelle maintenant de TEcu, et qui avait pour enseigne au XV* siècle les ariiies du Dauphin. Au fond de cette cour, à gauche, est une ruelle fort étroite qui conduit au boulevard. Uo ancien soldat de la ligue, qui y avait établi un jeu de paume en 1606, lui a laissé son nom de guerre, Lard'wres. La ruelle du Chcval'Blanc a pris son nom d'une enseigne d'auberge. C'est une impasse. La démolition des remparts vient de rendre au mouvement la rue Neuve-aux-PrêtrcSy l'on rencontre encore beaucoup de ces tourelles rondes et saillantes dans lesquelles nos aïeux sus- pendaient des escaliers des étages supérieurs. Cette petite rue a été construite au XV« siècle, sur des terrains devant cens au chapitre ; c'est de que lui vient son nom, et pendant quelque temps on l'a appelée rue Ncuvc-ScrioUey parce que la première maison bâtie ap- partenait à un prêtre de ce nom. Il y avait, dès le XVI* siècle» un tripot ou maison de jeu dans la rue Neuve ; le propriétaire recevait du tripotier, en 1613, deux cent quarante livres par an, de plus il s'était réservé le droit déjouer « une grosse de balle neufve par chacune année toutefoys et quanles de bon lui semblerait, pourvu qu'il n'y ait partye commencée. > Neuf ans après, ce tripot fut acheté par un raquetier de Dijon qui fît de mauvaises aflaires et

M3 devint sergent royal. Il passa alors dans des mains plus habiles,

prit de l'extension, el unaail il fut de nouveau vendu, en ItiS-l, on y avait joint deui billards < avec leurs garnitures, billes d'yvoire au nombre de sii et ijuatre pellls billards pour pousser les dites billes. > Le tripot de la rue Neuve-auï-Prâlres n'existnit plus en 1140; mais le jardin qui s'étendait jusigu'au rempart a conservé jusqu'à \a révolution le nom de Jeu-de-Paume.

IV. Dans l'oripne la grande voie qui conduisait de la place â la porte de Buxereuilles, portait dans toute sa lon^jueur le nom de cette porte ; mais au XVI* siècle, quand les étapes furent établies pour la fourniture des vivres aux troupes, l'étapier de Chaumont étant venu s'établir dans la maison qui forme l'angle de la rue Neuve, il gauche, le peuple s'habitua à appeler rue de l'Etape !a portion de la rue de Buxereuilles limitée d'un c6Lé par b Motte et de l'autre par la maison n" 50, qui fait face à la voie publique. Cette dénomination avait prévalu ; mais une diilibération récente du conseil a rendu à la rue de Buxereuilles toute son étendue.

Cependant nous sommes obligé, pour nous conformer à l'au- cienne division par quartiers, de nous renfermer dans les limites de la rue de l'Etape. Les constructions qui bordent cette rue h gauche n'ont été faites qu'après 1590, sur les remblais de l'ancien fossé du Château ; celles de droite sont beaucoup plus anciennes; mais elles n'avaient pas de profondeur et les terrains qui les séparaient des TortiQcations du Bourg, étaient plantés en jardins ou en vignes. La roEison 34 appartenait, au XIV* siècle, à un riche changeur, Pierre Bourcerat, c'était la plus considérable de la ville : la façade, qui avait des arcades au rez-de-chaussée, était oiiiée au pre- mier étage d'une guérite ou moiilrc arlistement sculptée el d'une riche galerie. Le centre du faîtage était percé d'une belle lucarne ogivale. Derrière le bâtiment s'étendait un vaste jardin et plus loin des vignes, jusqu'au mur d'enceinte. Cette propriété étant tombée en 1438, par donation, dans le domaine du chapitre, les clianoinea Tirent construire un pressoir et une grange dans le jardin , le bntiment principal fut refait et on vendit les vignes ; cependant, en restaurant la maison, on respecta les arcades qui existent encore, tandis que celles du n" 3î, qui n'avaient été construites qu'au XVI* siiicle, ont été détruites il y a une vingtaine d'années, Sur la façade de

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la maison qui a le 30, on remarque un écusson sculpté m relief avec les attributs de Tartde guérir : c'est le monument qui doit per- pétuer le souvenir du beau dévouement du médecin Juvet. HugueS' Alexis Juvelj à Chaumont le 26 février 1714, est mort inten- dant des eaux minérales de Bourbonne, le 8 janvier i789. Cest au n** 44, que naquit Edme-Jo$eph Berthierj successeur de Cherin dans remploi de généalogiste de la couronne. Il demanda sa retraite en 1788, et se retira à Verly, près de Soissons, il est mort au mois de décembre 1796.

V. De nombreux souvenirs se rattachent à la vaste et belle maison qui porte le n* 47. C'est Fhôtel des Rose dont nous avons d^â parlé en parcourant la rue Bouchardon. Le moment est venu d'y entrer. Quand la ville mit en vente le terrain des fortifications da Château (1590), le conseil décida que, pour reconnaître les éroi- nents services rendus par Guillaume Rose à ses concitoyens, on lui abandonnerait gratuitement tout l'espace compris entre sa maison et la rue de Buxereuilles. Cet espace, déblayé, fut converti en cour, le derrière de l'hôtel, reslauré, devint la façade principale et l'on ouvrit sur la voie publique wie porte cochère dans l'alignement qui existe encore. Depuis le XVII* siècle, cette maison célèbre, devenue l'hôtel de Gondrecourt, a reçu tous les grands personnages qui ont visité Chaumont. Les rois Louis XIII et Louis XIV y ont logé ; c'est qu'est descendu Louis XV, en revenant de la cam- pagne de 1744, sur les bords du Rhin. Un maréchal-des-logis était venu à l'avance pour faire préparer le logement et il avait marqué à la craie toutes les maisons voisines devaient être placés les gens de service. C'était l'époque la France semblait folle de son roi. Louis arriva le 11 novembre, à 5 heures du soir. Le cérémo- nial avait été prescrit par l'intendant de la province. Quand le cor- tège approcha du premier arc-de-triomphe, il fut salué par le canon des remparts et le corps de ville s'avança pour présenter les cle& au souverain. Le maire était, selon les instructions, vôlu de noir avec manteau court, rabat plissé, perruque de magistrat et l'épée ^u côté ; les échevins et le procureur du roi avaient le même cos- tume, à rexceplion de Tépée. On offrit les vins d'honneur : quarante- huit bouteilles au roi ; douze au capitaine des gardes, douze au

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premier genlilliomme de la chambre, douze à M. d'Ai^enson et douze ail mnltre des ciirémonies. Ensuite Louis fut conduit à son hOtel. Les rues élolent décorées de nombreux arcs-de-lrioniphe et tendues de tapisseries; les quartiers, en armes, drapeaux déployés et tambours ballants, formaienl la liaio pour contenir les curieux qui mêlaient leurs vivaii au bruit du canon et au carillon des floches de toutes les églises. Le roi mit pied à terre à l'entrée de l'hôtel. M t'attendait la compagnie des arquebusiers réunie à celle de Joinville : celte troupe d'élite fut chargée seule de la garde, tant au dedans qu'au dehors des appartements. Un repas splendide avait été préparé dans le grand salon, aux frais de l'évèque de Langres. Le roi s'est mis ù table h sept heures ; il avait l'évéque à sa droite et à sa gauche le duc de Viileroi, capitaine des gardes ; Tenaient ensuite les ducs de Luxembourg, d'Auniont, do Fleur;, de Courta- vaui, de Deringlien, d'.^rgenson, de Tavannes et l'évâque de Troyes. S. M. était servie par l'intendant de Champajjne, les chevaliers de l'arquebuse présentant les plats. Le repas a duré deux heures, pendant lesquelles la foule n'a pas cessé de cii'culer dans le salon. A neuf heures on servit chez l'inlendanl un repas de quarante cou- verts pour les dames, puis on dansa jusqu'à quatre heures du matin. Une brillante illumination avait été préparée dans la cour, en face de l'appartement royal ; il y avait environ trois mille pots â feu et lampions, dont une partie avait été disposée de manière à tracer les mots : Vive Lnuis-le-Bim-A'imé .' Toute la nuit se passa en fêtes et en réjouissances publiques ; le vin coulait de plusieurs fontaines. Le i% Louis XV se leva avant cinq heures du matin, et, après avoir entendu la messe, célébrée par l'évéque de Langres dans la chapelle du collège, il quitta la ville, salué de nouveau par toute l'arlillerie. C'est encore dans l'hûlel de Gondrecourt que fut re^ue M°" la Dnuphine le 2 février 1747. On observa le mûme cérémo- nial qu'au passage du roi. On oCfrit à la princesse deux corbeilles magniliquemenl ornées et remplies, l'une de confitures sèches, l'autre de douze douzaines des plus beaux gauts de la fabrique de la ville. Une corbeille de confitures fut également olTerle à la dii- cliessc de Brancas.Le maréchal de lu Force recul vingt-quatre bou- teilles de vin de Bourgogne et le maître des cérémonies douze. Lq grand salon de l'itôlcl de Gondreceurl a conservé le nom de cham-

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bre du roi. C'est que fut servi le grand dîner offert â Tempereiir de Russie par le prince de Wrede» en 1815, après h levoe de Hontsaon.

VI. Cette malheureuse époque de. l'invasion a laissé d'autres souvenirs dans la rue de TÉtape : l'empereur Alexandre logeait dans rancicnnc maison Bourcerat| au n* 34, tandis que son minis- tre Nesselrodc occupait la maison Mougeotte de \ignes, n* 36 ; le roi de Prusse était logé au n* 50. Le voisinage de ces hôtes illustres avait fait occuper militairement tous les bâtiments du coll^«

VU. Il ne reste plus rien aujourd'hui de l'ancien coU^ des Jésuites que la chapelle^ dont le maire a posé la première pierre le 18 mai 1629 et qui a été consacrée par l'abbé du Yal-des-Ecoliers le 21 novembre 1640, encore le portail a-t-il été complètement mutilé lors de la prétendue restauration qui en a été faite en 1817. Cette chapelle fut convertie en Temple de la Raison en 1793 : Tar- bre do la fraternité était planté devant le portail. Le bas-relief en pierre dorée que l'on voit maintenant au rétable du chœur provient de l'autel des Ursulincs démoli en 1834; il est de Jean-Baptiste Boucliardon. Le clocher, de construction moderne, est du plus mauvais goût : la cloche vient de Lamothe ; elle a été donnée aux Chaumontais lors de la destruction de cette forteresse.

Le lycée nouvellement construit occupe le même espace que l'ancien collège. On a conservé, comme dépendance, le bâtiment parallèle à la chapelle, construit en 1834, pour le service de l'in- struction primaire. Au second étage est la bibliothèque de la ville, formée du fonds des Jésuites, des livres provenant des couvents supprimés, des dons du gouvernement et d'achats faits annuelle- ment : ce précieux établissement (i) renferme ai^ourd'hui plus de trente mille volumes, dont mille manuscrits. Une fontaine mo- numentale orne la façade de la Bibliothèque, sur la rue de Buxe- rcuillcs. L'eau, qui s'écoule d'un vase renversé sur lequel repose une naïade, tombe dans un bassin demi-circulaire; un massif qui est derrière le groupe supporte le buste d'Edme Bouchardon, coulé

(I) liA lilbruithôquo doit hoaiimup au zèle ^clair<^ Ae M. P. Dardcnnp qai en a ^té le ronscrvateur pendant quarante ans. Co di(jn«^ professeur a publié quelques livret pour l'instruction élémcntaiic et des notes sur Toc upatiou du département par les allidt en 4814.

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en bronze d'après celai que possède le musée ; les colonnes en marbre sur lesquelles repose le couronnement, faisaient partie de l'ancien autel des Ursulines.

Le jour du Grand-Pardon, on construisait trois théâtres dans la me que nous parcourons : celui de S:iînt Jean an désert^ devant le collège ; celui de Saint Jean prêchanty sur la façade de la maison Juvet, et le llUâtre du Baptême^ devant la Motte.

ym. La rue du Barle, la Motte, la Grande-Place, la rue de la Halle, la cour Dauphine, la ruelle Lardières, rim;)asse du Cheval- Blanc, les rues Neuve-uux-Prétres et de TEtape, formaient le quar- tier militaire de la place qui avait la halle pour point de ralliement et devait défendre les abords de la Grande-Place.

IX. Le quartier de Buxereuillcs comprenait la rue de ce nom, depuis le n"* 50, avec les ruelles et cours qui traversent le groupe de mai- sons à droite, la rue de Reclancourt avec Timpasse des Juifs et la rue du Champ Gorgerot. Sa milice se réunissait sur le carrefour, à la naissance de la rue du Champ-Gorgerot et défendait le grand bastion avec le bastion de Bracancourt et la courtine entre ces deux points.

La porte de Buxereuîlles était primitivement ouverte, comme de nos jours, à Textrémité de la rue. Au XV<^ siècle, on Tavait fortifiée d'une avant-porte défendue par une tour carrée, derrière laquelle s'est bientôt formé le petit groupe de maisons qui existe encore à la sortie de la ville, à gauche. Cette avant-porte, construite à l'extré- mité du terre-plein maintenant converti en promenade et à laquelle aboutissait le chemin de Buez et, obliquement, ceux de Buxereuillcs et de Reclancourt, a été démolie lors de la construction de l'en- ceinte baslionnée, pendant la ligue. Alors on a ouvert une ^orte nouvelle, à l'extrémité de la rue Ciiaude, près de l'ancienne porte aux Clercs. La rue de Buxcreuilles était donc fermée à l'entrée du faubourg. La voie directe n'a été rétablie qu'en 1791, quand on a abattu la muraille qui réunissait le bastion de Bracancourt à la porte de la ligue qu'on a également démolie.

Au XYI* siècle, le quartier de Buxcreuilles était peu peuplé ; il était encore en partie couvert de cerisaies et de vinces ; mais des

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lignes de maisons de chétive apparencCi habitées par la dasse paa* vre, dessinaient déjà les rues de BuxcreuilleSf de Redancourt et du Champ-Goi^erot. Les constructions qui bordent la première de ces rues, à gauche, n*ont été élevées, comme celles de la me de rÉtape, du môme côté, que depuis la destruction des murs d'en* ceinte du Ciiateau ; elles appartenaient, en grande partie, aux car- mélites. La rue des Troh-lluis était, dans l'origine, presqu'exdasi- vement habitée par les ouvriers drapiers ; elle a pris son nom de renseigne d*une auberge très fréquentée. Chaque ville avait, aa moyen-âge, son enseigne aux Troh-RoU. A l'extrémité de celle rue, étroite et mal bâtie, était le bastion qui avait servi de lieu de refuge aux minimes de Bracancourt, pendant les guerres religieuses, et qui avait conservé leur nom. La ligne de bâtiments qui forme le côté droit de la rue de Buxereuilles est encore coupée par une rue tortueuse qui tire son nom d'une taverne Toa a joué pour la première fois au billard à Chaumont, vers 1570. Enfin, on rencontre en face de la rue Saint-Louis les petites cours det Iforel et des Mineurs,

X. La me de Reclancourc est aussi très irrégulièrement bâtie. Elle forme dans le fond, à gauche, une suite de carrefours qu'on a appelée d'abord cul-dc-sac, puis rue des Juifs^ parce qu'en 1604, quelques familles juives étaient tolérées dans cet endroit écarté de la ville. La porte de Reclancourt, qui ouvrait sur le chemin du hameau de ce nom, a été supprimée lors de la construction de l'en- ceinte baslionnée ; alors la rue a été fermée par la lour de Guue, appelée plus tard le Grand-Bastion et ensuite le bastion du Canr, parce qu'on en avait fait une sorte d'annexé de la cure, en faveur du curé Malanne. Le chapitre avait fait construire dans cette rue sa grange aux dîmes et il avait, près de la porte, plusieurs pièces de vignes qu'il a céder lors du creusement des fossés.

C'est dans la rue de Reclancourt que fut fondé, en 1619, le cow' cent des Ursulines, Les bâtiments, construits en partie sur l'empla- cement d'un ancien jeu de paume, bordaient celte rue â droite dans presque loulc sa longueur, la rue du Champ-Gorgerol, à gauche, en furniaiit un angle aigu sur la rue do Duxereui les; ils s'appuyaient par derrière au rempart. Dans Torigine, le mur du cloître était longé

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par un jardin communal dans lequel la compagnie des arbalettrieti s'iSlait établie depuis une Irenlaine d'années. Les religieuses se plai- gnirent bienlôt, disant que ce voisinage troublait le service divin, et que d'ailleurs < il arrivait dans le jeu îles personnes mal con- ditionnées, proférant des paroles sales et indiscrètes qui apportaient scandale aux chastes oreilles des filles religieuses. > La ville céda la propriété de ce jardin au couvent et on transféra le jeu de l'ar- balète au faubourg Saint-Michel. En 1791, il y avait aui Ursulines de Chaumunt vingt-six religieuses de chœur, onze sœurs converses, une novice, une portière et deux lourières extérieures. Quand le couvent fut fermé, les bâtiments servirent à différents usages ; sous ta restauration, on y a même établi les redoutes ou bais masqués; mais aujourd'hui ils sont, en grande partie, convertis en casernes : la gendarmerie occupe l'aile qui donne sur ta rue du Champ-Gur- gerot, et sur la rue de Beclfincourt on n constniit un qaarlier d'in- fanterie. Dans la partie qui fait angle sur le carrefour de la rue de Buxereuilles, on a installé, en 1834, l'école normale primaire dépar- tementale. Cette installation a nécessité la deslrnclion de la chapelle. L'autel, dont on n'avait enlevé que les statues qui sont dans l'église paroissiale, était une des œuvres les plus remarquables de Jean- Baptisle Boucliardon. On a pu en conserver les plus beaux mor- ceaux ; ainsi nous avons retrouvé le rétable au collège et les co- lonnes ornent la fontaine Bouchardoo; le reste est au musée; mais un n'a pu sauver le jubé do la destruction.

XI. La rue du Chavip-Gorgernt, à l'extrémité de laquelle s'éle- vait le bastion de la Quame, porte le nom d'un bourgeois qui :ivait une belle closerie. Mais nous n'avons plus rien à voir dans le quartier de Buxereuilles ; revenons A ta place de ta Concorde. 11 nous reste à parcourir les trois quartiers de l'Eau, de Saint-Michel cl de Choignes, qui forment la partie sud du Bourg.

XII. Le quartier de l'Eau était formé de la Toie-de-l'Eau, des rues de la Tour-Charton, Dame-Aillotle, de Villiers, de Brottes et du carrefour qui est à la naiss.ince de ces trois dernières rues. Sa milice, qui avait cette place pour point de réunion, défendait le bastion du Moulin-â-Vent, ta tour Mongeard, ainsi appelée du nom

du maçon qui l'a construite, et le mur d'enceinte jusqu'à la porte Saint-Hichel.

La Voie-de-FEau longeait le fossé du Château, depuis la Grande- Place jusqu'à la porte de TEau. C'était dans ce fossé, près de la porte Arsc, qu'était établie la hutte des chevaliers de l'arc et de l'arbalète. Elle y resta jusqu'à la destruction de l'enceinte du Châ- teau, en i 590. C'est alors que l'on a construit, sur le fossé comblé, la ligne de maisons à droite de la rue. Près de la porte se troutatt l'hôtel de la Croix-d*Or, non loin de la tête du canal qui reçoit les eaux de tous les quartiers de la ville. prend naissance une rue étroite, bordée d*un côté par des jardins, de l'autre par le mur d'en- ceinte : c'est l'ancien chemin de ronde qui monte jusqu'à la Tour- Charton. Cette partie des vieilles fortifications est conservée et le chemin qu'on appelait autrefois des Treize-Asriettes (1) a pris le nom de la tour. Charton est le sobriquet du maçon qui a construit ce boulevard en i560.

XdL De la Yoie-de-l'Eau, on monte une pente rapide pour re- joindre la rue de Yilliers : c'est la rue Damc-AUlottey qui forme à gauche la cour du Bodcret et à droite la cour Lenobk. De la pre- mière, on passe dans l'ancienne rue Ncuve-^ux^Bouchcrs par une ruelle étroite et en partie couverte qui a pris son nom du chanoine Bourdercl, propriétaire d'une partie des maisons de cette ruelle au XV* siècle. Le patois chaumontais, qui tendait à supprimer les R dans la prononciation, a fait Boderet de BourdcreL La cour Lenoble est précédée d'un passage couvert réservé sous une maison qu'on appelait au XV* siècle la Maison-au-Pilier et qui appartenait au bourgeois Lenoble. La rue Damc-Aillotte conserve aussi le nom d'une riche bourgeoise de ce quartier. Elle forme, dans sa partie supérieure, une place irrégulière sur laquelle on avait construit, pour la vente de la viande, un hangar qui fut démoli en 1771.

On a reproché aux Chaumontais de manger du bouc, et les Lan- grois ont souvent raillé leurs voisins à ce sujet. Il est vrai que

(I) On sait quo nus pères altochnient nn nombre treilC une sorte de fatalité. De aot jours encore quelques personnes rr(T.ir(lcn( comme i\e maiiv.iis au(;ure Ac se trooTer treize à table. I^ nom de la rue det Trcizc-Assiettes avait bien rerianement pour origine on éTèncmeot burlesque ou tragique dont la tradition ne nous a pas conservé le rccit.

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beaucoup de familles pnuvres élevaient des chèvres h Cliaumoiil, des biquci, suivanl l'expression locale, et ces animaux, doux et fa- ciles â nourrir dans un pays de pierres et de broussailles, leur rendaient d'immenses services : deux fois par jour leur bit four- nissait aux besoins de la fatnille. Quand, en 4633, les bouebers demandèrent raiilorisalion d'exposer en vente de la viande de bouc et de chèvre, le maire la refusa, pour raison de snlubrîlé et de sanlé, t car les boucs, cbévres, porcs surcenés et celle manière de bôles difTamcs, qui ne sont de )oy, ne peuvent csire vendus en boucherie notable. > Mais tes pauvres se plaignirent; les autres viandes étaient Irop chères pour eux, et en 16S5, on laissa établir quelques élaux pour celte vente devant la maison qui fait l'angle des rues Dame-Aillotle cl Neuve-aux-Boucbcrs. Cependant, quand le marché à la viande fut installé sur la place, on lit enlever ces élaux que nous retrouverons dans la Voie-Beugnol. Nous ne pensons pas qu'il y ail sujet à plaisanterie : il est malheureux que la pau* vrelé réduise le peuple à se nourrir d'aliments malsains, el l'admi- nistralion, en autorisant la vente publique de ces aliments, ne cédait qu'à la nécessité ; d'ailleurs la surveillance de la police devenait par même plus facile et plus salutaire.

Au milieu du carrefour de la me Dame-AiUotte, était une croix de pierre, au pied de laquelle on a fait chaque année, de 1714 à ) 792, un feu ou borde, le 26 septembre, anniversaire de la mort du R. P. Honoré. L'!i6pi(al avait accepté un legs de cent livres en prenant l'engagement de fournir cent fagots pour cette borde. Au Grand-Pardon, le théâtre de \' Empruonncmcnt était construit sur ce carrefour, de manière a fermer complélemenl l'entrée de la rue de Villiers. Les habitants du quartier se plaisaient à le décorer do rochers, de gazons, de feuillages, de fontaines jaillissantes et, de nos jours encore, il est de tradition d'orner ainsi le reposoir que l'on dresse au même lieu, le jour de la Fête-Dieu. Le théàlre de la DéoUntion était plus bas, en face de la cour Lenoble.

La rue de Villieri, dont Gaulhîer-le-rtibaud, lils de Thiorry-le- Diablc, a bâti la première maison, en 1343, vient de perdre son nom. Elle fait maintenant partie de la rue Touput-de-Béveaux. Elle s'étendait du carrefour Damc-Aillolle au mur d'enceinte. A son extrémité était une porte qu'on a supprimée au XVI' siècle et sur

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l'emplacement de laquelle on avait constniit on boulevard en 4560. Ce boulevard, auquel on a donné d'abord le nom du connétable de Montmorency, a ensuite été appelé baaiUm de Fii/ieri, puis des Gapiictnf, lorsqu'on l'eut donné aux PP., sur leur demande, en 1690; c en considération des peines qu'ils avaient charitablement prises pour assister les prisonniers faits à la bataille de Fleorus et renfermés dans ce bastion. » Ils le réunirent à leur couvent pir une galerie souterraine. En 1791, les habitants du quartier avaient renversé une partie de cette forteresse pour donner une issue i la rue ; aiyourd'hni elle est complètement détruite et le fossé est comblé. A droite, la ligne de construction se brise pour former deux cours : la première dite de$ Champs^ parce que la charme y a remué la terre jusqu'au XVII* siècle, est très rapprochée de la porte ; elle communique avec hi rue de la Tour-Charton, par une ruelle obscure ; la seconde est la cour Doyenj le doyen de k collégiale, Adrien Rose, a fait construire plusieurs maisons. Le côté gauche de la rue de YilUers était en grande partie limité par le mur du jardin des capucins ; mais, depuis que ce jardin est vendu, plusieurs maisons y ont déjà été bftUes.

XV. La rue de Broiiez a eu jusque vers la fin du XVI* siède, une porte qui a été supprimée, comme celle de la rue de Villiers, lors de la contraction de l'enceinte bastionnée. Le bastion construit en 1580 sur l'emplacement de celte porte et qui vient d'être démoli, avait été appelé d'abord tour de Nevers , du nom' du gouverneur de Champagne, puis bastion du Gué, à cause d'une fontaine qui jaillissait dans le fossé au pied de la tour, et enfin bastion du JlotiIin-â-Feni, en 1622, après qu'on y eut fait construire un moulin. C'était dans ce boulevard que les arbalétriers avaient établi leur butte lorsqu'ils avaient été obligés d*abandonner le fossé du Château ; mais ils n'y étaient restés que quelques années et avaient ensuite obtenu le jardin communal de la rue de Redanconrt* La rue de Brotles s'appela aussi pendant près de deux siècles, rue des Capucins.

Le couvent des Capucins fondé dans les dernières années du XVI* siècle et reconstruit en 17G8, occupait presque toul le terrain compris entre les rues de Brotles et de Villiers , le boulevard et

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b ruelle cfui conduit de la rue de Broltes à ce boulevard. Il ; avait dans celle maison, en 1 791 , douze Pères, q,ualre frères lais profès, deux frères alBIiés et deux sœurs affiliées. Les bûtimenls, devenus propriété nationale, furent d'abord convcrlis en magasins, puis en maison de détention pour tes prisonniers de guerre. La société populaire ayant été autorisée à s'établir dans la chapelle, elle y com- mença le théHtre qui existe encore cl pour la conservation ducpicl la ville a fait acquisition de tout le couvent. Le sol de celte chapelle a été plusieurs fois remuù depuis, et on en a exhumé toutes les sépultures qui s"y trouvaient. La tombe du Bienheureux Honoré, sur laquelle, si l'on en croit ta tradition, il s'est opéré tant de miracles, était au milieu de la salle actuelle ^e trouve t'orchestre du théâtre. En 181G, on a établi une école pour les filles dans l'aile de l'ancien cou»ent qui donne sur la rue de Droites ; la salle d'asile occupe l'aile qui a son entrée sur la rue de Villiers ; on y a aussi établi des sœurs de Bons-Secours, chargées de soigner en ville les malades pauvres.

XVI. Le qnarl'ter Saim-michel comprenait les mes Neuve-aux- Bouchers, de l'IIomme-Sauvage et de Saint-Michel ; il avait la garde de la porte et du baslion Saint-Michel, de la tour de Choignes et du rempart entre cette tour et la porte.

La rue Ncuve-aux-Bouehers, formée au XIV siècle et qu'on appela dans l'origine rue Gitlcs-d'en-Haul, a pris son nom des nombreux étaux qu'on y avait établis pour la vente de la viande. Elle s'étendait d'abord du carrefour Dame-Aillotte à la rue Saint- Michel ; mais des étrangers étanl venus s'installer dans une aubei^e de celle rue, au commencement du XV' siècle, pour y montrer un prétendu sauvage, cet élablissement qui avait pour enseigne La Flcttr-de-Ltjt, a été appelé par le peuple maisnn de t'Bomme- Sauvnge et ce nom est resté à la partie de la rue Neuve qui s'éten- dait de l'extrémité de la rue Laloy h la rue Sl-Micbel. L'auberge de l'Homme- Sauvage ou delà Fleur-de-Lys est aujourd'hui r//<>fW de la Poste. La fille de Louis XVI, dans son voyage pour la terre d'eiil, s'y était arrêtée e'. quand, en 182S, dans d'autres temps, elle a visité Chaumont, elle a voulu voir ses anciens bdtes. En 1814, le prince Constantin, grand -duc de Russie, frère du Ciar,

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habitailla maison n'^ 10, de la rue Toupoi^e^Biveaux qoicompraid aujourd'hui les anciennes rues de l'Homme-Sauvage, Neave-aux- Bouchers et de Yilliers. Henry-nSimon Toupot, après avoir exercé à Chaumont, pendant près de soixante ans, diverses charges dans la magistrature, est mort, dans la maison 41, le 29 noTembre 1845, à Tâge de 86 ans. Il était à Vassy. C'est pour rendre un hommage public à l'intégrité de la vie de ce magistrat que Ton a donné son nom à la rue qu'il habitait.

XVII. La rue Saint^Uichel portait avant la constructîmi de l'église du Bourg, le nom de rue de Chamarandes qu'elle a repris depuis la destruction de cette église. C'est la rue la plus ancienne du Bourg» la voie de Langres, la première sur laquelle on a bftti. Elle a donc toujours eu une porte et, lors de la construction de l'enceinte bastionnée, cette entrée qui importait surtout à la sAreté de la place, a particulièrement occupé l'art des ingénieurs.La porte, construite en pierre de roche, était percée de nombreuses meurtrières et surmontées de fortes guérites d'où l'on pouvait défendre le pont- levis ; à droite, était une énorme tour toujours garnie de canons. Ces travaux, commencés sous le règne de François I*"" et terminés pendant la ligue, n'ont été complètement détruits qu'en 1848. Au-dessus du cintre, du côté de la ville, était une image de saint Michel, qu'on avait payée, en 1587, huit écus un tiers au maçon Jehan Barotte; à l'extérieur, on avait placé, en 1634, une effigie du roi sculptée par Claude CoUignon. L'ancien Mpital faisait fiioe à la rue Toupot : on sait qu'il a été démoli en 1 765. Il touchait à Viglise Saini-Michely dont le âmeUère s'étendait jusqu'à une cour qu'on appelait des Fondeurs^ parce qu'elle avait été habitée pendant quelque temps par des fondeurs de cloches. L'église Saint-lfichel, précédée d'un porche, avait trente et un mètres de profondeur ; elle formait trois nefs, une grande de huit mètres de hrgeur et deux de quatre chacune. Fermée à la révolution, elle a servi pendant quelque temps de logement aux prisonniers de guerre et de maga- sins militaires; enfin, en 1800, le gouveniement l'a cédée à h ville, qui l'a complètement détruite. On a construit une halle sur son emplacement : c'est une place en forme de fer à cheval, entou- rée d'un hangar et fermée par une grille en fer qui s'appuie sur deux pavillons. On a réservé derrière, pour les voitures, sur le

terrain du cimetiùrc, une slalion à laquelle on ; par un passage qui rormnil, avant les nouvelles conslruclions, la cour (les Fondeurs. Cette station coniiTiunique avec h rue de Choigiies par un passage bn;;;, étroit et obscur, que l'on ferme le soir. La halle, qui a trente-quatre mètres de face sur quarante- quatre de profondeur, ne peut recevoir que les grains, encore n'olTre-t-elle qu'un abri insulfisant et elle n'a pas m&mc un lieu de réserve. On eût mieux fait, ce semble, d'établir le mnrchiS aux grains dans l'église même et de faire ' sous la voûte un étage qui aurait servi d'enlrepM; alors, sur le terrain du cimetière, on aurait pu construire un marché couvert pour les autres denrées dont les étalages encombrent maintenant, trois Tois par semaine, la place de la Concorde.

XVIll. Du quartier Saint-Michel, nous entrons dans le quartier th Choignes, le dernier du ISourg. On vient de démolir le bastion qui Taisait de la rue principale une impasse, cl l'un a trouvé, engagée dans le massir, une des portes de l'ancieime enceinte : elle était parCiitement conservée; mais des scories et des traces de feu indi- quaient qu'elle avait servi de Tour à chaux pendant la construction des murailles. Ce bastion, construit en 1585, avait d'abord refu le nom du seigneur de l^ngetl, chargé par le roi de la direction des travaux de la place ; mais il avait bientôt repris le nom du quartier. La nie (fc C/ioiijnei commence^ la place de la Concorde et, maintenant qu'elle a une issue sur la promenade, elle va promptcment s'embellir. Le chemin de ronde, réunissant le bastion qui fermait cette rue aux fortifications de la porte Saint-Michel, avait été construit, en partie, SUT une ancienne perriére, d'où l'on tirait ces pierres plates que l'on appelle des parpim, cl le rempart avait pris les noms de Perjûne, Perpiiim, dont on avait enfin fait Perpignan. On avait construit sur ce rempart des maisons de chétive apparence se logeait une partie de la population indigente; quelques-uns de ces bouges, adossés à la muraille, intérieurement, formaient une espèce de cloaque qui portait le nom de cour d'Enfer, C'était toujours dans le Perpignan que les épidémies commençaient leurs ravages. Dans les dernières années du \VI* siècle, rudministration commu- nale fut' forcée, en temps de peste, de prendre l'arrflé suivant: f A esté accordé que pour éviter de plus grands inconvéniens des

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maladies, que la rue creuse de Parpignan sera barrée et deffense faicto aux demeurans es maisons d'icelle d'en sortir airant six sepmaines et à peine de vie, et que les maisons esquelles y a des personnes mortes seront descouvertes. > On ûdsait des quêtes pour nourrir ceux qui étaient ainsi reclus (1).

XIX. Le haut de la rue de Choignes est très irrégulièrement bâti, et le groupe de maisons qui s'étend de cette rue à h nielle Lardières, ne s'est formé que depuis la fin du XVI* siècle. se trouvent les petites rues du Vinaigrier , du Pain-^Perdu et la Voic" Beugnoîy que le hasard a percées au milieu des constructions qui s'élevaient sur les champs et dans les jardins. Aucun souvenir his- torique ne s'y rattache. C'est Jehan, le vinaigrier, qui a donné son nom à la première. La seconde a été, pendant les vingt-cinq pre- mières années du XVII* siècle, habitée par une pauvre fiimille, qui vivait de la charité publique et dont le chef, abruti par h misère, s'était adonné à l'ivrognerie; ce n'était qu'à regret qu'on leur fiû- sait l'aumône et on appelait ce pauvre mendiant Pam-^Perdu : h rue garde le souvenir de cette triste célébrité. Un chemin qui abou- tissait au jardin du bourgeois Beugnot a donné naissance à h me de ce nom. C'est que la mairie installa, en 1667, la bouque- terie du carrefour Dame-Âillotte, sur l'emplacement d'une maison incendiée; il n'y avait que quatre étaux et, en 1751, la communauté des bouquetiers n'étant plus représentée que par une veuve, réta- blissement fut définitivement supprimé. La maison qui porte le n* 23 appartient au bureau de bienfaisance ; c'est le siège de son administration.

XX. Le quartier de Choignes, qui prit en 1791 le nom de fiiar- f ter de la Liberté^ défendait la muraille entre la tour de Choignes, sa milice se réunissait, et le grand bastion.

XXI. Nous avons parcouru toutes les rues du Bourg. Cette par- tie de la ville a de tous temps été habitée par la petite bourgeoisie,

(4) DéliUrttioni au conieil de Tille.

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les artisans et les laboureurs. Le Château, au contraire, Ëiail la ré- siJence de l'aristocratie, et, aujourd'hui encore que les vieilles ra- milles fcodHles qui s'y cLaietit retiriies depuis le XV' siècle sont éteintes, c'est que se logent de préférence ceux que leur fortune ou leur position sociale élève au-dessus de la classe ouvrière. La population du Bourg était pour ainsi dire autochtone ; elle a conservé jusqu'à la fin du XVUI* siècle les vieilles mœurs cbau- roontaises et cette gaietc toute française qui a cédé au!i préoccupa- tions sociales de notre époque. Qui de nous aujourd'hui songe à à hSa'ml-Genijonf (!) C'était la Tête du mari trompé, et les voi- sins de celui dont on soupçonnait les infortunes conjugales ne manquaient jamais alors d'attacher, la veille , à sa porte, le bou- quet jaune surmonté d'une énorme paire de cornes. Les fêtes du carnaval ne sont plus rien de nos jours; mais autrefois elles te- naient sur pied toute la population. ~ Le jeudi gras s'organisait la Pariie àti tannmn : une soixantaine de jeunes gens, velus comme les ouvriers lanneurs et le visage barbouillé, parcouraient les rues de la ville, (rainant dans les ruisseaux des peaux qu'ils lançaient au nei des passants. C'était un jour de licence et malheur au bourgeois qui sortait de chez lui, si b conscience publique le désignait i la justice carnavalesque. Le dimanche était réservé aui Galmcnt. C'était comme une parodie de la misère du peuple : quarante jeunes gens, couverts de haillons, accouplés à une lourde chaîne et exposés aux coups des gardes, suivaient péniblement les rues, tan- dis qu'une vingtaine d'autres, qui traînaient le boulet, allaient, la sébile à la main, implorer la pitié des spectateurs. Le soir, tous ces malheureux venaient se jeter sur un lit de paille au milieu de la Grande-Place et tendaient leurs écuelles de bois aux gardes pour recevoir leurs portions de haricots; mais ce frugal repas n'était que provisoire; la nuit venue, ils se débarrassaient de leurs chaînes et comptaient la recette qui leur permettait toujours de faire de nombreuses libations aux cabarets. Le mardi, il y avait des

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déguisements dans chaque quartier ; c'était le jour des danses et des fleurs ; les jeunes gens se réunissaient aux jeunes filles pour imiter les Fêtes du village. Enfin, le jeudi, on enterrait solemielle- ment Carnaval ; c'était encore un jour de licence et un jour enleré à l'église ; mais déjà ou voyait à la suite du convoi le triste cortège de Carême : des pénitents à la face blême, aux membres amaigris parle jeûne. Le temps des joyeuses assemblées était passé ; il &I* lait prier. Alors aussi les réunions champêtres étaient fréquentes : on allait à Saint-Roch, on allait à Condes, non pas précisément en pèlerinage, mais pour y fêler les beaux jours. les lamiHes se réunissaient ; on étendait la nappe sur le gazon, et an dessert, tandis que la jeunesse dansait sur la pelouse voisine, les parents devisaient autour de la tarte en quemeu (1), le gâteau obligé des repas chan- montais. Il y avait encore un jour marqué pour ces rénnions de famille, jour tous les fours chauffaient pour le quemeu ; c'était la fête de la ville, la Tante^FrançagCy comme disait la dianson popu- laire, parce qu'on avait coutume d'y convier tous les parents des environs. Aujourd'hui, ces vieilles coutumes ont disparu; bjoiOi le plaisir et jusqu'à cette bonne et franche liberté, dont jouissaient nos pères, ont fui de nos réunions; nous sommes toujours inquiets» sérieux ; c'est que nous vivons à une époque de transformation so- ciale où l'élan des cœurs se trouve paralysé par Tincertitude de l'avenir. Laissons s'asseoir la société nouvelle et nous verrons re* naître au sein de nos cités la gaieté avec la concorde.

XXII. Nous devrions donner ici quelques compositions de ce pa- tois chaumontais qui était principalement en usage dans le Bourg; mais nul n'a pris soin de transcrire, pour les conserver, les joyeux refrains que toute la population chantait encore, il y a moins d*un siècle, et c'est avec beaucoup de peine que nous avons pu en re- cueillir quelques fragments. Nous n'avons de complet qu'une chan- son de la mère Guignard, le poêle si populaire de la rue de Choi- gnes. La voici, avec la traduction. C'est la plainte que Jacquot, homme de peine d'un apothicaire, adresse à Nannette, la servante»

(4) Ceit one ttrle recoorerle d'une cr^me faiU de lait, d'oeora et «Te farine. Do y ajoile Mutent du ancre en poudre et des ainandea.

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419 1

sur l'ingralilude dont il croit Être victime. Celle espèce lie corn- J

plainte se clianle sur l'air d'un

Noël bien connu.

Ecoté don Nanetie,

Ecoutez donc, Nannellc,

Lai plinthe lie Jaco,

La plainte de Jacijuol,

Qui a ben en colairo

Qui est bien en colère

Contre monsieu Molo :

Contre monsieur Mollot :

J'ii 6 phonin di-z-liarbe

Je lui ai Tourni des licrhes

TA le Ion île l'été,

Tout le long de l'été,

Du chienden da vipaire

Du chiendent, des vipères.

1 ne m'ai pa poyé.

Il ne m'a pas pajé.

Quan l'oiloèlc chante

Quand l'alouelte clianle

Vas aipelé Jaco,

Vous appelez Jacqitot,

Quan lai gran bige vente

Qnand la grande bise vente

Vd ne li dilbe mo :

Vous ne lui dites mol :

1 nénisd, ni maille

Je n'ai ni sou, ni maille.

Ni pain, nisei, ni bO;

Ni pain, ni sel, ni bois;

Igrieuleai lai polhe

Je tremble à la porte,

Pupalle i|ue lai aiù.

Plus pâle que la mort.

Revenan d'Aulrevie,

Revenant d'Autreville,

Chairgé corne in chevô,

Chargé comme un dieval,

En renlran dan lai vie,

En rentrant dans la ville,

Je polhié vo Taiga :

J'ai porté vos fagots :

On m'ai lai grimaisse,

On m'a lait la grimace

Quan l'euvraige ai zeu fé.

Quand l'ouvrage a été fait.

I m'en Tu, en colaire,

Je m'en fus, en colère,

Me cûché San sOpé.

Me coucher sans souper.

Encô ine aule ruge

Encore une antre ruse

Qui mai ben pu greuvé :

Qui m'a bien nlus grevé : J'ai payé vos iieui cruches

Je poyé vu deu cruche

Que j'n'aivû pa caisse.

Que je n'avais pas cassées.

Le bari d'Aulrevie

Le baril d'Autreville

Qui s'a treuvé padu,

S'élant trouvé perdu,

Trente s6 de jonée

Trente sous do journée

Vu m'aile raibaitu.

Vous m'avez rabattu.

Quan vos aivé reste

Quand vous avez des restes

ne m'en baillé pa ;

Vous ne m'en donnez pas ;

Vu polhié vos liodiês (1) Ai lai fara Thiauta ;

Vous portez vos rogatons

A la femme Thiaulas

Et Jaco et Thelenne

El Jacquet et Thelenne H

N'en son pa pu conlan.

N'en sont pas plus contents, D'avoir pns tant de peine

D'aivA prin tan de poine

Aipré leboillon blan.

Après le bouillon blanc. j

(1) Ca nio[ vient uni J^.ule ie l'iiljn

lit l,OTd que Ifln ilT,„ Je AorriJuï. H.Wl.if 1

1 iaaui k UD Mit tuliinier 11 Dsm de

Borttou». ltaBdftr»onri|iicfqu«lepeloii(hH- J

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Le couplet suivant a été fait sur la sonnerie qui appelait le di- manche les fidèles à la messe :

prête. Les prêtres,

prête, Les prêtres,

Amon meu j6 leuvran Aiment mieux les jours ouvriers, Q'Iâ fête, Que les fêtes,

Q*là fête. Que les fêtes.

On connaît celte réponse d*une femme de Chaumont à son créancier : c Padéi! ai lai Saint-Jean not hom serai diale et j'poieron. > Elle le renvoyait aux fêtes du Pardon, espérant qa'tlors son homme serait diable et qu'il tirerait profit de son rAle.

Enfin, voici un couplet de la fameuse chanson de TanleFrançage :

Tu vanrai (bis) Tu viendras

Ai lai fête de Chaumon, A la fôte de Chaumont,

Mai tante Françage Ha tante Françoise,

Tu serai ben ^e : Tu seras bien aise :

Tu moingerai du beu (bis) Tu mangeras du b<Bof

Et de lai taite en quemeu. Et de la tarte en qnemea,

Mai tante Françage Ha tante Françoise,

Tu serai ben âge. Tu seras bien aise.

Quelques mots de ce patois, qui a beaucoup d'analogie tvec le patois bourguignon, sont restés dans le langage populaire ; ainsi on dit encore d*un ht>mme qui a bu et dont la raison commence à s'égarer, qu'il est dru. L'adjectif peut qui fait peutte au féminin est généralement employé pour laid. Pour petit, petite, on dit p'ftof, p'tiole. On dit encore quelquefois meroir si (Du latin miror.)^ je nCélonne si ; ireious pour tous ; tôt a padu , pour fottf es I perdu venredi pour vendreJ^ ; voire, pour vous verrez ; jt vtr^, pour j*trat, etc., etc.

CHAPITRE III

LES FAUBOURGS ET LA BANLIEUE.

[. Il nous reste à parcourir les Taubour^cs et la banlieue. Ln Croix Coquitlon sera notre point île départ. C'est l'un des premiers mo- numents de la piété des habitants, et, si l'on eu croit la tradition, il indiquerait le lieu se batlireiil eu duel les deux ûls du seigneur. L'ancienne croix, détruite à l'époque l'on supprimai! tous les signes extérieurs du culte, a été relevée depuis ; mais le nouveau monument n'a rien d'historique i]ue le souvenir qui s'y rattacbe. A ce point, la route de Paris se bifurque. Les deu\ lignes aboutissent également à la viUe; mais l'une de construction récente, cl qu'on appelle la Rciraile, est plus facile : au lieu de gravir la monUigne, comme l'ancien chemin, qui n'est plus fréquenté que par les piétons et les voilures légères, elle la contourne. Nous suivront^ la vieille voie. Elle descend Lîenlôl dans le Ynl-des-Tannerici, entre deux rangs de maisons habitées par des cultivateurs. Dans la cour de la première de ces habitations, à gauche, on voit encore une petite chapelle, près de laquelle s'arrêtait la procession des rogations, tou- jours précédée de son porte-dragon. Souvent aussi le passant y faisait une station pour prier.

Le Val-des-Tanneries est arrosé par la Suhe. Cette petite rivière, qui prend source prés de Voisines, est à sec, de nos jours, pen- dant plusieurs mois de l'année. Elle a donc perdu une grande par- tie de son volume d'eau, puisqu'aulrcfois elle fni&iit tourner des moulins à Cbaumont. On y péchait aussi la truite en abondance : c'est ce qui a fait donner le nom de Pàté-de-Tiuiies à un monticule dont la rivière baigne le pied avant d'arriver au Val et près duquel elle reçoit les eaux, aujourd'hui très rares, d'une source qu'on ap- pelle le l'uiis-dc-Giivué, La .Suize quitte le Pàlê, arrose plusieurs jardins, coupe le vieux chemin de Paris et va alimenter les tanne-

L

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ries qui sonl beaucoup moins considérables qu*au moyen-âge. Non loin du chemin, elle reçoit les eaux qui jaillissent en hiver et dans les temps de pluie de la fontaine des EpignoUes^ ainsi appelée parce qu'elle est entourée de ronces et d*épines. C'est une excavation naturelle, au pied de la monLigne du donjon, et qui communique, si Ton en croit la tradition, avec Tancien puits du Château* est construit le puisard d*où une machine à vapeur aspire Teau qu'elle fait monter dans la ville pour l'approvisionnement des fontaines publiques. En quittant les tanneries, la Suize coule sur un lit ro- cailleux, à travers des prés humides, qui formaient autrefois t étang seigneiuîalj jusqu'à Buxereuilles, elle longe la Retraite et passe sous un petit pont en fil de fer. Les deux monticules sur lesquels s'appuient les extrémités de cette passerelle sont les bondes de l'an- cien étang. Cet étang, négligé depuis la réunion du fief au comté de Champagne, s'était bientôt desséché et la rivière avait de nou- veau creusé son lit en serpentant dans la plaine.

II. La plus abondante des sources qui alimentent le cours de la Suize, jaillit non loin de la Bondc-de-V Étang. Elle ne tarit jamais, aussi quand la ville a reconnu la nécessité d'établir un lavoir, c'est qu'elle Ta fait construire. Cet établissement d'utilité publique prit le nom de Buez^ du vieux mol buée (lessive). Il existe depuis plu^ sieurs siècles; mais l'administration a fait faire, il y a vingt ans, des travaux considérables pour l'agrandir et le protéger en même temps contre les inondations. Celte restauration nécessita la destruc- tion d'une petite rotonde qui dominait la source principale et dans laquelle se trouvait une image de sainte Anne qu'on négligea de replacer. Les laveuses, qui avaient pour celte madone la plus fer- vente dévotion, la réclamèrent et se cotisèrent pour la placer dans le mur d'un jardin voisin. On appelle à Chaumont ces laveuses femmes de la pclloite, parce qu'elles frappent le linge avec des bat- toirs de bois faits en forme de pelles ; elles forment une sorte de corporation dont la présidence est déférée par élection : le bruit des langues dominant presque toujours en Buez celui des pelhttesj on a donné à celte corporation féminine le nom de Parlement.

III. Mais revenons au chemin de Paris et passons enfin la Suize.

Le pont des Tanneria n'a été construil en pierre qu'en 15i0. Dans les temps de guerre, la garde en éiaîl conGée aux liabilanis du raubourg. En quillant ce pont, près duquel toumail cncorâ Im moulin au siècle dernier, on rencontre à droite une maison nouvel- lement reconstruite, mais l'on remarque quelques restes de sculptures : c'est l'ancienne chapelle de la Hadelainc, qui n'est plus aujourd'hui qu'une ferme cl dont nous avons expliqué ailleurs l'origine. A partir de cette maison le chemin, qui est trOs rapide et souvent raviné par les orages, longe un cannl qui sert à l'écou- lement des eaux de la ville dans la Soize et qu'on appelle le Goulot DU la Goiilotlc. A gauche, se dresse fièrement le vieux donjon féo- dal, h droite, la tour Cliarton. La vallée se rétrécit toujours davan- tage jusqu'à la porte de l'Eau. En dehors de celte porto, à droite, contre la muraille, est un bâtiment communal qui, après avoir servi d'écurie, depuis le XV11° sîccle, a été converti en abattoir pubUe, en 1825. Sur la petite place séparée de cet établissement par la rue, on a construit, il y a quatre ans, un joli lavoir couecri, mais avec un volume d'eau trop peu considérable pour qu'il puisse remplacer la buée de l'étaug, trop éloignée de la ville pour les pauvres la-

Im rue de l'Abaiioir est la principale du faubotii^ de l'Eau. C'é- tait la vieille route de Châteauvillain. Elle longe le mur d'enceinte entre deux rangs Je maisons de chétive apparence. A gauche, la muraille et la tour Charton sont près d'ensevelir sous leurs ruines ces demeures du pauvre ; à droite, la pente rapide du terrain sem- ble les entraîner dons le Val-dcs -Tanneries. Ces constructions ne s'étaient élevées que par tolérance et la dure nécessité en exigeait la démolition, i l'approche de l'ennemi, pour la défense de la ville. Le t;rand C5calier de la charmante promenade de l'Escai^ot, con- duit ù la rue de l'Abattoir. Un peu plus loin s'ouvre la Voie-Crciiie qui serpente sur le penchaul de la colline et fmit au bord de la Suize ftrès de la Madelainc. La rue de l'Abattoir se prolonge sur le plateau, limitée des deux ci^tés par des jardiiis, et ks maisons deviennent plus rares h mesure que l'on s'éloigne de la ville. A l'extréfflité, à droite, est l'emplacement de la chapelle Nittrc-Davu-dô-LorrcIte. Lor-iqu'on ferma cette maison religieuse, en 1793, elle était à peu près abandounée et il était défendu d'enterrer dans le cimetière

qui Tcntourait. Elle a été bientôt détruite, ainsi que la croix érigée sur le cimetière par les bourgeois du quartier de Feau en souve- nir de la célèbre mission de 1685. Aujourd'hui les déblais de la ville s'amoncèlent sur cet emplacement dont on fera sans doute dans quelques années une nouvelle promenade.

lY. Le chemin qui fait, à travers les champs, le prolongement de la rue de FAbaltoir, en suivant la sinuosité du vallon, aboutit à un terrain de forme triangulaire, que sa conformité avec les cha- peaux du XVIII' siècle a fait appeler, dans le patois du pays, le Peut-Chaipé, Il descendait dans le Fa/-f/c- Fi//ierj par une pente nh pide qui est supprimée depuis la construction de la route nouvelle. Nous retrouvons la Suize avec ses saules séculaires, dans le Yal-de* Yilliers ; mais les ingénieurs ont redressé son cours capridenx et renfermé ses eaux limpides dans un lit large, profond et direct souvent elles s'égarent. Le vieux pont, qui était voisin de la ferme, a été supprimé et on a construit plus loin une arche pour le pas- sage de la route. Cependant les piétons continuent à suivre l'ancien chemin et ils traversent la rivière, près de la ferme, à l'aide d'une poutre jetée sur les ruines de Tancien pont ; ils rejoignent la route précisément à Tendroit Ton a découvert, en creusant le sol, des tombeaux de ]*icrre dont quelques-uns renfermaient des armes d'une haute antiquité. Plus loin, sur la limite du territoire, est la ferme qu'on api)ellc lu DamcHugucnotte^ sans doute parce qu'elle appartenait auXYI* siècle à une famille de protestants. Des actes portent cette dénomination dès 1570 et souvent alors, comme au siècle suivant, on disait La Muguenotte, Le haut du plateau est couvert par le bois du Faijs. C'est là, sur la limite même du territoire, que la ligne ([ui se détache du chemin de fer de l'Est pour Gray, se réunit à celle qui se sépare de la grande ligne de Lyon dans la direction de Mulhouse. La difficulté était grande pour faire arriver les deux lignes réunies, dans la ville même, entourée de toutes parts de pro- fondes vallées : les ingénieurs l'ont levée en construisant au Yal- de-Villiers un viaduc, do cinquante mètres d'élévation, qui réunit les deux plateaux. C'est une de ces œuvres hardies, gigan- tesques, qui doivent caractériser notre époque, et qui ne nous laissent rien à envier aux travaux des Romains en ce genre. Le

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Pays qui appartenait en partie aux jésuites de Chauraont, est maiii' tenant en lolalilé la propriété rie la ville. Ce bois était autrefois le but lies promenades rhampËtres des Chaumontaîs ; ils préfèrent aujourd'hui au Pays le plateau ombreux et pittoresque de Saint- Roch.

V. Sa'mi-Rock est ce mamelon qui s'élève sur le bord de la Suîze, entre le Val-de-Villiers et le Val-Barisien, et qu'une étroite langue de terre rattache au plateau du Fays. Il tire son nom de l'ermitage qui y avait élé construit à la fin du XVI* siècle, dont Guillaume Rose avait fait la dédicace et qui a été desservi par un religieux jusqu'à la révolution. On l'appelait, lors de cette fondation, h Vieille-Cilà, et les traces d'un camp romain y étaient encore ap- parentes il y a quelques années ; mais elles ont disparu depuis que la pelouse dessécbée de Saint-Roch s'est couverte d'une abondante végétation. Le maire qui est resté â la tète de l'administration pen- dant les dii-liuit années du règne de Louis-Pliîlippc, avait le goût des plantations, et c'est à sa persévérance à lutter contre l'aridité du sol, que l'on doit de voir aujourd'hui tous les c6leaux qui envi- ronnent la ville se couvrir de verdure. Sans doute ces plantations ont coûté fort cber ; mais elles donnent au pays un aspect tout nou- veau. Du reste, Sainl-Rodi a toujours été très fréquenté : autre- fois on allait prier à l'ermitage cl les habitants des communes voi- sines y venaient processionnellement ; ensuite ces réunions n'ont plus eu pour but que le plaisir : on dansait sur la pelouse, et l'on dînait sur le bord de la Suiio. Aujourd'hui on ne va plus guère diner à S.'iinl-Itoch ; mais on y danse encore souvent et toujours on y rencontre des promeneurs. Il ne manque plus à celte belle promenade qu'un chemin bordé d'arbres qui y conduise. L'ermi- tage est habité par le garde des propriétés de la ville. La chapelle est devenue une écurie ; on n'y retrouve plus la tombe du frère Laurent ; la vigne du frère Pacôme a été arrachée.

Le Val-Bariïten est pUis haut, en remontant le cours de la Suize, sur la limite du territoire. On disait anciennement le vaulx ou/e t'oij Baroitieti. 11 y a une belle maison de campagne qui était habitée en 1565 par Vincent Le Genevois, noble bourgeois, dont la famille qui a fourni plusieurs illustrations dans l'ordre ecclésiastique

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était alUée aux Sancey, aux Rose et am Gondrecourt. Jean Le Ge» nevoiSy écuyer seigneur de Blaigny et président à Chaumont, était friii de Gabriel Ijô Genevoiiy évèque de Noyon et pair de France ; ils étaient fils de Pierre et de Guiilemette de Sancey, fille de Louis de Sancey, lieutenant-général à Chaumont.

VI. Les chemins qui conduisent à la Dame-Huguenotte, au Pays, au Val-de-Yilliers, à Saint-Roch et au Yal-Barisien, se rattachaient tous à fancienne roule de Chàteauvillain, actuellement rue de TA- battoir, qui aboutissait à la porte de l'Eau. Depuis la destruction des fortifications, ils se rattachent aux rues Toupot et de Brottes, dans le faubourg de VilUers ou de la Porte^Neuve. C'est seule- ment dans la seconde moitié du XVII* siècle que ce faubourg s'est formé; jusque on n*y rencontrait que quelques maisons isolées; les vinéeê venaient jusqu'aux fossés de la ville. Le terrain^ divisé en jardins avec maisons d'habitation, entre la nouvelle route et le chemin de la maison Doyen, formait un vaste champ de foire qu*on a commencé à cultiver au XVI* siècle, quand la suppression des portes de Brottes et de Villiers, en rendant les communications plus difficiles, fit établir le champ de foire à la porte de Buxereuilles. C*est sur une partie du terrain de l'ancien champ de foire que se trouvent la station du chemin de fer et les ateliers de construction qui en dépendent. La maison Doyen est une ferme fort ancienne qui a appartenu à l'un des doyens de la collégiale. La procession des rogations y faisait une station devant une petite chapelle qui existe encore avec une croix qu'on appelait la croix Graiian. Une autre croix s'élevait en Gaillon, sur le boulevard, au-dessus de la fontaine du Gué.

VII. Le boulevard qui s'étend de la porte de Villiers à la porte de Buxereuilles longeait le fossé de la ville ; il a été planté d'arbres en 1780, sous la direction de Mugnerot. C'est encore à cet ingémenx artiste que l'on doit la charmante promenade de VEscargoî qui aboutit par une suite de gradins gazonnés à la rue de l'Abattoir. Aujourd'hui que les fortifications sont démolies et les fossés com- blés, le boulevard va s'agrandir et il faut espérer que, grâce à la surveillance et au concours de radministration, le goût présidera aux constructions qui vont s'élever sur la ligne de l'ancien mur d'enceinte.

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Vm. Le Taubout^ de Chamarandes ou de Saint-Hîcliel est plus ancien que celui de Villiers. Dès le XIV' siècle, il y avait des auber- ges en dehors des rortiûcalions, sur le chemin de Langres, qui est devenu une roule nationale. A gauche est une grande écurie, ap- partenant à la ville, et qui a été consiniile en 1766 sur un terrain de l'hûpital. C'est que les arbalétriers s'étaient retirés après la ces- sion de leur jardin aux dames ursulines en 1 62S : la ville leur avait iic- cordé cent livres pour construire leur nouvelle bulle. La compagnie ayant cessé d'exister en 1674, on avait donné le terrain l'bospice. Plus loin, du même côté, est le grand réservoir dans lequel arrive l'eau que la macbJtie hydraulique fait monter sur le plateau el qui doit Être distribuée dans la ville. A droite, la maison qui porte le n' 4, était l'auberge Au-Duc-de-Botirgognc, tenue par le père de Lau- rent Guyard, et c'est li qu'est ce malheureux artiste le 12 juillet 1 7S3. A rage de douze ans, Guyard, pendant une nuit d'hiver, avait iiiodelo avec de la neige, dans la cour de l'hâtel, une stiilue que toute la population alla admirer. Cependant, on ne vit qu'un jeu d'enranl : il était réservé à Voltaire de comprendre le premier le jeune statuaire et du donner l'impulsion à son génie naissant. Guyard avait été mis en apprenlissa);e chez un maréchal-ferrant de Cirey-le-Château ; il cmyoïinail un jour, sur la muraille, l'esquisse d'un cheval au travail ; le philosophe le surprit et ses éloges firent sur l'imaginalion de l'enfant une telle impression qu'il revint le jour même à Chaumoot demander à ses parents à étudier le dessin. On ne pul résister à ses inst:tnces. Guyard étudia d'abord à Chaumont près de Latlier ; il alla ensuite à Paris il fut reçu dans l'atelier d'Edme Bouchardon ; mais le maître craignit bientôt d'être surpassé {lar l'élève et devint son ennemi. Eloigné de sa pairie par les in- trigues de ses rivaux, l'artiste chaumontais, après avoir lutté pen- dant toute sa vie contre la misère et la calomnie, est mort a Car- rare, en Italie, le ^1 mai 178S. Les œuvres principales de Guyard ont été exécutées pour le duc de Parme dont il était premier sculp- teur ; son Cupiiton prêt à Cirer de l'circ est l'un des beaux morceaux de l'école des beaux arts de cette ville (1).

(t) Voiu noire HoUct tuT Laurent Guj/ard. ncibol, INII . IM-.

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IX. Nous suivrons la route et, sortant du territoire, nous irons chercher un souvenir au Val-des-EcoUen dont les religieux se dir- aient Chaumontais. La dernière maison du faubourg, à droite, était encore une auberge; sur son enseigne on avait peint un bonc, un duc (oiseau), et un monde avec cette inscription : Au-iotic-dai* monde^ et Ton disait : Au bout du monde^ dénomination FcMi emploie encore pour désigner cette partie du faubourg. Saint-Foix a signalé une semblable enseigne à Paris et qui a donné liea au même jeu de mots. Non loin de cette auberge, près de la route, se dressaient les fourcha paiibulairet et le lieu a conservé le nom de Saiton'de^lo'Jusiîce. Le Val-des-Ecoliers est situé à dnq kilomètres de la viUe, sur le territoire de Verbielles. C'était un prieuré fondé en 4210 par quatre docteurs de Tuniversité de Paris et érigé en abbaye en 1539. Cette célèbre maison resta chef d'ordre jusqa*à sa réunion à la congrégation de Sainte-Geneviève de Paris, en 1636. Les bâtiments élevés d'abord dans le fond de hi vallée, qui a con- servé le nom de Vicux^Valf ayant été détruits par une inondatioû, dès l'année 1234, on reconstruisit un nouveau prieuré à Tenlrée de cette vallée, sur le bord de la Marne. Lors de la suppressicm des congr^tions religieuses, l'abbaye du Val renfermait des ridiesses scientifiques et des objets d'art qui ont été en partie dispersés, malgré le vif désir des Chaumontais de les recueillir tous. Les meilleurs tableaux du musée de leur ville proviennent des coUeo- tions de cette abbaye, et parmi ceux qui sont perdus nous citerons: dix portraits des supérieurs de Sainte-Geneviève; celui du P. Le- moyne ; le Nunc dimUtiSj de udni Smoriy peint par Lallier ; une Adoration des mages et une Annonciation du même artiste ; enfin, il y avait encore plus de quarante sujets religieux dont qudques- uns, peints sur bois, étaient datés du XV* siècle. Il ne reste plus de l'abbaye du Val qu'un corps de bâtiments qui ne date que du XVIII* siècle et dont Jean-Baptiste Bouchardon a donné le plan. Le non* veau propriétaire a construit à côté des manufactures.

X. Revenons à notre faubourg. La route nationale tourne autour

de la ville en suivant le boulevard. Jusqu*à la hauteur de la rue de Choignes, elle est bordée de maisons. A ce point s'ouvre une allée de peupliers qui semble n'être que le prolongement de la rue de-

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puis que ta tour est renversée. A l'exlréroité de celle allée est la cimetière construit en 1783, près du calvaire de In croix de mis- sion de ce Tauboui^, et agrandi depuis quatre ans : il s'étend main- tenunt jusque sur le territoire de Choignes, dans la contrée appelée le Vnnirc-ie- Paille, contrée célèbre par la guerre d'cxlerminalion qu'on y fait aut allouettes pendant deux mois de l'année, car celle chasse spéciale est une passion véritable pour le Cliaumontais. C'est par le Venlre-de-Paille que le chemin de fer, qui a suivi le boulevard en coupant In porte Saint-Michel , descend du plaleau dans b vallée de la Marne. Le cimetière ne renferme pas de tom- beaux remarquables sous le rapport artistique. On ne peut trop regretter qu'on n'ait pas songé, en y transférant les ossements du cimetière Saint-Michel, à y transporti;r en même temps toutes les vieilles pierres tumulaires dont l'ancien charnier était rempli. Nous n'avons à signaler que la tombe des dcui Laloy ; celle de Viéville, le père des pauvres, et le monument que la commission de l'bos- pice a fait ériger à la vénérable sœur supérieure Marie-Madelaine Teste qui, après avoir pendant plus de soixante ans donné des soins aux malades de cet établissement, y est morte le 28 janvier 1844, à l'âge de 92 ans. Une croix de pierre marqua la sépulture de l'abbé Mathieu , l'infatigable chroniqueur de l'évèché de Langres, mort à Autrcvillele 11 juin 1829 (1). Nous trouvons bien encore, dans le nouveau charnier, aux places d'honneur, quelques noms titrés , à cùlé d'autres noms de fonctionnaires; mais ils ne rappellent aucune oeuvre de science, de dévouement ou de bienfaisance.

XI. Du cimetière nous passerons au musée, qui ouvre sur le boulevard, derriCre le lycée. Cet établissement, qui compte à peine cinq ans d'existence, est déjà riche ; mois avec un peu plus de tële

(() Jean-Baptiilt-Joieph Mathieu, ni i MaaiisojAt-Sloi 111 nni tacU li Chtumoai pcodiol la rivolalian el il n'i pi» qnilM a (DUliminrDt occupt de nchircb» lur l'biiloira ie 11 HiDlcMirnis priailpilenieol pour hal l'hiiiiiirg Krl^litllon*, I] g pnbliJ Jini la I laiMBi : !■ L'Abrégé ehronologiqut î'hiiloire dtt évéguti el c Langm; !• la Biographit du déparltmenl dt la Haule-Marni d'iB gnai IriKil lur l'Iiïdain do Jiacno. Oa lui ilDil cocon lu Aol

Barbe, it nn TraUi da la chuiia aux raquetlei. II hiw

l'obÛ Milbîni niiif\é temmt Mrliiiu da Iiilt lu mulu doulcai •cnpalaai iluii 11 carosahiBic .

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Mo- de la part des administratears à recueillir les objets d*art et les mo- numenls historiques, épars dans toutes les commones du départe- ment, et à solliciter les dons du gouvernement et ceux des ci- toyens, il aurait pu ouvrir plusieurs salles nouvelles. Le grand sa- lon convient à la sculpture ; mais il faut une salle pour la peintnre, avec un cabinet pour les médailles et les gravures. A côté des pift- très de nos plus belles statues antiques, envoyés par le gonvwme- mmki en échange des statues du maréchal et de h maréchale de Yitry, qui sont maintenant à Versailles, on remarque les bustes m marbre de Bouchardon, de Crès et de Damrémont. Le premier, oeuvre remarquable de Lescomé, de Langres, a été donné à h iriDe par M. Duval Fraville, qui a également lait obtenir du ministère de rintérieur le buste de Damrémont ; celui de Famiral est un don de M"« De Grès. C'est le commencement d*une galerie chamnon- taise dans laquelle, sans doute, viendront bientôt prendre phoe le P. Lemoyne, Paillot, Gnyard, les deux Laloy, Girardon et d'eatres encore, sinon en eiBgies, du moins par des œuvres ou des objets qui en rappelleront le souvenir. Près du buste de Henri IV, qoi déco- rait la façade de la vieille tour du Barle, sont rangés ceux de Loois XVIII et du duc d*Angouléme : le premier est d'un artiste chnH montais, Varin ; Tautre a été donné par hi dudiesse comme souve- nir de son passage en 1828 (1). Une peinture de M. Abel Pèmet, de Vassy, rappelle aussi cette visite. Le portrait du P. Honoré n'est remarquable que par le souvenir qui s'y rattache : il a apparlenn au gendre du maire Villault et l'on ne manquait jamais, lors des processions générales, de l'exposer à la dévotion des fidèles. On en a fait plusieurs copies et il a été reproduit à un grand nombre d'exemplaires par la gravure ; les grandes dames de la cour aytnt mis ces images à la mode, on les trouvait dans tous les oratoires, dans toutes les cellules, avec des inscriptions et des vers en l'hon- neur du bienheureux Père. Le musée de Chauroont possède déjà quelques peintures modernes ; mais on y remarque surtout les grands tableaux de chasse et d'animaux provenant du Val-des-Ecoliers : ce sont des copies d'après Sneyders, exécutées dans l'atelier da maître et dont quelques-unes ont été retouchées par lui. La Créa-

{\] Quelques heures à Chaumont en septembre 4S2S. Brochwt îo-S*.

lion, la ChiMC au renard et ta Chatte aux perdreaux, ne sont ({ue des œuvres jiassables ; le GardcmaHtjcr esl plus eslimé ; mais on admire /a Chaise an titupel le Sanglier furcé. L'originul dece der- nier tableau qui est au inusiSe du Louvre passe pour le chef-d'œuvre de Sneyders. Parmi les autres objels d'srl, nous devons signaler une pierre tumuiaire, retrouvéeà Cbàleauvillaîn, non loin des mines du thâleau ; elle décorait le tombeau de l'un des seigneurs de celta ville ; le sire est représenté couché, sa léle reposant sur un oreil- ler. Ce monument, bien qu'il soil mutilé, fixe l'attention des ar- tistes. Enfin, on remarque encore le bas-relîcr représentant une bataille, tiré du tombeau du mar>^chal de Vilry h Châteauvillain ; deui autres bas-reliefs, la Charilc et ta Justice, qui proviennent de la chapelle des sires de Joinville, et quatre morceaux de plein relief, la Foi, l'Eipérance,h C'wriJé et rj*tom/fln«, détachés du tombeau de Claude de Lorraine et exécutés, dît-on, par deux artistes italiens, Jean Picard et Dominique, de Florence. A cdté de ces précieux restes, on conserve une pierre des cachots de la Bastille et la modtïle en plâtre de cette célèbre prison d'Etat. Nous ne parle- rons {las des médailles ; cependant la collection est déjà nombreuse et elle s'est enrichie de quelques trouvailles faites dans le pajs. Les gravures ne sont pas encore mises en ordre -, mais la bibliothèque possède un carton qui commencera une précieuse galerie.

XU. Nous n'avons plus rien â demander au bonlevnrd qui va former devant le musée, sur le remblai du fossé, une superbe ate- nue de 380 métrés de longueur. La promenade qui continue cette avenue et qui fait angle pour aller rejoindre le Doulingrin, est bor- née au nord par le quartier AeFréea ou Froidcitl, ainsi appelé, dès le XVi* siècle, à cause du vent du nord qui s'y (ait sentir plus for- tement qu'ailleurs. Ce quartier, qui appartient déj;^ au faubourg Noire-Dame ou de Buxereuilles ne forme qu'une nio, dite des Mèiéi, liabitéc par des laboureurs et des jardiniers ; on y remarque cepen- ,< dant la vieille maison du Charmoni, dont on avait fait un fief et

près de laquelle s'élevait fa croix Frécu. C'est dans celle maison qu'est mort le père Barbe.

LXm. Un sentier qui prend direction à droite, dans les champs, K 1

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aboutit à rextrémité du pbteau, à l'entrée d'un bois de coadriors» qui eoavre tout le versant de la colline. Là, sont les ruines du fa- meux château Paillote qui n*a jamais existé que dans rimagination de quelques mauvais citoyens. Cette propriété, qui comprenait phi* sieurs champs sur le plateau, le coteau et Tancien fief du Naurrg^ au pied, sur le bord de la Marne, appartenait au maire Paillol qui jugea nécessaire à Texploitation de son domaine de faire construire une maison de ferme sur la hauteur. C'était pendant la gaenre de Lorraine. Le parti aristocratique de la ville, qui haïssait ce digne magistrat, à cause de sa popularité, et Taccusait, comme on sait, de favoriser les Lorrains, répandit le bruit qu'il voulait construire un château-fort pour y donner, au besoin, asile aux ennemis de l'Etal. Cette accusation nouvelle n'a trompé personne ; mais le nom de château est resté à la maison de ferme qui, depuis longtemps inha- bitée, a été complètement détruite lors de hi dernière invasion. En suivant le même sentier, que l'on a continué sur le versant du colean jusqu'à hi route nationale, nous descendrons par une pente rapide dans la fertile vallée de la Hame. D y a vingt ans environ que le génie militaire à détruit le pont de pierre sur lequel on traversail la rivière, pour le reconstruire en bois. Chaumont était alors place de guerre. A droite, est l'ancien moulin du Fai-dei-Ckotue, qui a appartenu au seigneur de Lanques , puis à l'ordre religieux qui Ini a laissé son nom, et la carrière du Boul-^u-Pont ou de ia Maladière. C'est une excavation souterraine formant plusieurs galeries ou rues poussées sous la montagne, dans différents sens, à plus d*un kilomè- tre ; le toit en est soutenu par des piliers que les ouvriers laissent derrière eux à mesure qu'ils avancent La pierre de cette carrière, qui est ouverte depuis plusieurs siècles, est blanche, d'un grain fin et tendre ; elle a été employée pour la construction de la plupart des maisons de la ville ; mais, pour la préserver de h gelée, il fieiut l'éle- ver, dans les lieux bas et humides, sur un lit de pierres dures au- dessus du niveau du sol. A trois ou quatre cents mètres plus loin sur le plateau, près du vallon qui conduit au boit des Barres^ pro- priété de la ville, est une autre carrière Ton tire, à découvert, de gros blocs d'une pierre blanche, à grain fin, coquillière et non gelisse dans les bancs inférieurs. Enfin, non loin de là, à Textré- mité du finage, est la Maison^-des-Boit et la ferme des Rieppes.

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XIV. Le hameau de Reclancouri, rénni déûnUiTement à la ville en 1810, est situé sur la même rive de la Hame, à gaucbe t!u pont. C'était autrefois un fief dont la maison seigneuriale, reconslruile au XVIII' siècle, eiisle encore en grande parlie. Hugues de Re- clancourt est témoin d'une donation faile par Milo de Chaumont en 1203. Le moulin, avec le foulon battant qui en dépendait, ven- du, en I'i56, par Ogier de Bourmont à GeolTroy de Sainl-Bltn, anit été donné, en 1502, à l'église Saint-Jean, pour la fondation de la clocheiiede nuii, par Catherine de Saint-Blin, veuve de Jean d'Amboise-Gussj. Reclancourt ne forme qu'une seule me, la rue Chicomclte, l'on remarque les ruines d'une petite chapelle- Cet édifice religieux n'était pas ancien ; mais hors du hameau, de l'autre cOlé de la rivière, est l'église Saint-Âgnan, la mére-église de tout le territoire, bien que le monument actuel, qui n'olTre rien de remarquable, ne soit pas antérieur au XIII* siècle (1). On sait qu'on a découvert au Moulm-^'l;uf, près de celte église, qui est au- jourd'hui complètement isolée, des restes de constructions romaines. Peut-être ces ruines remontent-elles à l'époque les bandes d'At- tila mirent à feu et à sang le pays des Lingons. On prétend que pendant cette terrible invasion, deux vierges, Aragone ou Rade- gonde et Olivaria, reçurent la palrae du martyre sur le territoire de la ville de Chaumont (2). Rien, cependant, ne prouve ce fait, et il serait bien étonnant qu'aucune fondation pieuse n'eût été faite dans les siècles suivants, pour en perpétuer le souvenir. Le cime- tière qui entoure l'église Saint-Agnan a toujours servi aux inhuma- tions dans les temps de peste, et l'on retrouve encore sous le por- che deux inscriptions qui rappellent la fatale année 1636 : A gau- che est inhumé le bourgeois Guillaume Aubry; à droite, glt le corps de M* Claude Tapperel, procureur amt) et ai/itU du fublk, tous deux sont morts de la peste.

XV. L'ancienne maladrerie, qui a donné son nom au faubourg de la Xaladière, n'est plus aujourd'hui qu'une ferme l'on ne retrouve aucune trace de son ancieims destination. Du reste, de-

(3) Toral'tliUMiihiw.

u

43i

pob le XVIIrsiëcle que la lèpre a disparu^ les maladreries oo lé- proseries étaient réunies à Tordre de Saint-Laiare, qui en affermail les revenus. A Chaumonl, il y a eu des lépreux dans la maladrerie, surtout pendant le XVI* siècle. Ces parias du moyen-ftge étant morts pour la société civile aussi bien que pour TEgUse, il knr était défendu de communiquer avec aucun de leurs concitoyens ; ils pouvaient solliciter l'aumône des passants, mais sans en appro*- dier ; et, pour qu'ils fussent reconnus de loin, on leur donoail hi habit particulier. Ils avaient aussi à la main des diqueltas languci de bois qu'ils frappaient l'une contre l'autre pour leur approche. D'abord ces séquestrations avaient été prononcées exclusivement par l'Eglise et elles avaient donné lien i beàncoqi d*abus, mais la justice ayant en6n revendiqué son droit, il avait été ordonné que nul ne serait retranché de la société conmie lépreos, sans avoir été visité par les gens de l'art sur la poursuite de rantorité Ilcale. Voici, .d'après le rituel du diocèse de Langres, imprimé aa j^mmencement du XVI* siècle, comment procédait le clergé, que l'autorité civile avait prononcé : on lisait au prAne la d'exclusion, puis le prêtre allait processionnellement chercher le malade, dont le visage était voilé, et le tirait par h main hors de m demeure. Lorsque la procession, ou mieux le convoi funèbre, était de retour, le lépreux s'agenouillait à la porte de l'église et restait là, seul, jusqu'à ce qu'on eût terminé l'office des morts. Les assit» tants allaient à l'offrande déposer le pain et le vin, selon l'antiqne usage du pays, et comme s'il se fût réellement agi d'un enterre- ment. Après la messe, le célébrant s'approchait do paria et Tedior* tait à la patience ; puis avait lieu la bénédiction des habits étaient semblables pour les deux sexes. Cette cérémonie temûnée, le prêtre s'adressent au patient, toujours agenouillé, lui disait à haute voix : Lazare^ vent forai ! et il le repoussait hors de Tégliae. Alors la procession reprenait sa marche ; on allait à la maladrerie, et le clergé abandonnait le bon malade. Alors un lépreux occa- sionnait à la ville une première dépense de huit livres huit sols quatre deniers, savoir : c Pour obtenir le mandement, 40 sois ; à rapothicaire et aux barbiers chirurgiens qui ont visité le malade, falots les preuves et rapports, 30 sols ; six aulnes de drap gris pour les habits, 4 livres ; façon desdits accoutrements et guestres, 6 sob

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4 deniers; ua cliaperon, 5 sols; une paire de gants, une cour- roje, un cousteau, une besace, un baril, un entonnoir, des cli- quettes, uneborse, un cbapeau, 7 sols.

XVI. Noos remonterons sur le plateau de la ville jiaf la cdte de la Maladièrr, abandonnée depuis qu'on a fait tourner la route par la prée <h Saint-Agna», pour en adoucir la pente. Les maisons qui bordent celte cûle à l'approche du faubourg n'offrent rien de remarquable. Le quartier de Frécu est à gauche. Ce faubourg, qu'on a appelé successivement de Buxercuillet, de Nutre-Dartic-de- Bonne-Nouvelle et simplement de Notre-Dame est le plus vaste. Nous avons parlé ailleurs des travaux de défense qui obstruaient la porte de Buxereuilles : aujourd'hui l'entrée de la ville est libro ; seulement les voilures doivent passer sous ce trop fameux arc-de- Irîomphe qui, après avoir été dédié à tous les souverains, depuiji i sa fondation, à l'exception toutefois du véritable souverain, le peuple, est resté inachevé et menace déj'ik ruine. Tout doit engager' l'administration à renverser cet amas de pierres, qui n'est pas même dans l'alignement de la rue. Ou trouvera dans les fondations une boite de plomb renfermant plusieurs pièces de la monnaie du temps et l'inscription suivante :

t La porte construite à l'entrée du faubourg Notre-Dame a été élevée en mil huit cent treize , sous le règne de Nupoléon-le- Grand ;

c H. Gabriel-Joseph Jerphanion, chevalier de la Lêgion-d'Hon- neur, baron de l'Empire, était préfet du déparlement de la tlaute- Mame;

c H. Nicolas Graillel, baron de Beine, maire de la ville de Chau- mont, et MM. Jacques-Victor Thyebaut, notaire impérial, et Fran- çois Chaloin, docteur-chirurgien, adjoints au maire;

* Pierre-Marie Mangeol, archilecle , en a donné le dessin, et Pierre Mansîol, entrepreneur de bâtiments, l'a conslruile. >

C'est près de cette porte, sur la petite place Bdtei'ue, qui do- mine le val des Tanneries, et d'où la vue s'étend au loin sur la route de Paris, que las Chaumoniais avaient plante l'arbre de la liberté, en tSiS; l'autorité l'a fait abattre quatre ans après.

Depuis le XVII* siècle, le terrain qui s'étend de la porte au

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Champ-de-Hars était planté de quatre rangs de tilleuls. Ces arbres séculaires ont été abattus, il y a quarante ans, lorsqu'on a tracé It promenade actuelle du Boulingrin. C'est alors aussi qu*on a Hmité le Champ-de-Mars où, depuis le XYI* siècle, on tenait les foires ; de nouvelles plantations ont été faites pour remédier à rirrégolarité du terrain. Au-delà de ces plantations, la promenade débouche mur le Fichu'Carréf terrain de forme triangulaire, aujourd'hui tnferaé par la route. C'est qu'avait été plantée la première croht de fai mission de 1685; elle a été remplacée en 1792 par la m(«tagiie Ton a célébré la fête commémorât! ve do 10 août.

XYII. En quittant le Fichu^Carri on entre dans la contrée tfite de Chaumont'U'Bois. Ce terrain, couvert de broussailles et qpi payait un cens au domaine du roi, n'a été défriché que dans les dernières années du XVI* siècle. C'est alors qu'on a construit la ferme qui existe encore, et planté l'allée de tilleuls qui y conduit; mais il existait depuis le XV* siècle, à l'extrémité du plateau, une petite chapelle dite d'abord de iVb/re-Dame-ck-Boniie-iVbic«e(fe, puis du Nomrde^éia»^ au XVII* siècle. On sait qu'en 1676, pendant b peste, la ferme était convertie en ambulance et que la ville avait fait construire des loges pour les pestiférés, au pied de la monti^e, près des Quatre-Moulins ou du VaURatoux^ comme on disait alors. Trente ans plus tard, four le divertiuemenl du public^ car la villa n'avait pas alors d^autre promenade, on fit continuer l'allée jusqu'à la chapelle du Nom-de-Jésus, dont elle prit alors le nom. En 1715, le maire Lambert, après avoir fait remplacer par une croix la dia- pelle, qui tombait en ruines, fit planter les deux allées extérieures de Chaumont-le-Bois et construire le mur de soutènement, en forme de fer-à-cheval, qui forme une terrasse au point commence l'escarpement du coteau. Comme ce travail, (ait de gros quartiers de roche, ressemblait assez à un bastion, la promenade prit le nom de Fort^Lamberty qui lui est resté. Il est fait mention du Vain Ratout ou Restau t dans des actes du XIV* siècle et il y a seule- ment soixante ans que cette dénomination a été changée en celle des Quatre-Moulins.

XVm. Un sentier rocailleux conduit du Fort-Lambert aux Quatre-

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Moulins. Ce sentier était autrefois suivi par presque tous les chau- montais qui, après avoir passé un pont provisoire que le meunier jetait sur la Mame, gravissaient le bois des Moines pour redescen- dre à Condes-I' Abbaye. C'était un pèlerinage en erantle réputation et la petite clapelle était remplie d'ex-voto ; mais, dans les derniers temps, on n'allait plus à Condes qu'en partie de plaisir et comme pour fêter la renaissance des beaux jours : on y dansait, on y faisait sur le gazon, comme à Saint-Rocli, le repas de famille et, le soir, on rentrait joyeusement en ville sans avoir visité la chapelle. Depuis quelques années cette promenade n'est plus possible : le bois des Moines est clos et le ïieui prieuré, dont les seigneurs de Chaumont étaient les gardiens, est fermé aux visiteurs. Puisque nous sommes hors du territoire, nous devons mentionner un autre pèlerinage, MéchineiXf qui appartient d'ailleurs à notre chronique, car il a été doté par des Cliaumontais. La chapelle Notre-Dame-de-Méchinoix ou de Uachinéei, selon l'orlliographe primitive, avait été fondée en 1202, sur les hauteurs qui dominent Condes, près du village de Treil, par le frère Etienne, qui avait obtenu pour lui et ses suc- cesseurs, du seigneur de Chaumont, Milon, le terrain sur lequel il avait construit son ermitage et tout ce qu'il pourrait défricher aux environs (anl en bon çti'en ferret. L'année suivante, un autre Cliau- montais avait ajouté à cette donation, tout ce qu'il possédait dans la vallée. En 1212, l'évéque deLangres, Guillaume de Joinvîlle, avait donné Hécbineix è l'abbaye Saint-Remy de Reims, pour y faire célébrer l'office par les moines de Condes , mais à h. condition que le frère Etienne y resterait jusqu'à sa mort. Pendant longtemps cette chapelle ne jouit pas d'une grande réputation ; cependant au commencement du XVI* siècle, on répandit le bruit qu'il s'y faisait des miracles ; les pèlerins y accoururent, on construisit des auber- ges dans le voisinage, des merciers s'y établirent pour y vendre des images, des agnut, des chapelets, et bientilt le prieur se vit forcé de représenter son insullisance pour pourvoir seul aux besoins du service. On lui donna en 1G2'2 un coopéraleur, qui se logea sur les lienx mêmes, chez un mercier ; mais sa présence fit naître des rivalités dans la petite colonie et un jour le pauvre moine fut as* sailli dans sa chambre par une voisine qui vociférait toute sorte d'injures, le traitait de sorcier et menaçait de le frapper d'un grand

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couteau dont elle était armée. D barricada sa porte el en fiil qoHli pour la peur ; mais il jugea prudent de partir dès le lendemain et on conGa la desserte de la chapelle i un chanoine de Chaninont. La chapelle de Méchineix fut entièrement minée pendant la gnerre de Lorraine, et en 1658 l'église de Reims la Tendit aux minfanef de Bracancourt. Dès lors les pèlerinages détinrent moins fréquents. Au XVIII* siècle la petite chapelle était complètement oubliée. Les prétendus miracles étaient attribués à une image de la Vierge el à Teau de la petite fontaine qui souriait de deêêomi FamuL Aqour- d'hui il n*y a plus à Méchineix qu'une ferme et qndqiMf ruines.

XDC. Nous rentrerons à Chaumont par Bnxerenilles et, poiaqM l'ancien sentier de Condes est fermé, nous serons forcés de mnn h Marne, des Quatre-Houlins au patouiUet de ChemoMcamn. Celle usine a remplacé un ancien moulin ; on y lave les terres des hau- teurs voisines pour en extraire le minerai de fer «i grains qui y est très abondant ; la roue est mue par la Snixe qui se jette dans la Marne à quelques mètres plus bas. nous rejoignons la gruide route de Saint-Dizier. Elle traverse bientôt le hameau de Boxe- reuilles elle se réunit à la route de Paris par la Rtirasle. Le fai* bourg bas de Buxereuilles, réuni définitivement à la ville éspwa 1810, était une seigneurie dépendante du fief de Chaumont ; oe petit domaine, aliéné au XVI* siècle, fut possédé d'abord par le sei* gneur de Riaucourt, puis par celui de Brethenay et enfin il viol en la possession du chapitre de Chaumont. Son importance a toiqoofi été en décroissant. Cependant, en 1565, il y avait encore one maison seigneuriale à Buxereuilles ; mais le four banal était km- ché et éiouppé depuis le XV* siècle, et de deux moulins il n'en res* tait plus qu'un qui est conveili, depuis quelques années, en une filature de laine. Du prieuré, dont on connaît l'histoire, et qoi a fait place à une auberge, il ne reste plus que quelques tourelles. L'église, qui était placée sous l'invocation de Notre-Dame, est enti^* ment détruite. M. Jaspard de Daillancourt, écuyer, avait fondé dans cette église, en 1543, sur la sépulture de ses parents, une chapelle dite des Trois-Rois ; lui-même y avait été enterré. U avait légué son domaine de Buxereuilles à Philibert de Thoulonjon* U n'y a

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plus mainlenant dans ce hameau qu'une pauvre petite chapelle qui est à peu près abandonnés. Sur les hauteurs sont quelques maisons de fermiers l'on remarque encore les traces de l'iu- cendie que les Cosaques y ont allumé en 1814.

XX. Le pont construit i Buierenitles sur la Suize n'a qu'une seule arclie. On monte à la ville par une cdie d'un acc^s difficile bien qu'on en ait plusieurs fois déjà adouci la pente. A l'entrée du faubourg haut, à gauche, est le nourel hôpital construit en IToO. C'est un des beaux monuments de h ville. La cour principale était séparée de la route par une belle allée de marronniers que l'on vient de renfermer dans l'enceinte de l'établissement en reportant la grille jusque sur la berge. Dans le caveau de la chapelle sont les ossements extraits du cimetière de l'ancien H<ïlel-Dieu. On a dé- posé sous la première pierre de cette chapelle l'inscription sui-

Nosocomîum Quod olim, ad concîv. xegrotantium

Paupertatem sublevandam,

Provida civium charilas dotavcrat,

Et eadem, augusiiori conditum in loco,

Coramodiùs, omatiùs, salubriùs,

Hic instanrare agressa est.

Sacellum

Inchoatum fuit,

Atque novo ut ediiic.

Decus ffitemum accederet,

Primum bunc posuit lapidem

Pauperum pater

lllustrissimus ecclesix prinreps

Gitbertus de Montmorin de St-llerem,

Epis. D. Ling. Par Franc. Reg. ord. coromendalor,

Die 21 jul. 1750. Pet. Vital de Pons, équité in cur. Prœ. equ. honor**,

Urbis pnefecto ;

Rie. Fiat, ani. Guillaume. J.-B. Bardel, J. Courtier,

^dilibus,

Kt ant. Arragebois urb. procurai, reg.

Rei pauper. admiuistratoribus.

J.-B. Meucier, sculpsit.

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XXI. Un pea plus hmit et du même eftté est Tandeii jerfin de r Arquebuse, fondé en 1607. Le pavillon n'avait été construit q[iie quarante ans plus tard (1). Depuis la suppression de la compagnie des chevaliers de FArquebuse, cet établissement était resté inoecopé ; seulement la garde nationale s'y réunissait une ou deux fois par an, lors des fêtes publiques, pour s'exercer au tir, et la mairie distri- buait quelques prix aux vainqueurs. N'aurait-on pas pu, m ouvrant une porte sur le Fort-Lambert, faire une promenade publique du jar- din de l'Arquebuse et établir dans le pavillon un musée lapidaire ? On a considéré cette propriété comme inutile à la ville et, en i852, on l'a mise en vente. Elle aété achetée par un industriel qui j a bit cons- truire une &brique. Le pavillon est démoli : on lisait snr It mu- raille du vestibule, i gauche, les vers suivants :

Courage, enfiins de Mars, voici la noble escole pourres acquérir sur vos fronts cent lauriers Et avoir cest honneur d'estre faits chevaliers Du plus grand roi qui soit soubz l'un ou l'autre pèle.

XXn. U nous reste à rappeler un souvenir. La fiuaaille Lancrel habitait, prés de la porte de BuxereuiUes, la maison qui porte b n* 15. C'est au sein de cette famille que se retira pédant qndqoe temps, après le 9 thermidor, Alaàt GUmtier avec les frères Dtefridk, ses élèves. Le père de ces jeunes gens, maire de Strasbourg, avait été condamné par le tribunal révolutionnaire de Paris; eux-mêmes, arrêtés dans le Bassigny avec Gloutier, avaient été renfermés dans les prisons de Chaumont. Après leur mise en liberté, ils ne pou- vaient rendre un témoignage plus éclatant de la conduite des Chao- montais à leur égard qu'en restant au milieu d'eux. - Gloutier, économiste distingué, occupa plus tard un poste éminent dans Tad- ministration. Membre de l'Institut d'Egypte, ainsi que Lancret, il a laissé beaucoup de travaux manuscrits. Il est mort à Gizeh en 1800 ; il était i Ninville dans le Bassigny.

(1) Le mtira en a pos^ la premiire pierre et oo y a scellé riaicriptioo tairaDta : « Johanneê Poiresson in bailliviatu éalvomontano proeurator r^gitu et urhiê Calvomontanœ prœfectuSf primarium hune lapidem, nono mm$i$ pdiiy anno miUesimo Domini iexcenîêiimo quadrcLgtêimo $$ptimo potuity hordpoêîmtridi^m prima. »

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XXni. Notre chronique est terminée. On h trouvera trop lon- gue, peut-être, trop minutieuse ; mais nous prions ceux qui ont bien voulu nous suivre dans nos promenades cbaumontaises, de ne pas oublier que nous avions pour guide Yamour du toi natal. Nous avons voulu faire un livre de famille. Noire but sera atteint si, après ravoir lUj nos compatriotes disent qu'ils en aiment davantage leur pays.

APPENDICE.

SEIGNEURS QUI ONT POSSÏDÊ LE FIEP DE CHAUMONT.

1. SEICNEnnS PARnCUUERS (t).

995. Geoffroy I. Le fondateur de la Tille.

1050. Baguei /. Nous le croyons fils de GeolTroj. Il fonda le prieuré de Buxereuilles, qu'il donna h l'abbaye de Holëme.

1100. Geoffroy U. Fils du précédent. Son frère Berenger donna i l'abbaye de Holème et au prieuré SainU Didier de Langres, en 1101, ce qu'il possédait à Hostsaon. GeoQroy était en grande considération par- mi les nobles de Champagne. H assista au concile de Troyes, en ilOl, d'où les barons se rendirent tous i Molâme. Le seigneur de Chaumont fut tellement louché de la sainteté du monastère, qui avait elors saint Robert pour abbé, qu'il s'y relira en il26 pour y mourir. Ainsi, quand nous disons (chap. 2) que Geoffroy mourut en 1 1 3&, îl faut entendre qu'il quitta la vie séculière et laissa le fief à son (ils. Buguei II. Fils de Geodiroy.

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ilSO. -^ Renier. Noos le croyons fib da Hugues, et dès 1144

(m lui donne le titre de idgneur de Oummomu U avait pour femme Marguerite et pour soeurs Heliêende el Clémence. Mais il parait qae ce seigneur ne flil pas aossi bien?eillanl envers Moléme que ses ancêtres et qa'il chercha à rentrer en possession du dmoaine de Montsaon, eierçant toutes sortes d'exactions tt de nolenoes sur les vassaux de Tabbaje, an point que le comte de Champagne se vit contraint de prendre le pauvre village de Montsaon sous sa protection. D est même probable que Renier fut frappé d'excommuni- cation, car sa femme se retira dans un monastère dont elle devint abbesse. Mais le seigneur de Chaamonl s'amenda et, en 1144, sur la prière de saint Bernard, au moment de partir pour la Terre-Sainte, sans doute pour obtenir par ce pieux pèlerinage le pardon de ses butes, il avoua ses torts par acte authoitique, re- nonça à ses prétentions et ctonna à NoMme pîusiettrs Cunilles qu'il possédait encore à MontsMU, avec ke femmes et les enfimts. Cet acte fut approuvé per le pape Eugène m, l'année suivante.

1110. - Jfifoii. Fils de Renier.

2. COMTES DE GBiMPAQHB.

Ds possédèrent le fief de Qiaumont de 1190 à 1S28.

3. ROIS DE FRANCE.

La Champagne ayant été réunie à la couronne en 1328, Chaii- MOQt, qui faisait partie du domaine des comtes, eut pour seignears directs les rois, depuis Pfcttîpp^e- Falots jusqu'à Lontt XIV. Ce dernier aliéna Chaumont par engagement, en 1646 ; mais looi les rois Charlet IX et Benri lU^ ce domaine avait lait partie da douaire de Marie Stuart.

4. SEIGNEURS ENG1GI8TE8.

1646. JérAme Amiaa^ bourgeois de Paris. Par acquisition.

1646. Le maréchal de VHdpiial, duc de VUry, Par acquisition.

1660. Françoise Mignol, veuva du maréchal de rHàpUal. Par ac- quisition nouvelle.

1613. Maipierile-lgnace (fe Lorraitir, ducheue d Elbœuf. ?ar ac- quisition des créanciers de la maréchale.

1679. Charles de Lorraine, prince de Commereif. Par héritagg.

1699. PhiLppe 1", duc d'Orléam. Par acquisilion.

1701. Philippe II, diic d'Or^iu, régent du royaume. Par héri- tage.

1723. loaisî", duc d'Orléatit.

1752. Louis-Philippe 1", duc d'Orléant.

1785. Louis-Joseph-Pbilippe, duc d'Orliatu.

1789. Abolition des droits foodaui.

BAILLIS.

Etienne dît de Chaumont, Nous le croyons fils de Uilon.

n flierfa d'autres chaînes en Champagne. GuilLiume de Hauiaij. Pierre de Ct}rt...PoUtU. Etienne de ta Valmaiion, cheralîer. Wilers de Fontu, chevalier. Viars de Laferiê-tur-Aube. Vienot de NagenU Pierre Gaste- Avoine. Vienot de Ifogent, le même. Pierre Gatle-Avoine, le mëme< Guiard Detaporte. Hilo dit de Breud. Gui de Meilleigni. Guiard DetaporU, le même. Guillaume DuchâwleU W-i-

1235. 1248. 1S49. 1254. 1258. 1260. 1260. 1265. 1270. 1272. 1273. 1274. 1276.

u

12U. Etfeou (b lym.

1385. Jebu de Chan^nippi», chenliM-.

1287. Guillaume de ffanjetc, le jmne.

1290. Guiard Delaporu, le mime.

1295. Pierre, chenlier, lire de BoueU d de J

M99. Saowale M>>m.

i300. Pierre li Jumiam.

i303. Pierre de Tieneihui, chenliw.

t30i. Gui, sire de Yill^w-Montnjrer.

1308. Jehan de Kouitoiie.

1309. Gauthier ttArnUèni.

IS13. lierre de Herce/met, chenlier, le même.

1323. Jeban de Chouj^r, saigneor de Marte, Acoyer dea écoriec

du Roi. 132ft. Pierre de TurceUna. cbefalier, le mèma. 1331 . Godemar du Fayj, aire de Bouchier, seigneur de Saoltont.

1337. Humbert de Cholayn, sire de LMttitu, ehofalier.

1338. Tbibanl de Bourdoiu.

13i0. Jehan de Cirty, chevalier, conseiller du roi.

1341 . Humbert de Choiojfit d* ÎmIUm, chefalier, le même.

i3U. Jehan de GniF^.

1345. Godrauur du F«y<, sire de Bouchier, le même.

1348. GeoBroj de Naney, de la famille Lenoncourt.

1351. Erart de JotRcille.

1353. Guichard d'An, chenlier.

1355. Sire Guillaume Avxeaax.

1358. Jehan de Gnirey. le même.

1365. Jehan seigneur Dorenti^rei et de MargneMe.

1S61. Guillaume d'Angoulerem.

1369. Girard de Lotwkamp seigneur de Be/imoni, cbenliu'.

1371 . Godemar de lÀnièret.

1377. Guillaume de Beunille, chenlier.

1387. Guillaume Bâtard de Poilleri, mgtiaa ^Ettrtpigiai.

1390. Edouard de Sainl-Dùier et de Vignory,

1391. Guillaume Bâtard de Poitien, leigneur d'Ettrepigng, le

même. 1407. Jehan Daunoy, écnyer des écuries du rot.

^^^^^^^^^^^^^^^H

<4II.

Aymé de ChoUeul, chambellan. ^^^M

1415.

Jehan Dautioy, écuyer des écuries du roi, le mfme. ^^^^|

1117.

Aymé de Choiteitl, chambellan, le même. ^^^H

UÎ3.

Robert lU Courcelles. ^^^M

U34.

Jehan de Torcettaij.

1437.

Robert de Baudriamrt, chambellan.

1450.

Geoffroy Je Sainl-BUn, chambellan, gendre du précédent.

1466.

RegnauU du Ckàlrlet, chambellan.

1468.

Ilardouyn de la Taille, chambellan du roi et du duc de

Calabre.

1410.

Regnault du Chàidel, chambellan, le même.

1471.

Philibert du Ckàtetei, chambellan, (ils du précédent.

1481 .

Jean de Baudricouri, maréchal de France, fils de Robert. i

i 1499.

Jean il'Ambuiu, seifneur de Bussy et de Reynel, gendre

;

de Geoffroy de Saint-Rlîn.

1531.

Gabriel, seigneur de Hin/wc, chevalier. ^^h

1538.

Jean Sallarl, seigneur de Bouron, conseiller du roi. ^^^H

1550.

Louis de Ctermont-d'AniboïK. ^^^H

I 1558.

Bernard de Brion, seigneur de Braniigny, conseiller du roî .

1575

Jean de Brion, seigneur de Brandgntj, écuyer des écuries

du roi.

1577

Bernard de Brion, seigneur de Braniigny, conseiller du roi.

1589

Philippe d'Anghire, seigneur de Guijonvellc, bailli de la

ligue.

1594

Bernard de Brion, seigneur de Braniigny, conseiller du

roi, le même.

1595

Louis I" de Ciermont-d-Amboiie, marquis de Reynel.

1615

Louis H de Clennonl-d'AmboiK, marquis de Reynel , fils

du précédent.

165e

Cleriardus de Clermant-d'AmboiUy marquis de Reynel, fils

du précédent.

1657

Louis m, de Clermont-d'Amhoite, marquis de Reynel, frère

du précédent.

1677

Louis IV de Ctermont-d'Ambo'ue, marquis de Reynel, Dis

du précédent.

170S

Jean-Bapliste-Louis de Ctermont-d'AmboiMe, marquis de

Reynel, fils posthume du précédent.

L

450

1761. Jean-Baptiste-Charles-FrançoU de Clemumi^*Ambouef marquis de Reynel, fils du précédent.

1768. Gédéon Charles Petit de Lavaux^ baron de Manteaux.

1 769 . Galiot Jean-lfarie de Mandat , barou de Nully , dernier

bailli, mort en 1805.

IIL

CURÉS, DOYENS DE GHAUMONT.

!• GURiS, ANTÉRIBURinifT AU CHAPrTRE.

il95. Thierry.

1212. Renaud.

1225. Pierre de FEavf^ny.

1250, Rénaux.

1256. Nicolas Morel.

1285. Jehan.

1300. Simon de Chatcmonf.

1303. Hugues.

1315. Etienne.

1355. Guillaume Paras.

1385. Jehan Henri de ChAieauvillain.

1391. Nicolas Jforel.

U13. Pierre Pavillon.

1430. Guillaume Coiteiuet.

U37. Jehan Robert.

U62. Simon de Brouilli.

1467. Etienne de Clamaii^ei.

2* DOYENS DU CHAPITRE.

1474. Etienne de Clnmanges^ le même.

1481. Nicolas de Laharmandj neveu de Hontmirel.

1500. Jean Travaillât.

- 451

iSOO. Pierre Hardy.

iB03. Gilles cfeGté.

i546. Adrien Rose.

1573. Guillaume Rote.

i58i. Claude Thomamn.

1588. Alexandre de Gondrecouri.

1592. Noél Faeenel.

1597. Pierre Pietrequm.

1633. Jean Jobelin.

1634. Antoine Ao«e. 1670. Nicolas de Poireuon. 1704. Alexandre Le Groi. 1707. François Simon.

1751. Alexandre-Nicolas jfftf «son de Sampt^njf. 1764. Louis Pemy.

3. CURÉ CONSTITUTIONNEL.

1190. Nicolas Babottoij ancien chanoine.

4. CURÉS DEPUIS PUBUCATION DU CONCORDAT.

1801 Charles-Marie Garret^ ancien professeur au séminaire de

Langres. 1806. Pierre-François ^ir/^n, ancien chanoine. 1813. Chambray, curé de Châteauvillain. 1819. MaXapme^ curé de Frottes.

IV.

'ADMINISTRATION MUNICIPALE.

1* PROCUREURS DE LA. COMMUNE ÉLUS PAR LES HABrTANTS EN

ASSEMRLÉE GÉNÉRALE.

1469. Jehan ThominoU 1476. Guillaume de Aqf ne/.

452

iiSi. Mathieu ChanohiCj marchand.

1487. Nicole Bonnevie.

1490. Simon Malingre,

1491 Mathieu Chanoine^ le même.

1493. Thevenin Hurel.

1494. Laurent Guillaume. 1498. Martin Béraud.

1500. Pierre DarUn^ licencié-ès-lois.

1502. Martin J?érau(f y le même.

1506. Laurent Guillaumey le même.

1509. Antoine de Manoilly, notaire.

1517. Guillaume Rose.

1524. Antoine de Manoilly, le même.

1528. Nicolas de Choitelvillain.

1541. François de Grand.

1546. Gilles Rose, premier conseiller au baillage.

1548. François de Grand^ le même.

1553. François Berryer.

1557. Nicolas Broîtca,

1563. Gérard Fagotin.

1566. Claude Balavoyne.

1569. Jean Tapperel.

1570, Nicolas MonginoL 1572. Etienne Berryer^ notaire. 1574. Jean de St-Léger.

1577. Philibert de la Moite.

1578. Laurent Be;sor, notaire.

1580. François Bro(/ei.

1581. Nicolas Deuillyt marchand. 1586. Jacques Collard.

1 58 7 . Nicole Bertrand,

1589. Nicolas Deuilly, le même.

2<» AGENTS, MAIRES ÉLUS PAR LES HABITANS EH ASSEMBLÉE

GÉNÉRALE.

1590. Maurice de Grand, seigneur de Briaucourt. 1592. Jean Tliomauin, seigneur de Mortaut.

45S

1595. Robert Keurien, contrôleur.

1599. Nicole (fe Gondrecoiirr, lieutenant particulier.

1602. François de Grand, lieutenant-criminel.

S'HÀIBES ÉLOS EN ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, DEPUIS L'ÉTADLISSE- MEWT DE LA HAIRfE JUSQU'EN 1693.

1605. Nicole Tif/au//, contrôleur.

1607. Robert iVeurien, contrôleur.

1609. Thevenin Demjs, bourgeois.

1610. Micole VHlaulf, le 'même. 1612. François Julijot, conseiller. 1615. Gilles Deletire, prévôt. 1618. François /u/i/or, le même. 1621. Nicole Vdlauli, le mâme.

1621. Jean-Baptiste Lenioijne, grenetier au grenier â sel.

1627. Nicole Vitlaid', le même.

1628. François Jiifi/or, le même. 1631 . Gilles Dcletire, le même.

1633. Maurice (le Grand, seigneur d'Aizanville.

1634. hanPaiUiii, élu en l'élection. 1638. Luc GuHlauniel^ conseiller.

1640. Jules Monginol, seigneur de Brelhenay.

1642. Pierre d<: Grand, seigneur de Mamay, avocat du roi.

1644. François Maillij, lieutenant-criminel.

1647. Jean de Pnircison, conseiller.

1651. Pierre i/c Grniid, le même.

1652 . Jean de Poiresson, le môme. 1657. Henri Labbe, conseiller. 166t . Pierre Peiilol, conseiller.

1664. François Maillg, conseiller, le même.

1670. Jean de Pairestott, procureur du roi, lemtlme.

1673. Pierre Pi'(i((j(, le même.

1675. François Lamberi, conseiller.

. Maurice de Grand, conseiller.

1683. Claude de Gondreconrt, conseiller.

1687. Kdme Denijii, conseiller.

1691 . De Poireiton de la Chapelle.

454

4. MAIRE PERPiTUEL, PAR ACHAT D^OFnCE.

1693. Pierre de Poiu, chevalier d'honneur au bailliage.

5. MAIRES ASSOaiSi PAR ACHAT D*OFnCE, OU MAIRES ALTERNATIFS.

1708. Jean-Baptiste Pttiiionf, prévôU

1709. Charles Cftatoii, conseiller.

1710. Jean-Baptiste Puitsantj le même.

1711. Charles Chalon, le même.

1712. Edme Denyi^ président, le même.

1713. Charles-Marie DMou^ avocat du roi.

1714. Dominiqne-Nicolas Maillot de Jovenamrî^ lientenanl-

général.

1715. Adrien de Poireiion, lieutenant-général de police*

1716. Jean-Baptiste de Gondrecouri, président.

1717. Jean-Baptiste de Poireuon^ procureur du roi.

6. MAIRES thVS PAR LES NOTABLES.

1718. François Fagotin d'Outrenumi^ conseiller. 17S7. Charles-Etienne Lemoyne^ lieutenant général. 1729. Henri Pitloi, lieutenant de la prévôté.

1731. Jean-Baptiste GraiUetf président en l'élection.

7. MAIRES CHOISIS PAR LE SEIGNEUR ENOAGISTE, SUR UNE USTE DE CANDmATS DRESSÉE PAR LES NOTABLES.

1736. Maurice Puiuant^ conseiller.

1737 . Pierre- Vital de Poiu, chevalier d'honneur au bailliage.

1741 . Clément Martin de Rommeeourt^ procureur du roi.

1742. De Poiresson de Chamarandes, procureur du roi.

1743. Lambert f conseiller*

1746. Pierre-Vital de Pons, le même. 1754. Joseph-Martin Cadii, avocat.

1763* Louis-Pierre Adam de Rambeœurt, lieutenant-général de police.

455

8. MAIRES NOMMÉS PAR LE ROI.

1770. Antoine-Clément Di/iou» conseiller.

1772. Pierre-François Graillet de Pommereuly conseiller.

1776. Pierre-François de Potu, ancien officier.

9. MAIRES ÉLUS PAR LE PEUPLE.

1790. Le commandeur de Lamirault.

1792. Jean-Nicolas Latoy^ médecin, ancien constituant.

10. PRÉsmENTS DE L'ADMINISTRATION ÉLUS PAR LE PEUPLE.

AN V. Nicolas Graillel.

ANvn. GuignardrCarlotf chapelier.

AN YUi. Jolbff avocat.

11. MAmES NOMMÉS PAR LE GOUVERNEMENT.

AN IX. Nicolas Grai//e( de Beiney le même.

1816. François-Mélasippe ConiauU.

1817. Jean-Baptiste de Mosseron d*Amboise. 1830. Laurent-Martin Duval de Fraville.

1831 Pierre-Antoine-Bernard Mareschalj jusqu'en février 1848.

FIN.

«

TABLE SOMMAIRE.

GÉOGiupiiiE. Silualion de la ville de Chaimiont. Son territoire. Les Lingons. Le Bossigny.. . page 1

LIVRE PREMIER.

Depuis l'origine de la ville jnsan'à sa réuDion m domaine de la couronae (939-1338].

Chapitre I. Origines 7

I. Anliquités romaines découvertes sur le terri- toire. II. La ville esl d'onij-ine féodale. ÏIl. Des- cription du donjon. IV. Date de sa fondation.

Chapitre 11. Les Seigneurs jusqu'à la réunion du fief au comté de Champagne (940-1190).. 14 I, Les comtes du Bassigny. Geoffroi I" de Chau- mont. II. Hugues I", Agrandissement de la ville. Buiereuilies et lleclancourt. La chapelle St-Agnaii et le prieuré de Buxereuilles. III. GeoRroi II et ses frères. Les seigneurs de Cliaumont et la chronique de Grancey. IV. Hugues H connétable de France. Renier. Ses hbéralités. Mllon et ses frères. Ruine des seigneurs de Cbaumonl. VII. Les comtes de Cham- pagne étendent leurs possessions dans le Bassigny. VlII. Ils achètent le llef de Chaumonl. Hîlon se croise et meurt en route. IX. Diflicultés avec Jobert, frère de Milon, pour la prise de possession du fief. X. Transaction avec l'évÉque de Langres pour la suzeraineté. XL Alfranchissement des liabîtants. La prévété. Rivalité entre Langres et Cbaumont.

Chapitre lit. La charte 22

Traduction de la charte d'afiranchissement, ei- plicalion du texte ; notes historiques.

p'

458

Chapitre IV. Chaumont sous les comtes de Champagne (ii 90-1 328). , 34

I. Importance de la ville. II. L'église St-Jean. Les

{iremiers curés. III. La Haladrerie et THôtel-Dieu. V. Thibaut IV. Sa politique inconstante. Le Bas- signy est dévasté. On relève les fortifications du Château. Y. Le comte s*entend avec Tévéque pour accroître sa puissance territoriale. YI. Thibaut V vient à Chaumont et il y fait une donation à la Haladrerie. VU. Les derniers comtes de Cham-

Cgne. YIII. Le bailliage. IX. Etendue du ressort. I ville acquiert une grande importance. X. Le Boui^ est fortifié. XI. Réunion de la Champagne au domaine de la couronne. Révision et confirmation des chartes.

LIVRE DEUXIÈME.

Depuis la réunion de la ?ille de Chanmont an domaine de la conronne, jnsqn'anx gnenes de religion (1328-1562).

Chapitre I. Pendant la lutte contre les Anglais. 47

I. Les grands et le peuple. H. Les douze prévô- tés du bailliage. lU. Importance des fonctions de bailli. I\. La peste. Chaumont se fortifie. L'évéque Guillaume de roitiers. V. Anarchie pendant la cap- tivité du roi Jean. La Jacquerie. vL Courses des compagnies dans le Bassigny. Guerres entre les sires d'Aigremont et de Vergy. Les allemands sous les murs de Langrcs. Le bâtard de Poitiers chasse les Anglais. VII Minorité de Charles VI. Chaumont relève ses fortifications. VIII. Le bâtard de Poitiers protège le Bassigny. IX. Armagnacs et Bourgui- gnons. Les Chaumontais et les Langrois sont de ce dernier parti. Prise et reprise de Saint-Dizier. Les sires de Vergy et de Châteauvillainse fontla guerre. Le bailliage est ruiné. X. Jeanne d*Arc. XI. Suite de la rivalité des sires de Vergy et de Châteauvil- lain. Guillaume de Châteauvilhdn. VII. Il est chargé de faire rentrer sous Fobéissance les villes du bail- liage. Soumission de Jean de Vergy. U chasse du pays ses anciens alliés. XII. Courses des Compa- gnies. Les Écorcheurs surprennent Chaumont. La peste les chasse de la ville. Condamnation et exé- cution du bâtard de Bourbon. Entrée de Charles VU à Chaumont. XIII. Robert de Baudricourt et Geof- froy de Saint-Blin.

iHAPiTRE II, Êvèncmcnls politiques ilcpiiis le règne de LouisX! jusqu'aux guerres de religion. 5'J I. Alliance île la bourgeoisie avec la rorsutù. IT. Les Chaiimonlais reslenl lidèlcs nu roi. Geof- froy de Sainl-Blin esl luù à Monllliérj. lit. Tenta- tive (lu duc de Lorraine sur le Bassignj. ItL^union do la Bourgogne. Louis \! â Chnumonl. IV. Le bailli Jean de Baudricourt. Les d'Amboise prolec- leurs de Cbaumont. V. Charles VIII. Députés aux Etals de Tours. Les Cliaumonlais persislcnl dnn.t leur liclélilé au roi. Alerte lors de l'invasion des AllemandE. VI. Rédaclion de la coulume de Chau- mont. VII. Mort de Jean de Baudricourl- Le cou- vent de Bracnncourl Jean d'Amboise. Vlll. La peste et la famine déciment le bailliage. I\. Fran- çois I". Passage des lansquenets. Le roi visite Chauinont et fait armer les remnarls. L'ennemi Ci'l repoussé de la Champagne. \. Tentative de Bour- bon et des impériaux sur Cbaumont. Le comte de Guise la fait échouer. XI. Réception de la reine El éo n ore . Chaires de la ville Les habitants refusent l'impét. Une réquisition militaire. Xlt. On fortilisit les places du Bassigny. François 1" visite Chau- mont. A sa mort, on abandonne les nouvelles for- tilications. X'Il. Influence des Guises à Cbaumonl. Charles IX.

Chapitre III. La commune 70

I. Administration communale avant le rt^ne de Louis XL Le procureur. La clocbe communale. Droits et charges de la communauté. II. Organi- sation de l'éciievinsge. Jll. Changements dans l'ad- ministration. Organisation dH service financier. IV. Les octrois et les impôts. V. Organisation militaire. VL Les corps de métiers. Statistique industrielle. Chiffre de la population. VII. Bêgle- menls relatifs à la viabilité, à la salubrité, & l'ins- truction et aux bonnes mœurs.

CiiAftTRE IV. Le clergé 83

_ I. Personnel de l'église Saint-Jean. Construction

^^H de la sacristie, il. Bienfaiteurs de l'^'lise. III. Pre-

^^^1 mier concordat. Oi^nisation du culte. IV. Donation

^^^1 importantes faites â l'église par les baillis. La

^^H cliapelle Baudricourt el le sépulcre. V. Jean de

^^^1 Nonlmirel. V). L'église de Chaumont érigée en

^^^^ collégiale. Le chapitre relève du Saint-Siège. Le

I

4«0 -

Grand Pardon. YII. Opposition de l'évéque Gui Bernard et des habitants aux bulles d'érection et d'exemption. Première transaction. YIII. Mort de Montmirel. Nouvelles contestations avec l'évéque. Deuxième transaction. IX. Statuts du chapitre. X. Second concordat entre le chapitre et les ha- bitants. XI. Nouvelles exigences de Tévèque. XII. Agrandissement de l'église. XIII. Adrien Rose, doyen élu , résiste à l'év^ue. XIV. Oipmisation du service religieux. Les fous de Langres et les diables de Chaumontc

LIVRE TROISIEME.

Pendant lei gnerrei de religion (1562-1598).

Chapitbe I. Du commencement des guerres de religion à la formation des ligues provinciales (1562-1577) 97

I. C'est Tamour de la Liberté qui agite les po-

fulation. U. Les Cfaaumontais dévoués aux Guise, ersécution en Chamnagne contre les protestants. III. Le massacre de Vassy. IV. Les protestants de Chaumont. V. Des bandes allemandes pillent les environs de Joinville. VI. Charles IX à Chaumont. Misère publique. Le peuple menace les accapareurs. VIL Fananatisme du cardinal de Lorraine. VlII. La guerre recommence. Les protestants prennent Biaise et Châteauvillain. Arrivée du duc de Guise. Son entente avec les Chaumonlais. Riaucourt est nommé gouverneur. IX. Progrès de la réforme dans le Bassigny. Les magistrats de Chaumont s'opposent à la tenue d'un prêche à Cbamarandes. La Saint- Barthélémy. X. Les protestants du Bassigny s'em- parent du château de Choiseul. Origine de la com- pagnie des arquebusiers. Choiseul est repris et les protestants sont pendus. Dépulation du consistoire de Chaumont à Faris. XI. Les Politiques. XII. Le duc de Guise et Catherine de Clèves, sa femme, visitent Chaumont. Réception de Henri III.

XIII. Les habitants se plaignent des impôts.

XIV. Les Retires slationnent dans le Bassigny. Les Chaumonlais essaient de résister aux ordres du roi.

XV. Formation des ligues provinciales. XVI. Etals de Blois. XVII. Guillaume Rose.

CirAPiTHE I!. Des ligues provinciales à la for- malien de la ligue géntiralc {1577-1588). . . . U5 f. Organixalion militaire de la ville. lI.Listal- ]3lion de l'échevinage dans la tour du Barle. m. Guise vienl à Chaumonl pour y faire jurer la ligue Champenoise. I\'. Dinleville lleutcnaiit en Champagne. Les Chaumontais font bonne ^rde. Ils sont souvent visités par le duc de Giiise. V. Guiliaumû Rose v-i prôcner  Punis contre le roi et revient dans sa patrie. VI. Agitation des ligueurs à la mort du duc d'Anjou. On sipe la ligue gé- nérale à Joinvillc. Le.s Chaumontais s'cfTorcenl de Curaitre dévoués en même temps au duc et au roi. 'échcvina^e refuse de livrer la caisse de.s deniers royaui. VU. Rupture des Guise avec la cour. Do Rosne est opposé à Dinteville- Indécision des Chaumontais. VIII. Guerre au.t prolestants. W. La peste et la famine déciment la population. X. In- vasion (les Rdtres en Champagne. Le roi envoie des troupes. On arme àCliaumont. Guise ruine le pays pour affamer l'armée ctrangtre. On chasse les protestants. Guise visite Cbaumont et Langres. XI, Journée des barricades. Dinleville est envoyé à Chaumont. Les habitants hésitent ù se prononcer. Intimidation. Assemblée générale. Joinville entre dans la ville et convoiiue les habitants. On adhère â la ligue.

CiiAPtTBE 111. De ia formation de la ligue géné- i^le à l'assassinai de lU-nri !II {1588-1589). . 133

1. Dictature des ligueurs Chaumontais sur le bail- liage. II. Le cahier des trois ordres. III. Assas* sinat du duc de Guise. Révolution de Paris. IV. Le roi écrit aux Chaumontais. V. Les Guîie écrivent de leur cOté et le maire de Langres pro- pose une alliance royaliste. VI. On renouvelle le serment de la ligue. Guyonvclle bailU de la ligue. Nouvelle lettre (lu maire de Langres. VII. Mesures

(irises i>our la sûreté de la place. Etienne Perret, îuillaume Rose impose un doyen au chapitre.

VIII. Le château de Luzy et lévéque d'Escars.

IX. Les capitaines de divers chdleaux du Bassignv.

X. Prétendue neutralité de Cbâteauvillain . XI. Combat de Richebourg. XII. Emprunt forcé. Saisie des biens de tous les ennemis de la ligue. XIII. Chaumont en danger de siège. L'ennemi estrepoussé de Nogeut et passe outre. XIV. Ou

46Î

traite CbAteauvillain en ennemi . La comtesse pri- sonnière à Chaumont.

Chapitre IV. De la mort de Henri 111 à la réu- nion des Etats-généraux (1589-4593) 145

I. Assassinat de Henri III. A Ctiaumont on pro- clame Charles X. II. Prétentions des princes étran- gers à h couronne. III. La noblesse craint les inno- vations et repousse les avances des ligueurs. IV. La guerre civile continue, siège de Chàteauvillain. Y. L*échevinage de Chaumont est converti en mairie par les habitants . On démolit lesfortiflcations oui sé- paraient le Château du Bourg. VI. Fanatisme des U- Ç leurs Chaumontais. On chasse quelques suspects. II. Défense de Nogent, par Guyonvelle. Traités pour le labourage et les vendanges. VIII. Expulsion de tous les suspects. Emeute populaire pour faire donner réglise Saint-Hichel aux cordeiiers réfugiés. IX. Courses de Tennemi dans le Bassigny. Le duc de Lorraine fait faire la chasse aux coureurs. X. Les biens de tous les émigrés sont confisqués. XL Mêmes alarmes, mêmes mesures pendant les deux années suivantes. Le conseil demande qu*on dé- molisse tous les châteaux royalistes. Les nobles s*y opposent. XII. Siège et prise deCirey. XIII. Les ligueurs enlèvent les châteaux de Biaise, d'Oi^es, de Montéclaire et de Lafauche. Reprise du siège de Chàteauvillain. Il est de nouveau abandonné. XIV. Misère des campagnes. Impré- cations contre la noblesse. On renouvelle les traités f»our le libre labourage. Roussat donne avis à lenrilV de la détresse de Chaumont et lui con- seille d'attaquer cette place. XV. Les hostiUtés deviennent plus rares et moins barbares.

Chapitre Y. De la réunion des Etats à la paix de Vervins (1593-1 598) 157

I. Etats-généraux. Prédications de Rose contre Henri IV. II. Réponse de Guillaume Rose et des Etats au duc de Féria. III. Les députés ren- trent à Chaumont. IV. Dissolution de ligue. Soumission des Chaumontais. V. Edit de réduction de la ville. VI. Soumission de Guillaume Rose. Sa mort. VU. Reprise des hostilités. Les Chau- montais restent fidèles à Henri IV. Bataille de Fontaine-Française. Les Chaumonlais donnent des secours au roi. VIII. Paix de Vervins.

- LIVRE QUATRIKME.

les dîTerBes administrations. le cleiKé et les établisgements d'ntilité publique pendant les 2Vu" et XVni' siècles.

CnAPirriK 1. Le domaine et le linilliagc 167

I. L'histoire locale perd du son iiilérét. II. Droits cl prolîls ilomaniaui. III. Seigneurs eogagisles de Cliaumonl. Prélenlions du duc d'Orléans â de nou- veaux di'oils. Il Iransige avec les liabîlants. lY. Bail- liage et présidial. Les olUciers de justice. Le bour- reau. V. Divers démembrements du ressort de la juridiction. VI. Les baillis.

CiiAriTRE IL La cDintniine 174

L Population. H. La mairie royale. III. Confirma- tion des privilèges, itîvalilé entre le bailliage et la commune. IV. Le maire Paillot, défenseur des li- bertés de ia commune. V. La mairie pendant la seconde moitié du XVII* siècle. Cérémonial. VL Scandaleux trafic des olTices municipaux. Vil. Les maires associés. Vlll. Nouveau règlement d'admi- nistration. IX. Nouvelle vente des offices. Suppres- sion des assemblées générales. Les notables. X. Nouvelle création d'offices. Dernier règlement d'administration. XI. Gouvernement militaire de la ville. XII. Armement de la place. Le malériel en- levé par ordre du roi. XHI. Les arbalétriers, la milice bourgeoise et les arqiietiusiers. XIV. Sito»- lion des finances de la commune.

Cfiapitbe IIL L'église

1. Election des membres du chapitre. Lutte entre le clergé et la bourgeoisie, il. Célébrités de la col- légiale. III. Costume des membres du chapitre. I Leurs revenus. Le sceau. IV. Prédicateurs de l'a-

!' vent et du carême. V. Les processions. Le pain

bénit. VI. Les reliquaires. Vil. Fêles diverses de fondation. Bienfaiteurs de l'église. VIII. On mutile rédifice, sous prétexte de le restaurer.

ChapitueIV. Succursales, maisons religieuses, collège, hôpital

I. Eglise Saint-Michel. II. Chapelles du Palais j et de Saint-Luce. III. La Maladrerie, Nolre-Dame-

Éde-Boiine-Nouvelle, Notre-Dame-de-Lorretle. La Madelaine. IV. Saint-Roch. V. Les Capucins. Vl.

198

Les Cartnélileti et les Ursulincs. VII. Tentalives faites pour établir â Chaumont d'autres comniu- nnuti^s reli)[ieuses . VUI. Le collèiçe. IX. L'Kâlel- Uieu. Trojel d'une vaste maison A asile.

LIVRE CINQUIEME.

ÉTèDemenU politiques, dans lenis lappoits avec l'histoire do la Tille, pendant les XVO' et XVni' siècles.

CuAriTRE 1. De la paix de Vervins à la guerre

de Lorraine (1598- 1637)) 213

I. Les premiers maires. II. Mort âa Henri IV. Des divisions régnent dans la ville [II. Troublea de la réiience. Agitation de la noblesse du Rassî- gnj Les Chaumontais font bonne garde. IV. Elats- {féiiùraui. V. Keprise des hostilités. Lettre du roi aux Chaumontais. VI. Prisa el reprise du château de Luzy. VU. LQngres et Chaumont Torraent ul- Uance contre Aigremont. VIII. Les espérances de paix ne se réalisent pas de suite. Entreprises nou^ velles du prévât sur les libertés communales. Pu- blication de la paix. IX- Suite des maires. Passage ilu duc de Guise. Le marquis de Itourbonne. Dé- molition du château de Cirey . Nouve-aui règlements de police.

CiiAPrinic il. Ue la guerre de Lorraine à l'avè-

ncnionl de Louis XIV (1G33-Ifi43) 222

1. Le maire Paillol. il. Invasion de la Lorraine. Si^ge el capitulation de Lamotlie. La ville de Chaumont ïnr le pied de guerre. III. Le couseil de guerre est préûdé i Chaumont par le cardinal Lavaletle. IV. Fermeté du maire daus diverses cir- constances. Il est en but aux calomnies des nobles et aux taquineries du clergé. V. 11 sait faire respec- ter tous tes droits de la commune par le marquis de Bourbonne. Vt. La peste. Dévouement de la mairie. VII. L'arislocralia émigré. VIII. Le maire va coniérer avec les officiers du roi, hors des murs, dans l'intérêt de la conservation <le la place. Le bailli reçoit l'ordre de rentrer à Chaumont. Le roi félicite l'administration. IX. La Ileno«iillère, gou- verneur de la ville. Dé[)3rl du maire pour PariR. Insurrection pour forcer l't^chevin Dupré à sévir contre les émigrés .Succès des démarches du maire .

X. Sages prûcaulions pour prévenir le retour de la pesle. XI. Les Suûdois, nos alliés, campés dans le Bassignj, s'y conduisent en ennemis. Le peN|)le s'insurge contre les garnrsuns. Xll. Dnfore la tto- nouilli^ie. Le mnirecsl appelé à Paris. XIII. L'ennemi aux portes de Ciiiiumont. Ln Itenoiiilièrc prolîte du dnnger pour evlor^iucr trois mille livres aux ha- bitants. XIV. Disgrâe^ de Paillot. L'assemblée le remercie de son dfroucment et de ita rermelé. XV . La ïille est menacée d'nno garnison . Les habi- tants mettent leurs meufiles nn gnge pour'conlen- ter les courtisans. \V1. Nouvelles exigences de la Renouillère. 11 méconnaît l'autorité du bailli. Il quitte Cbiiumont. XVjI. Dettes de la ville. XV|II. Ce roi viont à Chaumont et ordnnne des travaux de fortifications. MX. Nouveau siège de I.a Mothe. Combat de LifTol-leGrand. Les troupes royales battent en rolraile. Organisation de la défense du Bassigny. \X. Mort de Louis XIII.

Chapitre III. Depitis l'avi-nemcnl de Louis XIV jusqtt'àla paix (tG-15-IC60) 239

I. Courses des Lorrains, Le roi chaîne Magalotti d'assiéger La Molhe. II. Blocus delà place. Mort de Magalolti. Il est enterre !t Cliaumont. Cnpitulalioa des assiégés. La place est rasée. I il. Détresse fi- nancière des Cliaumontais. IV. Guerres de la Fronde. V. Les Cbaiimontais et les Langrois font deux fois le siège d'Aigrcmont. VI. Les Langrois surprennent ceMe lorlercsse. Eli» est détruite. Vlt.Lesvilles de Cliatmiont et de Neul'châleau sont en état d'hostilités ouvertes. VIII. Publication de la paix.

Chapitre IV. De la paix à l'avénemcnt de Louis XVI [Wm-lllA) 248

I. La vie communale s'éteint. II. Mazarin et le comte de Soissous à Cliaumont. Passage des am- bassadeurs suisses. La vieille rivalité entre Chau- mont et Langres est ranimée. rtéce|>tton de Louis XIV. 111. Mort des marquis de Iteynel et deBourhonnc. IV. Fréquents passages de troupes. Le corps de Turcnne traverse la ville. V. Messe solennelle pour la révocation de l'ëdil de Nantes. Célèbre mission desPP. cauucins. VI. Misère pen- dant les dernières années au régne de Louis XlV. Expédition des Chaumontais dans le Bassigny,

d

- 466

pour protéger la circulation des grains. Vil. Pas- sage (lu roi de Pologne. Réception de Louis XV. Ylil. Epidémie. Dévouement du médecin Juvet. IX. Les maires de Pons et Cadié. La bourgeoisie est devenue frondeuse.

LIVRE SIXJÈiME. U R&Tolvtion jnsqa'an noaf tbermidor (1774-1794).

Crapithe I. Agonie de l'absolutisme (1774-

i 789)

255

I. La royauté. H. La bourgeoisie chaumontaise. m. La compagnie des pompiers. Hugnerot. IV. Trois innocents sont condamnés à la roue. V. Des- potisme du maire. VI. Insubordination de la mi- lice et des arquebusiers . Troubles à l'occasion de la cherté des grains. On fait venir des dragons . Ils fraternisent avec les habitanis. VII. Les Etats- Généraux. Vill. Les cahiers. IX. Les élections.

X. Conduite des députés de Chaumont dans les

Premières séances. XI. Réception de Necker à haumont. Première journée révolutionnaire.

Chapitre II. La monarchie constitutionnelle (1789-1792) 26C

I. Troubles occasionnés par la cherté des grains. II. Organi^tion de la municipalité. Adresse à TAssemblée nationale. III. Prestation du serment civique. IV. Contributions volontaires pour les besoins de la commune. La première milice nationale. Suppression des arquebusiers. Organi- sation de la garde nationale. V. Chaumont chef- lieu du département de la Haute*Hame. VI Fête civique. Lettre de la municipalité à Syès. Première fête de la Fédération. VII. Le directoire du dis- trict et le directoire du département. VIII, Le clergé. Liberté des cultes. Ia. Organisation des diverses branches de l'administration. La caisse de confiance. X. Proclamation de la constitution.

XI. Les députés de la Haute-Marne à TAssemblée législative. XII. J.-N. Laloy accepte les fonctions de maire. XIII. La fermeté du maire en impose à l'émeute. XIV. L'arbre de la Liberté. X\. Les émigrés. La patrie est en danger. Les volontaires fraternisent à Chaumont. La municipalité est en

permanence. Elle arme les citoyens. XVI. Sus-

CensioD du dii-ccloiro du déparlenient. Marche des angrois conlre Cliaumont. Wll. Election des dépulés à la Convention.

Chapitre 111. La Uépublifiue jusqu'au neiil" thermidor (1 792-1794] 276

I. Proclamaliun à9 la République. Les députés de la Ilautc-Marne siègent â la Montagne. Le P. Barbe. Sage conduite (les administrateurs de la ville. U. Condamnntion du roi- Service pour Lepelletier. Dangers de la République. Les suspects. Cherté des denrées. lU. Le comité de salut public. Les lois révolutionnaires. Arrestation dessuspecis. Délibération du conseil général â ce sujet. IV. Fête civique pourla récepliunde la constitution. V. La Convention déclare que Chaumont a bien mérité de lu patrie. Adresse du maire à la Convention. YI , Le gou- vernement révolutionnaire jusqu'à la paix , Vil A Chaumont on or^nise une compagnie de canon- niers. Le directoire fait retentir le cri de guerre

!• ^ns le département. Réponse des Cliaumontais aux

' avances des fédéralistes. VIll. Dons patriotiques

' aux années. I\. Départ des bataillons de volontaires. Girardon. Dufour. X. Les Langrois dénoncent les

t Cbaumorilais. XI. Quelques traits de bravoure des loiontaires chaumonlais. XII. Dévouement sincère des habitants à la révolution. XlII. La société po- pulaire el la liberté. La société bblme les actes de vandalisme. XiV. Fêles civiques. XV. Le re- présentant Durai en mission a Cliaumonl. Epuration

, des administrations el de la société pupuhiire.

I XVI . Lambert vient continuer la mission de Duroi .

' Origine du lliéàlre de Chaumont. Eclairage des rues. XV 11. Le neuf thermidor. Adresse des Chaumonlais k la Convention. XVlil. Le représentant Resson est envoyé à Chaumont. Laloy reste à la mairie. XIX. Les Chaumonlais et M-"' de Staél.

LlVnE SEPTIÈME.

Réaction oonin te moiiTement réTolationn&irfl - Betont àUmonarcbie [1794-1848].

Chapitiie I< Le Directoire, IcCoiisuIalcl l'Em- pire (1794-1814) 290

1 . La réaction dans lu lluule-Marne . Les arbres

^^

468 ^

civiques de Chaumont . II. Les alarmistes. Mesures

frises par la municipalité pour les subsistances, epin en mission extraordinaire à Chaumont. 111. Nouvelle constitution. Les conventionnels de la Haute-Marne. IV. Les députés aux nouveaux conseils. L^adminislration. Y. Indiiïérence pu- blique. Le dix-huit fructidor. YI. La République et les administrateurs delà Haute-Marne. Laloy

Suitte la mairie. Les patriotes ei les muscadins, ^n bataillon de ligne en garnison à Chaumont. YH. Instruction publique. VHI. Le général Gi- rardon. Décrus. IX. Le dix -huit brumaire. X. L*Kmpire. XI. M. Graillet de Beine, Decrès. La préfecture. XII. Les députés au Corps législatif. P. A. Laloy. Mort de J. N. Laloy. XIII. La ma- gistrature. XIY. L'école secondaire. Les écoles Erimaires. La société d'agriculture. Le professeur aurent. Becquey. XV. La liberté des cultes depuis le neuf thermidor. Curés de Chaumont. Le concordat. Destruction de Téglise Saint-Michel. XVI. L*armée. Mort de Girardon. Dufour. Quelques autres enfants de Chaumont . Le 1 4' de ligne . X\ II . Les courtisans et le pouvoir. Les armoiries de la ville. L arc de triomphe de la porte de Buxereuilles. XVIII. Le

gphus et la disette. XIX. Décadence de l'Empire, oalition de TEurope. XX. Situation Gnancière de la ville. lia place est sans moyens de défense et sans armes.

Chapitre II. Les deux invasions (1814-1815). 317

I. Proclamation du comte de Séi^'ur auxChau- monlais. II. Marche des alliés. Capitulation de Langres. Combat de Choignes. Retraite de la garde. 111. Chaumont est occupé par Tennemi. Passage des armées coalisées. Réquisitions. IV. L'ennemi bat en retraite. Combats de Saint- Dizier, de Brienne et de la Rothicre . Patriotisme des paysans Champenois. Y. Entrée des souverains de Russie et de Prusse à Chaumont. Ils se diri- gent sur Paris. La table de Radclsky. VI. Arrivée de Tempercur d'Autriche. Le conseil municipal le supplie Je prendre le dépnrlcnient sous sa protec- tion. VU. Le com'e de Rai};ecourt gouverneur. VHI. Déport de Tannée. Elnl de la ville et des environs. IX. Quolqiies roynlisles se prononcent. Proclaujalion de Louis XVIU. X. Retraite de Tennenii. Xi. Il se relire derrière Chaumont. Les deux empereurs viennent reprendre leurs lo-

[ getnents. Tout est au pilliig;e dans h ville. Le 'jrplius décime la populntînii. \II- Comtwt de Sor-Eur-Aubt! . L'anarchie psI coniplàtc ; les alliés e s'entendent plus. Arrivée du roi de Prusse el e Schwui-zcmbci^. XIll- Le traité de Chaumont. FXIV. Misère de la population. XV. On entend le FcBOon. On e^pcre encore. Proclamation de Der- rpadolle. XVI. EObns du gënéral Alis pour sou - RnTer les paysans. XVll. Le terrain est disputé rpied â pied. Dépavt des souverains. Ils suivent L'ivec cr.iinte la route de Paris. Ordonnances de M. ff'de Raigecouct. XVllI. Nouvelle rclmile des alliée. xiJangeriiiie court François II en fuyant sur Cbau - IWnl. 11 se réfugie à Du on. XIX. Evacuation de l'Cliauinonl . Arrivi^e du général Piréc. XX. Orga- I oisation d'une garde civique. L'insurrection se pro- '■-lee- XXI. Capilubtion de Paris. XXll. L'en- rentre dans Chaumont. Proclamation du r des Bourbons. Adresse des notables à iiouis XVJII. XXIII. L'arc de triomphe. Rentrée ' de l'ancien prérct. La garnison autrichienne quitte I fa ville. XXIV. Les Bourbons s'usent vlic. Pas- 1 sage du duc de Uerry à Chaumont. XXV. Retour I, de Napoléon. L'empereur trompe les espérances f du pays. XXVI. Patriotisme des Champenois. Thi- ^bsudeau, commissaire extraordinaire. Le Préret Fsrgues. XWIl. Seconde invasion. Waterloo. Capitulation de Paris. Seconde restauration. XXVIll. Invasion du département. Prise de pos- session de Chaumont. XXIX. On arrache les pro- ' damationsdeSchwarzemlierg- La ville est menacée Me pillnge. La mairie est abandonnée. XXX. Les r 'requi^itions . XXXI. Le préfet de la Salle. Arrivée F des Bavarois. PHss3j,'e de l'Empereur Alexandre. f La revue de Monlsnon . Evacuation de la ville el du Méparlement. XXXII. Perics éprouvées parles t hooitants ,

CnAPiTRE III. Les Ircnic dcrniiTes années. Tableau d'aclualilé 347

(. Terreur blanche. Les hommes politiques de la Haulc-Marnc et les lois de proscription . It . Pas- sage du duc d'Angoutèine. III. La cour prévotale. IV . Les soldats de mon tmctc el la gardi! natio- nale. La Sainl-iMarlin. Toupot de Béveaux, Révo- cation du préfet. V. Les subsistances. VI. On rentre dans la vote de la modération. Le préfet de

470 -

Sainl-Genest. Le maire d*Aroboise. Progrès du parti modéré . Election de Toupot de Béveaux Sa disgrâce. Les autres députés du département sont inféodés au pouvoir. Becauey. VII. Gouveniement des jésuites. Le curé Malarme. YIII. La Dau-

fbine à Chaumont. Révolution de 1830. Le préfet argues. M. Duval de Fraville. IX. Patriotisme des Chaumontais. Réception du roi des Français. Réaction. X. Les promesses de 1830. Les hommes d*alfairet. L'opposition à Chaumont. XI. Les préfets. XII. Blort de Damrémont, de Dufour et de P. A. Laloy. Xlli. Le portail du collège, l'abattoir, les fontaines publiques. Divers travaux

four Tembeilissement de la ville. Restauration de église Saint- Jean. XtV. Ecoles primaires. XV. Le collège. Il est érigé en lycée. XVI. Destruction des fortifications. La ville tend à s'agrandir. XVII. La salle d'asile. La société de patronage. Le musée. XVIll. Cbaumont sous le rapport commercial et industriel. XlX. Il faut ranimer l'amour de la cité.

LIVRE HUITIEME. Chronique des mes et de la banlieue de la ville.

Chapitre I. Le Chàleau 367

I. Aspect de la ville. La porte de l'Eau. H. Quartier du Palais. La porte Arse et la rue du Ma- gasin. La rue du Palais. III. Le Donjon. IV. Rue des Poutils ou de Hautefeuille. La côte de Grille. V. Hues Guyard, Champeau, et de la Crète. VI. Service militaire du quartier du palais. VIL Quar- tier Saint-Jean. La place et la ruelle du même nom. Vlll. Rues du tour, de ViévilleetLemoyne. IX. Rue Saint-Jean. X. Rue de l'Ange. XI. Rue du Petit-Corgebin . XII. Monographie de l'église Saint-Jean. XIII. Travaux d'agrandissement du XV- siècle. XIV. Travaux du XVP siècle. XV. Travaux exécutés pendant les deux derniers siècles.

XVI. Les peintures et les sculptures du chœur.

XVII. Le banc d'œuvre et la chaire à prêcher.

XVIII. Description du sépulcre. XlX. La chapelle liaudricourt. XX. Chapelles Saint-Roch, Saint-Yves, Saint-Sébastien, Sainle-Calherine et Saint-Luce. XXI. Le croisillon de gauche du transept. Cha-

- 4f1

pelles de la Rësutreclion el Sainl-Huherl. XXII. La sacristie. XXIII. Ln chapelle Saint-Nicolas. XXIV. Chapelle île la Vierge. XXV. Chapelle! du SacréCreiir, Saint-Michel ou des Rose, et de la Nnlivitâ. XXVI. Chapelles Saint-Pierre, SainWean- l'Êvangéliste, S.iint-llonor<i, Saint-Joseph et Saint- Biaise. XXVII. Les tours el las cloches. XXVIII. Le quartier et la rue de l'Orme- Rues Damrémont et de Brabant. XXIX. Rue Bouchardon. X.VX. Rues Saint-Louis et Saînt-lgaace .

Chapitre II. Le Bourg 597

I. La tour du Barle. II. La Motte el la place de la Concorde. IK. Rue Lalay. La cour Dauphin. Les ruelles Lardières et du Cbeval-Blanc. Rue Neuve-aux-Priilres, IV. L'ancienne rue de l'Étape. V . L'hdiel de Gondrecourt . Plusieurs rois el grands personnages y ont logé. Cérémonial pour l'entrée de Louis \V. VI. L'empereur Alexandre, le roi de Prusse, Ncssetrode. VU, Chapelle des Jésuites. Le Lvcée. La Bibliothèque et le monument à Bou- chardon. VIII. Service militaire du quartier de la Place. IX. Quartier de Buxereuilles. L'ancienne porte. La rue des Trois-Rois et le bastion de Dra- cancourt. Rue du Billard. Les cours des Morelet des Mineurs. X. Rues de Ileclancourt et des Juifs. XI. Le Cliamp-Gorgerol . XII. Lo quartier de la Voie-de-l'Eau . Les Treize-Assiettes et la tour Charlon. XIII. La rue Dame-Aillotte. le Boderet, la cour Lenoble. Le carrefour Dame-Aillotle. XIV. Ancienne rue do Villiers. La cour des Champs et la cour Doyen. XV. Rue de Brotles. XVI. Quar- tier Saint-Michel. La rue Neuve-aux-Bouchers . La maison de l' Homme-Sauvage. Toupol de Béveaux. XVII. Rue Saint-Michel. La porte. La cour des Fondeurs. XVIII. Le quartier et ta rue de Choi- ras. Kn Perpignan. La cour d'ËnTer. XIX. Rues du Vinaigrier, du Pain-Perdu et Voie-Beiignot.

XX. Service mihtaire du quartier de Choignes.

XXI. Le Bourg élait habité par la bourgeoisie et le peuple. Les vieilles mœurs chanmonlaîses . XXII. Le patois.

Chapitre III. Les faubourgs el la Lanlieuc. . 42i

I. La croix Coquillon. La Retraite. Le val des Tanneries. II. Buez. III. Le pont des Tanneries. La Madelaine. Rue de l'AbaLloir. La vote Creuse. Notre-Dame de Lorelte. IV. Le peut Chaipé. Le

- in

Val-(Ie-Vi!Ucrs . La Dame-Ilugiienotle. Le bois du Fajs. Le ctiL-min de fer. V, S:iint-Rorli et le Val- Barisicn. VI faubourg de Villiersou de la Porte- Neuve. La gare. La maison Doyen. VII. Le boule- vard. L'Escargot. VIII, Faubourg de Chainarandcs ou de iininl-Michcl l\- Lu Itoul-du-Mands. Le Val-des-Kcoliers. X. Le Venlrc rie-Paille, Le cime- titVe. XI.Lornuste. XII. Quarlier Froid-Cul. XIII. Le Chateau-Puillûl el le Nourry. Le Val-des- Choux, La t-^irriëre. Le bois des Barres. XtV. Re< claiicourt. Sainl-Agnan et le Moulin-Neuf. XV. La Maladière. XV|. Le faubourg do Duiereuilles. XVII. Chaumont-le-Bois, Le Val-Haloux. LeForl- Umbert. VXIil. Condes el Miîrhineix. XIX. Chc- vraucoiifl cL Biixereuilles. XX. Le nouvel bdpilal. XXI. Le j.iniiti de l'Arquebuse. XXII. La maison Lancret. XXIII. Fin de la ehronique.

LISTES CHRONOLOGIQUES.

Liste des seigneurs qui ont possi^dé lo (ierdc Chsumonl.. , ii5

LisIe des badiis in

Liste des curés et des doyens ... i50

Liste des procureurs de b commune, ngcnis, maires, etc.. 151

Table .sommaire 157

NOTE DES PLANCHES

OUI ACCOMPAGNENT l'oDTRACB.

Planche i. Vue générale de la ville de Ctiauniont- . .Page 1

II. Sceaux de Pierre de Flavignj. curé de Chau-

monl, de Viénot de Nogent et de Milo de Breuil, baillis, Xlil- siècle 17

m. Plan de la ville au XVI" siècle. Le dernier mur

d'enceinte bastionné est en construction. On voit encore une partie de la rortiUcation du XIV* siècle. Ce plan (pourlraicture) est la re- production de celui que le prévAl Jean Rose avait adressé it Belleforesl, pour la cosmo- graphie universelle 97

IV. Vue de la porte de Langres et de la tour de Choignes. Enceinte du XVI* siècle. Cotte partie des roi'tiCcatioQs a ètë démolie en 18i9, 167

V. Ancien portail de la chapelle du collège 213

Vi. Plan du Donjon, en 1780. La tour du Barle.

ancien llôtel-de-Ville, démolie en 1 784 299

Vil. Plan de la ville au XVlll* siècle, avec le sceau

de la commune. 367

Pour l'église Saint-Jean-Bapliste, voir les plan, cotipn, élévation et deuim de ce monument, publiés par deux architectes, i fenîUes, [jano, Chaumont IHi. Voir aussi l'ou\Tage de M. Godard.

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